En) # de : oran mn - RS Le SR — Ames : : ù LL RRQ UMA ETS L % MRdnL ee LP) “ . NES RTE nc Ê A pute LS ARTE LS SN x Ÿ Far SE $ Le 4 Li « Hop, Ÿ \ 0 A LL à " * © RS ù S SR ve À CON AS w ù ; » 0 D) " TRE din : Ë Ses ah RERO ire DORE Ÿ Lamaxs à : tt : RME TN . o 4 . " - à N PS ten re AS | LT ADS \ IL |, a ve ve à + : Se a Sgen - \ Ç SN PEN Tv x a NS ss ns MRC De ®, nm» Det en à A ÉNAM SES es AS SRE ee : ALES ES > l dan ne n LS LR 4 Maur “ Se) HAS Pa à 2] \ ENS ms. EE . NT Diner non TA ns mans = VAR IR at De ; Ss a : LA LS à : PSI SR bet * x PTS N RE LE £ © < « > nt CS Û HE DOTE x EUR Tor, Aider Us “ f TO AO RUN ù MÉMOIRES 1 SOCIÈTE D'EMULATION | DU DOUBS SEPTIÈME SÉRIE CGINQUIÈME VOLUME. . BESANCON | IMPRIMERIE DODIVERS ET Grande-Rue, 87 — a MÉMOIRES SOCIÉTÉ D'ÉMULATION DU. DOUBS MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION BE DOUTRS SEPTIÈME SÉRIE CINQUIÈME VOLUME 1900 BESANCON IMPRIMERIE DODIVERS ET Cie Grande-Rue, 87 1901 Ve D | FA Ne Er 0e ù MÉMOIRES LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION DU DOUBS 1900 PROCES-VERBAUX DES SEANCES RE — Séance du 13 janvier 1900. PRÉSIDENCE DE MM. JULES GAUTHIER ET CHARLES BONNET. Sont présents : BUREAU : MM. Jules Gauthier et Charles Bonnet, présidents ; Meynier, secrétaire décennal; Vaissier, vice-président; Kirch- ner et Maldiney, archivistes. MEMBRES : MM. Bouvard, P. Drouard, L. Gauthier, À. Gui- chard, P. Guichard, À. Girardot, M. Lambert, Magnin, Mon- tenoise, Prinet, Vautherin, Varaigne. La parole est donnée à M. Girardot pour une communication, sur ce qu'il appelle fort à propos, La légende du châtaignier. Les vieux bisontins racontent volontiers que jadis la montagne de Rosemont ou de Rognon, comme ils l’appellent, était couverte de châtaigniers, et ils affirment, à l'appui de cette assertion, que les charpentes des plus anciennes maisons de notre ville ont été construites avec du bois de châtaignier. Fait singulier, sur plusieurs points de la Franche-Comté et dans différentes parties de la France, à Paris, en Bourgogne, en Champagne, ailleurs encore, on prétend aussi que les vieilles charpentes sont en châtaignier. Daubenton, il. y a bien long- temps déjà, a fait justice de cette légende pour Paris, en mon- itrant que celles de la Sainte-Chapelle et de Notre-Dame sont bien réellement en chêne. M. des Etangs a restitué aussi au chêne celles des monuments de Reims, de Chartres, de Sens, de Troyes,: et M. Mathieu, professeur à l’Ecole forestière de Nancy, considère les charpentes en châtaignier comme aussi chimériques que les forêts d’où elles auraient été tirées. Dès lors, il semble bien douteux que les vieilles charpentes de Besançon et d’Ornans soient réellement en châtaignier ; quant à celles de Pesmes, elles sont certainement en chêne, à en juger par un échantillon emprunté à une des plus anciennes maisons de la localité, le Château-Rouillot. Cet échantillon, fragment détaché d’une grosse poutre, a été étudié au labora- toire de botanique de notre université par MM. Magnin et Par- mentier, D’après un rapport du premier de ces professeurs, cet échantillon n’appartient pas au châtaignier, mais bien certaine- ment au chêne pédonculé, quercus robur pedunculatus. À la différence de celui du châtaignier, le bois de ce chêne présente, sur des sections histologiques suffisamment étendues, de larges rayons médullaires qui manquent au premier, et ce caractère se retrouve très nettement sur l’échantillon de Pesmes. De plus, la disposition fasciculée des vaisseaux du bois d'automne et leur épanouissement en éventail dans cette partie de la couche an- nuelle du chêne en question, se chercheraient vainement dans le châtaignier. Pour conclure de cette charpente de Pesmes, à celles que l’on a signalées ailleurs, 1l faudrait étendre à ces dernières le même genre d'examen. C’est pourquoi M. Girardot demande en terminant, à ceux des membres de la société qui pourraient s’en procurer, l’envoi d’autres échantillons à M. le professeur Magnin. Les châtaigniers, étant à la fois silicicoles et calcifuges, ne sauraient se développer sur nos formations calcaires. M. le doc- teur Meynier fait remarquer à ce propos que la nomenclature territoriale de notre région en fournit de bonnes preuves. On chercherait vainement dans le Jura Franc-comtois le nom de Châtenay ou de Châtenoy qui signifie bois de châtaigniers (Cas- tanetum). — VI — Il ne se trouve que dans la partie vosgienne de la Franche- Comté, les arrondissements de Belfort et de Lure, et dans le pointement primitif de la Serre, arrondissement de Dole. Châte- nois, canton de Belfort, Châtenay et Châtenois, canton de Saulx, Châtenois, canton de Rochefort, au total quatre localités, rap- pellent par leur nom, la présence du châtaignier sur leur terri- toire. C’est peu quand on sait qu’il y a en France près de deux cents localités qui sont dans ce cas. M. Léon Gauthier lit un intéressant travail sur le rôle des financiers lombards à la cour d'Othon IV, comte palatin de Bour- gogne. Ce prince, toujours à court d'argent, devait forcément devenir, à un moment donné, la proie des usuriers. Après avoir livré son pays au roi de France Philippe-le-Bel, son principal créancier, le malheureux prit, comme lui, pour conseillers in- times, des financiers plus ou moins louches, particulièrement des banquiers lombards. Cinq de ces derniers dirigèrent sur- tout ses finances ; c’étaient : Jacques Scaglia, de Florence ; Lau- duche Moreti aussi de Florence ; Ardeçon, d’'Ivrée ; Reynon et Dimanche Asinier, d’'Asti. Comme tous les gens de leur espèce, ces personnages, de minime valeur morale, s’enrichirent plus par le prêt sur gage à grosse usure, que par le négoce honnête, ce qui ne les empêcha pas d'arriver à la noblesse et d’ouvrir à leur descendance la porte de la puissance et des honneurs. Sont présentés pour faire partie de la société : Comme membre résidant : M. le vicomte Henri de Truchis de Varennes, par MM. J. Gau- thier et A. Lieffroy ; Comme membre correspondant : M. Léon Nardin, pharmacien à Belfort, par MM. Charles Bonnet et Paul Guichard. Le président, Le secrétaire, BONNET. Dr J. MEYNIER. — VII — Séance du 10 février 1900. PRÉSIDENCE DE M. JULES GAUTHIER. Sont présents : BUREAU : MM. Jules Gauthier, Vice-président ; Meynier, secré- taire décennal ; Vaissier, deuxième vice-président; Fauquignon, trésorier ; Kirchner, archiviste. MEMBRES : MM. H. Bruchon, Girardot, A. Guichard, P. Gui- chard, Ledoux, Lieffroy, abbé Louvot, Em. Louvot, Magnin, Pingaud. M. l’abbé Louvot a lu une intéressante étude sur le peintre Wirsch d’après son dernier biographe, M. l'abbé Jean Amberg, curé de Lucerne. Dans sa séance du 10 décembre 1860, la Société entendait la lecture d’une belle étude de M. Francis Wey, sur Melchior Wirsch et les peintres bisontins. Notre éminent compatriote la terminait par ces mots : « Aucune notice n’a paru en France, et rien d’étudié n’a paru en Allemagne sur ce peintre, qui a laissé tant d'excellents ouvrages, dirigé deux écoles, formé des élèves connus et que deux patries pouvaient revendiquer, puisqu'il fut nommé, par lettres patentes, citoyen de la ville de Besançon. On n’a pas gravé un seul de ses tableaux qui ne sont classés nulle part. Les pages que je viens lui consacrer ici deviennent une sorte d’exhumation. Cependant, les recherches que j'ai fait faire à Lucerne depuis 2 ou 3 ans ont ému le Comité historique de cette viile, et l’on m’a écrit que le président, M. Sneller, pré- pare une biographie de Melchior Wirsch. » | Sneller fit bien, en effet, le plan d’une étude sur Wirsch, mais il ne l’acheva pas. Dans le courant de l’année 1863, Hess publia une biographie de notre peintre dans la nouvelle feuille de la Société des artistes à Zurich. Il en est aussi très briève- ment parlé dans le premier volume de la Galerie des Suisses cé- lèbres. Enfin en 1898 paraissait à Lucerne une nouvelle étude = EX — sur Wirsch par M l'abbé Amberg, curé de Lucerne. L'occasion de cette publication fut le centenaire du combat du 9 sep- tembre 1798, et on la trouve dans le volume de souvenirs inti- tulé : « Le Nidwalden il y a cent ans. Il a paru à M. l’abbé Louvot qu'il y avait un certain intérêt à la signaler au moment où la Société se prépare à célébrer le centenaire de Luc Breton, l’ami et le collaborateur de Wirsch à notre ancienne école de peinture et de sculpture. La société a entendu ensuite la lecture d’une Notice biogra- phique sur le mycologue franc-comtois docteur Quélet par M. Ant. Magnin. Lucien Quélet, né à Montécheroux le 14 juillet 1832, avait été destiné par ses parents, protestants zélés comme tous les gens de ce village, à la carrière ecclésiastique et envoyé par eux, ses premières études faites, à la Facullé de théologie de Strasbourg. Mais notre futur naturaliste lui préféra la Faculté de médecine, qui lui conférait, en 1856, le diplôme de docteur. Il vint s'établir, la même année, à Hérimoncourt, où il a passé toute son existence partagée entre la pratique de la médecine et des recherches d'histoire naturelle. Doué d’un remarquable esprit d'observation, auquel il joignait un coup d’œæil sûr, Quélet les a appliqués à l'étude de presque toutes les branches de la botanique. Mais les groupes les plus difficiles et les plus ordi- _nairement délaissés, eurent bientôt ses préférences, et les cham- pignons ne tardèrent pas à être l’objet de ses investigations favorites. Les résultats des travaux qu'il leur a consacrés depuis 1870, sont consignés dans de nombreuses pubiications dont M. Magnin donne une liste complète. Quélet a pris une part ac- tive, avec le docteur Antoine Mougeot de Bruyères, et le doc- teur René Ferry de Saint-Dié, à la fondation et à l’organisation de la Société mycologique de France, d’abord constituée à Epinal en 1884, puis transférée à Paris, société actuellement très pros- père. Il est mort le 25 août 1899. Après un vote d'admission en faveur des candidatures pro- noncées à la dernière séance, M. le président proclame : Membre résidant : M. Henri DE TRUCHIS DE VARENNES ; — XX — Membre correspondant : M. Léon NARDIN, pharmacien à Belfort. Le Président, Le Secrétaire, J. GAUTHIER. Dr J. MEYNIER. Séance du 17 mars 1900. PRÉSIDENCE DE M. CHARLES BONNET. Sont présents : BUREAU : MM. Bonnet, président; Meynier, secrétaire décen- nal; J Gauthier, premier vice-président; Vaissier, deuxième vice-président ; Kirchner et Maldiney, archivistes; MEMBRES : MM. À. Boysson d’'Ecole, Bruchon père, À. Girar- dot, À. Guichard, Montenoise, Magnin. La Société a entendu d’abord de très intéressantes considé- rations de M. le docteur Ant. Magnin sur l'influence de la composition du sol sur la végétation. M. Magnin a rappelé l’im- portance de cette question au point de vue théorique, comme au point de vue pratique, en ce qui concerne les agriculteurs, les silviculteurs, les viticulteurs. Puis il est entré dans cer- tains détails généraux, au sujet du rôle des différents facteurs: facteurs climatiques, facteurs édafiques (£ôapoc, sol) engeiques ou encore biotiques (Biorn, vie) sur la formation des associa- tions végétales, générales ou locales. L'étude particulière des substances édaphiques chimiques comprend, en premier lieu, celle de; l'influence des substances contenues dans le sol, sur la plante et, en second lieu, l'influence de ces substances sur le tapis végétal. Au point de vue de la première, ces substances se divisent : en substances alimentaires, en substances toxiques, et en substances indifférentes. Leur action varie avec leur solubilité, avec leur degré de concentration, avec l’électi- NN vité des racines pour elles, électivité dont l’action peut se produire même à l'égard des substances nuisibles. En effet, les substances alimentaires. il en est en cela pour les plantes comme pour les animaux, peuvent devenir nuisibles à une certaine dose, à un certain degré de concentration, pour cer- taines plantes non adaptées au sol. Les individus, les races d’une même espèce peuvent s'adapter à certaines substances nuisibles pour d’autres. La même plante peut présenter des variétés selon qu’elle croît sur un sol ou domine telle ou telle substance. Cette influence sur la plante isolée peut s'étendre à l’ensemble des plantes qui constitue ce qu’on appelle le tapis végétal. M. Magnin termine par l'étude particulière de l'influence du calcaire sur la plante et sur la constitution du tapis végétal. Il fait ressortir ce que l’appétence ou l’adaptation peut être sui- vant la région, et expose la théorie de la compensation ou suppléance des facteurs écologiques (otxos, maison), ceux qui déterminent l'habitat. Enfin, il conclut à la prépondérance des influences chimiques sur les influences physiques en ce qui concerne le sol. M. le docteur Meynier a lu ensuit&une note sur Jsernore muni- cipe, puis vicus, qui a de l'intérêt pour tous les Séquanais. On a cherché, dans cette localité de l’Aïin, l’Alésia de César, et l’'Ozinda ou Ozindensis urbs de la légende de Saint-Amant. Le seul document écrit que l’on possède sur l’histoire d’Isernore est la légende de Saint-Oyend. D’après elle, le premier abbé de Condat, disciple de Saint-Romain et de Saint-Lupicin, était leur compatriote et citoyen comme eux, de notre bourgade. Cette légende en explique le nom gallo-romain Isarnodurum, porte de fer, par les fortifications puissantes qui entouraient son temple païen dédié à Mars. Ses ruines ont été fouillées, mais aucun plan n’en a été dressé. La question de l'identification d’Isarnodurum avec Alésia, ne peut plus se poser, après les travaux auxquels ont donné lieu les prétentions des différentes localités qui se disputent l’hon- neur d’avoir été la forteresse gauloise. La période romaine ne s’y révèle que par les restes du temple et des bains, par un grand nombre de puits funéraires, par de nombreux antiques me CUS mais tout cela n’a pas grande signification au point de vue local. Il en est de même des inscriptions, parce qu’elles sont muettes au sujet du lieu. L'identification avec Ozinda ou Ozindensis urbs n’est pas plus possible. Il n’est parlé de cette petite ville épiscopale que par Baudemont, l’auteur de la légende de Saïint-Amant, qui écrivait entre 671 et 699. Mabillon admet qu’'Ozindensis est l’équivalent d’Ucetiensis; « mais cette solution, dit Quicherat (1), est loin d’être satisfaisante sur tous les points, » et les auteurs de la Gallia Ghristiana l'ont rejetée. M. Meynier, inclinerait plutôt à penser qu'Ozindensis est la même localité qu'Eugendensis. Condat a pris le nom de son premier abbé Eugendus ou Saint- Oyend, et l’a conservé pendant six siècles. Dans l’ouvrage qu'il vient de citer, Quicherat dit qu’il « paraît y avoir eu un moment où les attributions de l’épiscopat appar- tenaient de droit aux supérieurs d’un certain nombre d’ab- bayes (2). » Laissant de côté « les preuves de ce fait qui ont été relevées dans Grégoire de Tours », il se « borne à signaler diverses mentions d’évêchés inconnus qui se trouvent dans des écrits du septième et du huitième siècle. » Parmi elles, se trouvent précisément celle d’Ozindensis ; le légendaire parle d’un « Mummulus Ozindensis urbis antistes. » Etcomme pour appuyer le dire de M. Meynier, Quicherat trouve, dans la nomenclature des prélats assistant au concile d’Attigny, en 765, « Hipolytus épiscopus de monasterio Eogendi. » C’est notre saint Hippolyte qui mourut sur le siège de Belley, après 776. Quicherat le cite immédiatement après Vuilliers, évêque du monastère de Saint- Maurice. Or, aujourd’hui encore, l’abbé de Saint-Maurice-en- Valais ou d’Agaune est toujours un évêque. La disparition des monnaies romaines sous le règne de Valentinien III, donne évidemment à penser qu'Isernore fut occupé dès le début des invasions, pendant la première moitié du ve siècle. Il devint atelier monétaire sous les Mérovin- viens. On connaît actuellement neuf triens d’or portant son nom. Les légendes portent Isarn, Isarnodero, Isernodoro, Iser- nodro. Les maîtres monnayeurs qui les ont produits s’appelaient (I( Formation française des Noms de lieu, p. 115. — XIII — Droctebaldus ou Droctebalus, Virvualdus et Vuentrio. Du rang de municipe qui, sous les Romains, lui donnait le droit de pos- séder un temple et des bains, Isernore était descendu, sous les Mérovingiens, au rang de simple bourgade (Vicus). Enfin, M. J. Gauthier à fait une très intéressante communica- tion sur l'Eglise Saint-Etienne, de Besançon, qu'il a essayé de restituer d’après les textes écrits ou imprimés et les rares représentations graphiques que nous en ayons. Le Président, Le Secrétaire, CH. BONNET. Dr J. MEYNIER. Séance du 7 avril 1900. PRÉSIDENCE DE M. CHARLES BONNET. Sont présents : BUREAU : MM. Bonnet, président; Vauissier, vice-président ; Meynier, secrétaire décennal ; Fauquignon, trésorier ; Kirchner et Maldiney, archivistes. MEMBRES : MM. Bruchon père, Drouhard, À. Girardot, À. Gui- chard, Ledoux, Mairot, Parizot. Après la lecture de la correspondance, M. Girardot a fait à propos des stations des Geltes en Gaule, une communication qui a évoqué de nouveau le souvenir d’Alaise Cette communication lui à été inspirée par un article de la Revue scientifique (10 fé- vrier 1900), intitulé : La préhistoire a Châtel-Censoir ; Les galgals de Châtel-Censoir, de M. Pallier. En dehors des faits intéressant Spécialement cette station, le travail indique que les Celtes en- sevelissaient leurs morts sous des amas de terre ou de pierraille, tumulus où galgals et que ces sépultures se rencontrent sur le tracé d’une ligne, très étendue, partant de la Germanie pour 1 Gens aboutir au versant de la Manche, en passant par l’Alsace, la Franche-Comté et la Bourgogne. Il y a quelque temps déjà qu’un archéologue salinois, Toubin, a signalé de nombreux tumulus sur le premier plateau du Jura; et, plus anciennement, n’est-ce pas la rencontre aux environs d’Alaise, d’une agglomération de ces sépultures qui a induit Alphonse Delacroix, en une erreur célèbre? Felix culpa. Elle fut féconde en résultats heureux : si Alphonse Delacroix eut, en Franche-Comté, et même ailleurs, de nombreux adeptes, il trouva aussi, un peu partout, dans les milieux officiels surtout, des contradicteurs et des adversaires résolus. Aux fouilles d’Alaise, on répondit par celles d’Alise- Sainte-Reine ; la lutte fut des plus ardentes et, si l’opinion pu- blique se prononça en définitive pour l’Alésia de Bourgogne, l'hypothèse franc-comtoise réveilla, dans notre pays et dans la France entière, le goût des études archéologiques et provoqua la création de l’incomparable musée de Saint-Germain. M. le docteur Ledoux lit ensuite une étude sur Les œuvres de Melchior Wyrsch en Suisse et au musée du Louvre. Un guide des touristes en Suisse a longtemps signalé à Stanz une curiosité unique au monde: un Christ en croix peint par un aveugle ! Dans une récente édition de son livre, Baedeker a supprimé la cécité du maître, qui n’avait d’ailleurs, nul besoin d’une réclame aussi extravagante. Un tableau peint par un aveugle ! Pour un peu le Joanne allemand nous l'aurait présenté comme l’ouvrage d’un mort ! Ce qu’il y a de vrai dans cet accouplement malheu- reux de la couleur et du sens qui en donne la perception, c’est que Wyrsch fut privé de ce dernier dans ses dernières années. Quoiqu'il en soit, notre peintre était bien en possession de la vue lorsqu'il peignit le Christ en croix de la salle du Conseil au Rathaus de Stanz. On ne peut en douter lorsqu'on voit cette toile qui a droit aux mêmes éloges que le crucifié de l'hôpital de Salins, dont Francis Wey a dit avec justice qu’ « il occuperait un rang honorable dans la splendide collection du Louvre... » Le même édifice cantonal et municipal possède trois portraits de Wyrsch, des portraits de landammanns qui ne dépareraient pas : les galeries les plus fameuses. Au Rathaus de Lucerne, une Législation de Moïse, signée Melchior Wyrsch 1785, décore tout — XV — le panneau sud de la chambre des assemblées. Lorsqu'on com- pare cette grande page au Jugement de Salomon, par Joseph Reinhardt (1787), qui couvre une autre paroi, le parallèle est tout à l'honneur de Wyrsch. On ne trouve au musée de cette ville que des œuvres secondaires: les portraits de deux abbés de Saint-Urban, Benoît Pfiffer (1778) et Martin Balthazar (1783) ; un saint Jean Népomucène (1767); un saint Louis de Gonzague (1761). On trouve à Sarnen, dans la vieille maison de lObwald, un saint Nicolas de Flue, qui est supérieur comme composition, comme dessin et comme couleur, aux meilleurs portraits de l’auteur. De nombreuses églises des Waldstetten possèdent de bonnes toiles de Melch'or. Pour ne citer que les plus impor- tants, rappelons le saint Benoit, le saint Eugène et le saint An- toine de l’abbaye d’'Engelberg ; la Pieta (1775) et la Présentation (1776) de l’église de Sachseln. Le docteur Jacob Wyrsch, ancien landammann de Nidwalden, montre avec fierté, dans sa maison de Buochs, les reliques de l’œuvre de son grand-oncle, échappées à l’incendie de Stanz en 1798. Ce sont : trois médaillons, d’une exécution très fine, re- présentant, l’un, notre peintre, un autre, sa femme, et le troi- sième, un prêtre de Kiefitten, le révérend docteur Joseph Her- mann (1765) ; et deux excellents dessins : un Ghrist en croix et une Assomption. Comme en Franche-Comté, on trouve des por- traits peints par Wyrsch dans les villes et cantons de la Suisse centrale, où d'anciennes familles les conservent comme une précieuse partie de leur patrimoine. Les œuvres de Wyrsch témoignent que leur auteur méritait mieux qu'une gloire locale, et quelques unes d’entre elles étaient vraiment dignes de figurer dans une grande galerie. Le maître a enfin obtenu cet honneur, lorsqu'un legs de Francis Wey a fait entrer au Louvre les portraits de son grand’père et de sa grand’/mère, François-Antoine Wey et Mathilde Gamel: Le Président, Le Secrétaire, Ch. BONNET. Dr J. MEYNIER. — XVI — Séance du 9 mai 1900. PRÉSIDENCE DE M. CHARLES BONNET. Sont présents : BUREAU : MM. Bonnet, président ; Vaissier, vice-président ; Meynier, secrétaire décennal, Fauquignon, trésorier, Kirchner, archiviste. MemBrESs : MM. Berdellé, Bruchon père À. Girardot, V. Guil- lemin, Ledoux, Mairot, Parizot, Pingaud, Vernier. Après la lecture du procès-verbal de la séance précédente, la Société a entendu celle d’un rapport de M. Pingaud sur un ou- vrage dont M. Henri Wallon, un de ses membres correspon- dants, vient de lui faire hommage. M. Wallon, dont bien peu de Bisontins peuvent aujourd’hu} se souvenir, était, il.y a trente ans, professeur au Lycée et l’un des membres les plus actifs de la Société. Le livre de M. Wallon a pour titre : Les Phares éta- blis sur les côtes maritimes de la Normandie par la Chambre de commerce de Rouen et administrés par elle de 1778 à 1791 et leurs transformations au XIXe siècle. Entré depuis longtemps déjà dans la carrière industrielle et devenu secrétaire de la Chambre de commerce de Rouen, l’auteur n’a pas oublié ses antécédents littéraires et la grande notoriété de son père comme historien. Il a trouvé sous sa main les éléments d’un travail qui lui a permis de mettre à profit le style et la méthode acquis autrefois, dans une œuvre en rapport avec ses préoccu- pations actuelles. Au milieu du siècle dernier, un phare était encore une rareté en France : les feux qui éclairaient l’'embou- chure de l’Adour, celle de la Gironde, les îles de Ré et d'Oléron, celle d’Ouessant, le cap Fréhel et les Casquets étaient les seuls qui permissent aux marins d'éviter les écueils et les naufrages. La Normandie n’en possédait pas un seul sur son littoral. Des démarches commencées dès 1739, interrompues, puis reprises en 1765, aboutirent, après trente-cinq ans d'efforts, à la cons- truction de quatre tours : deux au cap de la Hève, une à celui MONTE d’Ailly, et une à la pointe de Gatteville près de Barfleur. Les feux de ces tours furent allumés le 1° novembre 1775, et l’admi- nistration en fut confiée, en suite d’un arrêt du conseil, à la Chambre de commerce de Normandie qui faisait prélever, à cet effet, un droit sur la navigation dans tous les ports de la pro- vince. L'ouvrage de M. Wallon est illustré de quatre planches lithographiées d’après des dessins conservés aux archives de cette Chambre et d’une cinquième planche qui reproduit l'acte de fondation de ces phares. Ces phares ont subi, depuis leur établissement, des phases par lesquelles l’auteur nous fait suc- cessivement passer. M. Pingaud présente à la Société, au nom de Mme Castan, une collection de cahiers reliés en 11 volumes, contenant l’analyse des délibérations de la commune de Besancon de 1381 à l’année 1740. Ces précieux manuscrits sont destinés à prendre place parmi ceux dont la bibliothèque de la ville est déjà si riche. Déjà bibliothécaire adjoint, Castan fut appelé en 1858, à administrer les archives municipales où il avait déjà puisé abon- damment pour sa thèse sur les Origines de la commune de Besançon. Ils représentent le travail préliminaire d’un inven- taire général dressé selon le mode de classement proposé par Ja circulaire du 25 août 1857. Après avoir établi ce plan, Castan inventoria la série AA (actes constitutifs et politiques de la Commune) qui fut terminée en 1874 et approuvée par le Mi- nistre de l’Instruction publique l’année suivante. Puis, il s’atta- qua à la série BB (Délibérations municipales), beaucoup plus considérable, puisqu’elle comprenait 200 registres et en pour: suivit le dépouillement détaillé. Les résultats de ce grand travail sont donnés plus brièvement dans un inventaire som- maire déposé en triple expédition, aux archives départe- mentales, à celles de l’'Hôtel-de-Ville et au Ministère de l’instruc- tion publique. Cest cet inventaire sommaire qu’une main pieuse a publié naguère sous le titre de Notes sur l’histoire municipale de Besançon. En même temps qu'il accomplissait cet énorme travail, Castan s’attaquait aux Comptes municipaux, série CC, et pensait en tirer un résultat analogue Malheureuse- ment il n’a pu achever. Les travailleurs trouveront désormais à b — XVII — la bibliothèque, avec les pièces originales del’histoire bisontine, tout un ensemble de notes et de renseignements propres à en faciliter l'étude. Puissent ces commodités engager un jour quelque bonne plume à entreprendre cette histoire complète de Besançon, puisée aux sources, rêve d’ambition suprême que‘ Castan a caressé toute sa vie et qu’il n’a pas pu réaliser. Le Président, Le Secrétaire, CH. BONNET. D'J. MEYNIER. Séance du 9 juin 1909. PRÉSIDENCE DE M. BAVOUX, DOYEN. Sont présents : BUREAU : MM. Bavoux, doyen; Vaissier, faisant fonctions de secrétaire; Kirchner, archiviste. MEMBRES : MM. Pruchon père, Berdellé, A. Guichard, Leroux. M. Vaissier, deuxième vice-président, qui doit remplacer le secrétaire décennal absent, prie M. Bavoux, doyen d'âge de la Société et l’un de ses anciens secrétaires décennaux de vouloir bien le remplacer au fauteuil de la présidence. La Société a reçu, trop tard pour pouvoir y répondre, une invitation de la Société Neuchâteloise d'utilité publique à se rendre à son assemblée générale qui a eu lieu le 9 juin même, aux Brenets. Il sera répondu par une lettre d’excuses. M. Magnin transmet à la Société de la part de M: Piroutet, étudiant en sciences, un de ses membres correspondants, le tirage à part de trois études préhistoriques très intéressantes, qu'il vient de publier dans la Feuille des jeunes Naturalistes, et y joint avec le n° 4 des archives de la Flore Jurassienne un relevé des observations météorologiques de la station du Jardin Botanique pendant le mois de mai. rh >. D M. le secrétaire lit un travail de M. Meynier, absent, sur les premiers aérostats à Besancon (1783 et 84). L’enthousiasme des Parisiens pour la découverte des Montgolfiers a trouvé de lPécho dans la plupart des villes de province et parmi elles, on peut citer Besançon, où, dès la fin de 1783, on vit s'élever des bal- _lons. Le 22 décembre de cette année, en effet, on y lançait sur la place des Casernes, un ballon « qui à bien réussi», lit-on dans les Mémoires manuscrits de Grimont. Le 9 janvier suivant, un marchand de bois, nommé Sabordet, faisait dans le jardin de Granvelle une tentative moins heureuse, qui décida l'autorité à intervenir dans les essais futurs. Une nou- velle ascension eut lieu le 20 de ce mois de la place des Casernes. Le ballon lancé en cette circonstance fut construit par « Messieurs Vieille, Pochet, Clerc, Sauvageot et Jacoulet, écoliers de Besançon. » Le 26 mars 1784, le sieur Didier, hor- loger à Besançon, lançait un ballon au petit jardin de Granvelle, et était, pour ce fait, condamné à une amende de 50 livres. Ce ballon resta, paraît-il, vingt-quatre heures en l'air, et fut vu à Baume, à Vesoul et à Gray. On en rapporta les débris à l’In- tendance de Franche-Comté. L’amende de Didier fut annulée. La plus mémorable de ces ascensions fut celle qui eut lieu, en juillet 1784, sous les auspices du marquis de Saint-Simon, lieu- -tenant-général et commandant en second. La marquise de Saint-Simon avait travaillé à la construction du ballon, assistée par le chirurgien-major et l’aumônier de Dragons Condé, ainsi que par le libraire Lépagnez cadet, qui avait reçu les souscrip- tions destinées à couvrir les frais de l'expérience. M. Kirchner lit une note intéressante sur la disparition de _ certaines plantes locales par le fait de la destruction des haies. Cest sur le territoire de Mamirolle qu'il l’a observé. Les avis sont partagés relativement à l'influence de cette opération; M. Kirchner fait valoir les raisons qui militent en faveur de la conservation. M. Bavoux fait observer que le travail de l’homme ne doit pas être la seule cause de modification de la flore locale. À l’appui de son dire, il cite le cas d’un murger de Fontaine-Ecu sur lequel certaines plantes ont disparu, faisant place à des espèces nouvelles. Il est certain qu'il y a à faire de nouvelles observations dans ce sens. Le Président BAVOUX. VAISSIER. : Le Secrétaire, Séance du 21 juillet 1900. PRÉSIDENCE DE M. CHARLES BONNET. Sont présents : di BUREAU : MM. Bonnet, président ; Vaissier et Jules Gauthier, vice-présidents ; Fauquignon, trésorier. MEMBRES : MM. Bavoux, Bruchon père, Droz, Guillemin, Le- doux, Roland. Après la lecture du procès-verbal de la séance précédente, M.J. Gauthier remet à la Société différentes pièces concernant le tombeau de Pierre Perrenot dans l’église paroissiale d’Or- nans. Une demi satisfaction a été donnée aux vœux qu’elle a émis l’an dernier, et le tombeau en question a été installé dans la chapelle dite de Granvelle qui termine le collatéral droit de cette intéressante église. Reste le classement de ce tombeau comme monument historique. M. Vaissier présente une très belle feuille d’acanthe en bronze ciselé, ainsi qu’un petit socle, également en bronze, orné de . moulures, provenant, l’une et l’autre, de fouilles faites récem- ment à Mandeure et acquis par le musée d'archéologie. M. Gauthier signale également deux monnaies antiques, une romaine, l’autre mérovingienne Cette dernière est un trient en or frappé à Burdigalla (Bordéaux)\, par un monétaire du nom de Tualdo, qui a été trouvé à Evillers (Doubs) (1). (1) Cette pièce représente : au droit une têle couronnée avec la légende “3 Burdiale Twaldo fit, et au revers une croix passée, accostée de deux personnages debout. NX La parole est donnée à M. Gauthier pour une communication sur l’église de Saint-Maurice-lez-Jougne, qui appartient au style roman-bourguignon du xrIe siècle. Cette petite église bâtie sur le cimetière de Jougne, a été, du x1I° au xviie siècle, le centre religieux du bourg et de ses dépendances. Construite par les religieux d’Agaune (Saint-Maurice-en-Valais), auxquels le roi de Bourgogne, Sigismond, avait donné, au vie siècle, les mon- -tagnes du Jura, de Pontarlier à Salins, elle comprenait et com- prend encore, car elle est demeurée presque intacte, une nef unique de quatre travées, à chevet droit, éclairée par trois étroites fenêtres à plein cintre, et une crypte à laquelle conduisent deux escaliers placés à droite et à gauche de l’autel. Des arcades sont profilées sur les flancs de la nef, dont la voûte en berceau est soutenue par des doubleaux reposant sur des colonnes en- gagées, aux chapiteaux ornés de moulures, l’un d’eux même de feuillages et de figures. La crypte se compose de trois travées voûtées d’arête, cantonnées de trois absidioles semi-circulaires voûtées en cul de four et percées chacune de deux fenestrelles. En outre, et faisant face à l’absidiole centrale, on trouve un lo- culus pratiqué sous l’autel de l’église supérieure, où $e trouvait autrefois un autel contenant des reliques des martyrs de la Lé- gion Thébéenne, sur lesquelles on célébrait la messe comme en une sorte de confession. Avec ses chapiteaux à entrelacs, ses lignes très simples mais très correctes, la crypte de Saint-Mau- rice de Jougne est un des plus anciens et des plus curieux sanc- tuaires que possède le diocèse actuel de Besançon. La Société partage l’avis de M. Bavoux qui pense qu’une planche devrait accompagner la publication de cette intéressante notice. M. le Président annonce que M. Paul Girod, professeur à l’U- niversité de Clermont-Ferrand, membre correspondant de la Société, se proposait de donner, sous les auspices de la compa- gnie, une conférence d’archéologie préhistorique à Besançon. En raison des nombreuses absences qu’amène la saison des vacances, M. Girod a dû reconnaître qu’il convenait d’ajourner cette séance et de la reporter à plus tard, au mois de décembre, par exemple. M. Vaissier lit une notice sur d'importants fragments en mr ie OC bronze, représentant un dauphin et un enfant, de la décoration de l’ancienne fontaine de la place Dauphine, aujourd’hui place de lEtat-Major, que l’on croyait avoir été fondus à la Monnaie, en 1792. S$S. Droz dans ses Recherches historiques sur la ville de Besançon, fontaines publiques (p. 269) nous apprend que le oroupe auxquels ils appartenaient était l’œuvre d’Herpin, et qu'il comprenait des dauphins, des enfants avec rochers, ro- seaux et culs de lampe. Ces intéressants spécimens dela seulp- ture du xvI1Ie siècle, soustraits vraisemblablement par quelque plombier, gisaient oubliés dans un dépôt de la ville, lorsque M. Jeannot les en a tirés. Ils sont aujourd’hui, et fort à propos, exposés au musée d'archéologie, après avoir été débarrassés de la double couche de peinture qui faisait grand tort à leur carac- tère artistique. M Edouard Droz, informé des divers projets relatifs aux bâti- ments de l’hôtel-de-ville, ému surtout de ceux qui menaçaient d’une destruction complète un des monuments historiques de la cité bisontine, a rédigé une protestation, dans laquelle il ré- sume excellemment toutes les raisons qui militent en faveur de sa conservation la plus scrupuleuse. Notre savant confrère émet le vœu, qu’il demande à la Société de vouloir bien appuyer de son concours, qu’il soit conservé et restauré. La réunion ne peut qu'être sympathique à un vœu si légitime et si éloquemment exposé, elle ne fait de réserves qu'au sujet des détails de la restauration. Plusieurs des membres présents de la compagnie ne pensent pas que le motif décoratif représentant Charles- Quint à cheval sur l’aigle impériale puisse être rétabli. Ces ré- serves faites, ils s'associent comme les autres, au vœu de M. Droz, qui est ainsi formulé : « La Société d’Emulation exprime le vœu que dans les travaux d’édilité à entreprendre, il ne soit touché à la façade de l’Hôtel-de-Ville que pour la réparer et la parfaire, en donnant aux mansardes un cadre de pierre dans le style de l'édifice, et en rétablissant dans la niche de la fontaine le motif de sculpture qui y figurait avant 179,5, soit Charles- Quint sur l'aigle impériale. » Le Président, Le Secrétaire, CH. BONNET. Dr J. MEYNIER. NX RS Séance du 9 novembre 1900. PRÉSIDENCE DE M. CHARLES BONNET. Sont présents : BUREAU : MM. Bonnet, président; J. Gauthier et Vaissier, vice- présidents ; Meynier, secrétaire décennal ; Kirchner et Maldi- ney, archivistes. MEMBRES : MM. Bavoux, Berdellé, Bruchon père, Albert Gui- chard, Ledoux, Magnin, Maldiney, Parizot, Prinet, Vautherin, Vernier. Après la lecture de la correspondance, M. le secrétaire décen- ual lit le procès-verbal de la séance du 21 juillet, et M. le Pré- sident prend la parole pour rendre compte de sa présence au cinquantenaire de la Société d'Emulation de Montbéliard, où il a représenté la compagnie. Cette fête a eu lieu le jeudi 25 octobre dernier. Elle compor- tait : le matin, une séance publique de la société; à une heure, un banquet ; et, le soir une deuxième séance publique, au théâtre. À la séance du matin M. John Viénot, président annuel, a qualifié cette fête de fête du souvenir et de la reconnaissance et adressé quelques paroles émues à la mémoire des fondateurs de la Société et de ses principaux collaborateurs dans le passé. Puis, ont suivi plusieurs lectures fort intéressantes qui ont re- tenu l'assistance jusqu’à midi et demi. Au banquet, très bien ordonné, qui à suivi, Se trouvaient les notabilités du pays, et parmi elles, un certain nombre de dames. Divers toasts ont été portés, au dessert, par MM. Viénot, président, Philippe Berger, de l’Institut, délégué du ministère de l'instruction publique, par M. Roux, trésorier, et d’autres. M. le Président a tenu à remer- cier les membres de la société amie de l’aimable accueil qu’ils avaient fait au délégué de la compagnie et a cru devoir rappeler que si la Société d’Emulation du Doubs était, de dix années, l’ainée de celle de Montbéliard, les deux sœurs animées d’un même et excellent esprit, ont porté très honorablement depuis mr XIV plus d’un demi-siècle, le drapeau de la science dans notre pro- vince; qu'avec le concours de savants distingués, elles ont pieusement et doctement fouillé son sol antique, et exhumé les précieux débris qu'il recèle, elles ont scruté ses archives et pénétré les secrets de notre passé, elles ont réveillé ses vieux souvenirs et écrit son histoire, montrant ainsi qu'on peut avoir le culte de la petite patrie en même temps que l’ardent amour de la grande. À la séance du soir, où les lectures alternaient avec des chœurs d'enfants du pays, M. Viénot a refait l’histo- rique de la Société qu'il préside, en à marqué les étapes, et rappelé ce que l’on doit dereconnaissance à ceux qui l’ont créée et à ceux qui l’ont fait vivre; et M. Philippe Berger a trouvé des accents émus pour célébrer l’amour de ce pays de Montbé- lard, qui est le sien et qui a conservé sa physionomie particu- lière au milieu de nos provinces unifiées et privées de leur ori- ginalité par une centralisation excessive. M. Jules Gauthier, sous le titre de Deux épaves franc- comtoises en Italie, a lu deux notices très intéressantes. La première concerne l’ancienne croix d’autel de Saint-Just dAr- bois, reliquaire de la vraie croix offert vers 1360, à cette église, par Philippe, évêque de Tournay de 1350 à 1370. Après avoir restitué à ce prélat, originaire d’Arbois, son nom de famille, de Montaigu, on l'avait appelé à tort, jusqu’à présent, Philippe d’'Arbois. M. Gauthier décrit le précieux reliquaire qui est en argent doré avec figurines et émaux. En 1870, la fabrique d’Ar- bois, obérée, a vendu cet objet à un collectionneur lyonnais M. Carran, pour une somme de six à sept mille francs, fort inférieure à sa valeur réelle. En mourant M. Carran a légué sa succession au musée du Bargello, à Florence, où lelecteur a récemment découvert cette épave de notre art national et a pu en relever la description. La seconde notice est relative à un manuscrit d’une chro- nique de Savoie qui fit partie jusqu’au début du XVIe siècle de la « librairie » du château de Nozeroy. Offert vers 1424 par Amédée VIII de’Savoie à Louis de Chalon, prince d'Orange, dont il porte, en première page, les armoiries, ce manuscrit écrit dans les premières années du XVe: siècle, a passé, après la — XXV — mort de Philibert de Châlon, entre les mains du receveur de Jougne, Claude Ferlin, qui le possédait en 1556 et y consigna, le 3 janvier 1566, le récit du passage à Jougne, du cardinal de Granvelle, se rendant à Rome pour l'élection du pape Pie V. De la famille Ferlin, cette chronique a passé à Gérard de Watte- ville, seigneur de Châteauvillain, dont la descendance en fit hommage à la maison de Savoie. Elle fait partie aujourd’hui des collections superbes des archives royales de Turin. M. Magnin fait une communication sur les « seiches » du lac de Saint-Point. Le nom de « seiches » a été donné par les rive- rains du Léman, à des phénomènes d’oscillation, élévation et abaissement de la surface du lac, qu'on peut comparer aux ma- rées. Ces phénomènes se produisent surtout dans le sens de la longueur de la plaine liquide, et leur durée est proportionnelle en général à la longueur des lacs. On a pu le constater sur ceux de Genève, de Neuchâtel, de Morat, de Brienz, de Joux. D’après les expériences de M. Forel, cette durée est la même dans les mêmes conditions de longueur de l'étendue d’eau et de la pro- fondeur de la masse liquide ; dans les mêmes conditions de profondeur, cette durée augmente avec la longueur de l'étendue d’eau, dans les mêmes conditions de longueur de l’étendue d’eau, cette durée diminue avec la profondeur de la masse liquide. En résumé, les « seiches » sont en fonction directe de la longueur de l’étendue d’eau et en fonction inverse de la pro- fondeur. M. Magnin a voulu vérifier cette loi sur le lac de Saint- Point. 11 a trouvé déjà que la durée des seiches » y est de 10 à 12, ce qui est bien en rapport avec sa longueur. En atten- dantlesrésultats de nouvelles recherches, ilcroit pouvoir affirmer: 1° que le lac de Saint-Point manifeste, en temps favorable, des «seiches » longitudinales assez nettes, 2’ que ces « seiches » sont uninodales, 3° que leur durée totale paraît être de 14 à 15 sec., 4° que leur amplitude, observée jusqu’à présent, n’a pas dépassé 4 à 5 mm., 5° enfin, qu'il parait y avoir aussi de petites « seiches » transversales d’une durée de 1 sec. environ. Le Président, Le Secrétaire, CH. BONNET. Dr J. MEYNIER. —— XXVE — Séance du 12 décembre 1900. PRÉSIDENCE DE M. CHARLES BONNET. Sont présents BUREAU : MM. Bonnet, président; Jules Gauthier et Vaissier, vice-présidents; Meynier, secrétaire décennal; Fauquignon, trésorier, Kirchner, archiviste. MEMBRES : MM. Berdellé, Bruchon, Chapoy, Girardot, A. Guichard, Henry, Ledoux, Lieffroy, Nargaud, Parizot, Vernier et M. Gascon, de Fontaine Française, membre corres- pondant. Après la lecture du procès-verbal de la dernière séance, dépouillement de la correspondance. M. le Président annonce que l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Besan- çon sera représentée à la séance publique et au banquet du 13 par son vice-président M. de Lurion. La Société d'Emulation de Montbéliard n’a pu déléguer aucun de ses membres pour nous rendre la visite que M. Bonnet lui a faite si aimablement lors des fêtes de son cinquantenaire, son président, M. Albert Roux,nous en témoigne tous ses regrets. M. GChevassu, président de la société d'Agriculture, Sciences et Arts de la Haute-Saône, informe de ses démarches infructueuses auprès de ceux de ses collègues qui, en temps ordinaire, auraient pu s’absenter pour répondre à notre invitation; aucun ne peut le faire malheu- reusement. Nous attendons encore, et sans grand espoir, des réponses de la Suisse et du Jura. Seule la Société Grayloise d’'Emulation nous envoie un délégué, M. Victor Maire, professeur au collège de Gray, son président. Pour comble d’infortune, M. le docteur et professeur Marc Dufour, de Lausanne, qui nous avait promis d’abord sa présence, est retenu au dernier moment par une opération très sérieuse que doit subir un de ses fils et à laquelle il désire assister. M. le général commandant le 7me (Corps d'armée, dans une lettre particulière au secrétaire de la Société, lui mande qu'il er CANIE regrette vivement que ses occupations ne lui permettent pas d'accepter son aimable invitation et le prie de transmettre à ses confrères l’expression de ses regrets avec tous ses remercie- ments. M. le premier Président souhaite que l’état de sa santé lui permette d'assister à la séance publique; maisil lui sera, à son £rand regret, impossible de prendre part au banquet. M. le Procureur général s’excuse comme précédemment, par le facheux état de sa santé. M. le Général gouverneur de la place sera à la séance, mais ne pourra être au banquet. M. le Recteur de l’Université, absent, a prié M. l’Inspecteur d’Académie d’ex- primer tous ses regrets aux membres de la compagnie. M. le Secrétaire général du Doubs représentera M. le Préfet à la séance publique etau banquet. M.le Maire ne pourra se rendre ni à l’un, ni à l’autre, en raison de l’état précaire de sa santé. Enfin, M. Edouard Grenier, que M. le Président avait vivement pressé de répondre à notre invitation, lui a répondu que cette invitation l’avait bien touché, et que la manière dont il la lui avait transmise y avait ajouté un prix et une grâce de plus. « Croyez bien tous, ajoute-il à ma sincère gratitude, comme à mes sincères regrets. Ma santé m'interdit dorénavant toute infraction, même heureuse, à mes habitudes de reclus, et je vous prie de croire que jamais je n’ai ressenti plus vivement le joug de cette règle inflexible. » M. le Président donne la parole au trésorier pour exposer un projet de budget pour 1901. On procède ensuite à l’élection d’un deuxième vice-président qui “sera président en 1902. M. le docteur Nargaud est élu. Par vote à mains levées, les pouvoirs du trésorier, du vice- trésorier et des archivistes actuels sont continués pour une nouvelle année. Le bureau sera donc ainsi composé : Président pour l’année 1901 : M. Alfred VAISSIER. Premier vice-président : M. Charles BONNET. _ Deuxième vice-président : M. Arthur NARGAUD. Secrétaire décennal : M. Joseph MEYNIER. Trésorier : M. Charles FAUQUIGNON. Vice-trésorier : M. Marcel POÈTE. Archivistes : MM. MALDINEY et KIRCHNER. CAVE Projet de budget pour l’année 1901. RECETTES. 1. Subvention du département du Doubs . . . . 300 fr. 2. — de la ville de Besancon. . . . . . 600 3. Cotisations des membres résidants. . . . . . 1.350 k. —- — correspondants . . . 480 5. Droits de diplômes, recettes accidentelles . . . 70 6. Intérêts du capital en caisse et rentes . : . . 600 do es 9.20) fe DÉPENSES. 1. Impressions. : DS OU à Le SOS OT 2. Frais de bureau, nn éaace et aménage- ments it 2 ee 150 3. Frais divers de à séance dique … aout - 400 4. Traitement et indemnité de recouvrements de l'agent de I SOCIétÉ 0 nn ARE een te 300 5. Crédit pour recherches scientifiques . . . . . 200 Total... NS AS OO M. Meynier lit un travail intitulé : L'Invasion allemande de 1544, et la part qu'y ont prise le prince d'Orange et les deux Granvelle. Le lecteur a trouvé dernièrement dans un recueil assez obscur et dont la Société ne possède pas la collection, un _ travail aussi intéressant que compétent sur l'invasion alle- mande de 1544. Il a trait à des fragments d’une histoire mili- taire et diplomatique de l’expédition de Charles-Quint en France, écrite sur des documents originaux inédits des ar- chives de Bruxelles, de Vienne et de Venise, œuvre posthume de M. Paillard, lauréat (prix Gobert) de l’Académie des Inserip- tions et Belles-Lettres. Ces fragments ont été mis en ordre et publiés par M. F. Hérelle, correspondant du Ministère de l’Instruction publique, sous les auspices de la Société des Sciences et Arts de Vitry-le-François. « L'auteur, dit M. Hérelle, en recourant aux documents étrangers à la correspondance de Charles-Quint, de Henri VIII et de leurs ambassadeurs, a jeté a Ne une vive lumière sur cette période obscure. » Deux événements intéressent plus particulièrement les Francs-Comtois dans cette histoire : la mort du prince d'Orange au siège de Saint-Dizier et la Paix de Crépy, à laquelle les deux Granvelle ont eu une si grande part. M. l’archiviste Kirchner lit un intéressant rapport sur les dépôts de volumes faits par la Société dans les principaux établissement d'utilité publique de la Ville, en suite d’une déci- sion du Conseil d'administration en date du 14 novembre 1900. Ces établissements sont : 10 l’Institut botanique de l’Université ; 90 la Bibliothèque de l’Université; 3° la Bibliothèque de la Ville. Le Président, Le Secrétaire, CH. BONNET. Dr J. MEYNIER. Notice sur le général Alphonse de Jouffroy d’Abbans. (1823-1899 ) La Société d'Emulation du Doubs vient de perdre un de ses membres les plus distingués, Monsieur le général comte de Jouffroy d’Abbans, mort à Besançon, le 28 juin 1899, dans sa 76° année. L'Armée, qu'il honora par de brillantes et solides qualités, et qu’il réconforta par un des rares succès d’une époque néfaste, Besançon auquel le nom des Jouffroy est cher depuis plus de quatre cents ans, ont rendu pleine justice au soldat et au bon citoyen. Je voudrais offrir à l’homme utile et considéré qui dis- paraît l'hommage d’une société qui lui fut chère et où il entra, encore plein de vie et d’activité au lendemain du jour de sa re- traite. Alphonse-Charles-Joseph de Jouffroy d’Abbans était né à Besançon le 7 novembre 18923, dans la rue de la Vieille-Monnaie. Son père, M. Astolphe de Jouffroy, conseiller de préfecture du Doubs de 1815 à 1830, avait fait le coup de feu en 1814 dans l’é- chauffourée des corps francs, dont le souvenir se perpétue dans les montagnes du Doubs ; sa mère, mademoiselle Boutechoux de — XXX — Chavannes, appartenait à une vieille famille grayloise connue dès le xvie siècle. Ils élevèrent leurs nombreux enfants avec autant de fermeté que de tendresse et leur transmirent, à défaut de for- tune, un patrimoine intact d'honneur, de patriotisme et de loyauté. L’aîiné des fils, Silvestre, dont la bonhomie et l'esprit resteront légendaires, entra dans l’adminisration ; les trois plus jeunes furent soldats. L'exemple paternel etla modicité de leur avoir les délivrèrent heureusement de ces utopies dangereuses qui ont écarté de la vie active en les berçant d’espérances chi- mériques tant de bons esprits appartenant à l'élite de la société française, au grand détriment et de leur race et de leur pays ; les quatre fils d’Astolphe de Jouffroy pliés à la loi du travail furent tous des hommes de conscience et de devoir. Suivant l'exemple de son frère ainé Gustave, Alphonse entra à Saint-Cyr à vingt ans ; à vingt-neuf il était capitaine de chas- seurs à pied, et fit ses premières armes à la tête d’une compa- gnie du 16e bataillon, sur les champs de bataille de Crimée. En 1860, il fut choisi, pour ses mérites, et sans l'avoir soili- cité, comme officier d'ordonnance de l'Empereur, et porta aux Tuileries, avec le charme d’une éducation accomplie, d’une instruction aussi variée que solide, une grande indépendance de parole, et la franchise d’un vrai soldat. En 1861, il était chef de bataillon ; en 1870, lieutenant-colonel au 33° de ligne, à Cons- tantine. C’est là que le Gouvernement de Tours le fit appeler pour com- mander une brigade du 15° corps d'armée concentrée sur la Loire ; le 11 Octobre 1870 il prit à la défense de la retraite d’Or- léans une part glorieuse qui lui valut le 21 Octobre le grade de colonel et le commandement de la 1re brigade de la 3° division du corps de Sonis qui se formait à Vendôme. On a raconté (1) l'énergie prodigieuse, la brillante conduite, la (1) M. le général Duval-Laguierce, directeur du génie du 7e corps, dont l’éloquente parole a fait revivre, aux obsèques du général de Jouffroy, les actions d'éclat de notre regretté confrère. Voir le texte de ce discours et celui des adieux adressés au général par M. le docteur Meynier, président de l'Académie de Besançon, et M. le colonel Montignault, président de la Société des anciens officiers, dans le n° du 1er juillet 1899 de la Franche- Comté. IX XX — sûreté de coup d'œil et la solidité de conception du colonel de Jouffroy dans les combats incessants que les troupes de Chanzy livrent sans repos et sans trève aux alentours du Mans, vers le- quel, le 20 Décembre, se replie l’armée de la Loire. Cest sur un champ de bataille où son cheval fut tué sous lui, et où, électrisée par son courage, son infanterie vient d'enlever à la baïonnette trois villages occupés par l'ennemi, qu'il reçoit les étoiles de gé- néral. De Décembre 1870 à l’armistice de janvier 1871, toujours à l'avant-garde quand on marchait à l'ennemi, toujours à l’ar- rière-garde quand, devant des forces d’une supériorité écrasante, il fallait se replier, le général de Jouffroy fut le digne lieutenant de Chanzy et mérita plus d’une fois, par son intrépidité, son sang froid et le succès de ses opérations, les félicitations du général en chef. Maintenu dans son grade, appelé successivement à com- mander à Verdun, à Troyes, à Bourges, il n’obtint point, après lavoir méritée, la triple étoile de divisionnaire ; la liberté de sa parole, l'absence de souplesse et de courtisanerie chez un homme qui, cependant, avait vécu longtemps à la cour, furent le réel motif de cet oubli. Il s’en consola pendant les quinze ans de retraite passés, au milieu de l’estime générale, dans son pays, entouré de pa- rents et d’amis qui l’accueillaient avec une profonde déférence, dans un foyer où tout se réunissait pour l’entourer de soins et d'affection. La Société d’Emulation du Doubs, aux travaux de laquelle il s’intéressait d’une façon particulière, en prenant lui-même une part active à ses publications et à ses séances, gardera respec- tueux souvenir à l’homme de guerre qui a courageusement dé- fendu la patrie envahie, honoré hautement sa ville natale par son caractère et renouvelé glorieusement l'éclat d’un vieux nom. mn OO OUR Séance publique du 13 décembre 1900. PRÉSIDENCE DE M. CHARLES BONNET. La séance s'ouvre à deux heures de l’après-midi, dans la grande salle de l’hôtel de Ville. Ordre des lectures : 19 La Société d’Emulation du Doubs en 1900, par M. Charles BONNET, président annuel. 20 Ravenne, Sienne, Florence, par M. Jules GAUTHIER. 30 La part de Besançon dans la dépopulation française, par M. le docteur BAUDIN. 40 La Jacquemardade, poème en patois bisontin (1753), et son auteur le conseiller Bizot, par M. Alfred VAISSIER. La séance est levée à quatre heures. Le Président, Le Secrétaire, CH. BONNET. Dr J. MEYNIER. BANQUET DE 1900 Le soir de la séance publique, à 7 heures, a eu lieu, dans la grande salle du Palais Granvelle, le banquet traditionnel. La vaste pièce et la table avaient reçu leur décoration habituelle par les soins de MM. Colomat, Calame et Dubois-Che- vaidel. La carte du menu illustrée, comme à l'ordinaire, par le talent de M. Vaissier, était en forme de triptique et représentait les traits du conseiller Bizot, auteur de la Jacquemardade, d'après un portrait de Melchior Wyrsch appartenant à M. Georges Sire, Des santés ont été portées par MM. Charles Bonnet, président annuel, Vaissier, président pour l’année 1901, par M. Guyon, Inspecteur d’Académie, et par M. Trigant-Geneste, secrétaire général de la Préfecture du Doubs. Toast de M. Charles BONNET, président annuel MESSIEURS, On a dit qu’en France tout finissait par des chansons : n’est- il pas aussi juste de dire que tout finit par des banquets. On l’a vu à tous les congrès, aux heures critiques de notre histoire ! Et, sans remonter aux rois Chevelus, n’avons-nous pas vu le banquet des gardes du corps (où, entre parenthèses, on ne s’ennuyait pas au dessert) marquer, provoquer la fin d’un régime ; et, au temps où la Gironde nous envoyait des Vergniaud, des Barnave et non des Trarieux, n’avons-nous pas vu le ban- quet des Girondins couper court au rôle historique de ces répu- blicains progressistes de l’époque ! a NOCXIV On dinait rue Chantereine chez Bonaparte la veille du 18 Bru- maire, chez Laffitte la veille des glorieuses ! Et le gouvernement de Juillet, la meilleure des républiques ! comme disait ce vieux farceur de Lafayette, n’est-il pas tombé sous le coup de ces banquets, dont l’idée était ainsi traduite par l’auteur des Guêpes : « Citoyens, la patrie est en danger, réunis- sons-nous et mangeons du veau ! » Et, enfin, sous le régime du 16 mai, les plus combatifs d’entre nos dirigeants ne s’écriaient- ilS pas, dans un moment qu’ils croyaient psychologique, l’heure des résolutions viriles a sonné... et cela se terminait tout bon- nement par une imposante levée de fourchettes ! Eh, mon Dieu ! pourquoi en serait-il autrement dans ce pays béni, dans cette terre promise, dans cette douce France où sont réunies à profusion toutes les bonnes choses de la terre ! Donc, par ces motifs, comme on dit au tribunal, nous nous trouvons réunis en cette fin d'année, ainsi du reste qu’à la fin de toutes les autres, dans ce vénérable palais Granvelle hanté par les souvenirs des grands Franes-Comtois qui l'ont édifié ; témoin muet des luttes, des gestes de nos ancêtres, toujours amoureux d'indépendance, toujours jaloux des franchises de notre vieille république bisontine ; dans ce palais où la ville nous offre une traditionnelle hospitalité. C’est un grand honneur pour moi, Messieurs, de présider à cette fête avec l’agréable mission de vous remercier d’avoir bien voulu répondre à notre invitation et à notre appel. Soyez les bienvenus chez nous. Je croirais ne pas m’acquitter de mon devoir, si je n’adres- Sais, tout d’abord, un mot de gratitude à Monseigneur, à Mes- sieurs les hauts fonctionnaires et à M. le président de l’Acadé- mie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Besançon et à nos amis du dehors et de l’étranger que des raisons de santé, des nécessités de service et des deuils empêchent d’être des nôtres ce Soir, ce que nous regrettons sincèrement, mais nous connais- sons leur constante sympathie pour notre Société et leur en sommes reconnaissants. Monsieur le Secrétaire général, : M. le préfet nous a un peu gâtés, au début, en assistant à nos RC ON fêtes, mais si, depuis deux ans, il ne vient diner avec nous que par procuration, il atténue, ce soir, nos regrets en se faisant re- présenter par vous qui nous êtes arrivé précédé par une réputa- tion d'administrateur distingué ayant fait ses preuves dans des circonstances difficiles. En vous voyant à cette place, je ne puis m'empêcher d’adres- ser un souvenir ému à votre prédécesseur, M. des Pomeys, homme excellent à tous égards, qui était un ami pour beaucoup d’entre nous. Monsieur l’Inspecteur d’Académie, Nous vous considérons comme un ami de la maison, et con- naissant votre prédilection pour les études archéologiques nous espérons que vous deviendrez un de nos fidèles collaborateurs, car, en vieux franc-comtois que vous êtes, vous avez fait mieux que planter votre tente en notre ville, vous y avez acquis droit de cité. Monsieur Vaissier, Personne, plus que vous, n’était digne de présider aux desti- nées de la Société d'Emulation du Doubs, vous le dévoué, le pieux disciple de Castan, dont l’ombre doit planer sur nos réu- nions, sur toutes nos fêtes; vous qui continuez avec tant de mo- destie l’œuvre artistique de Vuilleret et de Ducat et qui présidez à la conservation de nos richesses archéologiques avec un dé- vouement et une compétence qui n’ont d’égal que votre désin- téressement. Aussi, suis-je l'interprète de tous, en vous appor- tant l'expression de nos sentiments. Puisqu’il m'est donné de vous parler une dernière fois, laissez- moi vous dire, Messieurs, que vous faites bien de venir, chaque année, parmi nous, vous reposer un instant du souci des affaires ou de l’odieuse politique qui, dans notre Société, n’a jamais franchi le seuil. Cest ici un refuge où des savants, des gens d’études, et de simples dilettantes, soucieux de leur mission, toute d'action pa- cifique et conciliatrice, travaillent imperturbables dans une atmosphère où sévissent trop fréquemment, hélas ! la mau- vaise foi et la basse délation ; dans un temps où, si l’on n’est pas sectaire, si l’on ne suit pas lâchement à la remorque ceux — XXXVI — qui excitent à la haine des classes et préparent la ruine de la patrie, on n’a pas même le droit d’être ce que l’on a toujours été, bon républicain, libéral et tolérant, sans être traité de sus- pect par une tourbe de politiciens qui passent leur temps à défendre, à sauver la République, mais qui surtout en vivent ! Je fais des vœux pour que cesse ce vent de folie qui court sur notre pauvre pays, et pour que tous les syndicats, ligues et autres fédérations, s'inspirant de nos idées larges et élevées, se contentent de travailler, chacun dans sa sphère, comme on l’a toujours fait à la Société d'Emulation du Doubs, pour le bien du pays et de notre cher Besançon. UTINAM ! Toast de M. Alfred VAISSIER, président élu pour 1901 MES CHERS CONFRÈRES, A cette table, où je me trouve étrange d’occuper une place aussi distinguée, je dois vous exprimer d’humbles remercie- ments pour le grand honneur que vous m'avez décerné en me nommant votre futur président. Je le fais avec un abandon d’au- tant plus sincère que Je sais à quels sentiments de trop bienveil- lante reconnaissance je dois une pareille faveur. Je vous arrive avec des mains pleines de bonne volonté, mais autrement presque vides : c’est bien modeste après les trésors - de savoir et les ressources de précieuse influence dans notre ville que vous ont apportés tous vos anciens présidents. Pour me tranquilliser dans mes craintes de me surfaire dans l'appréciation de mes forces ou de vous amoindrir par mon ac- ceptation, je me rappelle les paroles que prononçait ici même, il y a trente ans, une voix amie, mais depuis fatalement éteinte. s Chez nous on apprend à exercer le pouvoir sans aucune pensée d’ambition, et à le quitter sans l’ombre d’un regret ; et, chez nous e core, le revers de la médaille c’est le sacrifice des convenances personnelles à l'intérêt de tous. » Le maître a si bien parlé, qu’entendre c’est obéir. Mon cher Président, on dit que la vérité est quelquefois cruelle nr AN NII à entendre, mais d’autres fois elle est bien douce à exprimer. Voulez-vous me permettre aujourd’hui, car c’est le moment, de vous révéler ce qui a le plus pesé dans la balance pour déter- miner le choix du président de 1900 ; ce n’est pas seulement une équitable appréciation de votre zèle à inciter notre ville à se mettre au niveau de celles qui recherchent le progrès bien compris, mais c’est surtout une chaude parole que vous avez jetée, au milieu de froides discussions, à la mémoire du pilote qui avait si longtemps et si heureusement conduit notre barque, parole de justice et de reconnaissance à Auguste Castan. Après cet hommage particulier, il faudrait ajouter de pareils témoignages de reconnaissance pour tous vos prédécesseurs ainsi que pour ceux qui les ont secondés et les secondent en- core. - A vous, Monsieur le président effectif du conseil, Monsieur le secrétaire décennal, qui ne vous contentez pas d'accomplir en conscience la besogne mensuelle, mais enrichissez encore nos Mémoires de vos patientes recherches si appréciées, nous le sa- vons, ici et dans les provinces. A vous, notre cher trésorier, qui mettez au service de l’admi- nistration de nos finances votre activité et votre droiture. Nos éloges à M. Kirchner qui prélude dans ses fonctions d’ar- chiviste en opérant, avec le plus grand soin, cette belle distri- bution d’une part de nos richesses scientifiques et littéraires, au profit des établissements d'instruction publique de la cité. À vous le grand travailleur, Monsieur Gauthier, ainsi que MM. Poëte et Prinet qui, par vos veilles, ranimez le foyer de la science historique franc-comtoise et préparez, par vos cours, la génération nouvelle à profiter de votre héritage. À vous aussi, mes chers confrères qui vous montrez toujours fidèles à ce banquet de décembre, si nombreux jadis et si es- sentiel à maintenir ; permettez-moi de faire encore un appel à votre concours. Si vous envisagez les satisfactions du présent, veuillez avec nous regarder du côté de l’avenir. Nous grisonnons tous sous le harnais. Aidez-nous à susciter, par vos démarches, des ouvriers pour notre chantier franc-comtois et vraiment patriotique. OX CANAL Que ne puis-je, en empruntant le langage du bon bisontin dont vous avez l’image sous les yeux vous annoncer un jour Qu'in troupé fringant de juenesse S'en vin, ranfouchie lai veillesse, Si bin donc que ças doues aigmenne En s’aipondant n’en fant pu qu'enne Et nous beille lai mainme vigueu Que quand nouete âge éta en fleu! C'est alors que nous pourrons inaugurer, pour le xx° siècle qui s’ouvre, une période de succès aussi longue que celle où vous avez brillé au xixe. C’est ce que je souhaite de tout mon cœur en buvant avec vous, mes chers confrères, À la prospérité de la Société d’Emulation du Doubs ! MÉMOIRES LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION DU DOUBS EN 1900 Discours d'ouverture de la séance publique du jeudi 13 décembre Par M. Charles BONNET PRÉSIDENT ANNUEL MESDAMES, MESSIEURS, Quand un compositeur écrit un opéra et le soumet au pu- blic, il le fait généralement précéder d’une ouverture où sont réunis les ensembles harmoniques et les plus belles phrases musicales, où sont soupirés les traits mélodiques qui vont à l’âme, enfin, il offre une réduction de son œuvre, régal sou- vent exquis pour nos sens charmés. Nous donnons, nous aussi, chaque année, par tradition, un résumé de notre œuvre, mais à rebours de ce qui se fait en musique, nous le présentons à la fin. Et c’est, je vous as- sure, un rôle épineux que celui qui, au cas particulier, est dévolu à votre président, de faire l’ouverture de l’opéra dont il n’a pas composé les actes et de diriger un orchestre où il tient à peine les seconds pupitres. :{l est vrai que si l'énoncé, forcément aride de nos travaux, où ne peut prendre place ce qui fait leur valeur et leur inté- rêt, est périlleux pour celui qui parle, il est peut-être en- nuyeux pour ceux qui écoutent ; mais je me refuse à trouver 1 Oo là une compensation, et cette aridité même fera d'autant rnieux ressortir le mérite des lectures qui suivront. : Je n'aurais garde d'oublier, du reste, à quel auditoire d’é- lite j'ai l'honneur de m'adresser, et, espérant en son indul- gence, je me plais à redire, après mes éminents devanciers, que la meilleure récompense, le plus précieux encourage- ment sont, pour nous, dans la présence à cette solennité des hauts représentants de ces institutions nationales que nous aimons et respectons, et de vous tous, Mesdames, Messieurs, qui prouvez ainsi l'intérêt éclairé que vous prenez aux travaux de la Société d'Emulation du Doubs. Vous savez qu’au milieu des fortunes diverses de notre pairie et des chaos de la politique elle n’a jamais dévié de sa voie libérale et n’a jamais eu qu’un objectif : travailler, sans sortir de sa sphère, au bien du pays et, dans la mesure de ses moyens, aider à sa grandeur. L'année qui s'achève n’a pas été stérile ; elle nous offre une ample moisson d’études remarquables, Ne pouvant citer tous les travaux de M. le docteur Magnin, notre très distingué et laborieux confrère, je rappellerai de lui une note biographique sur le docteur Quélet, d’'Hérimon- court, l’un des fondateurs de la Société mycologique de France; puis de très intéressantes considérations ayant trait à l'influence de la composition du sol sur la végétation. Il faudrait citer en entier cette savante étude dans laquelle il conclut à la prépondérance des influences chimiques sur les influences physiques en ce qui concerne le sol. Il nous à communiqué également les résultats de ses pa- tientes observations sur les seiches du lac de Saint-Point; on donne ce nom de seiches aux variations du niveau des lacs produites par les vents ; elles se manifestent par des oscilla- tions de la masse liquide, oscillations dont l'amplitude est en raison directe de la longueur des lacs, en raison inverse de leur profondeur. Une note sur la flore de Mamirolle, communiquée par 9 — M. Kirchner, l’archiviste dévoué de notre société, mérite aussi une mention. D'autre part, notre excellent confrère, M. le docteur Girar- dot, dont toute une vie de labeur scientifique pourrait servir d'exemple à nombre d’oisifs opulents, a fait Justice, dans une intéressante lecture, d’une légende qui avait cours jadis et qu'il intitule la Légende du Châtaignier. Nos pères croyaient que le mont Rognon avait été couvert de châtaigniers, et que les charpentes des anciennes maisons de notre ville étaient construites avec ce bois; citant à l'appui de sa thèse les as- sertions de divers savants et les indications précises de M. le docteur Magnin, il a démontré que le chêne et non le châtai- gnier était le bois employé, et je trouve même, à l’appui de cette opinion, un article des comptes de la commune de Be- sançon en date du 24 mai 1535, où il est dit ce qui suit : « Permission au garde des sceaux de Granvelle de prendre dans le bois communal d’Aglans six pieds de chêne néces- saires à la construction de son palais ». À propos des Stations des Celtes en Gaule, M. Girardot a évoqué le souvenir d’Alaise et les luttes ardentes entre sa- vants, provoquées par l’erreur d'Alph. Delacroix. Erreur fé- conde puisqu'elle a été le point de départ d’une renaissance des études archéologiques en France qui ont eu comme con- séquence la création de l’admirable musée de Saint-Germain. De M. le docteur Meynier, l’érudit secrétaire décennal de notre Société, qui occupe à des travaux de Bénédictin les loisirs d’une honorable retraite, nous avons eu de savantes recherches sur l'antique Isernore, pleines d'intérêt pour tous les Séquanais. Il nous a donné aussi, sur les Premiers Aérostats à Besan- çon, des renseignements inédits, agrémentés d’anecdotes qui nous font voir sous un jour particulier certaines personnali- tés de l’époque; puis une page d'histoire sur Besançon après la Réunion, qui figure dans nos mémoires de cette année à côté de cette œuvre de science et de patientes recherches sur les Noms de lieux romans en France et à l'étranger, œuvre importante, véritable monument de philologie. De M. Emile Roy qui, l’an passé, nous a fat un piquant tableau de la cour de Philippe le Bon, nous avons une étude savante et très documentée sur un mystère français au xIv* siècle que possède notre bibliothèque. La petite église de Saint-Maurice-les-Jougne a été décrite, nous pourrions dire découverte, par M. Jules Gauthier, le sa- vant archéologue, le chercheur, qui en a précisé le style ro- man-bourguignon du xrI° siècle; 1l a de même, à l’aide de ce qui nous reste en textes ou gravures, déterminé l’emplace- ment et tenté la restitution de l’église de Saint-Etienne de Besançon. Puis, sous le titre de Deux épaves franc-comtoises en Italie, nous avons eu de lui une notice sur une précieuse croix d’autel de Saint-Just d’Arbois, avec laquelle la fabrique, mal inspirée, a cru devoir battre monnaie, et une étude, pleine d’heureuses déductions, où est relatée la curieuse odyssée d’un manuscrit d’une Chronique de Savoye. Le même auteur a fait paraitre également un catalogue; avec planches, de sceaux ayant appartenu à d'anciennes fa- milles et à des corporations ; il a été guidé, dans cette publi- cation, par le souci d'apporter des documents iconographi- ques à ceux qui s'intéressent à l’histoire archéologique franc- comtoise. Dans une intéressante M. le docteur Ledoux, l’un de nos anciens présidents, nous indique ce qui reste de l’œuvre de Melchior Wyrsch à Stantz et dans le Waldstetten; il prouve ainsi que le touriste éclairé, tout en admirant les splendides beautés naturelles des bords du lac des Quatre- Cantons, n’oublie pas celles de l’art, qui, pour lui, ne perd jamais ses droits. ne | La même préoccupation de mettre à la place qu'il mérite, ce peintre, devenu Bisontin d'adoption, a guidé M. l’abhé Louvot, qui rappelle les œuvres remarquables de cet artiste. re fécond, ami et collaborateur de Luc Breton à notre ancienne école de peinture et de sculpture. | M. Léon Gauthier, fils de notre éminent confre ére est venu faire parmi nous ses premières armes, et, comme bon sang ne peut mentir, il a débuté par une très intéressante étude sur le rôle des financiers lombards à la cour d'Othon IV, comte palatin de Bourgogne. Il appert de ce récit, qu’à cette époque lointaine, certains grands seigneurs étaient, comme aujourd’hui, à la merci des usuriers les plus véreux, et que les choses n’ont pas beaucoup changé depuis ce pauvre comte Othon IV. M. Vaissier, que la recherche de nos curiosités archéolo- giques ne laisse jamais indifférent, nous a donné la descrip- tion de divers bronzes anciens et modernes qui, grâce à ses soins, ont pris place dans notre musée. M. Pingaud, membre correspondant de l’Institut, a pré- senté à la Société, au nom de Mn Castan, onze volumes de cahiers renfermant l'analyse des délibérations de la com- mune de Besancon, de l’an 1281 à 1740. Ce précieux manus- crit est allé augmenter les richesses de notre bibliothèque municipale. Cette œuvre immense, représentant vingt années de recherches et de labeur, a été résumée dans un inventaire qu’une main pieuse a fait paraître sous le titre de notes sur l'Histoire municipale de Besançon. Castan continuait cet énorme travail pour les époques suivantes, comptant cou- ronner sa vie de savant et de patriote franc-comtois par une histoire de Besançon, complète et documentée; mais, fou- droyé sur la brèche, frappé en pleine vie, il n’a pu réaliser ce rêve toujours caressé. | Puisse ce rêve devenir une réalité! Espérons que, parmi nos confrères, il s’en trouvera un pour utiliser ces trésors de nos annales et donner une sorte de satisfaction posthume à ce savant qui sacrifia à sa ville et la fortune et les hautes ambitions. R - Nous revendiquons aussi l'initiative des cours créés par 0 MM. Poëte et Prinet, et celui d'histoire de la Franche-Comté. brillamment inauguré à la Faculté des lettres, par M.Jules Gau- thier, qui répand libéralement, pour le plus grand bien des Francs-Comtois curieux de leurs origines, les trésors de son érudition. Si notre Société a toujours reçu les encouragements du département et de la commune, elle sait reconnaître ces libé- ralités. Elle vient encore de témoigner la part qu’elle prend à l’extension, aux progrès de notre enseignement universi- taire, en créant dans les bibliothèques de la Ville, de l'Univer- sité et de l’Institut botanique des dépôts d'importants ou- vrages d'histoire naturelle et de publications diverses dont la valeur n’est pas inférieure à six mille francs. En terminant cette revue de l’année, je dois une mention toute spéciale à nos amis du pays de Montbéliard, qui célé- braient dernièrement le cinquantenaire de la fondation de leur Société d’Emulation. Je me suis rendu à leur invitation pour représenter notre Compagnie à cette fête, où se trouvaient réunies les notabi- lités de la contrée et où le Ministre de l'instruction publique s’était fait représenter par M. Philippe Berger, de l’Académie des inscriptions, professeur au Collège de France, qui, enfant du pays, et l’un des plus distingués, a su trouver des termes émus, des expressions partant du cœur, pour parler à ses concitoyens de l’amour du pays natal et des devoirs de tous envers lui. On le sentait en communion d’âme avec cette po- pulation qui lécoutait, recueillie, avec cette ville qui a su conserver une physionomie si originale et résister à la cen- tralisation niveleuse et banale et sait allier le loyalisme à l'esprit d'indépendance. Cétait un spectacle sain et réconfortant, dans ce pays où, naguère, des fauteurs de désordre soufflaient la haine des classes et voulaient entraîner à la révolte et même au crime toute une population ouvrière. Je n'ai eu qu'à me louer, au surplus, de l’accueil aimable AR que j’ai reçu de tous ceux qui parlaient au nom de la Société, présidée par M. le pasteur Viénot et le général Schnéegans, et, à l’occasion de ce cinquantenaire, j'ai cru devoir rappeler incontestable utilité de ces Sociétés d’Emulation, créées vers le milieu du siècle, à côté des académies de province qui avaient pris pour modèle celle de Richelieu; j'ai cru devoir faire ressortir leur action libérale et féconde pendant cette période demi-séculaire, l’œuvre de tous ces savants, de ces érudits qui ont fouillé et exhumé pieusement et doctement les trésors de notre sol si riche en souvenirs, ont vulgarisé les plus belles pages de notre histoire locale et ont fait de ces foyers d’études une sorte de sanctuaire de l’étroite patrie. C'est dans cette même ville de Montbéliard que se réunira, lan prochain, le congrès des sociétés savantes de la province dont la ville de Dole a eu les honneurs en 1899. ; Telle est l’œuvre de l’année, à vous de nous dire si elle n’a pas été vaine. En en terminant l’exposé, je dois un souve- nir à ceux des nôtres qui ne sont plus; à ceux qui ont ap- porté leur pierre à l’édifice, ont brillé dans les arts ou, dans une sphère plus modeste, ont été utiles à leur pays. A M. Milliard, poète délicat; à Jules Valfrey, notre collabora- teur, qui occupait une place distinguée dans le journalisme parisien, où il apportait aux questions de politique étrangère ses connaissances acquises dans les milieux diplomatiques; à Machard, ce peintre de haut talent, dont on se souvient en- core à l’Ecole française de Rome, et qui a fait tant et de si remarquables portraits ; enfin, à un homme que ses senti- ments de vrai Français avaient fait expulser d'Alsace, à M. Trincano, qui, placé à la tête de notre belle industrie de la soie de Chardonnet, mit à son service activité, intelligence et dévouement. Nous leur devions ce pieux hommage. Avant de quitter cette place, me sera-t-il permis de dire un dernier mot à titre personnel, d'émettre un vœu pour l'avenir de notre Société. Ne vous semble-t-il pas qu’en ce temps où la lutte pour la — 8 — vie est de plus en plus âpre: où l’on parle toujours de ses droits et rarement de ses devoirs à ce peuple foncièrement bon qui est la proie des rhéteurs et des politiciens, ne vous semble-t-1l pas, dis-je, que cette situation sociale et écono- mique impose d’autres devoirs à tout groupement, à toute compagnie de gens de bien, et qu'il y aurait lieu d’élargir le champ d'action de la Société d’'Emulation en y créant une section d’études sociales et économiques”? Faisons appel aux jeunes, aux hommes de toutes les api- nions, pourvu qu'ils soient de bonne foi ; qu’ils viennent, par la parole et par leurs écrits, lutter contre ceux qui n’ont que le souci de flatter ce peuple en faisant appel à ses passions et à ses appétts; qu'ils viennent combattre pour lui le bon combat, en tâchant d'améliorer sa situation et de le mettre en garde contre ce qui peut le dégrader physiquement et mo- ralement. Sans sortir de notre ville, il y a fort à faire, dans certains milieux, pour la moralisation de l'individu, pour la restaura- tion des vertus familiales. Il faut que ceux qui sont éclairés, que ceux qui possèdent fassent tout leur devoir, vis-à-vis des déshérités qui alors pourront fermer l'oreille aux idées malsaines et se trouve- ront armés pour résister aux entrainements de ceux qui se font un marche-pied de leurs misères et exploitent odieuse- ment leurs souffrances. Prenons comme exemple un seul côté du mal à combattre, du mal à réparer, parlons du plus grand danger qui nous menace, de l'alcoolisme avec son cortège de vices, de tuber- culose, d’aliénation mentale, de suicides, de crimes, de dé- générescence de race. Tout en rendant pleinement justice à ceux qui, avec dévouement et non sans talent, ont commencé une campagne contre ce péril national, croyez-vous que pour parer à ce péril il suffise de créer un enseignement antial- coolique ? Non ; une circulaire ministérielle ne suffit pas; il faut des réformes moins platoniques et plus radicales. 0 Que penser, en effet, d’un Etat qui répand le poison, en favorise la vente, laisse pulluler ces débits, ces assommoirs, appelons-les par leur nom; d’un Etat qui expose ainsi aux tentations de l’alcool des ouvriers, souvent mal nourris, et vient leur dire ensuite : « Mes amis, vous avez tort de boire, cela pourrait vous faire mal ». Non, il y a mieux à faire, il faut que cette Chambre à la- quelle un Ministre disait, ces jours derniers, à propos de la loi sur les dégrèvements : « Vous sacrifiez nos finances sur l’autel des marchands de boissons! » il faut que les pouvoirs publics cèdent à une poussée de lopinion; il faut obtenir d'eux la réglementation rigoureuse de la fabrication et de Ia vente de l’alcool et des boissons alcooliques, — car les avan- tages de l’amendement Vaillant, voté lundi dernier, seront annihilés par les fraudeurs, — puis une meilleure loi sur les habitations insalubres ; il faut demander à l'initiative privée une large diffusion de l’œuvre de protection des enfants mo- ralement abandonnés et la construction d'habitations ou- vrières saines et à bon marché. | En effet, lorsque l’ouvrier ne sera plus attiré par ces dé- bits qu’il trouve à chaque pas, dans la rue; lorsqu'il sera in- terdit de le loger dans des habitations sans lumière et sans air, aux murs noirs et sordides, aux escaliers branlants, il pourra prendre goût à la vie de famille dans un intérieur que la ménagère saura rendre propre et attrayant, et boire, en compagnie de sa femme et de ses enfants, quelques bouteilles de notre vin de France, au lieu d'aller s’abrutir dans un bouge avec de l'alcool allemand. _ Car, vous avez vu, comme moi, dans notre ville ou ailleurs, ce lamentable tableau : une pauvre femme, suivie de ses pe- tits enfants, transie de froid, cherchant le soir, de débit en débit, son mari qui, quelquefois, gaspille en une nuit l’argent _pémiblement gagné qui aurait fait vivre sa famille pendant plusieurs jours; elle est là, anxieuse, la face collée à la vitre du cabaret, guettant, à travers les rideaux louches, cet homme AD — qui, en ruinant sa santé, prive de pain ce qu’il devrait avoir de plus cher au monde. Et cette femme de l’ouvrier, cette sainte gardienne du foyer, qui soutient, console et encourage, qui soigne les pe- tits, qui, par des merveilles d'économie et d'ordre, répare pour eux les désordres du mari, il faut la préserver, elle aussi, contre cette provocation autorisée par une licence imbécile, criminelle même, que l'Etat a déchaïinée sur nous, sous couleur de liberté! « Suivez cette femme du peuple lorsqu'elle va dans une boutique pour acheter ce qui est nécessaire à la confection des repas ; elle entre là avec des intentions saines, des soucis d'épargne, mais, au fond de cet antre, 1l y a le recoim où l’on boit, presque clandestinement, l'alcool malsain; cette mal- heureuse résiste d’abord ; puis, entraînée par l’exemple, at- tirée, elle finit par goûter, elle aussi, au poison; c’est le pre- mier pas dans l’abime, et cette femme jusque-là honnête et mère dévouée, néglige son mari, ses enfants quand elle ne les maltraite pas et fait un enfer du foyer où, jusque-là, tout était paix et bonheur relatif. Puis la misère est à la maison, les enfants héritent de la tare des parents, ils sont morale- ment abandonnés, et il v a là des recrues toutes prêtes pour l’armée du vice. Eh bien, croyez-vous que nous assisterions aussi fré- quemment a ces attristants spectacles, si les bouges atti- rants étaient rares, si le nombre en était limité, si des logis propres et salubres donnant par le fait même à leurs habitants du goût pour la propreté, qui est le premier respect de soi- même, et l'habitude de la vie d'intérieur venaient remplacer les taudis où le père ne rentre que pour manger et dormir, où la mère et les enfants s’anémient et arrivent souvent à cet état de misère physiologique, terrain tout préparé pour l’é- closion de la tuberculose. » Veuillez m'excuser si je vous dis longuement ces choses; mais, c’est triste à noter, je ne connais pas d'exemple d’un AT = corps électoral qui ait eu l’idée de demander ces réformes à un candidat; on n’a pas l’air de se douter du danger; on se laisse aller à la dérive, et il est bon de ne pas dissimuler les plaies si l’on veut guérir; il est nécessaire de dire franche- ment toute la vérité plutôt que d’ètre compté parmi les en- dormeurs et les flagorneurs du peuple. Il y a donc là une noble mission à remplir pour la Société d'Emulation et son intervention serait d’une haute utilité dans la direction à donner aux réformes économiques et so- ciales. Puisque, depuis soixante ans, elle a toujours été au premier rang dans la marche vers le beau et le bien, ne peut-elle pas, tout en continuant son œuvre qui s'adresse souvent au passé, prendre part aux batailles de l’avenir ? Et si je ne me refusais à sortir, par une courte digression, du cadre que je me suis imposé, je lui dirais de faire comprendre à cette bourgeoisie, insouciante des leçons du passé, endormie dans son égoïsme, qu’elle doit prendre la tête des réformes, qu’elle doit déve- lopper, encourager les œuvres de mutualité et de pensions de retraite pour la vieillesse; qu'elle doit provoquer, je le répète, la fondation de l’œuvre de protection des enfants mo- ralement abandonnés, car s’il est louable de s'intéresser aux détenus libérés, il est beaucoup plus urgent de préserver du vice tous ces enfants qui, souvent, hélas! livrés au danger de la rue, sont des victimes désignées pour les maisons de détention. Je lui dirais de faire comprendre à cette bourgeoisie que, dussent ses coffres-forts en saigner un peu, si, par des sa- crifices raisonnés, elle ne donne pas, de plein gré, à ce monde de déshérités, la part à laquelle il a droit, qu’enfin, si elle n'arrive pas à canaliser les revendications socialistes, elle sera, encore une fois, emportée dans la tourmente. Je termine, Mesdames, Messieurs, en soumetlant ces vœux à vos méditations, et, revenant à ce danger précis que je vous ai signalé tout à l'heure, je vous demande s’il n’est pas 419 grand temps de pousser partout le cri d'alarme et de com- battre efficacement contre cette principale cause de l’al- coolisme que personne n’ose attaquer de front, et de lutter, par le fait même, contre la tuberculose, qui détruit chaque année, en France, 150,000 individus, c’est-à-dire autant de vies humaines que plusieurs grandes batailles Vous nous direz si, après trente années de régime parle- mentaire, 1l n’est pas temps de rappeler à leurs devoirs les élus de la nation; s’il n’est pas temps de prier ces manda- taires de faire trève à leurs soucis d’ambition, de réélection, de s'occuper un peu de la santé de la patrie, et d’amender des lois qui, si l’on n’y prend garde, tariront à bref délai les sources de notre vitalité, de notre moralité nationale et amè- neront la déchéance de cette race noble et généreuse qui a toujours défendu les faibles contre les lâches attaques des forts. Oui, il est grand temps de prêcher cette croisade à la fin du siècle qui s'éteint, à l'aurore de celui qui va naître, et, avec une variante à l’apostrophe célèbre, de s’écrier : « lal- coolisme, voilà l’ennemi ! » LA LEGENDE DU CHATAIGNIER Par le Dr GIRARDOT Séance du 13 janvier 1900 Les vieux bisontins racontent volontiers que jadis la mon- tagne de Rognon était couverte de châtaigniers, et ils affir- ment, à l'appui de cette assertion, que les charpentes des plus anciennes maisons de notre ville ont été fabriquées avec ce bois. Fait singulier, sur plusieurs points de la Franche-Comté et dans différentes parties de la France, à Paris, en Bourgogne, en Champagne et ailleurs encore, on prétend aussi que les vieilles charpentes sont en châtaignier. Daubenton, il ya bien longtemps déjà, a fait justice de cette légende pour Paris, en montrant que celles de la Sainte-Chapelle et de Notre-Dame sont bien réellement en chêne; M. des Etangs a restitué aussi au chène celles des monuments de Reims, de Chartres, de Sens et de Troyes, et M. Mathieu, professeur à l'Ecole fores- tière de Nancy, considère toutes les charpentes en châtai- gnier comme aussi chimériques, que les forêts d’où elles au- raient été tirées, et qu’un hiver extrêmement rigoureux au- rait anéanties. Dès lors, il semble bien douteux que les vieilles charpentes de Besançon et d’Ornans soient réellement en châtaignier; quant à celles de Pesmes, elles sont certaine- ment en chêne, à en juger par un échantillon qui a été étudié au laboratoire de botanique de notre université, par M. Ma- A gnin et par M. Parmentier. C’est un fragment détaché d’une grosse poutre, à section carrée, d'environ 0", 60 de côté, pro- venant d’une ancienne maison, appelée le château Rouillot, qui à certainement au moins deux ou trois siècles d’exis- tence, et même plus, très probablement. Cet échantillon, en raison de sa légèreté et de sa couleur, peut être pris au pre- mier aspect pour du châtaignier, et si toutes les charpentes rapportées induement à ce bois, présentaient les mêmes apparences, l’erreur dont elles ont été l’objet s’expliquerait facilement. Si, au premier coup d'œil, la confusion entre le bois du chêne et celui du châtaignier est possible, elle ne l’est plus après un examen quelque peu attentif, et surtout après une étude microscopique, ainsi que l’a établi M. le professeur Magnin, dans un rapport dont je vais citer textuel- lement les conclusions. « Get échantillon n'appartient pas au châtaignier ; 1l se rap- porte au chêne, et certainement au chêne pédonculé (Quer- cus robur pedunculalus). « Les caractères extérieurs qui peuvent faire songer au bois de châtaignier, aspect, faible densité, etc., ainsi que quelques dispositions anatomiques, constatées dans un examen rapide, sont dus à la dessiccation intense et aux altérations que le bois a subies depuis sa mise en œuvre, en un mot à son état de vétusté. « Mais il a des caractères anatomiques absolument distinc- üfs: ce sont notamment : » a) La présence sur des sections histologiques suffisam- ment étendues, de LARGES RAYONS MÉDULLAIRES qui man- quent dans le bois de châtaignier, et qui se ret:ouvent très nettement dans l’échantillon qui nous a été soumis ; b) La disposition des vaisseaux du bois d’automne, grou- pés en faisceaux, s’épanouissant plus ou moins en éventail, dans cette partie de la couche annuelle. » 51 la question est ainsi tranchée pour les charpentes de Pesmes, par l’étude de MM. Magnin et Parmentier, elle pa- 15 — rait l’être tout aussi bien pour celles d’Ornans, comme M. le Docteur Meynier l’exposera tout à l'heure. Quant à celles de Besançon, il est probable qu’elles sont tout aussi fantastiques que les précédentes, mais faute de documents, il est impos- sible de laffirmer. Rognon a-t-il été Jamais recouvert d’une forêt de châtai- gniers ? Cela n’est pas absolument impossible. Ces arbres sont à la fois silicicoles et calcifuges, ils ne sauraient se déve- lopper sur nos formations calcaires, mais ils prospèrent sur le Lias et sur l’argile rouge quaternaire, dans les environs immédiats de notre ville. [ls ont donc pu croître dans la combe liasique, entre les deux pitons oolithiques de Rognon, comme ils ont pu croitre aussi, dans le vallon des Chaprais. Il n'y a donc pas incompatibilité absolue entre le châtaignier et notre sol et ce n’est pas de ce côté qu'il faut chercher la solution du problème. Le seul moyen de le résoudre serait de faire l'examen microscopique de quelques échantillons, détachés des pièces que l’on attribue à ce bois. C’est pourquoi en terminant, je demanderai à tous ceux de nos confrères qui seraient dans la possibilité de s’en procurer quelques fragments, de vouloir bien les adresser à M. Magnin. Il étudierait minutieusement ces échantillons, et jugerait dé- finitivement une question qui n’est pas dénuée d'intérêt (1). (1) Depuis le mois de janvier 1900, époque de cette communication, M. Magnin a eu l’occasion d'étudier trois échantillons de bois prélevés sur des charpentes que l’on croyait en chataignier : l’un provenait du palais Granvelle, à Besançon; un autre, adressé par M. d’Aligny, du château de Brans, et le troisième, remis par M. de Chevroz, du château de Chevroz. Après examen, ces trois échantillons ont dû être rapportés au chêne. UN MYSTÈRE FRANCAIS AU XIV SIÈCLE PO CR DU JUGEMENT DE LA BIBLIOTHÈQUE DE LA VILLE DE BESANÇON Par M. Emile ROY ——__——_— Séance du 8 juillet 1899 AO V La première idée qui se présente à l’esprit, c’est naturelle- ment de chercher dans cette période une année où les idées essentielles de ce mystère, l'annonce de lAntechrist et du Jugement dernier, se sont particulièrement imposées à l’at- tention publique. Mais quelle année”? Depuis le grand schisme, pour ne pas remonter plus haut (1), et même longtemps plus tard, ces idées ont véritablement obsédé toutes les imagina- tions. Aux révélations des Sibylles et de sainte Hildegarde et de sainte Brigitte, aux anciennes prophéties de Merlin, du pseu- do-Methodius, de Joachim de Flore et de son copiste Théo- Iosphore de Cosenza, et de bien d’autres, toujours populaires, maintes fois citées même par des romanciers comme Thomas de Saluces (2) et des poètes comme Eustache Deschamps (5), est venue s'ajouter une foule de visions et de pronostics as- trologiques (#, vainement combattus par Henri de Langens- (1) Pour la période antérieare, voir MALVENDA et le D' Ernst WADSTEIx, Die eschatologische Ideengruppe (Antichrist, Weltsabbat, Weltende, Weltgericht/, Leipsig, 4896, in-8°. (2) Dans son roman du Chevalier errant, composé en 1395 (Bibl. Nat., ms. Fr. 12, 559, p. 198 à 151), l'Antechrist envoie une ambassade à Dame Fortune pour lui reprocher là manière dont elle traite ses ministres, et Fortune raconte l’histoire du monde, divisée en cinq âges jusqu'au Juge- ment : Lors la mer toute ardera Et pluye de sang tombera... BE DESCHAMPS, t. E p. 142517 106 ;° INT, 103, 191, 185; V, 15, 169, 191, 329; VIII, 199 etc. (4) Beaucoupde ces prédictions sont indiquées dans l'Histoire des Papes depuis la fin du Moyen äge, par le D' Louis PASTOR, traduite de l’alle- mand par Fureyÿ-Raynaud, Paris, E. Plon, 1888 (t. I, p. 163, 167). On pourrait en ajouter de manuscrites et d’imprimées, comme la poésie sur une comète de 1403 (n. s.) (B. N., ms. Fr. 1,555), signalée par M. G. Paris (La Vie de Saint Alexis, 1859, p. 331), et (B. N°, ms. Fr. 109%, p. 206, 208) une prédiction de la fin du monde se terminant ainsi: € Sy suppli à touz ceulz qui liront ceste escriplure qu'ils ne la veullent blasmer ne tenir tein, par Gerson et par Pierre d’Aïlly dans leurs traités spé- ciaux sur «la distinction des vraies et des fausses visions », et sur «les faux prophètes ». Les plus hauts dignitaires de l'Eglise, les conseillers des papes comme Jacques de Anca- rano, prophétisaient eux-mêmes, et ne laissaient pas d’être gènés quelquefois par la précision et les applications impré- vues de leur prophéties (1). « Imaginations, dit Gerson, vaines rêveries d’un monde si vieux qu'il radote @)! » Mais ces rêveries finissent par affoler les esprits les plus cultivés, témoin ce docteur qui, en 1398, tente de mettre fin à ses jours, parce que, nous dit Gerson lui-même, il s’est persuadé, sigrande est sa science, qu'il est l’Antechrist et qu'il veut prévenir par sa mort les malheurs de l'Eglise 3). Les mêmes idées allaient d’ailleurs trouver un puissant interprète durant les dix-neuf premières années du xv* siècle, et déjà saint Vincent Ferrer, surnommé « l’Ange du Jugement », parcourait la France en annonçant partout que l’Antechrist était né depuis 1403. Besançon l’a entendue, cette voix terrible. Le 4 juillet de l’an 1417, le célèbre dominicain entra dans la ville par la porte des Minimes, escorté, poussé en derision, jusques à ce que les ans qu'il (l’auteur) y met soient passez, c'est assavoir 1406 », etc. : (1) Dans le neuvième des articles proposés contre Jean Hüss au concile de Constance, on lui fait un crime d’avoir attribué la prophétie de J. de Ancarano (ou Teramo), qui siégeait dans ce concile, au pape Alexandre V. Voici la prophétie de J. de Ancarano, tirée de Processus Belial, qu'il a composée en 1392 (cap. L1v, p. 239, 240 de l'édition in-8) : « Anno Domini 1409, ipsa potestas Infernalis ponet in Christi ecclesiam potestatem Anti- christi qui persequetur Ecclesiam Christi et ejus verum Vicarium per temporales reges infra novem annos, quibus completis, regnaturus est in Ecclesia Christi, quam possidere debet contra Christi verum vicarium an- nis tribus et dimidio. » Cf. Prosper MARCHAND, Dictionnaire historique, 11195: (2) GERSON, éd. Ellies Dupin, [, 44: « Et etiam in hoc senio saeculi mun- dus, tinquam senex delirus, phantasias plures et illusiones somniis similes pati habet, et multi dicent : (€ Ego sum Christus », et recedentes a veritate, conversi ad fabulas, seducent multos. » (3) Ibidem, I, #4. — 91e par une foule immense (1). On avait dressé un autel sur la place Saint-Pierre et, près de l’autel, une chaire mobile, comme celles que nous avons vu figurer dans la décoration de notre mystère. Sant Vincent y prêcha le soir même de son arrivée, et il continua, les jours suivants, durant trois semaines, au milieu de ses Flagellants et de ses disciples, transportés d'enthousiasme et d’épouvante. Les mêmes scènes se répétèrent dans presque toute la France, où l’Antechrist défravait naturellement tous les li- vres et toutes les conversations. Pierre Fruitier, dit Salmon, ne manquait pas d’instruire le roi Charles VI à ce sujet, et dans le livre qu'il offrit au roi en 1409, il a inséré tout un chapitre sur l’Antechrist tiré du Lucidaire d’'Honorius d’Autun (2). C’est encore en prévision de l’Antechrist et du jugement dernier que l’archevêque Guy de Roye convoque Gerson au concile de Reims (1408), et ce nom maudit revint plus d’une fois dans les délibérations du concile de Cons- tance (3). Gerson et surtout Pierre d’Aïlly, qui combattaient pourtant la doctrine de saint Vincent Ferrer comme trop nrécise, prêchèrent plus d’une fois comme lui (4. Vers le (1) Sur le séjour de saint Vincent Ferrer à Besançon etsur les souvenirs qu il y a laissés, voirle P. FAGES, Hist.de S. Vincent Ferrier (Paris, Maison de la Bonne Presse, rue François I, 1894), t. IT. p.188, et p. Lx, Appendice G. (2) Bib. Nat., ms. Fr. 23 279, fol. 42 : « Et de Antechrist, je te prye que nous en parlons un pou, la maniere comme il vendra et ou il naistra et comme il regnera et declinera, etc. » Tout ce chapitre, ainsi que la descrip- tion des neuf peines d’enfer, en l'honneur des neuf ordres d'anges, qui a paru si bizarre à Lévesque (Not. et Extr. des Man., V, 42) esttiré du Lu- cidaire (lib. IIL, cap. x et cap. 1v, col. 1163 et 1159:. (3) Canon des Réformes proposées au concile de Constance (Von der Hardt, part. VIII, p. 402): « Recessit lex a sacerdotibus, justitia a prinei- pibus, concilium a senioribus, fides a populo... Et nunc quid, fratres, nisi venire Antichristum… » (4) GERSON, II, 664. Lettre à saint Vincent Ferrer : a Proinde si praedi- candum fuerit de finali judicis vel Antichristo fiat hoc in general...» — Sur les variations de Gerson, et surtout de Pierre d’Aïlly, au sujet de lAn- techrist, voir la thèse déjà citée de M. l'abbé SALEMBIER, Petrus de Al- liaco, p. 188, 189, etc. — D — même temps un traité attribué à Nicolas de Clemenges (1) dénonçait l’Antechrist imminent dans un prince mahométan, orné sans doute d’un turban, ainsi qu'ilest représenté dans plusieurs Apocalypses figurées. Cette opinion, d’ailleurs très ancienne, fut encore plus d’une fois prêchée avant la fin du xv* siècle (2), et l’une des premières impressions des Révé- lations de Methodius servit même de prétexte à un projet de croisade contre les Turcs (3). Au reste, la terreur de l’Ante- christ, turc ou autre, gagna plusieurs fois encore des popula- tions entières. Saint Vincent Ferrer, à peine mort à Vannes (5 avril 1419), était déjà remplacé par un autre dominicain, Mainfroi ou Manfred de Verceil, contre lequel luttèrent éner- giquement saint Bernardin de Sienne et saint Jean Capis- tran (4). Au mois d’avril 1429, un Cordelier, le fameux frère Richard venait encore annoncer aux Parisiens qu’il avait vu, en Palestine, les Juifs courir en foule vers Babylone, pour y adorer le nouveau Messie ou l’Antechrist. dont la naissance ne faisait plus aucun doute (5). Ceci n’empêchait pas, une (1) N. DE CLEMENGuS, Opera, etc., p. 357-359, De Antichristo, etc. : « Credo inconcussa certitudine tempora magni judicii in januis esse... Tan- dem (Antichristus) ad imperium perveniet, infideliumque Mahumeticorum mimsterio christianam religionem incredibiliter concutiet. » Sur l’Ante- christ mahométan, voir les notes d'Ed. pu MÉËriL (Poësies latines du moyen âge, 1847, p. 374, et la curieuse scène du Jugement Dernier de Lucerne, 1549, analysé dans la Bibliographie. — MM. L. Delisle et P. Meyer préparent une importante publication sur une série de manuscrits conle- nant des figures de l'Apocalypse. (2) Notamment par le fameux Annius de Viterbe, oublié ainsi que pres- que tous les faits précédents, dans le gros livre de Malvenda, mais cité dans l'Histoire littéraire de la France, XXV (Art. Jean de Paris), p. 258. (3) Voir l'édition de Methodius publiée par Sébastien Brant en 1497, avec un long commentaire de Wolffgang Aytinger, docteur en droit civil et ca- nonique d’Augsbourg, et longuement analysée dans le Bull. du Biblio- phile, 1819, p. 182 et sq. (4) WaAbpiNG, Annales Minorum, V, 130; — Annales Placentini, dans Muratori, XX, 878, 905 ; — B. Joannis a Capistrano, Traclatus de judicio universali, 1573, in-12 (B. N., D. 3784), et Le Prediche volgari di san Bernardino, éd. Luciano Blanchi, I, 68 ; II, 379, etc. (5) Journal d’un Bourgeois de Paris, éd. Tuetey, p. 235. — Cette tradi- quinzaine d'années plus tard, en 1446, la Sorbonne d’argu- menter gravement un jeune Espagnol, doué d’une habileté prodigieuse dans tousles arts (1), Maitre Fernand de Cordoue, qui devait être évidemment l’Antechrist puisqu'il réduisait « quia les docteurs de Sorbonne, et qu’il résolvait en se jouant toutes leurs propositions sur l’Ecriture, « intelligens propo- sitiones », suivant le texte du prophète Daniel déjà cité par Guillaume de Saint-Amour (2), La Sorbonne n’eut pas la con- solation de faire brûler « l’impudent ». L’Antechrist donna une nouvelle preuve de sa perspicacité en se réfugiant à Rome, à la cour du Pape, où il atteignit une heureuse vieillesse. Il y eut tout le loisir de converser avec un des plus grands hommes du xv° siècle, le pieux, le docte cardinal Nicolas de Cuse, lequel, en même temps qu’il cherchait à remettre en faveur l’ancienne hypothèse du mouvement de la terre, cal- culait lui aussi la venue de l’Antechrist et de la fin du monde, mais la reportait au xvurr° siècle. Cette ridicule his- tion reparait au xvii° siècle dans l’Attestation des chevaliers de Malle sur la naissance de l’Antechrist, 1624, déjà citée. (1) Journal d’un Bourgeois de Paris, p. 381-382: « Vraiement se ung homme povoit vivre .C. ans sans boire, sans menger et sans dormir, il ne auroit pas les sciences qu'il scet tout par cueur aprinses, et pour certain il nous fist tres grant freour.. » Comparer le Lucidaire d'Honorius d’Au- tun, III, cap. x, col. 1163: « Tertio modo (Antichristus) sapientia et incre- dibili eloquentia clerum obtinebit, quia omnes artes et omnem Seripturam memoriter sciet », texte reproduit presque littéralement dans les livrets gothiques, le Speculum christianorum et le Compendium de vita An- tichristi. (2) G. DE SAINT-AMOUR, De Antichristo, ILE part., cap. LIL, col. 1373 : « Unde sicut idem Daniel dicit (VIIT, 23) Cum creverint iniquilales, con- surget rex impudens facie, id est, mente exterius pudicitiam simulabit, cum summus hypocritarum futurus sit, et intelligens propositiones, doc- tus in omni mundana sapientia, ut divinam sibi arroget, quia, ut glossa praemissa dicit, utriusque Testamenti primitus ducem se finget, in quibus omnis hypocrisis consummatur, ut ad manum Scripturas habeat, ete. » —- Ces textes expliquent seuls la curieuse déposition du Bourgeois de Paris, et ils sont à ajouter à tous les témoignages historiques sur Maitre Fer- nand de Cordoue, réunis par J. Havet (Bul. de la Soc. de l’Hist. de Paris et de l’Ile de France, 1882, p. 192 et sq.). Con 0 toire de maître Fernand de Cordoue, rendit d’ailleurs, pour un temps, les théologiens plus sceptiques, et lorsqu'un Char- treux s’avisa d'annoncer encore une fois l'avènement de l’An- techrist pour 1505, l’évêque Thomas Basin, averti, conseilla doucement de retenir sous clef le prophète et son livre (1). Il y a bien longtemps évidemment que nous avons dépas- sé la date possible du manuscrit de Besançon, et cependant les livrets à images, les traités scientifiques et théologiques, les poèmes sur « le decès ou la fin du mende » ou sur « le grand tombeau du monde », les mystères ou les drames, et aussi, malgré la défense du concile de Latran (1516) (2), les prophéties trop précises sur l’Antechrist et le jugement, con- tinueront à se multiplier? Qu'est-ce à dire, sinon que ces idées ne sont pas seulement un objet de spéculation ou de curio- sité, un thème ordinaire de sermons, et par suite de mystères, mais qu'à chaque instant les météores imprévus, les épidé- _mies, les guerres politiques et religieuses, leur rendent l’ac- tualité et qu’elles conservent tout leur prestige, en dépit des proverbes, des plaisanteries ou même des farces populaires qu’elles inspirent quelquefois 6)? La Réforme, notamment, va (1) Thomas Basin, éd. Quicherat, IV, 103, 104, etc. (2) Ce concile (Ses. II, Supernæ majestati præsidio) interdit aux pré- dicateurs de déterminer le temps précis de la venue de l’Antechrist et de la fin du monde, et leur rappela le verset des Actes 11, 7: « Non est ves- trum nosse tempora vel momenta quæ Pater posuit in sua potestate. » (3) & Il accomplira sa promesse plus tard que l’an du Jugement » (Joach. du Bellay, cité par Henri Estienne). Voir la longue pièce d'Adrien CHARPENTIER, Les Merueilles du Monde selon le temps qui court, avec son refrain ironique : L’Antechrist vient, la fin du monde approche, et l’Epiître du Coq à l’Asne, de JAMET, citée, dans l'édition de Clément Marot. par Guiffrey, t. Il, p. 739. — Dans la Farce de l’Antechrist et des trois Femmes, analysé dans le Dict. des Mystères et le Répertoire du Théätre comique, de M. Petit de Julleville, le nom d’Antechrist donné au sergent semble simplement synonyme de diable, démon, comme dans Vil- lon (Ballade de Villon et de la g. Margot) : Par les costés se prent; cest Antecrist Crieketjurescr.e Voir encore plus loin à la Bibliographie, PTS na ramener les érudits des deux camps à l’étude de lApocalypse, et le livre prophétique redeviendra pour les protestants ce qu'il était pour les chrétiens du grand schisme, un sujet de consolations, d’invectives et d’espérances. Si l’on dépouillait tous ces livres (1), on y trouverait, nous en avons relevé plu- sieurs, des ressemblances ou des différences curieuses avec la doctrine de notre mystère, mais on n’en serait pas plus avancé, semble-t-il, pour sa date. L’Antechrist est partout, donc il n’est nulle part. Tout au plus pourrait-on conclure qu'il a particulièrement inquiété les fidèles à la fin du x1ve et au commencement du xv° siècle. Et cela, on le savait d'avance. Cette récapitulation de prophéties, la révision détaillée qui a été faite précédemment des commentaires de l’Apoca- lypse, et la révision rapide qui suivra des drames analogues sur le jugement dernier ne sont pourtant pas imutiles, elles sont au contraire indispensables, car seules elles permettent de dégager par comparaison dans le Jour du Jugement un certain nombre de traits qui ne se retrouvent pas ailleurs et qui sont par conséquent caractéristiques. Et d’abord, malgré l’extrême complication des détails, il est plus facile d'indiquer le temps, la journée et la partie de la journée où ce mystère a été représenté que l’année. Sans doute les pièces de théâtre renferment quelquefois des al- lusions inexactes ou plutôt contradictoires aux offices (2), la représentation d’un mystère ne coïncide pas nécessairement avec la fête du jour, et les fêtes religieuses ou autres qui rap- (1) La seule nomenclature de ces livres remplirait, sans profit, des pages _ entières. J’ai cité dans les notes ceux qui m'ont été utiles, notamment le poëme du chanoine Serclier, intitulé : Le grand tombeau du Monde, Lyon, 1606, in-8° (Bibl. de la Sorbonne). (2) Voir dans les Mystères, I, 292, l'analyse du Miracle de la femme que N.-D. garda d’être brülée. La pièce est censée s'ouvrir au moment de la moisson, et elle finit par une allusion à la fête de la Présentation, 2 février, — 26 — pellent le jugement dernier sont très nombreuses. Sans compter les Entrées des princes à des dates quelconques et des processions de la Fète-Dieu où ce Jugement a souvent figuré comme mystère mimé {l), sans parler des dates que nous ignorons où il fut réellement représenté dans le Rouergue, à Orléans et à Modane, le Jugement dernier peut encore se placer à Noël comme le Mystère de l’'Epoux, le premier dimanche de l'Avent, marqué par un mystère ita- lien traditionnel sur l’Antechrist (2) et par les prédications ordinaires des sermonnaires sur l'Evangile du jour : Erunt signa in sole et luna et stellis (Luc., xx1), pendant la grande semaine de Pâques et les jours avoisinants, puis le XXII etle XXIV dimanche après la Pentecôte pour diverses raisons liturgiques et symboliques longuement déduites par Honorius d’Autun 6), et enfin le Jour des Morts (2 novembre) où il a été longtemps représenté, en Belgique, et dans la Flandre française (#. Mais de toutes ces périodes la plus intéressante pour notre objet est celle de Pâques, où a été représenté, nous le sa- vons, le Ludus de Antichristo allemand ; de tous ces jours, le plus significatif est le Vendredi Saint. On y représentait volontiers dans la journée la Passion qui avait figuré à l’of- fice du matin (9), et la substitution à cette Passion du sujet développé dans le Jour du Jugement, est, comme on le verra plus loin, des plus naturelles, Les citations de l'hymne (1) Les Mystères, IX, 187, 196, etc. — Ludus Coventriæ, edited by J. O. _Halliwell, London, 1841, p. vJ. (2) Voir la « lauda drenneie » citée par M. A. d’Ancona (Origini del Teatro italiano, 2. ediz., [, 141-153) : « In Dominica de Adventu incipiunt Duo Reges qui veniunt cum Antichristo. » (3) Gemma animæ (Patr. Migne, CLXXIL, lib IV, cap. xam, col. 726) : « Hoc officium ad tempora Antichristi refertur. » — Ibidem, cap. xGvu, col. 727 : « Per hoc officium Ecclesia tribulationem Christiani populi reco- lit quam sub Antichristo, sicut Machabei sub Antiocho, passurus erat. » (4) Voir plus loin, à la Bibliographie. (5) Les Mystères, IL, p. 45, 107, 142, 205, 207, etc. Std Le CO Pange lingua gloriosi et de la Préface Pascale dans le ser- . mon initial du Jour du Jugement, le verset Atlollite portus, de la liturgie du Samedi Saint à Ténèbres, traduit dans le vers 2382 : Prince d'enfer, ouvre tes portes, toutes ces allusions éparses nous ont déjà amené à la grande semaine de Pâques. Or, le Pape qui figure dans ce mys- tère déclare qu'il a lu Hui au matin la Passion (v. 1319). Cette citation de la Passion, laborieusement amenée par de méchantes rimes dans un texte bien rimé, nous parait voulue, décisive, et détermine à notre sens le jour et l'heure de la représentation. En effet, bien qu’on lise les quatre Passions dans les offices de la grande semaine (1), il ne peut s’agir que de la Passion (chap. XvIn), écrite par saint Jean, qui est l'Evangile de l’Office du Vendredi saint. Que si on voulait contester cette indication qui nous paraît aussi pré- cise que celle du fableau Du prestre qui dit la Passion (2) le « Vendredi aouré », et si l’on pensait à reculer la repré- _sentation du Jour du Jugement de quelques jours ou de quelques semaines, si l’on développait même des arguments précis en écartant par exemple l'explication que nous avons proposée ailleurs du rôle de Judas Macchabée, comme témoin de la Résurrection et du culte des morts dans l’ancien Tes- tament, et si l’on disait que la fête des Macchabées est célé- (D) DuranD, Rationale divinorum officiorum, etc., cap. LxxH1 : Ç Feria secunda Dominica in Ramis... Non est multum attendendum utrum im secunda vel in tertia Feria legatur Passio. Quia enim quatuor Evangelistæ Passionem Domini descripserunt, idcirco secundum quemlibet eorum Passio legitur ex institutione Alexandri Papæ, eo ordine quo scripserunt. Nam die dominica legitur Passio secundum Matheum qui primus scripsit. Secunda vel tertia feria secundum Marcum qui secundus scripsit. Quarta secundum Lucam qui tertius scripsit. Sexta feria secundum Joannem qui in ultimo. » @) Recueil général des Fabliaux, éd. À. de Montaiglon et G. Raynaud, V. p. 80. brée le 1°" août et rappelée le XXIV® et dernier dimanche après la Pentecôte, nous n’y contredirions pas. Mais ce n’est pas la peine de contester l’assertion formelle du texte au sujet de la Passion, parce que des raisons historiques, cette fois, et non plus seulement liturgiques vont nous obliger à rester à la date précitée du Vendredi saint. Et, en effet, le temps ou l’année de la représentation offre lui aussi des particularités très bien marquées. Si communes que soient les attaques contre les Juifs dans les mystères français et surtout allemands, tous ceux qui ont lu le manus- crit du Jour du Jugement ont déjà pu constater que les juifs y jouaient un rôle particulièrement odieux (1). D'où vient donc cet esprit de haine et n’a-t-il pas une explication dans l’histoire ? Les Juifs ont prospéré sous le règne de Charles V, qui les a protégés et qui leur a même fait rendre les livres de leur loi, confisqués par ses prédécesseurs @). Mais la réaction a commencé dès l’avènement de Charles VI, la colère publique grandit, l’expulsion va suivre. À peine sera-t-elle promulguée, les hommes d’Eglise la regretteront par esprit de justice et de charité, et les hommes d’affaires par intérêt, en constatant qu’il n’y a rien à gagner, au con- traire, avec les banquiers lombards restés sans concurrents. Sur ce point le prieur de Salon, Honoré Bonet ne parlera pas autrement en septembre 1398, après l'expulsion des Juifs par Charles VI que Geffroi de Paris n’a fait en 1306 6, après (1) En particulier M. Ulysse Robert, qui a insisté sur cette particularité, en imprimant deux courts fragments de ce mystère, comme on l’a vu pré- cédemment. : (2) S. Luce, La France pendant la guerre de Cent ans, Paris, Hachette, 1890, in-8°, p. 160, 165 et sq. (3, Geoffroi DE PARIS, Chronique métrique, éd. Buchon (v. 3502 et sq.) : Je dis, seignors, comment qu'il aille, Que l'intention en fut bonne, Mais pire en est mainte personne Qui devenue est usurier, Car Juifs furent débonnères Trop plus, en fesant tels affaires, 29 — l'expulsion ordonnée par Philippe le Bel, et Geffroi de Paris lui-même répète les plaintes analogues de saint Bernard (). Quoiqu'il en soit, la haine des Juifs que respire ce drame si court est significative. Et ce n’est pas assez de dire que cette haine est violente, elle est réfléchie, calculée puisqu'elle a fait oublier à l’auteur non seulement, on l’a déjà vu, le texte d'Adson et tous les commentaires de l’Apocalypse sur la conversion d'Israël dans les derniers jours du monde, mais les prières mêmes de loffice du jour, du Vendredi sant, pour la conversion de la Synagogue. Ce mystère a certainement été composé la veille ou le lendemain d’un arrêté royal d’ex- pulsion. De plus, il a été joué dans une période de calme relatif, de paix et de prospérité, sinon pour le pays, du moins pour la province où s’est faite la représentation ; la mise en scène, si simple qu’on la suppose, demande du temps et de l'argent. Le texte fait bien allusion aux grandes guerres qui doivent bouleverser l’univers avant la fin du monde, mais au futur : Mais ains que cils tresgrans jours veigne, Si com l’Escripture l’anseigne, Venront et en ciel et en terre Mains signes faiz en mouvent guerre (v. 150). Que ne furent ore chrestiens, Mes si li Juis demouré Fussent au reaume de France, Crestien moult grant aidance Eussent eu que ils n’ont pas, etc., etc. Cf. Honoré BoneT, l'Apparilion de Jean de Meun (1398), éd. baron J. Pichon, Paris, Silvestre, 1845, in-4°, p. 17 : Pires usures oncques ne vy Qu'ils font aujourd’hui, je vous dy. S'il plairoit au Roys et aux Dus D'en ce pays retourner nous, Et nous serions plus gracious De prendre plus petile usure, Car celle qui queurt est trop dure. (4) Saint BERNARD, Lettres, n° 79, dans le Rec. des Hist. de France, XV, 606. = 60 2 Ces guerres sont donc simplement annoncées, elles se pré- parent, elles n’ont pas encore éclaté. Il en est de même d’une autre circonstance aussi simple qu'importante à remarquer. Dans la pensée de l’auteur, l’An- techrist va apparaître réellement sur la terre et non pas seu- lement sur le théâtre. Soyons aussi large qu'on le voudra pour la chronologie : les rapports logiques de succession sub- sistent. À cet Antechrist dont le règne durera trois ans et demi, il faut letemps matériel pour établir sa puissance et soumettre à sa domination les dix rois, maîtres de l’univers. Ce n’est qu'après avoir soumis ces dix rois et après le sup- plice des prophètes Enoch et Elie que l’Antechrist songe à faire arrêter le pape qui se voit abandonné par presque tous «ses frères » ou cardinaux. Il s’agit donc bien d’une véri- table prédiction qui anticipe sur l’avenir, et non d’une pro- phétie faite après coup qui se bornerait à reproduire des faits déjà accomplis. Rappelons-nous, d’autre part, l'interprétation ancienne, déjà signalée, des versets de Daniel (vir, 7, 8, 23), de lApo- calypse (xvir, 12) et de l’Epître de saint Paul aux Thessaloni- ciens (IL, 2, 3), qui tous étaient censés présager, peu avant la venue de l’Antechrist, la division de l’Empire romain, cet em- pire pour la conservation duquel l'Eglise priait tous les ans le Vendredi saint, et le Samedi saint, en la bénédiction du cierge pascal. Il eût été bien naturel que, durant le grand schisme, les théologiens aient préféré pour ces versets une autre interprétation fort ancienne elle aussi (1), et qu’au lieu de voir dans l’upostusia où la discessio de saint Paul lPan- (1) S. Thomas D’AQUIN, éd. Fretté, XXI, p. 4%1 /Com. sur l’Epitre II aux Thessaloniciens) : « Quia jamdiu gentes recesserunt a Romano impe- rio et tamen necdum venit Antichristus, dicendum est quod uondum ces- savit, sed est commutatum de temporali in spirituale, ut dicit Leo papa in Sermone de apostolis. Et ideo dicendum est quod discessio a Romano im- perio debet intelligi nou solum a temporali, sed a spirituali, scilicet a fide catholicæ Romanæ Ecclesiæ. » : = nonce d’une révolution politique ou du morcellement de l'Empire romain, ils y aient vu surtout la division de l’empire spirituel de l'Eglise et la révolte des chrétiens contre la pa- pauté par l’hérésie ou le schisme. Quelques théologiens sont en effet entrés dans cette voie ou bien ont essayé de conei- lier les deux explications, mais la majorité préféra la première comme plus simple, et persista à insister sur la division ma- térielle de l’Empire romain entre dix rois qui devaient se: soumettre à l’Antechrist et servir ses projets (1). C’est cette explication qui dominera jusqu'aux xvrI° (2) et xvIre siècles, (1) Il faut nous borner à citer deux commentaires, l’un du commence- ment et l’autre de la fin de cette période. Rappelons done Ia prophétie de l'ermite Jean de la Roche Taillade, déjà citée précédemment d’après Ba- luze : « Cum decem partes christianitatis sequantur Antipapam, etc. » — L'autre témoignage se trouve dans saint Antonin, archevêque de Flo- rence, auteur d’une Somme de Théologie bien connue (part. IV, tit. XIE, cap. IV : &Et Jam duravit (Romanum imperium) ab ipsa Domini nativitate per annos MCCCCL. Sed circa finem mundi dividitur in decem partes. No- vem enin regna recedent a christiano imperio et major pars horum etiam ab obedientia Ecclesiæ ut regnum Indorum, regnum Turchorum, regnum Sarracenorum, regnum Tartarorum, regnum Armeniorum, regnum Geor- gianorum, regnum Grecorum. Licet enim imperator Grecorum cum patriarca suo redierit ad fidem Romanæ ecclesiæ, tamen non recognoscit imperato- rem romanum sibi superiorem. Regnum Bœmorum qui jam. XXXV. annis elapsis recesserunt a sinceritate fidei necdum reducitur ad unitatem ec- clesiæ; Regnum Francorum, etsi fidelissimum sit, non tamen recognoscit superiorem imperatorem romanum. Decimum regnum, seu decima pars imperii divisi, est Romanum imperium quod figuratum est per decem soles secundum vaticinium Sibillae. Inter ista decem cornua vidit Daniel oriri cornu parvulum et tria evulsa sunt de prioribus cornibus a facie ejus. Hoc cornu est Antichristus de tribu Dan, ignobilis cum Dan nalus sit de ancilla ; tria cornua evulsa de prioribus ut dicitur in Historia seholastica sunt tres reges, scilicet Africe, Egypti et Ethyopiæ quos interficiet. Ali sep- tem colla ei subjicientur ut victori, etc. » (2) Traitté de l’Ante-Christ, par M. André POIRIER, prestre, Paris, Henry Sara et Anthoine Mérieux, MDGLY, in-12 (B. de l’Arseral, théologie, n9 5119) : « Dominique a Soto sur le IV° livre des Sentences en la dis- ünction 46, question 1, article 1, est d’advis que cette révolte dont parle Saint Paul doit estre prise en deux façons scavoir pour l’Empire temporel, et l’autre pour la puissance spirituelle, laquelle est entre les mains du Pontife Romain. La première révolte paroist, l'Empire temporel ayant déjà eo de soit que le chiffre de dix soit pris au sens littéral, soit qu’il désigne un nombre indéterminé suivant saint Augustin (Cité de Dieu, livre XX, chap. xx) ; c’est elle qui a déjà figuré dans le Ludus de Antichristo allemand et qui reparaît dans le Jour du Jugement. L'auteur de ce mystère a donné aux dix rois qui se par- tagent l’univers des noms bizarres plus ou moins conven- tionnels ; mais, parmi ces noms, nous avons Cru pouvoir re- connaître le roi de France sous le nom de Dagobert, le roi d'Angleterre sous celui d'Audouart ou d'Edouard, le roi des Romains ou l’empereur d'Allemagne sous celui de Loricart. Un exemple analogue donné par saint Vincent Ferrer () nous autorise à faire un pas de plus dans cette voie, et à chercher sous ces pseudonymes les princes qui régnaient réellement en Europe au moment de la composition du Mystère, de cessé. La seconde est encore en attente par l'abandonnement de tout le monde du siège de Rome, en la puissance duquel l'Empire temporel a esté changé. C’est pourquoi l'une et l’autre révolte est nécessaire afin que l’Ante-Christ vienne. [ n’est pas besoin que nous ayons recours à cette dis- tinction, parce que l'Empire romain dure encore en Allemagne et le nom et la succession des empereurs romains. Car quand l'Empire romain a manqué en Occident, il est demeuré en Orient. Et de rechef quand l’'Em- pire a esté détruit en Orient par les Turcs, il a esté remis en Occident par Charlemagne, Roy de France, lequel, par une grande providence de Dieu, fut éleu par Léon IIT, souverain pontife de Rome, empereur des Romains, auquel ont succédé les Empereurs en Allemagne ». — Pour le xvrrr° siècle, voici dom Calmet /Commentaires sur la 11° Epitre de saint ou aux Thessaloniciens], qui répète les mêmes idées, etc., etc. (1) Saint Vincent Ferrer donne à la fois les se donnee et leur expli- cation. Il compare, en 1412, le pape Alexandre V à l'idole que fit fabri- quer Nabuchodonosor et s'exprime ainsi : « Illud omnes gentes chrisliani- tatis adoraverunt, exceptis, juxta interpretationes, Sydrach, id est regnum Castellæ, quia decori homines, Mysack, id est regnum Scotiæ, quia isti sunt læli facie, Abdenago, id est regnum Aragonum, quia tacentes sunt, id est non hilares facie, immo gentes iratæ ut illi qui retinent iniquitates in corde, et non audent eas manifestare, sed pressi tristitia tacent. Quæ qui- dem regna non adoraverunt idolum Pisis factum, ete. » Ms. in Biblioth. Casanatensi, H. VIL, p. 20, cité par M. l'abbé Salembier dans sa thèse, Pe- trus de Alliaco, p. 80. ES 99 — même d’ailleurs que le Ludus de Antichrisio désignait, lui aussi, sans les nommer, l’empereur Frédéric Barberousse et les autres princes contemporains. Malgré leur variété appa- rente, ces procédés reviennent au même, et l’auteur du Jour du Jugement est d’ailleurs plus précis lorsque, par une heu- reuse inconséquence, oublhant ces noms de convention, il nous montre les chevaliers de l’Antechrist s’exhortant entre eux à poursuiyre et arrêter le pape au nom de l'Empereur : Vous savez que li empereres Est ja de la nostre partie (v. 1941). « L'Empereur » tout court désigne, sans équivoque possible, l’empereur d'Allemagne, lequel s’est mis d'accord avec les rois d'Angleterre et le roi de France pour persécuter le ‘pape, et le mot « ja » indique que cet accord ou cette coali- tion de princes, qui est la condition essentielle de la pièce, est toute récente. Mais il a été établi d’autre part que ce mystère était cer- -tainement composé avant la Semaine sainte, en admettant même quil n'ait pas été représenté le vendredi saint, comme nous l’avons conjecturé. Dès lors le champ des hy- __ pothèses est singulièrement restreint. En sacrifiant même Pune ou l’autre des conditions accessoires énumérées plus haut, le problème ne comporte ou ne semble plus comporter que quatre solutions, le mystère ne peut se placer que dans le temps pascal des années 1391, 1396, 1398, 1415, nouveau Style. Et les deux premières solutions ne méritent même pas d’être discutées, et ne sont signalées que pour éviter toute contestation. € La nuit de Noël 1390, dit le Religieux de Saint-Denvs, les vents Se déchaînèrent des quatre points cardinaux avec -une violence jusqu'alors sans exemple. Beaucoup de gens en furent effrayés et crurent que l’arrivée dernière du Fils de l'Homme était proche et quele monde allait s’anéantir(l\,» (1) Le Religieux de Saint-Denys, tome I, p. 699. — 34 — D'autre part, les alliances entre le roi des Romains Wen- ceslas, et le roi de France Charles VI ont été renouvelées à Heidelberg le 29 octobre 1390 (1). Qu'importe pour la date de notre mystère si ce traité, ignoré ou oublié par le Rel- gieux de Saint-Denys, secret des cours et des archives, re- trouvé seulement de nos jours par les historiens modernes, ne contient que des süpulations politiques, si la question religieuse, qui est l'essentiel, reste entière, et si les deux princes, qui continuent de soutenir chacun leur pape, manquent d'entrer en guerre en 1391, lorsque Charles VI veut ramener avec ses troupes le pape d'Avignon, Clé- ment VII, à Rome”? La même raison suffit pour écarter le temps pascal de 1396, même après la célèbre ambassade des ducs à Avignon, qui sera rappelée plus loin, même après la conclusion à Paris d’un nouveau traité de Charles VI avec Wenceslas, le 28 août 1395(2). En réalité, si la condition essentielle de ce mystère, c’est laccord absolu et tout récent de l'Allemagne et de la France sur la question de Ja pa- pauté, il ne peut s’agir que du pape Benoît XIII pendant la semaine de 4 au 7 avril 1398 (nouveau style) ou du pape Jean XXII pendant la semaine du 24 au 31 mars 1415 (nou- veau style). Il ne s’agit plus que de choisir et d'exposer les faits le plus minutieusement possible, afin de supprimer tous les doutes, et d’écarter l’idée de nouvelles recherches, sans qu’on soit chligé pour cela de relater les moindres in- cidents du grand schisme, les allées et venues des ambas- sadeurs, les démarches des princes, les conseils ou les as- semblées des cours, des évêques et des Universités de France, d'Angleterre et d'Allemagne. Allons d’abord à la solution extrême, soit au temps pas- cal de 1415 6) (nouveau style). Dès le début, nous consta- (4) E. Jarry, La Vie politique de Louis de France, duc d'Orléans (Paris, Picard, 1889, p.192). (2) Ip., Ibid., p. 194. (3) Pâques est le 31 mars. PAU ee tons que ni le temps ni l’année ne remplissent la plupart des conditions spécifiées. Depuis des années, les météores notés de loin en loin par le Religieux de Saint-Denys ne peuvent plus présager les grandes guerres, par la bonne raison que la guerre est partout et qu'elle ne cesse pas, guerre des Français avec r Angleterre, guerre atroce des Ar- magnacs et des Bourguignons. Dans la Saintonge, la Nor- mandie, l'Ile-de-France, la Champagne, la Picardie, dans la région même de notre mystère, les sièges se succèdent, les villes ou villages flambent l’un après l’autre, et même après la conclusion des trèves avec l'Angleterre et plus tard de la paix d’Arras (4 sep. 1414), les routiers bretons, gas- cons et bourguignons continuent à dévaster ces provinces ravagées (1). Mais, d'autre part, les présages ou prédictions sinistres ne chôment pas ®). Le Religieux de Saint-Denys consacre tout un chapitre à noter les tempêtes et inondations de l'hiver de 1414414156). À peine a-t-on célébré, dans les fêtes et les tournois, la venue des ambassadeurs anglais (fé- vrier 1415) (4), que, dès le mois d'avril, « la renommée plus rapide que le vent » (5) rapporte déjà que Henri V d’Angle- terre réunit partout des soldats et des vaisseaux hollandais, flamands, gallois et portugais (6). Pendant trois mois, jus- qu'en août 1415 (7), il va amuser la France par de vaines négociations et préparer la grande invasion d’Azincourt. Dans ce désastre même, le Religieux de Saint-Denys voit 1) Le Religieux de Saint-Denys, t. V. p. 449. 2) Ibid., p. 445. (3) Toid., p. 479. (4) Ibid., p. 409. (5) Ibid., p. 499. (6) RYMER, tome IV, part. I, p. 109. (Le traité pour l'achat des vaisseaux de Hola ide est du 18 mars 1415.) Les préparatifs se succèdent jusqu'à la page 146. (7) Sa dernière leltre à Charles VI est du 5 août 1415. (Chronique d’'En- guerran de Monstrelet, éd. Douët d’Arcq, t. ILE, p. 81). Il parue en France le 14 août entre Harfleur et Honfleur. .— 36 — hu une punition du ciel; il déplore, il flétrit la corruption gé- nérale de toutes les classes de l'Etat, et pour caractériser cette corruption, il emploie la citation même du Psaume de David qui sert de conclusion au sermon de notre mys- tère (1). Il est vrai que ce réquisitoire et cette citation ont déjà pu et pourront encore souvent servir. D'autre part, au commencement de l’année 1415, les rela- tions de la France avec l’Allemagne sont bonnes ou au moins passables. Le 9 octobre 1413, Charles VI a reçu les ambassadeurs de l’empereur d'Allemagne Sigismond et il a accepté, avec des réticences, 1l est vrai, et des restrictions polies, mais enfin 1l a accepté son invitation au concile de Constance (2), et c’est un prince allemand, Louis le Barbu de Bavière, le frère d’Ysabeau, qui sera le représentant duroi de France à ce concile. A la fin de juin 1414, des messagers so- lennels du roi de France sont encore venus trouver l’empe- reur Sigismond à Trino, dans le Tyrol (3), pour lui deman- der assurance au nom de leur maître contre le duc de Bourgogne, inféodé à l'Angleterre. On connaît d’ailleurs les discussions violentes, tragi comiques du concile de Cons- tance qui, dès Îles premiers jours, se montra fort hostile au pape Jean XXIII. L'opposition redoubla d'efforts après l’arri- vée de l’empereur Sigismond, la veille de la Noël 1414, et obligea le pape à lire solennellement au pied des autels une formule d’abdication conditionnelle. On exigea même da- vantage, on voulut le contraindre à nommer des procureurs qui auraient pleins pouvoirs d’abdiquer à sa place, à leur (1) Le Religieux de Saint-Denys, t. V, p. 578. Que vicia attente con- siderantes, cum ipsis nichil sancti vel equi, nihil pensi, nihil honesti cure sit, possunt dicere cum ethereo cytharista : « Omnes vere declinavimus si- mul, inutiles facti sumus; non est qui faciat bonum, non est usque ad unum. » (2) Ibidem, V, 205 et sq. (3) Alfred Leroux, Nouvelles recherches critiques sur les Relations politiques de la France avec l'Allemagne de 1378 à 1461 (Paris, Bouil- lon, 1892), p. 143. MCE OS heure, et, sur son refus, il fut étroitement gardé de jour et de nuit ; il était pris. Le 19 mars 1415 (nouveau style), il s’é- chappa sous un déguisement et se réfugia d'abord à Schaf- fouse, sous prétexte de « changer d’air » ; puis, devant les rappels pressants du concile, plus loin à Laufenberg, à Fri- bourg, à Brisach, à Neuenbourg. Mais en vain il annule devant notaires sa promesse d’abdication arrachée par la force ; en vain il écrit à tous les princes chrétiens, et il at- tend les troupes que le duc de Bourgogne Jean sans Peur, doit lui envoyer pour le tirer d'Allemagne et l'installer à Avignon. Après quelques semaines de courses errantes, il est enfin trahi par son hôte, le duc Frédéric d'Autriche, abandonné par ses cardinaux, arrêté le 10 mai à Fribourg par les chevaliers du burgrave de Nuremberg, à la solde de l’empereur, interrogé par l’archevêque de Riga et celui de Besançon, Thibaud de Rougemont, ramené de force au con- cile, déposé solennellement le 29 mai, et étroitement empri- sonné (1). Peut-être n’était-il pas difficile de prédire une partie de ces événements avant le mois de mars 1415, puis- que le pape les avait prévus lui-même, et qu'il ne s'était rendu au concile que malgré lui, avec les plus graves ap- préhensions, qui n'étaient pas diminuées, au contraire, par les lettres menaçantes qu’il recevait de Pierre d’Aïlly @). Lorsque, après avoir versé dans la neige, sa voiture arriva sur le plateau des Alpes et qu'il vit briller dans la vallée le lac et la ville de Constance : « Voilà, se serait-il écrié, le piège où l’on prend les renards! » D'autre part, si décrié qu'il fût dans l’Université de Paris et dans le clergé français, le malheureux pape avait bien en- Core des partisans en France. Les conseillers du roi Charles VI ne pensaient pas que le concile irait si loin ; ils (1) Von der Hardt, tome IV, p. 163 et sq. (2) Voir ces lettres recueillies dans les Œuvres de Gerson, éd. Ellies Dupin, IF, 877 et sq. <\ 00 accueillirent fort mal les députés qui vinrent annoncer la dé- position violente du pape et les firent jeter en prison (1). De son côté, le duc de Bourgogne, Jean sans Peur, qui comp- tait sur Jean XXIIT pour faire casser la condamnation des doctrines de Jean Petit, conspira ouvertement avec Fré- déric d'Autriche pour ménager l’évasion du pape et son retour en France, et il ne l’abandonna que lorsqu'il le vit définitivement perdu (2). On pouvait donc prédire en partie, répétons-le, au mois de mars 1415, le triste sort réservé à Jean XXIIT. Mais si l’auteur de notre mystère y avait songé, il aurait procédé tout autrement. l’empereur, qui a imposé sa volonté au pape, qui luia arraché la convocation du con- cile, et qui n’a cessé de le poursuivre de son hostilité, cet empereur aurait reçu ici un rôle plus marqué. Il est l'artisan et l’auteur responsable de la déposition du pape: on ne l’au- rait pas représenté comme un simple complice, inespéré, et tout récent. « En cest an avoit esté pris et mené en prison en la duchié de Bavière le cardinal de Boulogne, nommé le pape Jean. Et le print le roy des Roumains, empereur en Alemaigne, pour plusieurs crimes et articles quon lui mec- toit sur (8). » Voila comment parlaient les contemporains, et comment aurait parlé, le cas échéant, l’auteur de ce mystère. Mais toutes ces fausses analogies se dissipent, toutes les dif- cultés s'expliquent, toutes les conditions spécifiées précé- demment sont réunies et remplies si l’on admet, et il faut bien l’admetire, que le Jour du Jugement est antérieur de dix-sept ans, qu’il ne convient. qu’au seul Benoît XIIT, et qu'il (1) Le Religieux de Saint-Denys, V, 699. | (2) Il fut accusé dans le concile même d’avoir conspiré avec le duc d’Au- triche, le Dauphin de France et le comte de Savoie pour faire arrêter ou assassiner l'empereur à son passage par la Bourgogne ou la Savoie, el il s’en défendit assez mal dans ses lettres lues à la session du 4 juin 1415 (Gerson, éd. Ellies Dupin, t. V, p. 347, 348). (3) Chronique d'Enguerran de Monstrelet, éd. Douët d'Arq, t. II, chap. Cxxx1, p. 50. Le passage de Monstrelet se retrouve copié dans la Chron. de Jean le Févre, éd. Morand, I, 50. 5 9 a été représenté dans la journée du vendredi saint, le 5 avril 1397 (1398, nouveau style), après l'office du matin. Tout d’abord, pendant les dernières années du x1v® siècle, la France jouit en paix d’une grande prospérité. Elle avait ra- pidement réparé les dommages subis pendant la longue lutte avec l’Angleterre, et malgré les impôts excessifs et les aides extraordinaires, levés à l’occasion du mariage de Madame Ysabeau, fille du Roy, avec Richard IT, le roi d'Angleterre, le luxe était général. Ecoutons plutôt Juvénal des Ursins (1) : « Or estoient les tresves fermées entre les deux pays de France et d'Angleterre et alloit-on de l’un à l’autre qui vou- loit. Et pour lors faisoit-on grandes chères et esbatemens comme Joustes, disners et soupers, et estoit toute abon- dance d’or et d'argent. Et regnoient en France merveil- leuses pompes tant en vestures et habillemens, que chaisnes d’or et d'argent. » Les mystères ont dû profiter de « ces mer- veilleuses » pompes aussi bien que les tournois et autres « esbatemens ». La date proposée s’explique de même fort bien par la situa- tion qui était faite aux Juifs français. Le roi Charles VITles avait bien bannis de son royaume par lettres patentes du 17 sep- tembre 1394, mais il leur avait laissé quelque répit pour régler leurs affaires, et la rentrée de leurs créances avait traîné en longueur (2). C’est le 30 janvier 13976) seulement que le roi renouvelle la sentence d'expulsion et ordonne que toutes les obligations passées par des chrétiens au profit des Juifs soient retirées, déchirées et hrûülées. C’est alors que les Juifs pren- nent définitivement le chemin de l'exil et se réfugient pour la plupart à Avignon, «dessous les clés du pape », comme dit Froissart. La violence avec laquelle le Religieux de Saint-De- _ (4) Edition Michaud et Poujoulat, p.402, année 13%5 et suivantes. (2) Sur la situation des Juifs placés dans cet intervalle sous une sorte de _ séquestre, voir Bédarride, Les Juifs en France, en Italie et en Espagne, p. 255. (3) Ordonnances, VII, 181. = 10 nys (1), d'ordinaire plus discret, justifie toutes ces mesures, explique les termes de ce mystère qui a suivi de près l’arrêt définitif d'expulsion, et l'explosion de la colère populaire. Et les mêmes faits nous expliquent encore une singularité bien curieuse dans l’histoire d’un mystère contemporain qui a été précédemment signalé, de la Passion qui fut représentée avec la Résurrection à Vienne, pendant les fêtes de la Pentecôte le 6 juin 1400. La dépense totale de la représentation qui s'éleva à près de 125 florins « fut couverte en partie par des dons volontaires de Viennois, au milieu desquels on rencontré deux Juifs », Savarin et Peyret Levy (2). Leur souscription était évidemment destinée soit à payer la tolérance plus ou moins précaire dont ils jouissaient, malgré l’édit royal, soit à inspirer au poète qui devait nécessairementintroduire desrôles deJuifs dans cette Passion, une modération de langage que l’auteur du Jour du Jugement n’a pas gardée. Mais représentons-nous surtout quels furent les sentiments de la France à l’égard de la papauté, durant les années du grand schisme qui précédèrent immédiatement la soustrac- tion d’obédience du 28 juillet 1398. Après de longues tergi- versations, le gouvernement français a fini par se rallier au projet de l’Université de Paris; il veut obtenir « la cession » ou la démission simultanée des deux papes de Rome et d’Avi- gnon, de Boniface IX et de Benoît XIIT, et il commence par agir auprès de Benoît XIIT, le pape d'Avignon, le seul qu’il tient pour légitime. Les cardinaux quiavaient élu Benoît XIIL, et Benoît XI!T lui-même, avaient signé avant le conclave une déclaration aux termes de laquelle le pape élu, quel qu'il fût, devait abdiquer dès que le bien de l'Eglise l’exigerait. Be- noit XIIT élu sous cette condition s'était d’abord montré tout disposé à la remplir. Il dépouillerait sa dignité «aussi facile- (1) Le Religieux de Saint-Denys, II, 118, 119. (2) Le Mystère des trois Doms, éd. P. E. Girard et N. Chevalier (Introd., p. GvJ et 879): « Peyretus Levy judeus et Savarinus judeus. » ment que cette chape » avait-il dit en recevant les envoyés français dans sa sacristie. Mais depuis, sa conscience s'était sincèrement alarmée, il était pris de scrupules, il demandait àréfléchir Ses cardinaux avaient déjà réfléchi pour lui. Lors- qu’en mai 1395, les ducs de Berry, de Bourgogne et d'Orléans vinrent solennellement à Avignon exiger « la cession » du pape, ils n’obtinrent rien de lui, rien, ni par prières, ni par menaces, mais la majorité du Sacré Collège s’engagea de nou- veau par écrit à accepter cette cession, si elle se faisait, et re- mit aux ducs une belle cédule. Sauf quelques fidèles irréduc- übles, comme les cardinaux de Pampelune et de Tarazona, les autres avaient pris leur part, ils préféraient, pour répéter une malice de Froissart, Cêtre confesseurs que martyrs », c’est- à-dire privés par Charles VI de leurs revenus et bénéfices en France (1). Dès le mois de mai 1395 on pouvait donc prévoir à coup sûr la défection du Sacré Collège d'Avignon, telle qu’elle devait seréaliser exactement en septembre 1398 (2). Par suite, les cardinaux qui, dans le mystère du Jour du Jugement se soumettent à l’Antechrist ne sont pas ces cardinaux quelcon- ques qui figurent dans tous les commentaires de l’Apoca- lvpse G), ces lumières de l'Eglise ou ces étoiles que le dra- (4) Froissart, éd. Kervyn de Lettenhove, t. IX, p. 50 ‘avril 1378), et XVI, p. 123 (sept. 1398): « Beaus seigneurs, dit le cardinal d'Amiens, veullons ou non, il nous conviendra obéyr au roy de France... : il nous mande que nous obéissons ou il nous clorra le huis de nos bénéfices, sans lesquels nous ne povons vivre, » (2) Le Religieux de Saint-Denys, 1, 653. (3) Apocalypse, x, 1 : « Et caudla ejus trahebat partem stellarum cæli et misit eas in terram. » — L'explication très ancienne de ce passage est donnée par G. DE SAINT-A MOUR, de Antichristo, I part.5, cap. vir, p. 1551, 1392 : «.. Cauda sua draco stellarum ecclesiæ multitudinem ad se trahet, in terramque mittet...» « Stellas enim, inquit Gregorius /Moralium, XX XII, cap. x1V, Patr. Migne, LXXVI, col. 732), in terram cadere est, derelicta non . nullos spe coelestium ad ambitum gloriæ secularis inhiare, etc. » — On retrouve le même commentaire dans les sermons de saint Vincent Ferrer, dans saint Antonin de Florence (Summa theolog., IV° part., tit. XIII, cap. 1v), dans Viegas et presque tous les commentateurs de l’Apocalypse, Lu — gon doit balayer de sa queue et précipiter du ciel dans la fange ou dans la passion des biens matériels. C’est le Sacré Collège réel de 1397, dont chacun escombpte la rébellion, et dont les serments et les déclarations signées ont été immédiatement répandues et reproduites à tant d'exemplaires, qu’on en re- trouve encore aujourd'hui des copies contemporaines dans bien des bibliothèques, surtout du Nord-Est de la France (1). D'autre part, dès 1395, les adversaires du Pape sont déci- dés à tout. Si la voie de cession ne suffit pas, on emploiera « la voie de fait , on emprisonnera ou déposera par la force ce pape obstiné, les docteurs de l’Université de Paris le ré- pètent sur tous les tons, c’est un droit et un devoir, et ils ont assez de crédit pour faire emprisonner à Avignon même «un infâme Jacobin (2) » qui soutient le contraire. Pendant deux ans, malgré l’opposition de Gerson 6), l'Université de Paris va répondre aux bulles de Benoît XITI par des protestations de plus en plus violentes (4, où il n’est plus question que de papes déposés au temps jadis : Benoît V, au concile de Rome, en 964, à la poursuite de l’empereur Otton I, Benoît VI intro- nisé en 972 et peu après emprisonné et étranglé, Benoît IX chassé par les Romains en 1044. Ils s'appellent tous Benoit, La lutte n’est pas moins vive hors de Paris, dans la région même à laquelle appartient notre mystère, c’est-à-dire dans la province ecclésiastique de Reims. À quelques pas de Reims même, sur la montagne de Saint-Lyé, un ermite fanatique que nous avons déjà rencontré, Jean de Varennes 5) soulève (1) Exemple à la Bibl. de Cambrai (Cat. des man. des Départ., XVI, p. 385, n° 940): « Juramentum quod fecerunt cardinales eurie Avinionensis ante electionem Benedicti XEHIL » Ces serments se retrouvent ailleurs avec d’autres pièces analogues. : (2) Le Religieux de Saint- Denys, t. IL, p. 298, 305. — Cf. Chrono- graphia Regum, éd. Moranvillé, t. HT, p. 127. (3) GERSON, t. IT, p. 13 et sq. Voir ses discours. (:) Burazus (Eg. du Boulay), Historia Universitatis Parisiensis, t. IV, p. 803, 809 et surtout 831. (9) Sur ce Jean de Varennes, auquel j'espère consacrer prochainement D ol les populations et prêche la rébellion contre le pape Be- noît XIII avec tant de violence que l'archevêque de Reims, Guy de Roye, est obligé de le faire arrêter et emprisonner, malgré ses hautes relations, et d’instruire son procès. Ces violences ne laissaient pas que d’effrayer les défen- seurs de la papauté, et l’on trouve un curieux témoignage de leurs sentiments et pressentiments dans la Chronique du Religieux de Saint-Denys. [Il s’agit d’un météore curieux, maintes fois observé et décrit sous le nom d°’ « arsis » par Grégoire le Grand (1), par Guillaume d'Auvergne, Etienne de Bourbon, Guillaume de Nangis et sans doute par bien d’au- tres, mais qui excite toujours la terreur. Le passage de la Chronique de Saint-Denys, confirmé par la Chronique ma- une étude spéciale, voir ses lettres etson procès recueillis dans les Œuvres de Gerson, t. Il, 842 et sq. et t. 1, 905 et sq.; en particulier p. 914. « Pu- blice praedicavit quod Domino nostro Benedicto Papæ non est obediendum, etc. » (1) Voici le texte de Guillaume de Saint-Amour, citant saint Grégoire le Grand, qui a été annoncé au début de cette étude (De Antichristo, etc., Ï part., cap. 11, col. 1981): « De signis remotis adventus Antichristi et consummaltione saeculi : « Quaedam (signa) et beatus Gregorius suis tem- poribus post quingentos nonaginta et parum amplius annos ab Incarnatione Domini fuisse testatur impleta in libro Dialogorum ILE, ubi dicit quia bea- tus Martyr [nditus Redempto Ferentino episcopo apparens, trina repeti- tione dixit, finis venit universæ carnis. Mox, inquit Gregorius, illa terribilia in cœlo signa secuta sunt, ut hastæ atque acies igneæ ab Aquilonis parte viderentur, mox effera Longobardorum gens de vagina suæ habitationis educta, in nostram, inquit, cervicem grassata est, atque humanum genus quod in hac terra præ multitudine nimia, quasi spicæ, segetis more, sur- rexerant, succisum aruit. Et quid, inquit, in aliis mundi partibus agatur, ignoro. Nam hac in terra, in qua vivimus, fimem suum mundus non jam nuntiat sed ostendit. » — On peut voir encore, aujourd’hui, un monument inspiré par un phénoméne analogue. Dans les miracles de saint Aile, re- cueillis par des auteurs contemporains, nous apprenons que l'an mil, on vit des armées en feu dans les airs, et que, pour détourner les malheurs que cette vision présageait, Renard, abbé de Rebais, et Ermengarde, abbesse _ de Jouarre, convinrent de faire une procession avec leurs commünautés et avec les reliques de leurs églises. On à érigé une croix qui subsiste encore sous le nom de la Croix Saint-Aile à l'endroit où les deux processions se rencontrèrent, ii, a nuscrite de Perceval de Cagny(), dite Chronique des ducs d'Alençon, est trop curieux pour ne pas être transcrit en en- HIÈnE « Le Roi et les principaux seigneurs de la cour apprirent par des personnes dignes de foi que le dix juillet (1396) vers la quatrième heure de la nuit, on avait vu dans lévêché de Maguelonne apparaître dans le ciel certains prodiges jusqu’a- lors inouïs qui excitèrent un juste étonnement. J'étais pré- sent quand ces personnes racontèrent qu’elles avaient vu briller dans l'air une comète d'une grosseur considérable, qui jetait un éclat extraordinaire, et que cinq autres petits astres qui s’agitaient autour d'elle avec un mouvement ra- pide et continu étaient venus la heurter à plusieurs re- prises. Elles ajoutaient qu'après cette espèce de combat dans lequel ces météores s’étaient entrechoqués, puis séparés tour à tour pendant plus d’une demi-heure, elles avaient aperçu tout à coup un homme de feu, qui, monté sur un cheval de bronze et armé d’une lance d’où jaillissaient des flammes, avait frappé la comète, puis avait immédiatement disparu. » Un prodige non moins menaçant vint épouvanter les gens de guerre qui étaient en garnison dans les plaines de la Guienne. Ils furent réveillés plusieurs fois en sursaut, au milieu de la nuit, par un grand bruit d'armes. Des fantômes, sous la forme de cavaliers armés, se livraient bataille dans le ciel. Les gens de guerre craignant avec raison quelque sur- prise couraient chaque fois aux armes. Ils s’aperçurent enfin de ce qui causait leur frayeur; et comme ils ne savaient ce que pouvait présager un prodige dont il n’y avait point en- core eu d'exemples, ils envoyèrent le fils du grand maitre des arbalétriers de France pour en informer le Roi et les grands du royaume. » On connut bientôt ces prodiges au Palais et à l'Univer- (1) Copié dans le tome XLVIIT de la Collection Du Chesne, à la suite de la Vie de Jean I, duc d'Alençon. As de sité de Paris. Quelques personnages d’un mérite reconnu et d’un savoir éminent annoncèrent que le premier prodige présageait la déposition du pape par le Roi et le clergé, le second, des guerres et des massacres. Pour moi, je laisse le secret de tous ces événements surnaturels à celui qui sait tout, qui commande au ciel, à la terre et à la mer. J'avoue pourtant que si l’on consulte l’histoire du passé, on ne peut nier que de pareils prodiges n'aient été presque toujours les avant-coureurs de quelque grand événement (1). » Juvénal des Ursins (2), qui a copié et abrégé longtemps plus tard le récit du Religieux de Saint-Denys, supprime après coup la déposition du pape, et ne voit plus dans ces phéno- mènes que la prédiction du désastre de Nicopolis. Mais les contemporains ne pensaient pas de même, et les malheurs de la papautése confondaient pour eux avec les grandes guerres qui avaient éclaté au loin et la croisade qui se préparait sous leurs yeux. La nouvelle du désastre de Nicopolis, arrivée à Paris dans la nuit de Noël 1396, avait répandu la désolation _dans tout le royaume. Une aide nouvelle fut aussitôt imposée pour les frais d’une nouvelle expédition. Vers le milieu d’oc- tobre1397, le roi Charles VI reçoit une ambassade de Manuel Paléologue, l’empereur des Grecs, qui presse l’arrivée des secours ; le 2 janvier 1398, 1l reçoit le message et les présents ironiques de Bajazet lui-même (3). Un souffle g errier traverse toute l’Europe, il faut marcher et venger Nicopolis. C'est à ces fuits et aux présages notés par le Religieux de Saint-Denys, et à d’autres soigneusement relevés vers le même temps, dans la région même de notre mystère, et propagés par l’ermite populaire, Jean de Varennes, à la pluie de sang de Craon, au crucifix sanglant apparu à Laon (4), c’est à tous ces signes (1) Le Religieux de Saint- Denys, IX, 481 et sq. (2) Juvénal des Ursins, éd. Michaud et Poujoulat, p. 402. (3) Le Religieux de Saint-Denys, 1, 563. (4) GERSON, I, 926 (procès de Jean de Varenne) : « Cur affirmaverit in — À6 — | et encore aux inondations et aux tempêtes de l'hiver 1396- 1397, au déchainement des vents qui accompagnent les dis- cussions orageuses de l’Université de Paris (1), que doit pen- ser l’auteur de notre mystère quand il dit qu'avant la fin du monde : Venront et en ciel et en terre Mains signes faiz en mouvent guerre (v. 150). Pour que ces menaces se réalisent, pour que l’inflexible Benoit XIII cède, que faut-il ? L'accord des princes de l’Eu- rope si longtemps divisés d'intérêts, d'opinions et de sym- pathies, comme le constate encore, en octobre 1394, Honoré Bonet dans son curieux Songe allégorique (2. Il faut surtout que les grands Etats, l'Angleterre et l'Allemagne secondent la politique française et qu’elles exigent la cession de leur pape, du pape de Rome, Boniface IX, comme la France exige la cession de Benoit XIIT, le pape d'Avignon. L'accord fut long à se réaliser. Le roi d'Angleterre, Richard II, céda le premier. Avant même qu'il fût devenu le gendre du roi de France, il unissait déjà définitivement ses efforts aux siens, malgré l'opposition de l'Université d'Oxford, et dès les pre- miers mois de 1597, il envoyait des députés agir de concert avec la France et la Castille, auprès de Boniface IX et de Benoit XIII 6). Quant à l’empereur d'Allemagne, Wenceslas, il avait bien renouvelé en août 1395 son alliance avec Charles VI, il recevait poliment ses messages et ses députés, il négociait lui-même activement avec le duc d'Orléans, de- puis et peut être avant le mois de novembre 1397 (4) ; mais suis sermonibus Crucifixum visum fuisse in Lauduno, pluisse sanguinem apud Craonnam, etc. » (1) Le Religieux de Saint-Denys, Il, 527 (débats de janvier 1397. (2) Somnium super materia Scismatis retrouvé et commenté par M. Noel Valois (Annuaire-Bulletin de la Société del’Histoire de France, 1890, p. 193 à 228). (3) Le Religieux de Saint-Denys, I, 449, 529. (4) E. Jarry, La vie politique de Louis de France, duc d'Orléans (Pa- ris, Picard, 1889, in-8°, p. 196. ur on avait beau multiplier les présents et les ambassades, il ne pouvait se décider à rompre avec ce pape de Rome dont il était le champion depuis sa jeunesse (1) : il craignait à bon droit l’opposition de ses sujets, il appréhendait la colère et les menaces de son vieux conseiller, Robert If, Palatin du Rhin. A la fin de décembre 1397, celui-ci le suppliait une dernière fois dans une longue lettre d’éluder à tout prix une entrevue avec Charles VE, et s’il ne pouvait absolument l’élu- der, d'emmener avec lui ses clercs, les plus éloquents, ses juristes les plus subtils pour maintenir les droits du pape de Rome (2). Mais enfin Robert meurt,le 14 février 1398, et Wenceslas n’a même pas attendu cette mort pour prendre son parti. Dès le milieu de février, ses envoyés, Hubert d’Au- tels et Jean d’Esconniflet, sont déjà à Paris pour annoncer la prochaine arrivée de leur souverain 8). Le pape Benoit XIII averti essaie de détourner le coup qui le menace et se hâte d'écrire à Charles VI pour lui annoncer de son côté l’arrivée de son ambassadeur le plus dévoué, le cardinal de Pampe- lune (4). Mais le roi mécontent consulte «le clergé et les principaux seigneurs de France », refuse de recevoir l’am- bassadeur annoncé, désigne officiellement le duc d'Orléans pour aller à la rencontre de l’empereur, et ordonne « d’im- menses préparatifs » à Reims pour recevoir dignement son hôte (5). Cependant par Mayence, Cologne, Luxembourg et Yvoy-Carignan, l'antique voie romaine de Trèves à Reims, Wenceslas s’avançait lentement, au milieu des populations (1) Cf. Noel Valois. Une ambassade allemande à Paris en 13S1 (B. de l'Ecole des Chartes, 1892, p. 495). — Baluze, Vitæ Paparum Avenio- nensium, t. I, pp. 439, 491, 1361, etc. (2) Lettre reproduite par D. D. Martène et Durand (Thesaurus novus anecdotorum, t. IL, cl. 1172 et 1177) et souvent citée. (3) La Vie politique de Louis de France, duc d'Orléans, p. 202. (4) Le Religieux de Saint-Denys, I, p. 573: « L'arrivée de ce prélat avait déjà été annoncée à la cour avant la fête de Pâques (qui est le 7 avril 4398.) » (5) Ibidem, IE, 565. — À8 — curieuses, qui se doutaient bien que l’empereur d'Allemagne ne voyageait pas en si grand appareil uniquement pour aller marier Sa nièce, comme il en faisait courir le bruit ! Parti de Paris le 19 février, le duc d'Orléans rejoint l’empereur le 9 mars, au pont de Mouzon, et le ramène en grande pompe à Reims, où le roi de France, arrivé le 22 mars, le reçoit solennellement le 23 mars (1), avec le roi de Navarre, le duc de Berry, le duc de Bourbon, le fils du due de Bour- gogne, Jean sans Peur, toute la cour et tout le clergé de la province. On peut lire dans le Religieux de Saint-Denys et (1) Le Religieux de Saint-Denys, t. IL, p. 565 à 571. — La date a été contestée récemment. M. Jarry (La Vie politique de Louis de France, duc d'Orléans, p. 203), suivi par M. Moranvillé, éditeur de la Chronogra- phia Regum, t. LI, p. 167, n. 4) recule cette entrée au 31 mars Les docu- ments allégués par M. Jarry seront discutés plus loin, mais, jusqu’à plus ample informé, il est permis de maintenir la date du 93, telle qu’elle ressort du récit circonstancié et logique du Religieux, cu Dane de ce qu'il a vuet entendu, « me audiente ». Cha VI arrive à Reims le 22 mars, un vendredi, couche au Palais ar- -chiépiscopal, part le lendemain jusqu’à deux lieues de Reims à la rencontre de Wenceslas et le ramène le même jour. L'entrée a donc lieu le samedi 93. Le lendemain, dit le Religieux, « pendant qu'on célébrait la messe du dimanche de l’Annonciation (fête qui, tombant le lundi 25, a dû être célé- -brée le dimanche 24) », les ducs de Berry et de Bourbon vont chercher par déférence Wenceslas pour le grand banquet royal, mais ils reviennent scandalisés annoncer que l’empereur est déjà ivre-mort. Le roi Charles VI remet le banquet au jour suivant, donc le lundi 25, va encore trouver l’Em- pereur après ce banquet, et part le lendemain, soit le 26, laissant le duc d'Orléans continuer les négociations. M. Jarry constate d’après une pièce de comptes que le 30 mars, Me “visite à Epernay la duchesse d'Orléans et que, le 31 mars, il séelle à Reims un projet de mariage entre sa nièce et le fils ainé du duc d'Orléans (Douët d'Arcq, Pièces inédites, t. [, p. 140 à 143(. Il en conclut que Wenceslas n'a réellement fait son entrée à Reims que le 31 mars Mais : 1° Charles VI aurait-il attendu à Reims, du 22 au 31 wars, Wenceslas qui dès le 5 mars était à Mouzon, à Eire lieues ? 2° Le projet de mariage, rédigé par un scribe ad Mandalum Regis prouve-t-il seulement que Wenceslas était à Reims le 31, et, s’il y était, n’a-t-il pu s'absenter de la ville, ou aller le 30 mars à Epernay, après le départ de Charles VI, puis revenir à Reims avant son départ définitif pour l'Allemagne? Aucune de ces pièces ne per- met de rejeter les dates données par le Religieux de Saint-Denys. you dans Froissart le récit de cette réception qui frappa si vive- ment l'esprit des contemporains : le détail des processions, des fêtes et des tournois, « le grand banquet de quarante _ plats » où par une exception significative Simon de Cramaud, patriarche d'Alexandrie, le défenseur le plus zélé de la double cession, s’assit à la table d'honneur, à côté des rois, tandis que le maitre du logis, l'archevêque de Reims, Guy de Roye, partisan dévoué de Benoit XIIT, était relégué à la petite avec les moindres seigneurs : puis les ripailles, le ca- rême pantagruélique des Allemands auxquels « convenoient bien pour leur délivrance tous les jours qu'ils séjournèrent en la cité de Rains dix tonneaulx de harengs,.… et huit cents carpes sans les autres poissons (1) », et.approvisionnements dont l’achat et le transport durent mettre en révolution toute la contrée. LeS princes allemands, comblés de présents, et l'empereur, presque toujours ivre, n’en discutaient (2) pas moins avec opimâtreté. Mais enfin le roi de France, forcé, par un accès subit de son mal, de regagner Paris, obtint avant son départ une promesse formelle de Wenceslas; le duc d’Or- léans poursuivit avec lui les conférences et leva ses derniers scrupules. Quand les deux princes se séparèrent, au com- mencement de la semaine sainte, tous les détails, voies et moyens, de la double cession étaient réglés, la coalition contre le pape Benoit XIIT était complète (), et le dénoùû- ment allait se précipiter. (1) Froissart, éd. Kervyn de Lettenhove, t. XVI, p. 84. (2) Un écho de ces discussions, oublié par M. Jarry, nous a été conservé par du Boulay et son abréviateur Crevier, Histoire de l’Université de Pa- ris, t. IIL, p. 251. À l'assemblée de Paris à la Saint-Martin 1406, Pierre Plaoul ecita un mot du duc d'Orléans à Wenceslas, qui, pressé d'abandonner le pape de Rome, s’en défendail par la raison du serment qu'il lui avait prêté. « Monsieur d'Orliens ly dit: Ne estes vous pas obligié premier et de plus grande obligation à l'Eglise et au Siège apostolique que vous ne estes à celuy qui y siège! Vous ne pouvez garder le serment que vous avez fait à l'Eglise qu’en y conservant l'unité. Doncques il ne faut point revo- quer en doute que vous estes plus obligié à J.-C. qu'à son vicaire, » (3) Froissart, éd, Kervyn, etc., XVI, p. 86. À EU C’est cet événement capital, et depuis si longtemps es- compté par les deux partis, c’est l’accession de l’empereur d'Allemagne à la ligue que l’auteur du Jour du Jugement à voulu désigner et qu’il a relaté sous l’impression toute fraîche des faits accomplis. Ainsi seulement s'expliquent les deux petits vers d'actualité, qu’il a peut-être ajoutés après coup, dans son œuvre déjà faite : Vous savez tous que l’empereres Est ja de la nostre partie (v. 1241). Ainsi au moment même où Wenceslas quittait la France (1), on déplorait sur le théâtre, dans quelque ville de la province ecclésiastique de Reims, les conséquences de sa fatale vi- site. Et si la pièce était représentée le vendredi saint, cette coïncidence n’était nullement fortuite, au contraire. La France avait abandonné le vieux pape d'Avignon à ses enne- mis, la trahison était consommée, les âmes chrétiennes étaient saisies de douleur, mais dans le ciel déjà se préparait la vengeance. Tels étaient bien les sentiments qui ont inspiré ce Jour du Jugement, telles étaient les tristesses et les es- pérances que les fidèles avaient dû rapporter de l'office célé- bré, le matin, à l’église, et que la représentation dramatique qui suivit vint ranimer avec une nouvelle force. Ne rappe- lait-il pas, eu effet, le Christ lui-même, ce Pape de notre mys- tère, « contre lequel les Princes ont conspiré », suivant les paroles liturgiques @\, que l’on vient, lui aussi, « chercher avec des épées et des bâtons comme un voleur », qui est (1) Wenceslas a dû quitter Reims au commencement de la semaiñe sainte, soit dans les premiers jours d'avril 1398 (n. s.), puisque le duc d'Or: léans, qui ne s’était séparé de lui qu’au dernier moment, a passé les Jours saints à Saint-Pierre en Chartres (Oise, canton de Compiègne), au monas- tère de ses bien-aimés Célestins, comme l’a dit M. Jarry, (La Vie poli- tique etc., p. 204). (2) Missale Romanum, etc. (Le Vendredi saint, à Ténèbres, au premier nocturne, Antienne) : « Astiterunt reges terræ, et principes Convenerunt in unum adversus Dominum, et adversus Christum ejus ». LPS trainé, lui aussi, devant le tribunal de son ennemi, et comme lui abandonné, livré par les rois et par les cardinaux, « ses _ frères » etses disciples ? N’était-il pas d’ailleurs, on lPavait dit depuis bien longtemps, avec ses chants et ses rites lugu- bres, la figure même des terreurs dernières, du règne de JAntechrist et de la fin du monde, cet office du vendredi saint (1), où l’Eglise catholique pleure la mort de l'Homme Dieu, mais non pas sans espérance, car le Sauveur, le Juge va réapparaitre € comme une lumière » @), où cette Eglise prie pour la conversion de tous ses ennemis, où les cho- reutes chantent les « impropéres », les reproches que le Christ adresse à son peuple du haut de la croix, où l’on adore, où l’on porte processionnellement cette croix qui aura, elle aussi, sa résurrection (6), et que le Christ fera por- ter devant lui, par ses anges, quand il reviendra avec gloire juger les vivants et les morts : Vexilla Regis prodeunt, Fulget crucis mysterium. Si tel était et si tel est bien encore le symbolisme litur- (1) Hoxorius D’AUTUN (Patrol. Migne, t. CLXXII, col.679, Gemma A ni- mæ, lib. IT, cap. xxxIV): « Hæc cuncta quæ in capite Christo (sic) præces- serunt, in Corpore quoque ejus, scilicet Ecclesia, futura erunt... Tres dies ante Pascha sunt tres anni quibus Antichristus regnabit... Lumina conte- guntur et tune omnia signa ab ecclesia tolluntur. Campanæ non sonant, et doctores tune non prædicant. Tabula percutitur et magnus terror fideli- bus incutitur. Lectiones lamentantur, quia tune omne gaudium Ecclesiæ in luctum convertitur, altaria denudantur, et tune omnia sancta proculcantur. Altus ligni sonitus, qui fit ad Benedictus, estmaximus terror, qui invadet adversarios, quando interficietur Antichristus, etc. » — Cf. ibidem Specu- lum Ecclesiæ, col. 965: « Parasceve aulem dies belli atque victoria extitit cum Dominus fortis et potens in prælio principem mundi diabolum cum suis satellitibus devicit, etc. » (2) Missale Romanum etc. (le Vendredi saint, 1° lecture d’Osée, vi, à l'office du matin): « Quasi diluculum præparatus est egressus ejus.. Et Judicia tua quasi lux egredientur. » (3) HoNoRIUS D’AUTUN, Lucidaire, lib. IIT, cap. xnr, col. 1165 et 1166, et JAC. DE VORAGINE, Legenda Aurea, cap. I. MRC ue gique de l'office qui a reparu et quis’est précisé dans le Jour du Jugement, si telle était la foi qui animait l’auteur et l’au- ditoire, on se reprochera peut-être d’avoir quelquefois jugé trop sévèrement ce vieux mystère au seul point de vue lit- téraire. À défaut de la poésie des beaux vers, il avait celle de l’histoire, d'une histoire vraiment tragique, et les faits, sinon la faible voix du poète, parlaient assez haut d’eux- mêmes. Si l’on réfléchit que la science théologique de notre au- teur était une science acquise qui n’avait plus qu’à être mise en œuvre, que la rédaction rapide dénote un versificateur exercé, et que ce mystère ne compte guère après tout plus de trois mille petits vers, on admettra facilement qu'il a pu être improvisé en quelques semaines, qu'il a été prêt à re- présenter, et représenté effectivement, le vendredi saint, 5 avril, 1398 (n. s ), comme l'indique la mention de lEvan- gile de la Passion, et comme nous croyons l’avoir démontré. Au contraire le texte s'oppose à ce que cette représentation soit reculée. Si, en effet, le mystère a bien été prêt et joué à cette date du 5 avril, ilest clair qu’à ce moment l’auteur pou- vait bien, comme il l’a fait, constater les événements déjà accomplis, et y mêler des prophéties telles que le meurtre d’'Enoch et d Elie précédant l’arrestation du pape. Mais, ré- ciproquement, il ne pouvait encore connaître, ni par consé- quent décrire, et il ne l’a pas fait, le détail précis des événe- ments réels si importants qui allaient suivre : les négocia- tions de Pierre d’Ailly à Rome et à Avignon, la réunion du concile de Paris, le 22 mai 1398, la soustraction totale d’obé- dience à Benoît XIII, obtenue par la falsification des votes et proclamée à Paris le 27 juillet, la mission du prévost Tristan du Bois et du Cordelier Robert qui, le 1°" septembre, publient cette soustraction à Villeneuve aux portes d'Avignon, et la lettre du Sacré Collège qui l’accepta presque à l'unanimité le 17 septembre, le long siège d'Avignon où Benoit XITIT va se défendre comme un vieux capitaine contre les troupes fran- 53 — çaises conduites par le frère du maréchal Boucicaut, et contre ses propres cardinaux, à plus forte raison les révolutions _ d'Angleterre et d'Allemagne, l’abdication forcée de Richard IT et la déposition de Wenceslas, et l’amusante volte-face des Allemands qui gardent définitivement le bon argent de France et leur pape de Rome. Et si cette raison très suffi- sante ne suffit pas encore à expliquer le mélange de vague et de précision que nous avons constaté dans les prophé- ties de l’auteur du Jour du Jugement et les pseudonymes dont il a gratifié les rois, ses personnages, en voici une autre. On a souvent cité (1) un arrêté de police qui fut rendu après le retour des ducs à Avignon. Le 14 septembre 1395, le pré- vôt de Paris défendit à tous les « dicteurs, faiseurs de dits ou de chansons et tous autres menestrels de bouche et recor- deurs de dits » de faire mention dans leurs chants du pape, ni du roi, ni des seigneurs « au regard de ce qui touche le fait de l’union de l'Eglise. » L’ambassade récente des ducs à Avi- gnon, mai 1395, avait échoué comme nous l’avons vu, du moins auprès du pape Benoît XIIT, et l’on avait tout lieu de craindre les mauvaises plaisanteries sur le pont d’Avi- gnon (2), qui avait été incendié pendant leur séjour. Le 12 septembre 1397 le roi Charles VI lui-même promul- guait à Paris une ordonnance (3) analogue, adressée nommé- ment au Sénéchal de Rouergue, mais dont copie dut être en- (1) DE La Marr, Traité de la Police, t. I, 1. LI, tit. 111, chap. 11, p. 437 — MAGNIN, Journal des Savants, p.45. — M. P&TiT DE JULLEVILLE, Leg Mystères, I, 419 : « Magnin explique longuement les circonstances qui mo- tivérent cet arrêt. Mais il l’applique sans preuve au théâtre. » C'est peut-être se montrer trop exigeant. Le mot dit, dittiéest souvent associé à comédies, et le théâtre est ici sous entendu «a fortiori. (2) Le Religieux de Saint- Denys, t. I, 299. (3) Ces lettres, rappelées dans le Recueil des Ordonnances, VIE, p. 153, se trouvent en original aux Archives Nationales /K. 1482 : 16), et sont im- primées dans le Thesaurus novus anecdotorum de DD. Martène et Durand (t. IL, col, 1151 à 1152), dont j'ai suivi la lecture. — D4 — voyée dans toules les provinces et qui interdisait toute pro- testation orale ou écrite contre la voie de cession si laborieu- sement délibérée dans le conseil royal, et déjà adoptée par tous les Cardinaux d'Avignon, sauf « une ou deux excep: tions », ainsi que par le roi d'Angleterre, le roi de Castille, le roi de Navarre «et plusieurs autres Roys, princes et peu- ples crestiens. » Cette ordonnance paraît viser surtout les prédicateurs. Mais quelle chaire ou quelle tribune y-a-t-il plus retentissante que le théâtre ? Au surplus voici le texte : Nous vous mandons et commandons et enjoignons expres- sément que incontinent ces lettres vues es citez, villes et lieux notables de votre sénéchaussée et ailleurs où besoin sera et vous verrez estre expédient vous ferez publier, crier et dé- fendre de par nous solennellement et sur grandes et grosses peines à appliquer à nous, que nulle personne de quelque es- tat ou condition qu'elle soit ne soit si ausée ni si hardie occul- tement, ne en appert, directement ne indirectement, de fait ne de dit, de prêcher, dogmatizer, faire ne escrire espitres, ne au- tres quelconques écritures ou choses qui puissent donner, faire ou porter aucun préjudice ou empeschement à la dite voye de cession ne à la manière, moyens de procéder ou pratiquer icelle, et nous envoyez feablement en clauses (sic) sous vostre scel toutes manières décriptures que vous pourrez trouver estre faites au contraire de la dite voye de cession et sa pratique. Mandons et commandons à tous nos justiciers officiers et sujets que à vous, et à vos commis et deputez es choses dessus dites circonstances et dépendances d’icelles obeissent et entendent diligemment. À bon entendeur, salut. L'auteur de notre mystère, qui at- taquait ouvertement la voie de cession, était bien averti, et nous savons maintenant pourquoi ses allusions et ses pro- phéties étaient si vagues. Il avait deux raisons à sa sagesse : la crainte du prévôt et son ignorance réelle de l'avenir. Le mystère du Jour du Jugement est donc bien, comme on Pavait dit, du 5 avril 1397 (1398, n. s.). Par suite, et sans qu'il soit de ES NIZ Yi besoin de revenir sur la question déjà réglée de l’imitation, certainement la Passion du manuscrit de Sainte-Geneviève, et probablement plusieurs, sinon toutes les pièces quil’accom- pagnent, sont antérieures au moins d’une année, ce qu'il fallait démontrer. Après avoir précisé à quelles dates et dans quelles inten- tions le mystère du Jour du Jugement a été écrit et repré- senté, nous pouvons même essayer d'expliquer, avec vrai- semblance, pourquoi cette pièce de circonstance, composée en vue d’une représentation immédiate, a été recopiée avec tant de soin et de luxe quelques années plus tard. Sans doute elle contient l’histoire d’une partie du grand schisme, il ne s’agit que de l’en tirer. Mais si les allusions historiques du manuscrit avaient été plus nombreuses et plus claires, il y a longtemps qu’elles auraient été débrouillées ; elles n'auraient pas exigé un aussi long commentaire. Il est donc possible que le sens en ait été rapidement perdu, même pour les contemporains, et, comme nous l’a fait observer un bon juge, qu'on n'ait plus vu dans ces vers qu’un Jugement dernier qui pouvait reservir. Admettons cependant qu’on ait con- tinué à voir dans la pièce ce qu’elle est, une apologie du pape Benoît XIII, raison de plus pour qu’on ait pris soin de la re- produire, car Benoît XIIT conserva pendant de longues années en France des partisans dévoués. Assiégé dans son palais d'Avignon par ses cardinaux et par les troupes françaises, le pontife se défendit avec la dernière énergie, et regagna par son courage une partie des sympathies qu'il avait perdues par son obstination. L'Université de Paris (D elle-même admira et plai- gnit ce « pape maudit », ce Pierre de Lune dont naguère tous souhaitaient «l’éclipse ». Le sentimentreligieux s’alarma quand on vit retenir dans une dure captivité le chef suprême de la chrétienté, réclusion qui semblait d’ailleurs condamnée par la colère du ciel, par les tempêtes, les pestes, les comètes, (1) Buzær, Historia Universitatis Parisiensis, IV, 363. de Po soigneusement notées par le Religieux de Saint- Denys 1). Le roi d'Aragon, le roi de Sicile, l'Université de Toulouse, lévé- que de Saint-Pons, tous les partisans de Benoît, excités et sou- tenus par le duc d'Orléans, ne cessèrent de protester en sa faveur, jusqu’au jour (12 mars 1403) où il réussit à s'échapper de sa prison et vit bientôt la France entière rentrer sous son obédience. Ces sympathies lui restèrent fidèles pendant les longs débats des années 1406 à 1409, où l’on prévoyait de nou- velles calamités ; elles ne labandonnèrent pas même quand il eut fulminé contre Charles VI une bulle d’excommunication et qu'une seconde fois, poursuivi par l’armée française du ma- réchal Boucicaut, il réussit à s’enfuir sur ses galères. Enfin le connétable d’Armagnac (2) et bien d’autres restaient toujours attachés à sa cause en 1416, lorsque « avocat et le défenseur de l'Eglise », l'empereur Sigismond, vint à Perpignan essayer de lui arracher une formule de cession toujours éludée ou re- fusée. Cerné de toutes parts, abandonné par ses sujets, ses compatriotes, ses amis, son confesseur, saint Vincent Ferrer, le vieux pontife s’enfuit une fois de plus, et du haut de son rocher de Peniscola où il s’était retranché, pendant sept an- nées encore, il brava les menaces de l’empereur, des rois et des conciles avec la même énergie qu’il défiait la pauvreté, la vieillesse, la mort. Rien d'étonnant à ce qu’une œuvre consacrée à ce pontife ait pu être recopiée au commencement du quinzième siècle : L'examen de la langue qui a, naturellement, précédé toutes ces recherches historiques, mais que nous avons reporté à la fin de cette étude pour plus declarté et de sécurité, confirmera tous ces résultats acquis: (1) Le Religieux de Saint-Denys, II, 693 à 699. Comète, peste, inonda- tions, « Cette année (1399) méritait d'être appelée l’année des prodiges. » (2, Voir à ce sujet l'accusation du duc de Bourgogne, datée du 26° jour d'août 1417, et lue au concile de Constance (Gerson, tome V, p. 672). — 57 — VI L'examen seul de la langue aurait suffi pour écarter l’hy- pothèse de la date de 1415, discutée plus haut, mais ne nous aurait donné qu’une date incertaine, probablement trop an- cienne. Les rimes prouvent que la distinction du cas sujet et du cas régime était relativement encore assez bien obser- vée par l’auteur. Le fait que le scribe a le plus souvent res- pecté cette distinction, ainsi que la diérèse presque constante dans les participes en eù, les temps et les mots, ce fait suffit pour établir que la copie n’est guère postérieure à l'original. On se bornera à relever 1c1 les exemples qui ont paru les plus utiles pour confirmer cette assertion, sans énumérer ni tous les faits, ni toutes les preuves des faits allégués. Ce qu’on se propose c’est de faire ressortir dans ce texte la confusion des règles qui caractérise la fin du xiv* et le commencement du xve siècle ; ensuite, on essaiera de distinguer par les traits linguistiques les plus importants la patrie de l’auteur et celle du copiste ou renouveleur. Et d’abord le manuscrit n’est pas un original, mais une copie très fautive. Sauf pour les feuillets perdus, ce ma- nuscrit ne présente aucune interruption du sens, ni au- cune rature, et seulement deux corrections insignifiantes d’une main moderne. Pour expliquer les fautes très nom- breuses qu'il contient, ne pourrait-on admettre qu'il a été dicté, tantôt vers par vers, tantôt mot par mot? De cette fa- çon le scribe ne pouvait distinguer le singulier du pluriel, ni deviner le sens et la suite du texte dans des vers comme ceux-ci, où les corrections proposées sont imprimées en ila- liques, entre crochets : Ici se depart d’Agrappart (Agrappart). v. 287-8 Vins (vint) faire au foy d'iniquité. 60 Jours ouquel lou eu (et) la lune Et les estoiles une a une... 108 ns ES Vo Il ne met (m’est) or ne bel ne gent En estre en la crestienté. v. 1392 En terre est joie descendue, Quant il entre nous venuz est; N'i ait celli qui refuset (refus ait) D'aler voir sa vertu divine. 899 Tute ses biens (Tu te sés bien) es lieux embattre Et faire faire a grant planté. .... 1657 Et devant noz maistres (no maistre) menez. 1081 Dou linaige d'Adam (de Dan) (1) sera. 215 Qui dou linaige Adam (& Dan) soit. | 976 Dou linaige Adam (a Dan) suis sanz doubte. 300 Quart (quar) tu l’as justement gaangnié. 2033 Qu’an tel point avons mis le monde Quar /que) il n’y a nulle riens monde. . 198 Ailleurs : ei pour cil, v. 224; mencion pour mansion, 506; cler pour clé, 1506 ; nulz pour nus (nudus), 2363; vité pour vilté, 1913; reverrez pour ne verrez, 2417; estuet pour estoit, 2297, etc., etc. D'autre part un certain nombre de fautes grossières contre le sens, la rime ou la mesure peuvent se corriger en resti- tuant les formes anciennes rajeunies ou confondues par le seribe : | Qui dit que dou parfont abisce Moustrera (montera) la crueuse Beste (2). v. 173 fin: N'y avra parent ne ami faffin). 14% Je vous ayme faim) tant comme mon cuer. 1843 (1) L’Antechrist doit sortir de la tribu de Dan, comme le rappelle le traité d'Adson (Patr. Migne, t. CI, col. 1292) : « Antichristus ex populo Judæorum nascetur de tribu Dan, secundum prophetiam dicentem : « Fiat Dan coluber in via et cerastes in semita, ete. Gen.. xLIX, 17 ».— La faute : d’Agrappart pour Agrappart, et la faute répétée à trois reprises sur les noms d'Adam et Dai, ne sont-elles pas le fait d’un homme qui écrit sous la dictée, sans consulter le texte à copier ? (2) C'est la traduction du verset de l'A pocalypse, xvu, 8 : « Bestia quam vidisti fuit et non est ; et ascensura est de abysso. » — 959 — I] me tarde que /Il m’est tart/nous soiens mehu /moti). 249 Maille (maaille) pour Nostre Seigneur. | 2001 Et si nous soiés en aye (aiue) Envers ceste gent corrompue. 1282 Ce n’est pas tout. Entre la langue de l’auteur et celle du copiste il y a des différences, légères si l’on veut, mais pour- tant sensibles. La divergence se marque d’abord dans des particularités d'orthographe comme dans les rimes : seigneur, grigneur, 813, et inversement, passim; merci, nerci, 963, exemple unique, partout ailleurs, noërci ; chief, fié (1), 1847. Elle s’accuse dans des rimes inexactes ou fausses, comme dans : queurent, acourent (aceurent du verbe acorer, 2299) et dans ces vers : Compains seront de mes richesses, UN Et pour ce que plus cler veïsses (probablement ve-esses) (2) Que j’ay tout le pouoir dou monde..... 951 Elle amène de véritables non-sens : En enfer le trabuchera Veant la gent qui leur sera (au lieu de lor [alors] sera) (3). 520 Ma langue en est ja maigre et arse. Ma fiole sera esperte (au lieu de esparle ou esparse, répandue). 1580 Admettons qu’il n’y ait là que des exceptions (veesses est unique) ou des confusions possibles dans certains dialectes (Lor alterne avec {eur dans le dialecte de Reims) ; voici pour- tant des différences qu’on peut suivre dans tout le cours du texte. 1) Comparer au vers 2100 la graphie singulière : d’une eveschief, eves- chié. (2) Je dois cette remarque et plusieurs autres à M. P. Meyer, auquel j'ex- prime ici ma respectueuse gratitude. (3) Ce vers prononcé par le prophète Elie est la traductiou d'un verset du livre de Job : « Videntibus cunctis præcipitabitur », qui a été attribué à l’Antechrist par saint Grégoire le Grand et divers commentateurs, comme on l’a vu précédemment, du QE Le L'auteur emploie concurremment les terminaisons age et aîge, le scribe écrit partout aige à la rime : raige, feray ge, 409; oultraige, couchay ge, 383; voiage, li- naige, 251; mariage, raige, 1993. Pour l’auteur, ie se confond le plus souvent avec e : recouvrer, l’ouvrier, 649; pére, lumiére, 1093; devisié, mis hé (mis ay), 653; piez, estaichiez, 2188 ; effaciez, Mathez, 1875. assotée, laissiée, 367; appellée, trabuchiée, 181; devisiée, finée, 1717, et acraventée, obliée, 1139. Toutefois, par exception. la triphtongue iée se réduit à ie aussi bien à la rime que hors de la rime : he et joians, 403; maisnie, seignorie, 575; desconseillie, appa- reillie, 1845; accomplie, encommancie, 1493. Le scribe n’a fait qu’une seule fois cette réduction, on dirait par surprise ; il a laissé passer desconseillie (1845) au pre- mier vers, puis il a écrit appareilliée, en dépit de la rime. Mais ces différences ne sont rien en comparaison des traits communs, comme :l est facile de s’en rendre compte en examinant les rimes communes de l’auteur et du scribe. Dans cette énumération sommaire on suivra, à quelques ex- ceptions près, l’ordre des sons français. PHONÉTIQUE À. — Les adjectifs en able ne riment qu'entre eux ou avec diable, 753, 1491, et fuble, 1911 ; jamais de rimes en aule. Les adjectifs latins en alem et les noms en «le donnent al et el: cilz desloiaux (singulier), crestiens loyaux, 1333; au pluriel, loial, là desloial, 609; desconfortez, mortez, 1357; costez, vostre hostez, 2412. On trouve également : fieus, quieux, lesquieux (corps des vers 449, 447, 50). An et en sont confondus par la rime : Pb Due Matam (nom propre), atan (atent), 431; presence, pesance, 1295; conmant, conment, 2266; folement, demant, 1637; Vivans (nom propre écrit Vivens), li vens, 1063. Un trait dialectal plus notable, c’est la rime ans, 1ens: Jupians, crestiens, 1663; joians, soiens, 403 ; voyans, voiens, 851. Ai final rime avec é et s'écrit le plus souvent de même : iré (latin iræ) , diré, 17; regeneré, seré, 357. A1, ei, oi riment devant les nasales : humaingne, plainne,481; fontainnes, plainnes, 1539 ; praingne, souverainne, 987, 1673; certainne, moinne (mène), 397 ; poinne, demoingne, 1151; poinne, tesmoingne, 1019. e Les trois o1 (de 64, di et ei) se confondent à la rime: Ot, ei: voiz (vocem), rois, 2180. di, ei: noise, poise, 3; gloire, voire, 27; gloire, croire, 587; joie, moie, 1555; joye, doie, 355 ; deproie, joye, 1737; monnoie, oie, 651 ; oies, deproies, 1795. Er. — L'infinitif en er rime avec les participes pluriels en é et en és. Le scribe écrit: trouver, participe pluriel; ouvrer, infinitif, 1715; estimez, infi- nitif, envelimez, participe pluriel, 2261. L'infinitif en er rime même avec la 2e personne du singu- lier de l'indicatif présent d’estre : Que je ne l’ose regarder. Bien est gardez cui tu garde es (écrit gardés). v. 1826 O. — O tonique provenant d’un au latin ou d’un o entravé se prononce ou : je n’os,nous, 1747; touz, par correction tout (fotum), tost (toust, tout (tollit), 1359). Ui. — Ui sonne : cellui, lei, 1317; hetïe, pluie, 1253 ; destruire, cure, 511. Les rimes suivantes sont plus rares : Aïÿe (par correction aiue), corrompue, v. 1981. Qui nuit et jour m'art et m'enuie Et me pourrit ma char chetiue. 710 Ces exemples sont uniques. Les consonnes paraissent prêter à peu de remarques, d’a- bord parce que la date relativement récente du texte rend beaucoup d'observations superflues, ensuite parce que l’au- teur, nous le verrons, se contente souvent de rimes impar- faites. | 6 Notons seulement que S s'éteint devant une consonne, même dans le mot savant triste : acquiite, triste, 10#3; recouvristes, tristes, 2326. Pour justes, fustes, 2288, rien de décidé. L est vocalisée régulièrement. Au futur et au conditionnel de doner, mener etc., l’r ne s’assimile pas l’n précédente, après la chute de l’e, et l’on trouve à peu près constamment les formes non assimilées du Nord et de l'Est : donray, menray, etc. MORPHOLOGIE Les traces de la déclinaison sont très nombreuses, mais confuses, on l’a déjà dit, et on ne craindra pas de le redire encore, car c’est un de nos principaux arguments. Cette dé- clinaison s’observe même dans certains noms propres : (ex. : Ezechiés, 96 ; Mahons, 316, à côté de Mahommet, 413, etc.), à plus forte raison dans les autres mots. Le cas sujet singulier du mot soleil est soulaux (hors de la rime, 407, 1024); de mesel, mesiaux, v. 701, etc. Les mots se terminant en our. ont, à côté de cette forme, une autre forme en ewr. Mais owr domine sensiblement par- tout : creatour, d’atour, 2117; douçour, plour, 1812; folour, dou- = 6 — lour, 1277; paour, aour, 1771; aourer, demourer, 785 ; aourez, demourez, 973; demeure, aeure, 1379; sequeures, heures, 1191. L’adjectif latin vivus donne vis : | devis, revis, 1461. Captivus, féminin-va, donne chetis et chetive (hors de la rime. 2112, 2008, 2105), à côté de chaitius, féminin chaitiue, chetiue, d’après l'exemple unique déjà cité : enuie, chetiue, 709. e Les adjectifs de la 3° déclinaison latine n’ont presque jamais la terminaison féminine, sauf telle moins fréquent que tel, crueuse, dolente. L'article a les formes françaises, li, le, la, li, les: On trouve cependant deux exemples assurés de le, article et pronom féminin picard, pour la : Mon pouoir et le ma maigniée (par corr. le ma maisnie). Qui par trestout ont seignorie, 976 La foi Jhesucrist annuncier Et Le bien dire et prononcier. v. 474 Deux autres exemples sont douteux. Dans le vers 2178 : Monstrer vueil que chascuns le voie, le esttrès probablement pronom neutre. Ailleurs, au vers 305 et suiv., le manuscrit porte très lisiblement, sans confu- Sion de lettres possibles, ces paroles significatives du diable Engingnart à la courtisane de Babylone, qui deviendra la mère de l’Antechrist : Ma douce suer d’estrange terre, Vien cy pour aventure querre, Et si vien pourchascier le mien. v. 905 Si vous pri, par grant courtoisie, Que vous m'amie estre veilliez Et pour vostre amy m'acueilliez; A amy me veilliés saisir Pour faire de vous mon plaisir; C’est ce que d’amours doit venir. Rae ll n’y aurait rien de plus simple que de corriger, d’après le contexte, le mien en l’amie. Mais pour quelle raison le scribe aurait-il évité ce mot si simple de l’amie et substitué le mien ? Comme dans l'exemple précité « Le ma maisnie », il a peut-être écrit ce le picard, sous la dictée, sans trop de- viner la suite, et il aura modifié le second mot. Une cor- rection possible serait : pourchascier Le mie (courir la gueuse), mais on n’oserait l’assurer. On trouve à la rime le pronom mi pour moi, me : ami, a my, 193; vi, de mi, 1831, et hors de la rime, 398 : mi (?) moinne pour me mène. De même, en li, de li pour elle, dans le corps des vers 216,286, 2128, Les pronoms possessifs mes, tes, ses, sujets singuliers, ne sont pas rares : mes péres (v. 1350), tes empires (1502), ses noms (1579), etc. Ti, sujet pluriel, est unique : tt jJuge- ment (v. 1553); m1, sujet pluriel, plus commun (v. 193, 250). On rencontre encore souvent les formes masculines vo, no, à côté de vostre, nostre. | Au féminin, les formes mi(ma) : Mi suer (v. 350) et voz : À vous apparra voz purtez (2283), sont rares. Ma et vo sont plus fréquents. : L'emploi de la forme oblique cui n’est pas inconnue, ni de l’auteur ni du scribe, qui l'écrit tantôt eut tantôt qui (v. 328, 1358, 1418, 1609, 1826, etc). La 1° personne du singulier du présent de l'indicatif n’a très souvent ni s ni e non étymologiques : | Rimes : sent (écrit sen), san, 381; Matam (nom propre), atan, 431 ; bonnement, demant, 875; midi, di, 1893. Corps des vers : acort, 298; aport, 422; jur, 861; conjur, 1092 ; doubt, 663; conmant, 612; pris, 1066 ; Lais, 1604; conseil, 1649 : ; regar, 702 ; aim, 1843 ; doing, 136, à côté de donne; etc. À cette même personne, l’e adventice de la 1'e conjugaison F | 4 | ne — domine aux rimes, mais là même alterne avec l’ancienne forme : n'os, nous, 1747; ose, enclose, 1801 ; aour, paour, 1771; de- meure, aeure, 1379. Quelques futurs ont de même deux formes diverses, qui alternent eutre elles, quelquefois d’un vers à l’autre : Et Entrecrist n'aorera, Ainçois ahorra sainte Esglise. 1433 On trouve de même : baron, aron, 1937 ; arez, hors de la rime, 2259; partout ailleurs, la forme avrai, etc. À la 3 personne du singulier du subjonctif présent, on rencontre encore très souvent l’ancienne terminaison : saut, haut, 443; escript, crist, 655; Antrecrist, brait ne crist, 1961 ; mort, s’amort, 689 ; haut, aut, 683. poit, 274; aourt, 645; doint, 316 ; lait, laist, 1765, garantis par la mesure. La 1'° personne du pluriel du présent se termine en on et en ons : baron, aron, 1237; departiron, sont, 2499. provisions, deprions, 1337; alons, talons,1659; jamais en omes, excepté dans sommes. Pour la 2° personne du pluriel du futur présent, l’auteur, ou du moins le scribe, hésite entre les formes oz et ez; mais la forme étymologique oiz domine partout : direz, atirez, 1441; seroiz, sauveroiz, 905, etc. La 1'e p. sg. imparfait et conditionnel se termine en oùe : queroie, proie, 343 ; voie, pourroie, 2178, etc. La {re p. pluriel {subjonctif, imparfait et conditionnel) se termine en iens, qui est partout monosyllabe, à la rime et dans le corps des vers, comme l’indique la mesure : joians, soiens, 403; voyans, voiens, 851; puissiens, 15, 189, 236; aliens, 395 ; faciens, 1650; pouiens, 762; aviens, 819 ; aouriens, 740, etc. 9 = 66 La 2° p. pluriel est en 1ez, qui est tantôt de deux syllabes (faisi-és, 3; pourri-és, 2260), et le plus souvent d’une syllabe : Subjonctif : entriés, 536; faciés, 1193; trayez, essauciez, 593. Imparfait : aviés, 2232 ; jugiez, estiés, 2930 et 1007 (hors delarime). On trouve une fois hors de la rime : avoi-és, 2365, et sero1-6s, 169. L'auteur emploie indifféremment. à tous les temps, proter ou prier, et les verbes analogues, suivant les besoins de la rime ; mais il paraît préférer les formes en oi à celles en i : pri, 306, 325, 430, 706, hors de la rime. Rimes : proie, queroie, 349 ; proie, proie, 2087; otroy, 868, 875 ; renoy, 980 et 1382 ; prions, 10, 1685 ; provisions, deprions, 1337 ; tribulacion, deprion, 1499; deproie, joye, 1737; deproye, octroye, 1783 ; oies, deproies, 1795; deprier, octroyer, 1767 et 1725; renoier, proier, 1285, 1629 ; renoier, octroier, 549. Le verbe estre conserve son imparfait ière (393), à côté de estoit, et son futur monosyllabe : yert, 1ert (v. 101, 181, 182, 390, 578, 604, 679), ert (v. 636) à côté de sera, plus commun (sera, fera, 263). Il y a divergence pour les formes du verbe avoir : préterit : j’oy (hors de la rime) 623, 1789, 2324, 2395, 2396, 9344. ot (hors de la rime) 19, 93, 27, 50. orent, 44; et orent, sorent, 39. eùx, repeùz, 2338 ; eùx, 2343. eùüstes, fustes, 2344; etstes, 134. SYNTAXE La syntaxe et le vocabulaire appellent peu de remarques. La rime a obligé l’auteur à donner au mot fluves le genre inusité du féminin : freite : Ceste grans fluves s’est retraite. 1614 Si l’on trouve ailleurs : Moi et mon eveschié vous donne, k 817 à côté de : D'une eveschief et conduisierres, 2100 Re Ge ie ff ui -é 07 = c’est que le mot eveschié oscille encore entre le genre féminin et le masculin. Les pronoms possessifs ma, ta, sa s’élident régulièrement, et il n’y a pas d'exemple de mon devant un nom féminin. Ce fait n’est pas commun à la fin du xrv® siècle, et il pourrait donner à penser (mais à tort) que le texte est plus ancien qu’on ne l’a affirmé. Dans le style, en général facile et d'autant plus rapide que cette pièce a dû être improvisée, on trouve quelques cons- tructions embarrassées où le relatif est trop séparé de l’anté- cédent ; quelques passages du pronom singulier au pronom pluriel de la seconde personne (v. 2143, 1743, etc.). À noter aussi un ou deux emplois intéressants de en explétif (v. 317); de l’infinitif pris substantivement (le garder, 2126), la surveil- lance, les précautions, nostre vouloirs), et surtout l'emploi du complément direct ou indirect d’une phrase qui devient su- jet de la phrase suivante, sans être remplacé par un pronom. A l’omme de deables tampté. L’ot si tost que toute la gloire Perdi … v. 28 Seur eux je vueil espandre toute Ma fiole, est seur eux freite. 1613 Contre les dix commandemens ; Par vous ne seront plus quassé. 1591 Quant au vocabulaire, il contient quelques expressions qui paraissent avoir échappé à la diligence de Godefroy et qui seront relevées dans le glossaire. Deux ou trois mots : esmaier (v. 266), route (troupe, 360), aler en proie (v. 1293), de ce manuscrit conservé à Besançon attirent aussi l’atiten- tion parce qu’ils sont encore usités aujourd'hui dans le lan- gage populaire en Franche-Comté (1), et qu’ils pourraient tromper sur l’origine du texte; mais en définitive ces mots sont simplement français et n’ont rien de bien particulier. (4) Ces mots sont signalés comme tels dans la savante introduction de Li Abrejance de l’ordre de Chevalerie de Jean PRrIoRAT, éd. Ulysse ROBERT (Soc. des anc. textes français, Paris, MDCGCXCvIT), t. E, p. LIT à LIV. He VERSIFICATION La versification est peu compliquée. Le mystère est écrit en vers octosyllabes à rimes plates, sauf le couplet final [v. 2430-2438), et de rares exceptions (Ex. v. 1815 et suivants). L'auteur recherche visiblement les rimes léonines, et 1l est rare que dans les rimes ordinaires, il néglige la consonne ou la voyelle d'appui ; cependant : resurrecci-on, environ, 1919; resurrecci-on, vision, 91 ; pais- si-on, m'orison, 1815. Il se plait à faire rimer des formes diverses ou des composés d’un même mot; rarement il fait rimer ce mot avec lui-même. À côté des rimes équivoquées et brisées assez nombreuses, il convient de signaler quelques rimes imparfaites : hanche, lance, 2186 ; represente, doutance, 675; lettre, mette, 657 ; peril, querir, 799 ; gesir, respit, 1929 ; estoit, soif, 2192; lune, plume, 1065. À noter aussi une assonance aussi facile qu’inutile à cor- HISÈRE Tous les bons je mettrai en gloire (1), Mais les mauvais je ne pourroie. v. 1852 La valeur syllabique d’un assez grand nombre de mots (en particulier: guerredon, gquerdon, verais, vrais, de juyve, juise, tantôt de trois, tantôt de deux syllabes, et surtout des formes verbales fe-ist, fist, ve-oir, veoir ou voir, etc ) varie souvent à de courts intervalles, quelquefois d’un vers à lavires - Estes-vous crestienne (2) ou juyve? 291 Juy-ve sui et si sui née. 293 Je ne cuide jamais voir l'eure. Que cel enfant puisse ve-oir. v. 439 (1) Comparer le vers 2426 où l’auteur emploie de même gloire et non pas joie dans le sens de paradis : Et par cui vous avez victoire Des deables, et estes en gloire. 2426 (2) Crestien paraît être partout de trois syllabes. PRET =. 69 — De là une cause d'erreurs fréquentes pour le scribe, et qu’il suffit de signaler une fois pour toutes. En général, Aa de la langue écrite se réduit dans la pro- nonciation à un simple «. Exemple: aaises (v. 2980). Une seule exception : ma-uille (v. 2001). E le plus souvent n’est pas absorbé par la voyelle ou la diphtongue suivante, et continue d’ordinaire à se prononcer séparément : cre-ance, 924; cre-ans, mesche-ans, 635; cre-ez, 497; ve-u, cre-u, 595. ve-ant, 520; ve-ist, de-ist, 1137 ; ve-orr, se-oir, 439; ve-oient, 767. deve-ez, 2192 ; de-u, e-u, 2079 ; e-usse, ge-usse, 2127. Exceptez veezci,vezci, très ancien; creance, 887 ; et les mots analogues mescheance, 1157 ; li mescheant, 1620; deables, commun, etc. Dans le corps des vers, l’e atone formant hiatus avec la tonique se prononce le plus souvent en syllabe : Tant m'ont en ma vi-e lamptez. v. 2116 De leur compaigni-e me boutent. 703 Que m'avez ma veu-e rendue. 621 Les issu-es de sainte Esglise. 2111 Di-ent que cilz jours vert jours d'’ire. 101 à Or pue-ent bien veoir li mescheant. 1620 De tous estoi-e mout doubtés. 2101 Quant veoi-es un mehaignié. 2034 Si vous croiroi-ent fermement. 766 etc., etc. Mais les exemples contraires sont déjà nombreux, surtout pour les monosylilabes : De celle yaue clere de fontainne. v. 728 Jamais jour de ma vie n’avré. 978 Que tu faces qu'i[l] soient servi, etc. 2089 — 70 — Il semble même que l’auteur ait pris la licence de compter ou de ne pas compter, suivant sa commodité, dans la mesure, le final atone suivi d’un mot commencant par une consonne. L’inversion, la suppression de pas, ne suffiraient point à corriger tous les exemples suivants que l’on a laissés tels quels : Contre nous est donnée santance. v. 2388 Encor n’est pas on Puce l’eure. 41-13 4898 Douce amie, s’i[l] vous devoit plaire. 289 Seront en nue. des anges. 1031 Prions sainte Due licil. 1685. Il parait également inutile de substituer les désinences mo- dernes ois, ois dans des vers comme ceux-ci, d’ailleurs assez rares . Pour fole me devroye tenir Se refusoye tel compaignie. v. 313 En enfer les feroie descendre. | 2068 Morir les laissoies comme bestes. 2056 Quant aux négligences comme celle-ci : Les issues de sainte Esglise Quant je les ay mal deserviz (pour deserviez) ; J’ay trop les ennemis serviz, v. 2114 on en trouverait d’analogues jusque dans les auteurs du x vire siècle. ot Les monosyllabes que (pronom et conjonction), je, ne, ce, se, si, qui, eitc., sont le plus souvent en hiatus avec la voyelle initiale du mot suivant. À côté des élisions féminines régu- lières et inutiles à noter, les hiatus sont également fréquents après une muette plus liquide : J’ay fait faire à mon devis. __ v. 1461 ee | Qu'elle et son fil et son pére. v. 1724 En chartre ou en prison ferme. 637 Pl Mais en dehors même de ces conditions, l’hiatus paraît fa- cultatif surtout devant un monosyllabe (1) : Que il gise a une femme. v. 211 À Moÿyse et a nous tour. 295 De puissance et haut et bas. 1239 Uns chascuns vous freuve aimable. 1010 Ceste robe emporteras. 995 En résumé, la versification présente la même incertitude, la même confusion que la langue, et cette double confusion correspond bien à la date qui avait été assignée au texte, c’est- à-dire au plus tôt l'extrême fin du xiv° siècle. D'autre part, pour que les règles de la déclinaison soient encore assez bien observées par l’auteur et le copiste, il faut admettre qu'ils étaient tous les deux d’un certain âge et qu’ils conservaient les habitudes de leur jeunesse. Bien plus, cette condition né- cessaire ne parait même pas suffisante. À cette date les traces de la déclinaison ne se conservent plus guère, même en poé- sie, que dans le Nord et le Nord-Est de la France, c’est-à-dire dans une région assez restreinte, où il convient de chercher la patrie de l’auteur et celle du copiste. Si le cardinal de Granvelle, propriétaire possible, mais nullement démontré (2), du manuscrit, a pu le rapporter de l’Artois, letexte n’est cer- tainement pas de cette province. Tous les faits linguistiques relevés précédemment dénotaient le français commun de l’Ile- de-France avec un mélange très faible de traits champenois et picards. Il ne reste plus qu'à distinguer, dans la mesure qui nous est possible, lesquels de ces traits sont les plus im- portants et à examiner avec attention les détails. Emme (1) Sur e non élidé, suivi d’un monosyllabe, voir une note de M. P. Meyer dans la préface du roman de L’Escoufle (Soc. des anc. textes fr., p. LIT), (2) Voir plus haut, p. 13. mo Voyons d’abord les graphies du scribe. Dans cette ortho- graphe archaïque qui, le plus souvent, conserve toutes les lettres, même celles qui ne se prononcent pas (crance pour creance (v. 1340) et meschance (v. 888, 2387) sont des ex- ceptions), on peut noter : 10 L’emploi de l’h pour marquer la diérèse: mehu, 249; co- gnehue, 922; ahorra, 1433 ; 20 La suppression fréquente de l’h aspirée : uis a huis, 970; umain, 1131 ; oneur, 1341 ; d’ui, 1034, etc. ; par contre : habonde, 946 ; heùü, 2193; hé pour ai, 1644, commun, etc. ; 3° La suppression fréquente de l’L après l’i devant une con- sonne : s4, qu’i, pour s’ùü, qu’il; 40 La notation irrégulière de l’ mouillée: rouillié (roulé, batu), 1165; pilez, essiliez, 1979; piler, millier, 1973; 9° La notation de l’n presque invariablement doublée ou mouillée : souverainne,987; certainne, 397; poinne, 678 ; moingne, poingne, 1603; 6° Le doublement fréquent de l’s : vaussist, 1440; voussist, voussistes, 2264, 2966 : 7° L’addition très commune de l’s non étymologique: fest, 85, poeste, 100; envelismera, 531 : trabuscheront, 1119; Jasque (nom propre), 1801-1802; resgne, 1473; haust, 1153; Esglise, 557 et passim; vaust, 1951; faust, 1252, 1349, 1414, etc. ; 8° La confusion fréquente den et m,s et c: con pour com, sa et ce, se, ce, si, ci, etc.; ceigneurs pour seigneurs, 1042; 90 X a l'articulation douce de l’s : eüæ, repeüz, 2338; 10° Z est mis souvent indifféremment à la fin des mots pour s : voz amez reprenez, 1931; et l’y n’a le plus souvent qu'une valeur calligraphique. Ces graphies n’ont rien de bien significatif. Si l’on examine le manuscrit dans l’ensemble, on y trouvera sans doute des traits isolés de diverses régions, comme dans la plupart des copies. Ainsi: croira (lorrain) pour croirai, v. 609; la toue garde (normand), v. 1898. Mais on est surtout frappé par les picardismes. Tels les mots ou les graphies : ENT Pr me prochiennement, 237,à côté de prochainnement,203; abbausse, 1953-1954, à côté de abbeesse, abbesse, liste des acteurs et rime abbesse, messe, 2193; venchera, 179 ; vanche, laidange, 1667; vei- ront, veirront pour venront, 1142; Plito pour Pluto, 661-662, etc. D'autre part, certains traits semblent plus particuliers au Beauvaisis (1), comme l’o prenant la place de l’e, Ainsi: voez pour veez, 074; tonons pour tenons, 1294; nœ très distinc- tement écrit pour née, 1838; forçonnerie, 385. Le scribe s'éloigne encore plus des habitudes du dialecte picard en hésitant, comme il le fait, dans l’emploi de Particle féminin le et des pronoms possessits analogues (v. 576 et 305); en n’admettant pas le mélange des finales enie,iée; en écrivant jayans (par un 7, v. 1663) un mot aussi connu que gayans. [l écrit encore : an ceste saison (v. 486), l’an les crist pour l’en (l’on) les crist (656) ; 1l substitue très fréquemment an à en, ce qui semble bien un trait champenois qu’on peut suivre dans tout le manuscrit. Ce sont également des traits champenois, semble-t-il, que la préférence marquée de l’auteur pour les terminaisons en our, ainsi que les rimes ans, iens. Le mélange des suffixes age et aige, des terminaisons en iée et en 1e, l'emploi in- termittent du féminin le pour la, ces traits plus familiers au picard ne sont pas étrangers au nord-ouest de la Champagne et ils ont été constatés par Natalis de Waïlly dans la langue de Reims (1. De ces remarques détachées on est amené à conclure ceci : Le dialecte de l’auteur et celui du copiste sont le plus sou- vent confondus, sans que l’on puisse toujours déterminer la part de chacun, d’abord parce qu'ils semblent originaires de pays voisins, ensuite parce que le texte lui-même est (1) L'abbé J. CorBLer, Glossaire du Patois picard, etc., 1851 : esporer pour esperer (Gout. du Beauvoisis), p. 396. (2) Mém. de l’Acad. des Inscript., t. XX VIII, p. 290. — Notons pour- tant que le féminin Le est très rare dans les chartes de Reims au x1rr° siècle, 7 d’une date assez récente, enfin surtout à cause de l’instruc- tion insuffisante de celui quiécrit ces lignes. En tous cas, les particularités du texte ne peuvent guère s’expliquer que par le fait qu’il a été écrit sur les confins de l'Ile-de-France, de la Picardie et de la Champagne. Ce mystère est vraisembla- blement du Vermandois ou du Valois, sinon du Rémois lui- même. [] ne nous appartient pas de discerner des nuances aussi délicates, et nous craignons bien d’avoir été trop pré- cis, malgré toutes nos réserves. En disant cependant que l'original et la copie ont été écrits à un certain intervalle de temps et de distance, entre l'Oise et l'Aisne, l'erreur d’ap- préciation possible ne parait pas devoir dépasser une cin- quantaine de lieues. Sous le bénéfice de ces observations, et notamment de celles qui concernent les graphies du seribe, on a reproduit le manuscrit unique tel qu'il est, moins les abréviations ré- solues dans le texte. On n’a corrigé que les fautes déjà assez nombreuses contre le sens et la mesure, et l’harmonie des rimes n’a été rétablie qu’à de très rares exceptions dans les disparates trop choquantes. Dans ces cas, la leçon textuelle est rejetée dans les notes et la correction proposée est mise entre crochets ( ). Les lettres ou les mots sautés par le co- piste sont toujours imprimés entre [ |. Pour faciliter la lecture du texte, on a distingué uw voyelle de u consonne (vw), à voyelle de à consonne (j), et ajouté la ponctuation, l’apostrophe, la cédille sous le ce doux, les majuscules. On a employé l’accent aigu pour marquer lac- cent tonique dans les polysyllabes se terminant en e, ee, es, ere, accentués : bonté, journée, savés, pére, lumiére. On n’a pas mis d’accent quand z final indiquait qu’e n’était pas muet : savés mais «lez. Les articles, pronoms et adverbes monosyl- labes ont été laissés sans accent, exemple : nes, (même); es, (en les); mais on a distingué par l'accent les autres mono- syllabes équivoques, par exemple : ses possessif et sés (sais). L'accent grave a été employé pour marquer la prononciation me ouverte de l’é: après. Quant aux trémas, il aurait fallu les multiplier pour marquer toutes les variations de la quantité syllabique, telles qu'on les a indiquées dans ces notes. Mais on a craint d'en surcharger un texte qui devait être imprimé en caractères menus et de rendre ce texte encore plus dif- ficile à lire. Il a donc paru préférable de n°’ employer en gé- néral les trémas que pour les cas franchement douteux, ou pour distinguer les équivoques pais, paiz et païs. On n’a mar- qué régulièrement que les diérèses les plus usitées, eù, ei: seussiens, seussiens (sussiens), feist, feist (fist), quand il y avait lieu. A ces détails matériels près, l’orthographe bigarrée du ma- nuscrit de Besançon à été reproduite scrupuleusement. Les savants pourront, avec une précision à laquelle on est très loin de prétendre, déterminer le dialecte, le canton, la ville de ce mystère dont la région n’a été indiquée qu'approxi- mativement, et la date seule avec certitude. VII Après avoir déterminé la date et la région du Jour du Ju- gement, il nous reste à énumérer les diverses pièces fran- çaises et étrangères dont la réunion et la collation étaient indispensables pour discerner par comparaison les traits caractéristiques de ce mystère. Dans cette récapitulation, on se bornera à mentionner les pièces déjà souvent signalées et connues ; on n’insistera que sur celles qui ont paru prêter à des remarques nouvelles, comme le Ludus Paschalis de An- tichristo, quoiqu'il ait été souvent étudié, et sur celles qui se rapprochent le plus du Jour du Jugement. Toutes ces pièces peuvent se diviser en trois groupes, les mystères mimés, les drames proprement dits où le jugement dernier est repré- senté isolément, et ceux où il est précédé de la légende de l’Antechrist. On suivra done cet ordre pour les différents pays, et l’on réservera une dernière division très courte aux NO pièces sur le jugement et sur l’Antechrist de la polémique protestante du xvi° siècle. FRANCE Le jugement dernier a souvent et très longtemps été re- présenté dans les mystères mimés, soit aux entrées des princes, soit aux processions de la Fête-Dieu. Les représen- tations de ce genre que l’on connaît (Paris, 1313, 1438 ; Ab- beville, 1466 ; Béthune, 1549) sont depuis longtemps décrites en détail dans le Dictionnaire des Mystères du comte de Douhet et dans les Mystères (1) de M. Petit de Julleville. On ne peut y ajouter qu’un nom et une date : Nantes, Archives Municipales (t. I, p. 25), AA 96, liasse : « Quittance de 40 s., donnés à G. Galopin, pour jouer le ju- gement au carrefort des Changes (Nantes) à la venue et en- trée du duc de Bretagne (Pierre IT), 8 octobre 1450 ». Le jugement dernier a également servi de spectacle méca- nique. Magnin possédait et a décrit dans son Histoire des Marionnettes, etc. (Paris, 1852, in-8, p. 121) un Jugement daté de Renns, 15 avril 1775, et ainsi intitulé : Explication du Jugement universel par le sieur Ardax du mont Liban. La pièce en cinq actes comprenait € trois mille cinq cents figures en bas-relief » mobiles. Un orateur était chargé « de citer les passages de l’Ecriture sainte et de prévenir l’assem- blée respectable des différents sujets qui rempliront les actes. » La Bibliothèque de l’Arsenal conserve un programme à gravures quelque peu différent et probablement unique, qui sera cité en note @). Il nous paraît très vraisemblable (4) Les Mystères, Il, 187,192, 196, 213. (2) B. de l’Arsenal, S. et A. 5119 bis, in-4°. — Représentation du Ju- gement universel. — L'invention de cette pièce est due au S' Ardaxe. La singularité du sujet, dont l'exécution a été approuvée de MM. de la Sor- bonne, méritera l'attention du public. Les décorations sont peintes par le Sr Pietre Algieri, peintre de l'Opéra, qui est parfaitement entré dans le ER, DE que ce spectacle a été inspiré par une de ces grandes paniques que nous avons si souvent rencontrées. Un mé- moire de l’illustre astronome Lalande, faussement interprété par les nouvellistes, avait fait croire aux Parisiens que la terre était sur le point d’être broyée par une comète. La Gazette de France du 8 mai 1773, les Mémoires de Bachaumont, une lettre de Voltaire datée de Grenoble, 17 mai 1773, font allusion à ces terreurs et aux plaisanteries folles qui les suivirent. Le sieur Ardaxe aura profité des circonstances pour organiser son spectacle avec le concours du sieur Algieri (qui avait presque le nom du Dante), et, après avoir exploité Paris il aura continué par la province. Pour les Jugements derniers dramatiques, le plus ancien est le drame allégorique de l’'Epoux ou des Vierges folles, qui plan de l'auteur pour les effets merveilleux que font les différents morceaux de perspective nécessaires pour remplir l’objet qu'on s'est proposé. Première représentation. — L’avant-scène offre aux yeux un portique d'ordre corinthien, avec les colonnes torses garnies de feuillages d'or. Pour attributs, dans les côtés et sous le péristyle, les vertus théologales. La lune paraît dans la nuit, teintée de sang. Le soleil se lève et fait son cours der- rière les vapeurs qui sortent de la terre; peu à peu il devient brun et perd sa lumière. Le bruit du tonnerre se fait entendre, un ébranlement se fait dans toute la nature. Des astronomes viennent observer ces phénomènes. Une pluie de feu tombe du ciel sur Jérusalem et la détruit. Deuxième représentation. — Un nombre infini de tombeaux paraissent dans la vallée de Josaphat. Des squeleltes en sortent et reprennent leur chair. Le prophète Ezéchiel arrive dans cette vallée et marque par ses gestes son étonnement. La mer mugit ei rejette les corps de ceux qui ont péri sur cet élément. Des anges sonnent de la trompette et annoncent aux quatre parties du monde le Jugement universel, Troisième représentation. — Une gloire immense descend des cieux. Dans le milieu et sur l'arc en ciel apparait le Divin Juge accompagné des douze apôtres. Toutes les nations arrivent, chacune dans les habits qui mar- quent les différents états et religions, pour entendre deux sentences irrévo- cables : l'une : Venite benedicti, et l'autre : Ite in ignem. Après quoi les anges font la séparation. Quatrième représentation, — L'enfer sort de dessous terre : un bruit profond se fait entendre dans ses antres profonds qui vomissent feu et flammes. Les démons s'emparent des damnés, et ces ministres odieux de la justice divine les plongent dans les tourments qui leur sont préparés. nn — est tout à fait en dehors du cadre de cette étude. Le premier des mystères français actuellement connus est un Jugement général (D rouergat qui termine une suite de pièces allant de la création à la fin du monde. Viennent ensuite deux drames bretons inédits que l’on jouait encore au commencement du xiIx° siècle (2). Jusque vers 1834, on représentait également le même sujet dans la Flandre Française, « à Bailleul, où le mystère du jugement dernier survécut à tous les autres 6) ». Les plus importantes de ces pièces sont celles qui repré- sentent, comme le manuscrit de Besançon, en une, deux ou trois Journées, l’histoire de l’Antechrist associée à celle du jugement. La plus ancienne connue est une représentation, en deux journées, qui fut organisée par l'archevêque de Lyon à Orléans, en 1550, et sur laquelle on ne sait à peu près rien (4). Vient ensuite un Jugement de Dieu inédit, plusieurs fois représenté à Modane (Savoie), qui expose en trois jour- nées le règne de l’Antechrist, la fin du monde, le jugement, et qui sera imprimé ou au moins analysé en détail très pro- chainement 6). Le même cadre fut encore suivi dans une pièce jouée le 7, 8 et 9 août 1607 par les élèves des Pères Jésuites du collège de la Trinité à Lyon. On y voyait le Dragon pour- suivant l'Eglise couronnée de douze étoiles, comme la femme de Apocalypse (x). Les quinze signes suivaient, et enfin le jugement. La représentation ayant coïncidé avec un vio- (1) Mystères provençaux du quinzième siècle, éd. À Jeanroy et H. Teulié (Toulouse, Privat, 1893), in-80, 193-284. (2) Collection des mystères bretons, formée par M. Luzel en 1863 (Bibl. Nat., catal. du fonds celtique, n°* 28 et 57, indiqués par la Revue cel- tique, NV, 318). — Emile Morice (Histoire de la mise en scène, Paris, 1836, in-8) donne l'analyse d’un mystère en 37 tableaux, sur le commen- cement et la fin du monde, qu’on jouait en Bretagne en 1833, et qui devait probablement être tiré des manuscrits précités. (3) Noëls dramatiques des Flamands de France, publiés par l'abbé D. CARNEL, Dunkerque, Typ. de Vanderest, in-8, 1855, p. 3. (4) Les Mystères, IT, 157. Cf. Cuissarp, Mystères joués à Fleury et à Orléans, 1879. (5) Les Mystères, IT, 461. ET lent orage, certain « tenébrion de Genève » vit dans ce fait une marque de la désapprobation divine, et il attaqua violemment la pièce dans un Récit (1), qui fut à son tour réfuté, et en- traina une polémique interminable, même au delà de nos frontières. On peut voir réunies dans la Bibliothèque de la Compagnie de Jésus (2) les nombreuses pièces de ce débat, qui n’est curieux que par sa date. ALLEMAGNE En Allemagne la pièce la plus importante sur l’Antechrist est le Ludus Paschalis de Antichristo, drame liturgique du xIIe siècle, en vers latins rythmiques, qui rappelle les projets de croisade de Frédéric Barberousse et qui célèbre la supré- matie du Saint-Empire romain, [Imprimé pour la première fois en 1721, par Bernard Pez, il a été traduit dans le Diction- naire des Mystères du comte de Douhet (col. 144 à 147) avec une longue bibliographie, à laquelle il suffit d'ajouter les deux éditions données par G. v. Zezschwitz (Leipzig., 1877 et 1878, (1) Conviction véritable du récit fabuleux, divulqué touchant la re- présentation exhibée en face de’toute la ville de Lyon, au collège de la compagnie de Jésus, le 7 d’aoust de la presente annee 1607. À MM. le Prévost des marchands et échevins de la dite ville. À Lyon par Abraham CLOQUEMIN, 1607, in-8°, — signé « André de Gaule ». (Bibl. Nat., Hist. de France, Ld®?, 49); réimprimé en 1837 à Lyon, par Bortel. — Le récit di- sait que « plusieurs des joueurs fort effrayés depuis sont morts, et qu’on tient compte de neuf ou dix des principaux pour le moins; qu’entr’autres celui qui contrefaisoit Dieu et celui qui contrefaisoit le personnage de Lucifer ont esté emportés de maladie : bref que les esclairs estoient si fré- quents que plusieurs pensoyent que ce fust la fin du monde ». — On pense bien que les Jésuites répliquèrent (et, ce semble, avec raison), que ces morts se portaient bien, et que malgré l'orage, la représentation avait été la plus belle du monde. (2) Nouvelle édition par le P. Carlos SOMMERVOGEL, $. I. Strasbourgeois, V, p. 229. — Aucune de ces pièces n'est citée par Brouchoud (Les Ori- gines du Théâtre de Lyon, Lyon, Scheuring, MDCcCLxv, 2° édition,p. 26), lequel, en revanche, cite une déclaration officielle du consulat de Lyon, auquel les P. Jésuites avaient offert leur Conviction ou Réfutation pour la faire approuver (Arch. municip. de Lyon, BB 143 et GG 59). — 80 — in-8), et surtout l’étude du D' Wilhem Meyer, qui a corrigé le texte et fixé sa date aux environs de 1160 (1). Au lieu d’a- nalyser une fois de plus dans les moindres détails une pièce qui a déjà été analysée une dizaine de fois en allemand (@) ou en italien, et au moins trois fois en français 6), il vaut mieux essayer de déterminer sa date avec plus de précision et rap - peler par de nouveaux textes l'intérêt qu’elle offre pour lhis- toire de France. Le drame allemand s'inspire, comme le mystère de Be- sançon, du traité de l’Antechrist écrit par Adson (4 vers 954, (1) Ludus de Antichristo und über die lateinischen Rythmen, von D' Wilhelm MEYER..., Munich, Straub, 1882, in-8°, 192 p. (2) Voir la dernière analyse faite par M. Wilhelm CREIZENACH (Geschichte des Neueren Dramas, Halle, Niemeyer, 1893, 1, 80-86). (3) Par les PP. MARTIN et CAHIER ( Vitrauxæ peints de Saint-Etienne de Bourges, p, 7 et sq.), par G. BRUNET (Les Evangiles apocryphes, 1863, p. 47), et surtout par M. Marius SEPET, dans un très intéressant article du Journal l’Union, 17 avril 1881. — Le texte latin est également reproduit dans la Patrologie Migne, t. CCXIIT, 947-960. (4) Sur l’histoire et les variantes du traité d’Adson, voir Ebert et surtout B. Hauréau, (Not. et Extr. de quelques Ms. latins etc., t. 1, S11 et VE, 86-83). — Sur l'origine et les transformations de la prophétie byzantine dans le traité d’Adson, le Panthéon de G. DE VITERBE, et les apocryphes de BÈDE (Patr. Migne, t. XC, col. 1181 et sq., Sibyllinorum verborum interprelalio) la dernière étude consultée est Der Antichrist in der Über- lieferung des Judenthums etc., von Lic. theol. Wilhelm BoUssET (Gottin- gen, Vandenhœck und Ruprecht, 1895, in-8°) qui paraît d’ailleurs incom- plète. Elle ne rappelle pas nettement ce qui a été depuis longtemps établi par l'historien des vers sibyllins, Alexandre, que la Sibyllinorum verbo- rum interpretatio attribuée à Bède ne peut avoir été rédigée, dans sa forme actuelle, qu’à la fin du xue siècle, sous l’empereur Henri VI : «.. Et tunc exsurget rex nomine H, animo constans. H ille idem constans erit rex Romanorum et Græcorum. Hic stalura grandis, aspectu decorus, vultu splendidus ,; atque per singula membrorum lineamenta decenter compositus.. » Elle ne rappelle pas davantage les variantes ou versions françaises de cette prédiction, en particulier la Prophétie de la Sibylle Tiburnica (Bibl. Nat., ms. fr. 375 et sq.) où l’empereur légendaire est dé- signé (p. 27 recto, col. 1), non par l’initiale H, mais par le nom de Cons- tans : €... li rois des Griex qui sera apelés Constans.. Il sera rois des Griex et des Roummains, il sera de grant estat et de bel regart, resplen- LB en particulier d’une vieille prophétie byzantine qu’Adson avait empruntée lui-même aux Révélations du pseudo-Méthodius et dont les rois de France et les empereurs d'Allemagne s’ap- pliquèrent plus tard le bénéfice. Adson vient de commenter le verset connu de la [Te Epître de saint Paul aux Thessaloni- ciens (IT, 5) en expliquant, comme on l’a déjà vu, que l’Ante- _ christ ne peut apparaître avant la division et la ruine défini- tive de l'Empire romain, Certes, ajoute-t-1l, cet empire est déjà détruit en majeure partie, mais si longtemps que subsisteront les rois des Francs, la dignité de l’Empire romain ne périra pas complètement et se maintiendra (stabit) en eux. Le der- nier et le plus grand de ces rois possèdera encore une fois l'empire romain tout entier, comme l’assurent nos docteurs. Après avoir fidèlement administré l’Empire, il ira à Jérusa- lem et là, sur le mont des Oliviers, il déposera la couronne et le sceptre, et ce sera la fin de l'Empire des Romains et des chrétiens. Ensuite l’Antechrist se manifestera (D », Toute la première partie du drame allemand n’est que la mise en scène de cette prophétie. C’est d’abord « la montre » ou le défilé solennel des acteurs. Les Rois de l'univers, l'Em- pereur ou le Roi des Romains et le Pape mêlés à des person- nages symboliques, lIdolâtrie ((rentilitus), la Synagogue, l'Eglise, la Justice et la Miséricorde vont occuper en bel ordre les sièges ou les irônes qui leur sont destinés. Aussitôt après, l'Empereur envoie ses messagers aux différents rois, qui re- connaissent de bonne grâce sa suprématie, sauf le roi de dissans par viaire et bien fais en tous ses membres. » — Ce sujet, très confus, demanderait une nouvelle étude à part. (4) ADpson (Patr. Migne, t. CI, col, 1295, : « Tradunt namque doctores nostri quod unus ex regibus Francorum, ete. » — Plus loin, dans le même texte, col. 1296, la même prophétie reparait plus développée et attribuée __ cette fois à une Sybille : «Sicut in sibyllinis versibus habemus tempore præ- dicti regis cujus nomen erit C. rex Romanorum totius imperii, ete. » — On retrouve, comme on l'a déjà vu, la prophétie dans les apocryphes de Bède (Patr. Migne, t. XC, col, 1185) avec cette différence que l’initiale C est rem- placée par une H, : « Et tunc exsurget rex nomine H. animo constans,.etc. » 6 2 QD France, qui ne cède qu’à la force des armes, et le roi de Ba- bylone qui assiège Jérusalem. Encouragé par un ange, l’Em- pereur va délivrer la ville sainte ; il dépose sa couronne sur l'autel, comme il a été dit, et regagne son trône. Sur le champ, l’Antechrist fait son entrée, escorté des Hypocrites et de l'Hé- résie. Les Hypocrites vont en son nom réclamer l’hommage des rois, parmi lesquels le roi de France se distingue par sa lâcheté, et le roi des Teutons par sa bravoure, car il bat les troupes envoyées contre lui et ne cède qu’au prestige des miracles, mais enfin il cède comme les autres, et à lui aussi lAntechrist peint sur le front la première lettre À de son nom. Le roi de Babylone et là Synagogue reçoivent le même signe. Les prophètes Enoch et Elie qui viennent convertür la Synagogue sont massacrés avec elle. Mais au moment où l’Antechrist célèbre son triomphe av milieu des rois, le ton- nerre retentit, il est foudrovyé, ses partisans effarés s’enfuient, et sont tous recueillis et ramenés à la foi par l'Eglise. La pièce finit brusquement, comme on le voit, par le châ- timent de l’Antechrist, et le retour de ses partisans à la foi est très brièvement indiqué. Il n’y est fait allusion m à la Résurrection du Christ qui, dès le xre siècle, était exposée dans un drame liturgique et représentée dans l'Eglise dès « la nuit de Pâques » en Allemagne comme en France (1); ni au jugement dernier. Ceci posé, qu’on veuille bien examiner les longues explications d'Honorius d’Autun, qui a vécu en Alle- magne au commencement du x11® siècle, et qui connaissait parfaitement la vieille liturgie. La première partie de son texte (2) sur les offices de la semaine sainte rappelle précisé- ment la prophétie sybilline ou la prophétie d’Adson exposée (1) Bernard PEz, Thesaurus anecdotorum, etc., IT, p. LH1.: « Nocte Dominicæ Resurrectionis, etc. » — MonE, Schauspiele des Mittelalters, : J, 9. — Les Mystères, I, Gi. (2) Patr. Migne, CLXXII,679, Gemma Animæ cap. CxxxIV : « De magno mysterio diei Palmarum, et totius hebdomadae. — Hæc cuncta, quæ in capite Christi præcesserunt, in corpore quoque ejus, scilicet Ecclesia, plus haut, et l'entrée triomphale du dernier Empereur romain à Jérusalem; la seconde la défaite de l’Antechrist et la conver- sion des [nfidèles rappelées dans les offices du Vendredi et du Samedi saint au matin. De ce symbolisme liturgique il semble bien résulter que le drame « pascal » de l’Antechrist a dû être joué au plus tard le Samedi saint, c’est-à-dire avant Pâques, aussi bien que le mystère de Besançon. Les deux pièces offrent d’ailleurs dans le fond et dans la forme de notables différences qu'on a déjà relevées. Le Lu- dus de Antichristo, mêlé de chants et d’hyrnnes, est un drame liturgique sans la moindre trace de comique ni de diableries. Cest aussi un drame militaire à grand spectacle, et cette mise en scène luxueuse déplaisait fort aux prélats rigoristes du temps que l’auteur a charitablement dépeints sous les traits des Hypocrites. Le beau rôle y appartient à l’Empe- reur. Bien qu’on y voie figurer côte à côte, assis sous le même dais (1), Ces deux moitiés de Dieu, le Pape et l'Empereur, futura erunt. Dies utique Palmarum, quando Dominus ad Hierosolymam venit, et ei turba cum palmis occurrit, est illud tempus cujus ultimus Romanorum imperator Hierosolymam ibit, regnum Deo et Patri da- bit, ut Sibylla scribit. Tres dies ante Pascha sunt tres anni quibus Anti- christus regnabit. Per omnia regna his diebus pœænitentes ab episcopis in ecclesiam introducuntur. Chrisma conficitur, per quod Christiani consi- gnantur, et tunc Judæi regno Dei assignantur. Pedes, qui sunt ultima membra, lavantur et ultimo tempore maxima perfectio in Ecclesia conci- tatur ; lumina conteguntur, et tunc omnia signa ab ecclesia tolluntur. Cam- panæ non sonant et doctores tunc non prædicant. Tabula percutitur, et magnus terror fidelibus incutitur. Lectiones lamentantur quia tunc omne gaudium Ecclesiæ in luctum convertitur ; altaria denudantur et tune omnia sancta proculcantur. Altus ligni sonitus, qui fit ad Benedictus est maximus terror qui invadet adversarios, quando interficietur Antichristus. His die- bus novus ignis benedicitur, et illo tempore ignis Spiritus sancti in eccle- sia reaccenditur, catechumeni baptizantur, et tune post interfectionem Antichristi maxima multitudo baptizabilur. Cereus reaccensus est Christi adventus. Deinde agitur Christi resurrectio quia tune sequitur Ecclesiæ resurrectio, etc. » (1) Si par une fantaisie archéologique on voulait représenter le Ludus de — 84 — le pape n’y ouvre pas la bouche, soit parce qu’il n’est pas question du pape dans les sources de auteur, c’est-à-dire dans les Révélations de Méthodius et le traité d’Adson (1), soit encore parce que dans la réalité les relations étaient très tendues entre Frédéric Barberousse et le pape de Rome. Au contraire, c’est l’histoire du pape Benoit XIIT qui fait le principal intérêt du mystère français du Jour du Jugement. Le rapport le plus curieux entre ces deux pièces si diffé- rentes, c’est donc l'union intime et insolite de la politique et de la liturgie. Le drame liturgique allemand repose, comme on l’a vu, Sur une prophétie byzantine qui, des empereurs bi cntus fut d’abord reportée sur les rois de France, héritiers de Charle- magne, puis fut confisquée par les princes allemands de la dynastie saxonne, en même temps que l’Empire, comme le texte le déclare lui-même (2). Mais si les rois de France ont toujours résisté aux prétentions des nouveaux empereurs, leurs sujets partageaient ce sentiment, et les Français conti- nuèrent, sauf de rares exceptions, à appliquer la prophétie en question à un prince français. Ce n’est qu’au xvrrI° siècle que les rédacteurs de l'Histoire littéraire de la France (t. NI p 480) se décident à appeler cette prophétie « fameuse mais insipide », sans entrer dans le moindre détail. Ge sont préci- ‘sément ces détails qu’il nous importerait de connaître et qui nous expliqueraient pourquoi l’on a si longtemps prédit et promis aux rois de France la conquête des Lieux saints. Es- sayons de glaner quelques textes à ce sujet. | Antichristo, le décorateur n'aurait qu'à copier une gravure du Liber chro- nicarum ou Chronica mundi d'Hartmann SCHEDEL qui nous montre ainsi _sous le même dais, l'empereur Frédéric IIL et le pape Pie IT (Æneas Picco- _Jomini , avec cette devise: « Sum pius Aeneas, fama super æthera no- lus », et qui contient une longue dissertation sur la suprématie du Saint- Soie. (4) La remarque est du D' W. MEYER, op. laudat., p. 18. (2) Patr. Migne, CCXIIL, col. 950 : « Ro oran si qua fides ha- betur, etc. » La prophétie mentionnée dans le traité d’ Adson reparait avec de nouvelles particularités dans la Prophétie de la Reine Sibylle 1), qui est probablement, comme on l’a vu, un fragment d’un poème d'Herman sur les Sibvlles. Elle est en- core indiquée, par allusions, dans la lettre déjà citée de saint Vincent Ferrer sur l’Antechrist (2), et son rôle devient surtout important au xv° siècle. Le pape Pie IT () la rappelle au roi Louis XI, qui décline le grand honneur qu'on lui propose; mais Charles VIII fut plus sensible aux flatteries des Italiens, et crut de bonne foi qu’il était le grand empereur de la lé- gende, celui dont le nom commençait par un C, comme disait le texte d’Adson, qui devait expulser les Turcs ou les infi- dèles et reconquérir Jérusalem. Ainsi, et ainsi seulement s'expliquent les poésies françaises, visions et pronostications du temps, celles d'André de la Vigne, du médeein Jean Michel, l’auteur de la Passion, et de Guilloche sur l'expédition d’Tta- he, qui devait être le prélude dé la reconquête de Constanti- (1) Incipit Prologus Regine Sibille à la suite du Tournoiement d’An- techrist, éd. Tarbé, p. 110 et sq. Dans la cité de Magot est un cerf mer- veilleux « de cuivre suroré » dont le chef est tourné vers l'Orient : Mès li cerf drescera, Sa teste tournera Vers le regne majur Cuntre l'Empereur Ki conquerra Magot. -—Comparer-un-fait-historique bien connu. En 978, quand Eothäires’empara d’Aix-la-Chapelle, les Français se donnèrent la satisfaction de retourner vers l'Est l'aigle de bronze qui se dressait au sommet du palais impérial, et qui avait la tête tournée du côté de l'Ouest, en signe de possession de la France. (2) P. 97: « Quarta est opinio dicentium futuram esse conquaestam Hierusalem et totius terræ sanctae per Christianos ante adventum Anti- christi. Qui ad hocinducunt multa verba; tam Ezechielis prophetæ trigesimo nono capite quam etiam Methodii martyris, quæ videntur prima facie innuere quod in adventu Antichristi terra sancta à Christianis possidebi- tur. » (3) I lui écrivait: « Nam pugnare cum Turcis et vincere, et Terram Sanctam recuperare Francorum regum proprium est ». Voir Vignier, de: la Noblesse de la troisième lignée de France, p.139, cité par E. DE FON- CEMAGNE, Mém. de l’Acad. des Inscriptions etc., LXVIT, p. 546, notes. Lee nople et de l'Univers : toutes ces prophéties dérivent du texte d’Adson ou de ses diverses transformations. C’est ainsi que la vieille prophétie byzantine ou sibylline est clairement désignée par André de la Vigne qui, dans le Vergier d Hon- neur, fait parler Chrestienté : D'une Sibylle de haulte extraction Jadis à Rome prenostication, Cinq cens [ans] a, fut ès Rommains donnée, Disant qu’un jour viendroit sans fiction Ung jeune Charle, qui coronation Prendroit en France, sur la treizieme année, Par qui seroye sitres hault couronnée De vraye gloire et louange immortelle Qu'on n’en lit point ès Chroniques de telle. Les allusions à la même légende sont encore plus claires dans : La Prophétie du roi Charles huitième de ce nom; ensemble l’exercice (ou l’explication) d’icelle par Maistre Guilloche de Bourdeaux (1) : Il fera de si grant batailles Qu'il subjuguera les Ytailles: Ce fait, d’ilec il s’en ira Et passera delà la mer... Entrera puis dedans la Grèce Où, par sa vaillante proesse, Sera nommé le Roy des Grecs... En Jerusalem entrera Et mont Olivet montera. (1) Ces deux textes, ainsi que les Nouveaux Mémoires de Sully, IX, p.74, et la prédiction du Coq français : « Dum gallus cantabit, Turca peribit», sont encore cités par E. de Foncemagne, qui s'est demandé vainement, p. 549, d’où pouvaient venir toutes ces prophéties sibyllines et autres, les- quelles sont encore rappelées dans l’Expédition de Charles VIII en Italie, par M. F. Delaborde (Paris, Didot, 1888, p. 314-317). Il est clair mainte- nant qu’elles dérivent du texte d'Adson, qui reparaît dans l’apocryphe de Bède. Et la prophétie devait être tout particulièrement agréable à Charles VIIT : Cf. Adson (Par. Migne, CI, col. 129,6) : « Sicut in sibylhnis versibus habemus, tempore prædicti regis, cujus nomen erit C., rex Ro- manorum totius imperii, statura grandis, aspectu decorus, vultu splendi- dus, etc,, etc. » — D — En attendant, Charles VIIT se contenta d’acheter à beaux _ deniers comptants les droits à la succession de l’empire de Constantinople ; il fit son entrée dans Naples en tenant en main le globe impérial, puis revint en France comme on sait. Mais la prophétie lui survécut et fut reportée à d’autres princes ; elle finit même par mquiéter les Turcs, s’il est vrai, comme le disent les Nouveaux Mémoires de Sully, qu’en 1601 le grand Seigneur pria le roi Henri IV de rappeler le duc de Mercœur qui combattait en Hongrie et qui pouvait servir d’avant-coureur à une armée de nouveaux croisés. La même tradition est relatée avec de nouvelles références par les histo- riens français, Palma-Cayet (let Favyn@); puis c’est Louis XTIT qui devient « le Coq françois » dont le chant fera périr les Turcs 6). Au milieu du xvire siècle, le traité d’Adson était encore si popuiaire que le début en fut parodié dans une Mazarinade (4), et la fin très probablement commentée avec {) De la venue de l’Antichrist etc., à Rouen, chez Thomas d’Are, MDCIt, in-8° (B. Mazarine, 41,776), par Pierre-Victor CAYET, docteur en la Sacrée Faculté de Théologie. — A la fin de la dédicace à M. de Béthune (ou Sully), grand-maitre de l'artillerie, on lit: « Sainct-Augustin cotte en son traicté que l’Antichrist ne viendra qu'après que le dernier Roy de France sera faict monarque de l'Univers, et déposera son sceptre et cou- ronne sur le mont des Oliviers, pour recognoistre Jésus-Christ, Roy Eter- nel. Autant en dict sainct Sevère escrivant à saint À mbroise et le Scholiaste de Saint Denys sur les noms divins. » — Le traité d’Adson est souvent attribué à saint Augustin ou à Raban-Maur, mais quel est ce saint Sévère ? et ce scholiaste de saint Denys l’Aréopagite ?? (2) FAvyYN, Théâtre d'honneur et de chevalerie, Paris, Mpexx, in-4°, t. [, p. 476: « Le vénérable Beda escrit qu'auparavant que l’Antechrist vienne el paraisse au monde, il doit sortir un roÿ de France qui réduira toutes les Nations infidèles à la Foy catholique et les rangera toutes sous _son obéissance. Cette opinion est suivie de Rabanus Maurus, comme, nous l'avons dit et de Volaterranus sur le mot d’Antichrist. » (3) Claude VILLETE, Extrait des prophéties et révélations des saints Pères, etc., Paris, 1617, in-80 (Bibl. Nat., Lhb36, 1062). — Jacques BASSET, Le chant du coq français, Au roi, Où sont rapportées les prophéties, Paris, 1621, in-8 (Lhb36 1632). — Voir encore les livrets de l'avocat tullois CG. d’Acreigne et le catalogue des Mazarinades de Moreau. (4) La Manifestation de l’Antechrist en la personne de Mazarin et de NS l’'Apocalypse, dans de véritables conférences d’exégèse men- tionnées par O. Lefévre d’Ormesson (1), où l’on prédisait toujours la reprise de Jérusalem. Si telle a été la durée et l'influence de cette légende, il n’y aurait rien eu d'étonnant à ce qu’elle inspirât un mystère analogue au drame liturgique allemand, et où le beau rôle de l’empereur conquérant aurait appartenu au roi de France. Mais ce mystère n’a pas encore été retrouvé, si Jamais il a été fait. Il y a bien eu quelques mystères à la fois politiques et religieux, comme le mystère de saint Charlemagne (), qui fut représenté devant le roi Charles VIT, mais les pièces de ce genre aussi bien que le Jour du Jugement paraissent ses adhérans, avec des figures authentiques de l’Escriture Saincle, Paris, chez la Vefve Jean Remy, 1649 (Bib. de Besançon, Cat. d'Histoire, p. 211) parait reproduire ironiquement le début du traité d'Adson : « Ce ne sera pas un paradoxe que j advanceray si Je monstre dans ce narré quel sera lelieu, la naissance et l'empire de l’Antechrist, etc. » (1) Journal d'Olivier Lefevre d’Ormesson, éd. Chéruel, I, 341 (jan- vier 1646): « Le samedi, 6 janvier, jour des Roys, l’après disnée, au ser- mon du Père Georges, capucin, qui nous dit que les roys de France de- voient subjuguer tout le monde et la religion catholique estre establie par- tout avant le Jugement, et cela dans la pensée d’une certaine compagnie qui faisoit tous les jours des assemblées pour l'explication de l’Apocalypse. Y avoit un soldat qui avoit des révélations, et un avocat qui les expliquoit. À quoi il réussissoitsi admirablement, l’expliquant à la lettre, qu'ayant esté ouy en deux ou trois assemblées de prélats, il les avoit ravys, elil concluoit que cette année 1646, le Turc devoit estre dépossédé et chassé de Cons- tantinople. » — Quant aux livrets du même siècle de Varin, de des Per- rières et d’autres pour ou contre la venue prochaine de l’Antechrist et la fin du monde (Bib. Nat. Théologie), ils n’offrent aucun intérêt. Les seuls traités un peu curieux sont le Traité de l’Antechrist par M. André Por- RIER, prestre, 1655, in-12 (B. de l’Arsenal, théol. 5119) qui a été cité pré- cédemment, et le Théâtre de l’Antechrist « auquel est respondu au car- dinal Bellarmin , au s' Remond, à Pererius, Ribera, Viegas, Sanderus et autres qui par leurs escrits condamnent la doctrine des Eglises Réformées sur ce sujet, » par Nic. Vignier. S. 1.,1610, pet. in-folio. (Résumé commode de toute la polémique protestante du xvie siècle.) | (2) Sur ce mystère, on ne connait absolument que la mention de la re- présentation retrouvée dans les Comptes, par M. le marquis du Fresne de Beaucourt {Histoire de Charles VII, t. VI, p. 400). O0 avoir été très rares, aussi rares que les moralités histo- riques (1) étaient communes. Le Ludrs Paschalis de Anli-: christo lui-même est resté une conception isolée en Alle- magne. On y a bien représenté à Xanten (Prusse Rhénane), en 1473 et en 1481 « un ancien jeu de l'élévation et de la chute de l’Antechrist (@); l’Antechrist a figuré également dans un mystère en quatre journées, joué à Francfort-sur-le- Mein en 1469 G), et dans un autre mystère à Dortmund (Westphalie), en 1513 (4; mais ces pièces perdues se bor- naient très probablement à exposer la légende tragique du nouveau Messie, de même que deux farces allemandes de Carnaval conservées rappellent ironiquement l'abondance de biens que ce Messie devait apporter à ses partisans &®). On s’en raillait de même en France. Quant au jugement dernier lui-même, il a inspiré plus de livrets ou de descriptions (67, il a été encore plus populaire (1) Inutile de rappeler, dans ce genre, la plate moralité de G. Chastelain sur le Concile de Bâle et bien d’autres. (2) « Das alte grosse Spiel vom Auf-und Untergange des Antichrist», « nach einer lateinischen Vorlage. » — Indiqué par Janssen, Geschichte des deutschen Volkes etc. (1, 233), et cité par W. CREIZENACH, 0p. laudat. (1, 232). (3, « Vom jüngsten Tage und Antichristo. (1468, a. s.) » mentionné par Gœdeke, d’après Fichards Archiv 3, 133. (4) W. CREIZENACH, I, 246. (5) Fastnachspiele, herausg. von Keller n°s 20 et 68. — Cf. Henri Es- tienne, Apologie pour Hérodote (éd. P. Ristelhuber), cap. xxxvint, t. I, p. 297: « Le sermon d'un moine gascon, auquel il preschoit que quand l’antechrist viendroit, il useroit d’une largesse incroyable... bref qu'il semeroit l'or et l'argent partout. Par lesquels mots il fit si bien venir l’eau à la bouche d'un certain gascon qui estoit l’un de ses auditeurs, qu'il eria tout haut, E diu quan biera ed aquet bon Segno d’antechrist? » (6) La plus curieuse de ces descriptions n’est mentionnée et résumée à ma connaissance que dans le Bulletin du Bibliophile, 1862, p. 1102 : « Peil (Jean). — Tabula processuum seu ordinem ultimi judicii divini et criminalis exhibens, cum brevi demonstralione. — quibus figuræ tabulam illustrantes suo quæque loco inseruntur (Cliviæ, 1625, petit in-4o, fig.). — Le conseiller protestant, Jean Peil, a dédié son livre à George-Guillaume, marquis et électeur de Brandebourg. Les gravures ou one en Allemagne qu’en France, si l’on en juge par les nom- . breuses mentions de pièces ou de représentations sur ce sujet recueillies par Gœdeke (1). Longtemps après la Ré- forme, il continua de figurer dans les mystères mimés de la Fête-Dieu. Parmi ces pièces, la plus ancienne connue a été signalée dans un manuscrit du x1v® siècle, à Donaueschingen et est encore inédite, ainsi qu'un Jugement dernier, enrichi de miniatures du xv' siècle, conservé à la Bibliothèque de Co- penhague (2). Un autre Jugement conservé dans un manus- crit de Rhinau, daté de 1467, est également, suivant son édi- teur, Mone, le reman'ement d’un original du xiv° siècle (). Le plan très simple (au début, discours du prophète Sopho- nias et de saint Grégoire le Grand, énumération des quinze signes, réveil des morts par les quatre anges, jugement, in- tercession de la Vierge et de l’apôtre saint Jean, lamentations des damnés et chant des élus) est reproduit avec plus de dé- veloppements dans un livret populaire du xvi° siècle (4) qui a dû inspirer d’autres drames. Il convient de mentionner encore une tragédie de Hans Sachs, 1558, « tirée des saintes illustrations, au nombre de onze, représentent d’abord ia prédication de l'Evangile dans les quatre parties du monde, puis l’inévitable destruction de l'empire romain ou du Saint-Empire. Les sept électeurs déchirent la Bulle d'Or et jonchent le sol des insignes de l'Empire. Rome est incendiée, le pape et les cardinaux s’enfuient, etc., etc. (1) Grundrisz zur Geschichte der deutschen Dichtung elc. (1884-1886) I, 433, 200; IL, 333, Das jungste Gericht, 1513 (vg. Morgenblatt, 1808, n° 278); 348, 364 (Trugodie des jungsten Gerichts in Schmalkalden dar- gestellt 1580); 380, Das Jüungste Gericht (36 Personen), 1570, Augsburg ; 393 : « Ein gar Schone Christliche und liebliche Comedia von dem Letzten tage des Jüngsten gerichts, etc., von Philipp. Agricola. 1573, in-à. » (2) Signalés par JELLINGHAUS, Zeitsch. f. deutsche Philologie, xx, 426, et cités par W. CREIZENACH (1, 244). (3) MOxE, Schauspiele des Mittelalters, Karlsruhe, 1846, I, 265 et sq. (4) Wahrhaftige Beschreibung des jungsten Gericht, longuement ré- sumé par Gorres {Die Teutschen Volksbücher, 1807, p. 257 et sq.). — 91 — Ecritures », dit l’auteur (1), mais qui pourrait bien avoir em- prunté quelques traits au Procès de Bélial de Jacques de Teramo, si populaire en Allemagne et ailleurs. SUISSE En 1549, fut joué à Lucerne un Jugement dernier (Das jüungst Gericht) en deux journées, dont le texte est conservé à la Bibliothèque de la ville de Lucerne dans quatre manus- crits (M. 167 IT, M. 169 I, IL, LIT) depuis longtemps signalés par Mone. Ces manuscrits, qui offrent d’assez grandes diffé- rences entre eux, n’ont pas encore trouvé d’éditeur, mais grâce à l’obligeance de M. le bibliothécaire de Lucerne, Franz Heinemann, on peut donner ici une analyse de la pièce (2) qui se rapproche très sensiblement du Jour du Juge- ment de Besançon. La pièce de Lucerne décrit le règne de l’Antechrist, la fin du monde et le jugement dernier. Il est facile de voir que l’auteur s’est surtout inspiré non seulement de la légende populaire, mais des Révélations de Méthodius et du Specu- lum Morale (I dist., 1 pars, 11.) de Vincent de Beauvais La première journée est précédée de deux prologues prononcés par un héraut et un messager, puis d’un prélude où deux personnages de l’Ancien et du Nouveau Testament récitent des prophéties, Au début de la pièce, on voit arriver à Baby- lone la courtisane Cléopâtre, escortée du diable ou de « l’es- prit d'erreur ». Cléopâtre raconte à sa parente Maggarelle qu’un beau jeune homme lui est apparu pour lui prédire qu’elle donnerait le jour au Messie. Au même instant le (1) Tragedia des jungsten Gerichts, ausz der Schrift überall zusam- mengezogen, herausg. von Keller, x1, 400, 450. — Cette remarque sera dis- cutée ailleurs. (2) Pour plus de détails sur les manuscrits et la représentation du Jeu à Lucerne, il convient de se reporter à l’étude qui m'a été signalée par M. Heinemann /Die Technik der Luzerner Heiligenspiele, I, Das Spiel von 1549, von Renward Brandstetter), tirage à part de l'Archiv. f. d. St. d. neueren Sprachen, LXXV. 99 diable Astaroth prévient Satan que Cléopâtre est « tombée dans ses pièges », et il est chargé pour elle d’une nouvelle mission. Cléopâtre cependant se dispose à aller rejoindre ses amants. Sur son chemin elle rencontre Astaroth qui lui pres- crit de creuser le sol où elle trouvera un trésor. Elle le prend, remercie le diable à deux genoux, rejoint ses amants qui partagent sa Joie, puis rentre dans sa maison où, assistée de Sa servante, elle met au monde l’Antechrist. Les diables dansent autour du lit de Paccouchée qui tient son enfant dans ses bras; le tonnerre gronde au milieu des éclairs, les bour- geois effrayés se précipitent vers la maison, et apprennent de la servante Rachel la naissance du Messie. Cependant, dit le texte, « Cléopâtre doit se préparer avec un nouvel Ante- christ âgé de douze ans (D ». Elle invite son fils à se rendre au temple où les Juifs l’appellent. Il s’y rend et, sur la route, son ange gardien l’abandonne ; mais grâce à l'opération des diables, il guérit instantanément un aveugle-né et un paralytüque. Arrivé au temple, il se fait circoncire, monte sur un trône, se choisit douze apôtres auxquels il communique son esprit (ici un diable se met aux trousses de chacun d’eux), et les envoie porter sa parole dans le monde. Les apôtres vont d’abord invi- ter le féroce roi Gog (2) à se rendre à Jérusalem. Gog se met en (1) Dans la version plus courte du ms. (M. 169, IIT), toutes ces scènes sont supprimées et la pièce commence plus tôt. Sur l’ordre de Satan, trois diables commandés par Astaroth vont trouver l'Antechrist, déjà âgé de 12 ans etquia pour père lejuif Abraham. Astaroth annonce à l’Antechrist sa mission divine, et celui-ci la révèle à son tour à son père Abraham, au milieu des grondements du tonnerre La suite de celte version offre peu de différences. : (2) La description de Gog et de ses peuples est encore plus horrible dans la Cosmographia Aethici Istrici etc. : «gens ignominiosa et incognita, monstruosa idolatria..... Comedunt enim universa abominalia et abortiva hominum,juvenum carnes jumentorumque et ursorum, vultorum item, cha- radrium ac milvorum, bubonum atque visontium, canum et simiarum..…. Habent enim staturam fuligine teterrimam, crines corvini similitudine, dentes stertissimos. » — Cité par M. A. Graf., Roma nella memoria etc., IL, p. 537, note 46. route avec son cortège de trompettes, de soldats, de femmes et d'enfants qui dévorent à belles dents des crapauds et des serpents en pain d'épices (us brott gemacht). Quand ils arrivent sur la place, lAntechrist a déjà fait rebâtir de fond en comble le temple de Jérusalem et fait déterrer un trésor de pièces d’or et d’argent qu'il lance au peuple en dé- lire. Les barbares se prosternent et sont témoins d’un nou- veau miracle : le fils d’'Abimélech ressuscite devant eux, sou- levé par les diables. Gog et Hiéroboam repartent pour aller chercher Darius, roi des Perses, et les divers rois barbares, qui viennent avec leurs armées adorer l’Antechrist, tandis que, sur l’ordre du Seigneur, l’archange saint Michel va chercher au Paradis terrestre les prophètes Enoch et Elie et les envoie sur la terre. Cependant l’Antechrist fait descendre la lune du ciel et en distribue les quatre quartiers ou crois- sants aux rois ses vassaux, qui les suspendent précieuse- ment à leurs couronnes. Leurs sujets reçoivent de même son signe, une demi-lune, qu'un héraut leur imprime en noir sur le front à l’aide d’un pinceau (1). Mais les prédica- tions d’Enoch et d’Elie amènent diverses défections. L’Ante- christ irrité fait mettre les prophètes à mort, et offre un grand banquet à ses partisans (2). Tout à coup les prophètes ressuscitent au bruit du tonnerre et remontent au Paradis. Les infidèles se troublent. Pour les rassurer, l’Antechrist monte lui-même sur un char diabolique et déjà il s'élève vers Je ciel, inais, frappé par saint Michel, il retombe sur le sol. Les ere emportent joyeusement son cadavre sur une brouette ; les rois effrayés se convertissent au christianisme, (1) Cf. Vincent DE BEAUVAIS, Speculum Morale, IT dist, 1 pars, De per- secutione A ntichristi, t. IIL, col. 761 : « Et facient omnes..…. habere cha- racterem bestiæ, id est aliquod signum Antichristi repræsentativum, vel ad litteram insertionem sui nominis in dextera manu, aut in frontibus suis evidenter et materialiter. » (2) Ibidem, col. 762 : « Antichristus enim et sui gaudebunt et jucunda- buntur et epulabuntur….. pro morte ista. » QU = excepté Balthazar, le roi des Mores, et la première journée se termine par une invitation à l’assistance à revenir le len- demain. La deuxième journée s’ouvre comme la précédente par un prologue du héraut et de longs discours des prophètes et des apôtres. Un épilogue rappelle la parabole du banquet (Matth. XXII, 9), et la pièce elle-même s'ouvre par un coup de ton- nerre qui annonce la fin du monde. Malgré cet avertisse- ment, le roi Darius continue à mener joyeuse vie Le Père Eternel ordonne le jugement dernier, et le Fiis envoie Raphaël délivrer Satan qui accourt de l’enfer avec ses démons. Sur un nouvel ordre, les sept Anges de lApocalypse versent leurs fioles, et quand toute l'humanité est morte au milieu des pleurs et des gémissements, soulignés par les entrechats des diables, Raphaël met le feu à l'Univers et le jugement se prépare. Après un longdiscoursde l’apôtre saint Paul, le Christ apparaît sur un arc-en-ciel assisté des douze Apôtres. Les trompettes des anges réveillent les morts, et en premier lieu ressuscitent les papes et les empereurs. Raphaël cèlèbre les vertus du «bon Pape ». Un autre « Pape damné » fait lui-même sa confession publique qu’un diable complète, et il en est de même pour toutes les conditions, cardinaux, évêques, bour- geois, marchands, mendiants ; tous les rôles sont doublés si bien que ces seuls acteurs sont plus de soixante. L’Antechrist ferme la marche avec les mauvais juges et les « hôtelières de Satan ». Cependant les anges montrent les instruments de la Passion, et le Christ ordonne de séparer les boucs des brebis. La Vierge et saint Jean-Baptiste intercèdent vainement au- près de lui et remontent au ciel. Après que les quatre Ar- changes ont sonné de la trompette aux quatre coms du monde, les élus se rangent à droite, les damnés à gauche. Le Christ prononce d’abord la sentence des élus qui vont au Pa- radis, puis celle des réprouvés que les diables entourent d’une longue corde et entraînent en enfer, le « mauvais Pape » en tête. La pièce se termine par un sermon du «Pape sauvé » D — et deux proclamations du héraut et du messager. Il existe de cette seconde journée une autre version encore plus longue et plus compliquée qui ne paraît pas avoir servi à la représentation. Le Jugement dernier de Lucerne ressemble, comme on le voit, au Jour du Jugement de Besançon, mais il a environ 14,000 (1) vers dans la version de beaucoup la plus courte. | ANGLETERRE Les quatre grandes collections de Mystères ou « plays » anglais, ont chacune un Jugement dernier, mais l’Antechrist ne figure que dans les Chester Plays. Le XXIT[° Play de cette collection (Æzéchtel) est rempli par les prophéties et lénumé- ration des Quinze Signes. Dans le XXIV* (Antichrist (2), l’Amtechrist parait en proclamant lui-même sa puissance. Il se donne pour le Christ annoncé par les prophètes, dont il cite les versets en latin. Les rois, au nombre de quatre, lui demandent des miracles avant de reconnaitre sa divinité, et PAntechrist fait sortir les morts de leurs sépulcres. Deux de ees ressuscités le remercient, et pour confirmer sa mission divine, l’Antechrist annonce qu'il va lui-même mourir, des- cendre dans un tombeau creusé devant le temple et ressus- citer. Il fait comme il l’a dit, meurt, ressuscite, et remonte sur son trône; puis il envoie son Esprit pour renouveler le cœur des rois et il partage entre eux l’univers. À l’un il dônne la Lombardie, à l’autre le Danemarck et la Hongrie, à ’autre le Pont [Ponthous) et lTtahie, au quatrième Rome, puis il se retire au milieu des acclamations. Aussitôt entrent en scène Enoch et Elie, qui essaient vainement de convertir les rois séduits et vont ensuite trouver lAntechrist lui-même. Une longue discussion s'engage. Les prophètes nient les mi- (1) Exactement 4,736 + 9,000, @) The Chester Plays, edited by. Thomas Wright, London, 1843, in-8, t. II, p. 150-177. | = 06 = racles de l’Antechrist, qu'ils attribuent au diable. En vain l’Antechrist fait avancer les morts ressuscités. Elie leur présente du pain qu'il a béni du signe de la croix et ceux-ci le repoussent avec terreur. Les rois reconnaissent alors leur aveuglement et implorent leur pardon du Christ. L’Antechrist irrité les tue avec les prophètes et remonte sur son trône. Mais déjà l’archange saint Michel brandit son glaive. Il frappe l’Antechrist qui erie piteusement au secours. Deux démons viennent emporter son cadavre. Aussitôt après Enoch et Elie ressuscitent pour adresser aux assistants une dernière exhortation, puis saint Michel les rappelle en Paradis. Suit un XXVe «Play », le Jour du Jugement, très simple, dont les personnages sont Dieu, deux anges munis de trom- pettes, le pape, l’empereur, le roi et la-reine sauvés, le pape, l’empereur, le roi, la reme, le juge et le marchand damnés, Jésus, les anges de la Passion, deux diables, et les quatre Evangélistes qui terminent la pièce en rappelant qu'ils avaient annoncé tous ces événements. Les autres Jugements anglais sont encore plus simples, et il suffira d’en mention- ner les personnages (1). L'Antechrist de Chester est court, mais l'historien du théâtre Anglais, Adolphus Ward (2), a tort de le trouver « extrêmement remarquable » et de croire qu’il est le seul de son espèce avec le Ludus Paschalis de Antichristo. Il n’en est rien, malheureusement, comme on l’a déjà vu. On n’a pas encore relevé de pièces analogues pour la Russie, les pays (1) York Plays, ed. by Lucy Toulmin Smith, Oxford 1885, in-#°, p.XLVI: € XLVILL Play : The Judgment day:Jesus, Maria, xu Apostoli, 11 angeli cum tubis et 111 cum corona, lancea, et 11 cum flagellis, 111 Spiritus boni et fit Spiritus mali et vi diaboli ». — Towneley Plays; xxx dJuditium : Deus ; 1, 2,3, Angelus; 1, 2 Anima bona; 1,2 Anima mala ; 12 Apostoli ; 1, 2, 3, Diabolus. » — Le Jugement de Coventry manque. (@) WarD, History of English Dramatic Literature, London, 1875, tp: 01: Pa. - ne scandinaves (1), la Bohême et la Hongrie, mais elles abondent partout ailleurs. ITALIE En Italie, les pièces sur l’Antechrist et le Jugement dernier - sont extrêmement nombreuses, et les deux légendes presque toujours étroitement liées dans les mystères mimés ou dra- matiques. Mais ici les moindres détails ont été recueillis par un des maîtres de l’érudition, M. Alessandro d’Ancona, et il suffit de renvoyer à son ouvrage classique sur les origines du théâtre italien (2). On y trouvera rappelées les représenta- tions, en 1298 et-en 1503, dans le Frioul, de pièces qui for- maient un cycle complet d'histoire sacrée depuis la création jusqu’à la venue de l’Antechrist et à la fin du monde. On y lira également la réimpression d’une courte « lauda dram- matica » sur l’Antechrist et le jugement que les confréries ombriennes représentaient au xIv° siècle, le [er Dimanche de l'Avent, ainsi que la mention d’un autre Jugement plus court ét du même temps. Le même livre mentionne encore la Rappresentazione del di del Giudizio du xv° siècle de Feo (1) Pour la Russie, aucune pièce de ce genre n’est mentionnée ni dans les recueils spéciaux, ni dans une étude de M. Wesselofsky sur la légende de l’Antechrist {Journal du Ministère del’Inst. publique russe, Fascicule 4195, p. 173 et sq), — Pour le Danemarck, rien « qu’un spectacle d'école danois de l’an 1600 environ, dont le 3e acte, scène 3e. rappelle le Jugement dernier. » Cette pièce, Comædia de mundo et paupere, a été éditée, en 1888, à Copenhague, par M. le bibliothécaire S. Birket Smith, à qui je dois cette indication. — Pour la Suède,rien qu’un drame moderne: An- tikrist, SKADESPEL af Christer Swahn (pseud. pour Victor Hugo Wiks- trom), Lund, Fr. Berling, 1885, in-8° (com. due à l’obligeance de M. le . bibliothécaire L. Bygden). — Enfin, l’on m’assure qu'il n’y a rien pour la Bokbême, et très probablement rien pour la Hongrie. (2) Origini del Teatro Italiano, seconda edizione (Torino, Ermanno Lœscher, 1891, in-8°), tome [, 91, 141-153, 153, note 8 (lauda de judicio tratta dal cod. parig. 8521, imprimée par Mazzatini (Ms. ital. delle Bib. di Francia, II, 350). 7 Los Belcari (1), et la tragédie de Paolo Bozzi {Rappresentazione del Giudizio Universale, Venezia, 1605, in-8° et 1606, in-19) ; il analyse longuement une pièce populaire toscane, attribuée au xvu° siècle (Maggio sulla venuta dell Anticristo ovvero Il Giudizio universale), ainsi qu’un drame analogue joué en- core il y a quelques années dans la province de Novare (2). À ces indications si nombreuses, on ne peut ajouter qu’un détail. Deux contemporains nous ont laissé deux curieux comptes rendus d’un drame latin sur lAntechrist et le juge- ment représenté en 1574 par les Pères Jésuites de Rome (3), et qui obtint un grand succès. En relisant le premier de ces comptes rendus très détaillés, reproduits par M. d’Ancona, il est facile de voir que cette pièce, qui n’est pas nommée, existe encore. La Bibliothèque de l’Arsenal en possède un exemplaire (B.L. 5,351, in-8°). Il Cristo Giudice Tragedia sacra dedicata al’ Eminentissimo, e Reverendissimo Principe il Signor Cardinale OTToBoNO Vice- Cancelliere di Santa Chiesa, opera del P. STEFANO Tuccr della Compagnia di Giesu da Monforte, Terra della Diocesi di Messina, Tradotta dal Verso Latino nellItaliano da Antonio CUTRONA, Siracusano, arciprete della Basilica, Collegiata, e Parochiale Chiesa de’SS. Celso, e Giulano di Roma. Con l’aggiunta dell In- troduttione all’opera. fatta dal medesimo Tradduttore, in Roma per Domenico Ant. ERCOLE, 1698, 19° pp. 154, sil. Il s’agit de la pièce la plus célèbre du théâtre des Jésuites, le Christus Judex, que son auteur, le P. Etienne Tucci, fit. jouer dès 1569 au collège de Messine, puis en 1574 à Rome, et qui fut représentée, traduite ou imitée, dans presque toutes les grandes villes de l’Europe, avant d’être imprimée pour la première fois une centaine d'années plus tard, en latin, à (1) Réimprimée dans les Sacre Rappresentazioni dei secoli XIV, XV et X VI, rac. di À. d’Ancona, IL, 499, 593. (2) Origini, etc IT, 309-316, 326. —- Depuis il a encore paru : Il giudizio universale in Canavese, pub. da Nigra e Orsi, Torino, 1896, in-8°. (3) Origini, IL, 184 et 185, note 1. RER ot RC ——— ——— 00 _ Rome, en 1673. L’excellente Bibliothèque de la Compagnie de Jésus mentionne douze de ces représentations et éditions diverses qu'il est inutile de reproduire (1), Au xvin° siècle on la traduisait encore en polonais et en illyrien, et la pièce mé- rite cette vogue prolongée par sa brièveté et l’ingéniosité de la mise en scène. ESPAGNE ET PORTUGAL Il y a certainement eu pour ces deux pays un plus grand nombre de drames sur l’Antechrist et le Jugement que ceux qui seront ci-dessous mentionnés. Ainsi, pour le Portugal, l’on ne peut citer qu'une pièce : Auto do Dia do Juizo, feito por Balthesar Dras (Lisboa, Antonio Alvarez, 1625, in-4°, Cat. Soleinne, [V, n° 4868). Une légende du jugement universel est populaire en Es- pagne depuis le commencement de l'imprimerie (Historia del juicio universal del mundo, Madrid, réimpression 1780, in-4°), ainsi qu’un traité théologique (EL Libro del Antichristo compuesto nor Martin-Martinez Dampiis, Saragoza. 1496, in-folio) 2). Pour le théâtre, on ne peut citer qu’ « El Anti- cristo », drame en vers en trois actes, d’Alarcon, imprimé pour. la première fois en 1634, à Barcelone, et réimprimé dans la Biblioteca de autores españoles (Madrid, M. Rivade- neyra, 1866, p. 399 à 574). (4) Le P. AGUILERA, Hist. prov. Siculæ Soc. Jesu, I, 178: « Vix ulla est præclara Europæ civitas in qua non fuit exhibita », — cité dans cette Bibliothèque, avec les diverses représentations, éditions, traductions con- nues : tomes VII, p. 69 n° 1, et p.%8 n° 4 (Rome, Séminaire Romain et Collège germanique); VII, 263, n° 1 (le P. Stefano Tucci); VIIL, 174, n° 178 et 194 (Tournay), VII. 1370, n° 193, Ypres; I, 270, n° 7 (Amberg, Autriche); III, p. 1689, n° 11 (Gratz); V, p. 1903, n° 13 (Olmultz). (2) Cités dans l’'Encyclop. Migne, Dict. des légendes du Christ., p. 727 et 1224, — Le traité postérieur de Fray Lucas Fernandez de AvaLA, Historia de la perversa vida y horrenda muerte del Antichristo, Madrid, 1649, in-#°, que possède la Bib. Nationale (D. 3,779) n'est qu'un mauvais résumé de l’énorimne traité de Malvenda. — 100 — Par une aggravation de la vieille légende de Loth, que nous avons déjà signalée dans l'Histoire scholastique (chap. Liv, col. 1102), de Pierre le Mangeur, et qui a passé de là dans les livrets populaires (1), l’Antechrist d'Alarcon est le fruit d’un adultère et d’un inceste redoublé, et son premier ex- ploit est de tuer sa mère, qui pourrait gèner son ambition. Reconnu comme roi par les Juifs, 1l lutte contre le prophète Elie à grand renfort de textes théologiques, et il persécute les chrétiens qui se réconfortent en lisant le « Tratado del juicio final, por el maestro fray Nicolas Draz, de la orden de predicatores ». Sa cruauté n’a d’égale que sa galanterie, inspirée sans doute par un verset du prophète Daniel, qui lui est souvent appliqué par les commentateurs (2). Mais s’il fait souffrir tout l'univers, il souffre lui-même des rigueurs de sa belle ennemie, « fiera ingrala », la chrétienne Sofia. Après divers incdents, il finit comme ses prédécesseurs, frappé en plein triomphe par l’épée d’un Ange, et les Juifs se convertissent au christianisme. Cette pièce est très curieuse, surtout de la part d’un poète comique tel qu’Al- arcon. Elle est l’œuvre d’une imagimation mystique, somp- tueuse, cruelle. PAYS-BAS Un historien belge nous dit : « Les ecclésiastiques de nos églises chapitrales du x11° siècle instituèrent les soi-disant Misterienspelen, lesquels, aux grandes fêtes de lannée, furent joués dans l’église ou au cimetière. À la Toussaint ils représentaient ordinairement le Jugement dernier ». Ces représentations se maintinrent jusqu’au xv° siècle (3, mais il ne semble pas qu'aucun texte en ait subsisté. La Belgique (1) Tels que | Ymago, etc., le De Turpissima conceptione Antichrista, la Vie du mauvais Antechrist et autres déjà cités. (2) Dan., x1, 37 : « Erit in concupiscentiis feminarum. » (3) Edm. Van der STRÆTEN, Le théâtre villageois en Flandre, Bruxelles, Classen, 1874, in-8° (I, p. 14.) — 101 — possède d'autre part un grand nombre de livrets ou traités : anciens sur l’Antechrist et le jugement (1); mais pour les pièces de théâtre, on ne voit à citer que les suivantes, en dehors des imitations, dèjà signalées, du Christus jJudex du P. Tucci, à Tournay et à Ypres, en 1647, 1654, 1730 . L’Antechrist, tragédie représentée par les Escoliers du Col- lège de la Compagnie de Jésus, à Luxembourg, en la sale dudit Collège, le 18 septembre 1648 (A Namur, chez Jean Van Milst, imp. juré, rue du Président), 1648, 4° pp. 4 (par le P. BERGE- ROT). — (Bibl. dela Comp. de Jésus, t.[, p. 1330). Antichristus Tragœædia. Namurci, 9 sept. 1662 (par le P. Au- gustin de Breda). Ibidem. IT, 108, et V, 1559 nc 29. Antichristus in scenam dabitur a classis humanitatis studiosis in gymnasio. Soc. Jesu [pris. die 23 et 25 Februarii 1729 (Ipris, apud Petrum Jacobum de Rave) 40 ff. 2. Antichrist sal vertoont worden door de studenten van de vierde schole inhet gymnasie der Societeyt Jesu binnen Ipre. Den 23 et 25 Februarii 1729. Tot Ipre, by Petrus Jacobus de Rave, 4° ff. 2 (1lbidem. VIIL, pp, 1369, 1370, nos 109 et 110). PIÈCES PROTESTANTES DU XVI° SIÈCLE Il faudrait enfin énumérer les diverses pièces de tous les pays (Angleterre, Allemagne, Ttalie, etc.), suscitées par la polémique protestante du xvit siècle, et où la légende du jugement dernier et de l’Antechrist sert de prétexte aux at- (1) Dialogus de nativitate et moribus Antichristi, Deventriæ, 1491, in-4°, — Vie du tres inique et pervers Antechrist et de ses horribles et hideux trafiques lesquels il accomplira, Anvers, Cornille de Cimetière, 1560, in-8v de 16 f. — Histoire véritable de ce qui s’est passé en l’exor- eisme de trois Jeunes filles possédées ès pays de Flandre, où il est aussi traité del’Antechrist et dela fin du monde, par LENORMANT DE CHIREMONT, | Paris, 1693, pet. in-8°, cité par le Dict. des Légendes, ete., p. 727. — J.-E. LUMNIEN, De vicinilate extremi judicii Dei et consummationis sæculi Ribri duo, Autwerpiæ, 1594, iu-4°.— Alex. VAN DEN BUSCHE dit le Sylvain, La description du dernier Jour avec le Jugement de Dieu selon l’Evan- gile et les prophètes, à Paris, Nic. Bonfons, 1978, in-8 (Draudius, IT, 199). — On n’a pu consulter aucun de ces cinq ouvrages qui sont fort rares. — 4102 — taques contre la religion catholique et contre l’Antechrist ou le Pape de Rome. Ces pièces ont été inspirées, comme le Jour du Jugement, par les passions et les persécutions religieuses, mais elles en diffèrent naturellement sur tous les autres points. On trouvera dans le Catalogue Soleinne l'indication des principales : Christus triumphans, comædia apocalyptica (1556), de l'Anglais J. Fox ; Mercator seu Judicium (1540), de l’Allemand Thomas Naegeorgus (Kirchmaier) ; Tragedia intitolata Libero Arbitrio (1546), de Francesco Negro Bassa- nese, avec la mention de leurs très nombreuses éditions et traductions françaises ou autres (1), Presque toutes ces ra- retés sont d’ailleurs très consciencieusement analysées, on s’en est assuré sur les originaux, dans un ouvrage aussi bon qu’il est commun, la Bibliothèque du théâtre françois (attribuée au duc de la Vallière), Dresde, 17768, in-8° (t. LIT, 236-239, 263-267). On peut y ajouter, si l’on veut, la plus curieuse et la plus rare de toutes ces pièces, une sorte de Jugement de toutes les religions en italien (2), et un drame (1) B1b. dramatique de M. de Soleinne : ..... Christus triump., édi- tions de 1556, 1562, 1566, 1672, tome I, no 460-73 : supp. du tome I, ne 52. — Mercator, édit. de 1540, 1558, 1582, 159%, tom I, nos 46, 29%; supp. du tome I. n° 40. — Libero Arbitrio, édit. de 1546, 1550, 1558, 1559, 1589. tome IV, n°° 4698, 4699, 4700, 4701. (2) Comedia piacevole della vera antica romana catolica et aposto- lica chiesa (5 actes prose) Nella quale dag l’interlocutori vengono disputate e spedite tutte le controversie, che hoggidi sono fra i catolici romani, lute- rani, Zingliani, calvinisti, anabatisti, suenfeldiani et alttri, per conto della religione, opera all’huomo veramente catolico di gran contento et utile. Romañnopoli, s. n. et s. a. (1537?) p. in-12 de 175 p., non compris le titre. — Je ne connais cette pièce que d’après le Catalogue Soleinne, IV, p. 122, n° 4702, qui la résume ainsi : « Parmi les personnages de cette pièce sin- gulière, on distingue Jésus-Christ, saint Paul et saint Pierre, Luther, Zwingle et Carlostadi, Satan, le pape Pie IV et le cardinal Campège. Les adversaires de la Réforme, les partisans de Rome, les anabaptistes sont tous condamnés au feu éternel, et Jésus-Christ se rendant à la vallée de Josaphat pour juger le genre humain, prescrit à saint Pierre de faire attendre Luther et Brontius à la porte du paradis : « Je reviendrai bientôt, et je les intro- duirai auprès de mon père. » — 103 — allemand « depuis le commencement jusqu’à la fin du monde », de Barth. Krueger (1580), dont il y a au moins une analyse et une réimpression moderne dans la collection J. Tittmann. Tels sont les renseignements bibliographiques que l’on à pu recueillir, soit en s'adressant à l’obligeante érudition de divers bibliothécaires français et étrangers, soit en dépouillant, pour les recherches de ce genre, les cata- logues de bibliographie dramatique, signalés une fois pour toutes, par les éditeurs du Mystére du Viel Testament. De cette longue récapitulation, où les redites étaient for- cées, on peut conclure que la légende de lAntechrist était sensiblement la même dans toute l’Europe chrétienne, et que tous les auteurs dramatiques ont mis en œuvre une ma- tière commune. Dans cette collection, la pièce conservée à la Bibliothèque de Besançon se distingue par sa louable briè- veté ; elle est la seule, jusqu'ici, avec le Ludus Paschalis de Antichristo, qui soit une manifestation politique autant que religieuse. Dira-t-on que, malgré la faiblesse du style et la grossièreté de certains épisodes, elle paraît supérieure au drame liturgique allemand, plus ingénieuse, plus intéres- sante, plus complète”? À quoi bon, puisque cette supériorité (qui n’aurait, après tout, rien de bien méritoire) pourra tou- jours être contestée ? Il suffit donc de marquer la place du Jour du Jugement dans l’histoire du théâtre français. 10% — CONCLUSION = Dans la vieille langue, « Apocalypse » était synonyme d'étude interminable. C’est ainsi que les conseillers de la cour d'Angers, chargés d’apurer les comptes très embrouil- lés d’un trésorier, écrivaient au roi René : « Sire, le cas de Grignon est ung Apocalice en quoy à paine jamais se pourra trouver fin (1). » Le Jour du Jugement de la Bibliothèque de Besançon a pu paraitre, lui aussi, « ung » de ces « Apoca- lices ». La méthode employée pour l’étudier a été longue, parce que tous les points de repère manquaient ou bien étaient mal assurés. Par suite, on a été obligé de multiplier les notes justificatives qui peuvent maintenant disparaître. D'autre part, pour ne pas accumuler sur certains points des hypothèses inextricables, on n’a pu reproduire rigoureuse- ment dans l’exposition l’ordre même suivi dans les recher- ches. Mais cet ordre était très simple, puisqu'il est facile à résumer et, longue ou non, peut-être n’y avait-il pas d'autre méthode possible pour éclaircir l’histoire de cet ancien drame. Etant donné un manuscrit sans aucune indication d’ori- gine, et simplement attribué, soit à « la période moyenne du XIVe siècle », soit, ce qui revient à peu près au même, « à la seconde moitié du xIv° siècle », on a d’abord cherché à ren- fermer ce manuscrit dans des limites plus précises de temps et de lieu, en étudiant minutieusement la mise en scène et le costume des miniatures. Ce costume, de l’extrême fin du xIve siècle, ou plutôt du commencement du xv° siècle, a paru, par certains détails, antérieur à 1417. Puis on a cher- ché à déterminer approximativement, par les caractères lin- guistiques, la patrie de l’auteur et celle du copiste, et il a (1) Archives Nationales, P 13347, fol. 125 verso, 31 août 1460. == AQE = semblé qu’ils avaient dû vivre tous deux sur les confins de l'Ile-de-France, de la Champagne et de la Picardie. Ces trois points à peu près acquis, il s'agissait de retrouver les sources de l’auteur en étudiant, d’une part la littérature de l’Antechrist et du jugement dernier, et de l’autre les nombreuses pièces de théâtre françaises et surtout étran- gères, composées sur l’un ou l’autre ou sur l’un et l’autre de ces deux thèmes si souvent associés. Les commentaires de Apocalypse et les drames nous ont offert, avec des va- riantes, un fond commun de légendes que nous avons re- trouvé dans le Jour du Jugement aussi bien que dans le Ju- gement dernier de Lucerne, dans l’Antechrist allemand ou anglais. Mais cette double étude faite, il a semblé qe le Jour du Jugement offrait encore certains détails précis qui n'étaient pas ailleurs, ne s’expliquaient pas par ses sources, ne pouvaient être non plus de simple fantaisie, mais de- valent être caractéristiques. Débarrassés de toutes les circonstances accessoires qui ont pourtant leur importance, ces détails se réduisent à quatre, disséminés dans une dizaine de vers. Ce sont quelques allusions aux hymnes du temps pascal ; c’est la mention de la lecture faite, le matin même, d’un Evangile de la Passion (vers 1319) qui parait indiquer que la représentation du mys- tère a dû avoir lieu, après un office, aux environs de Pâques ; c'est une coalition de princes aux pseudonymes bizarres, tous feudataires de l’Antechrist, contre un pape, et l'entrée de « l’empereur » dans cette coalition, marquée comme un fait tout récent (v. 1241). L’explication de ces faits précis a été cherchée dans la li- turgie du temps pascal et dans l’histoire générale de la période à laquelle appartient le manuscrit. C’est la période du grand schisme quitroubla silongtemps l’EuropeetlaFranceentières, on le savait, mais il importait de suivre en particulier le mouve- ment des esprits dans la Champagne et la Picardie, c’est-à-dire dans la province ecclésiastique de Reims. Nulle part, à un — 106 — certain moment, on l’a constaté, l’agitation n’a été plus vive, les présages, les prophètes et les illuminés plus communs, la prédication plus ardente ; nulle part le schisme n’a excité plus de tristesses, de terreurs, d’angoisses. Dès lors, le pro- blème était nettement circonserit et les difficultés n’ont pas tardé à s’éclaircir. Le Jour du Jugement a été inspiré et n’a pu être inspiré que par l'alliance conclue à Reims entre le roi de France, Charles VI, et l’empereur d'Allemagne, Wen- _ceslas, contre le pape Benoît XIII, dans des circonstances longuement relatées par Froissart. Cette pièce apocalyptique est en quelque sorte le pendant du Ludus Paschalis de An- tichristo représenté plus de deux siècles auparavant en Alle- magne. C’est, comme lui, un drame à la fois religieux et politique, comme lui, un drame pascal de lAntechrist : le Ludus Paschalis a dû, suivant toute vraisemblance, être re- présenté la veille de Pâques, l’an 1160, et le Jour du Jugement le Vendredi saint de l'an 1397, ancien style (1398, n. S.). Mais la date du Jour du Jugement une fois fixée a entrainé diverses conséquences et facilité la solution d’autres pro- blèmes. Ce drame français du xiv° siècle, bien qu’étroitement lié à la liturgie, ne rappelait plus guère la gravité simple des anciens drames religieux, telle qu’elle apparaissait même dans des spectacles exceptionnels, comme le Ludus Pus- chalis de Antichristo, à plus forte raison dans les vrais drames liturgiques, joués, célébrés jadis aux grandes fêtes de l’année par les prêtres, sur les-degrés même de l’autel étincelant de lumières. C’étaient des dialogues, des chants, des prières qui s’élevaient, avec la fumée de l’encens, dans la pénombre des cathédrales ; puis, quand la vaste nef ne suf- fit plus pour contenir les spectateurs, la scène se transporta de l’église sur le parvis, le drame se fit peuple et adopta la langue populaire, rude et naïve, non pas grossière, et, sous cette nouvelle forme, il resta longtemps encore ce qu’il de- vait être, simple et religieux. Il n’ajoutait rien à la beauté — 107 — des textes sacrés, il ne la gâtait pas non plus par de mala- droits développements, et c’est bien rarement qu’il paraissait susceptible « d’ornements égayés », comme disait Boileau. Le Jour du Jugement différait encore de ces premiers mys- tères français tels qu’on a essayé de les suivre jusque dans la première moitié du xIv° siècle, et dont la Passion du manus- crit Didot nous a peut-être conservé une image assez fidèle. Il se rapprochait au contraire, visiblement, textuellement, des mystères de la Bibliothèque Sainte-Geneviève publiés par Jubinal et communément attribués au xv° siècle, mais à quelle date, à quelle ville, à quels acteurs appartenaient ils, ces questions étaient restées très embrouillées, et n'étaient résolues que par des vraisemblances, par des hypothèses ou par le silence. De quelques faits isolés il était difficile de for- mer une histoire suivie, et de la courte « Nalivité insérée parmi les Miracles de Nostre Dame n° V », on pouvait « passer brusquement aux grands mystères d'Eustache Mercadé et des Greban (1) ». Le mystère provincial du Jour du Jugement est venu faciliter cette transition, un peu brusque en effet, et préciser les dates. Il a suffi pour cela de rapprocher ce texte inédit d’un document depuis longtemps signalé et qui n'avait que le tort de rester isolé à sa date. Une ordonnance du Prévôt de Paris, du 3 juin 1398, interdit les représentations qu'une association d'acteurs donnait au village de Saint-Maur- des-Fossés. Depuis combien de temps, on l’ignorait ; mais, sans chercher à le savoir, on était en droit de supposer que la Passion représentée par cette troupe était déjà composée, écrite, au moins pour les fêtes de Pâques de cette même année. Gc m'était certainement pas en vue du mois de juin qu’on avait dû préparer cette pièce, car « les jeux de la Pas- sion » avaient toujours coïncidé avec la fête religieuse de Pâques, et cette coïncidence persistait encore en 1380, sui- (1) Romania, 1896, Fragment d'un ancien mystère, p. 91, déjà citée précédemment. — 108 — vant une lettre de rémission de Charles V, qui était notre dernier document immédiatement antérieur. Or, non seule- ment la Passion qui fut jouée à Saint-Maur s’est trouvée prête aux fêtes de Pâques 1398, mais elle a dû lêtre bien avant, puisqu'on l’a retrouvée dans le manuscrit Sainte-Geneviève et qu’elle était déjà imitée, copiée textuellement, malgré la différence des sujets, dans le Jour du Jugement joué en pro- vince, le Vendredi saint 1398. Ainsi l’on a pu démontrer tout à la fois que la Passion contenue dans le manuscrit Sainte-Geneviève faisait bien partie du répertoire des confrères de la Passion et qu’elle était antérieure de cinq ans au moins aux fameuses lettres patentes de décembre 1402, qui, après la Passion, men- tionnent expressément la Résurrection Sainte-Geneviève. Rigoureusement parlant, ia démonstration matérielle n’a été faite que pour cette seule Passion; mais si le poète de province n’a imité que ce seul drame à notre su, cela prouve tout simplement qu’il était le plus connu, rien de plus. Cette Passion est devenue rapidement une « Somme » dramatique. La Nativité, les Trois Rois, la Résurrection Sainte-Gene- viève, composés dans le même esprit, sinon dans le même rythme, supposent cette Passion déjà faite et sont venus se grouper autour d'elle. Ainsi tous les actes de la vie du Christ n'ont plus formé qu’un drame collectif qui pouvait, dans un ou plusieurs jours, s’allonger ou se raccourcir au gré du pu- blic, et fournir à la représentation tel ou tel épisode détaché, sans plus compter avec les fêtes de l’année liturgique. Cette compilation ou ce groupement de pièces détachées, qui an- nonce et prépare la Passion unique, d’un seul jet, telle que l’écriront Eustache Mercadé et Arnoul Greban, était-il déjà opéré en 1398 (n. s.)? C’est possible, probable même, puisque nous avons vu la Passion jouée à Saint-Maur en juin 1398. Mais ceci, on n'avait pas à le démontrer. On n’avait pas da- vantage à rechercher si les Miracles des Apôtres, de sainte Geneviève et de saint Fiacre, qui accompagnent cette Pas- sion, étaient déj composés à la même date, si ces pièces étaient précisément les miracles, « vies de sains, farces » et autres « esbattements », interdits en même temps que la Passion, par le même arrêt du Prévôt de Paris du 3 juin 1398, ou si elles sont entrées plus tard seulement dans le réper- toire des Confrères de la Passion. Il a suffi de prouver que toutes ces pièces, renfermées dans le même manuscrit, ont bien fait partie du même répertoire parisien. Ce qu’il était plus important de constater, c'était le chan- gement notable dans l’esprit des mystères, qui coïncide avec les conditions nouvelles de la représentation et l’établisse- ment d’un théâtre habituel, permanent, bientôt quotidien. Sans doute, le drame n’est pas sorti tout entier des mains de l'Eglise, et les membres du clergé lui resteront attachés comme auteurs et pariois même comme acteurs. Ce drame n’a pas perdu son caractère d’édification, et c’est avec raison qu'Eustache Mercadé le comparera aux verrières et aux fresques des églises qui formaient «les livres des illettrés », selon le mot d'Albert le Grand et de bien d’autres : À plusieurs gens ont moult valu, Qui n'entendent les escriptures, Exemples, histoires, peintures Faictes ès moustiers et palais ; Ce sont les livres des gens lais. En especial l’exemplaire Des personnages leur doit plaire Qui sont des fais de Jhesucris Selonc que mettent les escrips Et les livres de saincte Eglise, Mais si le théâtre est toujours un enseignement, c’est un enseignement bien mêlé; si c’est un sermon, ce sermon est souvent bien joyeux et confié à d’étranges interprètes. Ou plutôt, c'est avant tout un spectacle qui se suffit à lui-même, et un divertissement. public. N'est-ce pas ce qu'indiquent les scènes réalistes, les diableries, les facéties vulgaires ou fé- roces et les fanfaronnades ridicules des «tyrans », et toutes les — 110 — nouveautés que l’on attribuait communément au xve siècle, mais qui existaient déjà, nous l’avons constaté, dès la fin du xiv‘? Dès ce moment le mystère français était consti- tué; il n’avait rien à oublier et, sauf les exceptions connues, les scènes vingt fois citées, peu nombreuses et toujours les mêmes, d’Arnoul Greban et de Jean Michel, il n'avait plus rien à apprendre que la prolixité fastidieuse et l’ignoble tri- vialité. Encore ces éléments étaient-ils déjà très suffisam- ment représentés, on l’a vu, dans les pièces de Paris et celles de la province, Le Jour du Jugement en est la preuve. Près de cinquante ans avant que les bourgeois d’Abbeville vinssent acheter, à beaux deniers comptants, une copie de la Passion d’Arnoul Greban, la Passion Sainte-Geneviève, ou celle des premiers Confrères, avait déjà excité la même cu- riosité, et, sinon créé une tradition, du moins imposé un mo- dèle. C’est un fait remarquable que l’auteur provincial, le théologien ou le prêtre qui a écrit ce Jour du Jugement avec une entière sincérité, à une heure tragique, ait cru devoir imiter les pièces parisiennes et solliciter l’attention de son public par les mêmes moyens, curieux mais vulgaires. Cette imitation est même ce qui rend son œuvre si intéressante. Sans doute la pièce vaut par elle-même; c’est un document nouveau sur le grand schisme et un curieux spécimen des mystères français entre l’époque des origines et celle du déve- loppement exubérant; mais elle a surtout le mérite de se rat- tacher à une collection de pièces depuis longtemps connues, et de nous donner ainsi une indication qu'il serait peut-être difficile de retrouver ailleurs. Les mentions de représenta- tions ignorées, antérieures au xv° siècle, que l’on peut re. lever dans les textes imprimés ou manuscrits, commencent à devenir rares et seront toujours appréciées ; mais qui ne devine les lacunes de la plupart des documents de cette sorte, qui pourrait affirmer ou nier à priori que ces annonces pro- vinciales ou parisiennes se rapportent aux mystères Sainte- Geneviève ou à des mystères antérieurs, surtout lorsqu'elles — 111 — concernent des « jeux de la Passion » aux environs de Pi- ques? Toutes ou du moins presque toutes les mentions nou- velles que j'ai pu recueillir rappellent ce début d’une lettre inédite de Charles VI, datée de Paris, may 1395. : CHARLES, etc. « Savoir faisons à tous presens et a venir Nous avoir reçeue Pumble supplicacion de Jehan Martin, Prevost de Chielle, povre laboureur chargié de femme et de cinq petis enfans, contenant que comme n’agaires, a un jour de samedi, ledit suppliant fust _de la ville de Courtray ou il est demourant, alez en la ditte ville de Chielle pour le fait de son dit office et mesmement parce que l’endemain devoient estre faiz en la ditte ville les jeux de la passion nostre Seigneur Jesus Christ, et a cause de ce y devoit avoir grant assemblée de gens. Et lui estant en icelle ville de Chielle, y survindrent ung jeune homme... » Rien ne dit que cette Passion soit la même que celle qui fut jouée à Saint-Maur en 1398. Les documents de ce genre ne nous apprennent guère que des incidents ou des acci- dents de représentations ; ils nous donnent des titres Le manuscrit de Besançon nous a donné un texte, et il a renoué véritablement la chaîne brisée. Le problème général posé au début de cette étude a donc reçu une premiere solution, incomplète, mais exacte, puisque les mystères Sainte-Geneviève, où apparait la transforma- tion du théâtre français, ont été reportés du xv° au xive siècle. Pour compléter cette solution, 1l reste à publier d’autres textes, soit analogues à ce Jour du Jugement, soit d’un genre différent, mais qui tendront au même but. Etu- dier le développement de la Passion, même dans un seul pays, et chercher dans le détail comment le cycle de Noël a rejoint celui de Pâques, serait peut-être une entreprise trop vaste et trop vaine, puisque tous les termes de transition nous échapperont toujours et que, serions-nous assurés de les tous retrouver, leur lecture serait probablement aussi io monotone que celle des tragédies du xvirre siècle. Il semble pourtant que l’on puisse répondre en partie à la question, à condition de la restreindre à une période déterminée, soit toujours à la plus récente, et de suivre une indication don- née depuis longtemps par M. Gaston Paris dans son intro- duction au mystère de la Passion d’Arnoul Greban. Les mystères antérieurs à cette Passion fontaux apocryphes et aux légendes étrangères au récit évangélique une part très large, qu'Arnoul Greban leur retire et que Jean Michel leur rend. Mais de quels textes ces légendes ont-elles passé dans les mystères Sainte-Geneviève ? Est-ce des traductions de la Bible en vers si souvent étudiées ou d’autres compila- tions plus modernes ? Si l’on pouvait déterminer exacte- ment et dater quelques-unes des sources de ces mystères Sainte-Geneviève, l’histoire obscure de ces origines ne re- cevrait-elle pas un nouvel éclaircissement et ne serait-il pas plus facile de passer des pièces relativement simples des premiers Confrères aux amples drames d’Arnoul Greban et de Jean Michel ? Cest par cette enquête déjà commencée, et même poussée assez loin (le texte qui est ou me paraît le principal est recopié), que je me propose de conclure prochainement la série d’études annoncée sur le théâtre français au x1v° siècle. En terminant ce premier essai, je renouvelle l'expression de ma sincère gratitude à tous ceux qui m'ont facilité le tra- vail des recherches et des lectures, en particulier à M. Poëte, bibliothécaire de la ville, et à mon ami Vernier, professeur à la Faculté des lettres de Besançon, à mon ancien maitre, M. Petit de Julleville, qui ne lira plus ces pages avec sa bienveillance coutumière. LES NOMS DE LIEU ROMANS EN FRANCE ET À L'ÉTRANGER (SUITE ET FIN) Par M. le D' J. MEYNIER Séance du 13 novembre 1897 — 115 — 20 Institutions L'établissement de la féodalité, qui a modifié si profondé- ment les institutions antérieures n’a pas fait disparaitre en- tièrement leurs noms. Il est même deuxinstitulions gauloises, l’igoranda et le mediolanum, qui se rappellent à la mémoire par une douzaine de noms de lieu chacune. Le mot icoranda, igorandu, parait avoir signifié frontiére, limite, comme la finis latine et la marca germanique. Les igorandae, dont les noms subsistent, sont toutes à la cir- conférence de l’ancien territoire des Bituriges Cubi; et l’une d'elles, Aigurandes, de lndre, a porté le nom significatif d’Igoranda Biturigunr. Aigurandes (Indre, Rh.), Eygurandes (Cor., Dord.), Igue- randes (S.-et-L.), [grandes (AL), Ingrandes (Indre, [.-et-L., M. et-L., May., Vien. (l)), Ingrannes (Loiret (2)). On est mieux renseigné au sujet du mediolanum, lilttérale- ment champ du milieu, qu’on sait avoir été le lieu d’assem- blée des Gaulois, le champ du feu, qui a fait place au champ de mai ou plaid général, placilum generale. Le mediolanunr. en gaulois milun où mylan, était généralement en rase cam- pagne. Un certain nombre de ces milan sont devenus des centres de population. Un milan de la Gisalpine est devenu la capitale des Insubres où Insubriens, en attendant qu'il fût celle des Lombards. On compte encore douze milan dans l’ancienne Tran- salpine. Ce sont : Châteaumeillant (Cher,, Mecdiolanum, de la Table Théodo- sienne ; Mediolanense castruim, vers la fin du vi siècle, dans Grégoire de Tours; Malain (Côte-d'Or), Mediolunum, en 4075 ; Meillant (Cher), Mediolanum sur un triens mérovin- (1) Vicaria Lyorandinsis, en 913; Vicaria Igoranda, en 95% — (2, Il faut sans doute ajouter à cette liste la Délivrande (Caivados), qui est Yuranda, en 1180, — 116 — gien (1) du vi siècle; —Meulin (S.-et-L.) Mediolanensis ager, Mediolani vers 881 ; — Meylan (Is.), Mediolanum Meiola- num vers 1101 ; — Miolan (Sav.), Meiolanum en 1015, Me- diolanum en 1083: — le Mioland (Rh.), Mediolanum de la Table Théodosienne : Mioland (S.-et-L.), Miolanum au xr° siècle; — Moelain (Hte-M.), Mediolamense castrum en 1063 (1) ; — Moislains (Som.) Mediolanas dans un diplôme apocryphe de Thierry II, Meulanum en 1080; — Molain (Jura), Villa Mediolanum en 1029, Villa Mediolanis en 1069, Villa Mediolani en 1083, Villa Mediolanum en 1120 ; — Mo- lens (Oise), Mediolanas en 867 et en 890. D’autres Mediolanum sont : Evreux, le Mediolanum Ebu- rovicum (3), et Saintes, le Mediolanum Santonum (4), qui n’ont conservé de leur nom primitif que le déterminatif ®). S'1l est légitime de supposer que Moëlan (Fin.), Molain (Aisne), Molhain (Arden.), Molien (Vos.), sont des Mediola- num dont les parchemins se sont perdus, il est fort douteux qu'on puisse établir jamais la généalogie des Meilhan (Gers, Lan., L.-et-G ) et Meillan (Gir.), appelés Mihan dans des titres anciens, qui sont trop évidemment des Æmilianus fundus. Le Meilhens du Gard est un Æmiliensis villa. De toutes les divisions territoriales gallo-romaines, les pagi, les vicariae, les centenae, les conditae, les vicariae seules ont laissé des traces dans l’onomastique locale parce qu’elles sont entrées dans la nouvelle nomenclature poli- tique, tandis que les pagi devenaient des comitatus, les cen- tenae des castellaniae, et les conditae des villae. Vicaria a donné en provençal et en vieux français viguerie (1) L'inscription de cette pièce est Mediolano mon. « L’abréviation, dit Quicherat, doit-elle être remplie par Monasterio ou par Monte? Dans le dernier cas, ce nom serait celui d’un des Montmeillant ou Montméliant ac- tuels. » Nous ferons remarquer que les Montinéliant sont des Mons Æimi-. lianus. — (2) Cartulaire de l'Abbaye de Montier-en-Der. — (3) Ptol. — (4) Id. — (5) Ces deux Mediolanum sont déjà nommés, mais sans leur déterminatif, parmi les soixante cités d’Auguste. — 117 — et vigerie. Primitivement les viguiers ou vigiers, vicarit avaient les mêmes attributions que les vicomtes ; en dernier lieu, ils n'étaient plus que des juges inférieurs, châtelains ou prévôts. Les vigueries ou vigeries avaient augmenté de nombre en même temps qu’elles diminuaient d’impor- tance. La Viguerie (Can.) ; Viguières (B.-A.); la Viguière (Hér.); la Vigerie (Can., Char., Ch.-Inf , Dord., Indre, Loz., P.-de- D; Vien.); la Vigière (A.-M.); la Vigarie (Tar.). Vicarius remplaçait souvent vicaria ; c'était le titulaire au lieu de Ia fonction. Vigiers (Dord., Gir., Man., P.-de-D.); le Vigier (Cor.) ; Vi- gers (Dord., Htes-P.). Comme dérivés on trouve Vigarous (Gir., L.-et-G.), et Vi- gayrals (ot): _ Les census, les coloniae et colonicue, les condamina, les cortis où curtis, les districtus, les hospitia, les juga ou ju- gera,les mansiones ou mansi, les mansionilia, les modia, les partes, les unciae, les villae sont des souvenirs du ré- gime gallo-romain de la propriété, bien que le sens de la plupart de ces termes ait changé. Census,après avoir signifié, dans le principe, l’état des personnes et des biens, le rôle des contributions, la fortune authentique des citoyens (Tite-Live, Cicéron, Suetone, Ul- pien), puis la fortune en général (Cicéron, Pline), devintun bien tributaire et le lover de ce bien. Le bas-latin censa, qui n’est que census féminisé, a désigné, sous le régime féodal, une terre donné à cens, c’est-à-dire dont le tenancier payait aSeiscneur une redevance fixe, et cetie redevance elle- même. Censa était souvent remplacé par deux termes bas- latins censiva et censaria (1), de même origine. Censa à été rendu : en provençal par censa, sensa ; en es- pagnol et en italien par censa ; en vieux français par cense. ()-S. ent. terra. — 118 — La Cense (Aisne, Arden., Mar., Nd, Oise, Vos.); les Censes (Arden., Hte-L., Mar.) ; la Sense (Sav.) ; Censeaux (Jura) : les Censeaux (Vos.) ; les Censiers (Eure); les Censiers (Var); la Censive (E.-et-L.); la Sensive (L.-Inf.); la Censurière (Eure, Man.). La Cense et ies Censes sont généralement pourvus d’un déterminatif, À l’origine la colonia était un labour (Caton, Virgile), une ferme, une métairie, (Columelle) et la colonica, la maison du colonus ou laboureur (Ausonne). Plus tard, la colonicu est devenue une terre tributaire. Colonia n’a pas changé en provençal, en espagnol et en italien et a donné au vieux français colongue et cologne. Il y a quelques traductions irrégulières : colognie, colagnie, cau- logne, coulagne, coulaine, quelaine. Colonica est devenu colonge, coulonge, colange;, coulange; mais on trouve encore coulonce, coulonche, coulorgne. L’l est souvent doublé. Il est probable que les colongers (colonicarii) ont succédé aux colons romains dans les Gaules et même qu'ils en étaient les descendants ; car ils ont conservé, vis-à-vis du seigneur châtelain, les mêmes obligations que les soldats romains au regard de leur centurion. Ils étaient, en effet, gens de poste (homines potestatis) ; ils ne pouvaient, sans la permission de ce seigneur, s’assembler, ni donner mandat ou procuration. La colonica (terra ou villa) a donc été d’abord une colonia qui, sous l'influence des idées féodales, a perdu peu à peu son indépendance politique et sociale, : Colognes (Aisne, Cher, Gers, Prov., Rhin); Coulognes (P.-de-C ); Coulagnes (Loz.); Coulaines (Gir , I.-et-L, Sar. (D); Quelaines (May. @)) ; Cologny, puis Colognies (Hte- Savoie, SUIs.). Il y a, dans le Doubs et la Haute-Saône, des Recolognes (1) Colonia, en 615. — (2) Colonia, en 615. — 119 — et, dans le Puy-de-Dôme, un Recolaine qui sont des recolo- nia, colonie renouvelée, lieu recolonisé. Colonges (Rh. (), Sav.) ; la Colonge (Rh.) ; la Collonge (Ht- Rh., Rh,,S.-et-L.); Collonges (Ain, C.-d’Or, Cor., Cr., Hte- Sn Hle-Savs. IS: (2 Loire; Rh:, S.-et-L:, Sav., T.*et-G); Collongres (Gard); Collongues (A.-M., B.-du-Fh., Htes-P., Vau.); Collorgues (Gard) ; Coulonces (Cal., Orne) ; la Cou- lonche (Orne); Coulonges (Aisne, Char., Ch.-Inf., D.-S., Eure, L.-et-Ch., May., Niè., Orne, Sar., Ven., Vien.); Collanges (Can., P.-de-D.); la Collange (Can., P.-de-D.); les Collanges (Ardèche, P.-de-D.); Coulanges (AI, Cher, Jura: L-et Ch., Niè., Yon. G)); Collongettes (Hte-Sav., S.-et-L.); la Coulongette (Nièv.); la Collancelle(Niè.) (4); La condamina était une terre exempte de charges féo- dales. On fait venir condamina, soit de campus domini, terre de maitre, terre de seigneur, soit de cum domino, avec une idée d'association au seigneur. Le fait est, quant à la dernière étymologie, que la condamina était souvent un ter- rain vague donné par un seigneur à titre de partage des fruits de sa mise en culture. Condamina a été traduit par conda- mine. condemine, condomine, condomne, condom, conta- mine. | Condamines (Aïn, B.-A., Jura), la Condamine (A.-M., Dro., Hte-V., Loire, Lot, Man., Rh., Sav., Tarn, Var), les Condamines (Av., Dord., Hte-G., Hér.), Condemines (S.-et- L.), la Condemine (Al, Niè., S.-et-L.), les Condemines (Rh.), Condomines (Tarn), Condoms (Av., Tarn ()), Condons (Aïn, Lan.), Contamines (Ain, Is , Loire, Sav.). Cademènes (6) et Casamènes (Doubs) sont des condamina par l’intermédiaire de la forme irrégulière candemène. (1) Colonica. en 805. — (2) Colonica, en 885. — (3) Coulanges-la-Vincent est Colonica daus un texte de 864. — (4) Coloncella, 1129. — (5) Le Con- dom du Gers est un Condomagus. — (6) Candemène, 1190. — 420 — _ Cortis, curtis, est un synonyme de mansus qui s’est ap- pliqué d’abord aux résidences bâties par les colons romains dans les provinces de l’empire. Lors de létablissement du régime féodal, les curtis se divisèrent, comme les mansus, en seigneuriales et en tributaires. Ces dernières sont, en gé- néral, devenues les noyaux de villages et de villes, tandis que les autres, s’entourant de murailles devenaient des chà- teaux-forts et souvent des palais fortifiés. Cortis, curtis est dérivée de la cohors latine. « Ce fut, dit Marc Muller, sur les collines du Latium que le mot cohors ou cors fut employé d’abord dans le sens de « claies, pare, enclos pour les bestiaux. » Les cohortes ou bataillons de l’ar- mée romaine portèrent ensuite le même nom. On suppose généralement que le mot cors est borné en latin au sens de « cours de ferme » et que cohors s'emploie toujours en par- Jant de l’armée. C’est là une erreur. Dans ce vers d’'Ovide : Abstulerat multos illa cohortis aves (1), nous voyons que cohors signifie « basse-cour », et, dans des inscriptions, on a trouvé cors avec le sens de «cohorte ». Le sens primitif de cohors, chors, cors, était donc « cour de ferme, enclos pour les bestiaux ». On le trouve avec ce sens dans Varron, dans Columelle. Le mot exprime, d’ailleurs, l’idée de réunion, et s'applique aussi bien à une bande, à une foule, à une suite de gens quelconque qu’à un corps, à un parti militaire, à une troupe. On fait venir cors du grec chortos, parc, pâturage, qui a la même racine que le latin hortus et le germanique gart. Cors, ou plutôt son génitif singulier cortis, a donné le bas-latin cortis, curtis ; le provençal cors, cort ; l'espagnol ei l'italien corte ; le vieux français cort, court, cor, cour, cou, con, curé. Le t, que présente le mot dans tous les anciens textes et dans toutes les langues romanes, montre bien qu'il vient de (1) Fast. IV, 704. Le To cortie, et non de curia, fausse étymologie qui commence à se montrer au xiv® siècle et qui est basée sur la forme cour, Courts (Aïn, Hte-G.; Hte-Sav., Mar., Var); Cours (Aïn, Dord., Doubs, Gers, Gir., Hér., Lot, I -et-L., L.-et-G., Niè. (D), P:-de-D., Rh., Sav., Vien) ; la Cour (Aisne, A.-M., Ardèche, Nrden., Aube, Cal, Char., Ch:-Inf., Cher, C.-d’Or, G.-du-N., BEL Aie QG, Hte-Sav:, I-et-L:, Is., L.-et-Ch., Loiret, M.-et-L., Man., Mar., May., Meuse, Mor., Oise, S.-et-L., Sar., sav., Var, Vien.) ; les Cours (Aube, Char., Dord., Gers, Ces Av Fér., 1'eiL,Fret-V., Is., Loiret, Lot, L.-et- G;, Man., Orne, P.-de-D., Sav.. S.-et-0O., Vos., Yon.) ; Curtis (Lan..) ; la Curt (L.-et-G.); Corte (Corse) ; Courtes (Cal.); la Courte (Nd) 2). Les suffixes latins et gaulois ont donné les dérivés sui- - vants : | La Courtade (Can., Dord., Gers, P.-de-D., Tarn) ; la Cour- tais (L.-Inf.) ; le Courtal (Ariège): la Courtas (AL., Ardèche) ; Courteaux (Aisne, L.-et-G.) ; Courtée (Sar.) ; Courteils (Char., D.-S.) ; le Courteil (Vien.); Courteilles (Cal., Eure, Man., May., Orne, Sar ,); les Courteilles (Orne) ; Courteries (L.-et- Ch ) ; la Courterie (Aisne); Courtenges [Cant.); Courteuils (Oise) ; Courtiade (Dord., Gir.) ; le Courtial (Loire, P.-de-D.); Courtiat (S.-et-M.); Courtiaux (Hte-V.); Courties (Gers) ; Courtieux (Oise, Som.) ; Courtils (Aisne, S.-et-0.) ; le Cour- til (Htes-A., S.-et-L.) ; les Courtils (T.-et-L., Man.) ; Courtil- les (Av., Can.); la Courtille (P.-de-D., S.-et-M.); Courtines NP Can): 1a Courtine (C.=d'Or, Cr, Loire, Lot, P.-dé-D;, Var., Vau.); les Courtines (P.-de-D.) ; la Courtiole (Lot) ; Courlioux (@) (AI., Vien.) ; le Courtioux (Al., Cr., Indre) ; les Courtioux (Hte-V., Indre); la Courtrie (L.-et-L.,May ); Cour- ty (Niè., P.-de-D.) ; le Courty (Sar.) ; Curtils (C.-d’Or, S.-et- (D Curte, 1147, est Cours-les-Cosne, Curte, 1267, l’autre Cours. — _(2) Les autres curtis ont tous un déterminatif. — (3) Celui de l'Aube est Curtis Agoldi, 980. — 199 — L.) ; le Curtil (Dro., Hte-Sav., Is } ; les Curtils (Ain); Curtys (Hte Sav.); les Curtys (Sav.); Corcelles [Ain, C.-d'Or, Doubs, Hte-L., Jura, Niè., Rh., S.-et-L., Suis.) ; Courceaux (C.-d’Or, S-et-M. Yon); Courcelles (Aube, Ch-Inf, Gn, Doube Eure, Hie-M., Hie-S., Ht-Rhin, [.-et-L., Loiret, Mar., May., Meur; Meuse, Mos., Niè Oise, \Pde-G, Sas #eM S.-et-0., Som., Von.). Les composés directs ou par inversion sont si nombreux qu’on ne peut citer que les plus saillants : Courtablon (S.-et-M.); Courtabœuf (S.-et-0.) ; Courtalain() (E -et-L., S.-et-M.) ; Courtangis (Sar.) ; Courtaoult (2) (Aube) ; Courtaumont 6) (Mar.) ; Courtédoux (# (Suis.); Courtelevant (Ht-Rh.) ; Courténault (Marn., S.-et-M.) ; Courtesoult (Hte- S.); Courtetain (Doubs) ; Courtigis (Aisne, Loiret); Courti- sols 15) (Mar.) ; Courtivron (C.-d’Or) ; Courtomer (Orne, S.- et-M.) ; Courtoufle (Ain); Courtoulin 6) (Orne); Cortamblin (S.-et-L.) ; Cortambert (S.-et-L.); Corbelin (1s.) ; Corfélix (7) (Marn.) ; Corgengoux {C.-d’Or) ; Corgoloin (8) (C.-d’Or) ; Cor- marin {Yon.); Cormontreuil (9) (Mar.); Corribert (0) (Mar.); Corricard (Eure); Corrobert (11) (Mar.); Courcerault (12) (Orne); Courcôme (Char.); Courdemanges (13) Mar.); Cour- gaudray (14) (Orne) ; Courgiraud (Niè.); Courlaoux (Jura) ; Courmangoux (Aïn); Courmoreau (L.-et-Ch.); Coubert (15) (S.-et-M.) ; Coulandon (Al.) ; Couvignon (Aube): Combertault (G.-d’Or); Comblanchien (16) (CG.-d'Or); Compertrix (17) (Mar.); Concevreux (18) (Aisne); Confavreux (1) (Aïsne); Confè- vron (20) (Hte-M.) ; Coclois @1) (Aube) ; Aboncourts (Nd, Oise. L.-Inf.), Abbécourts (Aisne, Oise), (1) C. Alemii. — (2) C. Adolfi. — (3) C. Osmundi. — (4) C. Udulji, 815. — 15) C. Ausorum, 987. — (6) C. Dodeni, 815. — (7) C. Felicis, 1124. — (8) C. Godelani. — (9) C. Monasterioli, vers 850. — (10) C. Riberli, 4150. — (11) C. Roberti, 1085, — (12) C. Sesoldi, 815. — (13) C. Domi- nica, 1135. — (14) C. Waldradane, 815. — (15) C. Behardi. — (16) C. Blancanae. — (17) Bertrici cortis, 1028. — (18) C. superior, en 876. — (19) C. fabrorum, en 855. — (20) C. fabrorum, en 855. — (21) C. Clau- dia, av, 854. — 195 — Ablancourts (1) (Mar), Aboncourts (Hte-Loire, Meur. ()\, Achicourt (P.-de-C.), Affracourts (3) (Meur.), Agencourt (C.- d'Or), Agnicourts (Aisne), Alaincourt (Aisne, Eure, Hte-L }, _ Ambricourts (P.-de-C.), Aménoncourts (Meur.), Anchenon- courts (Hte-Loire), Angicourts (Oise), Arembécourts (4) (Aube), Armancourts (Oise, Som.), Arracourts ®; (Meur }, Auberchicourts (Nd), Audincourts (Doubs), Augicourts (Hte- S.), Auménancourts (6) (Mar.), Autremoncourts (7) (Aisne), Avricourts (Meur., Oise), Azincourts [Nd, P.-de-C.) ; Bacquancourts (Som.), Bassoncourts [Hte-M.), Baudon- courts (Hte-S.), Baudricourts (P.-de-C.,Vos.), Bazancourts (8) (Marn.), Bazincourts (Eure, Meuse), Bécourts (P.-de-C., Som.), Béhéricourts (Oise), Berméricourt (Marn.)}, Bertri- courts (9) (Aisne), Bessoncourts (Ht-Rh.), Blaincourts (Aube (10), Oise), Blercourts (11) (Meuse), Boncourts (Aisne, G.-d'Or, Eure, E.-et-L. (12), Meuse 43), Mos., P.-de-C., Suis. (14), Bouchacourts (Mar.), Brancourts (Aisne), Brian- court (Hte-M.), Brucourts (Cal.), Bullecourts (P.-de-C.); Caulaincourts (Aisne), Cendrecourts (Hte-S.), Chasseri- courts (15) (Aube), Chauvoncourts (Meuse), Clignancourts (Seine), Contescourts (16, (Aisne), Craincourts (7) (Meur ); Daillecourts (Hte-M.), Damerancourts (Oise), Dancourts (13) L.-Inf., Som.), Daucourts (19) (Mar.), Demicourts (Nd., P.- de-C.), Doncourts (Hte-M., Meur., Meuse (20), Mos ), Dou- laincourts (21) (Hte-M.), Driencourts (Som.), Drucourts (Eure); Ecquemicourts (P.-de-C.), Eglancourts (E.-et-L.), Elin- (1) Amblonis c., 850. — (2) Abonis c. 800 : A.-sur-Seille; 822 : A.-en- Vosges.— (3) Fratboldi, c., x° siècle. — (4) Aremberti precaria, en 85%; A. curtis, en 1076. — (5) Alradi c., 996. — (6) Alamanorum cortis, en 948. — (7) Ostromundi c., en 1132. — (8) Basilicæ c., 948. - (9) Ber- trici c., 1093.— (10) Belini c., 1148. — (11) Berulei, c., 1161. — (12) Bosci cortis, 70%. — (13) Bononis c., 763. — (14) Bononis c., 1140. — (15) Car- ceris, c., 1076. — (16) Gundescort, 1123. — (17) Sicramni c., 711. — (18) Danorum c. — (19) Dalcourt, 1092. — (20) Dodonis, c., 886. — (21) Dolencort, x1° siècle. (0 courts (Nd, Oise, Som.), Ellecourts (L.-Inf.), Emerchicourts (Nd), Ennecourts (Nd, L.-Inf.), Eramecourts (Som.), Eram- baucourts (1) (P.-de-C.), Exincourts (2) (Doubs); Farincourts (Hte-Marne), ee (Som , Vos., Meus, Som.), Flammérecourts () (Hte-M.), Fouchécourts (Hte-S., Vos.), Francourts (Hte-S.), Frémicourts (P.-de-C.), Friancourts (Som.) ; Gélacourts (4 (Meur.), Gerbécourts (Meur.), Gercourts 6) (Meuse), Gernicourts Aisne), Gésincourts (Hte-S.), Giber- courts (Aisne), Gizancourts (6) (Mar.), Godoncourts (Vos.), Goncourts (7) (Mar.), Gondrecourts [Meuse (8), Mos.), Gou- raincourts (9) (Meuse), Graincourts (P.-de-C.), Grimau- courts (10) (Meuse), Grincourts (P.-de-C.), Guendecourt(Som.}, Guignecourt (Oise), Guignemicourts (Som.), Guignicourts (Aisne (11), Ard.). Guyancourts (S.-et-0.) ; Hagécourts (Vos ), Hallignicourts (12) (Hte-M:), Hamelin- courts (P.-de-C.), Haraucourts (Arden., Meur. (B), Har- courts (Cal., Eure), Hautecourts (Aïn, Arden., Jura, Meuse(#), Niè., Sav.), Hébécourts (Eure, P.-de-C., Som.), Herbécouris (Som: ), Héricourts (15) (Hte-S.), étiroonc ons (16) (Doubs), Hocquincourts (Som.), Hoéricourt (17) (Hte-M.), Honne- courts (18) (Nd), Huillécourts (19) (Hte-M.), Hur ecourts (Hte- S.) ; Imbrecourts (Vos.), [mécourts(Arden.), Incourts(P.-de-C.), Ippécourts (20) (Meuse), Issoncourts 21 (Meuse) : Jaucourts (Aube), Jeoffrecourts (22) (Aisne), Jumencourts (23) (Aisne), Juvincourts (24) (Aisne), Juzennecourts (Hte-M.) ; (1) Herembaldi c. — (2) Assincort, 1150. — (3) llamerei c., 876. — (4) Gislacurt, 1137. — (5) Gerici, c., 1093. — _ Giselis c., 1000. — (7) Godonis c., 900. — (8) Gondrici, c, 1078. — (9) Gaulini c., 980. — Gr ue C., 1049, — (11) Guini c. 1082: Wini c. , 1150. — (12) Ali- niaca c., au ix° siècle. — (13) oi c. — (14) Haldi C 100 (15) Her de C. — (16) Arymoncourt, en 1181. — (17) Oherici c., 1x° siècle. — (18) Honulfi e. — (19) ie c., au x1re siècle. — (90) Epponis c., ir — (21) Uxionis c., 1049. — 2) ONCE 1141 ; Jouffr qe 116. — (23) Dana ne 1132. — 24) Juvini c., 1082. sos _ Lambercourts (Som.), Landricourts (Aïsne), Lanfroy- courts (1) (Meur.), Lassicourts (2) (Aube), Lehaucourts 6) (Aisne), Lénoncourts (Meur.), Levoncourts (Meuse), Lian- courts (# (Oise, Som.), Lieucourts (Hte-$.) ; Mâchecourts (Aisne), Madecourts (Vos.), Maffrécourts (Mar.), Magnoncourts (Hte-S.), Malaucourts (5) (Meuse), Ma- noncourts (6) (Meur.), Mattaincourts (Vos ), Maucourts (Meuse (7), Oise, Som.), Maurecourts (S.-et-0.), Mélicourts (Eure), Menoncourts (Ht-Rh.), Méraucourts (8) (Meuse), Mé- ricourts (Aisne (9), P.-de-C., S.-et-0., Som.), Meurcourts Hte-S.), Minaucourts (10) (Mari, Mirecourts (Vos.), Mont- courts (Meur. (1), S.-et-M.), Mondicourts (P.-de-C.), Montré- courts (Nd.), Morcourts (Aisne (12), Oise, Som.), Morizécourts (Vos.), Morlaincourts (13) (Meuse); Neucourts (S.-et-0.), Noircourts (Aisne, Hte-S.), Nonan- courts (Eure), Nubécourts (Meuse) : Ochancourts (Som.), Offroycourts (Vos.). Omécourt (Oise), Oricourts (14) (Hte-S.), Ostricourts (Nd), Outremécourts (Hte-M.); Passoncourts (Vos.), Pecquancourts (Nd), Pierrecourts (Hte-S.), Plichoncourts (15) (Mar }), Poncourts (Loiret) ; Rachecourts ou Ragecourts (16) (Hte-M.), Ramecourts (Aisne, Oise, P.- de-C., Som., Vos.), Rarécourts (M.-et-L., Meuse (17)), Raucourts {Arden , Meur., Meus. (18), Nd), Re- froicourts (19) (Meuse), Remaucourts (Aisne (20), Arden., Hie-S.), Rembercourts (21) [Meur., Meuse), Ribeaucourts (Meuse, Nd, Som), Richecourts (Aïsne, Arden.. Hte-$., Meuse), Robécourts (Vos.), Rogécourts (Aisne), Rollancourts (1) Lanfridi c. — (2) Laderciaca c.; 1027. — (3) Ludolftl c., 119%. — (4) Ledonis c. — (5) Malodi c., 828. — (6) Manonis c., 710. — (7) Mar- culfi c., 910. — (8) Meraldi c., 1047. — (9, Merulfi c., 977. — (10) €. Magnaldi, 948. — (11) Mononis c. — (12) Mori c., 1147. — (13) Morleni c.. 1043. — (14) Aurea corte, 1170. — (15) Plothionis c., 900 et 904. — (16) Radegisi c., au 1x° siècle, — (17) Radheri c., 961. — (18) Raaldi c., 1105. — (19) Rotfridi c., 846. — (20) Rumaldi c., 1155. — (2i) Ragin- berti c., 848, — 196 — (P.-de-C.), Roocourts ou Rôcourts (Aisne (1), Hte-M. @), P.- de-C.), Rullecourts (P.-de-C.) ; Sandricourts (Oise), Seboncourts (6) (Aisne), Selain- courts (# (Meur.), Senoncourts (Hte-S., Meuse), Sevricourts (Arden.), Sombacourts (Doubs) Spincourts (Meuse) ; Valfroicourts (Vos), Vannecourts (5) (Meur.), Vambe- courts (6) (Meuse), Vaudoncourts (Doubs, Meuse (7), Vos.), Vernancourts (8) (Marne), Villecourts (Niè., S.-et-L., Som.), Vougeaucourts (Doubs), Vroncourts (9) (Hte-M., Meur.); Warmecourts (Arden.), Xirocourts (Meur.), Yancourts (Som.), Zincourts (Vos.). L’hospitium était une sorte de tenure d'importance beau- coup moindre que le mansus. La terre de l’hospitium n’a- vait pas, comme celle du mansus, une contenance inva- riable. Enfin, l’hospitium n'était, au moins dans l’origine, qu'une tenure temporaire et révocable, comme la precaria, tandis que le mansus parait avoir été toujours héréditaire. Dans la règle, l’hospitium était un petit fond de terre, d’une étendue très variable, sur lequel était construite l'habitation du tenancier ou hospes. L’hospes ou hôte pouvait apparte- nir à une condition personnelle quelconque, être libre aussi bien que serf, lide ou colon ; 1l pouvait être du pays, indi- gena, où étranger, advena, extraneus. L'hospilium était dominicum, c’est-à-dire domanial, ou absum, c’est-à-dire sans tenancier. Nous avons vu ailleurs qu'hospitium avait, comme hospi- tale, deux formes dans l’ancien français, hospice et hoste. L’'Hoste (Ardèche, Var). les Hostes (Hte-L.), l'Hôte (B.-A., Hte-G., Is , T.-et-G., Vos.), les Hôtes (Eure, Hte-Sav., Sav.), Ost (Htes-P.), Ousts (Ariège, Hte-P., Som.), l'Hoste (L.-et- G.), l'Oûte (C.-du-N., Sar j; (1) Rodulji e., xre sièel. — (2) Radxlfi c., xite siècle. — (3) Secundi c., 1043 — (4) Siglini &., 836. — (5) Vuarnugi c., 717: — (6) Vuarboldi c., 1006. —: (7) Vualdonis c., 959. — (8) Fuarnincort, xue siècle — (9) Avroncourt, xi11e siècle. — 197 — Hostiaz () (Ain), Oustaous (Htes-P.). Le jocus, en droit romain, était un bien ou un bénéfice concédé par le patron à un client pauvre en retour ou pour prix de ses services. Sous le régime féodal, il devintun fief aliéné sous la réserve de la foi et avec l'imposition d’un de- voir domanial ou seigneurial. Jocus est devenu en proven- çal joc, juoc, juec, le catalan 70g, l'espagnol juego, le portu- gais J0g0, l'italien giuoco, le vieux français Jeux. EueENEeCor./Cre:, Eure, Indre), Le Jeux (M: Lan., Loire, L-et-CG., Nd, S el-L, Sar..\ Sam, S-et-Me S.-et-0., Ven., Vos.), Velles (Hte-M., Hie-S., Indre, Meur.), Vialas (Av., Loz.), Viellas (Gers, Htes-P.), Vielles (B.-P., Htes-P., Lan.); Villattes (Cher, D.-S. D , Hte-G., Sar.), la Villatte (AT, Ardèche, (Cr, Ohar 1 et- . I.-et- É. L.-et-Ch., L.-Inf, -May., Niè., P.-de-D.), Villettes (Aïn, Ard., Aube, Eure, Jura. Mar. Mav-- Moss Niè/Nd'Ore, Orne Ar Sat ele S.-et-0.), la Villette (Aïsne, Al, A.-M., B.-A., B.-du-Rh., Cal:, Cr., Eure, E.-et-L., Ein., Gard, Indre, [s:/ Jura, Loire, L -Inf., Loiret, M.-et-L., Man., May., Mor., Niè,, P.-de-C., P.-de-D., Sav., Seine, S.-Inf., Som., Ven.), Villottes (Cher, C.-d’Or, Mar., Meuse, Vos.), la Villotte (G.-d’Or, Cr., Dord., L.-et-V., Loiret, Yon.), Velottes (Doubs; Hte-$S., Vos.), la Velotte (S.-et-L.), les Velottes (Nd); Villabé (S.-et-0.), Villabon (1) (Cher), Villadin (Aube) Vil- lalier (2) (Aude), Villamblain (Loiret), Villamblard (Dord.), Villandrault (Gir.), Villandry (L.-et-L.), Villapourçon 6) (Niè.), Villargent (Hte-L.), Villasavary (Aude), Villaudrie (Hte-G.), Villebadin (Orne), Villebaudon (Man.), Villebazy (Aude), Villeberny (C.-d’Or), Villeblevin (4) (Yon.}, Villebon (E.-et-L., S.-et-0 ), Villebret () (Allier), Villechenève (Rh.), Villeché- üf (Aube), Villecloyes (6) (Meuse), Villecomtale (Av., Gers), Villecroze (Var), Villedomain (I.-et-L.), Villedomange (7), Villedon (8) (Vien.), Villefargeau () (Yon.), Villefavreuse (10) (Seine), Villeferry (G.-d’'Or), Villefloures (Aude), Villefran- cœur (11) (L.-et-Ch.), Villefrancon (12) (Hte-S.), Villegailhenc (1) Villa Abonis. — 12) Villa Alderii, en 898. — (3) Villa Porcionis, en 966. — (4) Villa populina, au 1x° s. — (5) Villa Britti — (6) Villa cledarum. — (1) Villa dominica, v. 948. — (8) Villa Dodonis, en 1078. — (9) Villa Ferrucii. — (10) Villa fabrorum. — (11) Villa Francorum. — (19) Id. — 197 — (Aude), Villegardin (Yon.), Villegaudin (S.-et-L ), Villegongis (Indre), Villegonges (Gir.), Villegonin (Indre), Villegusien, _ (Hie-M.), Villehardouin (Aube), Villejuif (D (Seine), Ville- main#D.-S.), Villemaur (2) (Aube), Villembray (Oise), Ville- mer (S.-et-M., Von.), Villemorein () (Aube), Villemontoire (# (Aisne), Villemus (B.-A.), Villepail (Mav.), Villeparisis (S.-et-M.), Villeparois (5 (Hte-S.), Villepâätours (S.-et-M.), Villeperrot (6) (Yon.), Villepinte (7 (S.-et-0.), Villepreux (8) (S.-et-0.), Villepreux @) (E.-et-L.), Villequier (Aisne, Cher, S.-[Inf.), Villerable (L.-et-Ch.), Villeréale (L.-et-G'), Villeroy (Meuse, S.-et-M., Yon.), Villeromains (L.-et-Ch.) Ville- rouge (10) (Aude) Villeselves (Oise), Villesèques (Aude, Lot), Villesiseles (Aude), Villespassans (D (Hér.), Villespy (Aude), Villetanneuse (12) (Seine), Villetertre (Oise), Villethierry (Yon.), Villetoureix (Dord.), Villetritoul (13) (Aude), Villetrune (L.-et-Ch.), Villeurbanne (14 (Rh.), Villevaires (15) (Av.), Vil- Jevalier (Yon.), Villevaudé (S.-et-M.). Villeveyrac (16) (Hér.), Villevenard (Mar), Villevêque (17) [M.-et-L.), Villevieux (18) (Jura), Villevocance (Ardèche), Villevogues (Loiret), Villexan- ton (L.-et-Ch.), Villexavier (Ch.-Inf), Villegnon (Char.), Villorceau (Loiret), Villossange (P.-de-D.), Villotrant (Oise), . Villours (19, (Niè.), Villoussel (Vos.), Villuis (S -et-M.), Vil- losnes (Meuse), Villory (Hte-S.); Vellechevreux (0) 'Hte-S.), Velleclair (Hte-S.), Vellefaux (Hte-S.), Vellefrey (Hte S.), Vellefrie (Hte-S.), Velleguin- dry (21) (Hte-S.), Vellemenfroy (22) (Hte-S.), Vellemoz (Hte- (1) Villa Judaeorum. — (2) Villa Mauri, ix° siècle. — (3) Villa Mau- riana, en 721. — (4) Villa monasterii. — (5) Villa pelrosa. — (6) Filla Patricii, en 836. — (7) Villa picla. — (8) Villa pirorum; Villa peror, _>x° siècle. — (9) Villa petrosa. — (10) Villa rubea, 849. — (11) Villa spatiens. — (12) Villa tanosa.— (13) Villa tritorii.— (14) Villa urbana. — (15) Villa varia. — (16) Variacum, au x1e siècle. — (17) lilla epis- copi. — (18) Villa vetus. — (19) Filla ursorum. — (20) Villa caprosa. — (21) Villa Gunderici, en 1143. — (22) Villa Manfredi, au vire siècle. — 138 — Si ss (Hte-S.), Vellevans (Doubs), Vellexon (Hte- S.), Vellescot (1) (Ht-Rh.), ae (Hte-Sav.); Abainville (Meuse), Abbeville (2 (Mos., Oise, S.-et-O., Som.), Ablainzevelle (P.-de-C.), Acqueville (Cal., Man.), Adainville (S.-et-0.), Adervielle (B.-P.), Affloville (3) (Mos.), Agenville (Som.), Agnerville (Cal.), Aigleville (Eure), Aigne- ville (Som.), Aïlleville (&) (Aube), Allainville (E.-et-L., Loi- ret, S.-et-0.), Anseaumeville (){S.-Inf.), Ancienville (Aisne, Arden., Som.), Ancerville (Meuse (6), Mos.), Ansauville (7 (Meur.), Arnaville (8, (Meur.), Aubréville O) (Meuse), Autre- ville (Aisne (0), Hte-M., Meur., Meuse, Oise, Vos.), Avrain- ville (Hte-M., Meur., S.-et-0., Vos.) ; Bainville (4) (Meur., Vos. } Barmainville (12) (E.-et-L.), Bayonville (Arden., Meus.(15,), Bazainville (S.-et-0.), Bazen- ville (Cal.), Belleville (Cher, D.=S., Meur, Meuse, Rh., Seine, S.-Inf., Ven.), Benouville (14) (Cal.), Beuville (Cal. (5), S.-Inf.), Béville (16: (E.-et-L ), Biéville (Gal (17), Man.), Blain- ville {Cal., E.-et-L., Man , Meur. (18), S.-[nf.), Boinville (E.- et-L., Meuse (19), S.-et-0., Vos.}, Boisville-la-Saint-Père (20) (E.-et-L.), Boscherville (Eure), Boudreville (C.-d'Or), Bou- ville (E.-et-L., S.-et-O., S.-Inf.), Bouzanville @1) (Meur.), Bouzonville (Loiret, Meur., Mos.), Brainville (Hte-M., Man., Mos.), Brandeville (Meuse), Branville (22) (Cal., Man), Brette- ville (Cal., Man., S.-Inf.), Butgnéville (3) (Meuse) ; Cailleviile Dunes S.-Inf.), Campeneuseville (S .-[nf.), Canap- peville (Cal., Eure, Orne), Cheffreville @® (Cal.), Cheptain- (4) Filla Scotorum. — (2) Abbatis v. — (3) Alfae v. — (4) Aguile v., 1150. — (5) Anselmi v. — (6)-Anselmi s. — (7) Ansoldi v., en 1078. — (8) Arnoldi v., en 851. — (9) Alberis v., en 984. — (10) Alleri v., en 896, — (11) Babani v., en 836 est B.-aux-Miroirs, en 1051, B.-sur-Madon. — (12, Bernerii v., en 1095. — (13) Baionis v.. en 960. — (14) Bernolfi v.. en 1060. — (15) Boevilla, en 1148. — (16) Besis v., vers 954. — (17) Boe- villa, en 1082. — (18) V. Bladini, en 922. — (19) Bodulphi v., en 956. — (20, Bodasi v., vers 95%. — (21) Bosani v., en 1094. — (22) branda v., 1030, — (23) Bittini v., en 915. — 24) Siffredi v., 1155. — 139 — ville (S.-et-0.), Chicheboville (1) (Cal.), Chonville (2) (Meuse), Clenville (S.-Inf.), Cossesseville {Cal.), Croissanville G), Cu- verville (Cal., Eure, S.-Inf.); Dagonville (# (Meuse), Dainville (P.-de-C., Meuse), Deau- ville (5) (Cal.), Demangevelle 6) (Hte-S.), Denonville (7 (Cal.), Dienville (8) (Aube), Doudeauville (Eure, P.-de-C., S.-Inf.), Douville (Cal., Dord , Eure (9), Man), Drouville (Meur): Ecramville (10) (Cal.), Englesqueville (Cal.), Epréville (Eure, S. Inf.), Ermenonville (Oise (1), E.-et- -L.), Eterville (12) (Cal.), Etoutteville (S.-Inf.), Eurville (Hte-M.), Ezanville (S.- et-0) ; Fauville (Eure, S.-Inf.), Fléville (Arden., Mos., Meur. (13)), Frainville (14) (E.-et-L.), Franconville (Meur., S.-et-0. (15)), Francourville (16) (E.-et-L.), Fréville (Loiret, S.-Inf., Vos.), Froville (17) [Meur.) ; Gaudreville (Eure, E.-et-L.), Gellainville (E.-et-L.), Germi- gnonville -et-L.), Goinville (E.-et-L.), Gendreville (Loi- ret, Meur. (1), Oise), Goussainville (E.-et-L., S -et-O. (20)), Greuville (S.-Inf.), Guigneville (Loiret, S.-et-0.), Guyonville (Hte-M.); Hadonville (Meuse), Hagéville (Mos.), Hamonville (Meur), Harville (2) (Meuse), Haudainville (22) (Meuse), Herbeu- ville (23) (Meuse), Herméville (24 (Meuse), Hermonville (25) (Mar.), Hérouville (Cal. (26), S.-et-0.), Heutrégiville (27) ([Mar..), (1) Sigebaldi v. — (2) Sechanis v.. xr1e siècle. — (3) Crescenti v., en 1082.— (4) Dagonis v., en 1060.— (5) Ave v., en 1060. — (6) Dominici v. — (7) Danun v., en 1080. — (8) Diun v., en 1104. — (9) Dolonis v. — (10) Sieramni v. — (11) Ermenulfii v. major, vers 96; Ermenul v., en 1193. — (12) Starv., en 1082. — (13) Flaboldi vw. x1re siècle. — (14) Fra- deni v., Fraenvilla, en 1031; Fredenvilla, en 1192. — (15) Francorum D (16) Id. (17) Frodonis v., 1891. — (18) Germinionis v., vers 954. — _ (19) Gundulfi v., en 727. — (20) Gunzanae v. — (21) Hagürici v., 1049. — (22) Holdonis v., 1041. — (23) Harboldi v., 952. — (2%) Herniini vo 107 — (95) Herimundi v., en l'an 1000. — (26) Herulfi v., en 1080. — (27) Huldericiaca v., au vie siècle, — 140 — Houdreville (Meur., E.-et-L. (D), Housséville (2) (Meur.), Honville (Eure, E.-et-L., Vos.); Igoville (Œure), Incarville (Eure), Infreville (Eure), In- gouville (S.-Inf.), Intreville (3) (E.-et-L.) ; _Janville (Cal., E.-et-L., Oise), Joudreville (4) (Mos.); Lattainville (Oise), Landouville 6) (E.-et L.), Lebeuville (6) (Meur.), Lemainville (7) (Meur.), Leudeville (S.-et-0.), Lion- ville (Meuse), Louville 8) (E.-et-L.), Lunéville (9) (Meur) ; Mäimbeville (Oise), Maireville (Aude), Mandeville (Cal., Eure), Mangonville (Meur.), Manneville (Cal., Eure, S.-Inf.), Mantarville (10; (E.-et-L.), Marville (E--et-L. (M), Meuse), Menneville (12) (Aisne), Méréville (Meur. 'B), S.-et-0.), Moge- ville (4) (Meuse), Moinville (15) (E.-et-L.), Morville (Loiret, Man., Meur., Meuse (16)), Motteville (S.-Inf.), Murville [Mos.);: Nangeville (Loiret), Nègreville (Man.), Néville (Man., S.- Inf.), Nottonville (17) (E.-et-L.); | Octeville (Man, S:-Inf.), Oinville «(E--etL Set ON, Omerville (S.-et-0.), Orville, [C.-d’Or, Indre, Loiret, Orne), Ottonville (Mos.), Ouarville (18) (E.-et-T..) ; Parville (Eure), Plainville (Eure, Oise), Praville (9) (E.-et- L.), Proverville (2) [Aube) : Querqueville [Man.), Quèvreville (S.-Inf.) ; Rainfreville (S.-Inf.), Raville (Meur. (21), Mos.), Réméré- ville (2; (Meur.), Roinville (E.-et-L., S.-et-0.), Rucqueville (23) (Cal.) ; Sancheville (E.-et-L.), Sasseville (S.-Inf.), Sebouville (Loi- ret)}, Senneville (S.-Inf.), Signéville (Hte.-M.}, Sotteville (1; Hidulphi v., en 1028. — (2) Hulcioli v., en 109%. — (3) Intravilla, 1130. — (4) Judaeorum v. — {5) Landulphi ü., 816. — (6) Leutboldi v., 957. — (7) Monuldi v., 1127. — (8) Lool v., vers 1120. — (9) Lunatisv., 103%. — (10) Ermentardi v., x siècle. — (11) Manulphi v., 816. — (12) Mediana vw., 1047. — (13) Amerelli v., 816. — (14) Amogesi v., 1047. — (15) Modini v., 816. — (16) Mauri v., 962. — (17) Nantonensis v., en 1080, Nantonville, au xrre siècle. — (18) Lendardi v., 816. — (19) Praesvilla, x1r° siècle. — (20) Presbyteri v., 1159. —- (21) Radaldi v., 922. — (22) Remerago v , en 779. — (23) Ruschi v., en 1082. (Man.), Stainville (Meuse), Surville: (Cal , Eure, Man.); _ Tailleville () (Cal.), lancarville (S.-[nf.), Thérouldeville {S.-Inf.), Theuville (E -et-L. (2), S.-et-O, S.-Inf.), Thia- ville G) (Meur.), Thiberville (Eure), Thionville (Mos (4), S.- et-O.), Tocqueviile (Eure, Man., S.-Inf.), Touffréville (Cal. 6), Eure, S.-Inf.), ie le (6) (Eure); Vacherauville (7) (Meuse), Vandelainville (8) (Meur.), Va- rangeville (9) (Meur.), Varnéville un ne S.-Inf.), Vatte- ville (Eure, S.-Inf.), Vaudeville (Meur. (11), Meuse (12), Vos ), Véqueville (13) (Hte-M.), Vergaville (4) (Meur.), dec ille (Man.), Vierville (Cal., E.-et-L. (15), Man.), Viéville (Hte-M., Meur., Meuse, Som.), Vittonville (Meur.), Voiscreville (Eure), Vuarmeriville (6) (Meuse), Vuoinville (17) (Meuse); Xonville (Mos.). D’autres souvenirs de l’époque gallo-romaine sont les noms de certaines institutions administratives et Judiciaires, les carcer, les communiu et communalia, les consueludines ou consuetamina, le dominium, le festum, la ficta, le fiscun, le forum, la furca, le glandaticum, l'imperium, la justicia, la pastio, le peclaticuin, la potentia, la potestas, la praepo- testas, la recuperantia, la recussio, la redemptio, la requisi- io, la revestitio, le sequestrum, la tasca, l'usaticum, la ven- dila, le vindicium. La carcer est la prison, la geôle où l’on enfermait les gens poursuivis ou condamnés pour crimes ou délits. C’est le sens que le mot a dans Cicéron. Plaute lui donre, par plaisanterie, celui de gibier de prison ; nous disons gibier de potence. Carcer a donné curcer à l'espagnol, carcere à l'italien, carce (1) Tallievilla, 1068. — (2) Teodulfi v., 816. — (3) Thiadi v., 962. — (4) Theodstionis v. — (5) Theoffredi v. — (6) Stricovildis v., en 816. — (7) Vacherulfi v., 1049. — (8) Vuandelini v., 960. — (9) Vuarengesi v. en 770. — (10) Vuarneri v., 1106 — (11) Vualdini v., au xIe siècle. — (42) Vuoldesinges v., 965. 43) Episcopi v., vIIe ue — (14) Vindir- goldi v., 966. — (15) Veri v., vers 1100. — (16) Vuarmerii v., 1000, — (17) Vuodeni et Vuidini v., 709. — 149 — et charce au provençal, chartre et charte au vieux français. La Fontaine se sert encore de la forme chartre, et l’on dit toujours : tenir en chartre privée. Carces (T.-et-G.), la Charce (D (Dro.), Chartres (Ch. ie I.-=et V, Loire, M-et-L.), la Charire (Sar.; S-et-0.), ie Chartres (P.-de-D.), la Charte (Sav.), les Chartes (Sar.); Carcelles (S.-et-L.), Carcès [T.-et-G., Var.), Chartrettes (S.-et-M.). les Chartelles (Ar.), la Chartrie (Indre, I.-et-[..), Chartriers (Cor.), la Charterie (Eure), les Chartiers (Cal., Ch.-[nf.), Chartrage (Orne), la Chartroule (Cor.) ; Chartèves (Aisne), Chartraines (Loiret), Chartrené (M.-et- L.), Chartreuves @) (Aisne). La commune était le bien commun, la terre dont l'usage était commun aux habitants d’une ou de piusieurs localités, ce que nous appelons encore le communal. Commune est le neutre du latin communis, dont les formes név-latines sont : le provençal comun, como, comu, l'espagnol comun, l'italien commune, le français conimun. On donne pour origine à comimunis, l’ancien latin comoinis, de cum, avec, et de moene ou moinus, munus, mur, devoir. Le mot féminin commune, surtout au pluriel, était fré- quemment usité autrefois avec le sens de biens communaux. On disait : mener paître les troupeaux dans les communes. Le Commun (E.-et-L., L.-et-G.), la Commune {Ain, Aisne, Arden., Cal., Hte-Sav., I.-et-L., Man., M.-eit-L., Nord, P.- de-C., S.=et-L., Sar., Vau), les Communes (Ain, Al, Cher. Fe Poll-etvVPede CS Slnre on). La Communette (Eure, P.-de-C ). Communale à le même sens que commune. On trouve : en provençal, cominul, comunal, eumunal ; en espagnol, comunal; en italien comunale ; en vieux am outre communal, communaux, le pluriel communaille, comme- naîlle, traduction directe de communalia. —— j (1) Castrum Sanclae Mariae de Carcere, 1951. — (2} Carceris hobd. — 145 — Le Communal (Aïn, Doubs, Hte-G., Sav.), les Communals (L.-et-G.), les Communaux (Air, Hte-Sav., Hte-L., Loire, Sav.}, Communailles (Jura), les Communailles ([te-Sav., Jura), Commenailles (1) (Jura). On trouve encore, avec le même sens, le mot communauté, qui vient de communale par le bas latin communalitas, au- que! le provençal doit cominallat, communautat, et l'italien comunalla : Les Communautés (S.-et-L.). Coûtume vient de consuetudinem, comme amertume pro- cède d’'aumuaritudinem. Le bas latin a déjà coustuma, qui a donné : au provençal un substantif masculin, costum, et un féminin, costuma, cosduma ; à l'espagnol un substantif fémi- nin, costumbre; au portugais un substantif masculin, costume ; à l'italien un substantif masculin, costume, et un féminin, costuma. En espagnol et en français, le masculin a pris le sens d’habillement spécial, de vêtement d'usage, de coùtume (costumbre et costume). Diez fait remarquer que les masculins ne peuvent venir directement de consuctudinem et qu'il faut supposer une forme intermédiaire consuetumen, dont le pluriel consuetu- mina aurait donné les formes féminines en a. Coûtume, en droit, est synonyme d'usage : Les Coùtumes (Eure, $S.-et-0.) ; Coûtumelles (Eure, L.-[nf.). Dans Valère Maxime et Ulpien dominium a le sens abs- trait de droit de propriété. Il a pris plus tard le sens concret de propriété, de bien, de domaine. En jurisprudence féodale, le domaine a été distingué en domaine éminent, donnant droit à hommage ou à une redevance, et en domaine utile comprenant la perception des fruits, Dominium est devenu le bas latin domanium, le provençal domaine ; l'espagnol et l'italien dominio ; le vieux français . (1) Communalia, 11. — 144 — domène, domine. Inutile de dire que dominium vient de dominus : Domènes {Is.), Domines (Vien.), Domaines (Cher), le Do- maine (Hies-A., May., Niè.), les Domaines (Cal.) ; Domainvilles (E.-et L.). Le festum était originairement le jour de fête (Ovide) ou la fête elle-même. Au moyen âge, il est devenu le plaid gé- néral, le lieu où il se tenait. Les plaids généraux ont pris le nom de fête ‘festum) ou de foire (feria), parce qu'ils se te- naient ordinairement à FPoccasion ou à la faveur des assem- blées que ces solennités provoquaient | : Le neutre festum est devenu, selon la règle, le masculin fesle; mais son pluriel festa, devenu féminin singulier, a donné : au provençal et à Pitalien festa, à l'espagnol fiesta, et au vieux français feste. Festes. (Aude), le Feste ou Fête (G:-d'Or, Mar, Saw, Vien.}, Festel. où Fêtel. (Som.), la, Rèterie (Nd), 1e Rétière (L.-et-L.), Festieux (D (Aisne), Fêtin (Cher) ; Festalemps(Dord.), Festubert(P.-de-C.),Festugière(Dord.), Kèternes (Hle=Sav.), Festives ‘ou Fêtives (Loire Metours (Sav.), le Fêtray (AL), Fêtrogne (Ard.), les Fêlus (Loiret). La ficta (pour fica) était une terre à redevance fixe, une terre donnée à cens. Ficta (sous-entendu terra) a donné au provençal filte, file, et hate, hite ; et au vieux français fuite, fuite. | Fites (Ar }, la Fite ou la Fitte (Hte-G. (2), L.-et-G., T -et-G.), la Hitte (Gers, Htes-P. G), Lan.), la Faite (Cr.), Fates (Cr.), la Fate (Vien.) ; La Fitan (Hte-G., Htes-P.), la litole (B:-P;; Hites-P);la Hittan (Htes-P.), la Hitou (Lan.), la Hitère (Hie-G.), la Fai- terie (Cal }). Fiscus, qui signifiait corbeille, panier, (Columelle), était (4) Festulium, en 1191; Festol:, en 1125; Festuls, en 1145. — (2) La F.-Toupière et la F.-Vigordanne. — (3) La H.-ès-Angles et la H.-Toupière. 283 — 145 — employé déjà, au grand siècle de la littérature latine, dans le sens particulier de panier à argent, de panier de collec- teur d'impôt (Cicéron, Phèdre). De là à nommer l’ensemble des impôts fiscus, il n’y avait qu'un pas. Aussi voyons-nous, dès cette époque, Sénèque et Juvénal, ainsi que Cicéron et Suétone, lui donner la signification de trésor du prince, qu’il conserva longtemps, puisqu'il l’a encore dans Cassiodore et Eutrope, par opposition à aerarium, trésor public. Plus tard, fiscus et aerarium se confondent. Enfin, au moyen âge, fiscus devient synonyme de feodum. Fiscus, en bas latin fiscum, a fléchi en fise,fix, et fesq dans le provençal, en fisco dans l'espagnol et dans l'italien, en fesce, fesche, fesque, fisque dans le vieux français. Fesqs (Gard}, le Fesq (Gard), Fesques (S.-Inf.), Fesches (Doubs, Ht-Rh.\, Fiches (Ar.), Fix (Hte-L.) ; Fescals [Mor }, Fescheux (S.-et-M.), les Fischières /Sar.), Ficheux (P.-de-C.), Fichin (Ain), Fixey (G.-d’'Or), Fixin (C.- d'Or), Fixous ou Fichous (B.-P.), la Fichère (Char. ; Fescamps (Som }, Fiquefleurs (Eure), Fiquemont (Mos.), Fiquinville (S.-Inf.). Forum signifiait, en général, place publique (Vitruve, Té- rence, Ovide); marché (Varron, Salluste, Térence); place publique de Rome et des villes municipales, lieu des assem- blées, tribunal, chef-lieu judiciaire, juridiction, ressort, ad- ministration de la justice (Horace, Tite-Live, Cicéron, Cor- nélius Nepos, Suétone, Sénèque, Ovide, Tacite, Martial, Plaute, Virgile, Festus); banque, lieu de change (Cicéron, Sénèque, Plaute). Lucilius, Salluste et Isidore orthographient forus (proprement table de jeu, échiquier). Le mot avait con- servé ses différents sens à l’époque gallo-romaine ; la coû- tume était restée de tenir les assises et audiences de justice aux lieux et jours de foire ou de marché, ou, du moins, sur la même place. Forum et forus ont donné le provençal for, l'italien foro, l'espagnol fuero, et le vieux français feur : | 10 — 146 — Feurs (Ardèche ({;, Hte-$., Loire (2)}, Fors (D.-S.) ; Foras (Is.), Foraz (Hte-Sav., Sav.) ; Forcalquier (3) (B.-A.), Fréjus (4 (Var.), Forli (5) (It.), For- novo ou Fornoue (6) (It.), Forlimpopoli (7) (It), Fossom- brone (8) (It.). Furca, fourche patibulaire, dans Horace, Suétone, Pline, Paulus, Ulpien, est devenu le provençal et l'italien forca, l'espagnol horca, le vieux français forche, fourche, fourque, le béarnais hourque. Fourches (Ardèche, Cal., C.-d'Or, Hte-L., Indre, P.-de-D,., Sar., S.-et-M.), les Fourches (Cor., Cr., Doubs, Vau.), Four- ques (Dord., Gard, L.-et-G., Loz., P.-0., Som.), les Four- ques (S.-Inf.), Hourques (B.-P., Gir., Lan.) ; La Fourcade ou Hourcade (B.-P., Gir.), la Hourquie (9) (B.-P.), Hourquet (Lan.). Glans, gland de chène, a signifié aussi glandée, récolte du gland : | … Venit de GLANDE Menalcas (10). (VIRGILE.) Glands et glandée, à l’époque féodale, ont servi de base à une imposition, à un droit d'usage, qu'on à aussi appelé glandage. Glans a donné : au provençal, glan, glant, aglan ; au ca- talan, agla ; à l'italien ghianda ; au vieux français, Ulant, liom, aillant. On doit au bas latin glandaticum, glanda- gium : le provençal et le vieux français glandage ; l'italien ghiandajo, Les formes patoises de glandée sont : lantée, liantée : Glands (Aisne, Loire, Von.), le Gland (E.-et-L.), Le Glan- dier (Cor.), Glandieux (Ain), Glandages (Dro.). (A) Forum Helviorum. — (2) Forum ou Forus Segusiavorum, qui a donné son nom au Forensis pagus ou Forez, dont il fut la première capi- tale. (V. Plin., IV.) — (3) Forum calcarium.— (4) Forum Julii. (V. Plin., IT et V, v.) — (5) Forum Livii. — (6) Forum novum. — (1) Forum Po- pilii. — (8) Forum Sempronii. — (9) Furcas, 1096. — (10) Eglog., X, xx. RE —— — 147 — Le mot imperium a signifié successivement commande- ment, ordre, autorité, pouvoir, magistrature, domination, suprématie, souveraineté. On le trouve, avec ces divers sens, dans Cicéron, César, Cornélius Nepos, Horace, Plaute, Térence, Tibulle, Virgile. Déjà dans Horace et Tacite, il prend celui d'état souverain, Plus tard Valère Maxime l’emploie, au pluriel, pour désigner les hommes en charge, les autori- tés. Au moyen âge l’imperium est la justice d'épée : le jus gladii se confond avec lui. Cet imperium est d’abord entier, et il restera tel pour le châtelain, mais déjà 1l est souvent mitigé ou diminué, par lui délégué à un subalterne. De là, la distinction de l’imperium en merum, absolu, et en mix- tum, mixte, qu'on trouve déjà dans Ulpien. Il deviendra le mère et le mixte empère de notre vieux français, qu’on trouve assimilé dans les actes publics, à la haute et à la moyenne Justice. Les formes néo-latines sont : emperi dans le provençal, imperio dans l’espagnol et dans l'italien, empeire, empère, dans le vieux français. Empire, comme nom de lieu, est synonyme de fief : L'Empire (P.-de-C.), Lempire (Aisne, Meuse). Au sens propre du mot, justitia est la justice, l'équité (Cicéron, Virgile) et aussi le devoir (Cicéron), J'ustitia a déjà dans Florus le sens de droit écrit, de loi. Il devait devenir synonyme de peine. Enfin, on appela justice le lieu où cette peine était subie, et le gibet lui-même, La justice ou Les justices étaient le signe patibulaire. Justitia a passé, dans le provençal et dans l’espagnol jus- ticia à peu près tel quel ; la prononciation italienne en a fait giuslizia : Pa Justice (Ain, AI, Ardèche, Aube, D.-S., Nord, Sar., S.-et-M , S.-et-0., S.-Inf., Yon) ; les Justices (AI., M.-et-[.). La paslio ou droit de paisson, appelée aussi pastionati- cum, en bas latin pasnaticum, pânage, est d’origine gallo-ro- maine comme le droit de glandée, droit identique d’ailleurs : 24 — Paissons (Yon ); les Paissons (Sav.) ; La Passonnière (Sar.), la Pasnière (Eure). Le Pedaticum, pedagium, était un droit de passage qui, d’après l’étymologie, ne concernait ordinairement que les piétons. Pedagium est devenu péatge en provençal et en catalan ; peaje en espagnol ; pedaggio en italien ; et péage en fran- ÇAIS : pe (Gers), le Péage (Aïn, All., Ardèche (1), Dro. (2), (Is. (3), S.-et-L., Von.). ne a donné puissance et potence ; la seconde est devenue, au moyen âge, l’insigne de la première. La po- tence était à deux, trois, quatre ou six piliers, selon lim- portance du fief en Justice. La Potence (Sar.) es Potences (Dord,, P-de-Dy: Le mot polestas, après avoir signifié pouvoir, puissance, autorité, dignité, magistrature (Cicéron, Virgile), s’est res- treint à la condition des hommes qui étaient à la disposition (in potestate) du seigneur, des hommes dits de poëte ou de poste (homines potestalis), qui, comme les colons militaires, ne pouvaient ni s’assembler, ni donner procuration, sans li- cence du chef, centenier ou dizenier : La Pooté (May.}, la Posté (Hte-S.), la Poûté (E.-et-L.). La præpoteslas a d’abord été le pouvoir du chef militaire des colons gallo-romains ou præpositus. Lorsque ce chef fut devenu le seigneur féodal, il conserva le titre et, à peu de chose près, la fonction, réunissant au commandement le pouvoir Judiciaire et l'administration. On l’appelait præpositus. Præpositus a été rendu par prévôt et præpotestas par pré- volé. Les formes modernes de præpotestas sont : le provençal * (1) Le P.-d'Arras. — (2) Le P.-de-la-Roche; le P.-de-Pizançcon ou Bourg- de-P., — (3) Le P.-de-Roussillon; le P.-de-Vizille. — 149 — probostat, l'espagnol prebostad, l'italien prevostà et le vieux français provosté, prevosté, prevôté, prévôlais, provôlais : La Provôtais (L.-et-V., L.-Inf., Mor.), la Prévôtais (C.-du- N., I.-et-V., M.-et-L.), la Prévôté (Char., Eure, Nord, Orne, P.-de-C.). Le mot prévôt a été souvent employé comme nom de lieu à la place de prévôté : Prévôt (Char., L.-et-G.), le Prévost (Loiret). Il a donné différents dérivés : La Provôterie (L.-Inf.), la Provôtière (Cal., L.-Inf., Man., May.), la Prévoterie (Cal., Char., Man.), la Prévotière (Eure, IlL-et-V., Man.), la Prévôtie (Char.). La recuperantia, recouvrance, était un bien, une terre qui pouvait être rachetée, recouvrée : Recouvrance (Arden., C.-du-Nd., D.-S., Fin., Ht-Rh., L.- Inf., M.-ei-L.). La recousse (recussus fundus, recussa terra, recussum praedium), en provençal rescossa, escossa ; en italien riscos- sa ; en vieux français rescousse, avait de l’analogie avec la récuperantia : C'était un bien sujet à la reprise, plus tard au retrait féodal. Le mot est le participe du verbe bas-latin re- cutere, enlever, reprendre : La Recousse (P.-de-C.), le Recous (Loz.), les Recous (Hte- Sav.), les Rescos (Loz.), Escos (B.-P.), Escosse /Ar.), l’'Es- cousse (Ar.), Escox (Ar.). Les Escoussols (Aude). Redemptio a, dans Cicéron, le sens de prise à bail ; dans Ciceron et Pline, celui de rachat. C’était une condition des terres assez semblable à la recouvrance et à la recousse. Employé comme nom de lieu, redemptio, auquel nous de- vons le mot rançon, a été rendu : en provençal, par reemsos, rezempto ; en espagnol par redencion ; en italien par re- denzione; en vieux français par raençon, rançon, ranson : Rancenay (Doubs), les Rancenières (Doubs), la Rançon- mère (Cal., Yon.), Rançonnières (Hte-M.) ; — HD = Rançons (Hte-V., Rh., S.-Inf.). | Rancennes {Arden.) et Rançannes (Char., Ch.-Inf.), sont d’autres formes françaises de redemptio. On a donné le nom de renda, rente, à un bien rural affecté de servitude pécuniaire ou de cens de aedium Ruslicum ex quo rendae percipiuntur) ; ici encore bien et revenu ont porté le même nom. On fait dériver renda du verhe bas latin rendere quia remplacé reddere, rendre, au moyen âge. C’est une des formes abrégées du participe passé rendita; l’autre est renta. Ces deux formes sont dans le provençal rendu, renta et dans le vieux français rende, rente. Le portugais renda procède de la première et l’espagnol renta de la seconde. Rendita a survécu dans l'italien et donné rendie et rendue au vieux français. Nous disons enfin que rendue a donné à la dernière latinité les formes rendua et : et rendie, rendia et rendea. La Rendie (Char.), la Rente (Hte-M., Hte-S.), les Rentes (Ain, Char.), Randes (Lan, L.-et-G.), Rentières (P.-de-D., Tarn), Rentoy (Ar.), Renty (P.-de-C.), la Randerie (IL.-et-L.), Randey (Gir.), Randiers {Lot), le Randier (P.-de-D.), la Ran- dière (M.-et-L.), Randols (P.-de-D.}), Randy (Tarn). Requisita (sous-entendu terra) paraît avoir désigné un bien sujet à des contributions forcées, dans la suite un fief taillable. Du latin requirere, rechercher, le participe passé féminin requisita, devenu nom commun, a donné au pro- vençal requista, requesta, à l'espagnol recuesta, au portu- gais requesta, à l’italien richiesla, au vieux françaisrequeste : Requista (Av., Can.). Le revestitum était un fonds revêtu, c’est-à-dire repourvu de tenancier, par opposition à l’absum ou fonds nu. Les deux expressions ont passé dans la langue féodale : Revest (A.-M., B.-A., Var), le Revest (Var); Le Revestel (B.-du-Rh.), Revêty (Gard), le Revêty (Sav.), le Revestidon (Vau.). — 151 — On trauve aussi revestitio avec le même sens : La Revêtison (Ch.-Inf., D.-S.). Le Sequestrum était un bien en litige, en surséance : Le Séquestre (Tarn). Lé bas latin tasca, prestation rurale, vient, d’après Diez, du bas latin {axæa, taxe, ce qui est imposé. Dans la haute la- üinité, il y avait taxalio, qui signifiait appréciation, estima- tion. Tous trois procèdent de taxare, auquel Suétone donne déjà le sens de taxer, qu'il n'avait pas primitivement. La tâche à fini par se confondre avec la corvée, et le mot par désigner un bien soumis à cette obligation. Le provençal a tasca, tascha et le vieux français tasche, tasque, tasse. On trouve tasg dans le kymri et dans le gaë- lique. Le mot anglais task peut venir du celtique où du vieux français. L’espagnol est tasa et l’italien tassa : Tasques (Gers), Tâches (Niè.}), la Tâche (Char., Ch.-Inf., D.-S., Dord., Nord, Rh.}, les Tâches (S.-et-L.), la Tasse (Eure, Orne, $.-et-0.), les Tasses (S.-et-0., Von.), la Tâche- rie (Ch.-[nf.), Tâchet (Char.), Tachoires (Gers, Lan.), Tâchy (S.-et-M.) ; Tâchely (Niè.}. Dérivé du latin usus, usage, dont il a le sens, usalicum, en provençal usatge, en espagnol usaje, en italien usaggio, et en vieux français usaige, usège, a Signifié terre banale, terre soumise à l’un ou à l’autre des droits d'usage (affouage, maronage, pâcage ou pâturage, paisson, etc.) : L’Usage (I.-et-L., Loiret, Niè.), les Usages (Aisne, Aube, Cher, E.-et-L., I.-et-L., Niè., Yon.). La Vende ou Vendue, du participe passé de vendere, vendre, était une forêt au régime des coupes réglées. Ven- dita (sous-entendu silva) a donné à la basse latinité venda, venta, dont les formes néo-latines sont : le provençal venda ; l'espagnol venta; le portugais venda ; et le vieux français vende, vendée, vendue, vente. L'italien est resté vendita. Deux formes d’infime latinité, vendua et vendoa, sont visi- — 159 — blement calquées sur le thème vendue. Il y a encore vendia, vendea, qui viennent directement de vendita, par syncope de la dentale t placée entre deux voyelles : Vendes(Cal , Can.), la Vende (M.-et-L,,), les Vendes (Vien. . la Vendée (Al., Jura, P.-de-D.), la Vendue (Hte-$S., S.-et-L., Vos.), les Vendues (Aube), la Vente (Al, Ardèche, Cal., E.-et-L , Indre, Orne), Vandes, pour Vendes {Orne); Vendages (Fite-L.), la Venderie (S.-et-M.), Vendet (P.-de-D.), Vendeuil (Aisne, Dord., Mar., Oise) ; Vend’huil, pour Venduile {Aïsne), le Vendier (P.-de-D.)}, Vendières (Aisne), Vendoires (Dord.), la Vendrie (Ven.), Ventejouls (Cor., Lot), Venteuges (Hte-L.), Venteuil {AI., Mar., P.-de-D., S.-et-M.), Ventugeol (Can.), Ventures (Tarn). On peut joindre à ces dérivés : Vandières (Mar., Meur.), la Vandoire (S.-et-0.) ; Vanteaux (Hte-V.), Vantoux (C.-d’Or, Hte-S.), qui sont des vendaria et des vendariola mal orthographiés ; Ventadour (Cor.), Ventavon (Htes-A.), Ventayon {P.-de-D.), Venterols (B.-A., Drô.). Le vindicium était, comme le sequestrum, une propriété contestée (revendiquée). Vindicium a donné le provençal et le vieux français vence, vince : | Vences (AI.-M., Arden.., [s.), Vencières (Hte-Sav.), Vin- ceuil (I.-et-L.), Vincy (Aisne, S.-et M.). Vindecy (S.-et-[L.), paraît un produit direct de venditium. Les termes féodaux les plus répandus dans la toponomas- tique sont: alfa, allodium, baccalaria, bandum, bannum, baronia, bordum, cantus, castellania, caugia où gaudia, comitatus, corrogata, cota, dominio, ducatus et ducaria, feudum, garenna, herberga, hoba, litigium, marca et mar- camentum, marchesia, mota, odium, pagaria et pagesia, senioria, villania. [l faut y joindre, pour être complet, les ütres bénéficiaires de canonica, capellania, cura, episcopa- tus, presbyteriu. L’alfa, du germanique elf, était un domaine d’origine bar- : des 153 — bare ; le mot a signifié aussi territoire, district. Les formes françaises sont : alfe, afle, aufle, oufle, eufle, efle. On ne le _ trouve plus qu'en composition. Alfetun (S.-Inf.), Auffargis, anc. Alfargis (S.-et-0.), Auf- frique (Aisne), Auflance (Arden.). Boafles (D (Eure), Bouafles (S.-et-0.), Boffles (P.-de-C.), Boyefles (P.-de-C.), Boudoufles (S.-et-0.), Meaufles (Man.), Neaufles (Eure), Neauphes(Orne), Neauphles (2) (S.-et-0.), Niafles (May.), Toeufles (Som.), Ve- nèfles (L.-et-V.). Saint-Sauveur (C.-d'Or) s'appelait encore Alfa en 870. L’allodium, alleu, du germanique all, entier, et od, pro- priété, était un bien personnel et héréditaire. Il semble, d’a- près l’étymologie, que l’alleu a dû être, à l’origine, ce que fut, plus tard, le franc-alleu, un bien exempt de tout droit seigneurial et que l’on était censé tenir de Dieu seulement. Ce bien pouvait être, d’ailleurs, soit noble, soit roturier. Allodium a donné : alloc, alluc, aloc, au provençal ; alo- dio, à l'espagnol; allodio, à l'italien ; allod, alleud, alleu, alloz, alleux, arlod, arleud, arleu, alod, aleud, uleu, alue, alo, alos, aloz, allaud, alloud, alloue, allou, etc , au vieux français. Celui-ci a encore lod, par aphérèse d’al, ar, ou a, et alleuf, arleuf, aleuf par addition populaire d’un f. Les formes bas-latines ailodarum, allodinum, alodes, alodis, alaudis, alaudum, alocium, aluetum, ont été cal- quées sur les formes françaises allouard, allouin, alods, alauds, alaud, sur la forme provençale aloc, et sur le dimi- nutif aluet. Les Allauds (Htes-A.), lAlleu (L.-et-V.), les Alleuds (D -$., M.-et-L., S.-[nf., Vien.), les Alleux (Arden., C.-du.N., L-et- V. May, Orne, Von }), Allos (B -A.), les Allots (Loiret), les Alloz (Doubs), Allou (Loiret), les Allouds (Is.), Allou (Hte- Sav.), Alloue (Char.), les Allues {Sav.), Aleux (Ar.), lAleu (AL, Ch.-Inf., Cor., [.-et-V., L.-et-Ch., Loiret, M.-et-L., (1) Bodalfa. — (2) Nidalfa in Pago Madriacensi, 816, —- 154 — Orne, S.-et-0., Som., Ven., Vien.), l’Aleuf (AI., Indre, I.-et- L., L.-Inf.), lAldeuf (Che. Meur., Vien.), Alos (Ar., Tarn), l’Alo (Av., Can., Cor.), les Alos (Tarn), l’Aloz (Drôm.), lAlue (Dord.), Arleuf [Niè.), Arleux (Nd, P.-de-C }, lArlo (L.-Inf.), Arlods (Aïn), Arlos (Hte-G., Loire), les Arlots (Loiret), Arloz (Jura) ; Lodes (Al., Hte-G.), Lods (1) (Doubs), Loudes (Hite-L.), le Lou (L.-et-V.); Allouets (Gir.), Alluets (Hte-Sav.), les Alluets (S.-et-0.). La bachellerie en provençal bachelaire, en espagnol bacci- leria, fief de bachelier, était une sorte de domaine rural tenu à cens par un vassal d'ordre inférieur et qui paraît avoir été formé par une dizaine de manses. Bachelier était donc synonyme de dizenier. Littré fait ve- nir le mot du radical celtique bacal, bacel, bachel, vassal, Nous le tirerions plus volontiers du latin bacillus, baguette, verge, et les formes néo-latines nous y convient. La baguette ou verge aurait été l’insigne de ce vassal, comme elle le fut plus tard de certains petits officiers, les sergents et huissiers à verge : La Bachellerie (Cor., Bord. D.-S., E.-et-L., Hie-V., Nd), la Baclerie (May.). Bachelier a remplacé souvent bachelerie dans la nomen- clature locale : Baclaire (S.-Inf.), Bachelar (Loire), Bachellar (Hte-Sav.). Le bas-latin bacalarius n'apparaît qu’assez tard dans les textes (1xe s.); il a pu être fait d’après le provençal bacalar. L'espagnol bachiller et le français bachelier semblent se rapporter à un primitif bacillarius. Dans cette hypothèse bacalaria, baccalariaaurait été d’abord bacillaria, bacilaria. Bacillarius et bacillaria n’ont rien fourni à la région ita- lenne. Le fief de bande ou de bannière, appelé aussi fief banneret, (1) En 1189. — 155 — obligeait le possesseur à se rendre en armes à l’appel de son suzerain avec sa bannière et suffisamment accompagné. Le germanique band, qui signifiait à la fois la bannière et la troupe qui la suivait, a donné au bas-latin bandum, banda ; au provençal banda; à l’espagnol et à l'italien bando; au français bande. Les dérivés : provençal bandiera, baneira, espagnol bandera, italien bandiera, portugais bandiera, et français bandière, bannière, ont la même double significa- tion : La Banda (Sav.), Bandes (Sav.), la Bande (Aube) ; Le Bandeau (Sav., Vien.), les Bandets (Sav.), Bandols (Var): Banières (Tarn), Banderolles (Hte-Sav.). Le bas-latin bannum, issu du haut-allemand bannan, s’ap- plique à toute propriété commune, bois ou forêt, four, mou- lin, pâturage. Sous le régime féodal, les biens à ban ou ba- naux étaient à la disposition de tous, moyennant redevance au seigneur du fief. L'usage n’en était pas toujours libre, et très souvent forcé. Les formes néo-latines de bannum sont: le provençal et le français ban, l'espagnol et l'italien bando. Souvent ban est écrit par erreur avec un € : banc. Les Espagnols et les Italiens semblent avoir confondu bandum et bannum : Bans (Ardèche, Av., Jura, Loire, Rh., Vos.), le Ban (Hte- S.), Banc (Av.), les Bancs (AL, Ardèche), Bannes (Ardèche, Hte-M., Lot, Mar., May.); Baneuil (Dord.), Bannay (Cher, Mar.), Bannost (S.-et-M..) ; Bannalec (Fin.), Bannans (Doubs), Bannégon (Cher), Ban- neville (Cal.). La baronnie était une seigneurie qui donnait à son pos- sesseur le titre de baron. On fait dériver aujourd’hui baron de l’ancien kymri bar, héros, qui a fourni : au provençal, le no- minatif bar et l’accusatif baron, à l'espagnol, varon, à l’ita- lien, barone, au vieux français, le sujet ber ou bers et le ré- = 156 — gime baron. Le sens du mot, dans les langues romanes, est homme fort, mari, guerrier, noble, seigneur. On trouve en- core baron avec le sens de mari dans le wallon : La Baronnie (Ar., Cal., Char., Dord., Eure, Hte-Sav., L.- et-G., Mor., Tarn, T.-et-G.), la Baroine (Sav.). Baron supplée baronnie comme nom de lieu : Baron (Ar., B.-P., Cal., Gard, Gir., Lan., Loire, Oise, S.- et-0.) ; le Baron (L -et-CG.) ; La Baronnerie (Eure, Loiret, M.-et-L., Man., S.-et-L.) ; la Baronnière (Eure, [.-et-L., M.-et-L., Man.) ; Baromesnil (Seine), Baronval (E.-et-L.), Baronville (E.-et- IDE La borde était une métairie, une ferme à condition de par- tage des fruits avec le seigneur. Ce terme est encore em- ployé dans certaines provinces, où le régime de la propriété a peu changé : le maître a succédé au seigneur dans ses. droits utiles. Borde est d’origine celtique : on trouve bord dans le cor- nique, dans le gaëlique, avec le sens de planche. L’étymolo- gie permet de saisir la signification première : construction ou clôture en planches. Borda signifie encore cabane en provençal, en catalan et en italien. C’est une des formes de bord en basse latinité, l’autre est bordum, qui a donné le vieux français bord, bors, bort : Bord (Char., Ch.-Inf., Cr., Dord., Gir., Hte-V., P.-de-D., Sar., Vien.); Bors (Char ), Bort (Cor., Cr., Dord., Hte-V., P.- de-D.) ; Bordes (Ar., B.-P., Can., Ch.-Inf., Gers, Hte-G., Htes-P., [.-et-L., Lol, L.-et-G., P.-0.), la Borde (Aisne, Al., Aube, Char., Ch.-Inf., Cor., C.-d'Or, Dord., E.-et-L., Gir., Hte-G., Hte-M.. Hites-P., I.-et-[L., Jura, Lan., L.-et-Ch., Loiret, Lot, L.-et-G., Mar., Meur., Mos., Oise, Orne, P.-de-D., S.-et-L., Sar., S.-et-M., S.-et-0., T.-et-G., Von.), la Bourde (I.-et-L ), les Bordes (Ain, Ar., Aube, B.-P., Char., Cher, Cor., C.-d’Or, Cr., Dord., E.-et-L., Fin., Gers, Hte-G., Hte-L., Htes-P., [.- 7 main ce jrs Se — 157 — et-V., Indre, [.-et-L., Jura, Lan., L..et-Ch., Loiret, Lot, L.- et-G., Mar., Meur., Niè., Orne, P -0., S.-et-L., S.-et-M., S.- .et-O., Tarn, T.-et-G., Vien., Yon.) ; Le Bordage (I.-et-V., L.-et-L., M.-et-L., Sar., Ven.), les Bordages (Cal., M.-et-L., Sar.), Bordas (1) (Char., Cor., Dord., P.-de-D.), le Bordaz (Ain), Bordeaux (CGal., Char., Ch.-[nf., Eure, Loiret, S.-et-M., S.-[nf.), le Bordeau (Orne, Sar., S.- et-0., Ven.), les Bordeaux (Aisne, Eure, L.-et-Ch., May., Orne), le Bordel (S.-et-M.), le Bordelet (Ardèche), la Borde- lière (M.-et-L., Orne), Bordères (B.-P., Hites-P., Lan.) la Borderie (Can., Cor , Dord., Eure, Gir., Hie-V., Lot, L.-et- G., Man.), les Borderies (Char., Cor., P.-de-D., Sar.), la Bordière (Loiret), Bordiers (Sav.), Bourdoiseau (2) (Niè.). Bordebure (3).(I-et-L., L.-et-Ch., Loiret, Sar.), Borde- nave (4)(Lan.), Bordeneuve (Aude, Gers, Hte-G., L.-et-G., T.-et-G.), Bordenobe (5)(P.-0.), Bordepaille (Gir.), Bordepli- gade (6) (Htes-P.), Bordesoule (7) (Cr., Dord., Gir., Hte-V., P.-de-D., Vien.), Bordevielle (Hte-G.), Bordeville (Char ) ; Salleborde (Hte-S.). Le cantus était un coin de terre, un champ d’étendue va- riable, et le canto une portion de pays plus ou moins consi- dérable. Ces deux mots viennent d’un radical cant, d’origine inconnu, qu'on retrouve dans l’ancien français cant, coin ; dans l’espagnol et le portugais canto, coin, pointe ; dans l’an- glais cant, pan coupé ; dans le kymri cant, rebord ; et qui parait avoir eu le sens de limites. Le cantus aurait été, à l’époque féodale, la centenie ; en ce sens, on pourrait le tirer du bas-breton cant, qui veut dire cent. Le canto avait déjà le sens de pays et se substituait au pagus et au gau. Cantus a donné : au provençal cant, cante ; à l'espagnol, (4) Bordatis. — (2) Bordosellum, 1145. — (3) Bure ou buire, brun foncé, sombre. — (4) Borda nova. — (5) Id, — (6) Borde engagée, —= (7) Borda sola. — 158 — à l'italien et au portugais canto ; au vieux français cante, chante, chant. Canto est resté tel dans l'espagnol et le por- tugais ; il est devenu canton dans le provençal l’ancien ca- talan et le français, et cauntone dans l'italien. On trouve, dans l'allemand, kant et kanton ; il les tient probablement du kymri. Cantes (A.-M.), les Cantes (Al.), Chantes (Hte-S.),le Chante (Aisne, Seine) ; Cantel (Fin.), Chanteau (C.-d’Or, Cr.), Chantel (AI., Hte- L.), le Chantel (Sav.), Chantelot (Aube), Cantin (Gir., Nd, Sav.), le Cantin (Rh.), Chanteuges (1) (P.-de-D.), Chantein (2) (P.-de-D.), Chanteils (May.), Chantouillet (Vien.), Cantois (Gir.), Cantuels (Av., Can.) ; Cantabel (Av.), Cantagrel (Av.), Cantaloube (Av., B.-P., Hte-G.), Cantamerle (A.-M., Av.), Cantaous (Htes-P., Lan), Cantaousel (Hér.), Cantarel (Lot, Vau.), Cantaron (A.-M.), Cantebonne (Meur..), Cantecoq(S.-Inf.), Cantecorps (T.-et-G.), : Cantefage (Lot), Cantegaline ([Tarn.), Cantegrel (3) (Dord., Lot), Cantegril @) (Hie-G., Gir.), Cantegrit (Lan.), Cante- lin @) (Nd., P.-de-C., S.-Inf.), Cantelose (Hte-G.), Cante- loube (6) (Can., Dord., Lot), Canteloup (Cal., Eure, Gir., Man.) Cantemerle (Dord., L.-et-G., Tarn, T.-et-G.1, Canteperdrix (B.-du-Rh.), Cantepie (Cal., L.-et-G., Man., S.-Inf.), Cante- raine (7) (Ar., Nd, Som.), Canterane (L.-et-G., P.-de-C., P.-0.), Cantereine (Cal, P.-de-C., Tarn), Canterugue (Ar.), Cantessière (Is.), Cantreigne (P.-de-C.) ; | Chantabot {Is.), Chantabry (Ch.-[nf.), Chantafrey (Cher), Chantagrèle (P.-de-D.), Chantagret (Loire), Chantalaude (9) (Lan.), Chantaloup (Loiret, S.-et-M.), Chantambre (S.-et-0.), Chantarel (Cor.), Chantaussel (Htes-A.), Chantecoucou (M.- et-L.), Chantalouette (Al. Is., Loire), Chantebille (Sav.), (1) Cantoialum, x11° siècle. — (2) Cantoanum, des mon. mérov. — (3) Gantus graculi. — (4) Cantus grylli. — (5) Cantus lupis — (6) Id. — (7) Cantus ranæ. — (8) Cantus alaudæ. ; — 159 — Chantecaille (1s., L.-et-Ch.), Chantecoq (Loiret, Mar., Seine), Chantecorps (Cor., D.-S.), Chantefoin (Ven.), Chantegraille (1) _ (Hite-L.), Chantegreau (Dord.), Chantegrèle (P.-de-D.)., Chan- tegrelle (Hte-V.), Chantegril (2) (Cor.), Chantegros (Dord., Hte-V.), Chantegrue (3) {Cr., Doubs), Chanteheux (4 (Meur), Chantelauze (P.-de-D.), Chantelay 6) (Manc.), Chanteloube (6) (Ardèche, Can., Cor., Cr., Dord., Htes-A., Hte-L, Hte-V., P.-de-D., Vien.), Chanteloup, Chanteloup (Aube, Ch.-[nf., Cher, D.-S., Eure, E.-et-L., L.-et-V., Indre, I-et-L., L.-et- Ch., L.-Inf,, M.-et-L., Man., May., Niè., Orne, P.-de-D., Sar., S.-et-M, S.-et-0.), Chantelouve (Can., Is., Sar.), Chante- manche (7) (S -et-M.), Chantemèle (8) (E.-et-L., May.), Chan- temelle (,%) (S.-et-0.), Chantemerle (10) (Ain, Aisne, Aube, Char., Ch.-Inf., C.-du-Nd.), D.-S., Dord., Dro., Htes-A., Hie Sav., Jura, M.-ei-L., Mar., Niè., Nd., Oise, P.-de-C., S.-et-L., Sav., S.-et-M, S.-et-0., Vien.), Chantemouche . (Sav.), Chanteperdrix (Ardèche), Chantepie (L.-et-V., [.-et-L., Man., May., Orne, Sar., S.-et-M., S.-et-0.), Chanteraines (11) (Hte-M.), Chanteranes(12) (Hte-V., P.-de-D.), Chantereines (13) (Aisne, Arden., Dro., Hte-Sav., Loire, Mar., Meur., Meuse, S.-et-M., S.-et-O., Var, Yon.), Chanterennes (14) (Mos.), Chanterenard (Cher), Chantoiseaux (Char., Ht.-Rh., Loire, Sar., S.-et-M ), Chantors (15) (Man.), Chantossel (P.-de-D), Chantoubet (Dord.), Chantourterelle (Seine), Chantouzel (16) (Hte-L.). Chantrans (Doubs, Jura). Cachan (17), pour Cachant (Seine), Bréchant (18) (E.-et-L.). Saint-Mathurin-de-Larchant (Loiret) s’est appelé Liri cantus. Castellania, châtellenie, est un dérivé de castellum, dimi- nutif de castrum, château, par l'intermédiaire de castellanus, (4) Cantus graculi. — (2) Cantus grylli. — (3) Cantus gruis. — (4) Cantus ululæ. — (5) Cantus leæ. — (6) Cantus lupi. — (7) Cantus monachi. — (8) Cantus mespili. — (9) Cantus merulæ. — (10) Id. — (11) Cantus ranæ. — (19) Id. — (13) Id. — (14) Id. — (15) Cantus ursi. — (16) Cantus avicellæ, — (17) Gati cantus, 815. — (18) Brotcantus 815, — 160 — châtelain. Le provençal, l'espagnol et l'italien ont conservé le mot intact ; le vieux français en a fait d’abord chastelaine, châtelaine. À La châtellenie était une seigneurie avec droit de haute justice, de même que le châtelain était un seigneur ou un juge haut-justicier . La Châtelaine (Jura (1), Suis.). Castellanus a été employé aussi comme nom de lieu : Châtelans ({s.), Châtelains (May.). Caugia est la traduction bas-latine du germanique gau, qui était l'équivalent du pagus latin et du comitatus. Gau a été rendu aussi par gaudia, gaudium. : Le mot est devenu cauge, coge, coye, en vieux français : Coges (2) (Jura), Coyes (3) (Oise). Le comitatus, comté, qui a succédé au pagus, a été d’abord un territoire possédé par un comte ; mais, dans la suite des temps et le morcellement féodal aidant, il est devenu une simple seigneurie dont le possesseur avait le titre ou la qua- lité de comte. Nous devons à comitatus le provençal comtatl, contat, masc. et fém., l'espagnol condado, l'italien contado, et le vieux français comté, conté, d’abord plutôt féminin : Contaz (Sav.), le Comtaz (Hte-Sav.), Comté (Gers, Hte-G., Lan., L.-et-G., T.-et-G.), la Comté (Char., I-et-L., Man., Nd, S.-et-0., S.-Inf.), le Comté (Gers). La forme provençale comtat et comté au féminin se sont conservés dans les noms de deux de nos provinces : le Comtat Vénaissin et la Franche-Comté. | Comes remplace souvent comilatus dans l’onomastique locale . Comtes (Hte-Sav., Lan., P.-0., Sav.), Contes (A.-M, P.-de- C. ()), le Comte (Mar.), Le Conte (Lan., L.-et-G.) ; (1) Castellania, 1053. — (2) Caugia, 1190. — (3) Id., 799, — (4) Le Contes du Jura est un Condatis, == 161 _=— La Comtière (E.-et-L.), la Conterie (Cal, Dord., Euré, L.-et-L., L.-Inf., Man., May., Orne), la Contie (Av., Dord.) ; Conteville (Cal., Eure, Oise, P.-de-C., S.-Inf , Som.). Comes a fléchi en coms, comie, dans le provençal ; conde, dans l'espagnol ; conte dans l'italien ; cuens, cons, comte dans -le vieux français. Cuens, cons dans l’ancien français, et coms dans le provençal, sont au sujet et viennent de comes, comte est le régime pour l’un et l’autre et vient de comitem. La corvée était le travail gratuit dû au seigneur par les vassaux ; elle a été remplacée par les prestations en nature, et le fisc s’est purement et simplement substitué au seigneur, -qu’il a fait souvent regretter. Corvée vient du bas-latin corrogata (sous-entendu opera), travail commandé, qu'on trouve déjà dans des textes du vi siècle. Dans le Capitulaire de Villis de Charlemagne, qui est de la même époque, on trouve la forme romane corvada, - qui s’est maintenue en espagnol et en italien, et a donné corvade au provençal; et corowée, coruwée, courvée, crou- vée, courovée, etC., au vieux français. Sur coruwée, en infime latinité, on a brodé coruiwvea, corua, coruata, croata. Corrogata, issu de cum, avec, et de rogare, prescrire, donne une idée de collectivité comme d'obligation dans le travail. La corvée militaire actuelle représente bien la chose: un certain nombre d'hommes commandés pour exécuter la même besogne. . La Corvée (Niè.), les Corvées (Doubs, E.-et-L., Meur.). .Cotaria ou cotarium, coterie, association de paysans pour tenir les terres ou quelque héritage d’un seigneur. Cotaria, qui à donné coterie, et cotarium, qui a donné cotier, proviennent l’un et Fautre de cota, cabane, mot d’ori- . gine celtique: kymri ewlt, gaëlique, çoite, cot, chaumière. __ Le t est souvent redoublé dans les formes françaises : La Cotterie (Cr.), Cottières (Sav.), la Couterie (C.-du-N.), Cowtières (D.-S., Hites-A.), la Coutière (Char., L.-et-Ch., | Je SU 2 — 162 — May., Orne, P.-de-D., S.-et-L.), les Coutières (S.et-0.): Cottiers (Char., Doubs, Sav.), Cotters (Is.), Couters, (Rh., SAV.) ; Villers-Cotterets (Aisne). Le donjon était la tour maîtresse du château féodal, la tour qui le dominait. On trouve avec ce sens, dans le bas-latin : dominio, domnio, domjio, donjo; dans le provençal, dome - jon, donjon, et aussi dompnhon (dompnion) ; dans le vieux français, doinion, donion, donjon, danjon. Dominio est l’ablatif de dominium, domaine, devenu nomi- natif d’une autre déclinaison. Il est l'expression de la pro- priété personnelle comme un gentilice en 10. Ce mot a con- servé, dans l’espagnol et dans litalien dominio, la significa- tion de dominium. Le Donjon (AL, Htes-A., Hte-M., Sav.), les Donjons (S.-et- L., S.-et-0.), Domaigno (Sav.), Domino (Ch.-Inf.), Dominon (Niè.). Ducatus, duché, est déjà dans la basse latinité. Il a donné : au provençal, ducat, dugat; à l'espagnol, à l'italien et au portugais, ducado ; au vieux français, duchété, duchée, d’où la duché. Il n’est représenté, dans la nomenclature locale, que par des formes particulières : | Ducède (Hte-G.), le Ducet (Gir.), Ducey (Man.), Ducy (Gal., Oise). Un autre mot, fait sur le même radical, l’a supplanté en Savoie, c’est ducaria: | Duchères (Sav.), la Duchere (Hte-Sav.), Ducherie (Sav.). On trouve enfin dux pour ducatus dans : Le Duc (L.-et-G., Loz:, Man.). Le mot fief, désignant un domaine noble concédé sous condition de foi et hommage et assujetti à des services et à des redevances, est d’origine germanique comme la chose. Il dérive de l’ancien haut-allemand féhu et de l’anglo-saxon féoh, qui signifiaient troupeau, bien, et auxquels on a ajouté — 163 — un d euphonique avant de les latiniser. Le premier ést devenu feud, et le second féod. Ils ont donné : le bas-latin feudum et feodum ; le provençal feu, fieu ; l'espagnol, lita- lien et le portugais feudo ; l'italien fio ; le vieux français fied, fiez, fié, fief. Ficux (Dord., Gers, L.-et-G.), le Fieu (Av., Gir.), les Fieux (Cr., Hte-Sav.), le Fied (Jura), Fiefs (P.-de-C., Som.), le Fief (Arden., Char., Ch.-Inf., Cher, D -$., L.-et-L., L.-[nf., M.-et-L., Ven.) les Fiefs (Cal., Eure, Man., Orne, S.-Inf.), les Fiés (Vos.); La Feudrie (Orne) ; Fieugérand (Hte-Sav.), Fieulaisne (Aisne). Garenne et varenne sont issus du haut-allemand waren, prendre garde, par le bas-latin. vuarenna, bois, étang, lieu réservé au seigneur du fief, parc à gibier, à lapins en parti- culier. Vuarenna a été traduit : en provençal, par garuna, varena; en vieux français, par garenne, varenne. Garennes (Eure, Rh.), Varennes (Al., Dord., Hte-G , Hte- M., Indre, I.-et-L., Loiret, L.-et-Ch., Mar., Meuse, Oise, Niè. (1), P.-de-D., S.-et-L , S.-et-M., S.-et-0., Som., T.-et- G., Vien., Yon. (2), les Varennes [Hte-G.). Cinquante hameaux de France portent le nom de Garennes ; quarante-deux celui de Varennes, et quarante celui de la Varenne. Herberga, de l’ancien haut-allemand heri, armée, et berga, logement, a signifié camp, puis, par extension du sens pri- mitif, logis en général et hôtellerie en particulier. L’herberga était une institution féodale à rapprocher de l’hospitium, tenure temporaire et révocable, dont nous avons déjà parlé. Nous devons à herberga: le bas-latin herberga, haberga, alberga ; le provençal albere, alberga, alberja ; l'espagnol albergue ; l'italien albergo ; le vieux français herberge, hé- berge, haberge, aberge, alberge, auberge. (1) Varennae, vi siècle, 1x° siècle, 903. — (2) Varenna, 992. — 164 — ® Herberga a produit en outrele verbe herbergare, le subs- tantif herbergamentum, et les deux dérivés albergaria et albergaticum, albergagium. Aubercs (Htes-P.), les Aberges (Hte-T.), les Alberges (Is., L.-Inf., Sav.), les Auberges (Doubs, Loiret) ; L'Hébergerie (S.-et-0.), les Albergeries ([s.), l'Aubergerie (Drô.), les Aubergeries (Htes-A.) ; . Herbergamentuin avait le même sens qu'heberga : L’'Herbergement (Ven.), l'Hébergement (L.-Inf., S.-et-0.), lAbergement (Ain, C.-d’Or, Doubs, Hte-Sav., Jura, S.- et-L.). L’hoba ou hova, assez analogue à la curtis, était, comme elle, d’origine colonique. C'était essentiellement un lot de terre '‘arable donné en jouissance à un colon, hobarius, qui participait aussi aux avantages de l’exploitation de terrains communs ou Mmarcæ, marches, forêts et pâturages. La con-. cession d’une hoba s’accompagnait d'ordinaire de celle d’une habitation. L’hoba est devenue, de nos jours, une ferme, une métairie, une propriété rurale. Hoba ou hova a été rendu: en allemand, par hof ; en flamand, par hove, ove, ouve; en vieux français, par euve, ouve. On ne le trouve guère qu’en composition: Oves (Nd), Ouves (P.-de-C.); Argoeuves (Som.), Bavinchoves (Nd), Contreuves ({) (Arden.), Ecrouves (Meur.), Ostoves (P.-de-C.), Ostrehoves (P.-de-C.), Polincoves (P.-de-C.), Rebreuves (P.-de-C.), Templeuves (Nd), Volkerinchoves (Nd), Warcoves (P.-de- C.), Westoves (P.-de-C.), Wioves (P.-de-C.)._ | Les hoba d'Alsace étaient généralement groupées : . Bitschoffen (B.-Rh.), ‘Brinighoffen (Ht-Rh.), Eichhoffen (B.-Rh.), Gondershoffen (B.-Rh.), Gumbrecthoffen (B.-Rh,), Hannhoffen (B.-Rh.)) Koenigshoffen (B.-Rh.), Memelshoffen. (B.-Rh.), Menchoffen (B.-Rh.), Neunhoffen (B.-Rh_), Oberhof- (1) Guntheri hova, F je PET : 5: échec te 16 — fen (B.-Rh.), Osthoffen (B.-Rh.), Pfaffenhoffen (B.-Rh.), Ritterhoffen (B.-Rh.), Reichshoffen (B.-Rh.) Schirhoffen _(B.-Rh.), Sundhoffen (D (Ht-Rh.), Uttenhoffen (B.-Rh.), Voegtlinhoffen (Ht-Rh.), Wattighoffen (Ht-Rh.) (2) Le litigium ou ligium était le fief lige, l'héritage lige, la terre lige, le bien possédé sous la cordition de l'hommage lige, de la fidélité envers et contre tous et des obligations qu'elle comportait. Liligium vient du germanique Rd, qui a donné l’allemand ledig, libre (ledigmann, homme libre de tout engagement avec un tiers) et le bas-latin litigius, ligius. Les formes néo- latines sont : le provençal, litge, lige, lis ; l’ancien catalan, litge, lige ; l'italien, ligio ; l’anglais, liege ; et le vieux fran- çais, liège, liégeon, lige. Elles sont les mêmes pour litigius. À litigium reviennent : Lièges (Belg., Char), le Liège (Doubs, Hite-Sav, [.-et- L.) Lis (Htes-P., L.-et-G.) ; Conlièges (Jura), Lisbonne (3) (Gard) ; Et à litigius : Les Litges (Gers) ; La Ligerie (Dord.), les Ligers (Niè.). Marca, borne, limite, a signifié aussi territoire com- munal. Le mot est d’origine germanique ; on le trouve dans le haut allemand, marcha ; dans le gothique, marka, et dans l’anglo-saxon, maerc. Il a donné: le bas-latin, mar ne le provençal, marcha,marca, marqua; l’espagnol et le portu- gais, marqua ; l'italien, marcha ; l'allemand, marck ; le vieux français, marque, marche. Il répond au latin margo, qui a un sens analogue. Enfin, il y à dans le kymri, mare, et dans le bas-breton, marz, qui, comme le français marque, ont pris la signification de signe. (4) Sundhova, 896. — (2) Une réunion d’hoba était un hobetum. Burnhaupt (Haut-Rhin) est dit Burnobetum en 893 et Brunne foberume en 1271. — (8) Litigium bonum. — 166 — Marcha a donné, en français, les verbes marcher et mar- quer, et, au vieux français, le substantif verbal marchement, qui ale même sens que marche, limite ou territoire. Marches (C.-du-Nd, Drô.), la Marche (Belg. (1), C.-d’Or, C.-du-Nd, Meuse, Niè., Ven., Vos.), les Marches (Sav.), la March (Fin.); Marcq (Arden., Nd, P.-de C. (2), S.-et-O.), la Marque (Aude, Gers, Gir., Htes-P., Lan., L.-et-G.), Marques (B.-P., S.-Inf.) ; Marchebault (Loiret), Marchefroy (E.-et-L.), Marchelong (S.-et-M.), Marchemaisons (Orne), Marchemoret (S.-et-M }, Marchenoir {L.-et-C.), Marchepont (Nd,, Marcheroux (Oise), Marcheseuil (GC -d’Or), Marchevair (Sar.), Marcheval (L.-et- C.), Marchevillé (E.-et-L., Som. ()), Marquefaves (Hte-G.), Marquéglise (Oise), Marquemont (Oise); La Marchère (L.-et-L.), Marchères (Eure), la Marcherie (Vien.), la Marquerais (H.-et-L.), la Marquerie (Mar., Ven.), Marqueries (Htes-P., Ven.) ; Guilligomarch’ (Fin.). Marchement et transmarchement ne se trouvent que comme lieux-dits. Le second de ces mots est très répandu en Franche-Comté. | Les marches étaient gardées, à l’origine, par des seigneurs qui prenaient le titre de marquis, marchiones ou marchenses (sous-entendu, comites). Charlemagne établit de ces grands- officiers sur les frontières de ses immenses états. Les mar- quis ne tardèrent pas à devenir propriétaires des terres dont on leur avait confié la défense ; quelques-uns, comme le marquis de Brandebourg, les conservèrent en entier et les étendirent même au dehors. Mais ces terres furent généra- lement atteintes par le morcellement féodal et s’émiettèrent. On en vint à ériger en marquisats les seigneuries de la plus. (1) Marches-en-Famines. — (2) Ou Mark. — (3) Ou Marches-en-Vi- meUux, — 167 — minime importance; les duchés et les comtés ont, du reste, eu le même sort. Dans la toponomastique, le marquisat est souvent repré- senté par le titre de son seigneur, forme moderne de mar- chio ou de marchensis. Pour marchio, cette forme est mar- quion en vieux français. Marquion )P.-de-C.). Le féminin de marquis, marchiona, a donné marchienne, marquienne : Marchiennes (Nd). Le bas latin marchensis a été rendu : en provençal et en espagnol, par Mmarquès ; en portugais, par Marquez ; en ita- lien, par marchese ; en français ancien, par marchis, mar- quis. Marquis (Char.), Marquivillers (Som.), Le mot marquisat provient directement du français mar- quis. Il y à eu un marchesia, issu de marchensis et féminin d’une de ses formes bas latines, marchesius, qui avait la même signification que marquisat (marchensis, marchesia terna) © Marquises (P.-de-C.), la Marquise (S.-et-L.). La mota était l’assiette d’un château féodal. On a étendu le sens du mot au château lui-même et au chef-lieu de la seigneurie. On a fait venir mota du celtique et on l’a, de ce chef, tra- duit par mont. Le fait est qu’on trouve mota avec ce sens dans le gaëlique et que le hollandais moet, mot, petite éléva- tion parait en venir. Mais la motte était souvent un monticule factice, une éminence faite de main d'homme. Aussi a-t-on voulu tirer le mot du latin movere, remuer, mouvoir, et y voir l’abréviation de mota terra. Quoiqu'il en soit, mota a donné : à l’espagnol et au portu- gais, Mmota ; à l'italien, motta ; au provençal et au vieux fran- ais, Mothe et motte, mouthe et moulle : …) La Motte, (Aube, BA. C1: d'Or, :C.-du-N7, DES Dro, Htes-A., [.-et-V., Indre, Is., Loiret, L.-et-Ch., May., Orne, S.-et-L., L.-Inf., Som., Sav., Var, Vau.), les Mottes (Cher, Lan., Mar., May., Niè., Nd, Ven.), la Mothe (Dord., D.-S,., Gers, Hie-M., Hte-L., Lan., Lot, T.-et-G., Von.), la Mou- the (Dord., Jura, L.-et-G., Vau.) ; Motteux (Eure, Loiret, S.-et-M.) ; Motteville (S.-Inf). Odium, odum, forme bas latine du germanique od, à signifié, comme lui, un bien, une propriété d’origine bar- bare ou féodale. Odium, odum est devenu: le provençal, 0€, e ; l'espagnol et l'italien, odio ; le vieux français, od, ode, oud, old, ol, ou, on, eud, uy. Deux formes d’infime latinité odes, odis, ont été refaites sur le vieux français. On ne trouve gucre le mot qu’en composition. Odes (Loire) ; Oudeuil : pont (1) (Meuse), Baesrode IBelg.). Bréderode (Belg.). Blénod (2) (Meur.), le Dévoluy (6) (Htes-A.), Genthod (Suis.), Fe (Belg.), Gruyterode (Belg.)}, Iloud () (Hte-M.), Liffol (5) (Hte-M. Vos. ), Mathod (6) (Suis.), Mérode (Belg }, Narlou (7) (Nië.), CARS (Allem.), Seigneud (8) (Suis.), Thélod (Meur.), Tréloud (9) (Aisne), Wernigerode (Allem ). Le page, pagensis, pagesius, paraît avoir été primitivernent . un vassal d'assez basse condition ; comme celui du paganus, paysan, son nom venait du mot pagus, PAYS, pris dans le sens de territoire rural d’un canton, d’un comté. Plus tard, il prit rang parmi les nobles inférieurs, à la suite des cheva- liers et des écuyers : (1) Bailodium, x11° siècle. — (2) Belenodium, xr° siècle, — (3) Diabo- _ lodium. — ‘4) Islodium (pour Insulodium), en 1122; Inselod, Isloud. — (5) Liphodium, xue siècle. — (6) Mastod, 1141. — (7) Narlodum, 1151. — (8) Anc. Signod. — (9) Trelodium, 1151. — 169 — Mètent à mort ès hébergages Chevaliers, escuiers et pages. (GUIART.) (1) Avec ses pages qui nobles hommes estoient. (LEFÈVRE DE SAINT-REMY, Charles VI.) (2) Il y a eu des fiefs de page, qui ont pris les noms de pugerie ou de pagésie. Pagésie procède de pagensis comme pages, forme provençale de page : la pagésie était la pagensis ou pagesia villa, comme le pagès était le pagensis où pagesius homo. Pâgerie vient d’une forme paguus, qu’on retrouve dans le vieux français pague et dans son diminutif paguet (3). La Pavère (Sar.), la Pagerie (D.-S., I.-et-L., L.-[nf., M.-et-L., Man.), la Pagégie (4) (Cor.), la Pazégie (5) (Char., Dord.), On peut voir pagensis villa dans : Pagès (Aude, Gard, P.-0., Tarn, T.-et-G.). Cependant, il ne faut pas oublier que dans la nomencla- ture territoriale, le titre du propriétaire remplace souvent celui de sa terre : Pagès peut aussi provenir de pagesius. Enfin, les trois noms suivants paraissent se rapporter à pagand Où à paganus : Payans (B.-du-Rh.), Payens (A.-M.), Payns (Aube). Un seul nom de tieu en France rappelle la forme française primitive de senior, seigneur, sire, quiest sendra ou sen- dre, encore y est-elle mal orthographiée : Le Cendre (P.-de-D.). On la trouve dans le serment de Strasbourg : « Et karlus meos sendra... » L’étymologie de sire et de seigneur est restée longtemps obscure. On tient pour établi aujourd’hui que stire, atténua- (4) Dans pu CANGE, Pagius. — (2) Dans LACURNE DE SAINT-PALLAYE. — (3) Elle à donné pagaria. — (4) Forme chuintée, — (5) Métathèse de pagésie, 12 — 170 — tion de sendre, est le sujet, et seigneur, primitivement sénieur, le régime. Le provençal à «ire, senhor, senher, senhdre ; le catalan, senyor ; : l'espagnol, senor ; le portugais senhor ; l'italien, sire, sere, signor e ; le français, stre, sieur seigneur. On trouve souvent cire pour sire : comment s’é- tonner de re cendre pour sendre ? La villaunia était un groupe de villa ou de villani, c'était donc un village. Il y avait aussi le villanugium. Villania et villanagium avaient aussi le sens de tenure de vilain ou serf affranchi, de fief tenu à cens et à rente. Villania a donné : le provençal, villanha, villagna, villayna ; le catalan, villanya ; l'espagnol, villona ; l'italien, villagna ; le vieux français, villanie, villaine, dune velaine. Villanies ([.-et-L., S.-et-0.), Villaines (C.-d'Or, May., Sar.), la Villaine (AL., Cr., L.-et-L., Niè), Villennes (S.-et-O.), Vilaines (Arden., Eure, P.-de-D., Sar., S.-et-0.), la Vilaine (M.-et-L.), Velaines (Meur. (1), Meuse), Velanes (S.-et-O.), Velènes (Oise, Som.), Viélaines (Aube). Vingt hameaux, en outre, portent le nom de Villaines, et quatre celui de La Villaine. Villanus a donné aussi : Villanières (Aude), la Villanière (M.-et- L. , Man), Villa- niers (Char., Vien.), Villanieux (AI ). Ce sont des Villunaria, des Villanarium et un Villa- noîialus. La canoniea (2) était une prébende, un bénéfice de cha- noine, sorte de seigneurie ecclésiastique. | On trouve : dans le provençal, canonge, canorgue, canourgue; dans le catalan, canonge ; dans l’espagnol, cano- niga ; dans l'italien, canonica ; dans le vieux français, cha- noinie, chenonte. (4) Vilania, 884 (Velaines-en-Haie); Villania, 875 (Velaines-sous- Amance). Dans le même département, Velaine-sous-Vaudemont est LUE, Villenia en 1105. — (2) Sous-entendu villa. y { & "1 CR, |: jen La Canonge (Loz.), la Canourgue (Hér., Lot, Loz. (1)), Chenonceaux (2) (L.-et-L.). Un synonyme, canonicutus, a été rendu par : Chanonats (P.-de-D.). Le mot capellania, chapellenie, a été traduit d’abord par châpelaine. La chapellenie était un bénéfice de chapelain : La Chapelaine (Mar..). Cura, bénéfice de curé, a été traduit : en espagnol, en ita- lien et en provencal, par cura; en vieux français par cære, cœur, cure : | Cœres (S.-et-L.), Cœurs (Niè., P.-de-D., Cures (Sar., Yon.), la Cure (Cher, Jura) ; Curières (Av., Is., Loz.) : Curelandes (Av.), Curemontes (Cor.), _ On trouve le titre du bénéficiaire dans : Curé (Ch.-Inf.). Les fiefs épiscopaux avaient souvent pour nom ou pour surnom le ütre du titulaire. Episcopus, évêque, a été rendu : en provençal, par évesque, avesque, vesque, bisbe ; en catalan, par bisbe; en espagnol, par obispo ; en portugais, par bispo ; en italien, par vescovo; en vieux français, par évesque, vesque, évecque, vecque. On voit que beaucoup de ces formes ont été pro- duites par divers accidents, parmi lesquels l’aphérèse do- mine : L’Evêque (A.-M., Aude, Hte-G.), les Evêques (Hte-Sav.), Biscop (Nd), Piscop (S.-et-0.), Piscou (L.-et-G.), le Vesque (Orne), les Vesques (Eure) ; Evesquemont (S.-et-0.), Evesqueville (Cal.), Vecquemont (Som.), Vecqueville (Hte-M. (5), Meur.), Vesqueville (Cal.); La Ville-l'Evêque (E.-et-L.). _ On trouve episcopatus dans : a (1) Canonica, 1060. — (2) Canonici ou canonica cella. — (3) Epis- copi villa, vire siècle. \ 2 19 = Vescovato (Corse). Presbyteria, bien de prêtre, a été rendu généralement par proverie où prouvérie, preverie, previère, qui procèdent du régime singulier provoire, prevoire, preveire, de la pre- mière forme française de presbyter, prêtre. Une autre forme, prestière, provient de son sujet ou nominatif prestre preste. La Prouverie (L.-et-V.), la Preverie ([.-et-V., May., Sar.), Previères (Cher, Hte-Sav.), la Previère (M.-et-L.), la Pre- tière (Doubs) ; Presbyter a donné : preire, preveire, prestre au proven- çal ; preste, prebere au catalan : preste à l'espagnol ; prete à l'italien ; provoire, pruvoire, proveire, preveire, prestre, preste. Le composé Proverville (Aube'“), Loiret) vient de pro- veire ; le composé Prêtreville (Cal.) de prestre. 3° Défense Des anciens lieux de défense, dont les noms ont persisté sous une forme néo-latine, quelques-uns remontent aux Gaulois ; d’autres, en plus grand nombre, sont de fondation romaine ou gallo-romaine; d’autres enfin sont d’origine féodale ou barbare. Parmi les premiers, nous comptons: l’arca où arcum, le barrum, la briga, le dunum, le durum ou durus, le ratum. Arca, arcum est une métathèse d’acra, acrum, château- fort, citadelle, littéralement extrémité, sommet, Le mot, d’origine grecque (acra, acron), a probablement donné nais- sance au latin arx. Il à été rendu en vieux français, soit par arc, arque, Soit par arg, erg, org. Arc (Doubs, C.-d’Or, Hte-M., Hte-S.), Arques (Aude, Av., P.-de-C., L.-Inf.}, l'Arche (B.-A.) ; (1) Presbyteri villa, 1159. —- 173 — Argol (Fin.\, Argoule (Som.), Arguel (Doubs, Som.), Er- guel (Suis.), Orgueil (T.-et-G., L.-Inf.), Orgelet (Jura), _ Orgon (B.-du-Rh.), Argoeuve (1) (Som.), Arquève (Som.). Le barrum gaulois était une enceinte de barres, de bois ou de poutres, Barrum vient du kvmri bar, branche, qui a donné le bas latin barrum ; le provençal, l'espagnol et l'italien, barra ; l'anglais, bar ; l'allemand, barr : le vieux français, bar, bare, barre. Bar (Aube (@), Arden., Cor., G.-d'Or, Meuse G)), Barr (B.- Rh.), Barron (Gard) ; Barrouse ([.-et-L.), le Barrouse (Vau.) ; Barrécourt (Arden.), Barrine (4) (Meur... Brica où briga est un mot d’origine gauloise qui Signi- fait forteresse et d’où proviennent : le bas latin, le pro- vençal, l'espagnol et l'italien, briga ; l'allemand, brieg, et le vieux français, brig, brigue. . La Briche (IL.-et-L. (5), Seine), Brigue (Suis.), Brigel (Suis.), Brigueil (Char., Vien. 6). Généralement fondu avec un déterminatif, briga a disparu ou a été rendu de diverses façons. Dans les composés fran- çais, tous inversifs, il est représenté par la finale bre dans le Midi et vre dans le Nord. _ Amage (7) (Hte-S.), Beneuvre (8) (C.-d'Or), Bonnœuvre (9) (L.-Inf.), Boppart (0) (Prov. rh.), Cambridge (T1) (Angl.), Cou- lobres (12) (Hér.), Couleuvres (AL), Couloubres (Jura), Coù- iouvres (Loire), Denèvres(13) (Hte-S.), Denœuvres(l4) (Meur.), Escaudæuvres (15) (Nd), Lagos (16) (Port.), Mœuvres (Nd), (1) Arcæ hova. — (2) Barrum, 1061; Castrum Barri montis, 1065, Bar-sur-Aube; Barrum, 889 et 1004, Bar-sur-Seine. — (3) Barrum, in Greg. Tur.; Barri villa ad Ornam, 932, Bar-sur-Ornain ou Bar-le-Duc. — (4) Barricinium, 8170. — (5) Brica, in Greg. Tur. — (6) Brigolium, 1185. — (7). Amagelobriga, dans César. — (8) Bonnobriga. — (9) Id. — (10) Bodobriga, dans l’Itin. Anton. — (11) Cantobriga. — (12) Calobri- ces, 881. — (13) Danobriga. — (14) Id. — (15) Scaldobriga. — (16) La- gobriga. — 174 — Moyeuvres (Mos.), Sœuvres (1) (Yon.), Suèvres (2) (L.-et-Ch.), Soulièvres (D.-S.), Ségorbes (3) (Esp.), Saubrigues (Lan.), Vallabrègues (Hér.)}, Vandœuvres (Indre, Meur., Suis.), Vendeuvres (Aube (4), Cal., Vien. 6), Vérobres (6) (S.-et-L.), Vèzenobres (Gard), Vinsobres (Drô.), Volèbres (S.-et-L.). Duna, dunum, forteresse assise sur une hauteur, hauteur propice à la défense ; vient peut-être du grec dune, force. Il a été donné oem pour un mot d’origine celtique, et, de fait, on trouve dun avec le sens de colline ou de tertre dans le kymri, le gaëlique et le bas breton ; mais dunum est déjà dansle latin. Les Espagnols et les Italiens ont duna, colline, et les Français dune, monticule de sable au bord de la mer. Dunum s’est conservé dans le nom topique dun, don. Dun (Ar., Cher, Cr., E.-et-L., Indre, Meuse, Niè., S.-et- L., T.-et-G.), Dunes (T.-et-G.) : Doneau (Sar.), Dunet (Indre), Dunière (Hte-L.). En composition, dunum a subi fréquemment la syn- cope. Ahun (7) (Cr.), Aiglun @) (B.-A., Var), Ardin () (D.-S.), Ardon (10) (Jura, Loiret), Arthun (li) {Loire), Arthon (12) (I.-et-L., L.-Inf.), Averdon (L.-et-Ch.)}, Beaudun (1) (B.- A.), Bezalu’ (14) (Esp.), Bezaudun (15) (Drô., Var), Bran- cion (16) (S.-et-L.), Bredon (Can.), Brion (17) (Yon.), Ca- douin (Dord.), Caden (Prov. rh.), Cervon (18) (Niè.), Cha- lon (19) {S.-et-L.), Chambion (20) (Hte-G.), Châteldon (21 (P.-de-D.), Châteaudun (22) (E.-et-L.), Collondon (Jura), Con- dun (Oise), Courçot (Char.), Courson (Cal., S.-et-M., (1) Sodobriga. — (2) Id. — (3) Sogobriga. — (4) Vindobriga, 664. — (5) Id., 988.— (6) Verobriga, au 1x° siècle. — (7) Acitodunum; Agi- dunum, 997. — (8) Aquilodunum. — (9) Aredunum. — (10) Id. — (11) Artodunum. — (12) Id. — (13) Besaldunum, en 739. — (14) Id., en 1094-5. — (15) Id., en 739. — (16) Brancidunum. 996. — (17) Bridon, au Ix° siècle. — (18) Cervidunum, 833. — (19) Cabillodunum, in Not. dign. — (20) Cambidunum. — (21) Castellodunum, 573. — (22) Id. — 179 — Yon. (1)), Craon (May. @), Vien.), Craonne () (Aisne), Créon (Gir., Lan.), Chandon (B.-A., E.-et.L.}, Chaudun (Aisne, - Htes-A.), Dunkerque (Nd), Embrun (# (Htes-A.), Epron (Cal.), Essoudun (5) (D.-$S.), Evran (C.-du-Nd), Evron (May.), Evrune (Ven.}, Gavaudun (6) (L.-et-G.), Hostun (7) (Drô.), Issoudun &8) (Indre), Jandun (Arden.), Kampten (9) (Prov. rh.), Laudun (10) (Gard), Liverdun (1) (Meur.), Livron (Drô.), Laon (12) (Aisne), Lyon (Rh.), Leyden (B) (Hol.), Loudun (14) Vien.), Marçon (15) (Mar.), Mehun (16) (Cher), Melun (17) (S.- et-M.), Moiron (18) (Jura), Moudon (19) (Suis.), Mussidan (20) (Dord.), Nyon (21) (Suis.)}, Oron (22) {Suis.), Quevillon (2) (S.- Inf.), Rabon (Htes-A.), Rion (Gir.), Roquedun @#) (Gard), Saverdun (5) (Ar.), Sion (6) (Suis.), Soudun (Vien.), Suin (27) (S.-et-L.), Tourdan (28) (Is.), Tourdun (Gers), Ussolud (2) (Lot), Usson (50) (Vien.), Verdon (31) (Dord., Mar.), Verdun (3%) (Ar., Aude, Meuse, S.-et-L., T.-et-G.), Vivonne (33) (Vien.), Vesdun (Cher), Yverdon (34) (Suis.). Quelques noms en dunum ont entièrement disparu de la nomenclature. Ainsi Andomatodunum, qui est devenu Lan- gres (Hte-M.) ; Coesarodunum, Tours ([.-et-L.) ; Lugdunum Convenarum, St-Bertrand-de-Comminges (Hte-G.) ; Vellau- nodunum, qu'on croit être Château-Landon (S.-et-M.). pe (1) Gurcedonus, vie siècle. — (2) Cregadunense conditä, 804. — (3) Cregadona, 806. — (4) Eburodunum, Itinéraires et la T'able théo- dos. — (5) Exoldunum. — (6) Gabalodunum. — (7) Augustodunum, 1938. — (8) Exoldunum. — (9) Campidunum, 732. — (10) Laudunum, 1088. — (11) Liberodunum, 894 — (12) Lugdunum Clavatum. — (13) Lugdunum Batavorum. — (14) Vicaria Lugdunensis, 904 — (15) Marcedonum, en 904. — (16) Magdunum, in Greg. Tur. — (17) Mel- lodunum, dans César. — (18) Merodunum. — (19) Minnodunum, dans ltin. Ant. — (20) Mulcedonum, 830. — (21) Noviodunum , dans César. — (22) Aurodunum; Auronum, 522 — (23) Cabelliodunum.— (24) Ro- codunum, 1056. — (25) Severodunum. — (26) Sedunum. — (27) Id, — (28) Turedunum, dans lItin. Ant. — (29) Uxellodunum. — (30) Iciodu- num; Vicaria Icionensis, 915. — (31) Virodunum. — 132) Id. — (33) Vicavedonum, Vicavedonense (conditä), 857; Vicaria Vicavedo- nensis, 888 et 954-5. — (5%) Eburodunum. — 176 — Jusqu'à ces derniers temps, durum, durus, confondu avec dubrum, duvrum, qui signifie eau, cours d’eau, était traduit par rivière, par vallée, tandis qu'il a désigné, en réa- lité, une variété de forteresse gauloise, où l’eau n’était qu’un des éléments de la défense. Les durum, durus, dorum sont assez répandus en France et dans les pays gallo-romains voisins. Dore (P.-de-D.) ; Duran (Gers), Duras (L.-et-G.), Dureil (Sar.), Dreuil (Ar, Som.), Durette (Rh.), Durol (Niè.) ; Duravel (Lot), Durbain (Ar., Aude, Gers, Lot), Durcet (Orne), Durdat (AL), Durfort (Gard, Tarn, T.-et-G.), Dur- magen (1) (Prov. rh.), Durmignat (P.-de-D }, Dursthal (B.- Rh.), Durtal (M.-et-L.), Durtol (P.-de-D.), Droménil (Som.), Drucat (2) (Som.), Duclair (3) (S.-Inf.). Dans les composés par inversion durum, durus à géné- ralement subi la syncope du d, et urum, urus s’est trans- formé en er, otr, or, eur, ur, uir et même ar. Anglure (4) (Mar.), Auxerre (5) (Yon.), Avaleur (6) (Aube), Ballore (7) (S.-et-L.), Beure (Doubs), Briare (@®) (Loiret}, Bri- doire (Dord.), Brieulles () (Meuse), Cambieure (Aude), Ca- loire (Loire), Caluire (Rh.), Eurre (Drô.), Issoire (10) (P.-de- D.), Iseure (11) (I.-et-L.), Izernore (12) (Ain), Izeure (13) (AL.), Jeurre (Jura), Jouarre (14) (S.-et-M.), Mandeure (15) (Doubs), Mineure (C.-d’Or), Morre (16) (Doubs), Nanterre (17) (S.-et-O.), Pleure (Jura), Pleurs (Mar.), Simorre (Gers), Soleure (18) (Suis.), Talloires (Hte-Sav.), Taloires (B.-A.), Tannerre {Yon.), Thodure (Is.), Tonnerre (19) (Yon.), Vaussor (20) (Belg..). (1) Duromagus. — (2) Durocaptum. — (3) Duroclarum. — (4) Anglo- duro, 1117. — (5) Autisiodurum, 634. — (6) Aballodurus. — (7) Bala- todurum. — (8) Brivodurum. — (9) Briodurum, en 98% et 1049. — (10) Zciodurum, in Greg. Tur. — (11) Id., id. — (12) Isernodurum, 1x° s.. — (13) Iciodurum, in Greg. Tur. — (14) Jotrum, 628. — (15) Epo- manduodurum, dans Itin. Ant. — (16) Majodurum, 1049. — (17) Neme- todurum, in Greg, Tur. — (18) Solodurum, in Tab. Théod. — (19) Tor- nodurum, in Greg. Tur. — (20) Valciodorum. — 177 — Augustodurum () a été le nom de Bayeux (Cal.) ; Batavo- durum (2), celui de Bois-le-Duc (Hol.); Boïodurum 6), celui . de Saint Oswald (Bav.) ; Divodurum (), celui de Metz (Mos.) ; Marcodurum 5), celui de Düren (Prov. rh.), Octodurum (6), celui de Zamora (Esp.) ; Octodurus (7), celui de Saint-Mau- rice (Suis.). Enfin Châlons (Mar.) s’est appelé Durocatalau- num, et Reims Durocortorum (8). On trouve encore durum, durus : dans Duregum, Zurich (Suis.) ; dans Durobrivis 9), Rochester (Angl.) ; dans Duro- castrum (10), Dorchester (Angl.); dans Durorostorum (D ou Dorostena, Silistrie (Bulg.) : dans Durovernum (12), Canter- bury (Angl.). Le ratum des Gaulois était une place fortifiée par une levée de terre, ün grand camp retranché. Tel était Argento- ratum (13), l’ancienne Strasbourg. D’autres Argentoratum sont les deux Argentré, celui de l’Ille-et-Vilaine et celui de la Mavenne. Les lieux de défense de fondation romaine ou gallo- romaine étaient : l’æstivalis où æstivale, l’'azylus, le cas- trum, la custodia, la firmitas, la fortia, le forte, la fortalitia, la fossa et le fossum, la legio, le murus, l’oppidum, les pali, le palitium, le securum, la tutela, le vallum, la vigilia. L’aeslivalis (saltus) où aestivale (castrum) était le camp d'été d’une ou de plusieurs légions romaines. On disait aussi aesliva castra par opposition aux staliva castra, camps per- manents. Aestivalis, aestivale est devenu estival en provençal, en espagnol et en français ; estivale en italien. Le vieux fran- çais est allé jusqu’à étival. Etival (Jura, Sar., Vos.), Estival (Cor.), Estivaux (14 (Cor.), Estibaux (Lan.), Etivault 5) (Vien.). | (li Cæs. — (2) Tac. — (3) Inser. — (4) Tac. — (5) Id. — (6) Cœs. — — (7) Id. — (8) Id. — (9) Itin. Ant. — (10) Id. — (11) Not. prov. — (12) Itin. Ant. — (13) Id. — (14) Æstivalis. — (15) Estivale, 1x° siècle. — 178 — L’asile ou asyle, du grec azylos, bien qu’on ne viole pas, était un refuge pourvu de moyens de défense. Azile (1) (Aude), le Mas-d’Azil (@) (Ar.). Ce dernier a joué un grand rôle pendant les guerres de religion ; son asile était une caverne fortifiée à double issue. Castrum, après avoir signifié camp, lorsqu'on l’employait au pluriel (castra), a pris, au singulier, le sens de fort, de place forte. On le trouve déjà avec cette acception dans Cor- nélius Nepos. Son diminutif castellum est déjà employé au temps de Cicéron : on le trouve dans Sisenna, dans Tite Live, dans César. dans Vitruve, et, plus tard, dans Virgile, Pline, Quinte Curce, Végèce. Castellio, castellare et castel- larium, castelluscum appartiennent à la moyenne latinité. Castellare et castelluscum sont devenus caslare et caslu- cum dans le midi de la Gaule. Castrum a été traduit : en provençal, par castre ; en espaguol et en italien, par castro ; en vieux français, par castre, chastre. Le pluriel castra, devenu un nominatif sin- gulier de la première déclinaison latine, a donné le proven- çal castera, et le vieux français chastre au féminin. Caestres (Nd), Castres (Aisne, Gir., Tarn), Châtres (Aube, Dord., Indre, L.-et-Ch., May., S.-et-M.), la Châtre (Indre), Castries (3) (Hér.) (4). Castera (B.-P., Gers, Htes-P., Hte-Gar., T.-et-G.), Cas- teras (Ar.), Casteret (Htes-P.). | Il y a dans le Gers un Casteron qui vient directement de castrum. | Castellum est devenu : le provençal, castelh, casteil ; le catalan, castell ; l'espagnol, castillo ; le vieux français, cas- (1) Asilianum, 878. — (2) Asiliensis (villa), v. 817 — (3) Castrica, 822. — (4) Il y avait dans l'Ile-de-France un Châtres, qui est devenu Ar- pajon (S.-et-0.) depuis son érection en marquisat, en 1720, pour une fa- mille originaire d'Arpajon dans la Haute-Auvergne. — 179 — teau, chasteau, castel, chastel ; l'allemand et le flamand, cassel. Cassel (Belg., Nd, Prov. rh.), Casteilh (P.-0.), Castel (Dord., Gers, Som.), le Câteau (Nd), Chasteau (Cor.), Chas- tel (Can., Hte-L.), Château (S.-et-L.), Châtel (Arden.), Chas- teaux (Cor.), Chastel (Can., Dro., Hte-L.), Le Câtelet (Aisne), le Châtelet (Arden., Cher, C.-d'Or, Doubs, S.-et-M.), les Châtelets (E.-et-L.), le Châteley (Jura) ; Castelbajac (Htes-P.), Castelbiague (Hte-G.), Castelbon (B.:-P.), Castelculier (L.-et-G.), Castelferrus (T.-et-G.), Cas- telfranc (Lot), Castelgaillard (L.-et-G.), Castelginest (L.-et- G.), Casteljaloux (D (L.-et-G.), Casteljault (Ardèche), Cas- telmairan (T.-et-G.), Castelmary (Av.), Castelmoron (Gir., L.-et-G.), Castelnau @) (Ar., Aude, Av., B.-P., Dord., Gard, Gers, Gir., Hte-G., Htes-P., Hér., Lot, L.-et G., Tarn), Cas- telnaudary (3) (Aude), Castelnavet (4) (Gers), Castelner () (B.-P., Lan.) Castelnou (6) (P.-0.), Eastelreng (Aude), Cas- telsagrat (7) (T.-et-G.), Castelsarrazin (8) (Lan., T.-et-G.), Castelvieil ou vieille (Gir., Htes-P.); Châteauarnoux (B.-A.), Châteaubernard (Is), Château- bréhain (Meur.), Châteaubriand (L.-Inf.), Châteauchalon (9) (Jura), Châteauchervix (Hte-V.), Châteauchinon (Niè.), Châ- teaudun (10) (E.-et-L.), Châteaugaillard (Ain, E.-et-L.), Châ- teaugarnier (11) (Vien.), Châteaugay (P.-de-D.), Châteaugon- tier (May.), Châteauguibert (Ven.), Châteaulambert (Hte-S.), Châteaularcher (12) (Vien.), Châteaulin (Fin.), Châteaumeil- lant (13) (Cher), Châteauporcien (Arden.), Châteauredon (B.-A.), Châteauregnault (Arden.), Châteaurenard (B.-du- Rh., Loiret), Châteaurenaud (S.-et-L.), Châteaurouge (Mos.), (1) Castellum Vandalorum; Castello Wandelors, au xe siècle. — (2) Castellum novum. — (3) Castellum novum Arianorum. — (4) Petit Castelnau, — (5) Castellum nigrum. — (6) Castellum novum. — (7) Castellum sacratum. — (8, L'ancien Sostomagus. — (9) Castellum Carnonis, 854. — (10) Castrodunum, 587. — (11) Castellum Garnerii, 1096. — (12) Castellum Acardi, 977, — (13) Mediolanum, in Tab. Th. — 180 — Châteauroux (1) (Indre), Châteausalins (Meur.), Châteauthié- baud (L.-Inf,), Châteauthierry ®) (Aisne), Châteauverdun (3) (Arden }, Châteauvillain (Hte-M., Is., Jura), Châteauvert (Var), Châteauvieux (Doubs, Htes-A., L.-et-Ch., Var), Chä- teauvoué (Meur.) ; | Châteauneuf (B.-A., B.-du-Rh., Char., Cher, C.-d'Or, E.- et-L., Fin., Htes-A., Hte-V., [I.-et-V., Loire, L.-et-Ch., Loz., Loiret, M.-et-L, Niè. (4, P.-de-D., S.-etL, Var, Vau., Ven.); Châtelaillon (Ch.-Inf.), Châtelarnaud (Dro.), Châtelandren (G.-du-Nd), Châtelblane (Doubs), Châtelcensoir (5) (Non.), Châtelchéhéry (Ard.), Châteldeneuvre (AL), Châteldon (AL.), Châtelguyon (P.-de-D.), Châtelgérard (Yon.), Châtelle- rault (6) (Vien.), Châtelmontagne (AI), Châtelmoron (S.-et- L.), Châtelneuf (Jura, Loire), Châtelperron (AI), Châtel- raould (Mar.) ; | Beauchastel (Ardèche), Belcastel (Aude, Av., Tarn), En- trecasteaux (Var), Francastel (Oise), Grandchâtel (Jura), Marchastel (Can., Loz.), Neuchâtel (Doubs (7), Suis.), Neuf- château (Vos.), Neufchâtel (Aisne, P.-de-C., Sar., S.-Inf.), Pierrechâtel (Is.), Pléchâtel (T.-et-V.), Pontchâteau (L.-Inf.), Tilchâtel (C.-d’Or\, Virechâtel (Aïn, Jura). Le castellio était, comme le castellum, un diminutif du castrum. Gastellio est devenu castillon en provençal ; cus- tellon en espagnol ; castillone en italien, et castillon, câtil- don, chastillon, Châtillon en vieux français. Castillon (A.-M., Ar., B.-A., B.-P., Cal., Gard, Gers, Hte- G., Htes-P.), Câtillon (Nd, Oise), Châtillon (Ain, Al., Aisne, Arden , C.-d’Or, D.-S., Doubs, Drô., E.-et-L., Htes-A., Hte- ) C. Rodulphi, 154. — (2) Castrum et castellum Theodorici, 933. — (3) Virodunum.— (4) Bariacus, vers 600 : Châteauneuf-Val-de-Bargis. — (3) Castrum censorium, vue siècle. — (6) Castellum Araldi, vers 1025. — (7) Par opposition à Châtel, Sancta Maria in Castro, 1040 et 1143; Castrum Sanctæ Mariæ, 1136. La plus ancienne mention de Novum Castrum est de 1140. — 181 — S., {.-et-V., Indre, Jura, Loiret, L.-et-Ch., Mar., Meuse, May., Niè., Rh, Vien., Vos.) ; Castillonès (1; {(L.-et-G.), Châtoillenot (Hte-M.). Le nom de castellio a été souvent donné à des lieux qui n’ont jamais présenté de constructions militaires, mais dont la position paraissait favorable à la défense. Tout au con- traire, on a attribué ceux de castellare, castellarium ou de castelluscum à des endroits qui présentaient des vestiges d'anciennes habitations ou de travaux de défense. Castellare, castellarium se retrouve dans le provençal castellar, l’espagnol castélar, l'italien castellare, et le vieux français chastelar, chastellier, châtelier, castelier. Une syncope de castellare, caslare a donné caylar dans le midi de la France, et chaylar, chalar dans le nord. Castellar (A.-M.), le Castellard (B.-A.), Castellare (Corse), Châtelard (B.-A., Cr., Suis.); le Châtelard (Hte-S.), le Caylar (Gard @), Hér. (3), le Chalard (Hte-V.), le Châtelier (Mar.), Châtellier (E.-et-L., [.-et-V., Ven.), le Châtellier (Mar., Orne) ; Le Câtelier (S.-Inf.). Castelluscum est devenu castellus dans le midi de la France, et chastellux, chastellus dans le nord. L’espagnol a custelluz et l'italien castelluscio. Castelluscum a été syncopé comme castellare et a donné caylus et chalus. Chastellux (® ([Yon.), Châtelus (Al., Cr., Is., Loire), Cay- lus (Tarn), Chalus (Hte-V., P.-de-D.). On attribue à custodia, garde, sentinelle, les deux noms Suivants : Coustouges (Aude, P.-0. (5j), La firmitas était une petite forteresse destinée à défendre (1) Castellionensis villa. — (2) Castellare, 1018. — (3) Castlar, 1098. — (4) On a refait, sur le français Castrum Lucium, qu’on trouve en 1180. — (5) Ou Custoja. — 182 — un passage important, celui d’une rivière ou d’un col de montagne. La Fermeté (1) (Niè.) est la seule firmitas dont le nom n'ait pas été syncopé (2) ; les noms de toutes les autres sont devenus ferté. | | La Ferté des Ardennes et celle du Jura n’ont pas de sur- noms ; toutes les autres sont pourvues de déterminatifs. La Ferté-Alais ou Aleps, petite ville sur l'Essonne, dans Seine-et-Oise, est une localité très ancienne. La Ferté- Beauharnais, dans le Loir-et-Cher, est sur le Beuvron; la Ferté-Bernard, dans la Sarthe, sur l’Huisne, qui coule encore dans ses fossés, au pied de murs encore respectables ; la Ferté-Fresnel, dans l'Orne, sur la rive gauche de la Cha- rentonne ; la Ferté-Gaucher, dans Seine-et-Marne, sur le Grand-Morin ; la Ferté-Hauterive, dans l'Allier, sur lPAllier - la Ferté-Imbaud, dite aussi la Selle-Saint-Denis, dans Loir- et- Cher ; la Ferté-Langeron, dans la Nièvre, autrefois la _ Ferté-Chauldron, du nom de ses premiers seigneurs (8), sur l'Allier; la Ferté-Loupière (4), dans l'Yonne, sur la Lou- pière ; la Ferté-Macé, dans l'Orne, sur l'Aisne ; la Ferté- Milon, dans l’Aïsne, sur l’Ourcq; la Ferté-sous-Jouarre, dans Seine-et-Marne, sur la Marne ; la Ferté-sur Amance et la Ferté-sur-Aube, dans la Haute-Marne ; la Ferté-sur- Grosne, dans Saône-et-Loire ; la Ferté-sur-Péron, dans l'Aisne, anciennement la Ferté Belliart &) ; la Ferté-Saint- Aubin, dans le Loiret, autrefois la Ferté-Nabert, puis la Ferté-Senneterre ou Saint-Nectaire, sur le Cosson : la Ferté- Saint-Cyr ou Saint-Aignan, dans le Loir-et-Cher, également sur le Cosson ; la Ferté-Saint-Samson, dans la Loire-[nfé- rieure, sur la Saaune ; la Ferté-Vidame (6), dans l’Eure-et- A) Firmitas, 1145; Firmilas monalium, 1290. — (2) Du moins ne l'a-. t-1l pas été d’une manière définitive, car on trouve la Ferté-aux-Nonains dans un titre de 1430. — (3) Caldero dominus Firmitatis, 1195; Arnul- phus Chaulderon dominus Firmitatis, 1967. — (4) Firmitas Loparia, vers 1120. — (5) Firmitas Blihardi, 1158.— (6) Firmitas castruin, v. 958. — 183 — Loire, sur l’Eure, et la Ferté-Villeneuil. (1), dans le même département, sur le Long. La fortia, forcia, était un château-fort, une forteresse. Le bas latin forcia, dérivé de fortis, a produit le provençal forsa, forza ; l'espagnol fuerza ; le portugais força ; l'italien forza. La Force (Aude, Dord.) ; Forcelles (Meur.) ; Forceville (Som.). Forte, fortium, fort, ouvrage de terre ou de maçonnerie, capab'e de résister aux attaques de l’ennemi ; en provençal et en français, fort; en espagnol, fuerte ; en italien et en portugais, forte. Fort-Louis (Ht-Rh.), Fort-Mardick (Nd), Fort-Moville (Eure) ; Fortelle (P.-de-C.) ; Astaffort (L.-et-G.), Beaufort (Drô., Hte-G , Hér., Is., Jura, M.-ei-L., Meuse, Nd, P.-de-C., Som., Ven.), Belfort (Ht-Rh.), Blancafort (Cher), Blanquefort (Gers, Gir., L.-et-G.), Dur- fort (Gard, Tarn, T.-et-G.), Hautefort (Dord.), Hardifort (Nd), Monfort (Gers), Pierrefort (Can.), Tournefort (A.-M.), Trefford (Ain, Is.), Villefort (Aude, Loz.). Le mot forteresse paraît venir de fort, racine de fortis, à l’aide du suffixe alis, ale, qui exprime une qualité. De for- talis, fortale, qui est fort, on aurait tiré fortalitas ou forta- litia (2), bien fort. On trouve fortalessa, forlaressa dans le provençal ; fortalesa dans le catalan, et fortaleza dans l’es- pagnol. La Forteresse (s.). Le mot fossa, fossum, a signifié fossé, tranchée, retran- (1) Villanolium, vers 1050; Villenolii, vers 1180. — (2) Fortalicia se trouve dans les textes latins du moyen-âge. Il y à aussi fortalilies et for- talitium ou fortalicium, dont le pluriel a donné naissance à fortalitia en devenant féminin singulier, — 184 — chement, et aussi limite, borne, parce que les grandes ter- res en étaient souvent entourées. Fossa est le pluriel de fossum, devenu nominatif féminin singulier, et fossum, le supin de fodere, employé substanti- vement. Le provençal et l'italien ont fossa ; l'espagnol fosa ; le provençal a encore fos. Fos (B.-du-Rh. (D, Hte-G.), Fosses (Gir., M.-et-L., P.-0., S.-et-0.), la Fosse (Aube, Gir.), les Fosses (D.-S.) ; Fosseux (P.-de-C.), Fosseux (Oise), Fossieux (Meur), Fossoy (Aisne), Foussais (Ven...) ; Fossemagne (Dord.), Fossemanant (Som.), Foussemagne (Ht-Rh.) ; Buirenfosses (Aisne), Geffosses {Cal., Man.), la Grand- fosse (Vos.), Jeufosses (S.-et-0.). Nous avons vu que le Fos, de l'Hérault, est un fanum. Fossatum, qui a produit le provençal fossat, l'espagnol fossado, l'italien fossato, et le français fossé, est un dérivé de fossa, dont il a la valeur. Le Fossat (Ar.), Fossés (Arden., L.-et-Ch.), le Fossé (S.-Inf.), les Fossés (Gir.). On sait que Saint-Maur-lès-Fossé ou le Fossé, près de Paris, doit son nom à des retranchements construits par les Bagaudes à la fin du 11° siècle. Quelques localités doivent leur fondation aux légions can- tonnées en Gaule. On connaît l'influence exercée dans le sud-est de ce grand pays par les vétérans de la Septième Légion ou Septimani. [ls créèrent à Béziers une colonie dont le territoire s’étendit bientôt à toute la partie de ce pays où se trouvent les villes d’Elne, de Narbonne, de Carcassonne, d'Agde, de Maguelonne, de Nimes et d'Uzès. qui en a retenu (1) Doit son nom à la Fossa Mariana, canal aujourd'hui obstrué, que Marius fit construire à ses troupes entre le Rhône et la mer, et qu'on nomme actuellement le Bras-Mort. À son embouchure était le Portus Fossæ Marianæ, ruiné par les Sarrasins. pre — 185 — longtemps le nom de Septimanie. Deux localités situées, lune dans les environs d’Aix-en-Provence, et l’autre près de Vienne, doivent leur nom de Septima, Septèmes, à des colonies secondaires de cette légion. Une autre légion, la dixième, a colonisé Narbonne, qui a porté, pendant un cer- tain temps, le nom de Colonia Decumanorum. Une petite ville du Jura, qui s'appelle actuellement Sant-Julien, a porté les noms de Legio et de Leyon, Loyon, parce qu’une légion romaine a longtemps campé au lieu qu’elle occupe. Bien que démantelé depuis longtemps, Saint-Julien a conservé la phy- sionomie de la place forte féodale, et son assiette présente les caractères bien connus de celle des camps permanents des Romains. Le murus des Romains était un rempart, couronné ou non de créneaux. Telle est la signification que donnent au mot les auteurs du grand siècle, César et Cicéron en particulier. Cependant ce dernier, ainsi que Tacite, l’emploie avec l’ac- ception de clôture en général. Enfin, Varron et Servius lui donnent aussi le sens de levée de terre, de chaussée. En topographie, le murus est le rempart, la défense, l'abri, de quelque nature qu’il soit. Murus a été rendu : en provençal, par mour, mor, mur ; en espagnol et en italien, par muro ; en vieux français, par mor, Mur. Moras (1) (Drô., Is.}, Mours (2) (Drô.), Mureaux (S.-et-0.), Mureils (Drô.), Muriaux (Suis.), Murles (3) (Hér.), Muro (Corse), Murols (P.-de-D ), Muron (Ch.-Inf.), Murs (Aïn, Av., C.-du-Nd, Nd, Indre, L.-et-Ch., M.-et-L., Suis., Vau..; Aumur (4) (Jura), Brémur (C.-d’'Or), Réaumur (Ven.), Sau- mur (M.-et-L.), Semur (5) (G.-d’'Or, S.-et-L , Sar.), Sermur (Cr.), Villemur (Hte-G., Htes-P.) ; (A) Muratis. — (2) Murs, 1097. — (3) Murellus. — (4) Altus murus. — (5) Sine mure. 13 0 Morcenx (Lan.), Morchains (Som.), Morsains (Aisne (1), Mar.), Morsoms (Eure), Morsang () (S.-et-0.), Mulcent (3) (S.-et-0.), Mulsan (L.-et-Ch.), Murching (Dord.), Mursens (Lot) (4), Murviel (Hér.) (5), Murville (Mos.). Muratus, clos de mur, a donné le provençal morat, murat, l’espagnol murado, l'italien murato, et le vieux français murel, moret. Morat 6) (Suis.), Murat (AL, Can., Cor., P.-de-D., Tarn), Moret (S.-et-M.), Muret (7) (Aisne), Murato (Corse). L’oppidum était une ville forte, une place de guerre, ou un château-fort, un simple fort. Le mot a ces différents sens dans César, dans Varron, dans Virgile ; Cicéron et Virgile y ajoutent celui de ville en général. Tite Live et Varron s’en servent pour désigner Rome, la ville par excellence, tandis que pour Cicéron et Tacite l’oppidum est toute ville autre que Rome. En Gaule, il est la ville municipale ; Pline donne comme oppida: Aquæ Sextiæ, Aix-en-Provence ; Avenio, Avignon ; Apta, Apt; Alebece Reiorum, Riez ; Cabellio, Cavaillon ; Carcasum, Carcassonne ; Carpentoracte, Carpen- tras ; Luteva, Lodève; Nemausus, Nîmes ; Tolosa, Tou- louse ; Tricastinum, Saint-Paul-Trois-Châteaux ; Vasio et Lucus, Vaison et Luc-en-Diois ; Vienna, Vienne, qui furent plus tard des coloniae et des chefs-lieux de civitates. Oppède (Vau.) et Oppedette (B.-A.) sont les seules loca- lités françaises qui aient eu oppidum pour nom propre. On ne sait quel lieu représente de nos jours l’Oppidum novum de l’Aquitaine. L'Italie n’est guère plus riche que nous : on n’y trouve que deux Oppido, un dans la province de Reggio (1) Muro cinctus, 869. — (2) Morsang-sur-Orge et Morsang-sur-Seine. Le second est Muricinctum, dans la Polypt. d'Irmin. — (3) Murcinctum, 815, 830. — (4) Ces localités sont des Muro cinctus ou cincitum. — (5) Murviels, prês Béziers, est Murus vetulus, en 1053, et Muro veteri, en 1129; Murviel, près Montpellier : Muro vetulo, en 1031, et Murum velerem, en 1151. — (6) Muratum castrum, en 516. — (7) Muratum, en 1173. se — 187 — de Calabre, l’autre dans celle de Potenza, et un Oppidolo, qui est le chef-lieu de lile de Pantellaria, province de Tra- pani. Le pluriel de palus, pieu ou palis, longue pièce de bois aiguisée par un bout et pouvant être fichée en terre, et les mots palitium et palitia, palutium (1) et palatia, réunion de palis, désignaient une clôture formée de pieux en ordre plus ou moins serré. Palus a été rendu : en provençal, par pal ; en espagnol et en italien, par palo ; en portugais, par pao ; en vieux fran- çais, par pal, pau. Palos (Esp.), Pals (Esp.), Paulx (L.-Inf.), Pau (B.-P., Pels (2) (Aube), Espaux @) (Aisne), Gerbépals (Vos.), Rehau- pals (Vos.), Sépaux (4 (Yon.); Epaubourg (Oise), Epauménil (Som.), Epauvillers {Suis., Vien.), Rampieux (Dord.). Palitium, palitia, en bas latin palicium, palicia, a donné le provençal et l'italien paliza, l'espagnol palicia, et le vieux français palis, palise, palisse, palice. Palis (Aisne, Aube), la Palisse (AL, Cor.), la Palice (Ch.- Inf.}, Palise (Doubs), Espalis (Hte-L.). Palatium, palatia, est devenu en bas latin paiacium, palacia ; en provençal, palait, palai; en catalan, palasi ; en espagnol, palacio ; en italien, palazo ; en vieux français, palès, palars. Le Palais (Gir., Hte-V., Mor.), Palas (5) (Hér.), Palaiseau (6, (S.-et-0.), Palaiseul (Hte-M.), Palézieux (7) (Suis.) ; (1) Selon la remarque d'Ampère, ce mot, qui fut d’abord le nom d’un lieu où quelques pâtres campèrent , est resté, dans presque toutes les _ langues modernes, pour désigner la demeure des rois et des princes. Sin- gulière fortune d’un mot! Tel fut, en effet, l’humble commencement du palalium d’Auguste, dont le développement finit par couvrir toute entière une des sept collines : une suite de pieux formant un pare à bestiaux. — — (2) Pali, en 854. — (3) Ad Palos. — (4) Septem Pali, 869. — (5: Pa- Latium, 506; Palaiz, 1013. — (6) Palatiolum, 815. — (7) Id., 1141; Pa- lexuets, 1397, | — 188 — Plainpalais (Suis.). Securus, secura, securum, lieux de sûreté, ont été rendus par ségur dans le midi de la France, et par seur, sur dans le nord. L’espagnol a segura. | Ségur (Av., Can., Cor.), le Ségur (Tarn), Seur (L.-et- Ch.}, le Seur (Ch.-Inf.), Ségus (Htes-P.) : Le Seguret (Vau.), Ségura (Ar.) ; Montségur (Ar., Drô.), Puységur (Gers, Hte-G.). Le mot tutela, de tueri, défendre, s’appliquait à tout ce qui défend ou protège, aussi bien au propre qu’au figuré ; les quelques lieux qui le portent, dans ses formes néo-la- nes, ont dû être des lieux de refuge. Tutela a d’ailleurs signifié clôture : « Earum tutelarum genera quatuor, — il y a quatre sortes de ces clôtures », dit Varron. Montaigne emploie encore tutelle dans le sens de défense, de protec- tion (1). ; Les formes néo-latines de tutela sont : le provençal, l’es- pagnol et l’italien futela, tudela, et le vieux français tutèle, tutelle. Tudela ou Tudèle (Esp.), Tudelle (Gers), Tulle (Cor.) ; Tulette (2) (Drô.). Dans Tulle, la deuxième syllabe n’est plus représentée que par le redoublement de l’E {tutla, tulla) (3). Tulette est un bourg situé au pied d’un coteau, sur un grand bras de l’'Eygues, encore entouré de murs flanqués de tours et fermé par trois portes bien conservées (4. Le vallum ou vallus était une palissade défendue par un fossé. On trouve vallus, pieu, palis, dans Virgile : | Exacuunt alii vallos furcasque bicornes, (1) Essais, III, 295. — (2) Tudeleta in Provincid, 998. — (3) Sur une des collines qui entourent la ville, on voit une haute tour carrée attribuée aux Romains. On trouve Tutelense monasterium, vers 630. — (4) On trouve encore, avec le même sens, tuto, tuda. Latude, dans l’Hérault, est Tuda, Tudela, en 806. — 189 — ainsi que dans César et dans Cicéron ; après avoir signifié palissade (César, Salluste, Tibulle, Virgile (1)), il a pris le sens général de retranchement (Tite-Live, Lucain, Florus) et s’est dit surtout de retranchement en terre. C’est bien certainement de ce mot plutôt que de vallis que viennent les mots vallon- nement et vallonner, termes de génie militaire, par l’inter- médiaire de lablatif vallo employé nominativement (vallo, ons). Aussi peut-on lui attribuer hardiment l’origine du nom de Vallon, ancienne place forte des Cévennes, et des Vallon de l'Allier et de la Sarthe. Non arces, non vallus erat, sSomnum que petebat Securus varias dux gregis inter oves, dit Tibulle, dans sa gracieuse élégie sur la paix (2. On doit à vigilia, garde nocturne, les mots veille et vigie, dont les deux sens se confondent dans les autres formes néo-latines du mot : le provençal, velha ; le catalan, veilla ; l'espagnol, vella ; le portugais, vigia, et l'italien, veglia. Veilhes (Tarn), Vizilles (Is.) ; Vèzelise (3) (Meur.), Vézelois (Ht-Rh.). Les lieux de défense d’origine féodale sont : le balcus, le ballium, la barra, la bartrisca, la butista, le berfridus, le burgus, la cadafaldus, la clida, la vuacta, la vuarda. Le bas latin balcus provient de l’ancien haut allemand balcho ou palcho, poutre, auquel on doit le mot balcon, et que l’on retrouve, avec son sens primitif, dans le vieux français bauque, bauche. Il y a aussi balcium, qui a donné baux. Le balcus ou balcium était une défense en bois, en forme de galerie couverte ou découverte, qui faisait saillie sur les murs de pierre d’une forteresse. (était ce qui le distimguait _ du cadafuldus, chaffaud, qui était une fortification toute en (1) Eneide. — (2) Lib. I, x1, 9. — (3) Ecclesia Vigiliensis, 965. — 190 — bois. L’italien balco ou palco, qui signifie aussi échafaud, confond ces deux genres d'ouvrage. Baux (Eure), les Baux (B.-du-Rh. (1), Vau.). Le ballium était un lieu défendu par des pieux en palis, ceint de branches d’arbre ou de bois grossièrement équarris et appointés. Baillon (L.-et-Ch.), le Beillon (L.-Inf.). La barra était une barrière isolée ou un enclos défendu par des barrières. Barra a la même étymologie que barrum. Il vient du kymri bar, branche, qui a donné au provençal, à l’espagnol et à l'italien barra, et au français barre. Barres (Loz.), la Barre (Eure, Hte-$S., Hte-V., Jura, Man., Ven.), les Barres (Vien.) ; Barrais (Al.), Barran (Gers), Barras (B.-A.), Barraute (B.- P.), Barraux (Is.), Barret (Char., Drô., Htes-A.), la Barrère (Gers), Barry (Htes-P., T.-et-G.). Bastila, château-fort, forteresse ; du bas latin bastire, bâtir, mot d’origine inconnue, dont le radical bast, qui nous a donné aussi bâton et bât, semble exprimer l’idée de sou- tien, de support @). Le sens du mot a peu à peu dévié depuis l’époque féodale : il en est venu à signifier une simple pro- priété d'agrément. Bastita est devenu bastida, bastide en provençal ; bas- tida en espagnol ; bastie en vieux français ; il est resté bas- tita en italien, où l’on trouve aussi bastia. La Bastide (Ard., Ar., Aude, Av.,B.-A., B.-P., Gard, Gers, Hte-G., Hies-P., Lan., Lot, L.-et-G., Tarn, T.-et-G., Var, Vau.), la Bâtie (Ardèche, Drô. (8, Htes-A., Is., Sav.}, les Bà- ties (Hte-S }), Bastia ou la Bastia (Corse) ; La Bastidette (Vau.), la Bastidonne (Vau.). a (1) Balcis, Balcium. — (2) On trouve déjà ce radical dans le grec bas-. tazein, porter, supporter. — (3) La Bâtie-des-Fonds est Bastida, en 1220; la Bâtie-Roland, en 1272. — 191 — Le Bastit (Lot) est un bastitum. La bartrisca, bretèche, était une tour en bois pour lat- taque et la défense des places. On appelait aussi de ce nom la partie crénelée des anciennes murailles. L'origine du mot est inconnue, mais il est représenté par des formes nom- breuses dans les idiomes modernes : le provençal bertresca ; l'italien bertosca, baltresca ; le vieux français bertesche, bre- tesche, bretesque, bertoche, bretasse, bretesse. Le bas latin bretachia, qu’on trouve dans Du Cange, paraît avoir été refait sur le vieux français. La Bretèche (Eure, I.-et-L., Loire-Inf., Loiret, S.-et-0.). . Dans l’art militaire du moyen âge, le beffroy était une tour de bois mobile qui servait dans les sièges. Il est devenu plus tard la charpente indépendante de la tour de guet ou du clo- cher, puis la cloche d’alarme de ville ou de bourg, qui y était suspendue. On a dit aussi le beffroy d’un moulin. : Le mot vient du moyen haut allemand : berc, tour, hau- teur, et vrit, conserver, qui a donné le bas latin berfridus, berfredus ; l'allemand berfreit ; l'anglais beffrey, et le vieux français belfroy, berfroy, beffroy. L’italien a battifredo. On a donné une autre étymologie que bercvrit : on a fait déri- ver la forme bas latine belfredus de bel, cloche, qu’on trouve dans l'anglais et le flamand, et de fred, conserver] ; mais elle est en contradiction avec les textes les plus anciens. Bef- froi a conservé son sens primitif de machine de guerre jusqu’au xv° siècle : on le trouve encore avec cette accep- tion dans Froissard ; ce qui ne l'empêche pas de parler aussi de cloches de beffroi sonnant à toute volée. Le Beaufroy et Beaufremont (1) (Vos.), anciennement Beaufroymont, sont les seuls noms de lieu où nous ayons trouvé le mot qui nous occupe. Burgus vient du grec purgos, par l'intermédiaire du latin, où il apparaît dès le rv° siècle. Il y a burg dans l’ancien haut (1) Belfredi mons. — 192 — allemand, et borg dans le gaëlique. Les formes néo-latines sont : le provençal borc ; l'espagnol burgo ; l'italien borgo, et le vieux français burc, borc, bourc, et aussi bur, bor, bour, qui explique bien pourquoi, actuellement encore, on ne pro- nonce pas la consonne finale. ; Borc (© (B.-P.), Borcq (D.-S.), Bors (Char), Bort (Cor., P.-de-D.), Bourcq (Arden.), Borgo (Corse), Bourg {Aïn, Ar- dèche, Arden., Char, Cr, Dord:, Dro., Eure, Fin, Cir. Hite-G., Hte-M., Hites-P., Ht-Rh., [-et-V., Is., Jura, Loire, Lot, M.-et-L., P.-de-D., P.-0., Rh., S.-et-L., Sar., S.-Inf.), Burg (Htes-P.) ; Le Bourget (Jura, Sav., Seine), Bourgueil (2) (L.-et-L.), le Bourguet (Var), la Burgate (Lot), Bougarber (B.-P.), Bour- ganeuf (3) (Cr.), Bourgbarré (L.-et-V.), Bourgneuf (Ch -Inf., L.-Inf., M.-eit-L., May., S.-et-L., Sav.), Bourgthéroulde (Eure), Bourguébus (Cal.), Bourgvilain (S.-et-L.), Burga- lais (Hte-G.), Burgaltrof (Meur.), Burgaronne (B.-P.), Bur- gaud (Hte-G.), Burgielden (Ht-Rh.), Burgheim (B.-Rh. . Bourbourg (Nd), Cabourg (# (Cal.), Chambourg (I.-et-L..), Châteaubourg (Ardèche, I.-et-V.), Cherbourg 6) (Man), Combourg (L.-et-V.), Dabo ou Dagsbourg (Meur.), Esch- bourg (B.-R.), Espaubourg (Oise), le Frambourg (Doubs), Garrebourg (Mos.), Grandbourg (Gr.), Hazelbourg (Meur.), Hazembourg (Mos.), Hombourg (Ht-Rh., Mos.), Horbourg (6) (Hi-Rh.), Lauterbourg (B.-Rh.), Limbourg (Belg.), Lishbourg P.-de-C.), Lutzelbourg (Meur.), Luxembourg (Lux.), le Neu- bourg (Eure), le Neufbourg (Man.), Petitbourg (S.-et-0., Ven.), Phalsbourg (Meur.), Reutenbourg (B.-Rh.), Riche- bourg (Hte-M., P.-de-C, S.-et-0.), Riquebourg (Oise), (1) Bougarber est Borc Gärber, en 1385. V. plus loin. — (2) Curti…. Burguliensi, 991; Borgoialo, des mon. mér.; Bourgueil-en-Vallée (M.-et- L.) est Burgulium, en 990. — (3) Burgus Arnulphi. — (4) Cathburgus, 1077. — (5) Le Corallium de l'Itinéraire d’Antonin. Il est probable que le nom primitif est représenté par cher dans le nom moderne, qui a dû être d’abord Cherlebourg.— (6) Anc. Worburg. — 193 — Sourbourg (B.-Rh.), Strasbourg (1) (B.-Rh.), Taillebourg (Ch.-Inf , L.-et-G.), Villebourg (L.-et-L.), Walbourg (B.-Rh.), Wasserbourg (Ht-Rh.), Wissembourg (B.-Rh.) ; Maubourguet (Htes-P.). Cadafaldus, chafaud, tour de bois, blockhaus, à été tra- - duit: en provençal, par cadafale ; en ancien catalan, par cadafal; en espagnol, par cadafalso, cadalso ; en portu- gais, par cadafalso; en italien, par cadafalco ; en vieux français, par chafaud, chaufaud, chaufaux, chaufait, cha- fos, chefos. Certaines de ces formes appartiennent, par leur origine, à des variantes cadafalcus, cadafallus, cadafalsus, qu’on trouve, d’ailleurs, dans les glossaires. Le mot a fourni au français, avec chafaud, catafalque et échafaud. Le Chaïffal (Drô.), le Chaffat (Is., Loire), le Chaffaud [Char., Vien.), Chaffault (D.-S.), le Chaffaut (B.-A.), Chaffois (2) (Doubs), Chauffalles (S.-et-L.), Chauffaud (Is, Ven.), le Chauffaud (Doubs), Cheffois (Ven.). Vuacta, gacta, où quacta, guet, garde, a été fourni à la basse latinité par l’ancien haut allemand qui avait wahta, veille, garde. Le mot a donné : en provençal, le masculin guach, gach, gag, gayt, et le féminin gacha, gaita ; à l’ita- lien, guata; à l'allemand moderne, wacht; au vieux fran- Çais, wail, ouail, ouat, wais, gaiz, gait, guet, quel, et aussi vayte, vaite, ouaîtte, ouatte, guette, quette. Les formes bas latines vacta, vagta, vayta ont été refaites. Vaites (Doubs, Hte-$.), les Ouattes (31 (Suis.), Guettes (Es.), Gueytes (Aude), Quettes (Ts.) ; Vétheul (S.-et-0.), le Guétin (Cher) ; Vattetot (S.-Inf), Vatteville (Eure, S.-Inf.), Gatteville (Man.), Guetteville (S.-Inf.}, Guethary (Htes-P.), Quettehoux (Man.), Quettetot (Man.), Quetteville (Cal.) ; Bonneguette (Hte-Sav.). (A) Stratæ burgus, dans Grégoire de Tours. — (2) Chadfoil, 1148. — (3) Ou Plan-des-Ouattes. — 194 — Vuarda, garda, garde, de l’ancien haut allemand wartan, prendre garde, surveiller, a donné : le provençal guarda, garda ; l’espagnol et le portugais guarda : l'italien guar- dia, et le vieux français warde, garde. La Warde (Som.), la Garde (Ar., B.-A., Char., Ch.-Inf., Cor., Drô., Gers, Hte-G., Htes-P., Is., Meur., Var, Vau.); La Gardelle (Hte-G., Lot), Gardères (Htes-P.), la Gardère (Gers), la Gardie (Aude), la Gardiolle (Tarn) ; Gardefort (Cher), Gardegan (Gir.) ; Bellegarde (Aïn, Aude, Cr., Drô., Gard, Gers, Hie-G., Is., Loire, Loiret, Tarn), Bonnegarde (Lan.). La ville de Garda, sur le lac du même nom, appartient à la haute Ttalie, région où le provençal a longtemps prévalu contre l'italien, 40 Habitation Abri vient du bas latin abrica, abriga, dont l’origine est contestée. Abrica a donné : au provençal, abric ; à l’espa- gnol et au provençal, abrigo; au vieux français, abrit, auquel nous devons le verbe abriter, couvrir. Le sens le plus étendu d’abri est donc couverture. L’Abrit (Lan.}, PAbri (Mos.), Abret (Al.), les Abrets (Is.) ; Abriès (Htes-A.). | Attegia, qu’on trouve dans les inscriptions, et attegiæ, que donne Juvénal, était la tente des peuples nomades, Le mot a été rendu par attée, altie, attis, attiche. Athée (Cal., C.-d'Or (), I.-et-L., May., Niè., S.-et-L., Yon.), Athies (Aisne, C.-d’Or, P.-de-C., Som., Yon. U)), Athis (Cal., Mar., Orne, S.-et-0. G)), Attiches (Nd), Attichy (Oise). à Baraca, baracha, hutte, maison de chétive apparence, vient du kymri bar, branche, parce que primitivement elle (1) Attegia, 877. — (2) Atteiæ, 1108. — (3) Attegiæ, 690, 1455. — 195 — était faite de branches d'arbres. Baraca est resté tel en pro- vençal ; l’espagnol & barraca, l'italien baracca, et le vieux français barraque. L’anglais barraks, caserne, atteste que les premières baraques ont été construites par les soldats pour suppléer aux tentes. De fait, on appelle encore bara- ques les constructions légères destinées à remplacer les casernes, quand on veut établir les soldats quelque temps sur un point. | Baraque ou barraque est très répandu comime nom de lieu. _ Le mot berne, qui vient du kymri barn, bairn, a le sens d'agglomération populaire : «multitude, acervus », disent les glossaires. Le provençal, l’espagnol et l'italien, berna ; le vieux français, barne, berne. Bernes (Doubs, $S.-et-0., Som., Suis.) ; Bernède (Gers) ; Bernouil (Char., Ch.-Inf., Oise, Som., Vien., Von.), Bernin (Is.), Bernis (Gard), Bernon (1) (Aube), Bernos (Gir.). Le bas latin bodium, habitation, a donné, par syncope, boge, bouge, sur lequel on a refait bogium, bugium, et bogia, bugia, qui ont le sens de petite chambre, petit logis. Le mot primitif doit venir d’un radical celtique que l’on re- trouve dans le bas breton bod, boud. Boudes (P.-D.), Bouges (Indre) ; Boudoux (T.-et-G.), Boudy (L.-et-G.) ; Le Bodéo (G.-du-Nd), Bodilis (Fin.). Bona est l'habillement latin du celtique bon, qui signifiait habitation et aussi ville. Bona (Niè.), Bonn (Prov. rh.), Bonnes (Aïsne, Char., Hte- Sav., Vien.), Bonas (Gers), Bonneil (2) (Aisne), Bonneuil (Char., Indre, Oise, S.-et-0., Vien. G)), Bonnet (Meuse), Bonnières (Oise, P.-de-C., S.-et-0.), Bonnieux (Vau.), Bon- noel (Cal.) ; (1) Berno, 1091. — (2) Bonogilum, 834. — (3) Bonolium, v. 980, 4077. — 196 — Bonnœuvres (1) (L.-Inf.), Cadabona (Ttal.). On trouve bona dans Augustobon«d @), Troyes (Aube), Juliobona (3), Lillebonne (L.-Inf.), Ratisbona, Ratishbonne ou Regensbourg (Allem.), Vindobona (4), Vienne (Autr.). Le bas latin bovium, demeure, manoir, est un mot d’ori- gine scandinave. On retrouve le primitif boe ou bo dans un grand nombre de noms danois ou norvégiens, comme Aalboe, Faaboe, Holboe, Kirkeboe, Mariboe, Nvboe, Prod- boe, Qualqoe, Ulfboe, etc. Ce sont les Normands qui Pont introduit dans la Neustrie. Bovium a été rendu par bo, bou, bu, et surtout par bœuf ; on trouve exceptionnellement bte. Le Bo (Cal.), Bou (Loiret), Bu (E.-et-I.), le Bu (Cal.), Bueil (Eure, [.-et-E..) ; | Babœuf (Oise), Belbœuf (S. de Bourguebus 6) (Cal.), Carquebu (Man.), Coulibœuf (6) (Cal.), Courcebœuf (Sar.), Cricquebœuf (7 (Cal.), Criquebœuf (Eure, L.-Inf}, Dan- bœuf (Eure, S.-Inf.}, Elbœuf (S.-[nf), Etrebœul (Som.), Farabœuf (Eure), Hambie (Man.), Houguebie (Man.), Lim- bœuf, autrefois Lindebue (Eure), Lindebœuf (S.-Inf.), Mar- bœuf (Eure), Paimbœuf (L.-[nf.), Quibou (Man.), Quillebœuf (Eure), Quittebœuf (Eure), Tournebu (Cal.}, Trebœuf (L.-et- V.), Tubœuf (Orne), Vibœuf (S.-Inf.), Vittebœuf (S.-Inf.), Yquebœuf (S.-Inf.) (8). Burum, petite cabane, provient de l’ancien haut allemand büur, maison, qui s’est conservé dans le vieux français bure. | Bures (Aube, Cal., C.-d’Or, May., Meur., Meuse, Orne, S.-et-0., S.-In£.) ; | Buré (Orne), Burel (Rh.), Burelles (9) (Aisne), la Burelle, pour les Burelles (S.-et-M.), Buret ue MNEUTAMES Bite (Loiret). (1; Bonobriga. — (2) Ptol. — (3) Ibid. — (4) Itin. Anton. — (5) Borges- bu, 1178. — (6) Corliboe, 1196. — (7) Crickboe, 1x° siècle. — (8) Ces noms n'ont été latinisés qu’au x° siècle. — (9) Burolis, 1160. 24107: On appelle burons les chalets de l'Auvergne. Buron est la traduction directe de burum, et on le trouve dans le vieux français. à « Lors se trouverent les deux chevaliers gisans en la forest soubz un arbre, ne 11z ne virent entour d’eulx maison, * ne buron. » (Perceforest, t. III, fe 85 (1)). Cabana, capana, cavana, cabane, provient du kymri et du gaëlique caban, dérivé de cab, hutte Caban a donné cabana au provençal ; cabanya au catalan ; cabäña à l’espa- gnol ; cabanna au portugais ; capanna à l'italien ; cabanne, chabanne, chabène, chavanne, chevanne, au vieux français. On trouve déjà le bas latin capanna, dans Isidore de Séville. Cabanes (B.-du-Rh., Tarn), les Cabanes (Ar., Tarn), Cha- bannes (Loz.), la Chabanne lAl.), Chavannes (Aïn (2), Cher, Dr., Ht-Rh., Hte-S., S.-et O. G)), Chevannes (C.-d’Or, Loiret, Niè., S.-et-L., Yon.) ; Echavannes, anc. Eschavannes (Hte-S.), Echevannes, anc. Eschevannes (C.-d’Or, Doubs, Hte-S. (4); Cabanès (5) (Av), Chabanais (Char.), Chabenet (Indre), Chavannattes (Ht-Rh.). _Cabanac (Gir., Hte-G., Htes-P.), Chavanac (Cor.) et Cha- vanat (Al.) sont des topiques comme les précédents et non des gentiliques. Cabans (Dord.) et Chabans (D.-S.) viennent directement du celtique caban, à moins qu'il n’y ait eu un cabanum que nous ne trouvons pas. Cama et camera, son dérivé, ont signifié domaine, mai- son. Le premier a été rendu, en provençal, par cama, came ; en espagnol et en italien, par cama ; en vieux français, par cambe ; le deuxième, en provençal, par cambra; en espa- gnol, par camara ; en italien, par camera ; en allemand, par kammer ; en vieux français, par cambre, chambre. (4) In LAGURNE. — (2) Cavannis, 1184. — (3) Cavannæ, 815. — (4) Ec- clesia de Chavannis, 1161. — (5) Cabanensis (villa), xre siècle. — 198 — Cames (1) (B.-P.), Cambes (Cal., Gir., Lot, L.-et-G.), la Cambe (Cal., Orne), la Chamba (Loire) ; Camier (P.-de-G.), Camoil (Mor.), Camon (Ar.), Camoux B.-P., Hies-P.) ; Cambres (Eure), les Cambres (S.-[nf.), la Chambre (Mos.), les Chambres (Man.) ; Camarade (Ar.), Camarès (2) (Av.), Camaret (Fin., Vau.), Cambray (3) (Nd), Chambrois (Eure). Dans la haute latinité, cancelli signifiait barrières, treillis, et aussi bornes, limites (Cicéron). Le mot a été rendu en français par chancels, chanceaux. Chanceaux (C.-d’Or, [.-et-L.), Chancey pour Chancels (Hte-S.) ; | Chancelades (4) (Dord.). La cappa était la remise des chars et des charrues. Cappa a donné le provençal, l'espagnol et l’italien cApPee et le vieux français chappe, cheppe. Chappes (AI., Arden., Aube (5), M.-et-L., P.-de-D.), Chep- pes (Mar.), la Cheppe (Mar) ; Chappet (S.-et-0.), Chappois (6) (Jura), Cheppoix (Oise). Casa a d’abord eu le sens de chaumière, de maisonnette (Cicéron). Elle était souvent une baraque, une cabane, une hutte de branchages. Sunt quibus e ramis frondea facta casa est. (OVIDE.) Au moyen âge, elle devient une maison et même un manse seigneurial ; c’est une maison en pleins champs, une habitation en général, le plus souvent avec appropriation religieuse (7). Les formes néo-latines de casa sont : le provençal, lespa- (1) Camer, 1193. — (2) Cambarinsi, des mon. mér.; Vicaria Cam- barense, 805. — (3) Camaracum urbs, in Greg. Tur. — (4) Cancellata, 1198. — (5, Cappa, 754; Gappes, 1081. — (6) Cappéy, 1049; Cappoiz, 1087. — (7) V. QUICHERAT, loc. cit., p. 54. = 409" = onol et l'italien casa, et le vieux français case, caze, chaize, chèse, chaze. Casa (Corse), Cases (Hér., P.-0.), Cazes (T.-et-G.), la Caze (Tarn). la Chaise (Aube, Char., Eure, Ven.), les Chai- ses ()(E.-et-L.), la Chaize (Ven.), la Chaze (Loz.}, les Cha- ses (2) (Can.), Chèzes (Htes-A.), la Chèze (C.-du-Nd) ; Cazeaux (Hte-G., Htes-P.), Cazères (Hte-G., Lan.), Cazouls (Hér.), Chazay (Rh.), Chaze (M.-et L.), Chazeaux (Ardèche, Loire), Chazelles (Can , Char., Hte-L., Jura 6), Loire, Meur.), Chazeuil (C.-d’Or, Niè.), Chazet (Aïn), Chazot (Doubs), Cha- zoy (4) (Doubs), Chazelet (Indre), Chazelot (Doubs), Ché- zeaux HEteNT SEte-V.), Chézelles (Al Andre, [.-et-L), Chézy (AL), Cazaril (Hte G., Htes-P ), Cazoulès (Dord ) ; Casabianca (Corse), Casalta (Corse), Casanova (Corse), Case-Dieu (5) (Gers), Caseneuve (Vau ), Cazeneuve (Gers, Hie-G.), Cazenave (Ar.), Cazevieiile (Hér.), la Chaise-Dieu (6) ou Saint-Robert (P.-de-D.), Chasepierre (7) (Belg,), Chèze- neuve ([s.). : Deuxchaises (8) (AI), Outrechaise (Sav.); Vieillescazes. Casalis, casale, maison de chétive apparence, quelquefois substruction de maison en ruine détruite, a donné le pro- vençal casalis, casal, casau; l’espagnol casal; l'italien casale ; le vieux français chasal, chazal, chezal. Cazalis (Gir., Lan.), Casals (T.-et-G.), Gazals (Ar., Lot), Cazaux (Ar., Gers, Hte-G.), Chazals (Rh.), Chezals (9) (Cher), Chezaux (Doubs, Suis.). Le catabulum ou catobolum était une écurie ou une éta- ble, d’après les Glossæ Papiæ et les Notæ Tironis. Les Glossæ donnent la deuxième orthographe, qui fait penser au néo-grec catabolos, débarcadère, quai. Catabulum a été tra- duit par chable, chabre, en provençal et en vieux français. (1) Casæ, 949, 1193. — (2) Id., v. 800 — (3) Casellæ, 953.— (4) Chasey, 1170. — (5) Casa Dei, 1133. — (6) 1d., 1043. —: (7) Casa petrea, 888. — — (8) Villa de duabus casis, 636. — (9) Casale Benedictum, 1093. — 900 — Chables (Suis.}, la Chable (Eure, Suis.), Chabres (Htes- Alpes) ; Chabrat (Char.), la Chablière. Le bas latin cayum a été traduit par quai et par chai. Cette double signification s'explique par létymologie. Cayum, quai, que l’on trouve dans une charte de Philippe- Auguste, et cayum, chai, cellier, remise champêtre, pro- viennent, lun et d'autre, du kymri Æueë, haie, barrières qui subsiste dans le bas breton kaë, haie et quai. Une glose d’Isidore assimile le primitif kai à cancelli. Le quai et le chai ont été tous deux, à l’origine, un clayonnage servant dans le premier, à retenir les terres du rivage, dans le second à abriter des produits agricoles ou da matériel d'exploitation rurale. Diez, qui se demande, en présence de ces formes, pourquoi le français n’a pas été chat dans les deux, se répond à lui-même que, sans doute, quai est né dans la région picarde, où l’on ne chiait pas. Cayum, quai, se retrouve dans le hollandais kaai, l’an- glais kay, le flamand kae, quae, le wallon kaï, et le vieux français quay ; cayum, chaïi ; on trouve aussi caya dans le vieux français chay, sur lequel a été refait l’infime latin chayum. Gay (Som.), Quae (1) (Nd) ; Cayeux (Som.) ; Chay (Ven.) (2), le Chay (Ch.-Inf.). La cella était une remise champêtre, un cellier, une petite propriété rurale. La cella des Romains était la chambre de l’esclave ; Cicéron, dans sa deuxième philippique, emploie ce terme à propos des esclaves d'Antoine qui faisaient leurs lits avec les tapis de pourpre de Pompée. Cella signifie, dans Columelle, la demeure des bergers et des bouviers, qui sou- vent étaient de condition servile. La cella, avec ses écuries, ses granges et ses autres dépendances, devint, sous les Ca- (1) Ou Quaedypres. — (2) Ou Chaise. — 201 — rolingiens, l'habitation du manse tributaire, par opposition à la casa, qui était celle du manse seigneurial. Cella a aussi retenu la signification de chapelle ou de sanctuaire d’un temple, que lui donne Vitruve, et de temple, qu’il a dans Cicéron. Beaucoup de cella doivent leur origine à un prieuré, un lieu de pèlerinage, un ermitage. Cella est devenu : en provençal et en italien, cella ; en | espagnol, celda ; en vieux français, celle, selle, quelquefois chelle ; enfin le ou zeelle dans les provinces qui ont subi l'influence germanique. R Cellas (Drô.), Celles (Aisne (1), AL, Ar., Aube (2), Can., Char., Ch.-Inf., Cher, Cor., Cr., D.-S., Dord., Hte-M., Hér., L.-et-Ch., Mar., Niè, (@:, P.-de-D., Var, Vos., Yon.), | Cellettes (Char., 1 -et- Ch. ), la Cellette (Cher, Cr., P -de-D.), . Cellules (P.-de-D.), Chelles (Oise), la Chelle (Htes-P., Oise, P.-de-C.), Selles (Eure, Hte-S., I.-et-V., Indre, Loiret, L.- et-Ch., Mar., P.-de-C.), la Selle ([.-et-V., T.-et-L., Loiret, * Orne, S.-et-0. ©) ; Brancelles (5) (Hér.), Bissezeelle (Nd), Bollezeelle (Nd), _ Broezeelle ([Nd), Champcella (Htes-A.), Herzeelle (Nd); Jon- celles (Hér.), Lederzeelle (Nd), Navacelles (6) (Gard), Neu- . vecelles (Hte-Sav.), Octhezeelle (Nd), Oudezeelle (Nd), Stra- zeelle (Nd), Vincelles (Jura (1), Mar., S.-et-L., Von.), Vin- _ zelles (P.-de-D., S-et-L.), Wolezcelle (Nd), Zermezeelle (Nd). Le cellarium, cellier, lieu de rez-de-chaussée où l’on serre les provisions, a conservé tous les sens primitifs de cella : il peut être la cella farinaria, la cella penaria, la cella po- _ maria, la cella vinaria de Caton, aussi bien que la cella li gnaria; il peut être la cella olearia de Cicéron, etc. Il n’a (1) Cella, Celles-sur-Aisne, en 11929. — Q) Cella, 1065; Cella Domini . Bobini, 859, est Montier-la-Celle — (3) Cella Sancti Remigii, 819, Celles ou la Celle-sur-Loire; Gella Sancti Dyonisii, 908, Celles-sur-Nièvre. — — (4) La Selle ou la Colle Saint, Cloud, — (5) Bella Cella, 800, (6) Nova Cella, — (7) Vincella, 1120, 14 — 902 — abandonne que ceux de cella columbarum (Collumelle) et de cella apum ou ‘apum cella (Pline), qui sont, il «est vrai, un peu détournés. Cellurium est devenu : le provençal celier, le catalan celler, l'espagnol celeiro, l'italien celliere et celluio, le vieux français celier, chelier. Le français moderne a été refait, au xv° siècle, sur cellarium. On le trouve déjà dans Froissard. Celliers (Sav.), le Cellier (Ardèche, Is., L.-Tnf.), Cellières (M.-et-L.). Ce dernier est un cellaria. On appelle cerne un abattis d'arbres, une aïre de défri- chement autour d’un terrain à cultiver. : Un certain nombre de localités en ‘ont pris leur nom. Cerne, qui est encore d'usage en d’autres acceptions, vient de cireinus, dérivé de cireus, cercle, dont il a le sens géné- ral. Circinus a produit : l'espagnol cercen et litalien circino. ‘Cern (Dord.). Cernay (Doubs), Cernoy (Loiret, Oise), Cerneux (S.-et-M., Suis.), le Gerneux (Doubs (1), Suis. (2), Cernon (Jura, Mar.), Cerniaz (Suis.), Gernier (Suis.), Cernion (Arden.), Cerny (Aisne (3)), le Cerny (Suis.) ; Cerniébaud (Jura), Cerniévillers (Suis.), Cernusson (M.- et-L.). _ Cisterna, citerne dans Varron et Martial, paraît avoir eu aussi le sens de cellier ou de cave ;un texte de Pétrone, où ilest question d’un cisterna frigidaria, porte du moins à le croire. Le mot latin, qui vient de cista, coffre et terrena, de terre, ‘est devenu : le provençal, l'espagnol et l'italien cisterna, et Je vieux français cisterne. Cisternes (P. de D.), Citernes (Som.). Clausum, closum, clusum, enclos ; de claudere, clodere, où cludere, fermer, clore. Les formes dérivées sont : le (1) Le C.-Monnot. — (2) Le C-Péquignot. — (3) Circinicum, 530. — 203 — provençal claus, clous, clos, clus; l'italien chiuso, et Île vieux français clos, cleus, clus, clous. Le Claus (Av., Cant., Cor., Dord., Gers., Hëér.,'T.-ét-Gar.), Clos (S.-et-M.), Cluis (Indre), Clus (S.-et-L.), Escloses (Ts.), Escleux (Jura). Le Clauzet (Ardèche, Dord., Lot), Clauzures (Dord.), les Clouzeaux (Ven.), la Clouzures (Htes-P.), Le coopertorium, de cooperire, couvrir, était un abri. On trouve ce mot dans les noms suivants : ‘Cauvroir (Nd), Couvroir, anc. nom de Chevreaux (Yon), Couvron (Aisne); La Convertoirade (Av.), Couvrot (Mar.) Les métamorphoses de Coopertorium, dans le cas de Che- vreaux, sont assez intéressantes à suivre. On le trouve sous la forme Quoopertorium, dans un texte du x° siècle, puis ce sont : Couvroir, Chouvroir et Chevroy. Tout le mal est venu de la prononciation adoucie du ch de Chouvroir, Le mot fara vient de fur, étranger, qu’on retrouve dans Vallemand moderne fern, ét désigne ‘une localité créée ou habitée par des étrangers. [l'a donné fara, fare, au proven- çalet faire, fère, au vieux français. Lorsque les Francs s’étabirent dans le nord et l'est de la Gaüle, ils couvrirent le pays conquis de leurs kam, hem ou ‘hkeim, si répandus dans la Flandre, le Hainaut et la Thié- rache, là Lorraine et l'Alsace. Ils construisirent, en même temps, dans le pays gallo-romain, des postes avancés que leurs hôtes appelèrent fura. Certaines villes eurent des fares où quartiers d'étrangers, qu'on appelait quelquefois fara- mans. Un faubourg d’Arbois (Jura) et deux villages, l’un de T'Aïn, l’autre de l'Isère, portent encore le nom de Faramand. La Fare (B. ne . (4), Gard, Htes-A., Loz., Vau.), la Fère (Aïsne (2), Mar. (3)) ; (1) Fara. au xrie siècle. — (2) La Fère-en-Thiérache, Fara, 598, et la Fère-en-Tardenois. — (3) La Fère-Champenoise. .…— 904 — -‘Ferolles- (Loiret, S.-et-M.); | Faremont (1) (Mar.), Fèrebriange (Mar..), Ferfaye (P. de C.), . Fernoël (P. de D.) ; R Hautefare ([s.). Foenarium, grenier à foin, a laissé le bas-latin fenarium ou fenaria, le provençal et le vieux français fenier et fe- nière. Le provençal a eu aussi fenaire, fenayre. Feniers (Cr.), la Fenière (Suis.); Fenayrols (T.-et-G.), Fenéry (D. S.). Granica, grange, en basse latinité, de granum, grain, a donné : le provençal granga, granja; l'italien grania ; l’es- pagnol et le portugais granja ; le vieux français granche, grangue, grainge, grange. On trouve aussi, dans l’ancien . français gragne, mais il vient de granea. Granica est dans la loi des Bavarois, granea dans d’autres lois barbares. Granges (Aïn, Doubs, Dro., Hte S., Jura, L.-et-G., Mar. S.-et-L., S.-et-M., Suis., Vos.), la Grange (Doubs, Htes-P , Ht-Rh., Lan.), les Granges (Aube, Dord., Doubs, S.-et-O., Suis.), Grangues (Cal.), Graignes (Man.) ; Grangettes (Suis.), les Grangettes (Doubs), Grangioles (Suis.). | La grange est actuellement le bâtiment de ferme destiné au logement des gerbes et au battage des grains. Elle a eu de bonne heure cette signification dans la France du Nord ; dans le Midi, elle était une ferme, dont le tenancier ou granger partageait, comme le métayer, les produits du sol avec le propriétaire. L'ancien haut allemand, halla, temple, semble être le père de l’allemand moderne halle, salle ; de l’anglais hall, salle, palais, galerie, et du français halle, marché couvert, Maga- sin public, hangar (halle au blé, aux légumes, à la viande, aux vins ; halle aux cuirs, aux draps ; halle de forge, de verrerie, d’arsenal). Passé dans le bas latin, halla a été l'ha- (1) Faramunt, x11e siècle. es à k — 9205 — bitatio n d'apparat du propriétaire barbare. Il a donné à l’ita- lien alla, et au vieux français ale, aule, hale, halle. Il semble y avoir eu dans celui-ci confusion entre halla et aula. Ales ou Alles (Dord.), Halles (Meuse, Som.), les Halles (Rh.), Hallay (Mar.), Halluin (Nd), Hallu (Som.). Hamus, village paroissial, provient d’un radical hkam, qui est dans le flamand ham, hem; dans l’anglo-saxon ham ; dans l’anglais hom ; dans l’allemand moderne heim; dans le scandinave hamm, et dans le vieux français ham, han. Son diminutif hamellus est resté dans le français moderne hamel, hameau, petit village, groupe de maisons écartées. Dans la Lorraine allemande, heim est devenu hom ; dans les Flandres, hem estsouvent remplacé par hien., L’h a sou- vent disparu dans les composés. Ham (Mos., P.-de-C. (1), Som. ()), le Ham (Arden., Cal., Man., May., Mos.), Hames (P.-de-C.), le Hame (Cal.), Han bien: Belg., Mar., Meuse), Hem (Nd, Som.) ; Hamars (Cal.), Hamel (Nd), le Hamel (Oise, oo le Hamelet (Som.), Hamelin (Mar.), les Hameaux (D.-$.) ; Hambers (May.), Hamblain (P.-de-C.), Hambie (Man.), Heimsprung (Ht-Rh.) ; Balham (Arden.), Bouquenom (B.-Rh.), Cattenom (Mos.). Canchan (S.-Inf.), Domnom (6) (Meur.), Drincham (Nd), Etreham (Cal.), Flœrsheim (4 (Prov. rhén.), Grandham (Arden.}, Killem (Nd), Manom (Mos.), Millam (Nd), Ouis- ireham (Cal.), Pitgam (Nd), Uxem (Nd), Wanneham (Nd). Comme exemples de noms en hien, citons : Frelinghien (Nd), Mazinghien (Nd), etc. On trouve hem dans les noms de cinquante-deux localités du Nord, du Pas-de-Calais et de la Somme ; hen dans seize du Pas-de-Calais, et heim dans deux cent sept des Haut et Bas-Rhin, de la Meurthe et de la Moselle, (1) Hamum, 1108. — (2) Id., 1084. — (3) Domenheim, 1217. — (4) Flo- ridishami (villa), 994. A — 906 — La hausa était, comme le mansus, une ferme où une habi- tation rurale, à laquelle était attachée une certaine étendue de terre. On trouve le mot, avec la forme germanique hau- sen ou la forme française house, heuse, hus, dans les pro- vinces du nord et de l’est de la France, exceptionnellement ailleurs, et toujours en composition. L’hk se perd dans les composés de formation française. Adelouse (1) [Meur.), Andelus (S.-et-0.), Anglus (Mar.), Ardelus (E.-et-L.), Bergueneuse, anc. Berguinhouse (P.- de-C.), Bosselshausen (B.-Rh.), Coolus @) (Mar.), Cropus (S.-Inf.), Dolus (Ch.-Inf., [.-et-L.), Etemhus (S.-Inf.), Ey- narhouse (Meur.), Futzelhausen (B.-Rh.), Geishausen (Ht- Rh.), Hildehouse G) (Meur.), Hurlus (Mar.), Issendolus (Lot), Kalhausen (Mos.), Kaltenhausen (B.-Rh.), Kurtz- hausen (B.-Rh.), Kutzenhausen (B.-Rh.), Lathus (Vien.), Lixhausen (B.-Rh.). Lutzelhausen (B.-Rh.), Mühlhausen (B.-Rh.), Mulhouse (Ht-Rh.), Munchhausen (Ht-Rh. et B.-Rh.), Mutzenhausen (B.-Rh.), Nordhausen (B.-Rh.), Osthausen (B.-Rh.), Pfetterhausen (Ht-Rh.), Reissouse (Ain), Réthouse (Jura), la Rixouse (Jura), Roggenhausen (B.-Rh.), Schafhausen (B.-Rh.), Schweighausen (Ht-Rh. et B.-Rh.), Sorrus (P:-de-C.), Foussus (S.-et-0.), Wald- hausen (Mos.), Warlus (Oise, P.-de-C., Som.), West- hausen (B.-Rh.), Wilshausen (B.-Rh.), Wintershausen (B.- Rh.}. L'ancien haut ‘allemand hutta, cabane, a donné hütte à l'allemand moderne, hut à l'anglais, hutte au français. La Hutte (Sar., Vos.) ; Huttendorf (B.-Rh.), Huttenheim (B.-Rh. \ : Eyzahutte (Dro.). Le bas latin lobia, lobium, hutte, dérive de l’ancien haut allemand lauba, lobja, qui a donné l'allemand moderne (4) Adelhouse, Edelhouse. — (2) Est déjà Villa Coslus, en 869. — (3) Hiltenhausen. —- 207 — laube, feuillée, cabane de feuillage, et auquel nous devons : le. provençal lotja ; le catalan llotja ; l’espagnol et le portu- gais loja ; l'italien loggia; le romanche laupia; le lombard lobia ; l'anglais lodge, et le vieux français loge, loye. Dans la _ suite des temps, loge a eu le sens de maladrerie et de petite maison, de cellule d’alhiéné. La Loge (Aube, P.-de-C., Ven.), les Loges (Aube, Cal., Hte-M., Man., S.-et-O., S.-Int.), Loyes (Ain, Cher, Jura), la Loye (1) (Jura) ; Loyères (S.-et-L.), Loyettes (Ain) ; La Vieille-Loye (Jura). Il y à, en outre, six Logettes. La Lobie (T.-et-G.) et la Lobe (Arden.} sont des dérivés plus directs de lobia. Quarante-deux hameaux ou écarts de France ont pour nom : la Loge. Maceria, maison construite en pierres sèches, parait venir de macer, maigre, et a donné le vieux français mai- sières, Mmaizière, mézière, muzière, Mmazère, Mézère, QUI Ra aucun rapport avec mazure, qui provient de mansus, par mansura, Masur«. Maisières (Doubs, Hte-S.), Maizières (Aube (2), Cal., Hte- M. (3), Meur., Mos., P.-de-C.), Mézières (Arden., Char., Eure, E.-et-L., Hte-V., [L-et-V., Indre, Loiret, Sar., S.-et- O. @), Som.), la Mézière ([.-et-V.), Mazières (D.-S., Cr., E.- et-L., M.-et-L.), la Mazière (Cor.), Mazères (Ar., B-P., Gers, Gir., Htes-P.), Mézères (Hte-L.), Mazoires (P.-de-D.}; Maizeray (Meuse), Maizerov (Mos.), Maizery (Mos.), Méze- ray (Sar.), Mazerolles (Aude, B.-P., Char., Ch.-Inf., Doubs, ÉL.-P., Lan., Vien. 6); (1) Logia nova, 112%, par opposition à la Vieille-Loye, qui est Logia en 1029. — (2) Maceriæ, 1142; Maïzières-la-Grande-Paroisse est dit Maserie en 1147. — (3) Id., au xr siècle. — (4) Id., 815, Mézières-sur-Seine, — (5) Maceriolæ, 964. — 9208 — Mazerulles (Meur.), Mazirat (A1.), Mazirot (Vos.). L’infinitif du verbe maneo, manere, rester, demeurer, a donné régulièrement le provençal maner, et le vieux fran- çais Manoir, qui ont été employés substantivement. Maners (P.-0.), Manoirs (Eure), le Manoir (Cal.), Manoir (Hte-M.), Manoux (E.-et-L.), Ménoirs (Cor.). Le mot a passé en Angleterre avec les Normands et y est devenu manor. Materia, bois de construction (Cicéron, Virgile, Columelle) a donné le provençal materia, madeira, et le vieux fran- çais madière, médière, maison de bois. Le mot madrier a la même origine. Madières (Ariège), Maidières [Meur.), Médières (Doubs) ; Madré (May.), Madriat (P..de-D.), Marolles () (S.-et-M.), Médayrolles (P.-de-D.). Le hameau de Madrid, dans.le bois de Boulogne, s'appe- lait autrefois Madry. Muette, rendez-vous de chasse, est une ne ancienne du mot meute. L'une et l’autre proviennent de mota, fémi- nin du participe passé de movere, employé comme subs- tantif. Mota a d’abord donné muete, qui se prononçait meute. La Muette, près Paris, était encore appelé la Meute, et la Meuthe au siècle dernier. On lit dans la Correspon- dance de Louis XV et du duc de Noailles (2) . « Au bois de Boulogne, à la Meutte, ce 23 décembre 1743... » Il a donné aussi moute dans le domaine provençal. Mouthes, anc. Mouttes (Doubs). Le redoublemert du t dans muette et mouthe est une faute d'orthographe consacrée par l’usage, € arbitrium, jus et norma loquendi ». Nawvis, abreuvoir, en vieux français nave,nau, se retrouve dans les noms suivants : Naves (Al., Ardèche, Cor., Hte-Sav., Nd, Sav., Tarn) ; (1) Madriolæ, 786 et 829. — (2) Tit. II, p. 69. Cit. de Littré. — 209 — Le Navois [Doubs (1), Jura (2). Palearium, pailler, grenier, hangar à paille, a donné : le provençal palhier, paillier ; le catalan paller ; l'espagnol palleiro ; le portugais palheiro ; l'italien pagliaio ; le vieux français paillier, paillie, pailly. Pailly (Yon.), le Pailly (Hte-M.), Paillé (Ch.-[nf.) ; Pailharès (Ardèche), Païlherol (Can.), Pailhès (Hér.), Paillès (Ar.), Pailloles (L.-et-G.), Pailhers (Loz.\, Palières (P.-de-D.). Le plexitium était une enceinte formée de plexus ou branches entrelacées, un pare clos de haies sèches, et, par extension, la maison de plaisance qu’il entourait. On l’appe- lait aussi plexarium. Ce dernier est devenu plessier, en pas- sant au vieux français, et pleæitium, plessis, plessix. Plessis (Cal., L.-et-Ch., Oise, S.-et-0., Yon.), le Plessis (Aube, Eure, PreChe Man., M.-e'-L., Oise, Seine, S.-et- M., S.-et-O.), Plessix (C.-du-Nd) ; Plessiers (Oise), le Plessier (Aisne, Oise, Som.), Plessé (L.-Inf.). Querrum est l'habillement latin d’un mot d’origine celti- que, qui signifie habitation rurale, manoir, et aussi hameau, village, et qui abonde dans la toponomastique de la Basse- Bretagne et du Pays de Galles (), Les formes bas-bretonnes sont, outre quer, caer ou car, guer, her. Guer (Mor.) ; Querré (M.-et-L.), Querrien (Fin.), Carantec (Fin.), Carbay (M.-et-L.), Cardroc (L.-et-V.), Carhaire (Fin.), Caro (Mor.), Guerlesquin (Fin.), Kerfots (C.-du-Nd), Kerfeunteun (Fin.), Kerfot (C.-du-Nd), Kerfourn (Mor.), Kergloff (Fin.), Ker- (1) Abergement-du-Navois. — (2) Pont-du-Navois. — (3) La forme gal- Jloise du mot est caer, car, que nous trouvons dans Cardif, Cardignan, Carhaïix, Carleon, Carlisle, Carmarthen, Carnarven, Carphilly, Carwis. Carlisle ou Carluile est l’anc. Luguvallum, et Carmarthen l’anc. Maridu- num. — A0 — grist (C.-du-Nd, Mor.), Kerrien (C.-du-Nd), Kerity (C.-du- Nd), Kerlouan (Fin.), Kermaria (C.-du-Nd), Kermoroch (C.- du-Nd), Kernouès (Fin.), Kerpert (C.-du-Nd), Kersaint (Fin.), Kervignac (Mor.). Restum, resta, pause, repos, a donné resta «äu provençal et à l'italien, et rest à l'anglais et au vieux français. On le trouve dans les dérivés et dans les composés suivants : Gerderest (B.-P.), Vendrest (S.-et-M.) ; Rethel (Arden., Mos.), Rétheuil (1) (Aïsne), Ristolas (Htes-A.). La sala était, comme la halla, le manoir d’un propriétaire. d’origine barbare ; mais ce genre de bien avait cela de par- ticulier qu’il se transmettait de mâle en mâle, par ordre de primogéniture, comme la terre salique. Le mot vient de l’ancien haut allemand sal, maison, de- meure, qu'on retrouve dans le suédois sal, dans l’allemand moderne sala, et qui nous a donné le provençal sales, les- pagnol et l'italien sala, le vieux français salle, saulle. Saales (Vos.), Sales (Hte-G., Hte-Sav.), Salles (Aude @), Av.. B.-P., Char., Ch.-[nf., Dord., D.-S., Gard, Gers, Gir., Hte-G., Htes-P., L.-et-Gar., Loz., Tarn, Vien.), la Salle (Gard, Htes-A., Htes-P., Is, M.-et-L., S.-et-L., Vos.), les Salles (Gard, Gir., Hte-V., Loire, Rh., Var); Sallède (P.-de-D.), Salleilles (Loz.), les Sallelles (Ardèche), Sallèles (Aude, P.-0. ()), la Sallette (Is.); Salaberry (B.-P.), Salbert (Hte-S.), Salbris (L.-et-Ch., Salechan (Htes-P.), Salesches (Nd), Saleich (Hte-G.), Saleix (Ar.), Salenthal (B.-Rh.), Salherm (Hte-G.), Salléon (Htes- À.), Salindres (Gard), Salives (4) (C.-d’Or), Salagriffon (Var), Sallaux (P.-de-C.), Salmagne (Meuse), Salmiech (Av.), Sal- lenaves (B.-P.), Sallenoves (Hte-Sav.) ; Hénansal (G.-du-N.). (1) Resteules, 1130. — (2) Sala, 782. — (3) Sallelæ, 844. — (4) Salas, 763. — 211 — Septum est une clôture de bois, une barrière, dans Cicé- ron, un enclos, une enceinte, un mur dans Varron, un pare de troupeau, une bergerie dans Virgile; et, par extension, un vivier, dans Columelle, Septs. (Hie-G.) ; Septeuils (1) (S.-et-0.); Septsarges (2) (Meuse), Septfonds (Yon.). Septfonts (T.-et- G.), Septforges (Orne), Septmeules (L.-Inf.) Septmonts, (Aisne), Septmoncels (Jura), Septvaux (Aisne), Septvents (Cal.), Septvigny (Meuse). Sera, cellier, remise, du latin sera, barre (pour clore une porte, serrure), a donné le provençal et l'italien serra, et le vieux français serre. Le redoublement de l’r est une véritable faute d'horthographe. Sères (Htes-P.), Serra (Corse), Serres (Ar., Aude, B.-P., Cr., Dord., Doubs, Gers, Jura (8), Lan., Meur.) la Serre (Cr.); Serrières (Ain, Ardèche, Meur., S.-et-L.), Serragio (Corse); Serralongues (4) (P.-0.) ; Belleserres {Htes-G., Tarn). Stabulum a le sens de domicile, gite, séjour, retraite, dans Pline et Spartien ; de chaumière dans Justin ; d’étable, d’écurie, de bergerie dans Tite Lite, Virgile, Columelle. Le pluriel de stabulum, stabula, devenu substantif féminin de la première déclinaison latine, a donné les formes bas-latines stabla, stapla, staula, stava, et vieilles-françaises estuble, estaple, estaule, estave, staple. Stabulum a produit directe- ment le provençal estable et l'espagnol establo, qui sont restés masculin. | Estables (Loz.), les Estables (Hte-L.), Etäbles (Ain, Ardè- che, C.-du-N., Sav.), l’Etape (Aube), Etaples (P.-de-C.), Etaules (Ch -Inf., C.-d’Or, Yon.), Etaves (5) (Aisne), Staples (Nd). (1) Septoilum, 815. — (2) Septum Cyriaci. — (3) Serra, 967; Serres- les-Moulières. —- (4) Serralonga, 866, — (5) Stabulæ, 1045. — 9219 — Establets (Dro.), Etabliaux ([.-et-L.), Etauliers (Gir.), Bonnétables (Sar.), Malétables (Orne), Noirétables (Loire). Slaticum, stagium, fréquentatif de statum, a signifié ré- sidence, demeure, et a été rendu : en provençal, par estatge, etage ; en italien, par stuggio ; en vieux français, par es- aitge, estage. Il n’est plus guère représenté. Estagel (P.-0.); Bonnétage (1) (Doubs). Sedes, demeure, habitation, séjour, résidence, domicile, logement (des hommes et quelquefois des animaux), dans Cicéron, Tite Live, Virgile ; assiette, place, lieu occupé par quelque chose, dans Ovide, Virgile, Horace, Gicéron, Pline. Sedes, a donné : au provençal setge, sège ; à l'italien sedio, seggio ; au vieux français sied, stiel, et siège. Ces différentes formes néo-latines supposent un sedium ou sidium attesté par obsidium. Sedzes (B.-P.), Sièges (Jura), les Sièges (Yon.), Sedzères (B.-P.), Sêderon (Drô.), Sidiailles (Cher), Balsièges (Loz.). Slaliva, (castra), stata, Camp permanent, garnison, d’après Tite Live, Tacite, César, Salluste, Cicéron. Les camps de ce genre, nombreux dans les deux Germanie, ont donné nais- sance à un certain nombre de localités. Stata a été rendu par stadt, statt, stett. Steten (Ht-Rhin) ; Altenstadt (B.-Rh.), Berstett (B.-Rh.), Brunstatt (Ht-Rh.), Gunstett (B.-Rh.), Hattstatt (Ht-Rh.), Hochstatt (Ht-R,), Hochstett (B.-Rh,), Irmstett (B.-Rh.), Kilstett (B.-Rh.), Magstadt Le Rh.), Pfalstaitt (Ht-Rh.), Richstett [B.-Rh ), Schlestadt (2) (B.-Rh.). On retrouve submoenium, faubourg Qu tial ), € dans deux de nos noms de lieu : Sumènes (Gard), Sommaines (Meuse). Tabale et tabellae, tavellae, dérivés de taba, planche, ont (1) Bonestaige, 1354. — (2) Scaldis stata. — 213 — signifié cabane, baraque, construction de bois. On trouve aussi tabana. Tabailles (1) (B.-P.), Tavaux (Aisne, Jura), Tavels ou Ta- vey (2) (Hte-S.), Tavels () (Gard), Tavannes (Suis.) (4). La taberna ou taverna était aussi originairement une ba- raque en planches, une cabane, une chaumière (Horace). C’est aussi une boutique, une échoppe, un magasin dans Cicéron, Horace : une auberge dans Plaute ; une taverne un cabaret dans Horace. Taberna a donné le français taverne et l'allemand zabern : l'espagnol et l’italien l’ont conservé sans modification. Tavernes (Var), Saverne ou Zabern (B.-Rh.) ; Tavernay (S.-et-L.), Taverny (S.-et-0O.). Tabernue a eu le sens de baraquement militaire. Indépen- damment de Saverne, qui était le Tabernæ Tribocorum, nous trouvons, dans les provinces rhénanes, Bergzabern, les Tres Tubernæ d’Animien Marcellin ; Rheinzabern, les Ta- bernæ Rhenanæ; et Berncastel, anc. Zaberncastel, les Ta- bernæ Mosellanicæ ou Riguæ, le Tubernarum castellura, qui n’ont, dans le principe, été que cela. Tegula, tuile, a eu d’abord le sens plus étendu de toiture, d’abri (Plaute, Cicéron). On a rendu le mot, en vieux fran- çais, par teule, tieule, liule, tuile, et l’on a ajouté au t unh parasite. . ..: Thuiles (B.-A.), La Thuile (Hte-Sav., Sav.), Thuilières : (Vos). “ Tenda, baraque, tente, de tendere, tendre, a signifié aussi abri, refuge, auberge. Le provençal et l'italien ont conservé tenda ; l'espagnol a tienda ; le français a fente qui est plus conforme à l’origine fendita, tenta, que les autres formes bas ou néo-latines, Tendes (A. M.). (1) Tabalia. — (2) Tavalles, 970. — (5) Villa de Tavellis, xur° s. — (4) Un des faubourgs d’Orbe (Suisse) est appelé Locus Tavellis au x° s. — 914 — Tofta est un mot d’origine scandinave, qui a signifié bos- quet, enclos (Reynier), et aussi cour, masure, habitation (Corvell). Il a été rendu par tot et par tuit. Tot est devenu quelquefois tost, toste, et tuit, thuit, par l'addition de lettres parasites. [l est probable, comme Le Prévost le pense, que l'importation de ce mot est antérieure à l’invasion normande ; mais il n’en est pas moins qu'il à fait fortune sur les deux bords de la Manche, en Angleterre comme en Normandie, où on le rencontre particulièrement dans le pays de Caux. Tot (Cal., S.-Inf.), Toste (Eure), Thuit (Eure), le Thuit (Eure) ; Appetot (Eure), Autretot (S.-Inf.), Beautot (S.-Inf.), Ben- netot (S.-Inf.), Bouquetot (Eure), Bracquetuit (S.-Inf.), Bran- nétot (S.-Inf.), Brestot (Eure), Butot (S.-[nf.) Colletot (Eure). Crestot (Eure), Criquetot (S.-Inf.), Cristot (1) (Cal.), Criîtot (S.-Inf.), Ecquetot (Eure), Ectot (S.-Inf.), Eletot (S.-Inf.), Epretot (S.-Inf.), Fourmetot (Eure), Fultot (S.-Inf.), Garnetot (Cal }, Gonnetot (S.-Inf.), Gratot (Man.), Hautot (S.-Inf.), Hébertot (Cal.), Hottot (Cal )}, Houdetot (S.-Inf.), Houquetot (S.-Inf.), Ivetot (Man , S.-Inf.), Lanquetot (S.-Inf.), Lintot {S.-Inf.), Louvetot (S.-Inf.)}, Maltot (Cal.), Martot (Eure), Nointot (S.-Inf.), Pleurtuit (I.-et-V.), Plumetot (Cal.), Prêtot (Man., S.-Inf.), Pütot (Cal.), Quettetot (Man.), Raffetot (S.-Inf.), Robertot (S -Inf.), Routot (Eure), Sassetot (S.-Tnf.) Sermentot (Cal.), Tontuit (Cal )}, Turretot (S.-Inf }, Valletot (Eure, S.-Inf.) Vattetot (S.-Inf.), Vergetot (S.-Inf.), Victot (Cal.}), Vitot (Eure), le Vretot {Man.). Le latin trabe ou trabs, poutre, qui nous a donné trabeus, portique, couvert, tente, origine du mot travce, a procuré aussi, au provençal et au vieux français trabe et trèbe, trave, maisonnette de troncs d'arbres ou de poutres. Trèbes (Aude), Traves (Hte-S.), Gard, M.-et-L., Rh.); Le Travet (Tarn). (1) Cressetot, 1082. — 9215 — Tehunum, thunum, dizenie dans la Loi salique, provient d’un radical germanique, que lon retrouve dans l’anglo- saxon thun, tun et dans l’anglais town, ton. Il correspond à villa et réunit, comme lui, au sens restreint de ferme ou de métairie, la signification plus étendue de terre, de maison, de village et même de bourg. Les thun appartiennent sur- tout au Boulonnais. Thun (Nd, Suis.}, Thon (Suis., Vos.), le Thuin (E.-et-L.), Thones (Meuse, Sav.); Alincthun (P.-de-C.), Adincthun (P.-de-C.\, Baincthun (1) (P.-de-C.), Béthune (P.-de-C.), Cottun (Cal.), Fréthun () P.-de-C.)}, Gadincthun (P.-de-C.), Hardimcthun (P.-de-C.), Landrethun (P.-de-C.), Offrethun (P.-de-C.), Verlincthun () (P.-de-C.), Wadenthun (4) (P.-de-C.). Le vicus:est le groupe d'habitations le plus anciennement connu dans les Gaules; il y était presque le seul avant l’occu- pation romaine. En bonne latinité, le mot a d’abord eu le sens de quartier (Horace), de rue (Tite-Live). César, Cicéron et Horace lui donnent celui de bourg, de viilage. Enfin, dans Cicéron et dans Horace, .on le trouve avec celui de terre, de propriété rurale, de ferme. Au moyen âge, le vicus est de- venu le grand village, le village distribué en rues comme le bourg et la ville. Vicus a donné : au provençal vic, vicq; à l'espagnol vigo ; à l’italien vice; au catalan vich; à l’anglais wick; au vieux français vice, vicq, vyt, vy, wy, vieux, viques, wick. : Vic (Aisne (5), Ar., Can.,C.-d’'Or, Gard, Gers, Htes-P., Hér., Meur., (6) P.-de-D.), Vicq (AL, Dord., Hte-M., Hte-V., Indre, Lan., Nd, S.-et-O.), Vyt (Doubs), Vy (Hte-S., S.-et-O.), Vieux (7) (Ain, Arden., [.-et-V., S.-et-M., S.-Inf.), Vicques ou Viques (Caï.), Vico (Corse) ; (1) Bagingatun, 811. — (2) Frailun, 1084. — (3) Diorvualdingatun, 869. — (4) Vuadingatun, x1° s. — (5) En 893. — (6) Bodesius Vicus. — — (7) Vieux, du Calvados, est l'antique Viducassis. — 916 — Le Vicel (Man.), Vichel (P.-de-D.); Vicnau (1) (Gers), Vinneuf (2) (Yon.); | | Autruy (Loiret), Aveluy (Som.), Bévy (C.-d’Or), Charvieux (Is.), Craiwick (Nd), Haveluy (Nd), Huy 6) (Fin.), Iwuy (4) (Nd), Longvic (C.-d’'Or), Longwy (Jura (5), Mos.), Monvicq (AÏ.), Neuvic (Ch.-Inf.), Neuvy (Char., D.-S., L.-et-Ch., M.-et- L., Niè. (6), Oise, Orne, Sar. (7)}, Pommevic (T.-et-G.), Salper- . wick (P.-de-C.), Salzuit (Hte-L.), Sauvic (S.-Inf.), Theuvy (® (E.-et-L.), Vieuvicq (9) (E.-et-L.), Vieuxvy (EL-et-V.}), Viévy (C.-d’Or, L.-et-Ch.}, Volvic (P.-de-D.), Vuerkwic (Nd). Les principaux vicus de l'étranger sont : en Italie, Vico- _ del-Gargano; Vico-di-Mondovi ou Vicoforte, l’ancienne Au- qusta Vagiennorum ; Vico-di-Sorrente ou Vico-Equense ; en Espagne, Vich ou Vic-d'Osona, l’ancienne Ausa ou Vicus Ausonensis ; Vigo, l’ancien Vicus Spacorum ; en Angleterre, Wick; Berwick-sur-Troed, l’ancien Barcovicus; North- Berwick:; Warwick; en Allemagne, Brunswick, Brunonis VICUS. Un dérivé de vicus, vicinium, bourgade, quartier, est de- : venu: en provençal vezin ; en espagnol, vecino ; en portu- gais, vicinho; en italien, vicinio ; en vieux français vesin, visin, voisin, vesain. Les formes féminines, provençales ou françaises, vezinne, voisine, vesaine, vesane, vesaigne, Pro- viennent de vicinia, pluriel de vicinium, employé comme substantif féminin singulier de la première déclinaison. Vezins (Av., [.-et-V., M.-et-L., Man.), Vezines (Ain, . Yon.), Voisins (10) (E.-et-L.), Voisines (Hte-M., Yon.), Vesai- gnes (Hte-M.), Vezanes [Yon.), Visan (Vau.); Vèzenay (Doubs), Vèzenex (Ain), Vèzenoux {Ifte-L.), Voi- (1) Vicus novus. — (2) Id. — (3) Huio vico, des mon. mér.; Heuvic. — (4) Ivegio vico, des mon. mér. — (5) Lonqus vicus, 785. — (6) Novus vi- cus, VI‘ siècle. — (7) Beaucoup de Neuvy sont des Noviacus. — (8) Telvi- cus, 815. — (9) Vetus vicus, 1041. — (10) En 815. Il y a un autre Voisins dans Seine-et-Oise, — 917 — senon (S.-et-M.), Vesigneuls (Mar.), Vesigneux (1} (Doubs), le Vésinet (S.-et-0.), le Viseney (Jura); Beauvoisins (Dro., Gard, Jura), Beuvezins (Meur.), Girau- voisins (Meuse), Languevoisins (Som.), Mauvaizins (Ar.), Mauvezins (Ar., Gers, Hte-G., Htes-P., Lan., L.-et-G.), Mé- voisins (E.-et-L.), Nervezains (Hte-S.) ; Voisinlieux (S.-et-0.). Villare, villarium, villaris, grand village, est un augmen- tatif de villa, qui a été rendu: en provençal, par villaire villar ; en espagnol et en italien, par villario; en allemand, par weiller, willer, wihr; en vieux français, par villar, vil- ler, villier, vellar, veller, villé. Villard (Aude, Ch.-[nf., Cr., Dord., Htes-A., Is., Jura, Loz., Sav.), Villars (Aïn, B.-A., Char., Ch., C.-d'Or, Doubs, E.-et-L., Hte-M., Ht-Rh., Jura, Loire, S.-et-L., Suis., Vau.), Villers (Aisne, Arden., Cal, C.-d’Or, Doubs, Eure, Hte-S., Indre, Jura, Loire, Loiret, L.-et-Ch., Mar., Meur., Meuse, Mos., Nd, Oise, Orne, P.-de-C., S.-et-0., S.-Inf., Som., Vos.), Villiers (Aube, Cal., Char., Ch.-Inf., C.-d'Or, D.-S., Eure, E.-et-L., Hte -M., [.-et-L., L.-et-Ch., Man., Mar., Nié, Orne, S.-et-M., S.-et-0., Yon.), Willer (B.-Rh. (2), Ht-Rh. (3), Wihr (4) (Ht-Rh.); Villarzel (Aude), Villereau (Loiret, Nd.), Villeret (Aisne, Aube, Loire) : Abbévillers (Doubs), Abreschwiller (5) (Meur.), Agenvillers (Som.), Aillevillers (Hte-S.), Amanvillers (Mos.), Ammers- chwihr (6) (Ht-Rh.), Ancervillers (7) (Meur.), Angivillers (Oise), Appenwihr (8) (Ht-Rh.), Argenvilliers (E.-et-L.), At- manswiller (9) (Ht-Rh.), Aubervilliers (Seine) ; (1) Viciniolum. — (2) Ou Villé, — (3) Willer, du canton d’Altkirch, est appelé Villare, en 1195 — (4) Wihr-en-Plaine s'est appelé Sigisfridi villare, et Wihr-au-Val Bonifacii villare, en 896. — (5) Ælbers vylre, en 1050. — (6) Amelricheswilre en 977; Amalrichovillä, en 1128. — (7). Anselmi villare. — (8) Abbunvuileri, en 884. — (9) Hadmansvilre, en 1187. 15 — 218 — Badonvillers 4) (Meur.), Balschwiller @) (Ht-Rh.), Beau- villiers (E.-et-L., L.-et-Ch., Yon.), Benwihr G) (Hi-Rh.), Bernwiller () (Hi-Rh}), Bethonvilliers (E.-et-L., Ht-Rh.), Beuvillers (Cal., Mos.), Bischwihr 5) (Ht-Rh.), Bonvillers (Meur., Mos., Oise), Bouxwiller {B.-Rh., Ht-Rh.), Brévil- lers (Hte.-S., P.-de-C.), Burnevillers (Doubs), Buschwiller (Ht-Rh.) ; Charmauvillers (6) (Doubs), Chartainvilliers (7) (E.-et-L.), Clévilliers (8) (E.-et-L.), Coivillers, anc. Escovillers (Meur.), Coravillers, anc. Corvilar (Hte-S.), Cosswiller (B.-Rh.), Crainvilliers (9 (Vos.), Cuvillers (Nd) ; Damvillers (Meuse), Dietviller (Ht-Rhin), Déservillers (10) (Doubs) ; Eberswiller (Mos.), Engwiller (B.-Rh.), Epauvillers (Suis., Vien.), Ervillers (P.-de-C.) ; Falckwiller (Ht-Rh.), Folschwiller (Mos.), Fortschwihr (11) (Ht-Rh.), Frévillers (P.-de-C.) ; Garganvillars (T.-et-G.), Gérauvilliers (Meuse). Gerbévil- lers (12) (Meur.), Gildwiller (13) (Ht-Rh.), Gonvillars (Hte-S.), Grimonvillers 44) (Meur.), Guebwiller (5) (Ht-Rh.), Gung- viller (B.-Rh.), Guntzwiller (Meur.) ; Hainvilliers (Oise), Hanwiller {Mos.), Hardyvillers (Oise), Hartzwiller (Meur.), Hellenvilliers (Eure), Herbévillers (Meur.), Heywiller (16) (Ht-Rh.), Holtzwihr (17) Hi-Rh.) ; Indevillers (18) (Doubs), Ingwiller (B.-Rh.), Inswiller (Meur..), Ivilliers (19) E.-et-L.) ; (1) Baudenviler, 996. — (2) Anc. Baldesvihr. — (3) Bebonis villare, 777, Bebenwiler, 976. — (4) Barunvuilare, 784. — (5) Bischoveswilre, xII° siècle. — (6) Charmoyvilar, 1177. — (7) Carnotense viilare, 1207.— (8) Clusum villare, 1185. — (9) Sicramni villare. — (10) Anc. Esservil- lers. — (11) Fulrado villare, 774; Fulradi villare, 85%. Il s’agit ici de Fulrade, abbé de Saint-Denis. — (12) Gisleberti villare, 1092. — (13) Gyl- dulfi villare, 728; en français Haute-Eglise, Summa ecclesia, dans un pouillé du xiv° siècle. — (14) Grimaldi villa, 1027. — (15) Gebunwilare. 714; Gebonwilare, 7192. — (16) Heymonwiler, 728. — (17) Heloldo vil- lare, 160 — (18) Ayndivilar, 1177. — (19) Idonis villaris, 816. — 219 — Janvilliers (Marn.) ; Kindwiller (B.-Rh.), Kirrwiller (B.-Rh., Mos.) ; Landonvillers (Mos.), Léalvillers {Som.), Liébvillers (Doubs), Louvilliers (1) (E.-et-L.) : Mackwiller (B.-Rh.), Mainvilliers (E.-et-L. (@), Loiret, Mos.), Mandrevillars (Hte-S.), Marsainvilliers (Loiret), Mi- gnovillars (Jura), Morschwiller (3) (Ht-Rh.), Morvillars (4) (Hit-Rh.), Morvillers 6) (Oise, Som.), Morvilliers (6) (Aube, E.-et-L.) ; Neuvillers (Meur. Vos.), Neuwiller (B.-Rh., Ht-Rh.), Ni- villers (Oise), Nonvilliers (E.-et-L.), Novillars (Doubs, Ht- Rh.), Novillers (Oise) ; Ogévillers (7) (Meur.), Orvillers (Oise), Orvilliers (Aube, S.-et-0.), Ottwiller (8) (B.-Rh.), Ovillers (Som.) ; Parvillers (Som.), Pierrevillers (Mos.), Prévillers (Oise) ; Quevauvillers (9) (Som..) ; Radonvillers (10) (Aube), Rambervillers (Vos.}, Randevil- lers(11) (Doubs), Ranwiller (B.-Rh.), Rehainvilliers (12) (Meur... Retzwiller (13) (Ht-Rh.), Ribeauvillé (1# (Ht-Rh.), Richwiller (B.-Rh.), Riquewihr (Ht-Rh.), Roinvilliers (S.-et-0.), Ro- mansWiller (B.-Rh ), Ropperviller (Mos.), Rosenwiller (B.- Rh.), Ronvillers (Oise) ; Sauvillers (Som.), Scherwiller (15) (B.-Rh.), Schwabwiller (B.-Rh.), Séranvillers (Nd), Sionvillers (Meur.), Stosswihr (16) (Ht-Rh.), Survilliers (S.-et-0.) ; Torvilliers (17) (Aube), Trévillers (18) (Doubs) : _ Ühlwiller (B.-Rh.), Uhrwiller (B.-Rh.\, Urvillers (Aisne), Uttwiller (B.-Rh.) ; (1) Ludolphi villare, — (2) Mornane villare, 815. — (3) Maurowiler, en 728. — (4) Morivillaris. — (5) Id. — (6) Id. — (7) Otgeri villare. — _(8) Othonis villare.— (9) Caballi villaris. — (10) Villare Radonis, 1080. — (1) Radonis villaris. — (12) Rohanviller, xrr° siècle. — (13) Radadi villare, 1114. — (14) Ratbaldo villare, 768; Ratpoldes wilare, 896. — (15) Scaldi villare. — (16) Scottenwilre, 817. — (17) Anc. Tourvillers.— (18) Tirvilar, 1177. — 220 — Vaspervillers (Meur.), Vaudrivillers (Doubs), Vauvillers (Hte-S., Som.), Vermandovillers (Som.), Vernonvilliers (1) (Aube), Vibersviller (Meur.), Viefvillers (Oise) ; Warvillers (Som.), re ) (Ht-Rh.), Weiterswiller (B.-Rh.), Wicherswihr (G) (Ht-Rh.), Wolschwiller (Ht-Rh.) ; Zellwiller (4) (B.-Rh.) ; Volula, participe passé féminin de volvere, rouler, pris substantivement a donné le bas-latin volta, le provençal vol- ta, vouta, vota, l'italien volta, et le vieux français vaite, qui tous signifient caveau, voute. La Voulte (Ardèche, Hte- -L.), Voulton (S.-et-M.). ‘50 Culture Le mot absus, dont nous avons vu, plus haut, la valeur politique, ne s’appliquait pas seulement au territoire aban- donné ou sans propriétaire, mais aussi au sol inculte, stérile de sa nature, ou propre seulement à la pâture. Pour Du- cange, un terrain absus est un terrain inculte, comme un terrain vestitus est un terrain cultivé. On trouve son dérivé absica (terra), absia, dans : L’Absie (D.-S., Ch.-Inf. (5)) ; Agnarium, agnaria, parc pour l’élévage des agneaux a été traduit : en provençal, par agnaire, anhaire; en italien, par agnaio; en vieux français, par aîgnière, agnière, agnère, Ces dérivés procèdent directement d’agnus comme le thème latin, et non d’agnellus, qui a prévalu contre lui. Agnières (Htes-A., P.-de-C., Som.); Arboretum, terrain complanté d'arbres fruitiers, a donné : le provençal arbrède, albrède, aybrède ; l'italien albereto ; le vieux français arbret, no (1) Vuarnovillare, Guarnovillare, xr1° siècle, — (2) Wattoneviller, 728. — (3) Wichereswilre, 728; Wichario villa, 1198. — (4) Cellæ vil- laris. — (5) Absia, 1120. — 9921 — L’Arbret (P.-de-C.), l'Arbroit (Oise). | Arbosium, qui avait le même sens en basse latinité, se retrouve dans : Arbois (1) (Jura). : L'arda était un pâturage de montagne. Le mot ne vient pas, comme on l’a cru, d’arduus, élevé. Le fait, c’est que arda et arduus ont la même origine, un radical celtique ard, haut, que l’on retrouve encore dans l’adverbe grec ardèn. Ardes (P.-de-D.) ; Ardelles (E.-et-L.), Ardeuil (Arden.), Ardoy (Ardèche). La forêt des Ardennes doit son nom, Ardwenn, à sa situa- tion élevée, sur un plateau de difficile accès. L’area était un territoire non cultivé, non labouré, et aussi une mesure agraire. Ce mot se rapprochait déjà de ce sens dans la haute latinité : Collumelle appelle area, un carreau de jardin (2); Vitruve, un marais salant ; Tertulien, un cime- tière. Aires (Arden., P.-de-C. ()), les Aires (Hér.); Airelles (Man.), Arelles (Aube), Arettes (B.-P.), Arouilles (Lan.), Airouse (Aude). Saint-Laurent des Eols et les Préaux (Indre-et-Loire) sont des areolæ. Ce dernier est appelé Areolæ dans un texte de l’an 862. L’Armentum était un troupeau de gros bétail (Cicéron), ou une troupe d’animaux quelconques (Virgile, Pline). Pline et Columelle emploient ce mot dans le sens de pièce de bétail, d'animal domestique, cheval, bœuf ou âne. L’agronome Hy- gin, parlant d’un sacrifice, dit : (GCentum armenta occiden- tur : on immole cent bœufs ». Le mot est représenté, dans notre nomenclature territo- riale, par deux collectifs, un «rmentoialum et un armenta- rium, armentaria. (4) Arbosius, 1151 et 1069. — (2) Humus in area dividitur.— (3) Aires- sur-l’'Adour s'appelle en latin Atura, du nom de l'Atur, qui l’arrose, — 222 — Armenteules (Htes-P.), Armentieux (Gers); Armentières (Aisne, Aube, Eure, Nd, S.-et-M.). Arsum, défrichement par le feu, territoire défriché par le feu, a donné : Ars (Aïn, Char., Cr., P.-de-D.). Arsura, arsure, a la même signification. Arsures (Jura), les Arsures (Jura). Arvum, qui s’employait le plus souvent au pluriel, se trouve, avec le sens de terre labourée, dans Varron. Pour Ciceron et pour Virgile, arvum a le sens plus étendu de sol, de terroir. Virgile va jusqu’à lui donner celui de rivage et de mer : arva Neptunia. Dans les auteurs du moyen âge, arva est un terrain inculte : ager seu locus incultus. Arvum, arva, a été rendu, en provençal et en vieux fran- Çais, par arve, arue. Arues (Lan.) ; Arveyres (Gir.), Arvieux (Av., Htes-A.). Asinaria, parc à ânes, a donné : le provençal asnière, azière ; l'espagnol asner ; l'italien asinario ; le catalan aser ; le vieux français asnière. Le catalan, l'espagnol et l'italien procèdent directement d’asinarium. Asnières (Ain, Cal., Char., Ch.-Inf., C.-d’Or, D.-$S., Eure, Is., L.-et-Ch., Loire, M.-et-L., Sar., Seine, S.-et-O., Vien., Yon.). Berbicarium, berbicaria, bercaria, bergerie, de berbex ou mieux vervex, mouton, bélier, a été rendu, en proven- çal par bergeire, bergière, et, en vieux français, par ber- chère, bergère, bercherie, bergerie, berbière, bervière, bre- vière. | Berbiguières (Dord.), Berchères (E.-et-L. (1), Bergères (Aube @), Mar.), Brebières (P.-de-C.), les Brevières (Cal., S.-et-0.). (1) Il y en a trois : B.-la-Maingot; B.l'Evêque et B.-sur-Vègre. — — (2) Bergeries, 1170. = — 293 — Bovarium, bovaria, bouverie, a été traduit : en provençal par boveira, boaria ; en catalan, par bovère ; en espagnol, par boyera; en portugais, par boieira; en vieux français. par boyère, boubère, boubière, bouvière. Le provençal et le vieux français ont aussi les formes masculines boveir, bovier, et boubier, bouber, bouvier, boyer. Boubers {P.-de-C.), Boubiers (Oise), Bouvières (Drô.), la Bouvière (Is.), Bouviers (Ardèche), Bouveries (Mar.). Le provençal boaria, boria, devenu borie, a fait fortune dans le Midi. La Borie (Cor., Dord., Drô., Gard, Hér., Lot). Cepium, jardin, parc, enclos, verger, champ, se retrouve dans : Cépie (Aude) ; Cépet (Hte-G.), Cépoy (Loiret). Cera, cire, nous a donné : Cères (Lan.); Céret (1) (P.-0.), Céran (Gers), Cérans (Sar.), Céré (2) (L.-et-L.), Cirières (D.-S.). Codercum est un mot bas-latin, d’origine inconnue, qui signifie pâturage. Il est représenté par le provençal coudere, coudert, couder. Couderc (Av.), le Couderc (Dord., Lot), le Coudert (Hte- V.), le Couder (Cor., Lot). Concisa et cisa, participes passés des verbes concidere et cidere, se sont appliqués à des terres déboisées pour être mises en cultures {concisa terra). Concise (Aube, Suis. &), Concize (Ven.), Concèze (Cor.), Conchez (4 (B.-P.), la Concie (Oise) ; | Cis (Aisne), Cize (Jura), Chis (Htes-P.). Le mot compascuum, pâturage commun, banal, se retrou- ve dans : es (1) Ceretum, 866. — (2) Cerate, in Greg. Tur. — (3) Concisa, 1x° s. — (4) Concis, x° siècle. = Le Compas (Cr.), Compeix (Cr.), et dans de nombreux lieux dits. Cultus et cultura, culture, labour, ont été rendus par eult, coult, cout et culture, coulture, couture, dans l’ancien fran- çais. Le mot couture est encore en usage, dans plusieurs provinces de France pour désigner une pièce de terre culti- vée. Un ancien petit pays de l’Artois s’appelait La Couture ; il est rappelé par le nom de Metz-en-Couture. Le Mans pos- sédait une célèbre abbaye du nom de la Couture. La pré- fecture de la Sarthe et les musées de son chef-lieu sont ins- tallés dans ses vastes bâtiments ; sa curieuse église, devenue paroissiale, a pris le nom de Notre-Dame de la Couture. Le provençal et l’espagnol ont cultura, et l'italien col- tura. | Cult (Hte-S.); Cultures (Loz.), Coutures (Char., D.-S., Dord., Gir., L.-et- Ch., L-et-G., M.-et-L., Meur., T.-et- ee. la otre (Eure, P.-de-C., Ven, ) Cutores anc. Cultura (Jura). Couturelles (P.-de-C.). Exartum et sartum, des verbes exsarrire et sarrire, sar- cler (on trouve déjà ce dernier dans Varron), ont signifié un terrain défriché et prêt à être mis en culture. Le premier de ces mots se trouve dans les lois barbares. Ils ont donné : au provençal essart, sart, à l’italien surto, au vieux français essart, essert, exert, sars, sart, sers, sert. Dans l’ancienne langue, par une extension facile à com- prendre, essart, avait le sens de lieu désert, et, par suite, de lieu dévasté. L'opération qui a produit l'essart, et qui s’appelle l’essartage, consiste à arracher toutes les plan- tes qui couvrent le sol et à les bruler sur place. Littré a réin- troduit dans le dictionnaire ces deux mots tombés en dé- suétude ou plutôt abandonnés par l’Académie qui, par une singulière contradiction, avait maintenu le verbe essarter qui vient d’essart en droite ligne. Essards (Char.), l’Essard (Cal.), les Essards (Ch.-Inf., — Dh — 1.-et-L., Jura), Essarts (P.-de-C.), l’'Essart (S.-ét-L. }, les Es- sarts (Doubs, Eure, L.-et-Ch., Mar., S.-Inf, Ven.), Esserts (Ht-Rh., Hte-Sav., Sav., Sue oh: Y Déscrtes Suis. h As- _ sars () (Niè. ), les de (Ar: _ Essarteaux (Cr. ), Esserteaux (Som.). Essertennes (Hte- S., S.-et-L.), Essertines (Loire, Suis.), les Essartons QE -et- 0. | Essartiers (Cal.) ; Sars (Nd, P.-de-C.), le Sars (P.-de-C.) le Sart 7. Sartes (Vos }, Sers (Char.), Serts (Htes-P.) ; Sarton (P.-de-C.), Sartoux (Var), Certeaux, pour Serteaux (Aisne), Certines pour Sertines (Ain), Isserteaux (P.-de-D.) ; Exermonts (Arden.), Esservals oi nn (2) (Doubs) ; Bethonsarts (P.-de-C.), Brissarts (M.-et-L.), Coupesarts (Cal. ), Gespunsarts {[Arden.), Grandsars (Som.), Hérissarts (Som.), Lambersarts [Nd), Linexert (Hte-S.), Rainsarts (Nd), Recelaxert (Hte-L.), Renaussarts (3) (Aisne), Roberssarts (Nd). : Certeméry et Safloz (Jura) ont été Essertméry (4) et Es- sartfloz. : -Feldum, champ, est l'habillement latin du germanique feld, qui a donné feld à l'allemand et au vieux français, field à l'anglais, welde au flamand. Asfeld (Arden.), Benfeld (B.-Rh4, Bourgfeld (Ht-Rh.), Forstfeld (B.-Rh.), Ghywelde (Nd), Godewaerswelde (Nd), Hirtzfeld (Ht-Rh.), Hochfeld (B.-Rh.), Laumesfeld (Mos.), Rossfeld (B.-Rh.), Staffelfeld (Ht-Rh.) ; Feldbach (Ht-Rh.), Feldkirch (Ht-Rh.). Dans les premiers siècles du moyen âge, on donnait le nom de fines aux subdivisions des pagi ou comtés. Plus tard, le sens du mot descendit au territoire d’une paroisse -ou d’une commune. Il a été rendu : en provençal, par-fin, (1) Essarta, 1287. — (2) Sarfontaine, 4948. — (3) Ernandsart, x1re $. — (4) Xartemérry, 1154-55. ne — 296 — fi; en espagnol, par fin : en italien, par fine ;: en vieux fran- çais, par fein, fin. Feins (L.-et-V. Loiret), Fins (Som.), les Fins (Doubs) (1) Valfins (Jura). Granum, grain (Caton, Cicéron. Horace, Virgile), a fourni à la nomenclature territoriale quelques dérivés, dont les principaux sont : granulus, granetum et granosus Au fé- minin du premier, nous devons les Grenade, de l'Espagne, de la Haute-Garonne et des Landes. Grenois, dans la Niè- vre, est un granetum, et Grenoux, dans la Mayenne, un granosum. | Gardum, parc, grand jardin, vient de l’ancien haut-alle- mand garto, qui a donné l’allemand moderne garten, l’espa- gnol et le portugais jure : le provençal gare, jard, l'italien giardo ; le vieux français gard, gart, guerd, jard. Le Gard (Som.), Jards (Ven.), le Jard (Ch.-Inf.) ; Jardins (Is.), le Jardin (Cor..) ; Auppegard (L.-Inf.), Epegard (Eure), Hana (Som. }» Hargarten (Mos.), Vingart (Man.). On attribue au latin hortus, jardin, la même racine qu’au germanique karlo ou garto et au grec chortos. Les formes néo-latines sont : le provençal hort, orth ; l'espagnol et l’ita- lien orto ; le vieux français horte, orte, or. Hortes (2) (Hte-M.), les Horts (Hér.), Sainte-Marie-des- Horts (3) (Hér.), l’Or (# (Aïsne), Urt (B.-P.) ; Hortolès {Hér.), l’'Hortoy (Som.), Hortus (Hér.), l’Ortet (Hies-P.), Orthez (B.-P.), Ortillon (Aube), Ortoux ou Hor- toux (Gard) ; Orthevieille (Lan.). On trouve en Corse : Orto, Ortale et Ortiporio. ; Inor, dans la Meuse, est appelé /n: orto, dans un texte du en ———— ? (1) Fismes (Marne) serait le Fines de l’Itin. Anton. — (2) Hortus, 886. — (3) Sancta Maria de Ortulis, en 1146.— (4) Ortus, en 1184; Orthus, en 1186. — 297 — xII* siècle, et Jardins, dans l'Isère, est encore Orthis, dans un acte de 910. La novale, pour Pline et pour Quinte-Curce, était une terre nouvellement défrichée ; pour Pline et pour Varron, c'était une jachère, une terre qu’on laissait reposer un an. Virgile emploie le pluriel novalia dans le sens de champs cultivés : Impius hæc tam culta novalia miles habebit (1). Novalis (sous-entendu ager ou terra) était aussi une ja- chère (Varron, Festus, Virgile, Palladius, Claudien). On ap- pelait novale, sous l’ancien régime, la dime perçue par les curés sur les terres novales ou nouvellement mises en culture. Les terres novales ont porté d’abord le nom de noailies ou nouailles (novalia). Noailles (Cor., Loire, Oise, Tarn), Nouailles (Cr.). L’italien a gardé le singulier novale. Novale (Corse). Parcus était un pâtis entouré de fossés ou clos de haies. Bien qu’on trouve parc dans le gaëlique, dans le kimri et dans le bas-breton, on ne peut guère donner au mot une ori- gine celtique, parce qu'il est isolé dans les trois langues et qu’il n’est pas certain, par conséquent, qu’il leur appartienne. Diez y voit l'adjectif latin parcus, économe, ménager, pris substantivement. Parcus est devenu parc, en provençal; parque, en espa- gnol; parco, en italien ; parc, perc, en vieux français. Be Pare (P..de C:, S.-[nf.) ; Parcouls (Dord.). Planta, plante (Cicéron, Plaute, Virgile, Ovide, Juvénal), a pris, en agriculture, le sens particulier de jeune vigne. Le provençal et l'espagnol ont conservé planta ; l'italien a pianta et le vieux français plante. La Plante, lieu-dit très répandu ; (A) Egz., I, 71. — 095 — ‘Plantières (Mos.), le Plantat (Ain), le Plantis (Orne). Porcaria, porcherie, parc à pourceaux, en provençal et en espagnol porcaria, en italien porcaria, et en vieux français porquère, porchère, pourchère, porquerie, est devenue nom de lieu dans : Porchères (Gir.), Pourchères (Ardè.), la Porcherie (Hte-V.). Un dérivé, porcaritium ou porcaritia, a donné : Porcheresses (Char.), Pourcharesses (Loz.). Ulpien donne le nom de solarium à une rente foncière as- signée sur un fonds de terre, — solum —. À la longue, fonds et rentes se sont confondus dans le langage usuel. Solarium a donné le provençal solère, le catalan et l’espagnol soler, li- talien solar1o, le vieux français soulair e, soulière, 80- lier, soler. Solers (S.-et-M.), le Soler (P.-0.), Soliers (1) (Cal.), Sollières (Sav.), Sollies (2) (Var.), Soulaires (E.-et-L., M.-et-L.), Sou- lières (Mar.), le Souliès (Hér.). | Solatium, réserve de grain, secours en blé, dans Cicéron et Valère Maxime, a pris le sens de grenier, de lieu d’appro- visionnement. Il a été traduit : en provençal, par solatz, sou- latz, et en vieux français par soulas. Exceptionnellement So- latium, station romaine, indiquée par une colonne milliaire encore debout et dont l'inscription est très ie est devenu Solaize (Isère). Soulaz (Aude, P.-0.\. Un dérivé de solatium, le fréquentatif solaticum, qui nous a donné le provençal solatge, soulatge, l'espagnol solaje, l’i- talien solaggio, et le vieux français soulaige, soulage, avait la même signification. Soulages (Av., Can., Hér. ®, Soulaies (Aude). Le mot spissum, eubre de l'adjectif spissus, épais, dru, serré (Virgile, Columelle), employé substantivement, a pris le sens de fourré, de hallier. (1) Solarium, 1083. — (2) Id., 1038. — (3) Solaticum, 996. — 229 — Spissum est devenu: le provençal espes, Pespagnol espeso, l’italien spesso, et le vieux français espesse, espoisse. Espès (B.-P.), Espoisse (1) (G.-d'Or). Trunca, tronche, arbre de futaie dont on coupe les bran- ches à des époques périodiques. On a aussi dit troncque, tronque. La Tronche (Ts.); Tronchoy (Som., Yon.), le Tronchoy (Hte-M.), le Tron- chet (Sar.), Tronchy (S.-et-L.), le Tronquay (Cal., Eure). La vache, vacca, qui a une si grande importance dans la culture, particulièrement en pays de montagne, devait cer- tainement marquer dans l’onomastique locale. Son nom la- tin a donné: au provençal et à l’espagnol vaca, à l'italien vacca, et au vieux français vacque, vache. Bramevaques (Htes-P.), Fervaches (Man.), Fervacques (Cal.}, Millevaches (CGor.), Pisnavaches (2) (Doubs), Vaccaria, qui n’appartient pas à la bonne latinité, a été traduit : en provençal, par vaqueira, vaquiere, et en vieux français par vacquiere, vachere, vacquerie, vacherie. Vachères (B.-A., Drô.), Vacheries (Suis.), la Vacherie (Eure), Vacqueries ou Vaquerie (Som ), Vaquerie (P.-de-C.), la Vaquerie (Cal., Hér., Oise), Vacquières ou Vaquières (Hér.). Vaquiers (Hte-G.) est un vaccarium. Un dérivé de vaccaria, le fréquentatif vaccaricia a produit : Vacheresses (E.-et-L. (3), Hte-S.), la Vacheresse (Vos.), la Vaqueresse (Aisne). Vindemia, vendange (Virgile, Ovide, Lucain) est devenu : le provençal vindemia, vendemia, l'espagnol vendimia, l’i- talien vindemmia, et le vieux français, vendange, vendenge, vendège. Les noms de lieux qui s’y rattachent sont : Vendemies (Aude), Vendegies (Nd) ; (1) Spissia. — (2) Piscina vaccarum, x1r° siècle, — (3) Vacheria, 984. — 9230 — = Vendémian (Hér.). Le verbe latin vervagere, remuer la terre, lui donner un labour, une première façon, que l’on trouve dans Columelle, a, par une suite de transformations curieuses, donné à la basse latinité les mots gueractum, guéret, et gacheria, ja- chère. ca Gueractum procède de son participe passé neuire, vervac- tum, dans lequel, par un accident fréquent dans le passage des mots de la haute à la moyenne latinité, le v initial est de- venu un g dur, ce qui a donné d’abord guervactum, puis gueractum par chute du v intermédiaire, accident banal. Les formes néo-latines de vervactum sont : le provençal garag, garah, garat ; l'espagnol barbecho ; le portugais bar- beito ; le vieux français guéret, guaret, garet, garait, varet. Vervactum apparaît plus visiblement dans lespagnol et le portuguis que dans le provençal et le vieux français, surtout si l’on prononce le b à l’ibérique. Guéret (Cr. (1), Gir., Rh.), Garat (Char.), Varet (Cor.). La chute du t de gueractum a produit guerachum dont le pluriel gueracha, devenu un nominatüf singulier de la pre- mière déclinaison, a eu le sens particulier de novale. Guera- cha a été rendu, en provençal par garac et en vieux fran- çais par guerche, guarche, garche, guerge, garge. Garac (Hte-G.), la Guerche (Cher, I.-et-V., L.-et-L., Sar.), Garches @), (S.-et-0.), Guerges (L.-et-V.). La genèse de gacheria est plus difficile à expliquer. Elle suppose un vervugeria, qu’on ne trouve pas dans les textes et dont une apocope aurait fait d’abord vageria. Le v inter- médiaire, devenu initial, changé en g. aurait donné gageria, puis gacheria, qui a donné le vieux français gaguière, ga- chière, jachière. L'introduction accidentelle d’une s a donné gascheria, gascaria, qu’ontrouve dans un texte du xn° siècle et qui à produit gasquière, gaschère et jaschère. | (1) Vuaractum, au vire siècle, au 737. — (2) Bigargium. — 93 — On ne trouve gachère et jachère qu’en lieu dit. Viridarium, verger dans Pline, a été rendu : en provençal, par verdier ; en italien, par verziere ; en vieux français, par vergier, verguier, verchier. Le mot est un dérivé de viride, verdure, dont le pluriel viridia signifiait arbres et gazons (Sénèque), ou jardins (Phèdre). Vergers (Vien.), le Verger (I.-et-V.), le Vereuiet Fo. les Verchers (M.-et-L.), le Verdier (Tarn). Un viridaria a donné : La Verdière (Var). Vergeroux (Ch.-[nf.) est un viridoialus ; Vergies (Som.) et Vergy (C.-d’'Or) sont des viridia ; Verdes (L.-et-Ch.), est un viride ; enfin Verdet (B.-P.) et Verdey (Mar.) sont des véri- detum. Verderet (Oise) est un diminutif de verdier. 6o Industrie et commerce Les noms de lieu qui ont eu leur origine dans l’industrie ou le commerce sont peu nombreux. Ce sont les formes néo- latines des mots calcifurnum, camba, cambium, cantarium, carbonarium, fabraria, fabrica, factura, ferraria, figulina, filaria, foderia, formaria, fullonium, furnum ou furnus, hullaria, metallum, miniaria, molaria, molendinum, olea- mia, piscatoria, piscina, quadraria, resia, stupa, thermæ, vilraria, vivarium. Le bas-latin calcifurnus ou calcifurnum, a été traduit, en provençal, par caufour, et, en vieux français, par chaufjour, chaufour, four à chaux. : Chauffours (Cor., Hte-M.), Chaufours (Aube, Doubs, E.- et-L., Sar , S.-et-O.). La camba était une brasserie de bière. . Cambes (Cal.), la Combe (Cal., Eure, Orne). Cambium, change, est une expression de basse latinité, qui procède du latin cambire, qu'on trouve dans Apulée. — 982 — Cambium a donné le provençal camje, -camge ; l'espagnol et l'italien cambio ; le vieux français chambge, change. Cambio (Cor. , le Change (Dord.). | _ Cantarium, chantier, est un dérivé de cantus, dont nous avons vu ailleurs la signification. Le chantier est un terrain sur lequel on dépose et on met en œuvre les matériaux de construction. | Cantarium a été rendu : en provençal, par canteire ; en ita- lien, par canliere ; en portugais, par canteiro ; en vieux français par cantier, chantier. Cantiers (Eure). | . Le mot carbonaria, charbonnière, s’est toujours appliqué aux lieux de fabrication du charbon de bois. On lui doit le provençal curboneire, l'italien carbonera, l'espagnol carbo- nera, et le vieux français carbonière, charbonnière. Charbonnières (Doubs, E.-et-L., P.-de-D., Rh., S.-et-L.), la Charbonnière (Hte.-S.). Charbonniers (P.-de-D,) est un carbonarium. Fabraria, atelier de forgeron, du latin faber, ouvrier en général (César, Cicéron) mais particulièrement ouvrier en fer ou autres métaux, a donné au provençal fabrerie, favrerie, faurie, et en vieux français febvrerie, fèvrerie, eo, fau- vrerie, feuvrerie. La Fabrerie (Hér.), la Faurie (Ardèche, Char., Ch le Is., Hte-L., P.-de-D.), la Fauvrerie (Man.), la nas (Sar.), la Fèvrerie (Eure, Man., Orne), la Fèvrie (IL.-et-V., Orne, S.-et-0.) ; Faureilles (Dord.), Faurilles (Dord.). Faber et ses formes provençales fabre, favre, faure, et vieilles françaises febvre, fèvre, remplacent souvent fabra- ria et ses formes néo-latines. , Les Fabres (Ardèche, Gard), Faures (Ar., D.-S., Dord., Gir., Lot), le Faure (Cor., Dord.), les Faures (Dord., Drô., Is. ns L.-et-G., Tar.), Febvres (Eure), Fèvres (Jura), le me (Cal.),les Fèvres (Doubs) ; —- 233 — Fabras (Ardèche, Drô.), le Faurat (Dord.) ; Confavreux (1) (Aisne), Confèvron (2) (Hte-M.), Courfèvres (Suis.). Le mot fabrica, qui vient également de faber, s’est dit d’a- bord de tout travail d’une matière, métallurgie, fabrication, confection, façon, main-d'œuvre, construction, structure. On trouve le mot, en ces différents sens, dans Cicéron, dans Pline, comme dans Saint-Jérôme, dans Isidore, dans Arnobe, dans Prudence. Lucrèce et Vitruve l’appliquent aussi à l'art de bâtir, et Cicéron à la peinture et à l'architecture. Enfin, il prend la signification d'atelier, de fabrique, de forge, de ma- nufacture, avec Térence, Pline, Végèce. Sidoine Apollinaire, Cassiodore, Isidore donnent le nom de fabrica à tout bâti- ment et édifice ; mais 1l est devenu spécial, dans la suite, aux usines où l’on transforme la fonte de fer en métal, c’est-à- dire aux forges. En passant du latin au roman, fabrica a pris bien des formes. [Il est devenu fabriga, fabrègues, fabrèque, et farga, fargue, forgue, en provençal ; fargu, en catalan ; fraga et forja, en espagnol ; forgiu en italien ; fraga, en portugais ; faverge, farge, forge, en vieux français (3). Fabrèges (4) (Hér.), Fabrèques (Var), Fargues (Gir., Lan., Lot, L.-et-G.), Forgues (Hte-G.), Faverges (Hte-Sav., Is.), Farges (Ain, Cher, S.-et-L.), les Farges (Dord), Forges (Ch.- Inf., Cor., [-et-V., M.-et-L., Meuse, Orne (5), S.-et-M., S.- et-O., S.-Inf.), la Forge (Vos.), les Forges (Cr., D.-S., M.-et- LB Vos.).(6). Forgevieille (Cr.). Factura, fabrique, qui a produit le provençal faitura, l’es- pagnol hechura, litalien fattura, le portugais factura, et le : (1) Curtisfabrorum, 855. — (2) Id. — (3) On lira avec intérêt l'histoire de ces transformations dans la Formation française des Noms de Lieu, de QUICHERAT, et les Entretiens sur la Phonétique. de CocHERIS. — (4) Fabricas, 1057. — (5) Fabricæ, 1286. — (6) Par extension, la Faurie (Corrèze) vient de Fabrica, 993. 16 — 9234 — vieux français faiture, n’est représenté en France que par : Factures (Gir.). Le latin ferraria, mine de fer (César) est devenu : le pro- vençal ferreire, ferrère ; l'espagnol et l'italien ferrera ; le portugais ferreira ; le vieux français ferrière. Ferrères (Htes-P.), Ferrières (AI, Ar., Ch.-Inf., Doubs, Eure, Hte-M., Hte-S., Hte-Sav., Hér., [.-et-L., Loiret, Man. Meur., Nd, Oise, Orne, S.-et-M., S.-Inf., Som., Tarn, Yon. ()), la Ferrière (Cal., C.-du-N., D.-S., Doubs (2), Hte- S., [.-et-L., Is., M.-et-L., Orne, Ven., Vien.). Figulina ou figlina, poterie de terre, atelier de poterie de terre (Pline), et figlinum (Vitruve), qui a le même sens, pro- viennent d’un radical fig qu’on trouve dans fingere, former, façonner, mouler (Cicéron). Ils ont été rendus, en proven- çal, en espagnol et enitalien, par figulina ; en vieux fran- çais, par féline. Félines (Ardèche, Aude, Drô., Hte- L. MCE 6 )), la Féline (AL). Filaria, flature de chanvre ou de lin, est resté dans le vieux français fillière. ï Filières (Mos.), Felleries (Nd). Foderia, mine, minière, a remplacé fodina dans la basse latinité ; l’un et l’autre viennent de fodere, creuser (César, Cicéron), extraire de la terre [Tite Live). Foderia à donné au provençal fozière. Fozières (4) (Hér.). Le bas-latin formaria, qui signifiait atelier monétaire, du latin forma, figure, image (Cicéron), empreinte (Sénèque), se retrouve dans : : Formeries (Oise). Fullonium et fullo, foulerie, Micher de foulon (Plaute, (1) Ferrariæ, en 630. — (2) Ferraria, 792, la Ferrière-sous-Jougne. — (3) Figlina villa, 899. — (4) Foderias, 987. — 935 — Pline, Ammien Marcellin), ont été rendus par fouloin et fou- lon en vieux français. Foulon abonde comme lieu dit. Foulain, anc. Fouloin (1) (Hte-M.). Il y a aussi foule qui vient du bas-latin fulla qu’on retrouve dans l'espagnol folla, l'italien folla, fola, le portugais fulu. Fulla et fullo viennent d’un radical latin full, qui a le sens de soutien, d'appui. Furnus, four (Pline), est devenu le provençal forn, l’espa- gnol forno, horno, l'italien forno, et le vieux français forne, furne, fourne, four, for. Fournes (Aude, Nd.), Furnes (Belg.), Fours (B.-A., Eure, Gir., Is., Niè.(2)), Fors (D.-S.), Fourgs (Doubs), les Fourgs (3) (Doubs) ; Fourneaux (Cal., Loire, Man., Yon.), Fournels (Loz.), Four- nets (Doubs), le Fournet (Cal.), Fournois (P.-de-D.). Fournols (Can., P.-de-D.), Forcalquier () (B.-A.), Fourbanne (Doubs), Fourcatier (5) (Doubs), Fourchambault (Niè.), Fourmandin (6) (Yon.), Fourneville (Cal.), Fournival (Oise) ; Fornex {Ar.) est un fornax, fournaise (Cicéron). Fort-du-Plasne (Jura) s’est appelé Four-du-Plasne. - Hullaria, houillère, mine de houille ou charbon de terre, vient du bas-latin hulla, qu’on trouve dans des textes de la fin du xre siècle. ÆHulla à pour origine le gothique hull ou holl, qui signifie creux, noir. La Houillère et les Houillères, noms de hameaux assez ré- pandus. Metallum, mine, minière de métaux (Virgile, Pline, Ho- race), métal (Horace), minéral (Apulée), a donné au bas- latin medalea, monnaie, atelier monétaire, qui a été rendu : en provençal, par méalhe, méuille ; en espagnol, par medalla ; en italien, par medaglia ; en portugais, par mealha ; en vieux français par méalle, melle et maille. _ (4) Fullonium, au x1r° siècle. — (2) Furnis, 1261. — (3) Furna picea, 1126. — (4) Furnus calcarius. — (5) Id.— (6) Four-Nauldin, 1520. — 236 — Méailles (B.-A.), Melles (D.-S. (1), Hte-G., E.-et-V ), Méalet (Can.) (2 Miniaria, mine de minium, de vermillon, dans Pline, s’est généralisé à tous les minéraux. Le mot est devenu : menera, meniera, en provençal; mineira, en portugais ; ménière, menière, en vieux français. La Minière (S.-et-0.), les Minières (Eure). Mola, meule de moulin (Cicéron), moulin (Pline) a con- servé cette dernière acception au moyen-âge. Le latin mola, comme le grec mulë, provient d’un radical sanscrit mal, broyer. Il est devenu mola, en provençal et enitalien ; mola, muela, en espagnol ; mole, moule, muele, meule, en vieux français. La Mole (3) (Var), Moules (Hér:.), Moules (Cal.) ; Molas (Hie.-G.), Molay (Hte-S. (4), Jura 6j), le Molay (Cal.), Moloy (CG -d’Or), Moulay (May.), Melay (Cal., E.-eit-L., Hte- M., L.-et-Ch., M.-et-L., May., S.-et-L.), Molèdes (Can. (6)). Trois mots latins, molendinum, molinum (saxum), et mo- lina (petra), peuvent rendre compte de moulin ; les auteurs de la basse latinité y ont ajouté molinus, qui est le véritable père du mot. Molinus a donné : le provençal molin, moli ; le catalan moli ; l'espagnol et litalien molino ; le portugais moinho : le vieux français molin, melin, meulin. Melins (7; (Hte-S.), Moulins (S.-et-L.), Moulins (Aisne, Al., Cher, D.-S., Eure, [.-et-V., Indre, Jura, Meuse, Mos., Niè.(8), Nd., Oise, Orne, Sar., Yon.), Molines ®) (Htes-A.), Moulines (Cal., Man.) ; Moulineaux (S.-[nf.), les Moulineaux (Seine), Moulinets (A.-M., L.-et-G.), le Moulinet (Loiret), le Molinet (Al.), Mo- linons on ), Molinots (C.-d’Or.); (4) Métalla, in Itin. Ant. — (2) Médailles ou Madailles (Aude) est un Metallanum ; il est Medallanum en 782. — (3) Mola, au x siècle. — (4) Id., 1438. — (5) Molar, 1154 et 1165: Moolers, 1181. — (6) Molay, de l'Yonne, est Modelagius, en 859. — (7) En 1197. — (8) Molendinis, 1161, Moulins-Engilbert. — (9) Molinarium, 739, Molines-en-Queyras. - | 3 — 937 — Melincourts (Hte-S.), Molinchart (Aïsne), Molineufs (L.- et-Ch.). Molines et Moulines ne sont pas des formes féminines, mais bien des traductions plus directes de molinus. Il en est de même du déterminatif d'Echenoz-las-Melines (1) (Hte-S.). Olearia, huilerie, est représenté par : Ollières (Meuse) On retrouve piscatorium, réservoir, vivier à poissons, dans : Pescadoires (Lot), Peschadoires (P.-de-D.). Piscina, vivier, réservoir à poissons (Cicéron), abreuvoir (Columelle, grande baignoire (Pline), piscine (Sénèque, saint Jérôme, est dans Pézènes (Hér. (2))}, Pezens (Aude;. Pisnavaches (Doubs) est appelé Piscina vaccæ ou vaccu- rum, dans des titres très anciens. Le bas-latin quadraria, carrière, a donné: le provençal carreire, carrère, et queyreire, queyrère, queyrière ; le ca- talan quadrere ; l'espagnol cuadrera ; l'italien quadreria ; le vieux français quarrière, charrière, carrière. Carrères (B.-P.), Carrières ({S.-et-O.), la Carrière (Av., Lot), les Carrières (Oise), la Charrière (Is.), les Charrières (Cr.), Queyrières (Htes-A., Hte-L.). Queyras (Htes-A.), qui est un quadratis, a, à peu de chose près, la signification de carrière : lieu où l’on trouve de la pierre de taille. Le mot étuve, thermes, bains, vient de l’ancien haut-alle- mand stupa, qui a donné le bas-latin stuba, le provençal es- tuba, estuva, l'espagnol estufu, l'italien stufa,le moyen haut- allemand stobe, l'allemand moderne stube, l'anglais stove, le vieux français estuve, estuf, estupe. Etupes, anc. Estupes (Doubs), Etufs, anc. Estufs (Hte-M.), Etuz. anc. Estuz (Hte-S.); Etobon, anc. Estobon (3) (Hte-S.), Etouvans, anc. Estou- (1) On troute aussi E.-las-Meulins. — (2) Piscinæ, dans Pline. — (8) Stuben. — 9238 — vans (Doubs), Etouvelles, anc. Estouvelles (1) (Aisne), Etouvy, anc. Estouvy (Cal.), Etouy, anc. Estouy (Oise), Estouy (Loi- ret) ; : Etoupefours, anc. Estoupefours (Cal.), Etueffonts, anc. Estueffonts (Ht-Rh.). Thermæ, thermes, étuves, bains (Martial, Saint-Paulin de Nole), n’a été retenu, comme nom delieu, que par une seule localité de France : Les Thermes (Htes-P.). Vivarium, parc à gibier, garenne (Pline, Aulu Gelle), vi- vier (Juvénal, Horace, Sénèque) a été rendu : en provençal : par viureire, vieureire ; en catalan, par viurere ; en espa- gnol, par vivero ; en italien, par viverio ; en allemand, par weiger, weyer ; en vieux français par vivier, vivre. Viviers (Aisne, Ardèche, Arden., Aube, [.-et-V., May. Meur., Mos., P.-0., Tarn, Vos., Yon.), le Vivier (Sav.), Vi- vières (Aisne), Viviès (Ar.), Viviez (Av.), Weyer (B.-Rh., Ht-Rh.) (2); à Weversheim (B.-Rh }, Wigersheim (B.-Rh.). Vitraria, verrerie, est de basse latinité, bien qu’on trouve vitrarius, verrier, dans Sénèque. On peut admettre que le mot est le féminin, pris substantivement, de vitrarius, ou qu’il sous-entend officina. Vitraria a produit : le provençal veireire, veirère ; l'espagnol vidriera ; l'italien vitraria, et le vieux français vairrière, voirrière, verriére. Verrières (Arden., Aube, Av., Char., Doubs, Mar., Orne, S.-et-L., S.-et-0. (3), Vien.) ; la Verrière (Doubs, Oise, S.-et- O.); les Verrières (Doubs, Suis.}). 7° Communications Les communications ont été facilitées, dans l’antiquité et (1) Stovella, 1131.— (2) Vivarius peregrinorum, 728, Weiger, Wiger, Weyer, près de Murbach.— (3) Vedrariæ, 815. — 939 — au moyen-âge, par un certain nombre de voies et moyens, qui ont laissé des souvenirs dans l’onamastique locale, d’au- tant plus que nombre d’entre eux existent encore. C’étaient : les addirectum, les arcus et archia, les barca, les briva, les calciata, les caminus, les compendium, les divexia, les en- tum, les furtum, les millarium, les mutatio, les navts, les passus, les pertusus, les pila, les planca, les pons, les por- tus, les quadrivium, les ritum, les roda, les rua, les scala, les semila, les strata, les tractus, les tranca, les transus, les trivium, les vadum, les via. L’addirectum était la traverse, le chemin direct, le chemin qui mène où l’on veut, comme dit Littré. Le mot, fait du participe passé de dirigere, précédé. de la préposition ad, a donné naissance : au provençal adreit, adreg,adrech,adret ; au catalan adret ; à l’espagnol aderecho ; au portugais ade- reito ; à l'italien addiretto, addritto ; au vieux français adrait, adroit, adret. Les Adrets ([s.). Addirectum a donné surtout des lieux dits; dans le seul département des Hautes-Alpes, onze écarts s'appellent l’A- drech, dix-sept l’Adroit, cinq les Adrets ; le Doubs possède une ferme des Adrets, une ferme des Adroits, et trois fermes de l’Adroit. Arcus, qui appartient à la haute latinité, et archa, qui est de la basse, ont signifié arche de pont et, par extension, pont, quelquefois aqueduc, un aqueduc de maçonnerie sup- porté par des arches. Arcus à été traduit : en provençal, par arc; en espagnol et en italien, par arco ; en vieux français par ar, are. Quelques-uns de nos Arc viennent bien certainement d’ar- cus. Arceaux (Côte-d'Or), Arcier (Doubs, et Arcueil (Seine) en sont des dérivés. Ces deux derniers lieux ont pris leurs noms d’aquedues romains, ainsi que les Arcs (Var). Archa, archia, a donné : le provençal archa, arqua ; l’es- pagnol et l'italien arca ; le vieux français arche. — 240 — Arches (Can., Vos.), l'Arche (B.-A.), Arques (Aude, Av.), les Arques (Lot), Archail (B.-A.). Burca, bâteau plat, bac, qui se trouve déjà dans Isidore, est devenu le bas-latin barga, le provençal barca, barja, Vi- italien bargia, l'espagnol et litalien barca, le vieux français barge. Le mot vient du celtique: il y a bark dans le bas-bre- ton, barc dans le gaélique et bark dans l’anglais. Barcqs (Eure), Barges (C.-d’Or (1)), Hte-S., Loire). Briva, pont, est d’origine celtique. Il est devenu bridge, en anglais, bruck en allemand, et broucq ou broeucq en fla- mand (2), par l'intermédiaire du fréquentatif brivitica, qui a existé, puisqu'il a servi à nommer Beuvrages (Nd). Briva a été rendu en vieux français par brive, brève. Brèves (Niè.), Brives (Ch.-Inf., Cor., Hte-L.., Indre). Brives-la-Gaillarde (Cor.) est le Briva Curetia, pont de la Corrèze, où Gondebaud fut proclamé roi d'Aquitaine (3). Bri- ves, de l’Indre, est le Briva vicus des monnaies mérovin- giennes. Une viguerie, la Vicaria Brivensis, en a tiré son nom à l’époque carolingienne (4). Amiens s’est appelé Samarobriva, pont de la Somme, et Pontoise, {sarobriva, pont de l’Oise. On trouve encore briva dans Brivodurum, aujourd’hui Briare (Loiret), et dans les brivaie, brivatis, ou brivates. Le brivate, brivatis ou brivates, était le lieu où se trouvait un pont ou briva. Brioudes (Hte-L.) était le Brivate qui a donné son nom au Brivadois, l’Ager Brivatensis (5). Brest (Fin.) et Brivain, près de Nantes (L.-Inf.), ont été, l’un et l’autre, Brivates portus. Brives-la-Gaillarde est nie ques quefois Brivus ou Brivatis. Calciata (sous-entendu via) a été traduit : en provençal, par caussada, caussade,;chaussade ; én espagnol, par calza- (1) Bargas, 775. — (2) Broukerque et Hazebrouck (Nord), Dennebroeucq (Pas-de-Calais). — (3) In Greg. Tur.— (4) Voy. D. BouQuer, t. IX, p. 743. — (5) Brioudes est Brivas dans Grég. de Tours, et Brivate en 825. , 4 re De — 911 — da ; en portugais, par calcada ; en vieux français, par cau- chie, chauchie, chauchée, chaussée. Diez le tire de calx, chaux : chemin fait à la chaux; mais la chaussée est surtout une levée de terre, calcaire ou non. Aussi vaut il mieux prendre comme étymologie le féminin de calciatus, foulé, participe passé de calciare, fréquentatif de calcare, qu’on trouve dans le bas-latin (1) : la chaussée serait la terre foulée, pressée. Caussades (Hte-P., T.-et-G.), la Chaussade (Cr.), la Chaus- sée (E.-et-L., L.-et-Ch., Mar., Meuse, Oise, S.-Inf., Som., Vien.), Cauchies (P.-de-C.), la Cauchie (P.-de-C ), Chau- chées (Ven.). Le mot caminus, qui a signifié foyer (Cicéron, Horace, Suétone) dans la haute latinité, a pris de bonne heure le sens de chemin, parce que le chemin, comme le foyer, a été pri mitivement la terre battue. On trouve déjà caminata, avec le sens de cheminée, marche, route, dans un texte de 584. D'autre part, le bas-latin caminus a servi plus particulière- ment à désigner les voies romaines, prototypes de nos voies modernes. « Au delà de Pontoux, dit d’Anville, qui est le Pons Dubis de la Table (théodosienne), la trace de la voie (de Lugdunum au Rhin) est bien connue et passe par des lieux qui en tirent le nom qu'ils portent, Chemin et Beau- chemin (2), » Littré préfère voir dans caminus, chemin, l'ha- billement latin du kymri camen, de cam, pas, qui a la même signification. C'est très séduisant ; mais il reste à savoir si camen ne serait pas lui-même la traduction de caminus. Quoi qu'il en soit, nous devons à caminus : le provençal ca- min, cam; l'espagnol camino ; le portugais caminho ; l'italien cammino ; le vieux français quemin, chemin. ouin (Ardèche, Jura), le Chemin (C.-d’Or, Mar.), Che- mine (Nd.) ; _ Cheminas (Ardèche), Cheminel (Meuse à (1) Voy. DucANGE. — (2) Notice des Gaules, p. 255. — 249 — Cheminon (Mar.), Cheminot (Mos.), Chemenot (Jura) ; Beauchemin (Hte.-M., Jura). On trouve compendium viae, abrégé de route, dans Pline, et compendium tout court dans Ovide, dans Tacite et dans Pline lui-même (1), avec le sens de chemin le plus court. Jus- tin lui donne celui de chemin de traverse. Compiègne (Oise) s’est appelé Compendium (21, Divexia, carrefour, croisement de route, est une expression de basse latinité de date assez ancienne, puisque divexus, croisé, se lit déjà dans Saint-Augustin. Nous lui devons les noms suivants : Devèzes (Htes-P.), la Devèze (Gers) ; Devezet (Ardèche). Le mot entum, que l’on retrouve dans le nom d’un grand nombre de localités, paraît avoir signifié chemin. Il est d’o- rigine celtique : on trouve sa forme primitive, hent, dans le bas-breton. Les lieux dits, comme Hentahès, Hentconan, Henterbé, le Hento, sont très répandus dans la Basse-Bre- tagne. Par extension de son sens premier, entum a pris celui de pays, de territoire. Entuin a été rendu par ent, ant, an, quelquefois, mais ex- ceptionnellement, par ans et on. Lent, pour l’Ent (Ain, Jura), Lento, pour l’Ento (Corse); Arbent (Ain), Aurent (B.-A.), Bavent, (Cal.), Behent (Som.), Beussent (P.-de-C.) Chamant (Oise), Corent (P.-de-D.), Cra- vant (Ch.-Inf., I.-et-L., Loiret), Cravent (S.-et-O.), Crevant (Indre, P.-de-D.), Crozant (Cr.), Diant (S.-et-M.), Drevant () (Cher), Herment (P.-de-D.), Hubersent (P. de-C.), Inxent (P.-de-C.), Luant (Indre), Marant (P.-de-C.), Mervent (Ven.), Meulan (4) (S.-et-0.), Mormant (Loiret, S.-et-M.), Nepvant (Meuse), Nohament (P.-de-D.), Noidant (5) (C.-d’Or, Hte-M.), (1) Compendium ad honores, voie plus courte pour arriver aux hon- neurs. — (2) Compendium villa, dans Grég. de Tours. — (4) Derventum pour Dervo entum, chemin de la forêt. — (4) Mellentum. — (5) Noden- tum. | — 943 — Noidans (Hte-S.), Nogent (1) {Aisne (2), Aube, C.-d’Or., Eure, E.et-L., Hte-M., Loiret, Mar., Oise, Sar., Seine), Nohant 6) (Cher, Indre), Nouant (Cher, LC: Nouhant (Creuse), Novéani (Mos.), Noviant (Meur.), Noyant (Aisne, Al., [L.-et-L., M.-et-L.), Nouvion (4) (Aïsne), Parent (P.-de-D.) Rinxent (P.-de-C.). Sommant ($S.-et-L.), Talant (C.-d'Or }, Tollent (P--de-C.), Vallant (D.-S.), Volvent (Drô.), Vouvent (Ven.). Les Novientum paraissent avoir été très nombreux. Outre les vingt-cinq que nous venons de citer, nous pouvons en citer deux qui ont perdu leur nom; ce sont Ebermünster (B.-Rh.) et Saint-Cloud (S.-et-0.). Fortum, furtum, gué, est d’origine germanique. Il a été rendu : en allemand, par furt; en flamand, par woord, et en vieux-français par fort, fourt. Francfort (©) (Allem.), Illfurt (Ht-Rh.), Steenwoorde (Nd). Il y a quelques localités de France qui ont emprunté leur nom à des milliarium, colonnes ou bornes miliaires, qui marquaient, sur les voies romaines, les milles ou distances de mille pas géométriques (Cicéron). On disait aussi mil- liare.. Le deux mots sont devenus : en provençal, miliari; en vieux français, milliaire, millière, millier. Millières (Hte-M., Man.), le Millier (Doubs), le Millarié (Tarn), Millery (C.-d'Or, Meur., Rh.). Des mutatio ou relais de poste romains ont donné leur nom à Mudaisons (6) (Hér.), à Muisons (7) (Mar.) et à Mous- tajon (8) (Hte-G.). Nawvis a eu le sens de bac. Il a subi, en passant aux langues romanes, les transformations suivantes : nau, en provençal ; (1) Novientum, Novigentum. — (2) N., en 829. — (3) Novientum. — (4) N._’Abbesse est Novigentum au x11° siècle; N.-le-Comte, Noviant en 986, Novigentum Comitis en 1139; N.-le-Vineux, Novihant au xe siècle. — (5) Francorumfortum, 794. — (6) Locus de Mulationibus, en 1004. — (7) Mutationes, v. 850, dans le Polyptique de saint Remy de Reims. — (8) Mutaciones, 680. — 244 — nave, en espagnol et en italien; nao, en portugais; nave, naîve, naîfve, nuif, nef, en vieux français. Nau (B.-P.), Naves (AL, Ardèche, Cor., Hte-Sav., Nd, Sav.), Naives (Meuse); Naucelles (Av., Can.), Naveils (L.-et-Ch.), le Navois (Jura), : Nevoy (Loiret). Entre les différentes acceptions du latin passus, il en est une qu'ont conservé le provençal pas, l'espagnol paso, l’ita- lien pusso, l'anglais path, le vieux français et le français mo- derne pas, c’est celle de défilé, de passage étroit et difficile dans une vallée, dans une montagne, de « détroit de mon- tagne », comme dit Vaugelas. On dit : le pas des Thermo- pyles, le pas de Suse. Passage, dont nous avons dû nous ser- vir pour définir pas en est un fréquentatif, passaticus. Pas (B.-du-Rh., D.-S., P.-de-C.), le Pas (Aisne, May., Nd, Orne), les Pas (Man.); Le Passage (Is., L.-et-G.), Passais (Orne), Passels (Oise), Passins (Aïn, Is.); Passavant (Doubs, Hite-S., M.-et-L., Mar.), Passeyriers (Hte-Sav.), Passenans (Jura): Bompas (Ar.), Espas (Gers), Frampas (Hte-M.), Malpas (Doubs), Maupas (Aube, Gers), Maurepas (S -et-0.. Som.). Pertusus, participe passé de pertundere, percer, à été pris substantivement dans un sens analogue à celui de passus. Un pertuis, en géographie, est un détroit resserré entre une île et la terre ferme, ou entre deux îles; dans le Jura, c’est un passage d’un versant à un autre, ce qu'on appelle ailleurs un col. Le mot a donné : au provençal, pertus, pertuis; à l’italien, pertuso, pertugio; au vieux français, pertus, per- Luis, porluis, porlus, partus, partuis. Pertuis (Vau.), le Pertuis (Hte-L.), le Pertus (P.-0.) ; Bompertuis (Is.), Maupertuis (Man., S.-et-M.), Maupertus (Man.), Pierrepertuis (Suis.). La pila, pile, était une assise de pierre, môle, digue, jetée, ou culée de pont (Virgile, Vitruve), un pilier, un pilastre, une — 245 — pile (Columelle). Pila est devenu pile, en provençal et en vieux-français, est resté pila, en espagnol et en italien. Pila (Corse), la Pile (Eure, Jura). Planca, planche, ais, qu’on trouve dans Palladius, est le féminin de l’adjectif plancus, plat, employé comme substantif, Pline donne à plancus le sens de pied plat. Planca a donné : au provençal, planca, plancha, planqua ; au catalan planxa, palanca ; à l’espagnol, plancha ; à l'italien pianca ; au vieux français planque, planche. En topographie, planche signifie pont de bois. Planches (Orne), la Planche (L.-Inf.), les Planches (Eure, Jura), Planques (Nd., P.-de-C.), la Planque (Av.); Planchers (Hte-S., Niè.). Pons, pont, est devenu: en provençal, pons, pont, pon ; en espagnol, puente; en italien, ponte; en vieux français, pons, pont. Pons (Ch.-Inf.), Ponts (C.-d’Or, Man., S.-Inf.), Ponceaux (E.-et-L.), le Ponchaux (1) (Aisne), le Ponchel (P.-de-C,), Ponteils (Gard), le Pontet (Sav.), les Pontets (Doubs), Pontis (B.-A.), Pontoiles (Som.), Pontoux (S.-et-L.), Pontoy (Mos.) Poncey (Hte-S.) (2); Pontacqs (B.-P.), Pontaillers (3) (G.-d’Or), Pontaise (Drô.), Pontarliers (4) (Doubs), Pontarmé (Oise), Pontault (5) (S.-et- Marne), Pontécoulant (Cal.), Pontevès (Var), le Ponthoux (Fin.), Pontivy (6) (Mor.), Pontoise (7) (Oise, S.-et-0.), Pontoux (Lan.1, Pontorson (8) (Man.), Pontours (Dord.), Pontpoint _ (Oise), Pontrieux (9) (C.-du-Nord), Pontru (Aisne), Pom- paires (D.-S.), Pompertuzat (Hte-G.), Pompidoux (Loz.), Pompierre (Doubs, Vos.), Pomport (Dord.), Ponsampère (10) (Gers), Pondourat. (Gir.), Ponchapt (Dord.), Pontgouim (11) (E.-et-L.) ; (1) Poncelli, 1145. — (2) Ponticellus. — (3) Pontiliacus. — (4) Pons Arliæ, en 593. — (5) Pons altus, en 1115. — (6) Pons Ivi, vr° siècle. — (7) Pons Isaræ, anc. Isarobriva. — (8) Pons Ursionis, au 1x° siècle. — (9) Pont-du-Trieux.— (10) Pont-Saint-Pierre. — (11) Pons Godonis, 1099. — 246 — Annepont (Ch.-Inf.), Beaupont (Ain), Breuilpont (Eure), Carlepont (Oise), Charpont (1) (E.-et-L.), Etréaupont (Aisne), Herpont (Mar.), Longpont (Aisne, S.-et-Oise), Monpont (Dord.), Montpont (S.-et-L.), Nampont (Som.). Nouillonpont (Meuse), Outrepont (Mar.) Paimpont (I.-et-V.) Pierrepont (Aisne, Cal., Mos., Som,, Vos. (2), Radepont (Eure), Ro- lampont () (Hte.-M.), Rompont (Ard.), Vieuxpont (Cal., Orne). Portus,« port sur la côte de mer ou sur une rivière, ou en- core passage d’un pays à un autre (4) », a été rendu : en pro- vençal et en vieux français, par port; en espagnol, par puerte ;en italien, par porto. | Port (Ain, I.-et-L.), le Port (Ar.), Porto (Corse) ; Portail (Man.), Portel (Aude), le Portel (P.-de-C.), Portet (B.-P., Gir., Hte-G.), Portieux (5) (Vos.). Portus, dans le sens de passage d’un pays à un autre, est souvent remplacé par porta, porte. Porta (P.-0.), la Porta (Corse), Porte (Ar., Drô., Eure, Gard), les Portes (Ch.-Inf., Doubs). Quadrivium, carrefour où aboutissent quatre chemins ou croisement de deux chemins, carrefour en général ; de quadri, qui a le même radical que quatuor, quatre, et de via, che- min, se trouve dans Catulle et dans Juvénal. Ce mot s’est dé- figuré de si singulière façon, dans la suite des temps, qu'il a fini par aboutir à carrubium, quarrubium, et même karru- bium, en basse latinité. Carrubium a été traduit, en vieux français, par carrouge, quarouge, carouge. Carrouges (Orne, Suis. (6)), le Carrouge (Ain, Eure, Jura, Loiret, Man , Orne, S.-et-L., S.-Inf., S.-et-0°), Garruges (S.-et-L } (7). (1) Sonteri pons, en 815. — (2) Petreus pons, dans Grég. de Tours. — (3) Radelonis pons, en 834. — (4) QuiICHERAT, loc. cil. — (5) Porticiolo, en 1178. — (6) Quadruvium villa, in Greg. Tur.; Carrouges, près de Genève. — (7) Les deux Carouge de Suisse, celui de la Haute-Savoie et ra — 9247 — Quaroubles (Nd), qu’on devrait écrire Quaroubes, est un carrubium. Ritum, gué, est un mot d’origine celtique, qu'on ne trouve plus que sous son habillement latin et à l’état de composé. Les ritum de France sont deux : Anderitum, celui de la Notice de l’Empire, qui serait un des deux Antérieux, celui du Cantal ou celui du Puy-de-Dôme, et Javols ou Javoulx () (Loz.), emplacement de l’antique Guballi ; Augustoritum (2), qui est Limoges (Hte-V.), et Darioritum (), qui est Vannes (Mor.). Walckenaer et Desjardins ne veulent qu'un Anderitum qu’ils placent à Antérieux (Can.), où les vestiges anciens abondent autant qu’à Javoulx. Adhuc sub judice. Cambridge (Angl.) s’est appelé Camboritum. Le bas-latin ruga, qui est déjà rua dans un texte du 1x° siècle, a donné rua, au provençal, à l’espagnol et au portu- gais, et rue, au vieux français. L’ancienitalien avait conservé ruga. Pour certains étymologistes, le mot ne serait pas autre que le latin ruga, ride, avec le sens de sillon ou de rang. En topographie, la rue est, comme le vicus, une longue voie bordée de maisons. Rues (4) (Som. etc.), la Rue (Oise, S.-Inf.); Ruelles (Char); Longerues!{S.-[nf.), Pierrerues(B.-A., Hér.), Ruaudin (Sar.). Rogues (Gard) paraît venir de ruga. Ruta, route, chemin, voie, en basse latinité vient, ainsi que roda, ruda, rota, du celtique rut, rot, rod, rud, qu’on trouve dans Rotomagus 6), Rouen (S.-Inf.), dont la significa- tion est champ de la route. Rodemack (Mos.), Rodomes tous les le Carouge (celui de l'Orne excepté) s’écrivent avec un seul r; c'est un tort au point de vue étymologique. 3 (1) Anderitum, dans Grég de Tours. — (2) Itin. Anton. — (3) Ptol. — (4) Il y a une soixantaine de communes qui portent ce nom en France. — (5) tin. Anton. — 948 — (Aude), Ruan (1) (E.-et-L.; et Rom (D.-S.), sont d’autres Roto- _ magus. Routes (S.-[nf.), Rotes (Cal.), la Rode (P.-de-D., S.-et-L.) ; Routelles (Doubs), Routiers (Aude), Rotiers (Drô.), la Ro- tière (Aube), Rodelles (Av.), Rouelles(Hte-M., Orne, S.-Inf.), Rudelles (Lot) ; Rodalbes (Meur... Il est impossible d'admettre pour route l’étymologie rupta via acceptée encore par Littré. Les rares exemples de route écrits roupte ne prouvent rien : m’écrit-on pas ru (rivus) rupt, dans tout le nord-est de la France? La scalu, échelle, est un passage dangereux, un col franchi à l’aide d’une ou plusieurs échelles appliquées aux rochers ou de marches taillées dans leur pierre. Scala a été traduit : en provençal et en espagnol, par escala ; en vieux français, par eschiele, eschelle, esquelle, et est resté scala, en italien. Escala (Htes-P.), Escales (Aude, P.-de-C., S.-[nf.), l'Es- cale (B.-A.), l’Echelle (Arden., Mar., S.-et-M., Som.), les Echelles (Doubs, Is.). Echalas (Rh.), Echallat (Char.), Echallon (Aïn), Echalot (G.-d’Or), Echaloux (Orne). La strata était un chemin pavé, une grande route. Primi- tivement, on disait strata via, comme Tite Live, ou strata viarum, comme Lucrèce et Virgile. On ne commence à trou- ver strata, stratæ, qu’assez tard, dans des auteurs comme Eutrope et le poète chrétien Juvencus; encore peut-on sup- poser que le mot n’est que le pluriel neutre strata, pavés, carreaux, que l’on à féminisé et singularisé. Dans Suétone, un dérivé stratura signifie à la fois action de paver, soin de paver, intendance du pavé, des chaussées, et entreprise du pavé. Strata est devenu estrada, estrade, en provençal; es- trada, en espagnol et en portugais; strada, en italien; stras, en allemand ; estraie, estrée, estra, en vieux français. (1) In Greg. Tur. | ji = 00 — Estrades (Lot-et-G.), l'Estrade (Hte-V.), Etray, anc. Estray (Doubs), Etrayes, anc. Estrayes (Meuse), l’Etra, anc. l’Estra (Rh.), Estrées (Aisne, Cal., Nord, Oise, P.-de-C., Som.); Estréelles (P.-de-C.), Etrelles, anc. Estrelles (Aube, Hte-S., …J-et-V.), Etreux, anc. Estreux (Aïsne, Jura), Etrez, anc. Estrez (Ain); Estrabelin (Is.), Etrabonne, ane. Estrabonne (1) (Doubs), Etréaupont (Aisne), Etréham (Cal.), Etréillers (Aïsne), Etré- justs (Som.), Etrun (2) (Nd, P.-de-C.), Strasbourg (3) (B.-Rh.), Strazeele (4) (Nd) ; Cinquétral, anc. Cinquestrats (Jura), Froidestrées (Aisne). Trajectum, passage, gué, a été rendu : en provençal, par tragt; en italien, par tralto; en flamand, par trecht, tricht en vieux français, par tract. Le Trait (Seine-Inf.) ; Maestricht 5) (Hol.), Utrecht (6) (Hol.). Le nom d'Uirecht en latin moderne, Ultrajectum, est de pure fantaisie; il faut chercher Utrecht dans Vetus trajec- tum (7). L’adverbe latin trans. au delà, par delà (Cicéron, Quinti- hen) semble avoir été employé substantivement dans Îles _noms suivants : «Trans (L-et-V., L.-Inf., Mav., Var). _ Trunca (silva), tranche, chemin pratiqué au travers d'une forêt, littéralement forêt tranchée, coupée. Le mot a donné : le provençal, trenca, trencha, trenqua, trinqua : le catalan, trenca ; l'espagnol et le portugais, trinca : l'italien, trincia; le vieux français, trenche, trenque, trainche, lraingue, tringue.. _ La Tranche (Ven.); (1) Strata où Stratæ bona; Strabona, en 1083 et 1115. — (2) Strato- dunum.— (3) Stratæ burgus, vie siècle. — (4) Stratæ cella. — (5) Mosæ _ trajectum où Trajectum ad Mosam. — (6) Ultrajectum ou Trajectum ad Rhenum, Trajectum vetus. — (7) Trajectum Mosæ ou Trajectum inferius est dans Grégoire de Tours. 17 — 950 — Trancaults (Aube), Tranquevilles (Vos.), Le trivium était un carrefour, où aboutissaient trois voies (Cicéron, Tibulle, Virgile, Horace). La déesse Diane, qui présidait aux carrefours et dont la statue les ornait souvent, était surnommée Trivia. Trevé (GC.-du-Nd), Trevev (Hte-L.), Tréviers, pour Trévies (1) (Hér.), Trivy (L.-et-G.) ; Trevols (AÏ.), Trévoux (Ain, C.-du-Nd), le Trévoux (Fin.). Vadum, gué, basse, bas-fond, barre, banc de sable, déjà employé par Salluste, Tite Live, César, Cicéron, Virgile, Ovide, Lucain, à pris, sous l’influence des idiomes germa- niques et celtiques, les formes bas-latines vuadum et gqua- dum, auxquelles nous devons le vieux français vaid, void, vay, VOY, VEY, vez, vou, voué, d’une part, et, guaid, qued, gué, güue, d'autre part; le provençal qua, ga; et litalien quado. T'espagnol vado et le portugais véo sont plus fidèles à la forme latine et classique. se Void (2) (Meus.), le Void ou Voide (M.-et-L.), Vay (L.-Inf.), le Vey (Cal.), Vez Oise), le Vez (Aisne), le Wez (Nd), Vou ([.-et-L.), Voué G) (Aube), Vouhé (Ch.-Inf., D.-S.), le Gué (Arden., Ch.-Inf., E.-et-L., M.-et-L.), Güe (Meuse), le Gua (Ch.-Inf., Dord., Es.); Vadimonts (Arden.), Voipreux (4 (Marn.), Vouarce (Aube), Vouécourts (Hte-M.), Gudmont (Hte-M.), Guébriant (1.- Inf.), Guégon (Mor.), Guhébert (Man.), Guéhenno (Mor.), Guémené (L.-Inf.), Guérande {L.-[nf£.) ; Auboué(Mos.), Boué (Aisne), Benivay (Drô.), Consenvoye, anc. Consenvé (6) (Meuse), Doué (6) (M.-et-L.), Hémevez (Man.), Landunvez (Fin.), Longuey (7) (Hte-M ), Longvé (Arden.) Manhoué, anc. Manvey (Meur.), Maran vez (Arden.}, Mersuay (Hte-S.), Michaugüe (Niè.), Regnovez (Arden.), (1) Tres viæ, 1280. — (2) Vadum, 1011. — (3) Gued, au xrr1° siècle. — (4) Vadum petrosum, 1186. — (5) Consanvuadum, 973. — (6) Theotva- dum, 835. — (7) Longum vadum, 1102. — 9251 Renauvoid (Vos.), Renvez (Arden.), Ternuay (Hte-S.), Thérvay (Jura), Vironvay (Eure). Vadum joue le rôle de déterminatif dans Autrey-le-Vay (Hte-S.), dans Pont-le-Voy (L.-et-Ch.), et dans Vendin-le- Vieil, anc. Vendin-le-Vez (P.-de-C.). La prononciation à fait de Voy-le-Comte (Hte-M.) et de Voy-le-Mont (Mar.), Voillecomte et Voillemont. La forme primitive de via, voie, chemin, route, rue, a été veha, qu'on trouve dans Varron et qui était resté en usage parmi les gens de la campagne. Veha vient, en droite ligne, du sanscrit vah, porter, auquel le latin doit encore le verbe vehere, porter. trainer, voiturer, vehes, charretée, charge d’une charrette, voie (Columelle), et vehiculum, char, cha- riot, charrette (Cicéron, Suétone, Tite Live, Ulpien). Via est devenu: en provençal via, vie; en espagnol, et en italien via; en vieux français, vuie, veie, vie, voie. La Voye (Meuse), les Vies (Doubs), le Vie (Corse), Aube- voies (Eure), Belvoyes (Jura), Biviers, pour Bivies (Es.),. Courbevoies (Seine), Cortevaies (S.-et-L.), Louvois (1) pour Louvoie (Mar.), Malvies (Aude), Millevoyes (Som.), Prouvais pour Prouvaies (2) {[Aïsne), Survies (Orne), Tréviers, pour Prévies (3) (Hér.). CONCLUSION Arrivé au terme d’une étude, qui nous à coûté plusieurs années de travail et des recherches considérables, nous nous demandons si nous avons bien atteint le but que nous nous étions proposé, et si nous avons fait une œuvre utile à l’ono- mastique locale. Peut-être bien n'est-ce point à nous de ré- pondre à cette question, ou devons-nous attendre, pour le faire, l'impression que ce travail aura fait sur les personnes compétentes. (1) Lupi via, 850. — (2) Petrosa via. — (3) Tres viæ, 1280. — 252 — Quel que puisse être le jugement qui sera porté sur notre œuvre, nous pouvons affirmer qu’il ne saurait enlever rien à la satisfaction que nous avons eue de l’accomplir. Notre meil- leure récompense sera de voir cette satisfaction partagée par les érudits dont nous désirons les suffrages, et nous en avons l'espérance. Comment ne s’intéresseraient-1ls pas à ces noms de lieu qui « forment, dit Quicherat (1), la plus riche des nomenclatures qui se rattachent à la langue usuelle », à ces innombrables dénominations qui sont réunies dans les dic- tionnaires des postes des états romans, et auxquelles on peut joindre une grande partie de celles que fournirait le dépouil- lement des cadastres ? On ne peut le croire, surtout lorsqu'on pense à l'intérêt historique que présente cet immense voca- bulaire, qui est l’œuvre de tous, qui « s’est formé à la longue et au hasard des circonstances (2) », depuis le jour où l’ouest et le sud de l’Europe ont commencé à être habités, et qui est l’œuvre de tous les peuples qui les ont successivement oc- cupés ! Mais on ne peut savoir à l'avance le sort qui est réservé à un livre : Hit habent sua fata libelli. (1) Loc. cit., p. 7. — (2) In., ibid. — 953 — TABLE DES MATIÈRES Année 1897, t. II Pages NRRODICMONPRAL EDR. ie Loc le ie Pa Ne ol PANGnsS d'origine naturelle. , . 4, . + + 5. 1 1, es oa) RÉ RERANTÉS Se ANA il ei. à de à 00) RO DOOAIDIE Me ue en de aie an dou ce rene ie. 948 Année 1898, t. [II DHAUner Te ui : Me ne ne er de ‘ 108 OS MORE 4 de denuue men «ee leu D EN UE , 120 HNinéralogie Gb DÉOlODiers El Et URSS Lei, 168 Annéé 1899, t. IV RANGS d'origine religieuse. :, . .... , . .. +: , . , , . ,.. 45 HORS AISNE M ee EN du ir es 15 POS HANISNES 4 Mi Len ii in si 17 HHeNomS des la divinité et des Saints... . 1"... . . à Je. 18 Pieux consacrés el édifices religieux . . . . : .. , . …. , 28 III. Noms d’origine ethnique . ..,. , . . . ,. ,.. Ré So UE 10 Suffixes ethniques. + . . , . . . Da Pb ar ai ne TT 0A 20 Influence romaine. . . . . ., D D ne tin ON 3° Réaction gauloise. . , . . . . . A a sde che se te 08 40 Migrations intérieures, . . . . . . . . Pis Ne ee OT D lniluencesdes barbares 44 4 ui 5 4 sen, 71 IV Noms d’origine sociale . . . . : . : . … . dd no ae co OU 12 lniluence de là propriété foncière ,::1. 4 , ., ., .. , : 84 Année 1900, t. V OS HILUIONSS Le net ie, dvi See De TA SoDélenSe rm or ii su de do eu OAI AIO ie. ui ie ia ns su dure 194 SOEUR dd dd de à une + 290 Go Indusirié et eommérce , à. , à... . D à ele 331 A0 CoMMUNICAUONS. 4... 0. 00 Sd . 9231 C'ONCLISTONREEMNENESEN RENNES PU Re unie DD PROTESTATION DE CLAUDE-ÉTIENNE BIGEOT CONTRE LA CONQUÉTE DE LA FRANCHE-COMTÉ (1676) Par M. E. LONGIN Séance du 13 mai 1899 Dans le rapport qu'il a bien voulu consacrer à mon dernier livre (1), M. Antonio Rodriguez Villa a lu plusieurs passages d’une brochure franc-comtoise du xvirt siècle dont aucun bibliophile français ne soupconnait l'existence (2). C’est une bonne fortune pour l’histoire littéraire de notre province que la révélation de cet ouvrage : personne ne le connaissait de ce côté des monts, et il aurait vraisemblablement continué à être ignoré sans les événements qui ont inspiré au savant académicien la pensée d’opposer aux critiques formulées contre la domination espagnole dans l’ancien et le nouveau monde les regrets sincères que celle-ci éveilla longtemps en Franche-Comté (3). La Inocencia y Fidelidad del Franco (1) La dernière campagne du marquis de Conflans [1636-1637]. Besançon, 1898, in-8 de 1x-219 p., avec fac-simile. (2) Cette brochure avait pourtant été mentionnée par dom PAYEN, Biblio- thèque de la Bourgogne séquanoise, p. 253. (Ms. de la bibliothèque de Vesoul.) (3) À. RODRIGUEZ VILLA, El Franco Condado y la ultima campaña del marqués de Conflans, dans le Boletin de la « Real Academia de la Historia, » t. XXXIII, p. 492. — 955 — Condado de Borgoña à los pies de su Magestad : tel est le titre de la brochure en question (1). Avec une obligeance dont je lui suis infiniment reconnaissant, M. Rodriguez Villa m’en _a adressé une copie et c’est ainsi que j'ai pu la traduire. Lorsque cet écrit vit le jour à Madrid, il y avait près de deux ans que les troupes de Louis XIV occupaient le comté de Bourgogne. La conquête de 1674 avait été moins rapide que celle de 1668 (2); les « croquants (3) » avaient causé des pertes sensibles aux envahisseurs; mais, sans liaison entre eux, les coups de main de hardis partisans ne feront jamais que retarder de quelques semaines le dénouement d’une campagne. Immobilisé sur les bords du Rhin par les savantes manœuvres de Turenne, le vieux duc de Lorraine (4) s’était vu dans l'impossibilité de porter secours à la province qui avait jadis nourri sa petite armée ; le génie de Vauban avait eu raison de la défense de Besançon; Dole s'était contenté de tenir du 27 mai au 6 juin ; à Gray, à Baume, à Vesoul, à Salins, à Arbois, à Poligny ei dans les autres villes, les lys de France remplaçaient les lions et les tours de Castille sur (1) La Inocencia y Fidelidad del Franco Condado de Borgoña à los pies de su Magestad, por Don Claudio Estevan Bigeot, consejero de su Magestad en su Parlamento Soberano de Borgoña. — En Madrid, año de 1676 (in-4 de 26 feuillets). (2) Pour la conquête de 1668, cf. Gazette de France des 27 février, 4er et 8 mars 1668 ; Ibid., extraordinaire du 1°" mars 1668 : La prise de la ville de Dole par l’armée du Roy; Œuvres de Louis XIV, t. IL, p. 88; MONTGLAT, Mémoires, t. IV, p. 303 ; SAINT-HILAIRE, Mémoires, t. L, p. 48; PELLISSON, Histoire de Louis XIV, t. 11, p. 253, et t. IIL, p. 1; J. CHIFFLET, Mémoires, dans les Mémoires et documents inédits pour servir à l’histoire de la Franche-Comté, t. V, p. 105 ; DuNop DE CHAR- NAGE, Mémoires pour servir à l’histoire du comté de Bourgogne, p. 685 ; Duc D'AUMALE, Histoire des princes de Condé pendant les XVI et X VIIe siècles, t. VII, p. 254. (3) C’est le nom que les généraux français donnaient aux miliciens franc-comtois. (4) Charles IV, duc de Lorraine et de Bar, fils de François de Lorraine, comte de Vaudémont, et de Christine de Salm. Eu 1636, ce prince avait fait lever aux Français le siège de Dole. _— 256 — les édifices publics ; c'était au nom du roi très chrétien qu’on rendait la justice et tout annonçait que les Français ne comp- taient pas céder une seconde fois la place d'armes dont ils s'étaient saisis. Nombreux étaient cependant les Franc-Comtois qui ne dé- sespéraient pas de replacer leur pays sous le sceptre des princes de la maison d'Autriche. L’archevêque de Besançon (1) avait salué avec empressement le soleil levant (2), mais son exemple n’entrainait pas l’adhésion unanime de son clergé, habitué à regarder le roi catholique comme le véritable dé- fenseur de la foi (8); les ordres religieux échappaient d’ail- leurs à l'influence d’Antoine-Pierre de Grammont; entre tous, les capucins se distinguaient par l’ardeur de leurs senti- ments patriotiques et la popularité dont ils Jouissaient les rendait justement suspects au nouveau pouvoir (4). Si la no- (1) Antoine-Pierre de Grammont, archevêque de Besançon et prince du Saint-Empire, fils d'Antide de Grammont, baron de Melisey, seigneur de. Courbessaint, le Sauley, Servance, etc., gouverneur de Dole, et de Reine Felletet. (2) On connaît le compliment que l’archevêque de Besançon adressa à Louis XIV au seuil de l’église métropolitaine ; il est d’un courtisan con- sommé, mais je ne puis comprendre qu'on le loue, lorsqu'on sait qu’au moment où il fut prononcé, « tout le terrain de la citadelle étoit ensan- glanté et semé de bras et de jambes. » Dès 1663, Antoine-Pierre de Grammont « regardoit.. fortement devers la France ; » après là soumission de la province, il avait été «des premiers à députer à Paris et à faire gloire dans la gazette des présents qu'il envoyoit à la reine de France.» J. CHIFFLET, Mémoires, t. V, p. 295 et 226. C’est ce prélat, surnommé de son vivant le Borromée de la Franche-Comté, qui est « Monsieur le nouveau Saint Charle » du petit poème satirique intitulé : Entretien burlesque entre la Bourgongne et Besançon. V. Gazette de France du 12 avril 1668. | (3) Trente-quatre ans après la conquête, on ne regardait pas encore comme invraisemblable la nouvelle « que tous les paysans des montagnes de la Franche-Comté ne cherchoient que l’occasion de se révolter, et qu'ils y estoient animés par presque tous les curés et autres ecclésiastiques des mesmes montagnes. » Sainte-Colombe à Torcy, Soleure, 5 décembre 1708. — E. BourGEois, Neuchälel et la politique prussienne en Franche- Comté (1702-1713), p. 233. (4) Louvois écrit au duc de Duras, le 20 juillet 1674, que « les religieux — 957 — blesse et les parlementaires se tournaient vers la France, le peuple, lui, demeurait attaché à l'Espagne ; il ne fallait rien moins que les rigueurs de l’occupation militaire pour l’em- pêcher de manifester tout haut cet attachement, car le sou- venir de deux siècles de luttes ne s’efface pas en un jour; aux sourds frémissements qui se faisaient entendre quand on obligeait les habitants à fêter les victoires du grand roi, on devinait que la race n’était pas encore domptée. C'était surtout dans les campagnes qu'était vive la haine de l’étranger : on avait pu enlever aux « croquants » leurs mousquets et leurs piques; on n'avait pas changé leurs cœurs. « Opinjâtrés à demeurer sous la domination espa- gnole (1) », les paysans dont les pères avaient pris part à la ouerre de Dix ans racontaient à leurs enfants les rudes com- bats livrés aux Français à cette époque; ils disaient Dole inutilement assiégée pendant deux mois et demi par une ar- mée royale, Besançon défiant le duc de Weimar (2), Salins miraculeusement préservé d’une surprise (3); à ces récits, les imaginations s’exaltaient ; on oubliait les maux soufferts de la province ont toujours paru fort contraires au service du roi, » et le surlendemain, 1l lui mande que « Sa Majesté ayant considéré qu'il n'y avait point de gens plus emportés qu'eux contre son service, elle a résolu de Joindre les couvents de ce pays à ceux des provinces de France des mêmes ordres. » Ce fut pour punir les capucins de la province de Bourgogne de leur fidélité à l'Espagne qu’en 1679 Louis XIV obtint du pape Innocent XI un bref permettant d’unir leurs vingt maisons à la province de Lyon et à la custodie de Champagne; cette mesure rigoureuse ne fut pas mise à exé- cution, mais Jusqu aux dernières années du siècle les religieux franc-com- tois se virent en butte à de nombreuses vexations. En 1705, Chamillard défendait encore aux carmes de Clairvaux d'élire des Frane-Comtois pour supérieurs. V. Annales manuscrites des capucins du comté de Bourgogne, p. 215. — Arch. de Sainte-Claire de Poligny. (1) Lettres de monsieur Perreney, conseiller du roy, et maistre en la chambre des comptes de Bourgongne et Bresse, p. 12. (2) Bernard, duc de Saxe-Weimar, fils de Jean, duc de Saxe-Weimar, et de Dorothée-Marie d'Anhalt. (3) Sur l'événement auquel je fais allusion, ef. GIRARDOT DE NOZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 206. — 258 — pour ne se rappeler que les faits d'armes; les récentes dé- faites étaient attribuées à la trahison, et il était peu de dé- meures où, entre amis sûrs, on ne portât à la fin des repas la santé de Charles IT (1). Il semblait, en effet, impossible que l’arrière-petit-fils de Marie de Bourgogne se résignât à la perte de son patrimoine héréditaire. N’était-ce pas à des Bourguignons qu'était confiée la garde de sa personne”? Pou- vait-il ignorer les marques de fidélité que la Franche-Comté lui donnait? Et n'était-ce pas son père qui avait autrefois déclaré les Franc-Comitois les premiers vassaux de la cou- ronne (2)? | Dans les villes, l’opinion était plus divisée ; un certain nombre de bourgeois trouvaient leur compte au nouvel ordre de choses ; quelques-uns s'étaient compromis par l’accepta- tion de fonctions publiques et n’envisageaient pas sans ap- préhension la fin de la domination française ; la plupart ob- servaient néanmoins une réserve où l’on ne savait ce qui do- minait, des regrets sincères du passé ou de la crainte d’être dans la suite en butte au ressentiment du populaire. Par le traité d’Aix-la-Chapelle la Franche-Comté avait fait retour à l'Espagne : n’était-on pas en droit d'attendre le même résul- tat des négociations entamées à Nimègue”? Les circonstances, au surplus, semblaient, à la fin de 1675, défavorables aux Français : après la mort de Turenne, l’armée qu’il comman- (1) En 1677, plusieurs jeunes gens d’Arbois furent accusés d’avoir bu à la santé du roi d’Espagne ; l’un d'eux avait, disait-on, brûlé le portrait du roi de France après avoir craché dessus. E. Bousson DE MAIRET, Annales historiques et chronologiques de la ville d’Arbois, p. 422. (2) « Vous estes les premiers vassaux que j'aye et que j'aime le plus et désire de conserver, cognoissant votre fidélité et valeur, et ainsi vous debvez croire que je ne vous mancqueray en aulcune occasion, quand bien il faudroit hasarder pour vous ce qui est le plus estimable en ma couronne. » Philippe IV au parlement de Dole, Madrid, 31 octobre 1639. — À. DuBois DE JANCIGNY, Recueil de chartes et autres documents pour servir à l’histoire de la Franche-Comté sous les princes de la maison d'Autriche, p. 213. — 259 — dait avait dû repasser le Rhin ; Créqui battu à Consarbruck, Trèves avait ouvert ses portes aux Impériaux ; le prince d’O- range s'était emparé de Binch; la Suède venait de payer de la perte de la Poméranie son alliance tardive avec Louis XIV, et, malgré les victoires navales de Duquesne, les choses tour- naient mal pour les troupes débarquées sous les ordres de Vivonne en Sicile. Ceci explique les illusions d'hommes qui, supérieurs au vulgaire par leur connaissance des principaux ressorts de la politique, ne voulaient cependant pas croire à l'épuisement des ressources de la monarchie espagnole, Nulle part ces :il- lusions n'étaient plus tenaces que dans le petit groupe des Franc-Comtois réfugiés aux Pays-Bas ou à Madrid. En refu- sant de pactiser avec les conquérants, ils avaient obéi à un généreux mouvement, mais leur loyvalisme n’était pas exempt de calculs personnels, et c'était précisément ces calculs qui troublaient leur clairvoyance ; ils ne pouvaient admettre que avenir appartint aux transfuges, ei plus la guerre se pro- longeait, plus, en joueurs obstinés, ils persistaient à vouloir édifier leur fortune sur un tour de roue que la marche des événements rendait de jour en jour moins probable. Au premier rang de ces émigrés était l’ancien lieutenant du bailliage de Pontarlier, Claude-Étienne Bigeot (4), Fils d’un avocat général au pariement de Dole (2), son rêve avait été d’appartenir, lui aussi, à |’ (auguste Sénat », mais, au rapport d’un contemporain, « la cour ne lui avoit jamais fait l’honneur de le nommer pour conseiller; » bien plus, celle l’avoit déclaré non recevable à se maintenir en sa lieutenance, contrele mar- (1) Claude-Étienne Bigeot, docteur ès droits, fils de François Bigeot, avocat général au parlement de Dole, et d'Étiennette Clerc. De son ma- riage avec Jeanne-Françoise Tissot il eut un fils, Antoine, né à Dole, le 13 juin 1639, et deux filles, Anne-Hélène et Jeanne-Françoise, nées à Be- sançon, la première, le 8 juillet 1642, et la seconde, le 8 juin 1644. (2) François Bigeot n'avait pas rempli longtemps les fonctions d’avocat général, car, nommé le 9 mars 1618, on le voit remplacé par Claude Toy- _ tot le 6 avril 1619. — 260 — quis de Listenois (1), alors nouveau bailli d'Aval ().» Après la paix d’Aix-la-Chapelle, il avait publié un livre, où ildémontrait que la facilité avec laquelle Louis XIV avait conquis la province devait être imputée à la mésintelligence du gouverneur et du parlement (3). Le Bourguignon intéressé continuait la série des pamphlets politiques sortis de la plume des Brun (), (4) Claude-Paul de Bauffremont, marquis de Listenois, fils de Charles- Louis de Bauffremont, marquis de Meximieux, chevalier de la Toison d’or, sergent général de bataille dans les armées de S. M. Catholique et bailli d’Aval, et de Louise-Françoise de Bauffremont. En 1673, le marquis de Listenois tenta de soulever la Franche-Comté contre son gou- verneur espagnol, mais, désavoué par la noblesse et surpris avec un certain nombre de ses partisans dans le village de Saint-Lothain, 1l dut se réfugier en France, où il leva un régiment de dragons sous son nom. La seconde conquête le trouva dans les rangs des ennemis de sa patrie et Louis XIV le nomma premier chevalier d'honneur au parlement de Dole. Il mourut peu de temps après d'une blessure reçue au combat d’Entzheim (4 octobre 1674.) (2) J. CHIFFLET, Mémoires, t. V, p. 546. (3) Le Bourguignon intéressé. Concordiä res parvæ crescunt, Dis- cordiàä magnæ dilabuntur. À Cologne, chez Pierre ab Egmont. — S. d., in-12 de 157 p., avec 6 feuillets liminaires et 3 pages non chiffrées pour la table. « Sphère, tête de buffle et caractères, tout prouve que le volume a été imprimé à Bruxelles, par Ph. Vleugart.» A. WILLEMS, Les Elzevier, p 554. (4) Antoine Brun, procureur général au parlement de Dole, puis am- bassadeur de S. M. Catholique auprès des Provinces-Unies, fils de Claude Brun, conseiller au parlement de Dole, et de Marie Dard. Le rôle considé- rable que l’adroit diplomate a joué au congrès de Munster est connu de tout le monde. On lui attribue les pamphlets suivants : 1° Amico critica monitio ad Galliæ Legatos, Monasterium Westpha- lorum pacis tractandæ titulo missos, sive observationes NN. Germano- Franci ad epistolas, quas tidem Galliæ Legati ad singulos S. R. Im- peri Principes et Diætam Franco-furtensem scripsere, die VI aprilis M.DC.XLIV, auctore Adolpho Sprengero, Ubiorum consule. — Francofurti, Antuerpiæ, Mediolani, Viennæ, Genovæ, 1644, in-4. 20 Spongia Franco-Gallicæ Lituræ, in duas partes divisa, auctore Wilhelmo Rodulpho Gemberlachio, apud Triboces consule. — Œno- ponti, 1646, in-4. 30 Politicismus Gallicus, seu fœdus triplex Gallo-Turcicum et Turco-Gallicum, Gallo-Hollandicum et Hollando-Gallicum, Gallo- Suecicum et Sueco-Gallicuim, tum et patrocinium Genevæ, Requm Christianissimorum Christianismum perspicue demonstrans. — Cos- mopoli, 1646, in-4. — 961 — des Chifflet (1) et des Lisola () ; il n’est pas indigne d’eux et l'humeur rancunière et dénigrante de l’abbé de Balerne 6) a 40 Oratio libera Wolfgangi Ernesti à Papenhausen, liberi Germani - Baronis. — S. 1., 1646, in-4. 5 Pierre de touche des véritables intérests des Provinces- Unies du Pais-Bas ; et des intentions des deux Couronnes sur les traittez de paix. — Dordrecht, 1647, in-# 6° Escrit, ou Mémoire contenant 19 articles présentés le 22, de may 1647, par M' Servient, à Mess'* les Estats generaux des Pro- vinces- Unies des Païs-bas : avec les remarques qui y ont esté faites le 1. de juin de la mesme année, ainsi qu’elles sont mises immédiate- ment après choeur article, pour en faciliter l'intelligence. — $S.I., n. d. (1647), in-4 70 Petitionis Gate de circulo Burgundico a pace Imperii exclu- dendo, deque ope ex Imperio ei non ferenda, refutatio. — S.1., 1648, in-4 80 Protestatio Burgundica adversus conditiones pacis Imperii cum Gallia, Regi Catholico damnosas. — $. 1., 1648, in-4 9% Lettres sur l'innocence de Messieurs les Princes, du 19 août 1650. — S. 1., in-4. (1) Jean-Jacques Chifflet, médecin de l’archiduchesse Isabelle-Claire- Eugénie, puis de S. M. Catholique, fils de Jean Chifflet, docteur en mé- decine, et de Marguerite Pouthier. La liste des ouvrages de cet infatigable érudit remplirait à elle seule plusieurs pages ; quelques-uns sont consa- crés à combattre les prétentions de la France sur la Lorraine et sur l’Alsace. Cf. GiROD DE NOVILLARS, Essai historique sur quelques gens de lettres nés dans le comté de Bourgogne, p. 56. (2) François de Lisola, résident de l'Empereur à Londres, à Varsovie, à Madrid et à La Haye, fils de Jérôme de Lisola et de Suzanne Recy. Peu de polémistes ont égalé la vigueur de cet écrivain qui, comme diplomate, travailla pendant plus de trente ans à la formation d’une coalition euro- péenne contre la France. Aux vingt-deux pamphlets énumérés par M. A.-F. PRIBRAM, Franz Paul Freiherr von Lisola (1613-1674) und die Politik seiner Zeit, p. 353, il faut ajouter les ouvrages suivants : 10 Discours funèbre sur la mort de la Sérénissime Princesse Isabelle- Clère-Eugénie, infante d’Espagne, fait par le sieur François de Lisola, advocat, et récité devant Messieurs les iouverneurs de la cité impériale de Besançon en l’église des RR. Pères Cordeliers, le 4 . janvier 1634. — Besançon, 1634, in-4. 2 Haranqguz funèbre sur la More de la Sérénissime Princesse Isa- belle-Clère-Eugénie, infante d'Espagne, faite par le sieur François de Lisola, advocat au souverain parlement de Dole, et récitée devant Messieurs de la Chambre des comptes du Roy, en la grande église de Dole, le septième de mars 1634. — Besancon, 1634, in-12. _ (3) Jules Chifflet, chanoine de l'église métropolitaine et abbé de Ba- — 9262 — seule pu le porter à dire que « cet ouvrage parut pour l’en- fant d’un pauvre esprit et pour un bouquet du mois de mai, auquel il sortit (1), présenté par quelque servante d’une au- berge peu considérable @). » L'auteur établissait au moyen des lettres du grand Condé à Louis XIV et à Louvois 6) que tout était disposé de longue main pour envahir la Franche- Comté ; des préparatifs de la France il rapprochait laveugle sécurité du parlement (4), « ne sçachant ni obéir, ni com- mander 6), » et concluait que le moyen d'éviter le retour d’une invasion était de former une alliance défensive avec le duc de Lorraine et les Suisses (6), Deux ans plus tard avait lerne, conseiller clerc au parlement de Dole, fils de Jean-Jacques Chifflet, docteur en médecine. et de Jeanne-Baptiste Malbouhans. Pour des motifs qu’il serait trop long d’énumérer, l'abbé de Balerne était hostile au prince d'Arenberg, au baron de Soye et à l’abbé de Bellevaux, que Claude-Étienne Bigeot défendait, au contraire, avec le baron de Lisola. (1) Le Bourguignon intéressé parut en 1670, comme le prouve l’allu- sion faite à l'alliance conclue « l'an passé 1669 » entre l'Angleterre, la Hollande et la Suède (p. 94). (2) J. CHIFFLET, Mémoires, t. V, p. 547. (3) Ces lettres avaient été remises à Pellisson pour écrire l’histoire de la conquête de la Franche-Comté et un de ses secrétaires en laissa prendre copie. Elles ont été publiées par LABBEY DE BILLY, Histoire de l’université du comté de Bourgogne, t. I, p. 372. | (4) Bigeot ne se dissimulait pas que ses critiques allaient lui attirer bien des « haineux. » Après avoir montré que la perte de la Franche-Comté provenait des empiètements du parlement sur l’autorité du gouverneur, de sa désobéissance aux ordres du roi et de son peu d’expérience à gouverner un État, il ajoutait : « Ce chapitre choquera ceux du parlement ; que veut- on que je fasse ? Sur qui tombe la perte d'une province, perdue par faute, négligence et division, que sur ceux qui la gouvernent (p. 69)? » La pos- térité, au surplus, a ratifié son jugement: quelque faiblesse qu’ait montrée le marquis d’Yenne, ce sont surtout les membres de la cour de Dole qui portent devant l’histoire la responsabilité de la facile conquête de 1668. Cf. P. PerRauD, Les États, le parlement de Franche-Comté et lu con- quête de 1668, p. 340. (5) PELLISSON, Histoire de Louis XIV, t. Il, p. 361. (6) C'était la pensée qui avait inspiré en 1667 les négociations du fameux abbé de Baume, dom Jean de Watteville. V., pour tout ce qui concerne les démarches faites après la première conquête dans le but d’assurer au comté de Bourgogne l'appui effectif des Treize Cantons, R. MaaG, Die Freigraf- — 9263 — paru Le bon Bourguignon (), destiné à venger les Franc- Comtois des attaques dirigées contre eux par un écrivain du duché dans son Bellum Sequanicum Secundum () : l’ex- trême rareté de ce petit livre fait aujourd’hui son seul mérite et on ne le lit guère plus que l'écrit qu'il se proposait de réfuter, bien qu'il constitue une nouvelle preuve de « la fidélité d’une province dont Philippe IT, de glorieuse mé- moire, a porté ce beau témoignage, qu’elle ne luy avoit ja- mais donné aucune mauvaise nuit ; » l’auteur confessait lui- même dans sa préface que l’obligation de suivre pas à pas le sieur Morelet ferait paraître son discours « rude, » ses périodes « mal suivies, » et que son style n'aurait pas la « gentillesse d’un écrivain de ce temps. » Désigné par ces libelles à l'attention des ministres français, Claude-Étienne Bigeot fut sommé de se prononcer en faveur des vainqueurs après la soumission de la province. Est-il vrai. comme il le rapporte, que la charge de conseiller au parlement de Dole lui ait été offerte plusieurs fois? Le fait, en schaft Burqund und ihre Beziehungen zu der schweizerischen Eidgenos- senschaft vom Tode Karls des Kühnen bis zum Frieden von Nymwegen (1477-1678), p. 283. (4) Le bon Bourguignon, ou Réponse à un livre injurieux à l’auguste maison d’Austriche et à la Franche-Comté de Bourgongne intitulé Bel- lum Sequanicum Secundum composé par le S' Jean Morelet de Dijon. Avec un court et succinct résumé de la surprise de la Franche-Comté de Bourgongne en l’an 1668. Suivant l’imprimé à Wergulstadt, chez Clionas Stæmlick, marchand libraire. — 1672, in12 de 90 p., avec 7 feuil- lets liminaires. Le P. LELONG (Bibliothèque historique de la France, t. I, p. 577) et M. HuGON D'AUGICOURT (La Franche-Comté ancienne et moderne, t. I, p. 309) attribuent ce livre, l'un au conseiller Boyvin, l’autre au baron de Lisola, sans prendre garde que l’épitre liminaire à la reine régente est si- gnée : C. E. B. La question de paternité est d’ailleurs tranchée par l'abbé de Balerne, qui, parlant de la réponse de Claude-Étienne Bigeot à Jean Morelet, dit que, « s’il n’en réussit pas bien, au moins ne fut-il pas blä- mable de prendre en ce sien ouvrage la qualité et le titre de bon Bour- guignon. » J. CHIFFLET, Mémoires, t. V, p.317. (2) Bellum Sequanicum Secundum Joanne Morelelo viro nobili ge- nere Domino Coucheii, Divionensi, authore. — Dijon, 1668, in-4. oi e soi, n’a rien d’inadmissible, car, en rétablissant la compagnie judiciaire suspendue de ses fonctions par le gouverneur des Pays-Bas, Louis XIV n'avait pas hésité à comprendre parmi ses membres des hommes dont il n’ignorait point les senti- ments ; le magistrat placé à la tête du parlement par lordon- nance royale du 17 juin 1674 était ce Claude Boyvin (1) qui, digne héritier des vertus de son père, avait traité d’eunuque le petit-fils de l'historien Gollut (2) opinant pour qu’on rendit Dole dans la délibération qui avait précédé la capitulation du 14 février 1668 6) ; la mort épargna à l’ardent patriote la douleur de servir de nouveaux maitres, mais deux autres conseillers, Jean Borrey (4) et Nicolas Bourrelier (5), déclinè- rent l'honneur de rendre la justice au nom du roi de France, -« voulant, disoit-on, se garder les bonnes grâces de l’Es- (1) Claude Boyvin, conseiller au parlement de Dole, fils de Jean Boyvin, président du même parlement, et de Jeanne-Sébastienne Camus. Nommé président du parlement de Dole par patentes du 22 juin, il mourut le 95. (2) Claude Gollut, conseiller au parlement de Dole, fils de Jean-Baptiste Gollut, conseilier au même parlement, et de Claude-Françoise Le Ciergier. (3) J. CHIFFLET, Mémoires, t. V, p. 160. (4) Jean Borrey, grand-juge de la terre de Saint-Claude, fils d'Antoine Borrey, secrétaire de la cité de Besançon, et de Magdeleine Clerc. (5) Nicolas Bourrelier, dit de Malpas, lieutenant du bailliage de Salins, fils de Nicolas Bourrelier, dit de Malpas, seigneur de Mantry, et de Clau- dine Franchet. À la suite de son refus, M. de Malpas reçut l’ordre de sortir de la province et se retira à Porrentruy. Il a laissé les ouvrages suivants : 10 Triumphus liberalitatis, Serenissimæ Principi Isabellæ Claræ Eugeniæ Hispaniarum Infanti oblatus a Nicolao de Malpas Burgun- dione Dolano in gr um aclionem pro aureo numismate acceplo — Louvain, 1627, in-# 20 Le bon on HE la Franche-Comté de Bourgougne, conservé par la prudence et la valeur de messire Cleriadus, par la miséricorde de Dieu, grand seigneur de Vergy, comte de Champelite.... Eloge funèbre prononcé par ordre de Messieurs du Parlement de Dole au temps que de leur part on y célébroit ses obsèques au nom de toute la province. — Lyon, 1632, in-4. | Cf. nie, Histoire de la ville de Salins, t. Il, p. 43 ; GIROD DE NoOVILLARS, Bi historique sur quelques gens de lettres na dans le comté de Bourgogne, p. 118 ; A. VAYSSIÈRE, Huit ans de l’histoire de Salins et de la Franche-Comté (1668-1675), p. 137. j pagne (1), » et il est fort possible qu’à leur défaut on ait songé à l’ancien lieutenant du bailliage de Pontarlier. Ce qui est certain, c’est que celui-ci refusa son adhésion au régime im- posé par la conquête. Prévenu que le commandant militaire de la province songeait à l’arrêter, 1l se réfugia en Suisse ; de là il gagna Gênes et s’'embarqua pour l'Espagne, où il arriva dans un état voisin du dénûment. Ce que fut l’existence de l’infortuné vieillard à Madrid, il est aisé de l’imaginer. Logé dans quelque méchante chambre d’auberge, il dut, à soixante-dix ans passés, commencer l’ap- prentissage du métier de solliciteur : les ministres espagnols avaient bien d’autres soucis en tête que d'écouter les do- léances d’un obscur Franc-Comtois, et le pauvre exilé mau- dit sans doute plus d’une fois leurs continuels atermoie- ments. Ses démarches finirent néanmoins par attirer sur lui les regards de Charles IT, qui, faisant acte de comte sou- verain de Bourgogne, le nomma conseiller au parlement de Dole (2) Son ambition était satisfaite, mais il fallait vivre; ses ressources s’épuisaient et, tout fier qu’il était de la dignité qui lui avait été conférée, 1l ne pouvait s'empêcher de penser que la moindre pension, la moindre mercède eût mieux fait son affaire. Au bout de quelques mois, la nécessité lui mit de nou- veau la plume à la main et ce fut pour se rappeler au souve- nir du roi qu'il composa la brochure dont je vais donner quelques extraits. Cette brochure s’ouvre par une courte préface, dans la- quelle, suivant le goût du temps 6), l’auteur fait parler la (4) DunoD DE CHARNAGE, Mémoires pour servir à l'histoire du comté de Bourgogne, p. 73%. (2) Ce fut à la même époque que le conseiller Claude-Ambroise Philippe reçut du gouvernement espagnol les patentes de président du parlement. Cf. E. BESSON, Le président Philippe, négocialeur franc-comtois au X VII: siècle, dans les Mémoires de la Société d’émulation du Doubs, an- née 1881, p. 389. (3) V. la pièce intitulée: Dole dolente à la clémence royale (1668), 18 — 966 — Franche-Comté : El Franco Condado de Borgoña al Rey nuestro señor Don Carlos Segundo. La calomnie a cruelle- ment persécuté ses filles chéries, l’innocence et la fidélité ; elle se hasarde à les présenter au roi, car seule sa main puis- sante peut leur donner quelque repos ; leur vie sera misé- rable, tant qu’elles seront soustraites à sa douce domination. Leurs charmes étrangers (peregrina hermosura) ne doivent pas impressionner d’une manière fâcheuse la pureté du jeune monarque (la pureza de la juventud de V, M.), mais bien obliger celui-ci à les regarder comme des objets dignes de compassion et de miséricorde, et elle ne doute pas qu’il ne verse des larmes de sang, quand elles lauront informé des extrémités auxquelles les ennemis de sa couronne les ont ré- duites. « Sire, poursuit-elle, je suis trop accablée de maux et de misères pour pouvoir représenter à V. M. mon état lamen- table ; à peine puis-je respirer. Que V. M. permette donc que pour mieux m'expliquer je me serve de l’organe d’un de mes plus fidèles fils ; je l’ai fait venir ici (à esta Corte) pour le ti- rer de l’oppression qui aurait mis fin à ses jours, s’il était resté plus longtemps chez les ennemis de V. M. Il révèlera avec plus d'efficacité les malheurs et les misères qui me con- sument ; ce sera mon orateur. Je supplie avec une profonde soumission V. M. de lui donner créance et d'écouter ce qu'il dira de ma part. » L’orateur prend alors la parole : El Orador al Rey nuestro señhor. Après un préambule où, remontant plus haut que le déluge, il montre nos premiers parents déçus par l’infernal serpent, Bigeot s'attache à défendre la Franche-Comté des «horribles aboiements » de la calomnie, qu'il nomme la « fille aînée de l’enfer. » Il rappelle qu'une première fois le roi n’a pas voulu condamner sa fidèle province sans l’en- publiée par M. B. Prost, Documents inédits relatifs à l’histoire de la Franche-Comté, t. Il, p. 122. | — 267 — tendre, car c’est par son ordre que des commissaires des Pays-Bas (1 ont passé à Besançon ; ils y sont restés près de cing ans ; ils ont parcouru la plupart des villes du comté de Bourgogne et leur enquête n’a amené la découverte d’au- cun délit, puisque personne n’a été poursuivi (2) ; si quel- ques individus ont quitté le pays, ils l’ont fait pour se dérober à la fureur aveugle du peuple, qui, les émeutes de Dole et de Gray l’ont démontré (3), ne distingue pas les innocents des coupables. À présent que Charles IT est majeur (4), que ne peut-on pas attendre de sa justice ? On devine qu'à l’égard du débile représentant de la mo- narchie espagnole, l’auteur ne se fait pas faute d’épuiser toutes les formes de l’adulation. C’est ainsi que, non content d'annoncer qu’on va voir revivre en lui la générosité de Charles-Quint, la politique de Philippe IT, la piété de Phi- lippe III et la prudence de Philippe IV, il s’avise de lui faire un mérite d’être né dans les mêmes conditions que la plupart des mortels. « La nature, dit-il, a voulu également contribuer (1) Ces commissaires étaient Ignace Simon, président du conseil d’Ar- tois, Albert de Coxie, maitre aux requêtes de l'hôtel du roi et conseiller au grand conseil de Malines, et Jean-Libert Vaes, avocat fiscal au conseil de Flandre; ils arrivèrent à Besançon le 4 novembre 1668. Le président Simon fut plus tard remplacé par Jean-Antoine Locquet, président du grand conseil de Malines. (2) Cette assertion n'est pas exacte, attendu que le marquis d'Yenne et l'abbé de Baume furent cités à Bruxelles, le 3 avril 1671, et leurs biens mis sous séquestre. Des lettres de cachet, en date du 19 juin 1671, furent également envoyées au marquis de Saint-Martin, gouverneur de Dole, au marquis de Lullins, gouverneur de Gray, au sieur de Fallerans, capitaine de Saint-Anne, et aux conseillers Jacquot et Gollut, mais le gouverneur, D. Hieronimo Benavente Quiñones, en arrêta l'effet. Cf. J. CHIFFLET, Mg- moires, t. V, p. 289, et t. VI, p. 14. (3) Les troubles de Dole ont été racontés par l'abbé de Balerne, qui con- courut à les apaiser. Sur les émeutes de Gray, cf. Histoire chronologique du monastère de la Visitation Sainte-Marie de Gray, depuis l’année 163% Jusques à l’année 1709, p. 135. — Ms. de l’hôpital de Gray. (4) Charles IL avait eu quatorze ans, âge fixé pour la majorité des rois, le novembre 1674. à cette auguste naissance et, pour avoir le temps de polir et de former un prince parfait, elle a tenu V. M. comme prison nière l’espace de neuf mois dans le sein de son incomparable mère, à seule fin d’avoir le loisir de parfaire un ouvrage si beau et si choisi que les siècles passés n’en ont pas vu de semblable et que les siècles à venir n’en verront pas d’égal (fol. 4 v°).» La remarque est au moins étrange, et je doute qu’on ait jamais rencontré un trait de flatterie aussi inat- tendu. Mieux inspiré est Bigeot, lorsque, s'adressant au jeune monarque, il lui dit: « Sire, l’auguste père de V. M. eut tou- jours une singulière tendresse et un singulier amour pour la Franche-Comté de Bourgogne. V. M. est le très digne fils et successeur de ce grand roi ; elle est l’héritière de ses États ; qu’elle le soit aussi de son affection (fol. 5 v°). » On sait, en effet, que Philippe IV témoigna toujours aux Franc-Comtois : l'intérêt le plus sincère ; il se plaisait à louer leur fidélité () ; il admirait leur bravoure ; à la nouvelle de la délivrance de Dole, il s'était empressé d'aller rendre grâces de cet évène- ment à Notre-Dame d’Atocha @ et l’on avait vu l’impassible souverain s’attendrir à l’aspect martial des régiments levés en Franche-Comté 3). (1) Ce fut vraisemblablement par ordre du roi qu'en 1636, la réponse de l'archevêque de Besançon et du parlement de Dole au prince de Condé fut traduite en espagnol. V. Escrivense les progressos y entrada de Su Alteza del Senior Infante Cardenal en Francia por Picardia, en nueve de iulio deste ario ; y la retirada del exercito de Francia, y sus coligados del Estado de Milan, y la valerosa y fuerte resistencia que hizo la ciudad de Dola en Borgoria al principe de Condé general de las ar- mas de Francia en su assedio, con la respuesta de una carta que aquel parlamento y corte escriuio al referido principe. Con licencia. En Ma- drid, por Maria de Quiñones. Año mpcxxxvi. Vendese en la Calle mayor en casa de Pedro Coello, en frente de San Felipe. (2 Bovvin, Le siège de la ville de Dole, capitale de la Franche. Comté de Bourgongne, el son heureuse délivrance, p. 304. (3) Philippe IV « estant en la ville de Saragose, lors que son armée passoit pour aller assiéger Barcelonne, voyant les régimens Bourgui- — 969 — Partant de la réflexion que, si les sujets sont le corps d’un État, le bon prince en est l’âme, l’auteur proclame ensuite que rien ne doit altérer leur étroite union. C’est pourquoi il invite Charles IT à ne pas rendre responsable des fautes de quelques individus la nation tout entière. « Ce serait, déclare-t-il, faire affront à la bonté et à la jus- tice de V. M. que de croire qu’elle veuille châtier des inno- cents. Dans le sacré collège des Apôtres, il se trouva un traître qui vendit pour une somme d'argent, non un roi dela terre, mais le Roi des rois et le maître absolu du ciel et de l'univers, et néanmoins N.-$S. ne châtia pas ce saint collège, parce qu'il était imnocent. À présent que nous connaissons partie de ces malheureux qui ont vilainement tourné le dos à V. M., c’est à nous d’en tirer vengeance. Si nous pouvons les saisir, V, M. connaîtra l'affection de son bon peuple, animé au service de son bon roi; on ne les laissera vivre que pour souffrir, à seule fin que, reconnaissant par l’excès de leurs tourments l’énormité de leurs erreurs, ils servent d'exemple à la postérité et confessent leur crime sur un infâme échafaud. Que si les personnes de ces malheureux ne peuvent être at- teintes, qu’on confisque leurs biens et qu’on les mette entre les mains de V. M (fol. 6 vo). » Cette confiscation de la fortune des traîtres est un des points sur lesquels Bigeot insiste d'autant plus que ses propres biens avaient été confisqués par les Français après son dé- part, et il la justifie à grand renfort de citations du Digeste : Leg. sub condit., ff. solut. matrim., Leg. obligqgulionum, $ Circa, ff. de obligat., L. Quisquis, ff. Ad leg. Juliam Majest., etc. L'ancien lieutenant du bailliage de Pontarlier se retrouve là, avec une ample provision de textes puisés dans gnons luy rendre leurs respects avec la bien-séance qui leur est ordinaire, connoissant par leur visage leurs généreuses résolutions d'attaquer ses ennemis, ne se put empescher de Jjetter quelques larmes, et se crier hautement, en témoignage d'affection, mis Borgonones. » Le Bourgui- gnon intéressé, p. 140. — 9270 — l'arsenal du droit romain. On ne doit même pas, suivant lui, respecter les obligations souscrites au profit de tiers, en vertu de l’axiôme juridique : Prior tempore potior est jure. Cette part faite à la justice du souverain, l’orateur implore la clémence de celui-ci pour ceux qui n’ont pas participé à la trahison, invoquant tour à tour Claudien, Sénèque, Valère Maxime et Juste Lipse. « Nos souverains Pontifes, s’écrie-t-il, n’ont-ils pas tenu à singulier honneur de prendre le nom de Clément? Celui qui occupe à présent le siège de saint Pierre (1) ne se juge-t-il pas heureux de porter ce nom pour montrer que, vicaire de Jésus-Christ, il est bon et clément à l'égard du fidèle troupeau confié à ses soins et à sa vigilance et qu'à l’exemple du bon Pasteur il va chercher les brebis perdues, non pour les châtier, mais pour les protéger et les défendre ? « Sire, poursuit Bigeot, c’est une sorte de délit de parle- menter avec son souverain, mais non d'implorer sa clémence. Au nom de ma bien aimée Bourgogne, j'implore celle de V. M. Les grands monarques ne refusent jamais la première chose qu'on leur demande, si elle est juste et raisonnable. Je sup- phe V.M., non de lui pardonner (parce que le pardon suppose une faute), mais de la protéger et de lui conserver l’affection que ses augustes prédécesseurs ont toujours eue pour elle et pour tous ses fils chéris (fol. 8). » Il représente alors au jeune roi que la Franche-Comté est un des plus beaux fleurons de sa couronne ; c’est d’elle qu'est venu à l'Espagne l’ordre de la Toison d’or @) ; depuis qu’elle ale bonheur d’appartenir aux princes de la maison d'Autriche, elle s’est montrée jalouse de les servir avec une incomparable (1) Clément X (Jean-Baptiste-Émile Altieri) était monté sur le siège de saint Pierre le 29 avril 1670. (2) « IlLest constant, et tous les historiens en demeurent d'accord, que l’ordre de la Toison d’or a esté porté dans la maison d’Austriche par le mariage (selon que l’on a dit d’ailleurs) de Maximiliain avec Marie de Bourgoigne. » Le Bourguignon intéressé, p. 138. he — ITA — fidélité. Catholiques sans mélange d’hérésie (finos catôlicos), les Franc-Comtois ne connaissent Dieu que par la foi, qui leur révèle en lui le créateur du ciel et de la terre. De même, si l’on peut parler ainsi, ils ne connaissent leurs rois que par l'assurance qu'ils sont leurs souverains (1) ; si quelques-uns les veulent voir, il leur faut affronter les fatigues d’un long voyage ; cette perspective ne les arrête cependant pas ; à leur retour, ils racontent des merveilles de la bonté de leurs au- gustes maîtres, et les bienfaits qu'ils en reçoivent confirment la vérité de leurs discours. « Sire, ajoute Bigeot, V. M. n’a aucun État contigu à la Franche-Comté de Bourgogne ; la France, la Lorraine, l’Alle- magne et les Cantons Suisses lui servent de confins. C’est comme une petite ile (2); si un de ces États vient à rompre avec V. M., on cherche à s’en emparer. Elle ne peut attendre de prompt secours. Que fera-t-elle donc? De quel bouclier se couvrira-t-elle ? Sa fidélité l’a longtemps maintenue, mais à la fin il a fallu céder à la force et à l’astuce et deux fois, en moins de sept ans, elle s’est vue au pouvoir d'étrangers. Pauvre Franche-Comté, qu’es-tu devenue? Il ne t'est resté que ton nom. Où sont tes franchises, tes privilèges et tes immunités ? Tu es tombée du plus haut sommet du bonheur dans un abîime de misères... Les théologiens affirment que la plus grande peine des damnés consiste dans la privation de la (1) La même pensée avait été exprimée en 1643 par un poète franc- comtois, qui, s'adressant à Philippe IV, prêtait la plainte suivante à sa patrie : Grand Roy, disois-je en moi, toi pour qui l'on me gêne Et que je ne connois ; Que comme on connoit Dieu dans l'Eglise chrestienne, Seulement par la foy. J. GAUTHIER, La Franche-Comté au roy d'Espagne, p. 6. (2) « La Franche-Comté est comme une petite isle entre le Duché de Bourgoigne et l’Alsace. » Le Bourguignon intéressé, p.125. — « L’Al- sace, la Ferrette et la Lorraine sont séparées de la France par son moyen; elle est comme une petite isle enceinte de ses ennemis. » Le. bon Bour- guignon, p. 65. = vue de Dieu, et moi, je puis dire à V. M. que la plus grande peine que souffrent mes pauvres frères sous l’oppression et la tyrannie des Français est de se voir hors de la douce et lé- gitime domination de V. M. (fol. 9 v°). » Telles sont les plaintes portées au pied du trône de Charles IT par l’émigré qui s'était donné mission d'exprimer les sentiments de ses compatriotes. Nous sommes tentés de les trouver exagérées ; 1l nous faut, à l'heure qu’il est, faire effort pour les comprendre et ce n’est pas sans un certain malaise que nous entendons traiter les Français d’oppres- seurs. Même à l’époque où ces pages furent écrites, tous ne ressentaient pas le changement de maitres aussi vivement que l’ancien heutenant du balliage de Pontarlier. Toutefois, pour le plus grand nombre, la cause de l'Espagne se confon- dait avec celle des franchises de la province ; le corps de la nation comprenait que c’en était fait de l’indépendance dont le comté de Bourgogne avait joui sous la lointaine tutelle des rois catholiques et les avantages futurs de la conquête, com- plaisamment énumérés par les historiens du siècle suivant (1), touchaient peu des hommes qui ne voyaient pour le moment que les charges qu’elle faisait peser sur eux. Qu'on en juge plutôt par les traits que rapporte l’orateur dans la suite de sa harangue : quelques-uns sont déjà connus, mais il en est que nous ignorerions sans la communication de M. Rodriguez Villa, et c’est justice de tes publier à la gloire de nos aïeux. ; « Qui n’admire, dit Bigeot, la fidélité de Jacques Godey (Diego Godey) de Villars-sous-Montrond? Accusé d’avoir donné la mort à des officiers français, il fut pendu dans la place neuve de Besançon, l’an mil six cent soixante-quatorze (2). Il mourut avec une telle constance que cela paraît incroyable : (1) Cf. Dunop DE CHARNAGE, Mémoires pour servir à l’histoire du comté de Bourgogne, p. 574. | (2) Le 9 juin 1674. — 973 — il demanda du vin ; on lui en présenta, et, le verre en main, il dit le plus haut qu’il put : « À la santé de S. M. Charles se- cond, mon bon roi, que Dieu is « puis, sans attendre que le bourreau le =. il s’élança lui-même avec un vi- sage plein d’allégresse (1). Beaucoup d’autres dont les noms seront immortels au temple de la fidélité, eurent toujours à la bouche, sur la roue et à la potence, l’aimable et beau nom de Charles second. « Les enfants, à qui la nature a profondément gravé cette vertu dans le cœur, en donnent des preuves tous les jours, malgré les menaces et les mauvais traitements dont 1ls sont l'objet, eux et leurs parents (qui éprouvent les effets de ces blessures, tout innocentes qu’elles sont). Le dix juillet de lan passé mil six cent soixante-quinze, les Français ayant ordonné qu’on fit des feux de joie dans tout le Comté de Bourgogne pour la prise de Limbourg en Flandre (2), des enfants de neuf à dix ans de la cité de Besançon, au nombre d'environ cin- quante ou soixante, parcoururent toute la cité à dix heures du soir avec des torches de poix allumées, et, arrivés à la maison du duc de Duras @), actuellement gouverneur de la (1) Six autres paysans furent pendus le même jour « à Charmont, sur le chemin qui conduit à École. Auparavant que de mourir ils voulurent boire à la santé du roy d'Espagne. On les condamna comme des loups des bois, quoy qu'ils fussent soldats de milice. » En représailles, leurs compagnons « prirent quelques soldats françois et en pendirent douze, parmy lesquels il y avoit des officiers, avec des billets pendus à leurs cols, descendans sur la poitrine. » Histoire des guerres intentées dans les duché et comté de Bourgogne par Tremblecour, Lorrains. François et autres, avec ce qui … passé de plus remarquable depuis l’an 159% jusqu’à l’an 1699, fol. 285 — Ms. de la bibliothèque de Vesoul. En 4706 et en 1709, on pendit encore sur la place Labourey plusieurs Franc-Comtois convaincus d’avoir conspiré contre la domination fran- çaise. V. Extraits de plusieurs chroniques de Besançon, dans les Mé- moires et documents inédits pour servir à l’histoire de la Franche- Comité, t. VII, p. 341 et 344. (2) La ville de Limbourg se rendit au duc d'Enghien le 21 juin 1675. (3) Jacques-Henri de Durfort, duc de Duras, chevalier des ordres du roi, gouverneur et lieutenant général du comté de Bourgogne, fils de Guy- — 274 — Franche-Comté pour Sa Majesté Très Chrétienne, s’arrêtèrent devant elle plus d’un demi-quart d'heure en criant : « Vive Charles Second ! » | « Ces exemples ne sont pas indignes de ceux qu’admirè- rent les temps passés. Une pauvre femme du lieu de Cour- vières, situé dans les montagnes de mon pays, se trouvant réduite à une extrême nécessité, résolut d’aller chercher sa vie à Rome (1). Elle avait un petit enfant qu’elle portait sur ses épaules. Elle eut le bonheur d'arriver au lieu qu’elle avait désiré, où, demandant l’aumône, cet enfant se dirigea vers le palais de ambassadeur de France. Les serviteurs lentendant parler leur langue lui demandèrent d’où il était. Il avait déjà assez de connaissance pour savoir qu’il était Bourguignon de la Franche-Comté, Is lui dirent de manger, ce qu’il accepta de très bonne grâce, et ensuite de boire, mais à condition de porter la santé de Sa Majesté Très Chrétienne : il ne voulut pas le faire. Ils le menacèrent, mais en vain. Aux menaces succédèrent les effets ; ils lui mirent les doigts sous les rouets d’une arquebuse et les serrèrent jusqu’au sang. Il se moqua d'eux. Enfin, voyant que ni les mauvais traitements ni les menaces ne pouvaient vaincre la constance de cet enfant, ils lui dirent de boire: à la santé de Sa Majesté Catholique. Il prit le verre et dit à haute voix : «A la santé du roi d’Espagne!» L'ambassadeur de l’auguste père de V. M. se plaignit très vi- Aldonce de Durfort, marquis de Duras, comte de Rozan, et d'Élisabeth de la Tour d'Auvergne. (1) En 1638, la famine contraignit une foule de Franc-Comtois à émigrer en Savoie, en Suisse et à Milan : « Grand: nombre néantmoins passèrent Jusques à Rome (patrie commune de tous les chrestiens); un: curé s’y. trouva l’année suivante avec cinq cens de ses paroissiens, auquel le pape donna une église pour leur y administrer les sacremens : on comptoit qu'ils es- toient à Rome dix ou douze mille Bourguignons de tout sexe. » GIRARDOT. DE NOZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 212. Cf. A. CASTAN, La confrérie, l’église et l'hôpital de Saint-Claude des Bourguignons: de la Franche-Comté à Rome, dans les. Mémoires. de la. Société d'émulation du Doubs, année 1880, p. 175. — 9275 — vement à Sa Sainteté (1) et prit cet enfant pour l’élever. Dieu ne voulut pas lui faire attendre sa récompense ; il leretira de ce monde pour lui donner une vie éternelle (2). « Il me semble, Sire, qu’il n’y a rien à ajouter à une foi si généreuse et à un zèle si affectueux, et que, comme le grand prophète le dit de Dieu, leur louange et leur beauté se dé- couvrent grands chez les autres, mais ne sont parfaits que chez les enfants (3). L’héroïsme de cette loyauté et de cette constance est encore bien plus rehaussé par la faiblesse même du sexe de filles jeunes et tendres. Je ne m’attarderai pas à rapporter ce que les historiens content de ma chère Bourgogne. Je tais également, quoique digne d’immortels éloges, ce qui se passa en l’année mil six cent soixante et quatorze, comment nous vimes à Arbois, à Faucogney et en d’autres parties de la Franche-Comté les femmes et les filles, non seulement combattre sur les murailles en rivalisant de valeur, de bravoure et d'adresse avec les meilleurs soldats, mais aussi faire des sorties, dans lesquelles elles repoussèrent les ennemis et enclouèrent leur artillerie (#4). Je tais le trait, digne à la fois de pitié et d’admiration, qui arriva alors à Dole, où une toute jeune fille, après avoir tué avec un mous- quet plusieurs Français, fut à son tour blessée d’une mous- _quetade et tomba morte entre les bras de sa malheureuse (1) Urbain VII (2) Bigeot avait précédemment rapporté dans son Bourguignon intéressé (p. 144) le trait de courage de cet enfant, qui arriva « en l'an 1639. » Il y est également fait allusion dans le Discours et relation véritable sur le succez des armes de la France dans le comté de Bourgogne en 1668, ouvrage nécessaire à tous ceux qui écrivent l’histoire de ce temps, pour ne-point faillir dans le récit de ces évènemens, que publia après la première conquête le maitre des requêtes Augustin Nicolas (p. 34). (31 « Ex ore infantium perfecisti laudem. Ps., 8. v. 3. » _ (4) [l est exact qu’à Arbois, «jusqu'aux femmes, tout estoit sous les armes, » et qu'à Faucogney, « l’on vitchacun,.… jusqu'aux femmes et filles, avec des fourches ferrées et des faux emmanchées, » se porter sur la brèche, mais aucune relation contemporaine ne parle de canons encloués dans une sortie. — 976 — mère ; celle-ci, au lieu de s’évanouir ou de pleurer sa fille, la porta comme en triomphe, publiant tout haut qu'elle s’esti- mait heureuse de voir couler son sang et de perdre une vie qu’elle aimait plus que la sienne pour le service de son roi et le bien de la patrie (1). «€ Mais je n'omettrai pas ce qui vient d'arriver dans la ville de Salins. Cent filles de toute condition de cette ville, pleines d’une tendre affection pour leur auguste souverain, se réuni- rent au mois de novembre de l’an passé 1675, bien qu'elles se vissent opprimées et en danger évident d’être maltraitées, et formèrent une confrérie qu’elles appelèrent du Lion, parce qu’elles portaient toutes une médaille suspendue à un ruban incarnat, sur laquelle était gravée la figure du lion, Tous les jours, dans leurs assemblées, elles priaient Dieu pour V. M., et, afin de fortfier leurs supplications par le très saint sacri- fice de la messe, elles contribuèrent toutes de leurs deniers à l'entretien d’un chapelain, qui tous les jours disait la messe pour la conservation de la santé de V. M. et le bon succès de ses armes (2). Ces assemblées ne furent pas si secrètes qu’elles ne vinssent à la connaissance des Français, qui ont fait prendre soixante de ces généreuses filles et, en particulier, la prieure ou directrice de cette assemblée, au pouvoir de Îa- quelle ils trouvèrent deux de ces médailles, Ensuite linten- (1) Pour exalter une action semblable, je ne trouve pas d'autres expres- sions que celles de la marquise de Sévigné rapportant à sa fille le mot de Saint-Hilaire à Salizhbach : « Il me semble que je lis l’histoire romaine. » Mre DE SÉVIGNÉ, Leftres (édit. Régnier), t. IV, p. 33. (2) Un chroniqueur contemporain confirme ce fait en rapportant que, le 13 octobre 1675, l’iutendant vint à Salins, « pour le sujet d’une confrérie de certaines filles du bas peuple, lesquelles portoient chacune la figure d’un lion de cuivre ; quelques-unes desquelles ayant été arrêtées et interrogées auroient indiqué l’ouvrier qui leur auroit fait et vendu ces figures. et dé- claré qu’un certain prêtre chapelain de cette société avoit fait la bénédic- tion desdites figures, et avoit reçu d'elles de l’argent pour dire des messes à l'intention de S. M. C. » A. VAYSSIÈRE, Huit ans de l’histoire de Salins et de la Franche-Comté [1668-1675], p. 149. dant de France (1), qui était en Bourgogne, passa en ladite ville de Salins pour imstruire le procès de ces illustres pri- sonnières. [l n’est pas douteux qu’on traitera avec rigueur un sexe qui ne mérite qu'amour et tendresse et qui n’est cou- pable que par excès de fidélité (fol. 11-13 ve). » Ces preuves de l'attachement des Franc-Comtois à la mai- son d'Autriche ne sont pas les seules que donne Bigeot ; il cite encore le soulèvement de Dole et de Grav contre leurs garnisons françaises en 1477, la courageuse défense de la dame d’Oiselay en 1481 et la surprise d'Arras par Claude de Vaudrey en 1489 (2) ; puis il rappelle hommage rendu à ses compatriotes par lillustre Saavedra G), qui, témoin oculaire de leur résistance, ne fait pas difficulté de l’égaler aux plus beaux exémples de lPantiquité (4). À quoi bon d’ailleurs chercher d’autres témoignages de l’estime en laquelle les rois catholiques ont toujours tenu les Franc-Comtois que la garde bourguignonne qui veille aux portes de leurs palais? (1) Jean Le Camus de Beaulieu, intendant de justice, police et finances au comté de Bourgogne, fils de Nicolas Le Camus, secrétaire d'État, et de Marie Colbeit. Peut-être ne fut-ce pas lui qui se rendit à Salins, mais son P Ï ) délégué au bailliage d’Aval, Louis Chauvelin, fils de Louis Chauvelin, sei- gneur de Crisenoy, maitre des requêtes au parlement de Paris, et de Claudine Bonneau. (2) GoLLuT, Les mnémoires historiques de la république séquanoise et des princes de la Franche Comté de Bourgongne, p. 914, 921 et 929. Arras fut surpris € par la faction d'un serrurier Bourgougnon, qui en avoit les fausses clefs, et qui havoit envoié le mot à Vauldré de doner ré- solument dedans, quand il l'entendroit chanter sur la muraille cette chan- son : Marchés la duron duraine : marchés la duron duriau. » Lp., op. ip. 941: (3) Saavedra avait passé des Pays-Bas en Franche-Comté au mois de juin 1633 pour rendre compte au roi de l’état de la province. (4) « Qué guerras, qué calamidades, qué incendios no ha tolerado cons- tante el cond:1do de Borgoña por conservar su obediencia y lealtad à su Rey ! Ni ‘a tirania y barbara crueldad de los enemigos, ni la infeccion de los elementos conjurados todos contra ella, han podid» derribar su cons- tancia. Pudieron quitar à aquellos fieles vasallos las haciendas, las patrias y las vidas, pero no su generosa fee y amos entrañable a su Señor natu- ral. » SAAVEDRA, Idea de un Principe politico, Empresa 58. — 978 — Voilà quarante ans que la province vit dans des alarmes per- pétuelles. La paix des Pyrénées venait à peine d’être signée, quand la querelle survenue dans les rues de Londres entre l'ambassadeur français et l'ambassadeur espagnol fit présager une rupture (1). Le traité d’Aix-la-Chapelle n’a été qu’une courte trève; on s'attendait tellement à la guerre que les pauvres communautés ont été chargées d’impositions pour l'entretien des troupes soldées à leurs frais, mais la Franche- Comté ne songerait pas à s’en plaindre, si elle appartenait en- core à l'Espagne. « Quelques maux qu’elle souffre, dit Bigeot, son cœur sera toujours plus rouge que son sang (), et les lys () ne pousseront jamais de racines dans son âme (estara stempr'e su coraçon Mas rojo que su sangre, y las lyses nunca echaran raices en sus animos) ». C’est ce qu’on a bien vu en 1637, lorsque ses fils furent réduits à se nourrir de chair hu- maine (4) et que la plupart d’entre eux durent s’expatrier pour ne pas vivre plus longtemps dans la compagnie des bêtes sauvages. Arrivant à la conquête de 1674, Bigeot en énumère rapide- (1) Dans le Bourguignon intéressé (p. 34), Bigeot avait déjà rappelé l « horrible tempeste qui fit quasi échouer les vaisseaux au havre de la paix ; je veux dire cette difficulté qui arriva à Londres entre les ambassa- deurs d’Espagne et de France, au sujet de la prééminence. » Cf. Mme DE MOTTEvVILLE, Mémoires, t. VI, p. 94; MoNTGrAT, Mémoires, t. IV, p. 260 ; A. MorEL-FaATIo, Recueil des instructions données aux ambassadeurs et ministres de France depuis les traités de Westphalie jusqu’à la Révolution française, t. XI (Espagne), p. 165. (2) Le rouge était la couleur nationale de nos ancêtres. (3) On lit dans l’épitre liminaire au roi du Bourguignon intéressé : « Si par malheur il s’est trouvé dans la Franche-Comté de Bourgogne quelque mal intentionné, et qu'ils n’ayent pas eu tous les sentimens de bons et fidels sujets, il n’en faut point accuser le corps, qui s’est tousjours conservé dans l'inviolable obéissance qu'il doit à V. M. et quoy qu'il se soit veu sous la domination des 1ys, jamais ils n’ont pris racine dans son cœur. » (4) Cf. Un épisode de la famine de 1638 en Franche-Comté, dans le Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts de la Haute-Saône, année 1883, p. 172. Dee — 979 — ment les incidents les plus saillants. Son récit ne fournit pas de détails nouveaux ; il me semble néanmoins à propos de le traduire, ne serait-ce que pour tirer de l'oubli les noms de quelques capitaines qui firent bravement leur devoir dans les postes qui leur avaient été confiés. « La douleur que les Franc-Comtois conçurent d’avoir été injustement calomniés en l’an mil six cent soixante-huit leur imprima un si vif désir de restaurer l'honneur queles langues médisantes leur avaient voulu enlever, qu'ils résolurent en lan mil six cent soixante et quatorze de le recouvrer à n’im- porte quel prix. au moyen des actions insignes et héroïques qu'ils accomplirent. Sa Majesté Très Chrétienne ayant entre- pris la conquête de la Franche-Comté de Bourgogne y vint en personne aù mois de mars de 1674 avec une nombreuse armée pour subjuguer cette province (1). Sa venue fut précé- dée de quelques gens de guerre, qui s’emparèrent incontinent des petites villes d’Aval (2), mais non sans perdre beaucoup de monde. Lons-le-Saunier, Poligny, Saint-Amour, Orgelet, préférant à leurs propres intérêts l’obéissance qu’elles doivent à leur souverain, mirent le feu à leurs maisons et par cet in- cendie universel obligèrent à sortir les garnisons qui S'y trouvaient (3). Celles-ci ayant rencontré en chemin quelques {1) Ce ne fut pas au mois de mars, mais au mois d'avril, que Louis XIV vint en Franche-Comté : parti de Dijon le 30 avril 1674, il arriva dans l’a- près-midi du même jour à Gray. (2) Dès le 28 novembre 1673, le vicomte d’Apremont s'était saisi de Saint- Amour. Gazette de France du 20 décembre 1673 ; CORNEILLE SAINT-MARC, Tablettes historiques, biographiques et statistiques de la ville de Saint- Amour, dans les Mémoires de la Société d'émulation du Jura, année 1868, p. 299. (3) Ni Saint-Amour, ni Poligny, ni Lons-le-Saunier n’incendiérent leurs _ faubourgs pour obliger les Français à les évacuer. Seuls, les habitants d'Orgelet tentèrent de s'affranchir de l'occupation étrangère en introdui- sant dans leurs murs, le 31 mars 1674, cinq à six cents hommes de la terre de Saint-Claude, qui se retirèrent le lendemain, après avoir inutilement sommé de se rendre les ennemis réfugiés dans l’église. Cf. Le vicomte d'Apremont à Louvois, Orgelet, 3 avril 1674. — L, ORDINAIRE, Deux épo- — 280 — troupes de la province, qui les chargèrent, furent entièrement mises en déroute et tous furent tués, laissant pour butin à nos troupes leurs chevaux, leurs bagages et tout ce qu'ils avaient de plus précieux (1). « Le gros des Français avançant dans le pays et croyant rencontrer dansla ville d’Arbois la même facilité que dans les autres, l’assiégea quand il vit la résolution des habitants à se défendre ; elle fut attaquée avec vigueur et généreusement défendue. Le capitaine de Mérona (2), qui commandait la place fit des merveilles ; son courage et son bon gouverne- ment secondèrent glorieusement la bravoure des bourgeois, qui, méprisant les risques évidents de leur vie, se défen- dirent avec une telle résolution qu'ils obligèrent les ennemis à se retirer honteusement (3). Nous avons déjà dit que les ques militaires à Besançon et.en Franche-Comié, t. I, p.345 ; Gazette de France, extraordinaire du 16 mai 1874: L’entrée du Roy dans la Comilé, le siège de Besançon par l’armée de Sa Majesté, et ce qui s’est passé à Orgelet entre les troupes du Roy et celles des Comtois ; Mer- cure hollandois, année 1674, p. 284; Relation de ce qui s’est passé en la ville d’Orgelet, entre les troupes de Sa Majesté, commandées par le sieur de Maisoz, gentilhomme Bourguignon, et celles des ennemis, le 31 du mois de mars 1674 (Besançon, 1674, in-#). (1) J’ignore à quelle rencontre Bigeot fait allusion, à moins que ce ne soit celle dont parle le Mercure hollandois, lorsqu'il dit : « Quelques gentil- hommes et païsans du païs d’Aval s’étant assemblés pour aller au secours de ceux d’Arbois, se mirent en embuscade en un lieu où 4 comp. de caval. ennemie devoient passer, lesquelles ils deffirent entièrement (p. 283). » (2) Philippe de Merceret, seigneur de Mérona, lieutenant-colonel du régi- ment de milice du bailliage d’Aval, avait été nommé commandant d’Arbois le 1% mars 1674 ; il prit part, trois mois plus tard, à la défense des forts - de Salins. (3) Le 31 mars 1674. Les Français avaient mis le siège devant Arboiïs le 24. Cf. Gazelte de France, extraordinaire du 16 mai1674 ; Mercure hollan- dois, année 1674, p. 282 ; Relation de ce qui s'est passé au siège de la ville d’Arbois attaquée par les troupes de France, sur la fin du mois de mars 1674 (Besançon, 1674, in-#); E. Bousson DE MAIRET, Annales his- toriques et chronologiques de la ville d’Arbois, p. 403 ; A. VANSSIÈRE, Huit ans de l’histoire de Salins et de la Franche-Comté {1668-1675}, p. 111 ; GIRARD, Le siège d’Arbois en 1674, dans les Mémoires de la So- -ciété d’émulation du Jura, année 1878, p. 467. — 981 — femmes eurent part à cette gloire ; postées sur les murailles, elles s’y conduisirent en véritables Amazones. Elles vou- lurent imiter et elles surpassèrent même de beaucoup l'exemple des femmes d’Aquilée, dont parle Coeffeteau (D), disant que, lors du siège de cette place par l'empereur Maxi- min, les cordes des ares des soldats s'étant rompues à force de tirer et le chanvre manquant pour en faire d’autres, elles y suppléèrent en coupant leurs cheveux, La petite ville de Pesmes sentit les effets des attaques des ennemis 2). Après la prise de ce lieu, ils marchèrent contre le château d’Oi- gney (3), qui n’est fort d'aucune sorte. Ils lui signifièrent de se rendre. Busenot (4), qui y commandait, méprisa leurs me- naces, et, bien qu’il n’eût avec lui que quelques paysans pour défendre la place, les ennemis n’osèrent pas l’attaquer cette fois. Ils se retirèrent pour faire venir l’arüllerie, qui, après avoir tiré un grand nombre de coups, fit à la fin brèche dans la partie la plus faible que découvrit un déloyal Savoyard. Ils pénétrèrent par cette brèche, prirent et saccagèrent tout ce qu'il y avait dans la place, se saisirent de la personne de Busenot et le conduisirent au château de Dijon, où il demeura prisonnier plusieurs mois (9). | » Ce ne furent pas seulement les places qui paraissaient (4) «Lib. 6 de Hist. Rom. » (2) Sur la reddition de Pesmes (14 février 1674), cf. Gazette de Franre des 1er et 7 mars 1674 ; Ibid., extraordinaire du 15 mars 1674: L'entrée des troupes du Roy dans la Franche-Comté, sous le commandement du duc de Navailles, et la prise de la ville de Gray, ensuite de celle du chasteau de Pesme, de la ville et chasteau de Marnay el de seize autres petits chasteaux par les mesmes troupes; Mercure hollandois, année 167%, p. 160; NAVAILLES, Mémoires, p. 297; PELLISSON, Lettres historiques, t. 1, p.117 ; J. CHiFrLEr, Mémoires t. VI, p. 551. (3) Ougney. . (4) L'abbé de Balerne ne donne pas dans ses mémoires le nom de cet of- ficier, qu'il dit seulement « jeune homme bien intentionné et courageux. » (5) L'intendant Taruelle à Louvois, Pesmes, 21 février 1674. — LE, OrbI- NAIRE, Deux époques militaires à Besançon et en Franche-Comté, t. I, p. 321. 19 — 282 — capables de se défendre qui donnèrent des preuves de leur valeur et de leur fidélité; les bourgs voulurent aussi y avoir part. Les habitants d’Arcey laissent à la postérité un exemple de fidélité sans égal. Attaqués à l’improviste par une grosse troupe d’ennemis, ils se retirèrent au clocher de leur église, où ils se défendirent avec une telle vigueur qu'ils tuèrent la plupart des ennemis, et, bien que les balles et la poudre leur fissent défaut, ils aimèrent mieux mourir et être brülés vifs dans leur clocher que de se rendre. Leur village fut ensuite réduit en cendres (1). » Que ne fit pas la ville de Faucogney, qui n'avait ni for- tifications ni défenses? Ses généreux bourgeois firent des retranchements de leurs corps; ils ne voulurent entendre à aucune composition, bien que le marquis de Resnel (2), ma- réchal de camp, leur en offrit une très avantageuse. N'ayant pas voulu laccepter, un assaut général fut donné, dans le- quel moururent la plupart de ces braves bourgeois, et, après la prise de la ville, les Français (sacrilège horrible !) rédui- sirent en poudre la maison de Dieu et toute la ville, pillèrent les sanctuaires, profanèrent les reliques, violèrent les filles et les femmes (3) en présence du très auguste Sacrement de (1) L'incendie du village d'Arcey eut un prodigieux retentissement dans toute la province. Cf. Mercure hollanilois, année 1674, p. 46; Relation de l’embrasement et du sac du village d'Arcey en la Franche-Comté de Bourgongne, faits par les François le 8 janvier de l’an 1674 (Be- sançon, 1674, in-4):; Relation fidèle du siège de la lanterne, ou de ce qui s'est passé devant le clocher de l’église d’Arcey, petil village du comté de Bourgogne, le VIII de l’an 1674. — Annuaire du Doubs de 1860, p. 88 ; J. CHIFFLET, Mémoires, t. V[, p. 503. (2) Louis de Clermont d'Amboise, marquis de Resnel, maréchaïi de camp des armées du roi, fils de Louis de Clermont d'Amboise, marquis de Res- nel, gouverneur de Chaumont, et de Diane de Pontailler. Le marquis de Resnel fut tué d'un coup de canon au siège de Cambrai, le 11 avril 1677. PELLISSON, Lettres historiques, t. III, p. 228. (3) Rétablissons la vérité sur ce point à la louange de nos aïeules : « Les femmes et filles, attaquées par les âmes possédées du démon d'impureté, qui s’estoient montrées généreuses comme des amazones à défendre la brèche, firent bien paroistre que, si elles avoient esté fidèles à leur roy, IT 9283 _— Pautel, qu'ils foulèrent aux pieds en mettant à mort le prêtre qui le portait (1), et enfin mirent cette pauvre place désolée au point de ne pouvoir jamais se relever (2). » Mais les villes principales montrèrent bien que, si les calamités de l’année mil six cent soixante-huit les avaient dépouillées de leurs murs et de leurs fortifications, le courage de leurs bourgeois demeurait insurmontable. La ville de Gray fut attaquée la première et, bien que ses murailles fussent entièrement rasées et les ouvrages extérieurs ruinés, n'ayant pour toute défense que quelques palissades plantées à la hâte dans une terre fraichement remuée 6, elle soutint néanmoins une violente attaque de plusieurs Jours et des as- sauts continuels avant que de se rendre, ce qu'elle ne fit que lorsque les moyens d’une vigoureuse défense lui firent défaut et qu’elle se vit réduite à la dernière extrémité (4). Les villes elles vouloient l'estre aussi à leur Dieu, à leurs maris et à leur honneur, -en se défendant de telle sorte que les infàmes, voyant qu'ils ne pouvoient triompher de leur vertu et pudicité, assouvirent leur brutale concupiscence à l'endroit de deux pauvres vieilles, dont la plus jeune passoit quatre- vingts ans, ce qui leur devoit causer plus d'horreur de ce crime que d’en- vie de le commettre. » Lettre écrite par un notable de Faucogney, con- tenant le récit du siège et de la prise d'assaut de Faucogney par les Français le 4 juillet 1674, dans la Revue de la Franche-Comté, année 1843. Cf. L. ORDINAIRE, Deux époques militaires à Besançon et en Franche-Comté, t. 1, p. 569. (1) Aucun prêtre ne fut tué à Faucogney, mais plusieurs religieux se virent cruellement maltraités et le P, Charles-Eugène Schmidt, capucin, qui avait dirigé la défense, fut envoyé à la Bastille, où il demeura plus de quatre ans. J. MOREY, Les capucins en Franche-Comté, p. 111. (2) Gazelte de France du 18 juillet 1674; Jbid., extraordinaire du 1°" août 167% : La prise par assaut de la ville de Faucogney, avec la ré- duction de Luxeuil et de Lure, dans la Comté, par les troupes du Roy sous le commandement du marquis de Rénel. (3) Une relation contemporaine dit de la ville de Gray: « Elle n’avoit _ pour fortiffication que des contrescarpes et pallissades, c’est pourquoy on l’appelloit un jardin pallissadé. » V. Histoire des guerres intentées dans les duché etcomté de Bourgogne par Tremblecour, Lorrains, François et autres, avec ce qui s est passé de plus remarquable depuis l’an 1594 jusqu'à l'an 1699, fol. 263. — Ms. de la bibliothèque de Vesoul. (4) Sur le siège de Gray (23-28 février 1674), cf, Gazette de France des — 284 — fortes sont parfois préjudiciables à une province et les villes faibles toujours malheureuses pour n’être pas défendues. « La cité de Besançon, que les Français pensaient prendre sans résistance pour n'avoir ni ouvrages extérieurs, ni bou- levards, ni murailles, donna à connaître que la force ne con- siste pas seulement dans les fortifications et que le courage et les généreuses résolutions sont les véritables forteresses des villes. Ces braves citoyens, animés par l'exemple et la pré: sence du prince de Vaudémont (1), déposèrent toute crainte. Ce prince se trouvait dans toutes les occasions les plus ris- quées; il montrait bien qu'il était le très digne fils de cet in- vincible Charles, qui mourut il y a peu de temps au lit d’hon- neur (2), après avoir donné des montres de sa valeur en une infinité de rencontres et de batailles rangées. Je dis donc que 7 et 15 mars 167%; Ibid., extraordinaire du 15 mars 1674; Mercure hol- landois, année 1674, p. 161 ; Œuvres de Louis XIV, t. ILF, p. 492 ; Na- VAILLES, Mémoires, p. 297 ; J. CuiFFLET, Mémoires, t. VI, p. 598 ; CRES- FIN, Recherches historiques sur la ville de Gray, p.281 ; GaATIN et BES- SON, Histoire de la ville de Gray, p. 255; L. ORDINAIRE, Deux époques militaires à Besançon et en Franche-Comté, t 1, p. 325. (1) Charles-Henri de Vaudémont, fils de Charles IV, duc de Lorraine et de Bar, et de Béatrix de Cusance, princesse de Cantecroix. En 1668, le prince de Vaudémont avait pris part, comme volontaire, au siège de Dole par les Français. Son but, en s’enfermant à Besançon, était de donner à son père le temps de secourir la Franche-Comté : après la reddition de la ciladelle, 11 passa aux Pays-Bas, où il servit dans les armées du prince d'Orange en qualité de général de la cavalerie impériale. L'ouverture de la succession de Charles If le fit une troisième fois changer de parti : gou- verneur du Milanais et chevalier de la Toison d'or, « ce Protée, » comme l'appelle Saint-Simon, embrassa la cause de Philippe V. tandis que son propre fils combattait dans les rangs des Impériaux, et obtint de Louis XIV l'érection en principauté de sa terre de Commercy. Sa première femme, Anne-Élisabeth de Lorraine, fut l'amie de Mme de Sévigné et de Mrw° de Grignan. Cf. SAINT-SIMON, Mémoires (édit. Régnier), t. IV, p. 337; Mme DE SÉVIGNÉ, Leltres, t. X, p. 21; L. Pinaaup, Le prince Charles-Henri de Vaudémont (1649-1723), dans les Mémoires de la Société d’émulation du Doubs, année 1878, p. 353. (2) Charles IV était mort le 18 septembre 1675, après avoir eu la satis- faction de voir ses troupes battre à plates coutures le maréchal de Créqui (11 août 1675). LT + — 9285 — ce prince animait les citoyens, les traitant comme s'ils étaient ses égaux. Le dégât que les ennemis faisaient dans leurs champs et dans leurs vergers et dans leurs vignes, qu’ils arrachaient, n’abattit pas néanmoins leur zèle et leur ar- deur, tenant à bon augure la faiblesse de leurs ennemis, qui faisaient la guerre aux choses insensibles, contre le précepte de la Sainte Écriture, en termes exprès : « Quando obsederis civitatem mullo tempore et munilionibus circumdederis, ut expugnes eam, non succides arbores de quibus vesci potest, nec securibus per cireuitum debes vastare regionem, quo- miam lignum est, et non homo, nec potest contra te bellan- tium augere numerum » (1). Ces pertes et dégâts, qui ne fai- saient aucune impression sur les esprits des citoyens, obli- gèrent les ennemis à jouer de leur reste. Ils donnèrent as- sauts sur assauts ; ils firent un feu continuel de leurs batte- ries. Tout cela n'eut pas d’autre effet que la perte de leurs plus vaillants caporaux et soldats, dont la plupart furent dé- pouillés par les habitants de la cité. « Victorieuse füt demeurée la cité de Besançon, si Sa Ma- jesté Très Chrétienne ne fût venue en personne animer ses soldats (2). Dès son arrivée au camp, tous se mirent avec in- trépidité à donner assaut sur assaut, en sorte qu'après beau- coup de combats signalés, dans lesquels l'ennemi perdit ses soldats et ses officiers les plus vaillants, après un siège de vingt et un Jours, pendant lequel il avait tiré plus de vingt mille coups de canon, et après une attaque à la porte d’Arènes qui dura de dix heures du soir à quatre heures du matin et où les Français perdirent plus de deux mille hommes 6), les postes du dehors étant déjà pris, force fut d'entrer en composition, contre l’avis cependant des citoyens ; ceux-ci voulaient qu’on .(D) « Deuteron., cap. xx. » (2) Louis XIV arriva au camp de Besançon le 2 mai. (3) Le 13 mai 1674. Les Français avouèrent que cet assaut leur avait coûté un millier d'hommes. L. ORDINAIRE, Deux époques militaires à Besançon et en Franche-Comté, t. I, p. 488. — 9286 — coupât une arche du pont qui est dans la ville, sous lequel passe la rivière du Doubs, pour se défendre quelques jours de plus ; mais la sagesse du prince de Vaudémont et du ba- ron de Saint-Mauris (1), qui commandait les bourgeois, leur fit entendre que la rupture de leur pont n’empêcherait pas la prise de la ville, qu’elle n’aurait d'autre conséquence que de retenir l’ennemi deux ou trois jours de plus, qu’ensuite ils n’obtiendraient pas une composition aussi avantageuse que celle qu’on leur offrait à présent. Quelques gentilshommes de la province, qui s'étaient volontairement retirés dans cette cité, manifestèrent leur zèle en gardant les fortifications ex- térieures (2), et le mestre de camp comte Fabio Visconti (3), — (1) Ferdinand-Mathieu de Saint-Moris, baron de Choye, mestre de camp d’un régiment d'infanterie, fils de Mathieu de Saint-Moris, seigneur de Saint-Cyr, et'de Catherine Lescot. Le baron de Choye avait été nommé, le 43 février 1674, commandant d'armes à Besançon ; le magistrat de cette ville reconnut sa belle conduite pendant le siège par le don d’une chaine d’or et d'une médaille de la valeur de 200 pistoles. Après avoir « failli être pendu en Italie pour s'être trop obstiné dans une place non tenable, » ül avait vu pâlir sa réputation militaire en 1668, ayant été contraint par le marquis d’Yenne de rendre le château de Joux à la première sommation. (2) Parmi ces gentilshommes il n’est que juste de citer Claude-Louis d'Andelot, seigneur de Tromarey, Vellexon, etc., fils d'Élion d’Andelot, seigneur de Tromarey, Motey, Chancey, etc., gouverneur de Gray, et de, Magdeleine de Grammont, qui fut blessé à mort en défendant là demi-lune d'Arènes. Ses parents le destinaient primitivement à l'Église, mais le saint curé de Mattaincourt, Pierre Fourier, leur avait prédit qu’il embras- serail la carrière des armes. Cf. E. LoNGiN, Saint Pierre Fourier et la Franche-Comté, p. 26. (3) Fabio Visconti Borromeo, mestre de camp d’un régiment d’° de fils de Pyrrhus Visconti Borromeo et d’Hippolyte Annona. Suivant la Gazette de France, le comte Fabio Visconti aurait été tué au début de l'assaut donné à la citadelle, le 20 mai 1674; mais il est permis d'en douter, car le manuscrit de la bibliothèque de Vesoul dit qu’il prit part, avec son frère Alexandre, à la délibération qui précéda la capitulation, et on voit, quelques mois plus tard, son régiment envoyé de Milan en Sicile. Mercure hollandois, année 1674, p. 558. La belle-sœur du comte Fabio Visconti, Caroline de Saint-Amour, fut comp- tée parmi les beaux esprits du temps; elle fit notamment admirer lä vivacité de son imagination dans « une réponse ingénieuse à M' Claude de la Fond, Dr.” + = æ er 4 = QT — de la très illustre et ancienne maison des comtes Vis- conti Borromée de Milan, montra sa grande valeur et sa grande affection. On vint à traiter de la capitulation; celle-ci conclue et signée (1), les Français entrèrent et, s'étant em- parés des portes et des principaux postes, passèrent au siège de la citadelle, où s’était retiré le prince de Vaudémont et où commandait le baron de Soye (2), qui, encore qu'il s’acquittàt très bien de son devoir d’excellent soldat et de vaillant chef, ne put résister, car la place était dominée par deux monta- gnes (3). Ce n’est pas qu'avec sa longue expérience il eût omis de reconnaitre ces défauts et de faire de grandes ins- tances pour v remédier, construisant des épaulements (comme firent depuis les Français) pour être à couvert des deux montagnes qui dominent cette citadelle. Les ennemis avaient établi sur celles-ci des batteries, qui ne cessèrent de intendant de Franche-Comté, lequel luy avoit écrit en stile burlesque une lettre de condoléance sur la perte d'un de ses chiens, » Dom PAYEN, Bi- bliothèque de la Bourgogne séquanoise, p. 299. (4) Le 15 mai 1674. Cf. Relation du siège de Besançon (Bibl. de Be- sançon, Mss. 1055 et 1056); Gazette de France des 9, 16, 23 et 30 mai 1674; Tbid., extraordinaire du 16 mai 1674 : L'entrée du Roy dans la Gomté, le siège de Besançon par l’armée de Sa Majesté, et ce qui s’est passé à Orgelet entre les troupes du Roy et celles des Comtois; Ibid., extraordinaire du 23 mai 1674 : Le Journal du siège de Besançon, avec l'ouverture de la tranchée et les autres particularitez de ce siège, Ibid... extraordinaire du 30 mai 1674: La prise de la ville de Besançon, par l’armée du Roy. avec la suite du Journal de ce siège; Mercure hollandois, année 1674, p. 329 ; Œuvres de Louis XIV, t. IT, p. 466; Journal manuscrit du siège de Besançon en 1674, dans le Bulletin de l'Académie des sciences, belles-letires et arts de Besançon, année 1831, p. 191. (2) Prosper-Ambroise Precipiano, baron de Soye, bailli d'Aval et gou- verneur de la citadelle de Besançon, fils d'Achille Precipiano, baron de Soye, seigneur de Romain, Mésandans, Bonnal, ete., gouverneur de Fau- cogney et sergent de bataille dans les armées impériales, et de Jeanne de Montrichard. On accusait le baron de Soye de suivre aveuglément les con- seils de sa femme, Marie de Serinchamp. (3) Bregille et Chaudanne. Un boulet parti d'une de ces hauteurs em- porta la têle d’une femme de chambre qui allait puiser de l'eau à une ci- terne; la baronne de Soye fut elle-même blessée par un éclat. — 288 — jouer tout le temps que dura l'attaque, sans qu'aucun soldat osât se découvrir (1). Les grandes actions ne manquent ja- mais d’être enviées et c’est avec raison qu'un ancien a dit que l’envie est une herbe qui pousse seulement dans les jardins. des hommes insignes; jamais on ne porte envie à l’état d’un misérable, mais bien à une personne constituée en dignité et toujours exposée à la langue médisante des envieux ; c’est pour cette raison que ceux qui ne pouvaient souffrir les fa- meuses qualités du baron de Soye ont publié qu’il s'était rendu très vite et qu'il pouvait résister plus longtemps aux efforts des ennemis; il est facile de reprendre, mais très difficile de faire mieux. Le conseil de guerre se tint dans la maison du prince de Vaudémont, en l’absence du baron de Soye @), qui avait ordre du gouverneur de la province de se conformer aux opinions dudit prince; voyant cette place courageusement attaquée et jugeant qu’on ne pouvait plus résister, il résolut de la rendre, de quoi ledit baron de Soye fut avisé: il ne s’y résigna que lorsqu'il eut reconnu que la résistance était im- possible, vu le grand carnage que faisait la batterie des en- nemis. Les capitaines d’Amandre G) et Georget (4 furent (1) Cf. BEauvAU, Mémoires, p. 383. (2) C’est une erreur : le baron de Soye prit part à la délibération dans laquelle on reconnut l'impossibilité de tenir davantage, tandis que le prince de Vaudémont, qui ne voulait pas être compris dans la capitulation, assista au conseil de guerre comme simple témoin. Gazette de France des 30 mai et 5 juin 1674; Ibid., extraordinaire du 5 juin 1674 : La prise de la cita- delle de Besançon, les articles de la capitulation accordée par le Roy à la garnison, aux habitans des deux villes et au baron de Soye, gou- verneur de la citadelle, avec tout ce qui s’y est passé de plus remar- quable; Vera relatione dell’ assedio della citta e citadella di Bisanzon (Rome, 1674, in-4); La réduction de la ville et citadelle de Besançon à l’obéissance du Roy (Aïx, 1674, in-#). (3) Hardouin d’Amandre, capitaine au terce du baron de Soye, fils de François d'Amandre, seigneur d'Échenoz-le-Sec, et d’Anne de la Tour- Saint-Quentin. V. À. GUÉNARD, Besançon et ses environs, p. 141. (4) Louis Guye, dit Georget, capitaine au terce du baron de Soye, fils de Renobert Guye, dit Georget, et de Magdeleine Vandensept. Capitaine — 289 — tués en se portant au secours d’un endroit que les ennemis attaquaient. C’est faire un affront notoire audit baron de Soye et à toute son illustre maison que de douter de son bon gouvernement et de la générosité qu’il a montrée, imitant celle de ses ancêtres aux batailles de Leipzig et de Rhetel (1). Cette province étant retournée en l’an 1668 sous la domina- tion de V. M., il fut nommé, en récompense de ses services, gouverneur de la cité et citadelle de Besançon () et, tout le temps de son gouvernement, il veilla à l'achèvement de cette citadelle, découvrit les conspirations des mal intentionnés contre la province et ce qu'ils tramaient contre sa per- sonne (3), « C’est faire injure aux illustres et généreuses actions que de les laisser ensevelies dans oubli; il convient de les pu- blier pour qu’elles servent d’émulation à la postérité. Le ca- pitaine Bétis, Aragonais de nation, gardait avec sa compagnie les postes extérieurs de cette citadelle ; il résista longtemps au terce de la Verne, son père s'était distingué, en 1636, à la défense de Dole. (1) Le père du baron de Soye avait péri glorieusement à la journée de Leipzig (2 novembre 1642). Cf. Oratio funebris in Constantiensi gym- nasio XXIV januarii dicta excellentissimi domini D. Achillis a Preci- piano, baronis de Soye, supremi vigiliarum apud exercitum cæsaream præfecti (Marsbourg, 1643, in-#). Je crois que Bigeot confond iei la bataille de Rhetel (15 décembre 1650) avec la bataille de Thionville (7 juin 1639), après laquelle Piccolomini écri- vit au marquis de Saint-Martin, en parlant d'Achille Precipiano : « Vostre Bourguignon nous a donné la victoire, car 1l a recogneu le passage et passé le premier et forcé le camp ennemy. » GIRARDOT DE NoZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 241. (2) Les patentes nommant Prosper-Ambroise Precipiano « gouverneur et commandant de la province et des forts qui sont et seront établis pour la _ garde et défense de la cité de Besançon » sont du 6 août 1668. (3) Ce fut le baron de Soye qui avertit le comte de Monterey, gouver- neur des Pays-Bas, du complot ourdi par le marquis de Listenois, à l’au- berge du Chapeau rouge, pour se saisir de la citadelle de Besançon. E. CLERC, Histoire des États généraux et des libertés publiques en Franche-Comté, t. Il, p. 309. M, à aux efforts des ennemis, les repoussa plusieurs fois, et ses gens, se voyant sans forces pour arrêter les attaques conti- nuelles qu’ils recevaient, se retirèrent, pendant que ce capi- taine, se laissant emporter par l’ardeur du combat, faisait des merveilles à se défendre; averti que les siens l’avaient aban- donné, 1l courut à eux et les fit retourner au combat, où ül acquit beaucoup d'honneur et de gloire. « La ville de Salins ne fut pas exempte d’un siège et il s’y fit aussi une généreuse résistance. Comme cette place ne subsiste pas sans les forts qui l’environnent, attendu qu’elle n’a que de simples murailles que peut raser un fauconneau, elle fut réduite à l’obéissance des ennemis (1). Ceux-ci n’omi- rent pas d'attaquer les forts qui lui servent de défense, prin- cipalement celui de Saint-André, où commandait le capitaine Maistre (2), qui donna des preuves de sa valeur et ne l’aban- donna qu'après avoir fait un grand carnage des ennemis. « La ville de Dole inspirait par son seul nom de la terreur aux ennemis, par le souvenir de la généreuse résistance qu'elle avait faite en l’an 1636. Elle soutint trois mois un siège royal, commandé par le prince de Condé 6); elle mé- (4) Le 22 juin 1674. Gazette de France des 27 juin et 4 juillet 1674 ; Mercure hollandois, année 1674, p. 337 ; PELLISSON, Lettres historiques, t. Il, p. 12%; J.-B. BÉGHET, Recherches sur Salins, t. 1, p. #71; A. VAYSSIÈRE, Huit ans de l’histoire de Salins et de la Franche-Comté (1668-1675), p. 118. | (2) Jean-François Maistre, seigneur de Sornay, fils de Jean-Louis Maistre, seigneur d’Aresches, et de Jeanne Pourtier d’Aiglepierre. Son frere, Alexandre Maistre, seigneur de Laër, que Saint-Simon dit fils d’un caba- relier, devint premier lieutenant des gardes du corps de Philippe V, roi d'Espagne, et fut créé par ce prince marquis de Bay le 33 juillet 1704 ; lieutenant général des armées espagnoles, il enleva Alcantara aux Portu- gais en 1705, fut battu à Saragosse en 1710, mais prit la même année sa revanche à Villa-Viciosa, et mourut, le 14 novembre 1715, chevalier de la _ Toison d’or et vice-roi d’'Estrémadure. (3) Henri II de Bourbon, prince de Condé, premier prince du sang et premier pair de France, lieutenant général des armées du roi et gouver- neur de Berry, de Bourgogne et de Bresse, fils de Louis [°' de Bourbon, prince de Condé, et de Charlotte de la Trémouille — 291 — prisa ses efforts et, après avoir fait une généreuse résistance, elle obligea ce prince à une retraite honteuse (1), bien que dans son enceinte elle souffrit cruellement de la peste, qui la priva de ses meilleurs et de ses plus généreux soldats (2). Dans cette dernière occasion, on s’assurait du crédit et de la réputation de la France et de son Roi, qui se trouvait en per- sonne ; néanmoins cette royale présence ne troubla en rien la valeur de ces généreux bourgeois, qui montrèrent toute l'affection et tout le zèle qu’on peut attendre de gens d'hon- neur. Le marquis de Saint-Martin (3) fit des prodiges, mais l'espoir et même l'apparence d’être secouru faisant défaut, force fut de rendre la place à des conditions avantageuses, qui n’ont pas été gardées, non plus qu'aux autres places. Le marquis de Bourguemené (4), que V. M. avait honoré du gou- (4) Sur le siège de Dole par le père du grand Condé, cf. Gazette de France des 7, 21 et 28 juin, 5, 12, 19 et 26 juillet, 2,9. 16 et 23 août 1636; Ibid., extraordinaires des 5, 11 et 14 juin, 3 juillet et 7 août 1636 ; Wer- cure françois. années 1635, 1636 et 1637, p. 131; Déclaration des com- mis au gouvernement de la Franche-Comté de Bourgongne, sur l’en- trée hostile de l’armée françoise audict pays (Dole, 1636, in-#4) ; GIRAR- DOT DE NOZEROY, La Franche-Comté protégée de la main de Dieu contre les efforts des François en l'an 1636 (Dole, 1636, in-4) ; Ip., His- toire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 84 ; Boyvix, Le siège de la ville de Dole, capitale de la Franche-Comté de Bour- gongne, et son heureuse délivrance (Dole, 1637, in-4 et Anvers, 1638, in-#) ; PETREY-CHAMPVANS, Lettre... à Jean-Baptiste Petrey, sieur de Che- min (Dole, 1637, in-4) ; E. LONGIN, Éphémérides du siège de Dole (Dole, 1896, in-19); Ip., Documents inédits sur le siège de Dole (Besançon, 1898, in-8) ; J. GAUTHIER, Poésies françaises et latines inédites sur le siège de Dole de 1636, dans l'Annuaire du Doubs de 1899, p. 43. (2) Sur la fin du siège de 1636, la peste emportait à Dole cinquante à soixante personnes par jour. B. ProsT, Documents inédits relatifs à l’histoire de la Franche-Comté, t. IV, p. 57. (3) Charles de la Baume, marquis de Saint-Martin, colonel du régiment de Bourgogne et gouverneur de Dole, fils de Claude-François de la Baume, comte de Montrevel, maréchal de camp des armées du roi, et de Jeanne d’Agoult. (4) Charles-Emmanuel d'Este, marquis de Borgo-Manero, chevalier de la Toison d'or, fils de Sigismond IIT d Este, marquis de Saint-Martin, de — 992 — nement de la Bourgogne (1), étant venu prendre possession de la province, la trouva au point de son entière ruine, at- tendu que toutes les villes étaient déjà réduites sous la domi- nation française, hormis celle de Dole, où il voulut s’enfer- mer, tant q''e dura le siège formé devant elle par les Fran- çais ; 11 y montra sa valeur et son expérience de l’art militaire et aurait souffert les dernières nécessités, s’il n’eût préféré le salut de ces valeureux citoyens, qui secondaient avec une ardeur admirable sa généreuse résolution (2). Cet illustre marquis, qui ire son origine de la très ancienne maison d'Este, qui possède aujourd’hui en souveraineté le duché de Modène, prouva en toutes les occasions qu'il est le véritable héritier des héroïques vertus de ses prédécesseurs. « Les paysans retirés dans les bois ont fait mourir plus de Borgo-Manero et de Palezza, lieutenant général des armées du duc de Savoie, et de Françoise d’'Hostel. Ambassadeur de S. M, Catholique à Londres et à Vienne en 1679, vice-roi de Galice en 1686, conseiller d'État en 1691, il mourut à Vienne le 24 octobre 1695. (4) Le marquis de Borgo-Manero avait reçu l'ordre dese rendre en Franche-Comté à Lyon, comme il venait de conduire en Flandre la conné- table Colonna. Sur son rôle à l’égard de linfortunée nièce de Mazarin, cf. L. PÉREY, Une princesse romaine au xvu° siècle : Marie Mancini Colonna, p. 274. (2) Gazette de France des 5, 13 et 20 juin 1674; Ibid., extraordinaire du 13 juin 167%: Le siège de Dole par l’armée du Roy, commandée en personne par Sa Majesté, avec les particularitez de la prise de la contrescarpe et des autres actions qui s’y sont passées ; Tbid., extraor- dinaire du 20 juin 1674 : La prise de Dole par l’armée du Roy et les articles de la capitulation qui a esté accordée par Sa Majesté aux habilans et à la garnison, avec la suite du Journal de ce qui s’est passé au siège de celte ville-là ; Mercure hollandois, année 1674, p.336; Œuvres de Louis XIV,t. HI, p. 471; PELLISSON. Lettres historiques, t. Il, p. 193 ; Duxop pe CHARNAGE, Mémoires pour servir à l’histoire du comté de Bourgogne, p. 723; A. MARQUISET, Statistique historique et administrative de l’arrondissement de Dole, t. I, p.183 ; J. FiNoT, Les capitulations de Dole en I668 et en 1674, d’après les registres du ma- gistrat de cette ville, dans l'Annuaire du Jura de 1870, p. 117; À. Vays- SIÈRE, Le dernier siège de Dole par les Français en 1674, dans les Mé- moires de la Société d’émulation du Jura, année 1885, p. 411. Mes - — 293 — quinze mille Français (1), les obligeant à marcher en troupes de crainte d’être surpris. La même chose se pratiqua dans cette province en l’an 1364, quand les paysans tuaient grande quantité d’Anglais qui y faisaient des courses, dès qu’ils s’écartaient tant soit peu du gros de leurs troupes. Avec cela la Franche-Comté de Bourgogne reste au pouvoir de ses en- nemis; elle est tombée de la plus haute cime de la félicité dans l’abime de la misère; elle a perdu ses privilèges et ses anciennes iImmunités; on cancelle la justice établie par V. M. ; on érige un nouveau Parlement; les hommes honnêtes ont été opprimés et ceux dont le zèle et l'affection donnaient des inquiétudes sont sortis exilés (fol. 16-23) ». Dans les pages qui suivent, Bigeot accumule les preuves de ce qu’il nomme le joug tvrannique des Français. On a dé- sarmé tous les habitants de la province : si quelques-uns sont pris, les armes à la main, ils n’ont à attendre que la mort. Les paysans succombent sous le poids d'impôts écrasants; cha- que journal de terre labourable paie jusqu’à huit réaux de contributions ; chevaux et voitures sont journellement mis en réquisition pour conduire des vivres et des munitions de guerre dans les places que la France occupe en Allemagne. Les soldats répandus dans les campagnes se montrent d’une exigence insatiable : il leur faut les viandes les plus délicates; quand leurs hôtes ne peuvent satisfaire leur gloutonnerie, ils (1) L’exagération est manifeste, mais il n’en est pas moins vrai que les miliciens franc-comtois harcelèrent jusqu'à la fin les troupes de Louis XIV ; embusqués dans les bois, ils massacrèrent impitoyablement les soldats isolés oumarchant par petites troupes ; pendant le siège de Besançon, le duc d'Enghien écrivait qu'un cavalier ne pouvait faire un pas hors des gardes sans être tué et plus tard le futur maréchal de Luxembourg con- fessait que les paysans étaient « fort méchants. » V. Le duc d’'Enghien à Louvois, du camp devant Besançon, 27, 29 et 30 avril 1674 ; le sieur de Roze à Louvois, Langres, 18 mai 1674; Luxembourg à Louvois, Lanans, 18 et 19 mai 1674 ; l’intendant Taruelle à Louvois, Gray, 20 mai 1674. — L. ORbi- NAIRE, Deux époques mililaires à Besançon et en Franche-Comté, p.498, 432, 436, 549, 555 et 556. — 9294 — les maltraitent sans pitié. Dans les villes, les bourgeois sont accablés de logements militaires : personne n’est plus maïi- tre chez soi. On n’ose plus converser en public, car toute réunion est sévèrement interdite. Défense, sous peine de mort, de recevoir des nouvelles de l'extérieur ; défense, sous peine de confiscation et d'emprisonnement, de sortir de la province; ceux qui enfreignent les ordres des Français sont envoyés au fond de la France, où iis périssent de misère. Actuellement il y a en quartiers d'hiver dans le pays cinq mille chevaux, qui se font payer dix mille rations quotidiennes d’un demi-réal à huit réaux. Enfin Louis XIV se propose d’en- lever de Dole le parlement et de le transférer à Besançon (), et ses ministres demandent quatre cent mille franes à cette dernière ville pour un honneur auquel elle voudrait bien se soustraire (2). «Voilà, Sire, continue Bigeot, l’état présent de votre pau- vre Bourgogne: j'en parle avec une pleine conscience et avec une vérité irréfragable, puisqu'il y à peu de mois que Je me suis vu obligé de l’abandonner pour éviter les persécutions et les misères auxquelles me voulaient réduire les ministres (1) Le parlement fut transféré de Dole à Besançon par lettres patentes du 22 août 1676, enregistrées le 7 septembre suivant. Recueil des édits et déclarations du roi, publiés el enregistrés au parlement séant à Be- sançon, t. [, p. 26. DuNoD DE CHARNAGE (Mémoires pour servir à l’histoire du comté de Bourgogne, p. 743) dit que la translation du parlement eut lieu le 22 août 1674. Il est fâcheux qu’en écrivant l'histoire de cette compagnie on ait récemment reproduit cette erreur. V. A. EsriGNARDb, Le parlement de Franche-Comté de son installation à Besançon à sa suppression (1674- 1790), t. I, p. 56. (2) Besançon ne montrait pas la répugnance que dit Bigeot à recevoir le parlement, car, pour l'obtenir, les quatre compagnies assemblées avaient offert, le 26 janvier 1669, la somme de 200,000 francs ; une vieille rivalité existait entre cette ville et Dole, et on en eut une nouvelle preuve dans les démarches auxquelles donna lieu, en 1691, le transfert de l’université. Cf. Un Franc-Comtois à Paris sous Louis XIV (1691-1692), dans le Bulletin de la Société d’agriculture, sciences et arts de la Haute-Saône, année 1894, p. 1. 4 — 295 — français. Après que le Roi Très Chrétien eut conquis par la force des armes la Bourgogne, il me fit trois fois offre du poste de conseiller dans le parlement qu’il établit ensuite. Je m'excusai avec toute sorte de respect et de soumission due à une personne royale; ses menaces et ses ordres ne firent au- cune impression sur mon esprit; dès lors ses ministres ne perdirent aucune occasion de me molester, me chargeant de logements et d’impositions au delà de ce que permettaient mes movens, et moi, à l'exemple du palmier, je me suis raidi contre la charge qui semblait vouloir m'écraser. Toutes ces adversités, je les ai souffertes avec patience, et à la fin, lassé de ma constance et de ma fidélité au royal service de V. M., le duc de Duras, présentement gouverneur de la Bourgogne, prit la résolution de me constituer prisonnier et de m'envoyer en Normandie. Dès que je le sus, je me déterminai à venir me jeter aux pieds de V. M.; je laissai ma maison à la dispo- sition de Dieu, et, avec le peu d'argent qui me restait, je me mis en chemin sans domestiques et sans armes. Je m’éloi- gnai du chemin royal, de crainte de tomber entre les mains de mes ennemis, s'ils me suivaient; j'arrivai heureusement en Suisse, de là en Italie, et ensuite à Gênes, où je m'embar- quai sur des navires qui débarquèrent à Carthagène. Dans ce voyage J'ai souffert beaucoup de maux, sur mer comme sur terre. eu égard notamment à ma condition et à mon âge, qui dépasse soixante-dix ans ; et néanmoins ces fatigues, ces per- sécutions et ces maux ne me sont pas grand’chose, puisque j'ai le bonheur d’être aux pieds de V. M.; je suis prêt à soutf- frir encore plus et m’estimerai très heureux de verser mon sang et de perdre la vie pour le service de mon auguste sou- verain. Après mon départ, les Français ont confisqué tous . mes biens, de sorte que je puis dire à V.M.,comme les apôtres à Notre-Seigneur : « Ecce reliquimus omnia et sequulri su- mus te. Quid ergo erit nobis (1)? » Je n’attends de sa royale (4) « Math., cap. xIx. » 0 — bouche d’autre réponse que celle que donna à ses chers disciples notre bon Dieu: « Amen dico vobis, quod vos qui sequuti estis me, sedebitis judicantes duodecim tribus Israel. Et omnis, qui reliquilt domum, elc., propter nomen meum centuplum accipiet. » » Sire, la récompense que Notre-Seigneur promit à ses disciples est déjà à demi-remplie à mon égard, puisque V. M. m'a fait la grâce de me donner la charge de conseiller en son Parlement de Bourgogne pour juger les peuples qui sont sous son obéissance (1); reste seulement l’autre partie de sa pro- messe, qui est la récompense de ceux qui ont abandonné leurs biens, leurs familles et le reste, laquelle consiste dans le centuple de leur perte. » Sire, Je ne suis pas insatiable et je ne veux pas être im- portun à V. M.; je ne demande que ce qu'il plaira à la bonté de V. M. de me donner pour vivre, non selon ma condition, mais à l’abri du besoin, me trouvant loin de ma patrie, de mes parents et de mes amis et privé de ma fortune ; Je serai content de ce que V. M. voudra bien me donner; je ne de- mande pas le centuple de ce que j'ai perdu; cette perte ne m'effraie pas, puisque je jJouis de l’aimable présence de mon bon Roi. Je pourrais ici déduire les raisons qui peuvent obli- ger V. M. à ne Jamais consentir à l’aliénation de la Franche- Comté de Bourgogne, attendu que c’est une de ses plus im- portantes provinces, qu’elle est son premier patrimoine et que par elle seule on peut plus facilement porter dommage à la France que par n’importe quel autre État de V, M., et de plus la manière de la conserver après son retour à son légi- (1) La plupart de nos historiens ont tu, si mêmeils ne l'ont ignorée, cette reconstitution du parlement par le faible souverain à qui la Franche- - Comté ne devait jamais revenir ; le chef mis à la tête de la compagnie par Charles IT était l’ancien député du cercle de Bourgogne à la diète de Ra- tisbonne, Claude-Ambroise Philippe. V. E. Besson, Le président Phi- lippe, négociateur franc-comtois au X VII: siècle, dansles Mémoires de la Société d’émulation du Doubs, année 1881, p. 389. 2 997 time maître, si je ne savais qu'un très savant et très éloquent prélat bourguignon, ministre de V. M. en cette cour (1), a écrit longuement sur cette matière, et il n'appartient pas à la faiblesse de ma plume de vouloir entreprendre une tâche si ardue à vue de ses idées si rares et si élevées. » J'espère de la bonté divine qu’elle nous enverra la paix tant désirée et qu'elle rétablira en la suave et légitime obéis- sance de V. M. la pauvre et désolée Bourgogne; je publierai alors l’histoire que J'ai composée des princes souverains qui ont régné sur la Franche-Comté de Bourgogne, commençant à son premier roi pour aboutir à V. M. (que Dieu garde D ; on y connaîtra tout ce qui arriva en Bourgogne du temps de chacun et l’histoire de ce malheureux siècle se verra fidèle- ment écrite; le traité de paix couronnera cette œuvre, en la- quelle on verra que par une juste et légitime succession la Franche-Comté de Bourgogne est passée sous la douce domi- nation de la très auguste maison d'Autriche, et j'aurai le bonheur d’avoir manifesté à V. M. le zele de ma plus grande ambition, qui est de vivre et de mourir le très humble, obéis- sant et très fidèle sujet de V. M., que Dieu garde (fol. 24 v°- 26 ve). » Don CLAUDE-ÉTIENNE BIGEOT, Conseiller de V. M. en son Parlement souverain de Bourgogne. (1) Le prélat dont parle Bigeot est probablement Humbert-Guillaume Precipiano, abbé de Bellevaux, chanoine de l’église métropolitaine et con- seiller clerc au parlement de Dole, fils d'Achille Precipiano, baron de Soye, seigneur de Romain, Mésandans, Bonnal, ete., gouverneur de Fau- cogney et sergent de bataille des armées impériales, et de Jeanne de Mon- _trichard. Élu haut doyen du chapitre de Besançon, le 93 août 1661, par les chanoines qui refusaient au pape le droit de disposer du haut doyenné, V’abbé de Bellevaux devint dans la suite membre du conseil suprême de Flandre à Madrid, évêque de Bruges, puis archevêque de Malines, et mou- rut le 9 juin 1711. Sur ses démélés avec l'archevêque de Besançon, cf. abbé FILSJIEAN, Antoine-Pierre [°° de Grammont, archevêque de Be: sançon (1615-1698), sa vie et son épiscopat, p. 22. 20 — 298 — La harangue de Claude-Étienne Bigeot se termine, comme on le voit, par une humble requête, et c’est à solliciter un se- cours qu'aboutit la peinture des maux de la Franche-Comté. J'ignore si la tentative du malheureux exilé eut le succès qu'il s’en promettait. Pas davantage, faute de renseigne- ments, je ne puis dire à quelle époque il termina ses jours ; il est probable qu’il survécut peu à limpression de son der- nier écrit; c'est du moins la conclusion qu’il semble naturel de tirer de l’assertion erronée de l'historien qui le fait mourir aux Pays-Bas en 1675 (1, S'il en fut ainsi, l’ancien lieutenant du bailliage de Pontarlier dut garder jusqu’à la fin l'espoir de reparaître dans son pays sous la robe d’écarlate ; beaucoup, parmi les contemporains, virent peut-être dans cette illusion persistante la confirmation de ce que l’un d’eux avait avancé de « son peu de jugement (2) », mais ceux qui le connais- saient mieux saluèrent certainement son cercueil au passage avec le respect qu'inspire le dévouement aux causes trahies par la fortune. J'aime à croire qu'on me saura gré d’avoir fait connaitre ce qu’on pourrait appeler le testament d’un vaincu. Moins instructif que le Bourguignon intéressé, mais très supérieur au bon Bourguignon est assurément cet ouvrage : les plaintes que l’orateur prête à l’innocence et à la fidélité de sa bien- aimée patrie ne sont pas sans éloquence et le fait d’un Franc- Comtois écrivant avec une certaine pureté la langue espa- gnole méritait d’étre signalé. Il est une autre remarque qu’il importe de faire : c'est que, tandis que de 1668 à 1674 on voit paraitre un assez grand nombre d’apologies destinées à laver leurs auteurs du reproche de trahison 6), ces pages sont à (1) Dunop DE CHARNAGE, Mémoires pour servir à l’histoire du comté de Bourgogne, p. 663. (2) J. CHIFFLET, Mémoires, t. V, p. 546. (3) Immédiatement après le retour de la Franche-Comté à l'Espagne, le gouverneur de la province publia pour se justifier un manifeste que je n’ai pu retrouver. Un peu plus tard, on vit paraitre l’Apologie du mar- = 999 - peu près les seules que la politique ait inspirées après la se- conde conquête (1); elles représentent en quelque sorte les quis d’Yennes (in-4 de 75 p.) suivie de Leltres du marquis d’Yennes au parlement de Dole et réponses dudit parlement, depuis le 26 février 1667 jusqu’à la fin de février 1668 lin-4 de 177 p.). Une brochure in-4 de 24 p. est consacrée à la Justification du baron de Saint-Moris, comman- dant du château de Joux. L’abbé de Baume mit au Jour la Copie d’une lettre d’un Franc-Comtois escrile à un sien amy de Bruxelles, par laquelle il fait voir les causes de la perte de la Franche-Comté (in-4 de 91 p.) Augustin Nicolas, qui n’avait pas rougi d'imprimer dans une épitre au prince de Condé que « la province languissoit depuis soixante ans entre les foibles espérances de protection d'une couronne aussi im- puissante à sa défense, qu’éloignée de mœurs, de lois et de climat de son site et de ses habitudes, et la crainte’ perpétuelle d'un grand roi voisin, » et que sa fidélité « prenoit force de quelques privilèges dont on l’avoit flattée pour lui adoucir le joug qu’elle souffroit sous une souveraineté étrangère, » ne fut pas le moins embarrassé, lorsque le traité d’Aix-la- Chapelle lui vint faire sentir le danger de ses adulations ; 11 publia, sans y mettre son nom : La vérité randue à son jour contre les dégquisemans de la passion et du mansonge, par un esprit sincère et sans flaterie (in-4 de 58 p.) ; en 1673, il revint encore à la charge dans le Discours et relation véritable sur le succez des armes de la France dans le comté de Bourgogne en 1668 (in-4 de 66 p.), que j'ai cité plus haut. La justifi- cation du parlement demeura manuscrite. Celle de la ville de Besançon est intitulée : Apologie de la cité de Besançon sur les changemens qui y sont survenus au commencement de l’an 1668 (in-4 de 35 p.). IH y aurait toute une bibliographie à dresser des libelles franc-comtois parus à cette époque ; le plus considérable est le Factum pour Monsieur le comte de l’Aubépin, colonel de cavalerie dans les armées du Roy, son gruyer général, grand maistre des eaux et forests au comté de Bourgogne, et chevalier ordinaire au parlement de Dole. Contenant la relation envoyée à Madrid, à Bruxelles et à Besançon des services qu'il a rendus à Sa Majesté dans les derniers troubes (sic) de ce pays (in-# de 292 p.). (1) Le comte de Laubespin publia, en 1681, la Lettre d’un gentilhomme Bourguignon écrite de Venise à l’un de ses amis à Besançon (in-12 de 46 p.), qu'il fit suivre la même année d’une seconde lettre (in-12 de 51 p.. Comme contre-partie de l'opuscule de Bigeot, on peut aussi citer la pièce intitulée : Le comté de Bourgongne affranchi par le Roy, dans laquelle un anonyme s'efforce de démontrer que la Franche-Comté « a trouvé au- tant d’advantage dans le sort de vaincue qu’elle en debvoit appréhender de disgràces, si elle eust eu le malheur d’estre victorieuse. » Elle a été publiée par M. E, BoussoN DE MaIRET, Les soirées jurassiennes, p. 179. — 300 — dernières cartouches brûülées sur un champ de bataille qu'obscurcissent déjà les ombres de la nuit. Pendant deux siècles, la France avait disputé la souveraineté du comté de Bourgogne à la maison d'Autriche ; celle-ci devait fatalement succomber; langue, mœurs, origine, intérêts mêmes, tout conspirait à faire rentrer la Franche-Comté dans le sein de la grande famille française; mais ce n’est pas manquer aux devoirs du patriotisme que de rappeler, à l'honneur de l'Es- pagne, les regrets que son gouvernement laissa à ses an- ciens sujets, et l'écrivain qui les a exprimés avec une sin- cérité louable a droit qu'on lui applique la réflexion de Shakespeare : « Qui à la force de garder allégeance à son seigneur déchu est le vainqueur du vainqueur de son maître (1) ». (1) Yet he that can endure To follow with allegiance a fallen lord Does conquer him that did his master conquer. SHAKESPEAR, Antony and Cleopatra, act IL. À Lis LE PEINTRE MELCHIOR WYERSCH D'APRÈS UN LIVRE RÉCENT (I Par M. l'Abbé LOUVOT CURÉ DE SAINT-CLAUDE Séance du 10 février 1900 MESSIEURS, Dans la séance du 10 décembre 1860, la Société d'Emula- tion du Doubs entendait la lecture d’une étude très intéres- sante de M. Francis Wey sur Melchior Wyrsch et les peintres bisontins. Notre éminent compatriote terminait de la manière suivante ce remarquable travail : « Aucune notice n’a paru en France et rien d’étudié n’a paru en Allemagne sur ce peintre qui a laissé tant d’excel- lents ouvrages, dirigé äeux écoles, formé des élèves connus, et que deux patries pourraient revendiquer puisqu'il fut nommé, par lettres patentes, citoyen de la ville de Besançon. On n’a pas gravé un seul de ses tableaux qui ne sont classés nulle part; les pages que nous lui consacrons ici deviennent une sorte d’exhumation. Cependant les recherches que j'ai . fait faire à Lucerne, depuis deux ou trois ans, ont ému le _ Comité Historique de cette ville, et l’on m’écrit que le prési- dent, M. Sneller, prépare une deuxième biographie de Mel- (1) Maler Melchior Wyrsch, von Johannes Amberg, Stadtpfarrer in Luzern. Stans, 1898. Hans von Matt Verlagsbuchandlung. — 902 — chior Wyrsch ». Depuis quarante ans le souvenir de Wyrsch a été évoqué plusieurs fois dans son pays natal. | Sneller fit bien, en effet, le plan d’une étude sur Wyrsch, mais elle ne fut pas achevée. Dans le courant de l’année 1863, Hess publie une courte biographie de Wyrsch dans la nou- velle feuille de la Société des artistes à Zurich ; 1l en est parlé aussi très brièvement dans le premier volume de la Galerie des Suisses célèbres. A la fin de 1898, paraissait à Lucerne une nouvelle étude sur Wyrsch : elle était écrite en langue allemande et due à la plume alerte du très distingué curé de Lucerne, l'abbé Jean Amberg. Voici quelle fut l’occasion de cette publica- tion. Les habitants de Nidwalden avaient désiré faire paraître, le 9 septembre 1898, un Livre de Souvenirs à l'occasion du centenaire de la défaite des Suisses par les Français et de la mort de Wyrsch. Le docteur Jacques Wyrsch, conseiller d'Etat, de la famille du peintre, sachant que M. le curé de Lucerne faisait depuis longtemps des études sur son grand- oncle et préparait un catalogue complet de ses œuvres, lui demanda d'écrire, pour le Livre des Souvenirs, une biogra- phie du célèbre peintre. M. le Curé de Lucerne accéda à ce désir et publia, en effet, dans le volume intitulé : Le Nidwal- den il y a cent ans..…., Souvenirs du 9 septembre 1798, la notice demandée, qui fut ensuite tirée à part en une brochure in-8° d’une trentaine de pages. J'ai traduit de l'allemand cette notice et J'ai pensé vous in- téresser, pendant quelques instants, en vous en donnant un résumé succinct. Parmi les artistes suisses du xvurIe siècle, il en est deux célèbres entre tous, Hedlinger et Wvyrsch. Comme ce der- nier fut l’une des victimes les plus marquantes de l’imvasion française dans le Nidwalden, il mérite une place d'honneur dans les annales de ces tristes Journées. Jean-Melchior-Joseph Wyrsch naquit, le 21 août 1732, à — 303 — Buochs ; ses parents étaient des cultivateurs qui Jouissaient d’une grande estime dans le canton d’Unterwalden. Buochs est aujourd’nui encore un gracieux village : la simplicité, l'esprit religieux, la bonne humeur et l’amour de la liberté, tel était le caractère du petit peuple au milieu duquel était placé le berceau de Melchior. À coup sûr, la tranquille beauté de ce paysage contribua beaucoup à imprimer profondément dans son esprit la valeur et la grandeur de son pays et à rem- plir ce jeune cœur d'enthousiasme pour ce qui est beau et élevé. Dès son jeune âge, Melchior montra un attrait irrésistible pour la peinture et quand il eut atteint l’âge de treize ans, ses parents l’envoyèrent étudier chez le peintre Jean Suter, à Lucerne. De cette époque il n’est resté de Wyrsch qu’un petit dessin à la plume, mais qui est d’un intérêt particulier en ce sens qu'il montre la tendance du futur artiste. Le petit dessin re- présente, avec beaucoup de naturel, les traits grossiers mais inteiligents du sectaire bien connu, Jacques Schmidhli, qui était alors sous le coup d’une enquête judiciaire, suivie peu après d’une condamnation à mort. Ce portrait offre encore une autre intérêt. Entouré d’une ligne ovale, il porte, en forme de médaillon, l'inscription sui- vante : Vera effigies Jacobi Schmidhli: elle est écrite de la main du médailliste Hedlinger; de là, on peut conclure qu'Hedlinger était en relation avec Wyrsch et comme Hedlin- ger était arrivé de Stockolm pour faire un séjour en Suisse, il profite de cette occasion pour recommander comme élève le jeune Wyrsch à son ami le célèbre peintre Kraus d’'Ein- siedeln. Après avoir fait un apprentissage de trois ans chez le peintre Suter, Wyrsch se rendit, en 1748, à Einsiedeln, chez Kraus, qui était alors occupé à orner l’église de Notre-Dame- des-Ermites. A la fin de l’année 1753, Wyrsch vit enfin se réa- liser le vœu qu'il formait depuis longtemps et partit pour — 304 — Rome. Là, il prit pour guide un peintre instruit, mais doux et défiant de lui-même, Gaétano Lapi, qui venait de se révé- ler comme un artiste éminent au palais Borghèse, où il avait peint au plafond la Naissance de Vénus, ouvrage d’un dessin très pur et d’un ensemble harmonieux. Wyrsch complète ses études en se faisant admettre à l'Ecole française de la Villa Médicis. dirigée alors par Charles- Joseph Natoire ; cette fréquentation explique la parenté loin- taine qu’on lui trouve, dans ses tableaux, avec le sentiment français. C’est à Rome qu'il apprit à connaître le sculpteur Luc Bre- ton, de Besançon, avec lequel il se lia d’une amitié durable, qui, plus tard, les réunit dans cette ville par la fondation d’une école de peinture. . Après avoir fait un court séjour à Naples, Wyrsch revint en Suisse; persuadé qu'il ne ferait rien ni à Buochs ni à Stanz, il s'établit, en 1754, à Zurich, où il a laissé de nom- breux portraits. Deux années de travail, ayant épuisé les res- sources que présentait Zurich, Melchior revint dans son pays et mena quelques années une vie errante, cherchant des commandes, car il a dispersé des toiles nombreuses soit dans les monuments publics, soit chez les particuliers, à Lucerne, Buochs, Wiesenberg, Beckenried, Sachseln et Sarnen. De cette époque datent ; l'excellent portrait de François Acker- mann, en possession de cette famille à Ennersberg près de Buochs ; le portrait d’un ecclésiastique au musée de Stanz; Le bon Pasteur, dans la sacristie de l’église de Wolfenschies- sen ; de ce temps on peut encore citer i Le Christ en croix, peint en 1759, pour le curé Hœder, à Stanz, amsi que la Fuite en Egypte, tableau portant la date de 1760 et actuelle- ment en la possession du docteur Wyrsch. : En 1762, Wyrsch se maria avec Barbe Keiser, qui était la proche parente du landammann Keiser de Stanz. Presque aus- sitôt le jeune ménage vint s'établir à Soleure, où Melchior laissa ses meilleurs ouvrages. Presque tous les membres de — 305 — Ja haute noblesse qui résidaient alors dans cette ville vou- lurent avoir leur portrait peint par lui. Il convient de citer parmi eux le portrait de Pisoni, architecte du dôme de la ca- thédrale et un charmant portrait de Saint Joseph avec lEn- fant Jésus portant un fruit dans sa main; ce tableau est ac- tuellement entre les mains de l’évèque de Soleure. En 1768, ainsi que l'indiquent les notes de la famille Wyrsch à Buochs, Melchior quitta Soleure pour se fixer dé- fintivement dans notre ville de Besançon, où il habita, pen- dant vingt ans, sur la place Saint-Quentin : 1l avait choisie pour retrouver le sculpteur Luc Breton, qu’il avait beaucoup connu autrefois à Rome; ce qui le fixa à Besançon, ce fut surtout l'Ecole de peinture et de sculpture qu’il y fonda avec son ami. La commune de Besançon, à la date du 17 février 1773, a inscrit, dans le Recueil de ses Délibérations, l'arrêté qui ins- titue une Académie de peinture et de sculpture, conformé- ment aux conclusions d’un Mémoire présenté par les sieurs Luc-François Breton, statuaire, et Wyrsch, maître peintre. Cest donc à l’initiative de Breton et de Wyrsch et à l’au- torité de M. de Lacoré, intendant de la province, que l’on fut surtout redevable de la fondation de cette école dans des conditions modestes d’ailleurs, et qui rappellent la parcimo- monieuse simplicité du moyen âge. L'institution s’abrita sur les remparts derrière l’église du Saint-Esprit, dans un bâti- ment délabré appartenant à la ville, et les professeurs furent agréés aux conditions suivantes : 300 livres pour leur loge- ment, 140 pour frais de peinture et de luminaire, 4 cordes de bois de chauffage et l’exemption du devoir de loger les gens de guerre. L'auteur de la Notice a consacré une dizaine de pages à l’œuvre de Wyrsch dans notre province et à la description des tableaux qu’il y a peints, mais tous les détails qu’il donne à ce sujet n’ont rien d’original, ils ont été tous empruntés au remarquable ouvrage de M. Castan, publié en 1889 dans les — 306 — Mémoires de la Société d’'Emulation, et ayant pour titre : L’Ancienne Ecole de peinture et de sculpture de Besançon; aussi nous n insisterons pas davantage sur cette partie du travail de M. labbé Amberg Wyrsch professa pendant neuf ans à l'Ecole de peinture de Besançon Le 3 juin 1784, il exposait à la municipalité qu'il était rappelé dans sa patrie par la ville de Lucerne pour y prendre la direction d’une Académie de peinture. À la suite de cette déclaration, Wyrsch reçut des marques unanimes de regrets et, le 7 juillet, la municipalité prenait l'arrêté sui- vant : «Le sieur Jean-Melchior Wyrsch, peintre, natif de Buochs, canton d’Unterwalden, ayant avec succès exercé ses talents à Besancon pendant plus de vingt années …. se trouvant au moment de quitter cette ville, pour s'établir à Lucerne; la compagnie pour marquer l'estime et la considération qu’elle porte à cet artiste, qui d’ailleurs à tenu la conduite la plus sage et la plus régulière, a délibéré de lui donner des lettres de citoyen, qui lui seront expédiées gratuitement par le se- crétaire. » On complète ces civilités municipales, en le nommant pro- fesseur honoraire avec force éloges de son rare et beau ta- lent. Pendant les vingt années qu'il a passées en France, Wyrsch a peint la plupart des familles fortunées de sa pro- vince d'adoption, Parmi ses nombreux tableaux de cette époque, il convient de citer : l’Apothéose de sainte Colette dans la chapelle des Clarisses de Poligay et le Christ en croix qu'on admire dans le réfectoire des Sœurs Hospitalières de Salins. Cette toile de deux mètres et demi de hauteur paraît être le chef-d'œuvre de notre peintre : couleur, harmonie, expression, élégance des formes, vigueur de l'effet, tous les genres de mérite y sont réunis. On trouve dans plusieurs cantons de la Suisse un grand nombre de tableaux religieux qui datent de son séjour à Be- — 307 — sançon : un Saint Joseph à l’église de Busserach (1768); dans l’église de Sarnen, le Bienheureux Nicolas de Flue (177%); la Présentation de Marie au Temple à l’église de Sachseln ; Le Christ en croix à la chapelle de Graffenort et un semblable à l’église paroissiale de Gersau, tous deux de l’année 1779. Ces tableaux et bien d’autres encore ont été, selon toute apparence, peints par Wyrsch, à Besançon même. Aussitôt achevés, 1ls étaient enroulés et empaquetés dans des boites de fer blanc et de la sorte expédiés au pays natal. Une lettre de Wyrsch à la famille Hedlimger de Schwvtz parle expressément d’un tel mode d'expédition d’un tableau d’autel pour Gersau. Wyrsch demeura peu de temps à la tête de l'école de pein- ture de Lucerne; malheureusement, deux ans après son éta- blissement dans cette ville, apparurent les indices du terrible mal d’yeux qui condamna à l’inaction le vaillant maître au moment où il décorait la salle d'audience de l'Hôtel de Ville de Lucerne. En octobre 1786, il exprimait, dans une lettre au peintre Freidenviller, l'espoir d’être guéri de son mal; ce qui ne se réalisa point, à la grande désolation de ses élèves et au regret de tous ceux qui appréciaient son talent. Au bout de peu de temps il devint complètement aveugle. A la cécité venaient s'ajouter pour Wyrsch d’autres amertumes. À l’oc- casion de la mort de son beau-père Keiser, baïll du pays, il y eut dans la famille de longues discussions concernant l’hé- ritage. Wyrsch en souffrit beaucoup ainsi que du tempéra- ment de sa femme, qui ne devait pas avoir € un caractère des plus doux ». En 1797, Wvyrsch alla s'établir auprès de son frère François-Joseph, à Buochs, afin d’y passer tran- quillement les derniers jours de sa vie. La Révolution française dispersa tant à Besançon qu'à Lu- cerne l’école que Wyrsch avait créée dans la première de ces villes et dirigée dans la seconde : mais au milieu de ses parents, de ses derniers élèves, de ses nombreux ouvrages, entouré d'une population amie, le vieil artiste, dans la re- — 308 — traite qu'il s'était choisie, ne fut point oublié. Il survivait in- souciant à une renommée dont les derniers échos venaient encore charmer son oreille et tandis que le monde était trou- blé par la guerre, Wyrsch errait à travers les pelouses, les bois et les futaies des Alpes. Le curé de Lucerne raconte de la manière suivante la mort tragique de Wyrsch: il en emprunte les détails à M. Wey; c’est une page de douloureux souvenirs que nous allons re- lire ensemble : « C'était l’époque où l’on voulut imposer à la Suisse la constitution française. Cette guerre aboutit à des victoires, moins humiliantes à retracer pour les vameus que pour les vainqueurs ; C'est pourquoi nos historiens se sont, à ce sujet, montrés fort concis. L’incendie du Nidwalden, les massacres de Stanz, où l’on tua dans l'église soixante-trois personnes et le prêtre à l'autel, ont arraché des pleurs au malheureux général resté impuissant à contenir ce jour-là aveugle furie du soldat. » Ce général était Schawenbourg, qui, sous l’ancien ré- gime, avait commandé le régiment de Nassau et tenu long- temps garnison à Besançon, où les gens du pays l’appelaient Chaubourg, I y avait laissé le renom d’un homme de belles manières, dans la haute société de la ville, où 1l avait connu la plupart des modèles que Wyrsch y peignit, et, probable- ment, Wyrsch lui-même. Cette circonstance, et la prédilec- tion que le vieil artiste avait conservée pour la France ex- pliquent la sécurité obstinée avec laquelle il attendit nos compatriotes le 9 septembre 1798, lorqu’à la suite d’une série de combats de géants qui les retinrent pendant neuf heures au sommet des montagnes, ils descendirent, exaspérés d’une victoire si disputée, dans les vallées de Stanz, de Buochs et de Kersitten. » C'est vers deux heures après midi que la nouvelle de la défaite des Suisses engagea une partie des habitants du bourg à chercher une prompte retraite sur les roches escarpées 4 — 309 — qui dominent Buochs. François-Joseph Wyrsch était prêt à fuir avec ses servantes et un prêtre nommé Ackermann, lorsque Melchior les en dissuada. — Quel mal pourrait-on fure, leur dit-il, à un vieux peintre aveugle et à un septua- génaire inoffensif! Je connais les Français, j'ai vécu au mi- lieu d’eux, ils sont humains et courtois, je parle leur langue ; apprétons-nous à les bien recevoir. » Ces observations retinrent les servantes près des deux frères, dans cette maison de Buochs, que Melchior avait or- née de ses peintures. Seul, le prêtre Ackermann persista dans son dessein de fuir : il fit mettre à genoux toute la fa- mille, lui donna l’absolution, et gagna la montagne. » Alors on ferma la maison, et, presque aussitôt, on vit au loin des troupes qui s’approchaient du village. Dès qu’on frappa à la porte, Melchior Wvyrsch ordonna d'ouvrir. Les soldats qui se précipitèrent dans la maison trouvèrent, dans la chambre principale, François-Joseph et le vieux peintre aveugle qui, se soulevant de son siège, s’empressa de les accueillir en leur parlant français. » Comme ce logis se remplissait de pillards, les servantes, refoulées à coups de sabre, se replièrent sur leurs maitres, et tandis que François-Joseph tombait, étourdi par cinq bles- sures légères, un soldat, s’avançant sur Melchior, abaissa son arme et l’ajusta presque à bout portant. La balle traversa la poitrine du vieux peintre, qui tomba en arrière en s’é- criant : € Jésus. Maria! » » Quand ces furieux eurent achevé de dévaster la maison, ils l’incendièrent et y abandonnèrent leurs victimes, qui, ayant, à l’exception de Melchior, repris leurs sens, par- vinrent, jusqu’à trois fois, à maitriser le feu. Mais, vers le soir, les flammes ranimées otèrent tout espoir à ces malheu- reux qui, réunissant le peu de force qui leur restait, se trai- nèrent jusqu'à la sortie du village et gagnèrent les montagnes d'Oberschwanden, où François-Joseph, à demi-mort, re- trouva, trois heures après minuit, ses fils et ceux de son — 9310 — troisième frère, qui avaient pris part au combat d’Allweg. » Lorsqu'il fut permis à ces fugitifs de redescendre dans la vallée, Buochs n’était plus qu’un amas de ruines. On ne relrouva, en remuant les cendres de la maison du peintre Wyrsch, aucune trace de son corps, qui fut consumé par les flammes. » Ainsi finit cet homme remarquable de Nidwalden en un jour qui est écrit en lettres de sang dans les annales de ce bon peuple. En regard de cet horrible récit, il est nécessaire de faire remarquer que les Français avaient été provoqués. Nous en trouvons la preuve dans un ouvrage récent, intitulé : Le gé- néral Curély. Itinéraire d’un cavalier léger à la grande armée, publié d’après un manuscrit authentique, par le gé- néral Thoumas. Dans un des chapitres de ce très intéressant ouvrage, intitulé : La Suisse, nous lisons, en effet les lignes suivantes : .« Arrivés enfin dans la plaine, nous employâmes les journées du 1° et du 2 septembre à reconnaître la posi- tion de lennemi : il y eut quelques tirailleries de part et d'autre et les Suisses nous prirent trois soldats, qu’ils nous renvoyèrent après les avoir horriblement mutilés. Deux d’entre eux avaient la langue et les oreilles coupées, le troi- sième, les yeux crevés et une main coupée. Ces barbares atrocités indignèrent tellement l'infanterie et en particulier la légion noire, à laquelle appartenaient les trois soldats traités de la sorte, que nos troupes à pied dépassèrent les Suisses en férocité après le combat ». | Ainsi parle le général Curély, dans son livre; les historiens ne font généralement pas mention de ce fait, qui atténue singulièrement, s’il ne l’excuse pas tout à fait, horreur du massacre de Buochs. Les flammes qui réduisirent en cendre le corps de Wyrsch détruisirent aussi sa succession artistique, ses peintures, ses dessins, ainsi que sa correspondance, à l’aide de laquelle le biographe aurait pu pénétrer dans la vie intellectuelle de — 311 — l'artiste. La mémoire de leur célèbre concitoyen ne s’est ja- mais complétement effacée dans le cœur des habitants de Buochs ; aussi ont-ils voulu marquer l’année 1898, avec la- quelle s’achevait le premier centenaire de sa mort, en rem- plaçant par un tableau commémoratif le monument par trop modeste de l’ossuaire de Buochs. Les dernières pages de notre notice sont consacrées au caractère, à la manière et à l'influence du talent de Wyrsch. Telle est, rapidement esquissée, la biographie de Wyrsch, d’après l’étude que vient de publier M. le curé de Lucerne. MESSIEURS, Au moment où la Société d'Emulation, sur l’intelligente initiative de M. Jules Gauthier, archiviste du département, se prépare à célébrer le centenaire de Luc Breton, l’ami et le collaborateur de Wyrsch à l'Ecole de peinture de Besan- çon, il m'a été agréable de vous signaler le travail, modeste sans doute, mais intéressant, dans lequel le savant curé de Lucerne a remis en lumière celui qui fut, suivant l'expression de Francis Wey, « l’un des plus fidèles, et le plus original des peintres de portraits qui aient vécu pendant la seconde moilié du XVIII siècle ». LES ŒUVRES DU FBI WYRSCH. AU MUSÉE DU LOUVRE ET EN SUISSE () Par le D' LEDOUX Séance du 9 mai 1900 Un guide des touristes en Suisse a pendant longtemps signalé à Stanz une curiosité merveilleuse : Un Christ en croix peint par un aveugle. Dans les dernières éditions de son livre, Bædeker a supprimé la cécité de Würsch, l’auteur de cette œuvre ; elle n'avait pas besoin d’une réclame aussi extravagante pour attirer et fixer l’attention. Ce Würsch des Allemands n’est autre que notre Melchor Wyrsch (@), le directeur avec Luc Breton de la première école de peinture et de sculpture de Besançon dont, avec sa° compétence artistique et son érudition, Auguste Castan a écrit l’histoire (3). Qui a vu le Christ en Croix, daté de 1782, dans la salle du Conseil au Rathaus de Stanz, ne peut douter qu'il ait été exé- (4) Dans les cantons de Lucerne et d'Unterwalden. Cette étude ne men- tionne que les tableaux publiquement exposés, et ceux qui sont conservés dans sa famille. (2) C'est à l'exemple de Melchior qui à commencé à signer Wyrsch que la famille Würsch a adopté et conservé cette transformation. (3) Auguste CASrAN, l’ancienne école de peinture et de sculpture de Besançon, 1756-1791, dans les Mémoires de la Soc. d'Emulation du Doubs, 1888. — 313 — cuté avant les premiers troubles de Ia vue dont la perte complète devait cruellement affliger la vieillesse de lPartiste, mort en 1798. Les beautés harmonieuses du dessin et des couleurs, la juste expression des souffrances du Dieu martyr et sauveur, en témoignent avec évidence. La science de l’a- natomie et le talent pictural au service de la foi chrétienne, ont encouragé Wyrsch à se complaire dans de multiples re- productions du même sujet. Le crucifié de Stanz a-t-il droit aux mêmes éloges que celui de lhôpital de Salins, dont Francis Wey a dit (1), et son jugement ne semble pouvoir être controversé : « [loccuperait un rang honorable dans la splendide collection du Louvre »? Si le souvenir d’impres- sions ressenties à l’examen de l’un et de l’autre à une année d'intervalle attribue une supériorité au Christ de Salins, la qualité de celui de Stanz n’en reste pas moins éminente. Le même édifice possède en trois autres tableaux les figures des landammanns-landshauptmans Kasp. Keiser, Franz Ackermann et Franz Ant. Würsch, dont le premier et aussi le second ne serait point déplacé dans les galeries les plus fameuses à côté de portraits signés de noms plus cé- lèbres. Jamais Wyrsch n'a modelé avec plus de vigueur, n’a tenu son pinceau avec plus de fermeté et de délicatesse; jamais il n’a mieux animé des reflets de la vie que ces têtes intelligentes de robustes magistrats. Tous les détails sont soignés à la perfection, les mains avec une exquise finesse. Sur les murs de cette salle, couverts des portraits des conseil- lers du Nidwald, « des croûtes », a noté Francis Wey, et dont on n'est guère curieux de connaître les méchants bar- bouilleurs, il n’y a vraiment que Keiser, Ackermann et (1) Francis Wey, Melchior Wyrsch et les peintres bisontins dans les Mém. de la Soc. d’Emulation du Doubs, 1861. Cette étude, celle précé- demment citée de Castan et le Catalogue des Musées de Besançon, par le même, donnent une liste des principaux tableaux laissés par Wvrsch en Franche-Comté, liste fort incomplète puisqu'elle n’énumère pas les por- traits conservés dars les familles comtoises. 21 1,2 — 9314 — Würsch : ils écrasent leurs collègues du rayonnant éclat qu'ils ont reçu de leur compatriote et parent Melchior. Au Rathaus de Lucerne, la Législation de Moïse, signée Melc. Wyrsch, 1785, décore tout le panneau sud de la chambre des assemblées, sur plus de deux mètres de hau- teur, six de largeur. Au centre, dominant la scène, Moïse, sur un rocher, tient les tables de ses lois. La tête, à barbe blanche. exprime dignité, autorité. Vingt-cinq personnages, par groupes, occupent les premiers plans, en avant de la masse du peuple hébreu. À droite, en bas, une femme au type de la Vierge, tient un enfant : le peintre a voulu repré- senter, dans cette scène capitale de Pancien Testament, la prophétüe du Christianisme. Près de cette promesse du Mes- sie est agenouillé un homme vigoureux, pas joli, aux traits presque durs, aux proportions plus fortes que celles de ses voisins et qui détonne dans l’ensemble des autres figures de caractère plus académique. Nous le reconnaissons malgré l'absence du strabisme dont était atteint Pauteur de la Légis- lation de Moïse : Wyrsch seipsum pinæit. C’est le dernier enfant d’un père qui demain sera un vieil- lard, un infirme. Des études ont préparé un dessin générale- ment correct: la froideur de l’ensemble, par insuffisance de mouvement chez les acteurs, se retrouve dans des composi-" tions précédentes. Mais sur sa plus vaste toile, destinée à la consécration de sa réputation dans son pays, Wyrsch n'a plus su étaler le coloris qui a illuminé ses œuvres anté- rieures et même récentes. La comparaison avec le Juge- ment de Salomon par Joseph Reinhardt, 1787, sur une autre face de cette salle, est cependant tout à l'honneur du Wyrsch. | Ne quittons pas Lucerne sans entrer au Musée. Nous n°y trouvons que des œuvres secondaires de notre peintre; les portraits des abbés du Monastère de Saint-Urban, À. D. Benoît Pfifjer 1778) et R. D. Martin Balthazar (1783), le se- cond préférable au premier, à la face presque monochrome- Æ er Leo Re Es 21 #. . Em nt | EE RE — 315 — ment rougeâtre et sans animation ; un Saint Jean Népomu- cène (1767), à belle tête; un Saint Louis de Gonzague (1761). Ce dernier morceau avait-il été assez soigné par l’artiste pour marquer le degré de son talent après son retour de Rome, avant son arrivée en France? Il faudrait alors constater avec quels progrès l’art de Wyrsch s’est developpé pendant son séjour à Besançon. Saint Nicolas de Flue est exposé à Sarnen, dans la vieille maison du gouvernement de lPObwald. Sur ce fond : les montagnes, le lac, la ville en flammes de Sarnen, s’avance le Saint, vêtu d’une robe de bure brune, assez ouverte pour dégager la base du cou, s’arrêtant au-dessus des attaches des pieds nus. Cou-et pieds méritent déjà, avec les mains, à ce tableau, la note d’une valeur supérieure. La main droite, dont le poignet est enlacé d’un chapelet, appuie éloquem- ment d’un noble geste, la parole sortant des lèvres entr'ou- vertes, La gauche tient le bâton de voyage. De l’ermite amaigri, mais robuste, la tête légèrement au- réolée, plus rude que belle, mais au regard miséricordieux, aux cheveux et à la barbe noirs presque incultes, exprime la tristesse et la prière. Cest l’apôtre de la paix qui accourt pour calmer la tempête des passions humaines, pour imposer aux frères ennemis, dans la fureur de leurs combats, la trêve de Dieu. Dans la symphonie des couleurs les tons sombres de la robe, des cheveux, de la barbe, assurent le jaillissement des clartés des chairs. Est-ce, comme plusieurs l’ont avancé, le chef-d'œuvre de Wyrsch? Le Christ en croix n’est guère pro- pice à invention nouvelle et ceux de notre peintre sont con- eus suivant le mode classique. Le Saint Nicolas de Flüe, vraiment imprégné d'inspiration, est supérieur aux meilleurs portraits de Wyrsch : mieux que dans la copie artistique d’un modèle, l’auteur a su ici mettre en action, animer un person- nage, pour lui faire représenter toute une scène historique. Ceci dit, si on met en question l’habileté manuelle dans la — 316 — lutte contre la difficulté, le Christ de Salins, d'expression non moins émouvante, nous parait encore mieux attester le talent de Wyrsch. Plusieurs églises de l’Unterwalden possèdent des toiles de Melchior. Pour ne citer que les plus importantes parmi celles-ci, rappelons que la vieille abbaye bénédictine d’'En- gelberg, qu'encadre la splendeur grandiose de glaciers al- pestres, fait vénérer, devant trois bons tableaux, saint Benoîl, saint Eugène et suint Antoine. Wyrsch a contribué à la décoration de l’église de Sachseln, aux pilers, galerie, chaire, autels, mausolée en marbre noir, de ce sanctuaire national où les Suisses catholiques viennent prier devant le squelette, couvert de pierres précieuses, de Nicolas de Flüe. Le Crucifié sur les genoux de sa Mère (1775) et la Présentation de Marie au Temple (1776) méritent de nous arrêter. Dans la Pièta, le corps du Christ est tel qu'on pouvait l’attendre de la science anatomique et de la dextérité de notre peintre lé bras droit, seulapparenteLmentonse peuvent être signalés comme des modèles d'étude du nu. La Présentation est l’un des meilleurs spécimens de ia peinture religieuse de Wyrsch, qui a su bien ordonner cette composi- tion. Sur les degrés du Temple, devant le grand prêtre, sont agenouillés la Vierge, couronnée de roses, vêtue de blane, et ses parents. Quatre autres personnages complètent la scène sur laquelle planent des anges. Tous se présentent en noble attitude, principalement le prêtre appelant Penfant, et sainte Anne dont la tête est d’une suave distinction. M. le Docteur Jacob Wyrsch, ancien landammann, est, à juste titre, fier de posséder dans sa maison de Buochs les reliques sauvées de l'incendie de Stanz, en 1798, et qui forment l'héritage de son grand-oncle ; qu'il agrée nos re- merciements de nous avoir permis de contempler trois mé- daillons d’une exécution très fine : Melchior, en habit Louis XV; la femme du peintre, laide, mais au teint très frais, aux cheveux poudrés ; À. D. Joseph Hermann, prêtre — 317 — à Kirfitten, très bonne peinture de 1765; deux excellents des- sins, un Christ en Croix et une Assomplion (1). Les ouvrages de Wyrsch exposés en Suisse bénéficient d’une circonstance favorable à leur appréciation : ils se trouvent en fréquent voisinage avec les tableaux religieux de Paul Deschwanden, de Stanz (2. Dans les images, par ce dernier, du Christ, de la Vierge, des Saints, qui ornent de nombreuses églises autour du lac de Lucerne, les lignes sont parfaitement régulières, le coloris s’épand en une douce tonalité, mais le sentiment expressif est défaillant ou absent. Ces saintetés trop calmes semblent mieux desti- nées au rôle d’apparitions dans la pénombre mystique des chapelles fermées aux prières populaires. En un cloître, refuge de la méditation passive, ces images de la divinité béatement placide peuvent exciter l’extase de religieuses en adoration devant Jésus ou la Vierge au type du Sacré-Cœur. Dans l’église ouverte à tous, Dieu ne doit pas être repré- senté immobile, sans pensée, sans autorité. Nous le voulons avec les attributs de ce qu'il y a de plus beau, de plus noble, de plus idéal, c’est-à-dire rayonnant d'intelligence; on aime, on prie un Dieu qui äppelle, instruit, commande, dont l’âme apparaît vivante pour faire espérer un peu de sa vie. Ce n’est pas Deschwanden qui a réalisé cette concep- tion. (1) Nous avons encore vu chez le D'J. Wyrsch un des très rares paysages de Melchior, la maison qu'il avait fait construire à Buochs, près de l’église, avec, au fond, les monts de Buochs, de Stanz et le Pilate; une esquisse de la Fuite en Egypte, étude médiocre de 1765, pour le curé de Beckenried, cousin de l’auteur; un Saint François Xavier, sur bois, de valeur secon- daire ; les portraits d’un landammann et de sa femme, exécutés à Sachseln en 1772 ; un Saint Nicolas de Flüe se présentant devant la Diète, daté de 1764: ces trois derniers tableaux sont mal conservés ; au milieu de ce musée familial, une très bonne reproduction du portrait de Wyrsch, que possède, _ Besançon, occupe la place d'honneur. (2) Mort en 1882. Voir la critique de l’œuvre de Deschwanden, dans Hans Holbein sur la route d'Italie, par Pierre Gauthiez (Gazette des beaux . Arts, février 1898). — 318 — Wyrsch, dont il faut, dans cette partie de son œuvre, mettre hors classe les Christ en Croix et le Saint Nicolas de Flüe, a-t-1il su projeter sur une scène de la Bible ou de l’Evan- gile une vraie flamme religieuse? Généralement la pose des acteurs est juste, sans, il est vrai, suffisamment concourir à un mouvement d'ensemble ; tout y est peint avec une expé- rience consommée du métier. Mais il y manque ce qui est la qualité essentielle en ce genre : si Deschwanden reste trop uniforme en son idéalisme personnel, Wyrsch ne s'élève pas assez au-dessus du niveau humain. En une phrase, Auguste Castan a très justement formulé la critique des compositions religieuses de Wyrsch : « Wyrsch faisait aussi de la peinture d'histoire, surtout pour les Eglises ». Non, il n’a pas connu les superbes envolées de l’art chrétien; et cependant beau- coup sans doute se sentent encore plus en sympathie avec l'esprit de ce naturaliste qu'avec celui de son successeur en ces cantons. Apparemment notre peintre avait fait trop de portraits pour que ses tableaux religieux ne s’en ressentent pas. Les deux genres ne sauraient s'inspirer dans la même mesure de positivisme et de spiritualisme, et réclament plu- tôt, en un heureux accord, leur imverse proportion. La na- ture de notre Suisse, développée par l'entrainement profes- sionnel, a toujours été plus réaliste qu’idéaliste. Wyrsch n’a jamais été lyrique; il à essayé, il n’a jamais bien su parler le langage poétique de l’art. Mais il s'exprime bien en prose, en une prose souple, concrète, solide, pure, harmonieuse. Aussi le portraitiste, autant que l’auteur du Christ en Croix et du Saint Nicolas, qui ne sont après tout que des portraits d’après un modèle d'étude, mort ou vivant, a droit à ces Justes éloges de Francis Wey et d’Auguste Cas- tan. Le premier lui reconnaît « une touche ferme, une cou- leur vigoureuse, une lumière hardiment distribuée, un dessin assez habile ». D’après le second, « la peinture de Wyrsch est ferme de touche, chaude de couleur et précise d’expres- sion : elle relève beaucoup plus de l’observation pénétrante 438 = sig — que de la vivacité primesautière..…… Tout ce qu'a produit cet érudit pinceau présente un intérêt saisissant, car 1l n’en-est rien sorti de banal, encore moins de conventionnel : c’est toujours profondément vrai et vigoureusement sincère (1). » En Franche-Comté et dans les cantons de Soleure et de la Suisse Centrale, nombreuses encore sont Îles anciennes fa- milles qui conservent précieusement les portraits de leurs aieux par ce peintre qui méritait mieux qu'une notoriété pro- vinciale, dont quelques-unes des œuvres étaient dignes de figurer dans une grande galerie. Wvrsch a enfin obtenu cet honneur quand, grâce à un legs de Francis Wey, il est entré dans notre Musée national. Le catalogue du Louvre inscrit sous les n'° 2751 et 2752 les portraits (2 du grand-père et de la grand’mère du donateur. François- Antoine Wey, d'une famille, d’origine alsacienne, de négociants bisontins, dont quelques-uns avaient siégé au tribunal de la juridiction consulaire sous l’ancienne monar- chie, était né en 1750 et mourut en 1815, à Besançon. Après avoir été menacé d’un désastre par la crise commerciale au début de la Révolution, il fit partie du conseil du district, puis, sous l’Empire, il fut conseiller municipal et président du tribunal de commerce : il était fort estimé, et non seule- (1) On juge un peintre par ses tableaux, un peu aussi sur ses élèves. En Suisse, pour ne pas sortir des limites de cette étude, Wyrsch fut le profes- seur d'Obersteg et de Mürren. Tous deux ont acquis de leur maitre les principes du dessin, de Ia disposition des couleurs, de la composition, comme le prouvent — nous ne citerons qu’une œuvre de chacun d’eux — un portrait par Obersteg, chez le D' Wyrsch, et l’Ascension, de Mürren, à l’église de Beckenried. Cette Ascension est parfaitement ordonnée. Der- rière les soldats romains, couchés, un ange soulève la pierre du sépulcre ; -le Christ, beau, lumineux, bénissant de la droite, tenant de la gauche le labarum s'élève dans le ciel. C’est classique, mais distingué. Le maitre autel réclamait le tableau de Mürren tandis que les chapelles latérales n'avaient droit qu'à l’A doration des bergers et à Jésus au jardin des Oliviers, tous deux de Deschwanden. (2) Hauteur, 0 m.64; largeur, 0 m. 54; ovales. Dans une salle des Ecoles allemandes et suisses. — 320 — ment dans le monde des affaires. Wyrsch a fait ressortir l’in- telligence et le caractère de son modèle dans une tête dont surtout les yeux et la bouche sont excellemment traités. Wey, aux traits musculeux, grisonnant, est vêtu d’un habit de soie grise, avec jabot. Notons qu’il paraît plus âgé de presque dix années qu’il ne l'était, puisqu'il n’a pu poser devant son peintre qu'avant sa trente-cinquième année. Wyrsch, toujours véridique, ne flattait pas ses clients en les rajeunissant. Madame Wey, née Mathilde Gamel, ne paraît guère plus jeune que son mari. Son visage est un peu lourd, il ne plai- rait guère, s’il n'était embelli par une belle carnation et un vif regard. La robe est en soie grise, avec rubans bleus; les cheveux sont poudrés. Au Louvre, comme on peut le constater habituellement dans l’œuvre de Wyrsch, le portrait d'homme est le meil- leur. [1 ne lui est arrivé qu'exceptionnellement de donner une meilleure image de l'épouse que du mari, comme quand il eut pour modèles les Blanchard de Villers; Wyrsch a at- teint cette fois la supériorité dans la reproduction du coloris de la femme : ici, ses variations sur la gamme de la carna- tion féminine se fondent dans un ensemble du plus gracieux effet. Mais la virtuosité de son pinceau s’exerçait mieux dans la difficulté imposée par des formes plus saillantes, la main est plus habile quand le relief est plus accentué. Le talent de Wyrsch est ainsi honorablement représenté à Paris par ces deux portraits très estimables, mais qui ne dé- passent pas une très bonne moyenne dans la série des ta- bleaux de notre peintre, tandis que quelques-uns, notam- ment en Franche-Comté, vraiment supérieurs, consacrent mieux le renom de Wyrsch. Les poètes créateurs sont rares. La place de Wyrsch n’est pas au milieu de ceux-ci. Du moins, il restera au rang des bons copistes et interprètes de la figure humaine pendant la seconde moitié du xvirr° siècle, : È À 27, 4 ‘5 ; one Wyrsch s'était intimement lié, à Rome, avec Luc Breton(1), dont l’ambition était de rapporter ses talents au service de ses concitoyens. Parmi les créations de l’éminent sculpteur, on remarque, au Musée de Besançon, le buste de notre peintre, un petit chef-d'œuvre de modelage solide autant que délicat. L’attraction de cette amitié influenca certainement le Suisse quand, après avoir épuisé la clientèle à Lucerne, à Zurich, à Soleure, il résolut de transporter son atelier dans une autre ville. À Besançon, de nombreuses familles nobles, les chefs des gouvernements civil et militaire, le haut clergé, les membres du Parlement et de l'Université constituaient une société riche, éclairée, amie des arts. Breton l'avait dit àa Wyrsch; un autre bisontin, l’architecte Nicole, dut le lui répéter quand ils se rencontrèrent à Soleure. Les bonnes re- lations de voisinage des deux côtés du Jura permettaient aux réputations de franchir facilement la frontière. Nicole, qui venait d’édifier nos remarquables églises du Refuge (2) et de (1) Le sculpteur Luc-François Breton, par Ch. Baille, dans la Revwe- littéraire de la Franche-Comté, 186%. « Breton, qu'aucune considération n'avait pu amener à suivre Natoire à Paris, eut, lui, assez d'empire sur un de ses amis pour obtenir qu'il le suivit à Besançon. Cet ami était Wirsch.… Ce fut proprement au point de vue du talent que Breton eut sur son ami une influence décisive. Wirsch manquait de l'inspiration qui élève aux grandes compositions ; notre sculpteur le comprit, et, avec la sagacité et l'autorité d’un maitre, il lui indiqua sa véritable vocation qui était le por- Date Très heureusement doué comme peintre, avec les principes qu'il allait trouver à Rome, Wirsch aurait fait un artiste habile, supérieur même, grace à la vigoureuse trempe de son talent, à la plupart de ses contempo- rains. Mais, sans la direction de son ami, il n'aurait jamais atteint à cette franchise, à cette vérité d'expression, à ce dessin si facile et si sùr, à cette originalité si puissante. mérites particuliers de Breton... Nous n'aurions pas de donnée certaine sur l'influence à ce dernier point de vue, du seulp- teur sur le peintre, qu’il nous suffirait pour la considérer comme évidente de comparer un buste de l’un avec un portrait de l'autre : ce sont deux œuvres de la même famille, avec un trait de génie de plus chez le sculp- teur. » (2) Hôpital Saint-Jacques, — 929 — Sainte-Madeieine, avait été appelé à Soleure pour dresser les plans et diriger la construction de la cathédrale de Saint- Ours à partir de 1762. Ainsi Wvrsch, aux différentes étapes de sa carrière, entendait faire l’éloge de leur ville natale par des artistes d’un puissant mérite, épris du beau : il partit donc pour Besançon, y demeura de 1763 à 1784: ses services sont résumés dans une délibération municipale du 7 juillet 1784 qui, avec les considérants les plus flatteurs, lui donna le titre de citoyen. Comme il était arrivé avec Luc Breton, la sympathie unit Nicole et Wyrsch : de nombreux portraits en témoignent. Peintre, sculpteur, architecte fondèrent alors une alliance dont Besançon doit toujours s’enorgueillir, lépreuve du temps n'ayant servi qu'à mieux faire estimer la valeur des ouvrages que lui a légués cette renaissance de l’art. Wyrsch a bien droit à nos hommages réitérés de gratitude puisque, non par piété filiale, comme ses amis, il n’a travaillé que comme bisontin par choix d'élection pour l’honneur de sa, patrie d'adoption. ÉOISEAU MORT Par M. Edouard GRENIER Séance publique du 14 décembre 1899 Hier matin, sous la buvette Au fond du jardin, j'ai trouvé Un nid désert, où la fauvette Dans les beaux jours avait couvé. Chère fauvette ! ta famille Est-elle à l’abri des hivers ? Vois ! les rameaux de la charmille De blancs flocons sont tout couverts. Ah ! c’est déjà le froid, la neige. Il faut émigrer ou mourir. Chers compagnons ailés, que n’ai-je La main de Dieu pour vous nourrir. Je rêvais ainsi dans Pallée, Quant au bord du sentier étroit, Je vis sur la neige étoilée Un petit oiseau mort de froid ; Mort de froid et de faim sans doute... — Hélas ! hélas ! combien d’humains Aux jours affreux de la déroute Sont morts ainsi par les chemins ! — 9324 — Ah ! cet hiver que rien n’efface, Où, malgré nos pleurs et nos cris, La guerre nous a pris l'Alsace Et la mort nos pauvres conscrits! Le temps use tout ; mais mon âme Est d’un métal plus résistant ; Le souvenir en traits de flamme Rouvre la plaie à chaque instant. Et je revis ces heures sombres, Ces jours d'horreur inexpiés Où dans le sang et les décombres L'étranger nous foulait aux pieds. Ainsi ton image, à patrie! Malgré l'oubli toujours vainqueur, S imposait à ma rêverie, Et des pleurs me montaient du cœur. Alors d’une main tendre et douce J'ai ramassé le pauvre oiseau ; Et, couché dans le nid de mousse, Il eut pour tombe son berceau. LE MÉNAGE D'UN AMBASSADEUR D'ESPAGNE NUM TU DU CVIT SIECLE Par M. Jules GAUTHIER Séance du 13 décembre 1899 Dans la Galerie Nationale de Londres, parmi cent chefs- d'œuvre de vingt écoles, on s’arrête volontiers devant une toile de petite dimension, où le pinceau de Terburch a ma- gistralement fixé les traits de tous les négociateurs de la Paix de Munster. Ils sont là, une soixantaine, aux profils nets et précis comme ceux des inédailles ou des intailles antiques, tous ces ambassadeurs français ou allemands, espagnols, suédois ou hollandais, qui mirent un terme à la guerre de Trente Ans, en signant ce traité fameux qui, d’après Schiller, fut le chef-d'œuvre de la sagesse humaine. Au centre deux figures énergiques : Servien qui représente la France, Pegnaranda le plénipotentiaire d’Espagne ; à gauche de Pegnaranda, au second rang, une tête singuliè- rement expressive, celle d'Antoine Brun, l’un des trois envoyés de Philippe IV, l’ancien procureur général du parle- ment de Dole, dont le rôle a été considérable dans la conclu- sion du traité. Ce Franc-Comtois, dont les hasards de la politique ont mis le nom longtemps obscur au même rang, ou peu s’en faut, que les maitres de la diplomatie européenne, dans un temps où les Mazarin, les Servien, les de Haro, les Oxens- -— 926 — tiern, en ont fait mouvoir tous les ressorts, est d’ailleurs d’un rare mérite. Né à Dole, en 1599, d’un père qui avait fière- ment porté la parole devant Henri IV, au nom de son pays injustement ravagé, élevé dans des universités fameuses avec les futurs fondateurs de l’Académie française, Antoine Brun y fût entré comme eux s’il n’eût été Comtois et sujet d'Espagne. C’est peu d'être un lettré si l’on n’est un homme, si le caractère n’est à la hauteur de Pesprit, si le cœur n’égale l'intelligence; Antoine Brun eut tout cela. Avocat, il brilla dans un barreau où la science du droit était légen- daire, procureur général, il prouva dans mainte circons- tance la souplesse de son talent, l’habileté de sa dialectique, les ressources infinies de son âme. Richelieu déchaine la guerre sur une nation pacifique, coupable de gêner ses des- seins, Dole est assiégée ; Brun s’y conduit comme un héros, tout en parlant et en écrivant comme un Démosthène, pour enflammer ceux qui combattent avec lui ou entrainer le secours qui vient lentement. Dole est sauvée, mais la guerre reprend et s’envenime, la Franche-Comté est dépeuplée ; Ccmq ans se passent dans la lutte, le découragement et le désespoir universels; mais le cœur bat toujours, à Dole, la capitale, et le génie de la défense s’incarne dans quelques hommes : Boyvin, Saint-Martin et Brun. Dans cette guerre terrible où il faut lutter à la fois contre la mort du champ de bataille, la peste qui fauche sans pitié, la famine qui détruit les moissons, un philosophe doublé d’un homme d’Etat, Diego Saavedra, à remarqué la supériorité de Brun et:la sighalé au gouverneur des Pays-Bas. Il mérite une récom- pense que le Parlement, les Etats, la noblesse, le peu qui survit d’une nation six fois décimée, demandent pour le procureur général. Le 13 septembre 1641, l’Infant Ferdinand qui gouverne à la fois les Pays-Bas et le comté de Bourgogne, ladjoint à Saavedra et au président de Luxembourg pour représenter l'Espagne à la diète de Ratisbonne; la carrière diploma- : — 327 — que de Brun commence et sa réussite dans sa première mission. le succès de ses ambassades lui vaudront de deve- nir plénipotentiaire à Munster, ambassadeur à la Have auprès des Provinces-Unies, et d'y mourir, chef des finances des Pays-Bas et baron, à la veille d'obtenir de plus hauts ern- plois et d'entrer aux Con‘eils de Madrid. Toutes les étapes de cette carrière, tous les protecteurs qui l’appuient, les jaloux qui la traversent, les écueils qu'il faut franchir et contourner dans un métier toujours péril- leux, souvent fatal, sont faciles et instructives à reconstituer et à peindre, mais ce que je voudrais ébaucher, c'est quel- que chose de moins vulgaire, de plus intime, le foyer, le ménage d'Antoine Brun devenu ambassadeur et plénipoten- tiaire d'Espagne. À 93 ans, jeune avocat, Brun s'était fiancé à une jeune fille de Dole, Marguerite Tissot, morte 13 ans plus tard de la peste, après lui avoir donné deux enfants, un fils, Laurent, qui lui survécut et devint prêtre, une fille, Alix, morte quel- ques jours avant sa mère. En 1638, à Salins, 1l contracte une seconde union qui lui apporta quatorze ans de bonheur en épousant Made- leine d’Accosta, fille d’un Espagnol venu des Flandres, Jean d’Accosta, dont les entreprises financières et commer- ciales, contrariées par les événements, promettaient à sa fille ane grande fortune qu’elle ne lui donna point. [’épou- sée était charmante, et un portrait fait plus tard à Bruxelles, a conservé ses traits délicats et fins, de beaux veux, des cheveux blonds, des lèvres animées d’un pâle sourire, un teint mat, une expression générale faite de douceur, de bonté et de mélancolie. Le mari approchant de la quaran- taine, de taille moyenne, de teint peu coloré, le front large, œil profond, la moustache accompagnée d’une royale, parait d'humeur plutôt triste et réfléchie. Plusieurs pemtres, nombre de graveurs ont essayé de fixer son image, et c’est peut-être Hannemann, le Flamand qui peignit Jules Chif- — 328 — flet, qui en a le mieux saisi l'expression. À Dole, Marguerite d’Accosta eut un premier enfant, une fille, qu’elle nomma Thérèse, car la fondatrice du Carmel était sa dévotion pré- férée. Après les premières joies, méêlées de toutes les inquiétudes que donnent au ménage les périls de la saison, périls de guerre, dangers de peste, constamment suspendus sur la tête des Dolois, Madeleine d’Accosta, avec sa fille, et l’espérance d’une seconde maternité, dut quitter son époux, et, conduite par son père, gagner Morat, puis Fribourg, où naitra sa seconde fille, Marguerite-Marie, tandis qu’Antoine Brun, appelé par Saavedra, siège à la diète de Ratisbonne. « Mon cher cœur, autant vous avez de générosité pour » faire passer votre contentement après ma fortune, autant » ai-je d'amour pour l’y préférer, étant résolu dès long- » temps à vous emmener quelque part que j'aille ou de vous » faire venir ici si la diète continue... Je voudrais bien, si » vous êtes en état de voyager, lorsque M. de Saavedra » repassera de Suisse en ce pays que vous le suivissiez... » en litière... jusqu’à un lieu d’où vous pourriez gagner » Inspruck, marchant à l’aise de 5 heures du matin à 9 et de » 4 heures du soir à 8, et reposant avec nos poupons Île » reste du jour pour éviter et la fatigue et la chaleur. En » cas que M. Saavedra aille à Fribourg, 1l faut apprendre à » nos enfants à le saluer, avant qu'il leur tende la main. » Encore qu'il ne parle pas français, 1l l'entend néanmoins; » témoignez-lui de grands ressentiments des obligations » que je lui ai. fl m'aime tant qu'on ne saurait dire plus et » naturellement, en sorte qu’il me semble être encore en » tutelle, car il censure et contredit tout ce qui concerne » ma dépense et ma santé, et, à toute heure du jour, il est » chez moi ou moi chez lui; nous sommes impatients tous » deux, et cependant, après nos contestations, nous de- » meurons toujours bons amis. » Adieu, chère Madelon, montre-toi aussi vaillante à » mettre au monde ton enfant que Thérèse à enfanter ses if — 329 — » dents, je la baise bien fort la petite donzelle avec son » pohsson de frère et mille fois la dame Ninon, de qui je » suis parfaitement le très affectionné mari ». Voilà sur quel ton s’échangent entre Madeleine d’Accosta retenue à Fri- bourg et Antoine Brun, enfermé à Ratisbonne, des mes- sages où l'affection la plus tendre fait oublier le charme et la vivacité du style. En octobre 1641, la séparation cesse, Madeleine d’Ac- costa, avec ses deux ainés, gagne Augsbourg, puis par eau Ratisbonne, d’où le procureur général vient à sa rencontre : elle a laissé à Fribourg, confiée aux soins d’une nourrice, nommée Barbe, la petite Marie-Marguerite, son dernier né, dont la séparation lui paraît cruelle. Brun l’a envoyé chercher « en toute sûreté, comme il avait déjà fait jusque dans la Suisse, et pour l’y mieux invi- ter, lui adressait des vers où 1l lui donnait des avantages qui ne pouvaient être excusés que par l’excès de sa passion ». « Je vous laisse à juger avec quels transports de joye de part et d'autre se fit cette réunion où nos enfants jouèrent fort bien leur personnage », écrivait un mois plus tard Madame Brun. Peu de jours après, Brun quittait Ratisbonne pour Vienne, avec tout son ménage et s’en réjouissait, tout en gémissant d'ignorer l’allemand et d’v trouver « un étrange obstacle en toutes choses ». « Chacun s’y porte bien, jamais ils ne furent mieux ni plus gaillards; Laurent boit quelquefois à la santé de dame Louise {sa vieille bonne), puis dit qu’elle serait bien fière si elle le savait. Thérèse l’imite en tout, soir et matin ils ne manquent de venir coucher auprès de leur père, et me convient observer une grande égalité entre eux, crainte de jalousie ». Auprès de l’empereur Ferdinand, Brun est considéré et en grande faveur; un Jour il lui passe au col une chaîne d'or avec une médaille où est frappée son effigie, bientôt il acceptera que l’impératrice soit mar- raine de son fils, Philippe-Félicien, dont Philippe IV voudra 22 — 930 — bien être le parrain. De Vienne, Brun et les siens passent à la diète de Francfort en octobre 1642: tout leur souci est le retour de cette enfant laissée à Fribourg avec sa nourrice et dont le portrait ne parvient pas à contenter leur désir, «il nous tarde bien d’en voir l'original, lenvie m’en est aug- mentée par les bons rapports que chacun m'en fait! » «Qu'on la loge, elle et sa nourrice, dans telle maison qu’on trouvera plus commode sans regarder à la dépense, car j'entends que tout aille bien ». « Dites à dame Barbe qu'elle aie toujours bien soin de notre chère enfant que j'embrasse de toute l’âme et qu'elle me mande si elle aura percé d’autres dents et si elle com- mence à parler et si elle continue à bien caresser sa poupée. Je lui rapporterai une Allemande qui, j'en suis sûr, lui plaira et lui en ferai faire une Espagnole, c’est un habit bien seigneurial, mais bien étrange. » De Francfort, Brun s’est transporté à Cologne, puis à Munster dès novembre 1643. Madeleine d'Accosta a retrouvé sa fillette ramenée de Morat à Francfort et donné tour à tour à son époux une troisième fille, Antoine-Emmanuelle, qui ne vécut que quelques semaines, et ce gros garçon que le roi d’Espagne fit tenir sur les fonts. Ces deuils et ces joies sont accueillis par lambassadeur et sa femme avee des senti- ments d’une grande piété, et chaque fois leur main diserète fait parvenir à Dole, à la chapelle du Miracle, à Gray, au sanctuaire de Notre-Dame, des largesses et des demandes de prières reconnaissantes ou suppliantes. En dehors des travaux diplomatiques, dont la mort du comte Zapata ou l'absence de Saavedra font peser davantage le poids sur ses larges épaules, Brun ne manque pas de soucis s'il goûte de grandes joies dans son ménage. Cest le président Roose, dont l’opposition constante l'empêche de prendre possession d’un siège au Conseil privé des Pays- Bas ou d’être appelé en Espagne; c’est la jalousie de Pétrey de Champvans et les rancunes de Girardot de Nozeroy qui #Æ — 9331 — lui suscitent des querelles et vomissent contre lui des calomnies dont 1l a peine à triompher. « J’estimais que mon silence et le mépris que je faisais de leur rage les remet- trait à leur devoir. Je me suis tu tant qu’on n’en a voulu qu’à ma fortune, mais lorsqu'on s'attache à mon honneur, c'est autre chose! » Et lindignation le rend éloquent et finalement victorieux. Cest sa santé dont il se plaint dès longtemps et qui donne des inquiétudes constantes à sa femme, à ses amis, à lui-même, mais il n’est point de ceux qui fléchissent devant la tempête ou qui reculent devant le travail ; sa devise semble celle-ci : justum et tenacem pro- posili virum; elle ne variera nas Jusqu'à sa mort. En 1645, un berceau de plus, trop tôt visité par la mort, apparait, celui « d’une grosse et belle fille qui se nomme Eugène- Yolande, ayant pour parrain le duc de Pont-de-Vaux, pour marraine la comtesse de Falais ». En 1647, tandis que Îles négociations de Munster s’avancent, Madeleine d’Accosta, agitée de pressentiments inquiets, veut revoir son père, la Franche-Comté, Dole, Salins, où, enfant, elle à vécu si loin de la vie tourmentée qui lui est faite. C'est à Dole que rai- tra son second fils, Jean-Michel, filleul de Jean d’'Accosta, son grand père, mis aussitôt en nourrice à Besançon. Arri- vée le 30 octobre à Champlitte, le 3 novembre à Dole, elle quitte la Franche-Comté au mois de mai et séjourne à Spa jusqu'au milieu d'août, tandis que les négociations de Munster s’achèvent et que Brun, radieux, va porter à Bruxelles, à l’Infant qui laccueille avec Joie, la nouvelle de la convention passée entre l'Espagne et les Hollandais. Il en revient portant au cou le portrait de l’archiduc entouré de gros diamants taillés à facettes (qu'on estimait plusieurs milliers de florins) et la promesse d'un avancement pro- chain, comme mercède de ses services. Ce fut au mois de mars que cette récompense, dès long- temps pressentie, fut accordée à lheureux négociateur de Munster : l'ambassade de Hollande lui fut donnée : il alla de — 332 — suite en remercier l’archidue, pour lors à Cambrai, rentra par Bruxelles où, le 26 avril 1649, un troisième fils, Claude- Ferdinand, vint au monde, et se rendit les premiers jours de mai à La Haye pour y prendre possession de son poste. À Ruremonde, il ne voulut accepter que les moindres hon- neurs que put réclamer un ambassadeur et se conceilia habi- lement les sympathies d’un peuple de puritains dont les chefs, tels que Paw par exemple, lui étaient acquis dès Munster. À peine établi à La Haye, l’archiduc le rappelle en toute hâte; Mazarin désire échanger avec l'ambassadeur, par son secrétaire de Lionne qu’il lui envoie, puis dans un rendez-vous qu'il lui demande à la frontière de Picardie, ses idées sur la paix générale. « Mandez-moi ce que vous espérez de la conférence que vous ferez avec M. Mazarin, j'appréhende que ce ne soit un amusement pour vous », lui écrit Madeleine d’Accosta. La nomination d'Antoine Brun en Hollande fut accueillie au comté de Bourgogne avec grand enthousiasme, car, malgré cet esprit de jalousie qu’on reproche à tort aux Bourguignons de la rive gauche de la Saône (quand 1} fut toujours plus fréquent chez ceux de la rive droite), les Francs-Comtois savent juger le vrai mérite et y applaudir. Le gouverneur, le Parlement, tous les amis de Brun lui firent parvenir des félicitations; de Besançon, où étaient élevés deux de ses fils, Laurent, lainé, Jean- Michel, l’un des plus jeunes, larchevêque Claude d’Achey lui écrivit une lettre dont je ne retiendrai que ces mots : « Le Roi à fait un choix digne de sa prudence en vous envoyant pour ambassadeur en Hollande, l'emploi est pénible en cette saison, mais je sais bien aussi que ce qui est presque impossible aux autres ne vous est pas seulement malaisé. » Madeleine d’Accosta est toujours aux bains de Spa, où se presse la foule élégante des Flandres et des Etats de Hol- lande, la princesse d'Orange, la princesse de Phalsbourg, le gouverneur de Maëstricht M. de Saint-Ybal, le prélat de Bois-le-Duc et bien d’autres, qui l’assiègent de politesses et — 333 — augmentent ses embarras. Elle s’effraie du séjour de La Haye et de tout ce qu'on lui raconte des fâcheuses maladies qui y règnent. « Cela me donne bien de l’appréhension pour Philippe qui est si tendre et délicat, et vous et moi qui nous ressentons déjà de cette incommodité de grande mélancolie dont on ne se défait jamais. La petite vérole règne à Spa, mais il n’en meurt personne, il n’y a point d'enfants en cette maison qui la veuille donner aux nôtres. Il faut espérer que Dieu les en garantira; de mon côté, je ferai tout ce que je pourrai pour éviter ce malheur, car de les envoyer en d’au- tres lieux, je ne serais pas en repos, et s'ils tombaient ma- lades, qui les servirait! » Jusqu’alors simple conseiller d’ambassade, à Ratisbonne, à Francfort, à Munster, Brun n’a vécu que d’une façon large, mais non princière, du moment que Pegnaranda, Saavedra, Zapata passaient avant lui dans l’ordre des préséances et étaient seuls appelés à représenter directement le roi d’'Es- pagne, leur maître. Les honneurs sont venus et avec eux les responsabilités, mais aussi les traitements opulents, et la nécessité d’un luxe dont va s’accommoder davantage Brun, qui ne répugne point à l’apparat, tandis que sa chère Madelon n’est heureuse qu'auprès de son mari et de ses enfants dans la douce intimité du foyer. À Dole, procureur général, Antoine Brun habite un mo- deste logis, voisin du Parlement; quelques sièges de tapis- serie, quelques bahuts, des lits fort simples et de la vais- selle d’étain constituent tout son mobilier. À Munster, il a des équipages d'emprunt, loués à la semaine; à La Haye, c’est tout autre chose. Ouvrez avec moi cet inventaire de l’hôtel de l'ambassadeur où sa main a tracé ces quatre vers caractéristiques dédiés à la femme aimable dont l’ordre et l’économie régissent le logis : Lecteur, tu peux, sans défiance, Lire ce livre tout au long, Dedans lequel est la science De la très docte Magdelon! — 334 — Parcourons lPhôtel : partout de luxueuses tapisseries, tentures en cuir doré avec feuillages sur fond rouge; lHis- toire de Salomon en six pièces, une tapisserie d’Aude- narde en cinq pièces représentant la Vie de Fabianus ; une autre en huit pièces, celle d'Alexandre; une tapisserie d’An- vers en sept pièces, où se voit l'Histoire d’Assuérus et de la reine Esther ; une série de six tableaux tissés à Bruxelles reproduisant la Sapience divine. De nombreuses peintures sont appendues dans tout l'hôtel, œuvres la plupart de pin- ceaux flamands ou hollandais : Annonciation, Mariage de la Vierge, Sainte Madeleine, Saint Augustin, Vierge à l'Enfant entre saintes Dorothée et Marguerite, Tentation et Flagella- tion de Notre-Seigneur ; puis des portraits : Le Roi, la Reine fille de France, l'Empereur, l’Impératrice fille d’'Es- pagne, des princes, des Infants, le plénipotentiaire Paw, de Hollande, Antoine Brun peint par Hannemann; l’ambassa- drice vêtue de blanc peinte à La Haye, tous leurs enfants, des paysages, des gravures au burin, et au mieu de toutes ces toiles des souvenirs du pays chers au cœur des exilés : la Vierge des Jacobins et le Saint Suaire de Besan- con. Je passe une foule de meubles incrustés d'ivoire, d’écaille, d'argent ou de lapis, les lits à colonnes, les bahuts somptueux, l’argenterie massive qui remplit et surcharge de hauts dressoirs, avec les armes de l'ambassadeur et de sa femme gravées partout par les orfèvres de La Have. Les écrins sont remplis de joyaux : chaine d’or offerte au nom du roi d'Espagne par don Francisco de Mello, à la diète de Ratis- bonne; collier d’Alcantara passé au cou de la petite Thé- rèse, sa préférée, par le comte de Pegnaranda; présents de l’électeur de Mayence, du comte d’Oldenbourg, de la duchesse de Pont-de-Vaux, ou de ce vaillant capitaine Beau- regard, qui tomba glorieusement à Rocroy. Voici une bague de diamants, présent du prince Thomas de Savoie, et une paire de boucles d'oreilles en brillants achetées 6.000 flo- rins, à La Haye, pour l’ambassadrice. — 939 — Les costumes de Brun et de sa femme sont d’une magnifi- cence à faire rêver, comme les poupées que Madeleine d’Ac- costa envoyait naguère à Fribourg à la petite Marguerite- Marie. Habits de fin drap de Hollande doublé, de moire d'argent, couleur feuille morte, de muse, gris, maure, velouté noir ou de poux de soie, drap d'Angleterre, satin velouté chamarré de cordons et de parements d'argent ou d’or, de rubans et de nœuds; gants de Grenoble et de Rome, ambrés; cha- peaux de castor ou de vigogne; bottes de cuir d'Angleterre ou de maroquin du Levant, dentelles et fine toile, voilà pour Monsieur. Robes de moire d'argent, de satin bleu mourant, de panne couleur de feu, de satin ou de tabis noir; bottines couleur Isabelle ; coitfes de taffetas ; masques de ville et de campa- gne; manchons de martre, bas de soie, mantelets de toute couleur rehaussés d'argent et d’or, mules de velours, fines dentelles, évoquant les élégances de Van Dyck ou de Rubens, voilà pour Madame. Et tout le reste est à l’avenant, sans oublier la chapelle meublée d’une riche argenterie où officient chaque jour plu- sieurs chapelains, ni les écuries où piaffent de nombreux chevaux, palefrois ou genêts d'Espagne, ni les remises où des carosses somptueux dignes d’une Cour, étalent leurs coussins et leurs tentures de velours et de soie d’une richesse inouïe en attendant leurs attelages de six chevaux. Un nombreux domestique, plusieurs secrétaires assurent le service et de l’ambassade et de la maison. Quand les salons de réception sont ouverts, quand des festins sont servis à quelque hôteillustre, la table est mise avec un luxe vraiment royal. Du 14 au 19 septembre 1652, Antoine Brun reçoit la duchesse de Lorraine, cette infortunée Béatrix de Cusance dont on a trop facilement insulté la mémoire, — la dépense de table fut de 800 florins ; et ainsi de suite, soit qu’on traite — 93360 — des Bourguignons, des officiers d’'Empire, des jésuites, des évêques ou des officiers de cavalerie. Cette grande dépense, ce luxe auquel on n’est guère accoutumé dans la pauvre et désolée Bourgogne, Antoine Brun y est comme dans son naturel, bien qu’il soit habitué à la frugalité native des vieux logis comtois. Pour lui, dans cette situation nouvelle, c’est un devoir de représenter dignement l'honneur de son maître, le roi, sur les terres duquel le soleil ne se couche pas et dont les galions chargés d’or essaient de lutter, mais en vain, contre les gros batail- lons du Nord et de l'Ouest de l’Europe Mais sa femme, toujours prête à seconder ses désirs et à l’aider de son mieux dans les nécessités d'une carrière officielle, préfére- rait à toutes ces splendeurs les joies tranquilles du foyer et voudrait réunir sous son aile tous ses enfants qui grandissent et dont 1l faut se séparer. Ce sont deux filles élevées à Berlay- mont, deux fils nourris à Besançon, dont un très aimable enfant que la duchesse de Pont de Vaux va voir et caresser. « PIût à Dieu que vous fussiez en liberté de venir ici pour le voir, vous et madame votre femme! » La santé de Brun, plus que sa propre santé toujours chancelante, la préoccupe vivement, et ce ne sont que consultations et correspon- dances auprès les médecins de Spa, de La Haye, de Bruxelles et de Besançon, que formules pharmaceutiques avec lesquelles elle essaie de conjurer l’orage et de renfor- cer une précieuse existence qu'elle tremble de voir s’étein- dre, alors qu’elle s’épuise en un labeur incessant. Ce secret qui la ronge, tandis que des continuelles grossesses usent sa vie comme les fatigues et les préoccupations de tous les instants usent celle d'Antoine Brun, apparaissent dans toutes ses lettres. « Je suis en une peine mortelle de voir M. le procureur général incommodé... ne dites rien de cela à personne », « je serais en parfaite joye, si je ne trouvais dans vos lettres la fâcheuse nouvelle de vos maux de jambes ». Brun, de son côté, très courageux à supporter des 5 Le: — 9337 — maux, qui datent de loin, s'inquiète, non sans raison, pour la tendre compagne de sa vie, En 1650, au mois de juillet, et en 1651, elle lui a donné deux derniers enfants, Léopold- Guillaume et Isabelle-Madeleine, et son désir de ne point la quitter le fait renoncer à la saison des eaux de Spa. Ses pro- pres souffrances augmentent, et sans se relâcher en rien d’une activité prodigieuse, quelques plaintes s’échappent, mais c’est de sa femme qu'il se préoccupe davantage. (« Ma femme pense changer d'air et se retirer d'ici pour une bonne partie de l’hiver, mais partout il v a beaucoup de maladies. » « our l’avis des médecins, elle a été contrainte de passer à Malines où elle emmène les deux plus âgés de mes fils; j espère la revoir aux fêtes de Noël »; un an-se passe et la pauvre malade languit toujours sans recouvrer, sous un climat meilleur, cette santé définitivement perdue. Au mois d'octobre 1653, les médecins désespèrent, Antoine Brun accourt à Malines pour recevoir le dernier soupir de celle qu'il a tant aimée et recueillir le douloureux et lourd héri- tage de sept enfants, dont l’ainé n’a pas douze ans! Le 30 octobre 1653, Madeleine d'Accosta meurt à Malines et son deuil est conduit dans l’église Saint-Jean ; son corps est déposé dans le caveau des Carmélites de cette ville, mais son cœur sera rapporté dans la chapelle des Carmélites de Besançon. C’en est fait du foyer de ambassadeur ; quant à lui, ses jours sont comptés. Il ne quitte la maison mortuaire que pour courir à Bruxelles, où les devoirs de sa charge lPappel- lent, sans tenir compte de son deuil. Ses deux filles retour- nent chez la prévôte de Berlaymont, ses deux fiis restent à Malines, les trois plus jeunes sont encore à La Have. Quand, en décembre, Antoine Brun s'arrête dans la maison désolée où Madeleine d’Accosta s’est éteinte, c’est, d’une part, pour s’agenouiller longuement sur sa tombe dans l’église des Carmélites, de l’autre, pour dicter un testament tout rempli du souvenir de celle qu’il a perdue. — 338 — « Je rends de très humbles actions de grâces à Dieu de tant de bienfaits que j'ai reçus de sa main toute puissante et principalement de m'avoir fait naître en pays et de parents catholiques, d’avoir béni mon premier et mon second ma- riage par des enfants qui, jusqu’à présent, se sont témoignés de bon naturel et en me donnant des femmes vertueuses. « Je désire que mon corps soit déposé à Malines auprès de celui de feu dame Madeleine d’Accosta, ma bien aymée femme, que mon cœur, mis en une caisse d’étain, soit enterré à Besançon près de celui de ma chère femme, afin qu'ayant été les deux si unis pendant la vie, ils le soient encore après la mort. « Je ne désire point de cérémonies à mes obsèques, que le tout se passe sans bruit ni pompe. « Je recommande à mes enfants ia crainte de Dieu, un grand zèle au service du Roi, une grande confiance en la protection de la sainte Vierge Marie, une grande union entre eux, un grand respect pour M. d’Accosia leur grand père, à quoi mon fils aîné Laurent-Jean, quoique né du pre- mier mariage, n'est pas moins tenu que les autres, pour avoir feu ma femme eu autant de soin et d'affection pour lui que pour ses propres enfants. » Le testament d'Antoine Brun fut signé le 6 décembre el l'ambassadeur rentra seul et triste dans son hôtel de La Haye où les caresses de ses petits enfants le laissèrent msensible; une fièvre continue et terrible s'empare de lui, extraordi- nairement affaibli, « il se remet aux mains de Dieu, atten- dant avec grande résignation ce qu'il lui plaira ordonner de sa vie ». À l’un de ses secrétaires qui les écrit en pleurant, il dicte pour son meilleur ami ses dernières recommanda-. tions « pour ses pauvres enfants qu'il le supplie de vouloir aimer, et auxquels il y aura plus de compassion que l’on ne croit tant leur fortune est éparse », et il envoie ses der- niers adieux à ses parents de Bourgogne auxquels 1l répon- dra « si sa divine Majesté lui rend la santé ». La fièvre aug- — 939 — mente, l’agonie commence, et Antoine Brun auquel, par une dérision amère, le roi d'Espagne vient d'accorder le titre de baron et la charge de chef des finances aux Pays-Bas qu'il n’aura Jamais exercée, meurt le 2 janvier 1654 à La Haye et va rejoindre dans le caveau des Carmélites de Malines cette douce et bonne Madeleine d’Accosta à laquelle 11 n’a pu survivre, et dont la physionomie gracieuse, douce et triste, reste inséparable dans l’histoire de la glorieuse figure du diplomate franc-comtois (1). (1) Tous les détails de cette étude sont tirés de la correspondance com- plètement inédite d'Antoine Brun, communiquée par la bonne amitié de M. le Marquis de Seey de Brun. DÉCOUVERTES SPÉLÉOLOGIQUES Par M. E. FOURNIER Séance publique du 14 décembre 1899 Les plateaux calcaires du Jura franc-comtois sont littérale- ment criblés de gouffres verticaux très profonds conduisant le plus souvent à de vastes cavités souterraines dans les- quelles circulent parfois d'importants cours d’eau. Avec la collaboration dévouée d’un certain nombre d’étu- diants de l’Université nous avons entrepris d'explorer ces gouffres et les cavités auxquelles ils conduisent afin d'étudier en détail le régime des eaux souterraines qui à une impor- tance considérable au point de vue de l'hygiène publique et de l’agriculture. Pour mener à bonne fin ces études, il nous était indispen- sable d’avoir à notre disposition un matériel important com- posé de cordes, échelles de cordes, téléphones, bateaux dé- montables, lits de campement et tentes. Notre excellent ami M. Martel, le savant explorateur des Causses a bien voulu mettre à notre disposition une grande parte du matériel qu'il utilise lui-même pour des recherches analogues. Les eaux qui tombent à la surface des plateaux du Jura, ne trouvant pas d'écoulement superficiel s’engloutissent dans les (1) Conférence accompagnée de projections. — 341 — gouffres qui leur assurent un écoulement souterrain ou bien s'accumulent dans des bassins fermés d’où elles s’éliminent lentement par des entonnoirs en partie obstrués ou par des fissures qui les amènent en dernière analyse dans des gale- ries souterraines. Après un long parcours, elles vont res- sortir sous forme de sources dans les vallées. Pour suivre dans nos recherches un ordre logique, il était done rationnel de commencer notre étude par les points d'absorption d’eau des plateaux qui peuvent être considérés comme l’origine de tous les cours d’eau souterrains. Ils sont tellement nombreux dans notre région qu'il faudra certainement de longues années pour les étudier tous, aussi avons-nous limité jusqu'ici nos recherches au plateau com- pris entre le Doubs et la Loue et spécialement aux environs de Saône, Mamirolle, Trepot, L’Hôpital-du-Gros-Bois, Gon- sans, Montrond et Bonnevaux Comme nous venons de le dire déjà, les points d'absorption des eaux superficielles peuvent se diviser en deux groupes : 4° les gouffres, 2° les bassins fermés et les entonnoirs. L’exploration des gouffres n’est pas sans offrir des Aiffi- cultés sérieuses et même des dangers; il est quelquefois nécessaire de descendre des escarpements verticaux de 80 à 100 mètres, parfois même davantage; on s’attache solidement au moyen de deux cordes, l’une passant sous les épaules, l’autre autour de la ceinture et l’on descend lentement le long de lPéchelle à barreaux de bois, tandis que les personnes placées à la surface vous laissent doucement filer la corde. Bientôt l’échelle oscille dans le vide; souvent elle est em- brouillée ou accumulée sur une plateforme, lexplorateur commande halte et le voilà suspendu pendant plusieurs mi- nutes dans le vide au-dessus du gouffre. Enfin l'échelle est dégagée et la descente continue, mais la secousse qu’elle a _ produite a détaché de l’orifice du gouffre des milliers de cail- Joux qui sifflent aux oreilles du spéléologue comme une grèle de balles, et, à la profondeur à laquelle on se trouve il suffirait 910 — parfois d’an caillou de la grosseur d’une noix pour tuer un homme; on commande halte et on essaye de se mettre à l’abri tant que la mitraille de cailloux tombe ; elle a cessé enfin et l’on descend encore : cette fois c’est une petite cascade pro- duite par le suimtement des eaux qui vous toinbe sur la tête, la bougie s'éteint et l’on se trouve dans l’obscurité à environ 100 mètres sous terre ; enfin encore un peu de courage et l'explorateur est au bas du premier escarpement. Le plus souvent il a atterri au milieu d’un amas de cadavres de bes- taux dans un état de décomposition avancée, bien heureux s'il ne s’y est pas enfoncé jusqu’à la ceinture. Mais, il faut faire contre mauvaise fortune bon cœur, il rallume sa bougie, se met à l’abri de la chute de pierres, établit les contacts avec le fil de téléphone qu’il a déroulé avec lui et commande de remonter les cordes pour faire descendre un second explo- rateur ; la même manœuvre recommence cinq ou six fois de suite, enfin nous voici tout un groupe réuni au pied du pre- mier escarpement. Si l’on rencontre plusieurs escarpements successifs, la manœuvre se complique car il faut descendre, au pied du pre- mier, un nombre de personnes suffisant pour tenir la corde à ceux qui vont s’aventurer dans le second et ainsi de suite. À la grotte du Paradis, par exemple, où nous avons &tteint une profondeur verticale de près de 250 mètres, nous n’avons pas eu à descendre moins de sept escarpements, sans arriver, d’ailleurs, à atteindre le fond. | Quand le gouffre aboutit à une galerie, deux cas peuvent se présenter : ou bien la galerie est à sec, ou bien elle est par- courue par un cours d’eau. Si elle est à sec on peut s’y en- gager sans autre matériel, parfois elle se retrécit et s’'abaisse ; il faut alors ramper à plat ventre et souventse tordre comme un serpent pour suivre ses sinuosités. S'il v a un cours d’eau on fait descendre le bateau Osgood; on le monte, et deux spéléologues, armés de pagaies, s’y embarquent. Si la voute s’abaisse il faut se coucher dans le bateau pour pouvoir passer; — 943 — souvent elle se relève ensuite et l’on accède dans des couloirs immenses. La plus grande prudence est indispensable dans ces navigations souterraines, la moindre négligence, le moin- dre faux mouvement peuvent amener une catastrophe ; si l’on entend au loin un bruit d’une cascade vers laquelle le courant vous entraine, 1l faut stopper immédiatement si l’on ne veut s'exposer à une chute d’une cinquantaine de mètres dans l’eau et dans l'obscurité. Voici quelques détails sur les principaux gouffres que nous avons explorés dans la région : Le gouffre de Lachenau présente un orifice large et dan- gereux s’ouvrant au ras du sol, tout près du bord d’un che- min. Le premier à pie n’a que 35 mètres, mais aboutit sur un talus d’éboulis en pente très abrupte au pied duquel s’ou- vrent deux nouveaux gouffres, descendant 50 mètres plus bas. L'un de ces gouffres est inexplorable, car lorsqu'on essaye d'y descendre on fait ébouler des quantités de blocs rocheux dont le moindre suffirait à écraser un homme, Dans le second, en prenant quelques précautions on n’a guère à craindre la caute de pierres plus grosses que le poing. Ce second gouffre aboutit à une galerie inférieure en spirale qui conduit elle- même, à 135 mètres environ au-dessous du sol à un nouveau gouffre encore inexploré et qui parait aboutir à une galerie renfermant un lac où une rivière souterraine car on entend au loin se répercuter le bruit cristalüin, des gouttes de suin- tement qui tombent dans l'eau. La grotte du Paradis, succession de sept étages de couloirs étroits et étranges, séparés par des escarpements verticaux dont la hauteur varie de 10 à 50 mètres nous a menés à près de 250 mètres de profondeur. Nous y avons trouvé un ruis- selet souterrain dont le débit est aujourd’hui très faible mais qui, aux époques géologiques, a été certainement le princi- pal agent de creusement de ces galeries. L’étroitesse et la si- _nuosité des couloirs, le grand nombre d’escarpements succes- sifs, la difficulté de trainer avec soi le matériel dans les pas- — 944 — sages étroits font de cette grotte une des plus pénibles et des plus dangereuses à explorer. Entrés à 8 heures du matin dans ce gouffre, nous n’en sommes remontés qu’à 8 h. 1/4 du : soir, exténués de fatigue, n'ayant pas mené à bout l’explora- tion et ayant même été obligés d'abandonner une partie du matériel qu’il nous à fallu aller rechercher dans une excur- sion ultérieure. Le Puits de la Belle-Louise, près Montrond, avec son pre- mier à pic de 85 mètres, nous a menés à 125 mètres de pro- fondeur verticale à un lac alimenté par un ruisseau souter- rain et dont le trop plein se perd par infiltration sous un ta- lus d’éboulis. Le Puits de la Vieille-herbe près de l’'Hopital-du-Grosbois présente un premier à pic de 70 mètres suivi d’un second gouffre de 40 m. environ, l’exploration n’a pu être achevée. Le Puits de Poudrev, dans la même région est un exemple de gouffre d'accès facile, on peut v descendre sans être at- taché, en s’aidant d’une simple corde d’une dizaine de mètres que l’on attache au tronc d’un arbre. À 35 mètres de profon- deur on arrive dans une salle grandiose ne mesurant pas moins de 100 mètres de diamètre et 50 mètres de hauteur. C’est une des plus grandes salies signalées dans les cavernes de l’Europe et il est regrettable que malgré son accès relati- vement facile elle ne soit pas plus connue des touristes bi- sontins. | Je ne m'’arrèterai pas iei à vous décrire les nombreux gouffres que nous avons encore explorés. Pour goûter plei- nement le charme de ces sites étranges, il faut les voir soi- même, toute description est impuissante à rendre lPimpres- Sion ressentie. Pour les entonnoirs où l’eau s’infiltre dans des fissures im- pénétrables et pour les bassins fermés, nous employons d’autres procédés d'étude. On colore leurs eaux à la fluores- céine, substance qui leur donne une belle coloration verte et l’on note les points où les eaux colorées vont ressortir ; on a — 345 — ainsi des données précieuses sur la direction de certains cours d'eaux souterrains inaccessibles par les bassins et les entonnoirs, mais que l’on peut rejoindre parfois par les gouffres. Il faut citer comme exemple de bassins fermés Saône, Arc-sous-Cicon, le Locle (Col des Roches). Les eaux des gouffres, entonnoirs et bassins fermés, après un long parcours souterrain, vont ressortir dans les vallées sous forme de sources puissantes, auxquelles on a donné le nom de sources jurassiennes et de sources vauclusiennes. Telles sont les sources d’Arcier, du Lizon, de La Loue, de Plaisir-Fontaine, etc. Quelquefois, ces sources se présentent sous forme de véri- tables gouffres (Puits jurassiens météoriques), qui rejettent de Peau la plus grande partie de l’année mais sont à sec dans une partie de la saison estivale (exemple, Puits de la Brême). Au sortir de ces sources, les eaux. revenues au jour, s’en- gagent dans des vallées étroites et profondes auxquelles on à donné le nom de cagnons (la Loue, le Saut du Doubs, etc.). Nos études nous ont montré que certains de ces cagnons étaient autrefois des galeries souterraines dont la voûte s’é- tait peu à peu éboulée et qui s'étaient élargies ensuite par érosion. Un grand nombre de grottes, aujourd’hui à sec, sont d'anciennes galeries d’eau desséchées depuis le Quaternaire. Enfin les glacières, si répandues dans la chaine du Jura, sont des excavations dans lesquelles l'air froid de l'hiver s’accumule; la difficulté de l'échange avec l’air extérieur maintient constamment dans ces excavations une tempéra- ture assez basse pour ÿ arnener l’accumulation d’une épaisse couche de glace. Nous venons de suivre très rapidement l’évolution des eaux depuis le moment où elles sont absorbées sur le plateau jus- qu'à celui où elles reviennent à l'air libre dans les vallées. Il est de notre devoir de faire remarquer en terminant com- bien l’étude de cette évoiution des eaux offre d'importance au 23 — 346 — point de vue de l'hygiène. Nous ne saurions nous lasser de le répéter, les gouffres sont d’infectes charniers où les paysans jettent toutes leurs bêtes mortes ; c’est sur ces charniers que filtrent les eaux qui ressortent limpides en apparence dans certaines sources, comme celles d’Arcier, du Lizon, de la Loue, de Cléron, etc. Toutes ces eaux sont donc contami- nées et susceptibles d'amener les épidémies et les empoi- sonnements les plus graves, tant qu’une loi très sévère n'aura pas proscrit l’abominable coutume que nous signa- lons (1). (1) Depuis que ces lignes ont été écrites, un projet de loi en ce sens a été présenté au Sénat et va aboutir incessamment, LA PART DE BESANCON DANS LE MOUVEMENT DE LA DÉPOPULATION FRANCAISE Par M. le D' BAUDIN Séance publique du 13 décembre 1900 MESDAMES, MESSIEURS, Ce n’est pas une question neuve que cette question de la dépopulation française : dès l’année 1867, le professeur Léon Lefort poussait, à l’Académie de Médecine, le premier cri d’a- larme. Depuis, mais surtout au cours de ces quinze à vingt dernières années, économistes, statisticiens, hygiénistes, dé- mographes et moralistes ont accumulé chiffres sur faits, notes sur documents, chroniques sur articles et brochures sur volumes, explorant la question sous toutes ses faces, la tournant et la retournant dans tous les sens, la disséquant dans ses moindres parties, l’envisageant et en elle-même et dans ses causes, dans ses résultats ou conséquences actuels, proches ou éloignés ; cherchant enfin le remède ou les re- mèdes au fléau avec une ingéniosité et une patience dignes de tous les éloges, mais avec un insuccès d’ailleurs à peu près constant et radical. Les préoccupations légitimes de l’o- pinion publique, ainsi saisie violemment et de tous les côtés à la fois, ont eu leur contre-coup dans les sphères politi- ques ; à la Chambre comme au Sénat, l'initiative parlemen- taire s’est donné largement carrière ; hier encore, Monsieur le sénateur Bernard, du Doubs, ancien sous-secrétaire d'Etat, — 348 — au nom de 135 de ses collègues déposait sur le bureau de la Haute-Assemblée un projet de résolution tendant à la nomi- nation d’une grande commission extra parlementaire chargée de rechercher les causes de la dépopulation en France et les moyens les plus pratiques de la combattre, proposition à la- quelle le gouvernement se ralliait aussitôt. Si donc la question n’est pas neuve, elle n’en est pas moins d'actualité ; on peut même dire qu’elle devient d’année en année plus actuelle, au fur et à mesure que le péril de la dé- population, qu’on a pu, sans exagérer, appeler un « péril na- tional », devient plus grave et plus proche, plus immédiate- ment redoutable, — plus actuelle en ce moment même où le tableau officiel des variations démographiques pour 1899, constate encore cette fois un déficit de 10.000 naissances par rapport au chiffre moyen annuel de la période décennale pré- cédente. | Je ne puis ni ne désire reprendre et parfaire devant vous l’étude de la dépopulation française : ce n’en est ni le temps ni le lieu ; à peine effleurerai-je au préalable cette question pour me renfermer strictement et bien vite dans celle de la dépopulation bisontine, moins connue, et, d’ailleurs, pour vous plus directement intéressante. Je m'attacherai donc surtout à rechercher quelle part, plus ou moins considérable, prend Besançon au mouvement général de la dépopulation française ; à quels jeux combinés de la mortalité, de la nup- tialité et de la natalité se rattache cette dépopulation locale ; quels dangers enfin elle peut, à un moment donné, faire cou- rir à notre ville. Ce sera la meilleure façon de me faire pardonner le choix d’un sujet déjà bien rebattu, aride au fond, — comme la plu- part des sujets de statistique et d'économie politique, — et peu ou point susceptible, dans la forme, de cette parure lit- téraire que vous avez accoutumé de rencontrer dans nos séances solennelles. Pour cette fois, — et pour une fois, — je fais appel à votre indulgence.. et j'y compte, la sachant — 349 — d'avance acquise à qui vient vous parler des intérêts sacrés de notre grande patrie, la France, et de notre plus petite et deuxième patrie, la Comté, Besançon. Lorqu’on parle de la « dépopulation de la France », il faut tout d’abord se bien entendre : la France ne se « dépeuple » pas encore, au sens littéral du mot. Bien qu’en ces derniers temps il soit arrivé, au cours de plusieurs années, notam- ment en 1890, en 1891, en 1892, en 1895, que le chiffre des décès l’ait emporté sur celui des naissances de l’année, en somme, à chaque recensement quinquennal, jusques et y compris le dernier recensement de 1896, — le prochain de- vant avoir lieu en 1901, — le chiffre total de la population française s’est trouvé supérieur à celui du recensement pré- cédent. La France, jusqu'ici, continue donc en réalité à s’ac- croître ; seulement, cet accroissement devient de plus en plus faible de plus en plus insignifiant ; il tend à devenir nul ou même négatif ; 1l est, dans tous les cas, très inférieur à ce qu'il est dans tous les autres Etats civilisés. [l y a trente ans, au lendemain de la guerre, nous avions 36 millions d’habi- tants environ, et l'Allemagne en avait 40 millions ; — aujour- d’hui, nous avons 38 millions et demi d’habitants, et l’Alle- magne en a près de 53 millions. De même, le Royaume-Uni d'Angleterre, Ecosse et Irlande avait 30 millions d'habitants ; il en a près de 39 et nous dépasse comme chiffre de popula- üon ; l’Autriche-Hongrie avait 34 millions d'habitants ; elle en a 42 millions et nous dépasse également et de beaucoup ; l'Italie progresse de 25 à 31 millions ; la Russie, enfin, de 72 à 103 millions ! Parmi les six grandes puissances de l’Eu- rope, nous occupons maintenant l'avant dernier rang comme chiffre de population : seule lItalie marche encore après nous, gagnant du terrain à vue d'œil, puisaw’elle s’accroît de 6 millions d'habitants tandis que nous en conquérons à peine 2? millions et demi. Si doncil n'y a pas dépopulation absolue en France, — jus- — 990 — qu'à présent du moins, — il y a cependant dépopulation re- lative:: tandis que nous restons à peu de chose près station- naires, gagnant péniblement 800,000 habitants durant les quinze dernières années, nos voisins, dans le même temps, s’accroissent de quatre, cinq, six, huit et dix fois plus : l’Alle- magne, de 8 millions; l'Angleterre, de 3 millions et demi; l'Italie, de près de 3 millions. En un mot, tandis que tous les peuples qui nous entourent continuent d’obéir à cette loi qui fait, de l'accroissement normal et régulier de leur population, l’une des conditions primordiales de l'existence des nations civilisées et le signe infaillible de leur prospérité, la France seule tend à s’y soustraire, et c’est là, je le démontrerai tout à l’heure, l’un des plus grands dangers qu’elle puisse courir. La dépopulation, au surplus, dans certaines parties de la France n’est pas seulement relative, mais bien réelle, ab- solue : nous avons des provinces entières, la Normandie, la Gascogne, la Bourgogne, où chaque recensement, depuis 15 ans, constate une diminution effective de la population ; à chaque recensement, également, on voit augmenter le nombre des départements en voie de décroissance, de dépo- pulation réelle : sur nos 89 départements, 29 étaient, dès l’année 1886, en voie de dépopulation ; en 1891, il y en avait 59, et enfin 64 en 1896 ; c’est-à-dire qu’au dernier recense- ment 23 départements seulement maintenaient leur chiffre d'habitants. Dans 12 départements, dans l'Orne, l'Eure, l’Aube, la Côte-d'Or, le Lot, le Lot-et-Garonne en particulier, on enregistre couramment 3 décès pour 2 naissances ; dans certains cantons, le mal est plus grand encore: on n’y compte plus qu’une naissance pour deux décès ! On commence à en- trevoir l’image de notre pays tout entier dans ce qui se passe sur certains points du Cotentin où M. Arsène Dumont a suivi, génération par génération, l’histoire de chaque famille : au- jourd’hui, il n’en reste presque plus une seule, les rares sur- vivants ayant émigré à Paris pour y devenir fonctionnaires, DR % — 391 — concierges,@arçons de salle, etc. Des villages entiers nesont plus que des amas de maisons ruinées. Comment se comporte Besançon au milieu du mouvement de dépopulation relative de la France, au milieu du mouve- ment, de plus en plus général, de dépopulation réelle, abso- lue, qui, l’une après l’autre, atteint nos provinces et qui, après avoir gagné d’abord la Haute-Saône, a fini par gagner, au dernier recensement, le Jura et le Doubs ? Besançon avait 28 à 29 mille habitants en 1836, époque où, pour la première fois, le dénombrement s’est fait dans des conditions sérieuses, permettant d'accepter ces chiffres comme point de départ et base solide d'appréciation. Aujour- d’'hui, Besançon possède 58.000 habitants : sa population a donc un peu plus que doublé, — et le dernier recense- ment, celui de 1896, accuse une augmentation de 1500 habi- tants par rapport aux chiffres du recensement quinquennal précédent, de 1891. On ne saurait dire, par conséquent, que Besançon se dépeuple : voilà ce que l’on voit tout d’abord. Mais selon la formule chère à Bastiat, à côté de ce que l’on voit il y a, — malheureusement dans l’espèce, — ce que l’on ne voit pas, ce qui est pourtant, et ce qu'il faut bien voir. Pour une ville, comme pour toute collectivité humaine, il n’est qu’un seul mode d’accroissement qui soit normal, légi- time, physiologique, peut-on dire : c’est celui qui n'est dû qu'a des causes naturelles, intrinsèques, c’est-à-dire à un excédent, s’ajoutant année par année, des naissances sur les décès. Est-ce selon ce mode, est-ce grâce à ses seules res- sources démographiques que Besançon a vu doubler, en 60 ans, le chiffre de sa population ? Nullement, et il s’en faut de tout, au contraire. J'ai pu, remontant de nos jours jusqu’en 1848, noter, année par année, en face les uns des autres, les chiffres des décès et ceux des naissances à Besançon : de la comparaison de ces chiffres 1l résulte que, au cours de cette période de 52 ans, il est arrivé 6 fois seulement (1 année — 352 — sur 9), que le chiffre des naissances l’ait emporté sur celui des décès, et de si peu ! avec un gain total de 370 naissances pour ces 6 ans ; tandis que 46 fois il y a eu excédent de décès, occasionnant un déchet total de 8500 existences. De sorte que, notre population étant, en 1848, de 30,700 habitants, chiffres ronds, elle se trouverait aujourd’hui réduite, si elle n'avait dû vivre que de ses propres ressources, au chiftre de 22,500 habitants en lieu et place de 58,000 qu’elle possède en réalité. Ainsi Besançon, s’il. s’est accru effectivement, ne s’est point accru d’une manière normale, physiologique, de lui- même, de son propre fonds: de ce seul chef il se serait au contraire appauvri, et son apparente richesse en citovens, il la doit à des ressources extrinsèques, extraordinaires, il la doit à d’incessants emprunts à l’immigration tant étrangère qu'intérieure, — la première représentée par les immigrés de toutes nationalités, Belges, Italiens, Allemands, Alsa- ciens-Lorrains, Suisses surtout, formant un total de près de 3000 étrangers : la seconde, représentée par les immigrés ‘français venus, soit du reste du département du Doubs, soit des autres départements plus ou moins proches. Et en effet, le mouvement d’accroissement de Besançon, étudié dans ses détails, par périodes quinquennales succes- sives, n'accuse point une marche uniformément retardée, mais enfin uniforme, comme celle de la population française, comme celle de toute collectivité soumise exclusivement ou à peu près au Jeu physiologique de ses éléments démogra- phiques propres, — mais bien une marche irrégulière, inter- mittente, se faisant comme par à-coups, au gré d’influences momentanées, de cause diverse, d'ordre surtout économique et social. C’est ainsi que notre marche en avant s’accentue d’abord tout à coup de 1846 à 1856, au moment où les premiers che- mins de fer viennent sillonner notre région et décupler l’ac- tivité des centres favorisés : en moins de 10 ans, la popula- | | — 9393 — tion s’accroit de près de moitié, passant de 30,700 à 43,700. Or, pendant ce temps, les arrondissements de Montbéliard, de Baume-les-Dames et de Pontarlier perdent de 5 à 10 p. 100 de leur population, et la partie rurale de l'arrondissement de Besançon sud perd 27 p. 100 (plus du quart!) de la sienne; enfin, les arrondissements de Dole et de Poligny, ceux de : Vesoul et de Gray, sont éprouvés aussi, bien qu’à un moindre degré, par cette sorte d’ «(aspiration » exercée par le grand centre provincial sur les habitants des bourgs et campagnes plus ou moins proches. C'est bien là, pris sur le fait, le pro- cédé de dépopulation de la campagne au profit de la grande ville. Une seconde phase d'accélération bien marquée se place de 1872 à 1880 : d’une part, à ce moment, la constitution de notre ville en siège d’un des plus grands commandements militares et en vaste camp retranché entraîne un renforce- ment considérable de sa garnison ; d'autre part, les rigueurs de l’annexion provoquent l'immigration à Besançon de nombre de patriotes alsaciens ; en même temps l’épanouis- sement (hélas ! passager) de notre industrie horlogère appelle à nouveau, dans nosateliers, des colonies d'ouvriers suisses. Cette fois, en raison des caractères particuliers à ces diverses sortes d’immigrations, on ne voit pas s'établir, dans la partie rurale de notre arrondissement et dans les arrondissements proches le courant de dépopulation compensatrice que je vous montrais tout à l'heure. On sait trop la désastreuse influence des vicissitudes éprouvées depuis 1881-1882 par notre industrie horlogère pour qu'il soit besoin de signaler leur intime rapport, de cause à effet, avec le ralentissement d’abord (de 1881 à 1886), puis avec le recul (de 1891 à 1896), éprouvés dans le mouvement, jusque là irrégulièrement mais constamment ascensionnel, de notre population. Il s’agit bien ici de causes toutes locales, puisque, aux mêmes époques, la population rurale de notre arrondissement et de l'arrondissement de Baume-les-Dames — 9304 — reste stationnaire, et que les arrondissements de Pontarlier et de Montbéliard bénéficient au contraire d’une augmenta- ton de population. Enfin, de 189 à 1896, la création à Besançon de nouvelles industries (soieries, papeteries, fabrique d’horlogerie, de chaussures, établissement thermal des bains salins, etc.), entraine une reprise du mouvement en avant : notre popula- tion conquiert 1500 habitants ; mais en même temps la por- tion rurale de notre arrondissement en perd un millier, presque tous absorbés par la ville. En résumé, Besançon vitsurtout de la Dopdlano des cam- pagnes, population qu’elle aspire et qu’elle consomme, au sens littéral du mot. Besançon fait, en somme, ce que font, du plus au moins, presque toutes les villes, véritables « man- geuses d'hommes », organismes et causes, non pas uniques mais puissants entre tous, de la dépopulation. Et maintenant, quelles sont les causes de notre dépopula- tion bisontine ? Pourquoi ce constant ou presque constant excédent de nos décès sur nos naissances”? Est-ce qu’on meurt trop à Besançon, ou bien est-ce qu’on n’y naît pas as- sez, ou encore est-ce l’un et l’autre à la fois ? C’est ce que va nous apprendre une étude rapide et sommaire de notre mor- talité, ou fréquence des décès, de notre natalité ou fréquence des naissances, et, préjudiciellement à celle-ci, de notre nuptialité, ou fréquence des mariages. Voyons d’abord la mortalité: est-ce que l’on meurt beau- coup à Besançon ? est-ce que l’on y meurt trop ? À cet égard, Besançon a joui longtemps d’une réputation plutôt mauvaise, au moins médiocre, et 1l faut reconnaitre que cette réputa- üuon, durant un temps, a été jusqu’à un certain point méritée. Comment en eût-1il été autrement ? Il n’est pas douteux que des préoccupations tout autres que celles relatives à l’hygiène et à la salubrité de la future ville ont présidé au choix de l'emplacement de Besançon : le — 309 — besoin de sécurité et la pensée de la défense ont prévalu, ce semble d’une maniere à peu près exclusive. Ses habitants sont donc venus se grouper au pied des rochers qui consti- tuent l'isthme de la presqu’ile enclose dans une sinuosité de la rivière : sur le rocher, ils ont campé leur citadelle, et, sur la rive gauche du Doubs, en dedans de sa boucle, aux bords mal endigués et couverts de marais, ils ont élevé leurs pri- mitives demeures. Peu à peu, au cours des siècles, ils ont conquis ce sol va- seux et rejeté la rivière dans son lit actuel, grâce à l’exhaus- sement lent et progressifrésultant de l'accumulation des ma- tériaux de toute nature et des débris, des déchets organiques et autres que les besoins de la vie individuelle et collective fabriquent et - rejettent incessamment. Or, cette couche d’ «humus humain », si j'ose ainsi dire, superposée à un sol de marécage, ne saurait sans doute être considérée comme un élément de salubrité. Plus tard, en raison des progrès de la science guerrière, — les défenses naturelles des rochers de la citadelle et des eaux courantes et dormantes du Doubs ne suffisant plus, — la ville s’entoura de remparts : la sécurité, ainsi augmentée, accrut son importance et attira une population plus nom- breuse. On n'eut plus alors qu’un souci : ne plus perdre un pouce de ce terrain désormais délimité pour des siècles par sa ceinture de pierre. Pour occuper le moins de place pos- sible, on réduisit au strict minimum le nombre et la largeur des rues et des places ; on accola les maisons par leur plus: large surface, ne leur laissant sur la rue qu’un étroit pignon: peu d'air et peu de lumière ; par suite, pas du tout de pro- preté. Dans les cours, qui se succédaient en forme de puits, dans les longs et étroits corridors des maisons s’accumulaient, ar- rosés par les eaux ménagères, les déchets, les fumiers, et les détritus de toute sorte, en attendant qu’une pluie abon- dante vint transformer les ruelles en ruisseaux, et permit d'y 25 956 = pousser toute cette fange. On utilisa surtout dans la suite les progrès de larchitecture pour faire croître la ville en hau- teur, et la densité de la population ne cessant d'augmenter, la proportion des souillures du sol et des eaux par les déchets organiques s’éleva parallèlement d'autant. Sans doute, ces conditions d'existence passée ne sont pas absolument particulières à Besançon; ce sont un peu celles de toutes les vieilles villes, et surtout des vieilles villes fortfiées ; il n'en est pas moins vrai, que notre cité, l’une des plus an- ciennes des Gaules, et l’une de celles aussi où tout a toujours été sacrifié aux intérêts de la défense, devait être également l’une de celles où ces conditions défavorables s’accuseraient avec le plus de suite et d'intensité. On a dit des villes qu’elles étaient toutes, par rapport aux campagnes, sinon des malades, au moins des valétudinaires : ceci nous explique comment Besançon a été longtemps une malade parmi les villes ma- lades, et comment, jusque vers le milieu de ce siècle, elle est restée une débile parmi les valétudinaires ; — comment s’est établie sa réputation de ville insalubre, et comment cette réputation a survécu après même que la lutte instituée contre le mal eût fini par replacer la ville à un rang à peu près normal en tant que salubrité. Et en effet, combien il y a loin du Besançon d'il v a un siècle, ou même seulement un demi-siècle, au Besançon d'aujourd'hui! Tout d'abord, amenée et la distribution à la ville des eaux d’Arcier ont suffi pour faire tomber la morta- lité générale bisontine de 35 par 1000 habitants à 26 et demi p. 4000 c’est-à-dire à la réduire d’un coup de plus du quart : Jamais opération ne fut aussi fructueuse ; jamais dépense communale affectée à de grands travaux d’uülité publique ne constitua une économie mieux entendue, — puisque, moyen- nant 1.750.000 francs, prix de revient des travaux de captage, d’amenée et de distribution de cette source, capital dont les intérêts annuels sont dès longtemps couverts par les recettes de l’abonnement aux eaux de la ville, on a sauvé chaque — 391 — année, depuis 45 ans, une moyenne de 300 vies humaines, soit un total de 13.500 existences ! Jusque vers l’année 1873, la mortalité se maintient, ou à très peu près, au taux encore relativement élevé de 26 et demi par 1000 habitants : c’est alors qu’au lendemain des dé- sastres de « l’Année terrible », au milieu du mouvement gé- néral de reprise de la vie nationale, les grands travaux d’as- sainissement reçoivent une nouvelle impulsion; les fossés- égouts de Chamars sont comblés ; le quai Veil-Picard s'élève et les abattoirs sont éloignés ; les excellentes eaux d’Aglans sont amenées ; l’élargissement de certaines rues, de la rue Battant entre autres, apporte un peu d'air et delumière dans les quartiers les plus déshérités ; enfin, la vieille ville com- mence à déverser dans le vaste faubourg des Chaprais le trop plein de sa population : de 26 et demi à 27 pour 1000, notre mortalité tombe à 25 et demi environ, année moyenne, chiffre à peine supérieur encore à celui moyen de la morta- lité des grandes villes françaises. Enfin, vers 1880-85, l'hygiène publique prenait partout, à l'étranger et en France, un merveilleux élan par suite de l’ap- plication, à la prévention des maladies, des merveilleuses dé- couvertes de notre illustre Pasteur. La création, en 1890, après quelques années de tâtonnements, d’un bureau muni- cipal d'hygiène solidement organisé et fort du concours mo- ral de la Société de Médecine de Besançon et de la Franche- Comté, ainsi que de l’appui effectif de la municipalité et des pouvoirs publics, vint donner à ce mouvement, à Besançon, une vigueur particulière. Rappelons, ne fut-ce que pour mé- moire : l’achèvement et la coordination de notre réseau d’é- goûts, avec création d’un important tronçon de l’égoût collec- teur; — la substitution, dans une grande partie des Chaprais, de l’excellente eau d’Aglans à l’eau de Fontaine-Argent, jus- tement disqualifiée; l’organisation d’un service municipal de désinfection ; — la réorganisation du service de vaccina- tion et de revaccination et l'introduction du vacein animal ; — — 398 — la réglementation de lisolement des contagieux dans les écoles, et de l’hygiène scolaire en général . — l’organisation de la police sanitaire des garnis, du transport des malades contagieux, de l'enlèvement des ordures ménagères ; — la réorganisation de la commission des logements insalubres et de son fonctionnement; — la création d’un laboratoire d’ana- lvses chimiques et micrographiques ; d’un service d’informa- tions et de surveillance des épidémies, etc. Grâce à cet en- semble de mesures et de travaux, en moins de 40 ans, de 1889 à 1899, la mortalité bisontine s’abaissait de 20 p. 100, de 1/5, tombant de 95 et demi à 20 et demi par 1009 habitants. En résumé, et en somme: depuis 10 ans notre mortalité bisontine est à peine égale, plutôt inférieure à celle de l’en- semble de la France, campagnes comprises ; — elle est infé- rieure, de 1 à 1 et demi par 1000 habitants à celle moyenne des villes françaises de 30 à 100 mille habitants : — elle est inférieure à celle de toutes les villes comtoises (Vesoul excepté); — elle est inférieure à celle des départements com- tois, villes et campagnes réunies ; — elle est enfin inférieure, avec celle de Dijon, à la mortalité de toutes les grandes villes du Centre-Est, Est et Nord-Est de la France. Puisque, notre mortalité n'étant pas trop forte, étant même relativement minime nous continuons à nous trouver en face d’un excédent de décès, il faut bien que ce soit notre natalité qui soit beaucoup trop faible. Et c’est bien, en effet, ce que nous allons voir ; mais disons d’abord deux mots en passant de notre nuptialité, la fréquence des mariages étant évidem- ment une condition de la fréquence des naissances. Se marie-t-on beaucoup à Besançon? Au cours des 20 der- nières années, on y a célébré, année moyenne, 378 à 380 ma- riages, correspondant à une nuptialité de un peu moins de 7 par 1000 habitants, — alors que ce chiffre est de 7 et 1/2 pour l’ensemble de la France, et de près de 8 pourles villes, Et non seulement on se marie moins à Besançon qu'on ne — 359 — le fait moyennement en France, et surtout dans les villes, mais encore on s’y marie plus tard, chose regrettable à tous points de vue : les garçons, à 30 ans au lieu de 28 ans et demi, les filles à 26 ans au lieu de 24 ans et demi... L'écart ne semble pas énorme, dira-t-on ; mais il faut remarquer qu’il s’agit ici de moyennes, de moyennes établies sur des groupes nombreux et suivis pendant une série d'années, et les diffé- rences qu'elles accusent sont, en réalité, considérables. Pour s’en convaincre, il suffit de constater quel profond retentissement ces écarts, en apparence minimes, ont, en fin de compte, sur la composition de notre population en mariés et non mariés des deux sexes : en France, sur 1000 personnes du sexe masculin âgées de plus de 18 ans, on compte 550 mariés environ; à Besançon (abstraction faite de la garnison), on n’en compte que 480 ; — sur 1000 personnes du sexe fémi- nin âgées de plus de 15 ans, on compte : en France, 544, à Besancon 407 mariées seulement. En résumé, peu, relativement, de mariages, peu de ma- riés et, par surcroît des mariés plutôt âgés, voilà des condi- tions bien faites pour abaisser le chiffre de notre natalité. Et, de fait, — je ne dis pas « de ce seul fait », — notre na- talité est d’une insuffisance extrème, et elle ne cesse de s’a- baisser : en 1856-60, avec une population de 43.500 habitants, nous enregistrions, année moyenne, 1175 naissances ; de nos jours, de 1896 à 1899, avec une population de 58.000 habi- tants nous n’en enregistrons plus que 1064 ; il v à 60 ans, pour 1000 habitants de notre ville, on comptait 31 nais- sances : aujourd’hui, on n’en compte plus que 18 ; la fré- quence relative de nos naissances s’est abaissée dans la pro- portion de 31 à 18, soit de 2/5. En France, pendant la même période, la natalité a passé de 26 à 22 et demi par 1000 ha- bitants, et ce chiffre de 22 et demi est déjà bien misérable lorsqu'on le trouve de 31 en Italie, de 34 en Angleterre, de 38 en Allemagne, de 50 en Russie ! — 360 — Au taux de la natalité française, déjà si faible ! c’est 1300 naissances que nous devrions compter au lieu et place de 1064 ; — au taux de la natalité, plus forte, des villes fran- çaises, au taux de la natalité du département du Doubs tout entier, c’est 1350 naissances, et, au taux de la natalité alle- mande, c’est 2200 naissances que nous devrions compter an- nuellement, au lieu de 1064 ! C’est donc bien à notre natalité déplorablement faible, et en partie à notre nuptialité un peu faible aussi qu’est due notre dépopulation bisontine, image en réalité aggravée, en dépit des apparences, de la dépopulation française ; dans ce mouvement de dépopulation qui, pour tous les esprits sérieux et clairvoyants, devient un véritable «péril na- tional », mouvement où les villes tiennent ia tête, nous avons une part trop grande, même en tant que ville : si nous ne tenons pas absolument le premier rang, il ne s’en faut pas de beaucoup. Le temps me manque pour vous faire entrevoir dans un résumé même très résumé, les conséquences redoutables qu’entraine pour un pays une dépopulation, même simple- ment relative, comme l’est jusqu'ici celle de la France: amoindrissement de sa puissance et de son influence poli- tique, de la sphère d'action de sa langue, et. par suite, de son rayonnement intellectuel et moral ; amoindrissement aussi de sa vie économique et de sa richesse, amoindrissement de sa cohésion et de son unité nationales par suite d’une immi- gration étrangère excessive... en attendant que la dépopula- ton réelle et absolue survenant, — et elle est à nos nortes, — ce soit la nation, la population elle-même qui s’amoindrisse et peu à peu disparaisse, par une sorte de suicide, suicide lent, non douloureux, suicide par le chloroforme, comme on l’adit, mais suicide enfin... À moins que, d'ici là, quelque tragique accident ne vienne brusquer le dénouement fatal. Nous sommes bien fiers de D: F2: — 301 — notre civilisation, à cette aube du xx° siècle, et pourtant, au milieu de notre Europe en armes, nerveuse, inquiète, pou- vons-nous oublier qu'aujourd'hui plus que jamais la force prime le droit, et que la force ne va pas sans le nombre? Pou- vons-nous oublier la spoliation du Danemark, Sadowa, l’An- née terrible, l’Alsace et la Lorraine amputées, les massacres d'Arménie et l’écrasement de la Grèce, Cuba et les Philip- pines en sang, et l’agonie glorieuse mais atroce du Transvaal, et la marche au Calvaire de son grand patriote? Eh bien ! Son- geons-y : en 1870-71, l'Allemagne et la France avaient à peu près le même nombre de conscerits, 296,000 conscerits français contre 330,000 conscrits allemands; aujourd’hui, l'Allemagne en a presque moitié en plus : 448,000 contre 300,000. Comme l’Allemagne, depuis 1891 à deux fois plus de nais- sances que la France (1,903,000 contre 909,000), il est fatal que, vers 1911, elle aura deux fois plus aussi de conserits… et alors... On dit : « Il est inutile de crier tout cela si haut :.. C’est enfantin! Les Allemands le savent et le pro- clament les premiers. Ecoutez le D' Rommel : « La politique » des races est impitoyable, déclare-t-1l avec sa brutalité teu- » tonne : le moment approche où les cinq fils de la famille » allemande, alléchés par les ressources et la fécondité de » la France, viendront facilement à bout du fils unique de » la famille française. Quand une nation grossissante en cou- » doie une plus clairsemée, qui, par suite, forme centre de » dépression, il Se produit un courant d’air vulgairement ap- » pelé invasion, phénomène pendant lequel la loi et la mo- » rale sont mises provisoirement de côté. » Ne fûüt-ce que par patriotisme, et au point de vue général, nous devons déplorer le rôle trop considérable que joue notre ville dans l'extension de ce fléau qu'est la dépopulation. Notre patriotisme local ne doit pas s’en montrer moins ému : Besan- çon n’est pas encore en décadence de population ; il n’en est pas moins vrai qu'il ne vit que d'emprunts de citoyens, que des ressources de l'immigration, et que ces emprunts se font 24 = 960 de plus en plus difficiles et n'arrivent plus qu'avec peine à combler les vides causés par l'excédent des décès sur les naïs- sances : depuis 20 ans, nous avons cessé ou presque de nous accroître comme continuent à le faire les autres villes, et à chaque dénombrement nous perdons un ou deux rangs dans le classement des villes françaises par ordre d'importance. De là un amoindrissement au moins relatif. Et qu’on ne dise pas : que nous importe ? Au nombre de ses habitants ne se mesurent ni la véritable grandeur d’une ville, ni sa richesse, ni surtout le bonheur de ses citoyens; il est des villes moyennes, petites même, où la vie s'écoule heu- reuse et facile, avec un développement régulier, mais non intensif de la population. Non, de telles villes ne sauraient exister qu'à la condition d’avoir été toujours ce qu'elles sont, ou moindres qu'elles ne sont ; qu’à condition de n'être pas des villes en décroissance ; sinon, de l’amoindrissement même de la population découle une atteinte forcée portée à tous les intérêts engagés, à toutes les situations acquises à coup d'argent et de temps : dépréciation des propriétés, ruine progressive du commerce et de l’industrie. Et d’autre part, pour demeurer un centre administratif, judiciaire, universi- taire, ecclésiastique, militaire même, encore faut-il qu’une ville ne tombe pas au-dessous d’un certain niveau, au-des- sous d’un certain chiffre de population, — à côté de villes voisines grandissantes. Sinon, un jour arrive où l'Etat cesse de défendre une ville qui ne se défend plus elle-même, dont la voix n’est plus capable de se faire entendre, moins encore de se faire écouter... Mesdames et Messieurs, les choses n’en sont là, Dieu merci! ni pour Besançon, ni pour la France : il y a loin des dangers prévoyables à la catastrophe réalisée. Une grande ville, une grande nation ne disparaissent pas si facilement, et, comme le dit éloquemment M. Levasseur : «C’est vraiment » trop d’humilité que de penser qu’une nation de 38 millions ab "VUTS — 363 — » d’âmes, qui, par son agriculture, son commerce, son indus- » trie est une des plus riches du globe terrestre, et par son » activité intellectuelle dans les lettres, les arts, les sciences, » une des plus autorisées à éclairer le monde, qui, sous le » gouvernement républicain, a depuis un quart de siècle re- » couvré dans le concert Européen sa place de grande puis- » sance, est une nation finie, que les chiffres de la statistique » acculent invinciblement à disparaitre ! » Ayons confiance, soit ! mais avisons, il esttemps. Les remèdes vus et entrevus sont légion : souhaitons seulement qu’on les applique vite et qu'on les applique tous, afin, comme disait Jules Simon, d’être sûr d'appliquer le bon. RAVENNE. SIENNE. FLORENCE Par M. Jules GAUTHIER Séance publique du 13 décembre 1900 S'il est un pays dont le charme s'impose à tous ceux qui le parcourent ou le visitent, c’est l'Italie, la terre des grands souvenirs, des innombrables monuments, où le pélerin comme le poète, l’artiste comme l’antiquaire peuvent vivre de longs mois, de longues années dans un véritable éblouis- sement. Du pied des Alpes, où la nature fait seule les frais du décor, aux rivages mouvementés de la Sicile, où des colannades de marbre doré, profilées sur un ciel et sur des flots toujours bleus, évoquent et annoncent l'Orient, tous les enthousiasmes peuvent se renouveler sans cesse. Cinquante villes fameuses, échelonnées tantôt au bord des grands fleuves, tantôt sur des sommets altiers, tantôt endormies au fond de quelque golfe, se disputent et cap- tivent un intérêt toujours grandissant. Et de cette vision superbe et grandiose jaillit dans l’âme, chez nous surtout habitants des froides régions, une émotion vibrante qui s'éveille et S’échauffe au contact de toutes ces merveilles, un amour passionné pour toutes les glorieuses manifesta- tons de l’art, en même temps qu’un orgueil légitime du fils qui, sur la terre d'Italie, retrouve le berceau de ses croyances et le tombeau de ses aïeux. Et tous ces sentiments aussi complexes qu’intraduisibles, qui ont saisi avec une vivacité poignante nos devanciers de tous les âges, survivent encore aujourd’hui au milieu du — 905 — fracas, du mélange de races et de la banalité internationale qui viennent battre les murailles des cités italiotes comme l’eau grisâtre de la lagune heurte sans les salir les degrés de marbre des églises et des palais vénitiens. C’est à Rome, cette ville dont, par héritage, nous sommes tous les citoyens, que ce triomphe de l'Italie sur toutes les nations s'affirme le plus écrasant Chefs-d'œuvre de la Grèce rapportés par les légions victorieuses, monuments de la République et de l'Empire, temples des dieux, catacom- bes d’où sortirent ceux qui transformèrent en églises chré- tiennes tous les sanctuaires du paganisme, basiliques éle- vées par Constantin, cloîtres, édifices de toute sorte élevés au cours des âges, tout cet ensemble unique, dominé par la masse noirâtre du Colysée et la coupole étincelante de Saint-Pierre, n’a rien de comparable en aucun pays ni en aucun temps. Mais si l’on veut à Rome suivre anneau par anneau, comme on égrène un rosaire, cette chaine de monuments qui des héritiers de Constantin à Léon X caractérisent l’art de tous les siècles, on s'aperçoit avec tristesse que le Moyen-Age s’est effondré presqu'entier dans la Ville Eter- nelle, sous le marteau brutal des précurseurs ou des héri- tiers du Bernin. La Renaissance elle-même, dont les fres- ques du Vatican et de la Sixtine, dont quelques douzaines de tableaux hors de pair, disséminés çà et là, dont quelques marbres merveilleux, tels que le Moïse, marquent les immortelles étapes, n’y a laissé que peu d'empreintes. Comment combler cette lacune dans l’histoire de l’art, comment compléter la chaîne qui nous en montrerait l’har- monieuse unité ? Ravenne, Sienne, Florence y suffiront. -_ Sur une plage que les flots de l’Adriatique ont désertée, là ou naguère le port de Classis abritait des flottes nom- breuses, se dresse Ravenne, entre Chioggia et Rimini, à égale distance de Venise et d’Ancône, Avec la mer la for- — 366 — tune s’est retirée (comme à Aïgues-Mortes) et la pauvreté a sauvé d’embellissements qui eussent été sa ruine, la ville où se rélugiérent au v° siècle les derniers empereurs romains. Et tout un ensemble étonnant d’architecture quasi romaine: basiliques, rotondes, baptistères, bâtis par les Césars, du ve au vi‘ siècle, sur le tombeau des martyrs ou sur leur pro- pre sépulture, enrichis de mosaïques, couverts de ce symbo- lisme chrétien qui vient de sortir des catacombes et que traduisent des ouvriers habiles à perpétuer les formes et les procédés de l’art antique, offre à l’œil stupéfié une véritable résurrection. Entrez dans ce baptistère de San Giovanni Battista dont la construction octogonale est surmontée d’une coupole ; deux rangs d’arcatures cintrées, huit fenêtres, voilà toute l’architecture, mais les flancs de l’édifice sont couverts de niches pareilles à des stèles funéraires antiques, où, sous des frontons triangulaires ou cintrés, se dressent de hautes et maigres silhouettes d’évangélistes et de prophètes, vêtus de toges. La haute frise dont le bandeau les sépare de la voûte est couverte de portiques et de colonnades aériennes sem- blables aux peintures que Fon exhume à Pompéi. Levez les yeux : autour d'un tableau central formant le fond de la coupole (le Christ recevant le baptême dans les eaux du Jourdain), apparaissent, majestueuses et terrifiantes sous leurs nimbes, douze grandes figures d’apôtres, drapées dans de larges vêtements à plis rigides et séparées par des ar- bustes verdoyants qui se détachent sur un fond d’or. Le caractère de cette scène est prodigieux, grandiose, émou- vant. J’en dirai autant du second baptistère de Santa Maria in Cosmedin, où les mêmes personnages se retrouvent, traités avec la même ampleur, séparés cette fois par des pal- miers plantés dans des cornes d’or ; cette impression ne fera que grandir et s’accroître encore à Sun Vitale, rotonde bâtie sous le règne de Justinien, à l’imitation de Sainte- Sophie de Constantinople. Si la coupole est gâtée par des — 367 — fresques modernes, le chœur tourné à l'Orient est couvert de mosaïques splendides. Dans l’abside c’est le Christ assis dans sa gloire, entouré d’anges et d’évêques ; sur les flancs de l’arc triomphal, c’est Justinien en basileus de Byzance avec sa cour; c'est, en face, l’impératrice Théodora, avec ses dames d'honneur, portant l’un et l’autre, comme les Mages peints sur la bordure de la robe de l’impératrice, des vases d’or qu'ils apportent au Christ, pour ses autels. À Sant’ Apollinare Nuovo, que le roi des Goths, Théodoric, bâtit au vi siècle, après avoir chassé les derniers empe- reurs, la nef de la basilique soutenue de vingt-quatre colonnes de marbre oriental est couverte sur ses deux flancs d’une haute frise en mosaïque. D'un côté. c’est Classis, représentée avec son port et ses vaisseaux, puis une longue procession de vierges pâles vêtues de blanc, tendant des couronnes, qui suivent le cortège des Trois Rois, venant adorerl’Enfant-Dieu; de l’autre, c’est Ravenne avec ses coupoles et vingt-cinq martyrs nimbés, portant des couronnes de lauriers, que le Christ vient bénir. Ces théories majestueuses ont le caractère solennel des panathénées antiques et le feuillage des palmiers qui abritent vierges et martyrs, semble frissonner à leur passage. À Sant’ Apollinare in Classe, les mosaïques de la tribune et l'arc triomphal ont une splendeur singulière; c’est le triomphe de la Croix, les empereurs romains s’y mêlent aux prophètes et aux évêques de Ravenne pour entourer le Christ triomphant, tandis que des brebis sorties de Beth- léem et de Ravenne viennent renforcer son troupeau. A San Nazario e Celso, voici d’autres tableaux qui mélangent les scènes de l'Ancien Testament et du Nouveau : Abraham à côté du Bon Pasteur, des cerfs buvant aux claires fontai- nes et des brebis paissant sous la houlette du divin Berger. Et toutes ces mosaïques des v°, vi et vrre siècles, dont quel- ques retouches modernes n’ont point supprimé le caractère ni dénaturé l'expression, chantent dans ces vieux édifices de Ra- venne, la louange de cette aurore du Moyen-Age, qui n’a — 368 — laissé dans nos régions appauvries que de vagues traditions. Si Ravenne est la ville des mosaïques, c’est aussi celle des tombeaux. À San Nazario, celui de Galla Placidia, la mère de Valentinien IIT, la fille de Théodose, est intact entre celui d'Honorius, sonfrère et celuide l’empereur Constance IIT son époux. Et sur ces sarcophages, massifs coffres de marbre, les palmes se mêlent aux chrismas et aux colombes buvant dans un calice, de même que sur les voûtes de l’édi- fice construit pour les recevoir et les abriter. Du tombeau de Gallia Placidia à celui de Théodoric, vide et désert, à celui de l’exarque Isaac, auquel son épouse Suzanne, « chaste tourterelle *, a consacré uné épitaphe attendrie, et aux sarcophages des évêques de Ravenne semés çà et là dans les nefs, les parvis ou les cryptes, tous gar- dent, à travers les siècles du Moyen-Age, les mêmes con- tours, les mêmes emblèmes, le même aspect. La tradition continue pour eux presque immuable, comme elle continuera pour les mosaïques restaurées ou renouveléesçaetlà. Ambons de marbre semés de longues séries d'oiseaux et de quadru- pèdes, comme on eu voit sur les manuscrits mérovingiens, sièges d'ivoire ou de pierre où se sont assis les contempo- rains de Théodoric. d’Astaulphe, de Charlemagne, icônes venues de Byzance, où la Vierge orante et voilée, perdue dans les plis raides de draperies hiératiques semble une sibylle chrétienne prédisant l’avenir, autels d’albâtre, taillés comme les tombeaux, ciboriums à quadruple arcade encore debout sur la confession des martyrs, tout cela escorté et souligné de centaines d'inscriptions, chronologie ininter- rompue à travers les âges, forme un trésor sans rival que Ravenne, plus favorisée que Rome, conserve pour les annales de l’humanité. Pourquoi s’étonner que Dante soit venu chanter et mou- rir dans cette ville morte où palpitaient tant de nobles et vibrants souvenirs, et que Byron y ait passé ses derniers ans et écrit ses derniers vers ? Endormie pendant la glo- — 369 — rieuse Renaissance des arts et des lettres, qui dès le xrne siècle, bouillonne et enfante en Italie tant de chefs-d'œuvre. Ravenne laisse passer en d’autres mains le sceptre de l’art comme elle a laissé emporter, sous d’autres cieux, l'empire qui fut un instant son orgueil. Nous sommes en Toscane, à Sienne, dans la ville aux trois collines, qui doit à son site escarpé, aux lauriers roses, aux vignes, aux oliviers et aux cyprès qui couvrent ses flancs, une partie de sa fierté sauvage et de ses âpres senteurs. Au milieu de son enceinte, jadis formidable, le x111e siècle a planté, parmi les tours et les demeures patriciennes, le dôme su- perbe d’une cathédrale et le campanile, haut de trois cents pieds, d’un palais municipal. Dédiée à la Vierge, bâtie, comme son campanile, en assises alternées de marbre blanc et noir, la cathédrale s’élère ma- jestueuse. Le vigoureux relief de sa façade, percée de trois grandes portes et d'une rosace énorme, décorée de six frontons triangulaires, épaulée de groupes vigoureux de clochetons d’une rare élégance, la hauteur du campanile ajouré de six étages de fenestrelles, dont le nombre croît en se rapprochant du sommet, sont dignes de l'édifice, dont ils annoncent les splendeurs. Quand on a franchi le seuil et discerné à grand peine les lignes de larchitecture, dont les arceaux, les piliers, les fenêtres, la coupole et les longs bras du transept disparaissent sous un amoncelle- ment de bas-reliefs, de statues, de marbres ou de pein- tures, on s'arrête, ébloui. Des deux côtés de la grande nef saillissent, au-dessous des fenêtres, les bustes gigan- tesques de cent quatre-vingts papes, de quarante empe- reurs, les bas-côtés sont surchargés d’autels et de chapelles comme le transept, le bronze ou le marbre précieux s’v est assoupli sous l’ébauchoir de Donatello, de Giacomo della Quercia, de Michel-Ange. A l'entrée du chœur, une chaire hexagonale est portée par des colonnes qui reposent sur le dos de lions nerveux; c’est Nicolas de Pise, l’auteur du fameux — 310 — baptistère de sa ville natale, qui, en 1264, a taillé les bas-reliefs : en marbre de Carrare, les figures d’angle, les lions, avec la perfection d’un ciseleur antique. Impossible de détailler ou de décrire ces splendides créations de l’art chrétien, non plus que les stalles admirables et les tableaux en marqueterie dont Raffaello de Brescia et Riccio Neroni ont entouré le chœur, ou ces reliefs de bronze que Della Quercia, Donatello, Ghiberti, Giovanni et Turino di Sano ont modelés pour le baptistère voisin de la cathédrale, ou ces peintures. fresques ou tableaux qui suffiraient à l’histoire de l’école siennoise. Baissez les veux vers le sol et vous demeurerez stupéfaits. Traduites en marbre blanc découpé sur un fond de marbre noir, striées de traits gravés et de mastic sobrement coloré, qui fixent le détail des costumes et l’expression des physionomies, se déroulent sur le pavé, les grandes scènes de la Bible et de l'Evangile, interprètées par de grands artistes : Domenico del Coro, Fe- derighi, et surtout Beccafumi, du xIv* au xvi° siècle. Evoca- tions du Paganisme ou de l’'Hermétique, sibviles et allégories, prophètes et empereurs sortent de ces incrustations avec une fierté d’allure, une splendeur de costumes et de décor archi- tectural dont la richesse et la beauté retiennent le pas, au MmO- ment de fouler ces chefs-d'œuvre sans pareils. Et cependant il faut gagner sur le flanc gauche du Dôme cette Libreria Pie- colomini qu’on devrait plutôt appeler lApothéose d’Aeneas Sylvius, ce Siennois qui devint pape sous le nom de Pie IT. Dans une suite de dix fresques très hautes, qui se font face aux deux flancs de la Libreria, où la lumière pénètre par de clairs vitraux armoriés, le Pinturicchio a retracé toute la carrière du grand pontife. On le voit tour à tour partir pour le concile de Bâle et haranguer le roi Jacques d’Ecosse, recevoir de l'empereur Frédéric la couronne de poète ou lui présenter, aux portes de Sienne, sa fiancée, Eléonore de Portugal, deve- nir légat, cardinal, pape, canoniser sainte Catherine de Sienne et mourir saintement à Ancône. Et devant ces pages ex- quises qui ont conservé toute leur grâce native et leur coloris, — 371 — brillant comme au premier jour, apparaît le groupe célèbre et lumineux des Trois Grâces, un antique grec, que le pape Pie IT donna à sa ville natale et que le crayon puis le pinceau de Raphaël ont immortalisé, Tel est ce dôme de Sienne, « dont l'impression, au dire de Taine, est incomparable, où la richesse et la sincérité d’in- vention sont étonnantes, qui est à nos cathédrales ce que les poëmes de Dante et de Pétrarque sont aux chansons de nos trouvères ». Pétri de marbre, de bronze et d’or, avec une saveur et une originalité charmantes, il donne au Moyen-Age italien, sa plus triomphante incarnation. Descendons sans nous arrêter, n1aux palais, niaux loggias, ni aux églises, ni même à ce Palazzo pubblico, où tant de fresques nous convient, car les tableaux du Sodoma, de Duccio, de Beccafumi pourraient trop longtemps nous rete- nir; oublions tout pour Florence, si longtemps l’ennemie et la rivale de Sienne, qu’elle finit par conquérir. Sur les bords de lArno aux eaux tourmentées et profon- des, le Moyen-Age a lancé dans les airs, comme à Sienne et le campanile délié d’une Signoria et le dôme d’une cathé- drale : Santa Maria della Fiore. Cimabüe, le Giotto, Orcagna, Fra Angelico de Fiesole ont couvert de fresques les cloîtres ou les chapelles de ses monastères, l’art y déborde par- tout aussi bien dans les musées officiels du Pitti, des Offices ou du Bargello, que dans ces musées effectifs de Santa Maria Novella, d'Or San Michiele, de Santa Croce. Sur les places, dans les rues, le bronze et le marbre ont été pro- digués par la Renaissance qui y a multiplié les palais, les statues, en donnant à l’art un éclat qui ne fut jamais dépassé ; c'est à Florence, glorifiée à l’aube du xv° siècle, par unepro- digieuse pléiade d'artistes, que la Rome de Léon X fût réduite à emprunter ses architectes, ses peintres et ses sculpteurs. Au-dessus des plus célèbres et les dominant tous de son génie écrasant et de son universalité triomphante, comme le — 9172 — dôme de Santa Maria del Fiore domine Florence elle-même, plane le nom de Michel-Ange, tandis que sa gloire sans rivale couronne d’un triple rayon d’or la ville dont il fut le plus illustre citoyen. Et la merveille de toutes les merveilles entassées dans une enceinte trop étroite reste, sans qu'aucun le contredise, le tombeau des deux Médicis, que Buonarotti, à la voix de Léon X et de Clément VIT, a créé dans la sacristie de San Lorenzo. Sur un revêtement de marbre sombre, décoré de pilastres et de corniches d’un faible relief, d’une architecture savante et froide, calculée pour nuancer les effets de lumière que laisse tomber une coupole haute de quatre-vingts pieds, deux niches rectangulaires, se faisant vis-à-vis, à dix ou douze pieds du sol, contiennent les deux statues de Laurent et de Julien de Médicis. Tous deux sont assis en costume guerrier, renouvelé de l’antique : l’un, casqué, perdu dans une contemplation vague, qui lui a valu le nom de Pensie- r080 ; l’autre, tête nue, tenant des deux mains son bâton de commandement. De ces statues, pas plus de celle du Pensie- ros0, qui reste sibylline et voilée, que de celle de Julien, dont la physionomie respire l’orgueil satisfait d’un César, il ne se dégage aucun sentiment sublime, héroïque ou religieux. Dans ces tombeaux qui semblent vides, toute l'inspiration du maitre s’est concentrée dans quatre figures accessoires, adossées deux par deux sur le couvercle curviligne de deux sarcophases identiques, mis en regard aux pieds des Médi- CIS. | Deux hommes, deux femmes, à demi couchés et complè- tement nus, symbolisent dans un harmonieux ensemble, merveilleusement équilibré, le mystère des destinées humai- nes, du printemps de la jeunesse au douloureux hiver de la vieillesse et de la mort. Sous la statue de Laurent, l’'Aurore et le Jour, sous celle de Julien, le Crépuscule et la Nuit, taillés dans le marbre, — 9313 — en proportions plus fortes que nature, traduisent d’une façon poignante les saisons de la vie et ce qui les ennoblit davantage : la souffrance et le dur labeur. Voyez plutôt l’Aurore, cette jeune fille dont les nobles traits, les formes délicates et souples révèlent la pureté et la candeur, elle séveille à peine, et cependant déjà ses lèvres sont effleurées par l’amertume des douleurs. À côté, le regard affirmant une volonté robusteet calme, le Jouraccoudé, médite; on devine sa pensée profonde et sa cou- rageuse résignation. Les membres vigoureux du travailleur sont prêts à vaincre de nouvelles fatigues et son repos momentané lui rendra des forces pour achever la moisson. Le Crépuscule,au contraire, tout voisin de la Nuit, est représenté par un vieillard aux contours épaissis, dont le naturalisme accentué évoque le souvenir du Torse antique du Belvédère romain. Ses bras sont ployés, l’un derrière le dos, l’autre sur la poitrine; ses épaules sont légèrement voûtées ; sa tête (inachevée d’ailleurs) s’efface, couverte de cheveux longs et épais comme celle des fleuves antiques. Tout indique la veille ou le moment d’une décadence : le vieux lutteur, vaincu par l’âge, a droit de reposer à jamais. La Nuit est représentée sous les traits d’une femme, belle et encore jeune, quis’endort, coiffée d’une étoile. Sa lassitude semble extrême ; son bras droit soutient sa tête, dont le noble front, sans la moindre ride, est empreint d’une tris- tesse résignée. Son corps, à demi flétri, est encore d’une splendeur exquise: ses membres, une jambe ployée, l’autre pendante, sont modelés avec une grâce presque juvénile, mais tout dans son attitude révèle l’accablement et la soif du repos. À la couronne tressée de cyprès et-de roses que son pied foule, à l’oiseau funèbre, la chouette, qui frôle sa jambe, au masque de théâtre dont lodieux rictus bâille contre son épaule délicieusement contournée, on voit bien que tout est fini et qu’elle ne s’éveillera plus de son dernier sommeil. — 3174 — Et sous l'impression philosophique quelque peu païenne et décourageante que produisent ces grandes figures de Carrare, ciselées, avec une sorte de fièvre et de passion, par l’immortel sculpteur florentin, le regard se tournant vers l'autel de la chapelle funéraire, s’y repose avec soulage- ment sur une Madone allaitant l’Enfant-Dieu, dont la beauté calme et radieuse domine toute cette scène titanesque et tour- mentée, laissant tomber réconfortante la douce espérance au cœur. Nous en avons fini cette fois avec Florence, mais nous croyons avoir prouvé que sur les rives de l’Arno, comme à Sienne l’opulente ou à Ravenne la délaissée, le Moyen-Age et la Renaissance ont créé des œuvres prodigieuses et sur- humaines, dont Rome la superbe n’a jamais eu léquivalent. Et maintenant une dernière question se pose: que sont devenues en Îtalie ces glorieuses traditions artistiques, ces vocations étonnantes qui avaient porté sa gloire et si haut et si loin? Les peintres, les sculpteurs, les architectes ont disparu, ou sont remplacés par des ouvriers, des praticiens, et l’on se demande avec tristesse, devant une effroyable décadence, si, dans la terre classique qui vit les triomphes inouïs de l’art et atteignit presque l'idéal, les lauriers ne fleuriront plus désormais que sur des tombeaux. 2 br. CS AL LA JACQUEMARDADE POREME EN PATOIS BISONTIN PAR JEAN-Louits BIZOT CONSEILLER-DOYEN AU BAILLIAGE DE BESANCON (1702-178i) RÉÉDITÉ PAR LA SOCIÉTÉ D’'ÉMULATION DU DOUBS AVEC COMMENTAIRE ET NOTICE Par M. Alfred VAISSIER LA JACQUEMARDADE POÈME ÉPI-COMIQUE (1753) ET SON AUTEUR LE CONSEILLER BIZOT Séance publique du 13 décembre 1900 Il y a quelque dix ans, un jeune étudiant, paroissien de l’église de Sainte Madeleine, écrivait d’une plume élégante l’histoire de son voisin d'en face, un vieux personnage qui occupa jadis une place importante dans les annales de ce quartier de la Cité (1). L'œuvre, également très nourrie d’éru- dition, nous apprenait qu'il-y avait encore à glaner dans un champ déjà exploré par un éminent conteur. Dès son début le narrateur citait de Charles Nodier cette phrase un eu paradoxale mais que l’on acceptera quand même : « Lorsque arriva la Révolution, un tyran bien plus impé- » rieux que Louis XIV et devant qui disparurent toutes les » libertés au nom de la Liberté, il ne restait à Besançon que » deux traditions vivantes de sa première jeunesse : Jacque- » mard et Burbisier (2). » | Loin de moi la pensée de courir sur les brisées des histo- riens de Jacquemard et de Barbisier, puisque j'estimerais, au contraire, que la recherche de l’état civil de ces deux per- (1) L. MONTENOISE, Annales Franc-comtoises, mai et juin 1892. (2) CH. NoDiER, Nouvelles : les Marionnettes. ( peint p. Wyrsck 1229. t i JBizo Îes doyen du eSancon Le 4 (4) Jean dov Cons’ de 73 c age de 77 ans D, me er tt = — 371 — sonnages est aussi vaine que pourrait être intéressante celle de leur parenté spirituelle. Une marionnette ou un automate, tant légendaires soient- ils, n’ont de valeur que par le talent de ceux qui les ont fait parler. Je me demande alors aujourd’hui si le jeune étudiant du quartier de Sainte-Madeleine, devenu le brillant et tou- jours jeune avocat, maintenant notre confrère à l’Emulation, n'aurait pas, pour ainsi dire, lâché la proie pour l'ombre, quand il travaillait de si bon cœur à l'illustration de son voi- sin Jacquemard, et abandonné, sans s’en douter, à quelque biographe mieux avisé un véritable morceau de choix. Certes, nous reconnaissons que, par une fantaisie de nos pères, on a vu à Besançon un Jacquemard issu de Bourgogne ou des contrées du Nord jouer le rôle de la statue mutilée de Pasquin à Rome, c’est-à-dire endosser, au gré des amateurs, des vérités satiriques et anonymes pour les voir aussitôt se répandre par dessus les toits. D'autre part, nous voyons, à l’extrème fin du xvrrr* siècle, une modeste marionnette hériter de cette mission spéciale par l'entremise d’un citoyen Landrvyot, sapeur de la milice nationale, sculpteur et mécanicien. Cet ingénieux rénovateur des anciens mystères de la Crèche de Noël est obligé, dès l’ouverture de son théâtre, à se restreindre dans ses mali- cieuses visées ; la main qui tenait les ficelles eût été trop facile à saisir. Landryot emprunte bien, pour son principal personnage, le nom d’une famille quelconque de vignerons bisontins , et, pour son langage, le patois vulgaire de nos vieux Noëls dont il rajeunit et égaye les prédications par trop naïves et monotones; mais, je le demande, à qui Barbistier- murionnette, très supérieur à l’impersonnel Jacquemard, doit-il, dès sa naissance, le secret de cette action dramatique si pleine de vie palpitante, ce caractère franc d’un bon homme content de lui-même, narquois, parlant en maître, assez gros- sier parfois, bien qu’au fond doué d’un cœur excellent et sur- tout d’une intarissable gaîté ? 25 — 9318 — Eh bien! Quarante années avant que parüt la marionnette, de Barbisier, il s'était révélé à Besançon un esprit assez dé- lié pour donner au personnage de Jacquemard plus qu’un regain de popularité, non seulement par des écrits satiriques ou malins, mais surtout par des manifestations publiques et joyeuses où il créait de toutes pièces un type pris sur nature chez lequel la langue, la tournure des idées, les travers et les qualités réalisaient un Jacquemard idéal, le seul, en somme, qui ait jamais été digne d'intérêt. Quand on entend Charles Nodier exposer sa ferme croyance à quelque lointaine existence, origine naturelle d’un mythe très humain, noyé dans les ombres du passé, on comprend que, séduit par cette illusion, le subtil mais irritable enjo- leur ait pu, sinon méconnaîitre, du moins laisser de côté une incarnation qu'une banale modernité avait compromise (1). X CRE Au sein d’une des plus estimables familles de notre ville on conserve religieusement le portrait d’un vieillard aux traits fermes et éveillés. La dignité du costume traditionnel que (1) Quand il énumère les phases successives de l'existence mythique de Jacquemard, «Joie d’un peuple enfant », si Nodier, comme un autre enfant ne brise pas sa marionnette pour avoir trop servi, il lui ménage du moins un enterrement en règle. Après l’avoir montré soldoyer et ferrailleur, ou n'importe sous quel habit défenseur du peuple, il lui reproche d’être devenu bourgeois : « Dix mille témoins attesteront qu’ils l’ont vu s’élever jusqu’au » luxe du rabat et des manchettes. La vanité le perdit. Comme tous les » hommes placés trop haut par le caprice de leur fortune, il se laissa » étourdir du vertige des grandeurs, non pas à ce degré d’enivrement qui » rend insolent, mais à celui qui rend servile. On le vit courtisan de tous » les pouvoirs et saluant tous les avènements, de manière à fatiguer ce » qu'il y a de plus infatigable au monde, l’orgueil si ridicule et si bête des » sots parvenus. Les serments et les flatteries de Jacquemard paraïitraient » désormais aussi frustes et aussi rouillés que son épée de bataille. » Blasé sur ses adulations banales, le bon sens municipal le relégua, » dit-on, etje serais fàché qu’il en fut autrement, dans une des cryptes » de la mairie, à côté du bison endormi de l’ancienne république, de » l’aigle à deux têtes de Charles-Quint etc. Ce n’est pas moi qui le tirerai » de là. » (CH. Nopier, les Marionnettes, 2e partie.) — 3179 — porte le personnage serait bien capable d’offusquer quelque maniaque de notre temps; mais qu'importe, puisqu'il ne s’agit ici que de la respectable tenue d’un magistrat du xvIrIe siècle. C’est celui que nous avons la satisfaction de pouvoir placer en tête de ces pages. Au dos de cette peinture, due à un éminent portraitiste très apprécié à Besançon et beaucoup au delà, on lit ces quelques mots tracés par la main du maitre, suivant son invariable habitude : | Jean-Louis Bizot, conseiller doyen du Présidial de Besan- con, âgé de 77 ans. Peint par Wyrsch, 1779. Comment, va-t-on dire, Jacquemard... un magistrat! Et quoi donc encore? — (à gauche) Peut-être un fabricien de Sainte-Madeleine ? — (à droite) Quelque révolutionnaire? — (au centre) Un académicien plutôt? — Rien de tout cela, Messieurs, un bon bisontin qu’on oublie. Jean-Louis BIZOT naquit à Besançon en 1702 et passa la plus grande partie de sa vie, à quelques pas du clocher de Jacquemard, en son hôtel (1), rue de la Madeleine, 3, et rue de l'Ecole, 6. Son père, dixième et dernier enfant d’une famille de mar- chands, rue du Pont de Battant, était devenu procureur du roi en la maîtrise des Eaux et Forêts. Jean-Louis, après avoir reçu une éducation complète, figure de bonne heure, en même temps que son père, au ta- bleau des avocats du parlement; puis il achète une charge de conseiller au bailliage « dont il remplit les fonctions avec beaucoup de zèle et d’intégrité ». » Respecté de tous, aimé de ses voisins pour son obli- geance, il l'était aussi pour son intarissable gaîté ; à ce titre, on peut le considérer comme un des plus distingués repré- sentants de l’esprit gaulois dans notre cité (2) ». d) C’est l'expression dont se servit Bizot dans son testament. (2) Alexandre GUENARD, Besançon, description hist., 1860, p. 264. — Ch. WEIss, dans une notice manuscrite restée inédite. — 380 — Ces témoignages exprimés par des hommes aujourd’hui disparus, mais des mieux placés pour recueillir les derniers échos de la tradition orale, sont confirmés dans un article nécrologique, publié une semaine après la mort de Bizot, et qu’il convient de reproduire ici presque en entier (1). « Toute la province sait avec combien d’exactitude et d’é- quité ce magistrat a rempli ses fonctions. En le considérant comme citoyen, on peut dire que toute son âme était à sa pa- trie. L'amour du bien, qui dirigeait son zèle, causait en lui une effervescence, dont les effets au dehors ont peut-être paru quelquefois tenir trop à l’ingénuité de son caractère, mais marquait le plus souvent l'étendue et les ressources de son génie. Ce caractère naïf, qui annonce toujours la probité et lui donne plus d'énergie dans ses manifestations réfléchies, se montrait spécialement en de petits ouvrages de poésie composés en patois, c’est-à-dire dans le langage qui lui con- venait le plus. » M. Bizot, tel que nous le représentons ici, était sans pré- tention, ne cherchait qu'à employer utilement ses connais- sances et n’ambitionnait point de les placer sous un titre fas- tueux. Îl a rectifié, dans l’'Almanach de Besançon. des calculs qui ne se rapportaient pas au méridien de cette ville et pu- blié, dans le Mercure et le Journal encyclopédique, un mé- moire sur les mesures de Franche-Comté, ainsi que des ob- servations de physique et de météorologie dont il n’a jamais voulu s’en faire connaître pour l’auteur. Il s’était particulie- ment attaché à l’étude de la gnomonique. On lui est rede- vable d’un cadran solaire à l’entrée du faubourg de Tarra- gn0z (2). M. de Lalande en trouvait la disposition assez in- génieuse pour qu'il en donnât la théorie dans le Journal des (1) Affiches et annonces de la Franche-Comté, 7 septembre 1781. (2) Il y a plus de trente ans, nous avons vu rafraichir la peinture de. l’ange gardien devant le doigt duquel se succédaient les chiffres des heures qui apparaissaient en lumière sous une plaque de fer inclinée et ajourée. Depuis, une main inconsciente a détruit cet ouvrage. — 381 — Savants (juin 1758). C’est pareillement à M. Bizot qu’on doit la méridienne tracée en 1771 dans la cour de l'Hôtel de Milles et celle des fonds baptismaux dans l’église de Sainte- Madeleine... » On voit que, dans ses loisirs, « ce magistrat, si exact à remplir ses fonctions, cultivait les sciences assez négligées alors dans la province » (Ch. Weiss). Il s’occupait aussi de pyrotechnie et essayait de tirer de ses expériences des appli- cations plus sérieuses que de simples feux d’artifices. En 17592, il imaginait une espèce de bombe à fusée, dont il fai- sait l'épreuve en présence du marquis de Vallière, lieutenant du Roi. — Il désigne plaisamment quelque part cet engin comme « in tounare sans ailude pou lai gare » (un tonnerre sans éclair pour la guerre). Voir la Jacquemardade, v. 1070. « Naturellement caustique, dit le délicat lettré qu'était » Charles Weiss, Bizot a composé dans le patois de Besançon » des chansons et des vers pleins de sel et de gaieté, mais » qui ne sont pas exempts de mauvais goût. De toutes les » poésies si nombreuses qu’il a composées, les seules bonnes » sont : L'Arrivée dans l’autre monde d’une dame habillée en » panier (Besançon, 1735, in-8° de 16 pages) et la Jacquemar- » dade (Dole, 1753, in-192, de 58 pages), poème épi comique » en patois bisontin (1). Plusieurs traits contre les princi- » paux membres de notre Académie naissante et la critique » de quelques actes de l'autorité municipale lui firent refuser » la permission d'imprimer ce badinage. Il consentit à sup- » primer les passages mdiqués par son censeur, mais en les » rétablissant à la plume, dans un petit nombre d’exem- » plaires, il y Joignit des explications beaucoup plus malignes » que le texte. Ces opuscules sont très rares » (2). (D) Cf. Nopter, n° 640 dans son Catalogue d’une petite Bibliothèque : L’Arrivée.…, citée comme la plus rare des productions franc-comtoises. (2) Les corrections ou variantes de l’ouvrage ne paraissent point avoir laissé d’autres traces que celles que nous trouvons dans un exemplaire conservé à la bibliothèque de Besançon. Ce sont des notes manuscrites, — 382 — Exactement renseigné par les notes consciencieuses qui. précèdent, avant de considérer Bizot dans les circonstances de sa vie, où le citoyen magistrat paye de sa personne d’une façon très excentrique, il est essentiel de s'arrêter à ses productions littéraires d’un caractère absolument local où le bisontin pur sang revit du reste tout entier. Nous avons la preuve que les passages les plus piquants de la meilleure des compositions de Bizot étaient transformés en chansons et qu'il devait en pratiquer lui-même la récita- tion en société. Le texte de l’Arrivée d’une dame en panier porte la marque certaine de la présence d’un auditoire qu'il s’agit de divertir par de folles descriptions. Les dames du beau monde dépassaient alors toutes les bornes dans le luxe et le développement de leurs atours. En outre d’une amusante énumération des heures qu’elles passaient à leur toilette quotidienne, le malin conseiller les suppose conspirant entre elles, pour aller prier le roi (c'était Louis XV) de changer une loi que leur impose la nou- velle reine, « Dont les grandes vertus les tiennent bien en peine. » Le poète intervient pour leur faire la leçon : La matière en est belle et ce qui « vous vé dire Feraiï pleura las enne ai peu las autres rire. » Une de ces mondaines meurt subitement ; elle croit pouvoir hardiment franchir la porte étroite du Paradis; mais l’am- pleur de sa robe à panier s’y oppose; en dépit de la longani- mité de saint Pierre, elle est précipitée en Enfer, où les dé- explications ou clés, y comprises des appropriations de plusieurs passages à des airs populaires, avec la musique, le tout d'une mince valeur littéraire, mais aitribuables à un quidam qui devait être dans les secrets de l’auteur. À défaut du doigté original de Bizot et de l'expression de sa belle hu- meur, aiguisée par la censure pour de discrètes malices, il convenait, dans une nouvelle publication de la Jacquemarde, de joindre, sous le sigle con- ventionnel (X), la meilleure partie de cette chronique improvisée. — 383 — mons, mis en liesse et très bavards, lui font subir les tour- ments les plus épouvantables. C’est une critique des sermons ridicules sur ce sujet. _ La scène terrifiante de La coquette punie, dans la Crèche bisontine, a, de toute évidence, été retenue par Landryot pour l'édification d’un public que le sermon macaronique sur la pénitence devait achever de convertir. Dix-huit ans après, moins emballé et plus expérimenté, l’auteur de La Jacquemardade obtient un succès populaire avec cette œuvre de meilleur aloi. En homme d'esprit, mème après révision, il y a laissé subsister des négligences faciles à éviter ; la fraicheur de l'inspiration première nous est ainsi heureusement conservée. Le sujet consiste dans le récit d’une cavalcade organisée par Bizotlui-même, en 1752, à l’occasion durétablissement du Jacquemard de l’église de Sainte-Madeleine, alors en pleine reconstruction. Le plan du poème est curieusement conçu et dramatisé sous la forme d’un dialogue en vers patois de huit pieds, entre Jacquemard et son voisin des Halles, le savetier Abram. La conversation se tient dans un réduit obscur où avait été remisée la carcasse désarticulée du mannequin lé- gendaire. Propos tristes ou gaïs, réparties et pasquinades, peinture réaliste d’une marche triomphale à travers la ville, multi- ples émotions de Jacquemard, toujours très content de lui- même, création complète et vivante d’un type jovial jusque- là vague et sans caractère, le tout assaisonné d’un langage pittoresque et imagé, constitue une sorte de bijou litté- raire, digne d’être conservé dans notre écrin franc-comtois. Ce serait prendre une peine mutile que d’analyser cette composition originale, dont le principal mérite réside dans l’épanchement sans prétention et avecun naturelexquis d’une verve qui parten fusées inattendues en pleine couleur locale. Il faut entendre ou lire couramment le Jacquemardade dans — 384 — son texte complet, avec l’accentuation du cru, pour en goû- ter le véritable charme. Onze ans après la chevauchée burlesque décrite dans le poème de 1753, Besançon était tout en joie; on fêtait le re- tour des membres du Parlement, exilés pour leur refus opiniâtre d'enregistrement d’édits contraires aux intérêts de la province (1761). L'ancien intendant, M. de Boynes, « détesté et méprisé par la magistrature », avait parié que les parlementaires ne reviendraient que quand Jacquemard irait à la Comédie. Le conseiller Bizot se coiffe d’un chapeau galonné, portant sur sa grande aile relevée, ces mots : Non nobis, et, prenant son fils ainé comme lieutenant, se met à la tête d’une nouvelle troupe de citoyens costumés comme pour la première caval- cade. On descend Jacquemard, on le campe sur un cheval et l’on arrive à Granvelle ; un instant après, l’homme de fer trônait sur un fauteuil, dans la salle de la Comédie, avec une garde de six vignerons armés chacun d’une pertuisane. Au cours de la pièce, un des acteurs se permet de lâcher un propos piquant à l’adresse de l’imitiateur; Bizot furieux riposte aussitôt : — « Si la joie nous rend bouffon aujour- d’hui, apprends que ton métier veut que tu le sois toujours ». Il eût mis la main à son épée si on ne l’eût empêché. Après la représentation eut lieu une solennelle reconduite de l’automate jusqu’au logis du conseiller, où il y avait grand souper. Pour couronner la fête, l’amphytrion donna une de ses filles, Marie-Louise, dite Louison (1), en mariage (4) M. Jules Gauthier nous a communiqué le calque d’une affiche ou transparent qui a dû figurer, encadré de buis, à l’occasion du retour des exilés, devant une maison dont il est facile de deviner le propriétaire. Jacquemard à un vigneron de la rue de Battant. Regaddhe dans ce tableau-qui Ceu que t’an si foe raijoui, — 389 — à Jacquemard et fit distribuer jusqu’à deux muids de vin de sa récolte, à ceux qui venaient crier devant sa maison: Vive le Roi ! Vive le Parlement (1)! (V. note Jacquem., v. 516.) À l’occasion de ces équipées d’une apparence folle, rap- pelons-nous la judicieuse appréciation du journaliste de 1781 : « L’amour du bien qui dirigeait le zèle de Bizot, cau- sait en lui une effervescence dont les effets au dehors, marquaient l'étendue et les ressources de son génie. » Celui qui savait si bien allier l’étude des sciences à l’exercice de ses fonctions judiciaires, ne faisait rien sans v avoir beau- coup réfléchi. Au milieu de son quartier, peuplé, en général, de gens simples mais sans autorité, 1l avait, — comme Jac- quemard, — du haut de sa situation une vue plus claire et plus étendue des changements qui s’opéraient sous ses veux, et, quand il se décidait à agir, il recourait à ses armes de prédilection : … libera verba animi proferre et vitam impendere vero. (JUVÉNAL). — Not ce ran das mots de maigie? dirait maitre Abram, et Jacquemard de répondre : ——— Qui pou lou Roy et lai Patrie An souffri foeche cailoumnie ; Et crainte que lai poustérité Nouete Prouvince et lai Gité Jugean di moine pà l’haibi Prenin lou loup pou lai brebi Voiqui lieu nom, lou jou, l’anna De lieut exil et bouêne rentra : Priant Dûe de las conserva Pu longtemps que Maithuesola Vive le Roy. Puis les noms des trente exilés, et celui du lieutenant général des ar- mées, avec les dates. . (1) Après qu'il eut marié plus sérieusement sa fille, Bizot disait : « J’ai deux gendres : « Jacquemard et Normand », ou Le Normand, lequel était, à la mort de son beau-père, ingénieur des turcies et levées dans la Haute- Loire, demeurant à Nevers. C’est le même personnage qui remportait, en 1763, le prix des Arts à l’Académie de Besançon, avec un ouvrage intéres- sant l’agriculture, que fit imprimer l’Intendant de Lacoré. — 386 — — Voiquy tout c’qui scet de laitin, Main au moins y l’appliquet bin. (La Jacquemardade.) % % *% Vers le nulieu du xvrr siècle, le travail d’assimilation auquel la vieille cité était contrainte depuis soixante-dix ans ne s’accomplissait pas sans difficultés. Le culte pour la per- sonne royale n’effaçait pas le souvenir de l’ancienne indé- pendance et du désintéressement des vieux co-gouver- neurs. On considérait souvent, sans tenir compte des nécessités du temps, les représentants du roi comme des agents d’un Etat besogneux, plus préoccupés de pressurer la Comté que la soulager dans sa misère. De sourdes protestations se manifestaient par des chan- sons et par des écrits clandestins, colportés sous le manteau et où les intrigants et les parvenus du jour n'étaient pas épargnés. C'est alors que paraissent en manuscrits des £pitres de notre Jacquemard, où la plume du Juvenal Boushot flagelle en particulier les conseillers de l'Hôtel de Ville, notoirement à la merci de l’Intendance. Un peu avant circulait cette lettre d’un intendant (M. de Sé- rilly), quittant ses fonctions et adressant à son successseur «une Instruction politique pour lui servir, dit un chroniqueur, à empocher les dernières ressources de la province » (1). Que cet écrit soit authentique, arrangé ou faux de toutes pièces, sa divulgation faisait l'office d’un véritable pamphlet. C’est comme tel, du reste, qu'il fut brûlé, en 1758, au bas des marches du grand escalier du Palais, par l’exécu- teur des hautes œuvres, d’après les ordres du Parlement. On lit dans cette instruction ce curieux passage : « J’ai beaucoup humilié, en général, les corps des Fotels (1) GRIMONT, t. IT, manuscrit de la bibliothèque de Besançon, ne 1040. — 387 de Ville. Lorsque Besançon était ville libre, chaque offi- cier de ce corps respectable était élu par les citoyens qui choisissaient des gens d’un mérite distingué et justifiaient leur entière confiance. Dans ces temps les peuples vivaient heureux ; il n’en est pas de même depuis la con- quête. Des pères de la patrie qu'ils étaient, ils n’en sont aujourd’hui que de simples officiers municipaux, bornés à percevoir les revenus de la ville sans pouvoir en disposer sans nôtre exprès commandement et consentement... Aujourd'hui on n’a plus d’égard au mérite pour remplacer ces officiers, nous y nommons qui bon nous semble, Ces charges sont ordinairement recherchées par des person- nes qui veulent s’exempter des logements des gens de guerre et leurs enfants du tirage de la milice. Nous choi- sissons indifféremment des gens sans talent et d’une con- naissance obscure ; il est même d’un homme politique de ne choisir que des gens d’une basse extraction...., parce que à la livrée près ce sont nos honnêtes valets et commis- sionnaires...… » Que l’on rapproche de ce texte révélateur cette sortie de Bizot, prenant le rôle d’une Némésis vengeresse et l’on aura en même temps un échantillon de son talent comme versifi- teur : J'ai vu, dit Jacquemard, élevé sur ma tour, Ces projets concertés et de nuit et de jour Contre des malheureux pour les rendre la proie De ces gens affamés. , . . ACT de Objets de nos mépris, vous, dort, à ous Affecte dans ces murs un pouvoir despotique, Souverains de police et singes de tyrans, Que le peuple déteste et que sifflent les grands, Paraissez; dans l’ardeur du zèle qui m'inspire Je veux vous abreuver du fiel de la satire, Venger mes citoyens et servir leur courroux ; J'écris, n’en doutez pas, et parle au nom de tous. Je sais qu’il est encore parmi ces Marius Des cœurs vertueux, des âmes inflexibles, Au milieu des pervers toujours incorruptibles, — 388 — Oui, de ces vrais Romains, si je sais bien compter, Il en est jusqu'à deux que je pourrais citer ; Mais que peut la vertu dans l'empire du crime. Sans pouvoir contre lui, souvent dupe et victime, Trop faible elle s’est contentée de gémir Des läâches attentats qu’elle ne peut punir. Ce cri de colère poussé par un homme chez lequel l’imagi- nation n’excluait nile bon sens, ni la réflexion s’expliquera d'autant mieux que l’on connaîtra les incidents d’une grave affaire où Bizot fut personnellement en cause. Notre conseiller appartenait à ce corps de magistrats, sa- gement établi par le gouvernement de Louis NL pour rendre la justice et gérer les intérêts de la ville, supplantant ainsi le corps municipal dans ses anciennes attributions ju- diciaires, Entre le bailliage et la municipalité les dissenti- ments dégénéraient en de fréquents appels au Parlement. Choisi par ses collègues comme rapporteur pour la rentrée du Parlement en 1764, Bizot ne peut résister à la deman- geaison qui le tient de pousser les choses au vif; sous pré- texte de remontrances sur l’administration de la justice, il va inculper le corps municipal. Satisfait de la rédaction de son mémoire, il ne craint pas d’en donner lecture, à l'avance, à ses amis et connaissances. Le 12 novembre, le discours, portant le visa d'Antoine Des- potot, lieutenant général du bailliage, est prononcé à la séance solennelle. Grand émoi au Conseil de ville ! On s’y reconnaît comme outragé de la façon la plus sanglante et la plus publique. Il est dit que « le sieur Bizot, après avoir beaucoup plaisanté sur quelques distributions qui ont été faites dans tous les temps aux magistrats, d'autorité de M l’Intendant, poussant les choses plus loin, avait dénoncé les membres du Conseil comme capables de partager entre eux les deniers publics, coupables de concussion, du crime de péculat et autres hor- reurs semblables. Ce mémoire, qui devait être déposé au greffe de la Cour, serait à jamais un titre flétrissant; il deve- — 389 — nait nécessaire de prendre les mesures les plus expéditives pour en requérir la suppression, et que, pour obtenir une justice éclatante, 1l fallait, sans accommodement, porter la plainte aux tribunaux supérieurs, jusqu’au pied du trône, s’il y avait lieu ». Le Conseil, délibérant jour après jour, les vétérans convo- qués (il n’en vient que deux et une seule fois), ajoute qu’on exigera la radiation du discours aux frais de Bizot et des offi- ciers de son siège, pour être condamnés solidairement à 20,000 francs de dommages-intérêts. En outre, le sieur Bizot devait rétracter à haute voix ses accusations téméraires et calomnieuses, en demander pardon à Dieu, au Roi et à la Justice. De plus, on demanderait l'affichage de la sentence dans la Ville et dans toutes celles de la province. Le lendemain, le sieur Despotot, le sieur Bizot et deux des plus anciens députés du bailliage sont mandés au Parlement, toutes chambres assemblées. Iis y reçoivent tout simplement...…. une forte réprimande. La sentence était signée par le premier président Perrenney de Grosbois, «juge intègre et impartial, digne du respect de toute la province » (1). — Il y est dit que « la Cour avait vu avec mécontentement les écarts et les irrégularités auxquels les inculpés s'étaient livrés dans ieurs remontrances, en s’occupant de toute autre chose que de ce qui en devait faire l’objet, et en laissant échapper des termes et des faits peu dignes de la majesté de la Cour et de la dignité de la séance à laquelle ils avaient eu l'honneur d’assister. Il leur était or- donné en conséquence d’être plus circonspects à l'avenir à peine d’y être sévèrement punis... leur ordonnant pareille- ment de représenter la minute de ces remontrances pour y demeurer, ainsi que la copie d’icelle, supprimée, avec dé- _fense d’en laisser paraître aucune copie ou extraits dans le public », (1) A. ESTIGNARD, Histoire du Parlement de Franche-Comté, — 390 — Sur cela, le lieutenant général du bailliage déclara qu’il n’é- tait pas fait mention du mémoire dans les registres du corps, et Bizot attesta, par serment, qu'il en avait brûlé la minute. La déception fut grande à l'Hôtel de Ville. On trouvait que le Parlement s’était bien vengé lui-même, mais que le Magis- trat n'avait pas reçu de satisfaction. En attendant qu'on fit droit à une nouvelle requête, des députés se rendirent au- près de l’Intendant pour lui demander son appui et son in- tervention pour faire cesser cette brouille regrettable avec le bailliage. D'une part, la Cour maintint que « les Magistrats avaient reçu une satisfaction suffisante, et, de l’autre, l’Intendant déclara «qu'il était très disposé en faveur de la Compagnie ; mais, comme il était sur le point de partir, il se réservait, lors de son séjour à Paris, de rendre un compte exact de ce qui pourrait intéresser le Magistrat ». Comme le bailliage avait pris les devants auprès du con- trôleur général à Paris, la municipalité s'était empressée d'écrire à ce haut pesonnage afin de prévenir de fâcheuses impressions, et également au ministre, M. de Choiseul, pour obtenir « une réparation plus convenable ». La poursuite traine si bien en longueur que les docu- ments clairsemés ne témoignent plus que d’un malaise per- sistant, ou de difficultés relatives à l’homologation de cer- tains comptes et règlements d'honoraires de MM. ou autres. En 1766 et 1767, arrivent d'importantes modifications dans le mode d'élection et dans la composition du corps municipal. La nomination du maire demeure en suspens. Le corps des notables, représentant : :a noblesse, le clergé, les magistrats, les métiers et les commerçants, nommés au 9me degré, est fréquemment réuni ; un registre spécial est consacré à ses assemblées. Cette fois, l’intransigeant Bizot figure en première ligne, comme député du bailliage ; pendant deux ans, il ne se con- tentera pas d'assister régulièrement aux séances, mais il — 9391 — scandalisera, il n’en faut pas douter, ses pacifiques collègues, par de courageuses résistances. Un jour, au sujet des comptes arriérés de 1765, il élève des protestations, refuse sa signature et se retire. On l’envoye quérir par un sergent pour qu'il s'explique nettement. Il revient et déclare qu'il « persiste dans son refus, étant d'avis contraire sur plusieurs chefs ». L'assemblée passa outre, L'autorité prenait son temps. En 1772, l’Intendant, M. de Lacoré, établit un règlement si précis, pour les honoraires de MM. de la Municipalité, que prirent fin ces attributions arbitraires, qui éveillaient les susceptibilités du conseiller du bailliage. Ce n'était donc pas sans motif que le Parlement avait ménagé Bizot dans le rude assaut qu'il avait subi. À partir de ce moment les renseignements nous manquent sur la participation de Bizot aux affaires publiques. Le bouillant conseiller rentre dans sa tente. Il peut se livrer à ses études favorites et s'occuper de ses affaires personnelles. Ses cinq enfants sont établis, 1l ne conserve de ses biens que le nécessaire. Possesseur de trente-cinq ouvrées de vigne, il entretient de bonnes relations avec la population vigneronne de son quartier qu'il assiste en usant charitable- ment de son superflu. Serait-ce lui qui fonda en 1769 une Confrérie dite la Petite Saint- Vernier, sorte de Société de secours mutuels dont le but est exposé en quelques pages imprimées, plei- nes d’excellents sentiments? Le Noël patois qui accompa- gne cette publication est si médiocre qu’il est bien permis de douter de lattribution indiquée au catalogue de la biblio- thèque de Besançon. Malgré les infirmités qui l’accablèrent dans sa vieillesse, Bizot conserva toujours son enjouement avec son goût pour l’étude. Dans ses derniers jours, il se proposait de publier un traité, fruit d’une longue expérience, sur les feux d’arti- fices sur l’eau (Ch. Weiss). — 392 — Agé de 79 ans, il tombe malade, il rédige aussitôt son tes- tament, commençant par ces mots: « Au nom de Dieu, ainsi soit-il ». Cette pièce, conservée dans la famille, té- moigne de la remarquable conservation des facultés du digne vieillard. Une semaine après, il mourait, le 14 novembre 1781. Puisque la mode est aux centenaires, n’était-il pas juste que le bon citoyen Bousbot, le ferme Comtois, Pauteur de la Jacquemardade eut aussi le sien ? C'est fait ! Un mois asrès cette lecture, en décidant une réimpression de la JACQUEMARDADE, la Société d'Émulation du Doubs a complété dignement l'hommage séculaire à l’auteur du poüere p’te livrot tombé de lai pautenére du p’te noireau Jean Louis, au voisinage de son bé moutie nouvé (JACQUEM., Epitre aux Syndics). Nous ne possédons aucune donnée sur l’importance des pre- mers tirages ; les quatre exemplaires, que nous avons eus sous les yeux, conservés par des mains soigneuses, sont identiques. Il est certain qu’une édition d'un si humble format ne pouvait échapper aux chances de destruction dont sont menacées toutes les publications populaires analogues. Répandus parmi les plus humbles ménages, les exemplaires fatigués par l’usage, morcelés, puis perdus sur des rayons pous- siéreux, n’attendaient plus que les sévices de la période révolu- tionnaire pour l'achèvement de leur naufrage. Une réapparition consciencieusement fidèle ne peut que satis- faire aussi bien les simples curieux de notre passé que les adeptes de la linguistique. | He L A JAQUEMARDADE, POÈME ÉPI-COMIQUE EN DIALOGUE AU PATOIS DE BESANCON, Out a pour lujet la defcente de JAQUuEMARD, du 2$. Janvier 746. @ la rémmitalarion de l’avant-veille de Noël de 1752. Avec des notes & explications en François. On m'aipiloüecheret s’on veu : Main qu me repran feze meu. Jaquem. A DOLE, Chez J. B. TOoNNEeT Imprimeur - Libraire de la Cour & Chambre des Comptes, de la Ville & du College. Aux armes de TALLARD. Avec Permiffion. ae) © — 9394 — VEUVE UVUVUVUTTEUUT VEUT EU UUT ARE TES SRE MICERNE N observera que les a qui sont à la fin des Os se prononcent très brefs, lors- qu'ils ne sont pas accentués, comme dans pa quand il signifie la préposition pur : au contraire ils se prononcent trèslongs, lorsqu'il y a unac- cent, comme dans pa, quand il signifie paix, ou la négation pas. On prononce l’! comme mouillée, toutes les fois qu’elle est suivie d’un 7 ou d’un i et d’une autre voyelle, comme dans ces mots, Jieute leur, lieu eux ou leur, l’yet il y a ; excepté le mot complieman, et ceux qui sont François, comme /yon qu’on prononce naturellement. Il y a des mots encore plus difficiles à pronon- cer, comme chaëdhé sorte de jurement, louëdhé sourd, qu'on prononceroit mal comme chadé et loudé : mais il n’est pas possible d’en peindre ni enseigner la prononciation ; il n’est gueres don- né d’y atteindre qu'aux anciens Citoyens. - Au reste les Hiatus sont si fréquents dans ce langage, qu'il n’a jamais été poffñble à aucun Versificateur en ce Pa‘ois, de les tous éviter. NOTE SUR CET AVERTISSEMENT Il est regreltable que Bizot n’ait pas donné plus de dévelop- pement à cet avertissement. Il à mis tous ses soins à figurer dans le texte de son poème la prononciation du patois bisontin ; mais ici n’exagère-t-il pas un peu la difficulté de peindre et d’en- seigner cette prononciation pour des mots tels que chaëdhé et louëdhé ; on y satisfera très suffisamment si l’on dit : chaidié et loudié, en donnant au d'Ile son dur. N’abuse-t-il pas aussi du tréêma qui généralement ne servirait qu’à indiquer une accentuation longue; ainsi Die (Dieu), Jeüe! On ne saurait rien objecter à cet h, si incommode à la lecture, lequel indique la mouillure du d et du { pour des mots tels que regaëdha (regarder) et poëthe (porte), qu’on prononce re-gai-dia et pau-tieu, mais à la condition pour ce dernier mot de n’en faire qu’une syllabe. Il n’y aurait rien de mieux pour les lettres qui ne se pro- noncent pas que de les mettre en italique ; ainsi : lieu, lieute (leur), lieu, lieute. ; Bizot a oublié enfin d’insister sur l’importance de la pronon- ciation caractéristique de li suivi d’un n. Ainsi:le mot vin, ne se dit ni vain ni vine ;l'i, bien accentué, doit conserver sa na- salité, sans que la consonne n soit détachée par la pression de la langue contre le palais. = 306 — DOUNIA AI ME'SSIEU, ME’SSIEU LA SYNDIC DEÉMLAT MAUDELEINE. Messreu, Voicy n’Orfenot, peu qu’on ne ly cougnet ne Pére ne Mére, y ne sçà lai- vou beillie de lai téte, âgie de pu de ché z'an etdemé, l’ot mazeu trou grand (mazeu), mes huy. pou lou boutà au Saint-Espri, et peu (Saint-Esprit), hospice des lot bin temps qu'y se montre : main ‘7 MOUV l'ouzere-t'u, s’y n’età coum'aissoigi (°) de ne pussante proutection; prante lou don, ce poüere pete livrot, dezou lai voüetre, qu'airin vou poüe, Messieu se vou lou raimaigin (?) que noûüe Choloine n’an brondenin ? oh ! que nian, eh! (brondenin), murmurent. ne l’à ye pà trouvà su lieute Paroisse ? V9? /® R0'E 2H Vers 8, ce fu voireman de lai pautenére (‘) d’in pete noirau gambi et boussu (!) qu’y lou voyé chère dans lai préce dà gens, que regaëdhin poüeza lai premére piere de noüete Eglise: bon ! dizé ye an moy mainme, voicy de laicri ai lai main pou fare ai raicouëdhä noûüete pete cOu- (raiconëdha), raccorder, 1 ] n JA pour faire épeler notre petit lié main quant y) vou zeu champions (a) (Aïssoigi) affermi. (b) (Raimaïgin) donner asile. (c) (Pautenére) poche. (pautenére), pantenire, (d) Onconjectureque c’étoitle diable boiteux. Ne pantonarie (OS — 397 — z'oeüille dessu, tou man samblà bin anboüélà, (?) et y airoüe jurie que lou _poüe qu'y z y compregnoüe airivere coum y ploüe di boudin : main quozi- man tou se daichairboutet (?) an voyan là sarimounie qu’on fezet pou reboutà Jaiquemà tou bé couman l'aive prédi ce t'aicrit; se d’hasà on y trouvà in pouë de sau, déjet ce n’ot pà moy que ly à mi ; y n’an à pà pou ce qui ai rai- voüille Mairion, main putoüe ai loiche- doi, peu qu’on m’an ai doüetà cinq pain pou st’annû cy; et y serouë bin fauchie qu'on crayeussé de çà rinme cy, que c’ot di vin de mon bareille, in Monsieu ne dire tu ran çà mou si réche, Mes- sieurs, on vous a exposé les choses comme elles ne sont pas(°),ai peu ai cause di nom qu'y pouëthet, là gens se chechille- rin () l’un l’autre; eh! crette, crette ce qu'y vou di, et floiete Felebà que là mouche an van. Dà z'autre y trouverin ce que n’y ot pà, et peu dirin, pourquoy coume n'Anviron vet tu creinllie dan lou temps passà, et daivire t’u lou manté que l’oubli- ance aive champé su bin da x'histoire ? main qu ouzeret palà dainquin, quant on voëret ne douzaine de gens tou prot ai lai raicousse di Livrot ? main dà (a) (Anboüélä) embrouillé. (b) (se daichaïrboutet) se démêla, s’éclaircit. (c) Ce fut dans ces termes que dans une as- semblée de Paroisse, un Syndic commença de repliquer à honnête Philibert Lanviron. (d) (Chechillie) dire tout bas. (sau), sel. à lèche-doigt. (doüetà). On avait oté cinq pains de sel à l’autheur pour l’année 1753 (X). etsiffle tant, Philibert,que les mouches en dansent. Cesyndic était M.Arnoux, du Magistrat (X). — 398 — gens ! que sont aivû si bon que de fâre aicoüedhà pa là Choloines pu que ne vourte lai Paroisse, y veu cy dire, pou çà ban dà Quaitaicombe ; et qu’on ne craye pà, Méssieu, qu'y vou dizet cecy pa flaiterie, chaicun sçà perré bin que quant y s’agire de gaingnie in mourgie de pistoüele, y ne m'antandroüe pâ meu ai nun cautenà, quai raimà dà choüe, et que quant y diset di bin de quéquun, ce n’ot jaimâ qu’au pu pré de mai cons- ciance ; vou pourri don bin me craire, quant y vou dir qu'y seu. ME’SSIEU, Voüete bin humble et oubéssan Vaulot FELEBà LANVIRON, de lai rue de Reviremanté. (aivü) été, montrés si bons. bancs des Catacombes. Voir vers 848. (cautener). Vers 739. (raimäâ dà choüe), ramer des choux. (Reviremanté), Tire-manté ou Thiémanté, petite rue du quartier de Battant. Re — 399 — j SN 2 ee = SL L A JAQUEMARDADE. SOMMAIRE. P END ANT une soiré du mois d'Avril 1746. JAQUEMARD 5e plaint dans une Chambre obscure à l'entrée du treige de Saint-Pierre où l’on l'avoit mis; il y est visité par Maitre ABRAM savetier, qui avoit occupé la bou- tique des petites Halles, la plus voisine du Pilory; après s’être entretenu des affaires de ce temps-là, JAQUEMARD 5e sent toul- àa-coup animé de tout ce qu'il y a d’esprits dans la Ville : il succombe d'abord à un accès aussi extraordinaire, & tombe en de- — 400 — faillance; se ranimant bientôt après, la réünion de tant © de si grandes connois- sances, lui fait pénétrer jusques dans l’ave- nir la gloire de sa réinstalation future; il en récite jusqu'aux inoindres circonsiances ; déja 1l croit les voir ; plus éclairé que jamais, il apperçoit que le lout ne doit arriver qu'après un événement mémorable, que l'on a vu se réaliser au mois d'Août 1752. JAQUEMARD de lassitude tombe endormi; Maître ABRAM qui l’a pris depuis son inspiration pour un homme en délire, ou insensé, pense, à raison du som- meil de JAQUEMARD, qu'il pourroit bien avoir recouvré le bon sens ; 1l le réveille pour prendre congé de lui : JAQUEMARD confirme la vérité de ses prédictions, & les deux terminent leur entretien, en souhai- tant loute prospérité à cette preuse Dame, à qui le Chapitre & la Paroisse de Sainte Marie-Magdeleine ont une obligation que Dieu seul peut acquiter. — A — JAQUEMARD seul. Eüe! (*) que l’otbin vrà qu’an tou lüe Tou bé tretou change hormi Düe ; Coum'y me seu vû l’y et déz’an, Coum’y me voyet maintenan. 5 Fie d’être su ne groüesse Eglize, Y airoûüe daifà lai bize, Lai pleuge, lai grole et lou vent De me fâre poüe in moüement : Tant lai gloire sçà bin chaissie 10 Lai poüe d’in coeüe qu ot bin plaicie : Main lassemoi ! qu’ot devenu Ce grant houneu qu’y aivoüe? l’ot chu. Ah ! pilie, molérou pilie ! () Feillà t’u fâre lai foüelie, 15 Vou qu'étin devan Saint Simon, De vou boutà ai genoüillon ? Sans pansà que ne té bétise OIlà tirie aivau l'Eglise, Lai voiqui ai cet heure an bä, 20 Oh vet ! (°) on lai railluë, lot vrà: Main sçà t’on bin se mà garguaisse (1) Su l’Eglise noüeve airan plaisse ? S’on vouret d'in varmecelà (©) Qu’y faure tou raipécelà : 25 Main par iquy qu’osque greville ? C’ot mai poëthe, y cret, qu’on daivrille; (a) (Jeüe) Jesus, exclamation, (») C’est la ruine d’un pilier proche la Cha- pelle Saint-Simon, qui entraina celle de toute l'Eglise. (c) Exclamation de douleur. (d) (Garguaisse) culotte. (e) (Varmecelà) vermoulu. Dans les mots : Jeüe, lüe (lieu), Düe (Dieu), poüe (peur), le tréma indique une accentuation longue. (Gloire), dans les Noëls, s'écrit souvent glioure et se prononce guioure, En 1746, éboulement de la partie supérieure du clocher de Sainte-Madelcine. Ordre au contrôleur municipal de faire enlever l'horloge et le Jacquemard.et demande au chapitre de l’église d’ordon- ner la démolition du clocher. (vouret), voudra. — À02 — Qu vint cy, quant y not pu jou ? Oss’ancoüot quéque lou varou Que varre troublà mon repoüe ? (Que varre), qui viendrait x our... MAÎTRE ABRAM 30 Nenni, nenni, n’eussin pas poüe, N'etoüe ye pà voüete voisin ? JAQUEMARD. Oh perréze ! y lou santet bin; Vou z'éte un dà floüete lunotte Plut ai Düe que feu mon pére DRE ls Ne n'eusse fa saivelie ; Que traiveillin dan là z’aulotte Exampt de voé lai misére, pie ji = > c L'viveroue de mon metie; 35 En véille ouvraige couëd’hannie. A ot MAÎTRE ABRAM. Dans lou quare de ne rue : Et floüteroue in cenicle Y recarrelet là soulie, N'aiguesse ou chardenruë: ne Noël de 1724. Ÿ vou z’an raillüera pou ran : Ne pâre, y m'aipelet ABRAM. JAQUEMARD. V crayet, pa lai tète chouque, () 40 Que voüete menicle se moüque, Lâmoi ! y ne seu gâre prot D'usà ne soulie ne saibot ; L’y et pu de dou mois que mû fesse Sont toujou dan lai mainme plaisse ; 45 Ancoüot ne fois vou vou mouquà, Vou me voite tou disloüequà, Et vou vourin coüot qu'y chemenne : (coüot}, encore. Main vou, qué bon vent vouz’aimenne ? MAÎTRE ABRAM. Mon bé compâre, lou voicy, 50 Lou joüot, qu'on vou z aimenet cy, Dan mon lé tou mon coë mollaide Dans mon lit tout mon Età pu rouge que ne baïde, hrs Mon sang belissà tout an feu, (2) Sorte de jurement. RE EEE | | — 403 — Et quant y me repoüthé meu 55 Vous n’etin pu su voüete selle ; Y demandé de voüe nouvelle, Et coume l’y an et que m’an di, Que là gens vou fine ai chanti (?) Dan lou temps de voüete daissante, 60 Que d'autre man di, ç’otne mante, Ca on l’yet fà bécoüe d’'houneu, Ÿ venet cy sçaivoi lou Sieu. JAQUEMARD. C’età lou joüot de lai Saint Poe, Jaimà de mai vie n’eüe si poûe, 65 Là pousse cu de noùüe Méssieu Antréte me champéne aileu, (?) Me ganguillan d’aivoü dà coëdhe, Y daireché de mai caiboëdhe Tout ai noûe crevie de fà blan, 70 Pu bâ y reviré dedan Pa ne fenétre di clechie : Main on m'an fi coüot dairechie, Si bin qu'y ne fu daivaulà Que lou coë tou daibretelà. (©) 75 Grands et pete pa mouquerie Me disin mille launerie ; Non, lai gueule de lai Toumà N’an ai daigobeillie jaimà De pu finne, de pu maline, 80 Su sà voisin, su sà voisine, Mainme quan le veu dainipà Pou ollà lougie autrepà. Lou voite vou bin ce peu diâle ? (2) (Fâre ai chanti) contrarier. (b) (Aiïleu) dehors. (c) (Daïbretelà) fracassé, Le sûr, le vrai; l'S capi- tale est sans doute une faute d'impression. Auparavant, Jacquemard était logé dans une construc- tiou en bois. couverte de fer blanc, sorte de lanterne, en saillie sur la facade du clo- cher. (lai Toumâ), femme d’un contrôleur ambulant très connue pour ses propos malveillants dans ie quar- tier de Charmont (X). ji Ÿ not ne grive ne miâle, 85 Fezà l’un : ain lot ailouné De voë déjet lou tumberé Pou l'anmenä dan lai belouze ; Coume on menère de lai bouze ; Dan sai gargaisse l'ai pu chau, 90 Que s’on lou mend dan Belvau. N’autre disà n’autre guingaine ; On dire 6 pa ! que lai grangraine ON dan tou sû manbre peri, Y chezan coume dà chevri ; 9% Y chezin voireman bin dru, Ÿ n'aivoüe gâre que lou cu; On raitaichet d’aivoüe in clioüe Mai pouëre téte su mon coûe; Là z'aicoüelie que sont maichan, 100 Me reconduzéne an huchan ; Deu lou piloüeri ai Saint Piere, Vin aimin, cret, chimpal(idé/pière, San lou réspet pou noüe Méssieu, Y voyin bin qu’y étoüe ai lieu ; 105 Peu qu'y à su lou coeüe lieute äille, (?) Ce qui raitin bin lai marmäille Et peu on me ranfarmet cy Lou coë frachie, lou coeüe transsy. MAÎTRE ABRAM. Entr'aimi pou se caurigie, 110 On ne derre se ran caichie, Et peu quy n'y et nun cy de trou, Sire JAIQUEMA, sçâte vou De quoi voüete runne ot venue ? Lai raison m'an ot prou cougnüe, (a) (Champ) jetté. (b) (âille) Aïgle, les Armes de la Ville. (miâte), ni grive ni merle. À la place des vers 89 et 90, Bizot avait écrit : L’an et pu de confusion Que s’on lou ment ai Lion. Mais M. l'Inlendant désap- prouva ces vers,parce qu'ils rappelaient Je souvenir d'une sédition pour raison de laquelle on avait con- duit. en 1740, à Lyon. une charettée de bourgeois et de bourgeoises (X). Prononcer : Saint-Pire.…, das pire. . que j'étais à cux. Etpuisqu'il n'y a personne ici de trop. — À05 — 15 C’ot pou l’aimoüot que vou z’étin Bin pu hau qu'ai vou n’aipaëthin ; N’ai t'on pà cougnu voûte pére Sculteu (*) dan lai rue de Gliére ? Et pouëthan jouchie su là toits 120 Vou coumandin ai noûe Bourgeois De se levà, de traivaillie, De maingie, prie Due, se couchie ; Ceu qui que vou z’inmiteran, Chéran tou. JAQUEMARD. L’ot vrà, Mâtre ABRAM, 125 Témoin in véille aimi, qu’y aivoüe, Ici Jacquemard parle d'un Q: ee à] AD: clere de l'Eglise qui s’était ue S ot fa 1n paët au au doue élevé à un rang où il sem- En pottant pu hau que lou cu, EU aspirer, et qu’il ne pourrait Y vet chére coum y à chu. pas longtemps soutenir (X). Pou reveni ai mai misére, 130 Ce que me lai rendu couot pére, C’ot que, quan lot venu ai moy, Ÿ étoûüe bin pu contan qu'in Roy, Et qu'y n'an aivoüe an mai vie Aità seuleman menaicie. MaAÎTRE ABRAM. 135 Et bin lou voiqui, pu de temps L’y aivà que vou Z'étin contan, Pu, JAIQUEMA, vou devin crainre Que vou serin dan poüe ai plainre, | Tou det s’aitandre au changement. | 140 N’ête vou pi vû voirement (Vers 143) : (couëthi), LIN ; à ; Il clos de l’abbaye Saint-Vin- C’à darére ann dan lai Velle cent (1731), et l'ouverture de la rue Neuve (jardin des jésuites, 1743). — Tuyaux & ; À (bouné) de fonte pour Ja (Bquemardesede bois, revérude ferblanc 5 duietdes eaux /de-Bre: mis en couleur. gille.— Les comédiens recus Airivà cent choüese nouvelle, — À06 — Fâre ne rue dan di couëthi, (?) Là bouné de boüe convaëthi 145 An bouné de fà deu Bregille, In grand chemin boëdhà de guille, Au fond d’in Palais ancien Raimaigie là Coumédien Là Veigne dà Grette baitue 150 Pa di quennon que nun ne tue ; Main que frache de son boulet Ne tenoüere, quant y vet dret, Là lantâne de noüete Ville Changie lieu su contre de l’huile. 155 Lou coë de gaëdhe au Piloüeri Tou bé vé la lovon couri, Lai fontaine qu’an età grie (?) De coüete lu se retirie, Trezi (*) tou paëthou dâ Bedau, 160 Ce que ne fà ne bin ne mau; _ Lou chaipitre de noûüe Choloine Chue dà Carme et chue d’autre Moine; Ceux cy non contan d'in chaipe Panre et peu quittà lou manté ; 16 Et san souëthi de voüete Eglise, N’ai t'on pà vû d'aivoüe surprise Lou na venigri de poussot, (‘) Et peu lou gri veni roussot. ou ce qui deva sounaiïgie (®) 170 Là mau dont vou z’ête afigie ; (2) (Couëthi) jardin. (b) (Grie) fâché de l’absence. (c) (Trezi) sortir et paroître. (d) Différentes couleurs des fourures pour les habits de Chœur des Chapelains, et Semi- prébendés. (e) (Sounaigie) présager. (raimaigie) dans une salle à l'extrémité des jardins Gran- veille, où l'on se rendait par un chemin bordé de quilles. — Le polygone militaire (1736) (Ne tenouëre), ton- neau, but pour le tir du ca- non. — (su), suif pour l’é- clairage (1737). — (la lovon), planches, locaux rue de l’E- cole, couverts en planches et appelés : Sur les Lovons. (de couëte lu), d’à côté de Jui. Les cordeliers, vers 1745, s’aviserent de porter des manteaux longs et des cha- peaux (X). Le noir venir gris de pous- sière. | | — A07 — Opa ? &) quant tou changeicy bas, Que vou seul ne changerin pas ? Main y feillà bin piguessie Là fondation coumancie 175 Pou bati lou Moutie (?) nouvé Que seret bin dà fin pu bé. JAQUEMARD. Et bin peu qu’y fau tou changie, Y feillà me beillie congie : Main hounétement y feillà 180 Me beillie ne place à veillà, (°) Et m'y fare condure an chére, Non pas dan in chà de misére ; N'y met t'on pà là veigneron ? N’y boute t'on que dà Baron ? 185 Fau t'u pou y étre lougie Etre d'in Payis aitrangie ? On m'an banni, ott'u moyen? Moy, lou pu veille Citoyen ; Et vou voite coume on me goëne, 190 On me boute dan n'andret boëne, Où y ne scet quan lou chau lu : Main, ABRAM, dite min poüe qu Poüeseret lai premére piere ? MAÎTRE ABRAM. C’ot Monseigneu ANTOUXNE PIERE, 195 Aitante.. in pouchot.. l’autre nom. JAQUEMARD. Ne serin vou dire GRAMMONT ? Pou qu’y ne vou vaingne ai lai bouche, Y fau aivoi l’aispri bin louche ; (a) (Opa) se pourroit-il. (b) (Moutie) Eglise. (c) Hôpital des Vieillards. Piguesse, outil de vigne- ron ; pigasser, creuser. L'hospice de Belvaux n’a- vait été établi que pour les citoyens, et néanmoins on y avait fait entrerdes étran- gers, entre autres un baron de Masséus (X). (goëne), traiter, arranger; se dit aussi du vêtement : mal a goëné », mal arrangé (angl. gown, robe). (Ant.-P. de Grammont), l'archevêque de Besancon: — 408 — Tan su lou Trône de Saint Jean 200 On ait vû deu pré de cent an De Seigneu de sai noüeble raice Tou si digne de ne té plaice : Ca y n'y eüe Jaimà sou son nom Ran que de gran, ran que de bon, 205 C’ot bon signe pou noûüete Eglise ; Que l’an benisse l’entreprise. Ce n'ot pà ce qui, Mâtre ABRAM, Voicy n autre poüe que me pran : Quan l'Eglise seret bâtie, 210 Qu'on paleret de mai soëthie, Petétre qu’on aimeneret Di Velaige in Jaquemaëdhet, In bet jaune, in maasque san crâne, Y varet de la Velle à z’âne, 25 De Ruréy, d’Uzie ou Moiran : Ce qu'on trouve cy, ne vau ran, Et pou bin réglià noûüete Ville, Besançon n’ai nun prou hôbile : Pou dà z’Aivouca l’y en et prou ; 220 Main y sont bin si glioriou, () A 3 ° ° Die Que pà z un de lieu su mai clioüeche Ne vouret jue de lai meilloüeche ; Chaëdhe ! couman lou vourin tu ? Lieu que n’an pà mainme voulu 225 Se montrà dezou l’olebaëdhe De lai Vaëdhote (?) au coë de gaëdhe; Ÿ voëra donc quéque naiquà (2) Peu de temps avant cet entretien, Messieurs les Avocats avoient été commandés pour mon- ter la garde comme simples Factionnaires. (b) (Lai Vaëdhote) nom de guerre d’un Ser- gent des Soldats Bourgeois. La ville aux ânes, les ânes de Prétin (Salins). Le maire de Besançon trouvait indécent que l’on eût parlé icy de Moirans , parce que l’un des conseillers de ville (qui avaitété maire en 1737 et 1738), le sieur Egenod, était de ce village (X). En raison du retrait des troupes de la garnison, la ville est obligée de fournir 50 hommes par jour pour la garde. L'intendant y obiige les avocats, procureurs, no- taires, avec faculté de rem- placement : 10 sous par. garde. « Le 6° de juillet, les procureurs du bailliage, en habit d’uniforme d’étoffe grise, avec la veste noire, le chapeau bordé d’or, avec le 5 200 — Veni dan mon rang se ploquà ; Qu'y fâre ? quant y me plainroüe 230 Contie ce Jaiquemà trou noûe ; On diret qu’on m’ai condamnà Pou chan qu'y seu chargie d’annà. MAÎTRE ABRAM. L’ot vrà que vou z’éte prou béte Pou mortrà l’âge que vou z’éte 235 En pouëthan devan l’aistoumet (*) L'annà qu’in Sculteu vou fourmet. Que de fanne fan là joüelie, Que serin bin foë aiboüebie, Se l’aivin devan lieu teti 240 Coume vou liéute âge an aicri. Main ne fau pà que lai véillesse Vou feze ai pâdre voüete plaice ; Eh ! ne feri vou pà veillet Su lou clechie voüe veille dret ? 245 Vou z'ète bin que dairechie N hipontéque su lou clechie. JAQUEMARD. En hypoutéque, poüere ABRAM, Vou vou z'antante moin que ran, Voicy bin de quoy me confondre ; 250 Ca on airet qu’ai me raipondre Posteriora Juribus (*) Deroganie prioribus (2) Jaquemard avoit effectivement le miliaire 1694, au devant de la poitrine. (b) Certain juge devant qui un Procureur plai- doit que sa Partie devoit avoir certaine préfé- rence, à raison d’une hypothéque de date an- térieure, l’interrompit de cette sorte (Procureur, vous vous trompez, puisqu’en matiere d’hypo- théque, posteriora jura derogant prioribus). plumet bleu, ont monté la garde et ont eu le poste de la place Saint-Pierre, ac- compagnés des hautbois au nombre de quatre. — Le même jour, la communauté des avocats a refusé de mon- ter la garde sous les ordres des magistrats qui leur avaient envoyé des billets. v (Journ. de l'abbé Fleury, Bibl]. de Besancon, ms. 724.) (veillet) Eh! ne feriez-vous pas valoir... 21 — 10 — MAÎTRE ABRAM. Y'crerque c'ot di Cain, digel ©) Vou z'antante don ce langaige. JAQUEMARD. 255 Voiqui tout ce qui sçet de Laitin : Main au moin y l’aipliquet bin : Ÿ à ailongi derogante, Et bin ! an airive que plante : On m aipiloüecheret s’on veut, 260 Main qu me repran, feze meu. MAÎTRE ABRAM. C’etu qu'ai voüe và vourre moëdre Vou beillere autre fi ai toëdre, In bon cougnessou de Patois Pourre vou beillie su là doigts, 265 Pou Velle vou z’éte di Ville, Et vou z'éte in Bousbot hôbile D’antremé Oleine et Chormon, Poüis! on dire antandre ** (?) JAQUEMARD. Mon pouere ABrAM, vouz éte droüele, 210 nuiera lp ai Vouere aicouele Vou veni de dire Patois, (°) Ai toi, Bousbot, gâre là doigts. On n'ot pà si lontemps su târe Pou se gennà, palan, compûre, 275 Coume nou pourran san faiçon ; Lou bé Peuple de BESANCON () Exclamation d’admiration. (b) On auroit tort de terminer ce vers par le nom de celui qui composa un si beau Vive le Roi au sujet du triomphe de Jaquemard. (c) Ce mot (Patois) n’est pas patois, il faut dire (Bousbot) on nomme aussi (Bousbot) ceux qui parlent ce même langage. (ailongi)}. Au lieu de ce vers était celui-ci : Main on ailongi bin neante. On l’a corrigé, parce qu'il eût fait trop de peine à un autre conseiller qui, répon- dant à une requête par neante, avait écritneantes (X). vouloir mordre. un autre til à tordre. d’entre Arènes et Char- mont! Le nommé Romon, tour- neur, fit, au sujet de Jac- quemard remis en place en 1752, de très mauvais vers patois qui commencaient parces mots: Vive le Roy!(X). — M1 — Devé decet de lai revére, Ai gâtà mai langue premére, Là z'antandan palà Francet, 280 Dan lou Bousbot y an maulet, Main bin poue; voüete outau, (*) bé Sire, N’eussin pà honte de lou dire, Ot aitou an decet di pon, Ce qu'ai gâtà voüete jargon ; 285 Se lontemps y z'y demouroüe, Y my daibousseboteroüe, Ou paleroue bousbot maulà TFou bé couman Myon palà. (?) MAÎTRE ABRAM. L'ot vrà qu’au fond de lai rue bâsse He deHOUTEL.e Lo 2. + . JAQUEMARD. D. nos que se passer Ÿ santet quy . dan l’aistoumet In femcaichie, . © que flamberet :. : Main que l’airet goumà (°) in poüe ? Denain pe DU, =. 0 MAÎTRE ABRAM. D à . Ah ! qu y à poüe, Vou ranquoillie, . . (l) ête vou mau? Au moin que ne peu ye vou vau | Main d’où vint que vou vou debaite ? (a) (Outau) logis, maison. (b) Myon, riche Vigneron, qui vivoit il y a 35 ans : il disoit, par exemple, pou guerri la coulique, il n’y a qu’à prendre des noisilles & les bien pauter avec les creuches &c. (e) (Goumà) se dit d’un feu qui paroît éteint : mais qui se prépare sourdement à éclater. (d) (Ranquoillie) sangloter, ou respirer avec bruit. On lit dans la préface du Recueil des Noëls de François Gauthier (1751), ce passage : ÇIl n’y a pas 80 ans qu'à Besancon les personnes les plus distinguées, de même que le petit Peuple, n'’a- voient point dans la conver- sation familière, d'autre lan- gage que le Patois. » Rue Poitune, habitée par des couteliers et gens d’autres * méliers, plutôt que par des vignerons. (Noël de 1728 de Fr. Gauthier (1751), p.161.) (creuches), les coquilles. — M2 — Couraige! .…. ah! in poue d’yau cliairette 300 ŸY vou tarà, sargoulerà, (*) Ÿ vou rerrà ou ne pourri; Qué mollaidie ossou qu'y couve ? Lou voiqui que ché tou pa douve : Ah ! son coë que ne rauge (?) pà 305 Ne sueu bin fraide ai champ, On dire tant l'an ot baingnie, Que ç'ot l’ou coë moë d’in noyie : Eh ! que n'a ye ici lou souflot (°) D'in Monsieu dont y étoue vaulot, 310 Engin aigriâble & coumoude Pou fare in reméde ai lai moüede, Pou raicourre au moin Jaiquemià ; Que n'à ye mai pipe ailemà, Ÿ l’y an soufleroue lai femére 315 Pa pou larmie (f) di mézantére, Quaitre ou cinq goulà dan lou cu Lou ferin reveni ai lu. Faute d'in reméde si droüele, Couvran lou de mai caimizoüele, (°) 320 Se ç'ot lou mau de Saint-Deni, Main non, çotstu de Saint-Pari ; Son coë que fa lai tirebouille Se mille coume ne renouille, Et lou voiquy qu'y r'ot pu fau (a) (Sargoulä) secouer. (b) (Raugie) remuer. (ce) Maître Abram avoit été domestique en Suisse, où un remede semblable à celui dont il va parler, était déjà connu en 1734. voyez les mercures de Neuf-Châtel de cette année-là. (d) (Larmie) soupirail. (e) Les Vignerons & autres appellent ainsi leur veste. (rerrâ). Je vous ramenerai à la vie. Comme un tonneau dé- cerclé (champä),a jeté une sueur bien froide. Sur la fin de l’an 1752, dans une assemblée de la nais- sante accadémie de Besan- con, le s' Vacher, chirugien (sic), réjouit fort les autres académiciens en faisant voir commentonpouvaitsouffier par l’anus, dans le corps des noyés, de la fumée de tabac au moyen d’un souf- flet, ce qu'il disait avoir in- venté. Voyez-vous, leur di- sail-il en agitantson soufflet, comme on souffle agréable- ment et commodément (X). «Lundi 18 décembre 175?, M: Le Vacher a lu une dis- sertation sur la manière de secourir les noyés et de les rappeler à la vie. Cet ouvrage est d'autant plus intéressant qu'il est fondé sur des expé- riences qui Jui sont propres. II a accompagné cette lec- ture de l’explication des ins- truments qu'il croitque lon peut utilement employer en pareille occasion. Et la Com- pagnie aurait ordonné l’en- registrement de cette disser- tation, si M. Le Vacher ne l’avail pas priée de la différer jusqu'à ce qu'il ait consulté l'Académie de Chirurgie de Paris sur son système el sur l'usage des instruments qu'il propose. » (Délibérations de l'Acadèmie de Besançon, 1159, to): — A3 — 325 Que ne lou sont dan noue raipau Là Poussédà qu'on tin ai quaitre : Ailarme ! y vint de me raibaitre De sai metainne pa lou nà ; Tiens, quan te derroue t’aissannà, (*) 330 Ÿ te lâsset courre, Anraigie. JAQUEMARD. O Düe ! que ce lüe ot changie : Main y crayet qu on mai pouëthà Dan Granvelle, ah! qu'il y faclià, Lou gran joüotme fa mau à z’œüille. MAÎTRE ABRAM. 335 Que dit’u? Granvelle: ou os qu'y beüille? Déjet deu lontemps l’ot roë neu, (?) On ne voit cy ne feu, ne leu. JAQUEMARD. Main seu-ye yvre, ou seu-ye Prouféte? Que boige (°) d’aisprit dans mai tête? 340 Sà de lantâne ai mai raison ; Oss’in songe ou ne vision ? Tou s’que l'y et d’aispri dans lai Velle S’an vin aicliairie mai çarvelle, ({) Pou me fare voë, me montrà 345 Ce qu'on feret, coum'y serà. Qu'os que m’ai mi tou pou in coûe Cà z’haïbi tou freguillan noûüe ? Jaimà de si belle couleu (a) (Assannâ) assommer. (b) (Roë neu) noire nuit. (c) (Boige) mélange. (d) Que l’onnes’étonne point, si l’inspiration de tant de si beaux esprits n’a produit que des choses tout au plus médiocres, il faut en attribuer la cause à la mauvaise disposition des vils organes qu'ils animoient. (raipau), rapports. Les no- tables profits que retiraient de l’affluence des pèlerins certaines localités, expli- quent le sens détourné de celte expression encore comprise dans les campa- gnes. Citons pour exemple la fête de Saint Pierre de Tarentaise; on disait: le gros rapport de Cirey-lez- Bellevaux (Haute-Saône). Au vers 326, vient bien a sa place l'allusion aux rapports si fructueux de Besançon, à l’occasion des Osfentions s0- lennelles du Saint-Suaire. Sur toutes nos routes, on rencontrait alors, bien en- cagés ou tenus à quatre, les Possédés que l’on amenait au Grand Saint-Jean pour leur faire toucher l'insigne relique et obtenir ainsi leur délivrance. — 14 — Ne m'an beillie tant de lueu; 350 L’oë n’y ot pas aivû aipargnie, On n’y an et mi, cret, ne pougnie, L’y et voireman bécoûe de gri, C'ot lai moüede cet’annà cy : On m ai mis troë belle plemâche, 355 On airenachy mà moustâche, Semblable ai noüeble Nicoulà, () Aipluan tou coum'in quel; On voit, y seu sieu, su mai trougre, Lou rouge di vin de Bourgougne ; 360 Ÿ santet lai mainme vigueu, Que quan mon âge éta en fleu ; Lai foëche ai chaissie mai véillesse. MAÎTRE ABRAM. Oh vet ! lou poüere houme raivesse. JAQUEMARD. Combin d’haubois, de tobourin 365 Dan ce porche ? ().. on dansere bin. Voicy pou lou coûe lou courtège Que vin m'anmenà dan mon sége... Dessu cinq véille chevau blans Cinq bé Véillà antran cians ; 37 Quaitre au moitan de lieu metainne Branlan de longe paidrizenne, (°) N'autre dire dà z'aisponton : Main paidrizenne, ç'ot lieu nom, Autan que lieu béte y sont mette ; (2) Ce Monsieur Nicolas vivoit il y a plus de 75 ans. (b) (Porche) vestibule, allée, galerie. (c) (Paidrizenne) pertuisane, sorte de pique ou hallebarde à l’antique. (aivûü), été. On y en a mis, je crois, une poignée. : Il paraissait à bien des gens que Jacquemard res- semblait à un certain avocat qui était âgé, en 1752, de - prés de 80 ans, et qui n’est désigné ici que par sa qua- lité de noble et son nom de baptême Nicolas (X). Vers 357: (Aipluan). Voir aipluë au vers 966; quant au mot quel, dont le sens nous échappe, nous signalerons aux chercheurs cette excla- mation d’effroi ou de sur- prise notée à Pin-l’'Emagny : Lou quela ! voiquy lou quel ! (ou clé). V.372 :... D’autres diraient des espontons : Main... Le Barbisier de la Crèche se montrera aussi entendu en toute matière, comme le fait ici Jacquemard. (mette) (mitis, doux),aussi inoffensives que leurs bêtes. — 415 — 375 Au coûe l'an de longe graivette Loyie au quechot d’in riban ; (au quechot), au-dessus. An voiquy d'autre que pendan Su lieu grand chaipé daïbraicie, () C'ot dainquin, qu’on ére aijeancie, (?) 380 Au véille temps di Roy Chalot, (°) Got lu que A z'anvie, ce l’ot ; C’est lui qui les envoie. Voiquy voireman ai lieu tête Dom Juan (%) su ne belle bête, C’ot in chevau d’estramadou, 385 L’ai ne gran paidrizenne aitou. Vetu de na, qu'y fa bé voë Ton chaipé anvoutoillie d’oë ! Galonné d'or, la grande à : ; aile du chapeau faisant Quan te te Un bin saigeman, comme une arcade. . On te panre pu azieman 390 Pou in gran Seigneu de l’Espaigne, Qu'on ne panre in chin pou ne caigne: Main voi t'on tà cro, que branlan, Quan te ri antremé tà dan, Y me sanble déjet qu’on crie, 395 Ah ! c’ot Richà lou lantanie : le lanternier. Y aimet meu voë çà véille hou hou, Jacquemard, tout à la joie, li re plaisante sur la tenue gra- Que tenan quy Heu seriou vement comique de ses Coume dà z'âne qu’on aitrille ; sArIes: An aitandan qu’on daiguenille, 400 Daïissante in moüeman de chevau, Et peu nou monteran lai hau ; Se voüe tamboüot anlà main sûre, Fâte lieu gadhà voue montre. (a) (Daïbraice) détroussé. (b) (Qu'on ére aijeancie) qu’on étoit mis. . (6) Charles If. Roi d'Espagne. (d) Il appelle Dom Juan, celui qui, habillé de noir, faisoit le rolle de Seigneur Espagnol. 405 N'y et que dà coëne aï vou montri, — M6 — Vé lou quechot de ça degrà Voir la note au bas de la page. Combin de gens s’y sont paingnie ! An voiqui pou ne compaignie ; Ancoüot dou pà & vou voëri Quéque choüeze de pu joüeli. Ÿ vou recevet dan ne sâle Où géte ne Daime qu’ot pâle, (Daime qu'ot pâle), l'Aca- Sa gens aîtou ; au moin l’ot ri, SR Qu'y sayin dà meu coulourà, Toujou le lé, l’aicri, le muse, (*) Au vers 423, Maître Abram ; SN Se s'émeul des propos quetient 415 C'ot lou traiveille que l’aimuse. ici Jacquemard a l'endroit de A ? l’Académie, fondée avecl'ap- Aiïimà di MATRE DE L'OUTAU, D de ous 2 ® 20 A , Hi b s ë . L'an ai t'aivû ce bé rétrau, () c'est-à-dire du gouverneur , D : ; de la province, M. le duc de Qu'on aipele ne Caidemie : Tallard. « On supprima les quel- e , ce 2 : Main ÿ San vet done z heure &dèmie, he ne 420 Pou banquet n’y et-tu ran de prot ? que M. l'Intendant le vou- lui : de n'y et poin Cy de meterot, (@) Main voue chevau montran là [dan. Aimi, beillie lieu ai loichie (a) (Le muse) elle médite. Lou foin qu'ot dessus ce plan- (b) (Rétrau) asyle. | [chie, . Aussi bin là gen de l’Outeau (c) (Meterot) rayons ou bouts de planche qui Wbergean n’âne ne cheveau servent de garde-manger. Certains messieurs allant Il s’agit ici des escaliers du palais Granvelle. Les cornes (coëne) dont parle Jacquemard sont des ramures de cerfs suspendues dans les couloirs du palais, trophées de chasse sans valeur, seuls restes d’un riche mobilier disparu depuis longtemps. Après ce vers : An voiqui pou ne compaignie, Bizot, faisant allusion à quelque histoire scandaleuse, avait écrit : Se cequi vous fà souveni..……, Cliouete là zœuille et peu veni. Notre commentateur X regrette la suppression de ces vers et ajoute que «l’autheur se repentit de les avoir corrigés pour éviter quelque action fa- meuse que le maire de Besançon lui faisait craindre, sans fondement, pour un pareil badinage sans conséquence, car comme dit un de Mrs Corneille Un si rend tout possible et ne conduit à rien! » — 17 — Pou y trouvà de quoy maingie : C’ot dà z'Aispri qu'y sont lougie, Et là z'Aispri ne maingean ran. MAÎTRE ABRAM. Y veut pâdre mon nom d’ABRAM, Ou pou lou coûe y n'ot pà saige, Y fau qu on lou retaingne en caige, Son aispri ot tou raiveunà, (*) Aifantoumà, anfaseni. (?) JAQUEMARD. 425 430 Voiquy dà ban, van nou z y mettre, . . Main y me samble icy cougnettre Voüe, c ot lu, eh ! Ç ot vou Baumé, (©) Y fau y beuillie de bin pré Se pou n'autre on ne vou panre ; 435 L’ot de n'aicie, que n'ot ran tanre Voüete sabre qu'ot large, aipot, N'ossou ran stuqui,.. voüé, ce l'ot, Que rougnet (1) oureille ai Marqueusse ? Qu éte vou mi, ossou n'aumeusse 410 En bandouliere autoüot de vou ? Ou bin de cà baudrie goillou, Que là Préte ai lai Maudeleine Vetin dan lai sainte Semaine ? Vou z'an airin tu fa cadau #45 Coum'au Doyen de lieu Bedau ? Ossou ce chaipé Jancéniste, Que vou fa lai minne si triste ? Ou se lai fairenne & lou pain (a) (Raïiveunä) ruiné comme par ravine. (b) (Anfäzenä) ensorcelé. _(c) Ancien Bedau de la Magdeleine, qui fer- moit la marche du Cortège. (d) (Rougnet) coupa. voir la salle de l’Académie et ayant remarqué du foin épars sur le plancher, l'un d'eux dit que les Académi- ciens avoient fait un pique- nique et qu’apparemment c'étoient là les restes du repas » (X). (tanre), tendre. (aipot), épais. Dans les anciennes figu- rations des scènes de la Pas- sion, saint Pierre se sert de l’arme que le populaire ap- pela un malchus, et le nom resta. — 18 — Vou manquan pou aipré demain : 450 Main lai Prouvidance ot bin grande, Le beille, quant on 1 y demande. Ou binse ç'ot l'impoüe nouvé Qu on réglieret d'aipré Noüé Pou achevi ce bé Moutie 455 Qu'ot déjet fa prèqu'ai moitie ? Pou bécoüe vou n'an seri pâ, Voüete outau samble ai dà retr, (retrà), abri misérable. Vou payeri quèque groüe soûe, Ce t'impoüe lasseret in poue; 460 Oh soit ! ç'ot pou l'Offan JESU Qu'ot dezou là lovon (*!' tou nu, Cire meu, guynéère 1141 @rncne, Voüete Curie | ai di … (?) qu'on saiche, Qu y vire là coeüe, coum y veu, Qui vire les cœurs comme 465 Jeüe ! qu y di bin; main qu'y fa meu; ue Se à z'onze autre (‘) an pouvin fare Autan, sere ne boune aifare, Lai belle oufrande, qu'y fezet ! Main on presante ancouot lou plet: 470 Semi, (4) ouzere t'on vou prie D'an oufri chaicun lai moitie ? Dan ché z'an s'y fezin té toüot On boutte ai jou nou dou poulot. (boutte à jou, jucher). 020 A SLA 0 Dans six ans, s'y feront On s'aitandà pou lai bâtisse telles Laure quon pion chera nos deux coqs. (2) Petite Chapelle proche les ruines de la vieille Eglise, appelée en patois (dezou là lovon). (b) Mr Frere de VilleFrancon, Chanoine et Curé parfait Orateur, a donné pour la bâtisse de l'Eglise la pension de 500 livres que le Roï lui a accordée sur l’Abbaye de Cherlieu. (c) Les onze autres Chanoines. (d) (Semi) Semi-prébendés, — 119 — 475 Que ne fontaine d’argent pisse Bin dà z’ecu dedan lou tron, Coume lai fontaine eusse nom, N’an chau, l’ot vé lai Nourmandie, L’ai tairi pou nou, qué pidie ! 480 Ÿ faure aivoüe in boorgerot, (*) Tan freguenà (?) dan lou goulot, Que petètre quéque pistoüele An coulerin ... qu'y sere droüele ! Se Pan ollà daibondenà 485 Dà bouté (°) tou raiquichenà (1) Pou noüete poüere Maudeleine, Y crieroüe ai pâdre l’oleine, Vive ai jaimà stu que beillet Ne riche fontaine dainlet (®) 490 Ai Monsieu . .. main chaicun se leve, San qu’on aitande qu'y aicheve, Y voyet mà veille penà, Que s’aiprotan ai chemenà ; Que veu dire ! osque dans ce lüe 495 ŸY se peu fâre qu’on s’annüe ? Jaimâ cequi n’airiveret, Tant quesciance y paleret: Main y n’à pà ce privilège, Peu qu'y annuet mon courtège, 500 Ou bin là pie lieu fremillan Pou s’an ollà devé Baitan ; Au melin y targe de moüere, (f) (2) (Boorgerot) brin d’osier. (pb) (Freguenà) agiter en tout sens. (c) (Dâ bouté) des cruches. (d) (Raiquichenä) comblés. (c) (Daïinlet) de cette sorte. Ne (f) (Y targe de moüere) il tarde de moudre, proverbe. Il faut entendre par la fontaine dont on parle icy le prieuré de Fontaine-Gé- hart dans le Mans. M. de Maïzière, ancien chanoine et curé de la Magdeleine, qui a ce bénéfice, avait pro- mis au moins 2000 liv. à prendre annuellement sur les revenus de ce prieuré pour la bâtisse de l'église. à laquelle promesse il ne don- na jamais le moindre effet (X). Ce plaisant mouvement d'humeur chagrine se calme bien vite; mais en conser- vant, avec une expression pleine de suffisance, le ca- ractère du personnage frois- sé dans son amour:propre. — 420 — Vou z'éte de boune aivizoüere, Offan de chüe pichemaëdhet, (*) 505 Van don tou panre noûüe bidet. MAÎTRE ABRAM JaiquEMA, lou diâle s’an pande, S'y n’yet nun cy que vou z'antande Autre que moy. JAQUEMARD. Te n’y antan ran, Ne sutor ulira crepidam. MAÎTRE ABRAM. 510 N’ossou ran dà mou de magie ? Pou ne lou pà fâre enraigie Y me Quoizet pou l'aicouti, Paëthare y m’'an vé mr'aissetà, Jeüe ! que l’ai rinmà de foüelie, 515 L’an di que son coûot prou joüelie, Se l’étà courounà de boüis, On dire, ç’ot lou foie Loris. JAQUEMARD. Montà, mi véille camarade, Ai chevau, tamboüot, qu'on là z’âde, 520 Dom Juan ot je (?) su lou sien, Icy fâte aivanci lou mien, Oh ! que l’ot bé! stu d’Ellexanre N’aire pà mainmce ouzà s’y panre ; Chaëdhé ! couman l'aire tu pu ? 525 Ÿ n’aire sanblà devan lu (2) (Offan de chüe pichemaëdhet) se dit pro- verbialement de gens qui avisent les autres de bonnes choses. (b) (Je) déja, on dit aussi (déjet) (pichemaëdhet). Le nom du bousier,coléoptère qui trouve Sa vie dans les crotins, est, dans notre patois, fouille- maëdhe, fouille-m..….! S'il n’y a personne ici qui vous entende d'autre que moi. (Quoizie), se taire. (Paëthare), par terre. Passage qu’il convient de traduire. Allusion person- nelle à Jean-Louis Bizot : < Jeue ! que de folies il a ri- mées, il en dit qui sont en- core plus jolies; si elles étaient couronnées de buis on dirait: c’est Le fou Louis. » Le buis, l’arbrisseau tou- jours vert, abondant sur nos côtes, était très affectionné des vignerons. C'était du buis qui encadrait l’entrée du théâtre de la Crèche, les transparents des jours de fête, etc. Voir note, p. 384, couronnes de buis, Vers 518: Magnifique mise en marche du cortège:«Mon- tez à cheval, mes vieux ca- _marades.….. » Cervantès n’eub pas mieux trouvé. Vers 523 : (s’y panre), S'y comparer. — 491 — Que lou chevau de lai Guinguette, () Ou coume de lai ripouepette R'RoueReUe DOssSAe En Re faible valeur. Devan di vin de Chormairin. Charmarin, bonne côte du C’ 5 À be: > vignoble bisontin, CE montan Mm v tarra VE 15 D (C'et montant), même for- 530 : aut me, sans apostrophe après Leni me lenne & autre queusse, PR Der Ai celle fin qu'y ne cheseusse, monter à cheval : Montons, ; : x AA ou c’est haut; me tiendrai- Bin qu'y n eusse pà trou din, je bien ? Ÿ pourroue chère & m'aissanni. Dejet la poëthe aibolanchie () 535 Nou fà signe qu'y fau marchie, Voiqui qu on | ouvre ai dou baitan, Aivançan nou, tamboüot, baitan. Que Dom Juan nou mene in poüe, (mene). prononcer meune. Que Baume se taingne ai lai coûe, Que Baumé se tienne à 540 Veillà, veni cy tou t'autoüot. AR Aubois flouëtà, baità tamboüot. Jeüe ! que de gens dan lai gran rue! On an voi ai paëthe de vue Dà moncé pou me regaëdhà, 545 Pou là fandre y fau dà soudà ; Aimi soudi, fâte lieu poüe, Pou qu’y s’ouvrin : main poin de coûe, Poin de sang ne det cy coulà, Si fait de vin bin dâ goulà. [gauche 550 Lou monde ai dret, lou monde ai Se treuille, (°)s aicôffle, se chauche (chauche), se presse avec Pou an chemin me veni vau Sd » trop épais (ch" Dartois). Ÿ airoue poue qu'y n’an eussin mau; Main tant de gens si bin brayie, (a) (Lai Guinguette) autrefois voiturier tel- lement accoûtumé d’avoir de mauvais chevaux, que pour en désigner un tel, on disoit, c’est un cheval de la Guinguette. (b) (Aïbolanchie) entr’ouverte. (£) Se presse & s'écrase. — 499 — 555 Risan ai gorge daiplayie, Ce bacon quyse frâcheret, (?) S'on ne lou daicombre (?) y chéret; À fenétre, à lucane, à poëthe L’y et dà gens de toute là soëthe, 560 Pou fâre ai durie lieu plaisi, Van balleman, nou z'an lezi, Qu'an panseri vou, Aïtrangie, Se l’y an et dan çà doue rangie ? Icy, quâte ? (°) JaAIQUEMA tin 56 Lou rang qu'ai Roume tin Pasquin ; De moy toute lai Velle ot foüele, Ÿ seu sai pu mignotte Idoüle, D'Albe, (4 quan là gens me voyan, Et Chalequin ne lieu sont ran, 570 Ai st'heure y là z à aifaicie ; Dainquin fÀ lou soureille (2) au Cie, On ai bé beuillie, quant y lu, Aidue Aïtoile, on n'an voi pu. Citoyen, tou tant que vou z'ète, 575 Ete vou jaima -vü té fète ? Jaimà ceté de lai Saint-Jean Ne vou divaëthisséne tan, (f) Qu me voi ne sere aivoi sanne (£) (2) (EFrâchie) rompre. (b) (Baicombrä) débarrasser & décharger. (£) (Quâte) n’est-ce pas ? (d) Monsieur le Duc d’Albe réprésenté sous la figure de Neptune à la fontaine des Grands- Carmes. (e) (Soureille) Soleil, on dit aussi (lou chau & lou chaudot). (f) Grandes réjouissances de nos Ancêtres à li Fête de Saint Jean, à l’occasion des brigues & des élections. (8) (Sanne) sommeil. (Fracher, lat. frangere), se dit surtout de la séparation dela grappe d’avecles grains du raisin à la vendange. (lezi), nous avons loisir. S'il y ades étrangers dans ces deux rangées. La ressemblance du Nep- tune des Grands Carmes avec le duc d’Albe est très contestée. — 4923 — Que ne me voite vou, mai fanne ! 580 Main lâmoi! mai fanne ot gessan (*) Pou m'aivoi beillie dou bossan. () O Roussel, Gautie, Pére Proüe (°) Que vou z’éte bin moë trou touë ! Nun ne pourret si bin contà 585 Cecy, que vou ne Pairin chantà : Non, qu'y n’y eusse dan lai Prouvince Pu de n’aispri que n’ot ran mince. In premé Chretien lâcheret Dou vä Bousbot ai mon sujet, 600 Main y ne panret pà lai poune D’aiprinre in pouchignot sai voune. L'ot vrà que l'y et d’autre sçaivan, Autan qu 'autrefoi nou z'an an, C’ot ai dire dà fremeillie : 605 Main chuë Baumé ai lai voillie Ÿ n’antandrin pà ce qu’on di, Couman boutrin t'u par aicri En Boussebot in poue hounète Lai pu grand, lai pu belle féte, 610 Q’on eusse fà dan BESANÇON ? Y à don di d’aivoue raison : O Roussel. Gautie, Pére Proüe, Que vou z’'éte bin moë trou toüe. Mäin c’ot lai foire d’Aivoudré, (‘) 615 Le ranfouche ; voici Châbré, (°) (2) (Gessan) en couche. (b) (Bossan) gemeaux; on dit que Jaquemard a présentement deux enfants qui seront em- ployés à fraper les quarts d'heures. (c) Les trois Auteurs qui aient le mieux réüssi à versifier en Patois. (d) Proverbe. (e) Jurement. (mai fanne), ma femme. Gauthier, Père Prost. Plus d’un esprit... (premé Chretien). Un de M de Beaufremont, qui avoit pour devise : « Dieu aide au premier chrétien, » étoit sorli de chez M: l'ar- chevêque, son oncle, parce que celui-cy vouloit que son palais fût fermé bien plus tôt que M‘ de Beaufremont songeàt à se retirer. Gelui- ci avoit pris dans la ville un autre appartement lorsque se trouvant dans une com- pagnie où l’on lizoit les vers de Raumont dont on a parlé (v.268), et remarquant qu'il y étoit parlé de tousles prin- cipaux seigneurs de la ville, hors M' son oncie, dit qu’il falloit y ajouter ces deux vers (dou và) : Y ne loue pas Monseigueu Parce que l’aichaissieson neveu. (X). Vers 605 : (voillie), veillée où l’on cancanait. Avoudré, village du Doubs où se tient une grosse foire au bétail. — 494 — In troupé fringan de juënesse Que vin ranfouchie lai véillesse Su dà chevau : main dà moilleu Que son aussi fringans que lieu. 620 Ÿ venan pou s’aiboloyie. (*) Lieu panse trou airesoyie Se sont tant gonflà chue Graipé, (?) Qu'on tuere in pouille su lieu pé. Chaicun pou se fâre pu brâve 625 Aï fà bin angrâssie sai grâve; (°) Et s’ot fà sâssie d’in bon doi De fairenne dessu lou poi. Timbale et trompette ai lieu tête Fan crotre lou bru de lai féte, 630 Ÿ se sont pou me fâre houneu Vetu de toute là couleu. () Baumé redrosse tai pirruque, Ca nou voicy vé nouete DUCQUE, L’épée au poing, jüene gueillà, 635 Aivancite, et vou, mà véillà, Rangourgie vou bin ai ce t’heure Pou aivoi ne pu belle teure (*) Nou z’an tretou bin di bouneu D'aivoi un si pussan Seigneu (a) (S’aiboloyie) prendre de l’exercice aprés le repas. (b) (Graipé) cabaretier chez qui ils avoient dîné. (€) (Grave) l'endroit des cheveux où ils se séparent pour tomber du dessus de la tête éga- lement des deux côtés. (d) Ils n’avoient point d’uniforme. (e) On appeloit (teure) un pli de la peau pen- dante sous le menton, que nos Ancêtres ima- ginoient donner un air plus majestueux à leurs Vieillards. Qu’ontuerait un poux sur leur peau. (sassie), tamisé, de farine dessus le poil. Le duc de Randan,lieute- nant général de la Province et commandant à Besancon. (teure), comparaison avec: la gorge pendante du tau- reau. — 425 — 640 Pou coumandi dan noüete plaice. Peu que Pai pri () ne gran Comtesse Lai pu finne fleu di Payis, du pays de Poitiers. Pourquoi serin nou aibayis, | Se nou z'an an tant d’aivantaige, 645 S’y nou Z'aime, s’y nou soulaige, Ÿ nou z’aipue autan qu'y peu, Et qué autre lou pourre meu ? Nun r’ot si bin venu à z'œüille De stu qu’ot lou Mâtre di treüille. (?) 650 Noue doue troupe lai sailuan, Et peu san d'autre complieman Se jougnan dezou sà z'auspice. Main, que lou nâ me regrenisse, (nâ), nez. Se lou mou d'auspice ot Bousbot, 655 Oh soit ! peu que l’ot CV, ls Ot, Deux variantes de la pre- À ST RE mière rédaction : Miteneccelquide Pilite, (0) (Plate : > + CA NE Que diza quod scrissi, scrissi Ne daifan pas n’aifâre fâte : a Si bin donc que noue doue aigmenne (1) et < Quod gripsi, diza Lu, gripsi An s’aipondan n'an fan pu qu’enne. Té que l’ot lassan don ceci. 660 Aivançan don, se nou pouvan, no V 1 Re Nat Vers 658 : (aigmenne). Get ou z ete prou repri voue Van ; ingénieux emprunt du mot : 1 à latin agmen serait-il du Bous- Juou d haubois & de RONDE; bot de contrebande? Bizot Tamboüot, reprante voue baiguette, ne s’en excuse pas comme "pe pour auspice, à Et que nouete Timbalerot 665 De son meu se demene ancoüot : Trompette, Aubois, Tambouot, Tim- Fâte cretou in bru de diâle, : : ‘[bale, Nidisec . : . et A 7 instruman (a) (L’ai pris) il a épousé. (b) (Mâtre di treüille) maître du pressoir se dit figurément du Souverain. (£) (Quod scripsi, scripsi. (d) (Aigmenne) Troupe. 28 — 496 — Baitan, soufflan, topan, sounan, 670 Pou fâre houneu au grand couraige De stu que vet braivà lai raige De lai grole & de tou là van, Ets’an vet paëthaigie lou temps Pou là Citoyen de lai Velle : 675 Main voiqui que dessu lai selle En me quarran y me brecet, En me breçan y aivancet ; Marchan de ne faiçon si fiere, Dejet nou voici ai Saint Piere. 680 [ci d Eglise dou louepin. Ai l’œuille ne van pà trou bin, L'un ot véille & l’autre tou nouë On dire que lou véille ai pouë Que cetu qu'ot noue ne set vü, 685 Et qu’y s’ot plantà devan lu Pou lou caichie ai tant d’espaisse De gens que sont dessu lai plaice ; Qu’y lou caiche bin, l'ai raison. Qu'an ai joëéblà (?) lai faiçon ? 690 Nicoüele, @) voüe, ce l’ot Nicoüele: Main cetie que vand dû faizioüele On lou dire . . . vou groüe Monsieu, Marchand aussi riche que lieu, Que demourà dan ce quaëthie, 695 N’airi vou jaimà bé Moutie ? Champä m'en bà ce peu nouvé ; Evète zlan are in pu be: Vou lâssie mezi dà pistoüele (2) (Joëblà lai faiçon) se dit figurément pour mal façonner. (b) Le sieur Nicole Architecte de l'Eglise de Sainte Magdelaine. Ici deux lopins d'église. Une gravure contempo- raine très rare représente exactement la place Saint- Pierre dans l'état où Bizot décrit l’aspect des démoli- tions et reconstructions; un pan de vieille muraille de l’ancienne église est encore debout devant une amorce de l’aile gauche de la nou- velle,qui resta ainsi en sus- pens pendant les trente an- nées qui suivirent, c’est-à- dire jusqu’en 1782. Nicole., oui, c’est Nicole, mais celui qui vend des ha- ricots, on le dirait. Vos (ou vous) gros messieurs, marchands aussi riches qu'eux, qui demeurez dans ce quartier, n’aurez-vous jamais... Vous laissez moisir...…. — 197 — Bin pu que mà Bot (*) n’an d’oboüele, 700 Airi vou lai misse de vau, Qu'y fezan de si rude aifau San ran fâre qu'aipreche in poüe . ... . . Qu on me lieu champe in bon Impoüe Peu qu’y voyet, pa lai chaëdhé, 705 Qu’y ne prôchet qu’ai dà louëdhe. Combin l’y et par quy d’aicoüelie ! Là droüelet an fÀ lai foüelie De fripà lai cliasse aujedeu, San pansà que souvan l’an queu: 710 Main s’y crian vivat ai foëche, Que point de Régent ne se foëche, Pou foüetà aitou tant d’hàret Cristoüefle aire t’u bin prou bret . . . Main y venet cy de songie 715 Qu'y pourrin bin aivoi congie Ai mai consideration, Pou que l’eussin ne pourtion De ne si gran réjouissance : Au moin se pa recougnessance 720 Un de çà pete t’ainimau M’oufrà in Nobilissimo. Pachy lai jeustice ai son PRINCE, Qu’ot aivû de n’autre Prouvince Daigliapi (?) tout expres pou nous, 725 L’[zère (°) an fà lai grougne au Doux, Et lou Doux là gesse (1) ai l’Izére : (a) (Bot) synonime de Bousbot. (b) (Daigliapi) détaché. (c) (L’Izere) rivière toujours limoneuse qui passe par Grenoble. (d) On entend par ces mots (fâre là gesse) exciter malicieusement dans un autre le dépit d’être privé de ce que nous possédons. (aifau) efforts. Qu'on me leur applique un bon impôt. (louëdhé), sourds. Christophe aurais-tu assez de bras pour fouetter tanL + d’hârets Ge mot avec le sens d'enfants se trouve quatre fois dans la Jacquemardade ; il est très rarement employé dans les Noëls : Y avoüe fà di paipet.…. Nouëshârets varantde l’aicoule Lou mangerant pou lieu dinâ. (Noël de Besançon.) (Nobilissimo). Allusion à un abus qui fut réformé vers 1744. Chaque année les Con- seillers de ville se faisoient présenter à chacun d'eux, par les écoliers au Collège des Jésuites, quelques vers à leur louange, ce qu’on appe- loit « épigrammes. » Ces vers que l’écolier récitoit étoient toujours précédés de ces mots : « Nobilissimo, clarissi- moque viro domino.…., » et cela indistinctement et de quel état de naissance et de condition qu’eût été ce con- seiller (X). 4 Eb! y fà tu, ai moi lou Pére, &) Pou aivoi n houme dà moilleu, T’an joume, À) Bourbouxze, y seu sieu. 730 Qu nou l'ai choisi ? noüete SIRE Ai qu Themis, on peu lou dire, Beillet sai main, beillet son lé, Meu que lu Pairin nou dailé ? (°) Tou coume de noige ne boüele 735 Devin pu groüesse pu le roüele Pu noüete troupe s’avanci, Pu lai prèce autoüot s’aipossi; On ai bin raison de lou dire, Lou monde aime, Cautenne ({) aidmire 740 Ceux qu’an in rang, ceux qu an dibin. Que là gens pour moi an changie ! Seu ye banni, seu ye lougie Au fond d’in poüere caiboulot Dezou in bon doigt de poussot, 745 Couvri de toile d’airegnie ? Hormi ABraN chaicun m'oublie. Mai seu ye ai chevau bin dourà, Bin reluzan, bin coulourà, Et meu par que n'ot ne poupe ? (°) 750 Là gens venan ai groüesse troupe Decoüete moy pou me voë meu, Chaicun m'anvirenne & me seu. (2) (Ai moi lou Pére pou aivoi, &c.) il me convient mieux qu à personne d’avoir, &c. (b) (T’an joume) tu en écumes de dépit. (c) (Dailé) trié, élu, à l’infinitif (dailére) qui ressemble tant au mot Latin (deligere) qu’on voit bien que les Bousbots & les Latins les ont puisés dans la même source. (d) (Cautenà) user d’adulation. (e) (Poupe) poupée. Vers 722 : Le premier Pré- sident, M. Pourroy de Quin- sonas , qui avait été prési- dent au parlement de Gre- noble. (nouëte Sire), le Roi de France. (Gautenne). Lesens leplus ordinaire est jaser, faire des cancans. Le chanoine Dartois introduit, d’acord avec ce : sens,cette étymologie : cau- da, tourner sa queue partout, comme une cautaine, femme bavarde. Dans l’acception, très différente, admise par Bizot, ne pourrait-on pas risquer celle-ci : cauda tenere (caudataire servile). Vers omis dans l’impres- sion de 1753 (v. 740) : Son t’u poüeres on la z'oublie bin (X). — 4929 — Dainquin lai chenille (*) lougie Dan lai toile que l'ai borgie (borgie), expression vigne- : : ronne : lier avec des osiers 755 Pou ly sarvi de meilloulot, des perches aux échalas ; tisser, fabriquer, de farga. N'ot ran belle, on dire que l’ot ec Dee. Mau notte & nun n’y veu touchie Se quéqu’un vint ai l’aiprechie Eesiedhe tu? cot n'hà7à, 760 Ancoüot vourre tu aicrazà Ce poüere và que sanble moë Et fà jeanne quinquin que doë : (?) Main quan lou và veu s’an sauvi, Qu’'y fà bé lou voë s’ailevà 765 Su dà z’aule toute joüelie ! Voite vou combin d’aicoüelie, De gachotte & de gachenot Couran d’aipré lou panpoillot ? Mai joye ranfouche, on me prou- [menne 770 Maintenan su lai Maudelenne, Et coum'on di, ollan, venan, Lai chambelére fà son an : Laservante faitson année. AiMoëche, an palan, de marchie, Nou voicy au poüi di marchie . . . au Puits du Marché. 775 Tamboüot, Counot, Timbale, Aubois, | Rambruete vou (°) tout ai lai fois; Got Cy que nou voëran petétre . . , Voue. lou voiqui ai sat fenètre . . . (2) Comparaison de Jaquemard à la chenille en chrysalide convertie en papillon. (b) Termes empruntés d’un Jeu d’enfants, qui tournent autour de l’un d’eux couché par terre, en disant : ESS Us ot moëË, nenny, nenny, qu'y doë. (c) (Ranbrüete vou) remettez-vous en train. — 430 — Et qu ? lou BESAUGEOU €) DIROY. 780 Se mon doûe n’étà pà si roi, JAIQUEMA, aire aivû lai chance De Îly fâre lai reverance : Chaëdhé, qu’an chau t'u aipré tou ? Dom Juan (?) lai feret pou nou : 785 Na lantanie ai noüete téte, Fa l'y là z'houneu de lai fête; Combin de poune éte pou lu De tai pique fâre in salu! Lou cœüe di Citoyen s’aibâsse 790 A1 sà pie de bin moillou grâce. Ai n autre fenétre y voyet Lai gran Daime dà Daniet, (°) Qu'’ai beillie vingt cens mille soûe Pou nou fâre in Moutie tou noûe. 795 Düe, ai qu veu, beille di bin. MAIN L’Y AN BEILLAN, OH! OUÙU°"Y ET BIN! Aijoutà cequi su sai poëthe, Bousbot, lai cause an ot prou foëthe, Dan voüe cœûe l’ot aicri aitou : 800 Main voüe cœûe durerin t’u prou ? (a) (Besaugeou) au patois de Besançon, si- gnifie, l’homme de confiance pour gérer toute affaire. (b) L’ouvrier en fer blanc qui faisoit le rolle de Seigneur Espagnol, fut assez embarrassé dans cette marche à cheval de faire ici le salut avec une très-lourde pertuisane. (c) Madame de Mongenet qui a donné cent mille livres pour la bâtisse de l'Eglise de Sainte Magdeleine; On lit sur la porte de la maison de cette Dame, cette inscription : (Deus dat quibus vult). M. Moreau de Beaumont, logé Grande-Rue, 14 (mai- son que l’on appelle encore aujourd'hui la Vieille-In- tendance). Noir lanternier..….… De tai pique ai fàre in salu! (X.) Fenêtre de l'hôtel de Che- vanney, maison construite par Jean Chevanney, dit Daniel, en 1582. Dieu donne à qui il veut. C'est-à-dire le ferblantier. Caroline de Chevanney, dame de Mongenet. 805 810 815 820 825 — 31 — Sà gens dejet fezin metie De fâre ai bâti dà Moutie, Là z'Oursule de lai Cité An dirin bin lai vérité. O Doux! nou vante traivauchie, Et nou z'aiprechan mon clechie : Qu osque fà ce bé noueble bru ? Ah ! camarade, c’ot cetu Que potte pou là Caëdhinoë, Que potte pou là Generoë, Lou quennon potte pou lou ROY, Voiquy qu'y potte aitou pou moy. Osque tant de bru vou z’aiponte ? Dite me coumare de fonte, Que vou ne traizelà pu ran : () L'ot vrà que prou le m'annueran, Et peu l’an poue d’assouroillie Cà Monsieu qu'on voi qu'y beüillie. Icy pa moncé mà Bousbot (?) M'aitandan, ah! ç’ot mà mignot, Chaicun de lieu di cœüe me bâze, Et tout an rizan pleure d’âze : Qué joye! on an pourre meri ; Main nou voicy au piloueri. Qu'on ai bin fà quy pou mai gaëdhe De reboutà lou coë-de-gaëdhe ! Soudà, qu’on aicaëthe chaicun, Main coûot ne fois ne baittà nun. (a) (Que vou ne traizelà pu ran) que vous ne carillonnez plus. Nota. Trois Messieurs étoient alors à la fe- nêtre du clocher, & avoient fait cesser le caril- lon pour n’en être pas incommodés. (b) Jaquemard appelle ainsi les Paroissiens de Sainte Magdelaine. C'est une grande tante de Madame de Mongenet qui fit bâtir l’église des Ursules de Besancon (X). A l’arrivée de Jacquemard il fut tiré deux salves de six pièces de canons placés sur leurs affuts dans l’inté- rieur de la nouvelle église (&). (traizeler), sonner à trois cloches, et carillonner, à quatre cloches (chanoine Dartois). (le Pilori), devant l'église. De replacer ici le corps de garde, (aicaëthe), écarte. eo — Jeüe! que devé lai rue d’Oleine 830 Grandi lai noueve Maudeleine ! On ly voi déjet n'œüille ron. Ah! lou bel oëdre, ah! lou bé fron! Duë benisse là lotterie, Duë benisse là z’uzurie, 835 Duë benisse ancoüot meu là gens Qu an mi qui bon grà lieute argent. Que pou voë n Eglise aussi belle, Ÿ faure ollà loin de lai Velle! An lai voyan paëthou trezi, 840 Mon cœüe baingne dans lou plaisi, L'ypinge,.. Ah! C'ottrou! n’y et pà pie, Wsynoyerct . - Lyobnoyie. Main l’ot temps, lou cu me fà mau, Qu'on me boute an bâ di chevau, 845 Antran, viran tou pa l'Eglise; Voyan, s’on lai fà ai mai guise, Qué doumaige, s’on l’antraipà Dà sège, qu érin autrepà ! () Y vouroue que point y n y an eusse; 850 Se peu t’u qu'on recougnessensse Lai plaice que chaicun tenû ? Que ne m'anvie ton proumenà Cà gens que charchan trou lieu z'âze Et que point de raison n’aipäze ; 855 Bécoue pu d’autre an brondenan, Main on di, bon! l’an convenan. Chaëdhé !.. Main y fau me quazie, Chouze diâleman maulâzie (a) Il a raison de dire (autrepà) les bancs, dont il parle, étoient dans l’Église souterraine, & la nouvelle a changé de situation, de rez de chaussée & en partie d'emplacement. Sur la rue d'Arènes. Oculus, petite ouverture ovale. (uzurie). Pour fournir une partie des frais déjà faits pour la construction, on avoit fait bien des loteries et l’on avoit recu quelques aumônes auxquelles avoient été condamnés plusieurs usuriers (X). (antraipä), si on l’encom- bre. Dans les assemblées de la paroisse pour prendre les mesures convenables pour la construction, on prenoit quelquefois les murmures des contredisants pour des acclamations de consente- ment (X), — 193 — Voite vou, main trou yraittà queu 860 Et quéquefois trou palà neu. Voiqui in pilie qu'ot, perréze, Veu coum in gouné de celèze (* (gouné). Vide comme un Se : : noyeau de cerise... L'exa- Que n'aire point de mioulot: gération est manifeste, le : , . > 2 vide est pratiqué dans un Main ot tu souelide? Oh s y lot, rar de cépartion dés Ch 865 Demandä l'in poue ai Nicoüele, pelles; l'ouverture est au- È jourd'hui cachée par un Et vou n'airi pà poue qu'y crouele; confessional. - Deu qu y di ne choueze, on lai cret; Dèsqu'il ditune chose,on Quan ce pilie veu dan n'andret AE | Sere pu mince, que ne coufle 870 de raisin regonflà de soufle S y dizà, y se taret bin, Là gens aibayis lou crairin; Eee ttde si belle chotese, Il a déjà fait.….., Que su son dire on se repoüese. 8 L'ot prou joueli ce pete coëu Le chœur de Sainte-Ma- leine, très élégant du reste, In poue pu large y sere meu. est en effet plus étroit que Coum'y boutà vingt ché niche ? A Ur (On fà lou foüot sinon là miche) Main s’on y ot in poue ai l’aitret, 880 Oh foit! on n y airet pà si fret; Pourquoi pouëthan, dis me Nicoüele, Ottu sicoüot?.. main qu'y seu droûüele! Estil si court? C’ot ne faute d'impression De ne premére édition, 885 Dan n autre on peu lai corrigie, Y fauret, Nicoüele, y songie : Main qu'y craignet, ouvrie sçaivan, (a) Ce pilier comparé à un noyau de cerise, qui n’auroit que le bois, a été comme vuidé dans le bas pour y pratiquer un escalier qui ne sert qu’à descendre les morts qu’on inhume dans les souterrains. — 434 — Qu'aivan cequi la pie devan Tai téte si pleine ne chéze 890 Pa ton gouné veu de celéze : Qué doumaige! l’ai tan d’aispri, Qu'y ne derre jaimà meri. (derre) Qu'il ne devrait Guy à maimie! (*) lai belle couloune, Ceté que sont ai Saint Antoune, 895 Que sanblerin t'elle devan ? Ce que çà guille qu'an juan Là gachenot tâchan d’aibaitre, Pourrin sanblà, pourrin paraitre Vé çà bautenot fringoulà, (bautenot fringoulà), bâ- 900 Que paran lou breçot dourà SE a A Di jüene Ducque de Bourgougne, Que teilleret de lai besougne, Main qu y set gran, à z'ennemis De lai France & dà fleu de lis: 905 Jaimà de peureuse vouläille Ne se trouvéne à ni dà z'äille. (à ni dâ z’âille), aux nids Qu'os qu'on veufârean contr'aimon ? 1° ## C'ot n'autre toüot devé Chormon, Ne toüot ai lai mien tou pareille ; 910 Seret t'elle coum in bareille Aigrali (°) ne maichante annä, Toujou veu, si poue anvinnä, Qu'on n y peu jaimà ran tossie ? Que boutret t'on dans ce técie, 915 Ÿ veu dire, dans l’autre toüot ? Cetie que causet mon aimoüot ; Etait-ce parce que la se- . . . conde tour devait s'élever Cetie que cause mai tristesse, duacote dela en ELEC IE juste en face la maison de Bizot, lequel s’identifie avec Jacquemard. Qu'aivancisset tant mai véillesse (a) Exclamation d’admiration. | (b) (Bareille aigrali) baril, qui fait eau parce qu’il est desseiché. PET se Et que fere deveni gris 920 Dans n'an mà pois si raijeunis; Voué, voué, qu’on y boutte mai fanne, Qu’y dremeusse, quant y à sanne; N'y airet pà tant de carillon, Le seret loin de mai moëzon 925 De lai largeu di frontispice. (Ce mou n'ot pas moilleu, qu'auspice L’y airet chüe nou pà jou & neu, Et mon reloüege an iret meu. S'y songet ai sai molaidie, 930 Ÿ an à poüethan quéque pidie ; Et coum y l’a je di devan, Lai pouere diälosse ot gessan. Jaimà lou sciançou Nicoüele De fàre di bé ne se soüele : 935 (*) Tou coum'on voëre n’aichaimé (?) Se teni tou dret san paissé ; (°) Su lai gran poëthe ou voëret pandre Ne tribune an l’air, sans se fandre, Et peu se boussà an devan, 940 Tou coum au bou d’in demé an Lou devantie de ne gachotte, Qu'in gachon ai randu bin sotte : Té tribune san tintebin Seret belle se le se tin. 945 Qu'on feze là vouete de piere De tufle blanchie & loigiere, (2) La Tribune sur la grande porte sera en arcs pendants & bombés en saillie. (b) (Aïchaimé) quantité de ceps de vigne attachés au même treillis qui est appuyé sur des échalas. (c) (Paissé) échalas. Dans un an mes poils... Que je puisse dormir quand j'ai sommeil. Elle sera loin... Joli retour sur la discus- sion qui a précédé. Je l'aurais chez nous jour et nuit. ainsi mon horloge en ira mieux. Et cemme je l'ai dit ci- devant. (aichaimé, échameys). Très appropriée aux goûts et à l'éducation de la population du quartier, cette descrip- tion exprime supérieure- ment l'admiration publique a l'endroit du tour de force de l’architecte . élève de Blon- del. Voir une description des échamés de Besancon : Me moires de l’Académie de Be- sançon, 1899, p. 69, — 436 — San rejannà (*) lou gran Saint Jean (?) Peu que lou mabre ot trou pesan. C’ot prou, cet montan au clechie, 950 y me targe d être annarchie. (°) L’aiscalie ot tu ai piot (‘) Tou t'an l'air d'in bou? voué l’y ot. L'y manque iquy n aicri de cuivre bin crampounà pou fûâre ai vivre 955 Aipré lieu moë, tant que se peu, Ceu qui qu airan fà de Heu meu Pou fâre ai bâtie ce Moutie. Pu hau raitraissi l’aiscalie Et s'an vet tout virin virot, 960 Coume l’outeau de n'escargot (e) Salut, lai Groüsse & Saint Vanie, Quant on voit dà z’ailude (f) au Cie Que sçûte si bin aibouà Loin de nou là peute nu, 965 Et deu qu’on voit dessu ne ruë Ne flâme ou bin lai moinre aiplué, vite aipelà Royal Soillot. Salut, Dindin & Daimangeot Que sounà Vépre, Tierce & Loüede ; 970 Vouete Vaulot, Daime Prevoede (2) (Rejannä) contrefaire. (b) (Lou gran Saint Jean) l'Eglise Cathé- drale, ou la Chapelle du Saint Suaire est en- tièrement de marbre feint. (c) (Annarchie) mis en place. (d) (Ai piot) se dît dans le sens propre d’une personne qui se tient debout sur un seul pied. (e) Jaquemard salue les cloches en les ap- pelant par leurs noms, & désignant leurs prin- cipales fonctions. (f) (Aïlude) éclair. : Ceux qu'auront fait de leur mieux. Noms dés cloches : La Grosse et Saint-Vernier. (aibouäâ), détourner. (nuâ),les mauvaises nuées (aipluë), étinceile; éblouir (chanoine Dartois).— On ap- pelait Royal Soillot le corps des soldats bourgeois desti- nés à apporter les seaux dans les incendies (X). Royale Artillerie (corps d'artillerie du temps). (Aïlude),. éclair, elucere (chanoïne Dartois), Loan ne Que chaisse là Préte dà dret Et fà banquetà là z’hàret Bon vépre petete cliechotte Saint Nicoulas, Daime Huguenotte, 975 Vou souneri : main dà pu Te Que nc ue mais des plus fort * = pour les pauvres qui seront pou là poüere que seran mau. A ote Quoy don ! ossou cy mai lantâne ? Lamoy! ce n’ot que ne lucäne, Cet quan chau tu, boutan nou Z7'y, Ca, que m'en chaut-il..….. 980 faiquemâ n’y veu pà mezy. In joüot vin qu'y le feret voë Soixante & onze pie pu hoë; L'ot vrà, que pu y s hausseret, Pu pequignot y paraitret. 985 Ÿ ne faure pà jusqu'ai Roume OI pou trouvà de té houme. Le Jacquemard est beau- Ah ! te revoiqui mon poulot, Aie do ei Lou véille aimi dà Maëthelot; (*) Ton jüene fraire dan lou moüele 990 N'’ai tout au pu que lai pichoüele. (?) Enfin te voicy, bé pandu Timbre qu ot si bin antandu Deu que mai meilloüeche lou touche; Aipré tou y fau qu y m’aijouche 95 Su mon bé tobourot sounan Ah! m y voiqui, grace ai groûe Jean. (°) Timbale, aubois, tamboüot, trom- |pette, (a) (Maëthelot) martinets, sorte d’oiseaux . qui étoient en grand nombre autour du vieux clocher. . (b) (Pichoüele) la première plume qui croisse au poulet dans l’œuf. (c) Nom du Charpentier qui le mit en place. — 438 — Qu'on floüete, qu'on soune, qu'on [baitte, Que lou bru tounan di quennon 1000 Ainoüeblisse encoüot mon bé nom... Main pourquoi cy os qu on me boute? Oh! pour moi y n y voyet goute, Ai ne ran fre, on s antemi; (on s’antemi), on s’engour- Que ne seu ye in pete Coumi, at 1005 An aitandan que dan mai loüege On eusse boutà in reloüege, (reloüege), horloge. Petétre in Monsieu Turcaret Variante : ; Y faut que Monsieu Déringoin Dans son bureau m'emplayeret. RE A 2 nee [coin. Y set prou lai rustemetique, Ce M. Déringoin était direc- 1010 Qu y bouté toujou an praitique, teur des AQU e A Comptan la z'heure tou di lon ; | Et peu y airoue in cu de plon, Mi tolon pa la gran fraidure Ne risquerin point d'anjeolure, 1015 Et coume l’airive ai çà gens, Bin toüe mon fÀ devarre argent. Bientôt mon fer devien- D 6 " = drait argent. Main voicy ce que me fà poüe, | Petétre qu'y dairougeroüe Et mà z'offan ne pourrin pu, 1020 Coume Choloine être reçu Dan lou pu qu’insigne Chaipitre, Re. Que n'aitan pu ran que lai mitre. Le 29 août 1752, le cha- Y d : d piltre de Sainte-Madeleine vau donc meu an aitandan vénoit d'obtenir des lettres 2 AL A A patentes de noblesse qui Regaëdhà CEMUE là Se fan, furent confirmées malgré les 1025 Et quant y ne seran pas saige, opinions et remontrances RES SAT A du nonce (X). Là controüelà, ç’ot prou d ouvraige, Et mainme trou, se dans Baitan Dà boune âme ne me pretan Lieu razoi qu'an je tant durie 1030 San ne miote être aibrechignie. Sans ere éiÉChE RS miette. — 439 — Vou que m'éte aimenà pa chy, O mà Chevalie, granmachy On payeret pou récompance Ne moitan de voüete daipance; 1035 On payeret bin l’autre aitou : Main ç'ot que l’an coutere trou. Me voiquy soûüe de voüe fanfare, Vou n’éte mazeu ran ai fàre, Qu'ai vou z'an rollà chue Graipé (*) 1040 Pou vou z anpli jeusqu au jaëdhé. Voüete jüene ot aibrechignie (?) S'y not rompu l’ot tant playie, Qu’y ne pourre de ran sarvi; Autant vau donc vou z’aichevi ; 1045 Que moë yvre chaicun se couche, Vou jueneri demain Duemouche Ne té vigile de Noué Ne feret pà grondà voue boué ; Peu que là grillot daas lai téte 1050 Vou vou santiri de mai féte. OIlà soupà : ca lou chaudot Devé Saint Farjüe (°) ot tou prot Ai daitelà sai cairioüle, Y vet caichie lou feu qu'y roüele 1055 Pou voë clairie voue lampiron Su dà fenétre de Chormon. Main qu'os ce que ç'ot? seu ye ne buze ? (a) Les fenêtres de ce cabaret qui est à la rue de Charmont, furent illuminées de lampions le soir du jour triomphal de Jaquemard pen- _ dant le souper des gens de son cortège. _ (b} (Aïbrechignie) ébreché. (c) (Saint Farjüe) Saint-Farjeux, Village vers l’horison & au couchant d’hyver, par rapport à l'Eglise Sainte Magdelaine. Les officiers de l'hôtel de ville ne firent payer au ca- baret, où s'étoient régalés les jeunes gens qui avoient accompagné Jaquemard,que là moitié de leur dépense, Ne devoient-ils pas faire payer le tout ou rien? (X.) (jaëédhé), gosier. Noël était un lundi. (boué), boyeaux. = bb = C’ot in songe, y cret que m’aubuze, Nian. : “ce qui nai jaima ait, 1060 L’airiveret ; main in poue tà : mais un peu tard. Aivan ce qui (*) fau que laï lenne (lenne), lune. On retrouve . . aie ici Bizot constructeur de Quaitre vingt troe fois Se proumenne cadrans solaires. Jeusque ve son fraire lou Roi Dà z'aitoile ; qu’autant de foi 1065 Le lou quitte pou aiclairie Lai bouele ou nou seune lougie, Qu heu fois cetécie antremé Machure lai lenne au mezé ; Et qun de mi Bot pou lai gare L'autheur fait parler icy Jaquemard des bombes à fu- 1070 San z’ailude invante in tounûre, sées de feu caché que luy, ! led. s' autheur, inventa en Secret que paëdheret tou son pré bo cu Se Felipe lou trouve aipré ; en présence de M. de Val- à lière le 9 août 1782. Sous le nom de Philippe, on parle ae ne de M. Moniotte qui, après Devant que mon bé joüot ne vaingne, joue joue détrasa D ton Barbouill ue | 7 A. va enfin le même secret et FRAUE Ro loup PODPERIDENSS en fit l'épreuve la nuit du 1075 Ÿ fau, qu'on feze in rude aifron 23 du même mois d'août en 0 o résence de M. de Rostain Ai n Ampereu d’in gran renom, x). = (b) (Aivan ce qui, &c.) avant cela il faut que la Lune se renouvelle 83 fois & s’éclipse 8 fois. (Vers 1073). Le cortège de Jacquemard ne s'est-il pas arrêté, en traver- sant la place Saint-Pierre, devant la statue de Charles-Quint? Si fait, il y a eu même des discours, assez plats du reste, échangés entre les deux personnages, à ce que dit Grimont. Mais l’impresario-poète, très artiste en son genre, a voulu réserver pour le couronnement de son poème, le plus solide morceau. La donnée légère de son sujet étant acceptée, un très mince incident de la vie municipale a suffi pour lui fournir une belle occa- sion d'aiprinre, suivant son expression, in pouchignot sai voune (v. 601). On appréciera d'autant mieux s’il à réussi quand on connaitra, par le menu, d’après notre annotateur X, les faits qui ont donné lieu à la sortie virulente et hautement comique du versificateur Bousbot. « C'était, le même 23 août 1752, l’avant-veille de la Saint-Louis, la fête de Notre SIRE, le roy de France. » Le barbouilleur Blanchet, en présence al Tant que jeusqu’ai Francet premie, Si Viquà an aire pidie. (Si viquâ).… s’il vivait en ; : aurait eu pitié. Que sambleri vou, Chalequin, 1080 De târe mâne in peu mounin : De terre marne un peut 3 (laid) mounin. L'ot vrâ qu'on vou feret lai bârbe : Main d’aivouë quoi, Ô Sainte Barbe! Ne lanssouli de quoue de chet, (lanssoulâ), latin lancula, nd NA lorel prononcer lancoula ou lan- Que jaimäâ n Ampereu loichet, çoula, plateau de balance: 1085 Seret vouete pouere sarviotte, GEDAUL Pneu peus à ë plat de métal (plat à barbe), Ft lou sovon ? plein ne tenotte du mot latin lanx, bassin de ; A UNDER métal. De bin puante huile d’aispi, Et le savon? plein une Qu'on panret pou vous daicrampi. (a) nee: Ah! y voyet déjet l’aifàre 1090 Coume n’étan mazeu ai fâre. () O Pôrrenot, grand Caëdhinau, (Caëdhinau), cardinal. (a) (Daicrampi) dans le sens propre signifie ôter l’enduit d'un mur. (b) Antoine Perrenot de Granvelle, Cardinal, natif de Besançon, Ministre de Charles Quint, mourut à Madrid en 1586. & fut inhumé à Besançon dans l'Eglise des Carmes et dans sa Chapelle, à la voute de laquelle on voit encore pendre son chapeau d’un rouge terni. d'officiers de ville, était occupé à un ouvrage que X qualifie comme « la plus étrange bêtise dont on ait jamais oui parler. » Il s'agissait de faire la toilette de la fontaine de Charles-Quint, dont la coloration, naturellement florentinée, n'avait pas l’heur de plaire, en particulier au sieur Longin, contrôleur de la ville, « homme de grande connaissance, dit Grimont, et très expert en son métier, mais perpétuel toiseur, qui allait donner une preuve de son génie capricieux » en matière de goût. L’ouvrier d'office -enduisait donc « d’une belle couleur grise à l'huile le grand empereur. et son aigle, d’un noir parfait, également à l'huile. » Le nommé Léonard Jeanneney, dit Baumé, que nous connaissons (vers 432), passe par hasard sur la Place. Il ne peut se retenir d'exprimer son sentiment sur ce travail ridicule qu'approuvaient hautement les deux con- seillers D... et L...… originaires de Baune ou d'Arboiïs (v.1102). — « Laisse- 29 1095 1100 1105 1110 — 442 — Pou laimoüot de Duë, veni vau, … venez voir. Coume l’an goënà vouete Mitre, T'ou son coë n’ot pu que n’amplâtre, Bret, queusse, main, visaige, haibits, L’an tou baudrillie d’ongan sris. Tire vbeltre Blaue vous 7er, On ne chôbreille pâ té tête, Que lai moë n'an tire raison, Vou n’eète pà de Besançon, Y voyer bin, syrneseu bDoëne, (boëne), borgne. Que vou z’éte d’Arbois ou Baune : (Ancoüot ceux de Baune & d'Arbois N’an fine pà tan autrefois). N'en firent … L’an pris pou pôgrenà son âille () (aile). aigle. N'ongan pu na que lou craimälle; Un onguent plus noir que le cr'amail. Ne dire t'on pà qu'y lan pri Dedan re boüete de camboüi. Grand Caëdhinau, encoüot in coùe Veni là puni : main de poüe (a) Ce mot souvent se dit sans injurier, & ce n’est qu’en badinant qu’on doit le prendre ici vis-à-vis de gens, qui ne firent rien par malice. (b) (Pôgrenà) mal accommoier. nous et va-t-en chez toi! » lui dit M. D... — « C'est facile, riposte l’avisé vigneron, et pour ce faire Je ne quitterai pas la ville Vous m'’entendez, M. le Conseiller. » — La statue resta ainsi peinturlurée, les deux jours de fête des 24 et 25 août, la Saint-Louis, fête du Roï, exposée aux lazzis de tous les gens de bon sens; mais le surlendemain, avec force huie d’aspic Charles Quint fut frotté, raclé, lavé et torché pour le rétablir presque au même état qu'il avoit avant cette folie (X). Quelques jours avant on s'était essayé sur le dauphin et les deux génies de bronze de la Place Dauphine, œuvre de Herpin, achetée à Paris, il y avait douze ans, par l’Intendant de Vannole, au prix de 3000 fr. « Le corps du poisson était mis en brun, à l'huile, la gueule en rouge et les dents en blanc. Le tout est resté pour s'être entièrement sèché, avant que l’on songeàt à l’enlever (X) ». 443 D'in malheu pou vouete chaipé, coum’y ne sçan pà ce qu'ot bé ; Lassie lou dans vouete Chaipelle ; L'an coûot di gri dedan n'aiquielle, 1115 Et peu dan lou fond d’in poutot, Y° =#iserin ce bé colot. Main lssan qui son Eminance ; Voiqui que dan lai repentance Ÿ lou raclian, pannan, froutan, 1120 Tan frouteran, qu y lou rairan; Main qu'y n ollin ai lai chà vive, Olys'airatin don vé lairive; Ancoüot jaimà ne serett'u Si bé qu autrefois l’ot aivü : 125 C'ot dainquin que lou pourpiroüe (?) Lou pu souvan fà bin grandoüe (?) Ai lai manman d'in poupenot : Peuque jaimà si bé ynot; Deu quan mainme lai mollaidie 1130 Ne l'aire pà bin rezeillie (®) MAÎTRE ABRAM Qué randenà {l) main l’ot ai coy, balle, y det cliaussi (©) de soi, Jeüe, l’an ai di de toute soëthe, L ai maintenan lai gueule moëthe. JAQUEMARD. 1135 D aivoüe n'ongan lou tant froutà (2) (Pourpiroüe) petite vérole. (b) (Grandoüe) regret, (c) (Rezeillie) troué, gravé, en parlant des effets de la petite vérole. (d) (Randenä) longue suite de paroles, &c. (e) (Cliaussi de soi) mourir de soif. Les chapeaux rouges des cardinaux sont suspendus quelquefois aux voûtes des églises. Mais qu'ils n'aillent pas jusqu’a la chair vive. (moëthe), morte. — 44 — Diran là gens, s’ot tu boutà In pouchot trou pré de ne goüine ; Tant pe, ne mourseure de foñime, N'ai ran, que set si andaignou, () 1140 Que ne grive de guilledou. Ouya stnne! MAÎTRE ABRAM. Npalé de suinehe, dé srive ne vau pà ne chinche. JAQUEMARD. Quan lai brousse couloureret Su bronze un Daun, dou hafer: 1145 N'y airet mazeu ran ai lai guise Da 7ne que heu couleu rise Caïchie, o gens de BESANCON, Bronze, 06, areent, cuivre & louton, Mon piloüeri, voue toubaquére, 1150 Andie, Aione, 0) croix, Cliachelere, (0 Et vou, Pére Bénédictin, Pou l’aimoüot de Duë sarrà bin Lameédale & la pèce antique; Tranblâ, que lieu gri de bourique, 1155 Que n'aipargne ran de curiou, Ne raivoüillene ({) su tretou. MAÎTRE ABRAM. Quan airet tu prou daigoizie ? Bailsune cime pense coizie (a) (Andaïgnou) envenimé. (b) (Aïgné) bagues. (c) (Cliachelére) sorte de crochet à pendre des clefs aux côtés d’une femme. (d) (Ne raivoüillene) ne se répande en re- gorgeant. Que j'ai sommeil ! (chinche), pie. Deux fragments impor- tants de cette décoration de bronze de la place Dauphine ont été retrouvés récem- ment dans un local munici- pal et ont été déposés au - Musée d'archéologie, après un nettoyaze complet. (louton), laiton. (piloüeri). Le bronze artis- tique de la fontaine de ce nom. Les médailles et les piè- ces antiques de la collec- tion des Bénédictins de Saint- Vincent. J1 a sommeil et ne peut se taire! ne JAQUEMARD. Poëthe noire airet di bouneu 1160 S’y ne l’y flanquan ne couleu, Ran di tou n'ansaret lou mire. MAÎTRE ABRAM. Ai qu don fà tu tant lai gâre ? JAQUEMARD. Ÿ fauret là mettre en prison : Main noue Méssieu (*) seran trou bon. MAÎTRE ABRAM. 1165 Deu lontemps.son cœûe se daigonfle, Y bâillà tout ai st heure, y ronfle, Lou voiqui que doë maintenant Étnersavoillere de n’an : Tant y l’antandet qu'y ranquoille ; 1170 Ÿ faut d’aipré tou qu'y l’aivoille, Awcelle in de ly soità Bonsoi, devan que lou quittà ; L’ot vrà qu'y me samblà bin foûe, prèqu'anraigie : main ce repoüe, 175 Laivou tou pou in coue l'ot chu, Me fà craire, qu'y ne lot pu; Haizaëdhan, s’y n’ot pà pu saige Ÿ lou lâsserà dans sai caige Ébumam era : . oh! -JAIOUEMA?... 1180 Ÿ ne s’aivoilleret jaimà, Se fau t’u pouëthan qu'y man olle, On dire qu'y souffle là molle, Son van fere ollà in melin, (a) Ici il fait un soupir, prononce à demi le reste du vers et s'endort. L’arc antique de Porte- Noire. Les officiers de l'hôtel de ville, pour faire penser à M. l'Intendant qu'ils n’avoient pris aucune part à la mise en couleur de la statue, firent venir en sa présence le s' Longin, qui, devant une nombreuse compagnie, voulut bien avouer estre le seul à qui l’on devoit s’en prendre et à essuyer une réprimande à ce sujet, mais on dit qu’on luy avoit donné 25 louis pour l’enga- cer à cette humiliante com- plaisance (X). Et ne s'éveillerait d'un an taut je l’entends ronfier. Mais ce repos dans lequel (laivoue pour là où) il a chu tout pour un coup, me fait croire qu'il n’est plus fou. (Haizaëdhan), hasardons. (molle), moles mali, grand mal. Son souffle ferait marcher un moulin. — 416 — Tout in jue d'ouegre anire bin, Tout un jeu d'orgue en 1185 Y doë pu foë que ne marmotte, Fe . Dan sai main fezan lai raitotte, Et vé là roin gotoillan lou; (?) Main nian, y n'ot ran gotoillou ; Tirvougnan lou C) pa sai metainne 1590 Qu'y sçet bin, que n’ot pà de lainne V1 pron sant : oh! larme JAQUEMARD. Que ne me lässin vou dremi, Mon bé de Duë ! là belle aifâre, Ou on eret pour moi) nunsutire personne sur la Lerre. 1195 Ne seret jaimà hounourà, N'aistinmà tant qu'y lou seri; Se vou sçaivin deu peu Granvelle, Coum’'y marcherà dan lai Velle... MAÎTRE ABRAM. Y N’aivaulet pà dâ poi He Locution proverbiale. 1200 C’ot ne bouëdhe di moi d'Aivri (bouëdhe), bourde. Que vou veute cy me beillie. JAQUEMARD. Nian, le seran toute aicomplie Là choueze qu'y vou z'à prédi. MAÎTRE ABRAM. Lai semaine dà troë Juedi. JAQUEMARD. 1205 Nian, tétebue ! on peu s’y aitandre, (2) (Gotoillan lou) Chatouillons-le. (b) (Tirvougnan lou) tiraillons-le. — AAT — MAÎTRE ABRAM. N'ou z'an don bin dà grâce ai randre Ai lai Daime di Dâniet, Vou lai nommi dainquin, (dainquin). C'est ainsi que vous l’appelez (v. 793). JAQUEMARD. L'Eglise Ne sere san lie antreprise; 1210 Main nou n'an seran pà ingret, In bé sége on l'y pouseret (*) TFou bé au quechot de lai chére, MAÎTRE ABRAM. Nenni, nenni, le pourre chére. lai, la pauvre chère dame. JAQUEMARD. Que ne peut-elle subsistà 1215 T'ant de temps qu'in Sindic soità, MAÎTRE ABRAM. Duë au moins ly feze lai grâce De vivre tan que l’an set lâsse, Et que quand le s’an soueleret, @te de pa lie le s’an iret, Que de par elle (de son D euille vice lai plaicie bon vouloir) elle s’en irait. Dans lou pu bel andret di Cie ; C’ot de quoi chaicun lou prieret, Et feret prie pa sà z’hâret. Et fera prier par ses pe- tits-enfants. JAQUEMARD. Prie Due poulie! vou veute rire, 1225 Sans vous beillie lou temps de dire Prier Dieu pour elle! _ (à) Un Syndic dans un Mémoire avoit dit qu’il falloit poser le banc de la Bienfaictrice dans la partie supérieure de la chaire, & que les Syndics nommés subsistassent à perpétuité. — À48 — Lai moitan d'in De profundis. Y let boutret an Pairaïdis ; Tant l’airet couëthe d'y jouchie (*) (couëthe), hâte ou soin. Cetie que l’airet aivrechie (?) 1230 Dessu lai târe MAÎTRE ABRAM. Eh ! voireman C’ot lougeman pou lougeman. JAQUEMAR D. ABRAN, Çan ot prou, prante gaëdhe Que pu tà ve là coëdegaëdhe Que plus tard vers les ; corps de garde. San feu ne passe pas qu veu. MAÎTRE ABRAM. 1235 Aidüe don, bonsoi. JAQUEMARD. Boune neu. (a) (D’y jouchie) d’y placer bien haut. (b) (Aivrechie) mis à couvert. FIN. Permis d'imprimer. À Dole ce 13. Février MOIS SE NELATON. DONS FAITS À LA SOCIÉTÉ (4900-1904) PART DEPBARTEMENT'DU: DOUBS 42 AN it. Ju Ja 300 f. PAM EEE DE BESANCON... 4280 cree see us 600 f. Par M. le MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE : Comité des Sociétés savantes : Bulletin archéologique, 1900, 2; 1901, 1. — Histoire el philologie, sciences économiques et s0- ciales, 1901; — Travaux scientifiques, 1901. Bibliothèque de l’Ecole des Chartes, t. LXI, 1900, et LXII, 1901. Annales du Musée Guimet, t IX, 1901. — Revue de l'Histoire des religions, t. XLIII, 1-2, 1901. Journal de l’Ecole polytechnique, 5e et 6° cah., 2e série. Catalogue général des manuscrits des bibliothèques de France : Avignon, 2e vol. Par MM. EDOUARD GASCON, membre correspondant, sa brochure : En tramway de Dijon à Fontaine-Française et à Ghamplitte. Chanoine SUCHET, membre résidant, sa brochuresur la Cathé- drale de Saint-Jean pendant la Révolution (1790-1800), et celle sur les Chatelnies de Vuillafans. LE PRÉFET DU DOUBS : Inventaire sommaire des Archives dé- partementales antérieures à 1790, rédigé par M. Jules GAU- THIER, archiviste : Archives ecclésiastiques, série G, 1-1039, Lol LE PRÉFET DE LA HAUTE-SAONE : Inventaire sommaire des Ar- chives départementales antérieures à 1790, série G, H, t. V. LE RECTEUR DE L'ACADÉMIE: Rentrée solennelle des Facultés, Université de Besançon, 8 novembre 1900. PHILIPPE BERGER, membre honoraire de la Société : son mé- moire sur La Grande inscription dédicatoire du temple d’Ha- thor-Miskar à Matkar. — 450 — Docteur E. LEDOUx, membre résidant : sa note intitulée : Le lieutenant Bonaparte à Besançon en 1791 Chanoine ROSSIGNOT, curé de Sainte-Madeleine : un exemplaire de l’Autobiographie de Joseph-Marcelin Boillot, ancien curé de cette paroisse, 2 volumes, et Mélanges sur quelques ques- tions agitées de mon temps, par le même auteur, { volume. ERNEST CHANTRE : l’Homme quaternaire dans le bassin du Rhône. — A5 — ENVOIS DES SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES (1900-1904) Bulletin du Comité ornithologique international (Ornis), t. IX, 1900-1901. Bulletin et Mémoires (1898) de la Société des Antiquaires de France, 1898-1899. — Mettensia (fondation A. Prost), 3-4, 1900-1901. Revue des Études grecques, t. XIII, 1900, t. XIV, no 56, 1901. Bulletin de la Société de botanique de France, 3 série, t. IV, 1041809! Journal des Sävants, année 1900, 1er trim. 1901. Association française pour l’avancement des Sciences, 29e session à Paris, 1900. Revue épigraphique (M. Espérandieu, à Saint-Maixent), 1900; 1901, 1er trim. Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Comptes rendus, 1900, et janv.-avril 1901 Bulletin de la Société d'anthropologie de Paris, 1900; — Tables générales, 1860-1899; — 5e série, t. I, 1900; 1901, 1. Bulletin de la Société de botanique de France, 1900 ; — Table, 1854-1893. Revue des Etudes historiques, 66° année, 1900. Mémoires et Bulletin de la Société d'anthropologie de Paris, t. [, 1900. 3-4. Séances de la Société française de physique, 1900, 3. Spelunca, 6e année, 1900. Sulletin de la Société philom. de Paris, 9% série, t. IT, 1900. Mém. et Bull. de la Société de l’Hist. de Paris, t. XX VIT, 1900. Mémoires de la Société zoologique de France, t. XIII, 1900 ; Bull., t. XXV. Bulletin de la Société Belfortaine d’Emulation, no 20, 1901. Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Besançon : Mé- moires et documents inédits pour servir à l’histoire de la Franche-Comté, t. IX, 1900. — À52 — Revue viticole de Franche-Comté, 1900 et 1° sem. 1901. Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts de la Haute- Saône, n° 31. Bulletin de la Société Grayloise d'Emulation, 1899-1900, 1201. Mémoires de la Société d'Emulalion de Montbéliard, t. XX VII et XX VIIL. Mémoires de la Société d'archéologie Lorraine, 2% semestre, t. XVIII, 1900. Mémoires de la Société Eduenne, t. XX VIIE, 1900. Société d'histoire naturelle d’Autun, 12e Bulletin, n° 2, 1899; 13° Bulletin, 1900. Revue scientifique du Bourbonnais, 1900, 1° trim. 1901. Société d'Emulation et des Beaux-Arts du Bourbonnais, 1900. Société d'histoire et d'archéologie de Beaune, 1898-1899. Bulletin de la Société d'histoire naturelle de Mâcon, 1900, 17. Bulletin de la Société des sciences naturelles de Saône-et-Loire, 19001: MIT 1424/4901: Journal des Naturalistes (Société d'histoire naturelle de Mâcon), 2e vol, n°03, 4901: Bulletin de la Société d'archéologie de l’Ain, 1900, 1901, 1 et 2. Annales de la Société d'Émulation de l'Ain, 1er trimestre 1901. Société philomathique Vosgienne, 26° année, 1900-1901. Bulletin des séances de la Société des Sciences de Nancy, 1900; janv.-fév. 1901. Bulletin de la Société des sciences naturelles de l'Yonne, 1899. Revue Bourguignonne de l’enseignement supérieur, t. X. 3-4; LP TOUT _ Bulletin de la Société historique de Langres, t. IV; Mémoires, in-40, n° 11, 1900. Bulletin d'histoire ecclésiastique du diocèse de Valence, ete., 1900. Bulletin de la Société des sciences de l’ Yonne, 4e série, t: IV, 1900. | Mémoires de l’Académie de Dijon, 1899-1900. Mémoires de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Sa- voie, 4e série, t. VIII, 1900. Mémoires de la Société des sciences naturelles et mathématiques de Cherbourg, t. XXXI, 1900. Bulletin de la Société polymathique du Morbihan, 1898-1899. — 453 — Société des antiquaires de Picardie, bulletin 1899 et 1900. — La Picardie historique et monumentale (fondation Soyez), n° 6. de l’Album, t. I: arrondissement d'Amiens, 1893-1899. Mémoires de l’Académie nationale de Caen, 1900. Société académique de Brest, 2 série, t. XXV, 1900. Société d'Emulation de Roubaix, 3e série, t. IV, 1898-1899. Revue de Saintonge et d'Aunis, t. XXI, 1901. Builetin de la Commission des antiquités de la Seine-[nférieure, ba DOUÉ Bulletin de la Société libre d'Emulation, du commerce et de l’industrie de la Seine-lnférieure, à Rouen, 1899-1900. Précis analytique des travaux de l’Académie des belles-lettres et arts de Rouen, 1899-1900. Congrès archéologique de France, LXVe session à Bourges en 1898. 1 Revue historique et archéologique du Maine, t. 47, 1900 Bulletin de la Société historique et archéologique de l’Orléanais, te XI 1900: Bulletin de la Société des sciences naturelles de l’Ouest de la Prancetux 1900: Bulletin de la Société d’agr. de la Sarthe, 1900, t. XXX ; 1901, 1. Revue de Saintonge et d’Aunis, 21e vol., 1901, n° 2. Mémoires de la Société acadèm. de Saint-Quentin, t. XIII, 1898. Bulletin de la Société archéologique du Vendômois, t. XXXIX, 1900. Bulletin de la Société Dunoise, 1900-1901, no 125-127 Annales de la Société historique et archéologique de GChäteau- Thierry, 1899. Revue de l’histoire de Versailles et de Seine-et-Oise, 1899 et 1900. Société agricole et industrielle d'Angers, 1899. Bulletin de la Société historique et archéologique du Limousin, tBXEX, 2, 1901. Revue savoisienne, 1900 et 1er trimestre 1901. Mémoires et documents de la Société savoisienne d’histoire et . d'archéologie, t. XXXIX, 2t sériet. XIV, 1900. Mémoires de La Société des sciences physiques et naturelles de Bordeaux, 5e série, t. V, 3; — Commission météorologique, 1899-1900. — 454 — Actes de la Société linnéenne de Bordeaux, 6e série, t. V, 1900. Catalogue de la bibliothèque de la Société, fase. IT. Société archéologique de Bordeaux, t. XXII, 1897. Répertoire de la Société de statistique de Murseille, 1899-1900. Mémoires de l’Académie de Marseille, 1899-1901. La Diana (Montbrison), t. XI, 1900-1901. Société des lettres, sciences et arts de l’Aveyron, procès-verbaux, t. XVIII, 1900 ; — Essai de la Flore du Sud-Ouest de la France, 2e partie, 1900. Bulletin de la Société archéologique du midi de la France, 2e sé- rie in-8°, n° 27, 1901. Bulletin de la Société dauphinoise d’'ethnographie et d’anthropo- logie, t. VIT, 1, 1901. Société d’études des Hautes-Alpes, t. IV, 1900, 1er trim. 4901. Bulletin archéologique du Midi de la France, 1900. Bulletin de la Société archéologique de Montpellier, 2e série, t. XII, 2. — Cartulaire des abbayes d’Aniane et de Gellone, 1900. — Mémoires, t. IIL, n° 2, t. IV, no 1, 1900. Annales de l'Université de Lyon, nouvelle série, t. IT, droit et lettres, fasc. 4-6; se. médie., t. [., fase. 4, 1900-1901: Annales de la Société d'agriculture de Saint-Etienne, 1900-1901. Bulletin de la Socièté de statistique du département de l'Isère, te IN MIQIEUUE Bulletin de la Société d’études des sciences naturelles de Béziers, 1899. Revue africaine, n° 237-239, 1900. Société géologique de Belgique, Bull., t. XXVI-XX VIT, 1900 1901. Académie royale d'archéologie de Belgique, Anvers, 5° série, t. II, n° 4, t. LIL, 1. Bull., IX ; 1901 ; — Annales, 5e Série, t. II, 2. AO Annales de la Société d'archéologie de Bruxelles, t. XIV, 2, 1900, annuaire, 4901. Annalecto bollendiana, t. XIX, 1900, t. XX, 1, 1901. Société littéraire de Manchester (mem. et proceedings), 1900- 1901. Schweizerisches Landesmuseum in Zurich, Jañresberichte, 1898- 1900. Indicateur des antiquités suisses (Anzeiger), 1900, 2-4; 1901. — À55 — Antiquaires de Zurich. B. XXV, H. 2, 1901. Société vaudoise des sciences naturelles, n° 138-139, 1900 et 1901. Société neuchäteloise des sciences naturelles, Bull. 1897-1898 ; — Tables, 1832-1897. Société des sciences naturelles de Zurich(Viertelsjahrschrift), 1900. Société des sciences naturelles de Bâûle : L. Ruttimeyer, 2 vol., 1901. Berichte der nalurfordschenden gesellschaft in Freiburg in B., 1901. Acadèmie royale de géologie de l'Empire d'Autriche, 6-16, 1900; 1-8, 1901. Académie des sciences de Munich (Sitzungsberichte), philo. 1900; mathém., n° II. — [nhaltsverzeichniss, 1886-1899. Société physico-économique de Kænigsberg (Schriften), 1900. Société des sciences naturelles de Brême (abhandenlungen, t. XVE, 1900. Académie des sciences de Berlin (Sitzungsberichte), XXXIX- LIIT, 1900; I-XIT, 1901. Société botanique de la province de Brandebourg (verhandlun- sen), 1900). Académie royale des sciences de Stockholm : Bihang (Mémoires), PANNE Ofversiet (bulletin 1: LMVIE, 1900. Direction des services géologiques du Portugal : monographie sur le système crétacé du Portugal, par M. Paul Choffat, I. Société littéraire et philosophique de Manchester, 1900-1901. Mémoires de la Société d'histoire naturelle de Boston, proced, t. V, 6-7; t. XXIX, 10-14. — Occasionals papers, t. IV, 1900. Académie de Saint-Louis (Transactions), t. VIIT et IX, 1899-1900. Annales du Musée national de Montevideo, t. Il, 14 et 15. Annual report of the Smittsonian Institution, 1898. Bull. of the geoyraghical Society of Philadelphia, t. XIV, 1-2, 1901. Memorie della reggia Accademia di scienze ed arti in Modena, 3e série, t. II, 1900. United states Geological Survey, 20e rapport, 1898-99, t. IT-VIT; — Monographs, XXXIX-XL:; — Bull., 163-1706. Société d'Histoire naturelle du Doubs : Notes et Bulletins de la commission météorologique, 1901. — 456 — Bulletin de la Société historique de Compiègne, t. IX, 1899. — Excursions archéologiques (1875-1900). — Fouilles archéolo- oiques sur la forèt de Compiègne. Bulletin et Mémoires de la Société archéologique et historique de la Charente, 6° série, 1900. 7 ER MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ Au 1° juillet 1901. Le millésime placé en regard du nom de chaque membre indique l’année de sa réception dans la Société. Les membres de la Société qui ont racheté leurs cotisations annuelles sont désignés par un astérisque (*) placé devant leur nom, conformément à l’article 21 du règlement. Conseil d'administration pour 1900. DRéSidenti ul nier, MM. Alfred VAISSIER ; Premier Vice-Président.. Charles BONNET; Deuxième Vice-Président. NARGAUD (le docteur); Secrétaire décennal...... MEYNIER (le docteur); HNiÉSoneR NE 7. en FAUQUIGNON ; Vice-Trésorier........... POETE ; Achivistesivius: Lois : KIRCHNER et MALDINEY. Secrétaire honoraire..... M. Bavoux (Vital). Membres honoraires (23). MM. LE CÉNÉRAL commandant le 7e corps d'armée (M. le général DESSIRIER). LE PREMIER PRÉSIDENT de la Cour d'appel de Besançon, (M. GOUGEON). L’'ARCHEVÈQUE DE BESANCON (S. G. Mgr PETIT). Le PRÉFET du département du Doubs (M. ROGER). LE GOUVERNEUR de la place de Besançon (M. le colonel CORBIN). | 30 — 458 — MM. LE RECTEUR de l’Académie de Besançon (M. LARONZE). LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la Cour d'appel de Besançon (M. MOLINES). LE MAIRE de la ville de Besançon (M. GoNDY). L'INSPECTEUR d’Académie à Besançon (M. Guyon), rue Mon- _cey, 4. BLANCHARD, Em., membre de l’Institut (Académie des sciences), professeur au Muséum d'histoire naturelle; Paris. — 1867. DELISLE, Léopold, membre de l’Institut (Académie des inscrip- tions et belles-lettres), administrateur général de la Biblio- thèque nationale. — 1881. GRENIER, Edouard, lauréat de l’Académie française, ancien se- crétaire d’ambassade ; Paris, boulevard Saint-Germain, 174, et Baume-les-Dames (Doubs). — 1870. WEiL, Henri, membre de l’Institut (Académie des inscriptions et belles-lettres), doyen honoraire de la Faculté des lettres de Besançon; Paris, rue Adolphe Yvon, 16. — 1890. * DurouRr, Marc, docteur en médecine, (élu membre honoraire de la Société en 1896), à Lausanne, rue du Midi. — 1886. PETIT, Jean, statuaire, rue Denfert-Rochereau, 89, Paris (élu membre honoraire de la Société en 1896). — 1866. ROBERT, Ulysse, inspecteur général des bibliothèques et des archives, 30, avenue Quihou, à Saint-Mandé (Seine). — 1896. SiRE, Georges. correspondant de l’Institut, essayeur de la Ga- rantie (élu membre honoraire de la Société en 1896), Besan- con, rue de la Mouillère, aux Chaprais. — 1847. * PINGAUD, Léonce, correspondant de l’Institut, prof. d’hist. moderne à la Faculté des lettres de Besançon (élu membre honoraire de la Société en 1896), rue Saint-Vincent, 17. — 1874. CHOFFAT, Paul, attaché à la direction des services géologiques du Portugal; à Bordeaux et à Lisbonne, rua do Arco a Jesus, 113. — 1869. METZINGER (le général), commandant le 15° corps d'armée, à Marseille. — 1899. | ROLLAND, Henri-Marius, capitaine de vaisseau, ancien général de division du cadre auxiliaire en 1870-71, en retraite à Mar- seille, rue des Dominicaines, 39. — 1899. — 159 — MM. BERGER, Philippe, membre de l’Institut (Académie des inscrip- tions et belles-lettres), prof. au collège de France. — 1899. BERTRAND, Marcel, membre de l’Académie des sciences, inspec- teur général des mines. — 1899, Membres résidants (1) (136). AUBERT, Louis, ancien maître tailleur au 5e d'artillerie, Grande- Rue, 121. — 1896. BADER, bijoutier, rue des Granges, 21. — 1870. BAIGUE (le docteur), professeur suppléant à l’école de méde- cine, rue Morand, 5. — 1897. BAUDIN, Léon, docteur en médecine, directeur du bureau d’Hy- giène de Besançon, Grande-Rue, 86 bis. — 1885. * Bavoux, Vital, receveur principal des douanes en retraite ; Fontaine-Ecu, banlieue de Besançon. — 1853. BEAUQUIER, Charles, archiviste-paléographe, député du Doubs; Montjoux, banlieue de Besançon. — 1879. DE BEAUSÉJOUR, Gaston, ancien capitaine d’artillerie, place Saint-Jean, 6 — 1897. BÉJANIN, Léon, propriétaire, Grande-Rue, 39. — 1885. * BERDELLÉ, ancien garde général des forêts, Grande-Rue, 112. — 1880. * BESSON (Paul), lieutenant-colonel au 40e d'artillerie, à Verdun (Meuse). -- 1894. BONAME, Alfred, photographe, rue de la Préfecture, 10. — 1874. BLONDEAU, substitut du Procureur de la République, à Besan- çon. — 1895. BONNET, Charles, pharmacien, ancien conseiller municipal, Grande-Rue, 35. — 1832. BosQ, notaire à Besançon, Grande-Rue, 70. — 1899. Bossy, Léon, fabricant d’horlogerie, rue de Lorraine, 9. — 1896. (1) Dans cette catégorie figurent plusieurs membres dont le domicile habituel est hors de Besançon, mais qui ont demandé le titre de résidant afin de payer le maximum de la cotisation et de contribuer ainsi d'une manière plus large aux travaux de la Société. — À60 "— MM. * BoUSSEY, prof. agrégé d'histoire au Lycée, secrétaire perpé- tuel de l’Académie de Besançon, Grande-Rue, 116. — 1883. BOUTTERIN, François-Marcel, architecte, professeur à l’Ecole municipale des Beaux-Arts, rue Saint-Antoine, 4. — 1874. BOuvARD, Louis, avocat, ancien bâtonnier de l’ordre, ancien conseiller municipal, rue Morand, 16. — 1868. BoyssonN D'ÉCOLE, Alfred, rue de la Préfecture, 24, — 1891. BRETENET, chef d’escadron d'artillerie, rue St-Pierre, 15.— 1885. BRETILLOT, Maurice, banquier, membre de la Chambre de com- merice, rue Charles Nodier 9 "1857 BRETILLOT, Paul, propriétaire, rue de la Préfecture, 21. — 1857. BRUCHON (le docteur), professeur honoraire à l'Ecole de méde- cine, médecin des hospices, Grande-Rue, 84. — 1860. BRUCHON, Henri (le docteur), professeur suppléant à l'Ecole de médecine, Grande-Rue, 117. — 1895. BURLET (l'abbé), chanoine-archiprêtre, curé de Saint-Jean. — 1881. CÉNAY, pharmacien, avenue Carnot, 26. — 1897. CHAPOY, Léon (le docteur), ancien directeur de l'Ecole de mé- decine; Grande-Rue, 111875: DE CHARDONNET (le comte), ancien élève de l’Ecole polytech- nique, à Besançon, rue du Perron, 20, et à Paris, rue Cam- bon, 43. — 1856. CHARLET, Alcide, avocat, rue des Granges, 74. — 1872. CHIPON, Maurice, avocat, ancien magistrat, rue de la Préfec- ture, 25 = 41878 * CHOTARD, Henri, doyen honoraire de la Faculté des lettres de Clermont-Ferrand, rue de Vaugirard, 61, à Paris. — 1866. CLERC, Edouard-Léon, représentant de commerce, rue du Chas- not, 12. — 1897. ; COILLOT, pharmacien, rue Battant, 2, et quai de Strasbourg, 1. — 1884. COLSENET, Edmond, professeur de philosophie et doyen de la Faculté des lettres, ancien conseiller municipal, rue Gran- velle, 4. — 1882. CORDIER, Palmyr, agent principal d'assurances, conseiller mu- nicipal, rue des Granges, 37. — 1885. | — 461 — MM. CORNET, Joseph, docteur en médecine, aux Chaprais, rue des Chaprais, 5. — 1887. Cosson, Maurice, ancien trésorier-payeur général du Doubs, rue du Chateur, 20. — 1886. COULON, Henri, avocat, ancien bâtonnier de l’ordre, rue de la Lue, 7. — 1856. COURGEY, avoué, rue des Granges, 16. — 1873. CoOURTOT, Théodule, commis-gretfier à la Cour d'appel; à la Croix-d’Arènes (banlieue). — 1866. DELACROIX, Emile, essayeur au bureau de la Garantie de Be- sançon, place de l’Etat-major, 18.— (1877)-1895. DieTricH, Bernard, ancien négociant, Grande-Rue, 71 et Beau- regard (banlieue). — 1859. DIETRICH (le docteur), rue Saint-Pierre, 20. — 1892. Dopivers, Joseph, imprimeur, Grande-Rue, 87. — 1875. * DrEyrus, Victor-Marcel, docteur en médecine, rue de la Mouillère (aux Chaprais). — 1889. DROUHARD, Paul, conservateur des hypothèques en retraite, rue Saint-Vincent, 18. — 1879. DROUHARD (l'abbé), chanoine, rue Saint-Jean. — 1883. DRroz, Edouard, professeur à la Faculté des lettres, rue Mon- cevy, 7. — 1877. DUBOURG, Paul, ancien président de la Chambre de commerce, ancien membre du Conseil général du Doubs, rue Charles Nodier, 28. — 1891. Evpoux, Henri-Ernest, administrateur des magasins du Bon- . Marché, Grande-Rue, 73. — 1899 ErHis, Edmond, propriétaire, Grande-Rue, 91. — 1860. FAUQUIGNON, Charles, ancien receveur des postes et télé- oraphes, rue des Chaprais, 5. — 1885. FOURNIER, professeur de géologie à l’Université de Besançon. — 1899. FLUSIN, Georges, agent d'assurances, Grande-Rue, 23. — 1898. FRANCEY, Edmond, avocat, membre du Conseil général du Doubs, ancien adjoint au maire, rue Moncey, 1. —— 1884. GAUDERON (le docteur), Eugène, professeur de clinique à l'Ecole de médecine, Grande-Rue, 123. — 1886. — À62 — MM. * GAUTHIER, Jules, $%, archiviste du département du Doubs, membre non résidant du Comité des Travaux historiques et archéologiques et du Comité des Beaux-Arts, au Ministère de l’Instruction publique, rue Charles-Nodier, 8. — 1866. GIRARDOT, Albert, géologue, docteur en médecine, rue Saint- Vincent, 15. — 1876. GROSJEAN, Alexandre, %, avocat, conseiller municipal, adjoint au maire, membre du Conseil général du Doubs, quai Veil- Picard, 39. — 1876. ù GROSRICHARD, pharmacien, place du Marché, 17. — 1870. GRUEY, professeur d'astronomie à la Faculté des sciences, direc- teur de l'Observatoire de Besançon. — 1882. * GRUTER, médecin-dentiste, square Saint-Amour, 7. — 1880. GUILLEMIN, Victor, artiste peintre, rue des Granges, 21. — 1884. HALDY, Léon-Emile, rue Saint-Jean, 3. — 1879. HEITz (le docteur), professeur à l'Ecole de médecine, Grande- Rue, 45. — 1888. HENRY, Jean, docteur ès sciences, Grande-Rue, 129. — 1857. HÉTIER, François, botaniste; à Mesnay-Arbois (Jura). — 1895. D'HOTELANS, Octave, rue Charles Nodier, 12. — 1890. JACOT, Adolphe, employé à la préfecture, rue Charles Nodier, 6. — 1896. JOUBIN, doyen de la Faculté des sciences, conseiller municipal, à Beauregard. — 1894. KIRCHNER, ancien négociant, quai Veil-Picard, 55 bis. — 1895. * KOLLER, propriétaire, ancien conseiller municipal, ancien membre du Conseil d'arrondissem. de Besançon; au Perron- Chaprais. — 1856. LAMBERT, Maurice, avocat, ancien magistrat, quai de Stras- bourg, 13. — 1879. LARMET, Jules, médecin-vétérinaire, conseiller municipal, ad- joint au maire, avenue de Fontaine-Argent, 8. — 1884. LEzpoux, Emile (le docteur), quai de Strasbourg, 13. — 1875. LIEFFROY, Aimé, propriétaire, conseiller général du Jura, rue Charles Nodier, 11. — 1864. LIME, Claude-François, négociant, aux Chaprais. — 1885. LOUVOT, Emmanuel, notaire, Grande-Rue, 14. — 1885. — À63 — MM. LouUvoT (l'abbé Fernand), chanoine honoraire de Nîmes, curé de Gray. — 1876. MAIRE, Alfred, président à la Cour d'appel, rue du Chateur, 12. — 1870. MAES, Alexandre, serrurier-mécanicien, rue du Mont-Sainte- Marie, 10. — 1879. MAGNIN (le docteur Ant.), professeur à la Faculté des sciences, directeur de l'Ecole de médecine, conseiller municipal, ancien adjoint au maire, rue Proudhon, 8. — 1885. MaAïIROT, Henri, banquier, ancien conseiller municipal, ancien président du tribunal de commerce, rue de la Préfecture, 17. — 1881. MALDINEY, Jules, chef des travaux de physique à la Faculté des sciences. — 1889. MANDRILLON, avocat, Grande-Rue, 19. — 1894. MANDEREAU (le docteur), professeur à l'Ecole de médecine, ins- pecteur de l’Abattoir, rue Saint-Antoine, 6. — 1883. MARCHAND, Albert, ingénieur, administrateur délégué des Sa- lines de Miserey. — 1888. MARQUISET, Alfred (comte), rue Gounod, 1, à Paris. — 1897. * MARTIN, Jules, manufacturier, rue Sainte-Anne, 8. — 1870. MAssoN, Valery, avocat, rue de la Préfecture, 10. — 1878. MATILE, fabricant d’horlogerie, rue Saint-Pierre, 7. — 1884. MAUVILLIER, Pierre-Emile, photographe, rue de la Préfecture, 3. — 1897. MÉTIN, Georges, agent-voyer d'arrondissement; à Canot. — 1868. MEYNIER (le docteur), Joseph, médecin principal de l’armée ter- ritoriale, rue Ronchaux, 3. — 1876. MicHEL, Henri, architecte-paysagiste, professeur à l'Ecole des Beaux-Arts ; Fontaine-Ecu (banlieue). — 1886. Mior, Camille, négociant, membre de la Chambre de commerce, Grande-Rue, 104. — 1872. -M10T, Louis, avocat, Grande-Rue, 104. — 1897. MONTENOISE, avocat, rue de la Madeleine, 2. — 1894. MoRLET, Jean-Baptiste, ancien conseiller municipal, membre de la Chambre de commerce, rue Proudhon, 6. — 1890. — À64 — MM. NARGAUD, Arthur, docteur en médecine, quai Veil-Picard, 17: — 1875. NICKLÈES, pharmacien de 1re classe, Grande-Rue, 128. — 1887. * ORDINAIRE, Olivier, consul de France; à Maizières (Doubs). — 1876. | OUTHENIN-CHALANDRE, Joseph, membre de la Chambre de com- merce, rue de la Préfecture, 18. — 1858. PARIZOT, inspecteur honoraire des Enfants assistés, rue du Clos, 10. — 1892. PATEU, entrepreneur, ancien conseiller municipal, avenue Carnot. — 1894. PERRUCHE DE VELNA, conseiller à la Cour d'appel, rue Saint- Vincent, 14. — 1870. * PINGAUD, Léonce, correspondant de l’Institut, professeur d'histoire moderne à la Faculté des lettres (élu membre ho- _ noraire en 1896), rue Saint-Vincent, 17. — 1874. | POoèTE, Marcel, conservateur de la Bibliothèque de la Ville, avenue Carnot, 10. — 1894. PRINET, Max, conservateur adjoint de la Bibliothèque de la Ville, rue du Clos, 16. — 1895. RÉMOND, Jules, notaire, Grande-Rue, 31. — 1881. * RENAUD, Alphonse, docteur en droit, sous-chef à la direc- tion générale de l’Enregistr.; Paris, rue Scheffer, 25. — 1869. RICKLIN, notaire, rue des Granges, 38, étude : Grande-Rue, 121. — 1879. RIGNY (abbé), chanoine honoraire, Grande-Rue, 52. — 1886. : ROBERT, Edmond, fabricant d’aiguilles de montres, faubourg Tarragnoz. — 1886. ROLAND (le docteur), professeur à l’Ecole de médecine, rue de l’Orme-de-Chamars, 10. — 1899. SAILLARD, Albin (le docteur), sénateur, membre du conseil gé- néral du Doubs, place Victor Hugo, et à Paris, rue N.-D.-des- Champs, 75. — 1866. SAILLARD, Eugène, ancien directeur des postes du département du Doubs; Beauregard (banlieue de Besançon). — 1879. DE SAINTE-AGATHE (le comte Joseph), avocat, archiviste-paléo- oraphe, rue d'Anvers, 3. — 1880. — A6 — MM. SANCEY, Alfred, négociant, Grande-Rue, 11. — 1899. SERRÈS, Achille, pharmacien, place Saint-Pierre, 6. — 1883. SIMONIN, architecte, rue du Lycée, 13. — 1892. SIRE, Georges, correspondant de l’Institut, essayeur de la Ga- rantie, (élu membre honoraire de la Société en 1896), rue de la Mouillère, aux Chaprais. — 1847. SOUCHON, Gaston, capitaine au 4° cuirassiers; Villas bison- tines, 3. — 1901. SUCHET (le chanoine) rue Casenat, 1. — 1894. THOUVENIN , François-Maurice, pharmacien supérieur, profes- seur à l'Ecole de médecine et de pharmacie, Grande-Rue, 136. — 1890. Tissor, H., président du tribunal de commerce, rue Saint-Vin- cent, 7. — 1899. TRUCHIS DE VARENNES (vicomte Albéric DE), rue de la Lue, 9 — 1900 VAISSIER, Alfred, conservateur du Musée archéologique, Grande- Rue; 109 1876. VAISSIER, Georges (le docteur), chef de clinique médicale de Phôpital Saint-Jacques, Grande-Rue, 109. — 1898. * VANDEL, Maurice, ingénieur des arts et manufactures, à la Rocbetaillée, par Saint-Uze (Drôme). — 1890. * VAUTHERIN, Raymond, ancien capitaine du génie, villa Sainte- Colombe, rue des Vieilles-Perrières. — 1897. VERNIER, Léon, professeur à la Faculté des lettres, rue Sainte- Anne, 10. — 1833. DE VEZET (le comte Edouard), ancien lieutenant-colonel de l’armée territoriale, rue Charles Nodier, 17 ter. — 1870. VÉZIAN, Alexandre, doyen honoraire de la Faculté des sciences; - Villas bisontines. — 1860. VIEILLE, Gustave, architecte, inspecteur départemental des sapeurs-pompiers, rue des Fontenottes, sous Beauregard. — 1882. WEHRLÉ, négociant, rue Battant, 11. — 1894. — 466 — Membres correspondants (103). MM. * ALMAND, Victor, capitaine du génie, officier d'ordonnance du général Carette; à Marseille. ANDRÉ, Ernest, notaire; rue des Promenades, 17, Gray (Haute- Saône). — 1877. ARNAL, Amédée, trésorier-payeur,; à Libreville (Congo). — 1872. * BARDET, juge de paix; à Brienne (Aube). — 1886. BARBIER, Charles, agriculteur; à la Tour-de-Sçay. — 1899. DE BEAUSÉJOUR, Eugène, ancien magistrat; Lons-le-Saunier. — 1897. BERTIN, Jules, médecin honoraire des hospices de Gray (flaute- Saône), quai du Saint-Esprit, 1. — 1897. * BESSON, ingénieur de la Compagnie des forges de Franche- Comté; Courchapon (Doubs). — 1859. BETTEND, Abel, imprimeur-lithographe; Lure (Haute-Saône). — 1862. BEY-ROZET, Charles, propriétaire et pépiniériste,; à Marnay (Hte-Saône). — 1890. BixXI10, Maurice, agronome, membre du conseil municipal de Paris; Paris, quai Voltaire, 17. — 1866. Bizos, Gaston, recteur de l’Académie de Bordeaux. — 1874. BOiIssELET, Joseph, avocat; Vesoul (Haute-Saône). —- 1866. * BREDIN, professeur honoraire; à Conflandey, par Port-sur- Saône (Haute-Saône). — 1837. * BRioT, docteur en médecine, membre du conseil général du Jura; Chaussin (Jura). — 1869. DE BROISSIA (le vicomte Edouard FROISSARD) ; à Blandans, par Domblans (Jura). — 1892. " BRUAND, Léon, inspecteur des forêts; Paris, rue de la Planche, 11 bis. — 1881. BURIN DU BUISSON, préfet honoraire; à Besançon, rue Moncey, 9, et à Cramans (Jura). — 1878. CASTAN, Francis, général d'artillerie en retraite; à Versailles et à Besançon, Grande-Rue, 105. — 1860. — 467 — MM. CHAPOY, Henri, avocat à la Cour d'appel de Paris; rue des Saints-Pères, 13. — 1875. * CHOFFAT, Paul, attaché à ladirection des travaux géologiques du Portugal; Lisbonne, rua do Arco a Jesus, 113. — 1869. * CLOZ, Louis, professeur de dessin; à Salins. — 1863. CONTET, Charles, professeur agrégé de mathématiques en re- traite; aux Arsures (Jura). — 1884. * CONTEJEAN, Charles, géologue, professeur de Faculté hono- raire et conservateur du musée d'histoire naturelle; à Paris, rue de Montessuis, 9. — 1851. CORDIER, Jules-Joseph, receveur principal des domaines; à Blamont. — 1862. CORDIER, Palmyr, médecin &es colonies, et à Besançon rue des Granges, 3. — 1896. COsTE, Louis, docteur en médecine et pharmacien de 1re classe, conservateur de la bibliothèque de la ville de Salins (Jura). — 1866. COURBET, Ernest, bibliophile, trésorier de la ville de Paris, rue de Lille, 1. — 1874. DAUBIAN-DELISLE, Henri, ancien directeur des contributions directes, ancien président de la Société d’'Emulation du Doubs; Paris, avenue de Wagram, 86. — 1874. * DEROSNE, Charles, maitre de forges; à Ollans, par Cendrey. — 1880. * DEULLIN, Eugène, banquier ; Epernay (Marne). — 1860. * DEVAUX, ancien pharmacien, juge de paix; Gy (Haute-Saône). — 1860. * DuFAY, Jules, notaire; Salins (Jura). — 1875. FEUVRIER (l’abbé), chanoine honoraire, curé de Montbéliard (Doubs). — 1856. FEUVRIER, Julien, professeur au collège de Dole, faubourg d'Azans. — 1893. FILSJEAN (l’abbé), licencié en lettres, anc. professeur au sémi- naire d’'Ornans ; Paris, rue du Cherche-Midi, 88. — 1896. GASCON, Edouard, conducteur des ponts et chaussées en re- traite, président du comice agricole du canton de Fontaine- Française (Côte-d'Or). — 1868. — 468 — MM. GASCON, Louis, profess. au lycée Ampère ; Lyon-Saint-Rambert. — 1889. | GAUSSIN, Célestin, secrétaire honoraire des Facultés, à Paris, rue Denfert-Rochereau, 41. — 1891. GAUTHIER, Léon, archiviste paléographe; Paris, boulevard Saint- Germain, 110. — 1898. - GAUTHIER, docteur en médecine, sénateur de la Haute-Saône; Luxeuil (Haute-Saône). — 1886. : GEVREY, Alfred, conseiller à la Cour d'appel de Grenoble; rue des Alpes, 9. — 1860. GIRARDIER, notaire; à Dole Jura). — 1897. GIROD , Paul, professeur à la Faculté des sciences et à l'Ecole de médecine de Clermontferrand; rue Blatin, 26. — 1882. * GUILLEMOT, Antoine, archiviste de la ville de Thiers (Puy-de- Dôme). — 1854. : HUART, Arthur, ancien avocat-général; rue Picot, 9, Paris. — 1870. JEANNOLLE, Charles, pharmacien; Fontenay-le-Château (Vosges). — 1876. JOLIET, Gaston, préfet de la Vienne; Poitiers. — 1877. LAFOREST (Marcel PÉCON DE), lieutenant d'infanterie; à Brest et à Besançon, rue du Mont-Sainte-Marie, 8. — 1895. * LAURENT, Ch., ingénieur civil, Paris, rue de Chabrol, 35: — 1860. LEBAULT, Armand, doct. en médec.; Saint-Vit (Doubs) -- 1876. LECHEVALIER, Emile, libraire-éditeur; Paris, quai des Grands- Augustins, 39, à la librairie des provinces. — 1888. LE MIRE, Paul-Noël, avocat; Mirevent, près Pont-de-Poitte (Jura) et rue de la Préfecture, à Dijon. — 1876. | LHOMME, botaniste, secrétaire de la mairie de Vesoul (Haute- Saône), rue de la Mairie. — 1875. * LIGIER, Arthur, pharmacien, membre du Conseil général du - Jura; Salins (Jura). — 1863. LONGIN, Emile, ancien magistrat; rue du Collège, 12, à Dole (Jura). — 1896. | Mapror, Victor-François, pharmacien; Jussey (Haute-Saône). — 1880. - — 409 — MM. É MASSING, Camille, manufacturier à Puttelange-lez-Sarralbe (Lorraine allemande). — 1891. DE MARMIER (le duc), membre du Conseil général de la Haute- Saône ; au château de Ray-sur-Saône (Haute-Saône).— 1867. * MATHEY, Charles, pharmacien ; Ornans (Doubs). — 1856. DE MENTHON (le comte René); Menthon-Saint-Bernard (Haute- Savoie), et château de Saint-Loup-lez-Gray, par Gray. — 1854. * DE MONTET, Albert, Chardonne-sur-Vevey (Suisse). — 1882. Mourey (labbé), curé à Borey, par Noroy-le-Bourg (Haute- Saône). — 1880. MouRoOT (Pabbé), curé de Roulans (Doubs). — 1899. DE MOUSTIER (le marquis), député et membre du Conseil géné- ral du Doubs; château Bournel, par Rougemont (Doubs), et Paris avenue de l’Alma, 15. — 1874. * NARDIN, Léon, pharmacien, Belfort. — 1900. PARIS, docteur en médecine, médecin des bains de Luxeuil (Haute-Saône). — 1866. DE PERPIGNA , Charles-Antoine, propriétaire; Paris, rue de berne, 117="1888;: PETITCLERC, Paul, géologue; Vesoul, rue de l’Aigle-Noir, 17. — 1881. * PIAGET, Arthur, archiviste cantonal et professeur à l’Académie de Neuchatel (Suisse). — 1899. Pipoux, André, archiviste paléographe; à Foucherans, près Dole (Jura). — 1901. PIROUTET, Maurice, géologue,; à Salins. — 1898. PIQUARD, Léon, docteur en médecine; à Chalèze (Doubs). — 1890. PIQUEREZ, Charles, explorateur; à Besançon, rue du Chasnot, — 1898. PRosT, Bernard, inspecteur des archives et des bibliothèques au ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts; _ Paris; avenue Rapp, 7. — 1857. RAMBAUD, Alfred, sénateur, membre du Conseil général du Doubs, ancien ministre de l’Instruction publique et des Beaux- Arts ; Paris, rue d’Assas, 76. — 1881. k — 410 — MM. RENAULD, Ferdinand, botaniste, ancien commandant du palais de Monaco, rue des Templiers, à Vence (Alpes-Maritimes). — 1875, RICHARD, Auguste, pharmacien; Nice, rue Miron, 27, et Autet (Haute-Saône), — 1876. * RICHARD, Louis, médecin-major de 1re classe au 27e régiment d'infanterie; à Dijon, 14, rue des Roses. — 1878. RrppPs (l'abbé), curé d’Arc-lez-Gray (Haute-Saône). — 1882. ROBERT ainé; au château de Conflans, Charenton (Seine). — 1898. ROBINET (l’abbé), Mélitin, curé de Revigny, par Conliège (Jura). — 1889. ROUTHIER, Joseph-Prosper, attaché à la Préfecture de la Seine ; Paris, rue Flatters, 10. — 1886. ROUZET, Charles-François, architecte; à Michelet, province d'Alger (Algérie). — 1898. Roy, Emile, professeur à la faculté des lettres de Dijon, rue de Mirande, 9. — 1894. Roy, Jules, professeur à l'Ecole des Chartes ; Paris, rue Spon- tini, 9. — 1807. * RossiGNor (labbé), Auguste, curé de Mamirolle (Doubs). — 1885. SAGLIO, Camille, directeur des forges d’Audincourt (Doubs). — 1896. * SAILLARD, Armand, négociant; Villars-lez-Blamont (Doubs). — 1877. DE SCEY (le comte Gaëtan); à Souvans, par Mont-sous-Vaudrey (Jura). — 1897. STOURME, doct. en médecine ; à Lyon, cours Morand, 25. — 1896. SURLEAU, directeur de la succursale de la banque de France; à Rouen. — 1886. * DE SAUSSURE, Henri, naturaliste ; à Genève, Cité 24, et à Yvoire (Haute-Savoie). — 1854. TRAVELET, Nicolas, propriétaire, maire de Bourguignon-lez- Morey (Haute-Saône). — 1857. * TRAVERS, Emile, ancien archiviste du Doubs, ancien conseiller de préfecture; Caen (Calvados),.rue des Chanoines, 18. — 1869. — AT1 — MM. * TRIPPLIN, Julien, représentant de l’horlogerie bisontine et vice-président de l’Institut des horlogers; Londres : Bartlett’s Buildinges, 5 (Holborn Circus), E. C., et Belle-Vue (Heathfield Gardens, Chiswick, W). — 1868. TuETEY, Alexandre, sous-chef de la section législative et judi- ciaire aux Archives nationales; Paris, rue de Poissy 31. — 1863. VAISSIER, Jules, fabricant de papiers; Paris, rue Edouard-De- taille, 5, — 1877. VARAIGNE, directeur des contributions indirectes en retraite ; Paris, rue Lauriston, 80. — 1856. VENDRELY, pharmacien ; Champagnev (Haute-Saône). — 1863. VERNEREY, notaire; Amancey (Doubs). — 1880. VIELLARD, Léon, propriétaire et maître de forges; Morvillars (territoire de Belfort). — 1872. * WALLON, Henri, agrégé de l’Université, manufacturier; Rouen, Val d'Eauplet, 48. — 1868. | — 17 — MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ DÉCÉDÉS EN 1900-1901 MM. COUTENOT {le docteur), Francis, médecin honoraire des hospices. 1852 DRAPEYRON, professeur d'histoire au lycée Charlemagne, à Paris. 1866 MaAïROT, Félix, banquier, ancien président de la chambre de commerce. 1857 GUICHARD, Albert, ancien president du tribunal de com- merce. | 1853 LEBEAU, administrateur de la Compagnie des Forges de Franche-Comté. 1872 MACHARD, Jules, peintre d'histoire. 1866 PARANDIER, ancien inspecteur général des ponts et chaussées. 1852 DE PRINSAC (le baron). 1873 ROBARDET, ancien commissaire-priseur. 1879 VALFREY, Jules, publicisie à Paris. 1869 WOoLFF (le général), ancien commandant supérieur du 7e corps d'armée, membre honoraire. 1882 DE BUYER, Jules, Grande-Rue, 123. 1874 — TS — SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES (167) _Le millésime indique l’année dans laquelle ont commencé les relations, FRANCE. Comité des travaux historiques et scientifiques près le Ministère de l’Instruction publique f/cinq exemplaires des Mémoires) . Ain, Société d'Emulation de l’Ain ; Bourg. Société des sciences naturelles de l’Ain. . Aisne. Société académique des sciences, arts , belles-lettres, agri- culture et industrie de Saint-Quentin . : pa Société historique et archéologique de Château- . Allier. Société des sciences médicales de l'arrondissement de Gannat . EL VOA ei ai eR ale s ere mnt A LR SAS Société d'Emulation et Beaux-arts du Bourbonnais ; Moulins. Revue scientifique di de et du ee de jé France ; Moulins Alpes-Maritimes. Société des lettres, sciences et arts des Alpes-Maritimes ; Nice. Alpes (Hautes-). Société d'étude des Hautes-Alpes; Gap. dense 31 1856 1868 1894 1862 1898 1851 1860 1894 1867 1884 — 74 — Ardèche. Société d'agriculture, industrie, sciences, arts et lettres de l’Ardèche ; Privas. Aube. Société académique de l'Aube ; Troyes . Aveyron. Société des lettres, sciences et arts de Aveyron; Rodez. Belfort (Territoire de). Société Belfortaine d'Emulation. Bouches-du-Rhône. Société de statistique de Marseille. . . . . . » Académie des sciences, belles-lettres et arts de Marseille. Calvados. Société Linnéenne de Normandie ; Caen. Académie de Caen. Charente. Société historique et archéologique de la Charente; Angoulême . Charente-Inférieure. _ Société des archives historiques de la Saintonge et de VAunis ; Saintes . Cher. Société des antiquaires du Centre ; Bourges. Côte-d'Or. Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon . Commission des antiquités du département de la Côte- dOr; "Dijon. RO TE Ne np 0 Société d'archéologie, d'histoire et de littérature de Beaune . 1862 1867 1876 1872 1867 1867 1857 1868 1877 1883 1876 1856 1869 1877 — À15 — Société des sciences historiques et naturelles de Semur . Société bourguignonne de géographie et d'histoire; Dijon. Revue bourguignonne de l’enseignement supérieur publiée par les professeurs des Facultés de Dijon. . Doubs. Académie des sciences, belles-lettres et arts de Besan- COMPREND NN on es Société d’émulation de Montbéliard. Société de médecine de Besançon. Société de lecture de Besançon . L'Union artistique de Besançon. . Société d'histoire naturelle da Doubs . Drôme. Bulletin d'histoire ecclésiastique et d'archéologie reli- gieuse des diocèses de Valence, Gap, Grenoble et Vi- viers; Romans (Drôme) . Eure-et-Loir. Société Dunoise; Châteaudun . Finistère. Suciérésacadéemique dé Brest 2.4.1. 5. .% Gard. Académie de Nîmes . k Société d’études des sciences natur lee dé ee. Garonne (Haute). Société archéologique du Midi de la France; Toulouse. Société des sciences physiques et naturelles de Tou- iouse . Gironde. Société des sciences physiques et naturelles de Bor- deaux. : te : Société a de Bar no: : Société Linnéenne de Bordeaux . 1880 1888 1891 1844 1851 1861 1865 1894 1900 1880 1867 1875 1866 1883 1872 1875 1867 1878 1878 OI Hérault. Académie de Montpellier. : Société archéologique de 1 Montiellies ie Société d'étude des sciences naturelles de ue e Ille-et-Vilaine Société archéologique du département d’Ille-et-Vilaine ; Rennes. Isère. Société de statistique et d'histoire naturelle du départe- ment de l'Isère ; Grenoble . : Société D ne d’ethnologie et d’ Sd . Jura. Société d'Emulation du département du Jura; Lons-le- Saunier . Revue viticole de none Conte, Dolons Loir-et-Cher. Société historique et archéologique du Vendomois. . . . Loire. Société d'agriculture, industrie, sciences, arts et belles- lettres du département de la Loire; Saint-Etienne. . Société de la Diana, à Montbrison. . . Loire-Inférieure. Société des sciences naturelles de l’Ouest de la France; Names ae dun ee ee Loiret. Société archéologique de l’Orléanais ; Orléans . Maine-et-Loire. Société industrielle d'Angers et du département de Maine- et-Loire; Angers. £ à Société demie de Moines a Loire: Ange ; 1869 1869 1878 1894 1857 1898 1844 1895 1898 1866 1895 1891 1851 1855 1857 — TT — Manche. Société des sciences naturelles de Cherbourg . . Marne. Société d'agriculture, commerce, sciences et arts du dé- partement de la Marne: Châlons. : . . . Société d'agriculture, sciences et arts du Rébaenen de PEN CROIS ee Do Rdv). ae Marne (Haute-). SUCIÉLé arehéolosique de Langres... 7... Meurthe-et-Moselle. Société des sciences de Nancy (ancienne Société des sciences naturelles de Strasbourg) . . . . . . . SUbléterdarchéologie Lorraine -a Nancy... . . . . . Meuse. SbUIÉte polymaihique de Verdun :2%:.. 4, Morbihan. Société polymathique du Morbihan; Vannes. . Nord. Souéle démulation de Roubaix... . Lu Oise. Société historique de Compiègne... 5. . . .. 71. Pyrénées (Basses-). Société des sciences, arts et lettres de Pau. . . . . . . SOCIÈLE des Sciences et arts de Bayonne... : .. en. Pyrénées Orientales. Société agricole, scientifique et littéraire des Pyrénées- Orientales: Pénpienans 1-0 ce er Rhône. Société d'agriculture et d’histoire naturelle de Lyon. . . 1854 1856 1878 1874 1866 1886 1851 1864 1895 1886 1873 1884 1856 1850 — À7T8 — Société littéraire, historique et archéologique de Lyon. . Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon . . Annales de l’Université de Lyon, quai Claude-Bernard. . Saône-et-Loire. Société Eduenne ; Autun. su A Ode Société d’ ee et d'archéologie de Chalues -sur-Saône. Société des sciences naturelles de Saône-et-Loire ; Cha- lon-sur-Saône . Fe : Société d'histoire tell. d’ . nue Société d'histoire naturelle de Mâcon. . . . Saône (Haute-). Société d'agriculture, sciences et arts de la Haute-Saône. Société d'encouragement à l’agriculture ; Vesoul. . . Société des sciences naturelles ; Vesoul. . Sarthe. Société d’agricult., sciences et arts de la Sarthe; LeMans. Société historique et archéologique du Maine ; Le Mans . Savoie. Académie de Savoie; Chambéry . : Société Savoisienne d histoire et darchéblon Chambets Savoie (Haute-). Socle HIOrIMOontane ANNEE CD Seine. Institut de France. ei Ne Société des antiquaires de once Fe DA AR TER À Association française pour l ancement des sciences . . Société d'histoire de Paris et de l’Ile de France . à Association pour l’encouragement des études grecques en France, rue Soufilot, 22, Paris. . . RU ae Société de botanique de France ; rue de Grenelle, 24, Paris . QUE : ; 5 Société dant polonie “ Du rue de IF He ï Méde- GC LOT RP DER R APRES Société française de ne rue de Rennes, 44. Musée Guimet; avenue du Trocadéro, 30 . . . . 1856 1860 1896 1846 1857 1877 1888 1896 8861 1881 1896 1869 1879 1869 1898 1871 1872 1867 1879 188: 1878 1883 1883 1887 1880 — 479 — Société de secours des amis des sciences. Société de biologie. ide Spelunca, Société de spéléologie . Rd need Société philomathique de Paris, rue des Cons. Augus- tins, 7. : ARR S Société echnique. de He rue d HE à No) sur-Seine . : PRE ; EE É La direction de De ile univ at rue de Tournon, 1 . Mol ee Te Mélusine , revue Fo ste librairie Roland, rue des Chantiers ; Paris : DES Le Polybiblion, Paris, rue ne Son: 4 et 5. Seine-Inférieure. Commission départementale des antiquités de la Seine- Inférieure; Rouen . ee. Académie des sciences, ir. us es et arts Le Re : Société libre d'Emulation de la Seine-Inférieure ; Rouen. Société hàvraise d’études diverses . Seine-et-Oise. Société des sciences naturelles et médicales de Seine-et- Oise ; Versailles . : ; NS ARE Société des sciences Le re ne et arts, à Versailles. . . Somme _ Société des antiquaires de Picardie ; Amiens. Société d’'Emulation d’Abbeville. Tarn-et-Garonne. Société d'histoire et d'archéologie de Tarn-et-Garonne; MONTS Re Vienne (Haute-). Société historique et archéologique du Limousin . Vosges. Société d'Emulation du département des Vosges ; Epinal. Société philomathique vosgienne; Saint-Dié. ._. . . .. — ÀS0 — Yonne, Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne. ALSACE-LORRAINE Sogiélé d'histoire naturelle de Colmar ere Société des sciences, agriculture et arts de la Basse- Alsace; Sitasboure se in hu ne ne SOCiÉre d'histoire naturelle de Metz Ce Commission de la carte géologique de l’Alsace-Lorraine; SLA DOME Aie AN de de ee ALGÉRIE. Société historique algérienne, Alger . … . .. . ee ALLEMAGNE. - Académie impériale et royale des sciences de Berlin (SIZUNSSberiChté). esse a Re RER Société botanique de la province de Brandehours Berlin. ne A à Académie royale des sciences de Bavière. à Mania (Kœnigl. Bayer. Akademie der Wisconsin ZU MUNCHEN) IL SNL RS er ner RER Société des sciences naturelles de Brême (Naturwieccne ecnaithener Verein/zuBremen) 40 Société des sciences naturelles et Hi édiealee de la He Hesse (Oberhessische Gesellschaft für Natur und Heil- kunde): Giessen te HR rie Société des sciences D le. de. Fribourg en nn (Hate) nee en ET EE RE ARE Société royale physico-économique de Kœnigsberg (Kœæ- nigliche physikalich-ækonomische Gesellschaft zu Kœæ- nigsherg) ; Prusse . Société philosophique et Dérate “ Pedclers a la bi- bhothèque de Université) ct pen Per Bibliothèque de l’Université de Tubingue . 1852 1879 1877 1865 1866 1853 1892 — ASl — AUTRICHE. Institut impérial et royal de géologie de l'empire d’Au- triche (Kaiserlich-kæniglich-geologische Reichsanstalt) ; MENTON ue ue Muséum D cnale et royal d'histoire an ble de Vienne AMÉRIQUE. Société d'histoire naturelle de Boston. . Institut Smithsonien de Washington . UnmiediStates geological Survey: 5. : 7... Geegraphical-club-of Philadelphia . … . . . ... . . ANGLETERRE. Société littéraire et philosophique de Manchester (Litte- rary and philosophical Society of Manchester). . . . BELGIQUE. Académie royale de Belgique; Bruxelles . . Société géologique de Belgique; Liège . ee Académie d'archéologie de Belgique; Anvers, rue Lozane D lin M a Société . Elan diaies Bouxelles. rue des Dauliaes. m1 Société d'archéologie de Bruxelles, rue Ravenstein n° 11. Revue bénédictine de l’abbaye de Maredesous. PORTUGAL. Direction des services géologiques du Portugal; Lis- bonnes ruardo Arco a Jesus 4190... 270,2. Transactions of Academy of St-Louis . . . . . . ITALIE. Académie des sciences, lettres et arts de Modène . R. Deputazione sovra gli Studi di Storia Patria; Torino. . LUXEMBOURG. Société des sciences naturelles du grand duché de Luxem- Hours EUXeMDOUrS ae Lie en. 1853 1889 1865 1869 1883 1896 1859 1868 1876 1885 1888 1891 1892 1885 1397 1879 1884 1854 — 482 — SUÈDE ET NORVEGE. Académie royale suédoise des sciences, Stockholm . Université royale de Christiania . The geological institution of the Dion of Upoals Kongl. Vetterhets historie och antiquitets Akademian, Stockholm. . SUISSE. Société des sciences naturelles de Bâle. Société des sciences naturelles de Berne . . Société jurassienne d’'Emulation ; Porrentruy . Société d'histoire et d'archéologie de Genève; rue de l'Evêché. Institut national de . De M tre Société vaudoise des sciences naturelles ; ne : Société d'histoire de la Suisse on Lausanne . Société neuchâteloise des sciences naturelles; Neuchâtel. Société d'histoire et d'archéologie de Neuchâtel . Société des sciences naturelles de Zurich . ‘ Société des antiquaires de Zurich (à la Bibl. de nn. Société générale d'histoire suisse (à la bibliothèque de Berne). si Metal AU at a AC leur. ANUS suisses (Anzeiger fur Schweize- rische Altertumskunde), Neue folge I, Zurich 1869 1877 1895 1898 1872 1855 1861 1863 1866 1847 1878 1862 1865 1857 1864 1880 1899 — 483 — ÉTABLISSEMENTS PUBLICS (53) Recevant les Mémoires. Bibliothèque de la ville de Besançon. Id. populaire de Besançon. Id. de l'Ecole d'artillerie de Besançon. Id. des Facultés de Besançon. Id. de l’Ecole de médecine de Besançon. Id. du Chapitre métropolitain de Besançon. Id. du Séminaire de Besançon. Id. de l’Ecole normale des instituteurs de Besançon. Id. du Cercle militaire. Id. de la ville de Montbéliard. Id. de la ville de Pontarlier. Id. de la ville de Baume-les-Dames. Id. de la ville de Vesoul. Id. de la ville de Gray. Id. de la ville de Lure. Id. de la ville de Luxeuil. Id. de la ville de Lons-le-Saunier. Id. de la ville de Dole. Id. de la ville de Poligny. Id. de la ville de Salins. Id. de la ville d’'Arbois. Id. de la ville de Saint-Claude. Id. du Musée national de Saint-Germain-en-Laye. Id. Mazarine, à Paris. Id. de la Sorbonne, à Paris. ele de l’Ecole d'application de l'artillerie et du génie, - à Fontainebleau. Id. du Musée ethnographique du Trocadéro, à Paris. Id. du British Museum, à Londres. (Librairie Dulau et Cie, Londres, Soho Square, 37.) Id. de A cie de Tubingue. D ives départementales de la Côte-d'Or. id. du Doubs. Id. de la Haute-Saône. Id. du Jura. TABLE DES MATIÈRES DU VOLUME PROCÈS-VERBAUX. La Légende du Châtaignier, par M. GIRARDOT., ,..... a Les Financiers lombarus à la cour d'Othon IV,par M. Léon CADTANSRS SSSR PER EP PRE RE TT P. Le peintre Wyrsch d’après son dernier biographe, par MPADDÉ EBOUVOT. 5.44. ie. RC RAL CRE ARR N Res IEC IP: Notice biographique sur le mycologue franc-comtois doc- LeuriOuelelttpar M Ant: -MAGNIN......:..1...... orne p: Influence de la composition du sol sur la végétation, par MÉvAnt MAGNIN...:...,..4, See Ru ee ao DATE 0) Note sur Isernore, par M. le deteus MEYNIERS ea L'église Saint-Etienne de Besançon, autieation de NPPUIeSE CAUDAIERT Le nn de ARE PEN sos D: A propos des stations des Celtes en Gaule, nicaton LME GIRARDOT 2 5020007 ue ou ee node RUE ë RAD: Etude sur les Œuvres de Melchior Wyrsch en Suisse et au musée du Louvre, par M. le docteur LEDOUX...,...... nee Les Phares établis sur les côtes maritimes de 1 No me die, par M. Henri VALLON, compte-rendu de M. Léonce Pimgaud:. :...……. di A He CIS A CE 0e Manuscrits de Castan présentés, au nom de Mme Castan, par PNB ÉPINGAUDS RER ed nat sue ie sie ie ep Présentation, par M. Ant. MAGNIN, de trois études préhisto- riques de M. Piroutet, membre correspondant..,.,...,.. Les premiers Aérostats à Besançon (1783 et 84). en M. 16 docteur MEYNIER..... ER En NS AS SES Sr se Di Note de M. KIRCHNER sur la disparition de certaines plantes locales par le fait de la destruction des haïies...,,....,... p. Communication de M. J. GAUTHIER sur l’église de Saint-Mau- rice-lez-Jougne.. + St ie rs eee D Notice de M. Voie sur des fr rene de la décoration de l’ancienne fontaine de la place Dauphine....,..,.,.,...., p. Vœu de M. Ed. DRoz pour la conservation de la façade de l’'Hôtel-de-Ville actuel de Besançon, ,.....,..,.. M hate De VIIT 86 Deux Epaves franc-comtoises en Italie, notices par M. J. GAUTHIER. 008506ecereensses ttetee.saan 90004600 ace 240... P. Les seiches du lac de Saint-Point, communication de M; Ant. MAGNIN.. ......... die ae cle eee de p. Election du bureau pour 1901.,.... dense RME s. P L'Invasion allemande de 1544 et la part qu'y ont prise le prince d'Orange et les deux Granvelle, par M. le doc- LEUR MEVNIER en ie rene ee MON TE P. | 1809) M Le ce EN en Re A ee MR P. Séance publique du 13 décembre 1900 RSS de PAT pe Banquet annuel de 1900: toasts de M. Charles Bonnet, prési- dent annuel, et de M. Alfred Vaissier, président pour année re ere PR A St EL ON RU ps MÉMOIRES. La Société d'Emulation du Doubs en 1900 : dis- cours d'ouverture de la séance publique du jeudi 13 décembre 1900, par M. Charles BONNET, pré- sident annuel ..... TR M En nn Uno La Légende du Châtaignier, par M. le docteur COR AR DO Die de ee ee une de ie Ch Un mystère français au xiv° siècle : Le Jour du Ju- gement, de la bibliothèque de la ville de Besan- Cond Guie)epareM Emile Rom ere 2 Les noms de lieu romans en France et à l’étranger . (suite), par M. le docteur J. MEYNIER . Protestation de Claude-Etienne Bigeot contre la conquête de la Franche-Comté (1676), par ME Emile DONGIN. 0. CAR re EE Le peintre Melchior SE d'après un livre ré- cent, par. M: l'abbé Louxor Sr ARE Les Œuvres du peintre Wyrsch, uu musée du Louvre et en Suisse, par M. le docteur LEDOUX. L’Oiseau mort, poésie, par M. Edouard GRENIER. XXV XXV . XXVII Projet de budsebpour 1908 en re. SD XX VIII XXVIII XXIX. XXXII XXXIII p. 113 p. 254 pes p. 923 — A8T — Le Ménage d’un Ambassadeur d'Espagne au mi- lieu du xNII° siècle, par M. Jules GAUTHIER. ... Découvertes spéléologiques en Franche-Comté, par MSP OURNERRSS 4 0e eue es La part de Besancon dans le mouvement de la Dépopulation francaise, par M. le docteur I SUIDINRS RSR RSR RE Ravenne, Sienne, Florence, par M. Jules GAU- THISR 3 NES NU Rd ue La Jacquemardade, poème en patois bisontin (1753), et son auteur le conseiller BrzoT (1702-1781), par MeAIred VAISSIER (1 portrait). :..:........ à Texte de la Jacquemardade, avec notes et commen- COTÉES SEC EN EE Re Dons faits à la Société en 1900-1901.....,......., . eee Envois des Sociétés correspondantes...,,.... Re ail Membres de la Société au 1er juillet 1901. .......,,.,,... ce Membres de la Société décédés en 1900-1901..........,,...... SUÉLÉTÉSICORRESPONMAANTES,. , à + de eee does ME eee ; Etablissements publics recevant les Mémoires...,..,,.,,,,.., BESANCON. — TYP. ET LITH. DODIVERS. 1e relie 9329 340 947 304 DA RNA SRE ir ve Re Ds Extraits des statuts et du règlement de la Societe d’ Emulation | du Doubs, fondée à Besançon le 1° juillet 1840. | Décret impérial du 22 avril 1863 : « La Société d'Emulation du = Doubs, à Besancon, est reconnue COMAE établissement d'utilité publique... » à | Art. er des statuts : « Son but . de concourir activement aux progrès des Sciences et des arts, et, pour en faciliter le développe- : ment, de coopérer à la formation des collections publiques et d’é- diter les travaux utiles de ses membres. » Elle encourage Ve les études relatives à à la Franche- : Comté. » Art. 13 des statuis : « La Société pourvoit à ses épenses au moyen : res » Lo D'une cotisation annuelle payable par chacun de ses membres Le résidants et par chacun de sès membres correspondants; elle est re exigible dès l’ânnée même de leur admission. » 2 De la somme de deux francs payable par les membres r'ési- dants et correspondants au moment de la remise du diplôme. …. » Art. 17 du règlement : « La cotisation annuelle est fixée à dix francs pour les membres résidants et à six ne pour les membres. À correspondants. » Arts 23 des statuts : « Les = ont la latitude de se borèee de leur cotisation annuelle en versant un suis dans la caisse de la Société. : Re » La somme exigée est de cent nu. pour LS mémbres rési- dants et de soixante francs pour les correspondants...» Art. 15 des slatuts : « Tout membre qui aura cessé de payer Sa cotisation pendant plus d’une année, pourra être considéré comme démissionnaire par le conseil d'administration. » Art. 6 du règlement : « Les séances us naires se tiennent le se- cond samedi de chaque mois... » . Art. 9 du règlement : « La Société publie, chaque année, 4 CUE bulletin de ses travaux, sous le titre de Mémoires... » Art. 13 du règlement : « Le bulletin est remis gratuitement : » ……. À chacun des membres honoraires, résidants et corres- pondants de la Société... » Adresse du Trésorier de la Sociélé : M. le TRÉSORIER de la Société | d'Emulation du Doubs, Palais Granv elle, à Besançon. _ SE CRE Dot _ Larsen TT ‘* Ss SFaun È= 2 Lise gé ” “ Fe “ % PE é mn. _ n ee mms L = “ : DNS : 2 D di L _ “di LEE LE ANRT - Aus — “ eu # (nr = cé oi RS ce à ; v » “ HS ss - Sec ns Lim - s: ee — 4 , — = Ft Re es pes _ She te E — N . F > ns Er Den meer : de -_— == g - cure ù ce md aielt PRET _ | ae: à js . n ou ; . - S = PE Ce. A Set > te N Cu Ad dm AT LR SEE Dos se: Smet es PS 0 ge PV nr “ pe ne à nn 2 SN ce, A NN rar ogg Matane, r= er "a de MAD e SRE UE, 7 « LE Dong, PNA TO PME lent x + ous LS sr. + AE SC tn. nn Ne Dec — Signes nt TP mn. "74 te n Ê ‘een. dé. ea etes ang Pong, a into is EN CM 2e 28 Lo Re, ; vRS = ce ea at ST 5 MR A0 em CSS EE à Sarre a SO ae LE Se Ve 7 Bag re ne Vo Eur us eu Dane re Das Rates CSNRRe ES ue Le s< gas ea pag En on ; SS RTS = = ne Pace RP Pie “ * k e \ À SE En ne SI Se LE een tee Pt &s ‘ ï AS * < . Ne S - À Le NEVERS se N 2 ‘ SRE RSS SKA Lu a Tags © ei à ve NN get em En ns NS, Vers À Si ns a ae Sos RE N° Sister S NS La NV * ne nn. eue NN TR RE nn RO | Ter ed à PNR FT Pare ENS ve Ni NE gg" TNT ee RSS + EAN “ FAN ES a MAS € Var res S ra AE | mass à LRU AROUNS TS + - L À RAS VE ES CS) è ad er cs + RS ES RAT D TPE e ER NE AL Ra CDR Nine en ss RES Ses PSS ee Nue ae A ND NE N = Ÿ ù AS es 2 3 a : ON > » ER nn ee à SK x LS en Va F ù DAT RESTOS uk SS Rt NS | Res STE Sen RES NES Née re ae, Pa énie SE ss TRS & & < ER tale 2x ag HO ÿ >, TT RE Dar 3 LEA Le à He er à SOS OR EVE Th ae ETS DR DER nt VE Ses on ne tone et mes ete À ANNE NV à DENT ge Nr TE A ny ns IR An A pe VE tip, LR in An roue 7 en à Pa … … SN CS Lee LS ou CARS RE RS Es EE RS w su An DR FAN > re NS A eat PIRASTEE Nage Va Fe Vel Sans 0 TR dl à Vvrss RP N Wggi KR one ET à mat TS us ee un NOT TRES TONER CSSS RSS TS PR A CN SNS pp ee TE 7 gt Su he Ne RM RS PS Nr TS SSSR RAR NAN TS VANNES SRE Sn rec are Donne RS En Re TR SES TS à MAS SS _. KE nQ SATA Nes ee gg = sonne Patins asie Le Le rte Suis * any LE SE = Pet us ss Seb; A The. Le Er gt Va SN tent ire Ke AS MO VS re Ta Le + DER Ve Serie dites Vtt Vas nage ee S RS x Ps and a, © L'ALLSE à ù < Rae ÈS NS SEE pe PA En — ue, Vans és ane de ont a EE boue Er day NS ie EE ne Sr a PS ENS ER AVES DE ae NUE MES Din Z pc aa None Dane Nes ES RASE SR ST AS Pau SK et Re ne re SAN TE PROS RUN à Tate 4% a. pr pa en A £ NS . re Se TR = KA Em LA ER ne Le ere SCT SN ENS Ree TE EVER RRRSRS ne as RS NS È à à res s L ol ù n ve ze D NE Ve CURE re ru VAE So va St S BST a SES ARS RNS Se EDR ART RS - S « : pe) D e TPS LS à % Le * SASANE . S D ed Lire = * + ê © + a. va NARUTO STES S ste res ù , LE en Re A de » Sue Aa Don NN RAT CCC Nu ete sdunire rh 4 Ve, RUR Pb NT VE RCA ARR TRE SE ing RTC LIEN A rte Retstata AO ENRR A rage EME AE NE RE Dore un D TS Se PTE Ut RAR To nn $ > sans Um ge, … ve Fa os ne, a ES SNA En PRET EEE En RASE nn A 7 RE EAN V LORS