a HU DAT. MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ D'EMULATION DEDOURSS SEPTIÈME SÉRIE NEUVIEÈEME WOLUME BESANCON IMPRIMERIE DODIVERS ET Ci Grande-Rue, 87 1906 MÉMOIRES SOCIÈTE D'ÉMULATION DE DIOU BS RAREMENT RU : MÉMOIRES DE LA SOCIETEÉ D'ÉMULATION DU DOUBS SEPTIÈME SÉRIE NE UT ENTE VOLUME Ne SRQUNE” PR BESANCON IMPRIMERIE DODIVERS ET Ci Grande-Rue, 87 1906 NOTICE L'HOPITAL DU SAINT-ESPRIT DE BESANCON AUGUSTE CASTAN AVANT-PROPOS . La notice qu’on va lire. imprimée dans les Annuaires du Doubs (années 1864 et 1865), est une des premières œuvres de son auteur, et aussi l’une de celles qu’il est aujourd’hui le plus difficile de rencontrer dans une bibliothèque com- toise. À peine installé à Besançon, aussitôt après sa sortie de l'Ecole des Chartes, Castan poussa en tous sens ses re- cherches sur le passé de sa ville natale ; des archives dont le classement lui incombait, il tira en 1864 un travail sur le plus ancien des hôpitaux bisontins, celui du Saint-Esprit. [l se proposait de rédiger ensuite, sur le même plan, l’histoire de l'hôpital de Saint-Jacques et de la maison de Bellevaux et de réunir ces trois études en un volume. D'autres recher- ches, en particulier celles relatives aux fouilles archéolo- giques d’Alaise, lui firent ajourner, puis oublier son projet. Du moins dressa-t-il l'inventaire des archives hospitalières et prépara-t-il une copie des documents important à l’éla- boration de ses écrits ultérieurs ; travail resté manuscrit, mais dont une copie existe à la Bibliothèque de la ville. C’est là que devront aller les continuateurs de son œuvre ; ils s’y mettront en état d'explorer les sources qu’il avait, le pre- mier, si heureusement utilisées. Fondé au commencement du xuiI° siècle, dirigé par un ordre aujourd’hui éteint, et sécularisé cinquante ans avant la Révolution, l’hôpital du Saint-Esprit n’a pas disparu tout entier. Sa dotation, ou du moins ce qui a survécu d'elle Né EE constitue un des fonds dont dispose l’Assistance publique, à Besançon. Aussi la notice de Castan n'est-elle pas absolu- ment une page d'histoire morte. Sur les personnes ecclé- siastiques ou laïques qui ont été mêlées à son histoire, sur les biens dont les revenus continuent à soulager les ma- lades et les pauvres, elle contient des notions précises, mé- thodiquement et clairement distribuées dans quatre chapitres substantiels. Elle mérite l’éloge qu’un bon juge Jules Qui- cherat, adressait à l’auteur après avoir pris connaissance de la première édition : « C’est fait à ravir, nettement, sobre- ment, dans la juste mesure qu’il convient pour intéresser les curieux et éclairer l’administration. » (Lettre du 45 fé- vrier 1865.) | L., PINGAUD. NOTICE SUR L'HOPITAL DU SAINT-ESPRIT DE BESANCON CHAPITRE PREMIER. DE L'ORDRE -DU SAINT-ESPRIT. Si le christianisme n'a pas inventé la bienfaisance, il a eu, du moins, le mérite de l’ériger en devoir absolu et:de la pré- senter, sous le nom de charité, comme une vertu nécessaire au salut des âmes. L'Eglise, qui dès sa naissance eut la pré- tention de dominer et de régir tout l'édifice social, considéra la bienfaisance publique comme un moven d'action trop puissant pour en confier l'exercice à d’autres mains qu'à celles de ses ministres. Chaque diocèse, puis chaque église de quelque importance, eut de bonne heure son hospice ; les membres subalternes du clergé v distribuaient le pain de l’aumône aux indigents, y recueillaient les infirmes, y soignaient les malades. La bienfaisance demeura ainsi loca- lisée jusqu’au dixième siècle. Or sait qu'alors l'Europe fut saisie d'un immense vertige: l’appréhension de la fin pro- chaine du monde surexcita les imaginations, troubla les cœurs, bouleversa dans les consciences les notions des droits et des devoirs ; ce fut, pendant plus d’un siècle, un , be débordement effréné de toutes les passions, bonnes et mau- vaises. L’abandon de la culture, l’insouciance des lois de la vie matérielle, les perturbations morales, les querelles san- glantes, toutes ces causes réunies amenèrent une succession de famines et de pestes, ainsi qu’une foule de maladies hor- ribles que les âges précédents avaient à peine connues. Les croisades, engouement pour les pèlerinages, en fournissant une issue et un but à l'agitation fébrile qui tourmentait la chrétienté, enfantèrent de nouvelles infortunes. Pour remé- dier à une pareille somme de misères, le clergé séculier ne pouvait suffire; l'Eglise répondit à ces nouveaux besoins en créant les ordres hospitaliers. La papauté comprit de suite l’importance de ces institutions : aussi favorisa-t-elle de tout son pouvoir leur développement ; en les comblant de faveurs, en les dispensant de la juridiction des évêques, elle songea sans doute que ces colonies bienfaisantes, répandues sur toute la surface de l’Europe et ne relevant que d’elle seule, travailleraient à consolider sà prépondérance. Chacun des premiers ordres hospitaliers fut fondé en vue du soulage- ment d’une catégorie spéciale d’infirmités. C’est ainsi que les religieux de Saint-Lazare se consacrèrent à la guérison de la lèpre; ceux de Saint-Antoine, au traitement du mal des ardents ; les frères pontifes, à la construction des passerelles pour les voyageurs ; les trinitaires et les frères de la Merci, au rachat et à la réfection des captifs ; les ordres du Saint- Sépulcre, du Temple, de Saint Jacques et de Saint-Jean de Jérusalem, à la défense et au service des pèlerins. L'ordre du Saint-Esprit, venu l’un des derniers en daté, essaya de réa- liser une vaste synthèse de la charité chrétienne, en com- prenant dans son programme les sept œuvres de miséri- corde. | L'ordre du Saint-Esprit eut pour berceau la ville de Mont- pellier. Dans la seconde moitié du douzième siècle, un pieux personnage, du nom de Guy, fonda dans cette ville un hô- pital qu’il plaça sous l’invocation du Saint-Esprit, et institua pue une congrégation pour le régir. La congrégation devint bien- tôt nombreuse ; sa régularité, son zèle charitable pour toutes les infortunes, lui valurent promptement d’abondantes au- mônes. Dès 1198, l’ordre du Saint-Esprit possédait des éta- blissements à Marseille, à Milhau, à Clapiers, à Mezos, à Brioude, à Brageac, à l’Argentière, à Troyes ; 1l avait deux maisons à Rome, l’une à l'entrée de la ville, au lieu dit Sainte- Agathe, l’autre contiguë à l’église de Sainte-Marie in Tras- pontina. Non loin de ce dernier édifice, avait existé jadis un vaste hôpital, fondé au huitième siècle en faveur des pèlerins saxons, et nommé, en raison de cette circonstance, Sainte- Marie tx Sassia, ou en Saxe. Innocent IIT, ému par le récit des miracles de charité qu’opéraient les religieux de Mont- pellier, entreprit, dès la première année de son avènement, de restaurer à leur profit le vieil hospice des Saxons, et d'en faire une sorte de capitale hospitalière de la ville éternelle. « Ainsi que nous l'avons appris, disait le pontife, par le récit véridique d’un grand nombre, l'hôpital du Saint-Esprit que la sollicitude de notre cher fils, le frère Guy, a fondé à Mont- pellier, brille, entre les autres hôpitaux nouvellement insti- tués, par l'éclat de la religion autant que par l'exercice d’une immense charité... Là, en effet, les affamés sont rassasiés, les pauvres sont vêtus, les infirmes sont soignés, les indi- gents trouvent des consolations comme nulle part ailleurs ; en sorte que le maître et les frères de cette maison seraient plus justement nommés les serviteurs que les hôtes des indi- cents, et les seuls véritables indigents, parmi les pauvres de l’hôpital, sont ceux qui administrent aux pauvres les secours de la charité. » Après avoir tracé ce touchant tableau, [nno- cent [IT recommandait aux archevêques et évêques du monde chrétien les possessions des frères du Saint-Esprit ; il les conjurait de permettre à ces religieux d'établir des chapelles et des cimetières dans les lieux où ce voisinage ne porterait pas préjudice aux paroisses ; il constituait enfin hôpital de Montpellier en chef d'ordre, et soumettait à la juridiction du ss ne frère Guy et de ses successeurs dans le généralat, tous les hôpitaux de la même religion qui existaient ou pourraient être fondés à l’avenir (1). « Cette glorieuse prédominarce, dit M. A. Germain,... ne fut pas, néanmoins, de longue durée. Innocent IT lui-même commen ça à l’entamer, à partir de la mort de frère Guy, sur- venue en 1208. Honorius III le suivit dans cette voie, en ré- duisant la juridiction du commandeur de Montpellier aux hôpitaux de France, d'Espagne et d'Allemagne, pour sou- mettre à celle du commandeur de Romeles maisons d'Italie, de Sicile, de Hongrie et d'Angleterre. Grégoire [X alla plus loin encore; car il enleva en 1228 à l'hôpital de Montpellier la part de supériorité qui lui restait, pour le subordonner à celui de Rome, politique qui, sauf diverses modifications, subsista sous les papes suivants C2). » La translation du chef-lieu de l’ordre à Sainte-Marie-en- Saxe favorisa le développement de notre congrégation hos- pitalière et l’extension de ses privilèges. Placés sous la tu- telle immédiate du saint-siège, les religieux du Saint-Esprit purent puiser à pleines mains dans le trésor des grâces spi rituelles et attirer ainsi sur leurs maisons d’abondantes au- mônes. Aucun ordre charitable ne posséda d’aussi belles pré- rogatives. Nous allons énumérer les principales. Les hôpi- taux du Saint-Esprit étaient exempts de la juridiction des évêques ; ils n'étaient comptables que vis-à-vis du général de l’ordre, qui lui-même dépendait du saint-siège. Ils étaient dispensés de toute imposition générale levée sur le clergé, et ne pouvaient être contraints à un paiement quelconque qu'en vertu d’un mandat spécial du pape. Chaque hôpital avait la faculté d'ériger une chapelle et un cimetière, pour l'administration des sacrements et l’inhumation des morts de (1) Innocentii III epistolæ, édit. Steph. Baluzio, t. [, ep. 95, p. 52; ep. 97, p. 53. (2) A. GERMAIN, De la charilé publique et hospitalière à Montpellier au moyen âge, d’après les acles originaux; 1859, in-%°, p. 23-24. ee l'établissement ou de ceux qui y élisaient leur sépulture. Ces hôpitaux étaient exceptés des sentences d’excommunication lancées sur les pays où ils se trouvaient, et quand leurs dé- légués arrivaient en terre mterdite, les églises se rouvraient pour la publication de leurs indulgences et les convois des morts qu'ils jugeaient convenable de livrer à la sépulture ecclésiastique. Les curés étaient tenus d’'héberger, une fois lan, les quêteurs du Saint-Esprit et de laisser à ceux-ci toute hberté de prêcher la charité, de recueillir les aumônes et d'entendre les confessions : ces exercices ne pouvaient être interrompus par les cérémonies ordinaires de lEglise. Il était loisible aux supérieurs d’hôpitaux de créer, au sein des paroisses, des confréries du Saint-Esprit, dont les membres, moyennant une prestation. Jouissaient des mêmes faveurs spirituelles queles religieux, participaient à toutes les bonnes œuvres de l'Eglise militante et avaient droit de recevoir l’ab- solution plénière à l’article de la mort (1). Sous l'influence d’aussi puissants mobiles d'attraction. les hôpitaux du Saint-Esprit se multiplièrent dans tout le monde chrétien. Au bout d’un siècle, leur nomkre était devenu si considérable qu'il fut dès lors impossible au grand-maitre de l’ordre d'exercer sur chacun d'eux une surveillance directe. Le remède à cet inconvénient fut d'établir une hiérarchie entre les hôpitaux, analogue à celle qui existait entre les églises séculières. À cet effet, les petits hôpitaux furent ré- partis en groupes, et chacun de ceux-ci subordonné à une maison importante de l’ordre. Les chefs de ces maisons ma- oistrales avaient sur les hôpitaux de leurs districts respectifs les pouvoirs les plus étendus ; ils en instituaient et en modi- fixent à leur gré le personnel, veillaient à ce que les fonda- tions y fussent remplies, en recevaient enfin un tribntannuel, à titre de reconnaissance de leur supériorité. Les maisons magistrales étaient assujetties à des obligations du même (1) Livre contenant plusieurs notes des archives de l’archihospital de Rome, fol. 121-131. (Archives du Saint-Esprit de Besançon, chap. 1, n° 25.) 10. genre vis-à-vis du chef-lieu de l’ordre. Pour rendre la sur- veillance plus immédiate et plus efficace, les grands-maîtres créèrent fréquemment des généralats nationaux au profit de chefs d’hôpitaux considérables. Ces dignités, toutes per- sonnelles et temporaires, ne conféraient à ceux qui en étaient investis qu un droit d'inspection sur les hôpitaux d'une ré- gion déterminée. Le grand-maitre de l’ordre déléguait, en outre, des visiteurs ou réformateurs, munis d’instructions spéciales. Les circonscriptions des quêtes étaient très va- riables. Nul ne pouvait récolter des aumônes dans les divers diocèses sans être muni d’autorisations des évêques compé- tents ; or, ceux-ci, n'étant obligés à cet égard que vis-à-vis, de l’ordre du Saint-Esprit en général, demeuraient libres d'accorder des licences aux hôpitaux qu'ils trouvaient bon de favoriser. L'usage avait fini cependant par créer des droits. Les maisons magistrales affermaient ordinairement, moyen- pant un rendement annuel, les produits de ces quêtes; elles imposaient toutefois aux adjudicataires l'obligation de ne confier la châsse et le tableau des privilèges de l’ordre qu’à des personnes dignes d’une pareille mission. L'ordre du Saint-Esprit ne fut, à l’origine, composé que de religieux laïques et de séculiers. Innocent IIF, compre- nant les avantages qui pouvaient résulter des messes et des confessions, décréta qu'il y aurait toujours, dans la maison de Rome, quatre frères investis des ordres sacrés. Cet exem- ple fut suivi par les autres hôpitaux, et l’ordre arriva promp- tement à se composer en majorité de prêtres. Les séculiers attachés à l’ordre s’insurgèrent contre cet état de choses ; ils eurent même la prétention de constituer une milice du Saint-Esprit analogue à celles de Saint-Jean-de-Jérusalem et du Saint Sépulcre. Renforcés d’un ramas d'intrigants, ils parvinrent à s’'impatroniser dans un grand nombre d’hôpitaux, dont ils gaspillèrent les revenus au point d’y rendre impos- sible exercice de la charité. Supprimée canoniquement par Pie IT en 1459, puis par Sixte IV en 1476, cette milice de he pirates disparut pendant quelque temps ; mais on la vit bien- tôt se relever à la faveur des perturbations politiques du seizième siècle. Au début du siècle suivant, elle tenait dans ses mains tous les hôpitaux du midi de la France. « Les maisons de Besançon et de Dijon, dans tous ces temps d’a- gitation et de trouble, ont été, dit un historien (1), le boule- vard et la forteresse de l’ordre. C’est elles seules, avec leurs dépendances, qui, par un tendre amour pour la régularité, ont essuyé, pendant de longues années, tout le travail et toutes les dépenses. Elles seules ont résisté aux puissances et aux novateurs qui avaient entrepris de dénuturer l’ordre et de le rendre militaire. » Nous nous trouvons donc dis- pensé d'entrer dans de longs détails sur la milice de l’ordre, puisque ses tentatives échouèrent vis-à-vis des hôpitaux des deux Bourgognes et de la Lorraine. Nous ne pouvions ce- pendant la passer complètement sous silence, car ses dépré- dations ont été pour beaucoup dans la détermination prise par Louis XIV, en 1672, d’abolir en France l’ordre du Saint- Esprit et de réunir ses biens à ceux de Saint-Lazare. Cette mesure reçut un commencement d'exécution; mais les maisons régulières de l’ordre protestèrent tant et si haut, que l’édit d'union fut rapporté en 1693. Ce succès obtenu, la guerre se ralluma entire les religieux et les chevaliers ; elle ne fut pas toutelois de longue durée. Un arrêt du conseil, en date du 10 mai 4700, déclara l’ordre purement religieux et hospitalier, Par un second arrêt du 4 janvier 1708, l'hôpital de Montpellier était érigé en chef d'ordre pour la France, et son supérieur, rendu indépendant de celui de Roine, recevait le titre de grand-maître de tout l’ordre régulier du Saint- Esprit de Montpellier en decà les monts (1. . Nous ne savons pas au juste l’époque de l'introduction de ‘ (1) Idée générale de l’ordre réqulier des commanderïrs et chanoines hospitaliers du Saint-Esprit de \iontpelier en degi des monts. Paris, Jaques Josse, 1718, in-80, p. 12. | (2) Hézyor, Histoire des ordres monastiques, t. II, p. 199 et suiv. 4 religieuses au sein de l’ordre du Saint-Esprit, Tout porte à croire qu’elles y furent de bonne heure nécessaires, l’ordre du Saint-Esprit ayant pratiqué, dès ses origines, le sauvetage et l’éducation des enfants abandonnés. « Il n’y a, dit le P. Hélyot (l),que les religieuses de Rome qui gardent la clôture ; la plupart demeurent dans les mêmes hôpitaux que les reli- gieux, comme à Besançonet en d’autres endroits. Elles sont aussi quelquefois seules dans d’autres maisons. » Outre les trois vœux de pauvreté, de chasteté et d’obéis- sance, communs à tous les ordres religieux, les fréres et sœurs du Saint-Esprit en faisaient un quatrième, celui de servir perpétuellement les pauvres. Les hôpitaux ne leur de- vaient, à la rigueur, que le pain et l’eau. Leur vêtement était des plus humbles, comme il convenait à des serviteurs des pauvres ; & car, disait la règle, quand le maitre va nu et souillé, 1l serait honteux que l’esclave vécût dans le faste. » Les frères ne pouvaient manger qu'après les pauvres ; ils devaient s'asseoir à une table commune et reposer dans un même dortoir. Les épreuves du noviciat duraient une an- nÉe (4). Les pauvres, les péierins et les malades, sans distinction d’origine et d’infirmité, trouvaient asile et nourriture dans les hôpitaux de l’ordre. On y soignait les femmes enceintes ; on y recueillait les enfants abandonnés. Ceux-ci n'étaient rendus à la société que lorsqu’après l'apprentissage d’un métier, ils étaient devenus capables de pourvoir à leur existence. Les jeunes filles avaient le choix d’entrer dans l’ordre ou de se marier. Le plus grand nombre adoptant ce dernier parti, il importait d'attirer sur elles l'attention du pu- blic. Pour cela, il se pratiquait à Rome une singulière céré- monie. Drois fois par année, aux fètes dela Pentecôte, de. Saint-Antoine et de Saint-Marc, les jeunes filles du Saint- dem EAP Ep 207 (2) HoLsTENIUS, Codex regularum, t. V, p. 495 et seq. ERA EE Esprit se rendaient processionnellement, sous la conduite des religieux, à la basilique de Saint-Pierre ; elles étaient précédées d’une musique et escortées par un détachement de la garde pontüficale. Cette cérémonie attirait un grand concours de population. Ceux des spectateurs qui désiraient prendre pour femme une jeune fille du Saint-Esprit, arrê- taient alors leur. choix, et l’indiquaient en remettant à la préférée un signe quelconque, tel qu’un anneau. Au retour de la procession, les prétendants se présentaient à lhôpital et retrouvaient aisément leurs futures au moyen du sym- bole remis. Il S’ouvrait alors une enquête sur leur compte, et le mariage de ceux qui étaient agréés se célébrait dans la chapelle de l’hôpital. La dot qui leur était payée par la maison, s'élevait, au dix-septième siècle, à cent écus ; elle devait être restituée dans le cas où la femme mourrait sans enfants : mais le mari avait le droit, durant sa vie, d’en tou- cher les intérêts au taux de 7 0/0 (1). Pour tous les cas qui n'étaient pas spécialement prévus par la règle, l’ordre du Saint-Esprit devait s’inspirer du ca- talogue des sept œuvres de miséricorde. « Voici en quoi consistent les sept œuvres de miséricorde, dont la nomen- clature, dit Gabriel Peignot (2), n’est peut-être pas aussi fa- milière à beaucoup de monde qu'elle l'était dans les siècles précédents : | » 10 Esurientes pascere : donner à manger à ceux qui ont faim. » 20 Potare sitientes : donner à boire à ceux qui ont soif. » 3° Hospitio excipere advenas : exercer l'hospitalité en- vers les étrangers. (1) Rela:ione del modo che se tiene da religiosi di S. Spirito nel go- verno dell’ archinospitale apostolico di S. Spirito in sassia di Roma, e dell’ ordine che si osserva nella cura degl’ infermi e espositi, scritta da fra DoMENICO BORGARUCCI, 1623. (2) Histoire de la fondation des hôpitaux du Saint-Esprit de Rome et de Dijon, p 50-51. He ie » 4° Vestire nudos : donner des vêtements à ceux qui sont nus. | » 90 Æÿgros curare : prendre soin des malades. » 6° Liberare captivos : délivrer les captifs. » 70 Sepelire inortuos : ensevelir les morts. Outre ces sept œuvres de miséricorde, que l'Eglise nomme corporelles, il en est sept autres qu’elle désigne sous le nom de spiriluelles. Voici en quoi elles consistent : 1° don- ner des conseils salutaires à ceux qui en ont besoin ; 2 cor- riger ceux qui manquent ; 3 instruire les ignorants ; 4° con- soler les affligés ; 5’ pardonner les injures ; 60supporter les peines ; 7° prier pour les morts, pour les vivants, et pour > ceux qui nous persécutent. » Au point de vue des pratiques spirituelles, le pape Eu- gène IV, par sa bulle du 14 mars 1446, assimila les religieux du Saint-Esprit aux chanoines réguliers de l’ordre de Saint- Augustin. Cette mesure eut, en beaucoup d’endroits, de ficheuses conséquences. Les hospitaliers, qui s'étaient con- tentés jusque-là du strict nécessaire, abandonnant tout le reste aux pauvres, voulurent désormais, à l’instar des cha- noines, prélever sur les revenus de lhôpital des prébendes dont ils pussent avoir la libre disposition. Cette tendance, bien que contraire à l'esprit et au but de l’ordre, n’excédait pas néanmoins les limites d’une stricte légalité. Dans ces siècles où la crainte des tourments de l’autre vie constituait le principal mobile du gouvernement des âmes, les dona- tions étaient presque toujours grevées d’offices et de priè- res ; il pouvait donc paraitre équitable que ceux qui sup- portaient les charges eussent leur part des avantages maté- riels qui en résultaient. Quant à ladministration du temporel, le régime de l’ordre avait un caractère essentiellement démocratique. Toutes les affaires étaient soumises à la délibération des religieux réu- ñnis en chapitre, sous la présidence du recteur de la maison. Dans les hôpitaux où la conventualité n’existait pas, le reli- gieux chargé de l’administration ne pouvait contracter sans l’assentiment du chapitre de la maison magistrale. La ges- tion de chacun des hôpitaux du ressort était, chaque année, soumise à la censure d’un chapitre général, composé du personnel de la maison magistrale et de tous les recteurs qui en dépendaient ; cette assemblée avait lieu le quatrième dimanche après Pâques. L'habit ordinaire des religieux consistait en une soutane, qui était originairement bleu céleste, mais qui aflecta la couleur noire à partir de la seconde moitié du quinzième siècle, puis en un manteau qui ne cessa jamais d’être noir. Sur le côté gauche de ces deux vêtements, ressortait, en toile blanche, une croix à double traverse, affectée d’un épa- tement et d’une échancrure à chacune de ses six extrémités, d’où résultait un total de douze pointes. Au chœur, les reli- gieux étaient vêtus d’un surplis, qui dans la saison d'hiver disparaissait sous une grande cape de drap noir, doublée d’étoffe bleue, avec camail à boutons et retroussis bleus, dé- coré de la croix blanche. En été, la cape était remplacée par une aumusse en drap noir, doublée de bleu céleste et bor- dée de fourrure noire, laquelle se portait sur le bras. Les religieuses étaient vêtues de noir ; elles portaient, sur leur robe comme sur leur manteau de chœur, la double croix de toile blanche, _ L'ordre avait originairement pour armes : d'azur à une croix d'argent à douze pointes. Au xve siècle, le champ d’a- zur fit place à un champ de sable, et la croix fut surmontée d’un Saint-Esprit d'argent en champ d’or dans une nuée d’azur (1). . F. . Cette double croix à douze pointes, qu'on voit imprimée sur tout ce qui appartenait à l’ordre, aussi bien sur les ha- bits des personnes que sur les bâtiments et les moindres objets mobiliers, n’était point un simple motif de décora- (1) HéLyoT, Histoire des ordres monastiques, t. ET, p. 916-217. A ee tion ; c'était un emblème d’un symbolisme assez compliqué. Les trois bâtons réunis en une seule croix figuraient, pour les uns, le mystère de Ja Sainte Trinité, tandis que les douze pointes rappelaient le nombre des Apôtres. Certains y voyaient l’association de la croix du Sauveur et de celle que tout chrétien doit porter dans son âme. Pour d’autres enfin, c'était une allusion au double fardeau que s'imposaient les membres de l’ordre, en travaillant à la fois à leur propre sa- lut et à celui de leurs semblables (1) L'hôpital du Saint-Esprit de Rome est encore aujourd’hui le plus vaste établissement de charité que possède la ville éternelle. « Il y a douze salles, grandes et petites, qui peu- vent contenir jusqu'à 1,600 lits. Dans ces salles, les ma- lades sont distribués selon leur genre de maladie, les fièvres, le scorbut, les maladies chroniques, les affections de poitrine, etc. Il y a aussi une école de médecine clinique fondée par Pie VIT, à laquelle sont affectées deux salles ; l’une de douze lits destinée aux hommes, l’autre de six, aux femmes... Le chiffre moyen des malades est annuellement d'environ douze mille. » Cet hôpital... possède un théâtre anatomique, une ma- gnifique salle de dissection, une riche collection d’instru- ments de chirurgie, une considérable pharmacie et une vaste bibliothèque de médecine dite Lancisiana de ce qu’elle appartenait au célèbre médecin Jean-Marie Lancisi. » À cet hôpital sont annexés deux autres grands établisse- ments placés sous la même administration. Le premier, qui remonte à l’époque de la fondation de l'hôpital, est des- tiné aux enfants trouvés, qui sont nourris dans l’établisse- ment ou envoyés en ville ou dans les environs de Rome. Le nombre annuel est d'environ 800. Le second établisse- (1) Ratio seu discursus tolius visilalionis ordinis S. Spirilüs in Sa- œia de Urbe per Gailiam et Germaniam, quam fr. MELCHIOR DE VALLE executioni demandavit, ab anno D. 1596 ad annum 1597 (Archives de l'Hôpital du Saint-Esprit de Besançon, ch, 1, n° 23), fol. 115, verso. M See ment... est destiné aux aliénés des deux sexes ; il peut con- tenir plus de 500 individus (1), » CHAPITRE IT. ESQUISSE D'UNE HISTOIRE DU SAINT-ESPRIT DE BESANÇON. La fondation de lhôpital du Saint-Esprit de Besançon coïncide avec la naissance de notre commune ; les deux ins- titutions grandirent côte à côte sur la même portion de ter- ritoire, en se prètant un mutuel appui. Cette portion de territoire occupait la partie basse de la ville, et s'appelait le Bourg ; au xt‘ siècle, l’archevêque Hugues Ier Favait peu- plée de colons enlevés à ses domaines ruraux. Pendant près d'un siècle, la nouvelle population avait paisiblement végété dans un demi-servage dont ie caractère saillant était la muin- morte. Mais quand le vent de l'insurrection communale était venu souffler à ses oreilles, elle avait brusquement secoué ses chaines, et organisé, de concert avec les hommes libres, une ligue offensive et défensive contre les archevê- ques. Après trois révoltes sanglantes, le pouvoir archiépis- copal, bien que matériellement vainqueur, avait fini par capituler. Par un traité du 9 mai 1180, conclu sous la mé- diation de Frédéric Barberousse, il s'était dessaisi de l’o- dieux droit de mainmorte, effaçant ainsi toute distinction d'état civil entre les divers groupes du tiers-état. L'associn- tion n’en était devenue que plus compacte et plus -ambi-- tieuse ; elle voulait une existence politique, et ne devait reculer devant aucun effort pour l'obtenir. Dès la fin du xI1° siècle, le tiers-état de Besançon formait une corporation vivace, ayant des assembiées, une caisse, et convoitant déjà les anciennes propriétés du municipe romain, sur lesquelles les citoyens avaient conservé des droits d'usage. La com- (1) A. NiBBv, linéraire de Rome et de ses environs; 9% élit, Rome, 1863, p. 539-540. Ë HUE Von. 9 9 = 40 — mune était créée. Bien qu’elle comptât, dès lors, des mem- bres dans la plupart des régions de la ville, son influence politique ne dépassait pas les limites du Bourg ; les autres quartiers appartenaient en toute souveraineté, soit à l’arche- vêque, soit à divers chapitres et abbayes (1). Telle était la situation de notre commune, lorsqu un pieux chevalier, nommé Jean de Montferrand, introduisit à Be- sancon les religieux de Montpellier, et leur assigna, dans le Bourg, un vaste terrain, franc de toute servitude, compris entre la rivière du Doubs et les ports Mayeur et d’'Haute- rive. On attribue généralement cette fondation à l’année 1203 ; elle est, à coup sûr, antérieure au 30 août 1207, époque pré- cise de la mort de Jean de Montferrand (2). Il existait déjà, dans la ville, un certain nombre d’hôpitaux ; mais, créés en vue de classes spéciales d'individus, et subordonnés, pour la plupart, à des chefs d’abbayes ou de chapitres, la commune n'en pouvait tirer aucun secours. Nous citerons, entre au- tres, l'hôpital de Saint-Jacques-des-Arènes, fondé en 1182 par le chapitre de Sainte-Madeleine pour héberger les pèle- rins qui se rendaient à Compostelle ; l'hôpital de Saint-An- toine, destiné d’abord à la guérison du mal des ardents, puis à la nourriture des estropiés ; les hospices de Sainte-Brigitte et de Saint-Antide, propriétés du chapitre de Saint-Jean et de l’abbaye de Saint-Paul, et affectés aux hommes de ces deux églises. La commune ne put manquer de faire un excellent accueil à l’ordre du Saint-Esprit, non seulement à cause du carac- tère universel de son hospitalité, mais aussi et peut-être : {1) Voir nos Origines de la commune de Besançon, 1858, in-89. — Cf. A. DELACROIX et À. CASTAN, Guide de l’étranger à Besançon et en Franche-Comté, Besançon, Bulle, 1860, in-12, p. 77-80. (2) « HT kal. (sepltembris). — Obiit Joannes miles de Monteferrando, qui fundavit domum istam, et dedit nobis dominium de isto vico usque ad portum Majoriæ Bisunt., super masos, anno Domini Mo CC septimo. » (Nécrologe du Saint-Esprit de Besançon ; copie de l’an 1666, aux ar- chives du Saint-Esprit, fol. 28, verso.) 0e plus encore en raison des privilèges qui le rendaient abso- lument indépendant des archevêques. Les comtes de Bour- gogne, ces rivaux acharnés de Ja puissance temporelle des prélats, favorisèrent les prétentions de la commune, espé- rant, par ce canal, ressaisir une part de la domination qu’ils avaient Jadis exercée dans la ville; ils tendirent également la main à l’hôpital naissant et contribuèrent des premiers à sa dotation. Grâce à ce double patronage, la maison du Saint-Esprit de Besançon fut à la fois l’hospice communal de la ville, en même temps qu’un asile charitable qui devait pro- fiter à toute la province et même aux étrangers (1), Le mauvais état de la voirie au moyen âge rendant les com- (1) « … Hospitalis Sancli Spiritus Bisuntini... pauperum nostre dyocesis et alienarum ibi confluentium..,. receptaculum et sagenam... (Carta Vi- talis, archiep. Bisunt., 1313.) «... Hospitale vestrum (S. Spiritüs de Bisuntio ... in quo. ut accepi- mus, divinum oflicium diurnum pariter et nocturnum quothidie celebra- tur, Christi pauperes languidi, orphani expositi, inopes puerpere, cetereque miserabiles persone undecunque venientes, caritative foventur, virgines utriusque sexus artibus instruuentur honestis atque ipsius hospitalis sump- übus nuuptui taduntur, aliaque multipiicia charitatis opera dietim exercen- tur.. » (Bulla Eugenii 1V, hospitali S. Spiritüs Bisunt. concessa, 8 idus decembris 1485.) €... [gitur cum nuncii venerande domus hospitalis pauperum Sancti _ Spiritus Bisuncii, ordinis sancti Augustini, in quo tam pia fiunt et septem misericordie opera aliaque caritatis exercentur subsidia, ut pluribus est manifestum, et, ob rerum penuriam et deffectum, et eliam propter guer- ras in Francie et Burgundie partibus, proh dolor ! vigentes, tot et tantis pauperibus ad dictum hospitale confluentibus et in eodem decumbentibus nequeant integre necessaria administrari, um quia pauperes inflrmi in eodem sustentantur, orphani nutriuntur et artibus debitis quibus vitam deffendant inopem, expensis dicte domus, instruuntur, mulieres in puer- perio Jacentes relevantur, omnesque ibidem transitum facientes, cujus- cunque status et conditionis existant, indistincte, pietatis et misericordie iñtuitu, recipiuntur, et virgincs maritantur, neenon divinum officium et hore canonice, lam diurne quam nocturne, singulis diebus laudabiliter exsolvuntur, aliaque opera misericordie et pietatis ibidem exercentur et complentur ; que tam pia opera durare non possent, nisi gratis fidelium elemosinis adjuvarentur... » (Mandatuin Ainedei de Talaru, archiepisco- pi Lugdunenisis, Basilæ, 17 jul. 1437.) | ne a munications fort difficiles, lhôpital de Besançon ne pouvait être réellement utile qu'à une bien faible partie du comté de Bourgogne : aussi dut-on songer de bonne heure à lui créer des succursales. L'initiative de ces fondations vint le plus souvent des seigneurs, quelquefois des communes, en quel- ques endroits de l’ordre lui-même, qui accepta l’onéreux présent de plusieurs maladreries en ruine, afin d’y faire re-. vivre l'hospitalité. À la demande de pieux personnages, des essaims de la communauté de Besançon franchirent le Jura et les Vosges, pour servir les pauvres de la Suisse romande et de la Lorraine. Suivant la coutume de l’ordre, tous les hô- pitaux issus de la maison de Besancon durent rester, Vis-à- vis de celle-ci, dans une étroite dépendance et lui payer un tribut annuel; en revanche, ils avaient part au produit des quêtes qu'organisait le chef-lieu. Frère Pierre, de Lyon, qui en 1334 s’intitulait recteur et maître de l’hôpital du Saint-. Esprit de Besancon et des autres maisons du. Saint-Esprit existant en Bourgogne et en Lorraine, avait la haute main sur les dix-huit hôpitaux dont voici, par ordre d'importance, la nomenclature : Besançon, Toul, Neufchâteau, Polignv, Gray, Dole, Neuchatel (Suisse), Saint-Julien, Arlay, Metz, Vaucouleurs, Chaussin, Rochefort, Arinthod, Orgelet, le Grois-Bois, Saint-Lieffroy et les Longeaux. | - Ge ressort, déjà très vaste, s’accrut encore au xv° siècle, mais seulement pour une quarantaine d'années, de l’hôpital du Saint-Esprit de Dijon et de ses dépendances, les maisons de Fouvent, de Tonnerre et de Bar-sur-Aube. En décrétant cette annexion, le2 avril 4437, le chapitre général de Rome avait pour but de remédier aux désordres qui s'étaient in- troduits dans l'hôpital de Dijon à la faveur des guerres. L'hôpital de Besançon était alors dans une situation relati- vement prospère. Administré par un recteur aussi intelligent en affaires que vigilant conservateur de la régularité, possé- dant encore, par suite de donations pieuses et d’acquisitions habilement faites, un revenu foncier considérable, que dé: ee passait le produit des quêtes qu'il avait droit de faire dans la plupart des diocèses de l’est et du nord-est de l’ancienne Gaule (1), la charité s’y exerçait sur une immense échelle. Les bâtiments ne furent bientôt plus en proportion avec le nombre des indigents de toute espèce qui venaient s’y réfu- oier ; ce nombre, en 1435, dépassait cent vingt. Un accrois- sement de local devenant indispensable, le frère Lambelet Vernier, ce modèle du recteur d’hospice, jeta les yeux sur l’ancien hôpital de Saint-Jacques-dans-les-Arènes, qui, donné en bénéfice perpétuel à des clercs séculiers toujours absents, avait fini par tomber de vétusté. Guillaume de Besançon, ti- tulaire de ee bénéfice, était attaché à la personne du pape Eugène IV en qualité de messager (cursor) de Ia chambre apostolique. Lambelet avait de puissants amis à la cour de Rome, entre autres le chanoine Hugolin Folain, déjà familier du pape, et que son aventureuse destinée appelait à cumuler un jour les titres assez disparates d’archidiacre de Besançon et de vice-amiral de la flotte pontificale. Le consentement de Guillaume de Besançon obtenu moyennant l'assurance d’une pension viagère de douze florins d’or, 1l fallut enlever celui de l'archevêque, d'autant moins disposé à un accommode- ment que l’unton projetée avait pour conséquence de placer hôpital de Saint-Jacques sous la tutelle d’un ordre qui ne (1) « … Comm'il soit que, de toute ancienneté et par temps immémo- rial, nous compète et appartient l’auctorité et pouvoir... en plusieurs éves- chez et archeveschez faire questes..… pour l’entretenement et sustentation des pauvres de notre diet hospital, y affluans journellement de divers peys et contrées en grand nombre, aussi de pauvres filles abusées estans en- ceinctes, pauvres petiz enfans abjectz destituez de pères et mères, aultres indigents et misérables personnes, lesquelles questes et perceptions d'aul- mosnes se font ès peys de Flandres, soubz les éveschées et diocèses de Cambruiy, Tournay, Théroanne, Liège, que aussi ès peys et contrées tant du Dauphiné que Savoye, item soubz les éveschées, archeveschées et diocèses tant de Lyon, Genefve, Reley, décanat de Chambéry, Morianne, Taranthése, Hostz, Svon et Lozanne, comme aussy ès duché et conté de Bourgoingne, soubz l'archevesché et diocèse de Besançon... » (Mandement de Claude Buffet, recteur du Saint-Esprit de Besançon, 1 mars 15€9, v. s.) be Gghore reconnaissait pas sa juridiction. Les négociations durèrent un an. Quand toutes les difficultés furent aplanies, Lambelet Vernier se rendit à Florence, où résidait, auprès du pape Eugène IV, le cardinal Jean de la Roche-Taillée, archevêque de Besançon en même temps que vice-chancelier de l'Eglise romaine. Par un traité passé entre l’archevêque et le recteur, sous Ja date du 16 février 1436, Lambelet s’engageait à re- construire l’hôpital de Saint Jacques au moyen des ressour- ces de cet établissement, et à v entretenir perpétuellement douze lits montés, propres à recevoir autant de pauvres. Il était stipulé, en outre, que l’hôpital de Saint Jacques demeu- rerait soumis à la juridiction de l’archevêque, lequel, en re- connaissance de ce droit, recevrait, chaque année, du recteur du Saint-Esprit, un tribut de dix sous. Ces conditions avant été souscrites par Lambelet Vernier et Guillaume de Besan- con, l’archevêque déclara l'hôpital de Saint-Jacques définiti- vement incorporé à la maison du Saint-Esprit. Une bulle d'Eugène IV, en date à Bologne du 11 octobre 1436, con- somma l'opération. À partir de cette époque, on voit l'hôpital du Saint-Esprit tendre à former deux sections distinctes, bien que régies par une même administration. Les anciens bâtiments du Bourg, siège de la communauté, continuent à recevoir les femmes en couches et les enfants trouvés, tandis que les malades, les vieillards et les voyageurs sont, le plus que possible, envoyés à Saint-Jacques. Cette dernière maison était confiée à un frère profès de l’ordre, assisté de quelques religieuses. La rupture de Charles le Téméraire avec Louis XI inau- gura, pour le comté de Bourgogne, une période calamiteuse, durant laquelle des bandes armées ravagèrent en tous sens cette province. Le bien des pauvres ne fut pas épargné. De- puis longtemps, d’ailleurs, par suite des guerres anglaises l'hôpital de Besancon avait dû cesser ses quêtes dans un cer- tain nombre de diocèses. L’amoindrissement du revenu eut pour conséquence de restreindre la charité. Dès le milieu du xve siècle, l'hôpital du Saint-Esprit, se considérant comme particulièrement obligé vis-à-vis des enfants trouvés et des voyageurs, commençait à se montrer parcimonieux à l’en- droit des malades. « Aujourd’hui (4 novembre 1463), disent les actes municipaux, messieurs les gouverneurs devant es- criptz eulx estre informez de certain vellet de Jehan Bou- dreur, lequel estoit griefment malade, et que fut mené en l’ospital du Saint-Esprit par deux ou trois fois, et lequel le- dit maistre n'a voulssu recevoir, ains de tout son povoir l’a refusé ; et pour ce messieurs les gouverneurs, par la voix et orgain de honnorable homme et saige maistre Roubert Pré- vost, a esté dit que ledit hospital estoit communl pour toutes gens et fondé pour tous pouvres, soit estrangiers ou de la ville, et que ledit maistre ne debvoit refusé personne quel- cunque ; et pour ce est esté dit audit monsieur le maistre que doiresenavant se gouverne en telle manière que messieurs n’avent cause de plus avant en parler, ou aultrement mesdits sieurs, pour le bien de ladite cité et de tous aultres, y pour- voieront en telle manière que ledit maistre du Saint-Esperit sera contant par raison. Et pour ce, ledit maistre a respondu que du tout il s’en rapporte à mesdits sieurs, et qui fera doiresenavant si bien et si justement que Dieu et le monde seront contant. » Les admonitions de la commune, bien que basées sur la règle et les traditions de l’ordre du Saint-Esprit, ne purent longtemps prévaloir sur la diminution toujours croissante des ressources de l'hôpital. À peine la guerre avait-elle suspendu ses ravages, qu'une série d'années improductives plongea le pays dans la plus affreuse misère, A plusieurs reprises, le parlement du comté de Bourgogne interdit les quêtes qui se faisaient dans son ressort ; ces mesures brisèrent le dernier rouage financier qui restàt à l'hôpital. À une époque où l'hygiène publique n’était pas, à beaucoup près, ce que nous la voyons aujourd’hui, 1l était rare que la peste n’accompagnât pas la famine. Le premier de ces fléaux sévit à Besançon, d’une manière presque permanente, pen- dant la première moitié du xvi° siècle. Or, le soin des pesti- férés avait toujours incombé aux religieux du Saint-Esprit ; c'était chez eux que logeaient les chirurgiens et barbiers que la municipalité prenait à ses gages « pour servir en l’état de la peste. » L'hôpital supporta, sans mot dire, ce lourd far- deau, tant que ses finances le lui permirent; mais, en 1595, se trouvant à bout de ressources, son recteur fit des instances pour en être déchargé. La commune était naturellement soupçonneuse, surtout à » égard des étrangers ; elle qualifiait ainsi et traitait comme tels tous les individus qui, par leur naissance, n’appartenaient pas au comté de Bourgogne. Ayant fait, en 1519, d'inutiles efforts pour empêcher le Dijonnais Thomas Michelot d'arriver au gouvernement de l’hôpital de Besançon, elle n'avait qu'une médiocre confiance dans ce personnage, La réponse à ses doléances fut une délibération qui confiait le temporel de l’hôpital à deux séculiers, et limi- tait le rôle des religieux à la desserte des fondations pieuses. Cette résolution n’eut pas une bien longue suite. La com- mune, après mûr examen, put se convaincre que « la mau- vaise administration etle gros désordre » reprochés à Tho- mas Michelot n'étaient qu’une cause mfiniment accessoire de la ruine de l'hôpital, et que cette ruine n’était malheureuse- ment que trop réelle. Au lieu de persister dans des exigences impossibles à satisfaire, la commune décida lérection, sur le sol de Chamars, d’un hospice spécial pour les pestiférés. Une souscription publique fut ouverte immédiatement dans ce but; l'hôpital du Saint-Esprit y contribua, en abandonnant à la commune seize ouvrées de vignes situées à Chamars qui servirent à indemniser les propriétaires du terrain choisi pour construire le nouvel établissement. En échange de cette cession. dont l’acte fut passé le 27 novembre 1528, l'hôpital du Saint-Esprit fut à tout jamais relevé de l'obligation de soi- gner les malades atteints par la peste. Quelques jours au- paravant (21 novembre), mettant à profit les dispositions amiables de la commune, l’hôpitai avait amodié, pour cinq années et moyennant un loyer annuel de sept francs, la mai- son de Saint-Jacques, à la réserve de la cuisine et d’une chambre au rez-de-chaussée, « pour en icelles chambre et cuisine loger les poures pèlerins y accoutumez loger. » Le locataire, Etienne du Pont, chapelain de l’église Sainte-Ma- deleine, s'était engagé à célébrer une messe par semaine dans la chapelle de la maison, Ce bail fut résilié, du commun accord des parties, le 17 avril 1531. L'hôpital traversait alors une phase extrêmement critique. Ne retirant plus rien, ni des quêtes que la rivalité sanglante des maisons de France et d'Autriche rendait impossibles, ni des domaines ruraux, la plupart dévastés où abandonnés, il avait dû, pour faire face aux nécessités les plus urgentes, contracter des emprunts fort onéreux. L’interruption d’une partie des services de l’hôpital avait introduit, parmi les re- ligieux, des habitudes de paresse et de frivolité contre les- quelles le chapitre général eut plus d’une fois à protester. À tous les points de vue, la décadence était complète. La com- mune essaya, tantôt par des sévérités, tantôt par des avances de fonds, d’en arrêter le cours. « Afin, disait-elle le 30 sep- tembre 1536, afin que les poures estans en l’hospital du Sainct-Esperit de ceste cité soyent bien traictez au contente- ment du Créateur, a esté ordonné que, chascun jour aux disné et souppé, deux citiens non allans au labeur aux champs visiteront lesdicts poures, par sepmaine, et leur verront donner à boire et à manger; et, s’il y a désordre ou déffail- lance, en viendront faire rapport au conseil. Et demain com- menceront les visiteurs en la bannière Sainct-Quentin, et consécutivement de bannière en aultre, comme l’on faisoit du temps des vivans frères Estienne Miellet et Thomas Mi- chelot, précédens maistres dudict hospital. » Chaque fois qu’une suspension d’hostilités rendait au pays quelques jours de calme, l'hôpital en profitait pour revendi- quer ses droits. Par une ordonnance du 5 août 1534, rendue — 06 sur ses instances, Charles-Quint lui permit de reprendre lexercice des quêtes dans toute l’étendue de la province, « à condition touteffoys, ajoutait l’empereur, que lesdits maistre et frères religieulx seront tenus doresenavant de recevoir en leurdit hospital les poures de nostredit conté de Bourgoin- gne, tout ainsi et aussi favorablement qu'ilz font ceulx de nostredite cité de Besancon. » D'autres diocèses semblèrent devoir se rouvrir devant les quêteurs du Saint-Esprit de Be- sançon ; mais, avant toute tentative, il fallut, en plus d’un lieu, débusquer des rivaux qui avaient profité des désordres politiques pour moissonner sur le terrain d'autrui. Ce fut ainsi qu’en 1551, à lasuite d’une lutte victorieusement sou- tenue contre le Saint-Esprit de Dijon, devant les parlements du duché de Bourgogne et de la Savoie, notre hôpital re- couvra son privilège immémorial de quêter dans les diocèses de Maurienne, d'Aoste, de Tarentaise, de Genève, de Lau- sanne, de Belley, ainsi que dans le décanat de Chambéry et le vicomté d’Auxonne. L’hospice de Dijon, dont les préten- tions sur les aumônes de ces pays ne remontaient pas à plus de quatre ou cinq ans, voyant sa cause perdue devant le parlement du duché de Bourgogne et redoutant un pareil sort à Chambéry, se hâta de retirer sa plainte et de proposer un accommodement ; il fut convenu qu'en échange du mo- nopole dont jouissaierit les quêteurs de Besançon dans la partie séquanaise du vicomté d’Auxonne, les seules châsses du Saint-Esprit de Dijon exploiteraient les localités du comté de Bourgogne qui dépendaient de l'évêché de Langres. Cette revendication ne laissa pas que d’être coûteuse ; son effetimmédiat ne consista guère, pour l'hôpital de Besançon, qu’en une satisfaction d’amour-propre. La Savoie, la Bresse, le Bugev, la Suisse romande et la Lorraine, avaient été trop profondément ravagées, durant les guerres, pour que la voix de la charité pût de longtemps s’y faire entendre avec succès. Les bandes armées qui traversaient incessamment ces pays ne ménageaient pas davantage le comté de Bour- gogne et y paralysaient toutes les intentions généreuses. Cette situation se prolongeant, l’hôpital négligea de plus en plus le service des mendiants et des malades. Son recteur en arriva bientôt à prétendre que lhôpital du Saint-Esprit « avoit esté fondé pour recepvoir les petitz enfans exposez et pauvres femmes enseinctes seulement et non aultres. » La commune repoussait énergiquement cette prétention ; elle maintenait que tous les nécessiteux avaient le droit d’être admis à l’hôpital, « auquel, ajoutait-elle, seroient encoires les appareilz des lictz et aultres meubles nécessaires à coucher lesdicts pauvres, pour respect desquelx lesdicts appareilz et aulcungs biens dudict hospital avoient esté donnés par gens dévotz et catholicques. » Cependant « les pauvres nécessiteulx, personnes malades et aultres constituez en mendicité..., par faulte d’estre lo- gez, nories, secourues et traictées, demeuroient Je plus sou- vent languissantes sur le pavé et parmy les rues, au grand scandale d’ung chascun. » La commune s’inquiétait vive- ment de cet état de choses, et n’épargnait ni les injonctions ni les menaces au recteur du Saint Esprit. Celui-ci remon- trait, le 21 mars 1565, « disant que, en ceste cité sont plu- sieurs hospitaulx dédiez pour recevoir les poures, mesme à Sainct-Anthoinne, Saincte-Brigide et à Sainct-Pol, lesquelx sont cloz et ruinez. et n’y sont receuz auleuns poures contre l'intention des fondateurs. » Cette observation, qui pouvait valoir comme excuse, était nulle au point de vue du mal qu'il s'agissait de réprimer. La commune eut néanmoins une conférence avec le commandeur de Saint-Antoine, le -vicaire général de l’archevêque et l’abbé de Saint-Paul, ces deux derniers ayant la haute main sur les hôpitaux de Sainte-Brigitte et de Saint-Antide, dans le but de trouver « quelque moïen pour la norriture et l'hébergement des poures. » [l n’en sortit aucun résultat. les hospices dont il vient d'être question ne possédant même plus de quoi pour- voir à l'entretien de leurs bâtiments. Force fut de se rabattre pen sur lhôpital du Saint-Esprit, qui, malgré sa déchéance, était encore le plus convenablement pourvu. Dans sa séance du 6 juillet 1566, l'administration municipale déléguait quatre commissaires pour négocier un arrangement définitif avec le recteur du Saint-Esprit. Trois jours après (9 juil- let 1566), la commune enregistrait la transaction suivante : « Messieurs Monnvyet, Recy, Bichet et de Casenat ont faict rapport que, pour l'exécution de la charge à eulx don- née, ilz ont visité la maison de l’hospital de Sainet-Jaque, près la porte d'Arenne, laquelle ilz ont treuvé estre fort com- mode pour loger les poures, tant à raison de la situation d’i- celle, que de l’amplitude du bastiment et place d'icelle, de manière que, en toute la cité, l’on ne pourroit choisir place plus propre; et que, sur ce faict dudict hospital, ilz avoyent communicqué, suyvant leur charge, avec le maistre du Sainct-Esperit, lequel, après toutes remons- trances à luy faictes, s’estoit condescendu de quicter et re- lascher ledict hospital de Sainet-Jaque, avec les cens fon- sières de cinquante solz qu’il avoit sur les maisons adja- céntes, ung Clos de Migne situé, dernir S4/- maison du Sainct-Esperit, contenant environ trante ouvriers, et dix- huict journaux de terre estans rière ce territoire, telles que médiocrement seroient choisies, et ce pour employer à l’en- tretenement et norriture des poures, desquelz, ce moyen- nant, il entend estre deschargé, et que désormais il n'ait charge que des petitz enffans et norrices, pour lesquels seul- lement il dict et maintient son hôpital avoir esté fondé... » À ce, a esté conclud et résolu entre mesdicts sieurs les gouverneurs et vingt-huict, que l’on doibt accepter l’ouffre dudict maistre, et, suyvant icelle, traicter avec luy le plus tost que l’on pourra...» | Les obstacles qu'il avait fallu vaincre pour réunir au Saint- Esprit la maison de Saint-Jacques, se reproduisirent quand il fut question d’aliéner cet immeuble au profit de la com- mune. [Il y eut même, dans les circonstances actuelles, une a 29 Eur nouvelle source de difficultés. Nous voulons parler de l'op- position des religieux, qui, aux termes de la règle, devaient participer à tous les contrats. Cinq années de négociations ne parvinrent pas à leur faire accepter une transaction qui amoindrissait l'importance de l'hôpital. « A l’advenir, di- saient-ils encore le 15 juin 1571, leur seroit un grand op- probe et reprouche de consentir audict traicté et à la passas- sion d'icelluv, pour ce qu’ilz (par indirect) contreviendroient aux fondations et volonté de furent de bonnes mémoires les papes, empereurs, roys, ducs, comtes et comtesses de Bour-- goingne, ayans fondez lesdictes église, maison et hospital et à icelle donné plusieurs bons biens et chevances pour lentretenement desdictes église, maison et hospital, et d’eulx lesdictz religieulx, et non pas lesdictz governeurs qui, par telz moïens et traicté, pensent entrer en ladicte maison et hospital, auquel estans, et, advenans que l’eflect dudict traicté auroit lieu, pourroient eulx lesdictz recteur et religieulx à l’advenir estre déchassez el envoyez hors les- dictes église, maison et hospital. » Geite attitude des religieux ne détruisait pas le gage que la commune tenait du recteur. Placé dans lalternative, ou de voir son hôpital mis en régie laïque, ou de subordonner la règle à une impérieuse nécessité, frère Claude Buffet finit, après de longues hésitations, par adopter ce dernier parti. La commune acheva de calmer ses scrupules en promettant d'obtenir à ses frais le consentement du général de l’ordre el celui du pape. Sous la réserve de cette double sanction, le recteur se déclara prêt à remplir ses engagements. En conséquence, un traité définitif fut conclu et signé à l'hôtel de ville, le 28 septembre 1571, entre le recteur du Saint-Es- prit et le corps municipal. Voici les principales clauses de cet acte : « Tous et quelconques les pauvres malades, non malades, et aultres personnes valétudinaires de ladicte cité constituez en mendicitez, pauvretez et nécessitez et que mecdictz — 30 — sieurs les gouverneurs en jugeront dignes, seront admis, receuz, logez, entretenuz et traictez charitablement aux frais de ladicte cité, le tout à la descharge dudict sieur mais- tre présent et ses successeurs maistres et religieulx, a l’hos- pital cy-après désigné et mentionné, lequel hospital serat gouverné, régy et administré soubs l'auctorité de mesdictz sieurs les gouverneurs, par tel qu'ilz y députeront.…. » Et réciproquement, ledict sieur maistre et recteur de la- dicte église, maison et hospital du Sainct-Esperit dudict Besançon, avant une bien bonne, syncère affection et dévo- tion à l’endroit d’une chose si saincte et louable envers les- dictz pauvres, désirant en icelle favoriser et accommoder pieusement mesdictz sieurs les gouverneurs autant qu'il luy serat possible, a, en faveur dudict hospital et pour tous pauvres présents et advenir de ladicte cité...., cédé, quitté et transporté perpétuellement auxdictz pauvres de ladicte cité, en faveur d’iceulx, les choses cy-après descriptes : » Premièrement, pour l'habitation de tous les pauvres de ladicte cité et afin qu'ilz soient tant mieulx accommodez, le- diet sieur maistre et recteur leur cède... la chappelle, mai- son et hospital de Sainet-Jacques, membre dépendant de ladicte maison et hospital du Sainct Esprit, ensemble du jardin, fond et trefflond, propriétez, aysances et commoditez d’icelluy hospital de Sainct-Jacques siz et situé près la porte d’Areine de ladicte cité... » Plus... la cense ou rente annuelle et perpétuelle de cin- quante solz estevenans viez, monnoye, à luy dehue chascun an le jour de feste Sainct-Marlin..., assignée sur la maison joignant audict hospital de Sainet-Jacques, pour icelle estre prinse, relevée et applicquée désormais et pour ladvenir à la norriture et entretenement desdicts pauvres de ladicte cité. | » Et, en oulitre, pour ayder à la norriture d’iceulx pauvres de la cité, icelluy maistre et recteur, pour luy et ses succes- seurs, a cédé... les trois quatriesmes parties des héritages ral et biens immeubles cy-après déclairez, meuvans et deppen- dans des fondz, treffonds et propriétés de ladicte église, maison et hospital du Sainct-Esprit dudict Besançon : pre- mièrement de certains meix, mason et four, communément appellez du Sainct-Esprit, en la rue des Granges...; item de certains aultres meix et maison, esquelx de présent se tient le logis de l'enseigne de la Corne du-Cerfz, siz en la rue du -Grand-Baptan...; tem d'ung cloz de vigne siz près les mu- railles de ladicte cité et dernier l’église du Sainct-Esprit, contenant environ trente ouvriers..; item de toutes les terres arribles que ledict sieur maistre tient et possède, à cause de ladicte église, maison et hospital, rière le districe, banlieu et territoire de ceste cité, montant en tout environ quattre-vingt et dix journaulx en plusieurs et diverses piè- ces.., et que ne sont touteflois accensées. Lesquelz meix, maison, four, cloz et terres arribles, en tout ou en partie, selon que par mesdictz sieurs et ledict sieur maistre et rec- teur sera advisé ettreuvé pour le plus grand proffitable, se pourront vendre et aliéner au plus offrant, et des deniers qu’en proviendront, ladicte cité, ou nom desdictz pauvres, prendra et relèvera les trois quatriesmes parties pour em- ployer en acquisition de cense ou rente au prouffit et pour la norriture des pauvres de ladicte cité et non aultrement, et l’aultre quatrièesme partie scrat employée par les mains du- dict sieur maistre et recteur en acquisition de eenses et aultres héritages, non aultrement, pour et au prouffit de la- dicte église, maison et hospital du Sainct-Esprit dudict Be- sançon; ou si aultrement mesdictz sieurs et ledict sieur maistre et recteur congnoissent et jugent estre plus utile de garder lesdictz quattre membres, 1lz prendront et relève- ront les trois quatriesmes parties des revenuz et prouffitz annuelz d’iceulx, et ledict sieur maistre et recteur l’aultre quatriesme, et contribueront aux réparations et entretene- ment d'iceulx, chascunz pour sa portion. » Et, ce moyennant, ledict sieur maistre et recteur et ses = a successeurs demeureront seullement tenuz recepvoir, nou- rir et traicter les petitz enffans exposez de l’eage de deux ans et au-dessoubs et les femmes enceintes, tant de ladicte cité que du comté de Bourgougne. Et quant aux petitz enf- fans du berceau exposez, baptisez ou non baptisez oudict hospital, ledict maistre et recteur les norrira et entretiendra comme enffans de la maison, selon la fondation et institution dudict hospital et qu'il a esté accoustumé faire du passé ; et couchera les pèlerins vyateurs allans et venans, n’estans malades, et pour ung soir seullement, comme de tout temps est accoustumé et selon ladicte fondation, sans qu'ilz soient tenuz ou puissent estre contrainctz, par quelque voye que ce soit, directement ou indirectement, recepvoir, adineitre ny tenir d’aultres pauvres, quelz qu'ilz soient, en son dict hospital du Sainet-Esprit ou ailleurs en ladicte cité; ains demeureront tous les aultres pauvres de ladicte cité, comme juenes et vielles personnes, pauvres, malades, nécessiteux et aultres, à la charge de ladicte cité..., pour estre anis, lo- gez, tenuz et nourris audict hospital de Sainct-Jacques, quand la nécessité y serat, et à la discrétion desdictz sieurs gouverneurs..., lesquelz auront la totale administration du- dict hospital Sainct-Jacques..; et ne pourront, pour le pré- sent ou advenir, lesdictz sieurs gouverneurs ny leurs suc- cesseurs, faire admettre ny recepvoir audict hospital du Sainct-Esprit pauvres contagieux de maladie de pestes... » La commune, pressée de pourvoir à la nourriture des pauvres, qui, en 1571, étaient plus nombreux que de cou- tume, réclama l'exécution immédiate du traité qu'elle avait conclu avec le recteur du Saint-Esprit. Sans attendre que le chapitre des religieux de Besançon et le grand-maître de Rome eussent ratifié cet acte, la commune décida que les propriétés comprises dans le traité seraient immédiatement vendues, pour le prix en provenant être converti en rentes, dont un quart serait perpétuellement payé à l’hôpital du Saint-Esprit et les trois autres quarts appliqués au soulage- ASS et ment des pauvres recueillis dans la maison de Saint-Jacques. Il fut conséquemment procédé, le 16 octobre 1571, à l’adju- dication des immeubles ci-après : Les meix, maison et écurie du logis où pendait l’enseigne de la Corne-de-Cerf, rue du grand Battant, délivrés à Fran- coistbronhot; pour la somme de :.°, ., : . - 3,690 fr. _ La maison et le four dits du Saint-Esprit, situés à l’un des angles que forment la rue de la Bouteille et la rue des Gran- ges, délivrés à Guyot Lanchotte, pour la somme de 995 fr. Un clos de vigne de 30 ouvrées, situé derrière l’église du Saint-Esprit, délivré à Gaspard Monyet, pour la somme ER Nr nu noyer nr s4930fr: Quatre-vingt-dix journaux de terre labourable, déhvrés en bloc à douze particuliers, pour la somme de. . 4,500 fr. Ces aliénations produirent un capital de 10,175 fr., soit en revenu au denier vingt, 508 fr. 15 sous, dont 199 fr. et demi durent entrer chaque année dans la caisse du Saint- Esprit. Il fut en outre stipulé que chacun des trois immeubles si- tués dans l’intérieur de la ville demeurerait chargé, au pro- fit de notre hôpital, du cens annuel d’un sou estevenant, portant lods, seigneurie et amende, et que chaque journal de terre labourable serait pareillement grevé du cens d’une engrogne. Grâce à cette réserve, l'hôpital du Saint-Esprit conservait le domaine éminent sur les biens enlevés à sa dotation, et conséquemment le droit de se substituer au plus fort en- chérisseur à chaque changement de propriétaire. L'ordre du Saint-Esprit paraît avoir usé de cette faculté, qu'on appelait le retrait féodal, à l'égard du four de la rue des Granges et d’une pièce de terre qui confinait aux Justices de la cité, car dès la fin du xvIe siècle ces propriétés avaient fait retour à notre hôpital, Cependant les religieux du Saint-Esprit persistaient dans leur opposition au traité du 28 septembre 1571, et, malgré Vo. 9, 3 no les négociations actives que la commune, d’accord avec l’ar- chevêque, faisait suivre en cour de Rome afin d'obtenir la ratification de cet acte, le grand-maître de l’ordre ne se montrait nullement disposé à accepter le nouvel ordre de choses. Par ses lettres du mois d'octobre 1573, adressées à la commune, « il s'excuse de consentir à la confirmation du iraicté de l’hospital faict avec M. le maistre du Sainct-Espe- rit. Mais que comm'il est informé que la maison du Sainct- Esperit et les revenus d'icelle sont propres, idoinnes et suf- fisans à toute sorte d’hospitalité, sans que l’on se mette en fraiz d'en bastir ung nouveaul, il se ouffre de contraindre ledict maistre, veuille ou non veuille, à faire ce qu'il est tenu, et, si son auctorité et pouvoir ne baste, d'obtenir ung brefz de Sa Saincteté et l’adresser à tel personnage que l’on luy nommera, ayant escript de mesme SUD à M. le reverendissime archevesque. » La commune se contenta de faire au prélat romain une ré- ponse courtoise, mais évasive. Elle songea toutefois à utiliser son épitre pour arracher au recteur de Besançon quelques concessions nouvelles. Les mendiants, dont le nombre excé- dait 500, encombraient les rues de la cité, et ceux qu'on avaient entassés dans le local étroit de Saint-Jacques mou- raient en si grande abondance, qu'il y avait lieu de craindre la contagion. Il s’agissait donc d’obtenir, pour les besoins de ce service, le prêt de la grande salle de lhôpital du Saint- Esprit. Mais le recteur, Claude Buffet, se fondant sur le traité de 1571, refusa tout accommodement. Sur ces entrefaites, Claude Buffet vint à mourir (22 avril 1573), et la commune prétendit qu’en sa qualité de gardienne et superintendante de l'hôpital, c'était à elle qu'apparte- naient le régime et l'administration de cet établissement pendant la vacance du rectorat. Les pannonceaux de la ville furent, en conséquence, apposés sur les bâtiments du Saint- Esprit ; Claude Buffet, neveu du défunt, et Claude Grivet, notaire, furent arrêtés sous l’inculpation d’avoir détourné APS les meubles et effets du dernier recteur ; frère Jean de Mon- toille fut obligé de renoncer aux lettres de l'archevêque qui le commettaient provisoirement à la conduite de lhôpital. Quelques jours après, la commune donnait cette mission à Jean Buffet, religieux de l’abbaye Saint-Paul et titulaire du prieuré de Marast. Cet administrateur provisoire installé, la commune écrivit au général de Rome et au pape pour lui obtenir une nomination définitive. Enchanté de trouver l’occasion de prendre sa revanche contre la commune, le général de l’ordre se hâta d’instituer frère Melchior de la Vallée, religieux de l’hôpital de Toul. Celui-ci, redoutant de venir braver en personne le ressen- timent des citoyens, délégua François de Chassagne, cha- noine du grand chapitre de Besançon, pour prendre posses- sion de son bénéfice. Toutes les tentatives amiables avant _ échoué, il fallut en venir aux moyens de rigueur. Jean Buffet fut cité en cour de Rome; mais la commune lui ayant in- timé l’ordre de ne pas comparaitre, il encourut, comme con- tumace, l’excommunication : la sentence fut placardée dans les lieux publics de la cité. François de Chassagne, auteur de cette infraction aux privilèges de la commune, fut som- mé de venir répondre de sa conduite à l’hôtel de ville ; mais sa qualité de chanoine l’exemptait de toute juridiction laïque, et le chapitre lui fit défense d’obéir. Il n’en fut pas moins condamné, ainsi que le frère Melchior, son complice, à une forte amende. Le chapitre, se considérant comme lésé dans la personne de l’un de ses suppôts, porta plainte au roi d'Espagne ; la commune riposta par un appel à la cour d'Empire. Cet échange de mutuelles récriminations et de réciproques invectives dura plus de cinq années. Le par- lement de Dole s’en émut et délégua vainement deux de ses membres afin de concilier les parties. [ne fallut rien moins, pour obtenir un résultat, que l'intervention du fameux don Juan d'Autriche, fils naturel de Charles-Quint, qui députa däns ce but François de Vergy, gouverneur et capitaine gé- Pau néral du comté de Bourgogne, Claude Boutechoux, prési- dent du parlement de Dole, Jean Funck, archidiacre de l’église d’Utrecht, et Antoine d’Oiselay premier chevalier d'honneur au parlement de Dole. Une ambassade aussi so- lennelle acheva de calmer une irritation que le temps avait déjà notablement adoucie. La commune, « en mémoire du glorieux Charies-Quint et par déférence pour la maison d'Autriche », consentit à amnistier le chanoine, à la condi- tion que le chapitre procurerait, dans un délai de huit mois, l’anéantissement de l’excommunication portée contre Jean Buffet ; après quoi, ce dernier abdiquerait l’administration de l’hôpital et céderait la place au chanoine François de Chassagne, en faveur duquel le frère Melchior avait démis- sionné. Un traité fut conclu sur ces bases, le 2 juillet 1578 : la signaiure en fut annoncée par une volée de la cloche Porte-Joye, suivie du chant d’un Te Deum ; le soir, pendant un brillant souper que la ville offrit aux membres de l’am- bassade, au cardinal archevêque et à quelques-uns des cha- noines, les trompettes et l’artillerie municipales se firent plusieurs fois entendre. Les frais de ce long procès furent supportés moitié par l’hôpital et moitié par la commune; mais celle-ci ne put se défendre de la satisfaction tout à fait illusoire de condamner aù remboursement du total de la dépense frère Melchior de la Vallée, premier auteur de la querelle. L’animosité des ci- toyens contre ce religieux durait encore en 1597 : aussi frère Melchior, se trouvant alors investi par le général de l’ordre des fonctions de visiteur, n’osa-t-il pas mettre le pied sur le territoire de Besançon. Il accomplit sa visite dans la grange que le Saint-Esprit possédait à Ecole, et où se ren- dit, pour cette circonstance, tout le personnel de l'hôpital. Après la célébration d’une messe et le chant du Veni Crea- tor, le visiteur s’enquit de l’état de l’hôpital ; il lui fut ré- pondu que, depuis une trentaine d'années, la commune s’é- tait emparée de la majeure partie des revenus de la maison Se et avait réduit les religieux au soin des enfants abandonnés et à la réfection des voyageurs. « Le lendemain, raconte frère Melchior, les religieux revinrent à Ecole avec du vin et des provisions de bouche, annonçant qu'ils voulaient prendre leur repas avec le visiteur; ce qui fut accepté avec joie. Tout se passa, suivant les usages du pays, gaiement et décemment. Deux religieux diacres, âgés d'environ trente ans, servaient à table. Sur l’ordre que leur donna le visiteur d’y prendre place, ils répondirent que cela ne leur était pas permis, et de plus que l’usage du vin ne leur ayant pas en- core été accordé par le maître, ils ne buvaient que de la pi- quette, de la bière ou de la cervoise. Le visiteur admira que des hommes de cet âge et de cette qualité se soumis- sent à un semblable régime ; il pria le maitre de leur accor- der, pour cette fois et en considération de sa présence, à chacun un setier de vin. » Avant de partir, le visiteur insti- tua frère Henri Treffard, le recteur de l'hôpital de Besan- çon, vicaire général de l’ordre du Saint-Esprit dans les Gaules, les Bourgognes et la Lorraine. Le grand-maître de Rome confirma cette promotion et y Joignit diverses autres prérogatives. Durant son voyage à travers les deux Bourgognes et la Lorraine, frère Melchior n’échappa qu'à grand’peine aux bandes armées qui tenaient toutes les routes, et à la peste qui infectait tous les centres de population : la famine, com- pagne inséparable des deux autres fléaux, faisait aussi d’é- pouvantables ravages. C’est ainsi que s’ouvrait pour notre province la période la plus lamentable de son histoire. Trem- blecourt, Henri IV, Richelieu et ses farouches auxiliaires les Suédois de Weymar, allaient, pendant un demi-siècle, y dé- chaîner tous les engins de destruction ; les neuf dixièmes des habitants émigrèrent ou périrent. Cette crise porta un coup terrible à la fortune de notre h5- pital. Les quêtes, déjà réduites au seul diocèse de Besançon depuis les décrets du concile de Trente, devinrent alors im- — 38 — possibles ; la plupart des domaines ruraux, dévastés ou aban- donnés, retournèrent à l’état de friche ; beaucoup furent cé- dés en acensement perpétuel, moyennant d'infimes redevan- ces, et ne firent jamais retour au domaine de l'établissement. Le nombre des misères à soutenir croissant en raison directe de la diminution des revenus, l'hôpital aurait infalhblement péri si la commune ne lui avait fait, de temps à autre, quel- . ques avances, et surtout si deux recteurs consécutifs, Henri Treffard et Claude Nazey, n'avaient généreusement sacrifié leur propre patrimoine pourle soutenir. Ecoutons le lamentable exposé que, dès 1612, Henri Tref- fard faisait au parlement pour obtenir le rétablissement des quêtes du Saint-Esprit dans la province. « Considérant à part nous, disait ce pieux recteur, les calamiteux désastres sur- venus en nostre maison, à raison des guerresayant passé tant _en ce pays et comté de Bourgoingne, comme ès provinces circonvoisines, d’où le revenu en seroit beaucoup diminué, . tant à cause de la ruine et dégradation de plusieurs grangea- ges et méthéries en deppendans, stérilité de vignes demeu- rées en friche par la non culture d’icelles, que mortalité de plusieurs les ayant acensées, si bien que la plus part seroit demeuré ruineux et hors de labeur, du moins jusques à pré- sent de bien petit revenu et peu proffitable ; en adjoustant lPorvalle d’ung feug violent survenu accidentelment par deux fois en nostre ditte maison de Besançon, par la combustion de laquelle plusieurs biens, voires les-meilleurs meubles, _papiers et enseignements y servans, auroient esté tous per- dus et réduicts en cendre : pour la restauralion de quoy il nous avoit convenu emplover grandes sommes de deniers, faire de grands debtz et espuiser tout le peu d’espergne que pouvions avoir rière nous, tant en argent, vin, grain, qu’aul- tres provisions requises à l’entretien d'une telle maison ; si bien que, dès lors, nous, nos relligieux, domesticques et pauvres estans ordinairement en icelle, aurions vescu avec telle ténuité et estroitte mesnagerie. qu’à peyne, sans la cha- 60 0 rité des gens de bien, avons peut passer jusques à présent. Nonobstant quoy, le nombre des pauvres, tant de femmes, petits enffans et gens du pays et estrangiers, seroit tellement accreu et croissoit Journellement en telle habondance, que l’hospital n’estoit capable pour les loger et recepvoir, et moins pour leur donner norriture et entretient. » Cette situation devait s’empirer encore. En effet, la mort du recteur Treffard, arrivée le 7 avril 1615, fut immédiatement suivie d'une nouvelle lutte entre deux prétendants à cette succession. Nicolas Tirot, de Dole, nommé, au mépris des constitutions de l’ordre, par le gouvernement de Bruxelles, avait été saisi par la cour souveraine de tous les domaines que l'hôpital avait dans la province. Claude Nazev, de Besan- con, institué par le général de l’ordre, était réduit aux seuls revenus que possédait l'établissement dans la villeet banlieue de Besançon. Pendant cinq années que dura le conflit, il fut contraint, dit-il, pour alimenter le personnel de Ia maison, « d’avoir recours à la bourse de plusieurs marchands et personnes de la cité, et, entre autres, d'emprunter grande somme de deniers avec une notable quantité de grains et marchandises du sieur Estienne Nazey, frère dudit maistre : au moyen de quoy l’hospital est redevable audit Estienne Nazey de la somme de six mille dix-neuf francs dix groz. » Une semblable collision se produisit lors du décès de Claude Nazey, survenu le 22 janvier 1635. Au rebours de ce qui s'était passé vingt ans plus tôt, le parlement appuya cette fois l'élu du général de l’ordre, Claude Pécaud, de Salins, fa- milier du cardinal Barberini et l’un des amis de l’héroïque conseiller Boyvin. La commune de Besançon, qui tenait de plus en plus à séparer ses intérêts de ceux de la province, avait institué, de son chef, Jean-Antoine Alviset, curé de Saint-Pierre. La mort de ce dernier personnage, arrivée au mois d'août 1638, trancha la question au profit du titulaire légitime. En attendant la pacification du pays, Claude Pécaud continua de résider à Rome ; il délégua successivement, pour on administrer son bénéfice, le savant Pierre Alix, abbé de Saint-Paul, et Pierre Jobelin, chanoine de Poligny. Dès son retour au pays, en 1646, Claude Pécaud entreprit sérieusement la restauration de son hôpital ; il fallait un vé- ritable courage pour S’engager dans un tel labyrinthe, et une rare sagacité pour s’y diriger avec quelque chance de succès. À l'extérieur, ce n'étaient que maisons incendiées, terres incultes ou accaparées, tenanciers réfractaires ou insolva- bles ; au dedans, il y avait à faire disparaître les traces d’une mauvaise administration résultant des discordes intestines. L'activité et l'intelligence d’un seul ne pouvant suffire à une pareille tâche, Claude Pécaud fit choix d’un auxiliaire plein de zèle et de dévouement: c'était le bisontin Jean-Jacques Despoutot, neveu et filleul de l’auteur du Vesontio, qui, après avoir été pendant huit ans son collaborateur, le: remplaça dans la maitrise de l'hôpital. Grâce aux efforts combinés et successifs de ces deux hommes de tête et de cœur, lPétablis- sement recouvra la plus grande partie de ses domaines usur- pés, de ses prérogatives anéanties par les guerres, et l’ordre se rétablit peu à peu dans son régime intérièur. À peine ce résultat était-il atteint, que de nouvelles com- plications surgirent pour notre hôpital. La conquête fran- çaise ne put s’accomplir sans dommage pour les propriétés rurales de l’établissement ; maïs, ce qui fut bien pis encore, elle rendit exécutoire dans la province un édit du mois de décembre 1672, par lequel tous les biens du Saint-Esprit si- tués en France avaient été concédés aux chevaliers du Mont- Carmel et de Saint-Lazare, sous le prétexte que l’hospitalité ne s’exerçait plus dans les maisons de l’ordre du Saint-Esprit. Celles de Besançon et de Dijon, qui n’avaient cessé d’être ouvertes à l'indigence, protestèrent contre cet argument et contre les fatales conséquences qu'on voulait en tirer ; elles soutinrent. pour la conservation de l’ordre du Saint-Esprit, un long et ruiueux procès qui, durant dix années consécuti- ves, se plaida tout à la fois à Paris et en cour de Rome. Leurs — A — raisons finirent cependant par prévaloir, et un édit du 18 dé- cembre 1693 maintint l’ordre du Saint-Esprit dans les hôpi- taux dont il était saisi. « Malgré ce dernier édit, lisons-nous dans un mémoire de 1763, on essaya de persuader au feu roy, au commencement de ce siècle, qu’il seroit plus convenable d’unir les biens du Saint-Esprit à quelques lieux pieux, toujours dans la suppo- sition que l'hospitalité ne s'y exerçoit pas. Il fut ordonné aux religieux àe cet ordre de remettre à des commissaires du conseil tous leurs titres, avec l’état de leurs maisons et reve- nus. Ceux de Besançon en particulier obéirent Ils firent con- noître que l'hospitalité y étoit en vigueur; ils démontrèrent l'utilité de leurs maisons par les témoignages les plus respec- tables ; et enfin, après divers arrêts préparatoires et une in- finité de mémoires et de productions, est intervenu arrêt dé- finitif, au conseil, le 4 janvier 1708, quia maintenu et gardé la commanderie générale de Montpellier, celles de Dijon, Bar-sur-Aube, Besançon, Gray et Poligny, où, est-il dit, l'hospitalité s’observe, dans les droits, privilèges et biens dont elles jouissent actuellement, et nommément celle de Besançon dans la jouissance des revenus des maisons de Dole, Arlay, Saint-Julien et Orgelet... » Pendant la durée de cette lutte, Louis XIV avait, par lettres patentes du mois d'août 1685, érigé la maison de Saint-Jacques en hôpital général, destiné particulièrement à faire vivre et travailler les mendiants de l’un et l’autre sexe, Le même acte défendait aux mendiants du dehors d’entrer dans la ville et prononçait des peines contre quiconque leur ferait l’aumône. L'hôpital du Saint-Esprit se trouva, par le fait, déchargé du service des voyageurs indigents, que le traité de 1571 lui imposait ; les religieux n’eurent plus à re- cueillir désormais que les enfants exposés âgés de moins de trois ans. À l’époque où s'accomplit cette modification importante, le recteur de Besançon, Denis Beuque, protonotaire aposto- se HO lique, résidait à Rome, et faisait gouverner son bénéfice par un délégué de son choix. Ce régime intérimaire parut à l’ar- chevêque et à la municipalité une occasion favorable pour intervenir dans les affaires de l'hôpital. Ces deux autorités prétendirent avoir le droit de visiter la maison, l’une au point de vue spirituel, l’autre au point de vue de l’administration du temporel: la commune se fondait sur un privilège d’ins- pection dont l’origine se perdait dans la nuitdes temps ; Var- chevêque s'était muni d’une commission spéciale émanant du saint-siège. L'administration française était naturellement favorable aux principes de subordination : aussi l’intendant écrivit-1l au roi pour appuyer les prétentions de l’archevêque et de la commune. L'hôpital fut visité, au spirituel comme au temporel, malgré l'opposition des religieux, et le recteur Poncet Perreaud, sucesseur de Denis Beuque, fut contraint, en vertu d’une iettre de cachet, de s’exiler à Dijon. On ne lui permis de rentrer, au mois d'avril 1713, qu'après qu’il eut promis « d'éviter toute querelle avec M. l’archevêque, lui de- mandant pardon des irrévérences qu’il à commises par suite de mauvais conseils à son égard, se désistant de ses appella- tions et protestations, se soumettant à tout ce que le prélat aura la bonté de régler dans le cours de sa visite, tant pour le spirituel que pour le temporel, même aux pénitences salu- taires qu’il jugera à propos de luy imposer, s’il le trouve cou- pable, se remettant quant à ce point à sa justice et miséri- corde. » Ayant ainsi passé sous le joug, dans la personne de son chef, la communauté du Saint-Esprit de Besançon ne pou- vait conserver longtemps la direction de l’hôpital. En effet, au mois d'octobre 1713, Louis XIV signait des lettres pa- tentes qui déléguaient l'administration de létablissement à un bureau séculier, et réduisaient les religieux au rôle de serviteurs à gages. | « L’exécution de ces lettres patentes, dit un mémoire ma- nuscrit, souffrit quelques difficultés : d'un côté parce que, SON par article 1v, il étoit porté que les religieux desservant cette maison auroient une manse distincte et séparée, dont ils auroient la libre disposition, sans que le bureau formé pour la direction de cette maison y eût aucune inspec- tion, ce qui fit que les magistrats, directeurs-nez des hô- pitaux, craignirent avec raison que par la suite les religieux ne se prétendissent propriétaires de cette manse, en vertu de cet article : et de l’autre côté, parce que ni le comman- deur ni les religieux n’avoient aucune part à l’administration de cette maison. Ces inconvénients donnèrent lieu au car- dinal de Polignac, grand-maître de l’ordre, de chercher les moyens de concilier l'intérêt des religieux avec celui de l'hôpital, et, pour cet effet, de faire dresser le projet d’un nouveau règlement ; lequel ayant été présenté à Sa Majesté, elle ordonna qu’il seroit communiqué tant au sieur Le Guer- chois, conseiller d'Etat, cy-devant intendant au comté de Bourgogne, qu’au sieur de la Neuville, alors et à présent intendant de cette province. Par leur avis, le règlement fait en 1713 fut réformé, et Sa Majesté accorda de nouvelles lettres patentes, au mois d'août 1722, confirmatives du nou - veau règlement, par lesquelles l’intérêt de l'hôpital et celui des religieux furent réglez ainsi qu’il convenoit. » Voici les principaux articles de ce nouveau règlement : « L'hôpital conventuel de l’ordre régulier du Saint-Esprit établi en la ville de Besançon sera à l’avenir régi et admi- nistré pour le temporel par un bureau de direction, composé du sieur archevêque, du commandeur, du maire de la ville et du premier échevin, et en outre de huit notables bour- geois, d’un receveur et d’un greffier. » Il sera désigné, sur la masse des biens de lhôpital du Saint-Esprit de Besançon, la portion nécessaire pour la sub- sistance et l’entretien honorable du commandeur et des re- ligieux. » La communauté de la maison conventuelle de l'hôpital du Saint-Esprit de Besançon sera composée d’un comman- - Bi, Nr deur, de quatre religieux prêtres, et de deux frères laïcs ou domestiques : le commandeur aura deux prébendes ; chacun des religieux chanoines hospitaliers une prébende ; et cha- que frère laïc ou domestique une demi-prébende ; et chaque prébende sera annuellement de 250 livres, dont le payement sera pris sur les terres, rentes, prés, vignes, domaines et autres biens qui leur seront à cet effet donnés, cédés et dé- signés, jusqu'à la concurrence de 1,750 livres de revenu actuel. » Outre les prébendes des commandeur et religieux, la ré- tribution de toutes les messes et offices que les confrères de la ville font célébrer chaque année, et dont le fonds n’a pas été fait jusqu'à présent, leur appartiendra; de même que la rétribution des messes et services journaliers, et ce qu'ils retireront à l’avenir de la libéralité des familles des novices qui voudront faire profession dans ladite maison. » Le surplus des biens et revenus de l’hôpital sera dis- tribué par le bureau de la direction, et uniquement appli- qué à la subsistance, entretien, soulagement et autres be- soins des religieuses, qui ne pourront être en moindre nombre que six, des enfants trouvés, pauvres, nourrices et servantes qui se trouveront dans ledit hôpital, aux répara- tions des bâtiments, frais de procès et autres dépenses né- cessaires.… » Les fondateurs de ladite maison hospitalière, ou leurs ayants cause, jouiront de tous Îles droits, honneurs et préro- gatives qui leur sont dus. » La juridiction spirituelle appartiendra au commandeur, laquelle sera uniquement subordonnée à celle du grand- maitre ou de.ses préposés ; les chanoines hospitaliers, les religieuses, les enfants trouvés, les pauvres et les domes- tiques de ladite maison seront soumis au commandeur pour le spirituel ; et le commandeur sera tenu de rendre compte au grand-maître ou à ses préposés, et non à aucun autre, de la portion des biens qui lui est confiée, cédée, donnée et dé- signée pour l'entretien et la subsistance de ses religieux. » Le commandeur et ses religieux vivront en commun, suivant les règles et statuts de l’ordre : ils acquitteront exac- tement les fondations, ne posséderont rien en propre, et les fonds qui leur seront cédés de la masse commune, pour leur entretien et subsistance, ne pourront être vendus, engagés, obligés ou aliénés, sous quelque prétexte que ce puisse être, à peine de punition et de nullité; leurs épargnes seront mises en communauté ; ils instruiront avec soin les enfants trouvés, les pauvres et les orphelins, leur administreront les sacrements, les catéchiseront et s’acquitteront avec édifica- tion de leurs devoirs. » Les enfants trouvés, pauvres et orphelins, seront reçus dans ledit hôpital, suivant son institution, sur les billets du maire, qui tiendra un registre exact de ceux qui entreront et de ceux qui sortiront, avec toutes les désignations néces- saires pour les faire connaître ; et néanmoins sera déféré aux billets du commandeur, lorsqu'il jugera à propos d’y faire recevoir quelque enfant trouvé ou orphelin de l’âge prescrit par les usages de la maison, en rapportant par ledit com- mandeur au receveur de la direction ce qu'il aura reçu pour chaque enfant ou orphelin. » Il sera fait tous les quinze jours une visite dans ledit hôpital par deux directeurs, assistés du commandeur, les- quels feront rapport à l’assemblée suivante de l’état de a maison, du nombre des enfants sevrés et de ceux qui sont encore à la mamelle, soit qu’ils soient dans ladite maison ou à la campagne, du nombre des nourrices, de ce qu’on leur _ paie pour leur salaire, de l’état des provisions, et générale- ment de tout ce qui concerne ledit hôpital. » Défendons très expressément aux commandeur, reli- gieux et religieuses dudit hôpital de se soumettre ou recon- naitre en aucune manière, et sous quelque prétexte que ce soit, la jurisdiction du maître et commandeur de Sainte-Ma- « rie en Saxe à Rome, à peine de désobéissance et de destitu- — À6 — € tion de leurs emplois. Leur enjoignons, au contraire, d'obéir au grand-maître de Montpellier, où l’ordre a pris naissance. » Comme les confréries, les quêtes, boëtes, troncs et bas- sins, sont d’un secours infini pour subvenir à la subsistance et à tous les besoins des enfants trouvés et des pauvres, or- donnons au commandeur dudit hôpital de faire continuer les quêtes, publier les indulgences, ériger ou rétablir la notable confrérie du Saint-Esprit, apposer troncs, woëtes et bassins dans toutes les églises de la province. » Il sera loisible au commandeur de recevoir dans ladite maison des novices et religieux pour ledit ordre et hôpital, autant qu'il sera jugé nécessaire par le grand-maitre ou la communauté Ccapitulairemnent assemblée, pourvu toutefois que les directeurs ne puissent être obligés de donner, sous quelque prétexte que ce soit, plus de prébendes que pour le commandeur, quatre religieux, deux frères laïcs ou do- mestiques. » En conséquence de ce règlement, il fut procédé à la for- mation d’une manse destinée à l'entretien des religieux. Aux termes d’un traité du 5 mars 1724, conclu entre le bureau de direction et la communauté, elle fut composée de la manière suivante : Une maison sise à Besançon, dans la petite rue de Glères, dont les loyers annuels étaient estimés . . . 5411 105. Le domaine de Choye, y compris divers cens, le tout évalue par année. . +, . . "610 AU Ledomane d'Arles amoden ss Ce 02. 150 1» Le domaine de St-Julien, d’un revenu de . JD 52 ouvrées de vignes, sur le territoire de Besançon, rapportant en moyenne par année 208 » Une rente en alone de APN SU) os) Ne ee HUE L à Malgré les efforts de la nouvelle direction pour adminis- trer avec sagesse et économie, les immeubles de l’établisse- — àT — ment avaient été tellement dépréciés par le fait des guerres, que les revenus étaient loin d'augmenter en raison directe de l'élévation du prix de toute chose. On jugera de la situ a- tion matérielle de l’hôpital, vers le milieu du dix-huitième siècle, par l’exposé suivant, que le bureau de direction adressait au roi en 1749 : « L'hôpital du Saint-Esprit subsiste néanmoins avec uti- lité. On y reçoit les enfants que le malheur de leur nais- sance fait désavouer par ceux mêmes à qui ils doivent le jour. Il s’y en trouve aujourd’hui plus de 459, dont plus de 340 sont élevés à la campagne aux frais de l'hôpital, la maison ne pouvant contenir ce nombre ; elle est d’ailleurs occupée par quatorze religieuses professes, qui suffisent à peine pour le service, par autant de nourrices et par des domestiques et autres personnes nécessaires aux soins et à l'éducation des enfants. » Les revenus de la maison sont si modiques qu'ils ne vont guère qu'au quart des charges. Dans un mémoire adressé au feu chancelier d’Aguesseau, on a justifié que les revenus n’étoient que de 8,534 1. 13 s. 6 d. Ce revenu a di- minué dès lors par la nécessité de bâtir. » Les charges seules pour les enfants élevés à la cam- pagne sont, au plus bas prix, de 3 livres par mois, l’usage étant de donner aux personnes qui en prennent soin hors de la ville 40 sols, 4 livres de fleur de farine, du savon et des linges, de telle sorte que les enfants de la campagne coûtent par mois 1,020 livres, sans qu’on puisse dire qu'é- levés à l'hôpital la dépense seroit moindre. » Le profit que lhôpital retire de leur réception est encore jort au-dessous des charges. Presque tous naissent de pa- rents pauvres, qui les renient. On ne doit pas, d’ailleurs, se rendre difficile dans les conventions, parce que ce seroit donner lieu à l'exposition et à la perte des enfants, et lors- qu’ils sont exposés, c’est ordinairement sur la banlieue de la ville de Besançon, qui est exceptée de la règle établie ro par arrêt du conseil d'Etat du 11 juin 1720, qui ne con- damne envers l’hôpital les communautés de la province sur le territoire desquelles l'exposition a été faite, qu’à 30 livres. » [l n’y a donc aucun de ces enfants qui, jusqu’à l’âge d'apprendre un métier, n’ait coûté, l’un portant l’autre, 4,400 livres à la maison. Ils y sont entretenus convenable- ment, élevés et instruits dans la crainte de Dieu; et on les met en état de vivre sans être à charge à la société, par les métiers qu’on leur fait apprendre, suivant leur goût et leurs talents, chez différents maitres de la ville, ensuite de con- ventions faites avec eux; et il n'y a point de métier à apprendre qui ne coûte au moins 100 livres à l’hôpital, outre l’habillement et le troussel qui se donne à l’enfant à sa sortie de la maison. » Comment, sur le revenu d'environ 8,000 livres, fournir à tant de frais, qu’on peut justifier se monter à 30,000 livres par an... Depuis que la direction de l’hôpital avait été remise à un bureau séculier, le rôle des religieux se bornait à la desserte des fondations pieuses ; mais on jugea bientôt qu'il était su- pertlu d'entretenir une communauté tout entière pour l’ac- complissement de cette tâche. Par mesure d'économie, le bureau sollicita et obtint, en 1740, un arrêt du conseil qui défendait au commandeur de recevoir des novices. Les an- ciens religieux s’éteigairent peu à peu, et en 1772, le com- mandeur, Nicolas Bardenet, se trouvant isolé et infirme, demanda sa retraite ; il lui fut alloué une pension viagère de 1,500 livres, moyennant quoi il fit abandon de tous ses droits sur la manse autrefois créée en faveur de la communauté. Après le départ de ce dernier représentant mâle de l’ordre du Saint-Esprit, qui mourut à Tours en 1780, le bureau créa une charge d’aumônier, et en investit l’abbé Meline, qui accomplit les fondations pieuses jusqu’en 1791, époque à la- quelle il refusa le serment et fut remplacé par l’abbé Hus- son, ci-devant bénédictin. More À la veille de la révolution française, les revenus fixes de notre hôpital ne s’élevaient encore qu’à environ 8,000 livres, et ses charges annuelles dépassaient le double de cette somme. Le déficit, évalué en 1770 à 8,439 livres, était com - pensé par les quêtes et les aumônes. Si la révolution tarit en grande partie ce dernier ordre de ressources, si elle sup- prima toutes les rentes de l'établissement qui avaient un caractère féodal, si elie y remplaça le service gratuit des re- ligieuses par une corporation de citoyennes payées, du moins elle restreignit le cercle des obligations de l’hôpital en limitant sün ressort au département du Doubs. En 1792, époque où l'hôpital dut échanger son antique vocable pour adopter celui d’hospice des enfunts de lu pa- trie, Son personnel se composait de dix citoyennes chargées de la manutention et surveillance, d’un receveur, d'un . 201, dont 12 5arcons ete69/mles: Sur ce nombre, 25 enfants seulement étaient maintenus à l’hospice : 17, appartenant au sexe masculin, étaient élevés à l'établissement d’Ecole ; 8, appartenant au sexe féminin, étaient internées à l'hôpital, instruites et soignées par des maîtresses, sous la direction des dames hospitalières. Le nombre des élèves âgés de 12 à 21 ans s'élevait, à la même date, à 250, dont 125 garçons et 195 filles, savoir : 2 | placés au dehors comme cultivateurs . . . 64 S- id. comme artisans et industriels 24 5195 =“ 0 + | conservés à l'établissement d'Ecole . . . . 37 (1) Les renseignements qui vont suivre sont extraits du dernier rapport de M. BoITEUX, inspecteur des enfants assistés. 5 : ten vallées... 21 placées comme domestiques, lala campagne 74 2 EP Comme ouvrières . . . /. . … . 91 195 F } renfermées dans une maison de refuge. . . 3 Fonseryees d'LNOpitals 0 ne Ce 6 Le service des enfants assistés est placé sous l’autorité du préfet du département, qui, d’après les indications de l’ins- pecteur spécial, prononce les admissions, les placements et les renvois d'élèves, et ordonne toutes les dépenses. La com- mission administrative des hospices conserve néanmoins la gestion économique de la dotation, ainsi que la tutelle légale des enfants. CHAPITRE IT. DES PERSONNES Ainsi que nous l'avons fait voir dans le chapitre précédent, l'hôpital du Saint-Esprit fut, dès son origine, un hospice gé- néral. On y reçui, durant tout le moyen âge, les malades, les incurables, les mendiants, les vieillards, les pauvres femmes en couches, les passagers, les orphelins indigents, les en- fants abandonnés ou exposés, sans distinction d'infirmité, de sexe ni d’origine. Les ressources de la maison ayant notablement diminué, par suite des outrages que les guerres de la fin du xve siècle avaient faits à ses domaines ruraux, force fut aux religieux de restreindre et de spécialiser l’exercice de la bienfaisance. On sait la lutte qui s’engagea à ce propos entre la commune de Besançon et l’ordre du Saint-Esprit, lutte qui fut terminée par le traité du 98 septembre 1571. Aux termes de cet arran- gement, l'hôpital du Saint-Esprit ne fut tenu de recevoir dé- sormais que les enfants exposés de l’âge de deux ans et au- dessous, les pauvres femmes enceintes pour le temps de leurs eu AIR ES couches, et les voyageurs indigents pour une nuit seulement. Louis X[V ayant, par lettres patentes du mois d’août 1685, érigé l’hospice Saint-Jacques en hôpital général, la maison du Saint-Esprit se trouva par le fait déchargée du service des femmes en couches et des voyageurs. À partir de cette épo- que, la dotation du Saint-Esprit fut exclusivement affectée aux enfants abandonnés. Nous avons également montré comment la communauté des religieux du Saint-Esprit, longtemps maitresse absolue de l’hôpital, y fut subordonnée en 1713 à un bureau de direc- tion laïque, puis frappée de stérilité en 1740, par un acte de la volonté royale qui lui interdisait de se recruter. Cette corporation, dans ses plus beaux jours de prospérité, ne dépassa jamais le nombre de douze religieux, y compris le recteur, qui reçut linstitution du grand-maître de larchihô- pital de Rome jusqu’à l’époque de la conquête française, et à partir de ce moment releva du grand-maitre de Montpellier. En général, ces recteurs furent des hommes d’une piété sin- cère et profondément dévoués à leur missron charitable ; nous allons en donner une liste aussi complète que les documents nous ont permis de la dresser. I. Frère BENOIT vivait en 1243. IT. Frère PIERRE DE LIESLE, mort le 20 mai 1292. Au mois de mai 1263, le procureur général du Saint-Esprit de Rome lui délégua la haute main sur les hôpitaux de Dijon, de Tonnerre, de Fou- vent et de Bar-sur-Aube. IT. Frère ETIENNE DE MALANS, mort le 16 août 1306. En 1305, le grand-maitre de Rome le qualifiait son procureur général près les hôpitaux des deux Bourgognes. , IV. Frère PIERRE DE LYoN, mort le 5 janvier 1350. Il s'intitulait recteur et maître de la maison hospitalière du Saint- Esprit de Besançon et dés autres maisons hospitalières du Saint-Es- prit étant en Bourgogne et en Lorraine. En 1326, le procureur général du Saint-Esprit de Rome lui avait conféré les pouvoirs les plus étendus sur les hôpitaux de l'Allemagne, de la Bohème, de la Pologne, de la Hon- grie de Ja France et de l'Angleterre, V. Frère BARTHÉLEMI BOCHET DE SAINT-OYAN DE JOUX. mort le 2 juillet 1387. En 1359, le grand-maïitre de Rome lui donna procuration pour exercer la haute main sur les hôpitaux des deux Bourgognes et de la Lorraine. Sa tombe, qui existait dans l’église du Saint-Esprit de Besançon, présen- tait dans son champ la double croix de l’ordre, avec cette légende - Deus, PROPITIUS ESTO HOMINI PECCATORI; le tout était encadré par l'inscription suivante : . MENSIS IULII, OBIIT FRATER BARTHOLOMEUS DE SCTO EUGENDO IURENS&I, HECTOR DOMUS HOSPLIS SCTI SPUS. BISUNT, EIUS ANIMA REQUIESCAT IN PACE. VI. Frère HUGUES DE VENÈRE, mort le 13 mai 1392. VIT. Frère JEAN DE SAINT-OYAN DE JOUXx, mort ou démis- sionnaire avant le mois de juillet 1395. VIII. Frère PIERRE VAUDRIET DE FOUvENT, mort le 31 juillet 14992. En (40% il s’'intitulait humble reclour de la maison et hospilal de Sainct-Esperit de Besançon, de l'ordre de Saint-Augustin, et des autres maisons et hospitaulz de Saint Esperit estans ès pays de Bour- goingne et de Lorrainne. | | IX. Frère ANTOINE AMION DE MARNAY, mort le 11 octobre 1427. Il était licencié en droit canon. Sa tombe, que renfermait l’église du Saint-Esprit de Besançon, offrait l'image d'une double croix de l’ordre, accompagnée de cette invocation : SALVA NOS, CHRISTE, PER VIRTUTEM CRUCIS. X. Frère LAMBELET VERNIER, mort en février 1476. Né à Velesmes (prês Gray), il avait fait profession à Rome entre les mains du grand-maître de l'ordre du Saint-Esprit, le 26 juillet 1427 Par délibération du 4% juillet 1452, le chapitre de Sainte-Marie en Saxe lui reconnut, à l'exclusion de tous autres, la qualité de vicaire général de l'ordre dans les pays ultramontains de race française. XI. Noble ANTOINE DE RIGNEY, mort le 21 mai 1479. Né à Pesmes, ancien familier du célèbre cardinal d’Estetouville, licencié en droit canon et déjà doyen du chapitre de Notre-Dame de Beaupré, il administra l'hôpital, avec le titre de commandeur et sans avoir fait profes- sion dans l’ordre du Saint-Esprit. Voici son épitaphe, telle qu'on la lisait dans l’église du Saint-Esprit de Besançon : er H1C 1ACET VEN. ET RELIG, VIR MAGR ANTONIUS DE REGNEYO, MAGR ET PRÆCEPTOR HUIUS DOMUS ET HOSPITALIS SANCTI SPIRITUS BISUNT. ET DECANUS ECCLESIÆ BEATÆ MARIÆ VIRGINIS DE BELLOPRATO QUI O8IIT DIE 20 MENSIS MAIL ANNO DNI 1419 ORATE PRO EO. Un écusson, présentant une bande chargée de trois couronnes, surmon- tait cette inscription. XII. Frère JACQUES GARNIER, révoqué le 25 avril 1481. Il était recteur de l'hôpital de Gray au moment de la mort d'Antome de Rigney. Il fut alors pourvu de l'hôpital de Besançon par le grand-maitre de l’ordre, en même temps que le pape conférait ce même bénéfice à Etienne Morelli, doyen de Mâcon et dataire apostolique. Ce dernier ne consentit à abdiquer ses prétentions qu’au cas où le grand-maitre révoque- rait l’institution donnée à son compétiteur. Le grand-maitre, dans l'intérêt de la paix, crut devoir accéder à ce vœu; mais Jacques Garnier ne tarda pas à être placé à la tête de l'hôpital de Toul. XIII. JACQUES DE PREL, évincé avant le mois de m:u 1489. Ce personnage, qui s'intitulait docteur en lois el en décrets, s'était in- troduit dans l'hôpital à la faveur du désordre qui accompagna la compé- tion de Jacques Garnier et d’Etienne Morelli. XIV. Frère GUILLAUME DE BERCY, démissionnaire au 31 décembre 1504. Fils de noble Guillaume de Bercy, greffier en chef du parlement de Dole, il figurait dès 1470 parmi les religieux du Saint-Esprit de Besançon ; dix ans plus lard, on le trouve à la tête de l'hôpital de Gray En lui con- fiant le rectorat de Besançon, le grand-maitre de l’ordre l’institua son vi- caire général, avec pleins pouvoirs, dans le royaume de France, dans les deux Bourgognes et la Lorraine. Ses infirmités l’ayant obligé à prendre sa retraite, 11 continua de résider à l'hôpital avec le modeste titre de vicaire du successeur qu'il s'était lui-même choisi. Sur sa tombe, qui se voyait dans l’église du Saint-Esprit de Besançon, étaient gravées ses armes (un soleil soutenu d’un croissant), ainsi que l'inscription suivante : HTC TACET VEN. ET RELIGIOSUS VIR FRATER GUILLUS BERCI, RECTOR HUIUS DOMUS ET HOSPITALIS, QUI-OBHT DIE IX® MENSIS MAII, ANNO DNI 1910. XV. Frère RicCHARD GUYOT, mort le 6 septembre 1510. - XVI. Frère ETIENNE MILLET, mort le 30 janvier 1519. Il administrait l'hôpital de Poligny depuis l’année 1482. XVIL. Frère THomAs MICHELOT, mort le 5 décembre 15929. Issu d’une famille hourgeoise de Dijon, il s'était fait recevoir docteur en droit canon, puis était entré Comme novice daus l'hôpi.al du Saint-Esprit DEN es de Dole. Successivement religieux dans les hôpitaux de Dijon et de Besan- çon, il parvint, en 1512, au rectorat de l’hôpital de Dole, et fut chargé de la restauration de cet établissement par Marguerite d'Autriche, tante de Charles -Quint : 1l reçut à celte occasion le titre de chapelain de la prin- cesse, Lors de sa promotion au gouvernement de notre hôpital, la com- mune de Besançon prétexta sa qualité d’étranger pour lui faire échec ; mais toutes les autres puissances du pays le soutinrent, et il ne tarda pas à pouvoir prendre possession. Le grand-maitre de Rome le constitua son vicaire général dans les pays ultramontains. L'épitaphe suivante était gra- vée sur sa tombe dans l’église du Saint-Esprit de Besançon : ANNO DNI 1929, DIE £a MENSIS DECEMBBIS, OBIIT VENERABILIS viR DNus THomas MICHELOT, DECRETORUM DOGTOR ET VICARIUS GNALIS TOTIUS ORDINIS ATQUE RECTOR HUIUS HOSPITALIS. XVIII. Frère CLAUDE BUFFET (le vieux), mort le 22 sep- tembre 1545. Né en 1485, à Houtaud, près Pontarlier, il suivait la règle bénédictine dans l’abbaye de Monthenoiït, lorsqu'au mois de juillet 1529 Thomas Miche- lot le fit agréer pour son futur successeur, tant par la cour de Rome que par la commune de Besançon. Il était représenté sur sa tombe en costume de religieux ; on lisait au-dessus de sa tête : ECGE NUNC IN PULVERE DOR- MI0, et sous ses pieds : ORIGINEM TRAXIT AB OPPIDULO OSTENSI. Le monu- ment était encadré par l’épitaphe suivante : Hic 1AGET VEN. ET RELIGIOSUS VIR D. CLAUDIUS BUFFET, HUMILIS PRECEPTOR HUIUS DOMUS, QUI OBIIT DIE 22? MENSIS SEPIEMBRIS, ANNO 1945. REQUIESCAT IN PACE. AMEN. XIX. Frère CLAUDE BUFFET (le jeune), mort le 22 avril 1573. Neveu du recteur précédent, il entra fort jeune dans la religion du Saint Esprit, se fit recevoir licencié ès droits, régit pendant quelque temps les hôpitaux de Gray et de Dole, puis fut rappelé près de son oncle, qui lui obtint, au mois d'août 1545 le titre de son coadJuteur perpétuel et irrévocable. Dès avant 1564, le grand-maitre de Rome l'avait créé vicaire général de l’ordre dans les régions ultramontaines. Sa tombe, qui joignait celle de son oncle, portait ce qui suit : Hoc suB TUMULO IACET VEN. ET RBLIGIOSUS Vin Dnus CLaubics BUFFET IUNIOR, HUIUS DOMUS DUM VIVERET HUMILIS PRECEPTOR, QUI OBIT DIE 222 MENSIS APRILIS, ANNO DNI 1573. XX. Frère JEAN BUFFET, mort au mois d’août 1585. Frère du précédent recteur, il figurait en 1553 parmi les novices de l'hô- pital de Besancon; mais il quitta bientôt cette maison pour entrer dans l'abbaye Saint-Paul, dont le chapitre lui confia l'administration du prieuré de Marast. Après la mort de son frère, la commune de Besançon le plaça de son chef à la tête de l’hôpital de Besançon ; il s'y maintint, malgré les sentences d’excommunication dirigées contre lui à la requête de frère Melchior de la Vallée et du chanoine François de Chassagne, pourvus successivement par le grand-maitre de Rome. XXI. Frère FRANÇOIS DE CHASSAGNE, mort au mois de mai 1592. Fils de noble Jean de Chassagne, d'Ornans, il occupait un canonicat dans l’église métropolitaine de Besançon, lorsqu’au mois de juin 1577 frère Melchior de la Vallée lui fit cession de ses droits sur le rectorat de l'hôpital de Besançon. Il ne put toutefois prendre possession que le 2 sep- tembre 1585, et revêtit ce même jour l’habit de l’ordre du Saint-Esprit. XXII. Frère HENRI TREFFARD, mort le 7 avril 1615. Né à Polignv, il entra d'abord dans l’ordre de Saint-Antoine et fut in- vesti de la commanderie de Besançon, le 98 juillet 1586. [1 occupait ce poste lorsqu’au mois de novembre 1588, François de Chassagne, parvenu | à sa soixantième année et affligé de douleurs de goutte «ne pouvant par conséquent pourvoir à l'administration des propriétés du Saint-Esperit, si- tuées dans des lieux fort éloignés l’un de l’autre, et gravement détériorées depuis dix ans par les guerres, » le choisit avec lagrément de la com- mune de Besançon, pour son coadjuteur et futur successeur. En linsti- tuant recteur de l'hôpital de Besançon, le grand-maitre de l’ordre de Rome le créa visiteur général de tout l'ordre delà les monts. | XXIIT. Frère CLaupi NAZEY, mort le 22 janvier 1635. Issu d’une ancienne famille noble de Besançon, il avait conquis le grade de docteur ès droits. Tandis que la succession de frère Henri Treffard jui était dévolue par le grand-maitre de Rome, le gouvernement des Pays- Bas et du comté de Bourgogne concédait le même bénéfice à Nicolas Ti- rot, de Dole. Durant quaire années, Claude Nazey fut réduit aux seuls revenus que possédait l'hôpital sur le territoire de Besançon ; les autres ressources de l'établissement étaient perçues par son compétiteur. Cette lutte se termina par un arrangement fort onéreux pour la maison, qui fut conclu à Bruxelles le 4 mars 1619. Devenu titulaire incontesté de l'hôpital de Besançon, Claude Nazev reçut le mandat de vicaire général de l’ordre dans les parties ultramontaines. Dès 1617, il avait été créé protonotaire apostolique. XXIV. Frère CLAUDE PÉCAUD, mort le 13 novembre 1659. Né à Salins en 1595, il fit ses études à l’université de Dole, y obtint le grade de docteur en théologie, puis se rendit à Rome, où il eut la bonne fortune d’être attaché comme familier au cardinal Barberini, neveu du pape Urbain VIIL. Il était déjà pourvu d'un canonicat de l’église métropo- litaine de Besançon et de la commende des prieurés de Saint-Nicolas de Salins et de Saint-Germain-en-Montagne, lorsque le grand-maitre du n î <=" féiihiio cute ne de Lions ns É | [ 4 . 4 EUR Saint-Esprit lui confia la maitrise de notre hôpital et l'institua son vicaire général par delà les monts. La commune de Besançon lui suscita un compétiteur dans la personne de Jean-Antoine Alviset, curé de Suint- Pierre, et ne reconnut ses droits qu'après la mort de ce dernier person- nage, survenue au mois d'août 1638. Claude Pécaud ne prit personnelle- ment possession qu’en 1646 ; il ne conserva de ses anciennes dignités que le titre de protonotaire apostolique. Peu de temps avant sa mort, ül fit hommage à l'église de notre hôpital d’un tabernacle en argent du poids _de 80 marcs, œuvre de l’orfèvre Thouverey et du sculpteur Thierry, l'un et l'autre de Salins, XXV. Frère JEAN-JACQUES DESPOUTOT, mort le 2 janvier 1672. Fils de noble Gaspard Despoutot, procureur fiscal de la cité de Besan- çon, et d’Antoinette Chifflet, il était neveu et filleul de l'auteur du Veson- tio. Il secondait depuis cinq ans Claude Pécaud dans l'administration de l'hôpital, lorsque ce recteur sollicita pour lui le titre de son coadjuteur et successeur futur, Ce désir ayant été agréé par l'autorité supérieure, Despoutot se rendit à Rome et reçut lhabit du Saint-Esprit de la main du grand-maître, le 24 juin 1655, en présence du bisontin Claude d'Or- champs, général de l'ordre des minimes. Parvenu au poste de recteur, le grand-maitre de Rome lui accorda l’inspection des hôpitaux ultramontains. XXVI. Noble ANTOINE D'ORCHAMPS, démissionnaire au mois de septembre 1673. Cousin de Jean-Jacques Despoutot, il était déjà en possession d'un ca- nonicat de l’église métropolitaine de Besançon, lorsque le recteur du Saint-Esprit obtint l’autorisation d’en faire son coadjuteur Le poste de recteur élant devenu vacant, Antoine d'Orchamps en fut pourvu, mais à la condition formelle qu’il prendrait l'habit de l'ordre ; il ne se décida pas à accomplir cette obligation et abdiqua en faveur de son frère. XXVII. Noble CLAUDE-FRANGOIS D'ORCHAMPS, évincé le 40 septembre 1678. En succédant à son frère ainé, Claude-François d'Orchamps, docteur en théologie et prieur-commendataire de Sirod, avait souscrit l'obligation de prendre l'habit de l’ordre dans un délai de cinq années. Ce délai étant expiré et la condition n’avant pas été remplie, la congrégation des cardi- naux interprètes du concile de Trente le destitua. XXVIIL. Frère DENIS BEUQUE, mort le 5 juillet 1705 Né à Dole, il avait pris à l’université de cette vi'le le grade de docteur en théologie, puis était entré à Rome dans l’ordre du Saint-Esprit et avait enfin regagné son lieu d'origine pour y prendre le gouvernement de l'hô- pital. En recevant la régie de celui de Besançon, il fut créé protonotaire 60 apostolique et vicaire général de l’ordre du Saint-Espril près les hôpitaux des deux Bourgognes et de la Lorraine, XXIX. Frère JEAN-ETIENNE GRANDVOINET, mort le 14 juin 1706. Successeur de Beuque à l'hôpital de Dole, il le remplaça également dans la conduite de celui de Besançon. XXX. Frère PONGET PERREAUD, mort à la fin de juin 1721. Fils de Claude Perreaud, de Rochejean, chirurgien, il était entré comme uovice à l'hôpital de Besançon le 17 novembre 1684 ; il y fut longtemps l’un des plus intelligents auxiliaires de Denis Beuque. Nommé comman- deur (litre qui avait remplacé celui de recteur depuis la conquête fran- Çaise), par brevet du roi en date du 95 août 1706, il passa quatre années en exil pour avoir, en 1711, soutenu l'indépendance de l'ordre vis-à-vis de l’archevêque, de l’intendant et de la commune de Besançon. La commu- nauté des religieux fut dès lors subordonnée à un bureau laïque d’admi- nistration. : XXXI. Frère ADRIEN BULLET, évincé le 17 avril 1734. Né à Besançon, il était commandeur du Saint-Esprit de Neufchâteau en Lorraine, lorsqu'il fut délégué par le cardinal de Polignac, grand-maitre de Montpellier, pour régir l'hôpital de Besançon ; mais, n’ayant pu obtenir l'institution royale, il fut destitué par arrêt du parlement en date du 17 avril 1734. XXXII Frère NicozaAs BARDENET, démissionnaire au 28 aout 1772. Né à Vesoul le 19 mai 1698 ; le gouvernement royal, sur la proposition du cardinal de Polignac, l’avait, par brevet du 20 octobre 1734, nommé commandeur de notre hôpital. Dernier représentant de la communauté des religieux de Pesançon, qu'un acte de l'autorité avait déclaré éteinte en 1740, Bardenet demanda sa retraite en 1772; le bureau de direction lui constitua une pension viagère de 1,500 livres. Il se rendit alors à Tours, où il mourut en 1780. Avant son départ, il avait donné sa bibliothèque, composée de 1,792 volumes, à la ville de Vesoul, sous la condition d'en faire un dépôt public. La communauté des religieuses, qui se bornait au soin des pauvres et n’eut jamais part à l'administration de lPéta- blissement, était très ancienne dans notre hôpital. Le nécro- loge mentionne, en effet, une sœur converse Adeline, qui mourut en 1309, et une sœur Henriette de Poligny, décédée : en 1328. Plusieurs de ces religieuses sortaient de familles de pe fortunées et firent des largesses importantes à la maison. Telles furent : Sœur. HUGUENETTE, dite FRANCHE, de Baume-les-Dames, qualifiée rectrice de l'hôpital du Saint-Esprit en 1370, qui accrut la dotation de plusieurs vignes et rentes assises sur le territoire de sa ville natale ; Sœur CLÉMENCE, de Marnay, qui remplit avec distine- tion l'office de gouvernante des pauvres, de 1413 à 1458, et enrichit le trésor de l'hôpital de deux statuettes d’argent du poids de trois marcs, figurant la Madeleine et sainte Cathe- rine, puis d’un groupe de même métal représentant le Père Eternel sur un trône, assisté de la Vierge et de saint Jean - Baptiste ; Sœur GUILLEMETTE, de Gouhenans, qualifiée gouvernante des pauvres du Saint-Esprit de Besançon, qui mourut le 24 juillet 1470, après avoir légué cinq francs pour son anni- versaire et fait les frais du grand candélabre qui existait de- vant le grand autel de l'hôpital ; Sœur BARBE THOMAS, qui prit le voile en 1667, et se joignit à son père pour donner à l’hôpital un corps de pro- priétés situées au Gratterv, près Port-sur-Saône. La communauté des religieuses du Saint-Esprit de Besan- çon subsista jusqu’au 18 août 1792. CHAPITRE IV. DES BIENS. La dotation de l'hôpital du Saint-Esprit s’est formée de pieuses offrandes, faites avec ou sans condition de services religieux, et d’acquisitions réalisées au moyen du produit des quêtes. La circonscription de ces quêtes embrassa, durant plus de oo trois siècles, un territoire extrêmement vaste, à savoir l’An- gleterre, les Flandres, la Picardie, le diocèse de Reims, la Franche-Comté, la Bresse, le Bugey, le diocèse de Lyon, la Suisse romande, le Dauphiné, la Savoie et le Piémont Il en résultait, à la fin du xve siècle, un revenu d’environ 1,500 fr., représentant au moins 30,000 fr. de nos valeurs modernes. À partir des guerres de religion, notre hôpital n’exerça ses quêtes que dans le seul diocèse de Besançon : le produit se trouva de la sorte considérablement amoindri: il n’était plus, à la fin du xvrr* siècle, que d'environ 3,000 fr. équiva- lant approximativement à 10,000 de nos francs actuels. L'hôpital affermait le produit de ses quêtes à des mar- chands ou banquiers ; il leur fournissait des chariots, des serviteurs pour conduire les chevaux, des troncs pour re- cueillir les aumônes, des religieux pour prêcher la charité sur les places publiques et dans les églises, des châsses et des tableaux d’indulgences pour provoquer les libéralités des fidèles. « Ces châsses étaient de grandes boîtes de sapin dont la partie supérieure s'élevait en forme de toit : elles s’ouvraient à deux battants ; une image de la Sainte Trinité occupait le fond de la boîte, et une croix de l’ordre hospita- lier était peinte sur l’intérieur des deux volets (), » Quant aux tableaux d'indulgences, c'étaient des pancartes en par- chemin, s’accrochant par le haut et offrant, en langue fran- çaise, un sommaire des faveurs spirituelles acquises aux. bienfaiteurs de l’ordre. L'une de ces pancartes, qui fait par- tie des archives de notre hôpital, débute par la formule suivante : « S’ensuyent les grandes grûces, pardons, indul- gences, absolutions, rémissions, concessions et privilèges donnez et concédez de pluseurs saincts pères de Romme à tous les confrères, conseurs, assenseurs el bienffuicteurs des hospitaulx du Sainct-Esperit de Romme et membres d’ice- (1) François CALMELET, Histoire (manuscrite) de la maison du Saint- Esprit de Dijon, citée dans l’Histoire de la fondation des hôpitaux du Saint-Esprit de Rome et de Dijon, par G. PEIGNOT, p. 84, note 1. +120 édire De UT E Re np luy, esquelz tous lez jours continuelement, en l'honneur de nostre Saulveur Jésus-Christ, les œuvres de miséricordes à tous poures sont administrez. » Tout cet équipage, connu sous le nom de trahin, avait, conformément aux privilèges de l’ordre, le droit d’être hébergé, une fois l’an, par les curés des paroisses. En outre, dans beaucoup de localités importantes existaient des confréries du Saint-Esprit, dont les membres avaient pour mission d'entretenir parmi les habitants de charitables dispositions envers l’ordre. Les chefs de ces confréries portaient le titre de maires de la châsse du Saint-Esprit de Besançon ; ils élaient imstitués par le recteur de notre hôpital, et recevaient de lui l’autori- sation de décorer leurs portes des images réunies du Saint- Esprit et de la double croix de l’ordre. L'hôpital de Besançon, comme toutes les corporations ecclésiastiques, possédait trois sortes d'immeubles connues au moyen âge : l'alleu, ou propriété franche; le fief, pro- | priété noble, chargée envers un seigneur de certaines obli- gations corporelles ou financières ; la terre roturière, grevée d’un tribut en argent ou en nature appelé cens. Pendant toute sa période de grande prospérité, c’est-à-dire entre les premières années du x1° siècle et le milieu du xve, notre hôpital mit le plus grand soin à conserver les immeubles qui lui arrivaient par voie de donation, et s’ef- força même d'en acquérir de nouveaux avec le fruit de ses économies. Mais les guerres ayant dévasté beaucoup de ces immeubles et rendu fort difficile la perception du revenu de ceux qui avaient été épargnés, l'hôpital crut parer à ce double inconvénient en recourant au procédé ruineux des acensements perpéluels. Ce genre de contrat, qui dans notre pays s’appliquait aux terres nobles comme aux biens roturiers, livrait l'immeuble au preneur et à sa descendance directe, jusqu’à extinction de cette dernière, et cela moyennant un cens ou tribut an- nuel invariable, Le bailleur n'avait chance de recouvrer sa or propriété que dans le cas d’extinction des héritiers directs du preneur primitif, ou bien encore dans celui où le tenan- cier négligeait d’acquitter le cens pendant trois années con- sécutives. Quelques immeubles acensés rentrèrent ainsi dans le domaine de lhôpital, mais ce fut le très petit nom- bre ; la majeure partie d’entre eux fut irrévocablement per- due, soit parce que, durant les époques calamiteuses, on oublia les traités intervenus, soit parce qu'en raison de la- baissement de la valeur du numéraire, les cens originaire- ment slipulés n auraient pas couvert les frais qu’eüt néces- sités leur recouvrement. Tandis que l'hôpital, sous l'empire des nécessités du moment, gaspillait sa dotation par des acensemenis irréflé- chis, le traité de 1571 lui enlevait les trois quarts des im- meubles qu’il possédait sur le territoire de Besançon Un dommage bien plus considérable encore lui fut causé par la révolution française. L'hôpital exerçait des droits sei- gneuriaux, tels que ceux de justice, de dimeet de main- morte, dans les villages de Grosbois, Pirey, Valentin, Bau- motte et Saint-Lieffroy ; la plupart des contrats d’acensement stipulaient en sa faveur la réserve du domaine direct ou féo- dal ; tout cela fut abrogé d’un seul coup par la loi du 29 mes- sidor an 11 (17 juillet 1793). Quelques jours auparavant (23 messidor), une loi avait prononcé la réunion de l'actif et du passif des maisons hospitalières au domaine national ; on verra plus loin que, par le fait de cette mesure, la dotation du Saint-Esprit se vit enlever trois maisons et six domaines ruraux, représentant alors, en capital, une valeur de 142,647 livres 6 sous. Enfin, comme conséquence de l’alié- nation des immeubles qui composaient l’ancien domaine royal, notre hospice perdit ses droits d'usage et d’affouage dans plusieurs forêts, ainsi que des redevances considéra- bles sur les salines de Salins. Lorsque la loi du 16 vendémiaire an v ordonna le rempla- cement des biens enlevés à la dotation des hospices, le PR VOOR LS V'ÉORET Ye MR POUPEE CE nôtre n’obtint, comme compensation, que deux hôtels situés dans la ville et dont l'estimation, en capital, ne s'élevait qu’à 62,000 livres. Malgré ces pertes énormes, l'hôpital du Saint-Esprit est encore le plus riche de ceux qui composent nos hospices ci- vils réunis. Son revenu, qui s'élève à une soixantaine de mille francs, équilibre, avec le produit des amendes et confiscations, les dépenses des enfants assistés, etexonère le département de toute charge envers ce service qu'il a mis- sion d'assurer. | L'administration des hospices voudrait, au contraire, que le département consentit à s'imposer quelques sacrifices en faveur des enfants assistés, afin de pouvoir appliquer une partie de la dotation du Saint-Esprit à d’autres services moins largement pourvus. Son argumentation, pour arriver à ce but, est déduite de l’histoire même qui fait l'objet de notre travail. La dotation du Saint-Esprit provient, en effet, d’aumônes faites en vue du soulagement des infortunés qu’abritait la maison au moment où chacun de ces actes généreux se pro- duisit. Or, s’il est équitable de tenir compte, dans l’emploi d’une libéralité régulièrement acceptée, de l'intention for- melle du bienfaiteur, il y aurait lieu d'établir entre les pro- priétés du Saint-Esprit trois catégories, correspondant aux trois modifications que subit le régime intérieur de cet hô- pital : 1° Les propriétés données ou achetées antérieurement à 1571 devraient profiter à tous les genres de nécessiteux que renferment les hospices civils réunis ; 20 Les propriétés données ou achetées de 1571 à 1635 de- vraient être attribuées au service des enfants assistés et des VOYALEUTS ; 9° Enfin celles qui sont arrivées au Saint-Esprit postérieu- rement à 1685 devraient s'appliquer uniquement aux enfants assistés. Vo. 9, Qt ne Les notes sommaires qui vont suivre, touchant l’origine de chacun des immeubles qui composaient naguère ou composent encore la dotation du Saint-Esprit, pourraient servir de base à cette répartition. | Première catégorie PROPRIÉTÉS ACQUISES ANTÉRIEUREMENT A 1571. I. Muison du Suint-Esprit à Besançon et immeubles voisins (aliénés). Revenu : 3378 | 10,586 fr. Les terrains sur lesquels s'élèvent les bâtiments dits du Saint-Esprit proviennent, en majeure partie, du fondateur de cet hôpital, Jean de Montferrand, chevalier, qui mourut le 30 août 1207. L'hôpital y réunit, aux xIn° et xive siècles, divers immeubles achetés au moyen du produit des quêtes, notamment, en 1266, un grand jardin qui s’étendait au de- vant des bâtiments d’alors, puis, en 1393, une bande de Ler- rain sur la rive gauche du Doubs. Par suite de donations pieuses ou d’acquisitions à prix d'argent, l'hôpital eut, au xiv' siècle, la propriété franche ou le domaine éminent de la plupart des immeubles qui occu- paient les rues de Glères, de l’Abreuvoir et la place actuelle de l’Abondance. Mais, durant les périodes calamiteuses que traversa l'hôpital, presque toutes ces maisons furent alié- niées, soit par acensements, soit par ventes. Au début de ce siècle, la dotation du Saint-Esprit ne com- prenait plus, dans les environs de l’ancienne maison hospi- talière, que six maisons, toutes arrivées à l'hôpital soit par legs, soit par achats, pendant les xIrIe et x1v° siècles. Le plus important de ces logis, appelé la maison de Tor- pes, fut vendu, le 16 août 1828, pour la somme de 23,000 fr. Le même jour, la ville acheta, pour asseoir une partie de la por nouvelle halle, les cinq autres maisons, plus l’ancien jardin du Saint-Esprit, moyennant le prix principal de 36,000 fr. Le même jour encore, la ville fit l'acquisition, pour 8,000 fr., de l’ancienne église du Saint-Esprit, qu'elle utilisa d’abord comme entrepôt pour les matériaux de construction de la nouvelle halle, et qu’elle restaura ensuite pour les besoins du culte protestant. Une portion caduque des bâtiments du Saint-Esprit a été, en outre, aliénée, par acte du 1% mars 1829, pour la somme de 13,300 fr. Le groupe des constructions du Saint-Esprit qui appar- tient encore aux hospices, se compose de l’ancienne sacris- tie de l’église, qui sert de salle d’assemblée au consistoire protestant ; d’une énorme tour carrée, construite en 1443, et amodiée à la ville pour l'installation des classes protes- tantes ; de l'hôtel du mont-de-piété, ancien local des enfants trouvés, reconstruit de 1731 à 1733, sur les plans de l’archi- tecte Galezot. Le prix de location de cet ensemble s'élève annuellement à 1,398 fr. If. Suint-Lieffroy. — Fontaine. — Clerval. — Viéthorey. Deux maisons et leurs dé- \ pendances 3:00. 0001 15 a. 30 c. Pabours a | 32h.78 - 72 Revenu évalué à 1,425 fr, Friches et parcours. .....… 5 OL \ 416 Prés, verger et chenevière 4 924 97 Par une charte du mois de juin 1225, Othon, comte de la Roche, fit présent aux religieux du Saint-Esprit de Besançon d'une ancienne maladrerie, tenue précédemment à Saint- Lieffroy par l’ordre de Saint-Bernard. Cette propriélé con- sistait en une mason avec chapelle, en terres situées tant à Saint Lieffroy que dans plusieurs localités voisines, et enfin dans les droits seigneuriaux sur une partie du village de Saint-Lieffroy. Sans y être obligée par les termes de la donation primi- por tive, la maison de Besançon entretint, pendant près de deux siècles, un frère de l’ordre dans le village de Saint-Lieffroy ; mais ce service ayant été supprimé par mesure d'économie, le seigneur de Soye, héritier des la Roche, intenta, sur ce chef, une action à l’hôpital du Saint-Esprit : la question, portée d’abord aux assises de Baume, fut définitivement tranchée en faveur de notre hospice par un arrêt du parle- ment de Dole, en date du 3 avril 1415. L'hôpital perdit, à la révolution, les droits seigneuriaux qu’il exerçait au village de Saint-Lieffroy ; mais il conserva les propriétés franches comprises dans la donation de 1295, et situées tant à Saint-Lieffroy qu’à Fontaine et Viéthorev. Quant aux fonds sis à Clerval, qu’on a coutume de réunir à ce domaine, ils proviennent de Pierre des Fontaines, de Clerval, et de Jeanne, sa femme, qui, en 1303, firent dona- tion de tous leurs biens aux pauvres du Saint-Esprit de Be- sançon. IT, Thise (ancienne provenance). Prés (3 pièces) : 1 h. 24 a. 89 c. Revenu : 100 fr. L'hôpital du Saint-Esprit possédait à Thise huit faulx de pré, dont voici les origines : En 1268, Pierre Faivre, en élisant sa sépulture dans l’é- glise du Saint-Esprit, fit don à l’hôpital d’un pré qu’il avait à Thise ; En 1323, Guy de Roche, clerc de Besançon, léguait au même établissement son pré de Thise, à titre de rétribution d’un service anniversaire ; Par testament daté du 22 février 1492, Jean Guillaume, tuilier à Roche, ajoutait aux propriétés qui précèdent un pe- tit pré, contenant quatre andains, pouvant fournir la levée annuelle d’un petit char de foin. : En exécution de la loi du 23 messidor an 11, ces huit faulx de pré furent mises en vente et adjugées à divers particu- liers, suivant procès-verbal du district en date du 26 + 69 prairial an 111: mais l’un des adjudicataires avant encouru la déchéance pour défaut de paiement dans les délais pres- crits, l'hôpital recouvra trois faulx, qui lui furent définitive- ment restituées par un arrêté départemental du 25 brumaire al IX IV. Châtillon-Guyotte. Pré: 65. ares. Revenu : 55 fr: Dès le début du xiv* siècle, notre hôpital du Saint-Esprit avait créé, sur la grande route de Besançon à Baume, en un point appelé les Longeaux, également distant de ces deux villes, une maison de ferme, qui devait en outre servir tem- porairement d'asile aux voyageurs et aux malades des loca- lités voisines. Le damoiseau Huguenin, seigneur de Châtillon-Guyotte, voulant favoriser cet établissement, décida, par un acte du 23 janvier 1303, que la Maison-Dieu des Longeaux aurait le droit de s’approvisionner gratuitement dans les bois de sa châtellenie, ainsi que celui de lever sur le même territoire une quantité suffisante de fourrage paur les bêtes grosses et menues qu'y entretiendraient les religieux. Cette largesse fut confirmée en janvier 1304 par Hugues de Bourgogne, su- zerain de la terre de Châtillon-Guyotte. De ces prérogatives, 1l ne reste à la dotation du Saint-Es- prit qu'une pièce de pré à Châtillon-Guvotte. L'hospitalité ayant cessé aux Longeaux dès la première moitié du xv° siè- cle, cet immeuble fit retour à l’hôpital du Saint-Esprit de Besançon, qui l’amodiat, en 1490, pour cinq mesures d’a- voine par année. V. Valentin. PADOUTS A EU none 61 h. 84 a. 99 c. BRU de nn er ex s 11,252 -445 ; nn ‘. , Revenu évalué à 3,050 fr. MARÉES ES An RENE 04 » MACON SE TENIUENEES DEAD SMS Par un testament rédigé le 13 mars 1295 et publié le Jeudi après la quinzaine de Pâques 1296, Guy Benoit, l'un des plus D riches citoyens de Besançon, avait légué à l’hôpital du Saint- Esprit deux rentes annuelles et perpétuelles : la première de cent sous, assignée sur la terre de Valentin, et destinée à l'entretien d’un prêtre, choisi parrai les religieux, lequel devait célébrer la messe pour les défunts le plus souvent possible ; la seconde, de soixante sous, assignée sur une maison de la rue des Granges et sur un champ de la ban- lieue de Besançon, et destinée au soulagement des pauvres de l'établissement. Le domaine de Valentin, comprenant des champs, prés, vignes et maisons, ainsi que les droits seigneuriaux les plus étendus sur cette localité, avait été acquis par le testateur, de Guillaume de la Tour, chanoine de Sainte-Madeleine, pour la somme de 180 livres, ensuite d’un contrat du 26 juin 1288. Les héritiers de Guy Benoit servirent les deux rentes ci- dessus jusqu’en 1305 ; mais, par un arrangement conclu le 1°7 mars de cette dernière année, ils se déchargèrent de leurs obligations en cédant au Saint-Esprit la propriété pleine et entière du domaine et de la seigneurie de Valentin. De 1305 à 15350, l’hôpital opéra, tantôt à prix d’argent, tan- tôt en vertu de donations pieuses, le retrait d’un assez grand nombre de manses et de terrains, autrefois acensés par les précédents propriétaires. De sorte que la presque totalité du village de Valentin appartint en propriété franche au Saint- Esprit, qui jouissait d'ailleurs sur le reste des droits de lods, vente, seigneurie et mainmorte. ÿ En 1435, le village de Valentin fut détruit par une bande de routiers, etil n'y resta bientôt plus, en fait d'habitants, que le fermier de l'hôpital. Il fallut alors procéder à une nou- velle délimitation du domaine du Saint-Esprit, sur lequel les bois environnants avaient empiété de toutes parts. Phi- lippe le Bon, duc et comte de Bourgogne, autorisa cette opé- ration en 1458. Quatre ans plus tard (20 août 1442), le même souverain 2 reconnaissait à | hôpital les droits d'usage et d’affouage, tant pour les bâtiments de Besançon que pour ceux de Valentin, dans les forêts domaniales qui avoisinaient cette dernière localité ; 1l v ajoutait l'autorisation de prendre autant de bois mort qu'il en faudrait pour alimenter une tuilerie que l'hô- pital venait de faire construire à Valentin. En retour de ces faveurs, les religieux du Saint-Esprit s’engagèrent à célé- brer le 50 juillet de chaque année, un service pour les âmes des comtes et comtesses de Bourgogne. Dès les premiers Jours de la conquête française, l’admi- nistration des eaux et forêts combattit les prétentions du Saint-Esprit sur les bois du domaine qui touchaient Valen- ün ; mais apres de longs débats, Louis XV, par lettres pa- tentes données à Marly le 7 février 1729, régla les droits de hôpital sur les forêts de la Lave et de la côte de Châtillon, à 20 cordes de bois par an. Cette redevance fut abrogée en 1793, par suite de la vente nationale des bois qui la desservaient. L’hôpital perdit en même temps ses droits seigneuriaux sur la partie du terri- toire de Valentin qui ne lui appartenait pas en propre, Dans les amodiations du domaine de Valentin, les hospices civils comprennent trois petits prés situés à Auxon-Dessous, d’une contenance totale de 35 ares 14 centiares, Cest tout ce qui subsiste de la donation que fit au Saint-Esprit de Be- sançon, par acte du 27 mai 1353, Eudes de Choye, chanoine et chantre de l’église de Besançon, de huit morceaux de terre sur le territoire d’Auxon-Dessous. VI Chaätenois. L'ADONESNRNRRARSERRARRS 13 h. 40 a. O8 c. Revenu évalué 400 fr. IPFÉSE SR Re RE DO 048 Par une charte datée du mois d'août 1301, Jean de Cha- lon, comte d'Auxerre, s'était engagé à fonder dans le village de Rochefort, dont il était seigneur, un hôpital du Saint-Es- prit, qui devait être doté de trente livrées de terre; mais nero ses héritiers avaient négligé d'accomplir cette lhibéralité. L'un des vassaux de la seigneurie de Rochefort, le da- moiseau Jean. surnommé Phiscole de ce qu'il se livrait à l'exercice de la médecine, mû par un sentiment de piété et de bienfaisance, conçut en 13923 ie projet d'abandonner à 1 hôpital du Saint-Esprit de Besançon les propriétés qu'il te- nait en fief du comte d'Auxerre, tant à Châtenois qu'à Au- delange. Le comte d'Auxerre consentit à cette donation, ainsi qu'à l'amortissement des immeubles, moyennant toutefois qu’on le déchargerait de l’obligation contractée par son aïeul d’é- riger une maison du Saint-Esprit à Rochefort. Cette condition ayant été acceptée par notre hôpital, la donation du noble clerc put s'effectuer ; l’acte en fut passé le 9 mai 1323, et la charte d'amortissement du comte d'Auxerre publiée le 30 juin 1329. Aux propriétés sur Châtenois, ainsi dévolues à l’hôpital de Besançon, s’ajoutèrent en 1360 deux pièces de terre arable données par Vernier, dit Veillerey, de Châtenois; puis, en 1435, un journal de vigne au même lieu, offert en aumône par le prêtre Jean Bertholomot, dit Valeuchot, de Rochefort. Telles sont les origines du domaine actuel de Châtenois. Quant aux propriétés sur Audelange comprises dans la donation de 1593, elles consistaient dans une ile du Doubs, formant six faulx de pré et six journaux de terre labourable. Ce lot fut acensé perpétuellement en 1397, moyennant la redevance de soixante sous, puis, en 1497, movennant celle de quatre francs, et enfin, en 1561, moyennant cinq francs par année. Les guerres du xvirr siècle interrompirent le paiement de cette prestation, et l’hôpital ne parvint Jamais à rentrer dans son domaine d'Audelange. or VII. En Châlres (banlieue de Besançon). Revenu : 32 fr. La vigne que le Saint-Esprit possédait au lieu dit En Chüà- tres, provenait en partie d'une fondation faite le 16 décem- bre 1316 par Béairix de Choye, béguine, et en partie d’un échange réalisé par l’hôpital, le 29 décembre 1355, de deux vignes sur Montfaucon contre une vigne en Châtres. Les hospices civils, par acte du 5 août 1857, ont vendu _leur vigne de Chätres pour la somme de 800 fr. VIII. Palente ou Vaite. — Pelotte ou Mouillère (banlieue de Besançon). - Palente ou Vaite:labour et friche 97 a. 95 c. | Pelotte ou Mouillère : jardin... 1 80 À Revenu : 65 fr. Les champs de Palente ou Vaile proviennent des dona- tions et acquisitions suivantes : 1321 (1% mai. Renaud du Bourg, médecin à Besançon, donne à l'hôpital du Saint-Esprit un champ sis à Palente ; 1450 (5 août). En échange d’une vigne de quatre ouvrées au lieu dit Clemetigney, l'hôpital du Saint-Esprit reçoit deux pièces de terre contiguës au lieu dit la Vuite : 1461 (10 août). L'hôpital du Saint-Esprit accepte, à titre de remboursement d’une somme prêtée, deux pièces de terre sises à la Vaite. 17922 (7 octobre). François Rolin, laboureur à Palente, donne à l'hôpital du Saint-Esprit sa part d’un champ sis à la Vaite. Le terrain de la Pelotte où Mouillère représente une par- te du don fait à l’hôpital du Saint-Esprit par Jean de Chaf- fev clerc de Besançon, de la moitié indivise d’un verger situé pres. les murs de: la cité, et encadré par le clos des dames de Battant, la rivière du Doubs, le bief de la Mourllère nr et une voie communale. En acceptant cette donation, qui comprenait en outre deux cents écus d’or, lhôpital s’enga- geait, par acte du 5 février 1432, à faire célébrer sie Jour la messe à lintention de ce bienfaiteur. IX. Charrigney (banlieue de Besançon). Labour : 95 à. 30 c. Revenu : 51fr. Les fonds de Charrigney proviennent des donations sui- vantes : 1525. Guy de Roche;tclerc de Besancon, lécuelune rente de sept soudées de terre, assise sur sa vigne de Charrigney ; 1343. Jeanneite Bahat, femme de Richard de Quingey, no- taire, légue à hôpital du Saint-Esprit une vigne en Char- rigneuy. Ces vignes furent en parte arr achées et converties en labour. X. Saint-Claude (banlieue de Besançon). Labour : 5 h. 87 a. 47 c. Revenu évalué 700 fr. - Cet immeuble, situé dans Ja banlieue de Besançon, au lieu dit Les Justices ou la Croix aux Guerres, a pour origine les legs et achats suivants : 1350. Etiennette Cuene, de Besançon, épouse de Pierre de la Tour-du-Meix, notaire, lègue, à condition d’un anni- versaire, un Champ au lieu dit la Croix aux Guerres : 1452 (16 février). L'hôpital du Saint-Esprit se rend adju- dicataire, pour la somme de dix francs, de trois journaux de terre joignant le champ ci-dessus, au lieu dit les J'ustices de Besançon ; 1529 (4 nove >mbre). Guillemette Lovsel lègue à lPhôpital du Saint-Esprit un champ situé près les J'ustices : 1660 (3 Janvier). Claude Boisot, co-gouverneur de Besan- Te Pa con, lègue à l'hôpital du Saint-Esprit un champ sous les Justices, autrement dit la Croix aux Guerres. XI. Sainte-Colombe (banlieue de Besançon). Revenu : 174 fr. Jean Perrate, citoven de Besançon, avait prescrit, par son testament, que si ses enfants Jean et Jaquette venaient à mourir avant l’âge de leur majorité, ses biens serviraient à fonder deux chapelles. Cette hypothèse s'étant réalisée, l'ar- chevêque de Besançon, Hugues de Vienne, devenu exécu- teur testamentaire par le droit et la coutume, adiugea, par acte du 30 septembre 1354, l’une des chapelles à l’église de Sainte-Madeleine et l’autre à l’église de lhôpital de Saint- Jacques-dars-les-Arènes, Parmi les immeubles qui servirent à doter la chapelle de Saint-Jacques, on voit figurer une vigne de 20 ouvrées, sise dans la banlieue de Besançon, au lieu dit Sainte-Colombe. En s’annexant, dans le cours de l’année 1436, la maison de Saint-Jacques, l'hôpital du Saint-Esprit devint proprié- taire de la vigne de Sainte-Colombe et conserva cet im- meuble. sc _ Les hospices civils ont vendu la vigne de Sainte-Colombe _pour la somme de 4,357 fr., par acte du %3 décembre 1854. XII. Arbois. PADOUES en Ne ho dla lis Pr ÈS LE RON 66 20 Revenu : 505 fr. VIENS SRE RER et ren LE) Guillaume de la Pierre, d’Arbois, écuver, voulant partici- per aux bonnes œuvres de lhôpital du Saint-Esprit de Be- Sançon, « où, disait-il, les pauvres infirmes, mendiants et malades affluent de toutes parts, où les indigents sont reçus, vêtus et nourris, les femmes en couches délivrées et soi- RS gnces, les morts ensevelis, » fit, par acte du 25 mars 1360, donation à cet établissement des maisons et terres quil avait au val d'Arbois. : En acceptant ce présent, l'hôpital s’engageait à entretenir perpétuellement un frère du Saint-Esprit dans la maison de Guillaume de la Pierre, et à ne jamais vendre ou aliéner les immeubles composant la donation faite par ce gentilhomme. L'hôpital arrondit son domaine d’Arbois par des achats ou donations de pièces de terre, qui eurent lieu entre les an- « nées 1365 et 1417. C'est vers cette dernière date que l'hôpital cessa d’entre- tenir un religieux dans sa maison d'Arbois; personne ne s’opposa à cette suppression. XIII. Bay. Revenu de la partie vendue en 1854: 21 fr. Le domaine de Bay se composait de pièces de terre ache- tées, dans le courant de l’année 1367, d’un grand nombre de particuhers. La presque totalité de ces immeubles fut vendue nationa- _Jement, en exécution de la loi du 23 messidor an 1. A la suite de la révolution, la dotation du Saint-Esprit ne possédait plus à Bay qu’une chènevière de 4 ares 37 cen- tiares, et un cens sur quatre pièces de vigne. Les hospices civils ont vendu ce reliquat, par acte du 2 avril 1854, pour la somme de 538 fr. XIV. Chancey. — Mottey., — Montagney. — Tromarey. IA ours eee Sn 2274 702c Chancey : & . VISHÉS TEE 24 86 lADOUPS ETES SO TO ‘ ee, Mottey : ; ee * Revenu évalué 1,655 fr. DÉS RON DE 1) MORALE DES. Pr LE Re DO OT Tromarey.: Jabours LUS VAE non Dans le courant de l’année 1367, l'hôpital du Saint-Esprit acheta d’un grand nombre de particuliers 92 pièces de terre et 95 faulx 1/2 de pré sur les territoires de Chancev, Chan- cevigney, Mottey, Montagney et Tromarey. Par un acte passé le 1e" juin 1367, un pieux gentilhomme, nommé Gauthier de Montagnev, donna au même établisse- ment deux pièces de terre et une vigne situées dans le vil- lage dont il portait le nom. De 1384 à 1411, l’hôpital fit dans les mêmes localités un assez grand nombre d'acquisitions consistant en terres la- bourables, prés, vignes, et en deux maisons de culture à Chancev. En 1593 (17 mars) le domaine de Chancev s’accrut d'une maison avec jardin, et en 1597 (15 février), d’une maison de pierre, de trois ouvrées de vigne, d’un champ et d’une demi- faulx de pré. XV. Sornay. ADO RÉ EE iuun 2% h. 93 a. 69 €.) RÉ RRRRR SOU TE l Revenu évalué 1,472 fr. Tentes 12 4 ) En 1367, l'hôpital acheta d’un grand nombre de particu- liers, une soixantaine de pièces de terre, plusieurs vignes, douze faulx et demie de pré, et une maison sur le territoire de Sornay. Ce domaine s’accrut en 1449 d’une demi-faulx de pré qu'a- cheta l'hôpital. | XVI. Venère. Babpunehe LR, ni. Brh,674.2»20. 1 LÎTÉS, LS RER 87 » : svalué 250 fr. Vignes acensées au tiers des Reyenu-évalué 250 f l'ETUIES LS RE ARS 12 COR Tous les immeubles dont se composait ce domaine avaient été achetés par l’hôpital du Saint-Esprit dans le cours de no ne l’année 1367. La majeure partie d’entre eux fut vendue na- tonalement, ensuite de la loi du 23 messidor an 11. XVII. Virey. Revenu : 143 fr. Le 15 novembre 1451, l'hôpital du Saint-Esprit revendi- quait sur Jean Verjux, de Virey, une pièce de terre dans ce village, au lieudit la Combe à Linglois, d’une contenance de deux journaux et demi. Jean Verjux n’opposa aucune résis- tance : il déclara même, en relâchant l'immeuble, que les droits de l’hôpital sur cette terre étaient fondés sur un testa- ment remontant à plus de 52 années ; mais que, par suite des guerres, le champ dont il s'agissait s'étant couvert de brous- sailles, 1l avait cru bon d’en entreprendre le défrichement. Le testament rappelé par Jean Verjux comme appartenant aux dernières années du xIve siècle, manque dans les ar- chives des hospices C’est vraisemblablement la source de la plupart des fonds que le Saint-Esprit possédait à Virey. En 1443, cet hôpital achetait, moyennant la somme de vingt francs, la rente annuelle d'un bichot de froment, ga- rantie par une maison, une vigne de trois ouvrées et une pièce de terre, le tout situé à Virey. Ces assignaux furent incorporés au domaine du Saint-Esprit, par suite du défaut de paiement de la rente en question. Enfin, par contrat du 11 mai 1456, l'hôpital fit acquis tion de trois vignes à Virey, d’une contenance totale de trois ouvrées et demie. : Les hospices civils ont aliéné, par acte du 10 mai 1865, deux domaines qu'ils possédaient à Virey : le plus considé- rable provenait de l'hôpital Saint-Jacques ; le second, com- posé de 4 hectares 4 ares 54 centiares de champs, et de 14 ares 50 centiares de vignes, appartenait à la dotation du Saint-Esprit. La vente de ce dernier groupe d'immeubles à produit une somme de 3,580 fr. s nge XVIII. Vallières (banlieue de Besançon). Labour : 84 ares. Revenu évalué 83 fr. Maitre Gérard d'Adans, citoyen de Besançon, avait légué au Saint-Esprii une somme de cent sous. L'hôpital Hhbéra sa veuve de cette générosité et lui remit en outre la somme de trente sous, moyennant la cession faite, par acte du 1‘ juin 1299, d’une pièce de terre sous Kognon. Par son testament, publié le 11 novembre 1517, Pierre Grenier, citoyen de Besançon, légua au Saint-Esprit de Be- sançon un champ sous Rognon, confinant à une pièce de terre que possédait déjà l'hôpital dans ce canton. La réunion de ces deux immeubles forma le champ que la dotation du Saint-Esprit possède sous la montagne de Ro- gnon, au lieu dit les Vallières. XIX. Osselle et Routelle. Labours : 3 h. 1 a. 20 c. Revenu évalué 142 fr. Par acte en date du 19 janvier 1450, Jeannin, dit Roubart, sellier, originaire de Besançon, mais habitant Bruxelles, voulant reconnaitre les bienfaits qu'il avait reçus de notre hôpital du Saint-Esprit durant sa jeunesse, fit donation à cet établissement de dix journaux de champ et de cinq faulx de pré qu'il possédait tant à Osselle que dans un lieu dit la Route, qui devint plus tard le village de Routelle. Lors de la construction du canal Napoléon, en 1809, nos hospices cédèrent à l'Etat deux parcelles de ce domaine. XX. Etalans. Leboires AMENER 3h. 62a.75 c bours E Revenu : 136 fr. J L'hôpital du Saint-Esprit posséda très anciennement des fonds sur le territoire d’Etalans. Nous voyons en effet cet LS) — établissement céder, en 1314, à l’archevêque de Besançon, Vital, huit pièces de terre, d'une Contenance de dix-sept journaux, et un pré, le tout sur Etalans, plus vingt lits de plume et divers objets mobiliers évalués à soixante livres ; en échange de quoi le prélat concédait aux religieux du Saint-Esprit les droits d'usage et d’affouage dans ses bois du territoire de Besançon. En 1436, l'hôpital du Saint-Esprit s'étant annexé l’hospice de Saint-Jacques-dans-les-Arènes, devint, en conséquence, propriétaire d’une ancienne maladrerie éteinte appelée lhô- pital du Grosbois, de laquelle dépendaient des fonds à Etalans. L'hôpital acheta sur le même territoire, en 1447, sept journaux de terre labourable, et, en 1454, une faulx de pré. XXI. Fallerans. Revenu : 144 fr. La majeure partie des immeubles que le Saint-Esprit pos- sédait à Fallerans provenait encore de la maladrerie du Grosbois, réunie à notre hôpital en 1436. Une pièce de pré v fut en outre achetée en 1454. Ces immeubles, composés de deux prés et de sept champs, avaient été acensés en 1486; mais par suite de l'extinction de la lignée directe des tenanciers, ils firent retour à l’hô- pital vers le milieu du xvir* siècle. L'administration des hospices civils s’en est dessaisie par acte du 50 août 1859, moyennant la somme de 3,590 fr. XXII. Tilleroyes (banlieue de Besançon). FAbours Te Tee DS a O2 Cr BOIS ARC INT ENS NE Re Rate TSMSOMEZS : : Prés sur Pirey, Pouilley et Revenu évalué 1,200 fr. Chamuse serre A OMS Par acte du 15 novembre 1490, l'hôpital acheta, pour la somme de 425 francs, de Guillaume Mouchet, écuyer, un bois et des champs y attenant, situés près du village de A ETS, SITE dde ,-2 A . MSC. 71 PRES LS De nr. Er DIE Saint-Ferjeux, le tout appelé successivement le Bois Saint- Ferjeux, le Bois des Mouchet, et finalement les Tilleroyes ; la contenance de ce domaine était de trois cents journaux. - Une partie du bois fut défrichée aux frais de l'hôpital et convertie en terres labourables, La maison ou grange destinée au logement du fermier de ces terres ne fut construite qu'en 1724 et coûta 3,100 livres. On en appropria ensuite une partie pour la villégiature des religieuses hospitalières, et, en 1776, on y construisit une chapelle, avec la somme de 700 livres léguée pour cet objet par Piard de Coulouvre, ancien vicomte-mayeur de Besançon. Dans l’amodiation du domaine des Tilleroyes, les hospices civils comprennent quatre pièces de pré sur Pirey, deux sur Pouilley et une au lieu dit Chamuse (territoire de Besançon. Les prés de Pirey, d'une contenance totale de 67 ares 05 centiares, ont pour origine la cession d’une parte de la seigneurie de ce village faite à l'hôpital du Saint-Esprit, le 17 juin 1340, par Jean de Chalon, sire d’Arlay, en paiement d’une maison située rue de Gières et joignant les bâtiments de l’ancienne mairie de Besançon. L’un des prés de Pouilley avait été légué à lhôpital du Saint-Esprit par Etiennette, veuve d'Othon Mugnier, dont le testament fut ouvert le 2 mai 1362; le second de ces prés, celui qui porte le nom de Pré des Sallières, fut acheté, pour la somme de 12 francs, par acte du 25 août 1555. _ Le pré de Chamuse représente les six faulx et demie de pré achetées en ce lieu par le Saint-Esprit, moyennant la somme totale de 261 francs, par contrats des 21 septembre 1513 et 28 mars 1514. XXIIT. Ecole. Champ : 9 hect. (Exploité directement par l'hospice.) L'hôpital du Saint-Esprit avait distrait de son domaine de Valentin, acquis en 1305, un certain nombre de pièces de terre sises au voisinage d’Ecole. Ce petit domaine, qui s'a- VOr 9: 6 Re modiait séparément, fut échangé, par acte du 24 février 1890, contre une pièce de pré située dans la commune de Cirevy, au lieu dit Bellevaux. Les hospices civils possèdent encore sur Ecole, en grande partie de la même provenance, un champ d'environ neuf hectares, qui est cultivé par la colonie agricole des enfants assistés (D), XXIV. Bellevaux (commune de Cirev). Pré : 24 hect. 95 ares. Revenu : 1,450 fr. En échange de la majeure partie du domaine d’Ecole dont nous venons d'indiquer l’origine, et de plusieurs immeubles sur Pirey provenant de la cession faite en 1340 par Jean de Chalon-Arlay, la communauté des missionnaires du diocèse abandonna, par acte du 24 février 1820, la pièce de pré que la dotation du Saint-Esprit possède sur le territoire de Gi- rey, au lieu dit Bellevaux. XXV. Beauregard (banlieue de Besançon). Pré : 1 h. 37 à. 18 c. (Exploité directement par l’hospice.) En échange de cet immeuble et d’une pièce de terre à Champ-Forgeron, la commission des hospices civils a pavé une soulte de 450 francs et cédé, par acte du 1er décembre 4835, un pré à Amagney, deux terrains à Chemin-Francais (banlieue de Besançon), et une vigne à Clemetigney (même territoire). Voici les origines des propriétés ainsi échangées : Pierre Despoutot le vieil, citoyen de Besançon, avait, par son testament, fondé quatre conroys où repas annuels en faveur des pauvres de l’hôpital du Saint-Esprit de Besan- çon. Comme paiement de cette fondation, l'hôpital accepta, pinacte du 23 juin 1297 une pièce debpré, estimée cent livres, dans la prairie d'Amagney. Ce terrain, primitivement boisé, avait été acquis le 46 septembre 1456, de Guillaume (1) La colonie agricole a été transportée à Château-Farine, = 8 de Chalon, seigneur de Montfaucon et d’Arguel, par Pierre Despoutot, qui lavait converti en pâturage. Des anciennes plantations en bois blanc qui ie couvraient, cet immeuble avait conservé le nom de Varivre ; nommé d’abord la Vaivre de Peseul, il s'était appelé ensuite et successivement Vaivre- Poutot, puis Vuivre du Saint-Esprit. Acensé à trois re- prises, et finalement en 1719 moyennant la redevance an- nuelle de trente sous, l'hôpital l'avait racheté, en vertu du droit de retrait, le 28 novembre 1721, pour la somme de 400 francs. En 1388, l'hôpital acensait un champ qui lui appartenait au lieu dit Chemin-Francçais. Cette pièce de terre fit sans doute retour à la dotation du Saint-Esprit, car c’est vrai- semblablement l’une de celles qui figurent dans l'échange de 1835. L'autre pièce, originairement en vigne, fut léguée à l'hôpital, en novembre 1659, par le testament de Jean Buffet, chanoine de Sainte-Madeleine, dont la fanille avait ‘fourni successivement trois recteurs au Saint-Esprit de Be- sançon. Les vignes que la dotation du Saint-Esprit possédait ou possède encore à Glemetigney, lui ont été léguées : en 1313, par le clerc Guy de Glères ; en 1341, par Agnès Cherat ; en 1381, par Hugues d'Orsans, ancien curé de Montgesoye. XXVI. Champ-Forgeron (banlieue de Besançon). Labour : 25 a. 91 ce. (Exploité directement par l'hospice.) Cette portion des terrains que les hospices possèdent à Champ-Forgeron provient de l’échange réalisé en 1835, dont nous avons fourni le détail à propos de Particle précédent. XXVII. Port-sur-Saône et Vaivre. Champs, prés et chènevière AHPOrt=SUr=-Sa0n6. , : .: .. 95h. 08 à. 50 ce. | Revenu évalué 1,270 fr. Présia Vaivre. ..t......... 85 20 Par un testament passé le 7 août 1524 et ouvert le 12 sep- ou e tembre suivant, Hugues Munier, notaire à Port-sur-Sane, institua ses héritiers universels les pauvres du Saint-Esprit de Besançon, «lesquelx, disait-il, ne pourront vendre, ade- nerer ne alvéner en manière quelconque l’héritaige que à eulx, à cause de mon décez et trespas, leur adviendra, ains la rente dudit héritaige veulx que soit attribuée à la vie et sustentalion des poures dudit hospital et des religieux d’i- celluy. » Cet héritage consistait en deux maisons, 22 faulx 3/4 de pré, 225 quartes 1/2 de champ, 7 quartes de chènevière, 25 ouvrées de vigne, le tout situé sur les communes de Port-sur-Saône et Vaivre ; plus encore un certain nombre de cens sur des immeubles de ces deux localités. Hugues Munier avait réservé, sur les biens ainsi légués, une rente perpétuelle de trente mesures de blé froment et d'autant d'avoine en faveur de Catherine Bichenet, de Cham- plitte, sa femme, et des héritiers de cette dernière. Cette rente était arrivée par voie d’aliénation aux ursulines de Ve- soul, à qui l'hôpital la servit jusqu’en 1792. Le domaine na- tional la réclama comme sienne en l'an X; mais par un arrêté du conseil de préfecture du Doubs, du 10 vendémiaire an x1, les hospices en furent à tout jamais exonérés, attendu que les fonds vendus par la république étaient loin d’avoir été totalement remplacés en ce qui concernait la dotation du Saint-Esprit. La Compagnie des chemins de fer de l'Est a acquis, par acte des 11 décembre 1855 et 22 mai 1858, 56 ares 02 cen- tiares des champs du domaine de Port-sur-Saûône, pour la somme de 1,900 fr. XXVIII. Fontaine-Ecu (banlieue de Besançon). Revenu : 42/fr. Par contrat du 8 mars 15926, l'hôpital du Saint-Esprit ce- dait à Pierre de Chaffoy, contrôleur de la cité de Besançon, Lg 2 deux pièces de vigne situées à Pirevy, et recevait en échange huit ouvrées de vigne et une petite chènevière sur le terri- toire de cette ville, au lieu dit Fontaine-Ecu. La vigne ainsi acquise étant trop sujette à la gelée, l’hô- pital en résolut l’extirpation en 1771, et, à cet effet, on l’a- modia, pour six ans, moyennant trente-neuf livres de loca- tion seulement, mais avec condition de la réduire en Jardin. L'expérience démontra bientôt que le terrain ne comportait pas ce dernier genre de culture ; on prit alors le parti d’en faire un champ qui, en 1785, rapportait huit mesures de blé par an. Ce petit immeuble fut vendu, au mois de mai 1785, pour la somme de 1,050 fr. | XXIX Hôlel Saint-Amour (ville de Besançon). Abbaye Suint-Paul (id.) { 18,000 fr. | 9 oùes 4.003 fr. | 22,003 fr. Revenus : La loi du 23 messidor an 11 avait prononcé la réunion au domaine national de l'actif et du passif des hôpitaux ; mais la loi du 16 vendémiaire an v vint arrêter heureusement les effets de cette funeste mesure. Dans l'intervalle de lune à l’autre de ces lois, la dotation du Saint-Esprit avait été dépouillée de plusieurs immeubles dont voici la nomenclature, l’origine et le prix d'estimation à l’époque de la vente qui en fut faite : Capital, Revenu, 1° Maison à Besançon, rue Basse, léguée à l'hôpital par le testament de Claude-Antoine Regnaud, décé- déle 5 avril 17{7, 9,400 I, 300 1. 20 Maison à Besançon, rue de la Bouteille, déjà possédée par Phôpi- tal en 1314, 10,800 I. 600 1. — 86 — 30 Maison à Besançon, rue d’A- rènes, léguée à l'hôpital par le tes- tament de Pierre Chappuis, passé le 9 novembre 1532 et publié le 4er avril 1533. 6,750 1. . 4° Domaine à Choye, acheté, en presque totalité, de 1367 à 1369, et accru de quelques immeubles qui furent donnés ou achetés de 1375 à 1453, 67,078 1. 90 Domaine à Cugney, acheté pièce à pièce de 1433 à 1470, 29,150 1. 6° Domaine à Bay (moins une chènevière et un cens sur quatre pièces de vigne acheté en 1367, 1 S1D 1e 1° -Domaine à Venère (parte), acheté en 1367, 15,446 1. 8° Domaine à Liesle, provenant d’une donation faite le 9 octobre 4331 par Nicole, veuve Tavol, de Liesle. | OR 2.200412 MO 9° Prés à Thise (cinq faulx sur huit), provenant de donations fai- | tes en 1268, 1393 et 1491, 4,008 125.7 18200 55-910 Ces immeubles représentaient, suivant les estimations qui Capital. Revenus. 3,049 1. 4,395 1. SD AUS 4 s. 7021: Da précèdent, un capital de 142,647 1. 6s., produisant un re- venu de 6,715 1. 15 s. 9 d. Bien qu'aux termes de la loi du 16 vendémiaire an v, les hôpitaux dussent être indemnisés de leurs pertes par un remplacement d'immeubles égaux en valeur à ceux qui leur avaient été enlevés, la dotation du Saint-Esprit n’obtint pour toute indemnité que les deux immeubles suivants, qui lui furent attribués par un arrêté de l’administration centrale du Doubs, le 14 messidor an y : | CES RS ESS ST en DA D Le be Et nt 4° L'hôtel du comte de Saint: Amour, estimé en principal 44,000 I., et en revenu 2,000 1. 20 L'hôtel abbatial de Saint-Paul, estimé en principal 18,000 I., et en revenu 8001. D'où il résultait, au préjudice de la dotation du Saint-Es- paisundélicil des,915 1. 15:s.9 d dé revenu. Les hospices civils possèdent encore la maison abbatiale de Saint-Paul; mais, par acte du 31 janvier 1863, ils ont vendu à la ville de Besançon l’hôtel Saint-Amour, pour la somme de 450,000 fr. ; Si nous avons compris ces deux immeubles dans notre première catégorie, c'est que les propriétés qu'ils ont rem- placées appartenaient, à une seule exception près, à l’hôpi- tal du Saint-Esprit antérieurement à 1571. Deuxième catégorie. PROPRIÉTÉS ACQUISES DE 19571 À 1685. I. Chancey. (Voir le n° x1v de la première catégorie.) Le domaine du Saint-Esprit à Chancev s'était accru en 1593 (17 mars) d’une maison avec jardin, et en 1597 (15 fé- vrier) d’une maison de pierre, de trois ouvrées de vignes, d’un champ et d’une demi-faulx de pré. Il. Trepillot (banlieue de Besançon). Revenu : 60 fr. Champ de 3 journaux 56 toises, acheté par l'hôpital du Saint-Esprit, le 3 mars 1614, et vendu par les hospices civils, le 18 janvier 1851, pour la somme de 1,500 fr. IT. Chemin-Françeais (banlieue de Besançon). (Voir le n° xxv de la 1'®’Catégorie.) Eue pièce de terre, autrefois en vigne, de la contenance de 13 ares 53. centiares, sise au lieu dit Chemin-Francçais, avait été léguée au Saint-Esprit, en novembre 1659, par le ie OSP testament de Jean Buffet, chanoine de Sainte-Madeleine ; elle a été comprise dans l’échange réalisé en 1835. IV. SaintClaude (voir le n° x de la 1re catégorie). Par testament du 3 janvier 1660, Claude Boisot, co-gou- verneur de Besançon, augmenta d’un champ la pièce de terre que l'hôpital du Saint-Esprit possédait au lieu dit les J'ustices ou la Croix aux Guerres. V. Le Grattery. Lahours tete neue 11h 92va. mie PRÉ ue er eee 80 a. 90 c. | RER En prenant le voile de religieuse du Saint-Esprit de Be- sançon, le 18 avril 1607, Barbe Thomas, fille d'Antoine Tho- mas, dit des Buissons, de Gonesse, résidant à Port-sur-Saône, avait abandonné à son père les propriétés sises au Grattery qui lui venaient de feue Jeanne Husson, sa mère, moyennant une rente annuelle et perpétuelle de 27 francs 6 gros, au capital de 550 francs. Antoine Thomas, voulant dégrever sa fortune personnelle de cette redevance, en même temps qu’indemniser l’hôpital de diverses fournitures allouées à sa fille, fit cession à cet établissement, par acte du 17 juillet 14670, de toutes les pro- priétés du Grattery provenant de sa femme et de sa fille. La Compagnie des chemins de fer de l'Est a, par acte du 41 décembre 1855, enlevé 6 ares 07 centiares au domaine de Grattery ; elle à payé pour cet objet la somme de 176 fr., qui est entrée dans l'actif de la dotation du Saint-Esprit. JON Troisième catégorie. PROPRIÉTÉS ACQUISES POSTÉRIEUREMENT A 1685. I. Saint-Julien. Revenu: 290 fr. Par une charte du 16 mars 1308, Jean de Chalon, comte d'Auxerre, fonda un hôpital à Saint-Julien, pour les pauvres et les malades et le plaça sous la dépendance de la maison du Saint Esprit de Besançon, Celle-ci devait entretenir une chapelle pour l’usage des habitants de la localité. L'hôpital de Saint-Julien fonctionna, sous cette tutelle jusqu’en 1595. II fut ruiné, à cette époque, par une bande de routiers, se releva, à diverses reprises, et s’éteignit avec ia conquête française. Ses biens furent définitivement incor- porés à l’hôpital du Saint-Esprit de Besançon, en vertu d’un arrêt du conseil de 1708. Par acte du 22 avril 1855, les hospices civils ont cédé une _ part de ces propriétés à la commune de Saint-Julien, pour se libérer. de l'entretien de la chapelle ; le reste a été vendu à des particuliers pour la somme de 7,270 fr. Il. Fontain. Pré :3 h. 90 a. 83 ce. — Revenu : 330 fr. L'hôpital de Besançon possédait une maison-succursale à Arlay, fondée, au mois d'août 1301, par Jean de Chalon, comte d'Auxerre, et dotée, en 1327, par Ponce et Renaud d’Arlay. Ruiné successivement en 1479 par les troupes de Louis XI, en 1559 par les bandes wallonnes, en 1595 par Henri IV, et en 1637 par le duc de Longueville, cet hôpital cessa de fonctionner en 1708, et ses biens furent alors réu- nis, en vertu d’un arrêt du conseil du roi, à la dotation du Saint-Esprit de Besançon. : Le domaine d’Arlay, estimé 10,500 fr., fut cédé, en vertu mi d'une ordonnance rovale du 15 décembre 1824 et par acte du 28 juin 1895, au prince d'Arenberg, qui donna en échange un pré de 3 hectares 90 ares 83 centiares à Fontain, plus six pièces de pré à Thise. : ue INT. Thisè (nouvelle provenance). Prés : 1 h. 11 a. 9 ce. — ‘Révenu évalué à 120 fr. Six nouvelles pièces de pré, dans la prairie de Thise, ainsi qu'une pièce à Fontain, furent cédées à la dotation du Saint- Esprit par lé prince d'Areubere en échange du domaine d'Arlav, dont l hôpital était saisi depuis 1708. Une portion de ces prés a été vendue à la compagnie des chemins de fer Paris-Lvon, en juin 1856, noue la somme de 900 fr. IV. Maison à Besancon, rue Basse. (Voir le n° xxix de la 1re catégorie.) Cette maison, comprise dans la succession de Claude-An- toine Regnaud, décédé le 5 avril 1717, fut vendue nationale- ment en exécution de la loi du 23 messidor an 11; on l’esti- mait alors 5,400 1. : . a V. Palente. (Voir le n° vur de la 1'° catégorie.) Une pette part des fonds de Palente provient de la dona- tion faite à l’hôpital du Saint-Esprit, le 5 octobre 1722, Li François Rolin, laboureur. VI. Dole, Authume, Azans et Brevans. Sur DOIe ANNE 6 h. 15 a. SUP AZANS EP) SE 90 | € \ « » 12 y} Champs 9 9% Revenu évalué TT in SUR BTEVANS 30 Il existait à Dole, sur la rive gauche du Doubs et sur le bord de l’ancienne voie romaine qui reliait cette ville à celle de Salins, un hôpital, fondé vers 11534, par le comte Rai- TT US PRE NTI SL As PE IP a PT PAT RE FO A 20 EURE xs naud III, et destiné à loger les pèlerins qui se rendaient à Mont-Roland. Cet établissement, placé sous l’invocation de Notre-Dame de Bourgogne, fut cédé, dans la première moi- tié du xur' siècle, à l'ordre du Saint-Esprit, et devint ainsi l’une des maisons suffragantes de l hôpital de Besançon. On yrecut dès lors, outre les VOYAgeUrs, les malades, les in- firmes et les enfants trouvés ou abandonnés. Cet hôpital, ruiné lors du sac de Dole par l’armée de Louis XI, fut reconstruit en 1516 par la comtesse Marguerite, qui lui conféra le titre d’ hôpital du Saint-Esprit de Bour- gogne, et lui concéda, dans toute l'étendue de la province, des droits de quête indépendants de ceux de la 1 maison de Besançon. MALTE Restauré en 1576 par le magistrat de Dole, à qui le roi d'Espagne Philippe IT l'avait cédé, l’hôpital de Notre-Dame de Bourgogne fut gouverné de nouveaux par les religieux du Saint-Esprit. En 16921, il fut convenu entre l’ordre du Saint-Esprit et la commune que le recteur de l’hôpital de Dole recevrait les enfants exposés du bailliage du Milieu et logerait, pendant trois jours, les pauvres passagers. Le siège de Dole, en 1636, consomma la ruine de cet éta- blissement. En 1708, il fut compris dans le nombre de ceux où l'hospitalité avait cessé, et, à ce titre, ses biens furent réunis, en vertu d’un arrêt du conseil, à la maison de Be- sançon. Mais, par suite de difficultés provenant du magis- trat de Dole et des religieux du Saint-Esprit, le bureau de direction n’en fut définitivement saisi que le 8 février 1773. Ces propriétés se composaient des fonds que les hospices possèdent actuellement sur les territoires de Dole, Azans, Authume et Brevans, puis des bâtiments et enclos de Pan- cien hôpital, à Dole, au faubourg de la Bedugue Ces derniers immeubles ont été aliénés, savoir : la maison et un terrain Y attenant, échangés, en 1809, contre un domaine à lÆpi- taphe (banlieue de Besançon), et le reste du terrain vendu, par acte du 9 mars 1841, pour la somme de 9,000 fr. De VII. Montboucons, l’Epitaphe (banlieue de Besançon). (Voir l’article précédent.) En échange d’une maison et d’un terrain y attenant, qui avaient été le siège de l'hôpital du Saint-Esprit de Dole, sis au faubourg de la Bedugue, la dotation du Saint-Esprit de Besançon avait acquis, en 1809, un petit domaine dans la banlieue de notre ville, au lieu dit l’'Epitaphe. Cet immeuble fut aliéné, par acte du 30 mai 1832, pour la somme de 2,600 fr. Dans l’énumération qui précède, nous n'avons pas fait en- tirer les vignes que possède la dotation du Saint-Esprit sur les territoires de Besançon et de quelques communes voi- sines, lesquelles vignes se montent à environ 140 ouvrées, ou approximativement » hectares. Nous pouvens toutefois assurer qu’elles se répartiraient entre nos trois catégories de propriétés, dans des proportions à peu près identiques à celles que nous allons faire ressortir. Les immeubles dont nous avons fourni les origines repré- sentent un revenu total de 49,109 fr. Voici la part de ce revenu afférant à chaque catégorie : (D) Première catégorie (propriétés acquises avant 15) OC RE ne Tee Deuxième catégorie (propriétés acquises entre 1571 et 4680). Me nt 438 Troisième catégorie (propriétés acquises de- DUiS:1080 42000 Ne RM ET RE ES Re RS TT Somme égale . . . 49,109 Or, si l’on tenait compte, dans l'emploi de ce revenu, de l'intention des bienfaiteurs, la première part devrait profiter (1) Nons n'avons pas fait entrer en ligne de compte les revenus des im- meubles d'Ecole, de Beauregard et de Champ-Forgeron, qui appartiennent à notre première catégorie, afin de pouvoir négliger, sans dérangement pour nos calculs, la supputation du produit des accroissements survenus à quelques-uns des immeubles de cette même classe postérieurement à 1571. + PU ee à tous les services des hospices civils actuels ; la deuxième part se diviserait entre les enfants assistés et les passagers ; la troisième seule appartiendrait exclusivement aux enfants La part des enfants, dans le revenu des diverses catégo- ries, pourrait être ainsi faite : Dans 14 première catégorie,-un tiers. . . . 15,719 fr. Dans la deuxième catégorie, deux tiers. . . 292 Dans la troisième catégorie, la totalité . . . 1,514 Lotal is ee 17095 En acceptant pour bons les calculs qui précèdent, le ser- vice des enfants assistés n'aurait droit qu’à un peu plus d'un tiers du revenu total de la dotation du Saint-Esprit. Ne bor Carre L. De l'ordre da Saint Esprit ; HLRRLTRS SEUE : ne CHAPITRE 1 Esquisse ne histoire du Saint- nn je en on CHAPITRE IT. Des personnes. 220 Mn ne ee CHAPELRENIVE DES biens er ee PR Met. Ce GRANVELLE ET LE PETIT EMPEREUR DE BESANCON (1518 - 1538) UN ÉPISODE DE LA VIE MUNICIPALE ET RELIGIEUSE AU XVIe SIÈCLE NUGUSTE CASTAN AVANT - PROPOS Jusqu'à la fin de sa vie, Castan a réuni les matériaux d’une Histoire de Besançon qu’il ne devait jamais achever. Il a néan- moins laissé entrevoir à ses compatriotes l'intérêt du sujet par ses études fragmentaires. dont la première en date est consa- crée aux Origines de la Gommune (1858), et dont la dernière a pour titre la Cité des Séquanes (1891). La plus importante, la plus curieuse, est celle sur Granvelle et le Petit Empereur de Besançon, qui parut en 1876 dans une revue parisienne et qui pour ce motif fut moins remarquée, au moins en Franche- Comté. On y voit aux prises, dans l’enceinte de la ville, tous les pouvoirs publics d’alors, l'empereur, l’archevêque, le corps municipal et, à côté d'eux, une puissance nouvelle, la Réfor- mation protestante, essayant de conquérir la cité. Dans cette lutte complexe figurent, à des titres divers, le garde des sceaux Nicolas Perrenot de Granvelle, Gauthiot d’Ancier le « petit . empereur », le secrétaire de la commune Lambelin qui en fut la principale victime. D'illustres étrangers passent au fond du tableau : l’humaniste Erasme, le connétable de France Charles de Bourbon. Toute la vie religieuse et municipale de Besançon est ressuscitée dans ces pages rédigées d’après les documents originaux, accompagnées de notes et suivies de pièces justifi- catives on ne peut plus variées et caractéristiques. Depuis, MM. John Viénot et Maurice Cadix ont sur ce sujet et en se plaçant plus particulièrement au point de vue protes- tant, fait paraître des travaux estimables. Castan leur avait ouvert la voie et désigné les éléments d’information, mais en Vo. 9, ÿl —— ON mettant en relief les prétentions et les influences politiques, si étroitement mêlées à cette époque aux évolutions de l’idée reli- gieuce dans les âmes. À vrai dire, c’est la république bisontine qui apparaît dans son récit comme le personnage principal, disputée entre les ambitions de tout ordre en conflit pour l’ac- cès de son territoire et la possession de son hôtel-de-ville. Aujourd’hui le vieil édifice qui servit de centre à notre vie communale existe encore, mais combien dégradé et branlant, offrant l'aspect d’un monument qu'on n'ose pas détruire et qu'on hésite à restaurer. La statue de Charies-Quint a disparu de sa façade et la devise Deo et Cœsari... a été silencieusement enlevée il y a trente ans. Les rues qui l'entourent, au lieu de rappeler les noms de Gauthiot d'Ancier et de Lambelin, sont affligées de qualifications banales ou ridicules. [1 est heureux qu’il se soit trouvé des chercheurs comme Castan, redevenus patriotes au vieux sens du mot devant les témoignages authen- tiques du passé, pour avoir fait parler ces pierres noircies et fixé le souvenir des événements auxquels elles ont servi de cadre dans un des siècles les plus agités de l’histoire. L. PINGAUD. Planche E. Société d'Émulation du Doubs, t. IX, 1905. fi AN) Us nu \ AN l k ho | 1 ui ji | ) HAT N ti NAN ou jh Ü AN JA AR A ( TS = SR PS . ES pres D W qi | NS dl Z LL PL ? Z aH Avi op 22sn1y NP sn | MONY.G LOIRLAVE { au0re v = 1) EE E _ Eecer LT ANREMERNE AN GRANVELLE ET LE PETIT EMPEREUR DE BESANÇON 1518 - 1538 UN ÉPISODE DE LA VIE MUNICIPALE ET RELIGIEUSE AU XVI SIÈCLE Jusqu’à la Révolution française, le culte protestant ne fut _pas libre de s'exercer publiquement à Besançon, et, pour y recevoir la qualité de citoyen, il fallut justifier que l’on ap- partenait à la religion catholique, apostolique et romaine (1). Les tentations et les prétextes n'avaient cependant pas manqué à cette ville pour qu’elle adhérât à la réflormation religieuse du xvr siècle, et si l’ancienne formule de foi put s’y maintenir, ce fut grâce à. un concours de circonstances qu'il m'a paru intéressant de grouper et de faire connaitre. . Je me bornerai, dans le présent mémoire, à exposer le jeu de passions et d’appétits qui, sous l'influence des idées nou- velles, tint en suspens les destinées de Besançon pendant une vingtaine d'années de la première moitié du xvi® siècle. Besançon, enclavé dans le comté de Bourgogne, était la métropole religieuse et le boulevard militaire d’un pays qui (4) Voir une lettre de citoyen, où cette condition est exprimée, dans les Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs, 4 série, t VI, 1870- 11, pp: 492-93, — 100 — la chute de l'empire romain jusqu’à l’époque des insurrec- tions communales, les archevêques y avaient exercé un pou- voir à peu près absolu. Mais la population civile, fondant ses droits sur les souvenirs du municipe gallo-romain et sur les notions égalitaires qu’elle trouvait dans l'Evangile, ou- vrit, dès le milieu du x11e siècle, une lutte contre la domi- nation temporelle du clergé. Battus quand les archevêques trouvaient des alliances, mais relevant le drapeau de la ré- volte après chaque orage. les citoyens finirent par consti- tuer un gouvernement qui, s’intitulant commune, ne cessa plus d’empiéter sur les prérogatives domaniales des pré- Jats (1). Par le fait du traité de Verdun, qui avait réglé le partage de l’Europe civilisée entre les petits-fils de Charlemagne, la province de Franche-Comté et la ville de B2sançon rele- vaient de l'empire germanique, bien qu’elles fussent gau- loises de race et latines de langage. L’archevêque, au moins nominalement prince de la ville, devait, ainsi que le comte de Bourgogne, foiet hommage à l’empereur. C'était donc à ce monarque que revenait l'arbitrage suprême des querelles politiques ou sociales qui s’élevaient dans le pays. Tant que les empereurs se contentèrent d'être les chefs d’une hiérarchie féodale, ils se montrèrent les ennemis dé- clarés des communes, et joignirent leur glaive aux foudres spirituelles de l'Eglise pour frapper et terrifier les bourgeois insoumis, Mais il arriva que ces empereurs s’aperçurent que les petites tyrannies locales, hostiles à tout pouvoir centra- lisateur, entravaient le commerce et l'industrie des villes ; (1) Origines de la commune de Besançon, dans les Mém. de la Soc. d'ém. du Doubs, æ série, t. IT (1858), pp. 183-382; — Le siège de Be- sançon par Rodolphe de Habsbourg en 1289, dans le même recueil, 4e série, t. IV (1868), pp. 329-490 ; — Les sceaux de la commune, l'hôtel de ville et le palais de justice de Besançon, ibid., t. VI (1870-71) pp. 443-501 ; — Probabilités d'un voyage du roi suint Louis à Besan- con en 1259, ibid, t, VIII (1873), pp. 67-98 ; — Faut-il dire Rognon ou tosemont ? id., ibid,, pp. 573-582. — 101 — qu’il y avait donc intérêt pour leur prestige et leur trésor à ce que ces malencontreux intermédiaires fussent supprimés : dès lors, il y eut un changement radical dans la conduite des empereurs vis-à-vis des communes; celles-ci furent non seulement reconnues, mais encouragées par des fa- veurs et flattées par des privilèges (1). De tous les empereurs, nul n’alla plus loin dans ce sens que Charles Quint. [F-était né et avait été élevé dans les Flandres, la terre classique des industries puissantes et des riches bourgeoisies. Avant réuni, par héritage, les immenses territoires des maisons d’Espagne, de Bourgogne et œAu- triche, il songes, lorsque la couronne élective d’empereur eutiélé posée sursa tête, à fusionner, au profit de sa dv- nastie, toutes les petites souverametés qui composaient le corps germanique. L'aristocratie féodale ne pouvant qu'être ennemie de ce dessein, Charles-Quint devait mettre tout en œuvre pour s'attacher les bourgeoisies des villes. Mais ces bourgeoisies, constituées en turbulentes communes, avaient besoin, pour concourir à des plans qu'elles ignoraient, d’être assistées de tuteurs politiques, choisis, autant que possible, parmi les gens influents de chaque pays. C’est ce que Char- les-Quint sut admirablement comprendre et exécuter. Il était particulièrement désirable que cet emploi füt re- mis en Franche-Comté à des mains habiles, car il y avait conflit perpétuel entre les pouvoirs qui se partageaient le gouvernement du pays. Le parlement de la province était, non moins que la municipalité de Besançon, acharné contre la juridiction de l’official de larchevêque. Pas plus que les citoyens de la commune, les conseillers de Dole n’admet- (1) Diplôme de l’empereur Maximilien [et (Anvers, 2% février 1503) abo- lissant, au profit de la juridiction municipale, le privilège d'asile de l'ab- baye Saint-Paul de Besançon (WMém. de la Soc. d'émul. du Doubs, 4e sé- rie, t. III, 1867, pp. 205-208); — Diplôme du même monarque (Anvers, 26 mars 1503) interdisant à l'archevêque de se dire souverain de la ville de Besançon. (Archives de la ville) — 102 — taient que ce juge ecclésiastique, qui prétendait succéder aux droits du préteur de l’ancienne Rome (1), pût évoquer à son tribunal tous Îles cas qui, dans le diocèse, concernaient l’état civil des laïques, comme aussi tous ceux où des clercs se trouvaient engagés. Malgré cette collaboration haineuse, le parlement ne faisait pas bon ménage avec la commune de Besançon, car il y avait entre eux contradiction sécu- laire au sujet des limites territoriales. Dans l’intérieur de Besançon, la commune et le clergé se prenaient tous les jours à la gorge : tantôt c’étaient les sergents de la ville qui, au mépris des immunités ecclésiastiques, se permettaient d'arrêter un criminel réfugié dans l’enclos d’un chapitre ou le cloître d’une abbaye ; tantôt c’étaient les officiers de l’ar- chevêque qui instrumentaient au préjudice des franchises communales. Chaque incident était suivi de protestations violentes, de représailles insensées, d'appels au pape et à l’empereur. Or, comme rien n’était et ne pouvait être défini dans une société qui ne connaissait d'autre loi que le privi- lège, les puissances supérieures ne prenaient conseil, pour trancher les questions, que de leur intérêt du moment : le bon droit était acquis à la partie qui pouvait payer le mieux l'entourage de l'arbitre ou servir le plus efficacement les visées de ce dernier. Charles-Quint, voulant avoir dans la main le fil nécessaire pour se conduire au milieu de ces pré- tentions contradictoires, fut done bien avisé en constituant, auprès de chacun des centres qui relevaient de ses nom- breuses. couronnes, des agents ayant charge de trancher les questions locales, non point suivant des principes qui n’exis- . taient pas, mais d’après les combinaisons de sa politique gé- nérale (2). Pour notre pays, les deux agents de sa confiance (1) Jugements autorisant la vente de biens appartenant à des mineurs, actes dans lesquels lofficial déclare agir tanquam pretor in civitate Bi- suntina : 1257 et 1264. (Cartulaire de Sainte-Madeleine de Besançon, à Ja Bibliothèqae de celte ville.) (2) Voir ma notice sur Charles- Quint et sa statue à Besançon, dans Mém. de la Soc. d’émul. du Doubs, 4 série, t. IT, 1867, pp. 185-219. furent successivement Laurent de Gorrevod(l) et Nicolas Perrenot de Granvelle, un grand seigneur à l'esprit cheva- leresque, puis un parvenu cupide, mais doué de finesse et de ténacité. La tâche qu'accomplirent ces deux hommes peut se résumer dans les points que voici : amoindrir la ju- ridiction de l'archevêque au profit de celle du parlement ; réconcilier ce corps judiciaire avec la ville de Besançon, afin que, dans le cas d’une invasion de l'étranger, il y eût concordance d'action entre le gouvernement de la province et les habitants de sa principale forteresse ; aider la com- mune à arracher au clergé les derniers restes de sa domina- tion temporelle sur la ville; acheter par de nombreuses faveurs la fidélité des citovens, les détourner ainsi de toute pensée d'association avec la France, et les amener à renon- cer au traité de combourgeoisie qu'ils avaient conclu, malgré l’empereur Maximilien, avec les cités trop indépendantes de la Suisse. Ce fut en poursuivant ce programme, à l’aide des nombreux parents qu'il comptait dans la ville, que Nicolas Perrenot de Granvelle, petit-fils d’un forgeron d’Ornans 0), s’essava dans Part de la diplomatie et fut jugé digne de tenir les sceaux du plus puissant monarque des temps modernes. IAE Antoine de Vergy, élu archevêque à l’âge de quatorze ans, en l’an de grâce 1502, tandis qu'il étudiait à l'Université de (1) Voir, sur Laurent de Gorrevod, l'étude de M. Jules GAUTHIER, publ. en 1869 dans les Mém. de la Soc. d'ém. du Doubs, ° série, t. V, pp. 943-3006. (2) Marcer, La Vérité sur l’origine des Granvelle, Dijon, 1859, in-S0 ; Note sur la généalogie des Perrenot, dans les Mém. de la Soc. d'ém. du Doubs, 4e série t, [, 1865, pp. 41-45; — A. CASTAN, Monogra- phie du pulais Granvelle, dans le même recueil, 4 série, t. IT, 1866, pp. 71 etsuiv. — 104 — Dole (1), avait pris possession de son siège en 1513 (2): mais n'étant point encore apte à recevoir la consécration, il fut envoyé par son père, qui était maréchal du comté de Bour- gogne, à la cour que l’archiduchesse Marguerite tenait aux Pays-Bas : le jeune prélat fut donné pour précepteur à celui qui devait s'appeler bientôt Charles-Quint. Tout alla bien pendant son absence, et lorsqu'il revint, en 4517, pour se faire sacrer dans la cathédrale de Saint- Jean @), le chapitre et la commune se concertaient amicale- ment au sujet de la confection d’une magnifique châsse d’ar- gent destinée à renfermer les reliques des saints apôtres Ferréol et Ferjeux, patrons de la cité). Le promoteur de cette pieuse entreprise était un jeune membre de la munici- palité, Simon Gauthiot d'Ancier, déjà fort remuant, dévoré d’ambition et avide de popularité. Soit que l’imberbe prélat n'ait pas eu pour ce personnage les attentions qu'il crovait mériter, soit que, par des paroles hautaines, le nouveau chef (1) «.... Idem domini (capitulantes) consenserunt, et unus post alium una voce acclamaverunt, nominaverunt et postulaverunt, nemine discrep- tante, inspirante Spiritu Dei, dicentes : « Nomino et postulo in meum, et > ecclesie metropolitane et insignis Bisuntine, prelatum et pastorem no- » bilem et generosum virum Anthonium de Vergeyo, scolarem, in decimo -» quarto sue etatis anno constitutum et ex legitimo matrimonio procrea- » tum » (Acte de l'élection d'Antoine de Vergy à l’archevêché de Be- sançon, 10 octobre 1502, dans les Papiers Granvelle, t. XXXWV,) (2) Son entrée solennelle eut lieu le 27 août 1515. (3) Il fut sacré, le jour de la Pentecôte de l’année 1517, par l’évêque de Lausanne qui, en qualité de premier suffragant de l’église métropolitaine de Besancon, était de droit le prélat consécrateur de son archevêque. (4) Marché passé entre les délégués du chapitre et de l’hôtel de ville, d’une part. et l’orfèvre Denis Saige, d’autre part, ce dernier promettant « de faire et construire de son art d’argenterie une chässe d'argent Jjus- ques à cent ou six vingtz mars d'argent fin.... à l'honneur des glorieux sainct Ferreu et sainci Ferjeu, pour en icelle chàsse mectre reposer leurs glorieux corps sainctz, bien léalment et décentement, selon le mode et façon du pourtrait que pous ce faire lui a esté baïllé, aussi la dorer et mectre pierreries où il luy sera monstré, ès lieux en ladicte chässe plus commodes. » (25 octobre 1518 : Acta capiluli Bisunt., aux Archives du Doubs.) du diocèse ait éveillé les susceptibilités du corps municipal, on vit tout à coup Gauthiot, qui était l'oracle de l'hôtel de ville, rompre en visière avec le clergé (1). _ Les droits respectifs des ecclésiastiques et de la commune avaient été réglementés par un traité qui datait de 1455 (2) : il fut aisé de discréditer cet acte aux yeux de l’empereur Maximilien ; on n'eut qu'à souligner la clause par laquelle, en cas d'infraction, les parties se soumettaient à l'autorité du parlement et du Châtelet de Paris. Un diplôme de révo- cation fut bien vite obtenu () : moyennant quoi toutes les questions irritantes du passé allaient renaître et fournir aux esprits brouillons mille prétextes pour entrer en scène. L’archevèque protesta contre une décision impériale prise à l'encontre de ses droits, sans qu'il eût éténi entendu, ni même averk. La commune cria au scandale : elle déclara de son chef que l'archevêque, rebelle à un ordre de l'empereur, était mis au ban de l'empire et déchu de ses dignités tem- porelles. La justice criminelle et civile était rendue, à Be- sançon, par trois tribunaux concurrenis, auprès desquels, chaque fois que les parties le requéraient, le conseil com- munal fusait fonction de jury. Le plus éminent de ces iribu- naux, celui que l’on appelait la régalie, appartenait au prince- archevêque qui en instiuait le juge et les officiers. La commune s’empara violemment de ce tribunal, en expulsa les commis de l'archevêque, et y proposa, pour rendre la justice au nom de l’empereur, l’un des notables citoyens (4). {4} Le 29 novembre 1516, le chapitre métropolitain prétait une somme de 500 francs à Simon Gauthiot d’Ancier, « en raison des services qu'il avait rendus et pouvait rendre encore au clergé. « Bien que l'emprunteur eut obtenu la faculté de conserver pendant neuf ans cette somme, 1l en opéra le remboursement le 22 octolre 1518. (Acta capituli. (2} Voir le texte de ce traité dans Duxop, Histoire de l'église de Be- —…Sançcon, t. I, preuves pp. LXIV-LXXxIHI. (3) Diplôme de Maximilien Ie, en date à Augsbourg, du % juin 1518, annulant le traité de 1335. (Archives de la ville de Besançon. (4) Le juge institué par le conseil communal, pour gérer le tribunal de — 106 — En semblable occasion, les précédents archevêques avaient enlevé de Besançon. pour l'établir dans le château qu'ils pos- sédaient à Gy, leur cour d’officialité. Tant d’affaires arri- vaient de tous les points du diocèse à ce tribunal, tant de gens vivaient des causes qui s’y plaidaient, qu’un tel dépla- cement était, pour la ville, une véritable calamité publique. L'archevêque Antoine de Vergy avant imité en cela ses pré- décesseurs, la commune appela comme d'abus à l’empereur. Le chapitre métropolitain s'était associé à la protestation de l'archevêque : aussitôt la commune chercha le moyen de lui faire vexpier cette condiite Elle prétendit obliger les chanoines, tout comme la généralité des habitants, à prêter devant elles un serment de fidélité à l'empereur. Les cha- noines refusèrent, et le conseil communal menaçant de les y contraindre, le clergé se préparait en masse à quitter la ville. Cette émigration fut pourtant suspendue, la municipalité ayant fini par admettre que les ecclésiastiques pourraient déposer leur serment entre les mains de l’archevêque (1). Mais il arriva qu'un religieux carme, nommé frère Laurent de la Planche, se mit à tonner en chaire contre les scandales que donnaient les dignitaires de l’église ; les gens de lar- chevêque allaient le punir de son audace ; la populace le leur arracha (2), affirmant ainsi que les membres du clergé ne devaient pas plus que le reste des citoyens, être exempts du contrôle de l’opinion publique. La situation se compliquait d’un traité de combourgeoisie que la commune, en veine d’audace, venait de conclure pour quinze ans avec les cantons et villes libres de la Suisse 6). la régalie durant la brouille avec l'archevêque, était le co-gouverneur Claude Pillot de Chenecey (DUVERNOY, Regestes des archevéques de Be- sancçcon, ms. de la Bibliothèque de la ville. (4) Acta capituli, 19 mai 1519. (2) Ecritures réciproques de l'archevêque et ae la commune (1520 : Délibérations municipales, 2 mai 1520. Pièces justificatives, no VI. (3) Ce traité avait été passé à Berne, le 2% décembre 1518. (Archives de la ville.) | Cet acte de politique indépendante avait profondément blessé l’empereur et l’archiduchesse Marguerite, gouvernante de Ja Franche-Comté (1) : la commune fut sommée d’avoir à s’ex- pliquer sur une telle incartade. En conséquence, plusieurs mémoires furent rédigés à l'hôtel. de ville : l’un pour prouver au conseil aulique de l'empereur que le déplacement de lofficialité constituait une atteinte aux prérogatives du chef-lieu du diocèse ; d’au- tres pour démontrer à lPempereur et à l’archiduchesse que l’alliance avec les Suisses, ainsi que le serment exigé des ecclésiastiques, élaient des précautions de bon aloi. Ces der- nières questions donnèrent lieu à deux ambassades : le co- gouverneur Etienne Despotots de Dampierre eut mission de se rendre en Allemagne (2), et peu après Claude Pillot de Chenecey, son collègue, partait pour la Flandre, La munici- palité apprit bientôt avec dépit que le second de ses envoyés, séduit par la promesse d’un haut emploi, avait signé l’en- gagement de procurer, dans le plus bref délai, la résiliation du traité fait avec les Suisses (3). Le mémoire contre le trans- fert de l’officialité était l’œuvre de Jean Lambelin, notaire et secrétaire d'Etat de la ville: ce fut lui qui, par délibération du 8 octobre 1520 (4), reçut mandat d’en aller soutenir les conclu- sions devant la diète impériale de Worms. Il y rencontra comme adversaire la personne même de l’archevêque ©) (1) Par une lettre écrite de Constance, le 29 juin 1507, l'empereur Maxi- milien avait interdit à la commune de Besançon toute alliance politique qui serait conclue sans son consentement : aussi l’archiduchesse Margue- rite etle prince Charles furent-ils autorisés à blämer, par plusieurs let- tres, le traité passé avec les Suisses. (Archives de la ville.) (2) Instructions de la commune à son envoyé Etienne Despotots de Dampierre, 22 juillet 1519. (Archives de la ville.) (3) Compromis passé par Claude Pillot de Chenecey avec Charles-Quint et sa tante Marguerite, Gand, # acût 1520. (Papiers Granvelle, à la Bi- bliothèque de Besançon.) — En 153%, Gauthiot d'Ancier affirmait que ja- mas la commune de Besançon n'avait consenti à ratifier cet acte. (Ibid ) (4) Délibérations municipales. (5) Acta capituli, 21 nov. 1520. — 9 martii 1521. A0 Le secrétaire Lambelin dut arriver en Allemagne, juste au moment où Charles-Quint se faisait couronner empereur et où Luther allumait le premier bûcher qui eût encore dé- voré la bulle d’excommunication d’un pape. Ainsi naissaient, dans un berceau commun, deux principes essentiellement contradictoires et dont l’antagonisme devait être la princi- pale cause des troubles qui agiteront les temps modernes : le principe de la centralisation politique poussée jusqu’à l'extrême, et celui de la liberté pour tous de rompre avec les traditions du passé. Sile conseil de l’empereur blâma l'archevêque d’avoir transféré à Gy sa cour d’officralité, il ne désapprouva pas moins les exigences de la commune à l'é- gard du clergé (1) : les deux parties furent donc renvoyées dos à dos. Précisément parce qu’elle était impartiale, cette solution ne satisfit personne, et la querelle ne fit que s’enve- nimer davantage. Charles-Quint, désireux d’y porter re- mède, imagina l’expédient d’un arbitrage local, procédé dont il devait dans la suite faire un si fréquent usage : il commit à cet effet, par décision du 7 décembre 1521, Lau- rent de Gorrevod, maréchal de Bourgogne, Hugues Mar- mier, président du parlement de Dole, Claude de la Baume, bailli d'Amont, Simon de Quingey, seigneur de Monthoillon, et Nicolas Perrenot, maître des requêtes, celui qui ne tar- dera pas à s’appeler le garde des sceaux Granvelle (2). Durant ses allées et venues à travers l'Allemagne et la Suisse, le secrétaire de la commune, Jean Lambelin, avait été témoin de l’effervescence produite par les éclats de voix de Luther et du discrédit qu'en recevait le clergé. Homme (1) Mandement impérial, en date à Cologne du 6 novembre 1520, enjoi- gnant à l'archevêque d’avoir à rétablir à Besançon, dans un délai de huit jours après signification, sa cour d'officialité. — Lettres patentes de l’em- pereur, en date à Worms du 20 février 1521, accordant sauvegarde contre la commune aux personnes et aux propriétés de l’église de Besançon. (Archives de la ville.) (9) Acta capituli Bisunt., 17 janvier 1922 (Archives du Doubs) ; — DuverNnoy, Regestes des archevêques. a 400 passionné et haineux, pétri d’ambition et d’orgueil, il ne put manquer d’être séduit par la perspective de jouer aussi son rôle de réformateur. Les circonstances d’ailleurs s’y pré- taient merveilleusement : la population laïque de Besançon était montée contre l’archevêque ; la commune avait fait alliance avec les villes de la Suisse qui acclamaient Zwingle et son nouvel évangile ; puis les abus, contre lesquels s’in- surgeait Luther, existaient en Franche-Comté au même de- gré que sur les bords du Rhin. Ici, comme à peu près par- tout, l’archevêque menait une vie de grand seigneur, faisant remplir ses fonctions religieuses par un vicaire revêtu du caractère épiscopal (1). Sur cinquante-quatre chanoines du grand chapitre @), une quinzaine à peine assistaient au chœur : les autres se bornaient à tirer les demi-fruits de (1) L’évêque auxiliaire, appelé suffragant, vivait d'une pension annuelle de deux cents francs, assignée sur les revenus de l'archevêque. Lors de l'élection d'Antoine de Vergy, cette fonclion était occupée par le domini- cain Jean Favel, évêque de Nazareth. Quand mourut ce dignitaire, en 1514, son office fut donné au chanoine Jean d'Enskerck ou d'Anvers, qui ful titré évêque de Salone et s'éteignit en 1523. À celui-ci succéda le do- minicain Pierre Tassard, avec le titre d’évêque de Chrysopolis, mort en 1533. Le poste échut alors à François Simard, docteur en théologie de l'université de Paris et ancien professeur de cette science à Dole, homme érudit et disert, que le chapitre avait fixé à Besançon, par la concession d'une prébende canoniale pour opposer ses prédications aux envahisse- ments de la nouvelle doctrine. Simard, qui portait le titre d’évêque de Ni- copolis, vécut jusqu’en 1554. (2) Le chapitre métropolitain de Besançon, qui desservait les deux ca- thédrales dèdiées à saint Jean et à saint Etienne, avait, tant dans son sein que dans sa dépendance, cent et quelques suppôts. En première ligne marchaient les quatre dignités, savoir : le doyen, le grand archidiacre, le chantre et le trésorier. Venaient ensuite les quatre personnats, savoir ; l’archidiacre de Luxeuil, l'archidiacre de Salins. l’archidiacre de Gray et l’archidiacre de Favernew. Le neuvième rang appartenait à l'écolàlre. Les simples chanoines étaient au nombre de quarante-cinq. Au-dessous des chanoines, il y avait deux sous-chantres, deux marguil- liers, deux secrétaires, quatre cleres, deux recteurs des enfants de chœur, dix enfants de chœur, 24 chapelains, un reclus qui était le pénitentier de l'archevêque, enfin des chantres et musiciens à gage en nombre variable, — 110 — leurs prébendes, cumulant ces ressources, pour faire figure dans l’entourage des princes, avec les divers bénéfices que l'intrigue pouvait leur procurer ; ceux qui résidaient étaient loin de donner tous d’édifiants exemples (1). Non moins re- iàâchés étaient les moines qui peuplaient les abbayes et cou- vents de la ville (2 : ignorants et paresseux pour la plupart, ils s'occupaient bien plus des profits de leurs quêtes que de la prière et de la prédication (), Dès que l'éveil avait été donné quelque part sur toutes ces turpitudes, dès que lopi- nion publique se montrait disposée à les flétrir, dès qu'il se (1) Pièces justificatives, n° VE. — On composerait un volume, aussi Cu- rieux que peu édifiant, avec les délibérations prises par le chapitre, pen- dant les années qui nous occupent, pour censurer les accouplements illi- cites des habitants du quartier capitulaire. Et encore ces délibérations ne visent-elles que des faits exceptionnellement scanda'eux. La tolérance, en matière d'irrégularité des mœurs, allait alors jusqu’à permettre aux digni- taires ecclésiastiques d'avouer des enfants illégitimes et de leur donner le nom qu'ils portaient eux-mêmes. Ainsi, notre archidiacre, Ferry Caronde- let, qui était abbe commendataire et chanoine sans avoir reçu les ordres, eut un fils naturel, Paul Carondelet, qui se fit légitimer en 1548. François Bouvalot, trésorier du chapitre et longtemps administrateur de l’archevé- ché, eut deux fils dont il assura largement l’avenir : Charles, l’ainé, ob- tint, en 1541, une bulle du pape Paul II qui l'autorisait, bien que né d’un sous-diacre de noble race, à posséder des bénéfices ecclésiastiques ; Tho- mas, le second, né quand son père était déjà prêtre, fut investi par lettres patentes de l’empereur Rodolphe IT (1578), du droit de relever les armes des Bonvalot. Le cardinal de Granvelle, qui avait été fait chanoine de Be- sançon en 1530, laissa trois enfants naturels, dont deux filles, Catherine et Marie, et un fils, Jean-Gilbert dé Granvelle, devenu gentilhomme de la maison de l’archiduc Albert. (2) Délibérations municipales, 22 avril et 8 juin 1530, 5 juillet 1532, 7 juillet 1533. (3) « Les gens d'église, tant mendians que aultres, avoyent de coustume envoyer plusieurs citiens par la cité, le lendemain de la Toussains, cryang Fung : Ga pour S. Lyénard, l'aultre : Ga pour S. Pierre, et plusieurs semblables : que sont crys dérisoires. A esté conclud que lesdiz erys se- ront deffenduz et ne se feront à l'advenir ; ains l’on permettra ésdiz men- dians, par eulx mesimnes et non aultres, pouvoir aller ledict jour par la cité recevoir les aulmosnes qu’on leur vouldra bailler, sans faire cry ne aultre insolence : dont on les advertira huit jours avant ladicte Toussains. » {Dé- libérations municipales,-3 octobre 1525.) — 111 — rencontra un homme assez audacieux pour assumer la res- ponsabilité d’une telle réaction, il était difficile que le conseil communal ne s’en fit pas une arme pour accélérer la ruine de l'influence du clergé. III Au point de vue du gouvernement civil que la commune avait constitué, Besançon était divisé en sept quartiers, ou bannières. Tous les ans, le jour de la Saint-Jean-Baptiste, chaque quartier élisait quatre notables qui recevaient pro- curation pour élire à leur tour quatorze gouverneurs, deux par quartier, investis du droit de gérer, pendant une année, les affaires publiques, mais ayant le devoir de s’adjoindre les vingt-huit notables, quelquefois même la totalité du peuple, quand il s'agissait de prendre des résolutions graves (1) Le gouvernement de la commune était donc essentiellement démocratique, et l’on ne sait que trop combien cette sorte de régime est propice aux coups fourrés de l'intrigue et aux coups d’audace de l’ambition Gauthiot d'Ancier, qui s’en- tendait en ces matières. eut la bonne fortune de rencontrer à l’hôtel de ville un complice parfaitement apte à seconder ses desseins. Ce personnage n’était autre que Jean Lambe- lin, secrétaire d'Etat de la commune, chargé de rédiger -les actes du conseil et de les authentiquer par sa signature. Dès son retour de la diète de Worms, où il avait vu de près l’écroulement du vieil édifice sacerdotal de PAllemagne, Lambelin s'était fait, au sein du conseil communal, l’écho des imprécations de Luther. Comme il flattait en cela les passions traditionnelles qui animaient l'hôtel de ville contre l'autorité cléricale, on le laissa volontiers convertir ses pa- roles en délibérations : c'était d’ailleurs un moyen d'amener (1) Voir ma notice sur les Variations du régime municipal de Besan- çon, à la suite de ma Monographie du Palais Granvelle. (Mém. de la Soc. d'ém. du Doubs, # série, t. I, 1866, pp. 151-157. — 119 — à composition l’archevêque qui, malgré les remontrances de l’empereur, s’obstinait à maintenir à Gy sa cour d’officia- lité. En conséquence, une série de décrets furent édictés par la commune contre les privilèges et les désordres du clergé. On commença par refuser le bénéfice de lexemption d'impôts aux immeubles acquis depuis moins de cinquante ans par les corporations religieuses (l) ; on interdit ensuite l'établissement de confréries nouvelles sous le couvert des églises (2); puis on se mit à flétrir les cas, malheureuse- ment trop nombreux, de lirrégularité des mœurs du cler- gé (3). C'était le temps où l’intrépide et violent Farel Fo nait, avec la permission du prince, le pays de Montbéliard et y faisait nover les images des saints. Ün bourgeois de Besançon, nommé Maublanc, témoin des grossières invec- tives qu’un chanoine de Montbéliard jetait à la face du ré- formateur, eut le courage de prononcer tout haut ce verset biblique : « Si ce dessein est un ouvrage des hommes, il se détruira de lui-même ; mais s’il vient de Dieu, vous ne pou- vez le détruire, et prenez garde qu'il ne se trouve que vous ayez fait la guerre à Dieu. » Ce propos coûta cher à Mau- blanc : il fut saisi au passage par les officiers de l’arche- vêque, enfermé dans un os où il mourut, puis inhumé aux champs comme un chien (4). Quelques mois après, une nuée de paysans, exaltés par les prédications de Luther, faisait irruption, par la trouée de Belfort, dans le pays de Montbéliard, y mettait à sac les abbayes et les châteaux, et s avançait jusqu’à l’Isle-sur-le-Doubs (5). Besançon prêta son artillerie pour aider le gouvernement de la Franche-Comté (1) Délibérations municipales, 14 février 1522. (2) 1bid., 2% avril 1522, 10 et 30 avril 15%. (3) Délibérations municipales, 17 octobre et 16 novembre 1524. (4) GOGuEL, Précis historique de la réformation dans l’ancien comté de Montbéliard, p. 23. (5) Ch. Duvernoy, Notice sur Héricourt (1838), pp. 85- 88, Société d'Emulation du Doubs, tome IX, 1905. PARA UE Nicoas PERRENOT De GRANVELLE | _ Garde des Sceaux de Charles-Quint : (1486-1550) : Tableau du Titien, au Musée de Besançon). — 115 — à refouler ces sauvages (l), et, en face de l’ennemi com- mun, il y eut des préliminaires de rapprochement entre l’hôtel de ville et le clergé (2) : la municipalité poussa même la condescendance jusqu’à prescrire des informations contre un citoyen, Antoine Buzon, que l’on disait appartenir à Ja secte luthérienne(). Mais une fois le danger disparu, les oriefs réciproques se réveillèrent, L’archevêque avait jeté l’interait sur le pays de Montbhé- liard (à) ; le parlement de Dole et la noblesse de la province, dans des assemblées tenues à Gray, à Montbozon, à Salins, avaient pris des résolutions énergiques pour aider le clergé à combattre les nouvelles doctrines (@). La municipalité de Besançon, bien que sollicitée d'entrer dans ce concert, s'é- tait contentée de témoigner de son attachement au vieux culte 6). Elle était d’ailleurs aux prises avec un autre fléau, celui de la peste, et elle jugeait que le clergé, au lieu de déserter la ville pour tenir des colloques anti-luthériens, eût été mieux dans son rôle en assistant les malades. Elle es- saya d'obtenir au moins un subside pécuniaire du chapitre en faveur des pestiférés : elle demandait CiNqUCentSs écus”: les chanoines offrirent cent francs et quelques denrées (7), Le populaire n'ignorait pas que ce même chapitre avait récem- ment voté six mille francs pour arrêter les progrès de lhé- résie (3). La comparaison des deux chiffres fit naître dans la ville une vive indignation contre le clergé. Si la peste déci- mait la population, n'était-ce pas une conséquence de la colère de Dieu soulevée par les mœurs légères des cha- noines et de leurs suppôts (9) ? (1) Délibérations municipales, 11 mai 1525. (2) Ibid., 19 mai 1525. — (3) Ibid., 10 mai 1525. (4) Acta capituli, 17 aug, 1524, (3) { 6} Ibid., 20 maii 1525. : 7) Acta capituli, 17 et 26 jun., 6 julii 1525. — (8) Jbid., 31 maii 1525. (9) « ... Et ont lesdiz sieurs gouverneurs mandat impérial exprex d'ex- pulser de la cité, pour le bien d'’icelle, tous personnaiges que leur sein- VOL. Æ 9. (@,) DU à Le quartier capitulaire avait pour entrée un arc de triom- phe qui remontait à l’époque romaine et dont l’antique vo- cable, Porte de Murs, s'était altéré par la prononciation au point de devenir Porte Noire (). Le chapitre, qui avait ses prisons au dessus de cette porte, prétendait pouvoir l’ou- vrir ou la fermer selon sa volonté : la municipalité soutenait que le passage sous l’arc était publie, et des pieux avaient été plantés anciennement pour que les barrières qui y exis- taient ne pussent être closes. Le chapitre, craignant une in- vasion du populaire et voulant pouvoir se barricader à loc- casion, fit enlever les pieux, La coinmune en ordonna le rétabhissemeut, et deux pieux tout neufs furent plantés en plein jour, aux applaudissements ironiques de la multi- tude (2. Les chanoines protestèrent ; mais le conseil com- munal, au moyen des soudards préposés à la police sanitaire, sut faire respecter la mesure qu’il avait prise. L'opinion publique était surexcitée, et Lambelin travail- lait, par ses discours, à l’échaultfer encore davantage. Si l’on était parvenu à mantenir ouverte la porte d'entrée du quar- tier capitulaire, pourquoi ne profiterait-on pas de cette li- berté d'accès? L’intérèt de la santé publique était un pré- texte à saisir pour faire des visites domiciliaires dans un quartier que la peste n'avait pas épargné. Les soudards re- curent à ce propos des instructions secrètes, et, un beau jour, toute la populace ameutée fit avec eux irruption dans les demeures des chanoines et des familiers de l’église. Ce qu’on voulait avant tout, c'était que le clergé subit une hu- blera bon : du noinbre desquelx méritoirement estoient lesdites servantes, pleines de vices el de péchez, à chascun notoire et publique, attendu le fléaul de Dieu que pour lors persécutoit la eité. » (Répliques de la com- nune aux doléances du chapitre : février 1526; Archives de la ville.) (1) Voir mes Considérations sur l'arc antique de Porte-Noire à Be- sançon, dans les Mémn. de la Soc. d’ém. du Doubs, # série, t. II (1866), pp. 420-429, | (2) Délibérations municipales, 5 juillet 1595, — 115 — miliante avanie : les servantes étaient nombreuses dans le quartier capitulaire, et elles passaient pour entretenir des relations illicites avec leurs maitres. Ün coup de filet fut jeté sur toutes ces femmes; les soudards en firent un pelo- ton qu'ils ramenèrent, au son des tambourins, jusqu'à l'hô- tel de ville ; la populace les escortait en criant: Venez, ve- nez voir Les ribaudes du chapitre (1) ! Le conseil communal décréta l'expulsion de ces femmes (2) ; mais bientôt on les laissa rentrer, à condition que chacune d'elles contribuerait, en payant une amende, à la construction d’un hôpital pour les pestitérés (3). Le chapitre avait été blessé dans sa dignité et dans ses prérogatives : il rédigea des doléances énergiques, et envoya des députés en Espague, où était l’empereur, et en Flandre, auprès de la gouvernante des Etats de Bourgogne, pour dé- noncer les violences dont il avait été l’objet (4). L’archevêque était irascible (9) et dédaignait les expédients de la vulgaire prudence. Quelques cas d'hérésie lui furent signalés dans la ville : il n’hésita pas à envoyer un procureur pour vaquer, en son nom seul, à des informations. La coin- nmune se regarda comme défiée par cette incursion de Par- chevêque sur un terrain relevant de la police municipale. Le procureur fut arrêté, passablement maltraité et jeté dans un (1) Ecritures réciproques de la commune et du chapitre : aux Archives de la ville. (2) Acta capituli, 28 aug. 15925. (3) Délibérations municipales, 6, T et 21 octobre 1525. (4) Acta capituli, 4 et 7 septembre 1525. (5, On en jugera par les extraits suivants d'une lettre qu'il écrivait au chapitre, le 18 mars 1525 : « .., Je treuve de vous ce que l'on m'a tous- Jours bien dit, qu'est ne taichés fors faire vostre proutfit de moy et en avoir Ce que pourriés.., Mais puisque Je vois vostre voulenté, me pertor ceray doiresenavant passer de vous.., Quand je vous auray payer, ne vous debvray riens : après chascun fera son mieulx où il pourra. Et adieu. De Gy, le xvir1° de mars. — L’ARCEVESQUE DE BESANÇON. » (Acta ca- pituli, 5 april, 1523.) 6 noir cachot (1). Les représailles ne se firent pas attendre : plu- sieurs citoyens de la ville, saisis sur les grands chemins, furent incarcérés, comme otages, au château de Gy (2). Et, dans une épitre furibonde, lParchevêque, réclamant toujours son mandataire, menaçait, en cas de refus, de se venger non-seulement sur les personnes, mais sur Îles propriétés des citoyens qu’il pourrait atteindre (3). Ces « missives lé- gières et escriptes à cheval (4), » comme les qualifiait Lam- belin, ne firent qu'envenimer la querelle. Une nouvelle expé- dition dans le quartier capitulaire fut décrétée. Le bruit avait couru que les chanoines se disposaient à rejoindre l’arche- vêque et commençaient à enlever les reliquaires du trésor des deux églises cathédrales : le conseil communal, voulant contrôler cette rumeur, députa des émissaires pour explorer les sacristies 6). Ce tut encore un grand scandale. Le conseil communal y mit le comble en interdisant aux chanoines toute communication avec l'archevêque (6). Fort heureusement pour lPissue du conflit, le chapitre et l’hôtel de ville possédaient quelques hommes capables d'in- dulgence et désireux de conciliation. En l'absence du doyen qui résidait aux Pays-Bas, le chapitre avait pour chef son grand archidiacre Ferry Carondelet, l'ami d'Érasme et de Raphaël: c'était la bienveillance même unie à la plus exquise (1) Délibérations municipales, 6 octobre 1525; — Correspondance de la commune avec Antoine de Salive, conseiiler au Parlement de Dole, sur l'affaire de l’incarcération des citoyens par l'archevêque (29 oct.-5 nov. 1525), aux Archives de la ville. (2) Délibéralions municipales, 8 octobre 1525. (3) Pièces justificatives, no 11. (4 Ce sont les termes de la réponse faite par le conseil communal à l'archevêque. (Archives de la ville.) (D) Délibérations municipales, 9 octobre 1525 ; Acta capituli, 11 octo- bre 1595. | (6, Ordonnance de police « pour la garde des portes depuis les menaces de mons, l’arcevesque ». {Délibérations municipales, 14 octobre 1595.) — 117 — générosité (1). Les intentions pacifiques de ce dignitaire furent comprises et secondées par l’un des anciens membres du conseil communal, Claude Pillot de Chenecey, qui, en récompense de son hostlité au traité d'alliance de la ville avec les Suisses, avait obtenu l'office de juge du comte de Bourgogne à Besançon. Ces deux personnages se concer- tèrent pour préparer les voies d’un accommodement (2). L’archevêque voulait la guerre à outrance (3), et le chapitre, bien qu'il souhaitât une solution amiable, tenait à marcher d'accord avec le prélat (®. À l'hôtel de ville, l’irritation était entretenue par le secrétaire Lambelin (), Cependant les accusations réciproques du clergé et de la commune avaient été entendues par lPempereur et par la gouvernante: les deux cours d’Espagne et des Pays-Bas furent d'accord pour déléguer des commissaires qui essaie- raient de mettre un terme au conflit. Laurent de Gorrevod et Hugues Marmier, désignés comme arbitres, étaient acquis d'avance au parti de la paix ; 1ls Joignirent leur autorité aux efforts toujours actifs de l’archidiacre Carondelet (6) Des con- férences s’établirent (7): Gauthiot d’Ancier, revenu dans la ville après quatre ans d'absence (8), ne demanda pas mieux que d’y prendre part. Avant tout, il lui fallait un rôle; il était de la race de ceux qui allument les incendies pour avoir l’occasion de se signaler en les éteignant. Après de longues discussions, on finit par comprendre que tout ce qui avait été innové depuis dix ans, de part et a — —————_————— << ————_——— —…— …" — — (1, Voir mon étude sur la Vierge des Carondelet, dans les Mém. de la Sac. d'émn. du Doubs, 4° série, t. VIIL (1873), pp. 129-156. (2) Acta capituli, 5 jan. et 28 febr. 1526. (3) Ibid., 3 april. 1526. (4) Acta capituli, 11 april. 1526. (5) Ibid., 21 april. et 4 junii 1526. (6) Ibid., 2% decembris 1527. (7) Ibid., 9 januarii 1528. -_ (8) Son retour datait du 20 février 1527, (Délibérations inunicipales.) — 118 — d'autre, ne faisait que déranger l'équilibre sagement établi par le traité de 1435. T1 fut convenu que ce traité redevien- drait la règle des rapports ultérieurs entre le clergé et la commune. Un acte, rédigé dans ce sens, fut signé et scellé le 9 janvier 15928 (1). Le gouvernement de Charles-Quint en sut bon gré à ses commissaires, car il lui importait grande- ment que, par. le bon accord rétabli entre leclersé etla commune, les portes de Besancon demeurassent fermées aux propagateurs de la réforme. LV. Tout d’abord, Charles-Quint n'avait pas vu d’un mauvais œil le scandale produit par Luther: c'était une protestation contre les agissements de cette papauté qui, depuis tant de siècles, faisait évanouir les rêves de tous les prétendants à la domination universelle. [l se contenta de rester neutre quand il aurait pu efficacement agir, et lorsqu'il prit un parti, la réforme avait atteint des proportions telles qu'il ne lui était plus possible de la dominer. Si l'agitation religieuse était de nature, en gagnant l'Italie, à servir utilement ses projets de conquête, elle devait lui créer, en Allemagne, des embarras incalculables : pour un intérêt de circonstance, il sacrifia, sans s’en douter, le repos de toute sa vie. À l’enthousiasme avec lequel la plupart des princes alle- mands adoptèrent la réforme, il devint bientôt évident que le prétex'e religieux masquait une levée de boucliers essen- tellement politique. Pour laristocratie de lAllemagne, Charles-Quint était un étranger, et cet étranger tendait visi- blement à confisquer, au profit de sa maison, la dignité, jusqu'alors élective, du chef de l'empire. Le nouvel évangile, qui affranchissait les consciences du double joug de lauto- rité et de la tradition, pouvait également sanctionner la (1) Archives de la ville. — 119 — rupture d'un pacte politique dont le libre examen démon- trait les dangers. L'opposition fermentait dans tous les cer- veaux princiers de l'empire : Luther, par ses doctrines révo- Jutionnaires, lui donna corps et formule, et ainsi s'explique la propagation fiévreuse de la réforme. Tant que Charles-Quint fut aux prises, sur les champs de bataille de l'Italie, avec les armées françaises, il ne put pré- ter qu’une oreille distraite aux crépitations de lincendie qui, de l'Allemagne avait gagné la Suisse, et menacçait, en s’é- tendant au comté de Montbéliard et à la Hollande, d'envahir les anciens domaines de la maison de Bourgogne. Mais quand il eut vaincu et réduit en captivité le roi de France, quand 1l eut, par le pillage de Rome, humilié et amoindri la papauté, il trouva le temps de constater l'échec que le principe de son autorité avait subi en Allemagne. S'il ne possédait pas cette pénétration de l’avenir qui distingue les grands politiques, du moins il avait ce sens pratique qui permet d'envisager sainement une situation et de n’en attendre que le possible. Obligé de ménager les princes allemands, afin de les avoir comme barrière contre les in- cursions des Turcs, il dut renoncer bien vite à l’idée d’ané- antir la réforme là où elle s'était établie et constituée : mais il pouvait encore lui imposer des bornes et extirper les jalons que les nouveaux apôtres sefforçaient de planter. Ce fut à quoi durent s'appliquer les émissaires que lem- pereur entretenait auprès de tous les centres de population dont il avait intérêt à suivre les affaires. Granvelle, qui allait -devenir le directeur accrédité de là conscience de notre commune, dut avoir, par suite des plans de son maitre, une conduite extrêmement délicate à tenir: 1l s'agissait pour lui de barrer le chemin à la réforme sans restaurer le pouvoir temporel de l’archevêque, c’est-à-dire de faire en sorte que la commune devint prépondérante et considérät — bo l’empereur comme la source et le soutien de sa prospérité(1). Ce n'était pas de Charles-Quint que datait cette préten- ton des souverains de Franche-Comté à faire acte d'autorité dans la ville de Besancon. Dès 1451. le comte-duc de Bour- gogne, ayant prêté main-forte à la bourgeoisie bisontine pour réprimer une insurrection de la plèbe, avait obtenu, comme rémunération. le droit d’instituer dans la cité un capitane miltaire et un juge, ce dernier devant participer à tous les actes judiciaires de la commune. Cet office de juge étant venu à vaquer en 1527, par la mort de Claude: Pillot de Chenecey, larchiduchesse Marguerite, agissant comme gouvernante du comté de Bourgogne, en investit Nicolas Perrenot de Granvelle, alors premier conseiller d'Etat de l’empereur : elle donnait ainsi à ce dépositaire de la confiance du monarque rang et autorité dans le conseil d’une ville que l’on ne pouvait surveiller de trop près. En même temps que Granvelle obtenait cette dignité et en déléguait, par procuration, Pexercice à Jacques Bonvalot, son RÉANARERS (2), un rival de son influence surgissait tout à coup à Besançon. C'était Simon Gauthiot d’Ancier qui, après avoir couru de grandes aventures, se croyait sur la route de la fortune et du crédit. Jamais le conseil communal n'avait compté dans ses rangs un intrigant de cette force. Issu d’une vieille famille bourgeoise de Gray 6), fils d’un avo- (1) Monographie du palais Granvelle à dans les Mers de la Soc. d’ém. du Doubs, 4° série, t. II (1866), p (2) Par un acte en date à Paris du 8 janvier 597. (Délibér ations muni- cipales.) (3) Jacques Gauthiot, bourgeois de Gray, avait pu prêter, en 1346, une somme de 140 florins au comte-duc de Bourgogne Eudes IV, alors en lutte avec l'aristocratie comtoise; en 1361, il avait contribué, par un versement de 200 florins, à la rançon de cette même ville, lorsqu'elle fut surprise par Jean de Bourgogne-Montaigu. La comtesse Marguerite l'avait indemnisé le 14 novembre 1366, par la concession, pour lui et ses hoirs, du droit d'usage et d'affouage dans les bois de Gray et de Velesmes (Archi- ves du Doubs, E, 1318). — Voir en outre le n° [ de nos Pièces justifica- tives. 491 cat fiscal au parlement de Dole (), il avait dû aux relations de son béau-frère Hugues Marmier, président de ce même par- lement, l'avantage d’être mêlé, en 1523, aux menées qui préparèrent la trahison du connétable de France. Quand Charles de Bourbon, préférant la vengeance au patriotisme, était entré en Franche-Comté pour se mettre à la tête des lansquenets impériaux prêts à envahir la Bourgogne fran- caise, son refuge avait été la maison de d’Ancier, et il avait fait à celui-ci l'honneur de tenir un de ses enfants sur les fonds du baptême. Un agent d’affaires manquait dans lentou- rage de Bourbon: d'Ancier se proposa pour cet emploi, et le prince l'emmena comme maitre d'hôtel (?), On connait les aventures du connéteble, la part décisive qu’il eut à cette bataille de Pavie, où le roi de France perdit tout, fors l’hon- neur et la vie, puis le brigandage qu'il organisa en Italie pour gorger ses troupes, procédé dont il fut justement la victime, car une balle d’arquebuse le blessa mortellement le 6 mai 1527, au moment où il montait le premier à l’assaut des remparts de Rome). Gauthiot d’Ancier se chargea de rapporter à Besançon le cœur de ce traître et de lui obtenir plus tard une sépulture dans notre cathédrale de Saint- Etienne (4). Bien qu'ayant été rançonné sur sa route par le possesseur d’un de ces castels qui commandaient les pas- sages des Alpes, il revenait avec de grosses sommes d’ar- sent et de nombreux joyaux (5). Son premier soin fut d’em- ({) Simon Gauthiot était né, en 1490, du mariage, célébré le 3 décembre 1489, entre Guy Gauthiot, avocat fiseal au bailliage d'Amont, puis au par- lement de Dole, et Isabeau Chambellan, fille du général des monnaies du duché de Bourgogne Sa sœur, Louise Gauthiot, fut mariée, le 27 mai _ 1508, avec Hugues Marmier, alors lieutenant du baïlli d'Amont, devenu, en 4517, président du parlement de Dole. (Archives du Doubs, E, 1418.) 2 Pièces justificatives, n°1. 3) MIGxET, Rivalité de François I" et de Charles- Quint FOHNp 820: 4) Pièces justificatives, n° [. 3) Témoin la coupe en argent doré qu’il vendit pour trente écus d' or au soleil, en septembre 1536, au conseil communal de Besançon qui en (2 ( ( ( — 199, — ployer une partie de ces valeurs à l'acquisition de diverses seigneuries (1), I sut bientôt persuader à la commune que, s’il avait été rançonné, c'était la faute de son empressement patriotique à venir se dévouer à ses concitoyens, et le conseil de la ville n'hésita pas à l’indemniser (®). Habile à se faire valoir, 11 s'était posé aux veux de Charles-Quint comme le principal entremetteur de la trahison du connétable : l’em- pereur, qui payait largement les bons offices rendus à sa politique, lavait créé gentilhomme pensionné de sa mai- son (3). Tel était l’homme qui allait disputer à Granvelle la haute direction des affaires de notre commune, en exploitant les passions populaires pour qu’elles servissent d'échelle à ses projets ambitieux. V. Charles-Quint, parvenu à l’apogée de la puissance, tenait plus que Jamais à faire réviser les termes si variables et si gratifia la maréchale de Bourgogne « estant en ladicte cité et en la mai- son feu maistre Jehan Chaudet, acouchée d'ung beaul filz ». (Comptes de la ville, 1536.) — Le bear fils en question, nommé Claude de la Baume, devint archevèque de Besançon et reçut le chapeau de cardinal. | (1) Dans le contrat de mariage de sa sœur, en 1508, Simon Gauthiot est qualifié seigneur d'Ancier et de Poncey. En 1527, il acquit la seigneu- rie de Vaire, près Besançon. Le 29 août 1550, ayant ajouté à son avoir les seigneuries de Noiron, Silley et Rancenay, il achetait encore celles ’Hyèvre, Autechaux, Anteuil et Nanz-lez-Rougemont. En 1535, le 9 octo- bre, sa sœur, qui mourait sans enfants, lui légua tout ce qu’elle avait reçu en dot de leurs parents (Archives du Doubs, E, 1119.) (2) Pièces justificatives, nes I et IX. (3) Brevet d’une pension annuelle de deux cents francs, monnaie com- toise, accordée par Charles-Quint «en considération des bons et agréables services que nous à par cy-devant fait nostre amé et féal chevalier et conseiller messire Symon Gauthiot, seigneur d’Ancier, et espérons qui fera, et pour luy en donner meilleur moyen et le favorablement traic- terne » (Bruxelles, 16 janvier 1532. — Archives du Doubs, E. 19.) — Cette pension fut élevée ensuite à trois cents francs ; elle cessa d'être servie quand Gauthiot eut été investi de la prévôté de Gray. (Comptes de la ville, 153%.) ambigus des contrats sur lesquels reposait son autorité. Vis- à-vis de Besançon, il était arbitre suprême et gardien, sans posséder la qualité de gouvernant : de sorte que la commune avait à la rigueur le droit de professer des doctrines qu’il réprouvait et de cultiver des alliances dangereuses pour la sécurité de la province. L’obéissance absolue ne pouvant être imposée à la commune, il s'agissait de la faire naître chez elle comme sentiment, et de lv maintenir par la force de l'habitude qui en serait prise (1). Mais les traditions ne se for- inent guère dans un milieu perpétuellement agité: il fallait donc obtenir que la commune vécüt en paix avec le clergé, et pour cela il était indispensable que Besançon fermât ses portes aux émissaires de la réforme. Granvelle reçut l’ordre de poursuivre ce double but avec l’habileté et l’énergie que lui connaissait son maitre. Mais Granvelle, devenu l’indispen- sable lit de repos de Charles-Quint (2), ne faisait à Besancon que des apparitions rares; 1l lui était donc impossible de suivre pas à pas les agissements de l’hôtel de ville et de mo- dérer par lui-même l'intempérance du langage que l’on y parlait. [I v avait dès lors nécessité que le ministre de Char- les-Quint eût à Besançon un ou plusieurs collaborateurs per- manents, chargés de travailler à l’œuvre de pacification dont 1l désirait se faire honneur. Gauthiot d’Ancier, entremetteur émérite, n'aurait pas mieux demandé que de le suppléer et, au besoin, de le supplanter en cette affaire. Mais Granvelle avait soif de procurer l'avancement de tous les siens (3): ses (4) Voir mon étude sur Charles- Quint et sa statue à Besancon. (2) En apprenant la mort de Granvelle, Charles-Quint écrivit à Phi- lippe Il : « Mon fils, nous avons perdu, vous et moi, un bon lit de repos. » (D. LÉVESQUE, Mémoires pour servir à l'histoire du card. de Gran- velle, t. I, pp. 170et 181; Ch. Wriss, Notice préliminaire des Papiers d'Etat du card. de Granvelle, pp.31r-vr.) (3) « Il à quelques passion<, écrivait à son sujet Charles-Quint, entre autres beaucoup d'envie d'élever sa famille et de l'enrichir, et encore ceux qui lui sont attachés. Mais il faut dire que ce défaut, qui est com- mun à bien des grands hommes, est compensé d'un autre côté par de — 124 — nombreux enfants n'étant pas encore d’âge à le représenter auprès de la commune et du clergé, ce fut aux parents de sa femme qu’il accorda sa confiance. Jacques Bonvalot, son beau-père, dut agir pour lui à l'hôtel de ville, tandis que le chanoine François Bonvalot, son beau-frère, eut mission d’a- mener le clergé à entrer dans les vues de l’empereur. Comme dans toute société qui a déjà fourni une certaine carrière, 1l existait, dans la population civile de Besançon, deux classes distinctes pouvant, à un moment donné, se prendre de querelle : c’étaient, d’une part, la bourgeoisie propriétaire et commerçante ; d'autre part, la masse du peu- ple, composée de gens de métier et d'environ 6,000 vigne- rons. Les Bonvalot appartenaient à la riche bourgeoisie : mais leur crédit de fraiche date devait éveiller la jalousie de leurs pars : quant au populaire, son ignorance le mettait à la merci de celui qui voulait l’agiter. Il ne fut donc pas dif- ficile à Gauthiot d'Ancier, entreprenant et riche, de reeru- ter à son profit, dans l’ane et dans lautre caste, un parti d'opposition. Son but était de se substituer à Granvelle comme avoué de l’empereur auprès de la commune de Be- Sançon : pour y parvenir, il lui fallait embrouiller le plus pos- sible la situation, afin de démontrer l’impuissance de ses ri- vaux etavoir fréquemment l’occasion de se poser en sauveur. Le spectre du protestantisme s’offrant de lui-même pour contribuer à produire de telles impressions, d'Ancier n'était pas homme à négliger de s’en servir, assuré qu'il était d’ail- leurs d’y être aidé par Lambelin, le secrétaire d'Etat de la commune. Quand commença la lutte dont nous avons indiqué les causes secrètes, Farel venait de faire abolir la messe par Berne et d'obtenir des Bâlois l'expulsion de leur évêque. EE — grandes qualités et de rares talents » (Instruction secrète au roi Phi- lippe Il, 1545, traduite dans les Mém. pour servir à l’hist. du card: de Granvelle, par D: LÉvEsQuu, t. I, p. 179.) Encouragé par ce double succes, il s’établissait à Morat, pré- parant de là le coup de main qu'il méditait d'accomplir sur Neuchâtel (1). De toutes les villes du voisinage, aucune n'était, plus que celle-là, en relations cordiales avec Besançon. Ses coutumes avaient été calquées sur celles de Ia cité impériale, et chaque fois qu’un point de jurisprudence paraissait douteux à ses ministraux, c'était à Besançon qu'ils envoyaient demander conseil (2). Si Neuchâtel acceptait la réforme, on pouvait craindre que Besançon ne se Jaissât entraîner dans cette voie parimitation. Charles-Quint se préoccupa de ce danger, et tout fut mis en œuvre pour obtenir que la commune se prononçât formellement contre l’hérésie. Par un édit muni- cipal en date du 17 février 1529, il fut interdit à tout citoyen de favoriser la secte luthérienne, avec injouction à chacun de dénoncer les tentatives faites contre l’ancienne foi 6). Nous ne savons sous l'influence de quelles menaces ou de quelles promesses cette mesure fut décrétée ; mais une preuve que Sa concession n'avait point été spontanée, c’est le zèle qu’af- fecta Gauthiot d’Ancier pour la faire lire trois fois de suite et la commenter devant le peuple assemblé sur la place Saint-Pierre (4). Le chapitre avait envoyé d'avance remercier le conseil communal de cette preuve d’attachement qu’il allait donner à l’orthodoxie (5), et l’on put croire que la meilleure intelligence allait unir l’hôtel de ville et le clergé, Mais entre deux corps dont les intérêts sont diamétralement opposés, la discorde, un instant exilée, sait bien vite reconquérir sa place. L'année 1530 avait été stérile, et, dans ces temps où les (1) Bovve, Annales de Neuchâtel, ann. 1598 et 1599. (2) MaTiLE, Histoire des institutions judiciaires de Neuchâtel, 18583, pp. 68-80. (3) Délibérations municipales, 17 février 1529. (4) Zbid., 21 février 1529. (5 Acta capituli, 15 février 1529. — 1925 — routes n'étaient ni entretenues ni gardées, 1l était fort diffi- cile de se défendre de la famine par des achats de denrées faits à longue distance. Le peu qui existait sur place apparte- tenait aux riches, tandis que les pauvres mouraient de faim. Ainsi arriva-t-il à Besancon dans l'hiver de 1550 à 1531. Le conseil communal prit pourtant des mesures contre le fléau : un rôle des pauvres fut dressé, et l'on institua des distribu- tons quotidiennes de pain à l’hôtel de ville (l). Le nombre des faméliques, d'abord de trois cents, s’éleva bien vite au double de ce premier chiffre (2). C'était pitié d'entendre, nuit et jour, ce pauvre monde hurler et vociférer à travers les rues (3) | Le clergé, convenablement approvisionné, ne com- patissait que faiblement à cette immense misère ; ses épar- gnes lui semblaient faites pour combattre le luthérianisme, et non pour venir en aide aux malheureux. Sommé par le conseil communal de donner cent francs par mois à la caisse des secours publics, le chapitre offrit quarante franes et pro- mit dix francs de la part du clergé inférieur (#), Toutes les remontrances furent vaines pour changer cette résolution. La peste se joignit à la famine, Le conseil communal de- manda des processions et des sonneries : on refusa les unes pour le motif que des agglomérations d'hommes seraient fa- tales à la santé publique, et l’on objecta, sur le second chef, que le battant de la grosse cloche de Saint-Etienne était cassé (5), Les chanoines justifiaient leur égoïsme en invo- quant cette maxime : « Charité bien ordonnée commence par le souci de soi-même (6). Le clergé semblait donc prendre à tâche de se rendre impopulaire dans un moment où l'esprit public, aigri par le malheur, récriminait plus que jamais Délibérations municipales, 15 et 20 septembre 1530. Acta capituli, 1 deceinbr. 1530 1bid., 23 nov. 1530. Î) 2) ) ) Zbid., 29 nov. 1530. 9) ) ( ( (3 (4 (5) Ibid., 28 jun. 1531 (6) Zbid., 19 april. 1531. OT contre la conduite irrégulière de ceux qui avaient mission d'enseigner la chasteté (1). Neanumoius, il n etait nullement question à l'hôtel de ville d'un changement de reigion. Pas plus alors qu’aujourd hui, le tempérament des citoyens ne comportait l’enthousiasme etla précipitation. On en voulait au clergé pour les obstacles qu’il apportait au plein exercice des institutions civiles, mais on n'en demeurait pas moins attaché au culte qui résumait les traditions du foyer domestique. L'intérêt général était en outre d'accord avec ce sentiment. Besançon n’exerçait de suprématie sur la province qu'en sa qualité de chet-lieu du diocèse : la juridiction ecclésiastique y taisait vivre beaucoup de monde, tandis que les canonicats et chapellenies fourmis- saient des placements honorables à nombre d'enfants des bonnes familles ; les insignes reliques des deux cathédrales attiraient dans la ville un grand nombre de pelerins (2,, et la récente habitude de l’ostension du saint-suaire, qui deux fois l'an amenait jusqu’à 30,000 étrangers sur place, ne pouvait déplaire aux marchands et aux hôteliers (3). Tout cela expii- (1) Lbid., 15 martii 1531. (2) Voici la nomenclature des châsses, reliquaires et images qui figu- raient, à tour de rôle et quelquefois plusieurs ensemble, dans les fréquen- tes processions organisées par le chapitre : Châsse des saints Ferréol et Ferjeux, id. de tous les saints, id. des saints Epiphane et Isidore, bras de saint Étienne, chef de saint Ferréol, relique du prépuce du Sauveur, peigne de là sainte Vierge, épines de la sainte Couronne, image de saint Jean l’évangéliste, id. de l’Annonciation, id. de saint Jean-Baptiste (à l'église de ce nom), i4. dite Noli me tangere (à l'éghise de Sainte-Made- leine), id. de saint Bernardin (aux Cordeliers), reliques de saint Vincent (à l'abbaye de ce nom), chàâsse de saint Prothade (à l'église Saint-Pierre), id. de saint Antide (à l’abbaye Saint-Paul,. (3) Le saint-suaire de Besançon était un linge, long de huit pieds et large ue quatre, sur les deux côtés duquel l’image de Jésus au tombeau reSsortait en couleur jaune pâle. Jean-Jacques Ghifflet en a donné une repr'ésentalion accoinpaguée de coimmentaires (le linieis sepulchralibus Christi, 1624, in-4), et Dunod lui a consacré une longue dissertation (Hisé. de l'église de Besançon, t. 1, pp. 401-425). Il passait pour avoir été pris à Constantinople, lors de la cinquième croisade, par Othon de la Roche, — 1925 — que comment, lorsque trois bourgeois de Neuchâtel vinrent, le 21 novembre 1530, soumettre au jugement de notre com- mune le fait de l’insurrection provoquée chez eux par Farel, il leur fut répondu que, («quant à eulx citoyens de Besan- con), ilz ne permettroient en façon quelconque prescher en ceste cité telle doctrine que celle dudiet Guillaume Farel, n y souffreroient en manière que ce soit ainsi indehuement blas- ner, Miupéreretinjurier lès Smimstres de l’église, ans si devenu duc d Athènes et sire de Thèbes, qui l'aurait envoyé à Ponce, son père, lequel en aurait gratifié, vers 1206, Léglise cathédrale de Saint- Etienne de Besançon. Ce qu'il y a de certain, c’est qu’au treizième siècle, dans l'office dramatique du matin de Pâques, où les trois célébrants figu- raient avec des voiles sur la tête pour rappeler les trois Maries, le diacre revenait du tombeau en portant un linge que le rituel de cette époque appe'le sudarium et amnictus sudarii (Ordinarium eccles. Bisunt., XI saeculo exaratum, ms. de la Bibl. de Besançon). Plus tard, l'office dramatique fut remplacé par le jeu d'un mystère, et le linge en question y eut encore son rôle. Mais l'ostension du saint-suaire pour lui-même et en qualité de relique, a son point de départ dans une délibération capitu- laire du 27 mars 1523 : on prescrivit alors qu'il serait rentermé dans un écrin à trois serrures, et qu'en dehors de la circonstance du mystère, habituellement Joué le jour de Pâques, on ne le montrerait qu’en présence de deux ou trois chanoines. Au bas de la page qui renferme cette délibé- ration, un clerc du dix-septième siècle à écrit : «. Noia qu’en tous les tomes des actes capitulaires, qui seullement commencent depuis l’an 1412 (et aultres au chapitre n’y a de présent plus anéiains), ne se trouvera que le saint-suaire fur accoustumé d'estre rmonstré en pubiique... » Une seconde délibération, eu date du 8 août 1593, régla qu'on l’exposerait à la _vénération de tous trois fois l'an, et non plus, à moins que par égards pour de grands personnages. Le # mai 1524, on réduisit à deux par an les jours d'ostension : Pâques et l'Ascension. Euliu le 29 inai 1533, on remplaça le jour de l’Ascension par le dimanche qui suivait cette fête. Ainsi fut-il fait jusqu’à la révolution française, époque a laquelle on expédia le saint-suaire à la Convention nationale qui en entendit la description dans les termes suivants : (On vous envoie non seulement ce linge ouvré et d'un travail moderne, mais encore le poncis ou le moule qui servait à y renouveler chaque année l'empreinte dont on adinirait la conservation miraculeuse. ». (Séance du 9 prairial an 1, 2% mai 17914.) Le comité de salut publie, saisi à son tour du linge envoyé de Besançon, décida qu'il serait remis aux hôpiiaux pour en faire de la charpie. — Voir, en outre, une délibération municipale du 23 mai 1533. 2000 aucuns présumoient de ee faire, ilz en feroient de leur part griefve punition, à l’exemple d’aultres (1). » Malgré cette profession de foi, le conseil communal ne tardait pas à retrancher aux trois couvents de moines men- diants (jacobins, cordeliers et carmes) l'indemnité qui, de trèsanciennedate,rémunéraitleurs prédications du carême ?). Un peu plus tard, le même conseil accusait un prêtre d’avoir empoisonné les fontaines pour maintenir la peste dans la ville, et le malheureux, ayant avoué ce crime dans les tor- tures, était dégradé sur la place Saint-Quentin, puis brûlé vVifà Chamars. Le clergé avait eu la naïveté crédule ou la faiblesse complaisante de s'associer à cette exécution (3), Sur ces entrefaites, Granvelle venait à Besançon pour y arrêter les plans d'un palais qui refléterait, parmi ses com- patriotes, l'éclat de sa puissance et symboliserait l’immensité de son crédit. Une réception princière lui fut faite par la (1) Pièces justificatives, no IT. (2) Délibérations municipales, 11 avril 1531. (3) Jean Robelin, de Vuillafans, engagé par le conseil communal pour assister les pestiférés dans leurs derniers moments, fut accusé par le popu- laire de seiner des linges empestés dans les fontaines : il aurait eu pour complices deux enterreurs et une nettoyeuse, qui furent brûlés vifs à Chamars, le 12 juin 1531. Quant à lui, en raison de sa qualité sacerdotale, on commil six docteurs ès-droits pour examiner son cas : trois furent d'avis qu’il devait être dégradé canoniquemeut et remis ensuile au juge séculier. L’official de l'archevêque, son juge naturel, ne put se le faire délivrer qu'en prenant d'avance l'engagement de le condamner, et le con- seil communal exigea que le procureur de la ville suivrait le prisonnier devant le tribunal ecclésiastique. Robelin, qui avait avoué ses méfaits dans la chambre de la torture, fut dégradé verbalement par sentence de l'official, le 26 août 1532, à neuf heures du matin ; le même jour, à une . heure de l’après-midi, il fut dégradé actuellement, sur un échafaud dressé au milieu de la place Saint-Quentin, par Pierre Tassard, évêque de Chry- sopolis, suffragant de l'archevêque, assisté des abbés mitrés d’Acey et de Bellevaux : un bref du pape avait autorisé ces deux abhés à faire fonc- tions d’évêques dans cette triste cérémonie. Dès le lendemain, le prêtre de la peste, comme on l’appelait, était condamné par le conseil communal à être brûlé vif à Chamars, et cette sentence recevait immédiatement son exécution, { Délibérations municipales.) Vor. 9. Q — 130 — cornmune, au bruit de la grosse artillerie, et la députation qui alla le saluer, en se portant à sa rencontre au delà des murailles, avait pour orateur et chef Gauthiot d’Ancier (1), Un homme dintrigue sait toujours faire contre fortune bon cœur, et il lui en coûte peu de baiser la main de son ennemi. VI. Ce n'était pas toutefois sans un cruel dépit que d’Ancier voyait creuser les fondations du palais qu’allait édifier Gran- velle. En face d'un pareil témoignage de la splendeur de son rival, quelle figure pourrait-il faire désormais. Lui qui était l’oracle de la commune, qui n'allait au conseil qu’environné et suivi de nombreux clients, qui tranchait d'avance en son logis les plus graves questions, qui avait pour bras droit le secrétaire d’État de la cité, que l’on appelait dans toute la province le petil empereur de Besançon, qu'allait-il devenir si Granvelle se mettait à vouloir tenir une cour à Besançon ? À tout prix, il devait chercher un moyen qui püt, tout à la fois, accroître sa popularité dans la ville et obliger Charles- Quint à réclamer ses services. Les abbayes et couvents de la ville avaient, comme atte- nances, de vastes terrains clos qui étaient, en grand partie, plantés de vignes. La culture de ces vignes occupait bien des bras, et elle ne rapportait qu'un vin détestable, conséquem- ment nuisible à la renommée du véritable vignoble de Besançon. Les propriétaires et travailleurs des bonnes vignes désiraient la suppression de cette triste culture. En faisant rendre par le conseil de la commune un édit pres- crivant d’arracher toutes les vignes qui existaient dans les clos de l’intérieur de la ville, d’Ancier était sûr d’enrûôler tous les vignerons sous sa bannière et de provoquer, de la (4) Voir ma Monographie du Palais Granvelle, dans les Mémoires de la Soc. d’émul. du Doubs, 4: série, t, IT (1866), pp. 73-76. — 151 — part du clergé, des cris qui retentiraient jusqu'aux oreilles de l’empereur. L’édit fut publié le 25 septembre 1532, et il eut tout l'effet qu’en avait attendu son auteur. De même qu’une goutte d’eau suffit pour faire déborder un vase déjà plein de ce liquide, ainsi l’édit touchant les clos convertit en exaspération la haine que le clergé nour- rissait contre l'hôtel de ville. Ce n'était point assez que le pouvoir populaire prétendit assujettir aux charges commu- nales les immeubles récemment acquis par les religieux, qu’il voulüt prélever la gabelle sur les blés que les moulins ecclésiastiques convertissaient en farine pour les particu- hers, quil poussât l'audace jusqu’à faire la police des mœurs dans les ménages des chanoines, il fallait encore qu'il se mêlât de réglementer la culture des terrains que le clergé tenait de la pieuse générosité des fidèles ! Un ouragan de récréminations sortit à ce propos de toutes les corporations religieuses, et des libelles sans nombre furent expédiés en cour d’empire (1). Cet orage eut, dès son début, une très fâcheuse consé- _quence. Érasme, l'esprit le plus universel de la Renaissance, était en quéte d’une localité où sa personne ne risquerait plus d’être mêlée aux querelles religieuses qui lui donnaient le cauchemar : il avait besoin de calme (), et il désirait le trouver dans une ville relevant du sceptre de Charles-Quint, car 1l était le pensionnaire de ce monarque. Besançon, qu'il avait visité en 1525, sous les auspices du défunt archidiacre Carondelet (3), lui paraissait, en !531, le meilleur refuge qu'il pût souhaiter : il y aurait entretenu des relations agréables avec plusieurs chanoines, demeurés ses amis, et il (1) Acta capituli, 26 seplembris, 30 octobris, 15 et 16 novembris, 2, 11 et 31 decembris 1532. (2) Epistola senatui Besontino, 26 julii 1531, et Pièces justificatives, n° re NS QE te sa _ (3) Voir une jitéressante relation de ce voyage, dans là lettre no DCCLXXXIV 4109 à E se réjouissait à l'avance de vivre à proximité des coteaux du Jura qui produisaient le seul vin dont son estomac fût satis- fait (1. Le clergé et la commune étaient dès longtemps una- nimes pour correspondre à ce désir : le chapitre lui avait jadis offert une double prébende, et de ville un trai- tament en rapport avec son mérite (2). Erasme avait tourné les moines en ridicule, mais il te le clergé séculier dans sa lutte contre la révolution luthérienne (3), Estimé des deux partis qui étaient aux prises à Besançon, il se trouvait en mesure de jouer utilement dans cette ville un rôle de pondérateur : aussi Charles-Quint approuvait-il son change- ment de résidence (4). [Il en était à tâter le terrain, cares- sant, par des épiîtres flatteuses, le chanoine Léonard de Gruyère (5) et le secrétaire d'Etat Lambelin (6), quand écla- tèrent les nouveaux démèêlés du clergé avec lhôtel de ville : son départ en fut ajourné (7), et les cadeaux de vin du conseil coinmunal $) ne parvinrent pas à l'attirer dans un milieu où il aurait retrouvé l'agitation qu'il voulait fuir. Cette agitation toutefois n'existait pas dans la ville à l'état permanent, et il n'y avait pas rupture complète entre l'hôtel de ville et le chapitre. On se vovait et on s’entendait même à propos d’un certain nombre de questions, celle de la châsse d'argent entre autres, dont l’entreprise élait tou- jours gérée par une commission composée de chanoines et de co-gouverneurs (9), On faisait trêve aussi quand il s'agissait (1) Epistola senatui Besontin?, 26 julii 1531, n° mMexcir. (2) ou n° DCCLXXXIV. (3) Epistolae DCL, DCLXXV, DCCCXII, DCCCCLXXXVI. (4) bises ustifeati ven HOMINE (5) Epistola Leonardo, officiali aneRienisco ps Bisuntini, 6 april. 1531, n° MCLXXXI. (6) Pièces justificatives, n° V. (7) Epistola senatui Besontino, 2% julii 1531, n° mexcu. (8) Lpistola senatui Besontino, 12 martii 1533, n° MCCXLIV; n° MCCLXII, 19 nov. 1533, (9, Acta capituli, 5 maii 1537. | Se N soit de la procession annuelle de Saint-Ferjeux (1), où la com- mune était fière d'envoyer douze cents hommes en armes (2), soit de l’ostension du saint-suaire (3), qui procurait aux bou- langers la vente, en trois jours, de 55.000 pains blancs à un liard pièce (4). Mais, ces circonstances passées, les vexations réciproques reprenaient leur train. Le contrôleur de la ville, Pierre de Chaffov, étant venu à mourir, son curé lui refusa la sépul- ture religieuse, en se fondant sur un ordre exprès de lar- chevêque (5). À quelque temps de là, deux chanoines s’étant permis de sortir de la ville, pour porter à la cour de l’empe- reur les doléances du clergé, le conseil communal interdit la rentrée de l’un deux, et fit inscrire son nom au papier rouge, où l’on enregistrait ceux qui étaient notés d’infamie, avec cette cote : Philippe Berdet, l'enfant ingrat de Besan- con (6). (1) Jbid., 8 april. 1533, 11 april. 1531. (2) « Le dymenche de Quasimodo, vingtiesme jour du mois d'avril, l’an mil cinq cens trente trois, la procession générale de ladicte cité a esté faicte solempnellement. Et combien la cité ayt eu puis cinq ans: trois grosses pestes, desquelles sont trespassez plus de quatre mil personnes, touteffois à ladicte procession ont eslé en armes douze cens hommes fort bien acoustrez et en bon ordre. Grâce au Créateur ! Et, avec ce, demeurera en la cité souffisant nombre de gens pour la garde d'icelle. » {Délibéra- tions municipales.) (3) Sur la demande du conseil communal, exprimée au chapitre par les co-gouverneurs Simon Gauthiot d’Ancier, Pierre Pillot de Chenecey et Jacques Chambrier, les chanoines décidèrent que l’ostension du saint- suaire, qui se faisait habituellement le jour ue l'Ascension, aurait lieu désormais le dimanche suivant, afin que la dévotion du peuple eût plus de loisir pour se satisfaire. (Acta capituli, 20 mai 1533.) — Cf. Délibé- rations municipales, 17 mai 1533. (4) « Le jour feste Ascencion Nostre Seigneur, xx1i° jour de may, le sainct-suaire à esté monstré, et y avoit plus de trente mil parsonnes estran- gières. La veille, le jour et l’endemain de ladicte feste Ascencion, fut vendu et distribué du pain à vendre de ladicte cité cinquante cinq mil pains blancs d'ung liard pièce, sans le pain bis. » (Délibérations munici- pales, 23 mai 1533.) (5) Délibérations municipales, 3 et 8 janvier 1533. (6) Ibid., 19 mars 1333. ere Granvelle, tenu fidèlement au courant de toutes ces vio- lences, agissait activement, par ses émissaires, pour apaiser un orage qui pouvait entraîner la commune à de dange- reuses extrémités. « En la turbulance des choses de la chrestienté, écrivait-il au conseil, et en la diversité qu'est en la pluspart des communaultez entre le clergé et Île peuple, devez quicter toute maulvaise oppinion .., puisque avez tousjours voulsu plustôt conduire voz affaires par bon sens que par partialité. Et ce faisant, j’auray meilleur moyen d'assister au bien de ladicte cité, que je vouldrove, avec mon acquit, préférer au mien propre (1). Le conseil enregistra ces gracieuses paroles, mais ne tint pas le moindre compte des avis qu’elles exprimaient. Au contraire, il sembla que l'hôtel de ville affectait plus que _jamais de relever les anecdotes scandaleuses auxquelles donnait lieu la vie privée des chanoines. Il faut dire aussi qu'il se produisait alors, dans le quartier Capitulaire, des faits bien capables de révolter la conscience publi ique. Telle fut, entre beaucoup d’autres, l'aventure du chantre Jean de la Madeleine, le troisième dignitaire du chapitre. Sa ser- vante, noloirement entachée de dépravation, vint à mourir en 1532, il eut la cynique audace de lui faire ériger, dans la chapelle de Sainte-Brigitte qui dépendait de la chantrerie, une tombe où elle était représentée, avec les armoiries de son maître et une épitaphe latine racontant que l’âme de cette créature avait gagné le séjour des bienheureux. Le chapitre fit détruire ce honteux monument. Mais, l’année suivante, une tombe identique à la première était ot ment érigée dans l’église des Jacobins, avec addition d’un verset biblique par lequel la trop fameuse chambrière mau- dissait ses persécuteurs. Pour placer cette nouvelle tombe, on avait bouleversé le caveau sépulcral d’une honorable (1) Lettre écrite de Gênes le 3 avril 1533, reçue et transcrite le 30 avril suivant. fe Si trs RS M mène ei ÉD tn nd re dd Sd nl Pl te à dia nine Car pins lé di à à À — 135 — famille de la cité. Les propriétaires du caveau portèrent plainte à l’hôtel de ville. et il en résulta une délibération dans laquelle Jean de la Madeleine était traité selon ses mérites. Le chapitre, sollicité par le conseil communal, eut toutes les peines du monde d'obtenir lenlèvement du second tombeau (1), Le chanoine François Bonvalot, qui lui- méme n'était pas exemplaire du côté des mœurs (2), protes- tait très haut contre les indiscrétions du conseil communal. Il détermina son père, Jacques Bonvalot, à refuser de siéger désormais à l'hôtel de ville (3) ; et, sur ses instances, Gran- velle, blessé du peu d'effet produit par ses recommanda- tions, fit intervenir deux mandements de l'empereur qui imposaient provisoirement silence à la commune sur l'affaire des clos (4). La municipalité fut vivement froissée de ces décisions souveraines (5), et le chapitre triompha de Ja déconvenue de ses rivaux (6). L'irritation étant arrivée, de part et d'autre, à son point culminant, Gauthiot d’Ancier crut le moment venu d'aller s'offrir à Charles-Quint comme médiateur. Il partit pour Tolède le 44 février 1834, emportant comme témoignage de sa haute influence, le sceau de la commune (1), Sa mission avait pour but officiel de déposer aux pieds du monarque l'acte par lequel la cité renonçait à son traité d'alliance avec les Suisses, puis l'engagement qu’elle prenait, pour l'avenir, de reconnaitre comme gardien le fils de l'empereur, le futur Philippe IT. La commune demandait en échange que le gou- (1) Acta capituli, 9 augusti 1532, 8, 11, 16 et 30 julii 1533 ; Délibéra- tions municipales, T juillet 1533. (2) Voir ma note intitulée : Une date de la vie de Claude Goudimel, dans la Revue des Sociétés savantes, 5 série, t. VILT, 1874, pp. 482-483. (3) Délibérations municipales 95 juin 1533. (4) Mandements de Charles-Quint, datés d'Alexandrie le 24 mars et de Monzon le 31 août 1533 (Archives de la ville.) (5) Délibérations municipales, 3 février 1534. (6) Acta capituli, 28 april, et 2 julii 1533. (7} Délibérations municipales, 6 et 14 février 1534. — 136 — vernement impérial lui devint propice dans ses déméêlés avec le clergé du diocèse et le parlement de la province, qu’une moitié au moins de la contribution qu'elle devait à son gar- dien füt appliquée pendant vingt ans à lentretien des fortifi- cations de la ville, que les canons jadis laissés dans ses murs par l’empereur Maximilien lui fussent adjugés, qu’un diplôme impérial lui donnât le droit de forcer les proprié- taires de maisons ruinées ou de places vides à bâtir dans un délai de trois ans (1) Moyennant cela, Gauthiot répondait de l’absolue soumission de la commune aux vues politiques et religieuses de Charles-Quint. Comment n'aurait-on pas fait bon accueil à l'éditeur et zu garant de si charmantes promesses ? Gauthiot n'oubha pas de tirer personnellement profit de cette disposition : àl demanda le remboursement de mille écus d’or dont le duc de Bourbon lui était resté redevable (2), puis la concession, pour sa vie, de la prévôté de Gray (3); les deux choses lui furent accordées. De sorte que, quand il revint au pays, le 26 juin 1534, il put croire, un instant, à la réalité du propos qui le qualifiait de petit empereur de Besancon. Se figurant qu'il allait être désormais dans la ville lins- trument des volontés du monarque, il prit subitement des allures féroces à l'endroit de l’hérésie. À sa requête, le con- seil interdit, sous les peines les plus graves, non seulement les actes de propagande luthérienne, mais les moindres propos contre l'orthodoxie (4). Il arriva qu’un malheureux (1) Instructions données au sieur d'Ancier, le 26 janvier 1534. (Archi- ves de la ville.) — Voir un supplément à ces instructions, concernant spécialement le clergé, dans nos Pièces justificatives, no VE. (2) Pièces justificatives, n° FE. (3) Acte du serment de Simon Gauthiot en qualité de prévôt de Gray, office que S. M. lui avait concédé pour sa vie en récompense de ses ser- vices, ledit serment reçu par Claude de la Baume, bailli d’Amont, le 22 février 1535. (Archives du Doubs. E, 1419.) (4) Délibérations municipales, 17 juillet 1534. fut convaincu d’avoir traité de soupe au vin la communion des prêtres et d’avoir prétendu que c'était méchamment que Dieu créait les borgnes, boîteux et bossus ; le conseil, esti- mant que ce sont de tels blasphèmes « qui souventefois sont cause de perdition des cytés, tremblements de terre, extéri- lité, famine et autres infinis maux, » condamna le coupable à être exposé sur un échafaud, nu jusqu à la ceinture et les mains liées, consécutivement devant quatre églises diffé- rentes, tout le temps des grandes messes du dimanche, puis à avoir le bout de la langue coupé avant d’être banni (1) Cette rigueur contre l’hérésie ne réussit pas mieux à Gau- ihiot que ses persécutions précédentes à l'égard du clergé. Toutes les faveurs qu’il se vantait d’avoir conquises à la ville et qu'il s’était flatté de faire enregistrer à son crédit, il les voyait arriver sous le couvert de Granvelle et passer pour obtenues par l'influence de ce ministre. Après avoir dévoré un certain nombre de ces affronts, après avoir été contraint de participer à la rédaction de lettres où son rival était appelé le « principal restaurateur et plus affectionné seigneur de cette république »,ilne lui restait que deux partis à prendre : ou s’avouer vaineu, ou essayer de se relever par une nouvelle tactique ; son démon familier lui conseilla de lutter encore. ANAL Le secrétaire Lambelin, ce dévoué satellite de Gauthiot, ne cessait de suivre, avec un intérêt passionné, les progrès que Ja réforme faisait en Suisse. Malgré la rupture du pacte de combourgeoisie entre Besançon et les villes suisses, il demeurait en relation intime avec l'aristocratie bernoise. Or, pour les Bernois comme pour beaucoup de feudataires alle- mands, la réforme religieuse était devenue un prétexte d’affranchissement politique et d’agrandissement territorial (1) Délibérations municipales, 25 mai 155. : — 138 — En faisant séculariser, par le ministère de Farel, les portions du territoire helvétique qui appartenaient aux églises, Berne avait surtout en vue de substituer son autorité à celle des évêques déchus Ainsi s’était-elle emparée de tout l'ancien évêché de Lausanne, et si elle avait aidé Genève à se débar- rasser de son évêque et du due de Savoie, ce n'était pas sans l'arrière pensée d'y dominer un jour Les pays de Neurhatel et de Valengin, bien que demeurés fidèles à leurs princes, recevaient de Berne le mot d'ordre de leur con- duite, et, par leur fait, la propagande luthérienne arrivait à la hinite de la frontière comtoise Si elle parvenait à franchir cette barrière, une belle perspective d’annexion s’ouvrait pour les Suisses : car la Franche-Comté, anomalement rete- nue sous le SQUo( RE TERRE, 2 (8€ -4 ‘Sgnoq np Yon FO) 32([104 senboef 2p eudeuboyne un,p ?|lUuIs-024 ag) 7 Me 7 pds ati iene * Mn LAS va) PT 1 ra pro) 5 vi ri ni _— DV1PT24 JACQOUES FOILLET IMPRIMEUR, LIBRAIRE ET PAPETIER (1554-1619) CHAPITRE PREMIER. JACQUES FOILLET A TARARE, LYON, GENÈVE & CONSTANCE (1554-1578) A la fin du xvre siècle, le Comté de Montbéliard, rattaché depuis deux cents ans à la maison de Wurtemberg par le hasard d’un mariage, avait à sa tête comme souverain, le comte Frédéric. Grand protecteur des sciences et des arts, on lui doit la fondation d’un collège ou académie, les pre- mières fouilles archéologiques à Mandeure, la construction du faubourg et du temple St-Martin. On lui doit aussi l'agran- dissement de la Citadelle, létablissement des fontaines publiques, l’érection de l'aile orientale du bâtiment des Halles et de la Tour-Neuve du château, etc. Il protégea le commerce ; il favorisa et développa lagri- culture et l’industrie. C’est grâce à lui que les côtes de la Chaux, d’Exincourt, etc., sont plantées de vignes ; que la plaine de Sochaux, inculte et broussailleuse, est transformée en prairie. Des bergeries, des vacheries, un haras, sont _ créés par ses soins, pour améliorer au moyen d’un élevage rationnel, les races originaires du pays. Il fait rechercher 00 © le minerai de fer et la houille dans le sol du comté. Il encou- rage l’établissement des forges de Chagey, d’une poudrerie à Sainte-Suzanne, d’une fabrique de canons à Montbéliard. lei s'élèvent des forges et des scieries, là des fonderies et des taillanderies. Toutes ces créations, toutes ces améliorations, sont l’œuvre de son initiative et de son intelligente activité qui semblait deviner et préparer l'essor de notre industrie moderne. Attaché aux idées de la Réforme, le comte Frédéric accueillit avec bienveillance les protestants français, lorrains et bison- tins qui, obligés de fuir leur patrie à cause de leurs opinions religieuses, venaient chercher un refuge à l'étranger. Ami des sciences, il le fut aussi des savants. C’est ainsi qu'il s’entoura de plusieurs hommes de talent, parmi. les- quels on doit citer : le célèbre médecin et naturaliste Jean Baubhin qui créa à Montbéliard un des premiers jardins bota- niques de l’Europe; l'architecte Henri Schickhard, à qui l’on doit de nombreux bâtiments dont il dirigea lui-même la construction ; l’ingénieur militaire Claude Flamand, dont les villes de Besançon, Verdun et Bâle réclamèrent Îles services pour leurs fortifications ; Pierre Beutrich, savant juriste; Hector Vogelmann et Hector Carray, tous deux chanceliers d’un réel mérite ; enfin, dans une condition plus humble, Jacques Foillet qu’il plaça à la tête du premier éta- bhssement typographique fondé dans le Comté. Mais avant de nous occuper de l’arrivée à Montbéliard de limprimeur Jacques Foillet, en 1586, suivons d’abord les pérégrinations de cet artiste ambulant. On ignorait jusqu'ici la date de sa naissance. On savait qu’il était fils de Verrand (1) Foillet et natif de Tarare, près de Lyon. (1) D’après l’acte de sa réception à la bourgeoisie de Montbéliard qui figure au Livre Rouge, à la date du 2 déc. 1602 (Arch. CURE de Montbeliard). — 973 — Les recherches que nous avons faites dans les archives municipales de la ville de Tarare qui possèdent encore un registre de baptêmes allant de l’année 1527 à l’année 1614, nous ont révélé les cinq actes suivants concernant la famille Foillet : 10 À esté baptizé Clauda, fille de Verand (1), arbaleytier (2) et Jane sa femme le XIe jour du moys de juillet 1544, environ 5 heures du matin et furent Preins (3) Claude Noel et Symonde, femme de André Prichon [Perrichon] bolongier. 20 A esté baptisé Jehan, filz de Verand Folliet arbaleytier et Jane sa femme le Xe jour du moys de juillet 1547, environ troys hures du matin, ses preins Jehan, filz de Claude Noé et Symonde femme de André Prichon, bolongier. 30 Le mercredi 30 mars 1551, à midi fut baptizé Claudine, fille de Verand Foillet et Jane, sa femme, son Prein, Benoist, frère du dit Veran; ses marraines Claudine, femme de Benoit Vassaulges et Jane femme de Estienne Billiaud. 40 Le jeudi, 24 de may 1554, environ huit hures de matin, fut baptisé Veran, filz de Verand Floiglet, arbaletier, et Jane sa femme, son Prein, Jacques, filz feu Claude Noé; sa marreyne Symonde, femme de André Pigniard, bolongier. 50 Le vendredi, 17 dapvril 1556, environ 5 hures du matin, fust baptizé Guillaume, filz de Veran Foillet, arbaletier, et Jane sa femme ; son parrein Guillaume Foillet, arbaleytier: sa mar- reyne Henemonde, femme de André Pigniard, bolongier. Ajoutons immédiatement que le registre renferme trois lacunes : 1° de juillet 1544 au 17 janvier 1545 ; 2° de décembre 1547 à janvier 1548 ; et 3° du 25 février 1549 au 7 septembre 1551. (1) Le nom patronymique n’est pas indiqué. (2) Il devait faire partie d’une compagnie d'arbalétriers de Lyon ou de Villefranche. (3) Parrains. Vo. 9. 18 — 974 — Si Jacques Foillet n’est pas né dans la période de temps qui correspond aux deux dernières lacunes (car il n’a pu naître à l’époque de la première, Clauda sa sœur étant née le 11 juillet 1544), nous sommes autorisé à considérer l'acte n° 4 comme étant applicable à notre imprimeur. Nous pouvons admettre, en effet, que l'enfant Veran Foillet (nom orthographié Floiglet), prénommé comme son père dans l’acte de baptême, reçut plus tard dans sa famille, pour être distingué de celui-ci, le prénom de Jacques porté par son parrain. Cela se fait couramment encore aujourd'hui dame les familles. Il est également permis de supposer qu'une erreur a pu se produire au moment de la rédaction de lacte. Les filleuls portaient presque toujours le prénom de leurs par- rains comme cela se pratique encore souvent à notre épo- que. C’est le cas d’ailleurs, pour tous les enfants nés de Veran Foillet et de Jane, sa femme. L'enfant prénommé Veran ferait seul exception. Jacques Foillet, selon nos conjectures, serait donc né à Tarare, — car son baptême a dû suivre immédiatement sa naissance, — le jeudi 24 mai 1554. Les premières années de sa jeunesse restent obscures. Nous ne savons rien de lui avant son séjour à Lyon, où nous le trouvons installé en 1576 comme compagnon impri- meur. La ville de Lyon, voisine de Tarare et centre important, a dù, en tous cas, l’attirer de bonne heure. Il est vraisem- blable qu’il y fit son apprentissage. Lyon était déjà renommé par ses ateliers typographiques, dont le premier avait été créé par Guillaume Le Roy, originaire de Liège, grâce à la générosité d’un citoyen lyonnais, Barthélemy Buyer, qui le patrona et lui avança les frais de premier établissement. Le plus ancien livre connu pour être sorti des presses de Guillaume Le Roy et qui ait date certaine, est le Lotharii dyaconi curdinalis compendium breve, qui fut imprimé le — 975 — 15 des calendes d’octobre de l’an 1473 (17 sept. 1473), sur l’ordre et aux frais, est-il dit à la fin du volume, d’hono- rable homme Barthelemy Buyer {honorabilis viri Burtholo- mei Buyerii... jussu et sumptibus impressus [sic], (1). C’est à Lyon qu'a paru en 1478, le Miroir de la Rédemption, pre- mier livre illustré publié en France. Au xv® siècle, nous trouvons dans cette ville, outre l’ate- lier de Guillaume Le Roy (1473-1488, ceux de Nicolas Phi- lippe de Benssheim et Marc Reinhart de Strasbourg (1477- 1488); de Martin Husz (1478-1489); de Jean Syber (1478- 1500); de Perrin Le Masson, Boniface Jehan et Jean de Villevieille (1479-1500) ; de Pierre Hongre (1482-1500) ; les ateliers de Jean Schabeler, Jean Neumeister, Gaspard Ortuin, Pierre Bouttellier, Janon Carcain, Jean du Pré, Guillaume Balsarin, Jean de La Fontaine, etc., qui fonctionnent sous la marque de ces maîtres imprimeurs jusqu'aux dernières années du siècle. Plus tard, au xvie siècle, dans les années qui précèdent celle du séjour de Jacques Foillet à Lyon, nous rencontrons _ les noms de Seb. Gryphius, CI. Senneton, Symphorien Bar- bier, Jean de Tournes, Guillaume Roville, etc. Est-ce dans l'atelier d’un de ces maîtres que Jacques Foillet s’initia à l’art de l'imprimerie ? Nous n’avons retrouvé, en ce qui le concerne, aucun contrat d'apprentissage. Ces contrats, à Lyon, étaient reçus devant notaire. M. Baudrier, qui s’est spécialisé dans l’étude de l’imprimerie lyonnaise aux Xv°, XvI° et xvIIe siècles, et qui a relevé et dépouillé tous les actes notariés de Lyon au point de vue de l'imprimerie pour le xvr° siècle, a bien voulu nous faire part du résultat de ses recherches (2). Le nom de Foillet ne figure dans aucun des contrats d'apprentissage qui ont passé sous ses veux ; (L) C£. A. Claudin. Histoire de l'imprimerie en France, HT vol. - _ (2) Nous adressons encore à M. Baudrier l'expression de notre vive gratitude pour sa communication. — 976 — mais il serait téméraire, en raison des grandes lacunes qu'offrent les Archives notariales, d’en conclure que Jacques Foillet n'a pas été apprenti à Lyon. Il n'existe dans cette ville aucun registre de la corporation des libraires ou des imprimeurs. En dehors des archives des notaires dont il sera parlé ci-après, les investigations de M. Baudrier ont porté dans ses études sur tous les actes qui pouvaient apporter quelque lumière sur les origines et le développement de limprimerie lyonnaise, registres d'état civil, registres des taxes et nommées, insinuations, archives de toutes juridictions et, notamment, celles de la Conser va- tion des privilèges des foires de Lyon. Le nom de Foillet n’y est pas prononcé. La première mention concernant son séjour à Lyon, est extraite des archives notariales de cette ville. À la date du 25 juin 1576 « Jacques Foillet, dit le petit Jucques, compa- gnon imprimeur, Confesse devoir la somme de 3 écus d’or sol. (1) pour dépenses de bouche et couche à [renée Boyvin, marchand ferratier, payable au paiement des foires de Tous- saint ». À l’origine, les compagnons prenaient leurs repas chez le maitre. On avait offert aux compagnons lyonnais, en 1539, de se nourrir au dehors à leurs frais ; ils avaient refusé, en alléguant la difficulté qu’il y aurait pour eux de se retrouver tous ensemble à l’heure de la reprise du travail ; en second lieu, les occasions d'entrainement et de dissipation qui résul- teraient d’une existence passée en partie dans les tavernes. Mais, l’édit de mai 1571, prenant en considération les plaintes des compagnons € pour leurs vivres tant de vin, pain que pitance », avait ordonné qu’ils se nourriraient doré- . (1) [Au] sol feil]. L'écu d'or, à Montbéliard, valait en 1558, 31 gros forts (Arch. du Doubs, E, 1095. Compte du Receveur du Comté pour 1558). Douze gros valant un franc faible, l’écu d'or représentait un peu plus de 2 fr. 50. . — 277 — navant eux-mêmes « soit en leurs maisons ou autrement en pension. sauf à leur augmenter leurs gages ». Le petit Jacques, ainsi désigné, soit qu’il fût demeuré à 22 ans d’une faible stature, ou qu’il eût commencé d’ap- prendre le métier très jeune, et que cette appellation fami- hèrement amicale de camarades plus âgés, lui fut définitive- ment restée, le petit Jacques était done nourri et logé chez Irénée Boyvin. Le document nous apprend qu'il avait déjà terminé son apprentissage. Il y est qualifié « compagnon imprimeur », qualification qui s’appliquait alors indifféremment à l’ouvrier compositeur et à l'imprimeur proprement dit, ou « pressier ». L'apprentissage, d’ailleurs, impliquait la connaissance de ces deux fonctions qui étaient exercées par le même ouvrier, suivant les besoins du travail. La seconde mention qui est faite de notre imprimeur dans . le même dépôt, est datée du 1e" août 1576. II s’agit cette fois encore d’une dette contractée : « Jacques, petit Jacques, compagnon imprimeur, reconnaît devoir la sornme de deux écus d’or à Catherin Bassot, compagnon imprimeur, pour loyal prêt, payable au paiement des foires de Toussaint. » Dès le début dans la vie, nous voyons déjà Foillet man- quer d'argent, ne pouvant régler son logeur et hôtelier, Irénée Boivin; puis, cinq semaines après, faisant un emprunt de deux écus à son camarade d'atelier, Catherin Bassot (1). Cette détresse financière le suivra à travers toutes ses pérégrinations, Elle sera le souci de son existence jus- (1) Catherin Bassot était encore compagnon à Lyon, le 22 juillet 1580, date à laquelle nous le voyons figurer sur la Procuration des compa- gnons imprimeurs. Il appartenait à une famille de typographes. Nous trouvons portant le même nom: Bassot André, imprimeur. | Nommées de 1545. CC.4#i.A.L.I]et Bassot Pierre, imprimeur qui: le 25 mai 1599, loue pour un an, au prix de 8 écus d’or, une chambre avec grenier «au 1 étage d’une maison située en rue tendant de l'Hôtel-Dieu à N° De | _ de Confort. » [ Buirin. not., À .B.] BIBLIOGR. Cf : Pouvoirs || et puissances de || Monseigneur de || Bellegarde, — 978 — qu'à sa mort, car, malgré les entreprises et l’expansion donnée à ses affaires, au moment même où elles paraîtront le plus assurées, il ne parviendra jamais, quoi qu’il fasse, à se débarrasser complètement de ses créanciers. Les archives notariales mentionnent enfin une dernière fois le nom de Foillet. À la date du 8 décembre 1576 « Irénée Boyvin, marchand ferratier, reconnait avoir reçu de Jacques Foillet, dit Le petit Jacques, compagnon imprimeur, absent, Catherin Bassot, compagnon imprimeur, payant pour lui, la somme de trois écus d’or.» Les documents que nous venons de citer ne nous per- mettent d'établir, ni la date d’arrivée de Foillet à Lyon, ni la durée de son séjour dans cette ville. La dernière mention de ce séjour est du 1‘ août 1576. I] y a lieu de supposer que ce fut le moment de son départ. Les compagnons imprimeurs travaillant presque tous au mois, ce qui s'appelait «estre em- bauchez », le petit Jacques venait donc de toucher son salaire. Pourquoi cet emprunt de deux écus d’or à un camarade, sinon, selon toute vraisemblance, pour couvrir ses frais de route et faire face aux débuts dans une nouvelle place ? Il avait indiqué le terme des «foires de la Toussaint » pour le règlement de sa dette à son logeur et le rembourse- ment à Catherin Bassot de son prêt. Cinq écus d’or au soleil étaient une somme relativement importante pour un simple compagnon imprimeur. Nous voyons que Foillet laissa pas- ser l’échéance et ne s’affranchit de sa double dette que le 8 décembre, date à laquelle Catherin Bassot, ayant recu. sans doute ce qui lui était dû personnellement, remettait à Irénée Boyvin, de la part de Jacques absent, les trois écus que ce dernier devait à son ancien hôte. Si Foillet envoie de l’argent à Lyon, les premiers jours de sieur de Termes, pre ||mier gentil[] homine de la chambre || du Roy, etc..." À Lyon{|Par Pierre Bassot || à l'enseigne de la Coquille d'Or, 1603. Cf: Baudrier : Bibl. lyon. du XVIIe siècle. 20 — décembre 1576, c’est qu'il l'avait gagné dans sa nouvelle place. Et, à son départ de Lyon, vers quelle ville aurait-il pu se diriger pour trouver du travail, sinon vers Genève qui, à cette époque, exerçait un si grand attrait sur les ouvriers lyonnais ? : Nous sommes arrivés à la période la plus féconde et'la plus brillante de la production typographique genevoise (1). Dès 1478, Adam Steinschaber de Schweinturth (Bavière), avait introduit l'imprimerie à Genève. Le premier hvre connu est le Livre des Saints-Anges, suivi d'ouvrages dont les plus intéressants sont écrits en français et traitent de sujets historiques ou divertissants. Puis, nous rencontrons comme maîtres imprimeurs : Louis Guerbin (1482), Jacques Arnol- let (1490), Jean Fäbri, de Langres (1481), Jean Belot, de Rouen (1498), Jacques Vivien (1517), Wigand Kohn (1593). Entre 1535 et 1600, se placent les années les plus glo- rieuses pour l'histoire de l’imprimerie à Genève. C’est le moment de la publication des ouvrages de Calvin, de Théo- dore de Bèze et des autres réformateurs: c'est celui où Robert (2), Henri et François Estienne 6) viennent s’y fixer et impriment leurs chefs-d’œuvre. Puis, ce sont les travaux considérables par le nombre, mais de beaucoup inférieurs (1) Cf. E.-H. Gaullieur. Etudes sur la typographie genevoise (Bulletin de l'Institut genevois, 1855, tome IT. (2) Robert Estienne, fils d'Henri, imprimeur à Paris, imprima à Ge- nève, dès 1551, le nouveau Testament en grec et en latin, puis, en 1552, la Bible, les Psaumes, etc. Il avait pour marque un olivier, avec cette de- vise : Noli altum sapere, sed time. Il mourut à Genève le 7 septembre 1559, âgé de 56 ans, après avoir déshérité ses fils Robert et Charles qui « étaient retournés à Paris et s'étaient pollués à la messe et autres su- perstitions de la papauté, » et avoir institué comme héritier universel, sous différentes charges, Henri, son fils ainé, le plus savant et le plus célèbre de la branche genevoise. Ce dernier mourut à Lyon en 1598. (3) François Estienne, dès 1562, a une imprimerie à lui et travaille surtout pour les libraires, de concert avec Jean et Estienne Anastase ses beaux-frères. On cite sa Bible in-8° de 1566-1567, ornée de vignettes sur bois. O8) — comme qualité à ceux des Estienne, qui sortent des presses de Jean Crespin d'Arras, venu à Genève en 1548 avec Théo- dore de Bèze, de Jean Durant, Jean Chouet, Conrad Badius, Chauvin, Estienne Anastase, Olivier Fordrin, etc. Les relations entre Lyon et Genève étaient nombreuses et il se faisait entre les deux cités un continuel échange d'ouvriers imprimeurs. Ceux d'Henri Estienne étaient fran- çais, pour la plupart, et joyeux compagnons. Nous les voyons mandés devant le Consistoire(l) comme objets de scandale. Le fait est qu'ils menaient dans la rigoriste Genève une vie assez libre, comparable à celle des étudiants. M. Louis Dufour-Vernes, archiviste d'Etat à Genève, qui a bien voulu, à notre intention, se livrer à de laborieuses recherches pour retrouver trace de Jacques Foillet dans cette cité, n'est arrivé à aucun résultat positif. Cependant, une délibération municipale de Besançon. en date du 10 mai 1588, dans laquelle il est question de Foillet et d’'Exertier, nous montre que l’un de ces deux imprimeurs passait alors pour avoir demeuré à Genève (2). Duquel des deux s'agit-il ? De Jacques Foillet très vraisemblablement, car ce dernier conserva toujours avec Genève des relations d’af- faires, comme nous le verrons plus loin. Foillet, en 1593, avait imprimé à Montbéliard, pour le compte de Samuel Crespin G) de Genève, le Corpus juris canonici. Sur les (1) Fondé par Calvin (1542), il avait dans ses attributions tout ce qui touchait à la morale publique, notamment la police de la presse. I] inter- vint à diverses reprises auprès du Conseil pour obtenir des mesures de rigueur contre les livres hostiles à la Réforme. En 1560, nous voyons ce dernier instituer une commission de trois membres, la Chambre de l’Im- primerie, chargée de faire respecter les ordonnances réglementant l'art typographique. : (2) Arch. municip. de Besançon, BB 40. « M. de Vergy [alors gou- verneur de Franche-Comté] a eu avis que l'un des deux imprimeurs a demeuré à Genève et à Bâle et en a été expulsé pour sa mauvaise vie. » Exertier et Foillet ont tous deux habité Bâle, comme nous le verrons plus loin. (3) Libraire, peut-être aussi imprimeur. Sacha du Doubs - Tome /X - 1905. ne DU . ne fu NW ÈS > ee + LL) NS Nr Le Comte Frédéric /1558-/608 / 2e 77 (l Rue Coll. Nardin. — 9281 — plaintes de Gérôme Gemusaeus(l) et Conrad Waldkirch (2), libraires à Bâle, le Magistrat de cette ville menaça Foillet, s’il ne détruisait les exemplaires, de lui retirer son droit de bourgeoisie. < | D'autre part, les relations de Foillet avec les imprimeurs genevois sont encore constatées par les registres du Consis- toire où nous relevons le passage suivant : « Le jeudi 11 de mai 1609, comparaissent Samuel Crespin et Samuel Boreau, par renvoi de nos très-honorés seigneurs, touchant : 1° le droit canon, imprimé à Montbéliard, auquel le dit Crespin a dû prendre part; 2 les livres qui s’impri- maient à Gex ; et 3° aussi des missels pour la foire de Franc- fort, qu'ils appellent des assortiments. Au premier répond que Jacques Foillet lui étoit débiteur de grandes sommes, et qu'il fit marché de l’achepter ; au second qu'il est vray que de ceux qui impriment à Gex les cours canon, 1l a promis quand ils seroient finis de le leur acheter ; quant au troi- _Zième, 1l se trouva dix exemplaires, parmi le fond qu’il | | | acheta de Paris, des missels. Il dit n’avoir vendu aucun livre ni contre l'Etat, ni contre les particuliers. Et le dit Boreau dit avoir eu part au quart du cours canon, imprimé à Mont- béliard, et avoir promis du papier pour imprimer les Décrets de Gratian à Gex, et de se payer soit en argent, soit en livres quand ils seraient parachevés d'imprimer. Que c'est (1) 2e fils de Hieronymus Gemusæus, médecin et philosophe, et de Sibylle Cratander. Il naquit en 1543 et mourut le 7 sept. 1610. Associé avec Polycarpe, son frère, et Balthazard Han, il exploitait l’ancienne offi- cine d'Oporin, déjà avant 1568 et dans la même maison, sous le nom d’Officina Oporiana. Cf. Dr Ch.-Chr. Bernoulli et Paul Heitz: Baster Büchermarken bis zum Anfang des 17 Jahrhunderts, herausgegeben von Paul Heitz mit vorbemerkungen und Nachrichten über die Basler drucker von D' Ch.- : Chr. Bernoulli oberbibliothekar in Basel. — Strassburg, 1895 (Heitz et | Mündel). (2) Aussi imprimeur, gendre et successeur de Pierre Perna, chez qui Jacques Foillet, comme nous le verrons, avait été ouvrier. + 980 un certain Chausson qui avait le nom de dresser la dite imprimerie à Gex. Avis a été qu'ils ne se présenteront point à la Cêne sans venir recognoitre leurs fautes (1). » Si aucun document ne nous permet d'établir d’une façon incontestable le passage et la durée du séjour de Jacques Foillet à Genève, un fait désormais acquis est celui de son mariage à Constance, très probablement en 1577, car, au mois d'août 1576, Foillet est encore à Lyon, et, dans le courant de 1578, nous le trouvons à Bâle, comme ouvrier, chez le maître imprimeur. Pierre Perna. La célébration de son mariage à Constance ne saurait, en effet, être mise en doute Les échevins de Besançon, à la date du 10 mai 1588, ainsi que cela résulte de la délibération municipale de cette ville, à laquelle nous avons déjà fait allusion, firent subir à Jean Exertier et à Jacques Foillet, tous deux imprimeurs nouvellement arrivés à Besançon et _ soupçonnés d’hérésie, un interrogatoire des plus sérieux. Ceux-ci, pour s’attirer les bonnes grâces des Bisontins, leur déclarèrent que leurs femmes, prises à Constance, apparte- naient à la religion catholique (2). Jean Exertier et Jacques Foillet, tous deux compagnons imprimeurs et amis, avaient épousé dans cette ville, le pre= mier Maria Montbrot, le second Marguerite Montbrot. qui étaient les deux sœurs. Malheureusement la disparition des registres de l’état civil ne nous permet pas de fixer la date exacte de ces mariages. | Jean Exertier était né à Arbin (3) (Savoie). Les tentatives 7 (1) Document cité par Gaullieur. (2) Arch. municip. de Besançon BB 40. «Ils ont pris tous deux femmes en la ville de Constance catholiques. ». Réponse des cogouverneurs à M. de Vergy. (3) Arbin, canton de Montmélian, arrond. de Chambéry; et non Arby ou Arly comme certains l’ont prétendu. Arly est un hameau de deux, maisons, dépendant de la commune de Mieussy, arrond. de Bonneville — 283 — que nous avons faites pour nous renseigner sur sa vie avant son séjour à Bâle, où nous allons bientôt le retrouver, n’ont pas abouti. Nous ne savons rien non plus au sujet de Maria Montbrot, la femme qu'il épousa. En ce qui concerne la sœur de cette dernière, Marguerite Montbrot, épousée par Jacques Foillet, nous savons qu'avant son mariage elle était servante. L’inventaire des biens de Foillet que nous exa- minerons à sa place, nous apprend que c’est avec les éco- nomies de ses gages qu’elle acheta le lit nuptial. Il résulte du même document qu’elle avait un frère, Gaspard Mont- brot, habitant Weinfelden, canton de Thurgovie, à peu de distance de Constance, lequel décéda avant 1619, et dont elle hérita partiellement. : Pensant que les sœurs Montbrot ou Mundprot, car on trouve les deux formes, pouvaient appartenir à la famille des Muntprât, autrefois prospère dans la Suisse orientale, nous avons exploré les archives de Constance, de Saint- Gall et de Frauenfeld, mais d’une manière infructueuse. Nous n'avons pas été plus heureux à Weinfelden, où nous espérions retrouver trace dé Gaspard Montbrot, beau-frère de Jacques Foillet. Les registres de paroisses et les livres de fondation ont été vainement consultés. Nous n'avons découvert au sujet des Muntprât que la note suivante dans un inventaire : « JJ. 1518 ; lundi après la St Antoine, un des messieurs Muntprat contre la confrérie ; lettre de censive oubliée, 25 fr. »:; et, dans un rôle de comptes : « Jakob Munbradt, une terre à labourer par deux bœufs au-dessus de la Wiese et au-dessous des tombeaux.» Aussi bien, la (Hte-Savoie). Les recherches dans les registres de baptême, déposés à la cure de Mieussy, n’ont pas donné de résultat pour la naissance de Jean Exertier. : Quant aux archives paroissiales d’Arbin (Savoie), elles ne remontent pas au-delà de 1631. ee Le nom d'Exertier est porté encore par un certain nombre de personnes dans le pays. — 284 — seigneurie de Weinfelden passa en 1556 des Muntprât à Jacques Fugger d’Augsbourg, comme en témoigne la chro- nique de Weinfelden. Selon les livres de taxes de Constance, il v avait, il est vrai, au moment présumé du mariage des compagnons imprimeurs Exertier et Foillet, une famille Muntprat dans cette ville, mais il s’agit des Muntprat de Spiegelberg, dont les revenus allèrent sans cesse en augmentant dans le cours du xvi° siècle. Marguerite Montbrot, épouse de Jacques Foillet, était servante. Cette humble condition, d’après M. le D' A. Mau- rer, de Constance, qui a bien voulu nous donner son opi- nion à ce sujet, doit faire écarter l’idée d’un lien de parenté entre Marguerite Montbrot et les Muntprat de Spiegelberg, car, vu leur orgueil, une servante portant leur nom et appartenant à leur famille, n'aurait pu être supportée à Constance. Bien des points intéressants de la vie de Jacques Foillet sont jusqu'ici demeurés obscurs. Sur sa jeunesse, sur son séjour à Lyon, à Genève et à Constance, les renseignements que nous avons obtenus n’ont pas toujours la précision que nous espérions rencontrer. Nous sommes parvenus cepen- dant à établir, après avoir fixé la date de sa naissance à Tarare, que Jacques Foillet, ayant terminé son apprentis- sage, était compagnon imprimeur à Lyon en 1576, et à déli. miter son séjour à Genève et à Constance où il se marie, entre les années 1576 et 1578 _ Dans les pages suivantes, nous allons le retrouver à Bâle, où cette fois des documents nombreux nous permettront de suivre désormais son existence, pour ainsi dire au jour le jour | La période incertame de la vie du petit Jacques est passée. rose CHAPITRE II. JACQUES FOILLET A BALE (1578-1586) La ville de Bâle est fameuse aux xve et xvie siècles par ses impressions. Un ouvrier de Guttenberg, Berthold Rot, de Hanau, y avait introduit, vers 1460, l’art typographique. Après lui, nous voyons s'ouvrir les célèbres ateliers des Petri, des Amerbach, des Froben, des Herwagen, des Oporin, et de tant d’autres artistes savants et habiles, dont les édi- tions sont remarquables par la correction et l'excellence de l'exécution (1) Enfin, nous arrivons aux contemporains de Foillet, aux imprimeurs Thomas Guérin, Vaugris, Episcopius et Pierre Perna, qui, marchant sur la trace de leurs aînés, conservèrent à la ville de Bâle sa brillante réputation. Aux xve et xvi° siècles, la plupart des imprimeurs étaient des lettrés, des philologues, connaissant admirablement les langues grecque et latine et jouissant d’une grande considé- ration parmi leurs concitoyens. C’est ainsi que Froben, © —— ——————— ——— ——— —————— —— ——————————— —"————— —————— ————— ————— ——— ————— ———— (1) Jean Froben, né à Hermelbourg (Franconie) en 1460 et décédé en 1527. Il fit ses études à Bâle où il rencontra Jean et Adam Petri, im- | primeurs franconiens, et Jean Amerbach chez lequel il entra comme | | | | | | | 11 correcteur Il imprima, à partir de 1494, tantôt seul, tantôt en société, avec Jean Petri ou avec Amerbach. Gertrude Lachner, sa veuve, se remaria | avec, l’imprimeur Jean Herwagen. La fille de Froben, Justine, épousa | Nicolas Episcopius (1501-1564). Son fils, Jérôme Frobeh (1501-1563) et | Épiscopius, son gendre, lui succédèrent. Ami d'Erasme, d'Œcolampade et d’Holbein, Froben fut qualifié de | Cprinceps typographiæ Basiliensis. » — Jean Oporin, né à Bâle le 25 janv. 1507, décédé en cette ville le 25 janv. 1568, s'associa avec son parent Robert Winter et ensuite avec | Pierre Perua (1566), le patron de Jacques Foillet. 9960. Oporin et d’autres imprimeurs bâlois, furent inhumés à la cathédrale ; et, aujourd’hui encore, on peut voir leurs pierres tombales, à côté d’Erasme, de Grynaeus et d'Œcolampade. Arrivée à Bâle de Jean Exertier et de Jacques Foillet. — Le D' Geering, dans son intéressant ouvrage sur le Com- merce et l’Industrie de Bâle, remarque que les imprimeurs bâlois, presque toujours d’origine étrangère, recrutaient leurs ouvriers de préférence dans le pavs welsch, c’est-à-dire dans les contrées de langue française. « C’est ainsi, écrit-il, que Guarin fit venir en 1579 Jean Exertier de Genève et Jacques Foillet de Lyon (1). » La date fixée par le D' Geering est erronée, Jean Exertier est signalé à Bâle dès 1575 et Jacques Foillet dès 1578. Nous lisons dans le Livre de la Corporation du Safran (Sufranzunft) la note suivante concernant la prestation de serment d'Exertier : « 1575. Dimanche le 3 juillet ont prêté serment ceux dont les noms suivent... Jean Exertier d’Arby…. Jacques Cler de Montbéliard. ceux-ci se trouvent chez Ulrich Zessinger (2). » Jean Exertier, que nous voyons en juillet 1575 au service de Zessinger, en même temps qu’un Jacques Clerc de Mont- (4) « Gleich den Seidenwebern haben auch die fremden Drucker ihre. Knechte mit Vorliebe aus Welschland nachgezogen, so Guarin 1579 den Joh. Exertier aus Genf und den Jac. Foillet aus Lyon. » (Handel und Industrie der Stadt Basel, aus den Archiven zusammengestellt von Dr Frangott Geering, Basel, 1886, Félix Schneider, p. 449). (2) «1575. Auff Sondag den 3 Julyuss Synd in Eyd genomen worden dysse noch geschrybnen wye folgtt... Hans Exortrier von Arbye... Jaques Clerc vonn Mympellgartt.. dysse Synd bim Ulrich Zessinger. » (Gesellenbuch Sderafranzunft. Staatsarchivs. Basel). Zessinger, patron d’Exertier, avait été admis, en 1563, à la Corporation du Safran. Ra | 081 béliard, entre plus tard dans l'atelier de Léonard Ostein où le Livre du Safran nous révèle sa présence à la date du 29 décembre 1577 (1). Jacques Foillet, en 1578, est ouvrier imprimeur à Bâle, chez Pierre Perna. Voici également la note que le .même Livre consacre à son serment : « 1978. De même suivent les ouvriers qui ont prêté serment le jour du serment : En 1578, les suivants. Jacques Foillet de Lyon au service de Pierre Perna (2). » Ce Pierre Perna, patron de Jacques Foillet, était né à Lucques (ltalie), avant 1522. Ayant embrassé la Réforme, il s'était réfugié à Bàle où nous le voyons immatriculé à l’Uni- versité en 1542. Il entra en qualité de maitre imprimeur dans la Corporation du Safran, le 14 novembre 1557, le même jour que son collègue Thomas Guérin, Il s’associa d'abord avec Henri Petri en 1561, puis avec Oporin, en 1566 (2), (1) « 1577. — 29 December anno 1577. Janus Echertier de Alby In Sauoy... by Lienhart Ostein. » Doc. cit. Ostein fut admis, en 1564, à la Corporation du Safran. (2) « 1578. Item folgend die dienst sof uff den schwer dag Inn den Eyd Synd genomen worden : Im 1578 Jor wie folgtt... Jacob Fuellet von Leyonn dientt beim petter bernna. » Le nom de Foillet est orthographié de multiples façons aux Archives de Bâle et dans les registres de l'état civil, au Domhof. Voici les diffé- rentes formes que nous avons relevées : : Foillet — Foiet — Foilliet — Folliet — Folet — Folé — Koelei — Foullet — Faillet — Fiolet — Fuliedt — Fuellet — Foyellett. A l'état civil de Tarare, on trouve : Foillet — Folliet — Floiglet. (3) Marié avec Jeanne Verzaska, il eut trois enfants : 1° Lelius, baptisé le 30 août 1563. 20 Peter, époux d’Aurelia Muralt. Imprimeur comme son père, il ha- | bitait vers 1610 une maison du faubourg Saint-Jean. Il mourut le 6 mai | 1636. | 3 Laura, épouse de l’imprimeur Conrad Waldkirch, décédée en 1582, 19 jours après son père. Ce Conrad Waldkirch, successeur de Pierre Perna, est un des ancêtres de la famille Bernoulli, à laquelle appartient | Mc a Son atelier était situé au faubourg de la Croix (aujourd'hui faubourg St-Jean) tout près de l’imprimerie d'Eusèbe Epis- copius (1). Au service de ce maitre habile, Jacques Foillet augmente ses connaissances techniques. À cette époque, on estimait que pour bien posséder son métier, l’ouvrier devait l’avoir vu pratiquer et l'avoir pratiqué lui-même dans différents pays. Foillet avait travaillé à Lyon, à Genève, sans doute aussi à Constance. Son entrée chez Pierre Perna à Bâle fut son dernier stage préparatoire à la maîtrise. Réception à la bourgeoisie de Foillet et d’Exertier. — Mais avant de parler de sa réception comme maitre imprimeur, nous devons insister sur un fait important qui se place dans sa vie quatre Jours seulement avant cette réception. Jean Exertier et Jacques Foillet qui sont devenus beaux- frères par leur mariage à Constance devaient à ce moment (1579) être assurés d’une position stable. Ils demandent à M. le Dr Ch.-Chr. Bernoulli, conservateur actuel de la Bibliothèque de Bâle. C’est à ce dernier que nous devons cette obligeante communication Pierre Perna, mort à Bâle le 16 août 1582, avait deux marques d’impri- merie : 1° un hibou perché sur un vase renversé; 2 une femme debout portant une lampe de la main droite et un bâton de la main gauche, avec cette devise : Lucerna pedibus meis verbum tuum. (Psaumes 118, verset 105). Il a imprimé un ouvrage du médecin et philosophe montbéliardais, Nicolas Taurellus, les Annotations sur quelques livres d'Arnauld de Villeneuve, Bâle, 1585. La Bibliothèque de Besançon renferme plusieurs livres sortis de ses presses. Cf sur Pierre Perna : le D.-M. Manni, Vita di Perna, Lucques, 1763, in-& ; 20 Beiträge zur Basel buchdruckergeschichte, von Stockmeyer et Reber, petit in-4o, Basel, 1840 (Arch. de Bâle) ; 30 Bernoulli et Paul Heïtz, op. cit. ; 4 Histoire manuscrite de l'imprimerie à Bâle, par J. Schweighauser, écrite à la fin du xvirie siècle, à la bibliothèque de Bâle. (1) Archives de Bâle. Livre des ventes (Fertiqungsbuch) : « Le 28 août 1581. on vend une maison dans le faubourg de la Croix, le long du Rhin, entre les imprimeries d'Eusèbe Episcopius et de Pierre Perna. » — 989 — acquérir le droit de bourgeoisie, et nous voyons que les deux camarades sont reçus le même jour. « Mercredi, 23 décembre de l’année 1579, a été reçu comme « bourgeois Jacques Foillet imprimeur, de Tarare, aux envi- « rons de Lyon. Il prêta le serment habituel. Dans un délai «de six semaines il doit produire une attestation quil est « affranchi (mot à mot: qu'il n’est pas serf). — «Le même jour, a été reçu Jean Exertier d’Arby, aux « environs de Genève, aussi imprimeur, et il prêta le ser- « ment habituel, etc... (1) » Le 27 décembre, Foillet et Exertier entrent dans la Safran- zunft ou Corporation du Safran, à laquelle étaient affiliés Les imprimeurs. Mais il est bon de s'arrêter ici quelques instants pour examiner l’origine, l’organisation et le fonctionnement de cette corporation du Safran qui existe encore de nos jours à Bâle, et à laquelle Foillet et Exertier vont se présenter. La Corporation du Safran. — Fondée au xui° siècle, à l'époque de Rodolphe de Habsbourg, cette corporation qui groupait les marchands en détail (Krämer), s'était d’abord intitulée corporation du gingembre, puis corporation du poivre, enfin, depuis 1372, corporation du safran, emprun- tant son nom définitif à cette denrée qui constituait au moyen-âge un des principaux articles du commerce de détail La « Safranzunft » avait un caractère particulièrement dis- tingué et se différenciait des corporations similaires, en ce. (4) « Mittwoch den 23 December anno 1579. Ist Jacob Foullet vonn Tarara Lyoner gebiets der truckler zun burgern angenomen worden, et jurauit more solito. soil Inerthalb 6 wuchen ein schyn daz er nit lybeigen furbringen. — Eodem Ist Johannes Exdetide von Arbye unner vonn Jennff der truckler zun burgern angenomen worden et jurauit more solito. » (Ar- chives de Bâle. Oe/fnungsbuch IX, p. 64). Vor.-9. 19 — 990 — que ses conseillers ne portaient pas, dans le langage offi- ciel, le nom de Maître (Meïister), comme dans les autres sociétés, mais celui de seigneur (Herr). Les fleurs du safran décorent aujourd’hui encore son écusson. Sans nous étendre sur la participalion qu’elle prit aux affaires publiques, faisons remarquer en passant que, dès 1337, un représentant de la corporation, appelé Seigneur Conseiller (Ratsherr), siégeait au Conseil de la ville et que, dès 1882, son Maître y fut également délégué. | La « Salranzuntft », comme les autres corporations, assu- rait l’ordre, la police et la sécurité de la cité. En cas d’expé- ditions guerrières, elle fournissait un contingent d'hommes armés. Elle avait aussi dans ses attributions la protection des veuves et des orphelins des compagnons défunts et la surveillance des tutelles (1). Le Seigneur Conseiller (Ratsherr), le Maitre [Meister), et les Six (Sechser) formaient le Comité de Direction de la com- pagnie (Vorstandt der Zunft) qui était nommé pour un an. Le Seigneur Conseiller ne siégeait guère au Comité qu’à ütre honorifique. Il était élu d’ailleurs par le Conseil de la cité, tandis que l’élection du Maitre et des Six était du res- sort de la corporation. À l’origine, cette élection était faite par tous les membres de la société sans distinction. Mais dans la suite, les Six sor- tants nommèrent chaque année leurs successeurs. Sortants et nouveaux élus, assistés d’un petit nombre d’électeurs pris dans la communauté, élisaient le nouveau Maitre. Cette opé- ration s'appelait « renouvellement de l'Administration » (Regimentserneuerung) et s’accomplissait avec la mème solennité que l'élection du Conseil de la cité. Le mème dimanche de juin, après qu'avait eu lieu sur la place Saint- (1) CF. Sur l'histoire de la Safranzunft : D' Rudolf Wackernagel. Mit- Leilungen aus der Geschichle der Safranzunft zu Basel. — Basel, 1902 Les détails que nous donnons ici sont extraits de cet intéressant ouvrage que nous regrettons de ne pouvoir analyser plus complètement, — 991 — Pierre la présentation au peuple de ce dernier Conseil, les compagnons se réunissaient à midi dans la grande salle de l'hôtel du Safran. Les Six, siégeant dans un petit cabinet, envoyaient le Maitre inviter l'assemblée à prendre patience (patientiren). Dès que le nom du nouveau Maitre était pro- clamé par eux, le Maître sortant plaçait sur la tête du nou- vel élu la « petite guirlande (das Kränzlein), splendide cou- ronne d'honneur, qu’on peut voir encore aujourd'hui au Musée historique de Bâle. La communauté devait se réunir régulièrement quatre fois par an, mais elle se réunissait plus souvent. La corporation avait deux employés : le Valet de salle (Stu- benknecht) qui prenait soin du local de la société et s’occu- pait de la cuisine et de la cave, et le Grand Valet (Oberknecht), toujours choisi parmi les maîtres artisans les plus consi- dérés et dont l’emploi était fort important. Il n’avait d'ordre à recevoir que du Seigneur Conseiller et du Maitre. C’est lui qui convoquait les compagnons aux assemblées et pour le service de la garde ; qui détenait les clefs de la poudrière, vérifiait les poids et mesures, portait la petite bannière, en l’absence du Maitre, à l'endroit de la place où la corporation, en cas d'alarme, avait son rendez-vous ; il rangeait l’argen- terie dans les banquets, etc... Le Grand Valet portait un habit aux couleurs corporatives, couleurs qui, déjà en 1535, étaient le brun et le vert. Cet habit restait la propriété de la Société et suivait la fonction, En 1617, on douna au Grand Valet, Liénart Zessinger, qui fut le patron de Jean Exertier, une somme de 20 écus pour se faire confectionner un habit neuf avec revers en soie, celui qu'il avait reçu étant « vieux et rapé ». La « Safranzunft » comprenait plus de vingt-cinq corps de métiers (1) Nous en citerons quelques-uns : les pharmaciens, les droguistes, les papetiers, les imprimeurs, les chapeliers, (1) Alte Registratur des Staatsarchivs n° 13-24. — 992 — les bonnetiers, les passementiers, les g'antiers, les fabricants de bas, les boutonniers, les tanneurs, les parcheminiers, les teinturiers, les aiguilletiers, les ferblantiers, les peigniers, les brossiers, les perruquiers, les ceinturiers, etc. Commelefaitjustementremarquerle D' Wackernagel,archi- viste à Bâle, aussi obligeant qu'érudit, ce n’était pas une tâche facile pour la « Safranzunft » et son Comité de Direction de mettre de l’ordre dans des métiers si nombreux et si divers, d’apaiser les conflits et de rendre possible à tous une vigou- reuse prospérité, en assurant en même temps un contrôle permanent sur un commerce aussi étendu. Il ne faut pas oublier que le Comité de Direction avait l'inspection des épices (condiments, drogues, etc.), ainsi que la vérification des poids et mesures employés tant par les compagnons que par les marchands forains (1). La corporation du Safran, sous sa forme primitive, avait été une confrérie religieuse de bienfaisance. Elle tenait ses offices spéciaux dans la chapelle Saint-André ; mais, à partir de la Réforme, elle devint surtout commerciale. Il y avait au local de la « Safranzunft » une buvette (Trinhkstube), où ses membres pouvaient se réunir, amener des amis, jouer, manger et boire, célébrer des fêtes en com- mun. Les maitres de salle (Stubenmeister) veillaient à lob- servation des règlements (2); dans les fêtes solennelles, ils faisaient le compte des consommations et fixaient à chacun le montant de son écot. De là, le nom de maïtres des écots ({rtenmeister) qui leur est souvent donné. En temps ordi- naire, le valet de salle et ses aides le remplaçaient. (1) La dernière vérification, faite à l’hôtel du Safran, est de décembre 1837. Le 1° janvier 1838, le décret suisse sur les poids et mesures entra en vigueur. (2) Ces régleiments, dont le plus ancien remonte à 1372, sont excessive- ment curieux. Il était défendu d'entrer dans la salle sans culotte, à moins d’avoir un long habit qui cachât les jambes... Une croix, dessinée au nur, marquait la limite assignée aux joueurs de cartes. Cf. Wackernagel, op: cit. p.21. — 293 — Dès le xvire siècle, on délaissa la buvette pour les caba- rets ordinaires. Il n’y eut plus guère de réunions qu’à locca- sion des grands banquets officiels : au nouvel an, le mer- credi des Cendres, à la Saint-Jean, etc. Les couverts et la plupart des services de table en argent furent fondus dans le cours du xvin® siècle ; il n’en reste que quelques pièces. Le terrain sur lequel s'élève aujourd’hui Phôtel de la cor- poration, est la propriété du Safran depuis cinq siècles. L'hôtel construit après 1493 (date de l’acquisition du ter- rain), subsista jusqu’au milieu du xix° siècle dans ses dispo- sitions générales : deux bâtiments séparés par une cour intérieure. Au rez-de-chaussée, la cuisine et une vaste salle de danse, pour servir au mariage des compagnons ; à l'étage, la chambre des Seigneurs, pour les séances et les banquets du Comité, la salle de la Corporation ornée de glaces et de lustres, décorée de magnifiques peintures, puis la salle du trésor et des archives, la salle d'armes... En 1701, on cons- truisit la grande porte d’entrée ; en 1850, on couvrit la cour d'un toit de verre, et le corridor qui reliait les deux bâti- ments fut transformé en salle à manger. Nouvelles transfor- mations en 1870, où l’on fit au rez-de-chaussée une salle de restaurant. Enfin, en 1888, le bâtiment fut élevé d’un étage et on profila des travaux pour exhausser le plafond de la salle de la Corporation. ‘Admission de Foillet et d’Exertier à la Corporation du Safran comme maîtres imprimeurs. — C’est dans cet hôtel que le 27 décembre 1579, Thomas Guérin (l), l’un des plus (4) Thomas Guérin, né à Tournai en 1529, se rendit d’abord à Lyon pour y travailler du métier d’imprimeur. Ayant embrassé la Réforme, il fut obligé de se réfugier à Bâle en 1557. Il y épousa Elisabeth Isengrin. Reçu bourgeois de la ville, le 3 novembre 1557, il entra le 14 du même mois dans la Safranzunft, en même temps que Pierre Perna, d’origine italienne, futur patron de Foillet. La pierre tombale de Guérin, décédé le 6 mai 1592, se voit encore dans — 00 habiles imprimeurs de Bâle, présentait au Comité de Direc- ton de la « Safranzunft » Jacques Foillet et Jean Exertier. Les actes de leur réception sont inscrits au registre d’im- matriculation de cette importante corporation, registre con- servé aux archives de Bâle. Ils offrent assez d'intérêt pour que nous les traduisions ici, car ils étabiüssent que Foillet et Exertier ne sont plus compagnons, ils ont acquis la mai- trise et sont qualifiés de « Drucker Herr, » « Le dimanche 27 décembre 1579, par devant le Seigneur Conseiller, le Maître et les Six, a comparu le modeste Jacques Foillet, et avec lui, Seigneur Thomas Guérin, et demande que ces gracieux Seigneurs veuillent être assez bons de le laisser entrer dans la vénérable corporation, A sa demande amicale, les gracieux Seigneurs l’ont accepté. On lui a dit comme à tout autre qu'il devra servir les grands et les petits. Fait sous les auspices de Mathieu Büchel, pré- sident de la corporation. il paie 10 livres 3 sols (1). » le cloitre de la cathédrale de Bâle, à côté de celle de Jérôme Froben, un de ses plus illustres confrères. La bibliothèque de Besançon possède plusieurs livres sortis de ses presses, entre autres le n° 1983 du Catalogue des Belles-lettres : Lud. Masurii Nervii poemata, Basileae, Th. Guarinus, 1574, in-12, parch. et Jo. Jac. Boissardi Vesuntini poemata. (relié avec les poèmes de Des Mazures). Ce petit recueil de poésies latines est le premier ouvrage publié par notre compatriote Jean-Jacques Boissard. (1) Jacob Foillet von Tarare In Lionischer gebiett Drucker Her. — Auff Sontag den 27 December 1579 ist Erschinnen vor Rotz her, Meister und Sex der Bescheiden Jacob Foillet und mit Im Her Thoma Guerin und Begert Min G [nädigen| Herren wellend so guetig sin und Ime disse Erhen Zunfft Empfachen lossen, uff Sein Frundtlich Begeren hand Im Min. G. Herren zu disser Ehren Zunfft Kommen lossen. Er wirt auch Hoch und nider diennen, Im ist auch geseit worden, wie eimandren under Herr Mattheus Büchel disser Zitt Meister, Zalt 1b. 10, s. 3 (Archives de Bâle. — Safranzunft : Eïintrittsrodel, II, n° 25, p. 162 b). « Servir les grands et les petits ». Cette formule se retrouve dans tous les actes d'admission à la corporation. — 995 — L'acte de réception de Jean Exertier est rédigé dans les mêmes termes. On y voit que ce dernier ne parlait pas la la langue allemande (diewil gemelter Johan der s< 73"m, représente un prêtre disant la messe, ac- compagné du pape, de cardinaux et d’archevêques. Pas d’i- nitiales de graveur, mais au bas et à gauche de l'autel, on lit la date de 1529. La seconde estampe, de la grandeur de la page, se trouve à la tête de la Préface commune, feuillet 213 vo, Elle a pour sujet le Christ en croix; la Vierge et saint Jean se tiennent debout de chaque côté. Vers le bas, à droite, la marque du graveur que nous n’avons encore pu déterminer (1). Avant de parler des grandes lettres grises, citons encore plusieurs petites vignettes sur bois, 61 << 54", d’une assez jolie exécution, notamment celle du Dimanche des Rameaux, représentant l'entrée de Jésus à Jérusalem, p. 82 vo; puis, dans la semaine sainte : Jésus trahi par Judas, pp. 85 vo et 89 v° : Jésus portant sa croix, p. 90 vo; plus loin, Jésus présenté à Hérode, p. 95, etc. Le Missel est particulièrement intéressant par ses nom- breuses Initiales ornées et historiées se rapportant à plusieurs alphabets différents. Nous ies classerons sous les désigna- tions suivantes : 1° Les pelites Initiales ornées, composant l’alphabet dit des génies ; 20 Les grandes Iniliales historiées, comprenant deux types : a) les Initiales ordinaires ; b) et les lapidaires. 9° Enfin deux autres alphabets de lettres plus petites, 19 >< 19mm, ornées de fleurs ou accompagnées d’enfants nus, genre Holbein. | (1) Elle ne figure pas dans l'ouvrage de Nagler « Die Monogram- misten ». Soc. d'Émul. au Doubs. Tome IX — 1905. | PIX. MISSALE DES VON TINVM EX ROMANO IVXTA Ss. CONCILII TRIDENT. DECRETVM RE- cogaito,quoad fieri potuit,reftitucum, EtR.” D. FErDiN4anxpr 4 RrA ARCHIBPISCOPI Bifhntins juffn editum, BISVNTII Per lanum Exerterium & Tlacobum Foillet, metropolis Bifuntinæ Typographos. Anno DomiInNir M D. Lxxxix. CVM PRIVILEGIO. Frontispice du Missel de Foillet et d'Exertier ( Réduction au /4 ) 2 à # | #4 d'Émul. du Doubs - Tome IX. — 1905.— PI.XIV. In conuerfione S. Paul Poftcommunio. À du&fumus dôrnine De’ | 2 vtficut fanctorum | tu0rum temporali gratulamur | officio:ita perpetuoletémur à- | fpectu Per déminum. | adfynagôgas, fechuius vix: vinétos perdü Et cum iter fa |appropinquä fubito circuni cœlo:&ccaden uit vocem dic | Saule; quid Quidiit. Qt ile. Ego fun perféqueris. L tra ftimulum mensacftupe FPE cé 4 , 4 4 à CG Le “] % Æ à IN CONVERSIONE| SANCTIPAVLIAPOSTOLI.| Introitus. = EST] Cio cui crédi | AU di, &ccertus | | quid mevis fa QAR EE fumaquiapo-| |adeum.Surge AVI VERS TE censeft depo! luitatem: & di #4 feruarein1llu | DER diem. Ver. aeft mih co- | opotteat face | quicomitaba R ftupefaë Idem vocem Spécimen d'impression du Missel CEE D — 391 — Examinons ces différentes catégories de lettres. 4° L'Alphabet des Génies, employé pour les petites imitiales, 27>< 272%, est un travail bâlois (Gg: n° À et n° 2, pl. XV). C’est un des plus beaux du temps après ceux d’'Hol- bein. Dès 1540, nous rencontrons ce type de lettres dans les impressions de Jean Herwagen ; puis, les années sui- vanies, chez Froben, Winter, Bebel et Oporin ; enfin chez Jérôme Curio en 1544. Il n’y a rien d'étonnant à voir tant d'imprimeries bâloises employer cet alphabet. On sait qu'il était d'usage à cette époque de se prêter les bois d’une officine à lPautre : cela était d'autant plus facile que la plupart des typographes étaient parents (1) ; rien n’était plus commun que les ma- riages entre les membres de la corporation. D'autre part, nous ne devons pas être surpris de voir figurer dans le Missel d’Exertier et de Foillet plusieurs bois prove- nant de l’ancienne imprimerie d’Oporin. En effet, Oporin, dès 1566 et jusqu’à sa mort en 1568, fut l'associé de Pierre Perna, auquel il apporta son matériel. Or, Pierre Perna n’avait-il pas eu Jacques Foillet à son service comme com- pagnon imprimeur ? Ce dernier qui connaissait ces bois, sut donc où les trouver lorsqu'il en eut besoin en 1589. A cette date, Pierre Perna était mort depuis sept ans, mais son atelier avait passé aux mains de son gendre, Conrad Wald- kirch. 90 a) Les Initiales ordinaires représentent des scènes bibli- ques. Les premières lettres de chaque messe sont toutes renfermées dans de petites estampes, 39 <40"", tirées de PAncien Testament (fig. n°3 et n° 4, pl. XV). Ainsi la (1) Ainsi la veuve de Jean Froben se remaria avec l’imprimeur Her- wagen. Les fils de Froben, Jean et Jérôme, s’associèrent et continuérent . la profession paternelle. Robert Winter, lui aussi, fut un moment associé avec son parent Jean Froben. — 398 — lettre À montre Adam et Eve dans le paradis, avec la scène de la pomme ; B, le meurtre d’Abel ; C, l’arche de Noé ; D, la construction de la Tour de Babel ; , le sacrifice d’Isaac ; , l'échelle de Jacob ; , Pharaon englouti dans la mer Roue , Les Israélites recevant la manne dans le désert ; , les envoyés de Moïse rapportant le raisin du pays de Chanaan ; T, l'arche de l'Alliance ; V, la prise de Jéricho, etc. Grâce à l’obligeance de M. Kægler, nous avons eu la bonne fortune de retrouver certaines de ces [nitiales dans les ateliers typographiques de Bâle. Aïnsi le D apparaît dans les impressions bâloises entre 1597 et le milieu du xviI° siècle. L’A également. Ces deux lettres sont particu- lêrement employées dans les travaux de l’officine de Jean- Rodolphe Genath et de celle de Jacques Genath en 1650. Comment ces grandes f[nitiales sont-elles passe dans l'atelier des Genath ? On a vu qu'Exertier, demeuré quelque ue à Besançon après l'établissement définitif de Foillet à Montbéliard, les avait conservées dans son officine, puisque l’une d’entre- elles, la lettre R, réapparait dans la Rhétorique de Camera- rius imprimée par lui à Besançon en 1591. Exertier les emporta certainement avec lui à Bâle. | Or,nous voyons que la maison de Bâle, le n° 25 du faubourg M de Pierre actuel, propriété commune à Foillet et à Exertier, | ee) 74 (pt fut vendue aux enchères le 21 avril 1608, peu après la mort M de ce dernier, sur les poursuites de François Castillon: Cette maison fut adjugée précisément à Jean-Jacques Genath, bourgeois de Bâle, qui épousa la même année Justine Lien=" M hard, veuve de Jean Exertier. — 9399 — Le Grundbuch de Bâle nous apprend que Jean-Jacques Genath, alors qualifié d’imprimeur, habitait encore cette maison en 1636. D'un autre côté et auparavant, dans un acte du tribunal de Bâle du 31 juillet 1600, autorisant les frères Felz de Saint-Gall à poursuivre, en remboursement d’une créance de 501 florins, la mise aux enchères de l'immeuble appar- tenant à Foillet, n° 25, faubourg de Pierre, nous lisons cette phrase : « ... ont demandé la mise aux enchères de la mai- son et cour du dit Foillet ainsi que de l'imprimerie... ». Or, à ce moment, Foillet habitait Montbéliard, comme du reste l'acte l'indique. Ce n’est donc pas de son imprimerie à lui qu'il s’agit, mais bien de celle de son co-propriétaire, Jean Exertier. Il est donc à peu près certain que Jean-Jacques Genath acheta en 1608, non seulement la maison, mais encore le matériel de l'imprimerie d’Exertier, récemment décédé, et dont il épousa la veuve. Aussi bien les Genath et les Exertier étaient parents, comme du reste la plupart des imprimeurs bâlois de cette époque. Nous voyons un fils d'Exertier, né de son second mariage et nommé Jacques, entrer, le 19 juillet 1628, dans la Ccrporation du Safran, présenté par son cousin, Bartho- lomé Genaih (1). Tous ces faits nous font comprendre comment certaines grandes fnitiales du Missel bisontin de 1589 réapparaissent plus tard dans les impressions bâloises du milieu du xvir siècle. 2° b) Les Lapidaires, 43 >< 44m, sont très belles (Nos 5 et 6, pl. XV). Placées, en général, au commencement de chaque messe, elles sont ornées d’un sujet tiré de la fable ou de l’histoire, ainsi : (1) Archives de Bâle. Safranzunft. Einttrisrodel, IT, n° 26, p. 74h. — 9360 — B, représente Hercule combattant l’'hydre de Lerne (messe ae Saint Michel, p.327). E, Hercule enfant étouffant des serpents (pp. 150, 264 vo, oo) G, Aristote, par complaisance pour la maitresse d'Alexan- dre, se laisse museler et monter par elle (m. de Sainte Anne, p. 292 ; m. de l’Assomptlion, p. 311 vo) (1). N, Xantippe jetant un vase d’eau sur la tête de Socrate (m. de Saint Pierre, p. 297 vo). O, Hercule soutenant le monde sur ses épaules (m. de Saint Mathieu, p. 324). P, Diogène dans son tonneau priant Alexandre de s’é- carter de son soleil (m. de Saint Marc, p. 257 v°). S, Apollon poursuivant Daphné changée en laurier (m. de Saint (rordien, p. 264). V, Bellérophon monté sur Pégase (m. des Suinis Ferréol et Fiérjeusx. ip. 27410). Toutes ces initiales, d’une exécution soignée, sont un travail bâlois de la première moitié du xvre siècle. M. Kœ- gler nous a signalé la lettre S dans l’officine de Robert Winter dès l’année 1543, et en particulier dans l'ouvrage suivant : ( D. Epiphanii Episcopi Constantinæ contra octo- ginta Haereses opus, panarium sive areula, aut capsula me- dica appelatum.. ».(A Bâle, chez Robert Winter, septembre 1543, in-fol.). Quel est le nom du graveur ou plutôt des graveurs sur bois qui ont exécuté ces deux variétés d’initiales ? car il est incontestable que les Lapidaires et les Initiales à sujets bibliques sont l'œuvre de deux maîtres. Nous ignorons mal- heureusement le nom de ces artistes, mais tout au moins pouvons-nous indiquer avec une certitude presque absolue (1) On est quelque peu surpris de rencontrer pareils sujets dans un Missel, ainsi que d’autres sujets profanes (pp. 326 et 370 vo). PLXV. ü “Soc. d'Emul. du Doubs-Tome /*-1905. É EN | L D) 74 A Cr 1] MA FA ane RSR RTE fr gl AN 1 AN À IN Lt A TS EP — À] Ne EL nee Types d'initiales du Missel Bisontin, = A " UE = << el © 2 => PÉ [d) Ÿ To an Ô 9 O cT D (p) = 9 (Te) (79) © (a © £ n 20 (7) = (Le) Ke) n Y 0 > es) O [a A m2) d ee So — le nom de celui qui a dessiné les sujets de l'Ancien Testa- ment : c'est le spécialiste bien connu, le peintre de Schaf- fhouse, Tobie Stimmer (1). Sile lieu d'impression du Missel, en raison des documents découverts qui éclairent aujourd’hui sa mise au jour, ne fait plus de doute pour personne, il y a pourtant lieu d'observer qu’il n’en a point toujours été ainsi. Charles Duvernoy pensait que cet ouvrage avait été imprimé à Montbéliard, de même que le Missel publié en 1667 par les ordres de l'archevêque Antoine-Pierre de Gram- mont et qui porte comme lieu d'impression le nom de Man- deure (@). Et à l’appui de cette opinion, il citait un fragment extrait d’un journal manuscrit du comte Georges (3) se rap- portant à l’année 1668 : « Le Missel s’est imprimé jadis du » temps de Foillet, et récemment encore, à Montbéliard. » En 1832, au moment de la publication des Ephémérides, Duvernoy n'avait pas connaissance des registres des délibé- —— (4; Tobie Stiminer, peintre et dessinateur pour la gravure sur bois, né à Schaffhouse en 1539, mort en 1583. Le musée de Bâle possède de lui deux portraits à l’huile représentant Jacques Schwitzer de Zurich et Eli- sabeth Lochmann, son épouse (1564). En 1570, il a peint à Schaffhouse la facade de la maison dite » au Chevalier », et à Strasbourg des tableaux allégoriques à l'horloge astronomique de la cathédrale, toutes œuvres encore existantes. Plusieurs peintures de ce célèbre artiste ornaient les salles du palais Granvelle à Besançon. C’est surtout dans le dessin pour la gravure sur bois qu'il se spécialisa. Pendant quelques années, il fut presque complètement attaché à l'atelier de Bernard Jobin, pour lequel il dessina un grand nombre de frontispices avec figures mythologiques. En 1576, parurent à Bâle chez Thomas Guérin ses illustrations de la Bible remarquables par leurs beaux encadrements. Tobie Stimmer avait un frère, Jean-Christophe, qui a gravé beaucoup de ses dessins. Aussi, n’y aurait-il rien d’impossible à ce que certaines Imitiales du Missel de J. Foillet aient été gravées par Jéan-Christophe Stimmer. - ; (Nous devons quelques-uns de ces renseignemenis à l’obligeance de M. le Dr E. Major). (2) Ch. Duvernoy. Ephémérides du Comté de Montbéliard, p. 459, à la note. < (8) Bibl. de Besançon. —- 302 — rations municipales de Besançon. Croyant que Foillet, arrivé à Montbéliard en 1586, n'avait plus quitté cette ville jusqu’à sa mort, en 1619, il devait naturellement tenir pour fictive la mention « Besançon » apposée sur le Missel comme lieu d’origine. Examinons maintenant la citation du Journal sur laquelle il s'appuie. S1 le comte Georges, en 1668, Dora valablement affir- menque année pr écédente, son imprimeur, Claude Hyp, avait publié un Missel à Montbéliard, avec le nom de Man- deure comme lieu d'impression et cela sur l’ordre de l’ar- chevêque Antoine-Pierre de Grammont, ses affirmations perdent toute leur valeur relativement à des faits déjà vieux de près d’un siècle. La tradition rapportait bien que Foillet avait imprimé un Missel ; mais, ignorant le séjour de notre iypographe à Besançon, elle attribuait à cet ouvrage une origine monthéliardaise. Dans une lettre du 22 novembre 1814, Charles Ne entretient longuement Ch. Duvernoy du Missel imprimé par Foillet à Besançon, et lui signale la prestation de serment de ce dernier entre les rnains d’un des vicaires généraux de la cité (1). Mais Charles Duvernoy refusa de se rendre à l’évi- dence et persista toute sa vie à prétendre que le Missel avait été imprimé à Montbéliard (2) (1; Biblioth. de Besançon. Collection Duvernoy. En 1814, Ch. Weiss considère le Missel comme « des plus rares, puisqu'il ne s’en trouve pas « un seul exemplaire dans la bibliothèque de la ville [de Besançon) où « ont été fondues [sic] celles de tous les couvents du département du Doubs. » La bibliothèque de Besançon en possède aujourd'hui un exemplaire ayant appartenu à Jean Collot, chanoine à l'église Saint-Anatoile de Salins. (2) On peut encore lire sur le catalogue de théologie de la bibliothèque de Besançon, — catalogue établi peu d'années avant sa inort — ces mots écrits de la main de Ch. Duvernoy, au-dessous du n° 738 correspondant à notre Missel : « Mais ce livre a été imprimé à Monibéliard. » — 303 — Deux mots, pour terminer, sur le Missel de Mandeure de 1667. On sait que l’archevêque Antoine-Pierre de Gram- mont, ayant besoin d’un nouveau Missel pour remplacer celui publié par Foillet et Exertier en 1589, s’adressa à Claude Hyp, « imprimeur de Son Altesse », qui résidait à Montbéliard. Celui-ci se mit à l’œuvre et fit paraître un Mis- sel sur le frontispice duquel on lit le nom de Mandeure comme lieu d'impression : « Epomanduoduri ex officina Claud. Hyp Ejusdem Illustrissimi ac Reverendissimi Archiepiscopi Typographi. Il est assez curieux que l’archevêque de Besançon ait eu recours à un tvpographe montbéliardais pour l'impression de ce Missel (1), On peut supposer que la réputation de Hvp était excellente Ses produits d’ailleurs étaient soignés. Mais pourquoi cette mention de Mandeure au frontispice de l’ouvrage, alors que ceïte localité n’a jamais possédé d'atelier typographique ? Il est vraisembiable d'admettre, dans lPhvpothèse où l’ou- vrage aurait été imprimé à Montbéliard, que l'archevêque de Besançon, ne voulant pas que le nom d’une cité protestante figurât sur le titre du nouveau Missel, ait fait substituer au (1) M. Clément Duvernoy, dans Montbéliard au XVIII: siècle (Mém. de la Soc. d'Emul. de Monthéliard, 1891, pp. 378 et 379)* s'exprime ainsi : « Nous avons déjà eu occasion de mentionner quelques-uns des ouvrages « sortis des presses de Foillet: la traduction française du Colloque, ... « probablement aussi le Missel publié avec la mention de Mandeure, par « les ordres de l'archevêque de Besançon, Ferdinand de Rye » M. Duver- « noy confond le Missel de 1589 avec. celui de 1667. C’est ce dernier qui porte la mention de Mandeure et non celui imprimé à Besançon par Exertier et Foillet. Nous ne nous arréterons pas à l'opinion de l'abbé Bouchey (Recherches sur Mandeure, tome IT, pp. 517 et 518), revendiquant pour Mandeure l'honneur d’avoir possédé, dès la fin du xvie siècle, une imprimerie d'où serait sorti le Missel de Foillet de 1589. Nous avons suffisamment démontré que ce Missel provient bien des presses de la métropole bisontine. — 364 — nom du lieu réel d'impression celui du village de Mandeure qui lui appartenait mi-partie avec le comte de Montbéliard. Il est également admissible de penser que, sur l’ordre de l’archevêque, Claude Hyp a pu transporter pour la circons- tance une de ses presses au château de Mandeure, lequel était situé à une faible distance de Montbéliard. Mais peu nous importe. La question de déterminer l’en- droit précis où a été imprimé ce dernier Missel est fort secondaire. Celle de connaitre le lieu d'impression du Missel de 1589 présentait seule de l'intérêt et elle se trouve aujourd’hui résolue. : @ innove“. étiie… MR aoe sa À, — =— (sav S2P 2]PJU2140 21) Es PAIPŒUOW 201 sanboëf 2p 21a2w1a1duf En EX IFRS D 2 Société d'Emulation du Doubs, tome IX, 1905. ii Lr et bn CHAPITRE V. JACQUES FOILLET A MONTBELIARD (1590-1619) Il FOILLET, LIBRAIRE ET IMPRIMEUR Quel était à Montbéliard l'emplacement de la librairie, de l'atelier typographique et du logement particulier de Jacques Foillet ? On retrouve aux archives du Doubs, dans presque toutes les adjudications des boutiques des Halles de Montbéliard, une boutique désignée sous le nom de Boutique de l’Impri- meur ou Boutique de l’Imprimerie. Ce local, situé «sous les Halles » aurait été insuffisant, dans les dernières années de sa vie, pour loger, en plus de sa li- brairie, les presses et le matériel d'imprimerie de Jacques Foillet. Cette boutique et son arrière-magasin, bien spécifiés dans l’inventaire de ses biens dressé après son décès, étaient déjà trop étroits pour contenir son approvisionnement de quinze mille volumes, et il était obligé d’en remiser une grande partie au premier étage de l'édifice. Cependant, après l’incendie de Courcelles, lorsqu’au mois de juin 1588, le comte Frédéric « redressa » une imprimerie à Montbéliard, il n’est pas impossible qu’à ce moment, où le commerce de la librairie n’avait pas encore pris une grande extension, on ait songé à installer provisoirement dans cette _ boutique l'atelier typographique de Jacques Foillet, en atten- dant que les locaux au premier étage de l’aile orientale eus- — 366 — sent été convenablement aménagés. Car, si l’on s’en rapporte à la chronique de Bois-de-Chène, les fenêtres de cette aile, commencée dix ans auparavant (1582), n'auraient été posées qu’au mois d'août 1592 (1). On peut, jusqu à un certain point, supposer que cette bou- tique a servi de berceau à la typographie monthéliardaise. Cette supposition permettrait d'expliquer ce nom de « Bou- tique de l’imprimeur » ou de « Boutique de l'imprimerie », Qui. était encore d’un usage courant à Montbéliard, au moment de sa réunion à la France. Mais, d’un autre côté, si nous nous en tenons aux textes les plus anciens qui nous sont parvenus concernant les adjudications des boutiques des Halles, ceux _de 1662, 1665 et 1714, nous voyons que la dite boutique est appelée « la boutique de limprimeur », « la boutique que possède l’imprimeur » et non pas « la boutique de l’impri- merie ». Cette désignation ne prouve donc pas, — bien que cela soit vraisemblable, — que le local ait renfermé l’atelier typographique de Foillet entre 1588 et 1592. Quoiqu'il en soit, cette boutique ne tarda pas à être affectée exclusivement au service de sa librairie. [l Pemployait comme magasin pour la vente de ses livres au détail @). (4) « Le mois d’aougst 1592, les fenestres des Asles furent acheuvées, mises et posees. » (Chronique de Bois-de-Chêne). — Le bâtiment des Halles, remplaçant un édifice de bois plus restreint, fut construit en trois fois : 1° la facade sud, commencée en 1586, fut occupée par les autorités administratives et judiciaires de la Principauté, jusqu'à la réunion de celle-ci à la France en 1793; % l'aile droite ou orientale, destinée à la Douane et à l’entrepôt des marchandises, fut construite en 1582 et dans les années suivantes ; 30 l’aile gauche ou occidentale, commencée en 1624, servit à l'Eminage ou marché aux grains. Le 4 côté de ce vaste quadri- latère, dont le plan avait été dessiné par Claude Flamand, en 1618, resta à l’état de projet (voir ce plan original dans la collection Duvernoy à la Bibl. de Besançon). | (2) « L’Imprimeur de Son Altesse » eut la jouissance gratuite de cette boutique jusque vers la fin du règne de Léopold-Eberhard. À parür de 1714, elle est retirée à l'imprimeur et mise en adjudication (Arch. du Doubs, E. 17). En 1793, nous voyons l’imprimeur-libraire, Jean-Jacques — 367 — Dans quelle partie du bâtiment des Halles se trouvait si- tuée cette boutique ? M. Clément Duvernoy, dans son ouvrage Montbéliard au X VITRE siècle (À) s'exprime ainsi : « Foillet avait établi son imprimerie au premier étage, dans l’ungle sud-ouest du bâtiment des Halles, et sa boutique de librairie était au-dessous. »_ L'imprimerie aurait donc occupé, selon M. Clément Du- vernov, une partie des salles du musée actuel, et la librairie aurait été installée dans le magasin aujourd'hui loué à M. Roméis, cordier. En interprétant judicieusement les documents d'archives qui nous sont parvenus, nous arrivons à des conclusions dif- férentes. Chaque année, au xvire siècle, on mettait en adjudication les 18 boutiques des Halles. Dans toutes les énumérations qui en sont faites, on cite toujours en premier lieu la boutique faisant l’angle du bâtiment du côté de la place Dorian, et successivement toutes les autres, en descendant vers le cou- chant. Ainsi, en 1723 : Biber, adresser une supplique au duc Eberhard-Louis, dans laquelle il revendique la concession de « la boutique sous les hales, joignante celle qui est accensée au sieur chirurgien Morlot, pour y débiter ses livres », et il ajoute que ses prédécesseurs en ont toujours joui, ce qui prouve bien qu'elle servit de tout témps au commerce de librairie (Arch, nationales. Fonds Montbéliard, K, 2238). Il est à supposer qu'après cette demande, la boutique fut louée à Biber, au moins pendant quelque temps : il figure sur la liste des amodiataires de 172%. Mais ce ne fut pas pour une longue durée, car on le voit formuler une nouvelle supplique en 1730. Depuis, jamais plus la boutique ne fut concédée aux imprimeurs monthéliardais. Cela ne l'empècha pas d’être appelée encore un siècle plus tard «la bou- tique de l'imprimerie ». Après avoir été cédée au Fermier des grosses rentes, elle fut louée, au moment de la suppression de la ferme en 1793, à Georges-Frédéric Rayot qui s’en servit de remise à planches, moyennant 15 livres par an (Arch. du Doubs, E. 17 et 41). (1) Page 363. — 368 — « 1. Celle du sieur Jean George Morlot, chirurgien pour la boutique qu'il possède dans les Hasle proche l Horloge {est amodiée) 12 livres (1). » Le texte est formel: proche l'horloge, c’est-à-dire du côté de la Tour de l’Horloge située à l’entrée de la rue des Feb- yres. Il s’agit donc bien de la première boutique du côté de la place Dorian. Puis, vient avec le n° 2: «2. Celle de Helman cuesenier possédé pour 1724 par. l’imprimeur Biber... 10 1. 8 s. ». Il n’y aaucun doute possible : la boutique du chirurgien Morlot touchait celle de l’imprimeur Biber successeur médiat de Jacques Foillet. Vient ensuite l'adjudication du numéro 3 : «3. La première boutique joignant les Hasle possédé par Daniel Dieny... 8 l. 16 s. » Ces mots de première boulique joignant les Husle sont inis ici pour désigner la première boutique après la voûte ou première arcade, parmi celles qui étaient adossées à la façade des Halles. Car, à cette époque, la plupart des boutiques étaient des échoppes en bois construites au pied du bâti- ment (2). Seules, deux ou trois, entre autres, celle du chirur- gien Morlot et celle de l’imprimeur, étaient au rez-de-chaus- sée proprement dit et étaient alors désignées comme bouti- ques situées dans ou sous les Halles, tandis que les autres étaient dites « devant les Halles ». Pour en revenir à l'emplacement des deux premières bou- tiques, il est établi que celles du chirurgien Morlot et de l’imprimeur occupaient la façade des Halles entre la première arcade et l’angle oriental, celle de limprimeur du côté de la voûte, celle du chirurgien vers l’angle. (1) Arch. du Doubs, E, 17. (2) Voici les dimensions de ces échoppes : 1 toise 1 pied 1/2 de hauteur, 9 pieds 1/2 de largeur et 6 pieds 1/2 de profondeur (Bibl. de Besançon Coll. Duvernoy, in-folio, n° 6): — 909 — Du reste, il existe aux Archives du Doubs, un plan sché- matique du rez-de-chaussée des Halles, dont l'examen vient absolument confirmer ces données (1), On y voit tracé l’em- placement des deux premières boutiques dans la situation indiquée plus haut. Ce plan n’est pas daté, mais, d’après le nom des amodiataires, il est facile de se rendre compte qu’il a été dressé vers 1720. En effet, la première boutique (), à l'angle oriental, porte le nom du chirurgien Morlot. Q ant à la seconde, elle ne porte pas de mention, mais elle est parfai- tement dessinée entre celle-ci et la première arcade. D'autre part, nous lisons dans une supplique de Jean-Jac- ques Biber, en date du 3 septembre 1723, que lui et ses pré- décesseurs ont toujours joui « d’une boutique sous les hales joignante celle qui est accensée au s' chirurgien Morlot, pour Mdebiter leurs livres, ce qui ne leur a été oté que sous le dernier règne pour l’accenser à Jules Friderich Rayot. » Enfin, comme dernière preuve, s’il en était besoin, nous citerions l’amodiation de 1769 pour 30 livres au perruquier Thiébaud d’une boutique à côté de celle de l’imprimerie « au dessous du grand poële des audiences des Hâles (à) ». Ce « grand poële des audiences » était la grande salle de la Chancellerie à l'angle oriental du premier étage des Halles (4). Tous ces documents sont donc d’accord pour prouver que la librairie de Jacques Foillet, appelée aussi « boutique de l’imprimeur » ou « de l'imprimerie » n’était point située à l'angle sud-ouest des Halles, mais qu’elle se trouvait être la deuxième boutique de la façade du côté oriental (5). (l (2 (3) Arch. du Doubs, E. 17. (4) Cette salle était occupée il y a quatre ans par la bibliothèque de la ville, avant son transfert dans le bâtiment sud du vieil hôpital. Elle sert actuellement de salle de classes et de salle de conférences pour les cours d'adultes. (9) La boutique occupait donc une partie du magasin loué aujourd’hui JE, 1 ) Elle fa ainsi désignée en 1727 : « au coing, au haut des Hasles. » ) ) à Mme Barret, partie contiguë à l’arcade. — 310 — Maintenant que nous connaissons la situation exacte qu’occupait dans le bâtiment des Halles la librairie de Jac- ques Foillet, 1l reste à déterminer l’emplacement, dans le même édifice, de son imprimerie et de son logement. Au début, et avant que sa librairie n’eût pris de limpor- tance, nous avons dit qu’il état vraisemblable de supposer que Foillet se servit du local ci-dessus comme d’officine typographique. Mais, librairie abondamment pourvue, imprimerie en pleine activité, logement pour de nombreux enfants et ser- viteurs, tout cela demandait des locaux plus vastes qu’une simple boutique. Or, où les trouver sinon dans l'aile droite ou orientale du bâtiment des Halles dont les fenêtres furent posées en 1592 ? L’aile gauche ou aile occidentale n'existait pas encore ; elle ne fut construite qu’en 1624. Quant à la façade sud, elle était occupée par les services de la Principauté : grande salle d'audience, salle du Conseil, salle de la chancellerie, salle des secrétaires, chambre des finances, prévôté, consis- toire, tabellioné, etc. Dans une plainte adressée, en 1730, au Conseil de régence par le serviteur (l) de la Chancellerie, Pierre Fayot, contre limprimeur J. J. Biber, au sujet des dégradations qu’il COM met dans son logement du bâtiment des Halles, Fayot s’ex- prime comme suit : « Ils font une boucherie de leur cuisine, ils y égorge veau et mouton et repande leau dans la cuisine, qui tombe ensuite dans la douûne sur les marchandises (2). » Il résulte de ce texte que le logement de l’imprimeur J. 1: Biber se trouvait en 1730 au premier étage du bâtiment des (1) Ou appariteur. (2) Arch. du Doubs, E, 18. De | | | | | l — 311 — Halles et dans l’aile droite ou orientale, puisque la douane (1) (Kaufhaus) en occupait une partie du rez-de-chaussée. On peut même être encore plus précis, en disant que ce loge- ment de l’imprimeur était dans les locaux occupés aujour- d hui par l’école primaire des garçons. Or, nous savons que l'imprimerie occupait déjà le même local en 1680. Jean-Pierre Biber, imprimeur de $S. À. $S., sollicitant des réparations, S’exprime ainsi dans une supplique du 19 octo- bre 1750 : « Il y a une croisée et un quart de fenêtre pour donner le jour à la cuisine des apartemens de l'imprimerie qu’il occupe sur les Hôâles de cette ville, comme ont fuit ses père et grand-père, dont le bois et le plomb sont cadues et usés de vieillesse... (2) » Si Jean-Martin Biber (1680-1713), grand-père du suppliant, qui s’est établi à Montbéliard en 1680, avait à cette date ses atelier et logement au-dessus de la Douane, il est à présumer que Claude Hyp (1664-1679), Gaspard Dietzel (1653-1663), qui étaient logés et avaient leur atelier dans le bâtiment des Halles, ont occupé les mêmes locaux. On serait même en droit de l’affirmer après la requête de J. J. Biber, en date du a septembre 17%3, où il est dit que « le suppliant et ses prédécesseurs ont toujours occupé sur les hâles les aparte- ments que le suppliant y occupe actuellement pour son loge- (1) La douane comprenait environ la moitié du rez-de-chaussée dans aile droite du bâtiment des Halles. Elle avait deux grandes portes, l’une d'entrée au midi, l'autre de sortie au nord, sur la rue des Halles. Elle | était éclairée au couchant par deux grandes arcades à barreaux de fer | croisés. Cet ancien local de la douane, après avoir été affecté depuis 1793, | soit à des écuries, soit à des magasins de dépôt de marchandises, vient d’être transformé en une vaste salle de réunion (salle dite « Dorian ») ser- | ant de préau aux enfants des écoles et convertie provisoirement, à l'aide | de cloisons mobiles, en salles de classes supplémentaires, en attendant la Construction de nouveaux locaux scolaires. | (2] Arch. du Doubs, E, 17. nn — ment el son imprimerie, outre quoy ils jouissaient d’une salle joignante pour y secher les feuilles propres à l’impres- sion (1)... » Nous savons d'ailleurs que Samuel Sprobart (1633-1636), successeur immédiat de Samuel Foillet (1619-1633), fils de Jacques, avait également, d’après son privilège, sa demeure sur les Halles et sa boutique sous les Halles : « Et comm'aussy lui a esté accordée sa demeure seur les hasles (2), selon qu’elle lay sera monstrée ; en la jouissance de la boutticque soulz lesdites hasles moyennant l’entretien et reparations nécessaires à ses frais (3), » Enfin, — et nous nous arrêterons à ce dernier texte, — nous lisons dans un manuscrit anonyme du xvirr® siècle, ayant pour titre Particularités de la Principauté de Mont- béliard : «€ Dans les Halles s’assembloit ie Conseil de Régence sou-. veraine du Prince. La Douane et l’Imprimerie sont dans. l’aile droite et l’éminage qui est le marché aux grains est dans la gauche (4). » La question est donc tranchée. L’imprimerie et le logement de Jacques Foillet étaient situés, en tous cas depuis 1592, dans l'aile droite ou orientale du bâtiment des Halles, au-dessus de la Douane (5). Certaines impressions, notamment l’Intro- (1) Arch. nationales, Fonds Montbéliard, K 2238. (2) C'est-à-dire à l'étage. (3) Arch. nationales, Fonds Montbéliard, K 2238. (4) Bibl. de Besançon, Collection Duvernoy, in-folio, 6, p. 5. (3) Après la famille Biber, dont trois générations ont fourni des typo- graphes à la ville de Montbéliard, le bâtiment des Halles ne parait plus avoir servi de logement à l'Impriuneur de la Principauté. Jacques-Louis Becker qui avait succédé à son père vers 1774, habitait en 1781 une mar son de la rue des Febvres, entre le sieur Procureur et substitut Surleau et le chirurgien Joseph-Frédéric Morlot, ancien d'église et l'un des neuf maitres-bourgeois iurés (Arch. du Doubs E, 115 et Protocoles du Tabel- honé). — 3173 — duction au traité des merveilles de Henri Estienne (1607), ne portent au frontispice que cette indication Sur les Halles, avec la marque typographique de l’imprimeur. Jacques Foillet est installé définitivement à Montbéliard. Il tient boutique de livres, il relie, il imprime; plus tard, comme il a déjà fait à Courcelles, il fabriquera lui-même, dans ses papeteries des Graviers et de Belchamp, la matière première nécessaire à l'alimentation de ses presses. Parlons tout d’abord de Jacques Foillet, libraire. Comme nous consacrons un chapitre spécial à l'examen de l’Inventaire des biens délaissés à son décès, et que nous publions cet Inventaire renfermant la liste des livres compo- sant sa librairie, nous nous bornerons ici à faire observer que la plupart des ouvrages mis en vente sortaient de son atelier typographique. On peut les répartir en trois catégo- ries, la première comprenant les livres religieux, la seconde, les livres de classe destinés aux écoles et aux élèves de l'Ecole latine, enfin, la troisième comprenant les livres de science, de droit et de médecine. Nous avons vu plus haut, par le Livre des comptes de Froben et d’'Episcopius père que, dès le milieu du xvr° siè- cle, les habitants de Montbéliard se fournissaient de livres auprès des libraires de Bâle (1). Nous avons vu aussi précédemment qu’au moment de l'ouverture de l'atelier de Jacques Foillet à Courcelles en 1586, il fut stipulé que si des libraires mettaient en vente des ouvrages possédés par ce dernier, ces exemplaires seraient confisqués. Jacques Foillet conserva-t-1l à Montbéliard ce monopole qui lui avait été octroyé à Courcelles? Il nous est permis d’en douter. cms (4) La ville de Bâle fournit des livres à Monthéliard jusqu'à la fin du xvue siecle. Nous trouvons aux Archives du Doubs (Série E, liasse 84), trois lettres factures de Jean Schweighauser, imprimeur, adressées les — 9374 — Le Conseil de régence, ayant accordé à l’imprimeur Claude Hvp, le 12 septembre 1664, un privilège exclusif pour la vente des livres, le Magistrat de Montbéliard s’en émut. Dans une requête présentée au prince, 1l proteste contre l’appointement « subrepticement » obtenu par Claude Hyp « sur un simple exposé », et demande que les bour- geois, nonobstant cet appointement, soient maintenus en l’ancienne liberté dont ils ont toujours joui « de vendre et debitter des livres comme marchandises franches et libres ». Hyp prétend « que les imprimeurs qui ont esté avant luy ont heu seuls la faculté et liberté de vendre des livres à l’exclu- sion des dits bourgeois. » Cela est faux, « estant encore chose notoire à toute la ville que durant les vies de Jacques Foillet et Samuel Foillet, imprimeurs, Daniel Gravel, mar- chand drappier, Jean Jacques Berdot, orpheure, Simon George et aultres ont tenu bancs et bouticques de librairie ouuertes mesme tout proche de celles des dits Foillets sans que jamais ils y ayent apporté opposit. ny contradict. moyennant qu'ils ne vendissent aulcuns livres provenant de leur imprimerie, comme aussi 1l ne seroit pas juste ny rai- sonnable... » Le Magistrat obtint gain de cause. Sur sa requête, il est répondu (25 novembre 1664), qu'il sera permis à chacun de 19 janvier, 7 avril et 29 juin 1787, à M. Duvernoy, conseiller ecclésiastique. La première annonce l'envoi de : 36 Comenius en À langues, in-8, à . . . 2 livres 15 sols. 24 Eutropius, sine notis, in-8, à , . . . 40 sols. 19 Layrizi Logica,-in-8, à .X 1, , * {livre 10 softs. 12 Bible françoise, par Osterwald, in-4 à. 10 livres. Au bas de la facture, on lit d’une autre écriture : Comenius sera vendu. , . . . . . 3 livres pièce. Eutrope -- re MIS NS US: — La Logique — de CAE D ÉD MINT ESP ANREE La Bible — aa I A ONE SNS OISE En conseil, dans la chambre des finances, le 24 janvier 1787. [Signé] GOGUEL, PARROT. le — 379 — trafiquer de livres et que l’imprimeur Hyp ne pourra se prévaloir du privilège accordé (1). Un autre document vient fortifier cette opinion que Jac- ques Foillet n’eut pas à Montbéliard un monopole pour la vente des livres. C'est un mémoire d'observations, présenté le 7 octobre 1634, par Samuel Sprobart (?), au moment où il va être agréé comme imprimeur de Son Excellence, en rem- placement de Samuel Foillet, décédé. Après les observa- tions de Sprobart, nous lisons le passage suivant écrit par une autre main : « Sur le quattriesme article concernant la défense et pro- hibition de vendre livres, ledit imprimeur entend que ladite prohibition et defence sera absolue et ne sera aucunement permis à aucune personne de la ville ou d’autre lieu vendre HHMPCS- Si ce n'est que, ou bien par la négligence dudit imprimeur qu'un autre vendroit, vinssent à manquer, ou bien que ledit imprimeur accorde avec eux pour la vendition . prohibée et deffendue (3). » Si Samuel Foillet, son prédécesseur, eut joui d’un vrai monopole, il semble que Sprobart ne serait pas entré dans tous ces détails; ce n’est pas un droit incontesté jusque-là, dont il demande à son profit le maintien pur et simple, mais plutôt un privilège nouveau qu'il sollicite du Conseil de régence et du prince. Il est à peu près certain, d’autre part, que Samuel Foillet, pour la vente des livres, n’eut pas de droits plus étendus oue ceux de son père qui, entre 1606 et 1612, avait, comme nous le verrons, un concurrent à Montbéliard, le libraire Jean Huguetan. Les Archives du Doubs nous renseignent sur certaines fournitures faites par Jacques Foillet, tant au Consistoire es (1) Arch. municipales de Montbéliard. Livre des Notaux. (2) Et non Speckart, comme Ch. Duvernoy et d'autres après lui lont écrit. . (3) Arch. nationales, Fonds Montbéliard, K 2238, 2 p. in-folio. — 316 — de Montbéliard qu'aux princes eux-mêmes. En 1614, nous voyons qu'il lui est payé par Henri Mégnin, receveur du . Chapitre « pour achat de certains livres destinés à la biblio- thèque de ce lieu » une somme de 20 livres, et pour achat d’almanachs, et de cent exemplaires « des Prières de la princesse defuncte (1) », une autre somme de {1 livres 45 sols 2). Le même receveur lui verse, en 1616, pour nou- vel achat de livres, une somme de 15 florins 7 batzes et demie, monnaie d'Allemagne (3), et en 1617 pour impression et « calendriers » 13 florins 9 batzes (4), Dans le courant de la même année, Jacques Foillet fournit deux psaumes en français à Jean-Frédéric($) et au duc Magnus (6), son frère, au prix de 15 sols pièce (7). Il était également le fournisseur des « Neut Maitres-bour- geois jurés ». À la date du 22 juin 1612, il reçoit 7 francs et demi forts, pour leur avoir délivré quatorze exemplaires des Ordonnances criminelles de l’empereur Charles-Quint, dont une traduction en français venait de sortir de ses presses (8). Les Neuf Maîtres-bourgeois de Montbéliard composaient, comme on sait, avec le Maire, la Justice de la Mairie qui avait dans son ressort toutes les causes civiles et de police concernant les habitants de la ville, et pouvait aussi juger, mais en s’adjoignant quatre notables, tous les (1) Sybille d’Anhalt, veuve du prince Frédéric, décédée le 16 novem- bre 1614, après avoir mis au monde quinze enfants et dont un contem- porain a pu dire: « Dans Montbéliard, elle a produit longtemps, comme une terre grasse, une moisson d'enfants. » Cf. Duvernoy. Ephémérides ; p. 440. (2) Archives du Doubs, Série G. Registre 1636. (3) Idem, Série G. Registre 1658. (4) Id., Série G. 1639. (5) Jean-Frédérie succéda à son père comme comte de Montbéliard, de 1608 à 1617. (6) Magnus, frère du précédent, né en 159%, fut tué en 1622 à la bataille de Wimpfen. (7) Arch. du Doubs, Série G. Registre 1531. (8) Arch. municip. de Montbéliard. Comptes de ville. Année 1611-1612. | ! | l | | | | Sr crimes et délits commis sur le territoire de la même ville. Il n'est donc pas étonnant de trouver entre leurs mains l'Ordonnance de Charles-Quint qui réglait la procédure cri- minelle et l'exécution de leurs jugements. Vers la même époque, nous trouvons un autre libraire établi à Montbéliard : Jean Huguetan, originaire de Lyon (1), Il se fixa à Héricourt avant le 12 novembre 1602. Pendant le séjour de trois mois que fit dans la principauté, en 1604, Frédéric de Wurtemberg (2), nous voyons Jean Huguetan fournir au duc différents ouvrages pour une somme de 59 francs qui lui fut payée par le receveur d’Héricourt, Jean Perd:ix (3). Quoique chef-lieu de la seigneurie de ce nom, Héricourt était alors une bourgade de bien faible importance ; Hugue- tan devait y végéter. C’est sans doute pour cette raison qu’il vint s'établir à Montbéliard, où il se fit recevoir bourgeois le 18 septembre 1606 (4), et où il mourut en 1612. L'inventaire de ses biens, dressé les 6. 7 et 8 août 1612, nous apprend que Jean Huguetan laissait une veuve, Antoi- nette Humbelot, et comme héritiers, une fille, Elisabeth, née en 1611, et un fils, Jean-Antoine, né d’un premier mariage. Sa librairie était loin d'atteindre l'importance de celle de Jacques Foillet. Au lieu des 15.000 volumes de ce dernier, (1) Du xve au xvrI° siècle, nous rencontrons à Lyon une dynastie de plus de quarante Huguetan, tous libraires ou relieurs. (2) Le comte Frédéric, à la mort de son cousin Louis ILE, le 8 août 1593, avait hérité du duché de Wurtemberg. Il quitta son comté de Montbéliard pour aller résider à Stuttgard, mais il revint plusieurs fois visiter ses sujets de la principauté. (3) Archives de la Haute-Saône, E 32 (1603-1604). Comptes de Jean Perdrix, receveur d’Héricourt : Dépenses « pour la court de son Altesse pendant son séjour à Héricourt. » (4) Archives municipales de Montbéliard. Livre de réception à la bourgeoisie. — 378 — nous ne trouvons dans sa boutique que 168 volumes, avec quelques rames de papier. Malheureusement, les titres des livres ne sont point indiqués. Le catalogue est libellé comme suit: « Neuf volumes in-folio reliez estimez lung portant l’autre à raison de trente solz pièce... « 18 volumes in-quarto, « 45 volumes in-octavo, «8 volumes in-duodecimo, etc. L’inventaire des biens de Huguetan signale l'existence de quarante obligations souscrites à son profit par des habi- tants d'Héricourt et surtout des villages voisins, Brevilliers, Sant-Valbert, Thavel, Bussurel, le tout représentant une somme d'environ 1.700 francs. Jean Huguetan avait continué à Héricourt les traditiôns du commerce lyonnais, il faisait la banque (1). | Le même document nous apprend que Jean Huguetan fut en relations d’affaires avec Jacques Foillet Celui-ci, que nous irouvons comme caution d'un certain Jean Cadoz de Blamont, pour une obligation de 168 francs souscrite en 1609, au profit de Huguetan, figure, à deux reprises, parmi les débiteurs personnels de ce dernier : une première fois, pour une somme de 36 francs 11 gros, une seconde fois pour 122 francs 9 gros La cédule de 36, francs ltsres datée du 20 mars 1609, était exigible à première réquisition. Quant à celle de 122 francs 9 gros, elle était échue depuis le 20 janvier 1610, et nous voyons que Huguetan, de son a (4) Les drapiers, épiciers, libraires lyonnais, faisaient presque tous l’escompte et le change des lettres de change et des monnaies étrangères: Is faisaient aussi des avances sur nantissement ou sur le simple crédit des empranteurs. Les foires de Lyon qui mettaient l'Italie, les Pays-Bas, la Suisse et l'Espagne enperpétuels rapports avec Lyon, obligeaient tous les grands commerçants à faire la banque pour faciliter leurs relations avec l’étranger (Communication de M. Baudrier). — 3179 — vivant, avait signifié inutilement à Jacques Foillet une mise en demeure. L'imprimeur de Son Altesse, malgré toute son activité commerciale, ne parvenait pas à se libérer de ses dettes. Jacques Foillet, à sa librairie, avait annexé un atelier de reliure. Relieur lui-même, il avait été le premier maître de ses fils Samuel et Conrad, et c’est certainement sous sa direction, que l’un d’eux, probablement Samuel a relié en 1603 le Livre Rouge ou livre d'inscription à la bourgeoisie, conservé aux archives municipales de Montbéliard (1). En tête, se trouve collée une feuille iinprimée pal Jacques Foillet, dans laquelle ce dernier, après avoir indiqué que la reliure du livre est due à son fils, rappelle son dévouement aux maitres-bourgeois et sollicite leur protection pour lui et les siens (2). « Tres honorez Seigneurs, dit-il dans cette dédicace, Je “Suis très joyeux que comme par ci-devant je fus em- ployé à imprimer les louables franchises de cette ville G;; ainsi maintenant mon fils l'a esté pour relier ce livre. Je supplie V.S. qu'en prenant en bonne part nostre labeur, il leur plaise auoir esgard à moy et aux miens, et me tenir pour vn de leur plus affectionné ser uiteur, comme pareille- ment de toute la ville, estant prest de luy faire seruice en toute occurence. Dieu la veuille bénir et tousiours la main- tenir en sa protection et sauvegarde comme semblablement LPS. Faict à Montbéliard le 20 en may l’an 1603. » De V.S. le très affectionné serviteur. TAQUES FOoILLET. » (4) I] est appelé « Livre Rouge » à cause de la couleur de ses tranches. Cet in-folio de 178 feuillets vélin (il en a été ajouté à diverses époques), mesure 482 mn sur 278mm, La première inscription date de 1318. (2) Cette feuille de papier mesure 482 sur 266 mm, (3) I s’agit de l’édition des Franchises de 1600. — 380 — Jacques Foillet reliait, avant de les mettre en vente, une grande partie des ouvrages sortis de ses presses. Il fournis sait aussi de solides reliures aux différents services de la principauté, aux Corps de la ville, aux Corporations, etc... Il travaillait enfin pour les particuliers. Avant lui, nous trouvons le nom d’un relieur déjà au ser- vice de la Seigneurie. Antoine Bouvier, receveur du Comté, paie entre 1968 et 1570, 3 francs 4 gros à Nicolas Grangier « pour avoir relié ung dictionnaire francoys-latin avec onze. catéchismes (1). » Les archives du Doubs nous apprennent que, vers 1618, un maître d'école allemand, du nom de Hans Zeefus ou Senfus (2), exerçait la profession de relieur. Le receveur du chapitre de Saint-Maimbœuf lui règle deux petites sommes pour reliure de calendriers et de livres (3). L’inventaire des biens de Jean Huguetan, libraire, nous montre pareillement que ce dernier faisait concurrence à. Foillet dans ce genre de commerce. Nous voyons figurer à l’énumération de son matériel : « Utilz servans à la reliure : » une presse à rougner, » ung marteau de fer à battre livre, » deux compas, deux paires cizeaux, » uUng CouSOir pour coudre livres, » une paire tenailles. » Après la mort de Foillet, son fils Samuel continua de Joindre à la profession de libraire le métier de relieur. Jean Georges, maître d’école à Saint-Julien, s’entendait (1) Archives du Doubs, E 1098. (2) Il signe Seehfus en 1619 au bas du contrat de mariage de son fils Hector avec Marguerite, sœur de l'apothicaire Esaïe Chemilleret. (3) Idem G 1639 et 1534, — 381 — aussi aux travaux de cet art (1). En 1626, il relie des livres ecclésiastiques au compte du chapitre de Saint-Maimbœuf (2). En 1634, il reçoit paiement de reliures qu'il avait exécutées avec Conrad Foillet, de Bâle, pour les « très illustres Princes et Princesses » (8). Libraire et relieur, Jacques Foillet était avant tout typo- graphe. Il imprima, de 1587 à 1619, tant pour son compte que pour celui de libraires étrangers, un grand nombre d’ou- vrages de tous formats et traitant des matières les plus diverses, principalement de théologie, de droit, de méde- cine, d'histoire et de sciences : la traduction française du Colloque de 1586, la plupart des ouvrages de Jean Bauhin et de Claude Flamand, la première édition connue des Fran- chises de Montbéhard, les œuvres politiques et militaires de Machiavel, des traductions allemandes de Mémoires pour servir à l’histoire de France, l’Astrée, les Ordonnances cri- minelles de Charles-Quint, les Colloques de Mathurin Cor- dier, les livres de théologie du surintendant Gaspard Lutz, l'Histoire de l’Académie française de La Primaudaye, des œuvres de Du Bellay, Jean de Serres et Paracelse, etc., sans compter un certain nombre de catéchismes, psaumes et cantiques. Il imprimait notamment des livres pour les hbraires de (1) I a publié chez Foillet en 1609 sa « Tragique comédie en vers... », 1 vol. in-12 de 77 p. — Cette pièce, avant d’être imprimée, avait été jouée plusieurs fois au village de Saint-Julien et sur la place des Halles par _les élèves des écoles de Montbéliard. (2) Arch. du Doubs, G 1647. (3) Id. G 1655. « Plus a [le receveur] encore payé tant à M. Jean- George qu'à Conrad Foillet, relieurs, pour avoir relié des libvres pour noz tres illustres Princes et Princesses la somme de neufz francs unze gros ung blanc... » Conrad Foillet $éjourna quelque temps à Montbéliard, au moment de la mort de son frère Samuel, en 1633. — 382 — Bâle, de Strasbourg, de Genève et de Francfort. Îl fréquen- tait avec régularité les foires de cette dernière ville, qui offraient un excellent débouché à l'écoulement de ses pro- pres éditions. | Jacques Foillet avail trois presses ; Pune spécialement pour les ouvrages en langue allemande, les deux autres pour les ouvrages composés en caractères latins. Il em- ployait aussi, à l'occasion, des caractères grecs. Le Socrati- cum somnium in nuptias..., imprimé en 1600, renferme. plusieurs citations d’Homère, de Pindare, de Ménandre et d'Hippocrate. Certaines impressions de Foillet, les premières surtout, sont soignées ; quelques-unes laissent à désirer sous le rap- port de la netteté et de la correction. L’encre et le papier ne sont pas toujours de première qualité. Jacques Foillet eut à Montbéliard deux marques d’impri- merie représentant des arbres (1) : 19 un cerf courant à tra- vers la forêt, la seule indiquée jusqu’à ce jour ; 20 la marque décrite ci-après : Deux marques typographiques de Jacques Foillet. Les historiens montbéliardais, parlant de la première marque, voient dans le cerl le signe caractérisuquerde notre imprimeur el ne considèrent la forêt que comme un simple accessoire. [l nous semble que le contraire est plutôt (1) À part ces deux signes, on en trouve d’autres, soit une tête de Mer- cure, soit une vignette représentant le sacrifice d'Abraham. 68e la vérité. Dans l’une et l’autre vignette, ce sont pour nous les arbres qui forment la marque typographique. Quant au cerf de la première, c’est un attribut dont la présence ne peut nous surprendre. [l était einprunté tout naturellement par l’imprimeur de Son Excellence aux armes de la maison de Wurtemberg (trois bois de cerf). Nous pensons donc que Jacques Foillet avait choisi comme marque, non pas un cerf, mais un bois feuillu ou des foyards(l) qui constituaient de la sorte des armes par- lantes (2). Ce qui paraît confirmer notre opinion, c’est la seconde marque figurant sur le « Galathée » de J. de la Case (1615). Elle représente deux arbres, dont l’un a sa racine coupée par une hache tenue par une main placée sur la gauche et qui semble sortir d’un nuage. Etait-ce une allusion à sa fin prochaine ? Foillet, à la vé- rité, mourut seulement quatre ans plus tard, en 1619. Mais 1} sentait sans doute déjà les atteintes du mal qui devait l’em- porter. Dans l'inventaire de ses biens, il est dit qu'il fut . ( quelque temps malade », expression encore usitée et si- gnifiant dans notre pays une maladie prolongée (3). Les recherches faites dans les dépôts d'archives, afin d’es- sayer de reconstituer le personnel de l'atelier typographique de notre imprimeur, personnel qu’il eût été si intéressant de connaître, n’ont pas abouti aux résultats que nous atten-: dions. 2 : Les registres de baptêmes de l’église St-Martin(4) nous (1) Le mot foillard ou foyard est un des noms vulgaires du hêtre. Etyin : Fou (fagus) que l’on trouve au moyen-âge employé dans le sens de hêtre, où encore Feuille (forme fouillard). (2) Bischoff ou Episcepius avait choisi une crosse épiscopale. (3) Après la mort de Foillet, nous voyons un de ses successeurs, l’in- primeur Samuel Sprobart (1633-1634) adopter pour signe un cerf blessé | couché au milieu d’une forêt. | (4) Arch. municip. de Montbéliard. en : | révèlent, à la date du 8 novembre 1594, la naissance de An- n0z, fille de Christophe Bodeu, imprimeur, « s' venu pour quelque temps à Mombeliard », et de Dorothée sa femme. L'enfant était présenté au baptême par Ligier Violet, mar- chand, et Anne Morel (1), femme du surintendant des églises de Montbéliard, Jean Oswald (2). Ce Bodeu était-il un protestant réfugié à Montbéliard ? Nous avons des raisons pour le croire. À-t-il travaillé dans l'atelier de Foillet ? Sans rien affirmer, nous pouvons le sup- poser, car Bodeu a choisi, comme parrain de sa fille, préci- sément un ani de Jacques Foillet, ce Ligier Violet, marchand de la rue des Kebvres, qui servit de caution à Foillet dans l’acte d’amodiation de la papeterie des Graviers, le 6 no- vembre 1600 (3). Nous avons sur maitre Samuel Cucuel, imprimeur au ser- vice de Foillet des renseignements plus certains. Samuel Cucuel compagnon Imprimeur figure une pre- mière fois, le 23 avril 1606, comme parrain de Samuel, fils de Jean Cucuel, boulanger et bourgeois de Montbéliard, et de Anne sa femme (4), « Mr° Samuel Cucuel, Imprimeur et bourgeois de Monthé- liard » assiste ensuite comme témoin, le 93 février 1613, à la vente d’une maison de Mandeure, vente faite par Jehan Du- frein à Jehan Maillard du même lieu 65). Il est encore cité, comme témoin, dans la vente d’un champ sis au Chénois. vente faite par Claude Barrey, bour- (1) Anne Morel, fille de Jean Morel le jeune, potier d’étain, maitre de la monnaie de Riquewihr, désigné dans certains documents comme orfèvre. Elle était née le 20 mai 1576. (2) Surintendant de 159% à 1605, puis nommé à Riquewihr dans les mêmes fonctions. (3) Infra, notre chapitre « la Papeterie des Graviers ». (4) Arch. municip. de Montbéliard. Registre des baptêmes de Saint- Martin. | (5) Arch. du Doubs, Protocoles des actes du Tabellioné de Montbéliard, année 1612-1613. | 8 — geois à Montbéliard à Jean Boillot, rouhier, bourgeois de Blamont, habitant au dit Montbéliard, moyennant la somme de trente francs monnaie forte, le 11 janvier 1614, « présents honnorable homme Jehan Candelle, mareschal, et Muître Samuel Cucuel, imprimeur de l'imprimerie de Son Altesse et bourgeois du dit lieu (1). » Samuel Gucuel, imprimeur, reparait agissant en la même qualité au bas d’un acte de vente d’un canton de vigne, en la côte de Bart, le 143 octobre 1617 (2). Enfin, nous le trouvons cité une dernière fois comme té- moin, lors de l'inventaire des biens de Jacques Foillet, au mois de septembre 1619. À vue de ces divers documents, on peut se rendre compte que Samuel Cucuel, signalé, en 1606, comme compagnon imprimeur, en 1613, comme maître imprimeur, demeura au moins 13 ans dans l’imprimerie de Son Altesse. Bien qu'il soit désigné comme bourgeois de Montbéliard, son nom ne figure pas sur le livre de réception à la bour- geoisie Ilne figure pas non plus au registre des Marchands, ni à celui de la corporation de St-Eloi, où sa profession lui permettait d'entrer. Il est vrai que plusieurs pages de ce dernier registre, gâtées par le temps et l'humidité, sont au- _ jourd’hui complètement illisibles et elles correspondent à la période de temps où il aurait pu être reçu (3), Parmi les impressions de Jacques Foillet, il en est une, entre toutes, qui fut accueillie à Montbéliard avec faveur, en (1) Arch. du Doubs; ibid, année 1613-1614, p. 218. (2) Arch. du Doubs, Protocoles des actes du Tabellioné de Mont- béliard, année 1617, p. 213 (Vente de Jehan Aymey de Courcelles à son fils Pierre, pour 9 francs forts). (3) Nous avons trouvé dans nos recherches deux autres homonymes et contemporains. S'il est facile de distinguer notre imprimeur de Samuel Cucuel, premier ministre à Saint-Martin, de 1575 à 1610, il n'en est plus de même lorsqu'il s’agit de le différencier d’avec un autre Samuel Von. 9: 25 — 386 — raison de l'intérêt qu’elle présentait au point de vue local. Nous voulons parler de lédition des franchises qui sortit de ses presses en 4600 (1). Cette publication, qui forme un petit in-folio de 32 pages, est précédée d’une dédicace de Foillet au maire et neuf bour- geois de Montbéliard, dans laquelle notre imprimeur applau- dit aux « beaux et bons privilèges » dont jouissent les bour- geois par une grâce particulière de Dieu, car «toute bonne donation est d'en haut et descent du père des lumières. » Cet écrit, d’un style un peu pompeux, nous apprend que les Franchises, dont le magistrat l'a chargé de faire la pré- sente édition, ont déjà été imprimées, mais qu’ «on ne peut pas recouurer des exemplaires à sa volonté. » L'édition, à laquelle Foillet fait allusion, est absolument inconnue. Nous n'en connaissons l'existence que par cette mention som- maire (2). Notre imprimeur ajoute : « Le langage, singulièrement des plus anciennes de ces Cucuel, exerçant la profession de tisserand et bourgeois de Montbéliard: Certains actes portant le nom de Samuel Cucuel tout court ne permettent pas de savoir à quel personnage on a affaire. Tout ce que nous pouvons affirmer c’est que l’imprimeur Cucuel était frère de Jean Cucuel, bou- langer, à l'enfant duquel il sert de parrain en 1606. Différents indices nous feraient presque supposer que l'imprimeur et le tisserand Samuel Cucuel ne seraient qu’un seul et même personnage. Samuel et Jean Cucuel seraient les fils de Gédéon Cucuel, ministre à Bavans. (1) Les Franchises, privileges et immunitez octroyees avant trois cent et seize ans aux bourgeois de la ville de Montbeliard par furent de tres heureuse et tres louable memoire les Très Illustres, hauts et puissans Renaud de Bourgongne et Guillaume sa femme, conte et contesse dé Montbeliard,., A Montbeliard. Par Jaques Foillet MDC. (2) Outre l'édition de Montbéliard {1600), il existe une seconde édition, de Bâle, Jean Pistorius, 1732, in-folio, et une troisième, de Bàle également, Jean Schweighauser, 1775, in-folio. — Cette dernière édition renferme le texte français de la charte de 1283, le texte latin de la charte de 1284 (qui n’en est que la version latine) avec une traduction. Les trois éditions contiennent les confirmations octroyées par les successeurs de Renaud de Bourgogne aux bourgeois de Montbéliard. À — 387 — letires (de Franchise) pourra sembler un peu dur ou es- frange : mais ie n’y ay rien voulu ne osé changer. » Cent soixante et onze ans plus tard, le Procureur général Binninger, en apposant son visa à une nouvelle édition des Franchises, reprochera au texte de la vieille charte de 1983 d'être conçue « dans le Gaulois le plus barbare ». L’impri- meur du xvI° siècle qui jugeait cette langue seulement un peu dure ou étrange, était plus clairvovant dans son appré- ciation que le naïf procureur général de la fin du xXvtrr*. Malgré l'engagement que prend Foillet, dans la préface, de ne rien changer au vieux texte, dès les premières lignes, on s’aperçoit que le texte publié n’est pas conforme à la charte manuscrite originale, conservée aujourd'hui précieu - sement aux archives municipales de Montbéliard. La faute, du reste, ne saurait en être imputée à l’impri- meur. Ce n’est pas l'original qu'on lui avait donné à repro- duire, mais une transcription rajeunie (1). Jacques Foillet éprouva plus d’une fois des désagréments, à raison de ses impressions. Dans une première affaire, nous sommes obligés de recon- naitre que notre imprimeur les avait un peu mérités. En 160%, nous le voyons préparer à Montbéliard une édi- (4) Voici le début de la Charte française de 1283 : « Nous, Renauz de Borgoigne, cons de Montbhéliart, et Guillame sa » fome, comtesse de Monthéliart, facons à savoir à toz ces qui werront » ou orront ces presentes latres... » Voici le texte de l’édition Foillet : « Nous, Regnaud de Bourgongne Conte de Montbeliard et Guillaume sa » femme contesse de Montbeliard, faisons ascavoir à tous ceux qui ver- » ront ou orront ces presentes lettres... » Ces quelques mots suffiront pour montrer la différence entre les deux textes et l'importance que présente, au point de vue philologique, le texte original. Cf. sur celui-ci, le beau travail de M. Al. Tuetey : Etude sur le Droit Municipal au XIII et au XIV: siècle en Franche-Comté et en parti- culier à Montbéliard, Montbéliard, Henri Barbier, 1865. — 388 — tion clandestine du Corpus juris canonici, pour l'impression duquel les imprimeurs bâlois Jérôme Gemusæus (1 et Con-. rad Waldkirch (} avaient obtenu un privilège. Ceux-ci, ayant appris les agissements de Foillet s’adres- sèrent au magistrat de Bâle pour la protection de leurs droits qui étaient alors méconnus non seulement à Montbéliard, mais encore à Genève, où l’imprimeur Samuel Crespin venait également de contrefaire leur ouvrage Isocrates cum ver- sione Hieronimi Wolffii. En ce qui concerne cette dernière publication, l'affaire était plus grave, car le livre contrefait avait été mis en vente à la foire de Francfort, | Sur la plainte de Gemusæus et de Waldkireh, le magistrat de Bâle résolut d'intervenir auprès de ja ville de Genève et en même temps auprès de Foillet, pour lui faire défense d'imprimer le Corpus « sous peine de perdre son droit de bourgeoisie et d’encourir disgrâce complète (3), » Sous la date du 13 octobre 1604, nous trouvons, aux archi= ves de Bâle, copie des lettres qui furent adressées à cette occasion aux magistrats de Genève, ainsi qu'à Jacques Foil= let (4). « Nous avons appris, écrit le magistrat bâlois à ce dernier, par nos chers et fidèles bourgeois Jérome Gemusæus et Conrad Waldkirch, et cela à notre grande surprise... le délit que tu as commis à l’encontre de toute liberté civile et de leurs privilèges obtenus, en contrefaisant le livre Corpus juris canonici. C’est pourquoi nous voulons protester contre un pareil délit auprès des étrangers ainsi qu’auprès de notre (1) Né en 1543, mort en 1610, il était le 2e fils de Hieronymus Gemus sæus, médecin et philosophe. Il s’associa avec son frère Polycarpe et Balthazard Han pour l'exploitation de l’ancienne officine d’Oporin (Offi- cina Oporiana). . (2) Gendre et successeur de ‘Pierre Perna, chez qui Foillet avait été |: ouvrier. (3) Archives de Bâle, Protocoles du Magistrat (Ratsprotokoll). (4) Idem. Copies des lettres du Magistrat (Missivenbuch). — 389 — bourgeois. Car nous savons combien les frais d'établissement de cet ouvrage ont été onéreux pour eux [Gemusæus et Waldkirch] et le dommage que cette contrefaçon (comme tu le sais toi-même) à dû leur causer... » Rappelant à notre imprimeur qu'il est bourgeois de Bâle, le Magistrat lui ordonne, en vertu du serment qui le lie et sous peine de perdre ses droits de bourgeoisie, « non seule- ment de ne plus contrefaire dorénavant le Corpus sous aucune forme, mais de supprimer complètement ce qui est déjà imprimé et de ne le vendre aucunement » Et le Ma- oistrat poursuit: : Si tu enfreignais notre ordre sévère et persistais dans cette entreprise, nous saurions assurément nous comporter envers toi comme il v a lieu de le faire vis à vis d’un homme désobéissant., » Jacques Foillet se conformant à cette décision, ne donna pas suite à son projet. S'il avait passé outre, les autorités - baäloises lui eussent retiré son droit de bourgeoisie, et nous Savons qu'il le possédait encore en 16135. Dans une autre circonstance, l'impression d’un ouvrage de Claude Flamand faillit le compromettre et lui attira même des poursuites en justice Il s’agit du Guide des fortifica- hons et conduitte militaire, publié en 1597. Le jeudi 8 décembre de la même année, nous voyons Jacques Foillet comparaitre en personne devant la Cour et Chancellerie de Montbéliard, composée de « nobles et hono- rés seigneurs messires Jean Christofle Zenger (1), docteur es droictz, chancelier, Anthoine Carray (2), messire Jehan (1) Zenger (Jean-Christophe) succéda en 1590 à Hector Vogelmau Comme chancelier du comté de Montbéliard. Il fut remplacé en 1615 par Jacques Læffler qui occupait jusqu'alors la charge de vice-chancelier. Zenger est surtout connu par la mission qu'il remplit auprès de Henri IV de concert avec le capitaine Saige. (2) Carray (Anthoine), conseiller de régence et poète lalin, naquit à Montbéliard vers 1530. Aprés avoir fait ses études à Strasbourg, Bâle, Padoue et Paris, il entra au service du comte Georges en 1554 avec un — 390 — Stoffel (1), docteur es droictz, André du Vernoy (2), conseil- lers, George Ponnier G), maire, Hugues Bouvier (4), prevost, et Joseph Titot (5), greffier de la dite cour. » Admis comme imprimeur de Son Altesse, à condition de n’imprimer ou mettre en vente aucun livre sans le consen- tement du prince ou de son conseil, et sans l'avoir présenté «aux commis deputez », il était accusé par le procureur général Hector Loris d’avoir « neangmoings, tout nouvelle- ment de son auctorité et contre son debvoir et serment, im- primé deux certains livres (ô) intitulez le Guide des Fortifica- tions et conduite militaire, à réquisition de mre Claude Fla- mand autheur d’iceulx, sans permission d’icelle sadite Aftesse], de ce dict conseil, ny l’avoir présenté et monstré ausdits commis. combien qu'iceulx soient remplis d’injures et invectives tant contre la personne de l’ung des princi- paulx conseillers de sadite À , que de toute la nation alle- mande, qui tendent directement au blasme et deshonneur. traitement annuel de 20 livres bâloises et d’un bichot de froment. Il fut successivement registrateur des Archives, maire de la ville de Montbé- liard (1564-1573) et enfin conseiller de régence (1580-1598). De son mariage avec une fille du Procureur général Ch. Mercier, il eut un grand nombre d'enfants, entre autres Hector Carray, vice-chancelier. (1) Stoffel (Jean), nommé conseiller en 1596. Il l'était encore en 1603. (2) Duvernoy (André). Après avoir débuté comme greffier de la mai- rie, puis de la cour et chancellerie, il devint maire de la ville de 1581 à 1590, époque à laquelle il fut nommé conseiller de régence. Il mourut dans cette fonction le 22 mars 163), âgé de 8% ans, Il est le père du médecin Daniel Duvernoy, médecin des princes Jean-Frédéric et Louis- Frédéric. (3) Ponnier (Georges). Prévôt jusqu’en 1590, il remplaça à la mairie André Duvernoy et mourut en charge le 26 juillet 1620. (4) Bouvier (Hugues), prévôt de 1591 à 1600. (5) Titot (Joseph), originaire de Fontenoy-en-Vosges, fut reçu bourgeois de Montbéliard en 1593 D'abord notaire, il remplit les fonctions de greffier de la Cour et Chancellerie de 1596 à 1633, avant d'être nommé conseiller. (6) Il n'existe réellement qu'un seul ouvrage, le Guide des fortifications incriminé. — 991 — de Sa Majesté Impériale et de tous les princes, cités et membres du Sainct-Empire... » Le procureur général demandait que Jacques Foillet fût « pour ce exemplairement chastié selon exigence et con- dampné aux dépens, » La cause, remise à huitaine, fut successivement renvoyée aux 26 janvier, 16 février, 9, 16 et 30 mars, 4 et 11 mai 1598. La dernière mention que l’on trouve dans le registre est ainsi conçue : « Le Jeudi 18 mai 1598, la cause est renvoyée à l’octave. » (1) Nous ne savons ce qu'il advint, mais probablement l'affaire fut retirée du rôle sans avoir recu de solution. Une ordonnance du Conseil de Régence du 11 octobre 1609 organisa définitivement la censure des livres dans le Comté. Voici le texte de cette ordonnance : « Comme l’on a reconu qu'aucuns ministres et maistres d Ecole du Comté et Seigneuries de $. À. depar deçà se sont ingerés dès quelque tems ença de faire imprimer sans la permission de ce Conseil aucuns livres, et d’autres de faire des vers ou autres écrits à la louange de ceux qui font im- primer lesd. livres, en quoy se reconnoit de l'excès, par la louange et exaltation demesurée attribuée aux personnes, l’on défend auxd. ministres et maistres d’école de se mesler à l'avenir de telles choses ; que sy le sujet et occasion legi- time se présente de faire quelques ecrits qui doibvent estre imprimés, les delivrant au sieur superintendant de ce lieu (1) Arch. nationales, Fonds Montbéliard, 2? 1721, Registre des causes fiscales de 1596 à 1602 (folios 77, 78, 80, 83, 86, 91, 95, 101 103, 105 et 108). Ce dossier a été utilisé par M. Al. Tuetey dans la note sur Foillet qu'il a fait paraitre dans son ouvrage Les Allemands en _ France, p. 265, note 2 (xiv° et xv*° vol, dés Mémoires de la Soc. d'Emul. de Montbéliard, années 1882-1883), » — 9392 — pour les faire voir au Conseil, il y sera pourvü et convena- blement ordonné. » (1) Le prétexte allégué ne présente pas beaucoup de valeur ; ce qu’on voulait, c'était empêcher la diffusion par la voie de la presse de certaines idées politiques ou religieuses jugées dangereuses pour l’ordre de choses établi. Plus tard. on menaça d’une peine arbitraire et d'interdiction tout impri- meur d’un ouvrage non soumis à la censure, si bien que nous voyons de simples programmes d'études rédigés par des professeurs du collège, en 1670, et par ceux du Gym- nase, en 1733, présentés au visa préalable d’une commis- sion formée de conseillers de régence (2). Pour en finir avec les impressions de Foillet, nous dirons quelques mots de certains ouvrages de théologie luthé- rienne qui, sur les ordres du duc Jean-Frédéric, sortirent de ses presses en 1609 et 1610. Les différends qui existaient à Montbéliard entre calvi- nistes et luthériens commençaient un peu à s’apaiser. Le duc exhortait les ministres à la concorde et à la modération. Pour aider à la propagande des idées luthériennes, il erut nécessaire de faire paraître une traduction française des Lieux en théologie de Mathias Hafenræfer, de lAdmonition chrétienne de Lucas Osiander et du Manuel de Jean- Georges Sigwart. | Par une lettre en date du 21 avril 1609, adressée au surin- tendant Brebach (3) et au ministre de l’église française, (l\ Archives nationales, Fonds Montbéliard K 2233 « Défense tou- chant les imprimés et livres sans permission du Conseil de S. A» (2) Cf. Ch. Duvernoy, Ephémérides, p 391. (3) Pierre Brebach, né à Saarbruck, après avoir fait ses études à l’uni- versité de Strasbourg de 1584 à 1596, fut nommé ministre en Alsace, puis surintendant des églises à Montbéliard en 160%. Il exerça ses fonctions jusqu’à sa mort en 1614 On a de lui des sermons en langue allemande : 1° sur la dédicace du temple Saint-Martin, du 23 octobre 1607 ; 2° sur le décès de Jean Bauhin (1614) ; 3 sur le décès du bailli de Brünighofïen (1606). — 3935 — Samuel Cucuel, il chargea ce dernier et le ministre Macler de cette traduction (1). Les trois ouvrages ci-dessus parurent chez Foillet en 1609 et 1610. Nous voyons aussi, en 1614, le duc Jean-Frédéric confier à Antoine Regnard, diacre à l’église française de Monthé- liard, la traduction d'un ouvrage de Thomas Wegelin, mi- nistre à Pforzheim, réfutant un écrit que les Jésuites avaient publié sur le Colloque de Dourlach (1613). Jacques Foillet, après avoir fait quelques difficultés, estimant que le livre se vendrait peu, consentit à imprimer cette traduction qui devait être tirée à mille exemplaires. Ch. Duvernoy mettait en doute la suite donnée à ce projet. Cependant dans lin- ventaire de la librairie de Foillet, nous trouvons le passage suivant : | -« Trois volumes en françois du Discours tenu à Dourlac composé par Thomas Wegelin, in-octavo, relié en blanc.» Peu de temps avant sa mort, Jacques Foillet eut une sérieuse concurrence à redouter, celle de Pyrame de Can- dolle, qui faillit installer à Montbéliard, vers 1617, un éta- blissement typographique. Né à Fréjus en 1566, Pyrame de Candolle, qui apparte- nait à une vieille famille de Provence, avait fait ses études à Genève, où son père s'était retiré pour cause de religion. Devenu cornette de cavalerie dans les troupes de cette répu- blique, il reçut, le 18 novembre 1594, le droit de bourgeoi- sie en récompense de ses services et entra, l’année sui- vante, dans le Conseil des Deux-Cents. Marié dès 1591 à Anne, fille de limprimeur Eustache Vignon, Pvrame de Candolle fonda lui-même à Genève une imprimerie dont les produits sont marqués comime heu d'impression des pseu- donvines ‘Cologny, Golonie Allobroge, Colonie Alpestre. (1) Biblioth. de Besançon, Collection Duvernoy, in-folio 6. — 394 — L'imprimerie genevoise faisait alors, au moyen de ses livres bon marché, une redoutable concurrence à Lyon, et de Can- dolle, pour introduire ses impressions en France où elles étaient frappées d’interdit, essavait de recourir à des sub- terfuges. Pour des causes que nous ignorons, Pyrame de Candolle quitta Genève et vint, en 1616, à Yverdon, établir un atelier typographique et, en même temps, fonder une société com- merciale qui prit la direction de la manufacture de draps nouvellement fondée dans cette ville. | Cest vers cette époque que ses affaires n'ayant sans doute point prospéré, il songea à créer à Montbéliard une manufacture de laine et une grande imprimerie. Dans une lettre adressée au prince, il lui fait part de son dessein (1). Il se propose, au moyen de ces établissements, d'assurer la subsistance du peuple et le bien être de tout le comté. Dans la manufacture de laines, on fabriquerait « toute espèce de drapperie de bon usage, tant pour le vestement de la populasse qu'aussv pour les riches, comme aussi toute espèce de sargerie, camelotterie, buralz, cadiz, estametz, escarlattes, tridaines, frizes, carisées, camelotz, tapisseries de haute lisse et bergames couvertes de diverses façons, aussi sargettes, razes, de toutes taintures et autres facons d’estoffes estrangères... » De Candolle fait observer que ces étoffes pourraient être écoulées dans le pays et surtout à l'étranger. Elles seraient d’une fabrication peu coûteuse, l'abondance des vivres dans la Principauté permettant de se procurer des ouvriers à bas prix, et la matière première « croissant toute es environs comme en Alpes » se trouvant pour ainsi dire sous la main. (1) Copie du temps, sans date (Biblioth. de Besançon, Collection Duvernoy, in-folio n° 3). Cahïer de 8 feuillets, in-4° dont le papier porte comme filigrane un ours dans un écusson armorié. — 395 — Il y avait aussi « quantité de femmes et enfans ez villages qui l’hyver, durant les veilles de la nuit et durant le mauvais temps qu'ils ne travaillent es champs, se pourroyent em- ployer aux fillages des laines auquel serovent instruits par les ouvriers estrangers de diverses nations qu’on ameneroit.» Pour toutes ces raisons, les étoffes « se donnerovent à si bon marché que la distribution en seroit asseurée ez foires de Strasbourg, Bezenson, Paris, Lion, Genève, Suysse et Italie, » et elles seraient « autant d’hamecons et amorces pour attirer les autres marchandises estrangères qui nous sont nécessaires, de l'Angleterre, France, Espagne, ftalie et pays orientaux. » À cette manufacture qui pourrait être établie, soit dans le grand bâtiment du Collège (1) « dont semble que le lieu ait esté basti tout exprès », soit dans des locaux à construire à la nouvelle ville ou faubourg, on adjoindrait une impri- merie d’où sortiraient, aussi à des conditions particulières de bon marché «toutes sortes de bons livres les plus néces- saires pour l'érection de la Jeunesse et éntretenement des bonnes Lettres, desquels l’on ne se peut bonnement passer si l’on ne veut abattre toutes les sciences des arts libéraux, un theologien ne se pouvant passer d’une Bible, un phylo- sophe d’un Aristote et d’un Platon, un orateur d’un Demos- thène, un historiographe de l’Histoyre grecque et ro- maine... » | Et Pyrame de Candolle propose au prince d'imprimer tout d’abord l’[istoire universelle des Plantes, le Corpus juris civilis, tout le Cours civil de Justinien traduit en français, l'Alcoran des Jésuites « c’est-à-dire l’histoire générale d’iceux » (1) Le Collegium ou Académie, construit sous les auspices du comte Frédéric de 1598 à 1602, était destiné à donner l'instruction supérieure aux Jeunes gens du pays. Mais, par suite de diverses circonstances, les cours ne s'ouvrirent qu'en 1670. Le collège était done vacant au moment. de la requête de Pyrame de Candolle. — 996 — les Délices du Monde, le Calepin « reveu et augmenté de tous les caractères et langues de l’univers. » On emploierait ainsi plus de cinquante mille rames de papier pouvant se fabriquer dans le pays et l’on fournirait du travail au moyen de trois presses, à un grand nombre d'ouvriers pendant dix années. | Pour mettre ce projet à exécution, Pyrame de Candolle se proposait de constituer une société en commandite, au capital de 200 000 francs, qui aurait une durée de dix ans. Le comte de Montbéliard fournirait moitié de ce capital et le surplus serait versé par sept actiounaires, à raison de 10.000 francs chacun et par un huitième actionnaire à raison de 30.000 francs. Les deux établissements seraient dirigés et administrés par de Candolle qui recevrait, en plus du logement, un traitement annuel et fixe de 300 reisthalers (D. En cas de dissolution de la société et avant toute répartition, au prorata des mises de fonds, des bénéfices réalisés, 1l toucherait pour sa part la neuvième parte de la totalité de ces bénéfices. L'importance des avances à faire empécha le prince de Montbéliard de donner suite à ce vaste dessein qui fait hon- neur à l'esprit qui l’a conçu. Foillet évita de la sorte une concurrence contre laquelle il lui eût été difficile de lutter. Pyrame de Candolle, rebuté et malheureux, se retira dans un petit domaine quil possédait à Versoix où 1} mourut le 17 novembre 1626 (2). (1) Eu 1662, le reisthaler valait 2 livres, 9 gros, 3 blancs. (2) En 1627, nous trouvons la trace à Montbéliard d’un autre membre de la célèbre famille de Candolle, Jean, neveu de Pyrame l'imprimeur. Elisabeth Margeret, veuve du notaire David Verner, tenancière d: l'au- berge du Lion d'or, présente une requête à Son Altesse, en novembre 1627, pour être autorisée à saisir les meubles et linges du sieur de Can- dolle qui était sur le point de se rendre à Genève. Celuici, qui avt épousé Judith, fille d'Hector Loris, conseiller de régence, était redevable avec le capitaine Pierre Loris, son beau-frère, d'une somime de 154 francs envers la veuve Verner, leur cousine. C'était le reliquat des frais de la — 397 — Il FOILLET PAPETIER Pendant son séjour à Montbéliard, Jacques Foillet dirigea et exploita deux fabriques de papier : 4e La Papeterie des Graviers, de 1597 à 1612 ; 9o La Papeterie de Belchamp, de 1613 à 1619. Nous consacrerons à chacune d’elles un chapitre spécial. L'histoire de la première s'arrête à l'année 1612, époque où elle fut démolie. L'histoire de la seconde s'étend de 1612 à 1643, mais à partir de 1619, date du décès de Foillet, elle n’a plus le même intérêt pour nous, La Papeterie des Graviers (1597-1612) Depuis la destruction de la papeterie de Courcelles par les Lorrains (1588), Jacques Foillet tirait le papier dont il avait besoin pour ses impressions des villes de Baume-les-Dames et de Bâle, mais surtout de cette dernière, à cause des con- ditions avantageuses auxquelles il se lé procurait. En 1597, à la demande de notre imprimeur et sur les noce De Candolle-Loris. La veuve Verner fut désintéressée peu de jours après. (Arch. municip. de Montbéliard. Procès civils). Jean de Candolle ci-dessus était né en Provence comme Pvyrame, Il fut recu bourgeois de Genève en 1642, De son mariage avec Judith Loris, petite-fille de Jean Bauhin, il eut neuf enfants, entre autres Pyrame, du même prénom que son grand-oncle l'imprimeur ; né à Genève en 1631, il légua 4100 livres tournois aux pauvres de l’hôpital de Montbéliard et pareille somme à ceux de Genève /Arch. municip. de Montbéliard). (Extrait du testament de Pyrame de Candolle, signé S. Brisechoux, no- taire). — 398 — ordres du comte Frédéric, l'architecte Henri Schickhardt (1) construisit un moulin à papier à Montbéliard, sur les bords de l’Allan, à la Porte des Graviers (2). Par un rescrit daté de Stuttgard le 10 décembre 13597, le prince donna en amodia- tion cette nouvelle papeterie à Jacques Foillet, pour une durée de dix ans, moyennant le canon annuel + 280 francs et la livraison de 20 rames de papicr (3). A cette papeterie ne tardèrent point d'être annexés une scierie, un moulin à farine, ainsi qu'un atelier dont nous retrouverons un peu plus loin les amodiataires. Jacques Foillet entra en jouissance du moulin à papier à Noël 1597 : mais l’acte devant le tabellion ne put être passé qu à la fin de l’année 1600, pour diverses raisons, et notam- ment à cause de la longue maladie, puis du décès du tréso- rier Michel Zecker qui avait été chargé de traiter directe- ment cette affaire avec Foillet (4). Deux documents portant la date des 6 et 10 décembre (1) La biographie de Henri Schickhardt est trop connue pour que nous la reproduisions ici. Cf. Jules Gauthier, — L'architecte wurtembergeois Henri Schickhardt (Mémoires de l'Académie de Besancon, année 1894). (2) Handschriften und Hand:eichnungen des herzoglich wurtem- bergischen Baumeisters Heinrich Schickhardt. Herausgegeben durch D' W. Heyd (3 cahiers avec une table et de nombreuses figures) Stutt- gart, 1902, gr. in-8. — Nous lisons p. 365: « Mümpelgart. — Ausser gnedigen Bevelch Herzog Friderichen hab ich 1597 ein Bapirmilen von Grund auf... erbaut, die hat Ir F. G. jehrlich iber allen Costen ertragen 280 Frankhen und 20 Riss Bapir.» Traduction : Sur l'ordre du comte Frédéric, je construisis en 1597 un moulin à papier qui lui rapporta par an 280 francs et 20 rames de papier. (3) Archives du Doubs E 33. Minute sur papier en allemand, #4 p. petit in-#0. (4) Zecker, neveu du secrétaire d'Etat Léonard Binninger, fut trésorier du comte Frédéric de 1567 à 1600. À la date du 10 août 1588, nous le voyons adresser à celui-ci un mémoire relatif aux moyens à employer pour donner cours en Franche-Comté et en Allemagne aux monnaies du pays de Montbéliard. Il mourut le 21 avril 1600. Zecker possédait à Bart et à Vandoncourt plusieurs immeubles qui furent incendiés par les Lor- rains (1587-1588). Il était l'ami du médecin Jean Bauhin. Nous possédons un livre que ce dernier lui adressa avec cette dédicace autographe au — 399 — 1600 (1) nous apprennent que celui-ci présenta comme cau- tions de ce contrat Ligier Violet (2), marchand, et Jean Morel 6), potier d’étain, tous deux bourgeois de Montbéliard, ainsi que Jean Tuette, bourgeois d'Héricourt. Dans le pre- mier de ces actes, Jacques Foillet est qualifié de messire. A son expiration, en 1607, le bail fut renouvelé à Foillet pour une nouvelle période de dix années, bas du frontispice : « À Me Michel Zecker tresorier mon bon amy. » C'était son Histoire notable de la rage des loups advenue l'an 1590, Montbéliard, 1591. (1) Archives du Doubs E, 32. (2) Ce Ligier Violet, marchand et bourgeois de Monthéliard, était un réfugié protestant, sans doute originaire de Lyon. Nous trouvons un Jean Viollet, libraire à Lyon, cité en 1553, 1560 et 1585. Ligier Violet qui demeurait à Montbéliard, rue des Febvres, avait, en janvier 1586, comme locataire, Loyse Venel, épouse de Nicolas Vignier, premier médecin du comte Frédéric, nommé par lettres patentes du 26 mai 1571. Vignier ne resta que peu à Montbéliard où il fut remplacé à la fin de la même année par le célèbre Jean Bauhin. Il rentra en France et devint médecin de Henri III, puis conseiller d'Etat et historiographe de France. Sa femme était restée à Monthéliard. Ligier Violet eut un fils, Claude-Nicolas-Daniel Violet, qui fut recu de la corporation des marchands de Montbéliard en 1582 et de celle du Safran de Bâle, en 1592. (3) Jean Morel, potier d’étain, réfugié bisontin, habitait déjà Monthé- liard en 1555. Il était maitre de la chonffe ou corporation des Maréchaux, le 12 avril 1530, lors de la réception dans cette société de François Briot « potier d'estain de Dambellain, pavs de’ Lorraine ». On le surnommait le vieux, pour le distinguer de son homonyme, Jean Morel le jeune, qui exercait la même profession et qui, désigné parfois aussi sous le nom d’orfèvre, mourut, en 159%, en qualité de maitre de la monnaie de Riquewihr. Plusieurs membres de cette famille ont été potiers d’étain, depuis le milieu du xvi° siècle jusqu’à la fin du xvire. On les voit souvent porter ie prénom de Jean, de telle sorte qu'il est assez difficile de les distinguer les uns des autres. Parmi les ustensiles d’étain énumérés dans l'inventaire dressé après la mort de Foillet, figurent une aiguière en étain « façon de Besançon » et une salière en étain aussi « facon de Besançon ». Elles provenaient sans doute de l’atelier de Jean Morel le vieux, potier d'étain, originaire de cette ville. — À00 — Ïl résulte d’un rapport du trésorier de la seigneurie Mé- gnin, adressé en 1609 au Conseil de régence que « les répa- rations de la Papellerie et entretien de l’escluse d’icelle » avaient coûté au Domaine, de 1600 à 1607, une somme de 1,076 francs 9 gros 2 blancs. De 1607 à 1609, les dépenses faites pour l’entretien « de la papellerie et rasse et autres choses en despendant » s’élevèrent à 422 francs 8 gros 11 blancs forts. Pour y faire face, le trésorier avait reçu de Jac- ques Foillet 340 francs et « de ladmodiateur de la rasse et de ce qui en dépend » 70 francs (1). | Par « ce qui en dépend », il faut entendre la rasse ou scie- rie amodiée à Pierre Menegay (2) et qui fut construite en même temps que la papeterie ou très peu de temps après, ainsi qu'un moulin à farine dont le meunier en 1612 était Jean Mathiot. Dans l'immeuble, se trouvait aussi un atelier que nous voyons sous loué par les amodiataires des mou- lins, depuis 14609, aux taillandiers Nicolas Boillon et Elisé Barthol. L'établissement des Graviers, comme on voit, avec ses deux annexes, la scierie et le moulin à farine, était d’un entretien assez onéreux pour le Domaine. On n'y faisait pas toutes les réparations nécessaires, et l’état de délabrement du moulin à papier était tel que Jacques Foillet, en 1609, songea à établir une papeterie à ses frais à Audincourt. (4) Archives du Doubs E, 33. (2) Pierre Menegay, scieur de long, amodiataire de la scierie des Graviers, était originaire de Courcelles-les-Mandeure. Il habitait à Mont- béliard le quartier de la Neuve ville. Les registres de l’état civil de Mont- béliard font mention de son mariage, le 5 avril 1698, avec Antoinette, sœur de Jean Mathiot, meunier du moulin annexé à la papeterie. Il en eut cinq enfants , lrois garçons et deux filles. Pierre Menegay est men- tionné à différentes reprises comme « rasseur de la rasse de Son Altesse, » dans des actes d'achat ou de vente entre les années 161% et 1617 (Arch. du Doubs. Protocoles des contrals du Tabellioné); mais, à parür du 28 septembre 1618, il n’est plus désigné que sous le nom de « menusier habitant à Montbéliard ». ee Nous reviendrons plus loin sur ce projet et sur celui du Conseil de régence qui, de son côté, en 1611, fit rechercher un emplacement pour la construction d’une nouvelle pape- terie. ne a D M RON A la fin de 1610, l'usine des. Graviers, € en 1 effet, menaçait ruine, Pendant l'hiver de 1612, les grandes eaux et la débâ- cle des glaces emportèrent une partie de l’écluse. Jacques Foillet, dans une requête du 20 janvier. 1612, s signale cette situation au Conseil de régence, en priant leurs Seigneuries « d'ordoner ce quelles treuveront de meilleur (D ». re Le Conseil de régence transmit le même jour cette requête pour avis à l’Intendant des bâtiments, ainsi qu’à lParchitecte et à « l’escharguet de céants ». Dans un rapport, en date du 22 janvier 1612, l'architecte Claude Flamand et l'écharguet Grosjean Carray @ rendent {A Archives du D. E, 33. Lettre originale de Jacques Foillet repro- duite en fac-similé en tête de notre travail. (2) Claude F lamand, né, vers 1570, à Savoyeux (Haute-Saône), ingénieur et architecte, s'établit à Montbéliard le 29 janvier 1593. La référence sui- vante indique qu'il habitait cette ville à cette époque : « Maistre Claude Flamand, ingeniaire [a reçu] pour son gage de 1594, 86 livres. » (Arch. du Doubs. Série G. Compte des chapelles de 1595-1595, Chapitre de Suint-Maimbæœuf, n° 1617.) — Au mois d'avril 4610, son savoir et son expérience l'appelèrent à succéder à Henri Schickhardt, dans la charge d'architecte du prince. Il recevait pour gages 200 fres par an, 4 bichots de blé et le logement. En 1615, son gage fut porté à 875 fr. ; il louchait en outre une indemnité de 22 fres 6 gros pour deux vêtements, l’un d'été, l'autre d'hiver, plus 40 fres pour loyer de maison. Il fortifia le faubourg de Montbéliard et ajouta de nouveaux ouvrages au château de la Grotte. On lui doit aussi les hauts remparts qui forment au nord l'enceinte du château proprement dit, l’aile occidentale du bâtiment des Halles, la fon- derie d'Audincourt qui fut construite sur ses plans par Paul Peyer en 1618. Avec l'agrément du prince, il mit ses talents au service de nom- breux états, et exerça son art lant en Franche-Comté qu'en Lorraine et en Suisse, notamment à Bâle. Voici la lettre inédite que le comte Louis- Frédéric remit à Flamand en l’adressant au Magistrat de cette ville qui allait l'utiliser pour ses fortifications : « Aux très honorables, ver tueux, honnêtes et sages, nos bien-aimés voi- sius et bons amis les bourgmestre et magistrat de la ville de Bâle. Par la Grâce de Dieu, Louis-Frédérice, duc de Wurtemberg et Teck. Voz. 9. 26 —— 402 — compte de la visite qu'ils ont faite à la papeterie. L’écluse présente trois brèches, chacune d’une trentaine de pieds de longueur « et pour les racoustrer il faudroit bien dix chevallot comte de Montbéliard et seigneur de Heidenheim. Recevez avant tout notre gracieux salut, voisins très honorables, vertueux, honnêtes, sages et bien aimés et bons amis. On ne nous a transinis qu'hier au soir votre lettre du 9 de ce mois. Après l’avoir lue, nous avons aussitôt gracieuse- ment ordonné à notre ingénieur Claude Flamand qui vous porte cette lettre, de se rendre au plus vite chez vous pour vous servir, selon votre volonté, en sa profession, car nous sommes non seulement en cette af- faire, mais aussi en n'importe quelle autre, prêt à vous rendre service. Datum dans notre château de Montbéliard, le 15 octobre anno 1620. [Signé] : LOUIS FRÉDÉRIC. » (Arch. de Bäle. Actes des bätiments, Z. 1. Fortifications. Original en allemand.) Nous avons vu aux Archives de Bâle, une dizaine de plans de fortifica- tions de cette ville, exécutés de la main et portant la signature de Claude Flamand. Celui-ci mourut à Montbéliard, tin août 1626 (Voir ses écrits dans la liste des linpressions de Foillet en 1597 et 1611.) Architecte et ingénieur militaire, Claude Fiimand vient de nous étre révélé par les archives $ous un nouveau jour. Il était non seulement sculpteur, mais aussi horloger sur le gros et le petit volume ! L'industrie horlogère commençait à s'installer à Montbéliard. Un acte de vente du 2? décembre 158% (Arch. du Doubs, E 17), mentionne la présence à cette date à Montbéliard d’un Christophe Pfort « horologeur » qui était également « sonneur » à Saint-Maimbœuf en 1536 (Arch. du Doubs, série G. Registre n° 1450,. Du reste, les comptes de Ville font mention d'un reloge, en 1425. Le 22 février 1600, nous trouvons un nommé Jean Bouillon « faiseur d’horologe » cité comme parrain d'Elisi- beth, fille de François Golard, peintre, bourgeois de Montbéliard et de Marie Cochin sa femme ; celle-ci était fille de Nicolas Cochin, peintre ori- ginaire de Troyes, dont le nom figure au rôle des réfugiés du 10 sep- tembre 1578. Claude Flamand, en 1596, recut du comte Frédéric une somme de 35 florins pour lui avoir réparé une montre, ein Uhrliein (Bibliothèque de Besançon. Collection Duvernoy, tome [). Cet ingénieur s'eutendait aussi à la réparation des horloges. Dans les comptes de Charles Loris, maitre bourgeois en chef pour l’année 1613, on peut lire au chapitre des dépenses : « Pour serruriers. La somme de « deux cents trente-deux francs cinq gros deux blancs desboursés tant à « Jean Lièvre, Jean Gruet, Louys Couillerus, serruriers, qu'à d’autres pour — 403 — et six cher de pierres et de chaux, ving ou six ving fassines et deux cher de fausse... » Si la papeterie doit être conser- vée, concluent-ils, « il serait besoin de rehausser et remplir plusieurs goullot qui se sont avalle dans plusieurs endroict le long de lescluze. » L'Intendant des bâtiments, Abraham Morlot(l), de son « besongnes par eulx faites pour la dite ville, pendant le temps et terme « de l’an du présent compte, en laquelle somme sont compris les fraitz « employés à la réfection de l'horloge de devant les hasles, ensemble « trente-trois francs accordés à Maistre Claude Flamand pour ses « peines et salaires d’avoir travaillé à la réfection dudit horloge ». (Archives du Doubs, E, 102). | Claude Flamand rendit de grands services à la ville de Montbéliard. Les bourgeois lui en témoignérent leur reconnaissance, ainsi qu’on peut le voir d’après les comptes du maitre bourgeois en chef Nicolas Bour- quart, pour l’année 1619-1620 : « À desboursé à Maurice Peyer marchand « habitant en ce lieu quinze franes forts pour achapt de luy fait d'un « chapeau ensemble du cordon et d’un pannache dont présent a esté « fait à Maistre Claude Flamand, por recognoissance de la peine et « du debvoir qu'il a eu fait après les bastiments de la dite ville durant « l'an du présent compte. » (Archives du Doubs, E, 102). Grosjehan Carray avait succédé en 1608 comme écharguet ou burg- vogt à Perrin Borne qui était en fonctions depuis 1572. Dans sa maison sise au guet de Saint-Martin (n° 25 actuel de la place Saint-Martin), il logea en 1536 jusqu’à 18 protestants réfugiés. Il était déjà décédé en 1635. (4) Abraham Morlot, architecte, intendant des bâtiments et auditeur en la chambre des Comptes, portait le titre de « Noble ». Il était fils de Noble Thiébault Morlot, de Fontenoy-en-Vosges, lequel avait été reçu bourgeois de Montbéliard le 8 juin 1586 et décéda en mars ou avril 1598. Abraham avait comme frères : Joseph Morlot, seigneur en partie de Nommay, Dam benois et Brognard, et Nicolas Morlot qui obtinrent l'autorisation, en 1586, de construire à Chagey « un fourneau à fondre fer et gueuses, une forge à battre fer en bandes, affinerie et autres bâtiments nécessaires. » Abraham Morlot était allié par sa femme Antoinette à la famille du ban- delier Virot. Il l'avait épousée le 9 août 1597 et en eut dix enfants. Il était avec Michel Virot le chef du parti calviniste à Monthéliard. Tous deux se rendaient à Bâle pour recevoir la cène. Condamnés l'un et l’autre à dix francs d'amende pour ce fait en 1612, ils virent cette peine levée l’année suivante, sur leur réclamation. Abraham Morlot mourut le 7 octobre 1627, soupçonné d'avoir été empoisonné. Lui, son père et ses trois frères, Joseph, Mare et Gédéon avaient acquis, en 1587, le droit de bourgeois de Bâle. Lui-mème émigra dans cette ville, où nous le trouvons vers 1620 à la tête — 404 — côté, insiste pour qu'on répare promptement les brèches, sinon les eaux augmenteront le dommage et les frais occa- sionnés par les travaux seront supérieurs aux revenus de la papeterie. Le Conseil de régence demeura dans l'inaction et nous voyons Foillet, inquiet sur le sort de son usine, lui présenter à nouveau requête, le 11 février, pour savoir ce qu'il doit faire. Nouvelle visite à la papeterie de Claude Flamand et de Carray ; ils constatent l'agrandissement des brèches et demandent des instructions. : Le 20, Foillet et Menegay s’adressèrent au Conseil de Régence, sollicitant d’urgentes réparations afin de se voir éviter de plus grands dommages. Les pertes éprouvées par eux étaient évaluées par Claude Flamand et Carray, savoir, en ce qui concerne Foillet, à 500 florins pour altération des chiffons et, en ce qui concerne Menegay, à une somme plus importante encore, à raison des bois qu’il n'avait pu scier. De leur côté, Nicolas Boillon et Elisé Barthol, taillandiers, qui avaient sous-loué, depuis trois ans, un atelier dans lPim- meuble, se plaignaient de l’arrêt du moulin dont les roues, faute d’eau, ne tournaient plus. Ils étaient exposés à perdre leurs marchandises par suite de l'impossibilité où ils se trou- vaient de les travailler. Eux aussi, réclamaient des répara- tions immédiates à l’écluse. Nous voyons enfin Jacques Foillet, quelques jours plus d'un commerce de soieries, et propriétaire d’une ancienne maison de Foillet, le n° 51 faubourg de Pierre. Ses descendants habitent encore la ville de Bienne (Cf. Die Refugianten in Basel, par Aug. Huber, Bâle, 1896). — L'Intendant ou Inspecteur des bâtiments, appelé aussi intendant des domaines, avait dans ses attributions : L° l'inspection des bâtiments de la ville, des forges et des sauneries de Saulnot ; 2° la surveillance des comptes des Receveurs ; 3° l'examen des mémoires des artisans et ouvriers ayant travaillé pour le prince et l'établissement des mandats de paiement ; 4° la surveillance sur le paiement des gages des officiers et serviteurs à la Saint- Martin; 5° la visite des caves à vins du château quatre fois par an. Soc. d'Emul. du Doubs -7ome /X-1905. PLXVI. Filigranes de la papeterie des Graviers — 405 — tard, se Joindre de nouveau à Jean Mathiot (il), meunier du moulin des Graviers, et proposer au Conseil de régence d'exécuter ensemble ces réparations, à condition qu’ils fus- sent autorisés tous deux à se retenir le montant de la dépense sur le prix de leur bail (2). La Commission, chargée de visiter l’écluse et qui se com- posait de Duvernoy, conseiller de régence, du trésorier Bin- ninger et de l’intendant des bâtiments Abraham Morlot, constate, dans son nouveau rapport du 3 mars, que l'eau n'arrivant plus sur les roues de la « papellerie », Foillet et Mathiot ont été obligés d'interrompre tout travail. Afin de leur éviter « plus grande ruine », la Commission, souscri- vant à la demande de l’imprimeur et du scieur Menegay, est d'avis qu’il y a leu de leur fournir les bois et matériaux nécessaires pour réparer l’écluse provisoirement, de manière qu’ils puissent « mectre en besoigne et paraschever » leur ouvrage commencé. L’écluse ensuite sera démolie et les amodiataires renonceront au bénéfice de leur bail à partir du 94 juin, ainsi qu'à toute action en dommages et intérêts. L'avis de la Commission fut adopté et suivi par le Conseil de régence. Mais, une pétition de Foillet et de Menegay, tendant à être tenus quittes du prix de leur amodiation à partir de Noël 1611, fut rejetée. Nous voyons Menegay insister dans une nouvelle requête pour la remise à neuf de l'écluse réparée momentanément. - Le Conseil de régence provoqua l'avis de notre impri- meur ; Celui-ci proposa de repousser la demande. Encc quelques semaines et la provision de chiffons qu’il avait € (4) Jehan Mathiot, bourgeois de Montbéliard, désigné comme « monnier des molins de la ville, » (Archives du Doubs. Protocoles des contrats du _Tubellioné de Montbéliard, année 1612, p 200 et 82 vo) mourut en 1616, laissant une fille, Marguerite, et deux fils, Thiebault et Jean. Sa sœur Anthoinette avait épousé Pierre Menegay, amodiataire de la Rasse. (2) Requête du 28 février 1612, Archives du Doubs, E 33. — 406 — magasin serait transformée en papier. L’abandon de l'usine en rendant toute l'eau disponible, allait permettre à la scie- rie de rouler. Dans ces conditions, mieux valait attendre pour ne pas occasionner à la Seigneurie des frais onéreux. Voici en quels termes s'exprime Jean Foillet : (1) « . .. le très humble serviteur de V A dit que'comeul appert d'avoir parachevé tout son confit environ cinq ou six semaines, que pour lui il ne désire point de mettre Son Altesse en frais pour reffaire lescluse dont il est question, dautant que lad. escluse est fort caduque partout, craignant que si l’on raccoustre led, pertuis qu’il n’en vienne un autre autre part, et que quand il aura parachevé son confit led. Menegay pourra jouir de toute l’eau... » Quelque temps après, ordre était donné de démolir la papeterie des Graviers et Jacques Foillet recevait l’autorisa- tion d’en construire une autre vis-à-vis de Belchamp, sur la rive droite du Doubs (2). L'établissement des Graviers, construit en 1997 et démoli en 1612, avait donc subsisté pendant quinze ans, mais dès le mois de septembre 1611, le travail n°v fut plus qu'intermit- tent. La rasse eut une durée plus longue, elle existait encore en 1642 (3). Parmi les collaborateurs de Jacques Foillet à la papeterie des Graviers, nous devons citer Jean Vertu, dit Baret, « na- tif d'Espinac en Lorraine », qui fut reçu bourgeois de Mont- béliard en 1604(4), et Mansz Hazard, que nous trouvons —————— (4) Lettre originale du 12 mars 1612, Archives du Doubs, E 33. (2) Arch. nationales. Fonds Montbéliard, K 2161. Dans ce carton, la chemise d’un dossier mentionne les faits dont il s’agit, mais les pièces en question manquent dans la liasse. (3) Bibliothèque de Besançon. Collection Duvernoy. In-folio 6, fo 32. (4) Arch. municipales de Montbeliard. Livre de réception à la bour- geoisie. — Jean Vertu, de son mariage avec Jeanne Grimaut avait eu deux fils : 1° Jean présenté au baptème le 17 juillet 1599 par Jean Manal, 107 mentionné comme témoin, en qualité de papelier, dans deux actes passés devant le Tabellion général de Monthéliard, les 24 et 26 février 1612. Le dernier de ces actes est relatif à une vente faite par Jean Perrin Gette, charretier, bourgeois de Montbéliard, dont une fille épousa le 30 avril 1616 Samuel Foillet, fils aîné de notre imprimeur (1). Le papier provenant de l'usine de la porte des Graviers est timbré en transparence d’un écu couronné et orné ou d’un écu simplement couronné, écartelé au premier de Wur-- temberg, au deuxième de Teck, au troisième de l’étendard d'Embpire, au quatrième de Montbéliard, souligné d’un quatre de chiffre et des initiales du fabricant I. F. (Voir PI. XVIL fiigranes n°% 7 et 8.) - Le filigrane de ce papier présente, en effet, deux variétés : l'une de la dimension de l’écu adopté par Foillet à Cour- celles, mais surmonté d’une couronne, l’autre d'un type plus grand, avec couronne et ornements (2). Ces filigranes se remarquent principalement : {° aux archives du Doubs, dans les Protocoles du Chapitre de Saint-Maimbæuf {série G, année 1605 et seqq.), et dans les Protocoles des contrats du Tabellioné de Montbéliard (pre- mières années du xvri* siècle) ; 2° aux archives municipales de Montbéliard, dans les Registres des Causes civiles (année 1602 et seqq.) = 2 mn ss = ardinier du prince et Marie de Brünighoffen, fille du Grand Maitre d’hôtel ; 20 Gerson, baptisé le 21 février 1603. — À la date du 27 mars 1600, Jean Vertu, papetier, est cité comme parrain d’Annette Duquet (Archives mu- nicipales de Montbéliard ; registre des baptêmes de l'église Saint-Mar- tin). (4) Archives du Doubs Prolocoles du Tabellioné de 1612. (2) Celui-ci, le n° 8, parait avoir été déjà employé par Foillet à Cour- celles, = 308 — La Papeterie de Belchamp (4612-1619) Déjà en 1609, prévoyant sans doute que la papeterie des Graviers, mal entretenue, ne fonctionnerait plus longtemps, Jacques Foillet avait eu l'intention de construire à ses frais une usine à Audincourt (1). Il ne donna pas suite à ce projet. À la fin de 1610, l'établissement des Graviers présentait un tel état de délabrement que le printemps suivant le Con- seil de régence désigna une commission à l'effet de recher- cher un emplacement convenable pour la construction d’une papeterie neuve (2). Cette commission était composée du greffier du Conseil J. Titot, de l’écharguet Carray, du tréso- rier Gerson Binninger et de l'architecte Claude Flamand. Dans leur rapport du 29 avril 1611, ceux-c1 rendent compte de leurs diligences. Leur première visite, faite au village de Sainte-Suzanne, leur a laissé une impression peu favorable. L’eau de la fontaine conviendrait bien par sa limpidité, mais lendroit est peu propice. De là, ils se rendirent sur les bords du Doubs « proche l’abbaye de Belchamp » (3) (1) Archives du Doubs, E 53. Les cinq pièces relatives à ce projet de Foillet manquent au dossier, dont il ne reste que la chemise indiquant ces faits. (2) Archives du Doubs, E 942. (3) L'abbaye de Belchamp, à 6 kilometres de Montbéliard, fut fondée entre 1134 et 1140 par Thierry If, comte de Montbéliard. En 1181, elle possédait deux moulins sur les bords du Doubs. L'un, celui de la rive droite, fut supprimé au xrie siècle ; c'est sur son emplacement que fut construite la papeterie de Foillet. L'autre sur la rive gauche, a subsisté jusqu’en 1652.-Un pont de pierre, déjà mentionné en 1318, unissait les deux rives du Doubs. S'élant écroulé en 1670, il n’a pas été reconstruit. En 1552, après la Réforme, des commissaires du Conseil de régence s'emparèrent de l’abbaye de Belchamp dont le domaine fut exploité par un Imétayer. On y installa aussi un haras, supprimé vers 1630. Aux xvi- et xvire siècles, le cheinin d’accès de l’abhäve s'appelait « la Vie aux moines ». Sur l'emplacement de l’abbaye, s'élève aujourd'hui un moulin, propriété de MM. Peugeot. — 409 — L'emplacement plut assez à la commission, mais il fallait compter avec l'éloignement de la ville et sur une forte dépense pour la construction d’une écluse. | | Un rapport de Claude Flamand, en date du 10 septembre 1611, nous apprend qu’un nommé Lorentz Pintz, charpentier, chargé de cette construction, voulait commencer les tra- vaux immédiatement. Claude Flamand fait remarquer à ce sujet que la saison est déjà trop avancée, que les jours deviennent courts et qu'on a de plus à redouter les crues d'hiver. Son avis prévalut et l’ordre fut donné à Pintz de s’v conformer. va Ce projet, d'ailleurs, n’aboutit pas. Le Conseil de régence se ravisant, plutôt que de mettre à la charge de la Seigneu- rie les frais d’une usine nouvelle, estima préférable d’au- toriser Jacques Foillet, sur sa demande, à en édifier une à ses frais. À la date du 17 septembre 1612, une convention intervint à cet effet entre notre imprimeur d’une part et André Du- vernoy le vieux (l) et le trésorier Binninger, délégués du Conseil de régence, d'autre part (2). Aux termes de cette convention qui devait être soumise ultérieurement à l'approbation du prince et de son Conseil, où octroyait à Foillet « pour luy, ses hoirs et ayaniz cause en accensement perpetuel une place sur la rivière du Doubz, du costel d’Arbouhans, vis à vis, ou à l'endroit du moulin de Belchamp, de la contenance d'un journal et demv, et le cours de l’eau nécessaire pour faire el dresser une papeller ve él prendre quelque aysance, comme d’ un cour ‘il ou vergier qui luy debvrat estre limité. » | 4) Aidie Duvernoy dit le vieux (pour le distinguer de son fils Daniel, conseiller de régence en méme temps que lui), d'abord greflier de la chancellerie (1573-1581), puis.maire, de la ville 1581-1590, enfin conseiller de régence de 1590 jusqu'à sa mort en 1630. CHERE _. (2) .Archives nationales. l'onds Montbéliard, K 2161. On sur papier de 2 p. 1/2 in-fol. | 0 = On lui octroyait en outre « les utilzs et choses ey après déclarées, estant présentement en la papellerye de son Afltesse] sise devant la porte des Graviers. » Savoir : trois roues, avec leurs arbres et ferrures ; 56 maillets ferrés de fer de Lorraine et 14 piles ferrées de fonte ; trois chéneaux de chêne, trois presses ferrées avec leurs anneaux ; deux chaudières de cuivre, l’une de la capacité de trois tines, l’autre de trois seilles seulement ; 1200 livres de corde à sécher le papier ; une balance et 516 livres de pierres mar- quées pour peser « à charge de ne s’en servir qu'à peser les pattes (D » ; 48 colonnes de chêne destinées à supporter les cordes pour le séchage du papier, le tout estimé 429 francs 9 gros forts. Le forestier de $. A. devait vendre à Foillet le bois néces- saire à la construction de l’écluse, à prendre dans les forêts de Belchamp ou ailleurs « au moings de dommage de la Seigneurie et quelquement commode audit Foillet pour n’estre foulé de frais au regard du charrois. » Le maître papelier et ses serviteurs « étoient tenuz francz de toutes choses comn’ilz estoient et selon qu'il est porté en la pre- mière admodiation de la pappellerye de Sadite À. », à charge de prêter au prince serment de fidélité et de ne « retenir et loger » dans l’immeuble à construire « gens estrangers in- congneux et suspects. » Cet accensement était fait moyennant la somine annuelle de cent francs, monnaie forte courante à Montbéliard. Faculté était de plus réservée au prince de s'approprier la papeterie, quand il lui plairait, moyennant le rembourse- ment des frais de sa construction Nous avons dit plus haut que le Conseil de régence, après avoir donné des ordres pour là reconstruction d’une pape- terie neuve, revint sur sa décision. Nous trouvons dans un acte, en date du 22 septembre 1612, émanant dudit Conseil (4) Pattes, synonyme de chiffons. — AI — et qui approuve la convention ci-dessus, les motifs longue: ment déduits de sa nouvelle détermination. « Le Conseil ayant pensé la faire [la papeterie] dresser » ailleurs au nom de sa dicte À. suivant qu'il estoit dit au » dict precedent advis, ha treuvé qu’il se présentoit beau- » coup d’incommoditez sur ce subject ; premierement ceste » cv, que ce qui se bastit pour sa dicte À. et pour l’entre- » tenir quand il est faict, couste ordinairement beaucoup, » à cause du peu d'affection ou mauvaise foy des ouvriers à » faire fidelement les choses ; item les reparations qu'il » convient ordinairement faire de bastimentz sur les rivières » à cause des ruynes que les innondations d’eau apportent » souvent, coustent de mesure fort cher : et en ceste ma- » tière de papellerie qu’il y convient une grande mesna- » gerie, 1} est bien difficile de la faire exercer par aultruv à >» proffict; et sy on l'admodie, les admodiateurs laissent » venir les choses en ruyne et en tire ce qu'ils peuvent (L),» Pour toutes ces raisons, il autorise Foillet à en dresser une à ses frais sur la rivière du Doubs, à condition qu'il paiera une redevance annuelle de cent francs comme on l’a vu plus haut; le matériel de la papeterie des Graviers lui étant abandonné au prix de 429 francs 9 gros forts, Le 9 octobre 1612, Jacques Foillet s’associa avec Gerson Binninger, trésorier du prince(2), et Jean Maire, mar- (1) Archives nationales. Fonds Montbéliard, K 2161. Orig. papier d'une page et demie in-fol. (2) Gerson Binninger, trésorier de S. A. était fils de Marguerite Cou- leru et de Léonard Binninger, ministre et secrétaire d'Etat du duc Fré- - déric de Wurtemberg, annobli par lettres patentes de l'empereur Maxi- milien III en date du 22 nov. 1573. Ïl ‘enait un fief à Saunot dont il fit reprise en décembre 1612. De son mariage avec Marguerite Faivre (22 avril 1589) il eut 8 enfants : lo Jean, né lé 10 avril 1590, époux de Claudine Ponnier ; 2° Catherine, nee le ler avril 1591, qui épousa Pierre Chalvé,: docteur en droit, le 23 août 1608; 3 Léonard, né le 4 mai 1398, trésorier de Son Altesse - comme son pére, qui épousa le 10 août 1619, à l'église Saint-Maimbœæuf, — M9 — chand de Montbéliard (1), qui lui fournirent chacun 1600 fr., tandis que lui-même en apportait 600 tant en argent qu’en outillage (2). Il est possible que par la suite ils mirent dans l’association des sommes plus importantes. Un acte du notaire Titot, daté du 98 avril 1613, consacra solennellement l’accensement relatif au terrain de Bel- champ. On voit dans cet acte qu’il est cédé à Jacques Foillet et à ses successeurs à titre perpétuel « une place prouche et joingnante la rivière du Doub, vis à vis de l’abbaye de Belchampt de la contenance d’ung journal et demy pour, sur icelle construire et eriger une papellerie... moyennant la cense annuelle de cent francs... », somme payable par trimestres, à partir de la Saint George 1613. Foillet doit fournir tout le papier nécessaire à la Chancel- lerie de Montbéliard, à raison de 12 florins et demi monnaie d'Allemagne la balle de grand papier, et à raison de 8 flo- rins la balle de petit papier ou de papier gris à empaqueter « le tout de bon papier licite et convenable au predit usage de la Chancellerie (3). » Marguerite Eglinger de Bâle. Ce dernier fut le père de Jean-Nicolas, doc- teur en médecine, né le 93 août 1698, l’auteur des Centuries. Gerson Binninger mourut le 30 janvier 1629. Jean et Léonard, ses fils, dirigérent après sa mort la papeterie de Belchamp. (1) Jean Maire, marchand mercier, avait travaillé 4 Bâle, avant de sins- taller à son compte dans sa ville natale. Sur le Gesellenbuch de la Corporation du Safran, de Bâle, nous lisons à la date de 1581 : » Hans Maire, de Montbéliard, au service de Hans Baitier, mercier. » — La signature autographe de Jean Maire figure au bas de la confession de foi du comte Frédéric (18 février 1587), dans le carton K 2177 du Fonds Montbéliard aux Archives nationales. — Nous retrouvons son nom dans le serment de fidélité prêté par les bourgeois, le 11 février 1608, au duc Jean Frédéric (Archives nationales K 2220). (2) Jules Gauthier. L'Iadustrie du papier, ete. p. 26 et 27. L'acte ori- ginal de celte association cité par lui comme existant aux Archives na- tionales, K 2161, n'a pas été retrouvé malgré toutes nos recherches. (3) Archives du Doubs. Fonds Montbéliard non classé. E 390 provi- soire. (Proiocole des acquisitions, échanges, accensements de la maison de Wurtemherg concernant le territoire du Comté de Montbéliard, p. 106. — M8 — Les travaux de construction de la papeterie furent com- mencés le 13 septembre 1612. Un cahier cartonné de 18. feuillets in-folio, conservé aux archives nationales, nous fournit d’intéressantes indications sur la marche de ces tra- vaux (1), C’est ainsi que nous y lisons : «... Le 12 octobre + on commence à piquer la roche pour le chemin. » « … Le 27 janvier 4613, on commence à travailler en la Des e. le na a 1643, on travaille à l’écluse et à son as » La D ce totale s’éleva à 9,758 florins 2 gros. La pape- terie, fort bien outillée, avait même « un oreloge » à contre- poids, qui avait coûté 12 florins 6 gros (2). Pour faire face à toutes ces dépenses, nous voyons Jacques. Foillet se rendre à Bâle, à diverses reprises, en compagnie d’un nommé Monthurel et y emprunter de l'argent. Il sous- erit notamment une obligation de mille florins. Sous le règne de Jean-Frédéric, comme encore de nos. 108.) Nous voyons dans le même registre (p. 108), que le 9 janvier 1619, Gerson Binninger sollicita de Son Altesse l'approbation de la cession que lui avait faite Foillet de la papeterie. Le 12 février suivant, Gerson Bin- ninger reconnut par un acte le droit qu'avait le prince de pouvoir Ini « retirer et retraire la papellerie » quand bon lui semblerait. (1) Archives nationales. Fonds Montbéliard. K 2161. (2) De 1613 à 1615, on remit une presse à neuf avec du matériel acheté par Foillet, provenant « d’une papeterie que le sieur Jehan George de Brunechofïe avoict vollu draisser au lieu de Borogne, » — En 1593, Henri Schickhardt avait construit à Bourogne, pour le compte du seigneur de cette localité, Jehan Georges de Brünighoffen, grand-maitre d'hôtel de la Cour du Comte de Montbéliard, un moulin «tel qu'on en avait encore vu de semblable ». Schickhardt reçut comme cadeau, en sus de ses honoraires, une magnifique coupe en vermeil, en forme de poire, d'une valeur de 23 florins (Handschriften und Handzeichnungen des... Baumeister Hein- rich Schickhardt, publiés par le Dr W, Heyd, p. 2, 366, 400). C'est sans doute comme annexe de ce moulin que cette papeterie avait été érigée, antérieurement à 1606, date de la mort de son propriétaire. — En 1616, les dépenses totales de construction et d'aménagement de la papeterie de Belchamp se montaient à environ 20,000 francs. l A jours, des banquets étaient donnés aux ouvriers lors de l'achèvement du gros œuvre ou de la pose de la charpente des maisons. « La ramure de la papellerie » terminée, Jacques Foillet offrit sur place aux ouvriers un banquet où l’on dépensa « tant en pain que en vin que en chair » la somme de 73 francs 4 gros. Ce ne fut point le seul. D’autres banquets réunissant les ouvriers maçons, couvreurs et autres eurent lieu à Mont- béliard à l'auberge de l’Ours noir, tenue par maitre Claude Parrot, dans la rue « Derrière les Halles », c’est-à-dire tout près de l'imprimerie de Foillet (1). Notre imprimeur-papetier qui avait de belles relations et faisait largement les choses, offrit également un superbe banquet à MM. les conseillers de régence. Toutes ces dé- penses « de bouche » s’élevèrent à la jolie somme de 472 flo- rins 9 gros, ce qui peut donner une idée de la somptuosité des repas. Afin d'agrandir leur propriété, le 22 janvier 1614, Jacques Foillet, Gerson Binninger et Jean Maire, par acte passé devant le tabellion général Wild, achetèrent de Perrin et Isaac Gouley, père et fils, d’Arbouhans, « deux pièces de terre arribles finage dudit Arbouhans au lieudit devant Bel- champt, contenant les deux environ trois bons journaulx » moyennant le prix de 53 francs forts monnaie de Montbéliard. Ils obtinrent de la communauté d’Arbouhans, le 1er jan- vier suivant, l'autorisation « d’enclore et fermer les dits champz par eulx acquis des dits vendeurs avec leurs aultres — —————— ———— —— (1) L'auberge de l'Ours noir élait située à côlé et à l’ouest de l'auberge de la Croix blanche. Toutes deux se trouvaient « derrière les hales, vis à vis de la Douane. » (Archives du LDoubs. E 95.) Il n'y a donc rien d'éton- nant à voir Foillet choisir l'Ours pour héberger ses hôtes. Le tenancier était sans doute une vieille connaissance, avec lequel il pouvait voisiner, les fenêtres étant ouvertes. HS — pièces et choses deppendantes de ladite papellerie », en versant la somme de 13 francs forts (1). La papeterie était en pleine activité, lorsque le duc Jean- Frédéric qui, depuis son avènement au trône de Wurtem- berg, en 1608, n’avait pas revu Montbéliard sa ville natale, y arriva le 16 septembre 1615, accompagné du prince Magnus, son frère, ainsi que de plusieurs seigneurs. Son court séjour à Montbéliard fut l’occasion de fêtes et de chasses brillantes (2). Le 5 octobre, le duc visita Belchamp, le haras et la papeterie ; il y déjeûna et assista à une pêche dans le Doubs. Nous nous imaginons la joie éprouvée par notre vieux papetier, à l’arrivée du duc de Wurtemberg et de sa suite magnifique, l’empressement respectueux qu'il dut mettre à leur faire les honneurs de son usine, à les conduire par- tout, afin de les initier-aux détails de la fabrication du papier... Ce sont les derniers beaux jours. Trois ans plus tard, à la fin de l’année 1618, Jacques Foillet déjà malade, avant le sentiment de sa mort prochaine, céda à Gerson Binninger sa part d’associé dans l'exploitation de la papeterie de Belchamp. Le 9 janvier 1619, nous voyons ce dernier présenter requête au prince pour l'informer de cette session, en le suppliant de la rutifier (8). La réponse de Louis-Frédéric (4) ne se fit (1) Archives du Doubs. Fonds Montbéliard non classé. (Protocoles des contrats du tabellioné de Montbéliard, année 1613-1614, fo 226.) \2) 1 chassa l’ours à Blamont et tua 25 daims dans le pare de Monthé- liard. On abattit pour l'entretien de la cour 70 bœufs, 523 moutons, 57 veaux ; les maires délivrèrent 359 poules (voir les notes manuscrites de Ch. Duvernoy à la bibliothèque de Besançon, in-folio 26, d'après la Chronique de Bâle par Wursteisen). Jean-Frédéric resta à Montbéliard jusqu'au 8 novembre. [l retourna à Stuttgard par Bâle. (3) Archives du Doubs. E 390 provisoire. Protocoles des acquisitions, échanges, accensements de la maison de Wurtemberg, p. 106-108. (4) Louis-Fréléric, comte de Monthéliard de 1617 à 1631, avait succédé à son frère Jean-Frédéric. 1 pas attendre, car le-12 février suivant, Gerson Binninger, substitué à Foillet dans tous ses droits sur la papeterie, reconnut par un acte sous seing privé la précarité de la con- cession octroyée par Jean-Frédéric à son auteur et le droit. réservé au prince de pouvoir entrer en possession de l'usine, quand il lui plairait, moyennant le remboursement des frais de son établissement (1). . : Gerson Binninger et Jean Maire demeuraient seuls dans. l'association pour exploiter la papeterie de Belchamp. À la fin d’août ou au commencement de septembre 1619, sense Foillet S ’éteignait à Montbéliard _Parrni le personnel de Belchamp, dès l'origine, nous trou- vons un papéllier » ou maitre ouvrier qui remplissait à. l’usine les fonctions de contre maître. Il se nommait Gebhard Stapfer et était gendre de Jacques Foillet dont il avait épousé la fille Anne (2). Gébhard Stapfer était chargé à la fois de la vente du papier, —— notamment à Strasbourg où il faisait de fréquents voyages — et de l'achat des matières premières nécessaires à sa fabrication : colle, alun, chiffons, etc. Il s occupait en même temps de la réparation des bâtiments et Ge l’entretien du matériel industriel. _. Le contre maître mourut à la fin d'avril 1619, laissant cinq enfants en bas âge, dont un certain Jean Carpet fut nommé tuteur. La veuve Stapfer ne put tomber d'accord avec les nu. (1) Archives nationales. Fonds Montbéliard. K 2161. Orig. papier 4 p. 1/2 in-folio. à : (2) Nous n'avons pu découvrir le lieu de naissance de Anne Foillet. Son nom ne figure pas sur les registres de baptémes des paroisses de Bâle, de Besançon et de Saint-Martin de Montbéliard. — Le mariage Stapfer- Foillet ne figure point non plus sur les registres de cette dernière pa- roisse, Peut-être ces actes étaient-ils inscrits sur les registres de la paroisse de Saint-Maimbæuf de Montbéliard, registres qui ne nous sont pas parvenus. — MT — de son défunt mari au sujet du règlement de compte de ce dernier. Le 95 octobre 1619, elle dut adresser une plainte au Conseil de régence contre Jean Maire et Gerson Binninger (1). Le procureur général fut saisi de l'affaire le 1er novembre suivant et un procès s’engagea. Ordre fut donné de dresser un compte exact des débours faits par Stapfer et des sommes qui lui revenaient. Ce compte se balançait en faveur du papetier par une somme de 411 florins, 12 batzes, 3 kreutzers. Mais cet état ne fut pas accepté par les usiniers de Belchamp. Le procès traina en longueur. Il durait encore à la fin de l’année 1620 et nous n’en connaissons pas l'issue (2). Que devint la papeterie de Belchamp après la mort de Jacques Foillet ? Pendant quelques années Gerson Binninger et Jean Maire restèrent seuls à la tête de l'usine ; puis, ils prirent un asso- cié, Chalvé, probablement le gendre de Binninger (3), L’as- sociation nouvelle eut peu de durée. En 1628, Gerson Binninger et Chalvé ne s’entendaient plus avec Jean Maire. De là, des discussions, des réclamations, des consultations de droit. Après la mort de Binninger (30 janvier 1629), Jean Maire fut remboursé de ses apports par une somme de 2800 francs, (4) Archives municipales de Montbéliard. Procès civils. Lettre origi- nale en allemand. (2) Le successeur immédiat de Stapfer comme papetier à Belchamp fut Jean Ponsot. Apres lui, Michel Breton dirigea l'usine. Son nom est cité, en cette qualité, le 1‘ avril 1622, à l’occasion de la vente d’un champ à Courcelles les-Montbéliard. (Archives du Doubs. Protocoles des contrats du Tabellioné de Montbéliard, année 1622). Michel Breton appartenait à une famille de papetiers. [l eut un frère, Jacques. cité en 1608 comme papetier au Mägny-Vernoy, près de Lure. L'un et l’autre étaient fils d'An- thoine Breton, ancien maitre papetier à Courcelles, chez Jacques Foillet. (3) Si c’est de Pierre Chalvé, docteur en droit, qu'il s’agit, celui-ci avait épousé, le 23 août 1608, Catherine. fille de Gerson Binninger VoL. 9. 27 — 18 — monnaie forte KW avec les papiers pates et colles estans en laditte papeterie, qui estoient les siens, comme les ayant ac- quis et fourny de ses deniers propres, avec les foings et four- rages qui ne pouvoient valloir qu'environ un escu » (5 mars 1632). Jean Maire réclamait 45,000 francs ; il adressa plusieurs requêtes au Conseil de régence. Mais finalement, à la suite d'une nouvelle instruction de l'affaire, il fut débouté de ses conclusions. Léonard et Jean Binninger, tous deux fils de Gerson, di- rigèrent l’usine de Belchamp jusqu’en 1643, époque où elle disparut. Pendant quelques années, le comté de Montbéliard rede- vint tributaire de Bâle et de Baurue-les-Dames pour lachat de son papier, jusqu'au moment où des fabriques nouvelles s’établirent à Glay (1663), à Meslières (1671) et à Etupes (1771). Le papier fabriqué à Belchamp comportait diverses quali- tés, parmi lesquels nous pouvons citer :- le papier gris, le papier moyen (median) et le papier fin à écrire, petitet grand format. On en écoulait une grande partie à Strasbourg et son prix variait de 5 à 9 et 10 florins la balle (D. Si le produit des papeteries de Foillet est en général d'une qualité plutôt médiocre, on peut affirmer qu’à Belchamp notre imprimeur s’est surpassé. Sa fabrication devient plus soignée et aujourd’hui encore on ne peut s'empêcher d’admi- rer aux archives du Doubs, l'excellente qualité du papier des Protocoles du tabellioné général. Les produits de Belchamp sont marqués comme filigrane d’un magnilique écusson, couronné et orné, aux quatre quartiers: Wurtemberg, Teck, porte-étendard d’'Empire et (1) La balle est composée de 10 rames, la rame de 40 cahiers ; le cahier lui-même est formé de 12 feuilles. La balle représentait donc 4,800 feuilles. | Soc. d'Emul. du Doubs- Jome LY- 1905. PI.XVIL. Filigranes de la papeterie de Belchamp Soc. d'Emul. du Doubs- Tome IX- 1905. | Filigranes de apeterie de Belchamp. — 19 — Monibéliard, souligné d’un quatre de chiffre ou d'une étoile, avec des initiales différentes suivant les époques : 49 G. B. M. FK. (Gerson Binninger, Maire et Foillet) deux grandeurs différentes (voir PI. XVII fili- granes n‘% 9 et 10). 20: GB: (Gerson Binninger) deux grandeurs différen- tes (voir PI. XVIII et.XIX filigranes nos 11 et 12. 3° G. I. M. B. (Gerson Binninger, Jean Maire) deux variétés Cor PEXIEX fligrn013:et 14). 49 G. M. B. (Gerson Binninger, Maire) (voir PI. XIX filigr. n° 45). 90 J. L. B. - (Jean et Léonard Binninger) sur le papier de 1635 à 1642 (voir PI. XIX filigr. no 16). Ces divers filigranes ont été observés : 1° aux archives du Doubs, dans les comptes du chapitre de Saint-Maimbœuf et les protocoles des contrats du tabellioné de Montbéliard ; 20 aux archives municipales de Montbéliard. particulièrement dans les registres des causes civiles. IIT FOILLET DANS LA VIE PRIVÉE. — SA RÉCEPTION DANS LES CORPORATIONS. — SA RÉCEPTION A LA BOURGEOISIE. — SA MORT ET SES AUTOGRAPHES. Nous ne trouvons trace, à Montbéliard, d'aucun acte de naissance applicable aux enfants de notre imprimeur. Les noms de Jacques Foillet et de sa femme, Marguerite Montbrott, ainsi que ceux de leurs enfants, apparaissent cependant à plusieurs reprises sur les registres de l’état civil de la paroisse Saint-Martin de Montbéliard, déposés aux archives de l'hôtel de ville. — 490 — Le 99 juillet 1588, Jacques Foillet et Judith, fille de Pier- relin Couilierus, présentent au baptême Jacques, fils d’An- thoine Berton et de Marguerite, sa femme. Le 12 août 1592, notre imprimeur sert encore de parrain avec sa commère Marguerite, femme de Nicolas L’Allouate (1), chirurgien, à Marguerite, fille de Claude Dhermineur et d’Alizon, sa femme. | ne Marguerite Montbrott figure, de son côté, dans trois actes soit comme marraine, soit comme remplaçante. Dans le premier de ces actes, nous la voyons, le 16 décem- bre 1591, présenter au baptème avec Hugues Véron, son compère, Hugues, fils de Simon Vouillat, habitant Cour- celles. Ce dernier était sans doute un ancien ouvrier ou un voisin de Foillet, lorsqu'il habitait cette localité. Le second acte mentionne Marguerite Montbrott comme marraine, et Daniel Nardin (2?) comme parrain de Margue- rite, fille de Claude Goulé et de Jeanne Briot, d'Arbouhans, enfant baptisé le 11 août 1616. C’est à deux membres de cette famille Goulé ou Goulley d’'Arbouhans, que Jacques (1) Nicolas Lalouatte fut président de la Corporation des médecins, chi- rurgiens et apothicaires de Montbéliard. Aux archives du Doubs (E 2069) se trouve une « Lettre d'accensement à Nicolas Lalouatte, chirurgien, bourgeois de Montbéliard, d’un quanton de terre aud. lieu du Chasnov pour un florin d’entrage et une livre estevenante de cense annuelle et per- pétuelle, payable aud. iour de Saint-Martin. Il avait comme collègue le chirurgien Perrin Borne. (2) Daniel Nardin, tanneur et bourgeois de Montbéliard, avait épousé le 92 mai 1610, Esther, fille du fondeur Pierre Choulier, un des créanciers de Foillet. Son nom figure, comme habitant le « guet de la rue sur l’eau » sur l'acte de prestation de serment fait par les Bourgeois au comte Jean-Frédé- ric, lors de l'avènement de ce prince, le 11 février 1608, et dont l’origi- nal sur parchemin se trouve aux Archives nationales, K 2220. Le 29 septembre 1619, Daniel Nardin vend à Michel Contejean une tan- nerie sise aux Graviers pour la sornme de 150 francs monnaie forte (Archives du Doubs. Protocoles du Tabellioné de Montbéliard de 1619). Enfin, Daniel Nardin, remarié en secondes noces avec Marguerite Haye, fait son testament en 1649 ; ce testament est publié en la justice de la mai- rie, le 15 janvier 1657, (Archives municipales de Montbéliard.) — KA — Foillet, on l’a vu, avait acheté du terrain pour agrandir sa papeterie de Belchamp. Le 31 août 1600, Marguerite Montbrott présente encore au baptême — en remplacement de Claudine, fille de Claude Violet (1), trop jeune — Claudine, fille de Guillaume Courtot. Les noms des enfants de Jacques Foillet se rencontrent comme ceux de leurs père et mère dans les registres de la paroisse Saint-Martin. Jacques Foillet jeune, comme nous l'avons vu dans notre chapitre Jacques Foillet à Bâle, est cité comme parrain en 1597. En 1601, étant absent, il est représenté par son père en la même qualité au baptême de Jacques Menessier. Henriette, sa sœur, est marraine le 20 décembre 1605 de Henriette, fille de Jean Mentomon. Elisabeth, le 24 février 4610, assiste Jeanne Carrav, mar- raine « à cause du bas aage » de celle-ci, au baptême de Guillaume, fils de Jean Petit, de Sochaux, et de Françoise Gairenel, sa femme. Samuel sert de parrain, le 5% juin 1617, avec sa commère Judith Gardet à Samuel, fils de Hugues Bois-de-Chesne (2) et de Marguerite Dermineur, sa femme. Enfin, Anne () Foillet présente au baptême, le 31 janvier 1619, Jacques, fils de Cuenin Girol, cousturier, et de Estaize Coulleru. (1) Fils de Ligier Violet, l'ami de Jacques Foillet, il figure dans un document de 1601, avec les titres suivants : « Sire Claude Violet, bour- geois et marchand à Bâle (Arch. municipales de Montbéliard. Registre des baptèmes de l’église française). Un autre membre de cette famille, Nicolas Violet, probablement aussi fils de Ligier, exerçait la chirurgie à Montbéliard à la même époque. (2) Hugues Bois-de Chesne, boulanger à Montbéliard (1386-1665), l'auteur de la Chronique publiée par Luc Vetzel dans les Mémoires de la Soc. d'Emul. de \. ontbéliard (1855-1856). (3) Anne Foillet était, à cette date, la femme de Gebhard Stapfer, pape- tier à Belchamp. Devenue veuve à la fin d'avril 1619, elle se remaria avec un autre papetier de Bâle, Jean-Jacques Zwicker. Ils vivaient encore tous deux en 1655. — 499 — Le nom de Jacques Foiïllet apparaît également plusieurs fois dans les gros in-folios des Protocoles des Contrats du Tabellioné de Montbéliard, déposés aux archives du Doubs, En mai 1593, Daniel Euvrard et George Verner, tuteur et curateur des enfants de Perrin Euvrard, en son vivant bour- geois de Montbéliard, engagent et mettent « es mains de Mre Jacques Foillet, Imprimeur de Son Excellence... un curtil siz devant le temple de Ihospital(1) de ce lieu » moyennant le prix de cent francs monnaie forte (2). La même année, Jacques Foillet est témoin d’une vente de terrains faite par Cuenot Biétrix de Dambpierre-les-Bois à Claude Goguel de Bethoncourt (3). Le 9 août 1599, il se retrouve en la même qualité dans une concession de cens faite par le Chapitre de Saini- Maimbœuf à Michel Morel, charretier, bourgeois de Mont- béliard (4. | Nous le voyons aussi, à la date du 15 septembre 1600, vendre au maître bourgeois, Jean Ponnier, une oiche de deux quartes sise au finage de Montbéliard, au prix de 146 francs forts 6). ; Il cède, le 2 avril 14608, une hypothèque qu'il avait sur Jacques Breton, papetier au Magny-Vernois (6). Il vend le 7 novembre de la même année à Hans Schmol, vigneron de Son Altesse « une vigne size en la coste de la Chaulx finnage 2 mm (1) Il s’agit de la Chapelle Saint-Sébastien, appelée aussi Eglise de la Maladrerie ou de l'Hôpital des Lépreux. Construite bien avant la Réforme, sur l’emplacement occupé aujourd’hui au faubourg par le jardin de la maison Pardonnet, elle fut démolie dans les premières années du xrx° siècle; mais elle menaçait ruine depuis longtemps. @)Archives du Doubs. Fonds Montbéliard non classé. Protocoles, - année 1598. (3) Idem, même année. 4) Idem, Série G, registre 1450. (5) Archives du Doubs. Fonds Montbeliard non classé. Protocoles, année 1600, fo 191. (6) Idem. Ibid. année 1607-1608, fo 179 vo. —. 193 — dudit Heu contenant environ huict ouvrees pour la somme de cent soixante huict francs fortz (1) ». Le nom de Foillet reparait comme témoin (2), le 9 mars 1609, dans un acte du tabellion J. Wild. par lequel Charles Loris, bourgeois de Montbéliard et Jeanne Bruant sa femme, vendent à Horrv Lebault (), apothicaire, « ung cournot d’oche », situé en la neuve ville, proche du pont, pour le . prix de 20 reisthalers (4). Il reparait encore en 1614, dans une quittance par lui délivrée à Charles Huguenot, marchand, bourgeois de Mont- béliard, laquelle constate le versement fait à Foillet d’une somme de 150 francs, représentant moitié de la valeur d’un pré, sis à Etupes, que celui-ci avait engagé le 18 février : 1608 (5), L'année 1615, à la date du 15 septembre, nous voyons Jacques Foillet acquérir de Jean Gète 6), bonnetier, un curtil et verger de deux quartes, le tout situé à la Neuve ville, près le chnetère, pour la somme de 250 francs (7). Cinquante francs furent payés au comptant; le reste du prix d'acquisition, soit 200 francs, devait être réglé par Foillet aux héritiers de Jean Bauhin, qui étaient créanciers du vendeur de pareille somme. Enfin, le 27 mai 1618 (8), les contrats du Tabellioné font (1) Archives du Doubs. Fonds Montbéliard non classé. Protocoles, année 1608-1609, fo 79. | (2) Id. 1bid. année 1609-1610, fo 17. (3) 11 deineurait place d’Armes, et était par conséquent un voisin de Foillet. (4) Une ordonnance du 18 sept. 1623 fixe la valeur du reisthaler à 2 francs 9 gros 8 blancs. (5) Archives du Doubs. Protocoles, année 1614, fo 91. (6) Recu à la bourgeoisie en 1567, il était fils de Jacques Gête, ministre à Bavans. Sa fille Madeleine devait épouser l'année suivante Samuel Foillet. (7) Archives du Doubs. Protocoles, année 1615, Fe 262. (8) Idem Ibid. Année 1618, fe 51. — 424 — mention de notre imprimeur comme caution, à l’occasion d’une vente de droits successifs, puis, une dernière fois, le 7 juin, comme témoin dans la vente d’une vigne faite par Barbe Horry, veuve de Claude Chavot, manouvrier, au maitre bourgeois Gerson Parrot (D, Jacques Foillet faisait partie de la chonffe ou corporation des Marchands (2) de Montbéliard depuis le 9 février 1597. Son inscription sur le registre original de cette corporation qui se trouve aux archives municipales de Montbéliard est ainsi hbellé : « Jaques Foillet imprimeur de Son Altesse à payé son sacrement au dit M° Faillard (3) 9 februarii 1597 ». Sur le registre des Marchands, chaque réception était ordinairement inscrite de la main du maitre de la société, lequel à cette époque était maître Kaillard. Mais, pour don- ner plus d'éclat à la réception de Jacques Foillet et rendre hommage à la considération dont était entouré « l’imprimeur de Son Altesse », on avait demandé à celui-ci d'inscrire de sa propre main sa réception. C’est ainsi que la mention de son admission, comme on peut s’en rendre compte à vue de la photographie du document, tranche d’une façon com- plète sur le restant de la page. L'écriture gothique de Foillet contraste avec les lignes qui précèdent et qui suivent, tra cées en fins caractères cursifs par maître Faillard Il n'ya rien d’extraordinaire à voir Foillet faire partie de la Corporation des Marchands, puisqu'il était en même temps qu'imprimeur, marchand libraire ; mais on sera frappé dy voir figurer un grand nombre de personnages importants de la ville et de la seigneurie, complètement étrangers au commerce, comme, par exemple, des ministres du culte (4) Archives du Doubs. Protocoles, année 1618. (2) Les plus anciens statuts connus sont de 1491. (3) Maitre ou Président de la Corporation. Spueyoue]y S2p uorzeuoduoe] 2p auysiBeue| uns 324104 sonboep ap uorndiuosui,| 2p P[LUIS-0e, sd usé ME pe è Se s À4> ‘+ ir 1.70 À AE AE . : LESS Javusgo LS ET pe YHOMIIIRS, u dod © fu: ap mou sand PAR VUE T Aoû AM page ms 5) DE) noms es mod, 36 Se XX Id de O6 — XT° lus : AS GE F3B TU, P en S D me rca rer — 4925 — protestant. C'était alors un honneur pour tous les hommes marquants d'entrer dans cette société (1). Trois années plus tard, Jacques Foillet se fit recevoir éga- lement de la Corporation des Maréchaux. Le registre de la dite Corporation, conservé aux archives municipales de Mont- béliard, renferme la mention suivante: « faque Foillet, imprimmeur à paié son sacrement es mains de faque Simonin (2), Ms de la Chonffe des Marechaux vingt quatrième de juillet 1600 (5). » (1) Nous relevons sur le registre des Marchands, à l'époque de Foillet, outre les noms de Jean Bauhin, docteur en médecine ; de Claude Flamand, ingénieur, et de François Briot, potier d'étain, les réceptions suivantes : Luquin Reat, maitre de la monnaie de Montbéliard (réception du 30 déc. 1584), Capitaine Estienne Sage, de Besancon (réc. du 4 février 1380). Henri de Francqmont, escuyer (réc. du 17 février 1586. Joseph Mourelot (réc. du 1° mars 1587) « qui librement à présenté six francs forts ». Jean Thevenot, secrétaire de Son Excellence (réc. du 13 avril 1591). Joseph Titot, notaire, fils de feu Claude Titot, bourgeois de Fontenoy (réc. du 28 déc. 1593). Jean Mana}, jardinier de Son Excellence (réc, en 1594). Jacques de Franquemont, gentilhomme de la Cour (réc. du 5 mai 1597). Andié Tournier, peintre (réc. en 1397), qui paie en même temps pour ses fils Henri, Pierre et Nicolas. Abraham Morlot, architecte (réc. du 49 mars 1598). Christophe Larchier, ministre à Valentigney (réc. du 93 juin 1599. Michel Sutor, ministre du Sainet-Evangile à Désandans (réc. du 20 jan- vier 1602). On devait tenir compte pour la fixation du droit d'entrée de Fa situa- tion de fortune des candidats. Si l’on trouve des versements modestes | comme « la somme de six gros forts », d’un autre côté, on voit Joseph Morlot, amodiataire de la forge de Chagey « présenter librement six francs | forts». Les statuts, révisés le 17 avril 1754, fixèrent le droit d'admission à | 90 livres, outre un seau de euir bouilli 2 livres au Maire de la ville, au- tant au Maitre de la Chountfe et 50 sols au secrétaire. (2) Arquebusier, entré dans la corporation le 98 juin 1598. (3) D'après ses statuts révisés en 1698 (les antérieurs étaient de 1565 et 1573), le droit d'entrée était de # florins, 2% sols bälois pour le florin, monnaie de Montbéliard; mais ce droit pouvait être abaissé .« suivant. la qualité et faculté des personnes ». oi ee La Corporation des Maréchaux, dite de St-Eloi. comprenait tous les ouvriers travaillant les métaux, depuis les serruriers, armuriers, maréchaux-ferrants, arquebusiers, éperonniers, jusqu'aux potiers d'étain, fondeurs, graveurs et orfèvres. Elle comprit peu après les horotogiers. L'entrée de Foillet dans cette corporation était tout indiquée, Part tvpographi- que rentrant dans la catégorie des différents corps de mé- üers qu'elle embrassait. C'est seulement le 2 décembre 1602 que Jacques Foillet acquit le droit de bourgeoisie montbéliar- daise. Voici en quels termes l’acte de sa réception est inscrit au Livre Rouge déposé aux archives de l'Hôtel de ville de Montbéliard : « Aujourdhuy deuxiesme jour du mois de decembre mil » six Ccens et deux François Visol, bonnetier fils de fat Giui- » laume Visol, cousturier, de Desandans, Claude Mercier, » cogrenelier de Grand Charmont, Viennot Ducelance fils de » Pierre Ducelance de Cosevaulx, Jehan Bartol fils de fut » Leonard Bartol des Haberges proche Vesoul, David Vuil- » lev, masson. fils d'Adam Vuillev de Meureau en la Franche- » Montaigne, Jacob Perche, maistre masson de Verissen en » Suisses, mnaistre Jacques Foillet, imprimeur pour son » Altesse au dit Montbéliardi fils Verrand Foillet de Tarare » proche Lion ont esté receus en la Bourgeoisie delad. ville » par honnorables hommes Jehan Bouvier, Me bourg. delad. » ville, Daniel Euvrard son lieutenant, Guyon Chastel, Claude » Monin, Richard Grandperrin, Thierri Le Bault, Huge de » Roz dit Sallin, Michel Gros et Guillaume Broquard, tous du » nombre des neuf bourgeois jurés, juges et gouverneurs de » Jad, ville apres avoir veu leurs lettres d'origine naturalité » et de franchises trouvées bonnes et suffisantes comme aussi » certiorés de la prudhomie et honnêtes conversat.[ions] dud. » Foillet et aultres avant fait et presté le serment de fidellite » en tel cas requis et accoustumé. » Cette formule certiorés de la prudhomie et honnétes con- or versations... était employée couramment dans les actes de ré- ception à la bourgeoisie. Nous la retrouvons notamment dans un acte inscrit au Livre Rouge sous la date du 2 janvier 1572, concernant l’admission d’un certain nombre de réfugiés bi- sontins, parmi lesquels figurent Ferrv Saige, orfèvre, Claude Brethin, potier d’étain, Guillaume Laboral, ortèvre, Ligier Vernier, notaire, Jean Chemilleret, apothicaire, ete. Dans ce dernier document, les bourgeois de la ville se déclarent aussi < 180%. Le papier porte la marque de Baume, ce qui indique que la papeterie de Belchamp n’ali- mentait pas exclusivement le Tabellioné et la Cour et Chan- cellerie de Montbéliard. L'écriture, toute entière de la main de Joseph Titot (2), greffier de la Chancellerie, est assez mauvaise, L'inventaire, comimencé « au logis de demeurance de feu M° Jacques Foillet » à la date du 29 septembre 1619, puis —— (4) Un concours de circonstances inespéré en a amené la découverte, car cet inventaire figurait dans la liasse FALLOT Ou lit au dos du docu- ment : Inventaire des biens de fut M. Jacques Fallot [sie|, 21 sept. 1619. (2) Joseph Titot, originaire de Fontenoy-en-Vosges, fut reçu bourgeois de Montbéliard en 1593. Il exerça d’abord les fonctions de notaire, avant d'entrer, en 1596, au greffe de la Cour et Chancellerie, Il resta en charge jusqu’en 1633, année où il fut nommé conseiller. De son mariage avec Henriette Lebault, sœur de l’apothicaire de ce nom, ileut plusieurs enfants, parmi lesquels Abraham, né en 1599, souche de toute une lignée d'apothicaires monthéliardais. — 430 — continué les 13, 21 octobre et 19 novembre de la même année, ne fut terminé que le 20 juillet 1620, Les opérations étaient poursuivies à la requête des héri- tiers du défunt qui avaient accepté sa succession sous béné- fice d'inventaire. À l’ouverture, le 29 septembre 1619, tous étaient présents ou représentés. Nous voyons d’abord figurer Samuel Foillet avec sa femme Madeleine Gette (1) ; Conrad Foillet, son frère, relieur à Bâle; Elisabeth Foillet, femme de maitre Jacques Roller (2), diacre à l’église St-Maimbœæuf ; Anne Foillet, veuve de Gebhard Stapfer, papetier à Bel- champt : Henriette Foillet, femme de Jacques Carpet @), bourgeois d'Héricourt ; tous enfants du défunt ; Enfin, Marguerite Montbrott, veuve de Jacques Foillet. (1) Jacques Gète ou Gette, grand-père de Madeleine, épouse de Samuel l'oillet, était né à Boulogne-sur-Mer vers 1509 Ayant embrassé la Ré- forme, il se réfugia en Suisse, puis vint à Montbéliard où Pierre Tous- saint le plaça en 1540 à la tête de la paroisse de Roches-les-Blamont. Nommé pasteur à Bavans en 1552, il y mourut en 1565. Il composa en 4555 un petit ouvrage satyrique imprimé à Bâle sous le titre de Buvolica christiana. En 1561, il fit paraître un poème latin sur la prise d'Héri- court par Claude de Rye. Jean, son fils, bonnetier, fut reçu bourgeois de Monthéliard en 1567. Il avait épousé Claudiron Fallot, de laquelle il eut plusieurs enfants. Il occu- pait à Montbéliard « une bouticle autour des hasles » et élait par consé- quent un des proches voisins de Jacques Foillet. En 1615, nous voyons ce dernier lui vendre un jardin et un verger près du cimetière du faubourg pour la somme de 25) francs. La fille de Jean Gète, Madeleine, épousa en 1616 Samuel Foillet. (2) Jacques Roller, diacre à la paroisse allemande ou de Saint-Maim- bœuf, de 1615 à 1620, recevait comme gage annuel 100 francs en argent avec G bichots de froment et 6 d'avoine. En 1622, lors de la vente d’un champ par les héritiers Foillet, il était « ministre de la parole de Dieu à Ost, pays d'Allemagne ». (Arch. du Doubs. Protocoles des contrats du Tabellioné, 1622.) - (3) Et non Curzet comme nous l'avons dit précédemment. — 431 — Cette dernière, ainsi que ses enfants, étaient assistés par le procureur Jean Ponnier (1). | Comme créanciers de la succession, nous trouvons Frédé- ric-Jean de Brünighoffen @), représenté par Pierre Charrin, et les héritiers de Jean Bauhin G), savoir Geneviève Bauhin, (1) Jean Ponnier, procureur, fut greffier de la prévôté, depuis 1614 jus- qu à sa nomination comme prévôt en 1622, en remplacement de Guillaume Duvernoy, décédé. Né en 1585, il était fils de Georges Ponnier, prévôt, puis maire de la viile de Montbéliard. La famille Ponnier a fourni plusieurs prévôts au Comté : 1° Claude, cité dès 1564 jusqu’en 1571 : 20 Georges, prévôt de 1588 à 1590, puis maire de la ville jusqu'à sa mort (26 juillet 1620) ; 3° Jean, fils du précédent, prévôt de 1622 à 1635, puis maire de la ville jusqu’à sa révocation en 1644; 4 Benjamin, cité dès 1636 jusqu’en 1655. 50 Jean-Georges, subrogé prévôt en 1705. 6° Enfin, Jean-Jacques, nommé en 1764, à la place de Pierre-Christophe Duvernoy. (2) Frédéric-Jean de Brünighoffen, fils de Jean-Georges décédé en i606 à Montbéliard, en qualité de bailli et de grand maitre d’hôtel, était con- seiller de régence depuis le mois de mai 1619, avec un gage annuel de 100 florins. 1l intenta un procès à Joseph Morlot en 1624, au sujet de l’associa- tion qu’ils avaient formée pour exploiter les usines de Chagey. En 1628, il avait acheté pour 5680 livres la maison qui passe pour avoir été construite par Schickhard, derrière le temple Saint-Martin de Montbéliard, et qui avait été auparavant la propriété du sieur Paver et plus anciennement de Joseph Morlot. Il mourut en avril 1638, après avoir rempli les fonctions de bailli des seigneuries d'Héricourt et du Châtelot. Après son décès, ses héritiers cédérent sa maison derrière le temple Saint-Martin à la Seigneurie comme paiement d’une forte somme qu'ils lui devaient : le prix en fut fixé à 7,000 francs. Elle passa ensuite aux mains du chancelier de Forstner, puis à ses héritiers. Cet immeuble n’a donc pas été construit spécialement pour le comte Frédéric, comme on l'a cru jusqu ici. (3) Jean Bauhin, fils de Jean et de Jeanne Fontaine, médecin et bota- niste distingué, né à Bâle en 1541, décédé à Montbéliard le 26 octobre 1612. De son premier mariage avec Denise Bernhardt de Lyon, il eut cinq filles : Eve-Christine et Marie qui moururent toutes jeunes ; : Madeleine, épouse de l’apothicaire Thiébaud Noblot ; Elisabeth, épouse du docteur Charles Loris, dont le fils, Daniel, fut mé- decin du comte Louis-Frédérie ; Geneviève, épouse de Jean-Henri Cherler. Devenue veuve, elle se re- — 39 — sa fille et Daniel Loris son petit-fils, représentés par Colman Zehentmevyer (1). Les témoins instrumentaires étaient Didier Gravel(2), mar- chand, Louis Rivière et Samuel Cucuel, celui-ci imprimeur au service de Jacques Foillet. L’inventaire à sa clôture porte les nues de David Duvernoy G), conseiller de régence, Joseph Titot (4), greffier, maria vers 1620 avec Jean Steck, docteur en droit, professeur à Lausanne. De ces cinq filles, une seule, Geneviève, survécut à son père. En 1619, au moment de l'inventaire de Foillet, il ne restait comme héritiers de Jean Bauhin que cette dernière et Daniel Loris, fils de Charles et d’ Elisa beth Bauhin, Jean Bauhin n'eut pas d'enfants du second mariage qu'il contracta avec Anne-Grégoire, veuve du procureur général Ferry Chambert. L’épitaphe de Jean Bauhin étant, croyons-nous, inédite, nous la repro- duisons ci-dessous : C. S. Johanni Bauhino, Basil. Joh. filio Physico Ulinico solertissimo Anatomico eleyantissimo _ Botanico celeberrimo Illustriss. Ducis Wurtemberg. ultra annos 40 archiatro fidelissimo cum uxore charissima Dionysia Bernard Monumentum hocce poni curaverant filia unica Genefieva cum nepote Daniele Loritio Vixit maritus annos 72, m. 8., D. 14 Uxor annos 55, mens. 8, D. 24 1612 (1) Colman Zehentmeyer fut nommé en 1625 receveur des revenus ec- clésiastiques du comté de Montbéliard, fonctions qu'il exerca jusque vers 1634, époque de sa mort. (2) Réfugié lyonnais établi à Montbéliard. (3) David Duvernoy, docteur ès droits, conseiller de régence de 1613 à 4695, était fils d'André Duvernoy qui fut d’abord greffier de la chancellerie (4573-1581), puis maire (1581-1590) et enfin conseiller de régence (1390-1630). David Duvernoy avait épousé Marie Huguenot. Son frère, le docteur. Daniel Duvernoy avait succédé à Jean Bauhin, comme médecin de Son Altesse, (4) Voir notre note antérienre. — 433 — et celles de Jacques Roller, Samuel Foillet et Ponnier (1). Le 29 septembre 1619, premier jour des opérations, on inventorie les espèces trouvées au domicile de KFoillet au moment de son décès. Cet article ne demanda pas grande écriture. La maladie ayant épuisé tout l’argent du ménage, il ne restait à la maison que trois gros qui sont mentionnés au procès-verbal (2). L’argenterie dépendant de la succession n'offre non plus pas grande valeur. Elle consiste en trente-quatre boutons d'argent, «une cuiller qui semble aussy d'argent », et neuf cuillers de buis à manches garnis d'argent. Le reste de l’argenterie appartenait en propre à Margue- rite Montbrott, veuve de Foillet, Ce sont quelques gobelets, cadeaux de son frère Gaspard, de Weinfelden (canton de Thurgovie), ou provenant de sa succession. C’est une cein- ture en tissu, avec ornements d'argent, souvenir de son mari, deux bagues et deux familiaires d’or qu’ «il lui rappor- tait des foires », enfin, une demi douzaine de cuillers d’ar- gent, pesant cinq onces, qu'il lui a achetées à Strasbourg ou à Francfort. L’inventaire des biens composant la librairie fut commencé le même jour et achevé dans une seconde vacation, le 13 oc- tobre suivant. | Un grand nombre de ces livres proviennent des presses de notre imprimeur : les autres sont d’origine étrangère, surtout bâloise. Pour en donner un aperçu, nous les classe- rons dans deux catégories, la première comprenant les livres religieux, la seconde les livres de classe destinés aux écoles et aux élèves de l'Ecole latine. Parmi les livres religieux figurent d’abord, en abondance, des testaments français avec ou sans psaumes ; des psaumes français avec musique, en grosses ou petites lettres, des (1) V. notre note antérieure. (2) Le gros valait 1 sol et un tiers de denier. VNoL.:9: 28 — 434 — psaumes avec où sans Catéchisme, des psaumes allemands * avec cantiques ; des catéchismes français et allemands, ainsi qu'en latin. Nous ne trouvons que deux bibles: une en français, im- pression de Genève, in-4°, reliée en bois et une autre en alle- mand, in-folio « de laquelle le deffunct se servoit en son mesnage ». L’inventaire signale l'existence de « deux centz trois can- tiques servant por l’église de Montbeliard » et, un peu plus loin, celle d’ «une rame et quatre mains des cantiques qui se chantent en léglise de Montbeliard ». Bonsen, au xvi* siècle, et après lui, M. John Viénot, dans son ouvrage « La vie ecclésiastique et religieuse dans lu Principauté de Montbéliard au xvir° siècle (1) », ont prétendu que seuls les psaumes réformés, à l'exclusion des cantiques, étaient en usage au xvii° siècle dans les églises luthériennes du pays. «Nos églises, écrit M. Viénot, n'ont jamais chanté que les psaumes, malgré tous les efforts qui ont été faits du côté luthérien pour introduire des compositions mieux en rapport avec les besoins du culte chrétien ». La mention de l’inventaire, reproduite ci-dessus, nous montre que c’est là une erreur. Les 203 cantiques servant à l'église de Mont- béliard devaient être les cantiques traduits en français de l'allemand et publiés à Francfort, en 1612, par le ministre Mathieu Barthol (2). Pfaff, assurait déjà, d'ailleurs, dans une dissertation publiée à Tubingue en 1731, que les cantiques de Barthol avaient été « utilisés à Montbéliard dans le culte public », selon les propres expressions de M. Viénot. L’opi- nion de Pfaff était donc sérieusement établie et notre docu- ment ne fait que la confirmer (5). (1) Paris. Fischbacher, 1895. (2) Une première édition avait paru en 1596. (3) Ces cantiques furent employés à Montbéliard, au moins pendant un certain temps. On ne les retrouve plus dans l'inventaire de la librairie de Samuel Foillet en 1633. = Au nombre des ouvrages religieux sortis des presses de Foillet nous trouvons entre autres : Les « Pseaumes de David, selon la rime de Cl. Marot et de Théodore de Bèze (1) » Les « Prieres ou meditation intitulez Tresor Spirituel in duodecimo (2) » Des « Chansons spirituelles () » ; Des « Livrets de communiquants reliez en papier in octavo (4) » ; Des « Prières intitulées Tresor remply de richesses (9) » Des exemplaires du « Colloque de Montbeliard (6) » Les « Lieux commungs de Haffenreffer (7) » » L’Admonition chrestienne d’Osiander aux Eglises de France et des Pays-Bas (); » Les Evangiles et epistres dominicales (9) », etc. La librairie de Foillet était aussi abondamment fournie en livres de classe qui servaient soit aux écoles du pays, soit à l’école latine fondée à Montbéliard, en 1544, par le duc Christophe, dans l’ancien bâtiment de la rue Derrière appar- tenant précédemment à l’abbaye de Beléhamp. Ce sont d’abord des ABC, la grammaire française de Samuel Bernard, la grammaire latine de Mélanchthon (10), les gram- maires grecque et latine de Crusius, puis des dictionnaires latins, grecs et français. 2 1) V. n°56 de notre Catalogue des livres imprimés par J, Foillet. @)No 97, id: a) N° 144, id. 4) No 144, id. 5) N° 75, id. (6) No 1, id. (7) Ne 117, id. Hafenrefer, professeur à Tubingue. (8) No + . (9) N° 99, Ho (10) nn (Philippe), célèbre pédagogue (1497-1560), ami et colla Dorateur de Luther. Professeur de grec et d'hébreu à Tubingue, il a publié un dictionnaire, une grammaire latine, avec de nombreux livres de rhé- torique et de philosophie. (1) ( ( ( — La littérature antique est représentée par les œuvres de Virgile, les comédies de Térence, les « Epistres familières » et le De officiis de Cicéron. Nous voyons figurer aussi à l’in- ventaire la Dialectique de Lossius (1), à côté des Dialoguzs de Sebald Heyden (©) ; enfin, parmi les ouvrages imprimés par Foillet, les Distiques moraux de Dionysius Caton (), les Colloques de Cordier (#, la Rhétorique de Crusius 6), lA- rithmétique de Vessaux (6), etc. Pour compléter ce bref aperçu et en finir avec l'inventaire de la librairie, nous signalerons en passant les livres sui- vants sortis également de son officine et qui sont en dehors des deux catégories que nous venons d’examiner: la tra- duction de la Chirurgie de Paracelse (7), les Ordonnances criminelles de Charles Quint (8), la Saine fontaine de Lou- gres (9), la Dispute d’un Ane (10), en allemand, les Bergeries de Juliette (11), en allemand, les Franchises de Montbéliard, eic. Le nombre des livres de la Librairie s'élevait à près de quinze mille, se répartissant comme suit : 10 En la boutique 0e et 20 En la boutique basse . , . . 2.155 3° En l’étage au-dessus . . . . 10.992 Total 04, TAC (1) Lossius (Lucas), érudit (1508-1582), a publié un grand nombre d'écrits destinés à l’enseignement de la jeunesse. (2) Ileyden (Sébald), originaire de Nuremberg (1494-1561). (3 No 143 id. (4) N° 88 id. Cordier (Mathurin), philologue français (1478-1564), se con- sacra tout entier à l'éducation des enfants. Il fut professeur à Paris, Bor- deaux, Neuchâtel, Lausanne et Genève où il fut directeur du collège. (5) No 89 id. Crusius (Martin), historien et philologue (1526-1607), pro- fesseur à Tubingue, a laissé de nombreux ouvrages de pédagogie. ) N° 111, id. 7) N° 108, id. 8) N° 125, id. 9) No 75, id. 10) No 95, id. 11 (6) ( ( ( ( ( Ne 136, id. — 437 — La «boutique » au rez-de-chaussée du bâtiment des Halles renfermait les ouvrages dont la vente était la plus courante : psaumes, testaments, catéchismes, cantiques en usage à l’église de Montbéliard, chansons spirituelles, livres des communiants, etc. en ce qui concerne les livres religieux ; auteurs anciens, puis colloques d’Erasme, de Mathurin Cor- dier et de Sébald Heyden, ABC, dictionnaires, grammaires de Caulius et de Mélanchthon, etc., en ce qui concerne les livres de classes. La « boutique basse » était l’arrière-boutique, derrière le magasin du rez-de-chaussée. Elle est d’ailleurs nettement spécifiée dans le passage suivant de l'inventaire : « deux pe- tites armoires en l’arrière-boutique... » Elle renfermait les livres non reliés, L’ « étage au-dessus » désigne le premier étage du bâti- ment des Halles, où se trouvait remisée la réserve, Le 13 octobre, l'inventaire de la librairie étant terminé, on en resta là. Huit jours après, le 21 octobre, « sur nouvelle assignation donnée aux créanciers publiquement et à voix de criée », on continua les opérations en présence de Didier Gravel, té- moin, de la veuve Foillet, des époux Roller-Foillet et de la femme de Samuel Foillet, Madeleine Gête ; Pierre Chou- lier (1), qui s’est déclaré créancier de la succession, assiste à l'inventaire. (1) Pierre Choulier, fondeur bisontin, se réfugia à Montbéliard en 1575, Il prit part le 21 juin 1575 à l'attaque dirigée par les réformés, sous la con- duite de Paul de Beaujeu, contre la ville de Besançon. Son nom figure aussi dans l'acte solennel du 2 juin 1579 par lequel « les Bisuntinois refugiez à Montbéliard » s engagèrent à ne prêter leur concours à aucune nouvelle entreprise contre Besancon. Il est constaté dans cetacte qu'il ne savait pas écrire (Arch. nation. Fonds Montbéliard. K 2186. Cf. aussi AL. Tueter: Les Allemands en France, op. cit. p.10 et 15.) — Son nom se retrouve dans le recensement des réfugiés bisontins fait à Montbéliard le 10 sept. 1578 (Arch. nation. Fonds Montbéliard, K 2186). Pierre Choulier pen- dant une absence du graveur François Briot qui l'avait constitué comme — 138 — La literie fut évaluée par Jeanne Cuenot, femme de Daniel Leconte (1) et Anne Thavel, femme de Nicolas Morlot, les- quelles prêtèrent serment entre les mains des commissaires. Le lit conjugal que Marguerite Montbrott revendique comme sien « pour avoir esté acheté de ses deniers mesme de ceulx qu’elle avoit gagné à servir, avant qu’elle fut ma- riée », est estimé à 59 francs. C’est un lit de plumes composé d’une double taie, avec traversin et duvet, et de quatre oreillers, dont deux gros et deux petits. Il est com- plété par « un petit ciel de vert alentour du chalit, et une custode. » Un second lit, avec une taie de futaine neuve et une autre de verquelure, est estimé à 30 francs. mandataire, remit en gage à Antoine de la Môle, gentilhomme piémontais réfugié à Montbéliard, créancier de Briot, les moules de cuivre de ce der- nier, lesquels avaient été précédemment saisis par le comte Frédéric de Montbéliard, aussi créancier du fameux graveur. Pierre Choulier fut con- damné par la chancellerie à restituer les objets distraits. Antoine de la Môle, frustré de son gage, intenta ensuite une action de- vant la Justice de la Mairie à Pierre Choulier comme mandataire de Briot, pour obtenir paiement de sa créance. Pierre Choulier fut condamné le 27 nas 1601 à rembourser le montant de l'obligation (Cf. Al. Tuetev: Le graveur lorrain François Briot. Mémoires de la Société d’'Emulation de Montbéliard. 1887, p. 60 et 61). Recu de la Corporation des Marchands le 2 mars 1584, Pierre Choulier avait épousé Barbe Merland de laquelle il eut sept enfants, entre autres Esther, née le 93 déc. 1577, qui épousa en secondes noces le tanneur Da- niel Nardin. En 1612, Pierre Choulier procéda à Montbéliard à l'évaluation des meu- bles de feu Jean Huguetan, libraire (Arch. municip. de Montbéliard. succession Huguetan). Nous le trouvons une dernière fois, le 28 déc. 1618, comme témoin au bas d’un acte de vente d'un champ à Raynans faite par Jean Passeret, boulanger, bourgeois de Monthéliard, à Jean Charpiot le vieux, pour 10 francs monnaie forte. (Arch. du Doubs. Protocoles des contrats du Tabellioné). (1) Daniel Leconte, marchand, né avant 1576, mort après 163%. Il était fils de François, originaire de La Fère, réfugié en 1571 à Montbéliard et reçu bourgeois en 1595; il est la souche de la famille Leconte qui a en- core des représentants à Montbéliard. — 439 — Un troisième lit à double taie, l’une de « trelot » (1) et l’autre de « tulle blanche » est estimé à 21 francs. | Viennent ensuite trois autres hits, à simple taie, « servant à coucher les serviteurs », taxés 19, 15 et 10 francs, puis des duvets, des oreillers, tout un assortiment de literie repré- sentant une valeur de 117 francs. L’étain taxé par Pierre Morel, potier d’étain et bourgeois de Montbéliard, est divisé en trois catégories. L’étain « fin » (plats, pots, aiguières, etc.) fournit 56 livres et demie, soit à 5 batzes (2) la livre, 35 francs 3 gros (6) 3 blancs (4): l’étain « commun » évalué à 4 batzes la livre, fournit 39 livres ; l’autre étain « moindre et du plus bas » donne enfin 16 livres à 4 gros la livre (). Le cuivre motive une nomenclature plus longue où les ustensiles de cuisine sont cette fois détaillés. Trois chaudières « matière blanche » pesant 192, 8 et 7 livres 1/2, sont taxées 5, 4 et 3 francs et demi: une chau- dière « matière rouge » pesant 11 livres et demie est évaluée à o francs. Nous voyons ensuite quatre petits chaudrons, (1) Le ferli ou terlot servait à faire les taies de lit, les duvets et ‘traver- sins, concurremment avec la verquelureet la futaine. Le terlot était croisé, presque toujours en fil. (2) La batze ou baiz, monnaie de billon, valait deux sols tournois. Il fal- lait 16 sols tournois pour un franc faible ou franc ordinaire de Montbéliard. (3) Le gros valait un peu plus que le sol tournois, Il fallait 12 gros pour un franc faible. (4) Leblanc valait 1/4 de gros et se divisait lui-même en 3 niquets. Ajcu- tons que le franc fort valait 20 sols tournois. Il se divisait en 12 gros forts, valant chacun 1 sol et 8 deniers tournois. Le gros fort se divisait en 4 blancs forts, chacun de 5 deniers tournois. (5) Un inventaire de 1729 (Arch. du Doubs, E 191) nous donne à cette dernière date la valeur de l’étain: : 1° « Estain couronné, si c'est vaisselle, c'est 20 sols la hvre; si c'est ai- guère, chandeliers ou autres pièces de menuiserie, cela vaut davantage. 20 « Estain à deux marques, à 8 batzes la livre de vaisselle; si c'est d'au- tres pièces comme ci-dessus, cela vaut davantage. 3° « Estain d'une marque, à 12 sols la livre. » — 440 — sept chandeliers de « letton » une bassinoire, trois « quasses matière blanche, facon d’Allemaigne », etc. Une seille à eau, de cuivre rouge. pesant 7 livres, est éva- luée à 3 fres «heu esgard qu’elle est vieille et y a du plomb ». Après l’énumération des divers ustensiles en fer, le procès- verbal mentionne « une petite allebarde esvaluée à deux testons » et « une aultre espée d’allebarde en forme de forche evaluée à trois testons ». L’inventaire, interrompu à cet endroit, est repris le 19 no- vembre, sans préambule. On y consigne les autres armes du défunt. « Une espée large, « Une aultre espée un peu plus longue, « Ung coutelas ; les trois susdites pièces estimez valoir SIX francs ». Le linge dont la prisée est faite par les femmes Ponmer, Hurttebiguet et Thavel, fournit d'assez nombreux articles. Ce sont des « linceulx de mesnage », des « toyes », des nappes, des serviettes, des essuie-mains, plus «dix chemises à us du deffunct avec les colletz y attachez ». | La garde-robe de Foillet présente pour nous un intérêt plus vif. Nous relevons les articles suivants : « Ung bon manteau de drap noir evalué à douze écus, « Une hongreline () de drap gris, fourrée de bayette (2) verte, evaluée à huict francs, « Une guorgue de drap gris gris brung evaluée trois frans, « Une vieille guorgue de camelot noir, esvaluée à deux frans, | « Trois vieux hault de chausses tout retapiessés, esvaluez trois frans, «_ Une casaque de sarge noire esvaluée à deux francs, «€ Ung chappeau viel, esvalué six gros, —— _ nn (1) Manteau à brandebourgs. (2) Bayette ou baette, diminutif de baie, sorte d’étofle. — AM — « Ung aultre chappeau avec son cordon, esvalué à ung franc », etc. ; Cette nomenclature se termine par la mention d’une cou- verture d'enfant, évaluée à trois francs, qui avait été donnée à Marguerite Monthrott, comme étrenne « PE elle estait en couche de son premier enfant ». Les meubles peu nombreux sont en sapin et ne présentent pas grande valeur. Ce sont des coffres, des chalits et basses couches, sortes de üroirs contenant de petits lits d'enfant qu’on glhissait pendant le jour sous les grands Hits. C’est aussi « ung viel bahu esvalué à 18 gros, ung viel buffet esvalué ung franc, une table esvaluée à ung franc », puis deux balances, un trébuchet à peser l’or, une chaudière à faire € la buée », c'est-à-dire la lessive Au grenier, outre les cordages servant à l'imprimerie, nous trouvons «environ deux centz cinquante exemplaires de Art militaire de Machiavel, imprimez en allemand, quarto », et «environ cent cimquante exemplaires d’ung aultre livre de Part militaire in quarto, lesquels exemplaires et ceulx du précédent article ledict Samuel Foillet a dit avoir estés achetés par son père à Loudvie Fing de Basle pour lequel il à esté imprimé jusques à ce qu'il auroit compté avec lui». « En la chambre au long de l'imprimerie » était remisé le bois de chauffage d’une valeur d'environ 8 francs. Le matériel typographique, qu'il eut été si ne de connaitre en détail, n'est pas porté au procès-verbal, Un état en avait élé dressé immédiatement après le décès et remis à Pierre Grangier, procureur général (D. La copie de cette pièce, versée à l'inventaire par la veuve et les héritiers Foillet, n'a malheureusement pas encore été retrouvée Jusqu'ici... Les opérations, interrompues le 19 novembre 1619, ne furent reprises que le 20 juillet 1620. (4, I fut en fonctions de 1600 à 1630. — 449 — À cette date, on établit le montant de l'actif de la succes- sion. Samuel Foillet et Jacques Roller rendent compte des dé- marches dont ils ont été chargés SUpreS des débiteurs de leur père et beau-père. Paulus Leders, marchand libraire à Strasbourg. estreconnu débiteur de Foillet d’une somme de 70 florins pour l’impres- sion de l’Astrée, impression dont les fautes avaient donné lieu à de vives discussions entre le marchand strasbourgeois et l’imprimeur. Ludvic Fing de Bâle, autre débiteur, n'avait pu être rejoint par Samuel Foillet, bien que ce dernier se füt rendu à Bâle et à la foire de Strasbourg: Quant à Vincent de Lun qui avait en sa possession diffé- rents livres de Foillet, il avait promis de s'arrêter à Mont- béliard, soit en allant, soit en revenant des foires de Stras- bourg ou de Francfort. Les 2mmeubles dépendant de la succession consistaient en un curl et verger sis en la Neuve ville, sur lesquels il restait dû 200 francs forts aux héritiers de Jean Bauhin et un canton réduit en oiche sis « au Chasnoy » qui avait été acquis pour 12 francs de la succession de Guyon Châtel (1). L’inventaire est clos définitivement le 20 juillet par la pro- testation de Jean Ponnier, procureur qui, au nom du sieur de Brünighoffen son client, se réserve de se pourvoir p:r toutes voies de droit pour le recouvrement de sa créance. On voit que la situation financière de Foillet, au moment de son décès, n’était rien moins que brillante. Pour être resté débiteur depuis le 15 septembre 1613, c'est-à-dire depuis (1) L'inventaire des biens des enfants de feu Samuel Foillet, imprimeur de Son Allesse (1633), nous révèle l'existence, au profit de Jacques Foillet, d’une obligation sur Evotte Ræserin, d’Etouvans, de 49 francs 11 gros 2 blancs, datée du 22 mai 1619. Il n'en est point parlé à l'inventaire. — 443 — quatre ans, d’une somme de 200 francs envers les héritiers Bauhin, il fallait vraiment qu’il fût à cours d’argent. D'un autre côté, la comparaison de son mobilier avec celui pos- sédé à la même époque par les bourgeois de Montbéliard de movenne condition, en fait ressortir toute la médiocrité. Dans l'inventaire, en fait de meubles, il n’y a guère que des lits. C’est que Jacques Foillet, d’une part, avait élevé de nom- breux enfants, et que d’autre part, il logeait sous son toit plusieurs ouvriers de son imprimerie, Mais nous ne trouvons aucun de ces objets de confort ou de Juxe qui marquent Pai- sance, Comme on aurait pu en rencontrer chez limprimeur de Son Altesse. Nous ignorons les causes et le montant de la créance que possédait Pierre Choulier sur la succession de Jacques Foil- let. Comme pour celle des héritiers Bauhin, nous ne savons ni quand, ni comment elle fut réglée. Des documents, par contre, nous permettent de suivre Île sort de la créance Brünighoffen. [l s'agissait d'une somme de 668 florins d'Allemagne, primitivement due par Foillet à Jean-Georges de Brünighoffen, grand Maître d'hôtel de la cour de Montbéliard. À la mort de ce dernier, Frédéric-Jean, son fils, et les cohéritiers de celui-ci. avaient obtenu contre Foillet, le 18 janvier 1610, un jugement de condamnation, et c'est pour en assurer l'exécution que nous voyons Frédéric- Jean de Brünighoffen intervenir à l'inventaire. Les cohéritiers Brünighoffen firent assigner les cohéritiers Foillet, qui avaient accepté bénéficiairement la succession, devant la cour et chancellerie de Montbéliard, laquelle décida par son jugement du 31 août 1620 que le « gagement » pra- tiqué à leur requête sur les biens de feu Jacques Foillet irait avant et (1) Vivès (Jean-Louis), érudit espagnol (1492-1540), ami d'Erasme, vécut à Paris, Bruges et Louvain. — 902 — Ung volume des offices de Ciceron, latin. La seconde partie de l’Apologue catholique de Thomas Mor- ton (), en latin ; in octavo, reliée en blanc. Trois volumes en françois du discours tenu à Dourlac com- posé par Thomas Vegelin, in octavo, relié en blanc Quatre volumes des coloques d'Erasmes, en latin, in octavo, relié en blanc. Sept Terence latin, in octavo; relié comme dessus. Trois coloques de Cordier, latin, françois et allemand ; in octavo, reliez en blanc. Quatre volumes de lastronomie de Maiselin, in octavo, reliez en blanc. | . Cinquante ung livretz de communiquantz reliez en papier in octavo ; et sept qui ontestez venduz depuis la mort du deffunct. Quarante trois gros cathechismes et trois de venduz depuis le decès du deffunct ; in octavo, reliez en papier. Cinquante livres d’A. B. C. Deux centz trois cantiques, servant pour l’eglise de Montbe- liard. Treize douzaines d’A. B. C. en allemand, in octavo et relié comme dessus. Vingt deux volumes de la dialectique de Lossius. Vingt cinq volumes de l’admonition chrestienne d’Osiander aux Eglises de France et des Pays-Bas. Cent et six livres de la saine fontaine de Logres, 1n octavo, reliez en papier. Cinq dictionnaires, latin, grec et françois in octavo reliez quatre en veau et l’aultre en parchemin. Quarante-sept grammaires de Caulius in octavo, reliées en vieux parchemin. Trente six Caton latin, françois et allemand, in octavo, relié comme dessus. Vingt quatre evangiles et epistres dominicales, grec et latin, en volume et relieure predictes. | (1) Morton (Thomas), savant prélat anglais (1564-1659), professeur à Cambridge. — 903 — Trente huict petites epitres de Ciceron, in octavo; reliées en vieux parchemin, et une vendue depuis la mort du deffunct. Six petites grammaires de Melanton, en mesme forme et relieure. > Trente grammaires de Crusius, grec et latines; petites, reliées comme dessus. Neufz volumes des premiers rudimens de grammaire, in octavo ; reliées comme devant en vieux parchemin. Dix neuf formules de Colloques latin allemand et françois, composé par Sebaldus Heyden. | Soixante six cathechismes, grec et latin, in octavo, reliez en papier. Ung livre de Plutarque de l’Institution des enffans ; in octavo, relié en vieux parchemin, Trois grammaires françoises de Samuel Bernard. Ung livret de quatre oraisons de Ciceron. Vieux Livres in-octavo. La grammaire grecque de Gretser () jésuiste. Le vray ministere de la vraye eglise de Jesus Christ par Pierre Viret @). Les prieres d’Aberman en allemand. Honomasticon Golyi 6), latin et allemand, Ung nouveau testament en françois. Les Klegances de Laurent Vala (4). (1) Gretser (Jean), théologien, philologue et historien, né à Markdorf (Souabe) en 1561, mort à Ingolstadt en 1625, entra, à peine âgé de 17 ans, dans l’ordre des Jésuites. Professeur de théologie à Ingolstadt, il a publié plus de 150 ouvrages. La première impression de ses Institutionum Lin- guae Graccae Libri tres est datée de cette ville, 1593, in-8. (2) Viret (Pierre), né à Orbe, pays de Vaud (1511-1571), précha la ré- forme en Suisse, surtout à Genève et à Lausanne. (3) Golius (Théophile), professeur de morale à Strasbourg où il était né en 1528, mourut en 1600. Outre son Onomasticon, il a fait paraitre un Abrégé de morale et un Abrégé de Politique, l’un et l’autre iwrés d'Aris- tote. Il a aussi publié une grammaire latine. 4) Valla (Laurent), érudititalien (1406-1457), a publié entre autres livres : De elegantia latinæ lingquae lib. VI, in-folio. 5h La Phisique de Haurenreiter. Le pseautier latin de George Maser. Les lieux commungs de Hafenreffer, en latin. Les Institutes de Theophilus À), grec et latin. La dialectique de Casus. Vingt deux vieux livres de diverses matieres de peu de valeur. Livres treuvez en la bouticque basse, non reliez. Du 13 d'octobre 1619. — Septante cinq exemplaires des prieres d'Aberman, en françois; contenant chacun exemplaire, dix feuilles. Septante quatre exemplaires d’aultres prieres, intitulées « Tresor remply de richesses » contenant chascun exemplaire, sept feuilles. Septante six exemplaires du Tresor spirituel composé par Samuel Cucuel, contenant chascun exemplaire six feuilles. Quatre vingt huict exemplaires de la dispute d’ung .asne contre frere Anselme, touchant la dignité de l’homme par dessus les aultres animaux ; contenant chaseun exemplaire six feuilles. Vingt cinq exemplaires en françois et trente en allemand d’ung livre de... Couppé @), contenant chascun exemplaire vingt deux feuilles. Trente six exemplaires des pseaumes de David en françois, sans musique, imprimez en seize; chascun exemplaire quinze feuilles et demy. Cent et dix huict exemplaires des petites epistres de Ciceron, contenant chascun six feuilles. Nonante huict exemplaires de la petite retorique de Crusius ; contenant chascun exemplaire sept feuilles et demi. Cent vingt deux exemplaires des premiers rudimens de la orammaire de Melanthon, contenant chascun six feuilles. Trois centz quinze cathechismes grec et latin, contenant chascun deux feuilles. (1) Théophile, jurisconsulte grec du vi: siècle. (2) Peut-être Jean Copp, médecin allemand, vivant au milieu du xvie siècle. Il a composé un traité sur l’Astrolabe. — 905 — Nonante exemplaires des distiques de Cathon, contenant chascun 10 feuilles. Fe Cinquante neufz exemplaires de chansons spirituelles, conte- nant chascun 14 feuilles et demy. Cent vingt cinq vocabulaires latin, allemand et françois conte- nant chascun six feuilles. Cinquante grammaires de Caulius, contenant chascune 15 feuilles. Vingt deux pseaumes, allemand et françois, contenant chascun 47 1/2 feuilles. ; | Deux exemplaires de la dispute de l’asne en allemand, conte- nant chascun 22 1/4 de feuilles. | Quarante huict pseaumes en allemand de 13 feuilles chascun. Dix huict testamens en françois, contenant chascun 37 feuikes. Trente un pseaumes en françois; petite lettre avec la mu- sique, contenant chaseun 15 feuilles. Deux centz dix gros cathechismes en allemand, contenant chascun quatre feuilles. Deux ceniz quarante gros cathechismes en françois, conte- nant chascun quatre feuilles. Ung livre en feuilles qu'est le treiziesme volume des conseilz de la faculté juridicque de l’Académie de Marbourg. Trente exemplaire du colloque de Montbéliard, contenant chaseun trente trois feuilles, avec six brefz recueils dudict col- loque, contenant chascun unze feuilles. Trois cayers et demy du mandement () concernant la Neuf Ville, fait de la part de Monseigneur Jean Frederich. Une rame des maculatures des comédies d'Abraham. Unze exemplaires de l'explication de l’Apocalipse par Jean Non Pareil, coutenant 30 feuilles et demi chascun 2). Cent et dix neufz exemplaires françois des ordonnances cri- minelles de Charles cinquiesme, contenant chascuns treize feuilles. (1) I s’agit de l'édit du 7 novembre 1615 accordant certains privilèges aux. personnes ayant bâti ou qui voudraient bâtir au faubourg de la ville de Montbéliard. (2) No 102. Catalog. des livres imprimés par J. Foillet.. 506 — Huict cayers de « la bergerie de la belle Julianna », en alle- mand. Six mains de papier réglé. Vingt sept exemplaires des franchises de Montbéliard et trai- ‘tés amiables, contenant chascun neufz feuilles. Cent vingt neufz exemplaires des colloques latin, françois et alleman de Sebastien Heyden, chascun trois feuilles. Une rame et demy de prières pour dire le soir et le matin, en forme de... : Une rame à quatre mains des cantiques ue se chantent en l’église de Montbéliard. Quatre exemplaires d’ung traité allemand touchant l’anatomie. Huict rames de toutes sortes de petits traitez. Deux rames de petit papier blanc 5: escrire. Dix huict cayers de grand papier à escrire. Trente neufz feuilles de carton gris. Deux livres pesantz, en environ, de parchemin escrit, ser- vant pour la couverture. Deux rames de maculatures. Demy balle de papier blanc à imprimer. Deux petites armoires en l'arriere boutique. Une aultre armoire en la boutique. Une petite table de sappin en la ditte bouticque. Ung tableau d’ardoize enchassé de bois. En l’estage dessus la dicte boutique s’est treuvé : Trois centz six exemplaires du Nouveau Testament en fran- çois, in octavo, contenant chascun 37 feuilles. Deux centz cinquante neufz exemplaires des pseaumes de David, en grosses lettres, avec la musique, contenant chascung 25 feuilles'et demi. Deux centz cinquante six exemplaires des pseaumes en petite lettre, avec la musique, contenant chacun 19 feuilles. Six centz quarante quatre exemplaires des pseaumes, sans musique, contenant chascun 15 feuilles et demy. Cent cinquante huict exemplaires de pseaumes allemands contenant chascun treize feuilles. — 907 — Mil nonante six exemplaires de chansons spirituelles, conte- nant chascun volume, quatorze feuilles et demi. | Trois centz quarante cinq livres de .. . Couppé (?) en alle- mand, in octaso, contenant chaseun vingt deux feuilles. Cent soixante neufz livres de Pont Copper (?), en françois, contenant chaseun comme les precedans, en allemand. Six centz cinquante grammaires de Melanton, contenant chas- cun exemplaire quinze feuilles. _Unze centz soixante colloques latin, françois et allemand, contenant chaseun trois feuilles. Deux centz vingt quatre espitres de Ciceron, contenant chas- eune six feuilles. Quatre centz trois livres de frere Anselme, contenant chascung six feuilles. : Cinq centz nonante cinq Evangiles grec et latin contenant chaseun dix feuilles et demi. . Neuf centz vingt Caton, latin, françois et allemand, contenant chaseun dix feuilles. Huict centz cinquante Martini Crucius, contenant chasecun sept feuilles et demi. Gent et huict exemplaires de la dialectique de Melanton, con- tenant chacun dix feuilles. Cinq centz quarante quatre gramaires, grec latin, contenant chascune cinq feuilles ui : ; Cent octante exemplaires des prière de Mre Samuel Cucuel avec les trois parties, contenant chascun vingt trois feuilles. Six centz trente deux exemplaires du livre intitulé « Tresor Spirituel » contenant chaseun six feuilles | Quatre centz octante « Tresor remply de richesse » SORTENT chaseun sept feuilles. Sept centz vingt huict dictionnaires latin, françois et alle- mand, contenant chascun six feuilles. Quatre centz vingt-six pseaumes alleman et françois avec les himnes in 16°, contenant chascun quarante-sept feuilles et demi. Cent quarante livres d’aritmétique de Daniel Vessaulx de Saint Gelin, contenant chacun quatorze feuilles. Cent cinquante prieres et oraisons chrestiennes, in 32, conte- nant chascune trois feuilles et demy. ue Environ cinq rames de deffaulx, c’est à dire de feuilles man- quées. Le 21° d'octobre 1619, sur nouvelle assignation donnée aux créanciers publicquement et à voix de criée, a esté continué audict inventaire, en présence dudict Didier Gravel, tesmoing ci devant nommé [ledict Samuel Cucuel estant aussy en la dicte maison s’est encore presenté du nombre des créanciers des- dits D}, Pierre Choulier, s’estant presenté pour creancier; par devant lesquelx ladite vefve assistée de mondit S' Jacques Rol- ler, son gendre, la femme dudit Roller, Magdelaine Jett, femme dudit Samuel Foillet, nous a fait obstention et representation des meubles suivantz. En marge, on lit: [Le 19e jour du mois de novembre 1619, par devant nous les- dits commissaires, en presence dudit Didier Gravel, les licts et aultres plumes ci inventoriez ont esté taxez par Jeanne Cuenot femme de Daniel le Compte et Anne Thavel, femme Nicolas Morlot, à cest effect appelées, et ce par serment, qu'elles ont pour ce presté adista]. Premierement, ung lict de plume avec doubles toyes, ung traver, deux gros oreilliers, deux petitz et ung douvet. aussy avec doubles toyes, qu'est le lict commun, a dict ladicte Jehanne, où le dict deffunet et elle coucherent d'ordinaire; lequel revestu en la sorte susdicte, avec un petit ciel de vert alentour du challit et une custode, elle a dit lui debvoir appar- tenir, pour avoir esté acheté de ses deniers, mesme de ceulx qu’elle avoit gaignée à servir, avant qu’elle fut mariée. Avant icelles, evalué le lict revestu, du present article, et par elles veu, à cinquante cinq francs. Ung aultre lict avec une toye de futaine neufve et une auitre de verquelure par dessus, ledict lict a esté taxé par lesdictes Cuenot et Thavel à trente francs ; icellui pesant 27 livres de plume neufve fine. (1) Ce passage entre parenthèses est rayé sur l'original. — 509 — Ung aultre lict avec doubles toyes, l’une de trelot et l’aultre de tulle blanche. Pesée, 38 livres; et reste taxée de vingt ORAN US UE XXI ITS Un aultre lict avec simple toye de trelot rayé. Pesée 36 I. 1/2; taxée dix neufz frans; avec la toye blanche, venant des- SR een dr eng. «+. XIX fr. VI or. Ung aultre lict estant au poille, avec simple toye; pesé, 30 L.; évalué avec la toye, quinze frans. Encor ung aultre petit lict servant à coucher les serviteurs. Pesé, 29 1. ; evalué avec une toye blanche à dix frans. Quatre douvets; trois d’iceulx avec toyes de futaine et de verquelure par dessus, et le quätriesme de simple trelot; les quatre douvetz s’en sont treuvez peser 64 livres ; taxés avec les toyes, venant dessus à soixante quatre frans, selon la taxe faite d’ung chascung separement. Quatre teaudes 4) avec doubles toyes, evaluéez les quatre à vingt trois frans. Six oreilliers maillés, aussy avec doubles toyes; pesant sept livres ; evaluez avec les toyes à dix huit frans. Une catelogne rouge, assez bonne, evaluée à . . . . VIfrs Une aultre catelogne verte, ung peu plus usée, evaluée à VI frs Estaing évalué et taxé par moy, Pierre Morel, potier d’estain et bourgeois audit Montbeliard, à cest effect mandé et appelé. En premier lieu a ledict Morel recogneu tant l’estaing repré- senté par ladite vefve, mis à part, que celui qui estoit de fin, et chasque aultre sorte aussy s’estant treuvé d’estain fin cinquante six livres et demye, tant en platz, potz, scuiaires, aiguières, chandeliers, qu’aultres ; selon que le tout a esté par lui pesé; lequel estain il a taxé à cinq batzes la livre revenant A ea en eee lave si M XANV ÎT. TI OT HT DL. Trente neuf fivies d'écisine commung, aussy en diverses pieces de mesnage, evalué à quatre batzes la livre. (1) Oreillers, — 510 — Seize livres d’aultre estain moindre et du plus bas, esvalué à quatre gros la livre. Deux potz de terre avec couvercle, evaluez à huit batzes. Cuivre ‘ évalué par francs, Une chauldiere blanche pesant douze livres, taxée cinq frans, heu egard qu’il y a là une piece. | Une aultre chaudiere, mesme matiere, pesant huict livres taxée quatre frans. Une aultre chaudiere mendre, pesant sept livres et demie, taxée trois frans et demi. Une aultre chaudiere, matiere rouge, pesant unze livres et demie, evaluée cinq frans. Deux meneus chaulderons, matiere blanche, pesantz cinq. livres et ung quarteron, évaluez à trois frans. Peux plus petitz chauderons, pesantz quatre livres les deux, esvaluez à vingt ung gros. Ung pot de cuivre pesant unze livres et demy, evalué à quatre gros la livre, aiant icellui une piece. Ung aultre pot pesant six livres et demy, evalué trente gros. Ung aultre pot mendre, pesant six livres, evalué à ung florin. Deux aulres potz, l’un petit pesant six livres et ung quarte- ron, esvaluez à trente gros. Sept chandeliers de letton, de diverse façon, pesant huict livres et demie, esvaluez quatre frans. Une bassinoire esvaluée à deux frans. Trois quasses matiere blanche, façon d’Allemaigne, pesans cinq livres, evaluez à trois testons. Deux poesles fritoires de fer esvaluees -dix huict gros, Deux petites vielles casses de cuivre et ung crelin, evalué ung franc. Cinq couvercles de potz de fer, evaluez six groz. : Une seille à eau de cuivre rouge, pesant sept livres, esva- luée à trois frans, heu esgard qu’elle est vielle et y a du plomb. — 51i — Une aultre seille, mesme façon, aussy vielle pesant neufz livres, esvaluée à trois frans et demi. Une cornue de fer petite et deux bachins esvaluez six gros. Deux grilles esvaluées avec une escumoire à dix huict gros. Deux hastes () et ung trepied taxez quinze gros. Ung bassin à seille taxé six gros ; Deux vielles chaufferettes evaluées six gros. Une bien petite quasse de fer taxée une batze. Une quarte à bled, taxée dix huict gros. Ung lave main d’estaing, pesant cinq livres, esvalué à dix huict gros. Ung bassin de cuivre servant audict lavemain et ung... pe- sant le tout cinq livres, esvaluez vingt gros. En marge en lit : [Samuel Foillet, filz dudict deffunct, a declaré ledict molin lui apartenir|. Ung molin à broyer espices. Une petite allebarde esvaluée à deux testons. Une aultre espée d’allebarde, en forme de forche evaluée à trois testons Ung mortier de letton, avec son pillon, pesant cinq livres un quart, evalué à trois frans. Une fieze de lard, taxée à quatre frans. Du 19 novembre 1619 : Une espee large. Une aultre espee un peu plus longue. Ung coutellas ; les trois susdites pieces estimez valloir six frans. Linge ésvalué par lesdites femmes Ponnier, Hurttebiguet et Thavel. Ung ciel de carreau de lassis, evalué à trois frans. Une toye de lict de tulle blanche, vielle, taxée dix huict gros. (1) Broches à rôtir. = 519 — * Une aultre vielle toye evaluée aus&i dix huict gros. - Unze linceulx de mesnage evalüez à dix huit gros 14 piece. Six aultres linceulx de mésnage à quinze gros la piecé.° - Deux toyes de travers, esvaluées à dix-huiet gros les deux- Trois nappes-nappes, vielles et EAU esvaluées | ‘chäcune ung franc. RS Nb Cinq aultres vielles Gus de tulle, svauess à deux frans le tout. Une douzaine et demy de serviettes neufves, esvaluées à six gros la piece, font neufz frans. (TE nue Huict aultres serviettes jà usées, evaluées deux frans. Ung linceul de curtine grand, évalué trois frans . : III frs. Ung aultre linceul de curtine, evalué à trente gros. | Unze panne-main (1), esvaluez à quatre gros et demi la pièce. Six linceulx estans pour le mesnage, evaluez à six frans. | Dix chemises à us du deffunct avec les colletz y attachez, evaluées l’une portant l’autre, à deux frans chacune, fait. XX fr. Ung ciel de lict de lassis recouvert, taxé dix huict gros, Bio Habitz du deffunct taxés par lesdites femmes. Ung bon manteau de drap noir évalué à douze escus.. Une hongreline de drap gris, fourrée de bayette verte, eva- uée à huict frans. Une guorgue de drap gris gris brung evaluée à trois frans. Une vielle guorgue de camelot noir, esvaluée à deux frans. Trois vieux hault de chausses tous retapiessés, esvaluez trois frans. Une casaque de sarge noire esvaluée à deux frans. Deux aultres vieux corseaulx de futaine à ung franc la pièce. Ung chappeau viel, esvalué six gros. Ung aultre chappeau avec son cordon, esvalué à ung franc. Deux paires de bas de chausse d’estame, vieux, esvaluéz à ung franc. : —_—— (1) Essuie-mains. + 515 — Une aultre paire de bas de chausse esvaluée à ung franc. Une paire de gamaches ( de drap, aussi esvaluée ung franc. Une pessiére de futaine blanche taxée six gros. Une couvertoire d’enffant evaluée trois frans, lequel la dite vefve a dit lui appartenir et lui avoir esté donné en estrenne, lorsqu'elle estoit en couche de son premier enfant. Meubles de bois taxés par les susdites femmes : la modicité d'iceulx considérée. Ung coffre de sappin, fermant a clefz ; l’une des paumelles estant rompue ; taxé trois frans. Ung coffre de sappin noirey evalué cinq frans Ung viel bahu esvalué à dix huict gros. Une grande arche de sappin esvaluée à trois frans. Ung coffre de neyer ferré, que ladite vefve a dit lui aparte- nir, évalué à neufz frans. Ung aultre petit escrain, quelle a de mesme dit lui aparte- nir, evalué à dix huict gros. Ung challit, avec dossier de sappin, esvalué à six frans. Ung aultre challit de sappin, aussy avec doscier de bois, eva- lué quatre frans. Deux basses couches de Ssappin, esvaluées chascune ung franc. Ung challit où couchent les serviteurs, evalué deux frans. Ung aultre challit, en la cuisine, evalué trois frans. Ung petit coffre de sappin et ung banc, esvalué à ung franc. Une couchette de sappin, au pareille, avec armoires dessus, taxées six frans. Une couverte sur ladite couchette taxée neufz gros. Ung viel buffet evalué ung franc. Une table avec une liette esvaluée à ung franc. Ung banc et deux basses selles, esvalués ung franc. Une balance, les bassins de letton, avec ung poix de marc de huit livres de letton, evalué avec une aultre petite balance, à huict frans. (1) Guêtres. VOL, 9, 39 — 514 — Sept livres‘de filet d'œuvre, à huict gros la livre. Trente huict livres d'œuvre 4) à trois gros la livre. Ung trebuchet à peser or, esvalué à un teston. Une grande balance, les assiettes de bois, avec environ dix neufz livres de poidz de fer et plomb, oultre ung gros caillou de vingt deux livres, evaluez le tout à quatre frans. La chauldiere où l’on fait la buée (@), estaing noire, laquelle ladite vefve a dit avoir cousté cinq livres balloises, vaillant sept frans et demi. La cuve à faire la buée, taxée ung franc. Au grenier Les cordages servant à l'imprimerie. Une grosse corde de pesanteur d'environ vingt livres. Deux grandes tables. Environ deux centz cinquante exemplaires de l’Art militaire de Machiavel, imprimez en allemand, in quarto. Environ cent cinquante exemplaires d’ung aultre livre de l’art militaire in quarto ; lesquelx exemplaires et ceulx du precedant article, ledict Samuel Foillet a dit avoir esté achetés par son pere à Loudvic Fing de Basle, pour lequel il a esté imprimé jusques à ce qu’il auroit compté avec lui. Devant le grenier, y a la presse servant à presser les livres et ballages. Une petite eschele audit grenier, faite par ung menuisier. En la chambre au long de l’imprimerie, y a du bois à bruller, comme jà y avoit au temps du decès du deffunct, pour environ huict frans, suivant que ledict Samuel l’a declairé. Quatre paulx @) de lisses pour celosture de vergiers, evaluées à ung franc. Dix lices (© à mesme effect, à trois gros piece. Pour l’imprimerie dudict deffunct, comme c’est ung article (1) Première qualité de chanvre prêt à être filé. (2) Lessive. (3) Palis, pieux. (4) 1 Pièce de bois horizontale servant à réunir vers leur base les lattes d'une barrière. qui se peult difficilement taxer, ny aussi declairer par le menu, les pieces et especes en deppendant, lesdites vefve et heritiers. ont exibé en n0oz mains ung estat de ladite imprimerie tel qu'il fut delivré au seigneur procureur general tost après le decès dudict deffunct, cy joint soubz la colpe d’iceulx. Du 20 juillet 1620. — Lesdit Samuel Foillet et ledict M'e Jac- ques Roller interpellez de declairer ce quilz avoient recogneu des debts actifz del’hoirie de leur feu pere et beau pere, suivant qu’ilz avoient esté chargés par nous lesdits comis, d’aultant que c’estoient comptes à faire avec marchans estrangers et qu’'ilz avoient declairez ne pouvoir Sçavoir, sans parler ausdits mar- chans, ou aultrement en estre mieulx instruitz, leur aiant, pour ce faire, donnez de nous et enfantz de s’en diligemment enque- rir, ont declairez sçavoir ledit Samuel Foillet qu’aiant esté à Strasbourg et s’estant enquis du sieur Paulus Leders, marchant libraire, comme estoient les affaires d’entre son dict feu pere et lui, et demandé les comptes, il n’a peu avoir aultre adresse dudit Leders, sinon qu'il debvoit audit feu Jacques Foiilet, pour tout reste, la somme de septante florins, resultant de l’impres- sion d’ung livre dit l’Astrée, pour le faire duquel ils avoientesté long temps en suspend pour causes des fautes y entrevenues, lesquelx septante florins ledict Leders les doit paier et ne les a pas encore delivrez. Pour le regard de Loudvig Fing de Basle, a ledict Samuel Foillet declairé qu’il n'avoit jamais peu parler à lui, tant pour son absence d’ung voiage fait à Ambsterdan, où il a esté envi- ron six mois que pour ne l'avoir peu aprehender à la foire derniere de Strasbourg, où il.a esté, d’aultant qu'il s’en alloit à la Saurbron (). Devers le Sr Vincent de Lun, a dit qu'il estimoit qu'il pas- seroit en ceste ville, allant ou retournant des foires de Stras- bourg ou Francquefort, pour parler à lui, d’aultant qu’icellui deffunct à laissé par memoire que ledict Sr Vincent a de lui plusieurs livres, à raison de quoy lhoirie pretend qu'elle est debteur à icelle, à raison desdicts livres. En — (1) « Sauerbrunnen », eaux minérales, — 0 — Et comme lesdits Foillet et Roller ont dit n’avoir peu davan - tage faire, touchant lesdits debtz passifz, que tant eulx que ladite Marguerite Montbrott, vefve, ont aussi declairez ne leur estre venu aultres biens, à notice, à cognoissance, que ceulx ei devant, dont ilz aient à present souvenance ; nous avons cloz le present inventaire, soubz les protestations emises par les susdits Foillet, Roller et ladite vefve de en ça mieulx adviser au fait de l’esclaircissement desditz debtz passifz ; et, tant de ce que de toutes aultres choses qui leur viendront à notice et cognoissance. en faire fidele relation. Ont declairé qu'il y avoit ung curtil et vergier scis en la Neufve Ville, acquis ci devant par ledict deffunct de Jean Ject, à raison duquel est encor dehu aux heritiers du S° docteur Bauhin deux centz franz fortz. Plus ont dit qu’il y avoit un quanton reduit en oiche, seize au Chasnoy, acquis par ledict deffunct du deces de Guyon Chatel pour douze frans, qui sont tous les immeubles deppendans de l’hoirie dudit deffunct. Faict à Montheliard, les an, jour, que devant, soubz les seingz manuelz de nous lesdits commis desdits Foillet et Roller, et de Mre Jean Ponnier, procureur d’aucuns des crean- ciers, qui a protesté au nom du S' de Brunneckoff, du nombre desdits creanciers, de se pourveoir, par toutes manieres de justice convenable pour la recouvrance de son dehu et de faire recercher contre lesdites vefve et heritiers, pour le fait des debts actifs qu’ilz ont obmis de reveler. Signé : D. DUVERNOY. J_TITOT: M. IAcOBUS ROLLER. J. PONNIER. S. FOILLET. Au dos du document : Inventaire des biens de fut M. laques Fallot (sic). 21 septembre 1619 (Archives municipales de Moni- béliard). or SUPPLÉMENT Il SAMUEL FOILLET, IMPRIMEUR-LIBRAIRE A MONTBÉLIARD (1619-1633) Sa succession ; ses biens et les ouvrages de sa Librairie Samuel Foillet, dont nous ignorons le lieu de naissance, succéda à son père comme Imprimeur de Son Altesse à Montbéliard. [1 prêta serment, en cette qualité, le 8 mars 1620. Voici, en effet, en marge de l'acte de prestation de ser- ment de Jacques Foillet, la mention additionnelle que nous trouvons le concernant: « Le 8 mars 1620, Samuel Foillet prête le serment prescrit pour son père en présence du chancelier (1), André Duver- noy (2), de D. du Vernoy 6), et de J. Thevenot greffier (#) ». Par ce serment, comme l'avait fait Jacques Foillet, 11 pro- mettait respect et fidélité à la Confession d’Augsbourg et s’engageait à la défendre contre toute calomnie, A la date du 50 avril 4616, nous le voyons épouser à Mont- béliard, Madeleine Gète, fille de Jean Perrin Gète, «charre- ) Jacques Lœæfler, chancelier de 1615 à 1625. ) André Duvernoy, conseiller de régence de 1590 à 1630. (3) David Duvernoy, fils du précédent, conseiller de régence de 1613 à 1025. _ (4) Cette mention est de la main du greffier Thevenot. Archives natio- nales. Fonds Montbéliard. K 2177. Protocoles du Conseil de régence en matières ecclésiastiques (1581-1606), registre non paginé). — D18 — üer et bourgeois au dit lieu :, et sœur d'Abraham Gète qui fut nommé pasteur à Blamont en 1698 (1). L'inventaire des biens de Samuel Foillet, dressé après sa mort, nous donne les noms des cinq enfants, nés du ma- riage, vivants à cette date: Jehan, Henry, Marguerite, Eli- sabeth et Judith Nous ne trouvons sur les registres de l’église St-Martin de Montbéliard que trois actes de baptème applicables aux enfants de Samuel. Le premier nous apprend la naissance, à la date du 24 juin 1625, d'Adam, enfant qui mourut en bas âge, puisque son nom n’est pas cité à l'inventaire ; le second, à la date du 30 septembre 1627, concerne Marguerite ; enfin, le troisième est relatif à Judith, baptisée le 29 avril 1632 (2). De l'inventaire et des registres de baptême, il résulte done que Samuel Foillet aurait eu six enfants. Trois d’entre eux, Jean, Henryet Elisabeth seraient nés ailleurs qu’à Montbéliard. À quelle date faut-il fixer son décès? L'inventaire qui porte la date du 16 août 1633, fut établi trois semaines après ce décès. Un contemporain est encore plus précis. Bois-de- Chesne, en effet, dans sa Chronique, nous indique le jour de ses obsèques: « Enterré Samuel Foillet imprimeur le 29 juillet 1633 5) ». 11 mourut donc vraisemblablement le (1) Cf. supra la note sur la famille Gète ou Gette. (2) Voici ces actes : — « Adam, filz de Samuel Foillet et de Magdaleine Gete sa femme, psenté par Adam Grentier et Judith Vernier, le 24 juin 1625. » — « Marguerite, fille de M° Samuel Foillet et de Magdeleine Gete sa feme psenté par Me Guion Brisechoux, recteur à l'Eschole au nom de son fils Samuel et Claudion Viénot au nom de sa fille Marguerite Guidot, ce 90 sept. 1627. » — « Judith, fille de Samuel Foillet, imprimeur, et de Magdelene Gete sa feme, psentée au S. Baptesme par Me Abraham Michel fils de Titot here et par Judith Gete, le 29 avril 1632 » (Arch. municip. de Montbéliard. Registres des baptêmes de la pa- roisse Saint-Martin), (3) Recueil mémorable de Hugues Bois-de-Chesne, publié par L. Wet- zel. Montbéliard. Charles Deckherr, 1856, in-80, p. 84. — 019 — 27 ou le 28 juillet. La veuve, Madeleine Gète, se remaria le 4 novembre de l’année suivante en l’église St-Martin, avec le hollandais Samuel Sprobart qui venait de reprendre la suite de l’imprimerie de son mari défunt. L'inventaire des biens délaissés par Samuel Foillet, dressé le 16 août 1633. par le procureur général Antoine Cucuel (1), se trouve conservé aux archives municipales de Montbéliard. Ecrit sur du papier au filigrane de Baume, comme celui de son père, il en a les mêmes dimensions. Il nous révèle la présence dans le ménage, d’une servante, Jehannette..….., et nous indique le nom du curateur qui avait été nommé aux enfants de Samuel: maître Guyon Brisechoux, recteur de l'Ecole latine, père du parrain de Marguerite. Tout d’abord, la veuve déclare « qu’au temps du trepas _ dudict deffunct, il n’v avoit aulcun argent comptant ». Vient ensuite l’énumération 1° des objets en étain : deux aiguières, plusieurs plats de grande et moyenne dimension, onze petits plats, des gobelets, des salières, des « saulcerettes à oreil- lons », des assiettes, deux lampes, etc.; 2° des objets en cuivre et « lethon »: trois chandeliers, un « creslot », une petite « cassotte », plusieurs pots, chaudières, chaudrons, seilles, bassins, « casses », écumoire, « un petit mstrument de lethon la queue en fer à faire bignets »; 3° un grand nombre d’ustensiles de cuisine en fer. Les meubles proprement dits sont peu nombreux, mais plus abondants cependant qu’à l'inventaire de Jacques: « Trois scabelles à dossier, deux de chesne et une de noyer; une autre petite, une autre de chesne. : » Une table ronde de cerisier. » Une table de sappin qui s'attache à la muraille. » Deux tabourets de sappin. (2) Antoine Cucuel, procureur général de 1631 à 1639, avait succédé à Pierre Grangier. Il fut remplacé par Hector Titot. Il demeurait rue Sur l'eau. up20e » Ung buffet de sappin ferré, fermant à clef. » Trois armoires ferrées, fermant à clef etc, ». Samuel Foillet qui avait fait partie de la milice bourgeoise, possédait des armes. Dans la nomenclature de celles-ci, nous voyons: « Ung mousquet avec la fourchette, » Ung fourniment de corne attaché à la adelère » Deux espees. » Ung pendant de cuer. » Une livre de poudre de mousquet ». Après énumération de la literie, le procès-verbal constate que le surplus du linge à été laissé à la veuve en restitution de son trousseau employé à l’usage du ménage, Ïl lui est abandonné en outre trois cuillers d'argent et deux autres de bois « enchassées d’argent » en dédommagement « de ses crochets et chainnettes d'argent (l) qui seroient esté vendus par ledict deffunct. » Ure vache sous poil rouge d'environ neufans, une chèvre un chariot de foin, vingt gerbes d'orge complètent le mo- bilier. En fait d'immeubles, nous trouvons un champ sis au Chesnoy. de six quartes. Samuel Foillet était relieur. Sous la rubrique « Utils de- pendants de la librairie », nous voyons figurer : (six presses de bois ; le cousteau à coupper livres; le relioir de livres ; ung ao de fer..., un petit compas, quelques petits ins- truments à relier livres (2). » Suit l’énumération des livres composant sa librairie. Nous (1) Servant à l’ornement du corsage. (2) C’est sans doute lui qui a relié le Livre Rouge dont nous avons parlé plus haut (Foillet imprimeur et libraire). Nous voyons en outre que le chapitre de Saint-Maïimbœæuf lui paie en 1621-1622 « pour achat d'alma- nachs, parchemins, etreliure de livres 26 liv. 8 s. 4 d. » (Arch. du Doubs. G. 1643). y retrouvons une partie de ceux que nous avons vus déjà chez son père : Ordonnances de Charles-Quint, Actes du Col- loque, dictionnaires, grammaires, rhétoriques, dialectiques, alphabets, épitres de Cicéron, livres de communiants, psau- mes, testaments, catéchismes, chansons spirituelles, eux communs de théologie, etc., mais les cantiques servant à l’église de Montbéliard ont disparu. Puis, à côté d'un certain nombre d'ouvrages nouveaux : Prosodia Clari ; Epitome astronomiae Meschlini; Fables d’EÉsope ; Institutes de Justinien ;: Rhétorique de Sattler ; La manière de faire des vers français, grecs et latins par Jac- ques de la Taille, etc., ce sont des impressions sorties de son atelier, comme: Praecepltorum rhetoricae brevis apta et perspicua, (1) par Guyon Brisechoux ; Sermon prononcé aux obsèques d’'Elisabeth-Madeleine de Hesse-Darmstadt, (2) pre- mière femme du due Louis-Frédéric ; Sermons funèbres pro- noncés aux obsèques du duc Louis-Frédéric (3), en allemand, en français, et pièces de vers en l'honneur du défunt. L’inventaire nous signale l’existence de « quatre livres de raison de fut maistre Jacques Foillet... trois in-folio et l’autre aussy in-folio estroit. » [l est fort regrettable que ces livres de raison ou de comptes ne soient point parvenus jusqu’à nous, car 1ls nous eüûüssent certainement apporté de curieuses révélations sur la vie et les affaires du premier imprimeur monthéliardais. Le même document nous montre que le commerce de la librairie, à l’époque de Samuel, n’était plus aussi florissant que du temps de son père. Celui-ci comptait, comme on l’a vu, environ 15,000 livres sur ses rayons, alors que son successeur n'en possède même pas la moitié ; leur nombre, en effet, n’atteint pas 7.000. Il est vrai de dire que l’on était en pleine période de-guerres (4). ) Montbéliard. Samuel Foillet. 1623 ; in-8°. )- Montbéliard, Samuel Foillet, 162%, en alleraand. 3) Montbéliard. Samuel Foillet, 1631, in-4°. ) Les troupes lorraines, stationnées autour du pays de Montbéliard, Y l 2 A ( ne (& on L'inventaire enregistre un certain nombre d'obligations souscrites, soit au profit de Jacques Foillet, soit au profit de Samuel, par Evotte Käserin, veuve de Pierre Malfregeot, d'Etouvans, ainsi que par ses fils Ursanne et Gswald. Le montant de ces obligations s'élevait à 178 francs forts, mais Jacques Foillet et Samuel étaient déjà remboursés d’une partie de leur créance. Nous apprenons enfin, par cette pièce, . que la liquidation des successions de Jacques Foillet et de Marguerite Montbrott s'était terminée le 21 août 1622, par l'acceptation des copartageants, parmi lesquels nous trou- vons Anne Foillet, première femme de Gebhard Stapfer, alors remariée avec Jean-Jacques Zwicker, papetier à Bâle. D'autres documents retrouvés dans les archives munici- pales de Montbéliard nous permettent de suivre le sort des immeubles et parties des meubles dépendant de la succession de Samuel. La parcelle de terrain de six quartes, sise au Chesnoy, fut divisée en deux lots qui furent mis en vente aux enchères publiques et adjugés, le premier, à la date du 9 février 1634, moyennant le prix de 22 francs, le second, à la date du 16 fé- vrier, moyennant le prix de 27 francs, à la veuve du défunt, Madeleine Gète. La vente des meubles eut lieu également aux enchères le 15 avril suivant « au devant de la boutique » de Samuel, mais le procès-verbal incomplet ne nous fournit d'indication que pour quelques meubles seulement. À titre de curiosité, nous relevons les enchères suivantes: Un gril de fer, escheu à Jacques Ma- Clér DOUTE er en eee no VII gros VI blancs. faisaient de nombreuses incursions et cominettaient mille excès. Au mois d'août 1633, Pierre Vessaux fut envoyé en ambassade auprès du roi Louis XIIT pour solliciter la protection de la France. Celte dernière, le 21 septembre 1633, fit occuper Montbéliard par le marquis de Bourbonne, avec cinq compagnies d'infanterie et deux de cavalerie. 505 — Un cousteau de boucher escheu à la femme Andrée Pétrequin pour . . . . VIII gros. Une petite casse fritoire, escheue à AdAmAN ONMETIPOUT 240.0 LE Nr X gros II blancs. Un grand plat d’estaing marteléescheu dHensy-Bourlier pour: ::-01.-21401 . XVII gros. Une sallière d’estaing, façon de Be- sançon, escheue à la femme de Jehan Thueffert pour RÉNALE IX gros. La veuve elle même rachète diffé- rents objets, entre autres : Deux petits goubelets d’estaingäu de la Société. & » La somme exigée est de cent francs pour les membres rési- dants et de soixante francs pour les correspondants... » Art. 15 des statuts : « Tout membre qui aura cessé de payer sa cotisation pendant plus d’une année, pourra être considéré comme démissionnaire par le conseil d'administration. » Art. 6 du règlement: « Les séances ordinaires se tiennent le se- cond samedi de chaque mois... » Art. 9 du règlement : « La Socièté publie. chaque année. Es un bulletin de ses travaux ,; sous le titre de Mémoires... » Art. 13 du règlement : « Le bulletin est remis gratuitement : RTE A chacun des membres honoraires, résidants et corres= pondants;:de la Societé RES » Adresse du Trésorier de la Société : M. le Trésorer de la Société PE d'Emulation du Doubs, Palais Granvelle, à Besançon. = Extraits des statuts et du règlement de la Société d'Emulation Décret impérial du 2? avril 1863 : « La Société d'Emulation du Ê | . \ LEE f KE WA) (1: Ls a EUTA F ANA F: Ar