de ({ À! À hahénoslhs À mmmseteraiar pitri ten honte lie + ; ] . a y u * : 1 } 1 A HO es MAR 25 e hrs | | MÉMOIRES | “ DE LA > DU DOUBS HUITIÈME SÉRIE SIXIÈME VOLUME 1911 BESANCON IMPRIMERIE DODIVERS FC Grande-Rue, 87 1912 SOCIÈTÉ D'ÉMULATION VOLUMES PARUS : re série : 11 livraisons, années 1841-1849. DÉUN EE EN Qt ne “+ MS50- 2900. 32. — 9 volumes, — 1856-1864 (“). D 0 — 1865-189. be — 10 — — 1870-1885. GORE PE ETES — 1886-1090. 7e — 10 — — 1896-190b. 8e — 6 = — 1906-1911. (*) Plus les 2 tomes 1864 et 1860 de la Flore de Grenier qui for- ment le 10° volume. | | Tables décennales, par ordre de matières : 1885, 1895 (à la fin du volume). : Table générale de 1841 à 1875 (à la fin du volume de 1855). Une nouvelle Table générale, comprenant tous les mémoires de 1841 à 1905, a été publiée séparément en 909 (127 pages, plus errata). Nota. — Les volumes suivants sont épuisés ou sur le point de d'étre : 1841, 1852, 1855; 18506bis, 1657, 1803, 1880, 1001. [reste - 3 collections complètes des deux premières séries (ROSE 1850); chaque collection comprend 19 fascicules gr. in-8, d’une valeur. de 100 francs. | MÉMOIRES SOCIÈTÉ D'ÉMULATION DE °D OÙ B:S . 35) NE ii k : ANR } MEMOIRES DE LA Lé SOCIETE D'ÉMULATION Ld D'Or OUPS HUITIÈME SÉRIE She TN ET NZ ONU ME 1911 o BESANCON IMPRIMERIE DODIVERS Cie ET 87 Grande-Rue, 1912 MÉMOIRES DE LA SOCIÈTÉ D'ÉMULATION HEUMPDOUSESS (911 PROCES-VERBAUX DES SÉANCES Séance du 21 Janvier IQII. PRÉSIDENCE DE MM. LE CHANOINE RoOSSIGNOT ET LE PREMIER PRÉSIDENT GOUGEON Sont présents : Bureau : MM. le chanoine Rossignot, président sortant : F. Gougeon, président élu pour 1911; Pidancet, vice-président : Georges Gazier, secrétaire décennal ; Cellard, trésorier ;: ÆXirch- ner et Mathieu, archivistes. DR ME ie Meugres : MM. Bernard, D' Bourdin, Clerc, Gaston: Coindre, Dayet, Delabarre, D' Girardot, Leclerc, D' Æm: Ledoux, H. Mairot, H. Michel, capitaine Rivet, Savoye, M. Thuriet. : :- M. le chanoine Rossignot prononce l’allocution suivante : COUR MESSIEURS, Je quitte volontiers, pour la céder à un incomparablement plus digne, la place que votre bienveillance m'avait donnée l’an passé, dans votre compagnie. Ma dernière parole sera un remerciement 7 —— V I — bien sincère pour l’honneur que vous m'avez fait et le grand plaisir que m'ont procuré toutes vos séances. Je ne m'excuserai pas de les avoir mal présidées ; jy ai sim- plement assisté. Le travail était fait par nos confrères du bureau et surtout par notre dévoué et savant secrétaire. Je suis leur obligé et leur reste très reconnaissant. D'ailleurs, les lectures, : toujours intéressantes, se succédaient sans difficulté pour per- sonne et à la grande satisfaction de tous. | Ayons, Messieurs, le ferme espoir que nous faisons œuvre utile par toutes nos études et particulièrement par celles qui se rattachent à notre petite patrie comtoise. I faut n'en laisser perdre aucune gloire. aucun souvenir. C’est à quoi nous conti- nuerons à travailler sous la haute direction de mon très bon et très honoré successeur, M. le Premier Président Gougeon. En prenant possession du fauteuil de la présidence, M. le Premier Président Gougeon, prononce le discours suivant : MESSIEURS, Je ne puis m'empêcher, tout d’abord, de vous dire ma recon- naissante et douce émotion à raison de la distinction dont je sens tout l'honneur et qui résulte de mon élection par vous à la présidence de votre belle Société. Je ne pouvais l’espérer, n'étant membre résidant titulaire que depuis peu de temps et n'ayant, par suite, pu rien produire, mais vous avez voulu sans doute me donner un témoignage de sympathique et confiante estime ; il m'a été au cœur, je vous assure, et m'attache à vous fermement. Lorsqu’en 1909, je voyais arriver la fin de ma longue carrière professionnelle, lorsque je sentais qu'après quarante-quatre ans de lourds services judiciaires, j'allais, sans transition, tomber dans l’oisiveté, je cherchai un remède à ce fléau que je considère. comme le pire de tous. | Je frappai alors timidement à votre porte et je priai des amis de faire qu'elle me fût entr'ouverte, afin de trouver parmi vous des occasions de travail et de recherches qui me fourniraient un allègement à la vie de désœuvré que j'entrevoyais. Au lieu d’entr'ouvrir cette porte, vous me l’avez largement ouverte et vous m'avez de suite assis à un fauteuil de vice- président, J'en fus très touché, je vous assure. — VI — Je ne savais pas alors que la conséquence de cet accueil si courtois serait, très vraisemblablement, ensuite d'usages que j'ignorais, mon élévation à la présidence ; je l'ai récemment appris et j'en ai été tout à fait confus. Ne manquant, depuis, à aucune de vos réunions, je me suis rapidement rendu compte du puissant intérêt qu'elles offraient, et ce m'était une joie, chaque fois que j'étais convoqué, de pen- ser aux attrayantes lectures que j'allais entendre sur des sujets historiques, scientifiques ou autres. ; Aussi, je m'attachaï, on ne peut plus sympathiquement à vous, et cette sympathie, vous me l’avez largement rendue. Je n'espère pas atteindre les résultats obtenus par mon si distingué prédécesseur immédiat, M. le chanoine Rossignot, dont la direction fut si parfaite et dont la valeur littéraire, comme linaltérable bonté, ajoutaient à l'autorité de sa charge ; mais soyez certains que mon dévouement à la Société sera à la hauteur du sien. Je sais aussi combien l'exercice de ma présidence sera facilité par la constante obligeance de M. Gazier, véritable cheville ouvrière de l’Emulation, auprès de qui on trouve toujours la réponse à toutes les objections, à toutes les questions troublantes et dont le bagage de science historique est si complet. Il me sera d’un secours précieux que je sollicite dès à présent de son bon cœur, comme je le demande aux membres si distin- œués de notre Bureau et à nos archivistes. Je m'efforcerai d'augmenter le nombre de nos membres titu- laires pour accroître, en même temps que nos ressources scien- tifiques, nos ressources péeuniaires actuellement insuffisantes, et, puisque vous l'avez décidé, je ferai en sorte d'obtenir que quelques dames intelligentes, distinguées, instruites et lettrées, viennent prendre place dans nos rangs et se mêlent à nos tra- MAULXE Une société comme la vôtre, entourée de tant de sympathies et si digne de celles qui lui viennent de toutes parts, doit grandir sans cesse. Merci encore, Messieurs, de l’honneur dont je sens tout Île prix, que vous m'avez fait et je ferai en sorte de vous prouver sans cesse ma gratitude émue. UNE M. le docteur Girardot lit une notice nécrologique sur le doc- teur Marc Dufour, membre honoraire de la Société, professeur à l'Université de Lausanne et médecin en chef de l'hôpital oph- talmique de cette ville. Il rappelle l'intérêt qu’il portait à notre Société, à laquelle il fit diverses communications. Mais le doc- teur Dufour fut avant tout un des maîtres incontestés de la science ophtalmique : sa renommée s’étendait au loin, et on voyait à Lausanne des malades, venus de toutes les parties du monde, se presser à ses consultations. Les clients avaiert pour lui un véritable culte, et les regrets que causa sa mort montrè- rent Comment, par sa charité et sa bonté, il avait su se concilier tous les cœurs. | M. le chanoine Rossignot rend compte de l'ouvrage de M. Fran- cois Marullaz sur le général de division J/acob-Francçcois Marulaz, baron de l'Empire (1769-1841). C’est la première monographie un peu complète consacrée au vaillant défenseur de Besan- ÇOn en 1814. M. Michel, conservateur du Musée archéologique, donne lec- ture de deux lettres de M. Joly, directeur de l’enseignement vétérinaire à l’école de Saumur, accompagnant un exemplaire d'une étude sur les fers ondulés offerts par leurs auteurs, MM. Joly et Tasset, à la Société d’'Emulation. Ces lettres donnent d'intéressants détails sur les fers et les hipposandales du Musée de Besançon. Lecture est donnée d’une lettre de M. le Maire de Dole deman- dant à M. le Président de la Société d'Emulation du Doubs d’ac- cepter de faire partie du Comité de patronage chargé de préparer l'acquisition de la maison natale de Pasteur à Dole. I} sera répondu à M. le Maire de Dole que la Société d'Emulation du Doubs accepte avec plaisir de contribuer ainsi à la réussite d’un projet qui doit être cher à tous les admirateurs de l'illustre savant com- tois. M. Cellard, trésorier, présente le compte-rendu financier de la Société pendant l’année 1910. Les recettes et dépenses se décom- posent ainsi : RECETTES ÉMRÉAISSe AU EL JANnVIier 1910 +... 1. / MÉRAEMlANCaiSSerd'épargne 14.2. d'A er, Don d’un anonyme en souvenir d'A. Castan. Réhiquat du compte de M. Alf. Vaissier. . . . . . Subvention de la Société des Gaudes de Paris, en échange de 16 volumes des Mémoires. . . . . . . Subvention de la Société d'agriculture pour 50 exem- plaires de la Table des matières de l’ancienne Société ARQULEUTES ae el Mn Ne rs SHhpenton du département, : : 0. . :. | Subvention de la Ville de Besancon . . . . Don de M. le Colonel Almand. . . .. Ménietde volumes dela Société …: . … , . Æ. Cotisations de l’année 1910 . . . . pee IE Participation de la Société de A doeinc au actes et à l'éclairage de la salle . . .… . . - litiérer CNRS REP Totaledes Recettes DÉPENSES Réparations et fournitures diverses dans la salle. . POS AU SaZ el, he 4, 0. Hraitement de l'agent. Etrennes . : : . . . . Séance publique de 1909. — Frais supplémentaires Hrusade Séance publique de 1910... - . . : . . Frais. CHSCT EEE RENE Subventon au Comité Ghartrans = ++ ,2. 1, Subvention au Congres de l’Association Franc-Com- LOIS SEE EN PR EE RE Se Hnpreéssion du volume de 1909, 44, 7 .. ., pression du volume de 1909... à 00. Correspondance du trésorier, recouvrements de coti- SA OMS Red nan eo ali he ee à Pniéarsse ler anvier Lo nr Le Loue Total des Dépenses. . . . 100 _— XX — La Société, après avoir approuvé ces comptes, discute et vote le projet de budget présenté par le Conseil d'administration de la Société pour l’année 1971 RECETTES RÉSELNE On CAISSE Li me MONS ERA 256 80 Subvention du département. 0 0e à 300 » Subvention de la Ville de Besançon . . ./. . . .… 400 > COTISATIONS HR Re RE EN E R OGn) Intérét du capitales MAS SEE er oo Droits defdiplômes, recettes accidentelle ms 150 » MotaledésthReceties Po mou DÉPENSES Lmpressions #0 Las ne CT et ae 000 Hraïs de bureau/chautrinetéclairame re ya) lraitement deasentetetrennes Mer 229 Frais de recouvrement de cotisations . . . 19 Hraisde séance publique Ce eee RAR 6 Subvention au Congrès de l'Association Franc-Com- OS NN RE D AE Cie AN An Ne 40 Créditpour recherches Scientifiques PRE. 100 Reconstitution du carnet de la Caisse d'épargne . . 61 80 Dotaldés Dépenses. 072.00 80 Le trésorier fait connaitre que le capital de la Société s'élève, au taux de ce jour, à 18.743 Îr. o7, ainsi décomposé : Éncaisse » Er 2506 80 Capital rentes 3 o/o . . 18.422 33 Caisse d'épargne. . 63 94 Le Président, Le Secrétaire, FR. GOUGEON. GEORGES (GAZIER. Seance du 235 Février 1011. PRÉSIDENCE DE M. LE PREMIER PRÉSIDENT (GOUGEON Sont présents Bureau : MM. le Premier Président Gougeon, président ; Pidancet vice-président, Georges Gazier, secrétaire décennal, Kirchner et Mathieu, archivistes,. Meugres : MM. le commandant Allard, Bonnet, D' Bourdin, Clerc, M. Lambert, Leclerc, D' Em. Ledoux, lieutenant Mal- noury, 11. Michel, Mourgeon, L. Pingaud, capitaine Rivet, L. Vernier. Le Secrétaire donne lecture d’une lettre de M. le général Lan- glois remerciant la Société, dont il est membre honoraire, des félicitations que celle-ci lui à adressées à l’occasion de sa recente élection à l'Académie francaise. Le Secrétaire lit une étude de M. Eug. Revillout, conservateur honoraire des musées nationaux sur le taureau à trois cornes, à propos du fameux taureau tricornu d'Avrigney, conservé au Musée archéologique de Besançon. Ce taureau à été découvert au xvue siècle à Avrigney, en même temps qu'un sanglier à trois cornes qui est aujourd'hui à la Bibliothèque nationale. M. Revil- lout signale d’autres statuettes du même genre existant dans divers musées français et étrangers ei dans sa propre collection. Dans la mythologie des anciens Gaulois, le bœuf et le taureau étaient adorés comme le génie du bien, le sanglier comme le génie du mal. Les trois cornes sont un symbole de la trinité créatrice. Sur la proposition de M. Michel, conservateur du musée archéo- logique, la Société décide de demander le classement comme monument historique des vestiges des anciennes arènes de Besan- con qui subsistent dans la caserne du génie. EU Re La Société s'associe à la protestation de la Commission des Sites contre le projet d'abatage des arbres situés à côté du garage des canotiers, près du pont de Bregille. À cette occasion, un membre présente des photographies montrant l'aspect de la route de Taragnoz avant et après la destruction des arbres sur le bord du Doubs, destruction qui a si malheureusement trans- formé le paysage dans cette partie de Ia ville. M. Georges Gazier signale l'intérêt tout particulier que pré- sentent les lettres de Basile Alecsandri, léguées à la Bibliothèque de Besançon par Edouard Grenier. Alecsandri, l’un des fonda- teurs de l'indépendance roumaine, est considéré à l'heure actuelle comme l’un des plus grands poètes de son pays. C'était de plus un ardent ami de la France dont il parlait et écrivait la langue dans la perfection. Certaines de ses lettres à Grenier, au lende- main de nos désastres de 1850, expriment avec éloquence les sentiments de profonde tristesse qu'éprouvèrent les peuples de race latine à l’idée que la France pourrait sortir amoindrie de sa lutte avec l'Allemagne. Mais Alecsandri avait foi dans nos desti- nées et 1l se déc'are persuadé, dès 1851, que la France aura vite fait de reprendre son rang dans le monde. Cette correspondance. sera prochainement publiée à la librairie Champion. La Société décide l'échange de ses publications avec le Musée national de Santiago, du Chili. Est élu : Membre résidant : M. le D' M. Caro, présenté par MM. le docteur Bourdin et Georges Gazier. Le Président, Le Secrétaire, FR. GouGEoN. XEORGES (GAZIER. TE Seance du 25 Mars 1911. PRÉSIDENCE DE M. LE PREMIER PRÉSIDENT GOUGEON Sont présents : Bureau : MM. le Premier Président Gougeon, président; cha- noine Rossignot et Pidancet, vice-présidents ; C. Cellard, tréso- rier ; Georges Gazier, secrétaire décennal : AXirchner et Mathieu, archivistes. Meugres : MM. le commandant Allard, Bernard, G. Blondeau, Dr Bourdin, Clerc, Léon Druhen, Maxime Druhen, J. Feuvrier, Leclerc, D' Em. Ledoux, lieutenant Malnoury, H. Michel, D' Nar- gaud, Picot, capitaine River, Dr Roland. Le Secrétaire donne lecture d’une lettre de M. le général Drouhez, directeur du génie de la 5e région, donnant l’assurance qu'aucun projet militaire ne menace les anciennes Arênes de Besancon, comme le bruit en avait couru. M. Boutterin, architecte des Monuments historiques, fait savoir que pour obtenir le classement des anciennes Arènes de Besan- con, il convient de s'adresser directement à M. le Sous-Secre- taire d'Etat aux Beaux-Arts, en joignant à la demande un mémoire archéologique, avec plan et photographies à l'appui. M. Michel accepte de se charger de ce travail. M. le Premier Président Gougeon donne lecture d’un article de M. André Hallays, récemment paru dans le Journal des Débats. dans lequel l’éminent critique proteste contre les derniers aba- tages d'arbres dans notre ville. Sur la proposition. de M. J. Feuvrier, la Société émet le vœu que des mesures soient prises pour assurer la conservation du portail du Palais de justice de Dole, ancien portail des Cordeliers, M. G. Blondeau, procureur de la République à Vesoul, Hit une étude sur le peintre bisontin Victor Jeanneney. Né à Besançon le — XIV — 9 avril 1832, fils d’un imprimeur lithographe, il songeait à succé- der à son père, quand Lanerenon, directeur de l'Ecole des Beaux- Arts, ayant reconnu ses heureuses dispositions pour le dessin, l’'engagea à aller continuer ses études à Paris. Il-partit pour la capitale en 1855 et entra à l'atelier de Gleyre. Revenu à Besançon en 1856,ilne cessa d'exposer aux salons de Paris de 1855 à 1865 des tableaux de genre et des paysages. Il ouvrit à cette époque un atelier rue des Granges où ses premiers élèves furent À. Rapin, À. Lumière, Bellat et Pétua. En 1863 Jeanneney fut nommé pro- fesseur de dessin au lvcée et à l'Ecole normale de Vesoul. Il créa dans celte ville une école municipale des Beaux-Arts qui eut un cran succès. fonda un musée de peinture et restaura la salle du théâtre. Il fut à Vesoul le premier maitre du peintre G. Cour- tois, de Jeanmoug'in, Bug. Chaffanel, Troschler et Jules Gros- jean. Il a formé de nombreux professeurs de dessin et des artisans habiles. Il fut un précurseur de l’enseignement de l’art appliqué à l’industrie. Jeanneney mourut le 22 décembre 1885. M. le D' Roland lit une introduction à louvrage qu'il prépare sur la cartographie en Franche-Comté. 11 y rappelle les travaux antérieurs parus sur cette question et montre tout l'intérêt qu'une: étude de ce genre peut présenter pour l'histoire de la province. M. le Dr Roland présente quelques spécimens choisis parmi les plus rares et les plus beaux des cartes de Franche-Comté et des plans de Besancon qu'il à pu réunir dans sa collection et qu'on chercherait souvent en vain dans les dépôts publics. Sont élus : Membres résidants MM. CAupy, rue de la Préfecture, 13:,présenté pareMMEFI Michel et H. Mairot. VERNEREY, professeur au Lycée Victor Hugo, présenté par MM. H. Michel et G. Gazier. Le Président, Le Secrétaire, Fr. GoucEo. (GEORGES (GAZIER. — XN\ 7 Séance du 24 Mai 1911. PRÉSIDENCE DE M. LE PREMIER PRÉSIDENT GOUGEON Sont présents Bureau : MM. le Premier Président Gougeon, président: Georges Gazier, secrétaire décennal: Xirchner et A. Mathieu, archivistes. Meugres : MM. le commandant Allard, Bernard, Bonnet, Dr Bourdin, Gaston Coindre, Dayet, L. Febvre, M. Lambert, Leclerc, D' Em. Ledoux, H. Michel, Mourgeon, D' Nargaud, Dr Roland, Rouget, Vernerey, L. Vernier. M. L. Febvre donne lecture d’une étude sur La Société cont- toise au XVIe siècle. À laide des documents contemporains et surtout des testaments conservés aux Archives du Doubs, il retrace la vie des bourgeois d'alors, commerçants enrichis par le négoce ou la banque, avocats où hommes de loi, dont les fils remplirent peu à peu les charges de judicature et s'élevérent jus- qu'à la noblesse de robe. M. Febvre nous décrit les somptueuses demeures qu'ils se firent élever et dont beaucoup subsistent encore aujourd'hui pour l’ornement de nos villes, les meubles magni- fiques, les œuvres d'art dont 1ls remplirent leurs appartements. Il réussit même à reconstituer leur bibliothèque, et les lectures qu'ils faisaient nous aident à comprendre les idées des Comtois de ce temps, gens à l'esprit un peu lent, mais pratiques, labo- rieux, honnêtes, dévoués à leurs devoirs, très attachés à leur nationalité et surtout aux libertés et privilèges que leurs pères avaient conquis. M. Henri Michel signale quelques découvertes intéressantes faites récemment lors de diverses fouilles exécutées à Besancon. Des fragments de mosaïque gallo-romaine ont été retrouvés sur l'emplacement de l’ancien immeuble des Jésuites, rue d'Alsace. M. Michel rapproche cette découverte de celles qui ont été faites jadis, non loin de là, au clos Saint-Paul et qu'a étudiées LL XYVi — M. À. Vaissier. M. Michel en tire occasion pour donner uné description de la villa gallo-romaine et du pavimentum de ces maisons des mme et 1ve siècles de notre ère. M. Michel fait également connaître la découverte d’une pièce d'argent, monnaie de Lucerne, trouvée dans les travaux de fondation du magasin à décors du théâtre. La Société désigne M. Chipon pour la représenter à la séance publique de la Société d'Emulation de Montbéliard, le rer juin prochain. Elle vote une subvention de 4o francs au bureau du XIe Con- oœrès de l'Association frane-comtoise pour l'organisation de ce Congrès, qui doit se tenir à Poligny, le rer août 1971. Une somme de 20 francs est votée en faveur du Comité qui s'est formé pour l'acquisition de la maison natale de Pasteur, à Dole. La Société est heureuse de s'associer ainsi au nouvel hommage rendu à la mémoire de lillustre savant qui accepta jadis de faire partie des membres d'honneur de la Société. M. G. Gazier présente le récent ouvrage publié par M. le D' Magnin sur Charles Nodier naturaliste, lisant connaitre que si une partie importante de ce savant travail a paru dans nos Mémoires, M. Magnin l'a complété par la publication dans le Bulletin de la Société d'Histoire naturelle du Doubs, de nom- breuses études scientifiques inédites ou devenues rares du con- teur bisontin. M. Bouvier, membre de l’Institut et professeur au Museum, a accepté de présenter cet ouvrage au public et les éloges qu'il adresse à M. Magnin, dans sa préface, ont déjà été confirmés par les comptes-rendus faits à l’Académie des Sciences, à l’Académie française et dans d’autres revues et journaux. Sur la proposition de M. Bonnet, la Société émet le vœu que la succession de notre éminent confrère, M. L. Pingaud, profes- seur d'histoire moderne à l'Université de Besançon, admis à la retraite, soit donnée de préférence à un historien s'intéressant à l'histoire du pays. Son vœu serait, en un mot, que le successeur de M. Pingaud continuât pleinement les traditions de son savant et distingué prédécesseur. — XVII — A l'unanimité, la Société décide de s'associer à la pétition ayant pour objet la conservation des églises de France, menacées de tomber en ruines. Sont élus : Membres résidants MM. G. Drouxar», avocat, présenté par MM. le Dr Bourdin et Pidancet. D' Porzior, présenté par les docteurs Bourdin et Ledoux. Le Président, Le Secrétaire, FR. GouGEoN. (GEORGES (GAZIER. Séance du 28 Juin 1911. PRÉSIDENCE DE M. PIDANCET, VICE-PRÉSIDENT. Sont présents : Bureau : MM. Pidancet, vice-président; Georges Gazier, secré- taire décennal ; Xirchner et A. Mathieu, archivistes. Meusres : MM. Bernard, Clerc, A. Dayet, Delabarre, L. Febvre, Leclerc, Dr Em. Ledoux, H. Michel, capitaine Rivet, D' Roland, chanoine Rossignot, Rouget, Savoye, M. Thuriet, L. Vernier. M. le docteur Roland donne lecture d’une communication sur Ortelius et la cartographie au xve siècle. Après avoir cité les noms des historiens et géographes qui ont donné des descriptions du comté de Bourgogne tels que G. Cousin, Gollut, Seb. Munster, Ant. du Pinet, Le D: Roland rappelle que la première carte connue de Franche-Comté a été publiée dans l’atlas de Lafréri en 156». Le grand géographe Ortelius, né en 1527 à Anvers, a publié en 1570 chez Plantin une première édition de son « Theatrum orbis terrarum » dans laquelle on trouve reproduite la carte de Lafréri. B — XVII — Mais cette carte fut remplacée dans les éditions postérieures par d’autres plus récentes et plus exactes. En 1580 le Theatrum d'Ortelius nous montre une carte de la Franche-Comté dressée en 1579 par Ferdinand de Lannoy ; en 1602, c’est une carte, moins bonne d’ailleurs que la précédente qui est publiée : cette dernière avait été dessinée par Hugues Cousin, frère de Gilbert Cousin. Ortelius a donné aussi un Epitome de son Theatrum, mais les cartes très réduites qu'il contient sont sans intérêt. Le Secrétaire donne lecture d’un travail de M. René Bouton relatant la découverte faite à Baume-les-Dames en 1908, dans une source, de monnaies du Haut Empire. Les anciens Romains considéraient les sources comme des divinités dont il importait de se concilier la protection et croyaient se les rendre favorables en leur jetant quelque menue monnaie. Cette pratique explique la présence des monnaies d’Agrippa, de Vespasien, de Domitien, Trajan, Antonin le Pieux et Marc Aurèle trouvées dans la source de Baume. Le Président lit une lettre de la Municipalité de Dole remer- ciant la Société de la subvention votée à Ia précédente séance pour l'acquisition de la maison natale de Pasteur. Il communique également une lettre de M. Maurice Barrès remerciant de l'adhésion donnée par la Société à la petition en faveur des églises. Il donne lecture d’une lettre de M. le Recteur de l'Académie déclarant qu'il fera son possible pour amener la réalisation du vœu exprimé par la Société au sujet de la succession de M. Pin- gaud, dans sa chaire d'histoire à la Faculté des Léttres. La Société vote une subvention de 23 francs au Comité qui s’est formé pour élever un monument à Besançon à M. Veil-Picard, en souvenir du concours prêté par celui-ci aux fouilles exécutées au Square archéologique. Sont élus : Membres résidants : M. Roger Baizzy, fabricant d'horlogerie,-présenté par MM. H. Michel et le docteur Bourdin. Er NN M. VENDEUVRE, avocat près la Cour d'Appel, présenté par MM. Grillier et Georges Gazier. Le Président, Le Secrétaire, FR. GOUGEON. GEORGES GAZIER. Séance du 24 Novembre 1911. PRÉSIDENCE DE M. LE PREMIER PRÉSIDENT GOUGEON. Sont présents : Bureau : MM. le Premier Président Gougeon, président ; cha- noine ARossignot, vice-président; Georges Gazier, secrétaire décennal ; Cellard, trésorier ; Æirchner, archiviste. Memsgres : MM. Boname, Bernard, Bonnet, D' Bourdin, Dayet, D' Girardot, D' Em. Ledour, #1. Mairot, H. Michel, Mourgeon, D' Nargaud, Picot, capitaine Rivet, Rouget, Savoye, L. Vernier, Vernerey. M. le président Gougeon fait part à la Société de la perte qu’elle vient de faire en la personne de M. Alfred Boysson d'Ecole, membre de l'Emulation depuis 1891. M. Boysson d'Ecole avait su y conquérir toutes les sympathies, comme du reste dans toutes les sociétés dont 1l faisait partie, La Société adresse ses vives félicitations à M. Z. Febvre, pro- lesseur au Liycée Victor Hugo, qui vient de subir avec succès les épreuves du doctorat ès-lettres devant l'Université de Paris. Le sujet de ses thèses portait sur Philippe IT et la Franche- Comté et sur la Réforme et l'Inquisition en Franche-Comté au XVIe siècle. Après une soutenance particulièrement brillante, M. Febvre à été reçu docteur avec la mention «très honorable ». M. le Président Gougeon rend compte de l’ouvrage de M. Mar- quiset, intitulé : Quand Barras était roi, Dans ce petit volume, Se PT {? M. Marquiset a su faire revivre avec érudition et esprit la société frivole qui s'agitait autour du fameux Directeur. M. À. Kirchner présente des tableaux des Observations météo- rologiques faites de 1890 à 1910. Ces tableaux permettent de retrouver rapidement les dates des extrêmes de température durant cette période et de relever les moyennes climatériques mensuelles de chacune de ces années. M. Kirchner rappelle les travaux du même genre précédemment exécutés, ceux du D' Marchand de 1802 à 1814 et ceux de M. Georges Sire de 18/6 à 1854, et exprime le vœu que tous les dix ans de semblables tableaux soient dressés. M. Henri Michel fait connaître le résultat des premières recher- ches faites par lui sur le territoire de Grammont et qui permettent d'espérer, lorsque des fouilles méthodiques pourront être entre- prises, de curieuses trouvailles archéologiques. M. Georges Gazier présente la photographie d’une montre ayant appartenu au cardinal de Granvelle et qui fait aujourd’hui partie de la collection Pierpont-Morgan. Cette montre, exécutée à Lyon par J. Vallier, porte sur un des plats de la boîte les armes de la ville de Besançon et la date de 1564. M. Gazier rapproche cette montre de celle de la collection Marfels, jadis étudiée par M. San- doz dans la France horlogère (1°" février 1905). M. Kirchner fait connaître une communication de M. /audon, faite à la Société des lettres de l'Aveyron, signalant dans l’église Notre-Dame de Besançon une statue de la Vierge en marbre blanc du sculpteur Gayrard, assez semblable à celle du mème artiste qui orne la cathédrale de Rodez. La Société fixe au jeudi 21 décembre la date de sa séance publique annuelle et en établit le programme. Sont élus : Membres résidants : MM. Victor Douce, industriel à Besançon, présenté par MM. le chanoine Rossignot et Georges Gazier. Drevruss, professeur au Lycée Victor Hugo, présenté par MM. Vernerey-et Febvre. = NN MM. Le général Guizzix, à Besançon, presente par MM. le docteur Em. Ledoux et le Premier Président Gougeon. MarcHaxp, administrateur des Salines de Miserey, preé- sente par MM. le docteur Ledoux et H. Mairot. Le Président. Le Secretaire, Fr. GouUGEoN. (GEORGES (GAZIER. Séance du 19 Décembre 1911. PRÉSIDENCE DE M. LE PREMIER PRÉSIDENT (GOUGEON Sont présents Bureau : MM. le Premier President Gougeon, président ; Georges Gazier, secrétaire décennal, Cellard, trésorier, Xirchner et Mathieu, archivistes, Memgres : MM. Fr. Bataille, Bernard, Bonnet, D' Bourdin, Gaston Coindre, A. Dayet, Maxime Druhen, Dr Girardot, Dr Em. Ledoux, D' Nargaud, H. Mairot, Picot, capitaine Rivet, Rouget, D' Vaissier, Vernerey, L. Vernier. Lecture est donnée d’une lettre de M. L. Febvre, docteur es- lettres, remerciant la Société des félicitations qu'elle lui a adres- sées dans sa précédente séance et lui faisant hommage des deux volumes de ses thèses. M. André Dayet communique une étude de M. Maurice Davet, consacrée à Charles-Baptiste Vernerey, député du Doubs à la Législative et à la Convention. Né à Baume en 1553, Vernerey, avocat au Parlement de Besançon, se lança dans la vie publique dés le debut de la Révolution. Il se distingua notamment au Cluh des Amis de la Constitution, dont il fut à plusieurs reprises le président. Elu député à la Législative, puis à la Convention, il fut, en cette qualité, chargé de la vente du mobilier national de ON Versailles, puis envové en mission dans la Creuse. Non réélu au Conseil des Cinq-Cents, il devint administrateur du département du Doubs et mourut à Besançon, le 4 mai 1598. M. Dayet recons- üitue sa biographie à l’aide de documents d'archives et d'un cer- tain nombre de papiers de famille qu'il a eus entre les mains. M. Pingaud raconte l’histoire d'une Société littéraire fondée à Besançon en 1855 par A. Castan et qui subsista dans notre ville jusqu'en 1857. Cette Société a publié un Bulletin au début de 1897, d lequel on retrouve lés principales œuvres de ses membres. L1 plus remarquable est certainement une nouvelle intitulée La Louise, légende frane-comtoise joliment racon- tée par Castan et dont M. Pingaud donne l’analyse. M. Mathieu ayant exprimé le désir d'être relevé de ses fonc- tions d’archiviste, en raison de ses nombreux travaux, le Prési- dent lui adresse l'expression de la gratitude de ses confrères pour les services qu'il a rendus à la Société en collaboration avec M. Kirchner. Sont élus : Membres résidants : MM. Maurice Daver, licencié ès-lettres, présenté par MM. André Dayet et Georges Gazier. Euvrarp, directeur d'école normale honoraire, présenté par MM. Rouget et Georges Grazier. Procédant à l'élection de son Bureau pour l'année ons la Société nomme : Président annuel : M. Pipancer, avocat près la Cour d’appel de Besançon. et Premier vice-président : M. le Premier Président Gouceron, président sortant. | | Ta Second vice-président : M. le Dr" Roran», professeur à l'Ecole de médecine. Vice-secrétaire : M. GRiLLIER, avoué près la Cour d’ sppèl Trésorier: M: C: Cerrarp, architecte, Archiviste : M. KIRCHNER. D 0 Qi D À om Archiviste-adjoint : M. Euvrarp, directeur honoraire d'Ecole normale. Le Président, Le Secrétaire, Fr. GouGEox. (TEORGES (GAZIER. Séance publique du 21 Décembre 1911. PRÉSIDENCE DE M. LE PREMIER PRÉSIDENT (GOUGEON Sont présents Bureau : MM.le Premier Président Goucrox, ayant à sa droite Mgr GauTaey, archevèque de Besançon, Jules D'HoTELANSs, vice- président de la Société des Beaux-Arts, Frédéric BATAILLE, À. Mararu, M. DRUHEN ; à sa gauche MM. L. Picaun, président de l'Académie de Besançon, PIpAnCET, vice-président, chanoine GaAuTHEY, G. GAZIER, Secrétaire décennal. Dans Ia salle, remplie par une assistance nombreuse et bril- lante, M. Pan, recteur de l’Académie de Besancon, M. Sorrour, président de la Société photographique du Doubs, MM. Bowxer, Dr BourpiN, DaverT, Donivers, Drevyruss, D' Eu. LEepoux, H. Mairor, H. Micnez, MontTenoise, chanoine Rossienor, D' RoLanp, RouGET, M. TaurieT, membres de la Sociéte. La séance, ouverte à trois heures, est close après lecture des communications suivantes : 1° La Société d'Emulation du Doubs en 1911, par M. le Pre- mier Président Gouceow, président annuel ; 20 Le Hameau comtois, poésie par Ch. GrANpuouaix, membre honoraire ; 30 Lever de soleil, — Vers la petite maison, poésies. — Gloire à la Ménagère, poésie, par M. Frédéric BATAILLE, membre rési- dant; nr NNIN ES n° Un peintre franc-comtois à la Cour de Chine au XVIIIe ste- cle, par M. Georges GaAZIER, secrétaire décennal ; 5o Le Braconnier, — Soleil couchant, — Sous bois, = L'On- dine, — Le Gnome, sonnets par M. À. MarTHiEu, membre résidant, 6° Besancon, il y a 50 ans, par M. Maxime DRuHEN, membre résidant (avec projections). Le President, Le Secrétaire, FR. GOUGEON, GEORGES (GAZIER. — XXV — LE DOCTEUR MARC DUFOUR MEMBRE HONORAIRE Par M. le Docteur Albert GIRARDOT MEMBRE RÉSIDANT Séance du 21 Janvier 1911. Dans les premiers jours du mois d'août 1910, on apprenait à Besancon, la mort soudaine de l’éminent oculiste Mare Dufour, professeur à l’Université de Lausanne, médecin en chef de l'hôpital ophtalmique de cette ville : triste nouvelle qui retentit douloureusement dans le cœur des nombreux amis qu'il comp- tait parmi nous. Tous se rappelaient sa grande bonté, son extrême bienveillance, son dévouement à ses malades, sa générosité et son désintéressement, et chacun d'eux se sentait atteint par ce triste événement. Marc Dufour tenait à notre ville par de mul- tiples liens, il appartenait à notre Société dès 1886, comme correspondant, et comme membre honoraire depuis 1896. Il était aussi membre de l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Besançon et professait pour ces deux compagnies savantes, la même estime et le même attachement ; il assistait à leurs réunions solennelles toutes les fois que les'devoirs de sa profession le lui permettaient. C'était pour lui un véritable plaisir de venir nous visiter ainsi, et il profitait de son séjour parmi nous pour revoir ceux qu'il avait traités à Lausanne, et auxquels il s'intéressait toujours. Plusieurs fois il prit la parole dans nos séances, entre autres le 15 décembre 1885, pour faire une lecture fort remarquée sur les anomalies des sens et leur effet sur l'intelligence. Puis, il y a quelques années, il communiqua dans une séance particulière de l'Académie, les résultats obtenus dans le canton de Vaud, = ON — pour la prévention de la cecite, montrant par les statistiques des hospices de Lausanne, que le nombre des aveugles de naissance avait beaucoup diminué au cours des années précédentes ; mais ne disant pas, car sa modestie égalait son mérite, que c'était à lui et aux moyens de prophylaxie dont 1l avait été le promoteur et le vulgarisateur, qu'était dü ce beau succès. Enfin chacun se rappelle la conférence si intéressante qu'il fit il y a quatre ans, le 7 février 1907, à la séance publique de l’Académie sur les parcs nationaux des Etats-Unis et du Canada, qu'il avait visites l’été précédent, au cours de son voyage en Amérique. Dans toutes ces circonstances, il se montra causeur attrayant, parlant sans prétention, mais avec une extrême clarté et une grande précision. Des liens plus étroits, faits de reconnaissance et d’affection le rattachaient à beaucoup de nos concitoyens auxquels il avait prodigué ses soins et qui tous étaient devenus ses amis, car on ne pouvait guère connaître le docteur Dufour sans l'aimer, sur-. tout lorsqu'on avait été témoin de la sollicitude qu'il portait à ses malades et de l'attention soutenue avec laquelle il suivait les progrès de son traitement. Il n'était pas seulement le médecin au diagnostic d’une absolue précision et le chirurgien d’une habileté hors pair, il était aussi le praticien consciencieux qui n'entreprenait jamais une opération lorsqu'elle lui semblait inutile, évitant ainsi à beaucoup des souffrances que ne devait pas compenser au moins une amélioration dans l’état de leur vue. | -De telles qualités d'esprit et de cœur avaient attiré de bonne heure à Marc Dufour une renommée bien méritée, et on peut dire, sans exagération, qu'il était universellement connu et apprécié. On voyait se presser à sa consultation des gens de toutes les profes- sions, de tous les rangs et de tous les pays : grands personnages, simples artisans, Suisses, Français, Anglais, Américains, Russes, Grecs et même Egyptiens. Tous venaient à lui, confiants dans sa science et son habileté, et il accueillait chacun avec cette bienveillance et cetté cordialité qui lui gagnaient tous les cœurs. Souvent aussi, il était appelé au dehors et même parfois fort loin de sa résidence, à Paris, à Rome, à Naples ét même à Athènes. Pour autant, il ne délaissait pas la science pure, il — XXVII — assistait régulièrement aux congrès des oculistes et présida même celui de Lucerne en 1904. Il fit dans ces réunions de nombreuses communications qui ont été publiées dans leurs comptes-rendus ; ces travaux ont eu surtout pour objet l'hygiène “oculaire et la prophylaxie des maladies des veux. Parmi ceux-ci il convient de citer:une brochure qu'il fit paraitre au début de sa carrière sous le nom de Conseils aux Mères, dans laquelle il posait des principes pratiques pour prévenir l'apparition de lophtalmie des nouveaux nés ou pour en arrêter les progrès dès sa première manilestation. Cette maladie est, on le sait, la plus orande cause de cécité complète, c’est elle qui rend aveugle de naissance un grand nombre d'enfants; c'est à l’atteindre dans sa cause première que Marc Dulour s'employa surtout et avec le plus grand succès, car l'application des conseils pratiques qu’il avait exposés ainsi fit baisser très rapidement le nombre de ces malheureux dans les hospices de Lausanne. Mais malgré tous les soins, malgré les médications les mieux dirigées et les interventions les plus habiles, la guérison n’est pas toujours obtenue et la cécité, pour être diminuée, n’a pas dis- paru et ne disparaîtra jamais complétement. Le maitre de Lau- sanne, après avoir emplové sans succès tous les moyens que la thérapeutique et la chirurgie mettaient à sa disposition, ne se croyait pas quitte envers ses malades et ne cessait pas de s’in- téresser à eux, comme il s'intéressait aussi aux aveugles de naissance qui sont recueillis dans l'asile Recordon, annexé à l'hôpital ophtalmique. Tous, quelle que fut la cause de leur cécité, l’accueillaient avec le plus grand plaisir et lui témoi- gnaient les marques de la plus vive affection; et il la méritait bien, car il ne cessa de chercher à améliorer leur sort, soit en contribuant à l'extension de cet asile, soit en provoquant des souscriptions pour l'érection de l'asile Gabrielle Dufour, dont il fit à lui seul plus des quatre cinquièmes des frais, somme Consi- dérable,. qui ne. représente que la moitié de ses libéralités aux hospices. des aveugles de Lausanne Q). (x) Discours de M. Berthold van Muyden, président du Conseil d'administration de l’Asile des aveugles, prononcé aux obsèques de Marc Dufour. — Guzette de Lausäñne, 2 août 1910. ane XVI Comme on le voit, la générosité de Marc Dufour était à la hau- teur de sa science ; il pensait que le principal rôle de celle-ci est surtout de soulager la souffrance humaine, et il mettait la sienne à la disposition de tous ceux qu'elle éprouve. C'est ainsi qu’en 1850 il vint apporter à nos soldats blessés le concours de son dévouement ; il fit partie de l’ambulance dirigée par le Dr Rouge de Lausanne qui fut attribuée au 5e corps français. Notre gou- vernement n'oublia pas les services qu'il avait rendus dans cette circonstance, et il le décora quelques années plus tard du ruban de chévalier de la Légion d’honngur. Puis en 1906, il lui conféra la rosette d'officier, sur la demande de la Société française de bienfaisance de Lausanne, en reconnaissance des soins donnés à nos compatriotes ; deux ans plus tard il recevait aussi du gou- vernement grec la croix de l’ordre du Saint-Sauveur. Que dire de son désintéressement ! Tous ceux qui ont eu recours à lui le connaissent, et nombreux sont les habitants de notre ville et de notre province qui en ont éprouvé l'effet. L'activité de Marc Dufour était incroyable, il suffisait à un labeur écrasant que lui occasionnaient son service d'hôpital, ses cliniques, ses cours à la Faculté, ses consultations, ses travaux scientifiques et il trouvait encore du temps à donner à d’autres occupations ; rien ne lui restait étranger, il prenait intérêt à tout ce qui mérite de fixer l’attention des hommes, il lisait tout et sa culture générale était d’une richesse extrême. Il fut un excellent professeur grâce à sa science spéciale profonde, à ses connais- sances très étendues, à son élocution facile, à sa mémoire pro- digieuse autant qu'à la bienveillance et à la sollicitude dont il entourait ses élèves. Malgré tant d'occupations si variées et si absorbantes, il ne se désintéressa pas des affaires publiques. Il fut membre de la municipalité Lausannoise, député au grand conseil du canton de Vaud, membre de la Constituante de 1885. Ses compatriotes surent reconnaitre son zèle et les grands ser- vices qu'il rendit à leur ville, tant par son enseignement que par les soins qu'il donnait aux malades et aux malheureux, et le 14 avril 1903, le Conseil municipal de Lausanne lui octroya la bourgeoisie d'honneur, distinction tres rare dont il n’est pas pro- digue. Mais plus que les honneurs, les titres et les rosettes, Marc Dufour estimait l'affection, il désirait être aimé et il y a pleine- ANNE ment réussi ; la tristesse profonde causée par la nouvelle de sa mort et les larmes qu'elle à fait verser partout en témoignent hautement. Deuil bien justifié, car en Mare Dufour, ce n'était pas seulement l’homme de science et de dévouement que l’on pleurait, mais aussi l’homme de cœur et l’homme de bien. — KXX — LE GÉNÉRAL DE DIVISION JACOB- FRANÇOIS MARI LAZ, BARON DE L'EMPI RE‘ (1769-1842) Par François MARULLAZ COMPTE-RENDU PAR M. LE CHANOINE ROSSIGNOT VICE-PRÉSIDENT Séance du 21 Janvier 1911. Le général Marulaz est mis en bonne place parmi les Grands Cavaliers de l'Empire par leur biographe le général Thomas : mais, jusqu'ici, il n'avait pas de monographie. Cette lacune vient d'être comblée par un auteur qui ne nous dit ni ses titres ni ses qualités ; son nom, François Marullaz, indique qu'il est de la famille de son héros. Il nous donne, dit-il, « une esquisse fidèle de ce que fut le général dans ses origines, comme Hussard et général de-cava- lerie en service actif; à Besançon, comme gouverneur de place assiégée ; à Filain, durant les longues années p ssées à la retraite, et enfin dans la belle famille où il s’est survécu ». De tous ces chapitres, le premier est le plus nouveau pour nous, car 1l nous apprend la nationalité de Marulaz. On le savait Bavarois, mais on ignorait que c’est par le hasard de sa nais- sance. Sa famille, du xive au xvure siècle, habitait Morzine, en Savoie. La branche dont Jacob-François est un glorieux rameau faisait, au commencement de ce xvure siècle, le commerce dans (1) : vol. in-r2 de 148 pages, avec un portrait (r19r0). RE NN le Palatinat supérieur, puis en France. Le père du général y à servi, dans les hussards, de 1558 à 1803. Il s’est marié, ‘n'étant que sous-officier, à Marie-Barbe, fille du boucher Schuller, de Sarralbe. Celle-ci donna naissance à son premier né, le futur général, chez ses grands-parents maternels, à Zéiskam, pétite localité bavaroise, le 6 novembre r769. Marulaz est donc allemand par sa naissance, savoyard par sa famille et français d'adoption. Il ne fut légalement naturalisé qu'en 1817. Sa vie militaire était finie. Pour dire ce qu’elle a été, 1l faudrait le suivre de Valmy à Wagram et à Besançon, compter ses dix-neuf blessures et les vingt-six chevaux tués sous lui, le montrer général de division à quarante ans et réduit à l'inactivité cinq ans plus tard par les infirmités contractées dans ses campagnes. Il serait facile de prouver qu'il fut un vaillant, un sabreur remarquable en un temps qui en comptait beaucoup ; SON panégy- riste le dit capitaine autant que soldat. Un général de trente-six ans n’est assurément pas un vulgaire combattant: mais est-il sûrement habile dans la conduite de la guerre ? On a bien cons- taté que. malgré sa fougue et à cause de son sang-froid, Marulaz ne s'engageat pas au hasard et savait même reculer; ce sont les qualités d’un chef. On lui en connaît d’autres. Le maréchal Davoust à écrit qu'il « n’a jamais connu de meilleur général d'avant-garde ». Thiers le tient pour « un des plus vaillants et des plus habiles généraux de cavalerie formés par nos longues guerres. » Le général Thomas prétend que, sans les blessures qui l'ont arrêté dans sa carrière, cil se serait élevé aû premier rang des généraux de cavalerie ». Son historien d'aujourd'hui estime qu’il y serait arrivé s’il avait eu l’occasion de se montrer dans de grandes actions avec des masses de cavalerie. Voilà, assurément, des témoignages et des considérations qui ont une grande valeur. Nous pouvons nous v tenir, mais il semble que Marulaz s’est élevé assez haut pour qu'il ne soit pas besoin de le grandir. - Pendant le siège de Besançon nous ne le voyons pas moins courageux, mais l'occasion lui manque de se montrer plus habile. Il lutte contre des assiégeants qui n’attaquent guère, contre la . — XXXIE — disette et la ruine qui n’attaquent pas et attendent froidement le désespoir des assiégés. Il n'y a pas même place, ici, pour l'élan, l'intrépidité, le coup d'œil, qu'on admire sur le champ de bataille. Le gouverneur espère contre toute espérance, combat les défail- lances et même les trahisons, ressuscite les courages, recule la défense du quartier des Arènes à la Citadelle, la prolonge au- delà de toute extrémité et, s’il rend la place aux représentants d'un gouvernement nouveau, il n’a pas la douleur de l'ouvrir à l'ennemi. Après avoir fait des milliers de prisonniers de guerre il ne devait pas être un seul jour le prisonnier de son vainqueur. Ce ne fut pas son dernier bonheur. Son sang dix-neuf fois versé lui vaut autant de gloire que la mort aux capitaines de la Répu- blique et de l’Empire tombés au champ d'honneur. Il fut de ceux qui, réduits à l’inaction, ont eu l’heureuse fortune de trouver dans une longue retraite, la récompense de leurs travaux. Les joies de la famille ne lui furent pas même refusées ; plusieurs de ses fils ont servi dans l’armée avec une distinction qui était un héri- tage : l’un est devenu intendant militaire, un autre général de division, un troisième a été commandant au rie régiment d’in- fanterie, un quatrième chef d’escadron au 7e régiment de chas- seurs à cheval. De ses filles, deux épousèrent des officiers supé- rieurs et une troisième fut la mère d’un soldat mort au feu dans la campagne du Mexique. Le vieux général n’a peut-être pas rêvé tant de gloires mili- taires ; il les a au moins entrevues pendant les vingt-sept ans passés à Filain où il ne fut qu’un agriculteur intelligent et un bon maire de son village. RS | 51 MAR 29 don Ce SOCIÉTÉ D'ÉMULATION DU DOUBS NRA O LT Discours d'ouverture de la séance publique du jeudi 21 décembre Par M. le Premier Président GOUGEON PRÉSIDENT ANNUEL Moxs£eiGNEUR (1), Mespaues. Messieurs ET CHERS COLLÈGUES. On dit volontiers que ce sont les heures les plus douces qui s’écoulent le plus vite. Jai senti toute l'exactitude de ce dicton en me reportant à l’époque, cependant déjà relative- ment lointaine, où la bienveillance des membres de la Société ma appelé à la présidence. Il me semble que c'est hier, tant nos séances offrent d'intérêt historique, se passent dans le calme et la concorde, n’imposent aucun souci et ne laissent que le souvenir de réunions parfaites à tous égards. Sans doute, elles sont attristées lorsque nous apprenons que quel- ques-uns de nos associés ont terminé leur existence, mais nous leur conservons notre souvenir ému et toujours sincère. C’est ainsi que nous avons été douloureusement frappés en apprenant la mort de M. Alfred Boysson d'Ecole, qui nous appartenait depuis plus de vingt ans. Il était entouré de toutes les sympathies et certes, il en était digne à tous : (1) Mg GAUTHEY, archevèque de Besançon. — 9 — égards. Îl s'occupait. avec un dévouement Ânlassable, d’une part de sociétés destinées à ouvrir à la jeunesse des horizons de vigueur et de courage, d’autre part, de l’œuvre si utile des Petites Sœurs des Pauvres qu'il soutenait dans la mesure la plus pratique et tant qu'il le pouvait. Nul n’a dépassé sa courtoisie, sa générosité, son affabilité, sa bonté envers tous ceux qui l'approchaient. Sa fin inattendue a été un deuil pour ceux, Si nombreux, qui l'ont connu. Notre collègue, M. Mon- tenoise, a fait, devant sa tombe, un éloge aussi délicat que parlait de celui que nous regrettons, la Société s'y associe pleinement. Nous avons eu encore à déplorer la mort de M. Marchand, l'administrateur si apprécié des Salines de Miserey, membre de la Chambre de Commerce, qui s'acquit- tait avec tant d'intelligence des délicates fonctions dont il avait été investi, à raison de sa valeur technique et de son aptitude à les remplir. Nous prions son fils, qui nous est venu, de croire que la mémoire de son père demeurera respectée parmi nous. Enfin, nous avons perdu le digne M. Cloz, dont dans deux ans, nous aurions pu saluer le cinquantenaire comme associé, puisqu 1} comptait dans la Société depuis 18635. Pour combler tous ces vides. la Société désirerait voir de nouvelles candidatures, aussi nombreuses que possible. venir à nous. Je fais appel, en son nom, à tous ceux qui ont quel- que sympathie pour une société locale dont l'éloge n’est plus à faire, et qui a compté, dans ses rangs, les noms de tant d'hommes qui ont honoré la province. Mais si, dans notre parterre, on voit des arbres élancés et vigoureux qui cherchent la lumière historique aussi haut qu'on peut l’atteindre, il nous manque les fleurs délicates et parfumées qui y ajouteraient un charme infini. Je parle des dames, qu'une délibération de notre assemblée, a invité à venir, il y a de cela un an déjà, assister à nos séances, en faisant partie de notre association. Hélas, notre invitation, si courtoise qu'elle fut, et quelque assurées que puissent être celles qui nous seraient venues, d’être entourées des plus RSS ts és in ji + cu RIT respectueux égards. n'a pas été entendue. Je la renouvelle très vivement. Je sais bien quil est de nos aimables compatriotes qui sont convaincues que, pour prendre place dans nos rangs, il faut avoir produit ou vouloir produire des œuvres d'une nature quelconque. [Il n'en est rien, absolument rien. Nous faisons appel à celles de vous, Mesdames, qui aimez votre provinee, qui vous intéressez à son passé, autant qu'à son avenir, à toutes celles que les questions historiques. concernant même les temps les plus récents, puissent intéresser. Venez done, Mesdames, formez de petits groupes d'abord pour faciliter l'adhésion postérieure de groupes plus nombreux. Frappez à notre porte, présentées par vos amis, nombreux parmi nous, et soyez convaincues, d'une part, que cette porte s'ouvrira très large et que vous serez bientôt entièrement satisfaites de votre résolution. Je vais d’ailleurs vous donner le compte-rendu de nos séances privées et je suis certain que vous y reconnaitrez çà et là, l'intérêt que vous y auriez trouvé si vous y aviez assisté. Allons, un bon mouvement, et venez vers nous. Les premières places vous seront réservées. Le compte-rendu que je dois à l'Assemblée n'est pas sans causér des soucis à celui qui le présente. Le temps me fai- sant défaut, je ne puis que mutiler des études fort impor- tantes pour vous en apporter des extraits insuffisants. Les matières traitées cette année dénotent, comme les années précédentes, chez nos associés, la préoccupation constante d'ajouter des découvertes nouvelles à celles faites ultérieu- rement. : Elles sont très variées. Parcourons d’abord celles qui touchent à l'archéologie. Elles commencent par une communication de M. Revillout, votre compatriote, le savant conservateur honoraire des Musées nationaux de Paris. Elle a trait au fameux taureau tricornu d’Avrigney, conservé au Musée archéologique de Besançon. M. Revillout nous rappelle que cette reproduction nm d'un animal au moins bizarre. a été découverte à Avrigney au xvin® siècle, en même temps qu'un sanglier également tricornu, aujourd hui à la Bibliothèque nationale, et il ajoute que, dans la mythologie des anciens Gaulois, le bœuf et le taureau étaient adorés comme le génie du Bien, tandis que le sanglier était considéré comme le génie du Mal. Quant aux trois cornes elles étaient le symbole d’une trinité créa- trice. C'est dans le même ordre d'idées que M. René Bouton nous a relaté la découverte, dans une source de Baume-les- Dames, en 1908, de monnaies fort anciennes, du Haut- Empire. Il nous indique que les anciens Romains considé- raient les sources comme des divinités dont il importait de se concilier les faveurs et ils croyaient se les rendre favo- rables en y jetant quelque menue monnaie. C’est cette pra- tique singulière qui expliquerait la présence des monnaies d'Agrippa, Vespasien, Domitien, TFrajan, Antonin le Pieux et Marc Aurèle, trouvées dans la source de Baume. M. Michel, le dévoué conservateur de notre Musée archéo- logique, nous a également signalé des intéressantes décou- vertes faites lors de diverses fouilles exécutées à Besançon mème. Des fragments de mosaïque gallo-romaine ont été retrouvés sur l'emplacement de l'ancien immeuble des Jésuites, rue d'Alsace. Il rapproche cette découverte de celles faites jadis, non loin de là, au clos Saint-Paul, décou- vertes examinées alors par le regretté M. Vaissier, et en tire occasion pour donner une description de la villa gallo- romaine et du pavimentum de ces maisons qui existaient aux zr° et 1v° siècles de notre ère. ° M. le professeur Febvre, qui vient avec un grand succès, de passer, il y a quelques semaines, sa thèse de docteur ès- lettres, nous a aussi donné lecture d'une étude historique, fort intéressante, sur la société comtoise au xvr° siècle. Il nous a retracé, à l’aide de documents indiscutables, notam- ment des testaments conservés aux Archives du Doubs, la v — D — vie des bourgeois d'alors, commerçants enrichis par le négoce et la banque, avocats ou hommes de loi, dont les fils, appelés à des charges de judicature, s’élevaient peu à peu jusqu à la noblesse de robe. IT nous décrit leurs somptueuses demeures, dont il en est qui existent encore et font l'orne- ment de nos villes de Comté, les meubles magnifiques et les œuvres d'art qui remplissaient leurs appartements. Il est même arrivé à reconstituer leurs bibliothèques, et les lectures qu'ils faisaient alors nous aident à comprendre les idées et les sentiments des Comtois de celte époque, gens pratiques, labcrieux. honnêtes, attachés à leurs devoirs, à leur nationalité, mais surtout aux privilèges et libertés que leurs pères avaient conquis. Nous allons apprendre, maintenant, l'origine des premières cartes de la province. [ne faudra pas s'étonner si elles sont accolées à celles de Savoie: la Bresse avant été savoyarde jusqu'en 16071, la Franche-Comté en était alors limitrophe. Ce travail fort considérable et plein de détails, est l'œuvre de M. le docteur Roland, qui ne limite pas ses études aux sciences médicales. car 11 nous à, l'an dernier déjà, fait une communication des plus intéressantes sur le franc-comtois Lafréry, né à Orgelet (Jura), en 1512, éditeur et marchand d'estampes au xvr° siècle à Rome. Cette année, après des recherches laborieuses et habiles, faites à Paris, à Rome et à Londres, il nous a initiés à la topographie et à la cartogra- phie franc-comtoises au temps des Granvelle. Gollut, Gilbert Cousin, de Nozeroy, du Pinet, de Baume-les-Dames, Sébas- ten Menestier, de Rochelorest, historiens et géographes dont les œuvres se placent entre 1552 et 1592 sont, avec Braim, Hogenberg et Jean Matal de Poligny, plus connu sous le nom de Metellus, les savants, dans les œuvres des- quels notre distingué collègue à pu, non sans efforts des plus louables, puiser ses premières indications. Il en résulte, qu'au début de la Renaissance, on s'était contenté de remettre en lumiere les fameux travaux de Ptolémée, en rééditant maintes A Lu fois ses œuvres avec des cartes très grossières, établies d'après des principes aujourd'hui abandonnés, et que c’est en Jtalie surtout que des géographes commencèrent au xvi° siècle à mettre au jour des cartes modernes, gravées et éditées également en Italie :‘ plus tard ce sera à Anvers que se feront les remarquables publications d'Ortelius et de Mercator. Les cartes italiennes de Forlani ont été réunies en atlas par Lafréry et mises en vente à Rome, à la fin du xvr° siècle. C'est le premier atlas qui ait paru ; on le doit à ce comtois et on y trouve la plus ancienne carte de Franche-Comté qu'on ait pu découvrir jusqu'ici. La Franche-Comté y figure avec la Savoie. Cette carte croit-on, serait de Jacques Guastaldi ou de Tschudy, c'est une carte assez grossière, mais très remarquable cependant pour l’époque ; elle comprend des erreurs toutefois, notamment en ce qui concerne le cours du Doubs. Ce prototype fut copié et reproduit en 1570 par Ortelius dans la 1° édition de son Theatrum orbis terrarum. La 1’ édition comprenait 53 cartes. La 5° de 1575 en comprit 70. Plus tard le nombre des cartes s’éleva à 118. L’atlas se ven- dait 30 florins chez le fameux Plantin d'Anvers. C'était, paraît-il, le livre le plus cher du xvr° siècle, il atteignit 29 éditions : ce fut le plus grand succès de l'époque. Ce Theatrum comptait quatre cartes de Franche-Comté toutes comprenant, en même temps que la Franche-Comté, la Savoie. Elles sont l'œuvre de Gilles Bouillon, éditées d’abord chez Jérome Cock, et reproduites par Ortelius qui nous révèle sur l'origine du mot Savoie un détail des plus curieux. Au xvi® siècle, les chemins de Savoie étaient infectés de bandits à tel point que la circulation y était fort dangereuse. Aussi, est-elle dénommée au début « Malvoye » ; plus tard, le pays fut débarrassé de ces malfaiteurs par le duc régnant et devint le Saufvoye d'où dérive le nom actuel de Savoie. M. Roland a également découvert que dans nos environs, près de Chou- TE 4 zelot, un terrain, dont on ne trouve plus la trace, s'appelait « Confitemini » et figure sur la carte de Gilles Bouillon.C'était aussi un lieu suspect, comme alors les Rancenières, près de Châtillon-le-Duc. Confitemini est aujourd'hui disparu et ignore. En 1581, nouvelle édition : la carte de 1570 y figurera pour la dernière fois ; c'est la carte du géographe militaire Ferdinand de Lannoy qui va le remplacer. Celui-ci était un fils de Charles de Lannoy. le fameux général de Charles- Quint qui fit prisonnier François 1° à Pavie. Ferdinand, nommé seigneur de Vennes en 1596, par Philippe Il, avait épousé en deuxièmes noces Marguerite Perrenot de Gran- velle, veuve elle-même du sire de Laubespin. Elle était la propre sœur du cardinal Granvelle. Ferdinand s'occupa beau- coup de cartographie dans son château de Vennes. Sa pre- mière carte est de 1579 : 1l était à ce moment gouverneur de Gray et baïlli d'Amont. En 1570 il fut appelé au gouverne- ment de l’Artois et, en 1570, il mourait au château de Vése- nay, entre Dole et Poligny. En résumé, la première carte connue de Franche-Comté a été publiée en 1562 dans l’atlas de Lafreri. C'est en 1570 qu Ortelius reproduit dans son Theatrum orbis terrarum, cette première carte qui fut, dans les éditions postérieures remplacées par d’autres plus récentes et plus exactes. En 1979 paraît la carte de Ferdinand de Lannoy et en 1602 une carte de Hugues Cousin, frère de Gilbert Cousin. Enfin Orte- lus a publié un peu après un Æpitome de son Theatrum mais les cartes qui s y trouvent sont tres réduites et cet épitome a eu peu de succes. J'aurai terminé cette première et trop longue partie de mon rapport, concernant les études d'archéologie, en rappe- lant que M. Michel s'occupe toujours activement des fouilles sur le territoire de Grammont et que M. Gazier nous a présenté la photographie d'une montre ayant appartenu au cardinal de Granvelle, montre qui fait actuellement partie “He de la fameuse collection Pierpont-Morgan : elle porte sur son boîtier, les armes de Besançon et la date de 1964. Si je pénètre maintenant dans les études concernant des époques plus rapprochées de nous, je mentionnerai, par ordre de dates, le travail de M. Blondeau, procureur de la République à Vesoul, sur le peintre bisontin, François- Victor Jeanneney, né à Besançon le 9 avril 1835, fils d’un imprimeur, et décédé à Vesoul le 22 décembre 1885. Lan- crenon, lui ayant reconnu d’heureuses dispositions pour le dessin, le détourna de suivre la profession de son père; il l'engagea à poursuivre ses études à Paris. Jeanneney y entrait en 1855, dans l'atelier de Gleyre. En 1856 il revenait à Besançon, mais ne cessait d'exposer au salon de Paris, jus- qu'en 1865. Il ouvrit également un atelier, rue des Granges, atelier dont les premiers élèves furent Rapin, Lumiére, Bellat et Pétua. En 1865 il fut nommé professeur de dessin au lycée et à l'école normale de Vesoul, y créa une école municipale des beaux-arts qui eut un grand succès; c'est là qu'il dirige les premiers pas des peintres Courtois, Jean- mougin, Chaffanel, Troschler et Jules Grosjean et qu'il forma de nombreux professeurs de dessin et d’habiles arti- sans, cest là qu'il termina son existence après avoir été un précurseur convaincu de l’enseignement de Part appliqué à l’industrie. M. Gazier nous à également fait connaître que M. le pro- fesseur Magnin avait complété son très remarquable et si savant ouvrage sur Charles Nodier naturaliste publié par notre Société, par la publication de nombreux mémoires scientifiques inédits ou tout au moins devenus rares, du célèbre conteur bisontin. Le succès de cet ouvrage a été confirmé par les compte-rendus qui en ont été faits à l’Aca- démie des Sciences, à l'Académie française et dans d’autres revues scientifiques de grande valeur. Dans l’une de nos dernières séances. notre zélé archiviste. M. Kirchner, nous a présenté le tableau des observations oo. météorologiques faites par lui de 1890 à 1910. Ces tableaux permettent de retrouver rapidement les dates des extrêmes de température durant cette période et de relever les moyennes climatologiques mensuelles de chaque année. M. Kirchner rappelle les travaux analogues du docteur Marchand pour la période de 1802 à 1814 et ceux de M. Georges Sire pour celle de 1846 à 1854. Il exprime le vœu, que la Société approuve. que. tous les dix ans, de semblables tableaux soient établis. : Edouard Grenier, le poeëte si fin et si délicat, qu'ont aimé et admiré les plus hautes notabilités littéraires de notre époque. est mort à Baume-les-Dames en 1907, à 82 ans. Il avait, pendant dix ans, de 1841 à 1851, été secrétaire d'ambassade en délégation à Berlin, Rome et à Francfort. En 1851, à la suite du coup d'Etat, 1l avait quitté brusque- ment la carrière diplomatique et s'était réfugié dans le culte des lettres et de la poésie à Baume. Toutefois, en 1854. il consentait à devenir secrétaire particulier du prince Grégoire Ghika, hospodar de Moldavie. Il y resta dix-huit mois, jusqu'en 1896, époque à laquelle le prince dut abandonner le pouvoir, sous la pression de la Turquie et de l'Autriche. Au moment où Grenier allait partir pour Jassy. il reçut la visite de Mérimée qui habitait rue de Lille, dans la même maison que lui, maison incendiée, d’ailleurs, par la Commune en 1871. Mérimée venait lui recommander chaudement un de ses amis de Moldavie, Basile Alecsandri. un homme char- mant, ajoutait-1l, le premier poète de son pays, avec quiil avait voyagé en Espagne. Arrivé en Roumanie. Grenier se lia avec Basile Alecsan- dri auquel le rattachait une complète communauté d'idées et de sentiments. Cette amitié fut très durable, puisque des relations épistolaires se continuèrent entre Grenier.et Alec- sandri pendant plus de 30 ans. | Grenier a voulu que sa correspondance, qui contient des aperçus des plus intéressants fut, à sa mort, remise à la Bibliothèque de Besançon. Le très distingué et inlassable conservateur de ce dépôt, M. Gazier, a eu la fort heureuse pensée de nous communiquer la partie de cette correspon- dance, concernant les relations de Grenier avec Alecsandri. Cette communication nous a tous vivement touchés. Je résume, en quelques lignes, le portrait d’Alecsandri, qui fut l’un des fondateurs de l'indépendance de la Rouma- nie. Ce dernier est à Juste titre, considéré comme le plus grand poète de son pays. C'était en- outre un ardent ami de la France, où 1l avait passé sa jeunesse et où il avait conquis divers grades dans nos Universités. Il en parlait et écrivait la langue dans la perfection. Certaines de ces lettres à Gre- nier, au lendemain de nos désastres de 1870, expriment avec une chaleureuse éloquence, les sentiments de profonde tristesse qu'éprouvaient les peuples de race latine à l'idée que la France pouvait sortir amoïindrie de sa lutte avec l'Allemagne. Mais il avait une foi, presque prophétique, dans nos destinées et il se déclarait persuadé que la France aurait vite repris son rang dans le monde. Je ne puis résister au désir de vous lire une de ces lettres, que M. Gazier vient de faire publier. Elles vous engage- ront, je n’en doute pas, à les lire toutes dans la jolie pla- quette, éditée chez Champion, qui les contient. Mircesti, 8 juin 1871. Cher ami, Je reçois à peine votre lettre du 5 et j'y réponds de suite, tant j'ai hâte de vous dire combien je suis heureux de vous savoir encore de ce monde vous et les vôtres, car, à la distance qui me sépare de la France et à la suite des horribles désastres qui ont éprouvé votre pays, il nous semble que tous les Français doivent être morts. Guerres, épidémies, rigueurs de l'hiver, guerre civile, rien n’a manqué à cette belle France qui était si attrayante dans sa prospérité et qui est si sympathique dans son malheur. Oui, cher ami, vous avez raison de ne pas douter de l'avenir; il existe dans votre nation une force de vitalité que rien ne peut ané- antir, et cette force se traduit par une magnifique insouciance qui a sa grandeur, quoi qu'on dise, car elle fait mépriser les vicissitudes du présent et fait regarder l'avenir avec assurance. La plaie est large, profonde, effrayante, mais le sang est riche et la plaie se cicatrisera plus vite que ne le pensent vos enne- mis. | Paris a été bombardé par les Prussiens, incendié par les com- muneux ; cette ville, l'orgueil et la joie du monde, est aujour- d'hui parsemée de ruines. Eh bien, que les amateurs de spectacles désolants se hâtent d'aller visiter ces ruines, car bientôt il n'en restera plus : les bois ont été coupés, ils seront bientôt replantés ; les monuments se relèveront bientôt comme par enchantement, car Paris est la ville des miracles et le monde entier va concourir à sa restauration. Paris est la maîtresse du monde intelligent et riche, on l'aime et on la veut belle et parée comme une reine. Ce qui aurait été l’anéantissement pour Berlin, Pétersbourg et tutti quanti, Sera pour Paris le commencement d'une nouvelle splendeur ; ce qui aurait été pour la Prusse une ruine séculaire, ne sera pour la France qu'une gêne momentanée, car elle est riche :ctive, vaillante, et elle possède un trésor inépuisable qu'on ne lui prendra jamais ; c'est l'esprit qui invente, qui crée, qui pétille, qui éclaire et qui subjugue. Un Allemand, aussi enrichi qu'il devienne par les dépouilles du voisin, sera toujours un Tudesque lourd, grossier, obtus, au rire bête, à l'allure quasi grotesque, tandis qu'un Français, même appauvri, conservera un certain cachet de distinction inhérente à la race latine, et cet esprit fin et gouailleur, tant redouté de la docte Allemagne, de la sainte Russie et de la mercantile Angleterre. « Prenez mon or, Mes- sieurs les Germains, buvez mon vin, allez, faites ripaille une fois dans votre vie, je vous regarde faire en souriant, car vous êtes communs jusque dans vos triomphes, et moi je me sens assez riche pour vous faire l’aumône d’un peu de victuailles et même d'un peu de gloire ». Voilà ce que la France peut dire, et elle peut ajouter : « Gare à la revanche ! » Ah! c'est ce jour là que l’on s’amusera..…. iHRonre Je termine en vous faisant connaître qu'avant hier, dans notre dernière séance annuelle, M. Dayet nous a lu une curieuse biographie du conventionnel Baumois, Vernerey, né en 1763, à Baume, de parents honorés, appartenant à une famille dont les membres avaient été, pour la plupart, anoblis par le roi. Il se jeta ardemment dans le mouvement révolu- tionnaire. En 1790, il fut élu président du Club des Jaco- bins de Besancon, rattaché à celui de Paris, devint succes- sivement membre de l’Assemblée Législative, puis de la Convention, vota la mort du roi et fut ensuite délégué pour procéder à la vente du mobilier royal de Versailles et des Tuileries, puis envoyé, en qualité de Commissaire de la Convention, dans la Creuse et l'Allier où il procéda à la fermeture de tous les édifices religieux consacrés au culte public. Cela ne l’empêcha pas de mourir le 4 mai 1798, à Besançon, tenant pieusement dans ses mains, le chapelet de Marie-Antoinette, qu'il avait retenu dans la vente des objets rOYaux. M. Pingaud nous a, de son côté, fait revivre l’histoire d'une Société littéraire, fondée par Castan en 1854, à Besan- con, et qui n'eut que trois ans d'existence, puisqu'elle disparut en 1857, moins heureuse que notre Emulation, dont l'existence se poursuit depuis 72 ans, soit depuis 1840. Il a agrémenté son récit de productions de lettres et de docu- ments très piquants. J'ai fini ce trop long résumé, dont l'étendue n'a pour cause que les si nombreux travaux qui nous ont été présentés. Îls dénotent la vitalité de notre Société. Votre présence à notre Assemblée générale, Mesdames et Messieurs, témoigne de la sympathique estime dont elle est entourée. Je vous remer- cie, ainsi que Monseigneur, au nom de mes collègues et au mien propre, de bien vouloir nous le démontrer à nouveau cette année. Je remercie vivement aussi l'Association franc-comtoise des Sociétés Savantes des cordiales invitations qu'elle nous D sent +7 adresse chaque année à l'occasion de ses congrès, de celui de Poligny. où plusieurs de nos collègues ont fait des com- munications appréciées, de celui de 1912, qui aura lieu à Ornans sous la présidence de M. Pingaud, assisté de M, Gazier comme secrétaire général. LE HAMEAU COMTOIS PAR M. Ch. GRANDMOUGIN MEMBRE HONORAIRE Séance publique du Sr NDECEnONe CON C'est un hameau perdu dans mon pays nalal, Entre deux bois, sur un coteau, près d’une route, Loin du hideux progrès et du monde banal, Et la nature est là, source de l'idéal Pour qui la voit et qui l'écoute. Le soir on aperçoit de loin, sur les maisons La fumée ondoyante à spirale bleuâtre, Elle sort des vieux toits en toutes les saisons Car la marmite en fer bout sans cesse dans l’âtre Pour les repas d’hiver et pour ceux des moissons. Le village est non loin, sur une autre colline, Séparé par des champs, des vignes et des prés Où la route rapide et déserte chemine : Plus haut, des bois profonds moutonnent les fourrés, Partout autour de nous c'est une paix divine. Une paix que les bruits des champs ne troubient pas, Car ces bruits confondus ne sont qu’une harmonie : Echos tremblants des cahots passant là-bas, Alouettes chantant sous la voûte infinie, Et voix de laboureurs travaillant pas à pas. Le village c’est la tranquillité profonde, Mais le hameau c’est plus encor, c'est de l'oubli : L'homme désenchanté qu'exaspère le monde Pourrait s'y reposer dans son rêve accompli Car la nature seule est là qui lui réponde. Ah ! s’y refaire un nid avec ceux que l’on aime, Etouffer les sursauts de ses ambitions ! Être sans rien écrire un éternel poème Et rester sous un ciel aux paisibles rayons Une âme végétale et libre d'elle-même ! Voyez ! tout est si beau près de nous : les sentiers Où tremblent les bouleaux au-dessus des bruyères, Où la fougère pousse auprès des églantiers, Et les bois ténébreux mélangés de clairières Sont toujours imprévus en restant familiers | Et ces quelques maisons du vieux hameau, quel rêve De douceur idyllique et de simplicité ! Voici la basse-cour, les poussins qu’on élève La vache blonde à l'œil paisible et velouté _Le verger plantureux qui pousse à pleine sève. La vigne en espalier, les pommiers en plein vent Le banc de pierre, lourd et poli par l'usage Où le soir on s'assied pour fumer en rêvant ! Doux horizon bornant l'existence du sage Qui sait que son foyer est le bonheur vivant ; C'est enfin la cuisine et la table de chêne Les dallages usés, les poutres d'autrefois, Et la chambre à coucher d’où notre œil se promène Sur le jardin en fleurs, sur les champs et les bois Déroulant près des blés leur lisière prochaine ! Et par les belles nuits, quel calme solennel ! . ne Nuits d'été, nuits de lune aux douceurs innommées ; La paix des champs répond au silence du ciel ; Et les profils laiteux des monts et des ramées Se revêtent partout d’un prestige irréel ! Parfois, les trains de l'Est, qui filent dans la plaine Font entendre de sourds roulements, tout là-bas, Notre oreille les suit, et les perd, incertaine, Puis... plus rien... et l’on pense aux stériles combats Que poursuit follement l'humanité lointaine, Et le rêve aussitôt nous reprend, car les cieux Disent qu’il faut rester une humble créature Pour posséder encor la joie en étant vieux, Et nous plaignons les maux de la race future En retrouvant le calme auguste des aïeux ! O cher petit hameau que je chante et que j'aime J'ai nourri ce désir, inutile et charmant, De trouver près de toi la défense suprême Contre ce monde en fièvre, au vain bouillonnement Où chaque instant de vie est souvent un blasphème | Oui, les cœurs déchirés par la tourmente ont droit A cette liberté patriarcale et douce ! | Ce serait l'univers que ce pays étroit ! C'est là qu’on pourrait vivre et finir sans secousse Dans la sérénité qui contemple et qui croit | ÜN ARTIRTE COMTOIS À LA COUR DE CHINE AU XVII SIÈCLE LE ÉRÈRE AAC ES EE (1702-1768) Par M. Georges GAZIER ‘ SECRÉTAIRE DÉCENNAL Séance publique du 21 Décembre 1077. MESDAMES. Messreurs. Il y à quelques jours à peine, nous étions tous saisis d’une profonde émotion sur le bruit, heureusement bientôt démenti. qu'un de nos compatriotes, portant un des noms les plus glo- rieux-de l’armée française, venait de tomber, au fond de la Chine, sous les coups de barbares xénophobes(r). L'an passé. par contre, nous acclamions au Kursaal un autre enfant de notre pays, le commandant d'Ollonne, qui nous racontait sim- plement au prix de quels héroïques efforts il avait réussi à parcourir tout le sud du Céleste Empire et à porter la civi- lisation au milieu des peuplades lolos. En fouillant nos vieux manuserits, j'ai retrouvé la trace d’un modeste précurseur de ces vaillants, comme eux fils de la Comté, qui, au xvirr* sièele, vécut et mourut à Pékin, afin, tout à la fois, de propager dans ee pays la bonne parole évangélique et d'y faire aimer la France. Permettez-moi d'évoquer devant vous sa mémoire (1) Le lieutenant Dessirier, faisant partie de la mission Legendre. 2. gi et de vous raconter quelques traits de la vie du jésuite dolois Attiret et particulièrement son séjour en Chine, à la cour de l'Empereur Kien-Long, entre les années 1738 et 1708 (1). Jean-Denis Attüret, né à Dole le 3r juillet 1902, était le fils d’un peintre estimé dans sa ville natale (2). Il reçut de son père ses premières leçons de dessin et montra dès l’en- fance, nous dit-on, les plus heureuses dispositions artis- tiques. Ses progrès rapides attirèrent sur lui l'attention d'un —— (1) Sur le frère Attiret, cf. Lettre du P. Amiot, jésuite, concernant La mort el les principales circonstances de la vie du frère Jean-Denis Attiret, de Dole, jésuite, peintre de l'Empereur de Chine, mort à Pékin le 8 décembre 1708 (copie manuscrite faite sur l'original de la Biblio- thèque Nationale, exécutée en 1821 par P.-A Fransquin à Dole, et conservée à la Bibliothèque de Besancon). Cette lettre a été impri- mée en partie dans le Journal des Savants (année 17971, pp. 406-420). — Dans les Lettres édifiantes et curieuses écrites des missions étran- gères. Nouv. éd. (Paris, Maigrot), cf. T. XXII (pp. 490-528). Lettre du frère Atliret de la Compagnie de Jésus, peintre au service de l'Em- pereur de Chine à M. d'Assaut (Péking, 1°" novembre 1743) et T. XXIII (P. 605). Lettre du R.P. François Bourgeois à madame de... (Péking, 15 octobre 1769). Ch. Weiss a publié en 1843 dans le Franc-Comltois, journal de Besançon (22 février, 8 mars, 3, 13, 24 mai, 17 juin) des Lettres iné- dites du frère Attiret. Ces lettres, provenant d’une petite nièce de cet artiste, venaient d’être acquises par M. le conseiller Bourgon. Ch. Weiss, dans la préface de ces lettres, dit que l'original de la lettre du P. Amiot se trouve chez le conseiller Bourgon, qui l’a fait relier. Serait-ce le même original que celui qui se trouvait dans la Biblio- thèque du Roi en 1775 ? Voir également : Le Spectlaleur de Dijon (n° du 2 mars 1843). feuillet de Conches. Les peintres européens en Chine (Revue contem- poraine, T. XXV, 98: livr., 1856). — Nouvelles archives de l'art fran- CULS, TOO AD; — J.. Dussreux. Les artistes français à l’étranger (Paris, Lecofîfre, 1876, pp. 338-341). — Marcel CHossarT. S.-J. Les Jésuiles et leurs œuvres à Avignon, 1553-1768 (Avignon, Seguin, 1896, 8°). — Jean Monvar. Les Conquêtes de la Chine. Une commande de l'Empereur de Chine en France au xvui° siècle, dans la « Revue de l'art ancien et moderne » (T. XVIII, p. 147, 1905, pl.). — Abbé BRUNE : Dictionnaire des artistes franc-comtois (sous presse). — CORDIER. La Chine en France au XVIII siècle. Paris, 1910. (2) Son père, Jean Claude Attiret (1669-1733) marié à Claude- Françoise Guenard eut quatre autres enfants : Antoine Attiret qui se fit chartreux, Jean-Baptiste Attiret, peintre estimé, Charlotte Attiret qui épousa le sculpteur Michel Devosges, et Etiennette Attiret, mariée à l'avocat Opinel. amateur éclairé, le marquis de Broiïssia (1). qui voulut que le jeune homme allät à Rome se perfectionner dans l'art de la peinture par la contemplation et l'étude des chefs-d'œuvre des grands maïîtres, et qui lui en fournit les movens. Attiret resta environ deux ans en Îtalie, puis voulut revenir dans son pays. Sa réputation était déjà alors si bien établie qu'à son retour il dut s'arrêter à Vienne pour y faire le portrait de l'archevêque d'Auvergne, puis à Lyon où l'archevêque. Me de Villeroy. le prévôt des marchands, M. Perrichon, et divers particuliers lui demandèrent également de fixer leurs traits sur la toile. Mais il avait hàte de retourner en Franche- Comté et. malgré les offres flatteuses qui lui furent faites par les Lyonnais, désireux de retenir dans leur ville un artiste de sa valeur, il rentra à Dole. Là, pendant quelques années, il s’'adonna entièrement à la peinture, exécutant des tableaux de dévotion pour les églises où portraiturant quelques-uns de ses compatriotes (2). Mais, en 1735. alors qu'il était âgé de 33 ans, il se sentit irrésistiblement atüré vers la vie reli- œieuse et il sollicita son entrée dans la Compagnie de Jésus. Les Jésuites qui dirigeaient un collège réputé à Dole, accueil- lirent avec joie cette excellente recrue, mais, suivant l'usage, afin de s'assurer de sa vocation, ils le soumirent pendant deux ans dans le noviciat d'Avignon, où 1l fut envoyé, aux plus rudes épreuves. Afin de détruire en lui tout germe de l'or- œueil que son talent et la renommée, qu'il s'était déjà acquise, auraient pu lui faire concevoir, ils feignirent tout d’abord d'ignorer à quel artiste ils avaient affaire, et, comme Atüret n était pas prêtre et ne pouvait par suite être rangé que parmi (1) Jean-Claude-Joseph Froissard, marquis de Broissia, chevalier d'honneur au Parlement, né en 1657, mort à Mulhouse le 4 juin 1750. (2) Dans la Sfatistique de l'arrondissement de Dole, M. Marquiset signale trois peintures de Jean-Denis Attiret: un (Chris! mourant dans la chapelle de la maison de Saint-Charles à Dole et deux tableaux fâcheusement restaurés dans l’église de Monnières (Jura). M. l'abbé BruNE dans son Dictionnaire des artistes comtois lui attri- bue également un paysage avec des ruines antiques et des moines, peint à Pékin en 1741, qui se trouve au musée de Dole. DONS les frères et non parmi les pères, ils l’'employèrent aux plus humbles besognes de cet office. Il dut fendre du bois, laver la vaisselle, récurer la batterie de cuisine. Il fallait anéantir sa volonté et le rendre un instrument docile entre les mains de ses supérieurs. Mais les circonstances permirent bientôt que les dons qu'il avait reçus pussent être utilisés pour la plus grande gloire de Dieu, si bien qu'un jour, les Pères eux-mêmes remirent le pinceau entre les mains du frère Attiret. [ s'agissait alors d'orner de peintures l’église du noviciat des Jésuites d'Avignon et on n’hésita pas à lui con- lier cette tâche. Cest ainsi qu'il fut chargé de représenter les quatre évangélistes sur les pendentifs du dôme de cette chapelle et qu'il exécuta en grisaille toute une série de tableaux rappelant les principaux épisodes de la vie du Christ. I n'allait pas tarder à être appelé à exercer son talent sur un plus vaste théâtre. Tout le monde sait, ne serait-ce que par la lecture du dernier chapitre du Siècle de Louis XIV de Voltaire, que, dès le xvi siècle, les Jésuites avaient envoyé des. missionnaires en Chine pour y porter l'Evangile et, qu'au xvin® siècle, deux missions de leur compagnie coexistaient à Pékin, l’une française, l’autre portugaise. Ces missions avaient même été l’objet au xvrr° siècle de violentes attaques en Europe, où on leur reprochait une grande tolérance qui serait allée jusqu'à permettre aux chrétiens chinois d’honorer Confucius et de lui rendre un certain culte. La Cour de Rome condamna ces pratiques jugées idolâtres, ces « cérémonies chinoises », affirmant qu'aucune conciliation n'était possible entre les dogmes de l'Eglise et la morale de Confucius, et . les Jésuites se soumirent. Mais pour maintenir leur influence près des empereurs chinois, il ne fallut rien moins dès lors que les mérites scientifiques et les talents personnels des missionnaires. L'Empereur Kien-Long, qui était monté sur le trône à 26 ans en 1736 et qui ne devait en descendre qu’en 1796. au bout de 6o ans de règne, encore par une abdica- cation volontaire, fut à la fois un grand conquérant, un admi- nistrateur de premier ordre et un lettré délicat. Il a composé un grand nombre de poésies dont quelques-unes ont été tra- duites en français : 1l s'intéressait également aux sciences et aux arts et attira dans son royaume tous les savants euro- péens qui se laissèrent séduire par ses offres. Pour gagner ses bonnes grâces et obtenir en retour une certaine liberté dans leur œuvre d'évangélisation, les Jésuites eurent tou- jours soin de faire venir à Pékin des hommes capables de lui plaire, soit par leurs connaissances scientifiques, soit par des aptitudes particulières. C'est ainsi que les PP. Félix da Rocca et von Hallerstein devinrent présidents du Tribunal des mathématiques. que le P. Joseph d'Epinha dressa les cartes des provinces conquises par Kien-Long. Au moment de l'avènement de ce prince, la mission portugaise entrete- nait à sa cour un jésuite italien, le frère Castiglione, qui devint en quelque sorte son peintre ordinaire et dont le crédit devait être utile à ses frères. Les Jésuites français. constatant la considération dont jouissait celui-ci, voulurent à leur tour attacher à la personne de l'Empereur un peintre de leur nationalité. Leurs Pères Parrenin (1) et Chalier écrivirent donc en France pour demander qu'on leur découvrit un artiste capable de procurer également à leur mission la faveur impériale. Nul, mieux qu'Attiret, ne pouvait remplir le but qu'on se proposait et, son noviciat à peine terminé, ses supérieurs lui demanderent s'il n'avait aucune répugnance à partir pour Pékin, afin de mettre son talent au service d'un prince idolâtre, dont la bienveillance ou la malveillance pou- vaient être si utile où au contraire si nuisible à la religion. T1 répondit, qu'en embrassant l'état religieux, il avait abdiqué _sa volonté propre et qu'il irait partout où on jugerait bon de (1) Le P. Parrenin « l’homme le plus savant et le plus sage que les jésuites aient envoyé à la Chine », au dire de Voltaire était un com- tois, Né au Russev, près de Pontarlier, en 1665, il mourut à Pékin en 1741. | 990 l'envoyer, sil s agissait de la gloire de Dieu et du salut des âmes. Il s'embarqua donc à Lorient le 8 janvier 1538, sur un bâtiment de l'Etat qui se rendait à Macao. II resta quelque temps dans ce port portugais, situé dans la baie de Canton, pour y apprendre la langue chinoise et se familiariser avec les usages du pays. Dans une lettre pleine d'humour adres- sée à M. Duchamp d’Assaut le 12 novembre 1741, publiée dans le journal Le Franc-Comtois, du 24 mai 1843, Attret a fait connaître par quelles épreuves il dut passer à son arri- vée en Chine. Il s'excuse de n'avoir pas écrit plutôt à son ami et donne les raisons de ce retard. Monsieur, Avouez que vous avez bien murmuré contre moi, de voir qu'aux deux lettres que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, je n’ai rien pu répondre. Quelle espèce d'ami, ai-je done là ? aurez-vous dit. Avant que de me condamner, écoutez un moment ; quoique vous soyez plein de force et de courage, vous auriez été pour le moins aussi embarrassé que moi, si tout à coup, vous vous fussiez transporté à quelque mille lieues de votre foyer, au milieu d’une nation dont on n’entend point la langue, dont on ne connaît point les mœurs, dont on ne sait point les coutumes ; j'aurais bien voulu vous voir être obligé d'apprendre à bégayer comme les enfants, à former votre bouche, votre gosier, à des sons, à des tours de phrase qui les mettent à la torture et qui les écorchent ; à accoutumer vos oreilles à un langage qui paraît d'abord affreux, qu'on n’apprend et qu’on n’entend que par une dégoûtante et longue étude ; arrivé ici, on vous aurait donné des maitres pour vous apprendre à marcher, à saluer, à faire la révé- rence au moins de sept à huit façons, à vous mettre à genoux et à casser les briques de votre front. Il vous aurait fallu prendre lecon d'un valet de chambre pour savoir vous habiller et déshabiller comme il convient à la gravité chinoise ; pour savoir tourner votre bonnet du bon côté, pour savoir agencer une demi- douzaine de cotillons et s'habiller comme un ognon. On vous — 23 — aurait fait asseoir comme les tailleurs, et on vous aurait mis entre les mains deux baguettes de pistolet avec lesquelles vous auriez eu la bonté de manger et de vous passer de tout autre instrument sous peine de mourir de faim ou de faire tout au moins un fort long carême. Pour vous régaler, on vous aurait donné du teou fou, ragoût fait avec de la farine de pois, ragoût détestable et les délices des Chinois; pour bon vin de Bour- gogne et pour toute autre boisson, du thé sans sucre. Pour orner votre esprit et vous mettre du bel air, on aurait contraint votre mémoire à apprendre une longue kvyrielle de formules de com- pliments avec lesquels on püt faire cent visites, s’entretenir tout un jour avec ce qu'il y a de plus honnêtes gens du monde sans rien dire. Enfin, poux achever de vous former, on vous aurait exhorté de prendre en patience les rebuts, les mauvais traite- ments et l'insolence des eunuques du palais ; et comme on apprend beaucoup mieux par la pratique que par la théorie, on vous aurait obligé de vivre avec eux. Pour vous faire acquérir la vertu de patience, on vous aurait planté à la porte intérieure du palais, à la neige, à la pluie, au vent, au soleil jusqu'à ce qu'il eùt plu à M. l’eunuque de venir vous ouvrir et vous introduire par mille détours dans un profond silence, marchant sur la pointe des pieds, comme si on allait faire un mauvais coup; le tout par respect pour S. M. très païenne, quoique souvent éloigné de plus de deux cents pas. Si, avec tout cela, votre vivacité fran- çaise n'avait pas été domptée, elle aurait été en vérité plus grande que la mienne qui avait bien sa bonne dose. Si avec cela vous aviez encore eu le temps et le courage d'écrire de longues lettres, je vous estime beaucoup, mais mon estime en croîtrait de dix degrés. Maintenant que je commence à être corroyé, que peu à peu le calus se forme, et que je commence à respirer à mon aise et à me reconnaitre, je pourrai répondre à l'honneur que vous m'avez fait, et tenir la parole que je vous donnaï de vous écrire régulièrement tous les ordinaires, ce qui veut dire tous les ans. De Macao, Attiret était parti pour Pékin où siégeait la cour de Kien-Long. Dans une autre lettre qu'il écrivit en 1743 à M. d'Assaut et qui a été publiée dans les Lettres édifiantes Le D écrites des Missions, Attiret a raconté les péripéties de son voyage et décrit avec force détails le palais de PEmpereur auprès duquel il devait séjourner jusqu à la fin de sa vie. Ce palais, nous dit-il, occupe une superficie au moins égale à celle de la ville de Dijon toute entière. Il consiste dans une grande quantité de corps de logis, détachés les uns des autres et séparés par de vastes cours, des jardins et des parterres. La facade de tous ces corps de logis est brillante par la dorure, le vernis et la peinture. Tout autour du palais proprement dit sont des maisons de plaisance qui servent pour le logement de la suite de l'Empereur ou qui sont tout simplement destinés, comme le Trianon de Marie-Antoinette, à servir de lieux de repos au cours des promenades, ou de rendez-vous de soupers, de réjouissances et de fêtes. Ces maisons sont situées sur un vaste terrain où l'on a élevé de petites montagnes artificielles hautes de 20 à 50 et 6o pieds (7 à 10 mètres), ce qui forme une infinité de vallons. « Des canaux d’une eau claire, dit Atüret, arrosent le fond de ces vallons et vont se rejoindre en plusieurs endroits pour former des étangs et des mers. On parcourt ces canaux, ces mers el ces étangs sur de belles et magnifiques barques ». Dans chacun de ces vallons se trouve un petit bâtiment. Attiret habitué à voir dans les palais et jardins de France régner partout une symétrie parfaite, à y rencontrer des lignes toujours droites et régulières, des avenues et des parcs tracés au cordeau, comme à Versailles, fut surtout frappé par la variété infinie où se complait la féconde imagination chinoise, « On sort d'un vallon, dit-il, non par de belles allées droites comme en Europe, mais par des zig-zags, par des circuits qui sont eux-mêmes ornés de petits pavillons, de petites grottes et au sortir desquels on trouve un second vallon tout différent du premier. « Toutes les montagnes et les collines, ajoute-t-1l, sont couvertes d'arbres, surtout d’ar- bres à fleurs qui sont iei très communs. C’est un vrai paradis terrestre. Les canaux ne sont point, comme chez nous, ÉD — bordés de pierres de taille tirées au cordeau, mais tout rusti- quement avec des morceaux de roche, dont les uns avancent, les autres reculent, et qui sont posés avec tant d'art qu'on dirait que cest l'ouvrage de la nature. Tantôt le canal est large, tantôt il est étroit : ici 1l serpente, là il fait des coudes, comme si réellement 1l était poussé par les collines et par les rochers. Les bords sont semés de fleurs qui sortent des rocailles et qui paraissent y être l'ouvrage de la nature. Chaque saison a les siennes. Outre les canaux. il y a partout des chemins, ou plutôt des sentiers, qui sont pavés de petits cailloux et qui conduisent d'un vallon à l’autre. Ces sentiers vont aussi en serpentant ; tantôt ils sont sur les bords des canaux, tantôt 1ls s'en éloignent ». Les rives des canaux sont reliées entre elles de distance en distance par des ponts construits en brique, en pierre de taille ou quelquefois en bois, mais toujours assez élevés pour laisser passer les bar- ques. Ces ponts, eux aussi, vont en tournant et en serpen- tant, si bien qu'un pont qui, en ligne droite, aurait 40 pieds de longueur, c'est-à-dire une quinzaine de mètres, arrive souvent à mesurer 100 Où 200 pieds, soit 70 metres. La même infinie diversité se retrouve dans les bâtiments. « Toute la facade. dit notre missionnaire, est en colonnes et en fenêtres : la charpente dorée, peinte, vernissée : les mu- railles de brique grise, bien taillée, bien polie : les toits sont couverts de tuiles vernissées, rouges, jaunes. bleues, vertes. violettes, qui, par leur mélange et leur arrangement, font une agréable variété de compartiments et de dessins. Ces bâti- ments n'ont presque tous qu'un rez-de-chaussée. [ls sont élevés de terre de deux, quatre, six ou de huit pieds. Quel- ques-uns ont un étage. On v monte, non par des degrés de pierre faconnés avec art, mais par des rochers qui semblent être des degrés faits par la nature. Rien ne ressemble tant à ces palais fabuleux de Fées qu'on suppose au milieu d'un désert, élevés sur un roc dont l’avenue est raboteuse et va en serpentant ». Les portes et les fenêtres offrent également aux — 96 — yeux toutes les variétés possibles : il yen a, nous dit Attiret. de rondes, d'ovales, de carrées et de tous les polygones ; en forme d’éventail, de fleurs, de vases, d'oiseaux, d'animaux, de poissons, de toutes les formes en un mot régulières ou irrégulières. Bref, rien qui ressemble à la sévère ordonnance de notre architecture, qui aime l’ordre et la symétrie. Les Chinois ont, à cet égard, des goûts si différents des nôtres qu'ils ne comprennent pas notre manière de bâtir et que l'aspect de nos villes leur inspire un sentiment de pitié : € Voulez-vous savoir, dit Attret, ce qu'ils disent quand on leur parle de nos constructions ou qu’on leur montre des es- tampes représentantnos bâtiments ? Ces grands corps de logis, ces hauts pavillons les épouvantent, ils regardent nos rues comme des chemins creusés dans d’affreuses montagnes et nos maisons comme des rochers à perte de vue, percés de trous, ainsi que des habitations d'ours et d’autres bêtes féroces. Nos étages surtout, accumulés les uns sur les autres leur paraissent insupportables ; ils ne comprennent pas com- ment on peut risquer de se casser le cou cent fois le jour en montant nos degrés pour se rendre à un quatrième ou cin- quième étage. Il faut, disait l'empereur Cang-hi, en voyant les plans de nos maisons européennes, il faut que l'Europe soit un pays bien petit et bien misérable, puisqu'il n’y a pas assez de terrain pour étendre les villes et qu’on est obligé d'y habiter en l'air ». Toute la lettre d’Attiret est pleine de détails aussi pitto- resques et de renseignements curieux de cette nature. Permettez-moi d'en tirer encore un petit tableau de mœurs qui a une saveur bien chinoise. Au milieu de l’enclos du palais impérial se trouve une petite ville présentant en rac- courci tout ce que l’on voit dans la capitale: Cette ville, d’une étendue d’un quart de lieue carrée, est entourée de murailles, avec tours crénelées et percées de quatre portes aux quatre points cardinaux. Elle a ses rues, ses places, ses temples, ses halles, ses marchés, ses boutiques, ses tribu- Fes — DT — 4 naux, son palais, même son port. Un étranger se demande tout d'abord à quel usage peut servir cette ville en miniature. Attret nous en donne l'explication qui est fort simple. Un ‘empereur chinois, nous raconte-t1l, est trop esclave de sa œrandeur pour se montrer au publie quand il sort. Sitôt qu'il exprime l'intention de franchir l'enceinte de son palais. ordre est donné à tous les habitants de vider les chemins par où 1l doit passer. On ferme toutes les maisons, toutes les boutiques, on tend même partout de grandes toiles pour empêcher que le Fils du Ciel ne soit aperçu. S'aventure-t-1l dans la campagne, une double haie de soldats l’encadre et écarte au loin tous les laboureurs. Aussi l'Empereur ne voit-il rien, ne peut-il rien voir au dehors. C'est la raison pour laquelle, afin de le dédommager de cette solitude à laquelle 1l est condamné et de lui permettre de participer, au moins en apparence à la vie publique, on a imaginé la cons- trucüon de cette ville dans le palais. « Cette ville, dit Atüret. est destinée à faire représenter par les eunuques, plusieurs fois l’année, tout le commerce, tous les marchés, tous les arts, tous les métiers, tout le fracas, toutes les allées, les venues et même les friponneries des grandes villes. Aux jours marqués, chaque eunuque prend l'habit de l'état et de la profession qui lui sont assignés : l’un est un marchand, l’autre est un artisan ; celui-ci est un soldat, celui-là un officier. On donne à l’un une brouette à pousser, à l’autre des paniers à porter : enfin chacun a le distinctif de sa pro- lession. Les vaisseaux arrivent au port, les boutiques s'ou- vrent; on étale les marchandises : un quartier est pour la soie, un autre pour la toile; une rue pour les porcelaines, une pour les vernis ; tout est distribué. Chez celui-ci on trouve des meubles, chez celui-là des habits, des ornements pour les femmes ; chez un autre des livres pour les curieux et les savants. Il y a des cabarets pour le thé et pour le vin ; des auberges pour les gens de tout état. Des colporteurs vous présentent des fruits de toute espèce, des rafraïchissements es en tous genres. Des merciers vous tirent par la manche et vous harcelent pour vous faire prendre de leurs mar- chandises. Là. tout est permis. On y distingue à peine l'Empereur du dernier de ses sujets. Chacun annonce ee qu'il porte. On S'y querelle, on s'y bat, c’est le vrai tracas des halles. Les archers arrêtent les querelleurs ; on les conduit aux juges dans leur tribunal. La dispute s’examine et se juge : on condamne à la bastonnade : on fait exéeuter l'arrêt et quelquefois un jeu se change, pour le plaisir de l'Empereur, en quelque chose de trop réel pour le patent ». Comme dans toute ville qui se respecte 1l y a des filous et des voleurs, des eunuques sont désignés à l'avance pour remplir cet emploi. S'ils se laissent prendre en s'acquittant maladroite- ment de leur rôle, ils sont jugés et condamnés ; s'ils se révèlent au contraire d'habiles maraudeurs, c'est aux dépens du marchand, leur victime, qu'on s'amuse. À côté de la ville, un autre terrain est destiné à figurer aux yeux de l'Empereur la vie rurale. On y voit des champs. des prés, des maisons. des cabanes de laboureurs : des bœuls y traînent des charrues qui creusent le sillon. On y sème du blé, du riz, des légumes : on récolte les grains, on moissonne, on cueille les fruits. Grâce à ces fictions, l'Empereur peut croire qu'il goûte à la fois toutes les joies des bourgeois et des laboureurs. Ce sont là plaisirs bien innocents de princes, et peut-être la reine Marie-Antoinette avait-elle entendu parler de la petite ville et de la petite campagne du palais de Pékin, quand elle eréa Trianon et fit évoluer à côté de Versailles des seigneurs et des dames de sa suite, habillés en bergers et en bergères. À peine arrivé en Chine, Attiret fut conduit auprès de l'Empereur : il lui présenta, pour lui montrer ce dont il était capable, un tableau figurant l'Adoration des mages. Kien- Long s'en déclara satisfait, fit placer cette œuvre dans l'intérieur de son palais et dès lors conçut pour le peintre ‘une estime qui ne se démentit jamais. « J'ai été reçu de 39 2 l'Empereur de Chine, dit Attiret. aussi bien qu'un étranger puisse l'être d'un prince qui se croit le seul souverain du monde : qui est élevé à n'être sensible à rien : qui croit un homme, surtout un étranger trop heureux de pouvoir être à son service et travailler pour lui » Kien-Long pensa qu'il accordait à l’humble frère Attiret la suprême récompense en l’'admettant auprès de lui et en l'employant journellement à exécuter les pemtures dont 1l avait besoin. Mais, en échange de cet honneur, le malheureux missionnaire dut, plus encore qu au noviciat d'Avignon, renoncer à sa personnalité et faire même le sacrifice de ses talents. Jusqu'alors 1l n'avait peint que des tableaux d'histoire et des portraits : par ordre de l'Empereur il dut devenir paysagiste, peintre de batailles. peintre de fleurs, animalier, décorateur (1). Habitué à exé- cuter ses peintures à l'huile, il fut obligé de changer du jour au lendemain sa manière et de peindre à la détrempe. Le luisant de l'huile choquait les yeux du souverain, qui préfé- rait la peinture à l’eau comme « plus gracicuse et plus agréable à voir ». Les ombres etles demi-teintes déplaisaient également à Kien-Long : il les considérait comme des taches et Attiret dut y renoncer. Au début, notre frane-comtois, au (1) Dans une lettre au marquis de Broissia, du 4 novembre 17A1 publiée dans le Franc-Comtois du 13 mai 1843, Attiret donne de curieux détails sur la peinture chinoise, notamment sur les procédés de la peinture sur verre : «Je ne vous cacheraïi pas qu'il m’en a beau- coup coûté et qu'il m'en coûte encore beaucoup pour me faire au genre de peinture qui est du goût de ce pays et surtout du prince, pour qui et devant qui je peins. Il m'a fallu, pour cela, oublier une partie de ce que j'avais appris avec tant d'étude et de travail, et me faire une autre manière de peindre ; outre qu'il m'a fallu apprendre à peindre à l'eau sur une espèce de gaze blanche, peinture difficile, délicate, et qui a quelque chose de plus fin que la miniature. Tout ce qui se peint à l'huile doit être peint dans le même goût, je veux dire léché, uni, sans ounbre, les carnations blanches comme du lait, les draperies resserrées, plissées en tuyaux d'orgue, à peu près dans le goût de nos anciens ; avec cela les têtes sans expression, les attitudes sans mouvement, la perspective linéale sans dégradation, et sans pou- voir mettre en pratique la perspective aérienne. Depuis plus d’un an je ne fais guère autre chose que de peindre sur le verre. On apporte d'Europe quantité de grandes et belles glaces, sang un peu vif, fit quelques objections aux critiques qui lui étaient adressées et témoigna quelque irritation du travail si étranger à ses habitudes, qu'on voulait lui imposer. Mais on lui fit comprendre qu'il encourrait toute la colère impériale s'il se permettait de discuter un ordre du maître : rien ne doit paraître impossible en Chine quand c'est le Fils du Ciel qui commande, car jamais il ne peut se tromper. Et Attiret se soumit et trouva dans sa foi la force de tout subir, d’accep- ter: même avec reconnaissance des conseils et des avis dont il sentait cependant l’inanité. Comme 1} Pécrivait dès 1743, il resta à Pékin parce qu'il croyait son pinceau utile au bien de la Religion, par la faveur que son talent attirait sur ses frères, et parce qu'il entrevoyait le Paradis au bout de ses travaux et de ses peines. L'Empereur fit donner à Attiret des leçons par des peintres chinois, afin de lui apprendre le goût du pays et de lui faire connaître les procédés susceptibles de le faire apprécier en Chine. [l écouta ses maîtres avec tant de docilité et s’impré- gna si bien de leurs doctrines artistiques, qu'il arriva très rapidement à imiter leur manière et même à les surpasser dans leur propre genre. Kien-Long en fut si satisfait que dès lors il fit d’Attiret son peintre préféré : il fit installer un que les mandarins de Canton achètent des vaisseaux marchands et qu'ils offrent à l'Empereur. Quelques-unes de ces glaces ont, dans le transport, souffert, perdu l’étain dans quelque endroit. Comme ici on ne saurait Les étamer de nouveau, cet empereur à souhaité qu’on trouvât un moyen pour ne pas perdre une chose si précieuse. Je fais donc un dessin et marque proprement les contours extérieurs avec un crayon et de la couleur qui se puisse calquer, ce dessin s'applique sur le: revers de la glace ; les traits chargés de crayon ou de couleur restent marqués sur l’étain; on lève ensuite proprement l’étain seulement dans les endroits qui doivent être peints, le reste subsiste en glace. Cette espèce de peinture est d'autant plus belle que, vue d’un peu loin, on croit que les figures, les animaux, les paysages ou tout autre dessin n’est pas peint sur la glace, mais réfléchi ; on se voit au travers des intervalles que laisse la peinture, ce qui fait une variété très jolie. Cette peinture ne déplairait pas en Europe, surtout si elle était faite d’un bon goût; mais elle est difficile, il en coûte de la peine et les yeux en souffrent ». atelier pour lui dans son palais et très souvent il se plaisait à aller visiter les œuvres qu il produisait. Parlois, cependant, le bon frère ne pouvait oublier entièrement l'éducation artis- tique qu il avait reçue dans sa jeunesse, et, entraîné par ses souvenirs, se laissait aller à peindre ses Chinois dans le goût européen. Mais, en ce cas, on ne lui ménageait pas les cri- tiques et force lui était de corriger et de retoucher son œuvre. Un jour. il venait d'achever un tableau représentant des femmes chinoises au milieu d'un paysage et 1l était assez satisfait de son travail. Aussi fut-il assez surpris de l'accueil glacial qu'il reçut des peintres chinois qui l’entouraient, quand 1l leur montra cette œuvre, et plus encore du jugement de l'Empereur, lui déclarant que ses femmes ne ressemblaient pas à des dames chinoises et qu'il fallait refaire son tableau. Emu de ces observations, 1l demanda à un des peintres chi- nois présents de lui exprimer franchement les défauts qui avaient pu choquer le monarque dans cette toile. Celui-ci, après force excuses, finit par S'y résoudre, et rien n'est curieux comme la critique d’art à laquelle se livra l'artiste asiatique. [Il commença par une profession de foi réaliste à propos du paysage et surtout de l'arbre qu'Attüret avait représenté dans son tableau. « Les feuilles et les rameaux de cet arbre ne sont pas arrangés comme dans le naturel ; en second lieu, il n’y a pas dans chaque feuille le nombre des principaux filaments qui leur convient. Il doit y en avoir tant, et vous en avez mis tantôt plus. tantôt moins, suivant que le hasard vous l’a dicté ». Attiret ne fut pas, on le conçoit bien convaincu par cette première objection et se contenta de répondre qu'il était peintre et non botaniste et que peu lui importait le nombre des filaments d’une feuille, pourvu qu'il donnât l'impression générale d'un arbre. Mais il dut, au contraire, reconnaitre la justesse de quelques-unes des remarques que lui présenta ensuite, fort courtoisement d’ailleurs, son interlocuteur, à propos des femmes chinoises que l'Empereur n'avait pas trouvé ressemblantes. © Parmi ces femmes, lui dit-il, il v a des maîtresses et des suivantes. Vous avez cru distinguer assez les unes des autres par l’ha- billement, la coiffure, le plus ou moins de majesté dans l'attitude et peut-être par bien d'autres petites différences dont nous ne sommes point au fait ou que nous ne compre- nons pas ;: mais vous avez oublié les différences essentielles, celles qui constituent pour ainsi dire, l’état des personnes et qui font dire au premier coup d'œil : voilà des maîtresses, voilà des servantes : voilà des dames, voilà des personnes de service ou de travail. Or, les différences caractéristiques, quant à la figure, consistent principalement dans les mains. Ne trouvez pas mauvais que J'entre avee vous dans quelque détail sur cela. Vous êtes étranger : il est très probable que de longtemps vous ne verrez de dames chinoises, si cepen- dant vous en voyez jamais, car il n'en est pas ici, comme dans votre précieux royaume, où J'ai oui dire que les femmes pouvaient voir indifféremment toute sorte de personnes et être vues par d’autres hommes que par leurs maris, sans que cela choque vos mœurs. Ce qui vous serait très difficile d'observer par vous-même, je vais vous le dire en peu de mots. Les mains d'une femme de qualité ou de toute autre qui peut avoir sous ses ordres des esclaves ou des domes- tiques pour la servir, sont toujours d’un beau rouge ; si ce n est naturellement, c’est du moins par artifice; ses doigts sont de même couleur, ils sont minces, arrondis et se ter- minent en pointe; ils sont, outre cela, toujours armés de longs ongles qui sont arqués dans leur largeur, rouges sur la partie qui couvre le doigt et de couleur de perle dans tout le reste. Leur longueur n'est pas indifféremment la même: la longueur des ongles du pouce et du petit doigt l'emporte considérablement sur la longueur de tous les autres. De là vient qu'ils sont pour l'ordinaire revêtus d'un ongle artificiel, d'or ou d’argent, pour les préserverdes accidents fâcheux aux- quels ils seraient exposés, sans cette précaution. Il est bon que vous soyez instruit de tout cela, car un peintre qui, dans 5} on —— un tableau, représenterait par exemple une dame chinoise travaillant à quelque petit ouvrage de main ou ayant quel- ques petits enfants folätrant autour d'elle. ce peintre ferait une faute si, en donnant à cette dame des ongles de la lonoueur requise. il ne les lui revêtait pas en même temps de l’étui dont je viens de parler. Nos dames ont la prudence de ne pas exposer mal à propos un de leurs plus beaux ornements. elles savent ce qu'il en coûte de temps et de patience, pour parvenir à avoir des ongles d'un bon pouce de long et bien façonnés, elles ne doivent pas paraître moins prévoyantes en peinture qu'elles ne le sont dans la réalité ». Notre Chinois aimait, on le voit, la précision dans les détails et tenait essentiellement à la couleur locale. Dans les obser- vations qui suivent, il s'élève à des considérations d’un ordre plus général et qui ont pour nous un intérêt d'autant plus orand, que c'est notre art tout entier du xvur siècle qu'il va juger. Nul ne conteste aujourd'hui le charme infini qui se dégage d'une œuvre d'un Boucher, d'un Fragonard ou d'un Greuze et on le voit assez dans toutes les ventes où leurs moindres productions sont couvertes d'or. Mais il est certain que trop souvent leurs personnages sont des êtres tellement idéalisés par le pinceau qu'ils nous semblent souvent être -plutôt des petits amours ou de délicieuses poupées que des êtres réels. Leurs joues roses, leurs veux brillants et trop caressants, leurs lèvres écarlates et sensuelles, leur pose molle et alanguie, leur costume parlois bien écourté, toute la séduction en un mot qui se dégage de leur personne nous les font considérer comme des êtres mythologiques ou comme de charmants petits démons, parfois un peu polissons. Les critiques d’art du temps, et notamment Diderot, ont maintes fois signalé dès lors, ce manque de réalisme des peintres du xvrrr siècle. Voici que de l’Extrême-Orient parvient une voix qui fait entendre la même protestation, et cela à propos “d’une œuvre du jésuite Attiret, qui certes, ne devait pas choquer la décence. : 3. me ne Le peintre chinois s'exprime en ces termes : « Les airs de tête. dit-1l à Atturet, que vous avez donnés à ces prétendues chinoises, sont totalement manqués ; ces yeux vifs et bril- lants, ces joues vermeilles, cette physionomie hardie, ces bras qu'on voit presque jusqu'au coude, ce cou découyert jusqu'à la naissance de la gorge, tout cela n'est de mise parmi nous que lorsque nous peignons des femmes d’une vertu médiocre ou des jeunes filles avant l’âge de puberté. La modestie, la timidité, la douceur, sont les principales des qualités extéricures que nous exigeons en général dans les personnes du sexe. Ce n’est qu'en les possédant qu'elles peuvent nous plaire. Elles le savent très bien et elles en sont si convaincues qu'elles emploient tout leur art pour se procurer au moins une apparence de ce que la nature leur a quelquefois refusé de ce côté-là. Ainsi, ne pas leur donner en peinture un air de modestie, de timidité et de douceur, c'est manquer de les peindre au naturel et dans la décence qui leur convient, c'est pécher contre le costume, et ce défaut n est pas moins ridicule à nos veux que le ferait une conte- nance de petit maître dans un magistrat qu'on peindrait exerçant les fonctions de sa charge. Voulez-vous donc, dit-il à Atüret, que l’'Empercur goûte votre tableau ? Couvrez-moi le cou de ces femmes jusqu’au menton et leurs bras jusqu’au poignet: un collet et de longues manches vous tireront d'affaire ; adoucissez le coloris de ces visages, affaiblissez-en l'éclat par des demi-teintes qui ne laissent presque point voir de rouge, car nous avons pour maxime qu'une femme qui a la face enluminée est sujette au vin. De là vient que celles de nos dames qui ont un teint un peu haut en couleur, prennent autant de soin de le masquer qu’elles en prennent pour cacher une difformité réelle : elles poussent même les choses si loin qu'elles préfèrent dans le fard dont elles font usage la couleur de la craie à celle du vermillon ». Le bio- graphe du Frère Attiret, le P. Amiot, comme lui mission- naire à Pékin, qui relate cette conversation, ajoute que son Se Sp confrère remercia le peintre chinois de ses critiques et s'empressa de corriger son tableau dans le sens prescrit. Cette docilité d'Attiret lui concilia de jour en jour davan- tage la faveur de Kien-Long, qui dès lors ne cessa d'adres- ser au peintre de nouvelles commandes. Attiret dut faire en pied le portrait de l'Empereur, de l'Impératrice, des autres membres de la famille royale. Nouveau Lebrun de cet autre Louis XIV. il reçut notamment la mission de transmettre à la postérité, à l'aide de son pinceau, le souvenir des victoires et des conquêtes du grand conquérant chinois. Cependant les conditions dans lesquelles il était appelé à peindre étaient bien pénibles, si l'on en croit le P. Amiot. Au palais, on avait installé son atelier dans une salle du rez-de-chaussée située entre cour et jardin, glaciale en hiver, brûlante en été. Il ne pouvait travailler seul, mais des courtisans et des eunuques étaient sans cesse autour de lui, et, par leurs bavar- dages et leurs observations souvent déplacées, ils lempé- chaient de conserver cette liberté d'esprit si nécessaire à la conception de l'œuvre d'art. Surtout il était accablé de tant de besogne à la fois, les exigences de l'Empereur et de son entourage étaient telles que bien souvent en quelques heures il devait imaginer et exécuter un tableau. I lui arriva en une seule journée d'être obligé de brosser jusqu'à trois à quatre portraits. Il à raconté lui-même dans une lettre à un de ses frères dans quelles conditions il fut placé pour composer et peindre les scènes représentant les victoires et les conquêtes de Kien-Long. L'Empereur l'avait appelé en Tartarie au cours de sa campagne contre les Eleuths pour qu'il fût témoin par lui-même des faits qu'il était appelé à reproduire sur la toile. Un jour, c'était en 1754, Kien-Long donna un grand festin aux Regulos tartares : un eunuque vint immédiatement chercher Attiret qui dut sur le champ composer un dessin destiné à être présenté au souverain lui-même. Ce dessin comportait plus de roo figures et qui devaient être Depo Ce ressemblantes.Attretexécuta ce tour de force.Quelques jours après il tomba malade d’un cours de ventre : il n'en fut pas moins contraint de faire cinq portraits de princes mongols en trois jours. Pendant toute cette campagne, on ne lui laissa aucun moment de répit et, à chaque instant, 1l recevait de nouveaux ordres auxquels il devait se soumettre sans ré- plique. L'Empereur d'ailleurs se montrait toujours très bien- veillant à son égard ; il venait très souvent le visiter, parfois même consentait à poser devant lui pour lui permettre de donner de ses traits une peinture plus exacte. Dans un tableau, Attiret devait représenter Kien-Long s’exerçant à tirer de la flèche, l'Empereur pour lui indiquer le mouve- ment à reproduire, banda lui-même Pare en présence du peintre. Le bon frère consentait à faire tout ce qu'on lui demandait sans jamais se plaindre et sa modestie était telle qu'il n'acceptait qu'avec peine les compliments que le sou- verain ou son entourage lui adressaient. Il apprit un jour que l'Empereur avait résolu de le faire mandarin de 4° ordre et de lui concéder les revenus attachés à ce titre. Au risque d'encourir la disgrâce impériale, il déclina cet honneur décla- rant qu'en se faisant religieux, 1l avait renoncé à tous les biens de ce monde. Toutes les instances faites auprès de lui pour le faire revenir sur sa décision furent vaines et il eut le bonheur de convaincre l'Empereur que son refus ne marquait nullement un manque d'obéissance à sa volonté. € L'affaire est finie écrivait-il à un ami; je ne vous dirai pas ce que jai souffert pendant tout le cours de cette négo- ciation ». La faveur dont le frère Attiret jouissait à la Cour avait établi sa réputation de telle sorte que tous les mandarins et grands personnages qui vivaient à Pékin voulurent avoir. leur portrait fait par lui, celui de leurs femmes et de leurs enfants. Sitôt que son service au Palais lui laissait un ins- tant de liberté et qu'il rentrait à son couvent, 1l était assailli de solliciteurs lui demandant avec instance le moment où ils 9 — PT —— 2 pourraient poser devant lui. Les moins exigeants le priaient de jeter quelques coups de pinceau sur un éventail et sur des glaces ou sur des bandes de soie. On ne lui laissait pas le temps de prier et bien souvent il gémissait, lui qui était entré chez les Jésuites pour y vivre de la vie contemplative, de ne pouvoir consacrer à la méditation et à l'adoration que quelques courtes heures les dimanches et jours de fête. Quelque bien doué que soit un artiste, quelles que soient sa facilité de production et son habileté technique, on con- çoit que des peintures exécutées dans les conditions où se trouvait Atüret ne peuvent avoir qu'une valeur artistique fort médiocre. Peut-être les tableaux qu'il à peints pour orner les autels et les chapelles de la mission à Pékin sont- ils plus remarquables que ses œuvres chinoises. Son bio- graphe missionnaire vante beaucoup diverses toiles de cette catégorie qu'il a pu brosser à loisir dans le goût européen. Il signale notamment son Ange gardien qui veille sur un enfant, un Saint-Augustin et surtout un tableau du Sacré- Cœur qu'il décrit avec force détails. Au milieu d'une gloire est dessiné un Cœur de Jésus, surmonté d’une croix et envi- ronné de têtes d'anges. Des gouttes de sang s échappent de ce cœur, qui tombent en rosée bienfaisante sur des person- nages qui achèvent d'expier leurs fautes dans les flammes du purgatoire. Il faudrait faire le voyage de Chine pour en apprécier le mérite, si encore ces peintures n'ont pas dis- paru au cours des pillages provoqués par les Boxers. Les tableaux exécutés pour l'empereur Kien-Long seraient en tous cas plus difficiles à apprécier, car nul étranger n'est admis, à moins de nécessités de service, à pénétrer dans le palais du Fils du Ciel. Peut-être un jour la jeune République chinoise ouvrira-t-elle largement les portes de cette résidence impériale aux étrangers et sera-t-il possible à quelques-uns d'entre nous de nous rendre compte de la manière dont Atti- ret a pu s'acquitter de la tâche si difficile qui lui fut confiée, On peut cependant s’en faire un peu l'idée, grâce à des gra- > — vures exécutées en France à la fin du règne de Louis XV, par l'intermédiaire d'Atüret et sur la demande de l’empe- reur Kien-Long lui-même. Quand ses peintres ordinaires Attiret et le frère Castiglione auxquels s'étaient adjoints un jésuite allemand, le P. Sichelbarth et un Augustin italien, le P.: Damascene, eurent terminé les tableaux illustrant ses con- quêtes, Kien-Long ayant entendu parler du procédé encore inconnu en Chine de la gravure sur cuivre, voulut faire repro- duire ces tableaux par ce moyen. Sitôt le désir de l'Empereur connu, chacun des Européens de son entourage chercha à obtenir la commande pour son pays, mais l’ascendant d'Atti- ret était tel que ce furent des artistes français qui furent choisis. Par décret impérial du 26° de la 5° lune, l'an tren- tième de son empire, soit le 13 juillet 1565, Kien-Long chargea ses mandarins de faire graver en France 16 grands dessins représentant ses victoires. Le marché portait que les graveurs devaient lui fournir 200 exemplaires et envoyer ensuite à Pékin les planches sur cuivre pour en permettre la reproduction en Chine. Une somme de 16,000 taels, soit 12,800 livres, était affectée à cette dépense. Depuis le début du siècle, sans doute sous l'influence des récits envoyés par les missionnaires, l'engouement pour les produits chinois était devenu considérable en France. Des . 1742, Boucher avait peint pour tapisseries les neuf petits tableaux à sujets chinois qui sont devenus l’une des princi- pales curiosités de notre Musée bisontin. Chacun voulait avoir dés vases, des meubles, des soies peintes provenant de ce pays ou copiant la manière de ses artistes. On sait que la production en ce genre fut alors si importante, qu'on a pu faire l'an passé, au Musée des Art Décoratifs, à Paris, une exposition fort curieuse d'œuvres d'art de toute espèce inspi- rées par ce goût chinois en France au xvirr° siècle. La litté- ‘rature elle-même s'était laissée gagner par ce mouvement. Regnard avait donné au théâtre une pièce en cinq actes, intitulée Les Chinots et, en 1755, Voltaire avait fait applau- dir l'Orphelin de la Chine. oo Aussi, la commande faite par Kien-Long fut-elle bien accueillie en France, etle marquis de Marigny, directeur géné- ral des bâtiments du Roï, s'empressa de satisfaire aux désirs du grand empereur mandchou. Cochin, le fils, fut chargé de la direction du travail et choisit pour l'assister quatre autres graveurs, parmi lesquels Le Bas et Augustin de Saint-Aubin. Tous se mirent à l'œuvre sans tarder, mais malgré toute leur activité, les quatre premières planches ne purent être envoyées en Chine qu'à la fin de 1769 : les dernières y par- vinrent en 1774. Suivant le désir impérial, les cuivres furent expédiés à Pékin avec les épreuves : quelques exemplaires furent seulement réservés pour la famille royale et la Biblio- thèque du Roï, ce qui explique leur grande rareté à l'heure actuelle. Plusieurs d’entre ces gravures furent exécutées d’après les dessins d’Atüret : elles attestent une grande pré- cision des traits, une minutieuse exactitude dans la repro- duction des détails. mais ces qualités, imposées par le goût chinois, nous empêchent précisément de leur reconnaître quelque valeur artistique. Quand Kien-Long reçut les premières planches, Attiret venait de mourir à Pékin un an auparavant, le 8 décem- bre 15681). L'Empereur voulut à cette occasion donner à son peintre un témoignage posthume de son estime en ordon- nant à l’un de ses mandarins de porter 400 livres aux missionnaires pour les frais de ses obsèques. Le frère de Kien-Long tint même à suivre à pied le convoi qui conduisait (1) Sa dernière lettre adressée à son frère Jean-Baptiste, le 13 oc- tobre 1767, est conservée à la Bibliothèque de Besançon (papiers Weiss). Attiret qui annonce qu'il sort d’une grande maladie, venait d'apprendre que la Société de Jésus, attaquée de toutes parts en Eu- rope, était menacce d’être dissoute par le pape. Il se console du moins à l’idée que ses compatriotes, les membres du Parlement de Franche- Comté, ont pris fait et cause pour les Jésuites. « Nous avons appris ici par les papiers publics la disgrâce de notre compagnie en France ; il n’est pas nécessaire de vous dire quels sont les sentiments de dou- leur dont nous avons été pénétrés, vous le comprenez assez, et je ne doute point que vous n’en avez été afiligé vous-même, étant bon catho- Ho Attiret à sa dernière demeure. C'était un bel hommage rendu au modeste frère dolois et qui prouve du moins que les Chinois savent garder le souvenir des services rendus. N'est-il pas juste qu'en Comté nous conservions pieusement la mémoire d'un compatriote qui a passé plus de trente ans de sa vie, loin de son pays, dans les conditions les plus pénibles, afin de faire connaître, apprécier et aimer la France au fond de l'Extrême-Orient. Le nom d'Atüret est déjà bien connu, gräce à son cousin le sculpteur, dont on retrouve un grand nombre d'œuvres dans la province et notamment à Dole : l’humble missionnaire jésuite ne doit pas être oublié davan- tage. lique. Mais ce qui nous a infiniment consolé, c’est de voir que tout ce qu'il va de grand, d'illustre et de respectable dans tout le monde entier, dans la France en particulier et surtout dans notre Franche- Comté ont pris nos intérêts avec autant de vivacité que si ç’avait été les leurs propres. Je ne vous dissimulerai point que parmi tout ce qui a paru en faveur de la compagnie, nous avons distingué dans les remontrances que l’illustre Parlement a faites au roi cette grandeur d'âme et cet inviolable attachement à notre sainte religion qui a dis- tingué autrefois nos ancêtres, au milieu des troubles dont le reste de la France était agité. C’est un monument digne d’être conservé à la postérité. Entre nous, mon cher frère, je rends de très humbles actions de grâces à Dieu de m’avoir fait naître comtois ; faites-en de même». _ SONNETS Par M. Albert MATHIEU MEMBRE RÉSIDANT Séance publique du 21 Décembre 1517. LE BRACONNIER Sur ses yeux de renard il rabat son béret, Et, la trique à la main, déserte sa chaumine, Emportant sous les plis d’une ample pèlerine Son sac doublé de laine où frétille un furet. Il longe les buissons, glisse, courbe l’échine, Se faufile, craignant un regard indiscret, Puis, enfin rassuré, monte vers la forêt - Dont le sombre massif couronne la colline. Il arrive, hors d’haleine, et quitte le sentier ; Mais pendant qu'il s'arrête à vingt pas du terrier Pour sonder le sol blanc qui peut cacher un piège, Il entend le bruit sourd du rythme de son cœur, Sursaute, se retourne,et croit avec terreur Qu'un garde le poursuit en courant dans la neige. nn 2 SOLEIL COUCHANT Les pâtres nonchaïants, qui sont venus s’asseoir Sur un tertre isolé pour surveiller sans peine Leurs paisibles troupeaux égrenés dans la plaine, Se lèvent tout à coup aux approches du soir. Sur la pâle rougeur du ciel splendide à voir, Des nuages, pareils à des flocons de laine, Frôlent vers l'horizon où le vent les entraine Le profil sinueux d’un coteau déjà noir. Mais la beauté sereine et magique des choses Ne touche point le cœur de ces hommes moroses ; Ils dévalent, bruyants, le bâton à la main ! Un seul reste debout sur l’étroit monticule Et regarde, pensif, s’enliser au lointain Le soleil qui n’est plus qu’un rubis minuscule. SOUS BOIS Un souffle de l'hiver, effleurant nos coteaux, A flétri le grand bois qui bravaïit les ondées ! La Terre est-un linceul ; les arbres sans oiseaux Tendent vers le ciel gris leurs branches dénudées, Un silence de mort plane sous les arceaux Où le givre suspend ses perlettes ridées ; Mais parfois, du vallon, le ràle des corbeaux Arrive jusqu'à nous en notes saccadées. Au tournant du chemin que durcit le verglas, - Un loup mis en éveil par l'écho de nos pas, S'élance.. et brusquement saute dans une combe. On s'arrête, inquiet, on écoute... Plus rien Qu'une vague rumeur, un son éolien : Le murmure soyeux de la neige qui tombe. + LS | L'ONDINE Tout dort, il est minuit. Sous la lune opaline, L'eau du fleuve d'argent tremble et laisse émerger, Dans un cercle d’écume au clapotis léger, La forme gracieuse et frêle d’une ondine. Elle approche, sans bruit, son regard examine Le rivage désert; mais la peur du danger, Plus forte que l'attrait de ce sol étranger, La retient près du bord, hésitante et chagrine. Son corps glisse à travers les roseaux floconneux ; Leurs glaives délicats, frôlés par ses cheveux, Exhalent un soupir de lointaine mandore. Et là, le sein gonflé, les yeux épanouis, Elevant ses bras nus vers le ciel, elle adore Le visage divin de la reine des nuits. LE GNOME C'est un pauvre lutin de très petite taille : Sournois, malicieux, irritable, têtu, Les pieds larges et plats, le chef coiffé pointu, Le nez proéminent et la barbe en broussaille. Quand le soir obscurcit la forêt qui tressaille, Il chante, nasillard, brandissant un fétu, Et trottine en zigzag sur le sentier battu Où l’on entend clapper ses sandales d’écaille. La fraicheur engourdit ses jambes de nabot; Alors sa voix tremblante aux fredons d’escarbot, Avec un long soupir s'éteint dans la nuit brune. Titubant de sommeil il retire, grognon, Son bonnet d’astrologue et sous un champignon S'endort profondément à l'ombre de la lune. LE GÉNÉRAL GRIOIS D'APRÈS SES MÉMOIRES PAR MIT. EENGA US MEMBRE RÉSIDANT Séance des 19 Février et 20 Avril 1910. Le général Griois, né à Besançon et mort oublié à Paris il y a pres de trois quarts de siècle, s'est rappelé tardive- ment ct d’une façon inattendue à ses compatriotes. Ses Mémoires, publiés en 1909, sont de nature à les intéresser tant par leur contenu que par la personne de leur auteur. En les analysant dans cette étude et en les complétant par divers renseignements empruntés aux documents locaux, on fera peut-être ressortir quelques traits nouveaux de la physionomie de Griois. Ce soldat de Napoléon était sorti de- bonne heure de la vie comtoise, mais ce que nous savons de ses sentiments témoigne qu'il eût été heureux de prendre un jour, en vertu de ses origines, une petite place dans notre histoire. Franc-Comtois de naissance, Griois l'était seulement grâce aux circonstances qui avaient amené ses parents à Besançon. Son père appartenait à une famille de finance parisienne ; 1l faisait partie du petit groupe d'employés venus à la suite de l’intendant de Lacoré. transféré en 1760 de la 1 généralité de Montauban à celle de Besançon. [l sy maintint jusqu en 1789, comme « chef du département des imposi- tions » et directeur des droits réservés de la Franche-Comté. Cette double tâche le désignait encore plus particulièrement que ses collègues Ethis et Blanchard à l'animadversion des vieux Comtois. Durant tout le xvin siècle les fonc- tionnaires royaux, surtout s'ils maniaient des fonds publics. ont passé auprès de leurs administrés pour des suppôts de la tyrannie et des exploiteurs de la province. On ne s’est pas fait faute de les dénigrer à tort et à raison. Ceux qui en 1814 accusalent le préfet impérial d'avoir fait filer, au moment de l'invasion, un fourgon chargé d'or vers Paris, imitaient les dénonciateurs, toujours prêts à parler, de l’in- tendant de Lacoré et de ses commis. Quoi qu'il en soit de ces inculpations, Jean-Baptiste Griois paraît avoir tenu à Besançon un certain état de maison : on le trouve inscrit comme deuxième surveillant à la Loge de la Sincérité, dont Lacoré était le Vénérable ; mais 1l vécut bon gré mal gré captüf dans le cercle de ses relations officielles, tenu à dis- tance par les indigènes, c'est-à-dire par les familles où se recrutaient le Parlement et les co-gouverneurs de la cité. Sa femme, Jeanne-Elisabeth Duges, est qualifiée la « Belle Rosine » par les chansonniers de l’époque, qui l'accusent en même temps d’avoir figuré à Paris dans les chœurs de l'Opéra. En tout cas elle prenait part comme actrice, ainsi que son mari Comme compositeur, aux divertissements en vers et en prose joués à l'intendance de Franche-Comté. J.-B. Griois, lors de son arrivée à Besançon, venait de se marier; son fils aîné naquit peu de temps après et eut M..et Me de Lacoré pour parrain et marraine. Deux autres fils survinrent à d'assez longs intervalles. Une fille com- pléta la famille en 1778, seize ans jour pour jour après la naissance de l'aîné. 1e second des fils. le futur général, inscrit à la fin de 1778 sur les registres paroissiaux de Sainte- Madeleine sous un one 48 — prénom emprunté plutôt au répertoire théâtral de Favart qu'au calendrier chrétien, fut saisi dès l'enfance par les influences locales et, au cours de sa vie errante, il en a tou- jours retrouvé et marqué avec satisfaction la trace. S'il ne nous dit presque rien de sa famille, 1l n'oublie pas dans ses Mémoires le premier compagnon de ses jeux enfantins (1). Il nous présente également ses premiers maitres et d'un ton qui exclut de sa part envers eux tout sentiment, non seulement de gratitude, mais d'estime et de respeet. Les abbés Marlet et Baverel, le bénédictin Sterque, bibliothé- care de l'abbaye de Saint-Vincent, trahissaient en effet déjà les opinions qui les rendirent plus tard, à des degrés divers, infidèles à leur première vocation. Si Marlet garda intacte sa dignité sacerdotale dans l'Eglise constitutionnelle, Bave- rel, pamphlétaire et clubiste pendant la Terreur, abdiqua son état et ses croyances et finit à Besançon isolé et méprisé, occupé à des travaux de compilateur et de chroniqueur local. Le second, retiré dans sa ville natale de Salins, y mourut marié et commissaire de police. De 1784 à 1790, Griois fréquenta les cours du collège de Besançon. Son esprit naturel, développé par son goût pour la lecture, lui valut des succès dans ses classes : le milieu où il vivait lui en fit chercher d’autres et c’est avec une sin- cérité analogue à celle de l’auteur des Confessions qu'il fait étalage dans ses Mémoires de ses débuts assez humiliants dans la carrière où il suivait ses modèles imaginaires, Ché- -rubin et Faublas. Mieux vaut l’entendre nous entretenir d’abord de ses ami- tés d’adolescent. Outre deux fils de parlementaires, Terrier (x) Voici le passage omis, je ne sais pourquoi, dans lédition impri- mée : « J’ai encore présents les amusements que je partageais avec Courty de Romange, à peu près de mon âge (oncle du marquis de Laplace actuel) et je vois encore les griffonnages dont à l’envi l’un de l’autre nous couvrions de vieux imprimés que mon père avait lais- sés à notre disposition. Je ne sais quelle cause me sépara prompte- ment de ce premier camarade que je n'ai jamais revu depuis ». Po de Santans et Mareschal de Longeville, qui paraissent l'avoir tenu à distance, il eut pour condisciples Joseph Droz, un immortel, au moins à l’Institut; Pajol, le futur général, Ordinaire, le futur recteur. Avec ces derniers, il fit partie en 1790 d'une société de jeunes gens, semi-littéraire, semi- gastronomique, succédané ou contrefaçon de la franc-maçon- nerie, dont Nodier devait continuer la tradition, sous le nom de Philadelphie, à l'Ecole centrale de l'an IV. Au moment où 1l achevait ses études (1790). le torrent révo- lutionnaire sortait de son lit, semant partout les ruines. Son second frère habitait déjà Paris, en possession d’un emploi. Quant à lui, son père eût voulu le voir entrer dans ses bureaux et suivre la carrière qu'il avait parcourue Tui-même ; mais les intendances disparaissaient alors avec l’ancien régime. Le jeune homme dut chercher fortune ailleurs ; il ferma ses livres de droit à peine ouverts, s’appliqua aux mathématiques et partit dans l'été de 1791 pour Chälons-sur-Marne; il devait y préparer ses examens à l'Ecole d'artillerie récem- ment fondée dans cette ville. Il y fut reçu élève sous-lieute- nant au mois de mars suivant, le 26° sur une promotion de 47 sujets qui comptait, sans parler de trois autres Comtois, trois futurs amis de Bonaparte : Muiron, Duroc et Marmont. I] en sortit après quelques mois, chassé par la menace de l'invasion prussienne, traversa Paris au milieu des massacres de septembre et se réfugia à Besançon, où 1l retrouvait sa famille dans une situation périlleuse. Son frère aîné venait d'émigrer et devait périr l’année suivante en Alsace, dans les rangs des soldats gentilhommes de Condé. Pour lui, il s'éloigna bien vite, dès qu'il eut reçu sa nomination au 4° d'artillerie, en garnison à Grenoble. Quant à son père, privé depuis deux ans de ses fonctions, il continua à vivre à Besançon de sa pension de retraite et essaya d'y faire acte de patriotisme à sa manière, pour désar- mer l'hostilité que son passé inspirait aux maîtres du jour. En décembre 1793, on voit l’ancien fonctionnaire royal offrir à 4 la municipalité une somme de 1,206 franes en numéraire qu'il échange contre des assignats, plus un double louis en or, destiné à payer des chemises à l'usage des volontaires nationaux (1). Ildut quand même, pour éviter une arrestation imminente, se retirer à Chalon-sur-Saône, où il vécut, sans être inquiété, plus d’une année. Pendant la période de la Terreur, le jeune sous-lieutenant fit campagne à l’armée des Pyrénées-Orientales, sous Dago- bert et Dugommier. Îl n'y fut pas blessé, — il ne le sera d’ailleurs jamais au cours de sa carrière, — mais il y fut atteint par la gale et par une fièvre chronique ; aussi le vit-on reparaître à Besançon au commencement de novembre 1795, muni d’un congé de convalescence qu'il aura l’art de faire prolonger de mois en mois durant plus d’un an. Royaliste de cœur, rebuté par l'indiscipline dont les offi- ciers de la nouvelle génération donnaient l'exemple, écœuré par l'obligation où il s'était trouvé de tutoyer son propre général, Griois en revint à l’idée de trouver un emploi dans l'administration civile. Son père en ayant recouvré un, grâce à je ne sais quelles influences, d’abord comme receveur général à Vesoul, puis comme payeur du département du Doubs, il obtint auprès de lui une place dans les bureaux de la Trésorerie et donna sa démission d'oflicier (mars 1799). Au fond, le goût de la dissipation, tel qu'il sévit sous le Directoire, dominait pour l'instant dans ses préoccupations et la passion du jeu était venue se joindre en lui à celle du plaisir. Survint la réaction jacobine de fructidor an V. Cinq mois après, Griois père, de nouveau destitué,: partait avec son fils pour Paris ; ils y reprirent sous une nouvelle forme, l’un sa vie d’affaires, l’autre sa vie dissipée. M®* Griois mère (1) Délibération du Conseil de la Commune de Besançon. Séance du 14 frimaire an II. Dans une autre délibération (15 brumaire an ITT), le Conseil accorda ._ à J.-B. Griois un certificat de civisme « attendu qu’il n’avait point eu de part à l'émigration de son fils [ainé| ». ne les suivit pas : elle demeura à Besançon. malade. et mourut peu de temps après (22 octobre 1798). Ce fut pour son fils une nouvelle occasion de regagner momentanément son lieu de naissance : il y resta un mois. occupé à liquider la succes- sion maternelle. [ny devait plus revenir qu en 1803. en pas- sant, par hasard. afin d'y revoir des amis toujours de plus en plus rares. Rentré à Paris, il reprit son existence oisive, perdit au jeu ses économies, s égara au milieu des mauvaises com- pagnies du Palais-Rovyal. bref se trouva dans une situation assez précaire pour solliciter humblement et inutilement sa réintégration dans l’armée. Heureusement pour lui, après l'avènement du régime consulaire et grâce à ses camarades de l'Ecole de Châlons. Marmont et Duroc. il obtint de rentrer comme capitaine en second à l’armée dite de réserve. qui allait gagner en Italie la bataille de Marengo. S'il n'assista point à cette dernière affaire, ilétait présent à l'entrée triomphale à Milan. et trouva dans cette ville l'occasion d'un court tête à tête avec Bonaparte. Ainsi rendu à sa véritable vocation. 1l allait. pendant les douze années suivantes, appartenir à l'armée d'Italie et résider ou combattre sur divers points de la Péninsule, sauf pendant de courts séjours à Grenoble, à Chambéry, à Brest. à Auxonne « la plus détestable garnison de France » et une courte campagne en 1809 dans l’armée du vice-roi Eugène, qui le conduisit jusqu'à Vienne. Soldat de l'Empire, il servit loin de l'Empereur, c'est-à-dire du centre d'où rayonnaient les récompenses et les faveurs. I vit le feu toutefois dans le royaume de Naples en 1806, et, lors de l'expédition de Calabre, il fut le témoin de la défaite du général Reynier par les Anglais à Santa-Eufemia. Entre temps, Griois administra ou commanda le 4° d’'ar- üllerie à cheval, dont il devint colonel Le 23 juin 1811. I tint garnison à l'île d'Elbe, à Plaisance, à Vérone enfin pendant quatre ans. [l n'a eu alors à son service, pour égayer dans ses Mémoires le récit de sa vie monotone que le souvenir HR de ses liaisons amoureuses avec les « honnestes dames » du pays, comme dit Brantôme : le laissez-aller des mœurs italiennes lui avait fourni à cet égard une riche matière, Nous savions déjà par Thiébault et d'Espinchal les con- quêtes à la don Juan qu'aimaient à faire à l'étranger, entre deux batailles, les officiers de Napoléon, conquêtes dont ils ont ensuite relevé la chronique avee une indiscrétion cynique, comme un appendice aux bulletins de la Grande Armée. Griois s’est abandonné sans cesse à la contagion commune, et cette Minerva Venturi dont il nous détaille avec complai- sance la folle passion à son endroit semble avoir été dans son existence ce que furent la comtesse de Norstein et la marquise d'Albinosa dans celle de d’Espinchal, Pauline Ricciuli dans celle de Thiébault. Passons vite sur ces misères. Griois s'offre à nous sous un meilleur aspect comme voyageur et comme amateur des des beaux-arts. Il tenait de sa mère la passion de la musique et du théâtre. De bonne heure, il s'était adonné à la pein- ture ; toutefois ses talents dans cette partie ne l'ont pas même fait parvenir à la réputation discrète, mais certaine de ses camarades Lejeune et Athalin. Jeune officier passant à Paris, en ces moments de trouble profond où la vue de la patrie en danger armait les uns pour la défense nationale et les autres pour les massacres de suspects, 1l va entendre le Roland de Piccini à l'Opéra et contempler dans une église de Carmélites la Sainte Madeleine de Lebrun. Plus tard, durant ses loisirs ou ses déplacements de garnison, il visite en touriste intelligent les principales villes de l'Italie. Il est heureux pour lui qu'il n'ait pas goûté de semblables distrac- tions dans un pays livré par son fait aux misères de la guerre, car peut-être n'eût-il pas résisté aux tentations auxquelles plusieurs de ses camarades, son compatriote Lecourbe entr'autres, ont succombé ; mais l’occasion lui manqua pour s'emparer, en vertu de la raison du plus fort, des tableaux qu'il admirait. D'ailleurs un jour, à Florence, comme il ST bae remarquait que le piédestal placé au centre de la célèbre Tribune était vide : « Elle était là, la Vénus de Médicis, lui dit un des directeurs qui l’accompagnaient ; nous n'avons rien mis à sa place, car rien ne pouvait remplacer une sta- tue qui était la gloire de Florence » et le Français, se sou- venant que la Vénus était prisonnière au Louvre, ne trouva rien à répondre. Le même jour, au célèbre Baptistère, une scène qui s'offrit par hasard à ses yeux lui suggéra des impressions esthé- tiques d'un tout autre genre. Un capucin, sous son humble froc, présentait un enfant sur les fonts baptismaux à l’arche- vêque couvert des plus riches ornements. « Ce spectacle, éerit-il, me rappelait un tableau du Carrache où l’on remarque une figure séraphique de capucin dont celui que j'avais sous les veux semblait avoir été le modele. L'ensemble de cette cérémonie eût offert le sujet d’un superbe tableau et je ne l'oublierai jamais. » De même, à la Santa Casa de Lorette, tout en raillant la dévotion superstitieuse qui y règne, il se sent tout à coup saisi d’une pieuse émotion en entendant au dehors le chant des pèlerins qui font le tour de la maison vénérée. « Ce cantique simple, expressif, exécuté par des voix italiennes des deux sexes. était vraiment d’un effet magique. » | | Des traits de ce genre sont rares dans ses notes de voyage. S1l va à Rome, tout en se laissant prendre par le charme indéfinissable de la cité des papes, e’est au milieu des fêtes de carnaval qu'il s’attarde, c'est dans les théâtres qu'il se rend de préférence en pèlerinage. Il entre à l’occasion dans les couvents, mais nulle part, même à la Grande Chartreuse, il ne rapportera que le souvenir d’un paysage pittoresque ou, ailleurs, celui d'un plantureux dîner. En bon philosophe qui de longue date a appris à croire en Jean-Jacques plus qu'en Jésus, il insiste sur la contradiction perpétuelle que les [taliens ont établie entre leurs mœurs et leurs croyances, Avec cela, 1l se montra sensible, toujours comme — ho — un disciple de Rousseau, au spectacle des merveilles ou des phénomènes de la nature. [l admire les forêts de sapins du Tyrol ; en contemplant au clair de lune les îles fleuries du lac Majeur, il s’abandonne une partie de la nuit à ses réveries. Il ne lui suffit pas de contempler les sites et les monu- ments, il est aussi porté à observer les hommes. Ses Mémoires fourmillent de portraits tracés en quelques lignes, qui prouvent son aptitude à saisir sur le vif et avec justesse des impressions exactes sur le caractère de chacun, I faut signaler à part les pages qu'il consacre à Paul-Louis Courier, l'helléniste en uniforme et à André Hofer, le patriote tyro- lien. De l’un il a vite reconnu les brillantes qualités intellee-. tuelles, mais aussi l'humeur fantasque et la complète inap- titude au métier militaire. Il à eu la curiosité de visiter l'autre dans sa prison, s’est entretenu avec lui, n'a pas pu s'empêcher d'admirer sa tranquillité d'âme, s’est retiré « pro- fondément ému » et depuis a gardé son portrait. En novembre 1804. Griois était allé, à la tête de son régiment, au devant de Pie VIT, traversant l'Italie du Nord pour se rendre au sacre de Notre-Dame de Paris. Admis à son audience il crut, comme l'Empereur quelques.jours plus tard à Fontainebleau, que le cérémonial de réception à l'usage des croyants n'était pas fait pour lui. « (Le pape). dit-il, me reçut avec bienveillance et, sachant bien que les Français ne poussaient pas l'humilité jusqu'au baisement de sa pantoufle, il me présenta obligeamment sa main, sur laquelle je m'inclinai. » Quelques mois après, ce réfractaire à l'étiquette pontificale vit de même, avec satisfaction, que l'étiquette impériale comportait des tempéraments favorables à la ci-devant égalité républicaine. Napoléon, après son cou- ronnement à Milan, visita son royaume d'Italie et passa par Plaisance. Griois remarqua avec plaisir que l'Empereur, en s'entretenant avec lui, l'avait mis parfaitement à l'aise. Il lui sut gré d’avoir témoigné à ceux qui portaient son ancien D'UN uniforme « la simplicité d'un bon et aimable camarade ». Six ans plus tard, il n’en était plus de même: quand Griois, en 1811, vint en congé à Paris, il eut en face de lui, non plus un soldat heureux, mais le mari d'une archiduchesse: il assista deux ou trois fois aux grands levers du dimanche. où l'Empereur daigna lui adresser la parole ; mais 1l se montra plus assidu aux réunions publiques et aux bals de l'Opéra où, avoue-t-il, « les occasions de plaisir s’offraient d’elles- mêmes ». Au milieu de cette existence pacifique et pourtant agitée, Griois gardait dans un coin de son cœur volage une tendre fidélité au pays où il était né et qu'il ne devait plus revoir. Depuis le jour où il l'avait quitté, 1l avait cherché toutes les occasions de l’attester en recherchant ses compatriotes de Franche-Comté. La liste, dispersée dans maintes pages de ses récits, des Francs-Comtois qu'il a rencontrés en France et en Italie, est longue. C’est d'abord à Paris. sous le Direc- toire, M®° Girod de Vienney, née Jaquot d'Andelarre et Me de Villers-Vaudey, fille de d'Arçon. La première, sépa- rée de son mari, employé dans les colonies, à l'exemple de certaines dames de l'émigration. tenait le jour un magasin de drap et, le soir, ouvrait son salon, où elle recevait une société un peu mélangée, mais en somme brillante. Griois, ainsi que son père, figurèrent là en qualité de Bisontins. D'autre part, chez le restaurateur où ils avaient pris pension, ils retrouvaient plusieurs compatriotes, entr'autres Bureaux de Pusy, fils ou neveu du constituant qui présida à l'organi- sation de la France en départements. Une fois établi en Italie, Griois eut assez fréquemment occasion d'échanger l'expression de communs souvenirs avec des officiers nés comme lui en Franche-Comté, les colonels Buchet et Ruty, le major Sappel. les capitaines Courvoisier et Daclin, Îles leutenants Legriel et Girard, le chirurgien-major Bohan, le sous-inspecteur aux revues Beaufils. ainsi qu'une ancienne _ amie d'enfance, rencontrée par lui un jour. dans un château 06 — près de Paris, Me de Falletans, alors femme du colonel de cavalerie Gaspard Thierry. Jusqu'en 1812, Griois mena en Italie une vie relativement sédentaire, partagée entre ses occupations professionnelles et ses distractions artistiques ou mondaines, qui lui étaient également chères. Les dernières guerres de l’Empire devaient l’amener à la Grande Armée et lui donner lieu de rédiger la partie la plus intéressante de ses Mémoires. À partir de 1812, Griois prit part à la grande guerre; il suivit l'Empereur en Russie et combattit sous ses yeux en Saxe et en France. Il fit la première de ces campagnes comme commandant de l'artillerie dans le 3° corps de cavale- rie, celui de Grouchy. Les deux cents pages où il l’a racontée suffiraient à le recommander aux historiens. Elles ont été écrites peu de temps après les célèbres récits de Ségur sur le même sujet. Elles sont moins colorées, partant plus vraies. L'auteur n'a point vécu, comme son devancier, au centre des événements, c'est-à-dire au quartier général. Tandis que ses camarades s'oubliaient à Moscou dans un repos déjà traversé par de cruelles épreuves, il battait la campagne à la suite de Murat et errait de bivouac en bivouac aux environs de la vieille capitale, soutenant de son canon, dans des rencontres quotidiennes, une troupe qui se rédui- sait de jour en jour et qui. des le début de la retraite, fut réduite à rien (700 hommes pour un corps qui comptait onze régiments). Griois, ne recevant plus d'ordres de personne, se vit forcé d'abandonner successivement, d’abord les cais- sons vides, puis les caissons chargés, puis un à un les canons, faute d’attelages. Il était réduit à l’état d'’officier sans troupes, au milieu de la débâcle commencçante, lors- qu'il fut recueilli au corps du vice-roi Eugène. En quelques jours c'en fut fait de son nouveau commandement. Après le passage du Vop, non moins désastreux, mais moins connu que celui de la Bérésina, il se retrouva un pauvre homme perdu au milieu de la foule déguenillée, affamée, démoralisée : 1l suivit machinalement son chemin, sur son petit cheval polo- nais, une seule chemise dans son porte-manteau, un seul gant pour couvrir successivement ses deux mains à demi glacées, son sabre dont la lame était cassée à son côté. Au milieu de cette détresse, il a pourtant noté dans sa pensée, et plus tard dans son livre, en traits ineffaçables, les soui- frances qu il a subies ou contemplées et aussi, avec la même impassibilité apparente, les traits d'héroïsme ou d'égoïsme extraordinaires dont il a été le témoin. Il décrit en deux ou trois pages saisissantes l'emploi de ses tristes journées, heure par heure, de la Bérésina à la frontière russe, en proie aux cosaques dans la campagne, aux juifs dans la traversée des villes. Comme conclusion à ces lamentables histoires, le soldat échappé de Russie et réfugié en terre prussienne hasarde quelques détails d'un réalisme de tout autre genre qui font, par un pénible contraste, suecéder au tableau des misères de l'humanité celui de ses faiblesses volontaires. L'année 1813 commença bien pour Griois. Il fut nommé, sans doute par la protection de Duroc, major à l'artillerie à pied de la garde ; il assista, en cette qualité, aux batailles de Dresde et de Leipzig et fut au premier rang à Hanau, où ses canons frayèrent le passage à Napoléon vaincu et en retraite vers le Rhin. Quelques jours après, à Franclort, 1l était présent sur l’esplanade, à la tête de ses batteries, lorsque l'Empereur sortit de la ville. « Les troupes, éeritl, le saluërent avec transport. Quant à moi, c'est, je crois, la pre- mière fois que j'aie crié : Vive l'Empereur! Mais je le fis avec un véritable enthousiasme ; j’admirais sa constance et je l’aimais mieux dans les revers que dans la prospérité. » Jusqu'à la fin de sa vie active, Griois n'exerça point, _vu son grade, de commandement vraiment supérieur et ho indépendant. Dans la situation subordonnée où il resta placé, il n'en jugeait pas moins #7 petto les opérations stratégiques ou tactiques auxquelles il prenait part. Il a noté d’une façon favorable ou défavorable certains maréchaux ou généraux et s'est même donné la satisfaction de dire ce qui, à son avis, avait rendu incomplète la victoire à la Moskowa ou préparé la défaite à Leipzig. Murat et Ney, les deux braves des braves, demeurent en somme ses héros. Pendant la dernière campagne, celle de France, Griois fit son devoir avec un dévouement que n'exaltait plus l'espoir d'une fortune personnelle brillante. Il était alors passé avec son grade dans l'arüllerie à cheval. On le trouve présent à toutes les affaires importantes et un jour, le lendemain de celle de Vauchamps, il entendit Napoléon assaillir d’un tor- rent d'invectives un de ses lieutenants, qui avait laissé tomber quelques-uns de ses canons aux mains de l'ennemi. « Je puis assurer, dit-il, que j'ai rendu la plupart des phrases telles qu’elles ont été prononcées... Ce n’était plus le héros des siècles, ce n'était plus qu'un homme qui délirait de fureur. » Quelques jours après, avec son artüllerie, il arrivait à Montereau pour achever la victoire décidée par les charges de son ami de jeunesse, Pajol. « Nous nous arrêtämes quel- ques instants ensemble pour examiner la direction que prenaient les vaincus et on les poursuivit à coups de canon aussi longtemps que le jour le permit. » Même après la prise de Paris, Griois resta reconnaissant et fidèle. Un moment il fut tenté de demander à Napoléon de l'accompagner à l'île d'Elbe, mais il eraignit de n'être pas accueilli, de faire de la peine à son vieux père en s’exi- lant ainsi, etil accepta un emploi dans le service des places, comme directeur d'artillerie à Mézières. Quand Napoléon revint en 1819, malgré ses sincères protestations de l’année précédente, il se refusa à le suivre dans l’armée active. «Maintenant je ne voyais plus en lui qu'un ambitieux qui avait cédé à la force et qui n'avait feint de s'immoler à son Moore pays que pour attendre l'occasion favorable de se remettre la couronne sur la tête. » Il se borna à présider aux travaux de défense de Mézières, et il contribua plus que personne à obtenir pour cette place, après deux mois de siège par les Prussiens, une honorable capitulation. L'Empire tombé pour la seconde fois, Griois fit encore, pendant dix ans, partie de l’armée ; mais confiné dans ses fonctions sédentaires au Hâvre, il se borna à consigner briè- vement sur ses cahiers ses déplacements momentanés à Paris, à Rouen et dans d'autres coins de la Normandie, pour revoir son frère, son père, ses anciens ou ses nouveaux amis. Parvenu à l’âge de cinquante ans, il demanda et obtint sa retraite, ainsi que le grade de maréchal de camp honoraire auquel les règlements lui donnaient droit après dix ans de service comme colonel. Il vint s'établir à Paris, rue Cadet, et y vécut à peu près exclusivement dans le cercle de sa famille. Un de ses frères. fonctionnaire civil mis à son tour à la retraite, vint peu après le rejoindre, ainsi que son père arrivé aux dernières limites de la vieillesse. La lecture, la peinture. les cours de l'Athénée, le spectacle, occupaient ses journées et ses soirées. Entre temps. il repassait les notes rapides et succinetes qu'il avait prises au cours de ses campagnes et1l forma, vers 1826, le projet de les développer en un récit suivi. Le 20 fé- vrier 1827, ainsi qu'il a pris soin de le constater, il se mit à l'œuvre. Ses premières lignes, qui ont été omises dans le texte imprimé, sont à citer comme formule de la façon dont il en- tendait l’histoire et de l'opinion qu'il conservait de lui-même : € Dans la retraite et la solitude qui, chaque jour. devien- nent plus entières, j'aime à repasser les divers évènements de ma vie. Agréables ou pénibles, tous ont du charme pour moi. Les uns font renaître en quelque sorte ces temps de jeunesse et d'illusions où les plaisirs du moment s'embellis- sent des rêves de l'avenir. Les autres, au contraire, en me reportant à des jours de sujétion, de fatigues et de misères, — 60 — font savourer avec plus de délices la tranquillité d'âme, l'in- dépendance et le repos dont je jouis pleinement aujourd'hui. N'ayant d'autre but... que de ménager à ma vieillesse matière à ses souvenirs et à ses solitaires réflexions, je n'ai eu garde d'en faire un travail qui eùt d’ailleurs peu convenu à ma paresse d'esprit qui augmente chaque jour. Ce n'est donc que de loin en loin que j'ai employé une heure de mes loisirs à écrire quelques pages de ces espèces de mémoires. L'exactitude et la vérité étaient les qualités qui m'impor- taient le plus pour l’objet que je. me proposais et ce serait involontairement que | y aurais manqué ; ce sera aussi leur seul mérite. Probablement je n'aurais pas réussi en cher- chant à rendre cette suite de dates et de faits moins fasti- dieux par la manière de les raconter, mais je ne l'ai pas même essayé et si, avant de mourir, je ne les pas ai jetés au feu et que quelque parent ou ami y jette un coup d'œil de curiosité, je l'avertis d'avance qu'il y trouvera sans doute peu d'intérêt. Mais il pourra remarquer que celui qui les éerit sut toujours, par caractère et par principe, envisager les événements sous l'aspect le plus favorable et, constamment exempt d'ambition, de haine et de toutes les passions qui troublent le bonheur et augmentent les peines, ne laissa jamais échapper l’occasion d’être heureux et, persuadé que chaque âge a ses jouissances, eut le bon esprit de ne jamais regretter celles que les années lui enlevaient et fixer, je l'espère, sa carrière dans les mêmes sentiments et avec la même tranquillité d'âme, pouvant se rendre le témoignage de n'avoir sciemment et de sa seule volonté fait de mal à personne et d’avoir toujours fait consister son bonheur à en faire jouir, pour autant qu'il était en lui, tous ceux qui l’entouraient. » | Son père, l’ancien commis de Lacoré, frappé coup sur coup de deux attaques d'apoplexie, lui avait été enlevé le O juin 1829, à l'âge de 94 ans. Ce survivant d'un autre temps était devenu pour le vieux soldat un ami qu'il allait pe ee voir journellement et qu'il entourait de sa respectueuse défé- rence. Îl lui consacre une oraison funèbre toute empreinte d'amour filial : « Quelques jours avant sa mort, qui fut aussi douce et aussi résignée qu'on peut le désirer à une personne qu'on chérit, son esprit avait retrouvé toute sa lucidité, sa conver- sation était même plus aimable et plus affectueuse qu'à l'ordinaire. Son cœur paraissait heureux des soins qui l’en- touraient, et je n'oublierai jamais ce qu'il nous dit l’avant- veille de sa mort: les facultés de son esprit semblaient ce jour-là avoir acquis une nouvelle énergie et il est impossible d'exprimer avec une onction plus éloquente et une plus grande force de raison des idées plus philosophiques et plus sûres sur les principes d'ordre (?) et de vertus que l’honnête homme doit prendre pour règle de conduite et la tranquillité que donne une bonne conscience. J'étais dans l'admiration de ce que j'entendais : 1l y avait quelque chose de surhumain dans l'expression de ses regards et l'autorité de ses paroles. » Après avoir conduit la dépouille paternelle à l’église Notre- Dame-de-Lorette et au cimetière du Père-Lachaise, le géné- ral Griois vit rapidement la solitude se faire autour de lui. Plusieurs de ses intimes, de ses contemporains disparurent coup sur coup. C'était à ses épreuves morales autant qu'à ses infirmités physiques qu'il cherchait un soulagement lorsqu'au milieu de juillet 1830, il partit pour la Suisse, à destination des eaux de Louèche. Ce voyage paraît avoir été le dernier incident notable de sa vie(r). Sa mort, qui eut lieu à Paris le 24 septembre 1839, passa à Besançon absolument inaperçue. (x) Il est le sujet du dernier chapitre de ses Mémoires. M. Chuquet n'a pas cru devoir le reproduire, comme formant un appendice sans lien avec le reste de l'ouvrage. On peut en lire le texte dans le Bulletin de l'Académie de Besançon, année 1911, n° 4. VICTOR JEANNENEY ARMES RE NPEINIERE EBAPROBESSEUR DE DESSIN (1832-1885) PAR M. Georges BLONDEAU MEMBRE CORRESPONDANT Séance du 25 Mars ON Qu VICTOR JEANNENEY ARTISTE PEINTRE ET PROFESSEUR DE DESSIN (1832-1885) PRÉFACE Victor Jeanneney ! Un de mes souvenirs de jeunesse vésu- lienne, d'avant et d’après la guerre ! Je ne puis penser à lui sans penser à une chaude amitié, à l’art, à la nature et à la gaité française. M. Blondeau nous le présente dans une savante et intéressante monographie ;: le détail d’une vie et d'une profession est souvent ingrat: ici tout nous offre une curiosité réelle, au point de vue de la vie pédagogique et de la vie provinciale. C'est une reconstitution complète d'un homme et d'une fonction, comme aussi d'une ambiance. C’est un hommage et un document. Tout ce que je puis dire de mon côté, c'est que V. Jean- neney était pour mes instants de loisirs, dans mes études littéraires ou juridiques, un foyer d'art et de charme. Se promener avec lui, ne fut-ce qu'un instant quand il allait à une lecon, soit aux Allées. soit sur la route de Saint-Martin, ce n'était pas du temps perdu. Tout en devisant de peinture et d’autres choses adjacentes, on regardait un coin de praiï- rie, un lointain de montagne, — camp de César à Cita ou eôte de Chariez, les jolis saules argentés au bord du Dur- œeon, le Sabot doré par le soleil couchant — et Jeanneney avait toujours le mot juste sur l'impression ressentie, sur le » ) nr caractère intime ou décoratif du paysage. Et quelle source jaillissante de souvenirs sur le pays comtois, sur les vieilles légendes, sur les chansons disparues ! il m'a révélé en partie la vieille chanson : « C'était un pauvre pélerin, en revenant « de Saint-Jacques, linti, lintan, la sonnette dondaine « dondon ». Il me la fredonnait de sa voix grave en souriant, et l’air en était si naïf, si touchant ! — Comme toutes ces musiques populaires qui sont l’'émanation même du senti- ment et qui n'ont rien de commun avec les produits de pur métier, habilement facturés, mais sans émotion et sans portée réelle. Jeanneney n'était pas rien qu'un dilettante et un professeur habile, ayant le sens profond des vocations et des tempéra- ments, c'était aussi un artiste. Ses paysages du Doubs ont un accent de terroir des plus appréciables ; ils sont bien « de chez nous » et de simples fusains de lui évoquent d’une façon à la fois décorative et positive, nos belles rives du Doubs, nos rochers en formes de remparts, nos vallons, sévères en haut par les lignes et les arêtes grises des montagnes et égayés en bas par les frais cours d'eau, les verdures des aulnes ou des peupliers et les reposantes prairies. M. Blon- deau a analysé son œuvre avec une haute conscience. V. Jeanneney est donc une de ces personnalités qu'on n'oublie pas quand on les a approchées et connues ; professeur, il n’était pas pédagogue ; peintre, 1l l'était, sans vanité, mais conscient de ses qualités dominantes ; conteur pittoresque et au besoin gaulois, il savait nous captiver par des récits d'autrefois, comme il savait nous intéresser avec l'histoire même de l’art et des considérations jamais ennuyeuses sur les styles des différentes époques. Vivant et vibrant, 1l l'était à chaque heure du jour ; et peut-être cette surabondance de dépense intellectuelle a-t-elle contribué à sa mort préma- turée. Je verrai toujours sa démarche empreinte de noblesse, sa tête expressive, les yeux d'un noir ardent, son nez busqué, ses cheveux rejetés en arrière et sa barbe bien plantée ; AE j'entendrai toujours sa voix forte et son beau rire franc, le rire en a et en o des cœurs droits, qui est si différent des ricanements en z des gens fermés ou bornés. Jeanneney laisse sur l’art d'excellents écrits comme de bons et sincères tableaux ; tous ses élèves l'ont aimé parce qu'il était bon et judicieux et parce qu'aussi il faisait du tra- vail non pas un ennui, mais une chose attrayante de tous points et où l'attention en éveil faisait passer bien vite les heures d'étude. Quand nous pensons aux morts qui ont possédé une véri- table valeur morale ou intellectuelle, nous sommes repris toujours par le problème le plus grand et peut-être le seul digne d'étude, celui de la Destinée humaine. Certes nous ne pouvons croire que l'enthousiasme, le talent, la bonté, le dévouement, l'effort, soient de purs phénomènes chimiques sortis du néant et engloutis à jamais dans la mort... Je n'en dirai pas plus à ce sujet : Les plus grands ont pensé de même, avec l’Idéal pour guide, de Platon à Pascal et de Corneille à notre grand bisontin Victor Hugo. Ch. GRANDMOUGIN. He fe ü por CHAPITRE PREMIER FrAnçois-VIicTor JEANNENEY, SA NAISSANCE (1832). — SES ÉTUDES DE DESSIN AVEC LANCRENON. — SON PREMIER SALON (1855). — DÉPART POUR PARIS À L'ATELIER DE GLEYRE. — RETOUR A BESANÇON, SON MARIAGE (1856). — SES ENVOIS AUX SALONS ET A L'EXPOSITION DE BESsANÇON (1860). — SON SECOND MARIAGE (1803). — Son cours A L'ÉCOLE DES FRÈRES (1864). À notre époque, où plus que jamais «les morts vont vite » il est indispensable de ne pas. trop tarder, avant que le temps ait achevé son œuvre de destruction, à fixer les traits de ceux qui ont illustré notre Province. En attendant qu'une patiente érudition arrive à réaliser le le projet conçu par Weiss, Castan et Jules Gauthier d'un Panthéon de nos gloires franc-comtoises, nous avons jugé utile d'apporter à cette œuvre grandiose notre très modeste contribution. Dans ce but, nous aurions pu, résumant le travail de nos recherches, exprimer en quelques pages notre admiration pour cette belle et noble figure d’un homme qui sacrifia ses ambitions d'artiste à la cause de l’enseignement artistique. Mais une appréciation personnelle risque souvent de ne pas être strictement exacte. Nous avons préféré laisser parler les documents eux- mêmes, placer le modèle dans le milieu où 1l a vécu et répéter ce qu'ont pensé et dit de lui ceux qui l'ont mieux connu que nous. Et, comme Jeanneney a lui-même exposé, dans ses discours et ses ouvrages, sa méthode, ses théo- ries esthétiques, son idéal et le but constant de ses efforts, nous avons Cru ne pouvoir mieux faire que de reproduire ses propres paroles. En vain, nous reprochera-t-on d’avoir composé notre œuvre moins avec une plume qu'avec des ciseaux. Simple rapsode, si l’on veut, nous n'avons d'autre prétention que d’avoir été un observateur scrupuleux et impartial. C’est ainsi que notre premier mot sera une citation. Jean- neney a porté sur Devosges (1) une appréciation qui peut très justement s'appliquer à lui-même et qui résume toute sa vie : «St Devosges n'est ni un artiste de premier ordre, ni un peintre bien fécond, c’est du moins un initiateur ardent et passionné, un véritable apôtre de l’art, par le cœur et par l’action. » François-Victor Jeanneney né à Besançon le 9 avril 1832 (2), au numéro 95 «de cette rue Saint-Paul » disait Castan 6). « dont on voudrait changer le nom (4), qui évoque cependant plus d’un souvenir se rattachant à notre histoire ». Son père, Jean-Antoine Jeanneney, issu d’une famille de cultivateurs de Boult (Haute-Saône), était venu à Besançon quelques années auparavant pour travailler comme ouvrier à l'imprimerie Chalandre. En 1831, âgé de 28 ans, il s'était marié avec « dame Marguerite Guillemey » de Pouilley-les- Vignes (Doubs) et s'était établi à son compte comme impri- meur, La modeste industrie du père Jeanneney consista d’abord à exécuter les quelques imprimés que la préfecture, l’archevêché et les principaux négociants de la ville ne con- fiaient pas à la maison Chalandre. Il essaya d’y adjoindre peu à peu des travaux lithographiques, parce que cette (1) Biographies d’artistes destinées à un catalogue raisonné du musée de Vesoul (Voyez infra, Avenir de la Haute-Saône du 20 sep- tembre 1883). (2) Archives municipales de Besançon, registre des naissances, 1832, n° 263. (3) Eloge funèbre de Jeanneney dans le Courrier franc-comtois du 7 janvier 1886. (4) Actuellement rue Bersot. industrie nouvelle paraissait plus rémunératrice. Un ou deux ouvriers, bons dessinateurs, suffisaient, avec le patron qui possédait un assez joli coup de crayon, pour satisfaire aux exigences de la rare clientèle artistique de l’époque. C'est dans ce milieu mi-artisan, mi-artiste que furent éle- vés François-Victor Jeanneney et son frère, Albert-Ferréol, ce dernier plus jeune de dix-huit mois. Le père de famille avait projeté de faire de l'aîné de ses fils son successeur et destina le cadet au commerce, où 1l réussit d’ailleurs à acqué- rir une petite fortune (1). Dès son jeune âge, François- Victor montra d'heureuses dispositions pour le dessin. On s'imagine facilement le bambin jouant dans l'atelier pater- nel, regardant avec curiosité les planches nouvellement sorties de la presse et s'essayant, d’une main inhabile, à reproduire ces belles images. Antoine Jeanneney, loin de combattre le penchant naturel de son fils, l’'encouragea, persuadé que l'étude du dessin pourrait lui être d'un grand secours dans la carrière où il paraissait désigné pour le remplacer. Aussi, sans attendre qu'il ait quitté les bancs de l’école communale des Frères, il le fit inscrire aux cours du soir de l’école municipale. L'école des Beaux-Arts de Besançon, fondée au siècle pré- cédent par Luc Breton et Melchior Wyrsch (2), était alors dirigée par un homme dont la postérité a oublié aussi bien le talent comme artiste que les services rendus comme pro- fesseur. Joseph-Ferdinand Lancrenon (3), élève préféré de Girodet-Trioson, avait eu ses heures de célébrité à Paris comme peintre d'histoire, mais il jouissait, parmi les artistes, d'une faveur plus grande comme dessinateur. La (1) Son fils, le capitaine Louis Jeanneney a légué à la ville de Besançon une partie de sa fortune et la maison paternelle. (2) Aug. CasrTan. L'ancienne école de peinture et de sculpture de Besançon (1750-1791), histoire, notices, annales (Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs, 1889, p. 105 à 116). (3) Aug. Casran. Notice sur le peintre Lancrenon (Ibidem, 1874, P'T2à 32). = 52 — révolution de 1830 l'avait ramené en Franche-Comté, son pays natal. Nommé conservateur du musée de Besançon en 1894, puis directeur de l’école des Beaux-Arts en 1840, il suivait en tous points la méthode d'enseignement de son maître et les princines de l'Ecole de David, c'est-à-dire le classissisme le plus rigoureux. Comme Ingres, il pensait que le dessin est la probité du peintre, aussi, poussant à l'excès le mépris de la couleur, il exigeait que l'élève s'appli- quàt avant tout à réaliser la perfection de la ligne. L'enseignement du père Lancrenon, violemment attaqué - par les partisans de l'Ecole romantique, a produit toute une phalange d’artistes qui ont honoré notre Province. Outre ses trois principaux élèves qui arrivèrent au prix de Rome, Gia- comotti, Machard et Chartran, nombreux sont les lauréats des expositions de peinture, qui se souvinrent d’avoir donné leurs premiers coups de crayon dans l’ancienne orangerie du Palais Granvelle (1). Bavoux et Victor Jeanneney étaient les élèves les plus laborieux de cette époque ; ils « rendaient en gratitude au professeur ce que celui-ci leur prêtait en conseils affectueux ». En quelques années, le goût artistique s'était développé à un tel point chez le jeune Jeanneney que, devenu un dessinateur habile, 1l se sentait capable de rendre des services à son père. Aussi celui-ci le laissa-t-il négliger ses études classiques, pour le prendre, dès l’âge de seize ans, dans son atelier de lithographie. Mais l'ambition du maître rêvait pour son élève préléré de plus brillantes destinées que l’arrière-cour obscure de la rue Saint-Paul. Aux cours de dessin du soir, succédèrent pen- dant la mauvaise saison, des leçons gratuites de peinture dans l'atelier du disciple de Girodet. Les progrès de l'élève (1) L'école de peinture et sculpture était installée au xvirr° siècle dans une des salles du Palais Granvelle, elle fut après la Révolution, transportée dans un bâtiment situé dans le jardin, ayant servi autre- fois d’orangerie. Ce bâtiment fut démoli pour l'élargissement de la ruelle Mairet et reconstruit tel quel à Chastres-Montjoux. CR furent si rapides qu'au bout de quelques mois il passa de la copie à la composition des natures mortes. Son premier portrait, daté de 1854, œuvre de jeunesse mais aussi de piété filiale, est celui de son père, dont celui-ci se montra particu- hèrement fier et satisfait (1). Durant l'été, Lancrenon emme- nait avec lui quelques-uns de ses élèves dans son village de Lods, pour leur faire admirer les beautés naturelles de la vallée de la Loue. C'est là que Jeanneney sentit se révéler en lui le talent du paysagiste, dans lequel il excella ; et, toute sa vie, 1l conserva pour ce coin délicieux de notre Franche-Comté, un amour qu'il traduisit avec bonheur dans plusieurs de ses toiles. L'influence du Maître, jointe au hasard des événements, réussit à arracher définitivement le jeune artiste aux presses d'imprimerie. « L'annonce de l'Exposition universelle de 1855 « éveilla chez Jeanneney la volonté de faire œuvre d'artiste ; € il produisit alors, entièrement de verve, un vaste paysage, « qui résumait, comme en une synthèse, les traits caracté- « ristiques de la nature franc-comtoise ». Cette entreprise, singulièrement téméraire de la part d'un jeune homme de vingt-deux ans, réussit au delà de toute espérance. Lanere- non, qui avait suivi le travail de son élève avec une indul- gente curiosité, se déclara pleinement satisfait et engagea Jeanneney à présenter sa toile au jugement de la commission départementale, chargée de faire parvenir à Paris les meil- leures et les plus intéressantes parmi les œuvres des artistes franc-comtois. La jeunesse du peintre et son manque de notoriété faisaient hésiter les commissaires, tuteurs officiels de l'Art ; Lancrenon intervint, recommanda chaudement son élève et emporta un verdict favorable. Or, il arriva que la totalité des œuvres des artistes n'ayant pas encore exposé, = (1) Antoine Jeanneney est représenté de 3/4 à gauche, drapé dans un long manteau noir, la main droite appuyée sur une balustrade. L’attitude manque de souplesse, mais la ressemblance, au dire des contemporains, était parfaite. que la commission départementale du Doubs envoya à Paris, fut refusée en bloc. Seule, la toile de Jeanneney trouva grâce devant la rigueur du haut jury de l'Exposition universelle. Bien plus, elle reçut une place d'honneur et fut acquise par l'Etat. « Je la vois encore, dit Castan, placée dans un salon « qui, en dehors de ce paysage franc-comtois, était exclusi- «€ vementrempli des œuvres magistrales d'Horace Vernet(1).» Ce succès ne pouvait manquer de susciter des jalousies parmi les jeunes, et la mauvaise humeur des vétérans de la palette. Un critique, plus sévère qu'avisé, s'en fit l'écho dans un compte-rendu de La Franche-Comté au Salon de 1855(2. « Messieurs Jeanneney et Lancrenon », écrivait Firmin Maillard, « ont exposé des Têtes assez insignifiantes «et que, pour notre part, nous n’aimons pas beaucoup ». La 2 réplique était facile, Jeanneney n’eut garde d'y manquer. Dans une lettre, insérée dans l’/mpartial du 17 août 1859, il fit remarquer que l’une de ces têtes insignifiantes, la sienne, se trouvait être précisément un paysage, portant le n° 34046). Maillard s’en tira en rejetant la légèreté de son appréciation sur une faute de composition du journal. « Sa copie, disait-il, portait le mot toiles au lieu de têtes (4) ». Infortunés typos, ils avaient déjà à cette époque les reins solides ! Cette critique, loin de nuire au jeune peintre, lui donna la notoriété en accolant son nom, jusqu'alors inconnu, à celui de l'élève de Girodet et en lui donnant même le pas sur son maître, fort égayé de l'incident. Elle eut aussi pour résultat de montrer à Jeanneney la voie dans laquelle il devait désor- mais s'engager, la carrière artistique. L'imprimeur de la rue Saint-Paul ne vit pas sans regrets l'évanouissement de ses rêves d'avenir, mais il comprit que la vocation de son fils (1) Article du Courrier franc-comtois du 7 janvier 1886, cité plus haut. (2) Journal l’?mpartial, numéro du 6 août 1855. (3) Ce paysage animé de quelques personnages, a pour titre: Les pèlerins au Moyen-âge. (4) L’Impartlial du 20 août 1855. F M priiyi ee 3 était irrésistible et. sur les instances de Lancrenon, l’auto- risa à partir pour la capitale. A l’automne de 1855, le jeune artiste, libéré du service militaire par le tirage d'un bon numéro à la conscription (1), arriva à Paris avec quelques pièces blanches dans sa poche et une lettre de recomman- dation de Lancrenon à Jean Gigoux, priant ce dernier de le faire entrer dans l'atelier de Gleyre (2), son condisciple à l'ancienne Ecole de David. Victor Jeanneney se plaisait plus tard à raconter à ses élèves et à ses amis la réception que lui avait faite le célebre professeur. Dans son imagination provinciale, enthousiasmé par l'étude des grands maîtres de la Renaissance, il s'était représenté le Maître, à l'instar de nos artistes parvenus d’au- jourd'hui, trônant en Jupiter olympien, dans un vaste et luxueux palais, au milieu de richesses d'art accumulées et d'élèves suspendus à ses lèvres. — Nous sommes loin de cette époque qui ignorait la munificence des rois du pétrole et de l'acier, Mécènes milliardaires de l'Art contemporain. Jeanneney cherche la demeure de Gleyre et gravit un escalier en bois qui mène aux combles ; il frappe, pas de réponse, il pousse une vieille porte et s'arrête interdit. Dans un atelier assez vaste, mais bas de plafond et mal éclairé, où le désordre poussiéreux est moins un effet de l’art que de l'absence d'un balais. se tient un petit homme, vieux avant l’âge. Vêtu d’une blouse maculée de taches, le cou enveloppé dans un épais foulard, sur la tête un Îez crasseux rapporté dhOrient.. c'est le Maître ! Jeanneney ahuri, passe à tout (1) Voir son acte de mariage du 12 novembre 1856, infra. (2) Glevre (Marc-Charles-Gabriel), né à Chevilly (Suisse) de parents français le 2 mai 1806, mourut à Paris le 5 mai 1874. Destiné, à raison de son goût pour les beaux-arts, au métier de dessinateur de fabrique, il fut envoyé à Lyon. Mais, désireux de devenir un peintre, il alla à Paris, fit un voyage à Rome puis en Orient. En 1838, il rentra à Paris, et bientôt après, Delaroche, à la veille de partir pour PItalie, lui confia la direction de son atelier, fondé par David et continué par le baron Gros. CLÉMENT, Charles Gleyre, Paris, 1885. Se ee / 4‘ hasard le billet de Gigoux. Le petit vieux le parcourt à la hâte et dit : « Asseyez-vous, jeune homme, prenez un crayon et travaillez » ; et il retourne à sa toile ébauchée. L'accueil, sans être aussi froid que l'atmosphère de l'atelier sans feu était peu engageant. Jeanneney jette un regard sur cet inté- rieur, si différent de l'atelier propret, si accueillant, du père Lancrenon. Pas un élève n'est venu ce lundi matin, tous les escabeaux sont encombrés de palettes, de pots à couleurs, de toiles et de cartons. Le jeune bisontin s’assied avec tristesse, prend une feuille de papier égarée, un morceau de fusain et, au hasard, copie le buste en plâtre d’un Socrate ébréché, qui s'ennuie dans un coin. À midi, Gleyre pose sa palette, quitte sa blouse et se dis- pose à parür. [Il s'aperçoit alors qu'il a oublié le nouvel élève : il s'approche, regarde le dessin et, de sa petite voix, dit simplement : « Vous reviendrez demain ». Jeanneney se confond en remerciements et, tout heureux, dégringole les- calier vermoulu ; son rêve est réalisé, il est l'élève du Maître ! Le lendemain, l'atelier bourdonne à l’arrivée des rapins, curieux de voir la frimousse du nouveau. Dans un petit conte charmant, Max, écrit l'année suivante (1), Jeanneney a raconté les brimades, parfois cruelles, imposées par les anciens au jeune rapin nouvellement reçu à l'atelier, dont il fut le témoin et peut-être la victime. | Il faudrait citer tout au long ces pages délicieuses, débor- dantes de jeunesse, de poétiques aspirations, mais aussi de sérieux raisonnements, pour donner une idéé exacte de l’âme vraiment artiste de Jeanneney. Le récit des aventures amoureuses, des déboires et de la fin lamentable de son (1) Publications de la Sociélé lilléraire de Besançon, année 1856 (Dodivers, 1857, p. 56 et suiv.). Cette revue éphémère, due à la colla- boration d'Aug. Castan, V. Jeanneney, Alfred Guillemin et Emile Gousset, était « l'œuvre de quelques jeunes gens animés d’un ardent amour pour les lettres, et qui ont désiré faire partager ce noble sen- timent à quelques-uns de leurs compatriotes. » héros, Max, pourraient laisser supposer que l’ancien ouvrier lithographe était d'un caractère triste et morose. Il n'en est rien. À la vérité, comme beaucoup de franes-comtois, Victor Jeanneney avait un esprit profond et réfléchi, mais gai, alerte, d'un charme captivant et d’un idéalisme tout poétique. Son tempérament le poussait à se complaire dans le commerce des muses, mais, à chaque fin de mois, la pénible réalité lui apparaissait sous la forme d’une lettre du père Jeanneney. L'imprimeur geignait à chaque subside péniblement arraché de sa modeste escarcelle et ilne cachait point à l'artiste qu'en fait de commerce, celui d’épicier qu'a- vait choisi son frère Albert-Ferréol, valait mieux que le bar- bouillage des couleurs. Victor Jeanneney. dont la volonté de fer ne faiblit pas un instant aux plus durs moments de son existence, ne se décou- rageait point. Pendant cette seule année qu'il passa dans l’a- telier de Gleyre, le jeune peintre fut un élève zélé, assidu au travail, aimé de son maître et estimé de ses camarades. Entre les heures d'atelier. il travaillait dans les musées de Paris, à copier des tableaux célèbres, ou complétait dans les biblio- thèques publiques son éducation Httéraire, fort négligée dans son enfance. Une de ses toiles, reçue au Salon de 1856, fut acquise par un amateur. Gleyre et ses protecteurs francs- comtois, surtout Jean Gigoux, l’encourageaient « à persévé- rer dans une voie qui aurait pu le conduire au prix de Rome pour le paysage ». Mais le cours de sa carrière aristique, fut tout à coup changé par un de ces évènements imprévus, plu- sieurs fois renouvelés dans son existence et qui modifièrent, maloré lui, le but qu'il espérait atteindre. Durant les vacances de 1856 qu'il passa à Besançon, Jeanneney avait remarqué une jeune femme, dont la frai- cheur et la beauté n'avaient pas tardé à le séduire. Françoise- Annette Ledoux, fille d’un ferblantier de la place Labouré Q), (1) Ambroise Ledoux et de Marguerite Jeannenot. à — avait été mariée quelques mois seulement avec un artiste peu connu, Louis Genève. Devenue veuve à vingt-deux ans, sans enfants et sans aucune fortune elle avait décidé de mettre à profit un joli talent de peinture pour gagner sa vie. Courageusement, la jeune femme avait continué un cours libre de dessin organisé par son mari et la clientèle lui était restée fidèle. Victor Jeanneney, alors âgé de vingt-quatre ans, la rencontra dans une famille amie et l'aima. Ce projet de mariage n'eut point tout d'abord l'heur de plaire au père Antoine Jeanneney, ni aux amis du peintre. Comment, si jeune, prendre la charge d'un ménage ? S'installer à Paris, 1l n y fallait pas compter, faute de ressources ; alors, rester en province, c'était renoncer aux. rêves de gloire, à la possibi- lité même de devenir jamais un artiste en renom ! À toutes ces bonnes raisons, Jeanneney répondit par sa foi en l'avenir et son robuste courage ; la jeune femme qui, la première, dési- rait ne pas quitter Besançon, assura que, par le travail de sa palette et ses leçons, elle arriverait à subvenir pour par- te aux frais du ménage. Seul le père Lancrenon encoura- geait les amoureux ; ayant lui-même brisé sa carrière artis- tique à Paris pour rentrer au pays natal et se marier, sur le tard, avec une de ses jeunes nièces, il aurait eu mauvaise grâce à contrecarrer les projets matrimoniaux de son élève. Le mariage fut célébré à Besançon le 12 novembre 1856 G) en présence des parents et amis des époux ; ceux-ci s’éta- blirent dans un petit logement, rue Basse n° 23. Seize mois apres un enfant naquit, auquel on donna le prénom de son grand père maternel: Ambroise (2). Madame Jeanneney avait continué depuis son mariage à donner des leçons particu- lières et, grâce aux conseils de son mari, elle était arrivée à réussir assez bien la tête et même le portrait (3). Victor Jean- a Archives de l'Etat-civil de Besançon, année 1856. 2) Né le 28 mars 1858. (5) La famille Doillon conserve le portrait du peintre par M"°Jean- neney-Ledoux, exécuté à cette époque, dont la facture agréable et la ressemblance parfaite font honneur au talent de la jeune artiste. Re neney de son côté, commençait alors à obtenir, grâce aux relations de sa famille, cette clientèle peu difficile à satis- faire des curés de campagne, désireux de garnir à peu de irais leurs églises de tableaux religieux. Mais sa préférence restait au paysage. C’est de cette époque (1857) que datent le Vieux moulin près d'Ornans et le Miroir de Scey. La même année, il avait trouvé à louer au n° 1 de la rue des Chambrettes (1) un atelier plus confortable. Il envoyait au Salon de Paris son Capitaine Lacuzon, paysage historique et son délicieux tableau ovale : /ntérieur de forêt, où l’on voit au premier plan le garde champêtre sans pitié, verbalisant contre un bambin qui vient de couper un fagot de bois mort. Ces deux toiles furent remarquées, parmi les envois des trente-cinq artistes franc-comtois (2). Le Salon de 1858 présenta deux paysages de Jeanneney ; celui de 1859, quatre autres, qui remportèrent un légitime succès. Le peintre, qui était allé à Paris voir son exposition et serrer la main à ses anciens camarades, adressa une longue lettre à Castan, pour lui rendre compte des œuvres exposées par les artistes franc-comtois ; son ami y trouva les éléments d’un article qu'il fit paraître au Courrier franc- comtots. Dans cette lettre G), Jeanneney porte sur les œuvres de ses collèœues et même sur celles de son concurrent Bavoux, des appréciations aussi justes que bienveillantes. Quant à ses œuvres personnelles, 1l les examine et les critique avec une sûreté et une impartialité généralement peu connues en pareil cas chez les artistes. « Alaise, cascade du Todeur,ce tableau », écrit Jeanneney, «ne fait pas l'effet que j'attendais ; il est un peu uniforme de couleur et manque de plans. Les rochers sont robustes, mais (1) Actuellement rue Pasteur. (2) L’Impartial, numéro du 22 juin 1857. (3) Correspondance de Castan, à la Bibliothèque de Besançon, section Jeanneney, lettre I. ASS de manquent de lumière et le fond, sous le pont, manque d'air. Les eaux et les rochers moussus font assez bien, mais les arbres du bas sont noirs et l'effet général n’est pas assez tranché. Tu connais les qualités qui lui restent !... A/aïse, bords du Lizon, est assez profond et d’un effet pittoresque, mais un peu noir ; l’eau est bonne et le feuillage du fond est assez bien à son plan... Les usines de Larians, tout le côté de gauche, les maisons, les arbres sont d’un bon effet et vrais ; le ciel est lumineux et fin, mais l’eau, quoique trans- parente, manque un peu de lumière. C'est là le défaut géné- ral de ma peinture, à côté des soi-disant réalistes, qui sont d'affreux ficeleurs et qui font tout clair pour être vaporeux.…. Chäteau d’'Ollans, même défaut : le ciel est bien, le fond bien à son plan, la prairie fait assez bien, mais tout cela est trop uniforme de couleur ». Ainsi Jeanneney, oiseau rare dans la phalange des artistes, se connaissait bien [ui-même. Son dessin chatié, qu'il tenait de Lancrenon et l’'heureuse disposition du sujet, que lui avait enseignée Gleyre, ne laissaient rien à désirer dans ses tableaux. Mais, comme ses deux maîtres, 1l ne fut jamais un coloriste ; attaché à l’école classique, dans ses tableaux de genre, il est de l’école de Barbison pour le paysage. Ses arbres et ses prairies rappellent les Rousseau, les Diaz et les Harpignies ; ses ciels et ses eaux ceux de Corot, mais 1l y manque cette légèreté de touche, ce chatoiement des cou- leurs, cette intensité de lumière qui sont moins du talent que du génie. Quoique Jeanneney fit assez peu de cas de sa peinture, les deux derniers tableaux de son Salon de 1859 furent acquis. par un amateur distingué, M. Derosne. Quant à sa Cascade du Todeur, elle obtint bientôt de flatteuses appréciations (1). L'année suivante, qui consacra le talent de Jeanneney dans son pays même, lui apporta aussi une bien cruelle épreuve. (1) Ce tableau fut offert par l'artiste au musée de Vesoul. Re Après une courte maladie, contractée au début de l'hiver. madame Jeanneney mourut le 3 janvier 1860. Resté seul avec son jeune enfant, le peintre ne perdit point courage ; il chercha dans le travail de son pinceau et les études litté- raires un allègement à sa douleur. La vilie de Besançon organisait à cette époque une expo- sition universelle, dont le succes fut retentissant. La section de peinture, où se trouvaient réunies les œuvres de grands artistes français, montra la jeune école frane-comtoise « pro- « duite non seulement par l'enseignement et les aptitudes de « race, mais par la respiration de l'air ambiant ct l'inspira- « tion de la nature ». Courbet, Fanart, Bavoux, Chapuis, Donzel, Besson, Janniot. Marquiset et de Jankowitz en offrirent, avec Jeanneney, l'expression la plus sincère et la plus vraie, dans le camp des paysagistes. Ce dernier exposa un tableau de genre et cinq paysages. dont deux, la Cascade du Todeur et les Bords du Lizon à Alaise, avaient figuré au Salon de 1859. Un critique d'art à la plume élégante (1), en parla dans les termes suivants : « M. Jeanneney, dans ses paysages, comme dans ses figures, « a de la science et de la conscience. Il sait ce qu'il fait, ne « s'abandonne jamais au dieu Hasard, et sa Cascade du « Todeur près d’Alaise est une forte et sérieuse étude. Il « a très bien tiré parti d’une forme ingrate et pointue, de « la passerelle hardie qui domine l'ouverture supérieure, « des arbres grippés sur d’affreuses roches calcaires usées « et creusées dans toutes les directions par les cours d’eau « de tous les siècles, d’un rayon qui en varie du moins les « tristes nuances. Ah! les odieux calcaires jurassiques ! Que « d'artistes les abandonnent aux géologues et aux fabricants _« de chaux! — £es Bords du Doubs à Remonot, les Bords « du Lizon près d’Alaise, études non sans mérites et sans (1) Louis de Vaulchier, article de l'Union franc-comloise du 5 oc- tobre 1860. © =N@ on « vérité; l’Etang du bois, la Vue d’Arguel, en ont aussi « chacun dans leur genre. Que M. Jeanneney se laisse un « peu séduire à la finesse et à l'élégance, qu'il cherche la « coquetterie de la nature et se refuse à courüser ses « rigueurs. Il me pardonnera mes conseils, car il me « semble, outre le succès et fe progrès, qu'ils ne sont pas « destinés à faire de lui un martyr ». Heureusement pour l’art, cette horreur de l'école classique pour les rochers du Jura n’a pas été partagée par la jeune génération des paysagistes. Sans rechercher la difficulté comme faisaient leurs devanciers, les Fanart, les Isenbart et les Boudot ont tracé de nos sites franc-comtois des pages inoubliables. Le tableau de genre, ayant pour titre l’Ordonnance, envoyé par Jeanneney à cette même exposition, fut non seu- lement apprécié par les visiteurs, mais remarqué par le critique d'art Olivier Merson, qui le fit reproduire dans le journal Le Monde illustré (à), en l’accompagnant d'un article dont nous extrayons quelques lignes : « La pharmacie que « représente M. Jeanneney n'est pas une officine ordinaire, « c’est l’intérieur d’un laboratoire où les religieux de l'ordre « de Saint-Benoit réunissent leur zèle et leurs études au « profit des pauvres gens d’alentour... Le personnage prin- « Cipal du tableau est un chartreux d'âge mûr, d’un aspect « grave et réfléchi. Il étudie l'ordonnance que lui remettent « deux enfants... À une table sont assis deux moines ; l’un «€ prépare un médicament pendant que l’autre fait une lec- « ture, qui semble se rapporter à ce travail pharmaceutique. «€ La composition est bien entendue ; il y manque ecepen- € dant un peu du caractère rigide qui appartient aux maisons « conventuelles et, si je puis m'exprimer ainsi, un peu de «€ parfum monacal. La eculeur est agréable et l'effet bien « disposé, mais l'exécution montre en général de la mollesse (1) Numéro. du 22 décembre 1860. a ne « et de l'indécision. Quoiqu'il en soit, c'est un tableau qui « fait honneur à M. Jeanneney ». De la molesse ! Ce reproche parait tout au moins exces- sil, et aurait pu être traduit plus exactement par les mots : manque de fermeté dans la touche. Car c'est là aussi le défaut habituel des tableaux de Jeanneney, résultant de son trop court passage dans l'atelier de ses deux Maîtres. Sa main si sûre, si ferme dans le dessin, manque de force et traduit parfois de l'indécision, souvent de la timidité dans l'emploi de la couleur. À la fin de cette année 1660, Jeanneney transporta son atelier au n° 11 de la rue des Granges, dans le vaste enclos de l’ancien couvent des Annonciades (1). C'est là qu'il réunis- sait autour de lui, ses élèves, dont la plupart, comme Rapin, Bassot et Lumière, étaient plutôt ses amis. Le premier, sans quitter d'abord son établi d'horloger, avait suivi le cours de dessin du soir à l’école municipale et bientôt le père Lancre- non avait reconnu en lui l’étoffe d'un artiste : 1l l'avait adressé à Jeanneney. Celui-ci, présageant la brillante carrière de son élève, l'avait décidé à abandonner l'horlogerie, comme lui- même avait déserté l'imprimerie paternelle. Antoine Lumière venu, lui aussi, d'un petit village de la Haute-Saône, avait réussi à acheter le modeste fonds de commerce d'un photo- graphe chez lequel il était entré comme employé. Déjà à cette époque, il cherchait de nouveaux perfeetionnements destinés à donner à la photographie un caractère artistique. Pour obtenir de bonnes retouches, il fallait savoir dessiner : les conseils et les leçons de Jeanneney, accordés libéralement, établirent entre ces jeunes gens des liens d'affection réci- proque que le temps et la séparation ne réussirent point à briser. C'est là aussi que Jeanneney eut l'idée d'employer le fusain comme procédé nouveau pour le dessin. Jusque là, ces petits (1) Sur l'emplacement actuel de la rue Gambetta. ue 0/ re morceaux de charbon, grinçant désagréablement sur le papier, n'avaient servi qu à faire des esquisses et au plus des dessins d’après le plâtre, pour l'étude des ombres. Les quel- ques artistes qui avaient essayé de l'appliquer au paysage, n'avaient obtenu que des effets heurtés, désagréables à l'œil. Jeannency, surmontant tous les obstacles de cette matière rebelle, réussit à produire des ensembles d'un moelleux, d’un fini, d’une délicatesse et parfois d'une puissance que l'on obtenait difficilement avee le crayon noir estompé. Ces recherches et ces inventions, faisaient de son atelier le lieu de rendez-vous de toute la nouvelle génération d’ar- üstes bisontins. Un jeune statuaire dont le talent com- mençait à percer à Paris, Camille Demesmay (1), S'y trouva pendant les vacances de 1862. Son cousin, M. Adolphe Demesmay, gérant de la manufacture de drap de MM. Noblot, avait son magasin dans la même maison de la rue des Granges. Des relations amicales ne (arderent pas à s'établir entre le peintre et les Demesmay, très honorable famille de Pontarlier, dont plusieurs branches s'étaient établies à Besan- con (2). Jeanneney qui avait perdu sa mère depuis longtemps et dont les occupations ne lui permettaient pas de s'occuper de son fils, résolut de se reconstituer un foyer. I demanda et obtint la main de la fille de son voisin, M Joséphine- Sophie-Cécile Demesmay, qui fut pour le jeune Ambroise Jeanneney une seconde mère aussi affectueuse que dévouée. Le mariage eut lieu à Besançon, le 24 janvier 1863, en pré- sence d'Alexandre Rapin, l'élève et l’ami du Maitre et de l'architecte Pierre Marnotte, cousin maternel de la future. (1) Voir sa notice biographique dans Les Gaudes du 29 mars 1891. (2) Adrien-François-Adolphe Demesmay était le cousin germain d'Auguste Demesmay, député du Doubs, poète délicat (voir son éloge à l’Académie de Besançon, par Alexandre de Saint-Juan dans l’Im partial des 31 janvier et 2 février 1855), comme aussi de Donat Demes- may, marié à la fille du général Morand, conseiller à la cour d’appel de Besançon. LE She De cette époque, date la nouvelle orientation de la carrière de Jeanneney. L'admiration qu'il avait pour son premier maitre, les conseils de Lancrenon et le nombre croissant de ses élèves, lui suggérèrent l'idée de se vouer désormais tout entier à l'enseignement du dessin et de la peinture. Il comprit qu'il fallait dès lors renoncer aux expositions. En 1861, il avait envoyé au Salon deux petits tableaux de genre, pochades sans grande prétention artistique : n° 1645, Per- mettez, Monsieur ! et n° 1646, Y a-t-il moyen, vieux ? qui furent reproduits en Hthographie, et à celui de 1862, deux paysages que nous retrouverons plus loin. Son dernier envoi . à Paris fut celui d'un petit panneau : Pifferare, n° 993 du catalogue du Salon de 1863. Désormais, Jeanneney se dévoua corps et âme à ses élèves mais il voulut, et ce fut là le but des vingt-deux dernières années de sa vie, rendre son enseignement plus fécond pour tous, en lui donnant une direction vraiment pratique. Bien longtemps avant les promoteurs du grand mouvement artis- tique contemporain, Jeanneney avait compris tout l'intérêt que peut avoir, pour le développement de la richesse natio- nale, l'application des Arts à l'Industrie. L'idée première lui en était venue, dit-il, de ses conversations avec Gleyre. Son second maître lui avait raconté dans quelles cireons- tances, presqu'enfant, 1l avait quitté les pâturages de Ia Suisse, pour entrer à l'Ecole d'Art industriel de Lyon, puis comme dessinateur dans une fabrique de soieries. Devenu un peintre en renom, 1l se plaisait parfois à regretter de n'avoir pas voulu aspirer à être simplement un artisan habile. Maintenant, qu'à son tour Jeanneney avait des élèves, et par conséquent charge d’âmes, 1l se croyait obligé en cons- cience à leur dire que, dans la carrière de l'Art, plus qu'ail- leurs, il y a beaucoup d’appelés et peu d'élus. Ne valait-il pas mieux les aiguiller vers des carrières plus pratiques et leur éviter ainsi des désillusions ? Précurseur de l’enseigne- ment de l’art décoratif et de l’art appliqué, nous le verrons — 86 — réaliser ces idées généreuses dans une petite ville comtoise, après avoir commencé à les mettre en pratique dans son pays natal. Dès 1860, certains esprits avisés reprochaient avec raison à l’école municipale des Beaux-Arts de Besançon de cher- cher à faire de ses élèves des artistes plutôt que des ouvriers d'art. L'industrie horlogère bisontine restait tributaire de Genève pour la décoration des boîtes de montres ; n'était-ce pas dans ce sens que l'enseignement du dessin devait être dirigé ? La question avait été posée au sein du conseil muni- cipal. Un des adjoints, le banquier Gérard disait : « Notre € ville possède une école gratuite de dessin et de sculpture ; Ç1l y a cinq ans, lorsque j'ai commencé à prendre part à « l'administration municipale, j'ai pensé qu'il serait utile, « peut-être nécessaire, d’adjoindre aux trois professeurs « existant à l'école, un quatrième chargé d'enseigner spé- « cialement aux élèves et aux ouvriers de la ville, les prin- « cipes de dessin et de sculpture appliqués à l’ornementation. € L'impossibilité de trouver aujourd'hui des menuisiers, « serruriers, ébénistes, plâtriers, etc.., capables de concevoir « et d'exécuter convenablement les travaux de leurs profes- « sions, et de contribuer, dans la limite de leurs attributions, « à l'expansion du bon goût, m'avait inspiré cette idée. Le «€ conseil municipal ne Ia comprit pas ; elle fut ramassée par « le directeur des écoles primaires congréganistes de notre « ville (1) ». En effet, le père Lancrenon, figé dans ses vieilles théo- ries classiques de l'Art pur, s'était formellement opposé à ce projet. Quand, quatre ans après, en 1869, sous la pression de l'opinion publique, il reconnut son erreur et demanda l’ad- jonetion de l'architecte Ducat (2), comme professeur de dessin (1) Lettre à M. Jules Courcelle, du 9 juin 1865. Archives munici- pales de Vesoul, dossier de l’école de dessin. (2) Aug. Casran. Votice sur le peintre Lancrenon (Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs, 1874, p. 26, note. rene industriel, il était trop tard, car déjà son remplacement, à l’école des Beaux-Arts, était décidé en principe. Jeanneney avait vainement essayé de convaincre son maître ; 1l avait, dès le début des pourparlers, fait connaître à M. Gérard qu'il n'accepterait point le nouveau poste de professeur, si sa création n'était pas approuvée par Lancre- non. Après le rejet de la proposition par le conseil muni- cipal, il offrit de mettre à exécution le projet du directeur des frères de Saint-Jean. Jeanneney créa, de toutes pièces, un cours d'art industriel. « Il a entrepris la chose », écrit toujours M. Gérard « à ses risques et périls, dans les locaux mêmes de l'école : les cours se font le soir après l'heure des classes ; les élèves de l’école, comme ceux qui lui sont étran- gers, y sont reçus. La ville a consenti à installer des appa- reils à gaz ; c'est là toute sa contribution ». Dès la première année, le succès couronna l’œuvre, et soixante-dix élèves reçurent les leçons du professeur. À la distribution des prix du mois d'août 1864, le marquis de Conégliano, député du Doubs, Adolphe Veil-Picard, le grand bienfaiteur de la ville et plusieurs notabilités, en- voyèrent au directeur, des prix destinés à encourager les jeunes dessinateurs, le journal La Franche-Comté (1) applau- dit en ces termes à cette heureuse innovation : « Le cours d’art industriel, créé par les frères des écoles chrétiennes et professé avec tant d'intelligence et de solli- citude par M. Victor Jeanneney, a fourni cette année une fort belle exposition de travaux. Fondé, comme l'indique son titre, en vue d'inculquer aux jeunes artisans les prin- cipes du goût immédiatement applicables à leurs divers métiers, cet enseignement complète pour les uns, remplace même pour d’autres, les études plus théoriques et néces- sairement plus longues de l’école municipale de dessin. « Le professeur s’y impose comme règle de bannir de son (1) Numéro du 1° septembre 1864. enseignement toute copie servile : chaque exercice est une traduction du modèle, dans un genre différent ; l'effort qui en résulte n'est pas moins profitable à l'intelligence qu'à la main des élèves. « C'est ainsi que les ornements produits par les jeunes sculpteurs ont été tous modelés d’après des dessins. Obligés de la sorte à se rendre compte des reliefs représentés par des lignes, ces futurs ornemanistes arriveront à lire et à interprêter facilement les croquis que leur fourniront les architectes. «Cinq grands panneaux, représentant chacun une section de salle à manger, ont été exéeutés suivant un plan uni- forme ; mais chaque élève a conservé sa liberté d'action pour ajuster les détails et traiter le coloris. C'est là une méthode excellente pour former des décorateurs habiles, capables d'entreprendre avec succes l’enjolivure d’un appartement. « Cette même catégorie d'élèves a étudié le paysage en tant qu'élément de décoration. Sous ce rapport encore, le concours a consisté dans l'interprétation par le fusain de quelques-unes des grandes compositions dues au spirituel pinceau du professeur (1). « L'horlogerie, cette industrie nourricière de Besançon ne pouvait être oubliée dans le programme de M. Jeanneney. Nous avons vu avec beaucoup d'intérêt un certain nombre de modèles de boîtes exécutés par nos jeunes graveurs, d'après les délicieux motifs de la Renaissance. «Le cours d’art industriel, par sa direction essentiellement pratique, devient un rouage important de l’enseignement professionnel, qui se distribue si largement dans notre ville. Grâce à lui, nous aurons sous peu une pépinière d'artistes instruits, susceptibles de raisonner leur besogne, et qui, sans (1) Les panneaux dont il est ici question, avaient été commandés au peintre par le grand industriel, M. Japy ; ils décorent la salle à manger de son habitation, à Hérimoncourt. abdiquer la qualité d'ouvriers, pourront, lorsque l'occasion se présentera, s'élever à la hauteur d’un travail d'art. » Parmi les lauréats, on remarque les noms suivants : Lumière Claude-Antoine, grande médaille d'honneur, Fran- çois Arnaud, prix d'ornement d’après le dessin, Léon Pétua, mention honorable pour le paysage dessiné d'après nature, Annoual Emile et Bellat Adelin, prix d'ornement d’après la gravure, et tant d’autres, qui sont aujourd'hui connus dans le monde artistique, le commerce et l’industrie. Malheureusement pour Besançon, l’enseignement si pré- cieux de Jeanneney ne dura point et, après son départ, l’art appliqué continua à être considéré par les professeurs de dessin comme une étude indigne de leur science. L'élan magnifique que des hommes éclairés donnèrent à cette branche de l’art, dans les grands centres industriels de Paris, Limoges, Lyon et Nancy est resté chez nous incom- pris. Il fallut trente années de marasme et de misère à l'in- dustrie horlogère bisontine, pour qu'on se décidât à lutter contre la concurrence étrangère, dans la décoration de la boîte de montre. Ce fut dans une autre ville que Jeanneney réussit à im- planter ses idées et sa méthode et qu'il eut la satisfaction de voir ses efforts couronnés par le succès. CHAPITRE II V. JEANNENEY, PROFESSEUR AU LYCÉE DE VESOUL (1865), SUCCÈS DE SES ÉLÈVES AUX CONCOURS GÉNÉRAUX ET ACADÉMIQUES. — (COURS D'ORNEMENTATION A L'ÉCOLE NORMALE DES INSTITUTEURS (1868), LES TRAVAUX DES ÉLÈVES-MAITRES A L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1978.— COURS SECONDAIRES DE JEUNES FILLES (1967-1868), LEUR RÉORGANI- SATION EN 1880. — CONFÉRENCES DE LA SOCIÉTÉ RÉPUBLICAINE D'INS- TRUCTION (1870). — COURS AUX ÉCOLES COMMUNALES (1892). Actuellement, le recrutement des professeurs de dessin dans les établissements scolaires de l'Etat se fait au con- cours. Les candidats doivent justifier de l'obtention de cer- üficats d'aptitude à l’enseignement du dessin, qui comportent plusieurs degrés, suivant l'importance des cours dont les titulaires sont chargés. Autrelois, l'administration universitaire n'exigeait au- cun diplôme, car les aspirants à ces fonctions insuffisam- ment rémunérées étaient rares et 1l se trouvait peu d'artistes capables, assez désintéressés pour les accepter. Quand, vers la fin de 1864, on lui offrit le poste de pro- fesseur de dessin au Ivcée de Vesoul, Jeanneney hésita d'abord. Il lui en coûtait beaucoup de quitter son pays natal, de se séparer de ses parents et de ses amis. Mais la promesse d'un cours à l’école normale des instituteurs de la Haute-Saône, lui permettait d'espérer une situation honorable et assurée, susceptible de s'améliorer dans la suite. Ces deux traitements lui donneraient la satisfaction d'assurer à sa famille, qui venait de s’accroître par la nais- sance d’une fillette (1), une plus large aisance. Il entrevoyait (1) Marguerite-Joséphine-Albertine-Camille Jeanneney, depuis ma- riée au D' Georges Doillon (Voy. infra, ch. VI, Les élèves de Jeanneney). Jo aussi la possibilité de développer son activité dans un petit centre jusqu'alors privé de toute culture artistique. Il accepta (1). Au lycée de Vesoul, Jeanneney fut appelé à remplacer le brave et honoré Claude-Basile Cariage (2) que les infirmités venaient d'obliger à prendre une retraite bien méritée. La méthode de ce dernier, basée, comme celle de Lancrenon, sur les principes de l’ancienne école, empreinte d’un classi- cisme inflexible, avait besoin d’être adaptée aux idées nou- velles du progrès. Bien plus, l’enseignement du dessin ne comportait alors aucun programme :; chaque professeur fai- sait de son mieux, suivant son goût, ses connaissances et son inspiration. Dès que Jeanneney prit possession de sa chaire, comme simple chargé de cours, 1l réforma de fond en comble les pro- cédés d'enseignement du dessin dans sa classe. « Je trouve ». écrivait-il à Castan « que l’enseignement de l’ornement tel «€ qu'on le pratique dans les cours, enseignement qui con- « siste à donner un modèle qu'on fait copier, sans autre « méthode que le caprice ou le hasard, peut aboutir à faire « des copistes d'ornement, capables de dessiner, sur un « modele, avec plus où moins d'habileté, une chose dont «ils ne connaissent ni la raison d'être, ni les caractères dis- « tinctifs. Mais des jeunes gens connaissant l'ornement, « capables de définir les styles, de les reconnaître et par « conséquent de composer d'une manière rationnelle, je le « mie absolument. J'ai commencé un cours raisonné d’orne- « ment, avec planches, que je me propose de présenter au € ministère de l’Instruction publique. » (3). (1) Son décret de nomination, signé par V. Duruy, le 16 janvier 1865, fixait ses appointements annuels à 1200 francs. (2) Gaston CoOINDRE. Claude-Basile Cariage (1793-1875) [Jacquin, in-8°, 1899]. (3) Correspondance de Castan, manuscrit à la Bibliothèque de Be- sançon. oo Ses efforts pour implanter la nouvelle méthode furent appréciés en haut lieu, car, dès l’année suivante, 29 dé- cembre 1866, Duruy nommait Jeanneney professeur titu- laire de troisième classe. À cette époque, les établissements d'enseignement secon- daire de province concouraient entre eux chaque année, dans les diverses branches d’études ; l’Académie de Besan- con et celle de Strasbourg réunissaient, pour cette occasion, les travaux de leurs meilleurs élèves. Au concours de 1869, la classe de dessin du lvcée de Vesoul obtint deux accessits sur les dix nominations attribuées par le jury : à celui de 1970, il lui fut décerné quatre accessits. À partir de 1872, l’Académie de Besançon fut appelée à se mesurer avec celle de Naney et au premier concours, les élèves de Jeanneney remportérent trois accessits. Aussi, à la fin de l’année, le professeur fut élevé de Ia troisième à la deuxième classe (1). L'année suivante (18793) apporta de nouveaux lauriers au lycée de Vesoul: Albert Wolfinger, dont le maître venait de découvrir le talent naissant, obtint le deuxième prix au con- cours académique et deux de ses camarades, des accessits. Le même élève remporta également le deuxième accessit de dessin au concours général de tous les lycées et collèges départementaux, concours auquel le lycée de Vesoul prenait part pour la première fois. Les succès des années suivantes sont tellement brillants et continus qu'il suffit de les énumérer pour se rendre compte de la valeur de l’enseignement donné par jeanneney. Au concours académique de 1874, Albert Wolfinger remporte le premier prix de dessin, et le Ivcée de Vesoul se voit attri- buer les premier, quatrième et sixième accessits (Abel Cariage). Au concours général, Wolfinger obtient également / le premier prix de dessin (2) et ce jeune boursier du lycée (1) Décret de Jules Simon, du 3r décembre 1872. (2) Journal de la Haute-Sadne du 15 août 1874 et Avenir de lt [Haute-Saône du 9 août 1874. = voit s'ouvrir devant lui les portes de l'Ecole nationale des Beaux-Arts. Comme il n'a pas les moyens de vivre à Paris, Jeanneney lui fait obtenir une bourse du département des Vosges. La promotion, au cours de cette année (9 août 1874), du professeur au grade d'offlicier d'académie est à la fois une récompense pour le dévouement de celui-ci et un hom- mage rendu au zèle de ses élèves. Malgré le départ de Wolfinger la classe continue à pros- pérer et obtient au concours académique de 1875 un deuxième prix [Chalot), les premier, deuxième, troisième (Chaffanel) et sixième accessits (1). En 1876, Vesoul concourt avec tous les Iycées et collèges de France et remporte le vremier prix de dessin (Mourlot Albert, de Genevreuille) et le premier accessit (Simonin). Le concours académique, auquel prennent part six Ivcées et vingt-quatre collèges, attribue à Albert Mourlot le premier prix de dessin d'imita- üon, le deuxième accessit (Daprey Alphonse, de Vernois- sur-Mance) et le quatrième accessit (Chaffanel Eugène) (2). Aussi, à la fin de l’année, le professeur qui a fourni de si bons élèves, est élevé de la deuxième classe de son grade à la première (3). En 1877, un concours général de comparaison est mis à l'essai, non seulement entre tous les [ycées de province, mais encore entre ces derniers et ceux de Paris. La classe de Jeanneney prend part hardiment à cette dure épreuve et son meilleur élève, Jean-Baptiste Camus, de Fleurey-les- Faverney, remporte le premier prix de dessin académique. Le même classement lui est attribué pour le dessin au concours général des lycées et collèges des départements et c'est encore un premier prix, avec médaille d’or offerte par la ville de Vesoul, que Camus reçoit au concours des acadé- (1) Journal de la Haule-Saône du 14 août 1875. (2) fbidem, numéro du 9 août 10 et Avenir de la Haute-Saône du 10 août 187 Gi (3) Décret de Waddington du 28 décembre 1876. mies réunies de Besançon et Nancy. Chaffanel a le premier accessit, André Pératé, de Nancy, le deuxième et deux autres élèves les cinquième et huitième accessits (nr). L'année suivante, Camus entre à l'Ecole nationale des Beaux-Arts avec une bourse du conseil général de la Haute- Saône et son jeune émule, Pératé, n'obtient qu'un premier accessit au concours académique, tandis que cinq autres accessits sont attribués à ses camarades (2). Mais en 1879, Pératé prend sa revanche et remporte le premier prix au concours général (3). Le 13 mars 1870, Jeanneney recevait du sous-secrétaire d'Etat aux Beaux-Arts, la lettre suivante : « J’ai l'honneur de «€ vous annoncer que, par arrêté rendu sur ma proposition, « M. le Ministre vient de décider que vous seriez chargé de « procéder à l'enquête sur l’état de l’enseignement du dessin « dans les lycées, collèges, écoles normales primaires et « établissements libres municipaux du ressort de l'académie « de Dijon, en remplacement de M. Barrias, inspecteur de « l’enseignement du dessin pour lacadémie dont il s'agit, « empêché par cause de maladie... Je n'ai pas besoin d'in- « sister auprès de vous, Monsieur, sur l'intérêt tout parti- « culier que j’attache à pouvoir soumettre aux Chambres, les € principaux résultats de votre enquête, lorsque s'ouvrira la « discussion du budget ; je sais d’ailleurs que je puis comp- « ter sur votre dévouement et j'attends avec confiance votre « réponse m annonçant votre prompt départ » (4). Jeanneney accepta immédiatement cette marque de haute estime de la part du Ministre (5), qui le regardait comme ) Avenir de la Haute-Saône du 12 août 1877. ) Ibidem, numéro du 11 août 1878. ) Tbidem, numéro du 7 août 1879. } Archives de la famille Doillon. ) Nous n'avons malheureusement pas pu retrouver le rapport adressé par Jeanneney au ministère, après sa tournée d'inspection. Il eût été intéressant d’y voir l'exposé de ses théories sur l’enseigne- ment du dessin appliqué à l’industrie, thème favori de ses discours que nous lirons plus loin. ( ( I 2 3 À 5 une digne de remplacer temporairement un des plus grands artistes de l'époque et il s'acquitta de sa mission avec sa com- pétence et son exactitude habituelles. Depuis 1880, les concours généraux furent supprimés dans les départements, malgré les importants services qu'ils rendaient à l'enseignement; mais, par une étrange anomalie, ils furent maintenus pour les lycées de Paris. Or, cette année-là, ce fut encore un élève de Jeanneney, sorti l'année précédente du lycée de Vesoul pour entrer à Louis-le-Grand, afin d'y préparer son examen à l'école normale supérieure, qui obtint le premier prix de dessin. En 18871, 1l reçut également la première récompense au même concours (1). C'est à cette époque (31 mars 188r) que se place la nomi- nation de Jeanneney comme professeur de dessin au lycée de Besançon. Son beau-père, M. Demesmay, retiré à Vesoul, était le premier à l’encourager à accepter, désireux de ter- miner ses Jours dans son pays natal. Nous verrons par suite de quelles circonstances Victor Jeanneney fut amené à relu- ser cette offre avantageuse pour lui et sa famille 2). Sa décision prise, il se remit plus activement que jamais au travail. L'année suivante (1882), il réussit à terminer et à faire éditer son plus important ouvrage d'enseignement artistique : Le dessin. — Cours rationel et progressif à l'usage des écoles primaires élémentaires et supérieures, des écoles normales et des lycées et collèges G). Le préambule du livre comporte un exposé de la méthode de Jeanneney, qui se résume en ces mots : ramener tous les objets de la nature à des figures géométriques et faire d’abord du dessin un art de précision avant d'en faire un art de sentiment(\à). À cet effet, il traite les questions suivantes : but de l'étude (1) Mes états de service, manuscrit de V. Jeanneney. (2) Voyez infra, chap. IV. L'école de dessin de Vesoul. (3) P. Garcet et Nisius, éditeurs. Paris, 1882. (4) Note de M. Glasser. 1 00 du dessin, éducation des yeux, marche à suivre, perspective élémentaire, rôle de l'imagination. Dans la première partie, il étudie les lignes et les surfaces ; la deuxième comprend la perspective des surfaces, la troisième l'étude du relief, Le livre se termine par des conseils pratiques présentés sous. la forme d'une leçon de dessin. Notre incompétence ne nous permet pas de formuler une appréciation sur la méthode de Jeanneney, que n’ont pas réussi à démolir les sarcasmes malveillants d’un confrère qui se disait son ami (1). Il nous suffit de reproduire la pré- face de ce traité, écrite par le grand artiste que fut Rapin. « Vous me demandez mon avis sur les Tablettes démons- tratives de la perspective de M. Jeanneney ; le voici : «Dès le mois de novembre 1880, je les ai vu employer au lvcée de Vesoul par leur inventeur, et elles m'ont vivement frappé. Jusqu'alors l'étude, même élémentaire, de la pers- pective se réduisait à des formules empiriques, on exigeait certaines connaissances spéciales de la géométrie, ou une intensité d'attention qui rebutait la plupart des élèves, car la théorie abstraite était le seul système d'enseignement. «Grâce aux Tablettes démonstratives de M. V. Jeanneney, les premiers principes, qui sont la clef de cette science, sont clairement présentés et facilement compris, parce que l'élève, au Heu d'une abstraction, a sous les yeux, et juxtaposées l’une à l'autre. la forme vraie et l'image exacte de toutes les modi- fications apportées à l'apparence de cette forme par la pers- pective. € Frappé par le fait matériel qui lui est présenté de façon à ce qu'il puisse non seulement le voir, mais encore l’analyser, le doser, pour ainsi dire, il lui sera plus facile de rechercher les causes de ces déformations rendues tangibles, et d’étu- dier les lois qui les régissent. (1) Gaston CoiNpre. Claude-Basile Cariage (1798-1875) [P. Jac- quin, 1899]. Fe OT «Cetteheureuse innovation aura pour résultat de rendre plus accessible ce qu'on regarde généralement comme une science ardue, hérissée de difficultés techniques et réservée seule- ment à quelques initiés, et de vulgariser par là l’enseigne- ment du dessin d’après nature, le seul utile et fécond, mais dont l'étude exige précisément la connaissance pratique de cette parte du dessin que les Tablettes démonstratives mettent à la portée de tous. » Ce volume, qui devait être suivi d'un second tome, mal- heureusement resté manuscrit, eut un vil succès et servit longtemps à la rédaction des programmes officiels, dont les inspecteurs généraux du dessin se piquèrent d'avoir eu l'ini- tiative. Il fut surtout apprécié dans les écoles normales d'instituteurs, où le travail est resté sérieux et méthodique et où il n'a rien de commun avec les nouvelles formules de dessin à l'usage des artistes en nourrice, récemment instau- rées dans nos écoles primaires. Le passage de Victor Jeanneney à l’école normale de Vesoul marque une période de prospérité à laquelle il prit une large part. Passionné pour la divulgation des études artistiques, doué des qualités d’un véritable apôtre de l’en- selgnement, 11 voulait communiquer sa flamme et son ardeur au travail & ceux qui étudient pour apprendre à enseigner. Non content de faire de ses meilleurs élèves des professeurs diplomés, il voulait aussi que le modeste instituteur de village, comprenant les beautés de l’art et son application pratique, puisse donner aux fils de nos paysans des notions d'esthétique et de bon goût. Le 22 octobre 1868, une décision ministérielle avait créé un cours de dessin d’ornementation et d'imitation à l’école normale de Vesoul et alloué au professeur le modeste traite- ment annuel de 300 francs. Le recteur nomma aussitôt Jeanneney, qui accepta avec l'intention bien arrêtée de ne pas se confiner seulement dans l'étroitesse du programme officiel, mais d'appliquer et de faire triompher ses idées personnelles sur l’enseignement du dessin par le maître d'école. : Dès l’année suivante, il envoya à l'Exposition universelle de Vienne (Autriche), une série de dessins inédits exécutés par les élèves-maîtres de l’école, d’après des modèles spécia- lement composés par lui « pour répondre, dit-il, aux exigen- ces d’un enseignement s'adressant à des élèves devant ensei- gner à leur tour ». Le jury international accorda deux médailles de mérite aux envois des écoles d'instituteurs. Vesoul obtint la première et Versailles la seconde. Bientôt, par une idée heureuse que seul pouvait concevoir et réaliser un ancien ouvrier lithographe, Jeanneney réussit à intéresser au plus haut degré les jeunes normaliens. Nous laissons parler ses notes manuscrites : «€ En 1874. alors que le travail manuel n’est encore l'objet d'aucune réglementation dans les écoles normales, j'intro- duis à l’école de Vesoul la Hthographie, à laide de laquelle les élèves peuvent bientôt reproduire les meilleurs dessins faits d’après le plâtre et les modeles inédits que je leur pré- pare en vue de leur futur enseignement. L'emploi de la presse leur permet ainsi, en consacrant à ce travail quelques heures par mois, de pouvoir, à l'expiration de leur troisième année, être munis chacun d'une collection de modeles, qu'ils ne pourraient se procurer dans le commerce, qui ne leur coûte que le papier et leurs peines et qui, pendant de longues années, peut suffire largement aux exigences d’un enseigne- ment, que les règlements rendront obligatoires dans toutes les écoles primaires. » La prédiction de Jeanneney s'est pleinement réalisée. Il arriva un moment où l'on fut obligé de reconnaître la néces- sité de l’enseignement des travaux manuels dans les écoles. C'est ainsi que l’école de l'Arsenal de Besançon a fait entrer aux Arts et Métiers de Chalons, Aix et Angers des jeunes sens qui tous ont trouvé des emplois avantageux dans l'in- dustrie et dont plusieurs sont devenus des ingénieurs distin- 0 gués. Malheureusement l'application générale de ces prin- cipes n’a pas été faite : nous possédons quelques rares écoles professionnelles. et pas d'école d'art industriel. Malgré les avertissements journaliers que donnent les découvertes de la science, l'enseignement chez nous n'a pas réussi à sortir du domaine de l'abstraction pour entrer dans la voie des études pratiques. Nos élèves sont plus savants que ceux de l'étran- ger quand ils sortent de l'école primaire, mais ils ne sont point armés pour la lutte de la vie. La crise actuelle de l’ap- prentissage est, à notre sens, le résultat du manque d’im- pulsion que les maîtres devraient donner aux élèves vers les travaux manuels et les métiers rémunérateurs. Nos institu- teurs, fonctionnaires de l'Etat, visent trop à faire de leurs élèves des fonctionnaires comme eux. Tout autre était la conception que Jeanneney se faisait de l'éducation du peuple et il engageait les normaliens à suivre les principes de l'enseignement pratique du dessin qu'il avait inauguré à l'école municipale des Beaux-Arts. Ces futurs éducateurs de la jeunesse le comprirent si bien que leur envoi à l'exposition universelle de Paris en 1878, donna une impression forte du sens pratique de l'enseigne- ment qu'ils recevaient. À côté d’une collection importante de dessins d'ornement et d'imitation composés par les élèves- maitres, on remarquait des lithographies dont la finesse d'exécution pouvait rivaliser avec des travaux de profession- nels. On y voyait aussi de superbes cartes en relief des can- tons montagneux de la Haute-Saône, qui attestaient l'habileté et la maitrise de ces jeunes gens, dans le genre du modelage. Ces travaux avaient pour la plupart figuré à l'exposition sco- laire de Vesoul en mai 1877 Gi) et mérité de justes éloges aux élèves et à leur professeur. Un bisontin, ami de Jeanneney, qui visita l'exposition du (1) Discours du recteur Lissajoux dans l'Avenir de la Haute-Saône du 27 mai 1877 (Voyez infra, chap. V, l'exposilion de Vesoul). OO Champ de Mars eut la satisfaction de lui apprendre que l’école normale de Vesoul était classée la première dans la section scolaire. Mais il ne put s'empêcher de lui écrire la pénible impression qu'il avait ressentie, en s’apercevant d'un odieux truquage : au bas de chaque panneau exposé par les normaliens de Vesoul, la piété des élèves avait inserit le nom de leur dévoué professeur. Or, postérieurement à l’ou- verture de l'exposition, une main, restée inconnue, avait collé sur chacune de ces mentions une étiquette portant ces mots : Ecole normale des instituteurs de Vesoul, M. Mougel, directeur, faisant ainsi disparaître le nom de Jeanneney. Le visiteur bisontin exprima en termes très durs son étonne- ment qui fut d'ailleurs de courte durée lorsqu'il apprit la suite des évènements. Le 23 octobre 1858, l'inspecteur d'Académie de la Haute-Saône était reçu par M. Bardoux, Ministre de l'Instruction publique et lui faisait hommage, au nom des élèves de l’école normale de Vesoul, qui n'avaient d’ailleurs pas été consultés à l'avance, du plan en relief des cantons de Belfort et Giromagny (1). | Quelques jours après, M. Mougel fut nommé chevalier de la Légion d'honneur, récompense accordée très rarement aux fonctionnaires dé ce grade. Le 7 décembre 1876, le \direcz teur de l'école normale donna un grand diner pour arroser sa décoration; tout le gratin pédagogique de la province était réuni autour de la table. Jeanneney n'eut garde de relu- ser l'invitation. Au dessert, M. Lissajous, recteur de l’'Uni- versité, leva son verre en l'honneur de l’école normale des instituteurs de Vesoul et de ses succès éclatants remportés à l'exposition universelle, dus « aux efforts et au travail des élèves » largement récompensés par. la décoration accordée à leur cher directeur. M. Laurent, professeur au [ycée 2), (1) Avenir de la Haute-Saône du 7 novembre 1878. (>) Actuellement conservateur de la Bibliothèque municipale de Vesoul. SES net Tru mn ON cer pouffait de rire derrière sa serviette et donnait du coude à son ami Jeanneney qui, tandis que les bravos éclataient de toute part, se pencha à son oreille pour lui dire : Cen’est pas celui qui récolte l'avoine qui la mange. M. Mougel se leva à son tour, encensa copieusement le préfet, les autorités et le recteur « ee savant incontesté qui a été l’inttiateur des » travaux qui m'ont valu la distinction flatteuse dont je suis » fier, distinction à laquelle » ajouta-t-il « mon humble per- sonne n'avait d'autre titre que la bienveillance de mes chefs et celle du jury de l'exposition (1) ». Chacun applaudit dere- chef à la modestie délicate du nouveau chevalier auquel, quelques années plus tard, une autre distinction non moins flatteuse, mais qui mieux encore aurait convenu à M. Lissa- jous, allait être accordée avec le titre de Bey (2). Après le dessert, les invités passèrent au salon où Madame Mougel fit les honneurs du café. Le directeur, s'avancant vers un groupe de professeurs où l’on commentait la fable de Bertrand et Raton, dit aimablement à Jeanneney, en lui désignant sa boutonnière : « Il vous en revient bien un petit morceau de ce ruban rouge » ; Victor Jeanneney répondit du tac au tac : « Oh! Monsieur, il vous en reste assez pour une fapeur l» Est-ce le résultat d'une simple coïncidence ou celui d'une intervention officielle, désireuse d'éviter un conflit? Peu importe ; ce qui est certain, c'est que dès le 8 novembre pré- cédent, Jeanneney avait été promu officier de l’Instruction publique, quoique trois ans seulement se soient écoulés depuis sa nomination au grade d’officier d’Académie. I] l'avait aussi, Sa faveur, mais cette rosette était largement méritée ! Afin de témoigner au ministre sa reconnaissance Jeanne- ney réunit en un magnifique album, grand in-folio, sur papier (1) Voir le texte complet de ces discours dans l'Avenir de la Haute- Saône du 12 décembre 1878. (2) M. Mougel, en Guiitant Vesoul devint inspecteur des écoles fran- caises en Egvpte et reçut du kédive le brevet de Bey avec l'étoile de | lJ'Osmanié. — 102 — bristol, soixante planches comprenant plus de deux cents modeles choisis parmi ceux de sa collection et les meilleures reproductions faites par ses élèves, sous le titre L’Ornement. La disposition de cet ouvrage affecte la forme d'un cours destiné à la fois à l’enseignement secondaire du dessin spé- cial des lycées et collèges et à l'enseignement primaire élé- mentaire et supérieur. Il est divisé en quatre sections, cor- respondant aux quatre divisions ou classes de dessin dans lesquelles doivent passer successivement les élèves de ces divers établissements scolaires. Toutes ces planches, ainsi que l’avant propos dans lequel l’auteur a développé ses méthodes de travail, étaient sorties de la presse de l’école normale et représentaient l'ensemble des travaux lithogra- phiques des élèves-maitres durant plusieurs années. Le soin et le fini dans l'exécution de ces dessins, de même que la précision de leur groupement, la perfection du tirage et le choix judicieux des modèles font de cet album une œuvre d'art rarissime, dont on connaît à peine quelques exemplaires (1). Pour présenter ce superbe travail au ministre de l’Instruc- tion publique, Jeanneney avait eu la délicatesse de suivre la voie hiérarchique. Quels furent les termes de la lettre d'envoi rédigée par le directeur? Nous n'avons pas essayé de la retrouver dans le dédale des archives de la rue de Grenelle. Il est d’ailleurs facile de s’en rendre compte par la réponse du sous-secrétaire d'Etat des Beaux-Arts à M. Mougeli-Bey : Paris, le 18 Mai 1880. Monsieur le Directeur, J'ai examiné avec un vif intérêt l'album que vous avez placé sous mes yeux, contenant le choix des modèles de dessin exé- cutés par les élèves-maitres de l’école normale de Vesoul, sous la direction de M. Jeanneney, professeur. (1) La première épreuve est conservée dans les papiers de la famille Doillon. — 103 — Parmi ces mérites, cette œuvre bien soignée, relativement considérable, a celui de présenter les éléments progressifs de l’ornement, depuis les premiers principes jusqu'à son applica- tion à l’industrie ; ce qui donne aussi du prix à ce travail, c’est qu'il a été entièrement fait dans l’intérieur de l'établissement par les élèves-maitres, qui exécutent eux-mêmes lautographie, le report sur pierre, le tirage des dessins sur les presses de l'école, qui peut ainsi remettre chaque année aux élèves sortants une série de modèles simples, faciles, gradués et inédits. Votre initiative (hum !) est des plus louables. Vos jeunes gens peuvent tirer d'autant meilleur parti de vos modèles, qu'il ont concouru à leur exécution ; par là, ils conti- nueront au village la tradition suivie par eux pendant les trois ans du cours normal. Je vous adresse mes félicitations (!!) je vous charge de féliciter le professeur et ses élèves et je vous remercie de m'avoir fait connaitre les merveilleux résultats de vos efforts communs (!!!) pour répandre un enseignement si utile, qui commence à péné- trer dans les classes primaires des campagnes. Recevez, monsieur le directeur, etc. Le sous-secrétaire d'Etat du ministre des Beaux-Arts, Edmond Turquer. Pour copie conforme : L'Inspecteur d'Académie de la Haute-Saône, L. GALLIOT. La lecture de cette lettre dispense de tout commentaire. Elle est, pour la mémoire de Jeanneney le plus éclatant témoignage de son talent comme artiste, de sa valeur pro- fessionnelle, de sa réelle modestie et de son désintéresse- ment. Deux ans après son installation à Vesoul, Jeanneney n'avait pas hésité, malgré ses nombreuses occupations, à offrir son concours pour une œuvre sociale des plus intéres- santes. En 1866, le ministre Duruy avait organisé, comme — 104 — complément indispensable à l’enseignement primaire créé par la loi Waddington au profit des jeunes filles, des cours d'études secondaires. La plupart des professeurs du lycée se firent inscrire ; Jeanneney et son ami, M. Bredin (1), proles- seur de mathématiques, furent les plus empressés, et la ville de Vesoul se trouva être la première ville de France. dans laquelle on vit cette heureuse tentative se réaliser. Les cours furent inaugurés le 28 janvier 1867, dans la salle de la justice de paix à Fhôtel de ville (2). Jeanneney divisa sa classe en trois sections étudiant respectivement: le dessin d'ornement, le dessin d'imitation et le paysage. I sut rendre à ses gracieuses élèves le travail plus intéressant par des petites conférences sur l'histoire de l'art depuis l'ère chré- tienne, les divers types et époques d’ornementation et sur l'architecture au point de vue de la décoration. Rien n'était plus protitable que ces leçons de goût permettant à des jeunes filles de se créer d’agréables passe-temps ct plus tard, devenues femmes, d'augmenter le charme de leurs intérieurs de famille par un cachet arüstique. Aussi leur succès fut-1l considérable durant les deux premières années. Le 9 mai 1868, Jeanneney reçut du ministère une lettre de félicitations pour son dévouement d'autant plus appréciable, qu'à l'exemple de ses collègues, il avait accepté de faire ces cours gratuitement (5). Malheureusement cette institution, dont l'esprit démocratique portait ombrage à l'empire, fut bientôt supprimée. L'idée fut reprise dix ans après par le gouvernement de la République, dans le but de faciliter l'enseignement laïc. (1) Actuellement en retraite à Conflandevy. (2) Journal de la Haute-Saône, n° des 25 janvier et r°" février 1867. (3) On y lit : « Le ministre m'a recommandé de vous adresser à tous ses remerciements pour la part que vous avez bien voulu prendre les uns et les autres à une œuvre qui ne fait que commencer, mais qui, malgré de nombreuses difficultés, grandira et sera pour le pays, féconde en heureux résultats, lorsque, jugée sans passion, elle recevra tous les développements qu’elle est appelée à prendre. no V.. Jeanneney et M. Bredin se retrouvèrent encore les pre- miers sur la brèche, avec M. Daval et d’autres professeurs du lycée. Le maire de Vesoul lui-même, M. Meillier, donna l'exemple en inaugurant un cours de droit pratique. Les autres cours: littérature, arithmétique, géométrie, sciences physiques, allemand, histoire, géographie, morale et dessin s'ouvrirent le 14 janvier 1880, dans la même salle de l'hôtel de ville. La Société d'agriculture de la Haute-Saône avait, en effet, refusé, pour le cours secondaire, la salle de ses réunions mensuelles que lui octroyait à ütre gratuit le département. Après plusieurs mois de pourparlers et de difficultés auxquelles les passions politiques n'étaient pas étrangères, la résistance injustifiée de M. Reboul de Neyrol dut céder devant une décision du conseil général qui, tranchant le nœud gordien, retira à la Société d'agriculture son local (1). La nouvelle installation dans les bâtiments où se trouve actuellement l’école normale des instituteurs, permit à or jeunes filles de la ville de suivre les cours secondaires. En 1885, les adversaires de l’enseignement laïc tentèrent un nouvel effort, devant lequel le ministre de l'instruction publique parut fléchir, en ordonnant des moditications pro- fondes aux programmes de l'enseignement secondaire. Il projeta notamment d'y supprimer l'étude du dessin, mais la municipalité vésulienne protesta et le 17 mars 1883, le recteur lui écrivit : « L'administration supérieure à consenti « à maintenir le cours de dessin dans les mêmes conditions « que par le passé et à continuer à M. Jeanneney par égard « pour sa personne et les services qu’il a rendus, les mêmes « honoraires qu'aux autres professeurs qui veulent se charger « des cours de l’enseignement secondaire de filles. » L'’eu- phémisme, sous Ia plume ironique de M. Lissajous ne manque pas d'originalité. L'Etat consentait à laisser à (1) Mémoires de la Société d'agricullure, lettres, sciences et arts de la Haute-Saône, année 1880. — 106 — Jeanneney le modeste traitement annuel de 300 francs qui lui était alloué... par la ville de Vesoul, sur le produit des neuf francs de cotisations mensuelles versées par les élèves de son cours. Il est difficile d'être plus magnifique et plus SÉNÉTEUX..-L- avec l'argent des autres! Jeanneney, qui avait offert spontanément l'abandon de son traitement pour per- mettre le maintien de son cours, ne cessa de le continuer jusqu'à la dernière année de sa vie. I n'avait d'ailleurs pas attendu cette circonstance pour donner une preuve de son zèle et de son désintéressement. En 1876, l'actif député de la Haute-Saône, Noirot, avait jeté les bases d'une Societé républicaine d'instruction de l'arrondissement de Vesoul. Cette idée excellente partait d'un principe en tout temps fort exact: « Dans les petites « villes de province, écrivait-il (1), la vie matérielle est facile « et douce et l’on s'en contente aisément. Mais la vie intel- « lectuelle esb rétréeie et, pour mieux, dire, nulle” Les « esprits sont privés des saines et fécondes exeitations de la « science et de l’art. La vie est réduite à l’indigence du mor, « on s'ennuie. Il faut se secouer, s'ingénier, faire effort pour « sortir de cet état d'isolement, d'inertie d'esprit, de vulga- « rité d'idées, de mort intellectuelle, de vie purement végé- « tative..…. Une société d'instruction, ee sera un foyer chaud « et vivace d'où jaillira la flamme qui peut seule animer la « monotonie et la stérilité de la vie de province et donner « à la vie un intérêt vrai et sérieux. » Dès les dernières années de l'empire, Jean Macé, le célèbre fondateur de la Ligue de l'Enseignement, avait eom- mencé, dans la région de l'Est, cette persévérante et infati- gœuable propagande qui aboutit à un mouvement enthou- siaste des esprits en faveur du développement de l'instruc- tion. Ce mouvement, on le sait, fut couronné de succès, gräce à l'opiniâtreté et à la fermeté de Jules Ferry qui fit (1) L’Avenir de la Haute-Saône du 10 octobre 1858. voter par les Chambres, en 1882, les lois sur l'enseignement laïc et obligatoire. Noirot décida Jean Macé à venir à Vesoul. Sa conférence du 15 septembre 1878 eut un retentissement énorme et, comme conclusion naturelle, la constitution définitive de la Société républicaine d'instruction. Quinze jours après (3 octobre 1878), ses statuts étaient adoptés et servaient de modèle aux autres villes de la région. Dole, Lons-le-Saunier, Besançon, Pontarlier et Gray, après Vesoul, réussirent à réaliser ce grand progrès social. Ces sociétés se proposaient comme but de travailler au développement de l'instruction, d'établir des bibliothèques populaires, d'organiser des lectures à haute voix et des con- férences. La société de Vesoul comprit, à son origine, plus de 500 adhérents et sa bibliothèque, d’abord installée au n° 7 de la rue du Moulin des Prés, comprit une collection importante de volumes actuellement réunie à celle de la bibliothèque municipale. Pour l’organisation des conférences, l'autorité académique prèta son appui en assurant la société du concours des pro- fesseurs du lycée. Presque tous acceptèrent ces fonctions gratuites; Jeanneney et son ami Bredin ne se firent point prier. Dans sa première conférence du 26 janvier 1879, le pro- fesseur de dessin retraça l’histoire de l’art jusqu’à l'époque grecque. Dans celle du 4 janvier 1880, il traita de l’art en général. Le 19 décembre de la même année, il parla sur l'art et les artistes franc-comtois. Enfin, sa dernière confé- rence, à février 1882, eut pour sujet les arts et les artistes au vieux temps et affecta la forme d'une causerie. Il est regrettable qu'une décision du comité ait interdit la reproduction et même le compte rendu dans la presse de ces conférences: certaines, au dire des Vésuliens de l’époque, furent de véritables modèles du genre. Celles de Jeanneney, très intéressantes et mises à la portée de tous, eurent de 100 —— nombreux auditeurs, malheureusement 1l n'en reste pas trace dans les notes manuserites laissées par lui. Comme récompense, Jeanneney reçut le 25 mars 1883, du conseil supérieur de la Societé d’Instruction de Paris, une médaille d'honneur. La maladie seule l'empêcha de continuer ses conférences (1) d’une préparation toujours longue et délicate, nouveau poids apporté au lourd fardeau de sa carrière de professeur. Car, en plus des cours de dessin dépendant officiellement de l'Université, c'est-à-dire au lveée, à l’école normale des instituteurs et au cours secondaire des jeunes filles, en plus de ses fonetions de directeur de l’école municipale de dessin, dont nous verrons bientôt l'importance, Jeanneney trouvait encore le temps de donner des leçons en ville. À peine installé à Vesoul, en 1865, il avait été choisi pour enseigner le dessin dans une pension libre de jeunes filles, qui eut ses années de prospérité sous la direction de Me Hirsch, puis de M'° Littot et en même temps il orga- nisait plusieurs cours par semaine au couvent des Dames de Saint-Maur. 11 conserva ces multiples fonctions pendant dix-huit ans. Enfin, Jeanneney donnait encore des leçons parüculières dans quelques familles de la bourgeoisie vésu- lienne et plusieurs de ses élèves libres réussirent, comme artistes-amateurs, à exposer des dessins au fusain, des aquarelles et même quelques tableaux de fleurs, de natures- mortes et de paysages. I semble que plus les années rendaient dur et aride le chemin de sa carrière, plus Jeanneney se plaisait à ramasser des pierres le long de sa route pour en charger sa trop lourde besace. Deux ans avant sa mort, FEtat projette d'installer à Vesoul une école normale d'institutrices et adopte le plan de l'im- posant établissement actuel. Le recteur propose à Jeanneney (1) Mes états de service, manuscrit de Jeannenevy. ALORS d'organiser les nouveaux cours de dessin ; celui-ci accepte sans hésitation; mais la maladie ne lui permettra pas de prendre cette nouvelle charge. En 1882, la municipalité de Vesoul exprime le désir de voir introduire, dans les écoles primaires de la ville, l'étude des principes du dessin. Elle s'en ouvre à Jeanneney à qui le projet sourit d'autant plus qu'il y voit un moyen de faciliter le recrutement de son école des Beaux-Arts. Il a en effet à lutter contre la force d'inertie des parents plus que contre le manque de zèle des élèves. « Une des plus grandes diffi- « cultés que je rencontre » écrit-1l à Castan « c’est la manie « de bureaucratie qui envahit de jour en jourles Vésuliens..…. « ici, dès qu un ouvrier gagne sa vie, 1l rêve pour son fils « une place de clere d’avoué ou d'emplové d'une adminis- « tration ; 1l y gagne à peine son pain, mais 1l est dans un « bureau, cela suffit. » Dans son rapport du 22 juillet 1882 (1), la commission municipale constate qu'il s'agissait « de faire intervenir « M. Jeanneney dans la direction de l’enseignement du « dessin à l'école laïque des garçons. Se trouvant ainsi en « contact presque journalier avec ces enfants, il espère les « amener à son cours du soir à la Halle et les retenir, une « fois qu'ils auront quitté les banes de l’école primaire pour « entrer en apprentissage. La commission a pensé qu'il n'y € aurait aucun inconvénient à faire l'essai (gratuit, naturel- « lement), mais elle a demandé que l’enseignement de € M. Jeanneney füt introduit, au même tütre d'essai, dans « l’école des filles, afin de mettre sur le même pied les deux « écoles primaires. Le rapporteur ajoute : « Depuis lors, c'est-à-dire dès la « rentrée des vacances de Pâques (1882), M. Jeanneney « enseigne le dessin dans nos deux écoles et cela avec un « succès marqué... Par sa lettre du 8 de ce mois, M. Jean- (1) Archives municipales de Vesoul, dossier de l’école de dessin. nl OR « neney constate les progrès des élèves dans l’école des « filles, aussi bien que dans celle des garçons et constate « aussi la réalisation complète de ses espérances, en ce « qui concerne le recrutement des élèves de l’école des « Halles. » RUE US EN or CHAPITRE III FONDATION D'UNE ÉCOLE MUNICIPALE DE DESSIN A VESOUL (1865). — PREMIÈRE DISTRIBUTION DES PRIX (2 SEPTEMBRE 1806). — L'ÉCOLE DE DESSIN À L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1807. — SON INSTALLATION DANS LE NOUVEAU BATIMENT DES HALLES (1808). — SUBVENTION DE L'ETAT (1869). De toutes les œuvres de Jeanneney, la plus importante et aussi la plus belle ‘et la plus utile fut, sans contredit, la creation d'une école municipale de dessin à Vesoul. Ce fut l'idée dominante de cet esprit fécond en initiatives hardies, la réalisation d'un rêve commencé à Besançon et la légitime satisfaction de cette existence si active, dépensée, sans compter, pour le bien public. Volontiers le bon professeur oubliait tous les autres services rendus par lui à la cause de l'enseignement pour reporter sur ses modestes élèves du soir, enfants du peuple, les trésors de son affection et de son dévouement. Il savait tous les avantages que peut retirer la classe ouvrière de la fréquentation des écoles gratuites de dessin, dont l’idée et la réalisation, déjà anciennes d'un siècle, étaient dues à des artistes franc-comtois. On sait, en effet, que ce fut un peintre bisontin, Nonotte qui, le premier, organisa à Lyon une école des Beaux-Arts et qu'un autre franc-comtois, Devosges, ouvrit, presqu'en même temps (1765) celle de Dijon. Paris, distancé par la province, fonda la sienne en 1767 et son exemple fut bientôt suivi par Londres. Enfin l'Académie de dessin, ouverte en 1774, à Besançon par un de ses enfants, Lue Breton, et par un Er MIO Bisontin d'adoption, Melchior Wyrsch (1), réorganisée au début du xix° siècle, avait, sous la direction de Lancrenon, produit de bons artistes. Jeanneney qui s'était tracé comme règle de conduite l'exemple de son vénéré maître, forma le projet, dès son arrivée à Vesoul, de fonder une école à l’image de celle de son pays natal. Sa conception n'était cependant point exac- tement celle de son maître; elle était à la fois plus vaste et surtout plus moderne. Lancrenon, renfermé dans le temple de l’enseignement classique, dirigeait ses élèves dans la voie de l'art pur. Jeanneney, que nous avons vu à l'œuvre dans son école, annexe à celle des Frères de Besançon, n'avait d'autre ambition que de former des ouvriers habiles, d’épurer lenr goût et de les doter de connaissances artistiques qui leur permettent de devenir des artisans éclairés et instruits. Nous l’entendrons chaque année, dans ses discours, répéter sans relache cette même doctrine pour mieux en faire saisir le mécanisme pratique. Nous l’entendrons d'autre part aftir- mer que si, parmi ces enfants du peuple, il s'en trouve quelques-uns dont linstinct et les aptitudes artistiques annoncent des promesses d'avenir, il sera heureux de les encourager et de les pousser dans le chemin du grand art. Mais ces élus ne devaient être et ne furent pos que le petit nombre parmi ses élèves. À vrai dire, 1l existait déjà à Vesoul une école de dessin, mais elle était payante, en principe du moins, et ne répon- dait plus aux exigences modernes. En 1861, par suite de la transformation du collège en Ivcée, trente-septélèves externes avaient été exclus des cours de dessin de M. Cariage, ces cours étant désormais réservés aux seuls élèves internes où surveillés. Basile Cariage avait alors sollicité de la ville (1) Aug. CAsTAN. L'ancienne école de peinture et de sculpture de Besançon (Mémoires de la Société d’Emulation du Doubs, 1889, D'Ho05 arr 0); — 113 — un traitement annuel de 1.200 francs, pour donner à ses anciens élèves du collège et aux jeunes gens de bonne volonté des cours gratuits; mais le conseil municipal avait refusé. Îl s'était contenté d'allouer 150 francs par an, pour prix de location de la salle de cours. Les leçons du père Cariage n'étaient donc suivies, en 18695, que par dix élèves dont plusieurs, paraît-il, oubliaient souvent de verserleurs mensua- lités de trois francs. C'était donc une école absolument gra- tuite, et dirigée vers l'application de l’art à l'industrie, qu'il s'agissait de créer. Jeanneney fit part de ses projets à un homme éclairé et intelligent, M. Charles Courcelle, banquier et conseiller municipal, lequel écrivit à son collègue et ami, M. Gérard, depbesancon, pour se renseigner. Il reçut de lui, le O jum 1869, une lettre lui donnant des renseignements sur le fonctionnement, tant de l’école municipale de dessin à Besançon que de l'école d'art appliqué, organisée par Jeanneney chez les frères. Cette lettre dont nous avons déjà extrait quelques lignes (1), se terminait ainsi: « M. Jean- « neney est parfaitement apte à remplir les fonctions aux- « quelles il se livrait en attendant mieux, et si votre ville € n'a pas d'école gratuite de dessin, qu'elle veuille y suppléer « sans se charger de tout l'état-major d'un établissement en « règle, c'est une bonne fortune pour elle que la présence « de M. Jeanneney à Vesoul (2). » Quelques jours après, Victor Jeanneney, accompagné de M. Courcelle, s'en fut trouver le maire de Vesoul, M. Frin. Ce brave et digne homme, ancien. officier d'artillerie, était peut-être très versé en stratégie, mais, dans tous les cas, étranger à toute idée d’art et de progrès. La proposition de Jeanneney fit bondir le petit monsieur Frin : « Comment, « laisser traîner les jeunes gens par les rues, le soir ! Pour- (1) Voyez supra, chapitre premier, én fine. (2) Archives municipales de Vesoul, dossier de l’école de dessin. 8 — 114 — quoi en faire? Des artistes, des déclassés, des crève-de- faim! Il y a déjà assez de badigeonneurs sans travail. » Jeanneney savait qu'avec les anciens militaires la violence ne réussit Jamais, il essaya de la persuasion. M. Courcelle fit remarquer quil n'en couterait que quelques centaines de _ francs à la ville et qu'il se faisait fort de l’assentiment de ses collègues au Conseil. M. Frin finit par fléchir et autorisa le professeur à pré- senter à la municipalité un projet d'organisation de l'école. Jeanneney se mit à l'œuvre avec d'autant plus d’ardeur que la session du conseil municipal allait s'ouvrir. Ce projet remar- blement conçu et rédigé en moins de huit jours (1) fut pré- (1) Nous transcrivons in exlenso ce document à raison de son inté- rêt historique et pour donner une idée de la facilité de conception et de rédaction de son auteur : « L'école prendrait le titre d'£cole municipale de dessin, peinture et sculpture. « Elle serait administrée par une commission prise dans le sein du Conseil municipal et composée d’un président, qui serait en même temps chef du jury d'examen, d’un vice-président, d’un secrétaire et de trois inspecteurs au nombre desquels l’architecte de la ville, qui visiteraient l’école à des époques indéterminées, afin de juger des progrès des élèves et d'encourager leurs efforts, en leur montrant l'intérêt que l'administration porte à leurs travaux. « Le jurv aurait pour fonctions de juger les travaux du concours et d'attribuer aux plus méritants les prix affectés à la récompense des meilleurs travaux de chaque section. Il se composerait : des membres de la commission, avant le président pour chef et de cinq membres adjoints, pris soit dans le Conseil municipal, soit en dehors du Conseil, parmi les personnes qui s'occupent d’art et sont à même de les juger. Afin de laisser au professeur toute liberté d'action sur les élèves et le décharger de la responsabilité des récompenses, qui souvent aliènent l'affection qui doit exister d'élève à professeur, il n'aurait au jury que voix consultative. : « Les prix consisteraient en médailles d'argent, de bronze et en mentions honorables. Chaque lauréat recevrait un diplôme de récom- pense, portant le sceau de la Mairie et serait signé du maire, des membres du jury et du professeur de l’école. « Afin d’exciter l'émulation parmi les élèves et donner plus d'intérêt _aux prix accordés, leur distribution serait faite en séance solennelle, à laquelle seraient conviées les autorités locales, et les travaux des élèves resteraient exposés pendant trois jours dans une salle désignée par la commission. « Les œuvres couronnées porteraient une pancarte sur laquelle — 119 — senté à la séance de clôture, le 16 juin 1865 et adopté; mais les termes de la délibération indiquent assez, par eux- mêmes, quelles résistances il avait fallu vaincre et le peu de confiance qu'on avait dans la réussite. seraient inscrits le nom de l'élève récompensé et la nature de la récom- pensé obtenue. Seraient admis à suivre les cours de l’école de dessin, peinture et sculpture, tous les jeunes gens au dessus de l'âge de douze ans, soil qu'ils fréquentent encore les écoles de la ville, soit en apprentissage ou soit ouvriers faits. « Un registre serait ouvert au secrétariat de la mairie, sur lequel les jeunes gens désirant suivre le cours feraient inscrire leurs nom, prénoms, leur âge et leur adresse. « Ils recevraient une carte d'admission, avec laquelle ils se présen- teraient à l’école pour y être installés. Trois avertissements pour cause de désordre dans l’école, ou deux absences de plus de huit jours non légitimées, feraient encourir au délinquant le retrait de sa carte d'admission. « Dès qu'une place serait vacante, le professeur en préviendrait par écrit l'employé du secrétariat chargé du registre d'inscription, qui délivrerait une carte au plus âgé parmi les aspirants. « Afin que les ouvriers et apprentis puissent suivre le cours, il aurait lieu le soir de sept heures et demie à neuf heures. «Les jeunes gens fréquentant les écoles étudieraient les principes généraux du dessin, figure, paysage, ornementation, suivant qu'ils voudraient faire de l'étude du dessin un art d'agrément ou un moyen de perfectionnement de leur métier. « Ghaque élève exerçant une profession étudierait le dessin, la pein- ture ou la sculpture dans ce qu'ils ont d’immédiatement pratique el applicable à leur métier, « Les menuisiers, ébénistes, tourneurs, etc, apprendraient à dessiner et à modeler les détails d'ornement des divers styles employés pour l'ameublement, la boiserie, etc. « Les serruriers étudieraient l’ornement, qui peut s’exécuter au repoussé et dessineraient des ferrures de luxe, des grilles, des bal- cons, enfin tout ce qui constitue la partie artistique de leur profession, de même pour les ferblantiers, armuriers, gypseurs, etc. «Les tailleurs de pierres, marbriers, plâtriers modeleraient en relief des ornements copiés sur des modèles en plàtre d’abord, et passe- raient ensuite au modelage de motifs décoratifs, d’après des modèles dessinés à une échelle donnée. « Les peintres en bâtiment étudieraient l’ornement des divers styles, le paysage décoratif, la fleur, la nature morte et l’attribut pour faire ensuite l'application, dans des proportions réduites, de ces divers détails sur un plan d'ensemble donné. « Les sculpteurs industriels apprendraient à connaître le caractère 1 — Jeanneney reçut le 25 juillet une copie de cette délibéra- tion (1), mais les choses en restèrent là ; il fallut la pression de l'opinion publique et des élections municipales pour forcer la main au maire. « Il a été question » disait Albert Fayet, dans un ouonal de l’époque (2) « d'instituer dans notre ville une école de dessin appliqué aux arts indus- triels; je ne sais où en sont ces projets, mais j'espère qu'ils n'ont pas été relégués dans les cartons de l’oubli. » M. Dode- hier, architecte de la ville, s'empressa aussitôt de dresser un devis estimatif des travaux d'aménagement et de peinture pour la vieille salle de la justice de paix aux anciennes Halles G), ainsi que pour l'installation d’un mobilier som- maire, le tout s’élevant à 350 francs. Aucune subvention distinct de chaque stvle et de chaque époque, à agrandir des dessins de détail et à modeler sur des dessins dessinés, etc,., etc. « Enfin les jeunes gens qui se destinent aux écoles du gouverne- ment, suivraient le cours de dessin en se conformant au programme imposé pour l'admission à chaque école. « Afin de simplifier le travail du jury et d’équilibrer les chances entre élèves, chaque section aurait, pour le concours, à copier ou à interprêter un modele unique pour chacune d'elles. » (x) Voici cette délibération : « Le Conseil, après avoir délibéré, adopte en principe l’établisse- ment de cette école, à titre provisoire, sous la direction de M. Jean- neney et sous la surveillance d’une commission composée de Ms. Cour- celle (Charles), Jobin et Gérôme (père du grand peintre). Les séances auront lieu à la Halle, dans l’ancienne salle de la justice de paix, qui sera disposée à cet effet. «Les membres du Conseil présents étaient, outre les trois personnes indiquées plus haut : MM. Frin, baron Bouvier, Personneaux, Ber- nard, Grillon, Hugon, Chaudot de Corre, Lamboley, Bailly, Petitclere, Renahw, Deport et Meillier » (Arch. municip. de Vesoul, registre des délibér ations). (2) Journal de la Haute-Saône du 30 septembre 1865. (3) Les bâtiments des premières Halles de Vesoul se trouvaient sur la Place et à l'emplacement actuel du Palais de Justice. Démolis en 1765, ils furent reconstruits sur la face Est de la place de la Répu- blique (ancienne Place neuve). Ils comprenaient un bâtiment central avec deux ailes ; le rez de chaussée, composé d’arcades à plein cintre, était surmonté d'un premier étage où avait élé installée, au commen- cement du xix° siècle, la justice de paix, qui fut plus tard transportée au deuxième étage de la Mairie actuelle. Nous verrons que ces an ciennes halles disparurent en 1868. n'était accordée pour les modèles, les fournitures des élèves et, à plus forte raison, pour le traitement du professeur; c'était un essai, par conséquent à ses risques et périls. Enfin, le 1°" octobre 1865. M. Frin prit un arrêté, imprimé sur du beau papier blanc de l'imprimerie Suchaux et placardé dans la ville, fixant au 16 octobre suivant, à sept heures et demie du soir, l'ouverture de l'Ecole d'arts industriels de la ville de Vesoul. Jeanneney était au comble de ses vœux. Il écrivait à Castan : «J'ai ouvert mon école municipale et ce n'est pas sans peine, car d’après ce que je t'ai dit de... de notre édilité, tu comprendras facilement ce qu'il m'a fallu de volonté et de persévérance pour aboutir à un simple essai. Oui, mon cher, je travaille à l'essai, comme on fait d’un nouveau venu dans un atelier, et c'est après cet essai que la ville prendra des engagements avec moi. On ma donné une salle où j'ai soixante places et on prétendait que jamais je ne l’emplirais à moitié; eh bien, au bout de deux jours d'ouverture du registre d'inscription à la mairie, 11 y avait 175 demandes d'admission de faites, et J'ai aujourd'hui 60 élèves tant sculpteurs que dessinateurs, dont le plus jeune a 17 ans. Donc, il y avait à Vesoul, comme ailleurs, des éléments pour fonder et faire vivre une école (1). » L'opinion publique, par la plume d'Albert Fayet, salua avec enthousiasme ce premier succès : « J'avais raison de ne « pas désespérer du sort de notre école de dessin. À l'heure « qu'il est, elle fonctionne, et l'empressement des jeunes « gens à se faire inscrire a été tel qu'il a fallu, faute de « places, ajourner un grand nombre des admissions. » Puis, après avoir rappelé que les diverses villes de France doivent _leur état florissant à leurs écoles d'enseignement pratique, (1) Correspondance de Castan (Bibliothèque de Besançon, tome VI, lettre 0) = Pro = l’'écrivain-artiste ajoutait : « Pourquoi la même destinée « glorieuse manquerait-elle à notre école de dessin, si elle « est soutenue par la bienveillance du conseil municipal ? « Elle a à sa tête un homme qui remplira dignement la « tâche difficile et laborieuse qui lui est confiée. M. Jean- « neney estlui-même un brillant élève de l’école de Besançon « et son habileté de professeur, son talent d'artiste sont de « précieuses garanties de succès (1). » Pour que cette prophétie se réalise, ce n'était pas trop de toute l’ardeur du jeune professeur et de sa foi en l'avenir. Comme installation : deux vieilles tables, l'une de 3 mètres 30 et l’autre de 5 mètres, avec deux bancs vermoulus, le tout estimé 12 francs, prêtés par la ville au père Cariage et que celui-ci céda volontiers à son successeur, avec ses dix derniers élèves. Les largesses municipales avaient permis, avec les 350 francs prévus, de faire confectionner quelques chevalets, des bancs, un rayonnage et c’est tout. Bien plus, il gelait à pierre fendre sous les tuiles de la vieille halle. Le courage du professeur et l'industrieuse ingéniosité des élèves réussirent à vaincre tous les obstacles. On trouva un vieux fourneau de fonte et quelques mètres de tuyaux ; M. Courcelle envoya un stère de bois, le professeur apporta ses modèles et l’on se mit à l'ouvrage. | Dans son premier rapport trimestriel (2), Victor Jeanneney s'exprime ainsi : | « L'école de dessin a été ouverte le 16 octobre et fonctionne depuis cette époque, chaque soir, soixante-deux élèves vien- nent occuper la place qui leur est affectée et leur exactitude donne la mesure de leur empressement. Leur zèle ne se ralen- tit pas. j'ai eu peu de défections ; elles furent motivées par des raisons sérieuses et pas une seule n’est due à cette in- constance dont on me faisait à l’origine un des plus sérieux (1) Journal de la Haute-Saône du 1‘ novembre 1865. (2) Du 16: janvier 1866 à la commission administrative {Archives municipales de Vesoul). DR RE obstacles à l'établissement d'une école de ce genre dans notre ville. Deux élèves, dont la présence à l’école avait causé du désordre, ont compris qu'ils ne devaient plus s'y présenter. Les places laissées vacantes ont été accordées à des jeunes gens inscrits et les vides se sont comblés... J'ai trouvé dans notre ville des éléments sérieux de succès et, chez la presque totalité des élèves, des dispositions très réelles, un grand bon vouloir et une remarquable persé- vérance ». Et il ajoutait : « L’essai que la ville a tenté a donc, je crois, pleinement réussi et l'autorité doit être suffisamment édifiée sur l'utilité de cette création pour la prendre d’une manière définitive sous son patronage. J'ai la conscience d’avoir fait, pour le succès de l’entreprise, tout ce que réclamait de soins ct d'efforts une pareille tentative et je continuerai à y apporter le dévouement et l’activité que l’on doit à toute œuvre dont on est l'instigateur et le premier instrument ». Malgré ces premiers résultats, la ville hésitait encore et renvoyait d'abord à la session de février, puis à celle d'août la proposition de M. Courcelle tendant à accorder à l’école de dessin la consécration officielle. Elle se contenta de don- ner congé au préposé d'octroi Merle, qui occupait un petit logement à la halle et de mettre ce local à la disposition du professeur pour remiser les modèles en plâtre (1). La muni- cipalité consentit également à faire remplacer les dix lampes fumeuses de la première heure, par des becs de gaz. Cette amélioration importante coûta 446 francs 33 centimes. Enfin, on ouvrit deux vasistas, pour donner un peu d’air et on acheta six châssis en bois pour douze francs. C'était vraiment peu. Jeanneney chercha d’autres appuis : « Je tra- « vaille beaucoup, écrivait-il à Castan, mon école marche « bien, les encouragements commencent à ne pas lui man- (1) Délibération du Conseil du 28 février 1866. ne PO) « quer ; outre les prix de M. d'Andelarre et ceux du préfet, « M. Courcelle vient äe mettre à ma disposition une médaille « de cent francs pour l'élève le plus méritant. Je vais « faire pour ce prix un concours spécial que je ne crois pas « avoir été essayé dans aucune école. La mienne étant spé- « cialement destinée aux ouvriers, Je fais faire pour le con- « cours une application à leurs métiers respectifs, de ce « qu'ils ont appris à l'école. Ainsi le ferblantier, le menui- « sier, l'armurier, le bijoutier, etc. feront chacun un ouvrage « de leur métier où ils appliqueront soit comme travail de « repoussé, de ciselure, de gravure, sculpture, marquete- « rie, etc., les connaissances acquises par leur fréquentation « à l’école ». Sans attendre la fin de l’année scolaire, Jeanneney voulut que chacun puisse se rendre compte publiquement des pro- grès accomplis par ses élèves durant le court espace des six mois écoulés depuis l'ouverture de l’école. En mai 1866, il organisa, dans la grande salle de la mairie, une exposition des œuvres exécutées pendant l'hiver. « Têtes, paysages, mais surtout dessins d'ornement, tels que frises, rosaces, chapiteaux, ete., tout y était en grand nombre » écrit un visiteur (1), « et chacun a été frappé des progrès accom- « plis dans si peu de temps, progrès dus à l’habile direction « du maître M. Jeanneney et à l'application intelligente des « élèves... Outre ces derniers, se trouvaient exposés des « ouvrages modelés en terre, des plaques de métal gravé à « l’eau forte et même des panneaux de décoration peints, qui « tous font espérer pour l'avenir d'heureux résultats ».. La commission administrative ne manqua point de visiter l’école et son exposition. Après avoir proposé diverses amé- liorations au mobilier, le docteur Sallot, dans son rapport au Conseil municipal (2), s'exprime ainsi : « Nous ne termi- (1) Journal de la Haute-Saône du 30 mai 1866. (2) À la séance du 19 mai 1866. Registre des délibérations. = AAA « nerons pas ce rapport, sans vous parler de l'exposition « des dessins à laquelle vous avez tous bien certainement « applaudi ; les résultats, après quelques mois seulement, « sont le meilleur éloge qu'on puisse faire de la bonne direc- « tion qu'a su donner M. Jeanneney et vous vous associerez « à votre commission pour lui adresser des remerciements ». Enfin le bon docteur propose,, ce qui est accepté, le vote d'un crédit destiné à l'achat de médailles d'argent et de bronze, comme récompenses aux meilleurs élèves, pour la prochaine distribution des prix. Le 2 septembre 1866, Alexis Muenier (1; assistait à cette cérémonie et en rendait compte dans le journal La Franche- Comté (2). | QI y à un an, il vint à l'esprit de l’un de vos compatriotes bisontins, M. Jeanneney, artiste peintre, professeur au lycée de Vesoul. l’idée de doter notre ville d’une école de dessin à l'instar de celle de Besançon. Malgré les déboires inévi- tables de la première heure, cette école fut fondée... Dimanche dernier, j'assistais à la première distribution des prix. Elle eut lieu dans l’une des salles de l’hôtel de ville de Vesoul, sous la présidence du baron Bouvier adjoint, faisant fonctions de maire (3). Parmi les notabilités, se trou- vaient le marquis d'Andelarre, député du corps législatif, M. Léon Gérôme, le grand peintre vésulien. A ces per- sonnes il y à lieu d'ajouter le peintre Boulanger, grand prix de Rome, ami de Gérôme... L'école vésulienne a été con- duite, dès le principe, par son directeur, dans une voie où les jeunes gens, sans cesser de trouver la satisfaction de leurs aspirations légitimes et raisonnables, ne sont point exposés à s'enorgueillir de leurs succès et à déserter pré- somptueusement la classe à laquelle ils appartiennent. (1) Journaliste et écrivain de valeur, père du peintre Jules-Alexis Muenier. (2) Numéro du 8 septembre 1866. (3) M. Frin était décédé le 30 mars précédent. — 1900 — Qu'une vocation artistique sérieuse se déclare, on l'encou- ragera, mais je suis persuadé que M. Jeanneney continuera à détourner de cette carrière, pleine de périls et d'embüches, ceux que d'ignorants applaudissements détermineraient à sacrifier leur profession à de chimériques espérances. Le genre d'études suivi à l’école de Vesoul est le dessin dans ce qu'il a d'immédiatement applicable à l'industrie. Faire simple, par les moyens les moins compliqués, recher- cher le beau sans l'emploi d'oppositions outrées, telle est ia méthode de M. Jeanneney et je crois que c'est la bonne. » Après que M. Personneaux, deuxième adjoint, eut remer- cié les notabilités présentes et assuré l’école naissante de l'intérêt et de la sollicitude de la ville, Victor Jeanneney prononça un discours, où la perfection de la forme ne le cède point à l'élévation des idées et que nous voudrions pouvoir citer en entier (1). « Messieurs, en ouvrant dans notre ville une école d’art appliqué à l'industrie, vous avez rendu à la population un véritable service, non seulement au point de vue des résul- tats qu'on est en droit d'en attendre, mais encore au point de vue moral, dont le niveau s'élève à mesure que l'instruc- tion se généralise. « L'étude des arts est à la fois un excellent exercice pour le développement de lintelligence et un aliment sain pour le cœur. La recherche du beau amène toujours l'amour du bien et un esprit sensible aux magnificences de la nature ne saurait s’allier à un mauvais cœur... « Pour l'homme du monde, l'étude du dessin est un agréable passe-temps. Elle devient pour lui, tout en charmant ses loisirs, une source de jouissances toujours pures, toujours. nouvelles, en lui révélant dans la nature des beautés sans nombre, devant lesquelles il passait indifférent, n'en soup- connant même pas l'existence... (1) Journal de la Haute-Saône du 8 septembre 1866. LED NE « Aujourd'hui que le goût s'épure par la vulgarisation des œuvres d'imagination, que la satisfaction des veux, par la con- templation du beau est devenue un besoin pour tous, le dessin est une impérieuse nécessité pour les ouvriers de tous les métiers. Je n’en excepte pas même ceux qui, de prime-abord, sembleraient, avec les beaux-arts, n'avoir aucune parenté. Autrefois le bon, le solide, le durable suffisaient dans les produits de l'industrie. Aujourd'hui, il faut que l'objet le plus usuel, les ustensiles les plus vulgaires, aient, outre ces qualités, la grâce et l'élégance dont l’ouvrier ne saura jamais parer son ouvrage sans la connaissance du dessin... « Initié aux principes du beau, il sentira se relever dans son esprit sa profession quelqu'humble qu'elle soit. L'exer- çant dès lors avec plus d'intelligence, il l'exercera aussi avec plus d'amour, parce qu'il lui donnera autre chose que sa force physique et le travail machinal de ses mains. Le désir de faire bien ne précédant pas de beaucoup celui de faire mieux, c'est ainsi que, sans cesser d'être ouvrier, il pourra devenir artiste dans son métier, en dépensant d'une manière productive cette sève intellectuelle qui trop souvent s'échappe, se perd ou se dessèche, faute d'être utilisée. _. «C'est cette union de l’art au métier qui assigne un si haut rang sur les marchés du monde entier à nos produc- tions nationales et place l’industrie française à la tête de celles des autres nations, qui ne font que l’imiter avec plus ou moins de bonheur... « Une école de dessin libéralement accessible à tous est donc un bienfait, soit qu'elle ne fasse que doter les uns d'un talent d'agrément, soit qu'elle pousse les autres vers la per- fection relative dans leurs métiers, soit enfin qu'elle devienne le berceau d'un de ces talents qui sont l’orgueil et la gloire d'une cité. | « Travaillez, chers élèves. la bienveillance de l'autorité ne vous fera pas défaut. En échange, je ne vous demande pour elle et pour moi, que de la confiance et du bon vouloir. UE Courage done ; en marchant dans la voie que l'édilité vous a ouverte, vous deviendrez non seulement des ouvriers habiles, ainsi qu'il les faut aujourd'hui, mais encore des hommes de goût, d'intelligence et de cœur... » Les doctrines exprimées dans ces phrases, que l'on croi- rait, à la lecture, empruntées aux séances du dernier congrès de l'art décoratif à Toulouse, sont, après plus de qua- rante ans, de la dernière actualité aujourd'hui. Nous verrons Jeanneney en poursuivre, pendant vingt années, la réalisa- tion au milieu de l'indifférence et parfois même de l'oppo- sition des directeurs de l'art officiel et du goût national. Et c'est pour les avoir méconnus si longtemps que la peinture de chevalet, accessoire démonétisé par les sports et l’auto- mobile, avilie par une surproduction effrénée, subit la crise terrible que nous traversons actuellement. Les applaudissements qui suivirent le discours de Jeanne- ney se répétèrent à la lecture du palmarès, dans lequel nous voyons un peintre en bâtiment, Alfred Duvent. remporter le prix d'honneur, un maréchal des logis du 3° dragons le prix de tête et Charles Dubret, le joaillier bien connu aujourd'hui. alors âgé de dix-sept ans. le prix d'ornement d’après la bosse. Victor Jeanneney occupa le temps des vacances à para- chever l'installation de l'école. Il avait prié le marquis d’An- delarre de demander au gouvernement l'envoi d'une série de modèles en plâtre. Mais le député avait reçu des bureaux du ministère de l'Instruction publique la réponse tradition- nelle déjà en usage à cette époque : Les crédits sont épuisés. Désireux de ne pas faillir à sa promesse, il fit faire un choix judicieux de moulages, les paya sur sa cassette et les fit adresser franco à la ville de Vesoul. Gérôme y joignit le don de cinquante-deux modèles. édités par son beau-père M. Gou- pil, pour les écoles de dessin parisiennes, en s'excusant de ne pouvoir, pour le moment, en offrir un plus grand nombre. Lors de sa visite à l'école, le grand peintre avait été péni- blement impressionné en voyant de nombreux élèves obligés D — de dessiner sur leurs genoux, faute de tables en nombre suffisant. Sur le rapport du docteur Sallot, au nom de la Commission dè surveillance, la nouvelle municipalité n'hé- sita pas à faire des sacrifices. Elle avait à sa tête un homme éclairé et intelligent, M. Auguste Petitclere, aussi dévoué aux idées de progrès que son prédécesseur l'était peu. On décida d'aménager les deux salles de l’ancien logement Merle et d'y placer des tables pour le dessin linéaire et le dessin d'imitation ; de plus on y installa l'éclairage au gaz. Enfin, un arrêté municipal (1) accorda à Jeanneney, avec le titre officiel de professeur de l'Ecole municipale des arts indus- triels, un traitement annuel de 800 francs. Désormais l’école allait marcher de succès en sueces ; à la rentrée du 21 octobre 1866, le nombre des postulants aug- menta encore et l’on dut se montrer plus difficile dans l'at- tribution des places vacantes (2). Encouragés, et se sentant soutenus, les élèves rivalisèrent de zèle durant l'hiver. Au printemps, le ministre de l’Instruction publique se décida à envoyer quatorze modèles en plâtre. «Ils offriront » dit la «lettre de Duruy « aux élèves des types variés dans les diffé- «rents genres d'études sérieuses, propres à développer chez «eux une qualité essentielle : le sentiment du beau uni au «sentiment du vrai (3). » = Afin de témoigner sa reconnaissance aux bienfaiteurs de l'école et aussi pour faire taire quelques malveillants, Jean- neney n hésita pas à tenter une entreprise particulièrement audacieuse : celle de faire participer son école, créée depuis moins de dix-huit mois, à l'exposition universelle de Paris. «Les ressources de l'école étaient bien faibles, mais Île « dévouement du maître, la bonne volonté des élèves avaient (1) Du 15 juillet 1866. (2) Une liste des élèves relate parmi les anciens : Gustave Comtois, Dubret, Halley, Piot et Bon et parmi les quinze nouveaux, Nicolas Blanchard /Arch. municip. de Vesoul. (3) Journal de la Haute-Saône du 24 avril 1867. — 126 — « suppléé; avee peu de moyens, on était arrivé aux grands « résultats (1). » Son envoi collectif fit l'objet d'une remarque spéciale dans un compte-rendu semi-officiel (2). « Notons « encore des ouvrages de l’école municipale de Vesoul, un « bon paysage fusain et crayon, poussé à l'effet un peu noir, « mais assez ferme, une tête d'étude d’après la bosse dans «les mêmes tendances, d’une très habile exécution, quelques « dessins d’après des fac-simile des dessins mêmes des « grands maîtres, bonnes études... » En reproduisant cet article, le Journal de la Haute-Saône ajoutait: « Cette « mention toute spéciale de notre école atteste un succes «réel, dont maître et élèves peuvent être fiers à juste « titre (3). » L'enthousiasme ne connut plus de bornes, au cours du soir, quand on apprit que les r8o écoles de dessin ayant exposé à Paris avaient été appelées à un concours général organisé par le Ministère de l’Instruction publique et que l’école de Vesoul avait obtenu l'une des cinq mentions très bien, accordées aux concurrents. Le préfet fit appeler Jeanneney et lui donna communication d’une lettre de Duruy, félicitant le directeur de la marche de son école (4). Ce fut sous l'impression de ces bonnes nouvelles qu'on partit en vacances, avec le sentiment du devoir accompli. La seconde distribution des prix n'eut lieu que le 2 fé- vrier 1868. On avait attendu le retour des œuvres envoyées à l'exposition universelle, afin de pouvoir les disposer, avec celles du premier trimestre de l’année, dans la grande salle de la mairie. Le préfet et les autorités étaient présents ; M. Suchaux, adjoint, présidait. Il rappela la fondation de l’école, destinée à l'enseignement populaire du dessin, le (1) Article de M. Hild, actuellement doyen de la Faculté des lettres de Poitiers, dans le Journal de la Haute-Saône du 25 juin 1870. (2) « Promenades à l'exposition universelle » dans le Manuel général de l'Instruction publique du 17 août 1867. (3) Numéro du 4 septembre 1867. (4) Correspondance de Castan. succès de ses premiers essais. « Confiée à un maître habile, « qui nous apportait l'expérience acquise dans la direction « d’une école plus importante, la nôtre a rapidement pros- « péré. » Jeanneney prit la parole pour développer à nou- veau et bien fixer dans les esprits ses idées et ses doctrines. € Un grand philosophe du dix-huitième siècle disait qu'un pays où l’on apprendrait à dessiner comme on apprend à lire et à écrire serait bientôt à la tête des autres nations pour toutes les choses de goût. « En effet, le goût n'est une produetion spontanée dans aueun pays ; il se forme lentement par l'addition d'un progrès à un autre : il est le résultat du temps et de l'étude, il se déve- loppe et s'épure par le commerce habituel des belles produc- tions ; il se fortifie par la contemplation des belles œuvres CO le « Le dessin étant, de toutes les connaissances artistiques, celle dont les rapports avec le travail manuel sont les plus immédiats, cette étude est un dés moyens les plus sûrs de doter d’une direction intelligente la volonté qui commande, le chef d'atelier qui dirige et de mettre l’ouvrier à même de concourir, pour sa part, à la perfection du grand tout qu'est l'œuvre de l'industrie. « Pour atteindre ce but, la ville de Paris a fondé des écoles d'arts appliqués à l'industrie. Là, l'ouvrier acquiert un coup d'œil plus juste, un goût plus sûr, un sens plus exact du beau. Il devient plus habile parce qu'il a, à sa disposition, un moyen prompt de donner un corps à sa pensée : le dessin. Il devient plus adroit parce que, familiarisé avec la forme par l'étude des arts, 1l peut en analyser les éléments, se pénétrer mieux de son caractère propre, la reproduire d’une façon plus correcte ou la modifier avec plus d'esprit et de facilité. «L'avenir de l’industrie en province est entre les mains de la jeunesse de nos écoles ; si elle ne sait l’élever à la hauteur de celle de la métropole, il ne lui restera que l'humble exer- eice des métiers purement manuels. Les portes des grands = Ho) 22 ateliers lui seront fermées, ou elle n'y entrera que pour y remplir l'emploi de la force et non celui de l'intelligence. » Après avoir remercié l'autorité municipale de son appui et de son intérêt pour l’école, le directeur se plut à retracer les résultats obtenus au cours de l’année : Grâce à ses progrès, grâce à son titre de lauréat de l’école, un de vos camarades (1) a été admis comme chef d’ate- lier dans l’une des plus importantes manufactures de France, deux autres ont trouvé à la même source un travail intelligent et bien rémunéré ; deux autres enfin, si mon espoir n’est pas déçu, seront bientôt avantageusement placés. Vous le voyez, en travaillant à vous instruire, vous vous préparez une exis- tence utile et honorée. Courage done, chers élèves. » (2). Au palmarès figure Gustave Courtois pour le deuxième prix (médaille d'argent) d'ornementation d’après la bosse. Parmi les lauréats de la section d’ornementation d’après le dessin, on relève les noms de Bon et d’Halley et, dans celle de la gravure, celui de Charles Dubret. L'année scolaire qui se termina fin juillet 1868 fut la dernière durant laquelle le bâtiment des vieilles Halles abrita la jeune et florissante école de dessin. Dans son projet de construction des nouvelles Halles aux grains, entre le marché et la place Neuve, la Municipalité avait prévu l'établissement de locaux spécialement destinés à son école de dessin. De concert avec Jeanneney, M. Dode- licr dressa le plan du monument qui existe aujourd'hui et dont la pureté aussi bien que la simplicité des lignes font honneur au bon goût de l'architecte municipal (3. Le grand hall, large de vingt mètres, est flanqué d'un bâtiment en façade, dont le premier étage est affecté aux salles de l’école. (1) Alfred Duvent. (2) Journal de la Haute-Saône du 5 février 1868. (3) M. Dodelier a été tué lors de l'incendie de la Préfecture de la Haute-Saône, le 1° mars 1882. — L. Monnier. Histoire de Vesoul, tome IT, p. 303. L— 129 — On y accède par un vestibule et deux escaliers de pierre qui aboutissent à un palier en face duquel s'ouvre la salle des modeleurs. De chaque côté, deux grandes salles de 9"30 de long sur 6 mètres de large, sont éclairées par six fenêtres prenant jour sur la place. À droite de l’entrée est la salle de dessin d’après le modèle, où les élèves se répartissent autour de trois tables à double face. La salle de gauche est réservée aux dessins sur chevalets et d’après la bosse. Deux cabinets permettent de remiser les modèles en plâtre. Les travaux nécessités par cette heureuse installation retardèrent la rentrée scolaire jusqu'au 5 décembre 1868 : mais les élèves, enchantés d'inaugurer des locaux si spacieux, si aérés, si gais, promirent à leur dévoué professeur de redoubler de travail et de zèle pour regagner le temps perdu et ils tinrent parole. De son côté, la Joie du directeur était d'autant plus grande que, cette année-là, la ville’ avait pu accueillir toutes les demandes d'admission. De 62 le nombre des élèves s'éleva à 102, dont 56 commençants dessinant d'après la gravure, 18 modeleurs et 28 dessinant d’après la bosse ou faisant des ornements et des paysages décoratifs sur chevalets (1). Le 12 juin 1869, en même temps que la distribution des prix avait lieu à la mairie, les visiteurs pouvaient parcourir les deux grandes salles de travail, transformées en exposi- tion des ouvrages de l'école municipale et des cours libres de Jeanneney, attestant à la fois « le zèle des élèves et le mérite du professeur. » À cette occasion, Alexis Muenier écrivait dans La Franche-Comté du 16 juin 1869 : « J'ai déjà constaté les progrès qu'a faits notre école sous la direction habile et dévouée de M. Jeanneney, votre compa- triote bisontin. Aujourd'hui je constate un très remarquable crescendo. L'exposition des œuvres des élèves est très admirée, elle le mérite, mais ce qui s’en dégage principa- (1) Rapport de Jeanneney au maire de Vesoul du 17 novembre 1869. 9 — 130 — lement, c'est la pensée du maître, c’est l'unité de tous les cfforts tendant à réaliser cette chose utile et grande : Z’appli cation des arts plastiques à l’industrie. | . « M. Jeanneney n’a pas voulu tourner l'esprit de ses élèves du côté des spéculations trop souvent décevantes de l'art Due Encourager un enfant à suivre la carrière de l’art, cest presque toujours un mauvais service à lui rendre... la v.e ne se compose guère que de cinq années de poésie sur cinquante ou soixante années de prose. M. Jeanneney a com- pris cette proportion. Il tient à ce que ses élèves deviennent avant tout d'habiles ouvriers, capables de diriger un atelier et de gagner leur vie dans ces conditions honorables qui sont toujours le résultat du travail uni à l'intelligence et au savoir. € 51, parmi ces organisations diverses, étudiées par le professeur, une organisation supérieure se produit, si un talent réel se manifeste, M. Jeanneney ne cherche pas à étouffer l’éclosion de ce talent. Ainsi, cette année même, un jeune homme s’est révélé, qui sera sans doute un jour la gloire de notre école. Il se nomme Gustave Courtois, M. Cour- tois est aujourd'hui élève de Gérôme. Il a exposé une série de fusains admirables, entre autres un christ en croix qui est magistral. » Ces œuvres valurent au jeune artiste le prix d'honneur hors concours de l’année, avec une grande médaille de ver- meil, offerte par le marquis d'Andelarre. Passant en revue les autres travaux des élèves, À. Muenier ajoute : € M. Ragon a exposé un coffret Renaissance, une jardi- nière et une pendule Louis XV; c'est très ‘curieusement fouillé comme ornement (Prix des Arts industriels et mode- lage, grande médaille d'argent, offerte par M. Jules Cour- celle et prix offert par le préfet); un cippe funéraire du xu1° siècle avec chapiteaux et moulures du x1H°, exposé par M. Abel Halley /préx des Arts industriels, médaille d'argent), très réussi comme ensemble, a cette sorte de physionomie sévèrement hiératique, que l'on reconnait aux cippes du — 1951 — moyen-âge. M. Ch, Dubret a exposé des pendants d'oreilles avec peintures sur émail, une plaque gravée au burin et, notamment, une magnifique tabatière en argent oxydé (1), avec gravure et ciselure en relief et incrustations en or de couleurs, très remarquable au point de vue de l'exécution (grande médaille d'argent). Enfin, dans la section de litho- graphie, deux lithographies : l’une gravée et l’autre au crayon, de M. Blanchard, traitées avec beaucoup de finesse et de fermeté. € L'exposition des jeunes amateurs qui suivent les cours de M. Jeanneney m'a plu à un autre point de vue. Le terrain de l’art est fraternel. Une fusion amicale de toutes les classes résultera des rapports plus fréquents entre les jeunes gens d'une même cité. La blouse n'aura plus de haine pour Fhabit noir, l'habit noir ne dédaignera plus la blouse. Une estime, une sympathie mutuelles se dégageront de ce contact. » Heureux présage que des événements prochains devaient en partie réaliser, en attendant que, trente ans après la pro- clamation de la souveraineté du peuple, d'autres apôtres, ennemis des arts, viennent prêcher la lutte des classes et l'usage de /a machine à bosseler ! Parmi les travaux des élèves libres de Jeanneney, on remarquait principalement de gracieux paysages d’après nature d'Albert Estignard et deux tableaux de A. Blass. La proclamation des récompenses fut précédée d'un excellent discours du directeur, sur l'Histoire des Arts plas- tiques depuis leur origine jusqu'à nos jours, dans lequel celui-ci fit preuve, une fois de plus, de ses connaissances approfondies de l'histoire de l’art et de ses qualités sérieuses d'écrivain. L'exposition venait à peine de fermer ses portes, quand le préfet communiqua au maire de Vesoul une nouvelle (1) Il en fit cadeau à son dévoué professeur, qui faisait semblant de priser plus qu’il ne prisait réellement. =— 132 — importante. Un crédit de 20,000 francs.avait été ouvert au Ministère des Travaux publics pour être distribué en une prime de 3,000 francs et d'autres de 1,500, 1,000 et 500, aux écoles municipales de dessin reconnues les plus utiles au développement et aux progrès des arts appliqués à l'indus- trie. La prime unique de 3,000 francs venait d'être attribuée à l’école de Vesoul : « Afin, dit le ministre G), de l'aider à se « développer, notamment en appropriant le nouveau local € qui servirait à admettre un plus grand nombre d'élèves ». La commission de surveillance décida d'employer une somme de deux mille francs, prélevée sur cette subvention, à l'achat de modèles Hithographiés, de plâtres, de volumes et publi- cations artistiques. Jeanneney fut chargé de se rendre à Paris pour y faire ces achäts ; quant au surplus de la sub- vention, il fut affecté au règlement des fräis d'achat et d'aménagement du mobilier de l’école (2). Ainsi la ville de Vesoul se trouva récompensée des sacri- fices qu'elle avait faits et une feuille locale disait : « Cette « importante allocation sera pour les élèves un stimulant « énergique et pour le professeur, M. Jeanneney, la meil- « leure preuve que ses efforts sont connus et appréciés ». Enfin, pour témoigner au zélé et habile directeur toute « sa satisfaction des services rendus. et en retour de son « engagement de rester à la tête de l'école de dessin aussi « longtemps qu'il serait attaché comme professeur au lycée « de Vesoul », le conseil municipal éleva son traitement annuel à la somme de 1,200 francs, à parür du 1° janvier suivant (3). (1) Lettre de E. Gressier au Préfet du 26 juin 1869. (2) Délibérations municipales des 21 août et 6 décembre 1869. 13) Délibération du 22 décembre 1869. — 133 — CHAPITRE IV PROSPÉRITÉ DE L'ÉCOLE DE DESSIN EN 1070. — SA FERMETURE PENDANT L'INVASION ALLEMANDE. — RÉOUVERTURE (DÉCEMBRE 1871). — PUBLI- CATION D'UN ALBUM : € L'ORNEMENT RAISONNÉ » (1873). — NominA- TION D'UN PROFESSEUR-ADJOINT (1877). — NOMINATION DE V. JEANNE- NEY A BESANCON, SON REFUS (1881). — Dons DE L'ETar (1882-83). DERNIER DISCOURS DE JEANNENEY (1884). L'année scolaire 1869-70, qui devait être aussi celle de nos désastres nationaux, s’ouvrit le 11 octobre, sous les plus heureux auspices. Jeanneney était revenu de Paris avec une collection importante de modèles et de plâtres, et l’installa- tion de l’école ne laissait plus rien à désirer au point de vue de l'hygiène et du confort. On y admit (1) les élèves forains, c'est-à-dire ceux dont les parents n'étaient pas domiciliés dans l’agglomération communale de Vesoul, mais moyen- nant une rétribution de un franc cinquante centimes par trimestre. Les élèves travaillèrent-ils plus encore que les années précédentes ? Cela paraît difficile. Dans tous les cas, leur zèle et leur activité, facilités par de nouveaux moyens, ne se départirent pas un instant. Aussi, nous voyons la prospérité de l'école proclamée par la plume du distingué écrivain J.-A. Hild, alors professeur au lycée de Vesoul, toujours dévoué à la cause de l’enseignement de l’art : « La ville de Vesoul, malgré la modicité de ses revenus, possède une institution que des centres plus importants et plus riches lui envient à juste titre et qui, fondée depuis quatre ans à peine, est aujourd'hui parvenue à son complet (1) Délibération du Conseil municipal du 21 août 1869. Rita 134 Htve développement. Je veux parler de l’école municipale de dessin... « Tous les soirs, les ouvriers y viennent chercher ce qui doit vivifier le travail mécanique, l’animer et l’embellir : les leçons de l’art et du goût. Après les fatigues de la journée, ils vont là s'asseoir en grand nombre, l'ouvrier à côté de l'apprenti, le peintre près de l'orfèvre, le menuisier et le maçon avec le sculpteur et le marbrier. C’est que le but de l’école est éminemment pratique, les arts du dessin y sont bien plus étudiés dans leurs rapports avec l’industrie qu'au point de vue de l’art pur. Par là, notre école est exception- nelle : la route qui entraîne maitres et élèves loin des études utiles et des applications industrielles, à la fantaisie et aux travaux de pur agrément est si douce, si riante, que bien peu se sont défendus de la suivre. Les ambitions exagérées qui érigent le moindre rimeur en poète, tendent à poser tout dessinateur en artiste ; où l'amour-propre trouve son compte, l'aptitude pratique se perd, l'esprit même de l'élève s’altère et se dissipe ; bien loin de le hausser au rang des grands O artistes, sa déplorable méthode le fait déchoir au dessous du simple ouvrier... Pour un artiste véritable que des dispo- sitions spéciales prédestinent à un grand avenir, des cen- taines d'intelligences ordinaires sont ainsi dévoyées et perdues pour toujours. : «À l’école de M. Jeanneney, ce travers aussi commun que désastreux n’est pas à craindre... Les travaux les plus remarquables sont des applications de l’art à l'industrie... Depuis la fondation de l’école, un certain nombre d'élèves a su tirer parti des leçons qu'il y avait puisées ; de bons ouvriers en sont sortis, et la génération actuelle promet des résultats plus heureux encore. Une industrie nouvelle vient de s’ajou- ter à celles qu'on y pratiquait déjà : l'acquisition d'un jour à porcelaine et d'une collection de couleurs décoratives va donner une certaine extension aux travaux de la céramique, si propres à former la main et le goût. 10 — « I ne faudrait pas croire cependant que, par cette direc- tion pratique, les aptitudes plus élevées manquent, à l’école, des ressources propres à leur développement... Aujourd'hui, dans le domaine de l’art comme dans celui des applications industrielles, l'école compte des succès qui lui donnent une consécration définitive ». M. Hild se plaît à signaler les œuvres du jeune Gustave Courtois «en ce moment à l'Ecole des Beaux-Arts dans l'atelier de Gérôme, qui marche d’un pas ferme vers un bril- tant avenir. » Il cite aussi les tableaux d'Albert Estignard qui «rentrent dans la bonne moitié des paysages que le Salon expose cette année. » A ces succès, il convient d'ajouter celui de Nicolas Blan- chard reçu au même Salon avec un paysage au fusain d’après nature et ceux de l’école toute entière, dont douze dessins venaient d’être admis à l'exposition universelle de Vienne (Autriche). «C’est ainsi », continue le distingué professeur « que notre école, à côté des talents ordinaires qui en marquent le niveau général, sait cultiver les aptitudes spéciales et les vocations véritablement artistiques. L'homme intelligent et dévoué qui la dirige a compris que l’art pur est la source où l’industrie, le métier, viennent puiser, avec la vie, ce reflet de beauté qui transforme la matière... Un maître intelli- gent et dévoué, des modèles bien choisis, voilà les deux conditions qui doivent assurer le succès d'une école comme la nôtre. J'ai parlé des modèles, l'amitié que je professe pour le maître m'impose de ne pas trop parler de lui. À quoi bon d’ailleurs ? Nous connaissons tous son activité énergique et infatigable. Voulez-vous l'apprécier mieux encore? Allez le voir à l’œuvre au milieu de ses ouvriers, qui l'entourent de respect et de sympathie. Vous comprendrez pleinement que l'instruction libérale et dévouée, en relevant l’ouvrier à ses propres veux, en améliorant son bien-être, lui donne encore, avec la science qui élève et ennoblit l'esprit, les =— 1930 — sentiments grands et généreux qui forment le cœur » (1) Quelques jours après ces constatations encourageantes pour l’avenir, la déclaration de guerre par la France à la Prusse dispersait les élèves de l’école, dont plusieurs par- taient sous les drapeaux. Le 18 octobre 18570, l'armée ennemie faisait son entrée à Vesoul et le général Werder: y établissait son quartier général. Le grand bâtiment de la Halle fut transformé en ambulance et les salles de l'école de dessin affectées aux bureaux de l'intendance militaire. Jeanneney avait heureusement pris soin de mettre en lieu sûr les modèles et les plâtres, dans les greniers de sa maison rue Saint-Georges, n° 2 et chez les parents de ses élèves. Il ne fallait pas songer à l'étude des arts au moment où les notables de la ville étaient emmenés à Brème comme otages et où chaque maison de Vesoul était requisitionnée pour le logement des troupes d'occupation. Les longues soirées de ce terrible hiver parurent bien tristes aux élèves, qui se sou- venaient de la gaîté des cours du soir durant les années pré- cédentes. Quant au directeur, il occupa ses loisirs forcés à la composition d'une importante série de dessins lithogra- phiques, dont il projetait la publication. Enfin, l'heure de la libération du territoire allait sonner. Le 10 avril 1871, l'administration française fut rétablie dans la Haute-Saône, mais la ville de Vesoul resta occupée par l'ennemi et l’intendance allemande fonctionnait encore dans les salles de l’école. Cependant, dès le ro mai, vingt-et-un des anciens élèves de Jeanneney, tant en leur nom qu'en celui de leurs camarades, adressèrent une pétition au maire, pour demander le rétablissement de l’école et la réouverture des cours. Maintenant, disaient-ils « que les circonstances » nous permettent de reprendre notre vie active, il serait » urgent de nous mettre à même de rattraper les longs » mois perdus pour notre instruction et de compléter, par (1) Journal de la Haute-Saône du 25 juin 1870. — » un travail assidu, des études dont nous comprenons, » chaque jour davantage, l'impérieuse nécessité. » Malgré son désir de donner satisfaction au zèle des élèves, M. Noirot dut répondre à Jeanneney qu'il ne voyait aucun local suscep- üuble d’être affecté à une installation, même provisoire de l’école. À la fin du mois de juin, les Vésuliens eurent la satisfaction de voir partir les derniers soldats allemands, mais les locaux du premier étage de la Halle furent immédiate- ment réoccupés par les bureaux de l’intendance française. Sur une nouvelle pétition des élèves du 8 juillet 1877, le maire, M. Grillet prit un arrêté, daté du 8 septembre, fixant au lundi 11 septembre suivant, à sept heures du soir, la réouverture des cours de dessin. L'administration militaire refusa catégoriquement de céder la place, deux lettres du maire au général commandant le département restérent sans réponse. Jeanneney obtint alors du proviseur l’autori- sation d'installer provisoirement son école dans une salle du lycée et le 16 octobre, une quinzaine d'élèves purent se remettre au travail. Pendant ce temps, les pourparlers enga- gés entre la mairie et le commandement militaire se poursui- virent et ce n’est qu'à la fin de décembre que les salles de la Halle furent rendues à leur affectation première. Ainsi qu'il fallait s’y attendre, cette année scolaire ébré- chée donna peu de résultats, malgré le redoublement d’acti- vité du professeur (1). À la session d'avril 1872, M. Josse, conseiller municipal exprima le désir qu'une part soit faite à l’enseignement du dessin linéaire (2). Jeanneney répondit qu'il ne demandait pas mieux, mais qu'il ne manquait que. des élèves pour suivre le cours déjà institué. Cependant, afin de récompenser ceux qui, dès les premiers jours de la réorganisation, s'étaient courageusement remis au travail, (1) Pour lui témoigner sa gratitude, la ville consentit à lui allouer la moitié de son traitement pour l’année 1871. (2) Délibération du 14 avril 1872. la municipalité décida qu'il y aurait une distribution des prix. À cette cérémonie, qui eut lieu le 25 août 1852, Jean- neney, jetant un coup d'œil sur les derniers évènements, disait aux élèves : « Pendant ces longs mois de larmes et de sang, alors que la France faillit s'effondrer sous le talon pesant de ce fétiche de la barbarie dont nos vainqueurs font une déesse qu'ils appellent la Force, l’intronisant sur l’autel brisé du Droit, notre jeune école dut fermer ses portes. Le paisible asile de l'étude devint un séjour de douleur, et ces modestes banes, où vos crayons inexpérimentés essayaient leurs prerniers traits, firent place à des lits d’ambulance. « Plus favorisés que nos voisins, qui servent encore de garants à notre rançon, nous avons vu s'éloigner enfin les hordes tudesques et nous avons pu reprendre le cours inter- rompu de nos études. Je suis heureux de constater avec quel empressement chacun de vous reprit sa place et J'ai l'espoir que, pour tous, ces terribles épreuves sont devenues un enseignement. « Par delà nos malheurs, chaque rayon d'espoir qui luit à l'horizon du lendemain doit éclairer pour tous ce premier mot du devoir: Le travail... Travaillons, parce que du tra- vail de chacun renaîtra cette France que certains croyaient morte à jamais et qu'un avenir prochain nous rendra, par la volonté de ses enfants, prospère et libre (1). » Parmi les élèves récompensés, nous voyons au palmarès les noms d’Abel Halley avec le deuxième prix de sculpture, Georges Doillon, le futur gendre de Jeanneney, Jean=Fran- cois Grosjean, le père du jeune et infortuné sculpteur Jul Grosjean, enfin Wolfinger dont les succès au lycée nous sont déjà connus et qui, non content de suivre les cours universi- taires de Jeanneney, ne manquait aucun de ceux du soir à l'école municipale. | | ‘ (1) Journal de la Haute-Saône du 28 août 1872. — 139 — IH ny eu pas de distribution des prix ni d'exposition durant l’année 1852-73, qui s’ouvrit le 19 octobre 1872. Jeanneney employa tous ses instants de liberté entre chaque cours, à l'édition d'une publication artistique à laquelle il travaillait depuis plusieurs années : L'Ornement raisonne. L'auteur résume ainsi les idées qui ont présidé à l'exécution de cette œuvre(1) : « Malgré les efforts tentés pour vulgariser la connaissance des arts plastiques. un fait incontestable est l'ignorance absolue de tout ce qui touche aux arts décoratifs... Au softir de nos établissements scolaires, on peut connaître l’histoire et la philosophie des grandes époques, les guerres de chaque peuple... mais ses arts sont en général lettre morte. «€ Pour l’homme du monde, cette ignorance peut n'avoir d'autre inconvénient que de l’exposer, dans la conversation, à garder le silence ou commettre de grotesques hérésies.…. «Mais pour l'industriel, pour l’ouvrier... cette ignorance est bien autrement funeste. [l peut avoir appris à dessiner pour- tant, ou plutôt avoir fréquenté quelque école où 1l a copié bon nombre de modeles. Mais quel parti peut-il tirer d’une langue qu'il a appris à prononcer sans la comprendre ? Im- puissant à sentir des beautés dont le caractère lui échappe, comment, la nécessité venue, pourra-t-1l créer un ouvrage d’un style voulu, sur un programme déterminé, si les élé- ments qu'il doit mettre en œuvre n'ont dans son esprit ni valeur distinctive, n1 rapport ? « Le résultat négatif, malgré le nombre infini de modeles offerts à l'étude et dont la plupart sont bien choisis et bien exécutés, est dû à l'absence absolue de méthode de ces collections, formant moins un tout qu'un amas de fragments de tous styles, de toutes époques, sans suite, sans ordre, sans lien... Ces collections ne constituent en réalité que des (1) Prospectus aux Archives municipales de Vesoul. SE 1/0 ne exercices gymnastiques propres à développer la justesse de l'œil et l'habileté de la main, mais qui, ne demandant rien à l'esprit, ne laissent rien dans la mémoire qu'un souvenir confus et flugace… « Telle est la lacune que nous avons essayé de combler en offrant aux gens du monde, à l'industriel, à l’'ouvrier aussi bien qu’à l'élève des cours classiques, de l’enseignement pri- maire ou des écoles spéciales de dessin, un choix des types les plus accusés des arts décoratiis, architecture, céramique, tenture et meubles, orfévrerie, gravure classés, groupés par époque, et accompagnés, sur chaque planche, d'un texte succinct qui, sans surcharger l'esprit par les détails et les exceptions, fasse saisir le système particulier à chaque art, ses éléments constitutifs, ses phases principales et ses tran- sitions ». Cette belle publication, dont 1l n'existe plus que de rares exemplaires complets, se divise en trois parties distinctes : 1° L'art antique jusqu à l’époque romane ; 2° l’art roman et gothique ; 3° la renaissance et l’art contemporain. Chaque partie est composée de quatre fascicules de dix à douze planches, in-folio raisin. Chacune de ces planches comporte un ou plusieurs modèles d’après leur importance, très habi- lement choisis, et placés par ordre chronologique. La partie inférieure est occupée par une courte notice historique, qui en explique l’économie. L'auteur avait, longtemps à l'avance, demandé des conseils à ses amis bisontins ; il écrivait à Castan : « Quand ma pre- « mière série sera terminée, je te la soumettrai et te serai « bien reconnaissant de me donner ton avis et de la commu- «niquer à l'ami Delacroix (l'architecte érudit bien connu) « pour qu'il me rappelle à l’ordre au cas où j'aurais laissé = = passer quelques hérésies architecturales. » L'ouvrage, édité avec soin, reçut un excellent accueil dans le monde universitaire. Le Bulletin de l'instruction primaire de la Haute-Saône en fit un grand éloge : ai 1H 1-— « Le dessin doit prendre une place sérieuse dans l'instruc- tion primaire... L'étude de l’ornement donne la justesse à l'œil, l’habileté à la main, la rectitude au jugement. Si cet enseignement est ce qu'il doit être, c'est à dire autre chose et plus que la copie servile d’un modèle... il suifira pour former le goût et rendre l'élève capable d'apprécier saine- ment la valeur des œuvres d'art industriel, d’une série de modèles choisis avec soin, expliqués avec intelligence et qui offrent au maitre et à l'élève comme une galerie décorative tirée des meilleures ecoles et des meilleurs maitres. «Une des publications qui répond le mieux à ces exigences parce que, tout en étant analytique et méthodique, elle ne dépasse pas le niveau auquel l'enseignement primaire doit tenter d'atteindre, estl'Ornement raisonné de V. Jeanneney, professeur de dessin au lycée et à l’école normale, directeur de l’école municipale des beaux-arts appliqués à l’industrie, à Vesoul. « Cet ouvrage, recommandé par l'inspection générale de l'enseignement primaire aux écoles normales de France, à été soumis à l'examen d’une commission nommée par M. le ministre de l’Instruction publique, dont le rapport favorable a valu à son auteur une souscription ministérielle. » Le Conseil municipal de Vesoul, auquel l'ouvrage avait été proposé, s'empressa de souscrire pour quatre exemplaires destinés à la bibliothèque de la ville et aux écoles (x). Il semblait que, sous de tels auspices, le succès de cette publication était assuré. Jeanneney, qui n’en faisait pas une question d'argent (2), mais un nouveau moyen de vulgarisa- tion artistique, se réjouissait d'avance de voir son labeur de plusieurs années servir à l'instruction de ses concitoyens. (1) Délibération du 17 juin 1874. (2) Le prix du fascicule était fixé à 5 francs. Afin d’en faciliter la vente, il devait en paraître un tous les trois mois, l'ouvrage entier, représentant douze fascicules devait être vendu 60 francs; c’est à dire une somme peu supérieure au prix de revient. = LiDE Son rêve fut interrompu par un douloureux réveil. Un changement de ministère amena, dans les bureaux de là rue de Grenelle, un nouveau directeur général, avec sa clientèle de quémandeurs. Il se trouva parmi ceux-e1 un dessinateur inconnu qui avait fait un album de modèles quelconques dont il fallait à tout prix faciliter le placement. Toutes les faveurs ministérielles lui furent accordées et l’on retira à Jeanneney l'approbation des inspecteurs généraux ainsi que l'autorisation de répandre son ouvrage dans les écoles du gouvernement. Tout était perdu. Réduit à ses propres moyens, ne pouvant compter sur des souscriptions privées en nombre suffisant, Jeanneney vit son œuvre détruite en un instant. Découragé, il se contenta de payer à son imprimeur le prix considérable qu'avait coûté la lithographie et l'impression de ces cent trente-cinq planches et il négligea même de se faire remettre les épreuves déjà tirées. Un négociant plus pratique que l'artiste, sut en tirer parti. Quelques mois après, on pouvait voir à l’'étalage des libraires et sur les tables des écoles con- gréganistes de la ville, les belles lithographies de Jeanneney, victimes de l'injustice officielle. Cet échec de librairie fit un trou sérieux à la bourse médio- crement garnie du bon professeur, mais ne diminua ni son zèle, ni son admirable dévouement à la cause de l’art et aux intérêts de ses élèves. À la distribution des prix du 9 sep- tembre 1874, sa figure souriante n'accusait ni regrets, ni rancœurs. Après avoir signalé les succès de ses anciens élèves : Gustave Courtois qui venait de remporter le premier prix de peinture à l'Ecole nationale des Beaux-Arts et Albert Estignard, dont les paysages avaient été remarqués au der- nier Salon parisien, le directeur donna lecture de la liste des récompenses accordées aux élèves. Parmi ces derniers figu- rent : Nicolas Blanchard avec un diplôme d'honneur hors concours, Wolfinger, le grand prix d'honneur de tous les concours de l’année, Troschler, le premier prix de dessin. = 142 Eire Puis, dans un discours très littéraire, Jeanneney parla de l’utilite des arts, de l'influence que leur culture peut exercer sur le bien-être individuel, aussi bien que sur la prospérité nationale, enfin de la necessite de leur étude. « Oui. chers élèves » disait-il en terminant, « aussi bien que celui dont le 2 «talent rayonne et dont le nom acclamé trouve un écho sym- = « pathique jusque par delà nos frontières ; aussi bien que le « soldat courageux qui combat pour les défendre, le produc- «teur intelligent, l'artisan laborieux, l’ouvrier habile peut «être fier du contingent qu'il apporte à la fortune du pays, « fier de contribuer par son labeur à sa prospérité (1). » L'année scolaire 1874-75 se passa sans incident notable ; la ville de Vesoul, dont le budget avait été grevé par le paie- ment d'une lourde indemnité de guerre, ne put offrir de 2 écompenses aux élèves de ses écoles. À Ia distribution des prix de l'année suivante, 27 août 1876, l'aube de notre relè- vement national inspira à Jeanneney un beau discours sur la Supériorité de la France dans les arts, sur les autres nations, dont voici le début: € Chaque nation se dit et se croit à la tête de la civilisation, prétend marcher la première dans la voie du progrès et déblayer les chemins inconnus de cet avenir, où l'humanité croit voir réalisé l'idéal conçu par ses espérances. «Chaque peuple, en effet, a son tempérament,ses aptitudes spéciales qui le rendent supérieur par certains côtés, lui permettant de donner sa note dans la grande harmonie uni- verselle. Tous poursuivent le même but: la perfection. Mais chacun la rêve suivant ses goûts, ses besoins, ses appétits ; prend pour l’attemdre des voies différentes, en rapport tou- jours avec ses aspirations. « Nous aussi, comme les autres nations, nous voulons être la première et, si c’est prétention sous certains rapports, sous d’autres du moins, cette pensée est-elle raisonnable et (rx) Journal de la Haute-Saüne du 10 septembre 1874. fondée. Nous pouvons en effet dire sans vanité qu'en tout ce qui se rattache aux œuvres de l'esprit, aux travaux de la pensée, aux manifestations du goût, la France est, et demeure arbitre souveraine... En tout ce qui tient aux arts, aux satisfactions délicates du luxe vrai ou de la fantaisie, la France juge sans appel. Ses détracteurs eux-mêmes briguent ses suffrages et l'artiste, dans tous les genres, ne se sent complet que si la France veut bien lui accorder sa suprême sancuon. C’est là notre véritable supériorité. . . «Ces qualités précieuses, pour porter leurs fruits, doivent être exaltées par tous les moyens possibles et l’un des plus sûrs est, sans contredit, l'étude des arts du dessin. « Par elle, en effet, on apprend à donner un corps aux con- ceptions de son imagination, à écrire un programme, à l’'étudier dans ses lignes, à le modifier, à le parfaire, avant de passer à l'exécution matérielle. Grâce à cette étude, l’es- prit s'aiguise, pour ainsi dire, en se familiarisant avec le beau, dont il finit par trouver la synthèse. Il devient plus sensible à l'harmonie des formes, 1l conçoit des équilibres de proportions nouveaux et hardis, des contours plus origi- naux, des balancements de lignes plus rationnels et plus gracieux ; non content de produire, 1} peut enfin créer. « Cette étude, chers élèves, vous en avez compris l'utilité. Quel que soit votre état, quel que doive être votre avenir, sachez que le travail est le levier du progrès, que l'étude, en nous faisant plus instruits, nous rend toujours meilleurs et-que, dans toutes les conditions, celui-là sait être heureux qui ne rêve que le beau, ne cherche que le vrai, ne veut que le bien, » A cette solennité assistait le poète Charles Grandmougin qui, après avoir constaté la prospérité toujours croissante de l’école, donne son avis sur le mérite des œuvres des élèves exposés à la mairie : « En présence de ces conscien- « cieux paysages, on ne peut sempêcher de reconnaître € qu'il y a là une excellente tendance au naturalisme et un « retour complet à la vérité... Iei encore, nous demeurons « convaincu que M. Jeanneney n'enseigne rien à ses élèves « qui ne soit conforme à la réalité : pas de procédés factices, « pas d'à peu près, pas de systèmes établis à priori ; « apprendre à bien voir et faire comme on voit, tel est «le secret qu'il donne à ses élèves et c’est ce qui en fait « des artistes (1) ». Le poète et éminent critique d’art cite ensuite le mot du philosophe, amant de la nature, J.-J. Rous- seau : « Par l'industrie et les talents le goût se forme, par le goût l'esprit s'ouvre insensiblement aux idées du beau « dans tous les genres et enfin aux notions morales qui s'y « rapportent ». Pendant les vacances, Jeanneney apprit que le ministère de l'Intérieur allait se débarrasser de tous les dépôts légaux des publications d'œuvres d'art, opérés par les éditeurs et que ces planches devaient être réparties, comme modèles, aux écoles de dessin de Paris et de la province. Des le 29 juil- let 1876, il en avait écrit aux députés et sénateurs de la Haute- Saône pour les prier d'appuyer la demande qu'il avait faite au ministre, en faveur de l'école de dessin de Vesoul. La démarche du directeur fut couronnée de succès : le 13 no- vembre 1876, le ministre des Beaux-Arts envoyait à Vesoul 214 superbes modeles d'ornement, de paysages, de marires natures mortes et sujets de genre. Grâce aux ed Le nies par Jeanneney, la ville de Gray reçut un don analogue pour ses écoles. L'année suivante {10 octobre 1877) toujours sur sa demande, le directeur des Beaux-Arts fit ie à l’école d'art appliqué de Vesoul de cinq plâtres ayant servi à la décoration du nouvel opéra de Paris. L'accroissement du nombre des élèves, à la rentrée de l’année scolaire 1877-78, obligea le conseil municipal à don- ner à l'école un professeur adjoint. M. Dubret (2) accepta (1x) Journal de la Haute-Saône des 30 août et 6 septembre 1876. (2) Narcisse, conducteur des ponts et chaussées, actuellement sous- ingénieur en retraite à Vesoul, nommé par arrêté du 30 octobre 1877, à la suite d’une délibération municipale du 6 juillet précédent. 10 — 146— volontiers cet emploi avec une modeste rétribution annuelle de 200 francs, qui fut doublée dès l’année suivante. Le nou- veau professeur fut chargé spécialement d'enseigner le des- sin linéaire, mais 1l fit remarquer, avec raison, que peu d'élèves pouvaient en bénéficier. Jeanneney écrivit le 4 fé- vrier 1878 au maire de Vesoul : « Tant que le cours n'a com- € pris que les définitions orales au tableau, il à été suivi « assez régulièrement, mais dès que, de la théorie il a fallu « passer à la pratique, l'application sur papier des leçons « faites au tableau nécessitant des instruments que les élèves « devaient se procurer, ils ne se sont plus présentés et j'ai «€ acquis la preuve que la plupart d’entre eux reculaient « devant la dépense nécessitée par l'achat de ces instru- «€ ments ». Aussi le conseil municipal s’'empressa-t-il d’ins- crire à son budget une somme de 150 francs pour l'acquisi- tion de compas, tire-lignes, règles, équerres et matériel nécessaire. Depuis cette époque, l'étude du dessin linéaire a formé une section spéciale à l'école et n’a cessé d’être sui- vie avec faveur par les jeunes ouvriers et apprentis. Jeanneney aurait beaucoup désiré que son école püt prendre part à l’exposition universelle de 1878, à côté de l'école normale des instituteurs de Vesoul, dont 1l avait pré- paré l'important envoi; mais la ville, qui venait de faire de lourds sacrifices pour l'école municipale et qui en prévoyait de nouveaux à faire prochainement, ne put allouer de sut- vention. Pour la même raison d'économie, on reporta à l’an- née suivante la distribution des récompenses. Cependant, cette année et la suivante (1879) marquent le terme des études de plusieurs élèves distingués, lancés à la sortie de l’école soit dans la carrière artistique, soit dans le professorat, soit enfin dans l'industrie et le commeree. Dans son discours à la distribution des prix, qui eut lieu Île 3 août 1879, Jeanneney leur adressa un adieu paternel, après avoir traité un sujet particulièrement intéressant, au point de vue de la philosophie de l'art : L'influence de la — 147 — liberte sur le développement de l’art et sur la situation des artistes. De ce morceau d'éloquence et d'érudition, nous nous contentons d'extraire la fin, qui traite de questions intéressant plus particulièrement l'école de dessin. «Notre siècle, si actif, si fécond et pourtant si calomnié, ne s'est pas contenté de rendre aux arts leur droit de cité. I a cherché à grouper en un seul faisceau toutes les forces vives de l’activité humaine. Et on a vu, obéissant à cette loi suprème qui veut que tout se prête un mutuel appui dans l'intérêt de tous, la science, abandonnant un moment les régions pures de l'abstraction, et les arts, descendant des sommets de l'idéal, donner fraternellement la main à cette grande nourricière des sociétés modernes, l'industrie. ... Faire mieux est devenu le mot d'ordre de tout ce qui tra- vaille et produit. Pour atteindre ce but... les arts ont apporté leur contingent de bon goût, et la science indus- trielle compte déjà ses illustrations comme l'art industriel ses initiateurs et ses disciples. « C'est dans cette voie, l'alliance des beaux-arts à l’indus- trie, que notre école a concentré tous ses efforts. Ce que nous voulons avant tout, c'est faire de bons et braves ou- vriers, artistes dans leurs métiers, capables, par leur mérite et leur travail, de se procurer les deux choses les plus pré- cieuses en ce monde : l'indépendance et l'estime. « Vous comprenez que nous ne saurions avoir la prétention de faire de tous des artistes ; les vocations se trouvent, on ne les invente pas. Mais, quand il s'en rencontre dans vos rangs, nous tächons, dans la mesure de notre pouvoir, de leur rendre moins ardu l'étroit et âpre sentier de l'étude. Quand ils ont quitté les bancs de notre modeste école pour une arène plus vaste, notre souvenir et nos vœux les suivent de loin et nous ne sommes jamais plus heureux que quand il nous est donné d’applaudir à leurs succès. - «Aussrest-ce avec une joie sincère que | aime à vous redire, chers élèves, les noms de vos anciens coadisciples, qui déjà pus 148 — font honneur à l’école de Vesoul et à vous rappeler et Gus- tave Courtois, qui compte aujourd’hui parmi les premiers de l’art contemporain et Wolfinger, dont les brillants débuts, malheureusement entravés par une longue et cruelle mala- die, promettaient un talent de premier ordre, peut-être même un génie, et Chaffanel, qui vient d'obtenir une première men- tion au concours de l’école nationale des Beaux-Arts et Camus qui tient un bon rang dans la pléiade des jeunes et Blan- chard et Truchot et Barath qui, voués à l’enseignement, transmettent à leur tour les connaissances qu'ils ont acquises au milieu de vous et tant d’autres, qui pour être moins con- nus, n'en sont pas moins méritants... « Courage, mes amis, travaillez encore, travaillez sans relâche ; ce n’est que par le travail qu'on s'élève dignement: ce n’est que par le travail qu'on est réellement utile aux autres et à soi-même; ce n'est que par le travail que vous deviendrez des citoyens et des hommes, que vous saurez être de votre temps, et vous montrer dignes de la France et de la Liberté (1). » Durant les vacances, M. Dubret s'occupa de dresser un plan d'aménagement de la salle est de l’école de dessin, en prévision de l'augmentation du nombre des élèves. Afin d'isoler ceux d'entre-eux qui étudiaient spécialement le dessin linéaire, on décida de couper cette salle en. deux par une cloison, d’allonger les tables et les banes et de réserver neuf places nouvelles dans le petit cabinet du dépôt des modèles. Le conseil municipal ne fit aucune difficulté et vota, dans sa séance du 3 novembre 1879, les 450 francs néces- saires à cette installation. | En 1880, M. Pillet, inspecteur de l'enseignement du dessin, visita l'école municipale et transmit à la municipalité ses compliments au sujet de son excellent fonctionnement. Sur sa demande, le sous-secrétaire d'Etat aux Beaux-Arts (1) Avenir de la Haute-Saône du 7 août 1879. fit cadeau à l'école de trente-quatre nouveaux moulages en plâtre pour servir de modèles. Malheureusement, lembal- lage ayant été fait avant que le plâtre fut complètement sec, plusieurs de ces moulages arrivèrent à Vesoul en mauvais état et ne purent être utilisés. Les succès de l’école municipale de Vesoul l'avaient, grâce à l'habile direction de Jeanneney, placée à la tête des plus importantes écoles des beaux-arts de la provinee. Aussi, certaines villes ne manquaient pas d'en être jalouses. Besan- con surtout, qui avait vu son école, jadis si prospère, conduite à la décadence par l'incapacité de Camille Demes- may, souhaitait d'en restaurer la splendeur. On se rappelle avec quels regrets Jeanneney avait quitté sa ville natale et l’on n'ignorait pas qu'il y avait laissé de sérieuses attaches d'intérêt, de famille et d'amitié. Plusieurs fois, dans des moments de lassitude passagère, dont ses lettres à Castan ont recueilli les échos, il avait manifesté le désir de terminer sa carrière puis de prendre sa retraite sur les bords du Doubs. Une occasion unique se présenta au cours de l’année 1881 : Nicolas Blanchard, que son maître avait fait nommer professeur au lycée de Besançon venait d'être envoyé à Toulouse avec une classe supérieure ; d'autre part, la municipalité bisontine se disposait à remercier Demesmay de ses services. Plusieurs amis de Vietor Jeanneney, Castan en tête, insistèrent auprès du professeur pour qu'il acceptât ce double emploi; Jeanneney se laissa faire une douce violence. L'intervention du maire de Besancon, M. Delavelle. jointe à celle du recteur obtint du ministère de l'Instruc- üon publique sa nomination comme professeur de dessin (première classe) au lycée de Besançon; un arrêté muni- cipal allait lui donner la direction de l'Ecole des Beaux- Arts. Le décret de Jules Ferry du 31 mars 1881 était à peine connu à Vesoul, que d’unanimes regrets se méêlérent à la tristesse de voir partir le bon professeur. Ses collègues du =, TOO lycée et de l’école normale, ses élèves et leurs parents réunirent leurs efforts pour le détourner d'accepter. Il se hivra alors dans l’âme de cet homme, tout de devoir et de dévoue- ment, un combat entre l'intérêt personnel et l'intérêt publie, dont l'issue devait donner l'avantage à celui-ci. Ses dernières hésitations disparurent quand il reçut l'adresse suivante (1), signée des membres de la municipalité et du conseil muni- cipal, sans exception, qui indique à quel point son enseigne- ment était apprécié : Monsieur Jeanneney, Nous venons d'apprendre une nouvelle qui nous a péniblement impressionnés ; vous quitteriez notre ville pour aller remplir vos fonctions de professeur de dessin au Iycée de Besançon. Nous croyons bien exprimer le sentiment de notre population toute entière lorsque nous manifestons notre regret, en même temps que l'espoir que votre départ n’est pas définitivement arrêté dans votre esprit. Depuis si longtemps que vous êtes parmi nous, nous avons vécu dans la pensée que vous seriez toujours des nôtres. Par vos qualités aimables, vous avez gagné l'estime et l’affection de tous et votre talent éminent de professeur n’a iei que des admirateurs. Fondateur de notre école municipale de dessin qui, grâce à votre sollicitude, à votre aptitude toute spéciale, à votre dévoue- ment, a produit de si bons et si remarquables résultats, ne craignez-vous point de vouer votre œuvre à une destruction prochaine, par suite de votre abandon ? Et cette pensée seule ne pourrait-elle pas vous faire renoncer à tout projet d’éloi- gnement ? : = Nous espérons que vous réfléchirez avant de rompre tant de liens qui vous rattachent à Vesoul et que vous céderez au senti- 4 ment qui nous anime tous: le vif désir de vous conserver. (1) Document original aux archives de la famille Doillon. 2 DS ER Veuillez agréer, monsieur le professeur, [l'expression de] nos sentiments aussi distingués qu'affectueux. Le Maire, Les Adjoints, J. MEILLIER. Foy et BurGury. Les conseillers municipaux : VoisARD, RAUMAIN, DELBARRE, Edm. GUERRIN, J. BEAUQUIER, Aug. METzGEr, ReiBez, A. NoirorT, A. JASMIN, BERSOT, Aug. LonccHamps, BRESSON, J. BATTANDIER, Civar, CoLiL- LIEUX, POLIN. Dans l'après-midi du même jour, tous les élèves de l’école accompagnés de leurs parents ou de leurs patrons, poussés par un mouvement unanime de reconnaissance, se rendirent rue Saint-Georges, au domicile du dévoué directeur et joi- gnirent leurs pressantes sollicitations à celles des édiles vésuliens. Jeanneney les reçut les yeux baignés de larmes (1), ému au-delà de toute expression par ce témoignage d’affec- tion et d'estime: il se laissa fléchir et, aux acclamations de joie de ses élèves, leur promit de rester avec eux. Sa de- mande de maintien ne laissa point de mécontenter le recteur, qui le lui fit savoir (2); mais l'intervention rapide de Noirot au ministère fit rapporter le décret. Dès le 26 avril 1887, Jules Ferry maintenait Jeanneney dans cette ville de Vesoul, qu'il ne devait plus quitter. Le zèle et l’activité du directeur de l’école des beaux-arts ne se ralentirent point; aidé par M. Humbaire, son nouvel adjoint, 1l eut la satisfaction de voir l'Etat s'intéresser de plus en plus à son œuvre. En 1882, le ministre de l'Instruc- üon publique fit don à l'école de nombreux modèles de dessins graphiques et d’une collection d'ouvrages d’art des- tinée à former une bibliothèque des Beaux-Arts. (x) Mes états de service. Manuscrit de V. Jeannenev. (2) Lettre à Jeanneney du 25 avril 1887. 00 — Lors de sa tournée de juillet 1883, l'inspecteur général de l'enseignement du dessin proposa des améliorations impor- tantes à l'installation du mobilier de l’école et des salles des cours. La dépense prévue au devis s'élevait à 1.200 francs ; grâce à l'intervention de Jeanneney, l'Etat prit à sa charge la moitié de cette dépense. Bien plus, la générosité du ministre attribua à l'élève le plus méritant un superbe livre d'art, à l'école une nouvelle collection de modèles et de plâtres, une somme de 200 francs à l'élève Laillet pour lui permettre de suivre à l’école de Nancy les cours prépara- toires aux examens pour l'obtention du certificat d'aptitude à l’enseignement du dessin, enfin une indemnité de 300 Îr. à répartir par égale part entre les deux professeurs ce l’école (1). Jamais jusqu'alors l'Etat ne s'était montré aussi généreux envers une école d'art appliqué; ces largesses étaient la suite des rapports louangeux adressés au ministre après chaque inspection annuelle. | A la distribution des prix du 15 août 1884, Jeanneney prononça son dernier discours aux élèves. Véritable chant du cygne, il y donne libre cours à son affection pour ces jeunes gens que la maladie va bientôt l’obliger à quitter pour toujours. Après avoir constaté la supériorité de la France dans les industries d'art, Jeanneney trace le portrait du bon ouvrier, qu'il oppose au mauvais : « Cette incontestable supériorité est due surtout à ce qu’au goût inné et pour ainsi dire héréditaire chez l’ouvrier fran- çais, s'allie le désir de faire bien et surtout de faire mieux que l'adversaire. : sa « C'est cette pensée saine et féconde, faite à la fois de l’or- gueil professionnel et du culte de la patrie, que les rêveurs de popularité universelle essayent de ridiculiser sous l’épi (1) L'arrêté municipal nommant M. Humbaire en remplacement de M. Dubret est du r°* juin 1882. —= 199 — thète banale de chauvinisme, qui jusqu'à ce jour, a fait de nos ouvriers d'art le type du vrai travailleur, aussi fier de sa profession que de son titre de citoyen français. «Mais, s'il a jusqu'ici personnifié l'idéal de l’ouvrier artiste, c’est que la perfection qu'il a voulue pour l'œuvre de ses mains, il a su la vouloir au même titre pour lui. C'est qu'il sait que son ouvrage sera et vaudra ce qu'il sera lui-même, d'autant plus estimé comme production qu'il sera, lui, plus intelligent, plus délicat comme producteur. « Cet ouvrier là n’a rien de commun avec les faux apôtres du prolétariat qui, rêvant de la gamelle égalitaire, voudraient pour niveler, ramener tout à la mesure de leur nullité, en effaçant de leur main inhabile et pesante, cette éternelle devise de la justice et des droits : & chacun selon son mérite, à chacun selon ses œuvres !- « Pour certains songe-creux qui se font les agents incons- cients, quand ils ne sont pas les salariés des pires ennemis de la France, la panacée universelle appelée à guérir toutes les souffrances des peuples, c'est la guerre au capital actif, c'est la grève ! La grève hideuse avec son lugubre cortège de misères, de haines et de ruines. « C’est la grève, que malheureusement l'ouvrier s’est habi- tué à regarder comme l'unique moyen d'améliorer sa situa- tion, et qui n'a jamais produit, comme résultat définitif et réel, qu'une mal-value sur l'argent, en élevant par des augmenta- tions successives, le prix de toutes les choses nécessaires à la vie. » | Ne croirait-on pas entendre parler quelque grand écono- miste de notre temps ! En effet, « continue Jeanneney, la douloureuse expérience, qu'en ces derniers temps notre industrie nationale a du faire de l’empirisme de pseudo-docteurs ès-science économique et sociale, a surabondamment démontré qu'une grève, quand elle n'avait pas entraîné d'autres grèves qui, après avoir pour un temps donné à l’ouvrier un simulacre de satisfaction. nn ramène, avec l'équilibre final, une situation identique à celle du point de départ. Si l’ouvrier gagne davantage, ses besoins augmentent, les choses de consommation courante ont, elles aussi, subi l’influence de la hausse générale, et il se trouve qu'en fin de compte, il n’est n1 plus avancé, ni plus riche, ni plus heureux. « De cette course folle dans un cercle vicieux, course à laquelle nos rivaux applaudissent, qu'ils encouragent et sou- tiennent même de leurs deniers, l'étranger seul profite et recueille en souriant le fruit de nos fautes. : « Voilà comment nous préparons nous-mêmes à nos con- currents les plus acharnés, les plus déloyaux, un avenir peut-être à jamais perdu pour nous. QI y a dans tout cela matière à des réflexions qui ne sont rien moins que consolantes !.. Ah! c'est un douloureux spectacle pour les cœurs vraiment français et c’est avec une poignante angoisse que nous envisageons les déceptions que se prépare notre génération de travailleurs, qui dépense follement, à la poursuite d’utopies irréalisables autant qu'ab- surdes, l’ardeur, la force, l'intelligence qu'elle devrait réser- ver toute entière pour le combat de la vie... » Les fâcheuses prophéties de Jeanneney ne se sont que trop cruellement réalisées après lui, et les accents enflammés qu'il trouvait pour entraîner la persuasion des futurs travail- leurs sont malheureusement restés lettre morte : € À vous, nos jeunes amis, à vous, nos chers élèves, à vous tous qui entrez dans l'existence par le travail et ne voulez demander qu'à vous-mêmes l’aisance et la considération auxquelles a droit quiconque produit, je ne vous dirai pas comme on vous aurait dit jadis : Sachez vous contenter de l’humble situation que le sort vous a faite et vous serez heu- reux. Non, certes, car l'ambition est une bonne et noble chose ! C’est le plus puissant levier du progrès et vos aspi- rations vers de meilleurs destins sont légitimes et respec- tables. « Mais demandez à l'étude, demandez au travail constant, réfléchi, les moyens d'atteindre à ces régions supérieures où, comme tout autre, vous avez le droit de vous faire une place par votre mérite... Travaillez pour devenir non seulementide bons, mais d'excellents ouvriers... « Pour les jeunes, vous qui représentez pour nous l'avenir radieux et fort, ne faites pas mentir nos espérances. Travail- lez sans défaillance, travaillez sans relâche pour aider au relèvement de la Patrie ! € Travaillez pour faire la France honorée, grande, pros- père et vous aurez du même coup trouvé pour vous-mêmes le vrai secret de la fortune et du bonheur (1) ». En quittant la salle de la mairie où avait eu lieu la distri- bution des récompenses, tous les assistants purent remarquer la figure pâle et fatiguée de Victor Jeanneney. Ge fut avec peine qu'il put regagner son domicile, à travers les rues de la haute ville (2). Ses élèves l’accompagnèrent, mais aucun n'avait sa gaîté habituelle et tous avaient le cœur serré par le triste pressentiment de ne plus le revoir. Son successeur provisoire à la tête de l’école des Beaux- Arts de Vesoul fut M. Lataste, nommé le 7 novembre 1885 : M. François succéda à celui-ci en 1887. Puis, l’un des élèves de Jeanneney, M. Charton, nommé le 15 octobre 1892, occupa le poste de son vénéré maître, jusqu'à son décès, 27 avril 1906. Depuis cette date, c'est encore un élève de Jeanneney, M. Nicod, qui dirige à l’école municipale le cours d'ornement et de modelage : celui de dessin graphique et linéaire est professé par M. Hérard 6). Cette école est fréquentée chaque soir par de nombreux jeunes gens et apprentis de la ville. Ces derniers sous le (1) Avenir de la Haute-Saône du 21 août 1884. (2) Depuis deux ans, Jeanneney avait quitté la rue Saint-Georges pour habiter rue de Maillv. (3) Agent-voyer d'arrondissement, nommé en remplacement de M. Humbaire le 21 septembre 1897. — 156 — patronage de la Société des Entrepreneurs de la Haute- Saône, participent chaque année à des concours et à des récompenses (1). Ainsi, l'œuvre de Jeanneney, sans avoir la notoriété de son temps, vit et prospère grâce au bienveillant concours de Îa municipalité et au dévouement des professeurs. Elle rend surtout des services à la classe ouvrière, dans l'intérêt de laquelle Victor Jeanneney l’a fondée, et elle remédie, dans la mesure du possible, à la crise actuelle de l'apprentissage. L'école de Vesoul participe ainsi au grand mouvement de rénovation artistique organisé par la Societé de l’'Éncoura- gement à l'Art et à l'Industrie, l’Union Provinciale des Arts décoratifs et l'Art à l'Ecole, dont MM. Henry Roujon, Couyba, Chudant et Riotor sont les pionniers infatigables. (1) Le président dévoué de cette société est M. Cheviet, conseiller municipal, chevalier de la Légion d'honneur. | ee x: SI CHAPITRE V RESTAURATION DE LA SALLE DU THÉATRE (1075). — HEXPOSITION DES BEAUX-ARTS ET EXPOSITION RÉTROSPECTIVE A VESOUL (1877). — CRÉA- TION DU MUSÉE (1882). — JEANNENEY ÉCRIVAIN : CATALOGUE RAI- SONNÉ DU MUSÉE, CHRONIQUES ARTISTIQUES, CONFÉRENCES, OUVRAGES D'ENSEIGNEMENT DE L'ART, ROMANS, COMÉDIES, POÉSIES, FABLES ET ÉPIGRAMMES. — MALADIE DE V. JEANNENEY (1884). — ECHEC D'UN PROJET D'EXPOSITION DES BEAUX-ARTS (1885).— DÉCÈS DE JEANNENEY (DÉCEMBRE 1885). — MORT DE SON FILS (1898). A Vesoul, comme ailleurs, pour obtenir la réalisation rapide et surtout économique d’un projet d'utilité publique, on s'adresse aux citoyens de bonne volonté. — Remarque générale, ce sont toujours les mêmes qui se dévouent, sui- vant le principe, qu'à la guerre, ce sont toujours les mêmes qui se font tuer. « Tu sais, écrivait Jeanneney à Castan, que € quand il faut, pour mener à bien une affaire, du courage, « du dévouement, je m'en charge ; mais quand il faut de la « diplomatie, mon cher ami, il n'y a plus personne et je m'y « entends comme une chèvre à ramer des choux (1) ». En l’occurance, 1l n'était point besoin de diplomatie, mais de beaucoup de dévouement ; aussi s’adressa-t-on sans hési- ter au Directeur de l'Ecole des Beaux-Arts. La ville de Vesoul possède un petit théâtre installé dans l’ancienne chapelle du vieux couvent des Ursulines ; sur la porte, on lit cette inseription (2) : « En l’année 1817, par des (1) Lettre du 28 avril 1867. Voyez supra. (2) L'inscription exacte est la suivante : « ANNO MDCCCXVIT |} Lu- DOvICo XVIII EXOPTATO REGNANTE {| EQ. J. DE VILLENEUVE-BARGEMONT BENEV [OLENTIA] ARARIS SUPER [IORIS] PRAEF [EGTORIS |. — BARLEVERT URBIS ADMINIST. [ORIS ||] HOC THEATRUMI] GALAMITATIS ET INOPIÆ DIEBUS IN SOLATIUM MISERIS || EREXERUNT CIVES. » jours d'infortune et de misère, les citoyens de Vesoul ont construit ce théâtre pour la consolation des malheureux ». L'idée paraît originale, elle est juste pourtant ; ear si ce ne sont pas généralement les loqueteux qui vont au spectacle, ils bénéficient du droit des pauvres et indirectement des dépenses que font les gens riches. Depuis 1870 à 1875, le théâtre était resté presque conti- nüuellement fermé, on songeait à le réorganiser. « Après les « malheurs de la guerre et l'horreur de l'invasion, disait « une feuille locale (1), il est bien naturel, bien permis de « s'égayer un peu. Pour le moral de la nation et sa santé, il «_ est bon de revenir à des idées plus riantes, de retremper € dans la gaîté les vraies qualités de l'esprit français ». Mais la salle se trouvait dans un état plus lamentable encore que celui d'aujourd'hui. Un témoin oculaire en fait une description assez piquante : « Plus de décors ; le long « des panneaux, des champignons poussaient pêle-mêle avec «les cristaux de salpêtre et les paquets de mousse. De « mélancoliques chauves-souris s'étaient nichées dans les «combles... Des quinquets fumeux perçaient à peine les « ténèbres chargées d'humidité et d'odeurs problématiques. » Construire un bâtiment neuf, il n'y fallait pas songer ; les seules dépenses possibles devaient être affectées à une res- tauration du vieil édifice. L’agent-voyer municipal, M. Callot, fut chargé de présenter un devis au conseil qui l’adopta et, dès l'automne de 1875, les travaux furent poussés avec acti- vité, en raison de l'approche de l'ouverture de la saison théâtrale déjà annoncée. A la fin de novembre le même spectateur vint jeter un nouveau coup d'œil à l’intérieur de la chapelle des Ursules ; voici son impression : « La caverne est devenue une salle « coquette, où circule avec abondance la gaité et la lumiere. « Les vieux décors sont entièrement renouvelés... Devant le (1) Journal de la Haute-Saône du 4 décembre 1875. = 4159 — «regard, sous forme de rideau, un balcon richement drapé « de velours et d'or, laisse apercevoir un jardin style Renais- « sance plein de statues et de verdure. Nous ne nous souve- « nons pas d’avoir vu dans les plus beaux théâtres de la « capitale de motif plus heureusement conçu, plus largement «exécuté. » Enthousiasme de terroir mis à part, on peut dire que le rideau du théâtre vésulien est d'une harmonieuse composition et qu'il a pu, il y a trente-cinq ans, être rangé parmi les toiles les mieux réussies de ce genre. « Il est juste d'ajouter » continue le même éerivain (1), « que sans l'intervention intelligente et dévouée d'un artiste « comme M. Jeanneney, un pareil projet risquait fort de ne « pas aboutir. À vrai dire, il est le créateur unique de la salle «telle qu'elle existe aujourd'hui, et pour l’'amener à ce point, Qil a fallu de véritables prodiges. M. Jeanneney a été puis- « samment secondé par MM. Chamarande et Baptüset et « leurs ouvriers qui, avec une docilité intelligente, ont exé- « cuté ses plans et ses dessins. » [n'est pas inutile d'ajouter que Jeanneney avait mis à la disposition de la ville son talent et ses pinceaux, à ütre absolument gracieux et qu'il trouva moyen de dresser les plans et les croquis nécessaires, d'exécuter lui-même, avec l’aide de ses élèves Nicolas Blan- chard et Troschler, les parties importantes du rideau, des décors et de la décoration de la salle, sans prendre une minute sur ses heures de cours (2). Deux ans après, la ville de Vesoul, à laquelle l’établisse- ment des bureaux de la compagnie de l'Est venait de donner une certaine extension, forma le projet d'une exposition commerciale et industrielle. Bientôt elle décida d’y adjoindre une exposition scolaire, puis un concours agricole avec une exposition d'horticulture. Ce vaste projet adopté en séance, (1) Journal de la Haute-Saône, loc. cit. (2) Jeanneney voulut que sa signature, sur le côté inférieur gauche du rideau fut accompagnée de celles de ses deux principaux collabo- rateurs N. Blanchard et Chamarande. — 160 — un conseiller municipal s'écria : « Pourquoi ne pas y ajouter «encore une exposition des Beaux-Arts; M. Jeanneney ne « demandera pas mieux de s'en occuper! » Le bon professeur accepta, sans se faire prier, cette nouvelle occasion de rendre service à ses concitoyens et de mettre en valeur les travaux de ses élèves. En qualité de secrétaire de la commission, il assuma seul Ia lourde responsabilité de préparer, d'orga- niser et d'installer non seulement la section des Beaux-Arts, mais une Curieuse exposition rétrospective. Dès le 10 mars 1855, les notices étaient adressées à tous les artistes franc-comtois et à quelques artistes de Paris et de la province, en relations avec Jeannenevy. La sympathie générale dont celui-e1 jouissait dans le monde artistique, qu'il avait quitté cependant depuis douze années, lui assura le concours de tous ses anciens camarades et amis. Ses rela- ions personnelles à Vesoul et dans le département lui per- mirent aussi de réunir une centaine de bons tableaux anciens et des bibelots provenant de collections particulières. Toutes ces œuvres d'art ayant été centralisées dans les locaux de l’école de dessin aux Halles, Jeanneney s’occupa seul de la délicate question de l’accrochage. Son habitude des Salons et plus encore son goût parfait réussirent à dis- poser avec méthode les 328 œuvres reçues par la commis- sion. [ n'y eut point de froissements de la part des artistes et l'harmonie de l’ensemble fut unanimement goûtée. Le local était d’ailleurs très bien choisi pour une exposi- tion, et, dans son discours d'ouverture du 5 mai 1877, M. Roger Galmiche, président de la commission des Beaux- Arts se louait de cette installation. « Je regretterais » disait- il « que cette exposition ne soit pas ici même. Il me plait de « voir revenir dans cette école municipale de dessin plusieurs » de ceux qui se sont assis sur ces bancs et d’applaudir à «leurs succès 1à où nous nous sommes intéressés à leurs = « premiers efforts. Il me semble qu'il y a dans ce fait, pour «le maître aimé qui leur a ouvert la carrière et pour les = RON «élèves qui deviennent des maîtres à leur tour, une plus «intime récompense (1), » Aux côtés de Gérôme, Jean Gigoux, Gustave Courbet et Besson, qui avaient tenu à honorer de leur concours et de leur appui une tentative heureuse de décentralisation artis- tique, par des envois relativement importants, le catalogue portait les noms de Fanart, Abram, Isenbart, Achille Billot, Regnault, Roux, Schmidt, Joseph Garret et Thevenot, tous peintres franc-comtois, connus et appréciés des connaisseurs. Bavoux lui-même, qui avait oublié sa vieille rivalité avec: Jeanneney pour ne se souvenir que de leur amitié d'enfance, avait envoyé un tableau de genre et trois natures mortes. L'artiste-organisateur s'était réservé des coins pour deux paysages, un petit tableau de genre et un portrait @). Le graveur bisontin Armand Mathey avait exposé une belle gra- vure sur acicr avec une épreuve de cett? planche et Gaston Coindre une série de ses curieux dessins. Parmi les sculp- ures disposées à l'entrée du hall au rez-de-chaussée, dans les escaliers et au milieu des salles du premier étage, on remarquait un marbre d'Iselin, un bronze et des terres cuites de Détrier, une maquette de Charles Gauthier et un Saint- Georges en pierre de François Grosjean. Les œuvres des anciens élèves de Jeanneney faisaient le plus grand honneur à leur maître. Alexandre Rapin avait choisi trois magnifiques paysages qui lui avaient valu des récompenses à des expositions antérieures, «voulant » disait- il « reporter sur son vénéré maitre tout l'honneur de ses « lauriers ». Gustave Courtois, dont les succès à l'atelier Gérôme annonçaient une prochaine célébrité franc-comtoise, était représenté par deux tableaux de genre, une gerbe de (1) Journal de la Haute-Saône du 9 mai 1877. (2) C'étaient : La Louvière, grand tableau appartenant à M": veuve V. Jeanneney; le Chateau de Villersexel, au comte de Grammont ; Pendant l'orage, offert par Jeanneney au musée de Vesoul et Lycéen ; NHMÉTOS 120, 127. 198 et 120. TI = Où — fleurs et, délicate attention pour son premier professeur, par un fusain. Les envois de Nicolas Blanchard, François et Henriette Cariage, Grivet, Camille Gruyer, Boudon, Eugène Chaffanel, Gresseler, Annoual, Jeanne Igier, Paul Jacques, Meneglier, Roussel, Vermeillet, Henriette V yain et Winders- heimer formaient un heureux ensembre des résultats obtenus par l’enseignement du dévoué professeur. À l'exposition scolaire, Jeanneney avait réuni les meilleurs travaux de ses élèves du lycée et de l’école normale des ins- ütuteurs. Enfin la rétrospective comportait un choix érudit de tableaux des anciens maîtres, bibelots, statuettes et objets d'art que le baron Bouvier, les familles de Belenet, Boisse- let, Lebeuffe, Galmiche et Bourdault avaient mis à la dispo- sition des organisateurs. Dans le discours qu'il prononça, comme rapporteur, à la distribution des prix, Jeanneney, toujours fidèle à la pensée directrice de sa vie, indiqua en termes excellents « ce que « présentait d'heureux ct d’opportun le rapprochement établi «entre les deux expositions organisées dans le bâtiment de «la Halle, entre l’industrie qui transforme la matière, qui « l’approprie aux nécessités de la vie et l’art, qui donne, avec « la révélation du beau, les jouissances de l’ordre le plus « élevé: union de l’agréable à l’utile. » Il retraça ensuite l'état général des Beaux-Arts à cette époque, eita les noms des grands peintres d'alors et laissa entrevoir le brillant avenir réservé aux jeunes artistes, dont les œuvres exposées annonçaient les promesses. Il termina par ces mots (à): « En «somme cette exposition, toute restreinte qu'elle soit, résume, « dans un petit cadre, la note dominante de notre époque : la « personnalité, l'individualité.. Chaque artiste suit la voie « qui convient à son tempérament et si la science majestueuse « des époques classiques n'est pas égalée de nos jours, nous (1) Journal de la Haute-Saône et Avenir de la Haule-Saône du 30 mai 1877. — 165 — « n'en pouvons pas moins dire avec orgueil, que l’art français «est maintenant l'école du monde entier. » Après la fermeture de l'exposition des Beaux-Arts, plu- sieurs des tableaux exposés restèrent à Vesoul, offerts à la ville par leurs auteurs. À cette époque, Jeanneney résolut de réaliser un projet qu'il avait conçu depuis longtemps; celui d'organiser à Vesoul un musée comme son maître Lancrenon en avait fondé un dans la cité bisontine. L'idée remontait au père Basile Cariage, mais la bonne volonté du vieux professeur n'y avait pas suffi. En 1877, c'était une occasion unique de profiter de la présence à Vesoul d'ouvrages estimés, pour essayer de les y faire rester à demeure. Jeanneney se mit à l'œuvre immédiatement, et son intervention auprès des artistes exposants reçut le meilleur accueil. La ville promettait son concours, mais faisait des réserves au sujet des dépenses d'installation. Jeanneney n'était pas homme à reculer devant les difficultés ; il pensa que s'il obtenait le don de quelques tableaux, la ville ne saurait les refuser ; en attendant mieux, on les placerait dans les salons de la mairie. Une démarche faite sur sa demande, par Noirot au ministère des Beaux- Arts dès le 10 janvier 18790, fut bientôt suivie d'une lettre annonçant l'envoi d'un tableau de Meyer, Scène de naufrage « pour le musée de Vesoul ». Fort heureusement, le ministre ignorait que le musée de Vesoul n'existait qu'à l'état de pro- jet dans l'esprit de Jeanneney, car s'il avait été renseigné sur les lenteurs qui en retardaient l'exécution, il aurait réservé Son envoi pour une autre ville. Cependant, au cours de l'année 1880, l'idée fit son chemin, grâce à l'opiniätreté de Jeanneney, dont la verve trouvait une réponse à tous les arguments hostiles et qui finit par trouver une solution à l'importante question du choix d'un local. Le baron Bouvier venait de mourir, léguant à la ville sa maison et l'ancienne chapelle y attenante des Annon- ciades. Jeanneney se fit fort de démontrer à la municipalité — 164 — qu'à peu de frais l’on pourrait installer le musée dans ce der- nier édifice. L'opinion publique aidant, le conseil municipal, dans sa séance du 5 février 1881, autorisa le maire, M. Meillier, à faire faire par l'architecte de la ville une étude des travaux nécessaires pour cette installation. L'affaire traina en longueur pendant un an; Jeanneney employa ce temps à demander à ses amis l'exécution de leurs promesses. Gérôme, Rapin, Pointelin, Chaffanel, Jean Petit, Joseph Garret, Cariage et Gaston Comdre s'empressèrent d'offrir à la ville quelques-unes de leurs œuvres. Jeanneney y ajouta deux de ses tableaux: La Cascade du Todeur et Pendant l'orage, puis il réunit ceux qui étaient dispersés dans les divers bâtiments municipaux : le noyau du musée vésulien était formé. Les chances certaines de succès encouragèrent le conseil municipal qui, dans sa séance du 3 février 188», désigna Jeanneney comme conservateur de son musée et lui adjoignit une commission consultative d'achat etde dépenses. Deux mois après (27 avril 1882) la salle des Annonciades était inaugurée; à cette occasion, le maire de Vesoul put avec raison complimenter Jeanneney de son initiative, de sa persévérance et de la réussite de ses efforts. Il annonça en même temps que la ville mettait à la disposition de Jean Gigoux une première somme de mille francs pour des achats de tableaux. L'année suivante, les démarches de Jeanneney réussirent à provoquer de nouveaux dons de la part d'artistes franc-comtois: Janniot, Jeanmougin, Boudot, Isenbart. Ce fut alors seulement que les Vésuliens comprirent la réelle valeur de leur fortune artistique; les anciens adversaires du musée réclamèrent les premiers pour qu'elle füt assurée contre les dangers d'incendie. Un contrat d'assurance de 80.000 francs ne tarda point à être suivi d'un avenant d'aug- mentation de 11.320 francs. Enfin, à la sortie de la séance du conseil municipal tenue le 27 décembre 1882, tous les Mecènes vésuliens réclamaient la paternité du musée. A cette réunion. en effet, le pareimonieux M. Meillier avait annoncé — 169 — à ses collègues que les comptes des dépenses engagées pour l'installation du musée étaient arrêtés. Après avoir rappelé que le crédit ouvert à cet effet était de 12.000 francs, :1l apporta la preuve que les frais d'installation et achat de tableaux ne dépassaient pas 11.614 francs. Au milieu de la satisfaction générale, on vota de suite 905 francs pour l’ac- quisition d'un calorifère et à la session suivante [18 mars 18893) une somme annuelle de... 50 francs pour le traitement du gardien. Au mois de juin 1883, le maire, sur la demande de Jean- neney, sollicita du Conseil général la remise « de certaines œuvres d'art d'un intérêt sérieux, se trouvant dans les combles des bâtiments de la Préfecture et du Palais de Justice » ; cette requête fut agréée. Parmi ces œuvres d'art, se trouvaient des bustes d'Iselin, exécutés pour le départe- ment et dont plusieurs avaient été indignement mutilés durant l'occupation allemande. Le célèbre statuaire passant à Vesoul en décembre 1883. pour visiter le nouveau musée, promit de faire tous ses efforts pour restaurer ceux de ses marbres dont les mutilations n'étaient pas trop importantes. On sait qu'il réussit et que c'est à la générosité et au talent du maître de Clairegoutte que nous devons de pouvoir admirer aujourd'hui les bustes du due de Marmier ét du pré- sident Boileau. Depuis cette époque, les dons de l'Etat, des particuliers et des artistes ne cessèrent d'affluer:; c'est ainsi que le musée s enrichit de nouvelles œuvres de Le Beuffe, Bassot, Mourlot, Faustin Besson, des Lantara et même d'un pastel de La Tour. « Mes anciens camarades d'atelier, mes élèves arrivés « au talent et à la réputation » écrivait Jeanneney sur son lit de malade « répondent avec empressement à l'appel que « je leur adresse et /a salle sera bientôt trop petite, en « raison des dons qui nous arrivent. » Cette prédiction ne tarda point à se réaliser ; peu après la mort de Jeanneney, la salle des Annonciades regorgeait déjà de tableaux et de — 166 — maquettes. Bientôt, l'Etat, faute de place, refusa impitoya- blement tout nouvel envoi. Durant ces dix dernières années, le musée de Vesoul présenta l'aspect d'une arrière-boutique de brocanteur ou d’un magasin de décors de théâtre (1. Récemment, M. Muenier et M. Nicod élève de Jeannenev, ont procédé à la réorganisation du dépôt artistique confié à leur garde et le publie commence à reprendre le chemin des Annonciades, en attendant que les finances municipales permettent de recevoir, dans un local digne d'elles, les richis- simes colleetions que la veuve de Gérôme et Antoine Lumière offrent à la ville. Jeanneney était déjà malade quand, le 25 décembre 1884, il reçut sa nomination par le ministre des Beaux-Arts de conservateur du musée de Vesoul. Il n'avait pas attendu cette consécration officielle pour parachever son œuvre. La visite d'un musée ne peut être réellement profitable au goût du public, que si celui-ci a, à sa disposition, un cata- logue des œuvres exposées. Jeanneney, qui n'ignorait pas ce que ces livrets ont, en général, d’aride pour le lecteur peu érudit, voulait mettre entre les mains du visiteur un ouvrage vraiment intéressant et utile à leur éducation artistique. « Je « fais », dit-il dans une de ses dernières notes manuscrites, « pour le musée un catalogue comprenant deux parties, la « nomenclature sèche des objets exposés et un renvoi à la « deuxième partie qui contient une analyse de l’œuvre géné- « rale et une biographie de l'artiste dont les ouvrages sont « exposés. » Le conseil municipal décida le 20 mai 1885 de faire imprimer le travail de Jeanneney avec « l'espoir qu'il « serait tenu au courant d'année en année. » Ce petit fas- cicule de six pages, presque introuvable maintenant, est le seul catalogue du musée de Vesoul qui ait jamais été imprimé. On y a mentionné qu'il «n'est qu'une simple (1) Voir notre plaquette : Un pastel de La Tour au musée de Vesoul ; Le portrait du chirurgien Desault (Vesoul, Bon, 1907). == 167 — « énonciation toute provisotre et que le livret analytique et « définitif est en préparation. » Malheureusement la seconde partie ne fut jamais éditée. Les notices qui devaient la com- poser furent écrites par Jeanneney dès 1883 et insérées, comme feuilletons, au rez-de-chaussée d’une feuille locale (1). Après avoir retracé brièvement l'histoire des arts en Franche- Comté, l’auteur fait de l'œuvre de François Devosges, origi- naire de Gray, fondateur de l’école de peinture de Dijon, un exposé complet et retrace la biographie de l'artiste. Puis il consacre plusieurs articles à son élève et ami Alexandre Rapin, alors en pleine possession de son talent. La notice sur Melchior Wyrsch est un résumé du travail de Lancrenon sur ce peintre-professeur (2). Après une étude intéressante sur les toiles de Léon Boudot, déjà renommées à cette époque, Jeanneney consacre deux articles à une étude d’érudition artistique sur Le Poussin. Les derniers contiennent la des- cription du petit portrait de Françoise Carmantrand au musée de Vesoul et quelques notes biographiques sur la fon- datrice des Annonciades. Nous n'avons pu retrouver la suite de ces articles dans les papiers de l’auteur. Au cours de ces notices, Jeanneney fait preuve non seule- ment de vastes connaissances au point de vue de l’histoire de l’Art et de l’érudition, mais d’un sens critique aussi juste qu'impartüal. Ses éloges sont toujours raisonnés, ses appré- ciations bienveillantes, son style révèle un écrivain à la plume facile, alerte, donnant à la phrase une allure très littéraire et à son récit un attrait captivant. Les mêmes qualités se retrouvent dans plusieurs compte- rendus des Salons de peinture, dont celui de l'exposition des Beaux-Arts à Besançon, en 1862, est un des premiers essais. Sa conscience-et son àme d'artiste s’y révèlent à chaque ligne. (1) Avenir de la Haute-Saône, numéros des 13, 20, 23, 27 septembre, 1°, 8, 15, 25 novembre, 2 et 23 décembre 1883. (2) La Franche-Comté et le Courrier franc-comtois, 1865,et Mémoires de la Sociélé d'Emulation du Doubs, 1874, p. 26, note. -—-108 — «Aujourd’hui, les scènes intimes ont remplacé les grandes pages empruntées à l'histoire et le genre a détrôné la pein- ture historique, comme la comédie, le drame ont remplacé la tragédie sur la scène. Ce qu'on demande surtout à une peinture, c’est de parler à l'esprit ou au cœur, de solliciter une sensation, de faire vibrer une corde intime, de réveiller un souvenir endormi au fond de l'âme ou de nous révéler une de ces pensées comme chacun en porte en soi et aux- quelles souvent la forme seule manque... » Déjà, sous la plume du critique d’art, on devine la vocation et le tempérament du futur professeur : « L'étude sérieuse de l’art n’amène, en général, qu'une réserve chaque jour plus grande et, malgré ou à cause même de cette étude, il devient pour l’homme consciencieux de plus en plus difficile d’assigner, d'une manière certaine, le niveau auquel il doit élever une critique pour qu'elle devienne une leçon. Indiquer le but de l’art est la prétention de bon nombre de critiques; mais indiquer ce but de manière à le faire comprendre serait faire de tous de grands artistes, car Michel-Ange a dit : « Voir, comprendre et retenir, c’est savoir faire (1) ». Dans son article sur Léon Gérôme et son Ecole, écrit à l’occasion de l'élection de notre compatriote à l’Institut, en 1865, Jeanneney porte sur l'œuvre du maître un jugement peu compris à cette époque, mais qui depuis est devenu définitif (2) : « Son talent eut une grande et salutaire influence sur le mouvement de l’art moderne, en faisant tourner, au profit de la vérité historique, une connaissance approfondie de l'antiquité, quil a révélée sous un jour tout nouveau et débar- rasé du fatras ridicule et théâtral dont la plupart des peintres d'histoire encombraïent leurs compositions. (1) Journal : L'Horlogerie des 4, 11, 18 et 25 mai 1862. (2) Journal de la Haute-Saône du 9 décembre ‘1865. Entre ses mains, l'archéologie est devenue un puissant auxiliaire de la peinture, et ses excursions sur le domaine de la science ont doté l’art actuel d'une antiquité telle que nous la connaissons par l'histoire. On retrouve la Grèce des philo- eu à et des poètes et la Rome des Césars. « M. Gérôme a fait, pour les arts plastiques, : ce qu'au commencement de ce del Talma fit pour la scène : il a osé, frondant avec les errements de la tradition, implanter le vrai sur les débris du conventionnel ». Les appréciations de Jeanneney sur Les exposants de la Haute-Saône au Salon de 18734 sont empreintes d'une connaissance approfondie du caractère et de la phsycologie spéciale de chaque artiste (x). Son étude sur Les Francs-Comtois au Salon de 1979 est plus qu'une critique d’art avisée, mais un enseignement (2). € Chacun aujourd'hui a la prétention d'aimer les arts, émettre l'avis contraire ou ‘simplement en douter paraïîtrait paradoxal. «Mais les aime-t-on réellement, les apprécie-t-on avec cette délicatesse, les comprend-on, les discute-t-on avec cette ardeur passionnée qui sont le signe des grandes époques artistiques ? Non, certes. « Le gros public, ou le grand public, comme on voudra n'aime pas réellement les arts, n'éprouve pas les émotions exquises qu'ils éveillent chez tout esprit réellement sensible au beau et capable de les retrouver dans ses multiples mani- festations. « Croit-on qu'il suffise de se pâmer incessamment devant une toile ou un marbre que chacun dit sublime, pour faire preuve de sentiment artistique ? «€ Non, certainement, et l’homme de goût, loin de se laisser (1) lbidem, numéro du 29 juillet 1874. (2) Avenir de la Haute-Saône,numéros de juin 1879, et tirage à part, impr. Cival. remorquer par le courant, sait aimer et comprendre le beau partout et sous toutes formes. « Pour se convaincre que le niveau actuel ne correspond pas à cet idéal de délicatesse, il suffit de jeter un coup d'œil impartial autour de soi... « Et la cause de cet état de choses ? Chacun est allé la chercher bien loin, quand elle est toute entière dans la fausse direction donnée à l'éducation des masses, depuis le renou- veau éphémère et un peu tapageur de 1830. A l’enrichissons- nous, qui renfermait tout le programme de Juillet, s'est ajouté l’amusons-nous du second empire. « C’est sur la masse qu'il faudrait agir, c’est le publie qu'il faudrait éclairer, c'est lui qu'il faudrait rendre délicat, difficile, exigeant même, et l'on verrait bientôt les arts prendre un nouvel essor, les belles œuvres de tous genres se produire, parce que leur production répondrait alors à une inéluctable nécessité... » Cette éducation du goût chez la masse, cet enseignement artistique de l'élève, Jeanneney en a fait le thème favori de ses discours. Nous avons tenu a donner des extraits de ceux qu'il prononça lors des distributions de prix aux élèves de son école municipale de dessin (1). Ceux qui ont entendu ses conférences à la Societé républicaine d'instruction sont una- nimes à en louer la haute portée morale aussi bien que le talent littéraire (2). | À ses cours, Jeanneney se plaisait, vis-à-vis de ses élèves du lycée, des élèves-maîtres de l'école normale et surtout des artisans de l’école du soir, à prendre un ton parternel, simple, bienveillant, dépouillé de toute raideur pédagogique. Mais dans ses écrits, l'écrivain reprenait aussitôt le style précis, la phrase correcte, la clarté et le choix des expressions (1) Voyez supra, chapitre IIT et IV, discours des 2 novembre 1866, 2 février 1868, 12 juin 1869, 25 août 1872, 27 août 1876, 3 août 1879 et 15 août 1884. (2) Voyez supra, .chapitre Il, 1878-1883. | fe d nécessaires à l'exposé de sa méthode. Les ouvrages d'art et d'enseignement artistique, que nous avons rapidement ana- lysés : L’orrnement raisonné (1873) ; L’ornement (1880) : Le dessin, cours rationnel et progressif, 1° tome (1882), mon- trent indépendamment de leurs qualités techniques, l'étendue des connaissances du savant et le talent de l'écrivain. Jeanneney avait bien peu appris à l'Ecole des Frères de la rue Saint-Jean à Besançon ; c’est par son travail personnel opiniâtre, par ses veilles passées sur des livres d'histoire, de littérature et d'art dont la lecture le passionnait qu'il arriva à enrichir son esprit de cet important bagage litté- raire. À vrai dire, grâce à sa sensibilité d'artiste, à son tempé- rament d'éducateur, à sa mémoire extraordinaire et à son cerveau merveilleusement organisé, Jeanneney était doué naturellement d'une grande facilité de travail et d’assimila- tion. À 24 ans, il remplaçait Alphonse Deis, son ami, dans les chroniques-feuilletons de l’/mpartial(i) et nous l'avons vu, dès son retour à Paris (1855) publier ce charmant petit conte, Max, où 1l dépeint avec tant de finesse et de sensibilité l’âme des jeunes rapins de son temps. Il a laissé aussi, dans le même genre, le manuscrit d’une petite comédie dont l’action se passe dans un atelier de peinture et qui mériterait d'être publiée. Ce morceau, plein de gaîté et d’entrain, contraste avec la mélancolie du héros de Max; on y ren- contre toute la verve et l'éclat enjoué qui faisaient le fond de son caractère. Victor Jeanneney avait beaucoup d'esprit et d’à-propos ; ses réparties et surtout ses calembours sont restés prover- biaux à Vesoul. Ses collègues, ses amis, ses élèves n'ont point oublié son mot au pontife-épicier de la rue Basse : Vous (1) Compte-rendu d’un grand concert en faveur des inondés, numéro du 4 août 1856. / regardez se lever l'aurore, beau Réal ! 'boréale) et sa réponse à l’'aumonier de l’école normale qui l’accusait, en plaisantant, de faire de ses élèves des anarchistes: Oui, l’abbé, attendu que je leur enseigne le dessin comme un art (communard !) Il faudrait un volume pour reproduire ses traits d'esprit journaliers. Plusieurs furent mis en vers, car Jeanneney, à l'exemple de beaucoup de jeunes artistes de son temps, taquinait la Muse, quand il quittait le pinceau. M. Gaston Coindre, qui ne manque jamais l’occasion de faire une rosse- rie à un confrère, met dans la bouche de Weiss ces mots: Jeanneney meilleur peintre que poète G). Cela est incontes- table car la poésie était pour lui un agréable passe-temps et jamais il n'en tira la moindre prétention. Mais Jeanneney avait en plus une qualité inconnue chez certains artistes improvisés littérateurs, c'était un écrivain probe, conscien- cieux, respectant sa plume et l'honnêteté de son lecteur ! Ses épigrammes, dont la malice était souvent pimentée de sel gaulois, ne dépassaient pas les limites de la courtoisie et de la bienséance. En voici quelques exemplaires : A X.: CE Avec toi, je conviens que son style est aride, Pour quelques-uns pourtant, il n’est pas sans attrait. De l’épigramme aussi craint-il fort peu les traits: ÂAttaquer son esprit! c’est tirer dans le vide. À M. G.., sur deux pièces : Ma chère Muse et le Réveil de ma Muse. J'ai lu ta chère Muse et j'ai lu son réveil Le sujet est plaisant, la rime assez sonore. M üs tu n'aurais pas dü la réveiller encore, Car on le voit, mon cher, elle meurt de sommeil (2). (1) Mon Vieux Besancon, p. 694. (2) Publications de la Société liltéraire de Besançon, 1856. — 173 — A M. V. D.., sur une pièce intitulee : Le sommeil au bord de la rivière. J'ai lu ton sommeil au bord de la rivière, C'est charmant, je croyais voir fuir l’astre du jour - Mollement balancé dans ses flots de lumière ; Je croyais avec toi, rêver à mon amour. Je croyais voir la nuit envahissant les cieux La lune à l'horizon se montrant à demi, Mon âme transportée errait en ces beaux lieux Tellement qu'avec toi, je m'y suis endormi | Ceux qui prenaient au sérieux ces boutades de jeune poète amateur lui relançaient des traits acérés et des plaisanteries, Jeanneney n’en avait cure Chante ! et malgré leurs cris, monte au sacré vallon ! Chante en dépit de tous et malgré leur satire, En dépit des jaloux, fais résonner ta lyre, Tu la verras fleurir en dépit d’Apollon ! Les pièces de vers de Jeanneney les plus intéressantes sont celles du genre didactique. Plusieurs de ses fabliaux ont été imprimés: Le pécheur et son fils, Le lion et le renard (1), d'autres sont restés inédits : Le pommier et l’ac- cacia, Fick et Médor ou les deux ais, L'enfant et les ho D enons: L'enfant et les roses. Nous nous po d'en citer un des plus curieux. Un avis bien suivt où Colas et Taguin l'avocat. Certain Colas disait un jour À Taquin, grand maître en chicane : Jean Grillet m'a prêté pour batir ma cabane, Mille écus moyennant retour. Il réclame l'argent, je veux bien le lui rendre, Monsieur, mais je n'ai pas deux sous, (1) lbidem. — 174 — Ma baraque est bâtie, il veut que je la vende ; Mais il n’a pas de titre et tout fut entre nous. Ah! c’est une autre affaire. Eh! laisse-le crier, Reprit maître Taquin. Tu peux dire au bonhomme Que tu ne veux pas le payer Que tu ne dois pas cette somme. (C’est ainsi que toujours on s'arrange entre amis), S'il t'appelle en serment, tu nieras la créance. J'ai tout dit, maintenant nous levons la séance, C'est quatre francs pour mon avis. Votre avis, dit Colas, hé ! Vous m'’étonnez bien, Quatre francs un avis oh, je ne vous dois rien, Vous donner quatre francs, dam, ce serait peu sage, Votre recette est bonne et j'en veux faire usage, Eh ! Monsieur l'avocat, avez-vous un billet ? Non. Alors je vous dis tout ainsi qu'à Grillet Ce que vous m'appreniez il n’y a qu’un moment : Sur les brouillards du Doubs, cherchez votre paiement! Nombre de poésies composées par Jeanneney, dans sa jeunesse, ont été publiées dans les journaux et magasines de l’époque : Le ciel est noir, L'amour, Le bourru, Belle de nuit, Le Pont Sarrazin, Le bonheur, Ce que je n’ai pas vu (dédiée à Lancrenon) Espoir et souvenir, L'oubli, Aux ruines de Passavant (à), parmi lesquelles celle du Bonheur est de beaucoup la mieux réussie. D’autres sont restées inédites : La monnaie, Enigme, A demain, Petit ruisseau, Au jour de l’an, Le siècle, Le rêve (1866), Marguerite, Code de l'em- ployé. Plusieurs de ses chansonnettes ont été mises en musique : L’orphelin par Adolphe À. Le dernier rot maure par M. Lallement; d’autres ont été composées sur des airs connus : D'la chance, Mon gilet, Je serai sage demain, Le nostalgique, Pompons,Le roi de la feve, Le démon des tables. Enfin, nous donnons, à titre documentaire, le compliment rimé que Jeanneney fut chargé, par ses amis d’atelier, de (1) Journal : L'horlogerie des 9 février, 2 mars et 3r août 1862. composer à l’occasion de la promotion de leur maître à la Légion d'honneur en 1860 : A notre cher maitre, M. Lancrenon, chevalier de la Légion d'honneur, membre correspondant de l'Institut de France. Aux palmes, aux lauriers que vous offre la gloire En gravant votre nom au livre d'avenir, Cher maitre, permettez que, devançant l'Histoire, Nous y mélions les fleurs qu’on donne au souvenir, Sur votre noble cœur, la lente Renommée Vient d’attacher enfin l'étoile de l'honneur; Pour répondre à sa voix, en notre âme enflammée, Notre amour n’a trouvé que des vœux de bonheur, Qu'au sein de l'avenir, la déesse s’élance Redisant votre nom à la postérité | A nos petits-neveux notre reconnaissance Racontant vos bienfaits, dira votre bonté fr). Ces productions poétiques et littéraires constituaient pour Jeanneney un délassement de l'esprit, au milieu de son labeur incessant. « La poésie » disait-1l « est mon violon d’Ingres. » Ainsi, chez ce travailleur infatigable, pas un instant perdu, pas une pensée qui n'eût pour but le bien publie ou l'ensei- oœnement d'autrui | Mais il arriva un moment où son robuste tempérament fra:c-comtois commença à se ressentir de ce surmenage. Depuis 1881, époque à laquelle Jeanneney avait refusé de quitter Vesoul sa santé s'était affaiblie. Regrettait-il sa détermination ? On l'ignore. On sait seulement que ce fut pour lui un des plus lourds sacrifices de sa vie, de ne point retourner au sol natal. Ce n'est pas impunément que la (1) Le manuscrit porte les signatures suivantes : V. Jeanneney, Machard; Rapin; Ferdinand Bassot; Boutherin; Py; Leyritz; Beltzer ; Piguet ; Duffet; Henriet Nicolas; Bassot Alexandre; Bruand; Grillet ; Ilenriet Emile. == 176 — machine humaine obéit aux impulsions chaque jour plus impérieuses d’une intelligence toujours en activité ; à pro- duire sans cesse un travail excessif, elle s'use et se détraque. Bien avant qu'ait sonné pour lui l'heure de la vieillesse, Jeanneney était fatigué. Si grandes étaient sa force de carac- tère et sa volonté, qu'il ne voulait pas en convenir, mais son entourage s'en était aperçu et avait essayé vainement de lui faire prendre du repos. En dépit de tous les conseils de pru- dence, 1l continuait à travailler chez lui après ses cours du soir. | Nous l'avons vu sortir de la distribution des prix de l’école municipale le 15 août 1884, pâle et chancelant, mais cer- tain, croyait-il, que deux mois de vacances passés dans sa propriété de Trepillot, près de Besançon, le remettraient complètement sur pied. Il n'en fut rien : quatre mois après cette cérémonie, le maire de Vesoul se vit pour la première fois depuis vingt ans, dans l'obligation de faire remarquer au directeur que les vacances des élèves avaient assez duré ; Jeanneney voulut, malgré la résistance des siens, reprendre son service au lycée et à l’école normale : il se traïnait avec peine jusqu'aux tables de ses élèves, sans une plainte ; mais bientôt de violentes crises de rhumatisme le clouèrent sur un lit de douleur. On vit alors se produire un bel élan de cette solidarité sociale souvent enseignée par cet apôtre de l’art, digne récompense de son dévouement et de sa bonté. Les élèves décidèrent de suppléer eux-mêmes leur professeur. A l’école municipale, M. Humbaire consentit à assurer la direction générale et Ia surveillance des deux salles de cours ; François Grosjean se chargea de faire les leçons de modelage et Laillet de la cor- rection des dessins au cours d'ornement. Laullet encore, au lycée et Truchot à l'école normale obtinrent Fautorisation de remplacer leur vénéré maître et s'acquittèrent de leurs fonc- tions à la louange des chefs de ces établissements. Enfin l'élève préférée du professeur, madame Marguerite Doillon, == | œrl —— 7 se montra la digne fille d’un tel père. Avec le courage dont elle avait reçu de si nobles exemples sous le toit paternel, elle assura seule le lourd fardeau des cours de dessin aux jeunes filles du pensionnat Litot, au couvent Saint-Maur et des leçons particulières. Bien plus, lors de l'ouverture de l'école normale des institutrices, la jeune femme, pour faire honneur à la parole de son père qui avait promis de s’en charger, organisa seule encore les cours de dessin dans ce nouvel établissement. Après plusieurs reprises momentanées de ses cours, par le malheureux professeur, suivies de nouvelles rechütes, l’année scolaire 1884-1885 s'acheva sans que les élèves eussent trop à souffrir des absences forcées de leur maître. Cependant la population vésulienne ne tarda point à s’aper- cevoir qu'il y avait en elle quelque chose de changé. Dès le mois de septembre 1884, la ville avait décidé de renouveler l'essai heureux de son exposition de 1877. A l’occasion du concours régional qui devait s'ouvrir dans cette ville l’année suivante, une commission municipale fut chargée d’organi- ser une exposition d'art moderne et d'art rétrospectif. La direction en avait été confiée à Jeanneney qui, persuadé de sa prochaine guérison, avait comme toujours, accepté avec empressement. Mais dès le mois de mars 1885, les commis- saires se virent contraints de faire une pénible constatation. Nous laissons la parole à leur rapporteur. « Le succès du concours régional de r885 est assuré. « Nous devons dire cependant qu'il a fallu prendre une réso- _lution assez dure, celle de renoncer à l'exposition des Beaux- Arts ct des arts rétrospectifs que l'on se proposait d'organi- ser. Quand la commission a été formée, elle a adopté, après examen sérieux, un plan qui permettait de donner à cette exposition un développement assez considérable. Elle avait alors à sa tête l'excellent professeur de dessin de notre ville, M. Jeanneney, et elle marchait avec lui pleine de con- fiance. ; n2 ne « Malheureusement la santé de M. Jeanneney est venue à s altérer et pendant quelque temps, il n’a pu diriger les tra- vaux de la commission n1 s'occuper du travail préparatoire de l'exposition. Actuellement il est en convalescence et ses nombreux amis se font une fête de le voir prochainement reprendre ses occupations habituelles. Mais il ne pouvait être question de lui imposer, au sortir de l'épreuve quil vient de subir, la fatigue extraordinaire de l'organisation d'une exposition. Aucun des membres de la commission ne disposant d’un temps suflisant et d'une santé assez solide pour se charger de cette organisation et la notoriété spéciale qui est absolument nécessaire pour se mettre en rapport avec les artistes leur manquant, force a été de renoncer à une exposition des Beaux-Arts et par suite à une exposition des arts rétrospeetifs. Mieux valait, certes, abandonner l'une et l’autre de ces expositions que de s'exposer à un insueces, peut-être à un échec »G). Jeanneney insista en vain, répétant à ses collègues de la commission que personne n’est indispensable, que la bonne volonté et le dévouement sont plus nécessaires en pareil cas, qu'une réelle compétence. Mais aucun des commissaires ne voulut prendre la lourde responsabilité morale et matérielle qu'entraine toute exposition et surtout une exposition des Beaux-Arts. SA Lorsque les derniers lampions des fêtes d'août 1885 s'étei- snirent, les parents et les amis de Jeanneney purent se rendre compte que tout espoir de le sauver était irrémédiablement perdu. Des crises d'asthme provoquaient à chaque instant des troubles irréparables dans son Organisme. L'adminis- tration universitaire et la municipalité se préoccupèrent alors d'assurer l'ouverture régulière des cours de dessin pour la prochaine année scolaire. Jeanneney, plus aveugle que jamais sur l'état de sa santé, parlait de sa guérison (1) Avenir de la Haute-Saône du 8 mars 1885. 0 comme d'une échéance rapprochée. Il fallut que les siens, par un picux subterfuge, obtinssent de lui un blanc-semg qu'il croyait destiné à une demande de congé et qui fut, en en réalité, une demande de mise à la retraite comme proîes- seur de l'Etat et une démission de directeur de l’école muni- cipale de dessin. La ville de Vesoul eut la délicatesse de nommer son successeur, M. Lataste, à titre provisoire seulement. Jusqu'à sa dernière heure, Jeanneney ignora son rempla- cement. Au milieu de ses crises douloureuses, le courage ne lui fit jamais défaut et, dans son délire, 1! se croyait encore _au cours du soir, entouré de ses élèves ct leur donnant des conseils. La mort trop lente, vint le délivrer dans la matinée äu 22 décembre 1885 ; il n'était âgé que de 53 ans, huit mois et treize jours. À ses obsèques, qui eurent lieu le surlendemauin, il ne se trouva personne pour assumer la tâche de retracer cette vie de travail, de labeur et d'honnêteté civique, mais la popula- tion de Vesoul, presque entière, ses collègues, ses amis ci ses élèves en larmes, l’accompagnèrent jusqu'à sa dernière demeure. Le même jour, une feuille locale (r), lui consacrait quel- ques lignes : CI était doué d'une nature vraiment artistique. « I a fait parmi les franes-comtois et particulièrement dans « la Haute-Saône, où il professait depuis de longues années, « de nombreux élèves dont nous avons eu souvent l’occasion « de faire l'éloge et de constater les succes. « Vesoul lui doit, pour une grande part du moins, la réus- « site de son école municipale de dessin. € [l a laissé dans notre ville de nombreux amis et sa mort « prématurée y est vivement regrettée ». Le 9 janvier 1886, Auguste Castan fit à la Société d'Emu- lation du Doubs, dont Jeanneney faisait partie depuis 1865, (1) Avenir de la Haute-Saône du 24 décembre 1885. = OO — l'éloge funèbre de son ami d'enfance. Cette notice, dans laquelle nous avons puisé les premiers éléments de notre travail, se termine ainsi: « Ces deux institutions (école de « dessin et musée de Vesoul) qui ne peuvent que grandir, « feront vivre avec honneur, dans le chef-lieu de l’un de nos « départements comtois, le souvenir d’un artiste remarqua- « blement doué et qui s'ingénia sans cesse à rendre intelli- « gibles à tous, les règles du goût (1) ». Déjà son élève et ami, Alexandre Rapin, annonçant aux francs-comtois de Paris la disparition d'un des leurs, avait dit (2): « Jeanneney, doué d'un sens artistique remarquable, € avait eu des débuts qui promettaient une brillante carrière, € puis ses études furent interrompues ; il se vit, pendant de « longues années, aux prises. avec les difficultés de l'exis- « tence et finit par se vouer à l’enseignement de l’art. « Mais l’art n'y a rien perdu, car Jeanneney a obtenu là « des résultats considérables ct inespérés. « À Vesoul, dans cette ville de 10.000 habitants, où « aucune semence artistique n'avait encore été jetée, 1l a su « fonder un musée, organiser des expositions, créer une « école de dessin qui vit, prospère et fait des élèves comme = «€ Courtois. « Jeanneney a rendu d’éminents services à la cause de « l’art. » - Quelques années après la mort de Victor Jeanneney, un autre décès vint plonger à nouveau sa famille dans le deuil. Son fils Ambroise était entré dans l’Université en octobre 1877, comme répéliteur au lycée de Troyes et avait été nommé, au mois de janvier suivant, professeur de la classe préparatoire de l’enseignement secondaire spécial. Paru comme répétiteur de 2° classe au lycée de Naney, à la rentrée (1) Cette notice a été reproduite dans le Courrier franc-comlois du même jour. (2) Avenir de la Haute-Saône du 28 décembre 1885. — 101 — scolaire de 1878, il avait été élevé au grade de professeur de 3° et 4° au collège de Baume-les-Dames en février 1879, puis de 6° à celui de Montbéliard, un an après. La vie mono- tone des collèges de petites villes ne plaisait qu'à demi à son caractère entreprenant ; aussi Ambroise Jeanneney chercha- t-il à utiliser aux colonies son esprit d'initiative. Son père le vit partir à regret au lycée de Cayenne (Guyanne) le 19 octobre 1881. Là, le jeune professeur de lettres réussit à organiser un cours d'adultes où il enseignait le français, la littérature et le dessin. La mort de son père fut pour Ambroise Jeanneney une dure épreuve et l'origine d'un mécontentement à l'égard de l'Université qui le décida à donner sa démission à l'expira- tion de son engagement décennal, pour entrer dans l’admi- nistration des Colonies. Durant son séjour à Cayenne (26 avril 1884) il s'était marié avec la fille d'un professeur de Bordeaux, M'° Mar- œuerite-Léontine Tixier, qu'il emmena avec lui à la Nouvelle Calédonie en février 1887. Agent de cultures de 2° puis de 1 classe (26 août 1889), bientôt agent de colonisation de 3° classe (28 avril 1892), il sut rendre d'importants services, grâce à ses connaissances étendues en botanique. C'est à sa collaboration avec le docteur Eckel, que Marseille doit la fondation de son musée colonial. I était chevalier du Mérite Agricole {(r891) et officier d'Académie {1895}. Nommé agent de colonisation de 2° classe le 20 février 1897, il était retourné à Cayenne avec sa femme et ses deux jeunes enfants, Fanny et Georges, et avait été élevé à la 1° classe de sa fonction le 1°’ janvier 1898. Six mois après, un drame comme il en arrive trop fréquemment dans les colonies de déportés, vint briser cette carrière acquise par une courageuse persévérance. Parfois un forçat, las de traîner sa chaîne après plusieurs tentatives d'évasion, n'hésite pas à commettre un nouveau crime pour se débarrasser de la vie, il choisit alors une Hron victime au hasard (1). Le 13 juillet 1898, Ambroise Jeanne- ney se trouvait au rez-de-chaussée de sa petite maison en planches, à Cayenne, occupé à rédiger le projet du discours qu'il avait été chargé de prononcer le lendemain, à l'occasion de la Fête Nationale. Un déporté, qui n'avait eu qu'à se louer de ses bienfaits, s’'approcha de la fenêtre entr'ouverte et, à bout portant, lui tira un eoup de revolver dans la po:- (rime rt C’est ainsi, qu à treize ans d'intervalle et dans des circons- tances différentes, Victor Jeanneney et son fils sont morts, après avoir consacré leur existence au service de la Patrie. (1) Docteur GROSPERRIN. Le bagne à la Nouvelle en 1878 (Souve- nirs de voyages d’un médecin de la marine) [Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs, 1909, p. 368]. — 183 — CHAPITRE VI Les ÉLèÈvESs DE V. JEANNENEY. — À BESsANcoN: Rapix, F. Basso, ANTOINE Lumière, PÉTUA, ADELIN BELLAT, EMILE ET GUSTAVE ANNOUAL, VERMEILLET, ARNAUD. — AU LYCÉE DE VESOUL: Gour- SOLLE, VVOLFINGER, CHAFFANEL, LAILLET, GAUTHIER, (Camus, MourLOT, LAVoISEAU, BAILLET, CHARTON, Nicop, FRANCIS ET ABEL CARIAGE. Il n'est pas possible de parler de Victor Jeanneney, sans associer à sa mémoire les noms de ses élèves: liés intime- ment entre eux, dans le travail et le même idéal, ils forment un tout indissoluble. La vie du maître fut entièrement consa- crée à ses disciples et depuis sa mort, le culte que ceux-ci ont conservé pour sa mémoire ne s'est point affaibli. Plusieurs, dans la carrière du grand Art dépassèrent le talent et la notoriété de ce devineur de vocations ; leurs succès furent pour lui la consolation de ses jours de deuil et de maladie. La gratitude dont ils honorent son nom est le plus précieux témoignage de son dévouement à leur égard. D'autres qu'il destina à devenir des professeurs, attestent encore aujourd'hui que ce sont les méthodes et l'enseigne- ment de Jeanneney qu'ils professent avec un égal succès. Il n'est pas jusqu'aux artisans, aux élèves-amateurs qui ne se souviennent de ses lecons et de ses conseils. Fous l’aimaient parce qu'il était pour eux moins un maître qu'un camarade, un ami : tous rendent hommage à sa science. à sa bonté, à sa complète abnégation. Gérôme écrivait à Jeanneney que l'école de Vesoul était « la pépinière de son atelier. » Le lecteur ne manquera pas de s'étonner du nombre imposant d'élèves que Jeanneney tes 18/ SRE, envoya à l'Ecole nationale des Beaux-Arts; peu de profes- seurs de province pourraient s'enorgueillir d'avoir formé une pléiade d'artistes, aussi brillante, aussi nombreuse. Nous ne pouvons donner sur la vie et la carrière de chacun d'eux que des notices succinetes, dont la seule utilité sera de préparer, pour l’avenir, des travaux plus complets. Il nous a plu de grouper ces élèves par séries correspondant à chaque établissement où ils ont reçu les premières notions du dessin, de suivre autant que possible l’ordre chronolo- gique de leur entrée à l’école de Jeanneney et de rechercher l’action de celui-c1 sur leur destinée artistique. Nous avons essayé enfin de les suivre dans le cours de leur carrière, terminée pour les uns, brillante et honorée de nos contempo- rains, pour les autres. Atelier de Besançon et Ecole des Frères. — Lun des premiers élèves de Jeanneney apparait comme l'une des gloires les plus pures dans lhistoire de notre art franc- comtois. Pierre-Etienne-Alexandre Rapix, né à Noroy-le-Bourg (Haute-Saône) le 21 juin 1839, était le fils d’un huissier qui vendit sa chañge pour s'établir à Besançon. Son père l’em- mena avec lui tout enfant et lui fit faire son apprentissage du métier d'horloger qu'il exerça jusqu'à l’âge de vingt-un ans. Après avoir travaillé toute la journée à l’établi, il suivait le soir les cours de l’école municipale de dessin « où ses apti- « tudes spéciales et son assiduité à l'étude en faisaient un « des élèves les plus remarquables. » En 1860, exempté du service militaire, il abandonna défi- nitivement l'horlogerie sur les conseils de Lancrenon et de Jeanneney et «entra dans mon atelier » écrit ce dernier «où Q il fut bientôt mon ami plus que mon élève. Sa nature « contemplative le prédisposait tout naturellement au « paysage. Aussi pendant les trois années que nous passâmes ve « ensemble, ne fit-il guère que des natures-mortes et des « études de plein air G). » Nous ne pouvons faire mieux que de reproduire l'appré- ciation si exacte que le maître porte sur son élève et ami : « Dès les premiers mois, 1l se revele, dans ses œuvres, « un esprit analytique consciencieux et attentif, demandant « à chaque chose son secret, disséquant la forme, la couleur, « l'effet, allant au fond de tout, sans se rebuter ni faiblir et € préparant ainsi patiemment, paisiblement, cette profonde « connaissance de la nature qui lui permet aujourd'hui d’être « synthétique, tout en restant absolument complet. € Marchant droit à son but, sans hâte comme sans négli- « gence ni faiblesse, de chacun de ses efforts résulte un pas « fait en avant ; chaque étude amène un petit progrès bien « définitivement acquis et s'ajoutant à ceux déjà réalisés. « Ainsi, depuis ses débuts, si je l'ai vu parfois hésiter et « chercher sa voie, je ne l’ai jamais vu reculer ni fléchir. « Dès les premiers jours il a progressé sans temps d'arrêt, € pour ainsi dire ; 1l progresse encore et progressera tou- « jours, parce qu'il apporte à ses études la même curiosité « sereine, la même honnêteté ». En 1863, Alexandre Rapin ayant recueilli une part de l'héritage Roussel de Gressoulx, put quitter Besançon pour Paris. Il entra à l'Ecole nationale des Beaux-Arts, dans la classe de Gérôme, puis sur la recommandation de Jeanneney, dans l'atelier de Gleyre. Son premier envoi au Salon date de 1867, avec un Sous-bois. L'année suivante, un amateur acheta son tableau La Loue à Entre-roches, qui lui valut ainsi que Le ravin de Nouaille pres Mouthier, un réel succès dans le monde artistique et une médaille d'argent à l'exposition internationale du Havre. En 1869, il exposa un Ruisseau dans le bois d’Huelgoat au printemps. Le Salon de 1870 (1) Etudes sur les artistes franc-comlois : Articles destinés par Jeanneney au Catalogue du musée de Vesoul (Voyez supra). — 1860 — était à peine fermé que le musée de Besançon achetait son Ruisseau Sarrazin à Nans-sous-Sainte-Anne, toile superbe, pouvant rivaliser avec les meilleures productions de Courbet; ct, à la même époque, Le ravin de Grotte était acquis pour le musée d'Avignon. Après avoir fait son devoir de patriote pendant la guerre franco-aliemande, Rapin travailla chez Français, avec lequel il se lia d'amitié, 1 n’exposa rien à Paris en 1872, mais obünt une médaille d'or à l'exposition de Rouen et un diplôme d'honneur à celle de Nevers pour son Matin à Cerances (Manche). En 1873, il envoya au Salon le Ruisseau des Fra- guiers près de Bonnevaux, qui fut acheté par la Société franc-comtoise des Amis des Beaux-Arts. Le ravin du Puits notr, com préléré de Courbet, les Bords de l’étang de Mor- tefontaine et la Mare à Mortefontaine (Oise) parurent au Salon de 1874. « On voit », disait Jeanneney (1), à propos de ces toiles : « qu'il s’est complu à son œuvre qu'il caresse « avec affection, cherchant le secret poétique de quelque « retrait ombreux et le trouvant souvent. Tout cela est rendu « dans une tonalité un peu sèche peut-être, mais toujours « juste et honnête ». Rapin envoya au Salon de 1895 le Aiuisseau sous bois et la Roscée dans les fonds de Bonnevaux. Cette dernière toile, qui lui valut une troisième médaille, fut admirée à l’exposi- tion que Jeanneney organisa à Vesoul en 18797. En 1896, le Moulin de Mouthier et l'Hiver, aussitôt remarqués au Salon par un amateur éclairé, atteignirent un prix élevé. L'envoi de Rapin l’année suivante : Décembre à Cernay et Prin- temps à Cernay, lui valurent une seconde médaille. L’Aiver dans le Valbois, qui figura à l'exposition universelle de 1979, remporta un succès retentissant. À cette époque, Rapin entreprit un voyage en Alsace pour étudier sur place la composition du panorama bien connu de la Bataille de ) Journal de la Haute-Saône, numéro du 29 juillet 1874. x 180 Fræœschwiller auquel il collabora avec Detaille et en rapporta le tableau que possède le musée de Vesoul. L'état Tui acheta en 1879, pour le musée de Douai, sa toile : Bords de la Loue, qui avait figuré, avec le Matin dans le Valbois, au Salon de cette année. En 1880, Rapin fut élu membre du jury du Salon, où 1 avait envoyé le Moulin des Cressonnières et Fin d'automne. Le 12 janvier 18817, il fut nommé membre du comité provi- soire de la Société des Artistes Français et, depuis, son nom n'a cessé de sortir de l’urne pour faire parte des jurys d'expositions. C'est au salon de la même année qu'il envoya son Hiver dans le bois de Cernay et le Matin à Frœschoil- ler, tableau que, sur la demande de son premier maitre, il offrit généreusement au musée du chef-lieu du département où ilest né. « Cette toile », dit Jéanneney « magistrale et har- « die dans son ample sincérité.…., on la prendrait à coup sùr « pour une trouée ouverte sur la campagne, plutôt que pour « une peinture, tant est puissante l'impression, tant est « vraie l'émotion produite sur le spectateur que cette vue « attache, captive, domine et qui, presque inconsciemment, « subit un charme toujours grandissant à mesure que se « prolonge l'examen {le mot extase venait de lui-même sous € ma plume...). Complétant cette idylle d’une agreste poésie, « le premier plan franchement vert, du vert spécial et parti- «_eulier à la saison et à l'heure choisie par le peintre, a des « hardiesses de note, des audaces de brosse, une indépen- « dance, une personnalité de facture, qui font de toute cette « toile une réalité de l'idéal rêvé par le poète sincèrement « épris de la nature (1) ». Parlant de son /fiver dans le bois de Cernay, un critique d’art disait : « Aucun maître ne pos- « sède à un tel point cet art unique : animer Île désert, faire (x) Articles de Jeanneney destinés au Catalogue du musée de Vesoul, VOYEZ SUpr«. 2 109 — « parler, pleurer, chanter les solitudes hivernales ; M. Rapin « est un penseur doublé d’un poëte (1) ». Après avoir exposé au Salon de 1882 Le Puits noir, acquis par l'Etat pour le musée de Montbéliard, et le Ruis- seau sous bois, Rapin envoya à celui de 1883, avec L’anse d'Omonville, son fameux tableau L’Averse, dont les cri- tiques d'art, tant en France qu'à l'étranger, firent sans restriction les plus grands éloges. « Le jour du vernissage », écrit encore Jeanneney « le nom de Rapin était sur toutes « les lèvres et l’on ne s’abordait, dans le monde des arts, « que par cette phrase : « Avez-vous vu l’averse ? » Un de « mes élèves m écrivait le soir même : « Le tableau de « Rapin est foudroyant. Je n'ai vu que lui; j'irai le revoir et = «€ je m'occuperai du reste quand je l'aurai assez savouré ». Le bon professeur se plait ensuite à citer des extraits em- pruntés aux chroniques artistiques de l'époque et il ajoute : € faudrait un volume pour reproduire les analyses que les « critiques ont consacrées aux deux derniers ouvrages de € Rapin ». La même année (1883), l'artiste envoya à l’expo- sition nationale Les bords de la Loue à Scey, que possède le musée d'Epinal. Il exposa au Salon de 1884 Novembre et, le 14 juillet suivant, reçut la croix de la Légion d'honneur. Depuis ce moment, la renommée de Rapin a franchi nos frontières ; chacun de ses envois annuels au Salon fut dis- puté par les amateurs étrangers, qui meltaient en balance son talent avec celui de son maître, Français. Les bords du Doubs à Torpes et Le sentier (18385), L'été de la Saint- Martin dans la Hague et Le soir (1886), Le matin au bord du Doubs et L'automne |[1887), Le soir à Druillat'et La neige à Pont-d'Ain (1888), Le soir, La prairie à Lavans- Quingey et Le givre [1889), sont très connus. On sait que Rapin a exécuté les cartons d’une tapisserie des Gobelins (1) MARIO PROTH rapporté dans la Galerie biographique de la Haute- Saône, nouvelle édition (en préparation), de M. Ch. Godard. pour l'escalier du Luxembourg. Il était en pleine possession de son talent quand il mourut le 21 novembre 1889. Nous ne pouvons mieux faire apprécier le talent du peintre et en même temps la sûreté de jugement de son maitre qu'en reproduisant ces lignes, extraites des dernières chro- niques artistiques de Jeanneney : € Rapin est un maître dans la complète acception du mot, il n'appartient à aucune école, ne procède d'aucun des « initiateurs modernes ; 1l peint comme 1l voit : largement, « simplement, sobrement, sans prétention, sans recherche « ni procédé, sans ces petits moyens artificiels, sans cette « habileté voulue, qui, chez tant d’autres et des meilleurs € pourtant, sont pour une large part dans leur talent et dans € leur réputation ». « Assurément, d’autres ont fait aussi fin, aussi coloré, € d’autres ont vu aussi grand, peint aussi vrai, aussi réel ; «€ mais chez pas un on ne trouve alliées au même degré ces « deux qualités éminentes : la vérité matérielle et la vérité € d'impression (1) » À l’école municipale des Beaux-Arts de Besançon et à l'atelier de Jeanneney, Rapin avait pour camarade un apprenti horloger-graveur, comme lui, qui, lui aussi, quitta létabli pour suivre la carrière artistique et disparut également dans toute la maturité de son talent. Ferdinand Bassor, né à Besançon le 29 décembre 1843 de parents horlogers, travaillait avec eux à la décoration des boites de montres. Le soir, il allait aux cours de Granvelle pour se perfectionner dans le dessin. Lanerenon, qui avait reconnu ses aptitudes remarquables eut le tort de lengager, comme 1} avait fait pour Jeanneney, à aller à Paris beaucoup trop tôt. Ce jeune homme de dix-sept ans n'avait pas les ressources nécessaires pour se consacrer uniquement à son (1) Article de l'Avenir de la Haute-Saône du 20 septembre 1883. OO — artetil ne trouva pas la possibilité de le cultiver, tout en gagnant sa vie comme ouvrier peintre en bâtiments. Bassot dut revenir à Besançon en 18617 et entra chez Léon Leblane. Entre-temps, il aimait à se trouver dans l'atelier des Annonciades, avec des artistes de son âge et à prendre les conseils de Jeanneney. Celui-ci l'encouragea en lui don- nant gratuitement des leçons d’art décoratif puis en lui faisant obtenir l'exécution de panneaux destinés aux villas de MM. Noblot et Japy, dont le maître avait composé les car- tons. Ferdinand Bassot profita de son séjour dans le pays de Montbéliard pour faire les portraits de plusieurs industmels de la région ; ses premiers succès en ce genre lui indiquerent la voie dans laquelle il devait plus tard réussir. Admis dans l'intimité de Viette, 1l aurait pu profiter de ses relations avec cet homme politique, si dévoué à ses amis, pour se pousser dans le monde artistique; mais ne voulant rien devoir qu'à son travail personnel, il repartit pour Paris, en 1863, simple artisan. Bassot entra comme élève libre à l'Ecole natonale des Beaux-Arts dans la classe de Pils, se perfectionna à l'atelier de Matout et fut protégé par Français. Pour la première fois, il exposa au Salon de 1870, avec le portrait du Docteur touhter. Apres la guerre, Bassot prit part régulièrement à chaque Salon, avec un succès toujours croissant. Son Portrait de ma mère (1977) fut remarqué. Au Salon de 1879le Portrait du professeur Pajot et une Téte d'étude donnèrent lieu à une remarque très favorable de Victor Jeanneney, son ancien professeur : (M. Bassot expose un bon portrait, d'une bonne « couleur, bien campé, juste de mouvement, vrai d'attitude «et d’un puissant effet. Sa Tête d’étude est peinte et modelée «avec crànerie ; la barbe et les cheveux surtout sont enlevés «avec une facilité de brosse, une adresse et un brio remar- « quables. C'est avec une joie sincère que j'ai retrouvé dans « cette tête qui rit de si bon cœur, la bonne et sympathique or « figure de l’auteur, que j'ai connu il y a quelque seize ans « pas plus haut que çà... (1) » En 1981, Bassot obünt une mention honorable : ses Salons des années suivantes, avec plusieurs portraits, natures- mortes, fleurs et sujets de genre, le classèrent définitivement dans un bon rang parmi les artistes de cetie époque. Son tableau Les Forgerons (1887) eut les honneurs de la critique dans l’{ustration et le Monde Illustré. Le musée de Vesoul possède de lui un superbe Portrait de Rapin, exécuté à cette date. Au Salon de 1805, il envoya deux tableaux de genre : Le Philosophe et Jésus au jardin des Oliviers. A celui de 1900, le Portrait de son frère Alexandre était encore exposé, quand Ferdinand Bassot mourut presque subitement {17 juin 1900). Peintre consciencieux, ennemi de la réclame et du tapage, travailleur acharné, refusant de sacrifier à la mode et aux préférences de tel ou tel chef d'école maître du jury, Bassot personnifia la probité professionnelle du véritable artiste. Claude-Antoine LumiÈrEe avait dépassé l’âge des études scolaires, lorsqu'en 1864, Jeanneney, dont l'atelier voisinait avec celui de son patron, conseilla au jeune apprenti-photo- graphe de suivre ses cours de dessin à l'école des Frères de la Doctrine chrétienne. | . Né à Ormoy (Haute-Saône) le 13 mars 1840, sous le toit de modestes cultivateurs, bientôt emportés l’un et l’autre par le choléra de 1854, le petit paysan était parti à Paris chez Auguste Constantin, qui l’éleva, lui apprit le dessin et en fit un peintre d’enseignes. Hanté par le souvenir du sol natal, il en reprit le chemin en 1860 et se plaça comme commis chez un photographe de Besançon, qui opérait dans Fancien cou- vent des Annonciades. C'est là, qu'en 1863, Lumière fit la connaissance de Victor Jeanneney. « Jusqu'à son départ (1) Les francs-comlois au Salon de 1879 (Voyez supra, chapitre V). pour Vesoul », écrit-il « nous avons vécu comme deux « frères, lui, comprenant ma situation, fit ses efforts pour me «la rendre supportable, mot, faisant tous les miens pour lui «en témoigner ma reconnaissance (1). » Très assidu aux cours du soir chez les Frères, le jeune photographe remporta à la distribution des prix, en août 1864, la grande médaille d'honneur. Lors de son départ de Besan- con, Jeanneney obtint du frère Johannes que Lumierc füt choisi pour être son successeur à l’école de dessin ; mais les maigres appointements alloués au nouveau professeur ne pouvaient suffire pour élever sa petite famille et il dut quitter l'établissement l’année suivante (1866). Il venait à ce moment de trouver à acheter le matériel du photographe St-Léger, dans la cour des Dames de Battant (rue des Granges, ancien Bazar Parisien) et il y continua son commerce jusqu'en 1870. Ses premières découvertes en photographie furent commen- cées et continuées dans ces deux ateliers de la rue des Granges ; ses succès lui avaient permis d'établir une succur- sale à Montbéliard, qu'il conserva peu de temps. Après la guerre, Antoine Lumière alla s'installer à Lyon rue de la Barre. « Que de luttes, que de travail » éerit-1l encore « que de soucis et de déboires n'ai-je pas supportés «avant de mettre sur pied la fabrication de la plaque au « gélatino-bromure ! En 1885, j'avais tellement malmené «ma bête, ne lui laissant que deux à trois heures de som- « meil par Jour, que je fus obligé, par ordre du médecin, de « prendre quelque temps de repos ; et pendant six semaines, «je suis venu me reposer près de notre ami Rapin, qui était «à ce moment à Forpes, et qui m'aida à comprendre le «paysage. » Lorsque le succès eut définitivement couronné son œuvre, par la découverte du cinématographe et les premières réali- (1) Lettre à l’auteur, datée de la villa « Soleil » à la Ciotat, du 17 décembre 19710. ne. 193 ns sations pratiques de la photographie en couleurs, Lumière céda son industrie lyonnaise, connue dans le monde entier, à ses deux fils Auguste et Louis. Mais cet homme si actif ne pouvait accepter qu'une retraite laborieuse : il se remit au dessin et à la peinture : il avait soixante ans ! Ami de Mercié, de Vollon et de Roybet, il suivit leurs conseils et réussit à produire des œuvres qui dépassent la valeur de celles d'un artiste-amateur. Lumière exposa au Salon des Artistes Français, en 1902 Le Puits du Motet, en 1903 une Vue de Venise et La maison du Tintoret, tableau qui fut acquis par l'Etat, ca 1904 le Portrait de Paul Destray, en 1905, celui du General Doods,en 1906 ceux de Lanessan et de Claude Terrasse. Doué d’un sers artistique tres fin, Antoine Lumière faisait de sa fortune le plus noble usage, encourageant les artistes par de nombreux achats. Son atelier de la rue Rochechouart renfermait une importante et superbe collection de tableaux. quil pro;etait d'offrir à la ville de Vesoul. Il s'intéressait particulièrement à l'œuvre que nous avons entreprise de faire revivre la mémoire de son maître et ami Victor Jeannenev, quand à son retour du Midi, il mourut subitement à Paris le 16 avril 1911. Un des apprentis-photographes de Lumière, durant son séjour à Besançon, Léon Pérua, né en cette ville le 4 novem- bre 1846 était, comme son patron, élève de Jeanneney au cours du soir et un des habitués de son atelier aux Annon- ciades. L'un et l’autre étaient animés du même enthousiasme pour la nouvelle méthode du maître. « Il nous conduisait » écrit celui-ci « devant la nature, nous apprenait à en voir le « caractère et à le rendre. Il était pour nous un guide sùr : « nous l’estimions et l’aimions beaucoup, car 1l était pour « nous non seulement un excellent maître, mais aussi un «ami ; comprenant la jeunesse, il était lui-même très gai. « De tous mes maitres, c'est assurément à Victor Jeanneney 15 RO « que je dois le plus et aussi je conserve pour lui le plus « reconnaissant souvenir (1). » Tout en manipulant le collodion chez Lumière, Léon Pétua ne cessait de manier le pinceau et le crayon. Désemparé quand son maître quitta Besançon, il alla à Vesoul pour lui demander avis sur la carrière qu'il devait choisir. Jeanneney l'ayant engagé à se présenter à l'examen de l'Ecole nationale es Beaux-Arts, Pétua fut reçu en 1866 et entra dans l'atelier de Gérôme, où 1l obtint neuf médailles. Au mois de juillet 1870, on trouve le jeune artiste enrolé au 108° de ligne, en décembre, il fait le coup de feu à Cham- pigny et au Bourget. En 1872, il obtient le diplôme supérieur de la ville de Paris pour l’enseignement du dessin et, en 1875, à la suite d’un concours, le poste de professeur au Technikum de Zuhich, nouvellement créé. Depuis cette époque, Pétua a envoyé, au Salon des Artistes Français et aux diverses expositions, des œuvres dont l’exac- itude de dessin et la conscience de composition lui ont valu d'unanimes éloges: Niort (1882) médaille, Dijon (1883) mé- daille d'argent de r"° classe, Bruxelles (1887), Londres (1868) 1'° médaille d’or, Cannes {1890) diplôme d'honneur et mé- daille d'or, Vesoul (1897) première médaille. Il prit part aux expositions universelles et internationales de Paris, Munich, Strasbourg, Londres, Bruxelles, etc. À l'exposition de Vesoul en 1909, nous avons admiré la foree et la vivacité d'expression qui se dégagent de son excellente toile Une bonne pipe et à celle de Besançon (1910) avec un bon paysage La chute du Rhin, son délicieux panneau intitulé : Jeunesse. Cette œuvre à paru en 1911 à l'exposition d'Epinal à côté d'une gracieuse toile : Les Naïades. De nombreux tableaux de Léon Pétua se trouvent dans des musées et collections particulières de France et de l'étranger ; plusieurs ont été édités. Il à publié des ouvrages d'art sur (1) Lettre à l’auteur du 24 décembre 1910. no les écoles et musées industriels, à la suite de ses voyages d’études en Italie et en Allemagne. Pétua a formé nombre d'artistes dont les noms sont connus en France, en Suisse et en Allemagne, notamment : Gaspar Ritter de Carlsruhe, Isella et Oswald de Munich, Affelkanger et Knecht de Paris: des professeurs de dessin tels que Fritz von Martini à Saint-Gall, Schlôpper à Fribourg, Webhrli et Zäggli à Zurich, Muller à Heidelberg. Son élève préférée est sa fille, M'° Jeanne Pétua dont les petits: tableaux de œenre et les paysages dénotent un talent plein de charme et d'originalité. Tous les ans le professeur et l'élève viennent passer leurs vacances en Franche-Comté, d'où ils remportent dans leurs cartons « quelques petits coins du pays » pour lequel ils ont conservé le culte pieux du souvenir (1). Parmi les autres élèves du cours de dessin organisé par Jeanneney à l'école des Frères de Besançon, il convient de citer encore : Adelin-Joseph-Amédée BeLzLar, né à Maïche, miniaturiste au pinceau délicat, dont les œuvres paraissent fréquemment aux vitrines frane-comtoises et qui exposa à Vesoul en 1909 d'excellents petits portraits. Emile Axnouaz, lauréat de l’école en 1864 est très connu dans le monde artis- tique de notre province. Homme de goût et fin connaisseur, l’aimable miroitier de la Grande-Rue à Besançon, encourage les artistes en exposant à sa vitrine les œuvres des artistes du pays et ne leur ménage pas son dévouement. Son frère, Gustave AxNouaLz, né comme lui à Besançon, travailla à ses côtés sur les banes de l’école Saint-Jean. Il obtint au Salon de l'Union centrale des Beaux-Arts appliqués à l'industrie, installé aux Champs-Elysées en 1865 une troisième mention honorable. Ses quatre paysages, exposés à Vesoul en 1853, (1) Journal Les Gaudes du 15 juillet 1908, avec un portrait de Pétua par sa fille. annonçaient la promesse d'un artiste au dessin chatié ét au brillant coloris. Entré dans l’armée et parvénu rapidement au grade de lieutenant d'infanterie coloniale, il mourut au siège d'Hanoï en 1885. À cés noms, il nous suffit d'ajouter celui de VERMEILLET, le premier décorateur très connu à Besançon il y a quelques années et celui d'ArNau», établi sculpteur-marbrier à Pon- tarlhier, tous deux décédés. | Lycée de Vesoul. — En même temps que Jeanneney arri- vait à Vesoul en 1865, comme professeur au lycée, un jeune élève venait y terminer ses études commencées au collège de Luxeuil. Lucien GoursoLLe, né à Amance (Haute-Saône) le 26 avril 1852, était très bien doué pour le dessin et ne tarda pas à remporter un accessit au concours académique. En août 1869, il obtint le premier prix de dessin d’ornementa- tion de l'établissement. Lorsqu'il quitta le lycée après sa philosophie en 1872, il semblait que le goût des arts allait lui ouvrir une carrière où l'attendait un succès certain. Mais une tradition de famille le destinait au notariat et il fut envoyé à Nancy pour apprendre à gratter du papier timbré. Chassez le naturel... Tout en dressant des actes de pro- priété, Lucien Goursolle suivait les cours de l’école des Beaux-Arts, déjà célèbre, de la capitale lorraine. Il s’y ren- contra avec Friant, Prouvé et une pléiade d'artistes dont il est resté l'ami. Vint un jour où 1l abandonna les grimoires pour aller à Paris, y travailler dans plusieurs ateliers d'artistes. De retour à Amance, l'élève de Jeanneney se plut à se délasser, dans la culture des arts, des soucis d’une exploita- üon agricole. Des petits tableaux de genre et d’agréables paysages sont sortis de son pinceau. Bien peu d’'entre-eux ont figuré dans des expositions et bien peu nombreux sont les vrais connaisseurs auxquels sa grande modestie a permis de les voir. À l'exposition de Vesoul, en 1897, on remarqua = t97 = son Raccommodeur de chaudrons.{ y a une dizaine d'années, Lucien Goursolle « eut. l'ingénieuse idée de se lancer dans « une voie très spéciale et intéressante: la restauration des « tableaux, art extrêmement difficile, exigeant les connais- « sances les plus variées et des études précises (1). » À notre époque, où l'engouement pour la peinture ancienne est devenu presque général, l'amateur et le collectionneur exigent, dans la réparation de leurs toiles, non seulement le talent du peintre, mais l’érudition du savant. Goursolle à su, par la réunion de ces deux qualités, se faire un nom connu et estimé dans le monde des collectionneurs. L'annexion amena dans le cours de Jeanneney au lycée de Vesoul, plusieurs jeunes gens bien doués pour le dessin. L'un d'eux particulièrement, Albert WozriNGEr, promettait une brillante carrière artistique. Né à Tarbes, d'un père chef de musique dans un régiment d'infanterie, sa mère était la sœur de M. Hubler, pâtissier à Vesoul. Restée veuve apres la guerre, sans autre ressource que sa modeste pension, M Wolfinger se retira auprès de son frère qui, n'ayant point d'enfant, se chargea d'élever l’orphelin. Intelligent et laborieux, celui-ei obtint facilement une bourse d’externe au lycée. Au cours de Jeanneney, il ne tarda point à donner la mesure de ses merveilleuses dispositions pour le dessin d'imitation, et le maître ne lui ménagea n1 les conseils, ni les encouragements. Nous l'avons vu, dès 1873, obtenir au concours général et au concours académique un premier succès, qui se trans- forma l’année suivante en un triomphe pour le [ycée, avec le premier prix de dessin à ces deux épreuves. Non content de suivre les cours de l’Université, Wolfinger assistait régu- lièrement chaque soir au cours des Halles et 1l remportait à la même époque (1874) le grand prix d'honneur de tous les (1) Annuaire de l'Association des anciens élèves du lycée de Vesoul, 1910, P. 26. — 198 — concours de l’année à l’école. Ses dessins d’après la bosse, exposés à la mairie : La Venus d'Arles, Tête d'Antinoüs et Le masque de Saint-Jérôme étaient unanimement louangés, pour l'exactitude du dessin et le fini d'exécution. Dès lors, les portes de l'Ecole nationale des Beaux-Arts lui étaient ouvertes et Gérôme promettait de l’accueillir avec enthousiasme dans sa section. Mais la modicité des res- sources de la veuve et celles du père Hubler réunies, ne pou- vaient suflire à l’entretien du jeune artiste à Paris. D'autre part, n'étant point originaire de Franche Comté, Wolfinger ne pouvait prétendre à une bourse départementale. Jeanne- ney raconte lui-même à Castan la manière dont il réussit à tourner la difficulté : « Jai insinué à ces bons vosgiens qu'il « devait être spinalien, étant né à Tarbes d’un père messin « et d'une mère alsacienne G) ». Et, grâce à ses relations, il obtint une bourse du département des Vosges. Wolfinger partit pour Paris avec sa mère en octobre 1874. Deux ans après son entrée dans la classe de Gérôme, il obtenait la seconde des huit récompenses accordées par le jury aux élèves des trois sections de l'Ecole des Beaux-Arts et Ch. Grandmougin signalait avec joie le premier succès parisien remporté par l'élève de son ami (2). Wolfinger travailla encore deux années avec un véritable acharnement ; il promettait, suivant le mot de Gérôme, de devenir une des gloires de l'Ecole des Beaux-Arts ; mais sa santé, qui avait toujours été délicate, ne put résister à ce surmenage. Malgré les soins empressés de sa mère qui lutta jusqu’au bout contre l'implacable tuberculose, il dut inter- rompre ses travaux. R À la distribution des prix de son école munieipale, le 3 août 1879, Jeanneney annonça d’une voix brisée par l’émo- tion, la fin prochaine de son brillant élève, qui disparut avec (1) Lettre du 11 février 1839, à la Bibliothèque de Besançon. (2) Journal de la Haute-Saône, numéros des 9, 15 et 30 août 1876. la chute des feuilles. Le lycée de Vesoul et M. Windersheiï- mer conservent d'excellents dessins de ce jeune artiste. Son camarade, CHAFFANEL Eugène, né à Nancy le 25 oc- tobre 1860, et arrivé tout jeune au lycée de Vesoul en 1871, avait également reçu de la nature les plus heureuses dispo- sitions pour le dessin. Jeanneney put les développer rapide- ment par des leçons particulières, données en dehors des cours de l'établissement. « C'était pour mot », écrit Pélève « la meilleure des récréations et nous en attendions l'heure « avec impatience ». Au concours académique de 1875, Eugène Chaffanel rem- porta le troisième accessit ; 1l n'obtint que le quatrième l’an- née suivante ; mais à l'Exposition de l’école municipale de dessin en 1876, à laquelle était adjointe celle des élèves libres de Jeanneney, ses dessins d'après la bosse et ses fusains furent remarqués. Charles Grandmougin y trouva « des qualités de modelé et de dessin qui révèlent un grand sens de l’art et une excellente éducation esthétique (1). » L'année 1877 couronne de succès les années d’études du jeune lycéen. Au concours général, 1l remporte un premier accessit et, à l'Exposition des Beaux-Arts de Vesoul, son fusain Un moine lui vaut une mention honorable. Dès lors la carrière de l’art s'ouvre devant lui ; il travaille pendant cinq années à l'Ecole nationale des Beaux-Arts (1878 à 1883) dans l'atelier de Gérôme, où il obtient en 1879 une première mention. De 1880 à 1884, Eugène Chaffanel a exposé à la Société des artistes Français des tableaux, des pastels et des des- sins, qui lui ont valu des éloges mérités. En 1885 l’exposi- tion du Blanc et Noir au Louvre, montra de lui d'excellents dessins que le critique d'art du Gaulois appella des « études « remarquables d'expressions diverses de l'âme humaine, la (1) lbidem, numéro du 30 août 1876. D OO « haine, la jalousie, l'amour, l’horreur, la dignité, ete. () ». Puis il partit pour un voyage assez long dans les deux Amé- riques, à Londres et à Constantinople. Il laissa sur son che- min de nombreux tableaux recherchés des amateurs et rapporta de très intéressantes esquisses. | Depuis son retour en France (1894), Eugène Chaffanel n'a pas cessé d'exposer à la Société nationale des Beaux- Arts. Ses tableaux et ses dessins, indiqués dans les cata- logues annuels, le rangent dans la classe des artistes connus et appréciés de la capitale. L'’affection, que tous les élèves de Jeanneney portaient à leur maître, était doublée chez Gustave LaiLLeTr d’une admi- ration et d'un dévouement sans borne. Né à Navenne, près de Vesoul le 7 décembre 1862, il était entré au lycée à l'âge de onze ans et avait manifesté un goût prononcé pour les Beaux-Arts, avec une application soutenue pour l'étude du dessin. Laillet, sans avoir le talent inné de Wolfinger, et la faci- lité de Chaffanel était un élève studieux, laborieux à la classe de dessin comme aux autres cours. Jeanneney avait vu en lui l’étoffe d’un professeur d'avenir et ce fut dans l'intention de le diriger dans cette voie qu'il le fit partir à l'Ecole nationale des Beaux-Arts en 1881. Une maladie l'obligea bientôt à revenir à Vesoul, où 1l se remit à travailler avec Jeanneney plusieurs heures chaque jour et le soir à l'école municipale. Le maître s'appliquait spécialement à lui révéler ses méthodes personnelles d'enseignement, surtout en ce qui concerne l'art appliqué ; fréquemment il l’invitait à parcourir avec lui les tables à dessin et à signaler aux élèves les corrections néces- saires. C'est ainsi que progressivement le disciple s'habitua à son futur métier de professeur. : (1) Numéro du 15 mars 1885, article rapporté dans l'Avenir de la Haute-Saône du 22 mars suivant. RON Nous avons vu avec quel dévouement Laillet sut remplacer son vénéré maître pendant une longue et cruelle maladie. Jeanneney en conserva une affectueuse gratitude à son élève. À la rentrée scolaire de 1885, Gustave Laillet fut nommé professeur au collège de Neufchâteau et l'année suivante à celui de Meaux. Un an après [1887) il obtint le même poste à Fontainebleau et ne voulut point le quitter désormais. Il est décédé en cette ville le 20 novembre 1910. L'enseignement de Laillet, inspiré par celui de Jeanneney, eut un succès égal à celui de son maître. Ses cours de des- sin d'imitation et de peinture étaient suivis par de nombreux élèves et amateurs dont quelques-uns, sortant de l'Ecole nationale des Beaux-Arts, faisaient leur sorvice militaire à Fontainebleau. Le professeur sut aussi diriger vers l'étude du dessin appliqué aux arts industriels les jeunes ouvriers de son école municipale et beaucoup de ceux qui ont tra- vaillé sous sa direction en ont tiré un grand profit pour leur avenir. Presqu'en même temps que Laillet (1833) entrait au lycée de Vesoul Alfred-Jean-Baptiste Gaururer, né à Bucey-les-Gy (Haute-Saône) le 29 avril 1859, qui voulait être peintre et qui le devint en même temps que professeur. Pendant cinq années, il travailla sous les ordres de Victor Jeanneney et celui-ei le fit entrer, à la fin de l’année 1880, à l'Ecole natio- nale des Beaux-Arts, dans la section de peinture. Alfred Gauthier prit une part active à la création de la Soctéte des Artistes indeépendants,où1l exposa régulièrement de 1854 à 1886. Sorti cette dernière année de l’école avec diplôme supérieur de professeur de dessin, il fut nommé au collège de Médéa (Algérie), puis à Blida (1887-1899), à Sétif (1899-1900), ensuite au collège de Gap (1900-1904), enfin au lycée de Chartres, où il dirige, en dehors de son enseignement universitaire, un cours de dessin d'art indus- triel à l’école municipale de cette ville. Depuis six ans, il a sn D OD ee fait recevoir six de ses élèves à l'Ecole nationale de Sèvres, dont l’un classé premier au concours d'admission. C’est ainsi qu'Alfred Gauthier met en pratique avec succès les préceptes de son premier maître sur l’art appliqué. Une mention personnelle et une médaille de bronze lui ont été attribuées à l'exposition universelle de 1889 pour les bril- lants résultats de son enseignement. Le peintre n’a point délaissé les expositions; médaillé à l'exposition régionale de Rouen en 1894, Gauthier a obtenu à celle de Vesoul, en 1897, une médaille d'argent pour ses excellentes toiles: Rue arabe à Blidah et Etude de gourbis arabes. « Un jeune écolier de Fleurey-les-Faverney, M. Camus «€ (Jean-Baptiste, né le 13 février 1857) était arrivé naguère « à l’école, « dit Charles Grandmougin » (1), avec un léger « bagage; il n'avait rien appris et n'apportait que d’heu- « reuses dispositions, mais son travail annonce une entente « précise du dessin... il arrivera à dégager complètement « les facultés originales qu'il porte en lui. » Ces mêmes remarques, Victor Jeanneney les avait faites sur son nouvel élève lorsqu'en 1853 Camus était entré au lycée de Vesoul. Il l'avait engagé à suivre, en plus des cours de dessin à l'établissement, ceux de l’école municipale. Ses premiers dessins, simples figures d’après le modèle, obtinrent une remarque favorable à l'exposition des œuvres des élèves (2) en 1874. Deux ans après, ses études d'après la bosse lui valurent les encouragements que nous venons de trouver sous la plume du poète franc-comtois. Nous savons aussi qu'en 1877, Jean-Baptiste Camus recueillit une brassée de lauriers dont le lycée de Vesoul pouvait être fier: premier prix de dessin académique au concours général des lycées de Paris et de la province. premier prix de dessin au concours (1) Journal de la Haute-Saône, numéro du 30 avril 1876. (2) {bidem, numéro du 9 septembre 1874. O0 général entre les lycées et collèges des départements et premier prix avec médaille d'or au concours académique. La même année, Camus entra à l'Ecole nationale des Beaux-Arts dans l'atelier de Gérôme, avec une pension de 400 francs du département de la Haute-Saône (1). Quatre ans après, nous voyons le conseil général doubler cette subven- tion (2), et la maintenir pendant les deux années suivantes (1882 et 1883). Mais le 15 avril 1885, le département crut devoir la supprimer pour l'avenir (3). Camus fit de l’art pendant quelque temps encore; mais la modicité de ses ressources et la difficulté de percer lui firent choisir une carrière plus rémunératrice. Entré dans une fabrique de couleurs à Bruxelles, il en fut pendant quinze années le directeur. Sa santé l’obligea à se retirer à Liège, dans le pays de sa femme, où il a monté une industrie très prospère. Entre temps, 1l occupe ses loisirs à la peinture, en amateur : tant il est vrai qu'un artiste reste artiste dans toute espèce de condition sociale. Nous possédons peu de renseignements sur Albert MovurLor, né à Genevreuille (Haute-Saône), qui remporta le premier prix de dessin au concours général des lycées de pro- vince en 1876. Une lettre de Victor Jeanneney à Castan (4), du 4 février 1879, dit de celui-ci « qu'il fera un peintre « honnête, ayant pour dorer son honnêteté six mille francs « de rente. » De tous les élèves de Jeanneney, c'était alors le plus favorisé par la fortune. Né à Vesoul le 9 janvier 1872, d'un conducteur des ponts et chaussées, Jules-Camille Lavorseau entra au lycée dès 1880, et pendant cinq années, suivit les cours de dessin, 1) lbidem, numéro du 9 janvier 1878. 2) Avenir de la Haute-Saône, numéro du 11 septembre 1881. 3) Journal de la Haute-Saône numéro du 25 avril 1885. 4) sa ( ( Be Correspondance de Castan à la Bibliothèque municipale de nçon, —= 9204 — peinture et modelage professé par Jeanneney. Il en sortit deux ans après le décès de son premier maître pour entrer à l'école des Beaux-Arts de Limoges où il travailla, de 1887 à 1869, sous la direction du sculpteur Ch. Petre et du peintre A. Costard; il obtint, durant ce cours laps de temps, seize médailles. L'Ecole nationale des Beaux-Arts lui ouvrit ses portes et 1l en suivit les cours en même temps que ceux de l'Ecole nationale des Arts Décoratifs, de 1889 à r891 ; à sa sortie, 1l était lauréat de cette dernière école et plu- sieurs fois médaillé. : Jules Lavoiseau obtint rapidement les certificats d’apti- tude à l’enseignement du dessin: en mai r891, pour les écoles normales et écoles primaires supérieures ; en août de la même année, le premier degré pour l'enseignement dans les lyeées et collèges et en août 1892, le certificat au degré supérieur. Nommé professeur de dessin d'imitation et géométrique au collège de Villefranche-sur-Saône le 28 septembre 1892, il passa, deux années après, au lycée de Quimper, puis bientôt, le 28 décembre 1895, à celui de Marseille. Mais l'amour du sol franc-comtois lui fit désirer et obtenir un poste moins brillant, celui de professeur de dessin d'imita- tion et géométrique au lycée de Lons-le-Saunier [22 sep- tembre 1899). Depuis le 23 décembre 1907, Jules Lavoiseau donne en outre des cours de dessin à l’école normale des instituteurs et dès le 11 juin 1906, il a remplacé le doux Achille Billot, comme directeur à l'école municipale de dessin et de modelage de la cité lédonienne. Officier d’Académie, du 18 juillet r903, il a reçu la rosette violette le 13 juillet 1909. | À l’âge de dix-neuf ans, Lavoiseau fut reçu pour la pre- mière fois au Salon des Artistes français avec son tableau : Les bords de la Colombine. Depuis, il a envoyé à diverses expositions de Paris et de la province, ses œuvres de pein- ture, de sculpture et des paysages au fusain dont Jeanneney — 209 — lui avait donné le secret. À l'exposition de Vesoul en 1897. il obtint une médaille de bronze pour ses fusains : Bords de l’Oignon et Bords de la Colombine. Le musée de sa ville natale possède de lui une Berrichonne, étude consciencieuse, moulée en plâtre. Les derniers élèves de Victor Jeanneney aulycée de Vesoul n'ont connu leur maître que miné déjà par la maladie: mais ils n'en ont pas moins conservé de lui un souvenir affectueux et reconnaissant. Le père de Marie-Joseph-Henri Barzzer né à Lure le 25 décembre 1866) était inspecteur primaire et l'ami du bon professeur. Ce jeune homme termina ses humanités au lycée de Vesoul, 1883-1885: comme il avait du goût pour le dessin, Jeanneney s'intéressa à lui et le recom- manda à son suppléant Laillet. Son application au travail Tui valut plusieurs prix. Après la mort du maitre, Baillet quitta l'établissement pour entrer à l'Ecole des Arts décoratits de Paris ; reçu l’an- née suivante (1887) à l'Ecole nationale des Beaux-Arts, 1l travailla jusqu'en 1891 dans l'atelier d'Elie Delaunay. Diplômé comme professeur de dessin au degré supérieur, il fut nommé au lycée de Brest en octobre 1891, puis en septembre 1895 à celui de Chaumont. Henri Baillet est en même temps pro- fesseur de dessin à l'école normale des institutrices et à l'école supérieure des jeunes filles de cette ville. Enfin. il dirige le cours municipal des Beaux-Arts. Sans aucune ambition personnelle, il a refusé tout avance- ment et a renoncé au grand art, pour se consacrer tout entier à l'enseignement de ses élèves. Baillet avait pourtant exposé deux fois à Brest, et ses fusains Vues d'Ouessant et Vues de Penmarck avaient été reçus au Salon des Artistes français. [l'est officier d'académie depuis le 14 juillet 1906. Deux des successeurs de Victor Jeanneney furent choisis parmi ses anciens élèves du lycée. Stéphane-Marie-Auguste — 206 — CHarronw, né à Melisey (Haute-Saône) le 2 février 1860, était le fils d'un modeste facteur rural. Il travailla d'abord au col- lège de Lure, puis, avec une bourse, à celui de Vesoul durant quelques années; il suivait aussi les cours du soir à l’école des Halles. Jeanneney l’envoya à l'Ecole nationale des Beaux- Arts en 1882, dans l'atelier de Gérôme. L'année suivante, Charton obtint au concours annuel de dessin anatomique, la médaille unique décernée à ce concours (1). Au mois de juil- let 1883 il se vit décerner au concours le diplôme de profes- seur de dessin, pour les écoles de Paris (2). Il préféra cepen- dant continuer, pendant deux années, à suivre le cours de Gérôme et rentrer dans sa province, où la ville de Vesoul venait de lui confier l’enseignement du dessin aux cours secondaires des jeunes filles, puis à l'école normale des ins- tituteurs. Le 15 octobre 1892, il fut appelé à remplacer M. François dans la chaire de Jeanneney au lycée et à la direction de l'école municipale de dessin. Il mourut à Mon- soult-Maïfliers (Seine-et-Oise) le 27 avril 1906, sans avoir laissé beaucoup de productions artistiques, mais avec le renom d'un bon professeur, doux pour ses élèves et estimé d'eux. Le successeur actuel de Jeanneney, Louis Nicop, né à Pomoy (Haute-Saône) le 24 mars 1868, fut élève au lycée de Vesoul de 1883 à 1887; il ne travailla sous les ordres du maître que durant les deux années qui précédèrent la mort de celui-ci. Entré en 1889, comme pensionnaire du départe- ment de la Haute-Saône, à l'Ecole nationale des Beaux-Arts dans l'atelier de Gérôme et à l'Ecole nationale des Arts déco- ratis, 1l obtint en 1892 le premier prix de dessin d’après nature, le premier prix d'anatomie comparée, le deuxième prix de dessin d’après l’antique, le deuxième prix de croquis d’après nature et le prix Bisch-Riny. (1) Avenir de la Haute-Saône, numéro du 2 mai 1883. (2) 1bidem, numéro du 8 juillet 1883. Louis Nicod sortit de ces deux écoles en 1893, après avoir été admis aux certificats d'aptitude à l’enseignement du des- sin dans les écoles normales en 1890, dans les lycées et collèges au premier degré en 1891 et au degré supérieur en 1893. Nommé prolesseur de dessin au lycée et à l’école supérieure de commerce de Toulouse en 1894,1l quitta cette ville en mai 1906 pour occuper au lycée de Vesoul, à l'école normale des instituteurs et à celle des institutrices, enfin à l’école municipale de dessin la place de son premier maître V. Jeanneney. Il est en même temps conservateur-adjoint du Musée. Les scènes d'intérieur et les paysages de Louis Nicod ont été remarqués à diverses expositions de province, notamment à celle de Vesoul en 1909, dont il fut l’un des membres du Comité d'organisation, et à celle d'Epinal en 19117. Jeanneney eut enfin, comme élèves au lycée de Vesoul, le cousin et le fils de son prédécesseur Claude-Basile Cariage. Ee premier, Louis-François-[gnace dit Francis CARIAGE, né à Vesoul le 26 mai 1849, fils de l'avocat Claude Cariage, amateur d'art distingué, a préféré aux succès de l'audience la culture des Beaux-Arts. Ses heureuses dispositions pour le paysage lui ont permis de peirdre de bonnes compositions. Ses envois à l'exposition de Vesoul en 1877, deux natures- mortes et un portrait au fusain, lui valurent une mention honorable (1 . À l'exposition de 1897, dans la même ville ses toiles : Ravin du Coret à Colombe les Vesoul, Avant l'orage et Après l'orage, ont donné la preuve d’un sentiment artis- üque très développé, mis à la disposition d’un talent d'ama- teur consciencieux. Jules-Abel-Louis CarrAGe, dernier des fils du digne pro- fesseur, est né à Vesoul le 15 décembre 1856. Il aurait pu, s'il l'avait voulu, suivre la carrière des arts ; ses dispositions (x) Journal de la Haute-Saône, numéro du 2 juin 1877. — 208 — naturelles n'étaient pas moins heureuses que celles de son frère Paul (1), et il avait remporté des succès au lycée de Vesoul, dans la classe de Jeanneney. Poussé: par les évène- ments vers le métier d'imprimeur-lithographe, où son pre- mier maitre avait débuté, il lui a plu d’être moins un indus- triel qu'un dilettante. Alors que notre Franche-Comté n'avait aucun journal d'art, ni périodique littéraire, 1l a fondé en 1887, Les Gaudes. Grâce à lui, les jeunes écrivains et les artistes débutants ont pu arriver à se faire connaître et apprécier ; que de services ne leur a-t-1l pas rendus, surtout dans les moments difficiles ? Depuis lapparition de ce jour- nal, que tous les franc-comtois éclairés lisent avec intérêt, la vulgarisation du goût artistique, le réveil de l'esprit pro- vincial, le souvenir de nos traditions locales, idées auxquelles Jeanneney consacra sa vie, se sont développés chez nous. Cette œuvre ne pouvait être conçue et réalisée que par un artiste et ses vingt-quatre années de succes sont pour Abel Cariage la plus belle récompense de ses travaux. (1) Voir notre opuscule : Les deux peintres Cariage, 19rr. CHAPITRE VII Les élèves de Jeanneney (suite); Ecole normale de Vesoul : Tru- CHOT, BARATH, VERRIER, LESTRADE, RoNpor. — Æcole des Halles : Gusrave Courtois, EsriGNarp, HALcey, Pior, DuBrer, Box, BLANCHARD, TROSCHLER, WINDERSHEIMER, BONDON, JACQUES, JEAN- MOUGIN, Juir, François ET JULES GROsJEAN. — Ælèves libres : Mme Davaz-CariAGEe, Mme DoizLox. Ecole normale des instituteurs de Vesoul. -— Sur la longue liste des anciens élèves de cette école qui ont travaillé sous la direction de Jeanneney, on en remarque plusieurs qui se sont fait un nom dans la carrière artistique et le professorat. Leur doyen est actuellement Pierre-Victor Trucnor, né à Achey (Haute-Saône) le 3 janvier 1856, qui suivit les cours du maître d'octobre 1872 à juillet 18795. Durant les deux années suivantes, alors qu'il était instituteur-adjoint à l'école supérieure de Champlitte, Truchot continua ses études de dessin ; Jeanneney lui envoyait des modèles et lui corrigeait ses esquisses par correspondance. En juillet 1877,le dévoué professeur réussit à faire nommer son élève en qualité de maitre auxiliaire de dessin à l’école normale de Vesoul et au lycée ; il put ainsi lui prodiguer des conseils désintéressés et lui enseigner à fond sa méthode, tant dans son atelier qu'aux cours du soir de l'école municipale. En 1878, Pierre-Victor Truchot fut chargé par le Recteur de reproduire les détails des sculptures qui ornent le Palais Granvelle à Besançon. La perfection de ces grandes planches lui valut des éloges officiels et sa nomination comme profes- seur de dessin au collège de Luxeuil. Il y demeura six ans, jusqu'à son départ pour Langres en 1884. En vain les me DO inspecteurs généraux lui ont-ils offert depuis cette date des postes avantageux et plus en vue, Truchot ne désire point quitter le pays langrois, où il n'a que des sympathics. Continuant, ainsi qu'il se plaît à le dire, la méthode et les principes d'enseignement de son vénéré maître, il lui semble, «en ce faisant, acquitter une dette de reconnaissance envers € Sa Mémoire ». Avec une activité infatigable, Pierre-Vietor Truchot donne des cours de dessin au collège de Langres, à l’école nationale d'horticulture et de vannerie de Fayl-Billot et à la section d'enseignement agricole de Langres, en même temps qu'il dirige l’école de dessin, filles et garçons, de cette ville. Président de la société amicale des anciens élèves de cette école, de la section de la Dotation de la jeunesse de France, du Comité des sites et monuments pour l'arrondissement de Langres, il a obtenu plusieurs médailles et diplômes d'hon- neur en récompense de son dévouement à la cause de l'art. Il est l’auteur de trois ouvrages: Traité de perspective, Essais sur l'histoire locale, Historique de l’école de dessin de Langres. | Truchot à exposé pour la première fois au Salon de 1858 un fusain dans la bonne manière de Jeanneney : La source Bergeret à). Peintre de valeur, il a pris part, depuis cette époque, à un grand nombre d'expositions de province. Pré- sident des jurys de peinture aux expositions des Beaux-Arts de Chaumont, Langres et Bourbonne, c'est à son imtiative éclairée et à sa persévérance que la Société artistique de la Haute-Marne, fondée par lui en 1888, doit une prospérité toujours grandissante, qui lui permet d'organiser, tous les deux ans, une exposition des Beaux-Arts. Les élèves de Truchot sont nombreux : Collot, professeur de dessin à Janson de Sailly, et Pillard, au lycée de Mâcon, ont, avec le peintre des milieux ouvriers, Jules Adler, tra- (1) Avenir de la Haute-Saône du 30 juin 1878. A ES re vaillé dans son atelier de Luxeuil. À Langres, il a formé plusieurs professeurs de dessin : Stéphane Mathey, décédé comme directeur des écoles de dessin de Saint-Denis, Paul Alézard, aussi à Janson de Sailly, Jules Hervé, au lycée du Mans, Billardelle au collège de Neufchateau, Jules-René Hervé, aux écoles de dessin de la ville de Paris. Le portrai- tiste Edmond Méot, Roux, Champion, Ernest Maréchal, Joseph Monget et Francis Jégou, artistes peintres connus, sont ses anciens élèves. Il est officier d'Académie depuis le 29 juillet 1892 et officier de l'instruction publique du 19 octobre 1898. Truchot a fait souche d'artistes ; sa fille M'° Yvonne Tru- chot a obtenu à l'exposition de Langres en 1907 une médaille de bronze. Son panneau de Chrysanthèmes et ses produc- tions intéressantes d'art appliqué lui ont valu, à l'exposition de 1909 et à celle de 1911 des éloges mérités. M. Truchot fils est entré cette année à l'Ecole nationale des Beaux-Arts, dans la section d'architecture. Issu d'une famille frane-comtoise d’Aisey-Richecourt (Haute-Saône) Bararx, Léopold-Eugène, naquit, par suite du hasard des évenements, à Paris le 5 janvier 1858, mais il est bien resté de chez nous. Il fut élève-maître à l’école normale des instituteurs de Vesoul, de 1874 à 1877, au moment où Jeanneney venait d'y implanter sa méthode d’'en- seignement pratique du dessin et d'installer sa presse litho- graphique. Nommé instituteur-adjoint au collège de Luxeuil, en octobre 1877, il n'y resta que six mois avant de revenir auprès de son maître avec lequel il travailla d'avril 1878 à mai 1859. C'est à cette époque que Jeanneney accepta de remplacer par intérim le fameux sculpteur Barrias comme inspecteur de l’enseignement du dessin dans le ressort de l'Académie de Dijon. Barath, à qui le professeur demanda de le suppléer à l’école normale durant son absence, accepta. Il remplit ces fonctions avec tant d’exactitude et de dévouement E— -DI2 — que Jeanneney sollicita pour lui un poste de professeur de dessin ; 1l fut nommé à Joigny le 21 juillet 1699 et y demeura jusqu'au 9 octobre 1894. | Dépuis cette époque, Léopold Barath donne des leçons de dessin au collège de garçons de Mirecourt, à celui des jeunes filles, à l’école normale des instituteurs, et dirige un cours municipal de dessin de cette ville. I a été nommé officier de l'Instruction publique le 14 juillet 1905. Deux ans après Barath, Emile Verrier entra à l’école normale de Vesoul et suivit les cours de Jeanneney pendant ses trois années d'études, 1876-1879. Nommé professeur délégué pour l’enseignement du dessin au collège de Salins, dans le cours de l’année suivante, il n'a pas quitté depuis cette date la pittoresque petite ville du Jura. (re Lorsqu'il devint, en 1877, élève à l’école annexe de l'école normale, dirigée à cette époque avee tant de distinetion par M. Loyez, Marie-Augustin LesrrADE, né à Raincourt [Haute- Saône) le 21 août 1860, ne se destinait point à la carrière artistique. Les. conseils de son ami Gustave Courtois l'enga- œgerent à suivre les cours du soir à l’école des Halles cù l’affectueuse sollicitude de Jeanneney réussit à lui donner le œoût du dessin. Durant les trois années qu'il passa à l’école normale de Vesoul comme élève-maître (1877-1880), Augus- tin Lestrade ne cessa de donner satisfaction à son professeur par son travail et son exactitude; 1l en fut de même durant son court séjour au lycée, de juillet 1880 à mars 1881. En même temps il assistait son maître au cours du soir, s'occu- pant des jeunes élèves et travaillant dans son atelier à ses moments de liberté. Nommé professeur délégué pour l’enseignement du dessin au collège de Lure le 23 mars 1881, il organisa dans cette ville, sur les conseils de Jeanneney, une école municipale de dessin; puis, envoyé au collège de Remiremont le 8 octo- Oo — bre 1885, il y donna des lecons au cours secondaire de jeunes filles de cette ville et dirigea en même temps l’école municipale des Beaux-Arts. Des convenances personnelles l'engagèrent à solliciter le poste de professeur au collège de Médéa (Algérie), en remplacement d'un autre élève de Jean- neney, Alfred Gauthier, il l’obtint le 8 octobre 1887. Depuis cette époque, outre ses cours universitaires, Lestrade dirige les cours municipaux de dessin de la gaie petite ville algé- rienne, suivis par soixante-dix élèves. Durant ses vacances de professeur aux collèges de Lure et de Remiremont, Augustin Lestrade suivit, comme élève libre, les cours de l'Ecole nationale des Beaux-Arts. Il exposa pour la première fois à Tunis en 1888, une Vue de Laghouat (usain) et une étude à l'huile Environs de Médea, qui lui valurent une médaille de bronze. Officier d'académie en 1897, il a reçu la rosette violette en 1904. Lestrade prit une part importante, en 1880, à l'exécution de la carte en relief du département de la Haute-Saône qui valut à l’école normale de Vesoul une médaille de bronze offerte par le Conseil général. Les expositions de travaux d'ensemble auxquelles il fit participer ses élèves furent tou- jours couronnées de suecès : Paris : 1889, Bordeaux 1895, Roucn 1896, Paris 1900, médaille de bronze: Marseille exposition coloniale 1906, médaille d'argent et grand prix. Lestrade est l'auteur d’un traité de Perspective d’obser- sation qui lui valut les félicitations du Gouverneur général de l'Algérie en 1905. L'un des derniers élèves de Jeanneney à l'école normale de Vesoul fut Roxpor, Henri-Louis-Gabriel, né à Paris, le 11 novembre 1863. Les relations de sa famille avec le peintre d'histoire Lanté lui avaient donné, dès sa jeunesse, le goût des arts. De 1876 à 1870, il suivit les cours de dessin du soir de l'avenue Trudaine à Paris, vint à Vesoul en 1880 et entra à l'école normale des instituteurs où l’enseignement oi de Jeanneney le séduisit aussitôt et fit de lui pendant trois ans l’un des élèves les plus assidus. À sa sortie de l'école, en juillet 1883, 1l sollicita du maître l'autorisation de travailler spécialement avee lui dans son atelier et se fit un devoir, avec son ami Laillet, de le suppléer aux cours de la Halle durant sa première maladie. Nommé professeur de dessin au collège de Lure en octobre 1883, il quitta cette ville pour Sainte-Menehould en octobre 1888, mais n’y resta que quinze mois. En janvier 1890, il reçut sa nomination à Remiremont où il enseigne à la fois au collège, aux cours secondaires et à l’école municipale de dessin. Henri Rondot a exposé à Remiremont en 1895, à Langres, en 1895 et en 1899, où il a obtenu la première fois une médaille de bronze et la seconde une médaille d'argent; en 1898 à Gérardmer et à Nancy ; ses paysages, ses sujets de genre et surtout ses excellents fusains lui ont valu des éloges. Ses travaux personnels et ceux de ses élèves à l’exposi- tion universelle en 1900, à l'Ecole des Beaux-arts de Paris en 1909 et 1909, à l'exposition d'Epinal en 1907, ont rem- porté des médailles d’argent et de vermeil. À lexemple de son maître, il a formé plusieurs professeurs de dessin : Juif, que nous verrons plus loin, Chevrier, Krommerer, Thierry ; de bons peintres comme Blaison, Boltini et Etienne le des- sinateur-aquarelliste pour modes ; le sculpteur Joly et plu- sieurs architectes en renom. Comme tous ses camarades de l’école normale, Henrr Rondot a continué la tradition de Jeanneney et a mis en pratique avec succès l'excellent enseignement de son proles- seur vésulien. Ecole municipale de dessin de Vesoul. — Parmi les jeunes gens qui, les premiers, suivirent les cours du soir dans le bâtiment des vieilles Halles, il en est un dont la réputation artistique est aujourd'hui universelle et qui, par ses travaux, honore au plus haut point notre provinee. Lo e D'une famille modeste et sans fortune de Pusey (Haute- Saône), n'ayant d'autre affection que celle de sa mère, dont l'état de santé exigeait de grands ménagements (1), Gustave- Claude-Etienne Courrois naquit cependant sous une heu- reuse étoile (2). Il eut la chance de rencontrer sur sa route un professeur intelligent qui sut deviner son talent et le développer ; il trouva un Mécène pour lui faciliter ses pre- mières études 3), un maître éminent qui lui ouvrit les portes de la grande carrière et l’appui des pouvoirs publics pour lui permettre d'y persévérer. Tous ces avantages, est-il besoin de le dire, ne lui seraient point arrivés si, aux dons merveilleux de la nature, le jeune artiste n'avait ajouté un travail persévérant et la volonté opiniâtre de réussir. «Je l'ai connu », dit Charles Grandmougin «dès ses débuts, « lorsqu'à Vesoul même, sous la direction du très regretté « Victor Jeanneney, professeur émérite et devineur de voca- « tion, il se fit remarquer par ses dessins caractéristiques (4)». Entré à l’école municipale de dessin en 1865, il se plaça de suite parmi les élèves les mieux doués et les plus assidus ; nous avons vu son nom figurer dès 1868 au palmarès avec le deuxième prix et une médaille d'argent. L'exposition des œuvres des élèves de l’école, en juin 1869, révéla un talent plein d'originalité et de vigueur; les visiteurs s’arrêtèrent longuement devant son fusain Le Christ en croix, qui valut au jeune artiste la médaille d'honneur de l'école (5). En août 1869, Gustave Courtois, qui n'avait pas 17 ans. fut admis à l'Ecole nationale des Beaux-Arts, dans la section de peinture dirigée par Léon Gérôme. Son premier profes- seur ne s'était pas contenté de le recommander chaleureu- sement au maître ; il savait, par son expérience personnelle, (1) Rapport au Conseil général de la Haute-Saône du 20 novem- bre 1869. (2) Le 18 mai 1853. : (3) M. Sébastien Courcelle, député à l'Assemblée nationale. (4) Les Gaudes, numéro du 3 novembre 1889. (5) Ce dessin appartient à M. Guillaume, antiquaire à Pusey. = HT combien sont durs les débuts d'un jeune artiste à Paris. Aux laroesses de son protecteur, Jeanneney se fit fort de faire adjoindre, avec la consécration officielle de son talent, l'appui utile des pouvoirs publics. Il adressa une pétition au Conseil général de la Haute-Saône et, désireux que seuls les mérites de son élève puissent le rendre digne d'une faveur, il obtint l'autorisation d'exposer les travaux de celui-ci dans une des salles de la Préfecture. À Ta session de novembre 1869, le rapporteur s'exprimait ainsi : « M. le professeur Jeanneney, « premier maitre de Courtois, affirme que ce jeune homme «est appelé à un grand avenir artistique. Son appréciation «_ est confirmée par M. Gérôme, dans une lettre du 18 août, « adressée à M. le Préfet, et par laquelle il le prie de recom- « mander son élève à la bienveillance du Conseil général ». La partie était gagnée d'avance, une somme de 600 francs fut votée à titre d'encouragement au jeune artiste. Cette subvention fut portée à 800 franes après la guerre franco-allemande, à la suite des expositions annuelles des œuvres des pensionnaires du département. V. Jeanneney, qui avait visité celle de 1873, terminait ainsi son compte- rendu : « En somme, les ouvrages exposés l'an dernier (1872) € par M. Courtois révélaient un tempérament d'artiste, mais « n'étaient que des promesses ; son exposition de cette année « témoigne d’études laborieuses et marque un premier pas « fait dans une excellente voie, dont le but est bien plus le « savoir dans la vérité que la séduction facile et de mauvais « aloi de la convention et de l'habileté (1) ». L'année suivante, 5 septembre 1874, à la distribution des prix aux élèves de l’école municipale de Vesoul, le diree- teur proclamait, avec une joie enivrante, la première récom- pense remportée à Paris par son ancien élève : « Un de vos « condisciples, qui naguère encore s’asseyait sur vos bancs, «€ remportait, il y a quelques jours, le premier prix de pein- (1) Journal de la Haute-Saône du 10 septembre 1873. —— 217 — « ture à l'Ecole des Beaux-Arts de Paris (1) ». En mai 1875, Gustave Courtois était classé premier à l'examen des jeunes artistes désireux de concourir pour le prix de Rome (2); et il se voyait pour la première fois admis au Salon avec des portraits. À l'examen de l'école, au mois d'août 1876, sur 30 concurrents, Courtois se trouva, avec le numéro 8, parmi les dix élèves classés pour le concours du prix de Rome et il entrait en loge après avoir envoyé au Salon ses épreuves d'examen: La mort d'Archimède et Orphée au bord d’un torrent ; le premier de ces tableaux fut particulièrement remarqué (5). L'année suivante, il était, avec le numéro 3, le plus jeune des dix logistes choisis parmi les quarante concurrents au même concours. Son tableau du Salon: La mort de Narcisse lui valut une mention honorable (4); acheté par l'Etat, il fut placé au musée du Luxembourg. À l'exposition des Beaux-Arts de Vesoul, organisée par V. Jeanneney en 1877, Gustave Courtois envoya trois toiles : Jeune napolitaine, des Fleurs et Nini ainsi qu'un dessin : Portrait de madame M. de Rochetaïillée qui lui valurent, avee des commentaires élogieux, une médaille d'or offerte par M. Demandre 6). En avril 1878, l'Institut décerna à l'élève de Jeanneney ct de Gérôme le prix Trémont, destiné au jeune artiste « dont « les travaux d'ensemble ont le plus particulièrement attiré « l’attention des membres de l'Académie des Beaux-Arts ». Au Salon, son tableau La courtisane Thaïs aux enfers rem- porta une troisième médaille (6). En même temps Gustave Courtois était admis en loge le premier pour le concours du ) Ibidem, numéros des 29 juillet et 9 septembre 1874. ) Avenir de la Haute-Saône du 1° avril 1875. ) Article de Ch. Grandmougin dans le Journal de la Haute-Saône du 30 août 1876. (4) Ibidem, numéros des'2r avril et 6 juin 1877. (> Tbidem, numéro du r9 avril 1897 et Avenir de la Haute-Saône du 27 mai 1877. (6) Zbidem, numéros des 24 avril et 23 juin 1878. (I (2 (3 — 918 — prix de Rome. Le 28 juillet 1858, s'ouvrait l'exposition des ouvrages des concurrents, auquel le sujet imposé était : Octave Auguste, au tombeau d'Alexandre le Grand à Alexandrie, fait ouvrir le tombeau du grand capitaine, en retire le corps, met à ce dernier une couronne d’or, le couvre de fleurs et le comble d’honneurs. L'opinion una- nime des connæisseurs désignait la toile de Courtois comme la meilleure et la plus digne de mériter à son auteur le séjour tant désiré de la villa Médicis. Mais une cabale s'était formée contre le jeune artiste franc-comtois ; jamais on avait vu jusqu'alors l'œuvre d'un élève de l'Ecole être placée dans un musée de l'Etat, pendant le concours, comme l'avait été son Varcisse deux ans auparavant. Le jury influencé par les criailleries des jaloux et par des rivalités d'école, ne ratifia point le jugement du public et n’attribua à la toile de Cour- tois que le deuxième grand prix. Cette injustice, dont les exemples ne sont pas rares, ne découragea point notre com- patriote, mais l’éloigna pour toujours des concours. Après avoir envoyé au Salon de 18579 un seul portrait, il exposa à celui de 1880 la magnifique toile qui figure actuel- lement au musée de Besançon et dont la critique disait : «€ M. Courtois pourrait bien se voir décerner le prix du « Salon. De l'impression de tous, il est le plus méritant et le € plus remarquable. Il s’est attaqué à un sujet d'une grande « puissance dramatique, Dante et Virgile aux Enfers, « cercle des traitres à la patrie. Ce choix dénote une âme € d'artiste (1) » ; L'auteur n’obtint cependant qu'une deuxième médaille, qui le plaça désormais hors concours ; il n'avait que 28 ans. Ces succès, joints à ceux de Rapin vers la même époque, furent pour Victor Jeanneney la plus douce récompense de son dévouement à l'égard de ses deux plus illustres élèves. Heureux et fier de se voir surpassé par ceux auxquels il (1) Le National, numéro du 1°" mai 1880. avait donné les premières notions de l'art, il les complimen- tait dans des termes émus et se déclarait bien payé de ses peines par la satisfaction de les voir arriver aux plus hauts sommets de la renommée artistique. Au Salon de 1881 Gustave Courtois exposa deux por- traits ; à celui de 1882 La Bayadère, qui fit dire à Edmond About «que de tous les élèves de Gérôme il ne savait pas € sil y en avait un qui püt rivaliser avec M. Courtois ». Ce tableau reçut du public le plus chaleureux accueil(). En 1883, il envoya au Salon La Fantaisie et, en même temps à l'exposition internationale de peinture rue Sèze, deux por- traits dont l’un de madame Dagnan-Bouveret et un tableau de genre Jeune Florentin, qui permirent à Alphonse de Neu- ville d'écrire dans la Gazette de France : « Courtois a le » tempérament d’un artiste italien de la meilleure époque (2) ». L'année suivante, son Ænterrement d’Atala Yut:très remar- qué au Salon. L'écho de ces nouveaux succès parvint jusqu'au lit de douleur duquel Jeanneney ne devait plus se relever. Depuis la mort de son premier maître, la maîtrise et le talent de Gustave Courtois n’ont fait que s'affirmer à cha- cune des expositions auxquelles il a pris part. Il ne rentre pas dans le cadre étroit de cette courte notice d'apprécier ni même de retracer en entier l’œuvre considérable du maître franc-comtois ; une plume plus autorisée que la nôtre ne manquera pas de le faire en temps voulu. La place nous manquant pour citer les nombreux portraits qui ont fait la gloire de l'artiste (3), nous nous contenterons de la liste sèche et forcément incomplète des principaux tableaux de genre dus au pinceau de Gustave Courtois : Un glaive transpercera (1) Voir les articles de l'Unité nationale et du Pays dans le Journal de la Haute-Saône du 24 mai 1882. (2) Journal de la Haute-Saône des 17 janvier, 19 mai, 24 octobre et 10 septembre 1883. (3) Voir une liste assez complète de ces portraits dans La Revue moderne du 19 décembre 1911, page 11. — 290 — ton dme (1887) ; Une bienheureuse (1888) ; Recuetlle- ment, souvenir de Venise {1889):; Lisette et Figaro, pour l'Odéon, Ninon et Le matin |1890); Étude dans les Alpes (1892) ; /nquiétude humaine et Un soir sur les bords du lac Majeur (1893) ; Réverie, Contemplation et Etudes (1894) : Avril, Jardin en Franche-Comté, Soir d'hiver, Bacchus en- dormi (1899); L'amour au banquet (1897); Saint Sébas- tien, Le jeune peintre, Pénombre |1898) ; Jeune fille à la source, Une vénilienne (1899); La Sybille, Bayadère au repos (1901); Adam et Eve au jardin de l'Eden (1902); Diane, La fontaine sauvage (1903): Appolino (1904) : Daphnis et Chloé [1905); Le paradis perdu grande toile décorative pour la salle des mariages de l'hôtel de ville de Neuilly (1908) : Hercule et Omphale (1910) Q). À l'exposition universelle de 1889, Gustave Courtois a obtenu une première médaille d’or et la croix de la Légion d'honneur ; 1l fut hors concours et membre du jury à celle de 1900. Médaillé aux expositions internationales de Munich, Gand et Dresde, il est officier de Saint-Michel de Bavière et conseiller à la Société nationale de France. Modèle de piété filiale, 11 passe ses vacances avec sa mere chez des amis près de Pallanza, d'où il a rapporté les jolies toiles Au lac Majeur, Jeune fille italienne et Pécheur au lac Majeur, que nous avons admirées aux expositions des Beaux- Arts de Vesoul [1909) et de Besançon (1910). | L'œuvre de Gustave Courtois porte toute entière l'em- preinte des premières et fortes leçons qu'il reçut de Jeanne- ney: « Îl sait dessiner », dit un critique (2). « Ça n'a l'air de « rien cette distinction là. N'est-ce pas tout naturel? Pour- € tant il y a si peu de peintres aujourd'hui qui sachent dessi- « ner, même parmi les plus célèbres... Il est l’auteur de € nombreux crayons qui soutiennent la comparaison avec les 1) Nouvelle Galerie biographique de la Hte-Saône (en préparation). 2) P. Marcez. La Revue moderne, loco citato. Der PA) LR « plus belles études de portrait du xvin* siècle des écoles « française et anglaise ». Malgré la grande célébrité qui s'attache à son nom, Gus- tave Courtois n'a pas oublié sa petite patrie ; les artistes franc-comtois et même les débutants trouvent dans son bel atelier du boulevard Bineau un accueil empressé et d’excel- lents conseils. M. Courtois s'intéresse tout particulièrement au mouvement artistique en Franche-Comté ; il a accepté le ütre de président d'honneur de la jeune Société des Beaux- Arts de la Haute-Saône. « Franc-comtois », a dit Ch. Grand- mougin «il Pest par la solidité de son dessin et la justesse « de son coloris, par sa conscience arüstique et sa préci- « sion... N'ayant rien sacrifié aux modes vaines et aux cou- « rants éphémères de théories puériles, 1l peut se dire qu'il « a créé suivant son tempérament et sa conscience et sans « mentir à l'esprit de sa race ». A côté de Gustave Courtois, au cours de la Halle, vint s'asseoir en 1866 un élève plus âgé que lui mais non moins assidu au travail. Albert Esricxarp, issu d’une famille bison- tine, était né à Vaivre (près Vesoul) le 4 mai 1841, dans le petit village où son grand'père, ancien conservateur des hypothèques, avait pris sa retraite. Ses études terminées, il restait à 25 ans, indécis sur le choix d’une carrière. Comme :l avait des dispositions pour le dessin, ses parents l'autorisèrent à suivre les cours du soir de l’école muniei- pale de Vesoul, nouvellement créée. Jeanneney, après avoir vu quelques-unes de ses esquisses d’après nature l’engagea à travailler le paysage et lui donna des leçons particulières. Estignard exposa pour la première fois à la distribution des prix de 1869, où l’on remarqua « ses gracieux paysages € portant l'empreinte d’une main à la fois hardie et peu exer- « cée, aux lignes trop accentuées, aux tons trop crus » (1). (1) Art. de M. Hild dans le Journal de la Hte-Saône du 25 juin 1870. — 999 — Mais à celle de 1870, tous ces défauts avaient disparu. « La manière un peu rude de M. Estignard », écrivait M. Hild, «se modifie tous les jours davantage et ses dernières œuvres « dénotent, avec une grande fermeté de main, un sentiment « profond de la nature, l'intelligence de la couleur » (1). La même année, il envoya une toile à l'exposition de Besançon et deux autres au Salon: Vue du moulin de Saint-Martin et Les rochers de Monciel, qu'on jugea dignes d’être rangées dans la bonne moitié des paysages du Salon de cette année. Albert Estignard avait en outre préparé un grand tableau pour l'exposition de Lyon, qui n'eut pas lieu à cause de la déclaration de guerre. Dès le début de la campagne, le jeune artiste nouvellement marié, s'engagea dans la compagnie des corps-francs de la Haute-Saône, sous les ordres du colonel Bourras et 1l fit vaillamment son devoir de patriote. Après la guerre, Estignard se fixa avec sa famille dans les environs de Paris et continua à travailler la peinture avec un succés toujours croissant. Ses travaux commen- caient à lui donner une situation en vue dans le monde artistique, quand il mourut à Camps (Seine-et-Marne) le 29 avril 1884, victime d'un accident de chemin de fer. Gustave Courtois et Albert Estignard furent les seuls parmi ses premiers élèves, que Jeanneney dirigea vers le grand art: ceux de cette même année (1865), que les aptitudes dési- gnaient pour les arts appliqués réussirent pour la plupart dans les carrières pratiques qu'ils avaient choisies. Abel Hazrey, né à Vesoul le 24 février 1852, se fit ins- crire l’un des premiers à l’école municipale ; sa carte porte le numéro 30. Bon élève, dès le début, il remporta le prix d'ornement de l’année 1866, puis à la distribution des prix du 2 février 1868 le prix de sculpture et modelage. Le 12 juin 1869, une médaille d'argent et le prix des arts indus- (1) Article cité précédemment. x Cum à — 2923 — triels, enfin le prix de sculpture encore le 25 août 1872. Après cinq années de service militaire, dans un régiment du génie, Halley reprit le commerce de marbrier que son père exploitait à Vesoul et lui donna une extension considé- rable au point de vue artistique et industriel. A l'exposition de Vesoul en 1885, il obtint le prix de sculpture. Placé hors concours et membre du jury à celle de 1897, il reçut un diplôme d'honneur avec félicitations du jury. Nommé officier d'académie le 3 juillet 1897, il était oflicier de l'Instruction Publique depuis le 25 septembre 1909. Il est mort préma- turément le 15 mai 1911. Ses deux enfants, M'° Berthe Halley et Georges Halley sont des artistes ; ce dernier continue l'industrie paternelle ; ils ont exposé à Vesoul en 1909 des ouvrages d'art appliqué fort intéressants. Louis Prior, né à Epernay le 27 octobre 1853, vint avec ses parents habiter Vesoul en 1864. À quatorze ans, il com- mença à suivre le cours de dessin dans la vieille Halle, et, pendant dix ans ne cessa de travailler sous la direction de Jeanneney, qui appréciait la correction de son dessin et ses aptitudes pour le modelage. Piot reçut une première médaille à la distribution des prix de l'école en 1869 et la grande médaille d'argent du marquis d'Andelarre à celle de 1876. 11 s'établit ensuite comme seulpteur-marbrier à Vesoul et obtint plusieurs récompenses à des expositions : Troyes 1882 médaille bronze, Vesoul 1885 deux médailles d'argent, enfin le premier prix avee diplôme d'honneur à l'exposition régio- nale de cette ville en 1897. Dans la carrière de l’art appliqué, Charles Dugrer, né à Vesoul le 5 novembre 1847, s’est fait un nom connu par ses merveilleux travaux de joaillerie. Inscrit à l’école munici- pale de dessin en 1867, 1l obtint à la distribution des prix de 1869 une grande médaille d'argent pour ses pendants d'oreille et sa plaque gravée au burin. Après la guerre Ch. Dubret travailla à Paris, puis s'établit comme orfèvre à Dijon ; lui et ses fils exposent chaque année aux Salons des bijoux et des bibelots qui sont recherchés par les vrais ama- teurs d'art. Louis-Alexis Box, né à Vesoul le 18 juin 1852, fut aussi lun des premiers élèves de Jeanneney à Vesoul; il obtint à l'école municipale de dessin plusieurs récompenses et reçut à l'exposition de 1855 un prix pour un paysage au fusain. Louis Bon ne se contente pas de diriger avec succès ses ateliers d'imprimerie et de lithographie, il a compris, sui- vant les préceptes de son maître, que cette industrie est intimement liée à l'art et prouve son bon goùt par ses pro- ductions empreintes d'un véritable cachet artistique. Fils d'un modeste cantonnier de la ville, Jean-Nicolas BLax- cHARD, né à Vesoul le 5 juillet 1853, avait été placé dès son jeune âge comme apprenti chez Chamarande peintre déco- rateur. Lorsqu'une place fut vacante [octobre 1866) il s'em- pressa de s'inscrire aux cours du soir. Jeanneney s'intéressa à lui d'autant plus que sa situation de famille était modeste et qu'il avait le désir de travailler. I l'emmena fréquemment avec lui le dimanche pour dessiner en plein air d'après nature. Engagé volontaire le 1°" octobre 1850, Blanchard prit part à quinze rencontres durant la guerre franco-allemande. Blessé, fait prisonnier deux fois, il faillit être fusillé après sa première évasion, passa à la 4° brigade de l’armée de la Loire et fut libéré le 20 mars 1891 avec la médaïlle de Garibaldi. Revenu à Vesoul encore occupé par l’armée alle- mande, il dessina un curieux souvenir pour l'histoire locale. C’est une vue, dessinée à la plume, de la place Neuve, où manœuvrent des escouades de rigides fantassins prussiens sous la surveillance de leurs officiers finement caricaturés. Tiré en lithographie, ce petit dessin eut un grand succès. 0900 — Blanchard entra le 15 juillet 1871 comme dessinateur aux Ponts-et-Chaussées, jusqu'à ce que Jeanneney réussisse à lui faire obtenir le poste de maître-adjoint à l’école muni- cipale de dessin {1° septembre 1872). À l'exposition des œuvres de l’école, le 5 septembre 1854, on remarquait un paysage au fusain et un sujet à la plume qui lui valurent un diplôme d'honneur hors concours. Lors de la distribution des prix, Jeanneney fut heureux d'annoncer le succès de son élève qui «n'ayant connu d'autre maître », dit-il, « que notre « école, et dont la manière simple et la remarquable faci- « lité s'adaptent avec un égal bonheur aux genres les plus « divers, voit cette année sa première tentative couronnée « d’un succès qui fait bien augurer de l'avenir. Son premier «€ paysage est admis au Salon et fait bonne figure parmi les « œuvres des vétérans de l'art (1) ». Ce dessin, Crépuscule aux roches tombées de Chaudane à Besançon, est ainsi apprécié par le maître : « Avec deux notes seulement, le « blanc et le noir, M. Blanchard a su rendre d'une façon « intelligente et poétique, cette brume légère du crépus- « cule, qui se résout en flocons aériens sous les derniers « rayons du soleil. Les lointains estompés sont faits de « lignes et de tonalités ; les eaux transparentes et lim- « pides, les premiers plans robustes et nerveux indiquent « que ce talent naissant, müri à l'étude sous une habile « direction, donnera tout ce que nous promet cette première « œuvre à laquelle nous applaudissons de grand cœur (2) ». Nicolas Blanchard collabora avec son maître à l'exécution du rideau du théâtre de Vesoul en 1875 et fut chargé le 26 octobre de cette année, du cours de dessin au collège de Luxeuil, où il donna à sa classe ure vive impulsion, Ses efforts et l'appui de Jeanneney lui valurent d’être nommé professeur au lyeée de Besançon le 20 septembre 1856. (1x) Journal de la Haute-Saône du 9 septembre 1874. (2) lbidem, numéro du 29 juillet 1874. — 92926 — L'exposition de Vesoul en 1877 montra son premier essai de peinture, un Coucher de soleil, étude consciencieuse et d'un brillant coloris (4). Le 31 mars 1881, Blanchard quitta Besançon pour Toulouse ; on sait qu'il devait être remplacé par Jeanneney mais que ne -c1 sacrifia ses goûts person- nels pour rester à Vesoul. Les œuvres de Blanchard à l'exposition de 1884, un D à l'huile, deux fusains et un dessin à la plume, le firent con- naître dans le monde artistique : « La toile En Franche- « Comté est un paysage aux tons harmonieux, aux lignes « ondulées et capricieuses... Il y a là des coins d'ombre « délicieux, des fonds bien mis en lumière, des paquets de « ramure artistement brossés. M. Blanchard a surtout le « sentiment de la nature, il a vu ce qu'il peint et l'a bien «€ vu... Les fusains représentent des Sous bois et un Coin € abrupt des Vosges ». Le dessin donnait une scène des Pas perdus du Palais de Justice toulousain. Le eritique d'art termine ainsi: « Il peut produire et prendre rang parmi nos peintres contemporains ; ses œuvres sont « sérieuses et recommandables à tous égards (2) Officier d'académie {12 juillet 1892) et de l'Instruction Publique {12 juillet [1902), Nicolas Blanchard fut choisi le 1°" octobre 1905 comme professeur de dessin au lycée Con- dorcet à Paris. Il est mort subitement, dans l'exercice de ses fonctions, le 1° avril 1909. Fils d'un Hthographe de Mulhouse et né dans cette ville, Emile Troscazer vint avec sa famille à Vesoul en 1864. Sa sœur avait épousé le frère de Nicolas Blanchard ; c'est avec ce dernier qu'il commença à dessiner et qu'il fréquenta l’école municipale de dessin jusqu'en 1882. Apprenti décorateur (1) Avenir de la Haute-Saône du 27 mai 1877. (2) Article du Progrès libéral de Toulouse, reproduit dans l'Avenir de la Haute-Saône du 20 janvier 1884. — 9297 — chez Chamarande, il travailla avec Jeanneney et Blanchard à la décoration du théâtre (1875), puis à celle du café de la Victoire. Pensionné du département de la Haute-Saône depuis 1885, Troschler partit pour Paris, avec une lettre de recom- mandation de Jeanneney pour son ancien élève et ami Bassot. Reçu à l'Ecole nationale des Beaux-Arts, le jeune artiste fut admis dans l'atelier de Gérôme, qu'il fréquenta jusqu'en 1892. Troschler à collaboré avec Rubé, Lavastre et Robecchi à la décoration du Grand Opéra ; il envoya à l'exposition du Blanc et Noir des fusans, à Blois des paysages, au Salon de 1899 un nu, à Versailles et Reims des tableaux de genre, enfin à l'exposition de Vesoul en 1897 deux beaux pastels. En 1900, le ministère l’attacha à l'exposition centrale des Beaux-Arts. Depuis cette époque, Troschler fait de la pein- ture en amateur, et surtout de la décoration. Il est resté _ l'artiste modeste et consciencieux de sa jeunesse et ses amis regrettent quil ait déserté les expositions où ses œuvres étaient remarquées. À côté de ces jeunes gens, destinés par leurs aptitudes à la carrière de l'Art, on voyait s'asseoir sur les bancs de l’école de la Halle de simples artisans, pour lesquels l'amour du beau et le désir de s'instruire étaient le seul attrait d’un tra- vail supplémentaire, parfois pénible le soir, après leurs cecupations professionnelles. Jeanneney, nous l'avons vu (n), ne cessait de leur dire : « L'étude du dessin est devenue une « impérieuse nécessité pour les ouvriers de tous les métiers, « même ceux qui sembleraient n'avoir avec les Beaux-Arts « aucune parenté ». Un des exemples les plus curieux de l'exactitude de cette thèse est fourni par Emile Winxpersaeimer. Né à Epinal le (1) Voyez supra, le discours du 8 septembre 1866. — 998 — 14 mai 1893, son père avait fait de lui un apprenti pâtissier, mais avait exigé quil suivit les cours à l’école de dessin de cette ville. En 1874, le jeune apprenti vint à Vesoul et entra chez M. Hubler, pâtissier rue Basse, où 1l se lia d'amitié avec le neveu de son patron, Albert Wolfinger que nous avons cité parmi les plus brillants élèves de Jeanneney et l’'accompagna aux cours du soir. Son camarade ayant peu après quitté Vesoul pour entrer à l'Ecole nationale des Beaux- Arts, Windersheimer ne cessa point d'être très assidu aux leçons de Jeanneney durant les quatre années suivantes. Après lui avoir indiqué les premiers principes du dessin, le prolesseur engageait son élève à les appliquer à son métier. C’est ainsi que, dans ses moments de loisir, l'apprenti s'exer- çait à dessiner d’après nature les pièces montées que le père Hubler dressait pour des banquets. Bientôt il arriva à com- poser lui-même de nomireux modèles dont l'allure artistique attrait au patron les éloges de sa clientèle. Windersheimer eut la coquetterie de réunir ces dessins, rehaussés de crayons de couleur, en un album de 200 feuilles in-4°, qu'il envoya à une exposition d'Epinal, où ce curieux spécimen de l’art appliqué remporta un légitime succès d’es- time et une médaille. Entre temps, Jeanneney avait égale- ment donné à son élève le goût du paysage. Un de ses pre- miers dessins au fusain fut remarqué par Ch. Grandmougin à l’exposition des ouvrages de l’école en 1876 G), ct deux autres figurèrent à l'exposition de Vesoul en 1877. Emile Windersheimer devenu, à la mort de M. Hubler le succes- scur de son patron, réussit à faire prospérer son commerce ; il s’est retiré des affaires depuis deux ans. L'exposition de Vesoul en 1909 a montré deux excellents paysages au fusan dus à cet artiste-amateur. Un autre élève de Jeanneney, contemporain de cette époque (1) Journal de la Haute-Saône des 30 août et 6 septembre 1856. où l'engouement pour le fusain faisait triompher la méthode du maître, fut Abel Boupox né à Besançon, artisan lui aussi, qui exposa à Vesoul en 1877 deux bons paysages d'après nature. L'année précédente, Ch. Grandmougin (1) avait signalé de lui à l'exposition de la mairie un premier paysage au fusain et deux dessins d’après la bosse. L'éminent poëte et critique d'art disait en même temps de Jacques, jeune élève natif de Faverney : (Il est arrivé à l'école sans parti « pris puisqu'il ne savait rien, mais les premières impres- « sions reçues par cet esprit tout neuf ont été fructueuses ». Il louait sans réserve un dessin d’après la bosse et deux modelages qui font regretter que Jacques ait abandonné la carrière de l'art pour celle des armes. Lorsqu'à l'automne de 1850, un jeudi jour de marché à Vesoul, Victor Jeanneney vit entrer chez lui un jeune homme de vingt ans, vêtu du sarreau de droguet franc-comtois et l'air timide, il ne pouvait se douter que ce nouvel élève, dépassant la renommée provinciale de son maître, serait un jour professeur dans l’un des plus grands lycées de Paris. Alired-Pierre-Joseph Jeaxmouarx, né à Lure le 2 avril 1859, n avait point d'artistes dans sa famille, point d'appui, aucune relation, rien enfin qui le désignât pour la carrière artistique. Son instituteur lui avait cependant reconnu des dons natu- rels pour le dessin et l'avait envoyé à Jeanneney. « Je veux « être proïesseur de dessin » lui dit-l. « Très bien, mon « ami » répondit le doux maître, « mais il faudra beaucoup « travailler ! » Les débuts de l'artiste furent particulièrement durs. Au cours du soir, pas un élève ne pouvait rivaliser de zèle et d'exactitude avec le jeune Jeanmougin. Dans la journée, tandis que Jeanneney donnait ses cours au lycée et en ville, il avait installé son disciple dans une salle de l'école muni- (1) Zbidem. = Do cipale, avec des modèles, afin de lui permettre de travailler seul. Mais où la jalousie va-t-elle se loger? Au mois de février 1880, une âme aussi charitable qu anonyme adressa au maire de Vesoul une réclamation : Le règlement interdi- sait formellement aux élèves l'accès de l’école entre les heures des cours ; et puis, n'était-ce pas un privilège exor- bitant pour un seul élève, de se chauffer aux frais de la ville, pendant toute la journée ? Jeanneney repoussa du pied cette indigne dénonciation et n'eut pas de peine à justifier l'intérêt particulier qu'il portait à son élève. Dès l’année suivante, septembre 1881, Alfred Jeanmougin entra à l'Ecole nationale des Beaux-Arts, dans l'atelier de Gérôme, avec une bourse de 600 francs allouée par le Dépar- tement. Cette allocation, renouvelée en 1882, fut portée à 1,000 francs en 1883, sur le rapport de M. Meillier consta- tant « les progrès très remarquables » du pensionnaire. Depuis sa sortie de l'Ecole jusqu'en 1889, le jeune artiste travailla dans l'atelier d'Alexandre Rapin, l'élève et l’ami de Jeanneney. Son premier envoi au Salon des Artistes français date de 1884 avec un paysage de Champdamoy. Celui de l’année suivante Les foins à Vouhenans fut acquis le 21 fé- vrier 1886 par la ville de Vesoul pour son musée, qui possède également de lui la copie d’un fragment de l'Enfer du Dante par Delacroix. Alfred Jeanmougin a exposé les années sui- vantes : Les conscrits, Le berger, La Bible, Un bon verre, tableau qui figura en 1908 à l'exposition internationale de Buenos-Ayres parmi les cent toiles choisies d'artistes fran- çais. Un certain nombre de ses œuvres furent exposées l'année suivante dans la galerie Marcel Bernheim. Les salons parisiens ont montré quantité de ses tableaux : Bords de rivière (1902), Une rue à Chaudefontaine [1903), Une rue à Montjustin (1905), Vallée de la Loue, Soleil couchant ct Une rue à Perrigny (1909), Chute de la Birse à Dornach et Vallée de la Birse (1910) dont plusieurs ont été acquis par l'Etat. + «ML — 931 — A l'exposition d'Epinal de 1917, la eritique a signalé son tableau Les bords du Doubs « traité dans une gamme bleue «et violette, thème tout indiqué d’un panneau décoratif du « plus heureux effet, et son Vieux pont à Saint-Ursanne « brossé largement dans un coloris puissant et varié. » Chargé du cours de dessin au collège de Sainte-Menchould le 9 janvier 1889, Jeanmougin a été pourvu des diplômes du premier degré et du degré supérieur pour l’enseignement du dessin et nommé le 22 octobre 1892 au lycée de Mar- seille. Promu le 4 octobre 1900 au lycée Lakanal à Paris, 1l a échangé sa chaire pour celle du lycée Condorcet en octobre 1902. La supériorité de son enseignement, qui pro- cède de celui de Jeanneney, est depuis longtemps connu et apprécié dans l’Université, de même que ses tableaux le sont dans les milieux artistiques. Un autre enfant de Lure, Jurr, Marcel-Eugène-Auguste, né le 30 août 1866, avait suivi au collège de cette ville les leçons de Lestrade (1881-1883) puis de Rondot [18383-84) tous deux élèves de Jeanneney. Son second maître, ayant reconnu en lui l’'étoffe d’un professeur, l’envoya à Vesoul pour travailler sous la direction de Jeanneney. Celui-ci ne se contenta point de recevoir Juif au cours municipal du soir ; il lui donna gratuitement des leçons de dessin, quoi qu'il füt déjà atteint du mal qui devait le conduire au tombeau. Reçu en février 1886 à l’école des Beaux-Arts de Nancy, Juif y fut le condisciple de Prouvé et de Gallé ; il y obtint deux men- tons. Nommé professeur de dessin à Nogent-le-Rotrou en 1897, Il sollicita l'année suivante le même poste au collège de Lure et l’obtint ; il mourut en cette ville le 25 juin 1896. Juif était, comme ses maîtres, un peintre paysagiste. Deux de ses aquarelles, exposées à Chaumont en 1888 avaient été remarquées ; son art était subtil et délicat, il était bien doué, mais n'eut pas le temps de produire ce qu'il promettait. — 932 — Nous avons vu Jeanneney, usé avant l’âge par le travail, obligé d'interrompre parfois, puis d'abandonner ses cours du soir et l’admirable dévouement de ses élèves à le suppléer durant sa maladie. Aux côtés de Laillet et d’'Humbaire, s'était placé spontanément François Grosseax, élève de l’école depuis 1872, qui s'était chargé d'enseigner le modelage et de surveiller les élèves. Le marbrier-sculpteur amenait chaque soir avec lui son jeune fils Jules GRrossEan, dont les dispositions artistiques faisaient l'admiration du professeur. Nous avons consacré à l’œuvre de l’infortuné statuaire et à l'influence de son père sur sa carrière artistique, des pages plus complètes que celles d'une simple notice. Nous y ren- voyons le lecteur (1). Elèves libres et amateurs. — Il serait difficile de rechercher dans les catalogues des expositions de Paris et de la province les noms de tous les élèves de Jeanneney qui ont fait con- naître leurs œuvres d'amateurs ; ils sont légion. Parmi les élèves libres qui prirent des leçons auprès de lui, nous nous contenterons d’en citer un dont la renommée comme artiste et comme professeur a franchi les limites de notre province. Onzième et dernier enfant de Claude-Basile Cariage, Julie- Marie-Henriette, devenue épouse de M. Daval, professeur au lycée de Vesoul, reçut dans sa première jeunesse les notions élémentaires du dessin sous la direction de son père. Elle travailla ensuite avec le successeur de celui-ci jusqu'à son mariage (22 août 1883). De l’un et de l’autre de ses maîtres, Me Daval-Cariage a reçu une sûreté de vue et une exactitude de dessin dont les premiers résultats apparurent des l'exposition de Vesoul en 1877 dans un dessin au fusain habilement traité. L'exposition qui eut lieu dans la même (1) Jules Grosjean, statuaire vésulien ; sa vie, son œuvre (en prépa- ration). — 233 — ville en 1 897 montra un goût délicat et des progres nouveaux dans une jolie gouache : Fleurs de lilas sur éventail. Cepen- dant les circonstances voulurent que M"° Daval-Cariage préférât à la peinture la carrière de professeur de piano, où les résultats sont plus immédiats et plus appréciables. Ce fut à l'exposition des Beaux-Arts de Vesoul en 1909 que son talent s’affirma sous une forme nouvelle et impo- sante. Sur les conseils de Blanche Odin, M"° Daval-Cariage a donné à ses aquarelles un aspect décoratif qui ressortit au grand art. Sous son pinceau, les fleurs disposées avec un goût harmonieux, vivent, respirent et parlent leur langage délicieusement poétique. Qui n'a admiré ses Anémones fai- sant pendant à une brassée d'Æortensias bleus, ses Chry- santhèmes fauves orgueilleusement épanouis, ses Œillets délicats, ses gerbes de Æoses aux fraîches pétales ! L'expo- sition de la Societe des Amis des Beaux-Arts à Besancon en 1910 a fait voir deux bourriches de Tulipes et de Fleurs des champs très remarquées. M"° Daval-Cariage a exposé dans diverses villes de province, au Salon des Artistes fran- çais et à celui des Femmes peintres. Son envoi à Epinal en 1911 lui a valu les éloges de la critique; enfin le talent dépensé dans ses Dahlias et ses Pivoines reçut, à l'exposi- tion de Langres, la même année, sa consécration officielle par l'octroi d'une médaille de bronze. Les cours d’aquarelle, de dessin et d'art appliqué professés par M Daval-Cariage voient chaque année le nombre de leurs élèves s’augmenter. Cette série de notices devrait se terminer par celle de l'élève préférée du professeur, M"° Marguerite Doillon-Jean- neney. Qui n’a remarqué aux Salons des Artistes Français, puis de la Société nationale et dans les expositions de pro- vince ses Fusains délicats, ses Natures mortes empreintes d'un goût parfait, ses Sous bois dont la poésie reflète le talent paternel ? Un sentiment de piété filiale, devant lequel — 934 — nous nous sommes inclinés, a imposé à notre plume de s’ar- rêter là. Mais ce que nous ne pouvons dire, le lecteur pourra le voir. Il lui suffit, et le voyage en vaut la peine, qu'il vienne à Vesoul et visite la coquette villa de la rue des Allées, au milieu d’un parc dont les saules baignent leurs branches dans les eaux paresseuses du Durgeon. Le nom de Jeanneney lui ouvrira les portes, toutes grandes. Malgré un travail absor- bant, le docteur Georges Doillon lui fera visiter sa belle et riche collection d'armes, de bois sculptés et de faïences, sa galerie où les tableaux anciens voisinent avec ceux de l’école moderne et surtout d'artistes franc-comtois : Guardi, Téniers, Vernet, Corot, Français, Dagnan, Gustave Courtois, J.-A. Muenier, Isenbart, Boudot, Fanart, Michel-Lançon, Tremol- lières, Chudant, Delachaux, les deux Girardot et tutti quanti. Vous y verrez, lecteur, de nombreux dessins originaux, des sanguines et des pastels de Watteau, Boucher, Lebrun, Van der Meer et des Bourguignon, pour n’en citer que quelques- uns. Puis, la maîtresse de maison, avec une grâce charmante, vous laissera admirer ses merveilleux bibelots du xvrrr° siècle, et, si vous insistez beaucoup, ses fusains et ses toiles qu'elle a délaissés presque complètement parce que les soins domes- tiques et le soulagement des pauvres ne lui laissent plus le temps de prendre ses crayons et ses pinceaux. Les cinq pièces du second étage sont réservées aux œuvres de Victor Jeanneney. Sur la haute terrasse, une vieille dame est assise dans un fauteuil d’osier ; ses yeux qui ne voient presque plus la lumière, cherchent encore les rougeurs vio- lacées du soleil couchant. C'est la veuve du Maître. Ne la troublez pas, elle rêve au temps passé et vit dans le culte du souvenir. Mais un joyeux appel a retenti dans le jardin : une jeune fille de vingt ans saute lestement de sa bicyclette et vous tend la main en bon camarade. Sa toile en bandouillère et sa boîte de couleurs sur le guidon attestent que sa promenade — 93) — ne fut pas de pur agrément. Magdeleine Doillon vient de Neurey-en-Vaux ou de Champdamoy, où elle a trouvé un coin de verdure chéri de Rapin, et elle a bûché pendant trois heures ; elle est contente, elle y retournera demain. Car il faut qu'elle arrive à soutenir dignement le nom de sa mère et de son grand père. Trois fois déjà à La Nationale et sou- vent dans d’autres expositions, ses paysages consciencieuse- ment étudiés et brossés largement ont reçu les éloges una- nimes des connaisseurs. Vous verrez dans son atelier tout ce que promet ce jeune talent mis à la disposition d’une volonté opiniâtre. Ses maîtres, Baille, Jules-Alexis Muenier, Royer et Pagès lui prédisent un brillant avenir dans la carrière de l'Art. C'est ainsi qu'au milieu des œuvres artistiques de trois générations, et entourée de l'estime de tous, vit une famille d'artistes franc-comtois, dans le souvenir affectueux du peintre distingué, du professeur émérite et de l'homme de bien que fut Victor Jeanneney. Vesoul, Octobre 1910 — Juillet 1911. Georges BLONDEAU. 1 LU 4 Le Le CREME # # NU PRINCIPALES DONNÉES MÉTÉOROLOGIQUES concernant les années 1891-1910 RÉSUMÉES D'APRÈS LES OBSERVATIONS DE L'OBSERVATOIRE DE BESANÇON PAR Par M. A. KIRCHNER MEMBRE HONORAIRE Séance du 24 novembre 1911. Œuvre de vulgarisation, les tableaux météorologiques qui suivent ne sont en majeure partie qu'un résumé suceinct des données fournies par l'Observatoire de notre Université. Cependant je me suis permis d'y joindre quelques observa- tions personnelles au sujet de la durée effective de l'hiver, de l’état du ciel, du nombre de jours beaux où mauvais par mois, de la direction principale et de la force du vent. Comme observations antérieures, il me faut signaler celles du-doeteur Marchant, qui vont de 1800 à 1814 (voir Mémoires de l’ancienne Société d'Agriculture du Doubs); celles de Sire, faites à la Faculté des Sciences de 1846 à 1854 (1) (voir Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs) : enfin celles de l'Ecole Normale d'Instituteurs, remontant à 1869 et insérées depuis une trentaine d'années dans les Annales du Bureau central météorologique de Paris. L'Observatoire national de Besançon a commencé à fonctionner le 1° jan- vier 1899 ; 1l possède actuellement une série ininterrompue (1) Les observations postérieures à cette date ont été égarées. 000 — de 26 années d'observations ; elles ont été publiées par fas- cicules sous forme de diagrammes et de tableaux de chiffres ; ce sont ces derniers qu'il importe de consulter, car les dia- grammes laissent beaucoup à désirer sous le rapport de l'exactitude. On trouve, en outre, des renseignements très intéressants sur le elimat de notre région dans les Mémoires de la Société d'Emulation de Montbéliard [tomes IIL, V, XII, XXI, XXIV, XXV) (n). Voici l’ordre que j'ai adopté : 1° pression atmosphérique (minima, maxima) ; 2° température [moyennes mensuelles, minima, maxima ; nombre de jours de gelée, durée de l'hiver; moyenne des saisons) ; 3° état du ciel (nébulosité, insola- tion); 4° précipitations atmosphériques (quantité ; nombre de jours de pluie, de neige, de grêle, d’orages) ; 5° vents (direction et force) ; 6° état hygrométrique de l'air (humidité relative, nombre de jours de brouillard, évaporation) ; 7° moyennes annuelles. Les tableaux numérotés 1 à 5, 6, 9, 10, 11 à 14, 18 à 20 reproduisent exactement les données de l'Observatoire ; les autres contiennent des observations personnelles. Car, suivant la méthode adoptée, on peut éva- luer différemment l’état du ciel, le nombre des jours de pluie, de neige, d'orages, ainsi que la direction et la force du vent. À l'Observatoire, par exemple, on compte comme jour de pluie ou de neige « toute période de 24 heures pen- (1) Les personnes qui s'intéressent à la météorologie peuvent aussi consulter les travaux spéciaux du D' Ant. Magnin : Rapport sur la réorganisation du service météorologique dans le département du Doubs (Besançon, 1888). Rappor ts annuels au Conseil Général sur les opér ations de la Com- mission méléorologique du Doubs (1887-1907). Bullelins mensuels de la Commission météorologique (déc. 1900 à fév. 1903, avec quelques lacunes). Climatologie du Doubs, dans Association française pour l’avance- cement des Sciences. Besançon, 1893, p. 123-146. ainsi que les ouvrages généraux de M. Angot : Instructions météorologiques. Paris, 1891, 3° éd., 124 p. Trailé élémentaire de météorologie. Paris, 1899, 417 p. 30 dant laquelle il est tombé une quantité appréciable d’eau, si minime soit-elle (1 dizième de millimètre) », ce qui augmente beaucoup le nombre des jours de pluie par an, au détriment de notre climat. Pour ce qui concerne la nébulosité, on l'évalue scientifiquement par des chiffres allant de o à 10; mais 1l est aussi intéressant de connaître le nombre de jours, par mois, où le ciel a été en majeure partie soit bleu, soit nuageux, soit tout à fait couvert. À défaut de données pré- cises sur la vitesse réelle du vent, je me suis contenté d'indiquer le nombre de jours pendant lesquels tel ou tel vent a soufflé, momentanément, avec quelque force (4 à 9). Ces nombres sont plutôt trop forts que trop faibles. De même, les chiffres des quatre premières colonnes des tableaux 6, 9 bis, 13 et 14, ayant été lus sur des diagrammes peu précis, ne sont pas tout à fait exacts et peuvent différer de quelques unités [années 1891 à 1894). Quant à l'insola- tion, j'ai relevé de préférence le nombre d'heures effectives pendant lesquelles Le soleil a brillé ; il sera facile de calculer leur rapport avec la durée totale, en sachant que, sous notre latitude, le soleil demeure au-dessus de l'horizon pendant 4445 heures, dont : Jénvier ... 273 h. | Maïi....... 466 h..| Séptembre.. 375 h. Hé lbiss 205 N°) Juin... 494 h.-) Octobre. :.3534 D. Mars. 5067 h | Juillet... 479.h | Novembre. 276 h:. rl. =... lon he Not... 438 h. | Décembre. 561 hi En terminant, il me reste à remercier le distingué direc- teur de l'Observatoire, M. Lebeuf, de m'avoir permis de vérifier la partie la plus importante de mon travail(r) sur les registres mêmes de l'Observatoire, eten particulier M. Pou- üignat, qui ma habilement secondé dans ces fastidieux pointages. (1) Tableaux 1-5, 8-9, 10-12, 18-20. ConeL oYcL gti c'eri 9912 0061 6681 Con rcU RQ LIL cor LS TETE OEIL | s'Éc0 | cUrL | Gr | G-or£ | G'icl re Aro al : Chao cGTL Noel 8 9 GRIP NGECE cc oO Ace cl Mc ooçE | y-oc£ Croce |Notoc ie ce CCC Q'ecl grocl | 6 Ech | G771 | c'Lcl | oocL lo'vcl coich | /010c ro lice Nobel G'9cL D eee Croce Note Notre NL ere 1 GOT oO) Mo EE Qu CC o'ocl ARE or : . 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EXTRÊMES OBSERVÉS : minimum 708.6 (en 1910); maxi- mum 756.3 (en 1909). ANNÉES DE BASSES PRESSIONS : 1895, 1910, 1892. ANNÉES DE HAUTES PRESSIONS : 1908. TEMPÉRATURE. EXTRÈMES OBSERVÉS : Minimum — 20.5 (en 1893): maxi- mum + 36.2 (en 1692). ANNÉES CHAUDES: 1893 (10.6), 1899 (10.6), 1898 (10.5), 1900 (10.5), 1904 [10.4), 1897 (10.3), 1906 (10.1), 1892 (10.0). ANNÉES FROIDES : 1896 (9.1), 1909 (9.1), 1901 (9.4), 1908 (9-4). ÊTÉS PARTICULIÈREMENT CHAUDS : 1904 (19.8), 1893 (19.6), 1905 (19.5), 1897 (18.8), 1900 (18.8), 1899 (18.7), 1892 (18.7), 1906 (18.5). Etés Frais : 1909 (16.6), 1903 (16.9), 1910 (197.1), 1896 (99), 1905 (17.3), r902 (17.4). Hivers poux : 1899 {+ 4.8), 1910 (+ 3.1). Hivers PARTICULIÈREMENT FROIDS : 1895 [— 2.3), 1891 (— 1.5), 1893 (— 0.4), 1909 (— 0.3). PRINTEMPS cHAUDS : 1893 (12.2), 1894 (10.6), 1904 (10.4), . 18 a — 9202 — Prinremps FRoIDS : 1900 (8.0), 1910 (8.9), 1891 (9.0). AuTounEs cHAUDS : 1895 (12.8), 1898 |12.3), 190% (11.9). 1000 11.7), 1001 1-9), 1892 9); 1000 010222 AuTomnEs FRoIDS : 1905 (8.3), 1896 (8.91. 1904 (9.3), 1901 (9.4). TEMPÉRATURES LES PLUS ÉLEVÉES : 1892 [août 36.2), 1893 (août 35.8, juill. 35.71, juin 33.0), 1900 (juill. 35.8), 1906 (août 35.0), 1907 (août 34.7), 1904 (juill. 34.6),. 1909 AUS Saoût 57%) 1S0o01Sept 712) TEMPÉRATURES LES PLUS BASSES : 1891 [janv. — 18.6, déc. — 11.1), 1892 (janv. — 14.1, févr. — 13.1, dée. — 11.0), 1893 (janv. — 20.5), 1894 (janv. — 19.4), 1895 (janv. — 10.7, IV. — 17.4, Mars — 12.0), 1800 janv. 117) 1007 janv. — 10.7), 1899 (déc. — 13.2), 1900 (mars — 12.4), 1901 (janv.— 12.6, fév. — 15.6), 1903 (janv. — 10.2), 1904 (janv. O0 2 (janv. — 14.6), 1906 [janv. — 11.6, déc. — 18.2),1907 (janv.— 14.7, fév. — 14.0), 1908 (janv.— 13.3, déc. — 15.7), 1909 (janv. — 15.0, févr. — 10.5). NÉBULOSITÉ. Ciez PEU COUVERT : 1893 (57 °/.) ; 1891, 1899, 1899 (62 °/,). Cie TRÈS COUVERT : 1900 (73 °/) : 1896, 1910 (72 °),) ; 1902 m0) INSOLATION FORTE : 1899 (2068 h.), 1895 (1942 h.), 1906 (1928 h.) ; 1909 (1890 h.), 1908 (1897 h.) ; 1901 (1999 h.). INSOLATION FAIBLE : 1894 (1404 h.), 1896 (1529 h.) ; 1891 (1600 h.), 1897 (1612 h.), 1903 [1620 h.). ANNÉES OÙ LE CIEL A ÉTÉ ASSEZ SOUVENT bleu OÙ peu nua- geux (plus de 5 mois) * 1899 (174 jours), 1895 [1971 |.); 1908 (126 j.), 1906 (17 j.), 1904 (11 j.), 1897 (190 ].). =. 993 — ANNÉES OÙ LE CIEL A ÉTÉ TRÈS SOUVENT couvert OÙ tres nuageux (plus de 7 mois) : 1910 (253, jours), 1892 (252 [.), O0 4 L). 1000, 249 j:), r000 (342 |), 18011341 j:), 1909412991: 19022201.) 1900 (2274). PLUIE ET NEIGE. ANNÉES SÈCHES : 1° En tant que rareté relative des jours de pluie. 1893-(108%1.3:4899:(164.1.); 21091 (199 |.),::1900 951 )01900: (170 j.). == 2° En tant que faible quantité d’eau tombée : 1893 (66.5) ; 1906 (74.2), 1907 (75.4), 1904 G9); 1002 70.0). ANNÉES PLUVIEUSES : 1° Au point de vue de la fréquence de la pluie et de la neige (nombre de jours) : 1910 (233 1.) ; 1900 278: 1), 1902 (213 1.), 1901 (210 ].); 1909 (208 1.), 1909 (207 j.), 1903 (206 j.). On voit par là que les années de la seconde période décennale ont été beaucoup plus plu- vieuses que celles de la première période sous le rapport de la fréquence de la pluie. | 2° Au point de vue de la hauteur d’eau tombée : 1910 (193.7),:1896 (113.4), 1901 (107.9); rô91 (98.5), 1899 (94.5); 1902 (94.1), 1897 (94.0), 1909 (95.2). ; ANNÉES ORAGEUSES. — minimum : 1898 (34 j.), 1891 (39 1.): maximum : 1901 (64 j.}, 1904 (64 j.), 1897 (56 j.), 1909 (56 ].). Erés secs : 1899 (30 [.): 1904 (35 j.), 1893 (38 j.), 1907 (38 j.), 1906 (39 j.). 1908 (40 j.). ETÉs oRAGEUx : 1900 (26 j.), 1896 (24 j.), 1895 (24 j.), 1893 (22 j.), 1904 (21 j.). — Mois très orageux : mai 1903, Mal 1910 ; Juin 1899, 1899, 1905, 1909 : sept. 1901. Le plus violent orage de ces vingt dernières années est l'orage de grêle du 1er juillet 1895, qui a saccagé le vignoble de — 9284 — Besançon et brisé une multitude de carreaux en ville, princi- palement tout le long du quai Vauban. Erés PLuvIEUX : 1910 (57 j.). 1894 (56 j.), 1903 (56 1.), 1900 (55 j.), 1897 (53 I.), 1909 (93 ].). PRINCIPALES CHUTES DE PLUIE (hauteur en millimètres dans les 24 heures) : 6 juin oo 64 7 OOCtObre 1007 Er 29 MA TOO NT. 60.0 || 15) août 1900 ee 3.9 8 mars 19961. 191. 56.20/ rotjuillet r908. 0 5810 CruEs suites pu Douss : 9-11 mars 1896 ; 24 octobre 1896 ; 3-4 février 1897 ; 20-22 janvier 1910. NEIGE. Hivers PRESQUE SANS NEIGE (moins de 15 jours) : 1899 (8 ]-), 1894 (9 j.), 1896 (10 j.); 1898 (13 j.), 1897 (14 j.), 1903 (14 ].), 1904 (19 ].). | Hivers NeIGEUXx (plus de 21 j.) : 1907 (39 j.) ; 1910 (28 i.), 1895 (25 ].), r901 (23 j.), 1902 (23 ].). Mars NEIGEUX : 1900 (195 ].), 1901 (13 j.), 1892 (12 Ï.), 1909 (11 ].); 1906 (9 j.), 1898 (8 j.). NOVEMBRE NEIGEUX : 1910 (9.) ; 1899, 1901, 1904, 1909 (5 j.) | L'hiver comprend les mois de décembre, janvier, février ; il est toujours désigné par l'année du 3° mois (jamais par celle du mois de décembre). ÉPAISSEUR DE LA NEIGE : 1° février 1899, à Besançon : 90 ‘/" ; à Mamirolle : r mètre ; à Longemaison : 2 à 3 mètres. 27 déc 1006254052) ét r007 07/0 Ney 100 12 cie L LS — 28) — DERNIÈRE ET PREMIÈRE NEIGE COUVRANT LE SOL : 1894 | 1895 | 1896 | 1897 (2) 9 janvier r908. (33 j.) : 1900 (foi. _(r) En 1896, la première neige est tombée à Mamirolle le GELÉE. Hivers Où IL Y À EU LE MOINS DE JOURS DE 1898 (46 |.). Dernière neige : ne Et. ce -- 6 mars| 5 mars|:13 avrill 2 avrill27 mars A la Chap.-des-Buis. — 15 mars| 8 mars|15 avril] 7 avrill 4 avril Premier orage de prin- TEMPS... Lo CR — 16 avril! 26 mars|18 avril] 28 mars|26 avril Première forte gelée blancnesss nr. POoc0Ct F2 moy. lireoct, IN6-0ct: | 20,sept.126 oct: | Première gelée à glace CJRECUVE re. ... [28 nov.|25 nov.|r19 oct. |29 oct. | 8 oct. |1g nov. (Première neige (1) : | A la Chap.-des-Buis. [19 nov.|26 nov.|23 nov.|29 oct. | 1 déc.|2r déc. Envie res..." b déc. 206 nov. | 25 nov.|16 déc.| 3 déc. ue déc: 1902 | 1903 | 1904 | 1905 | 1906 | 1907 | 1908 Dernière neige : JAN LEA ARERE 34 = 18 avr.lrxr ms !15 fév.|26 ms 26 fév.|or avr A Chaudanne (fort). |24 fév.|1g avr.|12 ms | 4 ms [51 MS 19 ms |2r avr (Premier orage de prin- LOT DSR SA 19 avr.| 4 mailr8 mail14 avr. 24 aVr.+ 7 avr.|ro ms Première neige : | A Chaudanne (fort) |r8 nov |20 nov.|23 nov.ls0 oct | 1 déc.| — (2,125 oct. En ville... one Êé nov.|26 16420 OV I nON. 9 déc) —=/(E)|55"00t; 16 octobre. GELÉE : 1899 1899 12 avril 12 avril 3 ANTIL 4 oct. 15 nov. II HOV. 23 noOv. — 9286 — Hivers Où IL Y À EU LE PLUS DE JOURS DE GELÉE : 1891 (85 j.), 1895 (50 j:), 1907 (Go j:): 1909 (66 j.), 1896 (62 ].), 1893 (61 ].). GELÉES PRINTANIÈRES TARDIVES (après le 31 mars) : Il yen a eu 17 fois sur 20 ; mais la végétation n’en a pas souffert chaque fois, car leur nocuité dépend non seulement de leur intensité, mais aussi de leur coïncidence avec la floraison des arbres fruitiers. Les plus tardives ont eu lieu les 7 mai 1092, 9 Mal 1902, 11 Mai 1910, 12 mai 189% Les trois années sans gelées tardives sont : 1893, 1894, 1904. BROUILLARD. Les années de la période 1891-1899 se distinguent par la sécheresse de l'air et l'absence de brouillard (excepté toute- fois 1896): minimum, 1895 avec 8 jours seulement ; maxi- mum, 1897 avec 43 jours. Celles de la période suivante présentent au contraire un excès d'humidité: minimum, 1903 avec 48 jours ; maximum, 1904 avec 73 jours. Il arrive souvent, en météorologie, que le minimum et le maximum d'un même phénomène se suivent de près; un exces dans un sers est immédiatement compensé par un excès en sens opposé. Certains phénomènes se renouvellent une seconde fois: exemples: années sèches et chaudes, 1892 et 1893 : années froides, 1908 et 1909; étés chauds. 1899 et 1900; étés orageux, 1896 ct 1897: années plu- vieuses. 1901 €L 1902, 1909 et 1910; mars a été neigeux en 1900 et 1901, novembre en 1909 et 1910 ; nous avons eu deux automnes froids consécutifs en 1904 et 1905, et deux automnes chauds consécutifs en 1906 et 1907. D'autres se répétent un grand nombre de fois ; telles, les dépressions océaniennes qui se succèdent en suivant pendant des mois et des mois à peu près la même trajectoire (basses pressions dans les parages de l'Islande. hautes pressions du côté des Açores). — 207 — VENTS. 1° Direction. ANNÉES, DE VENT (S.W.): 1898 (186 j.);, 1906 (180 j.): HOMO) 1010 (170 |), 1909 (178 ].), 1902 (174 j.), 1000 199.1) 1007.(171.].) ; 1900 (160 ].), r9or {168.1j.). ANNÉES DE BISE (N.E.) : 1893 (168 j.}, 1892 (154 j.) : 1894 MO ÈE006(126,1.),:1907 (125.j.). 2° Force. ANNÉES DE CALME (moins de 3 mois de vents sensibles) : 1895691); r899 (74 j.), 1892 (78 j.), 1897 (80 j.). ANNÉES DE VENTS MODÉRÉS A VIOLENTS (plus de 4 mois de veats sensibles) : 1895 1140 j.) ; 1903 (138 j.). 1906 (136 [.), LOI 2/1- 000 (191 -].); 1910 (222 j:), 190% (120 j.). Note. Année calme — 5 à 7 jours de vents sensibles par mois, en moyenne ; année venteuse — 10 à 12 jours de vents sensibles par mois. Il y a eu des tempêtes de neige le 3 janv. 1894 (min. ANLO" Max. —12,en ville), les 1"mars, 14 et 26 déc. 1906 : des bourrasques de vent S.W. en 1899 (23 juil.). en 1001, 1903 (2-3 mars), 1904 (9 fév.), 1906 (12 mars), oo (Mo et 2o.iév., 14 déc.); enfin, en 1909:(22=25-dée.)}; un violent ouragan d'une vitesse de 145 km. à l'heure, pré- cédé et accompagné d’une hausse subite de température, a sévi dans le Haut-Jura, de Mouthe à Charquemont, enlevant les toitures et abattant une grande quantité de sapins le long de son parcours. Le vent le plus fréquent, en Franche-Comté, est celui du S.W. (S.S.W. à W.) ; sa force varie de o à 9; c’est le vent de la pluie et des tempêtes. En hiver, il souffle souvent par rafales, produisant ainsi le radoux et le dégel: en été, 1l engendre des orages, bien qu'il soit parois très sec et très chaud. + 08 La bise (N.N.E. à E.) souffle, de temps en temps, par période plus ou moins longue ; sa force dépasse très rare- ment 6; souvent elle croît avec la hauteur du soleil pour faiblir ou même {tomber tout à fait au moment du coucher. Ce vent est généralement sec et froid, ce qui ne l'empêche pas de nous amener parfois de la brume et de la bruine. — La traverse ou vent de Lorraine (W.N.W. à N.) souffle au maximum 12 jours par mois, J0 à 70 Jours par an. Sa force . rarement 4, jamais 6. C’est le vent de la neige ; en été, 1l amène alternativement la pluie et le beau its Durée : 1906 (31 j.) ; NE 1901 (38 |.}, (40 j.): 1903 60 j.). 1896, 1909 (61 j.), 1908 (69 j.). C'est en r909 qu'il a soufflé avee le moins de force (2 ].). et en 1903 avec le plus de vigueur (32 jours). La traverse du S.E. (S. à E.S.E.) ne souffle jamais long- temps : en moyenne 17 jours par an, rarement à à 6 jours par mois, et très rarement plus de 6 heures consécutives. Sa force atteint rarement 4 et ne dépasse jamais 9. C’est un vent chaud et déprimant, en été, qui souffle de préférence la nuit (le soir tard ou le matin de bonne heure): en hiver, il rabat sur les vallées, les brouillards froids du Haut-Jura. Durée : 1908 (7 j.), 1896, 1909 (9j.); 1891 (32 j:}, 1892 (40 j.). Il ne souffle jamais, d’une façon sensible, plus de o jours par an. PÉRIODES DE BEAU TEMPS: 1891 (févr., avril, sept. à oct.). — 1892 (mai, août à sept.), — 1893 [mars à juin, août), — 1894 (mars à avril), — 1895 (fév., avr. à mai, août à sept.), — 1896 (janv.-fév.), — 1897 (juin à juill., oct. à dée.), — 1898 (août-sept., nov.), — 1899 (fév.-mars, mai-août, oct.- dée.}, — 1900 (mai-juill., sept.), — 19071 (mai, juill.-août), — 1902 (juin-juill., sept.), — 1903 (fév.-mars), — 1904 quill.-août, oct.}, — 1906 (août-oct.), — 1907 (juill.-sept.}, — 1908 (juin.-nov.}, — r909 (janv.-fév., avr.-mai), — 1910 (mars). + 280 — PÉRIODES DE MAUVAIS TEMPS : 1991 (mars, août, nov. à déc.), — 1892 (janv.-fév., juin, oct.-déc.), — 1893 (juill., nov.-déc.), — 1894 (janv.-fév., mai-dée.), — 1895 (janv., mars, déc.), — 1896 (mars-avr., juin, août-déc.), — 1898 (janv.-mars, mai-jJuin), — 1899 (janv., avr.), — 1900 (janv. mars, nov.-déc.), — 1901 [mars-avr., sept.-déc.), — 1902 (janv., mai, août, oct.), — 1903 (avr., juin-août, oct.-nov.), — 1904 (janv.-fév.), — 1905 (fév.-mars, août-sept., nov.), — 1906 (fév., nov.}, — 1907 (avr., oct.)}, — 1908 (fév.-avr.), — 1909 (mars, juin, sept., nov.-déc.), — 1910 (janv.-fév., avr.-mai, juill.-août, nov.). Mois REMARQUABLEMENT BEAUX : janvier 1896, 1905, 1908, 1909, — février 1891, 1895, 1899, 1903, 1909, — mars 1893, 1894, 1899, 1903, 1910, — avril 1893, 1909, — mai 1896, 1899, 1901, 1909, — juin 1893, 1897, 1900, — juillet 1897, 1902, 1904, — août 1893, 1899, — septembre 1895, 1898, 1900, 1906, 1907, — octobre 1897, 1899, 1906, 1908, — novembre 1897, 1899, 1901, — décembre 1897, 1905. Mois PARTICULIÈREMENT MAUVAIS : janvier 1892, 1897, 1900, — février 1892, 1900, 1904, 1906, 1908, — mars 18917, 1901, 1905, 1908, 1909, — avril 1899, 1903, 1907, — mai 1891, 1894, 1898, 1902, — juin 1892, 1909, — juillet 1897, 1893, 1894, 1903, 1910, — août 1891, 1894, 1896, 1902, 1903, 1905, 1910, — septembre 1896, 1901, 1905, 1909, — octobre 1892, 1896, 1902, — novembre 1892, 1893, 1900, 1910, — décembre 1892, 1896, 1901, 1909. DÉCOUVERTE A BAUME-LES-DAMES DE MONNAIES DU HAUT-EMPIRE Par M. René BOUTON MEMBRE RÉSIDANT DE TOONCOe Po JTE PONT L'antiquité de Baume-les-Dames, en tant que bourg, est depuis longtemps admise. Perreciot estime que le bourg devint'une ville Coenlan 2307 date de la construction de la « voie de Pierre Pertuis à Besançon » : il considère que le tronçon de voie romaine situé au-dessous de Grosbois — «Il « a son alignement du midi au septentrion : son bout septen- € trional se termine à quelques perches de [a voie figurée € sur la carte de Peutinger, et le méridional a sa direction € à la rivière du Doubs, distante de là seulement d'un quart « de lieue » — était l'amorce d'un chemin conduisant Baume et dont la construction fut abandonnée en raison de la difficulté des lieux. Nous croyons que la voie fut-réelle- ment construite et même jusqu à Baume, mais que les pay- sans obünrent au xvu° siècle l'autorisation d'en employer les matériaux à la construction de leurs demeures, cela suffit pour expliquer la brusque interruption de cette voie, deve- nue à cette époque inutile (r). (1) Pareille autorisation fut donnée au xvir1° siècle aux habitants de Chalezeule, et leurs entreprises ont supprimé complètement toute race de la voie romaine qui, sur leur territoire joignait pee on à Roche par les Audiers. 20 es À plusieurs reprises des tuileaux, des substructions ont été ramenés au Jour sur le territoire de la petite ville, mais jusqu à 1908, il semble que fort peu de médailles y aient été découvertes, En cette année, la municipalité de Baume, dans l'inten- üon fort louable d'augmenter le débit de Ia source qui sert à l’alimentation des habitants. fit exécuter des travaux au lieu d'émersion de cette source (1). Une galerie fut poussée perpendiculairement à la montagne de Saint-Ligier, et le sol fut creusé au point même où l'eau sourdait. Ces travaux amenérent des découvertes intéressantes. Il apparut d'abord que la source elle-même était comme entourée d’une sorte de maçonnerie en pierres sèches, fort disjointes, effectuant la forme ronde. À quelques pieds de là, en aval, une nouvelle maçonnerie, de forme également arrondie, mais beaucoup plus évasée, semblait avoir constitué le réservoir prints. En avant de ce réservoir, sous la vase, furent découvertes des pièces de chêne, carbonisées en quelque sorte par l'action combinée du temps et des eaux. Il était facile de reconnaitre dans quelques-unes de ces pièces une partie des rigoles ayant servi aux temps les plus reculés, pour canaliser l’eau de la ‘source, les autres semblaient avoir été utilisées dans un autre but, que leur forme ne nous a point permis de deviner. Toutes ces pièces de bois avaient été détournées de leur usage pri- mitif au Moyen-âge, lors de l'établissement d'une canalisa- tion nouvelle et employées comme cales, que l’on retrouva déposées de place en place, sous cette canalisation. M. le Maire de Baume désirant sauver de la destruction ces restes vénérables, les a fait transporter, sur notre demande, dans les greniers de Fhôtel de ville. _ (:) La source de Baume est comme enfermée dans une sorte de bastion qui au Moyen-àge s'appelait le jardin. Les travaux de forage du nouveau puits ont fait découvrir au fond même du puits primitif une très grande quantité de monnaies, toutes du haut Empire. Mais, à l'exception d’une monnaie d'argent à l'effigie de Trajan, qui est admirable- ment conservée et semble à fleur de coin, la plupart des autres pièces, qui sont toutes en bronze, ont été complète- ment détériorées par les eaux. Beaucoup semblent avoir tra- versé un incendie : elles ont été découvertes comme soudées les unes aux autres et ne présentant plus la moindre appa- rence d'inscription ou d’effigie. D'autres, en grand nombre semblent avoir été vidées de leur métal. Par quelle étrange action chimique? Le regretté M. Vaissier se demandait si elles n'avaient point été primitivement fourrées. Certaines, qui gardaient encore sous leur patine vert de grisée quelques vagues traces de caractères, ont été rendues 1llisibles par la maladroite curiosité de leurs inventeurs qui se sont empressés de les décaper à l'acide. Onze seulement ont pu être lues avec certitude, ce sont : Un moyen bronze d’Agrippa, gendre d’Auguste. Trois moyens bronzes de Vespasien. Un de Domitien. Une pièce d'argent, petit module, de Trajan. Un grand bronze de Trajan, deux moyens bronzes du même. Deux bronzes moyens d'Antoine le Pieux. Un de Faustine. Un grand bronze de Marc Aurèle. La source de Baume n’est pas la première dans laquelle on ait recueilli des monnaies romaines. Il s'agissait là d’une pratique de dévotion très connue. Les sources étant divi- nisées, on s’adressait aux naïades, et l’on payait d'avance les faveurs sollicitées au moyen de quelque menue monnaie. Cette pratique, analogue à l’œuvre rénovée de nos jours par les rédemptoristes, sous le nom de « Pain de Saint-Antoine » tenait plus du marché que de l’offrande. Les pièces de mon- _—— 203 ES naies étaient en quelque sorte des arrhes par lesquelles on tentait d’enchaîner la divinité. Le même calcul avait donné naissance à la coutume de déposer entre les lèvres des per- sonnes défuntes l’obole destinée au nautonier du fleuve infernal : ce tribut payé, les âmes ne pouvaient rester en deça du Styx : on tenait Caron pour un honnête dieu, on était certain qu'il accomplirait sa tâche. La grâce obtenue, on remereiait au moyen d’ex-voto. Il ne faudrait pas, à notre avis, prendre pour des ex-v0to les menues représentations de membres ou d'organes, retrouvés fréquemment dans les sources : le jet dans l’eau sacrée de ces infimes petites plaques de cuivre grossière- ment repoussé constituait une sorte de consécration à la nymphe ou au dieu guérisseur, de telle ou telle partie du corps. Il est à supposer qu'on trouvait, à proximité des sanctuaires réputés, de véritables boutiques où l’on commer- çait de ces petits simulacres. On en a retiré de grandes quantités des thermes de Luxeuil, des sources de la Seine et des sources récemment découvertes par le commandant Esperandieu à la Croix-Saint-Charles, d'Alise. Quant aux véritables ex-poto, ils sont bien connus et lon en trouve dans nos musées un grand nombre, ils se distin- guent nettement par la formule classique V. S. L. M., qui précède ou termine l’inseription tracée par le dévot recon- naissant. Pour revenir aux sources de Baume, il semble que la ville fut fréquentée par les Romains très peu de temps après la conquête (une des pièces frustes sur laquelle nous n'avons pu nous prononcer avec certitude, paraît bien être d’Au- guste, et Perreciot parle d’une monnaie de Commode, décou- verte sur le territoire à la fin du Moyen âge) et que la dévotion à la naïade bienfaisante ne persista pas au delà du second siècle. NOTES ARCHÉOLOGIQUES (1911) Per M°°E VMECENEE - CONSERVATEUR DU MUSÉE D’ARCHÉOLOGIE DE BESANCON — Séance dur24matbro rt. Fouilles dans l’ancien Clos Saint-Paul — L'inmeuble des Jésuites récemment acauis par la ville dans le but d'y instal- ler l'Ecole supérieure des Garçons, occupe une partie de ce qui fut le Clos Saint-Paul, dans le sous-sol duquel on a déjà recueil des vestiges remarquables de la cité gallo-romaine et où notre regretté confrère À. Vaissier avait, avec juste raison, vu un quartier luxueux entourant le Palatium de Vesontio. | En creusant les tranchées de fondation des ateliers (1), on a traversé un première couche de terre végétale de o"oo d'épaisseur provenant des terrassements du grand bâtiment : puis, sous la groise des allées et du «trage » ou passage des Bains-Saint-Paul, qui existaient là il y a quelques années, on a trouvé de nombreux débris de tegulae ou grandes tuiles. à rebords et quelques fragments d’amphores disséminés dans un mélange de pierrailles et de terre noire graveleuse paraissant avoir été fortement remanié. À 2"60 de profon- deur, la pioche des terrassiers s'est heurtée à une résistance sérieuse et a remis à jour un papimentum assez bien con- (1) Au mois de mai 1qrr. oo servé qui, à défaut de caractère artistique, présentait du moins une structure intéressante et digne d’être signalée. Nous n'avons pas jugé à propos d'en conserver de gros fragments, d’ailleurs nous n’aurions pu les enlever qu'en faisant des frais hors de propor- üon avec la trouvaille. D'un autre côté, des éboulements se produisaient continuellement dans ces terres remaniées et l'entrepreneur avait hâte de commencer les maçonneries qui devaient être assises sur un lit de béton à un mètre plus bas. Dans ces conditions, nous avons dû nous contenter de relever exactement l'emplacement et l'orientation de la mosaïque et d'en prélever quelques échantil- lons après avoir noté les détails de sa coupe. L'ensemble du pavimentum _ mesurait environ 0"50 d’épais- seur. Une première couche de béton de o"r15 à 0"16 reposait sur le sol ferme et supportait un blocage À de pierres sèches de même épaisseur, sur lequel avait été coulé et damé un statumen B de 0"06 à o"o9 composé de pierres cassées et de gros tuileaux mélangés de mortier de chaux et sable du Doubs ; puis venait le rudus ou ruderaltio C, autre béton plus fin de sable et de menus tuileaux tamisés qui, avec la chaux grasse, constituait un excellent ciment. À Ia surface de cette dernière couche, summa crusta, qui atteint o"10, on devait disposer une sorte de claie ou de treillage en liteaux dessi- moe nant les losanges du reticulum entre lesquels on semait avec plus ou moins de régularité des petites pierres cassées, très blanches (1), et quelques grains de tuileaux, ensuite on pro- cédait à un damage énergique pour faire pénétrer la claie et les pierres dans le mortier encore frais. Lorsque celui-ci avait fait sa prise, un ou deux jours après, on arrachait la claie et, dans les empreintes qu'elle avait laissées à la sur- face du béton il n’y avait plus qu'à couler un aucleus D de fin morter de tuileau dans lequel on incrustait, à la règle, les petit cubes de marbre E devant dessiner le rétieule en filets noirs bordés de rouge se détachant sur un fond panaché de gris, de rouge et de blanc. La surface d'un pavement établi de cette façon pouvait ensuite être polie au grès et offrir à l'œil l'aspect de losanges de marbre ou de brêche calcaire encadrés de filets rouges et noirs. Mais celui qui vient de disparaître pour toujours n'avait jamais été poli, toutes les petites pierres blanches étaient en L2 (1) Calcaire blanc, crayeux, du Rauracien, abondant aux environs immédiats de Besançon. DT — saillie plus ou moins prononcée sans être, toutelois, gênantes sous le pied. Une particularité nous a frappé: l'aire avait une inclinai- son régulière de o"o2 par mètre dans la direction de la rue Saint-Pierre et suivant la plus grande diagonale des losanges. Nous espérions découvrir, à l'extrémité de la pente, le bassin d'un émpluvium ; mais, en continuant la fouille, nous avons rencontré un mur relativement moderne pour la construction duquel le restant de la mosaïque avait été détruit. Dans son intéressant mémoire de 1884 sur « Les Mosaïiques du Clos Saint-Paul ». notre savant confrère Alfred Vaissier donnait l'historique des découvertes de ce genre faites à Besançon et signalait déjà celle d'un autre pavement exis- tant, vers 1842, sous les magasins du Génie militaire et dont la surface présentait ure inclinaison de o"05 par mètre dans la même direction. Cette circonstance nous paraît devoir corroborer notre hypothèse sur l'existence d’un énpluvium au milieu de l’atrium des maisons construites par les romains après la conquête. Toutes les fouilles faites dans l'enceinte de la ville ont prouvé que le système de construction adopté à l’époque gallo-romaine avait la plus grande analogie avec celui qui était employé dans la péninsule comme dans les principales colonies de Ia métropole, les matériaux variant naturellement suivant les ressources du pays et certaines dispositions traditionnelles pouvant être un peu modifiées afin de répondre aux exigences du climat. Si nous admettons que la maison gallo-romaine était construite sur le modèle de celle du conquérant, elle devait comporter un portique régnant sur les quatre côtés d’une cour carrée, l'atrium, dont le milieu était occupé par le bassin, généralement carré aussi, de l’émpluvrum (sorte de citerne ouverte) recevant les eaux pluviales que déversaient les toits formant le compluvium. Or, les pluies étant très abondantes dans notre région etles versants des toits antiques étant dépourvus de chéneaux, il en résultait des cascades d'eau qui, en tombant sur le payimentum pouvaient fort bien aller inonder les pièces d'habitation disposées au pour- tour et en arrière des portiques, si l’on n'avait pris la sage précaution de donner à l’aire de l’atrium une pente conve- nable dirigée vers le bassin central pour y entraîner aussi rapidement que possible les eaux pluviales. On peut même imaginer une double pente : celle de la partie située diree- tement sous le portique étant plus faible parce que moins exposée que celle de la partie découverte. Cette supposition explhiquerait, jusqu'à preuve du contraire, la pente de o"o5 par mètre dont il est question dans le mémoire de A. Vaissier et de celle de o"o2 par mètre de la dernière mosaïque trouvée dans les mêmes parages. Les aires des pièces d'habitation proprement dites ne présentent jamais de déclivité ou, du moins, nous n’en con- naissons pas qui aient été mentionnées à Besançon ou dans une autre localité. Quelle qu'ait été la destination du pavement que nous venons de décrire, il est certain qu'il appartenait à la maison d’un personnage peu favorisé de la fortune () et que cette maison a dû être construite après la ruine d'une autre habi- tation plus luxueuse qui avait existé sur le même emplace- ment ; car, lorsque l’on eut enlevé cette modeste mosaïque, on trouva parmi la pierraille du blocage à sec À, c'est-à-dire immédiatement au dessous du statumen B, des débris de grandes tuiles à rebords et quelques fragments d’un enduit mural recouvert de sa lorica où couche stuquée très fine et parfaitement dressée, sur laquelle avait été appliquée une peinture polychrôme aux tons très frais qui a résisté à tous les agents de destruction. D'autres fragments de ce même enduit ont été découverts dans une autre parte des tranchées, à une dizaine de mètres (1) Ou qu'il faisait partie des dépendances d’une villa. 200 de la mosaïque: quelques morceaux, correspondant au soubassement du décor, étaient encore adhérents à un ves- tige de mur formé de pierres irrégulières noyées dans du mortier, le tout ayant l'aspect d’un béton grossier. Il ne nous a pas été possible Jusqu'à présent de reconstituer le moindre élément de la décoration qui paraît avoir été peinte à fresque {(pictura udo tectorio)(). Cet ensemble de circonstances permettrait d'attribuer la mosaïque à la basse époque de la colonisation romaine, au 11° Ou 1v° siècle. Magasin des décors du Théâtre. — Les terrassements faits pour cette construction nous ont permis de trouver, avec quelques tessons sans importance, une pièce d'argent de Lucerne portant sur la face l'effigie et le nom de saxcrvs LEODIGARIVS €t au rCVETS MONETA NOVA LVCERNENSIS. Lycée de Jeunes Filles. — L'entrepreneur des travaux d’agrandissement de cet établissement nous a remis quelques monnaies et médailles trouvées dans les fouilles. La plus belle pièce est un bronze de Trajan qui gisait à 3 metres de profondeur. | Chemin celtique de Vuillafans à Echevannes. — Gräce aux indications et à l’atmable concours de M. Maurice Gaudy, nous avons pu repérer sur la carte d'Etat-Major un impor- tant tronçon de voie à ornière ou chemin celtique reconnu entre Vuillafans et Echevannes. Cette voie est encore très apparente entre le deuxième et le troisième lacet de la route actuelle, au pied et au N.-0. des ruines de Chäteauneuf, où (1) Les couleurs employées sont, outre le noir et le blanc, un rouge foncé plus vif que l’ocre rouge, un autre rouge d'aspect terreux, un jaune ocreux, un brun chaud (obtenu sans doute au moyen d’un mélange de rouge et de noir) et un beau vert. On constate, sur les fragments recueillis, des teintes fondues et quelques touches habiles se rappor- tant à un sujet largement traité. =, 300 — nous avons constaté des profondeurs d’ornières variant de 006 à 020 avec un espacement moyen de 119. Plus loin, elle est envahie par l'herbe et les broussailles, puis elle a été détruite sur un parcours de 300 mètres environ par les terrassements du cinquième tournant de la route, mais elle reparaît entre ce tournant et l’arrivée sur le plateau, au village d'Echevannes, où elle pénètre en se confondant avec la route neuve. Cette voie, qui suit la croupe séparant deux profonds ravins, sert encore aujourd'hui de raccourei pour Les piétons. ÉTUDES DE TOPONYMIE FRANC-COMTOISE Les noms de lieu en-ANS,-ANGE dans la partie occidentale de la « Maxima Sequanorum » considérés comme anciens établissements burgondes. Par M. Th. PERRENOT PROFESSEUR AU LYCÉE DE MARSEILLE Séance du 25 Mai 19710. BIBLIOGRAPHIE. 1. 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Superior Burgundiae comitatus, vulgo la Franche-Comté, com- plectens praefecturas Amontii, Dolae, Avalli, quibus adjectus Comitatus Montis Beligardis, par GERARD (xvire s.). Le Comté de Bourgogne dit autrement Franche-Comté, conquise par le roi le mois de février 1688 par P. Duvaz, géographe du roi. Sequani. Partie des Archidiaconnés de Favernay et de Luxeuil, du diocèse de Besançon. Partie occidentale du bailliage d'Amont dans la Franche-Comté, par N. SANsoN d’ABBEVILLE, Géogr. ord. du roi, 1658. Sequani. Partie du Diocèse et Archevêché de Besançon où sont les Gr. archidiaconnés et celui de Gray. Partie de la Franche- Comté où est le bailliage de Dole, par le s' Sanson D’ABBE- VILLE, 1098. Sequani. Archidiaconné de Salins. Partie mé Hone de la Franche-Comté où est le bailliage d’'Aval. Sequani. Partie des Archidiaconnés de Favernay et de Luxeuil. Partie orientale du bailliage d’Amont et Comté de Montbé- liard, par le s' SaAnsoN d’ABBEVILLE, 1696. 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XXVIII. — Belfort, 1909, in-6° (). : (r) Les deux brochures ont eu un tirage à part; la r'° comprend 2 MD ét IA Ero STADELMANN Etudes de toponymie romande. — Fribourg, 1902, in-6°. ADDITION. Chronique de l’abbaye de Saint-Bénigne de Dijon, suivie de la chronique de Saint-Pierre-de-Bèze, par l'abbé pe Boucaup et J. GARNIER. — Dijon, 1875, in-8°. Pour tout ce qui concerne l’explication étymologique des noms de lieu en -ans, -ange, nous renvoyons le lecteur à notre tra- vail sur la langue burg'onde, dont une partie, intitulée « Etude diplomatique et philologique sur les noms propres de la Lex Burgundionum » paraitra prochainement dans la Revue Germanique. = 00 — IL. Les noms de lieu en (-ans, -ange) dans la Franche- Comté. — Leur origine burgonde. L'origine des noms de lieu franc-comtois en -ans, -ange est un problème excessivement difficile, qui a jusqu'ici laissé les chercheurs indifférents et dont les savants comtois ne sem- blent même pas avoir soupçonné l'importance capitale pour l'histoire de nos origines. Le docteur Meynier, esprit curieux, mais mal préparé pour une tâche aussi délicate, est le pre- mier qui, à notre connaissance, ait résolument abordé le sujet et en ait deviné l'intérêt primordial. Il fit paraître dans le numéro de février 1870 des « Annales frane-comtoises » un article, où il chercha à rendre compte de ces noms en -ans, -ange. I les expliqua par un suflixe -ërcum, auquel 1l ajou- tait un nom propre ; selon lui, Aubertans (Haute-Saône) pro- venait d’un type primitif *Albertincum, Bartherans (Doubs) de Bartherincum, * Germondans (Doubs) de Garmundincum, etc. Comment avait-il eu l’idée de recourir à ce suffixe -’2cum, qu'on trouve en effet dans quelques vieux textes ? Nous l’ignorons. Mais comme il était peu au courant de l’allemand moderne et qu'il était encore moins versé dans la connais- sance des anciens idiomes germaniques, il réussit seulement à entrevoir une parcelle de la vérité, sans pouvoir faire la lumière complète dans une matière aussi obscure. Il eut d’abord le tort très-grave de ne pas recueillir en nombre suflisant les formes anciennes de ces noms, qui lui en eussent facilité l'analyse étymologique et de fonder ses explications sur les orthographes modernes. Aubertans, cité plus haut, est écrit Otbertens en 1259 (archives de Vesoul) et contient, comme nom propre, Otbert, plus anciennement Audebert et non pas Albert. Un second tort fut, selon nous, de ne pas = So — songer à interpréter le nom propre renfermé dans le nom de lieu, pour s'assurer si le premier élément était de source celtique, gallo-romaine ou germanique. Pourtant, malgré les lacunes de ce premier essai, nous n’hésitons pas à déclarer que c’est le docteur Meynier qui nous à mis sur la voie et nous a suggéré l’idée d'étudier la question de plus près. Il n'avait pas non plus compris qu'il fallait connaître à fond l'histoire des invasions barbares en Gaule et que la condition sine qua non pour obtenir un résultat satisfaisant était de savoir à quel peuple germain il fallait attribuer la création de ces noms de lieu en -ans, -ange. Toutle monde sait, même les gens les moins avertis, que les noms de lieu en -ange du Nord et de l'Est de la France sont le produit des envahis- seurs francs ou alamans et qu'ils ont pour pendants les noms de lieu en -éngen, si fréquents dans l'Allemagne occidentale et méridionale, I y a done lieu de se demander et de recher- cher si les noms de lieu en -ans, -ange dans la Franche- Comté ont une provenance identique et s'ils sont dûs à des nationaux germains. Ce qui paraît vraisemblable de prime abord, c’est que ces localités franc-comtoises ne sont pas de fondation gallo- romaine ; elles sont postérieures à la conquête romaine et doivent remonter à l’époque des invasions barbares ; elles représentent, encore de nos jours, les vestiges d'anciens établissements germaniques. | Quel moyen avons-nous d'en découvrir l’origine et à quel peuple de la Germanie devons-nous en rattacher la création ? Nous avons deux moyens : l’histoire d'abord, la {oponymie ensuite. L'histoire nous apprend qu'un peuple, originaire de la Germanie orientale, les Burgondes ou Burgondions (Burgun- diones) s'établit vers la fin du v° siècle et dans les premières années du vr°, dans la partie occidentale de la Maxima Sequa- norum, qui reçut plus tard le rom de Comté de Bourgogne où Franche-Comté. Ce peuple, allié des Romains, fut envoyé — 310 — par les empereurs pour défendre les défilés du Jura contre les attaques d’autres Germains, au premier rang desquels il faut citer les Alamans. Vers 472, les Burgondes arrivent dans les vallées de la Saône et du Doubs et réussissent à conser- ver à l'Empire la partie de la Grande Séquanaise, qui s’éten- dait à l'Ouest de la Trouée de Belfort. Cette région paraît avoir été le point extrème où les deux peuples rivaux res- tèrent en contact, et la frontière linguistique actuelle marque la position respective où demeurèrent définitivement fixés les Alamans à l'Est dans la plaine d'Alsace, les Burgondes à l'Ouest en Franche-Comté. Ainsi, voilà un premier fait historique : les Burgondes. peuple de race germanique, se sont implantés dans notre pays, non en conqguerants, en envahisseurs, mais comme protecteurs et alliés. À la chute de l'Empire d'Occident en 476, leurs rois ont recueilli sa succession en partie et le royaume de Burgondie a continué les traditions des empe- reurs. En raison de la prédominance de l'élément gallo-romain, les nouveaux venus se laissèrent rapidement absorber par les anciens maîtres du sol et la fusion entre la population indigène et les nouveaux immigrants ne tarda pas à être complète. Mais ces Burgondes, remarquables par leur haute taille, leur amour de la paix et leurs aptitudes agricoles, qu'on a appelés avec raison «les plus civilisés de tous les barbares », ont dû fonder sur notre sol frane-comtois des éta- blissements, des colonies qui n’ont pas certainement disparu sans laisser de traces plus ou moins apparentes, qu'il serait intéressant de retrouver et voilà comment on en vient à poser la question : les noms de lieu franç-comtois en-ans, -ange ne sont-ils pas les derniers vestiges, parvenus jusqu'à nous, d'anciens établissements germaniques, respectivement bur- sondes ? Puisque les Burgondes étaient des Germains de l'Est, qu'on rattache au groupe des peuples gothiques (Ostrogoths, Wisi- goths, Vandales), puisqu'ils ont séjourné dans nos régions — GII — et y ont créé des établissements, comment pouvons-nous découvrir et retrouver les traces de ces colonies, en d’autres termes, comment pouvons-nous démontrer que, dans la carte onomastique de notre pays, 1l faut admettre une couche bur- gonde à côté de l'apport gallo-romain ? C’estici qu'intervient la toponymie, c'est-à-dire l'étude des noms de lieu habités, qui s'appuie en première ligne sur la linguistique, la géogra- phie historique, Varchéologie et même l'anthropologie. Elle nous met en mesure de prouver que, sil existe en Franche- Comté des noms de lieu de provenance germanique, il faut les faire remonter à la colonisation burgonde. À priori, on peut affirmer comme probable l’origine burgonde des noms de lieu franc-comtois en-ans, -ange. Cette probabilité devient une certitude, quand on examine attentivement la formation de ces noms. Or, l'étude approfondie et détaillée de ces loca- lités doit avoir pour fondement une connaissance exacte de ce qu'était la langue parlée par les Burgondes vers la fin du v'siècle. Le burgonde était étroitement apparenté au gothique (ostrogoth, wisigoth, vandale), alors que le francique se rap- prochait davantage de l’ancien-haut-allemand. Si done, dans les noms de lieu franc-comtois, nous découvrons des noms propres authentiquement burgondes, nous aurons par là même la preuve irrélutable qu'il y a un apport burgonde dans la toponomastique franc-comtoise. Tel est le cas pour les noms de lieu en -ans, -ange, qui pullulent dans la contrée située à l'Ouest de la Trouée de Belfort en allant jusqu’à la Saône. Que représente la syllabe -ans, -ange dans nos noms de lieu? Jusqu'ici la question a été peu agitée en Franche- Comté et jusqu'en ces derniers temps, personne, à part le docteur Meynier, n'avait entrepris de la résoudre. Le problème offre des difficultés extrêmes, parce que les documents nous manquent, de sorte qu'on en est réduit à des hypothèses, qui ontheaucoup de vraisemblance, mais dont il serait exagéré de dire qu’elles sont le dernier mot de la vérité. Avant de se ND e prononcer d'une manière définitive, il convient de passer en revue les opinions des divers auteurs qui se sont appliqués à éclaireir le mystere. Le premier en date, le docteur Mevynier, y trouve l’altéra- tion d’un suflixe -’rcum, tiré on ne sait d'où, mais ce suffixe ne saurait lever toutes les difficultés. Depuis longtemps, les philologues d’outre-Rhin enseignent que les Germains sans exception se servaient de noms patronymiques au locatif pluriel -ingum, -ingon, pour désigner les établissements fon- dés par eux : telle est l’origine des noms de lieu en -/agen, si abondants en Allemagne. : | Grôber a soutenu dans le « Grundrisz der romanischen Phi- lologie » (Strasbourg, 1888) que les noms de lieu en -inge (s) de la Savoie et des environs de Genève découlaient de noms patronymiques en -#ngui et trahissaient une provenance ger- manique ; il n’a pas d’ailleurs approfondi le sujet n1 précisé le peuple auquel on en doit la création. Un romaniste français, Philipon, publia dans la « Revue de Philologie francaise et de littérature » (1897), un article resté inachevé et intitulé : « Le suflixe burgonde -/rga dans la formation des noms de lieu », dans lequel il s’efforça de serrer le problème de plus près et parvint à trouver une solution qui, pour n'être pas inattaquable, fit faire à la ques- tion un grand pas en avant. Philipon expose d’abord que les Germains emplovaient le suffixe patronymique -ngus au sin- œulier pour dénommer un individu isolé et au pluriel.pour désigner un peuple. Il rapproche Merovingi, Gunthadingï, proprement descendants de Mérovée, de Gundobad, des noms patronymiques allemands Agilolfingen, Nibelungen ; puis il montre que ce même suflixe -zrgus, employé sous la forme d'un locatif pluriel-ingum, -ingon avec ze sous-entendu, ser- vait à désigner un établissement fondé par un chef de famille ou de tribu germain, si bien qu'un nom de lieu * Athalingum signifiait littéralement : chez les descendants d’un Germain Athala. Enfin, passant en territoire roman, il admet que ce — 313 — suflixe patronymique affecta chez les Burgondes l'aspect-inga, qui devint un accusatif pluriel -ingas (d'après poetas, agri- colas), d'où sortit, au Moyen-Age, la syllabe -inge (s),-enge{s), -ange {s) d'une part, ou fut adapté à la déclinaison latine en -us et changé en un pluriel -/ngos (ingis, ingo), d'où est venue la syllabe -eirs -ins [Savoie et Genève), -ens prononcé eins (Suisse romande), -eins,-ans (Ain, Saône-et-Loire, Côte-d'Or). enfin -ans [x11° s. ens, prononcé eins) en Franche-Comté. Ainsi, d'après la théorie de Philipon, la syllabe -ans des noms de lieu franc-comtois, comme Augerans, Germondans, ete. est la transformation d’un suffixe patronymique -i29 employé d'abord au locatif pluriel, puis latinisé plus tard en -éngos (plus souvent -{agis dans les vieux titres) ; lasyllabe -ange (s) provient d'une forme -{rgas par l’aspectintermédiaire-#nge(s), -enge |s) du même suffixe germanique -ing. Augerans (Jura), qui est en 1092 écrit Algerens, remonte à un primitif * Alge- ringos (germanique * Algerimgum, plus anc' * Alageringum) — chez les descendants d'un Germain Alagèr ou peut-être Adalgèr. | “Un jeune linguiste suisse, Stadelmann, reprit la question en 1902 et étudia dans ses « Etudes de Toponymie romande » les 50 noms de lieux en -exs du canton de Fribourg et des districts vaudois d’Avenches et de Payerne, p. 47-109. Il admet comme locatif pluriel en burgonde la forme -/rgum, que les copistes latinisèrent en -rgis, mais à côté de -irgum il y avait une forme populaire -ingu, -engu, qui emprunta l's final à la forme savante -ingis. Quant aux syllabes -inge (s), -enge(s), -ange (s), beaucoup plus rares, Stadelmann sup- pose « qu'elles dérivent de quelques noms en -irgum, qui, » une fois passés en latin vulgaire, auraient été d’une maniere » constante rapportés à un nom commun du genre féminin, » tel que eilla ou curtis et auraient ainsi fini par en adopter » le genre.Au lieu de Martharengu, du nom germanique Mar- » thar, on aurait eu villa ou curtis Martharenga, d’où régu- » Hèérement Martherenges (village du district de Moudon). » ns Les auteurs qui précèdent s’occupaient surtout du suffixe germanique -/rg dans les noms de lieu de la Savoie et de la Suisse romande ; aucun n'avait pensé à prendre comme objet principal l'étude des noms de lieu en -ans, -ange dans la Franche-Comté et pourtant c’est là, plus que partout ailleurs, que ces localités sont nombreuses, puisqu'elles atteignent le chiffre considérable de 280, alors que dans toute la Suisse romande 1l y a seulement 150 noms en -ens. Dès 1897, Perrenot, franc-comtois d’origine, étudiait l'histoire et la langue des Burgondes et apporta à son tour une contribution documentée sur le sujet dont nous parlons. Il publia en 1904 dans les Mémoires de la Société d'Emula- tion de Montbéliard une brochure substantielle, intitulée : « Les Etablissements burgondes dans le Pays de Montbé- liard » (140 pages avec carte), où il traita à son tour la ques- tion des noms de lieu franc-comtois en -ans, -ange (voir page 45-73) et démontra pour la première fois que les villages susdits étaient d'anciens établissements burgondes. L'auteur s'inspira des idées de Philipon et de Stadelmann et, dans l'impossibilité de connaître la forme exacte du locatif bur- gonde (-irgum ou -ingam),1l se décida pour une forme inter- médiaire -éngis et montra clairement que la syllabe -axs, -ange (xH°s.-ens, -enges) était le résidu roman d’un locatif pluriel burgonde, supposé -ingum ou ingam, que les copistes latinisèrent en-ingus, -ingts, -ingos, -ingas, et même -7220. Les Romans le transformèrent en -eins, -ens, -enge (s) du xi° au xu1° siècle et, dès le xrv° siècle, l'orthographe -ans, -ange prédomine. La thèse de Perrenot avait le grand avantage d'expliquer, aussi nettement que possible, l'origine des noms frane-com- tois en -ans, -ange et il l'appliqua, d’une façon méthodique et rigoureuse, dans son travail sur les noms de lieu en -ans du Pays de Montbéliard (1). Assurément 1l ne pouvait se flat- (1) Voir l'ouvrage cité, p. 53-75. D TD — ter d'avoir dit le dernier mot sur la matière, mais il eut le mérite incontestable de démontrer que ces noms renfermaient de vrais noms propres burgondes, et par suite que ce sont sans contredit d'anciens établissements burgondes. D'après lui, Aubertans (Hte-Saône), 1259 Otbertens (Arch. de la Hte-Saône) a pour primitif * Otbertingis — chez les descen- dants d’un colon Otbert. Or Otbert est l'aspect roman d'un nom propre germanique, respectivement burgonde. Ïl figure en 880 dans un titre bourguignon sous la forme Otbertus ; on le trouve écrit Autbertus en 814 (V. Piper IT, 365,,. Lyon; [L, 40,5, 37032, Lyon) et l'aspect burgonde dut être Audeber- tus — celui qui brille par la richesse. Le premier élément est le gothique auda — bien, richesse; cf. les noms propres de la Lex Burgundionum : Audemundus, Audericus:; le 2° élé- ment est le gothique baïhrts — brillant, anc.-h'-alld beraht, peraht. Audebertus s'est conservé intact dans le nom de famille Audibert, si répandu en Provence. Il est devenu en Franche-Comté Aubert et dans la Bourgogne Aubret, car Piper nous fournit Autbretus à côté de Autbertus. En consé- quence, le nom propre dans Aubertans est burgonde et la localité est très-probablement de création burgonde. Ajou- tons que l'allemand a Oppert, qui découle d’un plus ancien Otpert. De mêmé Tremoins (Hte-Saône) 1147 Tramoens, a pour source un primitif * Tramodingis, simplifié de * Frammo- dingis, qui provient d'un plus ancien * Trasmodingis, * Thras- modingis, * Thrasamodingis = chez les descendants de Thra- samod. Or Thrasamôd comprend : 1° le gothique thrasa — lutte, querelle ; 2° môds — müthig, de sorte que Thrasamod, mot burgonde, équivaut à : der Streitsüchtige, l’homme d'humeur querelleuse, ce que les Monthéliardais appellent : un batailleur, un bataillard. Ainsi Perrenot ne se contentait pas d'expliquer la syllabe -ans, -ange, mais, grâce à l'étude qu'il avait faite du burgonde, il découvrait dans ces noms de lieu des noms propres burgondes et par là donnait une con- tribution nouvelle à l'histoire des établissements burgondes en Franche-Comté. — 316 — Les idées qu'avait développées Perrenot dans sa brochure rencontrèrent l'approbation du monde savant et au concours des Antiquités Nationales de la France en r905, l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres décerna à son premier essai une mention honorable. Encouragé par cette distince- tion, l’auteur entreprit alors un travail d'ensemble sur « Les noms de lieu en -ans, -ange dans la Franche-Comté consi- dérés comme anciens établissements burgondes ». La con- clusion en a paru dans les Mémoires de la Société d'Emula- tion du Jura. Lons-le-Saunier 1908 (brochure de 19 pages avec carte). La Société d'Emulation du Doubs a bien voulu décider l'impression de l'ouvrage. Depuis 1904, un professeur de l'Université de Genève, Ernest Muret, a repris la question des noms de lieu en -nge {Savoie et Genève), des noms en -ens (Suisse romande), des noms en -enge (s) et -ange (s) dans la Suisse romande et autres pays voisins. Nous nous proposons dans les pages qui suivent de montrer ce qu'il y a de faux et d'exagéré dans certaines de ses idées et de mettre en lumière l'explication ingénieuse et séduisante qu'il donne de l'emploi du suflixe germanique -/r9 dans la formation des noms de lieu. Il commence par démolir l'édifice construit par ses devan- ciers et s'attache à prouver que personne avant lui n'avait vu Juste dans ce domaine. On pourrait lui appliquer, en le changeant légèrement, le mot de Boileau : « Enfin Muret vint ». — Le savant genevois, qui a l’air plus romaniste que germaniste et qui ne semble pas exempt d'idées préconeues, a publié dans « la Romania » de 1908 (janvier et juillet) deux articles copieux et indigestes intitulés : « De quelques désinences de noms de lieu particulièrement fréquentes dans la Suisse romande et la Savoie ». Dans le premier, il s efforce avec un grand luxe d'érudition, qui gagnerait à être moins tapageur, de montrer que les noms de lieu en -/xs ont une origine gallo-romaine et doivent être franchement sépa- rés de ceux en -exs. Son argumentation, trop souvent com- SRE Tel PT — DAT pliquée et diffuse, peut se soutenir Jusqu'à un certain point et nous croyons qu'il y a une part de vérité dans les faits qu'il cite, mais nous ne voudrions pas nous porter garant qu'il a partout raison. Dans le second, il s'occupe des noms de lieu en -nge, inges (s) (Savoie et Genève) et rompt hardi- ment en visière aux opinions reçues ; il part en guerre contre les auteurs qui ont eu l'audace de revendiquer pour ees noms une provenance germanique et prend sous sa haute et affec- tueuse protection un grammairien d'Annecy, qui avait déjà en 1900 émis des idées analogues, mais qui, n'étant pas linguiste bien que farci de latin, n'avait pas su donner à sa théorie une allure assez scientifique. Fort heureusement pour nous, Muret s’est chargé de ce soin et a comblé une lacune regrettable : nous devons lui en savoir gré. I cherche à démontrer qu'il faut distinguer les noms de lieu en -éage s, (Savoie et Genève) de ceux en -enge{s) où ange(s);il se refuse à voir dans les premiers des produits de la langue germanique. Sa démonstration, qui repose le plus souvent sur des subtilités de phonétique dialectale et locale, est loin d'être convaincante et ne doit être acceptée que sous béné- fice d'inventaire. Dans son ardeur à prendre le contrepied de l'opinion courante, il ne s'aperçoit pas qu'il pousse à l'excès certains faits qui peuvent être vrais en eux-mêmes, mais qui, généralisés, aboutissent à labsurde. Si les noms en -inge (s) de la Savoie sont d’origine gallo-romaine, 11 faut admettre que les Burgondes n'ont fondé aucun établissement en Sabaudia, ce qui est légèrement paradoxal. Quelques formes citées par Muret cadrent bien avec sa théorie, mais, dans la plupart des cas, il force la note et beaucoup de noms en -énge (s) peuvent s'expliquer plus natureilement d'une autre façon, Nous sommes d'avis que la vérité réside dans un juste milieu ; nous sommes persuadés qu'un petit nombre de noms en -énge {s) sont le fait des Gallo-Romains, mais que la grande majorité trahit une provenance germa- nique. = ro — Les deux articles que nous venons de résumer sont de la critique négative; on sent que l'auteur, entrainé par la chaleur de ses convictions, avait à cœur de déblayer le terrain et de pulvériser ses adversaires sous le poids de ses arguments ; il lui importait avant tout de faire table rase des travaux antérieurs pour édifier une doctrine originale. Une tendance nouvelle se fait sentir dans l’article publié dans les « Mélanges Saussure » sous le titre : « Le suflixe germanique -229 dans la formation des noms de lieu de la Suisse française et des autres pays de langue romane » Paris 1908. La thèse exposée nous paraît très-ingénieuse et nous ne pouvons lui refuser notre entière adhésion. Muret ? commence par faire observer que les noms en enge (s) ou ange (s) se font de plus en plus rares, à mesure qu'on des- .cend du Nord au Sud, tandis qu'augmente la proportion des noms en -ens, -eins, -ans dont la grande majorité occupe la région où s'établirent les Burgondes au v° siècle. Ce qui rend particulièrement diflicile l'explication des noms en-e72$,-ans, -ange, & est que nous ignorons les formes de la déclinaison burgonde. On admet toutefois aujourd'hui que le burgonde devait être assez semblable au vandale et au gothique. Le suffixe germanique-#rg se trouve au Nord des Alpes et plus spécialement dans la Suisse romande, en Bourgogne et en Franche-Comté ; ce type onomastique a ét naturalisé par les invasions barbares dans une partie de l'empire romain et surtout dans l’ancienne Burgondie. Les noms de lieu germaniques ainsi formés, dit fort bien Muret, étaient à l’origine des patronymiques, employés au pluriel et servaient à désigner une propriété foncière comme le patrimoine et la demeure d’une famille, soit groupée autour d'un chef, soit issue d’un ancêtre, dont le nom solennel ou diminutf servait de thème au patronymique. En ancien anglais et en ancien allemand, ces patronymiques se cons- truisaient au datif en -rxgum, avec une des prépositions æt el to ou ze. On reconnait le datif dans les noms allemands en-ingen el Suisses en-/2en. — 319 — Dans les plus anciens documents latins de l'Allemagne occidentale et méridionale, les noms de lieu actuels en -’ngen apparaissent avec les désinences -as ou a, rarement -0s, -us ou -es. Kôgel a cru découvrir dans la finale -as un vestige du locatif indo-européen en -su (1). D'après Henning (2), ces prétendus locatifs ne seraient autre chose que des accusatifs pluriels latins, les noms de lieux (plus particulièrement les patronymiques) ayant été rattachés à la première déclinai- son latine à cause de la désinence en-a, caractéristique du nominatii-accusatif pluriel allemand jusqu'au xr° siècle. Or, remarque Muret avec beaucoup d’à-propos, les formes en ingas se retrouvent fort nombreuses dans les contrées où les conquérants francs ou alamans ont abandonné leur langue germanique. Ce sont elles qui se perpétuent dans les noms en-enges où anges du Luxembourg, de la Lorraine et de la haute Bourgogne qu'il est impossible de tirer des ablatifs allemands en -ingum et ingen. On peut admettre que les rédacteurs de chartes latines aient conformé des noms de licu patronymiques masculins au type très-rare de Celtas poelas, agricolas, Aeneadas, Scipiadas, mais il est invrai- semblable que ce type ait prévalu dans la langue générale, dans la langue parlée. Comme d'autre part les formes romanes présupposent des formes germaniques en -ingas, on doit conclure que Kôgel est dans le vrai; en d’autres termes. les noms de lieu romans en -enge (s), -ange (s) sont bien issus d'anciens locatifs germaniques en -ingas. Par conséquent on est en droit d’aflirmer qu'une localité comme Berthoulange (Jura). écrite Bertoldenges au xr° siècle, remonte à un locatif pluriel * Bertoldingas — chez les des- cendants de Bertold. La Carta de Pago Amavorum (787) (1) Althochdeutsche Locativa, dans Zeitschrift fur deutsches Aller- thum t. XXVIIL, p: rro et suiv. (2) Die Ortsnamen auf-as in den lateinischen Urkunden des Mittelal- ters, dans Zeitschrift für vergleichende Sprachforschung, 1. XXXI. De 207 1eL SUV. ï 2 590 —= nous fournit Emeningas, qui a produit Amange (Jura) ; on peut comparer à ce point de vue Bantanges ([Saône-et- Loire), que l’on trouve eité comme suit : in villa que dicitur Bandingas (a. 853) et Varanges (Aïn) in villa Varingas (a. 927-944). Arrivons maintenant aux noms de lieu en -ens, -eins, -ans (Savoie, Suisse romande, Bourgogne et Franche-Comté). L'orthographe ancienne des noms franc-comtois en-ans est -ens (prononcé -e/ns). Tremoins (Hte-Saône) est en 1147 Tramoens ; Mambouhans (Doubs) est en 1147 Maymboens ; Malbouhans (Haute-Saône) est écrit Malboens vers 1134 (Arch. de la Haute-Saône), Bannans (Doubs), qui est en 1017 in villa Banningis, paraît sous la forme Bannens au XIIe SICILE. Philipon a cherché à rendre compte de lorigine de cette syllabe -ens, -ans ; 1l raisonne ainsi : « le suflixe burgonde -inga à été traité de deux façons : 1° ou bien la voyelle thématique a été maintenue et on a eu le suffixe masculin pluriel -#rgas, qui explique, d’après lui, les formes en-enge(s), -ange |s) ; 2° ou la voyelle thématique burgonde a fait place à la voyelle caractéristique du masculin, c'est-à-dire que -zrga a été changé en -ngus et l’on a eu les finales en -éngos, ingis, qui expliquent les noms de lieu en -ëns, -eins, -ens et ans. La théorie de Philipon est très-séduisante, mais elle a sou- levé des objections chez Stadelmann. Perrenot croit à un locatif burgonde en -ërngum, qui semble exister en effet dans Wadingum (516), nom ancien de Vuadens (canton de Fri- bourg), écrit plus tard Wadingis {a. 929), mais d'où vient l’s finale des noms en-ens, -ans ? Muret écrit p. 278 : « La prépondérance des éléments germaniques dans ces noms de lieu se démontre surtout par deux particularités caractéris- tiques de la désinence : la constance de l’{s) du pluriel dans les graphies latines et romanes de la plupart d’entre eux et la flexion latine en (-ingos, -ingus, -ingis, ingorum) que nous offrent les plus anciennes mentions. — 321 — Après avoir rejeté comme peu plausible l'hypothèse de Sta- delmann, qui voulait que l's finale fût empruntée à la forme latinisée -ngts, Muret propose une solution fort Imgénieuse ; nous le citons textuellement, car on ne peut mieux dire : «€ Ecartons les graphies plus ou moins latinisées que nous offrent les chartes et les chroniques, pour nous mettre en présence de la langue parlée. Les noms germaniques en -ingum, -ingam Où -ingans n'ont pas dù être transmis aux Romant par de vagues échos d'une langue barbare qu'ils ignoraient pour la plupart, tant les seribes que les illettrés, mais par des individus bilingues, en majorité Germains, qui connaissaient très-bien la valeur des désinences germaniques et qui ont dû les rendre, tant bien que mal, par les dési- nences latines homophones ou correspondantes. Dans le latin vulgaire du v°et du vr° siècles, l'usage des cas obliques devait être déjà très-restreint ; les prépositions se construi- saient toutes avec l’accusatif et, tour à tour, sujet, prédicat, régime direct ou précédé d'une des prépositions de, in ou ad, un nom de lieu, qu'il fût identique à un nom de personne au singulier ou au pluriel, ne pouvait être usité que sous la forme de l’aceusatif, ou, plus rarement, sous celle du nomi- natif. Les formes allemandes en -a et as venaient se confondre avec le nominatf-accusatif de la première déclinaison ou avec l’accusatif pluriel en -as, déjà employé comme nominatif dans quelques inscriptions latines. Îl en était tout autrement en burs‘onde. La plupart des consonnes finales latines sont demeurées longtemps au Nord des Alpes et des gens qui prononçaient quem, rem, spem (et non à l'italienne spemn-e) ne devaient éprouver aucune difficulté à articuler les finales présumées en -umn ou-am du datif burgonde, ni même peut- être l’accusatif pluriel en-ans de la déclinaison gothique. Mais comme depuis longtemps l'accusatif singulier latin avait perdu son », ces formes de la déclinaison germanique se refusaient à entrer dans les cadres de la morphologie romane : elles n'étaient pas assimilables. 21 DD = € D'autre part les Burgondes, accueillis en hôtes et en alliés dans la Sabaudia, et, pour ainsi dire, cantonnés chez l'habitant, ont dû beaucoup plus tôt que les conquérants francs ou alamans s'initier à la langue et à la civilisation romaines. Dans un commerce plus fréquent et tout paei- fique avec les anciens possesseurs du sol, ceux-ei ont dù plus aisément se familiariser avec leur façon de dénommer les personnes et les propriétés. Dans de telles conditions, on comprend fort bien que les noms de lieu burgondes en -ingam Où -ingum aient été plus complètement et plus correctement traduits que ceux des autres peuples germa- niques dans la forme exacte qu'il convenait d'y donner en parlant romanicè. Je reste donc persuadé que les noms _en-ens sont des accusatifs latins en -os de patronymiques germaniques en-{79, et je serais tenté d'y appliquer la for- mule par laquelle on aimait, jusqu'en ces derniers temps, à définir l’origine et le caractère de l'épopée française : « l’es- prit germanique dans une forme romane ». La conclusion de Muret, que nous adoptons comme très vrai- semblable, peut se résumer ainsi: Le locatif burgonde était -ingum où -ingam, que les Romans ont traduit et remplacé par une forme latine : [ad].-2290s. Wadingum, locatif pluriel censé burgonde, se changea à l'origine en [ad] * Wadingos, qui, par l'orthographe latinisée des copistes Wadingis (a. 929), aboutit au nom actuel Vuadens (canton de Fribourg. Supposons un nom burgonde Athala ; le nom de lieu patronymique, créé sur ce nom propre, se présentait en burgonde sous l'aspect * Athalingum — chez les descendants d'Athal — ou peut-être * Athalingam ; la forme romane était primitivement : [ad] * Athalingos, que les copistes écrivirent * Athahnoïs, aux 1x et x° siècles, et, des le xwsècle, on voit apparaître * Athalings, * Athaleings, puis avec chute du £ final et du suflixe-irg : * Athaleins, * Athalens. Cette der- mère orthographe existe réellement en 1224, c'est celle que que porte le village actuel d’Æ£ralans (Doubs). DD 00 — Muret ajoute p. 300 : « Si l’on admet que dans les noms en-ens où -ans du territoire burgonde le suffixe germanique -ing ait été conformé au paradigme de la déclinaison latine ou romane du pluriel masculin, on conçoit fort bien que ça et là, dans des conditions spéciales, quelques noms en -irg aient échappé à la mainmise des Romani et conservé plus ou moins longtemps une formation divergente de l'usage général. Les noms suisses ou bourguignons en enges ou anges m'apparaissent comme des témoins attardés de l’époque où les barbares établis dans nos contrées n'avaient pas encore désappris leur langue germanique ». — 324 — LIT. Les noms de lieu en (-ans, -ange) dans la Franche-Comté et le territoire de Belfort. 1084. 1090. 1190: I 1/44. 119 OS 1164. 1249. 1266. 1267. 1273. 1304. XVIS. 1740. La 1. ABBANS, canton de Boussières (Doubs). Humbertus de Habens. — Guillaume : Les Sires de Salins, t. [, p. 30. altare de Boissieres juxta castrum Abbens. — Persan : Recherches sur Dole, pr. p. 359. Rogerius d’Abbens testis. — Gallia Christiana, t. XV. Ins- trumenta, col. 32. Hubaldus de Habens. — Wiederhold, p. 6o, bulle de Luce IT. Lodoicus de Abens. — Ibid. bulle d'Adrien IV en faveur de l’abbaye de Buillon, p. 90. Rogerius de Abens rater. — Perreciot, t III, pr: n° r6, cart. de Bellevaux. Philippus de Abbens. — Gall. Christ., t. XV, Instrum. Abbans. — Mém. et Doc. inéd., Cartulaire des Comtes de Bourgogne, n° COX, p. 193. Guillaumes de Habens chevaliers. — Cart. de Chalon, n°229, D. 197. Guillaumes d’Abbans chevaliers. — MD., t. VIII, n° CCL. Abbans. — t. VIII, n° 412, p. 431. Aban. — Carte du Comté de Bourgogne. Abbans. — Querret : Carte du Comté de Bourgogne. plus ancienne graphie Habens laisse soupçonner un nom de lieu patronymique, dont le type primitif était vrai- semblablement * Habingos — chez les descendants de Habo. Le nom propre Habo, qui y est contenu, est un hypocoris- tique créé sur la racine gothique haban = avoir, posséder. Le sens du nom était: celui qui a, possède, le possesseur. — 329 — Comme le H au commencement des mots était faiblement aspiré, il ne tarda pas à tomber, ce qui produisit Abens (1159, 1164). Mais déjà en 1090 on trouve éerit Abbens, qui n’a rien de commun avec Habens. Abbens remonte à une forme * Abbingos — chez les descendants d’Abba ou d'Abbo. Abba ou Abbo sont des formations primaires, for- gées sur le nom gothique aba = père. Il semble que, dès le xr° siècle, les copistes aient conçu Abbans, tantôt comme * Habingos, tantôt comme * Abbingos. 2, ABBENANS, canton de Rougemont (Doubs). 1144. ecclesiam de Abbanens, Wiederhold bulle de Célestin IT en faveur de l’abbaye de Baume-les-Dames, p. 51. xue s. Petrus et Richardus, fratres de Abbenans. — Cart. de Lieu-Croissant. 1256. à Habenans, el terretoire d’Abenans, MD., t. VIII, NOR O9 DT 1e 1319. Abbenans. — Ulysse Robert, Testaments de lOfficialité dé Besançon, (01, p.429. 1349. Girard de Abbenans. — Trouillat, t. III, p. 619. 1359. Girars de Abbenans, prestres. — Robert U., ibid., p. 423. xive s. Curatus de Abbenans. — Pouillé du diocèse de Besançon. Arch. du‘Doubs; série G:, t. IT, p. xvi. xive s. Ecclesia de Abbenans. — Ibid., p. xxx. xive s. E. de Abbenans ; S. Ermenfredus. — Ibid., p. Liv. xvie-xviie s. E. de Abbenans. — Ibid., p. LxxvI. xvie s. Abenan. — Carte du Comitatus Burgundiae. 1748. Abbenans. — Querret : Carte du Comté de Bourgogne. L'orthographe Abbañens nous reporte à un primitif *Abba- ningos — chez les descendants d'Abba. Le nom de lieu con- tient la même racine que Abbans, voir p. 23, mais, au lieu d'être forgé sur la racine aba, il l’est sur le cas oblique abban-. Abbenans est une formation secondaire, tandis que Abbans est une formation primaire. Abba, cas oblique Abban, est un appellaüf tiré du nom gothique aba — père. Abbenans — 326 — comme Abbans sont probablement d'anciens établissements burgondes. 3. Accorans, canton de l’Isle-sur-le-Doubs (Doubs). xue s. Bernardus de Accolans. — Perreciot, Almanach pour 17801 D: 00: xie s. usque ad fines de Accolans. — Ibid. xive-xves. Jehanneta de Ascolans beguina. — MD., t. IX, p. 140. xive s. Ecclesia de Acolans. — Pouillé de Besançon, Arch. du Doubs CAP pee xive $s. E. de Accolans. — Ibid., p. 1. xvie-xvire s. E. de Acoulans. — Ibid., p. Lxxtn. 1748. Accolans. — Carte Querret. 1° Accolans peut être contracté de ad Colans, auquel cas on aurait ici le pendant de ad Lundens (1196), Allondans (Doubs). Le fait est qu'il existe dans le Doubs une localité Coulans, plus anciennement Colans (1241 cultaria de Colans, Guillaume Salins, t. Il, pr. p. 62 et 63), qui aboutit à un primitif * Colingos — chez les descendants de Colo, patrony- mique d’un nom propre abrégé de Colobert, v. Fôrstemann, t. I, col. 371-372. — 2° L'orthographe Ascolans, bien que tardive, est intéressante en ce qu'elle laisse entrevoir un nom Ascold ou Asculf, dont le 1° élément est la racine asc, anc.-ht-alld asc — frêne, alli moderne, Esche, anc. nord, askr, ags. äse (ef. Loi salique ascus — navis). Le sens était Eschenlanze — lance en bois de frêne (O0. Schade Altdeuts- chés Wôrterbuch I, p. 32): Le 2° élément est le résidu du. germanique wald., oald, old — celui qui règne, si bien que Ascold, plus complètement Askwald [Askoald, Ascold) a pour sens : le guerrier armé de la lance, ef. Fôrstemann, t. #1, Col. 147, 148, 149, 190, où est cité Ascolt a. 926. Ascolans proviendrait donc d’un patronymique * Askoldingos = chez les descendants de Askold. Ascold nous paraît être un nom burgonde, dont on peut rapprocher Ascherius (a. 971 (arche de Montmajour-les-Arles), qui a le même sens. — 397 — 4. Apau [les-Passavant], canton de Baume-les-Dames (Doubs). 1304. Audens. — Richard, Hist. de l’abbaye de la Grâce-Dieu, DL 1020. xive s. Joh. de Adans. — MD. IX, p. 146. xive-xve s. Rufus de Adans. — Ibid., p. 59. 1614. Adans. — Recets des Etats de Bourgogne, Lonchamps Glanures, p. 294. xvies. Adam. — Carte du Comitatus Burgundiae. 1695. Adam. — Ibid., Jaillot. 1696. Adam. — Ibid., de Sanson d’Abbeville. 1748. Adam. — Querret : Carte du Comté de Bourgogne. Nous ajouterons encore : xive s. E. de Sancto Joanne d'Adans. — Arch. du Doubs, SÉRENCrE D. XXXV. xvue s. E, de Sancto Joanne d'Adam. — Ibid., p. Lvi. xviie s. E. de Sancto Joanne d'Adam. — Ibid., p. Lxxvin. Il est regrettable que nous n’ayons pas de graphie anté- rieure au x1v° siècle, car on pourrait s'attendre à une forme * Audoens, mais si nous nous en rapportons à d’autres cas analogues, Aïssey (Doubs) 1139 Ansoëns, Amblans [Hte- Saône) 1179 Ambloens, 1211 Ambloens, 1336 Amblanz, il estinfiniment probable que Audens (1304) est contracté de *Audoens, qui a pour source * Audodens romanisé de * Audol- dens, car souvent la syllabe o/d, dérivée d’un nom germa- nique en wald, affecte l’aspectod, dont le d final tombe régu- _lièrement devant le suflixe patronymique ing. Si nous sommes dans le vrai, * Audoldens [*Audodens, * Audoens, Audens) a pour origine * Audoldingos = chez les descendants d’'Audold. Le nom propre est burgonde ; un monétaire d'Aoste porte ce nom Prou n° 1697, p. 342). Audoldus est contracté de Audoald, Audewald (goth. * Auda-wald-s), qui produisit le = 396. — français Audot, Odot et peut-être Oudot. Audewald est con- formé comme Autbaldus (a. 814 Piper Il 208,, Luxeuil) et se compose : 1° du goth.-auda — bien, richesse ; 2° du germ. waldan — régner ; il a le même sens que le nom de la Lex Burgundionum, Audericus — puissant par le bien. La racine AUDE est fréquente en burgonde ; cf. les noms de la L. Aude- mundus, Audihilde et Audolena (CILXIT n° 2105 Vienne). 5. Aïssey, canton de Baume-les-Dames (Doubs). 1139. locum de Ansoent (aussi Ansoëns). — Richard : Grâce-Dieu pr. n° 11. 1147. terram de Ayses. -— Trouillat, t. I, p. 302. 116. Aïsai. — Richard : 1bid., pr. n° 3. 1196. Ayssai. — Richard : 1bid., pr. n° 4. 1304. Otho de Aïssey. — Richard: ibid., pr. n° 5. 1614. Aïsey. — Recets des Etats de Bourgogne Longchamps Glan., p. 294. 1695. Essey. — Carte Jaillot. 1696. Essey. — Carte Sanson d’Abbeville. xvi® s. Eyssey. — Comitatus Burgundiæ. xvues. Eyssey. — Ibid. 1748. Aissey. — Carte Querret. L'orthographe Ansoëns {1139) prouve que nous avons devant nous un nom de lieu patronymique, qui plus complet dut être * Ansodens, * Ansoldens ; le tréma placé sur l'e de Ansoëns indique l'hiatus produit par la chute du d final devant le suffixe es. Ansoldens remonte à un primitif * Ansol- dingos — chez les descendants d'Ansold. Or, Ansold est con- tracté de Ansoald, Answald, Ansewald (goth. * Ansa-wald-s — der wie ein Gott Waltende), formé comme les noms bur- gondes Ansemundus a. 543, Ansleubana a. 543 (Pardessus Dipl. t. I n° 140). Piper cite (II 364,, Lyon), I 47, (Langres) une forme analogue Ansaldus, où l'a de waldan s’est main- tenu intact. Le primitif Answald, Ansewald devient Ansoald, CE 329 ÉOME Ansuald et finalement Ansold, Ansald. Answald renferme la face coth. ans — Dieu et le germ. waldan— régner, Le même nom propre se retrouve dans une autre localité de l’ancienne Burgondie, Amsoltingen, canton de Berne, v. 1226. Ansoltingense (Gatschet Recherches toponomastiques, p.97). 6. ANDELANS, canton de Lure (Hte-Saône). 815. Adelens. — Faux diplôme de Louis le Débonnaire en faveur de l’abbaye de Luxeuil. 1156. homines de Adelans. — Viellard, p. 277. 1165. in dominio de Adelans.— Wiederhold bulle d'Alexandre ITI pour l’abbaye de Bithaine, p. 92. 1179. pascua de Adelens, arch. Haute-Saône, H. 216. 1187-1191. in loco de Adelan, copie d’une bulle de Clément III pour Bithaine, Arch. Haute-Saône, H. 216. 1211. subtus Andelans.— J. Finot. Les Sires de Faucogney, pr. N° 10 1p. 02. 1336. Adelans. — Longchamps, Glan., p. 3. xive s. Andelanz et Adelanz. — Ibid. 1614. Adelans. — Ibfd., p. 291. La syllabe finale exs nous mène à un primitif * Adilingos — chez les descendants d’Adila. Le nom Adila rappelle d'une facon surprenante la variante Adilla du nom de la Lex, Athila quidam, dont les autres graphies sont : Atülla, Athela, Adthela, Adtala. Athila ou Adila est probablement un dimi- nutif de la racine germanique atha-, forme simple de athala — noble, qui figure dans le nom du roi Athalaricus (a. 526- 534) = le noble roi; ce serait en goth. * Athala-reiks ; plus tard ce même nom est devenu Adalricus a. 888 (Chron. de Bèze). Les variantes de Athila LB. montrent que de bonne heure le {A primitif est devenu t, puis d. De Adelans on peut rapprocher Andelnans |territ. de Belfort), Audelange (Jura), Etalans (Doubs). | — 330 — 7. Aprisans, canton de Rougemont (Doubs). xue s. Adrisans. — Perreciot Alm. pour 1789, p. 160. xvues. Adrisan. — Carte du comitatus Burgundiæ, par Gerard. 1695. Adrisan. — Carte de la Franche-Comté, par H. Jaillot. 1749. Adrisan. — Carte Querret. xvie s. Adrisans, Adrisan. — Carte de Cassini. L'orthographe Adrisans, qui remplace Adrisens, laisse supposer un primitif *Aderisingos — chez les descendants d'Aderis. La première partie du mot est la racine simple atha = noble, dont il a été question dans l’article précédent ; le deuxième élément est le germanique wrisi = géant, dont le # initial est tombé et qui a donné l'allemand Riese = géant. Le mot est fréquent en lombard ; cf. Fôrstemann {t. [, col. 198-182), qui donne en effet Aderis au var siècle. Il est pro- bable qu'il entrait dans la formation des noms propres burgondes. La racine simple atha- paraît dans les noms wisi- goths Adebert, Adefons, Ademund ; un monétaire burgonde d'Aoste s'appelle Adoaldus monetarius, -cË. Adebrannus (Piper I 51,,, Langres), Adifred (Piper IT 205,3, Luxeuil). 8. AILLEVANS, canton de Villersexel (Hte-Saônei. 1136. Manasses de Arleuuens.— Trouillat, t. I, p. 264. v. 1140. Theodoricus de Arlevans. — Viellard, p. 235. 1614. Aïllevans. — Longchamps Glanures, p. 292. xvire s. Alevan. — Carte Gérard. 1658. Alevan. — Carte Sanson d’Abbeville. xvie s. Aleuan. — Comitatus Burgundiae. xvie-xvirre s. Aillevans. — Carte Cassini. 1748. Aillevans. — Carte Querret. La forme Arleuuens {1136) suppose un primitif *Arleuuin- gos — chez les Arleuvingi, chez les descendants d'un Bur- gunde Arleuvus. Le # représente un plus ancien 8 et le nom (fi — 3351 — propre serait Arleubus, Arileubus, qui est sûrement bur- œonde. Dans une inscription burg. de Briord (Aïn), on lit + 487 Manneleubus [CILXIIT, n° 2472) ; nous avons déjà vu Ansleubana + 543 (Pardessus Diplom., t. [, n° 140). Sidoine Apollinaire a Leubarêdus. Le CILXIT (n° 5344, Narbonne) fournit Liubanus (gén. Liubani regis) et Leubatena (CILXIT, n° 1987,9aint-Vallier près de Montélimar). Enfin Frédégaire, €. 17, Cite Sedeleuba, var. Saedeleuba et Sideleuba, Liv. IT, ©. 17, p. 99, l. 49, 1. 48. Arileubus se compose 1° du germ. leuba, goth. hiubs =cher, ane.-h'-alld Hub, all moderne lieb ; 2° du germ. hari — armée. [H]arileubus équivaut à : chéri de l’armée, comme Manneleubus signifie : chéri des hommes, Ansleubana — chérie des Dieux et Sideleuba — chérie pour ses mœurs. Le À initial est tombé de bonne heure comme danslesnoms burgondes : Arimundus + 539 (CILXTIT, n°2474 Saint-Maurice-de-Rémens-Bugey), Arigunde + 538 (CILXIIT, n°2474, Arandon). Le burgonde donnait à b la valeur de » (b): cf. LB morginegiva, à côté de morginegiba. Le type primi- üf de Aïllevans était : * Harileubingos, * Arleuvingos, qui explique Arleuuens. 9. ALLONDANS, canton de Montbéliard (Doubs). 1196. ad Lundens. — Collection Tuetey, p. 111. xvies. Allondans. — Cassini. 1748. Allondans. — Carte Querret. Il est extrêmement probable qu'il faut réunir dans la gra- phie ad Lundens la préposition ad au reste du mot. Ad Lun- dens est une fausse lecture pour Adlundens, qui paraît venir d'un type *Adlundingos, plus exactement * Adelundingos ou * Adalundingos — chez les descendants d'Adalund. Le nom propre, qui perce dans le nom de lieu, est Adelund, Adalund, qui, par la chute d’un À médial, remonte à Adalhund — le noble chien. Le X initial du 2° terme est tombé comme dans — 332 — Gundaarius LB, contracté d’un plus complet Gunda-harius LB. 10. AMANGE, canton de Rochefort (Jura). 787. Emeningas. — Carta de Pago Amaorum; Benoît, His- toire de l’abbaye de Saint-Claude, t. I, app., p. 315. xives. Ecclesia de Amanges. — Arch. du Doubs, série G. II, D 07e xives. E. de Amanges. — $S. Paulus, 1bid., p. xzvr.. xvie-xvire s. E. de Amanges. — Ibid., p. Lxvir. xvuies. Amange. — Carte Gérard. 1440. Guillaume d’'Amanges. — Dunod, Comté n1, p. 613. 1688. Amange. — Carte Sanson d’Abbeville. xvi®s. Amange. — Carte Cassini. 1748. Amange. — Carte Querret. Le patois prononce Emange ou Aimange. Nous avons dans Emeningas (787) l’ancienne forme du loca- üf pluriel. Le nom propre est Emo, gén. Emin-is, hypocoris- tique de l’anc. nord. imr = loup, héros. Emmo figure en Burgondie dans un titre de 739. Dans les noms burgondes Imma (Piper Il, 365,3, Lyon), Immo (Piper If, 240,9, Flavi- gny et le nom Immu (CILXITI, n° 5686 ,,53, Vienne), |? pri- . mitif s’est conservé intact. On peut rapprocher aussi les noms Purg. Imiman Fons {inser. de Montgifi-Suisse Romande) — l’homme-loup, pendant de Mana-ulf (Frédégaire) et Imelis- tanus + 466 [inser. de Lyon) — le loup rusé. Emeningas a pour signification : chez les Emeningi, chez les descendants d'Emo (Imo). Le nom de lieu est de création burgonde, selon toute vraisemblance. C2 11. AmBLans, canton de Lure (Hte-Saône). 1179. pascua de Ambloens. — Arch. de la Haute-Saône (com- munication de M. Eckel. 1106. in potestate de Ambloens. — Wiederhold bulle en faveur de l’abbaye de Bithaïine, p. 157. — 333 — 1189. in territorio de Ambloens. — Cart. de Bithaine, arch. de la Haute-Saône, H. 216. 1187-1191. in loco de Ambuam {s). — H. 216, copie d’une bulle de Clément III. 1211. Ambloens. — Lonchamps, Glanures, p. 5. 1211. Amblaens. — J. Finot, sires de Faucogney, pr., n° 18, “D 230. 1287. Amblans. — Perreciot, t. III, n° 84, cart. de Luxeuil. 1517. Mmblans. — Robert, lTestaments, t°I, p. 25%. 1336. Amblanz. — Lonchamps, Glan., p. 5. 1591. Symo d’'Amblans canonicus. — MD., t. IX, p. ro. 1658. Amblans. — Carte de Sanson d’Abbeville. xvies. Amblans. — Carte Gérard. xviiés. Amblant. — Comitatus Burgundiae. 1748. Amblans. — Carte Querret. Ambloens (1179) s'explique par un primitif * Amblodingos — chez les descendants d’Amblod. Amblod vient par méta- thèse de Amabold qui rappelle d'une façon frappante le nom burg. Amalboldus, qu'on lit dans (Piper IT, 350,, +, Lyon). Amalboldus contient la racine amal = strenuus, et le goth. balths — hardi, latinisé en bold. Le burg. Amalbold aurait dans le goth. d'Ulfilas l'aspect * Amala-balth-s — infatigable et hardi, qui peut être comparé à Amalaricus (Jordanès ges- tica 13449, 1909, — le roi infatigable (goth. * Amala-reik-s) et à l’ostrog. Amala-swintha — la femme infatigable et forte. À côté de la racine amal-, il y avait une forme simple ama, qui paraît dans l’anc. nord ama — importuner et dans Ama- dius (a. 775, Pérard, p. u) — goth. Ama-thius — le guer- rier infatigable. Outre Amalbold, le burgonde possédait Amabold, qui a le même sens. *Amblodingos, d’où est issu par la chute du d final, Ambloens, remonte par suite à * Am- boldingos, *Amaboldingos. La localité était un établissement burgonde. Le même nom reparaît dans Ambieeillers (Haute- Saône) 1261 Ambloveler, qui équivaut, semble-t-il, à Am- blodi villarium, Amboldi villa = villa d'Ambold, d'Amabold. 12, AMBRE [ham. entre Bouclans et Glamondans|, canton de Roulans (Doubs). 1092. altara de Hembres. — Gall. Christ., t. xv, Instrum., col. 14. 1147. Mmansum unum apud Embres. — Trouillat, t. I, p. 302. 1179. ecclesia de Embres. — Wiederhold, bulle d'Alexandre III en faveur de l’abbaye de Saint-Vincent, p. 108. 1183. ecclesia de Ambres. — Ibid., p. 119. 1260. territoire d'Ambres. — Perreciot, t. III, n° 46 ; cart. de Montfaucon. 1696 Ambre. — Carte Sanson d’Abbeville. xvnes. Ambre. — Carte Gérard. 1695. Ambre. — Carte Jaillot. 1748. Ambre. — Carte Querret. Hembres a l'air de remplacer un plus ancien * Hembreins, * Hemereins, qui provient d’un nom patronymique * Haimerin- gos — chez les Haimeringi, chez les descendants d'Haime- rius, Haimarius, Haimaarius, Haimaharius. Le nom que nous découvrons dans Ambre, existe dans Aymerius, a. 814 (Piper M, 21r,,, Luxeuil) al est former: 1°/du, soth Meims domus, anc-h'-alld-heim, ags. hâm, ane. sax. hêm {d’où l’alle- mand Heim, l'anglais home, le français ham-eau) ; 2° du goth. hari — armée et, en composition, guerrier. Aymerius remonte donc, par la chute du 7 initial, à Haima-harius (goth. * Haima-harjis) — celui qui lutte pour son foyer, ci. Haimericus a. 728 (Pardessus, n° 544), qui a donné en fran- çais Emeric, Emery et aussi Henry. Le patronymique * Hai- meringos produisit d'abord en roman *Haimereins, puis * Hêmereins (avec 6 contracté de ai), enfin par l'insertion d’un B médial Hêm le) reins, *Hembreins et * Hembrens, d’où est sorti Hembres {1092). Le nom de lieu est de provenance burgonde. Ho — 13. AMONDANS, canton d’'Amancey (Doubs). xue s. Mundans. — Dr Meynier : Ann. franc-comt., février 1870. 12,0. un homme à Amondans.— Richard: Grâce-Dieu, pr., n°5. 1204. Emondans. — Cart. de Chalon, n° 49 bis, p. 264. 1277. à Emondens. — Ibid., n° 390, p. 265. 1278. Amondans. — Ibid., n° 79, p. 52. 1282. Emondens. — Ibid., n° 470, p. 331. 1281. decimas de Amondans, MDIX, p. 40. xvies. Amondans. — Carte Gérard. 1688. Amondans. — Carte Sanson d’Abbeville. 1748. Amondans. — Carte Querret. La graphie Mundans suppose un primitif * Mundingos — chez les Mundingi, cad. chez les descendants de Mundo. Mundo est l'hypocoristique des noms burgondes Mundaha- rius, Mundericus monetarius (Sion). Au contraire, Amondans s'explique. par * ad Mundingos et on auraitici un pendant de Accolans et de Allondans, voir plus haut. Nous sommes dis- posés à admettre un type “Admundingos, cad. *Ademundingos — chez les Ademundingï, chez les descendants d'Ademund. Ademund peut se rapprocher de Aderis ; v. Adrisans, p. 28. Ademund signifie : le noble protecteuretestun nom burgonde. 14. ANpELNANS, territoire de Belfort. 1302. Adelans. — Trouillat, t. IIT, p. 680. 1394. Andelnans. — Urbaire des pays d'Autriche. 1644. Andellenains. — Merian Alsatiæ Topographia, p. 7. 1655. Andelenans. — Censier du chapitre de Belfort. 1696. Andrenen. — Carte de Sanson d’'Abbeville. xvues. Andrenan. — Comitatus Burgundiae. xvies, Andelnans. — Cassini. xvues. Andelnans.— Carte de la Princip. de Montbéliard (Mém. Soc nul Month ,t:XXX,:V. p. 206). 1695. Andrinen. — Carte Jaïllot. 17,83. Andelnans. — Carte Querret. = 350 — De l'orthographe Adelans (1302), il ressort nettement que le nom est un patronymique, dont l'aspect primitif dut être *Adilingos = chez les descendants d’Adila ; l'origine est la même que pour Adelans (Hte-Saône). 19. ANsuAN, ham. près de Roche-les-Cleroal (Doubs). Anssuan. — Carte de Cassini. xixe s. Ansuan. — Cartes du Ministère de l'Intérieur et de l'Etat- major. En l'absence de graphie plus ancienne, il est difficile, pour ne pas dire impossible, d'expliquer Ansuan, mais il semble bien que l’origine de la localité soitla même que celle d’Aëssey, voir plus haut. En effet, nous avons vu qu Ansoëns {1 139) pro- vient de *Ansoldingos, *Ansodingos, — chez les Ansodinaï, Ansoldingi, cad. chez les descendants d'Ansold. Si Ansuan dérive de *Ansuens,*Ansudens, il faudrait supposer *Ansudin- sos [avec u — ol) ; on peut comparer sous ce rapport Trétu- dans (terr. de Bellort) 1147 Trestudens, 1177 Trestoudens, qui aboutit à * Trestoldingos, v. plus bas. p. 187. Ansuan contiendrait par suite le même nom propre Answald que Aïssey et aurait une provenance burgonde. Cette interpréta- tion, qui est très-plausible, aurait besoin d’être étayée par une orthographe * Ansuens, * Ansouens. 16. AppeNaxs, canton de l’Isle-sur-le-Doubs (Doubs). 1134. mansum de Appenans. — Viellard, p. 222. 1135. Appenans. — Perreciot. Alm. pour 1789, p. 155. v. 1140. Robertus de Appenans.— Viellard, p. 234. v. 1140. sub quercu de Appenans. — Ibid., p. 255. V. 1190. mansum de Appenans. — Ibid., p. 263. 1197. territorium de Appenans. — [bid., p. 325. xvire s. Apenan. — Carte Gérard. 1695. Apenan. — Carte Jaillot. — 337 — 1696. Apenan. — Carte Sanson d'Abbeville. xvie s. Apenans. — Carte de la Princ. de Montbéliard. xviie-xvine $s. Appenans. — Carte Cassini. 1748. Appenans. — Carte Querret. Il est remarquable que l'orthographe moderne soit iden- tique à la graphie du xr° siècle ; c’est peut-être le seul cas qui existe d’une telle similitude. Appenans suppose un patro- nymique *Appiningos — chez les descendants d'Appo. Le nom de lieu fut créé sur le cas oblique Appin et rappelle par sa conformation Abbenans, voir plus haut, p. 24. Les noms propres Abbo et Appo (gén. Abbin-is, Appin-is) sont dans le même rapport que l'allemand Knabe et Knappe, Rabe et Rappe G). 17. Arcey, canton de l'Isle-sur-le-Doubs (Doubs). 11360- in Arsis. — Trouillat, t. |, p. 263. v. 1120. Bernardus de Arceys.— Cono de Arceys. Perreciot: Alm, pour 1789, p. 140. 1152. terram in Arsis. — Trouillat, t. I, p. 327. 1234. Petrus de Arcee. — Viellard, p. 425. xive s. E. de Sanctà Marià d’Arcey. — Arch. Doubs, G. IT, p. XXXIL. | xives. E. de Sancte Marie d’Arcey. — Ibid., p. LIv. xvie-xvire s. E. Sancta Cec. d'Arcey. — Ibid., p. Lxxv. xvie s. Arcey. — Carte de la Princ. de Montbéliard. — M. S$. Montb., t. xxxiv. 1748. Arcey. — Carte Querret. Lagraphie Arsis(r136,1152),combinéeavecArceys (1150) nous autorise à penser que le village était écrit * Arseis, plus exactement * Arseins dès le xn° siècle. S1 cette hypothèse est vraie, nous aurions dans Arcey un nom de lieu patronymique, (M 'KivuGe. Dict. Etym., 6° éd. p. 213"et 307. 22 — 338 — dont l'aspect primitif dut être *Arsingos == chez les Arsingi, cad. chez les descendants d’Arso ou Arsio. Le nom propre, auquel nous aboutissons, est un appellatif créé sur la racine ars = virilité. De Arso on peut rapprocher les noms lombards Arsio a. 810, Arseranus a. 879, Arsiulf a. 765. À Arcey on peut comparer Arsans (Hte-Saône) 1148 Arsans, écrit aussi Arcens (1178) et Arcenz (1179). Dans Arsans, le s primitii s'est maintenu intact jusqu à nos jours, tandis qu'il s’est de bonne heure changé en c dans Arcey. Pourtant, nous n'attri- buons pas à Arsans la même origine qu'au village du Doubs, parce qu'Arsans est en 1141 eten 1194 Alcens, où le / semble être primitif; voir Arsans, p. 35-36. 18. ArBouaxs, canton d'Audincourt (Doubs). 1294. Arbouans. — Ann. du Doubs, a. 1545. xvie s. Arbouans. — Carte de la Princip. de Montbéliard, 1696 Arbouhans. — Carte Sanson d’Abbeville. 1695. Arboan. — Carte Jaillot. xviit s. Arboan. — Comitatus Burgundiæ. Arboan. — Carte Gérard. 1548. Arbouans. — Querret: Carte du Comté de Bourgogne. xVHe-xviIe s. Arbois. — Carte Cassini. L'orthographe Arbouans, combinée avec Arboan, laisse entrevoir une forme plus ancienne Arboens, aspeet romanisé de *Arbodingos, *Arboldingos, *Ariboldingos = chez les Ari- boldingi. Le nom propre, qui figure dans le nom de lieu, est Aribold (ef. Ariboldus a. 888 nom dun moine de Samnt- Bernard de Romans, Drôme). Aribold a perdu le X initial, comme Arimundus + 539 (Saint-Maurice de Rémens, Bugey), * Arigunde + 538 (Arandon). Aribold signifie : le hardi guer- rier ; il était plus exactement Haribald {goth. * Hari-balths) eta donné en français Aribaud (Marseille), Arbaud {[Pro- vence). Arboud et Herbaud (Langres). 19. ARCHELANGE, canton de Rochefort (Jura). Anc' Arcelange. — Rousset : Dict. hist. du Jura, t. I. v. 1250. Archeleinges.— Cart. de l'Eglise de la Madeleine (Arch. Doubs). xvie-xviie s. ecclesia de Acalange, Arch. Doubs, Série G. II, D: Lx: Arcelange. — Carte Gérard. xvie s. Arcelange. — Comitatus Burgundiæ. 1688. Arcelange. — Carte de Sanson d'Abbeville. — Û XVIIE-XVIIIE S. Archelange. — Carte de Cassini. 1748. Archelange. — Carte Querret. La forme patoise est Orcelange avee o bref ou grave. Le type primitif doit être probablement * Arkilingas = chez les Arkilingi, cad. chez les descendants de Arkila. Arkila nous semble altéré de Aroila, diminutif de la racine germ. arg, qu'on rencontre dans les noms propres lombards Argabad, Argebert, Argait, etc., lesquels correspondent à ’Asyiusy2e, Noyay20ce, AsyéBroc (1); cf. Fôrstemann, t. [, col. 144-145, qui -donne effectivement Araila a. 898 Hist. du Languedoc, t. Il, n° 27 et les noms wisigoths Argimir, Argimund, Ar- clind, Arcesind. Dans * Arkilingas, le g primitif de la racine ARG s’est durci en K. 20, ArGIÉSANS, lerritoire de Belfort. 1102, Argésans. — Pajot: Rech. Etym. sur les noms de lieux habités du territoire de Belfort. Belfort, 1904, p. 52 (2). V. 1188. apud Argisans. — Viellard, p. 337. 1347. Argesans. — Stoffel : Dict. top. du Haut-Rhin, article Argiésans. 1394. Arschisan. — urbaire des pays d'Autriche. (x) Brückner die Sprache der Langobarden, p, 47. (2) Nous ignorons la source exacte ; l'auteur ne l'indique pas. 1427. Ergeschans. — Erscheschans, comptes des seigneuries de Belfort et de Rosemont. 1462. Jehan Colin d’Argiésans, clerc de la ville. — Mém. Soc. Belf. d'Emul. 1908, n° 25, p. 83. 1655. Argiésans, censier du chapitre de Belfort. 1696. Regusan. — Carte Sanson d’Abbéville. Regusan. — Comitatus Burgundiae. Argiésans. — Carte Cassini. 1748. Argiesans. — Carte Querret, Argisans (1189) aboutit à un primitif * Argisingos — chez les descendants de Argîs. Le nom Aroîs est la déformation d'un plus complet Arigis. La r"° partie ari-est pour hari — œuerrier ; le À initial est tombé comme dans Arimundus — 539. Le 2° élément gîs est contracté du goth. gais =: lance: cf. les noms burg. Gaisaldus (Piper IT, 210,,, Luxeuil), Gais- perga (HPM, t. XIII, p. 127, a. 836), les noms vandales Geisarix, Hohageis, ies noms ostrogoths Gêsica, Gêsimund, Willigis, Witigis. Arigis, que nous découvrons dans Argié- sans équivaut à Arigais, dont l'aspect burgonde était *Hari- gais — le guerrier armé de la lance. Argisans a donc pour source * Arigisingos, *[Hjarigisingos, *Harigaisingos — chez les descendants d'Harigais. Ce nom n'est pas autre chose que le goth. Harigaisus (Tacite). ane. nord. Hergeirr, anc.-h'-alld-Herigèr. 21, ARPENANS, canton de Lure (Hte-Saône). V. 1350. Jaquet d'Arpenans. — Finot Sires de Faucogney, p. 152. xive s. Ecelesia de Herpenans. — Arch. Doubs, série G., t. IT, PSC xive s. E. de Arpenans. — $. Valerius, ibid., p. Lv. xvie-xviie s. E. d’Arpenans. — Ibid., p. LxxvI. 1414. Arpenans. — Longchamps Glanures, p. 8. 1614" Arpenans.— Ibid. D. 202. 1658. Arpenan. — Carte Sanson d'Abbeville. xvie s. Arpenan. — Carte Gérard. xvue s. Arpenan. — Comitatus Burgundiae. 169. Arpenan. — Carte Jaillot. xvue-xvine s. Arpenans. — Carte Cassini. 1748. Arpenans. — Carte Querret. Arpenans a pour source un patronymique * Arpiningos — chez les Arpiningi, cad. chez les descendants d'Arpin. Ce mot Arpin paraît contracté de Arpuin, Arpoin, tiré de Arpwin. Le 1° élément est arp-, contenu dans Arpus, nom d’un roi des Chattes (Tacite, Annales), que Kôgel rattache à la racine anc. sax., erp-, anc.-ht-alld erpf, anc. nord jarpr, ags, éorp — fuseus. Arpuin (Arpwin) signifie — l'ami brun. La racine ArP est en rapport d'ablaut avec ERP : cf, Erpuinus (-Piper IT, 241, Flavigny). Le nom Arpinus se lit encore en 1148 dans une bulle d'Eugène If en faveur du chapitre de Saint-Etienne de Besançon : « potestatem quam tenuit Arpinus, in burgo qui vocatur Dons » (Wiederhold, p. 78. 22, Arsaxs, canton de Pesmes (Hte-Saône). 11/41. terram de Alcens. — Bulle d'Innocent IT en faveur de l'abbaye de Corneux, Wiederhold, p. 43. 1146. Arsans.— Arch. de Vesoul (communication de M. Eckel). 1154. grangiam de Alcens. — Bulle d'Adrien IV pour Cor- neux, Wiederhold, p. 88. 1150. grangiam de Arcens. — Bulle d'Alexandre pour Cor- neux, 1bid., p. 97. 1179. grangiam de Arcenz. — Longchamps : Glan., p. 8. 1199. Arcens. — Longchamps : Glanures, p.8. 1337. Arsons. — Ibid. 1337. Jehans d'Arcenz. — Ibid., p. 8. xvie s. Arsan. — Ibid. 1548. Arsans. — Querret : Carte du comté de Bourgogne. Les orthographes Alcens {1141 et 1154) laissent deviner un patronymique *Alkingos — chez les Alkingi, cad. chez les descendants de Aka ou Alaka. Piper (I 240,, Flavigny) di 2 cite Le nom de Alakus, qu'on rattache à la racine gothique alhs — templum, anc.-h'-alid-alah ; cf. Fôrstemann, t. I Fe KR pe x 1 4 mn re 31 1 Ï 11 K _ col. 54, 79, 76. “Alkingos remplacerait un plus ancien * Ala kingos, patronymique créé sur Alacus. Dés 1146, le L pri- mitif s'était changé en À et le c final en s (1246, Arsans). 23. AsNaxs, canton de Chaussin (Hte-Saône). 1089. ecclesia Asnensis. — Rousset: Diet. du Jura, t. I. 1107. Asnens. — Ibid. 1190. ecclesia Asnensis. — Bulle de Célestin TIT pour l’abbaye de Baume-les-Messieurs, Wiederhold, p. 137. Asnans. — Carte de Cassini. 1748. Asnans. — Carte Querrei. Asnensis est un adjectif forgé sur Asnens, patronymique à forme romane qui se tire de * Asiningos — chez les Asi- ning1, cad. chez les descendands d’Aso {cas oblique Asin-is). Le nom propre Aso est un hypocoristique de la racine âs, doublet du goth. ans — dieu. On peut comparer Asmuns- dus, a. 887 Chron. de Novalèze, à Ansemundus, a. 543, Asbertus à Ansbertus. Le nom propre qu'on découvre dans Asnans est burgonde ; cf. Agnens hameau disparu (Suisse romande) 1085 Asnens et Asnens, district d'Echallens (can- ton de Vaud) 1229 Asneins, qui, comme Asnans, doivent être considérés comme anciens établissements burgondes. 24. ATHESANS, canton de Villersexel (Hte-Saône”. 1614. Athesans. — Lonchamps : Glanures, p. 292. xvies. Athesans. — Carte de la principauté de Montbéliard. Mém. de la Soc. d’'Emulation de Montbéliard, t. XXXIV, 1907. 1696. Atessan. — Carte Sanson d’Abbeville. 1748. Athesans. — Carte Querret. 1790. Attesan. — Dunod : Eglise, t. IT. ee 343 ÉPE Athesans est difficile à expliquer, parce que nous ne pos- sédons pas de forme antérieure au xvrr° siècle. Suchaux dit que l’ancien nom du village était : les granges d’Athesans (1) et que la fondation n’en remontait pas au delà du xvrr° siècle. Nous croyons que cette assertion est erronée et qu'il s'agit plutôt d’un nom de lieu patronymique, comme en témoigne la syllabe ans. Athesans paraît avoir pour source un primi- üf *Athisingos, créé sur un nom propre Athis, plus ancienne- ment Athuis, Athawis. Le 1°" élément du composé est ath, aspect simple de la racine athal — noble ; le 2° est l'ane. h'=alld wiso — duc ou plutôt l'adjectif wîs — sage. Voir Fôrstemann 1, 1822. Le polyptique de l'abbé Irminon four- nit un nom analogue : Aduis, variante Adois. Athawis est burgonde et signifie : noble et sage. La racine simple atha (ada) figure dans Amondans, que nous avons expliquée par * Ademundingos — chez les descendants d’'Ademund et dans Adrisans (— * Aderisingos), qui contient le nom burgonde Aderis. Dans *Athisingos, plus exactement * Athuisingos, * Athawisingos, le {4 primitif s’est conservé intact, comme dans Etalans 1049 Athalans (= *Athalingos).*Athawisingos se resserra en * Athuisingos par la chute de l’a final de atha : le # de wis se vocalisa en & et * Athisingos, passant enroman, produisit Athesans. | 25. AUBERTANS, canton de Montbozon (Hte-Saône). 1259. Otbertens. — Arch. de Vesoul (communication de M. Eckel. ; 1254. Otbertans. — Lonchamps: Glanures, p. 8. 1974. apud Hobartans. — Ibid, 1590. Aubertans. — Ibid. 1376. Obertans. — Ibid., p. 9. 1398. Obertans. — Ibid., p. 9. (1) SucHaAUx. Dictionnaire de la Haute-Saône, TX, p. 28. ins 344 Des xvies. Obertans. — Ibid., p. 9. 1705. Aubertans. — Ibid., p. 9. Otbertens (1259) a pour primitif * Otbertingos = chez les Otbertingi, cad. chez les descendants d'Otbert. On lit dans les documents dijonnais Otbertus, a. 880. D'un autre côté, Piper cite Autbertus (11365,,, Lyon ;11370,3,1 40,,, Langres), qui aboutit à un plus complet Audebertus. Le 1° membre est le goth. auda = bien, richesse, si fréquent dans les noms burgondes de la LB : Audegilde, Audemundus, Audericus, le 2° est le goth. bairhts — brillant, Audebertus, Audiber- tus signifie : brillant par le bien. *Otbertingos est donc plus plus anciennement * Autbertingos, * Audebertingos. Audiber- tus s’est conservé intact dans le provençal Audibert. 26. AUDELANGE, canton de Rochefort (Jura). 1161. ecclesia Adelanges. — Gall. Christ., t. XV, col. 5. 1177. ecclesiam de Audelengis. — bulle d'Alexandre II en faveur du chapitre de Saint-Paul de Besançon, Wie- derhold, p. 94. 12b4. in vico Adelanges. — Gall. Christ., t. XV, Instrum, col Tr. xvues. Audelange. — Carte Gérard. 1688. Audelange. — Carte Sanson d’Abbeville. xvues. Audelange. — Carte Cassini. 1748. Audelange. — Carte Querret. La graphie Audelengis (1177) nous paraît décisive, parce que souvent dans les titres franc-comtois l’au est écrit à, _Audelengis remonte à un primitif *Audelingas ou plus exac- tement *Audilingas, qui est un locatif pluriel patronymique, créé probablement sur le nom propre Audila. Audila est le diminutif de la racine auda — bien, richesse, si fréquente en burgonde, cf. LB. Audemundus, Audaharius, Audihilde, Audericus. Toutefois *Audilingas aurait produit, en se con- tractant, “Audlenges, *Aullenges, Ollenges ; il y 4 donc lieu d'admettre qu'Audelengis provient d’un type * Audoldingas (Audoldengis), auquel cas le nom propre serait Audold, Audoald, Audewald, que nous avons constaté dans Adam, voir plus haut, p. 25. Quant à oldanges, oldenges qui vient de oldingas, nous avons un exemple analogue dans le voisi- nage. Berthoulange est écrit avant 1150 Bertoldenges, cart. d'Acey, Ÿ rr ; voir plus bas, p. 54. 27. AuUXANGE, canton de Gendrey (Jura). 567. Autsidingus. — Carte de Pago Amaorum. Benoît : Saint-Claude, t. I, app., D. p. 317. 1128. Narduinus de Aussengis. — Rousset : Jura, t. I. V. 1137. Narduinus de Anssengens. — Cart. d'Acey, fe x. v. 1139. Narduinus de Assengis. — Ibid., fo 2. 1137. Baraudus de Ausenges. — Ibid., f° 3. in villa que dicitur Ansenges. — Ibid., fo zr. xue s. ecclesia-de Auxanges. — MDIX, n° 614 bis, p. 85. 1278. Jean d'Ossanges. — Rousset : Jura, t. I. 1258. Aussanges. — Chevalier : Poligny, t. II, pr., n° Lvur. 1308. Estene d'Assenges moigne de Bullon. — Cart. Chalon, H20/.-Dr207. xive.s. ecclesia de Assanges. — Arch. Doubs, G. IT, p. XXV. xive s. E. de Auxanges Beatae Mariae Virginis. — Ibid., D XL VI. xvie-xviie S. E. de Auxanges. — Ibid., p. Lxvrr. 1748. Auxange. — Carte Querret, Dans Autsidingus (585), nous avons le suffixe du locatif pluriel au nominatif singulier ; on s’attendrait plutôt à trou- ver Autsidingas, comme Emeningas, qui aboutit à Amange, voir plus haut, p. 30. Le nom propre, que renferme le nom de lieu, est très-transparent; c’est Autsid, qui comprend 1° la racine goth. auda — bien, richesse, cf. LB. Audemun- dus, Audericus ; 2° l'ags. sid, vaste, grand, étendu, lequel e D — 34060 — est en anc. nord, sidr — herabhängend (1). Autsid, plus anciennement Audesid, signifie : grand par le bien, immen- sément riche et rappelle Autbert pour Audebert. Le e final de aude est tombé dans le 1°" terme ; en se resserrant, le mot a renforcé le d final en £ devant l’s du 2° terme ; de telle sorte qu'Autsidingus était primitivement Audesidingus. L’as- similation de £ à s eut lieu ensuite et le d final du nom tomba devant le suffixe ingus dans le passage en roman; on eut alors Aussiingus, Aussienges qui est très près de Aussen- gs (1128) et de Ossanges (1278). Le x moderne a done la valeur de s + s et le sens de Auxange est: chez les des- cendants d'Audesid ; le nom nous paraît être burgonde. | 28. AucEraxs, canton de Montbarrey (Jura). 1092. Algerens. — Gall. Christ, t. XV, col. 28. xue s. Algerans. — Rousset : Diet. Jura, t. I. 1255. seignour d'Augerans. — MD, t. VIII, p. 59, n° £xr. 1977. Guion d'Agerans. — MD, t. VIT, p. 526. 1280. Guion d'Augerans. — Ibid., p. 532. 1598. apud Augerantem. — Chevalier: Poligny, t. I pr. n° xxv. 1315. Agirans. — Robert: Testaments, I, p. 290. 1748. Augerans. — Carte Querret. Algerens suppose un primitif * Algeringos — chez les des- cendants d'Alger. Le nom propre était plus complètement Alagèr, dont le 1% membre est le gothique ala —-enuer, tout-à-fait (cf. alatharba, qui manque de tout), et le 2° le ooth. gais — speer, lanze, anc. nord, geirr, anc. sax, et anc. h'-alld-oêr, ags-wàr. Alagèr est conformé comme le goth. Alaricus — le roi par excellence, le bure. Aletheus 2 550 Frédégaire), Alawih, Aleramnus (Piper). Il signifie : le guerrier par excellence armé du gais (gêr). Le nom est (1) Kiuce, Dict. Etym., p. 346, au mot Seite. burgonde ; l'aspect alémannique est Alkêr, cité par Fôrste- inammit. L col.:52. 29. Aynans [les], canton de Villersexel (Hte-Saône). 1278. Aynans. — Dunod : Comté, t. II pr., p. 602, 603. 1307. Etienne de Haynans. — Besson : Lure, pr., n° xIv, p.211. 1308. Jehan d'Haignens. — Cart. de Chalon, n° 495, p. 355. 1374. Aymo de Aignans. — Robert : Test. t. I, p. 485. 1400. Johannes d’'Aynans. — Gall. Christ. t XV. 1525. Haynans. — Duvernoy : Notice sur la Seigneurie d'Héri- Court pr., n° XXVIIL ED. 1h90. 1614. Aïinans-Dessus et Ainans-Dessous. Longehamps : Glan., D 202. xvies. Ainans-Dessus et Ainans-Dessous. — Carte Cassini. _ Les Enans. — Comitatus Burgundiae. 17548. les Haynans. — Carte Querret. Il semble que les copistes aient hésité à la fin du xurs. entre l'orthographe Aynans et Haynans. La graphie Hay- nans à ajouté à tort le 2 initial ou Aynans l’a perdu, mais 1l se peut aussi que l'aspect réel de la localité ait été Aynans. Si l’on admet comme primitif le 2 initial, on découvre un type *Haginingos, * Hainingos — chez les Hagininmgi. Le nom propre est Hago, cas oblique Hagin-, sur lequel a été créé le nom de lieu et est l'hypocoristique de la racine ane. nord. hagr. — habile, uüle, qui s'est conservé dans l'allemand be-hagen. Dans les orthographes Aynans, le /7 peut être tombé comme dans Arimundus + 539. Remarquons que Fôrstemann col. 719 cite Hagining a. 807 et la déformation du même nom Heining (vin s.). Si le 2 n'est pas primitif, le nom propre est alors Ago, cas obl. Agin-, appellatif de la racine goth. ag-, contenue dans un-agands = sans crainte, agis, nom neutre — crainte. Dans un cas comme dans l'autre, il est certain qu'il y a eu chute d'un g médial. ee 30. Azaws, près de Dole (Jura). 1093. in viculo de Azans. — Gall. Christ., t. XV. 1092. altare Sancti Germani de Haens. - Ibid., col. 38. 1101. Haens. — Ibid. 1109. Haens. — Ibid. 1144. ecclesia Sti Germani de Hahans. — Bulle de Luce II en faveur de l’église de la Madeleine à Besancon, Wieder- hold, p. 59. xive s. Ecclesia de Haisans. — Arch. Doubs, G., II, t. p. xxv. xive S. E. de Asans S. Germanus. — Ibid., p. xLvr. XVIS-XVIe s. EH: de Asans. = JIbid., prxvm. xvIIe S. Asan. — Carte Gérard. Asans. — Comitatus Burgundiae. 1688. Asan. — Carte Sanson d’Abbeville. | Azans. — Carte Cassini. 1748. Azans. — Carte Querret. Haens (1092) nous semble issu d’un type Hawingos = chez les Hawing1, cad. descendants de Hawo. Hawo a l’air d'être le nom hypocoristique d'un nom burgonde Hawivwald (Piper Il 913-Faremontiers). Hawi rappelle le goth. hawi — foin (bauja), pp' ce qui a été coupé. La racine germ. haw = cou- per, tailler, est en anc.-sax. hauwan, ags. héavjan, ane. nord. hôggva. anc.-h'-alld hawan, hauwen, allemand hauen. Hawiwald a pour signification : der hauend Waltende, cad. le guerrier qui s'entend à tailler, à frapper dur dans la mêlée. Hawo équivaut à : le (grand) pourfendeur. Dans son passage en roman, *Hawingos perdit le # médial, d’où Haens (1092). Dans Hahans (1144), le second 7 a été pro- bablement ajouté à tort. | NOTES SUR LE CONVENTIONNEL VERNEREY ET SUR SA FAMILLE Par M. Maurice DAYET MEMBRE RÉSIDANT Séance du 2 Décembre 1911. L'acte rendu par Philippe d'Espagne le 6 juillet 1623, qui anoblssait Guillaume Vernerey, attribue à sa famille quatre cents ans d'existence. En faisant la part de l’exagération, et en l'absence de tous documents antérieurs, on peut dire seu- lement que les Vernerey passaient pour une ancienne et très honorable famille au début du xvrr° siècle. Antoine Vernerey, le premier connu, fut affranchi de la main-morte par Henri de Cicon en 1500. Il fut ensuite bailli d'Eysson, terre qui dépendait du prieuré de Morteau (1). Il était fixé à Passonfontaine. De lui descend Jean Vernerey, la Routte, capitaine des Granges, anobli en 1650, pour sa belle conduite en Catalogne, où il avait servi comme sergent major de bataille (2). (1) DE LuüurioN. Nobiliaire de Franche-Comté. (2) Les Vernerey de Passonfontaine portaient : de Gueule au sautoir d'argent au croissant de même en pointe. — 390 — Un autre descendant d'Antoine Vernerey, Gérard, était, en 1940, receveur de la maison de Châlons à Arbois. Son petit-fils Nicolas, venu de Passonfontaine à Passavant, en 1971, s'y établit et devint procureur institué pour le comte de Wurttemberg (1). Déjà, il est assez riche pour prêter de l'argent à la ville de Baume. Il achète de nombreuses terres. De cette époque date le fief que les Vernerey tenaient des princes de Montbéliard, mouvant de la seigneurie de Passa- vant ; et dès 1595, Nicolas s'intitule Vernerey de Servin (2). Il faut rattacher à Gérard Vernerey Jean Vernerey, Littéra- teur, né vers 19540 à Passonfontaine. On a peu de renseigne- ments sur lui. Etudiant à Dole, puis à Paris, il voyagea ensuite pendant sept ans et fréquenta les cours des plus célèbres professeurs de Bologne, de Parme et de Padoue. Il se trouvait encore dans cette dernière ville en 1571 et annon- çcait son désir de rentrer en Franche-Comté. Son retour eut lieu sans doute autour de 1575. On ignore les autres parti- cularités de sa vie. Îl mourut, semble-t-il, peu après, avant l'âge de 4o ans. Jean Vernerey publia deux ouvrages 6) : Animadversiones in Mich. Poletum, Padoue, 1565. — Com- pendiosa institutio in universam dialecticam ex Artstotele Rivio, aliisque auctoribus recentioribus collectam, ibid. 1960. Au début du xvu® siècle, la famille Vernerey se divisa en deux branches. Nicolas, mort autour de 1600, laissa plusieurs enfants. Son fils Guillaume, capitaine au service de l'Espagne. fut anobli par lettres patentes en 1623 (4. Guillaume Verne- rey est le fondateur de la branche des seigneurs de Montcourt, dont la descendance subsiste encore aujourd'hui. Ils ont pour armes : D’azur à un rameau de verne d’or à cinq feuilles mouvant d'un croissant d'argent. D'eux provient un joli livre ) Arch. du Doubs, E. 847. ) Arch. de Baume-les-Daumes, CC. 43. ) CF. Biographie universelle, article Vernerey. ) (1 (2 (3 (4) Bibl. nation., CARRÉS D'HoOZiER. MM., n° 146. — 391 — d'heures de la Bibliothèque de Besançon, échappé au pillage du château de Passavant par les Suédois et sur les pages duquel sont inserits les principaux événements de la famille au xvrr° siècle (1). Un autre fils de Nicolas, Etienne, mort en 1629, continua la branche des Vernerey de Servin. Son frère, Nicolas Ver- nerey, capucin — (le père Jovite dans Le cloître) — entré au couvent en 1634, fut deux fois provincial de son ordre et mourut à Baume en 1695. I laissa une renommée considé- rable comme orateur en Franche-Comté. Le texte de ses sermons existe encore (2). Quatre générations conduisent d'Etienne à Jean-Baptiste Vernerey, châtelain et procureur à la veille de la Révolution comme l'avaient été ses ancêtres. Les Vernerey de Servin ont pour armes : « D'or à une verne arrachée de sinople ». Une branche cadette s'était fixée à Baume à la fin du xvr° siècle : le personnage le plus mar- quant en fut Charles-Baptiste Vernerey, député à l'Assem- b'ée législative et à la Convention (3). IE. Charles-Baptiste-François Vernerey naquit à Baume-les- Dames le 4 Mars 1749. Il était fils de Pierre-Mathieu Ver- nerey, notaire royal et procureur au bailliage de Baume et de Marguerite Ponsot. Son grand-père Mathieu Vernerey remplissait déjà les mêmes charges. Charles-Baptiste reçut sans doute une éducation soignée en rapport avec la situation de sa famille. Il continua les tra- ditions de celle-ci dont la plupart des membres exerçaient (x) Bibl. de Bes., MM., n° 146. 2) Bibl. de: Bes., MM 247. (3) Arch. de famille. Généalogie très complète de la famille Verne- rey établie au xvrrr° siecle. | — 352 — des fonctions juridiques. Jeune encore nous Le voyons inserit comme avocat au Parlement. Le 31 Août 1775 il épousa Agathe Noé de Besançon et se fixa peu après dans cette ville (1). Le contrat de mariage passé en l'étude de M° Chéry, notaire à Besançon, le 8 Août 1773, dénote des deux côtés une honnête aisance pour l’époque : la situation de fortune des Vernerey avait en effet bien changé depuis un siècle environ (2). Fort riches avant la guerre de Trente ans, l'in- vasion suédoise en Franche-Comté, en ruinant complètement leurs propriétés, avait porté à cette famille, au point de vue pécuniaire, un coup dont elle n'avait pu se relever. Lorsque la Révolution éclata, Vernerey, séduit par les idées nouvelles et entrainé vers elles par son éducation juridique et philosophique, abandonna le barreau pour la politique. Dès le 21 Mai 1990, il est nommé administrateur du district de Baume-les-Dames à la majorité absolue de 19 suffrages, et fait partie du Directoire du département 6). Cette situation lui permet de rester à Besançon, où il s’agite beaucoup, se montre dans les clubs, dont il devient bientôt l’un des prin- cipaux orateurs. [Il est nommé président du club des Jacobins à la fin de l’année 1790. Le club des Jacobins de Besançon, semblable à ceux qui existaient alors dans toutes les villes importantes de France, se rattachait directement à celui de Paris, auquel Vernerey fut affilié en 1997, le 3 Octobre, lorsqu'il eut été élu membre de l’Assemblée législative (4). C’est en qualité de président du club de Besançon que Vernerey envoya le 10 Janvier 1791 auprès de la municipa- lité de cette ville, une adresse par laquelle il prenait part contre le clergé et la noblesse bisontine, oubliant lui-même Registre mariages paroisse Saint-Jean. Arch. du Doubs, minutes du notaire Chery. Arena t RL Doubs ner AULARD. La Sociélé des Jacobins, p. 191. à : ; ù : 5 2 Î f a été & 7 # LA ë N E ÿ à } = _ ji RIRE FbE : a+ f : + Hi ; ë JA Pa S 27 k E l'AS: 7 SUNCE = Ù 1 VERNEREY d'Emulation du Doubs, On Peur | P] en Repréee nfant pour le Department du Doubs, ; Nr A l'Assemblée Jegiviatiue et 4 la Convention nafionale, : ze # Por ‘,. d'aprés ire miniature, | RE te ue Ne de "$ | f on as (17491708) dar re } A LNLG \ L d te ; ul ! Su We [e + ; à # 4 jo ë ë É 2 on ! ' | 6 à … Ë mi Pi * QG L | A t £ fixa peu apr ès . cette Vie ü ni | : nie contrat ie ee nu Le étude à. ; pécanitire, un coup act oe, n savait pu haie 1 . Lorsque la Révolution éélata, \ ernerey. | nouvelles et entrainé vers elles par son éducati n juridi a abandonna le barreau pour la politique. le 21 Mai 1900; il est. nommé administrateur du ro à :B iume-les-Dames à la majorité absolue (ke. 1g suff: te partie du Direc tin ch département ( (3). nu si de restér À Besan con. où 4h 8 agite à J ; is ne abs. ont de sed :, biestôt Lun des prin us ét re É pré sident du club des Jacobins dr in œr néanblé ont (0: C'est en qualité de. prés à du club . ! Vemerey envoya left lité. de cette ville, “une ste co ntre le cl ergé ë À Aron. a “ps À, der La ot an, Société d'Emulation du Doubs, 1911. VERNEREY Representant pour le Département du Doubs, a l’Assemblee législative et à la Convention nationale, d’après une miniature. (1749-1798) PI. les origines de sa famille. Peut-être ne faut-il pas lui en faire du reste un reproche, car Vernerey fut toujours un convaincu, soucieux d'exercer avec équité et justice les pouvoirs impor- tants que la Nation lui mit plusieurs fois entre les mains et fier du renom d'intégrité qu'il s'était créé aux Assemblées et plus tard auprès du Comité du Salut publie. L'adresse du 10 Janvier 1791 fut apportée à la municipalité bisontine par une députation présidée par le Conseiller Roussel, ancien prêtre de l'Oratoire. Elle constatait tout d’abord l'égalité absolue devenue la règle des temps nou- veaux, où Cilnest plus de distinctions que pour le mérite et la vertu ». Puis, elle s'insurgeait contre les restes de « l’'arrogance » de l’ancienne noblesse. « Pourquoi voyons nous encore sur les portes de nos ei-devant nobles, sur leurs domestiques, sur eux-mêmes, ces signes de leur arrogance passée, ces restes honteux de leur despotisme, enfans de l'ignorance et de la féodalité, dont l'aspect seul insulte des hommes qui ne veulent désormais reconnaître au dessus d'eux que la loi ». La conclusion s'imposait ; et, puisque « toutes les armoiries placées non seulement sur les voitures, mais encore sur les palais des Montmorency, des Noailles, et des plus anciennes familles de France, ont disparu à la voix des officiers municipaux de la capitale, pourquoi ne nous empresserions-nous pas de même de purifier les portes de nos ci-devant nobles de plus fraiche date ? » La Société des Amis de la Constitution séante en cette ville, pleine de confiance dans le patriotisme de la municipalité, la priait donc de « peser ces réclamations » et d’ordonner que dans le jour toutes les armoiries existantes au dessus des portes des ci-devant nobles fussent effacées aux frais des réfrac- taires par des ouvriers commandés spécialement à cet effet. Elle demandait également qu'il fut interdit aux Chevaliers de Saint-Georges de porter l'insigne de leur confrérie, et aux chanoines du Chapitre de revêtir leur costume distinctif, sous peine de poursuite comme infracteurs aux lois. Elle se D a > es 354 er terminait par de vives attaques contre l'abbé Bacofte, curé de Saint-Jean, auquel elle reprochait « des propos inconsti- tutionnels, dans un prône fait à ses paroissiens du haut de la chaire de la vérité ». La municipalité qui, sur la proposition d’un de ses membres, Louvot, avait invité le 5 Janvier, les ecclésiastiques à prêter le serment constitutionnel du clergé, décida que l'abbé Bacoffe ne serait pas poursuivi, s'il se soumettait à cette formalité. Quant à la première partie de cette pétition, la Commune y fit droit, en ordonnant par deux arrêtés successifs, d'enlever les signes et emblêmes des monuments municipaux [Janvier 179r) et les « signes de la féodalité » des maisons des particuliers (4 Avril 1791) G). Pendant ce temps, on préparait les élections pour l’assem- blée législative ordonnées par la Constitution. Le vote du premier degré eut lieu le 24 Juin r791.A Baume, sur 381 électeurs inscrits, il s’en présenta 156 aux urnes. Les citoyens élus furent : le prêtre Gaulard {142 voix) Ver- nerey (105) puis Arbey, officier de gendarmerie et Grosri- chard, inspecteur de la loterie. Le 28 Août, l’Assemblée générale des électeurs du second degré envoya Vernerey à l’Assemblée législative, ainsi que Bouvenot, Monnot, Besson, Michaud et Voisard. Les six députés du Doubs se mirent en route pour Paris dès le 17 Septembre. Auparavant ils firent leurs adieux au Club des Jacobins de Besançon, présidé dans cette occasion par P.-J. Briot, qui succéda à Vernerey, dans l'influence que celui-ci exerçait sur les Amis de la Constitution, et le rem- plaça d’une façon beaucoup plus bruyante. Dès le 20 septembre, Vernerey écrivait à sa femme restée à Besançon : « Nous sommes arrivés hier lundi à einq heures du soir à Paris, bien portans et sans avoir essuyé la moindre incom- modité dans le voyage. (1) Bibl. de Bes. Registre des Délibérations municipales. noie « Nous courrions cependant quinze heures par jour dès les quatre heures du matin jusqu’à sept heures du soir sans nous arrêter ; nous mangions un morceau en voiture, Je me porte bien aujourd’hui à Paris. Je suis déjà allé voir ce matin le Palais Royal et les Tuileries. Nous attendons ce soir nos messieurs pour nous loger définitivement et je t'en ferai part. C'est le 30 que l’Assemblée Nationale lève ses séances et que nous entrons en fonctions. Paris est immense; ce qu'il y a de plus désagréable, c’est que malgré que depuis trois mois il n'y ait pas plu, il y a autant de boue dans les plus belles rues que dans Baume quand il y fait mauvais tems. D'abord que nous serons logés, je t’enverrai mon adresse. Bien des complimens à tous ceux qui s'intéressent à moi et en particulier à notre cher voisin et sa sœur l’hospitalière. Je vous embrasse tous de tout mon cœur. Songez quelque- fois à moi et rappelez moi à Minette {sa fille) pour qu'elle ne im oublie pas. € P.-S. — C'est bien dommage que nous ne soyons pas arrivés la veille. Nous aurions vu la plus belle illumination et la plus belle fête occasionnée par l'acceptation du roi. On dit que le roi et la reine se proposent d’en donner une à leur tour ». (1). Même envers sa femme, Vernerey fait montre de patrio- tisme, comme le témoigne la lettre suivante du 22 Mars 1792 : « Lorsque j'ai été nommé à la Législative je me suis bien attendu à avoir trois sortes d’ennemis qui se plairaient à nous décrier : les aristocrates décidés, les envieux et les ambitieux. Les aristocrates doivent nous détester bien cor- dialement. Les envieux doivent nous calomnier par jalousie, et les ambitieux dans l’espérance de nous remplacer. Mais, forts de notre conscience et des sentimens des bons patriotes qui nous ont jugés en connaissance de cause, et qui naturel- (1) Archives de famille. — 356 — lement doivent nous soutenir et nous défendre, puisque notre nomination est leur ouvrage, nous suivons l'impulsion de notre patriotisme dont heureusement personne ne doute ici, et nous nous mettons au dessus de la calomnie. En mon particulier tu sçais assez que je n'ai jamais eu d'ambi- tion ; que je n'ai jamais couru après la célébrité, et je me dirige toujours d’après le sentiment intime de ma cons- sience. J’aimais l'indépendance avant qu'il ne füt question de la liberté ; j'étais patriote avant qu'aucun serment ne m'eüt lié au patriotisme, et depuis que j'en ai fait serment, la mort seule sera capable de me faire cesser d’être libre et patriote; ou, ce qui revient à peu près au même, d’être honnête homme et de faire mon devoir. Dis à notre voisin qu'il ne compromet pas sa responsabilité en jurant sur sa tête quejesuiset resterai toujours tel qu'il peut en répondre. Je lui sçais bon gré cependant de la bonne opinion qu'il a de moi ; il me connaît assez pour être assuré que je ne la démentirai pas; et quoiqu'on en puisse dire, je crois pouvoir l’assurer que les six députés du département du Doubs ne se sont pas encore écartés de la ligne doite. Voisard, Michaud et moi passons même ici pour être du parti des enragés. Je n'ai cependant encore rien fait de saillant en ce genre. Je suis ferme et loyal. Voilà ce que je serai toujours. Il faut laisser au tems le soin de nous justifier et de confondre la calomnie. Ne crains pas que jamais je me range du côté des ministériels ; je les méprise trop, et les trente millions de la liste civile ne me décideraient pas à me ranger de leur parti. La moitié de ma vie et plus a été intacte : je ne ternirai pas le reste, je l'espère. » P.-S. — Ce nest pas par les journaux qu'il faut juger l'Assemblée Nationale. Ils sont tous infidèles et vendus au paru qui les paye ou qu'ils ont adoptés. Nous sommes sept cent cinquante et dans ce grand nombre quarante seulement jusqu'ici ont parlé. Encore, dans ces quarante, trente à peu près ne sçavent ordinairement ce qu'ils disent. Ils ennuyent DES l'Assemblée, et qui pis est, lui font perdre beaucoup de tems. Ce ne sont pas ces parleurs qui font la bonne beso- gne » QUE Cette lettre était un vrai panégyrique de la personne de Vernerey par lui-même, et semble avoir été écrite surtout pour le justifier du reproche d’aristocrate, et de la tache que sa naissance et ses fonctions avant la Révolution lui impri- maient aux yeux des patriotes dont il recherchait les bonnes gràces. La mauvaise opinion que les députés du Doubs avaient de l'Assemblée législative, se trouve confirmée dans une lettre de Vernerey, Monnot, Bouvenot et Michaud au Département {17 Juin 1792) (2). Ils y dépeignent le roi entouré de perfides, d'infâmes courtisans qui lui rendent sus- pects ses trois ministres les plus vertueux. Ils annoncent au Département l'envoi d’un exemplaire de la protestation rédi- gée à la nouvelle que le roi a redemandé à ceux-ci leurs por- tefeuilles ainsi que d'un exemplaire d'une lettre de Roland au roi. L'Assemblée des électeurs réunie à Quingey (Doubs) le 2 septembre 1792 nomma six députés à la Convention. Ver- nerey fut élu avec 206 voix. Seguin, évêque de Besançon, en recueillit 230. Besson, Michaud, Monnot et Quirot furent confirmés dans leurs pouvoirs G), Tandis que l’évêque Seguin se fixait au n° 315 de la rue Saint-Honoré, tous les autres députés du Doubs descendirent dans un même local: l'Hôtel National, 37, rue de la Sourdière. À la Convention, Vernerey fit partie comme membre sup- pléant du Comité des assignats et monnoies, et du Comité des Décrets. Lors du procès de Louis XVI, trois appels nominaux avaient été ménagés.Vernerey répondit € Non» à la question : € Ÿ aura-t-il appel au peuple. » Il répondit égale- (1) Archives de famille, (2) Citée par Sauzay. Hisl. Persécution révolutionnaire dans le Doubs. (BiPedette tt} TIQ 7 Sept..179r. ane ment « Non » à la question : « Sera-t-il sursis à l'exécution du jugement ». Enfin, à la question : « Quelle sera la peine à infliger ? » 1l prononça : «€ La mort, » Dans les lettres de cette époque que Vernerey écrit à sa femme, il ne parle presque pas de ce qui se passe à Paris, ni des affaires publiques ; ou bien il se contente de raconter de façon très suceincte les faits principaux. Voici par exemple le récit de la mort de Marat: « Marat a été assassiné hier. 1! était malade chez lui. [l prenait un bain. Une femme de 24 à 26 ans a demandé à lui parler. Elle est entrée, s’est approchée de lui, lui a parlé à l'oreille, a tiré un poignard et le lui a plongé dans le cœur ; il est expiré un quart d'heure après. La femme a été arrêtée. Je ne partage pas les opinions de Marat ; mais du moins, ce n’est pas le peuple qu’on calom- nie toujours qui s est rendu coupable de trois attentats sur ses représentants. Et, ce ne sont pas ceux qui ont toujours dit qu'ils étaient sous les poignards qui en ont été les vic- times (Paris, 14 Juillet 1793) » (). Pendant l’année 1703, Vernerey fit parte avec Musset et Ch. Delacroix de la mission chargée de vendre les mobiliers de Versailles et des châteaux royaux ou princiers de Seine- et-Oise. Il existe plusieurs lettres signées de lui seul ou avec ses deux collègues, et adressées à la Convention Nationale (2). Voici l’une des plus intéressantes : « Versailles, 4 Oct. 1793 (An II). « Les représentants du peuple commissaires dans le département de Seine-et-Oise à la Convention nationale : « Citoyens Collègues : | « Le talisman est brisé pour les immeubles de la ei-devant liste civile comme il l'était déjà pour ceux des émigrés. La maison dite de l'Hermitage qui en dépendait avait été estimée 115,060 livres et nous avions reçu les plus vives (1) Arch. de famille. (CA rch nat AC 55 neo. réclamations contre cette estimation que l’on prétendait être horriblement exagérée. Elle s’est vendue 262,000 livres. « Le mobilier se vend avec la plus grande chaleur. La vente qui se fait sous nos yeux montera à la fin de cette semaine à près de 500,000 livres. Un meuble complet et précieux du Petit-Trianon que des malveillans publiaient avoir été donné pour 3,000 livres a été vendu 29,203 livres. Nous avons fait déjà conduire à la monnoye pour 650,000 livres de matières d'oret d'argent, et lorsque nous aurons réuni quelques petites parties qui sont encore entre les mains de particuliers, nous ferons partir un second convoi de ces matières précieuses, qui est évalué par aperçu à une somme de 1,500,000 livres. Signé : J.-M. Musset, Vernerey, Ch. Delacroix. » Une seconde lettre, signée de Vernerey seul, annonce à la Convention l'envoi à la monnoye de matières précieuses pro- venant des biens de la liste civile. Ce convoi était composé de : 397 marcs deux onces cinq gros d’or; 1699 marcs deux onces sept gros de vermeil ; 2979 Mmares six onces sept gros de vaisselle d'argent ; 10986 mares quatre gros de galons d'or; 137 mares trois onces de galons d'argent (1). Dans la mission de Seine-et-Oise, Vernerey ne joua jamais que le troisième rôle, loin derrière Musset et Delacroix ; mais, il dut s’y créer un renom d'intégrité, qui lui valut d’être envoyé dès le commencement de l’année 1794 dans la Creuse et l'Allier pour y organiser le gouvernement révolutionnaire, à la place du citoyen Petitjean, malade et en traitement à Burges-les-Bains. D'une lettre de celui-ei au Comité du Salut publie, du 25 Pluviôse an IT, il résulte qu'on transmit sim- plement à Vernerey les pouvoirs de son prédécesseur (2). Dés le 21 Pluviôse an II Vernerey se trouvait dans la Creuse, à Guéret, où sa première visite fut pour la Société (3) Arch. nat. C, 278, n° 737. (1) Recueil des Actes du Comité du Salut Public. T. X, p.663. 000 — populaire. Là, on l'accueillit aux eris de Vive la Montagne et les sans-culottes. Le président s'étant levé l’assura des bons sentiments de la ville de Guéret, heureuse de compter dans ses murs un vrai jacobin. Habitants d'un sol infertle, privés de l'éducation nécessaire pour bien servir la répu- blique et haïr le fédéralisme, les citoyens de Guéret priaient le représentant de leur tracer nettement leur devoir. Verne- rey prit à son tour la parole et prononça un assez long dis- cours. [1 demanda avant tout à la Société populaire de lui donner les renseignements que toutes les sociétés de ce genre se hâtent de transmettre aux représentants en mission, sur l'esprit publie. Il déclara : « Les momens de Révolution sont des momens de crise: cette manière d'exister dans un gou- vernement ne peut pas toujours durer... mais, c'est à la Con- vention nationale... à fixer l’époque où elle pourra finir sans compromettre l'intérêt et la liberté du peuple français. » Cherchant à éclairer ses auditeurs sur le but du gouverne- ment révolutionnaire, il.le leur montra dans un règne de jus- tice et de raison, dirigé contre les conspirateurs, les prévari- cateurs, favorable pour les patriotes et les opprimés. Il leur donna la définition du vrai fonctionnaire « ardent sans exal- tation, concevant avec force, exécutant avec courage, quel- quefois avec témérité, toujours avec promptitude. » Enfin. le discours représentait aux citoyens tous les nombreux ennemis qu'ils avaient à combattre à l’intérieur comme à l'extérieur, et se terminait par des assurances de justice envers chacun et de confiance dans le patriotisme de la société. : : La citoyenne Pleinchesne chanta ensuite quelques cou- plets, spécialement rimés en l'honneur de Vernerey, sur. l'air de « Non, non, Doris », ou de « Jeunes amants, cueillez des fleurs ». En voici trois : Bon citoyen représentant, De nos cœurs reçois l’assurance ; 0 Avec toi tu porte (sic) un aimant Qui t’attire la confiance ; De tes vertus de ta douceur Tes yeux sont la pierre de touche ; Sur ton front brille la candeur, Et la justice est dans ta bouche... Ne crois pas que ce soit l'esprit Qui pour toi se met en dépense On pense à Guéret ce qu'on dit Et l’on y dit ce que l’on pense... Immolons à la liberté Nos biens, nos enfans, nos personnes, Le bonnet de l’'Egalité Vaut mieux que toutes les couronnes ! Montrant les citoyennes : Nos freres les législateurs _ Nous ont interdit la parole ; Ce supplice pèse à nos sœurs ; Mais dans ce jour il les désole : Mon silence les fâcherait ; Il serait même anti-civique : Je dis donc, Vive Vernerey, Qui fait aimer la République. Les petits sans-culottes du collège de Guéret, vinrent pour terminer la séance, prier Vernerey de ne pas les oublier, et lui adressèrent un compliment composé pour l’occasion : « Vernerey, quand de ta présence Chacun éprouve le bienfait, Je crois devoir en conscience T'avertir que pour nous tu n’as encor rien fait ». Ils lui réclamèérent au moins un jour de vacance, pour Île lendemain « appelé primidi », et lui promirent en retour de — 362 — lui montrer les Pitt et les Cobourg étonnés de voir que chez ces gamins, la valeur « Attendit seulement le nombre des années Pour voler au champ de l'honneur ». Dès le 25 Ventôse, Vernerey rendait compte au Comité du Salut public de la situation du département de la Creuse et de celui de l'Allier, où il avait fait un court séjour pour épurer les autorités constituées. Cette contrée était alors en proie à une terrible disette. Vernerey prit en premier lieu un arrêté pour accélérer le transport des subsistances. Ensuite, il s'inquiéta de la situation politique et religieuse du pays ; constata la bonne volonté républicaine des popula- tions, parmi lesquelles « les femmes appelées autrefois petites maîtresses dansent volontiers avec de bons et vrais sans-culottes », et avisa le pouvoir central de Ia fermeture de presque toutes les églises, sans que la suppression du culte ait amené la plus légère excitation. Ces opérations préliminaires terminées dans l'Allier, le conventionnel commença sa mission dans la Creuse, précédé nous dit-il, d’une réputation terrible (r). « J’ignore quelle était l'espèce de réputation qui m'avait précédé ; mais j'ai appris dès lors que plus de vingt curés, sitôt qu'ils avaient appris mon arrivée, avaient abdiqué leurs fonctions, et que les églises de leurs paroisses étaient fermées. J'espere ne pas quitter ce département que la presque totalité n'ait imité cet exemple ; et avec de la prudence, le fanatisme, vous pouvez y compter expirera ici sans convulsion. J'ai vu avec plaisir le peuple de Guéret, chef-lieu du département, brüler les saints de bois aux acclamations de Vive la République, et cet exemple entraine beaucoup d’autres communes ». Il ne s'agissait donc nullement d'une substitution du culte consti- (1) Recueil des Actes Com. Sal. Dub I D 487% es tutionnel à l’ancien culte, mais d'une suppression totale de toute organisation religieuse, semble-t-il. Vernerey revient souvent sur ce sujet, dans ses lettres au Comité du Salut public. Il annonce un peu plus tard (26 Ventôse IT) (1) que ses espérances se sont réalisées ; que le culte public a cessé entièrement, surtout à la suite d’un arrêté qui ordonne à tout prêtre de se retirer dans le mois à trois lieues au moins du territoire de la paroisse où il exerçait ses fonctions. Les prêtres des départements voisins venus se fixer dans la Creuse furent également éloignés par le même arrêté qui leur enjoi- gnait de se retirer dans la quinzaine au lieu de leur naissance. Vernerey paraît s'être montré moins sévère pour les « aris- tocrates ». Il s'étonne dans ses lettres (2) (26 Ventôse IT) que quelques personnes à Paris murmurent sur ses opérations à cet égard. Il déclare ouvertement avoir relâché un grand nombre de suspects, parmi lesquels se trouvaient des enfants de trois à dix-huit ans. Beaucoup de personnes avaient été incarcérées par suite de vengeances arbitraires. Il cite entre autres l’histoire d'un meunier qui, sous prétexte d'égalité avait fait prendre au Comité de surveillance un arrêté ordonnant à tous les habitants de faire moudre leurs grains à égales parties, dans son moulin et celui de son concurrent : et faisait incarcérer comme suspects tous ceux qui ne s'y conformaient pas. Il reconnaît même avoir élargi deux frères de nobles émigrés, mais dont leurs concitoyens avaient réclamé la liberté à cause de leur civisme ; et qui plus est, deux femmes d’émigrés. Toutes ses opérations du reste ont été concertées avec les autorités constituées. Après avoir réchauffé le zèle des sociétés populaires, qui lui semblaient peu énergiques, et celui des autorités consti- tuées, Vernerey quitta le district de Guéret le 27 Ventôse, pour organiser révolutionnairement le reste du département. (1) Recueil des Actes du Comité de Salut Public. T. XIT. (2) Idem. D O% => Le 7 Germinal, nous retrouvons Vernerey à Montlucon, d’où il écrit à sa femme (1): « Que c'est une terrible chose qu'un représentant en représentation. Je suis accablé de monde depuis sept heures du matin jusqu'à minuit. Je n'ai pas encore eu le temps de me reconnaitre depuis six décades ; mais il faut espérer qu'avec du courage, je m'en tirerai. Je me porte assez bien ». De Montluçon, Vernerey se rendit dans le district de Cusset, où il se reposa de toutes ses fatigues. | «Je t'ai dans mon voyage, écrivait-il encore à sa femme (2 , bien désirée ainsi que ma famille pour que vous puissiez voir et jouir de toutes les bénédictions que j'ai reçues de tout le peuple. J'ai ramené la confiance entre tous les bons citoyens, je les ai réunis, resserrés, fait fraterniser ; ils ont juré union, amitié, fraternité entre eux, et haine éternelle aux tyrans, aux royalistes, aux aristocrates et aux intrigants. Voici trois jours qu'on est en fête iei. On accourt des extrémités du district pour me voir et mentendre. | € y a eu un banquet fraternel au milieu des champs ; 1l y avait plus de deux mille couverts, plus de quatre mille spectateurs qui tous y ont participé, bu et mangé. Et le croirais-tu ? tout cela, il a fallu queje les embrasse, jusqu'aux vieilles femmes de 80 ans qui s’y étaient fait porter. Je crois que je suis devenu orateur. Le génie de la liberté m'a ins- piré. Toutes les communes voudraient que je passasse chez elles. J’oubliais de te dire que j'embrassais les vieilles comme mon oncle, c'est-à-dire en leur tendant un peu les deux côtés de la tête : mais quand c’étaient des jeunes et jolies, c'était tout autre chose. Il me faudrait être à l’âge de vingt ans ; mais, je sens que je suis vieux ; et puis, tu sens bien qu'il faut conserver le décorum de la représentation nationale. (x) Arch. de famille. (2) Arch. de famille. A la citoyenne Vernerey, maison de la Nation, au chapitre, vis-à-vis la Conciergerie, à Besançon. — 365 — « Malgré tout cela, je désire fort avoir un peu de tran- quillité et m'en retourner pour en jouir. Je suis accablé de monde et de fatigue, mais Vive la République, puisque je me porte bien et que je dors dans mon lit. » La joie avait dû être bien vive, pour forcer à se dérider la longue figure sévère de Vernerey, que nous représentent ses miniatures : bouche plissée, nez aquilin : les yeux rêveurs et le front pensif. Continuant sa tournée, 1l se rendit à Mou- lins, après avoir parcouru les quatorze districts de la Creuse et de l'Allier, et y séjourna environ un mois, du 6 Floréal au 10 Prairial, semble-t-il, pour mettre en ordre diverses affaires importantes. Tout d’abord, il envoya au Comité du Salut public un tableau brillant de la situation politique des départements qu'il avait visités (1) : 1l dépeignit les populations dévouées à la République, avides de recueillir des leçons de civisme, pleines de haine pour les « conspirateurs infâmes ». Dans la Creuse, le peuple parut au représentant très ignorant et sans aucune instruction. Dans l'Allier au contraire, sa Joie fut très vive de voir les rassemblements qui se formaient aux endroits où l’on savait qu'il passerait : « J’ai eu le plaisir dans un seul jour de donner l’accolade fraternelle à plus de trois mille citoyens qui tous ne demandaient autre chose que de voir leur représentant et qui tous s’en retournaient en eriant : Vive la République ! Vive la Convention! Vive la Montagne ! Que le misanthrope vienne jouir d'un si doux spectacle, il se réconciliera avec les hommes. » La situation de la Creuse et de l'Allier qui se trouvaient alors sur le passage des troupes nécessita de nombreux arré- tés, tant pour fixer la ration des hommes et des chevaux, à cause de la disette, que pour déterminer les étapes. Il fallut aussi opérer quelques arrestations pour ranimer l’enthou- siasme des sociétés populaires, parmi les partis relardataires (1) Recueil des Actes du Comité du Salut public. T. XIII, p. 66. — 366 — qui semblent avoir redressé la tête, à la suite des nombreuses mises en liberté effectuées dans les premiers jours de la mission. De ce côté, Vernerey éprouva peut-être une cer- taine déception manifestée même dans ses lettres : « À mon arrivée 101 quelques malveillans avaient voulu me dénigrer et cherché à me donner du désagrément. Eh bien, tout est changé depuis que trois individus ont été incarcérés. Tout le peuple me bénit. La société populaire, les autorités consti- tuées sont venues me témoigner leur satisfaction. On ne parle plus que du représentant. C’est le père du peuple. Hier, le peuple a voulu avoir une assemblée au temple de la Raison pour me voir et m'entendre, et pour demander que je demeure avec lui environ deux mois. » (Moulins 20 Flo- réal IL) (1). Vernerey s'occupa également de la réorganisation de la fabrique d'armes de Moulins et en changea les direc- teurs, mesure au sujet de laquelle le Comité du Salut publie s'en remit à sa Justice (2). Avant de quitter l'Allier, Vernerey prononça un grand discours patriotique dans le temple de l'Etre suprême (2 prairial Il). Il repartit peu après pour la Convention, devant laquelle il rendit compte de sa mission. Le rôle de Vernerey au sein même de la Convention se réduit à peu de chose. Le 9 août 1794, il ne put empêcher, par son discours en faveur de Fouché, l'arrestation de celui-ei décrétée par l’Assemblée. En Nivôse an IT, Vernerey fut envoyé dans l'Est pour sur- veiller et visiter l'exploitation des salines dans les départe- ments du Bas Rhin, de la Meurthe, du Jura, du Doubs; de la Haute-Saône et du Mont Blanc 6). Part le 22 Nivôse, il rentra le 20 Floréal à Paris. Ses comptes, qui existent encore pour cette mission, nous montrent quelles pouvaient être raison- nablement à cette époque les dépenses d’un proconsul en (1) Arch. de famille. (2) Recueil Actes du Com. du Salut public, 4 prairial I, T, XIV. (3) Arch. de famille. 2-36 mission. Avant touché huit mille livres à son départ de Paris, auprès de la Trésorerie nationale, et six mille à Moyeuvic près du receveur des salines ; ayant dépensé en plus deux mille sept cent soixante neuf livres par suite de l'obligation où il fut d'assembler le Directoire des salines de la Meurthe et les commissaires des revenus nationaux ; soit un total de seize mille sept cent soixante-neuf livres, le conventionnel remit à son retour au bureau des inspecteurs de la Conven- tion douze cents livres. La dépense totale avait done atteint quinze mille cinq cent soixante-neuf livres. Le voyage, dans des pays d'extrême frontière, avait été des plus pénibles. Il fallait habituellement quatre chevaux. quelquefois cinq ou six pour traîner la voiture, à cause du mauvais état des routes. Dans beaucoup d’'endroits Ia poste n'existait plus: dans d'autres, les maîtres de relais exigeaient quinze livres par cheval au lieu de quatre. Enfin, il faut observer que les sommes mentionnées plus haut avaient été versées en assi- gnats, € qui ont perdu considérablement ct qu'on fait tout payer en proportion » (1). Non seulement l'argent, mais le sel lui-même était devenu une denrée rare. Le district de Pontarlier envoya au conven- tionnel un commissaire spécialement pour lui demander d'augmenter la quantité de sel qui lui était accordée par le gouvernement, celui-ci n'en ayant attribué que 107,310 quin- taux aux trois départements de la Haute-Saône, du Doubs et du Jura. Les habitants de ces distriets frontières éloignés des localités où se trouvaient les salines, étaient souvent obligés d'acheter du sel en Suisse. La demande du district de Pon- tarlier fut accordée par arrêté du 22 Pluviôse an ILE, pris par Vernerey de concert avec le député Pelletier qui lui avait été adjoint dans sa mission. Un autre arrêté pris à Salins le 28 Pluviôse constate également la nécessité où se trouvaient les populations d'acheter du sel à l’étranger et l'existence (x) Arch. de famille. — 308 — d’un « arriéré du contingent » de sel, que les salines fran- çaises n'avaient pu fournir. Vernerey non seulement essaya de faire cesser cette situa- tion anormale mais encore de fournir de sel la Suisse, « fidèle alliée de la République », suivant les volontés de la Conven- tion. Les salines de Salins et Moyeuvic reçurent l’ordre d’expédier chaque mois six cents tonneaux de sel du troisième quartier de l'an [If et douze cents pour les quartiers suivants, Moyeuvic devant se charger des cinq sixièmes. Les autres salines de l'Est mirent à la disposition des agents le nombre de voitures nécessaire pour le transport de ce sel en Suisse, jusqu’à un certain nombre de localités désignées au delà de la frontière. Il fallut de même réglementer (29 Pluviôse an III) le transport des bois et en particulier de ceux provenant de la forêt de Chaux. Toute voiture venue pour chercher du sel fut tenue d'apporter sa charge de bois. Il fallut réprimer la mauvaise volonté des ouvriers (3 Germinal an III) et des voi- turiers qui se dispensaient facilement de travailler, ainsi que celle des coupeurs qui refusaient de couper du bois lorsqu'on les requérait. Enfin, les bois destinés aux salines (4 Germinal an III) ne purent en aucune façon être vendus ou détournés dans un autre but, en raison du caractère national de cette industrie. À cette époque, Vernerey se trouvait à Besançon: plusieurs des révolutionnaires avancés de cette ville, entre autres Don- noy et Briot, furent arrêtés. Vernerey fit diverses démarches pour obtenir leur liberté. La municipalité en fut très mécon- tente. Le 21 avril 1705, elle porta plainte auprès du Comité de sûreté générale et accusa formellement Vernerey de n'avoir « pendant son séjour dans la commune, fréquenté et protégé que les ennemis de la Révolution du 9 Thermidor, des autorités constituées et de la justice. » Elle désirait ainsi prévenir l’autorité en sa faveur contre les renseignements erronés qui parviendraient par la bouche du représentant (1). (x) Sauzay. Hist. perséc. relig. dans le Doubs, T. VII, p. 6. — 369 En Malgré cette pétition, les détenus furent mis en liberté le 18 juillet, par ordre du Comité de sûreté générale, et sur la recommandation de Vernerey et de son collègue Michaud qui répondirent de leur civisme. L'administration départementale très étonnée de cette libération inattendue manifesta à son tour son mécontente- ment par une nouvelle adresse au Gouvernement. L'intervention de Vernerey en faveur de quatre patriotes de Baume arrêtés après le 9 Thermidor, semble beaucoup moins justifiée. L'un d'eux fut remis en liberté le 27 octo- bre 1795. Dès qu'il avait obtenu, avec Michaud, la liberté de ses compatriotes, Vernerey avait envoyé cette bonne nouvelle à Besançon : « Tu trouveras sous ce pli, écrivait-il à sa femme (1) (9 Thermidor, IT), copie certifiée de la mise en liberté de Marellier, Robert, Chazerand, Dormoy et Ram- bour père. Tu la remettras à l'épouse de Marellier. Je suis bien aise de lui avoir fait rendre son mari. Que tous soient prudents et circonspects..……. L'original de la mise en liberté dont copie ci-jointe partira par le même courrier ». Rambour écrivit à Vernerey pour le remercier de sa mise en liberté (2), Celui-ci à son tour lui recommanda fortement de s’absenter quelque temps de Besançon, pour que le département ne l’accusât point, ainsi que Briot, d’agiter le peuple G) (20 Ther- midor, IL), Comme la reconnaissance des hommes dure peu, ceux-là même qui avaient soutenu et élu Vernerey aux assemblées, avant le 9 Thermidor, le comprirent en lan IT, parmi les citoyens soumis à l’impôt forcé pour une somme de 1400 livres. Cependant il ne devait pas y être assujetti n'ayant pas mille livres de revenus. D'après la loi, il lui en aurait fallu (1) Arch. de famille. (2) {dem. (3) Idem. 0 — 6.400, vu le nomdre de ses enfants : « Je vois bien, s'écria- t-il, que tout cela paraît être la suite de la bonne opinion qu'on a pour moi. Ah les coquins ! je les ai pourtant tous obligés tant que je l'ai pu » G). D'autres, sur lesquels Vernerey ne comptait certainement pas, se montrèrent moins oublieux, et les détenus qu'il avait fait mettre en liberté à Moulins, lui envoyèrent le 28 Vendé- miaire an [IV une longue adresse de remerciement (2). À cette époque, le séjour de Paris devenait de plus en plus désagréable. Les membres des Assemblées eux-mêmes souffrirent beaucoup de la cherté de la vie, et surtout des troubles continuels. Dès son retour dans la capitale, en Prairial an I, Verne- rey avait recommencé sa Correspondance avec sa femme. Ses lettres sont remplies de doléances sur les ennuis journa- liers. Tantôt c'était une émeute ; tantôt une diminution de la valeur des assignats, ou une augmentation du prix des objets les plus indispensables. Il arriva même un moment où, par suite du manque d'argent et de la hausse de toutes les denrées, Vernerey, à la tête de six chemises et quelques autres en lambeaux, hésitait à s’en acheter de neuves (3). _ Le Conventionnel était rentré à Paris juste à temps pour assister aux journées de Prairial, qui lui causèrent une grande émotion, et augmentèrent encore son dégoût, pour le métier de représentant du peuple : € Paris, 3 Prairial l’an II] de la République. — Les troubles dans Paris sont apaisés dans ce moment-c1 ; il n'en est pas moins vrai que jamais la Convention n'a éprouvé un plus orand danger ; qu'un membre a été assassiné dans le sanc- tuaire même de la Convention qui a été profané. Tous les bons citoyens de Paris ont bien vu qu'on voulait la dissolu- 1) Arch. de famille. 2) Idem. 3) Idem. ( ( ( on — tion de la Convention et le pillage. Ils se sont réunis et tout a été apaisé heureusement sans autre effusion de sang. Ce sont toujours quelques députés qui en sont les victimes. Voilà tous leurs revenans bons, et cependant, on les croit trop riches et on ambitionne leur place. Grand Dieu ! quand cela finira-t-il et quand nous verrons-nous remplacés ? (1) « Que ne suis-je plus en argent, disait un peu plus tard Vernerey à sa femme, dès le 23 Frimaire IT j'irais me joindre à vous et j'aurais demandé un congé. Mais malheu- sement, nous sommes dans Île cas de faire des dettes le moins possible. Tout devient ici d'un prix inconcevable. Tout y est triplé depuis six mois. Je crois bien qu'il en est de même à Besançon. Il faut bien supporter les crises des Révolutions (2) ». La question d'argent revient maintenant sans cesse : « Ce qui est inconcevable, c'est que malgré la rareté de l'argent, tout est plus cher du double que ci-devant même dans le commencement des assignats. Ce qu'il y a de plus malheureux encore, c’est que le trésor public est épuisé au point de ne pas pouvoir payer les fonctionnaires publics, ce qui est très alarmant. C'est la véritable plaie de la Répu- blique. Puissent les victoires de l’armée d'Italie accélérer la paix et ramener l'ordre et l’économie dans nos finances, sans cela je ne sçais pas comment le gouvernement pourra s'en tirer ! (3) » Les lettres de Vernerey roulent maintenant en enter sur ce sujet : « ( Messidor IV). On ne veut plus vendre ici qu'en numéraire tous les objets de consommation. Il m'en a coûté faute d'argent quatre cents livres en mandats pour une voye de bois que j'aurais eu pour dix-huit si j'avais eu du numéraire. Et le papier est si avili que dans le mois dernier, par la progression des choses et l’avarice des mar- -chands, j'ai dépensé plus que les trois mois précédents... (1) Arch. de famille. (2) Idem. (3) Idem. Si on n y fait pas attention, je ne sçais pas comment pour- ront faire ceux qui ne reçoivent que du papier pour leur traitement ; nous sommes dans ce cas là... Les tems sont pénibles pour tous les fonctionnaires publics. Il faut espérer que cet état de crise ne durera pas toujours (x) ». — «Paris, 23 Thermidor (2). — Absolument, on ne veut plus de mandats ici. [ls sont à 28 sols le cent. Si cela conti- nue, notre traitement sera pire que pendant la dernière année de la Convention, où plusieurs de nos collègues sont morts de faim. Heureusement que la Constitution veut qu'on nous paye valeur du bled. Le dernier mois on nous a donné six mille francs ; mais par le malheureux discrédit des mandats dont on ne veut plus, en les vendant, notre traitement demeure diminué de plus des deux tiers ; ainsi, au Heu d’avoir 300 livres, nous n'aurons pas eu 200 ; et cependant tout est ici plus cher en numéraire qu’en 1790 : et je vois que nos finances et nos financiers ne valent pas mieux les unes que les autres ; il faudrait un génie supérieur qui nous tirerait de là ». Vernerey, seul des Conventionnels du Doubs, fut éliminé des Assemblées par le sort en 1797. La municipalité bison- tine s’empressa de lui envoyer ses condoléances, en même temps qu'elle votait des félicitations pour les autres députés restés aux Assemblées. Déjà au commencement du Direc- toire, Vernerey n'avait continué à siéger comme représen- tant, que grâce à la loi qui permettait aux anciens. Conven- tionnels réélus de compléter les deux tiers du nouveau corps législatif en nommant leurs collègues. En Frimaire an VI, Vernerey reçut une nouvelle mission sur laquelle nous n'avons pas de détails, auprès des salines de Montmorot. On l'avait envoyé en Franche-Comté semble- t-il, surtout pour préparer les élections prochaines. Du reste, (1) Arch. de famille. (2) {dem. ER hi à. la suite du coup d'état du 18 Fructidor, les partis avancés ayant repris la tête du Gouvernement, trois membres de la municipalité de Besançon donnèrent leur démission. Verne- rey remplaça l’un d'eux {10 sept. 1797). L'administration centrale du Doubs fut peu après (11 septembre) destituée par le Directoire. Vernerey fut élu administrateur du dépar- tement, puis président du Directoire du Doubs. Aussi, son ancien collègue Monnot lui éerivit (1) pour l'inviter à influen- cer les électeurs, avant le scrutin : le ministre lui-même le chargeait de cette commission. « Tu sens, lui disait-il, com- bien il est essentiel que les élections soyent dirigées telle- ment quon évite les deux extrêmes qui seraient d'autant plus dangereux que le nombre {de députés) à élire est presque double d’une année commune ». L'administration du département du Doubs par Vernerey dura jusqu'en Avril 1998. Elle n'offre rien de particulière- ment saillant. Sa principale occupation fut d'appliquer la loi du 19 Fructidor sur les prêtres déportés. Il eut parois la main un peu rude, surtout à l'égard des fugitifs qui passaient en Suisse. Des patrouilles parcoururent la frontière jour ct nuit. Les douaniers eux-mêmes furent requis d'arrêter les fugitifs. Quelques placards modérés rendirent nécessaires des pro- clamations pour relever le patriotisme des citoyens. Telle celle du 15 Février 1798. Tel aussi le grand discours pro- noncé par Vernerey lui-même, le 2 Pluviôse an VI à l’occa- sion de « l'anniversaire de la juste punition du dernier roi des Français et de la prestation du serment ordonné par la loi ». Ce discours médiocre n’est qu'une longue démonstra- tion des prétendus crimes de la royauté depuis l'antiquité : mais comme tous ceux de l'époque, il est inspiré par un souffle patriotique ardent. (1) Arch. de famille. Vernerey mourut à Besançon peu après avoir terminé ses fonctions d'administrateur du département du Doubs, le 19 Floréal an VI {4 mai 1798 (). Il n'avait que 49 ans. Vernerey n'était assurément pas de ceux qui se servent de la politique comme d'un marchepied pour s'élever à la fortune : « l’ex-législateur », ainsi qu'il figure à la colonne « profession » sur les tables des décès de l'enregistrement, non seulement ne s'était pas enrichi au service de l'État, mais on peut dire qu'il sy était ruiné. La déclaration de mutation souscrite par sa veuve constate une succession absolument négative aussi bien en valeurs mobilières qu'en immeubles ; les seuls biens en dépendant comprenaient divers immeubles situés dans l'arrondissement de Baume et soumis à l’usufruit de Ia mère du défunt encore existante : ceux-là, Vernerey n'avait pas pu en disposer (2). Briot faisait peu après à ce sujet son éloge. Après avoir reproché au député Besson de s'être enrichi dans les charges exercées par lui auprès des salines de l'Est il ajoutait : « Le représentant du peuple Vernerey avait rempli aussi une mission près des salines ; mais il n’est devenu n1 opulent, ni fermier général : il est mort pauvre, honoré, respecté des gens de bien, laissant une mémoire chère à tous les républi- cains (3)». Mais Vernerey semble avoir tracé lui-même son portrait, en donnant aux citoyens de l'Allier la définition du révolutionnaire comme 1il le comprenait, dans un discours du 2 Prairial IT : « L'homme révolutionnaire doit être. ferme, inflexible, hardi, mais il doit être probe, et surtout il doit être juste ; 1l est franc, loyal, toujours vrai, jamais astucieux; il est fier parce qu'il est brave, mais jamais insolent. Il n'outrage point les autorités constituées... L'homme révolu- (1) Arch. Greffe tribunal civil (Besançon). (2) Arch. du Doubs. "Registre des mutations par décès, 25 Thermi- dor, an VII, n° 54. (3) Première Notice sur les Causes de la Réaction dans le départe- ment du Doubs, par P.-J. Brio, etc. tionnaire est bon, humain pour ses frères, mais il est intrai- table pour les méchans. Il pardonne les erreurs, les fai- blesses même qui ne nuisent pas à la chose publique, mais il est sans miséricorde pour tout ce qui peut porter atteinte à la liberté, à la sûreté ou à la tranquillité de sa patrie. En un mot, il ne vit et ne respire que pour le triomphe de la Révolution ». : De son mariage, Vernerey avait eu deux fils et plusieurs filles. Un de ses fils fut tué en l’an IIT aux armées. L'autre, devenu chef d’escadron et resté célibataire inquiétait encore par ses opinions « nullement rassurantes » le ministre de de l’intérieur en 1822, et le préfet du Doubs estimait qu'il ne saurait offrir aucune garantie pour servir le régime des Bourbons (1). (x) Arch. Nat. F7 6972. 4 FE JE F JEAN BOYVIN PRÉSIDENT DU PARLEMENT DE DOLE SES LETTRES AUX CHIFFLET (1625-1650) HS AL BIOGRAPHIQUE PAR £mize LONGIN ANCIEN MAGISTRAT CORRESPONDANT DE LA REAL ACADEMIA DE LA HISTORIA ——— Séances des 21 juillet 1909 — 22 janvier 1910. —————— JEAN BOYVIN PRÉSIDENT DU PARLEMENT DE DOLE D'APRÈS SES LETTRES AUX CHIFFLET (1625-1650) Boccace rapporte qu'au fort de la peste qui désolait Flo- rence de jeunes citadins et d'honnêtes dames se réunis- saient dans un jardin situé aux portes de la ville pour tromper l’appréhension du fléau par les récits dont la réunion a formé le Décaméron. Qui de nous n’a été parlois tenté de faire de même ? [1 y a dans la vie d’un peuple des heures si tristes qu'on éprouve le besoin de fermer l'oreille aux bruits du dehors : à défaut de noble et gente compagnie, on se plonge dans l'étude du passé ; vague d'abord, l'intérêt que celle-ci - excite en nous se précise et s'accroît insensiblement; à remuer la poussière des archives, on trouve en outre des consolations inattendues, car il vient un moment où les maux dont nous gémissons semblent peu de chose en comparaison de ceux que nos ancêtres ont endurés sans défaillance. Bientôt la honte nous prend de notre abattement. Ce qui n’était qu'une distraction se tourne en leçon : de mâles caractères enseignent le prix de la fidélité aux principes ; ils nous apprennent à tout braver, à tout souffrir pour ce qui est juste, pour ce qui est vrai, et c'est avec une nouvelle ardeur qu’au sortir de là on retourne à la bataille. — 380 — Tel a été le point de départ de mes travaux sur le dix- septième siècle : je n'y ai cherché dans le principe que l'oubli du présent. Celui que je livre aujourd'hui est le résultat d'un commerce de trois années avee un des plus remarquables représentants de l’ancienne magistrature : puisse-t-il mon- trer que la vraie grandeur est celle qui a sa source dans la résolution de ne pas déchoir de sa propre estime ! Il existe à la bibliothèque de Besançon quatre volumes in-folio sous les numéros 102 à r05 de la collection Chifflet (tomes CXXXIT, CXXXIIT, CXXXIV et CXXXV du classe- ment primitif}. Ces volumes contiennent 657 lettres écrites de 1625 à 1650 par le président Boyvin (1) ; ils ont été décrits dans l'inventaire général des manuscrits des bibliothèques publiques de France (2), et il me paraît inutile d'indiquer ici la composition de chacun d’eux ; je signale seulement une erreur commise dans leur classement, le numéro 104 devant venir, d'après l’ordre chronologique, avant les numéros 102 et 103. En tête de l’avant-dernier volume se trouve un « Mé-. morial des emplois et services plus considérables du prési- (1) Jean Boyvin, président du parlement de Dole, fils de Jean Boy- vin, procureur postularit au bailliage de Dole, et de Véronique Fabry (5 août 1575-13 septembre 1650). Cf., sur ce grand magistrat, le P. DE Barry, Les cent illustres de la maison de Dieu en toute sorte de pro- fession (Lyon, 1660, in-12), p. 378-383 ; E. CLERC, Jean Boyvin, pré- sident du parlement de Dole, sa vie, ses écrits, sa correspondance politique (Besançon, 1856, in-8 de LxXIV-158 pp.) ; E. GIRARD, Eloge his- torique de Jean Boyvin, président du parlement de Dole (Arbois, 1856, in-8 de 78 pp.) ; H. ALvISET, Boyvin, président du parlement de Dole (Besançon, 1859, in-8 de 64 pp.) ; le chanoine MoussaRD, Etude histo- rique et morale sur Jean Boyvin, président du parlement de Dole (1574-1050), dans les Mémoires de la Société d’'émulation du Doubs, année 1896, p. 27. | (2) Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France. Départements, t. XXXIII, p. 621. oo — dent Boyvin » vraisemblablement dressé en 1640 à l'appui d'une demande d'augmentation de gages (1). Il est regrettable que les ressources restreintes de nos sociétés savantes ne leur permettent pas d'entreprendre la publication de cette correspondance, car les lettres qu'elles renferment ne font pas moins honneur à celui qui les a écrites qu'aux amis à qui il les a adressées ; elles constituent en outre un document de premier ordre pour l'histoire de la Franche-Comté ; toute une société, toute une époque se dresse devant qui feuillette ces pages. De nos jours, ne l’oublions pas, le journal a profondément modifié le commerce épistolaire : les lettres que nous échan- g#eons n'ont trait, en général, qu'à nos affaires privées, et qui, dans deux cents ans, parcourra la correspondance intime de la plupart d’entre nous n y trouvera guère que de brèves allu- sions aux évènements du jour ; à quoi bon s'étendre sur ce que la feuille imprimée raconte, commente, discute chaque matin ou chaque soir ? Il n’en allait pas ainsi au dix-septième siècle : les lettres étaient encore à cette époque le principal moyen d'information ; on faisait part de leur contenu aux per- sonnes de son monde ; être instruit des premiers de ce qui survenait à l'étranger donnait une réelle supériorité parmi les siens à qui se pouvait targuer de cet avantage. De là l'intérêt des correspondances qui sont parvenues jusqu'à nous. Celle de Boyvin n’est pas une des moins curieuses, encore qu'il entre une certaine dose de vérité dans le reproche qu'un érudit franc-comtois formulait naguère à son endroit (2. Ne servit- elle qu’à faire mieux connaître le grand magistrat dont maint (x) Sous ce titre : Un document inédit sur Boyvin (1040), j'ai publié ce mémorial dans les Mémoires de la Société d’émulation du Jura, année 1908, P. 127. (2) Envisageant un jour la possibilité de publier cette correspon- dance sous les auspices de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Besancon, M. Jules Gauthier me disait : «Il y a bien du fatras !» Pour être juste, le savant archiviste du Doubs aurait dû ajouter que maint recueil de documents édité à grands frais ne la vaut pas. — 289 — panégyriste a altéré la physionomie, elle mériterait d'être publiée, car c'est bien là qu'on voit, comme il le dit, « le pourtrait naïf de son cœur (LXXII) », mais 1l y a mieux : elle est, dans son ensemble, l'écho fidèle des sentiments, des croyances, des préjugés même d’un monde disparu ; avec elle nous entrons dans le vif des préoccupations quo- tidiennes de nos aïeux. Les dépêches politiques du parle- ment de Dole offrent une ample moisson de faits : elles sont loin toutefois d'avoir la même spontanéité, la même fran- chise. Je ne parle pas des mémoires : nous n’en avons à peu près pas sur cette partie de nos annales, et il faudra attendre la conquête française pour qu'un conseiller clerc donne cette forme au récit des évènements dont il a été témoin. Qui ne sait d’ailleurs que dans la plupart des mémoires l’auteur s'arrange toujours de façon à s’attribuer le beau rôle, quand il n y voit pas avant tout l’occasion d’assouvir ses rancunes ? Je conviens, pour être franc, que les lettres en question se réclament moins de leur mérite littéraire que de leur valeur historique. Boyvin écrit sans arrière-pensée de publi- cité et très réelle paraît être la contrariété qu'il manifeste, lorsqu'il sait que ses épîtres familières ont été vues de tel ou tel personnage de la cour de Bruxelles. C’est ainsi qu'appre- nant qu'un de ses correspondants s’est empressé de montrer à d’autres les détails du siège de Dole, il le lui reproche amicalement : « Je viens de recevoir, dit-il, celle dont 1l vous a pleu m honorer. Elle m'a rendu honteux, quand j'ay veu que vous avez fait voir à des personnes de marque celle que je vous escrivis aussi tost après nostre délivrance (1), parce que je me souviens qu'elle fut escrite avec une extrême con- fusion. Je ne l’avois dressée que pour estre exposée aux yeux d'un sincère amy (CCCXX VI). » (1) Le 23 août 1636. Cette lettre renferme quantité de détails justi- fiant l'intérêt extrème avec lequel on la lut aux Pays-Bas. Documents inédits sur le siège de Dole (1030), dans les Mémoires et documents inédits pour servir à l’histoire de la Franche-Comté, t. X, p. 552. — 383 — Tout écrites sans prétention qu'elles se présentent, ces lettres ne sont cependant pas à mépriser sous le rapport de la forme : elles disent clairement ce qu’elles veulent dire, ce qui n'est pas toujours le cas des instructions que Boyvin « minute » au nom de la cour. Le tour en est aisé : encore qu'il ne le cherche pas, le grave parlementaire rencontre parfois le trait, le mot pittoresque, comme lorsque, parlant de Louis XIIT, il montre « ce pauvre roy coïffé d’un chapeau de cardinal (CXX). » Veut-on faire de la province, demande- t-il, « une pépinière, ou plustost une fourmillière de soldats {CCXLVIIT) ? » Qu'on prenne garde que ceux qui vont cher- cher fortune, non en Flandre, « où l’on remue plus de terre que d’escus », mais en Allemagne, « ne veuillent plus ny cultiver les terres ny faire autre mestier et bien souvent deviennent de mauvais soldats bons voleurs et gibiers de gibet (CCIIT). » Rapprochant la déroute des Anglais à l’île de Ré(r) de keur vaine tentative de débarquement à Cadix 2), il dit : « On tiendra doresenavant les entreprises des Anglois sur les voisins pour des volées d’estournaux et pour espou- vantaux de chenevière (LXV). » Aïlleurs il raille « ceux qui font des entendus aux choses où ils ne voient non plus que des taupes (LXXXV). » Le sieur de Gâtey avait leurré (1) C'était le 8 décembre 1627 que les Anglais s'étaient précipitam- ment rembarqués après avoir levé le siège du fort de Saint-Martin à l'approche des troupes commandées par le maréchal de Schomberg. Mercure françois, t. XIII, p. 892, et t. XIV, part. I, p. 202 ; Véritable inventaire de l'histoire de France, t. II, p. 383 ; Theatrum Europæum, t. I, p. 325; GRAMOND, Hisloriarum Galliæ ab excessu Henrici IV libri AVIII, p. 742; RicHELIEU, Mémoires, t. I, p. 481; Bassou- PIERRE, Journal de ma vie, t. III, p. 327 ; CHASTENET-PUYSÉGUR, Mémoires, t. I, p. 55; BERNARD, Histoire du roy Louis XTIT, t. IT, p.24; AUBERY, Histoire du cardinal duc de Richelieu, p. 62; Bau- DIER, Histoire du mareschal de Toiras, L. I, p. 185. (2) Cf., sur l’échec de la flotte anglaise dans sa tentative de débar- quement en Espagne (1-6 novembre 1625), Mercure françois, t. XI, part. I, p. 1047, et t. XII, p. 41 ; Véritable inventaire de l'histoire de France, t. Il, p. 364; Theatrum Europæunm, t. I, p. 292 ; RApIN-THOY- RAS, isloire d'Angleterre, t. IT, p. 79. — 384 — le cardinal de Richelieu de l'espoir qu’une bonne partie de la noblesse bourguignonne, irritée de l'oppression des clercs, se prononcerait contre le parlement de Dole() : « Il s’est fait croire, écrit Boyvin, qu'il pouvoit souslever des mon- tagnes et à peine pourrat-il mouvoir une motte de terre (CCCXIIT). » Ceux qui comptent sur les suspensions de courses pendant la guerre « s’appuient sur la glace d’une nuit (DX). » Une gelée tardive détruit-elle Les vignes, Boy- vin déclare que les Frane-Comtois vont être réduits à devenir « buveurs de bière (CCCCLXXX VI). » Le bruit court-il que la présidence de la cour a été payée 19,000 patag'ons(2), « c'est dit-il, acheter bien chèrement de la fumée (CCLXX VIT). » Il compare la neutralité des deux Bourgognes à « une toile d'aragnée (CXCIV, CCCVI). » Quelle image peint mieux la la Franche-Comté, véritable «isle infortunée ([CCCCLX VI) » détachée des autres États du roi d'Espagne (3), que la phrase où il est dit que « nostre province... tremble tousjours comme (1) Clériadus de Marmier, seigneur de Gâtey, Talmay, Saint-Julien, etc., fils de Jean de Marmier, seigneur de Gâtey, et de Paule de Pon- tailler. Le conseiller de Champvans le dit « personnage hardy et élo- quent, auquel rien ne manquoit que la fidélité, mais tout en suite de ce défaut. » Lettre à Jean-Baptiste Petrey, sieur de Chemin, p. 14. Cf. Boyvin, Le siège de la ville de Dole, p. 44; DE LA MARE, De bello Burgundico, p. 8; GiRARDOT DE NoZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p.80 ; E. LonGiN, Simon de Villersla- faye et sa réponse au livre de Jean Boyvin sur le siège de Dole, p. 12. (2) Le patagon, ou dalre de Bourgogne, était une monnaie d'argent. au titre de ro deniers 11 grains 1/2, au remède d’aloi de 1 grain. Ci. Ordonnance du Roy sur le fait et règlement des monnoyes en son pays et comté de Bourgoigne (Anvers, 1622, in-4); BOyvin, Trailé des monnoies et de la pratique et fabrication d'icelles, p. 13 ; dom Grar- PIN, Recherches sur les anciennes monnoies du comlé de Bourgogne, p. 202 ; L. PLANTET et L. JEANNEZ, Essai sur les monnaies du comité de Bourgogne depuis l’époque gauloise jusqu'à la réunion de la Franche- Comté à la France sous Louis XIV, p. 183. (3) Les écrivains du temps ont souvent comparé le comté de Bour- gogne à une île. « La Franche-Comté est comme une petite isle entre le duché de Bourgoigne et l'Alsace. » BIGEoT, Le Bourguignon inte- ressé, p. 125. — « L'Alsace, la Ferrette et la Lorraine sont séparées de la France par son moyen; elle est comme une petite isle enceinte de ses ennemis ». Ip., Le bon Bourguignon, p. 65. Dans la curieuse nr la feuille qui est attachée à la branche par une longue et foible queue (CLXXVI) ? » À d’autres moments, le sérieux du magistrat dolois s'égaie de réflexions ironiques. Il dit des troupes allemandes : « Elles meurent de faim, mais les embrasemens, les sacrilèges et les meurtres ne leur donnent pas à manger (CCCXIIT). » Quand le P. Pierre-François Chif- flet(r) se flatte de faire imprimerses /{lustrationes Claudianæ aux frais des religieux de l’abbaye de Saint-Claude (2), Boy- vin ne cache pas qu'il croit ceux-ci « plus soigneux de con- server leur argent que la mémoire de leurs devanciers. J'ay charge, ajoute-t-il, d’estre receveur de ce qu'ils voudront contribuer. J'estime qu'ils ne me chargeront guères (DCXI). » Il dit de lui-même : « J’ay plus besoin doresenavant de repos que de charge et de réalité que de fumée, et puis voulez- carte qu'il avait fait graver à Strasbourg en 1620, le marquis de Con- flans avait déjà montré le comté de Bourgogne entouré de neuf sei- gneuries souveraines, « de façon qu'il est en isle », et Bigeot redira plus tard dans La Inocencia y Fidelidad del Franco Condado de Bor- gona à los pies de su Magestad, fol. g v°: «Es como una pequena isla. » E. LONGIN, Protestalion de Claude-Elienne Bigeot contre la conquéte de la Franche-Comté {1070), p. 22. (1) Pierre-François Chifflet, de la Compagnie de Jésus, fils de Jean Chifilet, docteur en médecine, et de Marguerite Poutier, sa premiere femme (20 septembre 1592-53 mai 1682). Ce religieux n’a pas moins brillé par l’érudition que son irère aîné Jean-Jacques ; plusieurs de ses ouvrages sont encore recherchés ; Colbert le fit venir à Paris en 1675 et lui confia le classement du médailler du roi. C£. Mss.Chifilet,t. XXIIT, fol. 109 ; le P. ALEGAMBE, Bibliotheca scriptorum Societatis Jesu post excussum anno M.DC.VIIT. catalogum R. P. Ribadeneiræ, Societatis ejusdem theologi, p. 381; LaMpineT, Bibliothèque séquanoise, t. II, fol. 133 ; NICÉRON, Mémoires pour servir à l'histoire des hommes illus- tres dans la république des lettres, t. XXV, p. 276 : MORÉRI, Diction- naire historique, t. IX, p.617 ; GIROD DE NOVILLARS, Essai historique sur quelques gens de lettres nés dans le comté de Bourgogne, p. 64 ; LABBEY DE BILLY, Histoire de l’université du comté de Bourgogne, t. I, p. 245 ; les PP. bE BACKER, Bibliothèque des écrivains de la Com- pagnie de Jésus, t. I, p. 193; vicomte A. DE TRUCHIS DE VARENNES, Les Chifflet à l'imprimerie Plantinienne, dans le Bulletin de l'Acadé- mie des sciences, belles-lettres et arts de Besancon, année 1908, p. 415. (2) Les Illustraliones Claudianæ du P. Pierre-François Chifflet ont paru dans le recueil des Bollandistes. Le manuscrit de l’histoire de l’abbaye de Saint-Claude se trouve actuellement à la bibliothèque royale de Belgique. be QT ose vous que je me raille de moy mesme ? Je suis comme le renard des raisins ; parce que je n'y puis mordre, je les dédaigne et dis qu'ils ne sont pas de saison ([CCCLIV). » Plus tard, à la vue des dépenses qu'entraîne son élévation à la présidence du parlement, il écrit : « Il faut avaler la pilule, dont plusieurs, qui ne goustent pas l’amertume, s'amusent à en considérer la dorure. Je ne sçay de quoy elle me guérira. Ce ne sera pas de la pauvreté, qui est ma plus grande maladie, en cette déplorable saison que tous nos biens sont bruslés, désers et anéantis et qu'il y a quatre ans entiers que nous ne recueillons rien (CCCLXXI). » Des saillies semblables ne sont pas fréquentes dans la correspondance de l’auteur du Siège de la ville de Dole et c'est pourquoi je n'ai pu résister à la tentation de noter au passage celles qu'on vient de lire : il se déride rarement ; ce qui me paraît caractériser sa manière, c'est un mélange de force et de simplicité. Peut-être serait-ce ici le cas de parler de son orthogra- phe : elle varie peu avec les années, tant, dès le début, elle l'emporte en correction sur celle de la plupart des écri- vains du temps. Toute sa vie du reste le magistrat dolois s'est préoccupé des règles à suivre à cet égard, déplorant qu'elles n’eussent « non plus de certitude en la langue fran- çcoise que les changemens des temps et des saisons. » Il abandonne de bonne heure le z final de certains substantifs. de certains pronoms et de certains participes : « Comme de plume le pluriel est plumes, ainsi de plumé le pluriel doit estre plumés, et non pas plumez, qui est un verbe (DVI). » Il blâme dans un ouvrage (1) faisoint et disoint pour faisoient (x) L'ouvrage qui a motivé les observations critiques de Boyvin est le suivant : L'Imitation de Jésus-Christ communément attribuée à Thomas a Kempis, chanoine régulier. Traduite exactement du latin en françois par Philippe Chifflet, abbé de Balerne, vicaire général et chanoine L l’église métropolitaine de Besançon. À Anvers, de l’impri- merie Plantinienne. M.DC.XLIV (in-8 de 390 pp., 20 ff. liminaires et 12 ff. pour la table, avec un frontispice et quatre planches gravées par Cornélius Galle le jeune, d’après Vander Horst). 387 — et disotent (DIIT , et semble appeler de ses vœux la réforme de Vaugelas (1), lorsqu' après avoir dit l'orthographe fran- çaise « extrêmement bigearre (2) », il ajoute : « Je souhaite- rois que quelque bon esprit ne dédaignast pas de nous en donner des règles, je ne dis pas seulement pour les estran- gers, qui ne sçauroient lire nostre escriture sans trucheman, mais pour ceux de la langue mesme, qui ne sçavent à duos s'en tenir (DVIT. Quant à son —. elle peint l'homme. Ces pages cou- vertes de lignes serrées dont les caractères microscopiques n ont rien à envier sous le rapport de la netteté aux types des imprimeurs les plus en renom sont pour le lecteur un sujet d’étonnement : aucune hésitation ne s'y fait sentir: à peine rencontre-t-on quelques ratures, quelques mots mis par mégarde l'un pour l'autre: du premier jour au dernier la main est aussi ferme : le seul aspect extérieur de ces lettres atteste un esprit pondéré,une raison toujours maitresse d'elle-même. Quelle différence avec l'écriture de Brun (3), qui révèle à première vue la prédominance de l'imagination ! (1) Claude Favre, seigneur de Vaugelas, gentilhomme ordinaire, puis chambellan du duc d'Orléans, fils d'Antoine Favre, baron de Ge- roges, premier président du Sénat de Savoie, et de Benoîte Favre, dame de Vaugelas (6 janvier 1595—février 1650). (2) Furetière donne les deux formes bizarre et bigearre : « C’est un homme bigearre avec lequel on ne peut vivre.» Dictionnaire universel, t. I, p. 220. Le grand législateur du langage français dit : « Bigearre, bizarre. Tous deux sont bons, mais bizarre est tout à fait de la cour. » VAUGELAS, HR sur la langue francoise (Édit. Chassang, t. II, 2 D:5 (3) Antoine au procureur général au par lement de Dole, puis plé- nipotentiaire de $. M. Catholique au congrès de Munster et ambassa- deur auprès des États-Généraux, fils de Claude Brun, conseiller au parlement de Dole, et de Marie Dard (29 juin 1599—2 janvier 1654). Il est étrange qu'aucun historien n'ait encore songé à écrire la vie de l’éminent diplomate à qui l'Espagne fut redevable de la conclusion du traité du 30 janvier 1648 avec les Provinces-Unies. M. Bernard Prost a dressé dans les Mémoires de la Société d’émulation du Jura, année 1873, p. 337, la liste de ses ouvrages ; il faut y ajouter le Manifeste au nom des peuples de la Franche-Comté de Bourgongnre. dont j'ai donné, en 1905, une édition plus complète et plus correcte que celles de M. l'abbé Suchet et de M. Édouar d Clerc. — 308 — Ce qui prouve bien que les confidences de Boyvin sont du premier jet, c'est qu'elles ne portent pas de traces de rema- niement, telles qu'il s’en trouve dans les dépêches du parle- ment, dont les minutes sont fréquemment surchargées de corrections. Au reste, nous avons sur ce point l’aveu de leur auteur, déclarant à maintes reprises que l'heure le presse, que le messager est impatient de repartir. On se heurte assez souvent à des mots, voire à des membres de phrase entièrement chiffrés. C’est qu'il faut se méfier « des artifi- ciels qui font mestier d’intercepter les lettres (CLXI) » : il est avéré qu'un pli a été ouvert à Bruxelles (CLIX) ; pendant la guerre les paquets de l'ordinaire sont plus d’une fois arrêtés par les coureurs des garnisons ennemies ; aussi Boyvin, à qui Vigenère (1) est familier (LV), fait-il usage d'un chiffre qu'il a imaginé (LIITI) en même temps que de celui dont le gouverneur de la province et le parlement se servent pour correspondre entre eux (2). Comme si cela ne suffisait pas, à parür de 1639 des noms de pays, de villes et de personnes sont remplacés par des signes de convention, par des lettres ou par des chiffres; le déchiffrement mis en interligne dans une dépêche [(CCCLXXXIX) donne la clef de la plu- part de ces déguisements ; il en est d’autres que le contexte indique ; pour une trentaine, on est réduit à former de simples suppositions. Je ne saurais assez dire le plaisir que j'ai pris à la lecture de ces quatre volumes. Nulle part on ne trouve de rensei- gnements plus précis sur les événements dont la Franche- Comté fut le théâtre de 1636 à 1643 : cette source a été négligée par nos historiens, et c'est pourtant à elle quil (1) Blaise de Vigenère, secrétaire du duc de Nevers, puis de Henri ITT, roi de France, fils de Jean de Vigenère, seigneur de Saint-Paul, con- trôleur ordinaire des guerres, et de Marguerite Dulyon (5 avril 1523— 22 février 1599). (2) On peut voir un exemple de ce dernier chiffre dans deux des pièces justificatives de mon étude sur Anne de Gonzague en Franche- Comté {1041}, p. 67. . + JO faut recourir, si l'on veut apprécier à sa juste valeur la résis- tance que le comté de Bourgogne opposa aux armées de Louis XIIT. Il est inouï qu'un petit pays ait pu tenir tête à des forces aussi considérables : en 1637 notamment, Lon- œueville (1), au sud, Weimar (), au nord, étaient près de se donner la main en balayant tout devant eux : assailli par les flancs, notre lion sortit néanmoins invaincu de l'arène, à l'étonnement de tous, et c'est ce que le procureur général du parlement de Dole constate avec orgueil, lorsqu'il insère dans son manifeste la lettre interceptée d’un officier ennemi disant : « La Savoye ayant esté prise en quinze jours, Suze et Pignerole en trois, l'Alsace en trois mois, la Lorraine en quatre, on ne peut comprendre qu'un pays plus foible, entouré de tous nos Estats, détaché de cens lieues de tous ceux de la domination d'Espagne, estant si puissamment attaqué, résiste trois années entières (5). » Descendants de ces hommes dont, au témoignage d'un capitaine français, on ne pouvait se rendre maitre qu'en abattant le dernier à coups d'épée (4), nous enorgueillir de leurs exploits, et il est juste de disputer ceux-01 à l'oubli. C’est ce que je me suis efforcé de faire dans nous avons le droit de mes études antérieures ; c'est à quoi contribuerait surtout la publication de la correspondance de Boyvin : on y verrait comment, abandonnés à eux-mêmes après le départ du duc de Lorraine (5\, les Franc-Comtois, loin de se décourager, (1) Henri IT d'Orléans, duc de Longueville, comte de Dunois, prince souverain de Neuchâtel et de Valengin, lieutenant général des armées du roi et gouverneur de Normandie, fils de Henri I" d'Orléans, duc de Longueville, et de Catherine de Gonzague-Clèves (27 avril 1595— 21 Mai 1663). (2) Bernard, duc de Saxe-Weimar, fils de Jean, duc de Saxe-Wei- mar,et de Dorothée-Marie d’Anhalt (16 août 1604—18 juillet 1639). (3) BRUN, Manifeste au nom des peuples de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 66. (4) MONTGLAT, Mémoires, t. I, p. 129. (5) Charles IV, duc de Lorraine et de Bar, fils de François de Lor- raine, comte de Vaudémont, et de Christine de Salm {6 avril 1604— 17 septembre 1675). 2 00 contraignirent le cardinal de Richelieu à rappeler Les troupes chargées d’affamer les villes par la dévastation des mois- sons. Ce que Boyvin ne dit pas, c’est le rôle qu'il joua dans la défense de Dole contre les gastadours : Girardot de Noze- roy (1), par bonheur, nous l’a fait connaître et par lui nous savons que, si une panique fut évitée à la suite d'une sortie téméraire, ce fut grâce au sang-froid de l’intrépide prési- dent (2). L'avouerai-je cependant? En dépit de ses mérites réels, cette correspondance manque un peu d'air, d'horizons; le champ de vision du magistrat dolois semble trop rétréci, trop borné ; on se prend à lui souhaiter des relations plus éten- dues, telles, par exemple, que celles qu'entretenait avec tous les curieux de l’époque le célèbre Peirese (3. La faute, je m empresse de le dire, en est aux circons- tances. Boyvin n'a pour ainsi dire jamais quitté sa province : il n'a pas eu l’occasion de s’afliner, en se dépaysant, au (1! Jean Girardot de Nozeroy, seigneur de Beauchemin, conseiller au parlement de Dole, fils de Louis Girardot, lieutenant général du baïil- liage de Salins, et de Marguerite de Nozeroy (1584—8 février 1651). Tant que le patriotisme ne sera pas lettre morte, on ne se lassera pas de lire le livre que cet éminent magistrat a consacré aux dix années pendant lesquelles la Franche-Comté fut en butte aux attaques de la France ; c’est réellement un ouvrage de premier ordre. CÎ. LAMPINET, Bibliothèque séquanoise, t. VI, fol. 144; GIROD DE NOVILLARS, Essai historique sur quelques gens de lettres nés dans le comté de Bour- gogne, p. 92 ; E. CLERCG, Jean Boyvin, président du parlement de Dole, p.140 ; E. LONGIN, Girardot de Nozeroy et la « Bourgongne délivrée », dans les Annales franc-comtoises, 2° série, t. VIT, p. 402 ; P. PERRAUD et M. PErROD, Etude sur Girardot. de Nozeroy, seigneur de Beauche- min, conseiller en la cour souveraine de parlement de Dole, intendant des armées de la province, dans les Mémoires de la Société d'émula- tion du Jura, année 1900, p. 133. (2) GIRARDOT DE NozEROY, Histoire de dix ans de la Franche- Comté de Bourgongne, p. 248. (3) Nicolas-Claude Fabri, seigneur de Peiresc, conseiller au parle- ment d'Aix, fils de Renaud Fabri, seigneur de Belgentier, conseiller à la cour des aides de Provence, et de Marguerite de Bompar (1° dé- cembre 1580-24 juin 1637). Un monument a été élevé par la ville d'Aix, le ro novembre 1895, à celui que Bayle a qualifié de procureur général de la république des lettres. Es 391 ETS contact d’esprits plus vifs, plus légers; ceux qui voient l'atavisme partout trouveront peut-être dans ses origines bressanes (r) une explication de cette gravité un peu pédan- tesque, un peu lourde. D'ailleurs ce n’est pas seulement sa province, c'est sa ville natale qu'il ne perd pas de vue en soixante-quinze ans. Il a fait un court séjour aux Pays-Bas ; diverses missions l'ont conduit à Grenoble, à Montbéliard, à Berne (2), mais, à partir du jour où 1l préside le parlement, il ne bouge plus de Dole. Ce n'est pas lui qui se soucie de chevaucher à la tête des troupes, comme Girardot de Noze- roy, comme Brun : pendant le siège, tous l'ont vu affronter bravement les canons français, mais il ne comprend pas qu'on se plaise au bruit des armes. « Je ne sçay si M. de Beauchemin voudra quitter la guerre sur nostre semonce, écrit-1l en 1637 au procureur général; il est amoureux de chose qui ne fut jamais belle que de nom et que les dére- glemens d’aujourd'huy rendent non pas odieuse, mais abomi- nable (5). » Tout entier aux soins de sa charge, le seul délassement de Boyvin, en descendant du siège, est de se retirer dans sa « librairie » pour y lire les gazettes, les passevolants (4), les livres qui en garnissent les rayons. En des temps paisibles, il eût été simplement un homme de cabinet, portant sur les sujets les plus divers une curiosité qui, de son propre aveu, ne vieillit pas avec les années {(CCCCX). Combien ne serait-il pas précieux, pour la connaissance de l'homme, de posséder la liste des ouvrages de cette bibliothèque ! Plusieurs de (1) Le père de Jean Boyvin était de Louhans. (2) Cf., sur ces missions, E. Lon@iIN, Un document inédit sur Boyvin Pn0 40); ps r33. (3) Boyvin à Brun, Dole, 3 janvier 1635. — Arch. de Buthiers, papiers de Brun, t. VIII, fol. 98. (4) Je n’ai rencontré ce mot avec le sens de feuilles volantes, de brochures, que dans la correspondance de Boyvin. Les passevolants sont partout ailleurs les gens que les capitaines mettaient en ligne les jours de revue pour faire croire leurs compagnies complètes. 300 — ceux-ci sont épars dans les dépôts publics de la province ; j'en possède moi-même quelques-uns ; les lettres de Boyvin donnent les titres de bon nombre d’autres et révèlent avec quelle reconnaissance il les a reçus ou quelle ardeur il les a convoités. « Je désirerois bien de sçavoir, écrit-1l, si l'on a imprimé la seconde décade de l'Histoire de Flandre du Père Famianus Strada (1), parce que la lecture de la première m'en a rendu amoureux [DCV). » Sa piété se nourrit des traités de dévotion du P. Laurent Chifflet (2), Quant aux ouvrages du frère aîné de celui-ci, 1l épuise à leur égard toutes les formules de l'admiration; à son avis « sembla- bles escrits nerveux et judicieux servent bien souvent davantage à raffermir les courages branslans que les hauts faits d'armes (CCXV). » Il Au moment où s'ouvre cette correspondance, Boyvin tou- che à la cinquantaine : sa femme Jeanne - Sébastienne (x) La première décade du De bello Belgico du P. Famien Strada avait paru à Rome en 1632, in-folio ; deux autres éditions avaient été données à Anvers en 1635, in-8, et en 1636, in-12. La seconde partie réunie à la première fut mise en vente à Rome sous ce titre : Famiani Stradæ Romani a Socielate Jesu de bello Belgico Decas prima, Decas secunda (Rome, 1640-1647, 2 vol. in-fol.). Les PP. DE BACKER, Biblio- thèque des écrivains de la Compagnie de Jésus, t. TT, p. 956. (2) Laurent Chifilet, fils de Jean Chifflet, docteur en médecine, et de Marguerite Poutier, sa première femme, était entré en 1617-dans la Compagnie de Jésus ; né à Besançon le 13 novembre 1598, il mourut à Anvers le 9 juillet 1658. Cf. Mss. Chifilet, t. XXIII, fol. 105 ; LAM- PINET, Bibliothèque séquanoise, t. II, fol. 130; Foppens, Bibliotheca Belgica, t. IT, p. 806 ; MoréRri, Dictionnaire historique, t. II, p. 616; Du PIN, Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques du dix-seplième siècle, t. IT, p. 381 ; Giro» DE NOVILLARS, Essai historique sur quelques gens de lettres nés dans le comté de Bourgogne, p. 63; LABBEY DE BiLzLv, Histoire de l’université du comté de Bourgogne, tT, p. 247; les PP. DE. BACKER, 0p. cil., t. L'p- 192, et © VIT p.102: vicomte A. DE TRUGHIS DE VARENNES, Les Chifflet à l'imprimerie Plan- tinienne, p. 416 ; M. PERROD, Répertoire bibliographique des ouvrages franc-comtois imprimés antérieurement à 1790, p. 76. Camus (1) lui a déià donné neuf enfants ; 11 y a longtemps qu'il appartient au parlement de Dole, car, après avoir rempli pen- dant huit ans les importantes fonctions d'avocat général (2), il a été nommé le 16 décembre 1617 « conseiller absolu 6). » A diverses reprises, la cour de Bruxelles lui a confié des missions délicates et tout récemment il a accompagné en Suisse le président de Mercey (4), qui, par ordre supérieur, travaille à faire comprendre le comté de Bourgogne dans l'alliance que l'Espagne se propose d'établir entre les cantons catholiques et le Milanais. Sans être encore au premier plan, il est de ceux dont les avis font autorité ; son intégrité et son savoir sont connus de tous ; on n'ignore pas non plus la diversité de ses aptitudes, et qu'il manie le crayon et le (1) Jeanne-Sébastienne Camus, fille de Marin Camus, procureur postulant au bailliage de Dole, et d’Antoinette Abrvy. Née à Dole, le 2 juin 1589, elle avait épousé Boyvin en 1605. CÎ. E. LONGIN, Notes sur la famille Boyvin, dans les Mémoires de la Société d’émulation du Jura, année 1909, p. 53. (2) Nommé avocat général le 4 juin 1609, Boyvin fut installé le 2r. Les avocats généraux ne venaient pas, à cette époque, après le procu- reur général, mais avant lui. « Ils étoient membres de l'intérieur du parlement, raportoient et jugeoient les procès civils, comme les conseil- lers. Ils assistoient à la visitation et au jugement des procès criminels, sans voix délibérative ; mais ils avoient la liberté de faire observer les erreurs de fait, s’il en intervenoit dans les opinions, d'informer et décréter comme le procureur général. L'économie du parlement, l’ins- pection sur le parquet et le greffe leur appartenoient. Ils faisoient les haranges et calanges. Et comme les fonctions de leur emploi deman- doient de l'extérieur et le talent de la parole, le parlement nommoit ordinairement pour les remplir de jeunes avocats bien faits, spirituels et éloquens. » DuNOoD, Mémoires pour servir à l'histoire du comté de Bourgogne, p. 615. (3) La prestation de serment de Boyvin comme conseiller est du 8 janvier 1618. (4) D'abord lieutenant général du bailliage d'Amont, puis conseiller au parlement de Dole, Adrien Thomassin, seigneur de Mercey, fils de Nicolas Thomassin, seigneur de Villeparois et de Mercey, et de Béatrice de Vaux, avait été nommé président le 29 janvier 1605 et installé en cette qualité le 7 mars. C'était en 1621 que les archiducs Albert et Isabelle-Claire-Eugénie l'avaient envové en Suisse. Il a, suivant un auteur, « laissé un gros livre in-folio de cette ambassade, lequel n'a jamais esté imprimé. » LAMpPINET, Bibliothèque séquanoise, TE MOl. LL r ‘v°. 230 © compas aussi habilement que la plume ; c'est à lui qu'est dû le dessin de plusieurs des édifices publics dont s’honore la capitale de la province, et il a reçu mission de décrire les fêtes religieuses inoubliables de 1608 et de 16091). Ses correspondants ne sont pas moins en vue que lui. Jean-Jacques Chiiflet(2) s’est déjà fait un nom dans le domaine de l’érudition ; il a écrit en beau latin l’histoire de sa ville natale (3); d’autres ouvrages l'ont mis en rapports avec les savants du temps (4) ; ce sera plus tard à lui qu'in- combera presque exclusivement la tâche de défendre par la plume les droits de la maison d'Autriche. Son frère Phi- (1) Demeurée manuscrite, la Relation fidèle du miracle du Saint Sacrement, arrivé à Faverney en 100$, suivie de la description des arcs de triomphe, des emblèmes et diverses resjouissances que firent les Dolois à l'arrivée de la Sainte Hostie n’a été publiée qu’au siècle dernier (Besançon, 1839, in-8 de x1-83 pp., une planche). Le catalogue imprimé de la bibliothèque publique de Dole mentionne, p. 225, une édition antérieure (Dole, 1838, in-18), qui ne se trouve plus dans ce dépôt. (2) Jean-Jacques Chifflet, médecin de la chambre des archidues, puis médecin de la chambre de Philippe IV, roi d’Espagne, fils de Jean Chifflet, docteur en médecine, et de Marguerite Poutier, sa première femme (21 janvier 1588-20 avril 1673). C’étaient les intérêts de la cité impériale de Besançon, désireuse d'enlever à la ville de Dole son par- lement, qui avaient conduit Jean-Jacques Chifflet aux Pays-Bas. A. CASTAN, Les origines et la date du Saint-lldefonse de Rubens, dans les Mémoires de la Société d’émulation du Doubs, année 1884, D: (3) Joan. Jac. Chiffletii patricit, consularis, et archiatri Vesontint Vesontio civitas imperialis libera, Sequanorum metropolis, plurtmis, nec vulgaribus Sacræ Prophanæque historiæ monumentis illustrata et in duas parles distincta. Lugduni, apud Claudium Cayne.M.DC.XVIIT (in-4 de 264 pp., 15 ff. liminaires et 4 ff. pour la table, un frontispice et 3 planches gravées sur cuivre); Joan. Jac. Chiffletii patricii, consu- laris, et archiatri Vesontini Vesontionis pars allera de archiepiscopis Bisuntinis, et aliis civitatis Bisuntinæ ecclesiasticis rebus. Præmisi- mus archiepiscoporum nomina, quæ partem hanc posteriorem capilum loco distingunt. Lugduni, apud Claudium Cayne. M.DC.XVII (in-4 de 328 pp. et 15 ff. pour la table et l'approbation). Une seconde édition, beaucoup moins belle, parut à Lyon en 1650. (4) On peut voir un grand nombre de lettres adressées à l’auteur de Vesontio dans les tomes XXII, CXV et CXVII de la collection Chifllet. lippe (1) est depuis un an chapelain de l’oratoire de linfante Isabelle-Claire-Eugénie (2); il ne reviendra en Franche- Comté qu'en 1628, pour prendre possession du prieuré de (1) Philippe Chifflet, chapelain de l’oratoire des archiducs, puis prieur de Bellefontaine et chanoine de l’église métropolitaine de Besan- con, fils de Jean Chifflet, docteur en médecine, et de Marguerite Poutier, sa première femme (ro mai 1597-11 janvier 1657). Sur ses ouvrages et ceux de son frère Jean-Jacques, cf. LAMPINET, Bibliothèque séquanoise, t. IT, fol. 128; FoPrens, Bibliotheca Belgica, t. IT, p. 6r0 et p. 1027; VAN LOON, Histoire métallique des Pays-Bas, t.IT, p. 275 ; NiICÉRON, Mémoires pour servir à l’histoire des hommes illustres dans la république des lettres, t. XXV, p. 255 et 274; Moréri, Dictionnaire historique, t. III, p. 615 et 616; GiroOD DE NOVILLARS, Essai histo- rique sur quelques gens de lettres nés dans le comté de Bourgogne, p. 56 et 67; LABBEY DE Bizzy, Histoire de l'université du comté de Bourgogne, t. I, p. 242 et 246; C. WEIss, art. Chifflel, dans la Bio- graphie générale, t. X, p.300 et 302 ; A. CASTAN, art. Chifflet, dans la Grande Encyclopédie du AIA° siècle, t. XI, p. 24 ; vicomte A. DE TRu- CHIS DE VARENNES, Les Chifflet à l'imprimerie Plantinienne, p. 396 et 409 ; M. PERROD, Répertoire bibliographique des ouvrages franc- comtois imprimés antérieurement à 1790, p. 72 et 80. (2) Isabelle-Claire-Eugénie, infante d'Espagne, souveraine, puis après la mort de l’archiduc Albert, son époux, gouvernante des Pays- Bas et du comté de Bourgogne, fille de Philippe IT, roi d'Espagne, et d'Élisabeth de Valois, sa troisième femme (12 août 1566-1°* décembre 1633). CI., sur cette grande princesse, dont la mémoire est restée chère à ses sujets, CHAPPUISOT, Laudatio funebris æternæ memoriæ Serenis- simæ Principis Isabellæ Claræ Eugeniæ, Hispaniarum infantis (Bruxelles, 1634, in-8); CLÉMENT, La vraye force d'une femme en l'union el mariage de la piété el vertu d'Isabelle avec le soin et la solicitude des afaires du monde |Dole, 1634, in-4) ; PUTEANUS, /dea heroica Principis unius omnium oplimae Isabelae Clarae Eugeniae vita et morte in exemplum delineata (Louvain, 1634, in-4) ; le P. Cour- VOISIER, Le sacré mausolée ou les parfums exhalants du tombeau de la Sérénissime Princesse Isabelle-Claire-Eugénie figuré sur le sépul- chre du Roy David (Bruxelles, 1634, in-4); TRISTAN L'HERMITE, La peinture de la Sérénissime Princesse Isabelle-Claire-Eugénie, infante d'Espagne (Anvers, 1634, in-4); LA SERRE, Mausolée érigé à la mé- moire de très-haule, lrès-puissante et très-auguste Princesse Isabelle Claire Eugénie d'Autriche, infante d'Espagne, du commandement de la Reyne Mère du Roy Très-Chrestien (Bruxelles, 1634, in-fol.). MATHIEU DE MORGUES, Pourtraict en petit d'Isabelle Claire Eugénie, infante d'Espagne (Paris, 1650, in-4) ; BRUSLÉ DE MONTPLEINCHAMP, Histoire de l'archiduc Albert, gouverneur, el puis prince souverain de la Belgique, p. 312; Novoa, Historia de Felipe IV, rey de Espana, dans la Coleccion de documentos ineditos para la historia de España, t. LXIX, p. 267; GouLas, Mémoires, t. I, p. 213; GACHARD, Lettres de Philippe IT à ses filles, les infantes Isabelle et Catherine, écrites 306 = Bellefontaine (1), eten 163r, pour chercher la jeune héritière de la maison de Ray (2), que la gouvernante des Pays-Bas consentira pourtant à laisser auprès de sa mère ; cha- noine de l’église métropolitaine, il deviendra vicaire général du diocèse de Besançon 6) et abbé de Balerne, sans toutefois pouvoir atteindre au but de son ambition, qui est d'occuper dans le parlement de Dole la place qui reviendra un jour à son neveu Jules (4). C'est surtout avec Philippe Chifflet que pendant son voyage en Portugal (1581-1583), p. 58; CG. Pror, Bio- graphie nationale, t. X, p.12; A. RODRIGUEZ VILLA, Correspondencia de la infanta archiduquesa D? Isabel Clara Eugenia con el duque de Lerma, dans le Poletin de la Real Academia de la Historia, t. XLVII, p:2253;: 821 et 413; TEXLNI Sp 6) rm F5 207 097 et mou le t. XLIX, p.5 ; E. LONGIN, Contribution à l'histoire de l'infante Isabelle- Claire-Eugénie, dans le Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts de la Haute-Saône, année 1908, p. 393 ; comtesse DE VILLER- MONT, L'infante Isabelle, gouvernante des Pays-Bas (Bruxelles, 1972, 2 Vol. in-8). (x) Arch. du Doubs, G 1113. Philippe Chifflet avait auparavant sou- tenu un long procès au sujet d’un autre bénéfice. Le prieuré de Belle- fontaine fait l’objet des ouvrages suivants : Erycii Puteani Diva Virgo Bellifontana in Sequanis : loci ac pietatis descriplio, originem, incre- menta,seriemque hierotoparcharum complectens. Antuerpiæ, ex officina Plantiniana Balthasaris Moreti. M.DC.XXXI (in-4 de 6r pp. et un feuillet pour l'approbation, deux planches gravées sur cuivre) ; Histoire du prieuré Nostre Dame de Bellefontaine au comté de Bourgongne, pur Philippe Chifilet, prieur el seigneur du lieu. À Anvers, en l'imprimerie Plantinienne de Balthasar Moretus. M.DC.XXXI (in-4 de 36 pp. et un feuillet pour l'approbation, une planche gravée sur cuivrei. Dans le premier de ces ouvrages, p. 46, se trouvent huit vers latins de Boyvin. (2) Marie-Célestine de Ray, fille de Claude-Antoine, baron de Ray, et de Béatrix de Vergy. Héritière d’une des fortunes les plus considé- rables de la province, la jeune baronne de Ray avait été confiée au comte de Champlitte, gouverneur de la province, lorsque sa mère était entrée chez les Annonciades de Dole. Après la mort de Clériadus de Vergy, on craignit que sa veuve ne fit épouser à cette enfant un gentil- homme français ; de là l’ordre donné à Philippe Chifflet par l’infante. V. Instruction pour vous le prieur de Bellefontaine Philippe Chifilet, nostre chapelain d’oratoire, de ce que vous aurez à traiter au voyage du conté de Bourgongne, où nous vous envoyons présentement, Bruxelles, 31 décembre 1630. — Mss. Chifflet, t. XXV, fol. 20. (3) L’archevêque de Besançon à Philippe Chifilet, Besançon, 29 juin 1637. — Mss. Chifilet, t. XOVIII, fol. 83: (4) Jules Chifflet, fils de Jean-Jacques Chifflet, médecin de la chambre de Philippe IV, roi d'Espagne, et de Jeanne-Baptiste Malbouhans (15 avril 1615-7 juillet 1676). Prieur de Dampierre, puis chanoine de 007 Boyvin correspond : pendant un quart de siècle il n'aura vrai- ment pas de confident plus intime ; pour que l'ordinaire n’em- porte pas de lettre de lui, quand les communications entre la Franche-Comté et les Flandres sont libres, il faut qu'il soit gravement malade ou qu'il ne sache où prendre son ami ; on peut dire que la mort seule lui fait tomber la plume des mains. [l y a aussi dans les manuscrits de Besançon une lettre au second fils de Jean-Jacques Chiftlet, Jean (1), et neuf lettres au frère aîné de celui-ci, Jules, qui, après avoir suppléé pendant quelque temps son oncle Philippe comme vicaire général, va résider à Madrid en qualité de chancelier de l'ordre de la Toison d'or (2). La première lettre du recueil est du 3 mars 1625 ; la der- nière est seulement antérieure de dix jours au décès de Boyvin. Quand cette correspondance n'aurait pour elle que l'église métropolitaine et abbé de Balerne, Jules Chifflet fut nommé conseiller clerc au parlement de Dole le 11 novembre 1658. L'’académie des sciences, belles-lettres et arts de Besançon a publié dans les Mémoires et documents inédils pour servir à l'histoire de la Franche- Comté, t. V et VI, les précieux mémoires qu'il a laissés sur la conquête de la province par Louis XIV. Cf., sur ses autres ouvrages, Mss. Chif- flet, t. XXIII, fol. 97; LaMpPineT, Bibliothèque séquanoise, t. IT, fol. 129 v° et t. VI, fol. 105 v°; Foppens, Bibliotheca Belgica, t. IT, p. 781; MorÉRi, Dictionnaire historique, t. III, p. 616; GIROD DE NOVILLARS, Essai historique sur quelques gens de lettres nés dans le comté de Bourgogne, p. 62; LABBEY DE Briziy, Histoire de l'univer- sité du comté de Bourgogne, t. I, p. 248; vicomte A. DE TRUCHIS DE VARENNES, Les Chifflet à l'imprimerie Plantinienne, p. 418; M. PER- ROD, Répertoire bibliographique des ouvrages franc-comtois imprimés antérieurement à 1790, P. 75. (1) Frère du précédent, Jean Chifflet devint dans la suite chanoine de l’église de Tournai. Cf. Mss. Chifflet, t. XXIITI, fol. go et 101; MPINEE, “op. CiL., L..Il, tol.-124: FOPPENS,-0p. cit.; t..U, p.612; MorÉRi, 0p. cit., t. III, p. 616; NiICÉRON, Mémoires pour servir à l’histoire des hommes illustres dans la république des lettres, t. XXV, p. 169; GIROD DE NOVILLARS, 0p. cit., p. bo ; vicomte A. DE TRUCHIS DE VARENNES, 0D. cit. p. 420 ; M. PERROD, op. cit., P. 71. (2) V. Relation des cérémonies observées au serment que le chan- celier moderne de la Toison d'or presta ès mains de $S. M. le 22° jour de septembre (1648). — Mss. Chifflet, t. XX VII, fol. 87, ett. LXXXVII, _ fol. 296. Les patentes de Jules Chifflet étaient du 28 mars 1648. — 300 — sa durée, on en saisirait déjà l'importance. Elle embrasse une période de vingt-six années, et quelles années ! Celles où la politique trop vantée du cardinal de Richelieu (x) mit le feu à l'Europe, troublant l'Italie, jetant le roi de Suède sur l'Allemagne, occupant la Lorraine, puis l'Alsace, menaçant les Pays-Bas, engageant enfin avec l'Espagne la lutte que devait seule terminer la paix des Pyrénées. La conquête de notre pays entrait, on le sait, dans les vastes desséins du tout puissant ministre de Louis XIII (2), et c'est à son ambi- tion qu'il faut imputer les maux que la Franche-Comté souffrit à cette époque ; sa neutralité ne la préserva pas du fléau de la guerre ; champ elos des généraux les plus illus- tres, elle ne maintint son indépendance qu’au prix d'efforts et de sacrifices quasi surhumains ; une trève chèrement achetée du cardinal Mazarin la laissa épuisée d'hommes et d'argent, et l'infortunée province se relevait à peine de ses ruines, quand Louis XIV l’envahit pour la première fois. La correspondance de Boyvin ne saurait être trop consultée à cet égard, car aucun document ne fait mieux toucher du doigt les périls que le comté de Bourgogne courut alors, tant par les attaques sans cesse renouvelées de ses ennemis que par les divisions et les désordres de ses propres enfants. (1) Éclairés par nos revers sur les conséquences de cette politique, il ne faut pas nous lasser de répéter le jugement qu'un illustre homme d'État a porté sur Richelieu, quand il a dit que « cuando no por padre, debe contarle por abuelo la potencia que en Sedan triunio, por que las ventajas que gracias a él obtuvo el protestantismo aleman en los tratados de Westfalia, y el enflaquecimiento impremeditado de la Casa de Austria, tarde o temprano tenia que engendrar lo que al cabo ha engendrado. » A. CANOVAS DEL CASTILLO, Estudios del reinado de Felipe IV, t. I, P. 180. (2) Dès le mois de mai 1635, le cardinal de Richelieu avait déjà en vue « l’entreprise du C. de B. »; il y revenait, le 8 septembre, dans deux mémoires destinés à être mis sous les yeux de Louis XIIT, et, cinq jours après, arrêtait le «sujet du manifeste qui sera faict en entrant en Bourgoingne. » Affaires étrangères, Lorraine, t. XXV, pièce 28. CÎ. AVENEL, Lellres, instructions diplomaliques el papiers d'État du cardinal de Richelieu, t. V, p. 25, 48, 61, 194 et 2or. 600.7 Ce n’est pas que tout soit également intéressant dans les lettres du magistrat dolois. On voudrait pouvoir les allécer des interminables protestations de gratitude par lesquelles elles commencent trop souvent: mainte phrase entortillée fait involontairement songer aux trois révérences du Bour- geois gentilhomme, mais ces variations sur le thème de l'amitié sont dans les habitudes du temps. On aimerait aussi que Boyvin s’excusäât moins fréquemment de n'avoir rien à mander à ses correspondants : « Si j'estois en pays de nou- velles, éerit-11 à Philippe Chifflet, je vous en ferois plus ample part, mais vous sçavez comme nous en sommes diset- teux, et puis vous en escrire, c'est donner de l’eau à la fon- taine (IT)... Si les nouvelles croissoient à noz jardins, dit-il encore, Je ne serois pas chiche à vous en faire part (XVI). » Il est certain qu'on est moins vite et moins abondamment renseigné à Dole qu'à Bruxelles, « source des nouvelles, ou plustôt centre où celles de toute l'Europe viennent abou- ür (IV). » Au commencement, c'est surtout des affaires d'Italie que Boyvin entretient son ami; il en est instruit par les gazettes de Rome, qu'il paraît avoir reçues régulièrement; le président de Mercey, qui réside à Fribourg, le tient de son côté au courant de ce qui se passe en Suisse. C'est le temps où la question de la Valteline occupe les cabinets européens : il n’est donc pas étonnant que, pendant plusieurs années, elle tienne une grande place dans la correspondance de Boyvin. Les mouvements des huguenots en France n'in- téressent pas moins ce dernier, qui se demande sl est à souhaiter pour l'Espagne qu'ils s’apaisent : « Ce nous seroit, écrit-il en apprenant la paix de la Rochelle (1), un plus grand contentement de voir la France en tranquillité, si le calme (1) L'accord conclu avec les huguenots le 5 février 1626, confirmé par un édit enregistré le 6 avril suivant, valut au premier ministre, on ne l’ignore pas, le surnom de cardinal de la Rochelle, tant il mécon- tenta les catholiques par ses concessions aux partisans de la religion prétendue réformée. 00 — en ce royaume ne pourtoit la tourmente en ceux d'au- truy [(XXIX). » Il dira de même, à la nouvelle de la révolte du duc de Montmorency (n: « Il est expédient que les François se brouillent l’un l’autre, ou bien ilz brouilleront tout l'univers [(CCXXI). » L'expédition du connétable de Lesdiguieres (2) contre la république de Gênes lui paraît devoir aboutir, malgré les victoires du début, à la retraite des Français : «Les Alpes et les Pyrénées, dit-il, sont bornes que la divine Providence semble avoir mis à leurs conquestes. Ïz ne les ont jamais outrepassé qu’en peu de temps ilz n ayent esté contrains de se retirer avec perte et confusion dans les limites que la nature leur a marqué (XVI). » Aux Pays-Bas, il y a déjà quatre ans que l’archidue Albert 6) est mort: gouvernante des Flandres pour le compte de son neveu Philippe IV, la pieuse infante Isabelle-Claire-Eugénie donne à ses sujets l'exemple de toutes les vertus ; digne fille de Philippe IT, elle soutient la lutte contre les Provinces-Unies avec une constance que rien ne peut ébranler ; Spinola, le œrand Spinola (4), est sous les murs de Bréda, et on devine avec quelle impatience Boyvin attend l'issue de ce siège. (1) Henri II de Montmorency, duc de Montmorency, maréchal de France et gouverneur du Languedoc, fils de Henri I‘ de Montmorency, connétable de France, et de Louise de Budos, sa seconde femme (30 avril 1595-30 octobre 1632). (2) François de Bonne, duc de Lesdiguières, connétable de France et gouverneur de Dauphiné, fils de Jean de Bonne, seigneur de Lesdi- guières, et de Françoise de Castellane (1°" avril 1543-28 septembre 1626). Sa vie a été écrite par le Bisontin Videl, son secrétaire. (3) Albert, archiduc d'Autriche, cardinal archevêque de Tolède, gouverneur, puis souverain des Pays-Bas et du comté de Bourgogne, fils de Maximilien II, empereur, et de Marie d'Autriche (13 octobre 1559-13 juillet 1621). (4) Ambroise Spinola, premier marquis de los Balbases, capitaine général des armées de $. M. Catholique aux Pays-Bas, chevalier de la Toison d'or, fils de Philippe Spinola, marquis de Sesto et de Venañfro, et de Polixène Grimaldo (1569-25 septembre 1630). Je me reprocherais de ne pas signaler le beau livre qu'a consacré à cet illustre capitaine l'ami bien cher que je viens de perdre, Antonio Rodriguez Villa : Ambrosio Spinola, primer marqués de los Balbases : ensayo biografico (Madrid, 1905, in-8 de 770 pp., un portrait et un fac-similé de signature). — OI — Nous n'avons pas les lettres de Philippe Chifflet : il est peu probable qu'on les découvre un jour et nous sommes obligés de les reconstituer d’après les lettres de Boyvin. Le chapelain de l’oratoire de Bruxelles ne se borne pas à faire savoir à son ami ce qui arrive aux Pays-Bas ; il lui envoie les écrits qu'il juge de nature à l’intéresser ; il lui fait hommage de ses propres œuvres, et Boyvin ne sait comment l'en remercier : « Je me contenteray bien, lui écrit-il, que vous preniez la peine de me donner advis de ce qu'il y aura de rare et de curieux, et je procureray de les faire venir (XXXV).» Lorsque, pour lui éviter de payer le port d'un de ces envois, Philippe Chifflet le lui fait parvenir par un tiers, ce sont de nouveaux reproches : « Si je n'avois tant de preuves de la sincérité de vostre amitié, je croirois que vous m estimez trop avare et de trop peu de jugement, comme si je voulois mespriser des trésors pour espargner cinq solz (XL). » Les « trésors » en question sont parfois du domaine de l’érudition pure ; la plupart du temps, ils ont trait à la politique, tenant lieu aux contemporains des arlicles de fond de nos journaux et de nos revues : un certain nombre émanent des adversaires de la maison d'Autriche, et ils n'en ont pas moins de prix aux yeux du magistrat dolois. Ce n’est pas qu'il s’abuse sur leur valeur ni qu'il les suppose susceptibles de modifier le cours des évènements. Celui qui dans sa relation du siège de Dole traite la Gazette de France (1) de « hapelourde des simples », d' « engeance bastarde née de l’acouplement honteux du mensonge et de la vanité (2), » avait déjà dit au sujet des libelles inspirés par le cardinal de Richelieu : « Ceux qui sont bien affectionnez ne perdent rien de leur bonne volonté, mais la renforcent à la lecture de ces vendeurs de fumées ; ceux (1) Sur la place que le comté de Bourgogne tint assez longtemps dans les ordinaires et les extraordinaires de Renaudot, cf. E. LONGIN, La Franche-Comté et la « Gazette de France » de 1033 à 1044, dans les Annales franc-comtoises, 2° série, t. IX, p. 241. (2) Boyvin, Le siège de la ville de Dole, p. 93. 26 — 02 — qui sont mal animez n y treuvent pas la moitié de ce qu'ils voudroient, et puis autant en emporte le vent. Ce sont dis- cours de personnes qui n'ont jamais veu d'affaires d'Estat qu'à la fumée d’une lampe pour l'ordinaire et qui en parlent comme clercs d'armes (XXV,. » Les bibliographes pourront glaner dans ce recueil quelques indications utiles ; il leur permettra, en particulier, de déter- miner la date préeise de l’apparition de tel ou tel ouvrage, attendu qu'il arrive parlois à Philippe Chifflet d'envoyer feuille à feuille un livre à son ami (XXXIX, XL, XLVIII). Il est intéressant de voir les jugements que Boyvin porte sur les productions qui lui sont communiquées : il pèche moins, en général, par excès de sévérité que par excès de bienveil- lance. Je ne parle pas seulement des écrits des Chifflet, «vraye pépinière de personnages lettrez (LXIX), » sur le mérite desquels il ne tarit pas, mais de ceux de leurs amis des Pays-Bas : il faut voir notamment quels dithyrambes il entonne en l'honneur de celui qu'il nomme «cette lumière de nostre siècle (LVITI, LXXI), ce brave Puteanus (XLI). ce grand Puteanus (XL). » Qui, en dehors des érudits, connaît encore Puteanus ? (1). Cet humaniste jouait alors dans les Flandres le rôle d'un (1) Henri de Putte (Erycius Puteanus), historiographe du roi d’'Es- pagne et professeur à l’université de Louvain, fils de Jean de Putte et de Gertrude Segers (4 novembre 1574-17 septembre 1646). Cf., sur cet érudit, dont la réputation égala presque celle de Juste Lipse, Erycii Puteani genealogia Puteanea Bamelrodiorum Venlonensium ab origine urbis Sive anno 1343 per utrumque sexum deducta (Louvain, 1630, in-fol.) ; VALHRE ANDRÉ, Bibliotheca Belgica, p. 207; NIGÉRON, Mémoires pour servir à l'histoire des hommes illustres dans la répu- blique des lettres, t. XVII, p. 299; FOPPENS, Bibliotheca Belgica, t. T, p. 264; BAYLE, Dictionnaire historique et crilique, t. III, p. 2396; BAïLLET, Jugemens des sçavans sur les principaux ouvrages des : auteurs, t. II, p. 416,ett. VII, p. 324 ; MORÉR1, Dictionnaire historique, t. III, p.240 ; PAQuoT, Mémoires pour servir à l'histoire littéraire des dix-sept provinces des Pays-Bas, de la principauté de Liège el de quelques contrées voisines, t. XIII, p. 373; F. VANDER HAEGHEN, Bibliotheca Belgica,.t. XXI, CLXVI, CLXVH et CLXVINH, n°562, 63 et 129 à 284. Oo véritable connétable des lettres ; sa prodigieuse fécondité, suivant Boyvin, remplissait le monde de son nom « dez le Sud jusques au Nord et a Gadibus usque Auroram et Gan- gem (LX VII) » ; professeur à l'université de Louvain et gou- verneur du château de cette ville. il était l'âme d’un cercle de lettrés, de savants, et on recherchait les éloges qu'il prodi- guait avec une inlassable complaisance. Lui-même a pris soin de publier ses lettres : par leur tour, comme par l'emploi exclusif de la langue latine, elles appartiennent plus au seizième siècle qu'au dix-septième. Figure curieuse, somme toute, et qui mériterait d'être remise au jour. Philippe Chif- flet était de ses amis (1): 1l lui communiqua les lettres de Boyvin, et l’encens que celles-ci renfermaient ne parut pas de qualité trop inférieure. Il y aurait un chapitre divertissant à écrire sur les relations du futur président du parlement de Dole avec le châtelain de Louvain. On verrait Boyvin pris d’un saisissement qu'il ne cherche pas à dissimuler, lorsqu'il apprend qu'il est connu de Puteanus: « Vostre amitié, mande--1il à Philippe Chifflet, vous a donné trop bonne opinion de mes lettres, quand vous les avez exposé à la veue de monsieur Puteanus.…. Je vous ay escrit avec la naïfveté que vostre bienveuillance provocque, et non pas avec la retenue que méritent les yeux d'un personnage qui est un Argusentre les lettrez (XXXIV . » Quoi que son ami lui puisse dire, 1l hésite longtemps à entrer en correspondance avec un écrivain aussi illustre : « J’ay si peu de hardiesse de me faire voir à des personnages de sa sorte, dit-il, que je ne l'ose entreprendre (XXXIX). » N'’est- il, en effet, à cette date, qu'un magistrat perdu dans le fond d'une des provinces du patrimoine héréditaire du roi d'Es- (1) C'était le châtelain de Louvain qui avait sollicité pour Philippe Chifflet le poste de chapelain de l’oratoire de l’infante Isabelle-Claire- Eugénie. V. Puteanus au cardinal de la Cueva, Louvain, 6 septembre 1623. — A. CasrTan, Les origines et la date du Saint-Ildefonse de Rubens, p. 79. = Pob = pagne ? Il n'en est pour ainsi dire jamais sorti, et la fréquen- tation des beaux esprits de Paris ne lui a pas valu les patro- nages littéraires dont un Brun se prévaut (1). C'est très sincèrement quil jalouse la bonne fortune du chapelain de l'infante [sabelle-Claire-Eugénie : « J’envie, lui avoue-t-il, le bonheur que vous avez d’une si douce, cordiale et proffitable privauté que vous avez avec monsieur Puteanus, que j'apré- hende de provoquer par l'impuissance que je ne reconnois que trop en moy de luy pouvoir correspondre (XLVII). » Il brüle du désir d'écrire au savant Flamand, mais, chaque fois qu'il se met en devoir de lui rendre ses hommages, la plume lui échappe. Bref, il fait si bien que Puteanus le prévient (2). Quel ne fut pas l’orgueil du magistrat dolois le jour où il put montrer dans son entourage un compliment venu en droite ligne de l’arx Palladis !(). Toutes ses lettres, à par- tir de ce moment, débordent de reconnaissance envers Phi- lippe Chifflet ; 1l ne peut assez remercier ce dernier de lui avoir valu une semblable aubaine : « Ce me sera, lui éerit-il, une éternelle obligation envers vous qui m'avez procuré l'honneur d’une telle connoissance, que j’ay apréhendé pour deffiance de pouvoir respondre à ce que vos favorables rapports luy ont fait espérer de moy (LI)... Je vous seray éternellement obligé, dit-il encore, de l'honneur que vous m'avez procuré, me faisant connoistre à monsieur Puteanus (LI) ». Pourtant, même après cette première épître, il ne peut prendre sur lui d'en remercier l’auteur. Il finit par se décider : Puteanus lui répond, et les « esloges desmesurez (LXX) » de cette seconde lettre couvrent le modeste Franc- (1) Ilest plaisant de noter qu’au nombre des lettrés dont le futur ambassadeur de $. M. Catholique à la Haye sollicitait les louanges à cette époque on rencontre la fille adoptive de Montaigne, la vieille demoiselle de Gournay. (2) La première lettre de Puteanus à Boyvin est du mois de mars 1627. V. Erycii Puteani epistolarum apparatus novus et miscellaneus, in quo officia familiaria, negocia, studia. Centuria quarta, p. 72. (3) C’est le nom que Puteanus donnait au château de Louvain. — 405 — Comtois de confusion ; le lettré belge ne s’avisera-t-1l pas un jour de le comparer à un petit soleil ? (1). Désormais toute l'ambition de Boyvin est de voir Putea- nus, de converser avec lui: si son nom passe à la postérité, c'est certainement à cette liaison qu'il le devra. « Heureux, dira-t-il plus tard, ceux que la nature*et l'étude rendent capables de telles amitiés, qui les rendront immortels (X CI) ! » our ces entrelaites, la révision d'un procès lui fait entrevoir la possibilité de passer aux Pays-Bas (2) et d'y rendre visite au châtelain de Louvain : « Le désir de le voir et de luy faire offre de mon très humble service, mande-t-1l à Philippe Chifflet, est l’un des principaux motifs qui me porteront par delà, aydant Dieu, pour y jouir de son agréable conversation (LXXIIT). » À vrai dire, il craint de se trouver en présence d’un personnage placé aussi haut dans l'estime des lettrés : « Monsieur Puteanus, dit-1l à son ami, est trop préoccupé des bonnes impressions que vous lui avez donné de moy; j'apréhende re minuat præsentia famam (LXXVI). » Longtemps retardé, le voyage a enfin lieu : Boyvin passe dans les Flandres et, le 3 août 1628, 1l se rend de Malines à Louvain pour visiter le grand homme qui l'honore de son amitié [LXXIX). _ J'imagine que, de retour en Franche-Comté, le voyageur ne fut pas médiocrement fier de raconter cette visite. Hélas ! tout change en ce monde et il est bien peu de sentiments qui résistent victorieusement à l'épreuve du temps. Pendant quelques années, le magistrat dolois continuera de lire avec (1) &« Te parvum solem dicam, a te Burgundiam tuam illustrari. » Puteanus à Boyvin, Louvain, mars 1628. — PUTEANUS, 0p. cil., p.ror. Mathieu de Morgues n’a-t-il pas eu raison de dire du professeur flamand que Cin laudes hominum eas captantium ita effusus erat, ut semper inter mortales primus erat, qui ultimus ab illo commendabatur ? » @uillelmi Rodolphi Gemberlachit apud Triboces consulis, id est Antonii Bruni Burgundosequanti spongia per Francogallum expressa, p. 83. (2) C'était devant le grand conseil de Malines qu'étaient portés les appels des arrêts du parlement de Dole. Ce empressement les écrits du professeur de Louvain, se hasar- dant même à lui soumettre respectueusement des réflexions critiques sur un d'entre eux, bien que, «s'il ne tenoit qu à censurer, un savetier auroit de l'avantage sur Appelles à la peinture (CCXL) ; » puis des jours sombres se lèveront pour le comté de Bourgogne ; le triple fléau de la peste, de la œuerre et de la famine décimera la malheureuse province : Boyvin sera porté par les évènements au timon des affaires ; les soucis du politique joints aux préoccupations du père de famille prendront le pas sur la curiosité de l’érudit, et, lorsque Puteanus mourra, les cinq ou six lignes que le pré- sident du parlement de Dole consacrera à sa mémoire (DLI) contrasteront par leur froideur avec les louanges enthou- siastes qu'il a jadis données au « soleil des lettres de ce siècle (CCXXX VI). » el Les suffrages du savant belge sont-ils les seuls que Boy- vin ait brigués ? Et est-il vrai, comme un de ses biographes le donne à entendre (1), que jamais les fumées de l'ambition ne soient montées à son cerveau ? La réponse à cette ques- tion se trouve dans les manuscrits de Besançon. Il est certain, pour ne citer qu’un nom, que Boyvin n'a rien du tempérament de Brun: il n’aspire pas, comme ce dernier, à faire figure hors de sa patrie, mais, à Dole même, il y a une charge qu'il convoite, parce qu'il se sait capable de l'exercer; c’est la présidence du parlement, et il faudra qu'il ait vu sa fortune réduite à peu de chose par la guerre pour qu'il appréhende cette dignité plus qu'il ne la désire COCO). (1) E. CLERC, Jean Boyvin, président du parlement de Dole, p. xvr1. NN Mie 407 Étudions à ce point de vue les lettres du vertueux con- seiller à ses amis de Bruxelles. Dans les premiers jours de 1628, Jean-Jacques Chifflet, à qui il n’a encore écrit que pour le remercier de l'envoi de sa dissertation sur le Portus Iccius (à) de Jules César (XXXVIIL), lui apprend qu'il est compris dans la liste des personnes désignées pour faire partie du conseil de Flandre et de Bourgogne qu’on va établir à Madrid (2). A cette nou- velle le premier mouvement du parlementaire vieilli dans les travaux du palais est presque de l’effroi, et il conjure Philippe Chifflet de lui indiquer un moyen honnête de décli- ner une semblable commission, « Que pourrois-je servir en Espagne, s'écrie-t-il, moy qui ne la vis jamais qu'en pein- ture (LXVIIT) ? » C'est que, comme il le rappelle à son cor- respondant, on ne transplante pas un vieil arbre ; depuis trois ans, il est entré dans son onzième lustre ; peu de bien avec cela et de lourdes charges de famille ; pour répondre à la confiance du souverain, il lui faudrait rompre avec ses relations, ses habitudes, se familiariser avec une langue, des mœurs et des responsabilités nouvelles ; si ses amis le félicitent d’être appelé à résider à Madrid, sa femme et ses enfants se désolent de son départ. Au fond, Boyvin ne laisse pas que d’être intérieurement flatté de la distinction dont il est l’objet, et on en a la preuve dans l’empressement avec (1) Portus Iccius Julii Cæsaris demonstratus per Joan. Jac. Chifile- ttum patlricium, consularem et archiatrumVesontinum, civem Romanum, Serenissimæ I[sabellæ Claræ Eugeniæ Hispaniarum Infantis medicum cubiculärium. Matriti, ex officina typographica viduæ Ildephonsi Martini. M.DC.XXVI (in-4 de virr-23 pp. chiffrées et 3 pp. non chif- irées, avec une carte gravée). Une seconde édition parut l’année suivante : Portus Iccius Julii Cæsaris illustratus per Joan. Jac. Chiffletium, Philippi IV Hispaniarum Regis et Serenissimæ [nfantis Isabellæ Claræ Eugeniæ medicum cubicularium. Edilio secunda, aucta el recensita. Antuerpiæ, ex officina Plantiniana M.DC.XXVII (in-4 de 68 pp. chiffrées et 3 pp. non chiffrées, avec un plan gravé). (2) Ce fut en 1628 que Philippe IV rétablit à Madrid l’ancien conseil des Flandres, el consejo de Flandes y Borgoña. Cf. DANVILA y COL- LADO, El poder civil en España, t. XII, p. 154. — 408 — lequel il se justifie une fois de plus de l'accusation d’être un étranger (LXX, LXXI, LXXII). Quinze jours ne se sont pas écoulés que sa correspondance nous le montre réconcilié avec la perspective de quitter Dole. Informé de sa nomination par une lettre du prési- dent du conseil privé des Pays-Bas G), il s'enquiert des gages des membres du conseil de Flandre et de Bourgogne, de la date probable de leur réunion, du « viatique », c'est-a- dire de l'indemnité qui sera allouée à ceux qui se trouvent actuellement hors de la péninsule, car il ne peut faire les frais d’un tel voyage. « Je croy que l’on sçait bien, dit-il, la charge que j'ay d'une femme et de sept enfans, desquels Jay seulement une fille logée, me restant sur les bras deux fils et quatre filles, et que pour tout cela j'ay bien peu de moyens (LXXI). » Son désir serait d'obtenir la permission de passer par les Pays-Bas pour rendre ses devoirs à l'in- fante Isabelle-Claire-Eugénie ; il y verrait ses amis; il y recevrait, d'autre part, les instructions nécessaires pour remplir sa nouvelle charge (LXXIII). Cette permission est lente à venir, et Boyvin, qu'on tient « le bec en l’eau », ne peut se défendre d’en ressentir un vif dépit: « Que voulez- vous que je fasse ? écrit-11l à Philippe Chifflet. Je n’ay pour toute asseurance qu'une lettre de monsieur le président, qui m'escrit que S. À. luy a commandé de sçavoir mon inten- tion : je la luy ay déclarée, et sur cela il ne me réplique rien (LXXIV).» À mesure que l'attente se prolonge, le regret d’avoir donné une réponse aflirmative l’envahit, et un moment arrive où, s'il pouvait se dédire sans que ses envieux en triom- phassent, il le ferait certainement. Ce n’est qu’à la fin du mois de mai qu'il obtient enfin l’autorisation de partir (LXXVIT ; il prend son chemin par Paris, qu'il ne connaît pas encore, et nous avons dans l'été deux lettres de lui datées de Malines (LXX VIII, LXXIX). (1) Engelbert Maës, président du conseil privé des Pays-Bas, fils de Jacques Maës et d’Aleyde de Tassis. ne 409 22 On sait ce qui suivit et comment à Bruxelles Boyvin apprit qu'il n'irait pas en Espagne (1). Une mercéde (2) de mille franes fut, avec la satisfaction d’avoir fait la connaissance de « ce miroir des bonnes lettres (LXV) », Puteanus, le seul avantage qu'il retira de ce voyage; des lettres patentes de « conseiller d'Estat aux affaires des Païs-Bas et de Bour- gongne » lui furent bien délivrées le 27 mars de l’année suivante (3), mais elles demeurèrent sans effet. Du moins ne put-il plus se plaindre de n'avoir jamais obtenu « une chétive commission pour aller voir la Flandre (LXXVI) », tandis que maint de ses confrères avait visité les domaines continen- taux du puissant monarque sur les États duquel le soleil ne se couchait point. En 1634, il fut encore question pour lui de passer aux Pays-Bas (CCLXXXTI) ; ee projet ne se réalisa pas (CCLXXXIIT). Au surplus, à peine le magistrat dolois est-il rendu à ses occupations ordinaires que la santé chancelante et le grand âge du président de Mercey (4) éveillent en lui d’autres pensées. C'est à régir l’ « auguste Sénat » après la mort d'Adrien Thomassin qu'il vise en 1629, et, Philippe Chifflet se trouvant alors au comté de Bourgogne (5), il recommande (1) E. LONGIN, Un document inédit sur Boyvin (1040), p. 143. (2) Mercède est, comme abanderade, aide de coste, alfère, golille, junté, médianoche, mésate, parabien, pesame, préside, terce, etc., un mot espagnol francisé ; il désigne une gratification, une récompense, merced. (3) Une copie de ces patentes se trouve aux archives du Doubs, dans les registres de la cour concernant le parlement et les officiers de la compagnie, t. IV, fol. 214. (4) « On dit que le présitan est fort malade et desjà perclus de la moitié de son corps. » La comtesse de Cantecroix à Jean-Jacques Chifflet, Frasne-le-Châtel, 11 août 1629. — Mss. Chifilet, t. XXIV, fol. 446. (5) Philippe Chifflet était venu le 14 décembre 1628 prendre posses- sion de son canonicat de l’église métropolitaine et de son prieuré ; il demeura en Franche-Comté un peu moins d'un an, résidant tantôt à Pin, tantôt à Besançon; le 11 décembre 1629, il repartit pour les Pays-Bas avec sa belle-sœur et ce que Brun nomme dans une lettre du 8 avril 1630 « toute la petite Chifileterie. » Pendant son séjour dans A EOU— ses prétentions à Jean-Jacques, qu'il sait bien en cour à Bruxelles. « Le Sénèque (c’est le président de Mercey) à encore bon courage pour se deffendre contre les attaques de la mort et se gendarme de nouveau contre leurs efforts ; il mérite très longue durée et je la luy procurerois éternelle, si elle estoit à mon pouvoir [XCIX). » Iln'en est pas moins vrai qu'il peut mourir d’un instant à l’autre : ne serait-ce pas pour cela que le bon seigneur Ausontus(1) prolonge son séjour aux Pays-Bas ? En conséquence Boyvin juge à propos de se mettre sur les rangs. Ses démarches, il ne l’ignore pas, ont été prévenues par celles d’un compétiteur qui dis- pose de protecteurs influents : aussi Flavius Dexter (c'est lui-même) conjure-t-il Jean-Jacques Chifflet d'user en sa faveur du crédit dont il jouit auprès de Moret (l'infante Isabelle-Claire-Eugénie) pour battre en brèche les menées de Publius Ovidius (2) ; tel est le nom qu'il donnera doréna- vant au juge de la cité impériale de Besançon, Froissard- Broissia(3). Il n'est plus question du « dessein d'Espagne » ; deux Flamands ont décliné l'avantage de faire partie du la province son ami s'était plaint maintes fois de ne pas le voir aussi souvent qu'il aurait voulu : «€ Il me semble qu'il y a de la disgrâce, lui écrivait-il un jour, qu'estans dix fois plus prez l’un de l’autre que nous n’estions du passé, nous ayons dix fois moins de communication ensemble. » Boyvin à Philippe Chifflet, Dole, 25 juin 1629. — Mss. Chifflet, :t. CIV, fol. 192. Cf. A. CasTAN, Les origines et la date du Saint-lldefonse de Rubens, p. 82. (1) Ausonius est Claude-Antoine Buson, docteur ès droits, fils de Guillaume Buson et de Claudine Outhenin ; en réalité, il ne visait pas à être président, mais simplement conseiller, et, bien qu'il n’eût pas été présenté par la cour, il fut nommé l’année suivante. (2) Jean-Jacques Chifflet le fit, car dans une autre lettre Boyvin le remercia d’avoir pris « la peine de faire quelque ouverture à Morel de l'impression de Flavius Dexter. » Boyvin à Jean-Jacques CGhifilet, Dole, 21 octobre 1629. — Mss. Chifilet, t. CIV, iol. 204. (3) Jean-Simon Froissard, seigneur de Broissia, juge pour $. M. Catholique en la cité impériale de Besançon, fils de Jean Froissard, seigneur de Broissia, président du pariement de Dole, et de Claudine Blanchod (16 mai 1586-30 décembre 1670).Lorsqu'Antoine Brun se fut démis de sa charge pour représenter l'Espagne au congrès de Munster, Jean-Simon Froissard fut nommé procureur général par lettres paten- tes du 2 décembre 1645 et prêta serment en cette qualité le 12 janvier PRES RIT Leu nouveau Conseil, et Boyvin ne demande qu'à suivre leur exemple, pourvu qu'il reste « quelque marque d'honneur de ce à quoy on a esté destiné (CXVI, CXXI,. » Entre temps il lui faut s'occuper du projet d'ériger en pro- vince distincte les maisons de la Compagnie de Jésus du diocèse de Besançon : plusieurs jésuites franc-comtois pâussent de la malveillance, voire des vexations auxquelles ils sont en butte en France, et le P. Pierre-François Chifflet se fait l'interprète de leurs griefs, sans se douter qu'il mourra garde du cabinet des médailles du successeur de Louis XIE. Boyvin est favorable à ce projet : « Je crois en mon âme, écrit-il, que ce seroit le service du Roy et le repos des consciences, outre le bien que nostre pays en recevroit et au spirituel et au temporel, mais je tiens que pour en bien venir à bout il faudroit procurer que les mouvemens ne semblassent pas venir des jésuites mesmes. » Il ne se dissi- mule pas d’ailleurs qu'au sein même du parlement la consti- tution d'une nouvelle province rencontre un obstacle dans «les opinions que quelques-uns ont prises que les François ont quelque chose de gentilesse et de vivacité d'esprit plus que les autres et que les nostres s'éveillent et deffrichent parmy eux (CITE). » Si l’on veut réussir, 1l importe d'aller prudemment. C'est ce que ne comprend pas le P. Pierre- François Chifflet : il écrit au général de la Compagnie (1): suivant ; il devint ensuite maître des requêtes le 5 juin 1655, et comme tel s’associa en 1668 à la courageuse protestation de Claude Boyvin et de Jules Chifflet contre la reddition de Dole. Philippe IV l’avait créé chevalier le 24 mars 1629. Cf. Livre de raison de la famille de Frois- sard-Broissia, dans les Mémoires de la Société d’émulation du Jura, année 1886, p.84 et 100 ; J. CHIFFLET, Mémoires, dans les Mémoires el documents inédits pour servir à l'histoire de la Franche-Comté, &. V, p. 494. (1) Le général de la Compagnie était le P. Mutius Vitelleschi (2 dé- cembre 1563-09 février 1645). Entré chez les jésuites le 15 août 1583, il avait été élu dans la septième congrégation après avoir été succes- sivement recteur, provincial, assistant. J. CRÉTINEAU-JOLY, Histoire religieuse, polilique et littéraire de la Compagnie de Jésus, t. I, P. 109. == 412 — il adresse à son frère Jean-Jacques, pour qu'il le traduise en espagnol, un mémoire dans lequel il à mis, selon Boyvin, € plus de vinaigre que d'huile (CXT) » ; il fait tant et si bien que le supérieur de la provinee de Lyon s'émeut de démar- ches tendant à restreindre l'étendue de sa juridiction. À la réflexion l’impatient jésuite s’avisa, mais trop tard, qu'il avait eu tort de précipiter les choses. « Il apréhende que s'estant descouvert par les lettres qu'il a escrites au général et par la communieation qui s’en est faite à plusieurs, il ne luy en arrive quelque affliction {[CIX) », écrit Boyvin, qui n’est pas lui-même sans craindre qu'on ne joue au frère de ses amis « quelque mauvais tour (CXIX). » Un jésuite franc-comtois avait déjà été envoyé comme aumoônier dans l’armée qui passait les monts sous 16 commandement du cardinal de Richelieu (1) : le P. Pierre-Francçois reçut, lui, l’ordre de se rendre à Lyon, et tout ce que Boyvin et Brun purent gagner, ce fut que ce voyage füt différé sous prétexte quil désorganiserait les classes du collège de l’Are. « Il s’est tellement descouvert soubs l'espérance qu'il a prise de voz négociations, lit-on dans une lettre à Philippe Chifflet, qu'il a dit, en présence de plusieurs qui esclairent et espient toutes ses actions et ses paroles, que cela estoit fait, que ceux qui le pensoient empescher ne feroient rien, et autres discours semblables que l'on a relevez et, comme je crois. rapportez peut estre avec enrichissemens au provincial (CR XI (1) Il est curieux de voir quelles appréhensions ce départ inspirait à Boyvin, qui s'était enquis du religieux en question «s’il luy estoit point eschappé quelque discours du cardinal de Richelieu et qu’on luy eût fait là dessus quelque mauvais office ou quelque tour de faux frere, et encore comm'il pensoit eschapper en conscience, assistant des soldats qui faisoient la guerre à son Roy, et que s’il tomboit ès mains des Espagnols, estant recogneu de ce pays, il luy en pourroit mal prendre, voires que parmy les François mesmes, si quelque malveuillant le disoit Espagnol, ses plus saintes et plus sincères actions luy pourroient estre prétextes de disgrâces. » Boyvin à Jean-Jacques Chifflet, Dole, ro février 1630. — Mss. Chifflet, t. CIV, fol. 218. Tir — Pendant quelques semaines, le P. Pierre-François se flatta de passer aux Pays-Bas, où il aurait eu « les coudées franches », mais, cet espoir lui échappant. il dut se désister de son entreprise. « Il faudra donc, écrivit Boyvin. laisser dormir l'affaire (CXXV).» Le P. Pierre-François alla à Lvon sur une nouvelle injonction de son provincial (CXXVI, CXX VIT) : il y resta une quinzaine de jours et revint ensuite en Franche-Comté, où. jusqu'à 1645, son ministère se partagea entre Dole et Salins. C’est peut-être trop s'arrêter sur la tentative à laquelle Boyvin s'associa en 1630 : mon excuse est qu'aucun des historiens de la Compagnie de Jésus ne l'a connue: elle révèle quelles étaient à cette époque les susceptibilités patriotiques de bon nombre de jésuites franc-comtois, et il est piquant de constater que le plus désireux de se détacher de la France était alors le religieux qui. uniquement soucieux -de travailler en paix dans les bibliothèques de Dion et de Paris. priera plus tard ses frères de s'abstenir de le mêler à leurs polémiques avec les écrivains du royaume (DXXIX.. Il faut maintenant revenir à Boyvin. qui, la même année, a vu-la peste exercer de cruels ravages à Dole. Ce fléau a décidé le parlement à se transporter à Pesmes. Boyvin, lui, s'est retiré dans la maison champêtre qu'il possède à Saint- Ylie (x) : 1l y reste trois semaines, puis va rejoindre ses con- frères. Il revient ensuite à Saint-Ylie : c'est là qu'il perd deux de ses filles (CXXXVI. Lui-même tombe malade au mois d'octobre (CXXX VIT et ce n'est qu'au bout de six ou sept semaines quil est complètement rétabli CXXXVIIT. Après la peste. ce sont des fièvres qui emportent une foule de gens : le 27 novembre, le dernier des Vergy (2) y succombe. (1) Cette maison fut incendiée par les Français pendant le siège de Dole. : (2) Clériadus de Vergy, comte de Champlitte, baron et seigneur d’Autrey, Flagy, etc., gouverneur et capitaine général du comté de Bourgogne, chevalier de la Toison d'or, fils de François de Vergy, tn Voici cependant que la présidence du parlement vient à vaquer. Le o mars r63r, Adrien Thomassin meurt, et, dès le lendemain de son décès, Boyvin se préoccupe de lui suc- céder, assuré qu'il se croit de l'appui de l'archevêque de Besançon (1) : il écrit au cardinal de la Cueva (2), au chance- lier de Brabant (5), à l'archevêque de Césarée (4), à Jean- Jacques Chifflet, à Pierre Roose 6) ; bien qu’il se dise prêt à recevoir avec la même égalité d'âme le refus ou l'octroi (CL, CLI, CLIIL, CLIV, CLV), on voit que la présidence du comte de Champlitte, chevalier de la Toison d’or, et de Renée de Ray, sa seconde femme. Il avait succédé comme gouverneur de la province à son frère consanguin Claude de Vergy, mort en 1602. DUCHESNE, Histoire de la maison de Vergy, p. 356. 1) Ferdinand de Longwy, dit de Rye, archevêque de Besançon et prince du Saint-Empire, abbé de Saint-Claude et de Cherlieu, prieur de Saint-Marcel de Chalon, d’Arbois, de Gigny et de Morteau, maitre des requêtes au parlement de Dole, fils de Gérard de Rye de la Palud, seigneur de Balançon, et de Louise de Longwy, marquise de Treffort, dame de Vuillafans (1556-20 août 1636). (2) D. Alonso de la Cueva, marquis de Bedmar, ambassadeur de S. M. Catholique auprès de la république de Venise, puis cardinal évêque d’Oviedo et de Malaga, représentant du roi d'Espagne auprès de la gouvernante des Pays-Bas, fils de D. Luis de la Cueva y Bena- vidès, marquis de Bedmar, et de Da Elvire Carillo (1572-10 août 1655). Tout le monde connaît la part qu'il eut, en 1618, à la conjuration tramée à Venise avec le due d’Ossonne et le gouverneur du Milanais. Cf. Nan, Historia della republica venetla, t. 1, p. 133; SAINT-RÉAL, Œuvres complètes, t. V, p. 10; Daru, Histoire de la république de Venise, t. IV, p. 450. (3) Ferdinand de Boisschot, comte d’Erps, baron de Saventhem, seigneur de Nosseghem, Serrebecque, Quarebbe, etc., fils de Jean- Baptiste de Boisschot et de Catherine Vanden Tronck, avait été nommé chancelier de Brabant au mois d'octobre 1626 en remplacement de Pierre Peckius, mort le 28 juillet 1625. (4) François de Rye de la Palud, archevêque de Césarée, abbé d’Acey et de Persine, premier aumônier de l'infante Isabelle-Claire- Eugénie, fils de Christophe de Rye de la Palud, marquis de Varambon, comte de Varax et de la Roche, chevalier de la Toison d’or, et d'Éléo- nore Chabot. Coadijuteur de son oncle Ferdinand de Rye, il devint au décès de celui-ci archevèque de Besançon et mourut à Bruxelles, le 17 avril 1657, sans avoir été sacré. (5) Pierre Roose, seigneur de Froidemont, Han-sur-Sambre et Jem- mapes, membre du conseil des finances des Pays-Bas, fils de Jean Roose et de Marie de Kinschot (1586-27 février 1673). On consultera avec fruit sur la carrière politique de cet homme d’État le ms. 3292 de D em + rer TE ns EE RS CE EEE mu parlement est vraiment pour lui, suivant l'expression d'un gentilhomme bourguignon « une belle maistresse qu'il muguette et regarde avec des yeux de concupiscence (1). » Au début, les concurrents que le magistrat dolois redoute sont ses confrères Gollut (2) et Girardot de Nozeroy, qui peuvent tous deux se réclamer du crédit du premier maitre d'hôtel de l'infante Isabelle-Claire-Eugénie (3), mais bientôt il se découvre un compétiteur autrement sérieux dans la personne du juge de la cité impériale de Besançon. Fils et neveu de présidents, Froissard-Broissia a dressé ses batteries depuis longtemps ; il a pour lui le marquis de Leganés (4), neveu du comte-duc. et1l est vraisemblable qu'il lemportera, la bibliothèque rovale de Belgique : Los servicios del señor Jefe Presidente Roose representados à la Majestad Catholica. Le bruit courut un instant en Franche-Comté que Rome lui voulait donner le chapeau de cardinal. V. La comtesse de Cantecroix à Philippe Chifilet, Besançon, 23 février 1636. — Mss. Chifilet, t. XXIV, fol. 200. (1) Response par le sieur de Chevigny, gentilhomme bourguignon, sur le Siège de Dole, composé par le conseiller Boivin au parlement dudict Dole, fol. 54 v°. (2) Jean-Baptiste Gollut, conseiller au parlement de Dole, fils de Louis Gollut, professeur au collège de Dole, et d’Antonia Vurry. Le conseiller de Beauchemin le dit « prompt et bien disant et zélé au bien publicque.» GIRARDOT DE NOZEROY, Histoire de dix ans de la Franche- Comté de Bourgongne, p. 77. (3) Ferdinand le Blanc, dit d’Andelot, seigneur d'Ollans, premier maitre d'hôtel de l'infante Isabelle-Claire-Eugénie, gouverneur de Gray et colonel du régiment d’Amont, fils de Jean-Baptiste d'Andelot, gentilhomme de la bouche de Philippe IT, maréchal de camp général des armées de $S. M. Catholique aux Pays-Bas, baiïlli de Dole, et de Marguerite le Blanc, dame d’Ollans. On peut voir le portrait de ce gentilhomme dans la Pompa funebris optimi potentissimique Principis Alberti Pii, archiducis Austriæ, ducis Burg. Bra., etc., vivis imaginibus expressa a Jacobo Francquart, archit. reg., pl. LIT. (4) D. Diego Mexia Felipez de Guzman, marquis de Leganés, mestre de camp d’un terce d'infanterie et général de cavalerie pour $. M. Catho- lique aux Pays-Bas, fils de D. Diego Velasquez Davila Mexia de Obando, comte d'Uceda, et de Da Leonor de Guzman. Sa mère était sœur du premier ministre de Philippe IV. Froissard-Broissia l'avait connu à Rome; quatre ans auparavant, il était allé le remercier aux Pays-Bas de lui avoir fait part comme à un ami de son mariage avec la fille d'Ambroise Spinola. V. Livre de raison de la famille de Froissard-Broissia, p. 91. — 416 — si la nomination se fait à Madrid. « Je ne crains que l'Es- pagne, » avoue Boyvin à ses amis [(CLXIV). Toutes ses lettres nous le peignent alarmé des menées de son rival : la médiocrité de sa fortune ne lui permet pas de lutter contre les libéralités qu'on prête à ce dernier et d’ailleurs il lui en coûterait de recourir à des moyens semblables. « Je n’entre- rai jamais en charge par la porte dorée, déclare-t-il à Ph1- lippe Chifflet, et s'il n'y avoit que cette porte, je tiendrois le pas fermé pour moi (CLVIIL). » Est-ce à dire qu'il n’estime pas ses longs services susceptibles de peser dans la balance ? Nullement, et 1l a soin de les rappeler dans le mémoire qu'il adresse à Jean-Jacques Chifflet (CLVIT). Le prieur de Belle- fontaine a promis de faire intervenir Puteanus en sa faveur ; le chancelier de Brabant lui est tout acquis ; il a aussi pour lui l'abbé de Bellevaux (1). Cependant une première lettre à François de Rye n'est pas parvenue à son adresse: il faut se mettre en garde contre les Indiscrétions, et e’est pourquoi dans la correspondance il est plus question que jamais de Flavius, de Dexter et de Publius. Deux mois se passent. La gouvernante des Pays-Bas ayant demandé à l'archevêque et au parlement leur avis, celui-ci est envoyé vers le milieu de mai (CLXIT). La cour ne présente Boyvin qu’en seconde ligne, ne jugeant pas possible de dénier le premier rang à son doyen Jean Chaumont (2) ; Jean-Bap- tiste Gollut est le troisième dans la nomination. Ferdinand de Rye a tenu ses promesses : Boyvin est en tête de sa liste; (1) Jean-Baptiste de Cusance, abbé de Bellevaux, prieur de la Ferté- sur-Aube et du Moutherot, fils de Vandelin-Simon de Cusance, baron de Belvoir et de Saint-Julien, et de Béatrix de Vergy. (2) Jean Chaumont, conseiller au parlement de Dole, fils de Jean Chaumont, auditeur à la chambre des comptes de Dole, et de Françoise Pierre, avait pris possession de sa charge le 21 juin 1609, en même temps que Boyvin prêtait serment comme avocat général; il était le plus ancien membre de la compagnie, situation à laquelle correspon- dait, d'après l'usage, le titre de vice-président. S'il ne fut pas nommé président, ce fut sans doute parce qu'on le jugea d'humeur trop facile. «Je puis dire, écrivait Boyvin, sans offenser la bonté et intégrité de — 417 — viennent après lui les conseillers Gollut et de Champvans (). Ce dernier, « qui fait le doux et le simple », n'est pas sans inquiéter Boyvin, vu qu'on ne peut pénétrer ses intrigues : « Quand les autres vont à l'assaut, il travaille à la mine et fait jouer des ressorts qui ne sont pas communs (CLXIV).» Toutelois c’est encore Publius qu'il redoute le plus, car il sait que de Besançon partent de nombreuses lettres pour l'Espagne. Ne lui est-1l pas revenu que l’infante aurait dit de Froissard-Broissia : «Je sais que tout le monde est pour lui? » C'est un capucin, frère du due d'Arschot (2), qui a colporté ce propos ; un carme déchaussé, d'autre part, appuie aux Pays-Bas les démarches du juge de la cité impériale, et Boyvin de s’indigner contre « les religieux qui sous le cou- vert de leur habit couvent souvent des passions humaines (CLXIV). » Il se refuse néanmoins à ajouter foi aux asser- tions du P. Désiré : « Je ne crois pas tousjours ce que les reli- gieux disent hors de chaire, écrit-il au prieur de Bellefon- taine, et souhaiterois pour leur bien propre et celui du public monsieur Chaumont, que nostre corps a besoin d’un cheî plus rude. » Boyvin à Jean-Jacques Chifflet, Dole, 22 août 1633, — Mss. Chifilet, t. CET, fol. 162. Girardot de Nozeroy a dit de lui : « C’estoit un homme doux. » Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p.77: : 1) Louis Petrey, seigneur de Champvans, conseiller au parlement de Dole, fils de Charles Petrey, auditeur à la chambre des comptes de Dole, et de Claudine Millet, fut chargé de défendre Gray lors de l’inva- sion française et accompagna le duc de Lorraine, quand ce prince marcha au secours de Dole. Peu de récits sont plus intéressants que la Lettre de Louis Petrey, sieur de Champvans, à Jean-Baptiste Pelrey, sieur de Chemin, son filz, contenant une bonne partie de ce qui s'est fait au comté de Bourgongne pendant et après le siège de Dole M.DC.XNX XVII (in-4 de 111 pp.), qu'on trouve souvent reliée avec le Siège de la ville de Dole de Boyvin. (2) Philippe-Charles d’Arenberg, duc d’Arschot, gouverneur du comté de Namur, grand veneur et grand fauconnier de Flandre, fils de Charles, prince d’Arenberg, baron de Zewemberghe, seigneur de Mirewaërt et Naeltwyck, chef du conseil des finances des Pays-Bas et maréchal héréditaire de Hollande, chevalier de la Toison d’or, et d'Anne de Croy, duchesse d’Arschot, princesse de Chimay (15 octobre 1587-24 septembre 1640). 27 — 418 — qu'ils se continssent dans les bornes de leur profession (CLXV). » Quant à lui, il n’agira jamais que par les voies d'honneur et sa résolution est prise de toujours suivre le droit chemin (CLXXV). Il compte sur l'archevêque de Besan- con et l'archevêque de Césarée, mais c'est de ses amis de Bruxelles qu'il attend le concours le plus efficace: « Je remets tout mon affaire (1) entre voz mains et de monsieur vostre frère », mande-t-l à Philippe Chifflet (CLXV). « Quelle qu'en soit l'issue, répète-t-1l, je publieray mi que je vous suis éternellement obligé et à monsieur vostre frère, puisque vous me traittez comme si vrayement j'estois le vostre (CLXVI). » Ils peuvent du reste être assurés du secret, tant qu'une décision ne sera pas intervenue : « Prenez telle confiance de la fidélité et discrétion de Dexter, leur dit-il, qu'on ne sçaura Jamais de sa bouche ce que vous faites pour luy (CLX VII). » Et ailleurs : « Ce qui se passe de ses affaires demeure entre luy et moy : si nous croyions que nos chemises le sceussent, nous les dépouillerions et les jetterions au feu (CLXXI). » Un motif d'inquiétude a pourtant sura1 : le premier aumo- nier de l’infante Isabelle-Claire-Eugénie ne témoigne plus le même zèle pour les intérêts de Boyvin (CLXVIIT) ; ce revirement inattendu du neveu ne va-t-il pas modifier les dispositions de l'oncle ? Ce sont eux qui l'ont engagé à rechercher la charge de président : d’où vient que leur bonne volonté à son endroit semble se refroidir ? Les députés de l'État (2) viennent bien de le désigner en première ligne au choix du roi: Ferdinand de .Boisschot appuie toujours sa (1) Au dix-septième siècle, on faisait encore indifféremment a/fjaire du masculin ou du féminin. (2) On désignait sous ce nom les commis chante, dans l'intervalle d’une assemblée des États à l’autre, de l’également ou répartition de la somme votée à titre de don gratuit ; les membres de cette commis- sion permanente étaient pris au nombre de trois dans chaque baïil- liage ; on leur adjoignait un nombre égal de subrogés ou suppléants ; d’où le nom de Dix-huil qui leur est aussi donné quelquefois. Lee 419 = candidature, mais qu'est le crédit du chancelier de Brabant auprès de celui de Pierre Roose, qu'on sait être aux Pays- Bas l'homme du comte-duc? Or, Pierre Roose s’est ouver- tement déclaré pour Publius ; il est à craindre que le comte de Solre (1) ne fasse de même. Aussi le magistrat dolois n'a- t-il plus d’espoir qu'en la divine Providence : « L'affaire de Flavius est entre les mains de Dieu et Dexter en grande tranquillité de ce costé là (CLXXX). » Il le répète sans cesse aux Chifflet: « Dormez tranquillement, leur dit-il, pour la prétention de Ælavius (CLXXXIT). » S'il s’attriste de la pers- pective du triomphe de Froissard-Broissia, c'est à cause des inconvénients qui en résulteront pour le publie : c'est aussi à raison du précédent fâcheux que cette nomination créera : € On publie par icy, éerit-il, que Publius a emporté le pris avec la fance dorée. Il n'est pas permis à tout le monde d'entrer au tournoy avec une si riche livrée (CLXXXIIT). » Un peu plus tard, Boyvin apprend qu'un professeur ita- lien de l’université de Dole (2) intrigue pour se faire nom- mer président (CXCIT). Ce serait encore pis que le choix de Froissard-Broissia, mais rien ne saurait plus le troubler : il cède volontiers la victoire à ceux qui ont la plus riche lance : « Laissons Publius et Flavius, écrit-il, le ciel en disposera (1) Jean de Croy, comte de Solre, baron de Molembais et de Beau- fort, seigneur de Condé et de Montigny, capitaine des archers de la garde de $. M. Catholique, gentilhomme de la chambre de Philippe IV et membre du conseil suprême de Flandre, chevalier de la Toison d’or, fils de Philippe de Croy, comte de $Solre, chevalier de la Toison d’or, et d'Anne de Beaufort, sa première femme. (2) Cet Italien était François-Bernardin Tornielli, gentilhomme mila- nais et docteur de l’université de Padoue, qui occupait depuis 1623 une chaire de droit civil à l’université; il mourut à Dolele r°" octobre 1637. Boyvin ne lui garda pas rancune de ses démarches pour être nommé président du parlement, car il lui donna sa voix, le 3 juin 1637, dans une présentation de candidats à la charge de conseiller, en le disant « personnage de bon jugement et de grande doctrine, qui s’est rendu cappable de la langue françoise, ainsi que l’on recognoist par ses consultes. » Parlement. Arch. du Doubs, B 43, fol. 29. Cf. H. BEAUNE ET J. D'ARBAUMONT, Les universités de Franche-Comté : Gray, Dole, Besancon, p. 198. — 1920 — comme il luy plaira (CXCIIT). » Les derniers mois de 1631 le trouvent moins occupé de ses espérances que des obser- vations que lui a suggérées un traité de Puteanus (1) : 1} déclare au commencement de l’année suivante ne plus son- ger à la présidence du parlement [CCIIT, CCIV) et rit de bon cœur, quand, au retour d’une conférence avec des dépu- tés du parlement de Dijon, il apprend que la venue d’un chanoine flamand (2) porteur de lettres d'Espagne a fait croire à tout le monde qu'il était nommé: «© Il courut, dit-il, un bruit qu'il m'apportoit des patentes, et je pense que, si je fusse venu avant que donner loisir à ce nuage de s’esclair- cir, on m'alloit faire entrée (CCVI). » Toute chance d'arriver à la présidence du parlement paraît d’ailleurs lui être enle- vée par la nomination de Pierre Roose comme président du conseil privé 6) ; 1l n'en est que plus agréablement surpris d'être désigné avec l'archevêque de Besançon et le vice- président Chaumont pour ouvrir l'assemblée des États (4), et c'est à l’intervention de Jean-Jacques Chifflet qu'il attri- bue cet honneur (CCXXXIT). (1) Le traité en question était le suivant : Erycii Puteani de S. Fla- via Domitilla, clarissima martyre, observatiuncula epistolica, ad locum Martyrologii Romani, Nonis Maii. Louvanii, typis Cornelii Coenes- tenii. M.DC.XXIX (in-4 de 40 pp.). Le corps de l'ouvrage (p. 7-40) est une lettre adressée à Philippe Chifflet le 7 mai 1628. (2) Professeur de mathématiques à Cordoue et chanoine de Condé, Barthélemy Petit venait chercher en Franche-Comté des mineurs et des vignerons pour le comte de Solre, dont il était le chapelain. (3) Pierre Roose fut nommé président du conseil privé des Pays- Bas par lettres patentes du 9 avril 1632 ; ce choix fut une déception pour Boyvin, qui avait espéré que: la charge d'Engelbert Maës revien- drait au chancelier Ferdinand de Boisschot. : (4) Le discours par lequel Boyvin ouvrit la session des Etats, le 10 janvier 1633, est, je l’ai déjà dit, un curieux spécimen de lPélo- quence politique du temps : il y compare l'Europe à « une royne qui a l'Espagne pour chef, les Gaules pour poitrine, l'Italie pour son bras droit, la Grande-Bretagne pour son bras gauche, et tout le reste comme les pans de sa robe »; quant à la Franche-Comté, c’est le cœur « et pour sa figure qui représente un cœur, et pour son assiette au milieu de la poictrine de l’Europe et beaucoup plus amour cordial que son chef luy porte et ses cordiaux et réciproques debvoirs d’obéis- — 91 — Au surplus, ses craintes qu'on ne prit un président en dehors de la compagnie étaient dénuées de fondement : les démarches de Froissard-Broissia n'eurent d'autre effet que de faire demander de Madrid un nouvel avis à l’arche- vêque de Besançon et au parlement; à la suite de cet avis, on jugea préférable en Espagne de laisser les choses en suspens, et la cour resta sans chef jusqu'au décès de Jean Chaumont (1). Ce ne fut qu'à cette date que, désigné au choix de Philippe [IV par le rôle qu'il avait joué après le sièoe de Dole plus encore que par son ancienneté, Boyvin fut autorisé à remplir les fonctions de président avant que ses patentes fussent arrivées (2), et, le 19 avril 1639, il prit possession de sa charge « avec plus grand applaudissement de tous les ordres » qu'il n'eût osé espérer (CCCLVIIT, CCCLIX). Il n’y avait pas un an qu'il avait écrit à Philippe Chifflet : « Si l’on me faisoit président avec douze cens livres (3), on m'auroit mis à la besasse, de sorte que j'y renonce de bon cœur (CCCXXXIIT). » IV L'année où Boyvin multiplia les démarches pour succé- der au président de Mercey est aussi celle qui vit ce qu'un historien franc-comtois appelle « le commencement de noz sance. dévotion et fidélité qu’elle luy a toujours rendus » ; ce sont pourtant ces pointes qui le faisaient déclarer éloquent par le conseil- ler de Beauchemin. Mss. Chifilet, t. XXXVII, fol. 166 v° et 167; GIRARDOT DE NOZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 77; E. CLErC, Histoire des Etats généraux et des libertés publiques en Franche-Comté, t. IT, p. 37; E. LonGIn, Un document inédit sur Boyvin (16040), p. 145. (1) Le 56 février 1639. (2) Cette autorisation lui avait même été accordée avant qu'on sût la mort de Jean Chaumont. V. Le cardinal infant à la cour, Bruxelles, 28 février 1639. — Corr. du Parlement. Arch. du Doubs, B 243. (3) C’étaient les gages annuels du président du parlement de Dole; dans un mémoire en langue espagnole du mois de septembre 1640, a cour demanda inutilement qu'ils fussent portés à trois mille francs. nr DO fascheuses affaires (1). » La retraite du duc d'Orléans (2) à Besançon devait être invoquée par la déclaration royale du 7 mai 1636 comme un motif de rupture au même titre que l’asile donné au duc de Lorraine (3). Boyvin l'avait prévu ; il avait également pressenti que l'orage qui fondait sur l’Alle- magne n'épargnerait pas le comté de Bourgogne. Avec quelle attention, en 1632, en 1633, en 1634, ne suit-il pas les évè- nements qui se déroulent à la frontière ! L’occupation de la Lorraine par les Français et la conquête de l’Alsace par les Suédois lui inspirent les plus vives appréhensions : « l'Alsace et la Lorraine estoient noz barrières ; si l’on les laisse forcer, on nous passera fort aisément sur le ventre (CCLXIT. » Il ne s’agit plus d'une guerre éloignée, comme celle dont la Valteline ou le Montierrat était l'enjeu ; c’est dans le voisi- nage immédiat de la Franche-Comté que se livrent des com- bats incessants : la ville de Besançon est menacée (4) ; Lure, terre d'Empire, est même assiégée à deux reprises par des généraux de l’Union évangélique (5) (1) GIRARDOT DE NOZEROY, 0p. cit, D. 29. (2) Gaston-Jean-Baptiste de France, duc d'Orléans, fils de Henri IV, roi de France, et de Marie de Médicis (25 avril 1600 -2 février RON (3: Déclaration du Roy sur les attentats et entreprises contre son Estat par aucuns du Comté de Bourgoigne, avec les assurances de conservation et protection aux communautez et particuliers qui entre- tiendront la neutralité. — Gazette de France, extraordinaire du 5 juin 1636. Cf., sur la retraite de Monsieur en Franche-Comté, GouLrAs, Mémoires, t. I, p.rrr; duc D'ORLÉANS, Mémoires (coll. Michaud et Poujoulat), p. 58; RICHELIEU, Mémoires, t. II, p. 323; Boyvin, Le siège de la ville de Dole, p. 13 ; GIRARDOT DE NOZEROY, 0p. cil:, p. 24; A. CASTAN, La retraite de Gaston d'Orléans en Franche-Comté et ses trois séjours à Besançon en 10371 et 1632, dans les Mémoires de la Société d’émulation du Doubs, année 1879, p. 152; jJ. MEYNIER, Besancon pendant la guerre de Dix ans, dans le même recueil, année 1901, P. 199. (4) A. CasTAN, Votes sur l'histoire municipale de Besançon {1290- 1780), 112.0, 12810190; (5) En 02 et en 1634. Ce fut à la suite de la seconde tentative que l’abbaye de Lure se plaça sous la protection du roi de France. CÎ. GIRARDOT DE NOZEROY, Histoire de dix ans de lu Franche-Comté de Bourgongne, p. 30; l'abbé BESSON, Mémoire historique sur la ville el l'abbaye de Lure, D. 19/5 0: LONGIN, Lure pendant la guerre de Nrenteans, p'10: En 1655, l'arrestation de l'archevêque de Trèves par ordre du cardinal infant (1) amène cette rupture entre les deux cou- ronnes que Boyvin redoute depuis longtemps, ne se dissi- mulant pas que la violation de la neutralité des deux Bour- gognes (2) la suivra de près. Au bailliage d’Amont, le due de Lorraine bat en retraite devant le maréchal de la Force (3). (1) Ferdinand d'Autriche, infant d'Espagne, cardinal archevêque de Tolède, gouverneur des Pays-Bas et du comté de Bourgogne, fils de Philippe III, roi d'Espagne, et de Marguerite d'Autriche (17 mai 1609-9 novembre 1641). (2) Le 28 août 1512, les ambassadeurs de l’archiduchesse Margue- rite avaient signé avec les ambassadeurs du roi de France une convention proclamant la neutralité des deux Bourgognes; cette convention fut ratifiée par l’empereur Maximilien le 15 mars de l’année suivante. Enfin, en 1522, il fut arrêté pour trois ans, par l'entremise des Ligues suisses, qu’en cas de guerre entre la France et l'Espagne le comté de Bourgogne et la cité impériale de Besançon, d’une part, le duché de Bourgogne, le vicomté d’Auxonne et le Bassi- gny, de l’autre, demeureraient neutres. Successivement renouvelée CDD 042 1044, 1040, 1002, 1000, 1502, 1080, 1999, 1000.et 1610, cette neutralité ne devait expirer qu’en 1638 aux termes du der- nier traité. Cf. SaAAvEDRA, Volicias del tralado de neulralidad entre el condado y ducado de Borgona. — Mss. Ghifilet, t. CLXXX VIII, fol. 142; J.-J. CHiFFLeT, Recueil des traillez de paix, trèves et neu- tralité entre les couronnes d'Espagne et de France, p.332 ; LÉONARD, Recueil des traillez de paix, de trève, de neulralilé, de confédéra- tion, etc., t. IV ; Du Monr, Corps universel diplomatique du droil des gens, t. V, p. 378; dom PLANCHER, Histoire générale et particulière de Bourgogne, t. IV, p. CDXXIII, CDXXV et CDXXXI; A. DuBors DE JANCIGNY, Recueil de chartes el autres documents pour servir à Uhistoire de la Franche-Comté sous les princes de la maison d'Au- triche, p. 155; A. CHÉREAU, Journal de Jean Grivel, seigneur de Perrigny, contenant ce qui s'est passé dans le comté de Bourgogne pendant l'invasion française et lorraine de 1595, p. 164; C. FLEURY, Francs-Comtois et Suisses, p. 46; J. BERTIN, De la neutralité de la Franche-Comté, dans le Bulletin de la Société grayloise d’émulation, année 1898, p. 54; M. PRINET, françois [* el le comté de Bourgogne, dans le Bulletin de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Besançon, année 1908, p. 287. (3) Jacques Nompar de Caumont, marquis, puis duc de la Force, maréchal de France, fils de François de Caumont, seigneur de Castel- moron, et de Philippe de Beaupoil, dame de la Force (30 décembre 1558-10 mai 1652). En se retirant vers Belfort, la petite armée lorraine éprouva, le 24 mai 1635, des pertes assez sensibles entre Melisey et Fresse. CÏ. Gazette de France, extraordinaire du 4 juin 1635 : Relation de la — 192% — La bataille d'Avein(r), suivie de l'invasion du Brabant par l'armée victorieuse, interrompt toute communication avec Bruxelles, et nous n'avons pas de lettre du 16 avril au 3o août. Quand les chemins sont rouverts, l'inquiétude persiste : « Nous sommes ici en perpétuelles alarmes, écrit Boyvin, nouvelle chasse donnée à l'armée du duc Charles par le mareschal de la Force, avec la mort de sept à huit cens Lorrains, outre plus de trois cens prisonniers; Grotius à Oxenstiern, Paris, 6 juin 1635 ; le même à Camerarius, Paris, 6 juin 1635. — Epistolæ, p. 1571 et 152 ; FORGET, Mémoires des guerres de Charles IV, duc de Lorraine (Bibl. de Nancy), p. 86; CAMPION, Mémoires, p. 96; RIicHELIEU, Mémoires, t. II, p.615; La Force, Mémoires, t. IL, p. 122 et 423 ; ADLZREITER, Annales Boicæ gentis, t. IT, p. 336 ; dom CALMET, Histoire ecclésias- tique et civile de Lorraine, t. IT, p. 307; le P. LaGuILLe, Histoire de la province d'Alsace, t. IT, p. 129; AvENEL, Leltres, instructions diplomatiques el papiers d'État du cardinal de Richelieu, t. IV, p. 38 et 48; F. DES ROBERT, Campagnes de Charles IV, duc de Lorraine et de Bar, en Allemagne, en Lorraine et en Franche-Comté ([1034- 1038), p. 99; vicomte DE NOaïLLES, Épisodes de la guerre de Trente ans : le cardinal de la Valette, lieutenant général des armées du roi (1635 a. 1059), p. 49: (1) Cette bataille, dans laquelle les maréchaux de Châtillon et de Brézé défirent les troupes espagnoles commandées par le prince Tho- mas de Savoie, fut livrée le lendemain même de la déclaration de guerre de la France à l'Espagne. Gazette de France, extraordinaire du 26 mai 1635 : La défaite de l’armée du prince Thomas par celle du Roy; 1bid., extraordinaire du 30 mai 1635: La confirmation de la signalée victoire obtenue par les mareschaux de Chastillon et de Brézé sur les Espagnols avec les noms de quelques principaux prisonniers, morts et blessez; Ibid. extraordinaire du 3 juin 1635: La relation de la bataille d'Avein, gaigné le 20 mai 1035 par les François sur les Espagnols commandez par le prince Thomas, avec la jonction des armées françoise el holandoise; Grotius à Oxenstiern, Paris, 6 juin 1635 ; le même à la reine de Suède, Paris, 6 juin 1635 ; le même à Camerarius, Paris, 6 juin 1635. — Æpistolæ, p. 151 et 152; Mercure françois, t. XX, p. 109; Véritable inventaire de l'histoire de France, t. II, p. 481; Luna v Mora, Relacion de la campaña del año de 1635, dans la Coleccion de documentos ineditos para la historia de España, t. LXXV, p. 395 ; SiROT, Mémoires, t. I, p. 251 ; OHASTENET- Puyséaur, Mémoires, t. I, p. 161 ; RICHELIEU, 0p. cit, t. II, p. 607; MONTGLAT, Mémoires, t. I, p. 83; AuBERY, Mémoires pour l'histoire du cardinal duc de Richelieu, t. I, p. 478; Le Vassor, Histoire de Louis XIII, t IV, p. 7927; Le CLerc, Vie du cardinal de Richelieu, t. II, p. 460; le P. Grirret, Histoire du règne de Louis AI, t IE, p. 577; H. LoncHaY, la rivalité de la France ét de l'Espagne aux Pays-Bas (1035-1700), dans les Mémoires de l'Académie royale de Beleique-st MINE D 2; Re 429 == et ne semblons estre soustenuz que du filet de la Providence et faveur du ciel (CCCVIIT). » Au commencement de l’année suivante, les craintes des Franc-Comtois redoublent. Les apprêts militaires qu'on signale à Langres et à Auxonne ne permettent pas de douter que la France ne songe à attaquer la province. On fait, il est vrai, Courir le bruit que les troupes qui se massent à la frontière sont destinées à passer en Italie ; à Dijon, le prince de Condé (1) prodigue les assurances pacifiques (2) et Boyvin n'est pas éloigné de croire ce prince sincère et qu'il lui répugne d’envahir le comté de Bourgogne (3): il le sait néanmoins trop soumis au cardinal pour faire grand fond sur fui (CCCXIX). Peut-on compter sur les Suisses? Leur intérêt bien entendu leur commanderait de prendre la défense d'un pays qui leur sert pour ainsi dire « de dehors et de contrescarpe contre la France (CCCXIV) », mais, divisés comme ils sont par des rivalités confessionnelles, Richelieu parviendra sans peine à les circonvenir, et dans le fait ils ne (1) Henri IT de Bourbon, prince de Condé, premier prince du sang et premier pair de France, lieutenant général des armées du roi et gouverneur de Berry, de Bourgogne et de Bresse, fils de Louis I‘ de Bourbon, prince de Condé, et de Charlotte de la Trémouille (1° sep- tembre 1588-26 décembre 1646). (2) Pour accréditer ses protestations, le prince de Condé se servait d'un gentilhomme franc-comtois qu'un procès important avait amené à Dijon. Cf. Moyria-Grammont à Brun, Rosy, 14 décembre 1636. — Arch. de Buthiers, papiers de Brun, t. XVITI, fol. 65; Boyvin, Le siège de la ville de Dole, p. 57. (3) Henri II de Bourbon déclara plus tard à deux députés du parle- ment de Dole que « quant à l’attacque qui s’estoit faicte de Ia ville de Dole, il protestoit devant Dieu n’en avoir pas esté la cause, au contraire qu'il avoit relucté deux ans entiers à la proposition que le président de la Berchère, l'abbé de Coursan et le s° de Chevigny fai- soient au cardinal de Richelieu (lors roy de France et de Navarre, dit-il) d’attacquer led. comté de Bourgongne sur l'assurance qu'ilz luy donnoient que Dole ne dureroit que quinze jours et pas plus tout le reste de la province. » Rapport fait par les conseillers Garnier et Buson, députés à Bellegarde pour traiter de la cessation de courses entre le duché et le comté, Dole, 14 mai 1645. — Mss. Chifilet, DEXXXV, iol: 260. 28 es 126 = hasarderont jamais que de stériles remontrances. Gallas (1) offre bien de secourir la province : toutelois c'est un remède auquel il'ne faut recourir qu'à la dernière extrémité, attendu que les Allemands «tuent, brülent, pillent, volent et ran- connent autant les amys que les ennemys (CCCXVII). » En définitive, la Franche-Comté ne doit attendre son salut que de Dieu et d'elle-même. C’est aussi ce qu'elle fait : l'éminent péril est proclamé (2); les fortifications de Dole sont com- plétées et des commissions délivrées aux principaux sei- gneurs pour lever des troupes (3). « Nous n'obmettons rien. écrit Boyvin le 21 mai 1636. de tout ce que peuvent et doivent des gens de bien et d'une fidélité inviolable à Dieu et à leur souverain. Si les François nous empeschent de moissonner, comme l'on bruit qu'ilz veuillent faire, nous sommes aux abois et devons voir dans cinq ou six jours ce qu ilz ont soubz le bonnet (CCCXIX.. » Six jours après, Dole est investie par une des plus puis- santes armées que la France ait encore mises sur pied : le premier prince du sang la commande: il est assisté du grand-maître de l'artillerie la Meilleraie (#, à qui le premier ministre désire faire gagner le bâton de maréchal quil (1) Mathias Gallazzo, lieutenant général des armées impériales, fils de Pancrazio Gallazzo et d'Annunziata Mercati (16 septembre r1584- 26 avril 1647). (>) Le 14 mai 1636. (3) Rapport adressé au cardinal infant, gouverneur général des Pays-Bas et du comté de Bourgogne, par le marquis de Conflans et le conseiller de Beauchemin sur les opérations de l’armée de secours levée et organisée durant le siège de Dole par le prince de Condé, août 1636, dans l'Annuaire du Doubs de 1895, p. 55; Boyvin., Le siève de la ville de Dole, p. 66: GIRARDOT DE NOZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 84; E. LONGIx. Éphémérides du siège de Dole (1636), p. 2. (4) Charles de la Porte, seigneur de la Meilleraie, grand-maître de l'artillerie, gouverneur de Naïtes et de Port-Louis, fils de Charles de la Porte, seigneur de la Lunardière et de la Meilleraie, et de Claude de Champlais (1602-8 février 1664). La mère de Richelieu, Suzanne de la Porte, était sœur consanguine du père du grand- maitre. — 427 — recevra, trois ans plus tard, sur la brèche de Hesdin: des chefs éprouvés. Gassion (1), Lambert (2), Ranzau 5), servent sous leurs ordres. On sait comment Boyvin se comporta pendant l'investissement : membre du conseil de défense, il fut vraiment avec l'archevêque pense de. Rÿe-et-le mestre de camp Louis de la Verne (4) l'âme de la résistance ; «il ne s’est point passé d'occasion le siège, dira-t-il plus tard sans crainte d'être démenti, où je ne me sois présent sur les rangs, les armes à la main (5). » Les bombes, « invention nouvelle adjoustée de nostre aage aux autres que l'enfer a vomies pour l'extirpation du genre humain (6) » (1) Jean de Gassion, maréchal de camp des armées du roi, fils de Jacques de Gassion, président au conseil souverain de Navarre et de Béarn, et de Marie d'Esclaux (20 août 1609-2 octobre 1647). (>) Jean de Lambert, baron de Chitrv, maréchal de camp des armées du roi, fils de Jean Lambert, seigneur de la Filolie, et de Mar- guerite Robinet de la Serve (25 septembre 1586-23 octobre 1665). Le fils de cet officier général épousa Thérèse Marguenat de Courcelles, fille d’un maitre des comptes de Paris, qui fut la célèbre marquise de Lambert. (3) Josias, comte de Ranzau, maréchal de camp des armées du roi, avait successivement servi les Provinces-Unies, le Danemark, la Suède et l'Empire avant de passer au service de la France; il perdit un œil devant Dole: plus tard, au siège d'Arras, on dut l'amputer d'un bras et d’une jambe: c’est à quoi font allusion les derniers vers de l’épitaphe bien connue : | Son sang ful en cent lieux le prix de la victoire Et Mars ne lui laissa rien d'entier que le cœur. Né le 18 octobre 1609, Ranzau mourut à Paris le 14 septembre 1650, d'une hydropisie contractée pendant sa détention au château de Vin- cennes. (4) Louis de la Verne, seigneur de Saulnot, mestre de camp d'un régiment d'infanterie bourguignonne, fils de François de la Verne, seigneur de Saulnot, et d'Adrienne Thomassin. Cf., sur le vaillant défenseur de Dole, E. LONG, Lettres de chevalerie de Louis de la dla Verne, dans le Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts de la Haute-Saône, année 1884, p. 793; In., Votes sur le régiment de la Verne {X VII: siècle), dans les Mémoir es de la Société d' émulation du Jura, année 1908, p. 289. (5) BOYVIN, Le siège de la ville de Dole. Au lecteur. (6) Les Français avaient fait usage de bombes pour la première ois en 1634 aux sièges de Bitche et de la Mothe. — 428 — n'ébranlèrent pas plus la résolution des assiégés que les assauts, les mines et la canonnade furieuse des assiégeants : les femmes elles-mêmes se remirent promptement de leur cffroi des premiers jours (1); « les petits enfans couroient par les rués pour espier la portée des coups et avec de grandes huées alloïent à la cherche des boulets (2). » Enfin, après envi- ron trois mois d'efforts inutiles, l'invasion de la Picardie par le cardinal infant () obligea les Français à lever le siège: ils mirent le feu aux forts de leur circonvallation ; l'aube du jour de l’'Assomption les vit gagner précipitamment les bois qui séparent la Franche-Comté de la France, et la lettre par laquelle Boyvin annonce au prieur de Bellefontaine leur retraite est un véritable chant de triomphe (CCCXX). Tout n'était pourtant pas fini avec la délivrance de Dole : les sourires de la fortune sont éphémères et sa roue tourne sans répit. Au lendemain de son échec, le prince de Condé avait fait proposer par les députés des Ligues suisses une suspension d'armes : dans l'ivresse de la victoire, les France- Comtois refusèrent d'y souscrire ; deux membres du parle- (1) « Les femmes de Dole... se désespéroient, si bien que l’on fut contrainct de leur dire que la première qui pleureroit, l'on l’envoye- roit servir de courante au camp de l’ennemv, et par effect l’on feignit d’en y envoyer. Cela les a tellement retenues que maintenant elles font aultant d’effect que nos soldatz. » E. LONGIN, Documents inédits sur le siège de Dole (1630), p. 15. (2) BOYVIN, op. cit., p. 122 ét 143: (3) Le cardinal infant avait envahi la Picardie dans les premiers jours du mois de juillet; la Capelle et le Catelet s'étaient rendus sans résistance ; le 4 août, son armée avait franchi la Somme, et, le jour même de la levée du siège de Dole, Corbie tombait en son pou- voir. Cf. Escrivense los progressos y entrada de su Alteza del Senor Infante Cardenal en Francia por Picardia, en nueve de iulio deste año : y la relirada del exercilo de Francia y sus coligados del Estado de Milan, y la valerosa y fuerte resistencia que hizo la ciudad de Dola en Borgoña al principe de Conde general de Francia en su assedio, con la respuesta de una carla que acquel parlamento y corle escrivio al referido principe. Con licencia. En Madrid, por Maria de Quiñones. Año MDCXXXVI. Vendese en la Calle mayor, en casa de Pedro Coello, en frente de San Felipe. 29 — ment se prononcèrent seuls en faveur de cet armistice (1), et tout le premier Boyvin fut d'avis de le décliner (2). On ne tarda pas à voir arriver Gallas avec une armée formidable ; l'épouvante saisit le duché : les routes de Lyon se couvrirent de fuvards, et il fallut rappeler en toute hâte d'Alsace le duc de Weimar et le cardinal de la Valette (5) pour les opposer à l'invasion. Le général impérial n'avait malheureusement pas dessein de prendre ses quartiers d'hiver dans le royaume ; son but était d'assurer les délibérations de la diète convo- quée à Ratisbonne, et ses lieutenants et lui multiplièrent les prétextes pour se dispenser d'agir. « Pour nous faire croire que cest nous qui empeschons qu'ilz n’entrent en France, écrivait Boyvin, ilz nous font demander tantost des canons et des munitions qu'ilz savent bien que nous n'avons pas, tantost que l'on leur joimgne une armée de ce pays sans laquelle 11z disent n'estre pas assez forts pour entrer en France, tantost 11z vueiHent de l'argent pour acheter des che- (1) Le P. HuGo, Histoire de Charles, quatrième du nom, duc de Lorraine et de Bar (Bibl. de Nancy), p. 354. Cf. Le duc de Lorraine à Petrey-Champvans, Arbois, ro septembre 1637. — Corr. du parte- mnent. Arch. du Doubs, B 222; ForGer, Mémoires des guerres de Charles IV, duc de Lorraine, p. 148; GIRARDOT DE NOZEROY, l1is- loire de dix ans de la Franche-Comlé de Bourgongne, p. 137; dom CALMET, Histoire ecclésiastique et civile de Lorraine, t. UT, p. 356 ; DuNOD, Mémoires pour servir à l'histoire du comté de Bourgogne, Pp. 560; BÉGUILLET, Histoire des guerres des deux Bourgognes sous les règnes de Louis XIII et de Louis ATV, t. IT, p. tr. (2) Ce qui me le fait croire, c’est une lettre dans laquelle le prési- dent du parlement de Dole dit : « La neutralité que les François disent nous avoir offerte et que nous avons refusé est qu'il nous ont voulu persuader d’estre traistres et rebelles à nostre souverain, nous déclarant neutres entre luy et ses ennemis, ce que véritablement nous avons refusé et refuserons tant qu'il nous restera une goutte de sang dans les veines et un brin de sens et de sentiment en l'âme. » Boyvin à d’Accoste, Dole, 27 mars 1641. — Arch. de Buthiers, papiers de brun. NT; fol::67v?: (3) Louis de Nogaret de la Valette, cardinal, lieutenant général des armées du roi, fils de Jean-Louis de Nogaret de la Valette, duc d'Éper- non, colonel général de l'infanterie française et gouverneur de Guyenne, et de Marguerite de Foix, comtesse de Candale (8 février 1593-28 sep- tembre 1639). vaux pour trainer leur canon, et le lendemain quelque autre chose, sans y compter l’incroiable quantité de grains, vins et victuailles qu'il faut pour nourrir une armée de dix mille chevaux et vingt mille hommes de pied et plus de trente mille bouches de bagage. Je ne pénètre rien dans tout cela. sinon qu'aucuns disent qu'ilz ont ordre de ne rien hazarder ny advancer que l'élection du Roy des Romains (1) ne soit faite (CCCXXIV). » Lorsque l'armée de Gallas eut été renforcée des régiments amenés d'Allemagne par le marquis de Saint-Martin (2), plu- sieurs semaines se passérent encore avant qu'elle ne se déei- dàt à s'ébranler. Enfin, dans les derniers jours du mois d'oc- tobre, elle franchit la frontière, semant l'incendie sur ses pas. « On ne voit que feugs de toutes parts, mandait Boyvin au prieur de Bellefontaine ; on en contoit dix-huit en mesme temps dez dessus nostre mont Roland (CCCXXXIIT. » Les envahisseurs poussèrent jusqu à Dijon, mais, avant d'en faire le siège, ils voulurent prendre Saint-Jean-de-Losne et la courageuse défense de la garnison et des habitants de cette ville donna aux populations du duché le temps de se remettre de leur émoi. Survinrent des pluies torrentielles, qui, gros- sissant les petites rivières de la Bourgogne, déterminèrent Gallas à battre en retraite ; 1l dut abandonner au passage de la Vingeanne une partie de ses munitions et de ses bagages. et ce fut à peine s'il ramena en Franche-Comté la moitié de ses soldats, le reste s'étant débandé ou ayant péri de faim. (1) Ferdinand d'Autriche, roi de Hongrie et de Bohème, fils de Ferdi- nand IT, empereur, et de Marie-Anne de Bavière, sa première femme (13 juillet 1608-2 avril 1659). Élu roi des Romains le 22 décembre 1636, ce prince succéda à son père le 15 février 1637. (>) Jean-Baptiste de la Baume, marquis de Saint-Martin, baron et seigneur de Montmartin, Vaudrev, etc., capitaine des gardes du car- dinal infant, colonel d’un régiment de cuirassiers et général d’artil- lerie pour $. M. Catholique en Allemagne, fils d'Antoine de la Baume, comte de Montrevel, et de Nicole de Montmartin (1593-21 décembre 1641). EN 43 ne de froid ou de maladie (1). Les officiers allemands n’en mon- trèrent que plus d’exigences pour refaire les débris de leurs troupes dans les fertiles campagnes du bailliage d'Amont, qu'ils accablèrent de réquisitions sans même empêcher les importants approvisionnements de grains de Jonvelle de tomber au pouvoir des Français (2). Sur les excès de tout genre auxquels les Allemands s'aban- donnèrent en Franche-Comté Boyvin est sobre de détails. (1) Les historiens français ont exagéré les pertes de Gallas, mais elles n'en furent pas moins considérables. Cf. La Valette à Richelieu, Fontaine-Française, 12 novembre 1636. — Affaires étrangères, Lor- raine, t. XXIX, fol. 552; Toledo à la cour, Besançon, 15 novembre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 208 ; Boyvin à Brun, Dole, 21 novembre 1636. — Arch. de Buthiers, papiers de Brun, t. VIII, fol. 70 ; Gazette de France, extraordinaire du 19 novembre 16356: La honteuse fuite de Gallas, avec perte de huit mille de ses gens el d'une par- lie de Son canon et bagage; Tbid., extraordinaire du 28 novembre 1636: La chasse générale donnée aux troupes de Galas hors de la Bourgogne où il a esté contraint de faire crever une partie de ses canons, enterrer les autres et se sauver en Allemagne ; Tbid., extraordinaire du 17 février 1637 : La liste des troupes de Galas qui ont repassé le Rhin depuis le 10 jusques au 24 du mois de janvier dernier; Mercure françois, t. XXI, p. 271; GRüN, T'agebuch (Bibl. de Gotha), fol. 153; MERCY, Histoire des principales actions de quelques grands hommes qui ont fleuris dans l'Europe en ce dernier siècle (Bibl. Mazarine), p. 8; FORGET, Mémoires des guerres de Charles IV, duc de Lorraine, p. 165 ; LA VALETTE, Mémoires, t. I, p. 240; SIROT, Mémoires, t. I, p. 284; RICHELIEU, Mémoires, t. III, p. 85; MACHERET, Journal de ce qui s’est passé de mémorable à Lengres et aux environs depuis 1028 jusqu'en 1056, t. [, p. 62; GrraArpoT bE NoZEROY, Histoire de dix ans de la Franche- Comté de Bourgongne, p. 149 ; MoNTGLaT, Mémoires, t:-T; p.140 ; ADLZREITER, Annales Boicæ gentis, t. III, p. 350; PurFENDORF, De rebus Suecicis, p. 267; B. RôsEe. Herzog Bernhard der Grosse von Sachsen- Weimar, t. IT, p. 128; F. DES RoBERT, Campagnes de Char- les [V, duc de Lorraine et de Bar, en Allemagne, en Lorraine et en Franche-Comté (1034-1038), p. 311 ; G. DROYSEN, Bernhard Weimar, t. II, p. 245 ; vicomte DE NOAILLES, Épisodes de la guerre de Trente ans : le cardinal de la Valette, lieutenant général des armée (uno 085 4 1030), D: 307. (>) Le 30 novembre 1636. Cf. Grotius à Camerarius, Paris, 12 dé- cembre 1636; le même à Salvius, Paris, 12 décembre 1636. — Æpistolæ, p. 285 et 286: Gazelle de France du 20 décembre 1656: Les parlicu- larilez de la prise de la ville de Jonvelle ; Mercure francois, t. XXI, DépTy2E CRUN-0pD--Cit., 101 197 FORGET, 0D. Cil.,. p.104; LA VALENTE» op. Cit., t. 1, p. 245 ; AUBERY, Histoire du cardinal duc de Richelieu, p.311; Ip., Mémoires pour l'histoire du cardinal duc de Richelieu, t. I, — 432 — Avant que Gallas entrât en France, il avait écrit: « On aura peine de croire les cruautez que l’armée impériale a pratti- quées sur nous, et non pas par de petites parties, mais par des parties de trois à quatre cens chevaux (1), qui ont forcé et pillé les bourgs, tué les hommes, violé les femmes et bruslé les maisons (CCCXXVIT). » Quand les Allemands ont pris leurs quartiers d'hiver entre la Saône et l’'Ognon, il dit : « S'ilz s'estendent par tout le pays, comm'ilz prétendent, je conseille à noz compatriotes qui sont jeunes d'aller chercher fortune ailleurs, car le pays est perdu (CCCXXXI). » Au reste, ces violences ne changent rien à l’attachement des Francs-Comtois à leur souverain: «Le comté de Bourgongne, déclare le courageux vieillard, ne périra pas qu'il ne s’enve- loppe dans le drapeau de sa fidélité (CCCXXX,. » Ce que fut Boyvin pendant ces jours de deuil, un de ses biographes l’a dit (2), et le tableau qu'il à tracé appelle à peine quelques retouches. Par suite de la mort de larche- vêque de Besançon, le gouvernement de la province avait passé tout entier entre les mains du parlement, mais les membres de ce grand corps étaient dispersés, la peste qui avait éclaté à Dole sur la fin de l'investissement ayant porté la plupart des conseillers à quitter la ville dès le siège levé. « Le mal, dit Boyvin, est que ceux qui devoient tenir le timon en cette tempeste ou s'y sont perdus, ou bien ont D:727; MACHERET, 0p. cit, L. l,p..63: RICHELIEU, 0p, Cu, be Lip 0; MONTGLAT, 0p. eil., t. I, p. 145; LorTicius, Rerum Germanicarum et exlernarum nostlri lemporis historiu universalis, t. IT, p. 441 ; PUFEN- DORF, 0p. Cil., p. 267 ; B. RÔSE, 0p. cit., t. IT, p. 129; Couprier et CHA- TELET, Histoire de la seigneurie de Jonvelle, p. 263 ; G. DROYSEN, op. cül., LIT, p. 262 ; E. LONGIN, Contribution à l'histoire de Jonvelle, p. 38. (1) Girardot de Nozeroy parle aussi des « grosses parties comman- dées, qui détruisent et bruslent les villages où ils trouvent de la résis- tance, afin d’intimider les autres et les obliger à leur abandonner leurs biens. » Histoire de dix ans de la Franche-Comlé de Bourgongne, p. 150. CÎ. E. LONGIN; “pisode de l'occupation du bailliage d'Amon! par les armées impériales (1037), dans le Bulletin de la Société d’agri- culture, sciences et arts de la Haute-Saône, année 1895, p. 199. (2) E. CLERC, Jean Boyvin, président du parlement de Dole, p.xxxn. . he abandonné le vaisseau, et qu’ayans pris terre 1lz ne veuillent point remonter en mer qu'ilz ne soient asseurez de la bonasse (1) (CCCXXVIIT. » Résolu, pour son compte, à mourir dans la ville où il était né, 1l restait seul avec trois ou quatre de ses confrères, et c'est de Dole qu'entouré de morts et de mourants 1l pourvoyait à tout sans se soucier de l’om- brage que certains en pouvaient prendre. « On ne m'a pas célé, écrira-t-1l un jour, qu'on disoit que j’estois le seul gou- verneur du pays (2). » Îl est plus d’une fois obligé de changer de logis; le fléau qui lui a ravi sa seconde fille G) dans les deraiers jours du siège multiplie les assauts autour de lui : en quelques semaines, sa belle-mère, sa belle-sœur, une nièce, une fille succombent (4 : « Du lendemain, écrit-il, personne n'en respond en un lieu où l'on parle le soir à un amy que l’on entend le lendemain estre malade et le jour suivant enterré (CCCXXIV). » Il n'en continue pas moins à correspondre d’une main assurée avec les conseillers établis à Gray, à Besançon et à Salins, heureux si les préjugés de l'esprit de corps ne'l’avaient pas fait s’alarmer à tort avec eux des mesures que prenait à la même date le généreux marquis de Conflans 6). Pendant six mois Boyvin demeure ainsi sur la brèche. Qu'elles sont loin de sa pensée, à cette époque, ses aspira- tions d’antan à présider la cour ! € Quand à la présidence, (1) « Bonace, subst. fém. Calme de la mer, qui se dit quand le vent est abattu ou a cessé. On le dit figurément en morale. Le gouverne- ment polilique est aisé pendant la bonace et la paix. » FURETIÈRE, Dictionnaire universel, t. I, p.234. (2) Boyvin à Chaumont, Briot, Toytot et Perrin, Dole, 29 sep- tembre 1636. — E. CLERC, 0p. cit., p. 63. (5) Antoinette Boyvin, veuve de Pierre Voyrin, docteur ès droits. de qui elle avait eu deux filles, Antoinette, baptisée le r8 décembre 1627, et Jeanne, baptisée le 6 mars 1629. (4) CÎ. E. LonGiN, Notes sur la famille Boyvin, p. 14. (5) Gérard de Joux, dit de Watteville, marquis de Conflans, marcé- chal de camp et gouverneur des armées de $S. M. Catholique au comté de Bourgogne, fils de Nicolas IT de Watteville, marquis de Versoix, et d'Anne de Joux. por avoue-t-il à Philippe Chifflet, je n'en suis pas seulement comme le renard des meures, mais je vous dis en toute vérité que, si on me la vouloit donner, je la refuserois nettement (CCCXXIV). » Son opposition primitive aux desseins de Gérard de Watteville ne tient pas contre la joie que lui causent les avantages remportés par les troupes de celui-ci en Bresse et en Bugey : « Ce qui est merveilleux, dit-il, 1l semble qu'il n’y a pendant cet hyver que le comté de Bour- gongne qui fasse la guerre à la France (CCCXXXIV). » Lorsqu'après la défaite de Cornod (1) le marquis de Saint- Martin prend en main les rênes du gouvernement (2), l'infati- gable parlementaire peut enfin respirer, et l’idée lui vient d'employer ses loisirs à retracer la résistance de Dole au prince de Condé. Un instant il s'était flatté que l'illustre Puteanus consentirait à célébrer ce fait d'armes : « Ce seroit un grand honneur à nostre province, avait-il écrit, si la plume qui a descrit le siège de Louvain (5) estoit employée pour (1) Le 13 mars 1637. Cf. Le marquis de Conflans à la cour, Orgelet, 13 mars 1637; Brun à la cour, Orgelet, 13 mars; et Blétterans;, 21 mars 1637; la cour au cardinal infant, Dole, 15 mars 1637. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 215, 216; Mémoire de ceux qui défaillent de l’occasion de Cornod. — Arch. de Buthiers, papiers de Brun, t. IX, fol. 129; Gazelte de France du 28 mars 1637; Jbid.. extraordinaire du 26 mars 1637: La signalée victoire obtenue sur les Comlois par les troupes du Roy, où il est demeuré plus de douze cens ennemis morts et quatre cens prisonniers; Mercure françois, t. XXII, part. I, p. 95; BRUN, Manifeste au nom des peuples de la Franche- Comté de Bourgongne, p. 19; In., Responce à un certain libel difjama- loire et escril injurieux distribué depuis un an en la cour de Bruxelles contre l'honneur el réputation du procureur général Brun, fol. 13; RICHELIEU, Mémoires, t. III, p. 131 ; BERNARD, Histoire du roy Louis XII, À. Il, p. 375 ; MoNTGLAT, Mémoires, t. I, p.375 ; GIRARDOX DE NOZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 156 ; E. LOGIN, La dernière campagne du marquis de Conflans (1030-1037), p. 96; In., Un capitaine franc-comtois : Christophe de Raincourt, p.40. (2) Le 20 mars 1637. (3) Erycii Puteani historiæ Belgicæ liber singularis de obsidione Lovaniensi anniæ1)C. XNV. Novi sub Ferdinando Principe belli auspicia. Antuerpiæ, typis Joannis Cnobbari, o [oc. xxxvi. Cum pri- vilegio Regis Catholici (in-16 de 179 pp. chiffrées, avec ro ff. liminaires — 439 — représenter celuy de nostre ville, qui en recevroit des hon- neurs immortels (CCCXXXI). » Il se convainquit bientôt que seul un témoin oculaire pouvait assumer une semblable tâche (CCCXXX VI), et, dans l'été de 1637, nous le voyons se mettre à l'œuvre. « 1 vous diray franchement, mande-t-il à Philippe Chifflet, que je suis sur le point d'imprimer le siège de Dole. J’advoue que si j'avois l'élégance et la force du süle de monsieur Puteanus, personne ne le pourroit mieux faire que moy, parce que J'ay eu ma part de tout et en sçay tout ce qui se peut sçavoir, à l'ayde encor des remarques des amys et particulièrement du révérend Père Laurent (CCCXL). » Cette décision prise, rien ne détourne Boyvin de son labeur, ni les progrès de Longueville au bailliage d’Aval, ni les conquêtes de Weimar dans le nord de la province, ni même la prise de Bletterans (1). Il eût écrit plus tôt, si le bruit n'avait couru après la délivrance de Dole qu'un jésuite (2) se proposait de publier une relation latine du siège (CCCXXXI : plus d’une fois, au cours de son travail, il regretta de n'avoir pas noté au jour le jour les incidents de la défense, déplorant sans détour les défaillances de sa mémoire. « Je me suis œrandement repenty, avait-1l confessé, de n'avoir tenu jour- nal de tout et de ne lavoir mis par escrit aussi tost après nostre délivrance (CCCXXXVIIL). » Et deux mois plus tard : « J'ay veu ce qui s’est passé et ay pris ma bonne part par et 9 pp. non chiffrées). Où H. ALVISET, Boyvin, président du parlement de Dole, p. 33, a-t-il pris qu'un des Chifflet avait écrit l’histoire du siège de Louvain ? (x) J'ai montré dans le Journal d'un bourgeois de Dole (1037), p. 170, l’émoi que causa dans la ville de Dole la reddition de cette place, due à la lâcheté du maître des comptes Jean-Maurice Tissot. (2) Le jésuite en question ne serait-il pas le P. François Bizot, qui, appartenant à la Compagnie de Jésus depuis le ro octobre 1624, la quitta en 1648 pour entrer chez les Pères de la Doctrine chrétienne ? Cf., sur ce religieux, E. LONGIN, Mazarin et le P. François Bizot, dans le Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts de la Haute- . Saône, année 1888, p. 213. — 436 — tout, n'y ayant endroit où je ne me sois trouvé au mespris des bales de canon et des mousquetades, comme tout le monde sçait, mais pour tant je n'ay pas la mémoire trop bonne pour rapporter mille et mille particularitez qui sont eschappées de ma:souvenance [CCCXLVI). » À l’aide des dépêches du parlement, des notes des assiégés et aussi, 1l ne fait nulle difficulté de l’avouer, des interroga- toires des prisonniers. des lettres surprises et des relations de la Gazette de France), le magistrat dolois vint à bout de son entreprise, et, au mois de novembre (2), on vit sortir des presses d'Antoine Binart Le siège de la ville de Dole, capt- tale de la Franche-Comte de Bourgongne 6), bivre unique en son genre, qu anime un soulfle presque religieux : 1l était précédé d'une introduction dans laquelle l’auteur disait modestement : « Qu'on le nomme Journal, Commentaire, Mémoire où Récit, je ne le désavoueray nullement, pourveu qu'il soit honneste.… Qu'on le qualifie, si l’on veut, Apologie. je n y contrediray point, parce que nos ennemis ayans aussi bien aiguisé les pointes de leurs langues et de leurs plumes que celles de leurs piques pour nous percer à jour, il a esté besoin de s’armer encor à l’espreuve contre celles-là... Ce nest pas que je veuille passer pour grand homme d’Es- tat, de guerre ou de finances, non plus que pour grand (1) Sous ce titre: Relations françaises du siège de Dole (1030), j'ai publié dars les Mémoires de la Société d’'émulation du Jura, année 1903-1904, p. 85, les ordinaires et les extraordinaires consacrés par Théophraste Renaudot à ce fait d’armes immortel. Les Annales franc- comioises, 2° série, t:. X,p:309; et 1. XWV;)p. 107, ont inséré d'autre part, deux documents inédits que j'avais eu la bonne fortune de trouver. (2) L'ouvrage de Boyvin porte à la dernière page la mention: « Achevé d'imprimer le 4 nov. 1637.» L’approbation est du 23 octobre. (3) Le siège de la ville de Dole, capitale de la Franche-Comté de Bourgongne, et son heureuse délivrance. Racontés par M. Jean Boy- vin, Conseiller de Sa Majesté en son Souverain Parlement audit Dole. À Dole, par Antoine Binart, imprimeur juré de la Cour et de l'Univer- sité. M. DC. XXXVII Avec privilège (in-4 de 306 pp. chiftrées, 6 ff. liminaires et 22 pp. non chiffrées pour la table et lerratum, un plan gravé sur euivre). escrivain : le peu que je suis en cette dernière qualité ser- vira d'eschantillon pour juger de ce que je puis en tout le reste, qui est moins de ma profession: toute mon ambition se termine à vouloir estre tenu pour naïf et véritable Franc- Comtois (Gi). » Il ne faut pas prendre Dunod au mot, lorsqu'il assure que Le siège de la ville de Dole « se ressent du peu de soin qu'on avoit alors au comté de Bourgogne de parler françois clégamment et correctement (2. » Comme écrivain, Boyvin est inférieur, cela est certain. à Girardot de Nozeroy : sa phrase n'a pas non plus l'ampleur oratoire de celle de Brun. mais la simplicité, la diffusion même du style me parait prêter à l'ouvrage un charme de plus. Il renferme d’ailleurs des pages qu'on n oublie pas après les avoir lues. Où trouver des peintures plus achevées que celle de la Sainte-Cha- pelle (6) « remplie de peuple dez le matin jusques à la nuit... continuellement ardante de telle quantité de flambeaux de cire blanche qu'on avoit peine de croire qu'une place assiégée en peut tant et si longuement fournir », et de l'assaut repoussé où l'« on voioit nombre de femmes passer à travers les soldats et Fhorreur des coups avec une hardiesse nompareille. aucunes chargées de pierres, les autres portans ce rafrai- chissement de vin à la soldadesque altérée plus par la cha- leur de cette furieuse meslée que par celle de la saison ». et qui, la nuit venue, fut « suivy du son d'un haut-bois que l'un (1) Boyvix, Le siège de la ville de Dole. Au lecteur. (2) Mémoires pour servir à l'histoire du comté de Bourgogne, p. 628. (3) C’est sous le pavé de la Sainte-Chapelle que reposent actuelle- ment la dépouille mortelle de Boyvin et celle de son fils Claude. Tous deux avaient été inhumés aux Cordeliers de Dole : le 22 décembre 1836, leurs ossements, réunis dans un coffre de chêne, ont été transportés à l’église paroissiale ; il est déplorable qu'une inscription n’y indique pas le lieu de leur sépulture. E. CrercC, Jean Boyvin, président du parlement de Dole, p. Lxtt1 ; L. JEANNEZ, Les dernières funérailles des deux présidents Boyvin, dans le Bulletin de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Besançon, année 1868, p. 7: C. RANCE DE GUISEUIL, Les chapelles de l’église de Notre-Dame de Dole, p.184 et 366. rss de nos fifres, monté sur le rempart, fit resonner une pavane espagnole, et d'un grand nombre de fusées que nostre canonnier allemand) fit voler en l'air en tesmoignage de joye (2)? » Le siège de la ville de Dole devrait être entre les mains de tous les Francs-Comtois comme un monument éternel de la foi et de la bravoure de leurs aïeux, et le magistrat de Dole ne fit que rendre justice à son mérite, lorsqu'en gratifiant l’auteur d'une médaille d’or portant d’un côté les armes de Dole avec la devise : Justitia et armis Dola, de l'autre l’image de la ville assiégée avec cette inscription : Nobrli Joanni Boyvin, senatori de Dola, bene merito, 1 décida qu'un exemplaire richement relié resterait à perpétuité atta- ché dans le cabinet des chartes par une chaîne de fer 6). À l'encontre de ce qu'avance encore Dunod, le succès de ce livre fut grand; tout le monde le voulut lire : il fut question de le traduire en espagnol (4), et nous avons dans les lettres du due d'Enghien (5) à son père un témoignage de l’empres- sement avec lequel il était recherché en France (6). Dès la publication de son ouvrage, Boyvin se hâta d'en envoyer six exemplaires au prieur de Bellefontaine, char- geant ce dernier d'en faire relier un avant de le présenter au (1) Ce canonnier, nommé Hans Schewlein, fut plus tard débauché par le jeune duc d'Enghien. Cf. Duc D'AUMALE, Histoire des princes de Condé pendant les AVI° et XVII: siècles, t. III, p 583. (2) Boyvix, Le siège de la ville de Dole, p. 136 et 153. (3) Délibérations des 10 novembre 1637 et 5 janvier 1638. — Arch. de Dole. : (4) Quoi que dise Boyvin (CCCLVI), je ne crois pas que son ouvrage ait été traduit en espagnol, moins encore qu'une traduction sem- blable ait eu les honneurs de l'impression. Le conseiller Claude Jault le traduisit en latin, mais cette version n'est pas arrivée jusqu’à nous. LaMPiNET, bibliothèque séquanoise, t. IT, fol. 117. (>) Louis IT de Bourbon, duc d’Enghien, fils de Henri II de Bourbon, prince de Condé, et de Charlotte-Marguerite de Montmorency (8 sep- tembre 1621-11 décembre 1686). (6) Le duc d’Enghien au prince de Condé, Dijon, r7 octobre et 28 no- vembre 1638. — Duc D'AUMALE, 0p. cit., t. IIT, p. 58r et 555. = OU cardinal infant (1) ; il traita, d'autre part, avec Pierre de Loisy (2) pour en faire passer aux Pays-Bas cinquante autres CCCXLVII, CCCXLVIIT, CCCXLIX, CCCL). Philippe Chi- flet fut tellement ravi du livre qu'il songea immédiatement à une édition plus belle et plus correcte : «Monsieur, écrivit-il à Balthasar Moret (5), j'ay mis entre les mains de monsieur de Saint-Germain (4), pour vous l'envoyer, le Siège de Dole, escrit par le docte et judicieux m' Boyvin. C’est un des plus beaux ouvrages qui soient sorti de nos jours et auquel, outre l'honneur, il y a moyen d'en faire son proflit, m'assu- rant que vous en vendrez un très grand nombre et que vous le réimprimerez plusieurs lois, car c'est un ouvrage immor- te16). » Le directeur de l'imprimerie Plantinienne accueillit l'ouverture : un dessin fut demandé à Rubens : le prieur de Bellefontaine surveilla lui-même l'impression d'un livre déclaré «très utile au public et très digne d’estre imprimé plusieurs fois. voire publié en toutes langues pour estre (1) C'est à ce prince que l'ouvrage est dédié. (2) Pierre de Loisv, maitre de la monnaie de Besançon et maître juré des orfèevres, fils de Siméon Loisy, orfèvre, avait dès le commencement «le la guerre délaissé son burin pour approvisionner de poudre, de mousquets et de piques les troupes de la province ; il mourut à Besan- con au mois d'avril 1639. Cf. J. GAUTHIER, L'œuvre des de Loisy, orfévres-graveurs bisontins du AVII: siècle, dans la Réunion des socié- les des beaux-arts départementales, XVIIT: session, p. 509. (3) Balthazar Moret, imprimeur, fils de Jean Moret, imprimeur, et de Martine Plantin (23 juillet 1574-8 juillet 1647). (4) Aumônier de Marie de Médicis, Mathieu de Morgues, seigneur de Saint-Germain, avait été retrouver cette princesse aux Pays-Bas et sa haine contre le cardinal de Richelieu s’y était exhalée dans de nom- breux libelles ; après la mort du premier ministre, il obtint des lettres d’abolition pour revenir en France et mit sa plume au service du car- dinal Mazarin. Il entretenait avec le chapelain de l’oratoire de Bru- xelles une correspondance active ; ses lettres, au nombre de 595, for- ment les tomes CXITI, CXIII et CXIV des manuscrits Chifflet ; elles ont été analysées sommairement par A. CASTAN et P. HENRARD, Mathieu de Morgues et Philippe Chifflet, dans le Bulletin de l'Académie royale de Belgique,-3° série, t. X, p- 329. (5) Philippe Chifflet à Balthazar Moret, Bruxelles, 28 décembre 1657. — Vicomte A. DE TRUCHIS DE VARENNES, Les Chifflet à l'imprimerie Plantinienne, p. 377. — jo — distribué dans toutes les villes qui sont sous l’obéissance de Sa Majesté (1) » et, dans les premiers mois de 1638, il parut avec un frontispice gravé par Cornélius Galle, où la ville de Dole, à genoux, présente à Philippe IV une couronne obsi- dionale ; derrière elle se tient debout la Fidélité (2). Vive fut la joie de Boyvin, lorsqu'il apprit que la célèbre maison d'Anvers réimprimait son ouvrage : « Je ne pourray jamais, écrivit-il à Philippe Chifflet, remercier dignement l'honneur que vous m'avez fait en procurant la nouvelle impression de mon Siège de Dole avec un embellissement extraordinaire (CCCLV). » Tel était cependant le peu de sécurité des chemins qu'il dut attendre assez longtemps avant de pouvoir admirer la composition dans laquelle tubens semblait s'être inspiré de ces paroles de l'avis au lecteur : « Si je n'y eusse considéré que le mérite des géné- reuses actions que j cntreprens de raconter, je le pouvois appeler sans flatterie Le triomphe de l’invincible Fidélité. » Désormais l'ami de Puteanus n’avait rien à envier à celui-ci : la relation du siège de Dole ne faisait pas moins bonne figure dans un cabinet, une bibliothèque, que celle du siège de Louvain; qu'importait qu'un gentilhomme bourguignon annonçât le dessein de réfuter un livre qu'amis et ennemis se disputaient (3) ? : . La grande affaire de Boyvin, en 1638, est du reste d'obte- (1) C'est le témoignage que lui rend l’approbation du chanoine Gas- pard Estrix, délivrée à Anvers le 22 janvier 1658. (2) Le siège de la ville de Dole, capitale de la Franche-Comté el son heureuse délivrance. Descrils par M. Jean Boyvin, Conseiller de Sa Majesté en son souverain Parlement de Dole. À Anvers, en l’im- primerie Plantinienne de Balthazar Moretus. M.DC.XXXVIII (in-4 de 313 pp. chiffrées, 9 ff. liminaires et 22 pp. non chiffrées pour la table et l'approbation, un frontispice et un plan gravési. (3) Cette réfutation intitulée: Response par le sieur de Chevigny. gentilhomme bourguignon, sur le siège de Dole compose par le con- seiller Boyvin au parlement dudict Dole (Bibl. nat., fonds français, n° b142) est restée manuscrite: je l’ai analysée dans les Mémoires de la société d’émulation du Jura, année 1903-1904, p. 327. CS al ho nir pour son second fils (1) la charge de général des monnaies (CCCLVIIT, CCCLIX, CCCLX) ; c'est surtout de cela qu'il entretient ses amis; à peine rencontre-t-on dans ses lettres une rapide menton de la bataille indécise livrée par le duc de Lorraine au duc de Longueville sur les hauteurs de Poligny (2). Les salines échappent encore une fois aux (1) Claude Boyvin, docteur ès droits, fils de Jean Boyvin, président rl u par lement de Dole, et de Jeanne-Sébastienne Camus (25 juillet 1612- 25 juin 1674). Cf. E. LONGIN, Notes sur la famille Boyvin, p. 2r. (2) Cette bataille est la plus importante de celles qui se livrèrent sur notre sol pendant la guerre de Dix ans. Cf. Relation de ce qui s’est passé dans la Franche-Comté depuis que l'armée du roy y est entrée, commandée par monseigneur le duc de Longueville (1638). — Affaires étrangères, France, t. MDLXXIX, fol. 214; Le marquis de Saint- Martin à la cour, de l’armée sur le mont de Poligny, 20 juin 1638. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 236 ; Le duc de Longueville à ichelieu, Château-Chalon, 22 juin r638.— Affaires étrangères, France, t. MDLXXIX, fol. 193 ; Délibération du 30 juin 1638.— Arch. de Salins ; Gazette de France, extraordinaire du 30 juin 1638: Le sanglant com- bat donné entre le duc de Longueville et le duc Charles près de Poligny, où il est demeuré plus de Soo ennemis morts ou blessés; Mercure françois, t. XXII, part. IT, p. 215; Annales de Sainte-CGlaire de Poli- cny, publiées avec une introduction et des notes par M"° Emile Longin (1036-1640), p. 14; Theatrum Europæum, t. LI, p. 954; FORGET, Mémoires des guerres de Charles [V, duc de Lorraine, p. 209 ; MERCGY, Histoire des principales actions de quelques grands hommes qui ont fleuris dans l'Europe en ce dernier siècle, p. 67; BRUN, Manifeste au nom des peuples de la Franche-Comté de Bourgongne, p.46 ; CANON, La médaille où expression de la vie de Charles IV, duc de Lorraine (Bibl. de Nancy), p. 33 ; BEAUvVAU, Mémoires, p. 64 ; le P. HuGo, His- toire de Charles, quatrième du nom, duc de Lorraine et de Bar -p. 386; CamPION, Mémoires, p. 102; GIRARDOT DE NOZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 202 ; RICHELIEU, Mémoires, t. IIT, p. 265 ; l'abbé ARNAULD, Mémoër es (coll. Michaud et Poujoulat), p. 506 ; MONTGLAT, Mémoires, t. I, p. 231; WASSENBERG, Florus Germanicus, p. 479; CHEVALIER, Mémoires hisloriques sur la ville et seigneurie de Poligny, t. I, p. 286 ; dom CALMET, Histoire ecclé- siastique et civile de Lorraine, t. IT, p. 350 ; dom PLANCHER, Histoire générale et particulière de Bourgogne, t. IV, P. 655 ; comte D'HAUSSON- VILLE, Histoire de la réunion de la Lorraine à la France, tHPRD To AVENEL, Lettres, instructions diplomatiques et papiers d'Étal du CaT- dinal de Richelieu, t. VI, p. 68; C. BaiLe, Le Comité de Bourgogne Ve 0S 1074, p.87; E. CLERC, Histoire des États généraux el des libertés publiques en Franche-Comté, t. IX, p. 383; F. DES ROBERT, Campagnes de Charles IV, duc de Lorraine el de Bar, en Franche- Comté, en Alsace, en Lorraine et en Flandre (1038-1043), p. 23; duc 29 SA TANT DAS 442 convoitises des Français (1), mais le château de Grimont reste en leur pouvoir (2) et 1ls reprennent la ville de Cham- plitte 6); malgré cela, les alarmes sont moins vives que l'année précédente. Au mois d'octobre, Boyvin tombe malade : pendant plusieurs mois sa faiblesse est telle qu'il est obligé de recourir à la main d’un secrétaire (CCCLXI, CCCEXIT, CCCLXIIT, CCCLXIV). D'AUMALE, Histoire des princes de Condé pendant les XVI: et AXVIT: sie- cles, t. III, p. 575; E. DE LA BARRE DuPARCO, Deux combats sous Louis AIT: Pont-de-Cé et Poligny, dans le Spectaleur militaire, t. XXXIX, p. 797; J. FEUVRIER, La balaille de Poligny (Dole, 1895, in-12); E. LONGIN, Relation lorraine de la bataille de Poligny {19 juin 1038), dans les Mémoires de la Société d’émulation du Jura, année 1908, p. 273. (1) La tentative de Longueville pour surprendre Salins en 1637 ayant échoué, le cardinal de Richelieu écrivit au prince : « Si vous eussiés peu prendre les salines de Bourgoigne, c'eust esté une bonne affaire, mais ce qui ne se peut une fois se fera en un aulre temips. » Richelieu au duc de Longueville, 13 août 1637. — AVENEL, 0p. cil., t. V, P. 1049. Un diplomate espagnol a dit, à cette époque, que toute la richesse du comité de Bourgogne dépendait de Salins, € siendo de tanta impor- tancia aquella plaça que si se perdiese se perderia todo por estar en el corazon de la provincia, y porque con solo la sal podrian Franceses sustentar un exercito y tener como he dicho à su devozion los Esgui- Zal'os. » SAAVEDRA, Relazion de la jornada que por orden de su Ma- gestad hizo el año de mill y seiscientos y lreinta y ocho al Condado de Borgoña, p. 159. Cf. GiRARDOT DE NOZEROY, 0p. Cil., p. 195. (2) Le château de Grimont avait été rendu le 30 juin 1638 ; les Fran- cais l’occupèrent jusqu'en 1643; à cette date, les Francs-Comtois obtinrent qu'il fût démoli, moyennant le paiement de 5,000 pistoles ; il n'en reste pas aujourd’hui pierre sur pierre. GIRARDOT DE NOZEROY, 0p. cil., p. 300 ; CHEVALIER, 0p. Cil., t. I, p. 296 ; E. LONGIN, Mofes his- loriques sur le château de Grimont (1038-1043), p. 128. À (3) Les habitants de Champlitte s'étaient défaits « proditoirement, » le 4 décembre 1637, de la garnison française qui l’occupait depuis sa reddition au duc de Weimar. Après s'être emparé de Chevigeny, de Pesmes et d'Autrey, Longueville reprit Champlitte le 26 août 1635. Gazette de France du 11 septembre 1638 ; Mercure françois, t. XXIT. part. IT, p. 234; Histoire des guerres inlentées dans les duché el comté de Bourgogne par Tremblecour, Lorrains, François et autres (Bibl. de Vesoul), fol. 84 v°; FORGET, 0p. cil., p. 225 ; RICHELIEU, 0p. cült., t. MP, P. 236 ; MONTGLAT, op. cit., t. I, p. 231 ; MACHERET, Journal de ce qui s’est passé de mémorable à Lengres et aux environs depuis 1029 jus- quenvrO St Tip 93: BRUN Op. cil., D o6 D CLERG, (op CURE p: 381; l'abbé Brirraur, Histoire de la seigneurie et de la ville de Champlille, p. 1717. «L'année 1639. dit l'annaliste de la guerre de Dix ans, est la plus funeste et tragique que la Bourgongne ayt eu, car elle a esté toute dans le feu, le sang et la peste et sans secours d'aucune part(r). » La correspondance de Boyvin n'est pas pour infirmer ce Jugement. Un hiver exceptionnel- lement doux ayant retré à nos montagnes leurs « grands remparts de neige », le duc de Weimar les envahit après avoir fait capituler Brisach, et la désolation de cette région épargnée Jusque là dépasse tout ce qu'on peut imaginer : ce ne sont que châteaux emportés, campagnes ravagées, villages en feu (2); avant que les farouches Suédois n'éva- cuent le comté de Bourgogne pour se retirer en Alsace, l’in- cendie dévorera tour à tour Saint-Claude (6) et Pontarlier (4). (1) GIRARDOT DE NOZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 224. (2) Le conseiller de Beauchemin, qui se tenait alors au château de Sainte-Anne, rapporte qu’ «on voyoit chaque jour dez Saincte Asne fumées en divers lieux et la nuict les feux des villages bruslans don- noient lueur, et en cette sorte furent consummez plusieurs centaines de beaux et grands villages et plusieurs maisons de gens de condi- {ion [D:, 0p. Cil., D. 292. (3) Le 31 mai 1639. Cf. Bresselet à Philippe Chifilet, Besançon, 18 juin 1639.— Mss.Chifflet, t. XCVIIT, fol. r41 v°; Gazette de France, extraordinaire du 20 juin 1639 : Extrait d'une lettre de No:eroy con- tenant l'impiélé des Francomtois ; GIRARDOT DE NOZEROY, 0p. Cul. p. 230; VUILLERME, Relation de l'incendie de Saint-Claude (1039), p. 49; l'abbé DE FERROUL-MONTGAILLARD, Histoire de l'abbaye de Saint-Claude, t. IT, p. 114; B. ProOST, Documents relatifs à l'histoire de la Franche-Comté, t. IV, p. 91; dom BENOIT, Histoire de l'abbaye et de la terre de Saint-Claude, t. IT, p. 557. (4) Le 2 juiliet 1639. Le parlement de Dole écrivit que plus de trois cents personnes avaient péri dans les flammes. Cf. La cour à Phi- lippe IV, Dole, 22 juillet 1639; la cour à Sarmiento, Dole, 22 juil- let 1639. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 248; Theatrum Buropæum, t. IV, p: 12; GIRARDOT DE NOZEROY, 0p. cCil., p. 233; ENGELsüss, W’eimarische Feldzug, p.117 ; ADLZREITER, Annales Boicx gentis, €. III, p. 384; DRoOz, Mémoires pour servir à l'histoire de la ville de Pontarlier, p. 137 ; B. RôsE, Herzog Bernhard der Grosse von Sachsen-Weimar, t. Il, p. 325; E. CLEerc, Les Suédois en Franche- Comté, p. 18; l'abbé Sucxer, Pontarlier en 16030, p. 38 ; J. MATHEY, Histoire de la ville de Pontarlier, des origines à 1790, p. 450 ; A. VON GONZENBACH, Der General Hans Lüdwig von Erlach von Castelen, PÉRp 147: oo — Le vice-président Chaumont meurt et Boyvin est nommé président (1): les circonstances sont cependant telles que plusieurs mois s'écoulent avant que le gouverneur de la province puisse recevoir sa prestation de serment (2). Cette même année, Philippe Chifflet obtient l’abbaye de Balerne (3), et on est presque tenté de le regretter, car à parür de ce moment les lettres du magistrat dolois sont remplies de détails sans intérêt pour nous sur l'administration du béné- fice dont le prieur de Bellefontaine a été pourvu : pas un courrier ne part de Dole qu'il n'emporte aux Pays-Bas des renseignements à cet égard ; il faudra qu'en pleine séance du parlement deux des confrères de Boyvin fondent une ‘écusation sur le soin qu'il prend de l’abbaye de son ami pour quil s’en décharge sur autrui [(CCCCXXXII, CECCXXXKIV): Au surplus, après la retraite des Weimariens, les inci- dents marquants deviennent rares : 1640 voit les faucheurs de Villeroi (4) faire le dégât autour de Dole et de Gray, mais de hardies représailles contraignent bientôt les Français à cesser cette « guerre infâme (5). » L'envahissement du bail- (1) Par lettres patentes du 13 avril 1639. Cf. Délibérations du 19 avril 1639. — Arch. de Dole ; La cour au marquis de Saint-Mar- tin, Dole, 22 avril 1639;la cour au cardinal infant, Dole, 25 avril 1639. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 245 ; Mss. Ghifilet, t. LIV, fol. 76 ; Registres de la cour concernant le parlement et les officiers de la compagnie, t. IV, fol. 208 v° et 213 v°. (2; Ce ne fut que le 8 septembre 1639 que le marquis de Saint-Mar- tin procéda à l'installation de Boyvin. (3) Par lettres patentes du 24 septembre 1639. Mss. Chifitet, 1 SURC 101: 208: (4) Nicolas de Neufville, marquis de Villeroi, maréchal de camp des armées du roi, fils de Charles de Neufville, seigneur de Villeroi et d'Alincourt, gouverneur de Lyonnais, Forez et Beaujolais, et de Jac- queline de Harlay, sa seconde femme (14 octobre 1598-28 novem- bre 1685). (5) La cour au marquis de Saint-Martin, Dole, 12 et 14 juin, 3 juil- let 1640. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 259, 260 ; Gazelle de France des 16 et 23 juin 1640; L’archevèque de Besançon à Phi- lippe Chifflet, Besançon, 3 juillet 1640. — Mss. Chifflet, t. XCVITE, fol. 161; BRüN, Narralio excursionis Gallicæ in comitatum Burgun- en 0 iron liage d'Amont à l'automne de 164r (1) et la. défaite du baron de Scey(2} par le comte de Grancey G) l'année suivante (4) sont à peu près les uniques événements notables jusqu à die. — 1bid., t: XLNI, iol. 179 ; GIRARDOT DE NOZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p.246 ; GarTIN et BESSON, Histoire de la ville de Gray, p. 190; E. CLERC, Histoire des Etats généraux et des libertés publiques en Franche-Comlé, t. IT, p. 400 : J. FEUVRIER, Votes historiques sur la ville de Dole, p. 74; E. LONGIN, Deux études sur saint Pierre Fourier, p. 141. | (1) La cour au cardinal infant, Dole, 23 septembre 16471 ; le magis- trat de Vesoul à la cour, Vesoul, 26 septembre :164r ; le lieutenant d'Amont à la cour, Vesoul, 30 septembre 1641 ; Girardot de Nozerox à la cour, Besancon, 9 octobre 16471 ;le magistrat de Luxeuil à la cour, Luxeuil, 12 octobre 1641. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 268, 269 ; Gazette de France, extraordinaire du 25 septembre 1641 : La prise de la ville et chasteau de Jonvelle dans lu Franche-Comte par les troupes du Roy ; Ibid., extraordinaire du ro octobre 1641: La prise et razement de plusieurs places dans la Franche-Comté el lieux d'alentour ; Mercure françois, t. XXIV, p.147; Grotius à Camerarius, Paris, 28 septembre, 8 et 12 octobre 1641. — Æpislolæ, p. 690 et 692: GIRARDOT DE NOZEROY, 0p. cil., p. 266; MAGHERET, Journal de ce qui s'est passé de mémorable à Lengres el aux environs depuis 1028 jus- qu& 1058, {. I, p. 174; DUMONTET LA TERRADE, Analyse de titres el quelques documents sur la ville de. Vesoul, p. 43; Gouprier et CHA- TELET, Histoire de la seigneurie de Jonvelle, p.292; E. GLERC, op. cit. t. IT, p. 406; E. LONGIN, Contribution à l'hisloire de Jonvelle, p. 25 : L. Monnier, Histoire de la ville de Vesoul, dans le Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts de la Haute-Saône, année 1908, D 000: (2) Claude de Bauffremont, baron de Scev et de Clairvaux, seigneur de Chariez, Pusev, Rans, Aumont, Commenailles, etc., baïilli d'Amont, fils de Guillaume de Bauffremont, baron de Scey et de Sombernon. ei de Claudine de Villelume, était investi du commandement des troupes de la province depuis la mort du marquis de Saint-Martin. Nommé gouverneur du comté de Bourgogne en 1654, il mourut le 22 sep- tembre 1660. (3) Jacques Rouxel de Médavy, comte de Grancey, maréchal de camp des armées du roi, fils de Pierre Rouxel, baron de Médavv, et de Charlotte de Hautemer, comtesse de Grancey (7 juillet 1603-20 no-, vembre 1680). _ (4 Le r9 septembre 1642. Cf. Le baron de Scey à la cour, Grav. Jo septémbhre 1042. = Corr..du parlement.: Arch. du -Doubs, B 239 ; L'archevêque de Besançon à Philippe Chifflet, Besançon, 23 sep- tembre et 7 octobre 1642. — Mss. Ghifilet, t. XCVIII, fol 259 et 260; Grotius à son frère, Paris, 27 septembre 1642. — Æpislolæ, p. 942 : Gazette de France, extraordinaire du 1° octobre 1642 : Relation du combat n'azuères fuit dans lu Franche-Cointé entre les troupes com- mandées par Le comte de Grancey, mareschal de camp de l'armée du ne 446 e l'occupation de Vesoul et de Baume par les troupes de Turenne (1) au printemps de 1644 (2). Alors commence pour le comté de Bourgogne une période de tranquillité relative à la faveur de trèves renouvelées de six mois en six mois. Il était temps, car l'infortunée province était à bout de forces, et bien des années devaient s'écouler avant qu'elle püt réparer ses pertes, «tous les villages étant brülez, les habitans morts, et la campagne tellement déshabitée qu'elle ressembloit plus à un désert qu à un païs qui eût jamais été peuplé 5). » Roy, et celles de la Franche-Comté sous la charge du baron de Cey. gouverneur de la province, où il a esté lué et fail prisonniers plus de quatre cens cinquante des ennemis, qui y ont perdu tout leur canon el bagage; Mercure françois, t. XXIV, p. 563 ; Theatrum Europæunm, & IV, p. 679; Deux chroniques franc-comtoises (1012-1789), dans les Mémoires et documents inédits pour servir à l'histoire de la Frun- che-Comté, t. IX, p. 231: GIRARDOT-DE NOZEROY, 0D. Cit., p.270; MONTGLAT, Mémoires, t. IL, p. 5 2 MACHERET: 0p. Ci, LL Mp'2710% Loricxius, Rerum Germanicarum el externarum nostri temporis his- loria universalis, &. IT, p. 838; dom PLANCHER, Histoire générale el particulière de Bourgogne, t. IV, p.656; le P. GRIFFET, Histoire du règne de Louis XIII, t. III, p. 552 ; COUDRIET et CHATELET, 0p. cil., p. 315 ; E. LONGIN, Notes historiques sur le château de Grimont {10 38- 1043), pi ar: (1) Henri de la Tour d'Auvergne, vicomte de Turenne, maréchal de France, fils de Henri dela Tour d'Auvergne, vicomte de Turenne, duc de Bouillon et prince souverain de Sedan, et d'Élisabeth de Nassau. sa seconde femme (11 septembre 1611-27 juillet 1675). (2) Le :9 mars 1644. Cf. Bresselet à Philippe Chiffiet, Besançon, 6 avril 1644. — Mss. Chifflet, t. XCNIII, fol. 313 ; Turenne à d'Erlach, du camp de Luxeuil, 6 avril 1644. — Mémoires historiques concernant M. le général d'Erlach, &. III, p. 104 ; Gazelle de France du 16 avril 1644 ; Histoire des guerres intentées dans les duché el comté de Bour- gogne par Tremblecour, Lorrains, François et autres, fol. 107 \°; Theatrum Europæum, t. V, p. 242:'et 298 ; TURENNE, Mémoires (coll. Michaud et Poujoulat), p. 362 et 366 ; Bots bE CHESNE, Recueil mémo- rable, p. 118 ; LA BARDE, De rebus Gallicis, t. Il, p. 92 ; DUMONTEr LA TERRADE, Analyse de titres et quelques recherches sur la ville de Vesoul, p. 48 ;: Marc, Notes historiques sur la ville de Vesoul, dans les Mémoires de la Société d'agriculture, sciences et arts de la Haute- Saône, t. IT, p. 60; A. CHÉRUEL, Lettres du cardinal Mazarin pendant son ministère, L. I, p. 645, 660 et 698 ; A. vON GONZENBACH, Der Gene- ral Hans Ludwig von Erlach von Castelen, &. IT, p. 273 ; L. MONNIER, Histoire de la ville de Vesoul, p. 3617. (3) MONYGLAT, op. cit., t. IL, p. 158: de En 1645, 1646 et 1647. il est surtout question dans les lettres de Boyvin des pourparlers engagés avec l'abbé d'Ainay, frère de Villeroi(r, pour obtenir une suspension d'armes définitive : les seuls évènements extérieurs qu'elles mentionnent sont les campagnes mêlées de succès et de revers du marquis de Castel-Rodrigo (2) et de l’archidue Léopold-Guillaume (3) aux Pays-Bas. Le chef du parlement de Dole est toujours aussi exact à remplir les devoirs de sa charge, car l'important est de faire « une belle usure (DEXLIT) » ; il veut, suivant une autre de ses expressions « mourir debout [DLXXXVIIT) », mais constate que ses forces déclinent. « Il est bien vrai, écritl, qu'à voir ma contenance, mes escrits et mon assiduité au travail on ne me donneroit pas tant d'années que le registre des enfans bapti- sés n'en compte, mais je sens bien au dedans l’altération que la soixante et treizième année m'apporte (DXC). » Ajou- tez à cela les soucis, les tracas, le chagrin que lui donne l'obstination d’un sieur Outhenin (4) à disputer à son fils (1) Camille de Neufville, abbé d’Aïnay, lieutenant de roi en Lyon- nais, Forez et Beaujolais, fils de Charles de Neufville, seigneur de Villeroi et d’Alincourt, gouverneur de Lyonnais, Forez et Beaujolais, et de Jacqueline de Harlay, sa seconde femme (22 août 1606-3 juin 1698). (2) D. Manuel de Moura v Cortereal, II° marquis de Castel-Rodrigo, comte de Lumiares, gouverneur des Pays-Bas et du comté de Bour- gogne, grand commandeur de l'ordre du Christ, capitaine général héréditaire des îles de Terceira, Fayal, Pico et Saint-Georges, fils de D. Cristobal de Moura, premier marquis de Castel-Rodrigo, gentil homme de la chambre de Philippe Il et grand commandeur de l’ordre d’Alcantara, vice-roi de Portugal, et de Da Margarita de Cortereal. (3) Léopold-Guillaume d'Autriche, gouverneur des Pays-Bas et du comté de Bourgogne, grand-maitre de l'Ordre teutonique, évêque de Strasbourg, de Passau, d'Halberstadt, d'Olmutz et de Breslau, abbé de Murbach et de Lure, fils de Ferdinand IT, empereur, et de Marie- Anne de Bavière, sa première femme (1614-19 novembre 1662). (4) Henri Outhenin devint chanoine de l’église métropolitaine et rec - teur de la confrérie de Saint-Claude à Rome ; son frère Laurent obtint l’abbave d’Acey après l'arrestation de l'abbé Pierre-Ernest de Mercv son autre frère, Jacques, était aumônier des troupes du duc de Lor- raine. Cî., sur Henri Outhenin, A. CasTan, La confrérie, l’église et l'hôpital de Saint-Claude des Bourguignons de la Franche-Comté à Rome, dans les Mémoires de la Société d’émulation du Doubs, année 1880, P. 219. — ii ainé (1) les prieurés de Saint-Marcel de Chalon et de Vaucluse : il n'est sorte de moyens auxquels l'intrigant ecclésiastique et ses frères n'aient recours, et la sentence d’excommumieation qu'ils arrachent à l'official de Besançon () et les deux lettres déguisées que lun d'eux fait parvenir de Rome à Boyvin (DLXVIIT, DLXIX) en sont un curieux témoignage. En 1648. le château de Joux passe aux mains des Fran- çais (3) : les gouverneurs du comté de Bourgogne ont vaine- ment tenté d'amener le commandant weimarien à leur remettre cette place ; le cardinal Mazarin, qui en a reconnu l'importance, et le duc de Longueville, qui aspire à la joindre à son État de Neuchâtel(#), ont chargé le général d'Er- lach(5) de traiter avec Christophe de Grün(6) et celui-ci s'est laissé séduire par lappât d'un gouvernement en (1) Marin Boyvin, chanoine, puis doyen de l’église collégiale de Dole (11 septembre 1606-20 octobre 1669). () Mss. Chifflet, t. XX, iol. 152. (3) S’étant rendu maître du château de Joux le r4 février 1639. après treize jours de siège, Bernard de Weimar en avait confié la garde à un officier originaire du Palatinat, Jean-Christophe de Grün. Le journai de celui-ci, dont je possède une copie, est à consulter pour ce qui con- cerne les campagnes des Suédois en Franche-Comté. (4) La principauté de Neuchâtel avait passé par alliance de la mai- son de Bade-Hochberg à la maison d’'Orléans-Longueville. (5) Jean-Louis d’Erlach, seigneur de Castelen, général major dans les troupes weimariennes, gouverneur de Brisach, fils de Rodolphe d'Erlach, seigneur de Castelen, et de Catherine de Muhlinen de Wil- destein (30 octobre 1595-26 janvier 1650). (6) CÊ. Le duc de Longueville à d’Erlach, Munster, 2 novembre et 8 décembre 1646; Mazarin au même, Paris, 16 novembre 1646; Molondin au même, Neuchâtel, 18 novembre 1646; d’Erlach au duc de Longueville, Brisach, 19 décembre 1646. — A. vON GONZENBACH, Der General Hans Ludwig von Erlach von Castelen, t. Il, p. 519; Mazarin à d'Erlach, Paris, 13 novembre 1646; Mazarin à Herwart, Amiens, 30 juillet 1647, Fontainebleau, 23 septembre et 12 décembre 1647; Mazarin à Servien, Fontainebleau, 27 septembre 1647. — A. CHé- RUEL, Lettres du cardinal Mazarin pendant son ministère, &. IT, p. 826, 933, 953, 95 et 982; Mazarin à d’Erlach, Paris, 11 mai 1647; Louis XIV au même, Fontainebleau, 24 septembre 1647. — Mémoires historiques concernant M. le général d'Erlach, t. UT, p. 296 et 318 ; l’archevèque de Besançon à Philippe Chifflet, Besancon, 18 octobre 1643. — Mss. Chifilet, t. CI, fol. 131 ; Boyvin à d’Accoste, Dole, 16 janvier 1648. — Arch. de Buthiers, papiers de Brun, t. VI, fol. 113; Histoire des guerres AUOT Alsace G). Plus que jamais la question du renouvellement de la neutralité est à l’ordre du jour : Jean Maïiret (2) négocie à Paris, secondé par un chartreux de Dijon qu'Anne d’Au- triche a en grande estime (3), mais qui « presche bien fort pour ses reliques (DXVIT) » selon Boyvin (4) : 1l parvient à sioner avec le marquis de Villeroi, le 3 mars 1649, un intentées dans les duché ei comté de Bourgogne par Tremblecour, Lor- rains, François et autres, fol. 113 ; G. DEPPING, Un banquier protestant en France au XVII: siècle : Barthélemy Herwart, dans la Revue histo- rique, année 1879, p. 297; baron DE CHAMBRIER, Histoire de Neu-. châtel et de Valengin, p. 417; E. Giro», Esquisse historique de la ville de Pontarlier, du château de Joux et de leurs environs, p. 270. (1) Le traité du 18 septembre 1647 assurait à Christophe de Grün une pension de 5,000 livres et le gouvernement de Haguenau, à la place duquel il obtint dans la suite le gouvernement de Thann. Cf. Richard au baron de Scev, Dole, 28 février 1648. — Mss. Chifflet, t. XXWIIT, fol. 128; Mazarin à Grün, Paris, 11 maiet r°" décembre 1647, 23 janvier 1648, Saint-Germain-en-Laye, 23 septembre 1648.— A. CHé- RUB VOD. cit. 1.211, p: 851-896 et 980, 1: III, -p.:1060 ; G. DEPPING, OP: Gil, p.298 ; À: VON. GONZENBACH,- 0D- Cüt., t. III, p- 31. (2) Jean Mairet, poète dramatique, fils de Jean Mairet et de Marie Clerget (10 mai 1604-31 janvier 1686). Les torts que l’auteur de Sopho- nisbe se donna dans sa querelle avec Corneille ne doivent pas faire oublier qu'il produisit sur la scène française la première tragédie régu- lièrement construite. Il mérita la reconnaissance de ses compatriotes . par son ardeur à leur assurer les bienfaits de la paix. Cf. Suspension d'armes dans la Franche-Comté de Bourgogne en l'an 10571, dans la Revue de la Franche-Comté, juillet 1842, p. 45; E. PurFENEY, Eloge du poète Mairel, p. 53; G. Bizos, Etude sur la vie el les œuvres de Jean de Mairet, p. 51; H. Tivier, Jean de Mairet, agent diplomu- tique et négociateur à Paris, dans le Bullelin de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Besançon, année 1883, p. 233; Ip. Relations de la France et de la Franche-Comté pendant la Fronde el négocialions de Jean de Mairet, dans la Revue historique, année 1884, p: 43: (3) Cette estime résista t-elle à la démarche que ce religieux fit en 1652, lorsque, les remontrances indirectes de la duchesse d'Orléans sur le tort qu'Anne d'Autriche se faisait en soutenant un étranger étant restées vaines, il alla dire à la reine « qu’il lui annoncoit de la part de Dieu qu’il falloit qu'elle éloignât le cardinal Mazarin pour éviter la ruine de la France ? » Conrart, qui rapporte cette tentative auprès d'Anne d'Autriche, ajoute qu’ «elle ne s’émut pas plus de cela que du reste. » Mémoires (coll. Michaud et Poujoulat), p. 584. (4) Dom Jacques Brisejon avait surtout en vue la rente de onze quartiers de sel dont les religieux de son monastère jouissaient sur le puits à muire de Salins avant la guerre. — 490 — traité portant qu'il y aura neutralité ou suspension d'armes entre le duché de Bourgogne et les terres adjacentes, d'une part, le comté de Bourgogne et la cité impériale de Besan- con, de l’autre, jusqu’à la majorité de Louis XIV Gi). L'horizon politique s’assombrit de jour en jour. Si Naples en révolte est rentrée sous l'autorité de Philippe IV, les plaines de Lens ont vu sombrer définitivement le prestige des terces espagnols. À Munster, Brun a réussi à conclure la paix avec les Provinces-Unies (2), mais n'a pu empêcher l'Empereur d'abandonner l'Espagne par les traités de Wesphalie 6). C’est pourquoi le comté de Bourgogne ne saurait songer à profiter des mouvements qui éelatent en France; ses gou- vernants le comprennent; ils le tiennent avec un soin jaloux (1) Le texte de ce traité, qui comprend quatre articles, est donné dans l'Histoire des guerres inlentées dans les duché et comté de Bour- gogne par Tremblecour, Lorrains, François et autres, fol. 115. Il avait été précédé d’un traité de surséance d’armes conclu à Lyon pour un an, le 1° janvier 1648, entre l'abbé d’Ainay, lieutenant général au gouvernement de Lyonnais, Forez et Beaujolais, et le sieur Julien Richard, député des commis au gouvernement du comté de Bour- gogne, traité que Louis XIV ratifia le 8. Mss. Chifilet, t. XXXV, fol. 266. (2) Le 30 janvier 1648. Ce traité fut ratifié solennellement à Muns- ter le r5 mai. On connaît le tableau dans lequel Terburg a représenté les plénipotentiaires des États-Généraux jurant avec le comte de Peña- randa et Antoine Brun de l’observer fidèlement ; il fait aujourd'hui partie de la Vational Gallery de Londres. Cf. Verhael van de cere- monien ende solemniteyten gepleeght binnen Munster 15 mey 1049, over de wtwisselinge van de ratification wanweghen Philip IV, koningh van de Spaenjen, ende de Stalen Generael der Ver-Neerlanden (Dor- drecht, 1648, in-4) ; VAN LooN, Histoire métallique des XVII provinces des Pays-Bas, t. II, P- 299. (3) Sur les efforts du célèbre diplomate pour empêcher les plénipo- tentiaires impériaux de signer un traité avec la France, cf. Le P. Bou- GEANT, Histoire des traités de Westphalie, t. IT, p. 482 et 491. Brun a certainement inspiré, sinon rédigé les deux traités suivants : Petilio- nis Gallicæ de circulo Burgundico « pace Imperit excludendo deque ope ex Imperio ei non ferenda refutatio. M.DC.XLVITI (in-4 de 16 pp.); Protestatio Burgundica adversus condiliones pacis Imperii cum Gallia Regi catholico damnosas. M.DC.XL VIII (in-4 de 23 pp.). Il est certain que le traité du 24 octobre 1648 fut regardé chez nous, suivant le mot des députés des États, comme « la véritable ruine de ce comté de Bour- gogne.» E. CLERC, Histoire des États généraux et des libertés publiques en Franche- Comté, LED 60 EE AR: re à l'écart des agitations de la Fronde, et, quand le cardinal Mazarin conduira Louis XIV au siège de Bellegarde (1), où se sont enfermés les partisans des princes, des députés du parlement de Dole iront complimenter à Dijon le jeune roi (2). Tels sont les événements qu'on suit dans la correspondance de Boyvin. Elle est aussi d’un grand intérêt au point de vue de la connaissance des rapports de la Franche-Comté avec les Treize Cantons. On n'ignore pas quel cas la France faisait au dix-septième siècle de l'alliance de ceux-ci, assurée qu'elle était de recruter dans leurs montagnes des mercenaires éprouvés. Nos ancêtres n'attachaient pas moins de prix à entretenir de bonnes relations avec leurs très chers voisins. alliés et confédérés : c'était par l'entremise des Ligues suisses qu'il avait été stipulé qu'en cas de guerre entre l'Espagne et la France les deux Bourgognes demeureraient neutres : fréquemment renouvelés depuis les premières années du seizième siècle, ces traités donnaient lieu au paic- ment annuel de ce qu'on appelait « la gracicuse recognois- sance (3). » Il semblait done que le corps helvétique dût s émouvoir, quand la province fut envahie par les armées de Louis XIIE mais il n’en fut rien : le cardinal de Richelieu avait pris soin de rejeter sur les Franes-Comtois la violation de la neutralité (4), et, quelques tentatives qu'on fit pour (x) C'est le nom qu'avait pris la petite ville de Seurre, depuis que, par lettres patentes du mois de septembre 1619, Louis XIII l'avait érigée en duché-pairie en faveur du grand écuyer de France Roger de Saint-Larvy, marquis de Bellegarde. (2) € De Dijon, le 27 mars 1650. — Jusques aux Comtois ont envoyé complimenter Leurs Majestez par le sieur Garnier, doven du parle- ment de Dole, un autre conseiller, le sieur Richard, greffier en chef du mesme parlement et le procureur fiscal de ce comté, qui doivent avoir demain leur audiance. » Gazette de France du 10 avril 1650. Cf. La cour au baron de Scey, Dole, 18 février 1650. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 302; LA BARDE, De rebus Gallicis, p. 516. (3) L. FEBVRE, Philippe IT et lo Franche-Comté, p. 55. (4) Instructions données par Monseigneur le Prince au sieur de Croi- son allant en Suisse pour v représenter les infractions de la neutralité commises par les Comtois. — AUBERY, Mémoires pour Uhistloire du car- dinal duc de Richelieu, t. IT, p. 4. — 4952 — décider les Suisses à intervenir. ils se contentèrent de mani- festations sans portée (1). « Leurs efforts sont lasches », dit Boyvin (CCCLIT,. En vain le surintendant des sauneries mulüiplia-t-1l les voyages, les démarches (2); en vain, en 1641, Saavedra($) appuya-t-il à la diète de Baden les remontrances du conseiller Bereur (4) et du comte de Saint- Amour (5); pas plus que les instances du résident du roi (1) Le bailli Alphonse de Sonnenberg étant allé trouver le roi de France, il lui fut répondu que les Francs-Comtois avaient les premiers enfreint la neutralité et qu’on ne poursuivait que la réparation de leurs torts. Cf. Amlliche Sammlung der ällern eidgenüssischen Abschiede, t. V, part. IT, p. 905 et 998 ; Gazelle.de France du 5 juillet 1636 ; Sublet de Noyers au prince de Condé, Rueil, 29 juin 1636; Richelieu au même, Fontainebleau, 30 juin 1636. — Arch. de Condé ; Sublet de Noyers à Méliand, Rueil, 30 juin 1636. — AUBERY, 0p. cit, t. I, p. 643 ; Riche- lieu aux Treize Cantons, juin 1636. — AVENEL, Lettres, instructions diplomatiques et papiers d'Etat du cardinal de Richelieu, t. V, p.974; R. SEEHAUSEN, Schweizer Politik während des dreissigjährigen Krie- ges, p.77; R. Maac, Die Freigrafschaft Burgund und ihre Be=ie- lRungen zu der schweizerischen Eidgenossenschaft vom Tode Karts des Kühnen bis zum Frieden von Nymwegen (1477-1078), p. 98 : E. Lo\- GIN, Relalions françaises du siège de Dole (1630), p. 55. (2) Notamment en 1638 et 1639. Cf. Amtliche Sammlung der ällern eidgenüssischen Abschiede, t. V, part. Il, p. 1059, 1064, 1069 et 1071; RICHELIEU, Mémoires, t. IL, p. 266; GirARDOT DE NOZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 211; E. LONGIN, instructions diplomatiques du parlement de Dole à Jean d'Accoste, dans le Bulletin de la Société d’agricullure, sciences et arts de la Haute-Saône, année 1886, p. 186; In., Une mission en Suisse (10 36), dans le même recueil, année 1888, p. 161; R. MaAAG, op. cil., p. 82. (3) D. Diego Saavedra y Fajardo, fils de D. Pedro Saavedra et de Da Fabiana Fajardo (6 mai 1584-24 août 1648). Cf, sur les écrits de celui qu’on a surnommé le T'acile espagnol, ANTONIO, Bibliotheca His- pana nova, t. l,-p. 312; Comte pe RocHe et D. José Pr0, TaJERO, Saavedra Fajardo, sus pensumientos, sus poesias, sus opasculos (Madrid, 1884, in-8). (4) Claude Bereur, conseiller au parlement de Dole, fils d'Antoine Bereur, conseiller au même parlement, et de Jacques Denys, fut nommé en 1642 membre du conseil privé des Pays-Bas. (1) Jacques-Nicolas de la Baume, comte de Saïint-Amour, fils d'Em- manuel-Philibert de la Baume, dit de Poupet, de Bruges et de Corge- non, comte de Saint-Amour, marquis de Saint-Genis et d’Yenne, el d'Hélène Perrenot de Granvelle, dame de Renaix, Beaujeu, Saint- Loup, Cromary et Champagney (16 octobre 1603-18 août 1658). — 453 — d'Espagne auprès des cantons catholiques (1), les raisonne- ments de l'éminent diplomate ne purent prévaloir contre les menées de l'ambassadeur Caumartin (2). Par ce que Boyvin dit des Suisses, on démêle aisément que ces gens « aussi longs que leurs piques et bigarrez que leurs habits (CCLXV) » lui sont peu sympathiques : tour à tour il se moque de leur lourdeur ou flétrit leur cupidité. Dans le principe il s'était flatté qu'au sein des diètes Îles pistoles d'Espagne feraient pencher la balance du côté du roi catholique : « Quand les bonnes gens, avait-il écrit, verront la pluye de Danaë qui vient bien plus abondamment (1) L’ambassadeur de Philippe IV auprès des cantons de l'alliance de Milan était le comte Carlo Casati, à qui succéda en 1643 le comte Francesco Casati. (2) Jacques le Fèvre de Caumartin, seigneur de Saint-Port et de Sainte-Assise, maître des requêtes au parlement de Paris, fils de Louis le Fèvre, seigneur de Caumartin et de Boissy-le-Châtel, garde des sceaux de France, et de Marie Miron. Il avait remplacé en 1640 Blaise Méliand, seigneur d'Egligny, président aux enquêtes du parle- ment de Paris. Sur les efforts tentés en 1641 pour rétablir la neutralité, cf. Mello à Brun, Ratisbonne, 12 juin et 23 juillet 1641. — Arch. de Buthiers, papiers de Brun, t. XII, fol. 158 et 160 ; Grotius à Camerarius, Paris, 29 juin, 6 et 20 juillet, 21 septembre, 5 et 19 octobre, 27 décembre 1641. — Épislolæ, p. 681, 682, 684, 689, 69r, 693 et 700; L’archevêque de Besançon à Philippe Chifflet, Besançon, 2, 16 et 30 juillet, 27 août 1641. — Mss. Chifflet, t. XCVIIL, fol. 199, 200, 207 et 207 ; Gazetle de France des 13 et 27 juillet, 3 et ro août, 12 octobre 1641 ; La cour au cardinal infant, Dole, 28 juillet 1641 ; le marquis de Saint-Martin au même, Gray, 28 juillet 1641 ; le comte de Saint-Amour et Bereur à la cour, Fribourg, 5 août 1641 ; le marquis de Saint-Martin au comte de Saint-Amour et à Bereur, Gray, 10 août 1641. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 268; Boyvin à d’'Accoste, Dole, 29 juillet 1641. — . Arch. de Buthiers, papiers de Brun, t. VI, fol. 95; Amtliche Samm- lung der ältern eidgenüssischen Abschiede, t&. V, part. IF, p. 1206, 1911, 1212 et 1214 ; GIRARDOT DE NOZEROY, Histoire de dix ans de lu Franche-Comté de Bourgongne, p. 261 ; Loricaius, Rerum Germuni- carum et externarum nostri lemporis historia universalis, t. If, p.750; R. SERHAUSEN, Schweizer Politik während des dreissi gjährie ‘en KTieges, D. 94 : E. CLERC, Histoire des États généraux et des libertés publiques en Franche - Comté, t. II, p. 405; R. Maac, Die Freigrafschaft Bur-- gund und ihre Beziehungen zu der schweiser ischen Lies vom Tode Karls des Kühnen bis zum Frieden vom Nymwegen (1477 070); p.180. — 454 — du costé de Milan que de celuy de France, 117 ouvriront aussi promptement les yeux, les oreilles et les passages que jamais (XXIII). » Il fallut en rabattre, lorsque les galions chargés de l'or du nouveau-monde furent impuissants à combler le déficit des finances de la monarchie espagnole (x). Restait, il est vrai, l'intérêt des Treize Cantons à ne pas avoir «des voisins plus puissans et plus remuans (CCCX VL) ». mais il fut facilement obseurei par « les calomnies et malices noires (CCCCXXX VII) » des représentants du roi très chré- tien. Boyvin ne peut comprendre que lé corps helvétique ne saisisse pas l'importance de la neutralité de la Franche-Comté pour lui-même, mais ne s'abuse pas sur la façon dont 1l s'en désintéresse : « Les Suisses, dit-il, ne se mettront pas en peine pour nous, tant que la France les emploiera et gagnera par argent (CCCCX VIT. » : N'omettons pas que la différence de religion entrait pour beaucoup dans « la tiédeur des plus puissans entre Îles Suisses (CCCCXXIT). » Un historien étranger a signalé que l'alliance de Milan avait paru aux cantons protestants diri- œée contre eux (2}. Le président du parlement de Dole s'en était déjà rendu compte : quelques assurances de leurs bonnes volontés que donnent les Bernoïs, ils ne lui inspirent aucune confiance ; quel fond peut-on faire sur la parole d'hérétiques (CCLX VII, CCCXIV )? Illes a d’ailleurs vus de près, ces magnifiques et puissants seigneurs : en 1651, en 1633, puis en 1634, il a dû les aller trouver pour la (1) Sur les expédients auxquels on avait recours à Madrid pour soutenir les charges croissantes de la guerre avec la Hollande et avec la France, cf. M. HUME, La cour de Philippe IV et la décadence de lu monarchie espagnole, p. 200. (21 « Das Bündniss von 1634 war für die Freigrafschaîft nur ein scheinbarer Vorteil. Denn wenn dadurch die katolischen Orte eine besondere Schutzverpflichtung auf sich nahmen, so übte es hinwieder auf das Verhältnis zu der reformierten Ständen die ungünstigste Wir- kung aus. Diese, die gleichzeitig eine Verbindung mit Schweden ablehnten, waren sich sofort bewusst, dass die Spitze des Bündnisses gegen sie gerichtet sei. » R. MaAAG, 0p. cil., D. 77. = ho — délimitation de la frontière (1) et s'en revenir sans avoir rien conclu, car « c’est un ours qu'il faut souvent lescher avant de le rendre à sa perfection (CCXCV). » Fâcheux sont les souvenirs qu'il a gardés de son séjour parmi « ces bons frères en Christ (LXXXIIT) » : lorsque, tous les dimanches, il lui fallait sortir de l'État de Berne pour aller à deux heures de là entendre la messe sur les terres de Fribourg, il sentait croître son impatience de se « despétrer » de sa commission, et, en quittant « la caverne des ours de Berne », un er1i de délivrance lui était échappé : « J’y fusse devenu farouche et sauvage, déclarait-il à Philippe Chifflet, si j'y fusse demeuré plus longtemps (CCXCIX.. » Ceci explique qu'il n'ait pas par- tagé les illusions de maint négociateur au sujet de l’inter- vention des Treize Cantons en faveur du comté de Bour- gogne : « Les Suysses, dit-il, nous ont fait connoiître que toutes leurs promesses n’estoient qu'amusemens et qu'ils craignent plus les François qu'ils ne nous aiment (GOCCXLVIIT)... Ils sont trop estroitement liez avec la France (DLXVIT. » On essaiera inutilement un peu plus tard de resserrer avec eux les liens de l'antique alliance : l'échec de cette tentative avait été prévu par le magistrat dolois, qui avait écrit : « Les Suisses sont aujourd'huy telle- ment attachez d'intérestz avec la France, parüculièrement les cantons protestans, qu'il n'en faut rien attendre de ce que les François n'agréeront (DCXXXII). » (1) La délimitation de la frontière du comté de Bourgogne et du canton de Berne fut terminée le 20 septembre 1648: à la suite du traité intervenu à ce sujet, « l’on mit pour bornes des pierres de la hauteur d’un homme, sur lesquelles étoit un lyon d’un côté et un ours de Pautre. » Histoire des guerres intentées dans les duché el comlé de Bourgogne par Tremblecour, Lorrains, François et autres, fol. 115 v°. Ci. Amlliche Sammlung der ältern eidgenüssischen Abschiede, 1. V, part. II, p. 14790; LaMpiNeT, Bibliothèque séquanoise, t. IT, fol. 58 ; Duxop, Histoire du comté de Bourgogne, t. Il, p. 254; dom BENOIT, Histoire de l'abbaye et de la terre de Saint-Claude, t. IT, p. 518 ; J. MEYNIER, Délimilation de la Franche-Comté et du pays de Vaud en 1048, dans les Mémoires de la Société d'émulation du Doubs, année 1896, p. 62. — 46 — IL faut signaler en dernier lieu l'utilité de ces lettres pour l'intelligence du recrutement du parlement. Nombreuses sont celles qui ont trait à la présentation de candidats par la cour (1) : outre quelles font connaître ceux-ci, on est initié par elles aux intrigues que chaque vacance suscitait ; elles permettent de plus de rectifier les erreurs commises par Dunod, qui, non content de confondre fréquemment la date de la provision des membres de la compagnie avec celle de leur prestation de serment, assigne des dates inexactes au décès de plusieurs d’entre eux. Ce n’est pas d’ailleurs des seuls parlementaires que Boyvin entretient ses amis, et on aura une idée de la diversité des personnes qui défilent dans celte correspondance, princes et princesses, religieux, capi- taines, écrivains, diplomates, etc., quand on saura que la liste que j'en ai dressée renferme plus de 850 noms. {À suivre). (1) A chaque vacance, celle de la présidence exceptée, le parlement. de Dole présentait trois candidats à l'agrément du souverain, qui, d'ordinaire, nommait celui qui avait obtenu le plus grand nombre de suffrages. Le roi n’était cependant pas lié par la désignation de la cour, mais, s’il n'en tenait pas compte, les lettres patentes devaient porter une ciause de non-préjudice. V. PETREMAND, Recueil des ordon- nances et édictz de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 5. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ (4911-1942) Outre les envois réguliers des Sociétés correspondantes, notre Société a reçu les dons suivants : Du DÉPARTEMENT pu Dours............. evo nRS et O0: DERPSNVILLE DE BESANCON: Lit EM LS oo: ft: Du MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE : Li Bibliographie annuelle des Travaux histor. et archéolog., par MM. De Lasreyrieet VibiEr (1907-1908), 1 fase.in-4°, 207 pages. Paris (Imprimerie nationale), 1910. Catalogue général des Manuscrits. Départements, tome XLIV. Caen et Avignon, 2° suppl., 1 vol. br. in-8°, 533 p. Paris (Plon), 1911. DE L'OBSERVATOIRE NATIONAL DE BESANÇON : 24e-et 25e Bulletin météorologique (1908 et 1909), 1 fase. in-4°. Besançon (Jacques), 1911. — 23e Bulletin chronométrique, 1910-1911, 1 fasc. in-8°, 125 p. Besançon (Millot), 1912. DE LA VILLE DE BESANCON : Histoire et description des Musées de la ville de Besançon, par Aug. CasTan, 1 vol. br. in-4°, 200 p. Paris (Plon, Nourrit et Cie), 1889. DE L'UNIVERSITÉ DE TÜBINGEN : 15 thèses diverses : économie politique, droit, philosophie. DE L'ACADÉMIE SUÉDOISE DES SCIENCES : Les prix Nobel en 1909, 1 broch. in-8°. Stockholm, 1910. Les prix Nobel en 1910, 1 broch. in-8°. Stockholm, 1911. 30 Le 1h58 cn LA SOCIÉTÉ DES ANTIQUAIRES DE PICARDIE : Chants royaux et tableaux reproduits en 1517 pour Louise de Savoie, publiés par G. Dürap, 1 carton planches in-4°, texte et dessins. Amiens, 1911. DE L'ACADÉMIE DE NIMES : Sommaires des Lettres pontificales concernant le Gard (xive siè- cle), 1 vol. br. in-8°, 268 p. Nimes, 1911. DE LA SOCIÉTÉ HAVRAISE D'ÉTUDES DIVERSES : L'Abeille havraise (recueil de poésies), 1 vol. br. in-8°, 189 p. Havre, 1911. DE LA SOCIÉTÉ HISTORIQUE DE COMPIÈGNE : Cartulaire de Royallieu, par P. Guynemer, 1 vol. br. in-4°, 316 p. Compiègne, 1911.— La Seigneurie d'Offémont, par Paul Guy- NEMER, 1 VOl. br. in-4°, 146 p. Compiègne, 1912. De MM. : Alfred Marquiser, La célèbre Mie Lenormand, 1 vol. br. in-r0, 185 p. Paris (Champion), 1911.— Ballanche et Mme d'Haute- feuille, 1 vol. br. in-12, 269 p. Paris (Champion), 1912. Edmond Cnapoy, Belley en 1830, 1 broch. in-8°, 14 p. Bourg, TOI Te A. Huarp, Le Testament de Jacques de Bourbon, 1 broch. in-8», 39 P. Paris Fr Henri Micuez, Planiations au point de vue de la production ligneuse, 1 broch. in-12, 16 p. Saint-Vit, 1917. Henry Coror, Les fouilles du Grand-Jailly, 1 broch. in-8°, 14 p. avec planches. Semur, 1911. Lucien FEBvre, Notes et Documents sur la Réforme et l'Inquisi- tion en Franche-Comté (thèse), 1 vol. br. in-8°, 336 p. Paris (Champion), 1911. — Philippe II et la Franche-Comté, 1 gros vol. br. in-8°, 805 p. Paris (Champion), 1912. ON. G. Mourer (ingénieur en chef des Ponts et Chaussées), Sur la limite occidentale du Massif granttique d'Eymoutiers ( Haute- Vienne), 1 br. in-8°, 68 p. Paris (Soc. géol.), 1910. D H. Martin (de Paris), Présentation d'un crâne humain préhis- torique, 1 broch. in-8°, 12 p. Le Mans, 1911. Olivier ORDINAIRE, Notes de voyage (4° série), En Andalousie, 1 broch. in-8°, 83 p. Besançon (Cariage), 1912. Ch. JANET, Constitution morphologique de la bouche de l'insecte, 1 broch. in-8°, 35 p. Limoges, 1911. Jacques Doucer, à Paris: Dictionnaire des artistes et ouvriers d'art de la France. Franche-Comté, par l'abbé Paul BrtuxE, 1 VOl. br. in-4°, 541 p. Paris (Bibl. d'art), 1912. ‘RoLanp, Antoine Lafréry (1512-1577), notice historique, 1 br. in-8°, 88 p. (5 planches comprises). Besançon (Dodivers), TOI T. E. Sozraup, 1 br. in-8°,5 p., extraite du Bulletin du Muséum d'histoire naturelle de Paris, 1911, n° 5. — 2 br. in-4°, 3 p. chacune, extraites des Corps rendus des séances de l'Aca- démre des sciences, 1911, t. 152 ; 1915, t. 154. DE MADAME CASTAN\ : brochures diverses de feu Aug. CASTAN. MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ Au 4 Octobre 1912. Le millésime placé en regard du nom de chaque membre indique l’année de sa réception dans la Société. Les membres de la Société qui ont racheté leurs cotisations annuelles sont désignés par un astérique (*) placé devant leur nom, conformément à l'article 21 du règlement. Conseil d'administration pour 1912. President . 0e OMIM PIDANCET avocat a la @our. Premier Vice-Président .…. GoucEeoN, premier président honoraire; Deuxième Vice-Président. Dr Rozrann ; Secrétaire décennal...... Georges GAZIER ; Secrétaire-adjoint........ Maurice GRILLIER ; AIRéSOrLeR ed. encre C. CELLARD ; ANCREPISTE RE RE ER RE E KIRCHNER ; Archiviste-adjoint..,..... . EuvraRp. — Gr — Membres honoraires (18). MM. Le Prérer du département du Doubs (M. MiLLETEAU). Le GÉNÉRAL commandant le 5e corps d'armée (M. le général BoNNEAU). LE PREMIER PRÉSIDENT de la Cour d'Appel de Besançon (M. JEA\). : Le PROCUREUR GÉNÉRAL près la Cour d'Appel de Besançon (M. JaAupox), 26, rue du Perron. L’ARCHEVÈQUE DE BESANGÇON (S. G. MS GAUTHEY). Le Recteur de l’Académie de Besançon (M. Pan). LE Mure de la ville de Besançon (M. A. SarLLaRD). Le Gouverneur de la place de Besançon (M. le colonel MATToN). L'Ixspecreur d'Académie à Besançon (M. Barzror), 3 bis, square Saint-Amour. CHorrar, Paul, attaché à la direction des services géologiques du Portugal: à Lisbonne (113, rua do Arco a Jesus). — 1896. Pixcaup, Léonce, correspondant de l'Institut, professeur honco- faire de la Faculté des lettres : 17, rue Mégevand, Besancon. — 1896. METzGer (le général), ancien membre du Conseil supérieur de la Guerre; à Chalezeule (banlieue de Besançon). — 1899. CourBeT, Ernest, receveur municipal honoraire de la Ville de Paris: r,rue de Lille, à Paris. — 1905. GRraxpuouGx (Charles), 16, rue Chauveau, à Neuilly-sur-Seine. — 1905. PoixtTELN (Auguste), artiste peintre, à Mont-sous-Vaudrey Jura) 190". RevicLour, Eugène, conservateur honoraire du Musée du Louvre : 128, rue du Bac, à Paris. — 1905. GoucEox, Francis, premier président honoraire de la Cour d'appel: 7, rue Général Lecourbe, Besançon. — 1909. KircHxER, ancien négociant ; 55, quai Veil-Picard, Besançon. — 1909. === / 62 = Membres résidants (135) (1). MM. | ALLARD, chef de bataillon en retraite, 106, Grande-Rue.— 1969. AUBERT, Louis, ancien directeur de la Confection militaire du re corps d'armée, 91. Grande-Rue. — 1896. BarGue (le docteur), professeur à l'Ecole de médecine, r, rue de la Mouillère. — 1895. | Barry, Roger, fabricant d'horlogerie, 5, rue de la Cassotte. — TOC Barrey, Emile, architecte, 95, Grande-Rue. — 1910. BATAILLE, Frédéric, professeur honoraire de l’Université, maison Duc, à Saint-Claude (banlieue). — 1905. BAUDIN, E., essayeur de la Garantie, 11, rue Morand. — 1909. BeauquiEr, Charles, archiviste-paléographe, député du Doubs : à Montjoux (banlieue). — 1859. BéyanIN, Henri (Mme), 15, rue des Granges. — 1912. BERDELLÉ, ancien garde général des forêts, à Rioz (Haute-Saône). — 1890. BERNARD, ancien pharmacien, 40, rue de Belfort. — 1910. * Bessox, Paul, colonel d'artillerie en retraite, 13, rue Charles- Nodier. — 1894. | Boxaue, Alfred, photographe, à la Viotte (banlieue). — 1874. BonxxET, Charles, ancien pharmacien, ancien conseiller munici- pal, 35, Grande-Rue. — 1882. Bournix (le docteur), médecin-major en retraite, 30, rue Charles- Nodier. — r900. BourGoïGxox (lieutenant-colonel}, 16, rue de la Préfecture. — 1912. * Boussey, professeur honoraire, 109, rue J.-J.-Rousseau, à Dijon. — 1883. jourox, René, président du Tribunal, à Briançon (Hautes-Alpes). — 1903. (1) Dans cette catégorie figurent plusieurs membres dont le domi- cile habituel est hors Besançon, mais qui ont demandé le titre de résidant afin de payer le maximum de la cotisation et de contribuer ainsi d’une manière plus large aux travaux de la Société. Ps 163 ie MM. BourrerIN, François-Marcel, architecte, professeur à l'Ecole municipale des Beaux-Arts, 4, rue Emile-Zola. — 1874. BruxscawiG, Charles (le docteur), 62, Grande-Rue. — 1909. BurLer (le chanoine), vicaire général du diocèse de Besançon, 10, rue Ernest-Renan. — 1881. Buyer (Jean DE), propriétaire, 23, rue de la Préfecture. — 1902. CELLarp, Camille, architecte, 3, rue de la République. — 1902. CÉNAY, pharmacien, 26, avenue Carnot. — 1897. Capoy, Léon (le docteur), ancien directeur de l'Ecole de méde- cine, 11, Grande-Rue. — 197. CHapoy, René (le docteur), 4, rue Granvelle. — 1909. Carrière (le docteur), 14, rue de la Préfecture. — 1909. CHaron (le docteur), 4, rue Granvelle. — 1911. CHAvecer (le docteur), 31, Grande-Rue. — 1910. Cipox, Maurice, avocat, ancien magistrat, 25, rue de la Préfec- ture. — 1876. CLavey, président de Chambre à la Cour d’appel, 62, Grande- Rue. — 1902. CLer (abbé), secrétaire de l’Archevêché, 12, rue de la Conven- tion. — 1912. Crerc, Edouard-Léon, représentant de commerce, 12, rue du Chasnot. — 1895. CoiLLoT, pharmacien, 1, quai de Strasbourg. — 1884. CoinDRE, Gaston, dessinateur, 5, rue du Capitole. — 1908. CoLsener, Edmond, professeur de philosophie et doyen de la Faculté des lettres, ancien conseiller municipal, 15, rue Charles Nodier. — 1882. Corner, avocat à la Cour d'appel, 67, Grande-Rue. 19710, CourGEY, ancien avoué, 16, rue des Granges. — 1873. DAxceLzer, Georges, notaire, 115, Grande-Rue. — 1909. Daver, André, ancien receveur d'enregistrement à Besancon ; >, rue des Chalets, à ia Mouillère. — r9o1. Daver, Maurice, licencié ès-lettres ; 2, rue des Chalets, à la Mouillère. — 19711. Decaparre, directeur de la succursale du Comptoir d'Escompte de Paris, 10, rue Moncey. — 1909. * DemaxDre, Hubert, château de Filain (Haute-Saône). — 1909. ui — MM. DescaaMPs, rédacteur à la Préfecture, 118, Grande-Rue. — 19712. Donivers, Joseph, imprimeur, 87, Grande-Rue. — 1855. Doucr, Victor, industriel, 9-11, avenue de la Gare. — 1971. * Drevrus, Victor-Marcel, docteur én médecine; 19, rue de la Cassotte (aux Chaprais). — 1889. - Drevyruss, professeur au Lycée Victor-Hugo ; 6, place du Jura. — 1911. Drouxarp (A.), avocat, 5, rue des Martelots. — 1911. DrouxarD, ancien officier, 14, rue Mégevand. — 1912. Droz, Edouard, professeur à la Faculté deslettres, 5, rue Péclet. — 1877. ; DruHEN, Léon, à Voray (Haute-Saône). — 1908. DruHEN, Maxime {le docteur), 74, Grande-Rue.— 1908. Dusourc, Henri, industriel, 28, rue Charles-Nodier. — 1906. Euvrar», directeur honoraire d'Ecole normale, 14, rue Ronchaux. — 1911. Evypoux, Henri-Ernest, administrateur des magasins du Bon Marché, 104, Grande-Rue. — 1899. FeBvre, Lucien, professeur à l’Université de Dijon, 6, rue des Fontenottes. — 1904. Fournier, professeur de géologie à l'Université, ro, avenue de Fontaine-Argent. — 1899. Gaupy, 13, rue de la Préfecture. — 1911. : GziEr, Georges, conservateur de la Bibliothèque de la Ville, correspondant du Ministère de l’Instruction publique, 1, rue Gambetta. — 1903. | GirarpoT, Albert, géologue, docteur en médecine, 15, rue Mége- vand. — 1876, GRENIER, Alfred, inspecteur des forêts, 5, Villas bisontines. — 1904. * GRiLLier, Maurice, avoué près la Cour d'appel, 3 rs, square Saint-Amour. — 1910. GRroricHARD, pharmacien, 12, place de la Révolution. — 1909. GUILLIN, préparateur de physique à la Faculté des sciences, 25, rue de la Préfecture. — 1909. Gui (le général), château de la Grette (banlieue). — 1971. Hexry, Jean, docteur ès sciences, 39, rue Ernest-Renan. — 1855. MM. . Hérier, François, botaniste, à Mesnay-Arbois (Jura). — 189. D'HotTezans, Octave, 22, rue Chifflet. — 1890. Hyenxxe (le docteur), 23, rue des Granges. — 1909. KruG, Charles, notaire, avenue Victor-Delavelle. — 1906. LamBErT, Maurice, avocat, ancien magistrat, 13, quai de Stras- bourg. — 1879. LecLerc, Adrien, conseiller à la Cour d’appel, 9, rue Gambetta. 00: Lepoux, Emile (le docteur), 13, quai de Strasbourg. — 1875. Lepoux, Eugène (le docteur), 74, Grande-Rue. — 1908. Liaurey, Victor (le docteur), à Saint-Ferjeux (banlieue). — 1908. Lime, Claude-François, négociant, 46, rue Battant. — 1883. Limox, Maurice (le docteur), dentisté, professeur suppléant à l'Ecole de Médecine, 10, rue Morand. — 190. Macewnx (le docteur Ant.), professeur à l'Université, doyen hono- raire de la Faculté des sciences, directeur de l’Institut bota- nique, ancien adjoint au maire, 8, rue Proudhon. — 1885. Maice, Pierre, pharmacien, 27, rue Ronchaux. — 1909. Marror, Henri, banquier, ancien conseiller municipal, président du Tribunal de commerce, 17, rue de la Préfecture. — 1081. : Mazniney, Jules, chef des travaux de physique à la Faculté des sciences, 27, rue Charles-Nodier. — 1889. - Marnoury, lieutenant au 6oe rég. d'infanterie, 5, rue de la Mouil- lère. — 1910. MANDRILLON, avocat, 19, Grande-Rue. — 1894. MarcHanD, administrateur des Salines de Miserey, à Miserey (Doubs). — 1910. MarécHaL (le docteur), à Saint-Claude, chemin du Tunnel (ban- lieue). — 1906. Masson, Valery, avocat, 102, Grande-Rue. — 1575. Maraey, François, négociant, rue des Docks. — 1909. Maraieu, Albert, 18, rue Charles-Nodier. — 1909. Mauvicrier, Pierre-Emile, photographe, 3, rue de la Préfecture. — 1897. Cu | MÉTIN, Georges, agent-voyer d'arrondissement, en retraite, 15, rue des Vieilles-Perrières (banlieue). — 1868. Jar 166 DE MM. Micuez, Henri, architecte-paysagiste, professeur à l'Ecole des Beaux-Arts, conservateur du Musée archéologique, Fontaine- Ecu (banlieue). — 1886. Moxier (le docteur), dentiste, 4, square Saint-Amour. — 1910. MonTENOISE, avocat, 2, rue de la Madeleine. — 1894. MourGEoN, Clovis, artiste-photographe, 6, rue Lecourbe. — 1909. Mouror (le chanoine), directeur de l'Enseignement libre du Dio- cèse, 14, rue Charles-Nodier. — 1899. Nain, ancien pharmacien, 1, rue de la Mouillère. — 1900. NarGaup, Arthur, docteur en médecine, 17, quai Veil-Picard. — 185). NICkLÈS, pharmacien de re classe, 128, Grande-Rue. — 1883. * ORDINAIRE, Olivier, consul de France, en retraite; Maizières (Doubs). — 1876. j OUTHENIN-CHALANDRE (le chanoine), curé de St-Ferjeux (banlieue). — 1902. Parry, Léon, comptable, à Tarragnoz (banlieue). — 1905. PATEU, Georges, 9, avenue Carnot. — 1909. Perrexor, Th., professeur au Lycée de Marseille; à Sainte- Marguerite (Bouches-du-Rhône). — 1909. Picor, Louis, ingénieur civil des Mines, 2, rue Mairet. — 1909. Pipancer, avocat, 31, quai Veil-Picard. — 1905. Porror (le docteur), 70, Grande-Rue. — 1911. Rarrour, président du Tribunal de commerce, 23 ts, quai de Strasbourg. — 1910. Rémox», Jules, notaire, 44, Grande-Rue. — 1881. Rémonp (l'abbé), aumônier du Lycée Victor-Hugo, 51, rue Mége- vand. — 1909. * Ricaarp, Louis, médecin inspecteur, directeur du Service de santé du 7e Corps d'armée ; 119, Grande-Rue. — 1858. Raver, capitaine d'artillerie, 10, rue Ernest-Renan. — 1909. Rozax» (le docteur), professeur à l'École de Médecine, 10, rue de l'Orme de Chamars. — 1899. Roucer, directeur honoraire d'Ecole normale ; 124, Grande-Rue. — 1902. SazLArD, Albin (le docteur), ancien sénateur et conseiller général du’ Doubs ; place Vietor-Hugo. — 1866. | re (ep) 1 | MM. SAINTE-AGATHE (le comte Joseph pe), avocat, archiviste-paléo- graphe, 3, rue d'Anvers. — 1880. SANcEY, Alfred, négociant, conseiller général du Doubs, adjoint au maire ; 14, rue d'Alsace. — 1899. SAVOYE, Henri, artiste peintre, à la Bouloiïe, (banlieue). — 1go1. SIMON, avocat, 26, rue de la République. — 1909. SIMONIN, architecte, 13, rue du Lycée Victor-Hugo. — 1892. SOLLAUD, Ed., agrégé d'histoire naturelle, 95, Grande-Rue. — 1909. | Taurier, Maurice, procureur de la République, à Brest (Finistère). — 1901. * Trucis DE VARENNES (le vicomte Albérie DE), 9, rue de Pon- tarlier. — 1900. | Use, directeur des papeteries des Prés-de-Vaux ; 9, rue de là Cassotte. — 1910. Vassier, Georges (le docteur), 109, Grande-Rue. — 1898. * Vaxpez, Maurice, ingénieur des arts et manufactures; 167, rue Duvivier, à Aubervilliers (Seine). — 1890. * VauTHERIN, Raymond, ancien capitaine du génie; 78, rue Mozart, à Paris. — 1897. VENDEUVRE, avocat près la Cour d'appel, 5, rue de Lorraine. — 19 EL" VerNerEey, professeur au Lycée Victor Hugo, à Fontaine-Ecu (banlieue). — 1911. Vernier, Alfred, inspecteur divisionnaire de la Compagnie d'assurances générales sur la Vie, Villa des Glaïeuls, à la Croix d’Arènes (banlieue). 1910 VERNIER, Léon, professeur à là Faculté des lettres, 10, rue du Général-Lecourbe. — 1883. VouiLcor, Fernand, receveur des hospices; 103, Grande-Rue. — 1912. VREGILLE (chanoine de), 4, rue de la Préfecture. — 1910. VWEBRLÉ, administrateur des Salines de Chatillon ; 4, rue Gran- velle. — 1891. ZeuTNer, Maurice, négociant, 26, rue de la République. — 1909. — 160 2 Membres correspondants (83). MM. *ALMAND, Victor, lieutenant-colonel du génie, attaché à la Direc- tion des travaux du chemin de fer de Konakry au Niger (Guinée française); à Baume-les-Dames (Doubs). — 1832. ANDRÉ, Ernest, notaire ; 17, rue des Promenades, Gray (Haute- Saône). — 1977. | | * BarpeT, juge de paix; à Brienne-le-Château (Aube). — 1886. BarBey, Frédéric, archiviste paléographe ; 0, rue de Tournon, à. Paris, et au château de Valleyres (canton de Vaud). — 1903. BERTIN, Joseph, médecin honoraire des hospices de Gray, à Dampierre-sur-Salon (Haute-Saône). — 1897. Bey-Rozer, Charles, propriétaire et pépiniériste; à Marnay (Haute-Saône). — 1690. BizLARDET, René, professeur agrégé de l’Université, au Lycée d'Annecy. — 1909. | BLoxpeau, Georges, procureur de la République ; à Vesoul. — 189. Boiscin, Joseph, directeur des tramways électriques du Finis- tère; 1, place Saint-Sauveur, à Brest. — 1909. * Borpy, à Alaise (Doubs). — 1909. | * BREDIN, professeur honoraire ; à Conflandey, par Port-sur- Saône (Haute-Saône). — 1857. BRuxE (Pabbé Paul), curé doyen de Mont-sous-Vaudrey, eorres- pondant des Comités des Travaux historiques et des Monu- ments historiques au Ministère de lInstruction publique ; Mont-sous-Vaudrey (Jura). —.1903. * Bruan, Leon, inspecteur des forêts ; 11 bis, rue de la Planche, Paris. — 1881. : CHALLAN DE BELvar (le docteur), médecin principal en retraite ; 9, impasse Maria, au Chalet, Marseille. — 1909. * CHapoy, Edmond, avocat ; 8, boulevard Victor-Hugo ; à Bourg (Ain). — 1910. Cornier, Jules-Joseph, receveur principal des Douanes; B'amont (Doubs). — 186». MM. Coste. Louis, docteur en médecine et pharmacien de re classe, conservateur de la Bibliothèque de la ville de Salins (Jura). — 1866. Davin, Louis, avocat; 7, rue Pierre-Nicole prolongée, Paris. — 1910. * DeuzuiN, Eugène, banquier ; Epernay (Marne). — 1860. Druor, Paul (l'abbé), curé de Geneuille (Doubs). — 19o17. * Duray, Jules, notaire ; Salins (Jura). — 1875. Dumonr ; >, Thier de Cornillon, Bressoux-Liège (Belgique). — 1910. Düvaz (H.); 13, rue Vaubécour, Lyon. — 1910. FEUVRIER (l'abbé), chanoine honoraire ; 7, rue Péclet, Besançon. — 1896. Feuvrier, Julien, professeur honoraire, archiviste de la Ville ; 8, rue des Romains, Dole (Jura). — 1893. Fromonp (l'abbé), curé de Crissey (Jura). — 1902. Gairre, Félix, docteur ès-lettres, professeur au Lycée Carnot, à Paris; 10, rue Gambetta, Asnières (Seine). — 1904. GAUTHIER, Léon, archiviste aux Archives nationales ; 1, quai aux Fleurs, à Paris. — 1898. GENSOLLEN, Gabriel, juge au Tribunal civil; Aix (Provence). — 1902. GERMAIN, président du Tribunal; à Yssingeaux (Hte-Loirer. — 1908. * GRENIER, René (le docteur), médecin de la Grande Chancelle- rie de la Légion d'honneur ; 36, rue Ballu, Paris. — 1902. GronsreLp, Louis, rédacteur en chef du Monde diplomatique ; 8, rue de Valois, à Paris. — 1912. Grosrerri (le docteur) ; Pont-de-Roiïide. — 1908. GuicaarDp, E.-Xavier, chef de la Süreté ; Préfecture de police, et 11, rue Denfert-Rochereau, Paris. — 1908. Guiexarp, Fernand, archiviste-paléographe ; 7 bis, rue Michel- Chasles, Paris, et à Dole (Jura). — 1902. * GuiLzemor, Antoine, archiviste de la ville de Thiers (Puy-de- Dôme). — 1854. Guyé, Henri, ancien président du Tribunal de commerce de la Seine ; 38, boulevard Sébastopol, Paris. — 1910. io MM. Hexrisr, Eugène (le docteur), conseiller général du Doubs : à Orchamps-Vennes (Doubs). — 1910. HuarT, Arthur, ancien avocat général; 2, rue d'Italie, à Vevey (Suisse). — 1870. LarorestT (Marcel Pécox DE), capitaine d'infanterie coloniale ; Rochefort (Charente-Inférieure). — 1895. * Laprer, Paul, artiste-peintre ; 90, avenue de Neuilly, à Neuilly (Seine). — 1901. 0 LEBRUN, Louis, répétiteur au lycée de Lons-le-Saunier. — 1906. LecaevauiEr, Emile, libraire-éditeur ; 16, rue de Savoie, Paris (VIe). — 1888. ; Lécer, Charles, publiciste ; 49, rue de Paris, à Meudon (Seine). = 1O1I De Le Mie, Paul-Noël, avocat ; Mirevent, près Pont-de-Poitte (Jura. — 18706. Liexy, industriel ; 52, rue Labrouste, Paris (XVe). — 1910. Loncin, Emile, ancien magistrat : 1, place Saint-Jean, Dijon. — 1090. Louvor (le chanoine Fernand), curé de Gray (Haute-Saône). — 1870. Manior, Victor-François, pharmacien ; Jussey (Haute-Saône). — 1880. Mare, André; à Fourg, par Liesle (Doubs). — 1903. Marin (le duc DE), conseiller général de la Haute-Saône ; au château de Ray-sur-Saône (Haute-Saône). — 1867. Marquiser (le comte Alfred), 32, rue Malakoff, à Paris. — 1897. *MassixG, Camille, manufacturier ; Puttelange-lez-Sarralbe (Lorraine allemande). — 1891. *Mener, Edmond, maire de l’Isle-sur-le-Doubs. — 1908. MexrHon (le comte René DE); Menthon-Saint-Bernard (Haute- Savoie),et château de Saint-Loup-lez-Gray, par Sauvigney-lez- Angirey (Haute-Saône). — 1854. | Mercier, libraire, bibliophile ; 3, rue de la Préfecture, Dijon. — 1009. Mizcor, notaire ; Frasne (Doubs). — 1909. * Mowrer (Albert px) ; Corseaux-sur-Vevey (Suisse). — 18582. MM. Mousrier {le marquis DE), député et conseiller général du Doubs ; château de Bournel, par Rougemont (Doubs), et 15, avenue de l'Alma, Paris. — 1874. Mousrier (le comte Lionel pe), conseiller général du Doubs ; chà- teau de Bournel (Doubs), et 15, avenue de l’Alma, Paris. — 1903. Paris, docteur en médecine ; à Luxeuil (Haute-Saône). — 1866. Perrop, Maurice (abbé), aumônier du lycée de Lons-le-Saunier ; rue Rouget-de-Lisle, à Lons-le-Saunier (Jura). — 1912. * PERRONNE, Marcel, ancien conseiller de préfecture ; 41, rue Devosges, Dijon. — 1903. * Perrot (l'abbé F.-Xavier), curé-doyen de Mandeure (Doubs .— 1902. * Pracer, Arthur, archiviste cantonal et professeur à l’Académie de Neuchâtel (Suisse). — 1899. Picaow, Henri, directeur de l'Ecole Pratique ; 37, rue de Rivoli, à Paris. — 1912. Pipoux, André, archiviste-paléographe, avocat ; Dole (Jura). — 1 90 je -Piquarp, Léon, docteur en médecine ; Roche (Doubs). — 1890. Pirourer, Maurice, géologue ; à Salins (Jura). — 1898. PRiNer, Max, archiviste-paléographe ; 18, rue Maurepas, Ver- sailles, et à Gouhenans (Haute-Saône). — 1895. * REBOUL DE LA JULHIÈRE, au Château du Grand-Vaire (Doubs). — 1903. * Reeg, E., membre correspondant de l'Académie des sciences, président honoraire de la Société de pharmacie d'Alsace-Lor- raine ; à Strasbourg (Alsace). — 19o1. Rogerr (le docteur) ; à Arboiïis (Jura). — 1910. Roux, Roger, substitut du procureur de la République ; 21, rue Scheurer-Kestner, Belfort. — 1903. Roy, Emile, professeur à la Faculté des lettres ; 9, rue de Mirande, Dijon. — 1894. Roy, Jules, professeur à l'Ecole des Chartes ; 19,rue Hautefeuille, Paris. — 1867. * SAILLARD, Armand, négociant; Villars-lez-Blamont (Doubs). — 1877. MM. SANDOZ (Edmond), docteur en droit, avocat à la Cour d'appel ; 51, rue de Lille, Paris. — 1910. SorLAUD (le docteur), 5, rue Callou, Vichy. — 1909. TaurieT, Charles, président honoraire du tribunal; 51, via Ospe- dale, Turin. — 1905. * Travers, Emile, ancien archiviste du Doubs, ancien conseiller de préfecture ; 18, rue des Chanoines, Caen (Calvados). — 1869. VENDRELY, pharmacien, à Champagney (Hte-Saône). — 1909. Vuiczaume, Edmond, directeur de la Société suisse de banque et dépôts ; avenue du Théâtre, Lausanne. — 1910. MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ DÉCÉDÉS EN 1911-1912 Membres honoraires. MM. Bercer, Philippe, membre de l’Institut (Académie des inscriptions et belles-lettres), sénateur du Haut-Rhin, professeur au Collège de France; à Giromagny, près Belfort. 1899 LanGzois (le général), membre de l'Académie française, sénateur de Meurthe-et-Moselle, Palais du Luxembourg, à Paris. — 1907. 1907 Membres résidants. MM. Boyssox p'Ecoze, Alfred. 1891 Rossiexor (le chanoïne), ancien curé de Sainte-Madeleine. 1901 Membre correspondant. MM. Ficssean (l'abbé), licencié-ès-lettres, à Pelousey (Doubs). 1896 31 SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES & ÉTABLISSEMENTS PUBLICS /173) Le millésime indique l'année dans laquelle ont commencé les relations. FRANCE. Comité des travaux historiques et scientifiques près le Ministère de l'Instruction publique (cing exemplaires des mémoires) ; es P: 46 Victor Jeanneney, artiste peintre et professeur de dessin (1832-1885), par M. Georges BLonpEau.. p. 065 Le. Principales données météorologiques concernant les années 1891-1910, résumées par M. A. Kir- ®e © © © © © © e 0 © © © © © © © € © © + © e Découverte à Baume-les-Dames de monnaies du Haut Empire, par M. René Bouton ......... . Notes ar chéologiques 1911, par M. H. Michess Etudes de Loponymie franc-comtoise. Les noms de lieu en « ans-ange », par M. Th. PERRENOT. Notes sur le conventionnel Vernerey et sur sa famille, par M. Maurice Dayer (1 portrait)... Jean Boyvin, président du Parlement de Dole, d’après ses lettres aux Clhifilet (1625 1650). Essai biographique, par E. Lon&iIN...........: Dons faits à la Société en 1911-1912......... onde our Membres de la Société au 1° octobre r1g:2....,,....,... . Membres de la Société décédés en 1911-1912..,,,....,,.... Sociétés correspondantes ...... na eo tn ‘ Etablissements publics de Franche-Comté recevant les Mémoires....,.... RE TE M mine A De re ie ch ; ” t MAR Lars BESANCON. — TYP. ET LITH. DODIVERS. P; her tee TD 207 200: OT . OH 549 pire 407 . 460: . A7 - Â74 . 48> VOLUMES EN VENTE au Siège de la Société (Palais Granvelle) Mémoires de la Société (18605-19171), le volume. 6fr. à ro fr. Lépidoptères du Doubs, par Th. Bruaxp (3 fase. gr. in-8°), ne lee DAnCheS) een Ut dei Do Flore de la chaine Jurassique, par Ch. GRENIER (2 tomes). 6 _» Catalogue des Incunables de D Bibliothèque publique de besancon, parAus. CASTAN (10093) 3 0 4) 1 O0 Notes sur l'histoire municipale de Besancon, par Aug. MSA Cod) Ne D dde SU un 0 » Plan-de Besancon au XVLe'siècle {54 X 4o°f%}. . 1. 2 bo Table générale des Mémoires de la Société d' Emulation du Daubs (r841-1905) Dar A" IRIRCHNER 4205 300 Table générale des Travaux de l'ancienne Société d'Agri- culture du Doubs (1799-1809), précédée d’une notice HiStonque par A IÉTRCANER AU D sue 3 Pour tous renseignements, S’adresser à l'Archiviste de la Société, au Palais Granvelle, les mardi et vendredi, de 10 à rr heures du matin. Extraits des statuts et du réglement de la Société d ÉAiation du Doubs, fondée à Besançon le 5 juillet 1840. | Décret impérial du 22? avril 1863 : « La Société d'Emulation du Doubs, à Besancon, est reconnue comme établissement ot pPubDHQUuE... » Art. ler des statuts : « Son but est de concourir activortent aux | progrès des sciences et des arts, et, pour en faciliter le développe- ment, de coopérer à la ee des collections puoHQue et d'é- diter les travaux utiles de ses membres. _» Elle encourage principalement les études relatives à la Franche- Comte. » - Art. 13 des slaluis : « La Societé pourvoit à ses dépenses au moyen : | » Lv D’nne cotisation annuelle pavable par chacun de ses membres résidants et par chacun de ses membres correspondants; elle est exigible dés l’année même de leur admission. _» 20 De la somme de deux francs payable par les membrés rési- dants et correspondants au moment de la remise du diplôme... Art. 17 du règlement : « La cotisation annuelle est fixée à a francs pour les membres résidants et à six francs pour les membres correspondants. » ; AE Art. 23 des statuts : « Les sociétaires ont la latitude de-se libérer de leur cotisation annuelle en versant un capital dans la caisse de la Société. » La somme exigée est de cent francs pour les membres rési- dlants et de soixante francs pour les correspondants. ….. » Art. 15 des statuts : « Tout membre qui aura cessé de payer sa cotisation pendant plus d’une année, pourra être considéré comme démissionnaire par le conseil d'administration. » su) Art. D du règlement : « Les Séances ordinaires se tiennent le se- cond samedi de chaque mois...» Art. 9 du règlement : {© La Société publie, chaque année, un * bulletin de ses travaux, sous le titre de Mémoires... » : Art. 13 du règlement : « Le bulletin est remis gratuitement : De À chacun des membres honoraires, résidants et corres-: pondants de la Société... » Adresse du Trésorier de la Société : M. le Trésorier de la Société d'Emulation du Doubs, Palais Granvelle, à Besançon. pes 1 Dh