MA remet Main pag et nier dvbeistééoiese Dehors teretpitep HNnNEe TEre ar: RÈBLS : Ds CI = ete 2 Hn3el 4 ï jf fi" ss î EAE Hi Het ais Rrn sut | Rll SAS fu ii A PE RU ji ue 1 AAA i] LH! ï HU RUIONS Hu AUCTRINIE in (F7! SMITHSONIAN. DEPOSIT DUELIE. PARU ENT X A RAS 1 PR à MÉMOIRES DU MUSEUM D'HISTOIRE NATURELLE. CPI on MÉMOIRES DU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE, PAR LES PROFESSEURS DE CET ÉTABLISSEMENT. OUVRAGE ORNÉ DE GRAVURES. DÉDIÉ AU ROI. TOME DIXIÈME. A PARIS, CHEZ A. BELIN, IMPRIMEUR-LIBRAIRE, RUE DES MATHURINS S.-J., HÔTEL DE CLUNY. 1823. NOMS DES PROFESSEURS. (PAR ORDRE D'ANCIENNETÉ. ) Messieurs , A. THouin. . . . . (Culture et naturalisation des végétaux. PoRTAL. . . . . . Anatomie de l’homme. De Jussieu . . . . Botanique à la campagne. VANSPAENDONCK. . . Iconographie, ou l’art de dessiner et de peindre les productions de la nature. LacÉpèDe . . . . . Reptiles et poissons. Zoologie, DEsFroNTAINES. . . . Botanique au Muséum. De Lamarok. * . . Insectes, coquilles, madrépores, etc. Georrroy-Sr.-HiLarre. Zoologie. Mammifères et oiseaux. Cuvier. . . + . + Anatomie des animaux. VAUQUELIN. . + + . Chimie des Arts. LaucrEr. . « . . .+ Chimie générale. Corprer. . . . . . Géologie, ou Histoire naturelle du globe. BRONGNIART. . . . . Minéralogie. Deceuze. . . . + . Secrétaire de la Société des Annales du Muséum. MÉMOIRES DU MUSEUM D'HISTOIRE NATURELLE. ÉLOGE HISTORIQUE DE M. HAUY. { Lu dans la séance publique de l’Académie royale des sciences du 2 juin 1823.) PAR M. le B. G. CUVIER, Secrétaire perpétuel pour les sciences physiques. D. des sciences présente quelques époques où l'esprit humain a semblé prendre un essor extraordinaire. Lorsque de longues années d’études paisibles ont accumulé les faits et les expériences, et que les théories qui avoient dominé jusque-là ne les embrassent plus, les idées que l’on se faisoit de la nature deviennent en quelque sorte inco- hérentes et contradictoires; elles ne forment plus un en- semble, et de toute part l’on éprouve le besoin de trouver entre elles quelque chaïnon nouveau. Un génie vient-il alors à naître, assez puissant pour s'élever à des points de vue d’où il saisisse une partie de ces rapports que l’on cherche, il inspire à ses contemporains un courage inconnu; chacun s'élance avec ardeur dans ce domaine, où de nouvelles Mémn. du Muséum. 10. I 2 ELOGE HISTORIQUE routes viennent d’être tracées; les découvertes se succèdent avec une rapidité croissante; on diroit que les hommes qui ont le bonheur d’y attacher leur nom appartiennent à une race privilégiée; leurs disciples, ceux dont la jeunesse a été témoin de ce grand mouvement, croient Voir en eux des êtres supérieurs; et lorsque le temps arrive où ils doivent successivement payer le tribut à la nature, la génération qui demeure, pleure en eux une race de héros qu’elle désespère de voir jamais égaler. Telle a été incontestablement pour les sciences naturelles la fin du dix-huitième siècle. Les lois du mouvement réduites à une seule formule; le ciel soumis tout entier à la géométrie; ses espaces s’agran- dissant et se peuplant d’astres inconnus; la route des globes fixée plus rigoureusement que jamais et dans le temps et dans l’espace; la terre pesée comme dans une balance; l'homme s’élevant dans les nues, traversant les mers sans le secours des vents; les mystères compliqués de la chimie ramenés à quelques faits simples et clairs; la liste des êtres naturels décuplée dans tous les genres; leurs rapports établis d’une manière irrévocable sur l’ensemble de leur structure interne et externe; l’histoire même de la terre dans les siècles reculés étudiée enfin sur des monumens, et non moins éton- nante dans sa vérité, qu'elle avoit pu le paroître dans des conceptions fantastiques; ... spectacle magnifique et inoui qu’il nous a été donné de contempler, mais qui nous rend aussi bien amère la disparition des grands hommes à qui nous en sommes redevables! Peu d'années ont vu descendre au tombeau les Lavoisier, les Priestley, les Cavendish, les A DE M. Haurx. 3 Camper, les de Saussure, les Lagrange; et qui ne seroit effrayé de l'accélération de nos pertes, lorsque quelques mois nous enlèvent Herschel et Delambre, Haüy et Bertho- let, et qu'à peine nos forces suflisent pour leur rendre dans le temps prescrit l'hommage qui leur est dû par les sociétés dont ils firent l’ornement ? On seroit d'autant plus tenté de croire que M. Haüy éprouva cette influence irrésistible de son époque, que ce fut presque sans s’en être douté qu'il fut jeté dans une car- rière à laquelle pendant quarante ans il n’avoit point songé à se préparer. Au milieu d’occupations obscures, une idée vient lui sourire; une seule, mais lumineuse et féconde. Dès lors il ne cesse de la suivre; son temps, ses facultés, il lui consacre tout; et ses efforts obtiennent enfin la récompense la plus magnifique. Aussi nul exemple ne montre-t-il mieux que le sien, tout ce que peut opérer de grand, j’oserois presque dire, de miraculeux, l’homme qui s'attache avec opiniâtreté à l'étude approfondie d’un objet, et combien cette proposition est vraie, du moins dansles sciences exactes, que c’est la patience d’un bon esprit, quand elle est invincible, qui constitue véritablement le génie. René-Just Haüy, chanoine honoraire de Notre-Dame, membre de cette académie et de la plupart de celles de l'Eu- rope et de l'Amérique, naquit à Saint-Just, petit bourg du département de l'Oise, le 28 février 1743. Il étoit le frère aîné de feu M. Haüy, si connu comme inventeur des moyens d'instruire les aveugles -nés; et tous deux avoient pour père un pauvre fabricant de toile qui n’auroit proba- blement pu leur donner d'autre profession que la sienne, si * I 4 ELOGE HISTORIQUE des personnes généreuses n’étoient venues à son secours. La première amélioration de la fortune de ces deux jeunes gens tint à cette disposition à la piété que l’aîné montra dès ses premières années, et qui a dominé sa vie. Encore tout enfant il prenoit un plaisir singulier aux cé- rémonies religieuses, et surtout aux chants de l’église, car le goût de la musique, cet allié naturel des sentimens tendres, se joignit promptement à lui au penchant pour la dévotion. Le prieur d’une abbaye de Prémontrés, principal établis- sement de son lieu natal, qui avoit remarqué son assiduité au service divin, chercha un jour à lier conversation avec lui, et s’apercevant de la vivacité de son intelligence, il lui fit donner des lecons par quelques-uns de ses moines. Les progrès de l’enfant ayant promptement répondu aux soins de ses maîtres, ceux-ci s’intéressèrent à lui de plus en plus, et firent entendre à sa mère que si elle pouvoit seu- lement le conduire pour quelque temps à Paris, elle finiroit, avec leurs recommandations, par obtenir quelques ressources pour lui faire achever ses études. A peine cette excellente femme en avoit-elle de suffisantes pour subsister quelques mois dans la capitale; maïs elle aima mieux s’exposer àtout, que de manquer à l’avenir qu’on lui lais- soit entrevoir pour son fils. Long-temps cependant sa tendresse ne recut que de bien foibles encouragemens. Un jeunehomme, dont le nom devoit un jour remplir l’Europe, ne trouva de moyen de vivre, qu'une place d'enfant de chœur dansune église du quartier Saint-Antoine. Ce poste, disoit-il naïvement dans la suite, eut du moins cela d’agréable que je n'y laissaz pas enfouir mon talent pour la musique; et en effet, tou- DE M. Haury. 5 jours fidèle à ses premiers goûts, il devint bon musicien, et acquit assez de force sur le violon et sur le clavecin, deux instrumens dont il s’est toujours amusé. Enfin le crédit de ses protecteurs de Saint-Just, lui procura une bourse au collége de Navarre, et ce fut seulement alors qu'il lui fut possible de vaquer régulièrement à son instruction classique. Sa conduite et son application lui valurent à Navarre le même intérêt qu'à Saint-Just, et à l’époque où il cessa d'y être écolier, les chefs de la maison lui proposèrent de devenir un de leurs collaborateurs. On l’employa comme maitre de quartier, et aussitôt qu'il eut pris ses degrés, on lui confia la régence de quatrième, lorsqu'il n’étoit encore âgé que de 21 ans. Quelques années après, il passa au collége du cardinal Lemoine, comme régent de seconde; et c’étoit à ces fonc- üons utiles, mais modestes, qu'il sembloit avoir borné son ambition. À la véritéil avoit pris à Navarre sous feu M. Brisson, de cette académie, un certain goût pour les expériences de physique, et à ses momens de loisir il en faisoit quelques- unes d'électricité; mais c’étoit pour lui un délassement plutôt qu'une étude : quant à l’histoire naturelle proprement dite, il n’en avoit aucune connoissance et ne songeoit nullement à s’en occuper. Une seconde particularité remarquable de son histoire, c'est que ce fut encore aux dispositions affectueuses de son cœur, qu'il dut d'entrer dans une carrière qui lui est de- venue si glorieuse, en sorte qu’il est littéralement vrai de dire que dans tous leurs degrés sa renommée et sa fortune ont été des récompenses de ses vertus. Parmi les régens du cardinal Lemoine, se trouvoit alors 6 ELOGE HISTORIQUE Lhomond, homme savant, qui s’étoit consacré par piété à l'instruction de la jeunesse. Fort capable d'écrire et de parler pour tous les âges, il ne voulut point s'élever au-dessus de la sixième, et n’a composé que de petits ouvrages destinés aux enfans, mais qui par leur clarté et le ton simple qui y règne, ont obtenu plus de succès que beaucoup d’ouvrages à pré- tentions. Une grande conformité de caractères et de senti- mens engagea M. Haüy à le choisir pour son ami de cœur et pour son directeur de conscience; dévoué à lui comme un fils, il le soignoit dans ses affaires, dans ses maladies, et l’accom- pagnoit dans ses promenades. Lhomond aimoit la botanique, et M. Haüy, qui à peine en avoit entendu parler, éprouvoit chaque jour le chagrin de ne pouvoir donner à leur commerce cet agrément de plus. Il découvrit dans une de ses vacances, qu’un moine de Saint-Just s’amusoit aussi des plantes. A l'ins- tant il conçut l’idée de surprendre agréablement son ami, et dans cette seule vue il pria ce religieux de lui donner quel- ques notions de la science, et de lui faire connoître un certain nombre d'espèces. Son cœur soutint sa mémoire; il comprit et retint tout ce qui lui fut montré, et rien n’égala l’étonne- ment de Lhomond, lorsqu’à sa première herborisation, Haüy lui nomma er langage de Linnæus la plupart des plantes qu'ils rencontrèrent, et lui fit voir qu'il en avoit étudié et détaillé la structure. Dès lors tout fut commun entre eux jusqu'aux amusemens, mais dès lors aussi M. Haüy devint tout de bon naturaliste, et naturaliste infatigable. On auroit dit que son esprit s’étoit éveillé subitement pour ce nouveau genre de jouissance. El se prépara un herbier, avec des soins et une propreté extraor- DE M. Haur. 7 dinaires (1), et s’habitua ainsi à un premier emploi des mé- thodes. Le Jardin du Roi étoit voisin de son collége. Il étoit naturel qu'il s’y promenât souvent. Les objets nombreux qu'il y vit, étendirent ses idées, l’exercèrent de plus en plus au clas- sement et à la comparaison. Voyant un jour la foule entrer à la lecon de minéralogie de M. Daubenton, il y entra avec elle, et fut charmé d’y trouver un sujet d’étude plus analogue encore que les plantes à ses premiers gouts pour la physique. Mais le Jardin du Roi avoit un grand nombre d'élèves, et M. Daubenton beaucoup d’auditeurs qui laïssèrent la botanique et la minéralogie ce qu’elles étoient. Peut-être savoient:ils l’une et l’autre mieux que M. Haüy, parce qu'ils les avoient étudiées de meilleure heure ; mais cette habitude plus longue étoit pré- cisément ce qui les avoit familiarisés avec des difficultés qu'ils finissoient à force d'habitude par ne plus apercevoir. Ce fut pour avoir appris ces sciences plus tard, que M. Haüy les en- visagea autrement. Les contrastes, les lacunes dans la série des idées frappèrent vivement un bon esprit, qui, à l’époque de sa force , se jetoit tout d’un coup dans une étude inconnue. Il s’étonnoit profondément de cette constance dans les for- mes compliquées des fleurs, des fruits, de toutes les parties des corps organisés, et ne concevoit pas que les formes des minéraux, beaucoup plus simples et pour ainsi dire toutes géo- métriques, ne fussent point soumises à de semblables lois; car en ce temps-là on ne connoissoit pas même encore cette (x) Il y employa des procédés particuliers qui ont conservé jusqu’à présent la couleur des fleurs. Voyez ses observations sur /a manière de faire des herbiers , dans le volume de l’Académie de 1785, pag. 210. 8 ÉLOÔGE HISTORIQUE espèce de demi-rapprochement que propose Romé de lIsle, dans la seconde édition de sa Créstallographie(1). Comment, se disoit M. Haüy , la même pierre, le même sel se montrent- ils en cubes, en prismes, en aiguilles, sans que leur composition change d’un atôme, tandis que la rose a toujours les mêmes pétales, le gland la même courbure, le cèdre la même hau- teur et le même développement. Ce fut lorsqu'il étoit rempli de ces idées, qu'examinant quelques minéraux chez un de ses amis, M. Defrance, maître des comptes, il eut l’heureuse maladresse de laisser tomber un beau groupe de spath calcaire cristallisé en prismes. Un de ces prismes se brisa de manière à montrer sur sa cassure des faces non moins lisses que celles du dehors, et qui présen- toient l'apparence d’un cristal nouveau tout différent du pris- me pour la forme. M. Haüy ramasse ce fragment; il en exa- mine les faces, leurs inclinaisons, leurs angles. À sa grande surprise, il découvre qu’elles sont les mêmes que dans le spath en cristaux rhomboïdes, que dans le spath d'Islande. Un monde nouveau semble à l'instant s'ouvrir pour lui. Il rentre dans son cabinet, prend un spath cristallisé en pyra- mide hexaèdre, ce que l’on appeloit dent de cochon ; il essaie de le casser, etil en voit encore sortir ce rhomboïde, ce spath d'Islande; les éclats qu'il en fait tomber sont eux-mêmes de peuts rhomboïdes; il casse un troisième cristal, celui que l’on nommoit /erdiculaire; &’est encore un rhomboïde qui se montre dans le centre, et des rhomboïdes plus petits qui s’en détachent. : (1) Elle n’a paru qu’en 1783. De M. Haury. 9 Tout est trouvé, s'écrie-t-illles molécules du spath calcaire n’ont qu'une seule et même forme: c’est en se groupant di- versement qu’elles composent ces cristaux dont l'extérieur si varié nous fait illusion; et partant de cette idée, il lui fut bien aisé d'imaginer que les couches de ces molécules s'empilant les unes sur les autres, et se rétrécissant à mesure, devoient former de nouvelles pyramides, de nouveaux polyèdres, et envelopper le premier cristal comme d’un autre cristal où le nombre et la figure des faces extérieures pourroïent différer beaucoup des faces primitives, suivant que les couches nou- velles auroient diminué de tel ou tel côté, et dans telle ou telle proportion. Si c’étoit là le véritable principe de Îa cristallisation, il ne pouvoit manquer de régner aussi dans les cristaux des autres substances; chacune d’elles devoit avoir des molécules cons- tituantesidentiques, un noyau toujours semblable à lui-même, et des lames ou des couches accessoires, produisant toutes les variétés. M. Haüy ne balance pas à mettre en pièces sa petite collection; ses cristaux, ceux qu'il obtient de ses amis écla- tent sous le marteau. Partout il retrouve une structure fondée sur les mêmes lois. Dans le grenat, c’est un tétraëdre; dans le spath fluor, c’est un octaèdre; dans la pyrite c’est un cube; dans ie gypse, dans le spath pesant, ce sont des prismes droits à quatre pans, mais dont les bases ont des angles différens, qui forment les molécules constituantes; toujours les cristaux se brisent en lames parallèles aux faces du noyau; les faces ex- térieures se laissent toujours concevoir comme résultant du décroissement des lames superposées, décroissement plus ou moins rapide et qui se fait tantôt par les angles, tantôt par les Mém. du Muséum. 1. 10. 2 10 ELOGE HISTORIQUE bords. Les faces nouvelles ne sont que de petits escaliers ou que de petites séries de pointes produites par les retraites de ces lames, mais qui paroissent planes à l’œil à cause de leur té- nuité. Aucun des cristaux qu’il examine ne lui offre d’excep- tion à sa loi. Il s’écrie une seconde fois, et avec plus d’assu- rance: Z'out est trouvé! Mais pour que l’assurance fût complète, une troisième con- dition devoit être remplie. Le noyau, la molécule consti- tuante, ayant chacun une forme fixe, et géométriquement déterminable dans ses angles et dans les rapports de seslignes, chaque loi de décroïssement devoit produire aussi des faces secondaires déterminables , et même le noyau et les molécu- les étant une fois donnés, on devoit pouvoir calculer d'avance les angles et les lignes de toutes les faces secondaires que les décroissemens pourroient produire. En un mot, il falloit ici, comme en astronomie, comme dans toute la physique, pour que la théorie fût certaine, qu’elle expliquât avec précision les faits connus, et qu’elle prévit avec une précision égale ceux qui ne l’étoient pas encore. M. Haüy sentoit cela; mais depuis quinze ans qu’il passoit la meilleure partie de ses journées à enseigner le latin, il avoit presque oublié le peu de géométrie qu’on lui avoit montré au collége. Il ne s’effraya point, et se mit tranquillement à la rapprendre. Lui qui avoit si vite appris la botanique pour plaire à son ami, sut promptement autant de géométrie qu'il lui en falloit pour compléter sa découverte, et dès ses pre- miers essais, il se vit pleinement récompensé. Le prisme he- xaèdre qu'il avoit cassé par mégarde lui donna par une obser- vation ingénieuse et des calculs assez simples, une valeur fort DE M. Haur. 1! approchée des angles de la molécule du spath; d’autres cal- culs lui donnèrent ceux des faces qui s’y ajoutent par chaque décroissement, et en appliquant l'instrument aux cristaux, il trouva les angles précisément de fa mesure que donnoit le calcul. Les faces secondaires des autres cristaux se dédui- soient tout aussi facilement de leurs faces primitives; il re- connut même que presque toujours pour produire les faces secondaires, il suflit de décroissemens dans des proportions assez simples, comme le sont en général les rapports des nom- bres établis par la nature. Ce fut alors que pour la troisième fois et désormais sans hésitation, il put se dire : J’ar tout trouvé ! et ce fut alors aussi qu'il prit la confiance de parler de ses découvertes à son maitre, M. Daubenton, dont jus- qu’alors il avoit suivi les cours modestement et en silence. On peut juger avec quelle faveur elles furent accueillies; M. de Laplace, à qui M. Daubenton en fit part, en prévit à l’instant toutes les conséquences, et se häta d'encourager l’auteur à venir les présenter à l'Académie ( r). Ce n’est pas à quoiil fut le plus aisé de déterminer M. Haüy. (x) Son premier Mémoire, où il traitoit des grenats et des spaths calcaires, y fut lu le 10 janvier 1781. Daubenton et Bezout en firent le rapport le 21 février ; mais il est aisé de voir, en lisant ce rapport, qu’ils n’avoient pas encore entièrement saisi la nature de la découverte. Ce Mémoire est imprimé par extrait dans le Journal de Physique de 1782, tome I, p. 366. Son second Mémoire, où il s'attache aux spaths calcaires seulement, fut lu le 22 août 1781, et le rapport en fut fait par les mêmes commissaires le 22 dé- cembre. Cette fois, ils s’étoient mis entierement au fait des idées de l’auteur, et de leur importance. Le Mémoire est imprimé dans le Journal de Physique de 1782, tome II, p. 33. 2 * 12 ÉLOGE HISTORIQUE L'Académie, le Louvre étoient pour le bon régent du cardinal Lemoine une sorte de pays étranger qui effrayoit sa timidité. Les usages lui étoient si peu connus, qu’à ses premières lec- tures il y venoit en habit long que les anciens canons de l'Eglise prescrivent, dit-on, mais que depuis long-temps les ecclésias- tiques qui n'étoient point en fonctions curiales ne portoient plus dans lasociété. À cette époque de légèreté, quelques amis craignirent que ce vêtement ne lui ôtât des voix ; mais pour le lui faire quitter (et c’est encore ici un trait de caractère), il fallut qu’ils appuyassent leur conseil de l’avis d’un docteur de Sorbonne. « Les anciens canons sont très-respectables, lui dit » cet homme sage, mais en ce moment ce qui importe, c’est » que vous soyiez de l’Académie. » Il est au reste fort à pré- sumer que c’étoit là une précaution superflue, et à l’empresse- ment que l’Académie montra pour l’acquérir, on vit bien qu’elle auroit voulu l’avoir, quelque habit qu’il eût porté. On n’attendit pas même qu'une place de physique ou de minéra- logie füt vacante, et quelques arrangemens en ayant rendu une de botanique disponible (1), elle lui fut donnée presque d’une voix et même de préférence à de savans botanistes (2). Il reçut un témoignage encore plus flatteur de l'estime de ses nouveaux confrères. Plusieurs d’entre eux et des plus dis- (1) C’étoit la place d’adjoint dans la classe de botanique, laissée vacante par la promotion de M. de Jussieu à celle d’associé. L'élection de M. Haüy est du 12, et la lettre de M. Amelot qui annonce la confirmation du Roi, du 15 février 1983. (2) MM. Desfontaines et Tessier qui eurent les secondes voix, et MM. Dombey et Beauvois. Dombey est mort avant d’être de l’Académie. Beauvois n’y est entré qu’en 1803. En 1788 , M. Hauy passa comme associé à la classe d’histoire natu- relle et de minéralogie, DE M. Haury. 13 üngués le prièrent de leur donner des explications orales et des démonstrations de sa théorie. Il leur en fit un cours par- ticulier. MM. de Lagrange, Lavoisier, de Laplace, Fourcroy, Berthollet et de Morveau vinrent au cardinal Lemoine suivre les lecons du modeste régent de seconde, tout confus de se voir devenu le maitre d'hommes dont il auroït à peine osé se dire le disciple. C’est qu’en effet dans une doctrine aussi nou- velle, et cependant déjà presque complète, les hommes les plus habiles étoient des écoliers. Peut-être n’en avoit-il point encore été présenté de cette étendue, qui füt dès l’origine à l’état de clarté et de développement où M. Haüy présentoit la sienne. Il avoit inventé jusqu'aux méthodes de calcul qui lui étoient nécessaires (1), et avoit représenté d'avance par des formules qui lui étoient propres, toutes les combinaisons pos- sibles de la cristallographie. On ne peut mieux apprendre qu’en cette occasion ce qui distingue ces travaux solides du génie, sur lesquels se fon- dent des édifices éternels, de ces idées plus ou moins heureuses qui s'offrent pour un moment à certains esprits, mais qui, faute d’être cultivées, ne produisent point de fruits durables. Six ouseptansavant Haüy, Gahn, jeunechimiste suédois (2), (1) Voyez ses mémoires sur une Méthode analytique pour résoudre les pro- blémes relatifs à la structure des cristaux , dans le vol. de l’Acad. pour 1788, pag- 13, et sur la manitre de ramener à la théorie du parallélipipède , celle de toutes les autres formes primitives des cristaux , dans le volume de 1789 , pag. 519. (2) Voyez dans le premier volume des Nova Acta de l'Académie d’Upsal, im- primé en 1773, pag. 150, le Mémoire de Bergman, intitulé : Crystallorum formæ & spatho ortæ. Il est réimprimé dans les œuvres de Bergman, édition de Leipsig, et Lametherie en a inséré une traduction dans le Journal de Physique. 14 ÉÊLOGE HISTORIQUE qui fut depuis professeur d’Abo, avoit aussi remarqué, en bri- sant-un cristal de spath pyramidal, que son noyau étoit un rhomboïde semblable au spath d'Islande; il avoit fait part de cette observation à son maitre, le célèbre Bergman, homme supérieur, et que l’on devoit croire capable d'en suivre toutes les conséquences; mais au lieu de la répéter sur des cristaux différens, et de reconnoitre ainsi par l’expérience dans quelles limites ce fait pouvoit se généraliser, Bergman se jeta dans des hypothèses, et dès le premier pas il s’égara. De ce rhom- boide du spath, il prétendit déduire non-seulement les autres cristaux de spath, mais ceux du grenat, ceux de l’hyacinthe quin’ontavec lui aucun rapport de structure. Aïnsi, un savant du premier ordre, consommé dans la physique et la géomé- trie, s'arrêta sur le chemin d’une belle découverte, et elle se trouva réservée à un homme qui commençoit à peine à s’oc- cuper de ces sciences, mais qui sut poursuivre cette vérité, comme la nature veut qu'elles soient toutes poursuivies; en marchant pas à pas, en observant sans relâche, et en ne se laissant ni emporter ni détourner par son imagination. Mais par la raison que les autres minéralogistes n’avoient pas su trouver la bonne voie, ils ne surent pas non plus saisir combien celle de Bergman en différoit, et ils accusèrent M. Haüy de lui avoir emprunté ses idées, lui qui à peine con- noissoit le nom de Bergman, et n’avoit jamais aperçu son mémoire. Ils ajoutoient, comme on le fait toujours en pareille occasion, que non-seulement la découverte n’étoit pas de M. Haüy, mais qu’elle étoit fausse. Romé Delisle, minéralogiste, qui d’ailleurs n’étoit pas sans mérite, mais qui s’occupoit depuis long-temps des cristaux DE M. Hauvr. 15 sans avoir seulement soupçonné le principe de leur structure, eut la foiblesse de le vouloir combattre quand un autre l’eut découvert (1). Il trouva plaisant d’appeler M. Haüy un cres- talloclaste, parce qu'il brisoit les cristaux, comme dans le Bas- Empire on appeloit zconoclastes ceux qui brisoient les images. Mais heureusement, nous ne connoissons d’héréti- ques dans les sciences que ceux qui ne veulent pas suivre les progrès de leur siècle, et ce sont aujourd’hui Romé Delisle et ceux qui lui ont succédé dans ses petites jalousies, qu’at- teint avec justice cette qualification. Quant à M. Haüy, la seule réponse qu'il fit à ses détrac- teurs consista en de nouvelles recherches et d’une application encore plus féconde. Jusques-là il n’avoit donné que la solu- tion d’un problème curieux de physique. Bientôt ses obser- vations fournirent des caractères de première importance à la minéralogie. Dans les nombreux essais qu’il avoit faits sur les spaths , il avoit remarqué que la pierre dite spath perlé, que l’on regardoit alors comme une variété du spath pesant ou de la barite sulfatée, a le même noyau que le spath calcaire, et une analyse que l’on en fit prouva qu’en effet elle ne contient, comme le spath calcaire, que de la chaux carbonatée. Si les minéraux bien déterminés, quant à leur espèce et à leur composition, se dit-il aussitôt, ont chacun son noyau et sa molécule constituante fixes, il doit en être de même de tous les minéraux distingués par la nature, et dont la com- position n’est point encore connue. Ce noyau, cette molécule (1) Voyez la note de la page 27 de la préface de la Cristallographie , par Romé Delisle, édition de 1783 , et les pag. 28 et 29 de cette même préface. 16 ÉLOGE HISTORIQUE peuvent donc suppléer à la composition pour la distinction des substances, et dès la première application qu’il fit de cette idée, il porta la lumière dans une partie de la science que tous les travaux de ses prédécesseurs n’avoient pu éclaircir. À cette époque, les minéralogistes les plus habiles, Linnæus, Wallérius, Romé Delisle (1), de Saussure lui-même, confon- doient sous le nom de scorl une multitude de pierres qui n'avoient de commun entre elles que quelque fusibilité jointe à une forme plus ou moins prismatique, et sous celui de zéo- lithe, une multitude d’autres dont le seul caractère distinc- uf étoit de se changer , dans les acides, en une sorte de gelée, Les schorls surtout formoient la réunion la plus hétérogène ; on y jetoit en quelque sorte tous les minéraux dont on ne se faisoit pas d'idées nettes, et feu M. de Lagrange, cet homme dont l'étendue des connoiïssances et la finesse d’esprit éga- loient le génie, disoit en plaisantant que le schorl étoit le nectaire des minéralogistes, parce que les botanistes avoient aussi l’usage d'appeler zectaire les parties de la fleur dont ils ignoroient la nature. M. Haüy divisant mécaniquement la pierre appelée sckorl blanc, est tout étonné d’y trouver le noyau et la molécule du feld-spath (2). Feu Darcet l’essayant sur cette indication, lui reconnoit en effet tous les caractères physiques et chimi- ques des feld-spaths. Rempli d’un nouvel espoir, M. Haüy examine les autres Gi) Cristallographie, tome IT, pag. 344 et suivantes. (2) Note sur le schorl blanc, lue à l’Académie le 28 juillet 1584, imprimée dans le Journal de Physique de 1786, tome I, p. 63, et en 1787, dans les Mémoires de l'Académie pour 1784, p. 270. DE M. Haur. 17 schorls; il découvre que cette pierre noire dont sont lardées tant de laves et que l’on nommoit schorl des volcans, a son noyau en prisme oblique à base rhombe; que le prétendu schorlriolet du Dauphiné l'a en prisme droit; il sépare encore l'un et l’autre du genre des schorls (x). Plus tard il arrive à distinguer le schorl électrique ou tourmaline du schorl noir des montagnes primitives. Le noyau du premier est un prisme hexaèdre régulier; celui du second est seulement tétraèdre (2). Il continue ses recherches; chacun de ces prétendus schorls lui offre des caractères fixes, se groupe avec les variétés qui luiappartiennent véritablement, s’isolede celles qu'on lui avoit associées mal-à-propos. Des opérations semblables montrent les différences des pierres confondues sous le nom de zéo- dithes (3), et toujours la chimie et la physique réveillées par ces résultats de la cristallographie, découvrent à leur tour dans ces minéraux des caractères ou des élémens qu’elles n’y avoient pas aperçus. Dès ce moment M. Haüy ne fut plus un simple physicien : il se prépara à devenir le législateur de la minéralogie, et en effet l’on peut dire que c’est de ses recherches sur les schorls que date la nouvelle ère de cette science, et que chaque an- née, depuis cette époque, l’étude de la structure cristal- Gi) Note sur Ja structure des cristaux de schorl, lue à l’Académie le 30 mars 1787, imprimée dans le Journal de Physique de 1787, p. 322. (2) Journal d'Histoire naturelle , tome Il, page 67, imprimé en 1792. Depuis lors M. Hauy a préféré le rhomboïde pour la tourmaline; mais ces deux formes ne soint point incompatibles. (3) Journal des Mines, N°. XIV , page 86. Mém. du Muséum. t. 10. 3 18 ELOGE HISTORIQUE line des minéraux a enfanté quelque découverte inattendue. Parmi les schorls, M. Haüy est parvenu à la fin à distinguer jusqu’à quatorze espèces. Il en a indiqué six parmi les zéolithes, quatre parmi les grenats, cinq parmi les hyacinthes. Non-seu- lement il a annoncé ainsi aux chimistes qu’en recommençant leurs analyses, ils trouveroient dans ces pierres des différen- ces de composition qu'ils avoient méconnues; il leur a en- core très-souvent prédit que des différences qu’ils croyoient voir ne devoient pas exister. C’est ainsi que d’après les indi- cations de la cristallographie, M. Vauquelin a fini par trouver la glucine dans l’éneraude, comme il l’avoit auparavant dé- couverte dans le berl. Quelquefois ces indications résultoient des recherches de M. Haüy, sans que lui-même les eût aperçues d’abord, faute d’avoir songé à comparer ses résultats; ainsi lorsque MM. Kla- proth et Vauquelin eurent découvert que l'apatite et la chry- solite des joailliers n’étoient que du phosphate de chaux, il retrouva dans ses papiers que depuis long-temps il avoit dé- terminé pour l’une et pour l’autre la même structure. C’étoit à ses yeux le triomphe de la cristallographie que cet accord entre des opérations faites séparément, et que l’on ne pou- voit soupconner d’avoir été concertées. Il étoit du devoir d’un homme qui servoit ainsi les sciences de se vouer entièrement à elles. Sur les conseils de Lhomond lui-même, M. Haüy, lorsqu'il eut dans l’Université les vingt années de services qui suflisoient alors pour obtenir la pen- sion d'émérite, se hâta de la demander (1). Il y joignit les (1) En 1784. Il continua cependant de loger au Cardinal Lemoine, comme pro- fesseur émérite. DE M. Haury. 19 produits d'un petit bénéfice. Tout cela ensemble ne faisoit encore que le nécessaire bien juste; mais comme il ne cher- choïit de jouissances que dansses travaux, il luiauroit suffi que ce nécessaire fut assuré, Par malheur il apprit au bout de bien peu de temps que les effets des passions humaines ne se lais- sent pas calculer si aisément que ceux des forces de la nature. On se souvient avec quelle imprudence l'assemblée cons- tituante se laissa induire par des esprits étroits à joindre en- core des disputes théologiques à toutes les autres disputes qui agitoient la France, et à doubler ainsi l’âcreté des querelles politiques en leur donnant le caractère de persécutions reli- gieuses. Lanouvelle forme de gouvernement que l’on imposoit à l'Eglise avoit divisé le clergé, et les hommes qui vouloient porter la révolution à l’extrème, se faisoient un plaisir d’en- venimer cette division. Les ecclésiastiques quine s’étoient pas soumis aux innovations furent d’abord attaqués dans leur for- tune; on les priva de leurs places et de leurs pensions; et M. Haüy, que sa piété scrupuleuse avoit toujours retenu dans cette classe, se vit en un instant aussi pauvre que le jour où il avoit ambitionné de devenir enfant de chœur. Il se seroit contenté encore de pouvoir vivre de son tra- vail; mais les persécuteurs ne se contentèrent pas d’une pre- mière vexation. Lorsqu'au 10 août 1792, le trône eut été renversé, l’une des premières mesures que prirent ou que lais- sèrent prendre les hommes cruellement légers dans les mains de qui tomba le pouvoir, fut d’emprisonner les prêtres qui n’avoient pas prêté le serment prescrit, et la célébrité de M. Haüy dans les sciences ne donna qu'un motif de plus de lui faire subir le sort commun. 3 *# 20 ELOGE HISTORIQUE Fort peu au courant dans sa vie solitaire de ce qui se pas- soit autour de lui, il voit un jour avec surprise des hommes grossiers entrer violemment dans son modeste réduit. On commence par lui demander s’il n’a point d'armes à feu. Je n’en ai d'autre que celle-ci, dit-il, en tirant une étincelle de sa machine électrique, et ce trait désarme un instant ces hor- ribles personnages, mais il ne les désarme que pour un ins- tant ; on se saisit de ses papiers où il n’y avoit que des for- mules d’algèbre; on culbute cette collection qui étoit sa seule propriété; enfin on le confine avec tous les prêtres et les ré- gens de cette partie de Paris dans le séminaire de Saint-Firmin, qui étoit contigu au Cardinal Lemoine, et dont on venoit de faire une prison. Cellule pour cellule, il n’y trouvoit pas trop de différence : tranquillisé surtout en se voyant au milieu de beaucoup de ses amis, il ne prend d’autres soins que de se faire apporter ses tiroirs, et de tâcher de remettre ses cristaux en ordre. Heureusement il lui restoit au dehors des amis, mieux in- formés de ce que l’on préparoit. L'un de ses élèves, devenu depuis son collègue, M. Geof- froy de Saint-Hilaire, membre de cette Académie, logeoit au Cardinal Lemoine. A peine instruit de ce qui vient d'arriver à son maitre, il court implorer pour lui tous ceux qu’il croit pouvoir le servir. Des membres de l’Académie, des fonction- naires du Jardin du Roi, n’hésitent point à aller se jeter aux pieds des hommes féroces qui conduisoient cette affreuse tra- gédie. On obtient un ordre de délivrance, et M. Geoffroy court le porter à Saint-Firmin; mais il arriva un peu tard, et M. Haüy étoit si tranquille, il se trouvoit si bien, que rien DE M. Haurx. I ne put le déterminer à sortir ce jour-là; le lendemain matin il fallut presque l’entrainer de force. On frémit encore en songeant que le surlendemain fut le 2 septembre! Ce qui est bien singulier, c'est que depuis lors on ne lin- quiéta plus. Pour rien au monde il ne se seroit prêté à la moindre des extravagances de cette époque, mais personne aussi ne lui proposa de s’y prêter. La simplicité de ses ma- nières, sa douceur lui tinrent lieu de tout. Un jour seulement on le fit comparoitre à la revue de son bataillon, mais on le réforma aussitôt sur sa mauvaise mine. Ce fut là à peu prèstout ce qu'il sut ou du moins tout ce qu'il vit de larévolution. La Convention, au temps où elle agissoit avecle plus de violence, le nomma membre de la commission des poids et mesures(r), et conservateur du cabinet des mines (2); et lorsque Lavoisier fut arrêté, lorsque Borda, Delambre furent destitués, ce fut M. Haüy, ce fut un prêtre non assermenté, remplissant tous les jours ses fonctions ecclésiastiques, quise trouva seul en position d'écrire pour eux et qui le fit sans hésiter, ni sans qu'il lui en arrivat rien. À une pareille époque, son impunité étoit plus étonnante encore que son courage. C'est au cabinet du conseil des mines , et sur l'invitation etavecle secours de cette administration éclairée que M. Haüy a préparé son traité de minéralogie, le principal de ses ou- vrages, et qu'il en a publié le programme (3), et la première édition (4). (1) 22 septembre 1703. (2) 2 août 17094. (3) Extrait d'un Traité élémentaire de Minéralogie, publié d’abord par parties dans le Journal des Mines, puis en un vol. séparé, in-8°. Paris an V (1797). (4 Traité de Minéralogie , 4 v. in-8°. et un de planches in-{°. transv. Paris (1805). 22 ELOGE HISTORIQUE Disposant d’une grande collection où affluoient de tous côtés les différens minéraux , employant les secours de jeunes élèves pleins de connoïissances et d’ardeur que l’école poly- technique lui avoit préparés, et dont plusieurs sont eux- mêmes aujourd'hui de savans minéralogistes, il répara promp- tement le temps qu'il avoit consumé à d’autres travaux et éleva en peu d'années ce monument admirable dont on peut dire qu'il a fait pour la France ce que des circonstances tar- dives avoient fait pour M. Haüy, et qu'après des siècles de négligence, il l'a subitement replacée au premier rang dans cette partie de l'Histoire naturelle. Ce livre a en effet au plus haut degré deux avantages qui se concilient bien rarement : le premier , qu’il est fondé sur une découverte originale et entièrement due au génie de l’auteur ; le second, que cette découverte y est suivie et appliquée avec une persévérance inouie aux moindres variétés minérales. Tout y est grand dans le plan ; tout y est précis et rigoureux dans les détails; il est fini comme la doctrine même dont il contient l'exposition. La minéralogie, cette partie de l’histoire naturelle qui a pour objet les êtres les moins nombreux et les moins com- pliqués, est cependant celle qui se prête le moins aisément à une classification rationnelle. Les premiers observateurs distribuèrent et nommerent vaguement les minéraux d’après leurs apparences extérieures et leurs usages. Ce n’est que vers le milieu du dix-huitième siècle que l’on essaya de les soumettre à ces méthodes qui avoient rendu tant de services à la zoologie et à la botanique; on crut pouvoir établir parmi eux des genres et des espèces comme parmi les êtres organisés, et l’on oublia que l’on man- DE M. Haur. 23 que en minéralogie du principe qui a donné naissance à l’idée d’espèces, c’est-à-dire de la génération ; qu’à peine peut-on y admettre le principe de l’individualité, telle qu’on la con- coit dans les règnes organiques, c’est-à-dire , cette unité d’ac- tion d'organes divers concourant à l’entretien d’une même vie. Ce n’est point par la matière que se manifeste l'identité de l’espèce dans les plantés et dans les animaux, c’est par la forme, comme le nom même d’espèce l'indique déjà :il n’est peut-être pas deux hommes, deux chênes, deux rosiers qui aient les substances composantes de leur corps en même pro- portion, et même ces substances changent sans cesse; elles circulent dans cet espace abstrait et figuré que l’on nomme la forme de l’être plutôt qu’elles n’y séjournent; dans quel- ques années, ilne restera peut-être plus un atôme de ce qui compose notre corps aujourd'hui ; la seule forme est persis- tante ; la seule forme se perpétue en se multipliant ; transmise par l'opération mystérieuse de la génération à des séries d’indi- vidussans fin, elle attirera successivement en elle des molécules sans nombre de matières diverses, mais toutes passagères. Au contraire , dans les minéraux où il ne se fait point de mouvement apparent, où les molécules une fois placées res- tent à leur place jusqu'à ce qu’une cause violente les arrache les unes aux autres, où la matière, en un mot, est persis- tante, il sembleroit au premier coup-d’œil que ce seroit elle, ou en d’autres termes, que ce seroit la composition chimique qui devroit faire l’essence de l’être ; mais en y réfléchissant davantäge, on vient à comprendre que si les matières elles- mêmes sont diverses, ce ne peut guère être que par la forme de leurs molécules; on concoit de plus que de ces formes parti- 24 ELOGE HISTORIQUE culières des molécules et des divers groupemens qu’elles con- tractent, doivent nécessairement résulter des formes totales déterminées; on trouve même que s’il y a quelque chose en mi- néralogie qui puisse représenter l'individu, ce sont ces formes totales, quand elles offrent un ensemble régulier, un cristal en un mot, puisque au moins au moment où ce cristal s’est réuni, toutes les molécules qui le constituent ont dû concourir à un mouvement commun, et se grouper d’après une loi qui leur commandoit à toutes. Or, rien ne prouve que dans ce mouvemnet commun, il n’ait pu être entrainé des molécules d’une autre nature qui se trouvoient par hasard dans lamême sphère d'action; ni que des élémens, des atomes identiques dans leur nature, au moment où ils ont contracté leur pre- mière union, n’aient pu se grouper en molécules cristallines diverses; et ce que l'esprit conçoit comme possible , l’expé- rience l'a fait connoître comme réel : il est donc manifeste que dans ces deux cas l’analyse chimique ne donneroït que des idées incomplètes du minéral, et ne seroït point en rap- port avec ses propriétés les plus apparentes. Telles sont sans doute les vues dont M. Haüy ne se rendoit peut-être pas un compte bien exact à lui-même, mais qui guidoient en quelque sorte son génie, ou si l’on veut son instinct scientifique, et qui l’engagèrent à mettre en première ligne la cristallisation dans toutes ses déterminations d'espèces minéralogiques. On peut dire que toutes les découvertes et les observa- tions faites dans ces dernières années , même celles que l’on a considérées comme des objections contre cette règle fonda- mentale, en sont plutôt des confirmations. DE M. Haur. 25 Ce que nous venons de dire, par exemple, de la force cristallisante et du pouvoir qu’elle a d’entrainer des molé- cules étrangères avec les molécules essentielles, est si vrai qu'elle entraine les premières quelquefois en beaucoup plus grande quantité, en sorte qu'une même espèce minéralogi- que , telle que le fer spathique , qui fondamentalement n’est qu'un spath calcaire, une chaux carbonatée, peut contenir du fer au quart, au tiers de son poids, et devenir ainsi pour le métallurgiste , au lieu d’une simple pierre, une véritable mine; que le spath muriatique , qui n’est aussi qu'un spath calcaire, peut envelopper des grains de grès au point de ne contenir presque autre chose; le tout, sans que les angles de ses cristaux changent d’une seconde. Il en est absolument dans nos laboratoires comme dans celui de la nature. M. Beudant, en faisant cristalliser un mé- lange de deux sels, a vu l’un des deux contraindre l’autre à se mêler à ses cristaux, en proportion beaucoup plus grande qu'il ne s’y trouvoit lui-même. Lequel des deux doit carac- tériser le minéral! Est-ce le plus abondant? Non sans doute; car, excepté cette abondance, tous les caractères du produit sont donnés par l’autre. Il n’est pas moins certain que la même substance prend quelquefois au moment où elle se forme en cristaux, où elle s'individualise, s’il est permis d'employer cette expression , une forme très-différente de celle qui lui est ordinaire. Tous les efforts des chimistes n’ont pu trouver d’essentiel dans l’ar- ragonite que la même chaux carbonatée dont se compose aussi le spath calcaire ; car la petite portion de strontiane qu'on a découverte dans la première ne peut y être considé- Mém. du Muséum, 1. 10. 4 26 ELOGE HISTORIQUE rée que comme accidentelle, et cependant l’arragonite cris- tallise en octaëdre et le spath en rhomboïde. Et ici l’art de l'homme parvient également à imiter la nature, et même à faire, quand il lui plait, ce que la nature fait rarement. Des expériences récentes de M. Mitscherlich paroissent prouver que l’on peut faire prendre à volonté, à certains sels, des formes cristallines élémentaires différentes, suivant les cir- constances dans lesquelles on les fait cristalliser. Mais dans le petit nombre de cas où la nature a produit elle-même de telles différences, doit-on ne faire qu'une ÉApete de ces cris- tallisations diverses ? Alors il faudroit aussi n’en faire qu’une de presque tous les animaux à sang chaud; car ils sont aussi identiques dans la nature chimique de leurs élémens, que les deux pierres que nous venons de nommer. Un aigle et un chien ont la même fibrine dans leurs muscles, la même géla- tine dans leurs membranes, le même phosphate de chaux dans leurs parties osseuses. Comme le spath calcaire et l’arra- gonite , ils ne diffèrent que par la forme que ces matières ont prise au moment où elles ont constitué des individus. Je prie de remarquer que je n'entends nullement que l’a- nalyse chimique des minéraux doive être négligée, et ce n’étoit pas non plus à beaucoup près l'opinion de M. Haüy. Cette analyse est tout aussi nécessaire à leur connoissance que la détermination de leur forme : elle est beaucoup plus utile par rapport à leurs usages. Ce que M. Haüy soutenoit, c’est qu'elle est généralement impuissante pour déterminer leurs espèces, parce qu’elle n’a pas de moyens sûrs de dis- tinguer les substances accidentelles des essentielles; parce qu'elle n’est pas en état, pour certaines classes de pierres, nez M. Hauvy. 27 d'affirmer qu’elle connoît leurs élémens , et que chaque jour elle en découvre qui lui étoient demeurés cachés (1). Feu M. Werner, que l'Europe a regardé long -temps comme un rival et même comme un adversaire de M. Haüy, n’en difléroit au fond que parce qu'il ne remontoit pas aussi haut dans la recherche des principes. Cette dureté, cette cassure , ce tissu auxquels il s’attachoit de préférence , ne sont en réalité que des conséquences de la forme des molécu- les et de leur arrangement , et l'emploi heureux que ce mi- néralogiste en a fait pour reconnoître et déterminer tant d'espèces de minéraux pouvoit déjà faire présumer tout ce que donneroit la source , puisque de simples dérivations étoient si fécondes. Mais cette source, c’est M. Haüy seul qui non-seulement l’a découverte, mais qui en a mesuré la force et l'abondance. Aussi est-ce à lui seul qu'il a été pos- sible de porter ou de ramener à leur juste valeur beaucoup de résultats qui, dans les mains de M. Werner, n’étoient demeurés en quelque sorte que des demi-vérités. Il n'est presque plus aujourd’hui de minéral cristallisable connu dont M. Haüy n’ait déterminé le noyau et les molé- cules avec la mesure de leurs angles et la proportion de leurs côtés, et dont il n’ait rapporté à ces premiers élémens toutes les formes secondaires , en déterminant pour chacune les di- vers décroissemens qui la produisent, et en fixant par le calcul leurs angles et leurs faces. C’est ainsi qu'il a fait enfin de la minéralogie une science tout aussi précise et tout aussi méthodique que l’astronomie. (1) Tableau comparatif des résultats de la cristallographie et de l’analyse chi mique relativement à la classification des minéraux. 1. vol. 8. Paris, 1800. JA 28 ELOGE HISTORIQUE On peut dire en un mot, que M. Haüy est à Werner et à Romé Delisle , ce que Newton a été à Képler et à Copernic. Mais ce qui lui est tout particulier, c’est que son ouvrage west pas moins remarquable par sa rédaction et la méthode qui y règne, que par les idées originales sur lesquelles il re- pose. La pureté du style, l'élégance des démonstrations, le soin avec lequel tous les faits y sont recueillis et discutés, en auroient fait encore un ouvrage classique, quand il n’auroit . contenu que la minéralogie la plus ordinaire. M. Haüy s’y montre habile écrivain et bon géomètre autant que savant minéralogiste ; on voit qu'il y a retrouvé toutes ses premiè- res études; on y reconnoit jusqu à l'influence de ses pre- miers amusemens de physique; s’il faut apprécier l’électri- cité des corps, leur magnétisme, leur action sur la lumière, il imagine des moyens ingénieux et simples, de petits ins- trumens portatifs : le physicien y vient sans cesse au secours du minéralogiste et du cristallographe. Il est dans les sciences des rangs qui sont marqués aussitôt que les titres en sont produits, et tel est celui où M. Haüy s’est placé sans contradiction, le jour où il à fait paroître son ouvrage. Cependant à la mort de Daubenton, ce fut Dolomieu , et non pas M. Haüy, qui fut nommé professeur de minéralogie au Muséum d'histoire naturelle; mais Dolomieu , arrêté contre toutes les règles du droit des gens, gémissoit dansles cachots de la Sicile; on n’avoit de lui pour tout signe de vie que quelques lignes, qu’enchainé dans un souterrain étroit il étoit parvenu à écrire avec un éclat de bois et la fumée de sa lampe, et que l’ingénieuse humanité d’un Anglais avoit su, DE M. Haur. 29 à force d’or, se faire remettre par le geôlier. Ces lignes par- lèrent en sa faveur autant que tous ses ouvrages, et l’un de ceux qui sollicitèrent le plus vivement pour lui, ce fut le rival qu'il devoit craindre le plus, ce fut M. Haüy. On auroit pu croire que de pareils témoignages, et rendus par de tels hommes, auroient adouci les bourreaux de Dolo- mieu ; mais combien de gens en pouvoir, lorsqu'une passion momentanée les excite, ne s’informent pas plus des sentimens de leurs contemporains qu’ils ne prévoient l’indignation dela postérité ? Dolomieu ne sortit de son souterrain que par un article du traité de paix; et une mort prématurée, fruit des traitemens qu'il avoit subis, ne rendit que trop tôt à M. Haüy la place à laquelle celui-ci avoit si généreusement renoncé. Il y fut nommé le 9 décembre 1802. Dès lors cette partie de l'établissement a pris une vie nou- velle; les collections ont été quadruplées; il y a régné un ordre sans cesse conforme aux découvertes les plus récentes, et l'Europe minéralogique est accourue non moins pour ob- server tant d'objets si bien exposés, que pour entendre un professeur si élégant, si clair, et surtout si complaisant. Sa bienveillance naturelle se montroit à toute heure envers ceux qui avoient le désir d'apprendre. Il les admettoit dans son in- térieur, leur ouvroit ses propres collections, et ne leur re- fusoit aucune explication. Les étudians les plus humbles étoient recus comme les personnages les plus savans, et comme Îles plus augustes; car il a eu des élèves de tous les rangs. L'université, lors de sa fondation, crut s’honorer en pla- çant le nom de M. Haüy sur la liste d’une deses facultés; elle n’en attendoit point de lecons, et lui avoit donné au même 30 ELOGE HISTORIQUE instant un adjoint très-digne de lui, M. Brongniart , aujour- d'hui membre de cette académie , et qui lui a succédé au Muséum d'histoire naturelle. Mais M. Haüy ne vouloit pas porter un titre sans en remplir les devoirs. Il faisoit venir chez lui les élèves de l’école normale, et dans des conversa- tions aimables et variées, les initioit à tous ses secrets. Il re- prenoit alors sa vie de collége, jouoit presque avec les jeunes gens,et surtout ne lesrenvoyoit jamaissansune ample collation. Ainsi se passoient ses journées : ses devoirs religieux, des recherches profondes suivies sans relâche, et des actes con- tinuels de bienveillance, surtout envers la jeunesse , les oc- cupoient tout entières. Aussi tolérant que pieux, jamais l'opinion des autres n'influa sur sa conduite envers eux ; aussi pieux que fidèle à ses études , les plus sublimes spéculations ne l’auroient détourné d’aucune pratique prescrite parle rituel; du reste, ne mettant aux choses de ce monde que le prix qu’elles pouvoient avoir aux yeux d’un homme pénétré de tels sentimens. Par la nature de ses recherches, les plus belles pierreries de l’Europe ont passé sous ses yeux, et même il en a donné un traité particulier (1); il n’y a jamais vu que des cristaux; un degré de plus ou de moins dans quelque angle d’un schorl où d’un spath, l'auroit à coup sûr intéressé plus que tous les trésors des deux Indes : et même si l’on a pu lui reprocher d’avoir mis à quelque chose un attachement trop vif, c’est à ses idées sur cette matière. Il s’y concentroit entièrement; ce n’étoit qu'avec impatience qu'il s’en voyoit détourné par des objections; son repos en po (Gi) Traité des caractères physiques des pierres précieuses. 1 vol. in-6°. Paris, 817. DE M. Haur. 31 étoit troublé ; c’étoit le seul motif qui püt le faire renoncer à sa douceur, à sa bienveillance ordinaire , et, nous devons l'avouer, cette disposition a produit quelquefois cet effet; elle l’a peut-être empêché d’avoir assez d’égards aux obser- vations faites avec le nouveau goniomètre de M. Wollaston sur les angles du spath calcaire, du spath magnésifère, et du fer spathique. Mais qui n’excuseroit un homme valétudinaire, long-temps étranger au monde, attaqué lors de son début de la manière la plus injuste et la plus offensante; qui ne l’excuseroit, dis-je, de n’avoir pas assez distingué de ses pre- miers et ignorans antagonistes, ceux qui dans la suite, éclairés par ses propres découvertes, apprécièrent autrement que lui quelques faits de détails, ou même quelques principes qu'il avoit trop généralisés ? Ce qui est certain , c'est que dans les momens où il paÿoit ce tribut à la foiblesse humaine, il n’étoit animé que de ce qu'il croyoit l’intérèt de la science , et que, s’il se fàchoit, c’étoit uniquement de ce qu'il jugeoit devoir faire obstacle au triomphe de la vérité. À l’époque où l’on chercha à rendre quelque activité à l'instruction publique, le gouvernement demanda à M. Haüy un traité de physique pour les colléges. M. Haüy avoit plus d’un titre à cette commission, et dans la manière ingénieuse dont il avoit appliqué la physique à la minéralogie, et dans plusieurs mémoires intéressans sur l'électricité et la double réfraction des minéraux, et dans l’élégante exposition quil avoit donnée de la théorie d’Æpinus sur l’électricité et sur le magnétisme, et dans le succès qu'avoit obtenu le cours de physique qu'il fit à cette école normale créée en 1795 par la 32 ELOGE HISTORIQUE convention et qui ne dura que quelques mois. Mais ces titres ne suflisoient point à ses yeux; il doutoit surtout qu’il lui füt permis d'abandonner, même pour peu de temps, les recher- ches si heureuses auxquelles il lui sembloit que la Providence l'avoit conduit, etilne voulut point s'engager avant d’avoir consulté M. l'abbé Emery, l’ancien supérieur de St.-Sulpice. « N'hésitez pas, lui dit M. Emery : vous feriez une grande » faute, si vous manquiez cette occasion, en traitant de la » nature, de parler de son auteur... et n'oubliez point, ajouta- » til, de prendre sur le frontispice votre titre de chanoine » de la métropole. » M. Emery, dont l'habileté n’a pas été moins célèbre que ses sentimens ont été purs, savoit qu'il n’est aucune profession qui ne doive s’honorer des talens de ceux qui l’exercent, et il se souvenoit que l’époque où le christianisme a fait le plus de conquètes, et où ses ministres ont obtenu le plus de respect, est celle où ils portoient chez les peuples convertis les lumières des lettres, en même temps que les vérités de la religion, et où ils formoient à la fois dans les nations l’ordre le plus éminent et le plus éclairé. Si ce traité de physique n’ajouta pas beaucoup à la réputa- tion scientifique de M. Haüy, il ne nuisit point à sa gloire littéraire. On y trouve la même clarté , la mème pureté que dans sa minéralogie, et encore plus d'intérêt. C’est un des livres les plus propres à inspirer à la jeunesse le goût des sciences naturelles, et il se fait lire avec agrément par tous les âges : aussi a-t-il eu trois éditions. L'auteur fut vivement pressé et à plusieurs reprises de faire connoître ce qu’il désiroit qui fût fait pour lui. I se borna à demander qu’on le mit à même de rapprocher de lui sa DE M. Haury. 33 famiile, pour en être soigné dans sa vieillesse et dans ses in- firmités , et son vœu fut rempli sur-le-champ au moyen d’une petite place de finance accordée au mari de sa nièce. Qui croiroit qu’une récompense si bien méritée disparut à la première réforme , et que les amis de M. Haüy ne pu- rent obtenir d’autre réponse à leurs sollicitations, si ce n’est qu'il n’y a point de rapport entre les contributions et la cris- tallographie. Newton avoit aussi été récompensé par un emploi de fi- nance , et bien autrement considérable, de la gloire que son génie avoit répandue sur son pays; mais il le conserva sous trois rois et sous dix ministères. Pourquoi les hommes qui disposent, ordinairement pour un temps si court, du sort des autres, oublient-ils quelquefois que de pareils actes de leur part resteront dans l’histoire beaucoup plus sûrement qu'au- cun des détails éphémères de leur administration ? Ce ne fut pas la seule épreuve que M. Haüy eut à subir. Peu de temps après, les lois de finance lui firent perdre une pension qui ne pouvoit plus se cumuler avec un traitement d'activité; et son frère , que l’on avoit attiré en Russie pour y répandre les moyens d’instruire les aveugles, en revint sans qu'aucune des promesses qui lui avoient été faites eût été remplie , et avec une santé tellement délabrée, qu'il tomboit entièrement à la charge de sa famille. C’est ainsi que vers la fin de ses jours, M. Haüy se vit su- bitement ramené bien près de ce strict nécessaire dontilavoit déjà eu l'expérience. Il auroit eu besoin de toute sa reli- gieuse résignation pour supporter ces revers, sans l'attention que mirent ses jeunes parens à lui cacher toute la gène que Mém. du Muséum. 1. 10. 5 34 ELOGE HISTORIQUE ses affaires en éprouvoient. Leurs soins redoubloient en quel- que sorte à mesure qu’il perdoit les moyens de leur en mar- quer sa reconnoissance. L’amour de ses élèves, les respects de l’Europe contribuèrent sans doute aussi à le consoler. Les hommes instruits de tous les rangs qui arrivoient à Paris, s’em- pressoient de lui apporter leurs hommages, et presqu’à la veille desa mort,nous avons vu l'héritier d’un grand royaume revenir à plusieurs reprises converser près de son lit, et lui marquer son intérêt dans les termes les plus expressifs et les plus touchans. Mais le soutien le plus réel qu’il trouva fut qu'au milieu de sa gloire et de sa fortune, il n’avoit quitté ni les habitudes de son collége, ni celles de son village. Jamais il n’avoit changé les heures de ses repas, de son lever et de son coucher; chaque jour, il faisoit à peu près le même exer- cice , se promenoit dans les mêmes lieux, et il savoit encore en se promenant exercer sa bienveillance; il conduisoit les étrangers qu'il voyoit embarrassés, il leur donnoit des billets d’entrée dans les collections ; et beaucoup de gens lui ont dû de ces petits agrémens, qui ne se sont point doutés de quelle main ils les tenoient. Son vêtement antique, son air simple, son langage toujours d’une modestie excessive, n’étoient pas de nature à le faire reconnoître. Lorqu'il alloit passer quel- que temps dans le bourg où il avoit pris naissance, aucun de ses anciens voisins n’auroit pu soupconner à ses manières qu'il fût devenu à Paris un personnage considérable. Un jour, dans une promenade sur le boulevard , il rencontra deux an- ciens soldats qui alloient se battre. Il s'informe du sujet de leur querelle, il les raccommode, et pour bien s'assurer qu’elle ne renaîtra point, il va avec eux sceller la paix à la manière des soldats, au cabaret. 4 DE M. Haur. 35 Cette grande simplicité de mœurs auroit problablement prolongé sa vie, malgré l'extrême délicatesse de sa santé , si un accident n'en eût accéléré la fin. Une chüte faite dans sa chambre lui cassa le col du fémur, et un abcès qui se forma dans l'articulation rendit le mal incurable. Pendant les lon- gues douleurs dont sa mort fut précédée, il ne cessa de mon- trer cette bienveillance, cette pieuse soumission aux arrêts de la Providence, cette ardeur pour la science, qui ont ca- ractérisé sa vie. Son temps fut partagé entre la prière, le soin de la nouvelle édition de son livre, et l'intérêt pour le sort à venir des élèves qui l’avoient secondé dans ce travail. M. Haüy est décédé le 3 juin de l’année dernière ( 1822 }, à soixante-dix-neuf ans, ne laissant à sa famille qu’un héritage, mais magnifique, cette précieuse collection de cristaux de toutes les variétés, que les dons de presque toute l'Europe pendant vingt ans ont portée à un degré qui n’a point d’égal. Il a eu pour successeur au Muséum d'histoire naturelle, M. Brongniart ; à la Faculté des sciences, M. Beudant , et dans cette académie M. Cordier. Ce sont trois de ses élèves : en effet, et ce sera le dernier trait de son éloge, il seroit difi- cile de trouver aujourd'hui en Europe un minéralogiste digne de ce nom, qui ne le soit sinon immédiatement , au moins par une étude assidue de ses ouvrages et de ses décou- vertes. 36 md HISTOIRE Des Développemens de quelquesGemmes bulbifères, el principalement de celles du Colchique. PAR M. DE TRISTAN. ARTICLE PREMIER. — Colchique. J- dois commencer le récit de mes observations à l’époque où les développemens de la gemme du colchique deviennent sensibles; et je crois pouvoir fixer ce moment vers la fin de juillet. Long-temps avant, la gemme est déjà visible; mais l'individu qui l’a produite a cessé à peine de recevoir des accroissemens, et au contraire cette gemme elle-même n’en a éprouvé que de bien foibles. Au reste dans cette plante le repos hyémale n’est pas marqué comme dans la plupart des végétaux de nos climats; à quelque âge de sa vie que l'on veuille commencer son histoire il faut rompre une série de phénomènes; mais en terminant on retrouve ceux que l’on avoit laissés derrière soi. J'ai fait un grand nombre d’observations, je rapporterai seulement les plus marquantes et j'indiquerai leur date pré- cise : on sent que la constitution plus ou moins hâtive de l'année et plusieurs autres considérations doivent influer sur la rapidité des développemens. J’observois à trente lieues Cozcureue. 37 au sud de Paris, dans un climat où la moisson me paroïît de sept ou huit jours plus hâtive qu’autour de la capitale; en un mot dans la partie méridionale du département du Loiret. 24 Juillet 1812. Fig. 1. La bulbe dépouillée de ses tuniques sèches qui sont évidemment la base desséchée des anciennes feuilles. Il y a deux fois autant de tuniques qu'il y avoit de feuilles : parce que pendant la dessiccation les deux épidermes de chaque feuille se séparent, et chacune d’elle forme unetunique. La bulbe est solide , charnue, elle porte par le bas une espèce de prolongement ou d’appendice a dont le bord est tran- chant, et sur lequel la gemme D est située dans une légère concavité; le bord supérieur de la bulbe qui s’est élevé autour de la base de la tige s'élève davantage en P et y forme un petit prolongement placé au-dessus de la gemme b. Fig. 2. Coupe de la même bulbe. On voit qu’elle est moins large en ce sens que dans l’autre. La tige épuisée t sort d’une espèce d’enfoncement ou de cratère, parce que, comme nous l'avons dit, la bulbe se boursoufile tout autour et y forme un rebord très-saillant. rest une protubérance spongieuse for- mée par les débris des racines. Fig. 3. Le rebord supérieur de la bulbe. À peu près à un tiers de circonférence du prolongement P, ce rebord est entaillé, et dans l’échancrure on voit une sorte de languette charnue m de même substance que la bulbe, et qui n’en est séparée que par une ligne enfoncée peu profonde : cette languette porte une gemme n plus petite que celle qui est située vers le bas de la bulbe. 58 GEMMES BULBIFÈRES. Fig. 4. Coupe de la principale gemme ( c’est-à-dire de celle qui est marquée b dans les figures 1 et 2). On y dis- tingue trois ou quatre tuniques coniques, les unes sous les autres, et dans l’espèce de base charnue qui les porte on remarque une tache verdätre ou aqueuse r. Observations intermédiaires. La bulbe ne grossit nullement pendant les temps qui sui- vent, au contraire elle paroît s’épuiser en quelques endroits. La gemme principale grossit, et s’allonge par le haut. Il se forme un gonflement dans la petite base charnue qui la sup- porte. La gemme supérieure avorte le plus souvent; quand elle réussit elle finit par fournir une bulbe analogue à celle que nous allons continuer de décrire. Mais j'ai suivi moins exactement toutes les périodes de sa végétation. 20 Août 1812. Fig. 5. La gemme agrandie se trouve placée dans une sorte de gouttière allongée qui s’est formée probablement par l'épuisement des sues, et qui répond de l’appendice infé- rieur à celui du rebord supérieur. L'un et l’autre de ces appendices est aminci. La partie inférieure de la gemme présente un gonflement en forme de scrotum; la première tunique qui couvroit sa partie supérieure, s’est ouverte au. sommet, et le tube qu’elle forme laisse passer le sommet conique de la seconde tunique. Fig. 6. Coupe de la bulbe dans le même état. Dans l’in- térieur du boursoufilement de la base de la gemme on dis- tingue les rudimens d’un faisceau de racines, qui paroissent CoLcHiQue. 39 situées comme dans une petite poche formée d'une mem- brane et fermée de toute part. Observations intermédiaires. La gemme s’allonge de plus en plus, ses racines deviennent très-distinctes; mais elles restent renfermées sous la mem- brane qui les contient et qui devient plus mince en se dis- tendant. 10 Septembre 1813. ( Émission des Racines. ) Fig. 7 et 8. La gemme est fort grossie et allongée, cepen- dant le sommet de la seconde tunique ne s’ouvre point encore. Le sac des racines est fort augmenté, sa tunique très-amincie paroît un prolongement de la première tunique qui garnit la base de la gemme. Ce sac arrondi par le fond est un peu comprimé, comme contre la bulbe; sa membrane, de plus en plus distendue, se déchire enfin suivant son grand dia- mètre, et se partage comme en deux valves m n. Le fais- ceau de racines se montre aussitôt. La fig. 8 montre encore que la gemme est formée d’une partie solide O qui tient à la bulbe, qui porte en dessous des racines nombreuses et nullement ramifiées, et dont le dessus sert de base à un cône composé de plusieurs tuniques destinées à se dévelop- per successivement. (La bulbe qui m’a servi de modèle pour dessiner ces figures ne devoit pas fleurir. ) 15 Septembre 1813. ( Floraison. ) L'état que je vais décrire a été observé sur un individu pris dans son sol natal. Je crois que sa végétation avoit été un peu plus rapide que celle de l'individu qui a fourni 40 GEMMES BULBIFÈRES. lobservation du 10 septembre et qui avoit été déplanté; et je présume qu'il y a ordinairement huit à dix jours au moins entre l'état qui précède et celui que je vais faire con- noitre. Dans les cinq figures qui suivent, j'ai négligé de représen- ter la bulbe, parce qu’elle est comme dans les fig. 7 et 8. Je nomme côté postérieur de la gemme, ou de la plante fleu- rissante, celui qui est appliqué le long de la bulbe, et côté antérieur, celui qui se montre en dehors. Fig. o. Base de la gemme développée ou de la plante vue par son côté antérieur. Fig. 10. La même, vue par son côté postérieur. L’enveloppe qui formoit la poche des racines et celle en forme de tube qui se terminant en C garnit la base de la plante, paroïssent former une seule et même tunique insérée circulairement autour de lombilie qui unit la plante à la bulbe et que l’on voit fig. 10. A la vérité cette tunique paroît avoir une autre adhérence annulaire autour de la base de la plante, et cette adhérence estindiquée par la ligne ponctuée d, fig. 9; mais je ne pense pas que ce soit une véritable inser- tion, et avec un peu d'adresse on parvient à détruire cette adhérence sans rien déchirer, ce qui n'arrive pas pour l'in- sertior autour de l’ombilic. Cette première tunique étant enlevée on en trouve une autre insérée très-peu au-dessus de l’adhérence annulaire de la première, et suivant la ligne ponctuée €, fig. 9. Elle forme un tube d’environ 4 ou 5 pouces de longueur et dont le bord est oblique; elle ne présente rien de remarquable. Fig. 11. La seconde tunique étant Ôtée on trouve une CoLcHiQue. 4x jeune feuille d’un jaune tendre et encore éloignée de la taille qu'elle doit atteindre (dans quelques individus elle est remplacée par une troisième tunique assez semblable à la seconde). Le sommet de cette feuille répond à la face ex- térieure de la jeune plante, et elle est insérée immédiatement en dedans de la deuxième tunique; ainsi entre la première tunique et la première feuille il n’y a pas de tige apparente. Fig. 12. La première feuille qui étoit insérée en k est en- levée, et on en voit deux ou trois autres l’une dans l’autre: la plus extérieure paroît insérée en g, ainsi la partie ok repré- sente la tige. La partie inférieure de cette tige est gonflée en forme de bourrelet. C’est évidemment le principe d’une nou- velle bulbe, sur son milieu on voit apparoitre une petite squamule; ce sont les premiers traits d’une gemme analo gue à celle que nous avons vue en b, fig. 1. Fig. 13. Si l'on enlève la seconde, la troisième et la qua- trième feuilles qui nous ont été montrées par la fig. 12, on verra qu’elles étoient insérées immédiatement l’une dans Vautre. La tige se partage subitement en plusieurs pédon- cules Î (ordinairement trois ). La même figure indique l’in- sertion de tous les organes caulinaires, c’est-à-dire, des deux tuniques et des trois ou quatre feuilles. J’ai attribué une double insertion à la deuxième feuille, c’est qu’en effet la partie de son épiderme intérieur ou supérieur qui répond à sa ligne médiane, au lieu de s’attacher à la tige à l'endroit g, comme tout le reste de la même surface, se tient séparée de la tige jusqu'au bord supérieur du bourrelet; mais cette or- ganisation alors peu apparente se distinguera mieux à une époque plus tardive ( en avril ). Mém. du Muséum. 1. 10. 6 42 GEMMES BULBIFÈRES. Fig. 14. Coupe grossie et étendue de la base de la plante à la même époque. c CCC est la tunique extérieure, déchirée en deux valves par le bas, et insérée autour de l’ombilic 0: elle étoit adhérente avec le côté opposé à cet ombilic; 2 est la seconde tunique; 3, la première feuille; 6, la base tumé- fiée de la tige ou la jeune bulbe; g la jeune gemme qui se voit au milieu du bourrelet de la fig. 12; enfin , le haut de la tige qui se termine par trois feuilles et par les pédoncules. Avril 18r2. Fig. 15. Les tuniques sèches ayant été enlevées, on dis- tingue la vieille bulbe très-épuisée, et en forme d’une masse ovoide, ridée, molle, spongieuse, jaunâtre. On voit en r le lieu de l'insertion des anciennes racines. La nouvelle plante est à peu près constituée comme en octobre, seulement sa première tunique et les deux valves du sac des racines sont presque entièrement desséchées et en partie détruites. La seconde tunique est aussi desséchée par le haut. Fig. 16. Cette seconde tunique étant enlevée ainsi que la première feuille, dont la base s’est allongée en tube, on trouve que la nouvelle bulbe 6 a grossi, mais peu sensible- ment; au contraire, tout ce qui est au-dessus d'elle s’est fort allongé, car ce n’est qu'en g que la seconde feuille se sépare de la tige, et la troisième feuille est insérée vers ©. Fig. 17. La nouvelle bulbe dessinée grossie à la loupe, séparée de l’ancienne et vue par sa face antérieure. Fig. 18. La même, aussi grossie à la loupe, et vue par sa face postérieure. 7 est l’ombilic ou l’attache de la nouvelle bulbe avec l’ancienne. Cette jeune bulbe est surmontée de CoLcuiQue.. 43 la base de la tige. Un lambeau de la surface extérieure de celle-ci en est naturellement détaché, et laissant entre elle et lui un conduit fistuleux, il s’'insère en A sur la surface de la jeune bulbe. La jeune gemme supérieure , analogue à celle que nous avons représentée fig. 3, est au fond de ce conduit qui va s'ouvrir dans l’aisselle de la seconde feuille. Fig. 19. Est encore le même état, mais la membrane qui formoit le conduit fistuleux est enlevée et laisse à découvert la gemme supérieure. Cette membrane tenoit à la tige suivant les lignes ab, cd. Fig. 20. Est une coupe verticale de la jeune bulbe dans le même état. Cette coupe qui passe par l’ombilic et par la gemme inférieure est aussi dessinée grossie, ainsi que la suivante . Fig. 2r. Portion d’une autre coupe verticale passant par la gemme supérieure. 9 Mai 1812. A cette époque les fruits se montrent au dehors, au mi- lieu des feuilles qui sont entièrement développées. Fig. 22. ( De grandeur naturelle.) La jeune bulbe dé- pouillée de ses tuniques. On voit qu’elle a sensiblement grossi. Fig. 23. Coupe verticale de la même. Le bourrelet du haut de la bulbe commence à s'élever au-dessus de la base du cylindre de la tige, et l’appendice a qui se forme au- dessous de la gemme se fait remarquer même en dehors des tuniques. 6* 44 GEMMES BULBIFÈRES. 30 Mai 1812. Les ovaires ont acquis toute leur grosseur; les bulbes sont aussi à peu près à leur taille. Fig. 24. La bulbe, dépouillée des deux premières tuniques ( déjà en parties détruites), mais restant couverte de la base de la première feuille. Cette base, déjà très-distendue, est tellement amincie qu'elle laisse voir comme par transparence la place de la gemme; au-dessous d’elle, l’appendice à a forcé cette même membrane à former une saillie très-remar- quable, tranchante en son bord et comme irrégulièrement denticulée. En arrière d’elle se voient les racines qui com- mencent à se dessécher. 20 Juin 1812. Fig. 25. La bulbe enveloppée dans sa dernière tunique. Fig. 26. Coupe verticale de la même. Fig. 27. La même, coupée par le sommet et en partie dé- pouillée de sa dernière tunique. Il n’y a point eu de changement remarquable depuis le mois de mai, seulement l’appendice de la base de la tunique (qui se conserve fraiche et qui est la base de la première feuille) a encore pris plus d'extension par l'effet de l’accrois- _ sement de l'appendice de la bulbe. Les autres tuniques ex- térieures sont totalement desséchées, l’ancienne bulbe l’est aussi; les fruits sont mürs; les péricarpes et les feuilles se dessèchent. Remarque générale sur le Colchique. La bulbe étant dans l’état qui vient d’être décrit, a peu de changement à éprouver pour se trouver telle que nous CoLCHIQUE. 45 l'avons vue au 24 juillet. Mais il me reste à dire un mot de la foliation de cette plante; dans plusieurs espèces d'arbres on croit remarquer que la floraison est antérieure à la foliation. Cela peut être vrai relativement à la période annuelle, dont le commencement a été arbitrairement fixé; mais dans plu- sieurs cas du moins c’est une erreur, si l’on considère 1solé- ment les différentes générations de bourgeons qui composent un arbre. J’ai publié sur ce sujet un Mémoire qui me dispen- sera de plus amples développemens. ( Mém. sur les dévelop- pemens des bourgeons, Journ. de Phys. 1813.) J’ai fait voir, par exemple, que dans l’aulne, les fleurs qui s’épanouissent au printemps sont dépendantes du bourgeon qui étoit cou- vert de feuilles l'été d'avant, et que les feuilles qui vont paroître peu après ces fleurs, appartiennent à une autre gé- nération de bourgeons qui montrera ses boutons de fleurs dans le courant de l'été, mais qui ne les amenera à leur perfection qu’au printemps suivant. Il n’en est pas de même dans le colchique, chaque génération de bourgeon est en- core plus distincte que dans les arbres, et il est évident, par les fig. 1ret13, que les jeunes feuilles qui alors (15 septemb.) sont cachées sous les enveloppes, appartiennent au même bourgeon qui à la même époque porte des fleurs épanouies. Or, ces jeunes feuilles sont petites, blanches ou jaunâtres, enveloppées dans une sorte d’hybernacle, en un mot loin de la perfection qu'elles n’acquerront que vers le mois d'avril suivant; c’est alors seulement qu’elles seront feuilles, remplissant leurs fonctions de feuilles : il est donc vrai de dire que dans le colchique les fleurs sont antérieures aux feuilles. Je sais bien que ces feuilles influent puissamment 46 GEMMES BULBIFÈRES. sur la formation des gemmes qui peuvent paroïtre près de leurs bases et qui fleuriront postérieurement; mais dans toutes les plantes vivaces les feuilles sont et doivent être considérées comme faisant partie du bourgeon qui les porte, et non de celui qui peut naître dans leur aisselle. Je ne puis terminer cet article sans rappeler avec quelle concise exactitude M. de Jussieu a su analyser les principaux faits que je viens de détailler. (Gen. pl., p. 47.) ARTICLE II. — Orchis maculata. Fin d'avril 1872. La figure 28 représente le bas de la plante avec ses tuni- ques, ses racines et sa bulbe qui a 2 , 3, ou 4 lobes. On voit en a une espèce d’ombilic par lequel l'individu actuel- lement végétant tenoit à celui de l’année d'avant qui l’a pro- duit; en h est un boursoufllement produit par la gemme qui commence à s’accroitre, qui va recevoir ses premiers développemens dans le courant de l'été, et qui achevera petit à petit d’épuiser la bulbe maintenant existante, pour se mettre en état de végéter par elle-même, et d'être au prin- temps prochain semblable à celle représentée ici. Celle-ci fleurira dans un mois environ. La première, la seconde et mème la troisième tunique ne se terminent pas par des feuilles, elles sont comme des feuilles avortées et doivent être considérées comme formant un hybernacle. Chaque ra- cine sort d’une petite gainé qui entoure sa base; elles sont par conséquent analogues à celles des embryons endorhizes. Si l’on enlève la première tunique elle se déchire au-dessus CoLcHiQue. h7 des racines qui paroissoient d’abord; cependant on s'aper- çoit que sa base est restée appliquée contre la base de la plante, et en la soulevant délicatement on voit comme en à fig. 29 (figure grossie), que les gaines qui environnent la base des racines font partie de cette tunique. L’extraction de la première tunique laisse paroître, mais assez rarement, d’autres racines b qui ne la perçoient pas, qui rampoient entre elle et la seconde tunique, et qui pourtant ont aussi une gaine à leur base ; elles prennent naissance un peu plus haut que les premières racines: c’est entre ces deux ordres de racines que la seconde tunique est insérée, et c’est elle qui forme les gaines des secondes racines. Nous observeronsque la base de cette seconde tunique est très-délicate, et assez ad- hérente à la tige. Il faut du soin pour la distinguer et pour reconnoître les gaines qu’elle forme. Dès qu’on a levé la seconde tunique on découvre la gemme © (fig. 30, grossie et très-allongée ), et quelque- fois, mais rarement , une ou deux racines f d’un troisième ordre. Ces racines quand elles existent n'ayant pas la force de percer les deux tuniques extérieures remontent entre elles et la troisième tunique. Celle-ci est insérée plus bas que les racines de troisième ordre, aussi elle en est traversée, et elle forme une petite gaine à leur base. Maïs la gemme est insérée plus bas que la troisième tunique et elle est comme axillaire de la seconde. Ainsi donc la première tunique à est insérée au dessus de la bulbe , à la base de la tige. Un peu plus haut paroït un premier ordre de racines b qui la percent. 48 GEMMES BULBIFÈRES. Au mème rang que ces racines j’ai vu une fois une gemme. Au-dessus de ces racines est insérée la seconde tunique représentée déchirée en C. Un peu plus haut que cette insertion se voit rarement un second ordre de racines d qui la percent. Et c’est aussi là qu'on voit constamment l'insertion de la principale gemme 9. Puis vient la troisième tunique insérée vers €, représentée déchirée en € , et au-dessus d’elle on trouve rarement un troisième ordre de racines f qui la traversent. Cette figure 30 est non-seulement grossie, mais elle est comme étendue en longueur, et les objets sont allongés de haut en bas et plus écartés qu'ils ne devroient l’être, afin de mieux faire comprendre la disposition des insertions. J'ai vu une fois, comme je l’ai dit, une autre gemme plus petite placée entre la première et la seconde tunique; elle étoit du côté opposé à celle dont nous venons de parler. La figure 31 représente la coupe de la plante dans le même état ; k est la bulbe, o le lieu de l’'ombilic, aa a la première tunique percée par une racine de premier ordre b; au-dessus de l’ombilic cette tunique étoit fendue presque jusqu’au bas, en sorte que je n’en ai représenté de ce côté que la base, CC est la seconde tunique qui couvre la gemme et qui de l’autre côté prend naissance au-dessus de la racine b. ee troisième tunique. hh quatrième tunique ou feuille. g la gemme composée de deux tuniques en cône et d’une base charnue : dans cette base on remarque un trait qui semble séparer d'elle une membrane quiseroit comme une enveloppe et comme la continuation de la tunique qui forme le cône Cozcnique. 49 extérieur de la gemme. Ce trait et quelques autres qui sont dans l’intérieur de la masse charnue peuvent d’abord abuser, surtout quand on a observé la gemme du colchique. On peut les prendre pour des rudimens de racines enveloppés dans une tunique; mais c’est une fausse apparence , ces traces ne paroissent indiquer que des fibres. La figure 32 est la gemme isolée , un peu plus avancée et toujours représentée grossie. Elle avoit déchiré la seconde tunique, c’est-à-dire , celle qui la couvroit immédiatement. La base charnue étoit un peu plus gonflée ; les linéamens de son intérieur sont un peu plus compliqués, mais l’un parallèle à la surface extérieure semble toujours indiquer une écorce. Lorsque la tige commence à s’allonger et qu'elle a environ trois pouces au-dessus de la terre, la base charnue de la gemme s’est accrue et a pris décidément l'apparence d’une jeune buibe. Elle a entr’ouvert les tuniques qui lacouvroient; son extrémité inférieure, fig. 33 , se termine ordinairement par quatre petitslobes, rarement par deux ou par trois. Par la suite ces lobes se prolongeront, prendront l'apparence de racines et probablement en rempliront les fonctions. Quand on ouvre cette gemme, fig. 34, on voit que sa bulbe n’a fait que s’accroître sans déchirer aucune membrane particulière à cette gemme; elle montre dans son intérieur des traits analo- gues à ceux que nous avons observés fig. 32, et c’est alors qu’on reconnoit que probablement ils n'indiquent que des fibres. Mém. du Muséum. 1. 10. 7 5o GEMMES BULBIFÉÈRES. ARTICLE LIL. -— Orchis Morto. Mai 1812. Fig. 35. Époque de la floraison. a est la bulbe qui a fourni la plante à présent fleurissante; b la nouvelle bulbe. On voit que cette bulbe est portée par une espèce de pédi- cule, qui partant du lieu d'insertion de la gemme, s’est dirigé d’abord de haut en bas. Fig. 36. Coupe de la même plante. L'ancienne bulbe a, qui est molasse et un peu ridée extérieurement, est spon- gieuse et comme épuisée intérieurement, tandis que la nou- velle bulbe b est ferme et bien remplie. L'espèce de pé- dicule © de la nouvelle bulbe est solide , il porte deux tuniques qui en dessous adhèrent avec lui, mais qui en des- sus laissent entre lui et elles une espèce de canal. Ces tuni- ques se terminent par le haut en pointe d; par le bas elles adhèrent à la jeune bulbe. Elles enveloppent ainsi la gem- mule € qui est située sur la jeune bulbe au bas de son pé- dicule et au fond du canal formé par les tuniques. ARTICLE IV. — Allium Vineale. Dans les plantes qui précèdent, les gemmes bulbifères croissent à côté de l'individu qui les a produites; elles en sont évidemment distinctes, et quoique nées de cet individu et lui ayant été originairement réunies comme un fœtus l’est à sa mère, 1l est évident qu’elles sont le principe d’un nouvel individu. Dans la plante que nous allons examiner maintenant nous verrons deux sortes de gemmes bulbifères : les unes I © Cozcuique. non-seulement sont engagées sous les enveloppes qui ont fait partie de la plante mère, mais encore elles restent fixées sur une masse charnue qui semble aussi avoir appartenu à cette plante mère; elles paroissent la continuer, et prolonger pour ainsi dire le même individu; c’est l'idée que l’on s’en fait or- dinairement et c’est ainsi qu'un amateur de jacinthe soigne les oignons qui ont fleuri une année, pour tächer que ce qu'il regarde comme ces mêmes oignons fleurisse encore l’année d’après. Il en distingue bien les caïlleux qu’il considère comme de nouveaux individus, destinés dès le premier mo- ment à se séparer de la plante mère toujours subsistante. Ceite manière de voir en partie vraie, en partie fausse , nous indi- quela seconde espèce de gemme bulbifère que nous trouve- rons sur la plante maintenant soumise à notre examen. Elle nous présente en effet un oignon qui semble vivre plusieurs années, et que l’on prend pour le même individu, ou la mème bulbe, se dépouillant successivement de tuniques, apparemment toujours renaissantes intérieurement ; elle nous montre aussi des cailleux, principes de nouveaux indi- vidus qui dès leur naissance sont bien distincts de la plante mère, et qui se hâtent de rompre les liens qui les y retien- nent. En effet j'ai examiné au commencement de mai 1819, une bulbe d’allium vineale. Je l'ai trouvée couverte de plu- sieurs tuniques tubulées par le haut et qui sont la base des feuilles ; à mesure que je-les ai enlevées, j'ai trouvé sous cha- - cune d'elles (fig. 37) un groupe de deux ou trois gemmes ou cailleux (a, b, €) portés sur de long pédicules. Les gemmes qui composoient le même groupe n’étoient pas également dé- . * 7 52 GEMMES BULBIFÈRES. veloppées, et la plus grosse b avoit le plus long pédicule. Cette plus grosse gemme ouverte, fig. 58, m'a présenté un corps solide , ovoïde, pointu, enveloppé dans une tunique qui paroissoit être une expansion du pédicule, elle entouroit de toute part le corps ovoïde, etse refermoit au dessus en se terminant en cône très-allongé dans quelques-uns de ces cail- leux, fort court dans d’autres, fig. 39. Ces derniers avoient leur sommet ouvert ou perforé; il est probable que lappen- dice pointu qui terminoit les autres, étoit perforé d’une ma- nière analogue, mais je n'ai pu distinguer cet orifice. Les tuniques qui composoient, où plutôt couvroient la bulbe principale, étoient insérées sur une masse charnu ou caudex, analogue à celui de la plupart des autres oignons ou bülbes à tuniques. Le 24 mai j'a recueil une autre bulbe, fig. 4o. J’ai vu d’abord autour d’elle les débris d’une enveloppe desséchée t ridée en divers sens, assez forte et comme cassante; elle ne paroissoit pas fibreuse comme les autres. Cette bulbe ou d’autres de même espèce m'ont souvent montré en dehors de l'enveloppe que je viens de décrire une autre tunique mince et grisâtre qui a peu de consistance et dont l'oignon se dé- pouille aisément lorsqu'on l’arrache. Ces débris d’enveloppe enlevés on en voyoit une autre, fraîche , membraneuse, enveloppant entièrement la bulbe ; elle étoit assez épaisse par le bas, mais au dessus de la bulbe elle devenoit mince et comme transparente. Cette tunique se prolongeoït en un long tube, et sa partie supérieure étoit : une feuille. Cette même tunique est d’abord boursoufflée, puis déchirée par la gemme ou les gemmes qui sont entre elle et Corcuique. 53 la tunique d’après, et qui sont analogues à celles représentées fig. 37. L’une d'elles, a, fig. 4o, se montroit ainsi que son pédi- cule , et sortoit par la déchirure qu’elle avoit causée; d’autres placées en D étoient plus intérieures, et les deux tuniques qui les couvroient avoient resisté sans se déchirer. Tous ces pédicules des cailleux naissent du caudex, et ne traversant aucune membrane, ils n’ont pas de gaine à leur base. Il n’en est pas de même des racines, elles prennent aussi naissance sur le caudex entre la seconde et la première tunique vivantes; mais elles percent immédiatement celle-ci pour se jetter au dehors. Il en résulte une petite gaine qui entoure leur base. (Le raisonnement et quelques observa- tions incomplettes me font penser qu’il y a eu d’autres racines placées en dessous et en dehors des tuniques maintenant vi- vantes. Filles traversoient les tuniques qui à présent sont des- séchées et étoient engainées par. elles. ) La bulbe que je représente ici n'avoit que quatre tuniques vivantes et par conséquent quatre feuilles : elle ne devoit pas fleurir ; ainsi au milieu des feuilles on ne voyoit nulle appa- rence d’une hampe destinée à porter l’ombelle. Toutle centre de la bulbe étoit occupé par un corps sphéroïde pointu, composé d’une substance ferme, charnue et analogue à celui que j'avois déjà vu au centre des cailleux. Ce corps se voit en C; fig. 41 (coupe de la figüre 40), il repose immédiate- ment sur le caudex mais dans sa base est cachée une gem- mule qui termine le caudex. Un conduit capillaire répondant à la pointe de la gemmule traverse cette masse charnue. Celle-ci m'a paru la vraie bulbe destinée à nourrir l’année suivante la gemme qu'elle couvre. Cette bulbe qui restera 54 GEMMES BULBIFÈRES. sur le même caudex, et qui semblera être le même oignon, n'est probablement qu’une tunique plus intérieure que les autres, et qui retenant dans sa base les sucs qui lui arrivoient, a pris cette forme et cette consistance au lieu de se prolonger en feuille. Il y a lieu de croire que cette bulbe épuisée de- viendra par la suite analogue à l'enveloppe sèche, cassante et comme cornée que nous avons d'abord enlevée, et qui est représentée en t fig. 40. Cette organisation de la bulbe destinée à rester sur le caudex se retrouve dans les cailleux. L'un d’entre eux est représenté, fig. 43, en partie dégagé de la tunique ou première feuille avortée qui le couvroit; et sa coupe, fig. 42, fait voir une conformation analogue à celle de la bulbe principale de la fig. 4r, c’est-à-dire une masse charnue perforée par un conduit très-fin et couvrant une petite gemme dont la pointe répond à ce conduit. Nous trou- verons de ces cailleux entre presque toutes les tuniques, il y en avoit même un dans la bulbe de la fig. 41, entre la masse charnue et la tunique qui la couvroit. Ce dernier cailleux, à pédicule moins prolongé, gêné d’ailleurs par les membranes qui le serroient, étoit venu s'appuyer sur le sommet de la masse charnue. Quand la plante doit fleurir , au lieu de la grosse masse charnue sphéroïde, on trouve sur le caudex une bulbe à, fig. 44, organisée de même, mais plus petite. Elle est un peu gênée et ‘éformée par la pression de la hampe b qui prend naissance sur le caudex à côté de cette bulbe. Il résulte de là que l'allium vineale me paroît composé 1°. de racines, 20. de tuniques qui s’emboitent les unes dans les autres, 30. d’un caudex qui sert de lien aux unes et aux D 2 OT Corcurque. autres, et qui paroit doué de la puissance reproductive; les feuilles sont le prolongement des tuniques intérieures, la bulbe est le gonflement de la première ou de la seconde tu- nique; si les sucs ne s’y accumuloient pas, elle seroit telle que ces tuniques tubulées, non prolongées en feuilles, et que l’on voit dans les narcisses; la hampe n’est qu’un pro- longement du caudex, elle porte à son sommet une dernière tunique qui prend le nom de spathe, et sous celle-ci le caudex prolongé fait encore connoitre sa puissance par la production des fleurs ou des bulbes qui les remplacent. ArTicce V.—Remarque générale sur ce qui précède. Je viens de donner les descriptions plus ou moins com- plettes de quatre bulbes, et leur rapprochement peut pa- roître ou bizarre ou produit par le hasard. Il n’en est pas ainsi. Le choix que j'ai fait a été guidé par ur plan de tra- vail que je n’ai pas eu le temps de terminer. J’ai cru néan- moins pouvoir publier isolément ces détails; des faits sont toujours utiles à recueillir quand ils ont été observés avec “soin » et à cet égard je crois n'avoir rien à me reprocher. Je m'abstiendrai donc pour le moment de toute réflexion. En donnant isolément quelques conclusions, elles paroi- troient systématiques et trop légèrement établies. Mais peut- — être que plus tard je reprendrai les faits consignés ici, pour en développer à loisir les conséquences. Je me permettrai seulement de remarquer la singulière analogie qu’on peut trouver entre ces bulbes et quelques-uns des embryons vé- gétaux que les botanistes, et particulièrement M. Richard, ont fait connoître. 56 GEMMES BULBIFÈRES. Sans adopter de tous points les opinions de ce savant, mais en nous servant de ses expressions pour désigner les objets dont il a parlé, nous pourrons faire les rapprochemens suivans. 10, La gemmme du Colchique et l'embryon des grami- nées. La jeune gemme est le blaste, la bulbe est l’hypo- blaste; mais pour rendre la ressemblance plus complette, 1l faut supposer que l’hypoblaste a absorbé l’endosperme ( pé- risperme ) et examiner particulièrement l'embryon de l'orge. 20, La gemme des Orchis et les embryons macropodes. 3. La gemime de l’Allium vineale et les embryons ma- crocéphales. J'ai pensé que cette analogie des germes produits sans fécondation avec ceux produits par fécondation, pourroit présenter quelque intérêt, et peut-être diriger. des recher- ches ultérieures. for .10 . RP à / à RE CUMMES BULBIFZRES. PZ.Z. j h È L i AT DNS rune Bots fu 01e 2 Emme enr et fe Ar He , a > D) Zom..10, VAI CEMMES BULBIFERES. PL. 11. Tor. 10, \ CEMMES BULBIF£LRLS. PEL... 57 — ORGANES SEXUELS DE LA POULE. PREMIER MÉMOIRE. Formation et rapports des deux Oviductus. PAR M. GEOFFROY-SAINT-HILAIRE, 15 hore étranger aux théories de l’école actuelle, bien que ses propres observations y eussent quelquefois donné lieu , jugea du système sexuel des oiseaux d’après les règles d’A- ristote. Il ne crut point à des différences essentielles, à l'égard des mammifères; mais tout au contraire persuadé que le même plan, à de certaines modifications près, s’étoit main- tenu chez les oiseaux, il n’imagina pas de nomenclature par- ticulière pour des parties déjà connues et dénommées. Cependant les phénomènes curieux de l’incubation, qu’on pouvoit suivre avec la plus grande facilité , et dans lesquels on voyoit manifestement tous les organes naître et se déve- lopper, excitèrent un très-vif intérêt : on finit par y donner une attention exclusive, c’est-à-dire qu’on fit succéder l’é- tude des fonctions aux considérations des détails organiques. Mérm. du Muséum. 1. 10. 8 58 ORGANES SEXUELS Ün être, qui se forme hors du sein de sa mère, auquel celle- ci ne fournit qu’un liquide à ouvrager en d’autres temps et dans d’autres lieux, parut sorti des considérations communes. Eten effet, en voyant pour élémens de l’organisation ce liquide homogène éloigné et détaché de sa gangue, on supposa que les organes destinés à sa production et à son écoulement pré- senteroient un caractère de plus grande simplicité que des appareils qui donnent à la fois et mettent de suite ces pro- duits en œuvre. Cette différence dans l’organisation sexuelle des animaux vivipares et des animaux ovipares étant ainsi présumée essentielle, on fut persuadé que ce qu’on voyoit sous une forme intestinale, se trouvant comme préparé avec beaucoup d’art pour faciliter le passage d’un œuf, ne pouvoit être et n’étoit au fond qu’un canal d'écoulement. Où l’on n’apercevoit qu'une seule fonction, on se plût à ne voir qu’un seul organe. On le jugea d’une structure simple, par conséquent un organe si generts ; et de son usage, il recut le nom d’oprductus. Ce n’est pas cependant qu’à l'exemple d’'Harvey, on nait encore plus tard prononcé le nom d’uférus. Bonnaterre (1) lappliqua à l’un des segmens de l’oviductus, à un renflement d’une texture plus forte et d’une substance plus vasculaire. Mais on céda à un entraînement irréfléchi. Les travaux ori- ginaux d’'Emmert, de Tannenberg, de Dutrochet, etc., pré- cieux sous d’autres rapports, en sont la preuve. Un ovaire, un oviductus, un cloaque sur le passage, ce fut à peu près (1) Encyclopédie méthodique : texte qui accompagne les planches de l’ornitho- logie , page Ixxix. DE LA POULE. 59 tout ce qu'on apprit au sujet des organes sexuels des oiseaux, jusqu’au jour que pzrut l’ouvrage très-recommandable de F. Tiédemann, intitulé: Anat,et Hist. naturelle des Oiseaux. Bien que certaines questions de ce mémoire aient été traitées par ce grand anatomiste, je les considère sous un point de vue plus général; lequel m’a rendu ces faits de dé- tail plus nécessaires qu’à lui, et qu'il avoit bien pu négliger. Ceci explique comment je puis espèrer de demander encore de nouveaux renseignemens, à un être que notre régime domestique place journellement sous nos yeux: le dévelop- pement graduel de nos idées ne nous en a fait sentir le besoin qu’à ce moment. Car c’est pour toutes choses en gé- néral, qu’on songe à les acquérir seulement à une heure marquée : des antécédens nous ÿ amènent insensiblement. $ 1. De l’opiductus gauche. Ce n’est plus comme d’un seul objet qu’il nous convient de traiter de l’oviductus gauche. Je l'ai fait représenter ré- duit à moitié de sa grandeur (voyez planche 4, fig. x et 2, lettres A. B. C. D). On l’a débridé pour l’étendre et pour le présenter dans toute sa longueur. La fig. 1, nous en montre le tissu dans son état ordinaire de rétraction, et la fig. 2, sous le volume qu'il prend, quand il est distendu par le souffle. En ne faisant attention qu’à sa figure intestinale, laquelle se continue ainsi uniformément d’un bout à l’autre, son nom d'oviductus semble justifié : on voit qu’on a pu long-temps se contenter de cette dénomination. Il n’y a d’ailleurs point trop à se récrier sur cette structure 8 * 60 ORGANES SEXUELS intestinale, si c’est le propre de toutes les membranes d'y être plus ou moins ramenées. Voyez que c’est la disposition qu'affectent les viscères, pour le peu que le tronc par un allongement considérable favorise ce genre de développement. Ainsi les serpens n’ont que des viscères tubulaires , puisque, sans parler des canaux aortiques et des étuis médullaires dont c’est la forme habituelle , du canal alimentaire auquel se rapportent toutes ces comparaisons, et des organessexuels, qui chez les serpens offrent le même caractère intestinal que chez les oiseaux , c’est encore l’essentielle condition d’orga- nes qu'on ne supposeroit pas pouvoir être ramenés à ce ca- ractère. Tel est l'organe respiratoire, qui, au fond, n’est qu’un long intestin, dont quelques parties de la surface in- térieure sont plus vasculaires, et qui ne diffère en effet des autres grands tubes membraneux, que parce que ce long tube est ouvert seulement à l’une de ses extrémités, qu'il présente une seule entrée pour la recette et pour la dépense, pour l'allée et pour le retour des gaz respirables et respirés. - Le fait d’un développement plus riche chez les oiseaux adultes, est précisément ce qui élève leur oviductus au vo- lume d’un gros intestin, et ce qui tend à faire disparoître sur toute son étendue les traits différentiels de chaque seg- ment. Mais nous avons vu partout qu’un tel résultat est tou- jours la condition essentielle de tout organe porté au maxi- mum de composition: l’état régulièrement tubulaire de l’o- viductus chez l'oiseau est donc la qualité fondamentale de cet organe. On en devient certain, si, quel que soit l’ordre du renflement de ses parties chez les mammifères, c’est cela qui existe dans cette classe. Or vous remarquerez que eet DE LA Pouzr. Gt appareil offre pour principale différence, de se joindre avec son congénère dans une moitié de sa longueur, modification si considérable, que c’est ce qui a privé de sentir ses rapports chez l'oiseau et chez le mammifère: On avoit été de plus entrainé à regarder comme ayant un caractère tout-à-fait déterminé, les parties réunies des deux oviductus, dès qu'on eut remarqué ce que cette réunion avoit apporté de change- mens dans l’arrangement et dans la structure des tissus. Cependant après avoir ramené les conduits génitaux des mammifères au rapport commun et nécessairement caracté- ristique d’un oviductus, il ne devoit sans doute point être difiicile de faire l’inverse eu égard à l'oviductus d’un oiseau, c’est-à-dire d'y retrouver à son tour tout autant de tronçons différens qu’on en avoit observés dans le tube génital des mammifères. Apercoit -on en effet sur toute la longueur de l’oviductus d’un oiseau une égale diversité de structure? et chacun des segmens a-t-il aussi alors des fonctions constam- ment distinctes ? Tel est le point dela question dont les faits de ce mémoire et de la planche qui l'accompagne donneront, j'espère , la solution. On chercheroit en vain quelques faits de différences dans la fig. 1, où la rétraction des membranes fait croire à un canal homogène dans toute sa longueur:mais on obtient d’autres renseignemens de la fig. 2, qui, présentant l'intestin sexuel aussi distendu que possible, montre à l'œil nu les diverses qualités de leur tissu. J'ai déjà traité ce sujet ( PArlos. anat., tom. 2, pag. 374); et en attendant le moment de faire paroître la présente gra- vure, jen avois décrit les parties, ainsi qu'il suit. 62 ORGANES SEXUELS « L'oviductus de gauche acquérant par le sacrifice plus ou moins complet de son congénère une dimension hyper- normale devient dès lors, comme tous les organes affectés d'hypertrophie ou parvenus au dernier terme de leur exten- sion possible , un sujet fécond et riche en observations. L’o- viductus a, sous ce rapport , fixé l’attention du célèbre pro- fesseur d’'Heidelberg, F. Tiédemann ; lequel s'est cru fondé à le partager en trompe de Fallope, matrice et vagin. » « Il faut convenir qu'une pareille détermination se pré- sente naturellement en pensée, à l’aspect d’un oviductus qu'on a soufflé pour en mieux apercevoir les parties et le système sanguin, J’ai examiné, dans ce but, celui d’une poule tuée au moment où elle s’occupoit de sa ponte. J’ai constaté que son tube ovriducte long de soixante et deux centimètres étoit susceptible d’une subdivision en quatre parties, savoir : d’une première, V’entonnoir de dix centimètres, analogue à la portion frangée; d’une seconde , de trente , qui est propre- ment le tube de Fallope, tapissée en dedans par une mem- brane séreuse très-épaisse; d’une éroësième, de neuf centi- mètres, où l’œuf achève de grossir et où il se revêt de sa coquille; et d’une quatrième, formant une portion intes- tinale sans vaisseaux à l’œil nu, ayant dix centimètres (1). » « Deux grands caractères distinguent la troisième subdi- vision, et l’établissent sur le pied d’une partie prépondérante et fondamentale, savoir:sa grandeur, d’un diamètre (6 cent.) (1) Consultez ma planche où ces divisions sont indiquées à gauche par les lettres D, C, B, A, et à droite par celles de c,b, a. Il faut entendre la gauche et la droite propres à Yanimal, et non pas celles de l’observateur, DE LA Pouce. 63 double de celui de la seconde, et la distribution de lartère nourricière. Celle-ci , répandue d’abord dans la toile périto- néale qui sert à maintenir les contours nombreux de l'appareil, dirige sur cette troisième partie des rameaux plus nombreux et à plus grand calibre, et vient s'épanouir à sa surface. » Ce n’est donc point seulement un organe passif; il entre en exercice à l’égard du produit ovarien : il le gouverne, il l'enrichit de sa propre substance et il en fait un corps tout nouveau. Car il transforme un opule, après que celui-ci s’est séparé de l'ovaire, en œuf; masse plus volumineuse, d’un tra- vail achevé, et qu’une enveloppe pierreuse rend même, avant sa séparation , déja étrangère aux organes qui l’ont formée. La quatrième partie reste passive au contraire , et devient un canal d'écoulement ou de transmission. Cependant Fabrice et son illustre disciple Harvey , appar- tenant à une époque où dominoient sans altération les prin- cipes d’Aristote sur l’analogie d'organisation dans les ani- maux, avoient aussi plus anciennement partagé l'oviductus des oiseaux en parties qu’ils avoient également rapportées à de prétendues analogues chez les mammifères. Tiédemann n’auroit-il que reproduit avec plus de rigueur le travail de ces maîtres ? je l’ai cru long-temps, ayant adopté le même système, bien avant que je connusse les écrits de ce célèbre et savant anatomiste. La subdivision de l’oviductus en vagin (voyez fig. 1 et 2, lett. À ), en utérus lett. B, en tube de Fallope lett. C, et en pavillon lett. D, m’avoit parue fondée sur les analogies les plus heureuses, parce qu’alors parta- geant le sentiment général sur l'existence d’un cloaque commun chez les oiseaux , je considérois ce cloaque 64 ORGANES SEXUELS comme une dilatation de la dernière zône du rectum. Cependant cette détermination avoit été plus instinctive que raisonnée. J'ai cru devoir y revenir:et je rechercherai en effet si l’on pourroit la déduire des trois conditions suivantes : connexions , structure et fonctions. 10. Connexions. C’est le caractère qui m'inspire le plus de confiance, et je me devois de lui en accorder une, dans la cir- constance présente, d'autant plus grande, que son infaillibi- lité se montre encore mieux à l'égard des distributions tu- bulaires : car dans ce cas chaque partie naît décidément l’une de l’autre. Or ici les relations de A avec B, de B avec C , et de C avec D, sont celles du vagin avéc l'utérus, de l'utérus avec le tube de Fallope, et de celui-ci avec la portion frangée des mammifères. C’étoit l'évidence de cette considération qui avoit fait porter le jugement cité plus haut. . Structure. J'aperçus là d’assez grandes différences. ja nou the À et B n'ont plus le tissu du vagin et de : l'utérus des mammifères. Je n’y pus découvrir les vaisseaux qui s’y répandent et qui donnent lieu à cette composition compliquée si bien connue des anatomistes. L’artère hypo- gastrique n’y distribue aucun de ces puissans rameaux, d’où dépendent cette composition : il n’y a d’artères untérine et va- ginale que des cimes à ramifications rares et capillaires, que des vaisseaux propres seulement à nourrir des membranes. Où n'intervient point le producteur, on ne sauroït chercher, supposer même son produit, Que conclure de cela et tout en- semble des renseignemens en apparence opposés, donnés par les connexions ? Évidemment que le plan général des mammi- fères étoit dans ce point et à quelques égards modifié , que DE LA POULE. 65 nous étions là sur une spécialité ornithologique. Si cette mo- dification tient en effet à l’absence d’une portion du système vasculaire, quelle spécialité nous seroit alors rendue en re- vanche par les rameaux subsistans ? Ma planche, fig. 2, lett. B, montre une artère qui se subdi- vise en cinq branches principales, et celles-ci en rameaux nom- bréux et terminaux. J’ai remonté à l’origine du tronc com- run, qu'il ma fallu chercher du côté et au delà du tube de Fallope et dont j'aitrouvé le point de départ à l'artère sperma- tique. Celle-ci , qui nait de l’aorte, se partage presqu'aussitôt en plusieurs rameaux de longueur inégale : un postérieur se rend sur l’oviductus, et l’antérieur plonge dans lovaire. Or je n’ai rien vu là que je ne connusse déjà par les mammifères. Comme le caractère distinctif des sexes, ainsi que je lai fait voirailleurs, dépend du rapport de ces deux branches, variable d’un sexe à l’autre, j'ai donné une très-grande attention à leurs diamètre et longueur proportionnelles; et dans mon dernier ouvrage ( page 350), où je reviens souvent sur l'emploi différent de chaque branche, je n'ai pu me dispenser d’en consacrer la distinction par un nom particulier. J’appelle artère £esticulaire la branche qui se rend à l'ovaire, et, dans le mâle , au testicule proprement dit; et branche efférente celle qui s'étend sur le tube de Fallope ou dans le mâle sur lépididyme; ce dernier organe, suivant moi, n’étant sous l'apparence d’une partie élargie et déroulée que ce tube de loviductus des femelles. C’est en partie sur ces considérations que j’avois fondé la distinction généralisée des cornes et du corps de l'utérus: l'artère spermatique par sa portion efférente se porte sur Mém. du Muséum. 1. 10. 9 66 ORGANES SEXUELS celles-là , et l’hypogastrique par sa branche utérine sur celui- ci. Le corps et les cornes de la matrice sont donc chez les mammifères deux tronçons indépendans sous quelques rap- ports, bien qu'ils versent l’un dans l’autre. Faits et entretenus par deux artères différentes , je les ai considérés comme deux compartimens distincts, laissant au corps le nom d’uférus et appelant les cornes ad-uterum. Ayant porté une aussi grande précision dans l'observation de l'appareil génital des mammifères, il devenoit facile de suivre la corespondance des mêmes détails chez les oiseaux. Or c’est la conséquence de tout ce qui précède, et en par- ticulier de ce que le compartiment B de notre oviductus, fig. 2, est uniquement alimenté par la portion efférente de l'artère spermatique, que les mêmes détails ne doivent rap- peler à Pesprit chez les oiseaux et qu’ils n’y constituent véri- tablement que la partie analogue aux cornes de la matrice, analogue à l’organe que j'ai caractérisé comme distinct et nommé ad-uterum. C’est au surplus ce que de son côté indique aussi le prin- cipe des connexions dont nous avons plus haut invoqué les in- ductions; ear letube de Fallope ne débouche pas dans Putérus, que préablement ce ne soit dans la partie dite ses cornes, ou notre ad-uterurn. Fonctions. Les fonctions des compartimens D et C, sont les mêmes que chez les mammifères. La concordance en est parfaite. 10. Celles du pavillon. Qui auroit pu les méconnoitre , quand Fembouchure de ce pavillon est la seule issue prati- cable par l’ovule? Cependant, autre chose est de le savoir à DE LA POULE. 67 ütre de déduction , ou d'acquérir cette connoïssance par une observation directe. Or j'ai été assez heureux pour prendre en ce point la nature sur le fait, circonstance curieuse dont ma figure 4, lett. D, donne une fidèle représentation. L’ex- trémité épanouie de l’entonnoir enveloppe la moitié seule- ment d’un ovule prêt à s'échapper. Formant sur la ligne mé- diane le couronnement des circonvolutions de l’oviductus, le pavillon peut de ce point central se diriger successivement sur toutes les parties accessibles de la grappe. Je n’en puis dire rien de plus en ce moment ; mais plus bas, connoissant mieux cet organe, je m'étendrai davantage à son sujet, 20, Fonctions du tube de Fallope. Le tube de Fallope ne s’en tient point seulement à l’usage d’un canal d'écoulement: Vovule en le traversant y acquiert de plus une couche d’un liquide albumineux. En est-il ainsi chez les mammifères ? ou n'est-ce qu'une circonstance particulière aux oiseaux et à cer- tains ovipares, qu’un fait qui dépende du volume excessif de l’ovule? Sans prendre d’opinion à cet égard, j’observerai qu'il est tout simple qu’en effet l’ovule exerce, à raison de son volume considérable, sur le tube en le traversant, la mêmeinflnence que produitla pelotte alimentaire sur l'intestin grêle. L’ovule s'ouvre un passage et se glisse dans son tube, en irritant ses parois, et en y déterminant par conséquent une activité plus grande des vaisseaux , une sorte d’inflam- mation. Les vaisseaux ont déjà développé et préalablement aussi répandu entre les feuillets membraneux de l’organe des zônes parenchymateuses, visibles dans notre fig. 2, lett. C, sous l’apparence de rayures blanches. Ces bandelettes, dont le tissu paroït plutôt glanduleux , et qui prennent d’au- où 68 ORGANES SEXUELS tant plus d'épaisseur que la ponte est dans sa plus grande ac- uvité, sécrètent la masse du liquide albumineux logée entre deux autres masses de même nature : elles se séparent net- tement toutes trois dans un œuf durci par le feu. Je crois pouvoir attribuer la formation des légères toiles cellulaires, formant les diaphragmes de ces portions d’albu- mine, à l'interruption momentanée des versemens par les vaisseaux; interruption occasionnée par l'épuisement des phénomènes de digestion à de certaines heures de la journée, et par la résistance qu’opposent au trajet de l’ovule cer- taines valvules ou circonvolutions de l’oviductus. 30. Fonctions de l’ad-uterurm. Ce que j'en ai rapporté plus haut, page 63, montre l'ad-uterum de la poule jouissant d’une certaine activité; cependant on ne sauroit comparer cette activité à celle d’une matrice de mammifère. L’ad-uterum de l’oiseau fait sans doute quelque chose d’absolument néces- saire, mais celui dumammifère, cela etplusencore.Toutproduit de génération est dans ses degrés de développement, un corps fini relativement à chaque organe qui en opère successive- ment la métamorphose. Ainsi l'ovaire fait l’ovule et l’adute- rum en compose un œuf. C’est à quoi se borne l'ad-uterum de l'oiseau, quand celui des mammifères à qui il n’est pas donné d'élever l’ovule à l’état d’un œuf, devient pour l’ovule une poche d’incubation et une vaste mamelle intérieure, te- nant en effet ces nouvelles fonctions du concours de l'uté- rus, et d’abord du plissement ou col de cet organe qui oppose à l’ovule une barrière dans ce moment insurmontable. Cependant c’est la mème fonction que chez les mammifères, mais seulement, je le répète, tant que l’action de la matrice doit DE LA Pouf. 69 s'exercer sur le noyau fœtal, pour lui faire acquérir la consis- tance, les qualités et le caractère d’un œuf. Le grand nombre de vaisseaux qui dans la poule arrivent sur le comparti- ment B, et qui s’y épanouissent, augmentent l'étendue des bandelettes parenchymateuses ou glanduleuses comprises entre les lames de son tissu. L’œuf devenu plus volumineux y porte plus d'irritation ; d’où une plus grande inflammation. Une valvule placée à l’orifice de sortie s'oppose momentané- ment comme la valvule de l'extrémité opposée au libre pas- sage de l’œuf, et, par l'obligation d’être déployée, constitue vers cette partie de l’oviductus un col imparfait d’utérus. L’œuf est donc tenu de séjourner un certain temps dans l'ad-uterum, non pas seulement jusqu'à ce quil ait épuisé les vaisseaux durant une période des phénomènes de la di- gestion, mais autant que cela est nécessaire à son entier per- fectionnement ; lequel s'opère définitivement par la forma- tion de sa coquille. Les derniers versemens des vaisseaux auxquels se réunissent les sécrétions de la glande accessoire ou du Oursa Fabricu(r),revêtent l’œufde son enveloppe calcaire. Dès ce moment, ce produit génital devient étranger aux organes qui le renferment : c’est une masse inerte, pesante, incommode; l'irritation qu'elle continue de procurer à l’ad- uterum est à son comble, et elle n’est plus bénigne dans ce sens, qu’elle n’est point suivie d’une absorption normale des fluides sécrétés. (1) J'ai souvent remarqué que chez de jeunes poulets les urétères sont tout au- tant remplis d’un liquide blanc et opaque que d’urines : c’est de l’acide urique; qu’il ne faudroit pas confondre avec la matière dont la coque de l’œuf est formée. 70 ORGANFS SEXUELS Ainsi identité de fonctions, tant que l’ad-uterum reçoit l'ovule pour en former un œuf; mais non plus dans l’époque suivante, où l’ad-uterum de l'oiseau cherche à se débarrasser d'un poids accablant, quand celui du mammifère ne voit dans cette formation qu’un fragment de lui-même, auquel il continue de donner des soins. - Les formations du compartiment B, en tant que restrein- tes à la composition de l’œuf, concourent donc avec les in- ductions précédentes, à faire considérer ce tronçon comme l’analogue de l’ad-uterum des mammifères. 4o. Fonction du quatrième compartiment. C’est pour ordre, si dans ce moment je m’arrête sur ce dernier, lett. A. Il n’est doué d'aucun ressort; c’est un canal qui n’a plus rien à donner au produit génital, et que celui-ci traverse rapidement. Tel est de même, sans doute, le vagin. C'est encore au vagin que ce canal peut se rapporter par la con- nexion de son orifice de sortie. Son sphincter, lett. I, fig. 5, débouche dans la poche urétro-sexuelle, et parvient à dé- passer les bords de cette poche pour aller déposer l’œuf dans le monde extérieur. Je ne serois point étonné qu'on doutât de ce résultat, à cause d’une certaine distance à parcourir : mais on peut voir cette manœuvre sur le vivant ; la bourse du prépuce s’écarte et l’oviductus apparoït dehors. On peut à volonté obliger une poule à pousser dehors l’orifice de son oviductus, qu'il y ait ou non un œuf dans l’ad-uterum. Malgré des renseignemens aussi précis, je ne puis encore ad- mettre le quatrième compartiment que comme un canal d’é- coulement , dont la détermination demande de nouvelles recherches. DE LA Pour. 7 Nous venons de parler de la fonction des divers compar- timens de l’oviductus. Cependant ce seroït n’en prendre qu'une idée incomplète, si nous le considérions uniquement dans l’état où le montre les dessins 1 et 2. C'est à titre de préparation anatomique que nous l'avons étendu et soufilé. A l'inspection de nos deux figures, on prendroit une opinion trop différente de la réalité et des facilités qu’il offre au passage des ovules. L’oviductus est bridé au contraire par une sorte de mésentère qui l’embrasse en son entier, et quien fait converger toutes les parties vers les ver- tèbres sacrées: il est donc replié plusieurs fois sur lui-même. Aussi ses circonvolutions et les brides qui rendent ses dé- troits d’un trajet difficile, ne sont successivement dépassées qu'après de grands efforts péristaltiques , secondés en outre par l’action des muscles abdominaux. J’engage à consulter la fig. 4, où se voit l’oviductus en place et dans toutes ses si- nuosités naturelles. J’avois eu le bonheur d’apercevoir un ovule engagé dans le pavillon : j'ai également trouvé et dans le même exemplaire loviductus rempli par un œuf prêt à sortir : au moyen d’une fe: nêtrepratiquée à l’ad-uterum, j'ai mis cette circonstance sous les yeux du lecteur. L’œuf, au fur et à mesure qu'il parcourt toute la longueur de l’oviductus, en élargit successivement le diamètre. C’est cela qui est visible, fig. 1 et fig. 4 : cependant on ne peut pas dire que ce soit la fréquence du glissement des œufs qui amène insensiblement cette plus grande dimen- sion de loviductus; pour que cela devint un fait incontesta- ble, j'ai fait établir la fig. 3 ; on y voit un œuf dont les dia- 72 ORGANES SEXUELS mètres, grand et petit, sont sous-doubles des diamètres correspondans de l’ad-uterum. $S 2. De l’opiductus droit. J'ai déjà dit ailleurs ( P. anat. t. 2, p. 373) que les oiseaux ont sur la droite un vestige d’oviductus. Cette découverte du professeur Emmert (1) est déjà ancienne, bien que l’on continue à n y donner aucune attention. Emmert commença par apercevoir deux ovaires, au lieu d’une seule grappe dont on avoit dit l'organe de reproduction formé chez les oiseaux. Le fut des deux ovaires portoit au pressentiment de deux oviductus. Et en effet, Emmert découvrit sur un harle fe- melle une petite verrue qu’à sa position il jugea ne pouvoir être que ce rudiment d’organe.Cependantil ne dissimula pas quelques doutes qui lui restoient. « Je suis, dit-il, obligé de » convenir que si cette verrue est véritablement un second » oviductus , elle ne remplit pas du moins les mêmes fonc- » üons que le grand et le réel oviductus situé à gauche. » Puis, recourant à la singulière explication en usage, pour ces cas d'organisation anomale , avant que j'eusse posé le principe du balancement des organes , il ajouta : « Il en est, » sans doute , de cet oviductus sans fonctions , comme des » mamelles inutiles chez l’homme : la seule raison à donner » de cette existence d’oviductus, c’est qu'il témoigne, par » ce qui en est conservé sur la droite, de son importance » dans le plan général des animaux. » (x) Voyez ses Considérations sur quelques caractères anatomiques des oïseaux , dans les archives physiologiques de Reil , tome 10, p. 317. DE LA Poux. 73 Ce n’est pour moi qu’un organe rudimentaire. Bien qu'il lui arrive de n’être pas toujours aussi petit qu’on l’a supposé jusqu'à présent, cette qualification lui convient. Des priva- tions lui sont imposées en compensation des développe- mens considérables de son congénère. Il est en effet d'autant moins nourri, que celui-ci l’est davantage. Enfin c’est encore un organe rudimentaire sous le rapport de l’incons- tance de ses formes et de ses dimensions. Je reviens souvent sur cette propriété caractéristique des organes rudimentaires de varier à l'infini, et de le faire le plus ordinairement sur l'entrainement de causes bien légères; je hasarderoiïs de dire presque futiles. Or cette tendance à la variation qui, à l'égard de quelques organes, forme la plus grande singularité des diverses espèces dans les familles naturelles est, chez la poule, amplifiée au point d’y occasionner les plus grands désordres : d’individu à individu, c’est une autre sorte d’oviductus pour la grandeur, la forme et les circonvolutions de ses parties. Quand je trouve de ces formes disparates , mon premier soin est d’en rechercher les conditions générales : je m’inté- resse ensuite plus vivement à tous leurs détails différentiels, dont je concois mieux l’esprit et le but. Appliquant cette méthode à la considération des oviductus rudimentaires de la poule, j'ai enfin réussi, mais à ma grande surprise, non pas sans quelques difficultés, à les ramener à une mesure commune, à un mème type; à les embras- ser décidément dans un seul et même système. Je crois de- voir commencer par donner cet idéal , tel que je l’ai concu. Se trouvant trop petit, vers la droite, pour s’y étendre, comme son congénère, de l'ovaire à la bourse du prépuce, Mém. du Muséum. 1. 10. 10 74 ORGANES SEXUELS l'oviductus rudimentaire devoit délaisser un de ces deux points. Lequel des deux ? Cette considération importe en philosophie ; car elle décide une question d’origine. Or , que l’oviductus forme un cœcum ou un tube percéde part en part, il nait constamment des derniers compartimens de l’appareil intestinal. Nous connoissons donc son point de départ, la bourse du prépuce, et son point d'arrivée , l'ovaire. Ce fait et celui de sa tendance naturelle à reproduire les formes du grand oviductus nous instruisent de la manière dont commence l’oviductus rudimentaire, dont celui-ci pour- suit ses développemens et dont se composent ses subdivi- sions par la suite. L'idéal de ses formes nous est assez bien donné par la portion de notre fig. r, lett. &, 6 ,c. Dans ce cas, qui ne voit que ce sont les mêmes connexions qu'aux compartimens A,B, C du grand oviductus, fig. 1 et fig. 2? Qui pourroit se refuser à les appeler du même nom ? qui pourroit douter que ce ne soit aussi une portion vaginale , un ad-uferurn et un tube de Fallope ? Seulement il faudra envisager chacun de ces compartimens sous un point de vue dont l’ensemble de l'organe s’est déjà montré susceptible : c'est que ce sont autant de parties imparfaites. Il manque à ce prétendu vagin, à cet ad-uterum et à ce tube de Fallope, composant notre oviductus rudimentaire , pour être moins incomplets , d’avoir tout autant puisé que l’organe de droite aux sources artérielles : ces compartimens ont été moins nourris : ils sont donc arrêtés dans leur développement. C'est le caractère de la monstruosité primitive , comme c’est celui des organes rudimentaires. Avons-nous véritablement les conditions essentielles de DE LA Pour. 75 l’oviductus rudimentaire ? Nous pouvons en pleine confiance nous livrer à l’observation de chaque détail, à l’examen de toutes les modifications dont cet organe est susceptible. Or, voici ce qu’une observation attentive m’a fait connoître. Je choisis mes exemples, et je vais les passer en revue dans l'ordre de leur moindre à leur plus grand développement. 10. Je n'ai trouvé chez de jeunes pcoulettes pour oviductus rudimentaire qu’une verrue oblongue, terminée par un long filet, se perdant insensiblement dans le frêle tissu du péri- toine sur un point de l’urétère : on a représenté cette cir- constance, fig. 8. 20, J'ai vu chez des poulettes plus âgées cette même verrue former un renflement tubulaire porté sur un pédicule de même longueur, mais de moitié plus étroit. 30. Chez un autre sujet figuré dans l’atlas de mon deuxième volume, loviductus rudimentaire (lett. 7, n°. 5 de la 7e plan- che) est tout aussi petit (un vingt-quatrième de l’oviductus gauche) , avec cette différence que son principal renflement forme la zone intermédiaire de ce cœcum. Nos trois parties a,b,c,ou le vagin, l’ad-uterumn et le tube de Fallope, y peuvent être plutôt soupconnées qu'aperçues distincte- ment. Je me suis assuré que le pédicule naïssant de la bourse du prépuce n’étoit point creux. Une liqueur opaque, de nature albumineuse et d’apparence laiteuse, étoit renfer- mée dans la partie ventrue de l'organe. 4°. En passant à l'exemple représenté dans notre planche - ci-jointe , fig. 1, lett. &, à, c, nous nous portons sur une organisation dont le développement est plus avancé, dont les formes sont mieux déterminées, et dont l’analogie avec les 10 * 76 ORGANES SEXUELS compartimens du grand oviductus ne sauroït être révoquée en doute. Cet appareil est à l’égard de celui-ci, dans le rap- port de 1 à 8. La correspondance de ses trois parties @, 8, ©, avec les compartimens À,B, C de l’autre oviductus, s’étend même jusqu’à un certain point à leur forme ou à leur di- mension relative. La poche intermédiaire à est à droite la plus courte des trois, comme est à gauche l’ad-uterum B eu égard à À et à C : la forme est de part et d’autre celle d’un sphéroïde. Le troncon A sur la gauche est sans relation avec l'appareil vasculaire de l’ad-uterum, et se trouve réduit à n’être qu'un tuyau de communication : le tronçon à à droite ne profite pas non plus du voisinage de l’appareil vasculaire corres- pondant, et n’est qu’un pédicule de communication servant à attacher les autres parties essentielles de l’organe avec la bourse du prépuce. Ce pédicule obstrué, sans doute, dès sa naissance, n’étoit qu’un très-fort tendon. Enfin le troisième compartiment € n’a plus que des rap- ports avec le tube de Fallope. C’est un sac oblong fermé à ses deux bouts. Puisque ces deux organes sont les mêmes, et qu'ils ne diffèrent que par leurs extrémités avec ou sans issues, il faut bien que la disposition tubulaire du plus grand ne soit pas sa qualité essentielle. On l'a cru, du nom donné à la chose. C’est ce qu’on observe toutes les fois qu’on élève des faits particuliers à la généralité. Les noms sont d’abord créés d’après celle des considérations saisies qui porte à la plus vive impression; puis on finit par croire qu'ils ont été choisis . avec discernement, s'étant exercé sur toutes, ou du moins sur les plus essentielles propriétés des corps. DE LA Pour. 97 Ce qui reste de commun aux deux organes c et C, c’est d’être formés des mêmes feuillets, de se trouver entourés d’un semblable réseau vasculaire et de se conduire pareillementen récipiens pour le liquide sécrété à l’intérieur ; ce liquide m’a paru clair, limpide et peu visqueux. Il m'a fallu le soumettre à quelques essais, pour savoir exactement qu’il étoit de na- ture albumineuse. 5o. Un oviductus rudimentaire beaucoup plus élevé en composition organique est celui de notre fig. 5 : débridé, sa longueur est à celle du grand oviductus, comme r est à 4. Sa première portion, à partir de la bourse du prépuce, res- sembloit à tous égards au long cordon tendineux lett. à, fig. 1; maisil n’en étoit pas de même des deux autres parties. Jusqu'à présent nous les avons trouvées étendues sur une seule ligne; mais elles étoient ici coudées et soumises , par conséquent, au régime des circonvolutions, comme le grand oviductus. La troisième partie ©, est renversée sur laseconde, lett. à, et ce sont de pareilles brides ou les mêmes lames du péritoine qui les unissent ensemble. Une valvule séparoit à l'intérieur ces deux poches : elle occupoit le point de leur coude ; enfin un liquide albumineux les remplissoit. J’insiste sur la forme conique et pointue de l'extrémité de ce troi- sième compartiment c, et je dirai plus tard dans quel in- térêt. 6o. Je dois citer encore un autre de ces oviductus, queson volume, porté à plus du double , m'empêche de nommer du même nom, oviductus rudimentaire. L’ayant étendu et me- suré , je lui ai trouvé trente centimètres de long. L’oviductus gauche n’avoit qu'une longueur double. Supposez celui-ci 8 ORGANES SEXUELS sans pavillon et fermé du côté de l'ovaire, c’en seroit une exacte répétition : jy ai aperçu les mêmes caractères ; mêmes circonvolutions, même tissu glanduleux, même réseau vas- culaire. Je n'ai rencontré qu’une seule fois à droite un si riche appareil; ce fut sur une poule de race flamande, remar- quable par la taille et par une huppe en plumes très- fournie et très-élevée. 7°. Enfin je vais encore décrire un autre oviductus droit s'étant développé beaucoup plus que le précédent; mais cette fois latéralement et occupant une étendue si considérable, que je me persuade que c’étoit un cas pathologique. J’avois demandé la plus âgée de nos poules pour en faire injecter le système vasculaire : rien n’annoncçoit que la santé de cette poule eût jamais été altérée. La grappe contenoit de grands et de petits ovules, et l’oviductus gauche se trouvoit dans ce degré de développement propre aux oiseaux de basse cour, lors de la plus grande activité des pontes. Un squirre très- considérable existoit cependant dans un des replis du vagin; plusieurs autres squirres plus petits se voyoient aussi dans les intervalles des autres circonvolutions. Quelle fut ma surprise de trouver, occupant le centre du bassin, une vaste poche, pleine d’eau (1) dans les deux tiers de sa capacité. J’essayai de la vider sans l’ouvrir, elle étoit sans issue : ce que je vins à savoir plus exactement encore, quand j'en disséquai et examinai avec soin le tissu, (1) Je ne puis parler que des qualités physiques de cette eau, qui m’a paru une sérosité très-divisée et très-mobile, de couleur jaunâtre : j’en avois réservé pour être essayée par le feu; mais elle s’est répandue bientôt par accident. DE LA Pouce. 79 Mais combien ma surprise augmenta en observant sur cette poche les mêmes compartimens et les mêmes points d'attache qu'à un oviductus du côté droit : sa partie termi- nale et flottante formoit un sphéroïde dont une moitié du compartiment , lett. c, fig. 1, pourroit donner une idée, si cette moitié avoit d’ailleurs les dimensions suivantes qui étoient les siennes : longueur dix centimètres, largeur sept et épaisseur cinq. Après celte portion analogue au tube de Fallope, venoit l'intermédiaire , la poche ad-utérine , qu'un très-grand segment membraneux ou un diaphragme percé au centre séparoit et distinguoit de la poche terminale. Les ayant fait remplir l’une et l’autre par une injection de cire, la seconde s’est gonflée sous la forme d’un entonnoir à double fond, ayant de cinq à six centimètres de longueur et à peu près autant de largeur à sa base. Il y a lieu de croire que si la matière de l’injection eût été lancée de son côté, le con- traire fût arrivé : cette seconde poche eût paru ronde et l’autre en saillie rentrante. Un court et fort épais pédicule attachoit la seconde poche, l’ad-uterum, au mème point que l’eût été tout autre oviductus droit. Je ne pourrai savoir qu’au moyen de subséquentes observations, si c’est là un cas patho- logique ou un effet de vieillesse. J’ai fait mention d’un squirre considérable à l’oviductus gauche; il y en avoit un aussi à droite, non pas de même forme, mais de même nature et tout aussi volumineux. $ 3. Des oviductus chez de très-jeunes poules. C’est ainsi que les oviductus du côté droit, participent plus ou moins du développement des oviductus situés à C9 0 * ORGANES SEXUELS - gauche. La prospérité de ceux-ci réagit sur ceux-là pour en maintenir d'autant mieux l’état amaigri et rudimentaire; ou bien , cette cause venant à moins peser, ce sont d’autres rap- ports. Par conséquent dansle même âge et à la même époque de la saison des pontes, quelques oviductus droits sont plus développés que certains autres. Pour que la marche de l'or- ganisation soit ainsi plus décidée, ou plus ralentie en ce lieu, il faut seulement que l'artère spermatique du même côté recoive plus ou moins de sang. En seroit-il de même vers la gauche à cela près d’un mouvement moins variable ? Ceci nous a engagés à examiner chez de très-jeunes sujets l’orga- nisation de l’oviductus appelé à jouer dans la suite un si grand rôle, à en rechercher les conditions primitives et par- ticulières. J'ai observé une poulette âgée d'environ deux mois : ses deux oviductus paroissoient déjà; voyez fig. 5. Celui de droite rentroit dans une des formes précédemment décrites. C’étoit un filet de plus en plus atténué, allant mourir sur le milieu de l’urétère du même côté. On distinguoit ses diverses parties à une nuance dans la coloration : la membrane mu- queuse de la partie intermédiaire présentoit une mucosité noirâtre pareille à celle qui tapisse l’intérieur de la choroïde. Chaque partie avoit les proportions qui suivent, le pédicule, lett. &, étoit long d’un millimètre; la portion moyenne 6, un peu renflée, étoit double en longueur : celle en bonnet quant à la forme, lett. c, est le filet qui alloit finir à rien sur l'enveloppe peritonéale de l’urétère. L’oviductus gauche, qu’il nous importe davantage de con- noître, formoit un canal étendu de la bourse du prépuce à DE LA Pour. 81 l'ovaire. Non flexueux, tout-à-fait droit, il se prolongeoit le long et au devant de l’urétère. Grand de cinq centimètres, il est dix fois plus long que son congénère: d’ailleurs, c’étoit, quant à ses subdivisions, les mêmes rapports que le noir de la membrane muqueuse , formant pareillement le caractère de la partie moyenne, aidoit de même à distinguer. Telle est l'expression de ces rapports : À porte un centim., B deux, et C également deux. I/urétère qui dans l’âge que nous exami- nons étoit en pleine activité , formoit un canal large et d’un caractère plus décidé: mais l’oviductus s’en distinguoit nette- ment par sa situation plus extérieure et par ses points d’inser- tion. C’étoit un organe naissant que j'avois sous les yeux: toute- fois il faisoit plus que de chercher à se produire. La couleur de sa membrane séreuse annoncçoit un commencement de sur-activité de la part des artères. Jusques-là , je n’aperçois aucune différence essentielle entre cet oviductus et ses congénères de droite, si ce n’est que celui-là se porte d’un bout à l’autre du bassin et ceux-ci vers sa moitié environ, à partir de la bourse du prépuce. Le point le plus important reste à examiner. Je n’ai consi- déré jusqu'ici l’oviductus droit que sous le rapport de l'identité de ses parties avec celles déjà déterminées de l’oviductus gauche ; mais sous un point de vue plus élevé, un oviductus droit, que nous avons vu formé par deux vessies contigués et sans issue extérieure, n’est vraiment qu’un kiste, comme il en survient pathologiquement chez tous les ani- maux. Ce qui est hors de la règle pour ceux-ci est un cas ha- bituel chez les oiseaux : là seulement est la différence des deux Mén. du Muséum. t. 10. 11 82 ORGANES SEXUELS considérations. Au fond, c’est pareillement du tissu cellulaire qu'un point d’inflammation boursouffle, et que des sécré- tions à l’intérieur agrandissent. L’oviductus gauche paroït commencer comme l’oviductus droit :luiressembleroit-il par une formation semblable? Ce canal quenous venons de décrire, ne seroit-il en effet d’abord qu'une vessie seulement différente de forme, qu’un tube fermé à ses deux bouts ? On sent ce que j'ai dü apporter d'attention pour observer un fait d’une si haute importance en organogénésie, un fait pouvant réfléchir d’aussi vives lumières sur la formation des vaisseaux. Or il m'a paru que dans le principe, l’ovi- ductus gauche étoit comme son congénère de droite fermé à l’une comme à l’autre de ses extrémités ; il s’ouvre d’abord du côté de l'ovaire, et beaucoup plus tard pour former son orifice de sortie. Voici comme ces percemens sont préparés. 19. du côté de l'ovaire. Tousles élémens d'un pavillon pour former un enton- noir existent dès la formation du canal intestinal, mais il est évident que cene concerne point alors les organes sexuels. Les intestins sont, comme l'on sait , enveloppés et bridés par des replis du péritoine, et quelques replis de distance en distance vont prendre attache à la périphérie intérieure du thorax : il est chez la poule dans. le bassin deux de ces replis ainsi dis- posés, et c’est l’antérieur qui est destiné à se déchirer dans la suite et à se façonner en une conque. Ma figure 5, lett. 4 d, montre ces détails : ce repli en travers sur le bassin s’étend d’une avant-dernière côte à la semblable du côté opposé, passant et s’attachant sur la colonne épinière. Ne le considé- rant qu'à gauche, où seulement il se développera en un pa- MN Al A N NN \N W \ W La Mu” - UERebel voue! DE LA POULE. 83 villon, je le vois se rendre de la colonne épinière à l'intestin rectum, au point d'où lescœæcums s’en échappent ; puis il re- monte obliquement, en passant sur l'ovaire et sur le rein supérieur, d’où il arrive enfin sur les côtes. Les côtes s’écar- tant et le rectum s’abaissant sur l'anus, la bride est fortement tendue, et elle se présente alors comme une lame transversale et semi-diaphragmatique : autrement elle estrépandue, tantôt flottante et tantôt couchée, au devant du rein. Ses attaches varient dans quelques sujets ; au lieu de retenir le haut du rectum, c'est quelquefois la partie postérieure de l’estomac membraneux : mais dans tous les cas, c’est à la base de cette bride et en arrière de l'ovaire qu’un trou, impercepüble d’abord, vient à s'ouvrir. Cette prédisposition à une ouverture subséquente est en- core plus manifeste à l’autre extrémité. J’ai plus haut exposé comment, sans traverser le canal urétro-sexuel , l’'oviductus vient se perdre sur un des points de la surface externe de cette bourse. En dedans et précisément à la partie corres- pondante à cette insertion sont une cavité assez large et, dans son fond, une petite tétine. Ce que j'ai vu là sur un sujet, je l'ai produit sur un autre, en soufllant de l’air par l’oviductus. Je cherchai à revoir de nouveau, que l’oviductus ne dé- bouchoït pas dans le canal urétro-sexuel, quand mes efforts développèrent dans ce canal une saillie oblongue terminée en pointe. Retirant par derrière l’'oviductus, ce qui existoit dans le canal urétro-sexuel en relief, parut aussitôt en creux. Je conclus de cette observation que c’est la poussée du liquide renfermé dans un oviductus clos à ses deux extré- mités qui agit à la manière d’un coin, et qui en prolongeant LT 54 ORGANES SEXUELS DE LA Pourer. de plus en plus le tubeopiductus, en amincit les bouts jusqu’à ce qu’un effort plus eflicace amène la rupture des parties amincies. C’est à la persévérance de cette action que j'at- tribue enfin la terminaison en pointe du tube &, fig. 7. J'ai décrit plus haut cette forme; je viens présentement d'exposer ce qui, suivant moi, a dû y donner lieu. Une circonstance de plus à remarquer, c’est que la même cavité et la même tétine se voient à droite : c’est en outre que les mêmes choses existent chez des mâles aussi jeunes que nos poulettes. Nous n’en serons point très-surpris, en son- geant que c’est un effet des mêmes impulsions : nous avons dit dans notre dernier mémoire qu’une pareïlle tétine , ves- tige d’un oviductus droit, existoit aussi chez l’autruche. Voilà des faits. Car je ne suis pas uniquement occupé de spéculations; calomnieuse insinuation de l’esprit de rivalité. Voudroit-on que, semblable à un bücheron qui ne feroit d’abattis que pour abandonner ce produit et le laisser périr sur le sol, je disséquasse pour découvrir et observer des di- mensions, pour donner des mesures; étalage de considéra- üons, dont on grossit les livres, et que personne ne consulte? Les faits de ce Mémoire sont un choix parmi le grand nombre de ceux que j'ai observés. J ’attendrai pour leur assigner leur valeur sentifique, que j'aie aussi fait connoître de la même manière l'ovaire et les derniers compartimens de l'organe sexuel : ce sera l’objet d’un second mémoire, Nora. Les figures 5, 6, 7 et 8 de Ja planche IV sont de grandeur naturelle, et selles 5,2, 3 et 4 ont été réduites à moitié. La figure 8 est vue par le dos, 85 SUR L'ORGANE ET LES GAZ DE LA RESPIRATION DANS LE FOETUS. PAR M. GEOFFROY-SAINT-HILAIRE. J'iro1s depuis long-temps occupé de trouver des organes respiratoires chez le fœtus; car j'ai de tout temps donné pour base à l’ensemble de mes recherches, cette proposition fondamentale : Pornt d'organisation sans la combinaison d'un fluide assunilable, et point d’'assimilation sans une oxigénation ou une respiration préalable. Avant d'attribuer à une portion du système vasculaire la faculté de changer la nature du sang veineux, il falloit apercevoir, comme étant à la portée et sous la dépendance de ce système, d’autres élémens organiques; il falloit effectivement trouver les parties qui pré- parent et qui produisent l'acte de respiration. Or, c’est ce qui m'a paru effectué, du moment que j'ai eu découvert, 10. des organes pour une force de compression, assurant, par un phénomène physique préparatoire (1), la combinaison chi- (1) Cette question m'occupe depuis long-temps : je l’ai traitée ex professo dans un mémoire resté inédit et que j'ai lu en Égypte à l'Institut du Caire, dans les séances des 15 nivôse et 1%. pluviôse an 9 (les 4 et 21 janvier 1801); ce travail Mém. du Muséum. t. 10. : 12 86 SUR LORGANE DE LA RESPIRATION mique de l'air et du sang; et 20. des orifices et des sacs aé- riens, dits érachées, dans les animaux inférieurs. Fort de ces observations, je me crus suffisamment autorisé à annoncer dans le dernier paragraphe de mon deuxième volume (PArlosoplie anatomique, pag. 538), que le sys- tème vasculaire du derme, jouissant de ramuscules plus nom- breux et plus renflés chez le fœtus que chez le nouveau-né, formoit à celui-là une vaste branchie pour une respiration à la manière des poissons; ce qui m’avoit fait pressentir l’exis- tence d’un air respirable et de gaz expirés dans les liquides où le fœtus est renfermé. L’utérus de la mère remplit, à l'égard du fœtus, des fonce- tions que rempliront chez le nouveau-né le ventricule droit et le diaphragme. C’est durant l’âge fœtal une continuité d'ef- forts alternatifs, de contractions du cœur du fœtus et de la matrice de la mère : le cœur de l’un et la matrice de l’autre sont deux agens se correspondant et s’entendant pour ou- vrager le nouvel être. La matrice, ou parce qu’elle se con- tracte, ou parce qu'elle est refoulée de dehors en dedans par les muscles abdominaux, développe une force de compression nécessaire à tout phénomène de respiration, pour disposer, par une modification physique préparatoire, le fluide respi- ratoire à se combiner chimiquement avec le sang. En effet, la matrice pousse les eaux de l’amnios sur tous les points du porte pour titre : Mémoire dans lequel on compare les organes de la respiration des diverses classes d'animaux, on évalue la force de compression qui y condense l'air, on estime la quantité d'oxigène qui se dégage pendant la respiration, et dans lequel on recherche les causes qui engourdissent les reptiles et certains mam- mifères. DANS LE FOTus. 87 derme du fœtus, comme l’opercule et les parties organiques, employées chez les poissons durant la déglutition de l’eau, poussent ce liquide sur les branchies. Le fœtus, par tous ses pores, comme par autant de trachées, parvient, de même que les insectes aquatiques, à séparer l’air contenu dans ses eaux ambiantes ; la compression exercée par la matrice, en pré- venant le retour de ces molécules, les porte et les refoule sur les derniers ramuscules vaisseaux du derme. Aux artères placentaires, prolongement des artères de la mère, sont d’abord départis les phénomènes respiratoires. L'embryon, qui commence par être un premier effet et qui finit par être l’entier résultat des fonctions animales remplies par ses membranes ambiantes, n’est pas plutôt entièrement formé, qu’il vit pour son propre compte; c’est alors le fœtus. Les fonctions respiratoires passent des vaisseaux placentaires aux vaisseaux du derme, comme plus tard elles passeront aux vaisseaux pulmonaires. Ainsi le fœtus des mammifères possède successivement trois sortes d'organes respiratoires; une première fois, quand il n’est encore formé qu'à la ma- nière des z2éduses; une seconde, quand son organisation se complique et lui procure un système de branchies, comme celles des poissons; et, en dernier lieu, quand il a rompu et rejeté ses enveloppes placentaires, qu'il est produit à la lumière, et qu'il est enfin devenu ce dernier terme des déve- loppemens organiques connu sous le nom de 2ammifère. Tout fœtus prêt à entrer dans l’existence d’un /actpore, possède donc au même moment deux organes différens de res- piration; l’un en action et l’autre sur le moment d’agir. On donne au premier le nom de branchie, et au second celui 12 88 SUR L'ORGANE DE LA RESPIRATION de poumon. Le premier existe en relief à la surface même de l'animal; et, se débaitant sous l’action de fortes pressions extérieures, il fait subir au sang une mixtion chimique avec les molécules aériennes du liquide ambiant; le second, logé au fond de la cavité du thorax et formé de tubes vides et de vaisseaux sanguins, est donc, par sa disposition celluleuse, déjà bien préparé au rôle qu’il remplira dans l’avenir. Est-ce la branchie qui est en travail? Dès lors le sang se précipite et abonde dans les ramuscules du derme, quand au contraire il n’en parvient qu’en petite quantité, pour faire naître et nourrir le poumon, pour porter à son tissu des mo- lécules assimilables. Ou bien lapparition du fœtus dans le monde extérieur change-t-elle l’ordre de ces rapports? vous voyez le sang délaisser la branchie, et le derme être comme à l'instant frappé d’une rétraction dans ses vaisseaux. Il n’ar- rive plus de même au derme que des artérioles destinées uniquement à le nourrir, quand les principaux troncs, toutes les grandes effluves du sang, se portent vers l’organe vierge, sous le rapport de ses fonctions : ils viennent animer, gonfler et faire jouer le poumon. L’organe de respiration du fœtus, aperçu dans les vaisseaux du derme avant que l’action de l’air atmosphérique les portât à la rétraction et les transformät en capillaires de la peau, ne m’avoit encore présenté qu'une détermination nécessaire ment provisoire. Il falloit, pour qu’elle devint définitive, démontrer qu’en effet les eaux de l’amnios contiennent de l’air respirable, qu’elles renferment de plus les produits de l'expi- ration, et qu’en tous points le fœtus, enfermé dans le sac utérin, est dans une condition semblable à celle du poisson DANS LE FoOETUs. 89 dans l’eau. J'ai donc proposé cette recherche à deux de nos chimistes les plus distingués, MM. Chevreul et Lassaigne : en m'adressant séparément à chacun d’eux, je désirois que cet examen eût lieu par l'emploi de plusieurs sortes de moyens, dans des lieux, comme dans des circonstances différentes. M. Lassaigne fut le premier à m'informer que, s'étant pro- curé à Alfort de l'eau de l’amnios d’une truie (race anglo- chinoise), à deux mois de gestation, et morte à la suite d’une entérite, il avoit obtenu des résultats conformes à ceux que J'avois pressentis. Les eaux de l’amnios de cette truie contenoïent en volume les + (environ --) d’un gaz propre à la combustion des corps enflammés. Ce gaz s’est trouvé composé de 78,3 d’azote, et de 21,7 d’oxigène; ce qui se rapproche de très-près de Pair atmosphérique. Les eaux de l’amnios ont été reçues directement de la po- che dans la cornue, avec autant de prestesse et de soin qu’on a pu employer à le faire; mais elles ont cependant traversé l'air libre; et l’on peut craindre qu'un peu de cet air am- biant et atmosphérique ne se soit dissous dans les eaux de Pamnios durant le court intervalle de leur écoulement. Pour revoir ces faits expérimentés dans d’autres et de plus favorables conditions, j'ai fait abattre une vache pleine. Son fœtus, assez fort, étoit long de 35 à 36 centimètres; les eaux de l’amnios étoient abondantes. M. Chevreul dirigea l'expérience. On recueillit ces eaux avec l'attention de les priver de tout con- tact avec l'atmosphère, c’est-à-dire en les échangeant contre du mercure, dont on avoit auparavant rempli une cornue. Ce vase, à raison de son poids, étoit difficile à manier, et 90 SUR L'ORGANE DE LA RESPIRATION l'on a lieu de présumer qu'il s’est fait un mélange des eaux de l’amnios et de celles de l’allantoïde. Quoi qu'il en soit, voici les résultats obtenus par M. Chevreul. Cinq cent trente-cinq centimètres cubes d’eau d’amnios, après avoir été fortement chauffés, ont dégagé un gaz dont l'espace occupé s’est trouvé être de quarante-cinq centimètres cubes, d’où il résulte, par conséquent, que le volume étoit à celui de l’eau de l’amnios, comme r est à 11,80. Les quarante-cinq centimètres cubes de gaz étoient com- acide carbonique. . . . 37,38 psés der 31016 E azote AL Rise 7,62 De l'acide carbonique s’étoit donc formé dans les eaux de lamnios. Cependant, dans le cas où l’oxigène auroit existé avant lébullition du liquide, il aura dû brüler de l'hydrogène et du carbone de la matière organique; mais ce sera tout au plus, suivant M. Chevreul, dans la quantité d’un vingtième environ. Ainsi d’autres recherches devront être reprises pour démon- trer positivement, soit la présence, soit l'absence de l’oxigène dans le fluide amniotique, M. Lassaigne s’est de nouveau occupé de ces recherches. Il a procédé sur la poche fœtale d’une vache que j’avois en- core fait abattre pour qu’elle nous donnût ses eaux de l’am- nios. Le fœtus n’étoit que la moitié en grandeur du précédent. Les eaux de l’amnios et celles de l’allantoïde avoient été soi- gneusement et distinctement recueillies. Il y eut ébullition des unes et des autres. Les premières restèrent transparentes et légèrement verdâtres; les secondes se troublèrent : ce qui dénota dans celles-ci la présence d’un alkali. DANS LE FOTUSs. OI La cornue qui contenoit les eaux de Pamnios fut rompue, avant qu'on püt s'assurer de la nature de Pair déjà recueilli. On n’éprouva point le même accident à l'égard des eaux de l’allantoïde, et cette dernière expérience présenta les résultats Suivans : acide carbonique. . 87 120/parties/Ontidonneé: 1) 4Pazotes de MOMENT O OXISENEN I EN TO Ÿ , .. Q Per. » e Les eaux de l'allantoïde avoient été transvasées dans le mi- lieu ambiant. L’oxigène trouvé pouvoit donc provenir de la dissolution d’une petite quantité d’air atmosphérique. MM. Chevreul et Lassaigne continueront à me seconder dans l’objet de ces recherches. On s’attachera surtout à cons- tater si le gaz de l'inspiration est à part dans une des poches, et celui de l’expiration dans l’autre. Sur une observation de M. Rolando. Puisque je viens de traiter de trois sortes d’organes respi- ratoires dans la même espèce, et de montrer comment la fonc- tion, mais non l'organe lui-même, se déplace au fur et à mesure que l'organisation se complique, je répondrai à des réflexions qui m'ont été opposées par M. Rolando. Il n’est pas sans utilité de revenir sur les principes de la science, surtout quand ces principes sont d’une date aussi nouvelle. Plus ces vues sont élevées en philosophie, et plus l'examen en est nécessaire. M. Rolando, en terminant un ouvrage sur l’organo-génésie des viscères du bas-ventre, a écrit vingt-quatre pages qu'il 92 SUR L'ORGANE DE LA RESPIRATION consacra à un examen détaillé de ce qu’il appelle les faits et les principes de la Philosophie anatomique. M craint que la théorie des analogues et le principe des connexions ne soient pas d’une application aussi générale que je l’ai supposé. Ayant étudié plus particulièrement les formes et les rapports des organes respiratoires dans les échinodermes et dans les holo- thuries, il ne pense pas que la structure de ces organes puisse être assimilée à celle des mêmes organes chez les animaux vertébrés, c’est-à-dire que les uns se puissent déduire des autres. Voilàl’objection; mais elle ne m'a sans doute été faite’, que parce que je n’ai point été compris par M. Rolando. Dés qu'un savant, dont l’esprit judicieux et profond est attesté par un si grand nombre d'excellens ouvrages, n’a pas trouvé claires mes explications, je lui dois et je vais essayer de les repro- duire, présumant qu'elles auront paru bien plus obscures encore à beaucoup d’autres lecteurs. La locomotion des poissons a son principe d’action dans leur appareil coccygien, et celles des mammifères dans les quatre supports de leur tronc. Viendriez-vous à demander à la théorie des analogues et au principe des connexions de prouver que ces appareils sont analogues, parce qu'ils agissent dans les deux classes d'animaux, de la même façon et pour le même but, parce qu'ils peuvent être embrassés dans les mémes rapports, et parce qu’enfin vous vous laisseriez en- trainer à les appeler du même nom, organes locomoteurs? Ce seroit se méprendre étrangement sur l'essence de nos vues théoriques. Et de même, voir comme absolument identiques des or- DANS LE FOTUS. 93 ganes respiratoires, dont les uns sont contenus dans une ca- vité thoracique, et d’autres épanouis sur le derme, ce seroit une erreur du même ordre. Vous auriez confondu la fonction avec l'organe lui-même; et quand un plus judicieux emploi de votre discernement vous fait enfin soupconner là quelque cause d'erreur, il faudroit s’en prendre à nos principes, les signaler comme impuissans pour toutes les explications de leur sphère, et les dépouiller de leur caractère d’une loi générale; earactère dont, en effet, une seule exception bien démontrée les priveroit justement. Si la théorie des analogues a véritablement toute la valeur d'explication que nous lui avons jusqu'ici reconnue, elle saura, appuyée sur le second de nos principes, dont elle ne se sépare jamais, elle saura sans doute démeler les difficultés qui nous arrêtent. Or, qu'est-ce que cette loi? que dit-elle? que gouverne-t- elle? Elle nous enseigne à présumer semblable chez les dif- férens animaux, chaque sorte d’élémens organiques, selon l’ordre de leurs développemens, et à les distinguer au con- traire selon leur rang d'excentricité ou de génération. C’est partir de l’idée que les matériaux de l’organisation sont iden- tiques dans leur essence, qu'un nombre très-petit de lois physiques, pour la plupart encore inconnues, en opère la combinaison, et qu'ils naissent les uns des autres; mode de génération dont la considération fait le fondement de la se- conde loi, ou du principe des connexions. Cela posé, que vous appliquiez ces idées aux organes res- piratoires des animaux supérieurs et des animaux inférieurs, vous serez justement frappé de leur structure différente. Et Mém. du Muséurn.v 10. 13 04 SUR L'ORGANE DE LA RESPIRATION cette distinction est due en effet à des organes dont les uns commencent à une très-petite distance du cœur, et occupent avec lui une même et solide cavité, et dont les autres provien- nent des dernières sommités de l’arbre sanguin, et se répan- dent tout en dehors. Puisqu'il en est ainsi de ces appareils, la théorie des analogues repousse tout soupçon de leur iden- tité; et, parce que le principe des connexions les voit naïtre de rameaux à d'aussi grande distance les uns des autres, il ne s’accommode pas davantage de ce résultat. Ce principe ne reconnoit, je le répète, de sujet à sa règle, que ce qui fait partie des mêmes embranchemens, que ce qui est compris dans les mêmes subdivisions à des degrés déterminés. Par conséquent, ce que nos deux principes enseignent dans ce cas, c’est de dégager deux idées distinctes de leur confu- sion par le fait d’une seule dénomination; c’est de réformer notre langage, et de cesser d'appeler organes respiratoires deux systèmes aussi essentiellement différens. Cette réforme est nécessaire, tout aussi bien que, dans l'exemple précédent, vous ne seriez non plus autorisé à appeler l’extrémité post- abdominale des poissons et les quatre membres des mam- mifères, organes locomoteurs. Persévérer dans la vieille routine, ce seroit placer la fonction au premier rang. Or, à ce moment de nos recherches, qui pourroit hésiter de reculer devant une aussi fausse conséquence? Au fond, de quoi se composent des organes locomoteurs ? Ils sont à la rigueur constitués par un ensemble de parties musculaires ayant des points d'appui différens et favorisés par un système articulaire. Par conséquent, peu importera que les supports du tronc s’atrophient de plus en plus, pour DANS LE FOTuUSs. 95 faire, comme chez les poissons, passer la tige coccygienne à un état d’hypertrophie, ou bien, que l'inverse ait lieu, comme chez les mammifères, c’est-à-dire, que ce soit aux quatre extrémités que se manifeste le maximum de compo- sition, et à la queue le minimum ou l’état rudimentaire. Il est tout simple que la fonction reste, où demeurent tous les moyens d'action : la fonction passe sans difliculté d’un or- gane à un autre. Qu'auroit ce résultat pour tant nous sur- prendre? seulement que nous ne l’avions pas prévu, nos théories nous ayant familiarisés avec l’idée contraire. Mais ces organes, qui attirent à eux et qui se disputent en quelque sorte les fonctions, ne restent pas moins étran- gers les uns aux autres. Quels que soient le déplacement de la puissance, chacun demeure le même : chacun se montre immuablement au point fixé par l’ordre de ses dévelop- pemens ( principe des connexions); il tend à se former partout avec les mêmes matériaux ( 7'héorte des analogues); s’il n’y réussit là que médiocrement, il laisse voir ailleurs un autre organe démesurément agrandi ( balancement des or- ganes ); ou bien, enfin, mais seulement chez des êtres à de grandes distances dans l’échelle organique, ou bien, il nous dissimule son apparence d’un riche appareil, par l’agrégat de ses matériaux en plusieurs fragmens, produisant plusieurs sous-organes, dont alors le caractère de nouveauté étonne toujours ( affinités électives des élémens organiques ). Et de même, que faut-il pour constituer des organes res- piratoires? Un ensemble de vaisseaux sanguins à leur der- nière ramification, pouvant communiquer, sous l’action de divers ressorts, avec des couches d’air ambiantes; et par T9 96 SUR L'ORGANE DE LA RESPIRATION DANS LE F'orrus. conséquent aussi, peu importera que ces vaisseaux soient fournis, ici par les troncs qui s’épanouissent en dedans du thorax, là par ceux qui envoient leurs dernières branches sur la peau. La fonction est également eflicace dans un cas comme dans l’autre, ainsi qu’à l'égard de l’exemple cité, l’étoit aussi la locomotion. Conclusion définitive. 1] y a plusieurs sortes d'organes respiratoires, les uns logés en dedans, et d’autres répandus en dehors des animaux : ils sont très-certainement de struc- ture différente : ils ne sont donc point analogues. Ceux-là sont appelés poumons, et ceux-ci, branchres. J’ai traité ces questions de philosophie générale dans les Discours placés en tête de mes deux ouvrages, Organes res- piratoires et Monstruosités humaines, et j'y renvoie ceux des lecteurs qui désireroïent de plus amples éclaircissemens. 97 MÉMOIRE Sur quelques Genres nouveaux de la F'amulle des BUTTNERIACÉES. PAR M. DE CANDOLLE. L'avaroer des Malvacées et des Tiliacées ävoit frappé l'il- lustre auteur des familles naturelles, qui l’avoit fait remar- quer avec sa sagacité accoutumée, mais qui cependant avoit séparé ces deux groupes par des familles qui en sont aujour- d’hui écartées avec raison. Dès lors Ventenat proposa l’éta- blissement d’une famille des Sterculiacées qu’il caractérisoit par ses étamines monadelphes et la présence de l’albumen, et qu'il composoit de la première section des Tiliacées de Jussieu, et de quelques genres des dernières sections des Malvacées. M. de Jussieu adopta cette famille en lui don- nant le nom d'Hermanniées, qui, selon lui, exprimoit mieux le port des végétaux qui la composent. M. Robert Brown, en admettant les Sterculiacées de Ventenat , y joignit, sous le nom de Buttneriacées , un nouvel ordre intermédiaire entre elles et les Tiliacées, et principalement caractérisé par ses éta- mines les unes stériles, les autres fertiles. Enfin M .Kunthayant repris dernièrement l’histoire de ces divers groupes avec 98 BUTTNERIACÉES. son talent accoutumé, à proposé d'admettre trois grandes familles distinguées comme suit : les Malvacées par leurs éta- mines monadelphes et leurs anthères uniloculaires ; les Butt- neriacées ( qui comprennent les Sterculiacées de Ventenat ou Hermanniées de Jussieu , les Buttneriacées de Brown et les Lasiopétalées de Gay) par les étamines monadelphes et les anthères biloculaires extrorses; les Tiliacées par les éta- mines libres et les anthères biloculaires introrses. Ces trois familles ont en commun, comme M. Brown l’a fait remarquer , d’avoir les pièces du calice en estivation val- vaire et celles de la corolle en estivation spirale ou embriquée. Cette organisation est si remarquable qu’elle établit entre elles un point de liaison très-important, et tel qu'il a engagé M. Robert Brown à penser que ces groupes, joints à celui des Chlénacées, doivent former une grande association, qui, selon les idées qu’on adopte sur la classification générale , porteroit ou le nom de classe, comme M. Brown paroit l’admettre, ou celui de famille, en suivant l’analogie indiquée par les fa- milles actuelles des Composées, des Légumineuses, des Ro- sacées, etc. J’évite à dessein d'entrer en ce moment dans cette discussion , soit parce qu'elle ne peut se résoudre que par un examen général et comparatif des principes de la classification, soit parce que , lors même qu’on réuniroit en une seule les familles que j'ai mentionnées, le groupe des Buttneriacées n’en resteroit pas moins intermédiaire entre les Malvacées et les Tiliacées, et que mon but actuel est de présenter seulement la description de quelques genres ap- partenant à ce groupe. Je me bornerai à faire remarquer ici, en passant, quelques faits qui tendent à modifier les idées BUTTNERIACÉES. 99 généralement admises sur les genres qu'on rapporte à cette vaste association; savoir : 10, L’Augonia ne peut lui être rapporté, car il a le calice embriqué : il semble être intermédiaire à plusieurs égards entre les Linées et les Malvacées. 2°, Les genres Gordonia, Stewartia et Malachodendron qui ont le calice embriqué , forment une petite tribu à réunir aux Ternstromiacées, ou peut-être à élever un jour au rang des familles: le Fentenatia et le Laplacea en sont très- Voisins. 30. Les Bombacées ont un calice outronqué, et dans ce cas on ne peut juger de son estivation, ou régulièrement lobé, ou déhiscent, mais qu’on ne peut rapporter à la véritable esti- vation valvaire, de sorte qu'elles paroissent former une fa- mille distincte des vraies Malvacées, quoique très-voisine ; cette opinion acquiert surtout de la force, si, comme le port y autorise, on continue à réunir avec elles l'OcAroma et le Cheirostemon; car ces deux genres ont décidément un ca- lice embriqué , un embryon à cotylédons planes et ur albu- men charnu qui les éloignent des vraies Malvacées. 4°. Les Elæocarpées ont le calice à estivation valvaire comme les Tiliacées et devroient rentrer dans la grande as- sociation indiquée par M. Brown. Après ces observations, je passe à l'examen spécial de la famille des Buttneriacées : je m'en étois fort occupé avant la publication du beau mémoire de M. Kunth qui m'a devancé sur un grand nombre de points, éclairé sur plusieurs autres, et qui me dispense d'entrer ici dans aucun détail sur la divi- sion des Buttneriacées en tribus. 100 BuTTNERIACÉES. Je me bornerai à rappeler qu'il a divisé cette famille en cinq tribus, savoir : 1°. les Sterculiacées, 20. les Buttneriées, 30, les Lasiopétalées, 40. les Hermanniées, 50. les Dom- * beyacées. Les quatre genres dont j'ai à parler appartiennent à cette dernière tribu. Les Dombeyacées offrent trois sous-divisions notables, savoir : 10. Les Aelicterées, qui ont les cotylédons roulés en spi- rale autour de la plumule ou de l’axe qui résulteroit de son prolongement, et auquel il me paroït qu'on doit rapporter l'Ayenia, le Kleinhovie et l'Helicteres. 20. Les Dornbeyées ou vraies Dombeyacées qui compren- nent les genres Pterospermum, Pentapetes à Astrapæa , Trochetiæ, Melhania, Dombeya, Assormc, Rurzia et peut-être Xydia et Gluta dont on ne connoît pas le fruit; cette sous-division a les cotylédons plus ou moins contortu- pliqués comme les Malvacées, mais non contournés en spi- rale. 30. Les #Vallichiées, qui se composent des genres £rio- læna et Fallichia décrits ci-après. La petite sous-division que je désigne sous ce nom n'est pas encore bien connue, puisque les fruits n’ont point été analysés, mais elle offre dans la structure de sa fleur des caractères tels qu’il m'est imposible de confondre complé- tement les genres qui la composent avec les deux groupes précédens ; ils en diffèrent, 10. par les sépales du calyce qui sont munis à leur base interne de deux taches glanduleuses, 20. par les étamines qui sont monadelphes à la manière des Malvacées et non des Buttneriacées, c'est-à-dire qu’elles sont BUuTTINERIACÉES. 101 en nombre considérable , toutes fertiles, toutes soudées en- semble en une longue colonne garnie extérieurement dans toute ou une grande partie de sa longueur d’anthères extror- ses et biloculaires comme dans les autres Buttneriacées ; ou en d’autres termes les filetssont monadelphes, soudés sur plu- sieurs rangs, dont les extérieurs sont les plus courts. Les deux genres qui offrent cette organisation ont, le premier, le port des Malvacées, le second, celui des Tiliacées, et semblent ainsi l’un et l’autre confirmer l'union de ces deux familles avec celle qui nous occupe ici. Ces genres sont composés d’arbres ou d’arbustes à feuilles simples, originaires de l'Inde orien- tale; l’un et l’autre m’ont été communiqués par M. Wallich, directeur du jardin botanique de Calcuta, l’un des savans de nos jours qui, par son activité et son talent d'observation, a le plus contribué à étendre la connoïissance du règne vé- gétal; c’est pour consacrer ses services et mes sentimens pour lui, que je lui ai dédié l’un des genres de ce groupe et que j'ai tiré de son nom celui de la tribu. L’involucre des J’allichiées est remarquable par sa forme et sa distance du calice qui ressemble sous ce double rap- port à celui du P£erospermum semisagittatun décrit à la fin de ce mémoire. On ne peut lui refuser le nom sous lequel je le désigne, et d’un autre côté la grande ressemblance de ces plantes avec les autres Buttneriacées et les Malvacées me semble démontrer que ce qu’on appelle calice externe dansles Malvacées est un véritable involucre uniflore: opinion qui se confirme par l’inconstance de l’existence, du nombre et des formes des folioles de cet involucre comparé à la cons- tance des sépales du calice. Mérm. du Muséum. 1. 10. 14 102 BUTTNERIACÉES. Les étamines des Wallichiées sont, comme on dit, en nombre indéterminé ; mais il est, je pense , plus conforme et aux faits et à l’analogie de dire qu’elles sont en nombre mul- tiple (quinaire ) des pétales; ainsi le Wallichia qui a quatre pétales, a vingt étamines; l’Eriolæna qui a cinq pétales, a vingt-cinq étamines. Cette observation est applicable à pres- que toutes les plantes où le nombre des étamines est dit in- déterminé. Les deux genres de cette tribu sont les suivans : I. ERIOLÆNA. Involucrum 5-phyllum ; foliolis tomentosis laciniatis, 5 interiori- bus majoribus, 2 exterioribus minoribus, accessoriis. Calycis sepala 5 basi coalita, elongata, acuminata, utrinque tomentosa, intus basi biglandulosa. Petala 5 unguiculata, calyce breviora. Stam. 25 in co- lamnam a basi ad apicem antheriferam monadelpha. Ovarium sub- globosum, pluriloculare. Stylus 1 cylindricus. Stigmata plurima, parva, in capitulum adgregata. La seule espèce de ce genre qui soit connue est originaire de l'Inde orientale; je lui ai donné le nom d’Æ. Wallichx. Elle est cultivée au jardin de Galcuta, et m'a été envoyée par M. Wallich qui la considère comme le type d’un genre nouveau, mais difficile à déterminer à cause de l'absence du fruit. A la première vue des rameaux de cette plante on croiroit voir une espèce d'Hibiscus à grandes feuilles ; ses branches sont cylindriques et glabres dans leur partie inférieure; vers l'extrémité, elles sont comprimées, un peu fasciées, (peut-être par accident) et garnies de poils blanchätres et fasciculés; ces poils sont plus nombreux sur les pétioles et les BUTTNERIACÉES. 103 principales nervures des feuilles, les pédoncules, les involu- cres et les calices. Lesstipules manquent dans mon échantillon; les pétioles ont douze à quinze lignes de longueur; les feuil- les sont arrondies, échancrées en cœur à leur base qui est munie de sept nervures rayonnantes, terminées en pointe, dentées sur les bords, cotonneuses et réticulées en dessous, pubescentes et d’un vert plus foncé en dessus, larges de quatre pouces sur cinq de longueur. Les pédicelles ; naissent de l’aisselle des feuilles ils sont longs de trois pouces environ, hérissés, droits, terminés par une seule fleur assez grande. L’involucre est composé de cinq folioles fortementhérissées de poils fasciculés et cotonneux; les folioles sont sur deux rangs; le rang intérieur qui est encore à deux lignes au dessous du calice se compose detrois folioles ; l'extérieur qui est en même temps plus inférieur n’en a que deux ; toutes ces folioles sont déchiquetées sur les bords en lanières menues et hérissées. Le calice est à cinq sépales un peuréunis par la base, allongés, acuminés, cotonneux et blan- châtres sur les deux faces , munis à leur base de deux taches glanduleuses, rapprochés avant la floraison en estivation val- vaire et formant un bouton cotonneux en cône ou pyramide allongée. Les pétales sont au nombre de cinq, alternes avec les se- pales, plus courts qu'eux, rétrécis à leur base, échancrés au sommet , en estivation contournée en spirale avant la fleu- raison ; ils paroïissent d’après le sec devoir être d’un rouge foncé. Les étamines sont disposées sur cinq ou six rangs multiples des pétales , par conséquent vingt-cinq ou trente; leurs filets T0 104 BUTTNERIACÉES. sont tous soudés ensemble en une colonne allongée ; les in- térieurs sont les plus longs et les anthères sont presque sessiles en dehors de la colonne; ces anthères sont ovales-oblongues, à deux loges qui s'ouvrent en dehors par des fentes longitu- dinales. L'ovaire est arrondi, très-velu, surmonté d’unstyle cylin- drique également velu, et terminé par plusieurs stigmates qui forment une petite tête au sommet de la colonne des étamines. Je n'ai pas pu déterminer le nombre des loges de l'ovaire avec précision, ni celui des graines qu’elles renferment. II. WALLICHIA. Involucrum uniflorum, 5-4-phyllum, parvum , a flore distans, fo- liolis integerrimis. Calyx 4-partitus, lobis oblongo-linearibus, extus tomentosis, intus basi biglandulosis. Petala 4 patenti-reflexa, unguibus crassis, velutinis. Stamina circiter 2 in ftubum conicum longè mona- delpha, antheris a medio ad apicem tubi. Ovarium ovatum, 8-loculare. Stylus 1. Stigmata 8. Capsula? loculis 1-spermis. La seule espèce connue, et que je nomme #Vallichia spec- tabilrs , est originaire du Napaul où elle a été découverte par M. Wallich. Elle présente les caractères suivans : Les rameaux desséchés que j'ai reçus paroïssent avoir appartenu à un arbre; ils sont ligneux, cylindriques, dans leur jeunesse couverts d’un duvet blanchâtre composé de poils en faisceaux étoilés; dans un âge plus avancé ils deviennent glabres et d’un brun pâle. Les stipules sont sétacées, blanchâtres, caduques, placées des deux côtés à la base du pétiole. Les feuilles sont alternes, pétiolées, en forme de cœur, bordées de dentelures aiguës et inégales, munies à leur base de sept nervures, parmi les- BuTTNERIACÉES. 105 quelles celle du milieu qui est la plus prononcée se ramifie la- téralement en nervures pennées; le pétiole .et la surface in- férieure sont garnis du même duvet blanchâtre que l’on trouve sur les jeunes rameaux; la face supérieure porte dans sa jeu- nesse un duvet analogue, mais plus rare, et finit par devenir verte et glabre dans un âge avancé. Le pétiole des feuilles supérieures à quinze lignes de longueur, le limbe vingt-cinq de long sur vingt-un de large. Probablement toutes ces di- mensions sont plus grandes dans les feuilles inférieures. Les pédoncules naissent dans les aisselles des feuilles de l'année ; ils sont droits, plus longs que la feuille qui est à leur base, filiformes, blanchâtres comme les pétioles, bifides et disposés en une panicule où un corymbe entremélé de feuil- les ; à la bifurcation de chaque pédicule se trouvent un ou trois bractéoles linéaires, sétacées. Les pédicules propres à chaque fleur ont environ quatre lignes de longueur. Vers le haut de ce pédicule et à deux lignes au dessous du calice se trouve un petitinvolucre composé de folioles linéaires, aiguës, blanchâtres et persistantes. Ces folioles semblent être natu- 1ellement au nombre de quatre, mais souvent on n’en trouve que trois ou même que deux , la place des autres restant vacante. Le petit pédicelle qui supporte la fleur dans l’invo- lucre est tout couvert d’un duvet blanc. Le bouton de la fleur est ovale, cylindrique, long de sept lignes, couvert d’un duvet velouté, formé parle calice dont les quatre sépaless’appliquent exactement par les bords en estivation valvaire; ces sépales sont lancéolés-linéaires, acuminés, épais, veloutés sur les deux surfaces, munis à leur base interne de deux taches glandu- euses, Les pétales sont aussi au nombre de quatre, insérés 106 BuTTNERIACÉES. sur le réceptacle , alternes avec les sépales, à peu près de la même longueur qu'eux, très-étalés, ovales-oblongs, obtus et membraneux à leur sommet, rétrécis à leur base en un onglet coriace et très-velu ; leur couleur, à en juger d’après le sec, paroit avoir été blanchâtre. Les étamines sont en nombre indéfini; leurs filets sont réunis en un tube conique, allongé, qui recouvre en entier l'ovaire; leur partie supérieure est libre, grêle, terminée parune anthèrelinéaire-oblongue, droite, à deux loges qui s’ouvrent en dehors. L’ovaire est ovoïde, très-velu, à quatre ou cinqloges poly- spermes; le style est solitaire, filiforme, égalà la longueur des sépales , un peu saillant hors du tube des étamines, et terminé par huit ou dix stigmates filiformes. Le fruit paroïit être une capsule à quatre ou cinq loges polyspermes. III TROCHETIA. Ce nouveau genre qui appartient aux vraies Dombeyacées se compose de deux espèces originaires de l’ile de Bourbon; elles sont l’une et l’autre des arbrisseaux à feuilles alternes, pétiolées, entières , garnies en dessous , ainsi que les jeunes pousses , de petites écailles ou de poils étoilés; elles ont des pédoncules qui naissent de l’aisselle et se déjettent en bas. Leurs fleurssont dépourvues d’involucre;le calice esttantôt à cinq parties régulièrement et profondément séparées, tantôt peut-être en spathe qui se romptirrégulièrement. La corolle se compose de cinq pétales hypogynes, planes, peu ou point rétré- cis à leur base; les étamines forment à leur base un tube cylindri- que court, quise prolonge en une seulerangée de filets libres; BuTTNERIACÉES. 107 parmi ces filets il en est cinq à sept qui se prolongent en lan- guettes stériles , et, entre chacun de ces filets stériles, on en trouve deux ou trois plus courts, mais chargés d’anthères; celles- ci sont droites, adnées, à deux loges s’ouvrant par deux fentes longitudinales et se terminant par une petite pointe. L'ovaire est ovoide , tout chargé d’écailles insérées par le centre et découpées par les bords, divisé intérieurement en cinq loges polyspermes ; de son sommet s'élève un style droit, caduc, filiforme, qui se termine par un stigmate en forme de massue. Je nai pas vu le fruit, mais on peut affirmer presque certai- nement d’après l’ovaire, que ce doit être une capsule à cinq loges polyspermes, et que les graines sont dépourvues d’ailes. Ce genre appartient évidemment à la division des Dom- beyacées parmi lesquelles il se distingue facilement par son calice nu et ses graines ailées; son caractère classique peut être rédigé comme suit : Calyx 5-partitus, patens, nudus. Petala 5. Stamina 20-25. Fila- mentis basi in urceolum monadelphis; 5-7 sterilibus. Ovarium 1 subrotundum, lepidotum. Stylus x filiformis. Capsula 5-locularis, 5-valvis. Semina parva, subrotunda, aptera. J’ai donné à ce genre le nom de 77rochetia pour rappeler celui de M. Du Trochet, qui par ses recherches ingénieuses sur l'anatomie et la physiologie végétales a reculé les limites de la science. Les deux espèces qui le composent peuvent être caracté- risées et décrites comme il suit, en attendant que les voya- geurs les aient fait connoïître d’une manière plus complette. 1. TROCHETIA uniflora. Tab. III. T. folus ovatis, subacutis, latitu- dine duplo longioribus, pedunculis, unifloris nudis. 108 BuTTNERIAGÉES. J'ai sous les yeux trois échantillons de cette espèce, tous rapportés de l'ile de Bourbon; l’un donné par mon ami M. Benji. Delessert, l’autre par M. Bastard qui avoit déjà re- marqué qu'il formoit un genre nouveau, le troisième sans fleurs provenant des herbiers du Muséum d'Histoire natu- relle de Paris. Les rameaux sont ligneux, disposés sans ordre régulier; dans leur jeunesse ils sont un peu anguleux et couverts d’é- cailles roussâtres; dans un âge plus avancé ils sont cylindri- ques, glabres et de couleur cendrée. Les stipules sont très-petites et caduques. Les feuilles sont alternes pétiolées, ovales, entières, obtuses à leur base, un peu pointues au sommet; leur pétiole est roux, garni d’écailles, long de cinq à six lignes; leur limbe a vingt à vingt-deux lignes de longueur sur dix à onze de largeur; quelquefois cependant dans les branches stériles elles sont proportionnellement plus étroites et plus longues; leur face inférieure est couverte d’un duvet blanchâtre et velouté, entre lesquels se trouvent, surtout sur les nervures, des écailles rousses semblables à celles du pétiole; la face supé- rieure est glabre, au moins dans l’âge adulte. La côte moyenne de la feuille est saillante en dessous et donne nais- sance à quelques nervures latérales pennées. Les pédicules naissent de l’aisselle des feuilles ; ils sont cylindriques, un peu plus épais que les pétioles, garnis comme eux d’écailles rous- sâtres, longs de huit à dix lignes et recourbés dès leur origine de manière que la fleur est pendante même avant la fleurai- son; cette fleur est solitaire au sommet du pédicule qui est complétement dépourvu de bractées. BuTTNERIACÉES. 109 Le bouton de la fleur est ovoïde, aminci en pointe à son sommet , tout couvert de poils blanchâtres, et d’écailles roussâtres ; à cette époque il semble devoir se rompre irrégu- lièrement; mais dans les fleurs plus avancées, le calice s’ouvre régulièrement en cinq parties légèrement soudées par leur base, allongées, aiguës, et qui étoient disposées en estivation valvaire; leur face interne est lisse, glabre , presque pétaloïde; leur consistance est celle d’une membrane coriace. Les pé- tales sont au nombre de cinq, alternes avec les sépales, à peine plus longs que le calice, obovés, planes, membraneux, obtus , contournés en spirale les uns sur les autres pendant l'estivation; ils paroïssent avoir été blanchâtres ou d’un rouge pâle, mais je ne puis d’après le sec affirmer rien sur leur couleur, Les filets des étamines sont tous disposés sur un seul rang, réunis dans la moitié au moins de leur longueur en un tube cylindrique ; leur état qu'on pourroit croire normal est d’être au nombre de quinze ou vingt; savoir, cinq stériles, allongés en languettes alternes avec les pétales, et deux ou trois fertiles entre chaque paire de languettes; mais on trouve fréquemment six et sept languettes et par conséquent un plus grand nombre d’étamines fertiles ; dans ce cas la position des languettes n’est pas en rapport avec celle des pétales. Le reste de la description ne diffère pas de ce que j'ai dit plus haut en parlant des caractères génériques. 2. TROCHETIA triflora. Tab. IV. T. foliis ovato-lanceolatis, acu- minatis, latitudine quadruplo longioribus; pedunculis trifloris ; pedi- cellis unifloris, ex apice pedunculi ortis, umbellatis, ad basim um- bellæ bibracteatis. Mém. du Muséum. 1. 10. 15 110 BUTTNERIACÉES. J'ai sous les yeux deux échantillons de cette espèce, l’un et l’autre cueillis dans l’ile de Bourbon avant la fleuraison complette ; lun provient des herbiers du Muséum d'Histoire naturelle, l’autre se trouve dans l’herbier de M. Balbis, jadis envoyé par Ventenat sous un nom tellement erroné qu'il est probable qu'il ÿ a eu transposition d’étiquette. Les rameaux sont ligneux, cylindriques, glabres dans un âge avancé, garnis dans leur jeunesse d’un duvet roussâtre velouté et d’écailles de la même couleur. Les feuilles sont alternes, assez rapprochées à l'extrémité des rameaux, pétiolées, ovales-lancéolées, acuminées, entières, munies vers leur extrémité de très-petites dentelures sinueuses, glabres en dessus, garnies en dessous, ainsi que les pétioles, de duvet et d’écailles rousses ; leur pétiole a un pouce et demi de longueur ; teur limbe cinq ou six pouces de long, sur un et demi delarge; celles du haut de chaque rameau sont dressées: celles du bas se déjettent versle sol. Les stipules sont en forme d’alène, longues de cinq à sept lignes, caduques, couvertes de duvet et d’écailles rousses. Les pédoncules naissent de l’aisselle des feuilles, roux, ve- loutés et écailleux comme les pétioles, longs d'environ deux pouces, infléchis dès leur base de manière que les fleurs sont pendantes : cette disposition des pédoncules n’est pas assez fortement prononcée dans la planche ci-jointe, parce qu’on a ménagé l’espace pour faire voir la forme des feuilles. Chaque pédoncule se termine par une petite ombelle de trois fleurs portées sur de courts pédicelles et entourées d’un involucre général à deux folioles; celles-ci sont opposées, subulées, rousses, veloutées et au moins aussi longues que le pédicelles. BuTTNERIACÉES. III Les boutons ressemblent si parfaitement à ceux de l'espèce précédente dans tout ce que leur âge permet de voir, qu'il est impossible de ne pas considérer cette espèce comme ab- solument congénère de la précédente. L’ovaire est plus velu et plus roux dans celle-ci, plus écailleux et plus blanchätre dans l’autre ; ce qui est conforme à l'aspect que présentent toutes leurs autres parties. IV. PTEROSPERMUNM. Ce genre a été avec raison détaché des Pentapetes parSchre- ber : il s’en distingue en effet, soit par son port, soit par ses graines terminées par une appendice membraneuse en forme d’aile. On n’en connoissoit jusqu'ici que deux espèces, les P. acerifolium et suberifolium. Roxburgh en a découvert deux autres, savoir, les P. lanceæfolium et semisagittatum ; comme elles ne sont encore connues que par le nom inséré sans description dans le catalogue du jardin de Calcuta et que l’une d’elles doit former une section très- prononcée, je crois devoir donner ici une monographie abrégée du genre. Je le divise en deux sections caractérisées par la présence ou l'absence de l’involucre , comme suit. Sect. I. VELAGA. Ædans. fam. 2, p. 380. Involucrum nullum. 1. P. acerifolium ( Willd. sp. 3, p. 729) foliis cordatis, obtusis dentatis. 5 In Indiâ orientali. — Pentapetes acerifolia Lin. sp. 959. Cav. diss. 3, p. 191, t. 44. —Velaga xylocarpa Gærtn. Fr. 2, p. 245, t. 193. 2. P. suberifolium ( Wäülld. I. c.) foliis oblongis, acuminatis, apice 19 ” 112 BuTTNERIACÉES. grosse dentatis; pedicellis vix petiolo longioribus. 5 ln Indiâ orient. Pentapetes suberifolia Lin. sp. 959. Cav. diss. 3, t. 43, f. 2. Bot. mag. t. 1926. 3. P. lanceæfolium (Roxb. cat. calc. p. 50) foliis ovali-oblongis, acuminatis, infegerrimis; pedicellis petiolo multo longioribus. 5, In Indiâ orientali. Je connois cette espèce par un échantillon en fruits qui a été cueilli dans le jardin de Calcuta, et m'a été communiqué par mon excellent ami M. Leschenault de la Tour. Les rameaux sont ligneux, cylindriques, glabres àleur état de maturité; dans leur jeunesse ils sont, ainsi que les pétioles, garnis de quelques écailles roussâtres et d’un duvet blanchâtre très-court et peu apparent ; les stipules sont fort petites ettom- bent de bonneheure ; les feuilles sont pétiolées, ovales-oblon- gues, acuminées, très-entières sur les bords, un peu coriaces, à nervures pennées, glabres en dessus, couvertes en dessous d’un duvet très-court, très-serré et d’unÿblanc tirant un peu sur le roux; les pédoncules qui naissent de l’aisselle des feuil- les sont cylindriques et terminés par une seule fleur; ils por- tent çà et là, dans mon échantillon qui est en fruit, quelques cicatrices qui indiquent la place de bractées ou de folioles d’involucres et laissent quelques doutes pour savoir si cette espèce ne doit point être rapportée à la section suivante. Je ne connois point la fleur. Le fruit ne ressemble pas mal à celui du Velaga xylocarpa de Gærtner (pl. 133); il est ovoide- allongé, rétréci en un court pédicule, couvert surtoute sa su- perficie d’un duvet court, serré et blanchâtre; il s’ouvre en cinq valves et est divisé en cinq loges comme celui figuré et décrit par Gærtner. Les graines sont dressées , comprimées, BUTTNERIACÉES. Nr terminées en ailemembraneuse ; je n’y ai point trouvé d’albu- men ; les cotylédons sont foliacés, irrégulièrement plissés l'un sur autre, mais beaucoup moins tortillés que dans la figure citée de Gærtner. Sect. IT. PTEROLÆNA. Involucrum 3-phyllum , foliolis maximis, cordato-rotundis, fim- briato-laceris. 4. P. semisagittatum (Roxb. cat. cale. 50) foliis oblongis, acu- minatis , integris , basi cordato-sagittatis, lobulis inæqualibus, BP Voy. pl: Cette belle espèce est originaire de l'Inde orientale; elle est cultivée au jardin de Calcuta, d’où M. Wallich m'en a envoyé des échantillons en fleurs très-bien conservés. Les rameaux sont ligneux, cylindriques, chargés aussi bien que les pétioles, les stipules, les nervures, les pédoncules et les involucres, d’un duvet mou, abondant, et d’un roux très- pâle. Les stipules sont-grandes, très-déchiquetées en lobes étroits et aigus , fort semblables aux folioles de l’involucre ; les feuilles ont le pétiole plus court que les stipules; le limbe est oblong, acuminé, entier sur les bords, échancré en cœur à sa base; les deux oreillettes sont toujours inégales, quel- quefois toutes deux obtuses, quelquefois la plus longue est aigué; la surface supérieure est couverte dans sa jeunesse d’un duvet roux qui tombe d’assez:bonne heure et persiste seulement sur la base de la nervure du milieu; la surface in- férieure est couverte toute entière et pendant toute la durée de la feuille, d’un duvet mou , un peu hérissé et d’un blanc jaunâtre tirant sur le roux. Les fleurs naissent à l’aisselle des a14 BuTTNERIACÉES. feuilles supérieures, portées sur de courts pédoncules et mu- nies près de leur calice d’un involucre à cinq folioles héris- sées , déchiquetées, semblables aux stipules, mais beaucoup plus grandes. Le calice est grand, à cinq sépales soudés par la base, fort allongés, terminés en pointe, couverts en dehors d’un duvet long, roux, à poils rayonnans en faisceaux serrés , en dedans dtän dirt court et grisâtre. Les pétales sont plus courts que le calice, arrondis à leur sommet, rétrécis à leur base, d'un rouge foncé; les étamines au nombre de vingt, dont cinq stériles, sont monadelphes par leur base seulement, libres dans la plus grande partie de leur longueur; les anthères sont linéaires, à deux fentes longitudinales; l'ovaire oblong, stipité, hérissé, à cinq loges; le style cylindrique plus és que les étamines stériles; les stigmates sont rapprochés et forment une espèce de massue. Je ne connois pas le fruit. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE I. Un rameau de grandeur naturelle, — 1. Une fleur coupée en long pour montrer la position des parties. —2 2/. Les folioles du rang interne de l’involucre. — 3. Un des sépales du calice détaché et vu en dedans. — 4. Un faisceau de poils. — 5. Je pistil. PLANCHE II. Un rameau de grandeur naturelle. — 1. Un bouton commencant à s'ouvrir. — 2. Un des sépales vu: par le dedans. — 3. La fleur entière sans l’involucre. — 4. La même avec l'involucre. — 5. L'involucre séparé. — 6 et 6'. Les pétales vus par dehors et par dedans. — 7. Le tube des étamines ouvert et à moitié étalé. — 8. Une dnthière vue à la loupe. 9, Le! ipistil. — 10. L'ovaire coupé en travers, S ont -/0: == = ES 7 nŸ “NE RSS 2 . ARNO ST" y Lee M Febel veu? PAT LRIOLAÆANA Tom to . ee 10 Leyland del? ï MPRebel roup ? WALLICHIA speclabiles. fil UE } ; » 4? ; # ; 16 sù Have. AR | TRS Zom -/0: T E 7 bb n/ 6 dub, | \ dE —— Lleyland del! ME Rebel 7772 TROCHLTIA unflora Ë 4/0 or Ze NAN NN N Zeyland dt? 7/4 TROCHETIA 6 flora : PATENT ll nd dit PTEROSPERMON sent vagilalun . He Babel sup! eu, BuTTNERIACÉES. 115 PLANCHE IIT. Un rameau de grandeur naturelle. — 1. Le calice ouvert. — 2. Un pétale. — 3. Le pistil. — 4 4'. Les écailles de l’ovaire. —5 et,5!. Le tube des étamines fendu, ouvert et étalé.—6 6’. Uneétamine fertile vue à la loupe par dedans et par dehors. PLAN CHE IV. Un rameau de grandeur naturelle. — 1. Un pétale encore jeune. — 2. Le pistil jeune, — 3 et 3!. Les écailles de l’ovaire. — 4. Le tube desétamines. — da Deux anthères contiguës vues à la loupe du côté antérieur. — 5'. Une d’elles yue du côté extérieur. Je me suis servi dans les deux descriplions précédentes du ‘terme d’écailles pour me conformer à l’usage et à l'apparence; mais si on les examine attentivement on verra que ce sont des poils de la nature de ceux que j'ai appelés poils en écussons ( Théor. élém. éd.2, p.350). Ce ne sont autre chose que des poils formés de plusieurs branches qui rayonnent d’un centre commun, et qui sont plus ou moins intimement{soudés ensemble ; ils ont ainsi, comme dans l’'Elæag- nus, l’apparence d’écailles peltées, mais leur nature se dévoile clairement sous le microscope. Lorsqu'on compare entre elles les écailles des deux espèces de Tro- chetia, on voit que, dans la premiere, les poils sont plus fréquemment et plus com- plétement soudes-en ‘écailles, tandis, que dans:la, seconde, ils le sont plus rare- ment et moins complétement. Je suis porté à croire que toutes les écaiiles peltées des parties foliacées des plantes rentrent dans la même maniere de voir, et d’au- tant plus qu’ on n’en trouve que dans les familles où les poils ont une tendance générale à former des faisceaux ou des ramifications partant d’un centre commun. - He CIOiIO BE ANCRE . ! (Un rameau én fleurs de grandeur naturelle. — 1. Une fleur coupée ten long'avec son involucre.— 2: Le pisuil avec la base des étamines ;adhérente autour du thé- . caphore.— 3. Une feuille isolée. — 4. Une Loupe des poils c de l'involucre et des organes analogues. — 5. Une dite de lo ovaire. — 6, L’ovaire coupé en travers. — 7. Le cUprate — La parte libre des étamines supposée tie de la: fig 2€ A A à 116 RECHERCHES Sur les rapports qui existent entre les animaux de la famille des Écureuis; c’est-à-dire, les Tamias, /es Macroxus, les Ecureuils, Les Sciu- roptères et les Préromys. PAR M. FRÉDÉRIC CUVIER. Lxs idées collectives ou les termes généraux sont, comme on sait, les seuls moyens que nous ayons pour nous élever jusqu'aux limites qu'il nous a été donné d'atteindre dans le monde intellectuel : sans eux nos raisonnemens ne s’éten- droient jamais au-delà des objets particuliers; nos spécula- tions n’embrasseroient que des rapports individuels. Mais on sait aussi que ces termes, pour être des guides fidèles, ne doivent renfermer ou représenter que des idées bien définies, bien circonscrites, autrement, plus les résultats auxquels ils conduisent seroient élevés, plus la confusion seroit grande, et l’on seroit encore exposé au grave inconvénient de changer involontairement l’acception de ces termes généraux ou de mettre peu de précision dans leur emploi, et à tomber par là dans un des vices de raisonnement les plus dangereux et par malheur les plus communs, REcHERCHES SUR LES RAPPORTS DES EcuREuILS. 117 Suivant le point de vue sous lequel on envisage les choses, on peut rassembler les mêmes individus, les mêmes êtres de différentes manières, d’après telles ou telles de leurs ressemblances, choisies arbitrairement, et en former des espèces ou des genres différens, de sorte que les mèmes faits peuvent conduire à des résultats très-divers. Les classifications en histoire naturelle ne sont que des réunions, des assemblages de ces idées générales, de ces ter- mes collectifs; et c’est par leurs moyens que l'esprit pourra sans doute parvenir un jour à embrasser dans son ensemble l’immensité des êtres qui peuplent notre globe ainsi que ceux qui le constituent ; elles doivent donc être soumises aux règles que nous venons de rappeler; mais comme elles ont pour but de coordonner les objets particuliers d’après les rapports naturels qui lient ces objets entre eux, leur point de vue est déterminé invariablement, rien d’arbitraire ne peut entrer dans leurs principes , et par conséquent dans la formation de leurs espèces et de leurs genres, surtout en ce qui concerne les êtres organisés, dont les rapports ne s’é- tablissent d’une manière absolue que par une connoissance absolue de leurs parties constituantes, et de l'influence de ces parties les unes surles autres. Aussi est-ce bien pour eux qu’on peut dire que la science est toute entière dans la méthode. Dans le règne animal les généralités d’un ordre élevé pa- roissent être bien déterminées par les organes sur lesquels elles reposent et qui les caractérisent ; et sur ce point peu de choses, sans doute, restent à faire. On a mis moins d’impor- tance, ou plutôt on a été moins bien servi par les organes dans la formation des généralités d’un rang inférieur, dans celles Mém. du Muséum. 1 10. 16 118 RECHERCHES du premier et du second ordre, en remontant des individus, c’est-à-dire dans celles qui renferment les espèces et les genres proprement dits; aussi l'arbitraire s’y montroit-il quelquefois. Nous avons donc pu nous attacher avec raison à en faire une nouvelle analyse , soit pour les modifier, soit pour mieux en faire connoître toute l'étendue. Quelques-uns de nos précé- dens mémoires sont des résultats de ce travail, et l'examen que nous nous proposons de faire ici des rapports qui existent entre les mammifères que l’on a réunis sous le nom commun d’écureuils en est une suite. L'idée générale d’écureuil n’a acquis une certaine précision que depuis Brisson; avant lui on désignoit, et depuis on a même encore désigné par ce nom des rongeurs de nature très- différente. Il est le premier chez lequel tous les animaux réu- nis sous cette dénomination se sonttrouvés pourvus du même système de dentition; non pas qu’il eût cherché à les rassem- bler sous ce caractère dont il ne pouvoit pas apprécier l’im- portance, mais parce que les organes les plus cachés, quand ils sont d’un ordre élevé, ont des relations nécessaires avec ceux qui sont les plus extérieurs, et que la ressemblance de ceux-ci, qu'il avoit su saisir, amenoit la ressemblance des au- tres. Les écureuils ainsi réunis avoient tous, outre des dents semblables, quatre doigts aux pieds de devant avec un rudi- ment de pouce, et cinq complets à ceux de derrière, et ils se subdivisoient naturellement en deux groupes, les uns ayant leurs membres entièrement libres, et les autres les ayant réunis par une extension de la peau, étendue entre les flancs et propre à les soutenir en l'air dans leurs sauts, comme des ailes immobiles; mais ces groupes ne furent pas d’abord dési- SUR LES RAPPORTS DES ECUREUILS. 119 gnés par des noms différens. Ce fut mon frère qui plus tard donna aux écureuils volans le nom de péeromys, en laissant celui d’écureuil aux autres. Cependant ce dernier groupe se composoit encore d'espèces hétérogènes. Notre écureuil com- mun, qui en formoit le type, se réunissoit, par l’ensemble de ses caractères, à plusieurs autres espèces des diverses parties du monde; mais non pas, comme le remarquoit déjà Buffon, à l’'écureuil suisse, $. sériatus L., qui a les oreilles arrondies, la queue en pinceau, qui se creuse des terriers où il vit, où il rassemble des provisions au moyen de ses abajoues, et où il passe l'hiver plongé dans un sommeil léthargique , comme les marmottes et les loirs; ni aux guerlinguets, S. æstuans L., ainsi que le faisoit aussi remarquer le même naturaliste, ces animaux n'ayant point la queue distique, leurs oreilles étant arrondies et leur scrotum remarquable par son volume. Depuis, Illiger a fait de l’écureuil suisse le type de son genre {amua, et mon frère, par une simple indication, a sé- . paré les guerlinguets des autres écureuils à cause des caractè- res que nous venons de rapporter; indication qui a été suivie par M. Desmarest dans sa Mammalogie, et que j'ai suivie moi- même, mais en donnant à ces animaux le nom de macroxus (1). Les écureuils que j’ai été à portée d'examiner ne me con- duisent point à faire de grands changemens au fond de ces divisions des écureuils à membres libres. Je confirmerai leurs caractères par des caractères nouveaux, et montrerai les rap- ports que ces derniers me semblent établir. J’indiquerai en- suite les différences qui séparent les écureuils volans du nord (1) Des dents considérées comme caractères zoologiques, un vol. in-8°. n°. 56. 16* 120 RECHERCHES de ceux du midi, c’est-à-dire les potatouches des taguans, où autrement les sciuroptères des ptéromys. En effet, lorsqu'on examine dans ces différens points de vue les espèces qui entrent dans la famille des écureuils non volans, on voit que, outre les différences que nous venons de rappeler, elles en présentent encore de nombreuses dans les formes de leur tête, c’est-à-dire dans les parues qui dépendent des organes les plus importans, et que cette considération conduit à des rapprochemens nouveaux qui donnent des idées plus justes de leur nature. On remarque d’abord que la tête du tamia suisse ou rayé, $. striatus Li, n’a que peu de ressemblance avec celle de la plupart des autres écureuils; elle présente, vue de profil, une ligne courbe uniforme à sa partie supérieure, au lieu d’une ligne très-irrégulière , et vue de face, toutes ses pro- portions antérieurement sont eflilées en comparaison de celles que nous font voir les autres têtes des genres de cette famille. Ainsi la longueur des nasaux est à leur largeur dans le suisse comme trois sont à un, et dans l’écureuil commun ou dans les macroxus comme deux sont à un; et les apophyses orbi- taires du frontal, lorsque la longueur de la tête, à commencer par les nasaux, est divisée en cinq parties, correspondent à la fin de la troisième, tandis qu'ils ne correspondent qu’à la fin de la deuxième dans les macroxus et dans les écureuils. proprement dits; mais ce qui distingue surtout les têtes de ces animaux, c'est l'étendue du cerveau , qui, chez les tamias, ne s’avance pas, à beaucoup près, à la moitié de la tête, tandis qu’elle la dépasse de beaucoup chez les autres. Ea conformation générale qui résulte de ces traits partieu- SUR LES RAPPORTS DES EcurEuUILSs. 21 liers rapproche singulièrement la tête des tamias de celle des spermophiles (1), à tel point même que, sans la différence assez légère qui sépare les dents de ces derniers de celles des écureuils, il seroit difficile de ne pas faire des tamias des sper- mophiles ou réciproquement, car on sait que les uns comme les autres sont des animaux fouisseurs, qui font des provisions de graines à l’aide de leurs abajoues, et que le froid plonge dans un engourdissement profond ; mais si les différences qui distinguent ces rongeurs sont assez importantes pour mainte- nir leur séparation générique , je pense qu'ils doivent être rapprochés comme faisant le passage des marmottes aux écu- reuils proprement dits. C’est à la suite des tamias que l’écureuil palmiste, par la forme de sa tête, vient prendre sa place. Il n'appartient cer- tainement à aucun des groupes suivans. Sa tête étroite et eflilée, en comparaison de la leur, l’en éloigne beaucoup; mais elle présente aussi quelques différences lorsqu'on la compare à celle des tamias; sa partie antérieure fait une ligne un peu plus droite ; ses nasaux sont proportionnellement moins longs, et ses arcades zygomatiques bien moins saillantes; néanmoins la ressemblance de ces têtes est très-grande, et si l’écureuil palmiste n'est pas un tamia, il présente certainement le type d’un groupe nouveau. Un examen plus détaillé du naturel et de l’organisation de cet animal, que plusieurs naturalistes ont regardé comme un rat, plutôt que comme un écureuil, décidera la question que nous ne pouvons point encore ré- = (1) Voyez la tête de ces derniers dans le vol..IX de ces Mémoires, pag. 302, et pl. 15. 192 RECHERCHES soudre. En attendant nous pouvons faire remarquer que, par ce que l’on connoiït de ses mœurs, il s'éloigne déjà sensible- ment des écureuils proprement dits. M. Leschenault nous apprend qu'il ne se tient guère qu’auprès des habitations, qu'il se plait sur les toits, les murailles, dans les trous des- quelles la femelle dépose ses petits, qu’il cause de nombreux dégâts dans les vergers , dont il mange également de tous les fruits , et qu'il vient même jusque dans les appartemens ramasser les miettes qui tombent des tables, etc., etc. D'un , autre côté la distribution de son pelage, son mode de colo- ration, le rapprochent beaucoup plus aussi des tamias que des écureuils proprement dits, et il seroit curieux de voir jusqu’à quel point les autres écureuils rayés confirmeroïent ce rap- prochement. On sait que Raï jugeoit qu’on ne devoit faire de tous qu’une seule espèce. Après les tamias, les espèces qui nous présentent dans les formes et les proportions des différentes parties de la tête les caractères les plus remarquables, ceux qui font le plus d’ex- ception aux caractères des têtes d’écureuil sont les guerlin- guets. Chez eux les frontaux, dans leur partie moyenne, sont profondément déprimés, d'où il résulte que leur partie pos- térieure se relève, et donne à la capacité cérébrale des dimen- sions remarquables par son étendue, car elle est suivie de l'élévation proportionnelle des pariétaux et des occipitaux. Chez les tamias et les écureuils la largeur des frontaux est à leur longueur à peu près dans les mêmes rapports, celle-ci surpasse beaucoup l’autre. Les guerlinguets ont au contraire ces os d’une largeur égale à leur longueur, et le cerveau occupe presque les deux tiers de la longueur de la tête. SUR LES RAPPORTS DES ÉCUREUILS. 123 Ce sont ces grandes différences, jointes à celles qui les dis- tinguoient déjà, et dont nous venons de parler au sujet des tamias, ou que nous avons rappelées plus haut, qui nous ont déterminé à considérer ces animaux d’une manière tout-à-fait distincte, et à leur donner la dénomination générique de M1- CROXUS. Mais ces formes organiques des guerlinguets ne sont pas particulières à l'Amérique, comme ces animaux auroient pu le faire penser; elles appartiennent aussi à l’Asie méridionale; car ces écureuils, que les Malais désignent par les noms com- muns de oupe (1), éoupaie, toupaya, sont des macroxus dans toute la généralité que nous donnons à cette expression. Cette similitude d'organisation entre des animaux de con- trées si éloignées vient ajouter encore de la considération aux motifs que nous avons eus de faire une étude plus particulière des rapports qui existent entre les écureuils. En effet , un des sujets de recherches les plus importans par les vues nouvelles auxquelles il conduit et par les résultats qu'il promet, ce sont les rapports de formes des organes avec les différentes régions de la terre; mais pour tirer de ces recherches de justes con- séquences, il faut ne pas confondre des modes organiques différens sous la même dénomination générique, et les formes organiques qui caractérisent les macroxus paroissent être du même ordre que celles qui caractérisent les écureuils : (1) On sait que les Malais réunissent sous cette dénomination des écureuils et des inseclivores que M. Diard nous a fait le premier connaître. Depuis longtemps Valantin nous avoit appris qu'il existoit à Java des animaux nommés Toupes, mais on n’en avoit pas reconnu la nature. Il est aujourd’hui bien évident qu'il entendoit parler des insectivores, des cladobates. Sorex-glis Diard. 154 RECHERCHES les uns et les autres conservent leurs traits distinctifs sousles mêmes influences, malgré leur grande diversité. Ces animaux nous paroïssent devoir se rapprocher des ta- mias, parce qu'ils nous semblent moins propres à vivre sur les arbres que les écureuils. En effet, leur queue ronde n’a point, comme la queue distique des premiers, la propriété de les soutenir en l'air, de retarder leur chute et d'étendre leur saut ; c’est un accessoire aux organes de mouvement qui leur manque , et cette circonstance doit exercer sur leur genre de vie une influence notable. Les écureuils proprement dits, qui terminent la série des écureuils à membres libres, forment un groupe nombreux, non moins bien caractérisé par les formes de la tète que par les autres parties de l’organisation. Ces animaux présentent, à la partie antérieure de leur tête, vue de profil, une ligne à peu près droite qui commence à prendre une légère courbure . à la partie moyenne des frontaux, courbure qui s'accroît tout à coup pour descendre à la région occipitale. La dépression dont nous avons parlé au sujet des macroxus n'existe plus, ni la saillie de la partie postérieure des frontaux: quant au cerveau, il occupe, comme celui du groupe précédent, près des deux tiers de la longueur de la tête. Toutes les espèces de ce genre, tous les élémens de ce terme général sont intimement unis; ils nous présentent cependant quelques différences d’un ordre plus élevé que celles qui caractérisent communément les espèces, et je dois surtout les faire remarquer, parce qu'elles semblent se rattacher à des contrées particulières, à des influences de nature différente, Ainsi toutes les espèces américaines de ce genre qui nous SUR LES RAPPORTS DES EcuREUILS. 125 sont connues se distinguent de celles d'Europe par des for- mes de têtes plus ramassées, plus trapues; mais ces exceptions sont légères et ne détruisent point l’intirae union qui est éta- blie entre ces animaux par leurs ressemblances nombreuses et profondes. Elles sont sans doute en relation avec des pen- chans particuliers, des dispositions instinctives, et une con- noissance plus détaillée de leurs mœurs pourra nous les dé- voiler. Ces animaux nous paroissent lier les groupes précédens à ceux qui suivent, c'est-à-dire les macroxus aux ptéromys, par leur naturel et leurs organes du mouvement. Comme les premiers, ils sont portés à vivre sur les arbres, et ils sautent presque avec la même facilité que les seconds, favorisés par leur queue distique et leurcorps même, qui s’élargissent l’un et l’autre de manière à offrir à l’air une surface très-étendue comparativement à leur poids, ainsi que le fait la membrane des flancs de ces derniers; nouvel exemple qui vient à l’appui de lopinion qui assimile la queue des animaux aux organes du mouvement. Il ne nous reste plus à parler que des écureuils volans. Jus- ques à présent le polatouche du nord de l'Europe et l’assapan de l'Amérique septentrionale, le taguan et le sagitta desiles de la mer des Indes avoient été réunis, comme nous l'avons dit, sous la dénomination commune de ptéromys, étant re- gardés comme des animaux dont l’organisation étoit sembla- ble, et qui ne différoient les uns des autres que par quelques caractères spécifiques : la grandeur de la taille, la couleur des poils ou l'extension de quelques parties des tégumens. Nous devons à M. Diard d’avoir pu déterminer d’une manière * Mém. du Muséum. ?. 10. 17 126 RECHERCHES plus exacte qu’on n’avoit été dans le cas de le faire les carac- tères du taguan, qui sont vraisemblablement aussi ceux du sagitta. Par là nous avons reconnu que cet animal formoit le type d'un genre nouveau auquel nous avons laissé le nom de ptéromys, en donnant celui de sciuroptères au polatouche et à l’assapan. Nous avons fait connoître les dents du taguan dans notre ouvrage sur ces organes considérés comme carac- tères zoologiques; ici nous devons montrer les caractères qui distinguent les têtes des sciuroptères et celles des ptéromys. Le sciuroptère assapan (sczurus volans Lin.), qui me ser- vira d'objet de comparaison avec le ptéromys taguan , nous présente une tête qui, vue de profil, a toute sa partie anté- rieure, jusqu’au milieu des frontaux, c’est-à-dire jusqu'où commence l’encéphale, sur une ligne droite ; le reste suit une ligne courbe très-arquée , de manière que toute la partie occipitale est fortement portée en bas; ces lignes approchent de celles que nous a fait voir l’'écureuil commun, mais elles sont beaucoup plus prononcées : vue de face, cette tête est remarquable par la surface unie de ses frontaux, dont la largeur est à la longueur comme un est à deux, ses pariétaux et ses temporaux très-bombés, et la capacité cérébrale que la cour- bure de ces os produit. Cette capacité remplit les trois cin- quièmes de la longueur de la tête. Le ptéromys taguan a la partie postérieure de ses nasaux un peu bombée , et ses frontaux sont fortement déprimés dans leur milieu; ils se relèvent légèrement ensuite, et les parties postérieures de la tête ne commencent à se courber en bas d’une manière un peu sensible qu’à partir du milieu des pa- riétaux. SUR LES RAPPORTS DES ÉCUREUILS. 127 La largeur des frontaux est à leur longueur comme deux sont à trois, et ils se relèvent aussi de chaque côté au-dessus des orbites; les pariétaux sont médiocrement convexes; aussi la capacité cérébrale est bien moïns étendue chez le taguan que chez l’assapan ; elle naît à peine vers le milieu des frontaux, et ne remplit guère que la moité de la longueur de la tête. Nous rapprochons les sciuroptères des écureuils , à cause des ressemblances qui existententre les formes de leurs dents et de leurs têtes, caractères qui en éloignent le ptéromys. Les observations contenues dans ce mémoire changent peu de chose, comme nous l'avons dit, au fonds des idées qu’on avoit sur les animaux réunis sous la dénomination commune d’écureuils; seulement elles les étendent, leur donnent plus de précision, et confirment la distinction qu’on avoit faite de ces rongeurs en plusieurs groupes ; distinction qu'on n’osa d’abord en quelque sorte qu’indiquer et qu'aucun nom ne consacroit. Lorsqu'on examine les caractères sur lesquels ont été fondés la plupart des genres parmi les rongeurs, on a lieu d’être surpris de cette réserve à nommer des genres nettement caractérisés, réserve que ne commandoient pas plus les règles que les exemples. Sans doute toute réunion générique doit avoir pour objet l’avantage manifeste de la science; et dès qu'elle remplit cette condition, elle doit être admise. Car il est certain que toute réunion d'espèces, lorsqu'elle ne rompt point les rapports naturels des êtres, mais les établit, favorise et soutient les efforts de l'intelligence, enrichit la science, la féconde et la fait marcher avec certitude à son perfectionnement. 7 128 RECHÉRCHES SUR LES RAPPORTS DES ECUREUILS. EXPLICATION DES FIGURES DE LA PLANCHE X (). Fic. 1. Tête de Tamia. — a. Vue de profil. — b. Vue de face. Fic. 2. Tête du Palmiste. — & Vue de profil. — b. Vue de face. . Tête de Macroxus. — a. Vue de profil. — 5. Vue de face: . 3 Fic. 4. Tête d’Écureuil. — a. Vue de profil. — b. Vue de face. 5. Tête de Sciuroptere. — a. Vue de profil. — b. Vue de face. 6 . Tête de Ptéromys. — a. Vue de profil. — b. Vue de face. (1) C’est à M. Saulnier que je dois les dessins contenus dans cette planche, ainsi que plusieurs des observations de ce Mémoire. à PO IO N 1 {. FN li REA 2 i TETES D ECUREUILS. EE 4 PREMIER MÉMOIRE SUR LE GYNOBASE. Du Gynobase considéré dans les Polypétales(). {Présenté à l’Académie des Sciences le 21 avril 1823.) PAR M. AUGUSTE DE SAINT-HILAIRE. SI Des Ochnacées. Eure plantes de nos climats, dont la corolle est polypétale et les étamines périgynes, ont constamment des styles et des stigmates portés sur leurs ovaires. Cette organisation est aussi la plus commune chez les espèces de la même classe qui croissent sous les tropiques; cependant, parmi elles, ontrouve des exceptions en apparence fort remarquables. En effet, au milieu des plantes équinoxiales, il en est quelques unes où l’on voit plusieurs loges entièrement nues et parfaitement distinctes; et ces loges rangées symétriquement sur un ré- ceptacle commun, le plus souvent en forme de colonne, se (1) Comme les collections rapportées du Brésil par M. Auguste de Saint-Hilaire ont été réunies à celles du Muséum, la connoissance des objets qu’ellescomprennent intéresse cet établissement d’une maniere spéciale, et les observations auxquelles ils ont donné lieu trouveront naturellement leur place dans les Mémoires du Muséum. 130 GYNOBASE. pressent autour d’un style unique porté sur le même récep- tacle. Quelque singuliers que paroissent ces caractères, ils échappèrent long-temps à tous les botanistes : tant il est vrai que c’ést pour ainsi dire de nos jours que l’on a commencé à étudier avec attention la structure si importante de l’ovaire et du fruit! M. de Candolle est le premier qui ait fait connoître celle que je viens de rappeler, et il a donné le nom de gyno- base au réceptacle commun du style unique et des loges distinctes (Mern. Och. in Ann. Mus., tom. 17, pag. 398). Un petit nombre de traits suffira pour compléter l’excellente description de ce savant auteur. D’après la facilité avec laquelle les loges de l’'OcAna et du Gomphia se détachent du réceptacle dans les fleurs dessé- chées, M. de Candolle (1. c., pag. 4071) avoit pensé qu’elles étoient articulées sur le gynobase ; mais il n’en est réellement pas ainsi. Dans les fleurs fraiches, on voit sans peine qu’il n'existe aucune articulation entre les loges et le gynobase, et qu’étant continus, ils forment un même ensemble. La position de l’ovule dans l'ovaire offroit des caractères trop importans pour que je ne cherchasse pas à le découvrir chez les plantes à gynobase, lorsque dans le cours de mes voyages j’avois sous les yeux des espèces où existe cet or- gane. J’ai fait l'anatomie de plusieurs Gomplhua, et, dans chaque loge, j'ai trouvé w ovule unique attaché sur le gy- nobase, entre lui et l'enveloppe péricarpique, au pornt le plus voisin du style, situation que j'ai depuis reconnue sur le sec dans les ovules du genre OcAna. À présent que nous connoissons parfaitement tous les ca- ractères qui accompagnent le gynobase, il nous sera plus facile GYNOBASE. 131 de rechercher quelle est sa nature; et pour cela nous em- ployerons un moyen qui a toujours réussi aux sectateurs des rapports naturels, celui de la comparaison, moyen qui ré- cemment encore a été recommandé avec tant de raison par un habile observateur. (7'wrp. Iconog.) Les ovaires ordinaires chargés d’un ou plusieurs styles, d’un ou plusieurs stigmates, présentent un système complet de vaisseaux nourriciers et de vaisseaux spermatiques; et si, par exemple, dans une Renonculacée à cinq ovaires, j'en re- tranche quatre avec leurs stigmates, celui qui resteroit pour- roit encore être fécondé. Mais si, dans un Gornplhia, je sup- prime avec le style quatre des loges distinctes, il n’y aura plus de fécondation pour la loge restante. Le Gormphia ne présente donc qu’un système commun de fécondation pour les cinq loges, ou, pour mieux dire, pour leurs cinq ovules, et, par conséquent, quoique distinctes, ces loges ne forment qu'un ovaire. Puisque dans ce genre, et en général toutesles OcAnacées, je trouve un style unique et cinq loges distinctes, il est bien évident que ceux des ovaires ordinaires avec lesquels l'ovaire gynobasique aura le plus d’analogie, présentera également des loges séparées par autant de cloisons, et qu'il sera sur- monté d’un seul style. Un ovaire ainsi organisé est tra- versé au-dessus du style par un axe vertical auquel se ratta- chent les cloisons, qui se compose de tissu cellulaire et de vaisseaux spermatiques et nourriciers, et auquel les ovules sont fixés dans l’angle interne des loges. Or dans l'ovaire gynobasique, le style, les loges et les ovules se rattachent au gynobase, comme ailleurs ces mêmes parties se rattachent à 132 GYNOBASE. l'axe central ou columelle ; les vaisseaux nourriciers, arrivant de la base de la fleur, doivent nécessairement traverser le gynobase pour parvenir aux ovules; les vaisseaux sperma- tiques venant du style doivent le traverser aussi, comme ailleurs les uns et les autres traversent l’axe central; donc le gynobase remplit les fonctions de cet organe, ou, pour mieux dire, un gynobase n’est autre chose qu'un axe central déprüné. il est des ovaires parfaitement arrondis, d’autres où se des- sinent des lobes, d’autres enfin, tels que celui du Correa et du nouveau genre Ælmeidea, où les loges entièrement dis- ünctes se rattachent à un axe vertical, sans adhérer entre elles. S'il m'est permis de supposer un instant qu'un de ces derniers ovaires soit composé d’une matière molle et duc- üle, et que, poussant le style vers la base de la fleur, je puisse refouler l’axe central; peu à peu on le verra s’étaler, les loges de l'ovaire s'inclineront et deviendront horizontales; enfin, j'aurai un gynobase chargé du style et de loges distinctes ; et si les loges renfermoient un ovule unique et suspendu, cet ovule se trouvera, comme dans le Gompluia, attaché sur le gynobase au point le plus voisin du style. D’après ce qui précède, je ne saurois dire, avec M. de Candolle, que le gynobase est un péricarpe charnu placé au- dessous des loges, puisque je retrouve dans les loges le véri- table péricarpe, et la columelle dans le gynobase. Mais M. de Candolle vouloit prouver que le gynobase, le style et les loges forment un pistil unique; et celui qui annonce une vérité nouvelle, se sert quelquefois d'expressions un peu outrées, pour faire sentir cette vérité plus fortement à ses GYNOBASE. 133 lecteurs. Il est évident d’ailleurs que, dans la réalité, opinion de l’auteur du Systeme ne diffère point de la mienne, puis- que non-seulement il considère les quatre ou cinq loges des Ochinacées comme un ovaire unique, mais qu'il dit positi- vement (I. c., pag. 4o1), que le gynobase doit être traversé par les vaisseaux qui vont du stigmate aux ovules, caractère qui, quand il existe plusieurs loges, ne sauroit appartenir qu’à un axe central. L'auteur élégant et profond des ÉZémens de physiologie végétale s’est aussi exprimé à peu près de la même manière que moi sur la nature du gynobase. Il dit en effet (pag. 341) que le pistil gynobasique pourroit être considéré comme un péricarpe régulier dont l’axe central, surmonté du style, se seroit affaissé; et si l’on ne doit point appliquer le mot d’o- vaire, comme l’a fait le même écrivain (pag. 225), aux loges des Ochnacées, ce que cette expression a d’irexact se trouve atténuée par la phrase remarquable que j'ai citée plus haut, Mais l'observation va démontrer aussi ce que le raison- nement a déjà prouvé, ce me semble, jusqu’à la dernière évidence. En traversant ces bois nains qu’on appelle carascos, et qui sont si communs dans le district de Minas-Novas, j'y avois souvent remarqué un joli Gormnphia que j'appelle oZeæ- folia, et dont les rameaux portent à leur extrémité de belles panicules de fleurs d’un jaune doré. Vers le lieu appelé S.-Bartholomeo , je crus que cette espèce avoit entièrement disparu; cependant j'observois un grand nombre d’arbris- seaux absolument semblables à elle pour le port et le feuil- lage; mais au lieu d’y trouver des panicules pareilles à celles Mém. du Muséum. 1. 10. 18 134 GYNOBASE. du G. oleæfolia, je remarquai que les rameaux étoient ter- minés par une touffe serrée de branches menues qui, partant à peu près d’un mème point, présentoient une espèce d’ombelle ou de corymbe. Ces branches étoient revêtues de petites bractées embriquées, ovales-aiguës, striées, pubescentes, et, de l’aisselle de ces dernières, il naïissoit des bourgeons où quelquefois des fleurs infiniment plus petites que celles du G. oleæfolia. Le calice, les pétales, les étamines, le style, étoient absolument ceux de tous les Goz2phia; mais les lobes de l'ovaire, au lieu d’être distincts, étoient simplement très-divisés, ils se rattachoïent tous à un axe vertical terminé par le style, et enfin l’ovule, fort petit, étoit fixé dans l'angle interne de la loge. Ne retrouvant plus ici les carac- tères attribués à la famille des Ochracées, et n'étant point encore assez familiarisé avec l'extrême mobilité de l’or- ganisation végétale, j'allois, je le confesse, considérer une simple monstruosité comme une espèce particulière, lors- qu’enfin ayant trouvé sur un seul pied des corymbes tels que je les ai décrits, et des panicules absolument sem- blables à celles du Gomplua oleæfolia, il me fut démontré que ma plante n’étoit autre chose que cette dernière espèce. Voilà donc dans un même individu des loges et un style qui se rattachent tantôt à un axe vertical, et tantôt à un gyno- base; donc celui-ci n’est qu’un axe véritable; mais cet axe est déprimé au lieu d’être vertical. SIL Des Sinaroubées; des Rutacées proprement dites, et des Cuspariées. Le principal but de M. de Candolle, dans son mémoire sur GYNOBASE. 139 les Ochnacées, étoit de faire connoître les caractères de cette famille, et les espèces qui lui appartiennent. Ce but il l'a rempli avec le talent qui le distingue. Recherchant ensuite les rapports des genres Ochna et Gomphia, il crut leur en trouver avec un autre groupe, celui des Snaroubées, déjà légérement indiqué par Pillustre Richard (47. fr. 21), etil consacra quelques pages à ces dernières plantes. Mais M. De- candolle n’observoit les S#raroubées que par occasion, et avoit sous les yeux des échantillons secs; il voyoit dans ces plantes un style en apparence unique, un réceptacle en forme de colonne, chargé de cinq loges parfaitement distinctes; il étoit bien naturel qu'il conclüt de là que le pistil des Szra- roubées étoit organisé comme celui des Ochnacées. K n'en est cependant pas ainsi, comme je m’en suis convaincu par l'analyse des fleurs de quatre nouvelles espèces de Sznaba que j'ai observées dans mes voyages; mes Saba suapeo- lens, trichulioides, ferruginea et floribunda. Tous les quatre présentent, au centre de la fleur, un ré- ceptacle long de deux lignes, qui ressemble absolument au gynobase des Ochnacées, et qui est aussi chargé de cinq loges libres et entièrement distinctes. Mais ici, et c’est une différence bien importante, le style n’est point inséré entre les loges et sur le même réceptacle qu’elles ; chaque loge au contraire porte à son sommet un style particulier, et ces cinq styles, se dirigeant obliquement vers le centre de la fleur, se rencontrent bientôt, se soudent, et n’en forment plus qu’un seul qui se divise de nouveau, tout-à-fait au sommet, en cinq branches extrèmement petites, stigmatiques à leur face. L’o- vule unique n’est point attaché au fond de l'ovaire; en rapport 18* 136 GYNOBASE. avec la position du style, il est suspendu immédiatement au- dessous du sommet de la loge, à l’angle du péricarpe qui re- garde le centre de la fleur. D'après tout ce qui précède, il est bien clair que, dans mes quatre Sraroubées, chaque loge munie d’un style particu- lier et renfermant un ovule pariétal, doit présenter un sys- tème complet de vaisseaux nourriciers et spermatiques, indé- pendant de celui des quatre autres loges. Donc il existe ici cinq ovaires parfaitement distincts, et non, comme dans les Ochnacées, un ovaire unique dont les loges se rattachent à un système commun ; donc enfin nous n’avons point ici de gynobase. Si par conséquent les Ochnacées, comme on le verra bientôt, ont des rapports réels avec les Synaroubées, ce n’est point immédiatement par la structure de leurs organes femelles, et dans le cas où lon croiroit, à l'exemple de M. de Candolle, devoir former une classe particulière de plantes à ovaire gynobasique (Théor. p. 245), il faudroit en exclure les Sunaroubees. Je ne suis pas le seul au reste qui ait vu dans les S2arou- bées les caractères que je viens de décrire. Aublet dit positi- vement que l_Æruba guayanensis (Guy., pag. 194), a trois styles réunis en un seul, et tout le monde sait que cette plante n’est autre chose que le Sznaba guayanensis(]. e., pag. 862). I] va plus loin encore en décrivantle Snarouba amara, puis- qu'il lui attribue cinq ovaires surmontés chacun d’un style, et il ajoute ensuite que les cinq styles semblent n’en former qu’un seul. Mon savant ami, M. C. Kunth, ne s’est point exprimé d’une manière aussi précise dans sa description du Szraba orinocensis (Nov. gen. vol., pag. 18); mais la figure où il à GYNOBASE. 137 tracé l’intérieur de l’ovaire chez cette dernière plante, offre, comme dans mes espèces, un ovule unique suspendu dans sa loge un peu au-dessous du sommet de l’ovaire, et celui-ci est également chargé de la base de son style. J’ai été curieux de savoir si ces caractères se retrouve- roient aussi dans le Quassia amara, premier type du groupe des Stmaroubées, et voici ce que j'ai observé. Un réceptacle court, épais, presque cylindrique, porte cinq ovaires très- rapprochés, mais qui n'adhèrent par aucun point, et pré- sentent, comme ceux de mon Sznaba floribunda, trois côtés dont les deux latéraux planes et l'extérieur convexe. Celui-ci est en outre relevé d’une côte qui devient d’autant plus sen- sible qu’elle se rapproche davantage du sommet de l'ovaire, et qui se prolonge en un style oblique (r). Ce style se ren- contre presque aussitôt avec les quatre autres, et tous ersem- ble n’en forment plus qu'un seul à cinq côtes. Chaque ovaire contient un ovule oblong et elliptique, qui est suspendu dans l'angle interne un peu au-dessous du sommet de la loge, et le cordon ombilical se rattache au tiers de la longueur de cet ovule. Cette organisation est celle de mes s/naba floribunda, Jerruginea, etc., et enfin, comme je m’en suis convaincu par une analyse attentive, elle est celle du Sznaba guayanensts, type du genre Synaba. Doncil est actuellement démontré que les Snaroubées se caractérisent par l'existence d'un récep- (1) Cette observation est favorable à l'opinion des observateurs qui ont pensé qu’un péricarpe 1-loc. 1-valve représentoit une feuille. Ils en verroient la nervure moyenne dans la côte que je viens de décrire, et le style seroit le prolongement de cetle nervure. 135 GYNOBASE. tacle en forme de colonne qui porte des ovaires distincts, uniloculaires et monospermes ; par celle d'un nombre de styles égal à celui des ovaires, et bientôt réunis en un seul; par la suspension des ovules, et enfin par l'absence totale du gynobase. Mais sil n’y a point de gynobase dans les S/maroubées, que sera cette colonne qui porte les ovaires ? Il n’est, je crois, aucun botaniste qui ne puisse répondre à cette question. Tous savent en effet que le réceptacle de la fleur, se prolongeant au-dessus de la base du calice, emporte quelquefois avec lui la corolle, les étamines et les ovaires ; quelquefois seulement les organes sexuels, et quelquefois encore les pistils sans les étamines et la corolle; ils savent aussi que quelquefois ce réceptacle prolongé se dilate en forme de coupe dans la partie chargée des étamines, et enfin qu’il éprouve une foule de modifications, suivant les genres et les espèces, La colonne centrale des $zraroubées, portant les ovaires, et intermé- diaire entre eux et la base du calice, ne peut être évidem- ment aussi qu'une portion prolongée du réceptacle, et on l’appellera, si l’on veut, un gyrophore. Je propose ici d’employerce mot, parce qu'il a été adopté dans la première édition de la Théorie élémentaire de M. de Candolle, dans les Élémens de M. Mirbel, ceux de M. Ri- chard fils, et que ces auteurs l'ont très-bien défini. Mais on sait qu'il a été imaginé, surtout par les botanistes du Nord, une foule d’autres expressions pour désigner le prolongement du réceptacle de la fleur. Plusieurs sont absolument synony- mes; d’autres désignent les diverses modifications du récep- tacle prolongé : ainsi un terme indique le prolongement quand s LAS GYNOBASE. 139 il n’est chargé que des organes femelles ; un autre quand il ne porte que les organes mâles, comme cela peut arriver dans les fleurs unisexuelles; un autre terme doit représenter le gynophore, lorsqu'il éprouve une dilatation latérale, etc. ; et de là les mots £écaphore, basigyne, polyphore, torus, gynophore, etc. Mais si l’on veut s'amuser un instant à con- sidérer, comme autant d’entre-nœuds raccourcis, les espaces étroits qui se trouvent entre les verticilles dont se compose la fleur, on ne sera assurément pas tenté d’imaginer des ex- pressions différentes, pour peindre le plas ou moins de lon- gueur que ces légers intervalles sont susceptibles de prendre. Si, rejetant de telles considérations, on regarde simplement comme une dilatation du réceptacle, cette colonne qui élève au-dessus du calice les diverses parties de la fleur, quelle uti- lité trouvera-t-on à indiquer par des mots étrangers à notre langue, les différentes nuances de la dilatation, suivant que se faisant sentir plus ou moins près des parois du calice, elle emporte seulement le pistil, ou qu'elle emporte encore la corolle et les étamines? Il n’est pas même nécessaire, ce me semble’, d'avoir un mot particulier pour désigner le prolon- gement du réceptacle, quand il ne porte que les organes mà- les, parce que cela n'arrive que par l’avortement des organes femelles souvent remplacés par un rudiment; et lors même que, par une métamorphose extraordinaire, je trouverois, comme dans les fleurs mâles de plusieurs Croton du Brésil, une étamine centrale, je ne verrois pas encore de raison pour employer un autre mot que celui de gyzophore , parce que je sais fort bien que cette étamine ne fait qu’occuper la place d’un ovaire. Le réceptacle dilaté dansla fleur, l'axe cen- 140 GYNor4sr. tral déprimé dans l'ovaire, sont deux modifications assez re- marquables pour qu’on les désigne par des expressions dis- tinctes ; ainsi adoptons pour la première le mot de gyrophore, et pour la seconde celle de gyzobase ; mais évitons de con- sacrer tant de termes divers pour peindre des modifications d’un organe qui n’est lui-même qu’une modification. Privé pendant long-temps du secours des livres, peut-être me suis- je attaché trop exclusivement à la terminologie qui avoit fait objet de mes premières études botaniques et qui s’étoit gravée dans ma mémoire. Si je n’éprouvois ce doute, je me joiudrois ici à un habile Iconographe; et, comme lui, je fe- rois des vœux pour qu'on mette des bornes à l’accroissement des termes botaniques; j’essäierois de montrer que celui qui cherche dans la connoissance des végétaux un noble délasse- ment, rebuté par l'aspect ténébreux d’une science d'initiés, repoussera une étude aimable qu’il auroit peut-être cultivée avec quelque succès; je montrerois qu’en s’éloignant à peine du langage vulgaire, les Lamarck, les Desfontaines, les Smith n’ont pas été moins clairs, moins vrais, moins élégans; je fe- rois voir combien M. Charles Kunth s’est peu écarté de la terminologie linnéenne, et cependant il est entré dans les dé- tails les plus délicats, il a tout vu, tout décrit avec exactitude. Mais je ne prolongerai pas davantage cette digression. Je reviens à mon sujet, et je dirai quelques mots du podogyne, autre modification, qu’on à coutume de définir avec le gy- nophore et le gynobase. C’est mieux faire connoître un or- gane que de déterminer la nature de ceux qui l’avoisinent, Tout le monde sait que certains ovaires, tels que ceux d’un srand nombre de Légumineuses, sont portés par une sorte de GYNOBASE. 141 pédicelle grêle; c’est là cette partie de la fleur que l’on a appelée podogyne , qui a été définie comme étant un rétré- cissement de l’ovaire, et qu’on a recommandé de ne pas con- fondre avec le gynobase et le gynophore. Il est bien clair que le podogyne n’est pas un axe central déprimé , et que , par conséquent , ce n’est point un gynobase. J’avouerai que, trompé par la définition que je viens de rappeler, j'ai cru pendant quelque temps que le podogyne différoit réellement aussi du gynophore ; mais voici ce que la réflexion doit néces- sairement suggérer. La végétation s'opère de bas en haut, et c’est par conséquent dans ce sens que nous devons considérer les plantes. Le podogyne se trouve au-dessous de l’ovaire; ainsi il n’en est point un rétrécissement, car un corps ne sauroit se rétrécir qu'au-dessus du point où il commence, et il n’est personne qui voulût appeler le pédoncule un rétrécissement de la fleur. Le podogyne est, comme le gynophore, continu avec le réceptacle ; comme lui il est intermédiaire entre le réceptacle et l'ovaire; comme lui enfin il supporte le péri- carpe, et puisqu'il a toutes les qualités du gynophore, il ne sauroit être autre chose que le gynophore lui-même. Or, puisque l’on trouve tous les intermédiaires entre les gyno- phores les plus épais et les plus grèles, il est clair qu'il vaut mieux, Comme nous faisons pour la feuille et la corolle, peindre ces nuances légères par des épithètes que par des mots distincts qu'il faudroit multiplier à l'infini ; et par con- séquent il sera convenable, si je ne me trompe, de reléguer avec tant d’autres, l'expression de podogyne, parmi les sy- nonymes du mot gynophore. Souvent, à la vérité, le gynophore proprement dit est arti- Mém. du Muséum. 1. 10. 19 142 GYNOBASE. culé avec l'ovaire, pendant que dans les plantes où l’on a si- gnalé un podogyne, il n’y a point ordinairement d’articulation entre lui et le pistil; mais le pédoncule est assurément bien différent du calice, et pourtant il arrive assez rarement qu'il y ait une articulation immédiate entre lui et la fleur, tandis que quelquefois l’on voit une articulation dans le milieu même du pédoncule. Le support des ovaires de l’Helcteres, fort long et extrêmement grêle, porte à son sommet les éta- mines, et souvent un second rang de pétales bien distincts; ce seroit donc un gynophore; cependant il n’existe aucune articulation entre lui et les ovaires, et il persiste encore après la maturité (1). Cependant , dira-t-on, si la colonne qui porte les ovaires des Snaroubées est un gynophore, et celle quisoutient le pistil unique des Ochnacées un gynobase, comment se fait-il que deux modifications d'organes aussi différens se présentent absolument sous le même aspect ? On a vu que dans les Ochnacées l'ovule étoit inséré sur le sommet de la colonne au point le plus voisin du style; par conséquent il suffit que les vaisseaux spermatiques rampent sous la surface de la colonne dans une foible épaisseur. Tout ce qui est au- dessous de cette surface gynobasique, étant aussi peu parcouru par les conducteurs que le gynophore des Sinaroubées , n’ap- partiendra évidemment point au gynobase ; ce sera un véri- table gynophore; et ainsi zous n'aurons dans les Sinarou- (r) L'examen fait sur le frais des espèces brasiliennes m’a convaincu que les étamines et le second rang de pétales naissaient au-dessous des ovaires et non, comme on pourroit le supposer, du fond du calice, cas où il faudroit que le gyno- phore fût entouré d’un long tube qui dans la réalité n'existe point. GYNOBASE. 143 bées qu'un gynophore, et chez les Ochnacées nous aurons un gynophore et de plus un gynobase, ou si l’on veut, dans ces dernières, /e sommet dugynophore servira de gynobase. Ceci est tellement vrai que, dans la monstruosité du Gomphia oleæfolia que j'ai citée plus haut, et où il n’existe point de gynobase, mais un axe vertical, l'ovaire est cependant soutenu par une colonne. Il y a plus encore : la limite des deux mo- difications d’organes peut se reconnoître après la chute de la corolle dans une autre Gornphia de la Flore du Brésil, car la partie inférieure et la plus considérable de la colonne y con- serve la figure d’une pyramide renversée, et la partie su- périeure se dilate en forme de boule. M. de Candolle a énuméré avec beaucoup d'exactitude et de précision les différences qu’il avoit trouvées entre le groupe des Ochnacées et celui des Simaroubées ; mais il en est quelques-unes que de nouvelles observations font dispa- roître. Ainsi les Sraroubées que j'ai trouvées dans mes voya- ges, mes quatre S#7aba ermon Sinarouba versicolor (1) sont toutes d’une extrême amertume, mais leur suc propre n’est point laiteux, et par conséquent ce caractère ne sauroit être assigné au groupe tout entier. Mes Szraroubées et celles de M. de Humboldt ont leur ovaire 1-sperme comme le sont les loges des Ochnacées. Enfin la différence de la position (1) Je donnerai ailleurs la description de cette espèce remarquable qui est commune dans les déserts de la capitainerie des Mines, voisins du Rio deS, Francisco, et porte dans le pays le nom de Paraïba. Elle se distingue principale- ment par ses feuilles pennées dont les folioles sont elliptiques, oblongues, très- obtuses, échancrées, et dont la nervure moyenne est pubescente ; par ses panicules lâches et terminales, enfin par ses étamines au nombre de dix. 19° 144 GYNOBASE. de l'embryon par rapport au fruit est sans aucune valeur, puisque dans la réalité l’ovule est également suspendu dans les Ochnacées et les Stnaroubées, et que laradicule ÿ aboutit également à l’ombilic; ce qui, soit dit en passant, confirme encore ce principe si bien démontré par lillustre Richard, savoir, qu'il faut considérer l'embryon dans la graine, la se- mence dans le fruit, ou, pour mieux dire, l’ovule dans l’o- vaire, et que la distinction de radicule supérieure et inférieure ne peut souvent qu'amener des erreurs. Mais les nouveaux rapports que je viens d’indiquer entre les Ochnacées et les Sünaroubées sont, je crois, bien plus que compensés par l'existence d’un seul pistil gynobasique dans le premier de ces groupes, et celle de plusieurs ovaires distincts et munis de leur style chez les Sraroubées. M. de Candolle demande, dans son mémoire , s’il faudra les consi- dérer comme des sections d'une même famille ou comme deux groupes distincts. C’est pour ce dernier parti qu’il s’est décidé depuis ; son exemple a été suivi par M. de Jussieu (in Mirb. elem., p. 836), et il est évident, d’après tout ce qui précède, que je n’hésiterai pas à me ranger de l’opinion de ces savans illustres. Au reste, si mes observations éloignent davantage les Oc- nacées des Simaroubées, elles rapprochent siugulièrement celles-ci d’une famille déjà indiquée comme en étant voisine. En effet, ce n’est pas seulement dans les Szraroubées que je trouve des ovaires parfaitement distincts et un nombre égal de styles qui, naissant de leur sommet , se soudent presque aussitôt en un style unique. J’ai reconnu sur le frais ce carac- tère singulier dans six plantes qui appartiennent à ces Rufacées: GYNOBASE. 145 anomales , dont l’illustre Brown a signalé le premier la véri- table place (Gen. rem.) , et que M. de Candolle vient de nous faire connoître avec plus de détails sous le nom de Cuspa- riées (Mém. Mus. vol. 10). Il y a plus : j'ai observé la même organisation et avec un gynophore danstoutes les espèces d’un genre qui appartient aux Aiwtacées régulières, le Plocarpus ramosa, Wahl, mes Pilocarpus spicata etpauciflora, plantes nouvelles du Brésil, et une autre espèce nouvelle de la flore de Cayenne. Enfin je trouve également dans les £riostemon un gynophore peu élevé, et cinq ovaires qui n’ont entre eux aucune soudure et ne se rattachent point à une columelle cen- irale; qui, quoique très-rapprochés, permettent qu’on passe entre eux la pointe d’une grosse épingle, et qui, au quart ou au tiers de leur longueur, portent chacun un style; ce qui en forme cinq dont la réunion n’en fait bientôt qu'un seul. ‘M. de Jussieu avoit déjà indiqué les rapports des Snarou- bées avec les Rutacées (Gen., p. 282); il avoit fait plus en- core, il avoit placé (Gen. , p. 208 ) dans la même section que le Diosma et l'Ermplevrum , V Arube, qui, comme je l’ai dit, n'estquele Saba. Ces affinités n’avoient pas non plus échappé à Cavanilles (Le. 40), ni à Willdenow, ni à M. de Humboldt (PI. equin. IT, p. 61), et enfin M. de Candolle, croyant de- voir élever les Szraroubées au rang de famille, les a placées auprès des Rutacées. Combien ces mêmes rapports deviennent intimes, à présent que nous retrouvons dans les organes fe- melles des Rutacées et des Simaroubées une structure qui n'appartient guère qu'à ces deux groupes. Mais ce n’est point Tà que se borne la ressemblance ; elle est à peu près la même dans toutes les parties des plantes qui nous occupent. Les 146 GYNOBASE. deux groupes offrent également des tiges arborescentes. Des feuilles composées sont un caractère commun aux Sznarou- bées et à un grand nombre de Rutacées. Les premières, j’en conviens, ne présentent ni le port du Diosma, ni celui du Melianthus ; mais les Rutacées n’ont point un port qui leur soit propre: quelle ressemblance de port trouveroit-on, par exemple, entre la Àwe et le Correa, les Zygophyllum et le Dictamus, eimêmele Moniera et mon Galipea pentagyna? La forme des fleurs est à peu près la même dans mes S#naba trichilioides et ferruginea, et dans les Galipea pentagyna, heterophylla, etc. Cette écaille qui accompagne les étamines des Simaroubées se retrouve dans le Porlera (Ruïz et Pav. F1. per. 44), genre trèés-voisin des Rutacées, et dans le Ra- putia de la flore de Cayenne (espèce du genre Galipea). Les points transparens qu’on observe dans les feuilles des Ruta- cées n’existent, je l'avoue, ni dans le Quasia, ni dans le 4S7- maba , ni dans le Snarouba; cependant les fleurs de mon Sinaba suaveolens sont parsemées de points glanduleux ex- térieurs, et des feuilles marquées de points transparens ne sont point non plus un caractère universel chez les Rufacées, puisque le Dors poivrier (Juss. Gen. 374), que personne n’é- loignera de cette famille, est, comme les Szrnaroubées, entièrement dépourvu de vésicules diaphanes, et il en est de mème du Galipea macrophylla. La saveur amère et les propriétés fébrifuges des Szmaroubées se retrouvent dans le Cortex angusturæ ; elles se retrouvent au degré le plus émi- nent dans mon Æyodia febrifuga, que les Mineiros appellent tres folhas vermelhas, et mon Tïcorea febrifuga qu'ils nomment éres folhas brancas. Les Simaroubées, il est vrai, GyYNoBAse. 147 n'ont aucun périsperme, et chez les Rufacées l'on indique l'embryon comme étant entouré d’un périsperme charnu; mais il n’en existe dans le Moniera qu’une très-petite lame, qui, adhérant au tégument propre, s'enfonce entre les deux divisions du cotylédon intérieur et qui peut facilement échap- per aux recherches; je n’ai découvert aucune trace de péris- perme dans mon Galipea fontanesiana; M. Mikan n’en a pas vu davantage dans le Galipea macrophylla; enfin le Pilocarpus, que sa fleur, son fruit, ses feuilles parsemées de points transparens ne permettent assurément pas de séparer des Rutacées, le Pilocarpus, dis-je, n'offre aucun périsperme, comme Wahl l’avoit déjà décrit, et comme je m’en suis as- suré moi-même par l'analyse soignée de mon Pzlocarpus spi- cata. Des auteurs ont attribué aux Sraroubées des fruits un -peu charnus et indéhiscens; mais ce que disent et Gærtner : (Fruct., 1, p.340) et Aublet (Guy., 862, 295, 400) prouve que la substance charnue est à peine sensible; Kunth n’a pas craint de donner le nom de coque au fruit des Rutacées et à celui des Syraroubées ; de Candolle affirme positivement que .chez ces dernières le fruit est déhiscent (Mém. Och. in Ann. Mus., vol. 17, p. 422); Gærtner dit qu'il lui a paru s'ouvrir de lui-même (1. c.), que s’il a des rapports avec la baie, il en a aussi avec la capsule, et qu'il est revêtu intérieurement , comme dans les Rufacées , d’une membrane propre et carti- lagineuse ; enfin, suivant Aublet, les ovaires du Ssrarouba (Guy., 862) se changent en capsules, qui, sous une écorce peu charnue, offrent une coque mince et cassante , et les fruits du Simaba, ajoute le même auteur, sont secs, minces et capsulaires (Guy. , 295 et 400). 148 GYNOBASE. Si nous résumons à présent l'examen comparatif qui pré- cède, nous trouverons que presque tous les caractèrés des Sinaroubées, etles plus importans, sont également communs au groupe des Rufacées ; qu’un ou deux de ces caractères, moins universellement répandus dans la dernière famille, s'observent cependant chez quelques espèces; enfin que la seule différence réelle se trouve peut-être dans la nature du péricarpe, et que même elle est à peine sensible. Le fruit des Simaroubées formera une nuance entre celui des Ochnacées qui est entièrement charnu ét celui des Rutacées parfaitement capsulaire ; et c’est avec ce dernier qu'il aura le plus de rapports. Nous rapprocherons nos divisions, autant qu'il est possi- ble, du plan de la nature, si nous convenons que les diffé- rens ordres de coupes doivent indiquer différens ordres d’afli- nités ; et puisque nous ne saurions empècher qu’il n’y ait dans nos arrangemens beaucoup d’arbitraire , prenons pour norme l'ouvrage immortel qui le premier a présenté aux bo- tanistes la vaste série des plantes disposées d’après la valeur de leurs rapports, ouvrage qui est encore resté le plus par- fait de tous ceux qui embrassent l’ensemble des végétaux. Lorsque nous reconnoîtrons entre deux groupes de plantes autant de différences qu’il en existe entre les familles les plus voisines du Genera de Jussieu; que ees groupes soient pour nous des familles; qu'ils soient des tribus, si les rapports sont plus intimes; et enfin dés sections, lorsque les différences deviennent encore moins sensibles. Tel est l'esprit qui a dicté les règles que M. de Candolle a prescrites (Théor. élément. p.191 et suiv.), et elles séront adoptées, je crois, par tous GYNOBASE. 149 les botanistes qui craindront d'introduire ie désordre dans la science. Or puisque nous trouvons réellement beaucoup moins de distance entre les S’aroubées et les Rutacées qu'il n'yena entre les diverses tribus des Rosacées, entre les Po- tentilles et les Amygdalées, par exemple, nous ne verrons plus dans les Sznaroubées qu’une simple tribu du groupe des Rutacées. En isolant davantage les Ochnacées, je suis bien loin de prétendre qu’elles n’aient point de rapports avec les Rufacées. La présence constante du gynobase, l'existence d’un fruit charnu, celle des stipules, un port particulier, en font une famille distincte ; mais où placeroit-on cette famille si, s’écar- tant de la manière de voir parfaitement juste de M. de Can- dolle, on ne la mettoit auprès des Rufacées ? Toutes celles-ci n’ont pas, comme la tribu entière des Snaroubées , beau- coup de Cuspariées , le Pilocarpus et \ Ériostemon , cinq ovaires placés sur un gynophore, et surmontés d'autant de styles bientôt réunis en un seul. J’observe dans le Correa alba un gynophore plane, épais, à dix crénelures, et un seul ovaire en apparence globuleux, mais qui, débarrassé des poils qui le couvrent, montre quatre lobes un peu adhérens tout- à-fait à la base, et d’ailleurs parfaitement distincts jusqu’à l'axe qui est surmonté du style. Or, j'ai également trouvé dans l'Ochnacee que j'ai déjà citée, et qui étoit devenue mons- trueuse, un gynophore et des lobes distincts rangés autour d’un axe vertical terminé par le style. Donc les OcAnacées, comme la dit M. de Candolle, ont un grand rapport avec les Rutacées , puisqu'un léger degré d’affoiblissement, qui n’ap- partient pas toujours à toutes les fleurs d’un même individu, Mémn. du Muséum. 1. 10. 20 156 GYNOBASE. fait du pistil d’une OcAnacée celui d’une Rutacée. I y a quel- que chose à ajouter encore. Les lobes de l'ovaire du Diosma ne sont pas à la vérité séparés jusqu’à l’axe ; mais cet axe ne commence point au sommet géométrique de l'ovaire; ses trois lobes se terminent par une pointe libre, et par conséquent voilà déjà ici une légère ébauche d’un commencement de dé- pression dans l’axe, dépression qui, comme nous l'avons dit, constitue le gynobase. La dépression va beaucoup plus loin encore chez le Dictamus et chez les Ruta que j'ai soumis à l'examen, puisque l’axe n’y occupe que le tiers ou même le quart inférieur des lobes d’ailleurs parfaitement libres; et comme cet ovaire est porté sur une courte dilatation du ré- ceptacle de la fleur, il est clair qu'il se nuance avec l'ovaire gynobasique des Ochnacées. Si je considère, dans le pistil seulement, l’ensemble des Zygophyllées, des Ochnacées et des diverses tribus de la fa- mille des Rutacées, je trouve dansles Zy20phyllées un ovaire, comme ils le sont tous, simple ou lobé, et surmonté de son style; le Diosmna présente déjà une dépression dans l'axe; cette dépression est beaucoup plus sensible chez le Drictamus et parmi les Ruta, puisque l’axe n’y a que le tiers ou le quart de la longueur de l'ovaire; et j'arrive ainsi au gynobase un peu conique de quelques Ochnacées, puis à celui qui, parfaitement plane, supporte cinqlobesentièrementdistincts. La séparation est presque aussi sensible chez le Correa alba etles {lmeidea rubra, lilacina et longifolia N.; mais l’axe reste vertical au lieu d’être déprimé. Le Galpea heterophylla N. présente cinq ovaires; cependant ils sont soudés tout-à-fait au sommet, et ne portent qu'un style. Ceux du Galipea fontanesiana N. sont GYNOBASE. LR: légèrement adhérens à l’angle central, et, par une singularité remarquable, leurs styles sont presque libres. Dans tous les Pilocarpus , les cinq ovaires ont leur base enfoncée dansle gy- nophore, et là ils ne forment qu’un tout; plus haut ils restent entièrement hbres, et les styles ne sont soudés qu’au-dessous du stigmate. Chez beaucoup de Cuspartées , la tribu entière des Sinaroubées, les Eriostemon , les ovaires sont absolu- ment distincts ; ilexiste cinq styles, mais ceux-ci bientôt se réu- nissent en un seul. Le Galipeapentagyna N. offre cinq ovaires un peu soudés tout-à-fait au sommet; mais chacun d’eux porte un style parfaitement libre dans toute sa longueur. Kunth a encore trouvé une légère adhérence dans les styles et les ovaires de quelques Zygophytllum (Nov. gen., vol. VI, p. 1); mais enfin la plupart des espèces de ce même genre ont des styles et des ovaires entièrement distincts. Tout ce qui précède n’indiqueroit-il pas que la nature s’est en quelque sorte essayé dans la famille des Rutacées à former d’un seul ovaire multiloculaire, monostylé et symétri- que, plusieurs ovaires uniloculaires, munis chacun d’un style? Et si, comme le pensent MM. de Candolle et Brown, on doit mettre à la tête du règne végétal ces familles où l’on trouve une division bien prononcée dans les organes, et par consé- quent une grande vigueur relative, ne sembleroit-il pas que l'on dût ranger après elles, les Rufacées qui offrent une ébauche de cette séparation d’organes, et présentent un pas- sage de ces familles vigoureuses à celles où la force de déve- loppement ne sauroit aller jusqu’à partager l'ovaire symé- trique en plusieurs ovaires distincts ? On peut tirer de ce qui précède une conséquence plus ri- 20 * 152 GYNOBASE. goureuse encore,et qui aura plus d'utilité dans la pratique ; c’est qu’un caractère ailleurs si important, la réunion des ovaires et des styles, ou leur séparation, reste absolument sans nulle valeur parmi les Rufacées, puisque, dans cette famiile, on observe toutes les nuances intermédiaires entre la réunion et la séparation totale, et que si, par exemple, nous prenons deux genres extrêmement voisins, le 7corea et le Galipea, nous trouverons dans le Galipea pentagyna N. cinq ovaires etcinqstyles, et dans les 7 corea longifiora Dec. et jasmint- Jora N., un style simple et un ovaire unique. Donc nous aurons iei une preuve de plus de cette vérité déjà annoncée par Magnol, et proclamée de nos jours par MM. Mirbel et de Candolle, savoir, que chaque famille a en quelque sorte ses mœurs particulières, et que les mêmes caractères n’ont point une valeur égale dans les diverses familles. Il ne sera pas inutile, je crois, de profiter des observations qui précèdent, pour examiner si l’on doit établir des divi- sions dans la famille des Rutacées , et sur quels diagnostics il faudra les fonder. Je ne parlerai point de la première section de cette fa- mille, telle qu’on la trouve formée dans le Gezera Plantarum, puisqu'on s’est accordé à faire de cette section une famille distincte sous le nom de Zygophyllées, changement qui peut être conservé sans nul inconvénient. Le diagnostic proprement dit de la tribu des Snaroubées se trouvera dans la nature du péricarpe qui, à ce qu’il paroït, est extérieurement fongueux ou un peu charnu , au lieu d’être bien décidément capsulaire, et où probablement l’endocarpe ne se sépare pas aussi nettement que chez les autres Rutacées. GYNOBASE. 153 Quoiqu’on trouve chez celles-ci dés espèces sans points glan- duleux, d’autres sans périsperme, d’autres enfin où plusieurs ovaires distincts, portés sur un gynophore, sont terminés par des styles bientôt réunis en un seul, ces caractères cepen- dant serviront puissamment à distinguer les S’naroubées, puisqu'ils paroissent constans dans toute cette tribu. Sans parler des Cuspariées, M. de Candolle a cru devoir former dans les Rutacées trois sections: les Rufacées propre- ment dites, qu’il borne aux genres Ruta et Piganum; les Diosmées, qui doivent comprendre les genres Diosma, Dic- tamus, Correa, Eriostemon, etc.,etenfinles Zanthoxylées, qui embrassent les genres Zanthoxylum et Aubertia. La pre- mière section se caractériseroit par un gynophore peu saillant, des pores nectarifères sur la base de l'ovaire et des loges poly- spermes ; la deuxième par un gynophore assez sensible, des graines au nombre de une à trois dans chaque loge et un style simple; la troisième par des styles et des ovaires distincts. S'il existe quelque différence dans la hauteur du gynophore entre les plantes de la première et de la seconde section, _elle est souvent à peine sensible, et quand elle le seroit da- vantage, ce n’est pas, ce me semble, sur une longueur plus ou moins grande, dans une simple modification d’organe, que l’on peut établir deux tribus différentes. L'on voit, je le sais, des points glanduleux sur la base de l'ovaire du Ruta; mais on en trouve d'à peu près analogues sur le jeune fruit tout entier de plusieurs Drosmées. Dans les espèces de Dios- mées que j'ai observées, j'ai trouvé deux ovules péritropes- ascendans ; M. de Candolle dit qu’il y en a jusqu’à trois, et je me rappelle un Ruta qui n’en avoit que quatre. Des nuances 154 GYNOBASE. si bien fondues ne permettent aucune coupe, et, d’après ce que j'ai dit plus haut, il est bien évident que la séparation et la réunion des ovaires ne sauroient non plus en fournir. Si nous admettions ces derniers caractères, que ferions-nous de l £riostemon et du Pilocarpus, qui ont des ovaires distincts et des styles bientôt soudés? que ferions-nous surtout de mon Zanthozxylum monogynum qui n’a qu’un seul ovaire, mais où ce dernier uniloculaire, et surmonté d’un style oblique, ne fait autre chose, comme celui du Delphinium ajacis, que représenter la cinquième partie de l’ovaire symétrique des dicotylédones? Ne faudroit-il pas encore éloigner le 7zcorea du Galipea, lacérer ce dernier genre, séparer plusieurs Zan- thoxylum de leurs congénères, et rompre enfin les rapports les plus naturels ? Il est bien clair par conséquent que des trois sections dont nous venons de nous occuper, il faut n’en faire qu'une seule dans laquelle la réunion des styles et des ovaires, et la hauteur relative du gynophore fourniront à peine des caractères génériques, mais qui se distinguera par des feuilles généralement ponctuées, et par des fleurs régu- lières et sans soudures. Si, en apparence, je m’écarte ici du sentiment de M. de Candolle, e’est cependant ce savant illustre qui, dans la réalité, nya mis sur la voie pour former la réunion dont j'ai démontré la nécessité; car il avoit déjà reconnu que ses Rutacées pro- prement dites se rapprochoïent trop de ses Diosmées pour être indiquées comme une famille distinete, et, avec juste rai- son, il avoit jugé convenable de rétablir, pour la famille en- tière, le nom de Rutacées. Je vais plus loin, je l'avoue, que l’auteur du Systerna ; mais c’est en suivant la même ligne; et GYNOBASE. 155 le Nopa Genera prouve assez que le savant M. Kunth par- tage mon opinion (vol. 6, pag. 1 et suiv.) (1). Quant aux Cuspartées, on ne sauroit disconvenir qu’il existe quelqueintervalle entre ces Rutacees irrégulières et les autres Rutacées. Pour indiquer cet intervalle, on peut, je pense, adopter la tribu proposée par M. de Candolle, et la famille se trouveroit ainsi partagée en trois tribus diverses, les Szna- roubées, les Rutacées proprement dites, et les Cuspariées. Toutes ces dernières n’ont pas à la vérité des pétales sou- dés (2); toutes n’offrent pas des avortemens dans leurs éta- mines (3); toutes n’ont pas une corolle inégale; mais des différentes espèces connues jusqu’à présent, il n’en est aucune qui ne présente l’une ou l’autre de ces anomalies, et ce sera là le véritable diagnostic de la tribu. : J’airetrouvé dans dix espèces nouvelles que j’ai disséquées sur le frais, ce godet que M. de Candolle dit avoir été observé _ autour de l'ovaire des Cuspariées bien connues; et si ce carac- tère n'appartient pas exclusivement à cette tribu, puisqu'il se trouve dans mon Æpodia febrifuga, mes genres Æ/meidea, Sptranthera et d’autres Rutacées proprement dites, on peut cependant, je crois, l'indiquer comme existant chez toutes les Cuspariées. Celles que j'ai examinées offrent toutes un calice qui se détache de sa base en une seule pièce, et elles offrent encore des étamines à filets aplatis. Dans les dix espèces que je viens (1) I est clair aussi, d’après la manière dont s'exprime M. de Candolle, qu'il attachoit peu d'importance aux deux sections que je viens de passer en revue. (2) Ex. : Galipea Candoliana N. (3) Ex. : Ticorea longiflora Dec. 156 GYNOBASE. de citer (mes 7corea jasminiflora, Galipea heterophylla, pentagyna,pentandra,candoliana, fontanesiana, macro- phylla),et depuis dans le7?corea longiflora Dec., j'ai cons- tamment trouvé un ovaire 2-sperme où la position des ovules présente un caractère remarquable et assez rare, signalé pour la première fois par M. Richard dans quelques autres plantes: l’ovule supérieur est ascendant et l’inférieur est suspendu. Je sais qu'on a attribué un ovule unique au Cusparé qui n’est autre chose qu'un Galipea; mais cette indication même tend à prouver que le double mode d’adnexion est général chez les Cuspariées, car, lorsqu'il a lieu , les ovules sont atta- chés à peu près bout à bout, les ombilics sont alors extrème- ment rapprochés, et, au premier coup-d’œil, les deux ovules semblent n’en former qu’un seul. M. de Candolle (Mém. Mus., vol. 9, p. 146) pense, d’après J'analyse que M. Richard avoit donnée du Moniera dans le Synopsis de Persoon, et d’après l'inspection trompeuse des graines encore imparfates du 7?corea pedicellata , que les Cuspartées ont un périsperme grand et corné. Comme je l'ai déjà dit, je n’ai trouvé dans la semence du Moniera qu’une portion de périsperme si petite qu'elle mérite à peine d’être indiquée, et M. Charles Kunth, qui a décrit cette même se- imence avec une grande exactitude (Nov. Gen., vol. 6, p.9), n'indique qu'un embryon nu sous le tégument propre. La radicule est courbée sur un des condylédons; ceux-ci sont 2-partites; chez l’un d’entre eux les lobes sont appliqués l’un sur l’autre, et ce cotylédon est, avec la radicule, entièrement enveloppé par le second. Il est clair que M. Richard aura pris, comme cela m’est d’abord arrivé à moi-même, les deux lobes GYNOBASE. 157 du cotylédonintérieur pour deux cotylédons distincts, et le co- tylédon extérieur pour un périsperme : exemple qui met l’ob- servateur en droit de réclamer quelque indulgence, puisque l’homme qui peut-être a poussé le plus loin l'analyse bota- nique, n’a pas toujours été exempt d'erreurs. Dans mon Galipea fontane siana je n’ai pas trouvé la plus légère apparence de périsperme. Les cotylédons sont entiers, fort grands, chiffonnés , prolongés chacun en deux oreillettes qui descendent au-dessous du collet, et l’un des deux enveloppe l’autre. La radicule courte, obtuse, cylindrique, se replie sur le milieu du cotylédon intérieur; elle est enveloppée avec lui par le cotylédon extérieur et aboutit à l’ombilic. Les Cuspa- riées peuvent donc encore se caractériser par l'absence du périsperme. Je retrouve à la vérité la même absence dans les Simaroubées etle Pilocarpus ; mais l'embryon est droit chez ces dernières plantes, et par conséquent celui des Cuspariées est bien distingué du leur, puisqu'il offre avec deux coty- lédons chiffonnés, dont l'un enveloppe l’autre , une radi- cule recourbée sur le milieu de l’un d'eux. Sije disois à présent qu'il existedes Rufacées, mes Almeidea rubra , lilacina et longifolia, où le calice se détache en une seule pièce, dont les filets sont aplatis, qui ont autour de l'ovaire un godet cupuliforme, où chaque loge contient deux ovules, l’un suspendu, l’autre ascendant; si je disois que l’en- docarpe, membraneux vers l’ombilic de la graine, et ailleurs crustacé, se détache dans sa partie membraneuse pour rester adhérent à l’ombilic, et y former, comme chez le Moniera, un faux arille scutelliforme ; si je disois que ces plantes n’ont point de périsperme, que leurs cotylédons sont grands et chif- Mém. du Muséum, 1, 10. 21 158 GYNOBASE. fonnés, que l’un embrasse l’autre, et que la radicule, courbée sur le cotylédon intérieur, se dirige vers l’ombilic; il n’est per- sonne assurément qui, entendant ces détails, n’assurät que les plantesdontil s’agit sont des Cuspariées. Cependant si j'ajoute qu’elles n’offrent ni irrégularité, ni soudure, ni avortement, elles cesseront d’être des Cuspartées , elles deviendront des Rutacées proprement dites. Les Alneidea forment, dans la réalité, le passage des unes aux autres, ils comblent presque l'intervalle qui se trouve entre les deux tribus; mais quoi- qu'en même temps ils aient plus de rapports avec les Cuspa- riées qu'avec les Rutacées proprement dites, c’est parmi celles-ci qu'il faudra les ranger, et cela parce qu'ils n’ont pas un pétale un peu plus long que les autres, ou parce que la corolle n'offre pas à sa base une légère soudure. Que l’on juge actuellement de telles divisions! Et cependant il en est une multitude qui ne sont pas fondées sur des bases plus so- lides; mais si la nature de notre intelligence exige que nous les conservions, reconnoissons du moins qu'on ne doit y atta- cher qu'une bien foible importance , qu’elles sont l’ouvrage de l’art, et que ce n’est point là ce qui constitue réellement la science, mais bien la connoissance des faits et celle des rapports. Quoi qu'il en soit, à présent que nous connoïssons dans les plus grands détails la tribu des Cuspariées , qu’il me soit per- mis de montrer combien elle rattache aux Rufacées une fa- mille qui pourtant s’en trouvoit assez éloignée dans le Genera de Jussieu. Comme dans les Cuspariées , on observe chez les Geraniées une tendance remarquable à s'éloigner d’un type régulier; dans les deux groupes une partie des étamines est sujette à avorter; les ovaires deviennent également des co- GYNOBASE. 159 ques; l’embryon est sans aucun périsperme; la radicule , éga- lement supérieure, se recourbe sur un des cotylédons; enfin dans la Capucine , comme je l'ai déjà signalé il y a long-temps (Mem. Trop. in Ann. Mus., vol. 18, p. 462), et comme je l'ai reconnu depuis dans une espèce de Rio-grande, il existe trois ovaires parfaitement distincts, rangés, comme dans mes Galipea pentagyna et fontanesiana, autour d’un prolonge- ment court et conique du réceptacle, et les styles de ces ovaires sont bientôt réunis en un seul. Ces rapports, au reste, semblent n’avoir pas entièrement échappé à M. de Candolle, car il dit qu'il faut mettre les Oxalidées auprèsdes Zygophyllées, et celles-ci, de l’aveu de tous les botanistes, ne peuvent être éloignées de la famille des Rutacées. On ne peut nier que la forme de la fleur n’établisse aussi quelque rapport entreles Cuspariées etles Méliacées, comme l’avoient pensé et Jussieu et Richard. Il seroit facile de prou- ver encore que les Rufacées en général et les Cuspariées en particulier, ont également quelques affinités avec les Oran- gers, et ces dernières n’ont pas échappé aux hommes les plus étrangers à la botanique, car les habitans du Brésil donnent tout à la fois le nom de Laranjeira brava (oranger sauvage ) à mon Zanthoxylum monogynum, au Ticorea febrifuga et à mon Ævodia febrifuga. Peut-être, en voulant prouver qu’il n’existoit point de gy- nobase chez les Sinaroubées , me suis-je quelquefois bien éloigné de mon sujet; mais ceux qui savent combien sont in- sensibles les nuances qui lient les végétaux entre eux, senti- ront qu'il est souvent presque impossible de parler d’un ar 160 GYNOBASE. groupe de plantes sans entrer dans quelques détails sur ceux qui Pavoisinent. S IIL. Des Malpacées. M. de Candolle a dit que le gynobase existoit chez quel- ques Malyacées ; mais il considéroit comme tel le tubercule central qui, dans le genre Mauve, se trouve au-dessous du style. ( Mer. Och. in Ann. Mus. vol. 17, pag. 4o2. ) L'auteur de la Théorie a prouvé par là qu’il avoit la plus juste idée de la nature du gynobase, car le tubercule dont il s’agit est un axe central comme ce dernier; mais le gyno- base doit être un axe déprimé, et le tubercule des Mauves est un axe vertical, quoique, par sa brièveté, il se nuance réellement avec le gynobase. Sans aucune métaphore, il est cependant incontestable que, dans les Malpacées, il existe des plantes à ovaire gynoba- sique, car j'en ai trouvé des exemples. Dans ur genre de Malpacées , dont j'ai recueilli deux espèces, et qui, avec un double calice à cinq divisions, présente cinq pétales entiers, un androphore chargé d’étamines dans toute sa longueur et enfin dix stigmates, j’ai observé un ovaire à cinq loges par- faitement distinctes, insérées obliquement par leur base sur un réceptacle court et conique; et ce n’est point sur les lobes, mais sur le réceptacle même, qu'est inséré le style. Il est bien évident qu'ici le réceptacle est un véritable gynobase, puisque c’est par lui que doivent passer les vaisseaux sper- matiques et nourriciers pour arriver à l’ovule, et, ce qu’il y a de fort remarquable, c’est que ce dernier est dressé et en même temps, comme chez les Ochnacées, aussi rapproché GYNOBASE. 161 que possible de la paroi voisine du style, position qui le met plus facilement en rapport avec cet organe. C’est cette même position de l'ovule, différente dans les autres Afalpa- cées à ovaires 1-sp., qui, jointe à l’existence du gynobase, me fait proposer mes plantes comme genre particulier, sous le nom de Coricarpus, quoique, dans la réalité, elles aient beaucoup de rapport avec l'Urena de Linné et le genre Lebretonia de Schrank qui diffère à peine de l'Urena. Ce qu'il y a de remarquable, c’est qu'on trouve tout à la fois chez les Malpacées des plantes à ovaire gynobasique, comme je viens de le dire, et d’autres où des ovaires distincts sont comme dans les Sznaroubées portés sur un gynophore. En effet, dans un Helicteres étudié sur le frais, j'ai trouvé cinq ovaires tordus, sans columelle centrale et surmontés par einq styles soudés ensemble. $ IV. Des Sapindacées. Lorsque les auteurs ont décrit le Schmidelia, genre de la famille des Sapindacées, ils lui ont attribué un ovaire didyme. C'étoit déjà s'approcher de la vérité; mais cet ovaire n’est pas seulement didyme, comme je m'en suis assuré par l’exa- men de deux espèces de la Flore du Brésil, et en particulier du Schmidelia Guaranitica. Les lobes de leur jeune fruit, au nombre de deux ou quelquefois de trois, sont parfaitement distincts et accolés par leur base au réceptaclé central. Le style interposé entre les deux lobes, porte sur le même ré- ceptacle; il ne peut communiquer avec les lobes que par le moyen de ce réceptacle, et par conséquent il faut con- sidérer celui-ci comme un gynophore gynobasique. 102 GYNOBASE. On pourroit dire, je le sais, que puisque les deux loges de l'ovaire sont ici accolées latéralement à un réceptacle surmonté du style, il doit exister entre les deux loges un corps vertical; mais ce corps est tellement court qu’il peut réellement porter le nom de gynobase plutôt que d’axe central, et le doute même prouve l’identité de l’axe vertical et du gynobase. $ V. Des Malpighiées. Dans une famille voisine des Sapindacées, celle des Mal- pighiées, je retrouve également des ovaires gynobasiques. Déjà en décrivant son genre Gaudichautia, M. Kunth (Nov. gen. vol. v,p. 156) avoit dit quece genrese distinguoit par trois ovaires et un seul style. C’étoit assez indiquer la présence du gynobase, car trois ovaires sont des corps parfaitement distincts, et, en parlant des Labriées, famille où il existe aussi un gynobase, plusieurs auteurs ont dit qu’elle avoit un seul style avec quatre ovaires. Le gynobase se retrouve effective- ment dans le genre Gaudichautia, car chez une espèce nouvelle que j'ai recueillie dans les missions de l’'Uruguay ( G. guaranitica), ÿ'ai vu trois loges rapprochées mais par- faitement distinctes, placées sur un réceptacle commun, et un style unique inséré sur le même réceptacle. Or, ce ré- ceptacle sert tout à la fois à la transmission de l'aura semi- nalis et des sucs nourriciers ; donc il doit être considéré comme un véritable gynobase, Les Gaudichautia ne sont pas au reste les seules Malpi- ghiées à ovaire gynobasique. J'ai retrouvé ce genre d’ovaire dans les cinq espèces nouvelles qui constituent le joli genre Camarea (les Camarea hirsuta, sericea, axillarts , ünea- GYNOBASE. 163 rifolia et ericoides), et enfin dans mon genre F'unbriaria où le réceptacle est un peu conique. Mais ce n’est pas sans aucune transition que l'ovaire gyno- basique se montre dans les Malpishiées où généralement les pisüls sont organisés de la manière ordinaire. Dans une espèce à trois ovaires et à trois styles, j’ai vu les premiers plongés dans le réceptacle par leur partie inférieure, et c’est tout-à- fait à la base de leur partie libre qu'est inséré le style. Il y a déjà ici quelque chose qui rappelle l’ovaire gynobasique, etil est bien mieux ébauché encore dans une espèce qu'il me paroit fort diflicile de séparer des Gaudichautia (le G. linea- rifolia). 1 y existe à la vérité, un seul style et trois lobes, mais il m'a paru que ceux-ci n’étoient point parfaitement distincts, ni le style inséré sur un corps indépendant d'eux. Conclusion. Les observations que renferment ce mémoire me semblent démontrer que si cette modification de l’axe central qu’on appelle gyrobase, n’est pas sans valeur dans la famille des Ochnacées, où elle paroïit générale, elle n’a cependant pas en elle-même une grande importance. En effet, chez ces mêmes Ochnacées, un léger degré d’affoiblissement accidentel, suffit pour la faire disparoître; nous ne la voyons plus dans les familles qui ont le plus d’aflinité avec les Ochnacées, telles que les Snaroubées, les Zygophyllées, les Rutacées ; ensuite nous la retrouvons éparse dans des groupes fort éloignés, les Sapindacées et les Malpighiées ; et enfin dans un même genre, le Gaudichautia, nous sommes forcés d’ad- 164 GYNOBASE. mettre des espèces où elle est évidente, une autre où son existence paroit douteuse, et une troisième où elle n’existe certainement pas (le G. sericea N.). D'après tout ceci, il est clair que si l’on veut, comme l’a fait M. de Candolle, partager les dicotylédones polypétales à étamines hypogynes en diverses cohortes, il ne faudroit point en fonder une sur l'ovaire gynobasique, car on ny pourroit placer qu'une seule famille entière, et ensuite on seroit obligé de faire entrer dans cette mème cohorte des espèces parsemées dans d’autres groupes. Si l’avantage que j'ai eu de disséquer vivantes les plantes qui font l’objet de ce mémoire, m’a permis d’ajouter quel- çues faits nouveaux à ceux qu’avoit recueillis l’auteur du Systeme, je dois me féliciter en même temps de m'être si souvent rencontré avec lui : je ne saurois avoir un garant plus certain de l’exactitude de mon travail. Dans un second mémoire sur le gynobase, je considérerai cet organe chez les monopétales, et j'aurai l’occasion de passer en revue plusieurs familles intéressantes. Si les cir- constances ne me permettent pas d'offrir dans leur ensemble, comme je l’eusse désiré, les observations que j'ai réunies pendant mes voyages, je tâcherai du moins de justifier les suffrages dont l’Académie a bien voulu m’honorer, en luisou- mettant quelques unes de ces observations (1). : (x) La description des principales plantes citées dans ce Mémoire sera insérée dans un des prochains cahiers, et accompagnée de figures. _— 165 CONSIDÉRATIONS ET RAPPORTS NOUVEAUX D'OSTÉOLOGIE COMPARÉE, CONCERNANT LES ANIMAUX RUMINANS. PAR M. GEOFFROY-SAINT-HILAIRE, Ex faisant abattre des vaches pleines, afin d'examiner si les eaux de l’amnios ne contiendroient pas des gaz respirables, j'obtenois en outre des fœtus, que l’occasion de les observer de nouveau m’engagea à ne point négliger. Le moins âgé de ces fœtus a donné lieu aux deux observations qui suivent. ART. |. SUR DES RAYONS NON ÉQUIVOQUES DE NAGEOIRE DORSALE , PRODUITS CHEZ LES BOEUFS VULGAIRES DURANT LA PREMIÈRE PÉRIODE DE LEUR AGE FOETAL. J'ai déjà traité ce sujet, quand écrivant dans le tome IX de ces Mémoires, page 76, sur les tiges montantes des ver- tèbres dorsales, j'ai présenté le rapport de ces tiges chez les mammifères et chez les poissons : mais de nouveaux faits que je viens d'acquérir avoient manqué à ces déductions : cet article est donc une utile addition à cet ancien mémoire. J'ai parlé l’année dernière ( vol. cité, page 71) d’un bœuf indien, le gaour : sa taille est gigantesque, mais il est Mém. du Muséum. 1. 10. 22 166 OSTÉOLOGIE COMPARÉE. bien plus remarquable encore par une série d’épines répan- dues sur son dos. Un animal qui vit à terre ne sauroit avoir de nageoire dorsale : mais ses épines dorsales y pourroient rencontrer des analogues et réellement ressembler aux brins qui forment les baguettes d’une nageoire. En effet, pour qui élève plus haut sa pensée et voit l’organisation indépendam- ment de toute application particulière, ces épines semblent être ces mêmes osselets, naissant du milieu de chaque ver- tèbre, et que l’anatomie humaine, qui s’est uniquement occupée d’un rapport de masse entre toutes les parties des os rachidiens, a appelé apophyses épineuses. Pour juger de toute la portée de cet aperçu, je fis enle- ver une vertèbre dorsale à un fœtus de vache ayant atteint les deux tiers de sa taille; ce qui donna lieu à la préparation représentée, Mém. et vol. cités, pl. 5, fig. 7. Cet ensemble se composoit d’un corps vertébral z, de deux pièces congé- nères ee sortant des parties latérales, convergeant à l’autre bout et appuyées l’une sur l’autre; et d’une quatrième a’, médiane , allongée, droite et verticale. Cette dernière étoit unie aux deux pièces e e en recouvrement sur la moelle épi- nière par le moyen d’un cartilage, et elle étoit de plus terminée par une autre portion cartilagineuse, à laquelle j'ai affecté le signe a”. J’ai dû dans le temps porter mon attention sur ce carti- lage noté du signe @". Donnoit-il les élémens d’une cin- quième pièce que mes Observations générales sur la vertèbre m'apprenoient devoir exister en ce lieu? Ou n’étoit-ce, comme à l’autre extrémité de la quatrième pièce 4, qu'une portion de remplissage dont les os des jeunes sujets sont OSTÉOLOGIE COMPARÉE. 167 bordés, qu’un premier jet des troncs artériels avant d’avoir produit leurs dernières cimes et que par conséquent on ne pouvoit admettre au nombre des véritables élémens osseux, qu'un cartilage enfin dont toutes les molécules réabsorbées se retirent au fur et à mesure qu’arrivent sur lui les matériaux de l'os à intervenir ? J’ai adopté la première de ces supputa- üons; et je m’y étois cru suflisamment autorisé, après avoir remarqué que, si le veau ( voyez PI. citée, fig. 10 ) conserve encore cette portion terminale à l’état cartilagineux, celle-ci cependant arrive enfin chez le bœuf adulte ( fig. 11) à une ossification à peu près complète Mais les nouveaux faits dont j'ai à rendre compte, en me faisant trouver ailleurs une cinquième pièce, changent toutes mes données et me ramènent sur la deuxième hypothèse comme renfermant la seule explication possible, selon moi, de ces constructions organiques. La malveillance voudra peut-être insister sur un aussi grand changement de déter- mination ; mais il me suflit que quelques bons esprits, accou- tumés au développement progressif des idées scientifiques, veuillent bien remarquer que ces vacillations de jugemens tiennent à la nature des choses et m’en absolvent. J’avois considéré précédemment (vol. IX, pl. 5) la ver- tèbre d’un fœtus parvenu à la moitié de son volume; mais déjà la marche des développemens, si rapide aux premières journées des embryons mammifères , avoit amené une con- centration de parties telle, déterminé la soudure d’un si grand nombre d’élémens primitifs, qu'il auroït fallu, pour les apercevoir comme au passage, qu'il auroit, dis-je, fallu les y saisir prestement et à de certaines heures durant la ges- 22 * 168 OSTÉOLOGIE COMPARÉE. tation. Un peu plus tôt ces pièces n’existent point encore, et quelques heures plus tard, elles se pénètrent et se confon- dent. Cela est ainsi chez les mammifères, parce que le sang assimilable est chez eux dans un degré de composition pro- portionnel à la complication des organes nombreux et tout puissans qui concourent à sa formation. Moins de prédomi- nance organique, au contraire, dans les classes inférieures, n’élève point le sang des animaux de ces classes à un si haut degré de composition et le met, quelquefois durant la vie en- tière, sous la dépendance d’un cours plus ralenti : genre de circulation d’où résulte une spécialité d’actions et d’événe- mens, et en général l’isolement, se perpétuant long-temps ou même toujours, des élémens organiques. Tout dans l’orga- nisation est alternativement et réciproquement cause et effet: les organes sont comme en ordonne le sang, et le sang comme y pourvoient les organes. Ayant eu le bonheur de saisir une de ces heures favo- rables chez un fœtus de vache n’étant qu’au quart de son volume, j'ai eu sous les yeux les faits de la colonne épinière que je viens de faire graver (voyez la planche qui accom- pagne ce mémoire, pl. 11, fig. 1). Et alors quelle fut ma surprise, en trouvant là tous les matériaux d’une nageoire de poisson : ordre, disposition, nombre des parties, tout cela m'apparut formé à la manière des nageoïres dorsales à tiges osseuses, et, par exemple, de la première de ces nageoires chez les perches. La description suivante va donner les détails de cette singulière organisation. Le tronc de notre très-jeune fœtus s’est trouvé composé de vingt-une vertèbres, douze pour le dos, sept pour les OSTÉOLOGIE COMPARÉE. 169 lombes, et de deux servant d’appui aux os des îles. Des douze vertèbres dorsales, huit s’articulent à de véritables côtes et les quatre autres donnent attache aux dernières ou fausses côtes. Il n’y a d’épine qu’à chacune des huit vertèbres que nous avons dit employées à l'articulation des véritables côtes. Plus tard ces épines constitueroient ce qu'on est dans l’usage de nommer apophyses épineuses; mais à l’âge de notre sujet elles sont formées de deux osselets: l’un, dont l'articulation est toujours immédiate avec les élémens vertébraux répandus sur la moelle épinière, porte l’autre. On nomme chez les poissons l’analogue de celui-ci rayon, et apophyse tutrice l’analogue de la pièce de support. L’osselet supporté est le moindre en importance : aussi le voyons-nous varier de volume, de forme et même de situation; de situation seule- ment, en ce qu'il s'articule tantôt au bas, tantôt au milieu ou bien vers le haut de l’osselet son tuteur. La première épine se distingue des suivantes par l'égalité de volume de ses deux osselets : d’un travail aussi plus avancé, les deux pièces sont soudées. Au surplus, toutes les épines diffèrent entre elles, quant à leur largeur relative; elles dé- croissent régulièrement de la première à la dernière: elles sont aussi graduellement plus hautes jusqu’à la quatrième : puis elles diminuent rapidement. L’osselet tuteur est creux à la face antérieure : ce qui favorise l’enchässure de l’autre pièce. Je me suis proposé de montrer cet arrangement, et c’est l’objet de la figure n°. 2, dans laquelle ja deuxième ver- tèbre dorsale est représentée par sa face antérieure et se voit au double de sa grandeur naturelle. Le troisième osselet ser- vant de tuteur, au lieu d’être terminé inférieurement par un 170 OSTÉOLOGIE COMPARÉE. bord arrondi, l’est par deux petites apophyses. Le rayon est grèle et allongé à la quatrième vertèbre : il est partagé en deux pièces à la cinquième ; formé par un filet très-fin, il est appuyé sur un tuteur aussi grêle que lui à la septième : et enfin ce n’est plus qu’un point peu apparent à la huitième. De tous ces faits, il suit que la cinquième pièce cherchée du cercle médullaire, et que j’avois nommée æ” dans mon ancien travail, est l’osselet dit le rayon, engagé par l’un de ses points, et tout entier porté par la pièce tutrice. Je ne l’avois point aperçu dans un état fœtal plus avancé, parce que déjà les deux pièces de l’épine avoient été réunies, soudées et même entièrement confondues. Cet excédant cartilagi- neux que j'avois marqué du signe a" n’est donc qu'une de ces portions de remplissage servant de bordure et de moyen d'union aux os des jeunes sujets. Si cet appendice cartilagi- neux doit un jour devenir la gangue d’un noyau osseux, ce ne sera que fort tard, dans l’âge adulte et en vertu de conditions particulières toutes étrangères au mode de la formation des os dans le jeune âge. Quoi qu'il en soit, les huit épines que nous venons de décrire font apercevoir à un moment des développemens or- ganiques des bœufs des conditions inconnues jusqu'ici éhez les mammifères, et que nous pourrions dire icthyologiques; ce sont , trait pour trait , les caractères d’une nageoire dor- sale. Deux pièces isolées en composent de même les ba- guettes : c’est un même arrangement, puisque l’une d’elles soutient et que l’autre est portée : celle-là est l’apophyse tutrice, ainsi que s'expriment les icthyologistes, et l’autre le rayon mis en mouvement. OSTÉOLOGIE COMPARÉE. 171 Ce n’est pas là un rapport éloigné et uniquement philoso- phique , mais une identité absolue; car l’oncompareiciles faits d’un même degré organique. On s'accorde aujourd'hui sur cette haute généralité, dont j’ai présenté en 1807 les premiers indices, savoir : que les poissons sont des êtres qui réalisent en eux et à toujours certaines conditions fœtales des classes supé- rieures, des êtres arrêtés à un point des développemens orga- niques, des êtres enfin où des organes de premier âge s’éten- dent et prennent de la consistance, sans autre transforma- tion, sans devenir les noyaux d’autres organes surajoutés. C’est sous ce point de vue que je considère les baguettes longues, bien isolées et bien libres, qui forment les rayons de la nageoiïre des poissons : ces formations fœtales ont pris toute l’étendue et toute la consistance possibles , sans que ces effets de nutrition journalière et d’action vitale aient rien changé à l'essence primitive des choses. Si les os qui soutiennent les toiles des nageoires chez les poissons ne présentent qu’un fait de l’histoire fœtale de l'animal verté- tébré , non-seulement nous ne devrons montrer aucune sur- prise de rencontrer ce même fait chez les bœufs à une époque et dans l’âge dont se compose leur existence de fœtus, mais nous aurions même à en faire la recherche, si ce n’étoit déjà donné par l'observation. Il est sans doute tout aussi naturel de rencontrer chez un mammifère, à un moment donné de ses développemens organiques , des élémens vertébraux avec un caractère icthyologique, que d’y observer à cette même époque un cerveau d’une structure très-simple, un cerveau de poisson. On sait que cette observation de M. Serres est l’un des plus piquans résultats de ses recherches sur l’En- 172 OSTÉOLOGIE COMPARÉE. céphale. On peut ajouter que c’est ce qu’on trouvera à l'égard de chaque appareil, toutes les fois qu’on étudiera l’orga- nisation dans cet esprit. Mais revenons à notre fœtus de bœuf. Dans un âge sui- vant , les artères produisent de nouveaux rameaux, et au moyen de ces nouvelles cimes, d’autres organes. Ces cons- tructions qu'amène la marche graduée des développemens, s’établissent autour des premiers organes, qui n'intervenant plus dorénavant que comme des noyaux de support, sont étouffés , atrophiés ou seulement soudés. On peut, sur ce qui est ainsi préparé à l'avance, juger du peu d'efforts dans lesquels la nature doit être entraînée, pour faire des êtres anomaux, comme le gaour, pour produire un bœuf à épines isolées sur le garrot, pour transporter ainsi au mammifère des caractères que nous n'avions encore obser- vés que chez les poissons: ilsuflit pour cela que le second ordre des développemens soittroublé ouseulement empèché:lespre- miers faits subsistent alors, et, en ressentant l’action d’une nour- riture quotidienne , ils acquièrent seulement plus d'extension. Enfin, de même qu’il y a une espèce à rayons osseux isolés sur le dos, le gaour, de mème aussi il existe une autre es- pèce, le bœuf à bosse (1), qui rappelle également un autre (1) Sur le bœuf à bosse considéré comme une espèce distincte. Je ne connois que le célebre professeur Blumenbach qui ait pressenti la distinc- tion d’espece du bœuf à bosse ou zébu. Tous les naturalistes le regardent comme une variété de nos bœufs domestiques. Cependant c’est un bœuf plus petit , à pro- longemens cornus moins latéraux et plus antérieurs à leur naissance, dont la tête est plus longue et plus étroite, principalement depuis les yeux jusqu’au muffle, qui est monté sur jambes plus élevées et qni porte constamment et au même point OSTÉOLOGIE COMPARÉE. 173 fait de l’organisation des poissons, celui de leur nageoire adipeuse. ART. IL DE LA DÉCOMPGCSITION DE LOS DU CANON CHEZ UN TRÈS-JEUNE FOETUS DE BOEUF. Les anatomistes vétérinaires, frappés de la grandeur et par conséquent de la part d'influence dans la marche de l’os du canon chez les animaux ruminans et chez les solipèdes, du garrot une bosse dont on n’a pas donné toute la condition organique en la ca- ractérisant de loupe graisseuse. On s’est attaché aux proportions du front comme renfermant les principaux élémens caractéristiques des espèces de bœuf, et c’est d’après cette considération qu’on a conclu à l’identité d’espèce du bœuf à bosse et de notre bœuf domestique. Chez tous deux le front est concave : cependant il est plus étroit chez le bœuf à bosse, et il se termine entre les deux cornes par une éminence aiguë chez celui-ci, et par une gorge profonde chez l’autre. Tous deux sont domestiques , et il est tout simple qu’ils se ressemblent par le trait du crâne auquel se rapporte leur susceptibilité d’éducation. Mais d’ailleurs d’autres caractères ostéologiques les distinguent parfaitement : ce n’est que dans notre bœuf domestique que le lacrymal est déprime et se laisse un peu déborder par le coronal. Cet os est convexe et se joint bord à bord avec le coronal, sans que l’un anticipe sur l’autre, aussi-bien dans le bœuf à bosse que dans les autres bœufs sauvages. Les nasaux des zébus s’approchent l’un de l’autre davantage latérale- ment; leurs imcisifs ont la portion maxillaire plus évasée, et il s’en faut de beau- coup que la pointe de celle-ci gagne les os du nez. M. Cuvier a remarqué cette dernière circonstance dans son article Bœufs vivans (Oss. Foss. , 2°. édit. tome 4, p.131); toutes les apophyses épineuses des vertebres ont aussi un caractère propre que les zébus ne partagent ni avec les bœufs sauvages ni avec notre bœuf domestique. Chaque apophyse dorsale, excepté la premiere qui est en pointe, est terminée par une produclion à tête carrée, allongée et à surface profondément excavée. Aux huit premieres vertèbres, c’est un os à part, celui qui provient de la transformation du cartilage, lequel a pris cette forme. Les quatre vertèbres suivantes ont la tête de leur apophyse encore plus élargie et présentant un carré parfait. Des différences correspondantes s’observent sur les animaux vivans. Il y a pré- Mérmn. du Muséum. 10. 23 174 OSTÉOLOGIE COMPARÉE. l'ont considéré comme une nouvelle et troisième subdivision de la jambe. Le nom bizarre qu'ils lui ont donné prouve qu'ils ne lui connoïssoient point d’analogue ailleurs , et qu'ils tenoient l’os du canon comme une de ces créations indépen- dantes dont la nature avoit en quelque sorte voulu favoriser quelques espèces en particulier. Cependant les naturalistes ne tardèrent pas à découvrir des rapports où les vétérinaires n’avoient aperçu que des diffé- rences, et l’on fut bientôt persuadé que l’os du canon se trou- voit composé par la réunion de deux métacarpiens antérieure- ment , et de deux métatarsiens postérieurement ; on pouvoit observer chez de jeunes ruminans un long et profond sillon en devant et en arrière (v. fig. 3) quisembloiït provenir de lasuture de deux os accolés dans le sens de leur longueur. Toutefois ce n’étoit là que des inductions et non des preuves absolues d’une séparation primitive : aussi fut-il admis dans la science qu'il n'y avoit de p’ed-fourchu avec deux os bien distincts au métatarse (1) que dans un genre d'animaux fossiles, les 220- plothérium. Cette séparation des métatarsiens, qui est le sentement (septembre 1823) à la ménagerie un couple de ces bœufs que j’ai com- parés avec nos bœufs domestiques. L’œil est plus haut placé et plus couvertchez le zébu : les narines sont plus serrées de côté et le mufñile est encore plus à découvert. Le mâle a le poil blanc-argenté; le cou et la bosse brun-ardoisé; la femelle et son veau sont rouges. La bosse du mâle est plus forte et plus arrondie que celle de la femelle : ce caractère ne differe en rien chez un jeune de dix mois de ce qu'il est chez sa mere. Je sais existant dans l'Inde un bœuf également domestique et également distinct comme espece, dont la taille n'excède jamais celle d’un veau de deux mois. Son crâne ressemble sous quelques rapports à celui du bos grunniens. (1) Voyez Le Dictionnaire des Sciences naturelles , au mot canon (os du canon), et le troisième volume, nouv. éd. des Ossemens fossiles, pag. 1or. OSTÉOLOGIE COMPARÉE. 175 fait général des mammifères, ne seroit donc persévérante chez les preds-fourchus qu'à l'égard d'animaux fossiles du seul genre aroplothérium? Le contraire offriroit pour tous les autres ruminans une anomalie tout aussi décidée que constante ? Ce résultat méritoit d’être mieux apprécié, et dès 1809 je songeai à remonter d'âge en âge, et à observer chez de très-jeunes fœtus des brins osseux distincts, étant les élé- mens primitifs d’un os du canon. J’ai placé dès cette époque dans notre cabinet d’anatomie une préparation où tous ces faits étoient soigneusement disposés. Ayant eu dernièrement, comme on l’a vu plus haut, l’oc- casion d'observer plusieurs fœtus de bœuf, je me suis occupé à reproduire ces mêmes faits, et je les ai donnés à figurer. Voyez planche 11, fig. 3,4 et 5. La fig. 3 représente l’os du canon chez un fœtus aux deux tiers de son temps de gestation. Ses deux parties élémentaires sont déjà soudées ; mais l’origine distincte de chacune d’elles s'annonce, non pas seulement par le sillon médian &6 et par les têtes articulaires de chaque partie bien dégagées l’une de l’autre , mais de plus par des traces encore subsistantes d’une membrane leur servant de cloison ou de périoste. En se portant sur des sujets beaucoup plus jeunes et de moitié plus petits, comme dans les exemples, fig. 4 et 5, on trouve que ce qui est engagé par soudure dans l'exemple précé- dent , ne l’est point encore, C’est ce fait qu'il falloit établir incontestabiement, pour changer en certitude absolue ce qui n’étoit encore acquis à la science que sur une présomption philosophique; or j'ai eu recours à mon mode ordinaire d'investigation. Dans des TS) 176 OSTÉOLOGIE COMPARÉE. cas semblables, je me garde d'employer un outil ou même Vaction de la main dans la crainte d'opérer violemment une séparation, sur l'existence de laquelle j'élève des doutes ; mais je soumets la préparation à un feu modéré : je la fais bouillir jusqu’à ce que le périoste soit soulevé. C’est en usant de ces précautions que j’ai obtenu la sépa- ration des deux pièces figurées n°. 4; l’une est représentée en points : mais on a reproduit celle-ci no. 5, avec l'attention de représenter son côté articulaire, pour en faire voir la sur- face, qui est parfaitement lisse. Aucun point de substance spongieuse n’y est apparent; point de cavité; c’est dans toute l'étendue une lame uniforme et polie de substance compacte. Art. IE. SUR ZES DOIGTS DES RUMINANS, EN RAPPORT POUR LE NOMBRE , LA COMPOSITION ET LES CONNEXIONS AVEC LES DOIGTS DES AUTRES MAMMIFÈRES. Les naturalistes ayant fait de la considération des doigts l’un de leurs principaux moyens de classification, sont censés avoir épuisé ce sujet, et cependant je ne trouve à ce mo- ment même, dans leurs livres, qu’une exposition fort incom- plète de tous les faits concernant le pied des ruminans. On a délaissé quelques considérations : ce qui a privé les autres de précision et de rigueur, d’après ce principe qu'on n’établit point un fait général sans le concours de tous les faits indi- viduels qui s’y rapportent. On étoit entré dans une pre- mière voie avec quelques faits, et quand ceux-ci se sont multipliés, on s’est arrangé pour s’y maintenir : on l’a trop voulu, en résistant à l'influence des derniers éclaircissemens. OSTÉOLOGIE COMPARÉE. 177 Cependant on auroit dû faire attention que divers ordres d’observateurs s’étoient occupés des mèmes considérations, et que chacun s’en étoit occupé dans l'esprit de son école. Et en effet, nous avons puisé nos premières connoissances sur la division du pied dans deux sources différentes , dans les deux anatomies d'application spéciale. Les parties de la main ont d’abord été appréciées par l’Anatomie humaine, quand le pied du cheval est devenu l’objet d’un tout autre type par l’Anatomie vétérinaire. Celle-ci attentive plus tard à une modification de ce type, que le pied du bœuf lui parut présenter, consacra cette différence en disant ce pied fendu. On en prit sujet pour donner au bœuf et à ses congénères le nom d'animaux à pieds fourchus ou d'animaux rsulques. . Cest ce fonds d'idées que les naturalistes ont depuis éten- du :ils ont cru descendre, d’une part, de la main humaine sur les faits des pates des animaux onguiculés comme sur une suite de dégradations, comme sur l’altération par atrophie du plus parfait modèle, et passer, d’autre part, du sabot plein et vaste des solipèdes à la considération des pieds amaigris et comme brisés en travers qui caractérisent les ruminans. C’est cette idée qui domine dans l'expression depedes brsulor. Ainsi quant aux ruminans, on possédoit une opposition caractéristique : et comme pendant long-temps on ne fit d'observations que pour les faire servir aux classifications, on n'osa pousser plus loin les recherches. Comme on couroit après des différences caractéristiques, on dût craindre, en sachant davantage, de rencontrer de plus intimes rapports et d’affaiblir de cette manière la valeur des caractères adoptés. Les naturalistes, les zootomistes et les vétérinaires furent 178 OSTÉOLOGIE COMPARÉE. d'accord : car tous n’attribuèrent que deux doigts aux ru- minans. [l y a de plus, ajoute M. Cuvier, dans le Règne ani- mal (tome L, p. 247), deux petits ergots, seuls vestiges de doigts latéraux. M. de Blainville, dans les tables synop- tiques qui accompagnent son Anatomie comparée, oppose les brsulques ou les ruminans, aux genres qui se rapportent aux cochons, et qu’il réunit sous le nom de fétrasulques. C’est la même expression caractéristique qu'emploie M. Des- marets dans sa Mammalogie : doigts DEUX et égaux : un métatarsien pour l’ensemble. Pieds marcheurs à deux doigts sont le caractère distinctif des bésulques, avoit dit aussi plus anciennement Illiger. Enfin les vétérinaires ont également consacré les mêmes faits par l'emploi d’une nou- velle nomenclature des animaux domestiques, qu'ils par- tagent en z2020dactyles (les solipèdes), en didactyles (les ruminans), et en éétradactyles ( les cochons). C’est un fais- ceau si bien lié des mêmes opinions, qu'il faut quelque cou- rage pour annoncer des idées qui s’en écartent. Cependant ce ne sont pas les jugemens, mais les faits seuls qui doivent prévaloir dans les sciences : des jugemens les doivent réfléchir fidèlement, les rendre à la manière du miroir. Derrière les sabots sont deux vestiges de doigts la- téraux, deux petits ergots, deux ongles surnuméraires, a dit encore Illiger. Quelle idée convient:il d’attacher à ces ex- pressions ? Veut-on entendre par-là une altération profonde dans le système organique ou seulement une diminution relative de volume ? Ce dernier caractère qui règle les con- ditions spécifiques d’un animal et qui l’astreint par consé- quent à une moindre prédominance est sans valeur dans OSTÉOLOGIE COMPARÉE. 179 les comparaisons philosophiques. Peu importe dans ce cas qu’une chose soit petite ou qu’elle soit grande : ce qu'il faut pour qu’elle prenne rang par l'observation, c’est d'exister avec tous ses élémens possibles. S'il en est ainsi et qu’on en aït fait la remarque, on aura donc, pour s'être refusé à admettre les doigts latéraux des ruminans comme autant de parties essen- telles du pied, été persuadé que laltération du système di- gital étoit en eux profonde, au point de rendre ces doigts tout-à-fait méconnoissables. Tel est le point de la question que je vais examiner. Je crois inutile de rappeler qu’on distingue les mammifères onguiculés d’après le plus ou le moins de leurs pieds qui s'ajoute à la jambe : on nomme en effet plantisrades, ceux qui marchent sur la plante entière ; vermiformes, ceux qui ont le talon élevé et qui posent à la fois sur les métatarsiens et sur les phalanges des doigts; et enfin dgrigrades, les chiens et les chats, par exemple, qui marchent sur ces der- nières seulement. Il n’est donc point de l’essence des doigts d’être réunis aux autres parties du pied pour le mouvement progressif; et c’est à cause de cela qu’une plus haute élévation des doigts, que le déplacement de tous, et que leur transport à la jambe chez le cochon, n’empêchent pas d’y compter comme autant de doigts chacune des subdivisions du pied. J’ai fait de ce pied, pour les comparaisons qui suivent, mon point de départ; aussi l’ai-je fait représenter pl II, fig. 6 : dessiné d’après un jeune âge, il est de grandeur na- turelle. Chaque doigt se compose de quatre osselets, de la phalange métacarpienne et des trois phalanges digitales. Ce qu'il importe de remarquer, c’est qu'il n’y a aucune pha- 180 OSTÉOLOGIE COMPARÉE. lange d’unie à sa voisine : ce qu’encore je dois de plus ajou- ter, c'est que les doigts du milieu sont grands et forts, et que les doigts latéraux sont au contraire petits et menus ; en quoi d’ailleurs presque tous les mammifères se ressemblent plus ou moins. Toutefois, comme tous les doigts s'articulent avec le carpe le long de la même ligne, il suit que la condition de petitesse des uns ajoute à l'effet de racourcissement celui d'augmenter leur éloignement du sol. Il n’y a donc que les doigts grands et forts qui soient applicables à la marche, les autres, faute d’être assez prolongés, en sont privés : mais ce défaut, quant à leur usage, ne s'oppose pas à ce que ceux- ci, ainsi que ceux-là, soient considérés comme des doigts vé- ritables : formés les uns et les autres d’élémens semblables, ils sont également parfaits. À la suite de ces faits que chacun connoiït, mais que la présente discussion m'a nécessité de reproduire, j'en viens à un exposé presque semblable que me fournit un genre de ruminans, le chevrotain, r2oschus memina (voyez fig. 7). Cette espèce « a de chaque côté du canon de longs stylets » qui représentent les métatarsiens et les métacarpiens laté- » raux, » a dit M. Cuvier, 4e. tome de ses Animaux fossiles, nouv. éd., page 18. Comme à ces phalanges métatarsiennes et métacarpiennes sont atiachés les doigts latéraux, et que ceux-ci ont assez de longueur, surtout dans le porte-muse, moschus moschiferus, pour toucher le sol dans certaines évolutions de l'animal, je ne vois dans cet exemple de dif- férence à l'égard des cochons que la soudure des deux mé- tacarpiens intermédiaires : mais tout os du canon, avons-nous vu à l’arT. IT, est le produit de deux pièces conjointes. Or, qui OSTÉOLOGIE COMPARÉE. 181 seroit tenté de décider que cette modification , qui n'a rien d’essentiel au fond et qui est subséquente à une primitive for- mation, doive empêcher de reconnoitre ici une reproduction des mêmes élémens et la répétition d’un arrangement en tous points semblable ? Et de plus, ce n’est pas seulement dans les chevrotains des séylets pour figurer des métacarpiens; ces stylets constituent de propres osselets : ce sont, à tout prendre, des métatarsiens et des métacarpiens véritables. Les chevrotains ont donc quatre doigts comme les cochons. Je passe à des ruminans d’un autre genre, celui des cerfs, et j'apercois les mêmes faits dans trois espèces, le renne , le chevreuil et le cerf de Virginie : j'ai fait graver, fig. 8, la plus grande partie du pied de la première espèce. Il n’y a point ici à objecter que les doigts latéraux sont à l'égard des doigts intermédiaires dans une disproportion de volume cho- quante ; ils sont moins forts sans doute, mais pas moins que cela n'arrive chez les animaux onguiculés ; et d’ailleurs poar le nombre et pour la forme, les doigts latéraux ne différent nul- lement desintermédiaires. Leursmétacarpiens occupent aussi, comme dans le chevrotain , toute la longueur du canon, en présentant toutefois cette différence que le milieu consiste dans un frèle cartilage ; il n’y a d’ossifiées que les deux extrémités. On n'a représenté que la portion digitale ; l’autre , qui avoit été égarée, manque à nos squelettes. Aïnsi il arrive à cette troisième partie de la jambe de répéter ce que nous savons exister à la seconde : quand le cubitus ou le péroné accom- pagne un radias ou un übia d’un volume considérable, ces os plus grèles ressentent partout les effets du balancement des organes, en ne conservant leur caractère osseux qu’à leurs deux Mém. du Muséum. 1. 10. 24 182 OSTÉOLOGIE COMPARÉE. extrémités : le milieu est aussi chez eux rempli par un cartilage. Le renne; comme le chevreuiletle cerfde Virginie, sur lesquels j'ai observé les faits d'organisation que je viens de décrire et que j'ai figurés n°. 8, d’après le renne, ont donc aussi quatre doigts parfaits; on n’a pas même dans ce cas-ci la ressource de dire que leurs petits doigts sont inutiles au mouvement progres- sif, puisque c’est par un heureux emploi qu’en font ces ani- maux qu'ils réussissent à descendre rapidement les revers des montagnes. Ilsse traînent dessus ces doigts ou s’en servent tantôt à heurter et tantôt à piquer le sol, selon qu'il leur importe ou de modérer leurs bonds ou de s'arrêter tout court. Une modification légère de ce système caractérise particu- lièrementles antilopes. Les séylers osseux , ou les métacarpiens latéraux, fig. 9, occupent les deux tiers supérieurs dela longueur du canon : un filet, suite du périoste, les termine et les joint aux osselets desdoigts. On sait que les antilopes se distinguent desautresruminans parune jambe pluslongue et plus eflilée : les ergots ou les doigts latéraux s’en ressentent par plus d’atro- phie, ou du moins par plus de petitesse apparente. C’est que deux osselets de phalange sont placés côte à côte, la troi- sième phalange ou la phalange onguéale est très-petite et ar- ticulée avec l’osselet extérieur. Le buffle (voy. fig. 10), ses congénères, le cerf commun, et généralement le plus grand nombre des ruminans ont les trois osselets des doigts latéraux en ligne, comme tousles ruminans dont nous avons précédemment parlé : mais en dedans sur les poulies du bas du canon est de plus un quatrième osselet, léquel est concave à sa facette articulaire, et convexe au con- traire extérieurement, Devrons-nous le considérer, avec les OsTÉOLOGIE COMPARÉE. 183 anatomistes vétérinaires, comme un os sésamoïde ? ce qui équivaut à ne point s'expliquer sur son compte? Ou bien comme l’os métacarpien ? celui-ci seroit donc descendu tout au bas du canon et placé côte à côte près de la première phalange. Enfin il est une dernière question. Retrouve-t-on, comme cela arrive toujours chez les animaux onguiculés, des traces plus ou moins évidentes du cinquième doigt sous la peau? Ce ne peut être décidé que par une recherche minutieuse sur laquelle je n’ai pas encore assez de données. Je ne dissimulerai point une objection, et c’est par son examen que je terminerai ce mémoire. On peut craindre qu’en recherchant , comme on vient de le faire dans cette occasion, tous les rapports des faits particuliers, qu’en les ra- menant à un seul fait général, qu’en ne voyant partout enfin qu’un plan, on ne nuise à la marche habituelle de la science. C’est tendre à la priver, dira-t-on, de ces intervalles entre les familles, lesquels en donnent les limites avec sévérité. Nous montrer la nature opérant toujours par nuances insensibles, n'est-ce pas travailler à nous déposséder de nos moyens usuels de classification ? Eh quoi, je puis répondre, avertir qu’on s’est abusé le plus souvent en annonçant des caractères comme ri- goureux , quand ils manquoient de précision ; proposer de remplacer le faux par le vrai, ce seroïit desservir les sciences? Convenez au contraire, qu'appeler séylets des os métacar- piens , ergots de véritables doigts, c’est cacher sous des noms bizarres, c’est mettre sous le rideau tous les faits scientifi- ques, tous les rapports de ces élémens organiques. Mais cette inquiétude que m'ont témoignée de bonne foi 24* 184 OSTÉOLOGIE COMPARÉE. de savans confrères, cette crainte que nos procédés de classi- fication en puissent souffrir quelque atteinte, reposent sur un préjugé. Ces craintes tiennent à ce qu’on pense que le soin de nommer et de classer les êtres doit former le maxtmum de nos efforts (1) dans les sciences naturelles. Sans doute que l’on a dû commencer par les travaux de classification, parce qu'il a d’abord fallu inventorier , c’est-à-dire, voir avec ordre les productions de la nature. Mais croire que la science se doive contenter des perfectionnemens des distributions méthodi- ques, ce seroit exiger que le littérateur s’en tint à admirer le bon ordre de ses livres sur les rayons de sa bibliothèque. Le littérateur qui range ses livres et le naturaliste qui classe ses animaux en sont au même point : l’histoire philosophique (1) Je ne puis vouloir rabaisser les classifications systématiques et je m'explique. En formant les catalogues des productions de la nature, on désire les disposer dans l'ordre de leurs plus grands rapports : mais que de difficultés dans la pra- tique ? Les formes de notre esprit nous astreignent à une exposition des êtres en série linéaire , quand il n’est peut-être aucun d’eux, tant les points de contact en sont diversifiés, qui ne puisse devenir le centre de rapports multipliés en rayons de sphère. Ainsi sont deux données qui se contrarient et qu'on essaie de concilier par des concessions réciproques. Les méthodistes ne sortent pas de ce cercle. Ayant sans doute une bonne intention philosophique , il faut qu’ils se con- tentent de moins mal faire : trop d’arbitraire , qui arrive à la traverse, explique le peu d'accords de leurs jugemens. Voyez les animaux à bourse. En ferez-vous avec M. G. Cuvier un seul ordre d’apres l’analogie de leurs organes génitaux ? Ou voudrez-vous écarter cette considération, et, prenant, comme M. F. Cuvier, l’ap- pareil digestif pour base de leur classification, disséminerez-vous ces animaux parmi les insectivores , les carnassiers et les rongeurs? Ou bien encore, préférant à l’un et à l’autre de ces caractères celui de l’appareil locomoteur , ainsi que l’a fait Illiger, les voudrez-vous ranger, les uns à la suite des singes et les autres au- près des gerboises ? Ce sont à chaque pas mêmes motifs pour douter , mêmes diffi- cultés pour agir. On suppose alors qu'il est possible et suflisant d'apprécier la OSTÉOLOGIE COMPARÉE. 185 des conceptions de l’esprit humain n'est dévoilée au premier, comme l’histoire philosophique des phénomènes de l’organi- sation ne l’est au second, que si le littérateur s’est instruit du fond des choses, ou que si le naturaliste est en même temps un physiologiste ayant beaucoup vu et beaucoup comparé. Il y a, par delà les travaux de classification, un autre but à atteindre, c’est la connoïssance du rapport des choses ; telle est la vraie science, la haute histoire naturelle. Tout ce qui y prélude est de métier, n’est qu’un acheminement à ce grand et important résultat. Les idées philosophiques formeront toujours la véritable moisson à retirer du grand champ de la nature; magnifique récompense des plus nobles efforts, trésor des âmes fortes, sur quoi se fondent les progrès de la civilisation, les indéfinis perfectionnemens de la raison humaine. GES AU A A HO net PEN Par or PA 98e oO NU BCE valeur relative des systèmes organiques : maïs un organe se montre ou dominatéur ou assujéti à une sorte de subordinätion , suivant qu’il est élevé au maximum de développement ou tombé dans un état restreint et rudimentaire. Ces reflexions , au surplus, ne s’appliquent pas aux recherches des monographes, travaux éminemment uliles, par lesquels se multiplient les faits et se disposent les élémens de toutes considérations philosophiques. Elles ne sauroïent non plus s’ap- pliquer à ces publications de T'ableaux synoptiques, où des imprudens s’autorisant des réelles diflicultés du sujet pour se mettre entièrement à l'aise, changent capri- * cieusement les rapports des ordres , lesemmélent autrement pour se donner comme les créateurs de nouveaux systèmes, bouleversent les nomenclatures, renouvellent jusqu'aux noms les plus usuels, et s’arrogent de disposer à leur gré de toute la nature, Quiconque a le courage d’embarrasser ainsi les avenues de la science n’a certes vu les choses que tres-superficiellement. 186 SUR LES APPAREILS DE LA DEGLUTITION ET DU GOUT DANS LES ARAS INDIENS, OU PERROQUETS MICROGLOSSES; Lu à l’Académie des Sciences, le 6 juillet 1821. PAR M. GEOFFROY-SAINT-HILAIRE. Os savoit depuis long-temps qu'il existe dans les Indes des perroquets à bec et joues d'Ara, à huppe sur le milieu de la tête et à queue courte et carrée. Les noms de corbeau des Indes (1), de grand cacatua (2), de kakatoës noir (3), de pszt- tacus aterrünus (4), de psittacus gigas (5), etc., furent suc- cessivement donnés à ces oiseaux, jusqu'au moment que M. Levaillant fixa plus particulièrement l'attention sur eux. Ce célèbre ornithologiste a vu au Cap plusieurs de ces perro- quets qu'on y avoit transportés vivans des Indes hollandoises. Un point curieux de leur organisation l’intéressa vivement, (1) Voyez V’ander-Meulen , gravures de 1707. (2) Edwards, Glanures, pl. 316. (3) Buffon, Ois. , t. VI, p. 97. (4) Gmelin, Syst. nat. (5) Latham , Ornith. PERROQUETS MICROGLOSSES. 187 et il en a donné la description suivante dans son Histoire natu- relle des perroquets. « La langue de ces oïseaux est, dit-il, » une espèce de trompe avec laquelle ils saisissent leur nour- » riture à l'instar de l’éléphant, et c’est pour rappeler le » merveilleux de cette organisation plus compliquée et plus » soignée, qui ajoute à leurs moyens physiques et qui doit » nécessairement ajouter à l'étendue de leur instinct, que » j'ai proposé de les nommer ara à trompe (1).» On chercha à comprendre ce que M. Levaillant avoit en- tendu par l’expression un peu vague d’une {trompe qui rem- place la langue ; et en s’aidant du texte et des figures de l’auteur, on s'arrêta à-l’idée que ces aras indiens se distin- guoient des véritables aras, tous d'Amérique et généralement de tous autres perroquets, par une langue cylindrique, ter- minée par un petit gland corné (2). Cependant rien de tout cela n’est vrai, ni les faits présen- tés par l’auteur original, ni les interprétations que ces faits avoient suggérées. À Dieu ne plaise que par cette remarque je veuille blesser d’honorables confrères : je me plais au contraire à reconnoître 1°, que M. Levaillant a fidèlement observé ses aras : mais nous n'avions pas alors acquis suflisamment de connois- . sances anatomiques, pour préserver à ce moment nos juge- mens d'erreur; et 20. que de fausses interprétations étoient imévitables , l’analogie restant sans puissance pour juger (1) Ara noir à trompe. Levaillant, Histoire naturelle des perroquets, tome I, page 36. (2) Voyez le Règne animal, etc. de M. Cuvier, tome I, page 434. 108 PERROQUETS MICROGLOSSES. d’une forme inconnue. En pareil cas, on ne devine pas; il faut voir pour décrire. L'occasion de reprendre ce travail $est avant-hier présen- tée. Un matelot hollandais , de retour d’un voyage à Batavia, est venu à Paris dans l’espoir d'y vendre un ara à trompe vivant. Pendant qu’il exposoit ses motifs pour demander un irès-haut prix de sa marchandise, j’eus le temps‘d’examiner son oiseau et d’en faire dessiner la langue. J’apporte cette observation à l’Académie : c’est une erreur à effacer de nos livres et un fait de plus d'organisation à y introduire. M. Levaillant veut peindre à l'esprit ce quelque chose d’extraordinaire qui la frappé, et il s’arrète au mot de trompe: il se croit sur une réelle analogie; car il a remarqué que l'objet de ses considérations est également un organe de pré- hension. Ne seroit-ce là qu'une expression métaphorique ? elle man- queroit déjà de justesse. Car il est évident qu’elle porte sur une fausse idée que l’on se seroit faite de la trompe de Pélé- phant. Cet objet est d’abord , est essentiellement le nez allongé de l’animal ; puis, par une addition de nouveaux élémens, il est encore, il devient aussi un organe de mouve- ment. C’est que toute fonction croit en puissance, au fur et à mesure que l'organe acquiert un plus grand développe- ment. Mais le mot #ompe west point employé au figuré: car quelques lignes plus loin, notre auteur, oubliant que la base qu'il a donnée à ses raisonnemens, est toute entière une sup- position, une création de son esprit, compare les rapports et les différences des deux trompes. « Celle de l'éléphant, dit:l, PERROQUETS MICROGLOSSES. 189 » existe au-dessus de la bouche, et peut se rouler et se ployer » en tous sens, quand celle des aras indiens occupe l’inté- » rieur du bec et remplace la langue , dont cependant cette » trompe ne fait jamais Poffice, étant privée de se rouler ou » de se ployer. » Je prie le lecteur d’excuser, si je l’arrète un moment sur cet ancien écueil des déterminations d'organes. Il suffisoit autrefois d’une certaine ressemblance dans la forme et d’une destination équivalente, pour que l’on se crût sur des orga- nisations identiques. Quelques habitudes irréfléchies étoient les seules règles en usage; et nos deux prétendues trompes ont bien pu être considérées sous le même aspect en 18017, et l’auront été en effet par M. Levaillant, avec tout autant de raison que bien d’autres déterminations incontestées alors. Je n’avois point encore posé ce principe, que c’est seulement quand deux parties se rassemblent par leurs connexions et leurs mutuelles dépendances qu’elles sont analogues. Mais aujourd'hui que je puis m’appuyer sur des règles certaines, le principe des connexions et la théorie des ana- logues , je suis affranchi de toute hésitation. Et en effet, dès que j'ai eu examiné l'appareil dont les aras indiens se servent pour la déglutition de leurs alimens, le plus court instant m'a sufli pour débarrasser cette question de fait de toutes les suppositions qui la surchargeoïent, et pour la ramener à ce qui est partout, à cet ordre admirable, dont j'embrasse les relations sous le nom d'uzité de composition organique. Que le mot de #rompe ait été dans le principe la désigna- tion caractéristique du prolongement nasal de l'éléphant, on a bien pu en régler l'usage et l'appliquer à tout excédant de Mém. du Muséurn. +. 10. 25 190 PERROQUETS MICROGLOSSES. l'organe olfactif qui se compose de tiges creuses, conjointes, prolongées et mobiles. Dans ce sens, le groin d’un cochon est une trompe : et cela nous explique comment l’analogie per- met d'étendre cette dénomination au nez si démesurément allongé des taupes, des musaraignes et des desmans. C’est le mème organe, restreint cependant, c’est-à-dire le même avec quelques élémens de moins et, par conséquent, avec une moindre action. Mais il répugne d’adopter cette dénomina- tion, quand il s’agit d'oiseaux , où n’est et ne peut être la chose, même au moindre degré possible. Encore mieux, ré- pugne-til de transporter ce nom à un tout autre système organique, Il n’y a point d'intention allégorique, de désir de donner plus de force à sa pensée, qui puisse justifier cette manière de dire ou d'agir. Le langage et les faits des sciences ne deviennent lumineux et philosophiques que s'ils se renfer- ment tout-à-fait dans la vérité la plus scrupuleuse. Laissant de côté cette expression erronée de trompe, il suffit que je sache que l'appareil dont il est ici question existe en dedans des mandibules, pour que je ne puisse douter qu'il ne soit composé de la langue et de ses dépendances osseuses. C’étoit parce qu’on avoit remarqué la mobilité de toutes ces parties, que, pour expliquer cette circonstance, on avoit eu recours à la considération de résultats analogues que présente la trompe de l’éléphant; comme si ce n’étoit pas le propre de la langue de manifester la même mobilité et de gouverner le cours de toutes choses dans la cavité buccale. L'ensemble est donné; c’est l’appareil hyoïdien et ses dé- pendances. Le principe des connexions va fournir la détermi- nation de chacune de ses parties et y portera d'autant plus de 1 PERROQUETS MICROGLOSSES. 191 précision que le point de départ n’est susceptible ici d'aucune équivoque. La langue termine lappareil hyoïdien ; par con- séquent ce petit bout noir décrit sous la forme d'un gland creusé àsa pointe ( M. Levaillant), corné, a dit M. Cuvier, ne sauroit être autre chose, en tout ou partie. J’y ai regardé très- attentivement : ce n’en est point un fragment, c’est la langue toute entière. J'avoue que j'ai été très-étonné de ce résultat. On sait que ce qui distingue surtout les perroquets est l’ampleur et la qualité charnue de leur langue. Tout volumineux qu'est leur bec, celle-ci en remplit toute la capacité. C’est donc un spec- tacle tout-à-fait inattendu que ce qui est produit avec tant d’exagération dans une famille passe chez l’un des congé- nères brusquement à l’excès contraire. La langue des aras indiens est en effet réduite aux plus petites dimensions; mais comme organe du goût, elle ne perd rien de son efficacité. Je n’en puis douter et j'explique de cette manière une habitude de l'oiseau racontée par M. Le- vaillant et que j'ai pareillement observée. Ces perroquets émiettent tout ce qu'on leur donne et recueillent chaque par- celle sur le centre de leur langue, qui prend alors la forme d’un cuilleron. Il est évident qu'ils agissent ainsi par sensua- lité; car s'ils n’avoient envie que de se gorger de nourriture, que de remplir leur estomac, ils trouveroïent à y réussir à bien moins de frais et de fatigues. Comme tous les perroquets, ils brisent sans difficulté les noix, noisettes et toute espèce de noyau; mais quand ils en out détaché les amandes, il ne leur arrive pas, ainsi qu'à leurs congénères, de les écraser pour les avaler en gros fragmens. 25 * 192 PERROQUETS MICROGLOSSES. L’entrée de leur œsophage le permettroit cependant, puisque cette ouverture est assez grande et que des amandes en- tières y pourroient passer. Un ara à trompe se garde d'agir ainsi. J’ai vu cet oiseau attentif à gruger tout ce qu’on lui donnoit, du pain, du sucre et des amandes, et occupé surtout de porter l’extrémité de sa langue sur chaque parcelle détachée : c’est alors qu'il en faisoit la déglutition, retenant la masse principale entre les tranchans des demi-becs. Ou bien, afin d’avoir sans em- barras la jouissance entière de son appareil de déglutition, la masse principale étoit reprise et conservée momentané- ment par une des pates. La langue de cet oiseau a été comparée à un gland : c’est en effet une tubérosité de forme ovale; son grand diamètre est transversal et large de six millimètres ; le petit diamètre est de moitié tout au plus. Quoiqu'aussi petite, cette langue sai- sit habilement un fragment d’une dimension moindre; c’est qu’elle se plisse et fait sinus à la ligne médiane: elle est for- tement préhensible ; ce dont elle est redevable à ses os propres ou les glossohyaux (1), qui rapprochés l’un de l’autre par les muscles de la langue, deviennent une sorte de pince à l’égard de tout ce qui s'engage dans leur intervalle. Je n’ai pu prendre connoïssance des différens os hyoïdiens qu’à travers les membranes et les muscles qui les recouvrent : Er (1) Je me sers et vais continuer de me servir d’une nomenclature que j’ai établie dans un Mémoire général sur l’hyoïde ( voyez Philos. anat., tome I, pages 139 à 205). Je ne reproduirai pas ici les élémens de ce travail. Ou les lecteurs le con- noissent, ou ils voudront bien prendre la peime d’y recourir. PERROQUETS MICROGLOSSES. 103 mais aidé de la connoissance d’un autre hyoïde de perroquet, j'en puis présenter la détermination, sans craindre de com- mettre la plus petite erreur. Pour plus parfaite intelligence de ce que j'ai à exposer, je mets, pl. 11,sous les yeux du lecteur les figures de l’hyoïde du perroquet jaco (pszétacus garrulus ); on voit cet hyoïde par le dedans, fig. 11, par le dehors, fig. 1 2, et de profil, fig. 15. Toutes les pièces de l'appareil s'appuient sur un os impair au centre, le basthyal b; en devant sont les os propres de la langue, les glossohyaux , g,g ; en arrière et également articulés, au basihyal sont les premiers osselets des cornes styloïdiennes ou les apohyaux , a,a , et au-decà de ceux-ci les seconds osselets ou les cératohyaux, c,c. Il est une autre pièce dans le prolongement du basihyal, celle dite , wrohyal, u: mais soudée à la précédente en raison de l’âge avancé de l'oiseau, son point de séparation n’est pas marqué dans nos figures. Cela posé, j’engage à consulter la fig. 13; elle est faite d’a- près le vivant, et, comme on le pense bien, d’après un modèle qui posoit mal, la bouche ouverte, quand il crioit, et qui n'a point souffert qu’on prit des mesures. Le dessin représente le pharynx : , la langue 2, l'appareil de déglutition 3, l’en- trée de l’œsophage 4, celle de la glotte 5, l'aspect intérieur du demi-bec supérieur 6 et la même face du demi-bec in- férieur 7. J’ai, par cette amalgame de chiffres et de lettres, distingué les organes dans leur totalité des parties osseuses formant l'appareil hyoïdien. Les nos, 11 et 13 sont les figures dont la considération im- porte le plus, parce que la comparaison en est immédiate et facile à concevoir; les glottes, chiffre 5, occupent le centre de 194 PERROQUETS MICROGLOSSES. tout le système; elles s’ouvrent dans la fourche produite par la rencontre des deux cornes styloïdiennes et font ainsi valoir la grandeur respective de ces branches. Le dernier de leurs osselets, le cératohyal ©, est un os ramassé semblable, de forme comme d'usage à une rotule : il sert à articuler l’autre pièce avec le crâne et à multiplier ses chances ponr un mou- vement plus varié. Engagé dans ses muscles et dans ses té- gumens, nous ne l’apercevons point dans notre figure n°. 15. Ce qui reste donc apparent des cornes styloïdiennes est l’apo- hyal &, s'étendant du cératohyal au basihyal. Or dans nos figures no. 11 et 13, l’un est sous-doublede l’autre; l’apohyal de Vara à trompe ne s'étend point au-delà de l’espace occupé par la glotte. Si ces pièces sont si petites relativement à leur dimension habituelle, il paroït qu’en revanche le basihyal est plus grand et surtout plus fort; il existe depuis les branches styloïdiennes jusqu’à la tubérosité terminale. On voit cet os recouvert de ses tégumens fig. 13, et débarrassé au contraire de toutes. enveloppes fig. 11 et 12. Quant à ce point, c’est peu de différence de l’un à l’autre des perroquets com- parés. Où cette différence est au contraire considérable, c’est dans les grandeurs respectives du surplus de l'appareil hyoï- dien. Chez le perroquet 7aco, fig. 11 et 1 2, le basihyal est ter- miné par deux pièces assez longues, gg, lesquelles sont les os de la langue ou les glossohyaux. Ainsi voilà une base éten- due où la masse charnue, dont se compose la langue de ces perroquets parleurs, trouve à s'implanter. Toute cette organisation se retrouve, mais restreinte, mais rudimentaire dans la tubérosité terminale, chiffre 2 ; voyez fig. 13 et 14. Cette tubérosité a de la largeur, à raison des deux PERROQUETS MICROGLOSSES. 195 glossohyaux, qui, aperçus, à travers les muscles qui les re- couvrent, paroissent comme de petits corps ronds. Chacun est articulé avec la tête du basihyal, et jouit ainsi, malgré sa petitesse, de tous les mouvemens de ces os chez les perro- quets. Les muscles, en les rapprochant l’un de Pautre, les soulèvent; ce qui produit dans leur intervalle la gorge que nous avons remarquée, quand les aras à trompe s'appliquent à saisir quelques parcelles; ainsi le jeu imprimé à ces deux petits osselets les fait agir comme agissent les bras d’une pince. La tubérosité terminale (chiff. », fig. 13 etr14 ), que nous décrivons, est donc, elle seulement, toute la langue des aras à trompe; c'est mème une langue de perroquet, mais en mi- niature. Les glossohyaux sont aussi des os séparés et mobiles, quand chez d’autres oiseaux, les canards par exemple, ils sont soudés l’un à l’autre et ne forment plus qu'un seul os. Cependant une langue aussi petite chez des oiseaux dont le bec est si considérable, qui ont par conséquent la cavité buccale d’une étendue exagérée, voilà sans doute pour con- fondre toute la philosophie des causes finales. Chez tous les animaux assez généralement, la cavité buccale s'accroît avec le volume de la langue; mais ici c’est l’inverse qu’on observe. Il n’y a plus qu’une miniature de langue, et les dimensions du bec ont augmenté, au point de l’emporter du triple en lar- geur sur celles propres aux autres perroquets. Des observations qui précèdent , il résulte que ce que M. Levaillant et ses commentateurs ont considéré comme la trompe ou langue des aras indiens comprend tout l’appa- reil hyoïdien, mais cet appareil frappé de réduction dans ses parties extrèmes. 196 PERROQUETS MICROGLOSSES. Ainsi cette trompe qui s’avance dans le récit de M. Le- vaillant, c’est tout l’hyoïde qui se porte en avant. Ses divers mouvemens que l’on avoit comparés à ceux de la trompe de l'éléphant et qui n’avoient pas pourtant la même souplesse, sont les mouvemens ordinaires d’un appareil, tenu partout à effectuer l'acte de la déglutition. Quand cet appareil se retire, c'est tout l’organe respiratoire, la trachée-artère et le larynx qui agissent sur lui; quand ceux-ci descendent ou plongent dans la poitrine, l’hyoïde n’est acculé dans le pharynx qu’en- trainé à leur suite. La glotte, visible entre les apohyaux qui servent à sa sus- pension, reste le plus souvent ouverte: avec l'hyoïde porté en avant, son ouverture est longitudinale; avec cet appareil refoulé dans le pharynx, l'ouverture est transversale ou même entièrement ovale. La glotte dans ce dernier cas ne peut se fermer, et c’est la seule position que puisse prendre l’animal pour faire entendre ses cris. C’est un croassement rauque que nous pouvons, dit justement M. Levaillant, imiter facilement en ouvrant forte- ment la bouche et prononçant de la gorge le mot ghrréa. Ce son vient évidemment du larynx inférieur. Si l’on réfléchit à cette organisation de la langue et du la- rynx, on conçoit que M. Levaillant ait échoué dans sa ten- tative de faire articuler à ses oiseaux les mots les plus faciles. Ils ne lui ont jamais, dit-il, paru porter la moindre attention à ses lecons; mais c’est qu'ils n’avoient pas l’organe avec le- quel on parvient à parler. Leur langue n'existe qu'en vertiges; mais toute puissante qu'elle est encore pour la dégustation et pour la saisie des alimens, elle ne sauroit modifier les sons PERROQUETS MICROGLOSSES. 197 produits par le larynx; cela n’est possible qu'à une langue charnue et qui remplit toute l’étendue de la cavité buccale. Ce fait d’un organe arrêté dans son développement tient à un autre non moins remarquable, auquel je ne sache point que personne ait encore fait attention : c’est la brièveté et le raccourcissement de la mâchoire inférieure elle-même. Celle- ci a perdu en longueur ce qu’elle a acquis d’une manière toute extraordinaire en largeur. De la forme que prend alors cette mâchoire, il résulte qu’elle occupe la région du cou, que la tête est avancée par delà, et que c’est ainsi seulement qu'on peut expliquer ce prolongement si grand du demi-bec supérieur. Il arrivoit souvent à l’oiseau dé porter sa petite languesur le palais; l'appareil hyoïdien étoit alors soulevé et se trouvoit remonté si haut qu’on le voyoit par-dessous. Ce mouvement est fréquent : il n’y a de déglutition possible que par lui. Au total, tout cet appareil se ressent de ses conditions pri- mitives, d’être comme arrêté dans son développement. Ses fonctions sont pénibles : car elles ne deviennent un sujet surprenant de remarques pour l’observateur qu'en raison de toute l’industrie que l'oiseau est forcé de déployer. Cepen- dant les répétitions continuelles des mêmes mouvemens pro- duisent à la longue une habitude et même une certaine ai- sance qui rendent ces exercices assez faciles. Ayant par cette discussion porté l'attention des ornitho- logistes sur le fait organique qui signale sous son véritable point de vue la merveilleuse structure des aras indiens, et ayant, je pense, suffisamment démontré que leur dénomi- nation de ara à trompe est vicieuse, je crois devoir proposer Mém. du Muséum. 1. 10. 26 198 PERROQUETS MICROGLOSSES. un nom, pour cette division de perroquets, qui rappelat leur réelle organisation. Tel est le nom de zzcroglosse ( perro- quets à petite langue ), sous lequel je les ai annoncés dans le titre de ce mémoire. L'oiseau est noir; et jeune, il est gris. M. Levaillant en a figuré les deux âges. Afin qu’on soit dispensé de recourir à ces figures, pour avoir une idée exacte des traits caractéristiques et de l’en- semble de ce nouveau genre de perroquets, j'en donne ici une esquisse : voyez fig. 16. L'intérieur de bouche, fig. 13, représenté de grandeur naturelle, donne une idée des dimen- sions totales. Nota. J'ai suspendu pendant deux ans la publication de ce Mémoire, me flat- tant, ce dont je désespère aujourd’hui, de revoir cet ara microglosse. Dans l’inter- valle, M. Vieillot a publié ce sous-genre dans celui de ses ouvrages intitulé : Galerie des Oiseaux du Cabinet d'histoire naturelle du Jardin du Roï. Les figures sont de M. Oudart. M. Vieillot a adopté le nom de microglosse, et fait savoir qu’il en donnoit l’organisation, d’après mon manuscrit qne je lui avois communiqué. ERRAT À important à corriger. Page 90, ligne 10, au lieu de.....,,.:,...... { k 7,62 { acide carbonique 39,38 ilfaut dire tite azoter.Hie tt er, 62 | Hbc 4 4 OSTZEHOLOGIFH COMPARLE.- PERROOULTS MICROGLOSSLS . Lig.12.5.4.8-d après & Baif 6-l Cochon 7 -l Cheorotun.&-le lienne.o-la Garelle.10-le Bale. n.12 28 - lerroqueé ace. 18,14 16- Lferroquet rucroglosse . Lig.1.8.4.5. ë 79.12 15.14.10. -de grandeur ral S-de ièrs.10-de moitié. 16-de quart.2-tril. * FRAGMENT D'UNE MONOGRAPHIE DES VRAIES BUTTNERIACÉES. PAR J. GAY. Loxsouxs je publiai, dans le VITe. volume de ces Mémoires, le résultat de mes recherches sur le groupe des Lasiopéta- lées, j’espérois pouvoir réunir promptement les matériaux qui m'étoient nécessaires pour étendre ce travail aux autres groupes et à tous les genres de la même famille. Cette es- pérance ne s'étant pas réalisée, et la tâche que je m’étois imposée s'étant d'ailleurs compliquée par les importantes observations de M. Kunth sur plusieurs familles voisines des Malvacées (1), j'abandonne avec peine un projet qui m'a long-temps occupé, et me borne à mettre sous les yeux du public la seule monographie de genre que j'aie pu amener à (1) Humboldt , Bonpland et Kunth, Nov. Gen. et Spec. PI. tom. Y. (1822.) 20N 200 MonoGRrAPHIE un point de maturité suffisant. J’ai lieu de croire qu'elle offrira de l'intérêt aux personnes qui apprécient les avantages de l'exactitude, même dans les travaux les plus bornés, et je la soumets à leur jugement éclairé, en regrettant que les circonstances m’aient été si peu favorables pour mériter de leur part une plus grande portion d’estime. BUTTNERIA. CHARACTER ESSENTI ALIS. Non differt à Commersonia nisi filamentis 10 non 20, et capsula- ‘rum setis nudiusculis non fasciculatim pilosis. — Hæc forma inter Büttneriaceas veras simplicissima est. Oss. Monographiæ hujus generis scribendæ supersedebo donec omnes jam notas species occasio mihi obtulerit et ad illas rite conferendas otium fuerit. Quod quum nesciam quando futurum sit, operæ pretium fore duxi si, interim, Commersoniam dasyphyllam Büttneriis restituerem , novamque posterioris generis publici juris facerem , et utriusque descriptionem iconibus illusiratam meis de Commersonïa pagellis præmitterem. 1. BUTTNERIA DASYPHYLLA. N. (Tab. I.) B. caule inermi, foliis ovato-acuminatis, dorso hirsutis et viri- dibus. N. Commersonia dasyphylla. Andr. Bot. Repos. tab. 603. ( 1810.) — Link. Enum. Berol. alt. 1. (1821 ) p. 302. Lasiopetalum tomentosum. Gels. (ann. 1820.) Büttneria inodora. Gay in Dict. Scienc. nat. 30° livrais. (ined.) ic. Habitat in Nova Hollandia aut terrâ Van-Diemen ( Andr.). — Parisüis, Londini et Berolini, in frigidario hospitatur, Aprili et Majo florens , semina perficiens Julio. Teloni, in rerum marinarum horto, anno 1822,plantata, ex Roberti litteris, hyemem 1822-1825 et scalæ DES BUTTNERIACÉES. 201 Reaumurianæ gradum infra glaciem quartum sustinuit, floresque et fructus anno 1825 copiosè dedit, folis autem junioribus gelu cris- patis, frigoris intensioris impatientem se fore ostendit. —Vidi vivam, florentem et fructiferam, tum apud Cels et Noisette, tum in horto Luxemburgensi. Frutex in frigidariis 5-6 pedalis, laxè ramosus, trunco erecto, gra- ci, tereti, glabro, fuscescente, ramis patentibus, rufè hispido-to- mentosis, herbâ totà inodorâ. Folia plantæ semestris, à seminibus educatæ, à foliis plantæ adultæ et florentis diversissima. Priorum petiolus uncialis et longior, hirsutus; limbus 3-4 uncias longus, toti- dem latus, in multarum Malvacearum , præsertim Lavaterarum, modüm acutè tri-quinquelobus, basi æqualiter cordatus , margine per totum ambitum grosse et inæqualiter crenato-dentatus, facie gla- briusculus et læte viridis, dorso pallescens et molliter remote hispi- dus, lobis duobus inferioribus obsoletis, quandoque nullis, duobus intermediis ad angulum ferè rectum patentibus, terminali longiore, acuto, sæpè acuminafo, nervis dorso prominulis, palmatim dispo- sitis. Posteriorum petiolus brevissimus, 3-5 + lineas longus, densè hispido-rufotomentosus ; limbus 2-5 uncias longus; 1-2 ; uncias latus, ovato oblongus, acutus, subacuminatus, basi æqualis, obsoletissimè cordatus, subinteger, iargine planus et inæqualiter dentato-serra- tus, facie obscurè viridis et pubescenti-scabriusculus , dorso molliter et densè hispidus, nervo primario secundariisque prominulis, tribus inferioribus palmatim dispositis. Stipulæ hirsutæ, deciduæ, in juniore plantâ setaceæ , indivisæ, petiolo multd breviores , in adultä petio- lum subæquantes, lanceolatæ, apice integræ aut bifidæ. Cymæ parvæ, paucifloræ, oppositifoliæ, folio opposito multù breviores. Pedunculus et pedicelli hispidi, novelli bracteati, bracteis vagis, li- neari-lanceolatis, indivisis, hirsutis, deciduis. Ælabastra spherico- pentagona, antè quintum mensem conspicua. Flores albi, inodori, floribus Æsciepiadis angustifoliæ W. e longinquo similes. Calyx ultra medium quinquefidus, ferè quinquepartitus, patens, 2-2 : li- 202 MonoGrAPHIE neas lafus, utrinque villosiusculus, tubo viridi, segmentis planis, ovatis , obtusis, albis, veuis ad dextram lævamque nervi medii ferè inconspicuis. Petala 5 , distincta, cum segmentis calycinis alternan- tia, iisdem paulo breviora , unguiculata, alba; ungue dimidiam li- neam longo, glaberrimo, trinervi, cuneiformi, marginibus intro- flexis, filamenta fertilia antherâ supputatâ æquilonga amplectente ; limbo duplo triplove angustiore, ex unguiculi lateribus abruptè pro- ductis nato, duos plus minus lineæ trientes longo, patentissimo, piano , lineari, uninervi, apice obtuso et paululüm dilatato, facie villosiusculo , dorso glaberrimo, æstivatione introrstm ad angulum rectum flexo et autheram tunc temporis horizontalem tegente, hoc est imperfecté replicativo. Filamenta 10, ferè ad medium usque in tubum connata, alternè sterilia; sterilia calyce et petalis pauld bre- viora, petaloidea , plana, alba, utrinque villosiuscula , intra alabas- trum observata recta , erecta , valvatim conniventia, linearia , apice obtusa monantherife ra , durante anthesi visa lanceolata, acuta, apice stellatim expansa ibique nuda, antherâ antheræ fertili cæterùm simili, sed rectà non reflexâ, roseâ non purpureä, basi profundius excisà , lobis deorsüum spectantibus, per totum dorsum filamento ad- nexis, magis divaricatis , sub apice per unum tantüm punctum cohæ- rentibus, cassis, lineâ quidem suturali, longitudinali, laterali in- structis, non verd dehiscentibus, aëris contactu citissimè evanes- centibus, ita ut in flore expanso ne minimum eorum vestigium supersit ; fertilia petalis opposita , erecta , indivisa, linearia, antheræ longitudinem æquantia, filamentis sterilibus quintupld breviora , an- therâ minutâ, purpureâ, virgineâ sublunulatâ, apice leviter emar- ginatâ, basi, quâ filamento inseritur, profundè excisâ , intrà alabas- trum horizontaliter patente, demüm reflexâ (ita ut dersum petalo opposito præbeat et crura sua in altum tollat) lobis ovoideis, rectis, ad angulum acutum divergentibus , inter punctum apici proximum et punctum medium connectivo basi laxiore membranaceo junctis, infrà medium liberis, intrà sinum suum filamentum excipientibus, demüum DES BUTTNERIACÉES. 03 rimâ longitudinali laterali extrorshm (reapsè, propter antheram re- flexam, introrsim ) dehiscentibus, ad margines suturales tantum ni- gricantibus, effætis ad angulum acutum hiantibus, carinafim cavis, antherâ tunc, ex parte dorsali visâ ( quæ pars tum quoque petalum spectat), propier crura vacua retracta, verè didymâ. Ovarium sphæroïdeum , tuberculatum, obsoletè quinquecostatum, pentagy- num, quinqueloculare , stylis filamenti antheriferi longitudinem æquantibus, tereti-subulatis, glabris, apice incrassatis, primo ap- proximatis, unicum mentientibus, demüm liberis, loculamentis trio- vulatis, ovulis ad basim anguli axilis affixis. Capsula calyce emar- cido basi stipata, sphæroïdea, undique echinata, supputatis armis quinque lineas lata ; siylis brevibus, emarcidis, inter setas abscon- ditis ; setis duas lineas longis, crassis, rigidis, subulatis , atropurpu- reis, pilosiusculis, pilis terminalibus radiatim expansis, rectis, acutis, reliquis sparsis, distantibus, solitariis (non fasciculatis ), apice glan- duliferis et inde quasi clavatis; pericarpii membrana duplex , exterior fibrosa, fibris crassis, lignosis, reticulatim anastomosantibus , inter- stitiis membranâ semipellucidä clausis, interior arte facilè separanda, sponte autem non diseedens, continua, cornea aut solidè membra- nacea, lævis, intüs glaberrima et lucida. Dehuscentia loculicida. Semina in singulo loculamento 2, rarissime 3, adscendentia , ellipsoï- dea, lævia, fusca, lineam longa; strophiola parvula, apice rotun- data, rarius crenulata , plerumque integerrima ; Ailus punctiformis; raphe simplex, ab hilo ad geometricum seminis apicem ducta; cha- laza in seminis apice obsoleta ; sntegumentum proprium crustaceum, crassiusculum , perispermo carnoso, moili adhærens; embryo axilis, longitudine ferè cavitatis semineæ, radiculâ inferâ, tereti, cotyle- donibus planis, ellipticis pauld breviore, plumulâ inconspicuâ. (D. V.) Os. Fortem Cucumeris odorem, circà antheseos tempus imprimis manifestum, recentibus Commersoniæ suæ dasyphyllæ folüs tribuit Andrews, qui odor in Büttneria mea dasyphylla omnind desideratur. Hoc commotus et eo quod priori 204 MonNOGRAPHIE petala calyce longiora adscribuntur, quum petala posterioris mihi semper calyce breviora visa sint, stirpem Parisiensem à Londinensi diversam credideram et Bütineriam inodoram dixeram , quo nomine à docto Turpini penicillo in Dict. des Sc. nat. illustrabitur. Nunc verd, consideratä summäà iconis Andrewsianæ cum planta mea similitudine , sub unius speciei titulo hanc cum illa conjungo, leves existimans esse differentias quibus discriminantur, si re ipsa existant nec unice ab individualibus circumstanciis pendeant. 2. BUTTNERIA HERMANNIÆFOLIA. N. (Tab. II.) B. caule inermi, foliis ovato-lanceolatis, dorso tomentosis canes- centibus. N. Commersonia hermanniæ folia. Gay in Kunth Nov. Gen. et Spec. V. (1822) p. 511, in nofa. Habitat in Nova Hollandia, ad portum Jackson, locis sterilibus ( Riedlé in herb. Mus. Paris. ). — In herbarie Mus. Paris. vidi pul- cherrima florifera specimina , loco prædicto lecta. Frutex 2-5 pedalis (Riedlé, I. c.), trunco erecto, tereti, glabro, fusco, ramis erectis, gracilibus, virgatis, pariter teretibus, glabris et fuscis, ramulis apice hirsutis non hispido-tomentosis. Folia alterna penninervia, subsessilia, 8-12 lineas longa, 5 ;-6 lineas lata, ovato- lanceolata, obtusiuscula, basi æqualia, obsoletissime cordata, sub- integra, margine serrata, revoluta, facie obscurè viridia, rugosa, scabriuscula, dorso hispido-tomentosa canescentia (tomento denso, stellulis longioribus laxis substrato), nervo primario secundariisque dorso promiuulis, secundariorum inferioribus obsoletis. Stipulæ lan- ceolatæ , petiolo brevissimo longiores, hirsutæ, deciduæ , apice in- tegræ aut bidentatæ. Cymœæ parvæ, paucifloræ, oppositifoliæ , ra- rissime axillares, folium oppositum nunc æquantes nunc superantes, deciduæ. Pedunculi et pedicelli hispidi, novelli bracteati, bracteis vagis, lineari-lanceolatis, integris, deciduis. Æ/abastra spherico- pentagona. Flores marmoris ad instar albi (Riedlé, 1. c.) similes floribus B. dasyphyllæ , non aliâ notä distinguendi nisi petalorum DES BUTTNERIACÉES. 205 limbo pauld angustiore. Ovarii loculamenta pariter triovulata. Fruc- tum non vidi. (D.S.) Ons. Species hæc, quoad floris fabricam præcedenti simillima , notis & vegeta- tione desumptis distinctissima est, nempe 1°. ramorum ramulorumque extremis tantum apicibus hirsutis, pilis rarioribus, 2°. foliis duplo, triplo, quadruplo et quintuplo minoribus, ovato-lanceolatis non ovato-acuminatis, brevius petiolatis, dorso canescenti-tomentosis non viridibus hispidis, nervis dorsalibus inferioribus obsoletis non exstantibus et palmatim dispositis, 3°. cymis denique folium opposi- tum æquantibus aut superantibus, non folio multo brevioribus. COMMERSONIA. ComMERsoNIA : J. R. Forst. Char. Gen. (1776) p. 43. — Linn. fil. Suppl. p. 26. gen. 1380.— Mürr. Syst. Veget. p. 300. — Schreb. Gen. -PI p. 208. — Juss. Gen. PI. p. 428. — Lam. Dict. 1. p. 69. — Gærtn. Fruct. 11. p.79. — Gmel. Syst. Veget, p. 510. — Mürr. Syst. Veget. edit. Pers. p. 318. — Jaum. St. Hil. Fam. nat. 11. p. 355. — Hedw. fil. Gen. PI. 1. p. 214. — Andr. Bot. Repos. fol. 5r9. — Sims in Bot. Mag. fol. 1815. — Spreng. Anleit. zur Kenntn. der Gewächs. ur. p. 669. — Schult. Syst. Veget. vr. (1820) p. LxIx. CHARACTER N'ATURALIS. Arbores et frutices pube stellulata tomentosi. — Stipulæ parvæ, rameæ , deciduæ. — Folia alterna , indivisa, ovato- oblonga, ovata, plerumque inæqualia, facie hispidiuscula, dorso tomentosa. — 7n- florescentia cÿymosa, oppositifolia, axillaris, rard juxtaxillaris. — Bracteæ vagæ, deciduæ.— Calyx petaloïdeus, marcescens, quin- quefidus quinquepartitusve, segmentis patentibus, dorso tomentosis. — Petala 5, hypogyna, cum lacinis calycinis alternantia, indivisa, ex basi latâ, marginibus introflexis filamenta fertilia amplectente, in mucronem linearem , ungue longiorem producta. — Filamenta 20, basi in tubum brevem connata, alia fertilia, alia sterilia; fertilia 5, sterilibus multd breviora, petalis opposita, indivisa, apice monan- Mémm. du Muséum. t. 10. 27 206 MonoGrAPHIE therifera ; sterilia 15, ternafim cum fertilibus alternantia, ex {ribus intermedium semper petaloïdeum, exteriora in altera sectione capil- laria et cum filamentis fertilibus adjacentibus basi connata, in altera petaloïdea et cum filamento intermedio basi connata. — Anthera basi affixa, extrorsa, biloba , primd horizontalis, demüm in priore sectione reflexa , in altera erecta, lobis divergentibus, rimâ lateral longitudinali dehiscentibus, valvis, emisso polline, in priore sectione ad angulum acutum hiantibus, in altera quam maxime divaricatis, explanatis. — Ovarium unicum, sessile, sphæroïdeum, tubercuiatum , quinquecostatum, pentagynum, quinqueloculare, stylis teretiusculis, primô approximatis, unicum mentientibus, demüum liberis, locula- mentis 3-6 ovulatis, ovulis angulo interiori affixis.—Fructus capsularis Triumfettæ et Sparmanniæ, calÿce marcescente multd major, setis longis, flaccidis, pilosis echinatus; pericarpü solidi, sicei, membrana duplex , altera fibrosa reticulata, setas quibus armatur fructus gerens, altera inferior continua , membranacea aut pergamentacea, utrinque glaberrima , demüm laxius adhærens, vix autem unquam sponte disjuncta; loculamenta 5 ; dissepimenta è valvularum margine intro- flexo ; dehiscentia locuhcida ; columella nulla. — Semina in singulo loculamento 2-3 , adscendentia , ellipsoïdea aut oblongo-obovoïdea, strophiolata, strophiolä (ubi observata) tripartitä. CHARACTER ESSENTI ALIS. Inflorescentia cymosa.— Bracteæ vagæ, deciduæ.— Calyx per- sistens, marcescens. — Petala 5 , ex basi latâ, margiuibus introflexis filamenta fertilia amplectente, in mucronem linearem indivisum producta. — Filamenta 20, ex quibus 5 brevissima, fertilia, mo- nantherifera , 15 ternatim inter fertilia posita, sterilia, elougata. — Anthera basi inserta, extrorsa , biloba , junior horizontalis. — Ova- rium pentagynum, quinqueloculare , loculamentis 5-6 ovulatis. — Capsula echinata, aptera, quinquevalvis, semivibus strophiolatis, cotyledonibus planis. DES BUTTNERIACÉES. 207 Os. 1. Commersonia Büttneriæ proxima est, nec alüs notis dislinguitur nisi -filamentis 20 non 10 et capsulæ setis flaccidis pilosis non rigidis nudiusculis. Ab omnibus autem reliquis Büttneriacis distinctissima est. Differt enim : 1. À T'heobromate, calyce persistente non deciduo, filamentis 20 non 15, antheriferis 5 non 10, oyario penta-non monogyno, fructu capsulari echinato non drupaceo sericeo , intus sicco non pulposo, embryonis cotyledonibus planis non corrugatis ; 2. Ab Abromate, filamentis antheriferis , 5 non 15, sterilibus angustissimis non obcordatis , ovario pauci non multi ovulato , capsulà apterà , erostri, echinatà non inermi, cotyledonibus planis non flexuosis ; 3. À Guazuma, calyce persistente non deciduo, petalis indivisis non bifidis, filamentis antheriferis 5 non 15, fructu Capsulari echinato non indehiscente tu- berculato , oligo-non polyspermo, septis transversis ircompletis destituto, cotyle- donibus planis non plicatis ; 4. À Glossostemone , filamentis 20 non 65, antheriferis 5 non 60, brevissimis non sterilia superantibus , ovario penta-non monogyno, ovulis in singulo locula- mento 3:6 non 10; 5. Ab Ayenia, calyce persistente non deciduo , filamentis in tubum brevem non longissimum connatis, sterilibus fertilia superantibus non omnibus (ubi libera evadunt) dentiformibus , ovario sessili non stipitato, cotyledonibus planis non corrugatis. Ors. 2. Commersonta ex consideratä antherarum dehiscentià commode in sec- tiones duas dividi potest, quarum altera quondam sub generis novi titulo verisi- militer exponetur. Nec erit hoc genus dignitate inferius generibus, verbi causä , Melaleucæ , Calothamno et Beaufortiæ , ex antherarum basi aut dorso insertarum, apice indivisarum aut bifidarum consideratione petitis. Mihi autem, fragmentum monographiæ Buüttneriacearum edenti, sufficiat differentiam monstrasse. ENUMERATIO SPECIERUM. SL Antheris dernüm reflexis, loborum valvis post dehiscentiam ad angulum acutum hiantibus. 1. COMMERSONIA ECHINATA Forst. Commersonia echinata. Lam. Dict. 11. (1786) p. 69. — Ejusd. 27" 208 MoNOGRAPHIE Ilustr. Gen. tab. 218. — Gmel. Syst. Veget. p. 500. — Willd. Spec. 1. p: 1566. — Pers. Synops. 1. p. 340. — Jaum. St. Hil. Faro. nat. 11. p- 355.—Smith in Rees Cyclop. 1x. — Schult. Syst. Veget. vr. (1820) p. 768. | a. T'aheitensis. C. foliis ovato-oblongis, 2-3 uncias longis, 11-14 lineas latis, ra- morum et petiolorum tomento cano, brevissimo. Commersonia. Forst. Char. Gen. (1776) tab. 43. ( analys. floris et fructûs, mediocr. ) Commersonia echinata. Forst. in Linn. fil. Suppl. (1781 ) p. 187. — Mürr. Syst. Veget. p. 300. — Forst. fil. FI. Insul. austr. Prodr. p- 25. n°. 144. — Vitim. Summ. Pl... p. 207. — Gærtn. Fruct. 11. p- 79. tab. 04. fig. 3. ( analys. fruct.) Habitat in Societatis insulis ( Forst.), in Taheiti, una è Societatis insulis ( Lino. fil. ), in Amicorum insulis (Smith }. In herbario Musæi Parisiensis vidi specimen à Forstero missum. Arbor (Lann. fil. Forst.), ramis teretibus, glaberrimis, fuscis, apice ramulisque curtissime cano-tomentosis. Folia alterna; petiolo tres lineas longo, tereti, tomentoso; limbo ovato-oblongo, subacu- minato , 2-5 uncias longo, 11-14 lineas circa medium lato, penni- nervio, basi obselete cordatim exciso et, lobo altero deorsum brevi- ter producto, conspicuè inæquali, margine remote denticulato, facie obscurè viridi, nigrescente , stellulis oculo nudo inconspicuis insperso et præterea verrucis fomentosis hinc indè exasperato, dorso pannoso-fomentoso , incano , tomento ( ferè ut in Querco Ilice) den- sissimo, brevissimo ; nervo primario secundariisque dorso promi- nulis, inferioribus 3-5, palmafim dispositis. Stipulæ ramo insertæ, laterales, petiolo dimidid breviores, lineari-lanceolatæ, deciduæ, apice integræ aut bidentatæ. Cymcæ axillares, multifloræ, foliis multo breviores, 3-4 radiæ, rachi generali, radis pedicellisque curte to- mentosis, canescentibus. Bracteæ ad basim pedunculorum et pedi- DES BUTTNERIACGÉES. 209 cellorum insertæ, parvæ, integræ , lineari-lanceolatæ, deciduæ. Calyx ultrà medium quinquefidus, ferè quinquepartitus, patens, duas lineas latus, segmentis ovatis, acutiusculis, opacis, uninerviis, utrinque canescentibus et curte tomentosis, venis ad lævam dex- tramque nervi medii fere inconspicuis. Petala 5, distincta, cum segmentis calycinis alternantia, calyce plerumque pauld longiora, unguiculata ; ungue lineæ trientem longo, glaberrimo, trinervi , nunc ovato-oblongo, basi cordato, nune cuneiformi-trapeziformi , ad angulos laterales obtuso, rotundato , ad baseos et apicis angulum acuto, marginibus introflexis filamenta fertilia antherâ supputatâ æquilonga amplectente; limbo duplo triplove angustiore, ex pro- ductis uuguiculi lateribus superioribus nato, lineam plus minus longo, patentissimo , plano, lineari, uninervi, apice obtuso et pau- lulüm dilatato , facie secundum lineam mediam villoso-tomentoso, dorso glaberrimo, æstivatione introrsum ad angulum rectum flexo, hoc est incomplete replicativo. Filamenta 20, in tubum brevissimum connafa; fertilia 5, petalis opposita, brevissima, subulata, recta, erecta, glaberrima, apice monantherifera; sterilia 15, inter fertilia ternatim inserta, ex tribus intermedium segmentis calycinis oppo- situm , iisdem dimidio brevius, petaloïdeum, planum, lanceolatum, acutum , uninervium, utrinque villosum , æstivatione rectum, erec- tum , inità anthesi apice patentissimum (filamenta sterilia 5 æstiva- tione pyramidatim valvata, demüm stellatim expansa ) : duo exteriora basi cum filamento fertili proximo connata , eodem longiora, fila- mento intermedio triplo ferè breviora , inter antheram et filamento- rum sterilium intermediorum tubum collocata, setaceo-filiformia, villosiuscula, erecta, apice arcuata. Ænthera filamentum suum lon- gitudine subæquans, minuta, purpurea, virginea sublunulata, apice leviter emarginata, basi, quâ filamento inseritur, excisa, intrà ala- bastrum horizontaliter patens, demüm reflexa (ita ut dorsum petalo opposito præbeat et crura sua in altum tollat ), lobis ovoïdeis, rectis, ad angulum acutum divergentibus, inter punctum apici proximum 210 MonoGRAPHIE et punctum medium connectivo junctis, intrà sinum suum filamentum excipientibus , rimä longitudinali laterali extrorsum ( reapsè, prop- ter antheram reflexam, introrsum ) dehiscentibus, medio dorso et ad margines suturales nigricantibus, effætis ad angulum acutum hiantibus, antherâ func, ex parte dorsali visâ (quæ pars tum quoque petalum respicit), propter crura vacua retracta , verè didymâ et an- theram Spireæ opulifoliæ referente. Ovarium sphæroïdeum, tuber- culatum, obiler quinquecostatum, pentagynum, quinqueloculare , stylis ovarii et filamenti antheriferi longitudinem æquantibus, tere- tiusculis, glabris, apice subincrassatis, primd approximatis, unicum mentientibus, demüm liberis, loculamentis triovulatis, ovulis angulo axili affixis. Capsula sphæroïdea, mole et formâ capitulis fructiferis Gei rivalis et capitulis fœmineis immaturis Broussonetiæ papy riferæ subsimilis , longè setosa, supputatis armis unciam lata ; stylis brevi- bus, fragilibus, inter setas multo longiores delitescentibus ; setis 3-4 lineas longis, flaccidis, subulatis, rectis, secundum totam lonpitudi- nem stellato-hispidis, stellulis aliis breviter stipitatis, aliis sessilibus, pilis siellulæ terminalis radialim expansis, rectis, non glochidiatis. Debhiscentia loculicida. Semina in singulo loculamento 3 , ellipsoï- dea , glabra, fusca, vix duos lineæ trientes longa ; sérophiola tripar- tita, laciniis (in sicco specimine ) membranaceis, lanceolatis, dimidio semine longioribus; integumentum proprium perispermo carnoso adhærens ; enbryo intrà perispermum molle nidulans, axile, rectum, longitudine ferè cavitatis spermicæ , radiculâ inferâ, tereti, cotyle- dones planas, subrotundas æquante, plumulä inconspicuâ (D. S. ad specim. Forst.). B. Moluccana. C. foliis oblongo-lanceolatis ovatisve, acuminatis, 4 :-7 uncias longis, 1 5-4 uncias latis, ramorum et petiolorum tomento laxius- culo, rufo. Restiaria alba. Rumph. Amb. 1. ( 1745 ) p. 187. tab. tro. (mediocr. ) DES BUTTNERIACÉES. II Commersonia echinata. Andr. Bot. Repos. tab. 519 (ann. 1808). — Kunth. Nov. Gen. et Spec. v. (1822) p. 311. in nota. C. platyphylla. Andr. Bot. Repos. fol. 603 (1810) in nota. — Sims in Bot. Mag. xL111. tab. 1613.—Schult. Syst. Veget. vi. (1820) p. 768. Habitatin Amboina , Ternata et omnibus reliquis Moluccis insulis, vulgatissima ( Rumph. ), in Moluccis (Sims). Vidi in herbario Fon- tanesiano specimina duo à Cle. Labillardière in Moluccis lecta, et tertium specimen à Cl°. Wallich, mediante CI. Hornemann, ad Clim, Desfontaines, ex horto Calcutensi missum. Colitur Londini apud Clim, Lambert cui, à semine educata, post biennium floruit. Hospitatur in caldario. Floret Junio, Julio (Sims ). « Arbor humilis, rard virum crassa, comâ rarâ, laxâ, cortice « glabro, cinereofusco , succoso, facilè detrahendo. » ( Verba Rum- phii. ) « Frutex humilis, ramis irregulariter intertextis. » ( Verba Simsi ex angl. sermone translata. ) Rami, petioli et cymarum axis hispido-tomentosi; tomento rufo. Foliorum petiolus 5-11 lineas longus; Z:mbus 4 :-7 uncias longus, in altero specimine Moluccano ( n°. 1 ) corylaceus, latè ovatus, 2 5-3 uncias latus, basi leviter cordatus , æqualis, facie glabriusculus, dorso cinereo-curte fomentosus, margine dentatus, in altero Moluccano (n°. 2) ( quod Taheïtensem plantam magis refert ) oblongo-lanceo- latus, acuminatus, 1 :-2 uncias latus, basi obsolete cordatus, con- spicue inæqualis, facie glabriusculus, verrucosus, dorso cinereo- curte tomentosus, margine denticulatus, in specimine Calcutensi (n°. 3) ovatus, breviter acuminatus, 3-4 uncias latus, basi trun- catus, paululum inæqualis , facie stellulis remotiusculis molliter his- pidus, dorso griseo-hispido-tomentosus ( tomento denso , stellulis longioribus laxis substrato), margine nunc denticulatus, nunc inæ- qualiter dentatus. Cyr in n°. 1 etin icone Andrewwsiana axillares, in n°. 2, axillares et oppositifoliæ , in n°. 3, axillares et juxtaxillares , 212 MoNOGRAPHIE in Rumphiüi icone aliæ oppositifoliæ, aliæ infrà axillas insertæ. Flores inodori (Rumph.), albi (Rumph, Andrews, Sims ), in n°. 1, magni- tudine et calycis tomento T'aheiïtensi specimini similes, in n°. 2, n°. 3 et iconibus anglicis friente majores, calyce griseo et villoso potius quam curte ef cano-tomentoso, segmentis semipellucidis non opa- cis. Petala trium speciminum facie minüs villosa. Capsulæ mole et formâ ut in specimine Taheitensi, setis iisdem, pallidè virentibus (Rumph.) obductæ; pericarpii membrana duplex, exterior fibrosa, fibris setas gerentibus, crassis, lignosis, reticulatim (uti fibræ tuni- carum radicalium Croci susiani et Croci variegati) anastomosanti- bus, interstitiis perviis, interior vi vel minimâ adhibitâ separanda, continua, cornea aut solidè membranacea , lævis, intus glaberrima et lucida. (D. S. ad specimina Fontanesiana.) Oss. 1. Attente collatis utriusque formæ speciminibus , non alia illuxit differen- tia, qu formä 8 à formà 4 distingui possit , nisi folia majora , ramorum et petio- lorum tomentum rufum et elongatum non brevissimum et omnind canum, peta- lorum denique lamina minus villosa , nonnunquam glabriuscula. Quæ quum ali climati , aliis loci circumstantiis tribui possint, veritati melius me consulturum putavi si has formas conjungerem , quam si distinctarum specierum titulo eas ex- ponerem. Nec Commersoniam platyphyllam, ex caule frutescente non arboreo, pro specie propria habuï , ut pote qui noverim quantopere in caldariorum angustiis mutetur tropicarum plantarum habitus. Oss. 2. Quam foliorum formam in juniore Büttneria dasyphylla animadverti, eandem in Restiaria sua alba ante seculum et amplius observaverat Rumphius , ut ex ejus verbis patet. « Primo propullulantia foliola longe aliam habent formam, « latissima nempè, et ad latera unum alterumve angulum gerunt expansum , unde « trigona et pentagona videntur, vitis foliis similia, etc. » Os. 3. Folia hujus arboris contrita, testante Rumphio, odorem spirant florum Sampaccæ. Est autem hæc Sampacca ( Michelia champaca L. ex ordine Magnolia- cearum), arbor per totam Indiam tropicam culta, cujus flores, Narcissum olentes, ab omnibus Indis inter amænissimos et dulcissimos habentur. Oss. 4. Lignum Restiariæ albæ, eodem Rumphio auctore, quotidiano in usu est apud Moluccanos ad ædificationem et ad omnia opera , ad quæ fustes, pali et tigna requiruntur. Leve est, siccum, vermes facilè generans, nec durabile nisi DES BUTTNERIACÉES. 213 sicco tempore cædatur, et decorticatum soli vel fumo exponatur. Funes seu restes igniarios , sclopetis accendendis idoneos (gallice mèches à fusil), ex ejus cortice , dum viveret, Rumphius, parabant Amboinenses, quorum restium, antea ex unius Calappi ( Cocos nucifera L.) putamine formatorum , magnus Batavis usus fuit, tempore quinti Amboinensis belli, quod per Ternatensem præfectum Qui- melaha Madjira excitatum est, Inde nomen Restiaria arbori à Rumphio im- positum. S IL Antheris demum erectis, loborum valvis inter dehiscendum quam maxime divaricatis, verticaliter explanatis. 2. COMMERSONIA GAuDicHAUDI N. ( Tab. II. ) C. foliis basi valdè inæqualibus, filamentis sterilibus exterioribus cum proximo fertili basi connatis. N. Habitat in Novæ Hollandiæ ora occidentali, ad Peronis isthmum, intrà sinum Paie des chiens marins dictum, quo loco, anno 1818, medio septembri, florens et fructifera lecta est à CI. Gaudichaud, itineris quod circà globum absolvit navarchus Freycinet, socio. Frutex pedalis, sesquipedalis (ex Gaudichaudii notis manuscriptis), inordinatè ramosus, ramis infernè glabris, fuscis, supernè hispidius- culis, ramulis petiolis et cymarum singularum axi hispido-tomen- tosis, tomento laxo, rufo. F'olia alterna, brevissime petiolata, limbo 1-2 unciali, quoad generalem circumscriptionem vel ovato-elliptico vel omnino elliptico, dorso griseo-tomentoso, facie obscurè viridi aut nigricante, nunc stellulis oculo nudo inconspicuis insperso, ideoque glabriusculo, nunc pubescenti hispido, margine sinuato, inæqualiter crenato, crispo, apice indiviso, basi exciso et quam maxime inæquali, lobo scilicet baseos altero obsoleto, altero quum in longitudinem tum in latitudinem valdè producto, latiore tamen quam longo, in priorem fransversè flexo, marginibus utriusque con- niventibus ant incumbentibus, unde nascitur folium irregulare, formâ omnino proprià donatum. Stipulæ petiolum æquantes, lineari-lan- ceolatæ, infegræ, utrinque hirsuto-tomentosæ, deciduæ. Znflores- Mém. du Muséurn. 1. 10. 28 214 MoxocrAPHtE centia corÿmbosa, oppositifolia , rarissime axillaris, corymbo folium oppositum æquante aut superante, 3-7 floro, bracteis vagis, lineari- lanceolatis, rufo-hispido-tomentosis instructo. Calyx ultra medium quinquefidus, ferè quinquepartitus, patens, duas lineas latus, seg- mentis ovato-oblongis, acutiusculis, semipellucidis, quinquenerviis, dorso hispido-rufo-tomentosis, facie roseis, villosiusculis, nervis exterioribus in venulas divisis. Petala 5, distincta, cum segmentis calycinis alternantia, calyce fere dimidio breviora, glaberrima, cœrulea (ex nof. manuscr. Gaudich.), unguiculata ; ungue lineæ trientem longo, 7-9 nervi, ad omnes angulos præter basilarem ob- tuso, margine introflexo filamenta fertilia antherâ supputatä æqui- longa amplectente, cuneato; limbo duplo triplove angustiore, ex unguiculi lateribus superioribus abruptè productis nato, plerumque duos lineæ trientes, nonnunquam vix lineæ quadrantem longo , pa- tentissimo , plano, lineari, 3-5 nervi, apice obtuso et paululum di- latato, æstivatione ad angulum rectum introrsum replicativa. Fila- menta 20,in tubum brevem connata; fertilia 5, petalis opposita , brevissima, linearia, recta, erecta, glaberrima, apice monantheri- fera ; sterilia 15, inter fertilia ternatim inserta, ex tribus intermedium segmentis calycinis oppositum, iisdem dimidio brevius, petaloïdeum , planum , lineare, latum, obtusissimum , uninerve, æstivatione et du- rante anthesi recta , erecta , utrinque glaberrima : duo exteriora basi (ut in Comm. echinata) cum proximo filamento fertili connata, eodem longiora, filamentum intermedium subæquantia, inter an- theram et filamentorum sterilium intermediorum tubum collocata, setaceo-filiformia, erecta, scabra , apice arcuata. Anthera filamento longior, purpurea , virginea apice leviter emarginata, basi, quâ fila- mento inseritur, profundè excisa, intrà alabastrum horizontaliter patens , demüm erecta, lobis uno quo filamento inseruntur puncto cohærentibus, ad angulum rectum vel obtusum divergentibus, ovoi- deo-oblongis, subfalcatis, intrà sinum suum filamentum excipientibus, rimâ laterali, lonoitudinali extrorsum dehiscentibus, medio dorso et DES BUTTNERIACÉES. 21 ad margines sufurales nigricantibus , valvis singulorum, inter dehis- cendum, ad lævam et dextram elasticè dejectis, quo facto , mutatâ prorsüs form, utrinque explanata et strictissimo sensu didyma est anthera, lobis tune temporis ovato-subrotundis, facie albo-marginatis. Ovariumn sphæroïdeum , muricatum , quinquecostatum, penfagy- num, quinqueloculare, stylis ovarii et filamenti antheriferi longitu- dinem æquantibus, gracilibus, teretiusculis, stigmate capitato in- structis, primo in unum pyramidatum, apice quinqueradiatum coalitis, demüm liberis et distinctis , loculamentis 5-6 ovulatis, ovulis duplici ordine angulo axili afhixis. Capsula formâ ut in C. echinata , triente minor ; stylis brevibus, fragilibus, inter setas multo longiores delitescentibus ; setis duas lineas longis, flaccidis, capillaribus, flexuosis, fasciculato-pilosis , fasciculis crebris , sessilibus, alfernatim dispositis ; pericarpii membrana duplex, exterior fibrosa, fibris setas gerentibus , capillaribus, reticulatim anastomosantibus, interstitiis pervis, interior laxe adhærens, continua, membranacea, flexilis , utrinque glaberrima. Semina ( quæ perfectè matura non suppetunt) in singulo loculamento 4-5, lineam longa, obconico-pyriformia , glabra , tuberculata ; strophiola tripartita , lacinüis linearibus, semine, cujus dorsum amplectuntur, triente brevioribus ; Æilus, raphe et chalazaut in Comm. echinata; integumentum proprium crustaceum, fragile, facile detrahendum; perispermum tenue; embryo ut in C. echinata, sed cotyledonibas oblongis, linearibus , radiculâ lon- gioribus. (D. S.) Ogs. In hac descriptione elaboranda, plurimo auxilio mihi fuerunt schedulæ manuscriptæ CI. Gaudichaud, e quibus, ad vivum exaratis, nonnulla hausi , præ- serlim ea quæ ad colorem calycis, petalorum et filamentorum spectant. 35. CoMMERSONIA FRASERI. N. (Tab. IV.) C. foliis basi subæqualibus , filamentis sterilibus exterioribus cum proximo intermedio ( sterili ) connatis, N. Habitat in Noyæ Hollandiæ Nova Walesia meridionali ( forte ex 28 * 216 MonoGRAPHIE ejusdem continentis interioribus potius quam ex littorali parte ), unde specimina duo florifera , à CI. Fraser horti botanici Sidneyani direc- tore, accepta, nullo insignita nomine , ex itinere circa globum Frey- cinetiano reportavit et describenda humaniter tradidit CI. Gaudi- chaud. a. Macrophylla. S. foliis magnis, ovatis, basi æqualibus , margine inæqualiter inciso- dentatis. Arbor ? Frutex? Frustulum suppetens octounciale, quoad vegeta- tionis parties simillimum Commersoniæ echinatæ Moluccanæ. Rami teretes peliolique et cymarum axis rufo-lomentosi. Folia alterna; petiolo unciali, tereti; limbo quinque uncias longo, quatuor lato, ovato, obtuso penninervio; basi truncato, æquali, facie obscurè viridi, preæter pubescentiam remotam, brevissimam, oculo nudo vix animadvertendam glabro, in foliis inferioribus plano , in superioribus rugoso , dorso canescente et molliter tomentoso, margine per totum ambitum inæqualiter inciso-dentato ; nervo primario secundariisque dorso prominulis , quinque inferioribus palmatim dispositis. Stipulæ parvæ, lineari-lanceolatæ, integræ aut apice bifidæ, dorso tomen- iosæ , deciduæ. Cymœ pleræque oppositifoliæ, folio multô breviores, diradiæ , multifloræ , pedunculo, radiis pedicellisque rufo-tomentosis. Bracteæ ad dichotomiarum basin insertæ, lanceolatæ, indivisæ, dorso tomentosæ , deciduæ. Flores floribus Commersoniæ echinatæ triente majores, Calyx quinquepartitus , patens, 2 : lineas latus, seg- mentis ovato-oblongis, acutis, semipellucidis, quinquenerviis, facie villosiusculis, dorso tomentosis. Petala 5, conniventia, cum seg- mentis calycinis alternantia , calycem æquantia, duas lineas longa, 5-7 venia , glaberrima, unguiculata ; ungue latissimo, per baseos punctum medium adnexo, à dextra et sinistra puncti medüi libero, marginibusintroflexis filamenta fertilia, antherâ supputatâ æquilonga, amplectente, formä in diversis floribus, imd in eodem flore admodum DES BUTTNERIACÉES. DT variante, nuncC quasi cuneato et apice eximie biauriculato , auriculis obtusissimis (quæ forma frequentius occurrere videtur ), nunc ova- to-oblongo , basi cordato, nunc triangulari , latere basilari longiore , nunc ita trapeziformi ut breviora duo latera in adnexionis punctum confluant; limbo tripld angustiore, plano, lineari, apice paululum dilatato, obtuso, ideoque spatulato, prout unguis apex, ex jam descriptis formis, indivisus et acutus, aut biauriculatus et cordatim incisus fuerit, nunc sensim et absque saltu attenuato, nunc abruptè nato. Filamenta 20, de more in tubum brevem connata, glaberrima ; Fertilia 5, petalis opposita, brevissima, lineari-subulata, recta, erecta, apice monantherifera ; sterilia 15 , inter fertilia ternalim posita, sub- æqualia , 2 ; lineas longa, calyce pauld longiora, petaloïdea, plana, uninervia, angusfa , linearia, apice dilatata obtusa , æstivatione repli- cativa, demüm erecto-patentia : ex tribus intermedium segmentis ca- lycinis oppositum, basi ovatum : duo exteriora basi cum filamento intermedio (sterili) connata, eodem pauld breviora et angustiora, inferne filiformia, cæterum simillima. Ænthera filamentum longitu- dine subæquans, minuta, purpurea , virginea lunulata, apice leviter emarginala, basi, quà filamento inseritur, profundè excisa, intrà alabastrum horizontaliter patens, demüum erecta, lobis uno tantum punelo cohærentibus, ad angulum rectum vel obtusum divergentibus, ovoïdeis, intrà sinum suum filamentum excipientibus, rimâ laterali, longitudinali extrorsum dehiscentibus, medio dorso et ad margines suturales nigricantibus, valvis singulorum , inter dehiscendum, ut in Commersonia Gaudichaudii , ad lævam et dextram elasticè dejectis, quo facto, mutatâ prorsüs formä , utrinque explanata et strictissimo sensu didyma est anthera, lobis tunc temporis parallelis, subreni- formibus , facie albomarginatis. Ovarium sphæroïdeum , tubercula- tum, obiter quinquecostatum, pentagÿynum, quinqueloculare ; stylis ovario juniore longioribus, antheras æquantibus, teretiusculis, gla- berrimis, apice vix incrassatis, primÔd approximatis, unicum men- tientibus, demum liberis; loculamentis singulis 4-5 ovulatis, ovulis 218 MoNOGRAPHIE angulo axili alternatim afixis, biseriatis ovoïdeis. Fructum non vidi. (D.S. ) — Huic specimini numerum 553 apposuit CI. Fraser. B. Microphylla. S. foliis parvis, ovato-oblongis, basi subinæqualibus, margine denticulato-crenulatis. Folia 2-2; uncias longa, 8-12 lineas lata, petiolo 3-4 lineas longo suffulta, ovato-oblonga, apice subacuminata, basi subinæqualia , margine denticulato-crenulata. Cætera ut in variete a, præter flores quarta aut quinta parte minores. ( D.S.)— Nullum huic specimini numerum apposuit CI. Fraser. An species propria ? EXPLICATION DES PLANCHES. TABLE I. BUTTNERI4 DASYPHYLLA. Fic. 1. Rameau de grandeur naturelle. Fic. 2. Feuille caulinaire d’un individu âgé de cinq à six mois. (Grandeur naturelle). Fic. 3 Fic. 4. La même, vue de profil. (Même proportion.) Fic: 5 . Fleur vue en dessus. ( Six fois plus grand que nature. ) . La même, dont on a enlevé les pétales pour faire voir la soudure tubu- laire des filamens. (Même proport.) Fic. 6. Le tube des filamens coupé longitudinalement, de manière à laisser le pistil intact. ( Mème proport. ) Fic. 7. Le tube des filamens, dans l’état d’estivation , pour faire voir les anthères ; »P NI imparfaites des filamens stériles. (Même proport.) Fc. 8. Une anthère, avant la déhiscence, dressée artificiellement (elle est natu- rellement horizontale) , pour faire voir son point d'insertion sur le filet. (Quatre ou cinq fois plus grand que nature.) Fic. 9. La même, dans sa position réfléchie naturelle, apres la déhiscence. (Même proport.) Fic. 10. Grappe de fruits. (Grand. nat. ) Fic. 11. Capsule en état de déhiscence. (Trois fois plus grand que nature.) DES BUTTNERIACÉES. 219 Fi. 12 Coupe longitudinale d’une graine, montrant la strophiole intacte, la chalaze et l'embryon vu de face. ( Neuf à dix fois plns grand que nature.) TABLE Il. BUTTNERIA HERMANNIÆFOLIA. Fic. 1. Rameau de grandeur naturelle. Fic. 2. Une fleur, vue de profil. ( Six fois plus grand que nature.) TABLE III. CoOMMERSONIA GAUDICHAUDII. Fig. 1. Rameau de grandeur naturelle. Fig. 2. Fleur vue de profil. (Six à sept fois plus grand que nature.) Fic. 3, 4, 5. Deux formes de pétales observées dans une même fleur. La fig. 5, représente la fig. { vue de profil. (Dix fois plus grand que nature.) Fic. 6. Le tube des filamens, dégagé du calyce et de la corolle. (Dix fois plus grand que nature.) Fic. 7. Un filament fertile accompagné des deux filamens stériles les plus voisins. L’anthère qui couronne le filament fertile est représenté dans la position horizontale qui lui est naturelle avant la déhiscence. (Quinze fois plus grand que nature.) Fic. 8. La même figure, vue de face après la déhiscence. (Dix à douze fois plus grand que nature.) ‘ FiG. 9. La même figure, vue par derrière , pour montrer le point d'insertion de l’anthère sur le filament fertile. (Même proportion.) Fic. 10. L’ovaire, avec ses cinq styles légèrement soudés. ( Quinze fois plus grand que nature. ) Fic. 11. Ovaire plus avancé , de grandeur naturelle. Fic. 12. Le même, coupé transversalement. ( Deux fois plus grand que nature.) Fic. 13. Capsule en état de déhiscence. (Un tiers plus grand que nature.) Fic. 14. Un des poils qui hérissent la capsule. ( Huit fois plus grand que nature. ) FiG. 15. La graine avec sa strophiole. (Neuf fois plus grand que nature.) TABLE IV. COMMERSONIA FRASERI. Fic. 1. Une feuille de la variété #. ( Grand. nat.) FiG . 2. Une feuille de la variété 8. (Grand. nat.) 22 Fc Fic BIG. Fic. Fic. Fic. Fic. 0 MonoGrAPuie DES BUTTNERIAGÉES. . 3. La fleur vue en dessus, étalée et, pour ainsi dire, aplalie artificiellement. (Quatorze fois plus grand que nature. ) . 4. La même, vue de profil. (Même proportion. ) 5, 6et7. Trois formes de pétales observées dans une même fleur. La fig. 7 représente la forme la plus ordinaire. (Huit fois plus grand que nature. ) 8. Anthère vue avant la déhiscence, dans sa posilion horizontale naturelle. (Trente fois plus grand que nature. ) 9. La même, vue par devant, après la déhiscence , dans sa position vertical e naturelle. ( Vingt-cinq fois plus grand que nature.) .10. La même, vue par derrière, pour montrer le point d’attache de l’an- thère. (Même proportion.) . 11. Le tube des filamens, dégagé du calyce et de la corolle. Sur trois an- thères qui s’y voient, une seule est vierge , les deux autres sont en état de déhiscence. (Quatorze fois plus grand que nature. ) 12. L'ovaire. ( Vingt-cinq fois plus grand que nature.) 13. Le même, coupé transversalement. ( Mème proportion. ) COMMERSONIA FRASZÆRT); Gay. Tab. 4. Hoi VAE ZE Prétre del? COMMERSONTA GAUDICHAUDIT. Cay . Tab.8. TC. Pretre del f BUTINERIA TNTÆLFOLIA. / JE RFA) HA Fa ab 2. ” Ca. Pl. Zom .10. JE. Pretre' del! BUÜUTTNERIA DASYPIYLLA. Gay. Tab.s. Sur la patrie du CHAMEAU À UNE BOSSE, el sur l’époque de son introduction en Afrique. (Mémoire lu à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres de l'Institut, le 28 juin 1823.) PAR M. A. DESMOULINS, Docteur en Médecine. (L'auteur doit les notes signées S. M. à la bienveillance de M. Saint-Martin , membre de l’Institut.) Too er l’on a considéré le chameau à une bosse, dro- madaire ou chameau arabe , comme étant également origi- naire de l’Arabie et de l’Afrique , au nord du Sénégal et du Niger. Et cette opinion se fondoit, quant à cette dernière contrée, sur le grand nombre de dromadaires qui y existent depuis un temps cru immémorial, et sur la conformité au moins apparente du Sahara avec les déserts qui s'étendent de l’Eupbhrate vers la mer des Indes au sud-est, et la mer Rouge au sud-ouest. La supposition étoit si naturelle que personne n’avoit encore pensé à la vérifier et à s'assurer si, depuis l’ori- gine des tempshistoriques , l'Afrique boréale posséda toujours des chameaux, ou bien s'ils y furent long-temps inconnus, et alors à quelle époque, précise ou au moins approximative, ils y furent introduits. Voici pourquoi je n’ai point parlé des livres hébreux dans cette discussion. Les Hébreux étoient une tribu établie, des l’origine même de ses annales, aux environs du lac Asphaltite et du Jourdain. Le chameau étoit le premier de ‘ ses animaux domestiques , comme pour toutes les autres tribus à l’ouest vers Gaza et Peluse, au nord vers Damas, à l’est dans le Hauräân. En conséquence, dire que Mém. du Muséum. 1. 10. 29 229 CHAMEAU À UNE BOSSE. Telle est la question que je me propose de résoudre ici. Hérodote, Polybe, Salluste, César, Diodore de Sicile, Tite-Live, Strabon, Pline, Solin, Pomponius Mel, Facite, Plutarque, Athénée, Philostrate, Dion Cassius, Hérodien et les les Hébreux se servoient de chameaux, c’est comme si on le disoitdes Arabes. Or ce n’est point ce que je nie, ce n’est pas non plus ce que j'ai à prouver. Les Hébreux, presque exclusivement pasteurs, jusqu’après leur retour d'Egypte dans la terre de Chanaan, traînoient après eux, comme tous les Arabes, leurs troupeaux et partant leurs chameaux. Le chameau entra donc avec eux en Egypte, où, comme le prouvent leurs annales, leur genre de vie nomade ne changea pas. Pendant leur séjour, leurs chameaux durent s’y multiplier , et les Esyptiens purent leur en acheter ou leur en prendre. Voilà sans doute pourquoi Dieu fit menacer Pharaon (Exod. cap. 9, v. 3) de tuer tous les bestiaux, y compris les chameaux. Mais après le retour des Hébreux en Asie, ce qu’il put rester de chameaux en Egypte ne fut pas apparemment multiplié par les Egyptiens du Delta, à qui eu effet, vu l’état actuel du sol, ils étaient assez peu utiles, et qui apparemment ne durent pas en élever par agrément. Or cette extinction de la race du chameau en Egypte est prouvée, je crois, dans mon mémoire. Quant à Horus Apollo qui (de Symbol. AEgypt.) dérive le mot camelus de kameros, parce que, seul des animaux, il fléchiroit les fémurs en marchant ; Bochart qui rapporte cette étymologie, la réfute ainsi.: « Le mot camelus, dit-il, » est le gamal des Hébreux. Job et Moïse s’en sont servis avant que l’animal ne » fût connu même de nom chez les Grecs. Car le chameau n’est pas un animal » grec, mais asiatique et africain. Les Samaritains, les Syriens, les Chaldéens, » les Arabes, les Egyptiens et les Ethiopiens le désignent par le même nom que » les Hébreux. » Or, un mot hébreu ou arabe, ce qui est à peu près la même chose , est asiatique : et Bochart réfute ainsi lui-même la qualification d'animal afri- cain qu’il donne ici au chameau. Si les Egyptiens avoient connu ou naturalisé le chameau, iis auroient eu un nom pour lui, et alors Horus, que l’on suppose égyptien, n’auroit pas dérivé ce nom d’une racine grecque. C’est donc, d’apres l’étymologie d'Horus , ou que le nom n’en existoit pas dans la langue de l'Egypte, ce qui équivaut à ce que le chameau n'y existoit pas , ou qu'Horus n’étoit pas égyptien et ignoroit cette langue. D’ailieurs Horus est, d’après toutes les hypothèses, postérieur à l’année 353, où Ammien, montre les Sarrasins en Egypte. Le passage d'Horus ne mérite doncpas d’attention (*): (*) L'ouvrage d’Horappollon étoit écrit en égyptien, nous n’avons que la traduction, et il seroitpos- sible que la mauvaise étymologie qu’on y lit dût être attribuée à son interprète nommé Philippe. (S. M.) CHAMEAU À UNE BOSSE. 523 autres auteurs de l’histoire Auguste, saint Jérôme, etc., dans leurs récits sur l'Afrique, à l’occasion des guerres ou des voyages dont ils font l’histoire, des descriptions géographiques et physiques qu’ils en donnent, des raretés et singularités natu- relles qu’ils lui attribuent, enfin des énumérations qu'ils font de ses animaux, ne nomment pas une seule fois le chameau, lors même que la mention de cet animal devenoit uue néces- sité de leur sujet, s’il eût existé alors sur ce continent. Au contraire tous en parlent même incidemment., et à plus forte raison dans le cas de la nécessité du sujet, lorsqu'il s’agit, sous les rapports précités, de l'Asie ou de l’Arabie. Tous aussi s’accordent à appeler le chameau à une bosse, chameau arabe. Le seul Végétius, dans son traité de l’art militaire, est le seul qui indique son existence en Afrique dans cette phrase, lib. 3 cap. 23: camelos aliquantæ nationes apud veteres in aciemn produxerunt ut ursiliant in Africä: Ma- hetes hodièque producunt. Ce qui est remarquable dans ce q passage, c’est que Végèce parle du premier peuple comme appartenant à une haute antiquité, ce qui impliqueroit sinon l’'indigénat au moins l’introduction fort ancienne du chameau dans le pays de ee peuple. Or Godescald Stewech, commentateur de Végèece (t. 2, pag. 363, ed. Vesaliæ, 1670), remarque que cette phrase varie d’un manuscrit à l’autre pour les noms des deux peuples, que dans un de ces manuscrits le mot 77 Africa se trouve remplacé par celui de Susii. Il fait observer, quant au mot urciliant, copié dans toutes les éditions imprimées, que la géographie ancienne de l’Afrique ne montre aucun peuple de ce nom ni aucune ville qui en donne le radical; quant au mot Wahetes, qu’on ne connoît non plus aucun peuple de ce nom, et qu’il faut probablement lire Mazetes où Macetes, substitués quelquefois à Macedones, dans les écrivains des derniers siècles de Rome. Cette dernière conjecture ne me paroît pourtant pas vrai- Yo 224 CHAMEAU À UNE BOSSE. semblable, car au quatrième siècle où écrivoit Végèce, qui dédia son livre à Valentinien, la Macédoine, incorporée à empire, n’avoit pas d’armées nationales. Le nom de Sus&, remplaçant z2 Æfricé , met sur la voie de la véritable situa- tion des Urciliens. Strabon, liv. 15, place au pied des mon- tagnes qui séparent la Susiane de la Perse les Ur dont le nom, d’après plusieurs exemples de métamorphoses sembla- bles, aura bien pu devenir Urcilianr. Quoi qu’il en soit, de l’altération évidente du passage de Végèce et du défaut de concordance des noms qui y sont cités avec le nom d’aucun peuple anciennement connu en Afrique, il suit qu’on ne peut rien conclure de lassertion de cet auteur. Hyginus, que l’on croit (1) affranchi de Jules César et conservateur, sous Auguste, de la bibliothèque palatine, au- teur d’un traité de Castramétation ({es. antiquit. roman., t. 10, #-f. ), après avoir assigné à chaque corps de cavalerie ou d'infanterie l’espace de terrain par tente pour le campe- ment et la situation relative de ce terrain, fait ensuite Passi- gnation du terrain pour les chameaux, à cinq pieds par bête avec ses guides. Mais dans la phrase précédente il a assigné dans le camp, s’il s’y en trouve, la place des Cantabres, des Gêtes, des Daces, des Bretons et des Palmyréniens. De ce passage d'Hyginus il ne résulte donc aucune présomption pour l’existence du chameau en Afrique à cette époque. De- (1) Au temps d'Auguste, les Bretons et les Palmyréniens , n’étoient pas sujets de l'empire , il n’est guere probable qu’ils fournissent alors aux Romains des troupes auxiliaires. Ces indications, celles mêmes des troupes Daces , Gêtes et Cantabres, ne peuvent appartenir qu'à un auteur qui vivoit dans le 2°. ou 3°. siecle de notre ëre. (S. M.) CHAMEAU A UNE BOSSE. 225 puis la guerre civile, cette partie de l'Empire romain avoit joui d’une tranquillité continue. Les campemens des légions étoient sur les frontières du nord et de l’orient. Et le nom des Palmyréniens, à côté de la phrase où il est question de cha- meau, indique bien que l'emploi de ces animaux n’étoit usité que dans les campagnes d'Asie. Il ne faut même pas qu'il ait continué d’être employé danslesarmées romaines; car Végèce, loc. cit., dit:ceferum propternovilatem , inefficax bello est. Hérodote, qui connoissoit la géographie de l'Afrique, pour avoir été en Egypte et en Lybie et pour avoir recueilli les relations de plusieurs voyages et circonnavigations; qui ra- conte tant de particularités sur les curiosités naturelles de cette contrée, et qui, dans le récit du voyage des Nasamons, nous donne les premières notions du cours du Niger, puisque, dans le fleuve auquel parvinrent les Nasamons, ils virent des erocodiles qui, zoologiquement parlant , ne peuvent exister dans le Gyr de Garama où M. Malte-Brun (t. 1, pag. 64, Précis de la géog.) voit le terme de ce voyage; Hérodote n’auroit pas manqué de mentionner le chameau en Afrique s’il y eut existé, lui qui en parle si souvent dans les expéditions des Perses. fl le mentionne, par exemple, liv. 1, c. 80 , à la bataille où Cyrus, par le con- seil du mède Harpage, mit en désordre la cavalerie de Crésus, en faisant mettre en premiere ligne, devant son infanterie, les chameaux qui portoient les bagages. À ce sujet Elien, liv. 2, chap. 36, observe que depuis ce temps-là les Perses éle- voient les chevaux pêle-mêle avec les chameaux pour les habituer à leur vue et leur en ôter la peur. Frontin (Stratagem., lib. 2, cap. 4) attribue cet expédient à Crésus. Zonaras (t. 1, pag. 113, ed. Wolf. Bâle, in-fol. 1557) rapportant aussi ce stratageme , qu’il attribue, comme Hérodote, à Cyrus, ajoute au récit d'Hé- rodole que le corps d’Abradate , où les chameaux furent placés, étoit opposé aux Egyptiens qui formoient la gauche de Crésus. Ce qui prouve qu’alors comme plus tard, le chameau étoit inconnu, ou au moins inusité chez ce peuple. Hérodote. 226 CHAMEAU A UNE BOSSE. liv. 7, chap. 125, dit encore que dans la Pœonie et la Crestonie, entre la Thrace et la Thessalie, les lions attaquerent seulement les chameaux parmi les bêtes de somme de l’armée de Xerxes. $ Enfin, des l’origine même des temps historiqués, le chameau était célèbre par son emploi à la guerre. Diodore de Sicile, liv. 2, rapporte que Sémiramis, sachant que les Indiens avoient des éléphans bien supérieurs à ceux d'Afrique, fit cons- truire des simulacres d’éléphans avec les peaux de 300 mille buflles; chaque ma- chine étoit portée sur un chameau : Persée, ajoute-t-il, imita ce stratagème dans la guerre contre les Romains, parce qu’il n’avoit pas d’éléphans à opposer aux leurs. Tite-Live (liv. 37, chap. 4o) dit qu’à la bataille du fleuve Phrygius, contre Scipion l’africain, Antiochus avoit des lanciers arabes montés sur des dromadaires, et placés en premiere ligne avec les chars à faulx en avant de la cavalerie ordi- maire. Hérodote avoit déjà parlé de cette cavalerie arabe. (Polymn., lib. 7, cap. 86). Les cavaliers arabes, dit-il, avoient tous des chameaux dont la vitesse n'étoit pas moindre que celle des chevaux. D'après Elien (liv. 12, chap. 34), les Sagaréens avoient des chameaux tres-ra- pides à la course. Ces Sagaréens, suivant Hérodote (Polymn , lib. 7, cap. 85), étoient originaires de Perse, et étoient nomades; ils émigrèrent depuis dans la Sarmatie. Hérodote décrit leur manière de combattre avec des cordes terminées par des lacs qu’ils lançaient à l'ennemi, comme font aujourd’hui les nomades des papas de Buénos - Ayres. Elien dit encore que les Bactriens hongroient leurs chameaux pour mieux s’en servir à la guerre. Diodore (liv. 19), dans la guerre d’Antigone contre Euménes , parle des cour- riers montés sur dés dromadairés que les nomades du désert de Médie envoyèrent à Eumènes et à Peucestes pour les avertir de la marche d’Antigone, et il évalue à CIC. IC. stades la journée du dromadaire, Toutes ces citations prouvent que le chameau étoit employé dans le service domestique et militaire en Asie, dès la plus haute antiquité, et que cet animal exctita vivement l’atten- tion des écrivains grecs et romains qui ne manquent jamais occasion d’en parler. Enfin l'habitude da chameau chez les Mèdes étoit un proverbe à Athènes. Suidas ( voc. Camelus ) cite un vers proverbial d’Aristophane , dont voici le sens: Comment, puisqu'il est Mède , vient-1l ici sans chameau? Salluste , dans sa grande histoire dont il ne reste que des CHAMEAU A UNE BOSSE. 227 fragmens, rapportoit (et Plutarque a conservé ce passage pour le réfuter, comme on va voir) que les Romains virent pour la première fois des chameaux ou dromadaires à la journée d’Apollonia, où Lucullus détruisit un fort détache- ment de l’armée de Mithridade. Or Plutarque, vie de Lucul- lus(s. 3, pag. 245, éd. Jacob Reiske, Leipzic 1775), exprime ainsi à ce sujet: « Je m'étonne de l'opinion de Salluste, que » les Romains virent alors des chameaux pour la première » fois, et qu'il ne se soit pas souvenu que les armées qui » vainquirent Antiochus, sous le commandement de Scipion, » et qui depuis combattirent contre Archelaüs à Orchomène » et à Chéronée, connoiïssoient déjà le chameau. » Ce passage de Plutarque est moins important par la men- tion d’une cavalerie de chameaux, dans les armées que Sylla défit en Béotie, que parce qu’il constate l’opinion de Salluste que les Romains n’avoient vu pour la première fois de cha- meaux qu’en Asie dans la dernière guerre contre Mithridate. Salluste dit lui-même, au commencement de sa conjura- üon de Catilina, qu'avant de se mettre à écrire l’histoire de Rome, il avoit rempli plusieurs magistratures. Et avec le même ton d'autorité que Polybe, il fait valoir l'importance des positions où il s’est trouvé pour se procurer, soit par ses rela- tions personnelles, soit par l'exercice de ses charges , sois dans les archives de l'Etat, les matériaux les plus authentiques et les plus complets. Or on sait avec quelle persévérante atten- tion les Romains étudioient la composition et l’organisation des armées ennemies, afin de profiter pour eux-mêmes des perfectionnemens qu'ils y découvroient. On sait aussi que ces observations étoient soigneusement consignées dans les ar- chives de la république. F’attention de Salluste dut être sur- 228 CHAMEAU A'UNE BOSSE. tout fixée sur les moyens militaires dans les guerres d'Afrique, puisque lui-même avoit fait une des dernières campagnes de la guerre civile dans l’armée de César qui, après la défaite de Juba et de Scipion à Thapsus, l’avoit nommé gouverneur de la province d'Afrique; et puisque, écrivant l’histoire de la guerre de Jugurtha, il avoit dû faire une étude particulière des ressources du pays, sur l’histoire duquel il puisoit encore dans les archives carthaginoises, connues alors sous le nom de livres ou bibliothèque du roi Hiempsal. Or on vient de voir que , malgré cette connoïssance personnelle et administrative que Salluste avoit de l'Afrique, il pensoit qu'il n’y avoit pas plus de trente ans que pour la première fois les Romains avaient vu des chameaux, et que c’étoit en Asie. Quoique durant les trois guerres puniques, les Romains ne pénétrèrent pas autant dans l'intérieur du pays que le firent depuis Metellus et Marius, néanmoins l’existence du chameau en Afrique, s’il y eût vécu alors, n’eut pas dû leur rester inconnue; car, d’après l'utilité qu’en tirent les habitans depuis son introdution, s’il y eût existé du temps des Cartha- ginois , qui faisoient venir tant d’éléphans des bords du Niger et du Sénégal, il est évident qu'ils l’eussent employé, soit comme cavalerie, soit comme bête de somme, à l'exemple des Perses et des Syriens, exemple que ne pou- voit ignorer le premier peuple commerçant du monde. Leurs colonies de l’intérieur, par lesquelles ils s’assuroient du com- merce et de la soumission des tribus des Maures, n’auroient pas manqué de s'approprier un animal qui leur offroit à la fois et des moyens d’existence et des moyens de transport et de communication avec la métropole. Polybe, qui a écrit en homme d'état et en militaire l’histoire CHAMEAU A UNE BOSSE. 229 la plus complète de la puissance de Carthage; qui lui-même avoit fait en Afrique, avec Publius Scipion, les dernières campagnes de la seconde guerre punique; Polybe, l’ami in- time de ces généraux Romains, qui, en parlant de chaque pays du monde alors connu, pouvoient dire je lai vu, jy étois, garde sur le chameau, en parlant de l'Afrique, de ses ressources et de ses guerres, un silence qui est péremptoire dans la bouche d’un aussi bon juge de l'importance des choses. Il y a plus, liv. 12 de ses histoires ( Polyb. hist. imterpret. Isaac Casaub. accu- rante Jacob Gronov. Amstelod. 1670, 3 vol. in-8°. t. 2, pag. g10 à g11), réfutant les erreurs de Timée , compilateur sans critique, il traite en particulier des ani- maux d'Afrique et de Corse. Il y a, dit-il, en Afrique une telle quantité de che- vaux, de bœufs, de brebis et de chèvres, que je ne sais pas s’il existe une autre contrée au monde où il y en ait autant. La cause en est que la plupart des peuples d'Afrique ignorent les ressources de l’agriculture, et se nourrissent de leurs trou- peaux et du produit de leurs-troupeaux. Maïs qui n’a pas entendu parler de la multitude et de la force des éléphans, des lions, des pantheres, de la beauté des bubales, du vaste corps des autruches. L'Europe n’a pas un seul de ces animaux, et l'Afrique en est pleine. Polybe qui, après avoir donné un aperçu géographique du monde, liv. 3, donne tant de détails sur la longue révolte des mercenaires, après l'évacuation delaSicilestipulée dansletraité quitermina la première guerre, révolte appuyée par soixante- dix mille Maures du désert, auroit nécessairement parlé du chameau, ce moyen, cetattirail indispensable de toute expédi- tion dans le désert. Or, iln’en parle pas, et Polybe étoit le contemporain des guerres qu’il décrivoit et en avoit fait lui- même plusieurs. Les mêmes inductions résultent du silence de Tite-Live , descripteur si minutieux de la composition des corps et du matériel des armées. Du silence de Salluste dans Mém. du Muséum. 1. 10. 30 230 CHAMEAU A UNE BOSSE, la guerre de Jugurtha, et de César dans la guerre civile, résulte la même preuve. Car Jugurtha ayant organisé, comme Juba le fit plus tard, "une coalition des tribus nomades du sud de l’Atlas, ayant forcé les Romains à le poursuivre dans le désert, il est impossible que le chameau fût resté inconnu aux Romains s’il y avoit existé. Dion Cassius en donne une preuve bien concluante; il dit que pour traverser le désert, les Maures attachent des outres sous le ventre de leurs che- vaux; et lorsque Marius alla assiéger Capsa dans le désert, iln’eut pas chargé d’outres pleines d’eau ses soldats en sus des chevaux s’il avoit eu des chameaux; et s’il y en avoit existé, il est évident qu’il en eùt eu. Ni les armées belligérantes ne pouvoient échapper à la nécessité de s’en servir, ni l’histo- rien à celle de mentionner leur service et leur existence. Ce silence unanime et cette opinion d’un gouverneur militaire de l’Afrique pour César , que les Romains virent pour la première fois des chameaux sous Lucullus en Asie, prouve que l’Afrique n’en avoit pas de son temps. L'emploi des chameaux comme cavalerie ne cessa point en Asie. Hérodien , liv. 4, rapporte que dans l’expédition d’Antonin Caracalla, fils de Septime-Sévère, contre Artaban, Macrin, depuis empereur, et qui prit le com— mandement après la mort d’Antonin, eut à combattre en Mésopotamie un corps de cuirassiers montés sur des chameaux, presque aussi nombreux que les chevaux dans l’armée d’Artaban. Certes, la nécessité eut inspiré aux Carthaginois, et plustard, sous les empereurs, aux Romains l'imitation de cet exemple des Asiatiques, surtout pour les expéditions des consuls Cor- nelius Balbus et Suetonius Paulinus. Et Dion Cassius qui, dans d’autres expéditions, parle de la disette d’eau qu’éprou- CHAMEAU À UNE BOSSE. 231 vérent plusieurs armées, n’eùt pu manquer de parler du vaisseau du désert. Le silence des géographes, de deux surtout, qui avoient été en Afrique, l’un desquels possédoit toutes les connois- sances exactes et physiques de son temps; qui énumèrent avec soin les productions naturelles de chaque contrée, va paroître encore plus concluant relativement à l’objet de cette discussion, puisque pour eux la mention du chameau, s'il eût existé, étoit une nécessité de leur sujet. Strabon, du siecle d’Auguste, dit, liv. 2 : J’ai voyagé depuis l'Arménie jusqu’à celte portion de la Thyrrhénie qui fait face à la Sardaigne, et vers le midi, de- puis le Pont-Euxin jusqu’aux frontières de l'Ethiopie. Ælius Gallus son ami avoit conduit une armée romaine à travers l'Arabie , jusqu'auprès de la mer des Indes, et la bibliothèque d'Alexandrie lui avoit ouvert ses sources. Stra- bon avoit donc sur les pays dont il parle des informations à la portée de peu de géographes. Voici la substance de sa description de l'Afrique, entre l'Atlas au nord, le Niger et le Sénégal au sud, l'Océan et 2 . 2 « J l'Egypte de l’ouest à l'est. (Liv. 17, commençant par l’ouest.) La Maurusie, dit-il, nourrit en abondance de gros serpens , des éléphans, des dorcades , des bubales et animaux semblables, des lions, des panthères, une sorte de belette semblable au chat, mais à museau plus allongé (la civette), et une prodigieuse quantité de singes dont parle Possi- donius : au-dessus (au sud) de la Maurusie , sur la mer extérieure, est le pays des Ethiopiens, dits occidentaux; c’est là, selon Iphicrate, qu’on trouve des gi- rafes, des éléphans, et les animaux appelés rizes ( rhinocéros). (L'existence de ces animaux nécessite évidemment pour ce pays une latitude plus australe que celle assignée par MM. Malte-Brun et Gosselin. ) Les Maurusiens ont continué jusqu’à présent de mener la vie nomade : ils com- battent avec la lance, montent à poil. Les Massæsyliens et les Lybiens, en général, JO 232 CHAMEAU A UNE BOSSE. ont les mêmes armes, et des petits chevaux rapides à la course, si dociles qu'ils suivent comme des chiens et se laissent diriger sans brides. ° Les Pharusiens et les Nigrites, qui habitent au-dessus de ses peuples, pres des Ethiopiens occidentaux, se servent de l’arc et de chars armés de faulx; ils com- muniquent, mais bien rarement, avec les Maurusiens, par le désert qu’ils tra- versent en suspendant sous le ventre de leurs chevaux des outres pleines d’eau. On dit que les pluies dans ce pays sont tres-abondantes en été, et que l’hiver est une saison de sécheresse. Ces trois circonstances prouvent que les Pharusiens n'ha- bitoient pas sur le versant sud de l'Atlas, comme l'indique la carte et le texte de M. Malte-Brun(t. 1, pag. 188, précis de la géog.); que leur pays étoit bien au-delà du Tropique et au sud du désert, puisque les pluies y étoient si abondantes dans l'été, et puisque la pluie est physiquement aussi impossible dans le pays de Sigilmessa que dans le reste du Sahra ; qu’enfin ils n’avoient pas de chameaux, puisqu'ils n’avoient d’autre ressource que de suspendre de l’eau sous le ventre de leurs chevaux lorsqu'ils traversoient le désert. Les Gétules vivent frugalement , ont plusieurs femmes et beaucoup d’enfans ; du reste ressemblent aux nomades. Leurs chevaux et leurs bœufs ont le sabot plus long qu'ailleurs. Les chefs s'appliquent tellement à élever des chevaux que tous les ans il leur naît cent mille poulains. Certes, voilà qui est décisif, Strabon , qui dans les livres précédens a montré le chameau auxiliaire indispensable des Arabes, en eût parlé sil eùt existé en Afrique, ce qu’il n’eut pu alors ignorer. (Liv. 16, chap. 3 et suiv.) Les Arabes scenites, dit-il, possèdent des pâturages couverts de bestiaux, et principalement de chameaux : il reparle de ces scenites pasteurs de chameaux dans le Néjed, d’après Eratosthènes : le pays au sud de l’Arabie nabatéenne, dit-il d’après Artémidore, est abondant en toute espèce de bétail. On y trouve aussi toute sorte d'animaux, tels que mulets sauvages (onagre, koulan ), chameaux sauvages , quantité de cerfs, de daims, des lions, des panthères et des loups en grand nombre, et enfin il décrit les arabes Debbæ, chez qui les chameaux servent à tous les besoins de la vie. CHAMEAU À UNE BOSSE. 233 Diodore de Sicile , qui a puisé aux mêmes sources que Strabon, c’est-à-dire dans Agatarchides, et Artémidore; qui s’étoit également instruit par des voyages en Afrique et par ses liaisons avec les prêtres d'Égypte, des récits desquels il s'au- torise; qui décrit les productions de l'Afrique, les mœurs de ses peuplades, et jusqu’au phénomène du mirage de ses dé- serts avec une étonnante fidélité, n’y parle pas du chameau auquel il revient si souvent à propos de l’Arabie et de l'Asie. Liv. 2, description de l'Arabie dans la partie touchant à l'Océan, répondant à l’Yémen ; il y a là, dit-il, de belles races de chameaux, à peau nue ou couverte de poils, et d’autres qui ont une double bosse sur le dos, nommés, à cause de cela, dytiles. Les unes donnent leur lait et leurs chairs pour nourrir leurs maîtres; d’autres, habituées aux fardeaux, portent jusqu’à dix médines de blé et cinq hommes couchés dans leurs bâts (cZtellis). Ceux qui ont les membres plus déliés, le corps moins épais, servent de coureurs. On les emploie aussi à la guerre, ils portent deux archers assis dos à dos, l’un sur le cou, l’autre sur la croupe. Liv. 3, après avoir décrit, comme Strabon, la côte occidentale de la mer Rouge jusqu’à la limite australe des connaissances de son temps, il en décrit la côte orientale; et dans l'Arabie nabatéenne, mentionne aussi, comme Strabon, puisqu'il copie également Artémidore, les chameaux sauvages, les lions , etc. Puis, plus au sud, en parlant des Arabes Debbæ, il dit qu'ils emploient les chameaux dans tous les usages de la vie. 1 Quant aux Troglodytes, au sud de l'Egypte, que les Grecs appellent nomades, ils ne mangent leurs bestiaux que quand ils sont pres de mourir de vieillesse ou de maladie : le reste du temps ils vivent de leur lait; anssi ne donnent-ils le nom de parens à aucun de leurs semblables, mais aux taureaux et aux vaches, aux béliers et aux brebis ; il décrit dans leur pays les cynocéphales, le sphinx (le tar- tarin, S. hamadryas), le cepusautre cynocéphale, le rhinocéros, l’hyène etle buffle du cap. De ces cinq espèces trois paroissent n’avoir jamais été vues des Romains et des Grecs, et toutes les cinq ne sont bien con- nues que depuis peu de temps. Enfin il décrit la Libye et l'Afrique à l’ouest dé l'Égypte; il distingue les tribus en agriculteurs, pasteurs et voleurs, et 234 CHAMEAU À UNE BOSSE. peint leurs habitudes et leur régime politique comme les voyageurs modernes. Au sud de l’Atlaset de Cyrène, dit-il, cette région, qui s'étend indéfiniment au midi , n’admet aucune semence ; manque d’eau courante ; son aspect est celui de la mer, de toute part inculte et déserte ; le voyage seroit sans terme pour la tra- verser, aussi ny a-t-il ni brebis, ni quadrupède, ni dorcas, ni bœuf, ni plante, ni rien qui puisse attirer l’œil du voyageur. Dans le tableau animé qu’il fait des tribus nomades et de leurs troupeaux, il ne nomme pas non plus le chameau. I! résulte de ce passage de Diodore, qu'à cette époque le dromadaire existoit à l’état sauvage en Arabie, et de plus qu'il y existoit aussi une race du chameau bactrien. Pline, postérieur à Strabon, qui décrit exactement les deux espèces bactrienne et arabe, non-seulement se tait sur le cha- meau quand il parle de l'Afrique, de même que Solin et Pomponius Mela;il y a plus, il cite un passage du livre perdu depuis, que Juba, roi de Mauritanie, dont il vante le savoir, avoit écrit pour Caïus César, fils d’Auguste. Ce roi, qui de- voit bien connoître les productions de son pays, ne parle de chameaux qu’à propos des frictions huileuses que leur font les Arabes pour les préserver d’une espèce d’œstres, dite asye. Et Juba dit que les Arabes tirent cette huile de certains pois- sons et de cétacés qui entrent dans les fleuves d'Arabie. D'après la conformité des dimensions qu’il leur assigne avec celles qu'indique Néarque,cesont des physétères. Le chameau n’existoit donc pas de son temps, dans les états de Juba. Ce qu'il y auroït d’extraordinaire, si l’on ne connoissoit l'esprit prohibitif et proscripteur des institutions sacerdotales de l'Egypte, c’est que le chameau lui étoit non-seulement étranger, mais peu connu partout ailleurs que sur la fron- tière d'Asie. Le Memnonium est le seul monument égyptien connu où cet animal soit figuré. Or les chameaux représentés CHAMEAU A UNE BOSSE. 535 sur le Memnonium , dans des scènes décrites par Hamilton, etrapportées par M. Dureau de Lamalle( poXorcétiq.; p.192 à 195), appartiennent au peuple vaincu dont le pays, d’après les indices du tableau, est l'Asie orientale. Aussi l’auteur dit-il, pages 207 et 208 : Il paroît que l’âne étoit avec le cheval la seule bête de somme employée alors en Egypte; du moins ne trouve-t-on jamais, ce qui doit paraître fort singulier , le chameau et même le dromadaire représenté comme appartenant aux Égyptiens, même dans des tableaux où le lieu de la scène est évidemment en Egypte. On va voir que l’histoire s'accorde avec les monumens pour établir que le chameau n’existoit plus en Egypte durant la période où ont été construits les monumens, et que l’ex- tinction de la race qu'y avoit pu laisser les Hébreux, d’après le témoignage mème des monumens, ne dut pas tarder beaucoup à se consommer. Lucien (premier dialogue de Prométhée), après avoir rap- porté le fait que je vais citer, et faisant allusion à l'ignorance des Égyptiens sur le compte du chameau, dit qu'il craint pour ses œuvres de la part dulecteur la mêmeindifférence qu’eurent les Egyptiens pour le chameau qu'ils ne connoissoient pas. Or il vient de dire que Ptolémée, fils de Lagus, ayant amené en Egypte deux nouveautés, savoir un chameau bac- trien noir et un homme dont la couleur différoit d’un côté à l'autre, les fit paroïtre avec d’autres curiosités devant le peuple d'Alexandrie réuni au théâtre (1). Lesspectateurs furent (1) Malgré cette histoire, il est difficile de croire que les Egyptiens ne connussent pas le chameau , comme un animal étranger, mais tres-commun chez les Arabes leurs voisins, qui en amenaient sans doute dans les fréquens voyages qu’ils faisoient en Egypte. Le nom de chameau existe dans la langue cophte sous le nom de djamoul, dont l’origine doit être arabe. Du temps de Ptolémée, fils de Lagus, on trouvoit à peu de distance du Peluze, sur la route de Memphis, un fort appelé la. muraille du chameau, (S. M.) 236 CHAMEAU À UNE BOSSE. si épouvantés à la vue du chameau, qui pourtant étoit couvert d’or et de pourpre, que tous, sautant de leurs places, furent sur le point de s'enfuir. Le chameau, continue Lucien, fut abandonné et mourut bientôt. Si les Egyptiens avoient déjà vu des dromadaires (et s’il ÿ en avoit eu en Afrique, ils eussent été ordinaires à Alexandrie , espèce de port pour les cara- vanes du désert ), une bosse de plus ne les eût pas effrayés dans le chameau bactrien; c’est donc qu’ils en voyoient pour la première fois. Athénée ( Derpnosoplust., lib. 5 ) nous donne une autre preuve que plus tard, sous Ptolémée Philadelphe , le cha- meau étoit une rareté nouvelle pour les Egyptiens. Dans un récit du triomphe célébré avec un faste si incroyable par ce conquérant, il énumère le grand nombre d'animaux étrangers dont la procession représentoit les pays conquis. Cinq ou six des espèces qui parurent n’ont été retrouvées que depuis moins de cinquante ans. On y voyoit la girafe, le rhinocéros d'Afrique , un ours blanc, des onagres, des oryx, des bubales, des autruches, des éléphans, des cerfs, etc. Ici, l'intention de frapper les yeux par la nouveauté du spectacle, est évidente. Si les chameaux avoient été ordinaires en Egypte, on n’en eût pas fait marcher avec ces animaux aborigènes, l’un de l'Asie polaire, d’autres de l'Afrique australe. Or on va voir, par les accessoires du récit, que ces chameaux étoient de l'est de l'Arabie ou de la Perse. Il y avoit aussi, dit Athénée, trois couples de chameaux derriére lesquels en venaient qui traînaient des. chariots chargés des tentes des Barbares (c’étaient évidemment des Arabes scenites), renfermant des femmes des nations #rdiennes et autres (indien chez les anciens se prend toujours pour synonyme d’oriental), habillées en captives. De ces chameaux, quelques uns portaient trois cents livres d’encens, les autres deux cents livres de crocus, de cassia, de cinnamome, d’iris CHAMEAU A UNE BOSSE. 237 et d’autres parfums. Ensuite venaient des Ethiopiens aux zagaies, portant les uns (par pelotons) six cents dents d’éléphans, les autres deux milliers de troncs de bois d’ébène. Chaque production locale étoit donc portée par les hommes et les animaux du pays; or, par la charge des chameaux, on voit qu'ils étoient de l’Arabie orientale ou même de la Perse (1). Facite, si attentif observateur des productions naturelles des pays dont il parle, ne mentionne le chameau que dans le liv. 15 des Annales, chap. 12, à propos de l'expédition que Corbulon conduisit de Syrie en Arménie au secours de Pœtus contre Vologèse, roi des Parthes, Il dit, outre les bêtes de somme ordinaires à la guerre, un grand nombre de chameaux chargés de froment suivait l’armée, pour chasser à la fois la faim et l'ennemi. Il paroït que de tout temps la bande de l'Égypte, située entre la chaine du Mokattam et la mer Rouge, a été parcou- rue par les Arabes; Ammien Marcellin ( liv. 14, chap. 4, ann. 353) montre les Sarrasins errans depuis la Syrie jus- qu'aux cataractes du Nil et aux confins des Blemmyes. Tous sont, dit-il, également guerriers; demi-nus, vêtus jusqu’à la ceinture de saies de couleur : à l’aide de leurs chevaux , et de chameaux minces et rapides, ils s'étendent çà et là dans la paix comme dans la guerre ;.... leur vie est une fuite continuelle; ils se nourrissent de chair et de laitage. Cette partie de l'Egypte, qui physiquement est la conti- nuation du sol et du désert de l'Arabie, en portoit le nom sous les Romains, et son gouverneur s’appeloit Arabarque (2). (1) Ils pouvaient être de l'Arabie méridionale, mais non de la Perse. Les ofli- ciers envoyés par Philadelphe à la recherche des productions étrangères, n’allèrent qu’en Afrique dans le pays des Homérites, dans l’Arabie et dans l’Inde méridio- nale. (S.M.) (2) Le gouverneur de la Thébaïde ajoutoit à ses titres celui d’Arabarque, (S. M.) Mém. du Muséum. 1 10. 31 238 CHAMEAU À UNE BOSSE: Ce qui implique bien que la population en étoit arabe. Ces notions concilieroient l’absence du chameau en Egypte avec un passage de Pline qui (liv. 6, chap. 36) montre le chameau employé aux communications de Coptos à Bérénice, sur la route du commerce d'Alexandrie avec l’Inde(r), si ailleurs il n’étoit tout aussi plausible que les Romains, et avant eux les Lagides, eussent tiré directement ces chameaux de la côte opposée d'Arabie, où les vaisseaux devoient aborder si souvent, puisque la navigation d’alors étoit un cabotage. St. Jérôme (adv. Jovinian., lib. 2 ), essayant d'expliquer par la philosophie des causes finales et l’existence des animaux et l’état de chaque contrée qu’il croit partout ordonnés sur l'intérêt de l’homme, montre les Arabes, les Sarrasins et toute la barbarie du désert (le désert est pour lui à l’est de la Pa- lestine) vivant du lait et de la chair de leurs chameaux. Or quand il veut démontrer la même bienfaisance de la nature pour l’homme dans les déserts de l'Afrique et de la Libye, il ne mentionne plus les chameaux, mais il parle des saute- relles comme de la manne des peuples de la Libye dans la brülante aridité de leurs déserts. Certes, si le chameau y eut existé, son lait et sa chair eussent été un autre bienfait que des sauterelles pour les malheureux Libyens, qui, après tout, comme Diodore nous la montré, n’étoient pas aussi miséra- bles que l’imaginoit St. Jérôme. Quoi qu'il en soit, il résulte de cette opinion du St. Père que les chameaux n’existoient pas alors en Afrique, où, dans la thèse qu'il soutenoit, il lui auroit beaucoup importé de signaler leur existence. (1) C’est à M. Dureau de Lamalle que je dois la connoissance de ce passage de Pline, qu'il a produit comme objection contre mes conclusions, dans une note lue le 22 août à l’Acad. des Insc. de l’Institut. CHAMEAU À UNE BOSSE. 239 Enfin Ptolémée place les Sarrasins au midi des Scenites, sur les confins de l’Arabie heureuse ; mais Ammien Marcellin dit positivement, 1. 23, ch. 6, que les Arabes Scenites sont les mêmes qu'on appelæ plus tard Sarrasins. Ce nom de Sarrasin est peut-être un sobriquet , donné par les peuples voisins, du mot arabe saraka , qui veut dire voler, piller. Or, par la né- cessité géographique même, ce nom de Sarrasins a dü être donné à tous les Arabes Scenites limitrophes de la Palestine, de la Mésopotamie et de la Perse, contrées dont ils pouvoient, à cause de cela, piller les caravanes. Tant que l'Egypte fut dé- fendue par des forces militaires suflisantes, ce qui eut lieu jus- qu'à l’époque de la décadence de l'Empire, les Sarrasins ont dû être contenus en dehors de l’Isthme. Il paroït que ce n’est que vers la fin du troisième siècle ou le commencement du quatrième qu'ils envabirent cette bande de l'Egypte, étendue entre le mont Mokattam et la mer Rouge, et dont les tribus arabes sédentaires, indiquées par Pline, étoient paisibles sous les Arabarques. La vitesse du déversement de ces nomades sur l’ouest de l’Arfique, en tournant l'Egypte au sud des cata- ractes, explique la multitude de chameaux, marchant avec toutes ces hordes du désert qui envahirent la province d’Afri- que, après que Bélisaire l’eut reconquise sur les Vandales. Procope (guerre vandalique), li. 2,chap. 8, 10 et11, décrit les mœurs de ces Maures telles qu'Ammien peint celles des Sarrasins. Ils forment leur armée en cercle, le front cou- vert par les chameaux, ayant entre leurs jambes des fantas- sins armés de boucliers et d’épées, et leurs femmes et leurs enfans au centre. Cette multiplication des chameaux dans l’ouest de l'Afrique, deux siècles après l’époque la plus ancienne qu’on puisse as- 240 CHAMEAU A UNE BOSSE. signer à leur pénétration, à l’ouest du Nil, n’a rien d’extra- ordinaire, quand on songe à la multiplication des chevaux et des bœufs en Amérique, dans un intervalle de temps qui n’est guère plus long. Or, postérieurement à cette époque, l’affoi- blissement toujours croissant du pouvoir et des forces mili- taires de l'Empire en Egypte, dut rendre continuelle linon- dation de l'Afrique par les Arabes et leurs chameaux. Mais les tribus des Sarrasins ne durent paroitre dans les provinces romaines du littoral de l'Afrique, qu'après s'être multipliées dans l’intérieur, et sans doute vers le Niger et le Sénégal, puisque, depuis Ammien jusqu'à Procope, il n’est pas question de chameaux en Afrique, et que St. Clément d'Alexandrie et quelques autres écrivains de cetintervallen’en parlent toujours qu'à propos des Arabes (voy. Clerm. Alex., Pedagog. lib. 3, cap. 3). L'Afrique boréale, malgré toutes les conformités réelles ou apparentes de son sol et de son climat avec ceux de l'Arabie et des déserts de la Perse, n’est donc point la patrie origi- naire du chameau, qui n’y exista pas à l’ouest du Nil jusqu’au troisième au quatrième siècle. Il n’y pénétra qu’à cette époque avec les Arabes. T’Arabie et les déserts de la Perse sont donc la patrie pri- mitive du dromadaire ; et il y existoit encore à l’état sauvage, sur les bords de la mer Rouge et de la mer des Indes, au temps d’Artémidore, cité par Strabon et Diodore de Sicile. Et de plus, à la même époque, le chameau à deux bosses existoit en Arabie vers la mer des indes. (1) Je ne crois pas que les Arabes ou Sarrasins se soient répandus dans l'Afrique au-delà de l'Egypte, avant l’invasion musulmane. (S. M. SyPpte; EXAMEN De quelques Observations de M. Dugald-Stewart, qui tendent à détruire lanalogie des phénomènes de l’Instinct avec ceux de l'habitude (1). PAR M. FRÉDÉRIC CUVIER. Si, dans les sciences physiques, les hypothèses sont quel- quefois nuisibles au raisonnement, par les erreurs aux- quelles elles donnent directement naissance, et par celles qui résultent de leur influence sur l'esprit, elles le sont à plus forte raison dans l’étude des phénomènes intellectuels, où les faits sont d’une bien plus difficile observation , et les raisonnemens d’un bien plus grand usage , d’un bien plus grand secours. Quelques branches des sciences physiologiques ne sont cependant pas susceptibles de s'élever à des généralités d’un certain ordre sans le secours des hypothèses ; les faits sur lesquels elles se fondent , n'étant pas de nature à être immé- diatement soumis à l’observation d’une manière complète, et (1) Ce mémoire, ainsi que plusieurs autres que je pourrai publier, est extrait d’an travail général sur l’origine des actions des animaux, destiné à paraître à ung époque plus ou moins reculée. Mém. du Muséum. ti. 10. 32 242 InsTiNcr. quelques-uns-de leurs élémens ne pouvant se concevoir que par induction. Celle qui concerne les actions des animaux est de ce nom- bre : nous pouvons étudier nos actions dans toutes leurs par- ües, observer directement les modifications intellectuelles et musculaires qui les constituent, et conclure avec fondement, de notre ressemblance. organique avec les autres hommes, et de la similitude générale de leurs actions avec les nôtres, la nature identique de ces actions. Les mêmes ressemblances n'existent point entre nous et les animaux : nous ne pouvons connoître leurs modifications intellectuelles, ils sont orga- niquement différens de ce que nous sommes , et leurs ac- tions, en plusieurs points, diffèrent de celles qui nous sont propres, de sorte que r’ayant pas une idée complète de ces actions, n’en possédant pas tous lesélémens ,ne pouvant pasen faire une analyse rigoureuse, nous ne pouvons en tirer aucune conclusion absolue, et devons nécessairement recourir à une création hypothétique pour les classer et établir leurs rapports. Toutefois les actions des animaux ne présentent pas toutes dans leur étude les mêmes difficultés ; il en est dont les ana- logies avec les nôtres peuvent être établies avec une grande certitude , et dont là nature par conséquent peut être sup- posée avec, fondement. De ce nombre sont toutes celles qui sont le résultat manifeste d’une intelligence, c’est-à- dire qui se conforment en tout point à la variété fortuite des circonstances, au milieu desquelles elles se passent, ou que ces circonstances seules occasionnent. Toutes celles de ce genre s'expliquent naturellement et sans efforts en ad- mettant dans les animaux des facultés intellectuelles, sem- INSTINCT. 243 blables à celles qui nous auroient été nécessaires pour les produire ; ou plutôt toute autre explication seroit vaine et inadmissible. Il en est d’autres pour lesquelles nous ne trouvons point en nous, au même degré, les moyens de déterminer la nature, et cependant ce seroit inutilement que nous chercherions ailleurs à la découvrir, sinon avec certitude, du moins avec vraisemblance , car, nous le répé- tons, nous ne pouvons acquérir que l’idée de nos propres facultés intellectuelles. C’est donc sur cette vraisemblance seule que la théorie hypothétique de ces actions repose; c'est elle par conséquent qu’il faut établir, car l'évidence absolue ne peut jamais devenir le caractère de cette théorie. Les actions instinctives, de leur nature invariables et né- | cessaires, ne trouvent en effet aucune analogie complète dans les nôtres. Si nous sommes encore susceptibles d’ac- üons semblables, elles sont tellement confondues avec d’au- tres que nous ne les distiguons plus; et à l’époque de notre vie où nous agissions instinctivement, nous étions hors d’état de nous étudier et de nous connoître. Parmi les explications qui ont été suggérées (1) pour ces actions instinctives, la seule qui nous paroisse fondée sur des vraisemblancessuflisantes , et qui soit admissible, est celle de Reid (2) et de Berkeley (3), laquelle repose sur les phéno- (1) Nous disons que cette explication n’a été que suggérée, parce qu’en effet elle ne pouvoit être établie que par des développemens qui n’ont jamais été donnés. (2) L’habitude differe de l'instinct, non par sa nature, mais par son origine : l'instinct est naturel, l'habitude est acquise. Ces deux principes opèrent sans volonté ou intention, sans pensée, et peuvent en conséquence être appelés principes mé- caniques. ( Essai sur les facultés actives de l’homme, p. 128.) (3) Puis donc que ce n’est pas du musicien lui-même que procède ces mouvye- 32 * 244 INSTINCT. mènes de l'habitude. Toutes les autres sont sans aucune con- formité avec les faits ou complétement arbitraires; car toutes se réduisent, 1°. à considérer ces actions, ainsi que les au- tres, comme intellectuelles et libres; 20. à n’admettre pour toutes qu'une cause mécanique; 30. à les attribuer à des formes spéciales de l’entendement. Or les deux premières hypothèses ne peuvent soutenir aucun examen. Elles conduiroient sans restriction, l’une à con- fondre les animaux avec l’homme, et l’autre avec la matière brute : ce qui est trop évidemment faux. Quant à la troi- sième, tirée des doctrines de l’école, elle n’explique rien; car parler de ces formes sans les déterminer, sans classer les faits, c’est employer des mots vides de sens; c’est introduire dans la science des fantômes propres à troubler l'esprit, et non pas des idées capables de l'enrichir et de l’éclairer. À la vérité une tentative a été faite pour ôter à ce sys- ième le vague qu'il avoit dans son origine. M. Gall a cher- ché à circonscrire ces formes , et à donner de la précision à cette idée en l’étendant à toutes les facultés de l'esprit; mais jusqu’à présent, ni l'expérience, ni le raisonnement ne sont venus confirmer la généralité de ses vues, au contraire, l’ob- servation semble chaque jour les affaiblir. La comparaison des actions que nous exécutons par ha- bitude avec celles qui sont instinctives, fait au contraire con- 1:71) ) 5 mens (ceux des doigts), il faut que ce soit de quelque intelligence active; peut- être est-ce de cette même intelligence qui gouverne îes abeilles et les araignées, etc. Siris , p. 123. Cette idée de Berkeley paroît même rentrer dans celle des Péripaté- ticiens modernes. SYHONT 26 9j) IXSTINCT. 245 cevoir assez nettement lanature de celles-ci (1). Elles nousles présentent comme purement organiques, comme le résultat d’une association immédiate établie par la nature entre cer- tains besoins ou certaines modifications intellectuelles, ainsi que l’a établi Hartley (2), et l'organe qui préside à nos mou- vemens , et qui les coordonne (3), car il est difficile de voir autre chose que cette association dans nos actions par habi- tude. Cette explication, quelque vraisemblable qu’elle soit, n'a cependant point été généralement admise, et sans doute parce qu’elle n’avoit reçu aucun développement de Reid ; des faits, où l'intervention de l'intelligence a paru certaine, et qui se présentoient avec les caractères des ac- tions d'habitude, lui ont été opposés, et l’auroïent détruite si l'analyse qu'on en faisoit et les conséquences qu'on en tiroit eussent été vraies. Car si l’intelligence agissoit en effet dans ces actions habituelles, qui nous semblent si exelusive- ment organiques, cette explication seroit vaine, etmêmeil fau- droit peut-être pour toujours renoncer à connoître la nature des actions instinctives, où il ny a certainement point d’intel: ligence. Mais nous croyons pouvoir montrer que les difficul- tés qui semblent détruire l’analogie des phénomènes de l’ha- bitude avec ceux de l'instinct n’ont pas toute la réalité qu’on leur supposoit. M. Dugald Stewart admettant une induction (1) Voyez pour de plus grands développemens mon article Ixsnixcr, du Diction- naire des Sciences naturelles. (2) De l’homme et de ses facultés physiques et intellectuelles. Proposition XXI. (3) Voir les Expériences de M. Flourens sur les fonctions spéciales des différentes parties du cerveau. Te 246 INSTINGT. ancienne (1) portée par Stahlau dernier degré d’exagération, refuse à toutes les actions d'habitude le caractère d’automa- tisme, et s'élève même avec force contre cette idée. Il pense que tous les mouvemens qui s’y trouvent se font à la suite d’une opération de l'esprit dont nous ne conservons aucun souvenir, parce que notre attention ne s'y est point appli- quée ou la fait trop rapidement; et il fonde cette opinion sur des raisons et des faits. Nous allons examiner ces idées avec tout le soin dont nous sommes capables, et que nous devons à celles d’un homme de mérite, de M. Stewart. Il est même vraisemblable que sans Pautorité qu'il lui prête, nous laurions laissée dans l’oubli où elle paroissoit être tombée. Si nous pouvons, dit M. Stewart, expliquer les faits d’ha- bitude par les lois qui constituent la nature de l'esprit humain, c'est-à-dire de la même manière que ceux dans lesquels l'intelligence intervient, nous ne devons point cher- cher pour eux d’autres causes; les principes de la saine phi- losophie le commandent. Il n’y auroit certainement rien à objecter à cette maxime si l’on pouvoit avec vérité expliquer ces faits comme les au- tres; mais dans les actions vraiment intellectuelles nous pou- vons connoître où connoïssons constamment toute la part qu'y prend notre intelligence, tandis qu’on ne l’admet dans les autres que par une supposition fondée sur des analogies que nous ne croyons point exactes; car M. Stewart reconnoiît formellement qu’il ne nous reste, dans ces actions d’habi- {1) Philosophie de l'Esprit humain, t. I, chap. IL, p. 191, trad. franc. INSTIN CT. 247 tude , aucune trace d’un acte de notre esprit : or, s’il est des cas où les suppositions ne peuvent être admises, c’est assurément dans les questions de la nature de celles qui nous occupent, et qui ont pour objet, non pas d'établir une vé- rité particulière et isolée, mais un principe général duquel peuvent découler de nombreuses erreurs ou de nom- breuses vérités, suivant qu’il est fondé lui-même sur la vérité ou sur l'erreur. Au reste, ce raisonnement de M. Stewart peut être appliqué avec plus de fondement au sujet qui nous oc- cupe , aux phénomènes de l'instinct, puisque dans ce cas il n'exige aucune supposition : nous ne pouvons point trouver l'explication de ces phénomènes dans nos actions intellec- tuelles puisqu'ils sont sans intelligence; les phénomènes de l'habitude, tels qu'ils se présentent naturellement à nous, paroissent également privés d'intelligence, il est donc phi- losophique d'expliquer les uns par les autres ; ceux que nous ne pouvons connoitre, dans l’intérieur desquels nous ne pou- vons pénétrer, par ceux qui se passent en nous-même, et qui sont entièrement soumis à notre investigation; mais les faits nous servent trop bien pour que nous ayons recours à ce rai- sonnement qui n’a rien non plus de démonstratif. C'est aussi sur des faits que M. Stewart fait reposer son raisonnement, comme nousvenons de le dire, et en admet- tant quils montrent en effet que nous pouvons ne conser- ver aucun souvenir des modifications de notre esprit, quoi- que d’ailleurs ces modifications soient manifestes, il reste- roit à savoir s'ils sont de la nature de ceux de l'habitude; car de ce que dans un cas nous pourrions ne pas garder la mémoire d’une modification intellectuelle qui a certaine- 248 INsTIN cr. ment eu lieu, ce ne seroit pas une raison pour que des mo- difications analogues aient été produites, dans le cas où, sans nous en souvenir davantage, nous n’aurions cependant aucune certitude, aucune preuve , qu’elles aient existé; et en inférant l’un de l’autre, M. Stewart nous semble avoir oublié la rigueur qu'il montre toujours dans ses raisonne- mens. Les exemples que cet homme illustre rapporte, sont de nature ascez différente : les uns sont des faits qui n’ont peut- être aucun rapport avec l'intelligence; d’autres sont entiè- rement intellectuels ; d’autres enfin sont en partie intellec- tuels et en partie mécaniques ; mais tous, comme nous allons le voir, sont loin de démontrer l’opinion que M. Stewart a par eux en vue d'établir. Le premier de ces exemples , c’est que les personnes qui s’endorment durant un sermon, se réveillent toujours au mo- ment où l’orateur cesse de parler: preuve qu’elles avoient une certaine perception du discours, et cependant elles ne conservent pas le moindre souvenir des derniers #20{s qui ontété prononcés. Or il est bien certain que ce discours n’est pas pour la personne qui sommeille un composé de mots ex- primant des idées ; il ne consiste plus pour elle qu’en unmur- mure uniforme qui met en vibration la membrane de son tympan , et ne lui procure ordinairement sans doute qu’une simple sensation. C’est ce murmure lui-même qui paroît avoir la faculté de produire le sommeil ; car cet effet a lieu dans toutes les circonstances analogues : on s'endort au bruit d’un ruisseau , au sifilement du vent qui passe au travers du feuillage, au tictac d’un moulin, à la chute d’une cascade, INSTINGT. 249 en un mot à tous les bruits qui ont de l’uniformité. Il est donc fort naturel que la personne qui se réveille à la fin d’un ser- mon, ne conserve aucun souvenir des derniers z20fs de l’o- rateur, car ils n’ont point été prononcés pour elle; elle ne les 2 point entendu articuler; mais elle se souviendra peut-être de la seule modification qu’elle pouvoit éprouver par les sons confus qui ont pu frapper son oreille, si son esprit a réagi sur eux , si elle en à eu la perception (1). Les idées qui passent dans l'esprit, lorsqu'on prononce spontanément un discours, ou même dans la simple con- versation, et qui ne s'expriment point, mais qui servent à faire naître celles qui sont exprimées, et à leur donner cette variété agréable, cette irrégularité piquante qui, après la pensée , en font les principaux charmes, sont encore pour M. Stewart une preuve en faveur de son opinion, tant cette opinion captive sa pénétration. En effet il est trop évident que ces idées secondaires et non exprimées, n’échappent ,boint absolument à l'esprit qui les produit a sa propre ac- tivité et les lie à celles qui s’expriment, et qu'à l'instant qui suivoit immédiatement celui où elles se sont présentées, la mémoire les conservoit encore et qu’elles pouvoient être exprimées; c'est une expérience qui peut être journellement répétée, et qui montre que cet exemple, tout intellectuel, est sans aucune analogie avec les phénomènes qu’il avoit pour objet d’éclaircir. Les exemples du troisième ordre que rapporte M. Stewart ne me paroïssent pas plus concluans que ceux que nous ve- (1) Nous employons le mot perception dans le sens de l’acte par lequel nous considérons nos modifications intellectuelles. Mérn. du Muséum. t. 10. 33 250 INSTINCT. nons d'analyser. Il suppose que dans l’action de lire, il faut que nous ayons la perception successive de toutes leslettres, que de ces lettres nous formions des syllabes, de ces syllabes des mots, etc., elc.; ce qui n’est certainement point exact. Pour procéder ainsi en lisant, il faudroit que nous n’eussions au- cune habitude de l’espèce de lecture qui nous occuperoit; mais alors nous nous souviendrions certainement, en consul- tant toutefois la mémoire à temps, des actes intellectuels par lesquels nous aurions reconnu les lettres, formé les syl- labes , composé les mots; car nous ne parvenons à lire de la sorte qu'au moyen d’une très-grande contention d'esprit. II n’en est pas à beaucoup près ainsi lorsque nous lisons cou- ramment ; alors les mots sont pour nous des figures simples , ou plutôt continues, quinous frappent au premier coup d'œil, et à la seule vue desquelles nous articulons des sons que nous avons pris l'habitude de leur associer. La preuve de cette vérité c'est que nous lisons sans trop d’hésitation, une écriture dont les lettres sont déformées, lorsque les mots conservent jusqu'à un certain point leur physionomie gé- nérale ; et l’on peut facilement enseigner à lire sans ensei- gner ni à distinguer les lettres, ni à former des syllabes, mais simplement en enseignant à reconnoître la forme des mots. Qui ignore d’ailleurs que l’épellation ne fait pas ap- prendre l'orthographe, et que la vue décide quelquefois plus sûrement que l'esprit si un mot est écrit correctement ? L’exemple du chiffreur est de la même nature et n’est pas plus décisif que celui qui précède. Il nous offre, comme la lecture, un phénomène remarquable d'association, dans le- quel l'intelligence n'intervient, simême elle y prend part, que INSTINCT, 251 pour reconnoitre les signes, c’est-à-dire les chiffres. A leur vue leur nom se prononce et leurs valeurs ou leurs rapports s’ex- priment machinalement, jusqu’au résultat qui s’exprimeroit de même si la pensée ne s’y arrêtoit point, par la nécessité où elle est de le connoître. Les rapports des nombres viennent, et doivent venir aux lèvres du calculateur, comme ils vien nent à celles d’un enfant qui récite par cœur sa table de Pytha- gore, comme les mots viennent au bec du perroquet; c’est un fait que chacun peut vérifier aisément; car rien n’est plus différent de l’état où nous sommes lorsque nous calculons avec notre esprit, que celui où nous nous trouvons lorsque nous le faisons sans son secours. Sans doute à la fin de l’opé- ration, la mémoire ne conserve aucun souvenir des chiffres, en admettant qu'ils n’ont pas seulement été sentis, mais qu'ils ont été perçus. À quoi ce souvenir lui serviroit-il ? ils ne sont pas l’objet de cette opération ; mais immédiatement après la perception ils étoient dans la mémoire, et on les y aperçoit nettement si alors on les y cherche. Il en est absolument de même de l’équilibriste ou du joueur de gobelets : quelques sensations, ou quelques per- ceptions auxquelles sont attachés par association un ou plu- sieurs mouvemens , sont tout ce qu'ils offrent à l'observation la plus attentive; et M. Stewart n’y auroit pas vu autre chose s’il se füt fait une idée exacte de ces actions. Les irrégularités de l’objet tenu en équilibre ne sont point, comme il le pense, exclusivement jugées par la vue; elles sont aussi senties ou perçues par le toucher; chacune d'elles imprime une modi- fication particulière à l’organe qui supporte cet objet en même temps qu'à l'œil qui en suit les écarts, et ces modifica- 33* 2h92 INXSTINCT. tions sont liées par habitude à des mouvemens qui s’exécutent à l'instant même, par le simple effet de cette liaison, peut être comme un corps poussé exécute le mouvement que lui im- prime le corps qui le pousse. Cette complication de deux es- pèces de sensation dans les actions d'habitude offre même un fait remarquable; mais elle n’étoit pas nécessaire à l’accom- plissement du phénomène : l'équilibre pouvoit se maintenir par le seul secours de l’un ou de l’autre. Qui ne connoït l'adresse avec laquelle les Hollandaises, tout en patinant, uennent en équilibre les fardeaux qu’elles portent sur leur tête? Lorsque l'habitude a en quelque sorte identifié ainsi des corps étrangers avec nous, nous les maintenons dans leur centre de gravité comme notre propre corps qui se soutient verticalement de la même manière que le corps sou- tenu de la sorte par l’équilibriste. Au reste, dans tous les cas, sil y a perception, il y a mémoire; mais il est certain que dans un grand nombre de phénomènes la perception n'existe pas, et que la sensation seule suflit à leur accomplissement. | il est un dernier exemple auquel M. Stewart paroït mettre encore plus d'importance qu’à tous les autres, et qui devoit en effet, dans l’idée du mécanisme des actions d'habitude, et à cause de la nature du phénomène qui le présente , lui paroître plus inexplicable que ceux que nous avons examinés jusqu'ici, car il ne s’agit plus de sensations ou de perceptions associées à des mouvemens, mais de sensations liées à des per- ceptions (1). Cet exemple consiste dans la distinction que nous (1) Le mot perception , que nous prenons ici dans le même sens que M. Stewart, signifie la modification intellectuelle qui nous paroît suivre immédiatemént la sen= sation ; et nous devons faire remarquer que ces modifications peuvent être de: nature différente. ENSTINCT. 253 paroissons faire instantanément entre les apparences visibles des choses etleurs formes, leurs couleurs et leur distance réel- les ; ou autrement, du jugement que nous paroissons porter des formes, des couleurs et des distances des choses, que nous voyons réellement sous d’autres formes, d’autres cou- leurs et à d’autres distances. Je crois cependant que ces dif- ficultés disparoitront par l'appréciation exacte des faits. Sans doute un corps d’une certaine forme, d’une certaine couleur, et placé à une certaine distance du point que nous occupons, n'est vu par nous, tel que nous le voyons, que parce que nous substituons en quelque sorte à la forme et à la couleur qui frappent en effet notre œil, celles qui existent en réa- lité, et que nous connoiïssons d’ailleurs, et la distance réelle qui le sépare de nous, et que nous connoissons également, à celle de la sensation; c’est-à-dire que dans ce phénomène compliqué, nous dégageons d’une part les couleurs et les formes des influences qui les déguisent à nos yeux, et que de l’autre au contraire nous ajoutons à la distance une cir- constance que nous ne pouvons percevoir qu'à l’aide du mouvement et du toucher. Mais de nombreuses opérations de l'esprit sont-elles nécessaires à l’accomplissement de ce phénomène? C'est ce que je ne pense point. Dans tous les cas que nous venons de rapporter, l'apparence visible n’est, comme le disent Locke (1), Reid (2) et Berkeley, qu'un signe associé intimement à une chose qui en diffère, comme les signes du langage le sont aux idées; seulement dans (2) Essai sur l’Entendement humain, 1. Il, ch. IX, 9. (2) Recherches sur l’Entendement humain, chap. VI , sect. III. 254 INSTINCT. l'exemple de M. Stewart le signe est une sensation, et la chose signifiée une perception ou plutôt une conception; ét leur union est telle qu’elles ne peuvent plus être séparées, même par la pensée, et que le signe ne sauroit plus deve- nir un objet particulier d’examen; bien différens en cela des signes du langage qui sont toujours susceptibles d’être considérés indépendamment des idées qu’ils représentent. C’est donc encore, comme dans les exemples précédens, des associations produites par l’habitude et pour l’établisse- ment desquelles il suffit de la répétition, dans le même ordre, des mêmes phénomènes. Cet exemple est une nouvelle preuve que nous percevons, non pas ce que nous sentons, mais ce que nous avons appris à percevoir. Celui qui n’au- roit jamais, en même temps, vu et touché une sphère , ne percevroit que sa simple sensation : une figure plane, circu- laire et diversement colorée. Ce cas seroit analogue à celui des mots qui ne présenteroient que les articulations dont ils se composent sans aucune idée , celui qui n’auroit encore qu’un foible usage des formes et des couleurs seroit obligé de faire quelques efforts de mémoire et de jugement pour per- cevoir la forme réelle de ce corps ; mais celui qui auroit en ce genre une longue expérience la percevroit instantanément; il y a même plus, c’est qu’à ce point nous pourrons à vo- lonté voir cette sphère en creux ou en saillie, tant il est vrai que les perceptions ne tiennent pas moins à l’état de l'esprit qu’à la disposition des sens. PT - Parmi les considérations qui déterminent M. Stewart à ad- mettre une rapidité qui ne peut être saisie dans les opérations intellectuelles qui participent, suivant lui, aux actions d’habi- INSTINCT. 255 tude, il fait aussi entrer celles qu'il tire des causes finales. « L’attention et la mémoire, dit-il, sont principalement des- tinées à fixer les résultats de l'expérience et de la réflexion, afin de les rendre utiles à notre conduite future : il n’y avoit donc aucune raison qui püt porter l’auteur de notre nature à étendre l'emploi de ces facultés jusqu’à des intervalles de temps que, dans le cours ordinaire de la vie, nous ne pouvons avoir aucun besoin d’estimer. Les procédés intellectuels un peu compliqués ont tous quelque fin qui leur est propre. Les uns servent à la perception , les autres à l’action. Après que cette fin est remplie, 1l seroit bien inutile que la mémoire conservât le souvenir de tous les pas qu'a faits notre esprit pour l'atteindre. Il n’en résulteroit pour elle qu'une surcharge produite par une multitude de petits détails sans valeur. » Sans donner aux considérations de ce genre plus de va- leur qu’elles n’en comportent, il nous semble que des causes finales, d’une bien plus haute importance que celles qui ont frappé M. Stewart, viennent à l'appui de lopinion que nous opposons à la sienne. Lorsqu'on se livre à l’étude des lois de la nature, une des premières vérités qu'on saisit, c'est que cette puissance in- finie subordonne tout à la conservation des êtres, et que la destruction n'est elle-même qu'une conséquence de cette loi universelle. Or la transformation des actions intellectuelles en actions mécaniques est à notre sens une des preuves les plus manifestes et les plus grandes de sa providence à cet égard. Dans ses vues élevées la répétition des mêmes actions devoit avoir lieu toutes les fois que des besoins souvent re- nouvelés par une nécessité fondamentale rendroient ces ae- 256 INSTINCT. tions indispensables , et des besoins de cette espèce ne pou- voient qu'être intimement liés avec l’existence; tels sont ceux qui se rattachent aux sensations , aux mouvemens musculaires et aux perceptions ou conceptions, phénomènes entre les- quels nous voyons en effet se former les plus fortes associations, les plus profondes habitudes. À combien de dangers cette exis- tence n’auroit-elle donc pas été exposée, si dans les actions les plusfréquemmentnécessairesil eüttoujours fallu l'intervention d’un ou de plusieurs actes de l'intelligence, de cette faculté si délicate de notre esprit, que tant de causes peuvent affoiblirou altérer? Et quels caractères encore exige-t-on de cesactes qu’on suppose? ceux de la force et de l’activité portées au plus haut degré que l'imagination puisse concevoir (1); c’est-à- dire ceux qui sont les plus rares, et dont si peu d'hommes ont été doués. Certes depuis long-temps le genre humain n’existeroit plus si l’exacte perception de la distance des ob- jets, par exemple, avoit besoin d’un raisonnement préalable, et n’étoit pas la suite immédiate et nécessaire de la sensation, associée à l'expérience du toucher ! Mais cette admirable pré- voyance de la nature ne s’est pas seulement portée sur les besoins dont les animaux ont originairement été doués, elle s’est étendue jusqu'aux besoins les plus secondaires, dès qu’ils sont devenus nécessaires à un certain genre d'existence : c’est ainsi que se forment les races dont les caractères entièrement artificiels peuvent prendre de si profondes racines qu'ils se (1) Grégory assure qu’en lisant on peut articuler deux mille lettres par minute, à quoi il faut ajouter les syllabes et les mots formés par ces lettres ainsi que le sens des mots et des phrases qu’ils constituent, pour se faire une juste idée du travail &e l’esprit durant une minute de temps de lecture, dans le système de M. Stewart. INSTINCT. 257 transmettent même par la génération, et que des phénomè- nes de pure habitude se transforment ainsi en phénomènes d’'instinct. Nous trouvons à l'appui de cette cause finale, tirée de la conservation des êtres, de cette prévoyance protectrice de la nature, un exemple bien remarquable chez les animaux; et cet exemple se rattache précisément à ceux que nous venons d'examiner. Il paroït bien certain que c’est le toucher qui nous apprend à connoitre les distances où nous sommes des objets : lorsque l’aveugle de Cheselden (1) eut recouvré la vue, tous les objets lui paroissoient être dans ses yeux, du moins on l’assure. Mais les perceptions qui peuvent résulter du tou- cher, pour ce qui concerne la forme des corps, ne dépendent pas seulement de la sensibilité des organes, elles dépendent encore de leur structure, de leur mécanisme. A cet égard l'homme a une immense supériorité sur la plupart des ani- maux. On s'explique comment l’expérience peut lui faire dis- ünguer et reconnoitre les formes des corps : il a la faculté de les palper en tous sens, et il peut, dans son enfance, s’éclairer par sestentatives sans qu'il en résulte pour lui de dangers, ses parenslesurveillentetle protègent. Lesanimaux dontles doigts sont enveloppés de cornes et le corps revêtu de tégumens épais, et quise conduisent presque d'eux-mêmes dès le premier moment de leur vie, ne se prètent pas à cette explication ; et l’on trouve dans ce cas plusieurs mammifères et plusieurs oiseaux qui cependant percoivent les distances avec au moins autant d’exactitude que nous, Il étoit donc important de re- (1) Reïd, t. I, p. 222 de ia trad. franc. Mém. du Muséum. 1. 10. 34 258 INSTINCT. chercher l’origine de ces perceptions. Pour cet effet j’ai réuni beaucoup d'observations qui m'ont démontré que, dans un grand nombre de cas, ce phénomène est instinctif; car plu- sieurs de ces animaux, en paroissant à la lumière, voient de suite les objets hors de leurs yeux, et même à leur distance réelle; ils les fuient, les évitent, et se conduisent à leur égard comme si un long usage eût consommé leur expérience. La nature de ce mémoire ne me permet pas d’entrer dans le détail de ces observations, que je ferai connoître plus tard dans mon travail spécial sur l’origine des actions des animaux. Par l'examen que je viens de faire, je crois avoir détruit en grande partie les objections que M. Stewart oppose à l’idée que les actions d'habitude sont indépendantes de l’intelli- gence et tout-à-fait automatiques. S'il en est ainsi en effet, ces actions, comme le pensoit Reïd, viennent, avec celles de l'instinct, former une classe distincte de celle qui comprend les actions intellectuelles ; et par là se dévoile nettement à nos yeux un monde nouveau, non moinsriche que l’ancien, quoi- que d’une nature entièrement différente. Tant que ces di- verses actionsétoientrestées confondues dans notre esprit, tant que nous n'avions pas reconnu les limites de chacunes d'elles, tout y paroissoit vague , obscur , douteux; le fait et la spé- culation étoient à leur égard dans un désaccord constant. Les unes nous montroient partout l’homme supérieur à la brute; par les autres on étoit obligé, dans un grand nombre de cas, d'accorder autant à celles-ci qu'au premier, et si l’on tentait de les accorder l’un avec l’autre, ce n’étoit qu’au prix de la vérité, qu'au moyen de conjectures hypothétiques qui ne INSTINGT. 259 recevoient d'autorité que de notre impuissance à en créer d » plus vraisemblables. Mais cette distinction précise des actions instinctives, de toutes les autres actions, n’a pas seulement l'avantage de nous donner une idée exacte des premières, elle nous donne de plus les moyens de distinguer, dans les actions intellectuelles, celles qui se font par les actes spontanés de l'esprit, et sans que par eux il puisse en avoir la connoiïssance (1), de celles qui ont lieu avec cette connoissance , de celles dont cette connoissance fait le caractère , parce qu’elles dépendent d’un acte spécial de l’esprit qui la lui donne; actions qui sont le partage exclusif de l’espèce humaine. En effet, avant qu'on possédât une explication véritable des actions instinctives, et qu'on en eût reconnu la nature tout-à- fait organique, on ne pouvoit se défendre d’associer certaines de ces actions à celles qui exigent de la part de l'espèce hu- maine les combinaisons les plus élevées , les raisonnemens les plus abstraits; et cette manière de les envisager paroissoit d'autant mieux fondée que, d’un autre côté, on ne pouvoit refuser aux animaux une intelligence très-réelle, très-active et, à certains égards, tout-à-fait semblable à la nôtre. Ce sont même ces diflicultés seules qui avoient conduit à ne voir (x) Les Péripatéticiens, malgré les railleries dont leur âme matérielle a été l’objet, à juste titre sans doute, paroïssent avoir eu une idée assez claire de cette distinction, appliquée à l’homme; mais ils n’en ont plus eu qu’une idée confuse lorsqu'ils en ont fait l'application aux animaux; car elle ne suffit pas pour rendre raison des actions instinctives; et cependant c’est à cause des animaux qu’elle paroït avoir été conçue par eux. 34 * 260 IRSTINCT. que des différences organiques entre les animaux et nous, et à n’attribuer notre supériorité sur eux qu'à la seule forme de nos mains. À la vérité on avoit aussi entrevu que les ani- maux étoient dépourvus de la faculté de raisonner, et qu'ils ne pouvoient former d'idées générales. Locke l’avoit dit, et cette asserlion avoit souvent été répétée ; mais on se dis- pensoit d'expliquer tous ces actes d’une apparente pré- voyance qui faisoient supposer bien plus qu’on ne leur refu- soit, et l'embarras restoit toujours le même. Par la distinction que nous établissons, ou plutôt qui ré- sulte immédiatement des faits, toutes ces diflicultés dispa- roissent, et la clarté nait de la confusion; car toutes les ac- tions des animaux qui pouvoient faire supposer en eux des idées abstraites, la faculté de faire entrer ces idées dans leurs jugemens ou de les considérer, ainsi qu'eux-mêmes, par la réflexion, c’est-à-dire qui pouvoient leur donner une res- semblance essentielle avec l’homme, sont incontestablement des actions instinctives qui n’ont aucun rapport direct avec l'intelligence, et que l’automatisme réclame impérativement. Toute association intime et complète entre l'espèce humaine et les animaux nous paroït donc désormais impossible ; la ligne de démarcation est établie entre eux de la manière la plus absolue; quel que soit le principe qu’on admette pour cause des actions des uns, il ne pourra jamais être confondu avec le principe des actions des autres; en un mot, si l’homme n’est pas sur la terre le seul être intelligent, il est incontes- tablement le seul ètre moral. 261 MÉMOIRE SUR LA GERMINATION DES OROBANCHES. PAR M. VAUCHER, de Genève. La germination des Orobanches et des végétaux d’une or- ganisation semblable est encore à peu près inconnue, quoique plusieurs botanistes en aient fait à diverses époques l’objet de leurs recherches. Le premier qui s’en est occupé est, je crois, l’ingénieux Micheli, qui publia à Florence, en 1723, une Notice dans laquelle il indique surtout les moyens de débarrasser les chenevières des Orobanches rameuses qui les infestent (1). Ensuite Guettard, botaniste remarquable pour le temps où il vivoit, inséra dans le recueil de l’Académie des sciences, pour 1746, un Mémoire sur les plantes para- sites, et en particulier sur les Orobanches. À la même époque, le célèbre Duhamel, à qui l’on doit l’histoire exacte de la germination du Gui et de la Cuscute, donna des détails nou- veaux sur le même objet (2). Sutton, après avoir décrit, (1) Micheli, de l'Orobanche rameuse. Voyez Académie des Sciences, 1746, p. 190. (2) Physique des arbres, 1, 5, ch. 1, p. 227. 262 GERMINATION dans les Transactions de la Société Linnéenne, les cinq es- pèces d'Orobanches que renferme la Grande-Bretagne, re- présente un peu grossièrement, il est vrai, mais pourtant avec assez d’exactitude, sur les racines du trèfle, un jeune bulbe de son Orobanche mineure qui n’a encore poussé que des racines. Enfin Jaume-Saint-Hilaire, dans un Mé- moire lu à l’Institut, en 1808, et où il s'efforce de prouver, je crois avec beaucoup de raison, que les Orobanches sont parasites, annonce qu'il a vu germer des graines de ces vé- gétaux, mais que ces jeunes plantes avoient péri avant qu'il eût pu les examiner à loisir, Tel étoit l’état de la question lorsque j'entrepris de m’en ‘occuper. Je semai en conséquence pendant plusieurs années des graines d’Orobanche, de Lathræa, et d’autres parasites, et, malgré mes soins, je n’obtins aucun succès. Les graines se conservoient en bon état, mais elles ne donnoiïent aucun indice de germination : je fus un peu plus heureux en les plongeant dans l’eau; elles jetèrent alors quelquefois, sur- tout lorsqu'elles n’étoient pas entièrement müres, quelques filets que j'ai fait représenter (fig. 1 et 2), et qui partoient toujours de l’extrémité pointue de la graine : mais tout en restoit là, et les graines en expérience ne tardoient pas à se détruire. Je me procurai en 1821 des graines d'Orobanche rameuse, que je conservai jusqu’au printemps suivant, et que j'essayai de répandre sur le chanvre au moment même où il levoit : deux mois plus tard, lorsque je ne l’espéroïis plus, je vis enfin, dans la place que j’avois soigneusement circonscrite, ces Orobanches si désirées : elles foisonnoient au pied des DES OROBANCHES, 263 tiges du chanvre, on en voyoit dans tous les états, les unes étoient sur le point de fleurir, les autres percoient à peine la terre; mais il n’en existoit aucune hors du champ de l'expé- rience. Lorsque j'eus satisfait mon vif désir de les contempler à loisir, et que je me fus assuré qu’elles ne pouvoient plus m'échapper, j'arrachai avec précaution des tiges de chanvre pour reconnoitre le mode de germination que je cherchoïis. Je trouvai mes jeunes Orobanches à toutes les époques de leur développement. Les unes avoient déjà leurs bulbes tout formés, les autres ne présentoient encore qu’un plexus de racines, qnelques unes enfin n'étoient que des points à. peine visibles à l’œil : mais toutes, sans exception, étoient attachées aux racines du chanvre ou à ses radicules. Je tàchai alors de me faire une idée nette de la germina- üon de cette singulière plante. J’examinai d’abord la graine avec une forte loupe : sa forme est un peu irrégulière, et en général ovoide : son test est assez épais et fort consistant : c’est à l'extérieur un réseau très-marqué : l'intérieur est une substance blanchâtre, homogène, un peu cornée, qui a tous les caractères de l’albumen de Gærtner; mais on n’y recon- noît rien qui ressemble à un embryon, et encore moins à des cotylédons. Lorsqu'on confie cette graine à la terre, comme les autres semences, elle y reste indolente, pendant plusieurs années, sans qu'aucun moyen connu puisse déter- miner son développement; mais lorsque, entrainée par les pluies et les arrosemens, elle arrive en contact avec les racines du chanvre, elle s’y arrête incontinent par son extrémité la plus allongée, et y enfonce ces mêmes radicules que l’on a vues 264 GERMINATION se développer dans l’eau : en même temps la substance in- térieure grossit, et se débarrasse de son réseau qui ne peut plus la contenir : ce réseau , au lieu de se rompre, se détache par la partie inférieure, et il reste quelque temps attaché comme un capuchon au sommet de la graine, jusqu'à ce qu’enfin il s’en sépare entièrement. ( Voy. fig. 3, la graine avec son capuchon, et fig. 3, &, la même grossie. ) La graine libre de toute enveloppe se présente alors sous la forme d'une sphère un peu aplatie sur les deux faces horizontales : elle ne tarde pas ensuite à jeter de tout son contour un grand nombre de radicules qui lui donnent l’ap- parence d’un tubercule hérissé. ( Voy. fig. 4, et fig. 4, a, la même grossie.) Un peu plus tard, on voit paroître sur le plateau supérieur de petites élévations tronquées qui, en grossissant, deviennent de véritables tiges d'Orobanches, chargées de leurs enveloppes et de leurs fleurs. Tels sont les différens états de développement de ces plantes parasites. (On les voit représentés fidèlement dans les fig. 5 et 6. La fig. 5, &, est le tubercule grossi et visiblement échancré. ) Ils ne ressemblent point à ceux des autres plantes parasites, telles que le Gui et la Cuscute : mais quand ony réfléchiton voit que la nature a suivi, dans cette occasion comme dans toutes les autres, la marche la plus simple, celle qu’on auroïit pu supposer quand on auroit connu d'avance la structure de la graine d'Orobanche avec son fourreau coriace et ses radicules. Gærtner le père n’a point examiné cette graine, mais son fils, dans un supplément où il la décrit avec exactitude, la re- présente avec ur petit embryon sphérique, placé un peu obliquement à l'extrémité supérieure. Je ne nie point l’exis- DES OROBANCHES. 265 tence de cet embryon que je n’ai jamais pu voir, d'autant plus qu’il ressemble tout-à-fait pour la forme et la position à celui que le célèbre Gærtner a assigné aux Lathrées ; mais je ne comprends la germination des Orobanches qu'en laissant partir immédiatement de cet embryon toutes les radicules et toutes les tiges, et en supposant que la substance qui l’en- toure de toutes parts lui sert de première nourriture. Ce mode de germination doit appartenir non-seulement à toutes les Orobanches, mais encore aux Hyobanches, aux Phélipées, etc., qui en sont aujourd'hui séparées, quoique leur organisation générale soit évidemment la même. J’y rapporterois également les Lathrées dont les graines moins menues ont aussi leur enveloppe réticulée, si Gærtner n’avoit pas représenté leur embryon comme pourvu de deux petits cotylédons. Je n’ai rien à objecter contre une observation faite par un botaniste si connu par son exactitude : je re- marque seulement que cet embryon est si petit qu'il est fort difficile à bien voir, et que ses deux cotylédons supposent une germination fort différente de celle des Orobanches ; ce qu’on ne pouvoit guère prévoir. Par rapport aux Monotropes et aux plantes de la même famille, quoiqu’elles soient aussi, à mon sens, de vraies parasites, elles n’ont pas cependant les graines réticulées. Leurs semences ont au contraire beaucoup de rapports avec celles des Orchis ou des Pyroles. Elles sont formées d'un sac ou d’une coiffe membraneuse dont le centre est occupé par un corpuscule ovoïde, qui est lui-même l'embryon, ou qui du moins le renferme, car on ne peut rien aflirmer sur _des objets aussi petits. Il est évident qu’une organisation Mérmn. du Muséum. 1. 10. 35 266 GERMINATION aussi différente suppose une autre forme de développement; mais ce développement est encore inconnu; Gærtner le fils, qui a examiné ces corpuscules avec un soin extrême, n’a ja- mais pu y découvrir d'embryon. Pour éclaircir toujours plus le mode de germination de mes Orobanches, je semai au mois d'août leurs graines nouvelles, mélées avec celles du chanvre de l’année, et deux mois plus tard (12 oct. 1822) j'eus encore la satisfaction de voir sortir des racines d’un seul pied de chanvre qui avoit levé une multitude d’Orobanches qui se sont successivement développées, et quiétoient encore en végétation à la fin de novembre, époque où le chanvre donnoit ses graines. Il est done démontré que l’Orobanche rameuse est une plante parasite qui prend naissance sur les racines du chanvre, qu’elle croit et meurt avec lui, et que la graine , inféconde lorsqu'elle est abandonnée à elle-même, se développe promptement lorsqu'elle rencontre le corps qui est destiné à la nourrir. On comprend ainsi comment il peut exister des contrées où cette parasite est un fléau pour les cultures. Comme sa graine est très-petite, et qu'elle muürit à l’époque de celle des chanvres, elle se recueille aussi en même temps, surtout dans les grandes exploitations : mais on voit qu’on peut aussi très-bien s’en débarrasser, soit en mettant quel- ques soins à la récolte du chanvre femelle, soit en faisant passer au crible sa graine avant de la semer. Il faudra peut- être encore changer la place de la chenevière , car je sup- pose avec assez de fondement, et je le confirmerai cette année , que la graine d’Orobanche peut se conserver long- temps en terre sans perdre la faculté de germer : du reste, DES OROBANCHES. 207 celte parasite n’est pas jusqu'à présent commune dans notre pays ni dans les contrées voisines , au moins je l’ai rarement aperçue. Ce n’est pas seulement sur le chanvre que se développe l’Orobanche rameuse. Guettard assure lavoir aussi observé sur la Lampourde glouteron, la Vesce cultivée, le Fragon commun, le Panicaut des champs, les Caille-lait, etc. Sut- ton (1) dit qu'en Angleterre , où elle est très-rare, on la trouve dans les champs et les pâturages. Je soupçonne que ce dernier auteur a mal connu cette espèce, et quant au premier, je crois qu'il l’a confondue dans cette occasion avec quelques autres, car il n’y a aucun rapport entre les plantes qu'il cite, et le chanvre cultivé. D'ailleurs aucun botaniste moderne n’a confirmé son observation. On rencontre encore dans notre canton deux autres es- pèces d'Orobanche, celle qui croitsur le genèt des teinturiers et celle qui est nourrie par les racines du trèfle. La première est IOrobanche majeure de la plupart des botanistes, et la seconde est l’'Orobanche bleuâtre. Toutes les deux suivent la destinée des plantes sur lesquelles elles se trouvent : la pre- mière est vivace, la seconde subsiste deux ou trois ans, selon la durée du trèfle. J’ai semé au mois d’août ces deux plantes avec les graines de leurs Orobanches, mais je n’aï pas encore aperçu ces parasites; sans doute qu'elles ne se montrent que plus tard, lorsque les racines auxquelles elles s’attachent ont pris plas de développement. Au reste, Sutton a déjà (1) Transactions Linnéennes, vol. 4. 35 * 268 GERMINATION remarqué (1) que l’'Orobanche du trèfle ne se montroit que la seconde année. Les expériences que je viens de rapporter font naître un grand nombre de questions qui intéressent également la no- menclature et la physiologie végétale. La première concerne l'organisation même des Orobanches. Ces plantes sont-elles de véritables parasites ? D’abord il n’y a aucun doute que leur graine n'ait besoin pour germer d’être en contact avec une racine déterminée ; mais lorsque ces graines ont émis un grand nombre de radicules , les Orobanches qui en sont pro- venues ne peuvent-elles pas ensuite végéter par leurs propres forces et sans aucun secours étranger ? C’est l'opinion de de Candolle qui a vu leurs radicules libres pomper des liqueurs colorées auxquelles les racines des plantes adhérentes ne donnoient jamais passage; c’est ce que pensent aussi la plu- part des botanistes qui ont fréquemment cueilli des Oro- banches sur lesquelles ils n’ont aperçu aucune trace de racine étrangère. D’autre part, je crois, par mes observa- üons et celles de plusieurs auteurs , que les Orobanches an- nuelles sont toutes fixées sur des plantes annuelles, et les vivaces sur des plantes persistantes ; je sais que toutes les fois que Jaume-Saint-Hilaire a voulu transporter dans son jardin les Orobanches du genêt à balais de la forêt de Fontainebleau, ces Orobanches ont péri, tandis que dans les mêmes circonstances les Orchis se sont conservés. Je remarque sur presque toutes les Orobanches de nos her- biers des radicules étrangères attachées à la base des bulbes, (1) Transactions Linnéennes, vol. 4. DES ORCBANGHES. 269 en sorte que j'en conclus que la question n’est pas encore suflisamment éclaircie, et qu’elle demande de nouvelles expériences qui me paroissent faciles. En supposant que les Orobanches soient parasites dans une partie au moins de leur durée, jusqu’à quel point sont-elles modifiées par la plante sur laquelle elles vivent? Cette se- conde question a déjà été résolue , au moins en partie, par Vauquelin, qui, ayant analysé séparément le genèt à balais et l’orobanche sa parasite , a trouvé qu’à l'exception de la couleur jaune qui leur étoit commune, ces végétaux n’avoient pas de principes semblables. Mais l'analyse auroit été bien plus instructive , si elle avoit été étendue à un plus grand nombre de plantes; si, par exemple, ce célèbre chimiste avoit encore analysé le chanvre et son orobanche , et qu'il eût comparé les principes de l’orobanche du chanvre à ceux de la première. Mais ce n’est pas le point de vue sous lequel nous devons envisager actuellement cette question. Ce qui nous importe surtout c’est de connoître si les Oro- banches ne sont pas modifiées lorsqu'elles croissent sur dif- férentes plantes , et si ces modifications ne sont pas assez considérables pour altérer les espèces; car dans ce cas il y auroit autant d’Orobanches différentes que de plantes nour- ricières, et l'on ne pourroit plus décrire ces plantes sans citer les végétaux sur lesquels elles croissent, ou plutôt il sufliroit de nommer le végétal pour que lorobanche fût déterminée. Sans doute que la nature aura donné une certaine cons- tance à ces parasites, et que lorsqu'elles se développeront sur des végétaux semblables, elles ne différeront qu'à un 270 GERMINATION petit nombre d'égards ; mais, si les genres sont fort diffé- rens, que deviendront les Orobanches ? Ce nouveau point de vue a déjà été entrevu par le professeur Walroth dans un ouvrage imprimé à Hale en 1822, et intitulé : ÂVofes critiques sur la Flore de Hale de Sprengel. Cet auteur, qui divise le genre des Orobanches en deux sections: les Osproleon à anthères nues, à corolle quadrifide, accom- pagnée d’une glande nectarifère, et les 7rzonychon ou Orobanches à anthères velues, avec une corolle à cinq divi- sions, privée de glandes, décrit plusieurs Orobanches qui ne paroissent nouvelles que parce qu'elles sont nées sur des plantes où jusqu'à présent on ne les avoit pas observées. Telles sont, par exemple , dans sa première section , l'Oro- banche apiculata qu'il a trouvée sur les racines du PeZar- gonium graveolens, VO. nudiflora qui habite sur celles du prunier épineux ; l'O. r7inor de Sutton qui vit sur le trèfle moyen, et qui est probablement la même que celle du trèfle des prés. Et parmi les Trionychons, il distingue l’O. major de Linnée croissant sur l’Adjon et le Spartium de l'O. comosa qui ne se rencontre que sur le genêt des teinturiers, et qui est la même que celle de notre pays. On peut juger par ces remarques d’un habile botaniste, que la science est arrivée au point quil est très-important de s'occuper de cette question. | Je soupçonne que la mème chose arrive à la Cuscute, et que les différences qu’on observe dans ses fleurs quadri- fides et quinquefides, dans ses styles réunis ou séparés, dans ses corolles plus où moins sessiles, etc., proviennent principalement des plantes sur lesquelles elle croît, et que DES OROBANCHES. 25] pour avoir des Cuscutes entièrement semblables il faudroit les cueillir sur les mêmes espèces. Je ne puis guères douter au moins que les différences qui existent entre la grande et la petite Cuscute ne proviennent de cette cause : et je vois dans Guettard (1) que la Cuscute ordinaire s’atta- chant aux feuilles et aux tiges de la vigne produit la Cuscute de la vigne qui est probablement la même que celle du houblon. Il sera donc très-important de vérifier cette con- jecture, en donnant à la même Cuscute différentes mères. Il ne seroit pas inutile d'étendre cette même expérience sur les Cuscutes étrangères qui deviennent plus nombreuses, en remarquant toutefois que le climat influe sur l'étendue du développement, puisque la Cuscute qui est quadrifide dans notre pays, est ordinairement quinquefide dans l’Europe australe. Pour en revenir aux Orobanches, je semerai d’abord leurs graines sur les racines des plantes qui leur sont propres, et je ferai ensuite des croisemens de manière que le chanvre recoive celle du genèt et du trèfle, et ainsi des autres. Si ces trois Orobanches conservent tous leurs caractères sur la même plante, sans qu’on puisse y remarquer aucune modi- fication, le nombre des Orobanches.est défini , et il devient presque inutile , en les décrivant, de citer la plante sur laquelle elles croissent. S'il en est autrement, ce qui me paroit plus probable, on verra en quoi consistent les différences, et l’on pourra assigner des caractères plus sûrs aux espèces de ce genre. Je présume déjà que je ne rencontrerai qu’un (1) Mémoires de l’Académie des Sciences, pour 1744. 252 GERMINATION petit nombre de véritables espèces modifiées plus ou moins par le végétal qui les nourrit, car les Orobanches ont entre elles de si grands rapports qu’elles paroissent presque toutes des variétés de la même espèce. Quoi qu'il en soit, on parviendra, j'espère, par ces expé- riences et d’autres semblables, à tirer ce genre de la con- fusion où il est encore plongé. Le Dictionnaire de La Marck en décrit déjà vingt-six espèces qui ne diffèrent presque que par des caractères peu importans. Chaque botaniste voyageur y ajoute celles qu’il a découvertes, et les herbiers se char- gent chaque jour d’espèces non décrites. Que deviendroit ce genre, si l’on ne se hâtoit de l’étudier philosophique- ment, et d'y découvrir des caractères plus essentiels et plus sürs ? En attendant, on fera bien de ne décrire aucune espèce sans y ajouter le nom de la plante sur laquelle elle croit, et de noter si les Orobanches ont d’autant moins de rapports qu’elles doivent leur origine à des végétaux plus différens ; et comme les Monotropes, les Hyobanches, les Lathrées, les Cytinets, les Obolaires, l'Æginete ’Hypolepis , etc., ont une organisation peu différente de celle des Orobanches, il conviendroit de les embrasser dans les mêmes recherches. On trouveroit sans doute dans l'étude approfondie de ces sin- guliers végétaux des particularités propres à les réunir en familles. Je crois enfin qu'il existe dans d’autres groupes naturels, principalement dans celui des Orchidées, de vraies para- sites d’une nature assez semblable à celle des Orobanches. Cette remarque s'applique non-seulement aux Cyrnbidium, Zom..10. | PL'a0. / OROBANCHE f RAMEUSE. DES OROBANCHES. 273 aux Oncidium, et à ces genres nombreux qu'Humboldt =: Bonpland ont rapportés de leur savant voyage ; mais elle est encore vraie de plusieurs espèces de Limnodorum, et j'ai quelque raison de croire que notre Zzmodorum abortivum , ainsi que l’Æpipogium prennent naissance sur des racines étrangères, de même que les Ophris corallorhiza et nidus aps. Je termine ce mémoire, en remarquant combien le champ de l'observation s'étend à mesure qu’on le cultive, et com- bien il reste de choses à examiner dans celles des produc- tions de la nature qui nous sont les plus familières. EXPLICATION DE LA PLANCHE. Fic. eo . Graine d’Orobanche grossie et commençant à germer. Fic. 2. La même, poussant des racines dans l’eau. Fic. 3. Graine d’Orobanche se dépouillant de son enveloppe. — Fi. 3 , a. La même grossie. Fic. 4. La même poussant des racines. — Fc. {, a. La même grossie, Fic. 5. Orobanche commençant à se développer. — Fic. 5, a. La même grossie. F1G. 6. Orobanche plus développée. Fic. 7. Orobanche rameuse, toute développée sur les racines du chanvre. -Fic. 8. Tige de chanvre avec ses raciness Mém. du Muséum. à. ro. 36 274 DESCRIPTION Des principales Espèces nouvelles de la Flore du Brésil citées dans le premier mémoire sur le Gynobase. PAR M. AUGUSTE DE SAINT-HILAIRE. 1. GOMPHIA OLEÆFOLIA. Tab. I. ons oblongo-lanceolatis, obtusiusculis, integerrimis, margine revolutis, pubescentibus; floribus paniculatis; petalis calice pauld longioribus. : (1) FRUTEX sesqui-quadripedalis, erectus ; ramis pubescentibus; cortice cinereo. FoLrA circiter 2 pol. longa, brevissimè petiolata, coriacea, oblongo-lanceolata , obtusiuscula ; margine revoluta, suprà canaliculata, pubescentia, nervo medio utrinque proeminente : pe- tioli circiter 2 1. longi, incrassati, subcomplanati, rugosi, pubescen- tes. STIPULÆ subulatæ, caducæ, pubescentes. PANICULA terminalis, pubescens. GALYx 5-phyllus, pubescens, ex viridi-luteus, foliolis ova- to-lanceolatis, obtusiusculis, substriatis. PETALA 5, ovata, obtusa, basi (1) Lorsqu'on ne fait précéder les descriptions d’especes, ni de celle du genre, ni de celle de la famille, il est nécessaire d’exprimer tous les caractères sans excep- tion ; mais je crois que l’on peut omettre les caracteres génériques dans les des- criptions spécifiques , lorsqu'on a commencé par détailler ces caractères à part. C’est à peu près la marche que j'ai suivie ici. EsrÈcEs NOUVELLES DE LA Frone pu Prés. 255 ir unguem atfenuata, glabra, lufea. ANTHERZÆ 10, rarissimè 5 , subses- siles, lineari-subulatæ, 4-gonæ, transversim rugosæ , glabræ, 2 loc., apice 2-porosæ : filamenta brevissima, persistentia. GyNogasrs colum- næformis, 5-gona, glabra. STyLus glaber, subulatus, sammæ gyno- basi insidens, coccis interpositus. STIGMA terminale, vix manifestum. OvaRIUM 5-coccum; coccis distinctis, circà stylum ibidem insitis, ovatis, glabris, 1 loc., 1-spermis. Var. B. monstrosa , corymbis terminalibus , bracteatis ; bracteis imbricatis, ovatis, acutis, strictis, pubescentibus, in axillis gemmam florulamve foventibus; ovario profundè diviso, nec 5-cocco; lobis axi centrali erecto nec gynobasi afixis. Frequens in dumetis vulgô carascos , passim propè pagum S. Joao, in parte boreali provinciæ Minas-Geraes quæ dicitur Minas-Novas. Floret Maio. Oss. I. On attribue généralement aux Gomphia un calice 5-partite : dans toutes les espèces que j'ai examinées sur le frais, je l’ai trouvé divisé en 5 folioles parfaitement distinctes. Oss. II. Comme M. Kunth l’a tres-bien fait observer, il n’existe dans les Gom- phia aucun nectaire. Les 10 tubercules que l’on pourrait prendre pour tels, après la chute de la corolle, ne sont autre chose que les filets tres-courts et persistans. Os. III. Îl.est assez évident que l’on ne pourrait, sans confusion, appeler des lobes les divisions de l’ovaire gynobasique. Je me sers du nom de coques, quoique je sache tres-bien qu'il n’a été communément appliqué qu’à des fruits mürs ou à des portions de fruits mürs; mais comme M. Kunth l’a également consacré pour les portions de l'ovaire gynobasique, j'aime mieux suivre son exemple qu’imaginer une expression nouvelle. Oss. IV. On a pu voir dans mon mémoire qu’il n’y a de réellement gynoba- sique que le sommet de la colonne qui porte le pistil du Gomphia. Pour être ri- goureusement exact, il aurait donc fallu désigner cette colonne par le nom de gynophore gynobasique. Mais ayant fait connaître son organisation avec détail, j'ai cru pouvoir éviter ces expressions barbares et me servir simplement du mot gynobasis qui, modifié surtout par l’épithète columnæformis, indique clairement l'existence du gynophore et du gynobase. DO 276 EsPÈcEs NOUVELLES SIMABA. Kunth. ( Carac. ref.) Simaba et Aruba. Aub. Jus. — Zwingera. Schreb. (1) FLores hermaphroditi. CALYx parvus, cupulæformis, 5-partitus vel 5-fidus aut 5-dentatus. PETALA 5 hypogyna, gynophoro circum- posita , basi lata , calice multoties longiora. STAMINA 10, ibidem in- serta, 5 petalis opposita : filamenta subulata glabraque in squamam villosam intüs dilatata : antheræ 2-loculares, basi 2-fidæ , longitror- sum dehiscentes. STyLi 5, in unum mox coaliti. STIGMATA 5, brevia, completa. OvArIA 5, summo gynophoro insidentia columnæformi, distinctissima, approximata, dorso convexa, lateribus plana, 1-locu- laria, 1-sperma : ovulum paulà infrà stylum angulo interno suspen- sum. CAPsuLæ seu coccæ 5 (ex Kunth}). Pars quinta quandoque supprimitur ex Aub. et Kunth, vel sexta additur ex Aubletio. ARBORES seu frutices, cortice amaro. FoLrA exstipulata, alterna, cum impari vel rarius abruptè pinnata, quandoque ternata, vel ra- rissimè simplicia; foliolis integerrimis, sæpius coriaceis. RACHIS et PerioLus apteri. FLORES terminales, racemosi vel paniculati, raris- simè axillares subcorymbosi, albidi vel virescentes; pedicellis brac- teolatis. Ors. Le Simaba est tres-voisin du Simarouba, et n’en differe absolument que par ses fleurs constamment hermaphrodites , son port et les folioles de ses feuilles qui sont opposées. Les auteurs ont voulu distinguer ces genres en disant que les étamines du Simaba n’avaient point d’écailles comme celles du Smarouba; mais déjà la description d’Aublet fait soupçonner la présence de l’écaille dans le Simaba Guyanensis, type du genre, et ce même écrivain décrit et figure l’écaille dans son Aruba, qui n’est autre chose que ce même Simaba; Kunth l'indique dans le Simaba Orinocensis, et enfin je la retrouve dans les { espèces dont je donne la des- cription. (1) Je cite ici le synonyme de Schreber pour me conformer à l'usage ; mais je crois qu’il seroit mieux de regarder comme non avenues ces substitutions de noms qui n’ont aucune observation pour fondement, et qui, purement arbitraires , ne peu- vent que nuire à la science. La L4 DE LA FcorEe Du BRÉSIL. 2 | +3 2. SIMABA FLORIBUNDA. (E) S. frutescens ; foliis cum impari-pinnatis ; foliolis lanceolato-ellip- ticis, oblongis, obtusiusculis, glabris; paniculâ magnâ, compositä. FRUTEX 10-pedalis; caule gracili. FoztA petiolata, cum petiolo 12-18 pol. longa; folioia 2-5 pol. longa, opposita vel subopposita, subdistan- tia , lanceolato-elliptica, oblonga, obtusiuscula, margine subrevoluta, basi attenuata, coriacea , lucida , subavenia ; nervo medio subtus proe- minente. PANICULA terminalis, magna, pubescens; ramis patentibus, bracteolà spathulatâ basi stipatis. FLORES in apice ramulorum glome- rati, subsessiles, bracteolati. CALYX parvus, cupulæformis, 5-fidus, pubescens. PE&TALA 5, ovata, villosa, viridia. STAMINA 10 : antheræ rotundo-ellipticæ, glabræ : filamenta subulata, glabra, in squamam di- latata multo latiorem , linearem, truncatam, villosissimam. OvarrA 5 distinctissima , villosissima, conico-5-gona, dorso convexa, lateribus planiuscula , gynophoro insidentia 2 1. alto, conico, apice truncato, pilis rufescentibus numerosissimis obtecto, succo aurantiaco tur- gido. STyL1 5 in unum mox coaliti minimum, glabrum. STIGMATA 5. Cortex foliaque sapore valdè amaro. Flores odore mellis. Tempore sicco, decidunt folia quotannis, floribusque se induit arbuscula, nova antequam folia proferat. Nascitur in locis siccis propè urbem 7z/la-do-Fanado in Minas- novas. Floret Junio. 5. SIMABA FERRUGINEÀ. S. frutescens; foliis cum impari-pinnatis ; foliolis ellipticis, pubes- centibus, subtus nervosis; panicula terminali, compositä, subsessili, folio breviore. CAULESs plures, :-2 pedales, ascendentes ( an semper ? ); cortice valdè amaro; ramulis ferrugineis, pubescentibus. FoLIA cum impari- pinnata, 2-5-juga, petiolata, cum petiolo pubescente subtusque (1) La figure de cette plante et celle du Galipea heterophylla paroîtront dans l’ou- vrage intitulé Histoire des Plantes les plus remarquables du Brésil et du Paraguay 298 ESPÈCES NOUVELLES præcipuë ferrugineo 5-7 pol. longa : foliola opposita, elliptica, obtu- sissima, quandoque subretusa, margine subrevoluta, pubescentia ; subtus nervosa; nervo intermedio ferrugineo. PANICULA terminalis, composita, subsessilis, folio brevior, pubescens; rachi ramisque angu- latis, dilutè ferrugineis, versus apicem pallidioribus. FLORES in apice ramulorum paniculæ conferti, breviter pedicellati ; pedicellis bracteo- latis. CALYX parvus, 5-partitus, tomentosus, rufescens ; laciniis ovatis, obtusis. PETALA 5 linearia, obtusiuscula, tomentosa, viridia. STAMINA 10 : antheræ ellipticæ, glabræ , rubræ : filamenta subulata, glabra, in squamam dilatata linearem, truncatam, lanatam. STyLI 5, in unum glabrum, subulatum mox coaliti. STIGMATA 5, minutissima, vix mani- festa.OVARIAS, ovato-3-gona, lanata, gynophoro insidentia cylindrico, 10-costato , hirsuto, coccineo. Flores reddunt mellis odorem. Inveni in campis intersitis arboribus retortis, vulgoque dictis Te- buleiros cobertos, in deserto occidentali (Certao) provinciæ Minas- geraes propè prædium Macauba. Florebat Septembre. 4. SIMABA SUAVEOLENS. Tab. II, A. S. foliis abruptè pinnatis, superioribus ternatis aut simplicibus ; foliolis ellipticis vel subrotundo-ellipticis , glabris; floribus termina- libus, racemosis; racemis compositis. RAMuLI cinerei, 4-goni, pubescentes. FoLrA abruptè pinnafa; supe- riora ternata vel simplicia; foliolis oppositis vel suboppositis, breviter petiolatis, 1 :-5 pol. longis, ellipticis vel subrotundo-ellipticis, obtu- sissimis, margine revolutis, coriaceis, glabris. RACEMI compositi, terminales, breviter pedunculati , circiter 5 pol. longi, laxiusculi, pu- bescentes; pedicellis bracteolatis. CALYX parvus, pubescens; laciniis ovatis, obtusis. PETALA 5, hypogyna, patentia, lineari-lanceolata, basi lata, obtusa, pubescentia, punctis glandulosis conspersa, alba. Sra- MINA 10, interdüm 8 : antheræ ellipticæ : filamenta glabra, subulata, squamâ membranaceâ instructa, sublineari, apice emarginat, vil- losä ; pilis invicem intertextis, et indè stamina sub-r-adelpha. Sryzr 5, DE LA FcorEe pu Brésir. 279 in unum mox coaliti, basi pubescentem.STIGMATA 5, parva,cylindrica, obtusa, completa. OVARIA 5, gynophoro columnæformi, sulcato, crasso, apice submarginante, villoso, aurantiaco insidentia, basi forsan angulo interiore subcoalita, villosa : ovulum ovatum. Flores suavissimum mellis reddunt odorem. Nascitur in sylvis primævis montis dicti Piriquito prope Itabira- de-mato-dentro. Floret Martio. 5. SIMABA TRICHILIOIDES. Tab. II, B. Frutescens; foliis cum impari vel abruptè pinnatis; foliolis ellip- ticis, obtusissimis, apice mucronulatis, nervosis, suprà pubescentibus, subtus subtomentosis; panicula subsimplici, folio multo majore. FRUTEx caule sæpiüs simplici; facie Trichiliæ. FoLrA petiolata, cum impari vel abruptè pinnata, 3 vel sæpius 4-juga , cum petiolo pu- bescente 12-15 pol. longa : foliola opposita vel subopposita, circiter 5 pol. longa, elliptica, obtusissima , basi attenuata, coriacea, mar- gine revolufa, nervosa, suprà pubescentia, subtus subtomentosa, mucronulata ; mucrone crasso, obtuso. PANICULA subsimplex, 2-pe- dalis et ultrà, fomentosa, rufa; ramis distantibus, ascendentibus, infernè nudis, bracteâ parvâ, concavä stipatis. FLORES glomerati, breviter pedunculati, circiter 12-15 1. longi. CAL yx cupulæformis, 5-dentatus, tomentosus, rufus. PETALA 5, hypogyna, linearia, obtusa, basi lata, sericeo-villosa, virescentia. STAMINA 10, in tubum longum approximafa : antheræ lineares, glabræ : filamenta apice glabra, te- retiaque in squamam dilatata linearem, angustatam, truncatam, vil- losam. STYLI 9 , in unum mox coaliti subulatum, basi tomentosum. Ovaria 5, villosissima, gynophoro insidentia longiore , villosissimo. Tnveni in campis occidentalibus provinciæ Minas-geraes ad præ- dium vulgo dictum Guardamor propè urbem Paracatu. Florebat Maio, GALIPEA. (Carac. ref.) Galipea et Raputia Aub. Juss. — Cusparia Humb. — Galipea et 580 EsPÈèces NOUVELLES Bonplandia Wild. Rich. — Galipea et Angostura Ræœm. et Schult. — Conchocarpus Mikan. — Galipea , Cusparia ét Raputia Dec. — Obentonia Vellozo FI. Flum. Mss. Cazyx brevis, cupulæformis seu turbinato-campanulatus, 5-den- tatus seu 5-fidus, sæpiüs 5-gonus. PETALA 5, rarissimè 4, hypogyna, linearia, subinæqualia, apice patentia, villosa seu pubescentia, in- feriùs coalita seu adglutinata vel rarius conniventia in tubum sæpiüs 5-gonum, corollamque monopetalam campanulatam referentia. STAMINA sæpiüs 5, rard 6, 7, 8 s. 4, petalis plus minüsve adhærentia vel adglutinata, quandoque omnia fertilia , sæpiüs 2-4 castrata : fila- menta sæpius complanata barbataque : antheræ lineares, 2-loculares, oblongæ , longitrorsum internè dehiscentes. NECTARIUM capulæ- forme, gläbrum, ovaria cingens. OVARIA 5, rarissimè 4, 3-gona, sæpè gynophoro brevissimo interposito basi hinc affixa, omnind libera vel angulo centrali plùs minüsve cohærentia, 1-locularia, 2-sperma : ovulum superius ascendens, inferiüs suspensum, utrum- que angulo interno affixum. STYLI 5, rard plané distincti aut omnino coaliti, sæpius basi liberi, moxque in unum coaliti. STIGMATA 5, completa vel rarius 1 5-partitum. Cocca ï-2, cæteris abortivis, an- gulo centrali 2-valvi; endocarpio crustaceo, separabili, itemque 2-yalvi. SEMEN abortione unicum. Integumentum coriaceum ; umbili- cus marginalis. Perispermum nullum. EmBRYo curvatus : cotyledones magnæ, corrugatæ, infrà collum 2-auriculatæ, unâ exteriore alte- rum involvente valdè corrugatum ; radiculæ auriculis longitudine : radicula brevis, teres, obtusa , in cotyledonem interiorem medium in- curva, cum eâdem involuta, umbilicumque attingens. ( Fructum in G. heterophyllâ et G. Fontanesianâ, semen in G. Fontanesianâ observavi. ) FRruTICES vel rariüs arbores. FoLraA exstipulata, alterna, punctato- pellucida, rarissimé punctis glandulosis exterioribus conspersa, ter- nata, rarius quaternafa seu quinata, sæpè simplicia, petiolo tunc ‘infra apicem incrassato-geniculato. FLORES axillares vel extrà axil- DE LA Fcore pu BRÉSII. 281 lares rariusve terminales, sæpius racemosi, rarissimè corymbosi vel paniculati, PRÆFLORATIO quincuncialis (Dec. ). 6. GALIPEA HETEROPHYLLA. G. foliis fernatis quinatisve seu quaternatis, longè petiolatis; fo- liolis lanceolatis , nervo medio subpubescente ; racemis suprà axilla- ribus, longè pedunculatis ; staminibus 2 sterilibus. FRUTEx 4-5 pedalis; caule erecto, crassitudine digiti, sæpius sim- plici, apice pilis rufis obtecto. FozrA ad caulis apicem approximata, | longè petiolata, ternata, quaternatave seu quinata : petiolus communis 6-14 pol. longus, subtus convexus, suprà canaliculatus, pubescens : foliola petiolata, inæqualia , lanceolato-elliptica, integerrima, 3-8 pol. longa, apice acuta, basi acuminata; nervo intermedio subpubes- cente; venis lateralibus parallelis, rufo-tomentosis. RACEMI suprà- axillares, pedunculati, compositi ex ramulis brevibus, villosis, 5-9 floris : pedunculus 10 pol. longus, 3-angularis , pubescens, hinc sub- canaliculatus. FLORES in ramulis congesti, breviter pedicellati: pedi- cellus 5-angularis, villosus, apice incrassatus, vix bracteolatus. CALYx cupulæformis, profundè 5-dentatus, 5-gonus, villosus, albus; dentibus sphacelatis. PETALA 5, vix coalita, inæqualia, linearia, vix spatulala, obtusa. STAMINA 5 : sterilia 2; filamentis longis, subulatis, infrà api- cem barbatis : fertilia 3 ; filamentis latioribus, inæqualibus, compla- natis, linearibus, apice barbato truncatis, infrà barbulam concavis; antheris linearibus, ellipticis, pubescentibus. NECTARIUM 5-sonum. Ovaria 5, villosissima, apice coalita. STryLus unicus, longiusculus, gracilis, glaber , rarius brevis, STIGMA 5-dentatum. CoecA abortione 1-2, subrotunda, compressiuscula , villosa, hinc 2-valvia. Inveni in sylvis primævis provinciæ Rio-de-Janeiro prope pagum S. Joao-da-barra. Florebat Augusto, 7. GALIPEA PENTAGYNA. Tab. IV, A. G. foliis simplicibus, longis, lanceolatis, acutissimis, glaberrimis; Mém. du Muséum. 10. 37 282 EsPÈècEs NOUVELLES racemis in apice ramulorum axillaribus vel subexträaxillaribus, compositis; pedunculis complanatis; staminibus 3 sterilibus; stylis distinctissimis. CaAuULIS 4-5 pedalis, crassitudine digiti, simplex seu vix racemosus. ForA superiora simplicia, 5-15 pol. longa, lanceolata, acutissima, in petiolum atfenuata, integerrima, coriacea, glaberrima, obscurè viridia; nervo medio subtus valdè proeminente; nervulis paralle- lis. RACEMI in apice ramulorum axillares, vel subexträaxillares, simulque paniculam terminalem sæpe subsimulantes, 4-8 pol. longi, erecio-ascendentes, pedunculati, compositi ex ramulis sub- brevibus, distantibus, divisis, plurifloris, patentissimis, medio brac-- teatis : pedunculus rachisque complanati, striati, glabri : bractea li- uearis, subulata. FLORES pedicellati; pedicello basi bracteolato. CALYx brevis, campanulatus, 5-dentatus, crassiusculus, punctato- pellucidus, albus; dentibus distantibus, vix pubescentibus. PETALA 5, subinæqualia ; lineari-spatulata , acutiuscula, pubescentia, alba, superné revoluta , in tubum 5-gonum usque ad medium coalita. Fr- LAMENTA complanafa, concava, barbata, inæqualia : 3-sterilia in api- cem subulatum pubesceniem desinentia : fertilia 2 latiora, truncata; antherâ pubescente. NECTARIUM crenulatum, ovario pauld breviüs. STYLI 5, distinctissimi, breves, subulati, recurvi, pubescentes. SrIc- MATA 5, linearia, ad faciem stylorum. OvARIA 5, gynophoro brevis- simo, conico, interposito basi hinc affixa, summo apice cohærentia, villosissima, dorso convexa, lateribus plana. Folia odore citri. Inveni in sylvis.primævis provinciæ Rio-de-Janeiro prope villam Macahè. Korebat Augusto. 8. GALIPEA MACROPHYLLA. Conchocarpus macrophyllus. Mik. Delect. Bras, 1+ fab. rr. G. foliis simplicibus, longis, lineari-ellipticis; racemis extraaxil- laribus, multoties interruptis; staminibus 5-6 sterilibus. DE LA FLore pu Brésitr. 283 Cauzis frutescens, ad summum 6-pedalis, simplex, crassitudine digiti. FoLrA in apice caulis conferta, alterna, petiolata, ferè 1 ped. longa, 2-5 pol. lata, lineari-elliptica, utrinque attenuata, obtusiuscula, punctis glaudulosis nigrescentibus fulvisve exterioribus conspersa, nec pellucido-punctata, subcoriacea, glabra; nervo medio subtus valdè proeminente : petiolus teres, 5-6 pol. longus, apice incrassato- geniculatus, glaber, atropurpureus, crassitudine corvi pennæ. Ra- CEMI exfräaxillares, pedunculati, cum pedunculo 1-2-pedales et ampliüs : pedunculus teres, glaber, atropurpureus: rachis compressa, glabra ; atropurpurea. FLORES in ramulis valdè abbreviatis glomerati, bracteis intermixti, pedicellati; glomeruli inferiores valdè distan- tes, omnes bracteis 3 stipati; intermediâ multo majore, 5-10 I. longä, lineari, glabrâ , utrinque attenuatâ, acutâ , punctis glandulosis nigrescentibus ferrugineisque conspersâ. CALYx turbinato-campanu- latus, sub 5-gonus, inæqualiter 5-dentatus; dentibus minimis dis- tantibus; obtectus farinà nigrescente seu ferruginea. PETALA 5, hypogyna, inæqualia, lineari-lanceolata, basi lata, in tnbum lon- giusculum infernè coalita, apice obliquè patula, corollam 2-labiatam ferè mentientia, pubescentia, punctis fulvis conspersa, subcarnea: STAMINA 7-8, petalis inferné adhærentia, submonadelpha : sterilia 9-6, exsera ; filamentis mæqualibus, basi glabrâ complanatis, apice su- bulatis: fertilia 2, inclusa, sterilibus opposita ; filamentis complanatis , latis, glabris ; antheris lineari - oblongis , acuminatis, pubescenti- bus. NECTARIUM subhemisphæricum, crenulatum, ovariis applica- tum. STYLI 5, mox in unum coaliti brevem, 9-costatum, glabrum. SriGma oblongum, completum. OvaRrA 5, plane libera, gynophoro brevissimo insidentia, apice obtusa , dorso convexa, lateribus plana, farinosa. Fructum nor vidi. Crescit in sylvis primævis provinciæ Rio-de-Janeiro, præsertim prope prædium Uba. Floret Septembre-Noyembre. Os. Je n'ai point vu le fruit ; mais quoique la description de M. le professeur 37 284 ESPÈCES NOUVELLES Mikan differe de la mienne par l'expression , il est clair qu’il a retrouvé ici, à quel- ques nuances pres, les caractères que je décris dans le Galipea F'ontanesiana. 9. GALIPEA PENTANDRA. Tab. IIL. G.. foliis simplicibus, lanceolatis , acuminatis, oblusis, basi acutis, glabris; racemis axillaribus, simplicibus , paucifloris ; pedicellis 3-bracteatis ; staminibus 5 *ertilibus. FRUTEX 4-5-pedalis, à basi racemosus. FoLrA alterna , petiolata, simplicia, 3-4 pol. longa, lanceolata, plus minüsve acuminata, ob- tusa, basi acuta, integerrima, glabra : petiolus 8-14 1. longus, suprà canaliculatus, pauld infrà apicem subgeniculato-incrassatus. RACEMI axillares, simplices , breves, pauciflori, pedunculati; pedunculo ra- chique pubescente. FLORES pedicellati : pedicellus pubescens, bas sti- patus bracteis 5 lineari-subulalis, pubescentibus , pedicello longiori- bus; intermedià longiore, rarius foliaceä. CALyx cupulæformis, profandè 5-fidus, 5-gonus, pilis rufis obtectus; divisuris, ovato- lanceolatis. PETALA 5, inferiüs subcoalita, subinæqualia , lineari-lan- ceolata, basi latiuseula, ultrà medium recurva, crassa, villosa, vix punctato-pellucida , alba. STAMINA 5, fertilia , petalis subadhærentia : filamenta linearia, sub 3-gona, dorso villosa, anterius.plana barba- taque : antheræ pubescentes, post anthesin recurvæ. STYLI 5, mox in unum coaliti brevem, crassiusculum, villosum. STIGMATA 5, com- pleta , terminalia, subconica. NECTARIUM 5-gonum, dimidiis ovariis æquale. OvariA 5, villosa, dorso convexa, lateribus plana , distincta. Inveni in sylvis ad fluvium Æio-pardo in provinciâ S. Paul. Florebat Octobre. 10. GALIPEA FONTANESIANA. Tab. IV, B. G. foliis simplicibus , oblongo-lanceolatis, apice acutiusculis, basi acutissimis, glaberrimis ; racemis terminalibus vel subexträaxilla- ribus, basi vix ramosis; staminibus 3 sterilibus ; nectario 5-dentato. FruTex 1-2 pedalis; caule simplici seu vix ramoso, crassitudine DE LA FLrore pu BRrésir. 285 digili. FoLrA petiolata, oblongo-lanceolata, apice acutiuscula, basi acutissima , 5-6 pol. longa, 15-24 1. lata , integerrima , glaberrima , intervallis sæpè approximata : petiolus 1-2‘pol. longus, infrà apicem incrassato-geniculatus. RACEMI terminales vel subexträaxillares , basi vix ramosi , breviter pedunculati; rachi subtrigonâ. FLORES parvi, in racemis glomerati, pedicellati : pedicelli glabriusculi, basi bracteo- lati. CaLyx parvus, cupulæformis, profundè 5-fidus, crassiuseulus , vix pubescens, nigricans ; divisuris subinæqualibus. PETALA 5, linea- ria, pubescentia, in tubum brevem 5-gonum usque ad medium coa- lita. STAMINA 5, petalis adhærentia : filamenta 5 sterilia, complanata, subulata, pubescentia : fertilia 2 breviora ; antheris albis. Nec- TARIUM dimidis ovariis æquale, 5-dentatum. STYLtI 5 , breves, vil- losi, subcoaliti. STic. 5, oblonga, subobliqua. OvAR1A 5, villosa, dorso convexa, lateribus plana, gynophoro brevi, conico, interposito basi obliquè aflixa, angulo centrali vix cohærentia. CogcaA 1-2, cæ- teris abortivis, obovato-rotunda , obtusissima , compressiuscula , transversè arcuatimque striata, glabra. SEMEN oblongo-reniforme compressum, obtusum, glabrum. UmBiricus marginalis, medio se- minis diametro majori circiter respondens. COTYLEDONES integræ. Gratissimo animo in honorem dixi celeberrimi Fontanesii non minüs candore quam summà eruditione venerabilis. Inveni in sylvis primævis propè /raruama in provincià Rio-de- Janeiro Florebat Augusto. 11. GALIPEA CANDOLIANA. Tab. IV, C. G. foliis simplicibus, lanceolatis, acuminatis, glaberrimis ; racemis subexträaxillaribus, simplicibus, brevissimis; floribus confertis ; staminibus 3 sterilibus; nectario integro. FRUTEX 4-5-pedalis, ramosus; cortice cinereo. FoLrA petiolata; lanceolata, acuminata, integerrima, glaberrima, circiter 5 pol. longa : petiolhi r pol. longi, infrà apicem incrassato -geniculati; juniores puberuli. RAcEMI subexträaxillares, subsessiles , simplices, bre- 286 ESPÈCES NOUVELLES vissimn ; rachi puberulâ. FLores conferti, breviter pedicellati : pedi- cellus pubescens, basi bracteolatus. CALyx brevis, cupulæformis, 5-gonus, profundè 5-dentatus, pubescens ; dentibus subinæqualibus. PETaLA 5, subinæqualia, lineari-lanceolata, villosa , inferiüs in tubum conniventia, nec coalita vel adglutinata. STAM. 5, infrà antheram petalis adglutinata : sterilia 3 ; filamentis complanatis, subulatis, dorso villosis, a basi usque ad mediam faciem glabris, dein barbatis, apice pubescentibus : fertilia 2; filamentis latioribus complanatis, subcana- liculalis, dorso villosis, ad summam faciem subbarbatis; antheris ob- tusis, subpubescentibus. NECTARIUM 5-gonum, integrum, tertiam ovariorum partem attingens. STYLI 5, mox in unum coaliti brevem, villosum. STIGMATA 5, completa, conica. OvartA 5, distincta, villosa. à In honorem dixi celeberrimi Candolii qui primus de Galipeis cæ- terisque Cuspariis particulatüim dissertavit. Inveni in sylvis primævis provinciæ Æio-de-Janeiro propè præ- dium Uba ad flumen Parahyba. Florebat Novembre. Os. I. Comme les plantes que je viens de décrire sous le nom de Galipea se ressemblent par les caractères les plus importans, notamment par la forme de la fleur, et que leurs différences se nuancent par des dégradations insensibles, il est bien évident qu’elles ne doivent point être séparées. La seule comparaison de mes figures.et de celle du Cusparé dans les ouvrages de MM. Hum- boldt et Richard pere sufliroit pour prouver que mes plantes appartiennent au même genre que le Cusparé:je ne leur donne cependant pas le nom de Cusparia, mais celui de Galipea, parce que ce dernier est plus ancien, et que le Galipea d’Aublet n’est encore que le même genre. Malgré ma conviction intime, j’avois quelque peine, je l'avoue, à former ces réunions, parce qu'il en coûtera toujours au botaniste sincèrement ami de la science d'introduire des changemens dans la nomenclature ; mais j’ai successivement soumis mes plantes à MM. de Jussieu , Desfontaines, Kunth et A. Richard ; ils les ont comparées avec les figures d’Aublet, de Humboldt et de Richard pere, et tous m'ont engage à ne point séparer des es- pèces qui se nu ancent aussibien. M. de Candole a déjà réuni au Galipea une espèce qui se rapproche bien plus du Cusparia que du Galipea, et l'hésitation que cet illustre botaniste dit avoir éprouvée , quand il a fallu déterminer sa plante, est encore une DE LA Frore pu BRrÉSsItr. 287 preuve de l'identité que j’annonce. Quoique son Galipea Ossana semble avoir dans la réalité plus de rapport avec le Cusparia qu'avec la plante d’Aublet , il s’est dé- cidé pour le nom de cet auteur, sans doute pour suivre la loi de l’antériorité; et il aurait consommé la réunion que j'indique , s’il eût connu mes plantes. Au reste, pour justifier l'opinion des:savans que j'ai cités plushantetla mienne propre, je vais comparer partie par partie les plantes dont: il:est question. — Inrrorrscexce. Elle est absolument la même dans le Cusparé et mon Galipea heterophylla , et ensuite les grapes deviennent simples dans mes G. Fontanesiana, Candoliana , 5-andra. Le Galipea trifoliata d’Aublet présente, il est vrai, des fleurs en corymbe; mais cette inflorescence ne différe pas moins de celle de l'espèce dont M. de Candolle a fait un Galipea, puisque cette dernière a des fleurs en panicule. — ForME DES FLEURS. Nulle différence entre mes planteset celle de M. de Humboldt. La fleur développée du Galipea trifoliata figuré par Aublet:s’en rapproche un-peu moins ; mais les boutons sont semblables à ceux de mes plantes, surtout de mon G. penta- gyna, et sont également anguleux; enfin l’espèce que M. de Gandole rapporte au Galipea a une fleur absolument semblable à celle des espèces brasiliennes et du Cusparé , comme le montre la figure qu’en a donnée le même auteur. — CaLice. M. Bonpland attribue au Cusparé un calice campanulé ; Aublet , un calice tubuleux au Galipea, et les espèces du-Brésil présentent diverses nuances. entre le calice cupuliforme et le calice campanulé; mais la figure d’Aublet sufhit pour montrer: que l’expression dont ils’est servi n’est pas exacte, et, tout en laissant subsister cette expression dans les caractères du genre Galipea, M. de Candolle rapporte pourtant à ce dernier une espèce qui a un calice court, 5-partite et cupuliforme. Un caractère commun à mes plantes‘et à celle d’Aublet, c’est que le calice est B-gone, et j'ai reconnu un calice également à:5 angles dans-le Cusparé : M. de Candolle ne parle pas de ce caractère dans‘sa description du G. Ossana, et il peut effectivement ne pas y exister, parce que les divisions s’y étendent jusqu’au pé- doncule.— Cororre. Les pétales sont linéaires et pubescens dans mes plantes , le Cusparé et le G. Ossana; il est évident qu'ils sont aussi linéaires dans le G. trifo= Liata, mais Aublet ne dit rien de leur surface. Ils sont un peu inégaux dans mes plantes et le Cusparé; Aublet et de Candolle ne parlent point.de ce caractère, mais ils ne disent pas non plus qu’il g'existe pas: Dans toutes les espèces dont il s’agit, les pétales se réunissent à leur base en un tube court; ce tube est 5-gone dans le Cusparé; il l'est d'autant plus sensiblement chez mes plantes, que les angles du calice sont plus prononcés; il doit être 5-gone chez le G. trifoliata d’Aublet, puisque le calice y est à 5 angles; malgré son tube arrondi, M: de Candolle fait aussi de sa plante un Galipea, et il n’est pas étonnant que ce tube ne soit pas 288 ESPÈCES NOUVELLES anguleux, puisque les divisions du calice, s’étendant jusqu’au pédoncule , n’exer- cent aucune pression sur ce même tube. Les pétales sont si bien soudés dans le Cusparé qu'on ne voit, dit-on, aucune soudure dans le tube de sa corolle, et il paroît qu’il en est de même dans le Galipea trifoliata. Déjà on peut séparer les pétales du G. Ossana sans aucun déchirement ; le degré d’adhérence varie dans mes espèces; il est peu sensible dans mon G. pentandra , et enfin les pétales de mon G. Candoliana ne sont que rapprochés. — Éramnes. L’adhérence des éta- mines avec la corolle éprouve les mêmes nuances que celle des pétales entre eux. Elles sont au nombre de 4 dans l’espece d’Aublet, de 5 ou 6 dans le Cusparé, de 5 dans toutes mes espèces, de 7 dans celle de M. de Candolle ; donc leur nombre ne fournit point un caractere générique. Deux filets seulement portent des anthères dans le Cusparé, dans les Galipea d’Aublet et de de Candolle, et dans la plupart de mes espèces ; 3 sont fertiles dans mon Galipea heterophylla ; tous le sont enfin dans mon G. pentandra ; par conséquent le nombre des filets fertiles ne fournit non plus que des caracteres spécifiques. — Fizers. Les filets sont aplatis dans mes plantes, le Cusparé et le Galipea Ossana , et les stériles se terminent en alène dans celle-ci comme dans mes espèces. —AnTuÈREs. Dans toutes les especes dont il est question, les anthères sont également longues, linéaires et 2-loculaires. Les appendices des- sinés par M. Bonpland dans celles du Cusparé n'existent point, comme l’a prouvé Richard ; c’est le connectif qui se prolonge , comme celui des Mélastomées, en un appendice 2-fide et descendant; mais un appendice absolument semblable se re- trouve dans mes T'icorea jasminiflora et febrifuga; donc il ne peut point fournir ici de caractère générique. — Necraire. Il existe sans doute dans les plantes d'Aublet, mais il laura négligé; il se trouve dans toutes mes plantes, le Cusparé etle G. Ossana ; son bord est également à 10 dents dans ces deux dernières espèces, et varie ensuite dans celles des miennes qui sont les plus voisines. — Pisniz. Au rapport de M. Richard, le Cusparé a ses ovaires soudés par l’angle central; il n’y a d’adhérence qu’au sommet dans mes G. heterophylla et pentagyna ; enfin il n’y en a pas du tout dans d’autres espèces. Je ne reviendrai pas ici sur les caractères déjà discutés dans le cours de mon mémoire; je crois avoir suffisamment démontré que le Cusparé, les Galipea d'Aublet et de de Candolle et mes plantes ne forment qu'un même genre ; et le nom de Galipeg doit lui être conservé comme plus ancien. Ons. 11. Si, apres avoir lu tout ce qui précede, et en particulier la description du G. macrophy lla, Von veut se donner la peine de jeter les yeux sur la figure et sur la description du Rapuiia d’Aublet, il sera diflicile, je crois, de ne pas regarder comme congénères le Raputia et le Galipea. Telle étoit l'opinion du P. Leandro do DE LA FLORE pu BRésrr. 289 Sacramento, qui, pour les plantes américaines, peut faire autorité; et le docteur Mikan, en décrivant le Conchocarpus qui n’est qu'un Galipea, ajouté que son genre ne differe réellement du Rapulia que par le nombre des élamines; caractère qui, comme nous l'avons vu, ne doit point être ici considéré comme générique. À la vérité, Aublet figure comme opposées les feuilles du Raputia ; mais beaucoup de genres présentent tout à la fois des espèces à feuilles alternes et d’autres à feuilles opposées. Mon genre 4/meidea, si voisin des Cuspariées , a des feuilles al- ternes dans le bas et opposées dans le haut ; le Pilocarpus a aussi des feuilles alternes et opposées; et Aublet lui-même représente comme opposés les rameaux infeé- ricurs de son Galipea trifoliata, ce qui suppose que les feuilles le sont aussi quel- quefois. M. de Candoile a ajouté une espèce au genre Raputia sous le nom de R. heterophylla; maïs comme il la décrit d’après des échantillons sans fleurs et sans fruits, elle ne peut jeter aucun jour sur le genre d’Aublet. M. de Candolle a fait preuve de savoir, en songeant au Rapulia pour son rameau; cependant il me semble qu’il pourrait être rapporté tout aussi-bien à l'Ævodia qui a également des feuilles opposées et ternées. Il est même rigoureusement possible que ce rameau n’appartienne à aucune Cuspariée | mais à une Ÿ’erbenacée, puisqu'il n’a pas de points transparens , mais seulement des points extérieurs. Ons. ur. M. de Candolle, en décrivant le Galipea Ossana (Mém.Mus.vol. vr, p.150), avait soupçonné que la pointe subulée de ses filets stériles représentait l’anthère. Cela est incontestable, car, dans mes espèces, les filets fertiles et stériles sont éga- lement barbus ; or la barbe se trouve dans les fertiles immediatement au-dessous de l’anthère, et dans les filets stériles, la pointe subulée existe immédiatement au-dessus de la barbe. Os: 1v. Toutes les fois que, dans mes Galipea, les feuilles sont simples, le pétiole est épaisst et un peu genouillé au sommet. Cette partie épaissie semble indiquer le point où auraient dù être placées les deux feuilles qui manquent ; et comme elle se retrouve dans le Prlocarpus et mes Alneïdea, elle montre la tendance qu'ont en général les Rutacées à avoir des feuilles composées. Les feuilles simples, à pédon- cule géniculé, sont dans celte famille, à peu pres ce que sont, dans un autre groupe, les feuilles de l'Oranger ordinaire. TICORE A. Aubl. Jus. Dec. (Carac. ref.) Ozophyllam. Schreb. CALYx parvus, 6-dentatus. PETALA 5, in corollam pseudo-mouope- talam connata seu adglutinata tubulosam infundibuliformem; limbo Mérm. du Muséum. \. 10. 38 290 EsrècEes NOUVELLES 5-fido, æquali vel inæquali, patente. STAMINA 5-8, tubo adglutinafa ; monadelpha, quandoque 2-6 sterilia; connectivo sæpiùs producto. NecTARIUM cupulæforme, ovarium cingens. STYLUS 1. STIGMA 5-lo- lobum. OvARiuM unicum, 5-lobum, 5-loc. ; loculis 2-sp. : ovulum superiùs ascendens, inferiùs suspensum, utrumque axile. COCCA 5, 1-sperma, hinc 2-valvia; endocarpio separabili (ex Dec.). Frurices. FoLiA alterna, ternata. FLORES terminales, corymbosi vel paniculati aut compositè racemosi PRÆFLORATIO quincuncialis. 1 Ons. I. M. Richard (Mém. Inst. 1811) et M. Kunth (Nov. Gen. vol. 6, p. 7) pensent qne les T'icorea pourraient bien être congénères du Cusparé. Ils se se- roient fortifiés dans cette maniere de voir, s'ils eussent connu mes 7”. jasminiflora et febrifuga ; car leurs pétales sont inégaux, le nombre des étamines varie de 5 à 8, deux seules sont fertiles, et enfin leur connectif se prolonge en un appendice sem- blable à celui du Cusparé. Malgré ces nombreuses ressemblances , j’ai pensé que, pour ne pas trop changer la nomenclature, on pourroit conserver les deux genres, en les fondant sur les différences de la corolle, qui est campanulée et à tube court chez le Cusparé ( Galipea febrifuga) (1) et tous les autres Galipea , tandis qu’elle est infundibuliforme et tubuleuse chez les T'icorea. Mais, en laissant subsister ces deux genres , nous devons reconnoître , dans l’opinion des savans que j'ai cités, une autorité de plus pour réunir le Galipea febrifuga (1), les Galipea d’Aublet et de Candolle et mes plantes brasiliennes ; car elles ont entre elles infiniment plus de ressemblance encore que n’en ont le T'corea et le Cusparé. Oss. II. M. de Candolle ne dit rien de l’appendice formé par le connectif; mais la figure de son 7”. longiflora prouve qu’il existe dans cette espèce comme dans mes T’. jasminiflora et febrifuga , et Yon pourroit soupçonner, d’après la description que donne Aublet de son, T'icorea fœtida , que le même caractere s’y retrouve éga- lement. V7 1158 Os. IT. Je décris l’ovaire du T'icorea comme simple , parce que je l’ai trouvé tel dans le Zongiflora, le jasminiflora et le febrifuga ; mais comme la réunion et la séparation des loges n’a presque aucune valeur chez les Cuspariées, je ne serois pas surpris que l'on trouvât aussi des Ticorea à ovaires distincts. (1) Tel est le nom que le Cusparé me paroît devoir définitivement porter, parce qu’il conserve la dénomination spécifique donnée originairement par M. de Hum- bold. AE 44 £ (RS + DE LA FLore pu BRréÉsir. 201 12. TICOREA JASMINIFLORA. Tab. IV, D. T. foliis ternatis; foliolis lanceolatis, acuminatis, in petiolum atte- nuatis; paniculis laxiusculis ; staminibus 3-6 sterilibus. FRUTEx 7-8-pedalis, sæpiüus à basi ramosus; ramulis gracilibus, vi- ridibus. FoLrA alterna , ternata, petiolata : petiolus 1-2 longus, rectus, subtus convexus, supernè planus seu canaliculatus, quandoque sub- pubescens : foliola 1-6 pol. longa, lanceolata, in petiolum atte- nuafa, acuminata , obtusa quandoque emarginata, glabra, punc- tato-pellucida, lætè viridia; intermedio longiore; lateralibus basi inæqualibus. PAniCcuLÆ subæquales , oblongæ.(forsan melius racem compositi), laxiusculæ, terminales, alaresve,. pedunculatæ , 5-6 pol. longæ, sæpius ereclæ , quandoque cernnæ, compositæ ex ra- mulis circiter 6-floris. FLORES pollicares et ultrà , pedicellati : pedicelli puberuli, bracteolati : bracteolæ subulatæ, pubescentes. CALYx par- vus ,campanulato-cupulæformis , acutè 5-dentatus , glandulosus, pu- berulus. PETALA 5, lineari-spathulata, infernè ità connata ut suturam quandoque ne quidem animadvertas, corollam 1-petalam simulan- tia infundibuliformem , 5-fidam, pubescentem, glandulosam, punc- tato-pellucidam , albam; tubo calice multoties longiore , quandoque subincurvo, intus villoso; divisuris, inæqualibus, obtusis, paten- tibus. STAMINA 5-8, petalis arctissimè coalita, pauld infrà faucem in- serta, basi 1-adelpha, pubescentia : filamenta complanata, subinæ- qualia, apice attenuata , pubescentia; sterilia 3-6, in glandulam desinentia obtusam ; fertilia 2; antheris subcoalitis, linearibus, albis, semi-exsertis, 2-locularibus, internè dehiscentibus; connectivo in apendicem anterius producto descendentem, cordatum, carnosuim. Sryzus filiformis, glaber, inclusus. STIGMA sublaterale, 5-tubercula- tum. NECTARITM cupulæforme , 5-sonum, 5-dentatum, tenue. OvaA RIUM 1, subglobosum , 5-lobum, transverse striatum, punctato-pel- lucidum, glabrum, 5 loc. ; loculis 2-spermis. OVuLA conica. Succum ex foliis elicitum bibunt indigenæ , morbum tollendi caus à quem dicunt bobas, gallicè frambæsia. 38 * 202 ESPÈCES NOUVELLES Crescit in sylvis cæduis proviuciæ Aio-de-Janeiro vulgd dictis Capueiras, præserlim propè urbem T'agoahy, et in provincià Minas- geraes, inter flumina Parahyba et Parahybuna. Floret Februario , Martio, Aprili. 13. TICOREA FEBRIFUGA. Valdé affinis præcedenti; differt autem caule sæpè arboreo, pani- culis coarctatis, floribus dimidio brevioribus; bracteis pluribus sub- foliaceis ; stylo magis exserto. Forsitan mera varietas. Cortex amarissima, astringens, valdè febrifuga. Crescit in provinciâ Minas-geraes, præserm ad locum dictum as-Pacas, propè vicum Santa Barbara. N. B. Dans quelques exemplaires du mémoire dont ces descriptions font partie, il s’est glissé une erreur que je dois relever. Il y est dit , comme dans mes observa- tions sur le 7ropæolum, que les plantes de ce genre ont trois ovaires. Les loges y sont à la vérité parfaitement distinctes entre elles; mais comme il existe un axe central grêle , auquel toutes se rattachent , il est clair que l’ovaire est unique. EXPLICATION DES FIGURES. Tab.I. GomPxH14 OLEÆFOLIA. Fi. 1. Pistil tres-grossi. a Rudimens des filets qui persistent, et qu’on à pris quelquefois pour des nectaires. b Gynophore gynobasique. c Style inséré entre les loges sur le sommet du gynophore. d Ovaires à loges parfaitement distinctes entre elles et non chargées du style. Tab. II, À. SrmMABA SUAVEOLENS. Fic. 1. Calice tres-grossi. Fic. 2. Pétale. ie Fic. 3. Étamines réunies et paraissant 1-adelphes. Fic. 4. Une étamine séparée. a Écaille du filet. Fic. 5. Filet de l’étamine avec son écaille. Fic. 6. Pistil tres-grossi. a Gynophore. à Style forme ‘par la réunion des 5 qui terminent les ovaires. c Ovaires rapprochés, mais distincts. Fic, 7. a Deux des ovaires : on voit que chacun d’eux est parfaitement distinct. Tom.10. MZ 27e TÈ e 4 274) RU = 211 j . ’ V4 R y) À ( , Blanchard dut? ; a - GOMPHIA OLEÆFOLIA. PL.1. B.S_ TRICHILIOIDES. PL.I. SUAVEOLENS . À. SMIABA ve n = )7 OT" 410} Zom_.10. PL.'22; N : — DRE Pr, 77% ISPLRANTHERA ODORATISSIMA . Jom .10. Pron WP) NL 2 = 2 US WW ALMEIDEA LILACINA. DE LA FLorE pu Brésir. 375 Squamä instructa rotundà, descendente, barbatä. Sramixa 8 , sub- secunda ; filamentis interne pilosis. Graxnuzx 4 secundæ, auran- tiacæ ; oppositæ 2 duobns petalis, duæ cum iisdem altérnantibus. Foœm. Carvx, petala, glandulæ, staminaque masc.; sed antheræ effetæ videntur. Genrrazra gynobasi brevi, villosæ insidentia. Sryzus villosus , 2-fidus, lobis interpositus. Ovarium 2-coccum; coccis dis- tinctissimis, ovatis, villosis, gynobasi hinc affixis, 1-loc., I-SP. : ovulum erectum. Nascitur in sylvis provinciæ dictæ Missoes, præsertim prope vicos S, Miguel et S. Anjo. Floret Martio. EXPLICATION DES FIGURES. Tab. V. ALMEIDEA LILACINA. Fic. 1. Pélale de | 4/meidea lilacina de grandeur naturelle. Fic. 2. Étamine grossie de la même espèce. Fic. 3. Pistil grossi de la même espèce. a Nectaire. d Style. c Stigmate. d Ovaire unique à lobes séparés jusqu’à l’axe central. Fi. 4. Coupe de l’ovaire grossi de la mêmé espèce: & Ovules ; lé supérieur ascén- dant, l’inférieur suspendu, Fic. 5. Coque s’ouvrant en deux valvés du côté du centre de la fleur (cette figure appartient, comme les deux suivantes , à l’Æämeidea rubra). Fic. 6. Endocarpe devenu libre après la déhiscence et se séparant en deux valves. Fic. 7. Semence. a Faux arille scutelliforme : il doit son origine à une portion de l’endocarpe, à laquelle la semence est attachée, et qui se sépare du reste de l’endocarpe lequel est crustacé. Tab. VI. SPIRANTÉERA ODORATISSIM4. Fic. 1. Pétale. Fic. 2. Étamines chargées de l’anthère , telle qu’elle ést après l'ouverture de la fleur, 49” 376 EsPÈcEs NOUVELLES Fic. 3. Anthère vue de côté, telle qu’elle est dans le bouton : elle s’est déjà ouverte pour laïsser échapper le pollen. Fic. 4. Anthère tirée du bouton et vue de face : elle est déjà ouverte. Fic. 5. Calyce, nectaire et pistil. & Calice. b Nectaire. c Ovaire. d Style. e Stig= mate. $ Fic. 6. Ovaire et pistil. a Calyce : on en a rabaîtu une portion pour faire voir le nectaire dans son entier. b Nectaire. c Ovaire. Fic. 7. Figure destinée à montrer le gynophore. c Gynophore. d Ovaire. Fic. 8. Coupe d’une loge de l’ovaire. a Ovule, l’un ascendant, l’autre suspendu. Tab. VII. C4mAREA ERICOIDES. Fic. 1. Un individu en fruit à tige droite et solitaire. Fic. 2. Fleur tres-grossie. Fic. 3. Fleur tres-grossie où trois des divisions du calice ont été renversées pour laisser voir les étamines et l’ovaire. a Les trois étamines libres, dont une in- termédiaire fertile et deux latérales terminées par une masse chiffonnée et pétaloïde. b Les 3 étamines soudées et fertiles. c Les loges de l’ovaire rappro- chées et parfaitement libres. d Le style. Fic. 4. Style : on voit par cette figure qu’il est inséré sur le réceptacle et non sur les: lobes. Fic. 5. Fruit. Tab. VIII, A. ZaNTHOxYLUM MoONoOcY NUM. Fic. 1. Feuille de grandeur naturelle. Fic. 2. Fleur femelle tres-grossie. a Rudimens d’étamines. Fic. 3. Fleur mâle, 1d.: Fic. 4. Fleur femelle à deux pistils. & Rudimens d’étamines. Tab. VIII, B. GauDICHAUTIA GUARANITICA. Fic. 1: Feuille de grandeur naturelle avec son pétiole chargé de deux glandes: Fic. 2. Fleur tres-grossie. Fic. 3. Fruit. Fic. 4. Pistil accompagné du calice seulement. a Style sans son stigmate. à Loges: velues et parfaitement distinctes. Fic. 5. a. Calice. b Une seule des loges de l'ovaire : on voit qu’elle devoit être: absolument indépendante des deux autres. c Style : il n’est point porté sur les loges , mais sur un véritable gynobase, d Stigmate. SI +} pe LA FLorne ou BRÉSsIr. 3 Tab. VIII, C. GAUDICHAUTIA SERICEA. Fic. 1. Feuille de grandeur naturelle, Fic. 2. Fleur grossie. Fic. 3. Ovaire simplement 3-lobé portant le style. a Ovaire. d Portion du style. œ@ ND Tab. VIII, D. ScxHMIDELIA GUARANITICA. Fic. 1. Feuille de grandeur nautrelle avec une grappe de fleurs dans son aisselle. Fi. 2. ‘Lres-grossie. a Les glandes. Fic. 3. Pétale détaché : on voit qu’il est muni d’une écaille. OBSER VATIONS SUR LA FAMILLE DES RUTACÉES, Pour faire suite au premier Mémoire sur le Gynobase. PAR M. AUGUSTE DE SAINT-HILAIRE. Prxpanr que je m'occupois à rédiger ma première disser- tation physiologique sur le Gynobase, MM. Nees von Esenbeck et Martius préparoïent un mémoire descriptif sur les Rutacées, et ils y faisoient entrer les caractères des es- pèces de cette famille que le dernier de ces savans a recueil- lies en Amérique. Je m'étois proposé un but entièrement différent du leur; mais comme j'ai cru ne pas devoir indiquer : par des noms seulement les plantes sur lesquelles j’avois fait mes observations, il s’est trouvé que M. Martius et moi, chacun de notre côté, nous décrivions et faisions figurer, dans le même temps, quelques-unes des mêmes plantes. Mon mémoire, communiqué depuis fort long-temps à l'Académie des Sciences avec les figures qui l’accompagnent, étoit déjà imprimé en très- grande partie et extrait dans les journaux, quand j'ai eu connoissance de l'écrit de ces messieurs. Si le mien eût été achevé moins promptement, je me serois em- RuTAGÉES. 359 pressé d'adopter ceux des noms proposés par MM. N. et M., qui s'accordent avec les travaux des auteurs plus anciens; la loi de l’antériorité m'en auroit fait un devoir, et il m'eût été bien facile de le remplir, car je ne crois pas que l’on puisse attacher quelque importance à des mots, lorsque s'étant livré à l’étude des plantes, on a su en gotüter tous les. charmes, et lorsqu'on en connoiït le véritable but. Rien au reste ne pouvoit être plus flatteur pour moi que de m'être rencontré sur tant de points avec des hommes aussi distingués que MM. Nees von Esenbeck et Martius. Cet heureux accord donne à mes observations une sanction qui ne me permet plus de doutes sur leur exactitude, et dont je dois sentir vivement tout le prix. Si je suis entré dans quelques détails que l’on ne retrouve point dans l’ou- vrage des deux savans, tels que ceux qui sont relatifs à la distinction des ovaires dans les Cuspariées , la manière dont les ovules sont attachés, etc., cela tient à ce que n'étant déjà beaucoup occupé, avant de quitter l'Europe, de la modification d’organe appelée gyrobase., j'ai dû nécessaire- ment, pendant mon séjour au Brésil, examiner avec scru- pule les plantes où l’on pouvoit la soupçonner. Nous n’au- rions fait sans doute que nous répéter sur tous les points, si M. Martius s’étoit proposé le même objet que moi. Je crois qu'ayant encore présent à la mémoire tous les faits consignés dans ma dissertation, je pourrai me rendre utile en traçant la synonymie des plantes que nous avons décrites, M. Nees et moi; je ferai voir combien nos observations se ressemblent, lorsque nous avons traité le même sujet, et je montrerai combien nous nous accordons sur le fond, lors 380 RuTacées. même que nous paroissons quelquefois différer par l’expres- sion. Fraxinellæ (Act. eur. vol. IF, p. 149 ). De la famille des Rutacées , telle qu’elle est conçue aujourd'hui par MM, de Jussieu, Desfontaines, de Candolle et Kunth (1), M. Nees et Martius forment trois familles distinctes, les Fraxinellæ (2), les Diosmées, les Zanthoxylées; et en même temps ils paroissent vouloir exclure tout à la fois de ces trois familles lè Ruta et le Peganum , car ils ne font aucune mention de ces genres dans le cours de leur mémoire. Il est malheureu- sement arrivé aux deux botanistes allemands, pour les écrits de MM. de Candolle et Kunth, ce qui m'est arrivé à moi- même pour leur propre ouvrage; ils ont travaillé sur un sujet qui, dans le même moment, étoit traité, sans qu'ils le sussent, par l'illustre professeur de Genève et par l’auteur du Nova genera. Si M. Nees von Esenbeck et M. Martius avoient eu connoissance du mémoire de M. de Candolle sur les Cuspariées , ils auroïent reconnu qu'il n’y a aucune raison pour rejetter le nom de Rufacées admis depuis B. de Jussieu par tous les sectateurs des rapports naturels. Si, d’un autre côté, ils avoient pu consulter le volume de l’ouvrage de M. de Humboldt où sont décrites les Rutacées, ils auroient vu que M. Kunth, qui a su comparer les plantes avec tant de soin, a cru que les genres de la famille dont il s’agit, .se nuancoient par des dégradations trop peu sensibles pour (1) C'est-à-dire en excluant , sous le nom de Zygophyllées, la première section du Genera de Jussieu. (2) Probablement pour Fraxinelleæ. RUTAGÉES. 381 qu'on la divisät en différentes sections(r). Je pense cependant, comme je l'ai dit dans le cours de mon mémoire, que l'on peut sans inconvénient conserver comme simple tribu le groupe des Cuspariées ; mais il me semble en même temps qu'il n’y a plus ensuite de divisions admissibles, et l'écrit des savans alle- mands va bientôt me fournir de nouvelles preuves de cette vérité. Ces messieurs ont cru que leur famille des Drosmnées différoit de leurs Fraxinellæ (p. 17 ), par des pétales géne- ralement plus courts; par une préfloraison plutôt roulée en dedans (involuta) qu’imbriquée ; par la position régulière des étarunes et des pétales ; par des anthères versatiles (in- cumbentes); #7 fruit le plus souvent solitaire ; par les valyes des coques entières et non 2-fides ; les réceptacles propres des semences nuls et non membraneux ; par le trophos- perme ; enfin par Le port et par /a couleur des fleurs. 10. Il est bien naturel que quand toutes les parties d’une fleur sont plus petites, les pétales suivent la mème proportion; aussi la différence de grandeur dans la corolle n’a-t-elle jamais été regardée comme un caractère de famille; d’ailleurs les fleurs du Correa, etc. ne sont pas assurément plus petites que celles, par exemple, du Raura resinosa N. et M., et du Galipea Fontanesiana. 2°. MM. Nees et Martius n’attachent probablement pas aux mots de préfloraison 2nbriquée, le même sens que l’auteur de la Théorie; mais j’ose dire que ce caractère, tel que l’a concu M. de Candolle, ne se trouve dans aucune de leurs Fraxinellæ. Dans aucun cas, au reste, la préfloraison ne pourroit servir pour distinguer ce groupe ; (1) M. Kunth, il est vrai, donne à la famille des Rutacées le nom de Diosméës; maïs il n’y a que le nom de changé. Mém. du Muséum. t. 10. 5o 382 RUTAGÉES. car elle est vebaire (Br. Dec.) dans le Prlocarpus ; elle est quinconciale ( Dec.) dans le Galipea, le Ticorea, le Sptranthera, V Almeidea, et je la retrouve telle dans le Zanthoxylum monogynum; c’est-à-dire, qu'un des pé- tales y est entièrement découvert, que trois autres ont un de leurs bords caché par les pétales voisins, et qu’enfin le cinquième intérieur ma de découvert qu'une foible partie de son milieu. 30. Quoique placé parmi les Fraxinellæ , les genres Pulocarpus, Spiranthera ex Almneidea ont cepen- dant des étamines évidemment hypogynes et alternes avee les pétales; par conséquent la position de ces étamines n’est pas moins régulière que celle des organes mâles du Driosma ou du Correa; etmême dans les Gadipea les plus irréguliers, on peut reconnoître encore qu'avec une insertion hypogyne, il existe des étamines alternes avec les pétales. 40. Des an- thères versatiles (zr2cumbentes) sont un caractère bien foible pour distinguer une famille, et les deux auteurs eux- mêmes en ont reconnu le peu d'importance; car tout en at- tribuant aux Fraxinellæ des anthères non versatiles, its rangent, au milieu de ces plantes, le Pz/ocarpus auquel ils reconnoissent des anthères versatiles ( p. 176). 5°. L’adhé- rence des loges du fruit présente toutes les nuances possibles dans les Fraxinellæ et dans les Drosmées. Je ne répéterai point les détails dans lesquels je suis entré à cet égard. dans ma dissertation ; mais je suis assez heureux pour en trouver la confirmation dans les descriptions mêmes de MM. Nees et Martius. L'espèce de T'coreæ qu'ils appellent, Souris bracteata a seulement cinq, angles (p. 157) à son ovaire; et celui du Monniera n'offre que cinq sillons (p. 164 ); le: RuTAGcÉES. 383 Ticorea jasmuufiora (Sciris multifiora N. et M.) est décrit parles deux auteurs comme étant légèrement 5-lobé ; les lobes paroissent plus prononcés dans l’£ryérochiton Brast- lensis ( p. 167 ); le Rawua resinosa ( espèce de Galipea ), et tout le genre Æ/neidea (Aruba N. et Mart. non Aub. p. 173) sont indiqués comme ayant cinq coques, et enfin le Diglottis racemosa, comme offrant cinq ovaires parfai- tement distincts (p. 170). 60. Les deux valves des coques sont aussi peu 2-fides dans celles des Cuspariéees où je les ai observées que dans les Driomées des deux savans alle- mands, et dans toutes leurs figures de Cuspartées je trouve les coques parfaitement représentées, c’est-à-dire, à valves simples, ettelles en un mot qu’on les voit dans leurs Dros- mées. 70. Il n’y a pas plus de réceptacle proprement dit dans les Fraxinellæ que dans les Driosmées des deux au- teurs, etce qu'ils appellent le réceptacle propre n’est, comme eux-mêmes l'ont très-bien soupçonné (p. 159), qu’une portion de l’endocarpe. 80. Après avoir dit que le placenta est nul chez les Drosmées, MM. Nees et Martius leur attri- buent un #rophosperme en forme de crête. Comme le mot trophosperme est celui que Richard vouloit substituer au mot placenta ( Voy. Ann. Fr., p. 17, 18 et 111), je pré- sume qu’il y a dans cet article quelque faute d'impression qui m'empêche de le bien saisir. 90. 11 me semble que toutes les Diosmées de M. Nees sont loin d’avoir la physionomie des bruyères, et même il en est quelques-unes dont les feuilles sont assez larges, molles et laineuses. En général, le port qui a tant de valeur dans les familles en groupe ( Mirb.) en a bien peu dans celles par enchaïînement, et ainsi l’Agbitus DO) TEE 384 | RuTacées, du Borronia pinnata, du Diplolæna Dampiert ou du Cor- rea alba, n’est guère celui des Drosmna, comme aussi le port de la Fraxinelle où du Monniera ressemble bien peu à celui de l'Æ/mneidea lilacina ou du Galipea macro- phylla. 100. Je trouve dans les Fraxinellæ des fleurs tantôt blanches ou verdàtres, tantôt roses, lilas, bleues, rouges ou couleur de chair, et par conséquent il me semble que la couleur ne les distingue guère du groupe des Drosmées. P. 184. Les savans auteurs ne trouvent de différences notables entre leurs Drosmnées et leurs Zanthoxylées que celle de l’habrtus, et une autre qui consisteroit en ce que les semences des Diosmées sont supendues, suivant eux, au sommet de la loge, tandis que le cordon ombilical naïtroit de la base de la coque dans les Zanthoxylées. 1°. Les diffé- rences de port n’ont, comme je l'ai dit, presque aucune valeur dans les familles par enchainement, et sans sortir des Zanthoxylées , il me semble que le Zarthoxylum mono- gynum , lEvodia febrifuga et le Z. pterota n’ont guère de ressemblance. 2°. Les observations des deux auteurs sur la manière dont les ovules sont attachés dans leurs Driosmnées et leurs Zanthoxylées sont extrèmement intéressantes; car, différant extrêmement de celles de M. Kunth et des miennes, elles tendent à prouver que les caractères qui résultent du mode d’adnexion sont singulièrement variables dans les plantes qui nous occupent, et que par conséquent ils n’ont aucune valeur pour aider à diviser le groupe des Rufacées. Ainsi M. Kunth a vu dans le Zanthoxylum , le Chose eë V Epodia, des ovules attachés à l’axe central , et j'ai moi- même retrouvé ce caractère dans le Ruta angustifolia et RuTAGÉES. 385 le Diosma rubra; jai vu de jeunes semences axiles et péri- tropes dans l’£podia febrifuga ; péritropes et pariétales dans le Zanthoxylum monogynum ; pariétales et suspendues dans les Zarthoxylum hyemale et sorbifolium N.; et enfin voilà des ovules attachés au fond de la loge dans les espèces de Zanthoxylées que MM. Nées et Martius ont observées. Ce qui achève au reste de prouver que les Rutacées ac- tuelles ne peuvent être partagées en diverses familles, et qu'on doit tout au plus y laisser subsister les Cuspariées comme tribu, c’est que MM. Nees et Martius placent le Pilocarpus , le Dictamus et le Calodendrum avec les Cuspariées, et M. de Candolle dans sa section des Diosmées ; et qu'enfin ce dernier range également l’£podia au milieu des Drosmées, et MM. Nees et Martius parmi les Zaztho- æylées. P. 150. Ces messieurs partagent leurs fraxinellæ en deux sections, ceux à fleurs pseudo-monopétales et les es- pèces à fleurs 5-pétales. Mais on voit, comme je l'ai dit, tous les degrés d’adhérence dans les fleurs des Cuspariées ; l’on ne sait même quelquefois si l'adhérence provient d’une véritable agglutination ou de ce que les poils sont feutrés les uns avec les autres ; et si l’on admettoit les sections proposées, il faudroit séparer les espèces les plus voisines, telles que mes Galipea Candoliana et Fontanesiana. Les sayans au- teurs achèvent, au reste, de prouver qu’il n’y auroit pas de limites entre les deux sections, car ils reconnoissent que dans leur Diglottrs placé parmi les polypétales, les parties de la corolle adhèrent fortement à la base ( pesalis basi arcte cohærentibus ), et que dans leur Rauia elles adhèrent par 386 RuTACÉES. le moyen des poils. Ce qui démontre aussi qu'eux-mêmes n’attachent aucune importance aux sections qu'ils indiquent , c’est qu'ils mettent le 7zcorea parmi les polypétales, et ce T'icorea, identique avec leur Sciwris, est, de tous les genres de Cuspariées, celui où l’on peut le moins distinguer la soudure des pétales, comme l’on peut s’en convaincre par les échantillons authentiques du 7. longiflora conservés dans les herbiers de Paris. P. 149. Ces messieurs, dans la description générale de leurs Fraxinellæ, attribuent aux plantes de ce groupe un réceptacle en forme d’écaille. Ce réceptacle, que M. Kunth a très-bien décrit sous le nom d’arille dans le Monriera, n’est autre chose, comme je l’ai démontré, que la portion amincie de l’endocarpe, la plus voisine de ombilie, et qui, lors de la déhiscence, se détache du corps auquel elle ap- partient, pour rester adhérente à la graine. Aureste, MM. Nees et Martius, tout en se servant ici du mot de réceptacle, ont cependant reconnu la véritable nature de cette partie du fruit, eteux-mêmes confirment ce que j'ai avancé à cet égard, car ils disent positivement (p. 159) que cette même partie n'est point une expansion du frophosperme, c’est-à-dire, du réceptacle, mais qu’elle appartient au fruit. Ils vont plus loin encore, car pour démontrer que ce prétendu réceptacle n’est pas un arille, ils apportent une preuve semblable à celle que j'ai donnée, savoir, que dans l’£rythrochiton, deux se- mences dépendent du même réceptacle; et enfin en décrivant leur Rauia (p. 168 ), ils disent expressément qu'une partie du péricarpe voisine de l’ombilic, figure, en se détachant, un trophosperme en forme d’écaille. RUTACÉES. 387 P. 149. En traçant les caractères généraux des Fraxinelle, les deux auteurs leur donnent un périsperme; mais il est évident qu’alors ils avoient en vue le Dicéamus; car ils p’attribuent aucun périsperme au Galipea macrophylla (Conchocarpus macrophyllus)(p.16r ), ni à l'espèce d’ 4/7 mneidea qu’ils nomment Aruba acuminata (p. 175), et par conséquent, ils sont d'accord avec moi sur l’absence du périsperme dans ces deux genres. Je sais que dans la des- cription générale des mêmes genres, ils leur donnent un périsperme mince (p. 173) ou extrêmement mince ( p.159); mais puisqu'ils ne parlent plus de périspermes dans leurs descriptions particulières, il est clair qu'ils ont seulement voulu exprimer un soupçon inspiré par l’analogie et mettre les caractères généraux des deux genres, autant que possible, en harmonie avec ceux de la famille dans laquelle ils avoient indiqué un périsperme épais. Je sais encore que ces messieurs attribuent un périsperme au genre Monniera ; mais ici ils auront suivi Richard, et, s’il s’est trompé cette fois-ci, il n’en est pas moins incontestable qu’on ne sauroit trop louer les botanistes qui choisissent un tel guide. P. 149. Ce n’est pas seulement sur l'absence du périsperme dans le Galipea et l Alineidea que mes observations sont confirmées par celles de ces messieurs; ils ont aussi vu les cotylédons chiffonnés et embrassés l’un par l’autre dans le Galipea ( p. 161 ) et dans l’Æ/nreidea ( p. 185 }; et, comme M.Kunth et moi,ils les ont trouvés planes dans le Monniera. P.150: Avec M. Kunth, j'ai dit, dans ma Dissertation, que-la -radicule du Monniera, se dirigeant vers l’ombilic,. étoit repliée sur l’un des cotylédons , et que ce même cotylé-- 3838 RuTAGÉES. don étoit, avec elle, enveloppé par l’autre; j'ai ajouté que ces caractères se retrouvoient dans leGalipea F'ontanesiana, et je les ai aussi indiqués dans l'ÆZmeidea. MM. Nees et Martius s'accordent avec nous sur la direction de la radicule dans le Monniera; mais eux et moi nous différons pour les caractères de cet organe dans le Galipea et l’Almeidea. Ce- pendant comme il y a quelque divergence dans leurs propres descriptions, il est clair qu'il se sera glissé des fautes d’im- pression dans cette partie de leur ouvrage. En effet, il est dit, dans les caractères généraux de leur famille des Fraxi- nellæ, que la radicule est centripète et supérieure (p. 149); dans Ja description générale du Conchocarpus (p. 59) qu’elle est supérieure et latérale, et dans la description parti- culière du €. macrophyllus qu’elle est centrifuge et horizon- tale(p. 167 ). Je crois, en général, qu'avec Richard, Brown, de Candolle et Kunth, ül seroit bon de renoncer entièrement à ces expressions de radicule latérale et horizontale, cen- tripète et centrifuge qui ne présentent que des idées vagues et obscures, lorsqu’aujourd’hui la carpologie est devenue si claire par les observations HIT RoRReS de l’illustre auteur de l'Analyse du fruit. P. 149; 159, 163, 165, 193, Un point sur édite Kunth et moi nous dérobe des deux auteurs, c’est la direc- tion de l'embryon dans la graine; mais il est probable que partout où MM. Nees et Martius avoient écrit enbryo in- CUTVUS , quelque copiste aura substitué embryo inversus. En effet, un embryon à inverse où, si l’on veut, dirigé en sens contraire de la semence, est celui où les cotylédons abou- tissent à l’ombilic (antitrope Rich. ). Ces embryons généra- RuTAcÉEs. 389 lement rares, comme l’a dit Richard père avec juste raison, ne sauroient se rencontrer dans les semences du Monniera, du Galipea, de Ÿ Ælmeidea et du Pilocarpus ; car lombilic y correspond à la moitié ou environ du grand diamètre de la graine, et pour que, dans ce cas, les cotylédons abou- tissent à l’ombilic, il faudroit que l'embryon occupät le petit diamètre de la semence ; mais comme il n’y a pas ici de périsperme, comment seroient remplis les deux bouts de la graine? Il est une loi carpologique, fondée sur les prin- cipes de la géométrie la plus simple, et que je ne puis m'empêcher d'indiquer ici: Lorsqu'il n'existe point de pé- risperme et que l’ombilic répond à peu près à la moitié du grand diamètre d'une graine plus longue que large, l'embryon, s’il est droit, se trouve parallèle au plan de l’ombilic (comme dans le Pzlocarpus), ou bien s'il est courbé, la radicule regarde l’ombilic, comme M. Kunth et moi nous l’avons vu dans le Monniera, et comme je l'ai vu en particulier dans le Galipea Fontanesiana et dans V'Almeidea rubra. P. 153, 154. Ces messieurs confirment entièrement ce que j'ai dit dans mon mémoire, sur la nécessité de réunir le Galipea et le Raputia. Eux-mèmes effectuent cette réunion, et vont encore plus loin, car les plantes qu'ils décrivent sous le nom de Sczuris, sont des Ticorea, genre que M. Kunth et Richard soupconnent effectivement devoir être rapporté au Galipea. On pourroit dire que les trois espèces décrites par MM. Nees et Martius présentant à peu près les mêmes irrégularités dans leurs fleurs, devroient constituer un genre différent tout à la fois du Ga/pea dont elles n’ont Mémm. du Muséum. 1, 10. 53 390 RUTACÉES. pas la corolle et du 7corea Aub., qui a des étamines toutes: fertiles. Mais pour former un genre, il faut bien consulter la valeur de chaque caractère dans la famille à laquelle ik appartient ; or, par le Galpea où les espèces les plus voisines ont des étamines toutes fertiles ou en partie stériles, il est bien évident que dansles Cuspariées\ avortement de quelques étamines est sans valeur comme caractère générique. Quoi qu’il en soit, si, avec ces messieurs, l’on conserve le genre 77- corea , comme je crois qu'on peut le faire, il est clair que la longueur du tube de la corolle exige qu’on y réunisse mon Ticorea jasmanifiora ( Sciuris multyfiora N. et M.) et les Sczuris bracteata et simplicifolia N. et M. Le Raputia YAublet qui n’a qu'un tube très-court, comme les autres Galipea, doit rester avec eux, et l’antériorité exige qu on préfère ce nom à celui de Sczurs. P. 155. Sciuris multiflora. Cette espèce est mon 7corea: jasminifiora. est vraique MM. Nees et Martius attribuent à leur plante des fleurs sessiles, qu'ils ne disent rien des. petites bractées , et qu'ils placent une fleur dans la dichoto- mie des rameaux; mais ceS différences sont peu essentielles, et la figure de ces messieurs ainsi que leurs descriptions. prouve l’identité de leur plante et de la mienne. L'on sait d’ailleurs combien sont sujettes à varier les espèces équi- noxiales; ainsi, par exemple, sans sortir de ce qui regarde le 7. jasminiflora, cès messieurs le distinguent de leurs autres espèces par des panicules droites, et j’en ai trouvé tout à la fois des individus à panicules droites et d’autres à panicules penchées. Quant aux Zrcorea, appelés par les deux auteurs Souris bracteata et simplicifolia, ce sont des es-- RuTACÉES. 391 péces entièrement nouvelles, et l’on doit àces messieurs d’en avoir enrichi la science. | P: 158. Conchocarpus. Quoique MM. Nees et Martius aient conservé ce genre, ils ont dans la réalité démontré mieux que moi encore la nécessité de le réunir au Galipea, puisqu'ils ont placé dans ce dernier genre les 7?corea jas- #ntriflora, bracteata, simplicifolia qui en diffèrent bien davantage. La forme de la fleur dans le Conchocarpus se nuance avec celle de mes Galipea, ceux d’Aublet et de de Candolle; les étamines stériles et fertiles sont absolument semblables, et le Corchocarpus cuneifolius N. et M., qu'il faudra appeler Galipea cuneifolia, est une espèce entière- ment nouvelle dont la découverte appartient à M. Martius. P. 165. Erytrochiton. Ce genre nouveau, non-seulement doit être conservé, mais, par la grandeur de son calice, il sera Vun des plus remarquables de la tribu des Cuspariées. P. 169. Rawua. Si les observations de MM. Nees et Mar- üus prouvent qu'il faut réunir le Conchocarpus au Galipea, à plus forte raison démontrent-elles qu’il n’en faut pas séparer le Rauta , car ses caractères ont encore, s’il est possible, plus d'identité avec ceux de ce dernier genre, comme on peut s’en convaincre par la comparaison de leurs figures, des miennes, et de celle du G. Ossana Dec. (Mém. Mus. vol.8, p. 149). A la vérité, ces messieurs placent le Galipea dans leur section des Fraxinellæ à pétales soudés et le Rata parmi les genres à pétales non soudés ; mais comme ils disent ensuite ( p. 167) que la corolle de ce dernier est soudée à la base, et ailleurs qu’elle est soudée par le moyen des poils, ils prouvent par là mème ce que j'ai déjà démontré dans ma dissertation, Era 392 RuTAcÉESs. savoir, que le degré d’adhérence n’a aucune valeur dans les Galipea. Je puis encore ajouter ici qu’elle varie dans la même fleur à différentes époques; que très-forte dans le bouton, elle diminue loin de l’épanouissement et qu’ensuite elle de- vient quelquefois nulle à la chute de la corolle. Quant aux étamines, leur insertion est semblable dans tous les Galpea ; elles y sont constamment hypogynes, et lors même qu’elles sont soudées avec les pétales, on peut facilement les suivre jusqu’à la base de ces derniers, comme on peut le voir non- seulement par mes figures, mais encore par celles du G. Ossana. [est évident par conséquent que si MM. Nees et Martius ont admis le genre Rawa, c'est qu'ils l'ont trouvé indiqué dans les notes de M. le prince de Neuwied qui, se hvrant avec un si grand succès à l’étude de l’ornithologie, ne pouvoit s’occuper de tous les détails de la botanique. Quoi qu'il en soit, le Galpea resinosa ( Rauïa resinosa, N. et M.) doit être intercallé auprès du G. Candolliana dont il a le poil, et qui a des pétales également libres. Quant au Rauia racemosæ, ce n’est autre chose que le Galpea Fontanesiana, comme je m'en suis convaincu par la com- paraison de mes échantillons avec la figure de M. Nees, et comme tout le monde peut le voir par nos descriptions. Or, cette espèce prouve mieux que tous les raisonnemens la nécessité de réunir le Rauïa au Galipea, car si ces mes- sieurs lui ont trouvé des pétales non soudés, j’en ai trouvé de soudés jusqu’à moitié dans les échantillons que j'ai exa- minés sur le frais. P. 170. Diglottis. Ce genre a les rapports les plus intimes avec le Galipea ; cependant on peut le conserver à cause: RUTACÉES. 393 de cette languette qui termine les étamines et qui ne se trouve dans aucune espèce de Galpea. P. 191. Lasiostemum. Si ces messieurs ont connu cette plante, ce n’est que par les échantillons de M. le prince de Neuwied, et ils auront conservé sans doute le nom qu'ils auront trouvé dans les notes de ce savant zoologiste. En prouvant que le Rauïa est identique avec le Galipea, j'ai réellement démontré aussi que le ZLasiostemum faisoit partie de ce dernier genre. En effet, comme on l’a déjà vu et comme paroissent le penser ces messieurs eux-mêmes, le degré d'adhérence des pétales n’a aucune valeur dans les Cuspariées ; une corolle camipanulée se retrouve avec de légères nuances dans nes Galipea, le Cusparé, le Ga- lipea Ossana ( voyez la figure ); le plus où moins d'inégalité dans les pétales varie chez les espèces les plus voisines; enfin le nombre des étamines fertiles diffère également dans les Galipea qui ont le plus de rapport, puisque le Cusparé n'a que deux étamines qui soient fertiles, et le Lasioste- mu trois, que le G.pentandra a toutes les siennes fertiles, et le G.Candolkan&, si voisin de ce dernier, en a trois stériles. I y a plus: les caractères sur lesquels on voudroit ici fonder des genres, se combinent en sens inverse dans les espèces où les affinités sont le plus évidentes ; ainsi le G. pentandra a cinq étamines fertiles et des pétales soudés, tandis que le G. Candoliana n’a que deux étamines fertiles et des pétales libres; le Lasiostemum sylvestre ei le G. heterophylla , sur cinq étamines en ont trois fertiles, et sur sept, le G. Ossana n'en a que deux pourvues d’anthères; avec ses cinq étamines fertiles , le Lasiostemum a, suivant les deux auteurs, 39} RuTAcÉESs. des pétales égaux, et avec le même nombre d’étamines, le G. heterophy lla a des pétales inégaux; enfin il n’est personne qui ne voie qu'il y a infiniment plus de différence entre le Galipea d’Aublet et de de Candolle, et le Zicorea qu'y rapportent les deux auteurs (leurs Souris), qu'entre ces mêmes Galipea, le Rauia et le Lasiostemum; et si nous admettions ces deux genres, il faudroit nécessairement, contre l'opinion de MM. de Jussieu, Desfontaines, Kunth et Ri- chard, faire un genre de chacune de mes neuf espèces de Galipea, laisser subsister le Cusparia et surtout former un senreparticulier duGalipea Ossana de de Candolle. Achevons donc de reconnoître que toutes ces plantes, se liant par des dégradations insensibles, ne peuvent constituer qu'un seul genre, et que le Lasiostemum sylpestre sous le nom de Galipea sylvestris doit ÿ trouver une place près du Galpea pentagyna,entrele G. febrifuga etle Galipea heterophytlla qui, avec des pétales à la vérité un peu inégaux, mais à peine soudés, a aussi trois étamines fertiles. P. 192. Aruba. Les plantes que ces MM. rapportent à V Aruba d'Aublet, appartiennent à mon Æ/meidea. Dans aucun cas, elles ne peuvent rester avec l’Aruba de la Flore de Cayenne, parce que celui-ci n’est qu'un Sznaba, comme le prouve la description d’Aublet, comme M. de Jussieu l'a reconnu depuis long-temps, et comme l'illustre Richard l’a constaté pendant son séjour à la Guyane, et indiqué dans ses savans manuscrits. P. 174 et suiv. Les espèces d’ÆZnerdea décrites par ces messieurs sont nouvelles. Cependant leur Æ/nerdea cærulea { Aruba cærulea) paroit fort voisin de mon Æ/meidea [4 RuTACÉES. 395 rubra, etleur Æ/meidea acuminata ( Aruba acuminata) de mon Æ/meidea longifolia. P. 176. Pilocarpus. Ces messieurs ont adopté pour le pistil les caractères de Wah]. L’anneau charnu dont ils par- lent est la portion du gynophore dans laquelle les ovaires sont plongés et qui adhère à leur base. Les coupes transversales prouvent que cette partie du gynophore appartient abso- lument au même corps que celle qui se trouve sousles ovaires. P. 197. Prlocarpus parviflorus, c’est le même que mon P. spicata. P. 177. T'erpnanthus. Ce genre est le même que le Spz- ranthera. Ces messieurs, à la vérité, n’ont point parlé du caractère que j'ai signalé dans les anthères et qui a frappé tous ceux qui ont vu mes échantillons; maïs cela üent x ce qu'ils n’auront observé que des fleurs imparfaitement déve- loppées, comme leurs figures le prouvent assez évidemment. S'ils eussent su quelles plantes se rapportent au 77corea, genre où la soudure des pétales est si remarquable, ils n’au- roient pas songé à en rapprocher le Spiranthera. Ta place: de celui-ci est entre le Drctamus etle Calodendron , comme l’a reconnu M. de Jussieu. P. 1798. Pohlana. Ces messieurs substituent ce nom à celui de Langsdorffia donné par le P. Leandro aux Zarthoxy- lum , où l’un des deux ovaires a coutume d’avorter. Jai déjà démontré que ce genre, qui n’a été sans doute conservé par MM. Nees et Martius que par respect pour notre esti- mable ami le P. Leandro, ne pouvoit être adopté sous aucun nom. Si on l’admettoit, il faudroit à plus forte raison faire un genre du Delpluniwm Ajacis ; car je ne me rappelle pas: 306 RuTAcÉESs. d’avoir rencontré dans ce Delphinium des fleurs à plus d’un ovaire ; et sur le même rameau dans une même panicule, on trouve des fleurs qui offriroient les caractères des Zantho- æylum et ceux attribués au Langsdorffia ou Pohlana. P. 185. On ne doit pas s'étonner de ce que ces messieurs ont laissé subsister le genre F'agara , puisqu'ils n’avoient pas connoissance du travail de M. Kunth sur le Zanthoxylum. De l’examen qui précède et des conséquences que l’on doit naturellement tirer du travail important de MM. Nees von Esenheck et Martius et de leurs intéressantes descrip- tions, il résulte : 10, Qu'abstraction faite des Sznaroubées, la famille des Rutacées n'admet d'autre division que celle en Autacées proprement dites et Rutacées anomales ou Cuspariées. 20. Que ces dernières ne peuvent être séparées en genres à fleurs polypétales et genres à fleurs monopétales, parce que les soudures de la corolle s’y nuancent par des dégra- dations insensibles et que des espèces qu'il est impossible d’éloigner, ont, les unes des pétales soudés, et d’autres des pétales libres. 30. Que le godet qui entoure Fovaire se trouve avoir été observé jusqu'ici dans quinze espèces de Cuspartiées, et doit être considéré comme un des caractères de ce groupe. 4°. Que l’absence du périsperme dans ce même groupe a également reçu une nouvelle confirmation. 5o, Qu'il se trouve formé des genres suivans : Monniera, Galipea, Ticorea, Erythrochiton et Diglottis. 60. Que le Souris multifiora doit être rapporté au Ticorea jasmurifiora; le Rauia racemosa au Galipea LI RuUTAGÉES. 397 F'ontanesiana; le Pilocarpus parviflorus au Pilocarpus spicata; le Terpnanthus jasminodorus au Spiranthera odoratissima. 7°. Que l’Æ/meidea ne peut être rapporté à l'Ærwba d’Aublet qui n’est qu'un Sinaba. 80, Que MM. Nees et Martius ont enrichi le genre 7icorea de deux espèces sous les noms de Sczuris bracteata et sim- plicifolia; le genre Galipea de trois espèces sous les noms de Conchocarpus cuneifolius, Rauia resinosa, Lasioste- mnum sybestre, et enfin le genre Æ/meidea également de trois espèces sous lesnoms d’Æruba cœrulea , alba et acuminata. Ici se termine la nouvelle tâche que j'ai cru devoir me prescrire; le travail que j'achève ne pouvoit avoir pour moi beaucoup de charmes; mais je me consolerai d'y avoir con- sacré quelques instans, si j'ai pu signaler des observations utiles, confirmer les principes sur lesquels repose la science des rapports, et faciliter les recherches de ceux qui voudront se livrer d’une manière spéciale à l'étude de la famille des Rutacées ; famille si intéressante par son organisation, par les singularités qu'y présente l’organe femelle, par les anoma- lies du groupe des Cuspariées, et enfin par les ressources que tant d'espèces offrent à la médecine. Mérm. du Muséum. À. 10. 52 ANALYSE CHIMIQUE DE PLUSIEURS TERRES ENVOYÉES DU SÉNÉGAL. PAR M. LAUGIER. Son Excellence le Ministre de la marine et des colonies à: adressé à l’administration du Muséum d'histoire naturelle: cinq terres apportées du Sénégal, avec invitation d’en faire faire l’analyse. L'assemblée m’'ayant désigné pour examiner ces substances, . je lui soumets le résultat de mon travail. Avant de l’entreprendre, j'ai cru convenable d'analyser une terre de France reconnue bonne, et qui püt me servir d'objet de comparaison. Notre confrère M. Thouin à bien voulu me remettre un échantillon d’une bonne terre à fro- ment, dite terre franche, dela meilleure qualité des environs de Paris, dans laquelle croissent des blés qui rendent pour l'ordinaire et années communes, de douze à quinze pour un, c’est-à-dire, qu'en y semant un boisseau de grains, on en: récolte douze à quinze boisseaux. L'analyse de cette terre a donc précédé celle des terres du: Sénégal. Le procédé que j'ai employé n’est point rigoureux et tel que l’exigerait une analyse délicate, mais il m'a paru sufli- ÂNALYSE CHIMIQUE DE PLUSIEURS TERRES. 309 sant pour le but qu'on se propose dans les analyses de ce genre. Il consiste, 10. à distiller une quantité donnée de la terre dans une petite cornue pour en séparer en grande partie l'eau qui y est contenue; 2°, à calciner le résidu dont le poids est connu pour déterminer la quantité des matières organiques qui peuvent s’y trouver; 30. à traiter le résidu de la calcination par l'acide hydrochlorique jusqu’à ce que celui-ci cesse de se colorer; 4°. à précipiter l’alumine et l’oxide de fer par l’ammoniaque, puis à séparer ces deux matières par la potasse caustique; 50. à précipiter la chaux par l’oxalate d’ammoniaque. On présume bien que la silice traitée par l’acide hydro- chlorique doit retenir des atômes d’alumine et d’oxide de fer, que la fusion avec la potasse caustique pourroit seule séparer entièrement, mais on ne pense pas que cette exac- titude rigoureuse soit nécessaire pour juger du plus ou du moins de qualité d’une terre végétale. J'ai commencé par appliquer le procédé ci-dessus décrit à la terre franche de M. Thouin, et voici les résultats qu’elle m'a donnés : 100 parties de cette terre sont composées de Terrersilieeuse di 4-4 ee ST Badste has eu site ST st AIN /6G Matiereyyésétale Liens 2 Che Oxiderdeufersh Bien dre Lite ni Carbonateide chaux: 52 umo m6 0,7 Alommes ne LD RUE Che Rirrat PORTES AU SU LE HAN SRE ERPRAEN EN tres 400 ANALYSE CHIMIQUE Cette terre, en grumeaux plus ou moins volumineux, noircit fortement et dans toutes ses parties par la calcination, et exhale une forte odeur empyreumatique. Ces deux carac- tères sont plus marqués dans cette terre que dans toutes les autres. J'ai examiné les cinq terres du Sénégal dans l’ordre des numéros placés sur chacune des caisses qui les renfermoient. Le n°. 1, échantillon provenant du jardin d’une habita- ton située sur le Marigot de Rawéï qui conduit au lac de N’Ghier dans le Doukitt, est sous forme de grumeaux de diverses grosseurs; il ne noircit que peu par la calcination et seulement dans quelques points, il ne donne qu'une odeur légère d’empyreume. Cette terre sur 100 parties est formée de SHice. tn Le MNT A nor Ma eg D'eau:et:d'humus.£.i Le 26238 EMEA D'oxide de ferons, Oui enr ALI SR AS D'alumine.. 5155000 aan GA NN SIGt Des traces de carbonate de chaux. PÉDEES TS moe eee date nee ME NO L’échantillon no. 2 a été pris dans une plaine éloignée: d’une lieue de l'endroit nommé Doukitt, et à un demi-mille du lac N’Ghier. Il est en morceaux de la grosseur du pouce,. d’aspect argileux, compactes, non friables; il noircit en plusieurs points de sa masse, qui s’enflamment par l’agita- tion comme du charbon, en exhalant une odeur empyreu-- matique. Son apparence argileuse donnoit lieu de présumer: DÉ PLUSIEURS TERRES. Â0Ë que la terre qui le forme contenoit plus d’alumine et de silice que le n°. 1; c’est ce que l’expérience a confirmé. I renferme sur 100 parties : 72 de Silice. 10 d’alumine. 10 d’eau et d’humus.- 8 d’oxide de fer et des traces de chaux. L’échantllon no. 3, ramassé dans un endroit nonimé N’Diagne, à 200 mètres de la rivière portugaise, dans une plaine inégalement et foiblement inondée, diffère beaucoup par l’apparence des échantillons précédens, et surtout du no. 2. C’est une terre pulvérulente, mobile, siliceuse, et l'analyse est d'accord avec ces caractères, car on y trouve beaucoup de silice, peu d'humidité, peu d’alumine, et encore moins de matières végétales que dans les deux pre- miers échantillons. Cent parties sont formées de PSC Mn nee en le ee cie NON) anvertRUMUS 1. eee 20 SG Oxrdeide fer. Re ere rsnErrE 6 Aline RENE ER REnREnO A A TZ Garbonate de chaux. : 2... y,b 99;7 Par ses caractères extérieurs, l'échantillon n°. 4 ressemble parfaitement au n°. 2. Il est en grumeaux compactes, diffi- ciles à écraser, comme argileux; il noircit par places comme la terre n°. 2; ces points noirs s'enflamment lorsqu'on les agite et qu'on les met en contact avec l’air. Cet échantillon a été pris dans un des champs situés à 200 mètres de la ri-- 402 ANALYSE CHIMIQUE vière, dans les environs d’un ancien village nommé Roso; ces environs sont plus ou moins inondés, et il sy trouve tantôt des rizières, tantôt de beaux champs de mil, selon la saison. L'analyse prouve que la composition de cette terre est à peu près la même que celle du n°. 2, comme son aspect l'indique. Elle contient sur 100 parties : Sierre state dr (788 Alamine, 'iiiauen ds nées oies Oxide de fers outils arme Pau ét humas. ; 1,4 4,14 9 Et des traces de chaux. 100,0 L'échantillon n°. 4 dont nous venons de parler, diffère autant du n°. 5, que ce dernier se rapproche du no. 3 par ses caractères extérieurs. Il est sous la forme de petits gru- meaux friables, se réduisant sous les doigts en poudre sèche, mobile, siliceuse, ne noircissant au feu qu'en quelques points gros comme des têtes d’épingles, et donnant très-peu d’odeur. Aussi ne contient-il presque point d'humus, peu d’eau, et plus de silice que les n*. 1 et 3 qui en renferment bien davantage que les nos. 2 et 4. L’échantillon n°. 5 a été ramassé près d’un village détruit, que l’on rencontre à une lieue plus loin que Roso, et qui étoit situé près d’une petite baie nommée N’Dick sur le bord de laquelle on voit de beaux cotonniers. DE PLUSIEURS TERRES. 403 00 parties du no. 5 sont composées de 91 desilice. 3 d’eau et d’humus. 3 d’oxide de fer. 1,8 d'alumine. 0,5 de carbonate de chaux. 99,3 Le peu de perte que ces analyses présentent doit être attribué à l’oxigène absorbé par le fer, et qui sert à la com- penser. Parmi les cinq terres du Sénégal, celles qui sont numéro- tées 2 et 4, se rapprochent le plus de la terre franche des environs de Paris, elles contiennent même plus d’argile et d’eau que cette dernière, et seulement un peu moins d’hu- mus. On peut en conclure qu'elles doivent être propres à la même culture, et que par conséquent il seroit possible d’y semer avec succès les graines céréales qui croissent si avan- tageusement dans la terre des environs de Paris. Les trois autres échantillons portant les nos. 1, 3 et 5 renferment plus de silice, moins de terre argileuse, d'humi- dité et d’humus que les n°5. 2 et 4. Il est présumable que les plaines d’où les terres les plus siliceuses sont tirées, étant souvent inondées, les eaux leur ont enlevé les matières qui leur manquent et qui sont plus faciles à entrainer; aussi ces terres sont-elles plus mobiles, moins fortes, et conservent-elles moins l’humidité. Il en ré- sulte qu’elles ne peuvent servir à la même culture que les: 4&of ÂNALYSE CHIMIQUE DE PLUSIEURS TERRES. terres marquées 2 et 4. Il est vraisemblable que le moyen de les rendre utiles seroit d'y cultiver de préférence des arbres ou des arbustes qui exigent une terre légère et peu humide. 405 DESCRIPTION DE LA GREFFE DAUBENTON. PAR M. A. THOUIN. O, peut, au moyen des greffes, accélérer de bien des ma- nières la croissance des arbres en diamètre et en élévation. Jusqu'à présent on ne connoiïssoit pour les faire croître en largeur que le procédé de la greffe Banks. Celle dont nous donnons la description semble devoir ajouter à nos res- sources en ce genre et promet des résultats utiles. Pour mettre les cultivateurs à même de l’exécuter avec assurance de réussite, nous en avons présenté tous les développemens sur une même planche que nous accompagnons ici d’un texte explicatif. Afin d'établir de l’ordre dans les idées, nous suivrons notre méthode technique accoutumée. Choix des sujets. Donner la préférence à des individus d'espèces d’une longue vie de première grandeur, à bois dur et coloré , indigènes ou naturalisés, rustiques, de l’âge de deux à cinq ans, rarement plus. Choisir les tiges saines, sans nœuds, aussi droites que possible et flexibles par leur sommet. Déplantage. V’effectuer à l’automne, après la chute to- tale des feuilles, lorsque les gelées ont arrêté la sève des arbres estivaux. Lever toutes les racines avec la plus grande Mémm. du Muséum. t. 10. 53 406 GREFFE DAUBENTON. partie du pivot. Rejeter les individus dont les racines ne seroient pas en aussi grand nombre et aussi bien conservées que celles des autres sujets destinés à faire partie du mème groupe. Si le climat est pluvieux, froid, la terre argileuse, compacte et humide, il est préférable de faire ce déplantage à la fin de l'hiver et même à l’époque du premier printemps. Préparation des sujets. Disposer les racines des trois sujets destinés à faire le milieu du groupe, de manière qu’elles se dirigent en croissant à angle droit sur la ligne que doivent former les arbres (07. À À, fig. 1 ): supprimer celles qui par leur position empêcheroïent les collets des racines de se rapprocher exactement. Couper tout près des tiges les bran- ches et rameaux qui se trouveroient sur les parties des arbres qui doivent être réunies. Etêter le sujet du milieu à deux ou trois décimètres au-dessus du point où il doit être opéré. En faire autant au second individu et à même distance au-dessus de la coupe du premier. Rogner la flèche du troisième vers le milieu de la ramille terminale de la dernière pousse et im- médiatement au-dessus de l’œil le plus disposé à faire croître son bourgeon dans la direction verticale du pied de l'arbre (vor. fig. 2 ). Plantation. On doit y procéder dès que les sujets ont été déplantés et préparés. La fosse disposée d’avance pour les recevoir dans un terrain, à une exposition et à une situa- tion convenables à l'espèce des arbres dont se compose le groupe, doit être faite en lieu aéré, éloigné des racines et de l'ombrage de tous les grands végétaux du voisinage. Les trois individus, présentés ensemble au milieu de cette fosse, seront plantés perpendiculairement à côté les uns des autres : on Grerrr DAuUBENTON. 407 dirigera les racines obliquement dans leur position naturelle, mais hors la ligne que forment les arbres. Après avoir soi- gneusement recouvert les racines jusqu’au haut de la fosse, on affermit la terre et on fait au pied des arbres un auget pour recevoir l’eau d’un arrosement copieux, souvent né- cessaire pour remplir de sédiment terreux les plus petits vides qui se trouvent entre les divers filamens du chevelu. Opération. Elle peut se faire sur les arbres à différentes hauteurs, selon la force des individus et les projets du cul- tivateur. Nous avons opéré l’individu central de notre groupe à un mètre au-dessus du niveau du sol; le second a été entaillé à deux décimètres plus haut que le premier, et le troisième à deux décimètres plus haut que le second. C’est à cette distance que nous continuerons d'opérer chaque an- née les nouveaux sujets plantés à l’âge des trois premiers individus. Voici en quoi consiste lopération ( »oy. fig. 2 }. Après avoir coupé horizontalement la tête de l'arbre du milieu à la hauteur que nous venons d'indiquer, on affile l'extrémité supérieure de la tige qui lui reste en biseau très- aigu de quatre à six centimètres ( »07-. B, fig. 2), on enlève à ce même sujet sur un de ses côtés, en regard avec l’un des individus voisins, une lanière d’écorce depuis l’épiderme jusqu’à l’aubier, à partir du niveau de la terre jusqu’à la coupe en biseau qui termine la tige. L'arbre de droite ou de gauche est ensuite pareillement écorcé en regard de la plaie faite à celui du milieu, dans la même longueur et de la même largeur. À la hauteur du biseau que forme la tête du premier, on fait une entaille propre à recevoir cétte même tête, de manière que la tige Has 408 GREFFE DAUBENTON. du groupe n'ait pas plus d'épaisseur à cette place que dans les autres parties voisines. Il est nécessaire que l'incision oblique d s’étende jusqu’au milieu de la colonne médullaire du second individu auquel on coupe la tête pour l’amineir ainsi que celle du premier. Le troisième sujet E est opéré comme le second, avec cette différence que la tige est con- servée entière et que l’incision oblique au-dessous de la- quelle commence l’écorcement latéral doit être faite à deux décimètres au-dessus de celle du second individu et du côté qui lui est opposé. Les trois arbres ayant été opérés chacun de la manière qu'il vient d’être dit, on insère latéralement dans l’entaille d faite au second individu le coin qui termine la tête de celui du milieu, et le coin c qui termine la tige de celui-ci dans la plaie F du troisième sujet E. On rapproche ensuite les unes des autres les parties des tiges dépouillées d'écorce, de ma- nière qu'elles se recouvrent mutuellement le plus exacte- ment possible. Toutes ces opérations minutieuses doivent être faites avec beaucoup de justesse et la plus grande cé- lérité. On les termine immédiatement en posant l'appareil qui doit assurer la réussite de cette greffe. Appareil. W consiste 1°. à lier de distance en distance avec de gros fil de laine GG, fig. 3, les trois tiges opérées pour les maintenir dans la position qu’on leur a donnée; 20, à couvrir les arbres ainsi réunis, depuis leur pied jusqu’à un décimètre au-dessus de la dernière opération, avec des lanières H H de deux centimètres de large fraichement en- levées à de jeunes branches de tilleul, d’orme ou autres arbres dont la sève douce et visqueuse ne peut nuire aux Grerre DAUBENTON. 409 sujets; 30. à couvrir cette espèce de fourreau d’écorce de l'épaisseur de trois à quatre millimètres de terre jaune, argi- leuse, mélangée avec un tiers de bouse de vache et corroyée en consistance de mortier épais (voy. fig. 3), à l'effet d’em- pècher les insectes, l’eau, l'air et la lumière de s’introduire entre les arbres et de nuire à la prompte soudure de leurs plaies ; 4°. à enfoncer perpendiculairement en terre un tuteur solide derrière l'individu du milieu pour le maintenir droit et l'empècher d’être ébranlé ou cassé par les vents; 50. et enfin à placer aux deux bouts de la ligne que forme le groupe deux pieux solides J J, fig. 4, auxquels doivent être fixées deux ou trois traverses destinées à empêcher les arbres de prendre une autre direction que celle qu’on veut leur donner. Opérations suivantes. Chaque année on plante deux nou- veaux sujets K K à peu près d’égale force, de même espèce ou d'espèces congénères, aux deux bouts de la ligne que forme le groupe d’arbres établi l’année précédente. On les en rapproche autant qu'il est possible en disposant leurs racines de la même manière que l’ont été celles des pre- miers. Vers le milieu du printemps qui suit la plantation, les sujets étant en sève, on les opère d’après le procédé décrit plus haut; ensuite on rétablit l'appareil dans le même état où il étoit précédemment. Ces travaux se renouvellent chaque année jusqu’à ce que le tronc du groupe soit arrivé à la hauteur qu'on veut ou qu’il est possible de lui donner. Alors on l’abandonne à sa croissance naturelle. Conduite du groupe. Elle se réduit à supprimer avec soin tous les bourgeons qui croitroient sur le côté latéral des 410 GREFFE DAUBENTON. tiges qui forment les deux extrémités de la ligne et qui, en y occasionnant des nodosités, empêcheroïent les tiges des nouveaux sujets qu'on plante chaque année de s'appliquer exactement sur celles des anciens. Il faut laisser croître les bourgeons qui pousseront sur les deux faces des individus greffés précédemment pour assurer leur sève et opérer le grossissement de leurs troncs, mais on doit faire en sorte que ces bourgeons se trouvent en nombre à peu près égal et également répartis sur chaque individu. Cette pratique a pour but d’équilibrer la croissance des sujets, de fournir aux racines la sève descendante nécessaire à leur nutrition et en définitif à la vigueur du groupe. Ces bourgeons qu’on laisse croître et qu'on protège pendant toute la saison du mouvement de la sève ( à moins qu’ils ne menacent de de- venir des branches gourmandes, et dans ce cas on les ar- rête en les rompant en pleine sève ) doivent être supprimés à l'époque de l'hiver. On ne les coupe pas tous à rase le tronc, mais à quelques millimètres de distance pour conserver une végétation utile sur les divers points où l’on a besoin de gros- sissement. Les deux sujets plantés l'automne précédent et opérés au dernier printemps doivent être conduits diffé- remment. Il convient de ne laisser croître, pendant la pre- mière sève, aucun bourgeon dans toute la longueur de leur tige, excepté sur celui qui continue la tête du groupe, ou le dernier, et seulement dans la partie qui se trouve au-dessus de la dernière entaille. Cet ébourgeonnage a pour but de déterminer toute la sève des deux individus récemment opérés à se porter sans partage dans la tête qui termine le groupe, | GREFFE DAUBENTON. Lau Culture. On sent très-bien que plusieurs sujets réunis ainsi dans un si petit espace et dont les racines sont pressées les unes contre les autres ont besoin d’être protégés dans leur jeunesse par une culture soignée et un peu nutritive. Il faut donc pratiquer au pied du groupe un large auget dans lequel on mettra environ trois décimètres cubes de terreau de fumier de vache consommé qu’on saupoudrera de marne calcaire et qu'on recouvrira d’une couche de deux doigts de terre du sol. Pendant les chaleurs de l'été, les temps de hâle et de sécheresse, quelques arrosemens copieux seront nécessaires jusqu’à ce que les racines, se portant au loin, puissent recueillir dans le sol la quantité de matières extractives dissoutes nécessaires à la nutrition du groupe entier. Résultat acquis. Plusieurs expériences sur cette sorte de greffe ont été répétées au Jardin du Roi depuis l’année 1812. Un premier groupe de trois £rables (x), un second de pareil nombre de F'rénes d'Europe (2), un troisième de trois /4r- cocouliers de Provence (3), furent successivement offerts aux regards des élèves qui fréquentent l'Ecole pratique d'agriculture. Un quatrième groupe de diverses variétés de Chêne succéda aux trois premiers et subsiste encore aujour- d’hui. Ces diverses associations de végétaux étoient formées de sujets provenus de semences, âgés de quatre ans, d’égale (1) Acer opulifolium. Villars, Hist. des plantes du Dauphiné, tom. 3,p So. (2) Fraxinus excelsior. Linn. spec. plant. (3) Celtis australis. Linn. spec. plant. h12 GREFFE DAUBENTON. force, ayant les tiges de la grosseur du doigt du milieu et de la hauteur d’un mètre deux tiers. Plantées et opérées en divers temps elles ont donné des résultats fort différens. Les Frêénes d'Europe et les Micocouliers de Provence ont été greffés d’abord et plantés ensuite pour la plus grande facilité de l’opération. Les Frénes n’ont point poussé , ils sont morts avant la fin de l’année de leur plantation. Les Micocouliers ont conservé leur couleur verte pendant une partie de l’été; l’un d’eux a poussé à la seconde sève quel- ques foibles bourgeons de son pied, mais tous sont morts ensuite, Lorsqu'on eut arraché ces groupes pour les suppri- mer, on remarqua un foible commencement de soudure entre les tiges des Frénes, et moins encore entre celles des Micocouliers. Nous attribuons la mort des arbres qui com- posoient ces aggrégations à diverses causes : la première, à ce que le déplantage fut fait trop tard; la seconde, à ce qu'il fut suivi immédiatement de l’écorcement des sujets; la troi- sième , à ce que l'été de l’année de l’opération fut pluvieux, et l'automne très-sec. Ces variations intempestives qui sont nui- sibles à l'existence de végétaux abandonnés à la nature, de- voient l'être à plus forte raison à celle d'individus que l’on avoit mutilés d’une manière si dangereuse. Le groupe d'Erables, opéré le 22 avril 1813, a poussé tard parce que la sève montante s'est portée d’abord aux plaies des sujets pour les couvrir, comme cela arrive toujours. Il a donné ensuite naissance: à de minces bourgeons, tant sur son tronc que de sa tête. La foiblesse de sa végétation pendant cette année ne permit pas qu'on ajoutàt deux autres indi- vidus, comme on s’étoit proposé de le faire; mais ce même GREFFE DAUBENTON. 413 groupe ayant végété avec vigueur pendant l’année 1814, on planta deux nouveaux arbres de même espèce qui lui furent réunis en 1815. La même opération fut répétée plu- sieurs fois ensuite, et le groupe continuoit de végéter avec vigueur quand on fut obligé de l’enlever faute d’emplace- ment. À cette époque les parties opérées étoient entièrement soudées. Une nouvelle matière ligneuse remplissoit les vides qui se trouvoient entre le bois mis à nu par l’opération dans certaines parties. Des bourrelets proéminens couvroient les scissures des plaies dont il ne restoit plus que de foibles vestiges. Chaque sujet opéré avoit poussé plusieurs bourgeons vigoureux à différentes places. La tête du groupe étoit for- mée de branches nombreuses couvertes d’un feuillage épais; enfin les arbres avoient augmenté en largeur de plus de trois centimètres. Les Chénes ont été greffés en 1821, chaque printemps on a ajouté deux individus, et les sept qui composent mainte- nant le groupe offrent des résultats satisfaisans. Résultats présumés. Il n’est pas probable qu’on puisse retirer de ces sortes de groupes des planches d’aussi grandes dimensions que celles que l’on obtiendra par les procédés de la greffe Banks; mais il est présumable qu’on acquerra des masses ligneuses triangulaires propres aux arts du charron, du menuisier, du tabletier et de l’ébéniste. Débité de fil, sur la maille ou en différens autres sens, ce bois offrira un tissu ligueux varié de nodosités et de fibres formant des veines diversement colorées selon qu'elles appartiendront au canal médullaire , au bois ou à l’aubier. En attendant les produits de cette nature qui ne peuvent Mém. du Muséum. 1. 10. 54 414 GREFFE DAUBENTON. arriver que vingt-cinq ou trente ans après l'exécution de cette greffe, nous pourrions en annoncer un autre qui a aussi son mérite : c’est l'accélération de la croissance des arbres composant ces groupes. On doit en effet présumer qu'une seule cime d’aïbre alimentée par des canaux séveux aussi multipliés, pourvus chacun de leurs systèmes de ra- cines, doit croitre avec une grande vélocité. Il ne faut pas croire cependant que cette croissance soit proportionnée au nombre des individus réunis, c’est-à-dire que si deux individus séparés poussent chacun de un mètre de haut dans le courant d’une*année, réunis et ne conser- vant qu’une seule tête, celle-ci doive acquérir deux mètres d’élévation dans le même laps de temps. Il n’en est pas tout- à-fait ainsi. La croissance et la vigueur des arbres dépendent d’une juste proportion entre les parties aériennes et souter- raines, En multipliant ces dernières, vous obtiendrez une végétation vigoureuse, sans doute, mais non proportionnée au nombre de systèmes de racines que vous aurez ajouté à celui d’un individu. D'abord parce qu’une partie de la sève est employée à réparer les plaies occasionnées par la trans- plantation et l'opération de la greffe, ensuite parce que les sujets ne poussent la première année qu’un petit nombre de bourgeons foibles peu garnis de feuilles. On sait que ces or- ganes et toutes les autres parties vertes des végétaux absor- bent dans l’atmosphère les fluides qui forment la sève des- cendante employée par les racines au développement du chevelu. Ces parties manquant d’alimens, prennent peu d'extension, absorbent plus difficilement dans la terre les sucs extractifs dissous qui composent en grande partie la GREFFE DAUBENTON. 435 sève montante, Il en résulte qu’elles envoient moins que de coutume de ce fluide aux parties aériennes pour le déve- loppement des gemma, la croissance des bourgeons et celle du feuillage. Cependant si on protège la reprise des individus qui composent ces groupes par des arrosemens donnés à propos; si on mélange avec la terre dans laquelle ils sont plantés des matières susceptibles de fournir du gaz acide car- bonique; si on laisse se développer tous les gemma et croître tous les bourgeons qui ne sont pas mal placés; si on empêche les feuilles d’être dévorées par les insectes, et enfin si on les abrite autant que possible de la poussière qui pourroit obs- truer leurs pores, on obtiendra une grande abondance de sève descendante qui, trouvant des systèmes de racines tout formés, les mettra à même de s'étendre dans le sol et de fournir d’année en année aux parties aériennes une plus grande quantité de sève montante. Il en résultera une vi- gueur progressive qui, sans doute, doit avoir un terme que nous ne connoissons pas plus que le nombre exact des sujets dont la sève peut être absorbée par une seule cime sans lui occasionner de plétore qui compromette son exis- tence, Tout ce que nous pouvons dire, d’après des expé- riences suivies depuis dix-sept ans, sur une série de greffes de dix sortes différentes qui se rapprochent toutes plus ou moins de celle-ci, c’est que, pour la croissance, elle peut être évaluée des trois quarts au double en plus que celle qui s'effectue naturellement dans le même laps de temps sur des individus séparés. Quant au nombre de sujets le plus convenable pour fournir cette végétation surnaturelle, nous 54" 416 GREFFE DAUBENTON. n'avons que des données trop foibles pour oser résoudre une pareille question. Observations. Pour varier les expériences relatives à cette greffe, nou snous proposons de former de nouveauxgr oupes: les uns composés des mêmes espèces seront abandonnés à la nature lorsque l’on s’apercevra que leur croissance n’aug- mentera plus en proportion de la quantité d'individus qui entreront dans leur composition; les autres, formés d’un grand nombre d’espèces congénères différentes, seront dis- posés de telle sorte que les arbres les plus petits occupe- ront le centre, tandis que ceux qui s'élèvent ordinairement à une plus grande hauteur seront placés sur les côtés pour former la cime. Les groupes de cette nature pourront être composés de huit, dix, douze individus plus ou moins, selon que l’on trouvera un plus ou moins grand nombre d’espèces d’un même genre que leur analogie dans le mouvement de la sève, leur densité et leur couleur rendront propres à cet usage. Fous ces individus plantés ensemble, à la distance de deux décimètres, pour donner plus d'emplacement aux ra- cines, ne seront greffés d’abord que par le sommet : on attendra que leur croissance naturelle les ait rapprochés jusqu’au contact pour les unir dans toute la longueur des tiges. Les pieux et les traverses qui maintiendront les jeunes sujets seront assez solidement fixés pour empêcher tout va- cillement nuisible à l'opération. Combien seroit précieuse une pareille association d’arbres d’une densité à peu près égale, et dont les couleurs agréablement nuancées de teintes di- verses, uffriroient de nouvelles ressources à nos arts ? Classification. Cette greffe doit être rangée dans la pre- ne En ) | HAS GREFFE DAUBENTON. ie GREFFE DAUBENTON. 417 mière section et la première série, immédiatement après la greffe Banks. Rapport. Fille se rapproche de la greffe Banks par l’opé- ration des tiges, et de la greffe Noël par celle des sommités des sujets; mais elle se distingue de la première en ce que les individus ne conservent pas leur tête, et de la seconde, en ce que les tiges sont opérées longitudinalement sur les COLÉS ; Définition. Greffe Daubenton, par approche de tiges ac- colées sur une ligne et emboitées les unes au-dessus des au- tres, ne conservant qu’une cime. Dédicace. A la mémoire respectable de J. M. Daubenton, mort en 1800, à quatre-vingt-quatre ans, professeur adminis- trateur au Muséum d'histoire naturelle, à l'illustration duquel il a puissamment contribué par l’organisation première des collections dont il a été pendant cinquante-cinq ans l’unique démonstrateur. Par ses écrits nombreux il a enrichi les sciences de beaucoup de découvertes utiles aux progrès de la minéra- logie, de la physique végétale, de l’anatomie comparée, et il a contribué au perfectionnement des races de bêtes à laine ainsi qu’à l’art du jardinage. EXPLICATION DES FIGURES. Fic. 1. Trois sujets disposés pour la plantation première. Fic. 2. Les mêmes sujets opérés pour être réunis. B Sujet du milieu écorcé latéralement des deux côtés. Sa tête est coupée en biseau prolonge. C Second sujet écorcé du côté intérieur avec l’entaille 4 propre à recevoir le biseau du premier sujet. 41 8 GREFFE D'AUBENTON. E Troiseme sujet écorcé longitudinalement et disposé de manière à re- cevoir dans l’entaille F le coin qui termine le second individu. mn, 0 2 . . Fic. 3. Groupe opere avec ses premiers appareils. Fic Fic. Fic. Fire. as G G Ligatures de laine placées de deux en deux décimetres tout le long de la partie opérée. H Fourreau d’écorce fraîche qui doit couvrir les individus jusques au- dessus de l’attache supérieure du fil de laine. T Engluage d’argile qui doit envelopper entierement le fourreau d’écorce et rester jusqu’à la fin de l’été. Groupe opéré l’année précédente avec les deux nouveaux sujets, les pieux et les traverses. J3 Montans destinés à maintenir le groupe verticalement. Les deux tra- verses le maïntiennent dans sa ligne directe. K K Nouveaux sujets plantés à la fin de d'automne pour être réunis au groupe le printemps suivant. ' Coupe horizontale du groupe. . Coupe verticale d’une portion du groupe sur la ligne des colonnes mé- dullaires. La même, vue du côté de l’écorce. PL. 26. Zom..10. K K SNS VS ANTHOPHILE. SACCOMYS EYES SION #r | 419 nd DESCRIPTION DU SACCOMYS ANTHOPHILE. PAR M. FRÉDÉRIC CUVIER. J ’Ar fait connoître, dans mon ouvrage sur les dents des mammifères (1), le système de dentition caractéristique du genre de rongeurs nouveaux auquel j'ai donné le nom de Saccomys; mais l'espèce d’où ce caractère est tiré, et qui constitue ce genre à elle seule, ne me paroît pas encore connue. Je ne la trouve décrite, ni même indiquée dans au- cun ouvrage. Cependant les particularités qu’elle nous pré- sente sont propres à exciter l'attention, à éveiller l'intérêt. La plus importante consiste dans des abajoues, dans des poches, où l’animal renferme ses alimens, et qui sont tout- à-fait extérieures. Lorsqu'on consulte les auteurs, on trouve des indices de l'existence de ce genre d’organe chez quelques rongeurs; mais ce n’est que très-récemment que nous en avons eu une description exacte. Le Paca est le premier animal où l’on aït reconnu quelque chose qui en approchät (2); mais cet organe ne seroit chez lui qu’à l’état rudimentaire; il ne consiste qu’en un léger repli (1) Page 186, n°. 74. (2) M. Geoffroy Saint-Hilaire a le premier fait connoître les abajoues extérieures du Paca. Annales du Muséum d’hist. nat. ,t. IV, p. 99. 420 DU SACCOMYS ANTHOPHILE. ce la peau qui pénètre sous l’arcade zygomatique; son ori- fice est en dessous dirigée vers la terre, aucun muscle n’est destiné à le fermer, et l’animal n’en fait nul usage. Je donne (pl. 26, fig. 1 ) un dessin de cet organe qui n’a, je crois, jamais été représenté; il doit naturellement précéder la des- cription des véritables abajoues de ce genre. Le premier qui ait formellement parlé de ces sacs, de ces poches extérieures est M. Rafinesque-Smaltz : on trouve ce caractère dans l’ou- vrage intitulé : Te American Monthly Magazine, 1817, page 44 et 45, comme étant celui de deux genres nouveaux que cet auteur nomme, l’un Prplostome, et l'autre Geomys; mais aucune description ne les accompagne, et rien n'indique la structure de cet organe, non plus que ses usages et ses rap- ports avec les autres parties de l’animal. M. Rafinesque s’est borné à réunir à ce premier caractère le nombre des doigts et des dents et la couleur du pelage, ce qui ne pouvoit même suffire pour que ces genres fussent admis dans les catalogues méthodiques; aussi M. Desmarest n’en a parlé que dans les notes de sa Mammalogie. Il paroïît que c’est au genre Geomys que devroit se rap- porter l’animal décrit et représenté par Shaw dès 1798 dans les Transactions Linnéennes (t. V, p. 227, pl. 8), sous le nom de Mus bursarius, et, plus tard, dans sa Zoologie générale, sous le même nom, lequel a été rapporté aux Hamster. En effet, ce rongeur avoit toujours été présenté comme ayant des abajoues intérieures qui sortoient en forme de vessies de chaque côté de son cou, lorsqu'elles étoient gonflées par les alimens. Aujourd'hui nous savons que ces organes sont, chez cet animal, tout-à-fait extérieurs et qu'ils DU SACCOMYS ANTHOPHILE. ER ne se voient, dans les figures que nous venons de citer, comme si leur orifice étoit interne, que parce qu'ils ont été retournés dans la préparation de la peau avant l’empaillage. C’est ce que nous apprend, d’une manière positive, M. Say, dans les savantes notes qu’il a jointes au Voyage du major Long aux montagnes rocheuses, et ce qu’avoit déjà soup- çconné le docteur Barton (1). Mais M. Say, qui a su apprécier l'importance relative des organes dans la formation des genres, nous apprend de plus que les mâchelières de ce rongeur, dont il fait le genre Pseudostoma , sont au nombre deseize, qu’elles sont privées de racines, et que leur couronne re- présente un ovale simple dans les postérieures, et double dans les antérieures, ce qui complète les caractères de ce groupe et les établit d’une manière invariable. Nous regret- tons seulement de ne pas connoître ces dents par un dessin fidèle. Quant au genre Diplostome il diffère du précédent par le nombre des doigts qui n’est que de quatre à chaque pied. Les mâchelières y sont aussi au nombre de seize, mais M. Rafinesque n’en décrit pas les formes. Mon Saccomys anthophile w’appartient ni à l’un ni à Pautre de ces genres. Il diffère du premier par ses dents pourvues de racines, et du second par ses cinq doigts à tous les pieds. Si les observations de M. Rafinesque sont exactes, et sil en est de même, comme tout nous le fait penser, de celles de M. Say, la mammalogie se trouve enrichie d’un système {) M. Geoffroy Saint-Hilaire a aussi reconnu celte erreur en examinant une peau de Pseudostome rapportée par M. Milbert, et qui lui avoit été donnée par M. le docteur Mitchil. 5 Mém. du Muséum. 1. 10. 55 LD D - . DU SACCOMYS ANTHOPHILE. j L organe nouveau présenté par trois genres différens : les Psect- dostomes (1) qui appartiendroient aux rongeurs herbivores, les Saccomys qui se rapprocheroient des rongeurs omni- vores à dents composées, et les Diplosiomes dont les dents ne sont pas connues, mais qui présentent dans le nombre des doigts un caractère qui les distingue essentiellement des deux autres; et tous trois appartiennent à l'Amérique septentrio- nale; car c’est de cette contrée qu'est venu le Saccomys an- thophile, et ce sont ses abajoues qui nous ont dévoilé son origine. Mon frère conservoit cet animal dans son cabinet sans qu’on eût gardé aucune trace des lieux d’où il avoit été tiré, ou des personnes desquelles on avoit pu l'acquérir. Mais ses abajoues se trouvoient remplies de fleurs et de graines bien entières, et M. Kunth, avec son habileté ordi- naire,.reconnut que les restes de fleurs appartenoient au genre Securidaca de Linnæus dont toutes les espèces sont de l'Amérique du nord , et particulièrement au Securidaca volubilis; et il présuma que les graines avoient appartenu à une convolvulacée. Le Saccomys qui a fait le sujet de mes observations (fig. 2) étoit d’un tiers plus grand que la souris; mais sa tête étoit proportionnellement beaucoup plus volumineuse. Au reste, cet animal étoit encore jeune, ses dernières mâchelières n'avoient point acquis leur développement et sa tête conser- voit ses sutures; tout me porte même à penser que lac- tion de l’esprit-de-vin, dans lequel il paroissoit être depuis fort long-temps, avoit contracté son corps et changé ses pro- (1) J'admets ce nom plutôt que celui de Geomys, parce qu’il ne reste aucun doute sur la bonté du genre qu’il désigne, avantage qui n’a pas lieu pour le dernier. DU SACCOMYS ANTHOPHILE. 423 portions. Quoi qu'il en soit, voici quelques unes de ses prin- cipales dimensions : Du bout du museau à l’origine de la queue....... 2 pouces 9 lignes. De l’origine de la queue à son extrémité.......... 2 td. 6 id. : Du bout du museau à l’origine de l'oreille... .. ADN 0 ONE À Du bout des doigts au talon.................... » 10 id. * Du bout des doigts au poignet.................. » 5 cd. Cet animal n’est point fouisseur commeé le Pseudostome qui a les ongles antérieurs presque semblables à ceux d’une taupe; il est plutôt formé pour courir; ses membres sont forts et longs; ses pieds de devant (fig. 3) sont courts et larges, ceux de der- rière (fig. 4) allongés et étroits; les uns et les autres ont cinq doigts qui sont entre eux dans les mêmes proportions : c’est celui du milieu qui est le plus long, viennent ensuite l’'avant- dernier , le second, l’externe et le pouce qui ne se montre que par une seule phalange aux pieds de devant. Les ongles sont généralement courts, aigus, arqués et comprimés, ex- cepté celui du pouce de la main qui est plat et obtus, et celui du doigt qui suit le pouce du pied, lequel est plus droit, plus large et plus aplati que les autres, et semble avoir une destination particulière. La clavicule est complète ; la queue est mince, allongée, terminée en pointe et régulièrement verticillée de petites écailles carrées, de la base desquelles naissent un ou deux poils roides et courts. La paume est nue et garnie de tubercules épais; trois sont à la base des doigts, et deux à sa partie postérieure. Les premiers sont triangulaires; des autres, celui qui est du côté externe, est allongé et plus large en avant qu’en arrière; celui qui est du côté interne, aussi long que large, est ar- DE 424 DU SACCOMYS ANTHOPHILE. rondi antérieurement et terminé par une ligne droite pos- térieurement. La plante, nue de même, est de même garnie de tubercules, mais ceux-ci sont petits en comparaison de ceux de la plante, et presque tous ont une forme aiguë. On en trouve un aux commissures des cinq doigts et deux plus en arrière; le moins reculé est au milieu de la plante; celui qui l’est le plus est du côté interne vis-à-vis du pouce. Tous les doigts sont divisés en dessous par des sillons transverses réguliers, et terminés par un coussinet comprimé, que l’ongle recouvre et garantit. Les poils sont fins, assez longs et paroïssent être tous soyeux; les parties inférieures du corps en sont bien moiris garnies que les supérieures, et il en est de même dés mem- bres et des oreilles. Quatre rangs de moustaches très-longues et très-fines naissent parallèlement sur la lèvre supérieure. L’œil est de grandeur moyenne; sa pupille est ronde , et ses paupières, garnies de petits cils, sont épaisses; la pau- pière interne est peu développée. Le mufle (fig. 5) ‘est glanduleux et ses glandes sont” fort petites; il est divisé en deux partiés par un sinus qui s'étend sur la lèvre, et les narines sont ouvertes sur ses côtés; leur orifice est à leur partie inférieure, la supériéure-n’est qu’un ‘sinus plus large dans son milieu qu’à ses extrémités. L’oreille (fig. 6) est un des organes des sens le plus déve- loppé; la forme générale de sa conque est elliptique et fort ‘élevée. L’helix s'interrompt à % païtie supérieure; à sa partie ‘antériéuré il donne naissance à une sorte de tragus Supérieur déprimé dans son milieu; un repli semi-lunaire ét transversal la divise en deux parties égales. Au-dessous se Voit une DU SACCOMYS ANTHOPHILE. 425 crète épaisse et demi-circulaire qui va en montant d'avant en arrière; et au-dessus du trou auditif est un large bour- relet aussi demi-circulaire. Cest sans doute des relations de ces différentes parties, lorsque l'oreille se ferme, que résulte le mode suivant lequel l'oreille interne est préservée des corps étrangers qui pourroient s’y introduire. La langue est épaisse, douce et un peu échancrée à son extrémité. La lèvre supérieure est divisée par un sillon sans être fendue; elle rentre un peu en dedans de la bouche, en arrière des incisives; l’inférieure est forte et épaisse. De chaque côté et en dehors de la bouche sont deux ouvertures (fig. 7) Jongues et étroites qui naissent près de la lèvre supérieure, sous la région des moustaches, et viennent presque se réûnir sous le menton, où elles ne sont séparées que par l'épaisseur de leurs parois. Ces orifices sont les ouvertures de deux larges abajoues qui recouvrent toute la surface des joues, s’'avancent au-delà de la tête et viennent confondre leurs tégumens avec ceux des épaules et des bras. Ces organes n’ont aucune com- munication avec la cavité de la bouche, et sont parfaitement séparés l’un de l’autre sous les mâchoires, quoique par une cloison fort mince. Ils sont intérieurement remplis de poils courts et rares, et, à en juger par les fleurs dont nous les avons trouvés remplis, ils serviroïent de magasin aux alimens que l’animal ne pourroit pas consommer et dont il voudroit faire provision; mais comment les remplit-il? comment par- vient-il à les vider? c’est ce que l’étude: de cette espèce vi- vante pourra nous apprendre et ce a examen deses muscles pourra expliquer. . SAETEL Les dents mâchehières sont, comme mous l'avons dit, au 426 Du 'SACCOMYS ANTHOPHILE. nombre de quatre de chaque côté des deux mächoires. Celles dela mâchoire supérieure (fig.8)vont un peu en augmentant de grandeur de la première à la dernière. La première a une échancrure profonde du côté externe, reste sans doute d’un sillon par lequel elle étoit coupée! dans toute sa largeur, et on voit dans sa partie ‘postérieure un peüt cercle d'émail, reste lui-même d’une échancrure ou d’un sillon. Les mâche- lières suivantes ne différent de la première qu’en ce qu’au lieu d'une échancrure elles sont partagées par un sillon transver- sal. À la mâchoire inférieure (fi 9.) les mâchelières vont aussi augmentant de grandeur de la première à la dernière, et la première est: presque du double plus grande que les autres; elle a une large échancrure anguleuse à son côté interne, et au milieu de cette échancrure se voit une portion circulaire qui tient par l'émail au bord de la partie antérieure de la dent. Les deux suivantes ont une partie antérieure triangu- laire, échancrée du côté externe et séparée par un sillon transversal d’une partie postérieure simple et de forme à peu près elliptique. La dernière, encore en germe, présente deux collines séparées par un sillon. Les incisives, de forme ordinaire, ont leur face antérieure unie. L’individu dont je donne la description était un mäle. Ses organes génitaux (fig. 10) avoient beaucoup de ressemblance avec ceux des rats : la verge étoit dans un fourreau tubuleux libre, et les testicules dans un scrotum simple extérieur et étendu horizontalement sous la queue en arrière de l'anus. La couleur du pelage est d'un brun fauve-clair sur la tête, les épaules, le dos et la croupe. Les abajoues et les membres ont une teinte plus claire encore , et le bout du museau ainsi DU SACCOMYS ANTHOPHILE. 427 que le dessous du corps et la queue sont d’un blanc roussûtre. Le canal intestinal, que je n’ai pu examiner qu'extérieure- ment, a aussi quelques rapports avec celui des rats. Les in- testins qui précèdent le cœcum ont quatorze pouces de lon- gueur; ceux qui le suivent en ont quatre; le cœcum surpasse de beaucoup par son volume l’estomac dont les dimensions ne m'ont cependant pas paru très-petites, car je m’ai pu le voir qu’en place. Je ne donne point la description de la tête parce-qu’elle s'est trouvée dans un état peu propre à en faire distinguer les différentes parties ; elle étoit toute fracturée, et peut-être par les coups que l’animal y avoit recus lorsqu'on le prit. Après avoir décrit les points principaux de l’organisation du Saccomys anthophile, si nous cherchons à le rapprocher des autres rongeurs , et à reconnoître les rapports qu’il peut avoir avec eux, nous trouvons qu'il forme un type assez isolé. Il est le seul parmi les rongeurs à dents composées qui ait de véritables abajoues, et si ces sacs, quoiqu’extérieurs, peuvent le faire rapprocher des Spermophiles, des Tamias, des Hamster, il s'éloigne des uns et des autres par le nombre comme par la forme de ses dents, et même par la structure de ses membres. À en juger par la longueur et la grosseur de ses jambes de derrière, la forme acérée de ses ongles, les fleurs qui remplissoient ses abajoues, on pourroit conjecturer que c’est un animal coureur qui peut monter aux arbres, et qui vit peut-être à la manière des écureuils. Néanmoins, de nom- breux intermédiaires seroient encore nécessaires pour le rattacher intimement aux genres connus qui ont le plus d’ana- logie avec lui, et à plus forte raison à toutes les autres es- 428 DÜ SACCOMYS ANTHOPHILE. pèces, si l'on admetfoit comme loi que la nature ne fait de saut dans aucun sens. Et si l’on.considère qu’il en est à peu près de même pour tous les autres genres de rongeurs, et qu’on ne connoit encore qu’à peine 1bo espèces de ces ani- maux, On trouvera, entre le nombre présumé de ceux qui doivent éxister, d’après cette loi de la continuité qui a pour appui l'immence autorité de Leïibnitz, et le nombre de ceux qui existent en effet, c’est-à-dire qui ont été reconnus et décrits,-une différence bien propre à exciter le zèle des na- turalistes ::car où trouveroit-on plus de motifs d’encoura-- gement pour les recherches, plus de certitudes pour les succès ? Malheureusement les spéculations en apparence les plus légitimes de l'esprit ne sont pas toujours sanctionnées par l'expérience. MEMOIRE SUR LA FRUCTIFICATION DES PRÉLES. PAR M. VAUCHER, de Genève. Je continué sur la fructification des Prèles les expériences que j'avois annoncées dans ma Monographie de cette famille ( pag. 19, 22 ). Mais le printemps de 1822 a été si chaud et si sec que mes graines, après s'être développées comme à l'ordinaire, n’ont pas tardé à se dessécher et à disparoitre entièrement. Je n'ai point perdu courage. Malgré cinq années d'observations qui n’avoient rien ajouté à mes premières connoissances, et ayant appris que M. Agardh avoit fait in- sérer dans les Mémoires du Muséum d'histoire naturelle, un travail nouveau sur cet objet, j'ai repris mes recherches avec un nouveau zèle, et j'ai enfin obtenu le succès que j’avois jusqu'ici inutilement désiré. J'ai semé aussitôt que les circonstances me l’ont permis plusieurs vases de Prèles, et en particulier un de Prèle flu- viatile, et un autre de Prêle des marais que j'ai recouverts, selon mon usage, d’une gaze légère, afin de les préserver de l'effet des trop grandes intempéries. Je les ai placés en plein air et à une demi-ombre, car j'avois observé précédemment que ceux que j’exposois sur Mérn. du Muséum, 1. 10. 56 430 FRUCTIFICATION DES PRÈLES. mes fenêtres, étoient atteints par l’espèce de pourriture que j'ai décrite ailleurs (1), et que ceux qui recevoient l'action directe du soleil étoient promptement desséchés. Je les ai arrosés toutes les fois que cela m'a paru nécessaire, et je les ai abandonnés à leur sort. L’année a favorisé ce dernier essai. Le printemps et l’été de 1823 ont offert une température moyenne et une alter- native continuelle de pluie et de soleil. Mes vases se sont bien maintenus, ils ont traversé sans en souffrir les mois de juillet et d'août, et enfin le premier m’a offert au 12 sep- tembre, et le second au 21 du même mois, le joli spectacle que j'attendois avec une curiosité impatiente depuis plusieurs MOIS. Je ne répéterai pas ici ce que j'ai déjà dit dans mon his- toire des Prèles sur les premiers développemens des se- mences de ces singuliers végétaux. Tout s’est passé d’abord comme je l’avois déjà annoncé, la graine s’est enflée, elle s’est divisée à son sommet en deux, trois et plusieurs lobes ; ces lobes se sont successivement développés, et ont émis des radicules par lesquelles ils se fixoïent au sol. Ils ont enfin formé des gazons d’un vert gai, occupant quelquefois l’éten- due d’une ligne de diamètre et ressemblant tout-à-fait au premier coup d'œil à une petite Jongermanne. _ Ils sont restés dans cet état pendant deux mois environ, prenant des accroissemens insensibles et ne changeant point d'apparence. Enfin il s’est élevé du centre du gazon un point vert qui en grandissant a laissé voir à sa base une collerette (1) Foyez Monographie des Prêles. Genève 1822. Pag. 19. FRrocriFicATION DES PRrÈèLES. 431 à quatre divisions, puisuneseconde, puis successivement une troisième, d’où sortoit le sommet de la jeune tige. Joy. les figures. Les grains verts renfermés dans les loges dont l'assemblage forme l’épi de la Prêle, sont en conséquence de véritables semences acotylédonées, dépourvues non-seulement de :coty- lédons proprement dits, mais encore d’albumen et d’enve- loppes : elles sont réduites au seul embryon. Mais cet organe ne ressemble point à ceux que nous connoissons. Il n’est pas composé d’une radicule et d’une plumule, il se déve- loppe d’une manière bizarre, et qui n’est point exactement la même pour les différens grains; il se divise.et se frise irré- gulièrement, et après avoir pris pendant les mois d’été l’ac- croissement dont il est susceptible, il donne enfin naissance à la plante qu'il est destiné à reproduire. Ce mode de germination présente la circonstance re- marquable de deux espèces de racines. Les unes appartien- nent au grain vert dans sa première évolution; les autres dépendent de la tige mème de la jeune Prêle : celle-ci est unique, fort apparente et s'enfonce perpendiculairement dans le sol : celles-là au contraire sont multiples , mais foibles et délicates : elles se détruisent promptement. La racine propre de la Prèle, examinée au microscope, ne m'a pas paru articulée : elle est simple, continue, pivotante et semblable aux racines des autres plantes. Comment de- vient-elle ensuite articulée ? c’est ce que j'ignore : mais dans ce premier âge et comme je le vois actuellement, elle n’a en apparence aucun des caractères qu’on attribue aux tiges souterraines. 56* h32 FRUCTIFICATION DES PRÈLES. Le grain vert, développé comme je viens de le dire, donne- t-il naissance à plusieurs tiges ou à une seule. Jusqu'à pré- sent je n’en ai vu qu'une, mais il ne seroit pas impossible qu'il en émit plusieurs. Gependant il ne faudroit pas croire que les tiges fussent multiples dès qu'on en verroit sortir plusieurs de la même touffe, parce que cette touffe peut elle-même être formée du développement de plusieurs grains. On pourroit imaginer que ces divers lobes, qui prennent souvent la forme de tubes cylindriques et paroissent visi- blement articulés, ne sont eux-mêmes que des tiges avortées qui dans des circonstances différentes se seroient développées en vraies tiges. Mais si l’on examine la chose de plus près, on verra qu'il n’y a point de ressemblance réelle entre ces lobes et la tige proprement dite : celle-ci est solide, munie d'involucres qui s’emboitent les uns dans les autres : celles- là sont demi-transparentes, d’une consistance molle et sim- plement cloisonnées : elles ressemblent beaucoup pour leur nature et leur organisation à ces tubes creux et légère- ment verdâtres, qui se développent dans la germination des mousses, et dont on doit, je pense, la première découverte à Hedwig (1). Je ne doute pas que la germination de la plu- part des Fougères ne présente des apparences semblables. Agardh, dans son Mémoire sur la germination des Prèles, inséré dans les Mémorres du Muséum , vol. 5, 4e. cahier, a bien décrit ces premiers développemens, que j’avois déjà ob- servésen 1815, et présentés à la Société de Physique et d’'His- (1) Foy. en particulier sa Théorie de la Génération des Plantes Cryptogamiques, Leipsick, 1708 , pag. 153, tab. 16, qui représente le Gymnostome pomiforme. FrucTiFicATION DES PRÈLES. 433 toire naturelle en février 1818. Mais il s’est trompé en les prenant pour des Conferves ou des productions confervoïdes accolées les unes aux autres. Car les Conferves, au moins celles que j'ai autrefois décrites, sont, à peu près toutes, en- tièrement dépourvues de racines; elles donnent des graines qui les reproduisent et elles ne se changent jamais en d’autres plantes. Hedwig auroit pu dire avec la même raison que ses mousses étoient primitivement des Conferves. Mais ce qu'il y a de vrai dans l'opinion de l’illustre bota- niste que je combats, c’est que les premiers développemens des Prèles n’ont aucun rapport avec ceux qui les suivent, et qu'il y a une grande différence entre les cotylédons des plantes-parfaites et ceux des plantes de la Cryptogamie de Linné. C’est ce qu'a énoncé Agardh lui-même à la fin de son mémoire, et l’on peut dire que quoiqu'il n’ait pas eu le bonheur de voir la germination complète des Prèles, il l’a cependant pressentie. Mes jeunes Prêles dont je viens de faire l’histoire sont dans ce moment assez nombreuses. J’en ai une douzaine qui pro- viennent de la Prèle fluviatile et cinq ou six de celle des marais. Jusqu'à présent elles se ressemblent beaucoup, et je ne serois pas en état d'y reconnoître la moindre différence. Je les suivrai autant qu’il me sera possible et je les conser- verai, si je le puis, pendant l'hiver, ce qui sera difficile parce que le feuillage des espèces auxquelles elles appartiennent ne supporte pas aisément le froid de nos climats. Je m’étois trompé en imaginant que les Prêles pouvoient être considérées comme des plantes dont les semences étoient actuellement infécondes : cette conjecture étoit fondée sur 434 FRuCTIFICATION DES PRÈLES. ce que je n'avois encore trouvé aucun individu de ce genre dont la racine ne fût très-profonde et très-ancienne. Je crois aujourd’hui que les Prêles, comme les Fougères, se reproduisent toutes les fois qu’elles sont placées dans des circonstances convenables; mais je persiste à penser que ces circonstances sont fort rares, puisque dans six années je n'ai pu réussir qu'une seule fois à élever des plantes par- faites, et que les botanistes qui m’ont précédé dans ce genre de recherches ont encore été moins heureux. EXPLICATION DES FIGURES. Fic. 1. Graines de la Prêle fluviatile, commençant à germer. Fic. 2. Lies mêmes dans leurs degrés successifs de développement. Fic. 3. Premiere apparition de la jeunettige. Fic..4. Tige plus développée. Les cotylédons commencent à se dessécher et à perdre leurs radicules. Fic. 5. Tige avec trois collerettes. Cotylédons desséchés sans radicules. Racine pivotante portant des filamens -ou radicules. Fic..6. Jeune Prêle fluviatile de grandeur naturelle. TV, 27. Zom..10, = PRESZZ. ; 4 ï ‘ ns EXAMEN CHIMIQUE D'un Fragment d’une masse saline considérable rejetée par le Vésuve dans l’éruption qui a eu lieu en 1822. PAR M. LAUGIER. M. suites de Gaïlard à fait don au Cabinet du Muséum d'histoire naturelle d’un morceau du poids d’environ trente livres, détaché d’une masse saline, de grosseur énorme, vo- mie par le Vésuve en 1822. Cette masse renferme une quan- tité de sel marin si abondante que les habitans pauvres de Naples et des environs se sont empressés d’en faire provision pour leurs usages domestiques. L'administration du Muséum, désirant connoïître la com- position de cette masse saline, m’a chargé d’en faire analyse. Cette matière volcanique paroït, au premier coup d'œil, formée de deux substances faciles à distinguer : l’une, et c’est la plus abondante, car elle en compose plus des deux tiers, est blanche, cristalline, lamelleuse, friable, sa saveur est celle du sel marin avec un arrière goût d’amertume légère; l'autre, d’un rouge-brunâtre, d’une saveur un peu salée, est plus dure que la première, et contient visiblement ane assez grande quantité d’oxide rouge de fer. La portion blanche, mécaniquement séparée de la portion colorée, se dissout dans l’eau froide sans laisser de résidu. 435 EXAMEN CHIMIQUE Sa dissolution précipite fortement en jaune par la dissolution d'hydrochlorate de plane, et très-légèrement par les disso- Jutions d’oxalate d’ammoniaque et de nitrate de baryte. Ces deux expériences prouvent que la portion blanche est mêlée d'une assez grande quantité d’hydrochlorate de potasse et d’un peu de sulfate de chaux. J'ai pulvérisé 100 parties d’une portion de la masse dans laquelle les substances blanches et rouges m'ont paru à peu près également mélangées ; je les ai fait macérer dans de l’eau froide jusqu’à dissolution totale de la partie blanche; j'ai décanté, l’eau et pulvérisé la partie rouge; que j'ai de nou- veau laissée en: contact avec de l’eau froide jusqu'à ce que celle-ci n’eût plus de saveur. J’ai jeté le résidu sur un filtre et je l’ai lavé à froid, Ce dernier, devenu insipide, a été sé- ché et calciné; ilreprésentoit 23 parties, qui furent réduites à 21 parties deux dixièmes par leur digestion dans l’eau bouillante. Celle-ci précipitoit légèrement par l’oxalate d’am- moniaque, et beaucoup plus abondamment par le nitrate de baryte. Il falloit donc que l’acide sulfurique fût combiné à une autre base que la chaux, et c’est ce qu'a démontré l'évaporation de l’eau qui a laissé pour résidu une demi- partie de sulfate de chaux, et une partie deux dixièmes de sulfate de soude qui s’est eflleuri à l'air et n'a pas donné de précipité par la dissolution d’hydrochlorate de platine. … Les 21 parties deux dixièmes, insolubles dans l’eau, ont été fondues avec la potasse, délayées dans l’eau et redissoutes dans l'acide hydrochlorique en totalité. L’évaporation à sic- cité a fourni 11 parties et demie de silice. Le précipité que lammoniaque a formé dans la dissolution, après la séparation D'UNE MASSE SADHINE. 437 de la silice, traité par de l'hydrate de potasse liquide, a donné 4 parties 3 dixièmes d’oxide de.fér, ét 3 parties à dixièmes d’alumine. Enfin, l'oxalate d’ammoniaque a précipité de la dissolution privée du. fer ét de l’alumine, ‘une. quantité d’oxalate calcaire représentant une partie 3 dixièmes de chaux! : L'eau froide qui avoit, servi à traiter les r00 parties de la matière volcanique soumise à l'expérience a été évaporée à siccité; le résidu salin qu’elle a laissé s’est redissous dans l’eau, à l'exception d’une demi-partie d’une substance flo- conneuse qui a présenté les caractères du sulfate de chaux. La dissolution saline, évaporée de nouveau, a donné 73 par ties 9 dixièmes d’un hydrochlorate alcalin. Mais des essais faits antérieurement m'ayant démontré que l’hydrochlorate de soude enlevé par l’eau, étoit mêlé d’hydrochlorate de potasse, il s’agissoit de déterminer exac- tement la proportion dans laquelle ces deux sels se trou- voient. Pour y parvenir , j’ai pris 100 parties du sel marin de la portion blanche assez pure pour se dissoudre entièrement dans l’eau froide ; j'ai introduit peu à peu dans sa dissolution de petits cristaux d’acide tartarique ; j'ai cessé d’en ajouter, lorsqu’en se dissolvant ils ne précipitoient plus la dissolution. J'ai recueilli le précipité lavé à l’eau froide, et desséché avec précaution, son poids équivaloit à 35 parties. Cette quantité de surtartrate alcalin représente 9 parties de potasse qui exi- gent pour leur saturation 5 parties deux dixièmes d’acide hydrochlorique. Ainsi 100 parties de l’hydrochlorate de soude provenant de la masse volcanique du Vésuve renferment 14 parties > dixièmes d'hydrochlorate de potasse, et il en Mém. du Muséurn.t. 10. 5 438 EXAMEN CAIMIQUE P'UNE MASSÉ SALINE. résülté que les 73 parties o dixièmes d’hydrochlorate de souüde que fai trouvées dans 100 parties de la masse entière volcanique sourñise aux expériences ci-dessus décrites sont méêlées à 10 parties et demie d’hydrochlorate de potasse. Curieux de vérifier si je retrouverois dans la dissolution précipitée par l’acide tartarique la quantité d’hydrochlorate de soude que cet acide n’avoit point décomposée, je lai fait évaporer dans un creuset de platine, ét j'ai calciné fortement le résidu pour décomposer l'acide végétal et brûler entière- ment son charbon. J’ai obtenu une masse de sel marin fondue qui, défalquée du poids du creuset, m’a donné 83 parties ; il est vrai que-j’aurois dû obtenir 85 parties 8 dixièmes; mais si l'on considère les pertes que lon doit nécessairement éprouver dans une série nombreuse d'expériences; je pense que ce second résultat peur être regardé comme servant de contrôle aw om quoiqu'il ne soit pas d’une exactitude rigoureuse. Il résulte de cette analyse que 100 parties de la masse saine volcanique sont formées des substances pi dési- enées dans les PRE suivantes : sl & Hydrochlorateide ol Hate 6;9) Matières solubles dune les froide... À Hydrochlorate: de potasse.…… .: 10,5 ÿ Sulfate de chaux... dSeDont 0,5 Matières solubles dans l’eau chaude. { Suite a #4 11, à VSulfate de soude. 4.544,42) 1,2 PRE SIREN Per er 11,9 Matières insolubles dans l’eau, fondues) Oxide de fer............... 4,3 avec la potasse, .... in coms do É EAU ER Se ee CRD SL SOA ES | Chaux. À STARS : 06,3 Eau et perte..:1 ARS M AUTO Er étisn 24e dire RAI 439 * Des différentes manières dont les Corps agissent sur lorgane du Goût. PAR M. CHEVREUL. D la persuasion où jé suis que beaucoup de phénomènes ne nous paroissent, compliqués que parce qu'ils sont le ré- sultat de plusieurs causes qui agissent simultanément, j’ai pour principe, lorsque j’examine des phénomènes de ce genre, de chercher à déméler les différentes causes qui peuvent agir, afin de rapporter à chacune d’elles les effets qui en dé- pendent. En envisageant sous ce point de vue les sensa- tions si variées que nous percevons lorsque des corps sont introduits dans la bouche, je suis arrivé à faire une ana- lyse satisfaisante de ces sensations en reconnoissant celles que | nous percevons, 1°. par le tact de la langue; 20. par Le goût; 30. par l’odorat. On reconnoîit généralement que nous sommes susceptibles de percevoir ces trois ordres de modifi- cation par l'introduction des corps dans la bouche ; mais parce qu'aucun des physiologistes que j'ai consultés ne m'a indiqué les moyens de reconnoître les modifications spéciales à cha- cun des sens du tact, du goût et de l’odorat, je me suis déterminé à publier les résultats suivans qui font partie 359 * 4ho OrcGANE pu Gour. de mes considérations générales sur l'analyse organique uninédate et sur les applications de cette branche de le chimie à l'histoire des \éfres organisés. Il n'est pas possible de séparer l’action qu'une substance introduite dans la bouche exerce sur le tact, de l’action qu’elle exerce sur le goût, mais il est facile de distinguer les effets produits sur chacunyde :ces sens,: pour cela on ap- préciera d’abord l'effet produit par la substance sur l’organe du tact, en appliquant cette même substance sur une partie de notre corps autre que la langue; ensuite on fera abstrac- tion par la pensée de l'effet produit dans ce cas, de ceux qui le sont'lorsqu'on met la substance dans la bouche, et on aura par ce moyen l’effet-produit sur le goût; seulement parce que la langue est plus sensible que la peau, la sensation! du tact de la langue sera plus intense que celle du tact de la peau. Par exemple,-sison presse du chlorure de calcium. réduit en poudre ‘sur la peau, l’eau de la transpiration sera soli- difiée par ce composé, et l’on éprouvera une sensation de chaleur. Si l’on prend au contraire l’hydrochlorate de chaux cristallisé réduit en poudre, il se liquéfiera et onressentira du froid. Il est évident maintenant que le chlorure de calcium mis dans la bouche produira de la chaleur, tandis que l'hydrochlo- rate de chaux y produira du froid, et que les effets seront plus marqués qu'à la surface du corps, puisque la langue est plus sensible et qu’elle est plus humide que la peau. Les corps qui se fondent où qui s’évaporent à la surface du corps en produisant du froid, en produiront encore dans la bouche s'ils $Y fondent et s'ils s'y évaporent. ; Mais comment séparera-t-on la sensation de l’odorat des ORGANE Du Gour. ht sensations du tact de la langue et du gout proprement dit? d’une manière très-simple; il suflira de presser les deux na- rines l’une contre l’autre pour empècher toute sensation de la part de-l’odorat, parce qu’alors l’air qui s’est chargé plus ou moins dans la bouche des parties odorantes qu’une subs- tance sapide et odorante a émises, ne pouvant plus être expiré par le nez, ne portera plus: à la membrane pituitaire les molécules qui occasionnent la sensation de l'odeur. Dans le cas où les narines sont pressées il n’y a donc que les sensations du tact de la langue et du goût qui sont percues. On ne sauroit se faire une idée des différences extrêmes qui existent entre les sensations qu'on perçoit d’une substance sapide et odorante, suivant que le passage de Fair expiré par le nez est libre ou interrompu. k Je suis parvenu à établir quatre classes de corps relative- ment aux sensations qu’ils excitent en nous lorsqu'on les met dans la bouche : je ne parle point ici des substances caustiques qui altèrent les organes. 1re, CLasse. Corps qui n'agissent que sur le tact de la langue. Le cristal de roche, le saphir, la glace. 2e, Crasse. Co7ps qui agissent que sur le tact de la langue et sur l’'odorat. Les métaux odorans; lorsqu'on met de l’étain dans la bouche, on perçoit l’odeur de ce métal : et en se pressant les narines, toute sensation autre que celle du tact, disparoit complétement, h42 Oreane pu Gour. 3e. Crasse. Corps qui agissent sur le tact de la langue et sur le goût. Tels sont le sucre, le chlorure de sodium; lorsqu'on met ces corps dans la bouche, les sensations qu’ils causent ne sont point modifiées dans le cas où les narines sont pressées. 4e. Grasse. Corps qui agissent sur le tact de la langue, sur le goût et sur l’odorat. ù Exemples : r°. les huiles volatiles. Elles ont en général de l'âcreté, avec une odeur particulière ? à PTE sorte d'huile. Quand on les met dans la bouche, et qu on se presse les na- rines , la sensation d'âcreté est toujours sensible, tandis que celle 4 l'odeur s ’évanouit ‘entièrement. 20, Les pastilles de menthe, de chocolat ; les narines étant pressées, après qu'elles ont été introduites de la bouche, on ne ressent plus que’ la saveur du sucre; si on cesse de se presser les narines, l'odeur de la menthe, celle du cacao redeviennent sensibles. Iln’est pas inutile de faire remarquer que le goût wrireux qu'on attribue aux bases alcalines fixes n'appartient point à ces substances, mais bien à l'ammoniaque qui est mise en liberté par la réaction des bases alcalines fixes sur les sels ammoniacaux contenus dans la salive. Les preuves en sont, 10, dans la disparition de la sensation dont je parle lorsque les narines sont pressées; 20. dans la perception de la même sensation lorsqu'on flaire un mélange de salive fraiche. et d’ alcali « qu op a opéré dans une petite capsule de porcelaine ou de verre, ba Il paroit qu avec Vâge le sens de l'odorat s "afloiblit à avant celui du goût, 443 RECHERCHES | Sur plusieurs points de Chimie organique, et Considérations sur la nature du Sang. (Lues à l’Académie des Sciences, le 4 août 1828.) PAR M. CHEVREUL. Se Aroduit-il des matières grasses lorsque l'alcool, l'éther st \furique, l'acide nitrique, réagissent sur plusieurs substances organiques azotéés? Êÿ muscles $e Changent-tls en adipocire dans l’économie antmale ? Les tendons, le tissu élastique jaune se changent-üls en adipocire lorsqu'ils sont enfours dans la terre ou plongés dans l’eau ? | Découverte de la matière cérébrale dans le sang. Examen du serum du sang des enfans attaqués d’une ictère, et de l’induration du tissu cellulaire. "Losirse les fois qu'une opinion est avancée par un savant distingué sur un sujet qui n’est pas de nature À être souvent egaminé, cette opinion, conforme d’ailleurs aux idées du temps, est généralement admise, et lorsque, plus tard, des objections s'élèvent pour la faire rejeter comme inexacte, 444 CHIMIE ORGANIQUE. l'auteur de ces objections doit apporter un ensemble de preuves qu'on n’avoit point exigé pour admettre l'opinion contestée. La réflexion que je fais est surtout applicable aux idées de-plusieurs chimistes qui pensent que les substances organiques azotées ont la propriété de se convertir en matière grasse, soit par la putréfaction, soit par l’acide nitrique; ma- nière de voir qui, en elle-même, n’est point absurde, puis- qu’on sait qu'en faisant abstraction de l’azote dans les subs- tances azotées, l’oxigène, le carbone et l'hydrogène restant, sont dans des proportions assez voisines de celles qui cons- ütuent les corps gras. Mais si nous consultons les écrits des auteurs qui ont avancé ces opinions, nous n'y trouverons aucune expérience précise pour les appuyer, et, il y a plus, c’est que dans le mémoire où Fillustre Berthollet parla le premier, en 1780, de la matière huileuse qu’on obtient des substances animales traitées par l'acide nitrique; ce savant regarda cette même matière comme un des principes immé- diats des substances animales. ; Pour savoir si les substances azotées ont RARES la propriété de se convertir en matière grasse, il semble d’abord qu'il sufliroit de les traiter par lalcool ou par l'éther, et de voir si ces dissolvans enlèvent une matière grasse dont le poids correspondroit à celui de la matière grasse qu'elles donnent lorsqu'on les abandonne à elles-mêmes, soit dans la terre, soit dans l’eau, ou bien lorsqu'on les soumet à l’ac- tion de l’acide nitrique. Mais ces expériences ne sufliroient point pour résoudre la question, parce que M: Berzelius admet que l'alcool et l’éther sont eux-mêmes capables de déterminer la production d’une matière grasse, lorsqu'on les NATURE DU SANG. 445 applique aux substances azotées; et cette opinion, quelque éloignée qu’elle soit de celle des chimistes de Paris, a été sou tenue par M. F. G.Gmelin, et adoptée par M. Braconnot. Dans cet état de choses, je pense qu'il n’y a pas d’autres moyens de discuter les opinions précédentes, 1°. que de déterminer la proportion des matières grasses qu’on obtient des subs- tances azotées par plusieurs procédés: 20. d'étudier la na- ture des matières grasses séparées; 30. de tirer des consé- quences des recherches précédentes, et dans l'hypothèse où les matières grasses sont produites aux dépens des élémens des substances azotées, et dans l'hypothèse où ces mèmes matières doivent leur origine à une matière grasse préexis- tante dans les substances azotées. Telle est la marche que je vais suivre dans ce Mémoire; les faits sur lesquels je m'appuie seront exposés avec les détails qu'ils comportent dans mes recherches sur les substances azotées d'origine animale. Lorsqu'on traite par l'alcool 100 parties de tendons d’élé- phant desséchés, on en retire une matière grasse fusible à 30d,5 composée de stéarine et d’oléine, comme la graisse du mème animal. Les tendons traités par l'acide nitrique foible et par l'acide hydrochlorique, donnent sensiblement la même quantité de stéarine et d’oléine. Ainsi en employant trois réactifs aussi différens que le sont entre eux l'alcool, l'acide nitrique et l’acide hydrochlorique, on obtient les mêmes corps et sensiblement dans la même proportion. Si l’on abandonne 100 parties de tendons au milieu de l’eau pendant un an, on obtient, au plus, de 2 à 3 parties d’une adipocire formée d'acides margarique et oléique; adi- Mém. du Muséum. 1. 10. 58 446 CHIMIE ORGANIQUE. pocire qui correspond par sa nature et par sa quantité à la proportion de la graisse extraite par Palcool. nfin, en traitant ces mêmes tendons par l’eau de potasse, la matière organique est dissoute, et la liqueur abandonnée à elle-même, dépose du surmargarate de potasse, ce qui est conforme aux observations précédentes. Le tissu jaune élastique des animaux m’a présentélesmèmes résultats, avec cette seule différence que la proportion de la matière grasse a été trouvée constamment un peu plus forte que dans les tendons. La fibrine du sang artériel, traitée par l'alcool ou par l’éther, donne une proportion de matière grasse qu'il est assez difficile d'évaluer exactement, parce que cette matière différant absolument de la stéarine et de l’oléine, qui sontim- miscibles à l’eau, forme avec ce même liquide une émulsion ou une sorte de mélange dont il est difficile de dégager en- tièrement la matière grasse ; cependant je croïs peu m’éloigner de la vérité, en fixant de 4 à 4, 5, pour 100 de fibrine sèche, la quantité de matière grasse qu’on en extrait par l’alcool ou par l’éther. En traitant la fibrine par l'acide nitrique à 344 on en obtient +5: de matière grasse; en la traitant par le même acide étendu de son poids d’eau on en obtient; enfin enla traitant par l’acide hydrochlorique on obtient r& de matière grasse impure. J’ajouterai à ces résultats, 1°. que M. Gay-Lussac ayant abandonné de la fibrine à elle-même au milieu de l’eau, a constaté qu'elle donne si peu de résidu gras, après sa dé- composition, qu'il en a conclu que par la putréfaction la fibrine ne se convertit point en matière grasse; 20. enfin que la fibrine après avoir été traitée par l'alcool ou par l’éther Narure pu SANG. 447 ne donne plus ou presque plus de matière grasse quand on la traite avec les acides. Examinons mainteaant les propriétés de la matière grasse obtenue du traitement de la fibrine par l'alcool ou par l’éther. La matière grasse de la fibrine n’est ni acide nialcaline; elle est soluble dans l'alcool et dans l’éther; lorsque ces liquides se refroidissent lentement, elle s’en dépose sous la forme de belles lames ou paillettes brillantes; si au contraire elle se sépare rapidement d’une solution concentrée, elle est sous la forme oléagineuse. Lorsqu'on la met dans l’eau froide, elle produit une sorte d’émulsion blanche qui se coagule par les acides, et quand on fait bouillir le liquide, alors la matière grasse se présente au milieu de l’eau bouillante sous la forme de gros flocons, et s’il y a des portions de cette même matière qui soient à sec sur les parois de la capsule où l’on opère, ils se présentent à l’état d’un liquide oléagineux. Cette dissolution exhale une odeur prononcée, très-analogue à celie de l’osmazôme. La matière grasse de la fibrine du sang ne s’est pas sapo- nifiée, après avoir été tenue pendant douze heures dans l’eau de potasse bouillante. Telles sont les propriétés que je consignai dans une note lue à l’Académie des Sciences le 10 septembre 1821. Dès cette époque, quoique je n’eusse opéré que sur une très- petite quantité de matière, je n’hésitai point, en recherchant les rapports que cette substance peut avoir avec les corps connus, à la rapprocher de la matière grasse du cerveau, car je fis observer que toutes les propriétés de cette dernière matière appartiennent également à la matière grasse de la 58” 448 CHIMIE ORGANIQUE. fibrine. M. G. Cuvier, en parlant de mes observations dans le compte qu'il rendit des travaux de l'Académie, pendant 1821, consigna ce rapprochement. J’ajouterai à mon premier travail, que la matière grasse de la fibrine étant brûlée dans un creu- set, donne de l’acide phosphorique comme M. Vauquelin la découvert pour la matière grasse du cerveau, et que suivant mes observations, les deux matières cristallisées en belles lames soumises à l’action de la chaleur dans un tube de verre donnent des produits alcalins. Aujourd’hui, je ne connois aucune différence qui puisse distinguer les matières quej’avois rapprochées l’une de l’autre : dans un prochain mémoire je ferai connoître la composition élémentaire de ces substances, et s’il est possible de les réduire en plusieurs espèces de prin- cipes immédiats. Maintenant, je demande si l'hypothèse où l’on suppose la production des matières grasses par l’action des acides, de l'alcool et de l’éther aux dépens des élémens des substances azotées, est conforme aux faits que je viens d'établir. S'il est naturel d'admettre que ces réactifs produisent sensiblement la même quantité de stéarine et d’oléine avec les tendons et le tissu jaune élastique? tandis que l'alcool et léther pro- duisent avec la fibrine du sang une matière qu’on ne peut distinguer aujourd'hui de la matière grasse du cerveau; dans l'hypothèse contraire, tous ces faits sont si naturels que je ne m’y arrêterai pas plus long-temps : j'ajouterai seulement quelques détails historiques sur les travaux auxquels le sang a donnélieu relativement à sa partie grasse. Avant que M. Ber- zelius eût parlé de la matière grasse de la fibrine, Schwil- gué avoit annoncé à la Société de l’école de Médecine l’exis- NATURE pu SANG. 419 tence d’une matière grasse dans le sang de l’homme; il l’avoit extraite de ce liquide au moyen de l'alcool. ( oyez la Chi- nue de M. Thénard.) Après M. Berzelius, M. Vauquelin a retiré de l’alcool qui avoit servi à coaguler le sérum du sang de bœuf une matière huileuse. Tel étoit l’état de la science avant mon travail. Pour terminer ici tout ce qui se rapporte à la conversion des principes immédiats azotés en matière grasse, je dirai que les muscles ne se changent point en adpoctre dans l’économie animale; j'ai examiné les muscles d’une brebis qu'on disoit convertis en adipocire, et jy ai retrouvé un cinquième de fibre musculaire; les quatre cinquièmes restant étoient formés d’une graisse qui ne différoit du suif qu’en ce qu’elle contenoit plus d’oléine : elle étoit fusible à 304,5 ; j'ai fait une observation analogue sur des muscles gras humains, et M. Béclard, de son côté, en a fait un grand nombre qui sont conformes à l'opinion que j'ai énoncée. Je passe maintenant à quelques considérations sur le sang envisagé relativement à sa nature chimique. Il est sans doute bien important pour la physiologie d’avoir constaté que le plus grand nombre des matériaux de l’organisation sont tous formés dans ce fluide : ainsi on y trouve la fibre musculaire, l’albumine, les phosphates de chaux et de magnésie, qui constituent la plus grande partie de la masse solide des ani- maux vertébrés; on y trouve tous les matériaux connus du cerveau, l’albumine, la matière grasse, et l’osmazôme; enfin MM. Prevost et Dumas ont démontré que l’urée qui est un des produits excrémentitiels les plus remarquables de l’éco- nomie animale se trouve pareillement dans le même fluide. 450 CHIMIE ORGANIQUE. Non-seulement l'analyse chimique a découvert des rap- ports entre le sang et les matières qui en sont sécrétées dans l’état de santé, mais elle en trouve encore entre le sang et les liquides pathologiques de certaines maladies. C’est ce que j'ai constaté récemment, grâce à l’obligeance du docteur Breschet, qui m’a mis à même d’observer le sang et la ma- tière jaune des enfans qui sont attaqués d’une ictère et de l’induration du tissu cellulaire. Je n’entrerai ici dans aucun détail sur mes expériences, celles-ci devant faire partie d’un travail que M. Breschet présentera à l’Académie; je me bornerai aux résultats suivans. Lorsqu'on incise la peau des enfans morts de l’induration du tissu cellulaire, on obtient un liquide jaune formé d’al- bumine, d’un principe colorant d’une couleur rouge-orangée, et d’un principe colorant vert; ces mêmes principes se trou- vent aussi dans la bile; si l’on abandonne le sang de ces en- fans à lui-même, il s’en sépare un caillot de fibrine et de matière colorante rouge, mais le sérum, au lieu d’être inco- lore, a précisément la même couleur que le liquide de la peau, et comme lui il contient les mêmes principes immédiats. Une autre propriété commune à ces liquides, c’est qu'aban- donnés à eux-mêmes ils se prennent en une gelée formée de liquide et d’une matière membraneuse : les principes colorans restent presqu’en totalité dans la partie liquide; et ce qui . prouve que le phénomène de l’induration n'est pas essentiel à ce principe, c’est qu'il existe une maladie où l'induration n’est pas accompagnée de l’ictère, et qu’en outre dans les cadavres des enfans morts de cette dernière maladie, le sérum du sang ne contient que des traces du principe colorant orangé, et Narure pu SANG. 451 cependant il a la propriété de se coaguler spontanément comme le sérum des enfans ictériques. J’ignore si le sérum du sang des enfans en santé contient la matière spontanément coagulable que je signale ici; dans le cas où il en seroit dé- pourvu, ou bien, ce qui revient au même, où il en contien- drait une proportion beaucoup plus foible que celle contenue dans le sérum des enfans attaqués de la maladie de l’indura- tion, il semble qu’on devroit considérer la coagulation de cette matière comme la cause de l’induration des parties où le sérum a pénétré : j’ajouterai que j'ai trouvé une autre ma- tière spontanément coagulable qui est très-analogue à la première, si elle ne lui est pas identique, dans des liquides qui m'ont été remis il y a plusieurs années par M. Dupuy- tren; mais je reviendrai sur tous ces objets dans un prochain travail. 452 EXAMEN CHIMIQUE De PEcorce du STRYcHNOS PSEUDOQUINA, appelée vulgairement quina do campo ou de mandana (1). PAR M VAUQUELIN. M. Auguste de St.-Hilaire a rapporté de son voyage en Amérique l'écorce dont il s’agit, et dont l'arbre croit au Brésil. Comme les habitans du pays emploient cette écorce comme le quinquina pour la guérison desfièvresintermittentes, M. de St.-Hilaire, curieux de savoir si elle contenoit le même prin- (Gi) M. Auguste de Saint-Hilaire a décrit cette plante avec le plus grand détail dans la première livraison de ses Plantes usuelles des Brasiliens. De toutes les es- pèces médicinales du Brésil; lé Sirychnos pseudoquina est, dit-il, une de celles dont l'usage est le plus répandu;et;dont les propriétés sont le mieux constatées. Les Brasiliens s’en servent à peu près dans toutes les maladies où les médecins d’Eu- rope administrent le quinquina, et pr incipalement dans les fièvres intermittentes si communes tous les ans sur les bords du Rio de St.-Francisco , et des rivières ap- pelées Rio-do-Sono, da Prata, Abaïté, etc. Les essais tentés à Paris et dans les environs, confirment les propriétés de l'écorce dont il s’agit; l’on peut, entreautres, citer ceux qui ont été faits par M. Courtier a médecin distingué du département de Seine-et-Oise, qui avec l'écorce du pseudoquina , employée ä‘tres-petites doses , a guéri des fièvres intermittentes quiavotent résisté à l'usage duquinquina ordinaire. DE L'EconcE Du STRYCHNOS PSEUDOQUINA. 453 cipe que le quinquina, m’a chargé de l’examiner. C’est de ce travail que je vais rendre compte ici. SI. Description de l'Écorce. 19, Sa couleur est d’un jaune d'c ocre; elle n’a pas d’odeur bien marquée, sa saveur est extrêmement amère et un peu astringente. 20. Elle est très-fragile, sa structure est composée de petits grains; on n'y remarque pas de fibres comme dans la plupart des autres écorces. S IT. Trartemnent de cette écorce par l’eau distillée. Cette écorce desséchée et pulvérisée fut soumise successi- vement à l’action de plusieurs quantités d’eau bouillante, jusqu’à ce que les dernières ne se colorassent presque plus. Ces différentes quantités d’eau furent réunies et évaporées jus- qu’à consistance de syrop. Cet extrait avoit une saveur très- amère et légèrement acide. Pendant l’évaporation de ces liqueurs se présenta à leur surface une matière d'apparence cireuse, laquelle recueillie et chauffée sur du papier, y laissa une tache grasse comme les huiles. Mise sur un fer chaud, elle s'évapora en fumée blanche qui avoit l’odeur de la graisse brûlée. Elle se dissolvoit dans l’alcool bouillant ; mais elle s’en séparoit par le refroidissement, propriété qui appartient évi- demment aux graisses. L’extrait dont nous venons de parler, traité par l'alcool froid, se coagule en grande partie, et laisse précipiter une maüère floconneuse de couleur jaunâtre. La portion retenue Mém. du Muséum. 1. 10. 59 45% PEU EXAMEN CHIMIQUE par lalébol/1qui en avoit recutune belle couleur jaune, pré- cipita par l'addition de l’eau une matière résineuse d’une couleur brune ;‘dont'les propriétés seront exposées plus bas. L'on voit déjnpar ce qui précèdelque l'écorce du strychnos pséudoqüina contient trois matières différentes; savoir : une résine soluble dans! Palcool,/une matière gommeuse soluble dans Peau; insoluble dans l'alcool; ét une matière soluble en . même temps” tone l’eawiet: dans Me et est très- dinereoive ll enon sup esgsvel evsi 1% TL. Tr raitement de, Pécorce par E alcool. ‘Cinq cents grammes de’ cette. écorce , réduits en poudre fine; furent traités ‘une: première fois par unolhitre: d' alcool : à 380:'4uù bout de douze heurestde contact;à unetempérature de 3001, l'alcoolts’étoit fortement coloréten rouge brun. : On décanta'cetté première liqueur, et-on y substitua un noùveau litre d'alcool: qui se colora-encore fortement;-on fit üne troisième et‘une: quatrième macération, ue quoi on distilla doutementitoutes ces liqueurs réunies; jusqu'à r… leur volume fütoréduitiaufquart. 46h s:5081b ann tent ‘Da matière restée dans la-cornue étoït visqueuse, dut et éditées aveé de l’eau distillée, elle produisit un précipité floconneux très-abondant; coloré en jauneléger. -1Toutesles liqueurs! ainsi précipitées par eau furent jetées sur un filtre pour séparer la matière insoluble, et en examiner les propriétés. La liqueur filtrée-étant acide, onlafit bouillir avec® dela magnésie’ pue PA EE Be dans l’intention de savoir :$i cetracide-m’étoitipas:combinérà quelque sub- stance alealine insoluble par-elle-mème, comme -cela existe DE L'EcorCE : DU: STRYCHNOS. PSEUDOQUINA. 455 dans plusieurs lautres: strychnos, la: noix vomique, ;par exemple. nono tregtiest KohiBl Ainsi, après avoir lavé la magnésie qui avoit servi à,cette opération, on la fit bouillir.avec :de l'alcool, mais on n'en tira qu'une petite quantité de résine jaune qui. avoit été entraînée par la magnésie. Îl-est vrai que la liquéur qui avoit bouilli sur la magnésie étoit devenue sensiblement alcaline , effet que nous ne pouvions attribuer à l’impureté de la ma- gnésie, puisque les derniers lavages que nous lui avions fait subir à l’eau bouillante ne changeoïent nullement Je papier de tournesol rougi par un acide. Nous crûmes un, instant, d’après, cela; que l'écorce. dont il s’agit contenoit quelque base salifiable soluble de nature végétale; mais: après avoir épuisé tous les moyens venus à notre esprit pour obtenir cetalcali, nous:avons reconnu que les propriétés alcalines de la liqueur étoient, dues à de la potasselet à de la chaux; sans doute rnises Àinu par Ja:ma- gnésie: Voici: comment mous avons constaté ce fait : deux quantités égales de la liqueur alcaline réduites en extrait furent, l’une dissoute dans une quantité donnée d'eau dis- tillée,; et l’autre brûlée et sa cendre mise-avec une pareille masse d’eau que la première : celle-ci a acquis une propriété alcaline plus marquée que l'autre, cit] J'ignore à quels acides la chaux et la pisse étoient unies dans lPécorce, mais il faut nécessairement qu'ils soient de nature à former avec ces bases des sels solubles dans laleool à 380: À cet égard, je ne vois que l'acide muriatique: et l'a- cide acétique ; mais, dans cette supposition, il faudroit ad- mettre que la magnésie auroit retenu ces acides en les rendant DU 456 UOTE x AMEN CHIMIQUE insolubles.. Quoique cela nous part peu probable, nous avons cepeñdant-fait quelques tentatives pour le vérifier. Je brülai donc, à une chaleur douce, la matière résineuse qui étoit combinéé àÏ4 magnésie, et je dissolvis cette dernière dans l’acide nitrique-pur; mais le nitrate d'argent n’y indiqua qu'une quantité infiniment petité d'acide muriatique. Mais craignant que la chaleur et le temps nécessaires pour brûler lalmatière végétale eussent suffi pour volatiliser cet acide, je recommençai l'opération, en me contentant de charbonner seulement la résine; jusqu’à ce qu'elle ne répaudit plus de vapeur sensible, et jertraitair le résidu: par l'acide ritrique.: La dissolution; qui avoit une couleur rougeûtre, donna, par le nitrate d'argent, un précipité plus voluminéux que la première fois; mais il étoit coloré. Ce précipité chauffé au chalumeau s’est réduit en un bouton d'argent qui ‘étoit environné d’une légère couche de muriate de ce métal. Ainsi il paroit que ce précipité ‘étoit-un mélange de chlorure d’ar- gent et d’une combinaison d’oxide du ‘même métal avec une matière végétale; maisil y avoit fort peu de chlorure, en sorte É rn peut trop rien conclure de cette expérience; si ce n’est seulementque la potasse et le ‘chaux sont unies dans Fécoree à des atides végétaux? 143000101080 ad abogrr. Nous avons dit que la magnésie qui avoit servi à notre opé- ration s’étoit fortement ‘colorée, ét qué/l’éau ni l'alcool ne pouvoient la décolorer. Pour connoître à peu près la quantité de cettie-matière colorante, on en soumit trois grammes à action‘du feu-dans un creuset de platine, jusqu'à ce qu’elle (de. complétement décolorée + alors elle avoit perdu: plus de la moitié de son poids. Une autre ‘portiontde cette magnésie DE L'ECORGE. pu: SRRYGHNOS, PSEUDOQUINA. 459 colorée, distillée;dans;une .comue;-fournitde l'eau acide, beaucoup d'huile brune; de la potasse mise, dans le produit de cette décomposition en,a dégagé. de l’ammpniaque reudue sensible par un-papier- de, tournesol,rougi par, un,acide. et suspendu das le, vase oùl'opération.se-faisoit: ainsiil paroît que cette résine est ‘un | peu azotée.. Les, acides appliqués à cette magnésie la dissolvent.,et en séparent.la résine qui se présente alors fondue à la surface du diquide; cependant les acides dissolvent-aussi un peu de résine :-au moins ils se co- lorent légèrement. Les alcalis, au contraire, dissolvent la résine et laissent la mnagnésie; mais celte dernière retient une partie de la matière végétale, cars quelle. que soiti la quantité d’alcali employé , elle reste toujours colorée. SIV. Traitement de Bédbhca. par l'eau. , ! 6l3b IA! HT «bi avoir épuisé lé écorce. autant, que REA He tout ce qu’elle contenoit de.soluble dans l'alcool, nous l'avons, sou- raise à inetion de l'eau : celle-ci en a extrait une afiee amère, slosbiapaiété Fin mousser par Fr PAU AR Dee mr solution de gomme, de précipiter le sulfate de fer en vert foncé: et l’acétate deplomb-enjaunâtre, Cette décoction éva- porée à siecité fournit un extrait Jisse et, brillant, .paroissant noir, mais qui est véritablement rouge-bruu : il n'attire pas l'humidité. Traité, par l'alcool, il,lui,transmet encore une couleur jaune,;une légère amertume, et, cesse alors, d’avoir de la saveur, Cinq grammes de cet extrait brûlés, lentement ont laissé cmq centigrammes,de cendre blanche. composée,de 458 LOT Ex AMEN CHIMIQUE potasse, ide carbonate de: chaux} d’üné petite quantité de phosphate-de la même base, et d’oxide de fer. : Cet extrait mis dans l’eau ne se redissout pas complétement, il laisse -déposer une matière brume: qui prend par la dessic- cation une couleur noires; elle donne par la combustion beau- coup'dercarbonate de chauxtet dé l’oxide de fer. SV. Examen desmmatières trouvées jusqu'ict dans l'écorce du. in à ra pis Les trois matières dont nous avons parlé plus haut étant séparées et purifiées le mieux possible, nous allons en étu- dier les propriétés, et en faire ressortir les caractères les plus MERS: distinctifs. ; st . Matière 2 ï . 1°. Elle: a une couleur jaune légèrement orangée, une saveur amèré extrêmement marquée et qui persiste long- temps; cependantelle a quelque chose! de douveâtre d'a? bord. si >", Elle est également soluble dans l'eau et dans l'alcool absolu : quand elle «est complétement desséchée, ce’ qui demande une chaleur assez élevée, elle est transparente et cassante comme du sucre d’orge; encore chaude, elle est molle, visqueuse, et peut se filer comme le sucre : elle s’humecte à l'air, ce qui annonce uné légère déliquescence. 3. Sa dissolution dans l’eau moussé comme de l’eau de savon, et elle est précipitée en blanc par l’infusion de galles. La combinaison qui se forme entre ces deux substances est si peu soluble, qu'elle devient encore sensible lorsqu'elle à DE L'EcorcEe: Du, STRYCHNOS PSEUDOQUINA. 459 lieu dans 1000! parties d’eau. Elle ne précipitérpoint le sulfate de fer, mais elle lui fait: prendre a en ve couleur rouge. i 7 } hs Ï »221FP a y 4 efis ; CLR | | 11 4. Soumise à l’action duc Fou elle fournit une petite quantité d’un produit aqueux très-acide, et beaucoup d'huile rouge très-àcre., Ce produit;ne contiént-pas la plus petite trace d’ammoniaque; la matière qui la fournit est donc pure- ment végétale; son charbon est un peu alcalin. 5°. Traitée par l'acide nitrique, elle se convertit facile- ment en acide oxalique, sans prendre préalablement la couleur rouge, qui distingue la FSI AE dans cette cir- constance. F di | Si l'écorce du Ne el nn Lou est véritablement fébrifuge , comme on l’assure au Brésil, il n’est pas douteux qu’elle ne doive cette propriété à la matière dont il s’agit. Au reste, M., Fouquier, médecin à la Charité ; ayant bien voulu me promettre cer :faire l'essai sur. des fiévreux, nous saurons dans, peu à quoilnous:en tenir à cet égard. Rare S VI. De la matière résineuse. Cette hienes, que. Ensimele: résine faute sr FRA D de a une, couleur.rouge-brune ;. comme le-pexoxide de. fer. Elle. est.sans forme pulvérulente, et ne produit, d'abord aucune saveur; mais, au bout de quelques instans, elle développe une amertume analogue à celle de la matière dont, nous venons. de parler, mais infiniment moins forte. Ellese fond avant le terme de l’eau bouillante, et se réunit en.une seule masse, qui, est rouge et transpa- rente, AJeRIOE SJ 'I0UR E-72 46où , eus CHIMIQUE Elle se idistone très-bien dans l'alcool à 360; mais elle ne se dissout que très-peu : dans! Palcool absolu , encore faut-il qu'il soit chaud. Il ÿ a une telle différence entre _ le pouvoir dissolvant de l'alcool à 360 et celui de l'alcool absolu à l'égard de cette résine, que ce dernier la préci- pite abondamment de sa dissolution {dans -Valcool à 360. Elle est infiniment peu soluble dans l'eau, à laquelle cependant elle: communique; à aide de la chaleur, une légère couleur jaune et un peu d’amertume. Les alcalis, surtout la potasse et la soude, la dissolvent abondamment et en rehaussent la couleur. L'huile de téré- benthine n’a aucune action sur ns, propriété # la distingue des résines ordinaires. HER Distillée dans une. cornue, elle fsbinié un Ten acide et une huile brune; la potasse mélée à ce produit y déve- loppe une légère vapeur ammoniacale ; ce qui prouve qu” “elle contient une petite quantité de matière azotée. De u acides 1 (1 Nous avons dit ane haut que l'écorce da strychnos con-. tient un acide dont mme partie se dissout dans l'alcool et l’autre résiste à son action. Désirant nous en procurer une certaine quantité pour en étudier les propriétés, nous avons fait une décoction de l’écorce réduite en poudre, et nous l'avons précipitée par l’acétate de plomb. Le précipité re- eueilli et lavé successivement à l'eau froide et à l’eau chaude, a été soumis à l’action d’un courant de gaz hydrogène sul- furé. La liqueur, filtrée et évaporée à une chaleur douce, a fourni un extrait brun très-acide et un peu astringent. Cet DE L'EconcE Du STRYCHNOS PSEUDOQUINA. AGY: acide, contenant encore des corps étrangers, on le fit dis- soudre dans l’eau et on le précipita de nouveau par l’acétate de plomb ; enfin le précipité, traité comme le premier, donna cette fois un acide beaucoup moins coloré, et dont Je goût étoit purement acide et astringent. Desséché, il est transparent et brillant, soluble dans l’ean et dans l'alcool, précipitant le sulfate de fer en vert bouteille le plomb en blanc, et la colle forte en jaunatre. À ces carac- tères, l’on seroit porté à croire que l’acide dont il s’agit seroit une combinaison de tannin et d’acide gallique; mais, ainsi que nous l'avons dit plus haut, cet acide ne produit aucun changement dans la dissolution du principe amer du strychnos pseudoquina, tandis qu’une infusion de noix de galles la précipite abondamment , et qu’une très-petite quan- té de cette infusion de galles ajoutée à cet acide, lui donne la propriété de former une belle couleur bleue dans le;sulfate de fer. isii De là il nous semble que l’on peut conclure que cet acide astringent n’est point de l'acide gallique uni au tannin, et qu'il peut y avoir dans les végétaux des principes ou des combinaisons astringentes , qui, sans être de l'acide gäallique ni du tannin, produisent à peu près les mêmes effets qu'eux. Nous n'avons pu nous procurer une assez grande quan- tité de cet acide pour pouvoir en pousser plus loin lexa- men; mais certainement ce n'est pas de l'acide gallique. S VIL De la matière gommeuse. Gelte matière a une couleur brune, presque noire quand Mém. du Muséum. 1. 10. 60 462 NH ExAMEN CHIMIQUE elle est sèche; sa cassure est lisse et brillante. Après avoir été desséchée, elle ne se redissout plus entièrement dans Veau ; elle laisse une poudre brune, qui, lavée et brülée, donne, eu égard à sa masse, beaucoup de cendre blanche- jaunâtre, principalement composée de carbonate de chaux et d’oxide de fer; aussi la dissolution de la gomme d’où elle provient est-elle abondamment précipitée par l’oxalate d'ammoniaque. Sa saveur est un peu amère ; mais je crois que cela dépend de quelques traces du principe amer qu’elle retient, et qu'il est difficile d’en séparer exactement. Traitée par l’acide nitrique, elle fournit beaucoup d'acide oxalique et un peu d’acide mucique, qui se précipite par le refroidissement de la liqueur et que l'on trouve mêlé avec de l’oxalate de chaux; parce que, comme nous venons de le dire, la gomme contient un sel calcaire. Cette matière gommeuse est mêlée à un principe colorant brun, qui, par l’action de l'acide nitrique , devient jaune et amer : c’est, sans doute, quelque substance animalisée ; ce qu'il y a de certain, c’est que cette gomme donne, par la décomposition au feu, des traces non équivoques d’ammoniaque., surtout vers la fin de l’opération. Résumé. L'on voit, par ce qui précède, que l'écorce du strychnos pseudoquina contient principalement, 1°. une matière amère, qui fait la plus grande partie de ses principes solubles, et qui paroît être celle en qui réside la propriété fébrifuge;. 2°. une substance résineuse d’une nature particulière, très- soluble dans l’alcool à 36’, et peu soluble dans l'alcool ab- DE L'ÉCORCE DE STRYCHNOS PSEUDOQUINA. 463 solu; 3. une matière gommeuse colorée, et unie à un principe animalisé qui modifie ses propriétés physiques ; 4". un acide particulier qui, comme linfusion de galles, précipite le sulfate de fer et la colle-forte, mais avec des modifications qui ne permettent pas de le regarder comme de l’acide gallique. Réflexions. Il est remarquable qu’un végétal bien reconnu par M. de Saint-Hilaire et par M. Desfontaines comme appartenant au genre des strychnos, ne contienne pas un atôme du principe que M. Pelletier a découvert dans la noix vomique, et qu'il a nommé strychnine; et dans ce cas, comme dans beaucoup d’autres, l’analogie entre la nature chimique des principes des végétaux et la structure physique de ces mêmes végétaux, est en défaut. Au surplus, les effets de l'extrait du strychnos pseudoquina sur les animaux est d’ac- cord à cet égard avec l’analyse chimique. M. Segalas, médecin et très-habile expérimentateur, qui en a injecté dans les veines de plusieurs chiens, n’y a point reconnu les propriétés de la strychnine. 60 * 46% OBSERVATIONS Sur legenre appelé Dorovrea par MM. W'illdenow et Bory de Saint-Vincent , et‘ YrisricHA par M. Dupetit- Thouars; description d’une nouvelle espèce qui doit porter le nom d'Hypnoiïdes. (Lues à la Société Philomatique le 24 mars 1824.) PAR M. AUGUSTE DE SAINT-HILAIRE. Ex répandant la plus merveilleuse diversité dans ses ou- vrages, l’Auteur de la Nature a quelquefois répété les mêmes formes dans les êtres les plus différens; mais, si ces ressem- blances extérieurés trompent l’homme superficiel, elles de- viennent, pour celui qui compare et qui étudie, une source de contrastes dont il est d’autant plus frappé qu’ils ont été ca- chés un instant sous le voile de l’uniformité. Il pourra prendre au premier coup d'œil la feuille d'un Polygonum pour celle d’un Pécher, une Préle naissante pour un jeune Pin, le pétiole dilaté du Lathyrus Nissolia pour les feuilles d’un Gramen.Mais il ne s'arrêtera point à un caractère unique, et presque aussitôt il reviendra deson erreur. Lorsque je trouvai la plante que je vais décrire, l'illusion dura plus long-temps, parce que jamais les apparences ne furent aussi trompeuses; GENRE Durourea. 455 cependant un examen un peu attentif finit par me dévoiler la vérité; et l’observateur persévérant peut toujours espérer de la découvrir, lors même qu’elle semble le plus se déro- ber à ses recherches. En traversant, au mois de juin, le Füo-Claro, rivière peu éloignée de la frontière des provinces de Mato-Grosso, et de Goyaz, j'apercus sur des pierres qui s’élevoient à peine au-dessus des eaux, et qui étoient légèrement baignées par elles, j'apercus, dis-je, de très-petites plantes que je m'empressai de recueillir. Elles avoient à peine huit à onze lignes dans toute leur longueur, et présentoient une tige droite ou ascendante, rameuse et chargée de feuilles extrè- mement petités, serrées et sessiles. Au sommet des rameaux supérieurs, ces feuilles devenoient un peu plus grandes, et du milieu d'elles sortoit un support capillaire, terminé par une fructification allongée. En détachant cette plante des pierres sur lesquelles elle avoit pris naissance, qui n’auroit cru, comme moi, récolter une mousse? qui n’eüt vu un perichætium dans les feuilles supérieures des rameaux, une urne et son pédicule dans la fructification terminale ? Je me promenai dans le lit de la rivière, qui alors étoit peu profonde, j'enlevai tous les individus en fructification que je pus découvrir, et je revins à la maison, persuadé que j'avois recueilli des Æyprum. Armé de ma loupe, je m'ap- prétois déjà à compter les dents d’un péristôme, lorsque je reconnus avec étonnement, dans ma prétendue mousse, une plante phanérogame. En voici la description détaillée. Ses Triczs sont, comme je l’ai dit, longues de 5 à 7 lignes, 466 Genre Duroureri. sans y comprendre le pédoncule, droites ou ascendantes, anguleuses, parfaitement glabres, assez grosses relativement à leur peu de longueur, souvent divisées dès la base en ra- meaux qui les égalent , et chargées, en outre, dans toute leur longueur, de branches qui généralement sont fort courtes. Ses FEUILLES sont extrêmement petites, éparses et très-rapprochées, étalées, sessiles, ovales-triangulaires, un peu obtuses, absolument sans nervures, du moins quand elles sont humectées. Les PéÉponcuzes sont terminaux, soli- taires, longs d'environ 3 lignes, glabres, et sortent d’une Spare composée de deux folioles. Celles-ci , se recouvrant par leurs bords, entourent la base du pédoncule ; beaucoup plus grandes que les feuilles, elles sont opposées, concaves, ovales, assez larges, un peu aiguës, glabres, chargées d’une nervure dans leur milieu. Le Cazrce est dressé, profondément 3-partite, membraneux, glabre, persistant ; à divisions oblon- gues, obtuses, concaves. La Cororce est nulle. Il n'existe qu’une Eramxe hypogyne, alterne, avec deux des di- visions du calice, grêle, persistante; dont le filet est assez long et capillaire; dont l’anthère est attachée par la base, linéaire - oblongue, immobile , 2-loculaire, glabre , et s'ouvre longitudinalement du côté de l'ovaire. Les Sryzes sont terminaux, au nombre de 3, stigmatiques du côté intérieur depuis la base jusqu'au sommet, et persistans. L'Ovare est oblong, obtus, 3-lobé, glabre, 3-loc., polys- perme : les ovules attachés à des placentas axiles et proé- minens sont en nombre indéterminé. La Carsuzs est oblon- gue, 3-lobée, obtuse, rétrécie à la base, chargée de 9 stries, et s'ouvre en 3 valves, dont les bords continus avec les GENRE Duroure:1. 467 cloisons membraneuses les déchirent par la déhiscence; de manière qu'une portion de chaque cloison est emportée par les valves, et que l’autre reste au centre avec les placen- tas, qui alors forment une masse libre. Les Semences sont nombreuses, irrégulièrement orbiculaires-elliptiques, rousses, glabres et un peu transparentes; on Les découvre à peine à l'œil nu, et par conséquent il seroit impossible de les dis- séquer. D’après cette description il sera, je crois, impossible de ne pas reconnoitre ici une espèce plus petite du genre appelé Dufourea par MM. Willdenow et Bory de Saint-Vincent, et Tristicha par M. Dupetit-Thouars. Ma plante offre en effet, “comme celle du dernier de ces savans, un calice libre et pro- fondément 3-partite , une étamine unique, alterne avec deux folioles et dont l’anthère immobile s’ouvre du côté intérieur; enfin un ovaire simple et trois styles recourbés { Nov. Gen. Mad., p. 3). M. Dupetit-Thouars dit à la vérité que, dans sa plante, les semences sont insérées à des placentas pariétaux, et dans la mienne elles le sont à des placentas axilles ; mais si l’auteur de l’Hrsfoire des plantes d’ Afrique s exprime au- trement que moi sur ce point important , cela tient unique- ment à ce que, comme il le dit lui-même, les moyens d’obser- vation lui manquoient lorsqu'il a découvert son genre, et l'excellent dessin qu’il m’a fait voir montre si bien, dans son Tristicha, un ensemble de caractères semblables à ceux de mon espèce, qu'il est possible de révoquer en doute leur identité générique. Ici s'élève une question de nomenclature qui n’est point sans difficulté et que je n’ai décidée, je l'avoue, qu’après de 468 GENRE DurouRE A, longues hésitations. M. Bory de Saint-Vincentavoit envoyé à Willdenow un grand nombre de plantes , et parmi elles étoit une espèce dont il s’étoit contenté de décrire le fruit et qu'il avoit étiquetée Dufourea. D'après les caractères indiqués brièvement par M. Bory, Willdenow qui décrivoit alors les Lycopodiacées ; crut voir dans le Dufourea une plante de cètte famille, et la plaçca auprès des Lycopodium. L'ouvrage de Willdenow porte la date du 21 novembre 1809 et celle de 1810, ainsi le nom de Dufourea a l'antériorité sur celui de Tristicha, qui n’a été publié qu’en 18rr. Ilest absolument indifférent en soi-même que l’on donne à une plante un nom platôt qu’un autre; maïs ilest incontestable que si la loi de l’antériorité n’est pas scrupuleusement observée, la nomen- clature botanique tombera bientôt dans un chaos dont un nouveau Linné auroit peut-être lui-même de la peine à la tirer. Mais, dira-t-on, cette loi trouve-t-elle son applica- tion dans ce cas-ci, et ne seroit-ce pas consacrer une erreur que de conserver à une plante le nom sous lequel elle à été jetée, avec une phraseextrêmement succincte, dans une famille ‘qui lui est ‘étrangère. Jusqu'ici les botanistes ne l'ont point pensé, car ils transportent tous les jours un genre d’un groupe dansunautre sans changer lenom de cegenre. Le Trapa a conservé son nom en passant des ÂVeyades parmi les Onagraires, le Ticorea en devenant une Aufacée, le Sechium une Cucurbitacée, le Myriophyllum une Cerco- déenne, le Conocarpus une Combretacée, etc. etc., et ce- pendant la plupart de ces genres étoient décrits d’une manière inexacte, tandis que li phrase deWilldenow péchantseulement parlabriéveté, nerenfermeaucuüne érreur. Dans leseulouvrage GEnre DuroureaA. 469 général où il soit question avec détail du genre qui nous oc- cupe et où soient décrites les deux espèces connues jusqu'à la mienne, on a adopté tout à la fois le nom de Dufourea et les caractères de M. Dupetit-Thouars (le Systera de Rœmer etSchultes). Nousne pouvonsdouter qu’iln’y aitidentité entre le Dufourea etle Tristicha, puisque nous le savons par M. Bory lui-même; et l’homme qui a donné les meilleurs principes sur la nomenclature a été bien au-delà de ce que je dis ici, puisqu’en parlant des plantes indiquées par un simple nom sur les catalogues, il dit que si on les connoît d’une ma- nière certaine et que leurs noms soient conformes aux règles, il vaut mieux les admettre que d’en adopter de nouveaux (Dec. Theor., 2me. édition, p. 292 ). Ne craignons donc pas de pousser trop loin le respect pour l’antériorité, en conservant au genre qui nous occupe son premier nomde Dufourea et disons en même temps que la véritable connoïssance de l’ensemble de ce genre appartient à M. Dupetit-Thouars. Je vais actuellement rechereher les affinités. Si je regardois ma plante comme appartenant aux dicoty- lédones, il est évident que je chercherois inutilement sa place dans les diverses familles de cette grande classe. En ne consi- dérant que ses styles, ses stigmates et son ovaire, je pourrois à la vérité être tenté de la rapporter aux Caryophyllées ; mais la. disposition des feuilles me feroit aussitôt rejeter cette idée; comme les caractères du jeune fruit me font également repousser celle d’un rapprochement avec les Chonopodeées. Quoique.je n’aie pu analyser la graine de mon Dufourea, c'est aux monocotylédones qu’il me paroit indispensable Mém. du Muséum. 1. 10. 61 470 Genre DüuroureA. de le rapporter;,et sesi.tiges rameuses ne sauroient $'op- poser à ce rapprochement, puisque la plupart des mono- cotylédones:qui naissent sousilés tropiques sont, comme l’on sait, divisées ven, rameaux. Les feuilles de ma plante rap- pellent dans de plus petites proportions des Mayaca, que Von a également comparés à des mousses, et dont les fleurs sont absolument disposées comme dans l espècé que je dés cris. Cette spathe à deux folioles qui: entoure la base du pédoncule est un caractère qui n'appartient qu'aux mono- cotylédones; le nombre des divisions du ealice leur appar- tient encore; enfin les. semences, ressemblent en petit à celles _ d’un grand nombre de Tonoées. pe oS CSS Avec da sagacité. quirle: distingue, M, D Dupetit-Thouars avoit aussi reconnu.que son Zrsticha appar tenoit aux MO- nocotylédones, et, s’il l’avoit placé parmi les Nayades, c'est que n'ayant pu-observer les' caractères de l'ovaire, il avoit été obligé en quelque sorte de ne consulter que les:mœurs de la plante. G'étoit, eommeil’on. sait, cette seule iconsidé- ration qui avoit fait grouper la famille des Nayades ; à me- sure que l’on à mieux connu les genres dont elle étoit com- posée:ils ont été:dispersés, dans tout le règne végétal, et la prétendue famille des Nayardes a: entièrement disparu. : Le Dufouréa à un calice ‘très-analogue à à celui des sol cées, des stigmates latéraux un ovaire supérieur, et, comme dans la plupart des Joncées, cet ovaire est 3-loc. et poly- sperme avec des RENAN axilles. Cependant il existe une différence très-sensible : l’étamine du Dufourea n'est point insérée. sur.la-base du calice:comme dans les Joncées,, et les valves de la capsule ne portent:pas non plus les cloisoris / Genre Durovrea 49à dans leur milieu (%°°Br: Prodt, 559): D'un antre côté, si l'étarniné de mx plaite”ést pois celle des féritibtes Restiacées Vest également ; 1 y a plus : la déhiscence de la capsule est dans le Dufourea la mème que celle du fruit des Restiacées, puisque, suivant M. Kunth (V. Vos. Gen.), l'ovaire des £rzocaulon se change en 3 coques; et il ne sau- roit y avoir de coque dans un fruit dont les cloisons ne sont point alternes avec les valves. Mais en même temps le Dufourea diffère des Restiacées par les caractères qui le rapprochent des Joncées, et par conséquent il indiqueroit la nécessité de laisser ces familles l’une à côté de l’autre, comme la proposé Robert Brown. Après avoir décrit ma plante et discuté ses aflinités, 1l ne me reste plus qu’à tracer ses caractères FREE et spé- cifiques en termes the DUFOUREA. Bory , Willd. Rœm. Shult. Ein ref. ) Tristicha Dupet. Poir. Carvx 5-partitus, membranaceus, persistenis. Cor. 0. Sramen 1, hy posgynum , cum laciniis calycinis 2 alternans : filamentum complana- tum, capillare : anthera basi affixa , immobilis, 2-locularis , longi- trorsus interne dehiscens. Srvzr 3, persistentes , intus stigmatici (unde sryemara 3, lateralia). Ovarrum superum, oblongum, 3-locu- lare, polyspermum: ovula numerosa, placentis 3 aflixa axilibus, semi-cylindricis. CarPsura 5-valvis; valvulis cum septis alternantibus, eademque dehiscentià effringentibus : placentis tunc liberis simul- que massulam in centro capsulæ efformantibus, placentam unicam centralem liberam mentientem. Semmna minutissima. 6ne { 472 GEnre Düroure A. . Hersuzæ mirum in modum musciformes, ramosæ. Fora alterna , sparsa vel trifaria. Frores solitarii sessiles vel sæpius pedicellati. Genus inter Jonceas et Resticeas intermedium. DüurFouREA HYPNOÏDES. D. caule brevissimo, ramoso ; foliis minimis , sparsis , ovato trian- gularibus; pedunculis terminalibus basi 2-spathaceis. ms TABLE | DES MÉMOIRES ET NOTICES Contenus dans ce dixième Volume. M. A. THOUIN. Dsscrrprron de la Greffe Daubenton. 4o5—418 M. GEOFFROY-SAINT-HILAIRE. Organes sexuels de la Poule. — Premier Mémoire. For- mation et rapports des deux Oviductus. 57—8/ Sur l'organe et les gaz de la Respiration dans le Fœtus. 85—06 Considérations et Rapports nouveaux d'ostéologie com- parée, concernant les animaux ruminans. 165—185 Sur les appareils de la déglutition et du goût dans les Aras indiens, ou PERROQUETS MIcROGLOSSES. 186—198 M. ze B®, CU VIER. Eloge historique de M. Haïy. 1—35 M. VAUQUELIN. Expériences sur les Acétates de cuivre. 2095—306 Rapport à l’Assemblée des Professeurs du Jardin du Rot, sur une Résine. 307—308 474 TABLE DES MÉMOIRES ET NOTICES. Examen chimique de. l'Ecorce du STRYCHNOS PSEUDOQUINA, appelé vulgairement quina d6 campo ow de mandana. 452—/63 M. LAUGIER. Analyse ne de os Terres envoyées du Sénégal. FT uE 398—404 Examen chimique d'un fragment d'une Masse saline considérable rejetée par le Wésuve dans l’éruption qui a eu lieu en 1822. v 435—438 M. FRÉDÉRIC CUVIER. Recherches sur les rapports. qui existent: entre, les. .anx- maux de. la. famnulle. des Ecureuxs, c’est-à-dire., les Tamias, /es Macroxus,./es Ecureuils, 2 Sciuroptères €£ ” les Ptéromys. 116—128 E Tamer de quelques Den de M. Dugald-Stewart, qui tendent à détruire l’analogie des phénomènes de l’Instinct avec ceux de l'habitude. 241—260 Description du Saccomys ANTHOPHILE. h19—428 M. ADRIEN DE JUSSIEU. Considérations sur L famille des Euphorbiacées. 317— 355 M. AUGUSTE DE SANT ML AIRE. Premier Mémoire sur le Gynobase. — Dx Gynobase con- dr dans les: ab à ds x I en 164. TABLE DES MÉMOIRES ET NOTICES, 475 du Brésil citées dans le premier Mémoire sur le Gynobase. 274—204 — Suite de la Description. 356—377 Observations sur la fanulle des Ruracées, pour faire suite au premier Mémoire sur le Gynobase. 378—397 Observations sur le genre appelé Durourea par MM. Will denow et Bory de Saint-Vincent , et ‘TrisricA par Dupetit-Thouars ; Description d'une nouvelle es- pèce. 464—1468 M. CHEVREUL. Des différentes manières dont les corps agissent sur l’or- gane du goût... + … 439—442 Recherches sur plusieurs points de Clumie organique, et considérations sur la nature du Sang. 443—/451 M. DE CANDOLLE. Mémoire sur quelques Genres nouveaux de la famille des BUTTNERIAGÉES. « 07—115 M. A. DESMOULINS. Sur la patrie du CuawsAU À, UNE BOSSE, ec sur l’époque de son introduction en Afrique. - 221—2/40 M. ze Marquis DE GABRIAC. Notice sur la ponte faite à Paris par des Perruches de l'Amérique méridionale, de l'espèce dite Pavouaxe, dans les mois de juillet et oi de l’année 1899. 309—313 476 TABLE DES MÉMOIRES ET NOTICES. Addition à la Notice précédente, par M. Geoffroy- -Sainit- Hilaire. 314—316 M. J. GAY. | Fragment d'une Monoeranhie des vraies BurrNenAcÉEs. 199—220 M. DE TRISTAN. Histoire des Dévéloppemens de quelques Gemmes bul- bi ifères, et RRCCPOETENE de celles du Colchique. 36—56 M. VAU (0) HER de Genre Mémoire sur la: rer des OROBANCHES. 261—273 Mémoire sur la F ructification des Prêres. 429—434 DES ARTICLES. 481 Comparaison des actions instinc- tives avec celles qui sont le résultat de l'intelligence, 241 et suiv. Exa- men des diverses explications qu’on a données des actions instinctives , 243 et suiv. Les actions d’habitude sont automatiques, et forment avec celle de l'instinct uneclasse distincte de celles qui comprend les actions intellectuelles, 258et suiv. Distinc- tion entre actionsintellectuelles qui se font par les actes spontanés de l'esprit, et celles dont la connais- sance fait le caractere, 259. Ligne de démarcation absolue entre le principe des actions des animaux et celui des actions de l’homme, 260. M. k Malpighiacées. Plusieursgenres decette famille, tels que le Gaudichautia, ont un oyaire gynobasique , 162. Malvacées. 1 y en a qui ont un gyno- base, d’autres qui n’en ont point, 160. Masse saline volcanique. Examen chi- mique d’un fragment d’une masse saline vomie parle Vésuve en 1822, 435 et suiv. Minéralogie. De ce qui constitue l’es- pece dans lesminéraux, 22 et suiv. De la nouvelle forme donnée à cette science. Voy. Haüy. O. OcAnacées. Considérations sur les plan- tes de cette famille, et sur le gy- nobase dont elles sont pourvues , 129 et suiv. Orchis maculata et Orchis morio. Oh- servations surle développementdes bulbes de ces plantes, 46 et suiv. Organes sexuels de la poule. V. Ovi- ductus. Orobanche. Mémoire sur la germina- tion de l’orobanche rameuse, et sur celle des plantes parasites, 261 et suiv.. Les orobanches sont-elles de véritables parasites, et jusqu’à quel point sont-elles modifiées par les plantes sur lesquelleselles croissent? 268 et suiv. Expériences à faire à ce sujet, 271 et suiv. Ostéologie comparée des Ruminans (con- sidérations sur l’), 165 et suiv. Sur des rayons de nageoïre dorsale pro- duits chez les bœufs durant la pre- miere période de leur âge fœtal, zbid.; sur la décomposition de l’os du canon chez un jeune fœtus de bœuf, 173 et suiv.; sur les doigts des ruminans en rapport pour le nombre , la composition et les con- nections avec ceux des autres mam- miferes, 176 et suiv. Oviductus. Mémoire sur la formation, le développement, la structure etles rapports des deux oviductus de la poule, et sur les fonctions de toutes les parties qui les composent, 57 etsuiv. Description de l’oviductus gauche, 5g et suiv. ; de l’oviductus droit , 72 et suiv. Observations sur les oyiductus destres-jeunes poules, 79 etsuiv. (pe Paca. Observations sur un organe par- \ 462 ticulier qu’on a reconnu chez cet animal, et qui consiste en un repli de la peau, différent des véritables abajoues, 419. V. Saccomys. Parasites (plantes). V. Orobanche. Perroquets microglosses. Mémoire sur les appareils du goût et de la dé- glutition dans ces oiseaux , 186. La langue de ces animaux qui termine l'appareil hyoïdien, est extrême- ment petite, et on a eu tort de la comparer à une trompe, 191. Sin- gulières habitudes de ces oïseaux, dues à la conformation de leur lan- gue, 1. Description de tous les. or- ganes du goût et de la déglutition dans ces oiseaux , et explication des fonctions de ces organes par le principe des connexions et la théo- rie des analogues, 103 et suiv. Perruches. Notice sur la ponte faite en France par des Perruches et des Aras, Pilocarpus. Caractère réformé de ce 309 et suiv. genre, et description de deux nou- velles espèces du Brésil, 359 et s. Ponte des Perrucheset des Aras. V. Perruckhes. Poule. Mémoire sur les organes sexuels de la poule. V. Oviductus. Préles. Mémoire sur la fructification, la germination et le développe- ment des plantes de ce genre, 429 et suiv. Piéromys. Caractères zoologiques de ce genre , 126. V. Ecureuils. Pterospermum. Monographie abrégée de ce genre:qui appartient à la fa- / TABLE ALPHABÉTIQUE mille des Buttneriacées, et descrip- tion du P.semisagittatum, 111 ets. R. Résine. Analyse d’une résine trouvée à la Nouvelle Grenade, et qui est ana- logue à la résine copale, 307. Respiration dans le fœtus. Examen des organes. et des gaz de cette respi- ration, 85 et-suiv. Le fœtus res- pire à la manière des poissons , 87. Application des principes de l’au- teur à l’explication des phénomènes, et réponse aux objections, g2:et s. Rongeurs. Considérations sur quelques espèces de cet ordre, 419:et suiv. V. Saccomys. Ruminans. NV. Ostéologie comparée. Rutacées. Observations sur cette famille de plantes et sur ses rapports avec celle des Simaroubées , 144 et suiv. Comment on doit diviser la famille desRutacées, 152. Remarquessurla manière dont elle a été divisée par MM. Nees-von-Esenbeck et Mar- tius, et sur les descriptions que ces deux savans ont données des plantes qui la composent, 378 et suiv. Con- cordance des noms que les mêmes savans ont donnés à ces plantesavec ceux qu’elles portent dans le mé- moire de M. Auguste de Saint-Hi- laire sur le gyrobase , 390 et suiv. S. Saccomys anthophile. Descriptionde cet animal: qui forme un type presque isolé. parmi les rongeurs à dents DES ARTICLES. composees , et qui est le seul chez lequel on trouve de véritables aba- joues , 419 et suiv. Description de cet organe, 425. Sang. En analysant chimiquement le sang , on y trouve tous les maté- riaux du cerveau et la plupart de ceux de l’organisation , 449. Exa- men du sérum du sang des enfans attaqués d’une ictere, 450. Schmidelia. Caractère de ce genre et description d’une nouvelle espece, 373 et suiv. Simaba. Description de quatre espèces du Bresil apppartenant à ce genre, 276. Simaroubées. Observations sur cette fa- mille, et sur ses rapports avec celles des Rutacées et des Cuspariées,134 et suiv. Caractère des Simarou- bées, à 137. Spiranthera. Établissement de ce genre de la famille des Rutacées, et des- cription d’une espèce du Brésil, 361 et suiv. Strychnos pseudoquina. Examen chi- mique de l’écorce de cette plante, et de toutes les matieres qu’on y trouve , 453 et suiv. C’est probable- ment au principe amer qu’elle con- tient , qu’est due sa propriété fébri- fuge , 458. Quoique ce végétal ap- partienne au même genre que la noix vomique , on n’y découvre pas 463. un atome de strychnine, 483 1 Ra Terres. Analyse chimique de cinq es- pèces de terres du Sénégal, et com- paraison de ces terres avec la terre franche des environs de Paris, 398 et suiv. T'icorea. Observations sur ce génre, et description de deux especes du Bré- sil, ; 289. Tristicha. V. Dufourea. Trochetia. Nouveau genre de la famille des Buttneriacées; description des deux espèces, 106. 5 V. Verdet et Vert de gris. V. Acétates de cuivre. W. Vallichiées. Observations sur celte sous- division des Dombeyacées, qui sont une tribu de la famille des Buttneriacées, 100. Description des deux genres Wallichia et Eriolæna, qui composent cette sous-division, 102 et suiv. Tallichia. Nouveau genre de la famille des Buttneriacées; sa description , 104. Z. Zanthoxylum. Description d’une nou- xelle espèce de cegenre, 363. Zébu, ou Bœuf à bosse. Caractères qui le distinguent des autres espèces du genre bœuf, 172: FIN DE LA TABLE ALPHABÉTIQUE. LA si D 4 41,8 \ : ! : DES à AS OP ET VE f 2 D } î » . ls 5 : 241, 19; Son Lisez : ce ee ex P. a. - 18; a sa propre action. Lisez : ‘ par sa propre activité. | ARR 250 1. 9; de celles dont. Zisez : ou dont. à ji Ra D à F \ Re È Ë Far A INDICATION DES PLANCHES DU Xe. VOLUME. Planche I, Il et III. Germes bulbifères. Pag. 56 IV. Organes sexuels de la Poule. 84 V. Eriolæna Wallichïi. 5 VI. Wallichia spectabilis. VIL Trochetia uniflora. VIIL. Trochetia triflora. 115 IX. Pterospermum semisagittatum. X. Têtes d’Ecureuils. 128 XI. Ostéologie comparée. — Perroquets mi- croglosses. 108 XIE Büttneria dasyphylla. 218 XIIT. Büttneria Hermanniæfolia. XIV. Commersonia Gaudichaudii. 219 “XV. Commersonia Fraseri. XVI. Orobanche rameuse. 273 XVIL Gomphia oleæfolia. 202 XVIIL Simaba suaveolens, et S. trichilioïdes. ib. XIX. Galipæa pentandra. XX. Galipæa pentagyna; G. Fonta- | nesiana; G. Candoliana, et ei Ticorea jasminiflora. XXI. Almeidea lilacina. 3-6 XXIL. Spiranthera odoratissima. : 7 XXIIT. Camarea ericoïdes. 376 X XIV. Zanthoxylum monogynum; Gaudichautia guaranitica; G. sericea; et Schmidelia guara- nitica. ib, XXV. Greffe Daubenton. 417 XXVI. Saccomys anthophile. 419 XXVIL. Gernunation des Prêles. 434 Mém. du Muséurn.t. 11. 62 TABLE ALPHABÉTIQUE DES ARTICLES Contenus dns « ce Aus bi A. Assoc de quelquesrongeurs. V. Saccomys. Acétates de cuivre (Expériences sur les). 29 et suiv. Adipocire. Comment et dans quelles : circonstances se forme cette sub- stance jet quèlle est sa” one Dpayeone Allium vineale. Observations sur le dé- ‘veloppement de ses bulbes, 5o et suiv. V. Gemmes bulbifères. : Aïineidea. Nouveau genre de la famille des Rutacées: sa description et celle _ de trois espèces, 356 et suiv. Anatomie comparée. V: Oviductus,. Os- * séologie comparée, Perroquets mi : croglosses , Respiration. Aras: Notice sur des aras et des perru- ches qui se'sont multipliés' en :’France, 314. Aras indiens ;'ou Aras à trompe de Le- vaillant. Voy. Perroquets micro=. glosses.: fx Bulbes. Y. Gemmes bulbiferes. 1. Butineriacées. Famille de plantes inter- _Imédiaires entre les Malvacées'èt les Tiliacées : observations sur cette fa- 4 mille et sur les cinq tribus dont elle se compose, avec-la description de quatre genres nouveaux apparte- nant à la cinquième tribu, 97 et Suiv. — Fragment d’une monogra- phie des vraies Buttneriacées, com- prenant Ja description des genres Ra Buttneria, Commersonia , et celle des espèces qui leur appartiennent, 199 et Suiv. Buttneria. Description de ce genre et de deux;espèces , 200 et suiv. ne C. Camiarea:: Établissement de ce genre de da famille des Malpighiees , et description de six espèces, 369 et suiv. : . Chameau à une Dose ou Dromadaire. <8! Mémoire sur là patrie de cet ani- :{: mal. Ün y-prouve que le Droma- .daire est originaire de l’Arabie et des déserts de la Perse, et non de Fe V'Afrique ÿ que les Hébreux l’intro- duisirent en Égypte pendant leur séjour, mais qu'ildisparut avec eux, let fut énsuite inconnu en Afrique jusqu’au troisième ou quatrième TABLE. ALPHABÉTIQUE DES ARTICLES. siècle, époqué à laquelle il y pénétra -:1'avecles Arabes, 2x et suiv. Chimie organique. Considérations sur la formation des matières grasses , et sur la nature du sang, 443 et suiv. V. Adipocire et Sang. Commersonia. Genre de plantes de la famille des Buttnériacées , sa des- criptionetcelle des trois espèces qui le composent, 200 et suiv. Classification des minéraux. V. Haüy. Classifications. Observationssurle prin- cipe et le but des classifications en histoire naturelle, et surtout en zoologie, 116etsuiv., 183 etsuiv. Colchique. Histoire du développement des bulbes de cette plante, 36 et suiv. Remarques surses bourgeons et sur sa foliation , 44. Cristallographie. Comment M. Haüy découvrit les principes de cette science, | Betsuiv. Cusparia. VW. Galipea. Cuspariées. Considérations sur cette fa- mille de plantes, 155 et suiv. Elle rapproche les Géraniées des Ruta- cées, 158. V. Rutacées: D: Dolomieu. Comment et dans quelles circonstances ce savant fut nommé professeur de minéralogie aw Jar- din du Roi, : | : 28 Dombeyacées. Sous-division de ‘cette tribu de la famille des Buttneria- cées, et, description de quelques genres nouveaux qui lui appar- tiennent, 1oo1et sui. 479 :Dromadairé. N. Chameéau à une bosse. Dufourea hpnoïides. Descriplion de cette plante qui ressemble à une mousse , et qui! est cependant un génre de plantes. phanérogames, affinités , 464 et sui. monoctylédones ; ses E. Écureuils. Des rapports qui existent en- tre les animaux de cette famille et les Ptéromys, 116 et suiv. Néces- sité de diviser cette famille en plu- sieurs groupes. Caractère de ces divers groupes et comparaison des têtes du Famria, dit Palmisté, du Macroxus, de l’Écureuil, du Sciu- roptere et du Ptéromys, 118et suiv. Observations sur le genre Piéromys dont le Ptéromys taguan forme le tYPE» Eriolæna. Nouveau genre de plantes de Ja famille des Buttneriacées. Sades- cription , 125 ét suiv. 102. Espèces. Différence entre ce qui cons- titue l’espece dans les corps organi- . sés , et ce qui la constitue dans les corps bruts, 22 étsuiv. Euphorbe. V. Euphorbiacées. ÆEuphorbiacées. Mémoire sur cette fa- mille de plantes, dans lequel on examine les caractères qui la dis tinguent ; la nature, la forme, le développement ; les rapports et les fonctions des organes de là fructi- fication et de la végétation dans tous les genres qui la composent, etles prôpriélés qui lui appartiennent, 3r7 et suiv. Considérations sur la valeur 62 * Ne des caractères, et sur les regles qui doivent nous diriger dans la forma- tion et la coordination! dés genres de cette famille, 348 et suiv: Con- sidérations particulieressurlegenre 352 et suiv. Evodia. Observations sur ce genre et Euphorbe, description d’une nouvelle espèce , 363. F: Fœtus. N. Respiration, Ostéologie com- parée: ; Fraxinellées. Si l'on est autorisé à en faire une famille séparée des autres Rutacées, 380 et suiv. G. Gains; Caractere de ce genre et des- pres de six especes du Brésil, 279° et suiv. Observation sur ce genre et sur son identité ayec le Cusparia, 286. Gaudichautia. Caractère de ce genre et description de trois espèces, 365 et suiv. HE bulbiferes. Histoire du déve- loppement de cesgemmes, 1°. dans le colchique ,.36 et suiv. ;:2°..dans d'orchis ana et l’orchis morio, 46 et Suiv: ; 3 neale, :. Bo et suiv. . dans l'allium Vi= Gomphia oleæfolia. Description de cette plante, du Brésil, 274. Goït (organe du). Des différentes ma- nières dont les corps, agissent sur cet organe, 430; et sui. Les corps qu'on met dans la bouche agissent 480 © TABLE ALPHABÉTIQUE sur le tact de la langue , sur le goût etsurl’odorat, etl’onpeut;endistin- : guantces diverses sensations, les sé- parer en quatre classes, 441 ets. | Greffe Daubenton. Description de cette greffe, qui se fait par approche en accolant les tiges de plusieurs sujets et ne.consérvant qu’une cime. Ré- sultats de cette greffe qui accélère 405 et suiv. Gynobase. Mémoiresur la nature, l’im- l’accroissement, portance, la présence ou l'absence, et les’ variations de cet organe dans Jes, plantes polypétales, 129 et suiv. ; ét sous ce point de vue, examen 1°. des Ochnacées, 129 et suiv.; 2°, des Simaroubées, des Ru- tacéesetdes Cuspariées, 134 etsuiv.; 3°. des Malvacées, 160; 4°. des Sa- pindacees, 161,6°.des Malpighiées, 162. Conclüsiondes: observations réunies dansce mémoire, 163. Des- _ cription des espèces nouvelles de la flore du Brésil., citées dans ce mc— moire , _274'et suiv. his res Différenceentre cet organe et le gynobase, H. : Habitude. Analogie des phénomènes de Jhabitude avec ceux de l'instinct. Voy: Instinct. Hay. Éloge historique de ce savant, 1 et suiv. $ 15 Instinet. Analogie des phénomènes de VPinstinct avec ceux de l'habitude. NT te fi IT OUr 5 10 Û HESTUN( RM FR REA 1 we HT II 88 00807 3843 ÉCRITES ET [HEAR (Hill \ GOULE Un LH RNA HN 1 jte he HU y RH HONOU h k di fe S ! } pr (il Otis af \ h fe ji h 14 ut on W À ANA: » cru 134 sn i t CRU RATRUN 4 if ñ os Au Qi \ t A À y URRETION AIN st PA Ua, HRROITAN fo ) un fil (1Ht F 14 (POULE DORE ‘ LANDIS HRIAUNS fut tee ne Pants