#: HÉENS HAE ÉTHHREHE He Le qu CE EAN L & Fi LETRE 0 "1 | 0 en ARALLE di ein 0 nn NO | . op » hi i J SA M . " 4 MÉMOIRES DU MUSEUM D'HISTOIRE NATURELLE. MÉMOIRES DU MUSEUM D'HISTOIRE NATURELLE, PAR LES PROFESSEURS DE CET ÉTABLISSEMENT. OUVRAGE ORNÉ DE GRAVURES. DÉDIÉ AU ROI. TOME DIXIÈME. A PARIS, CHEZ A. BELIN, IMPRIMEUR-LIBRAIRE, RUE DES MATHURINS S.-J., HÔTEL DE CLUNY. 1823. NOMS DES PROFESSEURS. (PAR ORDRE D'ANCIENNETÉ. ) Messieurs , A. Taoui. . . . . (Culture et naturalisation des végétaux. PortTAL. . . . . . Anatomie de l’homme. De Jussreu . . . . Botanique à la campagne. VANSPAENDONCK. . . Iconographie, ou l’art de dessiner et de peindre les productions de la nature. LACÉPÈDE . . . . . Reptiles et poissons. Zoologie, DESsFONTAINES. . . . Botanique au Muséum. DE Lamarcx. + . : Insectes, coquilles, madrépores, etc. GEorrroy-Sr.-HiLarRE. Zoologie. Mammifères et oiseaux. Cuvier. . . . . . Anatomie des animaux. VAUQUELIN. . . . . Chimie des Arts. LauctEer. . . . . . Chimie générale. ConprEer. . . . . . Géologie, ou Histoire naturelle du globe. BRONGNIART. . . . . Minéralogie. DELEuzE. . . . . . Secrétaire de la Société des Annales du Muséum. MÉMOIRES DU MUSEUM D'HISTOIRE NATURELLE. ÉLOGE HISTORIQUE DE M. HAUY. { Lu dans la séance publique de l’Académie royale des sciences du 2 juin 1823.) PAR M. le Br. G. CUVIER, Secrétaire perpétuel pour les sciences physiques, | LATE des sciences présente quelques époques où l'esprit humain a semblé prendre un essor extraordinaire. : Lorsque de longues années d’études paisibles ont accumulé les faits et les expériences, et que les théories qui avoient dominé jusque-là ne les embrassent plus, les idées que l’on se faisoit de la nature deviennent en quelque sorte inco- hérentes et contradictoires; elles ne forment plus un en- semble, et de toute part l’on éprouve le besoin de trouver entre elles quelque chaînon nouveau. Un génie vient-il alors à naïître, assez puissant pour s'élever à des points de vue d’où il saisisse une partie de ces rapports que l’on cherche, il inspire à ses contemporains un courage inconnu; chacun s'élance avec ardeur dans ce domaine, où de nouvelles Mérn. du Muséurn.\. 10. I 2 ELOGE HISTORIQUE routes viennent d’être tracées; les découvertes se succèdent avec une rapidité croissante; on diroit que les hommes qui ont le bonheur d’y attacher leur nom appartiennent à une race privilégiée; leurs disciples, ceux dont la jeunesse a été témoin de ce grand mouvement, croient voir en eux des êtres supérieurs; et lorsque le temps arrive où ils doivent successivement payer le tribut à la nature, la génération qui demeure, pleure en eux une race de héros qu’elle désespère de voir jamais égaler. Telle a été incontestablement pour les sciences naturelles la fin du dix-huitième siècle. Les lois du mouvement réduites à une seule formule; le ciel soumis tout entier à la géométrie; ses espaces s’agran- dissant et se peuplant d’astres inconnus; la route des globes fixée plus rigoureusement que jamais et dans le temps et dans l’espace; la terre pesée comme dans une balance; l'homme s’élevant dans les nues, traversant les mers sans le secours des vents; les mystères compliqués de la chimie ramenés à quelques faits simples et clairs; la liste des êtres naturels décuplée dans tous les genres; leurs rapports établis d’une manière irrévocable sur l’ensemble de leur structure interne et externe; l'histoire même de la terre dans les siècles reculés étudiée enfin sur des monumens, et non moins éton- nante dans sa vérité, qu’elle avoit pu le paroître dans des conceptions fantastiques; ... spectacle magnifique et inoui qu'il nous a été donné de contempler, mais qui nous rend aussi bien amère la disparition des grands hommes à qui nous en sommes redevables! Peu d'années ont vu descendre au tombeau les Lavoisier, les Priestley, les Cavendish, les DE M. Haur. . 3 Camper, les de Saussure, les Lagrange; et qui ne seroit effrayé de l'accélération de nos pertes, lorsque quelques mois nous enlèvent Herschel et Delambre, Haüy et Bertho- let, et qu'à peine nos forces suflisent pour leur rendre dans le temps prescrit l'hommage qui leur est dû par les sociétés dont ils firent l’ornement ? On seroit d’autant plus tenté de croire que M. Haüy éprouva cette influence irrésistible de son époque, que ce futpresque sans s’en être douté qu'il fut jeté dans une car- rière à laquelle pendant quarante ans il n’avoit point songé à se préparer. Au milieu d’occupations obscures, une idée vient lui sourire; une seule, mais lumineuse et féconde. Dès lors il ne cesse de la suivre; son temps, ses facultés, il lui consacre tout; et ses efforts obtiennent enfin la récompense la plus magnifique. Aussi nul exemple ne montre-t-il mieux que le sien, tout ce que peut opérer de grand, j'oserois presque dire, de miraculeux, l’homme qui s'attache avec opiniâtreté à l'étude approfondie d’un objet, et combien cette proposition est vraie, du moins dansles sciences exactes, que c’est la patience d’un bon esprit, quand elle est invincible, qui constitue véritablement le génie. René-Just Haüy, chanoine honoraire de Notre-Dame, membre de cette académie et de la plupart de celles de l'Eu- rope et de l'Amérique, naquit à Saint-Just, petit bourg du département de l'Oise, le 28 février 1743. Il étoit le frère aîné de feu M. Haüy, si connu comme inventeur des moyens d’instruire les aveugles-nés; et tous deux avoient pour père un pauvre fabricant de toile qui n’auroit proba- blement pu leur donner d'autre profession que la sienne, si 1 * 4 ELOGE nISTORIQUE des personnes généreuses n'étoient venues à son secours. La première amélioration de la fortune de ces deux jeunes gens tint à cette disposition à la piété que l’ainé montra dès ses premières années, et qui a dominé sa vie. Encore tout enfant il prenoit un plaisir singulier aux cé- rémonies religieuses, et surtout aux chants de l’église, car le goût de la musique, cet allié naturel des sentimens tendres, se joignit promptement à lui au penchant pour la dévotion. Le prieur d’une abbaye de Prémontrés, principal établis- sement de son lieu natal, qui avoit remarqué son assiduité au service divin, chercha un jour à lier conversation avec lui, et s’apercevant de la vivacité de son intelligence , il lui fit donner des lecons par quelques-uns de ses moines. Les progrès de l'enfant ayant promptement répondu aux soins de ses maitres, ceux-ci s'intéressèrent à lui de plus en plus, et firent entendre à sa mère que si elle pouvoit seu- lement le conduire pour quelque temps à Paris, elle finiroit, avec leurs recommandations, par obtenir quelques ressources pour lui faire achever ses études. A peine cette excellente femme en avoit-elle de suflisantes pour subsister quelques mois dans la capitale; mais elle aima mieux s’exposer à tout, que de manquer à l'avenir qu'on lui lais- soit entrevoir pour son fils. Long-temps cependant sa tendresse ne recut que de bien foibles encouragemens. Un jeune homme, dont le nom devoit un jour remplir l'Europe, ne trouva de moyen de vivre, qu’une place d'enfant de chœur dansune église du quartier Saint-Antoine. Ce poste, disoit-il naïvement dans la suite, eut du moins cela d’agréable que je n'y laissa pas enfouir mon talent pour la musique; et en effet, tou- pm DE M. Haur. 5 jours fidèle à ses premiers goûts, il devint bon musicien, et acquit assez de force sur le violon et sur le clavecin, deux instrumens dont il s’est toujours amusé. Enfin le crédit de ses protecteurs de Saint-Just, lui procura une bourse au collége de Navarre, et ce fut seulement alors qu'il lui fut possible de vaquer régulièrement à son instruction classique. Sa conduite et son application lui valurent à Navarre le même intérêt qu'à Saint-Just, et à l’époque où il cessa d'y être écolier, les chefs de la maison lui proposèrent de devenir un de leurs collaborateurs. On l’employa comme maitre de quartier, et aussitôt qu'il eut pris ses degrés, on lui confia la régence de quatrième, lorsqu'il n’étoit encore âgé que de 21 ans. Quelques années après, il passa au collége du cardinal Lemoine, comme régent de seconde; et c’étoit à ces fonc- üons utiles, mais modestes, qu'il sembloit avoir borné son ambition. A la véritéil avoit pris à Navarre sous feu M. Brisson, de cette académie, un certain goût pour les expériences de physique, et à ses momens de loisir il en faisoit quelques- unes d'électricité; mais c’étoit pour lui-un délassement plutôt qu'une étude : quant à l'histoire naturelle proprement dite, il n’en avoit aucune connoissance et ne songeoit nullement à s’en occuper. Une seconde particularité remarquable de son histoire, c'est que ce fut encore aux dispositions affectueuses de son cœur, qu'il dut d'entrer dans une carrière qui lui est de- venue si glorieuse, en sorte qu'il est littéralement vrai de dire que dans tous leurs degrés sa renommée et sa fortune ont été des récompenses de ses vertus. Parmi les régens du cardinal Lemoine, se trouvoit alors G ELOGE HISTORIQUE Lhomond, homme savant, qui s’étoit consacré par piété à l'instruction de la jeunesse. Fort capable d'écrire et de parler pour tous les âges, il ne voulut point s'élever au-dessus de la sixième, et n'a composé que de petits ouvrages destinés aux enfans, mais qui par leur clarté et le ton simple qui y règne, ont obtenu plus de succès que beaucoup d'ouvrages à pré- tentions. Une grande conformité de caractères et de senti- mens engagea M. Haüy à le choisir pour son ami de cœur et pour son directeur de conscience; dévoué à lui comme un fils, il le soignoit dans ses affaires, dans ses maladies, et l’accom- pagnoit dans ses promenades. Lhomond aimoit la botanique, et M. Haüy, qui à peine en avoit entendu parler, éprouvoit chaque jour le chagrin de ne pouvoir donner à leur commerce cet agrément de plus. Il découvrit dans une de ses vacances, qu'un moine de Saint-Just s’'amusoit aussi des plantes. A l'ins- tant il concut l’idée de surprendre agréablement son ami, et dans cette seule vue il pria ce religieux de lui donner quel- ques notions de la science , et de lui faire connoître un certain nombre d'espèces. Son cœur soutint sa mémoire ; il comprit et retint tout ce qui lui fut montré, et rien n’égala l’étonne- ment de Lhomond, lorsqu’à sa première herborisation, Haüy lui nomma er langage de Linnæus la plupart des plantes qu'ils rencontrèrent, et lui fit voir qu'il en avoit étudié et détaillé la structure. Dès lors tout fut commun entre eux jusqu'aux amusemens, mais dès lors aussi M. Haüy devint tout de bon naturaliste, et naturaliste infatigable. On auroit dit que son esprit s’étoit éveillé subitement pour ce nouveau genre de jouissance. Il se prépara un herbier, avec des soins et une propreté extraor- DE M. Haur. 7 dinaires (1), et s’habitua ainsi à un premier emploi des mé- thodes. Le Jardin du Roi étoit voisin de son collége. Il étoit naturel qu’il s’y promenât souvent. Les objets nombreux qu'il y vit, étendirent ses idées, l’exercèrent de plus en plus au clas- sement et à la comparaison. Voyant un jour la foule entrer à la lecon de minéralogie de M. Daubenton, il y entra avec elle, et fut charmé d’y trouver un sujet d'étude plus analogue encore que les plantes à ses premiers goûts pour la physique. Mais le Jardin du Roi avoit un grand nombre d'élèves, et M. Daubenton beaucoup d’auditeursquilaissèrentla botanique etla minéralogie ce qu’elles étoient. Peut-être savoient-ils l’une et l’autre mieux que M. Haüy, parce qu'ils les avoient étudiées de meilleure heure ; mais cette habitude plus longue étoit pré- cisément ce qui les avoit familiarisés avec des difficultés qu’ils finissoient à force d'habitude par ne plus apercevoir. Ce fut pour avoir appris ces sciences plus tard, que M. Haüy les en- visagea autrement. Les contrastes, les lacunes dans la série des idées frappèrent vivement un bon esprit, qui, à l’époque de sa force , se jetoit tout d’un coup dans une étude inconnue. Il s’étonnoit profondément de cette constance dans les for- mes compliquées des fleurs, des fruits, de toutes les parties des corps organisés, et ne concevoit pas que les formes des minéraux, beaucoup plus simples et pour ainsi dire toutes géo- métriques, ne fussent point soumises à de semblables lois; car en ce temps-là on ne connoissoit pas même encore cette (1) Il y employa des procédés particuliers qui ont conservé jusqu’à présent la couleur des fleurs. Voyez ses observations sur /a manière de faire des herbiers , dans le volume de l’Académie de 1785, pag. 210. ] 8 EÉLOGE HISTORIQUE espèce de demi-rapprochement que propose Romé de Ffsle, dans la seconde édition de sa Cristallographie(r). Comment, se disoit M. Haüy, la même pierre, le même sel se montrent- ils en cubes, en prismes, en aiguilles, sans que leur composition change d’un atôme, tandis que la rose a toujours les mêmes pétales, le gland la même courbure, le cèdre la même hau- teur et le même développement. Ce fut lorsqu'il étoit rempli de ces idées, qu'examinant quelques minéraux chez un de ses amis, M. Defrance, maitre des comptes, il eut l'heureuse maladresse de laisser tomber un beau groupe de spath calcaire cristallisé en prismes. Un de ces prismes se brisa de manière à montrer sur sa cassure des faces non moins lisses que celles du dehors, et qui présen- toient l'apparence d’un cristal nouveau tout différent du pris- me pour la forme. M. Haüy ramasse ce fragment; il en exa- mine les faces, leurs inclinaisons, leurs angles. À sa grande surprise, il découvre qu’elles sont les mêmes que dans le spath en cristaux rhomboïdes, que dans le spath d'Islande. Un monde nouveau semble à l'instant s'ouvrir pour lui. Il rentre dans son cabinet, prend un spath cristallisé en pyra- mide hexaèdre, ce que l’on appeloit dent de cochon ; il essaie de le casser, et il en voit encore sortir ce rhomboïde, ce spath d'Islande; les éclats qu'il en fait tomber sont eux-mêmes de peuts rhomboïdes; il casse un troisième cristal, celui que l’on nommoit Zenticulaire; c'est encore un rhomboïde qui se montre dans le centre, et des rhomboïdes plus petits qui s’en détachent. ME 1 PATRON a TM RECRUE ee, 1) Elle n'a paru qu’en 1753. DE M. Haury. 9 Tout est trouvé, s’écrie-t-il! les molécules du spath calcaire n'ont qu'une seule et même forme: c’est en se groupant di- versement qu'elles composent ces cristaux dont l'extérieur si varié nous fait illusion; et partant de cette idée, il lui fut bien aisé d'imaginer que les couches de ces molécules s’empilant les unes sur les autres, et se rétrécissant à mesure, devoient former de nouvelles pyramides, de nouveaux polyèdres, et envelopper le premier cristal comme d’un autre cristal où le nombre et la figure des faces extérieures pourroient différer beaucoup des faces primitives, suivant que les couches nou- velles auroient diminué de tel ou tel côté, et dans telle ou telle proportion. Si c’étoit là le véritable principe de la cristallisation, il ne pouvoit manquer de régner aussi dans les cristaux des autres substances; chacune d’elles devoit avoir des molécules cons- ütuantesidentiques, un noyau toujours semblable à lui-même, et des lames ou des couches accessoires, produisant toutes les variétés. M. Haüy ne balance pas à mettre en pièces sa petite collection; ses cristaux, ceux qu'il obtient de ses amis écla- tent sous le marteau. Partout il retrouve une structure fondée sur les mêmes lois. Dans le grenat, c’est un tétraèdre; dans le spath fluor, c’est un octaèdre; dans la pyrite c’est un cube; dans le gypse, dans le spath pesant, ce sont des prismes droits à quatre pans, mais dont les bases ont des angles différens, qui forment les molécules constituantes ; toujours les cristaux se brisent en lames parallèles aux faces du noyau; les faces ex- térieures se laissent toujours concevoir comme résultant du décroissement des lames superposées, décroissement plus ou moins rapide et qui se fait tantôt par les angles, tantôt par les Mérm. du Muséum. 1. 10. 2 10 ELoGE nisToriQuE bords. Les faces nouvelles ne sont que de petits escaliers ou que de petites séries de pointes produites par les retraites de ces lames, mais qui paroissent planes à l'œil à cause de leur té- nuité. Aucun des cristaux qu’il examine ne lui offre d’excep- tion à sa loi. Il s’écrie une seconde fois, et avec plus d’assu- rance: Tout est trouvé! Mais pour que l'assurance fût complète, une troisième con- dition devoit être remplie. Le noyau, la molécule consti- tuante, ayant chacun une forme fixe, et géométriquement déterminable dans ses angles et dans les rapports de seslignes, chaque loi de décroissement devoit produire aussi des faces secondaires déterminables , et même le noyau et les molécu- les étant une fois donnés, on devoit pouvoir calculer d'avance les angles et les lignes de toute: les faces secondaires que les décroissemens pourroient produire. En un mot, il falloit ici, comme en astronomie, comme dans toute la physique, pour que la théorie füt certaine, qu’elle expliquât avec précision les faits connus, et qu’elle prévit avec une précision égale ceux qui ne l’étoient pas encore. M. Haüy sentoit cela; mais depuis quinze ans qu’il passoit la meilleure partie de ses journées à enseigner le latin, il avoit presque oublié le peu de géométrie qu’on lui avoit montré au collége. Il ne s’effraya point, et se mit tranquillement à la rapprendre. Lui qui avoit si vite appris la botanique pour plaire à son ami, sut promptement autant de géométrie qu'il lui en falloit pour compléter sa découverte, et dès ses pre- miers essais, il se vit pleinement récompensé. Le prisme he- xaèdre qu'il avoit cassé par mégarde lui donna par une obser- vation ingénieuse et des calculs assez simples, une valeur fort DE M. Haury. lo: approchée des angles de la molécule du spath; d’autres cal- culs lui donnèrent ceux des faces qui s’y ajoutent par chaque décroissement, et en appliquant l'instrument aux cristaux, il trouva les angles précisément de la mesure que donnoit le calcul. Les faces secondaires des autres cristaux se dédui- soient tout aussi facilement de leurs faces primitives; il re- connut même que presque toujours pour produire les faces secondaires, il suflit de décroissemens dans des proportions assez simples, comme le sont en général les rapports des nom- bres établis par la nature. Ce fut alors que pour la troisième fois et désormais sans hésitation, il put se dire : J'ar tout trouve ! et ce fut alors aussi qu'il prit la confiance de parler de ses découvertes à son maitre, M. Daubenton, dont jus- qu'alors il avoit suivi lescours modestement et en silence. On peut juger avec quelle faveur elles furent accueillies; M. de Laplace, à qui M. Daubenton en fit part, en prévit à l'instant toutes les conséquences, et se hâta d'encourager l’auteur à venir les présenter à l'Académie ( 1 ). Ce n’est pas à quoiil fut le plus aisé de déterminer M. Haüy. (1) Son premier Mémoire, où il traitoit des grenats et des spaths calcaires, y fut lu le 10 janvier 1781. Daubenton et Bezout en firent le rapport le 21 février ; mais il est aisé de voir, en lisant ce rapport, qu’ils n’avoient pas encore entièrement saisi la nature de la découverte. Ce Mémoire est imprimé par extrait dans le Journal de Physique de 1982, tome I, p. 366. Son second Mémoire, où il s'attache aux spaths calcaires seulement, fut lu le 22 août 1981, et le rapport en fut fait par les mêmes commissaires le 22 dé- cembre. Cette fois, ils s’étoient mis entièrement au fait des idées de l’auteur, et de leur importance. Le Mémoire est imprimé dans le Journal de Physique de 1982, tome IT, p. 33. Gyes 12 ELOGE HISTORIQUE L'Académie, le Louvre étoient pour le bon régent du cardinal Lemoine une sorte de pays étranger qui effrayoit sa timidité. Les usages lui étoient si peu connus, qu’à ses premières lec- tures il y venoit en habit long que les anciens canons de l'Eglise prescrivent, dit-on, mais que depuis long-temps les ecclésias- tiques qui n'étoient point en fonctions curiales ne portoient plus dans la société. A cette époque de légèreté, quelques amis craignirent que ce vêtement ne lui ôtàt des voix ; mais pour le lui faire quitter (et c’est encore ici un trait de caractère), il fallut qu'ils appuyassent leur conseil de l'avis d'un docteur de Sorbonne. « Les anciens canons sont très-respectables, lui dit » cet homme sage, mais en ce moment ce qui importe, c’est » que vous soyiez de l'Académie. » Il est au reste fort à pré- sumer que c’étoit là une précaution superflue, et à l'empresse- ment que l'Académie montra pour l’acquérir, on vit bien qu'elle auroit voulu l'avoir, quelque habit qu'il eût porté. On n'attendit pas même qu'une place de physique ou de minéra- logie fût vacante, et quelques arrangemens en ayant rendu une de botanique disponible (1), elle lui fut donnée presque d'une voix et même de préférence à de savans botanistes (2). Il reçut un témoignage encore plus flatteur de l'estime de ses nouveaux confrères. Plusieurs d’entre eux et des plus dis- (1) C’étoit la place d’adjoint dans la classe de botanique, laissée vacante par la promotion de M. de Jussieu à celle d’associé. L'élection de M. Haüy est du 12, et la lettre de M. Amelot qui annonce la confirmation du Roi, du 15 février 1783. (2) MM. Desfontaines et Tessier qui eurent les secondes voix, et MM. Dombey et Beauvois. Dombey est mort avant d’être de l'Académie. Beauvois n’y est entré qu'en 1803. En 1588, M. Haüy passa comme associé à la classe d'histoire natu- relle et de minéralogie. DE M. Haury. 13 tingués le prièrent de leur donner des explications orales et des démonstrations de sa théorie. Il leur en fit un cours par- ticulier. MM. de Lagrange, Lavoisier, de Laplace, Fourcroy, Berthollet et de Morveau vinrent au cardinal Lemoine suivre les lecons du modeste régent de seconde, tout confus de se voir devenu le maître d'hommes dont il auroit à peine osé se dire le disciple. C’est qu’en effet dans une doctrine aussi nou- velle, et cependant déjà presque complète, les hommes les plus habiles étoient des écoliers. Peut-être n’en avoit-il point encore été présenté de cette étendue, qui füt dès l'origine à l’état declarté et de développement où M. Haüy présentoit la sienne. Il avoit inventé jusqu'aux méthodes de calcul qui lui étoient nécessaires (1), et avoit représenté d'avance par des formules qui lui étoient propres, toutes les combinaisons pos- sibles de la cristallographie. On ne peut mieux apprendre qu’en cette occasion ce qui distingue ces travaux solides du génie , sur lesquels se fon- dent des édifices éternels, de ces idées plus ou moins heureuses .qui s'offrent pour un moment à certains esprits, mais qui, faute d’être cultivées, ne produisent point de fruits durables. Six ou septansavant Haüy, Gabn, jeunechimiste suédois (2), (1) Voyez ses mémoires sur une Méthode analytique pour résoudre les pro- blémes relatifs à la structure des cristaux , dans le vol. de V'Acad. pour 1788, pag. 13, et sur la manitre de ramener à la théorie du parallélipipide , ce de toutes Les autres formes primitives des cristaux , dans le volume de 1789 , pag. 519. (2) Voyez dans le premier volume des Nova Acta de l’Académie d’Upsal , im- primé en 1773, pag. 150, le Mémoire de Bergman, intitulé : Crystallorum formæ ë spatho ortæ. Il est réimprimé dans les œuvres de Bergman, édition de Leipsig, et Lametherie en a inséré une traduction dans le Journal de Physique. 14 ELOGE HISTORIQUE qui fut depuis professeur d’Abo, avoit aussi remarqué, en bri- sant un cristal de spath pyramidal, que son noyau étoit un rhomboïde semblable au spath d'Islande; il avoit fait part de cette observation à son maitre , le célèbre Bergman, homme supérieur, et que l'on devoit croire capable d'en suivre toutes les conséquences; mais au lieu de la répéter sur des cristaux différens, et de reconnoître ainsi par l'expérience dans quelles limites ce fait pouvoit se généraliser, Bergman se jeta dans des hypothèses, et dès le premier pas il s’égara. De ce rhom- boiïde du spath, il prétendit déduire non-seulement les autres cristaux de spath, mais ceux du grenat, ceux de l'hyaeinthe quin'ontavec lui aucun rapport de structure. Ainsi, un savant du premier ordre, consommé dans la physique et la géomé- trie, s'arrêta sur le chemin d’une belle découverte, et elle se trouva réservée à un homme qui commencçoit à peine à s’oc- cuper de ces sciences, mais qui sut poursuivre cètte vérité, comme la nature veut qu'elles soient toutes poursuivies; en marchant pas à pas, en observant sans relàche, et en ne se laissant ni emporter ni détourner par son imagination. Mais par la raison que les autres minéralogistes n’avoient pas su trouver la bonne voie, ils ne surent pas non plus saisir combien celle de Bergman en différoit, et ils accusèrent M. Haüy de lui avoir emprunté ses idées, lui qui à peine con- noissoit le nom de Bergman, et n’avoit jamais aperçu son mémoire. ls ajoutoient, comme on le fait toujours en pareille occasion, que non-seulement la découverte n’étoit pas de M. Haüy, mais qu'elle étoit fausse, Romé Delisle, minéralogiste, qui d’ailleurs n’étoit pas sans mérite, mais qui s'occupoit depuis long-temps des cristaux DE M. Haur. 15 sans avoir seulement soupçonné le principe de leur structure, eut la foiblesse de le vouloir combattre quand un autre l’eut découvert (1). Il trouva plaisant d'appeler M. Haüy un crs- talloclaste, parce qu'il brisoit les cristaux, comme dans le Bas-Empire on appeloit zconoclastes ceux qui brisoient les images. Mais heureusement, nous ne connoissons d’héréti- ques dans les sciences que ceux qui ne veulent pas suivre les progrès de leur siècle, et ce sont aujourd’hui Romé Delisle et ceux qui lui ont succédé dans ses petites jalousies, qu'at- teint avec justice cette qualification. Quant à M. Haüy, la seule réponse qu'il fit à ses détrac- teurs consista en de nouvelles recherches et d’une application encore plus féconde. Jusques-là il n’avoit donné que la solu- tion d’un problème curieux de physique. Bientôt ses obser- vations fournirent des caractères de première importance à la minéralogie. Dans les nombreux essais qu’il avoit faits sur les spaths, il avoit remarqué que la pierre dite spath perlé, que l'on regardoit alors comme une variété du spath pesant ou de la barite sulfatée, a le même noyau que le spath calcaire, et une analyse que l’on en fit prouva qu’en effet elle ne contient, comme le spath calcaire, que de la chaux carbonatée. Si les minéraux bien déterminés, quant à leur espèce et à leur composition, se dit-il aussitôt, ont chacun son noyau et sa molécule constituante fixes, il doit en être de même de tous les minéraux distingués par la nature, et dont la com- position n’est point encore connue. Ce noyau, cette molécule (1) Voyez la note de la page 27 de la préface de la Cristallographie , par Romé Delisle, édition de 1783 , et les pag. 28 et 29 de cette même préface. 16 ELOGE HISTORIQUE peuvent donc suppléer à la composition pour la distinction des substances, et dès la première application qu'il fit de cette idée, il porta la lumière dans une partie de la science que tous les travaux de ses prédécesseurs n’avoient pu éclaircir. A cette époque, les minéralogistes les plus habiles, Linnæus, Wallérius, Romé Delisle (1), de Saussure lui-même, confon- doient sous le nom de sclor! une multitude de pierres qui n’avoient de commun entre elles que quelque fusibilité jointe à une forme plus ou moins prismatique, et sous celui de zéo- lite, une multitude d’autres dont le seul caractère distinc- üf'étoit de se changer, dans les acides, en une sorte de gelée. Les schorls surtout formoient la réunion la plus hétérogène ; on y jetoit en quelque sorte tous les minéraux dont on ne se faisoit pas d'idées nettes, et feu M. de Lagrange, cet homme dont l'étendue des connoiïssances et la finesse d'esprit éga- loient le génie, disoit en plaisantant que le schorl étoit le nectaire des minéralogistes, parce que les botanistes avoient aussi l’usage d'appeler zectarre les parties de la fleur dont ils ignoroient la nature. M. Haüy divisant mécaniquement la pierre appelée sckor£ blanc, est tout étonné d'y trouver le noyau et la molécule du feld-spath (2). Feu Darcet l'essayant sur cette indication, lui reconnoit en effet tous les caractères physiques et chimi- ques des feld-spaths. Rempli d'un nouvel espoir, M. Haüy examine les autres 1) Cristallographie, tome IT, pag. 344 et suivantes. (2) Note sur le schorl blanc, lue à l’Académie le 28 juillet 1784, imprimée dans le Journal de Physique de 1786, tome I, p. 63, et en 1787, dans les Mémoires de l'Académie pour 1784, p. 270. DE M. Haur. 17 schorls; il découvre que cette pierre noire dont sont lardées tant de laves et que l’on nommoit schorl des volcans, a son uoyau en prisme oblique à base rhombe; que le prétendu schorlriolet du Dauphiné l’a en prisme droit; il sépare encore l’un et l’autre du genre des schorls (1). Plus tard il arrive à distinguer le schorl électrique ou tourmaline du schorl noir des montagnes primitives. Le noyau du premier est un prisme hexaèdre régulier; celui du second est seulement tétraèdre (2). Il continue ses recherches; chacun de ces prétendus schorls lui offre des caractères fixes, se groupe avec les variétés qui luiappartiennent véritablement, s’isole de celles qu'onluiavoit associées mal-à-propos. Des opérations semblables montrent les différences des pierres confondues sous le nom de zéo- Lithes (3), et toujours la chimie et la physique réveillées par ces résultats de la cristallographie, découvrent à leur tour dans ces minéraux des caractères ou des élémens qu’elles n’y avoient pas aperçus. Dès ce moment M. Haüy ne fut plus un simple physicien : il se prépara à devenir le législateur de la minéralogie, et en effet l’on peut dire que c’est de ses recherches sur les schorls que date la nouvelle ère de cette science, et que chaque an- née, depuis cette époque, l'étude de la structure cristal- . {) Note sur la structure des cristaux de schorl, lue à l’Académie le 30 mars 17987, imprimée dans le Journal de Physique de 1787, p. 322. (2) Journal d'Histoire naturelle, tome IT, page 67, imprimé en 1792. Depuis lors M. Hauy a préféré le rhomboïde pour la tourmaline; mais ces deux formes ne soint point incompatibles. (3) Journal des Mines, N°. XIV , page 66. à Mém. du Muséum. À. 10. 3 18 ELOGE HISTORIQUE line des minéraux a enfanté quelque découverte inattendue. Parmi les schorls, M. Haüy est parvenu à la fin à distinguer jusqu’à quatorze espèces. Il en a indiqué six parmi les zéolithes, quatre parmi les grenats, cinq parmi les hyacinthes. Non-seu- lement il a annoncé ainsi aux chimistes qu'en recommençant leurs analyses, ils trouveroient dans ces pierres des différen- ces de composition qu'ils avoient méconnues; il leur a en- core très-souvent prédit que des différences qu'ils croyoient voir ne devoient pas exister. C’est ainsi que d’après les indi- cations de la cristallographie, M. Vauquelin a fini par trouver la glucine dans l’émeraude, comme il avoit auparavant dé- couverte dans le berz£. Quelquefois ces indications résultoient des recherches de M. Haüy, sans que lui-mème les eût aperçues d’abord, faute d’avoir songé à comparer ses résultats; ainsi lorsque MM. Kla- proth et Vauquelin eurent découvert que l'apatite et la chry- solite des joailliers n’étoient que du phosphate de chaux, il retrouva dans ses papiers que depuis long-temps il avoit dé- terminé pour l’une et pour l’autre la mème structure. C’étoit à ses yeux le triomphe de la cristallographie que cet accord entre des opérations faites séparément, et que l’on ne pou- voit soupconner d’avoir été concertées. Il étoit du devoir d’un homme qui servoit ainsi les sciences de se vouer entièrement à elles. Sur les conseils de Lhomond lui-mème, M. Haüy, lorsqu'il eut dans l'Université les vingt années de services qui suflisoient alors pour obtenir la pen- sion d'émérite, se hâta de la demander (1). Il y joignit les (1) En 1784. Il continua cependant de loger au Cardinal Lemoine, comme pro- fesseur émérite. DE M. Haurx. 19 produits d'un petit bénéfice. Tout cela ensemble ne faisoit encore que le nécessaire bien juste; mais comme il ne cher- choit de jouissances que dansses travaux, il lui auroit sufli que ce nécessaire füt assuré, Par malheur il apprit au bout de bien peu de temps que les effets des passions humaines ne se lais- sent pas calculer si aisément que ceux des forces de la nature. On se souvient avec quelle imprudence l’assemblée cons- ütuante se laissa induire par des esprits étroits à joindre en- core des disputes théologiques à toutes les autres disputes qui agitoient la France, et à doubler ainsi l’âcreté des querelles politiques en leur donnant le caractère de persécutions reli- gieuses. La nouvelle forme de gouvernement que l’on imposoit à l'Eglise avoit divisé le clergé, et les hommes qui vouloient porter la révolution à l’extrème, se faisoient un plaisir d’en- venimer cette division. Les ecclésiastiques quine s’étoient pas soumis aux innovations furent d'abord attaqués dans leur for- tune; on les priva de leurs places et de leurs pensions; et M. Haüy, que sa piété scrupuleuse avoit toujours retenu dans cette classe, se vit en un instant aussi pauvre que le jour où il avoit ambitionné de devenir enfant de chœur. Il se seroit contenté encore de pouvoir vivre de son tra- vail; mais les persécuteurs ne se contentèrent pas d’une pre- mière vexation. Lorsqu’au 10 août 1792, le trône eut été renversé, l’une des premières mesures que prirent ou que lais- sèrent prendre les hommes cruellement légers dans les mains de qui tomba le pouvoir, fut d’emprisonner les prêtres qui n’avoient pas prêté le serment prescrit, et la célébrité de M. Haüy dans les sciences ne donna qu'un motif de plus de lui faire subir le sort commun. ai 20 ELocE uisroriQue Fort peu au courant dans sa vie solitaire de ce qui se pas- soit autour de lui, il voit un jour avec surprise des hommes grossiers entrer violemment dans son modeste réduit. On commence par lui demander s’il n’a point d'armes à feu. Je n'en ai d'autre que celle-ci, dit-il, en tirant une étincelle de sa machine électrique, et ce trait désarme un instant ces hor- ribles personnages, mais il ne les désarme que pour un ins- tant; on se saisit de ses papiers où il n’y avoit que des for- mules d’algèbre; on culbute cette collection qui étoit sa seule propriété; enfin on le confine avec tous les prêtres et les ré- gens de cette partie de Paris dans le séminaire de Saint-Firmin, qui étoit contigu au Cardinal Lemoine, et dont on venoit de faire une prison. Cellule pour cellule, il n'y trouvoit pas trop de différence : tranquillisé surtout en se voyant au milieu de beaucoup de ses amis, il ne prend d’autres soins que de se faire apporter ses tiroirs, et de tàcher de remettre ses cristaux en ordre. Heureusement il lui restoit au dehors des amis, mieux in- formés de ce que l’on préparoit. L'un de ses élèves, devenu depuis son collègue, M. Geot- froy de Saint-Hilaire, membre de cette Académie, logeoïit au Cardinal Lemoine. A peine instruit de ce qui vient d’arriver à son maitre, il court implorer pour lui tous ceux qu'il croit pouvoir le servir. Des membres de l’Académie, des fonction- naires du Jardin du Roi, n'hésitent point à aller se jeter aux pieds des hommes féroces qui conduisoient cette affreuse tra- gédie. On obtient un ordre de délivrance, et M. Geoffroy court le porter à Saint-Firmin; mais il arriva un peu tard, et M. Haüy étoit si tranquille, il se trouvoit si bien, que rien DE M. Haur. 21 ne put le déterminer à sortir ce jour-là; le lendemain matin il fallut presque l'entrainer de force. On frémit encore en songeant que le surlendemain fut le 2 septembre! Ce qui est bien singulier, c'est que depuis lors on ne l'in- quiéta plus. Pour rien au monde il ne se seroit prêté à la moindre des extravagances de cette époque, mais personne aussi ne Jui proposa de s'y prêter. La simplicité de ses ma- nières, sa douceur lui tinrent lieu de tout. Un jour seulement on le fit comparoître à la revue de son bataillon, mais on le réforma aussitôt sur sa mauvaise mine. Ce fut là à peu prèstout ce qu'il sut ou du moins tout ce qu'il vit de la révolution. La Convention, au temps où elle agissoit avec le plus de violence, le nomma membre de la commission des poids et mesures(r), et conservateur du cabinet des mines (2); et lorsque Lavoisier fut arrêté, lorsque Borda, Delambre furent destitués, ce fut M. Haüy, ce fut un prêtre non assermenté, remplissant tous les jours ses fonctions ecclésiastiques, qui se trouva seul en position d'écrire pour eux et qui le fit sans hésiter, ni sans qu'il lui en arrivât rien. À une pareille époque, son impunité étoit plus étonnante encore que son courage. C'est au cabinet du conseil des mines, et sur l'invitation et avec le secours de cette administration éclairée que M. Haüy a préparé son traité de minéralogie, le principal de ses ou- vrages, et qu'il en a publié le programme (3), et la première édition (4). (1) 22 septembre 1703. (2) 2 août 1794. (3) Extrait d'un Traité élémentaire de Minéralogie, publié d'abord par parties dans le Journal des Mines, puis en un vol. séparé , in-8°. Paris an V (1797). (4) Traité de Minéralogie , 4 v. in-8°. et un de planches in-4°. transv. Paris (1501). 22 ELOGE HISTORIQUE Disposant d’une grande collection où afiluoient de tous côtés les différens minéraux , employant les secours de jeunes élèves pleins de connoissances et d’ardeur que l’école poly- technique lui avoit préparés, et dont plusieurs sont eux- mêmes aujourd'hui de savans minéralogistes, il répara promp- tement le temps qu'il avoit consumé à d’autres travaux et éleva en peu d'années ce monument admirable dont on peut dire qu'il a fait pour la France ce que des circonstances tar- dives avoient fait pour M. Haüy , et qu'après des siècles de négligence, il l’a subitement replacée au premier rang dans cette partie de l'Histoire naturelle. Ce livre a en effet au plus haut degré deux avantages qui se concilient bien rarement : le premier , qu'il est fondé sur une découverte originale et entièrement due au génie de l’auteur ; le second, que cette découverte y est suivie et appliquée avec une persévérance inouie aux moindres variétés minérales. Tout y est grand dans le plan ; tout y est précis et rigoureux dans les détails; il est fini comme la doctrine même dont il contient l'exposition. La minéralogie, cette partie de l'histoire naturelle qui a pour objet les êtres les moins nombreux et les moins com- pliqués, est cependant celle qui se prète le moins aisément à une classification rationnelle. Les premiers observateurs distribuërent et nommèrent vaguement les minéraux d’après leurs apparences extérieures et leurs usages. Ce n’est que vers le milieu du dix-huitième siècle que l’on essaya de les soumettre à ces méthodes qui avoient rendu tant de services à la zoologie et à la botanique; on crut pouvoir établir parmi eux des genres et des espèces comme parmi les êtres organisés, et l'on oublia que l’on man- DE M. Haur. 23 que en minéralogie du principe qui a donné naissance à l’idée d'espèces, c’est-à-dire de la génération ; qu'à peine peut-on y admettre le principe de l’individualité, telle qu’on la con- çoit dans les règnes organiques, c’est-à-dire , cette unité d’ac- tion d'organes divers concourant à l'entretien d’une même vie. Ce n’est point par la matière que se manifeste l'identité de l'espèce dans les plantes et dans les animaux, c’est par la forme, comme le nom même d’espèce l’indique déjà :il n’est peut-être pas deux hommes , deux chênes, deux rosiers qui aient les substances composantes de leur corps en même pro- portion , et même ces substances changent sans cesse; elles circulent dans cet espace abstrait et figuré que l’on nomme la forme de l'être plutôt qu’elles n’y séjournent; dans quel- ques années, ilne restera peut-être plus un atôme de ce qui compose notre corps aujourd'hui ; la seule forme est persis- tante ; la seule forme se perpétue en se multipliant ; transmise par l'opération mystérieuse de la génération à des séries d’indi- vidus sans fin, elle attirera successivement en elle desmolécules sans nombre de matières diverses, mais toutes passagères. Au contraire , dans les minéraux où il ne se fait point de mouvement apparent, où les molécules une fois placées res- tent à leur place jusqu'à ce qu’une cause violente les arrache les unes aux autres, où la matière, en un mot, est persis- tante, il sembleroit au premier coup-d’œil que ce seroit elle, ou en d’autres termes, que ce seroit la composition chimique qui devroit faire l'essence de l'être ; mais en y réfléchissant davantage, on vient à comprendre que si les matières elles- mêmes sont diverses, ce ne peut guère être que par la forme de leurs molécules; on concoit de plus que de ces formes parti- 24 ELOGE HISTORIQUE culières des molécules et des divers groupemens qu’elles con- tractent, doivent nécessairement résulter des formes totales déterminées; on trouve même que s’il y a quelque chose en mi- néralogie qui puisse représenter l'individu, ce sont ces formes totales, quand elles offrent un ensemble régulier, un cristal en un mot, puisque au moins au moment où ce cristal s’est réuni, toutes les molécules qui le constituent ont dû concourir à un mouvement commun, et sé grouper d'après une loi qui leur commandoit à toutes. Or, rien ne prouve que dans ce mouvemnet commun, il n'ait pu être entrainé des molécules d'une autre nature qui se trouvoient par hasard dans lamême sphère d'action; ni que des élémens, des atomes identiques dans leur nature, au moment où ils ont contracté leur pre- mière union, n'aient pu se grouper en molécules cristallines diverses; et ce que l'esprit conçoit comme possible , l'expé- rience l'a fait connoître comme réel : il est donc manifeste que dans ces deux cas l’analyse chimique ne donneroit que des idées incomplètes du minéral, et ne seroit point en rap- port avec ses propriétés les plus apparentes. Telles sont sans doute les vues dont M. Haüy ne se rendoit peut-être pas un compte bien exact à lui-même, mais qui guidoient en quelque sorte son génie, ou si l’on veut son instinct scientifique, et qui l’engagèrent à mettre en première ligne la cristallisation dans toutes ses déterminations d'espèces minéralogiques. On peut dire que toutes les découvertes et les observa- tions faites dans ces dernières années , même celles que l’on a considérées comme des objections contre cette règle fonda- mentale , en sont plutôt des confirmations. De M. Haur. 25 Ce que nous venons de dire, par exemple, de la force cristallisante et du pouvoir qu’elle a d’entrainer des molé- cules étrangères avec les molécules essentielles, est si vrai qu'elle entraine les premières quelquefois en beaucoup plus grande quantité, en sorte qu'une même espèce minéralogi- que , telle que le fer spathique , qui fondamentalement n’est qu'un spath calcaire, une chaux carbonatée, peut contenir du fer au quart, au tiers de son poids, et devenir ainsi pour le métallurgiste, au lieu d’une simple pierre, une véritable mine; que le spath muriatique , qui n’est aussi qu'un spath calcaire, peut envelopper des grains de grès au point de ne contenir presque autre chose; le tout, sans que les angles de ses cristaux changent d’une seconde. Il en est absolument dans nos laboratoires comme dans celui de la nature. M. Beudant, en faisant cristalliser un mé- lange de deux sels, a vu l’un des deux contraindre l’autre à se mêler à ses cristaux, en proportion beaucoup plus grande qu'il ne s'y trouvoit lui-même. Lequel des deux doit carac- tériser le minéral! Est-ce le plus abondant? Non sans doute; car, excepté cette abondance, tous les caractères du produit sont donnés par l’autre. Il n’est pas moins certain que la même substance prend quelquefois au moment où elle se forme en cristaux, où elle s'individualise, s’il est permis d'employer cette expression , une forme très-différente de celle qui lui est ordinaire. Tous les efforts des chimistes n’ont pu trouver d’essentiel dans l’ar- ragonite que la même chaux carbonatée dont se compose aussi le spath calcaire ; car la petite portion de strontiane qu'on a découverte dans la première ne peut y être considé- Mém. du Muséurn. ?, 10. 4 26 ELoGE HISTORIQUE rée que comme accidentelle, et cependant l’arragonite cris- tallise en octaèdre et le spath en rhomboïde. Et ici l’art de l'homme parvient également à imiter la nature, et même à faire , quand il lui plaît, ce que la nature fait rarement. Des expériences récentes de M. Mitscherlich paroiïssent prouver que l’on peut faire prendre à volonté, à certains sels , des formes cristallines élémentaires différentes , suivant les cir- constances dans lesquelles on les fait cristalliser. Mais dans le petit nombre de cas où‘la nature a produit elle-mème de telles différences, doit-on ne faire qu'une espèce de ces cris- tallisations diverses? Alors il faudroit aussi n’en faire qu’une de presque tous les animaux à sang chaud; car ils sont aussi identiques dans la nature chimique de leurs élémens, que les deux pierres que nous venons de nommer. Un aigle et un chien ont la même fibrine dans leurs muscles, la même géla- tine dans leurs membranes, le même phosphate de chaux dans leurs parties osseuses. Comme le spath calcaire et l’arra- gonite, ils ne diffèrent que par la forme que ces matières ont prise au moment où elles ont constitué des individus. Je prie de remarquer que je n’entends nullement que l'a- nalyse chimique des minéraux doive être négligée, et ce n’étoit pas non plus à beaucoup près l'opinion de M. Haüy. Cette analyse est tout aussi nécessaire à leur connoissance que la détermination de leur forme : elle est beaucoup plus utile par rapport à leurs usages. Ce que M. Haüy soutenoit, c’est qu’elle est généralement impuissante pour déterminer leurs espèces, parce qu’elle n’a pas de moyens sûrs de dis- ünguer les substances accidentelles des essentielles; parce qu'elle n’est pas en état, pour certaines classes de pierres, ne M. Haury. #7 d’aflirmer qu’elle connoît leurs élémens , et que chaque jour elle en découvre qui lui étoient demeurés cachés (r). Feu M. Werner, qe l'Europe a regardé long-temps comme un rival et même comme un adversaire de M. Haüy, n'en différoit au fond que parce qu’il ne remontoit pas aussi haut dans la recherche des principes. Cette dureté, cette cassure , ce tissu auxquels il s’attachoit de préférence , ne sont en réalité que des conséquences de la forme des molécu- les et de leur arrangement , et l'emploi heureux que ce mi- néralogiste en a fait pour reconnoître et déterminer tant d'espèces de minéraux pouvoit déjà faire présumer tout ce que donneroit la source , puisque de simples dérivations étoient si fécondes. Mais cette source, c’est M. Haüy seul qui non-seulement l’a découverte, mais qui en a mesuré la force et l'abondance. Aussi est-ce à lui seul qu'il a été pos- sible de porter ou de ramener à leur juste valeur beaucoup de résultats qui, dans les mains de M. Werner, n’étoient demeurés en quelque sorte que des demi-vérités. Il n'est presque plus aujourd’hui de minéral cristallisable connu dont M. Haüy n’ait déterminé le noyau et les molé- cules avec la mesure de leurs angles et la proportion de leurs côtés, et dont il n’ait rapporté à ces premiers élémens toutes les formes secondaires , en déterminant pour chacune les di- vers décroissemens qui la produisent, et en fixant par le calcul leurs angles et leurs faces. C’est ainsi qu’il a fait enfin de la minéralogie une science tout aussi précise et tout aussi méthodique que l'astronomie. ———————2——_—_—_—_—_—_——————————— —————.——"…"—"—…"…"—"— —"—_…" —————_— (1) Tableau comparatif des résultats de la cristallographie et de l’analyse chi- mique relativeinent à la classification des minéraux. 1. vol. 8°. Paris, 1800. 4* 28 ELOGE HISTORIQUE On peut dire en un mot, que M. Haüy est à Werner et à Romé Delisle , ce que Newton a été à Képler et à Copernic. Mais ce qui lui est tout particulier, c’est que son ouvrage n'est pas moins remarquable par sa rédaction et la méthode qui y règne, que par les idées originales sur lesquelles il re- pose. La pureté du style, l'élégance des démonstrations, le soin avec lequel tous les faits y sont recueillis et discutés, en auroient fait encore un ouvrage classique, quand il n’auroit contenu que la minéralogie la plus ordinaire. M. Haüy sy montre habile écrivain et bon géomètre autant que savant minéralogiste ; on voit qu'il y a retrouvé toutes ses premiè- res études; on y reconnoit jusqu à l'influence de ses pre- miers amusemens de physique; s’il faut apprécier l’électri- cité des corps, leur magnétisme, leur action sur la lumière, il imagine des moyens ingénieux et simples, de petits ins- trumens portatifs : le physicien y vient sans cesse au secours du minéralogiste et du cristallographe. Il est dans les sciences des rangs qui sont marqués aussitôt que les titres en sont produits, et tel est celui où M. Haüy s'est placé sans contradiction, le jour où il a fait paroitre son ouvrage. Cependant à la mort de Daubenton, ce fut Dolomieu, et non pas M. Haüy, qui fut nommé professeur de minéralogie au Muséum d'histoire naturelle ; mais Dolomieu , arrèté contre toutes les règles du droit des gens, gémissoit dansles cachots de la Sicile; on n’avoit de lui pour tout signe de vie que quelques lignes, qu'enchaîné dans un souterrain étroit il étoit parvenu à écrire avec un éclat de bois et la fumée de sa lampe, et que l’ingénieuse humanité d’un Anglais avoit su, DE M. Haury. 20 à force d'or, se faire remettre par le geôlier. Ces lignes par- lèrent en-sa faveur autant que tous ses ouvrages, et l’un de ceux qui sollicitèrent le plus vivement pour lui, ce fut le rival qu'il devoit craindre le plus, ce fut M. Haüy. On auroit pu croire que de pareils témoignages, et rendus par de tels hommes, auroient adouci les bourreaux de Dolo- mieu ; mais combien de gens en pouvoir, lorsqu'une passion momentanée les excite, ne s’informent pas plus des sentimens de leurs contemporains qu’ils ne prévoient l’indignation dela postérité ? Dolomieu ne sortit de son souterrain que par un article du traité de paix; et une mort prématurée, fruit des traitemens qu'il avoit subis, ne rendit que trop tôt à M. Haüy la place à laquelle celui-ci avoit si généreusement renoncé. Il y fut nommé leo décembre 1802. Dès lors cette partie de l'établissement à pris une vie nou- velle; les collections ont été quadruplées; il y a régné un ordre sans cesse conforme aux découvertes les plus récentes, et l'Europe minéralogique est accourue non moins pour ob- server tant d'objets si bien exposés, que pour entendre un professeur si élégant, si clair, et surtout si complaisant. Sa bienveillance naturelle se montroit à toute heure envers ceux qui avoient le désir d'apprendre. I les admettoit dans son in- térieur, leur ouvroit ses propres collections, et ne leur re- fusoit aucune explication. Les étudians les plus humbles étoient reçus comme les personnages les plus savans, et comme les plus augustes; car il a eu des élèves de tous les rangs. L'université, lors de sa fondation, crut s’honorer en pla- çant le nom de M. Haüy sur la liste d’une de ses facultés; elle n’en attendoit point de lecons, et lui avoit donné au même 30 ELOGE HISTORIQUE instant un adjoint très-digne de lui, M. Brongniart , aujour- d'hui membre de cette académie, et qui lui a succédé au Muséum d'histoire naturelle. Mais M. Haüy ne vouloit pas porter un titre sans en remplir les devoirs. Il faisoit venir chez lui les élèves de l’école normale, et dans des conversa- tions aimables et variées, les initioit à tous ses secrets. Il re- prenoit alors sa vie de collége, jouoit presque avec les jeunes gens,et surtout nelesrenvoyoit jamaissansune ample collation. Ainsi se passoient ses journées : ses devoirs religieux, des recherches profondes suivies sans relâche, et des actes con- tinuels de bienveillance, surtout envers la jeunesse , les oc- cupoient tout entières. Aussi tolérant que pieux, jamais l'opinion des autres n'influa sur sa conduite envers eux ; aussi pieux que fidèle à ses études , les plus sublimes spéculations ne l’auroient détourné d'aucune pratique prescrite par le rituel; du reste,ne mettant aux choses de ce monde que le prix qu’elles pouvoient avoir aux yeux d’un homme pénétré de tels sentimens. Par la nature de ses recherches, les plus belles pierreries de l’Europe ont passé sous ses yeux, et même il en à donné un traité particulier (1); il n’y a jamais vu que des cristaux; un degré de plus ou de moins dans quelque angle d’un schorl ou d’un spath, l’auroït à coup sûr intéressé plus que tous les trésors des deux Indes : et mème si l’on a pu lui reprocher d’avoir mis à quelque chose un attachement trop vif, c’est à ses idées sur cette matière. Il s’y concentroit entièrement; ce n’étoit qu'avec impatience qu'il s’en voyoit détourné par des objections; son repos en rt (1) Traité des caractères Physiques des pierres précieuses. 1 vol. in-6°. Paris, 1817. DE M. Hauvy. 31 étoit troublé ; c’étoit le seul motif qui püt le faire renoncer à sa douceur, à sa bienveillance ordinaire , et, nous devons l'avouer, cette disposition a produit quelquelois cet effet; elle l’a peut-être empêché d’avoir assez d’égards aux obser- vations faites avec le nouveau goniomètre de M. Wollaston sur les angles du spath calcaire, du spath magnésifère, et du fer spathique. Mais qui n’excuseroit un homme valétudinaire, long-temps étranger au monde, attaqué lors de son début de la manière la plus injuste et la plus offensante; qui ne l'excuseroit, dis-je, de n’avoir pas assez distingué de ses pre- miers et ignorans antagonistes, ceux qui dans la suite, éclairés par ses propres découvertes, apprécièrent autrement que lui quelques faits de détails, ou même quelques principes qu'il avoit trop généralisés ? Ce qui est certain , c’est que dans les momens où il payoit ce tribut à la foiblesse humaine , il n’étoit animé que de ce qu'il croyoit l'intérêt de la science , et que, s’il se fächoit, c’étoit uniquement de ce qu'il jugeoit devoir faire obstacle au triomphe de la vérité. A l’époque où l’on chercha à rendre quelque activité à l'instruction publique, le gouvernement demanda à M. Haüy un traité de physique pour les colléges. M. Haüy avoit plus d’an titre à cette commission, et dans la manière ingénieuse dont il avoit appliqué la physique à la minéralogie, et dans plusieurs mémoires intéressans sur l'électricité et la double réfraction des minéraux, et dans l’élégante exposition quil avoit donnée de la théorie d’Æpinus sur l'électricité et sur le magnétisme, et dans le succès qu’avoit obtenu le cours de physique qu'il fit à cette école normale créée en 1795 par la 32 ELOGE HISTORIQUE convention et qui ne dura que quelques mois. Mais ces titres ne suflisoient point à ses yeux; il doutoit surtout qu'il lui füt permis d'abandonner, même pour peu de temps, les recher- ches si heureuses auxquelles il lui sembloit que la Providence l'avoit conduit, etil ne voulut point s'engager avant d’avoir consulté M, l'abbé Emery, l’ancien supérieur de St.-Sulpice. « N'hésitez pas, lui dit M. Emery : vous feriez une grande » faute, si vous manquiez cette occasion, en traitant de la » nature, de parler de son auteur... et n'oubliez point, ajouta- » til, de prendre sur le frontispice votre titre de chanoine » de la métropole. » M. Emery, dont l'habileté n’a pas été moins célèbre que ses sentimens ont été purs, savoit qu'il n’est aucune profession qui ne doive s’honorer des talens de ceux qui l’exercent, et il se souvenoit que l'époque où le christianisme a fait le plus de conquêtes, et où ses ministres ont obtenu le plus de respect, est celle où ils portoient chez les peuples convertis les lumières des lettres, en même temps que les vérités de la religion, et où ils formoient à la fois dans les nations l’ordre le plus éminent et le plus éclairé. Si ce traité de physique n’ajouta pas beaucoup à la réputa- tion scientifique de M. Haüy, il ne nuisit point à sa gloire littéraire, On y trouve la mème clarté , la mème pureté que dans sa minéralogie, et encore plus d'intérêt. C’est un des livres les plus propres à inspirer à la jeunesse le goût des sciences naturelles, et il se fait lire avec agrément par tous les âges : aussi a-t-il eu trois éditions. L'auteur fut vivement pressé et à plusieurs reprises de faire connoître ce qu'il désiroit qui fût fait pour lui. Il se borna à demander qu’on le mit à même de rapprocher de lui sa DE M. Haurx. 33 famille, pour en être soigné dans sa vieillesse et dans ses in- firmités , et son vœu fut rempli sur-le-champ au moyen d’une petite place de finance accordée au mari de sa nièce. Qui croiroit qu’une récompense si bien méritée disparut à la première réforme , et que les amis de M. Haüy ne pu- rent obtenir d'autre réponse à leurs sollicitations, si ce n’est qu'il n’y a point de rapport entre les contributions et la cris- tallographie. Newton avoit aussi été récompensé par un emploi de fi- nance , etbien autrement considérable, de la gloire que son génie avoit répandue sur son pays; mais il le conserva sous trois rois et sous dix ministères. Pourquoi les hommes qui disposent, ordinairement pour un temps si court, du sort des autres, oublient-ils quelquefois que de pareils actes de leur part resteront dans l’histoire beaucoup plus sûrement qu'au- cun des détails éphémères de leur administration ? Ce ne fut pas la seule épreuve que M. Haüy eut à subir. Peu de temps après , les lois de finance lui firent perdre une pension qui ne pouvoit plus se cumuler avec un traitement d'activité; et son frère , que l’on avoit attiré en Russie pour y répandre les moyens d’instruire les aveugles, en revint sans qu'aucune des promesses qui lui avoient été faites eût été remplie , et avec une santé tellement délabrée, qu'il tomboit entièrement à la charge de sa famille. C’est ainsi que vers la fin de ses jours, M. Haüy se vit su- bitement ramené bien près de ce strict nécessaire dontil avoit déjà eu l’expérience. Il auroït en besoin de toute sa reli- gieuse résignation pour supporter ces revers, sans l'attention que mirent ses jeunes parens à lui cacher toute la gêne que Mém. du Muséum. 1. 10. 5 34 ELOGE HISTORIQUE ses affaires en éprouvoient. Leurs soins redoubloient en quel- que sorte à mesure qu'il perdoit les moyens de leur en mar- quer sa reconnoissance. L'amour de ses élèves, les respects de l'Europe contribuèrent sans doute aussi à le consoler. Les hommes instruits de tous les rangs qui arrivoient à Paris, s’em- pressoient de lui apporter leurs hommages, et presqu’à la veille de sa mort,nous avons vu l'héritier d’un grand royaume revenir à plusieurs reprises converser près de son lit, et lui marquer son intérêt dans les termes les plus expressifs et les plus touchans. Mais le soutien le plus réel qu'il trouva fut qu'au milieu de sa gloire et de sa fortune, il n’avoit quitté ni les habitudes de son collége, ni celles de son village. Jamais il n’avoit changé les heures de ses repas, de son lever et de son coucher; chaque jour, il faisoit à peu près le mème exer- cice , se promenoit dans les mêmes lieux, et il savoit encore en se promenant exercer sa bienveillance; il conduisoit les étrangers qu'il voyoit embarrassés, il leur donnoïit des billets d’entrée dans les collections ; et beaucoup de gens lui ont dû de ces petits agrémens, qui ne se sont point doutés de quelle main ils les tenoient. Son vêtement antique, son air simple, son langage toujours d’une modestie excessive, n’étoient pas de nature à le faire reconnoître. Lorqu'il alloit passer quel- que temps dans le bourg où il avoit pris naissance, aucun de ses anciens voisins n’auroit pu soupçonner à ses manières qu'il fût devenu à Paris un personnage considérable. Un jour, dans une promenade sur le boulevard, il rencontra deux an- ciens soldats qui alloient se battre. Il s’informe du sujet de leur querelle, il les raccommode, et pour bien s'assurer qu’elle ne renaîtra point, il va avec eux sceller la paix à la manière des soldats, au cabaret. DE M. Haur. 35 Cette grande simplicité de mœurs auroit problablement prolongé sa vie, malgré l'extrême délicatesse de sa santé , si un accident n’en eût accéléré la fin. Une chüte faite dans sa chambre lui cassa le col du fémur, et un abcès qui se forma dans l'articulation rendit le mal incurable. Pendant les lon- gues douleurs dont sa mort fut précédée, il ne cessa de mon- trer cette bienveillance, cette pieuse soumission aux arrêts de la Providence, cette ardeur pour la science, qui ont ca- ractérisé sa vie. Son temps fut partagé entre la prière, le soin de la nouvelle édition de son livre, et l'intérêt pour le sort à venir des élèves qui l'avoient secondé dans ce travail. M. Haüy est décédé le 3 juin de l’année dernière ( 1822 }, à soixante-dix-neuf ans, ne laissant à sa famille qu’un héritage, mais magnifique, cette précieuse collection de cristaux de toutes les variétés, que les dons de presque toute l’Europe pendant vingt ans ont portée à un degré qui n’a point d’égal. Il a eu pour successeur au Muséum d'histoire naturelle, M. Brongniart ; à la Faculté des sciences, M. Beudant , et dans cette académie M. Cordier. Ce sont trois de ses élèves : en effet, et ce sera le dernier trait de son éloge, il seroit diffi- cile de trouver aujourd’hui en Europe un minéralogiste digne de ce nom, qui ne le soit sinon immédiatement , au moins par une étude assidue de ses ouvrages et de ses décou- vertes. St HISTOIRE Des Développemens de quelques Gemmes bulbifères. el principalement de celles du Colchique. PAR M. DE TRISTAN. ARTICLE PREMIER. — Colchique. J: dois commencer le récit de mes observations à l'époque où les développemens de la gemme du colchique deviennent sensibles; et je crois pouvoir fixer ce moment vers la fin de juillet. Long-temps avant, la gemme est déjà visible; mais l'individu qui l’a produite a cessé à peine de recevoir des accroissemens, et au contraire cette gemme elle-même n’en a éprouvé que de bien foibles. Au reste dans cette plante le repos hyémale n’est pas marqué comme dans la plupart des végétaux de nos climats; à quelque âge de sa vie que l’on veuille commencer son histoire il faut rompre une série de phénomènes; mais en terminant on retrouve ceux que l’on avoit laissés derrière soi. J'ai fait un grand nombre d'observations, je rapporterai seulement les plus marquantes et j'indiquerai leur date pré- cise : on sent que la constitution plus ou moins hâtive de l'année et plusieurs autres considérations doivent influer sur la rapidité des développemens. J'observois à trente lieues CoLcuiQue. 37 au sud de Paris, dans un climat où la moisson me paroït de sept ou huit jours plus hâtive qu’autour de la capitale; en un mot dans la partie méridionale du département du Loiret. 24 Juillet 1812. Fig. 1. La bulbe dépouillée de ses tuniques sèches qui sont évidemment la base desséchée des anciennes feuilles. Il y a deux fois autant de tuniques qu'il y avoit de feuilles : parce que pendant la dessiccation les deux épidermes de chaque feuille se séparent, et chacune d’elle formeunetuunique. La bulbe est solide , charnue, elle porte par le bas une espèce de prolongement ou d’appendice a dont le bord est tran- chant, et sur lequel la gemme b est située dans une légère concavité; le bord supérieur de la bulbe qui s’est élevé autour de la base de la tige s'élève davantage en P et y forme un petit prolongement placé au-dessus de la gemme b. Fig. 2. Coupe de la même bulbe. On voit qu'elle est moins large en ce sens que dans l’autre. La tige épuisée t sort d’une espèce d’enfoncement ou de cratère, parce que, comme nous l'avons dit, la bulbe se boursoufile tout autour et y forme un rebord très-saillant. ? est une protubérance spongieuse for- mée par les débris des racines. Fig. 3. Le rebord supérieur de la bulbe. A peu près à un tiers de circonférence du prolongement P, ce rebord est entaillé, et dans l’échancrure on voit une sorte de languette charnue m de même substance que la bulbe, et qui n’en est séparée que par une ligne enfoncée peu profonde : cette languette porte une gemme n plus petite que celle qui est située vers le bas de la bulbe. LA 2) GEMMES BULBIFÈRES. Fig. 4. Coupe de la principale gemme ( c’est-à-dire de celle qui est marquée b dans les figures 1 et 2). On y dis- Ungue trois ou quatre tuniques coniques, les unes sous les autres, et dans l'espèce de base charnue qui les porte on remarque une tache verdâtre ou aqueuse r. Observations intermédiaires. La bulbe ne grossit nullement pendant les temps qui sui- vent, au contraire elle paroît s’épuiser en quelques endroits. La gemme principale grossit, et s’allonge par le haut. Il se forme un gonflement dans la petite base charnue qui la sup- porte. La gemme supérieure avorte le plus souvent; quand elle réussit elle finit par fournir une bulbe analogue à celle que nous allons continuer de décrire. Mais j'ai suivi moins exactement toutes les périodes de sa végétation. 20 Aoùt 18132. Fig. 5. La gemme agrandie se trouve placée dans une sorte de gouttière allongée qui s’est formée probablement par l'épuisement des sucs, et qui répond de l’appendice infé- rieur à celui du rebord supérieur. L’un et l’autre de ces appendices est aminci. La partie inférieure de la gemme présente un gonflement en forme de scrotum; la première tunique qui couvroit sa partie supérieure, s'est ouverte au sommet, et le tube qu'elle forme laisse passer le sommet conique de la seconde tunique. Fig. 6. Coupe de la bulbe dans le même état. Dans l'in- térieur du boursoufilement de la base de la gemme on dis- tingue les rudimens d’un faisceau de racines, qui paroissent CoLrciquE. 39 situées comme dans une petite poche formée d’une mem- brane et fermée de toute part. Observations intermédiaires. La gemme s’allonge de plus en plus, ses racines deviennent très-distinctes; mais elles restent renfermées sous la mem- brane qui les contient et qui devient plus mince en se dis- tendant. 10 Septembre 1813. ( Emission des Racines. ) Fig. 7 et 8. La gemme est fort grossie et allongée , cepen- dant le sommet de la seconde tunique ne s’ouvre point encore. Le sac des racines est fort augmenté, sa tunique très-amincie paroît un prolongement de la première tunique qui garnit la base de la gemme. Ce sac arrondi par le fond est un peu comprimé, comme contre la bulbe; sa membrane, de plus en plus distendue, se déchire enfin suivant son grand dia- mètre, et se partage comme en deux valves m n. Le fais- ceau de racines se montre aussitôt. La fig. 8 montre encore que la gemme est formée d’une partie solide © qui tient à la bulbe, qui porte en dessous des racines nombreuses et nullement ramifiées, et dont le dessus sert de base à un cône composé de plusieurs tuniques destinées à se dévelop- per successivement. (La bulbe qui m'a servi de modèle pour dessiner ces figures ne devoit pas fleurir. ) 15 Septembre 1813. ( Æoraison. ) L'état que je vais décrire a été observé sur un individu pris dans son sol natal. Je crois que sa végétation avoit été un peu plus rapide que celle de l'individu qui a fourni 4o GEMNMES BULBIFÈRES. l'observation du 10 septembre et qui avoit été déplanté; et je présume qu'il y a ordinairement huit à dix jours au moins entre l’état qui précède et celui que je vais faire con- noitre. Dans les cinq figures qui suivent, j'ai négligé de représen- ter la bulbe, parce qu’elle est comme dans les fig. 7 et 8. Je nomme côté postérieur de la gemme, ou de la plante fleu- rissante, celui qui est appliqué le long de la bulbe, et côté antérieur, celui qui se montre en dehors. Fig. 0. Base de la gemme développée ou de la plante vue par son côté antérieur. Fig. 10. La même, vue par son côté postérieur. L'enveloppe qui formoit la poche des racines et celle en forme de tube qui se terminant en C garnit la base de la plante, paroissent former une seule et même tunique insérée circulairement autour de l’ombilic qui unit la plante à la bulbe et que l’on voit fig. 10. A la vérité cette tunique paroit avoir une antre adhérence annulaire autour de la base de la plante, et cette adhérence estindiquée par la ligne ponctuée d, fig. Q; mais je ne pense pas que ce soit une véritable inser- tion, et avec un peu d'adresse on parvient à détruire cette adhérence sans rien déchirer, ce qui n'arrive pas pour l'in- sertion autour de l’ombilic. Cette première tunique étant enlevée on en trouve une autre insérée très-peu au-dessus de l’adhérence annulaire de la première, et suivant la ligne ponctuée e, fig. 9. Elle forme un tube d’environ 4 ou 5 pouces de longueur et dont le bord est oblique; elle ne présente rien de remarquable. Fig. 11. La seconde tunique étant ôtée on trouve une Corcnique. 41 jeune feuille d’un jaune tendre et encore éloignée de la taille qu'elle doit atteindre (dans quelques individus elle est remplacée par une troisième tunique assez semblable à la seconde ). Le sommet de cette feuille répond à la face ex- térieure de la jeune plante, et elle est insérée immédiatement en dedans de la deuxième tunique: ainsi entre la première tunique et la première feuille il n’y a pas de tige apparente. Fig. 12. La première feuille qui étoit insérée en K est en- levée, et on en voit deux ou trois autres l’une dans l’autre: la plus extérieure paroît insérée en g, ainsi la partie ok repré- sente la tige. La partie inférieure de cette tige est gonflée en forme de bourrelet. C’est évidemment le principe d’une nou- velle bulbe, sur son milieu on voit apparoitre une petite squamule; ce sont les premiers traits d’une gemme analogue à celle que nous avons vue en D, fig. 1. Fig. 13. Si l'on enlève la seconde, la troisième et la qua- trième feuilles qui nous ont été montrées par la fig. 12, on verra qu'elles étoient insérées immédiatement l’une dans l’autre. La tige se partage subitement en plusieurs pédon- cules | (ordinairement trois ). La même figure indique l’in- sertion de tous les organes caulinaires, c’est-à-dire, des deux tuniques et des trois ou quatre feuilles. J'ai attribué une double insertion à la deuxième feuille, c’est qu’en effet la partie de son épiderme intérieur ou supérieur qui répond à sa ligne médiane, au lieu de s'attacher à la tige à l'endroit ®, comme tout le reste de la même surface, se tient séparée de la tige jusqu’au bord supérieur du bourrelet; mais cette or- ganisation alors peu apparente se distinguera mieux à une époque plus tardive ( en avril ). Mémm. du Muséum. 1. 10. 6 42 GEMMES BULBIFÈRES. Fig. 14. Coupe grossie et étendue de la base de la plante à la même époque. € CCC est la tunique extérieure, déchirée en deux valves par le bas, et insérée autour de l’ombilic 0 : elle étoit adhérente avec le côté opposé à cet ombilic; 2 est la seconde tunique; 3, la première feuille; 6, la base tumé- fiée de la tige ou la jeune bulbe; g la jeune gemme qui se voit au milieu du bourrelet de la fig. 12; enfin d\, le haut de la tige qui se termine par trois feuilles et par les pédoncules. Avril 1812. Fig. 15. Les tuniques sèches ayant été enlevées, on dis- tingue la vieille bulbe très-épuisée, et en forme d’une masse ovoide, ridée, molle, spongieuse, jaunâtre. On voit en r le lieu de l'insertion des anciennes racines. La nouvelle plante est à peu près constituée comme en octobre, seulement sa première tunique et les deux valves du sac des racines sont presque entièrement desséchées et en partie détruites. La seconde tunique est aussi desséchée par le haut. Fig. 16. Cette seconde tunique étant enlevée ainsi que la première feuille, dont la base s’est allongée en tube, on trouve que la nouvelle bulbe € a grossi, mais peu sensible- ment; au contraire, tout ce qui est au-dessus d’elle s’est fort allongé, car ce n'est qu'en g que la seconde feuille se sépare. de la tige, et la troisième feuille est insérée vers o. Fig. 17. La nouvelle bulbe dessinée grossie à la loupe, séparée de l’ancienne et vue par sa face antérieure. Fig. 18. La mème, aussi grossie à la loupe, et vue par sa face postérieure. 7 est l'ombilic ou l’attache de la nouvelle bulbe avec l’ancienne. Cette jeune bulbe est surmontée de- CoLcniQue. 43 la base de la tige. Un lambeau de la surface extérieure de celle-ci en est naturellement détaché, et laissant entre elle et lui un conduit fistuleux, il s’'insère en A sur la surface de la jeune bulbe. La jeune gemme supérieure , analogue à celle que nous avons représentée fig. 3, est au fond de ce conduit qui va s'ouvrir dans l’aisselle de la seconde feuille. Fig. 19. Est encore le même état, mais la membrane qui formoit le conduit fistuleux est enlevée et laisse à découvert la gemme supérieure. Cette membrane tenoit à la tige suivant les lignes ab, cd. Fig. 20. Est une coupe verticale de la jeune bulbe dans le même état. Cette coupe qui passe par l’ombilic et par la gemme inférieure est aussi dessinée grossie, ainsi que la suivante h. Fig. 21. Portion d’une autre coupe verticale passant par la gemme supérieure. 9 Mai 1812. À cette époque les fruits se montrent au dehors, au mi- lieu des feuilles qui sont entièrement développées. Fig. 22. ( De grandeur naturelle.) La jeune bulbe dé- pouillée de ses tuniques. On voit qu’elle a sensiblement grossi. Fig. 23. Coupe verticale de la même. Le bourrelet du haut de la bulbe commence à s'élever au-dessus de la base du cylindre de la tige, et l’appendice à qui se forme au- dessous de la gemme se fait remarquer même en dehors des tuniques. 6* 44 GEMMES BULBIFÈRES. 50 Mai 1812. Les ovaires ont acquis toute leur grosseur; les bulbes sont aussi à peu près à leur taille. Fig. 24. La bulbe, dépouillée des deux premières tuniques (déjà en parties détruites), mais restant couverte de la base de la première feuille. Cette base, déjà très-distendue, est tellement amincie qu’elle laisse voir comme par transparence la place de la gemme; au-dessous d’elle, l'appendice a a forcé cette même membrane à former une saillie très-remar- quable, tranchante en son bord et comme irrégulièrement denticulée. En arrière d’elle se voient les racines qui com- mencent à se dessécher. 20 Juin 1812. Fig. 25. La bulbe enveloppée dans sa dernière tunique. Fig. 26. Coupe verticale de la même, Fig. 27. La même, coupée par le sommet et en partie dé- pouillée de sa dernière tunique. I n'y a point eu de changement remarquable depuis le mois de mai, seulement l'appendice de la base de la tunique (qui se conserve fraiche et qui est la base de la première feuille) a encore pris plus d’extension par l’effet de l’accrois- sement de l'appendice de la bulbe. Les autres tuniques ex- térieures sont totalement desséchées, l’ancienne bulbe l’est aussi; les fruits sont murs; les péricarpes et les feuilles se dessèchent. Remarque générale sur le Colchique. La bulbe étant dans l’état qui vient d’être décrit, a peu de changement à éprouver pour se trouver telle que nous CorcuiqQue. 45 l'avons vue au 24 juillet. Mais il me reste à dire un mot de la foliation de cette plante; dans plusieurs espèces d'arbres on croit remarquer que la floraison est antérieure à la foliation. Cela peut être vrai relativement à la période annuelle, dont le commencement a été arbitrairement fixé; mais dans plu- sieurs cas du moins c’est une erreur, si l’on considère isolé- nent les différentes générations de bourgeons qui composent un arbre. J’ai publié sur ce sujet un Mémoire qui me dispen- sera de plus amples développemens. ( Mén. sur Les dévelop- pemens des bourgeons, Journ. de Phys. 1813.) J’ai fait voir, par exemple, que dans l’aulne, les fleurs qui s’épanouissent au printemps sont dépendantes du bourgeon qui étoit cou- vert de feuilles l'été d'avant, et que les feuilles qui vont paroître peu après ces fleurs, appartiennent à une autre gé- nération de bourgeons qui montrera ses boutons de fleurs dans le courant de l'été, mais qui ne les amenera à leur perfection qu’au printemps suivant. Il n’en est pas de même dans le colchique, chaque génération de bourgeon est en- core plus distincte que dans les arbres, et il est évident, par les fig. rret13, que les jeunes feuilles qui alors (15 septemb.) sont cachées sous les enveloppes, appartiennent au même bourgeon qui à la même époque porte des fleurs épanouies. Or, ces jeunes feuilles sont petites, blanches ou jaunâtres, enveloppées dans une sorte d’hybernacle, en un mot loin de la perfection qu'elles n’acquerront que vers le mois d'avril suivant; c’est alors seulement qu’elles seront feuilles, remplissant leurs fonctions de feuilles : il est donc vrai de dire que dans le colchique les fleurs sont antérieures aux feuilles. Je sais bien que ces feuilles influent puissamment 46 GEMMES BULBIFÈRES. sur la formation des gemmes qui peuvent paroitre près de leurs bases et qui fleuriront postérieurement; mais dans toutes les plantes vivaces les feuilles sont et doivent être considérées comme faisant partie du bourgeon qui les porte, et non de celui qui peut naître dans leur aisselle. Je ne puis terminer cet article sans rappeler avec quelle concise exactitude M. de Jussieu a su analyser les principaux faits que je viens de détailler. (Gen. pl., p. 47.) ARTICLE II. — Orchis maculata. Fin d'avril 18712. La figure 28 représente le bas de la plante avec ses tuni- ques, ses racines et sa bulbe qui a 2 , 3, ou 4 lobes. On voit en à une espèce d’ombilic par lequel l'individu actuel- lement végétant tenoit à celui de l’année d'avant qui l’a pro- duit ; en h est un boursoufilement produit par‘ la gemme qui commence à s’accroître, qui va recevoir ses premiers développemens dans le courant de l'été, et qui achevera petit à petit d’épuiser la bulbe maintenant existante, pour se mettre en état de végéter par elle-même, et d’être au prin- temps prochain semblable à celle représentée ici. Celle-ci fleurira dans un mois environ. La première, la seconde et même la troisième tunique ne se terminent pas par des feuilles, elles sont comme des feuilles avortées et doivent être considérées comme formant un hybernacle. Chaque ra- cine sort d’une petite gaine qui entoure sa base; elles sont par conséquent analogues à celles des embryons endorhizes. Si l’on enlève la première tunique elle se déchire au-dessus CoLcHIQuE. 47 des racines qui paroissoient d’abord; cependant on s’aper- coit que sa base est restée appliquée contre la base de la plante, et en la soulevant délicatement on voit comme en à fig. 29 (figure grossie), que les gaines qui environnent la base des racines font partie de cette tunique. l'extraction de la première tunique laisse paroïître, mais assez rarement, d’autres racines b qui ne la perçoient pas, qui rampoient entre elle et la seconde tunique, et qui pourtant ont aussi une gaine à leur base ; elles prennent naissance un peu plus haut que les premières racines: c’est entre ces deux ordres de racines que la seconde tunique est insérée, et c’est elle qui forme les gaines des secondes racines. Nous observeronsque la base de cette seconde tunique est très-délicate, et assez ad- hérente à la tige. Il faut du soin pour la distinguer et pour reconnoitre les gaines qu’elle forme. Dès qu’on a levé la seconde tunique on découvre la gemme © (fig. 30, grossie et très-allongée ), et quelque- fois, mais rarement , une ou deux racines f d’un troisième ordre. Ces racines quand elles existent n'ayant pas la force de percer les deux tuniques extérieures remontent entre elles et la troisième tunique. Celle-ci est insérée plus bas que les racines de troisième ordre, aussi elle en est traversée, et elle forme une petite gaine à leur base. Mais la gemme est insérée plus bas que la troisième tunique et elle est comme axillaire de la seconde. Ainsi donc la première tunique à est insérée au dessus de la bulbe , à. la base de la tige. Un peu plus haut paroit un premier ordre de racines b: qui la percent. 48 GEMMES BULBIFÈRES. Au même rang que ces racines j'ai vu une fois une gemme. Au-dessus de ces racines est insérée la seconde tunique représentée déchirée en €. Un peu plus haut que cette insertion se voit rarement un second ordre de racines d qui la percent. Et c’est aussi là qu'on voit constamment l'insertion de la principale gemme g. Puis vient la troisième tunique insérée vers e, représentée déchirée en € , et au-dessus d’elle on trouve rarement un troisième ordre de racines f qui la traversent. Cette figure 30 est non-seulement grossie, mais elle est comme étendue en longueur, et les objets sont allongés de haut en bas et plus écartés qu'ils ne devroient l'être, afin de mieux faire comprendre la disposition des insertions. J'ai vu une fois, comme je l'ai dit, une autre gemme plus petite placée entre la première et la seconde tunique; elle étoit du côté opposé à celle dont nous venons de parler. La figure 31 représente la coupe de la plante dans le même état ; k est la bulbe, o le lieu de lombilic, aa a la première tunique percée par une racine de premier ordre b; au-dessus de l’ombilic cette tunique étoit fendue presque jusqu'au bas, en sorte que je n’en ai représenté de ce côté que la base, CC est la seconde tunique qui couvre la gemme et qui de l’autre côté prend naissance au-dessus de la racine b. ee troisième tunique. hh quatrième tunique ou feuille. g la gemme composée de deux tuniques en cône et d’une base charnue : dans cette base on remarque un trait qui semble séparer d'elle une membrane qui seroit comme une enveloppe et comme la continuation de la tunique qui forme le cône CoLcHiQuE. 49 extérieur de la gemme. Ce trait et quelques autres qui sont dans l’intérieur de la masse charnue peuvent d’abord abuser, surtout quand on a observé la gemme du colchique. On peut les prendre pour des rudimens de racines enveloppés dans une tunique; mais c’est une fausse apparence , ces traces ne paroissent indiquer que des fibres. La figure 32 est la gemme isolée , un peu plus avancée et toujours représentée grossie. Elle avoit déchiré la seconde tunique, c’est-à-dire , celle qui la couvroit immédiatement. La base charnue étoit un peu plus gonflée ; les linéamens de son intérieur sont un peu plus compliqués, mais l’un parallèle à la surface extérieure semble toujours indiquer une écorce. Lorsque la tige commence à s’allonger et qu’elle a environ trois pouces au-dessus de la terre, la base charnue de la gemme s’est accrue et a pris décidément l'apparence d’une jeune bulbe. Elle a entr’ouvert les tuniques qui lacouvroient; son extrémité inférieure, fig. 33 , se termine ordinairement par quatre petits lobes, rarement par deux ou par trois. Par la suite ces lobes se prolongeront, prendront l’apparence de racines et probablement en rempliront les fonctions. Quand on ouvre cette gemme, fig. 34, on voit que sa bulbe n’a fait que s’accroitre sans déchirer aueune membrane particulière à cette gemme; elle montre dans son intérieur des traits analo- gues à ceux que nous avons observés fig. 32, et c’est alors qu’on reconnoit que probablement ils n’indiquent que des fibres. Mém. du Muséum. ?. 10. 7 5o GEMMES BULBIFÈRES. ARTICLE III. -— Orchis Morio. Mai 1812. Fig. 35. Époque de la floraison. a est la bulbe qui a fourni la plante à présent fleurissante; b la nouvelle bulbe. On voit que cette bulbe est portée par une espèce de pédi- cule, qui partant du lieu d’insertion de la gemme, s’est dirigé d’abord de haut en bas. Fig. 36. Coupe de la même plante. L'ancienne bulbe a, qui est molasse et un peu ridée extérieurement, est spon- gieuse et comme épuisée intérieurement, tandis que la nou- velle bulbe b est ferme et bien remplie. L'espèce de pé- dicule € de la nouvelle bulbe est solide , il porte deux tuniques qui en dessous adhèrent avec lui, mais qui en des- sus laissent entre lui et elles une espèce de canal. Ces tuni- ques se terminent par le haut en pointe d; par le bas elles adhèrent à la jeune bulbe. Elles enveloppent ainsi la gem- mule € qui est située sur la jeune bulbe au bas de son pé- dicule et au fond du canal formé par les tuniques. ARTICLE IV. — Allium Vineale. Dans les plantes qui précèdent, les gemmes bulbifères croissent à côté de l'individu qui les a produites; elles en sont évidemment distinctes, et quoique nées de cet individu et lui ayant été originairement réunies comme un fœtus l’est à sa mère, 1l est évident qu’elles sont le principe d’un nouvel individu. Dans la plante que nous allons examiner maintenant nous verrons deux sortes de gemmes bulbifères : les unes CoLzcuiQue. 51 non-seulement sont engagées sous les enveloppes qui ont fait partie de la plante mère, mais encore elles restent fixées sur une masse charnue qui semble aussi avoir appartenu à cette plante mère; elles paroissent la continuer, et prolonger pour ainsi dire le même individu; c’est l'idée que l’on s’en fait or- dinairement et c’est ainsi qu'un amateur de jacinthe soigne les oignons qui ont fleuri une année, pour tächer que ce qu'il regarde comme ces mêmes oignons fleurisse encore l’année d’après. Il en distingue bien les cailleux qu'il considère comme de nouveaux individus, destinés dès le premier mo- ment à se séparer de laplante mère toujours subsistante. Cette manière de voir en partie vraie, en partie fausse , nous indi- que la seconde espèce de gemme bulbifère que nous trouve- rons sur la plante maintenant soumise à notre examen. Elle nous présente en effet un oignon qui semble vivre plusieurs années, et que l'on prend pour le mème individu, ou la mème bulbe, se dépouillant successivement de tuniques, apparemment toujours renaissantes intérieurement ; elle nous montre aussi des cailleux, principes de nouveaux indi- vidus qui dès leur naissance sont bien distincts de la plante mère, et qui se hâtent de rompre les liens qui les y retien- nent. En effet j'ai examiné au commencement de mai 1812, une bulbe d’allium vineale. Je l'ai trouvée couverte de plu- sieurs tuniques tubulées par le haut et qui sont la base des feuilles ; à mesure que je les ai enlevées, j'ai trouvé sous cha- cune d'elles (fig. 37) un groupe de deux ou trois gemmes ou cailleux (a, b, ©) portés sur de long pédicules. Les gemmes qui composoient le même groupe n’étoient pas également dé- * 7 52 GEMMES BULBIFÈRES. veloppées, et la plus grosse b avoit le plus long pédicule. Cette plus grosse gemme ouverte, fig. 58, m'a présenté un corps solide , ovoide, pointu, enveloppé dans une tunique qui paroissoit être une expansion du pédicule, elle entouroit de toute part le corps ovoïde, etse refermoit au dessus en se terminant en cône très-allongé dans quelques-uns de ces cail- leux, fort court dans d’autres, fig. 39. Ces derniers avoient leur sommet ouvert ou perforé; il est probable que Fappen- dice pointu qui terminoit les autres, étoit perforé d’une ma- nière analogue, mais je n'ai pu distinguer cet orifice. Les tuniques qui composoient, où plutôt couvroient Ja bulbe principale, étoient insérées sur une masse charnu ou caudex , analogue à celui de la plupart des autres oignons ou bulbes à tuniques. Le 2/4 mai j'ai recueilli une autre bulbe, fig. 40. J'ai vu d’abord autour d’elle les débris d’une enveloppe desséchée t ridée en divers sens, assez forte et comme cassante; elle ne paroissoit pas fibreuse comme les autres. Cette bulbe ou d’autres de même espèce n’ont souvent montré en dehors de enveloppe que je viens de décrire une autre tunique mince et gristre qui a peu de consistance et dont l'oignon se dé- pouille aisément lorsqu'on l’arrache. Ces débris d’enveloppe enlevés on en voyoit une autre, fraiche , membraneuse, enveloppant entièrement la bulbe ; elle étoit assez épaisse par le bas, mais au dessus de la bulbe elle devenoit mince et comme transparente. Cette tunique se prolongeoit en un long tube, et sa partie supérieure étoit une feuille. Cette même tunique est d'abord boursoufllée, puis déchirée par la gemme ou les gemmes qui sont entre elle et Corcuiçue. 53 la tunique d’après, et qui sont analogues à celles représentées fig. 37. L’une d'elles, a, fig. 40, se montroit ainsi que son pédi- cule, et sortoit par la déchirure qu’elle avoit causée; d’autres placées en b étoient plus intérieures, et les deux tuniques qui les couvroient avoient resisté sans se déchirer. Tous ces pédicules des cailleux naissent du caudex , et ne traversant aucune membrane, ils n’ont pas de gaine à leur base. Il n’en est pas de même des racines, elles prennent aussi naissance sur le caudex entre la seconde et la première tunique vivantes; mais elles percent immédiatement celle-ci pour se jetter au dehors. Il en résulte une petite gaine qui entoure leur base. (Le raisonnement et quelques observa- tions incomplettes me font penser qu’il y a eu d’autres racines placées en dessous et en dehors des tuniques maintenant vi- vantes. Elles traversoient les tuniques qui à présent sont des- séchées et étoient engainées par elles. ) La bulbe que je représente ici n’avoit que quatte tuniques vivantes et par conséquent quatre feuilles : elle ne devoit pas fleurir ; ainsi au milieu des feuilles on ne voyoit nulle appa- rence d’une hampe destinée à porter l’ombelle. Tout le centre de la bulbe étoit occupé par un corps sphéroïde pointu, composé d’une substance ferme, charnue et analogue à celui que j'avois déjà vu au centre des cailleux. Ce corps se voit en C; fig. 41 (coupe de la figure 40), il repose immédiate- ment sur le caudex mais dans sa base est cachée une gem- mule qui termine le caudex. Un conduit capillaire répondant à la pointe de la gemmule traverse cette masse charnue. Celle-ci m'a paru la vraie bulbe destinée à nourrir l'année suivante la gemme qu'elle couvre. Cette bulbe qui restera 54 GEMMES BULBIFÈRES. sur le mème caudex, et qui semblera être le même oignon, n'est probablement qu’une tunique plus intérieure que les autres, et qui retenant dans sa base les sucs qui lui arrivoient, a pris cette forme et cette consistance au lieu de se prolonger en feuille. Il y a lieu de croire que cette bulbe épuisée de- viendra par la suite analogue à l'enveloppe sèche, cassante et comme cornée que nous avons d’abord enlevée, et qui est représentée en t fig. 4o. Cette organisation de la bulbe destinée à rester sur le caudex se retrouve dans les cailleux. L'un d’entre eux est représenté, fig. 43, en partie dégagé de la tunique ou première feuille avortée qui le couvroit; et sa coupe, fig. 42, fait voir une conformation analogue à celle de la bulbe principale de la fig. 4r, c’est-à-dire une masse charnue perforée par un conduit très-fin et couvrant une petite gemme dont la pointe répond à ce conduit. Nous trou- verons de ces caïlleux entre presque toutes les tuniques, il y en avoit même un dans la bulbe de la fig. 41, entre la masse charnue et la tunique qui la couvroit. Ce dernier cailleux, à pédicule moins prolongé, gèné d’ailleurs par les membranes qui le serroient, étoit venu s'appuyer sur le sommet de la masse charnue. Quand la plante doit fleurir , au lieu de la grosse masse charnue sphéroide, on trouve sur le caudex une bulbe à, fig. 44, organisée de même, mais plus petite. Elle est un peu gênée et déformée par la pression de la hampe D qui prend naissance sur le caudex à côté de cette bulbe. Il résulte de là que l’allium vineale me paroit composé 10. de racines, 2°. de tuniques qui s’emboîtent les unes dans les autres, 30, d’un caudex qui sert de lien aux unes et aux CorcuiqQue. 55 autres, et qui paroit doué de la puissance reproductive; les feuilles sont le prolongement des tuniques intérieures, la bulbe est le gonflement de la première ou de la seconde tu- nique; si les sucsne s’y accumuloient pas, elle seroit telle que ces tuniques tubulées, non prolongées en feuilles, et que lon voit dans les narcisses; la hampe n’est qu'un pro- longement du caudex, elle porte à son sommet une dernière tunique qui prend le nom de spathe, et sous celle-ci le caudex prolongé fait encore connoître sa puissance par la production des fleurs ou des bulbes qui les remplacent. Arrice V.— Remarque générale sur ce qui précède. Je viens de donner les descriptions plus ou moins com- plettes de quatre bulbes, et leur rapprochement peut pa- roître ou bizarre ou produit par le hasard, Il n’en est pas ainsi. Le choix que j'ai fait a été guidé par un plan de tra- vail que je n’ai pas eu le temps de terminer. J’ai cru néan- moins pouvoir publier isolément ces détails; des faits sont toujours utiles à recueillir quand ils ont été observés avec soin , et à cet égard je crois n'avoir rien à me reprocher. Je m'abstiendrai donc pour le moment de toute réflexion. En donnant isolément quelques conclusions, elles paroi- troient systématiques et trop légèrement établies. Mais peut- être que plus tard je reprendrai les faits consignés ici, pour en développer à loisir les conséquences. Je me permettrai seulement de remarquer la singulière analogie qu'on peut trouver entre ces bulbes et quelques-uns des embryons vé- gétaux que les botanistes, et particulièrement M. Richard, ont fait connoître. 56 GEMMES BULBIFÈRES. Sans adopter de tous points les opinions de ce savant , mais en nous servant de ses expressions pour désigner les objets dont il a parlé, nous pourrons faire les rapprochemens suivans. 10. La gemme du Colchique et l'embryon des grami- nées. La jeune gemme est le blaste, la bulbe est lhypo- blaste; mais pour rendre la ressemblance plus complette, il faut supposer que l’hypoblaste a absorbé l'endosperme ( pé- risperme ) et examiner particulièrement l'embryon de l'orge. 0, La gemme des Orchis et les embryons macropodes. 3. La gemme de l’Allium vineale et les embryons ma- crocéphales. J'ai pensé que cette analogie des germes produits sans fécondation avec ceux produits par fécondation, pourroit présenter quelque intérèt, et peut-être diriger des recher- ches ultérieures. Jon .10 . Var Lg. 13. CUMMES BULBITFERES. PL.Z. + Zom..10, din 2 £4 Fig %o. CEMMES BULBIFERES. PL. 71. EL) Zoom. 10. PINT. L liy45. “à CLNMMELS BULBITELRIS, PL. 111. ORGANES SEXUELS DE LA POULE. L PREMIER MEMOIRE. Formation et rapports des deux Oviductus. PAR M. GEOFFROY-SAINT-HILAIRE. À 3 NE étranger aux théories de l’école actuelle, bien que ses propres observations y eussent quelquefois donné lieu, jugea du système sexuel des oiseaux d’après les règles d’A- ristote. Il ne crat point à des différences essentielles, à l'égard des mammifères; mais tout au contraire persuadé que le même plan, à de certaines modifications près, s’étoit main- tenu chez les oiseaux, il n’imagina pas de nomenclature par- üiculière pour des parties déjà connues et dénommées. Cependant les phénomènes curieux de l’incubation, qu’on pouvoit suivre avec la plus grande facilité , et dans lesquels on voyoit manifestement tous les organes naître et se déve- lopper, excitèrent un très-vif intérêt : on finit par y donner une attention exclusive, c’est-à-dire qu’on fit succéder l’é- tude des fonctions aux considérations des détails organiques. Mém. du Muséum. 1. 10. 8 58 ORGANES SEXUELS Un être, qui se forme hors du sein de sa mère , auquel celle- ci ne fournit qu’un liquide à ouvrager en d’autres temps et dans d’autres lieux, parut sorti des considérations communes. Eten effet, en voyant pour élémens de l’organisation ce liquide homogène éloigné et détaché de sa gangue, on supposa que les organes destinés à sa production et à son écoulement pré- senteroient un caractère de plus grande simplicité que des appareils qui donnent à la fois et mettent de suite ces pro- duits en œuvre. Cette différence dans l’organisation sexuelle des animaux vivipares et des animaux ovipares étant ainsi présumée essentielle, on fut persuadé que ce qu’on voyoit sous une forme intestinale, se trouvant comme préparé avec beaucoup d'art pour faciliter le passage d’un œuf, ne pouvoit être et n'étoit au fond qu'un canal d'écoulement. Où l'on n'apercevoit qu'une seule fonction, on se plût à ne voir qu'un seul organe. On le jugea d’une structure simple, par conséquent un organe sw generts ; et de son usage, il reçut le nom d’oviductus. Ce n’est pas cependant qu'à l'exemple d'Harvey, on n'ait encore plus tard prononcé le nom d’uferus. Bonnaterre (1) l’appliqua à l’un des segmens de Poviductus, à un renflement d’une texture plus forte et d’une substance plus vasculaire. Mais on céda à un entrainement irréfléchi. Les travaux ori- ginaux d’Emmert, de Tannenberg, de Dutrochet, etc., pré- cieux sous d’autres rapports, en sont la preuve. Un ovaire, un oviductus, un cloaque sur le passage, ce fut à peu près (1) Encyclopédie méthodique : texte qui accompagne les planches de l’ornitho— logie , page lxxix. DE LA Poux. 59 tout ce qu’on apprit au sujet des organes sexuels des oiseaux, jusqu’au jour que parut l'ouvrage très-recommandable de F. Tiédemann, inutulé: nat. et Hist. naturelle des Oiseaux. Bien que certaines questions de ce mémoire aient été traitées par ce grand anatomiste, je les considère sous un point de vue plus général; lequel m’a rendu ces faits de dé- tail plus nécessaires qu’à lui, et qu'il avoit bien pu négliger. Ceci explique comment je puis espèrer de demander encore de nouveaux renseignemens, à un être que notre régime domestique place journellement sous nos yeux: le dévelop- pement graduel de nos idées ne nous en a fait sentir le besoin qu’à ce moment. Car c’est pour toutes choses en gé- néral, qu’on songe à les acquérir seulement à une heure marquée : des antécédens nous y amènent insensiblement. S 1. De l’oviductus gauche. Ce n’est plus comme d’un seul objet qu’il nous convient de traiter de l’oviductus gauche. Je l'ai fait représenter ré- duit à moitié de sa grandeur (voyez planche 4, fig. r et 2, lettres A. B. C. D). On l’a débridé pour l’étendre et pour le présenter dans toute sa longueur. La fig. 1, nous en montre le tissu dans son état ordinaire de rétraction, et la fig. 2, sous le volume qu'il prend, quand il est distendu par le souffle. En ne faisant attention qu’à sa figure intestinale, laquelle se continue ainsi uniformément d’un bout à l’autre, son nom d'oviductus semble justifié : on voit qu’on a pu long-temps se contenter de cette dénomination. Il n’y à d’ailleurs point trop à se récrier sur cette structure 8 * 60 ORGANES SEXUELS intestinale, si c'est le propre de toutes les membranes d'y être plus ou moins ramenées, Voyez que c’est la disposition qu'affectent les viscères, pour le peu que le tronc par un allongement considérable favorise ce genre de développement Ainsi les serpens n’ont que des viscères tubulaires , puisque, sans parler des canaux aortiques et des étuis médullaires dont c’est la forme habituelle, du canal alimentaire auquel se rapportent toutes ces comparaisons , et des organessexuels, qui chez les serpens offrent le même caractère intestinal que chez les oiseaux , c’est encore l’essentielle condition d’'orga- nes qu’on ne supposeroit pas pouvoir être ramenés à Ce Ca— ractère. Tel est l'organe respiratoire, qui, au fond, n'est qu'un long intestin, dont quelques parties de la surface in- térieure sont plus vasculaires, et qui ne diffère en effet des autres grands tubes membraneux, que parce que ce long tube est ouvert seulement à l'une de ses extrémités, qu'il présente une seule entrée pour la recette et pour la dépense, pour l'allée et pour le retour des gaz respirables et respirés. Le fait d’un développement plus riche chez les oiseaux adultes, est précisément ce qui élève leur oviductus au vo- lame d’un gros intestin, et ce qui tend à faire disparoitre sur toute son étendue les traits différentiels de chaque seg- ment. Mais nous avons vu partout qu’un tel résultatest tou- jours la condition essentielle de tout organe porté au maxi- mum de composition: l’état régulièrement tubulaire de l'o- viductus chez l'oiseau est done la qualité fondamentale de cet organe. On en devient certain, si, quel que soit l’ordre du renflement de ses parties chez les mammifères, c’est cela qui existe dans cette classe. Or vous remarquerez que eet DE LA Poure. 61 appareil offre pour principale différence, de se joindre avec son congénère dans une moitié de sa longueur, modification si considérable, que c’est ce qui a privé de sentir ses rapports chez l'oiseau et chez le mammifère: On avoit été de plus entrainé à regarder comme ayant un caractère tout-à-fait déterminé, les parties réunies des deux oviductus, dès qu’on eut remarqué ce que cette réunion avoit apporté de change- mens dans l’arrangement et dans la structure des tissus. Cependant après avoir ramené les conduits génitaux des mammifères au rapport commun et nécessairement caracté- ristique d’un oviductus, il ne devoit sans doute point être diflicile de faire l'inverse eu égard à l'oviductus d’un oiseau, c'est-à-dire d'y retrouver à son tour tout autant de tronçons différens qu’on en avoit observés dans le tube génital des mammifères. Apercoit -on en effet sur toute la longueur de l’oviductus d’un oïseau une égale diversité de structure? et chacun des segmens a-t-il aussi alors des fonctions constam- ment distinctes ? Tel est le point dela question dont les faits de ce mémoire et de la planche qui l'accompagne donneront, j espère , la solution. On chercheroït en vain quelques faits de différences dans la fig. 1, où la rétraction des membranes fait croire à un canal homogène dans toute sa longueur:mais on obtient d’autres renseignemens de la fig. 2, qui, présentant l'intestin sexuel aussi distendu que possible, montre à l'œil nu les diverses qualités de leur tissu. J'ai déjà traité ce sujet (PAxlos. anat., tom. 2, pag. 374); et en attendant le moment de faire paroître la présente gra- vure, j'en avois décrit les parties, ainsi qu'il suit. G2 ORGANES SEXUELS « L'oviductus de gauche acquérant par le sacrifice plus ou moins complet de son congénère une dimension hyper- normale devient dès lors, comme tous les organes affectés d'hypertrophie ou parvenus au dernier terme de leur exten- sion possible , un sujet fécond et riche en observations. L’o- viductus à , sous ce rapport , fixé l’attention du célèbre pro- fesseur d'Heidelberg, F. Tiédemann; lequel s'est cru fondé à le partager en trompe de Fallope, matrice et vagin. » « Il faut convenir qu’une pareille détermination se pré- sente naturellement en pensée, à l’aspect d'un oviductus qu'on a soufllé pour en mieux apercevoir les parties et le système sanguin, J'ai examiné, dans ce but, celui d’une poule tuée au moment où elle s’occupoit de sa ponte. J’ai constaté que son tube opiducte long de soixante et deux centimètres étoit susceptible d’une subdivision en quatre parties, savoir : d’une première, l'entonnoir de dix centimètres, analogue à la portion frangée; d’une seconde , de trente , qui est propre- ment le tube de Fallope, tapissée en dedans par une mem- brane séreuse très-épaisse; d’une #roisième, de neuf centi- mètres, où l’œuf achève de grossir et où il se revêt de sa coquille ; et d’une quatrième, formant une portion intes- tinale sans vaisseaux à l’œil nu , ayant dix centimètres (r). » « Deux grands caractères distinguent la troisième subdi- vision, et l’établissent sur le pied d’une partie prépondérante et fondamentale, savoir:sa grandeur, d’un diamètre (6 cent. ) (1) Consultez ma planche où ces divisions sont indiquées à gauche par les lettres D, C, B, A, et à droite par celles de c, 2, a. Il faut entendre la gauche et la droite propres à l’animal, et non pas celles de l'observateur. DE LA POULE. 63 double de celui de la seconde, et la distribution de l'artère nourricière. Celle-ci , répandue d’abord dans la toile périto- néale qui sert à maintenir les contours nombreux de l'appareil, dirige sur cette troisième partie des rameaux plus nombreux et à plus grand calibre, et vient s'épanouir à sa surface. » Ce n’est donc point seulement un organe passif; il entre en exercice à l'égard du produit ovarien : il le gouverne, il l’enrichit de sa propre substance et il en fait un corps tout nouveau. Car il transforme un opule, après que celui-ci s’est séparé de l’ovaire, en œuf; masse plus volumineuse, d’un tra- vail achevé, et qu’une enveloppe pierreuse rend même, avant sa séparation , déja étrangère aux organes qui l’ont formée. La quatrième partie reste passive au contraire, et devient un canal d'écoulement ou de transmission. Cependant Fabrice et son illustre disciple Harvey , appar- tenant à une époque où dominoient sans altération les prin- cipes d’Aristote sur l’analogie d'organisation dans les ani- maux, avoient aussi plus anciennement partagé l’oviductus des oïseaux en parties qu’ils avoient également rapportées à de prétendues analogues chez les mammifères. Tiédemann n'auroit-il que reproduit avec plus de rigueur le travail de ces maitres ? je l'ai cru long-temps, ayant adopté le même système, bien avant que je connusse les écrits de ce célèbre et savant anatomiste. La subdivision de l’oviductus en vagin (voyez fig. r et 2, lett. À ), en utérus lett. B, en tube de Fallope lett. C, et en pavillon lett. D, m’avoit parue fondée sur les analogies les plus heureuses, parce qu’alors parta- geant le sentiment général sur l'existence d’un cloaque commun chez les oiseaux , je considérois ce cloaque 64 ORGANES SEXUELS comme une dilatation de la dernière zône du rectum. Cependant cette détermination avoit été plus instinctive que raisonnée. J'ai cru devoir y revenir:et je rechercherai en effet si l’on pourroit la déduire des trois conditions suivantes : connexions , structure et fonctions. 10, Connexions. C’est le caractère qui m'inspire le plus de confiance, et je me devois de lui en accorder une, dans la cir- constance présente, d'autant plus grande, que son infaillibi- lité se montre encore mieux à l’égard des distributions tu- bulaires : car dans ce cas chaque partie nait décidément l’une de l’autre. Or ici les relations de A avec B, de B avec C , et de C avec D, sont celles du vagin avec l'utérus, de l'utérus avec le tube de Fallope, et de celui-ci avec la portion frangée des mammifères. C’étoit l'évidence de cette considération qui avoit fait porter le jugement cité plus haut. Structure. J’apercus là d'assez grandes différences. Les compartimens À et B n’ont plus le tissu du vagin et de l'utérus des mammifères. Je n’y pus découvrir les vaisseaux qui s'y répandent et qui donnent lieu à cette composition compliquée si bien connue des anatomistes. L’artère hypo- gastrique n’y distribue aucun de ces puissans rameaux, d’où dépendent cette composition : il n’y a d’artères utérine et va- ginale que des cimes à ramifications rares et capillaires, que des vaisseaux propres seulement à nourrir des membranes. Où n'intervient point le producteur, on ne sauroit chercher, supposer même son produit, Que conclure de cela et tout en- semble des renseignemens en apparence opposés, donnés par les connexions ? Évidemment que le plan général des mammi- fères étoit dans ce point et à quelques égards modifié , que DE LA Pourt. 65 nous étions là sur une spécialité ornithologique. Si cette mo- - dification tient en effet à l'absence d’une portion du système vasculaire, quelle spécialité nous seroit alors rendue en re- vanche par les rameaux subsistans ? Ma planche, fig. 2, lett. B, montre une artère qui se subdi- vise en cinq branches principales, et celles-ci en rameaux nom- Dreux et terminaux. J’ai remonté à l’origine du tronc com- mun, qu'il m'a fallu chercher du côté et au delà du tube de Fallope et dont j'aitrouvé le point de départ à l’artère sperma- tique. Celle-ci , qui nait de l’aorte, se partage presqu'aussitôt en plusieurs rameaux de longueur inégale : un postérieur se rend sur l’oviductus, et l'antérieur plonge dans lovaire, Or je n’ai rien vu là que je ne connusse déjà par les mammifères. Comme le caractère distinctif des sexes, ainsi que je l'ai fait voir ailleurs, dépend du rapport de ces deux branches, variable d'un sexe à l’autre, j'ai donné une très-grande attention à leurs diamètre et longueur proportionnelles; et dans mon dernier ouvrage ( page 350), où je reviens souvent sur l'emploi différent de chaque branche, je n'ai pume dispenser d'en consacrer la distinction par un nom particulier. J’appelle artère Zesticulaire la branche qui se rend à l’ovaire, et, dans le mâle , au testicule proprement dit; et branche efférente celle qui s'étend sur le tube de Fallope ou dans le mâle sur lépididyme; ce dernier organe, suivant moi, n’étant sous l'apparence d’une partie élargie et déroulée que ce tube de l’oviductus des femelles. C’est en partie sur ces considérations que j’avois fondé la distinction généralisée des cornes et du corps de l'utérus: l'artère spermatique par sa portion eflérente se porte sur Mém. du Muséum. 1. 10. 9 66 ORGANES SEXUELS celles-là , et l’hypogastrique par sa branche utérine sur celui- ci. Le corps et les cornes de la matrice sont donc chez les mammifères deux tronçons indépendans sous quelques rap- ports, bien qu'ils versent l’un dans l’autre. Faits et entretenus par deux artères différentes, je les ai considérés comme deux compartimens distincts, laissant au corps le nom d'uférus et appelant les cornes ad-uterum. Ayant porté une aussi grande précision dans l'observation de l'appareil génital des mammifères, il devenoit facile de suivre la corespondance des mêmes détails chez les oiseaux. Or c’est la conséquence de tout ce qui précède, et en par- ticulier de ce que le compartiment B de notre oviductus, fig. 2, est uniquement alimenté par la portion efférente de l'artère spermatique, que les mèmes détails ne doivent rap- peler à l’esprit chez les oiseaux et qu'ils n’y constituent véri- tablement que la partie analogue aux cornes de la matrice, analogue à l'organe que j'ai caractérisé comme distinct et nommé ad-uterum. C’est au surplus ce que de son côté indique aussi le prin- cipe des connexions dont nous avons plus haut invoqué les in- ductions; car le tube de Fallope ne débouche pas dans l'utérus, que préablement ce ne soit dans la partie dite ses cornes, ou notre ad-uterum. Fonctions. Les fonctions des compartimens D et C, sont les mêmes que chez les mammifères. La concordance en est parfaite. 10, Celles du pavillon. Qui auroit pu les méconnoitre , quand l'embouchure de ce pavillon est la seule issue prati- cable par l'ovule? Cependant, autre, chose est de le savoir à DE LA Poure. 67 titre de déduction , ou d’acquérir cette connoissance par une observation directe. Or j'ai été assez heureux pour prendre en ce point la nature sur le fait, circonstance curieuse dont ma figure 4, lett. D, donne une fidèle représentation. L’ex- trémité épanouie de l’entonnoir enveloppe la moitié seule- ment d’un ovule prêt à s'échapper. Formant sur la ligne mé- diane le couronnement des circonvolutions de loviduetus , le pavillon peut de ce point central se diriger successivement sur toutes les parties accessibles de la grappe. Je n’en puis dire rien de plus en ce moment ; mais plus bas, connoissant mieux cet organe, je m'étendrai davantage à son sujet. 20. Fonctions du tube de F'allope. Le tube de Fallope ne s’en tient point seulement à l'usage d’un canal d'écoulement: Fovule en le traversant y acquiert de plus une couche d’un liquide albumineux. En est-il ainsi chez les mammifères ? ou n'est-ce qu'une circonstance particulière aux oiseaux ét à cer- tains ovipares, qu'un fait qui dépende du volume excessif de l’ovule? Sans prendre d’opinion à cet égard, j’observerai qu'il est tout simple qu’en effet l’ovule exerce, à raison de son volume considérable, sur le tube en le traversant, la mèmeinflnence que produitla pelotte alimentaire sur l'intestin sréle. L'ovule s'ouvre un passage et se glisse dans son tube, en irritant ses parois, ét en y déterminant par conséquent une activité plus grande des vaisseaux , une sorte d’inflam- mation. Les vaisseaux ont déjà développé et préaläblement aussi répandu entre les feuillets membraneux de l'organe des zônes parenchymateuses, visibles dans notre fig. 2, Jett. C, sous l'apparence de rayures blanches. Ces bandelettes, dont le tissu paroît plutôt glanduleux, et qui prennent d’au- où 68 ORGANES SEXUELS tant plus d'épaisseur que la ponte est dans sa plus grande ac- tivité, sécrètent la masse du liquide albumineux logée entre deux autres masses de même nature : elles se séparent net- tement toutes trois dans un œuf durci par le feu. Je crois pouvoir attribuer la formation des légères toiles cellulaires, formant les diaphragmes de ces portions d’albu- mine, à l'interruption momentanée des versemens par les vaisseaux; interruption occasionnée par l'épuisement des phénomènes de digestion à de certaines heures de la journée, et par la résistance qu’opposent au trajet de l'ovule cer- taines valvules ou circonvolutions de l’oviductus. 30. Fonctions de l’ad-uterum. Ce que j'en ai rapporté plus haut, page 63, montre l'ad-uterum de la poule jouissant d’une certaine activité; cependant on ne sauroit comparer cette activité à celle d’une matrice de mammifère. L’ad-uterum de l'oiseau fait sans doute quelque chose d’absolument néces- saire, mais celui dumammifère, cela etplus encore. Toutproduit de génération est dansses degrés de développement, un corps fini relativement à chaque organe qui en opère successive- ment la métamorphose. Ainsi l'ovaire fait l'ovule et l’ad-ute- rum en compose un œuf. C’est à quoi se borne l'ad-uterum de l'oiseau, quand celui des mammifères à qui il n’est pas donné d’élever l'ovule à l’état d’un œuf, devient pour l’ovule une poche d’incubation et une vaste mamelle intérieure, te- nant en effet ces nouvelles fonctions du concours de l’uté- rus, et d’abord du plissement ou col de cet organe qui oppose à l’ovule une barrière dans ce moment insurmontable. Cependant c’est la mème fonction que chez les mammifères, mais seulement, je le répète, tant que l’action de la matrice doit DE LA POULE. 69 s'exercer sur le noyau fœtal, pour lui faire acquérir la consis- tance, les qualités et le caractère d’un œuf. Le grand nombre de vaisseaux qui dans la poule arrivent sur le comparti- ment B, et qui s'y épanouissent, augmentent l’étendue des bandelettes parenchymateuses ou glanduleuses comprises entre les lames de son tissu. L’œuf devenu plus volumineux y porte plus d'irritation ; d’où une plus grande inflammation. Une valvule placée à l’orifice de sortie s'oppose momentané- ment comme la valvule de l'extrémité opposée au libre pas- sage de l'œuf, et, par l'obligation d'être déployée, constitue vers cette partie de l’oviductus un col imparfait d’utérus. L'œuf est donc tenu de séjourner un certain temps dans l'ad-uterum, non pas seulement jusqu'à ce qu'il ait épuisé les vaisseaux durant une période des phénomènes de la di- gestion, mais autant que cela est nécessaire à son entier per- fectionnement ; lequel s’opère définitivement par la forma- tion de sa coquille. Les derniers versemens des vaisseaux auxquels se réunissent les sécrétions de la glande accessoire ou du bursa F'abrici(r),revètent l'œufde son enveloppe calcaire. Dès ce moment, ce produit génital devient étranger aux organes qui le renferment : c’est une masse inerte, pesante, incommode; lirritation qu’elle continue de procurer à lad- uterum est à son comble, et elle n’est plus bénigne dans ce sens, qu’elle n’est point suivie d’une absorption normale des fluides sécrétés. (1) J'ai souvent remarqué que chez de jeunes poulets les urétères sont tout au- tant remplis d’un liquide blane et opaque que d’urines : c’est de l’acide urique, qu’il ne faudroit pas confondre avec la matière dont la coque de l'œuf est formée. 70 ORGANES SEXUELS' Ainsi identité de fonctions, tant que l'ad-uterum reçoit l'ovule pour en former un œuf; mais non plus dans l’époque suivante , où l’ad-uterum de l'oiseau cherche à se débarrasser d'un poids accablant, quand celui du mammifère ne voit dans cette formation qu’un fragment de lui-même, auquel il continue de donner des soins. Les formations du compartiment B , eu tant que restrein- tes à la composition de l'œuf, concourent donc avec les in- ductions précédentes, à faire considérer ce tronçon comme l’analogue de l’ad-uterum des mammifères. 40. Fonction du quatrième compartiment. C’est pour ordre, si dans ce moment je m'arrète sur ce dernier, lett. A. Il n’est doué d'aucun ressort; c’est un canal qui n’a plus rien à donner au produit génital, et que celui-ci traverse rapidement. Tel est de mème, sans doute, le vagin. C'est encoré au vagin que ce canal peut se rapporter par la con- nexion de son orifice de sortie. Son sphincter, lett. I, fig. 5, débouche dans la poche urétro-sexuelle, et parvient à dé- passer les bords de cette poche pour aller déposer l'œuf dans le monde extérieur. Je ne serois point étonné qu'on doutàt de ce résultat, à cause d’une certaine distance à parcourir : mais on peut voir cette manœuvre sur le vivant ; la bourse du prépuce s’écarte et l’oviductus apparoit dehors. On peut à volonté obliger une poule à pousser dehors l’orifice de son oviductus, qu'il y ait ou non un œuf dans l’ad-uterum. Malgré des renseignemens aussi précis, je ne puis encore ad- mettre le quatrième compartiment que comme un canal d’é- coulement , dont la détermination demande de nouvelles recherches. DE LA Pouze. 7i Nous venons de parler de la fonction des divers compar- timens de l’oviductus. Cependant ce seroit n’en prendre qu'une idée incomplète, si nous le considérions uniquement dans l’état où le montre les dessins 1 et 2. C’est à titre de préparation anatomique que nous l'avons étendu et soufllé. A l'inspection de nos deux figures, on prendroit une opinion trop différente de la réalité et des facilités qu'il offre au passage des ovules. L’oviductus est bridé au contraire par une sorte de mésentère qui l’embrasse en son entier, et quien fait converger toutes les parties vers les ver- tèbres sacrées: il est donc replié plusieurs fois sur lui-même. Aussi ses circonvolutions et les brides qui rendent ses dé- troits d’un trajet difficile, ne sont successivement dépassées qu'après de grands efforts péristaltiques , secondés en outre par l’action des muscles abdominaux. J’engage à consulter la fig. 4, où se voit l’oviductus en place et dans toutes ses si- nuosités naturelles. J’avois eu le bonheur d’apercevoir un ovule engagé dans le pavillon : j'ai également trouvé et dans le même exemplaire l’oviductus rempli par un œuf prêt à sortir : au moyen d’une fe- nêtre pratiquée à l’ad-uterum, jai mis cette circonstance sous les yeux du lecteur. L’œuf, au fur et à mesure qu’il parcourt toute la longueur de l’oviductus, en élargit successivement le diamètre. C’est cela qui est visible, fig. 1 et fig. 4 : cependant on ne peut pas dire que ce soit la fréquence du glissement des œufs qui amène insensiblement cette plus grande dimen- sion de l’oviductus; pour que cela devint un fait incontesta- ble, j'ai fait établir la fig. 3 ; on y voit un œuf dont les dia- 72 ORGANES SEXUELS mètres, grand et petit, sont sous-doubles des diamètres correspondans de l’ad-uterum. $S 2. De l’opiductus droit. J'ai déjà dit ailleurs(P. anat. t. 2, p. 373) que les oiseaux ont sur la droite un vestige d'oviductus. Cette découverte du professeur Emmert (1) est déjà ancienne, bien que l'on continue à n y donner aucune attention. Emmert commença par apercevoir deux ovaires, au lieu d’une seule grappe dont on avoit dit l'organe de reproduction formé chez les oiseaux. Le fait des deux ovaires portoit au pressentiment de deux oviductus. Et en effet, Emmert découvrit sur un harle fe- melle une petite verrue qu'à sa position il jugea ne pouvoir ètre que ce rudiment d’organe. Cependantil ne dissimula pas quelques doutes qui lui restoient. € Je suis, dit-il, obligé de » convenir que si cette verrue est véritablement un second » oviductus , elle ne remplit pas du moins les mêmes fonc- » tions que le grand et le réel oviductus situé à gauche. » Puis, recourant à la singulière explication en usage, pour ces cas d'organisation anomale , avant que j'eusse posé le principe du balancement des organes , il ajouta : « Il en est, » sans doute , de cet oviductus sans fonctions , comme des » mamelles inutiles chez l’homme : la seule raison à donner » de cette existence d'oviductus, c’est qu'il témoigne, par » ce qui en est conservé sur la droite, de son importance » dans le plan général des animaux. » (1) Voyez ses Considérations sur quelques caractères anatomiques des oiseaux , dans les archives physiologiques de Reïl , tome 10, p. 317. DE LA Pouxe. 73 Ce n'est pour moi qu'un organe rudimentaire. Bien qu'il lui arrive de n'être pas toujours aussi petit qu’on l'a supposé jusqu'à présent, cette qualification lui convient. Des priva- üons lui sont imposées en compensation des développe- mens considérables de son congénère. Il est en effet d'autant moins nourri, que celui-ci l’est davantage. Enfin c’est encore un organe rudimentaire sous le rapport de l'incons- tance de ses formes et de ses dimensions. Je reviens souvent sur cette propriété caractéristique des organes rudimentaires de varier à l'infini, et de le faire le plus ordinairement sur l'entrainement de causes bien légères; je hasarderoiïs de dire presque futiles. Or cette tendance à la variation qui, à l'égard de quelques organes , forme la plus grande singularité des diverses espèces dans les familles naturelles est, chez la poule, amplifiée au point d’y occasionner les plus grands désordres : d'individu à individu, c’est une autre sorte d’oviductus pour la grandeur, la forme et les circonvolutions de ses parties. Quand je trouve de ces formes disparates, mon premier soin est d’en rechercher les conditions générales : je m’inté- resse ensuite plus vivement à tous leurs détails différentiels, dont je concois mieux l'esprit et le but. Appliquant cette méthode à la considération des oviductus rudimentaires de la poule, j'ai enfin réussi, mais à ma grande surprise, non pas sans quelques diflicultés, à les ramener à une mesure commune, à un même type; à les embras- ser décidément dans un seul et même système. Je crois de- voir commencer par donner cet idéal , tel que je l’ai conçu. Se trouvant trop petit, vers la droite, pour s’y étendre, comme son congénère, de l’ovaire à la bourse du prépuce, Mém. du Muséum. 1. 10. 10 74 ORGANES SEXUELS l’oviductus rudimentaire devoit délaisser un de ces deux points. Lequel des deux ? Cette considération importe en philosophie ; car elle décide une question d’origine. Or , que l’oviductus forme un cœcum ou un tube percé de part en part, il nait constamment des derniers compartimens de l'appareil intestinal. Nous connoissons donc son point de départ, la bourse du prépuce, et son point d'arrivée , l'ovaire. Ce fait et celui de sa tendance naturelle à reproduire les formes du grand oviductus nous instruisent de la manière dont commence l’oviductus rudimentaire, dont celui-ci pour- suit ses développemens et dont se composent ses subdivi- sions par la suite. L'idéal de ses formes nous est assez bien donné par la portion de notre fig. r, lett. &, b,c. Dans ce cas, qui ne voit que ce sont les mêmes connexions qu'aux compartimens A, B, C du grand oviductus, fig. 1 et fig. 2? Qui pourroit se refuser à les appeler du même nom ? qui pourroit douter que ce ne soit aussi une portion vaginale , un ad-uterum et un tube de Fallope ? Seulement il faudra envisager chacun de ces compartimens sous un point de vue dont l’ensemble de l'organe s’est déjà montré susceptible : c'est que ce sont autant de parties imparfaites. Il manque à ce prétendu vagin, à cet ad-uterum et à ce tube de Fallope, composant notre oviductus rudimentaire , pour être moins incomplets , d’avoir tout autant puisé que l’organe de droite aux sources artérielles : ces compartimens ont été moins nourris : ils sont donc arrêtés dans leur développement. C'est le caractère de la monstruosité primitive , comme c’est celui des organes rudimentaires. Avons-nous véritablement les conditions essentielles de DE LA POULE. 75 l'oviductus rudimentaire? Nous pouvons en pleine confiance nous livrer à l'observation de chaque détail, à l'examen de toutes les modifications dont cet organe est susceptible. Or, voici ce qu'une observation attentive m'a fait connoître. Je choisis mes exemples, et je vais les passer en revue dans l'ordre de leur moindre à leur plus grand développement. 10, Je n’ai trouvé chez de jeunes poulettes pour oviductus rudimentaire qu'une verrue oblongue, terminée par un long filet, se perdant insensiblement dans le frêle tissu du péri- toine sur un point de l’urétère : on a représenté cette cir- constance, fig. 8. 20, J'ai vu chez des poulettes plus âgées cette mème verrue former un renflement tubulaire porté sur un pédicule de même longueur, mais de moitié plus étroit. 30. Chez un autre sujet figuré dans l’atlas de mon deuxième volume, l’oviductus rudimentaire (lett. z, n°. 5 de la 7e plan- che) est tout aussi petit (un vingt-quatrième de l’oviductus gauche) , avec cette différence que son principal renflement forme la zone intermédiaire de ce cœcum. Nos trois parties a,b,c,ou le vagin, l’ad-uterum et le tube de Fallope, y peuvent être plutôt soupçonnées qu’aperçues distincte- ment. Je me suis assuré que le pédicule naissant de la bourse du prépuce n’étoit point creux. Une liqueur opaque, de nature albumineuse et d'apparence laiteuse, étoit renfer- mée dans la partie ventrue de l’organe. 4°. En passant à l'exemple représenté dans notre planche ci-jointe , fig. 1, lett. a, bd, c, nous nous portons sur une organisation dont le développement est plus avancé, dont les formes sont mieux déterminées, et dont lanalogie avec les 10* 76 ORGANES SEXUELS compartimens du grand oviductus ne sauroit être révoquée en doute. Cet appareil est à l'égard de celui-ci, dans le rap- port de 1 à 8. La correspondance de ses trois parties &, 4, €, avec les compartimens A, B, C de l’autre oviductus, s'étend même jusqu’à un certain point à leur forme ou à leur di- mension relative. La poche intermédiaire à est à droite la plus courte des trois, comme est à gauche l'ad-uterum B eu égard à A et à C : la forme est de part et d’autre celle d’un sphéroïde. Le troncon A sur la gauche est sans relationavec l'appareil vasculaire de l’ad-uterum , et se trouve réduit à n’être qu'un tuyau de communication : le tronçon à à droite ne profite pas non plus du voisinage de l’appareil vasculaire corres- pondant, et n’est qu’un pédicule de communication servant à attacher les autres parties essentielles de l'organe avec la bourse du prépuce. Ce pédicule obstrué, sans doute, dès sa naissance, n'étoit qu'un très-fort tendon. Enfin le troisième compartiment c n’a plus que des rap- ports avec le tube de Fallope. C’est un sac oblong fermé à ses deux bouts. Puisque ces deux organes sont les mêmes, et qu'ils ne diffèrent que par leurs extrémités avec ou sans issues, il faut bien que la disposition tubulaire du plus grand ne soit pas sa qualité essentielle. On l'a cru, du nom donné à la chose. C’est ce qu'on observe toutes les fois qu’on élève des faits particuliers à la généralité. Les noms sont d’abord créés d’après celle des considérations saisies qui porte à la plus vive impression; puis on finit par croire qu'ils ont été choisis avec discernement, s'étant exercé sur toutes, ou du moins sur les plus essentielles propriétés des corps. DE LA Pouze. 77 Ce qui reste de commun aux deux organes c et C, c’est d’être formés des mêmes feuillets, de se trouver entourés d’un semblable réseau vasculaire et de se conduire pareïllement en récipiens pour le liquide sécrété à l’intérieur ; ce liquide m'a paru clair, limpide et peu visqueux. Il m'a fallu le soumettre à quelques essais, pour savoir exactement qu’il étoit de na- ture albumineuse. 50. Un oviductus rudimentaire beaucoup plus élevé en composition organique est celui de notre fig. 5 : débridé, sa longueur est à celle du grand oviductus, comme r est à 4. Sa première portion, à partir de la bourse du prépuce, res- sembloit à tous égards au long cordon tendineux lett. &, fig. 1; mais il n’en étoit pas de même des deux autres parties. Jusqu'à présent nous les avons trouvées étendues sur une seule ligne; mais elles étoient ici coudées et soumises , par conséquent , au régime des circonvolutions, comme le grand oviductus. La troisième partie ce, est renversée sur laseconde, lett. 2, et ce sont de pareilles brides ou les mêmes lames du péritoine qui les unissent ensemble, Une valvule séparoit à l'intérieur ces deux poches : elle occupoit le point de leur coude ; enfin un liquide albumineux les remplissoit. J’insiste sur la forme conique et pointue de l'extrémité de ce troi- sième comparüment c, et je dirai plus tard dans quel in- térêt. 6°. Je dois citer encore un autre de ces oviductus, queson volume, porté à plus du double , mempèêche de nommer du même nom, oviductus rudimentaire. L’ayant étendu et me- suré , je lui ai trouvé trente centimètres de long. L’oviductus gauche n'avoit qu’une longueur double. Supposez celui-ci 8 ORGANES $SEXUELS sans pavillon et fermé du côté de l'ovaire, c'en seroit une exacte répétition : j’y ai aperçu les mêmes caractères ; mêmes circonvolutions, même tissu glanduleux, même réseau vas- culaire. Je n’ai rencontré qu’une seule fois à droite un si riche appareil; ce fut sur une poule de race flamande, remar- quable par la taille et par une huppe en plumes très- fournie et très-élevée. 7°. Enfin je vais encore décrire un autre oviduetus droit s'étant développé beaucoup plus que le précédent; mais cette fois latéralement et occupant une éténdue si considérable, que je me persuade que c’étoit un cas pathologique. J'avois demandé la plus âgée de nos poules pour en faire injecter le système vasculaire : rien n’annoncçoit que la santé de cette poule eût jamais été altérée. La grappe contenoit de grands et de petits ovules, et l’oviductus gauche se trouvoit dans ce degré de développement propre aux oiseaux de basse cour, lors de la plus grande activité des pontes. Un squirre très- considérable existoit cependant dans un des replis du vagin; plusieurs autres squirres plus petits se voyoient aussi dans les intervalles des autres circonvolutions. Quelle fut ma surprise de trouver, occupant le centre du bassin, une vaste poche, pleine d’eau (1) dans les deux tiers de sa capacité. J’essayai de la vider sans l'ouvrir, elle étoit sans issue : ce que je vins à savoir plus exactement encore, quand j'en disséquai et examinai avec soin le tissu, (1) Je ne puis parler que des qualités physiques de cette eau, qui m’a paru une sérosité tres-divisée et tres-mobile, de couleur jaunâtre : j'en avois réservé pour être essayée par le feu; mais elle s’est répandue bientôt par accident. DE LA Pourer. 79 Mais combien ma surprise augmenta en observant sur cette poche les mêmes compartimens et les mêmes points d'attache qu'à un oviductus du côté droit : sa partie termi- nale et flottante formoit un sphéroïde dont une moitié du compartiment , lett. ©, fig. 1, pourroit donner une idée, si cette moitié avoit d’ailleurs les dimensions suivantes qui étoient les siennes : longueur dix centimètres, largeur sept et épaisseur cinq. Après cette portion analogue au tube de Fallope, venoit l'intermédiaire , la poche ad-utérine, qu'un trés-grand segment membraneux ou un diaphragme percé au centre séparoit et distinguoit de la poche terminale. Les ayant fait remplir l’une et l’autre par une injection de cire, la seconde s’est gonflée sous la forme d’un entonnoir à double fond, ayant de cinq à six centimètres de longueur et à peu près autant de largeur à sa base. Il y a lieu de croire que si la matière de l'injection eût été lancée de son côté, le con- traire füt arrivé : cette seconde poche eût paru ronde et l'autre en saillie rentrante. Un court et fort épais pédicule attachoït la seconde poche, l’'ad-uterum, au même point que l’eût été tout autre oviductus droit. Je ne pourrai savoir qu’au moyen de subséquentes observations, si c’est là un cas patho- logique ou un effet de vieillesse. J’ai fait mention d’un squirre considérable à l’oviductus gauche; il ÿ en avoit un aussi à droite, non pas de même forme, mais de même nature et tout aussi volumineux. $ 3. Des oviductus chez de très-jeunes poules. C'est ainsi que les oviductus du côté droit, participent plus ou moins du développement des oviductus situés à 80 ORGANES SEXUELS gauche. La prospérité de ceux-ci réagit sur ceux-là pour en maintenir d'autant mieux l’état amaigri et rudimentaire; ou bien , cette cause venant à moins peser, ce sont d’autres rap- ports. Par conséquent dans le même äge et à la mème époque de la saison des pontes, quelques oviductus droits sont plus développés que certains autres. Pour que la marche de l'or- ganisation soit ainsi plus décidée, ou plus ralentie en ce lieu, il faut seulement que l'artère spermatique du mème côté recoive plus ou moins de sang. En seroit-il de même vers la gauche à cela près d’un mouvement moins variable ? Ceci nous a engagés à examiner chez de très-jeunes sujets l’orga- nisation de l'oviductus appelé à jouer dans la suite un si grand rôle, à en rechercher les conditions primitives et par- ticuhières. J'ai observé une poulette âgée d'environ deux mois : ses deux oviductus paroïssoient déjà; voyez fig. 5. Celui de droite rentroit dans une des formes précédemment décrites. C’étoit un filet de plus en plus atténué, allant mourir sur le milieu de l’urétère du même côté. On distinguoit ses diverses parties à une nuance dans la coloration : la membrane mu- queuse de la partie intermédiaire présentoit une mucosité noirâtre pareille à celle qui tapisse l'intérieur de la choroiïde. Chaque partie avoit les proportions qui suivent, le pédicule, lett. a, étoit long d’un millimètre; la portion moyenne 6, un peu renflée, étoit double en longueur : celle en bonnet quant à la forme, lett. c, est le filet qui alloit finir à rien sur l'enveloppe peritonéale de l’urétère. L’oviductus gauche, qu’il nous importe davantage de cou- noître , formoit un canal étendu de la bourse du prépuce à DE LA Pour. 81 l'ovaire. Non flexueux, tout-à-fait droit, il se prolongeoit le long et au devant de l’urétère. Grand de cinq centimètres, il est dix fois plus long que son congénère: d’ailleurs, c’étoit, quant à ses subdivisions, les mêmes rapports que le noir de la membrane muqueuse, formant pareillement le caractère de la partie moyenne, aidoit de même à distinguer. Telle est l'expression de ces rapports : À porte un centim., B deax, et C également deux. I’urétère qui dans l’âge quenous exami- nons étoit en pleine activité , formoit un canal large et d’un caractère plus décidé:mais l’oviductus s’en distinguoit nette- ment par sa situation plus extérieure et par ses points d’inser- tion. C’étoit un organe naissant que j’avois sous les yeux: toute- fois il faisoit plus que de chercher à se produire. La couleur de sa membrane séreuse annoncoit un commencement de sur-activité de la part des artères. Jusques-là , je n’apercçois aucune différence essentielle entre cet oviductus et ses congénères de droite, si ce n’est que celui-là se porte d’un bout à l’autre du bassin et ceux-ci vers sa moitié environ, à partir de la bourse du prépuce. Le point le plus important reste à examiner. Je n’ai consi- déré jusqu'ici l’oviductus droit que sous le rapport de l'identité de ses parties avec celles déjà déterminées de l’oviductus gauche ; mais sous un point de vue plus élevé, un oviductus droit, que nous avons vu formé par deux vessies contigués et sans issue extérieure, n’est vraiment qu’un kiste, comme il en survient pathologiquement chez tous les ani- maux. Ce qui est hors de la règle pour ceux-ci est un cas ha- bituel chez les oiseaux : là seulement est la différence des deux Mém. du Muséum. t. 10. 11 92 ORGANES SEXUELS considérations. Au fond, c’est pareillement du tissu cellulaire qu'un point d'inflammation boursouflle, et que des sécré- tions à l’intérieur agrandissent. L'’oviductus gauche paroît commencer comme l’oviductus droit:luiressembleroit-il par une formation semblable? Ce canal quenous venons de décrire, ne seroit-il en effet d’abord qu'une vessie seulement différente de forme, qu’un tube fermé à ses deux bouts ? On sent ce que j'ai dû apporter d'attention pour observer un fait d’une si haute importance en organogénésie , un fait pouvant réfléchir d'aussi vives lumières sur la formation des vaisseaux. Or il m’a paru que das le principe, l'ovi- ductus gauche étoit comme son congénère de droite fermé à l'une comme à l’autre de ses extrémités ; il s'ouvre d’abord du côté de l’ovaire, et beaucoup plus tard pour former son orifice de sortie. Voici comme ces percemens sont préparés. 10, du côté de l'ovaire. Tous les élémens d'un pavillon pour former un enton- noir existent dès la formation du canal intestinal, mais il est évident que ce ne concerne point alors les organes sexuels. Les intestins sont, comme l'on sait, enveloppés et bridés par des replis du péritoine, et quelques replis de distance en distance vont prendre attache à la périphérie intérieure du thorax :il est chez la poule dans le bassin deux de ces replis ainsi dis- posés, et c’est l’antérieur qui est destiné à se déchirer dans la suite et à se façonner en une conque. Ma figure 5, lett. d d, montre ces détails : ce repli en travers sur le bassin s’étend d’une avant-dernière côte à la semblable du côté opposé, passant et s’attachant sur la colonne épinière. Ne le considé- rant qu'à gauche, où seulement il se développera en un pa- DE: LA POULE. 83 villon ; je le vois se rendre de la colonne épinière à l'intestin rectum, au point d'où les cæcums s’en échappent ; puis il re- monte obliquement, en passant sur l'ovaire et sur le rein supérieur, d’où il arrive enfin sur les côtes. Les côtes s’écar- tant et le rectum s’abaissant sur l’anus, la bride est fortement tendue, et elle se présente alors comme une lame transversale et semi-diaphragmatique : autrement elle est répandue, tantôt flottante et tantôt couchée, au devant du rein. Ses attaches varient dans quelques sujets ; au lieu de retenir le haut du rectum, c'est quelquefois la partie postérieure de l’estomac membraneux : mais dans tous les cas, c’est à la base de cette bride et en arrière de l’ovaire qu'un trou, imperceptible d’abord, vient à s’ouvrir. Cette prédisposition à une ouverture subséquente est en- core plus manifeste à l’autre extrémité. J’ai plus haut exposé comment, sans traverser le canal urétro-sexuel, l’oviductus vient se perdre sur un des points de la surface externe de cette bourse. En dedans et précisément à la partie corres- pondante à cette insertion sont une cavité assez large et, dans son fond, une petite tétine. Ce que j'ai vu là sur un sujet, je l'ai produit sur un autre, en soufflant de l’air par l'oviductus. Je cherchai à revoir de nouveau, que l’oviductus ne dé- bouchoit pas dans le canal urétro-sexuel, quand mes efforts développèrent dans ce canal une saillie oblongue terminée en pointe. Retirant par derrière l’oviductus, ce qui existoit dans le canal urétro-sexuel en relief, parut aussitôt en creux. Je conclus de cette observation que c’est la poussée du liquide renfermé dans un oviductus clos à ses deux extré- mités qui agit à la manière d’un coin , et qui en prolongeant 5 Cu 84 ORGANES SEXUELS DE LA Povre. de plus en plus le tubeoviductus, en amincit les bouts jusqu’à ce qu'un effort plus efficace amène la rupture des parties amincies. C’est à Ja persévérance de cette action que j'at- tribue enfin la terminaison en pointe du tube &, fig. 7. J'ai décrit plus haut cette forme; je viens présentement d’exposer ce qui, suivant moi, a dû y donner lieu. Une circonstance de plus à remarquer, c’est que la même cavité et la même tétine se voient à droite : c’est en outre que les mêmes choses existent chez des mâles aussi jeunes que nos poulettes. Nous n’en serons point très-surpris, en son- geant que c'est un effet des mêmes impulsions : nous avons dit dans notre dernier mémoire qu’une pareille tétine , ves- tige d’un oviductus droit, existoit aussi chez l’autruche. Voilà des faits. Car je ne suis pas uniquement occupé de spéculations; calomnieuse insinuation de l'esprit de rivalité. Voudroit-on que, semblable à un bücheron qui ne feroit d'abattis que pour abandonner ce produit et le laisser périr sur le sol, je disséquasse pour découvrir et observer des di- mensions, pour donner des mesures; étalage de considéra- tions, dont on grossit les livres, et que personne ne consulte? Les faits de ce Mémoire sont un choix parmi le grand nombre de ceux que j'ai observés. J’attendrai pour Jeur assigner leur valeur sentifique, que j'aie aussi fait connoître de la même manière l'ovaire et les derniers compartimens de l'organe sexuel : ce sera l’objet d’un second mémoire, Nora. Les figures 5, 6, 7 et 8 de la planche IV sont de grandeur naturelle, et aolles », 2, 3 et 4 ont été réduites à moitié, La figure 8 est vue par le dos. t.10: au De ORGANES SEXUELS DE LA POULE: LEE ee di |] V4 Aus” MERebel voue! ES 85 SUR L'ORGANE ET LES GAZ DE LA RESPIRATION DANS LE FOETUS. PAR M. GEOFFROY-SAINT-HILAIRE. J'érors depuis long-temps occupé de trouver des organes respiratoires chez le fœtus; car j'ai de tout temps donné pour base à l’ensemble de mes recherches, cette proposition fondamentale : Point d'organisation sans la combinaison d'un fluide assimilable, et point d'assimilation sans une oxigénation ou une respiration préalable. Avant d'attribuer à une portion du système vasculaire la faculté de changer la nature du sang veineux, il falloit apercevoir, comme étant à la portée et sous la dépendance de ce système, d’autres élémens organiques; il falloit effectivement trouver les parties qui pré- parent et qui produisent l’acte de respiration. Or, c’est ce qui m'a paru effectué, du moment que j'ai eu découvert, 10. des organes pour une force de compression, assurant, par un phénomène physique préparatoire (1), la combinaison chi- (x) Cette question m'occupe depuis long-temps : je l’ai traitée ex professo dans un mémoire resté inédit et que j'ai lu en Égypte à l’Institut du Caire, dans les séances des 15 nivôse et 1°. pluyviôse an 9 (les 4 et 21 janvier 1801); ce travail Mém. du Muséum. 1. 10. 12 86 SUR L'ORGANE DE LA RESPIRATION mique de l’air et du sang; et 20. des orifices et des sacs aé- riens, dits 4rachées, dans les animaux inférieurs. Fort de ces observations, je me crus suflisamment autorisé à annoncer dans le dernier paragraphe de mon deuxième volume (PArlosophie anatomique, pag. 538), que le sys- tème vasculaire du derme, jouissant de ramuscules plus nom- breux et plus renflés chez le fœtus que chez le nouveau-né, formoit à celui-là une vaste branchie pour une respiration à la manière des poissons; ce qui m’avoit fait pressentir l’exis- tence d’un air respirable et de gaz expirés dans les liquides où le fœtus est renfermé. L’utérus de la mère remplit, à l'égard du fœtus, des" fonc- tions que rempliront chez le nouveau-né le ventricule droit et le diaphragme. C’est durant l'âge fœtal une continuité d'ef- forts alternatifs, de contractions du cœur du fœtus et de la matrice de la mère : le cœur de l’un et la matrice de l’autre sont deux agens se correspondant et s’entendant pour ou- vrager le nouvel être. La matrice, ou parce qu’elle se con- tracte, ou parce qu’elle est refoulée de dehors en dedans par les muscles abdominaux, développe une force de compression nécessaire à tout phénomène de respiration, pour disposer, par une modification physique préparatoire, le fluide respi- ratoire à se combiner chimiquement avec le sang. En effet, la matrice pousse les eaux de l’amnios sur tous les points du porte pour titre : Mémoire dans lequel on compare les organes de la respiration des diverses classes d'animaux, on évalue la force de compression qui y condense l'air, on estime la quantité d'oxigène qui se dégage pendant la respiration, et dans lequel on recherche les causes qui engourdissent les reptiles et certains mam- mifères. DANS LE FoETus. 87 derme du fœtus, comme l’opercule et les parties organiques, employées chez les poissons durant la déglutition de l'eau, poussent ce liquide sur les branchies. Le fœtus, par tous ses pores, comme par autant de trachées, parvient, de même que les insectes aquatiques, à séparer l'air contenu dans ses eaux ambiantes ; la compression exercée par la matrice, en pré- . venant le retour de ces molécules, les porte et les refoule sur les derniers ramuscules vaisseaux du derme. Aux artères placentaires, prolongement des artères de la mère, sont d'abord départis les phénomènes respiratoires. L'embryen, qui commence par être un premier effet et qui finit par être l’entier résultat des fonctions animales remplies par ses membranes ambiantes, n’est pas plutôt entièrement formé, qu’il vit pour son propre compte; c’est alors le fœtus. Les fonctions respiratoires passent des vaisseaux placentaires aux vaisseaux du derme, comme plus tard elles passeront aux vaisseaux pulmonaires. Ainsi le fœtus des mammifères possède successivement trois sortes d'organes respiratoires; une première fois, quand il n’est encore formé qu’à la ma- mère des z2éduses ; une seconde, quand son organisation se complique et lui procure un système de branchies, comme celles des poissons; et, en dernier lieu, quand il a rompu et rejeté ses enveloppes placentaires, qu'il est produit à la lumière, et qu'il est enfin devenu ce dernier terme des déve- loppemens organiques connu sous le nom de 2ammifère. Tout fœtus prêt à entrer dans l'existence d’un Zactivore, possède donc au même moment deux organes différens de res- piration; l’un en action et l’autre sur le moment d'agir. On donne au premier le nom de branchie, et au second celui 127 88 SUR L'ORGANE DE LA RESPIRATION de poumon. Le premier existe en relief à la surface même de l'animal; et, se débattant sous l’action de fortes pressions extérieures, il fait subir au sang une mixtion chimique avec les molécules aériennes du liquide ambiant; le second, logé au fond de la cavité du thorax et formé de tubes vides et de vaisseaux sanguins, est donc, par sa disposition celluleuse, déjà bien préparé au rôle qu’il remplira dans l'avenir. Est-ce la branchie qui est en travail? Dès lors le sang se précipite et abonde dans les ramuscules du derme, quand au contraire il n’en parvient qu’en petite quantité, pour faire naître et nourrir le poumon, pour porter à son tissu des mo- lécules assimilables. Ou bien l'apparition du fœtus dans le monde extérieur change-t-elle l’ordre de ces rapports? vous voyez le sang délaisser la branchie, et le derme être comme à l'instant frappé d’une rétraction dans ses vaisseaux. Il n’ar- rive plus de même au derme que des artérioles destinées uniquement à le nourrir, quand les principaux troncs, toutes les grandes effluves du sang, se portent vers l'organe vierge, sous le rapport de ses fonctions : ils viennent animer, gonfler et faire jouer le poumon. L’organe de respiration du fœtus, aperçu dans les vaisseaux du derme avant que l’action de l'air atmosphérique les portät à la rétraction et les transformât en capillaires de la peau, ne m’avoit encore présenté qu'une détermination nécessaire- ment provisoire. Il falloit, pour qu’elle devint définitive, démontrer qu'en effet les eaux de l’amnios contiennent de l'air respirable, qu’elles renferment de plus les produits de l'expi- ration, et qu'en tous points le fœtus, enfermé dans le sac utérin, est dans une condition semblable à celle du poisson DANS LE Foerus. 89 dans l’eau. J'ai donc proposé cette recherche à deux de nos chimistes les plus distingués, MM. Chevreul et Lassaigne : en m'adressant séparément à chacun d’eux, je désirois que cet examen eût lieu par l'emploi de plusieurs sortes de moyens, dans des lieux, comme dans des circonstances différentes. M. Lassaigne fut le premier à m'informer que, s'étant pro- curé à Alfort de l'eau de l’amnios d’une truie (race anglo- chinoise), à deux mois de gestation, et morte à la suite d’une entérite, il avoit obtenu des résultats conformes à ceux que j'avois pressentis. Les eaux de l’amnios de cette truie contenoient en volume les + (environ -=) d’un gaz propre à la combustion des corps enflammés. Ce gaz s’est trouvé composé de 78,3 d'azote, et de 21,7 d’oxigène; ce qui se rapproche de très-près de l'air atmosphérique. Les eaux de l’amnios ont été recues directement de la po- che dans la cornue, avec autant de prestesse et de soin qu’on a pu employer à le faire; mais elles ont cependant traversé l'air libre; et l'on peut craindre qu’un peu de cet air am- biant et atmosphérique ne se soit dissous dans les eaux de l’'amnios durant le court intervalle de leur écoulement. Pour revoir ces faits expérimentés dans d’autres et de plus favorables conditions, j’ai fait abattre une vache pleine. Son fœtus, assez fort, étoit long de 35 à 36 centimètres; les eaux de l’amnios étoient abondantes. M. Chevreul dirigea l'expérience. On recueillit ces eaux avec l'attention de les priver de tout con- tact avec l'atmosphère, c’est-à-dire en les échangeant contre du mercure, dont on avoit auparavant rempli une cornue. Ce vase, à raison de son poids, étoit difficile à manier, et 90 SUR L'ORGANE DE LA RESPIRATION l’on a lieu de présumer qu'il s’est fait un mélange des eaux de l’amnios et de celles de l’allantoïde. Quoi qu'il en soit, voici les résultats obtenus par M. Chevreul. Cinq cent trente-cinq centimètres cubes d’eau d’amnios, après avoir été fortement chauflés, ont dégagé un gaz dont l'espace occupé s’est trouvé être de quarante-cinq centimètres cubes, d’où il résulte, par conséquent, que le volume étoit à celui de l’eau de l’amnios, comme 1 est à 11,89. Les quarante-cinq centimètres cubes de gaz étoient com- acide carbonique. . . . 39,38 AAOLE. .- 8 7e En 7,62 posés de, «+. | De l'acide carbonique s’étoit donc formé dans les eaux de l’'amnios. Cependant, dans le cas où l'oxigène auroit existé avant l’ébullition du liquide, il aura dû brüler de l'hydrogène et du carbone de la matière organique; mais ce sera tout au plus, suivant M. Chevreul, dans la quantité d’un vingtième environ. Ainsi d’autres recherches devront être reprises pour démon- trer positivement, soit la présence, soit l'absence de l’oxigène dans le fluide amniotique. M. Lassaigne s’est de nouveau occupé de ces recherches, Il a procédé sur la poche fœtale d’une vache que j'avois en- core fait abattre pour qu’elle nous donnût ses eaux de l'am- nios. Le fœtus n’étoit que la moitié en grandeur du précédent. Les eaux de l’amnios et celles de l’allantoïde avoient été soi- gneusement et distinctement recueillies. Il y eut ébullition des unes et des autres. Les premières restèrent transparentes et légèrement verdâtres; les secondes se troublèrent : ce qui dénota dans celles-ci la présence d’un alkali. DANS LE Forrus. OI La cornue qui contenoit les eaux de lamnios fut rompue, avant qu’on püt s'assurer de la nature de l'air déjà recueilli. On n’éprouva point le même accident à l'égard des eaux de l’allantoïde, et cette dernière expérience présenta les résultats SUiVans : acide carbonique. . 87 DA DAEUES Ont, donne, 14 azote. 0. he 4 JO OXIPÉNE. + Asie ol À Les eaux de l’allantoïde avoient été transvasées dans le mi- lieu ambiant. L’oxigène trouvé pouvoit donc provenir de la dissolution d’une petite quantité d’air atmosphérique. MM. Chevreul et Lassaigne continueront à me seconder dans l’objet de ces recherches. On s’attachera surtout à cons- tater si le gaz de l'inspiration est à part dans une des poches, et celui de l'expiration dans l’autre. Sur une observation de M. Rolando. Puisque je viens de traiter de trois sortes d’organes respi- ratoires dans la même espèce, et de montrer comment la fonc- tion, mais non l'organe lui-même, se déplace au fur et à mesure que l'organisation se complique, je répondrai à des réflexions qui m'ont été opposées par M. Rolando. Il n’est pas sans utilité de revenir sur les principes de la science, surtout quand ces principes sont d’une date aussi nouvelle. Plus ces vues sont élevées en philosophie, et plus l'examen en est nécessaire, M. Rolando, en terminant un ouvrage sur l’organo-génésie des viscères du bas-ventre, a écrit vingt-quatre pages qu’il 9? SUR L'ORGANE DE LA RESPIRATION consacra à un examen détaillé de ce qu’il appelle les faits et les principes de la PAilosophie anatomique. W craint que la théorie des analogues et le principe des connexions ne soient pas d’une application aussi générale que je l’ai supposé. Ayant étudié plus particulièrement les formes et les rapports des organes respiratoires dans les échinodermes et dans les holo- thuries, il ne pense pas que la structure de ces organes puisse être assimilée à celle des mêmes organes chez les animaux vertébrés, c’est-à-dire que les uns se puissent déduire des autres. Voilàl’objection; mais elle ne m'a sans doute été faite, que parce que je n’ai point été compris par M. Rolando. Dès qu'un savant, dont l'esprit judicieux et profond est attesté par un si grand nombre d’excellens ouvrages, n’a pas trouvé claires mes explications, je lui dois et je vais essayer de les repro- duire, présumant qu’elles auront paru bien plus obscures encore à beaucoup d’autres lecteurs. La locomotion des poissons a son principe d’action dans leur appareil coccygien, et celles des mammifères dans les quatre supports de leur tronc. Viendriez-vous à demander à la théorie des analogues et au principe des connexions de prouver que ces appareils sont analogues, parce qu'ils agissent dans les deux classes d'animaux, de la même façon et pour le même but, parce qu'ils peuvent être embrassés dans les mêmes rapports, et parce qu’enfin vous vous laisseriez en- trainer à les appeler du même nom, organes locomoteurs ? Ce seroit se méprendre étrangement sur l’essence de nos vues théoriques. Et de même, voir comme absolument identiques des or- DANS LE FOTus. 93 ganes respiratoires, dont les uns sont contenus dans une ca- vité thoracique, et d’autres épanouis sur le derme, ce seroit une erreur du même ordre. Vous auriez confondu la fonction avec l'organe lui-même; et quand un plus judicieux emploi de votre discernement vous fait enfin soupçonner là quelque cause d'erreur, il faudroit s’en prendre à nos principes, les signaler comme impuissans pour toutes les explications de leur sphère, et les dépouiller de leur caractère d’une loi générale; caractère dont, en effet, une seule exception bien démontrée les priveroit justement. Si la théorie des analogues a véritablement toute la valeur d'explication que nous lui avons jusqu'ici reconnue, elle saura, appuyée sur le second de nos principes, dont elle ne se sépare jamais, elle saura sans doute démêler les difficultés qui nous arrêtent. Or, qu'est-ce que cette loi? que dit-elle? que gouverne-t- elle ? Elle nous enseigne à présumer semblable chez les dif- férens animaux, chaque sorte d’élémens organiques, selon l’ordre de leurs développemens, et à les distinguer au con- traire selon leur rang d’excentricité ou de génération. C’est partir de l’idée que les matériaux de l’organisation sont iden- tiques dans leur essence, qu’un nombre très-petit de lois physiques, pour la plupart encore inconnues, en opère la combinaison, et qu'ils naissent les uns des autres; mode de génération dont la considération fait le fondement de la se- conde loi, ou du principe des connexions. Cela posé, que vous appliquiez ces idées aux organes res- piratoires des animaux supérieurs et des animaux inférieurs, vous serez justement frappé de leur structure différente. Et Mém. du Muséurn. 1. 10. 13 94 SUR L'ORGANE DE LA RESPIRATION cette distinction est due en effet à des organes dont les uns commencent à une très-petite distance du cœur, et occupent avec lui une même et solide cavité, et dont les autres provien- nent des dernières sommités de l'arbre sanguin, et se répan- dent tout en dehors. Puisqu'il en est ainsi de ces appareils, la théorie des analogues repousse tout soupçon de leur iden- tité; et, parce que le principe des connexions les voit naître de rameaux à d’aussi grande distance les uns des autres, il ne s’'accommode pas davantage de ce résultat. Ce principe ne reconnoit, je le répète, de sujet à sa règle, que ce qui fait partie des mêmes embranchemens, que ce qui est compris dans les mêmes subdivisions à des degrés déterminés. Par conséquent, ce que nos deux principes enseignent dans ce cas, c’est de dégager deux idées distinctes de leur confu- sion par le fait d’une seule dénomination; c’est de réformer notre langage, et de cesser d'appeler organes respiratoires deux systèmes aussi essentiellement différens. Cette réforme est nécessaire, tout aussi bien que, dans l'exemple précédent, vous ne seriez non plus autorisé à appeler l'extrémité post- abdominale des poissons et les quatre membres des mam- mifères, organes locomoteurs. Persévérer dans la vieille routine, ce seroit placer la fonction au premier rang. Or, à ce moment de nos recherches, qui pourroit hésiter de reculer devant une aussi fausse conséquence ? Au fond, de quoi se composent des organes locomoteurs ? Ils sont à la rigueur constitués par un ensemble de parties musculaires ayant des points d'appui différens et favorisés par un système articulaire. Par conséquent, peu importera que les supports du tronc s'atrophient de plus en plus, pour DANS LE ForrTus. 95 faire, comme chez les poissons, passer la tige coccygienne à un état d'hypertrophie, ou bien, que l'inverse ait heu, comme chez les mammifères, c'est-à-dire, que ce soit aux quatre extrémités que se manifeste le maximum de compo- sition, et à la queue le minimum ou l’état rudimentaire. Il est tout simple que la fonction reste, où demeurent tous les moyens d'action : la fonction passe sans difliculté d’un or- gane à un autre. Qu’auroit ce résultat pour tant nous sur- prendre? seulement que nous ne l’avions pas prévu, nos théories nous ayant familiarisés avec l'idée contraire. Mais ces organes, qui attirent à eux et qui se disputent en quelque sorte les fonctions, ne restent pas moins étran- gers les uns aux autres. Quels que soient le déplacement de la puissance, chacun demeure le même : chacun se montre immuablemeut au point fixé par l'ordre de ses dévelop- pemens ( principe des connexions); il tend à se former partout avec les mêmes matériaux ( T’éorie des analogues); s’il n’y réussit là que médiocrement, il laisse voir ailleurs un autre organe démesurément agrandi ( balancement des or- ganes ); ou bien, enfin, mais seulement chez des êtres à de grandes distances dans l'échelle organique, ou bien, il nous dissimule son apparence d’un riche appareil, par l’agrégat de ses matériaux en plusieurs fragmens, produisant plusieurs sous-organes, dont alors le caractère de nouveauté étonne toujours (affinités électives des élémens organiques ). Et de même, que faut-il pour constituer des organes res- piratoires ? Un ensemble de vaisseaux sanguins à leur der- nière ramiflication, pouvant communiquer, sous l’action de divers ressorts, avec des couches d'air ambiantes; et par eee 96 Sur L'ORGANE DE LA RESPIRATION DANS LE Forrus. conséquent aussi, peu importera que ces vaisseaux soient fournis, ici par les troncs qui s’épanouissent en dedans du thorax, là par ceux qui envoient leurs dernières branches sur la peau. La fonction est également eflicace dans un cas comme dans l’autre, ainsi qu'à l'égard de l'exemple cité, l'étoit aussi la locomotion. Conclusion définitive. W y a plusieurs sortes d'organes respiratoires, les uns logés en dedans, et d’autres répandus en dehors des animaux : ils sont très-certainement de struc- ture différente : ils ne sont donc point analogues. Ceux-là sont appelés pournons, et ceux-ci, branchres. J'ai traité ces questions de philosophie générale dans les Discours placés en tête de mes deux ouvrages, Organes res- ptratotres et Monstruosités humaines, et j'y renvoie ceux des lecteurs qui désireroient de plus amples éclaircissemens. 97 MÉMOIRE Sur quelques Genres nouveaux de la Famulle des BuTTNerracées. PAR M DE CANDOLLE,. L'aarocr des Malvacées et des Tiliacées avoit frappé l'il- lustre auteur des familles naturelles, qui l’avoit fait remar- quer avec sa sagacité accoutumée, mais qui cependant avoit séparé ces deux groupes par des familles qui en sont aujour- d’hui écartées avec raison. Dès lors Ventenat proposa l’éta- blissement d’une famille des Sterculiacées qu’il caractérisoit par ses étamines monadelphes et la présence de l’albumen, et qu'il composoit de la prèmière section des Tiliacées de Jussieu, et de quelques genres des dernières sections des Malvacées. M. de Jussieu adopta cette famille en lui don- nant le nom d'Hermanniées, qui, selon lui, exprimoit mieux le port des végétaux qui la composent. M. Robert Brown, en admettant les Sterculiacées de Ventenat , y joignit, sous le nom de Buttneriacées , un nouvel ordre intermédiaire entre elles et les Tiliacées, et principalement caractérisé par ses éta- mines les unes stériles, les autres fertiles. Enfin M .Kunthayant repris dernièrement l’histoire de ces divers groupes avec 98 BuTTNERIACÉES. son talent accoutumé, a proposé d'admettre trois grandes familles distinguées comme suit : les Malvacées par leurs éta- mines monadelphes et leurs anthères uniloculaires ; les Butt- neriacées ( qui comprennent les Sterculiacées de Ventenat ou Hermanmiées de Jussieu , les Buttneriacées de Brown et les Lasiopétalées de Gay) par les étamines monadelphes et les anthères biloculaires extrorses; les Tiliacées par les éta- mines libres et les anthères biloculaires introrses. Ces trois familles ont en commun, comme M. Brown l’a fait remarquer , d’avoir les pièces du calice en estivation val- vaire et celles de la corolle en estivation spirale ou embriquée. Cette organisation est si remarquable qu’elle établit entre elles un point de liaison très-important, et tel qu'il a engagé M. Robert Brown à penser que ces groupes, joints à celui des Chlénacées, doivent former une grande association, qui, selon les idées qu’on adopte sur la classification générale , porteroit ou le nom de classe, comme M. Brown paroit l’admettre, où celui de famille, en suivant l'analogie indiquée par les fa- milles actuelles des Composées, des Légumineuses, des Ro- sacées, etc. J'évite à dessein d'entrer en ce moment dans cette discussion , soit parce qu'elle ne peut se résoudre que par un examen général et comparatif des principes de la classification, soit parce que , lors même qu’on réuniroit en une seule les familles que j'ai mentionnées, le groupe des Buttneriacées n'en resteroit pas moins intermédiaire entre les Malvacées et les Tiliacées, et que mon but actuel est de présenter seulement la description de quelques genres ap- partenant à ce groupe. Je me bornerai à faire remarquer ici, en passant, quelques faits qui tendent à modifier les idées BUTTNERIACÉES. 99 généralement admises sur les genres qu'on rapporte à cette vaste associalion; savoir : 10, L'Hugonia ne peut lui être rapporté, car il a le calice embriqué : il semble être intermédiaire à plusieurs égards entre les Linées et les Malvacées. 2°, Les genres Gordonia, Stewartia et Malachodendron qui ont le calice embriqué , forment une petite tribu à réunir aux Ternstromiacées, ou peut-être à élever un jour au rang des familles : le Fentenatia et le Laplacea en sont très- voisins. 30. Les Bombacées ont un calice ou tronqué, et dans ce cas on ne peut juger de son estivation, ou régulièrement lobé, ou déhiscent, mais qu'on ne peut rapporter à la véritable esti- vation valvaire, de sorte qu’elles paroissent former une fa- mille distincte des vraies Malvacées, quoique très-voisine; cette opinion acquiert surtout de la force, si, comme le port y autorise, on continue à réunir avec elles l'OcAroma et le Chetrostemon; car ces deux genres ont décidément un ca- lice embriqué , un embryon à cotylédons planes et un albu- men charnu qui les éloignent des vraies Malvacées. 4°. Les Elæocarpées ont le calice à estivation valvaire comme les Tiliacées et devroient rentrer dans la grande as- sociation indiquée par M. Brown. Après ces observations, je passe à l'examen spécial de la famille des Buttneriacées : je m'en étois fort occupé avant la publication du beau mémoire de M. Kunth qui m'a devancé sur un grand nombre de points, éclairé sur plusieurs autres, et qui me dispense d’entrer ici dans aucun détail sur la divi- sion des Buttneriacées en tribus. 100 BuTTNERIACÉES. Je me bornerai à rappeler qu'il a divisé cette famille en cinq tribus, savoir : 1°. les Sterculiacées, 2°. les Buttneriées, 30, les Lasiopétalées, 4°. les Hermanniées , 50. les Dom- beyacées. Les quatre genres dont j'ai à parler appartiennent à cette dernière tribu. Les Dombeyacées offrent trois sous-divisions notables, savoir : 10. Les Jelicterées, qui ont les cotylédons roulés en spi- rale autour de la plumule ou de l’axe qui résulteroit de son prolongement, et auquel il me paroit qu'on doit rapporter l'Ayenia, le Kleinhovia et Y Helicteres. 20, Les Dombeyées ou vraies Dombeyacées qui compren- nent les genres Pzerospermum, Pentapetes , Astrapæa, Trochetia, Melhania, Dombeya, Assonia, Ruizia et peut-être Æydia et Gluta dont on ne connoit pas le fruit; cette sous-division a les cotylédons plus ou moins contortu- pliqués comme les Malvacées, mais non contournés en spi- rale. 30. Les /Vallichiées, qui se composent des genres Ærio- læna et Wallichia décrits ci-après. La petite sous-division que je désigne sous ce nom n’est pas encore bien connue, puisque les fruits n’ont point été analysés, mais elle offre dans la structure de sa fleur des caractères tels qu'il m'est imposible de confondre complé- tement les genres qui la composent avec les deux groupes précédens ; ils en diffèrent, 1°. par les sépales du calyce qui sont munis à leur base interne de deux taches glanduleuses, 20, par les étamines qui sont monadelphes à la manière des Malvacées et non des Buttneriacées, c’est-à-dire qu’elles sont BuUTTNERIAGÉES. IOI en nombre considérable , toutes fertiles, toutes soudées en- semble en une longue colonne garnie extérieurement dans toute ou une grande partie de sa longueur d’anthères extror- ses et biloculaires comme dans les autres Buttneriacées; ou en d’autres termes les filetssont monadelphes, soudés sur plu- sieurs rangs, dont les extérieurs sont les plus courts. Les deux genres qui offrent cette organisation ont, le premier, le port des Malvacées, le second, celui des Tiliacées, et semblent ainsi l’un et l’autre confirmer l'union de ces deux familles avec celle qui nous occupe ici. Ces genres sont composés d’arbres ou d’arbustes à feuilles simples, originaires de l'Inde orien- tale; l’un et l’autre m'ont été communiqués par M. Wallich, directeur du jardin botanique de Calcuta, l’un des savans de nos jours qui, par son activité et son talent d'observation, a le plus contribué à étendre la connoiïissance du règne vé- gétal; c’est pour consacrer ses services et mes sentimens pour lui, que je lui ai dédié l’un des genres de ce groupe et que j'ai tiré de son nom celui de la tribu. L'involucre des Fallichiées est remarquable par sa forme et sa distance du calice qui ressemble sous ce double rap- port à celui du P{erospermum semisagittatum décrit à la fin de ce mémoire. On ne peut lui refuser le nom sous lequel je le désigne, et d’un autre côté la grande ressemblance de ces plantes avec les autres Buttneriacées et les Malvacées me semble démontrer que ce qu'on appelle calice externe dansles Malvacées est un véritable involucre uniflore: opinion qui se confirme par l'inconstance de l'existence, du nombre et des formes des folioles de cet involuere comparé à la cons- tance des sépales du calice. Mém. du Muséum. ?. 10. 14 102 BuTTNERIACÉES. Les étamines des Wallichiées sont, comme on dit, en nombre indéterminé ; mais il est, je pense , plus conforme et aux faits et à l’analogie de dire qu’elles sont en nombre mul- tiple (quinaire ) des pétales; ainsi le Wallichia qui a quatre pétales, a vingt étamines; l’Eriolæna qui a cinq pétales, a vingt-cinq étamines. Cette observation est applicable à pres- que toutes les plantes où le nombre des étamines est dit in- déterminé. Les deux genres de cette tribu sont les suivans : I ERIOLÆNA. Involucrum 5-phyllum ; foliolis tomentosis laciniatis, 3 interiori- bus majoribus, 2 exterioribus minoribus, accessoriis. Calycis sepala 5 basi coalita, elongata, acuminata, utrinque tomentosa, intus basi biglandulosa. Petala 5 unguiculata, calyce breviora. Stam. 25 in co- larmnam a basi ad apicem antheriferam monadelpha. Ovarium sub- globosum, pluriloculare, Stylus 1 cylindricus. Stigmata plurima, parva, in capitulum adgregata. La seule espèce de ce genre qui soit connue est originaire de l'Inde orientale; je lui ai donné le nom d’Æ. Yallichu. Elle est cultivée au jardin de Calcuta, et m'a été envoyée par M. Wallich qui la considère comme le type d’un genre nouveau, mais diflicile à déterminer à cause de l’absence du fruit. A la première vue des rameaux de cette plante on croiroit voir une espèce d'Hibiseus à grandes feuilles ; ses branches sont cylindriques et glabres dans leur partie inférieure; vers l'extrémité, elles sont comprimées, un peu fasciées, (peut-être par accident) et garnies de poils blanchätres et fasciculés; ces poils sont plus nombreux sur les pétioles et les BUTTNERIAGÉES. 103 principales nervures des feuilles, les pédoncules, les involu- cres et les calices. Lesstipules manquent dans mon échantillon; les pétioles ont douze à quinze lignes de longueur; les feuil- les sont arrondies, échancrées en cœur à leur base qui est munie de sept nervures rayonnantes, terminées en pointe, dentées sur les bords, cotonneuses et réticulées en dessous, pubescentes et d'un vert plus foncé en dessus, larges de quatre pouces sur cinq de longueur. Les pédicelles ; naissent de l’aisselle des feuilles ils sont longs de trois pouces environ, hérissés, droits, terminés par une seule fleur assez grande. L’involucre est composé de cinq folioles fortement hérissées de poils fasciculés et cotonneux; les folioles sont sur deux rangs; le rang intérieur qui est encore à deux lignes au dessous du calice se compose de trois folioles ; l'extérieur qui est en mème temps plus inférieur n’en a que deux ; toutes ces folioles sont déchiquetées sur les bords en lanières menues et hérissées. Le calice est à cinq sépales un peuréunis par la base, allongés, acuminés, cotonneux et blan- châtres sur les deux faces , munis à leur base de deux taches glanduleuses, rapprochés avant la floraison en estivation val- vaire et formant un bouton cotonneux en cône ou pyramide allongée. Les pétales sont au nombre de cinq, alternes avec les se- pales, plus courts qu'eux, rétrécis à leur base, échancrés au sommet , en estivation contournée en spirale avant la fleu- raison ; ils paroïissent d’après le sec devoir être d’un rouge foncé. Les étamines sont disposées sur cinq ou six rangs multiples des pétales , par conséquent vingt-cinq ou trente; leursfilets 14 * 104 BuTTNERIACÉES. sont tous soudés ensemble en une colonne allongée ; les in- térieurs sont les plus longs et les anthères sont presque sessiles en dehors de la colonne; ces anthères sont ovales-oblongues, à deux loges qui s'ouvrent en dehors par des fentes longitu- dinales. L'ovaire est arrondi, très-velu, surmonté d’unstyle cylin- drique également velu, et terminé par plusieurs stigmates qui forment une petite tête au sommet de la colonne des étamines. Je n'ai pas pu déterminer le nombre des loges de l'ovaire avec précision, ni celui des graines qu’elles renferment. II WALLICHIA. Involucrum uniflorum, 5-4-phyllum, parvum , a flore distans, fo- liolis integerrimis. Calyx 4-partitus, lobis oblongo-linearibus, extus tomentosis, intus basi biglandulosis. Petala 4 patenti-reflexa, unguibus crassis, velutinis. Stamina circiter 2 in tubum conicum longè mona- delpha, antheris a medio ad apicem tubi.Ovarium ovatum, 8-loculare. Stylus 1. Stigmata 8. Capsula? loculis 1-spermis. La seule espèce connue, et que je nomme #Wa/lichia spec- tabilis , est originaire du Napaul où elle a été découverte par M. Wallich. Elle présente les caractères suivans : Les rameaux desséchés que j'ai recus paroïssent avoir appartenu à un arbre; ils sont ligneux , cylindriques, dans leur jeunesse couverts d’un duvet blanchätre composé de poils en faisceaux étoilés; dans un âge plus avancé ils deviennent glabres et d’un brun pâle, Les stipulessont sétacées, blanchâtres, caduques, placées des deux côtés à la base du pétiole. Les feuilles sont alternes, pétiolées, en forme de cœur, bordées de dentelures aiguës et inégales, munies à leur base de sept nervures, parmi les- BuTTNERIAGÉES. 10 quelles celle du milieu qui est la plus prononcée se ramifie la- téralement en nervures pennées; le pétiole et la surface in- férieure sont garnis du même duvet blanchâtre que l’on trouve sur les jeunes rameaux; la face supérieure porte dans sa jeu- nesse un duvet analogue, mais plus rare, et finit par devenir verte et glabre dans un àge avancé. Le pétiole des feuilles supérieures a quinze lignes de longueur, le limbe vingt-cinq de long sur vingt-un de large. Probablement toutes ces di- mensions sont plus grandes dans les feuilles inférieures. Les pédoncules naissent dans les aisselles des feuilles de l'année ; ils sont droits, plus longs que la feuille qui est à leur base, filiformes , blanchätres comme les pétioles , bifides et disposés en une panicule ou un corymbe entremélé de feuil- les; à la bifurcation de chaque pédicule se trouvent un ou trois bractéoles linéaires, sétacées. Les pédicules propres à chaque fleur ont environ quatre lignes de longueur. Vers le haut de ce pédicule et à deux lignes au dessous du calice se trouve un petitinvolucre composé de folioles linéaires, aiguës, blanchätres et persistantes. Ces folioles semblent être natu- 1ellement au nombre de quatre, mais souvent on n’en trouve que trois ou mème que deux, la place des autres restant vacante. Le petit pédicelle qui supporte la fleur dans l’invo- lucre est tout couvert d'un duvet blanc. Le bouton de la fleur est ovale, cylindrique, long de septlignes, couvert d’un duvet velouté, formé parle calice dont les quatre sépales s'appliquent exactement par les bords en estivation valvaire; ces sépales sont lancéolés-linéaires, acuminés, épais, veloutés sur les deux surfaces, munis à leur base interne de deux taches glandu- euses. Les pétales sont aussi au nombre de quatre, insérés 106 BuTTNERIACÉES. sur le réceptacle , alternes avec les sépales, à peu près de la même longueur qu'eux, très-étalés, ovales-oblongs, obtus et membraneux à leur sommet, rétrécis à leur base en un onglet coriace et très-velu ; leur couleur, à en juger d’après le sec, paroït avoir été blanchâtre. Les étamines sont en nombre indéfini; leurs filets sont réunis en un tube conique, allongé, qui recouvre en entier l'ovaire; leur partie supérieure est libre, grêle, terminée parune anthère linéaire-oblongue, droite, à deux loges qui s'ouvrent en dehors. L'ovaire est ovoide, très-velu, à quatre ou cinqloges poly- spermes; le style est solitaire, filiforme, égalà la longueur des sépales, un peu saillant hors du tube des étamines, et terminé par huit ou dix stigmates filiformes. Le fruit paroït être une capsule à quatre ou cinq loges polyspermes. III. TROCHETIA. Ce nouveau genre qui appartient aux vraies Dombeyacées se compose de deux espèces originaires de l'ile de Bourbon; elles sont l’une et l’autre des arbrisseaux à feuilles alternes, pétiolées, entières , garnies en dessous , ainsi que les jeunes pousses , de petites écailles ou de poils étoilés; elles ont des pédoncules qui naissent de l’aisselle et se déjettent en bas. Leurs fleurssont dépourvues d’involucre;le calice esttantôt à cinq parties régulièrement et profondément séparées, tantôt peut-être en spathe qui se romptirrégulièrement. La corolle se compose de cinq pétales hypogynes, planes, peu ou point rétré- cis à leur base; les étamines forment à leur base un tubecylindri- que court, quise prolonge en une seulerangée de filets libres; BuUTTNERIACGÉES. 107 parmi ces filets il en est cinq à sept qui se prolongent en lan- guettes stériles , et, entre chacun de ces filets stériles, on en trouve deux ou trois plus courts, mais chargés d’anthères; celles- ci sont droites, adnées, à deux loges s’ouvrant par deux fentes longitudinales et se terminant par une petite pointe. L'ovaire est ovoide , tout chargé d’écailles insérées par le centre et découpées par les bords, divisé intérieurement en cinq loges polyspermes ; de son sommet s'élève un style droit, cadue, filiforme, qui se termine par un stigmate en forme de massue. Je mai pas vu le fruit, mais on peut aflirmer presque certai- nement d’après l'ovaire, que ce doit être une capsule à cinq loges polyspermes, et que les graines sont dépourvues d’ailes. Ce genre appartient évidemment à la division des Dom- beyacées parmi lesquelles il se distingue facilement par son calice nu et ses graines ailées; son caractère classique peut être rédigé comme suit : Calyx 5-partitus, patens, nudus. Petala 5. Stamina 20-25. Fila- mentis basi in urceolum monadelphis; 5-7 sterilibus. Ovarium 1 subrotundum, lepidotum. Stylus 1 filiformis. Capsula 5-locularis, 9-valvis. Semina parva, subrotunda, aptera. J'ai donné à ce genre le nom de Trochetia pour rappeler celui de M. Du Trochet, qui par ses recherches ingénieuses sur l'anatomie et la physiologie végétales a reculé les limites de la science. Les deux espèces qui le composent peuvent être caracté- risées et décrites comme il suit, en attendant que les voya- geurs les aient fait connoitre d’une manière plus complette. 1. TROCHETIA wniflora. Tab. TI. T. foliis ovatis, subacutis, latitu- dine duplo longioribus, peduneulis, unifloris nudis. 108 BuTrNERIACÉES. J'ai sous les yeux trois échantillons de cette espèce, tous rapportés de l'ile de Bourbon ; l’un donné par mon ami M. Benj. Delessert, l’autre par M. Bastard qui avoit déjà re- marqué qu'il formoit un genre nouveau, le troisième sans fleurs provenant des herbiers du Muséum d'Histoire natu- relle de Paris. Les rameaux sont ligneux, disposés sans ordre régulier; dans leur jeunesse ils sont un peu anguleux et couverts d’é- cailles roussätres; dans un âge plus avancé ils sont cylindri- ques, glabres et de couleur cendrée. Les stipules sont très-petites et caduques. Les feuilles sont alternes pétiolées, ovales, entières, obtuses à leur base, un peu pointues au sommet; leur pétiole est roux, garni d’écailles, long de cinq à six lignes; leur limbe a vingt à vingt-deux lignes de longueur sur dix à onze de largeur; quelquefois cependant dans les branches stériles elles sont proportionnellement plus étroites et plus longues; leur face inférieure est couverte d’un duvet blanchâtre et velouté, entre lesquels se trouvent, surtout sur les nervures, des écailles rousses semblables à celles du pétiole; la face supé- rieure est glabre, au moins dans l’âge adulte. La côte moyenne de la feuille est saillante en dessous et donne nais- sance à quelques nervures latérales pennées. Les pédicules naissent de l’aisselle des feuilles; ils sont cylindriques, un peu plus épais que les pétioles, garnis comme eux d’écailles rous- sâtres, longs de huit à dix lignes et recourbés dès leur origine de manière que la fleur est pendante même avant la fleurai- son; cette fleur est solitaire au sommet du pédicule quiest complétement dépourvu de bractées. BUTTNERIACÉES. 109 Le bouton de la fleur est ovoide, aminci en pointe à son sommet , tout couvert de poils blanchätres, et d’écailles roussâtres ; à cette époque il semble devoir se rompre irrégu- lièrement ; mais dans les fleurs plus avancées, le calice s'ouvre régulièrement en cinq parties légèrement soudées par leur base, allongées, aiguës, et qui étoient disposées en estivation valvaire; leur face interne est lisse, glabre, presque pétaloïde; leur consistance est celle d’une membrane coriace. Les pé- tales sont au nombre de cinq, alternes avec les sépales, à peine plus longs que le calice, obovés, planes, membraneux, obtus , contournés en spirale les uns sur les autres pendant l’estivation; ils paroissent avoir été blanchâtres ou d’un rouge pâle, mais je ne puis d’après le sec affirmer rien sur leur couleur. Les filets des étamines sont tous disposés sur un seul rang, réunis dans la moitié au moins de leur longueur en un tube cylindrique ; leur état qu’on pourroit croire normal est d’être au nombre de quinze ou vingt; savoir, cinq stériles, allongés en languettes alternes avec les pétales, et deux ou trois fertiles entre chaque paire de languettes ; mais on trouve fréquemment six et sept languettes et par conséquentun plus grand nombre d’étamines fertiles ; dans ce cas la position des languettes n’est pas en rapport avec celle des pétales. Le reste de la description ne diffère pas de ce que j'ai dit plus haut en parlant des caractères génériques. 2. TROCHETIA triflora. Tab. IV. T. foliis ovato-lanceolatis, acu- minatis, latitudine quadruplo longioribus; pedunculis trifloris ; pedi- cellis unifloris, ex apice pedunculi ortis, umbellatis, ad basim um- bellæ bibracteatis. Mém. du Muséum. t. 10. 15 110 BUTTNERIACÉES. J'ai sous les yeux deux échantillons de cette espèce, l’un et l’autre cueillis dans l’ile de Bourbon avant la fleuraison complette ; l’un provient des herbiers du Muséum d'Histoire naturelle, l’autre se trouve dans l'herbier de M. Balbis, jadis envoyé par Ventenat sous un nom tellement erroné qu'il est probable qu'il y a eu transposition d’étiquette. Les rameaux sont ligneux, cylindriques, glabres dans un âge avancé, garnis dans leur jeunesse d’un duvet roussâtre velouté et d’écailles de la mème couleur. Les feuilles sont alternes, assez rapprochées à l'extrémité des rameaux, pétiolées, ovales-lancéolées, acuminées, entières, munies vers leur extrémité de très-petites dentelures sinueuses, glabres en dessus, garnies en dessous, ainsi que les pétioles, de duvet et d’écailles rousses ; leur pétiole a un pouce et demi de longueur ; leur limbe cinq ou six pouces de long, sur un et demi de large; celles du haut de chaque rameau sont dressées: celles du bas se déjettent versle sol. Les stipules sont en forme d’alène, longues de cinq à sept lignes, caduques, couvertes de duvet et d’écailles rousses. Les pédoncules naissent de l’aisselle des feuilles, roux, ve- loutés et écailleux comme les pétioles, longs d'environ deux pouces, infléchis dès leur base de manière que les fleurs sont pendantes : cette disposition des pédoncules n’est pas assez fortement prononcée dans la planche ci-jointe, parce qu'on a ménagé l'espace pour faire voir la forme des feuilles. Chaque pédoncule se termine par une petite ombelle de trois fleurs portées sur de courts pédicelles et entourées d’un involucre général à deux folioles; celles-ci sont opposées, subulées, rousses, veloutées et au moins aussi longues que le pédicelles. BuTTNERIACÉES. III Les boutons ressemblent si parfaitement à ceux de l'espèce précédente dans tout ce que leur âge permet de voir, qu'il est impossible de ne pas considérer cette espèce comme ab- solument congénère de la précédente. L'ovaire est plus velu et plus roux dans celle-ci, plus écailleux et plus blanchâtre dans l’autre ; ce qui est conforme à l’aspect que présentent toutes leurs autres parties. IV. PTEROSPERMUM. Ce genre a été avec raison détaché des Pentapetes par Schre- ber : il s’en distingue en effet, soit par son port, soit par ses graines terminées par une appendice membraneuse en forme d’aile. On n'en connoissoit jusqu'ici que deux espèces, les P. acerifolium et suberifolium. Roxburgh en a découvert deux autres, savoir, les P. lanceæfolium et semisagittatum ; comme elles ne sont encore connues que par le nom inséré sans description dans le catalogue du jardin de Calcuta et que l’une d’elles doit former une section très- prononcée, je crois devoir donner ici une monographie abrégée du genre. Je le divise en deux sections caractérisées par la présence ou l’absence de l’involucre | comme suit. Sect. [. VELAGA. Ædans. fam. 2, p. 389. Tnvolucrum nullum. 1. P. acerifolium ( Willd. sp. 5, p. 729) foliis cordatis, obtusis dentatis. 5 In Indiâ orientali. — Pentapetes acerifolia Lin. sp. 959. Cav. diss. 3, p. 151, t. 44. —Velaga xylocarpa Gærtn. Fr. 2, p. 245, 1199; 2. P. suberifolium ( Wälld.1. c.) foliis oblongis, acuminatis, apice 15 * 112 BuTTNERIACÉES. grosse dentatis; pedicellis vix petiolo longioribus. 4, In Indiä orient. Pentapetes suberifolia Lin. sp. 95g. Cav. diss. 3, t. 43, f. 2. Bot. mag. t. 1526. 3. P. lanceæfolium ( Roxb. cat. cale. p. 50) foliis ovali-oblongis, acuminatis, integerrimis; pedicellis petiolo multo longioribus. 4 In Indiâ orientali. Je connois cette espèce par un échantillon en fruits qui a été cueilli dans le jardin de Calcuta, et m’a été communiqué par mon excellent ami M. Leschenault de la Tour. Les rameaux sont ligneux, cylindriques, glabres àleur état de maturité; dans leur jeunesse ils sont, ainsi que les pétioles, garnis de quelques écailles roussâtres et d’un duvet blanchâtre très-court et peu apparent ; les stipules sont fort petites ettom- bent de bonne heure ; les feuilles sont pétiolées, ovales-oblon- gues, acuminées, très-entières sur les bords, un peu coriaces, à nervures pennées, glabres en dessus, couvertes en dessous d’un duvet très court, très-serré et d’un‘blanc tirant un peu sur le roux; les pédoncules qui naissent de l’aisselle des feuil- les sont cylindriques et terminés par une seule fleur ; ils por- tent çà et là, dans mon échantillon qui est en fruit, quelques cicatrices qui indiquent la place de bractées ou de folioles d’involucres et laissent quelques doutes pour savoir si cette espèce ne doit point être rapportée à la section suivante. Je ne connois point la fleur. Le fruit ne ressemble pas mal à celui du Velaga xylocarpa de Gærtner (pl. 133); il est ovoide- allongé, rétréci en un court pédicule, couvert sur toute sa su- perficie d’un duvet court, serré et blanchätre; il s'ouvre en cinq valves et est divisé en cinq loges comme celui figuré et décrit par Gærtner. Les graines sont dressées , comprimées, BUrTNERIACÉES. 113 terminées en aile membraneuse ; je n’y ai pointtrouvé d’albu- men ; les cotylédons sont foliacés, irrégulièrement plissés l’un sur l’autre, mais beaucoup moins tortillés que dans la figure citée de Gærtner. Sect. II. PTEROLÆNA. Involucrum 3-phyllum , foliolis maximis, cordato-rotundis, fim- briato-laceris. 4. P. semisagittatum (Roxb. cat. cale. 50) foliis oblongis, acu- minais ; integris , basi cordato-sagittatis, lobulis inæqualibus, B Voy. pl. 5. Cette belle espèce est originaire de l'Inde orientale; elle est cultivée au jardin de Calcuta, d’où M. Wallich m’en a envoyé des échantillons en fleurs très-bien conservés. Les rameaux sont ligneux, cylindriques, chargés aussi bien que les pétioles, les stipules, les nervures, les pédoncules et les involucres, d’un duvet mou, abondant, et d’un roux très- pâle. Les stipules sont-grandes, très-déchiquetées en lobes étroits et aigus , fort semblables aux folioles de l’involucre ; les feuilles ont le pétiole plus court que les slipules; le limbe est oblong, acuminé, entier sur les bords, échancré en cœur à sa base; les deux oreillettes sont toujours inégales, quel- quefois toutes deux obtuses, quelquefois la plus longue est aiguë; la surface supérieure est couverte dans sa jeunesse d’un duvet roux qui tombe d’assez bonne heure et persiste seulement sur la base de la nervure du milieu; la surface in- férieure est couverte toute entière et pendant toute la durée de la feuille, d’un duvet mou , un peu hérissé et d’un blanc jaunâtre tirant sur le roux. Les fleurs naissent à l’aisselle des — 114 BuTTNERIACÉES. feuilles supérieures, portées sur de courts pédoncules et mu- nies près de leur calice d’un involucre à cinq folioles héris- sées , déchiquetées, semblables aux stipules, mais beaucoup plus grandes. Le calice est grand, à cinq sépales soudés par la base, fort allongés, terminés en pointe, couverts en dehors d’un duvet long, roux, à poils rayonnans en faisceaux serrés , en dedans d'un duvet court et grisätre. Les pétales sont plus courts que le calice, arrondis à leur sommet, rétrécis à leur base, d'un rouge foncé; les étamines au nombre de vingt, dont cinq stériles, sont monadelphes par leur base seulement, libres dans la plus grande partie de leur longueur; les anthères sont linéaires, à deux fentes longitudinales; l'ovaire oblong, stipité, hérissé, à cinq loges; le style cylindrique plus long que les étamines stériles; les stigmates sont rapprochés et forment une espèce de massue. Je ne connois pas le fruit, EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE I. Un rameau de grandeur naturelle, — 1. Une fleur coupée en long pour montrer la position des parties. —2 2’. Les folioles du rang interne de l’involucre. — 3. Un des sépales du calice détaché et vu en dedans. — 4. Un faisceau de poils. — 5. Le pistil. PLANCHE IT. Un rameau de grandeur naturelle. — 1. Un bouton commençant à s'ouvrir. — 2. Un des sépales vu par le dedans. — 3. La fleur entiere sans l’involncre. — 4, La même avec l'involucre. — 5. L'involucre séparé. — 6 et 6. Les pétales vus par dehors et par dedans. — 7. Le tube des étamines ouvert et à moitié étalé, — 8, Une anthère vue à la loupe. — 9. Le pistil. — 10. L’ovaire coupé en travers. 140 D Pos VS ZT KL z DS \ \ D % (ls ê (LE EZ Rebel veup} 22 V4 Walliohi . LRIOLAINA , Zeyland del Œ _ Zom 10. 7 | 7007 | | 4 77 ’ UT 9 |! g:1 1 | {| [/ = | | ] L h | EE V \ 4 * | | | | ; 2 iÉ \ + J © 10 Leyland del! : MPRebel soufp? WALLICHIA speclabiles . 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Je me suis servi dans les deux descriptions précédentes du terme d’écailles pour me conformer à l’usage et à l'apparence; mais si on les examine attentivement on verra que ce sont des poils de la nature de ceux que j'ai appelés poils en écussons ( Théor. élém. éd. 2, p. 350). Ce ne sont autre chose que des poils formés de plusieurs branches qui rayonnent d’un centre commun, et qui sont plus ou moins intimement soudés ensemble ; ilsont ainsi, comme dans l'Elæag- nus, l'apparence d’écailles peltées, mais leur nature se dévoile clairement sous le microscope. Lorsqu'on compare entre elles les écailles des deux espèces de Tro- chetia, on voit que, dans la premiere, les poils sont plus fréquemment et plus com- plétement soudés en écailles, tandis que dans la seconde, ils le sont plus rare- ent et moins complétement. Je suis porté à croire que toutes les écaiiles peltées des parties foliacées des plantes rentrent dans la même manière de voir, et d’au- tant plus qu'on n’en trouve que dans les familles où les poils ont une tendance générale à former des faisceaux ou des ramifications partant d’un centre commun. PLANCHE V. Un rameau en fleurs de grandeur naturelle: — 1. Une fleur coupée en long avec son involucre. — 2. Le pistil'avec la base des étamines adhérente autour du thé- caphore. — 3. Une feuille isolée. — 4. Une houpe des poils de l’involucre et des organes analogues. — 5. Une dite de l'ovaire. — 6, L’ovaire coupé en travers. — 7. Le stigmate. — La partié libre des étamines supposée détachée de la fig. 2. 116 RECHERCHES Sur les rapports qui existent entre les animaux de la famille des Écureuirs; c’est-à-dire, les Tamias, /es Macroxus, les Ecureuils, les Sciu- roptères et les Ptéromys. PAR M. FRÉDÉRIC CUVIER. Les idées collectives ou les termes généraux sont, comme on sait, les seuls moyens que nous ayons pour nous élever jusqu'aux limites qu’il nous a été donné d’atteindre dans le monde intellectuel : sans eux nos raisonnemens ne s'éten- droient jamais au-delà des objets particuliers; nos spécula- tions n’embrasseroïent que des rapports individuels. Mais on sait aussi que ces termes, pour être des guides fidèles, ne doivent renfermer ou représenter que des idées bien définies, bien circonscrites, autrement, plus les résultats auxquels ils conduisent seroient élevés, plus la confusion seroit grande, et l’on seroit encore exposé au grave inconvénient de changer involontairement l’acception de ces termes généraux ou de mettre peu de précision dans leur emploi, et à tomber par là dans un des vices de raisonnement les plus dangereux et par malheur les plus communs, 16: RrcnercnEes sur LES rArronts DES Ecureuirs. 117 Suivant le point de vue sous lequel on envisage les choses, on peut rassembler les mêmes individus, les mêmes êtres de différentes manières, d’après telles ou telles de leurs ressemblances, choisies arbitrairement, et en former des espèces ou des genres différens, de sorte que les mêmes faits peuvent conduire à des résultats très-divers. Les classifications en histoire naturelle ne sont que des réunions, des assemblages de ces idées générales, de ces ter- mes collectifs; et c’est par leurs moyens que l'esprit pourra sans doute parvenir un jour à embrasser dans son ensemble limmensité des êtres qui peuplent notre globe ainsi que ceux qui le constituent ; elles doivent donc être soumises aux règles que nous venons de rappeler; mais comme elles ont pour but de coordonner les objets particuliers d’après les rapports naturels qui lient ces objets entre eux, leur point de vue est déterminé invariablement, rien d’arbitraire ne peut entrer dans leurs principes , et par conséquent dans la formation de leurs espèces et de leurs genres, surtout en ce qui concerne les êtres organisés, dont les rapports ne s’é- tablissent d’une manière absolue que par une connoissance absolue de leurs parties constituantes, et de l'influence de ces parties les unes sur les autres. Aussi est-ce bien pour eux qu’on peut dire que la science est toute entière dans la méthode. - Dans le règne animal les généralités d’un ordre élevé pa- roissent être bien déterminées par les organes sur lesquels elles reposent et qui les caractérisent ; et sur ce point peu de choses, sans doute, restent à faire. On a mis moins d’impor- tance, ou plutôt on a été moins bien servi par les organes dans la formation des généralités d’un rang inférieur, dans celles Mém. du Muséum. 1 10. 16 118 RECHERCHES du premier et du second ordre, en remontant des individus, c’est-à-dire dans celles qui renferment les espèces et les genres proprement dits; aussi l'arbitraire s'y montroit-il quelquefois. Nous avons donc pu nous attacher avec raison à en faire une nouvelle analyse, soit pour les modifier, soit pour mieux en faire connoître toute l'étendue. Quelques-uns de nos précé- dens mémoires sont des résultats de ce travail, et l'examen que nous nous proposons de faire ici des rapports qui existent entre les mammifères que l’on a réunis sous le nom commun d’écureuils en est une suite. L'idée générale d’écureuil n’a acquis une certaine précision que depuis Brisson; avant lui on désignoit, et depuis on a même encore désigné par ce nom des rongeurs de nature très- différente. Il est le premier chez lequel tous les animaux réu- nis sous cette dénomination se sont trouvés pourvus du mème système de dentition; non pas qu'il eût cherché à les rassem- bler sous ce caractère dont il ne pouvoit pas apprécier l'im- portance, mais parce que les organes les plus cachés, quand ils sont d’un ordre élevé, ont des relations nécessaires avec ceux qui sont les plus extérieurs, et que la ressemblance de ceux-ci, qu'il avoit su saisir, amenoit la ressemblance des au- tres. Les écureuils ainsi réunis avoient tous, outre des dents semblables, quatre doigts aux pieds de devant avec un rudi- ment de pouce, et cinq complets à ceux de derrière, et ils se subdivisoient naturellement en deux groupes, les uns ayant leurs membres entièrement libres, et les autres les ayant réunis par une extension de la peau, étendue entre les flancs et propre à les soutenir en l'air dans leurs sauts, comme des ailes immobiles ; mais ces groupes ne furent pas d’abord dési- SUR LES RAPPORTS DES ECuUREUILS. 119 gnés par des noms différens. Ce fut mon frère qui plus tard donna aux écureuils volans le nom de pteromys, en laissant celui d’écureuil aux autres. Cependant ce dernier groupe se composoit encore d’espèces hétérogènes. Notre écureuil com- mun, qui en formoit le type, se réunissoit, par l’ensemble de ses caractères, à plusieurs autres espèces des diverses parties du monde; mais non pas, comme le remarquoit déjà Buffon, à l'écureuil suisse, $. sériatus L., qui a les oreilles arrondies, la queue en pinceau, qui se creuse des terriers où il vit, où il rassemble des provisions au moyen de ses abajoues, et où il passe l'hiver plongé dans un sommeil léthargique , comme les marmottes et les loirs; ni aux guerlinguets, S. æstuans L., ainsi que le faisoit aussi remarquer le même naturaliste, ces animaux n’ayant point la queue distique, leurs oreilles étant arrondies et leur scrotum remarquable par son volume. Depuis, Illiger a fait de l’écureuil suisse le type de son genre {amia, et mon frère, par une simple indication, a sé- paré les guerlinguets des autres écureuils à cause des caracte- res que nous venons de rapporter; indication qui a été suivie par M. Desmarest dans sa Mammalogie, et que j'ai suivie moi- même , mais en donnant à ces animaux le nom de macroxus (1). Les écureuils que j'ai été à portée d'examiner ne me con- duisent point à faire de grands changemens au fond de ces divisions des écureuils à membres libres. Je confirmerai leurs caractères par des caractères nouveaux, et montrerai les rap- ports que ces derniers me semblent établir. J'indiquerai en- suite les différences qui séparent les écureuils volans du nord (1) Des dents considérées comme caractères zoologiques, un vol. in-8°. n°. 56. 16* 120 RECHERCHES de ceux du midi, c'est-à-dire les potatouches des taguans, où autrement les sciuroptères des ptéromys. En effet, lorsqu'on examine dans ces différens points de vue les espèces qui entrent dans la famille des écureuils non volans, on voit que, outre les différences que nous venons de rappeler, elles en présentent encore de nombreuses dans les formes de leur tête, c’est-à-dire dans les parties qui dépendent des organes les plus importans, et que cette considération conduit à des rapprochemens nouveaux qui donnent des idées plus justes de leur nature. On remarque d’abord que la tête du tamia suisse ou rayé, S. striatus L., n’a que peu de ressemblance avec celle de la plupart des autres écureuils; elle présente, vue de profil, une ligne courbe uniforme à sa partie supérieure, au lieu d’une ligne très-irrégulière , et vue de face, toutes ses pro- portions antérieurement sont eflilées en comparaison de celles que nous font voir les autres têtes des genres de cette famille. Ainsi la longueur des nasaux est à leur largeur dans le suisse comme trois sont à un, et dans l’écureuil commun ou dans les macroxus comme deux sont à un; et les apophyses orbi- taires du frontal, lorsque la longueur de la tête, à commencer par les nasaux, est divisée en cinq parties, correspondent à la fin de la troisième, tandis qu'ils ne correspondent qu'à la fin de la deuxième dans les macroxus et dans les écureuils. proprement dits; mais ce qui distingue surtout les têtes de ces animaux, c'est l'étendue du cerveau , qui, chez les tamias, ne s'avance pas, à beaucoup près, à la moitié de la tête, tandis qu’elle la dépasse de beaucoup chez les autres. La conformation générale qui résulte de ces traits partieu- SUR LES RAPPORTS DES ECUREUILS. 121 liers rapproche singulièrement la tête des tamias de celle des spermophiles (1), à tel point même que, sans la différence assez légère qui sépare les dents de ces derniers de celles des écureuils, il seroit diflicile de ne pas faire des tamias des sper- mophiles ou réciproquement, car on sait que les uns comme les autres sont des animaux fouisseurs, qui font des provisions de’ graines à l’aide de leurs abajoues, et que le froid plonge dans un engourdissement profond ; mais si les différences qui distinguent ces rongeurs sont assez importantes pour mainte- nir leur séparation générique , je pense qu'ils doivent être rapprochés comme faisant le passage des marmottes aux écu- reuils proprement dits. C’est à la suite des tamias que l’écureuil palmiste, par la forme de sa tête, vient prendre sa place. Il n'appartient cer- tainement à aucun des groupes suivans. Sa tête étroite et eflilée, en comparaison de la leur, l’en éloigne beaucoup; mais elle présente aussi quelques différences lorsqu'on la compare à celle des tamias; sa partie antérieure fait une ligne un peu plus droite ; ses nasaux sont proportionnellement moins longs, et ses arcades zygomatiques bien moins saillantes; néanmoins la ressemblance de ces têtes est très-grande, et si l’écureuil palmiste n’est pas un tamia, il présente certainement le type d’un groupe nouveau. Un examen plus détaillé du naturel et de l’organisation de cet animal, que plusieurs naturalistes ont regardé comme un rat, plutôt que comme un écureuil, décidera la question que nous ne pouvons point encore ré- Re 00 OT RGO TT UE . (1) Voyez la tête de ces derniers dans le vol. IX de ces Mémoires, pag. 302, et pi- 15. 122 _ REcHERCHES soudre. En attendant nous pouvons faire remarquer que, par ce que l’on connoiït de ses mœurs, il s'éloigne déjà sensible- ment des écureuils proprement dits. M. Leschenault nous apprend qu'il ne se tient guère qu'auprès des habitations, qu'il se plait sur les toits, les murailles, dans les trous des- quelles la femelle dépose ses petits, qu’il cause de nombreux dégâts dans les vergers , dont il mange également de tous les fruits , et qu’il vient même jusque dans les appartemens ramasser les miettes qui tombent des tables, etc., etc. D'un autre côté la distribution de son pelage, son mode de colo- ration, le rapprochent beaucoup plus aussi des tamias que des écureuils proprement dits, etilseroit curieux de voir jusqu'à quel point les autres écureuils rayés confirmeroient ce rap- prochement. On sait que Rai jugeoit qu’on ne devoit faire de tous qu’une seule espèce. Après les tamias, les espèces qui nous présentent dans les formes et les proportions des différentes parties de la tête les caractères les plus remarquables, ceux qui font le plus d’ex- ception aux caractères des têtes d’écureuil sont les guerlin- guets. Chez eux les frontaux , dans leur partie moyenne, sont profondément déprimés, d'où il résulte que leur partie pos- térieure se relève, et donne à la capacité cérébrale des dimen- sions remarquables par son étendue, car elle est suivie de l'élévation proportionnelle des pariétaux et des occipitaux. Chez les tamias et les écureuils la largeur des frontaux est à leur longueur à peu près dans les mêmes rapports, celle-ci surpasse beaucoup l’autre. Les guerlinguets ont au contraire ces os d’une largeur égale à leur longueur, et le cerveau occupe presque les deux tiers de la longueur de la tête, SUR LES RAPPORTS DES EcurEuILs. 123 Ce sont ces grandes différences, jointes à celles qui les dis- tinguoient déjà, et dont nous venons de parler au sujet des tamias, ou que nous avons rappelées plus haut, qui nous ont déterminé à considérer ces animaux d’une manière tout-à-fait distincte, et à leur donner la dénomination générique de M4- CROXUS. Mais ces formes organiques des guerlinguets ne sont pas particulières à l'Amérique, comme ces animaux auroient pu le faire penser; elles appartiennent aussi à l'Asie méridionale; car ces écureuils, que les Malais désignent par les noms com- muns de foupe (1), toupaie, toupaya, sont des macroxus dans toute la généralité que nous donnons à cette expression. Cette similitude d'organisation entre des animaux de con- trées si éloignées vient ajouter encore de la considération aux motifs que nous avons eus de faire une étude plus particulière des rapports qui existent entre les écureuils. En effet , un des sujets de recherches les plus importans par les vues nouvelles auxquelles il conduit et par les résultats qu’il promet, ce sont les rapports de formes des organes avec les différentes régions de la terre; mais pour tirer de ces recherches de justes con- séquences, il faut ne pas confondre des modes organiques différens sous la même dénomination générique, et les formes organiques qui caractérisent les macroxus paroissent être du même ordre que celles qui caractérisent les écureuils : (1) On sait que les Malais réunissent sous cette dénomination des écureuils et des inseclivores que M. Diard nous a fait le premier connaître. Depuis longtemps Valantin nous avoit appris qu'il existoit à Java des animaux nommés Tours, mais on n’en avoit pas reconnu la nature. Il est aujourd’hui bien évident qu’il entendoit parler des insectivores, des cladobates. Sorex-glis Diard. 124 Recnencnes les uns et les autres conservent leurs traits distinctifs sous les mèmes influences, malgré leur grande diversité. Ces animaux nous paroissent devoir se rapprocher des ta- mias, parce qu'ils nous semblent moins propres à vivre sur les arbres que les écureuils. En effet, leur queue ronde n’a point, comme la queue distique des premiers, la propriété de les soutenir en l'air, de retarder leur chute et d'étendre leur saut; c’est un accessoire aux organes de mouvement qui leur manque , et cette circonstance doit exercer sur leur genre de vie une influence notable. . Les écureuils proprement dits, qui terminent la série des écureuils à membres libres, forment un groupe nombreux, non moins bien caractérisé par les formes de la tête que par les autres parties de l’organisation. Ces animaux présentent , à la partie antérieure de leur tête, vue de profil, une ligne à peu près droite qui commence à prendre une légère courbure à la partie moyenne des frontaux, courbure qui s’accroît tout à coup pour descendre à la région occipitale. La dépression dont nous avons parlé au sujet des macroxus n'existe plus, ni la saillie de la partie postérieure des frontaux : quant au cerveau, il occupe, comme celui du groupe précédent, près des deux tiers de la longueur de la tête. Toutes les espèces de ce genre, tous les élémens de ce terme général sont intimement unis; ils nous présentent cependant quelques différences d’un ordre plus élevé que celles qui caractérisent communément les espèces, et je dois surtout les faire remarquer, parce qu’elles semblent se rattacher à des contrées particulières, à des influences de nature différente. Ainsi toutes les espèces américaines de ce genre qui nous SUR LES RAPPORTS DES Ecureurzs. 125 sont connues se distinguent de celles d'Europe par des for- mes de têtes plus ramassées, plus trapues; mais ces exceptions sont légères et ne détruisent point l’intime union qui est éta- blie entre ces animaux par leurs ressemblances nombreuses et profondes. Elles sont sans doute en relation avec des pen- chans particuliers, des dispositions instinctives, et une con- noissance plus détaillée de leurs mœurs pourra nous les dé- voiler. Ces animaux nous paroissent lier les groupes précédens à ceux qui suivent, c'est-à-dire les macroxus aux ptéromys, par leur naturel et leurs organes du mouvement. Comme les premiers, ils sont portés à vivre sur les arbres, et ils sautent presque avec la même facilité que les seconds, favorisés par leur queue distique et leurcorps même, qui s’élargissent l’un et l’autre de manière à offrir à l’air une surface très-étendue comparativement à leur poids, ainsi que le fait la membrane des flancs de ces derniers; nouvel exemple qui vient à l'appui de l'opinion qui assimile la queue des animaux aux organes du mouvement. Il ne nous reste plus à parler que des écureuils volans. Jus- ques à présent le polatouche du nord de l'Europe et l’assapan de l'Amérique septentrionale, le taguan et le sagitta des iles de la mer des Indes avoient été réunis, comme nous l’avons dit, sous la dénomination commune de ptéromys, étant re- gardés comme des animaux dont l'organisation étoit sembla- ble, et qui ne différoient les uns des autres que par quelques caractères spécifiques : la grandeur de la taille , la couleur des poils ou l'extension de quelques parties des tégumens. Nous devons à M. Diard d’avoir pu déterminer d’une manière Mém. du. Muséum. t. 10. 17 126 RECHERCHES plus exacte qu’on n’avoit été dans le cas de le faire les carac- tères du taguan, qui sont vraisemblablement aussi ceux du sagitta. Par là nous avons reconnu que cet animal formoit le type d'un genre nouveau auquel nous avons laissé le nom de ptéromys, en donnant celui de sciuroptères au polatouche et à l’assapan. Nous avons fait connoître les dents du taguan dans notre ouvrage sur ces organes considérés comme carac- tères zoologiques; ici nous devons montrer les caractères qui distinguent les têtes des sciuroptères et celles des ptéromys. Le sciuroptère assapan (scëurus volans Lin.), qui me ser- vira d'objet de comparaison avec le ptéromys taguan , nous présente une tête qui, vue de profil, a toute sa partie anté- rieure, jusqu’au milieu des frontaux, c’est-à-dire jusqu'où commence l’encéphale, sur une ligne droite ; le reste suit une ligne courbe très-arquée , de manière que toute la partie occipitale est fortement portée en bas; ces lignes approchent de celles que nous à fait voir l’'écureuil commun, mais elles sont beaucoup plus prononcées : vue de face, cette tête est remarquable par la surface unie de ses frontaux, dont la largeur est à la longueur comme un est à deux, ses pariétaux et ses temporaux trés-bombés, et la capacité cérébrale que la cour- bure de ces os produit. Cette capacité remplit les trois cin-- quièmes de la longueur de la tête. Le ptéromys taguan a la partie postérieure de ses nasaux un peu bombée, et ses frontaux sont fortement déprimés dans leur milieu ; ils se relèvent légèrement ensuite, et les parties postérieures de la tête ne commencent à se courber en bas d'une manière un peu sensible qu’à parür du milieu des pa- riétaux. SUR LES RAPPORTS DES ÉCUREUILS. 127 La largeur des frontaux est à leur longueur comme deux sont à trois, et ils se relèvent aussi de chaque côté au-dessus des orbites; les pariétaux sont médiocrement convexes; aussi la capacité cérébrale est bien moins étendue chez le taguan que chez l’assapan; elle naît à peine vers le milieu des frontaux, et ne remplit guère que la moitié de la longueur de la tête. Nous rapprochons les sciuroptères des écureuils, à cause des ressemblances qui existent entre les formes de leurs dents et de leurs têtes, caractères qui en éloignent le préromys. Les observations contenues dans ce mémoire changent peu de chose, comme nous l'avons dit, au fonds des idées qu'on avoit sur les animaux réunis sous la dénomination commune d’écureuils ; seulement elles les étendent, leur donnent plus de précision, et confirment la distinction qu’on avoit faite de ces rongeurs en plusieurs groupes ; distinction qu’on n’osa d'abord en quelque sorte qu’indiquer et qu'aucun nom ne consacroit. Lorsqu'on examine les caractères sur lesquels ont été fondés la plupart des genres parmi les rongeurs, on a lieu d’être surpris de cette réserve à nommer des genres nettement caractérisés, réserve que ne commandoient pas plus les règles que les exemples. Sans doute toute réunion générique doit avoir pour objet l'avantage manifeste de la science; et dès qu’elle remplit cette condition, elle doit être admise. Car il est certain que toute réunion d’espèces, lorsqu'elle ne rompt point les rapports naturels des êtres, mais les établit, favorise et soutient les efforts de l'intelligence, enrichit la science, la féconde et la fait marcher avec certitude à son perfectionnement. 27 128 RECRERCHES SUR LES RAPPORTS DES ECUREUILS. EXPLICATION DES FIGURES DE LA PLANCHE X (1). Fic. 1. Tête de Tamia. — a. Vue de profil. — b. Vue de face. Fic. 2. Tête du Palmiste. — a. Vue de profil. — b. Vue de face. 3. Tête de Macroxus. — a. Vue de profil. — b. Vue de face. Fic. 4. Tête d'Écureuil. — a. Vue de profil. — b. Vue de face. 5. Tête de Sciuroptère. — a. Vue de profil. — b. Vue de face. .6. Tête de Ptéromys. — a. Vue de profil. — b. Vue de face. LE Pre de LPS cc AN ADN Sn 20 RS (1) C’est à M. Saulnier que je dois les dessins contenus dans cette planche , ainsi que plusieurs des observations de ce Mémoire. A ’ TEÊTES D ECUREUILS. PREMIER MÉMOIRE SUR LE GYNOBASE. Du Gynobase considéré dans les Polypétales(). { Présenté à l'Académie des Sciences le 21 avril 1823.) PAR M. AUGUSTE DE SAINT-HILAIRE. SI Des Ochnacées. L:. plantes de nos climats, dont la corolle est polypétale et les étamines périgynes, ont constamment des styles et des stigmates portés sur leurs ovaires. Cette organisation est aussi la plus commune chez les espèces de la mème classe qui croissent sous les tropiques; cependant, parmi elles ,ontrouve des exceptions en apparence fort remarquables. En effet, au milieu des plantes équinoxiales, il en est quelques unes où l’on voit plusieurs loges entièrement nues et parfaitement distinctes; et ces loges rangées symétriquement sur un ré- ceptacle commun, le plus souvent en forme de colonne, se (1) Comme les collections rapportées du Brésil par M; Auguste de Saint-Hilaire ont été réunies à celles du Muséum , la connoissance des objets qu’elles comprennent intéresse cet établissement d’une manière spéciale, et les observations auxquelles ils ont donné lieutrouveront naturellement leur place dans les Mémoires du Muséum. 130 GYNOBASE. pressent autour d’un style unique porté sur le même récep- tacle. Quelque singuliers que paroissent ces caractères, ils échappèrent long-temps à tous les botanistes : tant il est vrai que c’est pour ainsi dire de nos jours que l’on a commencé à étudier avec attention la structure si importante de l'ovaire et du fruit! M. de Candolle est le premier qui ait fait connoîitre celle que je viens de rappeler, et il a donné le nom de gyno- base au réceptacle commun du style unique et des loges distinctes (Mer. Och. in Ann. Mus., tom. 17, pag. 398). Un petit nombre de traits suflira pour compléter l'excellente description de ce savant auteur. D'après la facilité avec laquelle les loges de l’OcAna et du Gomplia se détachent du réceptacle dans les fleurs dessé- chées, M. de Candolle (1. e., pag. 401) avoit pensé qu’elles étoient articulées sur le gynobase; mais il n’en est réellement pas ainsi. Dans les fleurs fraiches, on voit sans peine qu’il n'existe aucune articulation entre les loges et le gynobase, et qu’étant continus, ils forment un mème ensemble, La position de l’ovule dans l'ovaire offroit des caractères trop importans pour que je ne cherchasse pas à le découvrir chez les plantes à gynobase, lorsque dans le cours de mes voyages j'avois sous les yeux des espèces où existe cet or- gane. J'ai fait l'anatomie de plusieurs Gomphia, et, dans chaque loge, j'ai trouvé ur ovule unique attaché sur le gy- nobase, entre lui et l'enveloppe péricarpique , au point le plus voisin du style, situation que j'ai depuis reconnue sur le sec dans les ovules du genre OcAna. A présent que nous connoissons, parfaitement tous les ca- ractères qui accompagnent le gynobase, il nous sera plus facile GYNOBASE. 131 de réchercher quelle est sa nature; et pour cela nous em- ployerons un moyen qui a toujours réussi aux sectateurs des rapports naturels, celui de la comparaison, moyen qui ré- cemment encore a été recommandé avec tant de raison par un habile observateur. (Zurp. Iconog.) Les ovaires ordinaires chargés d’un ou plusieurs styles, d’un ou plusieurs stigmates, présentent un système complet de vaisseaux nourriciers et de vaisseaux spermatiques; et si, par exemple, dans une Renonculacée à cinq ovaires, j’en re- tranche quatre avec leurs stigmates, celui qui resteroit pour- roit encore être fécondé. Mais si, dans un Gompluia, je sup- prime avec le style quatre des loges distinctes, il n’y aura plus de fécondation pour la loge restante. Le Gomphia ne présente donc qu’un système commun de fécondation pour les cinq loges, ou, pour mieux dire, pour leurs cinq ovules, et, par conséquent, quoique distinctes, ces loges ne forment qu'un ovaire. Puisque dans ce genre, eten général toutesles OcAnacées, je trouve un style unique et cinq loges distinctes, 1l est bien évident que ceux des ovaires ordinaires avec lesquels l'ovaire gynobasique aura le plus d’analogie, présentera également des loges séparées par autant de cloisons, et qu'il sera sur- monté d’un seul style. Un ovaire ainsi organisé est tra- versé au-dessus du style par un axe vertical auquel se ratta- chent les cloisons, qui se compose de tissu cellulaire et de vaisseaux spermatiques et nourriciers, et auquel les ovules sont fixés dans l’angle interne des loges. Or dans l'ovaire gynobasique, le style, les loges et les ovules se rattachent au gynobase, comme ailleurs ces mêmes parties se rattachent à 432 GYNoBASE. l'axe central ou columelle ; les vaisseaux nourriciers, arrivant de la base de la fleur, doivent nécessairement traverser le gynobase pour parvenir aux ovules; les vaisseaux sperma- tiques venant du style doivent le traverser aussi, comme ailleurs les uns et les autres traversent l’axe central; donc le gynobase remplit les fonctions de cet organe, ou, pour mieux dire, un gynobase n'est autre chose qu'un axe central déprimé. Il est des ovaires parfaitement arrondis, d’autres où se des- sinent des lobes, d’autres enfin, tels que celui du Correa et du nouveau genre Æ/rneidea , où les loges entièrement dis- tinctes se rattachent à un axe vertical, sans adhérer entre elles. S'il m'est permis de supposer un instant qu'un de ces derniers ovaires soit composé d’une matière molle et duc- tle, et que, poussant le style vers la base de la fleur, je puisse refouler l'axe central; peu à peu on le verra s’étaler, les loges de l'ovaire s'inclineront et deviendront horizontales; enfin, j'aurai un gynobase chargé du style et de loges distinctes ; et si les loges renfermoient un ovule unique et suspendu, cet ovule se trouvera, comme dans le Gomphia, attaché sur le gynobase au point le plus voisin du style. D'après ce qui précède, je ne saurois dire, avec M. de Candolle, que le gynobase est un péricarpe charnu placé au- dessous des loges, puisque je retrouve dans les loges le véri- table péricarpe, et la columelle dans le gynobase. Mais M. de Candolle vouloit prouver que le gynobase, le style et les loges forment un pistil unique; et celui qui annonce une vérité nouvelle, se sert quelquefois d'expressions un peu outrées, pour faire sentir cette vérité plus fortement à ses GYNoBASE. 133 lecteurs. Il est évident d’ailleurs que, dans la réalité, l'opinion de l’auteur du Sys/ema ne diffère point de la mienne, puis- que non-seulement il considère les quatre ou cinq loges des Ochnacées comme un ovaire unique, mais qu'il dit positi- vement (1. c., pag. 4o1), que le gynobase doit être traversé par les vaisseaux qui vont du stigmate aux ovules, caractère qui, quand il existe plusieurs loges, ne sauroit appartenir qu'à un axe central. L'auteur élégant et profond des ÉZémens de physiologie végétale s'est aussi exprimé à peu près de la même manière que moi sur la nature du gynobase. Il dit en effet (pag. 341) que le pistil gynobasique pourroit être considéré comme un péricarpe régulier dont l’axe central, surmonté du style, se seroit affaissé; et si l’on ne doit point appliquer le mot d’o- vaire, comme l’a fait le même écrivain (pag. 225), aux loges des Ochnacées, ce que cette expression a d’inexact se trouve atténuée par la phrase remarquable que j'ai citée plus haut. Mais l'observation va démontrer aussi ce que le raison- nement a déjà prouvé, ce me semble, jusqu’à la dernière évidence. En traversant ces bois nains qu’on appelle carascos, et qui sont si communs dans le district de Minas-Novas, j'y avois souvent remarqué un joli Gomrphia que j'appelle oLæ- folie , et dont les rameaux portent à leur extrémité de belles panicules de fleurs d’un jaune doré. Vers le lieu appelé S.-Bartholomeo , je crus que cette espèce avoit entièrement disparu; cependant j’observois un grand nombre d’arbris- seaux absolument semblables à elle pour le port et le feuil- lage; mais au lieu d’y trouver des panicules pareilles à celles Mérn. du Muséum. :. 10. 18 134 GYNOBASE. du G. oleæfolia, je remarquai que les rameaux étoient ter- minés par une touffe serrée de branches menues qui, partant à peu près d’un même point, présentoient une espèce d’ombelle ou de corymbe. Ces branches étoient revêtues de petites bractées embriquées, ovales-aiguës, striées, pubescentes, et, de l’aisselle de ces dernières, il naissoit des bourgeons ou quelquefois des fleurs infiniment plus petites que celles du G. oleæfolia. Le calice, les pétales, les étamines, le style, étoient absolument ceux de tous les Gomphia; mais les lobes de l'ovaire, au lieu d’être distincts, étoient simplement très-divisés, ils se rattachoiïent tous à un axe vertical terminé par le style, et enfin l’ovule, fort petit, étoit fixé dans l'angle interne de la loge. Ne retrouvant plus ici les carac- tères attribués à la famille des Ochnacées, et n'étant point encore assez familiarisé avec l’extrème mobilité de l’or- ganisation végétale, j'allois, je le confesse, considérer une simple monstruosité comme une espèce particulière, lors- qu'enfin ayant trouvé sur un seul pied des corymbes tels que je les ai décrits, et des panicules absolament sem- blables à celles du Gompluia oleæfolia, 1 me fut démontré que ma plante n’étoit autre chose que cette dernière espèce. Voilà donc dans un mème individu des loges et un style qui se rattachent tantôt à un axe vertical, ét tantôt à un gyno- base; donc celui-ci n’est qu'un axe véritable; mais cet axe est déprimé au lieu d’être vertical. $ IL. Des Simaroubées; des Rutacées proprement dites, et des Cuspariées. Le principal but de M. de Candolle, dans son mémoire sur GYNOBASE. 139 les Ochnacées, étoit de faire connoître les caractères de cette famille, et les espèces qui lui appartiennent. Ce but il la rempli avec le talent qui le distingue. Recherchant ensuite les rapports des genres OcAna et Gomphia , il crut leur en trouver avec un autre groupe, celui des Ssnaroubées, déjà légèrement indiqué par l'illustre Richard (47. fr. 21), et il consacra quelques pages à ces dernières plantes. Mais M. De- candolle n’observoit les Sraroubées que par occasion, et avoit sous les yeux des échantillons secs; il voyoit dans ces plantes un style en apparence unique, un réceptacle en forme de colonne, chargé de cinq loges parfaitement distinctes; il étoit bien naturel qu’il conclût de Jà que le pistil des Sina- roubées étoit organisé comme celui des Ochnacées. W n’en est cependant pas ainsi, comme je n’en suis convaincu par l'analyse des fleurs de quatre nouvelles espèces de Sinaba que j'ai observées dans mes voyages; mes S’maba suaveo- lens , trichilioides , ferruginea et floribunda. Tous les quatre présentent, au centre de la fleur, un ré- ceptacle long de deux lignes, qui ressemble absolument au gynobase des Ochnacées, et qui est aussi chargé de cinq loges libres et entièrement distinctes. Mais ici, et c’est une différence bien importante, le style n’est point inséré entre les loges et sur le même réceptacle qu’elles ; chaque loge au contraire porte à son sommet un style particulier, et ces cinq styles, se dirigeant obliquement vers le centre de la fleur, se rencontrent bientôt, se soudent, et n’en forment plus qu'un seul qui se divise de nouveau, tout-à-fait au sommet, en cinq branches extrèmement petites, stigmatiques à leur face. L'o- vule unique n’est point attaché au fond de l'ovaire; en rapport 18* 136 GYNOBASE. avec la position du style, il est suspendu immédiatement au- dessous du sommet de la loge, à l’angle du péricarpe qui re- garde le centre de la fleur. D'après tout ce qui précède, il est bien clair que, dans mes quatre S’naroubées, chaque loge munie d’un style particu- lier et renfermant un ovule pariétal, doit présenter un sys- ème complet de vaisseaux nourriciers et spermatiques, indé- pendant de celui des quatre autres loges. Donc il existe ici cinq ovaires parfaitement distincts, et non, comme dans les Ochnacées, un ovaire unique dont les loges se rattachent à un système commun ; donc enfin nous n'avons point ici de gynobase. Si par conséquent les Ochnacées, comme on le verra bientôt, ont des rapports réels avec les Sraroubées, ce n'est point immédiatement par la structure de leurs organes femelles, et dans le cas où lon croiroit, à l'exemple de M. de Candolle, devoir former une classe particulière de plantes à ovaire gynobasique (Théor. p. 245), il faudroit en exclure les Snaroubées. Je ne suis pas le seul au reste qui ait vu dans les Snarou- bées les caractères que je viens de décrire. Aublet dit positi- vement que l'Æruba guayanensis (Guy., pag. 194), a trois styles réunis en un seul, et tout le monde sait que cette plante n'est autre chose que le S’naba guayanensis(]. c., pag. 862). Il va plus loin encore en décrivantle S#narouba amara, puis- qu'il lui attribue cinq ovaires surmontés chacun d’un style, et il ajoute ensuite que les cinq styles semblent n’en former qu'un seul. Mon savant ami, M. C. Kunth, ne s’est point exprimé d'une manière aussi précise dans sa description du Saba orinocensis (Nov. gen. vol., pag. 18); mais la figure où il GYNOBASE. 157 tracé l’intérieur de l'ovaire chez cette dernière plante, offre, comme dans mes espèces, un ovule unique suspendu dans sa loge un peu au-dessous du sommet de lovaire, et celui-ci est également chargé de la base de son style. J’ai été curieux de savoir si ces caractères se retrouve- roient aussi dans le Quassia amara, premier type du groupe des Synaroubées, et voici ce que j'ai observé. Un réceptacle court, épais, presque cylindrique, porte cinq ovaires très- rapprochés, mais qui n’adhèrent par aucun point, et pré- sentent, comme ceux de mon Saba floribunda, trois côtés dont les deux latéraux planes et l'extérieur convexe. Celui-ci est en outre relevé d’une côte qui devient d'autant plus sen- sible qu’elle se rapproche davantage du sommet de l'ovaire, et qui se prolonge en un style oblique (r). Ce style se ren- contre presque aussitôt avec les quatre autres, et tous ensem- ble n’en forment plus qu'un seul à cinq côtes. Chaque ovaire contient un ovule oblong et elliptique, qui est suspendu dans l'angle interne un peu au-dessous du sommet de la loge, et le cordon ombilical se rattache au tiers de la longueur de cet ovule. Cette organisation est celle de mes snaba floribunda , ferruginea, etc., et enfin, comme je m’en suis convaincu par une analyse attentive, elle est celle du Saba guayanensis, type du genre Saba. Doncil est actuellement démontré que les S'maroubées se caractérisent par l'existence d'un récep- - (1) Cette observation est favorable à l’opinion des observateurs qui ont pensé qu’un péricarpe 1-loc. 1-valve représentoit une feuille. Ils en verroient la nervure moyenne dans la côte que je viens de décrire, et le style seroit le prolongement de cette nervure. c 138 GYNOBASE. tacle en forme de colonne qui porte des ovaires distincts, uriloculaires et monospermes ; par celle d'un nombre de styles égal à celui des ovaires, et bientôt réunis en un seul; par la suspension des ovules, et enfin par l'absence totale du gynobase. Mais sil n’y a point de gynobase dans les $Sznaroubées , que sera cette colonne qui porte les ovaires ? Il n'est, je crois, aucun botaniste qui ne puisse répondre à cette question. Tous savent en effet que le réceptacle de la fleur, se prolongeant au-dessus de la base du calice, emporte quelquefois avec lui la corolle, les étamines et les ovaires ; quelquefois seulement les organes sexuels, et quelquefois encore les pistils sans les étamines et la corolle; ils savent aussi que quelquelois ce réceptacle prolongé se dilate en forme de coupe dans la parue chargée des étamines, et enfin qu'il éprouve une foule de modifications, suivant les genres et les espèces. La colonne centrale des Sraroubées, portant les ovaires, et intermé- diaire entre eux et la base du calice, ne peut ètre évidem- ment aussi qu'une portion prolongée du réceptacle, et on l'appellera, si l’on veut, un gyrophore. Je propose ici d’employerce mot, parce qu'il a été adopté dans la première édition de la Théorie élémentaire de M. de Candolle, dans les É/émens de M. Mirbel, ceux de M. Ri- chard fils, et que ces auteurs l'ont très-bien défini. Mais on sait qu'il a été imaginé, surtout par les botanistes du Nord, une foule d’autres expressions pour désigner le prolongement du réceptacle de la fleur. Plusieurs sont absolument synony- mes; d’autres désignent les diverses modifications du récep- tacle prolongé : ainsi un terme indique le prolongement quand GyNosasr. 139 il n’est chargé que des organes femelles ; un autre quand il ne porte que les organes mäles, comme cela peut arriver dans les fleurs unisexuelles; un autre terme doit représenter le gynophore; lorsqu'il éprouve une dilatation latérale, etc.; et de là les mots zécaphore, basigyne, polyphore, torus, gynophore, etc. Mais si l’on veut s'amuser un instant à con- sidérer, comme autant d’entre-nœuds raccourcis, les espaces étroits qui se trouvent entre les verticilles dont se compose la fleur, on ne sera assurément pas tenté d'imaginer des ex- pressions différentes pour peindre le plus ou moins de lon- gueur que ces légers intervalles sont susceptibles de prendre. Si, rejetant de telles considérations, on regarde simplement comme une dilatation du réceptacle, cette colonne qui élève au-dessus du calice les diverses parties de la fleur, quelle uti- lité trouvera-t-on à indiquer par des mots étrangers à notre langue, les différentes nuances de la dilatation, suivant que se faisant sentir plus ou moins près des parois du calice, elle emporte seulement le pistil, ou qu'elle emporte encore la corolle et les étamines ? Il n’est pas même nécessaire, ce me semble, d’avoir un mot particulier pour désigner le prolon- gement du réceptacle, quand il ne porte que les organes mà- les, parce que cela n’arrive que par l’avortement des organes femelles souvent remplacés par un rudiment; et lors même que, par une métamorphose extraordinaire, je trouverois, comme dans les fleurs mäles de plusieurs Croton du Brésil, une étamine centrale, je ne verrois pas encore de raison pour employer un autre mot que celui de gyrophore , parce que je sais fort bien que cette étamine ne fait qu'occuper la place d’un ovaire. Le réceptacle dilaté dans la fleur, l'axe cen- 1/0 GYNoBASE. tral déprimé dans l'ovaire, sont deux modifications assez re- marquables pour qu’on les désigne par des expressions dis- ünctes; ainsi adoptons pour la première le mot de gyrophore, et pour la seconde celle de gyrobase ; mais évitons de con- sacrer tant de termes divers pour peindre des modifications d'un organe qui n’est lui-même qu’une modification. Privé pendant long-temps du secours des livres, peut-être me suis- je attaché trop exclusivement à la terminologie qui avoit fait l’objet de mes premières études botaniques et qui s’étoit gravée dans ma mémoire, Si je n’éprouvois ce doute, je me joindrois ici à un habile Iconographe; et, comme lui, je fe- rois des vœux pour qu'on mette des bornes à l’accroissement des termes botaniques; j’essaierois de montrer que celui qui cherche dans la connoissance des végétaux un noble délasse- ment, rebuté par l'aspect ténébreux d’une science d'initiés, repoussera une étude aimable qu'il auroit peut-être cultivée avec quelque succès; je montrerois qu'en s’éloignant à peine du langage vulgaire, les Lamarck, les Desfontaines, les Smith n'ont pas été moins-clairs, moins vrais, moins élégans; je fe- rois voir combien M. Charles Kunth s’est peu écarté de la terminologie linnéenne, et cependant il est entré dans les dé- tails les plus délicats, il a tout vu, tout décrit avec exactitude. Mais je ne prolongerai pas davantage cette digression. Je reviens à mon sujet, et je dirai quelques mots du podogyne , autre modification, qu’on a coutume de définir avec le gy- nophore et le gynobase. C’est mieux faire connoitre un or- gane que de déterminer la nature de ceux qui l'avoisinent. Tout le monde sait que certains ovaires, tels que ceux d’un grandnombre de Légrmineuses, sont portés par une sorte de GYNOBASE. 14r pédicelle grêle; c’est là cette partie de la fleur que l’on à appelée podogyne , qui a été définie comme étant un rétré- cissement de l'ovaire, et qu’on a recommandé de ne pas con- fondre avec le gynobase et le gynophore. Il est bien clair que le podogyne n’est pas un axe central déprimé , et que , par conséquent , ce n’est point un gynobase. J’avouerai que, trompé par la définition que je viens de rappeler, j'ai cru pendant quelque temps que le podogyne différoit réellement aussi du gynophore ; mais voici ce que la réflexion doit néces- sairement suggérer. La végétation s'opère de bas en haut, et c'est par conséquent dans ce sens que nous devons considérer les plantes. Le podogyne se trouve au-dessous de l’ovaire; ainsi il n’en est point un rétrécissement, car un corps ne sauroit se rétrécir qu'au-dessus du point où il commence, et il n’est personne qui voulût appeler le pédoncule un rétrécissement de la fleur. Le podogyne est, comme le gynophore, continu avec le réceptacle ; comme lui il est intermédiaire entre le réceptacle et l'ovaire; comme lui enfin il supporte le péri- carpe, et puisqu'il a toutes les qualités du gynophore, il ne sauroit être autre chose que le gynopliore lui-même. Or, puisque l’on trouve tous les intermédiaires entre les gyno- phores les plus épais et les plus grêles, il est clair qu'il vaut mieux, comme nous faisons pour la feuille et la corolle, peindre ces nuances légères par des épithètes que par des mots distincts qu'il faudroit multiplier à l'infini ; et par con- séquent il sera convenable, si je ne me trompe, de reléguer avec tant d’autres, l'expression de podogyne, parmi les sy- nonymes du mot gynophore. Souvent, à la vérité, legynophore proprement dit est arti- Mém. du Muséum. t. 10. 19 142 GYNOBASE. culé avec l'ovaire, pendant que dans les plantes où l’on a si- gnalé un podogyne, il n’y a point ordinairement d’articulation entre lui et le pistil; mais le pédoncule est assurément bien différent du calice, et pourtant il arrive assez rarement qu’il y ait une articulation immédiate entre lui et la fleur, tandis que quelquefois l'on voit une articulation dans le milieu même du pédoncule. Le support des ni de l'Æelicteres , fort long et extrèmement grêle, porte à son sommet les éta- mines, et souvent un second rang de pétales bien distincts; ce seroit donc un gynophore; cependant il n'existe aucune articulation entre lui et les ovaires, et il persiste encore aprés la maturité (1). Cependant, dira-t-on, si la colonne qui porte les ovaires des Sznaroubées est un gynophore, et celle qui soutient le pistil unique des Ochnacées un gynobase, comment se fait-il que deux modifications d’organes aussi différens se présentent absolument sous le même aspect ? On a vu que dans les OcAnacées l'ovule étoit inséré sur le sommet de la colonne au point le plus voisin du style; par conséquent il suflit que les vaisseaux spermatiques rampent sous la surface de la colonne dans une foible épaisseur. Tout ce qui est au- dessous de cette surface gynobasique, étant aussi peu parcouru par les conducteurs que le gynophore des Ssnaroubées , n’ap- partiendra évidemment point au gynobase ; ce sera un véri- table gynophore; et ainsi 2ous n'aurons dans les Simarou- (1) L'examen fait sur le frais des espèces brasiliennes m’a convaincu que les élamines et le second rang de pétales naissaient au-dessous des ovaires et non = comme on pourroit le supposer, du fond du calice, cas où il faudroit que le gyno- phore fût entouré d’un long tube qui dans la réalité n’existe point. GYNOBASE. 143 bées qu'un gynophore, et chez les Ochnacées nous aurons un gynophore et de plus un gynobase, ou si l’on veut, dans ces dernières, le sommet dugynophore servira de gynobase. Ceci est tellement vrai que, dans la monstruosité du Gomphia oleæfolia que j'ai citée plus haut, et où il n'existe point de gynobase, mais un axe vertical, l'ovaire est cependant soutenu par une colonne. Il y a plus encore : la limite des deux mo- difications d'organes peut se reconnoitre après la chute de la corolle dans une autre Gornphia de la Flore du Brésil, car la partie inférieure et la plus considérable de la colonne ÿ con- serve la figure d’une pyramide renversée, et la partie su- périeure se dilate en forme de boule. M. de Candolle a énuméré avec beaucoup d'exactitude et de précision les diflérences qu'il avoit trouvées entre le groupe des Ochnacées et celui des S’naroubées ; mais il en est quelques-unes que de nouvelles observations font dispa- roitre. Ainsi les Sz2aroubées que j'ai trouvées dans mes voya- ges, mes quatre Saba etmon Snarouba versicolor (1) sont toutes d’une extrême amertume, mais leur suc propre n’est point laiteux, et par conséquent ce caractère ne sauroit être assigné au groupe tout entier. Mes Synaroubées et celles de M. de Humboldt ont leur ovaire 1-sperme comme le sont les loges des Oc/nacées. Enfin la différence de la position (1) Je donnerai ailleurs la description de cette espece remarquable qui est commune dans les déserts de la capitainerie des Mines, voisins du Rio de S. Francisco, et porte dans le pays le nom de Paraiïba. Elle se distingue principale- ment par ses feuilles pennées dont les folioles sont elliptiques, oblongues, très- obtuses , échancrées, et dont la nervure moyenne est pubescente ; par ses panicules lâches et terminales , enfin par ses étamines au nombre de dix. 10% 144 GYNOBASE. de l'embryon par rapport au fruit est sans aucune valeur, puisque dans la réalité l’ovule est également suspendu dans les Ochnacées et les Simaroubées, et que laradicule y aboutit également à l’ombilic; ce qui, soit dit en passant, confirme encore ce principe si bien démontré par l'illustre Richard , savoir, qu'il fant considérer l'embryon dans la graine, la se- mence dans le fruit, ou, pour mieux dire, l’ovule dans l’o- vaire, et que la distinction de radicule supérieure et inférieure ne peut souvent qu'amener des erreurs. Mais les nouveaux rapports que je viens d'indiquer entre les Ochnacées et les Simaroubées sont, je crois, bien plus que compensés par l'existence d’un seul pistil gynobasique dans le premier de ces groupes, et celle de plusieurs ovaires distincts et munis de leur style chez les Sémaroubées. M. de Candolle demande, dans son mémoire , s’il faudra les consi- dérer comme des sections d’une même famille ou comme deux groupes distincts. C’est pour ce dernier parti qu'il s’est décidé depuis ; son exemple a été suivi par M. de Jussieu (in Mirb. elem., p. 836), et il est évident, d’après tont ce qui précède, que je n’hésiterai pas à me ranger de l'opinion de ces savans illustres. Au reste, si mes observations éloignent davantage les Ocz- nacées des Simaroubées , elles rapprochent siugulièrement celles-ci d’une famille déjà indiquée comme en étant voisine. En effet, ce n’est pas seulement dans les Simaroubées que je trouve des ovaires parfaitement distincts et un nombre égal de styles qui, naissant de leur sommet, se soudent presque aussitôt en un style unique. J’ai reconnu sur le frais ce carac- tère singulier dans six plantes qui appartiennent à ces Rutacées GYNoOBASE. 145 anomales , dont l’illustre Brown a signalé le premier la véri- table place (Gen. rem.), et que M. de Candolle vient de nous faire connoître avec plus de détails sous le nom de Cuspa- riées (Mém. Mus. vol. 10). Il y a plus : j'ai observé la même organisation et avec un gynophore dans toutes les espèces d’un genre qui appartient aux /ufacées régulières, le Prlocarpus ramosa, Wahl, mes Prlocarpus spicata etpauciflora, plantes nouvelles du Brésil, et une autre espèce nouvelle de la flore de Cayenne. Enfin je trouve également dans les £riostemon un gynophore peu élevé, et cinq ovaires qui n’ont entre eux aucune soudure et ne se rattachent point à une colamelle cen- trale; qui, quoique très-rapprochés, permettent qu’on passe entre eux la pointe d’une grosse épingle, et qui, au quart ou au tiers de leur longueur, portent chacun un style; ce qui en forme cinq dont la réunion n’en fait bientôt qu’un seul. M. de Jussieu avoit déjà indiqué les rapports des Snarou- bées avec les Rutacées (Gen., p. 282); il avoit fait plus en- core, il avoit placé (Gen., p. 208 ) dans la même section que le Diosma etl’£rnplevrum , V Arube, qui, comme je l'ai dit, n'est queleSzraba. es aflinités n’avoient pas non plus échappé à Cavanilles (Ie. 40), ni à Willdenow, ni à M. de Humboldt (PI. equin. If, p. 6r), et enfin M. de Candolle, croyant de- voir élever les Snaroubées au rang de famille, les a placées auprès des Rutacées. Combien ces mêmes rapports deviennent intimes, à présent que nous retrouvons dans les organes fe- melles des Rutacées et des Simaroubées une structure qui n'appartient guère qu'à ces deux groupes. Mais ce n’est point là que se borne la ressemblance; elle est à peu près la même dans toutes les parties des plantes qui nous occupent. Les 146 GYNOBASE. deux groupes offrent également des tiges arborescentes. Des feuilles composées sont un caractère commun aux $#narou- bées et à un grand nombre de Rutacées. Les premières, j'en conviens, ne présentent ni le port du Driosma, ni celui du Melianthus ; mais les Rutacées n’ont point un port qui leur soit propre: quelle ressemblance de port trouveroit-on, par exemple, entre la Àwe et le Correa, les Zygophyllum et le Dictamus, etmèmele Montera et mon Galipea pentagyna? La forme des fleurs est à peu près la même dans mes Saba trichilioïides et ferruginea , et dans les Galipea pentagyna, heterophylla, ete. Cette écaille qui accompagne les étamines des $maroubées se retrouve dans le Porliera (Ruiz et Pav. F1. per. 44), genre très-voisin des Rutacées, et dans le Aa- putia de la flore de Cayenne (espèce du genre Galipea). Les points transparens qu'on observe dans les feuilles des Ruta- cées n'existent, je l'avoue, ni dans le Quasia, ni dans le $5- maba, ni dans le Sznarouba; cependant les fleurs de mon Szmaba suaveolens sont parsemées de points glanduleux ex- térieurs, et des feuilles marquées de points transparens ne sont point non plus un caractère universel chez les Rutacées, puisque le boës poivrier (Juss. Gen. 374), que personne n’é- loignera de cette famille, est, comme les Snaroubées , entièrement dépourvu de vésicules diaphanes, et il en est de mème du Galipea macrophylla. La saveur amère et les propriétés fébrifuges des Sinaroubées se retrouvent dans le Cortex angusturæ ; elles se retrouvent au degré le plus émi- nent dans mon Ævodia febrifuga, que les Mineiros appellent tres folhas vermelhas, et mon Ticorea febrifuga qu'ils nomment {res folhas brancas. Les Stnaroubées , il est vrai, GynoBAses. 143 n'ont aucun périsperme, et chez les Rutacées lon indique l'embryon comme étant entouré d’un périsperme charnu; mais il n’en existe dans le Moniera qu'une très-petite lame, qui, adhérant au tégument propre; s'enfonce entre les deux divisions du cotylédon intérieur et qui peut facilement échap- per aux recherches; je n’ai découvert aucune trace de péris- perme dans mon Galipea fontanesiana; M. Mikan n’en a pas vu davantage dans le Galipea macrophylla; enfin le Pilocarpus, que sa fleur, son fruit, ses feuilles parsemées de points transparens ne permettent assurément pas de séparer des Rutacées, le Pilocarpus, dis-je, n'offre aucun périsperme, comme Wahl l’avoit déjà décrit, et comme je m'en suis as- suré moi-même par l'analyse soignée de mon Pzlocarpus spi- cata. Des auteurs ont attribué aux Snaroubées des fruits un peu charnus et indéhiscens; mais ce que disent et Gærtner (Fruct., 1, p.340) et Aublet (Guy., 862, 295, 400) prouve que la substance charnue est à peine sensible; Kunth n’a pas craint de donner le nom de coque au fruit des Rutacées et à celui des Snaroubées ; de Candolle aflirme positivement que chez ces dernières-le fruit est déhiscent (Mém. Och. in Ann. Mus., vol. 17, p. 422); Gærtner dit qu’il lui a paru s'ouvrir de lui-même (1. c.), que s’il a des rapports avec la baie, il en a aussi avec la capsule, et qu'il est revêtu intérieurement , comme dans les Rutacées, d'une membrane propre et carti- lagineuse ; enfin, suivant Aublet, les ovaires du Srnarouba (Guy., 862) se changent en capsules, qui, sous une écorce peu charnue , offrent une coque mince et cassante , et les fruits du Saba, ajoute le même auteur, sont secs, minces et capsulaires (Guy. , 295 et 400). 148 GYNOBASE. Si nous résumons à présent l’examen comparatif qui pré+ cède, nous trouverons que presque tous les caractères des Simaroubées, etles plus importans, sont également communs au groupe des Autacées ; qu'un ou deux de ces caractères, moins universellement répandus dans la dernière famille, s'observent cependant chez quelques espèces; enfin que la seule différence réelle se trouve peut-être dans la nature du péricarpe, et que même elle est à peine sensible. Le fruit des Simaroubées formera une nuance entre celui des Ochnacées qui est entièrement charnu et celui des Rutacées parfaitement capsulaire , et c'est avec ce dernier qu'il aura le plus de rapports. Nous rapprocherons nos divisions, autant qu’il est possi- ble, du plan de la nature, si nous convenons que les difé- rens ordres de coupes doivent indiquer différens ordres d'afli- nités ; et puisque nous ne saurions empècher qu'il n'y ait dans nos arrangemens beaucoup d’arbitraire , prenons pour norme l'ouvrage immortel qui le premier a présenté aux bo- tanistes la vaste série des plantes disposées d’après la valeur de leurs rapports, ouvrage qui est encore resté le plus par- fai: de tous ceux qui embrassent l’ensemble des végétaux. Lorsque nous reconnoïtrons entre deux groupes de plantes autant de différences qu'il en existe entre les familles les plus voisines du Genera de Jussieu; que ces groupes soient pour nous des familles; qu'ils soient des tribus, si les rapports sont plus intimes; et enfin des sections, lorsque les différences deviennent encore moins sensibles. Tel est l'esprit qui a dicté Jes règles que M. de Candolle a prescrites (Théor. élément., p.197 et suiv.), et elles seront adoptées, je crois, par tous GYNOBASE. 149 les botanistes qui craindront d'introduire le désordre dans la science. Or puisque nous trouvons réellement beaucoup moins de distance entre les Snaroubées et les Rutacées qu'il n'y en a entre les diverses tribus des Rosacées, entre les Po- tentilles et les Amygdalées, par exemple, nous ne verrons plus dans les S’raroubées qu'une simple tribu du groupe des Rutacées. En isolant davantage les Ochnacées, je suis bien loin de prétendre qu’elles n'aient point de rapportsavec les Rutacées. La présence constante du gynobase, l'existence d’un fruit charnu, celle des stipules, un port particulier, en font une famille distincte ; mais où placeroit-on cette famille si, s’écar- tant de la manière de voir parfaitement juste de M. de Can- dolle, on ne la mettoit auprès des Rufacées ? Toutes celles-ci n'ont pas, comme la tribu entière des Snaroubées , beau- coup de Cuspariées, le Pilocarpus et Ÿ Ériostemon , cinq ovaires placés sur un gynophore, et surmontés d'autant de styles bientôt réunis en un seul. J’observe dans le Correa alba un gynophore plane, épais, à dix crénelures, et un seul ovaire en apparence globuleux, mais qui, débarrassé des poils qui le couvrent, montre quatre lobes un peu adhérens tout- à-fait à la base, et d’ailleurs parfaitement distincts jusqu’à l'axe qui est surmonté du style. Or, j'ai également trouvé dans l'Ochnacée que j'ai déjà citée, et qui étoit devenue mons- trueuse, un gynophore et des lobes distincts rangés autour d’un axe vertical terminé par le style. Donc les Ochnacées, comme l’a dit M. de Candolle, ont un grand rapport avec les Rutacées , puisqu’un léger degré d’affoiblissement, qui n’ap- partient pas toujours à toutes les fleurs d’un même individu, Mém. du Muséum. t. 10. 20 150 GYNOBASE. fait du pistil d’une OcAnacée celui d’une Rutacée.N 3 à quel- que chose à ajouter encore. Les lobes de l'ovaire du Drosma ne sont pas à la vérité séparés jusqu'à l'axe; mais cet axe ne commence point au sommet géométrique de l'ovaire; ses trois lobes se terminent par une pointe libre, et par conséquent voilà déjà ici une légère ébauche d’un commencement de dé- pression dans l'axe, dépression qui, comme nous l'avons dit, constitue le gynobase. La dépression va beaucoup plus loin encore chez le Dictamus et chez les Ruta que j'ai soumis à l'examen, puisque l’axe n’y occupe que le tiers ou mème le quart inférieur des lobes d’ailleurs parfaitement libres; et comme cet ovaire est porté sur une courte dilatation du ré- ceptacle de la fleur, il est clair qu'il se nuance avec l'ovaire gynobasique des OcAnacées. Si je considère, dans le pistil seulement, l'ensemble des Zygophyllées, des Ochnacées et des diverses tribus de la fa- mille des Rutacées, je trouve dans les Zy:gophyllées un ovaire, comme ils le sont tous, simple ou lobé, et surmonté de son style; le Diosma présente déjà une dépression dans l'axe; cette dépression est beaucoup plus sensible chez le Dictamus et parmi les Ruta, puisque l'axe n’y a que le tiers ou le quart de la longueur de l'ovaire; et j'arrive ainsi au gynobase un peu conique de quelques OcAracées, puis à celui qui, parfaitement plane, supporte cinq lobesentièrementdistinets. La séparation est presque aussi sensible chez le Correa alba etles Almeidea rubra, lilacina et longifolia N.; mais l'axe reste verticalau lieu d’être déprimé. Le Galipea heterophylla N. présente cinq ovaires; cependant ils sont soudés tout-à-fait au sommet, et ne portent qu'un style. Ceux du Galpea fontanesiana N. sont GYNOBASE. 101 légérement adhérens à l’angle central, et, par une singularité remarquable, leurs styles sont presque libres. Dans tous les Pilocarpus , les cinq ovaires ont leur base enfoncée dans le gy- nophore, et là ils ne forment qu’un tout; plus haut ils restent entièrement libres, et les styles ne sont soudés qu’au-dessous du stigmate. Chez beaucoup de Cuspariées, la tribu entière des Szmaroubées, les Eriostemon , les ovaires sont absolu- ment distincts; ilexiste cinqstyles, mais ceux-ci bientôt se réu- nissent en un seul. Le Gal/pea pentagyna N. offre cinq ovaires un peu soudés tout-à-fait au sommet; mais chacun d’eux porte un style parfaitement libre dans toute sa longueur. Kunth a encore trouvé une légère adhérence dans les styles et les ovaires de quelques Zy;gophyllum(Nov.gen., vol. VI, p- 1); mais enfin la plupart des espèces de ce même genre ont des styles et des ovaires entièrement distincts. Tout ce qui précède n’indiqueroit-il pas que la nature s’est en quelque sorte essayé dans la famille des Rutacées à former d’un seul ovaire multiloculaire, monostylé et symétri- que, plusieurs ovaires uniloculaires, munis chacun d’un style? Et si, comme le pensent MM. de Candolle et Brown, on doit mettre à la tète du règne végétal ces familles où l’on trouve une division bien prononcée dans les organes, et par consé- quent une grande vigueur relative, ne sembleroit-il pas que lon dût ranger après elles, les Rwfacées qui offrent une ébauche de cette séparation d'organes, et présentent un pas- sage de ces familles vigoureuses à celles où la force de déve- loppement ne sauroit aller jusqu’à partager l'ovaire symé- trique en plusieurs ovaires distincts ? On peut tirer de ce qui précède une conséquence plus ri- 30 152 GYNOBASE. goureuse encore,et qui aura plus d'utilité dans la pratique ; c’est qu'un caractère ailleurs si important, la réunion des ovaires et des styles, ou leur séparation, reste absolument sans nulle valeur parmi les Rutacées, puisque, dans cette famille, on observe toutes les nuances intermédiaires entre la réunion et la séparation totale, et que si, par exemple, nous prenons deux genres extrêmement voisins, le 7zcorea et le Galipea, nous trouverons dans le Galipea pentagyna N. cinq ovaires etcinqstyles, et dans les Zcorea longiflora Dec. et jasmint- Jora N., un style simple et un ovaire unique. Donc nous aurons ici une preuve de plus de cette vérité déja annoncée par Magnol, et proclamée de nos jours par MM. Mirbel et de Candolle, savoir, que chaque famille a en quelque sorte ses mœurs particulières, et que les mèmes caractères n’ont point une valeur égale dans les diverses familles. Il ne sera pas inutile, je crois, de profiter des observations qui précèdent, pour examiner si l’on doit établir des divi- sions dans la famille des Rutacées , et sur quels diagnostics il faudra les fonder. Je ne parlerai point de la première section de cette fa- mille, telle qu’on la trouve formée dans leGenera Plantarum, puisqu'on s’est accordé à faire de cette section une famille distincte sous le nom de Zygophyllées, changement qui peut être conservé sans nul inconvénient. Le diagnostic proprement dit de la tribu des Smaroubées se trouvera dans la nature du péricarpe qui, à ce qu'il paroït, est extérieurement fongueux ou un peu charnu , au lieu d’être bien décidément capsulaire, et où probablement l’endocarpe ne se sépare pas aussi nettement que chez les autres Rutacées. « GYNOBASE. 153 Quoiqu’on trouve chez celles-ci des espèces sans points glan- duleux, d’autres sans périsperme, d’autres enfin où plusieurs ovaires distincts, portés sur un gynophore, sont terminés par des styles bientôt réunis en un seul, ces caractères cepen- dant serviront puissamment à distinguer les Ssmaroubées, puisqu'ils paroïssent constans dans toute cette tribu. Sans parler des Cuspariées, M. de Candolle à cru devoir former dans les Rutacées trois sections: les Rutacées propre- ment dites, qu'il borne aux genres Ruta et Piganum; les Diosmées, qui doivent comprendre les genres Drosma, Dic- tamus, Correa , Eriostemon, ete.,etenfinles Zarthoxylées, qui embrassent les genres Zenthoxylum et Aubertra. La pre- mière section se caractériseroit par un gynophore peu saillant, des pores nectarifères sur la base de l'ovaire et des loges poly- spermes ; la deuxième par un gynophore assez sensible, des graines au nombre de une à trois dans chaque loge et un style simple; la troisième par des styles et des ovaires distincts. S'il existe quelque différence dans la hauteur du gynophore entre les plantes de la première et de la seconde section, elle est souvent à peine sensible, et quand elle le seroit da- vantage, ce n’est pas, ce me semble, sur une longueur plus ou moins grande, dans une simple modification d’organe, que l’on peut établir deux tribus différentes. L'on voit, je le sais, des points glanduleux sur la base de l’ovaire du Ruta; mais on en trouve d'à peu près analogues sur le jeune fruit tout entier de plusieurs Drosmées. Dans les espèces de Dios- mées que j'ai observées, j'ai trouvé deux ovules péritropes- ascendans ; M. de Candolle dit qu’il y en a jusqu’à trois, et je me rappelle un Ruwta qui n’en avoit que quatre. Des nuances 154 GYNOBASE. si bien fondues ne permettent aucune coupe, et, d’après ce que j'ai dit plus haut, il est bien évident que la séparation et la réunion des ovaires ne sauroient non plus en fournir. Si nous admettions ces derniers caractères, que ferions-nous de l'Eriostemon et du Prlocarpus, qui ont des ovaires distincts et des styles bientôt soudés? que ferions-nous surtout de mon Zanthoxy lum monogynum qui n’a qu’un seul ovaire, mais où ce dernier uniloculaire, et surmonté d’un style oblique, ue fait autre chose, comme celui du Delphinium ajacis, que représenter la cinquième partie de l'ovaire symétrique des dicotylédones? Ne faudroit-il pas encore éloigner le Z'corea du Galipea, lacérer ce dernier genre, séparer plusieurs Zan- thoxylum de leurs congénères, et rompre enfin les rapports les plus naturels ? Il est bien clair par conséquent que des irois sections dont nous venons de nous occuper, il faut n’en faire qu'une seule dans laquelle la réunion des styles et des ovaires, et la hauteur relative du gynophore fourniront à peine des caractères génériques, mais qui se distinguera par des Jeuilles généralement ponctuées, et par des fleurs régu- lières et sans soudures. Si, en apparence, je m’écarte ici du sentiment de M. de Candolle, c’est cependant ce savant illustre qui, dans la réalité, m'a mis sur la voie pour former la réunion dont j'ai démontré la nécessité; car il avoit déjà reconnu que ses Rutacées pro- prement dites se rapprochoiïent trop de ses Diosmées pour être indiquées comme une famille distincte, et, avec juste rai- son, il avoit jugé convenable de rétablir, pour la famille en- üère, le nom de Rutacées. Je vais plus loin, je l'avoue , que l’auteur du Systema ; mais c’est en suivant la mème ligne; et GYNOBASE. 153 le Nova Genera prouve assez que le savant M. Kunth par- tage mon opinion (vol. 6, pag. 1 et suiv.) (1). Quant aux Cuspariées, on ne sauroit discouvenir qu'il existe quelque intervalle entre ces Rutacéesirrégulières et les autres Lutacées. Pour indiquer cet intervalle, on peut, je pense, adopter la tribu proposée par M. de Candolle, et la famille se trouveroit ainsi partagée en trois tribus diverses, les 5za- roubées , les Rutacées proprement dites, et les Cusparices. Toutes ces dernières n’ont pas à la vérité des pétales sou- dés (2); toutes n’offrent pas des avortemens dans leurs éta- mines (3); toutes n’ont pas une corolle inégale; mais des différentes espèces connues jusqu'à présent, il n’en est aucune qui ne présente l’une ou l’autre de ces anomalies, et ce sera là le véritable diagnostic de la tribu. J'airetrouvé dans dix espèces nouvelles que j'ai disséquées sur le frais, ce godet que M. de Candolle dit avoir été observé autour de l'ovaire des Cuspariées bien connues; et si ce carac- tère n'appartient pas exclusivement à cette tribu, puisqu'il se trouve dans mon Ævodia febrifuga, mes genres Almeidea , Spiranthera et d'autres Rutacées proprement dites, on peut cependant, je crois, l'indiquer comme existant chez toutes les Cuspartées. Celles que j'ai examinées offrent toutes un calice qui se détache de sa base en une seule pièce, et elles offrent encore des étamines à filets aplatis. Dans les dix espèces que je viens no ot a États conne tail 'ébngrcnnes mue mme (1) Il est clair aussi, d'apres la maniere dont s’exprime M. de Candolle, qu'il attachoït peu d'importance aux deux sections que je viens de passer en revue. (2) Ex. : Galipea Candoliana N. (3) Ex. : Ticorea longiflora Dec. 156 GYNoBASE. de citer (mes Z?corea jasminifiora, Galipea heterophy lla , pentagyna,pentandra,candoliana, fontanesiana, macro- phy lla) ,et depuis dans le7?corea longiflora Dec. , j'ai cons- tamment trouvé un ovaire 2-sperme où la position des ovules présente un caractère remarquable et assez rare, signalé pour la première fois par M. Richard dans quelques autres plantes: l'ovule supérieur est ascendant et l'inférieur est suspendu. Je sais qu'on a attribué un ovule unique au Cusparé qui n’est autre chose qu'un Galipea; mais cette indication même tend à prouver que le double mode d’adnexion est général chez les Cuspartiées , car, lorsqu'il a lieu, les ovules sont atta- chés à peu près bout à bout, les ombilics sont alors extrème- ment rapprochés, et, au premier coup-d’œil, les deux ovules semblent n’en former qu'un seul. M. de Candolle (Mém. Mus., vol. 9, p. 146) pense, d’après l'analyse que M. Richard avoit donnée du Moniera dans le Synopsis de Persoon, et d’après l'inspection trompeuse des graines encore imparfaites du 7?corea pedicellata , que Îles Cuspariées ont un périsperme grand et corné. Comme je l'ai déjà dit, je n’ai trouvé dans la semence du Moniera qu’une portion de périsperme si petite qu'elle mérite à peine d’être indiquée, et M. Charles Kunth, qui a décrit cette mème se- mence avec une grande exactitude (Nov. Gen. , vol. 6, p.9), n'indique qu'un embryon nu sous le tégument propre. La radicule est courbée sur un des condylédons; ceux-ci sont »-partites; chez l'un d’entre eux les lobes sont appliqués l’un sur l’autre, et ce cotylédon est, avec la radicule, entièrement enveloppé par le second. Il est clair que M. Richard aura pris, comme cela m’est d’abord arrivé à moi-même, les deux lobes GYNOBASE. 157 du cotylédon intérieur pour deux cotylédons distincts, et le co- tylédon extérieur pour un périsperme : exemple qui met l’ob- servateur en droit de réclamer quelque indulgence, puisque l'homme qui peut-être a poussé le plus loin l'analyse bota- nique, n’a pas toujours été exempt d'erreurs. Dans mon Galipea fontane siana je n’ai pas trouvé la plus légère apparence de périsperme. Les cotylédons sont entiers, fort grands, chiffonnés , prolongés chacun en deux oreillettes qui descendent au-dessous du collet, et l’un des deux enveloppe l'autre, La radicule courte, obtuse, cylindrique, se replie sur le milieu du cotylédon intérieur; elle est enveloppée avec lui par le cotylédon extérieur et aboutit à l’ombilie. Les Cuspa- riées peuvent donc encore se caractériser par l'absence du périsperme. Je retrouve à la vérité la même absence dans les Simaroubees eÿle Pilocarpus ; mais l'embryon est droit chez ces dernières plantes, et par conséquent celui des Cuspariées est bien distingué du leur, puisqu'il offre avec deux coty- lédons cluffonnés, dont l'un enveloppe l’autre , une radi- cule recourbée sur le milieu de l’un d'eux. Sije disois à présent qu'il existedes Rutacées, mes Almeidea rubra , lilacina et longifolia, où le calice se détache en une seule pièce, dont les filets sont aplatis, qui ont autour de l'ovaire un godet cupuliforme, où chaque loge contient deux ovules, l’un suspendu, l’autre ascendant; si je disois que l’en- docarpe, membraneux vers l’ombilic de la graine, et ailleurs crustacé, se détache dans sa partie membraneuse pour rester adhérent à l’ombilic, et y former, comme chez le Montera, un faux arille scutelliforme ; si je disois que ces plantes n’ont point de périsperme, que leurs cotylédons sont grands et chif- Mém. du Muséum. À. 10. 21 158 GYNOBASE. fonnés, que l'un embrasse l’autre, et que la radicule, courbée sur le cotylédon intérieur, se dirige vers l’ombilic; il n’est per- sonne assurément qui, entendant ces détails, n’assurât que les plantesdont il s’agit sont des Cuspariées. Cependant si j'ajoute qu’elles n’offrent ni irrégularité, ni soudure, ni avortement, elles cesseront d’être des Cuspariées , elles deviendront des Rutacées proprement dites. Les Almeidea forment, dans la réalité, le passage des unes aux autres, ils comblent presque l'intervalle qui se trouve entre les deux tribus; mais quoi- qu'en mème temps ils aient plus de rapports avec les Cuspa- riées qu'avec les Rutacées proprement dites, c’est parmi celles-ci qu'il faudra les ranger, et cela parce qu'ils n’ont pas un pétale un peu plus long que les autres, ou parce que la corolle n'offre pas à sa base une légère soudure. Que l’on juge actuellement de telles divisions! Et cependant il en est une multitude qui ne sont pas fondées sur des bases plus so- lides; mais si la nature de notre intelligence exige que nous les conservions, reconnoissons du moins qu'on ne doit y atta- cher qu'une bien foible importance , qu’elles sont l'ouvrage de l’art, et que ce n’est point là ce qui constitue réellement la science, mais bien la connoïssance des faits et celle des rapports. Quoi quil en soit, à présent que nous connoïssons dans les plus grands détails la tribu des Cuspariées , qu’il me soit per- mis de montrer combien elle rattache aux Ruwtacées une fa- mille qui pourtant s’en trouvoit assez éloignée dans le Genera de Jussieu. Comme dans les Cuspariées , on observe chez les Geraniées une tendance remarquable à s'éloigner d’un type régulier; dans les deux groupes une partie des étamines est sujette à avorter; les ovaires deviennent également des co- GyrNosAsr. 159 ques; l'embryon est sans aucun périsperme; la radicule, éga- lement supérieure, se recourbe sur un des cotylédons; enfin dans la Capucine , comme je l'ai déjà signalé il y a long-temps (Mem. Trop. in Ann. Mus., vol. 18, p. 462), et comme je l'ai reconnu depuis dans une espèce de Rio-grande, il existe trois ovaires parfaitement distincts, rangés, comme dans mes Galipea pentagyna et fontanesiana, autour d’un prolonge- ment court et conique du réceptacle, et les styles de ces ovaires sont bientôt réunis en un seul. Ces rapports, au reste, semblent n’avoir pas entièrement échappé à M. de Candolle, car il dit qu’il faut mettre les Oxalidées auprèsdes Zygophyllées, et celles-ci, de l’aveu de tous les botanistes, ne peuvent être éloignées de la famille des Rutacées. On ne peut nier que la forme de la fleur n’établisse aussi quelque rapport entre les Cuspariées etles Méliacées, comme l’avoient pensé et Jussieu et Richard. 11 seroit facile de prou- ver encore que les Rutacées en général et les Cuspariées en particulier, ont également quelques affinités avec les Oran- gers, et ces dernières n’ont pas échappé aux hommes les plus étrangers à la botanique, car les habitans du Brésil donnent tout à la fois le nom de Laranjeira brava (oranger sauvage) à mon Zanthoxylum monogynum, au Ticorea febrifuga et à mon Ævodia febrifuga. Peut-être, en voulant prouver qu’il n’existoit point de gy- nobase chez les Simaroubées , me suis-je quelquefois bien éloigné de mon sujet; mais ceux qui savent combien sont in- sensibles les nuances qui lient les végétaux entre eux, senti- ront qu'il est souvent presque impossible de parler d’un 218 160 GYNOBASE. groupe de plantes sans entrer dans quelques détails sur ceux qui l'avoisinent. S IL Des Malypacées. M. de Candolle a dit que le gynobase existoit chez quel- ques Malvacées ; mais il considéroit comme tel le tubercule central qui, dans le genre Mauve, se trouve au-dessous du style. (Mer. Och. in Ann. Mus. vol. 17, pag. 402.) L'auteur de la Z'héorte a prouvé par là qu'il avoit la plus juste idée de la nature du gynobase, car le tubercule dont il s’agit est un axe central comme ce dernier; mais le gyno- base doit être un axe déprimé, et le tubercule des Hauves est un axe vertical, quoique, par sa brièveté, il se nuance réellement avec le gynobase. Sans aucune métaphore, il est cependant incontestable que, dans les Malyacées, il existe des plantes à ovaire gynoba- sique, car j'en ai trouvé des exemples. Dans un genre de Malpacées , dont j'ai recueilli deux espèces, et qui, avec un double calice à cinq divisions, présente cinq pétales entiers, un androphore chargé d’étamines dans toute sa longueur et enfin dix stigmates, j'ai observé un ovaire à cinq loges par- faitement distinctes, insérées obliquement par leur base sur un réceptacle court et conique; et ce n’est point sur les lobes, mais sur le réceptacle même, qu'est inséré le style. Il est bien évident qu'ici le réceptacle est un véritable gynobase , puisque c’est par lui que doivent passer les vaisseaux sper- matiques et nourriciers pour arriver à l'ovule, et, ce qu'il y a de fort remarquable, c’est que ce dernier est dressé et en même temps, comme chez les Oc/nacées, aussi rapproché GYNOBASE. 161 que possible de la paroi voisine du style, position qui le met plus facilement en rapport avec cet organe. C’est cette même position de l’ovule, différente dans les autres Malpa- cées à ovaires 1-sp., qui, jointe à l'existence du gynobase, me fait proposer mes plantes comme genre particulier, sous le nom de Coricarpus, quoique, dans la réalité, elles aient beaucoup de rapport avec l'Urena de Linné et le genre Lebretomia de Schrank qui diffère à peine de l'Urena. Ce qu'il y a de remarquable, c’est qu'on trouve tout à la fois chez les Malpacées des plantes à ovaire gynobasique, comme je viens de le dire, et d’autres où des ovaires distincts sont comme dans les Sraroubées portés sur un gynophore. En effet, dans un ÆZelicteres étudié sur le frais, j'ai trouvé cinq ovaires tordus, sans columelle centrale et surmontés par cinq styles soudés ensemble. $ IV. Des Sapindacées. Lorsque les auteurs ont décrit le Schrnidelia, genre de la famille des Saprrdacées, ils lui ont attribuéunovaire didyme. C’étoit déjà s'approcher de la vérité; mais cet ovaire n’est pas Seulement didyme, comme je m'en suis assuré par l’exa- men de deux espèces de la Flore du Brésil, et en particulier du Schmidelia Guaranitica. Les lobes de leur jeune fruit, au nombre de deux ou quelquefois de trois, sont parfaitement distincts et accolés par leur base au réceptacle central. Le style interposé entre les deux lobes, porte sur le même ré- ceptacle; il ne peut communiquer avec les lobes que par le moyen de ce réceptacle, et par conséquent il faut con- sidérer celui-ci comme un gynophore gynobasique. 162 GYNOBASE. On pourroit dire, je le sais, que puisque les deux loges de l'ovaire sont ici accolées latéralement à un réceptacle surmonté du style, il doit exister entre les deux loges un corps vertical; mais ce corps est tellement court qu’il peut réellement porter le nom de gynobase plutôt que d’axe central, et le doute même prouve l'identité dé l'axe vertical et du gynobase. $S V. Des Malpighiées. Dans uné famille voisine dés Sapindacées, celle des Mal- pighiées, je retrouve également des ovaires gynobasiques. Déjà en décrivant son genré Gaudichautia, M. Kunth (Nov. gen. vol. v, p. 156) avoit dit quece genrese distinguoit par trois ovaires et un séul style. C’étoit assez indiquer la présence d: gynobase, car trois ovaires sont des corps parfaitement distincts, et, en parlant des Labiées, famille où il existe aussi un gynobase, plusieurs auteurs ont dit qu’elle avoit un seul style avec quatre ovaires. Le gynobase se retrouve effective- ment dans le genre Gaudichautia, car chez une espèce nouvellé que j'ai recueillie dans les missions de Uruguay ( G. guaranitica), j'ai vu trois loges rapprochées mais par- faitement distinctés, placées sur un réceptacle commun, et un style unique inséré sur le même réceptacle. Or, ce ré- ceptacle sert tout à la fois à la transmission de l'aura serni- nalis ét des sucs nourriciérs ; donc il doit être considéré éommié un véritable gynobase. Les Gaudichautia ne sont pas au resté les seules Ma/pr- £hiées à ovaire gynobasique. J'ai retrouvé ce genre d’ovaire dans lés cinq éspèces nouvelles qui constituent le joli genre Camarea (les Camareà hir$uta, sericea , axillaris , inea- GYNOBASE. 163 rifolia et ericoides), et enfin dans mon genre Füunbriaria où le réceptacle est un peu conique. Mais ce n’est pas sans aucune transition que l'ovaire gyno- basique se montre dans les Malpighiées où généralement les pistils sont organisés de la manière ordinaire. Dans une espèce -à trois ovaires et à trois styles, j'ai vu les premiers plongés dans le réceptacle par leur partie inférieure, et c’est tout-à- fait à la base de leur partie libre qu’est inséré le style. 11 y a déjà ici quelque chose qui rappelle l'ovaire gynobasique, etil est bien mieux ébauché encore dans une espèce qu'il me paroît fort diflicile de séparer des Gaudichautia (le G. linea- rifolia). H y existe à la vérité, un seul style et trois lobes, mais il m'a paru que ceux-ci n’étoient point parfaitement distincts, ni le style inséré sur un corps indépendant d'eux. Conclusion. Les observations que renferment ce mémoire me semblent démontrer que si cette modification de l’axe central qu’on appelle gyzobase, n’est pas sans valeur dans la famille des Ochnacées, où elle paroit générale, elle n’a cependant pas en elle-mème une grande importance. En effet, chez ces mêmes Ochnacées, un léger degré d’affoiblissement accidentel , suflit pour la faire disparoitre; nous ne la voyons plus dans les familles qui ont le plus d’aflinité avec les Ochnacées, telles queles Sraroubées, les Zygophyllées, les Rutacées ; ensuite nous la retrouvons éparse dans des groupes font éloignés, les Sapindacées et les Malpishiées ; et enfin dans un même genre, le Gaudichautia, nous sommes forcés d’ad- 164 GYNoBASE. mettre des espèces où elle est évidente, une autre où son existence paroit douteuse, et une troisième où elle n'existe certainement pas (le G. sericea N.). D'après tout ceci, il est clair que si l'on veut, comme l’a fait M. de Candolle, partager les dicotylédones polypétales à étamines hypogynes en diverses cohortes, il ne faudroit point en fonder une sur l'ovaire gynobasique, car on n'y pourroit placer qu'une seule famille entière, et ensuite on seroit obligé de faire entrer dans cette même cohorte des espèces parsemées dans d’autres groupes. Si l’avantage que j'ai eu de disséquer vivantes les plantes qui font l’objet de ce mémoire, m'a permis d'ajouter quel- ques faits nouveaux à ceux qu’avoit recueillis l’auteur du Systema , je dois me féliciter en mème temps de m'être si souvent rencontré avec lui : je ne saurois avoir un garant plus certain de l'exactitude de mon travail. Dans un second mémoire sur le gynobase, je considérerai cet organe chez les monopétales , et j'aurai l’occasion de passer en revue plusieurs familles intéressantes. Si les cir- constances ne me permettent pas d'offrir dans leur ensemble, comme je l’eusse désiré, les observations que j'ai réunies pendant mes voyages, je tâcherai du moins de justifier les suffrages dont l’Académie a bien voulu m'honorer, en lui sou- mettant quelques unes de ces observations (1). (1) La description des principales plantes citées dans ce Mémoire sera insérée dans uu des prochains cahiers, et accompagnée de figures. 165 CONSIDÉRATIONS ET RAPPORTS NOUVEAUX D’OSTÉOLOGIE COMPARÉE, CONCERNANT LES ANIMAUX RUMINANS. PAR M. GEOFFROY-SAINT-HILAIRE. Éinifisant -hattre-deswvadhes pleines, afin d'examiner si les eaux de lamnios ne contiendroient pasdes gaz respirables, j'obtenois en outre des fœtus, que l'occasion de les observer de nouveau m'engagea à ne point négliger. Le moins âgé de ces fœtus a donné lieu aux deux observations qui suivent. ART. |. SUR DES RAYONS NON ÉQUIVOQUES DE NAGEOIRE DORSALE , PRODUITS CHEZ LES BOEUFS VULGAIRES DURANT LA PREMIÈRE PÉRIODE DE LEUR AGE FOETAI. J'ai déjà traité ce sujet, quand écrivant dans le tome IX de ces Mémoires, page 76, sur les tiges montantes des ver- tébres dorsales, j'ai présenté le rapport de ces tiges chez les mammifères et chez les poissons : mais de nouveaux faits que je viens d'acquérir avoient manqué à ces déductions : cet article est donc une utile addition à cet ancien mémoire. J'ai parlé l’année dernière ( vol. cité, page 71) d’un bœuf indien, le gaour : sa taille est gigantesque, mais il est Mérmn. du Muséum. À. 10. 22 166 OSTÉOLOGIE COMPARÉE. bien plus remarquable encore par une série d’épines répan- dues sur son dos. Un animal qui vit à terre ne sauroit avoir de nageoire dorsale : mais ses épines dorsales y pourroient rencontrer des analogues et réellement ressembler aux brins qui forment les baguettes d’une nageoire. En effet, pour qui élève plus haut sa pensée et voit l’organisation indépendam- ment de toute application particulière, ces épines semblent être ces mêmes osselets, naissant du milieu de chaque ver- tèbre, et que l’anatomie humaine, qui s’est uniquement occupée d’un rapport de masse entre toutes les parties des os rachidiens, a appelé apophyses épineuses. Pour juger de toute la portée de cet aperçu, je fis enle- ver une vertèbre dorsale à un fœtus de vache ayant atteint les deux tiers de sa taille ; ce qui donna lieu à la préparation représentée, Mém. et vol. cités, pl. 5, fig. 7. Cet ensemble se composoit d’un corps vertébral z, de deux pièces congé- nères ee sortant des parties latérales, convergeant à l’autre bout et appuyées l’une sur l’autre; et d’une quatrième a’, médiane, allongée, droite et verticale. Cette dernière étoit unie aux deux pièces e e en recouvrement sur la moelle épi- nière par le moyen d’un cartilage, et elle étoit de plus terminée par une autre portion cartilagineuse, à laquelle j'ai affecté le signe a". J'ai dû dans le temps porter mon attention sur ce carti- lage noté du signe a". Donnoit-il les élémens d’une cin- quième pièce que mes Observations générales sur la vertèbre m’apprenoient devoir exister en ce lieu? Ou n'étoit-ce, comme à l’autre extrémité de Ja quatrième pièce a’, qu'une portion de remplissage dont les os des jeunes sujets sont OSTÉOLOGIE COMPARÉE. 167 bordés, qu’un premier jet des troncs artériels avant d’avoir produit leurs dernières cimes et que par conséquent on ne pouvoit admettre au nombre des véritables élémens osseux, qu'un cartilage enfin dont toutes les molécules réabsorbées se retirent au fur et à mesure qu’arrivent sur lui les matériaux de l'os à intervenir ? J'ai adopté la première de ces supputa- tions; et je m'y étois cru suflisamment autorisé, après avoir remarqué que, si le veau ( voyez PI. citée, fig. 10 ) conserve encore cette portion terminale à l’état cartilagineux, celle-ci cependant arrive enfin chez le bœuf adulte ( fig. 11) à une ossification à peu près complète Mais les nouveaux faits dont j'ai à rendre compte, en me faisant trouver ailleurs une cinquième pièce, changent toutes mes données et me ramènent sur la deuxième hypothèse comme renfermant la seule explication possible, selon moi, de ces constructions organiques. La malveillance voudra peut-être insister sur un aussi grand changement de déter- mination ; mais il me suffit que quelques bons esprits, accou- tumés au développement progressif des idées scientifiques, veuillent bien remarquer que ces vacillations de jugemens tiennent à la nature des choses et m’en absolvent. J’avois considéré précédemment (vol. IX, pl. 5) la ver- tèbre d’un fœtus parvenu à la moitié de son volume; mais déjà la marche des développemens, si rapide aux premières journées des embryons mammifères , avoit amené une con- centration de parties telle, déterminé la soudure d’un si grand nombre d’élémens primitifs, qu'il auroit fallu, pour les apercevoir comme au passage, qu’il auroit, dis-je, fallu les y saisir prestement et à de certaines heures durant la ges- 22 * 168 OSTÉOLOGIE COMPARÉE. tation. Un peu plus tôt ces pièces n’existent point encore, et quelques heures plus tard, elles se pénètrent et se confon- dent. Cela est ainsi chez les mammifères, parce que le sang assimilable est chez eux dans un degré de composition pro- portionnel à la complication des organes nombreux et tout puissans qui concourent à sa formation. Moins de prédomi- nance organique, au contraire, dans les classes inférieures, n’élève point le sang des animaux de ces classes à un si haut degré de composition et le met, quelquefois durant Ja vie en- tière, sous la dépendance d’un cours plus ralenti : genre de circulation d’où résulte une spécialité d'actions et d’événe- mens, et en général l'isolement, se perpétuant long-temps ou même toujours, des élémens organiques. Tout dans l'orga- nisation est alternativement et réciproquement cause et effet: les organes sont comme en ordonne le sang, et le sang comme y pourvoient les organes. Ayant eu le bonheur de saisir une de ces heures favo- rables chez un fœtus de vache n’étant qu’au quart de son volume, j'ai eu sous les yeux les faits de la colonne épinière que je viens de faire graver (voyez la planche qui accom- pagne ce mémoire, pl. 11, fig. 1). Et alors quelle fut ma surprise, en trouvant là tous les matériaux d’une nageoire de poisson : ordre, disposition, nombre des parties, tout cela m'apparut formé à la manière des nageoires dorsales à tiges osseuses, et, par exemple, de la première de ces nageoires chez les perches. La description suivante va donner les détails de cette singulière organisation. Le tronc de notre très-jeune fœtus s'est trouvé composé de vingt-une vertèbres, douze pour le dos, sept pour les OSTÉOLOGIE COMPARÉE. 169 lombes, et de deux servant d'appui aux os des îles. Des douze vertèbres dorsales, huit s’articulent à de véritables côtes et les quatre autres donnent attache aux dernières ou fausses côtes. Il n'y a d’épine qu’à chacune des huit vertèbres que nous avons dit employées à l'articulation des véritables côtes. Plus tard ces épines constitueroient ce qu’on est dans l'usage de nommer apophyses épineuses; mais à l’âge de notre sujet elles sont formées de deux osselets: l’un, dont articulation est toujours immédiate avec les élémens vertébraux répandus sur la moelle épinière, porte l’autre. On nomme chez les poissons l’analogue de celui-ci rayon, et apophyse tutrice l’analogue de la pièce de support. I/osselet supporté est le moindre en importance : aussi le voyons-nous varier de volume, de forme et même de situation; de situation seule- ment, en ce qu'il s'articule tantôt au bas, tantôt au milieu ou bien vers le haut de losselet son tuteur. La première épine se distingue des suivantes par légalité de volume de ses deux osselets : d’un travail aussi plus avancé, les deux pièces sont soudées. Au surplus, toutes les épines diffèrent entre elles, quant à leur largeur relative; elles dé- croissent régulièrement de la première à la dernière: elles sont aussi graduellement plus hautes jusqu’à la quatrième : puis elles diminuent rapidement. L’osselet tuteur est creux à la face antérieure : ce qui favorise l’enchässure de l’autre pièce. Je me suis proposé de montrer cet arrangement, et c’est l’objet de la figure n°. 2, dans laquelle ja deuxième ver- tébre dorsale est représentée par sa face antérieure et se voit au double de sa grandeur naturelle. Le troisième osselet ser- vant de tuteur, au lieu d’être terminé inférieurement par un 170 OSTÉOLOGIE COMPARÉE. bord arrondi, l'est par deux petites apophyses. Le rayon est grêle et allongé à la quatrième vertèbre : il est partagé en deux pièces à la cinquième; formé par un filet très-fin, il est appuyé sur un tuteur aussi grêle que lui à la septième : et enfin ce n’est plus qu’un point peu apparent à la huitième. De tous ces faits, il suit que la cinquième pièce cherchée du cercle médullaire, et que j'avois nommée a” dans mon ancien travail, est l’osselet dit le rayon, engagé par l’un de ses points, et tout entier porté par la pièce tutrice. Je ne l’'avois point aperçu dans un état fœtal plus avancé , parce que déjà les deux pièces de l’épine avoient été réunies, soudées et mème entièrement confondues. Cet excédant cartilagi- neux que j'avois marqué du signe a” n’est donc qu'une de ces portions de remplissage servant de bordure et de moyen d'union aux os des jeunes sujets. Si cet appendice cartilagi- neux doit un jour devenir la gangue d’un noyau osseux, ce ne sera que fort tard, dans l’âge adulte et en vertu de conditions particulières toutes étrangères au mode de la formation des os dans le jeune âge. Quoi qu'il en soit, les huit épines que nous venons de décrire font apercevoir à un moment des développemens or- ganiqués des bœufs des conditions inconnues jusqu'ici chez les mammifères, et que nous pourrions dire icthyologiques; ce sont , trait pour trait , les caractères d’une nageoire dor- sale. Deux pièces isolées en composent de même les ba- guettes : c’est un même arrangement, puisque l’une d'elles soutient et que l’autre est portée : celle-là est l’epophyse tutrice, ainsi que s'expriment les icthyologistes, et l’autre le rayon mis en mouvement. OSTÉOLOGIE COMPARÉE. 171 Ce n'est pas là un rapport éloigné et uniquement philoso- phique , mais une identité absolue; car l’on compareici les faits d’un même degré organique. On s'accorde aujourd'hui sur cette haute généralité, dont j'ai présenté en 1807 les premiers indices, savoir : que les poissons sont des êtres qui réalisent en eux et à toujours certaines conditions fœtales des classes supé- rieures, des êtres arrêtés à un point des développemens orga- niques, des êtres enfin où des organes de premier âge s’éten- dent et prennent de la consistance, sans autre transforma- tion, sans devenir les noyaux d’autres organes surajoutés. C’est sous ce point de vue que je considère les baguettes longues, bien isolées et bien libres, qui forment les rayons de la nageoïire des poissons : ces formations fœtales ont pris toute l’étendue et toute la consistance possibles , sans que ces effets de nutrition journalière et d’action vitale aient rien changé à l'essence primitive des choses. Si les os qui soutiennent les toiles des nageoires chez les poissons ne présentent qu’un fait de l’histoire fœtale de l’animal verté- tébré , non-seulement nous ne devrons montrer aucune sur- prise de rencontrer ce même fait chez les bœufs à une époque et dans l’âge dont se compose leur existence de fœtus, mais nous aurions même à en faire la recherche, si ce n’étoit déjà donné par l'observation. Il est sans doute tout aussi naturel de rencontrer chez un marmmifère, à un moment donné de ses développemens organiques , des élémens vertébraux avec un caractère icthyologique, que d’y observer à cette même époque un cerveau d’une structure très-simple, un cerveau de poisson. On sait que cette observation de M. Serres est l’un des plus piquans résultats de ses recherches sur l’En- 172 OSTÉOLOGIE COMPARÉE. céphale. On peut ajouter que c’est ce qu’on trouvera à l'égard de chaque appareil, toutes les fois qu’on étudiera l’orga- nisation dans cet esprit. Mais revenons à notre fœtus de bœuf. Dans un âge sui- vant , les artères produisent de nouveaux rameaux, et au moyen de ces nouvelles cimes, d’autres organes. Ces cons- cructions qu'amène la marche graduée des développemens, s’établissent autour des premiers organes, qui n'intervenant plus dorénavant que comme des noyaux de support, sont étouffés , atrophiés ou seulement soudés. On peut, sur ce qui est ainsi préparé à l'avance, juger du peu d'efforts dans lesquels la nature doit être entraînée, pour faire des êtres anomaux , comme le gaouwr, pour produire un bœuf à épines isolées sur le garrot, pour transporter ainsi au mammifère des caractères que nous n'avions encore obser- vés que chez les poissons: ilsuflit pour cela que le second ordre des développemens soittroublé ou seulement empêché:lespre- miers faits subsistent alors, et, en ressentant l’action d’une nour- riture quotidienne, ils acquièrent seulement plus d'extension. Enfin, de même qu’il y a une espèce à rayons osseux isolés sur le dos, le gaour, de mème aussi il existe une autre es- pèce, le bœuf à bosse (1), qui rappelle également un autre (1) Sur le bœuf à bosse considéré comme une espèce distincte. Je ne connois que le célèbre professeur Blumenbach qui ait pressenti la distinc- lion d’espece du bœuf à bosse ou zébu. Tous les naturalistes le regardent comme une variété de nos bœufs domestiques. Cependant c’est un bœuf plus petit , à pro- longemens cornus moins latéraux et plus antérieurs à leur naissance, dont la tête est plus longue et plus étroite, principalement depuis les yeux jusqu'au muflle, qui est monté sur jambes plus élevées et qui porte constamment et au même point OSTÉOLOGIE COMPARÉE. 173 fait de l’organisation des poissons, celui de leur nageoire adipeuse. ART. IL. DE r4 DÉCOMPGSITION DE LOS DU CANON CHEZ UN TRÈS-JEUNE FOETUS DE BOEUF. Les anatomistes vétérinaires, frappés de la grandeur et par conséquent de la part d'influence dans la marche de los du canon chez les animaux ruminans et chez les solipèdes, du garrot une bosse dont on n’a pas donné toute la condition organique en la ca- ractérisant de loupe graisseuse. On s’est attaché aux proportions du front comme renfermant les principaux élémens caractéristiques des espèces de bœuf, et c’est d’après cette considération qu’on a conclu à l'identité d’espèce du bœuf à bosse et de notre bœuf domestique. Chez tous deux le front est concave : cependant il est plus étroit chez le bœuf à bosse, et il se termine entre les deux cornes par une éminence aiguë chez celui-ci, et par une gorge profonde chez l’autre. Tous deux sont domestiques , et il est tout simple qu'ils se ressemblent par le trait du crâne auquel se rapporte leur susceptibilité d'éducation. Mais d’ailleurs d’autres caractères ostéologiques les distinguent parfaitement : ce n’est que dans notre bœuf domestique que le lacrymal est déprimé et se laisse un peu déborder par le coronal. Cet os est convexe et se joint bord à bord avec le coronal, sans que l’un anticipe sur l’autre, aussi-bien dans le bœuf à bosse que dans les autres bœufs sauvages. Les nasaux des zébus s’approchent l’un de l’autre davantage latérale- ment; leurs incisifs ont la portion maxillaire plus évasée, et il s’en faut de beau- coup que la pointe de celle-ci gagne les os du nez. M. Cuvier a remarqué cette dernière circonstance dans son article Bœufs vivans (Oss. Foss. , 2°. édit. tome 4, p.131); toutes les apophyses épineuses des vertèbres ont aussi un caractere propre que les zébus ne partagent ni avec les bœufs sauvages ni avec notre bœuf domestique. Chaque apophyse dorsale, excepté la première qui est en pointe, est terminée par une production à tête . carrée, allongée et à surface profondément excavée. Aux huit premières vertebres, c’est un os à part, celui qui provient de la transformation du cartilage, lequel a pris cette forme. Les quatre vertèbres suivantes ont la tête de leur apophyse encore plus élargie et présentant un carré parfait. Des différences correspondantes s’observent sur les animaux vivans. Il y a pré- Mérmn. du Muséurn.t 10. 23 174 OSsTÉOLOGIE COMPARÉE. l'ont considéré comme une nouvelle et troisième subdivision de la jambe. Le nom bizarre qu'ils lui ont donné prouve qu'ils ne lui connoiïssoient point d’analogue ailleurs, et qu'ils tenoient l'os du canon comme une de ces créations indépen- dantes dont la nature avoit en quelque sorte voulu favoriser quelques espèces en particulier. Cependant les naturalistes ne tardèrent pas à découvrir des rapports où les vétérinaires n’avoient apercu que des diffé- rences, et l’on fut bientôt persuadé que l'os du canon se trou- voitcomposé par la réunion de deux métacarpiens antérieure- ment , et de deux métatarsiens postérieurement ; on pouvoit observer chez de jeunes ruminans un long et profond sillon en devant et en arrière (v. fig. 3) quisembloit provenir de la suture de deux os accolés dans le sens de leur longueur. Toutefois ce n’étoit là que des inductions et non des preuves absolues d'une séparation primitive : aussi fut-il admis dans la science qu'il n'y avoit de pied-fourchu avec deux os bien distincts au métatarse (1) que dans un genre d'animaux fossiles, les a20- plothérium. Cette séparation des métatarsiens, qui est le sentement (septembre 1823) à la ménagerie un couple de ces bœufs que j'ai com- parés avec nos bœufs domestiques. L’œil est plus haut placé et plus couvertchez le zébu : les narines sont plus serrées de côté et le mufle est encore plus à découvert. Le mâle a le poil blanc-argenté; le cou et la bosse brun-ardoisé; la femelle et son veau sont rouges. La bosse du mâle est plus forte et plus arrondie que celle de la femelle : ce caractere ne diffère en rien chez un jeune de dix mois de ce qu'il est chez sa mère. . Je sais existant dans l’Inde un bœuf également domestique et également distinct comme espèce, dont la taille n’excede jamais celle d’un veau de deux mois. Son crâne ressemble sous quelques rapports à celui du Los grunniens. (1) Voyez Le Dictionnaire des Sciences naturelles, au mot canon (os du canon), et le troisième volume, nouv. éd. des Ossemens fossiles , pag. vou. OSTÉOLOGIE GOMPARÉE. 175 fait général des mammifères, ne seroit donc persévérante chez les preds-fourchus qu'à l'égard d'animaux fossiles du seul genre aroplothérium? Le contraire offriroit pour tous les autres ruminans une anomalie tout aussi décidée que constante ? Ce résultat méritoit d’être mieux apprécié, et dès 1809 je songeai à remonter d'âge en âge, et à observer chez de très-jeunes fœtus des brins osseux distincts, étant les élé- mens primitifs d’un os du canon. J’ai placé dès cette époque dans notre cabinet d'anatomie une préparation où tous ces faits étoient soigneusement disposés. Ayant eu dernièrement, comme on l’a vu plus haut, l’oc- casion d'observer plusieurs fœtus de bœuf, je me suis occupé à reproduire ces mêmes faits, et je les ai donnés à figurer. Voyez planche 17, fig. 3,4 et 5. La fig. 3 représente l’os du canon chez un fœtus aux deux tiers de son temps de gestation. Ses deux parties élémentaires sont déjà soudées ; mais l’origine distincte de chacune d’elles s'annonce, non pas seulement par le sillon médian &6 et par les têtes articulaires de chaque partie bien dégagées l’une de l’autre, mais de plus par des traces encore subsistantes d’une membrane leur servant de cloison ou de périoste. En se portant sur des sujets beaucoup plus jeunes et de moitié plus petits, comme dans les exemples, fig. 4 et 5, on trouve que ce qui est engagé par soudure dans l’exemple précé- dent , ne l’est point encore. C’est ce fait qu'il falloit établir incontestablement, pour changer en certitude absolue ce qui n’étoit encore acquis à la science que sur une présomption philosophique; or j'ai eu recours à mon mode ordinaire d'investigation. Dans des 29 176 OSTÉOLOGIE COMPARÉE. cas semblables, je me garde d'employer un outil ou même l’action de la main dans la crainte d'opérer violemment une séparation, sur l'existence de laquelle j'élève des doutes ; mais je soumets la préparation à un feu modéré : je la fais bouillir jusqu’à ce que le périoste soit soulevé. C’est en usant de ces précautions que j'ai obtenu la sépa- ration des deux pièces figurées n°. 4; l’une est représentée en points : mais on a reproduit celle-ci n°. 5, avec l’attention de représenter son côté articulaire, pour en faire voir la sur- face, qui est parfaitement lisse. Aucun point de substance spongieuse n'y est apparent; point de cavité; c’est dans toute l’étendue une lame uniforme et polie de substance compacte. Art. IIT. SUR ZES DOIGTS DES RUMINANS, EN RAPPORT POUR LE NOMBRE , LA COMPOSITION ET LES CONNEXIONS AVEC LES DOIGTS DES AUTRES MAMMIFÈRES. Les naturalistes ayant fait de la considération des doigts l’un de leurs principaux moyens de classification, sont censés avoir épuisé ce sujet, et cependant je ne trouve à ce mo- ment même, dans leurs livres, qu'une exposition fort incom- plète de tous les faits concernant le pied des ruminans. On a délaissé quelques considérations : ce qui a privé les autres de précision et de rigueur , d’après ce principe qu'on n’établit point un fait général sans le concours de tous les faits indi- viduels qui s’y rapportent. On étoit entré dans une pre- mière voie avec quelques faits, et quand ceux-ci se sont multipliés, on s’est arrangé pour s'y maintenir : on l’a trop voulu, en résistant à l'influence des derniers éclaircissemens. OSTÉOLOGIE COMPARÉE. 177 Cependant on auroit dû faire attention que divers ordres d’observateurs s’étoient occupés des mêmes considérations, et que chacun s’en étoit occupé dans l'esprit de son école. Et en effet, nous avons puisé nos premières connoissances sur la division du pied dans deux sources différentes , dans les deux anatomies d’application spéciale, Les parties de la main ont d'abord été appréciées par l'Anatomie humaine, quand le pied du cheval est devenu l’objet d’un tout autre type par l’Anatomie vétérinaire. Celle-ci attentive plus tard à une modification de ce type, que le pied du bœuf lui parut présenter, consacra cette différence en disant ce pied fendu. On en prit sujet pour donner au bœuf et à ses congénères le nom d'animaux à pieds fourchus où d'animaux brsulques. C’est ce fonds d'idées que les naturalistes ont depuis éten- du :ils ont cru descendre, d’une part, de la main humaine sur les faits des pates des animaux onguiculés comme sur une suite de dégradations, comme sur l’altération par atrophie du plus parfait modèle, et passer, d’autre part, du sabot plein et vaste des solipèdes à la considération des pieds amaigris et comme brisés en travers qui caractérisent les ruminans. C’est cette idée qui domine dans l'expression depedes bisulor. Ainsi quant aux ruminans, on possédoit une opposition caractéristique : et comme pendant long-temps on ne fit d'observations que pour les faire servir aux classifications, on n’osa pousser plus loin les recherches. Comme on couroit après des différences caractéristiques, on dût craindre, en sachant davantage, de rencontrer de plus intimes rapports et d’affaiblir de cette manière la valeur des caractères adoptés. Les naturalistes, les zootomistes et les vétérinaires furent 170 OSTÉOLOGIE GOMPARÉE. d'accord : car tous n’attribuèrent que deux doigts aux ru- minans. Il y a de plus, ajoute M. Cuvier, dans le Règne ani- mal (tome 1, p. 247), deux petits ergots, seuls vestiges de doigts latéraux. M. de Blainville, dans les tables synop- tiques qui accompagnent son Anatomie comparée, oppose les bisulques ou les ruminans, aux genres qui se rapportent aux cochons, et qu’il réunit sous le nom de {éfrasulques. C’est la mème expression caractéristique qu'emploie M. Des- marets dans sa Mammalogie : doëgts DEUX el égaux : un mmétatarsien pour l’ensemble. Pieds marcheurs à deux doigts sont le caractère distinctif des Zesulques, avoit dit aussi plus anciennement Illiger. Enfin les vétérinaires ont également consacré les mèmes faits par l'emploi d’une nou- velle nomenclature des animaux domestiques, qu'ils par- tagent en z20n0dactyles ( les solipèdes), en didactyles (les ruminans), et en éétradactyles (les cochons). C’est-un fais- ceau si bien lié des mêmes opinions, qu'il faut quelque cou- rage pour annoncer des idées qui s'en écartent. Cependant ce ne sont pas les jugemens, mais les faits seuls qui doivent prévaloir dans les sciences : des jugemens Îles doivent réfléchir fidèlement , les rendre à la manière du miroir. Derrière les sabots sont deux vestiges de doigts la- téraux, deux petits ergots, deux ongles surnuméraires, a dit encore llliger. Quelle idée convient-il d’attacher à ces ex- pressions ? Veut-on entendre par-là une altération profonde dans le système organique ou seulement une diminution relative de volume ? Ce dernier caractère qui règle les con- ditions spécifiques d’un animal et qui l’astreint par consé- quent à une moindre prédominance est sans valeur dans OSTÉOLOGIE COMPARÉE. 179 les comparaisons philosophiques. Peu importe dans ce cas qu'une chose soit petite ou qu’elle soit grande : ce qu’il faut pour qu’elle prenne rang par l'observation, c’est d’exister avec tous ses élémens possibles. S'il en est ainsi et qu'on en ait fait la remarque, On aura donc, pour s'être refusé à admettre les doigts latéraux des ruminans comme autant de parties essen- tielles du pied, été persuadé que altération du système di- gital étoit en eux profonde, au point de rendre ces doigts tout-à-fait méconnoissables. Tel est le point de la question que je vais examiner. Je crois inutile de rappeler qu’on distingue les mammifères onguiculés d’après le plus ou le moins de leurs pieds qui s'ajoute à la jambe : on nomme en effet plantigrades, ceux qui marchent sur la plante entière ; vermiformes , ceux qui ont le talon élevé et qui posent à la fois sur les métatarsiens et sur les phalanges des doigts; et enfin digritigrades, les chiens et les chats, par exemple, qui marchent sur ces der- nières seulement. Il n’est donc point de lessence des doigts d’être réunis aux autres parties du pied pour le mouvement progressif; et c’est à cause de cela qu'une plus haute élévation des doigts, que le déplacement de tous, et que leur transport à la jambe chez le cochon, n’empêchent pas d'y compter comme autant de doigts chacune des subdivisions du pied. J'ai fait de ce pied, pour les comparaisons qui suivent, mon point de départ; aussi l’ai-je fait représenter pl. IE, fig. 6 : dessiné d’après un jeune âge, il est de grandeur na- turelle. Chaque doigt se compose de quatre osselets, de la phalange métacarpienne et des trois phalanges digitales. Ce qu'il importe de remarquer, c’est qu'il n’y a aucune pha- 180 OSsTÉOLOGIE COMPARÉE. lange d’unie à sa voisine : ce qu’encore je dois de plus ajou- ter, c’est que les doigts du milieu sont grands et forts, et que les doigts latéraux sont au contraire petits et menus ; en quoi d’ailleurs presque tous les mammifères se ressemblent plus ou moins. Toutefois, comme tous les doigts s'articulent avec le carpe le long de la mème ligne, il suit que la condition de petitesse des uns ajoute à l'effet de racourcissement celui d'augmenter leur éloignement du sol. Il n’y a done que les doigts grands et forts qui soient applicables à Ja marche, les autres, faute d’être assez prolongés, en sont privés : mais ce défaut, quant à leur usage, ne s'oppose pas à ce que ceux- ci, ainsi que ceux-là, soient considérés comme des doigts vé- ritables : formés les uns et les autres d’élémens semblables, ils sont également parfaits. A la suite de ces faits que chacun connoït, mais que la présente discussion m'a nécessité de reproduire, j'en viens à un exposé presque semblable que me fournit un genre de ruminans, le chevrotain, #20schus memina (voyez fig. 7). Cette espèce « a de chaque côté du canon de longs séylets » qui représentent les métatarsiens et les métacarpiens laté- » raux, » a dit M. Cuvier, 4e. tome de ses Animaux fossiles, nouv. éd., page 18. Comme à ces phalanges métatarsiennes et métacarpiennes sont attachés les doigts latéraux, et que ceux-ci ont assez de longueur, surtout dans le porte-musc, moschus moschiferus, pour toucher le sol dans certaines évolutions de l'animal, je ne vois dans cet exemple de dif- férence à l'égard des cochons que la soudure des deux mé- tacarpiens intermédiaires : mais tout os du canon, avons-nous vu à l’arr. IE, est le produit de deux pièces conjointes. Or, qui RP OSTÉOLOGIE COMPARÉE. 181 seroit tenté de décider que cette modification, qui n'a rien d’essentiel au fond et qui est subséquente à une primitive for- mation, doive empêcher de reconnoître ici une reproduction des mêmes élémens et la répétition d’un arrangement en tous points semblable ? Et de plus, ce n’est pas seulement dans les chevrotains des séylets pour figurer des métacarpiens; ces stylets constituent de propres osselets : ce sont, à tout prendre, des métatarsiens et des métacarpiens véritables. Les chevrotains ont donc quatre doigts comme les cochons. Je passe à des ruminans d’un autre genre, celui des cerfs, et J'apercoïs les mêmes faits dans trois espèces, le rene; le chevreuil et le cerfide Virginie : j'ai fait graver, fig. 8, la plus grande partie du pied de la première espèce. I n'y a point ici à objecter que les doigts latéraux sont à l'égard des doigts intermédiaires dans une disproportion de volume cho- quante ; ils sont moins forts sans doute, mais pas moins que cela n’arrive chez les animaux onguiculés ; et d’ailleurs pour le nombre et pour la forme, les doigts latéraux ne diffèrent nul- lementdesintermédiaires. Leurs métacarpiens occupent aussi, comme.dans le chevrotain , toute la longueur du canon ,°en présentant toutefois cette différence que le milieu consiste dans un frèle cartilage ; il n’y a d’ossifiées que les deux extrémités. On n’a représenté que la portion digitale ; l’autre , qui avoit été égarée, manque à nos squelettes. Ainsi il arrive à cette troisième partie de la jambe de répéter ce que nous savons exister à la seconde : quand le cubitus ou le péroné accom- pagne un radius ou un tibia d’un volume considérable, ces osplus grèles ressentent partoutles effets du balancement des organes,en ne conservant leur caractère osseux qu'à leurs deux Mém. du Muséum. À. 10. 24 182 OSTÉOLOGIE COMPARÉE. extrémités : le milieu est aussi chez eux rempli par un cartilage. Le renne, comme le chevreuiletle cerfde Virginie, sur lesquels j'ai observé les faits d'organisation que je viens de décrire et que j'ai figurés n°. 8, d’après le renne, ont donc aussi quatre doigts parfaits; on n’a pas même dans ce cas-ci la ressource de dire que leurs petits doigtssont inutiles au mouvement progres- sif, puisque c’est par un heureux emploi qu’en font ces ani- maux qu'ils réussissent à descendre rapidement les revers: des montagnes. Ilsse trainent dessus ces doigts ou s’en servent tantôt à heurter et tantôt à piquer le sol, selon qu'il leur importe ou de modérer leurs bonds ou de s’arrèter tout court. Une modification légère de ce système caractérise particu- lièrementles antilopes. Les s4ylets osseux , ou les métacarpiens latéraux, fig. 9, occupentles deux tiers supérieurs de la longueur du canon : un filet, suite du périoste, les termine et les joint aux osselets desdoigts. On sait que les antilopes se distinguent desautresruminans parune jambe plus longue et plus eflilée : les ergots ou les doigts latéraux s’en ressentent par plus d’atro- phie, ou du moins par plus de petitesse apparente. C’est que deux osselets de phalange sont placés côte à côte, la tror- sième phalange ou la phalange onguéale est très-petite et ar- ticulée avec l’osselet extérieur. Le buffle (voy. fig. 10 ), ses congénères, le cerf commun, et généralement le plus grand nombre des ruminans ont les trois osselets des doigts latéraux en ligne, comme tous les ruminans dont nous avons précédemment parlé : mais en dedans sur les poulies du bas du canon est de plus un quatrième osselet, lequel est concave à sa facette articulaire, et convexe au con- traire extérieurement, Devrons-nous le considérer, avec les a nie nt cn. OSTÉOLOGIE COMPARÉE. 183 anatomistes vétérinaires , comme un os sésamoïde ? ce qui équivaut à ne point s'expliquer sur son compte? Ou bien comme l’os métacarpien ? celui-ci seroit done descendu tout au bas du canon et placé côte à côte près de la première phalange. Enfin il est une dernière question. Retrouve-t-on, comme cela arrive toujours chez les animaux onguiculés, des traces plus ou moins évidentes du cinquième doigt sous la peau ? Ce ne peut être décidé que par une recherche minutieuse sur laquelle je n’ai pas encore assez de données. Je ne dissimulerai point une objection, et c’est par son examen que je terminerai ce mémoire. On peut craindre qu’en recherchant , comme on vient de le faire dans cette occasion, tous les rapports des faits particuliers, qu’en les ra- menant à un seul fait général, qu’en ne voyant partout enfin qu'un plan, on ne nuise à la marche habituelle de la science. C’est tendre à la priver, dira-t-on, de ces intervalles entre les familles, lesquels en donnent les limites avec sévérité. Nous montrer la nature opérant toujours par nuances insensibles, n'est-ce pas travailler à nous déposséder de nos moyens usuels de classification ? Eh quoi, je puis répondre, avertir qu’on s’est abusé le plus souvent en annonçant des caractères comme ri- goureux , quand ils manquoient de précision ; proposer de remplacer le faux par le vrai, ce seroit desservir les sciences? Convenez au contraire, qu’appeler séylets des os métacar- piens , ergots de véritables doigts, c’est cacher sous des noms bizarres, c’est mettre sous le rideau tous les faits scientifi- ques, tous les rapports de ces élémens organiques. Mais cette inquiétude que m'ont témoignée de bonne foi 24* 184 OSsTÉOLOGIE COMPARÉE. de savans confrères, cette crainte que nos procédés de classi- fication en puissent souflrir quelque atteinte, reposent sur un préjugé. Ces craintes tiennent à ce qu’on pense que le soïn de nommer et de classer les êtres doit former le #axtimum de nosefforts(r) dans les sciences naturelles. Sans doute que lon a dû commencer par les travaux de classification , parce qu'il a d’abord fallu inventorier , c’est-à-dire, voir avec ordre les productions de la nature. Mais croire que la science se doive contenter des perfectionnemens des distributions méthodi- ques, ce seroit exiger que le littérateur s’en tint à admirer le bon ordre de ses livres sur les rayons de sa bibliothèque. Le littérateur qui range ses livres et le naturaliste qui classe ses animaux en sont au même point : l’histoire philosophique (1) Je ne puis vouloir rabaiïsser les classifications systématiques et je m'explique. En formant les catalogues des productions de la nature, on désire les disposer dans l’ordre de leurs plus grands rapports : mais que de difficultés dans la pra- tique ? Les formes de notre esprit nous, astreignent à une exposition des êtres en série linéaire , quand il n’est peut-être aucun d’eux, tant les points de contact en sont diversifiés, qui ne puisse devenir le centre de rapports multipliés en rayons de sphère. Ainsi sont deux données qui se contrarient et qu’on essaie de concilier par des concessions réciproques. Les méthodistes ne sortent pas de ce cercle. Ayant sans doute une bonne intention philosophique, il faut qu'ils se con- tentent de moins mal faire : trop d’arbitraire, qui arrive à la traverse, explique le pêu d'accords de leurs jugemens. Voyez les animaux à bourse. En ferez-vous avec M. G. Cuvier un seul ordre d’après l’analogie de leurs organes génitaux ? Ou voudrez-vous écarter cette considération, et, prenant, comme M. F. Cuvier, l’ap- pareil digestif pour base de leur classification, disséminerez-vous ces animaux parmi les insectivores , les carnassiers et les rongeurs ? Ou bien encore, préférant à l’un et à l’autre de ces caractères celui de l’appareil locomoteur , ainsi que l’a fait Illiger, les voudrez-vous ranger , les uns à la suite des singes et les autres au- près des gerboises ? Ce sont à chaque pas mêmes motifs pour douter , mêmes diffi- cultés pour agir. On suppose alors qu'il est possible et suflisant d'apprécier la OSTÉOLOGIE COMPARÉE. 185 des conceptions de Pesprit humain n'est dévoilée au premier, comme l’histoire philosophique des phénomènes de l’organi- sation ne l’est au second, que si le littérateur s’est instruit du fond des choses, ou que si le naturaliste est en mème temps un physiologiste ayant beaucoup vu et beaucoup comparé. Il y a, par delà les travaux de classification, un autre but à atteindre, c’est la connoissance du rapport des choses; telle est la vraie science, la haute histoire naturelle. Tout ce qui y prélude est de métier, n’est qu’un acheminement à ce grand et important résultat. Les idées philosophiques formeront toujours la véritable moisson à retirer du grand champ de la nature; magnifique récompense des plus nobles efforts, trésor des âmes fortes, sur quoi se fondent les progrès de la civilisation, les indéfinis perfectionnemens de la raison humaine. RSR arte here actu & es Deonot 35 Sa É oups valeur relative des systèmes organiques : mais un organe se miontre ou dominateur ou assujéti à une sorte de subordination, suivant qu'il est élevé au maximum de développement ou tombé dans un état restreint et rudimentaire. Ces réflexions , au surplus, ne s'appliquent pas aux recherches des monographes, travaux éminemment utiles, par lesquels sé multiplient les faits et se disposent les élémens de toutes considérations philosophiques. Elles ne sauroïent non plus s’ap- pliquer à ces publications de T'ableaux synoptiques, où des imprudens s’autorisant des réelles diflicuités du sujet pour se mettre entièrement à l'aise, changent capri- cieusement les rapports des ordres , les emmelent autrement pour se donner comme les créateurs de nouyeaux systemes, bouleversent les nomenclatures , renouvellent jusqu'aux noms les plus usuels, et s’arrogent de disposer à leur gré de toute la nature, Quiconque a le courage d’embarrasser ainsi les avenues de la science n’a certes vu les choses que très-superficiellement. 136 SUR LES APPAREILS DE LA DEÉGLUTITION ET DU GOUT DANS LES ARAS INDIENS, ou PERROQUETS MICROGLOSSES; Lu à l’Académie des Sciences, le 6 juillet 1821. PAR M. GEOFFROY-SAINT-HILAIRE. Os savoit depuis long-temps qu'il existe dans les Indes des perroquets à bec et joues d’Ara, à huppe sur le milieu de la tête et à queue courte et carrée . Les noms de corbeau des Indes (1), de grand cacatua (2), de kakatoës noir (3), de pst- tacus aterrimus (4), de psiltacus gigas (5), etc., furent suc- cessivement donnés à ces oiseaux, jusqu'au moment que M. Levaillant fixa plus particulièrement l'attention sur eux. Ce célèbre ornithologiste a vu au Cap plusieurs de ces perro- quets qu'on y avoit transportés vivans des Indes hollandoises. Un point curieux de leur organisation l'intéressa vivement, (1) Voyez F’ander-Meulen, gravures de 1707. (2) Edwards, Glanures, pl. 316. (3) Buffon, Ois., t. VI, p. 97. (4) Gmelin, Syst. nat. (5) Latham , Oruith. PERROQUETS MICROGLOSSES. 187 et il en a donné la description suivante dans son Histoire natu- relle des perroquets. « La langue de ces oiseaux est, dit-il, » une espèce de trompe avec laquelle ils saisissent leur nour- » riture à l'instar de l'éléphant, et c’est pour rappeler le » merveilleux de cette organisation plus compliquée et plus » soignée, qui ajoute à leurs moyens physiques et qui doit » nécessairement ajouter à l'étendue de leur instinct, que » j'ai proposé de les nommer ara à trompe (1). » On chercha à comprendre ce que M. Levaillant avoit en- tendu par l'expression un peu vague d'une trompe qui rem- place la langue ; et en s’aidant du texte et des figures de l’auteur, on s'arrêta à l’idée que ces aras indiens se distin- guoient des véritables aras , tous d'Amérique et généralement de tous autres perroquets, par une langue cylindrique, ter- minée par un petit gland corné (2). Cependant rien de tout cela n’est vrai, ni les faits présen- tés par l'auteur original, ni les interprétations que ces faits avoient suggérées. À Dieu ne plaise que par cette remarque je veuille blesser d’honorables confrères: je me plais au contraire à reconnoître 1°. que M. Levaillant a fidèlement observé ses aras : mais nous n'avions pas alors acquis suflisamment de connois- sances anatomiques, pour préserver à ce moment nos juge- mens d'erreur; et 20, que de fausses interprétations étoient inévitables , l’analogie restant sans puissance pour juger a —_— ——— "CON CONDANIT s (1) Ara noir à trompe. Levaillant, Histoire naturelle des perroquets, tome I, page 36. (2) Voyez le Régne animal, etc. de M. Cuvier, tome I , page 434. 188 PERROQUETS MICROGLOSSES. d’une forme inconnue. En pareil cas, on ne devine pas; il faut voir pour décrire. L'occasion de reprendre ce travail s'est avant-hier présen- tée. Un matelot hollandais , de retour d’an voyage à Batavia, est venu à Paris dans l'espoir d'y vendre un ara à trompe vivant. Pendant qu’il exposoit ses motifs pour demander un très-haut prix de sa marchandise, j'eus le temps d'examiner son oiseau et d'en faire dessiner la langue. J'apporte cette observation à l’Académie : c’est une erreur à effacer de nos livres et un fait de plus d'organisation à y introduire. M. Levaillant veut peindre à l'esprit ce quelque chose d'extraordimaire qui l'a frappé , et ils’arrète au mot de trompe : il se croit sur üne réelle analogie; car il a remarqué que l'objet de ses considérations est également un organe de pré- hension. Ne seroït-ce la qu'une expression métaphorique ? elle man- queroit déjà de justesse. Car il est évident qu’elle porte sur une fausse idée que l’on se seroit faite de la trompe de l’élé- phant. Cet objet est d’abord , est essentiellement le nez allongé de l'animal ; puis, par une addition de nouveaux élémens, il est encore, il devient aussi un organe de mouve- ment. C'est que toute fonction croit én puissance, au far et à mesure que l'organe acquiert un plus grand développe- ment. Mais le mot #rompe n'est point employé au figuré : car quelques lignes plus loin, notre auteur, oubliant que la base qu’il a donnée à ses raisonnemens, est toute entière une sup- position, une création de son esprit, compare les rapports et les différences des deux trompes. « Celle de l'éléphant, dit:l, té D PERROQUETS MICROGLOSSES. 189 » existe au-dessus de la bouche, et peut se rouler et se ployer » en tous sens, quand celle des aras indiens occupe l’inté- » rieur du bec et remplace la langue , dont cependant cette » trompe ne fait jamais loflice, étant privée de se rouler ou » de se ployer. » Je prie le lecteur d’excuser, si je l’arrète un moment sur cet ancien écueil des déterminations d'organes. Il suflisoit autrefois d’une certaine ressemblance dans la forme et d’une destination équivalente, pour que l’on se crût sur des orga- nisations identiques. Quelques habitudes irréfléchies étoient les seules règles en usage; et nos deux prétendues trompes ont bien pu être considérées sous le même aspect en 18or, et l’auront été en effet par M. Levaillant, avec tout autant de raison que bien d’autres déterminations incontestées alors. Je n’avois point encore posé ce principe, que c’est seulement quand deux parties se rassemblent par leurs connexions et leurs mutuelles dépendances qu’elles sont analogues. Mais aujourd'hui que je puis m’appuyer sur des règles certaines, le principe des connexions et la théorie des ana- logues , je suis affranchi de toute hésitation. Et en effet, des que j'ai eu examiné l'appareil dont les aras indiens se servent pour la déglatition de leurs alimens, le plus court instant m'a suffi pour débarrasser cette question de fait de toutes les suppositions qui la surchargeoïient, et pour la ramener à ce qui est partout, à cet ordre admirable, dont j'embrasse les relations sous le nom d'unité de COrnpOSULION organique. Que le mot de #rompe ait été dans le principe la désigna- tion caractéristique du prolongement nasal de l'éléphant, on a bien pu en régler l'usage et l'appliquer à tout excédant de Mém. du Muséurn. t, 10. 25 190 PEerRoQuETSs MICROGLOSSES. l'organe olfactif qui.se compose de tiges creuses, conjointes, prolongées et mobiles. Dans ce sens, le groin d’un cochon est une trompe : et cela nous explique comment l’analogie per- met d'étendre cette dénomination au nez si démesurément allongé des taupes, des musaraignes et des desmans. C’est le mème organe, restreint cependant, c'est-à-dire le mème avec quelques élémens de moins et, par conséquent, avec une moindre action. Mais il répugne d’adopter cette dénomina- tion, quand il s’agit d'oiseaux , où n’est et ne peut être la chose, mème au moindre degré possible. Encore mieux, ré- pugne-t-il de transporter ce nom à un tout autre système organique. Il n’y a point d'intention allégorique, de désir de donner plus de force à sa pensée, qui puisse justifier cette manière de dire ou d'agir. Le langage et les faits des sciences ne deviennent lumineux et philosophiques que s'ils se renfer- ment tout-à-fait dans la vérité la plus scrupuleuse, Laissant de côté cette expression erronée de trompe, il suflit que je sache que l'appareil dont il est ici question existe en dedans des mandibules, pour que je ne puisse douter qu'il ne soit composé de la langue et de ses dépendances osseuses. C’étoit parce qu’on avoit remarqué la mobilité de toutes ces parties, que, pour expliquer cette circonstance, on avoit eu recours à la considération de résultats analogues que présente la trompe de l'éléphant; comme si ce n’étoit pas le propre de la langue de manifester la même mobilité et de gouverner le cours de toutes choses dans la cavité buccale. L'ensemble est donné; c’est l'appareil hyoïdien et ses dé- pendances. Le principe des connexions va fournir la détermi- nation de chacune de ses parties et y portera d'autant plus de PERROQUETS MICROGLOSSES. 191 précision que le point de départ n’est susceptible ici d'aucune équivoque. La langue termine Pappareil hyoïdien ; par con- séquent ce petit bout noir décrit sous la forme d'un gland creusé à sa pointe ( M. Levaillant), corné, a dit M. Cuvier, ne sauroit être autre chose, en tout ou partie. J’y ai regardé très- attentivement : ce n’en est point un fragment, c’est la langue toute entière. J'avoue que j'ai été très-étonné de ce résultat. On sait que ce qui distingue surtout les perroquets est l'ampleur et la qualité charnue de leur langue. Tout volumineux qu'est leur bec, celle-ci en remplit toute la capacité. C’est donc un spec- tacle tout-à-fait inattendu que ce qui est produit avec tant d’exagération dans une famille passe chez l’un des congé- uères brusquement à l’excès contraire. La langue des aras indiens est en effet réduite aux plus petites dimensions; mais comme organe du goût, elle ne perd rien de son efficacité. Je n’en puis douter et j’explique de cette manière une habitude de l’oiseau racontée par M. Le- vaillant et que j'ai pareillement observée. Ces perroquets émiettent tout ce qu'on leur donne et recueillent chaque par- celle sur le centre de leur langue, qui prend alors la forme d’un cuilleron. Il est évident qu'ils agissent ainsi par sensua- lité; car s'ils n’avoient envie que de se gorger de nourriture, que de remplir leur estomac, ils trouveroient à ÿ réussir à bien moins de frais et de fatigues. Comme tous les perroquets, ils brisent sans difficulté les noix, noisettes et toute espèce de noyau; mais quand ils en” ont détaché les amandes, il ne leur arrive pas, ainsi qu’à leurs congénères, de les écraser pour les avaler en gros fragmens, 25* 192 PERROQUETS MICROGLOSSES. L'entrée de leur œsophage le permettroit cependant, puisque cette ouverture est assez grande et que des amandes en- üères y pourroient passer. Un ara à trompe se garde d'agir ainsi. J’ai vu cet oiseau attentif à gruger tout ce qu’on lui donnoit, du pain, du sucre et des amandes, et occupé surtout de porter l'extrémité de sa langue sur chaque parcelle détachée : c’est alors qu'il en faisoit la déglutition, retenant la masse principale entre les tranchans des demi-becs. Ou bien, afin d’avoir sans em- barras la jouissance entière de son appareil de déglutition, la masse principale étoit reprise et conservée momentané- ment par une des pates. La langue de cet oiseau a été comparée à un gland : c’est en effet une tubérosité de forme ovale; son grand diamètre est transversal et large de six millimètres ; le petit diamètre est de moitié tout au plus. Quoiqu'aussi petite, cette langue sai-- sit habilement un fragment d’une dimension moindre; c’est qu’elle se plisse et fait sinus à la ligne médiane: elle est for- tement préhensible; ce dont elle est redevable à ses os propres ou les glossohyaux (1), qui rapprochés l’un de l’autre par les muscles de la langue, deviennent une sorte de pince à l'égard de tout ce qui s'engage dans leur intervalle. Je n’ai pu prendre connoissance des différens os hyoïdiens qu'à travers les membranes et les muscles qui les recouvrent : (Cr (1) Je me sers et vais continuer de me servir d’une nomenclature que j'ai établie dans un Mémoire général sur l’hyoïde ( voyez Philos. anat., tome [, pages 139 à 205). Je ne reproduirai pas ici les élémens de ce travail. Ou les lecteurs le con- noissent, ou ils voudront bien prendre la peine d’y recourir. PERROQUETS MICROGLOSSES. 193 mais aidé de la connoissance d’un autre hyoïde de perroquet, j'en puis présenter la détermination, sans craindre de com- mettre la plus petite erreur. Pour plus parfaite intelligence de ce que j'ai à exposer, je mets, pl. 11,sous les yeux du lecteur les figuresde l’hyoïde du perroquet jaco ( psettacus garrulus ); on voit cethyoïde par le dedans, fig. 11, par le dehors, fig. 1 2, etde profil, fig. 15. Toutes les pièces de l'appareil s'appuient sur un os impair au centre, le basthyal b; en devant sont les os propres de la langue, les glossohyaux, 3,g ; en arrière et également articulés, au basihyal sont les premiers osselets des cornes styloïdiennes ou les apohyaux , a,a, et au-decà de ceux-ci les seconds osselets ou les cératohyaux, c,c. I est une autre pièce dans le prolongement du basihyal, celle dite , ærohyal, u: mais soudée à la précédente en raison de l’âge avancé de l'oiseau, son point de séparation n’est pas marqué dans nos figures. Cela posé, j’engage à consulter la fig. 13; elle est faite d’a- près le vivant, et, comme on le pense bien, d’après un modèle qui posoit mal, la bouche ouverte, quand il crioit, et qui n'a point souffert qu'on prit des mesures. Le dessin représente le pharÿnx 1 , la langue 2, l'appareil de déglutition 3, l’en- crée de l’œsophage 4, celle de la glotte 5, l'aspect intérieur du demi-bec supérieur 6 et la même face du demi-bec in- férieur 7. J'ai, par cette amalgame de chiffres et de lettres, distingué les organes dans leur totalité des parties osseuses formant l'appareil hyoïdien. Les nos. r1 et 13 sont les figures donit la considération im- porte le plus, parce que la comparaison en est immédiate et facile à concevoir ; les glottes, chiffre 5, occupent le centre de 194 PERROQUETS MICROGLOSSES. tout le système; elles s'ouvrent dans la fourche produite par la rencontre des deux cornes styloïdiennes et font ainsi valoir la grandeur respective de ces branches. Le dernier de leurs osselets, le cératohyal c, est un os ramassé semblable, de forme comme d'usage à une rotule : il sert à articuler l’autre pièce avec le crâne et à multiplier ses chances ponr un mou- vement plus varié. Engagé dans ses muscles et dans ses té- gumens, nous ne l’apercevons point dans notre figure n°. 13. Ce qui reste donc apparent des cornes styloïdiennes est l'apo- hyal &, s'étendant du cératohyal au basihyal. Or dans nos figures no. 11 et 13, lun est sous-doublede l’autre; l’apohyal de l’ara à trompe ne s'étend point au-delà de l’espace occupé par la glotte. Si ces pièces sont si petites relativement à leur dimension habituelle, il paroit qu’en revanche le basihyal est plus grand et surtout plus fort; il existe depuis les branches styloïdiennes jusqu’à la tubérosité terminale, On voit cet os recouvert de ses tégumens fig. 13, et débarrassé au contraire de toutes enveloppes fig. 11 et12. Quant à ce point, c’est peu de différence de l’un à l’autre des perroquets com- parés. Où cette différence est au contraire considérable, c’est dans les grandeurs respectives du surplus de l'appareil hyoi- dien. Chez le perroquet jaco, fig. 11 et 12, le basihyal est ter- miné par deux pièces assez longues, gg, lesquelles sont les os de la langue ou les glossohyaux. Ainsi voilà une base éten- due où la masse charnue, dont se compose la langue de ces perroquets parleurs, trouve à s'implanter. Toute cette organisation se retrouve , mais restreinte, mais rudimentaire dans la tubérosité terminale, chiffre »; voyez fig. 13 et 14. Cette tubérosité a dela largeur, à raison des deux PERROQUETS MICROGLOSSES. 195 glossohyaux, qui, aperçus, à travers les muscles qui les re- couvrent, paroissent comme de petits corps ronds. Chacun est articulé avec la tête du basihyal, et jouit ainsi, malgré sa petitesse, de tous les mouvemens de ces os chez les perro- quets. Les muscles, en les rapprochant l’un de Pautre, les soulèvent; ce qui produit dans leur intervalle la gorge que nous avons remarquée, quand les aras à trompe s'appliquent à saisir quelques parcelles; ainsi le jeu imprimé à ces deux petits osselets les fait agir comme agissent les bras d’une pince. La tubérosité terminale ( chiff. », fig. 13 et14 ), que nous décrivons, est donc, elle seulement, toute la langue des aras à trompe; c'est même une langue de perroquet, mais en mi- niature. Les glossohyaux sont aussi des os séparés et mobiles, quand chez d’autres oiseaux, les canards par exemple, ils sont soudés l’un à l’autre et ne forment plus qu'un seul os. Cependant une langue aussi petite chez des oiseaux dont le bec est si considérable, qui ont par conséquent la cavité buccale d’une étendue exagérée, voilà sans doute pour con- fondre toute la philosophie des causes finales. Chez tous les animaux assez généralement, la cavité buccale s'accroît avec le volume de la langue; mais ici c’est l'inverse qu'on observe. Il n’y a plus qu'une miniature de langue, et les dimensions du bec ont augmenté, au point de l'emporter du triple en lar- geur sur celles propres aux autres perroquets. Des observations qui précèdent, il résulte que ce que M. Levaillant et ses commentateurs ont considéré comme la trompe ou langue des aras indiens comprend tout l’appa- reil hyoïdien, mais cet appareil frappé de réduction dans ses parties extrèmes. 196 PERROQUETS MICROGLOSSES. Ainsi cette trompe qui s’'avance dans le récit de M. Le- vaillant, c’est tout l’hyoïde qui se porte en avant. Ses divers mouvemens que l'on avoit comparés à ceux de la trompe de l'éléphant et qui n’avoient pas pourtant la même souplesse, sont les mouvemens ordinaires d’un appareil, tenu partout à effectuer l'acte de la déglutition. Quand cet appareil se retire, c’est tout l’organe respiratoire, la trachée-artère et le larynx qui agissent sur lui; quand ceux-ci descendent ou plongent dans la poitrine, l'hyoïde n’est acculé dans le pharyox qu'en- trainé à leur suite. La glotte, visible entre les apohyaux qui servent à sa sus- pension , reste le plus souvent ouverte: avec l'hyoïde porté en avant, son ouverture est longitudinale; avec cet appareil refoulé dans le pharynx, l'ouverture est transversale ou même entièrement ovale. La glotte dans ce dernier cas ne peut se fermer, et c’est la seule position que puisse prendre l'animal pour faire entendre ses cris. C’est un croassement rauque que nous pouvons, dit justement M. Levaillant, imiter facilement en ouvrant forte- ment la bouche et prononçant de la gorge le mot ghrräa. Ce son vient évidemment du larynx inférieur. Si l'on réfléchit à cette organisation de la langue et du la- ryox, on conçoit que M. Levaillant ait échoué dans sa ten- tative de faire articuler à ses oiseaux les mots les plus faciles. Ils ne lui ont jamais, dit-il, paru porter la moindre attention à ses lecons; mais c’est qu'ils n’avoient pas l'organe avec le- quel on parvient à parler. Leur langue n’existe qu’en vertiges; mais toute puissante qu'elle est encore pour la dégustation et pour la saisie des alimens, elle ne sauroit modifier les sons PERROQUETS MICROGLOSSES. 197 produits par le larynx; cela n’est possible qu'à une langue charnue et qui remplit toute l'étendue de la cavité buccale. Ce fait d’un organe arrêté dans son développement tient à un autre non moins remarquable, auquel je ne sache point que personne ait encore fait attention : c’est la brièveté et le raccourcissement de la mâchoire inférieure elle-même. Celle- ci a perdu en longueur ce qu’elle a acquis d’une manière toute extraordinaire en largeur. De la forme que prend alors cette mâchoire, il résulte qu’elle occupe la région du cou, que la tête est avancée par delà, et que c’est ainsi seulement qu'on peut expliquer ce prolongement si grand du demi-bec supérieur. Il arrivoit souvent à l'oiseau de porter sa petite languesur le palais; l'appareil hyoïdien étoit alors soulevé et se trouvoit remonté si haut qu'on le voyoit par-dessous. Ce mouvement est fréquent : il n’y a de déglutition possible que par lui. Au total, tout cet appareil se ressent de ses conditions pri- mitives, d’être comme arrêté dans son développement. Ses fonctions sont pénibles : car elles ne deviennent un sujet surprenant de remarques pour l'observateur qu’en raison de toute l’industrie que l'oiseau est forcé de déployer. Cepen- dant les répétitions continuelles des mêmes mouvemens pro- duisent à la longue une habitude et même une certaine ai- sance qui rendent ces exercices assez faciles. Ayant par cette discussion porté l'attention des ornitho- logistes sur le fait organique qui signale sous son véritable point de vue la merveilleuse structure des aras indiens, et ayant, je pense, suflisamment démontré que leur dénomi- nation de ara à trompe est vicieuse, je crois devoir proposer Mém. du Muséum. 1. 10. 26 198 PERROQUETS MICROGLOSSES. un nom, pour cette division de perroquets, qui rappelât leur réelle organisation. Tel est le nom de »#croglosse ( perro- quets à petite langue }, sous lequel je les ai annoncés dans le titre de ce mémoire. L'oiseau est noir; et jeune, il est gris. M. Levaillant en a figuré les deux âges. Afin qu’on soit dispensé de recourir à ces figures, pour avoir une idée exacte des traits caractéristiques et de l’en- semble de ce nouveau genre de perroquets, j'en donne ici une esquisse : voyez fig. 16. L'intérieur de bouche, fig. 13, représenté de grandeur naturelle, donne une idée des dimen- sions totales. Nota. J'ai suspendu pendant deux ans la publication de ce Mémoire, me flat- tant, ce dont je désespère aujourd’hui, de revoir cet ara microglosse. Dans l’inter- valle, M. Vieillot a publié ce sous-genre dans celui de ses ouvrages intitulé : Galerie des Oiseaux du Cabinet d'histoire naturelle du Jardin du Roï. Les figures sont de M. Oudart. M. Vieillot a adopté le nom de microglosse, et fait savoir qu'il en donnoit l’organisation, d'apres mon manuscrit qne je lui ayois communiqué. ERRAT A important à corriger. Page 90, ligne 10, au lieu de:.......:,..:... { FRS { acide carbonique 39,38 NES VOS GE POP Radtéli ns. Lt 5,62 OSTEOLOCIF COMPAREE.- PERROQUETS MICROGLOSSES . Hig12.8.4.5 -d'hprès & Bai6-le Cochon 7 -l evrotun 8 le Renne..9-la Gaxelle.10-le Bufle .2.12.10-le lerroguet jaco. 13,14 16- dferroquet nucroglosse +. Pig 1.8.4.5. DA 9-1.12.15.14.15-de grandeur nat#@-cu trs. 10 -de moitié’, 16-du guart.2-triple. f 199 FRAGMENT D'UNE MONOGRAPHIE DES VRAIES BUTTNERIACÉES. PAR J. GAY. | ARE je publiai, dans le VIIe. volume de ces Mémoires, le résultat de mes recherches sur le groupe des Lasiopéta- lées, j’espérois pouvoir réunir promptement les matériaux qui m'étoient nécessaires pour étendre ce travail aux autres groupes et à tous les genres de la mème famille. Cette es- pérance ne s'étant pas réalisée, et la tâche que je m’étois imposée s'étant d’ailleurs compliquée par les importantes observations de M. Kunth sur plusieurs familles voisines des Malvacées (1), j’abandonne avec peine un projet qui m'a long-temps occupé, et me borne à mettre sous les yeux du public la seule monographie de genre que j'aie pu amener à (1) Humboldt , Bonpland et Kunth, Nov. Gen. et Spec. PI. tom. V. ( 1822.) 20% 200 MoNOGRAPHIE un point de maturité suflisant. J'ai lieu de croire qu'elle offrira de l’intérêt aux personnes qui apprécient les avantages de l'exactitude, même dans les travaux les plus bornés, et je la soumets à leur jugement éclairé, en regrettant que les circonstances m’aient été si peu favorables pour mériter de leur part une plus grande portion d’estime. BUTTNERIA. CHARACTER ESSENTIALIS. Non differt à Commersonia nisi filamentis 10 non 20, et capsula- rum setis nudiusculis non fasciculatim pilosis. — Hæc forma inter Büttneriaceas veras simplicissima est. Oss. Monographiæ hujus generis scribendæ supersedebo donec omnes jam notas species occasio mihi obtulerit et ad illas rite conferendas otium fuerit. Quod quum nesciam quando futurum sit, operæ pretium fore duxi si, interim, Commersoniam dasyphyllam Büttneriis restituerem , novamque posterioris generis publici juris facerem , et utriusque descriptionem iconibus illustratam meis de Commersonia pagellis præmitterem. 1. BUTTNERIA DASYPHYLLA. N.(Tab. I.) B. caule inermi, foliis ovato-acuminatis, dorso hirsutis et viri- dibus. N. Commersonia dasyphylla. Andr. Bot. Repos. tab. 603. ( 1810.) — Link. Enum. Berol. alt, 1.( 1821 ) p. 302. Lasiopetalum tomentosum. Cels. ( ann. 1820.) Büttneria inodora. Gay in Dict. Science. nat. 30° livrais. (ined.) ic. Habitat in Nova Hollandia aut terrâ Van-Diemen ( Andr.). — Parisüs, Londini et Berolini, in frigidario hospitatur , Aprili et Majo florens , semina perficiens Julio. Teloni , in rerum marinarum horto, anno 1822,plantata, ex Roberti litteris, hyemem 1822-1823 et scalæ DES BUTTNERIACÉES. 201 Reaumurianæ gradum infra glaciem quartum sustinuit, floresque et fructus anno 1825 copiosè dedit, foliis autem junioribus gelu cris- patis, frigoris intensioris impatientem se fore ostendit. —Vidi vivan, florentem et fructiferam, tum apud Cels et Noisette, tum in horto Luxemburgensi. Frutex in frigidariis 5-6 pedalis, laxè ramosus, trunco erecto, gra- cili, tereti, glabro, fuscescente, ramis patentibus, rufè hispido-to- mentosis, herbâ totâ inodorâ. Folia plantæ semestris, è seminibus educatæ, à foliis plantæ adultæ et florentis diversissima. Priorum petiolus uncialis et longior, hirsutus; limbus 3-4 uncias longus, toti- dem latus, in multarum Malvacearum , præsertim Lavaterarum, modüm acutè tri-quinquelobus, basi æqualiter cordatus, margine per totum ambitum grosse et inæqualiter crenato-dentatus, facie gla- briusculus et læte viridis, dorso pallescens et molliter remote hispi- dus, lobis duobus inferioribus obsoletis, quandoque nullis, duobus intermediüis ad angulum ferè rectum patentibus, terminali longiore, acuto, sæpè acuminafo, nervis dorso prominulis, palmatim dispo- sitis. Posteriorum petiolus brevissimus, 3-3 + lineas longus, densè hispido-rufotomentosus ; limbus 2-5 uncias longus; 1-2 + uncias latus, ovato oblongus, acutus, subacuminatus, basi æqualis, obsoletissimè cordatus, subinteger, margine planus et inæqualiter dentato-serra- tus, facie obscurè viridis et pubescenti-scabriusculus , dorso molliter et densè hispidus, nervo primario secundariisque prominulis , tribus inferioribus palmatim dispositis. Stipulæ hirsutæ, deciduæ, in juniore plantâ setaceæ , indivisæ, petiolo multo breviores, in adultà petio- lum subæquantes, lanceolafæ, apice integræ aut bifidæ. Cymæ parvæ, paucifloræ, oppositifoliæ, folio opposito multù breviores. Pedunculus et pedicelli hispidi, novelli bracteati, bracteis vagis, li- neari-lanceolatis, indivisis, hirsutis, deciduis. Ælabastra spherico- pentagona, antè quinfum mensem conspicua. Flores albi, inodori, floribus Æsclepiadis angustifoliæ W. e longinquo similes. Calyx ultrà medium quinquefidus, ferè quinquepartitus, patens, 2-2 : li- 202 MonoGRAPHIE ueas lafus, utrinque villosiusculus, tubo viridi, segmentis planis, ovatis , obtusis, albis, veuis ad dextram lævamque nervi medii ferè inconspicuis. Petala 5 , distincta , cum segmenlis calycinis alteruan- tia, üsdem paulà breviora , unguiculata, alba ; ungue dimidiam li- neam Jlongo, glaberrimo, trinervi, cuneiformi, marginibus intro- flexis, filamenta fertilia antherâ supputatâ æquilonga amplectente ; limbo duplo triplove angustiore, ex unguiculi lateribus abruptè pro- ductis nato, duos plus miuüs lineæ trientes longo, patentissimo, plano , lineari, uninervi, apice obtuso et paululum dilatato, facie villosiusculo, dorso glaberrimo, æstivatione introrsum ad angulum rectum flexo et autheram tunc temporis horizontalem tegente , hoc est imperfectè replicativo. Filamenta 10, ferè ad medium usque in tubum connata, alternè sterilia; sterilia calyce et petalis pauld bre- viora, petaloidea , plana, alba, utrinque villosiuscula , intra alabas- trum observata recta , erecta, valvatim conuiventia, linearia , apice obtusa monantherife ra , durante anthesi visa lanceolata, acuta, apice stellatim expansa ibique nuda, antherâ antheræ fertili cæterùm simili, sed rectâ non reflexä, roseâ non purpureä, basi profundiüs excisà , lobis deorsüm spectantibus, per totum dorsum filamento ad- nexis, magis divaricatis , sub apice per unum tantm punctum cohæ- rentibus, cassis, lineâ quidem suturali, longitudinali, laterali in- structis, non ver dehiscentibus, aëris contactu citissimè evanes- centibus, ita ut in flore expanso ne minimum eorum vestigium supersit ; fertilia petalis opposita , erecta , indivisa, linearia, antheræ longitudinem æquantia, filamentis sterilibus quintuplà breviora , an- therâ minutâ, purpureâ, virgineâ sublunulatâ, apice leviter emar- ginatâ , basi, quâ filamento inseritur, profundè excisâ, intrà alabas- trum horizontaliter patente, demüm reflex (ita ut dorsum petalo opposito præbeat et crura sua in altum tollat) lobis ovoideis, rectis, ad angulum acutum divergentibus, inter punctum apici proximum et punctum medium connectivo basi laxiore membranaceo junctis, infrà medium liberis, intrà sinum suum filamentum excipientibus, demüm DES BUTTNERIACÉES. 203 rimâ longitudinali laterali extrorsam ( reapsè, propter antheram re- flexam, introrsm ) dehiscentibus, ad margines suturales tantüm ni- gricantibus , effœtis ad angulum acutum hiantibus, carinatim cavis, antherâ tunc, ex parte dorsali visâ ( quæ pars tum quoque petalum spectat), propter crura vacua retracta, verè didymâ. Ovarium sphæroïdeum , taberculatum , -obsoletè quinquecostatum, pentagy- num, quinqueloculare , stylis filamenti antheriferi longitudinem æquantibus, tereti-subulatis, glabris, apice incrassatis, primd ap- proximatis, unicum mentientibus, demum liberis, loculamentis trio- vulatis, ovulis ad basim anguli axilis affixis. Capsula calyce emar- cido basi stipata, sphæroïdea, undique echinata, supputatis armis quinque lineas lata ; stylis brevibus, emarcidis, inter setas abscon- ditis ; setis duas lineas longis, crassis, rigidis, subulatis , atropurpu- reis, pilosiusculis, pilis terminalibus radiatim expansis, rectis, acutis, reliquis sparsis, distantibus, solitariis (non fasciculatis), apice glan- duliferis et inde quasi clavatis; pericarpii membrana duplex , exterior fibrosa, fibris crassis, lignosis, reticulatim anastomosantibus, inter- stitiis membranâ semipellucidà clausis, interior arte facilè separanda, sponte autem non diseedens, continua, cornea aut solidè membra- nacea, lævis, intüs glaberrima et lucida. Dehiscentia loculicida. Sernina in singulo loculamento 2, rarissime 3, adscendentia, ellipsor- dea, lævia, fusca, lineam longa; strophiola parvula, apice rotun- data, rarius crenulata , plerumque integerrima ; Ailus punctiformis; raphe simplex, ab hilo ad geometricum seminis apicem ducta; c4a- laza in seminis apice obsoleta ; integumentum proprium crustaceum , crassiusculum, perispermo carnoso, moili adhærens; embryo axilis, longitudine ferè cavitatis semineæ, radiculâ inferâ, tereti, cotyle- donibus planis, ellipticis pauld breviore, plumulâ inconspicuä. (D. V.) Oss. Fortem Cucumeris odorem, circà antheseos tempus imprimis manifestum, recentibus Commersoniæ suæ dasyphyllæ foliis tribuit Andrews, qui odor in Bütineria mea dasyphylla omnind desideratur. Hoc commotus et eo quod priori 204 MoxoGRAPHIE petala calyce longiora adscribuntur, quum petala posterioris mihi semper calyce breviora visa sint, stirpem Parisiensem à Londinensi diversam credideram et Bütineriam inodoram dixeram , quo nomine à docto Turpini penicillo in Dict. des $c. nat. illustrabitur. Nunc verd , consideratà summäâ iconis Andrewsianæ cum planta mea similitudine, sub unius speciei titulo hanc cum illa conjungo, leves existimans esse differentias quibus discriminantur, si re ipsa existant nec unicè ab individualibus circumstanciis pendeant. 2. BUTTNERIA HERMANNIÆFOLIA. N. ( Tab. IL. ) B. caule inermi, foliis ovato-lanceolatis, dorso tomentosis canes- centibus. N. Commersonia hermanniæ folia. Gay in Kunth Nov. Gen. et Spec. V. (1822) p. 311, in nola. Habitat in Nova Hollandia, ad portum Jackson, locis sterilibus (Riedlé in herb. Mus. Paris. ). — In herbario Mus. Paris. vidi pul- cherrima florifera specimina , loco prædicto lecta. Frutex 2-5 pedalis (Riedlé, 1. c.), trunco erecto, tereti, glabro, fusco, ramis ereclis, gracilibus, virgatis, pariter teretibus, glabris et fuscis, ramulis apice hirsutis non hispido-tomentosis. Folia alterna penuinervia, subsessilia, 8-12 lineas longa, 5 :-b lineas lata, ovato- lanceolata, obtusiuscula, basi æqualia , obsoletissime cordata, sub- integra, margine serrata, revoluta, facie obscurè viridia, rugosa, scabriuscula, dorso hispido-tomentosa canescentia (tomento denso, stellulis longioribus laxis substrato), nervo primario secundariisque dorso prominulis, secundariorum inferioribus obsoletis. Stipulæ lan- ceolatæ , petiolo brevissimo longiores, hirsutæ, deciduæ , apice in- tegræ aut bidentatæ. Cymæ parvæ, paucifloræ, oppositifoliæ , ra- rissime axillares, folium oppositum nunc æquantes nunc superantes, deciduæ. Pedunculi et pedicelli hispidi, novelli bracteati, bracteis vagis, lineari-lanceolatis, integris, deciduis. Æ/abastra spherico- pentagona. Flores marmoris ad instar albi (Riedlé, 1. c.) similes fioribus B. dasyphyllæ , non aliâ notâ distinguendi nisi petalorum DES BUTTNERIACGÉES. 205 limbo pauld angustiore. Ovarii loculamenta pariter friovulata. Fruc- tum non vidi. (D.S.) Os. Species hæc, quoad floris fabricam præcedenti simillima , notis e vegeta- tone desumptis distinctissima est, nempe 1°. ramorum ramulorumque extremis tantum apicibus hirsutis, pilis rarioribus , 2°. folüis duplo, triplo, quadruplo et quintuplo minoribus, ovato-lanceolatis non ovato-acuminatis, brevius petiolatis, dorso canescenti-tomentosis non viridibus hispidis, nervis dorsalibus inferioribus obsoletis non exstantibus et palmatim dispositis, 3°. cymis denique folium opposi- tum æquantibus aut superantibus, non folio multo brevioribus. COMMERSONIA. ComMERson1A : J. R. Forst. Char. Gen. (1776) p. 43. — Linn. fil. Suppl. p. 26. gen. 1580.— Mürr. Syst. Veget. p.300. — Schreb. Gen. PI. p. 208. — Juss. Gen. PI. p. 428. — Lam. Dict. 11. p. 69. — Gærtn. Fruct. 11. p.79.— Gmel. Syst. Veget. p. 510. — Mürr. Syst. Veget. edit. Pers. p. 318. — Jaum. St. Hil. Fam. nat. 11. p. 555. — Hedww. fil. Gen. PI, 1. p. 214. — Audr. Bot. Repos. fol. 519. — Sims in Bot. Mag. fol. 1813. — Spreng. Anleit. zur Kenntn. der Gewächs. 11. p: 669.— Schult. Syst. Veget. vr. (1820) p. LxIx. CHARACTER NATURALIS. Arbores et frutices pube stellulata tomentosi. — Stipulæ parvæ, rameæ , deciduæ, — Folia alterna , indivisa, ovato- oblonga , ovata, plerumque inæqualia, facie hispidiuscula, dorso tomentosa, — /n- _florescentia cymosa, oppositifolia, axillaris, rard juxtaxillaris. — Bracteæ vagæ, deciduæ. — Calyx petaloïdeus , marcescens, quin- quefidus quinquepartitusve, segmentis patentibus, dorso tomentosis. — Petala 5, hypogyna, cum laciniis calycinis alternantia, indivisa, ex basi latâ, marginibus introflexis filamenta fertilia amplectente, in mucronem linearem , ungue longiorem producta. — Filamenta 20, basi in tubum brevem connata, alia fertilia, alia sterilia; fertilia 5, sterilibus multo breviora, petalis opposita, indivisa, apice monan- Mém. du Muséum. 1. 10. 27 206 MonxoGRAPHIE therifera ; sterilia 25 , ternalñim cum fertilibus alternantia, ex tribus intermedium semper petaloïdeum, exteriora in altera sectione capil- laria et cum filamentis fertilibus adjacentibus basi connata, in altera petaloïdea et cum filamento intermedio basi connata. — Anthera basi affixa, extrorsa, biloba , primd horizontalis, demüum in priore sectione reflexa , in altera erecta, lobis divergentibus , rimä laterali longitudinali dehiscentibus, valvis, emisso polline , in priore sectione ad angolum acutum hiantibus, in altéra quam maxime divaricatis, explanatis. — Ovarium unicum, sessile, sphæroïdeum, tubercuiatum , quinquecostatum, pentagynum, quinqueloculare, stylis teretiusculis, primÔ approximalis, unicum mentientibus, demüm liberis, locula- mentis 3-6 ovulatis, ovalis angulo interiori affixis.—Fructus capsularis Triumfettæ et Sparmanniæ, calyce marcescente multè major, setis Jongis, flaccidis, pilosis echinatus; pericarpiüi solidi, sieci, membrana duplex , altera fibrosa reticulata, setas quibus armatur fructus gérens, altéra interior continua , membranacea aut pérgamentacea jutrinque glaberrima, dermüm laxius adhærens, vix autem unquam sponte disjuncta; loculamenta 5; dissepimenta è valvularum margine intro- flexo ; dehiscentia loculicida; columella nulla. — Semina in singulo loculamento 2-3 , adscendentia , ellipsoïdea aut oblongo-obovoïdea, strophiolata, strophiolä (ubi observata) fripartitâ. CHARACTER ESSENTI ALIS. Inflorescentia cymosa. — Bracteæ vagæ, deciduæ.— Calyx per- sistens, marcescens. — Petala 5 , ex basi latâ, marginibus infroflexis filamenta fertilia amplectente, in mucronem linearem indivisum producta. — Filamenta 20, ex quibus 5\brevissima, fertilia, mo- nantherifera , 15 ternatim inter fertilia posita , sterilia, elongata, — Anthera basi inserta, extrorsa , biloba , junior horizontalis. — Ova- rium pentagyoum, quinqueloculère , loculamentis 3-6 ovulatis. — Capsula echinata, aptera, quinquevalvis, seminibus strophiolatis, cotyledonibus planis. DES BUTTNERIACÉES. 207 Oss. 1. Commersonia Büttneriæ proxima est, nec alüs notis distinguitur nisi filamentis 20 non 10 et capsulæ setis flaccidis pilosis non rigidis nudiusculis: Ab omnibus autem reliquis Büttneriacis distinctissima est, Differt enim : 1. À T'heobromate, calyce persistente non deciduo, filamentis 20 non 15, antheriferis 5 non 10, ovario penta-non monogyno, fructu capsulari echinato non drupaceo sericeo , intus sicco non pulposo , embryonis cotyledonibus planis non corrugatis ; 2. Ab Abromate, filamentis antheriferis , 5 non 15, sterilibus angustissimis non obcordatis , ovario pauci non multi ovulato , capsulà apterà , erostri, echinatà non inermi, cotyledonibus planis non flexuosis:;, 3. À Guazuma, calyce persistente non deciduo, petalis indivisis non bifidis, filamentis antheriferis 5 non 15, fructu capsulari echinato non indehiscente tu- berculato , oligo-non polyspermo , septis transversis incompletis destituto, cotyle- donibus planis non plicatis ; 4. À Glossostemone , filamentis 20 non 65, antheriferis 5 non 60, brevissimis non sterilia superantibus , ovario penta-non monogyno, ovulis in singulo locula- mento 3-6 non ro; 5. Ab Ayenia, calyce persistente non deciduo , filamentis in tubum brevem non longissimum connatis, sterilibus fertilia superantibus non omnibus (ubi Jibera evadunt) dentiformibus , ovario sessili non stipitato, cotyledonibus planis non corrugatis. «Ozs. 2. Commersonta ex consideratä antherarum dehiscentià commode in sec- tiones duas dividi potest, quarum altera quondam sub generis novi titulo verisi- militer exponetur. Nec erit hoc genus dignitate inferius generibus, verbi causà , Melaleucæ , Calothamno et Beaufortiæ , ex antherarum basi aut dorso insertarum, apice {ndivisarum aut bifidarum consideratione petitis. Mihi autem, fragmentum monographiæ Büttneriacearum edenti, suficiat differentiam monstrasse. ENUMERATIO SPECIERUM. S I, Antheris demüm reflexis, loborum valvis post dehiscentiam ad angulum acutum hiantibus. 1. COMMERSONIA ECHINATA Forst. Commersonia echinata. Lam. Dict. 11. (1786) p. 69. — Ejusd. 2 TE 208 MoNoOGRAPHIE Illustr. Gen. tab. 218. — Gmel. Syst. Veget. p. 500.— Willd. Spec. r. p- 1566. — Pers. Synops. 1. p. 340. — Jaum. St. Hil. Fam. nat. 11. p 355.—Smith in Rees Cyclop. 1x. — Schult. Syst. Veget. vr. (1820) p. 768. a. T'aheitensis. C. foliis ovato-oblongis, 2-3 uncias longis, 11-14 lineas latis, ra- morum et petiolorum tomento cano, brevissimo. Commersonia. Forst. Char. Gen. (1776) tab. 45. ( analys. floris et fructüs, mediocr. } Commersonia echinata. Forst. in Linn. fil. Suppl. (1781) p. 187. — Mürr. Syst. Veget. p. 300. — Forst. fil. FI. Tusul. austr. Prodr. p- 25. n°. 144. — Vitm. Summ. PI, 11. p. 207. — Gærtn. Fruct. 1. p: 79- tab. 94. fig. 3. (analys. fruct.) Habitat in Societatis insulis ( Forst.), in Taheiti, una è Societatis insulis ( Linn. fil. ), in Amicorum insulis ( Smith ). In herbario Musæi Parisiensis vidi specimen à Forstero missum. Arbor (Läon. fil. Forst.), ramis teretibus, glaberrimis, fuscis, apice ramulisque curtissime cano-tomentosis. Folia alterna; petiolo tres lineas longo, tereti, tomentoso; limbo ovato-oblongo, subacu- minato , 2-3 uncias longo, 11-14 lineas circa medium lato, penni- nervio, basi obselete cordatim exciso et, lobo altero deorsum brevi- ter producto, conspicuè inæquali, margine remote denticulato, facie obscurè viridi, nigrescente , stellulis oculo nudo inconspicuis insperso et præterea verrucis fomentosis hinc indè exasperato, dorso pannoso-tomentoso , incano , tomento ( ferè ut in Querco Ilice) den- sissimo, brevissimo ; nervo primario secundariisque dorso promi- nulis, inferioribus 3-5, palmatim dispositis. Stipulæ ramo insertæ , laterales, petiolo dimidid breviores, lineari-lanceolatæ, deciduæ, apice integræ aut bidentatæ. Cymeæ axillares, multifloræ, foliis multà breviores, 3-4 radiæ, rachi generali, radiïis pedicellisque curte to- mentosis, canescentibus. Zracteæ ad basim pedunculorum et pedi- DES BUTTNERIACÉES. 209 cellorum insertæ,-parvæ, integræ , lineari-lanceolaftæ, deciduæ. Calyx ultrà medium quinquefidus, ferè quinquepartitus, patens, duas lineas latus, segmentis ovatis, acutiusculis, opacis, uninerviis, ufrinque canescentibus et curte tomentosis, venis ad lævam dex- framque nervi medii fere inconspicuis. Petala 5, distincta, cum segmentis calycinis alternantia, calyce plerumque pauld longiora, unguiculafa ; ungue lineæ trientem longo, glaberrimo, trinervi, nune ovato-oblongo, basi cordato, nune cuneiformi-trapeziformi , ad angulos laterales obtuso, rotundato , ad baseos et apicis angulum acuto, marginibus infroflexis filamenta fertilia antherâ supputatâ æquilonga amplectente ; limbo duplo triplove angustiore, ex pro- ductis uuguiculi lateribus superioribus nato, lineam plus minus longo, patentissimo , plano, lineari, uninervi, apice obtuso et pau- lulum dilatato , facie secundum lineam mediam villoso-tomentoso , dorso glaberrimo, æstivatione introrsim ad angulum rectum flexo, hoc est incomplete replicativo. Filamenta 20, in tubum brevissimum connafa; fertilia 5, petalis opposita, brevissima, subulata, recta, erecta, glaberrima, apice monantherifera; sterilia 15, inter fertilia ternafim inserta, ex tribus intermedium segmentis calycinis oppo- situm , üisdem dimidio brevius, petaloïdeum, planum, lanceolatum, acufum , uninervium, utrinque villosum , æstivatione rectum, erec- tum , init anthesi apice patentissimum (filamenta sterilia 5 æstiva- tione pyramidatim valvata, demüm stellatim expansa ): duo exteriora basi cum filamento fertili proximo connata , eodem longiora, fila- mento intermedio triplo ferè breviora , inter antheram et filamento- rum sterilium infermediorum tubum collocata, setaceo-filiformia, villosiuscula, erecta, apice arcuata. Ænthera filamentum suum lon- gitudine subæquans, minuta , purpurea, virginea sublunulata, apice leviter emarginata, basi, quâ filamento inseritur, excisa, intrà ala- bastrum horizontaliter patens, demüm reflexa (ita ut dorsum petalo opposito præbeat et crura sua in altum tollat ), lobis ovoïdeis, rectis, ad angulum acutum divergentibus, inter punctum apici proximum 210 MonoOGRAPHIE et punctum medium connectivo junctis, intrà sinum suum filamentum excipientibus , rimâ longitudinali laterali extrorsüm ( reapsè , prop- ter antheram reflexam, introrshm ) dehiscentibus , medio dorso et ad margines suturales nigricantibus, effætis ad angulum acutum hiantibus, antherâ tune, ex parte dorsali vis (quæ pars tam quoque petalum respicit ), propter crura vacua retracta , verè didymä et an- theram Spireæ opulifoliæ referente. Ovarium sphæroïdeam, tuber- culatum, obiter quinquecostatum, pentagynum, quinqueloculare , stylis ovarii et filamenti antheriferi longitudinem æquantibus, tere- tiusculis, glabris, apice subincrassatis, primd approximatis, unicum mentientibus, demtm liberis, loculamentis triovulatis, ovulis angulo axili affixis. Capsula sphæroïdea, mole et formä capitulis fructiferis Gei rivalis et capitulis fæmineis immaturis Broussonetiæ papy riferæ subsimilis, longè setosa , supputatis armis unciam lata ; stylis brevi- bus, fragilibus, inter setas multo longiores delitescentibus ; setis 3-4 lineas longis, flaccidis, subulatis, rectis, secundum totam longitudi- nem stellato-hispidis, stellulis aliis breviter stipitatis, aliis sessilibus , pilis stellulæ terminalis radiatim expansis, rectis, non glochidiatis. Dehiscentia loculicida. Semina in singulo loculamento 5 , ellipsoï- dea , glabra, fusca, vix duos lineæ trientes longa ; strophiola tripar- tita, laciniis (in sicco specimine ) membranaceis, lanceolatis, dimidio semine longioribus; éntegumentum proprium perispermo carnoso adbærens ; embryo intrà perispermum molle nidulans, axile, rectum, longitudine ferè cavitatis spermicæ, radiculâ inferâ, tereti, cotyle- dones planas, subrotundas æquante, plumulä inconspicuâ (D. S. ad specim. Forst.). LB. Moluccana. C. foliis oblongo-lanceolatis ovatisve, acuminatis, 4 :-7 uncias longis, 1 2-4 uncias latis, ramorum et petiolorum tomento laxius- culo, rufo. Restiaria alba. Rumph. Amb. mr. ( 1745 ) p. 189. tab. 119. (mediocr. ) DES BUTTNERIACÉES. 217 Gommersonia echinata. Andr. Bot. Repos. tab. 519 (ann. 1808). —Kunth. Nov. Gen. et Spec. v. (1822) p. 511. in nota. C. platyphylla. Andr. Bot. Repos. fol. 603 (1810) in nota. — Sims in Bot. Mag. xLrir. tab. 1813.—Schult. Syst. Veget. vi. (1820) p- 768. Habitat in Amboina , Ternata et omnibus reliquis Moluccis insulis , vulgatissima ( Rumph. ), in Moluccis (Sims). Vidi in herbario Fon- tanesiano specimina duo à Cle. Labillardière in Moluccis lecta, et tertium specimen à Cl°. Wallich, mediante Cl. Hornemann, ad Clum, Desfontaines, ex horto Calcutensi missum. Colitur Londini apud Cle, Lambert cui, à semine educata, post biennium floruit. Hospitatur in caldario. Floret Junio, Julio (Sims ). « Arbor humilis, rard virum crassa, comâ rarâ, laxâ, cortice « glabro ; cinereofusco , succoso, facilè detrahendo. » ( Verba Rum- phii. ) « Frutex humilis, ramis irregulariter intertextis. » ( Verba Simsii ex angl. sermone translata. ) Rami, petioli et cymarum axis hispido-tomentosi; fomento rufo. Foliorum petiolus 5-1 1 lineas longus; Zimbus 4 :-7 uncias longus, in altero specimine Moluccano ( n°. r ) corylaceus, latè ovatus, 2 :-3 uncias latus, basi leviter cordatus, æqualis, facie glabriusculus, dorso cinereo-curte tomentosus, margine dentatus, in altero Moluccano (n°. 2) ( quod Taheïtensem plantam magis refert ) oblongo-lanceo- latus, acuminatus , 1 2-2 uncias latus, basi obsolete cordatus, con- spicue inæqualis, facie glabriusculus, verrucosus, dorso cinereo- curte tomentosus, margine denticulatus, in specimine Calcutensi (n°. 3) ovatus, breviter acuminatus, 3-4 uncias latus, basi trun- catns, paululum inæqualis , facie stellulis remotiusculis molliter his- pidus, dorso griseo-hispido-tomentosus ( tomento denso , stellulis longioribus laxis substrato), margine nunc denticulatus, nunc inæ- qualiter dentatus. Cym1œ in n°. 1 et in icone Andrewsiana axillares, in »°. 2, axillares et oppositifoliæ , in n°. 3 ; axillares et juxtaxillares , 212 MoxocrRAPHIE in Rumphii icone aliæ oppositifoliæ, aliæ infrà axillas insertæ. Flores inodori (Rumph.), albi (Rumph, Andrews, Sims), in n°. r, magni- tudine et calycis tomento Taheïtensi specimini similes, in n°. 2, n°. 3 et iconibus anglicis friente majores, calyce griseo et villoso potius quam curte et cano-tomentoso, segmentis semipellucidis non opa- cis. Petala trium speciminum facie minüs villosa. Capsulæ mole et formä ut in specimine Taheïtensi, setis iisdem , pallidè virentibus (Rumpbh.) obductæ; pericarpii membrana duplex, exterior fibrosa, fibris setas gerentibus, crassis, liguosis, reticulatim (uti fibræ tuni- carum radicalium Croci susiani et Croci variegati ) anastomosanti- bus, interstitiis perviis, inferior vi vel minimâ adhibità separanda, continua, cornea aut solidè membranacea, lævis, intus glaberrima et lucida. (D. S. ad specimina Fontanesiana.) Os. 1. Attente collatis utriusque formæ speciminibus , non alia illuxit differen- ta , quà formä 8 à formà 4 distingui possit , nisi folia majora, ramorum et petio- lorum tomentum rufum et elongatum non brevissimum et omnind canum, peta- lorum denique lamina minus villosa, nonnunquam glabriuscula. Quæ quum ali climati, ais loci circumstantiis tribui possint, veritati melius me consulturum putavi si has formas conjungerem , quam si distinctarum specierum titulo eas ex- ponerem. Nec Commersoniam platyphyllam, ex caule frutescente non arboreo, pro specie propria habui , ut pote qui noverim quantopere in caldariorum angustiis mutetur tropicarum plantarum habitus. Os. 2. Quam foliorum formam in juniore Büttneria dasyphylla animadverti, eandem in Restiaria sua alba ante seculum et amplius observaverat Rumphius , ut ex ejus verbis patet. « Primo propullulantia foliola longe aliam habent formam , « latissima nempe, et ad latera unum alterumve angulum gerunt expansum , unde « trigona et pentagona videntur, vitis folis similia, etc. » Os, 3. Folia hujus arboris contrita, testante Rumphio, odorem spirant florum Sampaccæ. Est autem hæc Sampacca ( Michelia champaca L.. ex ordine Magnolia- cearum), arbor per totam Indiam tropicam culta, cujus flores, Narcissum olentes, ab omuibus Indis inter amænissimos et dulcissimos habentur. Os. 4. Lignum Restiariæ albæ, eodem Rumphio auctore, quotidiano in usu est apud Moluccanos ad ædificationem et ad omnia opera , ad quæ fustes, pali et tigna requiruntur. Leve est, siccum, vermes facile generans, nec durabile nisi DES BUTTNERIACÉES. 213 sicco tempore cædatur, et decorticatum soli vel famo exponatur. Funes seu restes igniarios , sclopetis accendendis idoneos (gallice mèches à fusil), ex ejus cortice , dum viveret, Rumphius, parabant Amboinenses, quorum restium, antea ex unius Calappi (Cocos nucifera L.) putamine formatorum , magnus Batavis usus fuit, tempore quinti Amboinensis belli, quod per Ternatensem præfectum Qui- melaha Madjira excitatum est. Inde nomen Restiaria arbori à Rumphio im- positum. & IL Antheris demuim erectis, loborum valvis inter dehiscendum quam maxime divaricatis, verticaliter explanatis. 2. COMMERSONIA GaAuDicHAUDIT N. ( Tab. III.) C. foliis basi valdè inæqualibus, filamentis sterilibus exterioribus cum proximo fertili basi connatis. N. Habitat in Novæ Hollandiæ ora occidentali, ad Peronis isthmum, intrà sinum Baie des chiens marins dictum, quo loco, anno 1618, medio septembri, florens et fructifera lecta est à CI. Gaudichaud, itineris quod circà globum absolvit navarchus Freycinet, socio. Frutex pedalis, sesquipedalis (ex Gaudichaudiü notis manuscriptis), inordinatè ramosus, ramis infernè glabris, fuscis , supernè hispidius- culis, ramulis petiolis et cymarum singularum axi hispido-tomen- tosis, tomento laxo, rufo. Folia alterna, brevissime petiolata, limbo 1-2 uuciali, quoad generalem circumscriptionem vel ovato-elliptico vel omnino elliptico, dorso griseo-tomentoso, facie obscurè viridi aut nigricante, nunc stellulis oculo nudo inconspicuis insperso, ideoque glabriusculo, nune pubescenti hispido, margine sinuato, inæqualiter crenato, crispo, apice indiviso, basi exciso et quam maxime inæquali, lobo scilicet baseos altero obsoleto, altero quum in longitudinem tum in latitudinem valdè producto, latiore tamen quam longo, in priorem transverse flexo, marginibus utriusque con- niventibus aut incumbentibus, unde nascitur folium irregulare, formâ omnin proprià donatum. Stipulæ petiolum æquantes, lineari-lan- ceolatæ, integræ, utrinque hirsuto-tomentosæ, deciduæ. Znflores- Mérn. du Muséum. 1. 10. 28 214 MonoGRAPHIE centia corymbosa, oppositifolia , rarissime axillaris, corymbo folium oppositum æquante aut superante, 3-7 floro, bracteis vagis, lineari- lanceolatis, rufo-hispido-tomentosis instructo. Calyx ultrà medium quinquefidus, ferè quinquepartitus, patens, duas lineas latus, seg- mentis ovato-oblongis, acutiusculis, semipellucidis, quinquenerviis, dorso hispido-rufo-tomentosis, facie roseis, villosiusculis, nervis exterioribus in venulas divisis. Petala 5, distincta, cum segmentis calycinis alternantia, calyce fere dimidio breviora, glaberrima, cœrulea (ex not. manuscr. Gaudich.), unguiculata ; ungue lineæ trientem longo, 7-9 nervi, ad omnes angulos præter basilarem ob- tuso, margine introflexo filamenta fertilia antherâ supputatà æqui- longa amplectente, cuneato; limbo duplo triplove angustiore , ex upguiculi lateribus superioribus abruptè productis nato, plerumque duos lineæ trientes, nonnunquam vix lineæ quadrantem longo, pa- tentissimo , plano, lineari, 3-5 nervi, apice obtuso et paululüm di- latato, æstivatione ad angulum rectum introrshm replicativa. Fila- menta 20, in fubum breyem connata; fertilia 5, petalis opposita , brevissima, linearia, recta , erecta, glaberrima, apice monantheri- fera ; sterilia 15, inter fertilia ternatim inserta, ex tribus intermedium segmentis calycinis oppositum, iisdem dimidio brevius, petaloïdeum , planum , lineare , latum, obtusissimum , uninerve, æstivalione et du- rante anthesi recta, erecta , utrinque glaberrima : duo exteriora basi (ut in Comm. echinata ) cum proximo filamento fertili connata, eodem longiora, filamentum intermedium subæquantia, inter an- theram et filamentorum sterilium intermediorum tubum collocata, setaceo-filiformia, erecta, scabra, apice arcuata. Ænthera filamento longior, purpurea, virginea apice leviter emarginata, basi , quâ fila- mento inseritur, profundè excisa, intrà alabastrum horizontaliter patens , demüm erecta, lobis uno quo filamento inseruntur puncto cohærentibus, ad angulum rectum vel obtusum divergentibus, ovoi- deo-oblongis, subfalcatis, intrà sinum suum filamentum excipientibus, rimä laterali, longitudinali extrorshm dehiscentibus, medio dorso et DES BUTTNERIACÉES. 215 ad margines suturales nigricantibus , valvis singulorum, inter dehis- cendum , ad lævam et dextram elasticè dejectis, quo facto , mutatä prorsüs form, utrinque explanata et strictissimo sensu didyma est anthera, lobis tune temporis ovato-subrotundis, facie albo-marginatis. Ovarium sphæroïdeum , muricatum, quinquecostatum, pentagy- num, quinqueloculare, stylis ovarii et filamenti antheriferi longitu- dinem æquantibus, gracilibus, teretiusculis, stigmate capitato in- structis, primÔ in unum pyramidatum, apice quinqueradiatum coalitis, demum liberis et distinctis , loculamentis 5-6 ovulatis, ovulis duplici ordine angulo axili affixis. Capsula form nt in C. echinata , triente minor; stylis brevibus, fragilibus, inter setas multo longiores delitescentibus; setis duas lineas longis, flaccidis, capillaribus, flexuosis, fasciculato-pilosis , fasciculis erebris , sessilibus, alternatim dispositis; pericarpii membrana duplex, exterior fibrosa , fibris setas gerentibus , capillaribus, reticulafim anastomosantibus, interstitiis perviüs, interior laxe adhærens, continua, membranacea, flexilis , utrinque glaberrima. Semina ( quæ perfectè matura non suppetunt) in singulo loculamento 4-5 , lineam longa, obconico-pyriformia , glabra , tuberculata; strophiola tripartita, laciniis linearibus, semine, cujus dorsum amplectunfur, triente brevioribus ; Ailus, raphe et chalazaut in Comm. echinata; integumentum proprium crusfaceum, fragile, facile detrahendum; perispermum tenue; embryo ut in C. echinata , sed cotyledonibus oblongis, linearibus , radiculâ lon- gioribus. (D. S.) Os. In hac descriptione elaboranda, plurimo auxilio mihi fuerunt schedulæ manuscriptæ CI. Gaudichaud, e quibus, ad vivum exaratis, nonnulla hausi , præ- serlim ea quæ ad colorem calycis, petalorum et filamentorum spectant. 3. ComMERsoNIA Fraser. N. (Tab. IV.) C. foliüis basi subæqualibus , filamentis sterilibus exterioribus cum proximo intermedio (sterili ) connatis. N. Habitat in Novæ Hollandiæ Nova Walesia meridionali (forte ex 28 * 216 MonoGrAPHIE ejusdem continentis interioribus potius quam ex littorali parte ), unde specimina duo florifera , à CF. Fraser horti botanici Sidneyani direc- tore, accepta, nullo insignita nomine , ex itinere circa globum Frey- cinetiano reportavit et describenda humaniter tradidit CI. Gaudi- chaud. a. Macrophylla. S. foliis magnis, ovatis, basi æqualibus , margine inæqualiter inciso- dentatis. Arbor? Frutex? Frustulum suppetens octounciale , quoad vegeta- tionis partes simillimum Commersoniæ echinatæ Moluccanæ. Rami teretes petiolique et cymarum axis rufo-tomentosi. Folia alterna; petiolo unciali, tereti; limbo quinque uncias longo, quatuor lato, ovato, obtuso penninervio; basi truncato, æquali, facie obscurè viridi, præter pubescentiam remotam , brevissimam, oculo nudo vix animadvertendam glabro , in foliis inferioribus plano , in superioribus rugoso , dorso canescente et molliter fomentoso, margine per totum ambitum inæqualiter inciso-dentato ; nervo primario secundariisque dorso prominulis , quinque inferioribus palmatim dispositis. Stipulæ parvæ , lineari-lanceolatæ , integræ aut apice bifidæ, dorso tomen- tosæ , deciduæ. Cymæ pleræque oppositifoliæ, folio multo breviores, diradiæ , multifloræ , pedunculo, radiis pedicellisque rufo-tomentosis. Bracteæ ad dichotomiarum basin insertæ, lanceolatæ , indivisæ, dorso tomentosæ , deciduæ. Ælores floribus Commersoniæ echinatæ triente majores. Calyx quinquepartitus , patens, 2 : lineas latus, seg- menltis ovato-oblongis, acutis, semipellucidis, quinquenerviis, facie villosiusculis, dorso tomentosis. Petala 5, conniventia, cum seg- mentis calycinis alternantia, calycem æquantia, duas lineas longa, 5-7 venia , glaberrima, unguiculata; ungue latissimo, per baseos punctum medium adnexo, à dextra et sinistra puncti medii libero, marginibusintroflexis filamenta fertilia, antherâ supputatä æquilonga, amplectente, formà in diversis floribus, imÔ in eodem flore admodum DES BUTTNERIACÉES. Dn7 variante, nunC quasi cuneato et apice eximie biauriculato, auriculis obtusissimis (quæ forma frequentins occurrere videtur), nune ova- to-oblongo , basi cordato, nune triangulari , latere basilari longiore , nunc ifa trapeziformi ut breviora duo latera in adnexionis punctum confluant; limbo triplo angustiore, plano, lineari, apice paululùm dilatato, obtuso, ideoque spatulato, prout unguis apex, ex jam descriptis formis, indivisus et acutus, aut biauriculatus et cordatim incisus fuerit, nunc sensim et absque saltu attenuato, uunc abruptè nalo. Filamenta 20, de more in tubum brevem connata, glaberrima ; fertilia 5, petalis opposita, brevissima, lineari-subulata, recta, erecta, apice monantherifera ; sterilia 15 , inter fertilia ternatim posita, sub- æqualia , 2 : lineas longa, calyce pauld longiora, petaloïdea, plana , uninervia, angusta, linearia, apice dilatata obtusa , æstivatione repli- cativa, demüum erecto-patentia : ex tribus intermedium segmentis ca- lycinis oppositum, basi ovatum : duo exteriora basi cum filamento intermedio (sterili) connata, eodem pauld breviora et angustiora, infernè filiformia, cæterum simillima. Ænthera filamentum longitu- dine subæquans, minuta, purpurea , virginea lunulata, apice leviter emarginata, basi, quâ filamento inseritur, profundè excisa, intrà alabastrum horizontaliter patens, demüm erecta, lobis uno tantum puncto cohærentibus, ad angulum rectum vel obtusum divergentibus, ovoïdeis, intrà sinum suum filamentum excipientibus, rimâ laterali, longitudinali extrorsim dehiscentibus, medio dorso et ad margines suturales nigricantibus, valvis singulorum , inter dehiscendum, ut in Commersonia Gaudichaudii , ad lævam et dextram elasticè dejectis, quo facto, mutatà prorsüs formâ , utrinque explanata et strictissimo sensu didyma est anthera, lobis func temporis parallelis, subreni- formibus , facie albomarginatis. Ovarium sphæroïdeum , tubercula- tum, obiter quinquecostatum , pentagynum, quinqueloculare ; stylis ovario juniore longioribus, antheras æquantibus, teretiusculis, gla- berrimis, apice vix incrassatis, primd approximatis, unicum men- tientibus, demüm liberis; loculamentis singulis 4-5 ovulatis, ovulis 218 MoNoOGRAPHIE angulo axili alternalim affixis, biseriatis ovoïdeis. Fructum non vidi. (D.S. ) — Huic specimini numerum 555 apposuit CI. Fraser. B. Microphy la. S. foliis parvis, ovato-oblongis, basi subinæqualibus, margine denticulato-crenulatis. Folia 2-2 : uncias longa, 8-12 lineas lata, petiolo 3-4 lineas longo suffulta, ovato-oblonga, apice subacuminata, basi subinæqualia , margine denticulato-crenulata. Cætera ut in variete «+, præter flores quarta aut quinta parte minores. ( D. S.) — Nullum huic specimini oumerum apposuit CI. Fraser. An species propria ? EXPLICATION DES PLANCHES. TABLE I. BUTTNERIA DASYPHYLLA. Fic. 1. Rameau de grandeur naturelle. . Feuille caulinaire d’un individu âgé de cinq à six mois. (Grandeur naturelle). . Fleur vue en dessus. (Six fois plus grand que nature. ) . La même, vue de profil. (Même proportion. ) . La même, dont on a enlevé les pétales pour faire voir la soudure tubu- laire des filamens. (Même proport.) cl M nn = æœ à Fic. 6. Le tube des filamens coupé longitudinalement, de maniere à laisser le pistil intact. ( Même proport. ) Fic. 7. Le tube des filamens, dans l’état d’estivation , pour faire voir les anthères imparfaites des filamens stériles. (Même proport. ) Frc. 8. Une anthère, avant la déhiscence, dressée artificiellement (elle est natu- rellement horizontale) , pour faire voir son point d'insertion sur le filet. (Quatre ou cinq fois plus grand que nature.) Fi. 9. La même, dans sa position réfléchie naturelle, après la déhiscence. (Même proport. ) Fic. 10. Grappe de fruits. (Grand. nat.) Fic. 11. Capsule en état de déhiscence. (Trois fois plus grand que nature.) PU.72. Tom .10. TE Prêtre dell . BUTTNEÆRIA DASYPHYZZA. Tab.r. 3» Ü (2/4 € Zom 210" TE Prete del BUTINERIA HERMANNIÆFOLIA Gay. 1ab. 2. Zom Ft the PER. “JG Frare delf COMMERSONIA GAUDICHAUDH. Cay . Tab.5. COMMERSONIA FRASERL, | Gay : 706. 4. | DES BUTTNERIACÉES. 219 Fic. 12 Coupe longitudinale d’une graine, montrant la strophiole intacte, la chalaze et l'embryon vu de face. (Neuf à dix fois plus grand que nature.) TABLE JI. BUTTNERIA HERMANNIÆFOLIA. Fic. 1. Rameau de grandeur naturelle. Fic. 2. Une fleur, vue de profil. ( Six fois plus grand que nature. ) TABLE IIl. ComMMERSONIA GAUDICHAUDII. Fic. 1. Rameau de grandeur naturelle. Fic. 2. Fleur vue de profil. (Six à sept fois plus grand que nature.) Fic. 3, 4, 5. Deux formes de pétales observées dans une même fleur. La fig. 5, représente la fig. { vue de profil. ( Dix fois plus grand que nature.) Fic. 6. Le tube des filamens , dégagé du calyce et de la corolle. { Dix fois plus grand que nature.) Fic. 7. Un filament fertile accompagné des deux filamens stériles les plus voisins. L’anthère qui couronne le filament fertile est représenté dans la position horizontale qui lui est naturelle avant la deéhiscence. (Quinze fois plus grand que nature.) Fic. 8. La même figure, vue de face apres la déhiscence. (Dix à douze fois plus grand que nature.) Fic. 9. La même figure, vue par derrière , pour montrer le point d'insertion de l’anthère sur le filament fertile. (Même proportion.) Fic. 10. L’ovaire , avec ses cinq styles légèrement soudés. (Quinze fois plus grand que nature. ) Fig. 11. Ovaire plus avance , de grandeur naturelle. Fic. 12. Le même, coupé transversalement. ( Deux fois plus grand que nature.) Fic. 13. Capsule en état de déhiscence. (Un tiers plus grand que nature.) Fic. 14. Un des poils qui hérissent la capsule. ( Huit fois plus grand que nature. ) Fic. 15. La graine avec sa strophiole. (Neuf fois plus grand que nature.) TABLE IV. COMMERSONIA TRASERI. Fi. 1. Une feuille de la variété &. ( Grand. nat.) Fic. 2. Une feuille de la variété 8. ( Grand. nat.) 220 MonoGrAPHIE DES BUTTNERIACÉES. Fi. 3. La fleur vue en dessus, étalée et, pour ainsi dire, aplatie artificiellement. (Quatorze fois plus grand que nature.) Fic. 4. La même, vue de profil. (Même proportion) Fic. 5, Get 7. Trois formes de pétales observées dans une même fleur. La fig. 7 représente la forme la plus ordinaire. ( Huit fois plus grand que nature.) Fic. 8. Anthère vue avant la déhiscence, dans sa position horizontale naturelle. (Trente fois plus grand que nature.) Fic. 0. La même, vue par devant, après la déhiscence , dans sa position vertical e naturelle. ( Vingt-cinq fois plus grand que nature.) Fic. 10. La même, vue par derriere, pour montrer le point d’attache de l’an- thère. (Même proportion.) Fic. 17. Le tube des filamens, dégagé du calyce et de la corolle. Sur trois an thères qui s’y voient, une seule est vierge , les deux autres sont en état de déhiscence. (Quatorze fois plus grand que nature.) Fic. 12. L’ovaire. ( Vingt-cinq fois plus grand que nature.) Fic. 13. Le même, coupé transversalement. ( Même proportion. ) Sur la patrie du CMAMEAU A UNE BOSSE , ef sur l’époque de son introduction en Afrique. (Mémoire lu à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres de l’Institut, le 28 juin 1823.) PAR M. A. DES MOULINS, Docteur en Médecine. (L'auteur doit les notes signées S. M. à la bienveillance de M, Saint-Martin , membre de l'Institut.) —_—_——————— Jrsdrier l’on a considéré le chameau à une bosse, dro- madaire ou chameau arabe , comme étant également origi- naire de l'Arabie et de l'Afrique, au nord du Sénégal et du Niger. Et cette opinion se fondoit, quant à cette dernière contrée, sur le grand nombre de dromadaires qui y existent depuis un temps cru immémorial, et sur la conformité au moins apparente du Sahara avec les déserts qui s'étendent de l’Euphrate vers la mer des Indes au sud-est, et la mer Rouge au sud-ouest. La supposition étoit si naturelle que personne n’avoit encore pensé à la vérifier et à s'assurer si, depuis l’ori- gine des tempshistoriques, l'Afrique boréale posséda toujours des chameaux, ou bien s'ils y furent long-temps inconnus, et alors à quelle époque, précise ou au moins approximative, ils y furent introduits. , Voici pourquoi je n’ai point parlé des livres hébreux dans cette discussion. Les Hébreux étoient une tribu établie, des l’origine même de ses annales, aux environs du lac Asphaltite et du Jourdain. Le chameau étoit le premier de ses animaux domestiques , comme pour toutes les autres tribus à l’ouest vers Gaza et Peluse, au nord vers Damas, à l’est dans le Haurân. En conséquence, dire que Mém. du Muséum. t. 10. 29 222 CHAMEAU À UNE BOSSE, Telle est la question que je me propose de résoudre ici. Hérodote, Polybe, Salluste, César, Diodore de Sicile, Tite-Live, Strabon, Pline, Solin, Pomponius Mela, Tacite, Platarque, Athénée, Philostrate, Dion Cassius, Hérodien et les les Hébreux se servoient de chameaux, c'est comme si on le disoitdes Arabes. Or ce n'est point ce que je nie, ce n’est pas non plus ce que j'ai à prouver. Les Hébreux, presque exclusivement pasteurs, jusqu’après leur retour d'Egypte dans la terre de Chanaan, trainoient après eux, comme tous les Arabes, leurs troupeaux et parlant leurs chameaux. Le chameau entra donc avec eux en Egypte, où, comme le prouvent leurs annales, leur genre de vie nomade ne changea pas. Pendant leur séjour, leurs chameaux durent s’y multiplier, et les Egyptiens purent leur en acheter ou leur en prendre. Voilà sans doute pourquoi Dieu fit menacer Pharaon (Exod. cap. 9, v. 3) de tuer tous les bestiaux, y compris les chameaux. Mais après le retour des Hébreux en Asie, ce qu'il put rester de chameaux en Egypte ne fut pas apparemment multiplié par les Egypliens du Delta, à qui eu effet, vu l’état actuel du sol, ils étaient assez peu utiles, et qui apparemment ne durent pas en élever par agrément. Or cette extinction de la race du chameau en Egypte est prouvée, je crois, dans mon mémoire. Quant à Horus Apollo qui (de Symbol. AEgypt.) dérive le mot camelus de kameros, parce que, seul des animaux, il fléchiroit les fémurs en marchant ; Bochart qui rapporte celte étymologie, la réfute ainsi : « Le mot camelus , dit-il, » est le gamal des Hébreux. Job et Moïse s'en sont servis avant que l'animal ne » fût connu même de nom chez les Grecs. Car le chameau n'est pas un animal » grec, mais asiatique et africain. Les Samaritains, les Syriens, les Chaldéens, » les Arabes, les Egyptiens et les Ethiopiens le désignent par le même nom que » les Hébreux. » Or, tn mot hébreu ou arabe, ce qui est à peu près la même chose , est asiatique : et Bochart réfute ainsi lui-même la qualification d'animal afri- cain qu'il donne ici au chameau, Si les Egyptiens avoient connu ou naturalisé le chameau ,üis auroient eu un nom pour lui, et alors Horus, que l’on suppose égyptien, n’auroit pas dérivé ce nom d’une racine grecque. C’est donc, d’après l’étymologie d'Horus , ou que le nom n’en existoit pas dans ja langue de l'Egypte, ce qui équivaut à ce que le chameau n'y exisloit pas , ou qu'Horus n’étoit pas égyptien et ignoroit cette langue. D'ailleurs Horus est, d’après toutes les hypothèses, postérieur à l’année 353, où Ammien montreles Sarrasinsen Egypte. Le passage d'Horusne mérite donc pas d'attention (*): (*) L'ouvrage d’'Horappollon étoit écrit en égyptien, nous n'avons que Ja traduction, et ik seroitpos- sible que la mauvaise étymologie qu'on y lit dët être attribuée à son interprète nommé Philippe. (S. M.) CHAMEAU À UNE BOSS. 223 autres auteurs de l’histoire Auguste, saint Jérôme, etce., dans leurs récits sur l'Afrique, à l’occasion des guerres ou des voyages dont ils font l’histoire, des descriptions géographiques et physiques qu’ils en donnent, des raretés et singularités natu- relles qu’ils lui attribuent, enfin des énumérations qu'ils font de ses animaux, ne nomment pas une seule fois le chameau, lors mème que la mention de cet animal devenoit uue néces- sité de leur sujet, s’il eût existé alors sur ce continent. Au contraire tous en parlent même incidemment, et à plus forte raison dans le cas de la nécessité du sujet, lorsqu'il s’agit, sous les rapports précités, de l'Asie ou de l'Arabie. Tous aussi s’accordent à appeler le chameau à une bosse, chameau arabe. Le seul Végétius, dans son traité de l’art militaire, est le seul qui indique son existence en Afrique dans cette phrase, lib. 3, cap. 23: camelos aliquantæ nationes apud veteres 1n actem produxerunt ut ursiliant in Afric&: Ma- hetes hodièque producunt. Ce qui est remarquable dans ce passage, c'est que Végèce parle du premier peuple comme appartenant à une haute antiquité, ce qui impliqueroit sinon l’indigénat au moins l'introduction fort ancienne du chameau dans le pays de ce peuple. Or Godescald Stewech, commentateur de Végèce (t. 2, pag. 363, ed. Vesaliæ, 1670), remarque que cette phrase varie d’un manuscrit à l’autre pour les noms des deux peuples, que dans un de ces manuscrits le mot #n Africa se trouve remplacé par celui de Susii. Il fait observer, quant au mot urciliant, copié dans toutes les éditions imprimées, que la géographie ancienne de l’Afrique ne montre aucun peuple de ce nom ni aucune ville qui en donne le radical; quant au mot Mahetes, qu’on ne connoît non plus aucun peuple de ce nom, et qu’il faut probablement lire Mazetes ou Macetes, substitués quelquefois à Macedones, dans les écrivains des derniers siècles de Rome. Ceite dernière conjecture ne me paroït pourtant pas vrai- 29 * 224 CHAMEAU A UNE BOSSE. semblable, car au quatrième siècle où écrivoit Végèce , qui dédia son livre à Valentinien, la Macédoine, incorporée à Fempire, n’avoit pas d’armées nationales. Le nom de Susx, remplaçant #2 ÆAfric& , met sur la voie de la véritable situa- tion des Urciliens. Strabon, liv. 15, place au pied des mon- tagnes qui séparent la Susiane de la Perse les Uxa dont le nom, d'après plusieurs exemples de métamorphoses sembla- bles, aura bien pu devenir Urcilianr. Quoi qu'il en soit, de l’altération évidente du passage de Végèce et du défaut de concordance des noms qui y sont cités avec le nom d’aucun peuple anciennement connu en Afrique, il suit qu’on ne peut rien conclure de l'assertion de cet auteur. Hyginus, que l’on croit (1) affranchi de Jules César et conservateur, sous Auguste, de la bibliothèque palatine, au- teur d’un traité de Castramétation (#hes. antiquit. roman. , t. 10, 72-f. ), après avoir assigné à chaque corps de cavalerie ou d'infanterie l’espace de terrain par tente pour le campe- ment et la situation relative de ce terrain, fait ensuite l’assi- gnation du terrain pour les chameaux, à cinq pieds par bête avec ses guides. Mais dans la phrase précédente il a assigné dans le camp, s'il s’y en trouve, la place des Cantabres, des Gètes, des Daces, des Bretons et des Palmyréniens. De ce passage d’Hyginus il ne résulte donc aucune présomption pour l’existence du chameau en Afrique à cette époque. De- (1) Au temps d'Auguste, les Bretons et les Palmyréniens , n’étoient pas sujets de l'empire , il n’est guëre probable qu'ils fournissent alors aux Romains des troupes auxiliaires. Ces indications, celles mêmes des troupes Daces , Gêtes et Cantabres, ne peuvent appartenir qu’à un auteur qui vivoit dans le 2°. ou 3°. siècle de notre ere. (S. M.) CHAMEAU A UNE BOSSE. 225 puis la guerre civile, cette partie de l'Empire romain avoit joui d’une tranquillité continue. Les campemens des légions étoient sur les frontières du nord et de l’orient. Et le nom des Palmyréniens, à côté de la phrase où il est question de cha- meau, indique bien que l'emploi de ces animaux n'étoit nsité que dans les campagnes d’Asie. Il ne faut même pas qu'il ait continué d’être employé danslesarmées romaines; car Végèce, loc. cit., dit:ceterumn propternovitatem , inefficax bello est. Hérodote, qui connoissoit la géographie de l'Afrique, pour avoir été en Égypte et en Lybie et pour avoir recueilli les relations de plusieurs voyages et circonnavigations; qui ra- conte tant de particularités sur les curiosités naturelles de cette contrée, et qui, dans le récit du voyage des Nasamons, nous donne les premières notions du cours du Niger, puisque, dans le fleuve auquel parvinrent les Nasamons, ils virent des crocodiles qui, zoologiquement parlant , ne peuvent exister dans le Gyr de Garama où M. Malte-Brun (t. 1, pag. 64, Précis de la géog.) voit le terme de ce voyage; Hérodote n’auroit pas manqué de mentionner le chameau en Afrique s’il y eut existé, lui qui en parle si souvent dans les expéditions des Perses. Il le mentionne, par exemple, liv. 1, c. 80, à la bataille où Cyrus, par le con- seil du mède Harpage, mit en désordre la cavalerie de Crésus, en faisant mettre en première ligne, devant son infanterie, les chameaux qui portoient les bagages. A ce sujet Elien, liv. 2, chap. 36, observe que depuis ce temps-là les Perses éle- voient les chevaux pêle-mêle avec les chameaux pour les habituer à leur vue et leur en ôter la peur. Frontin (Stratagem., lib. 2, cap. 4) attribue cet‘expédient à Crésus. Zonaras (t. 1, pag. 113, ed. Wolf. Bâle, in-fol. 1557) rapportant aussi ce stratageme , qu’il attribue, comme Hérodote, à Cyrus, ajoute au récit d'He- rodote que le corps d’Abradate , où les chameaux furent placés, étoit opposé aux Egyptiens qui formoient la gauche de Crésus. Ce qui prouve qu’alors comme plus tard, le chameau étoit inconnu, ou au moins inusité chez ce peuple. Hérodote , 226 CHAMEAU À UNE BOSSE. liv. 7, chap. 125, dit encore que dans la Pœonie et la Crestonie, entre la Thrace et la Thessalie, les lions altaquèrent seulement les chameaux parmi les bêtes de somme de l’armée de Xerxès. Enfin, dès l’origine même des temps historiques, le chameau était célèbre par son emploi à la guerre. Diodore de Sicile, liv. 2, rapporte que Sémiramis, sachant que les Indiens avoient des éléphans bien supérieurs à ceux d'Afrique, fit cons- truiré es simulacres d’éléphans avec les peaux de 300 mille bufiles; chaque ma- chine étoit portée sur un chameau : Persée, ajoute-t-il, imita ce stratagème dans la guerre contre les Romains, parce qu’il n’avoit pas d'éléphans à opposer aux leurs. Tite-Live (liv. 37, chap. {o) dit qu’à la bataille du fleuve Phrygius, contre Scipion l’africain, Antiochus avoit des lanciers arabes montés sur des dromadaires, et placés en premiere ligne avec les chars à faulx en avant de la cavalerie ordi- aire. Hérodote avoit déja parlé de cette cavalerie arabe. (Polymn., lib. 7, cap. 86). Les cavaliers arabes, dit-il, avoient tous des chameaux dont la vitesse n'étoit pas moindre que celle des chevaux. D'après Elien (liv. 12, chap. 34), les Sagaréens avoient des chameaux très-ra- pides à la course. Ces Sagaréens, suivant Hérodote ( Polymn , lib. 7, cap. 85), étoient originaires de Perse, et étoient nomades; ils émigrèrent depuis dans la Sarmatie. Hérodote décrit lear manfère de combaltre avec des cordes terminées par des lacs qu'ils lançaient à l'ennemi, comme font aujourd’hui les nomades des pampas de Buénos - Ayres. Elien dit encore que les Bactriens hongroient leurs chameaux pour mieux s’en servir à la guerre. Diodore (liv. 19), dans la guerre d'Antigone contre Eumeénes , parle des cour- riers montés sur des dromadaires que les nomades du désert de Médie envoyerent à Eumènes et à Peucestes pour les avertir de Ja marche d’Antigone, et il évalue à CIC, IC. stades la journée du dromadaire. é Toutes ces citations prouvent que le chameau étoit employé dans le service domestique et militaire en Asie, dès la plus haute antiquité, et que cet animal exctita vivement l'atten- tion des écrivains grees et romains qui ne manquent jamais l'occasion d’en parler. Enfin l'habitude da chameau chez les Mèdes étoit un proverbe à Athènes. Suidas ( oc. Camelus ) cite un vers proverbial d’Aristophane, dont voici le sens : Comment, puisqu'il est Mède , rient-1l ici sans chameau? Salluste , dans sa grande histoire dont il ne reste que des CuaAmEAuU À UNE BOSSE. 227 fragmens , rapportoit (et Plutarque a conservé ce passage pour le réfuter, comme on va voir) que les Romains virent pour la première fois des chameaux ou dromadaires à la journée d’Apollonia, où Lucullus détruisit un fort détache- ment de l’armée de Mithridade. Or Plutarque, vie de Lucul- lus(£.3,pag. 245, éd. Jacob Reiske, Leipzic 1775), exprime ainsi à ce sujet : « Je m'étonne de l'opinion de Salluste, que » les Romains virent alors des chameaux pour la première » fois, et qu'il ne se soit pas souvenu que les armées qui » vainquirent Antiochus, sous le commandement de Scipion, » et qui depuis combattirent contre Archelaüs à Orchomène » et à Chéronée, connoissoient déjà le chameau. » Ce passage de Plutarque est moins important par la men- tion d'une cavalerie de chameaux, dans les armées que Sylla défit en Béotie, que parce qu'il constate l'opinion de Salluste que les Romains n’avoient vu pour la première fois de cha- meaux qu'en Asie dans la dernière guerre contre Mithridate. Salluste dit lui-même, au commencement de sa conjura- tion de Catilina, qu'avant de se mettre à écrire l’histoire de Rome, il avoit rempli plusieurs magistratures. Et avec le même ton d'autorité que Polybe, il fait valoir l'importance des positions où il s’est trouvé pour se procurer, soit par ses rela- üons personnelles, soit par l'exercice de ses charges, soit dans les archives de l'Etat, les matériaux les plus authentiques et les plus complets. Or on sait avec quelle persévérante atten- tion les Romains étudioient la composition et l’organisation des armées ennemies, afin de profiter pour eux-mêmes des perfectionnemens qu’ils y découvroient. On sait aussi que ces observations étoient soigneusement cônsignées dans les ar- chives de la république. L’attention de Salluste dut être sur- 228 CHAMEAU A UNE BOSSE. tout fixée sur les moyens militaires dans les guerres d'Afrique, puisque lui-mème avoit fait une des dernières campagnes de la guerre civile dans l’armée de César qui, après la défaite de Juba et de Scipion à Thapsus, l’avoit nommé gouverneur de la province d'Afrique; et puisque, écrivant l’histoire de la guerre de Jugurtha, il avoit dû faire une étude particulière des ressources du pays, sur l’histoire duquel il puisoit encore dans les archives carthaginoïises, connues alors sous le nom de livres ou bibliothèque du roi Hiempsal. Or on vient de voir que , malgré cette connoissance personnelle et administrative que Salluste avoit de l'Afrique, il pensoit qu'il n’y avoit pas plus de trente ans que pour la première fois les Romains avaient vu des chameaux, et que c’étoit en Asie. Quoique durant les trois guerres puniques, les Romains ne pénétrèrent pas autant dans l’intérieur du pays que le firent depuis Metellus et Marius, néanmoins l'existence du chameau en Afrique, s’il y eût vécu alors, n’eut pas dû leur rester inconnue; car, d’après l'utilité qu’en tirent les habitans depuis son introdution, s’il y eût existé du temps des Cartha- ginois , qui faisoient venir tant d'éléphans des bords du Niger et du Sénégal, il est évident qu'ils l’eussent employé, soit comme eavalerie, soit comme bête de somme, à l'exemple des Perses et des Syriens, exemple que ne pou- voit ignorer le premier peuple commercant du monde. Leurs colonies de l'intérieur, par lesquelles ils s’assuroient du com- merce et de la soumission des tribus des Maures, n’auroient pas manqué de s'approprier un animal qui leur offroit à la fois et des moyens d'existence et des moyens de transport + de communication avec la métropole. Polybe, qui a écrit en homme d’état et en militaire l’histoire CHAMEAU A UNE BOSSE. 229 la plus complète de la puissance de Carthage; qui lui-même avoit fait en Afrique, avec Publius Scipion, les dernières campagnes de la seconde guerre panique; Polybe, l'ami in- time de ces généraux Romains, qui, en parlant de chaque pays du monde alors connu, pouvoient dire je l'ai vu, jy étois, garde sur le chameau, en parlant de l'Afrique, de ses ressources et de ses guerres, un silence qui est péremptoire dans la bouche d’un aussi bon juge de l'importance des choses. Il y a plus, liv. 12 de ses histoires ( Polyb. hist. interpret. Isaac Casaub. accu- rante Jacob Gronoy. Amstelod. 1656, 3 vol. in-8°. t. 2, pag. 910 à 911), réfutant les erreurs de Timée, compilateur sans critique, il traite en particulier des ani- maux d'Afrique et de Corse. Ilya, dit-il, en Afrique une telle quantité de che- vaux, de bœufs, de brebis et de chèvres, que je ne sais pas s’il existe une autre contrée au monde où il y en ait autant. La cause en est que la plupart des peuples d'Afrique ignorent les ressources de l’agriculture, et se nourrissent de leurs trou- peaux et du produit de leurs troupeaux. Mais qui n’a pas entendu parler de la mullitude et de la force des éléphans, des lions, des panthères, de la beauté des bubales, du vaste corps des autruches. L'Europe n’a pas un seul de ces animaux, et l'Afrique en est pleine. Polybe qui, après avoir donné un aperçu géographique du monde, liv. 3, donne tant de détails sur la longue révolte des mercenaires, après l'évacuation delaSicilestipulée dansletraité quitermina la première guerre, révolte appuyée par soixante- dix mille Maures du désert, auroit nécessairement parlé du chameau, ce moyen, cetattirail indispensable de toute expédi- tion dans le désert. Or, il n’en parle pas, et Polybe étoit le contemporain des guerres qu'il décrivoit et en avoit fait lui- mème plusieurs. Les mêmes inductions résultent du silence de Tite-Live, descripteur si minutieux de la composition des corps et du matériel des armées. Du silence de Salluste dans Mém. du Muséum. ?. 10. 30 230 CuHAMEAU A UNE BOSSE. la guerre de Jugurtha, et de César dans la guerre civile, résulte la même preuve. Car Jugurtha ayant organisé, comme Juba le fit plus tard ‘une coalition des tribus nomades du sud de l'Atlas, ayant forcé les Romains à le poursuivre dans le désert, il est impossible que le chameau fût resté inconnu aux Romains s'il y avoit existé. Dion Cassius en donne une preuve bien concluante; il dit que pour traverser le désert, les Maures attachent des outres sous le ventre de leurs che- vaux; et lorsque Marius alla assiéger Capsa dans le désert, il n'eut pas chargé d’outres pleines d’eau ses soldats en sus des chevaux s'il avoit eu des chameaux; et s’il y en avoit existé, il est évident qu'il en eût eu. Ni les armées belligérantes ne pouvoient échapper à la nécessité de s’en servir , ni l'histo- rien à celle de mentionner leur service et leur existence. Ce silence unanime et cette opinion d’un gouverneur militaire de l'Afrique pour César , que les Romains virent pour la première fois des chameaux sous Lucullus en Asie , prouve que l’Afrique n’en avoit pas de son temps. L'emploi des chameaux comme cavalerie ne cessa point en Asie. Hérodien , liv. 4, rapporte que dans l'expédition d’Antonin Caracalla, fils de Septime-Sévere, contre Artaban, Macrin, depuis empereur, et qui prit le com- mandement après la mort d’Antonin, eut à combattre en Mésopotamie un corps de curassiers montés sur des chameaux, presque aussi nombreux que les chevaux dans l’armée d’Artaban. Certes, la nécessité eut inspiré aux Carthaginoïs, et plustard, sous les empereurs, aux Romains limitation de cet exemple des Asiatiques, surtout pour les expéditions des consuls Cor- nelius Balbus et Suetonius Paulinus. Et Dion Cassius qui, dans d’autres expéditions, parle de la disette d’eau qu'éprou- CHAMEAU À UNE BOSSE. 9 vèrent plusieurs armées, n’eût pu manquer de parler du vaisseau du désert. Le silence des géographes, de deux surtout, qui avoient été en Afrique, l’un desquels possédoit toutes les connois- sances exactes et physiques de son temps; qui énumèrent avec soin les productions naturelles de chaque contrée, va paroitre encore plus concluant relativement à l’objet de cette discussion, puisque pour eux la mention du chameau, s'il eût existé, étoit une nécessité de leur sujet. Strabon, du siecle d’Auguste, dit, liv. 2 : J'ai voyagé depuis l'Arménie jusqu’à celte portion de la Thyrrhénie qui fait face à la Sardaigne, et vers le midi, de- puis le Pont-Euxin jusqu'aux frontières de l'Ethiopie. Ælius Gallus son ami avoit conduit une armée romaine à travers l'Arabie, jusqu’auprès de la mer des Indes, et la bibliothèque d'Alexandrie lui avoit ouvert ses sources. Stra- bon avoit donc sur les pays dont il parle des informations à la portée de peu de géographes. Voici la substance de sa description de l'Afrique, entre l'Atlas au nord, le Niger et le Sénégal au sud, l'Océan et , 5 ? \ , l'Egypte de l’ouest à l'est. {Liv. 17, commençant par l’ouest.) La Maurusie, dit-il, nourrit en abondance de gros serpens , des éléphans, des dorcades , des bubales et animaux semblables, des lions , des panthères, une sorte de belette semblable au chat, mais à museau plus allongé (la civette), et une prodigieuse quantité de singes dont parle Possi- donius : au-dessus (au sud ) de la Maurusie , sur la mer extérieure, est le pays des Ethiopiens, dits occidentaux; c’est la, selon Iphicrate, qu’on trouve des gi- rafes, des éléphans, et les animaux appelés rizes ( rhinocéros). (L'existence de ces animaux nécessite évidemment pour ce pays une latitude plus australe que celle assignée par MM. Malte-Brun et Gosselin.) Les Maurusiens ont continué jusqu’à présent de mener la vie nomade : ils com- battent ayec la lance, montent à poil. Les Massæsyliens et les Lybiens, en général, 30 232 CHAMEAU A UNE BOSSE. ont les mêmes armes, et des petits chevaux rapides à la course, si dociles qu'ils suivent comme des chiens et se laissent diriger sans brides. Les Pharusiens et les Nigrites, qui habitent au-dessus de ses peuples, pres des Ethiopiens occidentaux , se servent de l'arc et de chars armés de faulx; ils com- muniquent, mais bien rarement, avec les Maurusiens, par le désert qu'ils tra- versent en suspendant sous le ventre de leurs chevaux des outres pleines d’eau. On dit que les pluies dans ce pays sont très-abondantes en été, et que l'hiver est une saison de sécheresse. Ces trois circonstances prouvent que les Pharusiens n’ha- bitoient pas sur le versant sud de l'Atlas, comme l'indique la carte et le texte de M. Malte-Brun (t. 1, pag. 188, précis de la géog.); que leur pays étoit bien au-delà du Tropique et au sud du désert, puisque les pluies y étoient si abondantes dans l'été, et puisque la pluie est physiquement aussi impossible dans le pays de Sigilmessa que dans le reste du Sahra; qu'enfin ils n’avoient pas de chameaux, puisqu'ils n’avoient d’autre ressource que de suspendre de l’eau sous le ventre de leurs chevaux lorsqu'ils traversoient le désert. Les Gétules vivent frugalement, ont plusieurs femmes et beaucoup d’enfans ; du reste ressemblent aux nomades. Leurs chevaux et leurs bœufs ont le sabot plus long qu'ailleurs. Les chefs s'appliquent tellement à élever des chevaux que tous les ans il leur naît cent mille poulains. Certes, voilà qui est décisif, Strabon, qui dans les livres précédens a montré le chameau auxiliaire indispensable des Arabes, en eüt parlé s'il eût existé en Afrique, ce qu’il n'eut pu alors ignorer, (Liv. 16, chap. 3 et suiv.) Les Arabes scenites, dit-il, possedent des pâturages couverts de bestiaux, et principalement de chameaux : il reparle de ces scenites pasteurs de chameaux dans le Néjed, d’après Eratosthènes : le pays au sud de l'Arabie nabatéenne , dit-il d’après Artémidore, est abondant en toute espèce de bétail. On y trouve aussi toute sorte d'animaux, tels que mulets sauvages (onagre, koulan ), chameaux sauvages , quantité de cerfs, de daims, des lions, des panthères et des loups en grand nombre, et enfin il décrit les arabes Debbæ, chez qui les chameaux servent à tous les besoins de la vie. CHAMEAU A UNE BOSSE. 233 Diodore de Sicile , qui a puisé aux mêmes sources que Strabon, c’est-à-dire dans Agatarchides, et Artémidore; qui s’étoit également instruit par des voyagesen Afrique et par ses liaisons avec les prêtres d'Égypte, des récits desquels il s'au- torise; qui décrit les productions de l'Afrique, les mœurs de ses peuplades, et jusqu’au phénomène du mirage de ses dé- serts avec une étonnante fidélité, n'y parle pas du chameau auquel il revient si souvent à propos de l'Arabie et de l'Asie. Liv. 2, description de l'Arabie dans la partie touchant à l'Océan, répondant à V'Yémen ; il y a là, dit-il, de belles races de chameaux, à peau nue ou couverte de poils, et d’autres qui ont une double bosse sur le dos, nommés, à cause de cela, dytiles. Les unes donnent leur lait et leurs chairs pour nourrir leurs maîtres; d’autres, habituées aux fardeaux, portent jusqu’à dix médines de blé et cinq hommes couchés dans leurs bâts (chitellis). Ceux qui ont les membres plus déliés, le corps moins épais, servent de coureurs. On les emploie aussi à la guerre, ils portent deux archers assis dos à dos, l’un sur le cou, l’autre sur la croupe. Liv. 3, après avoir décrit, comme Strabon, la côte occidentale de la mer Rouge jusqu’à la limite australe des connaissances de son temps, il en décrit la côte orientale; et dans l'Arabie nabatéenne, mentionne aussi, comme Strabon, puisqu'il copie également Artémidore, les chameaux sauvages , les lions, etc. Puis, plus au sud, en. parlant des Arabes Debbæ, il dit qu’ils emploient les chameaux dans tous les usages de la vie. Quant aux Troglodytes, au sud de l'Egypte, que les Grecs appellent nomades, ils ne mangent leurs bestiaux que quand ils sont pres de mourir de vieillesse ou de maladie :.le reste du temps ils vivent de leur lait; aussi ne donnent-ils le nom de parens à aucun de leurs semblables, mais aux taureaux et aux vaches, aux béliers et aux brebis ; il décrit dans leur pays les cynocéphales, le sphinx (le tar- tarin, S. hamadryas), le cepus autre cynocéphale, le rhinocéros, l'hyeneet le buffle du cap. De ces cinq espèces trois paroïssent n'avoir jamais été vues des Romains et des Grecs, et toutes les cinq ne sont bien con- nues que depuis peu de temps. Enfin il décrit la Libye et l'Afrique à l’ouest de l'Egypte; il distingue les tribus en agriculteurs, pasteurs et voleurs, et 234 CnAMEAU À UNE BOSSE. peint leurs habitudes et leur régime politique comme les voyageurs modernes. Au sud de l'Atlas et de Cyrène, dit-il, cette région, qui s'étend indéfiniment au midi , n’admet aucune semence ; manque d’eau courante ; son aspect est celui de la mer, de toute part inculte et déserte; le voyage seroit sans terme pour la tra- verser, aussi n'y at-il ni brebis, ni quadrupède, ni dorcas, ni bœuf, ni plante, ni rien qui puisse attirer l’œil du voyageur. Dans le tableau animé qu'il fait des tribus nomades et de leurs troupeaux, il ne nomme pas non plus le chameau. I] résulte de ce passage de Diodore, qu'à cette époque le dromadaire existoit à l’état sauvage en Arabie, et de plus qu'il y existoit aussi une race du chameau bactrien. Pline, postérieur à Strabon , qui décrit exactement les deux espèces bactrienne et arabe, non-seulement se tait sur le cha- meau quand il parle de l'Afrique, de même que Solin et Pomponius Mela;il y a plus, il cite un passage du livre perdu depuis, que Juba, roi de Mauritanie, dont il vante le savoir, avoit écrit pour Caïus César, fils d’Auguste. Ce roi, qui de- voit bien connoitre les productions de son pays, ne parle de chameaux qu’à propos des frictions huileuses que leur font les Arabes pour les préserver d’une espèce d'œstres, dite asyLe. Et Juba dit que les Arabes tirent cette huile de certains pois- sons et de cétacés qui entrent dans les fleuves d'Arabie. D'après la conformité des dimensions qu'il leur assigne avec celles qu'indique Néarque,cesont des physétères. Le chameau n’existoit donc pas de son temps, dans les états de Juba. Ce qu'il y auroit d’extraordinaire, si l'on ne connoissoit l'esprit prohibitif et proscripteur des institutions sacerdotales de l'Égypte , c'est que le chameau lui étoit non-seulement étranger, mais peu connu partout ailleurs que sur la fron- ère d'Asie. Le Memnonium est le seul monument égyptien connu où cet animal] soit figuré. Or les chameaux représentés pe CHAMEAU À UNE BOSSE. 335 sur le Mermnonium, dans des scènes décrites par Hamilton, etrapportées parM. Dureau de Lamalle( poliorcetiq., p. 192 à 195), appartiennent au peuple vaincu dont le pays, d'après lés indices du tableau, est l'Asie orientale. Aussi l’auteur dit-il , pages 207 ét 208 : Il paroïit que l’âne étoit avec le cheval la seule bête de somme employée alors en Egypte; du moins ne trouve-t-on jamais, ce qui doit paraître fort singulier, le chameau et même le dromadaire représenté comme appartenant aux Égyptiens, même dans des tableaux où le lieu de la scène est évidemment en Egypte. On va voir que l’histoire s'accorde avec les monumens pour établir que le chameau n’existoit plus en Égypte durant la période où ont été construits les monumens, et que l’ex- tinction de la race qu’y avoit pu laisser les Hébreux, d’après le témoignage mème des monumens, ne dut pas tarder beaucoup à se consommer. Lucien (premier dialogue de Prométhée), après avoir rap- porté le fait que je vais citer, et faisant allusion à l'ignorance des Égyptiens sur le compte du chameau, dit qu'il craint pour ses œuvres de la partdu lecteur lamèmeindifférence qu'eurent les Égyptiens pour le chameau qu'ils ne connoissoient pas. Or il vient de dire que Ptolémée, fils de Lagus, ayant amené en Egypte deux nouveautés, savoir un chameau bac- trien noir et un homme dont la couleur différoit d’un côté à l'autre, les fit paroître avec d’autres curiosités devant le peuple d'Alexandrie réuni au théâtre (1). Lesspectateurs furent (1) Malgré cette histoire, il est difficile de croire que les Egyptiens ne connussent pas le chameau, comme un animal étranger, mais très-commun chez les Arabes leurs voisins, qui en amenaient sans doute dans les fréquens voyages qu'ils faisoient en Egypte. Le nom de chameau existe dans la langue cophte sous le nom de djamoul, dont l’origine doit être arabe. Du temps de Ptolémée, fils de Lagus , on trouvoit à peu de distance du Peluze, sur la route de Memphis, un fort appelé la muraille du chameau, (S. M.) 236 CHAMEAU A UNE DOSSE. si épouvantés à la vue duchameau, qui pourtant étoit couvert d’or et de pourpre, que tous, sautant de leurs places, furent sur le point de s'enfuir. Le chameau, continue Lucien , fut abandonné et mourut bientôt. Si les Egyptiens avoient déjà vu des dromadaires (et s’il y en avoit eu en Afrique, ils eussent été ordinaires à Alexandrie , espèce de port pour les cara- vanes du désert), une bosse de plus ne les eût pas effrayés dans le chameau bactrien; c’est done qu’ils en voyoïent pour la première fois. Athénée ( Deipnosophist., lib. 5 ) nous donne une autre preuve que plus tard, sous Ptolémée Philadelphe , le cha- meau étoit une rareté nouvelle pour les Egyptiens. Dans un récit du triomphe célébré avec un faste si incroyable par ce conquérant, il énumère le grand nombre d'animaux étrangers dont la procession représentoit les pays conquis. Cinq ou six des espèces qui parurent n'ont été retrouvées que depuis moins de cinquante ans. On y voyoit la girafe, le rhinocéros d'Afrique , un ours blanc, des onagres, des oryx, des bubales, des autruches, des éléphans , des cerfs, etc. Ici, l’intention de frapper les yeux par la nouveauté du spectacle, est évidente. Si les chameaux avoient été ordinaires en Egypte, on n’en eût pas fait marcher avec ces animaux aborigènes, l’un de l'Asie polaire, d’autres de l'Afrique australe. Or on va voir, par les accessoires du récit, que ces chameaux étoient de l’est de l'Arabie ou de la Perse. Il y avoit aussi, dit Athénée, trois couples de chameaux derrière lesquels en venaient qui trainaient des chariots chargés des tentes des Barbares (c’étaient évidemment des Arabes scenites), renfermant des femmes des nations indiennes et autres (indien chez les anciens se prend toujours pour synonyme d’oriental), habillées en captives. De ces chameaux, quélques uns portaient trois cents livres .d'encens, les autres deux cents livres de crocus ;-de cassia, de cinnamome, d'iris CHAMEAU A UNE BOSSE, 237 et d’autres parfums. Ensuite venaient des Ethiopiens aux zagaies, portant les uns (par pelotons) six cents dents d’éléphans, les autres deux milliers de troncs de bois d’ébène. Chaque production locale étoit donc portée par les hommes et les animaux du pays; or, par la charge des chameaux, on voit qu'ils étoient de l'Arabie orientale ou même de la Perse(1). Tacite, si attentif observateur des productions naturelles des pays dont il parle, ne mentionne le chameau que dans le liv. 15 des Annales, chap. 12, à propos de l'expédition que Corbulon conduisit de Syrie en Arménie au secours de Pœtus contre Vologèse, roi des Parthes, Il dit, outre les bêtes de somme ordinaires à la guerre, un grand nombre de chameaux chargés de froment suivait l'armée, pour chasser à la fois la faim et l'ennemi. I paroît que de tout temps la bande de l'Égypte, située entre la chaine du Mokattam et la mer Rouge, a été parcou- rue par les Arabes; Ammien Marcellin ( liv. 14, chap. 4, ann. 353) montre les Sarrasins errans depuis la Syrie jus- qu'aux cataractes du Nil et aux confins des Blemmyes. Tous sont, dit-il, également guerriers ; demi-nus, vêtus jusqu’à la ceinture de saies de couleur : à l’aide de leurs chevaux , et de chameaux minces et rapides, ils s'étendent cà et là dans la paix comme dans la guerre ;..., leur vie est une fuite continuelle ; ils se nourrissent de chair et de laitage. Cette parte de l'Egypte, qui physiquement est la conti- nuation du sol et du désert de l’Arabie, en portoit le nom sous les Romains, et son gouverneur s’appeloit Arabarque(2). (1) Is pouvaient être de l'Arabie méridionale, mais non de la Perse. Les ofli- ciers envoyés par Philadelphe à la recherche des productions étrangères, n'allèrent qu’en Afrique dans le pays des Homérites, dans l'Arabie et dans l’Inde méridio- nale. (S. M.) (2) Le gouverneur de la Thébaïde ajoutoit à ses titres celui d'Arabarque. (S. M.) Mém. du Muséurn. L 10. 31 238 CHAMEAU À UNE BOSSE. Ce qui implique bien que la population en étoit arabe. Ces notions concilieroient l’absence du chameau en Egypte avec un passage de Pline qui (liv. 6, chap. 36) montre le chameau employé aux communications de Coptos à Bérénice, sur la route du commerce d'Alexandrie avec lInde(1), si ailleurs il n’étoit tout aussi plausible que les Romains, et avant eux les Lagides, eussent tiré directement ces chameaux de la côte opposée d'Arabie, où les vaisseaux devoient aborder si souvent, puisque la navigation d’alors étoit un cabotage. St. Jérôme (adv. Jovinian., lib. 2 ), essayant d'expliquer par la philosophie des causes finales et l'existence des animaux et l’état de chaque contrée qu'il croit partout ordonnés sur l'intérêt de l’homme , montre les Arabes, les Sarrasins et toute la barbarie du désert ( le désert est pour lui à l’est de la Pa- lestine } vivant du lait et de la chair de leurs chameaux. Or quand il veut démontrer la même bienfaisance de la nature pour l’homme dans les déserts de l'Afrique et de la Libye, il ne mentionne plus les chameaux, mais il parle des saute- relles comme de la manne des peuples de la Libye dans la brûlante aridité de leurs déserts. Certes, si le chameau y eut existé, son lait et sa chair eussent été un autre bienfait que des sauterelles pour les malheureux Libyens, qui, après tout, comme Diodore nous la montré, n'étoient pas aussi miséra- bles que l’imaginoit St. Jérôme. Quoi qu'il en soit, il résulte de cette opinion du St. Père que les chameaux n’existoient pas alors en Afrique, où, dans la thèse qu'il soutenoit, il lui auroit beaucoup importé de signaler leur existence. (1) C’est à M. Dureau de Lamalle que je dois la connoissance de ce passage de Pline, qu’il a produit comme objection contre mes conclusions, dans une note lue le 22 août à l’Acad. des Insc. de l'Institut. CHAMEAU À UNE BOSSE. 239 Enfin Ptolémée place les Sarrasins au midi des Scenites , sur les confins de l'Arabie heureuse ; mais Ammien Marcellin dit positivement, I. 23, ch. 6, que les Arabes Scenites sont les mêmes qu'on appela plus tard Sarrasins. Ce nom de Sarrasin est peut-être un sobriquet , donné par les peuples voisins, du mot arabe saraka, qui veut dire voler, piller. Or, par la né- cessité géographique même, ce nom de Sarrasins a dû être donné à tous les Arabes Scenites limitrophes de la Palestine, de la Mésopotamie et de la Perse, contrées dont ils pouvoient, à cause de cela, piller les caravanes. Tant que l'Egypte fut dé- fendue par des forces militaires suflisantes, ce qui eut lieu jus- qu'à l’époque de la décadence de l'Empire, les Sarrasins ont dû être contenus en dehors de l’Isthme. I] paroît que ce n’est que vers la fin du troisième siècle ou le commencement du quatrième qu’ils envahirent cette bande de l'Egypte, étendue entre le mont Mokattam et la mer Rouge, et dont les tribus arabes sédentaires, indiquées par Pline, étoient paisibles sous les Arabarques. La vitesse du déversement de ces nomades sur l’ouest de l’Arfique, en tournant l'Egypte au sud des cata- ractes, explique la multitude de chameaux, marchant avec toutes ces hordes du désert qui envahirent la province d’Afri- que, après que Bélisaire l’eut reconquise sur les Vandales. Procope (guerre vandalique), iv. 2,chap. 8, 10 et 11, décrit les mœurs de ces Maures telles qu'Ammien peint celles des Sarrasins. Ils forment leur armée en cercle, le front cou- vert par les chameaux, ayant entre leurs jambes des fantas- sins armés de boucliers et d’épées, et leurs femmes et leurs enfans au centre. Cette multiplication des chameaux dans l’ouest de l'Afrique, deux siècles après l’époque la plus ancienne qu’on puisse as- 240 CHAMEAU À UNE BOSSE. signer à leur pénétration, à l’ouest du Nil, n’a rien d’extra- ordinaire, quand on songe à la multiplication des chevaux et des bœufs en Amérique, dans un intervalle de temps qui n’est guère plus long. Or, postérieurement à cette époque, l’affoi- blissement toujours croissant du pouvoir et des forces mili- taires de l'Empire en Egypte, dut rendre continuelle l’inon- dation de l'Afrique par les Arabes et leurs chameaux. Mais les tribus des Sarrasins ne durent paroître dans les provinces romaines du littoral de l'Afrique, qu’après s'être multipliées dans l’intérieur, et sans doute vers le Niger et le Sénégal, puisque, depuis Ammien jusqu'à Procope, il n’est pas question de chameaux en Afrique, et que St.sClément d'Alexandrie et quelques autres écrivains de cetintervallen’en parlent toujours qu'à propos des Arabes (voy. Clem. Alex., Pedagog. lib. 3, cap. 3). L'Afrique boréale, malgré toutes les conformités réelles ou apparentes de son sol et de son elimat avec ceux de l'Arabie et des déserts de la Perse, n’est donc point la patrie origi- naire du chameau, qui n’y exista pas à l’ouest du Nil jusqu'au troisième au quatrième siècle. [n’y pénétra qu’à cette époque avec les Arabes. L’Arabie et les déserts de la Perse sont donc la patrie pri- mitive du dromadaire ; et il y existoit encore à l’état sauvage, sur les bords de la mer Rouge et de la mer des Indes, aù temps d'Artémidore, cité par Strabon et Diodore de Sicile. Et de plus, à la même époque, le chameau à deux bosses existoit en Arabie vers la mer des indes. (1) Je ne crois pas que les Arabes ou Sarrasins se soient répandus dans l'Afrique au-delà de l'Egypte, avant l'invasion musulmane. (S. M.) D ES + EXAMEN De quelques Observations de M. Dugald-Stewart , qui tendent à détruire l’analogie des phénomènes de PInstinct avec ceux de l'habitude (1). PAR M. FRÉDÉRIC CUVIER. 35e S:, dans les sciences physiques, les hypothèses sont quel- quefois nuisibles au raisonnement, par les erreurs aux- quelles elles donnent directement naissance, et par celles qui résultent de leur influence sur l'esprit, elles le sont à plus forte raison dans l'étude des phénomènes intellectuels, où les faits sont d’une bien plus difficile observation , et les raisonnemens d’un bien plus grand usage, d’un bien plus grand secours. Quelques branches des sciences physiologiques ne sont cependant pas susceptibles de s'élever à des généralités d’un certain ordre sans le secours des hypothèses ; les faits sur lesquels elles se fondent , n'étant pas de nature à être immé- diatement soumis à l'observation d’une manière complète, et (1) Ce mémoire , ainsi que plusieurs autres que je pourrai publier, est extrait d’un travail général sur l’origine des actions des animaux, destiné à paraître à une époque plus ou moins reculée. Mém. du Muséum. +, 10. 32 242 Ixsrixcr. quelques uns de leurs élémens re pouvant se concevoir que par induction. Celle qui concerne les actions des animaux est de ce nom- bre : nous pouvons étudier nos actions dans toutes leurs par- ües, observer directement les modifications intellectuelles et musculaires qui les constituent, et conclure avec fondement, de notre ressemblance organique avec les autres hommes, et de la similitude générale de leurs actions avec les nôtres, la nature identique de ces actions. Les mêmes ressemblances n'existent point entre nous et les animaux : nous ne pouvons connoitre leurs modifications intellectuelles, ils sont orga- niquement différens de ce que nous sommes , et leurs ac- üous, en plusieurs points, diffèrent de celles qui nous sont propres, de sorte que n'ayant pas une idée complète de ces actions, n’en possédant pas tous les élémens ,ne pouvant pas en faire une analyse rigoureuse, nous ne pouvons en tirer aucune conclusion absolue, et devons nécessairement recourir à une création hypothétique pour les classer et établir leurs rapports. Toutefois les actions des animaux ne présentent pas toutes dans leur étude les mêmes difficultés ; il en est dont les ana- logies avec les nôtres peuvent être établies avec une grande certitude , et dont la nature par conséquent peut être sup- posée avec fondement. De ce nombre sont toutes celles qui sont le résultat manifeste d’une intelligence, c’est-à- dire qui se conforment en tout point à la variété fortuite des circonstances, au milieu desquelles elles se passent, ou que ces circonstances seules occasionnent. Toutes celles de ce genre s'expliquent naturellement et sans efforts en ad- mettant dans les animaux des facultés intellectuelles, sem- INSTINCT. 243 blables à celles qui nous auroient été nécessaires pour les produire ; ou plutôt toute autre explication seroit vaine et inadmissible. Il en est d’autres pour lesquelles nous ne trouvons point en nous, au mème degré, les moyens de déterminer la nature, et cependant ce seroit inutilement que nous chercherions ailleurs à la découvrir, sinon avec certitude, du moins avec vraisemblance , car, nous le répé- tons, nous ne pouvons acquérir que l’idée de nos propres facultés intellectuelles. C’est donc sur cette vraisemblance seule que la théorie hypothétique de ces actions repose; c'est elle par conséquent qu'il faut établir, car l'évidence absolue ne peut jamais devenir le caractère de cette théorie. Les actions insüinctives, de leur nature invariables et né- cessaires, ne trouvent en effet aucune analogie complète dans les nôtres. Si nous sommes encore susceptibles d’ac- üons semblables, elles sont tellement confondues avec d’au- tres que nous ne les distiguons plus; et à l'époque de notre vie où nous agissions instinctivement, nous étions hors d’état de nous étudier et de nous connoître. Parmi les explications qui ont été suggérées (1) pour ces actions instinctives, la seule qui nous paroisse fondée sur des vraisemblances suflisantes ; et qui soit admissible, est celle de Reid (2) et de Berkeley (3), laquelle repose sur les phéno- (1) Nous disons que cette explication n’a été que suggérée, parce qu’en effet elle ne pouvoit être établie que par des développemens qui n’ont jamais été donnés. (2) L’habitude diffère de l'instinct, non par sa nature, mais par son origine : Pinstinct est naturel, l'habitude est acquise. Ces deux principes opèrent sans volonté ou intention, sans pensée, et peuvent en conséquence être appelés principes mé- caniques. ( Essai sur les facultés actives de l’homme, p. 128.) (3) Puis donc que ce n’est pas du musicien lui-même que procède ces mouvye- 32 * 244 Ixsrixcr. mèues de l'habitude. Toutes les autres sont sans aucune con- formité avec les faits ou complétement arbitraires; car toutes se réduisent, 10. à considérer ces actions, ainsi que les au- tres, comme intellectuelles et libres; 2°, à n’admettre pour toutes qu'une cause mécanique; 30. à les attribuer à des formes spéciales de lentendement. Or les deux premières hypothèses ne peuvent soutenir aucun examen. Elles conduiroient sans restriction, l’une à con- fondre les animaux avec l'homme, et l’autre avec la matière brute : ce qui est trop évidemment faux. Quant à la troi- sième, tirée des doctrines de l’école, elle n’explique rien; car parler de ces formes sans les déterminer, sans classer les faits, c’est employer des mots vides de sens; c’est introduire dans la science des fantômes propres à troubler l'esprit, et non pas des idées capables de l'enrichir et de l’éclairer. A la vérité une tentative a été faite pour ôter à ce sys- tème le vague qu'il avoit dans son origine. M. Gall a cher- ché à circonscrire ces formes , et à donner de la précision à cette idée en l’étendant à toutes les facultés de l'esprit; mais jusqu’à présent, ni expérience, ni le raisonnement ne sont venus confirmer la généralité de ses vues, au contraire, lob- servation semble chaque jour les affaiblir. La comparaison des actions que nous exécutons par ha- bitude avec celles qui sont instinctives, fait au contraire con- du mens (ceux des doigts), il faut que ce soit de quelque intelligence active; peut- être est-ce de cette même intelligence qui gouverne les abeilles et les araignées, etc. Siris, p. 123. Cette idée de Berkeley paroît même rentrer dans celle des Péripaté- ticiens modernes. IXSTINCT. 245 cevoir assez nettement la nature de celles-ci (1). Elles nousles présentent comme purement organiques, comme le résultat d’une association immédiate établie par la nature entre cer- tains besoins ou certaines modifications intellectuelles, ainsi que l’a établi Hartley (2), et l'organe qui préside à nos mou- vemens , et qui les coordonne (3), car il est difficile de voir autre chose que cette association dans nos actions par habi- tude. Cette explication, quelque vraisemblable qu’elle soit, n'a cependant point été généralement admise, et sans doute parce qu’elle n’avoit reçu aucun développement de Reid ; des faits, où l'intervention de l'intelligence a paru certaine, et qui se présentoient avec les caractères des ac- tions d'habitude, lui ont été opposés, et l’auroïent détruite si l'analyse qu'on en faisoit et les conséquences qu'on en üroit eussent été vraies. Car si l'intelligence agissoit en effet dans ces actions habituelles, qui nous semblent si exelusive- ment organiques, cette explication seroit vaine, et même il fau- droit peut-être pour toujours renoncer à connoître la nature des actions instinctives, où il n’y a certainement point d'intel- ligence. Mais nous croyons pouvoir montrer que les difficul- tés qui semblent détruire l’analogie des phénomènes de l'ha- bitude avec ceux de l'instinct n’ont pas toute la réalité qu'on leur supposoit. M. Dugald Stewart admettant une induction (1) Voyez pour de plus grands développemens mon article Ixsrixcr, du Diction- naire des Sciences naturelles. (2) De l’homme et de ses facultés physiques et intellectuelles. Proposition XXI. (3) Voir les Expériences de M. Flourens sur les fonctions spéciales des différentes parties du cerveau. 246 Ixsrincr. ancienne (1) portée par Stahl au dernier degré d'exagération, refuse à toutes les actions d'habitude le caractère d’automa- tisme, et s'élève mème avec force contre cette idée. Il pense que tous les mouvemens qui s’y trouvent se font à la suite d’une opération de l'esprit dont nous ne conservons aucun souvenir , parce que notre attention ne s’y est point appli- quée ou l’a fait trop rapidement; et il fonde cette opinion sur des raisons et des faits. Nous allons examiner ces idées avec tout le soin dont nous sommes capables, et que nous devons à celles d’un homme de mérite, de M. Stewart. Il est mème vraisemblable que sans l'autorité qu'il lui prête, nous l’aurions laissée dans l'oubli où elle paroissoit être tombée. Si nous pouvons, dit M. Stewart, expliquer les faits d’ha- bitude par Les lois qui constituent la nature de l'esprit humain , c'est-à-dire de la mème manière que ceux dans lesquels l'intelligence intervient, nous ne devons point cher- cher pour eux d’autres causes; les principes de la saine phi- losophie le commandent. Il n’y auroit certainement rien à objecter à cette maxime si l'on pouvoit avec vérité expliquer ces faits comme les au- tres; mais dans les actions vraiment intellectuelles nous pou- vons connoître ou connoissons constamment toute la part qu'y prend notre intelligence, tandis qu’on ne l’admet dans les autres que par une supposition fondée sur des analogies que nous ne croyons point exactes; car M. Stewart reconnoit formellement qu'il ne nous reste, dans ces actions d'habi- nn ——_——— (1) Philosophie de l'Esprit humain , t. I, chap. IT, p. 171, trad. franc. IxsTincr. 247 tude , aucune trace d’un acte de notre esprit : or, s’il est des cas où les suppositions ne peuvent être admises, c’est assurément dans les questions de la nature de celles qui nous occupent, et qui ont pour objet, non pas d'établir une vé- rité particulière et isolée, mais un principe général duquel peuvent découler de nombreuses erreurs ou de nom- breuses vérités, suivant qu'il est fondé luimême sur la vérité ou sur l’erreur. Au reste, ce raisonnement de M. Stewart peut être appliqué avec plus de fondement au sujet qui nous oc- ‘cupe , aux phénomènes de l'instinct, puisque dans ce cas il n'exige aucune supposition : nous ne pouvons point trouver l'explication de ces phénomènes dans nos actions intellec- tuelles puisqu'ils sont sans intelligence; les phénomènes de l'habitude, tels qu'ils se présentent naturellement à nous, paroïissent également privés d'intelligence, il est donc phi- losophique d'expliquer les uns par les autres ; ceux que nous ne pouvons connoître, dans l’intérieur desquels nous ne pou- vons pénétrer, par ceux qui se passent en nous-même, et qui sont entièrement soumis à notre investigation; mais les faits nous servent trop bien pour que nous ayons recours à ce rai- sonnement qui n’a rien non plus de démonstratif. C’est aussi sur des faits que M. Stewart fait reposer son raisonnement, comme nous venons de le dire , et en admet- tant quils montrent en effet que nous pouvons ne conser- ver aucun souvenir des modifications de notre esprit, quoi- que d’ailleurs ces modifications soient manifestes, il reste- roit à savoir s'ils sont de la nature de ceux de l'habitude; car de ce que dans un cas nous pourrions ne pas garder la mémoire d'une modification intellectuelle qui a certaine- 248 INSTIN CT. ment eu lieu, ce ne seroit pas une raison pour que des mo- difications analogues aient été produites, dans le cas où, sans nous en souvenir davantage, nous n’aurions- cependant aucune certitude, aucune preuve , qu’elles aient existé; et en inférant l'un de l’autre, M. Stewart nous semble avoir oublié la rigueur qu'il montre toujours dans ses raisonne- mens. Les exemples que cet homme illustre rapporte , sont de nature assez différente : les uns sont des faits qui n’ont peut- être aucun rapport avec l'intelligence; d’autres sont entiè- rement intellectuels ; d’autres enfin sont en partie intellec- tuels et en partie mécaniques; mais tous, comme nous allons le voir, sont loin de démontrer l'opinion que M. Stewart a par eux en vue d'établir. Le premier de ces exemples , c’est que les personnes qui s’endorment durant un sermon, se réveillent toujours au mo- ment où l’orateur cesse de parler: preuve qu’elles avoient une certaine perception du discours, et cependant elles ne conservent pas le moindre souvenir des derniers 72045 qui ontété prononcés. Or il est bien certain que ce discours n’est pas pour la personne qui sommeille un composé de mots ex- primant des idées ; il ne consiste plus pour elle qu’en unmur- mure uniforme qui met en vibration la membrane de son tympan , et ne lui procure ordinairement sans doute qu'une simple sensation. C’est ce murmure lui-même qui paroît avoir la faculté de produire le sommeil ; car cet effet a lieu dans toutes les circonstances analogues : on s'endort au bruit d’un ruisseau , au sifflement du vent qui passe au travers du feuillage, au tictac d’un moulin, à la chute d’une cascade, INSTINCT. 249 en un mot à tous les bruits qui ont de l’uniformité. Il est donc fort naturel que la personne qui se réveille à la fin d’un ser- mon, ne conserve aucun souvenir des derniers z20ts de l’o- rateur, car ils n’ont point été prononcés pour elle; elle ne les a point entendu articuler; mais elle se souviendra peut-être de la seule modification qu’elle pouvoit éprouver par les sons confus qui ont pu frapper son oreille, si son esprit a réagi sur eux , si elle en a eu la perception (1). Les idées qui passent dans l'esprit, lorsqu'on prononce spontanément un discours, ou même dans la simple con- versation, et qui ne s'expriment point, mais qui servent à faire naître celles qui sont exprimées, et à leur donner cette variété agréable, cette irrégularité piquante qui, après la pensée , en font les principaux charmes, sont encore pour M. Stewart une preuve en faveur de son opinion, tant cette opinion captive sa pénétration. En effet il est trop évident que ces idées secondaires et non exprimées, n'échappent point absolument à l’esprit qui les produit a sa propre ac- tivité et les lie à celles qui s'expriment, et qu’à l’instant qui suivoit immédiatement celui où elles se sont présentées, la mémoire les conservoit encore et qu’elles pouvoient être exprimées; c’est une expérience qui peut être journellement répétée, et qui montre que cet exemple, tout intellectuel, est sans aucune analogie avec les phénomènes qu'il avoit pour objet d’éclaircir. Les exemples du troisième ordre que rapporte M. Steyvart ne me paroissent pas plus concluans que ceux que nous ve- (1) Nous employons le mot perception dans le sens de l’acte par lequel nous considérons nos modifications intellectuelles. Mérn. du Museurn. t. 10. 33 250 Ixsrincer. nons d'analyser. Il suppose que dans l’action de lire, il faut que nous ayons la perception successive de toutes leslettres, que de ces lettres nous formions des syllabes, de ces syllabes des mots, etc., etc.; ce qui n’est certainement point exact. Pour procéder ainsi en lisant, il faudroit que nous n'eussions au- cune habitude de l’espèce de lecture qui nous occuperoit; mais alors nous nous souviendrions certainement, en consul- tant toutefois la mémoire à temps, des actes intellectuels par lesquels nous aurions reconnu les lettres, formé les syl- labes , composé les mots; car nous ne parvenous à lire de la sorte qu'au moyen d’une très-grande contention d'esprit. Il n’en est pas à beaucoup près ainsi lorsque nous lisons cou- ramment ; alors lés mots sont pour nous des figures simples , ou plutôt continues, qui nous frappent au premier coup d'œil, et à la seule vue desquelles nous articulons des sons que nous avons pris l'habitude de leur associer. La preuve de cette vérité c'est que nous lisons sans trop d’hésitation, une écriture dont les lettres sont déformées, lorsque les mots conservent jusqu'à un certain point leur physionomie gé- nérale ; et l’on peut facilement enseigner à lire sans ensei- gner ni à distinguer les lettres, ni à former des syllabes, mais simplement en enseignant à reconnoitre la forme des mots. Qui ignore d’ailleurs que l’épellation ne fait pas ap- prendre l'orthographe, et que la vue décide quelquefois plus sûrement que l'esprit si un mot est écrit correctement ? L'exemple du chiffreur est de la mème nature et n’est pas plus décisif que celui qui précède. Il nous offre, comme la lecture, un phénomène remarquable d'association, dans le- quel l'intelligence n'intervient, si mème elle y prend part, que InsTiner. 251 pour reconnoître les signes, c’est-à-dire les chiffres. A leur vue leur nom se prononce et leurs valeurs ou leurs rapports s’ex- priment machinalement, jusqu’au résultat qui s’exprimeroit de même si la pensée ne s’y arrétoit point, par la nécessité où elle est de le connoître. Les rapports des nombres viennent, et doivent venir aux lèvres du calculateur, comme ils vien- nent à celles d’un enfant qui récite par cœur sa table de Pytha- gore, comme les mots viennent au bec du perroquet; c’est un fait que chacun peut vérifier aisément; car rien n’est plus différent de l’état où nous sommes lorsque nous calculons avec notre esprit, que celui où nous nous trouvons lorsque nous le faisons sans son secours. Sans doute à la fin de l’opé- ration, la mémoire ne conserve aucun souvenir des chiffres, en admettant qu'ils n’ont pas seulement été sentis, mais qu’ils ont été percus. À quoi ce souvenir lui serviroit-il ? ils ne sont pas l’objet de cette opération ; mais immédiatement après la perception ils étoient dans la mémoire, et on les y aperçoit nettement si alors on les y cherche. Il en est absolument de même de léquilibriste ou du joueur de gobelets : quelques sensations, ou quelques per- ceptions auxquelles sont attachés par association un ou plu- sieurs mouvemens , sont tout ce qu'ils offrent à l’observation la plus attentive; et M. Stewart n’y auroit pas vu autre chose s'il se fût fait une idée exacte de ces actions. Les irrégularités de l’objet tenu en équilibre ne sont point, comme il le pense, exclusivement jugées par la vue; elles sont aussi senties ou perçues par le toucher; chacune d'elles imprime une modi- fication particulière à l'organe qui supporte cet objet en même temps qu'à l’œil qui en suit les écarts, et ces modifica- 33* 252 IxsTixcr. tions sont liées par habitude à des mouvemens qui s’exécutent à l'instant même, par le simple effet de cette liaison, peut-être comme un corps poussé exécute le mouvement que lui im- prime le corps qui le pousse. Cette complication de deux es- pèces de sensation dans les actions d'habitude offre même un fait remarquable; mais elle n’étoit pas nécessaire à l’accom- plissement du phénomène : l'équilibre pouvoit se maintenir par le seul secours de l’un ou de l’autre. Qui ne connait l'adresse avec laquelle les Hollandaises, tout en patinant, tiennent en équilibre les fardeaux qu’elles portent sur leur tête? Lorsque l'habitude a en quelque sorte identifié ainsi des corps étrangers avec nous, nous les maintenons dans leur centre de gravité comme notre propre corps qui se soutient verticalement de la même manière que le corps sou- tenu de la sorte par l’équilibriste. Au reste, dans tous les cas, s'il y a perception, il y a mémoire; mais il est certain que dans un grand nombre de phénomènes la perception n'existe pas, et que la sensation seule suflit à leur accomplissement. Il'est un dernier exemple auquel M. Stewart paroït mettre encore plus d'importance qu’à tous les autres, et qui devoit en eflet, dans l'idée du mécanisme des actions d'habitude, et à cause de la nature du phénomène qui le présente , lui paroître plus inexplicable que ceux que nous avons examinés jusqu'ici, car il ne s’agit plus de sensations ou de percepuons associées à des mouvemens, mais de sensations liées à des per- ceptions (1). Cet exemple consiste dans la distinction que nous (1) Le mot perception , que nous prenons ici dans le même sens que M. Stewart, signifie la modification intellectuelle qui nous paroît suivre immédiatement la sen- sation ; et nous devons faire remarquer que ces modifications peuvent être de nature différente. INsrincr. 253 paroissons faire instantanément entre les apparences visibles des choses etleurs formes, leurs couleurs et leur distance réel- les ; ou autrement, du jugement que nous paroissons porter des formes, des couleurs et des distances des choses, que nous voyons réellement sous d’autres formes, d’autres cou- leurs et à d’autres distances. Je crois cependant que ces dif- ficultés disparoîtront par l'appréciation exacte des faits. Sans doute un corps d’une certaine forme, d’une certaine couleur, et placé à une certaine distance du point que nous occupons, n'est vu par nous, tel que nous le voyons, que parce que nous substituons en quelque sorte à la forme et à la couleur qui frappent en effet notre œil, celles qui existent en réa- lité, et que nous connoissons d’ailleurs, et la distance réelle qui le sépare de nous, et que nous connoissons également, à celle de la sensation; c’est-à-dire que dans ce phénomène compliqué, nous dégageons d’une part les couleurs et les formes des influences qui les déguisent à nos yeux, et que de l’autre au contraire nous ajoutons à la distance une cir- constance que nous ne pouvons percevoir qu'à l’aide du mouvement et du toucher. Mais de nombreuses opérations de l’esprit sont-elles nécessaires à l’accomplissement de ce phénomène? C’est ce que je ne pense point. Dans tous les cas que nous venons de rapporter, l'apparence visible n’est, comme le disent Locke (1), Reïd (2) et Berkeley, qu'un signe associé intimement à une chose qui en diffère, comme les signes du langage le sont aux idées; seulement dans (1) Essai sur l’Entendement humain, 1. II, ch. IX, Ço. (2) Recherches sur l’Entendement humain, chap. VI , sect. III. 254 INSTINCT. l'exemple de M. Stewart le signe est une sensation, et la chose signifiée une perception ou plutôt une conception; et leur union est telle qu’elles ne peuvent plus ètre séparées, mème par la pensée, et que le signe ne sauroit plus deve- nir un objet particulier d'examen; bien différens en cela des signes du langage qui sont toujours susceptibles d’être considérés indépendamment des idées qu'ils représentent. C’est done encore, comme dans les exemples précédens, des associations produites par l'habitude et pour l'établisse- ment desquelles il suffit de la répétition, dans le même ordre, des mêmes phénomènes. Cet exemple est une nouvelle preuve que nous percevons, non pas ce que nous sentons, mais ce que nous avons appris à percevoir. Celui qui n’au- roit jamais, en même temps, vu et touché une sphère; ne percevroit que sa simple sensation : une figure plane, cireu- laire et diversement colorée. Ce cas seroit analogue à celui des mots qui ne présenteroient que les articulations dont ils se composent sans aucune idée , celui qui n’auroit encore qu'un foible usage des formes et des couleurs seroit obligé de faire quelques efforts de mémoire et de jugement pour per- cevoir la forme réelle de ce corps ; mais celui qui auroit en ce genre une longue expérience la percevroit instantanément; il y a même plus, c'est qu'à ce point nous pourrons à VO- lonté voir cette sphère en creux ou en saillie, tant il est vrai que les perceptions ne tiennent pas moins à l’état de l'esprit qu'à la disposition des sens. Parmi les considérations qui déterminent M. Stewart à ad- mettre une rapidité qui ne peut être saisie dans les opérations intellectuelles qui participent, suivant lui, aux actions d’habi- Ixsrincr. 255 tude, il fait aussi entrer celles qu'il tire des causes finales. « L’attention et la mémoire, dit-il, sont principalement des- tinées à fixer les résultats de l'expérience et de la réflexion, afin de les rendre utiles à notre conduite future : il n’y avoit donc aucune raison qui püt porter l’auteur de notre nature à étendre l'emploi de ces facultés jusqu’à des intervalles de temps que, dans le cours ordinaire de la vie , nous ne pouvons avoir aucun besoin d’estimer. Les procédés intellectuels un peu compliqués ont tous quelque fin qui leur est propre. Les uns servent à la perception , les autres à l’action. Après que cette fin est remplie, il seroit bien inutile que la mémoire conservât le souvenir de tous les pas qu'a faits notre esprit pour l’atteindre. Il n’en résulteroit pour elle qu'une surcharge produite par une multitude de petits détails sans valeur. » Sans donner aux considérations de ce genre plus de va- leur qu’elles n’en comportent, il nous semble que des causes finales, d’une bien plus haute importance que celles qui ont frappé M. Stewart, viennent à l'appui de lopinion que nous opposons à la sienne. Lorsqu'on se livre à l'étude des lois de la nature, une des premières vérités qu’on saisit, c’est que cette puissance in- finie subordonne tout à la conservation des êtres, et que la destruction n'est elle-même qu'une conséquence de cette loi universelle. Or la transformation des actions intellectuelles en actions mécaniques est à notre sens une des preuves les plus manifestes et les plus grandes de sa providence à cet égard. Dans ses vues élevées la répétition des mêmes actions devoit avoir lieu toutes les fois que des besoins souvent re- nouvelés par une nécessité fondamentale rendroiïent ces ae- 256 INSTINcT. tions indispensables , et des besoins de cette espèce ne pou- voient qu'être intimement liés avec l'existence; tels sont ceux qui se rattachent aux sensations , aux mouvemens musculaires et aux perceptions où conceptions, phénomènes entre les- quels nous voyons en effet se former les plus fortes associations, les plus profondes habitudes. À combien de dangers cette exis- tence n’auroit-elle donc pas été exposée, si dans les actions les plus fréquemment nécessairesil eüttoujours fallu l'intervention d'un ou de plusieurs actes de l'intelligence, de cette faculté si délicate de notre esprit, que tant de causes peuvent affoiblir ou altérer? Et quels caractères encore exige-t-on de ces actes qu’on suppose? ceux de la force et de l’activité portées au plus haut degré que l'imagination puisse concevoir (1); c’est-à- dire ceux qui sont les plus rares, et dont si peu d'hommes ont été doués. Certes depuis long-temps le genre humain n’existeroit plus si l’exacte perception de la distance des ob- jets, par exemple, avoit besoin d’un raisonnement préalable, et n’étoit pas la suite immédiate et nécessaire de la sensation, associée à l'expérience du toucher ! Mais cette admirable pré- voyance de la nature ne s’est pas seulement portée sur les besoins dont les animaux ont originairement été doués, elle s’est étendue jusqu'aux besoins les plus secondaires, dès qu'ils sont devenus nécessaires à un certain genre d'existence : c’est ainsi que se forment les races dont les caractères entièrement artificiels peuvent prendre de si profondes racines qu'ils se (1) Grégory assure qu’en lisant on peut articuler deux mille lettres par minute, à quoi il faut ajouter les syllabes et les mots formés par ces lettres ainsi que le sens des mots et des phrases qu’ils constituent, pour se faire une juste idée du travail de l'esprit durant une minute de temps de lecture, dans le système de M. Stewart. INSTINGT. 257 transmettent même par la génération, et que des phénomè- nes de pure habitude se transforment ainsi en phénomènes d’instinct. Nous trouvons à l'appui de cette cause finale, tirée de la conservation des êtres, de cette prévoyance protectrice de la nature, un exemple bien remarquable chez les animaux; et cet exemple se rattache précisément à ceux que nous venons d'examiner. Il paroït bien certain que c’est le toucher qui nous apprend à connoître les distances où nous sommes des objets : lorsque l’aveugle de Cheselden (1) eut recouvré la vue, tous les objets lui paroissoient être dans ses yeux, du moins on l’assure. Mais les perceptions qui peuvent résulter du tou- cher, pour ce qui concerne la forme des corps, ne dépendent pas seulement de la sensibilité des organes, elles dépendent encore de leur structure, de leur mécanisme. A cet égard l'homme a une immense supériorité sur la plupart des ani- maux. On s'explique comment l'expérience peut lui faire dis- ünguer et reconnoitre les formes des corps : il a la faculté de les palper en tous sens, et il peut, dans son enfance, s’éclairer par ses tentatives sans qu’il en résulte pour lui de dangers, ses parenslesurveillentetle protègent. Lesanimaux dontles doigts sont enveloppés de cornes et le corps revêtu de tégumens épais, et quise conduisent presque d’eux-mèmes dès le premier moment de leur vie, ne se prètent pas à cette explication; et l'on trouve dans ce cas plusieurs mammifères et plusieurs oiseaux qui cependant perçoivent les distances avec au moins autant d’exactitude que nous, Il étoit donc important de re- (1) Reïd, t. I, p. 222 de ia trad, franc. Mém. du Muséum. t, 10. 34 258 INsTINcrT. chercher l’origine de ces perceptions. Pour cet effet j'ai réuni beaucoup d'observations qui m’ont démontré que, dans un grand nombre de cas, ce phénomène est instincuf; car plu- sieurs de ces animaux, en paroiïssant à la lumière, voient de suite les objets hors de leurs yeux, et même à leur distance réelle; ils les fuient, les évitent, et se conduisent à leur égard comme si un long usage eût consommé leur expérience. La nature de ce mémoire ne me permet pas d’entrer dans le détail de ces observations, que je ferai connoître plus tard dans mon travail spécial sur l'origine des actions des animaux. Par l'examen que je viens de faire, je crois avoir détruit en grande partie les objections que M. Stewart oppose à l'idée que les actions d'habitude sont indépendantes de lintelli- gence et tout-à-fait automatiques. S'il en est ainsi en effet, ces actions, comme le pensoit Reid, viennent, avec celles de l'instinct, former une classe distincte de celle qui comprend les actions intellectuelles; et par là se dévoile nettement à nos yeux un monde nouveau, non moinsriche que l’ancien, quoi- que d’une nature entièrement différente. Tant que ces di- verses actionsétoientrestées confondues dans notre esprit, tant que nous n'avions pas reconnu les limites de chacunes d’elles, tout y paroissoit vague , obscur , douteux; le fait et la spé- culation étoient à leur égard dans un désaccord constant. Les unes nous montroient partout homme supérieur à la brute; par les autres on étoit obligé, dans un grand nombre de cas, d'accorder autant à celles-ci qu'au premier, et si l’on tentait de les accorder l’un avec l’autre, ce n’étoit qu’au prix de la vérité, qu'au moyen de conjectures hypothétiques qui ne INSTINCT. 25 9 recevoient d'autorité que de notre impuissance à en créer d » plus vraisemblables. Mais cette distinction précise des actions instinctives, de toutes les autres actions, n’a pas seulement l'avantage de nous donner une idée exacte des premières, elle nous donne de plus les moyens de distinguer, dans les actions intellectuelles, celles qui se font par les actes spontanés de l'esprit, et sans que par eux il puisse en avoir la connoiïssance (1), de celles qui ont lieu avec cette connoissance , de celles dont cette connoissance fait le caractère , parce qu’elles dépendent d’un acte spécial de l'esprit qui la lui donne; actions qui sont le partage exclusif de l'espèce humaine. En effet, avant qu'on possédât une explication véritable des actions instinctives, et qu’on en eüût reconnu la nature tout-à- fait organique, on ne pouvoit se défendre d'associer certaines de ces actions à celles qui exigent de la part de l’espèce hu- maine les combinaisons les plus élevées , les raisonnemens les plus abstraits; et cette manière de les envisager paroissoit d’autant mieux fondée que, d’un autre côté, on ne pouvoit refuser aux animaux une intelligence très-réelle, très-active et, à certains égards, tout-à-fait semblable à la nôtre. Ce sont même ces diflicultés seules qui avoient conduit à ne voir (1) Les Péripatéticiens, malgré les railleries dont leur âme matérielle a été l’objet, à juste titre sans doute, paroïssent avoir eu une idée assez claire de cette distinction, appliquée à l’homme; mais ils n’en ont plus eu qu’une idée confuse lorsqu'ils en ont fait l'application aux animaux; car elle ne suflit pas pour rendre raison des actions instinctives; et cependant c’est à cause des animaux qu’elle paroît avoir été conçue par eux. SH 260 Ixsrincr. que des différences organiques entre les animaux et nous, et à n’attribuer notre supériorité sur eux qu'à la seule forme de nos mains. À la vérité on avoit aussi entrevu que les ani- maux étoient dépourvus de la faculté de raisonner, et qu'ils ne pouvoient former d'idées générales. Locke l'avoit dit, et cette asserlion avoit souvent été répétée ; mais on se dis- pensoit d'expliquer tous ces actes d’une apparente pré- voyance qui faisoient supposer bien plus qu'on ne leur refu- soit, et l'embarras restoit toujours le même. Par la distinction que nous établissons, ou plutôt qui ré- sulte immédiatement des faits, toutes ces diflicultés dispa- roissent, et la clarté naît de la confusion; car toutes les ac- tions des animaux qui pouvoient faire supposer en eux des idées abstraites, la faculté de faire entrer ces idées dans leurs jugemens ou de les considérer, ainsi qu'eux-mêmes, par la réflexion, c’est-à-dire qui pouvoient leur donner une res- semblance essentielle avec l'homme, sont incontestablement des actions instinctives qui n’ont aucun rapport direct avec l'intelligence, et que l’automatisme réclame impérativement. Toute association intime et complète entre l'espèce humaine et les animaux nous paroit donc désormais impossible ; la ligne de démarcation est établie entre eux de la manière la plus absolue; quel que soit le principe qu'on admette pour cause des actions des uns, il ne pourra jamais être confondu avec le principe des actions des autres; en un mot, si l’homme n’est pas sur la terre le seul être intelligent, il est incontes- tablement le seul être moral. 261 MÉMOIRE SUR LA GERMINATION DES OROBANCHES. PAR M. VAUCHER, de Genève. L: germination des Orobanches et des végétaux d'une or- ganisation semblable est encore à peu près inconnue, quoique plusieurs botanistes en aïent fait à diverses époques l’objet de leurs recherches. Le premier qui s’en est occupé est, je crois, l'ingénieux Micheli, qui publia à Florence, en 1723, une Notice dans laquelle il indique surtout les moyens de débarrasser les chenevières des Orobanches rameuses qui les infestent (1). Ensuite Guettard, botaniste remarquable pour le temps où il vivoit, inséra dans le recueil de l’Académie des sciences, pour 1746, un Mémoire sur les plantes para- sites, et en particulier sur les Orobanches. A la même époque, le célèbre Duhamel, à qui l’on doit l'histoire exacte de la germination du Gui et de la Cuscute, donna des détails nou veaux sur le même objet (2). Sutton, après avoir décrit, (1) Micheli, de l'Orobanche rameuse. Voyez Académie des Sciences, 1746, p: 190. (2) Physique des arbres, 1. 5, ch. 1, p. 227. 262 GERMINATION dans les Transactions de la Société Linnéenne, les cinq es- pèces d'Orobanches que renferme la Grande-Bretagne, re- présente un peu grossièrement, il est vrai, mais pourtant avec assez d’exactitude, sur les racines du trèfle, un jeune bulbe de son Orobanche mineure qui n’a encore poussé que des racines. Enfin Jaume-Saint-Hilaire, dans un Mé- moire lu à l'Institut, en 1808, et où il s'efforce de prouver, je crois avec beaucoup de raison, que les Orobanches sont parasites, annonce qu'il a vu germer des graines de ces vé- gétaux, mais que ces jeunes plantes avoient péri avant qu'il eüt pu les examiner à loisir. Tel étoit l’état de la question lorsque j'entrepris de m’en occuper. Je semai en conséquence pendant plusieurs années des graines d'Orobanche, de Lathræa , et d’autres parasites, et, malgré mes soins, je n’obtins aucun succès. Les graines se conservoient en bon état, mais elles ne donnoient aucun indice de germination : je fus un peu plus heureux en les plongeant dans l'eau; elles jetèrent alors quelquefois, sur- tout lorsqu'elles n’étoient pas entièrement müres, quelques filets que j'ai fait représenter (fig. 1 et 2), et qui partoient toujours de l'extrémité pointue de la graine : mais tout en restoit là, et les graines en expérience ne tardoient pas à se détruire. Je me procurai en 1821 des graines d'Orobanche rameuse, que je conservai jusqu’au printemps suivant, et que j'essayai de répandre sur le chanvre au moment même où il levoit : deux mois plus tard, lorsque je ne l’espérois plus, je vis enfin, dans la place que j'avois soigneusement circonscrite, ces Orobanches si désirées : elles foisonnoient au pied des DES OROBANGHES. 263 tiges du chanvre, on en voyoit dans tous les états, les unes étoient sur le point de fleurir, les autres percoient à peine la terre; mais il n’en existoit aucune hors du champ de l'expé- rience. Lorsque j'eus satisfait mon vif désir de les contempler à loisir, et que je me fus assuré qu’elles ne pouvoient plus m'échapper, j'arrachai avec précaution des tiges de chanvre pour reconnoître le mode de germination que je cherchois. Je trouvai mes jeunes Orobanches à toutes les époques de leur développement. Les unes avoient déjà leurs bulbes tout formés, les autres ne présentoient encore qu'un plexus de racines, quelques unes enfin n’étoient que des points à peine visibles à l’œil : mais toutes, sans exception, étoient attachées aux racines du chanvre ou à ses radicules. Je tâchai alors de me faire une idée nette de la germina- tion de cette singulière plante. J’examinai d’abord la graine avec une forte loupe : sa forme est un peu irrégulière, et en général ovoiïde : son test est assez épais et fort consistant : c’est à l'extérieur un réseau très-marqué : l’intérieur est une substance blanchâtre, homogène, un peu cornée, qui a tous les caractères de l’albumen de Gærtner; mais on n’y recon- noit rien qui ressemble à un embryon, et encore moins à des cotylédons. Lorsqu'on confie cette graine à la terre, comme les autres semences, elle y reste indolente, pendant plusieurs années, sans qu'aucun moyen connu puisse déter- miner son développement; mais lorsque, entrainée par les pluies et les arrosemens, elle arrive en contact avec les racines du chanvre, elle s’y arrête incontinent par son extrémité la plus allongée, et y enfonce ces mêmes radicules que l’on a vues 264 GERMINATION se développer dans l’eau : en mème temps la substance in- térieure grossit, et se débarrasse de son réseau qui ne peut plus la contenir : ce réseau , au lieu de se rompre, se détache par la partie inférieure, et il reste quelque temps attaché comme un capuchon au sommet de la graine, jusqu'à ce qu’enfin il s'en sépare entièrement. ( Voy. fig. 3, la graine avec son capuchon, et fig. 3, &, la même grossie. ) La graine libre de toute enveloppe se présente alors sous Ja forme d'une sphère un peu aplatie sur les deux faces horizontales : elle ne tarde pas ensuite à jeter de tout son contour un grand nombre de radicules qui lui donnent l'ap- parence d’un tubercule hérissé. ( Voy. fig. 4, et fig. 4, @, la même grossie,) Un peu plus tard, on voit paroïtre sur le plateau supérieur de petites élévations tronquées qui, en grossissant, deviennent de véritables tiges d’Orobanches, chargées de leurs enveloppes et de leurs fleurs. Tels sont les différens états de développement de ces plantes parasites. (On les voit représentés fidèlement dans les fig. 5 et 6. La fig. 5,a, est le tubercule grossi et visiblement échancré. ) Ils ne ressemblent point à ceux des autres plantes parasites, telles que le Gui et la Cuscute : mais quand ony réfléchit on voit que la nature a suivi, dans cette occasion comme dans toutes les autres, la marche la plus simple, celle qu’on auroit pu supposer quand on auroit connu d’avance la structure de la graine d'Orobanche avec son fourreau coriace et ses radicules. Gærtner le père n’a point examiné cette graine, mais son fils, dans un supplément où il la décrit avec exactitude, la re- présente avec ur petit embryon sphérique, placé un peu obliquement à l'extrémité supérieure. Je ne nie point l’exis- È DES OROBANGHES. 265 tence de cet embryon que je n’ai jamais pu voir, d'autant plus qu'il ressemble tout-à-fait pour la forme et la position à celui que le célèbre Gærtner a assigné aux Lathrées ; mais je ne comprends la germination des Orobanches qu'en laissant partir immédiatement de cet embryon toutes les radicules et toutes les tiges, et en supposant que la substance qui l’en- toure de toutes parts lui sert de première nourriture. Ce mode de germination doit appartenir non-seulement à toutes les Orobanches, mais encore aux Hiyobanches, aux Phélipées, etc., qui en sont aujourd'hui séparées, quoique leur organisation générale soit évidemment la même. y rapporterois également les Lathrées dont les graines moins menues ont aussi leur enveloppe réticulée, si Gærtner n’avoit pas représenté leur embryon comme pourvu de deux petits cotylédons. Je n’ai rien à objecter contre une observation faite par un botaniste si connu par son exactitude : je re- marque seulement que cet embryon est si petit qu'il est fort diflicile à bien voir, et que ses deux cotylédons supposent une germination fort différente de celle des Orobanches ; ce qu'on ne pouvoit guère prévoir. Par rapport aux Monotropes et aux plantes de la même famille, quoiqu’elles soient aussi, à mon sens, de vraies parasites, elles n’ont pas cependant les graines réticulées. Leurs semences ont au contraire beaucoup de rapports avec celles des Orchis ou des Pyroles. Elles sont formées d’un sac ou d’une coiffe membraneuse dont le centre est occupé par un corpuscule ovoïde, qui est lui-même l'embryon, ou qui du moins le renferme, car on ne peut rien aflirmer sur des objets aussi petits. Il est évident qu’une organisation Mém. du Muséum. 1. 10. 35 266 GERMINATION aussi différente suppose une autre forme de développement ; mais ce développement est encore inconnu; Gærtner le fils, qui a examiné ces corpuscules avec un soin extrème, n’a ja- mais pu y découvrir d'embryon. Pour éclaircir toujours plus le mode de germination de mes Orobanches, je semai au mois d'août leurs graines nouvelles, mélées avec celles du chanvre de l’année, et deux mois plus tard (12 oct. 1822) j'eus encore la satisfaction de voir sortir des racines d’un seul pied de chanvre qui avoit levé une multitude d’Orobanches qui se sont successivement développées, et qui étoient encore en végétation à la fin de novembre, époque où le chanvre donnoit ses graines. Il est donc démontré que l’Orobanche rameuse est une plante parasite qui prend naissance sur les racines du chanvre, qu’elle croit et meurt avec lui, et que la graine , inféconde lorsqu'elle est abandonnée à elle-même, se développe promptement lorsqu'elle rencontre le corps qui est destiné à la nourrir. On comprend ainsi comment il peut exister des contrées où cette parasite est un fléau pour les cultures. Comme sa graine est très-petite, et qu'elle mürit à l'époque de celle des chanvres, elle se recueille aussi en même temps, surtout dans les grandes exploitations : mais on voit qu’on peut aussi très-bien s’en débarrasser, soit en mettant quel- ques soins à la récolte du chanvre femelle, soit en faisant passer au crible sa graine avant de la semer. Il faudra peut- être encore changer la place de la chenevière , car je sup- pose avec assez de fondement, et je le confirmerai cette année , que la graine d’Orobanche peut se conserver long- temps en terre sans perdre la faculté de germer : du reste, DES OROBANCHES. 267 cette parasite n'est pas jusqu'à présent commune dans notre pays ni dans les contrées voisines , au moins je l'ai rarement aperçue. Ce n’est pas seulement sur le chanvre que se développe l’Orobanche rameuse. Guettard assure l'avoir aussi observé sur la Lampourde glouteron, la Vesce cultivée, le Fragon commun, le Panicaut des champs, les Caille-lait, etc. Sut- ton (1) dit qu’en Angleterre , où elle est très-rare, on la trouve dans les champs et les pàturages. Je soupçonne que ce dernier auteur a mal connu cette espèce, et quant au premier, je crois qu'il l’a confondue dans cette occasion avec quelques autres, car il n’y a aucun rapport entre les plantes qu’il cite, et le chanvre cultivé. D'ailleurs aucun botaniste moderne n’a confirmé son observation. ” On rencontre encore dans notre canton deux autres es- pèces d'Orobanche, celle qui croitsur le genêt des teinturiers et celle qui est nourrie par les racines du trèfle. La première est lOrobanche majeure de la plupart des botanistes, et la seconde est l’'Orobanche bleuâtre. Toutes les deux suivent la destinée des plantes sur lesquelles elles se trouvent : la pre- mière est vivace, la seconde subsiste deux ou trois ans, selon la durée du trèfle. J’ai semé au mois d’août ces deux plantes avec les graines de leurs Orobanches, mais je n’ai pas encore aperçu ces parasites ; sans doute qu’elles ne se montrent que plus tard, lorsque les racines auxquelles elles s’attachent ont pris plus de développement. Au reste, Sutton a déjà (1) Transactions Linnéennes, vol. 4. 30% sf 265 GERMINATION remarqué (1) que l'Orobanche du trèfle ne se montroit que la seconde année. Les expériences que je viens de rapporter font naître un grand nombre de questions qui intéressent également la no- menclature et la physiologie végétale. La première concerne l’organisation même des Orobanches. Ces plantes sont-elles de véritables parasites ? D'abord il n’y a aucun doute que leur graine w’ait besoin pour germer d’être en contact avec une racine déterminée ; mais lorsque ces graines ont émis un grand nombre de radicules , les Orobanches qui ensont pro- venues ne peuvent-elles pas ensuite végéter par leurs propres forces et sans aucun secours étranger ? C’est l'opinion de de Candolle qui a vu leurs radicules libres pomper des liqueurs colorées auxquelles les racines des plantes adhérentes ne donnoient jamais passage; c’est ce que pensent aussi la plu- part des botanistes qui ont fréquemment cueilli des Oro- banches sur lesquelles ils n’ont apercu aucune trace de racine étrangère. D’autre part, je crois, par mes observa- tions et celles de plusieurs auteurs , que les Orobanches an- nuelles sont toutes fixées sur des plantes annuelles, et les vivaces sur des plantes persistantes ; je sais que toutes les fois que Jaume-Saint-Hilaire a voulu transporter dans son jardin les Orobanches du genêt à balais de la forêt de Fontainebleau , ces Orobanches ont péri, tandis que dans les mêmes circonstances les Orchis se sont conservés. Je remarque sur presque toutes les Orobanches de nos her- biers des radicules étrangères attachées à la base des bulbes, TRE RU ET (1) Transactions Linnéennes, vol. 4. DES OROBANCHES. 269 en sorte que j'en conclus que la question n’est pas encore suflisamment éclaircie, et qu'elle demande de nouvelles expériences qui me paroissent faciles. En supposant que les Orobanches soient parasites dans une partie au moins de leur durée, jusqu’à quel point sont-elles modifiées par la plante sur laquelle elles vivent? Cette se- conde question a déjà été résolue , au moins en partie, par Vauquelin, qui, ayant analysé séparément le genèt à balais et l’orobanche sa parasite , a trouvé qu'à l'exception de la couleur jaune qui leur étoit commune , ces végétaux n’avoient pas de principes semblables. Mais l’analyse auroit été bien plus instructive , si elle avoit été étendue à un plus grand nombre de plantes; si, par exemple, ce célèbre chimiste avoit encore analysé le chanvre et son orobanche , et qu'il eût comparé les principes de l’orobanche du chanvre à ceux de la première. Mais ce n’est pas le point de vue sous lequel nous devons envisager actuellement cette question. Ce qui nous importe surtout c’est de connoître si les Oro- banches ne sont pas modifiées lorsqu'elles croissent sur dif- férentes plantes , et si ces modifications ne sont pas assez considérables pour altérer les espèces; car dans ce cas il y auroit autant d’Orobanches différentes que de plantes nour- ricières, et l'on ne pourroit plus décrire ces plantes sans citer les végétaux sur lesquels elles croissent, ou plutôt il sufliroit de nommer le végétal pour que lorobanche fût déterminée. Sans doute que la nature aura donné une certaine cons- tance à ces parasites , et que lorsqu'elles se développeront sur des végétaux semblables, elles ne différeront qu'à un 270 GERMINATION petit nombre d'égards ; mais, si les genres sont fort diffe- rens, que deviendront les Orobanches ? Ce nouveau point de vue a déjà été entrevu par le professeur Walroth dans un ouvrage imprimé à Hale en 1822, et intitulé : Votes critiques sur la Flore de Hale de Sprengel. Cet auteur, qui divise le genre des Orobanches en deux sections : les Osproleon à anthères nues, à corolle quadrifide, accom- pagnée d’une glande nectarifère , et les 7rionychon ou Orobanches à anthères velues, avec une corolle à cinq divi- sions, privée de glandes, décrit plusieurs Orobanches qui ne paroissent nouvelles que parce qu'elles sont nées sur des plantes où jusqu’à présent on ne les avoit pas observées. Telles sont, par exemple , dans sa première section , l'Oro- banche apiculata qu'il a trouvée sur les racines du Pelar- gonium graveolens, VO. nudiflora qui habite sur celles du prunier épineux ; l'O. minor de Sutton qui vit sur le trèfle moyen, et qui est probablement la même que celle du trèfle des prés. Et parmi les Trionychons, il distingue l'O. 2ajor de Linnée croissant sur l’Adjon et le Spartium de l'O. comosa qui ne se rencontre que sur le genèt des teinturiers, et qui ést la même que celle de notre pays. On peut juger par ces remarques d’un habile botaniste, que la science est arrivée au point quil est très-important de s'occuper de cette question. Je soupçonne que la mème chose arrive à la Cuscute, et que les différences qu’on observe dans ses fleurs quadri- fides et quinquefides, dans ses styles réunis ou séparés, dans ses corolles plus où moins sessiles, etc., proviennent principalement des plantes sur lesquelles elle croît, et que DES OROBANCHES. 2mE pour avoir des Cuscutes entièrement semblables il faudroit les cueillir sur les mêmes espèces. Je ne puis guères douter au moins que les différences qui existent entre la grande et la petite Cuscute ne proviennent de cette cause : et je vois dans Guettard (1) que la Cuscute ordinaire s’atta- chant aux feuilles et aux tiges de la vigne produit la Cuscute de la vigne qui est probablement la même que celle du houblon. Il sera donc très-important de vérifier cette con- jecture, en donnant à la même Cuscute différentes mères. Il ne seroïit pas inutile d'étendre cette mème expérience sur les Cuscutes étrangères qui deviennent plus nombreuses, en remarquant toutefois que le climat influe sur l’étendue du développement, puisque la Cuscute qui est quadrifide dans notre pays, est ordinairement quinquefide dans l’Europe australe. Pour en revenir aux Orobanches, je semerai d’abord leurs graines sur les racines des plantes qui leur sont propres, et je ferai ensuite des croisemens de manière que le chanvre reçoive celle du genèt et du trèfle, et ainsi des autres. Si ces trois Orobanches conservent tous leurs caractères sur la même plante, sans qu'on puisse y remarquer aucune modi- fication, le nombre des Orobanches est défini , etil devient presque inutile, en les décrivant, de citer la plante sur laquelle elles croissent. S'il en est autrement, ce qui me paroit plus probable, on verra en quoi consistent les différences, et l’on pourra assigner des caractères plus sûrs aux espèces de ce genre. Je présume déjà que je ne rencontrerai qu’un RE EU La AR td. Lt (1) Mémoires de l’Académie des Sciences, pour 1744. 272 GERMINATION petit nombre de véritables espèces modifiées plus ou moins par le végétal qui les nourrit, car les Orobanches ont entre elles de si grands rapports qu’elles paroïissent presque toutes des variétés de la même espèce. Quoiqu'il en soit, on parviendra, j'espère, par ces expé- riences et d’autres semblables, à tirer ce genre de la con- fusion oùil est encore plongé. Le Dictionnaire de La Marck en décrit déjà vingt-six espèces qui ne diffèrent presque que par des caractères peu importans. Chaque botaniste voyageur y ajoute celles qu'il a découvertes, et les herbiers se char- gent chaque jour d'espèces non décrites. Que deviendroit ce genre, si l'on ne se hâtoit de l’étudier philosophique- ment, et d'y découvrir des caractères plus essentiels et plus sürs ? En attendant, on fera bien de ne décrire aucune espèce sans y ajouter le nom de la plante sur laquelle elle croit, et de noter si les Orobanches ont d’autant moins de rapports qu'elles doivent leur origine à des végétaux plus différens; et comme les Monotropes, les Hyobanches, les Lathrées, les Cytinets, les Obolaires, lÆginete \’Hypolepis , ete., ont une organisation peu différente de celle des Orobanches, il conviendroit de les embrasser dans les mêmes recherches. On trouveroit sans doute dans l'étude approfondie de ces sin- guliers végétaux des particularités propres à les réunir en familles. Je crois enfin qu’il existe dans d’autres groupes naturels, principalement dans celui des Orchidées, de vraies para- sites d’une nature assez semblable à celle des Orobanches. Cette remarque s'applique non-seulement aux Cymbidium, L'ORULT AE, ARR NE Tom .10. ” ; OROBANCHE RAMEUSÆ. DES OÜROBANCHES. 293 aux Oncidium, et à ces genres nombreux qu'Humboldt :: Bonpland ont rapportés de leur savant voyage ; mais elle est encore vraie de plusieurs espèces de Limodorum, et j'ai quelque raison de croire que notre Zimodorum abortivum, ainsi que l’Æprpogium prennent naissance sur des racines étrangères, de même que les Opris corallorhiza et nidus Qpis. Je termine ce mémoire , en remarquant combien le champ de l'observation s'étend à mesure qu’on le cultive, et com- bien il reste de choses à examiner dans celles des produc- tions de la nature qui nous sont les plus familières. EXPLICATION DE LA PLANCHE. FiG. 1. Graine d'Orobanche grossie et commençant à germer. Fic. 2. La même, poussant des racines dans l’eau. Fc. 3. Graine d'Orobanche se dépouillant de son enveloppe. — Fic. 3, a. La même grossie. Fic. 4. La même poussant des racines. — Fic. 4, a. La mème grossie, Fic. 5. Orobanche commençant à se développer. — Fic. 5, a. La même grossie. Fic. 6. Orobanche plus développée. Fic. 7. Orobanche rameuse, toute développée sur les racines du chanvre. Fic. 8. Tige de chanvyre avec ses racines: Mém. du Muséum. 1. 10. 36 274 DESCRIPTION Des principales Espèces nouvelles de la Flore du Brésil citées dans le premier mémoire sur le Gynobase. PAR M. AUGUSTE DE SAINT-HILAIRE. 1. GOMPHIA OLEÆFOLIA. Tab. I. Forns oblongo-lanceolatis, obtusiusculis, integerrimis, margine revolutis, pubescentibus; floribus paniculatis; petalis calice paul longioribus. (x) FRUTEx sesqui-quadripedalis, erectus ; ramis pubescentibus; cortice cinereo. FoLrA circiter 2 pol. longa, brevissimè petiolata, coriacea, oblongo-lanceolata , obtusiuscula ; margine revoluta, suprà canaliculata, pubescentia, nervo medio utrinque proeminente : pe- tioli circiter 2 1. longi, incrassati, subcomplanati, rugosi, pubescen- tes. STIPULÆ subulatæ, caducæ, pubescentes. PANICULA terminalis, pubescens. CALYx 5-phyllus, pubescens, ex viridi-luteus, foliolis ova- to-lanceolatis, obtusiusculis, substriatis. PETALA 5, ovata, obtusa, basi (1) Lorsqu'on ne fait précéder les descriptions d’espèces, ni de celle du genre, ni de celle de la famille, il est nécessaire d’exprimer tous les caractères sans excep- tion ; mais je crois que l’on peut omettre les caractères génériques dans les des- criptions spécifiques , lorsqu'on a commencé par détailler ces caractères à part. C’est à peu près la marche que j'ai suivie ici. ESPÈCES NOUVELLES DE LA FLore Du Présrr. 27 ÿv unguem affenuala, glabra, lufea. ANTHERÆ 10, rarissimè 5, subses- siles, lineari-subulatæ, 4-gonæ, transversim rugosæ , glabræ, 2 loc., apice 2-porosæ : filamenta brevissima, persistentia. GyNoBAsIS colum- næformis, 5-gona, glabra. STYLUS glaber, subulatus , summæ gyno- basi insidens, coccis interpositus. STIGMA terminale, vix manifestum. OvariuM 5-coccum; coccis distinctis, cireà stylum ibidem insitis, ovatis, glabris, 1 loc., 1-spermis. Var. B. monstrosa , corymbis terminalibus , bracteatis ; bracteis imbricatis, ovatis, acutis, strictis, pubescentibus, in axillis gemmam florulamve foventibus; ovario profundè diviso, nec 5-cocco; lobis axi centrali erecto nec gynobasi aflixis. Frequens in dumetis vulgd carascos , passim propè pagum $. Joao, in parte boreali provinciæ Minas-Geraes quæ dicitur Minas-Novas. Floret Maio. Os. I. On attribue généralement aux Gomphia un calice 5-partite : dans toutes les espèces que j'ai examinées sur le frais, je l’ai trouvé divisé en 5 folioles parfaitement distinctes. Os. II. Comme M. Kunth l’a tres-bien fait observer, il n’existe dans les Gom- phia aucun nectaire. Les 10 tubercules que l’on pourrait prendre pour tels, après la chute de la corolle, ne sont autre chose que les filets tres-courts et persistans. Os. III. Il est assez évident que l’on ne pourrait, sans confusion, appeler des lobes les divisions de l'ovaire gynobasique. Je me sers du nom de coques, quoique je sache très-bien qu'il n’a été communément appliqué qu’à des fruits mûrs ou à des portions de fruits mürs; mais comme M. Kunth l’a également consacré pour les portions de l'ovaire gynobasique, j'aime mieux suivre son exemple qu'imaginer une expression nouvelle. Oss. IV. On a pu voir dans mon mémoire qu'il n’y a de réellement gynoba- sique que le sommet de la colonne qui porte le pistil du Gomphia. Pour être ri- goureusement exact, il aurait donc fallu désigner cette colonne par le nom de gynophore gynobasique. Mais ayant fait connaître son organisation avec détail, j'ai cru pouvoir éviter ces expressions barbares et me servir simplement du mot gynobasis qui, modifié surtout par l’épithète columnæformis, indique clairement Yexistence du gynophore et du gynobase. DO 276 EsPÈcEs NOUVELLES SIMABA. Kunth. ( Carac. ref.) Simaba et Aruba. Aub. Jus. — Zwingera. Schreb. (1) FLoREs hermaphroditi. CALYx parvus, cupulæformis, 5-partitus vel 5-fidus aut 5-dentatus. PETALA 5 hypogyna, gynophoro circum- posita , basi lata, calice multoties longiora. STAMINA 10, ibidem in- serta, 5 petalis opposita : filamenta subulata glabraque in squamam villosam intüs dilatata : antheræ 2-loculares , basi 2-fidæ , longitror- sum dehiscentes. SryLi 5, in unum mox coaliti. STIGMATA 5, brevia, completa. OvArIA 5, summo gynophoro insidentia columnæforini, distinctissima , approximata, dorso convexa, lateribus plana, 1-locu- laria, 1-sperma : ovulum paulà infrà stylam angulo interno suspeu- sum. CAPsULÆ seu coccæ 5 (ex Kunth}. Pars quinta quandoque supprimitur ex Aub. et Kunth, vel sexta additur ex Aubletio. ARBORESs seu frutices, cortice amaro. FoLrA exstipulata, alterna, cum impari vel rariüs abruptè pinnata, quandoque ternata, vel ra- rissimè simplicia; foliolis integerrimis, sæpiüs coriaceis. RAcHIS et PETIOLUS apteri. FLORES terminales, racemosi vel paniculati, raris- simè axillares subcorymbosi, albidi vel virescentes; pedicellis brac- teolatis. Ons. Le Simaba est tres-voisin du Simarouba, et n’en differe absolument que par ses fleurs constamment hermaphrodites , son port et les folioles de ses feuilles qui sont opposées. Les auteurs ont voulu distinguer ces genres en disant que les étamines du Simaba n'avaient point d’écailles comme celles du Simarouba ; mais déjà la description d’Aublet fait soupçonner la présence de l’écaille dans le Simaba Guyanensis, type du genre, et ce même écrivain décrit et figure l’écaille dans son Aruba, qui n’est autre chose que ce même Simaba ; Kunth l'indique dans le Simaba Orinocensis, et enfin je la retrouve dans les 4 espèces dont je donne la des- cription. (1) Je cite ici le synonyme de Schreber pour me conformer à l'usage ; mais je crois qu'il seroit mieux de regarder comme non avenues ces substitutions de noms qui n’ont aucune observation pour fondement , et qui, purement arbitraires , ne peu- vent que nuire à la science. DE LA FLORE pu Brésir. 277 2. SIMABA FLORIBUNDA. (1) S. frutescens; foliis cum impari-pinnatis ; foliolis lanceolato-ellip- ticis, oblongis, obtusiusculis, glabris; paniculà magnâ, compositä. FRUTEx 10-pedalis; caule gracili. FoLrA petiolata, cum petiolo 12-18 pol. longa; folioia 2-5 pol. longa, opposita vel subopposita, subdistan- tia, lanceolato-elliptica, oblonga, obtusiuscula , margine subrevolufa, basiattenuata, coriacea , lucida , subavenia ; nervo medio subtus proe- minente, PANICULA terminalis, magna, pubescens; ramis patentibus, bracteolà spathulatâ basi stipatis. FLORES in apice ramulorum glome- rati, subsessiles, bracteolati. CALYX parvus, cupulæformis, 5-fidus, pubescens. PETALA 5, ovata, villosa, viridia. STAMINA 10 : antheræ rotundo-ellipticæ, glabræ : filamenta subulata, glabra, in squamam di- latata multd latiorem, linearem, truncatam , villosissimam. OvARIA 5 distinctissima , villosissima, conico-5-gona, dorso convexa, lateribus planiuscula , gynophoro insidentia 2 ]. alto, conico, apice truncato, pilis rufescentibus numerosissimis obteclo, succo aurantiaco tur- gido. STYLI 5 in unum mox coaliti minimum, glabrum. STIGMATA 5. Cortex foliaque sapore valdè amaro. Flores odore mellis. Tempore sicco, decidunt folia quotannis, floribusque se induit arbuscula, nova antequam folia proferat. Nascitur in locis siccis propè urbem 73/la-do-Fanado in Minas- novas. Floret Junio. 3. SIMABA FERRUGINEA. S. frutescens; foliis cum impari-pinnatis ; foliolis ellipticis, pubes- centibus, subtus nervosis; panicula terminali, compositâ, subsessili, folio breviore. CaAuLESs plures, :-2 pedales, ascendentes ( an semper ? ); cortice valdè amaro; ramulis ferrugineis, pubescentibus. FoLIA cum impari- pinnata, 2-3-juga, petiolata, cum petiolo pubescente subtusque (1) La figure de cette plante et celle du Gahipea heterophylla paroîtront dans l’ou- vrage intitulé Histoire des Plantes les plus remarquables du Brésil et du Paraguay. 298 Espèces NOUVELLES præcipuè ferrugineo 5-7 pol. longa : foliola opposita, elliptica , obtu- sissima, quandoque subretusa, margine subrevoluta, pubescentia ; subtus nervosa; nervo intermedio ferrugineo. PANICULA terminalis, composita, subsessilis, folio brevior, pubescens; rachi ramisque angu- latis, dilutè ferrugineis, versus apicem pallidioribüs. FLORES in apice ramulorum paniculæ conferti, breviter pedicellati; pedicellis bracteo- latis, CALYX parvus, 5-partitus, tomentosus, rufescens ; laciniis ovatis, obtusis. PETALA 5 linearia, obtusiuscula, tomentosa, viridia. STAMINA 10 : antheræ ellipticæ, glabræ , rubræ : filamenta subulata , glabra, in squamam dilatata linearem, truncatam, lanatam. SryLi 5, in unum glabrum, subulatum mox coaliti. STIGMATA 5, minulissima, vix mani- festa.OvaRrA 5, oyato-3-gona, lanata, gynophoro insidentia cylindrico, 10-coslato , hirsuto, coccineo. Flores reddunt mellis odorem. Inveni in campis intersitis arboribus retortis, vulgôque dictis Ta- buleiros cobertos, in deserto occidentali (Certao) provinciæ Minas- geraes propè prædium Macauba. Florebat Septembre. 4. SIMABA SUAVEOLENS. Tab. Il, A. S. foliis abruptè pinnatis, superioribus ternatis aut simplicibus ; foliolis ellipticis vel subrotundo-ellipticis , glabris; floribus termina- libus, racemosis; racemis compositis. RAmuLI cinerei, 4-goni, pubescentes. FoLrA abruptè pinnata; supe- riora ternata vel simplicia; foliolis oppositis vel suboppositis, breviter petiolatis, 1 :-5 pol. longis, ellipticis vel subrotundo-ellipticis, obtu- sissimis, margine revolutis, coriaceis, glabris. RACEMI compositi, terminales, breviter pedunculati , circiter 5 pol. longi, laxiusculi, pu- bescentes; pedicellis bracteolatis. CALYX parvus, pubescens ; laciniis ovatis, obtusis. PETALA 5, hypogyna, patentia, lineari-lanceolata , basi lata , obtusa, pubescentia, punctis glandulosis conspersa, alba. Sra- MINA 10, interdüm 8 : antheræ ellipticæ : filamenta glabra , subulata, squamâ membranaceä instructa, sublineari, apice emarginatà, vil- losà ; pilis invicem intertextis, et indè stamina sub-r-adelpha. SryLr 5, DE LA FLore pu Brésix. 279 in unum mox coaliti, basi pubescentem.STIGMATA 5, parva,cylindrica, obtusa, completa. OVARIA 5, gynophoro columnæformi, sulcato , crasso, apice submarginante, villoso, aurantiaco insidentia, basi forsan angulo interiore subcoalita, villosa : ovulum ovatum. Flores suavissimum mellis reddunt odorem. .Nascitur in sylvis primævis montis dicti Piriquito prope Itabira- de-mato-dentro. Floret Martio. 5. SIMABA TRICHILIOIDES. Tab. IL, B. Frutescens; foliis cum impari vel abruptè pinnatis; foliolis ellip- ticis, obtusissimis, apice mucronulatis,nervosis, suprà pubescentibus, subtus subtomentosis; panicula subsimplici, folio multù majore. FRUTEXx caule sæpiüs simplici; facie Trichiliæ. FoLrA petiolata, cum impari vel abruptè pinnata, 5 vel sæpius 4-juga , cum petiolo pu- bescente 12-15 pol. longa : foliola opposita vel subopposita, circiter 3 pol. longa, elliptica, obtusissima , basi attenuata, coriacea, mar- gine revolufa, nervosa, suprà pubescentia, subtus subtomentosa , mucronulata ; mucrone crasso, obtuso. PANICULA subsimplex, 2-pe- dalis et ultrà, tomentosa, rufa; ramis distantibus, ascendentibne, infernè nudis, bracteâ parvâ, concavä stipatis. FLORES glomerati, breviter pedunculati, circiter 12-15 1. longi. CAL yx cupulæformis, 5-dentatus, tomentosus, rufus. PETALA 5, hypogyna, linearia, obtusa, basi lata, sericeo-villosa, virescentia. STAMINA 10, in tubum longum approximafa : antheræ lineares, glabræ : filamenta apice glabra, te- retiaque in squamam dilatata linearem, angustatam , iruncatam, vil- losam. STYLI 5 , in unum mox coaliti subulatum, basi tomentosum. Ovarïa 5 , villosissima, gynophoro insidentia longiore , villosissimo. Inveni in campis occidentalibus proyinciæ Minas-geraes ad præ- dium vulgù dictum Guardamor propè urbem Paracatu. Florebat Maio. GALIPEA. (Carac. ref.) Galipea et Raputia Aub. Juss. — Cusparia Humb. — Galipea et 80 EsrÈècEs NOUVELLES Bonplandia Wild. Rich. — Galipea et Angostura Rœm. et Schult. — Conchocarpus Mikan. — Galipea , Cusparia et Raputia Dec. — Obentonia Vellozo FI. Flum. Mss. Cazyx brevis, cupulæformis seu turbinato-campanulatus, 5-den- tatus seu 5-fidus, sæpiüus 5-gonus. PETALA 5, rarissimè 4, hypogyna, linearia, subinæqualia, apice patentia, villosa seu pubescentia, in- ferius coalita seu adglutinata vel rarits conniventia in tubum sæpiüs 5-gonum, corollamque monopetalam campanulatam referentia. STAMINA sæpiüs 5, rard 6, 7, 8 s. 4, petalis plüs minüsve adhærentia vel adglufinata, quandoque omnia fertilia , sæpiüus 2-4 castrata : fila- menta sæpius complanata barbataque : antheræ lineares, 2-loculares, obloïgæ, longitrorsum internè dehiscentes. NECTARIUM capulæ- forme, glabrum, ovaria cingens. OvARIA 5, rarissimè 4, 5-gona, sæpè gynophoro brevissimo interposito basi hinc affixa, omnind libera -vel angulo centrali plus minüsve cohærentia, 1-locularia, 2-sperma : ovulum superiüs ascendens, inferius suspensum, utrum- que angulo interno aflixum. SryLi 5, rar planè distincti aut omnind coaliti, sæpius basi liberi, moxque in unum coaliti. SriGMATA 5, completa vel rarius 1 5-partitum. Cocca 1-2, cæteris abortivis, an- gulo centrali 2-valvi ; endocarpio crustaceo, separabili, itemque 2-valvi. SEMEN abortione unicum. Integumentum coriaceum ; umbili- cus margivalis. Perispermum nullum. EmBRYo curvatus : cotyledones magnæ, corrugatæ, infrà collum 2-auriculatæ, unâ exteriore alte- rum involvente valdè corrugatum ; radiculæ auriculis longitudine : radicula brevis, teres, obtusa , in cotyledonem interiorem medium in- curva, cum eâdem involufa, umbilicumque attingens. ( Fructum in G. heterophyllàâ et G. Fontanesianâ, semen in G, Fontanesianâ ôbservavi.) FRUTICES vel rariùs arbores. FoLrA exstipulata, alterna , punctato- pellucida , rarissimè punctis glandulosis exterioribus conspersa, ter- nala, rarius quaternata seu quinata, sæpè simplicia, petiolo tunc infra apicem incrassato-geniculato. FLORES axillares vel extrà axil- DE LA FLorE pu Brésit. 281 lares rariusve terminales, sæpius racemosi, rarissimè corymbosi vel paniculati, PRÆFLORATIO quincuncialis ( Dec. ). 6. GALIPEA HETEROPHYLLA. G. foliis ternatis quinatisve seu quaternatis, longè petiolatis; fo- holis lanceolatis, nervo medio subpubescente ; racemis suprà axilla- ribus, longè pedunculatis; staminibus 2 sterilibus. FRUTEX 4-5 pedalis; caule erecto, crassitudine digiti, sæpius sim- plici, apice pilis rufis obtecto. FoLrA ad caulis apicem approximala, longè petiolata, ternata, quaternatave seu quinata : petiolus communis 6-14 pol. longus, subtus convexus, suprà canaliculatus, pubescens : foliola petiolata, inæqualia , lanceolato-elliptica, integerrima, 3-8 pol. longa, apice acuta, basi acuminata; nervo intermedio subpubes- cente; venis lateralibus parallelis, rufo-tomentosis. RACEMI suprà- axillares, pedunculati, compositi ex ramulis brevibus, villosis, 5-9 floris : pedunculus 10 pol. longus, 5-angularis , pubescens, hine sub- canaliculatus. FLORES in ramulis congesti, breviter pedicellati: pedi- cellus 5-angularis, villosus, apice incrassatus, vix bracteolatus. CALYx cupulæformis, profundè 5-dentatus, 5-gonus, villosus, albus ; dentibus sphacelatis. PETALA 5, vix coalita, inæqualia, linearia, vix spatulata, obtusa. STAMINA 5 : sterilia 2; filamentis longis, subulatis, infrà api- cem barbatis : fertilia 3 ; filamentis latioribus, inæqualibus, compla- patis, linearibus, apice barbato truncatis, infra barbulam concavis ; antheris linearibus, ellipticis, pubescentibus. NECTARIUM 5-gonum. Ovaria 5, villosissima, apice coalita. SryLus unicus, longiusculus, gracilis, glaber , rarius brevis. STIGMA 5-denfatum. CoccA abortione 1-2, subrotunda, compressiuscula , villosa, hinc 2-valvia. Inveni in sylvis primævis provinciæ ÆRio-de-Janeiro prope pagum S. Joao-da-barra. Florebat Augusto. 7. GALIPEA PENTAGYNA. Tab. IV, A. G.. foliis simplicibus, longis, lanceolatis, acutissimis, glaberrimis; Mém. du Muséum. 10. 37 282 EsPÈcEs NOUVELLES racemis in apice ramulorum axillaribus vel subexträaxillaribus ; compositis; pedunculis complanatis; staminibus 3 sterilibus; stylis distinctissimis. CauLis 4-5 pedalis, crassitudine digiti, simplex seu vix racemosus. ForrA superiora simplicia, 5-15 pol. longa, lanceolata, acutissima, in petiolaum attenuata; integerrima, coriacea, glaberrima, obscurë viridia; nervo medio subtus valdè proeminente; nervulis paralle- lis. RACEMI in apice ramulorum axillares, vel subexträaxillares, simulque paniculam terminalem sæpe subsimulantes, 4-8 pol. longi, erecto-ascendentes, pedunculati, compositi ex ramulis sub- brevibus, distantibus , divisis, plurifloris, patentissimis, medio brac- teatis : pedunculus rachisque complanati, striati, glabri : braciea li- nearis, subulata. FLORES pedicellati; pedicello basi bracteolato. CALYx brevis, campanulatus, 5-dentatus, crassiusculus , punctato- pellucidus, albus; dentibus distantibus, vix pubescentibus. PETALA 5, subinæqualia , lineari-spatulata , acutiuscula , pubescentia , alba , supernè revoluta, in tubum 5-gonum usque ad medium coalita. Fr- LAMENTA complanata, concava, barbata, inæqualia : 3 sterilia in api- cem subulatum pubescentem desinentia : fertilia 2 latiora, truncata; antherä pubescente. NECTARIUM crenulatum , ovario paulà breviüs. STYLI 5, distinctissimi, breves, subulati, recurvi, pubescentes. STIG- MATA 5, linearia, ad faciem stylorum. OvariA 5, gynophoro brevis- simo, conico , interposito basi hine affixa, summo apice cohærentia , villosissima, dorso convexa, lateribus plana. Folia odore citri. Inveni in sylvis primævis provinciæ Rio-de-Janeiro prope villam Macahè. Florebat Augusto. 8. GALIPEA MACROPHYLLA. Conchocarpus macrophyllus. Mik. Delect. Bras, 1. tab. 1. G. foliis simplicibus, longis, lineari-ellipticis ; racemis exträaxil- laribus, multoties interruptis; staminibus 5-6 sterilibus. DE LA FLore pu Brésir. 283 CauLis frutescens, ad summum 6-pedalis, simplex, crassitudine digiti. FOLrA in apice caulis conferta, allerna, peliolata , ferè 1 ped. longa , 2-3 pol. lata, lineari-elliptica, utrinque attenuata, obtusiuscula, punctis glandulosis nigrescentibus fulvisve exterioribus conspersa, nec pellucido-punctata, subcoriacea, glabra; nervo medio subtus valdè proeminente : petiolus teres, 5-6 pol: longus, apice incrassato- geniculatus, glaber, atropurpureus, crassitudine corvi pennæ. R4- CEMI exträaxillares, pedunculati, cum pedunculo 1-2-pedales et amplis : pedunculus teres, glaber, atropurpureus : rachis compressa, glabra, atropurpurea. FLORES in ramulis valdè abbreviatis glomerati, bracteis intermixti, pedicellati; glomeruli inferiores valdè distan- tes, omnes bracteis 3 slipati; intermedià multo majore, 5-10 1. longä, lineari, glabrâ , ufrinque attenuatä, acutâ , punctis glandulosis nigrescentibus ferrugineisque conspersä. CALYx furbinato-campanu- latus, sub 5-sonus, inæqualiter 5-dentatus; dentibus minimis dis- tantibus; obtectns farinâ nigrescente seu ferruginea. PETALA 5, hypogyna, inæqualia, lineari-lanceolata, basi lata, in tubum lon- giusculum infernè coalita, apice oblique patula, corollam 2-labiatam ferè mentientia, pubescentia, punctis fulvis conspersa, subcarnea. STAMINA 7-8, petalis infernè adhærentia, submonadelpha : sterilia 5-6, exserta ; filamentis inæqualibus, basi glabrâ complanatis, apice su- bulatis: fertilia 2, inclusa, sterilibus opposita ; filamentis complanatis, latis, glabris ; antheris lineari -oblongis , acuminatis, pubescenti- bus. NECTARIUM subhemisphærieum, crenulatum, ovariis applica- tum. STYLI 5, mox in unum coaliti brevem, 5-costatum, glabrum. SricmA oblongum, completum. OvaRIA 5, plane libera, gynophoro brevissimo insidentia, apice obtusa , dorso convexa, lateribus plana, farinosa. Fructum non vidi. Crescit in sylvis primævis provinciæ ÆRio-de-Janeiro, præsertim prope prædium Uba. Floret Septembre-Novembre. (Css. Je n'ai point vu le fruit ; mais quoique la description de M. le professeur 37” 284 EsPÈCEs NOUVELLES Mikan differe de la mienne par l'expression , il est clair qu'il a retrouve ici, à quel- ques nuances près, les caracteres que je décris dans le Galipea Fontanesiana. 9. GALIPEA PENTANDRA. Tab. III. G. foliis simplicibus, lanceolatis , acuminatis, obfusis, basi acutis, glabris; racemis axillaribus, simplicibus , paucifloris ; pedicellis 3-bracteatis ; staminibus 5 fertilibus. FRUTEx 4-5-pedalis, à basi racemosus. FocrA alterna , petiolata, simplicia , 3-4 pol. longa, lanceolata, plus minüsve acuminata, ob- tusa, basi acuta, integerrima, glabra : petiolus 8-14 1. longus, suprà canaliculatus, paul infra apicem subgeniculato-incrassatus. RACEMI axillares , simplices, breves, pauciflori, pedunculati; pedunculo ra- chique pubescente. FLORES pedicellati : pedicellus pubescens, basi sti- patus bracteis 3 lineari-subulatis, pubescentibus , pedicello longiori- bus; intermedià longiore, rarius foliaceà. CALyx cupulæformis, profundè 5-fidus, 5-gonus, pilis rufis obtectus; divisuris, ovalo- lanceolatis. PETALA 5, inferiüus subcoalita, subinæqualia , lineari-lan- ceolata, basi latiuscula, ultrà medium recurva, crassa, villosa, vix punctato-pellucida, alba. STAMINA 5, fertilia , petalis sabadhærentia : filamenta linearia, sub 3-gona, dorso villosa, anterius plana barba- taque : antheræ pubescentes, post anthesin recurvæ. STYLI 5, mox in unum coaliti brevem, crassiusculum, villosum. STIGMATA 5, com- pleta , terminalia, subconica. NECTARIUM 5-gonum, dimidiis ovariis æquale. OvariA 5, villosa, dorso convexa, lateribus plana , distincta. Inveni in sylvis ad fluvium Æio-pardo in provincià S. Pauli. Florebat Octobre. 10. GALIPEA FONTANESIANA. Tab. IV, B. G. folüs simplicibus, oblongo-lanceolatis, apice acutiusculis, basi acutissimis, glaberrimis ; racemis terminalibus vel subexträaxilla- ribus, basi vix ramosis; staminibus 3 sterilibus ; nectario 5-dentato, FRUTEx 1-2 pedalis; caule simplici seu vix ramoso, crassitudine DE LA Frore ou Brésirt. 285 digiti. FOLIA petiolata, oblongo-lanceolata, apice acutiuscula, basi acutissima , 5-6 pol. longa, 15-24 1. lata, integerrima , glaberrima , intervallis sæpè approximata : petiolus 1-2 pol. longus, infra apicem incrassafo-geniculatus. RACEMI terminales vel subexträaxillares , basi vix ramosi , breviter pedunculati; rachi subtrigonâ. FLORES parvi, in racemis glomerati, pedicellati : pedicelli glabriusculi, basi bracteo- lati. Cazyx parvus, cupulæformis, profundè 5-fidus, crassiusculus , vix pubescens, nigricans ; divisuris subinæqualibus. PETALA 5, linea- ria, pubescentia, in tubum brevem 5-gonum usque ad medium coa- lita. SrAmINA 5, petalis adhærentia : filamenta 5 sterilia, complanafa, subulata , pubescentia : fertilia 2 breviora ; antheris albis. Nec- TARIUM dimidiis ovariis æquale, 5-dentatum. Sryzr 5, breves, vil- losi, subcoaliti. Sric. 5, oblonga, subobliqua. Ovarra 5, villosa, dorso convexa, lateribus plana, gynophoro brevi, conico, interposito basi obliquè aflixa, angulo centrali vix cohærentia, CoccA 1-2, cæ- teris abortivis, obovato-rotunda , obtusissima , compressiuscula , transversè arcualimque striata, glabra. SEMEN oblongo-reniforme compressum , obtusum, glabrum. UMBIrICUS marginalis, medio se- minis diamefro majori circiter respondens. COTYLEDONES integræ. Gratissimo animo in honorem dixi celeberrimi Fontanesii non minüs candore quam summâ eruditione venerabilis. Inveni in sylvis primævis propè Zraruama in prowineià Rio-de- Janeiro Florebat Augusto. 11. GALIPEA CANDOLIANA. Tab. IV, C. G. foliis simplicibus, lanceolatis, acuminatis, glaberrimis ; racemis subexträaxillaribus, simplicibus, brevissimis; floribus confertis ; staminibus 3 sterilibus; nectario integro. FRUTEx 4-5-pedalis, ramosus; cortice cinereo. FoLrA petiolafa, lanceolata, acuminata , integerrima, glaberrima, circiter 3 pol. longa : petioli 1 pol. longi, infra apicem incrassato-geniculati; juniores puberuli. RAcemr subexträaxillares, subsessiles , simplices, bre- 286 EsPècEs NOUVELLES vissimi ; rachi puberulâ. FLores conferti, breviter pedicellati : pedi- cellus pubescens, basi bracteolatus. CALyx brevis, cupulæformis, 5-gonus, profundè 5-dentatus, pubescens ; dentibus subinæqualibus. P£rTaLaA 5, subinæqualia, lineari-lanceolata, villosa , inferiüs in tubum conniventia, nec coalita vel adglutinata. STam. 5, infrà antheram petalis adglulinata : sterilia 3 ; filamentis complanatis, subulatis, dorso villosis, a basi usque ad mediam faciem glabris, dein barbatis, apice pubescentibus : fertilia 2 ; filamentis latioribus complanatis, subcana- liculatis, dorso villosis, ad sammam faciem subbarbalis; antheris ob- tusis, subpubescentibus. NECTARIUM 5-gonum, integrum, tertiam ovariorum parlem attingens. STYLI 5, mox in unum coaliti brevem, villosum. STIGMATA 5, completa, conica. OvaRïA 5, distincta, villosa. In honorem dixi celeberrimi Candolii qui primus de Galipeis cæ- terisque Cuspariis particulalim dissertavit. Inveni in sylvis primævis provinciæ Æio-de-Janeiro propè præ- dium Uba ad flamen Parahyba. Florebat Novembre. Os. I. Comme les plantes que je viens de décrire sous le nom de Galipea se ressemblent par les caracteres les plus importans , notamment par la forme de la fleur, et que leurs différences se nuancent par des dégradations insensibles , il est bien évident qu’elles ne doivent point être séparées. La seule comparaison de mes figures et de celle du Cusparé dans les ouvrages de MM. Hum- boldt et Richard père sufliroit pour prouver que mes plantes appartiennent au même genre que le Cusparé:je ne leur donne cependant pas le nom de Cusparia, mais celui de Galipea, parce que ce dernier est plus ancien, et que le Galipea d’Aublet n’est encore que le même genre. Malgré ma conviction intime, j'avois quelque peine, je l'avoue, à former ces réunions, parce qu'il en coûtera toujours au botaniste sincèrement ami de la science d'introduire des changemens dans la nomenclature ; mais j'ai successivement soumis mes plantes à MM. de Jussieu, Desfontaines, Kunth et A. Richard ; ils les ont comparées avec les figures d’Aublet, de Humboldt et de Richard père, et tous m'ont engagé à ne point séparer des es- pèces qui se nu ancent aussibien. M. de Candole a déjà réuni au Galipea une espèce quise rapproche bien plus du Cusparia que du Galipea, etl'hésitation que cet illustre botaniste dit ayoir éprouvée , quand il a fallu déterminer sa plante, est encore une DE LA FLORE pu Brésir. 287 preuve de l'identité que j’annonce. Quoique son Galipea Ossana semble avoir dans la réalité plus de rapport avec le Cusparia qu’avec la plante d’Aublet , il s’est dé- cidé pour le nom de cet auteur, sans doute pour suivre la loi de l’antériorité; et il aurait consommé la réunion que j'indique , s’il eût connu mes plantes. Au reste, pour justifier l'opinion des savans que j'ai cités plushautet la mienne propre, je vais comparer partie par parlie les plantes dont il est question. — Ixrrorescencr. Elle est absolument la même dans le Cusparé et mon Galipea heterophylla , et ensuite les grapes deviennent simples dans mes G. Fontanesiana, Candoliana, 5-andra. Le Galipea trifoliata d'Aublet présente, il est vrai, des fleurs en corymbe; mais cette inflorescence ne diffère pas moins de celle de l'espèce dont M. de Candolle a fait un Galipea, puisque cette dernière a des fleurs en panicule. — FORME DES FLEURS. Nulle différence entre mes plantes et celle de M. de Humboldt. La fleur développée du Galipea trifoliata figuré par Aublet s’en rapproche un peu moins ; mais les boutons sont semblables à ceux de mes plantes, surtout de mon G. penta- gyna, et sont également anguleux; enfin l'espèce que M. de Candole rapporte au Galipea a une fleur absolument semblable à celle des espèces brasiliennes et du Cusparé, comme le montre la figure qu’en a donnée le même auteur. — CaLice. M. Bonpland attribue au Cusparé un calice campanulé ; Aublet , un calice tubuleux au Galipea, et les espèces du Brésil présentent diverses nuances entre le calice cupuliforme et le calice campanulé; mais la figure d’Aublet suffit pour montrer que l'expression dont il s’est servi n’est pas exacte, et, tout en laissant subsister cette expression dans les caractères du genre Galipea, M. de Candolle rapporte pourtant à ce dernier une espèce qui a un calice court, 5-partite et cupuliforme. Un caractère commun à mes plantes et à celle d’Aublet, c’est que le calice est 5-gone, et j'ai reconnu un calice également à 5 angles dans le Cusparé : M. de Candolle ne parle pas de ce caractère dans sa description du G. Ossana, et il peut effectivement ne pas y exister, parce que les divisions s’y étendent jusqu’au pé- doncule. — Cororre. Les pétales sont linéaires et pubescens dans mes plantes , le Cusparé et le G. Ossana ; il est évident qu'ils sont aussi linéaires dans le G. tr7fo- liata, mais Aublet ne dit rien de leur surface. Ils sont un peu inégaux dans mes plantes et le Cusparé; Aublet et de Candolle ne parlent point de ce caractère, mais ils ne disent pas non plus qu’il n’existe pas. Dans toutes les espèces dont il s’agit, les pétales se réunissent à leur base en un tube court; ce tube est b-gone dans le Cusparé; il l’est d'autant plus sensiblement chez mes plantes, que les angles du calice sont plus prononcés; il doit être 5-gone chez le G. trifoliata d'Aublet, puisque le calice y est à 5 angles; malgré son tube arrondi, M. de Candolle fait aussi de sa plante un Galipea, et il n’est pas étonnant que ce tube ne soit pas 258 EsPÈCES NOUVELLES anguleux, puisque les divisions du calice, s'étendant jusqu’au pédoncule , n’exer- cent aucune pression sur ce même tube. Les pétales sont si bien soudés dans le Cusparé qu'on ne voit, dit-on, aucune soudure dans le tube de sa corolle, et il paroît qu'il en est de même dans le Galipea trifoliata. Déjà on peut séparer les pétales du G. Ossana sans aucun déchirement ; le degré d’adhérence varie dans mes espèces; il est peu sensible dans mon G. pentandra , et enfin les pétales de mon G. Candoliana ne sont que rapprochés. — Éramwes. L'adhérence des éta- mines avec la corolle éprouve les mêmes nuances que celle des pétales entre eux. Elles sont au nombre de 4 dans l'espèce d'Aublet, de 5 ou 6 dans le Cusparé, de 5 danstoutes mes espèces, de 7 dans celle de M. de Candolle ; donc leur nombre ne fournit point un caractère générique. Deux filets seulement portent des anthères dans le Cusparé, dans les Galipea d’Aubletet de de Candolle, et dans la plupart de mes espèces ; 3 sont fertiles dans mon Galipea heterophylla ; tous le sont enfin dans mon G. pentandra ; par conséquent le nombre des filets fertiles ne fournit non plus que des caractères spécifiques. — Firers. Les filets sont aplatis dans mes plantes, le Cusparé et le Galipea Ossana, et les stériles se terminent en alène dans celle-ci comme dans mes espèces. —AnTuères. Dans toutes les espèces dont il est question, les anthères sont également longues , linéaires et 2-loculaires. Les appendices des- sinés par M. Bonpland dans celles du Cusparé n'existent point, comme l’a prouvé Richard ; c’est le connectif qui se prolonge , comme celui des Mélastomées , en un appendice 2-fide et descendant; mais un appendice absolument semblable se re- trouve dans mes T'icorea jasminiflora et febrifuga ; donc il ne peut point fournir ici de caractère générique. — Necrame. Il existe sans doute dans les plantes d'Aublet, mais il l'aura négligé; il se trouve dans toutes mes plantes, le Cusparé etle G. Ossana ; son bord est également à 10 dents dans ces deux dernières espèces, et varie ensuite dans celles des miennes qui sont les plus voisines. — Pisrin. Au rapport de M. Richard, le Cusparé a ses ovaires soudés par l'angle central; il y a d’adhérence qu’au sommet dans mes G. heterophylla et pentagyna ; enfin il n'y en a pas du tout dans d’autres espèces. Je ne reviendrai pas ici sur les caractères déjà discutés dans le cours de mon mémoire; je crois avoir suflisamment démontré que le Cusparé, les Galipea d'Aublet et de de Candolle et mes plantes ne forment qu'un même genre; et le nom de Galipea doit lui êlre conservé comme plus ancien. Ons.1r. Si, après avoir lu tout ce qui précède, et en particulier la description du G. macrophy lla, l'on veut se donner la peine de jeter les yeux sur la figure et sur la description du Raputia d'Aublet, il sera diflicile, je crois, de ne pas regarder comme congénères le Raputia et le Galipea. Telle étoit l'opinion du P. Leandro do DE LA FLORE pu Brésir. 289 Sacramento, qui, pour les plantes américaines , peut faire autorité; et le docteur Mikan, en décrivant le Conchocarpus qui n’est qu'un Galipea, ajoute que son genre ne diffère réellement du Raputia que par le nombre des étamines; caractere qui, comme nous l'avons vu, ne doit point être ici considéré comme générique. À la vérité, Aublet figure comme opposées les feuilles du Raputia ; mais beaucoup de genres présentent tout à la fois des espèces à feuilles alternes et d’autres à feuilles opposées. Mon genre 4/meidea , si voisin des Cuspariées, a des feuilles al- ternes dans le bas et opposées dans le haut ; le Pilocarpus a aussi des feuilles alternes et opposées; et Aublet lui-même représente comme opposés les rameaux infé- rieurs de son Galipea trifoliata, ce qui suppose que les feuilles le sont aussi quel- quefois. M. de Candolle a ajouté une espèce au genre Raputia sous le nom de R. heterophylla; mais comme il la décrit d’après des échantillons sans fleurs et sans fruits, elle ne peut jeter aucun jour sur le genre d’Aublet. M. de Candolle a fait preuve de savoir, en songeant au Raputia pour son rameau; cependant il me semble qu’il pourrait être rapporté tout aussi-bien à l’'Evodia qui a également des feuilles opposées et ternées. Il est même rigoureusement possible que ce rameau n'apparlienne à aucune Cuspariée, mais à une V’erbenacée, puisqu'il n’a pas de points transparens , mais seulement des points extérieurs. Ons. nr. M. de Candolle, en décrivant le Galipea Ossana (Mém.Mus.vol. vi, p.150), avait soupçonné que la pointe subulée de ses filets stériles représentait l’anthère. Cela est incontestable , car, dans mes espèces, les filets fertiles et stériles sont éga- lement barbus; or la barbe se trouve dans les fertiles immédiatement au-dessous de l’anthère, et dans les filets stériles, la pointe subulée existe immédiatement au-dessus de la barbe. Oss.1v. Toutes les fois que, dans mes Galipea, les feuilles sont simples, le pétiole est épaissi et un peu genouillé au sommet. Cette partie épaissie semble indiquer le point où auraient dû être placées les deux feuilles qui manquent ; et comme elle se retrouve dans le Pilocarpus et mes Almeidea, elle montre la tendance qu'ont en général les Rutacées à avoir des feuilles composées. Les feuilles simples, à pédon- cule géniculé, sont dans cette famille, à peu près ce que sont, dans un autre groupe, les feuilles de l’Oranger ordinaire. TICORE A. Aubl. Jus. Dec. (Carac. ref.) Ozophyllum. Schreb. CaLyx parvus, 5-dentatus. PETALA 5, in corollam pseudo-monope- talam connata seu adglutinata tubulosam infundibuliformen ; limbo Mém. du Muséum. \. 10, 38 290 ESsPÈècEs NOUVELLES 5-fido, æquali vel inæquali, patente. STAMINA 5-8, tubo adglutinata, monadelpha, quandoque 2-6 sterilia; connectivo sæpiüs producto. NecrTariIUM cupulæforme, ovarium cingens. SryLus 1. STIGMA 5-lo- lobum. Ovarium unicum, 5-lobum, 5-loc. ; loculis 2-sp. : ovulum superius ascendens, inferius suspensum, utrumque axile, Cocca 5, 1-sperma, hinc 2-valvia; endocarpio separabili (ex Dec.). FRUTICES. FOLIA alterna, ternata. FLORES terminales, corymbosi vel paniculali aut compositè racemosi. PRÆFLORATIO quincuncialis. Ons. I. M. Richard (Mém. Inst. 1811) et M. Kunth (Nov. Gen. vol.6, P-7) pensent qne les T'icorea pourraient bien être congénères du Cusparé. Ils se se- roient fortifiés dans cette manière de voir, s'ils eussent connu mes 7’. jasminiflora et febrifuga ; car leurs pétales sont inégaux, le nombre des étamines varie de 548, . deux seules sont fertiles, et enfin leur connectif se prolonge en un appendice sem- blable à celui du Cusparé. Malgré ces nombreuses ressemblances , jai pensé que, pour ne pas trop changer la nomenclature, on pourroit conserver les deux genres, en les fondant sur les différences de la corolle, qui est campanulée et à tube court chez le Cusparé( Galipea febrifuga) (x) et tous les autres Galipea , tandis qu’elle est infundibuliforme et tubuleuse chez les Ticorea. Mais, en laissant subsister ces deux genres , nous devons reconnoître , dans l'opinion des sayans que j'ai cités, une autorité de plus pour réunir le Galipea febrifuga (1), les Galipea &'Aublet et de Candolle et mes plantes brasiliennes ; car elles ont entre elles infiniment plus de ressemblance encore que n’en ont le Ticorea et le Cusparé. Oss. IL. M. de Candolle ne dit rien de l’appendice formé par le connectif; mais la figure de son 7°. longiflora prouve qu'il existe dans cette espèce comme dans mes T°. jasminiflora et febrifuga , et Von pourroit soupçonner, d’après la description que donne Aublet de son T'corea fœtida , que le même caractère s’y retrouve éga- lement. Oss. IL. Je décris l'ovaire du T'icorea comme simple , parce que je l'ai trouvé tel dans le Zongiflora , le jasminiflora et le febrifuga ; mais comme la réunion et la séparation des loges n’a presque aucune valeur chez les Cusparices, je ne serois pas surpris que l’on trouvât aussi des Zicorea à ovaires distincts. © ————————————_——_—.]—— — (1) Tel est le nom que le Cusparé me paroît devoir définitivement porter, parce qu’il conserve la dénomination spécifique donnée originairement par M. de Hum- bold. DE LA FLrore pu Brésir. 201 12. TICOREA JASMINIFLORA. Tab. IV, D. T. foliis ternatis; foliolis lanceolatis, acuminatis, in petiolum atte- nuatis; paniculis laxiusculis ; staminibus 3-6 sterilibus. FRUTEX 7-8-pedalis, sæpiüs à basi ramosus; ramulis gracilibus, vi- ridibus. FoLrA alterna , ternata, petiolata : petiolus 1-2 longus, rectus, subtus convexus, supernè planus seu canaliculatus, quandoque sub- pubescens : foliola 1-6 pol. longa, lanceolata, in petiolum afte- nuafa, acuminata, obtusa quandoque emarginata, glabra, punc- tato-pellucida, lætè viridia; intermedio longiore; lateralibus basi inæqualibus. PANICULÆ subæquales , oblongæ (forsan melius racem compositi), laxiusculæ, terminales, alaresve, pedunculatæ , 3-6 pol. longæ, sæpius erectæ , quandoque cernuæ, compositæ ex ra- mulis circiter 6-floris. FLORES pollicares et ultrà, pedicellati : pedicelli puberuli, bracteolati : bracteolæ subulatæ, pubescentes. CALYX par- vus, campanulato-cupulæformis, acutè 5-dentatus , glandulosus , pu- berulus. PETALA 5, lincari-spathulata, infernè ità connata ut suturam quandoque ne quidem animadvertas, corollam 1-petalam simulan- tia infundibuliformem , 5-fidam, pubescentem, glandulosam , punc- tato-pellucidam , albam; tubo calice multoties longiore , quandoque subincurvo, intüs villoso; divisuris, inæqualibus, obtusis, paten- tibus. STAMINA 5-6, petalis arctissimè coalita, pauld infrà faucem in- serta , basi 1-adelpha, pubescentia : filamenta complanata, subinæ- qualia, apice attenuata , pubescentia; sterilia 3-6, in glandulam desinentia obtusam ; fertilia 2; antheris subcoalitis, linearibus, albis, semi-exsertis, 2-locularibus, internè dehiscentibus; connectivo in apendicem anteriùs producto descendentem, cordatum, carnosum. SryLus filiformis, glaber, inclusus. STIGMA sublaterale, 5-tubercula- tum. NeCTARIUM cupulæforme, 5-ponum, 5-dentatum, tenue. OvA RIUM 1, subglobosum , 5-lobum, transversè striatum, punctato-pel- lucidum, glabrum, 5 loc. ; loculis 2-spermis. OVULA conica. Succum ex foliis elicitum bibunt indigenæ , morbum tollendi caus à quem dicunt bobas, gallicè frambæsia. 38 * 202 ESPÈCES NOUVELLES Crescit in sylvis cæduis provinciæ Rio-de-Janeiro vulgd diclis Capueiras, præsertim propè urbem Tagoaky, et in provincià Minas- geraes, inter flamina Parahyba et Parahybuna. Floret Februario , Martio, Aprili. \ 13. TICOREA FEBRIFUGA. Valdè aflinis præcedenti ; differt autem caule sæpè arboreo, pani- culis coarctatis, floribus dimidio brevioribus; bracteis pluribus sub- foliaceis ; stylo magis exserto. Forsitan mera varietas. Cortex amarissima , astringens, valdè febrifuga. Crescit in provincià Minas-geraes , præserlim ad locum dictum as-Pacas, propè vicum Santa Barbara. N. B. Dans quelques exemplaires du mémoire dont ces descriptions font partie , il s'est glissé une erreur que je dois relever. Il y est dit, comme dans mes observa- tions sur le 7ropæolum, que les plantes de ce genre ont trois ovaires. Les loges y sont à la vérité parfaitement distinctes entre elles; mais comme il existe un axe central grêle , auquel toutes se rattachent , il est clair que l'ovaire est unique. EXPLICATION DES FIGURES. Tab. 1]. GomuPx14 OLrÆrOLIA. Fic. 1. Pistil tres-grossi. a Rudimens des filets qui persistent, et qu'on a pris quelquefois pour des nectaires. à Gynophore gynobasique. c Style inséré entre les loges sur le sommet du gynophore. d Ovaires à loges parfaitement distinctes entre elles et non chargées du style. Tab. II, À. Srw4s4 SUAVEOLENS. FiG. 1. Calice très-grossi. Fic. 2. Pétale. Fic. 3. Étamines réunies et paraissant 1-adelphes. Fic. 4. Une étamine séparée. a Écaille du filet. Fic. 5 Fic. 6 - Filet de l’étamine avec son écaille. + Pistil très- grossi. a Gynophore. à Style formé par la réunion des 5 qui terminent les ovaires. c Ovaires rapprochés, mais distincts. Fic. 7. a Deux des ovaires : on voit que chacun d’eux est parfaitement distinct. Zom.10. PE . 17. N ) ÿ L AA J 4 EL = pG, S Où | Æ Le SX Blanchard dlT K : GOMPHIA OLEÆFOLIA. PL.1. : hs y AT LES QNETA UF 2 A. SMIABA SUAVEOLENS. B.S TRICHILIOIDES. PL.1. NU es N EAN ‘#s r È Ds L'RX LV. 47 12m % \ LE d LOUER N: dl. | MS + LA, COUNARET LL a) CARPE | LE L'AMBINSS. 5e, RENE 4 date À are DATE REIN DEL PPS PR NN SEE) [ut nat à AMAR à TNA. = — EE 2 - ER Ne. _ GALIPEA PENTANDRA.PL.HT. Blanchard del? ‘5 + 9 an | | ELITE ARMES M RAA ORAN 4 à 4 € MT ARS ROMANS : - * ANA AL 1 MAL LS L ( FT VS Pl hi à: FR | PZ F F. . A. GALIPEA PENTAGYNA. B.C#FONTANESIANA. C.G{CANDOLIANA. D .TICOREA JASMINIFLORA. Fic. Fic. Fic. Fc. Fic. Fic. Fic. Fic. Fic. Fic. Fic. Fic. Fic. Fic. Fic. Fic. Fic. Fic. Fic. Fic. Fic. DE LA FLOoRE Du BRrÉsir. 293 Tab. Il, B. S:MABA TRICHILIOIDES. 1. Fleur de grandeur naturelle. 2. Étamine très-grossie. a Écaille du filet. 3. Pistil. a Gynophore en forme de colonne. b Style. c Les 5 ovaires rappro- chés, mais distincts. 4. Coupe longitudinale d’un des ovaires montrant que l’ovule unique et sus- pendu. Tab. III. GA4LIPEA PENTANDRA. 1. Pétales et étamines grossis. 2. Etamine détachée et tres-grossie. 3. Pistil. a Nectaire. à Style. c Les 5 stigmates. d Les 5 ovaires. 4. Quatre des ovaires :ils sont distincts, mais rapprochés; ils portent chacun un style, et lesstyles réunis n’en forment bientôt qu’un seul. Tab.IV , A. GALIPEA PENTAGYNA. 1, Bouton de grandeur naturelle. 2. Fleur id. 3. Pétales et étamines un peu grossis. 4. Pistil. a Les 5 styles parfaitement distincts. 4 Nectaire. Tab. IV,B. Gazirea FONTANESIANA. 1. Feuille de grandeur naturelle : elle est simple et son pétiole est renflé au sommet. 2. Bouton de grandeur naturelle. 3. Fleur de grandeur naturelle. 4. Coque s’ouvrant en 2 valves du côté du centre de la fleur. a L’endocarpe qui se détache lors de la déhiscence. 5. Endocarpe 2-valve et séparé de la partie extérieure du péricarpe. 6. Semence. a Ombilic. 7. Embryon dépouillé de son tégument,. 8. Embryon développé artificiellement pour faire voir la forme du cotylédon et de la radicule : celle-ci dans l’état naturel est repliée sur le milieu du coty- lédon intérieur tres-chiffonné dont la figure montre une des faces. Tab.IV,C. Gazipra CANDorrANA. 1. Feuille simple à pétiole renflé au sommet: figure de grandeur naturelle. 294 Esrèces NOUVELLES DE LA FLore pu Brésir. Fic. 2. Fleur développée : figure double de la grandeur naturelle. Fic. 3. Id. incomplétement développée : id. Fic. 4. Calice très-grossi. Fic. 5. Pétales et étamines très-grossis. Fic. 6. Nectaires et pistils très-grossis. Fic. 7. a Quatre des ovaires : on voit par cette figure qu’ils sont distincts, que cha- cun se termine par un style, et que les styles se soudent bientôt en un seul. Tab. IV , D. TrcOREA JASMINIFLORA. Fig. 1. Fleur de grandeur naturelle. FiG. 2. Bouton développé tres-grossi : il offre deux étamines fertiles et 5 stériles ; mais ce nombre varie de 5 à 8. Fic. 3. Calice tres-grossi. Fic. 4. Les étamines fertiles et une stérile détachées. a Les filets, d Les antheres. c Appendices du connectif : on les a relevés artificiellement pour montrer qu’ils n’appartiennent pas au filet, mais à l’anthère. d La glande qui dans les étamines stériles remplace l’anthère. Fic. 5. Antheres et appendices du connectif tres-grossis. Fic. 6. Pistil grossi. a Nectaire entourant l'ovaire. b Style. c Stigmate oblique tu- berculeux d Ovaire unique et simplement lobé. FiG..7. Coupe de l’ovairetres-grossi. ( La suite dans le Cahier suwant.) EXPÉRIENCES SUR LES ACÉTATES DE CUIVRE. (Lu à l’Académie des Sciences, le 6 novembre 1823.) PAR M VAUQUELIN. | a acétique forme avec le péroxide de cuivre deux combinaisons connues sous le nom d’acétate de cuivre cris- tallisé ou verdet, et de vert de gris. M. Proust en examinant ces deux composés, à l’occasion de l'acide acétique et de lacide acéteux, regardés alors comme différens, donna l’analyse de l’acétate de cuivre qu’il trouva composé ainsi qu'il suit : acide et eau. . . . 61 OX de ENTRE ADN AMIE" OCE "HP PESTE lo M. Thompson, en appliquant les principes de la théorie atomistique à l'analyse de ce sel, en a déduit la composition suivante : un atome d'acide. . . . . . . . . 20/72 HHATOME)ORIAE. Nec hs lee re: 2040 MHPALOMES EAU. A: Dell eee de MOD Re L'on verra plus bas que cette détermination n’est pas exacte. Quant au vert de gris, M. Proust le reconnut pour un 296 AGÉTATES DE CUIVRE. mélange de deux sels : en effet, lorsqu'on traite ce mélange par l’eau froide, les 56 centièmes, environ, se disolvent, et les 44 centièmes restant, sont à l’état d’un sous-sel. Ayant eu dernièrement occasion d'examiner du vert de gris venant d'Angleterre, je fus conduit à faire de nouveau l'analyse de ces deux sels. re, Æxpérience. Si l’on chauffe au rouge dans un creuset de platine de l’acétate de cuivre cristallisé, l'on obtient presque toujours, un mélange de péroxide, de protoxide et de cuivre métal- lique qui adhère aux parois du creuset : en outre l'humidité qui se dégage au commencement emporte une partie du sel, avant qu'il ne soit décomposé. Ce mode d'opérer ne pouvant, d’après cela, nous con- duire à un résultat exact, nous avons eu recours au procédé suivant qui a donné plus de concordance entre les résultats des opérations. 2e. Expérience. On a mis dans une capsule de porcelaine exactement pesée, et capable de résister au feu, un gramme d’acétate de cuivre cristallisé et réduit en poudre. On à versé dans cette poudre une quantité d'acide nitrique suflisante pour chasser l'acide acétique, on à évaporé à une chaleur douce, et quand l'acide nitrique fut dissipé, on a chauffé au rouge jusqu'à ce que la matière soit devenue noire et que la décomposi- tion ait été complète. En suivant ce procédé, cent parties d’acétate de cuivre ACÉTATES DE CUIVRE. 2097 laissent constamment 4o d’oxide d’un beau noir qui ne con- tient nulle trace de protoxide, ni de cuivre métallique. 3e. Experience. D'une autre part, si l’on chauffe 100 parties d’acétate de cuivre à une température suflisante pour en dissiper toute l'eau, mais incapable de décomposer le sel, l’on trouve qu'elles ne perdent jamais plus de 10 pour cent, encore ne peut-on éviter qu’il ne se dégage quelques traces d’acide acé- tique. Cette quantité d’eau diffère trop des 35 + que le docteur Thompson yÿ admet, pour qu'il n’y ait pas erreur dans sa supposition ou dans nos expériences. Or, comme l’expérience donne constamment 10 pour cent de perte par la dessicca- tion, elle doit donner une quantité d’acide acétique équi- valente à 50 cent. puisqu'on a trouvé plus haut 40 parties d'oxide 4e. Expérience. Pour obtenir l'acide acétique, on a fait bouillir 2 grammes d’acétate de cuivre cristallisé avec 4 grammes de sous-carbo- nate de potasse, dissous dans suflisante quantité d’eau. Au bout d’une demi-heure, on a filtré la liqueur qui étoit de- venue brune et qui avoit déposé tout le cuivre au moyen de l’ébullition. L’oxide de cuivre étant bien lavé à l’eau bouillante, on a réuni les liqueurs, et après avoir saturé exactement l'excès d’alcali par l'acide sulfurique, on les a fait évaporer à siccité, et on a traité le résidu par l'alcool pour dissoudre l’acétate de potasse. La liqueur alcoolique évaporée à siccité dans une capsule Mém. du Muséum. t. 10. 39 298 AGÉTATES DE CUIVRE. de porcelaine dont le poids étoit connu, a fourni une quan- tité d’acétate de potasse pesant un gramme 8 dixièmes qui, d'après la composition de l’acétate de potasse, contiennent 93 d'acide acétique, ce qui fait 46,5 pour le quintal. Ce résultat n’est, sans doute, qu’approximatif, à cause de la multiplicité des opérations qu'il faut faire pour obtenir l’acétate de potasse; mais toujours prouve-t-il que la quantité d'acide acétique dans l’acétate de cuivre cristallisé, s’ap- proche bien plus près de 5o que des 25 admis par M. Thompson. Ici, la théorie des proportions déterminées peut être de quelque secours : si par le calcul des poids respectifs des atomes, nous cherchons les nombres qui se rapprochent le plus des précédens, nous trouvons les suivans : Acide acétique..... 2 atomes, en poids 12,75, et pour 100,.... 51 Oxide de cuivre.... 1 atome,....... 10 C'ÉPCRAE ER 40 Baume she -- JI4tOMES eu. 1n2520} else 9- Or, si l’on considère que par l'analyse directe l’on obtient 10 pour cent d’eau de cristallisation, et 4o d’oxide de cuivre, nombre que la théorie donne presque exactement, l'on pourra ajouter confiance aux résultats précédens, car la petite différence que l’on a pour l'acide acétique, qui n’est que 3 pour cent, doit être attribuée à la difficulté qu'il a à se maintenir dans ses combinaisons. Ainsi, M. Thompson en ajoutant à l'analyse de M. Proust la supposition de huit atomes d’eau, l’a beaucoup éloignée de la vérité. 5e, Expérience. Si l’on tient en ébullition une dissolution d’acétate de cui- vre cristallisé pendantun temps suffisant, l’on remarque qu'une ACÉTATES DE CUIVRE. 299 partie de l'acide acétique se dégage avec la vapeur d’eau , et qu'une quantité considérable d’oxide de cuivre se précipite. Il arrive un moment où cette décomposition s'arrête, quelque soit le temps pendant lequel l'ébullition a lieu. Nous avions d’abord pensé que la précipitation de l’oxide de cuivre devoit être proportionnelle à la perte de l'acide acétique, mais nous nous sommes bientôt convaincus qu'il n'étoit pas nécessaire que l'acide acétique se dégageät pour que la précipitation donit il s’agit eût lieu. En effet, la dissolution exactement renfermée dans un ballon d’où l'acide ne pouvoit s'échapper, a laissé précipiter aussi un sel vert grenu qui, par la continuité de l’ébulli- tion, s’est changé en oxide brun : seulement la décomposi- tion se fait ici plus lentement que dans des vaisseaux ouverts. Dans une expérience, 10 grammes d’acétate ont déposé par l’ébullition 1,43 d’oxide pur : dans une seconde 1,50 : la moyenne est de 1,465. Ainsi, par l’ébullition 100 parties d'acétate de cuivre perdent 14,65 de leur oxide : or, la quan- tité totale de cet oxide contenu dans le sel, est réduite à 25,35 qui se trouvent unis avec le double de leur poids d'acide. Ge. Expérience. Désirant savoir si ce résultat seroit confirmé par l’expé- rience , nous avons décomposé les deux dissolutions de 100 parties d’acétate de cuivre qui avoient déposé par l’ébulli- tion une partie de leur oxide, et nous avons obtenu de l’une 25,4, et de l’autre 24,5, dont la moyenne est de 24,95, ce qui est aussi conforme qu’on peut le désirer. 39 * 300 ACÉTATES DE CUIVRE. Ainsi, l’oxide précipité dans cette expérience, forme à peu près les # de celui qui est retenu en dissolution, et un peu plus que les 36 centièmes de l’oxide total contenu dans le sel employé. C'est une chose remarquable que la décom- position de l’acétate de euivre, et la séparation d’une partie de son oxide à l’état anhydre, par l’ébullition. D’après cela, il faut nécessairement que lorsqu'on fait ce sel dans les arts, pour Pavoir cristallisé, on emploie une température très- basse, ou que la dissolution contienne un grand excès d’acide, sans quoi il se décomposeroit, et c’est peut-être ce qui ar- rive. À mesure que la dissolution dépose de l’oxide de cuivre, il se dégage de lacide acétique , mais la quantité en est fort petite par rapport à celle de l’oxide qui se précipite, car il devient plus acide , et d’ailleurs la décomposition a lieu aussi dans un vase fermé. Il doit donc se former un sur-sel com- posé de 66,66. d'acide, et de 33,34 d’oxide, d’où il suit, ainsi qu'on le verra plus bas, qu'il y a trois acétates de cuivre. 7e. Expérience. Si l’on continue à faire bouillir la dissolution d’acétate de cuivre, elle ne dépose plus d’oxide; le sel qui reste indécom- posé peut être concentré sans éprouver de nouveau de chan- gement, cependant il laisse échapper, durant l’évaporation, de l'acide accétique, mais il en retient toujours assez pour s'opposer à la précipitation de l'oxide. Lorsqu'on pousse l’é- vaporation jusqu'à siccité , on n'obtient que l’acétate ordi- naire , lequel dissous dans l'eau, et soumis à l’ébullition, pré- ÂCÉTATES DE CUIVRE. 301 cipite une nouvelle quantité d’oxide; en sorte, qu'en répé- tant un grand nombre de fois ces opérations sur la même quantité de sel, l’on finiroit par la décomposer entièrement. Du vert de gris. Le verdet gris est, comme l’a reconnu M. Proust, un mélange de deux sels; savoir, d’acétate et de sous-acétate ; mais quoiqu'il arrive souvent qu'après le lavage, le résidu insoluble forme les 44 à 5o centièmes du total, cependant les proportions varient comme les échantillons que l’on exa- mine ; dans tous les cas, ce résidu est uniformément com- posé : c’est un véritable sous-sel. Ayant donné plus haut l'analyse de l’acétate, il ne nous restoit plus qu'à déterminer le rapport des élémens du sous- acétate, pour avoir l’histoire complète des combinaisons de l'acide acétique avec le cuivre. 8. Expérience. Pour y parvenir nous avons lavé avec de l’eau froide, une certaine quantité de verdet gris; le résidu obtenu par cette opération , avoit une couleur verte pâle, et la forme de fila- mens soyeux. Ce sel désséché à la température de 100 degrés, jusqu’à ce qu'il ne diminuàt plus de poids, a pris une teinte verte beaucoup plus intense, et a perdu environ 6 pour cent. 9°. Expérience. 100 parties de cette matière traitée à l’aidede la chaleur par 200 parties de potasse caustique dissoute dans suflisante x 302 ACÉTATES DE CUIVRE. quantité d’eau, fournirent un oxide brun ‘qui, lavé à l’eau bouillante et séché, pesoit 60,5 ; mais cet oxide repris par l'acide sulfurique à 100., laissa un résidu dont le poids étoit de 3 centièmes, et qui éloit composé de petits fragmens de cuivre métallique et de sable ; ainsi, le sous-acétate de cuivre contient 66,5 d’oxide, et doit par conséquent renfermer 33,5 d'acide. Cette analyse répétée plusieurs fois, nous a toujours donné à très peu près le même résultat. Pour avoir le com- plément de cette analyse, il falloit extraire l'acide acétique, ou le conclure de la quantité d’acétate de potasse trouvé dans la liqueur; mais quoique nous ayons traité cette ma- tière avec beaucoup de soin par le même procédé que nous avons mis en usage pour l’acétate, nous avons constamment éprouvé une perte assez considérable. Cette perte tenant évidemment à la dissipation d’une por- tion acétique par la chaleur nécessaire pour évaporer et des- sécher l’acétate de potasse, et le sous acétate de cuivre par- faitement desséché, ne contenant que deux élémens , l’on peut, sans crainte d'erreur, conclure sa composition de lun de ces élémens. D’après ce qui vient d’être exposé, il y a trois combinai- sons entre l'acide acétique , et l’oxide de cuivre dont la pre- mière contient 66,5 d’oxide , la deuxième 44,44 et la troi- sième 33,54, en les supposant sèches. M. Phillips, qui a fait aussi l'analyse du sous-acétate de cui- vre, l’a trouvé composé d’acide. . . . . . . . . . 28,30 d'ondes ie. 4 7 HSE TO, tree 43,05 dent Si LU she Mieiatnen nt 1284 Si l’on retranche la quantité d’eau que contient ce sel, l’on AGÉTATES DE CUIVRE. 303 trouve qu'il contient sur 100, 60,45 d’oxide; résultat qui diffère du mien de 6 centièmes en moins. Si cette analyse est plus exacte que la mienne, ce que je laisse à d’autres à décider, l’on conviendra au moins que celle du verdet gris donnée par le même auteur, ne peut l'être, puisqu'elle ne diffère que par la quantité d’eau qui est, suivant lui, de 25,30 pour le verdet gris, et de 28,45 dans le sous-acétate. Cependant, l’on sait que le verdet gris contient communément la moitié de son poids d’acétate, et doit renfermer moins d’oxide, tandis que M. Phillips en trouve un centième de plus. Le lavage que l’on est obligé de faire subir au verdet gris pour en extraire le sous-acétate , exige quelques précautions que nous croyons devoir indiquer ici. L'opération doit être faite promptement avec de petites quantités d’eau froide à la fois; autrement le sous acétate se décompose en tout ou en partie, ce qui se manifeste par une couleur brune et une acidité. Nous avons dit précédemment que quand on fait chauffer une dissolution d’acétate de cuivre, elle éprouvoit une décom- position qui consistoit dans la précipitation d’une partie de son oxide, et dans la formation d’un sel acide ou sur-sel; on con- çoit que la même altération doit arriver au verdet gris, qui est composé d'acétate et de sous-acétate. Mais ce qu'il y a de plus remarquable, c’est que le verdet gris se décompose spontanément et sans le secours de la chaleur. En effet, si l'on met une partie de ce sel mixte avec 5oo parties d’eau distillée et qu’on l’abandonne à une température de 15 à 20 degrés , l’on remarque que le mélange passe peu à peu du 304 ACÉTATES DE CUIVRE. bleu verdätre au jaunâtre et ensuite au brun, qui devient de plus en plus intense. Au bout de sept à huit jours, il ne reste plus de parties vertes, tout est alors brun. Si, à cette époque, on filtre la liqueur, elle est légèrement bleue, et ce qui reste sur le filtre est d’un brun marron foncé absolument semblable au péroxide de cuivre, mais extrè- mement divisé : la liqueur soumise à l’ébullition, se trouble de nouveau , et dépose une seconde portion de péroxide de la mème couleur. Après avoir perdu cette nouvelle quantité d'oxide, la liqueur n’a presque plus de couleur à cause de la grande quantité de dissolvant. Elle contient cependant encore del’oxide de cuivre, car le prussiate de potasse lui fait prendre une couleur rouge très-intense, et l'ammoniaque, une couleur bleu très-foncé. La quantité d’eau indiquée plus haut pour laver le verdet gris est arbitraire : la décomposition du verdet gris a lieu aussi avec plus ou moins-de ce dissolvant, cependant elle s'opère plus promptement quand la proportion est grande. Dans cette décomposition spontanée 100 parties duverdet gris laissent 23 parties de péroxide de cuivre. Quoiqu'il fut presque certain que la partie qui se décompose dans le ver- det gris est le sous-acétate, cependant il étoit bon de s'en assurer par l'expérience; en conséquence, nous avons mis une partie de ce sel aussi parfaitement desséché qu'il est pos- sible avec 500 parties d’eau, et nous avons agité le mélange de temps en temps; nous avons remarqué les effets suivans : 10, Le sel paroit se gonfler en devenant flocconneux ; 2°. il prend une teinte jaunätre; 30. il devient brun et diminue alors de volume. Ces effets nous ont paru marcher plus rapi- ACGÉTATES DE CGUIVRE. 30 dement au contact des rayons solaires, sans doute à cause de la chaleur qu'ils produisent. Lorsque la décomposition nous parut achevée, nous filtra- mes la liqueur sur un papier exactement pesé, et après avoir lavé la matière et séché le papier, nous trouvâmes qu’il con- tenoit 46 centièmes du poids du sous-acétate employé, exac- tement le double de ce que nous avoit donné le verdet gris soumis à la même épreuve : résultat qui prouve que le verdet gris dont nous nous sommes servis contient la moitié de son poids de sous-acétate. L'oxide de cuivre obtenu dans cette opération ne retenoit que des quantités inappréciables d'acide , et d’après la com- position du sous-acétate, nous voyons qu'il reste en dis- solution dans la liqueur 20 parties d’oxide unies avec 33 par- ties d'acide, et que le sel qui s’est formé par suite de cette dé- composition doit être de l’acétate. Cependant comme la quan- tité d’oxide n’est pas tout-à-fait assez forte pour former ce sel, il faut en conclure que quelques parties de sous-acétate non décomposé sont restées avec l’oxide. Pour nous assurer s’il s'étoit formé par la décomposition du sous-acétate, de l’acétate ordinaire , nous avons fait bouillir la liqueur pendant quelques instans, et elle s’est effective- ment troublée en déposant du péroxide de cuivre ; ainsi, point de doute que cette liqueur ne contint de l’acétate or- dinaire. Le travail dont je présente les résultats, est susceptible de quelques applications : par exemple, consulté, il y a quelque temps, pour savoir si l'on pourroit, par un procédé simple, convertir en verdet gris une solution de cuivre dans l'acide Mém. du Muséum. t. 10. 4o 306 ACÉTATES DE CUIVRE. pyroligneux, je fis, à ce sujet, quelques essais qui réussirent parfaitement, en prenant cettedissolution d’acétate de cuivre, el y ajoutant une quantité d’oxide hydraté de ce métal que j'avois calculée d’après l'analyse du verdet gris. Le mélange fait exactement, avoit la consistance d’une bouillie molle; je le laissai évaporer spontanément à l'air, en le remuant de temps en temps. Je remarquai qu'il se for- moit dans cette bouillie, par les progrès de l'évaporation, de petits cristaux brillans et satinés, comme on voit dans le ver- det gris ordinaire. Quand il fut entièrement desséché, il étoit plus dur et plus cassant que le verdet gris du commerce ; il ne contenoit pas autant d’eau; mais quand je le traitai par l'eau froide , ilse conduisit absolument de la mème manière que le verdet gris, c’est-à-dire qu’une portion fut dissoute, et que celle qui ne le fut pas étoit de véritable sous-acétate. Il résulte enfin de ce travail qu’il existe trois combinaisons entre l’oxide de cuivre et l’acide acétique; savoir, 1°, un sous- acétate insoluble dans l’eau, mais qui se décompose à froid au milieu de ce fluide, en se convertissant en péroxide et en acétate: 20. unacétate neutre dont la solution ne se décompose point à froid, mais qui se décompose par la chaleur de l’é- bullition, et se change en péroxide et en sur-acétate; 30. un sur-acétate qui ne se décompose ni à froid ni à chaud quand il est dissout dans l’eau , et qu’on ne peut obtenir cristallisé qu’en le laissant évaporer à froid ou dans le vide ; 4°. que le verdet gris n’est, ainsi que l’a dit M. Proust, qu'un mélange à diverses proportions d’acétate et de sous-acétate ; mais que ces proportions sont le plus souvent égales. RAPPORT A L'ASSEMBLÉE DES PROFESSEURS DU JARDIN DU ROI, SUR UNE RESINE. PAR M. VAUQUELIN. L'assemerér m'a chargé d'examiner une résine découverte par M. Collot dans la Nouvelle-Grenade, et dont il a prié notre confrère M. Geoffroy de reconnoitre les propriétés, pour en faire, s’il est possible , un objet de commerce. Cette résine est de la mème nature que la résine copal : comme cette dernière, elle est jaunâtre, transparente, sèche et cassante, s’électrise par le frottement , ne se dissout que par- tiellement dans l'alcool : cependant sa partie insoluble n’est pas aussi grande que celle de la résine copale ordinaire : mais à cet égard , il y a une grande variété entre les résines copal du commerce, car les unes donnent depuis soixante- huit jusqu’à quatre-vingt pour cent de matière insoluble , . tandis que celle rapportée par M. Collot n’a laissé que soixante-un de cette matière insoluble. La partie de ces résines soluble dans l’acool m'a paru par- faitement identique, soit pour la couleur qui est jaunâtre, soit pour la fusibilité qui est assez grande, soit pour la solubilité dans l'alcool. Cette résine n’acquiert point par la dessiccation une con- 40” 308 RapronrT sur UNE RÉSINE. sistance aussi grande que celle des copals dont elle est tirée; elle conserve une sorte de molesse et de ductilité qui dépend, sans doute, d’une nature différente. La partie des copals, insoluble dans l'alcool , reste molle et élastique tant qu'elle conserve dans son intérieur une portion d'alcool, mais elle acquiert au contraire après que l'esprit de vin en est entiè- rement séparé, une grande solidité ; d’où il suit que selon toute apparence, ces sortes de résines doivent leur consis- tance et leur fragilité à la partie insoluble dans l'alcool. Quand elle est pure, l'alcool à 380 ne l'attaque presque pas, l’éther sulfurique n'a lui-même qu’une foible action sur cette matière, car vingt parties de ce fluide mises sur une partie de la matière du copal insoluble dans l'alcool , en a à peine dissout un quart, encore est-il vraisemblable que sur cette quantité il y avoit encore une portion de la résine soluble dans lalcool. Cette matière n’est pas fusible comme la partie soluble dans l'alcool; quand on l’expose sur un corps chaud, elle crépite, répand une odeur piquante particulière, et différente de celle du copal entier, enfin elle noireit et bouillonne sur la fin de sa décomposition. D'après ce qui vient d’être dit, il ne paroit pas douteux que c’est cette matière particulière qui s'oppose à la dissolu- tion complète du copal dans alcool : et les expériences que nous avons faites à cet égard, nous montrent que ce produit végétal est certainement composé de deux élémens distincts. Quant à l'usage qu’on peut faire de cette résine, il est évi- dent qu'il est le même que celui auquel est employée la gomme copal : c’est-à-dire pourles vernis gras et les vernis à l'esprit de vin. 309 NOTICE Sur la Ponte faite à Paris par des Perruches de l 1- mérique méridionale, de l'espèce dite PAvouAXE , dans les mois de juillet et d'août de l’année 1822. PAR M. LE MARQUIS DE GABRIAC, ancien Colonel. D>:: perruches de la Guyane, dites Pavouanes, mâle et femelle , après avoir passé l’hiver ensemble dans le plus par- fait accord, ont été mises en ménage au mois d'avril 1822, dans deux cages jointes, dont l’une fermée de toute part n’avoit qu’une petite porte de communication avec l’autre, et formoit le nid. Les perruches ont tardé assez long-temps à entrer dans ce lieu obscur. La femelle a d’abord regardé souvent dans le nid par l’ouverture qui y étoit pratiquée : elle avançoit un peu la tête, puis elle reculoit; ensuite elle y mettoit une patte, et puis la moitié du corps. Enfin après avoir cent fois examiné sur les côtés au dehors si la retraite étoit sûre, sa confiance s’est accrue, et au bout de deux jours, elle s’est déterminée à entrer dans le nid; ce qu’elle a répété depuis à tout instant, faisant chaque fois un petit cri de joie pour appeler le mâle, qui, très-attentif, se rendoit aussitôt près d’elle. Le lieu leur ayant donc paru sùr 310 PonTE DE PERRUCHES et convenable pour la propagation de leur espèce, la femelle a aussitôt gratté et remué dans tous les sens avec son bec et ses pattes la sciure de bois qui étoit la base du nid, pour l’ar- ranger à sa façon et y faire un creux où elle püt déposer ses œufs. Les caresses et les marques d'amour ont aussitôt re- doublé, et jusqu'à l’époque de la ponte, le mâle a très- fréquemment couvert la femelle avec des préludes qui me donnoient le temps de les observer. Le premier œuf a enfin paru le 18 mai; un second, un troisième et un quatrième ont succédé, mais avec un intervalle de trois jours ou soixante-douze heures entre chaque œuf. La ponte achevée, la femelle s’est mise à couver avec assiduité, et le mâle a cessé dès ce moment toute poursuite amoureuse. Il se tenoit le plus souvent pendant la couvée sur un bâton dans la pre- miere cage, chantant, parlant, et faisant des gentillesses pour désennuyer sa femelle qui le regardoiït. De temps en temps, il alloit passer un quart-d’heure et même plus auprès d’elle, et pendant la nuit il ne quittoit pas son côté. Maïs il ne par- tageoit point l’incubation avec sa femelle. Il ne lui portoit pas non plus à manger au nid , en sorte qu'elle étoit obligée de sortir pour aller chercher sa nourriture. En cette occasion, l'instinct de la conservation des œufs, faisoit observer sévè- rement au mâle combien de temps sa femelle restoit absente. Il la regardoiït manger, mais lorsqu'il jugeoit qu’elle étoit suflisamment alimentée, il lui faisoit entendre d’abord dou- cement, puis par des coups de bec, qu'il falloit retourner couver. Quelquefois elle obéissoit à la première injonction, mais comme cette femelle est très-gourmande, elle vouloit souvent prolonger la séance ; elle se fàchoit, grondoit et À Paris. 311 rendoit au mâle ses coups de bec. Voyant alors qu'il ne pouvoit la persuader par de bons procédés, il grimpoit au haut de la cage où il se fixoit par ses pattes, aÿant la tête en bas; puis déployant ses ailes, il lui en détachoit des coups qui la faisoient à l'instant obéir et rentrer au nid. Il ne manquoit jamais de l’y suivre, sans doute pour ménager son raccommodement. En résultat deux œufs de cette couvée ont été clairs ; ignorant le temps nécessaire pour l’incuba- tion, j'ai laissé couver les deux œufs restant pendant vingt- cinq jours. Alors je les ai cassés, et j'ai trouvé dedans deux fœtus morts, l’un de six jours environ, et l’autre de douze. Les nombreux orages et les violens coups de tonnerre qui se sont fait entendre pendant le mois de juin, auront peut- être causé la perte de ces embryons. Après avoir donné dix jours de repos aux perruches, je les ai remises en ménage le rer. juillet. Dès le 14 du mois, la femelle a pondu son premier œuf, puis les autres successive- ment, les 17, 20 et 23 suivans, toujours vers es 6 ou 7 heures du soir, et avec l'intervalle de soixante-douze heures entre chaque œuf. Elle a couvé avec son assiduité ordinaire , et enfin après »#gt-trors jours d’incubation, et lorsque je commençois à désespérer du succès, le premier œuf est éclos le 6 août à sept heures du soir; le second, le 9, le troisième le 12, et le quatrième le 15, toujours à la même heure, ou à peu près, avec l'intervalle de trois jours entre chaque naissance , c’est-à-dire, dans le même ordre que les œufs avoient été pondus. Ce qui démontre clairement que l'incubation de ces oiseaux est de »2#gt-érors jours. Les petits sont nés avec un long duvet, couleur gris de souris. 312 PoxTe DE PERRUCHES Les père et mère ont aussitôt rivalisé de soins pour leur donner à manger, les tenir chaudement, les gratter, lécher, etc. etc. La forme du bec rend assez difficile l'introduction de la nour- riture. Les parens après avoir un peu léché le bec du petit qu'ils veulent alimenter, pour le lui faire ouvrir, insinuent le leur des deux cotés du sien ; puis ils l’enlèvent, et en le, secouant fortement ils lui font tomber la nourriture dans le gosier. La mère tâte ensuite avec son bec le col du petit extérieurement, pour s'assurer si la nourriture a coulé jusqu'au jabot. Elle aide même à cette opération quand ses petits sont dans leur premier âge en pressant elle-même doucement leur gosier du haut en bas; puis elle recommence à leur donner à manger jusqu'à ce que le jabot soit plein. Elle les passe ainsi tous en revue, et après les avoir léchés, caressés, et avoir chassé au loin les ordures en grattant fortement avec ses pattes , elle revient se reposer dans la première cage, les petits étant endormis. Il m'a semblé que le mäle ne donne pas autant à manger que la femelle; mais il la contemple et se tient près de sa famille pendant qu’elle remplit ce premier devoir de la nature. Il paroit qu’il se charge de maintenir le bon ordre, car il distribue çà et là de petites corrections, si ses petits s’écartent de la position où il entend qu'ils se tiennent. Il donne aussi la nourriture de préférence aux deux plus forts. Lorsque les petits demandent à manger avec opiniätreté, il court le premier à eux, leur donne ce qu'il peut avoir en réserve dans le jabot; puis il revient dans l’autre cage avertir la femelle de porter des vivres. Elle mange aussitôt beaucoup pour pouvoir faire sa distribution ; mais comme cela demande un peu de temps, il revient plusieurs fois pour la presser ; et A Panis. 313 jusqu’à son arrivée, il leur dit à basse voix tout ce qu'il sait, il fait la trompette, fredonne un petit air, et cherche à les distraire pour leur faire prendre patience. On pourroit remplir plusieurs pages si l’on vouloit décrire les marques de tendresse que ces perruches prodiguent à leur petite famille. Quelquefois elles se couchent au milieu du nid, et jouent avec leurs petits comme font les chiennes et les chattes avec les leurs. Toujours elles sont prètes à les défendre à outrance; car ces oiseaux très-doux et très- dociles avant d’entrer en amour, sont devenus si méchans depuis, quils ne m’épargneroient pas plus qu’un autre, si toute communication n'étoit pas interceptée entre nous. Ce n’est qu’un bâton à la main que je puis les faire rentrer dans leur nid, lorsque je mets la nourriture dans la première cage. Le plus âgé de ces jeunes oiseaux aura bientôt huit semaines, et il ne mange pas encore seul. Il marche assez bien dans le nid, et commence à monter sur un bâton très-bas. Il vient souvent jusques sur la porte de la cage contigüe, où les père et mère le caressent ; mais quoiqu'il ait à sa portée des bâtons pour y pénétrer, il n’a pas encore eu l’idée ou la force de se hasarder. Ces petits nourris ainsi et élevés par leurs parens sont farouches et craintifs. Ils cherchent à mordre et à griffer si on veut les toucher. Ils s’'épouvantent au moindre bruit, et ne connoissent que leurs père et mère. Il est hors de doute qu'ils seroient très-sauvages si l’on ne soignoit promptement leur éducation. Mém. du Muséum. t. 10. hx ADDITION A LA NOTICE PRÉCÉDENTE. M. Lamouroux, l’un des professeurs de la Faculté des Sciences de Caen, a communiqué à la Société Linnéenne de Paris, une semblable Notice sur des aras bleus nes en France : son mémoire sera publié dans le deuxième tome des actes de cette Société : quelques exemplaires tirés à part ont déjà été distribués. Un couple de ces aras, que possède M. Esnault, a pondu, chez ce particulier à Caen, dans l’espace de quatre ans ( de mars 1818 à août 1822 ), 62 œufs en 19 pontes. Le nombre des œufs varioit à chaque ponte de 2 à 6. Un couple du lori-tricolor ( psitf. lory ) a également pondu chez M. Dussumier-Fonbrune, négociant de Bordeaux, et naturaliste aussi zélé qu’instruit (1). Une perruche à collier (psitt. Alexandrt) que possédoit à Paris notre ancien consul au Cap, feu M. le comte des Ecotais, m'a fourni deux fœtus sur lesquels j'ai aperçu des germes des dents. J’ai décrit ces faits dans un mémoire encore inédit, mais que j'ai lu à l’Académie des Sciences, le 26 juin 1821. Je viens aussi de recevoir d'autres fœtus de perroquet (1) Le Muséum d'histoire naturelle est redevable à M. Dussumier d’une collec- tion de zoologie de Chine qu’il a recueillie lui-même dans ses voyages à Canton. æ ADDITION À LA NOTICE PRÉCÉDENTÉ. 319 nés en 1823, de la perruche sincialo ( psi{f. rufirostris), chez M. Alphonse de Feltre, l’un des fils du maréchal duc de Feltre : cette petite perruche brésilienne lui avoit pondu une première fois 6 œufs qui se trouvèrent clairs; mais der- nièrement deux autres œufs furent couvés et donnèrent deux petits : une fausse manœuvre de leur mère les étouffa. Je tiens de M. le marquis de Gabriac que ses pavouanes ont fait cette année deux pontes, dont les orages ont causé la destruction. Enfin M. Bordes, administrateur des domaines , vient d'obtenir des résultats semblables à ceux dont j'ai rendu compte, et je vais transcrire ici la lettre qu'il m'a fait l’hon- neur de m'écrire à ce sujet. « Depuis quatre ans et demi je possède deux aras mâle et femelle nés à Caen, l’un le 26, l’autre le 29 octobre 1818. Les œufs avoient été pondus le 4 et le 8 du même mois. » Ces oiseaux étant nés en France, j'avois pensé qu'ils pourroient se reproduire, et mon espérance n'a pas été trompée. Le 6 de ce mois (octobre 1823) la femelle a pondu un œuf; elle en a pondu un second le 10, et un troisième aujourd'hui 14. Depuis la première ponte la femelle n’a pas quitté le nid, qui est une barrique dans laquelle on a mis de la sciure de bois, et qui communique à la cage par une ouverture pratiquée à la circonférence. Ce nid avoit été ainsi disposé parce que M. de Buffon dit que ces oiseaux nichent dans le creux des arbres. » Le mâle ne couve point, mais ilne s'éloigne pas du nid, et la femelle y reçoit sa nourriture. » On n’avoit eu jusqu'ici aucune donnée sur l’âge auquel 316 AppiTIoN À LA NOTICE PRÉCÉDENTE. les aras peuvent se reproduire : cette expérience prouve que c'est à l'âge de cinq ans. » Ces aras sont très-doux et caen mais depuis la ponte ils ne se laissent approcher que très-diflicilement. » Les faits que nous venons de rapporter assimilent les perroquets aux serins, sous le rapport de leurs pontes dans nos pays, et en domesticité. Les succès qu’on a obtenus ont leur cause dans l'attention qu’on a eue de procurer à ces perroquets une retraite obscure, ou une seconde cage par- faitement close et garnie dans le fond de sciure de bois. GEOFFROY SAINT-HILAIRE, 317 CONSIDÉRATIONS SUR LA FAMILLE DES EUPHORBIACÉES. PAR M. ADRIEN DE JUSSIEU. (Mémoire lu à l'Académie des Sciences, le 14 juillet 1823.) L: groupe des Euphorbiacées , entrevu par Linnée , fut ensuite plus régulièrement établi dans le catalogue qui dirigea la plantation du jardin de Trianon. Ses caractères, donnés imparfaitement dans les familles d’Adanson, où celle-ci réu- nissoit des végétaux entièrement différens, furent enfin fixés dans le Genera Plantarum, qui en décrit trente genres environ. Elle n’a été que peu modifiée depuis; mais les travaux des botanistes et les découvertes des voyageurs l’ont considérablement augmentée, puisque, dans l’état actuel de la science, elle offre plus de mille espèces réparties dans plus de quatre-vingts genres. Non. — Le nom de Tricoccæ , que lui ont donné Linnée et les auteurs qui l'ont suivi, ne peut lui convenir; car le nombre de trois, le plus fréquent dans les coques du fruit, n’est pas, à beaucoup près, général, et même ce fruit n'offre Mém. du Muséum. 1. 10. 42 318 Famirzze DES EUPHORBIAGÉES. pas constamment des coques. M. R. Brown (r) a fait observer avec raison, que le nom de la famille n’auroit pas dû être pris d'un genre, dont la structure, loin de lui servir de type et d’en donner une idée correcte, se fait au contraire remarquer par sa singularité, et n’est pas d’ailleurs considéré sous le même point de vue par tous les botanistes qui assignent des dénominations et des fonctions différentes aux mêmes parties de la fleur. Mais le temps depuis lequel le nom d'Euphorbia- cées est recu, le nombre des ouvrages où il a été consacré, et celui des espèces de ce genre qui forme plus du quart de celle de la famille, ne permettent pas de le changer à présent. Nombre. — Neuf cents espèces d'Euphorbiacées se trou- vent déja décrites ou indiquées dans les auteurs; elles for- ment donc un quarante-quatrième de la somme totale des plantes cotylédonées ou phanérogames, somme portée à un peu moins de quarante mille dans le dernier catalogue publié (2). Mais on doit présumer que ce rapport est au-dessous de la vérité. En effet, d’après le nombre d'espèces inédites annon- cées par M. Brown, et de celles que j'ai eu occasion d'ob- server seulement dans les herbiers de Paris, n’admettant ici que celles qui sont nouvelles sans aucun doute, leur somme to- tale atteint à peu près mille cinquante (3), ce qui fait un peu (1) General remarks on the Botany of terra Australis, page 24. (2) Nomenclator botanicus enumerans nomina plantis phanerogamis imposita , auct. E. Steudel. 1827. (3) Sur ces 1050 espèces j'en ai pu analyser 300 à peu pres, c'est-à-dire les + de la totalité; et un peu plus du tiers, si l’on n’y comprend pas le genre Euphorbia dans lequel j'ai cru moins nécessaire de muluüplier beaucoup les analyses. Quant aux plantes que je n'ai pas rencontrées ou que je w'ai trouvé qu'incomplètes dans FamiLze DES EuPnorBrACÉES. 319 plus d’un quarante-deuxième des phanérogames, si, d’après l'estimation de M. de Candolle, on doit en compter quarante- quatre mille. Enfinil est à croire que la publication de voyages récens diminuera encore le dénominateur de cette fraction , et la rapprochera de plus en plus d’un quarantième. Mais ce rapport varie beaucoup suivant les latitudes. D’après les calculs de M. de Humboldt, les Euphorbiacées forment un trente- deuxième de la totalité des phanérogames sous la zône équatoriale, un quatre-vingtième sous la zône tempérée, un cinq centième sous la zône glaciale. Habitation. — Leur nombre augmente donc progressi- vement à mesure qu'on s'approche de l'équateur, et c’est ce que M. Brown a confirmé pour la Nouvelle-Hollande : mais dans quel rapport? Pour le déterminer je choisis l'Amé- rique, qui nous offre des données plus nombreuses et plus certaines, à cause des travaux plus complets dont elle à été l’objet. Sur trois cent quatre-vingt-dix espèces d’Eu- phorbiacées qu’elle renferme , trois cent cinquante environ habitent sous les tropiques. Elles sont donc à celles de la zône les herbiers, j'ai consulté avec soin les descriptions ct les gravures les plus parfaites, et toujours autant que possible celles qui avoient été faites sur la nature. J’ai d’ailleurs été dispensé de l'examen d’un grand nombre d’espèces déjà compléte- ment décriles dans des ouvrages entièrement dignes de foi, parmi lesquels je dois citer la partie botanique du voyage de M. de Humboldt, où M. Kunth fait con- noître près de 140 Euphorbiacées, et les Mémoires du Muséum, dans lesquels M. Desfontaines a établi plusieurs genres de cette famille. Gœrtner, les articles de M. de Lamarck dans l’encyclopédie, plusieurs descriptions de M. du Petit- Thouars, de M. Poiteau, etc. , etc. , les manuscrits et les dessins originaux de Commersons, m'ont été aussi d’un grand secours. C’est le résultat des observations de ces savans auteurs et de celles qui me sont propres, que je présente dans ce mémoire. 49 * 320 Faire pes Eupnonsracées. tempérée dans le rapport de dix à un. Le calcul des espèces de l'Asie, fondé, il est vrai, sur des élémens beaucoup moins sûrs, fournit un résultat analogue, puisque, de deux cents espèces, cent quatre-vingts environ se rencontrent sous la zône équatoriale. Si, aux espèces d'Europe, on ajoute celles des régions qui forment le bassin de la Méditerranée, on verra que les contrées les plus méridionales contiennent à peu près trois fois autant d'Euphorbiacées que celles qui sont plus au nord. Celles-ci même en compteroient à peine un cinquième, si l’on retranchoit les espèces du genre £uphor- bia par lesquelles cette famille est presque exclusivement représentée sous notre latitude (x). (1) Pour l’habitation des plantes je n’ai eu souvent à consulter que les ouvrages généraux où ces indications sont presque toujours vagues et quelquefois peu au- thentiques. Ces calculs , d’ailleurs approximatifs, sont donc bien loin d'être rigou- reux. Quoi qu'il en soit, voici les résultats que j'ai obtenus. Total des Euphorbiacées, environ 10/0. Europe et littoral de la Méditerranée....... 130, c’est-à-dire, de la totalité. $ Ganaries.f,. . fee secepiecides selles « MMRO LD efifn eee dise Congo/etiSenepales ec e-neenemene sn 20 ee Ronde . Cap de Bonne-Espérance........... nee OO ee Det eee es = Uane Iles de Madagascar , deFrance, Bourbon, etc. 50............. —. Arabiefet Perse. et Retee Etb UNS RERT ARCS Indes orientales , avec leur archipel. ...... 140............, 3. Chine, Cochinchine, Japon............. 42............. 2. ET Nouvelle-Hollande , et îles environnantes... 100.......,....+ o Hlesdelétmer duSnd. Rime tee Mme eee Amériqueïtémpérée ea en OR eee “1 Ex 3 Amériquetéquatorialer ane. MEME IS bDe Rens ereens Le reste sans habitation connue. Maïs ces rapports changeront beaucoup , si l’on retranche de chaque nombre, celui des espèces du genre Euphorbe. Le premier, par exemple, de 130 se trou- ©] 1 Famizrze pes ÉurnorsrAcées. 391 © L'influence de l'habitation ne se fait pas moins sentir dans la structure et la forme des Euphorbiacées que dans leur nombre. Presque toutes sont des arbres ou des arbrisseaux sous les tropiques; dans des climats plus tempérés ce sont, la plupart, des plantes herbacées. Elles n’échappent pas non plus à cette propriété que semblent avoir certains pays, d’im- primer à toutes leurs productions végétales une forme singu- lière et distinctive. Ainsi l’on retrouve dans des Euphorbes du Cap l'aspect qui est si général dans cette contrée, et qu’in- diquent les noms spécifiques de cortfolia , ericoides, gents- toides, etc. On en peut dire autant des C/uytia, qui en sont presque tous originaires. Dans le petit nombre d’espèces de la Nouvelle-Hollande que j'ai pu examiner, quelques-unes rapportées à des genres déjà connus s’éloignent, par leur port, de leurs congénères ; d’autres doivent former des genres nouveaux, dont les analogies ne se reconnoissent souvent qu'avec peine, et sont masquées en quelque sorte par des formes différentes de celles de l’ancien et du nouveau conti- nent. Propriétés.— Composition. — Les Euphorbiacées se dis- üunguent encore par l’uniformité des propriétés excitantes, souvent même délétères, qu’elles possèdent à peu d’exceptions près, et qui, dispersées inégalenrent dans les différentes parties veroit réduit à 18; le dernier de 350 à 300. Le premier perdroit donc presque ses 5 le dernier seulement ÿ. Il en résulte que ce sont les espèces du genre Euphorbe qui dans la zone tempérée , surtout dans l’ancien continent, balancent un peu le nombre relativement beaucoup plus grand des plantes de la même famille dans la zone équatoriale; et que sans elles, le rapport -L que j'ai indiqué entre les Eu- phorbiacées des deux zones, auroit un dénominateur plus grand. 322 FAMILLE DES EUPHORBIAGÉES. du végétal, semblent presque constamment concentrées dans l'embryon. La chimie jusqu'ici ne s’est que peu occupée de leur composition, dont l’étude eût éclairé celle de ces pro- priétés; mais elle paroit offrir la même uniformité. Beaucoup fournissent un suc àcre et laiteux, dans lequel domine un principe gommo-résineux; leur graine contient une huile assez abondante, et l'on rencontre dans plusieurs le caout- chouc qu'on retire particulièrement d’un arbre de cette fa- mille, le Sphonia elastica. Un principe colorant, le même sans doute que celui du tournesol, semble devoir exister encore, non-seulement dans plusieurs espèces de croton, mais dans d’autres genres ( Ærgytharnnia , Ditaxis, Claoxy- lon, ete.) dont différentes parties offrent une teinture analogue. Je passe maintenant à l’objet spécial de ce mémoire : 10. L'examen des différens organes et de toutes les modi- fications qu'ils présentent dans les Euphorbiacées; 2°. les règles qu'on peut en déduire pour l'établissement des genres et d’une série qui satisfasse le plus possible à toutes leurs af- finités. PREMIÈRE PARTIE. Séparation des Sexes.— Les sexes sont constamment sé- parés dans les fleurs des Euphorbiacées; du moins je n’en ai jamais rencontré d’hermaphrodites. Quelques genres, il est vrai, sont indiqués comme tels par des auteurs; mais dans les uns (Breynia, Xylophylla, etc. ) la description offre trop d'imperfection et d'obscurité pour qu’on puisse en tirer des conclusions rigoureuses; dans d’autres on a pu être trompé par la présence de pistils rudimentaires qui existent assez fré- FamiLce DES ÉUPHORBIACÉES. 323 quemment dans les fleurs males. Tantôt ils sont sessiles (Amanoa, Savia, Richeria, etc. ), tantôt élevés sur un pé- dicule que leur forment les filets des étamines inférieurement soudés (Ændrachne, Cluytia, Ditaxis, etc.). Ce sont ordi- nairement de petites masses globuleuses, ovoides où coni- ques , divisées quelquefois en autant de lanières qu'il y au- roit de styles ou de stigmates dans le véritable pistil. En gé- néral leur forme est trop différente de celui-ci pour donner lieu à une méprise. Il peut arriver cependant qu'elle s’en rapproche beaucoup (plusieurs Jatropha), mais ils sont constamment stériles, et l’on ne reconnoit en les ouvrant, ni d’ovules, ni le plus souvent de cavité, mais une chair con- tinue. Les fleurs femelles offrent aussi quelquefois des traces d’é- tamines (plusieurs J'atropha), et d’ailleurs, à cause de l’ex- trèême petitesse de la plupart de ces fleurs , les glandules jau- nâtres souvent situées autour de l'ovaire ont pu être prises pour des anthères dans un examen superliciel. Il est possible enfin que les étamines se développent quelquefois tout-à- fait, qu’une fleur d'Euphorbiacée se présente bien réellement hermaphrodite (PAyllanthus longifolia. Jacq. hort. Schœænb. tab. 194.—Castiglionia. Ruiz-Pav. Prodr.,tab. 37);maiselles ne le sont pastoutes sur le même pied, ou bien elles ne le sont aucune dans un autre échantillon, et 1 on ne peut rien conclure pour le caractère de la famille de ces exceptions purement accidentelles. Enveloppes florales. —Si l’on passe à l'examen des enve- loppes florales, une question intéressante s'élève. Les Eu- phorbiacées ne peuvent-elles pas ou peuvent-elles offrir une 324 Famizze pes EurnonpiAcéEs. corolle? Un auteur savant, dont je dois à double titre ré- vérer les décisions, paroït adopter le premier point de vue ; il place cette famille dans les apétales, et explique par l’exis- tence d’un double calice ou d’appendices pétaloïdes, l’ap- parence de corolle qu'on y rencontre assez fréquemment. Cette opinion cependant me semble pouvoir être combattue par plusieurs considérations. Admet-on un double calice? Mais l'enveloppe intérieure n’est pas de la même nature que l'extérieure; son tissu est différent, elle tombe séparément , et, jajoute un point important, la préfloraison de la pre- mière n’est presque jamais en rapport avec celle de la se- conde. Regarde+-on l'enveloppe pétaloide comme étant constituée par des appendices ? on sera forcé de lesmultiplier considérablement ; car le plus souvent il en existe intérieure- ment une autre rangée, quelquefois double, et ceux-là offrent la structure ordinaire à ces sortes d'organes; ils sont ou glar- duleux, ou écailleux, ou membraneux, alternant souvent avec l'insertion des étamines, Quandune fleur (comme celle de plusieurs espèces deJatro- pha ) présente une enveloppe extérieure à plusieurs divisions régulières, plus ou moins profondes, continue au tégument du support et semblable à lui, avec une seconde enveloppe intérieure , indépendante de la première qu’elle déborde, teinte de couleurs plus ou moins brillantes, cette fleur exa- minée isolément sera certainement décrite comme pourvue de calice et de corolle. On pourra rejeter ensuite l’existencede celle-ci par l'examen comparatif de cette plante avec celle de la mème famille, la plupart apétales; mais il faudra ne le faire qu'avec circonspection; placé entre ces deux nécessités de FamiLLE DES EUPHORBIAGÉES. 325 modifier ou les caractères de la famille, ou ceux de la co- rolle en général, il ne faudra prendre ce dernier parti que forcé par l’analogie et pour expliquer des exceptions peu nombreuses. Or plus de quinze genres de la famille des Eu- phorbiacées ont une enveloppe pétaloïde. D'un autre côté si l'absence ou la présence d’une corolle , la réunion ou la dis- ünction des pièces qui la composent ont de l’importance sur- tout comme étant liées à tel ou tel mode d'insertion, il est possible qu’elles cessent d’en avoir autant dans une famille dégagée en quelque sorte des lois de l'insertion par la sépa- ration des sexes. On trouve dans les Euphorbiacées des genres évidemment voisins, bien plus, des espèces d’un même genre (Jatropha), qui diffèrent par leurs fleurs apétales ou péta- lées. La corolle y joue donc un rôle bien secondaire, si, comme il le semble, on doit donner ce nom à l’enveloppe intérieure de quelques plantes de cette famille. Remarquons cependant que dans quelques unes (Ændra- chne, Cluytia, Codiæum ), Vinsertion et la structure mem- braneuse des pétales justifient l’autre manière de les consi- dérer et que souvent ils manquent dans les fleurs femelles , et se trouvent dans les mâles : circonstance qui pourroit ser- vir à expliquer leur formation et leur nature. Calice. — Les enveloppes florales dans les Euphorbiacées sont donc un calice, quelquefois une corolle, et le plus sou- vent en outre différens appendices intérieurs. Dans un très- petit nombre ( £xcæcaria, Commia, etc.) , aucune de ces enveloppes n'existe; l’inflorescence se rapproche alors de celle des Amentacées; une bractée écailleuse porte les organes de la fécondation, munis de quelques squamules irrégulières, et Mémn. du Muséum, t. 10. 43 326 Famizze pes EuPrHoRBIAGÉES. l’on ne pourroit leur appliquer le nom de calice qu'en con- tredisant les définitions recues de cette partie de la fleur. Dans toutes les autres on rencontre un calice ordinairement d’une seule pièce à plusieurs divisions, le plus souvent très- profondes : leur nombre le plus fréquent est cinq, puis vien- nent quatre, trois, deux. Dans fort peu de genres, il est formé de plusieurs pièces distinctes. Il arrive souvent qu'il nest pas le même dans les fleurs mäles que dans les femelles; tantôt c'est par la forme qu’il en diffère ( Micranthea, etc. ), tantôt par le nombre des divisions ( Æpistylium, Tragia, eic.), souvent par ces deux caractères réunis (Tournesol, etc, ). Corolle. —La corolle, lorsqu'elle existe, est composée de plusieurs pétales, généralement en nombre égal aux divisions du calice et alternant avec lui ( Croton, Ricinocarpos, ete.), quelquefois en plus grand nombre ( Ælæococca, Aleuri- tes, etc.) : ce nombre m'est au-dessous de cinq que dans un genre ( Ærgythamnia), et n’est au-dessus que dans un seul autre ( Garcia ). Plus rarement ( Mozinna, quelques J'atro- pha), la corolle est d’une seule pièce à sa base, soit que celles dont elle est formée se soient soudées entre elles par leurs bords inférieurs, comme on le voit souvent dans le Tournesol, soit aussi, pour ne pas admettre sans nécessité absolue ces soudures dont on doit faire un usage circonspect dans les explications botaniques, à cause de la moindre im- portance qu'a dans des plantes diclines la différence des co- rolles mono ou polypétalées. Appendices. — Les appendices dont les enveloppes flo- rales sont, en général, munies à l’intérieur, varient par leur forme et leur organisation. Tantôt ce sont de petites glandes nn FAMILLE DES EuPHorBIACÉES. 327 séparées, qui se réunissent d’autres fois en un anneau ou un disque charnu; tantôt ce sont des écailles ou des membranes qui peuvent aussi être distinctes, ou se souder en anneau ou en couronne. Dans quelques fleurs femelles, c’est un tube qui environne l'ovaire plus ou moins complétement, simu- lant une troisième enveloppe (Æmblica, Briedelia), ou semblant quelquefois faire partie de l'ovaire même, et en être une tunique extérieure ( Æleurites). Je ne m’arrète pas sur les formes différentes de ces appendices qui peuvent d’ailleurs changer dans le développement progressif de la fleur, et dont la description exacte doit rentrer dans celle des genres, et surtout des espèces. Je fais remarquer seulement qu'ils sont presque toujours en rapport par leur nombre et leur situation avec les autres enveloppes florales, mais que leur structure et leur position sont quelquefois autres dans les fleurs mâles que dans les fleurs femelles. [ls peuvent être alternes dans les premières, opposées dans les secondes; glan- duleux dans les uns, formant dans les autres un disque ou un anneau membraneux. Préfloraison des enveloppes florales. — I est un autre caractère qu'on avoit négligé jusqu'à une époque récente, c'est la disposition relative des différentes païties de la fleur dans le bouton qu'on appelle estivation ou préfloraison. Cette disposition relative des différentes pièces qui composent les enveloppes florales n'existe cependant pas exclusivement avant l'expansion de la fleur; elle est seulement plus mani- feste alors par le plus grand rapprochement des parties. Il est clair, en effet, qu’elle dépend de l'insertion de ces pièces : ainsi en déterminant par une inspection attentive cette in- 43" 328 Famizze Des EvupnongrAcées. sertion dans la fleur éclose, on peut prononcer, jusqu’à un certain point, quelle a dù être la préfloraison. Si les pièces naissent exactement verticillées, elles doivent se toucher par leurs bords ou par leurs faces pliées longitudinalement ; si elles naissent en.cercle, mais chacune sur une ligne un peu oblique, chacune doit recouvrir par un de ses bords celle qui est de son côté le plus bas, et être recouverte de même par celle qui est de l’autre côté; si enfin elles naissent les unes plus bas, les autres plus haut, les inférieures doivent recou- vrir les supérieures. Voilà quels me paroissent être les trois modes principaux de la préfloraison. La première a été nom- mée valvaire, si les pièces se touchent par leurs bords, in- duplicative, si c'est par leurs faces pliées; la seconde, tordue; la troisième n’a pas reçu de nom général. Ne pourroit-on pas lui appliquer celui d’enveloppante ou convolutive, destiné à spécifier le cas où les pièces s’enveloppent l’une lautre successivement de l’extérieur à l'intérieur (1) ? Après ces détails, il suflit d’énoncer que dans les Euphor- biacées la préfloraison du calice est ou valvaire ( Croton, (1) Ce mode de préfloraison , pouvant devenir caractéristique dans des familles ou des sections de familles entières, a besoin d’être désigné sous un nom général, sans qu’on soit obligé de recourir aux différens noms par lesquels on a spécifié les modifications secondaires qu’il peut offrir suivant le nombre des pièces, leur in- sertion plus où moins haute et leurs formes diverses. Relativement au nombre : s’il y a deux pieces seulement, l’une recouvrira l’autre; s'il y en a trois, une sera extérieure , une intérieure, une intermédiaire aux deux premieres; s’il yena cinq, deux seront extérieures , deux intérieures , une intermédiaire ( Préfl. quinconciale D. C.); si leur nombre est pair , les pièces du rang inférieur recouvriront celles du supérieur en alternant avec elles (Préfl. alternative D. C.). D’autres fois les pièces inférieures peuvent ne couvrir que la base des supérieures (Préfl. imbricative D.C ). Relativement à la forme, on distingue les préfloraisons vexillaire, cochleaire, ekce : FAMILLE DES EuPnorBrAcÉEs. 329 Acalypha, Ricinus, etc. ), ou convolutive (PAyllanthus, Buxus, etc. ), et que celle de la corolle, presque constam- ment différente de la première, comme je l'ai dit plus haut, est tantôt convolutive ( Croton, Aleurites, etc. ), tantôt, et plus rarement, tordue (Jatropha, Elæococca ). Préfloraison des étamines. — Quant aux étamines, dans le bouton, elles peuvent, comme M. Kunth l’a observé, se présenter sous deux états différens. Tantôt le filet a déjà toute la longueur qu'il doit atteindre, et alors, s’il doit être saillant, il est nécessairement plié ou tordu sur lui-même; tantôt son développement n’a lieu qu'après l'expansion de la fleur, et dans la préfloraison il est dressé, court, quelque- fois même presque nul. C’est sous ce dernier état qu'il s'offre presque toujours dans les Euphorbiacées; on le trouve ce- pendant plié en dedans sur lui-même dans toutes les vraies espèces de Croton. Étamines. — Surface d'insertion. — ie nombre des éta- mines ne dépasse pas dix dans la plupart des Euphorbiacées; il peut cependant être plus grand et même indéfini. Dans ce dernier cas, la surface sur laquelle les filets s'insèrent doit nécessairement être plus étendue; c’est un réceptacle, tantôt plane, tantôt convexe ou conique, ou cylindrique, formé d’une substance le plus souvent charnue ou glanduleuse. Les filets sont alors libres ou soudés entre eux seulement par leur partie inférieure. Si les étamines sont en petit nombre, deux cas se présentent : tantôt il existe un rudiment de pistil central; alors les filets insérés au-dessous et séparés par lui, ne se soudent pas ( Buxus, Richeria, etc. ), ou s'ils se soudent, le rudiment du pistil est renfermé dans cette sou 330 Fanizze Des EurnorprAcées. dure, comprimé, linéaire, élevé sur un pédicule. Tantôt il n'existe pas de pistil rudimentaire; alors les filets s’insèrent au centre et au fond de la fleur. Dans ce cas, leur soudure, sans être constante, est cependant très-fréquente à cause de leur grand rapprochement; elle a lieu ou en partie (PAhyt- lanthus, Jatropha, ete. ), où complétement. Si elle est complète, ou bien tous les filets étoient égaux, et il semble alors qu'il en existe un seul chargé à son sommet de plusieurs anthères qui souvent paroiïssent elles-mêmes réunies entre elles par leurs faces internes ( Æmblica, Maprounea, etc. ); ou bien les filets étoient inégaux, et alors on a une colonne sur laquelle les anthères sont dispersées ou le plus souvent verticillées (Szphonta, Hura, etc. ), parce que l'inégalité des filets avoit lieu avec une certaine régularité. Les Euphorbiacées sont donc diandres, pentandres, po- lyandres, monadelphes, polyadelphes, syngénèses, disper- sées, en un mot, dans denombreux ordres du système linnéen, d’après une circonstance variable, souvent dans le même genre, savoir : la surface plus où moins étendue d'insertion des filets qui détermine leur distinction ou leur soudure, et le degré de cette dernière, Si la classe des plantes diclines étoit détruite et qu’on transportât les familles qui la composent au milieu des fa- milles à fleurs hermaphrodites, en ayant toujours égard, dans leur classification, aux lois qui dérivent de l'insertion des étamines , il paroit qu'on devroit regarder comme hÿpogy- nique celle des Euphorbiacées. Elle est démontrée telle par le point d'attache des filets au-dessous du radiment da pistil, lorsque celui-ci existe, et, lorsqu'il n’existe pas, sur le pro- FauiLzzE DES ÉUPHORBIACGÉES. 331 longement du pédicule, au centre de la fleur ou sur le disque charnu qui occupe le fond de sa surface intérieure, On en rencontre néanmoins un très-petit nombre où ce point d’at- tache est sur le contour, mais toujours un peu au-dessous, d’un disque semblable ( Drypetes, Janipha, une espèce d'Adelia ). Filets. — Les formes des filets sont diverses ;ils sont planes, ou le plus souvent cylindriques; dans un genre (Leptonema), ce sont des fils d’une extrème ténuité. Ils varient aussi par la soudure; s'ils se séparent, c’est à la même hauteur, ou c’est à des hauteurs différentes, et ils paroïssent alors comme ra- meux ( /tcinus, Ricinocarpos, etc. ). S'ils sont réunis dans toute leur longueur, ils forment quelquefois au sommet un renflement, remarquable surtout dans l'Orrphalea, où il rappelle la forme du chapeau d’un champignon. Anthères. — La structure des anthères qui a été le plus souvent passée sous silence ou décrite inexactement à cause de la petitesse des fleurs, mérite cependant de fixer l’atten- tion par sa variété et les secours qu'elle peut fournir dans la distinction des genres. Je les ai constamment trouvées à deux loges, s’ouvrant chacune en dehors dans le sens longitudinal. Il est vrai qu'on en a décrites comme s’ouvrant transversale- ment, comme étant uni ou multiloculaires ; maissur ces points les méprises sont faciles. Quant à la déhiscence, il est vrai qu'en apparence elle est quelquefois transversale; mais il faut examiner soigneusement la direction du filet qui, dans ce cas, vers son extrémité supérieure devient horizontale, de verticale qu'elle étoit; alors il est nécessaire que l’anthère paroisse s'ouvrir horizontalemeut, précisément parce que la 332 FAMILLE DES EUPHORBIACÉES. ligne suivant laquelle elle s’ouvre est parallele au filet, pré- cisément parce que la déhiscence a lieu dans la longueur. Quant aux anthères multiloculaires (Nyrphanthus, Com- mua, etc. ), on doit se souvenir que plusieurs sont quelque- fois soudées en partie par leurs faces internes, et de là une erreur qu'on corrige aisément par un examen plus attentif; ou bien encore, d’autres fois, on a négligé d'ouvrir l’anthère, et les sillons souvent profonds suivant lesquels la déhiscence a lieu, ont été regardés comme des indices de cloisons inté- rieures, qui n’existoient pas dans la réalité. Enfin, pour celles qu’on a décrites comme uniloculaires, il paroît qu'on a regardé deux loges d’une même anthère comme eonstituant des anthères distinctes (Sapium, Maprounea , ete. ). Les formes variées des anthères peuvent fournir d’utiles indications pour certains rapprochemens. Le plus souvent leurs loges sont soudées entre elles immédiatement ou par l'extrémité du filet. Cependant il n’est pas rare de voir ces loges tout-à-fait séparées. Dans ce cas elles se réunissent au sommet du filet au moyen d’un petit connectif ordinaire- ment graniforme , distinct par sa couleur et envoyant quel- quefois sur la surface externe de la loge une ligne colorée de mème suivant laquelle doit se faire la déhiscence ( Aer- curialis, Amperea, etc. ). Ces loges séparées sont tantôt dressées (C/æoxylon), tantôt pendantes (Æmperea). Mais il ne faut pas en général attacher de l'importance à cette direction qui peut varier suivant les différentes époques de la floraison. Leur forme mérite plus d'attention : elles sont globuleuses ( Mercurialis, beaucoup d'£uphorbes ), et constituent alors par leur réunion ce que Famizze DES EurPHorBIACÉES. 333 les auteurs appellent ordinairement anthères didymes; ou ovoides( Æmperea, Leptonema), et pendantes à la manière des deux bouts d’une besace; ou cylindriques et oblongues. On doit remarquer surtout celles de lÆcalypha qui présentent cette dernière forme et rappellent celle d’un ver par leur allongement et leurs flexuosités: c’est un caractère sûr pour distinguer de toute autre une espèce de ce genre. Styleset Stigmates.—Dans les fleurs femelles, les stigma- tes sont tantôt portés immédiatement sur l'ovaire, tantôt pla- céssur les styles, soit à leur extrémité, soit sur leur contour, et surtout le long de leur face interne qu'ils occupent quelque- fois depuis le haut jusques en bas. Il est peu difficile dans le plus grand nombre de cas de distinguer sur le style la partie qui lui appartient en propre de celle qui appartient au stig- mate. La première continue à la surface de l’ovaire lui estsem- blable en général. La seconde est ordinairement glanduleuse, souvent découpée en un grand nombre de languettes, quel- quefois même plumeuse , organisée enfin de manière à s’im- prégner du pollen et à le retenir. Mais il peut arriver, et cela n’est pas très-rare, qu'il devienne presque impossible de reconnoitre la portion stigmatique du style, à cause de l’uniformité que présente toute la surface de celui-ci : ce sont les cas où les auteurs dans la description des stigmates se sont contentés d'en exprimer le nombre par celui des styles ou de leurs divisions. L’examen des organes sur la plante vi- vante leveroït alors probablement le doute ; mais je n’ai pu le faire le plus souvent dans l'étude d’une famille presque entièrement exotique. Les styles partent constamment du sommet de lovaire, Mém. du Muséum. t. 10. 44 33/4 Famizze DES EuPpHonrprAcÉEes. mais leur point de départ peut avoir lieu sur une surface plus ou moins étendue. Tantôt l’ovaire se rétrécit insensiblement vers le sommet, et les styles se soudent en un seul qui en semble le prolongement. Tantôt la surface s’élargit un peu et les styles , quoique se touchant à leur départ, sont distinets, au moins dans leur plus grande partie. Tantôt enfin l'ovaire offre à son sommet une sorte de replat sur le contour duquel s’implantent les styles ( Burs ); leurs insertions circonscrivent alors un certain espace et ne sont plus dans la même ligne que l’axe de l'ovaire. Quant à leur autre extrémité, ils sont tantôtindivis, tantôt divisés ou irrégulièrement (Æcalypha, Caturus), ce qui est le plus rare , ou régulièrement, le plus souvent en deux par- ties qui peuvent se subdiviser elles-mêmes par dichotomie , quelquefois en un plus grand nombre. Mais dans tous les cas, le nombre des styles ou des divisions du style, des stigmates ou des lobes stigmatiques est dans un rapport constant avec celui des loges de l'ovaire, de manière qu'un faisceau de vaisseaux polliniques doit toujours arriver à chaque loge. Les stigmates de plusieurs genres doivent être signalés comme s’éloignant de la forme plus généralement observée dans cette famille. C’est ainsi que celui du Dalechampia s'é- vase souvent en entonnoir au sommet d’un style indivis; ceux du Pluknetia et du Hura sont peltés, le premier à quatre lobes ponctués à leur partie moyenne, le second à 12 ou 18 rayons, et remarquable par son diamètre qui excède beau- coup celui de l'ovaire. Dans le Jarnipha trois stigmates dé- coupés en plusieurs lobes forment par leur réunion une masse marquée de sillons profonds et irrégulièrement sinueux. Dans Famizze DES EUPHORBIACÉES. 335 un genre nouveau ( Gy700n ) ils offrent la forme d’un seg- ment de sphère tronqué à sa partie inférieure, et se soudent en un corps ovoide deux fois plus gros que l'ovaire mème. Opaire et Fruit. —1T reste à examiner l'ovaire et les ovu- les, le fruit et les graines, et les changemens successifs qui ont lieu dans le passage du premier état au second. Opaire.— Fruit.—Si l'on coupe un ovaire d'Euphorbia- cée peu avancé, on observe plusieurs cavités ou loges dispo- sées régulièrement en cercle autour d’un centre plein et ren- fermant chacune un ou deux ovules suspendus supérieure- ment à l’angle interne. Le centre , l'enveloppe extérieure et les cloisons qui vont de l’un à l’autre, sont d’un tissu homo- gène et continu. Il n’en est plus de même, si on l’ouvre à une époque voisine de la maturité. On distingue alors, 1°. un tégument extérieur, général, de constance variable; c’est le sarcocarpe ; 2°, un tégument intérieur de consistance ligneuse qui, de distance en distance se replie vers le centre, et forme ainsi un rang circulaire de loges ; c’est l’endocarpe ; 30. un pla- centaire ou axe central. Sarcocarpe.— Vie sarcocarpe est le plus souvent assez mince (Æwphorbia, Croton , etc.); souvent encore il est d'un tissu plus épais, dans lequel dominent les fibres ( £/æococca, Siphonia, etc. ). Il peut enfin être tout-à-fait charnu ( E£rmn- blica, Hippomane, etc.), mais c’est le cas le plus rare. Il n’est pas besoin de détailler les différens états de sa surface exté- rieur (epicarpe), tantôt lisse, tantôt variqueuse ( Ormphalea triandra, etc.) ou rugueuse, glabre ou couverte de poils, inerme ou armée d’aiguillons ( Ricin , Ricinocarpos, etc. ). Cette consistance variable du sarcocarpe a fait que certains 44" 336 Famizze DES EUPHORBIACÉES. auteurs ont appelé tantôt drupes , tantôt noix, tantôt baies, les fruits de certaines Euphorbiacées, dont la structure ne ré- pond cependant pas à la définition de ces noms. On eût évité cet inconvénient, si dans ces cas on eût substitué au mot technique mal appliqué, une courte description qui indiquât la modification du sarcocarpe plus ou moins charnu. Il existe pourtant un genre (le Xirganelia) dont le fruit mérite le nom de baie, ce qui est dû sans doute à l’extrème ténuité de l’en- docarpe. Endocarpe ou Coques.— Les loges à parois ligneuses plus ou moins épaisses formées par l’endocarpe, portent dans le fruit de la plupart des Euphorbiacées le nom de coques. Elles sont alors presque indépendantes les unes des autres, et cons- tituent en quelque sorte autant de fruits distincts, mais liés extérieurement parune enveloppe commune et recevant leurs vaisseaux d’un même tronc central. Ces coques présentent chacune une face externe convexe , une face interne formée de deux plans réunis sous un angle plus ou moins obtus. Ces plans touchent les plans semblables des deux coques voisines avec lesquels ils contractent quelques adhérences vasculaires; cet angle correspond à l’axe central , et présente vers son som met une ouverture pour le passage des vaisseaux de la graine. Dans un petit nombre de genres les coques à parois très- épaisses se soudent entièrement entre elles, et forment ainsi un seul noyau multiloculaire( Æippomane, etc.) Ce noyau est remarquable dans le fruit de l’{rda du Brésil, où il est percé de trois ouvertures, deux latérales situées un peu au-dessous du sommet l’une vis-à-vis de l’autre , une inférieure centrale destinée sans doute au passage des vaisseaux. Famicee DES EUPHORBIACÉES. 337 Placentaire ou Axe.—VLe placentaire ou axe central du fruit des Euphorbiacées se présente ordinairement sous la forme d’une columelle légèrement dilatée à son sommet, souvent prismatique dans son contour et quelquefois comme ailée à cause des portions de cloisons qui y restent attachées. Plus rarement l’axe est court, épais et conique. Enfin il peut n'être nullement distinct. Vaisseaux. — Les vaisseaux destinés à la nutrition de l’o- vaire et du fruit, parvenus au sommet du pédoncule, se sé- parent en deux systèmes. Les uns se répandent sur la surface extérieure, se distribuent dans l’épaisseur du sarcocarpe et sur la face externe des loges. Les autres forment l'axe ou faisceau central qui s'élève perpendiculairement en jetant des ramifications sur la face interne des loges, et vers le som- met de celles-ci se divise en fascicules en nombre égal à celui de ces loges. Ces fascicules réunis à ceux des vaisseaux du stigmate constituent les funicules ombilicaux. Ces vaisseaux se solidifient à mesure qu'en approche de la maturité, et, lorsqu'elle est parfaite, ils ont cessé d’être per- méables aux fluides, les adhérences qu'ils établissoient se dé- truisent , les coques se détachent des coques voisines et du faisceau central qui persiste sous les formes que j’ai décrites. Voilà ce qui a lieu dans le plus grand nombre de cas. Plus ra- rement le faisceau central paroît ne pas exister; c’est ce qu’on voit dans les fruits où les diverses parties, au lieu de se dessé- cher ainsi, restent imprégnées de plus de fluides, et où par conséquent les vaisseaux qui ne se solidifient et ne se déta- chent pas , se confondent avec le tissu environnant, comme cela avoit lieu dans l'ovaire. C’est aussi dans ceux où se trouve 338 FAMILLE DES EUPHORBIACÉES. un noyau multiloculaire, et où le faisceau central embrassé et comprimé par lui, finit par en faire partie. Ce n’est donc pas un caractère nécessaire des Euphorbia- cées d’avoir un axe ou faisceau central persistant. Ce faisceau, distinct ou non, doit exister toutes les fois que l’on trouve un rang circulaire de loges contenant des ovules suspendus vers le sommet du côté interne. Cette disposition des loges et des ovules est le caractère important. Délhiscence. — A la maturité les coques en général se séparent élastiquement en deux valves, dont l'existence étoit antérieurement indiquée par, une suture plus ou moins dis- tincte. Cette déhiscence commence presque toujours par le côté interne qui étoit le plus faible. Dans le plus grand nom- bre, l'enveloppe extérieure moinssolide que les paroisligneuses des coques, les suit dans leur séparation et tapisse l'extérieur des valves. Dans d’autres cas plus rares, c’est l'enveloppe qui est plus solide que les coques, et quiles entraine avec elle dans la déhiscence: c’est ce qu'on observe par exemple dans le buis, dont le fruit se sépare en trois portions, emportant cha- cune deux moitiés de loges. Quelquefois l'enveloppe exté- rieure se détache des coques et tombe à part. Enfin, du tissu charnu et succulent de l'enveloppe extérieure, de la soudure des coques en un noyau solide, peut résulter l'indéhiscence complète. Nombre des loges. — "Trois est le nombre le plus fréquent des loges. Il est assez souvent aussi borné à deux, mais peut être porté à 4,5, 6,7,8,10, 12, jusqu'à 18 (Aura). Je ne pense pas qu'on doive attacher une grande importance à ce nombre des loges. Car non-seulement les espèces d’un mème Famizze DES ÉUPHORBIACÉES. 339 genre en offrent quelquefois les unes 2 ou 5, les autres 4 ou 5, et cela sans avortement: mais sur une seule branche etmême sur un seul épi, on peut trouver des fruits les uns à deux, les autres à trois coques. Dans deux genres ( Drypetes, Macaranga) on rencontre une loge unique. Mais cette unité n’est qu'apparente; car on a pu observer dans quelques échantillons une seconde coque accolée à la première : et d’ailleurs, la position latérale du style et de la graine, quelquefois même la trace d’une loge avortée, indiquent que leur nombre réel étoit deux. Le genre Crotonopsis , évidemment voisin du Croton, offre la seule véritable anomalie. Car, quoique son style un peu recourbé se partage en trois portions bilobées, je n'ai jamais pu trou- ver ni dans le fruit, ni dans l’ovaire, qu'une seule loge et une seule graine pendue à son sommet. Graine. —Situation.— Dans le fruit, de même que dans l'ovaire , la graine est presque constamment suspendue au côté interne et un peu au-dessous du sommet de la loge. Dans quelques. cas fort rares cependant (plusieurs PAyllan- thus, Glochidion), son point d'attache se rapproche de la base;elle paroït ascendante et l’onseroit tenté alors de regarder la plante comme appartenant à une autre famille. Mais l’a- valyse de l’ovaire où l’ovule étoit suspendu , prévient cette erreur. Elle doit être attribuée à ce que l’axe ou faisceau cen- tral est resté très-court , que son développement n’a pas été proportionné à celui de la graine et du reste de la loge, dont le sommet géométrique, porté alorsenhauteten dehors, cesse de correspondre avec son véritable sommet botanique, c’est- à-dire celui de l'axe ou côté interne. Dans ces circonstances, 340 FAMILLE DES EuPHORBIACÉES. si la loge avoit deux graines, il peut arriver qu’elles se su- perposent, et que l’une paroisse ascendante, l’autre descen- dante (Glochidion , Anisonema ) (1). Attache.—1Vie funicule qui suspend la graine est ordinai- rement court et peu épais. Au-dessus d'elle, il se dilate en un arille charnu qui la couronne ou la recouvre. Dans cer- tains genres cependant l’attache des ovules offre quelque différence. Dans le Sayia par exemple, du haut de chaque loge (qu'on a décrite comme monosperme) pend une masse charnue, qui en remplit presque toute la cavité, et deux petits ovules sont implantés en bas et au dessous de cette masse, Elle diminue ensuite , et finit par disparoître presque entièrement à la maturité. On en observe une semblable, mais beaucoup plus petite, dans l'Æmanoa, ainsi que dans un nouveau genre ( Lep- tonema ), où sa surface inférieure est parcourue par les deux cordons qui supportent les ovules. Ces corps paroïssent une dilatation du funicule ou de larille. Forme.— Les graines globuleuses, ovoides, cylindriques oucomprimées, présentent en général la même forme que les coques; elles se moulent les unes sur les autres : lorsqu'il y en a deux dans la même, elles s'aplatissent sur les faces en (x) Souvent alors le fruit est déprimé et creusé d’un ombilic assez profond à son sommet, quise trouve ainsi plus bas que celui des loges. Souvent aussi l'ovaire étoit charnu, avec des loges tres-petites et situées près de sa base : l'axe dont le som- met étoit alors fort distant de celui de l'ovaire , peut ne pas se prêter à un allon- gement suflisant. Il n’atteint plus l'extrémité supérieure du fruit et il y 4 solation de continuité entre eux deux. Famizre pes EurnorBrAcées. 341 contact , et c’est alors qu’elles sont ordinairement anguleases du côté interne. (PAyllanthus , etc.) T'égumens. — Leurs tégumens sont, 1°, l’arille; 20. une enveloppe extérieure écailleuse, ou test ; 3°. une enveloppe intérieure membraneuse ou pellicule. Dans le S//lingra sebifera , les graines en outre sont entourées d’une matière grasse analogue au suif et employée en Chine aux mêmes usages. Arille. — Y’arille se présente sous la forme d’un demi globe où d’un disque charnu, blanchätre ou transparent, souvent marqué de stries rayonnées. Il envoie quelquefois sur la graine une expansion mince qui en se desséchant prend l'apparence d’une pellicule jaunâtre. Test. — Hile. — Raphé.— Chalaze. — Le test est à l’ex- térieur tantôt lisse (ÆRzcë, etc.), tantôt ponctué ( 47- drachne, etc.) , tantôt inégal et creusé de dépressions plus profondes ( Maprounea , ete.), ou ridé, où bien verruqueux (Elæococca , etc. ). Sa couleur luisante ou terne, panachée ( Ricin , etc.) ou noire (Burs ) ou grise, etc., présente en un mot de nombreuses variétés. Le test à son sommet et immé- diatement au-dessous de l’arille est percé par le funicule, mais au même point se détache de ce dernier un faisceau qui se dirige du côté interne et de haut en bas. C’est le raphé dessiné ordinairement par une ligne noirâtre superficielle, d’autres fois plus profond et peu distinct à la vue. Plus ou moins près de la base de la graine , ce faisceau traverse le test, et forme en s’épanouissant l’aréole connuesous le nom de chalaze. Le point qui lui correspond à l’extérieur , de même que le raphé, se distingue quelquefois difficilement; souvent il paroît sous la Mém. du Muséum. 1. 10. 45 342 Faire pes EuPHorBIACÉES. forme d’un petit cercle noirâtre. Dans quelques graines il com- mence à présenter un léger enfoncement; dans une espèce de Fluggea, c'est une petite cavité; dans quelques PAylanthus c'est l’entrée d'une cavité de la graine, distincte de celle qui loge l'amande. Enfin , dans le Gochidion ( Bradleïa, Gærtn.) le test forme deux cavités , l’une plus étroite et remplie par lamande, l’autre plus grande , vide, communiquant à l'ex- térieur par une ou trois ouvertures. Pellicule. — Amande.— ia membrane interne ou pelli- cule de lagraine, que M. Richard regardoit comme un simple décollement d’une enveloppe unique (Æprsperme, Rich.), n'adhère à la surface interne du test qu'aux environs de la chalaze , où les vaisseaux se ramifient sur elle en rayonnant. Elle contracte au même lieu des adhérences avec l’amande sur laquelle elle est, dans le reste de son étendue, simplement appliquée. Périsperme et Embryon. — V'amande est formée par un périsperme charnu, dont les deux lames, convexes sur leur face externe, s'appliquent par l’autre qui est aplatie sur l'embryon. Celui-ci a deux cotylédons planes, minces, ovales où arrondis , une radicule beaucoup plus courte qu'eux , cy- lindrique ou conique, supérieure. C’est par elle que l'embryon communique à l'extérieur et recoit ses vaisseaux. Si cette communication s'interromptavant la parfaite maturité, il avorte et alors c'est au fond de la graine et au-dessus de la chalaze qu’on trouve le rudiment de l'amande. La fécondation s'opère au point où le funicule perce l'enveloppe de la graine ; c’est là dans l’ovule qu’on commence à apercevoir l'embryon. L’amande est blanche ou d’un jaune de cire. L’embryon FAMILLE DES EUPHORBIACÉES. 343 y est ordinairement de la même couleur que le périsperme, ou s’en distingue seulement par une nuance plus pale. Ce- pendant sur une graine d'Euphorbiacée ( celle du Jatropha globosa), Gærtner décrit un embryon vert dans un péri- sperme légèrement transparent. Relativement à la masse totale de l’amande, celle du pé- risperme est très-considérable. Cependant elle diminue né- cessairement dans les graines comprimées, et surtout dans celles où l'existence d’une seconde cavité entraine un rétré- cissement plus ou moins grand de la cavité de l'embryon. Dans le Glochidion, ce n’est plus qu’une lame extrêmement mince , au point que Gærtner lui-même y révoque en doute l'existence du périsperme, Sa nature oléagineuse a permis dans les graines qui présen- tent un certain volume (Ricin, Elæococca, Aleurites, Jatro- pha) d'en tirer parti pour des usages domestiques. Plusieurs espèces sont même connues dans l'Asie sous les noms d’arbre à huile , arbre du vernis. Si ces huiles ne sont pas employées comme alimentaires, on doit l’attribuer sans doute aux pré- paratiôns grossières, qui, n’en séparant pas les principes àcres et irritans , rendroient leur usage désagréable et dangereux. Tiges et rameaux. — Les Euphorbiacées, considérées relativement à leurs tiges, présentent tous les degrés, depuis de petites herbes couchées ( 4ndrachne , ete.) jusqu’à de grands arbres ( Richeria, Anda, etc.) : mais ce sont les ar- brisseaux qui y sont les plus nombreux. La tige de certaines espèces d’euphorbes, charnue et succulente , relevée de côtes ou de tubercules , rappelle tout-à-fait la forme des cierges. Dans les Xylophylla, les derniers rameaux, singulièrement 45° 344 Famiree Des EurnorpiAcérs. dilatés et aplatis, ressemblent par leurs formes et leur cou- leur à des feuilles dont les crénelures porteroient des fasci- cules de fleurs. Aussi la plupart des auteurs les ont-ils décrits en effet comme des feuilles, opinion d'autant plus naturelle, que celles-ci manquent dans ces arbustes; mais qui est dé- mentie par l'organisation de ces prétendues feuilles, par leurs rapports avec les fleurs, et par plusieurs échantil- lons où le passage des rameaux d’un état à l’autre devient évident. Feuilles. — Tes feuilles sont généralement accompa- gnées de stipules le plus souvent très- petites et caduques. Elles sont alternes dans la plupart des genres ; dans un petit nombre seulement on les trouve fasciculées, principalement sur les jeunes pousses ; et dans un nombre moindre encore, on les trouve opposées, mais alors même il n’est pas rare d’en observer d’alternes sur d’autres branches (Wenarda , ete.) Ordinairement elles sont simples, tantôt entières, tantôt crénelées ou dentées ; tantôt partagées en lobes plus ou moins profonds , au nombre de trois ou cinq. D’autres fois , mais rarement , elles sont composées de trois où cinq folioles (Siphonia, Anda, Dalechampia pentaphylla et triphylla). Celles de beaucoup d'espèces de PAyllanthus et des genres voisins, petites et insérées alternativement sur un rameau simple, accompagné de plusieurs bractées à son point de départ , et se détachant facilement de la branche, res- semblent beaucoup à des feuilles pennées. Leur surface est glabre, ou revèêtue de poil, surtout dans les jeunes feuilles, assez fréquemment lisse et luisante, d'autres fois àpre, souvent marquée (l'inférieure surtout ) Famizze Des EuPnorsrAcées. 345 d'un réseau plus ou moins saillant formé par les nervures et les veines qui s’anastamosent. Elles sont sessiles ou plus souvent portées sur un pétiole de longueur variable. Au point de jonction du pétiole et du limbe de la feuille, ou à la base de celui-ci, il n’est pas rare d'observer une ou deux glandes. Préfoliaison. — Quant à l’arrangement des feuilles avant leur expansion, je n’ai pu l’observer que sur un petit nombre d'espèces. Dans ces plantes, le limbe ou chacun de ses lobes, s'il étoit multiparti, avoit ses deux moitiés pliées dans leur longueur ou ses bords roulés en dedans. En général, les feuilles s’enveloppoient l’une l’autre successivement de bas en haut, jusqu’à une dernière qui embrassoit les fleurs, quand elles étoient terminales. Bractées. — Dans presque toutes les Euphorbiacées, on trouve des bractées, mais on peut en distinguer de deux sortes, les unes plus grandes, dont l’analogie avec les feuilles est bien marquée , méritent véritablement le nom de feuilles florales; elles sont destinées généralement à envelop- per en tout ou en partie une réunion de fleurs. Ce sont elles qui forment l’involucre des Dalechampia, les collerettes si- tuées au-dessous des ombelles et des ombellules de beau- coup d’'Euphorbes. Dans les genres où les feuilles portent des glandes à leur base, elles sont ordinairement elles-mêmes glanduleuses (Sapin Hippomane, etc.). Les autres bractées, qui accompagnent chaque fleur ou chaque pédicelle en par- ticulier, sont petites, aiguës, écailleuses ou membraneuses. Elles sont quelquefois très-nombreuses, surtout sous les fleurs fasciculées ou conglomérées, et forment souvent alors 36 FamiLzze pes EuPHORBIAGÉES. elles-mèmes des pelotons qui persistent sur les rameaux, après la chute de ces fleurs (Securinega, plusieurs PAyl- lanthus et Adelia, etc. ). Fleurs. — Les fleurs de la plupart des Euphorbiacées sont d'une petitesse extrème, les mâles principalement, et leur analyse exige le secours d’une forte loupe, surtout si lon veut la pousser jusqu'aux derniers détails. Il étoit donc im- possible que leur description fût toujours exacte, faite d'après un examen rapide et superficiel, comme l’est quel- quefois nécessairement celui de quelques botanistes voya- geurs privés du temps et des instrumens nécessaires, On a dû négliger certaines parties; on a pu se tromper sur le nombre, la forme et la structure de quelques autres, mème sur leur nature. Il n’a pas même été difficile de prendre des fascicules de fleurs cachés à l’aisselle d’une petite bractée pour des étamines dans un calice incomplet. Inflorescence. — La disposition générale des fleurs ou inflorescence mérite de fixer l'attention dans cette famille; car elle est presque toujours la même dans deux genres voisins , et analogue, avec quelques variations légères, dans des groupes entiers. Mais dans l'étude de ce caractère et son application à l'éloignement où au rapprochement des genres, il ne faut pas s'arrêter au premier coup d’œil souvent trompeur. On sait en effet que l’inflorescence devient sou- vent fort différente en apparence, suivant des circonstances peu importantes, par exemple l'allongement ou le raccour- cissement des pédoncules et des pédicelles. Ainsi le Burs et le Tricera sont deux genres qui doivent être nécessaire- ment rapprochés, peut-être même confondus. Cependant, Famicze pes EuPpaorpracées. 347 l'un présente des paquets de fleurs, qui, entourés chacun d’écailles nombreuses et imbriquées, ressemblent presqu’aux têtes d’une fleur composée; l’autre a ses fleurs en grappes. La première de ces inflorescences paroît d’abord sans aucun rapport avec la seconde. Mais il en est autrement après un examen plus attentif dans lequel on a comparé la situation relative des bractées avec les fleurs, et des fleurs mâles avec les femelles. On voit alors que si dans le buis, l'axe central qui soutient la fleur femelle et les pédicelles latéraux presque nuls qui portent les fleurs mâles, venoient à s’allonger, ces fleurs auroient précisément la disposition de celles du 7rrcera. Les fleurs d’un genre forment des faisceaux ou paquets axil- laires; celles d’un autre, des paquets disposés le long d’un axe en épis terminaux. On peut les rapprocher quelquefois sans blesser l’analogie; car l’inflorescence du premier devient celle du second par la chute des feuilles ou leur passage à l'état de bractées. Je ne m'étends pas ici sur les divers modes d’inflorescence dans les Euphorbiacées, parce que j'aurai bientôt l'occasion d'y revenir. Les fleurs femelles dont les enveloppes différent souvent en nombre et en forme de celles des fleurs mâles, s’en dis- tinguent aisément, et même avant la floraison. Car on peut remarquer, sans en ürer de règle générale, que les bontons des premières sont ordinairement allongés, ceux des secondes arrondies. Divers appendices. — Aiguillons. — On n’observe presque d’aiguillons que sur certaines espèces charnues d'Euphorbes; mais dans quelques genres (F/uggea, Ade- 348 Famizre Des EuPHonBIACÉES. lia, ete. ) les rameaux deviennent épineux à leur terminaison, Poils. — Les poils sont tantôt simples, quelquefois tu- berculeux à leur base, d’autres fois glanduleux à leur som- met (Croton castaneifolius, etc.); tantôt aussi ils sont £toilés. Ce caractère, qui peut paroître minutieux, ne doit cependant pas être négligé. Il est rare, en effet, qu'une vé- ritable espèce de Croton soit dépourvue de tels poils (ou d'écailles qui résultent de leur soudure), au moins dans sa jeunesse; et un genre qui en présente de semblables ne doit pas se trouver en général fort éloigné du Croton. Les poils dans cette famille paroissent servir de canaux excréteurs à un liquide àcre; car leur piqüre cause souvent la même impression que celle de l’ortie. Glandes. — Les glandes qu'on peut observer sur diffé- rentes parties du végétal sont sessiles ou pédicellées et de forme variable , globuleuses, ou coniques, ou creusées en godet, etc., etc, SECONDE PARTIE. Après avoir exposé les caractères des Euphorbiacées, il reste à déterminer la valeur relative de ces caractères, à en déduire les règles qui doivent nous diriger dans la formation des genres, dans leur coordination, et dans leur séparation en plusieurs groupes, si cette famille peut, comme toutes celles qui sont aussi nombreuses, se prêter à une telle divi- sion. Caractères de la famille. — La séparation des sexes dans les fleurs, la disposition régulière de plusieurs loges autour FamiLze DES ÊuPHORBIACÉES. 349 d'un axe central, la présence d’une ou deux graines dans chaque loge, la situation suspendue de ces graines , l'existence d’un périsperme gros et charnu, à cotylédons planes et à radicule supérieure : ces caractères sont communs à toutes les Euphorbiacées, ce sont ceux de la famille. Caractères des sections. — I en est un parmi eux qui présente une alternative : c’est la présence d’une ou deux graines dans chaque loge. Il peut servir à l'établissement d’une première division, et l’on obtient ainsi deux groupes, l’un à loges dispermes, l’autre à loges monospermes : carac- tère qu’il faut déterminer dans l'ovaire et non dans le fruit, où les avortemens seroïent une cause fréquente d'erreur. Cherchant ensuite la base d’une nouvelle division dans l'examen de la fleur femelle, nous nous souviendrons que la multiplicité des styles et des stigmates, ou leur unité, résultat de la soudure, de mème que le nombre des loges, varie dans des genres voisins où même dans les espèces d’un même genre; que les formes et la structure des styles, des stigmates et des ovaires, loin d’être constantes, offrent des change- mens continuels depuis le bouton jusqu’à la maturité. Nous serons donc obligé de chercher les bases de cette division dans l'examen de la fleur mâle. Si l’on étudie les fleurs mâles des Euphorbiacées à loges dispermes, on trouve que dans plusieurs genres ( Buxus, Securinega, Savia, Amanoa, Fluggea, ete.) les étamines s'insérent sous un rudiment de pistil central et sessile. On peut en faire une première section, qui sert en quelque sorte de transition aux familles hermaphrodites. Dans une seconde section, les étamines s’insèrent au centre Mém. du Muséum. 1. 10. 46 550 Famicze DES EuPHORBIACÉES. même de la fleur (PAyllanthus, Micranthea, Agyneia , Andrachne , etc. ). Le groupe des Euphorbiacées à loges monospermes qui est le plus nombreux, ne peut pas être sous-divisé d’après le même principe : car on n’y observe pas de pistil rudimentaire. On ne peut pas prendre pour base non plus le nombre des étamines, leur point d'insertion ou leur structure; car tous ces caractères sont trop variables. Mais il en est un qui l’est moins, et qui offre surtout des avantages dans une famille où la petitesse des fleurs rend leur examen diflicile : c’est l'inflorescence. Un petit nombre de genres ( Dalechampia, Euphor- bia , ete.) offre plusieurs fleurs monoïques réunies dans un involucre commun, souvent muni de celques appendices glanduleux, et simulant un calice. On peut les réunir dans une section que je place la dernière de toutes. Dans plusieurs autres (Sapium, Hippomane , ete. )il n’y a plus un involucre commun, mais seulement une bractée assez large, souvent munie de deux glandes à sa base, en- veloppant en partie les fleurs réunies par paquets ou par faisceaux, qui sont eux-mêmes disposés en épi sur un axe commun. Dans plusieurs autres (Excæcaria, Commia , etc.), ce sont des écailles plus ou moins épaisses, disposées égale- ment sur unaxe et portant chacune des fleurs presque nues, eomme dans de véritables chatons. Je réunis encore ces genres en uñe section qui vient à côté de la précédente. Une autre section comprend les genres dont les fleurs forment aussi des paquets disposés en épi sur un axe com- mun; mais où les bractées sont plas petites, quelquefois Famizze DES EuPHorgBrAcÉEe. 317 à peine visibles, et jamais glanduleuses. ( Æcalypha, Mer- curialis, Alchornea, etc. ) Enfin, une section que je place avant les trois précédentes dans la série générale, réunit les genres dont les fleurs en épis, en grappes, en panicules ou en faisceaux, n’offrent pas un des trois modes d’inflorescence que je viens de décrire. (Croton, Adelia, Ricinus, Jatropha, Aleurites , etc. ) Telles sont les six sections dans lesquelles je distribue les genres de la famille des Euphorbiacées. Je ne les ai fait con- noître ici que bien imparfaitement ; car une section, de même qu'une famille, de même qu'un genre, ne peut se définir que par un ensemble de caractères et non par un caractère isolé (1). D'ailleurs les limites de ces sections ne sont pas bien tranchées, et certains genres établissent le passage de l’une à l’autre. Ce qui me semble important, c’est que les genres sy trouvent placés toujours près de ceux avec lesquels ils ont les aflinités les plus fortes et les plus nombreuses; c’est que la série soit le plus naturelle possible. Au lieu de diviser les Euphorbiacées en diseutant à priori, comme je viens de le faire, la valeur relative de leurs carac- tères, si l’on prend quelques uns de leurs genres, les plus riches en espèces ou les plus connus, et les plus différens entre eux par leur structure, par exemple, le Bwrs, le Phyl- lanthus , le Croton, V Acalypha, le Sapium eV Euphorbe, et si autour de chacun de ces genres, on réunit ceux qui ont avec lui le plus d’aflinité; on obtiendra six groupes analogues (1) Les caractères des sections avec ceux des genres qu’elles comprennent sont développés dans une dissertation faisant suite à celle-ci. 46° 352 Famizze DES EuPHORBIACÉES. à ceux que j'ai établis et qui bien distincts à leur centre, se confondent un peu avec les autres à leurs extrémités. C’est la méthode que j'ai suivie; c’est celle qui m'a conduit aux résultats que j'ai plus haut énoncés. Caractères génériques. — Les caractères qui ont été né- gligés comme trop variables pour servir de base à l’établisse- ment des sections, pourront servir à celui des genres. Tels sont le nombre et la profondeur des divisions du calice, la présence ou l'absence de corolle, le nombre des étamines, leur surface d'inseruon, leurs filets libres ou soudés en tout ou en partie, la structure et la forme de leurs anthères à loges réunies ou distmctes, les formes et la consistance de l'ovaire ou du fruit, le nombre de leurs loges, celui des styles et des stigmates et leur degré de soudure, etc. , ete. Considérations sur le genre Euphorbe. — L'exposition des genres est l'objet d’une monographie dont ce Mémoire peut être considéré comme le préambule. Je n’entrerai done ici à leur égard dans aucun développement, si ce n’est pour- tant sur un seul, l'Euphorbe, qui a donné son nom à la famille Loin que sa structure aide à faire concevoir une idée juste de celle des autres genres, ce sont eux au contraire qui ont éclairé sur la sienne. On l'a long-temps considéré comme présentant une fleur hermaphrodite, dans laquelle le pistil élevé sur un pédoncule central, étoit entouré de plusieurs étamines à filets articulés. On admettoit un calice et une corolle, mais sans être d'accord sur ce qu'on devoit appeler ainsi, puisque les uns avec Linné, nommoient pétales les ap- pendices glanduleux implantés sur le calice, les autres avec FAMILLE DES EUPHORBIACÉES. 353 Adanson, les petites écailles situées à la base des étamines. Plus tard, l'Euphorbe fut considéré sous un point de vue tout différent. Le calice devint un involucre renfermant un assemblage de fleurs ; le pistil une fleur femelle, chaque éta- mine une fleur mâle, et les écailles, dont j'ai parlé, de petits calices. M. Brown (1), en adoptant cette seconde opinion, l’a encore rectifiée ; il pense que dans chaque étamine la partie supé- rieure à l'articulation est le filet mème, la partie inférieure un pédicelle, et que les écailles sont ainsi des bractées : ce qu'il démontre par la description abrégée d’un genre inédit assez semblable à l'Euphorbe par sa structure, mais dans lequel au-dessous de l'ovaire et à la partie articulée de chaque filet, on trouve un petit calice. M. Kunth (2), dans sa des- cription du genre Euphorbe, avoit exprimé la même manière de voir, et il avoit observé un calice sous l'ovaire , dans une espèce qu'il avoit pour cette raison nommée calyculata. Dirigé dans mes recherches par ces observations, j’aitrouvé un calice bien visible ,sous le pistil de plusieurs autres Euphor- bes, même indigènes, par exemple, des £wphorbia palus- tris et peptis. Dans l'Evphorbia cespitosa Lam., il y en a un dont les divisions atteignent la moitié de la hauteur de Fovaire. Ces calices , dans les espèces où ils existent, sont surtout visibles à une époque peu avancée de la floraison ; plus tard, ils finissent quelquefois par se souder avec la sur- face du péricarpe. Li D RIGAN 28 NM cedenos eisél (1) R. Brown, General Remarks , 24. (2) Kuntb, Nova genera et species, >, 51. 354 Famizze DES EuvrHoRBIACÉES. D'un autre côté, parmi plusieurs genres nouveaux, j'en ai rencontré un voisin de celui de M. Brown, et qui de- vient une nouvelle confirmation des vérités énoncées par ce savant, Dans ce genre, un involucre soutenu par un court pédoncule et partagé en deux parties, renferme une fleur femelle latérale qui n'a rien de particulier, et un grand nombre de fleurs mâles environnées elles-mêmes d’un se- cond involucre. Elles consistent chacune en un filet portant une anthère unique, et muni à sa base d’un petit calice à trois ou quatre dents. Au-dessous , ce filet s'articule avec un pé- dicelle, et celui-ci s'implante sur un réceptacle plane qui porte beaucoup de pédicelles semblables, fasciculés , séparés par des bractées aussi hautes et plus larges qu'eux. J'ajouterai enfin une dernière considération à l'appui de l'opinion qui a fait un involucre du prétendu calice de l'Eu- phorbe : c'est que ce calice décrit comme régulier ne l’est pas à beaucoup près constamment ; qu'au contraire, il est le plus souvent fendu d’un côté vers lequel penche le pédon- cule de la fleur femelle, que ses appendices glanduleux ne sont pas toujours en nombre égal à ses divisions, et alternes avec elles, mais que souvent on n’en voit qu'un ou deux du côté opposé à la fente dont je viens de parler ; ce qui rap- proche cet involucre de la bractée glanduleuse du saprum et des genres voisins. En finissant ce Mémoire , je dois témoigner ma reconnois- sance aux savans qui m'ont ouvert leurs herbiers et aidé de leurs conseils; je n'ai pas besoin d'ajouter ici leurs noms, ce sont les premiers dans la science. Je dois aussi réclamer l'indulgence pour ce travail. Si j'ai contredit quelques opi- Famizze Des EurnonsrAcées. 35% nions reçues, si, ce que je croyois, je l'ai plusieurs fois énoncé comme étant la vérité même, je n’ai adopté ces formes dogmatiques que comme plus claires et plus concises. Em- ployées pour tout autre but, je sens combien elles seroient déplacées dans la bouche d’un jeune homme qui soumet ses premiers essais à ses maîtres. 356 SUITE DE LA DESCRIPTION Des principales Espèces nouvelles de la Flore du Brésil citées dans le premier mémoire sur le Gynobase. PAR M AUGUSTE DE SAINT-HILAIRE. ALMEIDEA. Cazyx minimus , 5-partitus , deciduus. Perara 5, hypogyna, calyce multoties longiora, unguiculata , spathulata, æqualia , erecta. Sri xx 5, hypogyna, cum petalis alternantia : filamenta complanata , suprà medium barbata : antheræ lineares, basi 2-fidæ , 2-loculares , longitrorsum internè dehiscentes. Necrarium cupulæforme , ovarium cingens. SryLus 1. STIGMA terminale, 5-lobum ; lobis obtusissimis. Ovarrum obtusum , glabrum, usque ad axim centralem 5-partitum , 5-loculare ; loculis 2-spermis : ovula axilia ; superius ascendens , in- ferius suspensum. Cocca abortione 1-2, libera, abortu 1-sperma , seu rarissime 2-sperma , angulo centrali 2-valvia ; endocarpio crus- taceo, solubili, itemque 2-valvi , ad umbilicum membranaceo ; parte membranaceà ruptili, umbilico seminis adherente , arillumque men- tiente reniformem pellatim aflixum. SEmEx reniforme; integumento exteriore coriaceo, interiore tenui membranaceo. Mucrzaco vix ulla inter plicas cotyledonum. Ewsryo curvatus : cotyledones magnæ , cor- rugatæ , infrà collum 2-auriculatæ ; unà exteriore alteram involvente, valdè contortuplicatam : radicula brevis, teres , obtusa , in cotyledo- nem interiorem prona, cum eädem involuta , umbilicumque ferè attingens. ( Fructus semenque in À. rubrâ observati. ) Esrèces NOUVELLES DE LA FLonre ou Brésir. 357 Frurices. Forra exstipulata , alterna ; superiora opposita; omnia simplicia, integerrima, punctato-pellucida ; petiolo infra apicem incrassato-geniculato. Frores terminales, thyrsoidei , vel racemosi , bracteolati; ante explicationem formam juniorum aurantii referen- tes. PrxrLorATio quincuncialis ( Dec. ). In honorem dixi amicissimi D. Joannis Rodriguesii Pereira de Almeiïda, viri nobilis et generosi, qui meis omni modo favit laboribus, et sine cujus benevolentiàä, gratissimo fateor animo , meas non potuissem perficere peregrinationes. Ons. I. Ce genre ne présentant aucune anomalie doit être placé avec les Ru- tacées proprement dites ; mais , de tous ceux de cette tribu, il est le plus voisin des Cuspariées , et Von ne peut même nier que dans la réalité il n’ait plus d’aflinité avec ces dernières qu’avec les Rutacées proprement dites. En effet il offre le calice et le nectaire des Cuspartiées ; ses étamines sont en particulier celles du Galipea ; ses ovules, au nombre de deux, sont attachés comme dans les Cuspariées ; son faux arille se retrouve dans le Monniera ; et enfin son embryon dépourvu de pé- risperme , à radicule courbée et à cotylédons chiffonnés dont l’un enveloppe l’autre, est semblable à celui du Galipea Fontanesiana. Ons. IT. Le faux arille que je signale dans les 4/meiïdea est encore une preuve de la nécessité où est l'observateur de suivre les développemens successifs des plantes, quand il ne veut commettre aucune erreur. Il n’est aucun botaniste qui, voyant isolément une graine d’Ælmeidea , ne prenne son faux arille pour un arille véritable; mais, s’il peut observer les progrès de la déhiscence du fruit, il verra d’abord que , vers le moment où l’eudocarpe se sépare du sarcocarpe , sa partie la plus voisine de l’ombilic est d’une consistance membraneuse et non crustacée ; des fruits un peu plus avancés lui offriront un commencement de déchirure entre les deux parties; enfin, dans d’autres plus avancés encore, la partie mémbraneuse se sera tout-à-fait détachée de la partie crustacée , mais alors même il verra une la- cune dans cette dernière , et il pourra la remplir exactement, en y plaçant l'arille prétendu. Lorsque les deux ovules sont fécondées, il ne saurait y avoir de mé- prise, parce qu’alors le faux arille se trouve commun aux deux semences ; on voit qu’elles y sont fixées toutes deux, et il est ainsi bien évident qu’il appartient au péricarpe. M. Kunth a décrit avec l’exactitude la plus parfaite la forme et la posi- tion du faux arille du genre Monniera , et, s'il n’a pas indiqué sa véritable nature, c'est que , pour se diriger, il n’avait pas d'observation antécédente de même na- Mém. du Muséurn.t. 10. 47 358 Espèces NOUVELLES ture. Guidé par l’analogie , j'ai examiné des semences de Monniera dans différens états, et j'y ai retrouvé tout ce qui s'était offert à moi dans l’Æ/meidea. 14. ALMEIDEA LILACINA. Tab. V. A. foliis ovato-lanceolatis , basi acutis; paniculis pyramidatis ; pedunculo puberulo ; petalis obtusis. Arouscuca 15-pedalis, ramosa. Forra petiolata , alterna ; superiora opposita; simplicia omnia ; 2-3 pol. longa, 12-18 1. lata , ovato- lanceolata, basi acuta , apice obtusiuscula , integerrima : pedunculus circiter 6-81. longus. Paxrcuzx terminales ,pedunculatæ, pyramidatæ : pedunculus glabriusculus , 3-5 p. longus : rami patentes , circiter 5-8 flori. Frores pedicellati; pedicellis 3-5 1. longis sæpiùs bracteo- latis, apice incrassatis. Cazyx minimus, 5-partitus , vix pubescens , ruber; laciniis ovatis, obtusis. Perara obtusa , pubescentia, lilacina. Sramnum filamenta pubescentia ; antheræ obtusæ. Necrantum tenue , integrum , dimidio ovario æquale. Ovarium luteum. Sryzus pubes- cens. SriemA crassiusculum , luteum. Inveni in sylvis primævis provinciæ Rio de Janeiro, prope præ- dium Uba , alt. 6oo ped. Florebat Martio. 15. ÂLMEIDEA RUBRA. A. foliis lanceolatis, basi acutis; racemis compositis; pedunculo glabro; petalis obtusissimis. Frurex ramosus. Forra lanceolata , seu rariüs ovato-lanceolata , basi acuta , apice acutiuscula, glaberrima , 3-5 pol. longa , 12-18 lata ; petiolo semi-tereti. Racewt terminales, pedunculati, circiter 2-3 pol. longi, compositi ex ramis brevibus, bracteolatis , 2-3 floris : pedunculus 3-angularis , glaber, bracteis quibusdam quandoque obsitus. Frores circiter 61. longi, pedicellati ; pedicellis glabris, apice incrassatis. Perara obtusissima , carnosa , pubescentia, rubra. Sra- MINUM FILAMENTA Canaliculata , pubescentia : antheræ 2-fido-sagittatæ. Necramumintegrum , breviusculum ; crassum, glabrum. Sryzus apice subincrassatus , pubescens, albus. Sricma aureum ; lobis rotundis. DE LA FLorEe pu Brésir. 359 Ovarium punctato -pellucidum. Cocca 5-6 1. longa, subrotunda , obtusissima , compressiuscula, glabra, ex cinereo nigrescentia, obscurè striata. Semex oblongo- reniforme, 3-4 1. longum, com- pressiusculum, glabrum, cinereum; rarissimè 2, mutuà com- pressione unà extremitate plana; pseudo-arillo utrique communi. Umbilicus marginalis ; medio seminis diametro circiter respondens. Enpocarrrum lutescens. Coryrenones suborbiculares, emarginatæ ; au- riculis longitudine radiculæ. Nascitur in monte PBabylonia, propè Sebastianopolim. Floret Junio. 16. ÂALMEIDEA LONGIFOLIA. A. foliis lanceolatis, basi obtusis, apice acutis; racemis compo- sitis ; pedunculo pubescente ; pedicellis glabris , petalis obtusis. Præcedenti quædammodo aflinis ; differt autem præcipue foliis sæpius multô majoribus , basi obtusis, apice acutioribus; petiolis crassioribus brevioribusque, rugosis; pedunculo pilis rufis obtecto; florum gemmis longioribus angustioribusque ; petalis minus obtusis, basique latioribus. Fructus floresque planè explicatos non mihi vi- dere licuit, florumque colorem non adnotavi. Inveni in sylvis primævis provinciæ Rio de Janeiro, prope præ- dium Uba, alt. 6oo ped. PILOCARPUS (1). Wahl. Pers. ( Carac. ref. ) Cazyx minimus, 5-dentatus. Perara 5, sub gynophoro inserta , lan- ceolata, basi latiuscula, apice uncinata, patula. Sramxa 5, cum petalis alternantia , ibidem inserta , patula. Anrxeræ subrotundæ, 2-loculares. Srvzr 5 , breves, infrà apicem ovariorum angulo centrali affixi , inter eadem coarctati, apice coaliti. Sricma conico-capitatum , 5-lobum. Ovarra minutissima , unilocularia, monosperma (2-sperma (1) Wahl a fait le mot pilocarpus du genre féminin; peut-être eût-il été mieux de le faire masculin; mais comme cela est en soi-même de la plus complete indif- férence, j'ai cru devoir suivre un si grand maître , pour ne rien changer au nom qu’il a donné. 47 366 |, ESPÈCES NOUVELLES in P. racemosà Wahl), valdè approximata , basi immersa gynophoro discoïdeo vel hemisphærico, et cum illo simulantia ovarium uni- cum stigmate sessili coronatum : ovulum angulo interno aflixum , peritropium. Cocca rard 5, sæpius abortione 1-2, angulo centrali 2-valvia; endocarpio crustaceo separabili, itemque 2-valvi. SE- MEN 1. INTEGUMENTUM membranaceum. Penisrermum 0. Emsrvo rectus, umbilico parallelus : cotyledones magnæ, infrà collum breviter 2-auriculatæ ; auriculis radiculam brevem, mammæformem occul- tantibus. Frurices. Fort exstipulata, alterna, opposita, petiolata, integer- rima, petalaque et ovaria punctato-pellucida. Frores spicati, vel sæpius racemosi, terminales autdemüm laterales; pedicellis ad ba- sim et infrà calicem, vel medio bracteolatis. Prærrorario valvata. PorrEeN aureum. Oss. Wahl avait été trompé par les apparences ; il considéroit l'ovaire comme unique, et le gynophore comme une partie de l'ovaire. 17. Picocanpus sprcATA (1). P. glaberrima; foliis oblongis, vel elliptico-oblongis, obtusè acuminatis , basi acutis ; floribus spicatis, subapproximatis, nume- rosis, brevissime pedicellatis. Frurex glaberrima, 1 5-2: p. alta, caule erecto. For1a omnia al- terna ; aut alia alterna , alia præcipue superiora opposita, quandoque ternata; oblonga vel elliptico-oblonga , obtuse acuminata , basi acuta, 6-7 pol. longa, 1 5-22 lata : petiolus rubescens, 3-12 1. longus , apice vix incrassatus. Spica terminalis aut demum lateralis, breviter pedunculata , seu sessilis, 6-13 pol. longa , angusta. Frores subapproximati, patentissimi, brevissime pedicellati; pedicello crassiusculo, ad basin bracteolà minutissimàä acutà suffulto, et 2 insuper latiusculis paulo infrà calycem onusto. Perara viridia. Gyxornorum depresso-discoïdeum , 5-gonum, striatum. Cocca cir- (1) La figure de cette plante se trouvera dans l'ouvrage intitulé : Histoire des plantes les plus remarquables du Brésil et du Paraguay. DE LA ÊLORE ou BRrÉsIr. 361 citer 1+4 1. longa, ovato-obtusa, compressiuscula ;, transversè ar- cuatimque striata, ferrugineo-grisea. Semen ovatum, subdepres- sum (Rich. ), nigrescens : umbilicus ad mediam seminis faciem. Coryrepones semi-ellipticæ. Nascitur ad vias sylvarum prope Sebastianopolim, præsertim in monte T'rapiceiro et in loco dicto Larangeira. Floret Julio et Au- gusto. 18. PILOCARPUS PAUCIFLORA. P. foliis lanceolatis , obtusis , acuminatis; petiolis incrassato-ge- niculatis ; racemis paucifloris; rachi, pedicellis bracteolisque puberulis. Frurex 3-pedalis, gracilis , parum ramosus ; cortice albido; ra- mulis puberulis. Forra alia alterna , alia præcipue superiora oppo- sita, lanceolata, basi acuta , apice obtusa, breviter acuminata, 3-4 pol. longa, glabra; petioli circiter 10 longi , apice incrassato- geniculati; juniores puberuli. Racemr terminales aut demüm axil- lares, sessiles vel breviter pedunculati, 4-5 ‘pol. longi, nec multi- flori; axi puberulo. Frores remotiusculi, pedicellati , patentes; pedicelli 2-3 longi, puberuli, bracteolà puberulä basi suffulti, medioque insuper duabus onusti. Srama glabra. Nascitur in sylvis primævis prope Ztapocoroïa, in provincià S. Catharinæ. Kloret Martio. SPIRANTHERA. Carvx brevis, cupulæformis, profundè 5-dentatus, 5-gonus. Perara 5, hypogyna, longa, linearia , angusta , in unguem latiusculum atte- nuata ; subfalcata. Sramma 5, hypogyna, cum petalis alternantia : fila- menta filiformia : antheræ lineares, longæ, basi 2-fidæ, 2-loculares, internè longitrorsüm dehiscentes , post apertionem floris spiraliter revolutæ ; connectivo crassiusculo. Sryzus 1. Sricma terminale, 5-lo- bum. Necrariom cylindrico-campanulatum, gynophorum cingens. Ovarium profundè 5-lobum , apice truncatum , basi subattenuatum, et cum gynophoro subcontinuum, 5-loc. ; loculis 2-spermis ; ovula 362 EsPÈCES NOUVELLES axilia, absque placenta peculiari ; superiùs ascendens , inferiùs sus- pensum. Fructum non mihi videre licuit. Nomen a structura antherarum. Os. Le Spiranthera doit être placé aupres des genres Dictamus et Caloden- drum à cause de la forme de ses pétales, ses longues étamines et son gynophore. Cependant le double mode d'adnexion de ses ovules et l'existence d’un nectaire simple lui donnent aussi des rapports avec les Cuspariées. 19: SPIRANTHERA ODORATISSIMA. Tab. VI. Cautes plures, sesqui-pedales, simplices, erecti, angulati, gla- bri. Foura exstipulata, alterna , petiolata, ternata ; petiolus circiter 3 pol. longus, summo apice puberulus; foliola brevissime petiolata, circiter 3 pol. longa, ovato-lanceolata , acuminata, acuta, integer- rima, margine subrevoluta, sæpiüs canaliculata, punctato-pellucida, glabra, subtus manifestè pallidiora, nervo medio subtüs proemi- nente. Frores pulchri, in apice caulium axillares, simulque termi- uales corymbosi : pedunculi pubescentes; inferiores 3-fidi, 3-flori, superiores simplices, seu rarissime 2-fidi; omnes 1-3 bracteati ; bracteis pubescentibus , subulatis. Cazvx pubescens , divisuris sub- carinatis. Petaza 1 5 pol. longa, punctato-pellucida, pubescentia ; alba. Sramna 5, punctato-pellucida , glabra ; filamentis subtuber- culatis ; antheris longis. Sryzus pubescens. Necrartum basi crassius- culum, 10-angulare , 10-dentatum ; dentibus acutis. Ovarrum villo- sum, gynophoro insidens circiter 2 1. longo, 5-costato , pubescente. Suavissimum Caprifolii flores expirant odorem. Inveni in campis altis prope prædium Sobradinho , haud longe a finibus provinciarum Minas-geraes et Goyaz. Florebat Maio. EVODIA. Forst. Kunth; non Gært. (Carac. ref.) Ampacus Rumph. Caux 4-5 partitus. Perara 4-5, hypogyna, æqualia , calice lon- giora , obtusa. Sramma totidem, cum petalis alternantia , ibidem in- serta; antheræ 2-loculares. Necrartun cupulæforme ; ovarium cin- DE LA FLORE pu BRÉsIr. 363 gens, vel glandulæ 4 hypogynæ (ex Kunth). Sryrus brevissimus , unicus. Sricma terminale, obtusum. Ovarium 5-lobum seu 5-parti- tum (ex Kunth}, 5 loc. ; loc. 2-spermis : ovula angulo interno aflixa , peritropia. Arsores vel frutices. Fozra opposita, ternata , petiolata, exstipu- lata, punctato-pellucida. Frores corymbosi axillares vel paniculati terminales ; corymbis paniculisve bracteatis. Ons. M. de Candolle pensoit déjà qu’il étoit nécessaire d’admettre ce genre; mais il devient indispensable de l’adopter à présent que M. Kunth a reconnu qu’il falloit réunir les Zanthoxylum aux Fagora. L’Evodia se distinguera principalement par ses fleurs hermaphrodites et par son nectaire simple ou composé de quatre glandes. Si je rejette le nom d’Æmpacus appliqué au même genre par Rumph, c’est parce qu’on est convenu de ne pas remonter au-delà de Linné pour les noms génériques , et parce que le nom d’Ævodia vient d’être de nouveau consacré par M. Kunth. 20. EvoDpia FEBRIFUGA. Evodia febrifuga. Aug. de S.-Hil. Plant. us. Bras. , n°. 4. N. Vulg. Tres folhas vermelhas , sez Larangeira do mato. E. caule arboreo; foliis ternatis; foliolis lanceolato-ellipticis, subacuminatis; panicula terminali, pubescente ; nectario simplici. Cortex amarissima , astringens , valdè febrifuga, juniusque lig- num. Nascitur in sylvis primævis provinciæ Minas-geraes, præsertim prope pagum Jtabira-de-mato-dentro. Floret Februario. 21. ZANTHOXYLUM MONOGYNUM. Tab. VIIE, A. Vulg. Larangeira braba. Z. inerme; foliis ternatis; foliolis rotundo-ellipticis, breviter acuminatis, obtusis, integerrimis , glabris ; petiolo communi nervo- que medio puberulis ; paniculis terminalibus; pistillo unico. ArsuscuLA a basi ramosa , inermis, dioïca. Foura alterna, petiolata, 1:-3; longa, ternata , petiolo communi 6-14 1. longo, semi-tereti, vix puberulo; foliola rotundo-elliptica, sæpiüs breviter acuminata, 364 EsPÈcEs NOUVELLES obtusa , integerrima , glabra, punctato-pellucida ; lateralia breviter petiolata , intermedium majus, multi longius, petiolatum. PaxicuLx terminales , in maribus majores, puberulæ ; ramis basi bracteolatis ; bracteolà minutissimä, semi-ovatà, margine scariosà, puberulà. FLores parvi , vix 1 1. longi, breviter pedicellati; pedicello puberulo, bracteolis minutissimis suffulto. PrærronaTio quincuncialis. Fœm. Caiyx minimus, cupulæformis, 5-dentatus, vix puberulus, sub- punctato-pellucidus ; dentibus semi-ovatis. Perara 5, calyce sextupld longiora , basi gynophori inserta , oblongo-lanceolata , obtusa, pa- tula, glabra, vix punctato-pellucida, ex albido virescentia. Runr- MENTA STAMINUM 5, Cum petalis alternantia , ibidem inserta , minu- tüissima, squamæformia. Ovarwum 1 (rarissime 2 ) subglobosum , glabrum , punctato-pellucidum, 1 loc., 2-sp., gynophoro insidens, duplo breviore, hemisphærico, substriato, punctato-pellucido, gla- bro ; ovula parietalia, peritropia , invicem adpressa. Sryzus brevis, sublateralis , obliquus, glaber. Sriçwa capitato-peltatum; magnum. Masc. calyx petalaque fœm. Sramna 5, cum petalis alternantia, basi gynophori inserta, glabra : filamenta subulata ; antheræ ellip- ticæ , obtusæ , usque ad medium 2-fidæ, dorso medio aflixæ , 2-locu- lares , longitrorsùs interne dehiscentes. RUDIMENTUM CENTRALE GYNO- exor1 Cum rudimento pistilli legumiformi. Nascitur in provincià Spiritus Sancti, præsertim prope Ponta da fruta. Yloret Septembre. Os. Mon respectable ami , le pere Leandro do Sacramento, qui probablement ne connoissoit pas le genre Zanthoxylum, avoit désigné , sous le nom de Langs- dorffia, dans un travail destiné à l’Académie de Munich, les espèces de Zanthoxy lum où le pistil se réduit à un seul ovaire ; mais ce genre ne sauroit être conservé, car non-seulement dans mon Z. monogynum, mais encore dans d’autres espèces où le plus souvent on ne voit qu’un ovaire, telles que mon Z. hyemale , il arrive souvent que sur le même pied , sur la même panicule, on trouve des fleurs à un ou deux ovaires. Dans aucun cas, au reste , le nom de Langsdorffia n’auroit pu être admis, puisqu'il avoit été donné précédemment par le savant docteur Martius à une plante fort curieuse de la famille des Balonophorées. DE LA ÊFLORE pu BrÉsIr. 365 GAUDICHAUTIA. Kunth. (Carac. ref.) ÆCazyx 5-fidus vel 5-partitus, externe basi 10 sæpiüsve 8-glandulosus; glandulis magnis, adnatis. Perara 5 , hypogyna, seu quandoque peri- gypa , unguiculata, subrotunda vel elliptica, patula. Sramma 5, hypo- gina seu quandoque perigyna, inæqualia : filamenta complanata, basi connata : antheræ 2-loculares , basi 2-fidæ, dorso suprà basin aflixæ, interne dehiscentes ; duæ sæpiùs minores aut subabortivæ , connec- tivo incrassato, tuberculato-spongioso. Srxzus 1 , modo receptaculo in- sertus, et coccis interpositus, persistens , modo summo ovario aut basi ovarii inter lobos aflixus. Ovarrum sæpius 3-coccum , vel ab apice ad basin 3-partitum aut 3-lobum ; coccis lobisve 1-spermis: ovulum ad extremitatem funiculi penduli crassi erectum , eidemque parallelum. SamarE 2, unà abortiente, receptaculo basi affixæ , inferius productæ in membranam brevem, concavam, calcariformem , dorso in alam subdolabriformem, extrorsùm tenuiorem excurrentes. Semen sub- ovatum. ÎNTEGuMENTUuM membranaceum. PertsPermum 0. Eusrvo rec- tus : cotyledones convexo-planæ , subellipticæ, obtusæ; radicula brevis. (Fructus semenque in G. Guaraniticä observati.) Frurices volubiles aut suffrutices. Forra opposita, integerrima. Frores solitarii , racemosive aut ombellati, axillares, rariüs termi- nales umbellati , flavi; pedicellis 2 seu 4, bracteolatis. 22. GAUDICHAUTIA GUARANITICA. Tab. VIIL, B. G.caule volubili, fruticoso; foliis petiolatis, ovato-oblongis, obtu- sis , breviter mucronatis; petiolis apice 2-glandulosis ; ombellis axil- laribus, 3-4 floris. Cauus fruticosus , volubilis, teres, ramosus; ramis apice vil- losis. Forra petiolata, 10-18 1. longa, ovato-oblonga, obtusa, breviter mucronata, basi rotundata , integerrima , pilosa ; petiolo 4-8 1. longo, filiformi, villoso, apice 2-glanduloso ; glandulis oppositis, rotundis. Picr adpressi, medio aflixi, 2-acuminati, fulvi, albis intermixti. Ousezzx axillares, 5-4 floræ , involucratæ, Mém. du Muséum. 1. 10. 48 366 EsPÈGESs NOUVELLES pedunculatæ ; peduncu lofiliformi, 8-141. longo, villoso, quandoque bracteolato; involucro ex bracteis minutis, scariosis, villosis, toti- dem quot pedicelli iisdemque oppositis. Frores pedicellati ; pedicellis villosis , suprà medium 2-bracteolatis ; bracteolis oppositis, sca- riosis, villosis. Cazyx 5-fidus , pilosus ; laciniis ovatis, obtusis , unà nudà , 4 basi 2-glandulosis. Perara 5 , manifeste perigyna , inæqua- lia, denticulata; 4 laminä ovatä ; unum ungue longiore , laminà obovato-orbiculari. Sramna 5, manifeste perigyna , basi subconnata , inæqualia , glabra : filamenta complanata, fertilia : antheræ ro- tundæ , conformes; connectivo non incrassato. Sryzus glaber, re- ceptaculo insidens, coccis interpositus. Sricma capitatum. Ovarun villosum, 3-coccum ; coccis ovatis, distinctissimis , approximatis. Samar cum alà 8-101. longæ, compressæ , irregulares , venosæ , gla- bratæ ; alà suberectà , subdolabriformi, integrà , venosà , quandoque purpurascente. Semex subovatum, fuscum , glabrum. Habitat in dumetis prope prædium Ztaruquem, in provincià dictà Missoes. Floret Januario, Februario. 23. GAUDICHAUTIA LINEARIFO LIA. G. caule suffruticoso; foliis subsessilibus, linearibus, distanti- bus; ombellis terminalibus. Caves plures , suffruticosi , ramosi, villosi , sesqui-pedales. Fozra subsessilia , linearia , angusta , acuta , 6-14 1. longa , villosa , valde distantia. Oweecce terminales, paucifloræ, involucratæ ; involucro ex bracteis subovatis , nigrescentibus , villosis, inæqualibus. FLoREs breviter pedicellati; pedicello crassiusculo, villosissimo. Prrr ad- pressi, medio aflixi, 2-acuminati, pallide rufescentes, Cazyx sub- villosus , 5-partitus; divisuris ovatis , obtusis ; unà nudà ; cœteris basi 2-glandulosis; glandulis adnatis, magnis, ellipticis. Peraza 5, denticulata , unguiculata ; 4 patula , laminä ovatà, obtusà ; unum suberectum , ungue longiore , laminâ suborbiculari. Sramma 5 , inæ- qualia , glabra : filamenta basi subconnata , complanata , triangula- ria, subulata ; antheræ 2-loculares. Sryrus apice attenuatus , gla- DE LA FLORE pu BrÉsIr. 367 ber , ovarii basi inter lobos , nec receptaculo aflixus. Sriema capitatum. Ovariun villosum ab apice fere usque ad basin 3-partitum. Frucrus ruber ; hujus structuram particulatim observare non licuit. Iuveni in campis australibus provinciæ S. Pauli vulgo dictis Campos-geraes, prope prædium Quartela. Florebat Februario. 24. GaupicuauTiaA sERIGEA. Tab. VIII, C. Caule suffruticoso ; foliis breviter petiolatis , subtus sericeis, in- termediis ovato-lanceolatis; pedunculis filiformibus, unifloris , ra- riüs 2-floris. Ranix repens , tenuis , longa. Caures digitales, erecti , villosi. Forra breviter petiolata , subdistantia , suprà villosa, subtüs villosis- sima sericeaque et septem-nervia; nervis lateralibus 6 convergenti- bus ; inferiora 2 s. 4, parva, subrotunda ; intermedia ovato-lanceo- lata , brevissime mucronata , circiter 10-16 1. longa ; superiora , longiora , lineari-lanceolata. PEnuncurr axillares , filiformes, folio multo longiores , solitarii, 1-flori aut rarissime 2-flori , 4-bracteati; bracteis oppositis, per paria distantibus, parvis, ovato-oblon- gis , Canaliculatis, scariosis, pilosis. Cazyx 5-partitus, villosus ; divi- suris ovato-lanceolatis, acutis; unà nudàâ; 4 basi 2-glandulosis ; glandulis adnatis , ellipticis. Perara 5, inæqualia; laminä ellipticà , obtusà, margine et præcipue basi fimbriatä. Sramina 5, basi sub- connata , rarissime 6: fertilia 3, inæqualia ; filamentis complanatis, linearibus ; antheris paulo supra dorsi basin aflixis, subcordatis, obtusis, apice subcuculatis ; connectivo apice incrassato: subste- rilia 2; filamentis longioribus, gracilibus ; connectivo globoso , tu- berculato-spongioso, hinc modo barbato, modo antherifero ; antherà minimà effectà, seu quandoque polliniferà. Sryzus glaber, summo ovario insidens. Sricma subulato-conicum , obtusum. Ovarium 3-lo- bum. Fructum non vidi. Haud infrequens in campis australibus provinciæ $. Pauli, prope locum dictum Capivari. Floret Januario. 48 * -368 EsPpècErs NOUVELLES Oss. I. Des trois plantes que je rapporte au genre Gaudichautia , il est incon- testable que le Gaudichautia Guaranitica lui appartient; car non-seulement les caractères de la fleur sont les mêmes dans cette plante et le G. cynanchoïdes Kunth (Nov. gen. vol. 5, p. 158), mais le port est également semblable, et je ne doute pas qu’un fruit pareil à celui de mon espèce ne se retrouve dans celle du Mexique. Comme 1e%6. linearifolia et sericea sont différens par le port, et n’ont point des tiges grimpantes, on peut soupçonner que ces espèces ont un fruit éga- lement différent ; maïs, jusqu’à ce qu’on le connoisse, je pense qu'il faut les laisser parmi les Gaudichautia , auxquels ils se rapportent par le caractère de la fleur. A la vérité l'ovaire du G. sericea porte le style à son sommet, tandis que les G. cynan- choïdés et Guaranitica ont un pistil gynobasique; mais je ne crois pas qu'ici l’on puisse fonder sur cette différence seule un caractère de genre , puisque le G. linea- rifolia, où l'ovaire est tres-profondément divisé, forme une nuance intermédiaire avec ces plantes. Ons. IL. Ma description du G. sericea montre que la masse spongieuse et tuber- culée qui surmonte les deux filets plus grêles porte tantôt une touffe de poils, tantôt une anthère presque avortée, et que par conséquent ce n’est autre chose qu’un con- nectif. Il est clair, d’après cela, que dans le Camarea les deux masses pétaloides qui remplacent autant d’anthères, comme on le verra plus bas, doivent être assi- milées à des connectifs où un développement extraordinaire a fait ayorter les anthères. Voilà déjà un trait frappant de ressemblance entre le Gaudichautia se- ricea el les Camarea; maïs il s’en rapproche encore par sa physionomie, et parce qu'il a quelquefois, quoique rarement , six étamines au lieu de cinq. Donc il peut être considéré comme formant le passage des Gaudichautia aux Camarea. Os. IL. Je dis dans ma description générale du genreGaudichautia que le cordon ombilical est épais, suspendu, et que l'ovaire qu’il porte à son extrémité se dresse et lui devient parallele. J’ai retrouvé ce caractère fort remarquable dans une mul- titude de Malpighiées vivantes, et, quoïqu’il soit moins évident chez une couple d'espèces , je crois qu'il doit être indiqué comme l’un des plus importans de cette famille. C’est là ce que M. Richard appeloit un ovule récliné. Dans trois espèces de son ouvrage, M. Kunth a figuré ce mème caractère avec une exactitude qu’on ne peut s'empêcher d'admirer, quand on songe qu’il n’avoit sous les yeux que des échantillons secs. S'il avoit eu à sa disposition des individus frais, il eût été cer- tainement plus loin encore; il auroit reconnu que ce n’est pas l’ovule qui se replie dans son milieu pour former une espèce de crochet, mais que toute la partie des- cendante est le cordon ombilical, et que l’ovule est la partie dressée. Ons.IV. Dans ma description du G. Guaranitica, je fais observer que ses étamines paroissent périgynes; M. Kunth semble avoir déjà conçu quelques doutes sur l'in- DE LA FLore pu BRrésir. 369 serlion des Walpighia coccifera et punicifolia, et j'ai trouvé dans la famille des Malpighiées une foule de nuances diverses d'insertion. Je me réserve à faire con- noître cette anomalie dans un travail particulier, à l'expliquer, et à la faire rentrer dans la règle générale. CAMAREA. Cazyx 5-partitus vel 5-fidus, basi glandulosus ; glandulis magnis , adnatis. Perara 5, hypogyna vel subperigyna, unguiculata, patula, subinæqualia. SramnA6 , ibidem inserta , glabra : tria filamentis fere usque ad apicem coalitis; antheris dorso aflixis, subrotundis , 2-lo- cularibus , longitrorsum interne dehiscentibus : tria basi vix connata, quorum intermedium fertile, et lateralia sterilia; massulà peta- loïdeà , coniortuplicatà , antherarum vicem gerente. Srxzus glaber, subulatus , receptaculo brevi, subconico insidens, lobis interpositus. SriGua terminale. Ovarium 3-coccum, coccis basi receptaculo hine aflixis , distinctissimis, approximatis , 1-spermis. Ovurun ad extre- mitatem funiculi penduli crassi erectum, eidemque parallelum. Cocca 3 vel abortione 2, indehiscentia , 1-sperma, rotundo-ovata , irregularia , dorso-cristata , lateribus cristato-rugosa. Semen 3 5. 2. PerisPermuM 0. Emrrvo rectus, umbilico parallelus : radicula su- pera : cotyledones inferæ , lineares. Suffrutices. Folia opposita vel rarissime subalterna , integerrima. Flores terminales umbellati, vel rarissime solitarii axillares , flavi. In honorem dixi D. Manoel Fereira da Camara Betheneurt e Sà adamantium Præfecti, scientiarum naturalium valde intelligentis, qui me ægrotantem hospicio excepit, et cum paternä benignitate curavit. 25. CAMAREA HIRSUTA. C. hirsuta; foliis lanceolatis, vel oblongo ovatove lanceolatis , margine sericeis; floribus terminalibus, umbellatis ; pedunculis villosis aut hirsutis. Cauus suffruticosus , 3-8 pol. longus , simplex , erectus, gracilis , 370 ESPÈCES NOUVELLES dense hirsutus seu quandoque villosus. Four brevissime petiolata , 10-16 1. longa, lanceolata seu oblongo ovatove lanceolata, acutiuscula vel obtusiuscula , hirsuta ,margine sericea ,sæpiùs subtüs glauca. Przr plerique recti, circiter 2 1. longi, subulati, ex luteo virescentes ; marginis foliorum medio aflixi, adpressi, 2-acuminati. FLores ter- minales, umbellati, pedunculati; umbellis 3-4 floris ; pedunculis 8-12 1. longis, hirsutis villosisve, 2-bracteatis ; bracteis minimis, alternis vel oppositis, quandoque solitariis, scariosis, subulatis. Carvx receptaculo crasso carnosoque basi adhærens, 5-partitus, subinæqualis, villosus ; divisurä un ovatà , obtusä, basi 1r-glandu- losà; 4 semi-ovatis, 2-glandulosis ; glandulis crassis, ellipticis. Perara subperigyna , aurea , subinæqualia ; laminà orbiculari , sub- integrà , apud petala 4 in unguem subdecurrente. Ovar cocca ovato-angulosa, substriata, tuberculata, 1 loc., 1-sperma. Fructum non vidi. Frequens in campis siccis arenosisve provinciæ S. Pauli, partis- que australis provinciæ Minas-geraes. Floret Februario , Martio. 26. CAMAREA AFFINIS. C. hirsuta ; foliis ovato-lanceolatis, acutis, nusquam sericeis ; floribus terminalibus, racemosis umbellatisque ; pedunculis. gla- briusculis. Cavus suffruticosus , 7-10 pol. longus , simplex, erectus, hirsutus. Four vix petiolata , approximata , caule subadpressa, 7-10 1. longa , ovato-lanceolata , acuta , hirsuta, nullibi sericea ; nervo medio sub- ts proeminente marginibusque hirsutissimis; superiora gradatim minora. Racemus terminalis in umbellam desinens. Pepuxcurt 1-flori, basi stipati bracteà caulinari et superiüs 4-bracteolati, glabri vel glabriusculi : bracteæ lineares , hirsutæ. Bracreozx minutæ , lineari- lanceolatæ , obtusæ, scariosæ , villosæ. Prer plerique rigidi , circiter 31. longi,rufi; summi caulis , bracteolarum et calycis medio aflixi. Cazyx basi præcipue villosus , 8-glandulosus. PeraLum 1 manifeste brevius. Sryzus ovariumque glaberrimi. DE LA FLORE pu BRÉSIL. 371 Crescit in pascuis siccis partis australis provinciarum Minas- geraes et provinciæ S. Pauli prope urbem Thaubate. Floret Martio, Aprili. 27. CAMAREA SERICEA. C. foliis lineari-lanceolatis , acutis, angustis, omnino sericeis, nitidis ; umbellis terminalibus. Cavuis suffruticosus, circiter 4 pol. longus , breviter ramosus , se- riceus. Forra 10-14 1. longa , brevissime petiolata , lineari-lanceolata, acuta, angusta, sericea , nitida , pilis obtecta numerosis , 2-acumi- natis, medio affixis, lutescentibus; inferiora multd breviora, alterna. Fiores terminales, umbellati, pedunculati; pedunculis sericeis, paul infrà apicem 2-bracteatis; bracteolis minutis, oppositis, se- riceis. Cazvx sericeus, 5-partitus; divisuris, lanceolatis, acutis. Ovarrom villosum. Non vidi fructum. Crescit in campis provinciæ Goyaz prope civitatem Vi/la-boa. Floret Julio. 28. CAMAREA AXILLARIS. C. foliis lanceolatis, acutis, basi cordatis, villosis, patentibus ; floribus solitarüs , axillaribus. Cauzes suffruticosi, ascendentes, 1-15 pol. longi, villosi, basi glabrati, ramosi. Forra 4-5 1. longa , lanceolata , acuta , basi cordata , margine revoluta , patentia; superiora subtüs villosissima. FLores in apice ramulorum axillares, solitarii , pedunculati ; pedunculis folio longioribus, bracteolatis ; bracteolis pluribusalternis, scario- sis, subcaducis. Pix medio affixi, 2-acuminati , simplicibus inter- mixti. Cazyx 5-partitus, villosus, subinæqualis; laciniis 4 ovatis, obtusis, 2-glandulosis; unà lineari-obtusà , nudä. Perara dentata. Ovariun villosissimum. Fructus haud suppetit. Inveni in campis arenosis prope pagum Chapada in Minas-novas. Florebat Julio. 372 ESsPÈcEs NOUVELLES 29. Camanea EnIcoIDESs. Tab. VII. C. foliis parvis , linearibus, angustis , confertis ; floribus umbel- latis. Ranix crassa , lignosa. Cauris suffruticosus , sæpiüs solitarius di- gitalis et erectus, rariüs ascendens semipedalisque , ramosus , apice ramique villosi , quandoque glabrati. Forra 3-6 1. longa, vix 12 1. lata , linearia , acuta , margine revoluta, sericeo-villosa, quandoque plus minusve glabrata. FLores umbellati vel subumbellati, rarius solitarii axillares , pedunculati ; pedunculis 10-18 1. longis, graci- libus , villosis vel glabratis, infra apicem 2-bracteolatis ; brac- teolis oppositis, lineari-ovatis, obtusis, canaliculatis, villosis. Pur adpressi, medio affixi, 2-acuminati. Caryx 5-fidus, basi villosus; divisuris, ovatis, obtusis, basi 2-glandulosis; glandulis carnosis, ellipticis. Peraza suborbicularia, crenulata , subconcava , aurea. Ovariun glabrum, 9-costatum. Cocca 3-4 1. longa. Semen ovato- acutum, glabrum , dorso convexum, facie concavum. Ranicura co- nica, obtusa, extremitatem seminis acutam efliciens. In campis siccis altisque partis australis provinciæ Minas-geraes, præsertim prope urbes S. Joao-del-Rey et Barbacena ; alt. 3530 ped. (x). 50. CAMAREA LINEARIFOLIA. C. foliis linearibus , subdistantibus ; floribus umbellatis, Ranix crassa , lignosa. Caures circiter pedales, numerosi , patentes, ramosi, villosi. Forra breviter petiolata, linearia , acuta, 6-12, 1. longa , margine revoluta, distantia , supra glabra ; nervo intermedio subtùs proeminente, marginibusque et petiolis villosis, Przr adpressi, medio affixi, 2-acuminati. Umsezxx terminales , simplices , 3-5-flori , subirregulares , sæpiùs involucrati; involucro ex foliis composito, QG) For. Eschwegge’s Brasilien. DE LA FLore pu Brésrir, 373 caulinis conformibus. FLores pedunculati; pedunculis filiformibus , glabriusculis, infra apicem 2-bracteolatis, 1-° pol. longis , bracteolis oppositis, linearibus, obtusis , canaliculatis, scariosis, villosis. Caryx 5-partitus , basi crassus villosusque ; laciniis oblongis, obtusis ; unà nudà ; 4 basi 2-glandulosis; glandulis orbiculari-ellipticis. Perara orbiculari-elliptica, dentata, staminaque subperigyna. Ovarium 3-coccum ; coccis ovatis, acutis, compressis, dorso subcristatis. Inveni in pascuis nuper crematis vulgo dictis Quemada (1), in provincià Goyaz, prope $. Æntonio-dos-montes-claros. Julio Flo- rebat. SCHMIDELIA. Kunth. (Carac. ref. ) Schmidelia et Alophyllus. Lin. — Aporetica. Forst. — Schmi- delia, Alophyllus, Ornithrophe, Aporetica. Jus. — Schmidelia, Alophyllus , Ornitrophe , Pometiæ sp. Wild, Cazyx profunde quadripartitus, persistens; divisuris 2 interiori- bus , subpetaloïdeis , majoribus. Peraza 4 hypogyna, unguiculata , nunc squamä intus aucta, nunc esquamata (ex auct.), subunila- teralia. GLanpuzx 4 inter petala et stamina , seu quandoque diseus semi-orbicularis. Sramia octo infra ovarium brevissimæ gynobasi inserta ; filamentis liberis , subulatis ; antheris 2-locularibus, intüs longitrorsum dehiscentibus. Sryzus 12-fidus, gynobasi insidens, coccis interpositus; divisuris intus stigmaticis. Ovarium 2-coccum ; coccis gynobasi hinc basi aflixis, 1-loc., 1-sp.; ovulum erectum seu ascendens. Drurx 2 exsuccæ, pisiformes, 1-spermæ, seu unica , alterä abortiente. Arsores seu frutices. Forr4 alterna , ternata aut raro simplicia. Racemi axillares , simplices aut compositi. FLores parvi , subconglo- LA (1) S'il m’est permis de publier les divers ouvrages que j'ai annoncés je ferai connoître l'influence qu’ont sur la végétation ces incendies que l’on répète chaque année. Mém. du Muséum. 1. 10. 49 374 EsPrÈècEs NOUVELLES merati, albi, hermaphroditi, seu rarius foœminei masculis inter mixti. Ons. I. Les auteurs rangent ce genre dans la section des Sapindacées sans écailles. Cependant Forster avoit vu l'écaille dans l'espèce qu’il a appelée Aporetica ; Kunth l’a observée dans les Schmidelia occidentalis et glabrata; enfin je l'ai re- connue dans toutes les espèces que j'ai examinées sur le frais. Il est donc à croire que, si l’on n’a point fait mention de ce caractère dans quelques espèces, c’est qu'il a échappé aux observateurs, à cause de la petitesse des objets; et il est clair, d’a- près cela, que le Schmidelia ne doït pas être placé parmi les Sapindées sansécailles. Mais si réellement il existe des espèces qui n’en aient point, et d’autres qui en soient pourvues, alors il ne faudroit pas fonder les divisions de la famille sur ce caractere. Ons. II. Ce n’est certainement pas au Schmidelia que doit être rapporté le V'ouarana d’Aublet, qui peut-être cependant est une Sapindacee. 31. SCHMIDELIA GUARANITICA. Tab. VIIT, D. S. foliis ternatis; foliolis apice grosse serratis, subtüs pubescen- tibus, intermedio petiolato , lanceolato , lateralibus ovato-lanceo- latis; petiolo communi tomentoso; racemis simplicibus , folio mullo brevioribus. Ansor procera, ramosa; ramulis pubescentibus, junioribus to- mentosis : quandoque frutex. Forra alterna , petiolata , ternata : fo- liola apice grosse inæqualiterque serrata , supra puberula, subtùs pubescentia ; lateralia , subsessilia, ovato-lanceolata ; intermedium petiolatum , lanceolatum , circiter 18 1. longuin : petiolus communis, gracilis , tomentosus, foliis multo minor. Racewt axillares, simpli- ces, folio minores, pedunculati : pedunculus filiformis , petiolo Jongior aut brevior. FLores minuti, masculi fomineis intermixti , breviter pedicellati ; pedicellis tomentosis , basi bracteolatis , supe- rioribus sæpiüs simplicibus, inferioribus 2 seu 3-fidis , 2 seu 3#loris. FL mase. Caryx profunde 4-partitus ; laciniis ciliatis, exterioribus 2, minoribus, ovatis, acutis, interioribus orbicularibus. PErara 4, unguiculata, subcuneiformia , obtusa ; denticulata, infrà apicem pe En “dl Vie is. Q 5 + PATES Lt A NN AN AL \, Ê LR { LL A AT ES om .10. Pl. 21. QU © LE + S Le, cr NY 71 ÿ DS TA] ù RE ALMEÉIDEA LILAUINA. DE LA FLoRE pu Brésir. 375 squamà instructa rotundà, descendente, barbatä. Sramina 8, sub- secunda ; filamentis interne pilosis. Granpuzx 4 secundæ, auran- tiacæ ; oppositæ 2 duobus petalis, duæ cum iisdem alternantibus. Fœm. Carvx, petala, glandulæ, staminaque masc.; sed antheræ effetæ videntur. Gemraza gynobasi brevi, villosæ insidentia. SryLus villosus , 2-fidus , lobis interpositus. Ovanum 2-coccum; coccis dis- tinctissimis, ovatis, villosis , gymobasi hinc affixis, 1-loc., 1-sp.: ovulum erectum. Nascitur in sylvis provinciæ dictæ Missoes, præsertimgrope vicos S. Miguel et S. Anjo. Floret Martio. EXPLICATION DES FIGURES. Tab. V. AÂLMEIDEA LILACINA. Tic. 1. Pétale de l_Ælmeidea lilacina de grandeur naturelle. Fic. 2. Étamine grossie de la même espèce. Fic. 3. Pistil grossi de la même espèce. a Nectaire. d Style. c Stigmate. d Ovaire unique à lobes séparés jusqu’à l'axe central. Fic. 4. Coupe de l'ovaire grossi de la même espèce: a Ovules ; le supérieur ascen- dant, l’inférieur suspendu. 5 Fic. 5. Coque s’ouvrant en deux valves du côté du centre de la fleur (cette figure appartient, comme les deux suivantes, à lÆ/meidea rubra). Fic. 6. Endocarpe devenu libre après la déhiscence et se séparant en deux valves. Fic. 7. Semence. a Faux arille scutelliforme : il doit son origine à une portion de l’endocarpe, à laquelle la semence est attachée, et qui se sépare du reste de l’endocarpe lequel est crustacé. Tab. VI. SPIRANTERA ODORATISSINA. Fic. 1. Pétale. Fac. 2. Étamines chargées de l’anthère , telle qu’elle est après l'ouverture de la fleur, 49" 376 EsPècEs NOUVELLES Fic. 3. Anthère vue de côté, telle qu’elle est dans le bouton : elle s’est déjà ouverte pour laisser échapper le pollen. Fic. 4. Anthère tirée du bouton et vue de face : elle est déja ouverte. Fic. 5. Calyce, nectaire et pistil. a Calice. d Nectaire. c Ovaire. d Style. e Stig- mate. Fic. 6. Ovaire et pistil. a Calyce : on en a rabattu une portion pour faire voir le nectaire dans son entier. à Nectaire. c Ovaire. FiG. 7. Figure destinée à montrer le gynophore. c Gynophore. d Ovaire. Fic. 8. Coupe d’une loge de l’oyaire. a Ovule, l’un ascendant, l’autre suspendu. Tab. VII. C4MAREA ERICOIDES. Fic. 1. Un individu en fruit à tige droite et solitaire. Fic. 2. Fleur tres-grossie. Fic. 3. Fleur très-grossie où trois des divisions du calice ont été renversées pour laisser voir les étamines et l'ovaire. a Les trois étamines libres, dont une in- termédiaire fertile et deux latérales terminées par une masse chiffonnée et pétaloïde. à Les 3 étamines soudées et fertiles. c Les loges de l'ovaire rappro- chées et parfaitement libres. d Le style. 4. Style : on voit par cette figure qu’il est inséré sur le réceptacle et non sur les lobes. Fic. 5. Fruit. Fic Tab. VIII, A. ZaNTHOxYLUM MoNOGYNU. Fic. 1. Feuille de grandeur naturelle. Fic. 2. Fleur femelle tres-grossie. a Rudimens d’étamines. Fic. 3. Fleur mâle, 1d. Fic. 4. Fleur femelle à deux pistils. a Rudimens d’étamines. Tab. VIIT, B. G4«uDiCHAUTIA GUARANITICA. Fic. 1. Feuille de grandeur naturelle avec son pétiole chargé de deux glandes. Fic. 2. Fleur tres-grossie. Fic. 3. Fruit. Fic. 4. Pistil accompagné du calice seulement. a Style sans son stigmate. à Loges velues et parfaitement distinctes. Fic. 5. a. Calice. à Une seule des loges de l'ovaire : on voit qu’elle devoit être absolument indépendante des deux autres. c Style : il n’est point porté sur les loges , mais sur un véritable gynobase. d Stigmate. IWPIRANTHBRA ODORATISSZIMA . y ta Q EX Q à ESSS à à) ( DURE. is. À \ \ à | AN, NY | & NX à ! NN NS RON a’ \ RAY TE M LS ( £ (5 RAA TA? NF DIÀ \ } — \Z — 4 DIT 3 37" / # Æ 7 Ÿ FT Z | È ET | | EZZ SZ} < F À À TSY7 h V'T RER NES k à GTA NE À | SSÿf/2 27 N À SZ 6 4 | ZA(1 N D'UN HS A AK À \ S ES PA EN SE LÈ N ME) IN Sr È LRICOIDEAS. CAMARE A y x, KR le Mes. En … CSL A. ZANTHOXYLUM monogynum. B. GAUDICHAUDIA œuaramiüea . C. GAUDICHE D. SCHAMIDELIA Suaraniüca . sericea. Fic. Fic. Fic. Fic. Fic. FiG. DE LA FLORE pu BRÉSIt. 377 Tab. VIII, C. GAUDICHAUTIA SERICEA. 1. Feuille de grandeur naturelle, . Fleur grossie. . Ovaire simplement 3-lobé portant le style. & Ovaire. à Portion du style. Tab. VIII, D. ScHMIDELIA GUARANITICA. . Feuille de grandeur nautrelle avec une grappe de fleurs dans son aisselle. . Très-grossie. a Les glandes. . Pétale détaché : on voit qu’il est muni d’une écaille, OBSER VATIONS SUR LA FAMILLE DES RUTACÉES, Pour faire suite au premier Mémoire sur le Gynobase. PAR M. AUGUSTE DE SAINT-HILAIRE. Pasoanr que je m'occupois à rédiger ma première disser- tation physiologique sur le Gynrobase, MM. Nees von Esenbeck et Martius préparoient un mémoire descriptif sur les Rutacées, et ils y faisoient entrer les caractères des es- pèces de cette famille que le dernier de ces savans a recueil- lies en Amérique. Je m'étois proposé un but entièrement différent du leur; mais comme j'ai cru ne pas devoir indiquer par des noms seulement les plantes sur lesquelles j’avois fait mes observations, il s’est trouvé que M. Martius et moi, chacun de notre côté, nous décrivions et faisions figurer, dans le mème temps, quelques-unes des mêmes plantes. Mon mémoire, communiqué depuis fort long-temps à l'Académie des Sciences avec les figures qui l’accompagnent, étoit déjà imprimé en très-grande partie et extrait dans les journaux, quand j'ai eu connoissance de l'écrit de ces messieurs. Si le mien eût été achevé moins promptement, je me serois em- RuTACÉES. 379 pressé d'adopter ceux des noms proposés par MM. N.et M., qui s'accordent avec les travaux des auteurs plus anciens; la loi de l’antériorité m'en auroit fait un devoir, et il m’eût été bien facile de le remplir, car je ne crois pas que l’on puisse attacher quelque importance à des mots, lorsque s'étant livré à l’étude des plantes, on a su en goûter tous les charmes, et lorsqu'on en connoit le véritable but. Rien au reste ne pouvoit être plus flatteur pour moi que de m'être rencontré sur tant de points avec des hommes aussi distingués que MM. Nees von Esenbeck et Martius. Cet heureux accord donne à mes observations une sanction qui ne me permet plus de doutes sur leur exactitude, et dont je dois sentir vivement tout le prix. Si je suis entré dans quelques détails que l’on ne retrouve point dans l’ou- vrage des deux savans, tels que ceux qui sont relatifs à la distinction des ovaires dans les Cuspariées, la manière dont les ovules sont attachés, etc., cela tient à ce que m'étant déjà beaucoup occupé, avant de quitter l'Europe, de la modification C’organe appelée gyrobase , j'ai dû nécessaire- ment, pendant mon séjour au Brésil, examiner avec scru- pule les plantes où l’on pouvoit la soupçonner. Nous n’au- rions fait sans doute que nous répéter sur tous les points, si M. Martius s’étoit proposé le même objet que moi. Je crois qu'ayant encore présent à la mémoire tous les faits consignés dans ma dissertation, je pourrai me rendre utile en traçant la synonymie des plantes que nous avons décrites, M. Nees et moi; je ferai voir combien nos observations se ressemblent, lorsque nous avons traité le même sujet, et je montrerai combien nous nous accordons sur le fond, lors 380 RuTAcées. . même que nous paroissons quelquefois différer par l’expres- sion. Fraxinellæ (Act. cur. vol. IE, p. 149 ). De la famille des Rutacées , telle qu’elle est conçue aujourd'hui par MM, de Jussieu, Desfontaines, de Candolle et Kunth (1), M. Nees et Martius forment trois familles distinctes, les Fraxinellæ (2), les Diosmées, les Zanthoxylées; et en même temps ils paroissent vouloir exclure tout à la fois de ces trois familles le Ruta et le Peganum , car ils ne font aucune mention de ces genres dans le cours de leur mémoire. Il est malheureu- sement arrivé aux deux botanistes allemands, pour les écrits de MM. de Candelle et Kunth, ce qui m’est arrivé à moi- mème pour leur propre ouvrage; ils ont travaillé sur un sujet qui, dans le mème moment, étoit traité, sans qu'ils le sussent, par l'illustre professeur de Genève et par l’auteur du Nova genera. Si M. Nees von Esenbeck et M. Martius avoient eu connoiïssance du mémoire de M. de Candolle sur les Cuspariées , ils auroïent reconnu qu'il n’y a aucune raison pour rejetter le nom de Rutfacées admis depuis B. de Jussieu par tous les sectateurs des rapports naturels. Si, d’un autre côté, ils avoient pu consulter le volume de l'ouvrage de M. de Humboldt où sont décrites les Rutacées, ils auroient vu que M. Kunth, qui a su comparer les plantes avec tant de soin, a cru que les genres de la famille dont il s’agit, se nuançoient par des dégradations trop peu sensibles pour (1) C'est-à-dire en excluant, Sous le nom de Zygophyllées, la premiere section du Genera de Jussieu. (2) Probablement pour Fraxinelleæ. RUTACÉES. 381 qu'on la divisät en différentes sections(1). Je pense cependant, comme je l'ai dit dans le cours de mon mémoire, que l'on peut sans inconvénient conserver comme simple tribu le groupe des Cuspariées ; mais il me semble en mème temps qu'il n’y a plus ensuite de divisions admissibles, et l’écrit des savans alle- mands va bientôt me fournir de nouvelles preuves de cette vérité. Ces messieurs ont cru que leur famille des Diosmées différoit de leurs Fraxinellæ (p. 17 ), par des pétales géné- ralement plus courts; par une préfloraison plutôt roulée en dedans (involuta) qu'imbriquée ; par la position régulière des étamines et des pétales ; par des anthères »ersatiles (in- cumbentes); wn fruit le plus souvent solitaire ; par les valves des coques entières et non 2-fides ; les réceptacles propres des semences nuls et non membraneux ; par le trophos- perme ; enfin par /e port et par la couleur des fleurs. 10. I est bien naturel que quand toutes les parties d’une fleur sont plus petites, les pétales suivent la mème proportion; aussi la différence de grandeur dans la corolle n’a-t-elle jamais été regardée comme un caractère de famille; d’ailleurs les fleurs du Correa, etc. ne sont pas assurément plus petites que celles, par exemple, du Rauia resinosa N. et M., et du Galipea Fontanesiana. 20. MM. Nees et Martius n’attachent probablement pas aux mots de préfloraison #nbriquée , le même sens que l’auteur de la Théorie; mais j'ose dire que ce caractère, tel que l’a conçu M. de Candolle, ne se trouve dans aucune de leurs Fraxinellæ. Dans aucun cas, au reste, la préfloraison ne pourroit servir pour distinguer ce groupe; (1) M. Kunth, il est vrai, donne à la famille des Rutacées le nom de Diosmées; mais il n’y a que le nom de changé. Mém. du Muséum. t. 10. 5o 382 RurAcées. car elle est vabatre ( Br. Dec.) dans le Pilocarpus ; elle est quinconciale ( Dec.) dans le Galipea, le Ticorea, le Spiranthera, Y Almeidea, et je la retrouve telle dans le Zanthoxylum monogynum; c’est-à-dire, qu'un des pé- tales y est entièrement découvert, que trois autres ont un de leurs bords caché par les pétales voisins, et qu’enfin le cinquième intérieur n’a de découvert qu'une foible partie de son milieu. 30. Quoique placé parmi les Fraxinellæ , les genres Prlocarpus, Spiranthera ex Almeidea ont cepen- dant des étamines évidemment hypogynes et alternes avec les pétales; par conséquent la position de ces étamines n’est pas moins régulière que celle des organes mâles du Diosma ou du Correa; et mème dans les Galipea les plus irréguliers, on peut reconnoître encore qu'avec une insertion hypogyne, il existe des étamines alternes avec les pétales. 40. Des an- thères versatiles (zrcumbentes) sont un caractère bien foible pour distinguer une famille, et les deux auteurs eux- mêmes en ont reconnu le peu d'importance; car tout en at- tribuant aux Fraxinellæ des anthères non versatiles, ils rangent, au milieu de ces plantes, le P#ocarpus auquel ils reconnoissent des anthères versatiles ( p. 176). 59. L’adhé- rence des loges du fruit présente toutes les nuances possibles dans les Fraxinellæ et dans les Diosmées. Je ne répéterai point les détails dans lesquels je suis entré à cet égard dans ma dissertation; mais je suis assez heureux pour en trouver la confirmation dans les descriptions mêmes de MM. Nees et Martius. L'espèce de Zicorea qu'ils appellent Sozwris bracteata à seulement cinq angles (p. 157) à son ovaire; et celui du Monniera n'offre que cinq sillons ( p. 164 ); le: RuTAcÉEs. 383 Ticorea jasmuufiora ( Sciuris multifiora N. et M.) est décrit par les deux auteurs comme étant légèrement 5-lobé ; les lobes paroïssent plus prononcés dans l’£rytrochiton Brast- liensis ( p. 167 ); le Rawa resinosa ( espèce de Galipea ), et tout le genre Ælmeidea (Aruba N. et Mart. non Aub. p. 173) sont indiqués comme ayant cinq coques, et enfin le Diglottis racemosa, comme offrant cinq ovaires parfai- tement distincts (p. 170). 60. Les deux valves des coques sont aussi peu 2-fides dans celles des Cuspariéees où je les ai observées que dans les Driomées des deux savans alle- mands, et dans toutes leurs figures de Cuspariées je trouve les coques parfaitement représentées, c’est-à-dire, à valves simples, et telles en un mot qu’on les voit dans leurs Dros- mées. 7°. I n'y a pas plus de réceptacle proprement dit dans les Fraxinellæ que dans les Driosmées des deux au- teurs, et ce qu'ils appellent le réceptacle propre n’est, comme eux-mèmes l’ont très-bien soupçonné (p. 159), qu’une portion de l’endocarpe. 80. Après avoir dit que le placenta est nul chez les Driosmées, MM. Nees et Martius leur attri- buent un #rophosperme en forme de crête. Comme le mot trophosperme est celui que Richard vouloit substituer au mot placenta ( Voy. Ann. Fr., p. 17, 18 et 111), je pré- sume qu'il y a dans cet article quelque faute d'impression qui m'empèche de le bien saisir. ge. Il me semble que toutes les Diosmées de M. Nees sont loin d’avoir la physionomie des bruyères, et même il en est quelques-unes dont les feuilles sont assez larges, molles et laineuses. En général, le port qui a tant de valeur dans les familles en groupe ( Mirb.) en a bien peu dans celles par enchaînement, et ainsi l’Aabztus So 384 RuTAcéeEs. du Borronia pinnata, du Diplolæna Dampierti ou du Cor- rea alba, n’est guère celui des Diosma, comme aussi le port de la Fraxinelle où du Monniera ressemble bien peu à celui de l'Æ/mneidea lilacina où du Galipea macro- phwylla. 100. Je trouve dans les Fraxinellæ des fleurs tantôt blanches ou verdàtres, tantôt roses, lilas, bleues, rouges ou couleur de chair, et par conséquent il me semble que la couleur ne les distingue guère du groupe des Diosmées. P. 184. Les savans auteurs ne trouvent de différences notables entre leurs Drosmnées et leurs Zanthoxylées que celle de lAabitus, et une autre qui consisteroit en ce que les semences des Diosmnées sont supendues, suivant eux, au sommet de la loge, tandis que le cordon ombilical naitroit de la base de la coque dans les Zanthoxylées. 1°. Les diffé- rences de port n'ont, comme je l'ai dit, presque aucune valeur dans les familles par enchainement, et sans sortir des Zanthoxylées , 1 me semble que le Zarthoxylum mono- gyrum , VEvodia febrifuga et le Z. pterota n’ont guère de ressemblance. 2°. Lies observations des deux auteurs sur la manière dont les ovules sont attachés dans leurs Drosmées et leurs Zanthoxylées sont extrêmement intéressantes; car, différant extrémement de celles de M. Kunth et des miennes, elles tendent à prouver que les caractères qui résultent du mode d’adnexion sont singulièrement variables dans les plantes qui nous occupent, et que par conséquent ils n’ont aucune valeur pour aider à diviser le groupe des Aufacées. Ainsi M. Kunth a vu dans le Zanthoxylum , le Choisya et l'Evodia, des ovules attachés à l’axe central , et j'ai moi- méme retrouvé ce caractère dans le Ruta angustifolia et Ruracées. 385 le Diosma rubra ; jai vu de jeunes semences axiles et péri- tropes dans l'£podia febrifuga ; péritropes et pariétales dans le Zanthoxylum monogynum ; pariétales et suspendues dans les Zanthoxylum hyemale et sorbifolium N.; et enfin voilà des ovules attachés au fond de la loge dans les espèces de Zanthoxylées que MM. Nees et Martius ont observées. Ce qui achève au reste de prouver que les Rutacées ac- tuelles ne peuvent être partagées en diverses familles, et qu'on doit tout au plus y laisser subsister les Cuspariées comme tribu, c’est que MM. Nees et Martius placent le Pilocarpus , le Dictamus et le Calodendrum avec les Cuspariées, et M. de Candolle dans sa section des Drosmées ; et qu’enfin ce dernier range également l’£vodia au milieu des Drosmées, et MM. Nees ei Martius parmi les Zartho- æyléees. P. 150. Ces messieurs partagent leurs fraxinellæ en deux sections, ceux à fleurs pseudo-monopétales et les es- pèces à fleurs 5-pétales. Mais on voit, comme je l'ai dit, tous les degrés d’adhérence dans les fleurs des Cuspartées ; l'on ne sait même quelquefois si adhérence provient d’une véritable agglutination ou de ce que les poils sont feutrés les uns avec les autres ; et si l’on admettoit les sections proposées, il faudroit séparer les espèces les plus voisines, telles que mes Galipea Candoliana et Fontanesiana. Les savans au- teurs achèvent, au reste, de prouver qu’il n’y auroit pas de limites entre les deux sections, car ils reconnoissent que dans leur Déglottis placé parmi les polypétales, les parties de la corolle adhèrent fortement à labase( petalis bas arcte cohærentibus ), et que dans leur Raura elles adhèrent par 386 RuTACÉES. le moyen des poils. Ce qui démontre aussi qu'eux-mèmes n’attachent aucune importance aux sections qu’ils indiquent , c’est qu'ils mettent le Zicorea parmi les polypétales, et ce Ticorea, identique avec leur Seiuris, est, de tous les genres de Cuspariées, celui où l’on peut le moins distinguer la soudure des pétales, comme l'on peut s’en convaincre par les échantillons authentiques du 7°. longiflora conservés dans les herbiers de Paris. P. 149. Ces messieurs, dans la description générale de leurs Fraxinellæ , attribuent aux plantes de ce groupe un réceptacle en forme d’écaille. Ce réceptacle, que M. Kunth a très-bien décrit sous le nom d’arille dans le Monriera, n’est autre chose, comme je l'ai démontré, que la portion amincie de l’endocarpe, la plus voisine de Pombilic, et qui, lors de la déhiscence, se détache du corps auquel elle ap- partient, pour rester adhérente à la graine. Aureste, MM. Nees et Martius, tout en se servant ici du mot de réceptacle, ont cependant reconnu la véritable nature de cette partie du fruit, eteux-mêmes confirment ce que j'ai avancé à cet égard, car ils disent positivement (p. 159) que cette même partie n'est point une expansion du trophosperme, c'est-à-dire, du réceptacle, mais qu’elle appartient au fruit. Ils vont plus loin encore, ear pour démontrer que ce prétendu réceptacle n’est pas un arille, ils apportent une preuve semblable à celle que j'ai donnée, savoir , que dans l’Ærythrochiton , deux se- mences dépendent du même réceptacle; et enfin en décrivant leur Rauta (p. 168 ), ils disent expressément qu’une partie du péricarpe voisine de l’ombilic, figure, en se détachant, un trophosperme en forme d’écaille. RUTACÉES. 387 P. 149. En traçant les caractères généraux des Fraxinellæ, les deux auteurs leur donnent un périsperme; mais il est évident qu’alors ils avoient en vue le Dictamus; car ils n’attribuent aucun périsperme au Galipea macrophylla (Conchocarpus macrophyllus) (p.161), ni à l'espèce d’ 47 meidea qu'ils nomment Aruba acuminata (p. 175), et par conséquent, ils sont d'accord avec moi sur l’absence du périsperme dans ces deux genres. Je sais que dans la des- cription générale des mêmes genres, ils leur donnent un périsperme mince (p. 173) ou extrêmement mince ( p. 159); mais puisqu'ils ne parlent plus de périspermes dans leurs descriptions particulières, il est clair qu'ils ont seulement voulu exprimer un soupçon inspiré par l’analogie et mettre les caractères généraux des deux genres, autant que possible, en harmonie avec ceux de la famille dans laquelle ils avoient indiqué un périsperme épais. Je sais encore que ces messieurs attribuent un périsperme au genre Monniera; mais ici ils auront suivi Richard, et, s’il s’est trompé cette fois-ci, il n’en est pas moins incontestable qu’on ne sauroit trop louer les botanistes qui choisissent un tel guide. P. 149. Ce n’est pas seulement sur l'absence du périsperme dans le Galpea et V'Almeidea que mes observations sont confirmées par celles de ces messieurs; ils: ont aussi vu les cotylédons chiffonnés et embrassés l’un par Pautre dans le Galipea ( p. 161 ) et dans l’Æ/meidea (p. 185 ); et, comme M. Kunth et moi, ils les ont trouvés planes dansle Monniera. P. 150: Avec M. Kunth, j'ai dit, dans ma Dissertation, que la radicule du. Monniera, se dirigeant vers l'ombilic, étoit repliée sur l’un des cotylédons, et que ce même cotylé-- 388 RuTAGÉESs. don étoit, avec elle, enveloppé par l’autre; j'ai ajouté que ces caractères se retrouvoient dans leGalipea Fontanesiana, et je les ai aussi indiqués dans lÆ/meidea. MM. Nees et Martius s'accordent avec nous sur la direction de la radicule dans le Monniera ; mais eux et moi nous différons pour les caractères de cet organe dans le Galipea et Y Ælmeidea. Ce- pendant comme il y a quelque divergence dans leurs propres descriptions, il est clair qu'il se sera glissé des fautes d’im- pression dans cette partie de leur ouvrage. En effet, il est dit, dans les caractères généraux de leur famille des Fraxt- nellæ, que la radicule est centripète et supérieure (p. 149); dans la description générale du Conchocarpus (p. 59) qu’elle est supérieure et latérale, et dans la description parti- culière du €. macrophyllus qu’elle est centrifuge et horizon- tale(p. 167 ). Je crois, en général, qu'avec Richard, Brown, de Candolle et Kunth, il seroit bon de renoncer entièrement à ces expressions de radicule /atérale et horizontale, cen- tripète et centrifuge qui ne présentent que des idées vagues et obscures, lorsqu'aujourd’hui la carpologie est devenue si claire par les observations profondes de l’illustre auteur de l'Analyse du fruit. P. 149, 159, 163, 165, 173. Un point sur lequel M. Kunth et moi nous différons des deux auteurs, c’est la direc- tion de l'embryon dans la graine; mais il est probable que partout où MM. Nees et Martius avoient écrit ebryo in- curvus, quelque copiste aura substitué errbryo inversus. En eflet, un embryon #rverse ou, si l’on veut, dirigé en sens contraire de la semence, est celui où les cotylédons abou- tissent à l’ombilic ( antitrope Rich. ). Ces embryons généra- RurAcées. 389 Îement rares, comme l’a dit Richard père avec juste raison, ne sauroient se rencontrer dans les semences du Monniera, du Galipea, de Ÿ Ælmeidea et du Pilocarpus ; car l'ombilic y correspond à la moitié ou environ du grand diamètre de la graine, et pour que, dans ce cas, les cotylédons abou- tüissent à l’ombilic, il faudroit que l'embryon occupàt le petit diamètre de la semence; mais comme il n'y a pas ici de périsperme, comment seroient remplis les deux bouts de la graine? Il est une loi carpologique, fondée sur les prin- cipes de la géométrie la plus simple, et que je ne puis m'empêcher d'indiquer ici: Lorsqu'il n'existe point de pé- risperme et que l’ombilic répond à peu près à la moitié du grand diamètre d’une graine plus longue que large, d'embryon, s'il est droit, se trouve parallèle au plan de l’ombilic (comme dans le Pilocarpus), ou bien s'il est courbé, la radicule regarde l’ombilic, comme M. Kunth et moi nous l’avons vu dans le Monniera, et comme je l'ai vu en particulier dans le Galipea F'ontanesiana et dans l'Almeidea rubra. P. 153, 154. Ces messieurs confirment entièrement ce que j'ai dit dans mon mémoire, sur la nécessité de réunir le Galipea et le Raputia. Eux-mêmes effectuent cette réunion, et vont encore plus loin, car les plantes qu'ils décrivent sous le nom de Sczuris, sont des Ticorea, genre que M. Kunth et Richard soupconnent effectivement devoir être rapporté au Galipea. On pourroit dire que les trois espèces décrites par MM. Nees et Martius présentant à peu près les mêmes irrégularités dans leurs fleurs, devroient constituer un genre différent tout à la fois du Galipea dont elles n’ont Mém, du Muséum. 1. 10. 5x 390 Ruracées. pas la corolle et du 7corea Aub., qui a des étamines toutes fertiles. Mais pour former un genre, il faut bien consulter la valeur de chaque caractère dans la famille à laquelle il appartient; or, par le Gatpea où les espèces les plus voisines ont des étamines toutes fertiles ou en partie stériles, il est bienévident que dans les Cuspariées\ avortement de quelques étamines est sans valeur comme caractère générique. Quoi qu'il en soit, si, avec ces messieurs, l’on conserve le genre 7%- corea , comme je crois qu’on peut le faire, il est clair que la longueur du tube de la corolle exige qu’on y réunisse mon T'icorea jasminifliora ( Scruris multifiora N. et M. ) et les Scivris bracteata et simplicifolia N. et M. Le Raputia d’Aublet qui n’a qu'un tube très-court, comme les autres Galipea, doit rester avec eux, et l’antériorité exige qu’on préfère ce nom à celui de Sozurts. P. 155. Sciuris multiflora. Cette espèce estmon 7corea jasminifiora. M est vrai que MM. Nees et Martius attribuent à leur plante des fleurs sessiles, qu'ils ne disent rien des petites bractées , et qu'ils placent une fleur dans la dichoto- mie des rameaux; mais ces différences sont peu essentielles, et la figure de ces messieurs ainsi que leurs descriptions prouve l'identité de leur plante et de la mienne. L'on sait d’ailleurs combien sont sujettes à varier les espèces équi- noxiales; ainsi, par exemple, sans sortir de ce qui regarde le 7°. jasminiflora, ces messieurs le distinguent de leurs autres espèces par des panicules droites, et j'en ai trouvé tout à la fois des individus à panicules droites et d’autres à panicules penchées. Quant aux Zicorea, appelés par les deux auteurs Sczuris bracteata et simplicifolia, ce sont des es- RurAcÉEs. 391 pèces entièrement nouvelles, et l’on doit àces messieurs d'en avoir enrichi la science. P. 158. Conchocarpus. Quoique MM. Nees et Martius aient conservé ce genre, ils ont dans la réalité démontré mieux que moi encore la nécessité de le réunir au Galipea, puisqu'ils ont placé dans ce dernier genre les Zcorea jas- rurflora, bracteata, simplicifolia qui en diffèrent bien davantage. La forme de la fleur dans le Conchocarpus se nuance avec celle de mes Galipea, ceux d’Aublet et de de Candolle; les étamines stériles et fertiles sont absolument semblables, et le Corchocarpus cuneifolius N. et M., qu'il faudra appeler Galipea cunerfolia, est une espèce entière- ment nouvelle dont la découverte appartient à M. Martius. P: 165. Erytrochiton. Ce genre nouveau, non-seulement doit être conservé , mais, par la grandeur de son calice, il sera Jun des plus remarquables de la tribu des Cuspartées. P. 169. Rawa. Si les observations de MM. Nees et Mar- üus prouvent qu'il faut réunir le Corchocarpus au Galipea, à plus forte raison démontrent-elles qu’il n'en faut pas séparer le Rauia , car ses caractères ont encore, s'il est possible, plus d'identité avec ceux de ce dernier genre, comme on peut s’en convaincre par la comparaison de leurs figures, des miennes, et de celle du G. Ossana Dec. (Mém. Mus. vol. 8, p. 149). A la vérité, ces messieurs placent le Galipea dans leur section des Fraxinellæ à pétales soudés et le Rauia parmi les genres à pétales non soudés; mais comme ils disent ensuite ( p. 167) que la corolle de ce dernier est soudée à la base, et ailleurs qu’elle est soudée par le moyen des poils, ils prouvent par Ja mème ce que j'ai déjà démontré dans ma dissertation, Sens 392 Ruracées. savoir, que le degré d’adhérence n’a aucune valeur dans les Galipea. Je puis encore ajouter ici qu’elle varie dans la même fleur à différentes époques; que très-forte dans le bouton, elle diminue loin de l'épanouissement et qu’ensuite elle de- vient quelquefois nulle à la chute de la corolle. Quant aux étamines , leur insertion est semblable dans tous les Galipeæ; elles y sont constamment hypogynes, et lors même qu’elles sont soudées avec les pétales, on peut facilement les suivre jusqu’à la base de ces derniers, comme on peut le voir non- seulement par mes figures, mais encore par celles du G. Ossana. Il est évident par conséquent que si MM. Nees et Martius ont admis le genre Rawæ, c'est qu'ils l'ont trouvé indiqué dans les notes de M. le prince de Neuwied qui, se livrant avec un si grand succès à l'étude de l’ornithologie, ne pouvoit s'occuper de tous les détails de la botanique. Quoi qu'il en soit, le Galipea resinosa ( Rauïa resinosa, N. et M.) doit être intercallé auprès du G. Candolliana dont il à le poil, et qui a des pétales également libres. Quant au Rauia racemosa, ce n’est autre chose que le Galipea Fontanesiana , comme je m'en suis convaincu par la com- paraison de mes échantillons avec la figure de M. Nees, et comme tout le monde peut le voir par nos descriptions. Or, cette espèce prouve mieux que tous les raisonnemens la nécessité de réunir le Rauia au Galipea, car si ces mes- sieurs lui ont trouvé des pétales non soudés, j'en ai trouvé de soudés jusqu’à moitié dans les échantillons que j'ai exa- minés sur le frais. P. 170. Diglottis. Ce genre a les rapports les plus intimes avec le Galipeæ; cependant on peut le conserver à cause Ruracées. 395 de cette languette qui termine les étamimes et qui ne se trouve dans aucune espèce de Galpea. P. 171. Lasiostemum. Si ces messieurs ont connu cette plante, ce n’est que par les échantillons de M. le prince de Neuwied, et ils auront conservé sans doute le nom qu'ils auront trouvé dans les notes de ce savant zoologiste. En prouvant que le Raur& est identique avec le Galipea, j'ai réellement démontré aussi que le Lasiostemum faisoit partie de ce dernier genre. En effet, comme on l’a déjà vu et comme paroissent le penser ces messieurs eux-mêmes, le degré d'adhérence des pétales n’a aucune valeur dans les Cuspariées ; une corolle campanulée se retrouve avec de légères nuances dans mes Galipea, le Cusparé, le Ga- lipea Ossana ( voyez la figure ); le plus ou moins d’inégalité dans les pétales varie chez les espèces les plus voisines; enfin le nombre des étamines fertiles diffère également dans les Galipea qui ont le plus de rapport, puisque le Cusparé n’a que deux étamines qui soient fertiles, et le Lasroste- run trois, que le G.pentandraæ a toutes les siennes fertiles, et le G.Candoliana, si voisin de ee dernier, en a trois stériles. Il y a plus: les caractères sur lesquels on voudroit ici fonder des genres, se combinent en sens inverse dans les espèces où les aflinités sont le plus évidentes; ainsi le G. pentandra a cinq étamines fertiles et des pétales soudés, tandis que le G. Candoliana n’a que deux étamines fertiles et des pétales libres; le Lastostemum sylyestre et le G. hketerophylla , sur cinq étamines en ont trois fertiles, et sur sept, le G. Ossana n'en a que deux pourvues d’anthères; avec ses cinq étamines fertiles, le Lasiostemum a, suivant les deux auteurs, 394 RuTACÉES. des pétales égaux, et avec le même nombre d’étamines, le G- heterophy lla à des pétales inégaux; enfin il n’est personne qui ne voie qu'il y à infiniment plus de différence entre le Galipea d'Aublet et de de Candolle, et le Zcorea qu'y rapportent les deux auteurs (leurs Sciwris ), qu'entre ces mêmes Galipea, le Rawa et le Lasiostemum; et si nous admettions ces deux genres, il faudroit nécessairement, contre l'opinion de MM. de Jussieu, Desfontaines, Kunth et Ri- chard, faire un genre de chacune de mes neuf espèces de Galipea , laisser subsister le Cusparia et surtout former un genre particulier duGa/ipea Ossanade de Candolle. Achevons donc de reconnoitre que toutes ces plantes, se liant par des dégradations insensibles, ne peuvent constituer qu'un seul genre, et que le Lasiostemum sylvestre sous le nom de Galipeasylvestris doit y trouver une place près du Galipeæ pentagyna,entrele G. febrifuga et le Galipea heterophylla qui, avec des pétales à la vérité un peu inégaux , mais à peine soudés, à aussi trois étamines fertiles. P. 1792. Aruba. Les plantes que ces MM. rapportent à l' Aruba X Aublet, appartiennent à mon Æ/meidea. Dans aucun cas, elles ne peuvent rester avec l'Æruba de la Flore de Cayenne, parce que celui-ci n’est qu'un S/maba, comme le prouve la description d’Aublet, comme M. de Jussieu l'a reconnu depuis long-temps, et comme Fillustre Richard l'a constaté pendant son séjour à la Guyane, et indiqué dans ses savans manuserits. P. 174 et suiv. Les espèces d’Æ/meidea décrites par ces messieurs sont nouvelles. Cependant leur Ælmeidea cærulea { Aruba cærulea) paroit fort voisin de mon Æ/neidea CS M ES Ruracées. 9 rubra, etleur .Almeidea acuminata ( Aruba acuminata) de mon Æ{/mneidea longifolia. P. 196. Pilocarpus. Ces messieurs ont adopté pour le pistil les caractères de Wabl. L’anneau charnu dont ils par- lent est la portion du gynophore dans laquelle les ovaires sont plongés et qui adhère à leur base. Les coupes transversales prouvent que cette partie du gynophore appartient abso- lument au même corps que celle qui setrouve sous les ovaires. P. 197. Pilocarpus parviflorus, e’est le même que mon P. spicata. P. 197. T'erpnanthus. Ce genre est le mème que le Spz- ranthera. Ces messieurs, à la vérité, n’ont point parlé du caractère que j'ai signalé dans les anthères et qui a frappé tous ceux qui ont vu mes échantillons; mais cela tient à ce qu'ils n'auront observé que des fleurs imparfaitement déve- loppées, comme leurs figures le prouvent assez évidemment. S'ils eussent su quelles plantes se rapportent au 7corea, genre où la soudure des pétales est si remarquable, ils n’au- roient pas songé à en rapprocher le Spiranthera. La place de celui-ci est entre le Drctamus et le Calodendron., comme l'a reconnu M. de Jussieu. P. 198. Pohlana. Ces messieurs substituent ce nom à celui de Langsdorffiæ donné par le P. Leandro aux Zanthoxy- lum, où l’un des deux ovaires a coutume d’avorter. J’ai déjà démontré que ce genre, qui n’a été sans doute conservé par MM. Nees et Martius que par respect pour notre esti- mable ami le P. Leandro, ne pouvoit être adopté sous aucun nom. Si on l’admettoit, il faudroit à plus forte raison faire un genre du Delphimium Ajacis , car je ne me rappelle pas 396 Ruracées. d'avoir rencontré dans ce Delphinium des fleurs à plus d’un ovaire ; et sur le mème rameau dans une même panicule, on trouve des fleurs qui offriroient les caractères des Zantho- xylum et ceux attribués au Langsdorflia où Pohlana. P. 185. On ne doit pas s'étonner de ce que ces messieurs ont laissé subsister le genre F'agara , puisqu'ils n’avoient pas connoissance du travail de M. Kunth sur le Zanthoxylum. De l'examen qui précède et des conséquences que l’on doit naturellement tirer du travail important de MM. Nees von Esenbeck et Martius et de leurs intéressantes descrip- tions, il résulte : 19. Qu'abstraction faite des Snaroubées, la famille des Rutacées n'admet d'autre division que celle en Rutacées proprement dites et Rutacées anomales où Cuspartées. 20, Que ces dernières ne peuvent être séparées en genres à fleurs polypétales et genres à fleurs monopétales, parce que les soudures de la corolle s’y nuancent par des dégra- dations insensibles et que des espèces qu'il est impossible d’éloigner, ont, les unes des pétales soudés, et d’autres des pétales libres. 30. Que le godet qui entoure l'ovaire se trouve avoir été observé jusqu'ici dans quinze espèces de Cuspariées, et doit être considéré comme un des caractères de ce groupe. 4°. Que l'absence du périsperme dans ce même groupe a également reçu une nouvele confirmation. 50, Qu'il se trouve formé des genres suivans : Monniera, Galipea, Ticorea, Erythrochiton et Diglottis. Go. Que le Souris multiflora doit être rapporté au Ticorea jasminiflora; le Rawa racemosa au Gadpea RuTACcÉEs. 397 Fontanesiana; le Pilocarpus parviflorus au Pilocarpus spicata; le Terpnanthus jasminodorus au Spiranthera odoratissima. 70. Que l’Æmneidea ne peut être rapporté à l'Aruba d’Aublet qui n’est qu’un Sémaba. 80. Que MM. Nees et Martius ont enrichi le genre Tcorea de deux espèces sous les noms de Sciuris bracteata et sim- plcifolia; le genre Galipea de trois espèces sous les noms de Conchocarpus cuneifolius, Rauia resinosa , Lastoste- mum sylvestre, et enfin le genre {/mneidea également de trois espèces sous lesnoms d’Æruba cœrulea, alba et acuminata. Ici se termine la nouvelle tâche que j'ai cru devoir me prescrire; le travail que j'achève ne pouvoit avoir pour moi beaucoup de charmes; mais je me consolerai d’y avoir con- sacré quelques instans, si j'ai pu signaler des observations utiles, confirmer les principes sur lesquels repose la science des rapports, et faciliter les recherches de ceux qui voudront se livrer d’une manière spéciale à l'étude de la famille des Rutacées; famille si intéressante par son organisation, par les singularités qu'y présente l'organe femelle, par les anoma- les du groupe des Cuspariées, et enfin par les ressources que tant d’espèces offrent à la médecine. Mérn, du Muséum. 1. 10. 59 ANALYSE CHIMIQUE DE PLUSIEURS TERRES ENVOYÉES DU SÉNÉGAL. PAR M. LAUGIER. Dia Excellence le Ministre de la marine et des colonies a adressé à l’administration du Muséum d'histoire naturelle einq terres apportées du Sénégal, avec invitation d'en faire faire l’analyse. L'assemblée m'ayant désigné pour examiner ces substances, je lui soumets le résultat de mon travail. Avant de l’entreprendre, j'ai cru convenable d'analyser une terre de France reconnue bonne, et qui pût me servir d'objet de comparaison. Notre confrère M. Thouin a bien voulu me remettre un échantillon d’une bonne terre à fro- ment, dite terre franche, de la meilleure qualité des environs de Paris, dans laquelle eroissent des blés qui rendent pour l’ordinaire et années communes, de douze à quinze pour un, c’est-à-dire, qu'en y semant un boiïsseau de grains, on en récolte douze à quinze boiïsseaux. L'analyse de cette terre a donc précédé celle des terres du Sénégal. Le procédé que j'ai employé n’est point rigoureux et tel que l’exigerait une analyse délicate, mais il m'a paru sufi- ANALYSE CHIMIQUE DE PLUSIEURS Terres. BO9 sant pour le but qu'on se propose dans les analyses de ce genre. Il consiste, 1°. à distiller une quantité donnée de la terre dans une petite cornue pour en séparer en grande partie l'eau qui y est contenue; 2°. à calciner le résidu dont le poids est connu pour déterminer la quantité des matières organiques qui peuvent s’y trouver; 30. à traiter le résidu de la calcination par l'acide hydrochlorique jusqu’à ce que celui-ci cesse de se colorer; 4°. à précipiter l’alumine et l’oxide de fer par lammoniaque, puis à séparer ces deux matières par la potasse caustique; 50. à précipiter la chaux par l’oxalate d’ammoniaque. On présume bien que la silice traitée par l'acide hydro- chlorique doit retenir des atèmes d’alumine et d’oxide de fer, que la fusion avec la potasse caustique pourroit seule séparer entièrement, mais on ne pense pas que cette exac- titude rigoureuse soit nécessaire pour juger du plus ou du moins de qualité d’une terre végétale. J'ai commencé par appliquer le procédé ci-dessus décrit à la terre franche de M. Thouin, et voici les résultats qu’elle m'a donnés : 100 parties de cette terre sont composées de Pesrenaliceuseat ie ee Le 84 Bausle aus Ath à Du AAURONTHOEIE Matière végétale. . . . . . . Oxide de fer. . . . .: Carbonate de chaux. 4212904400 Le nr, s Aline. 1110 6400 CANON E0 A PÉTLE RU ee stone 130 400 ANALYSE CHIMIQUE Cette terre, en grumeaux plus ou moins volumineux, noircit fortement et dans toutes ses parties par la calcination, et exhale une forte odeur empyreumatique. Ces deux carac- ières sont plus marqués dans cette terre que dans toutes les autres. J'ai examiné les cinq terres du Sénégal dans l’ordre des numéros placés sur chacune des caisses qui les renfermoient. Le n°. 1, échantillon provenant du jardin d'une habita- tion située sur le Marigot de Rawéi qui conduit au lac de N'Ghier dans le Doukitt, est sous forme de grumeaux de diverses grosseurs; il ne noireit que peu par la calcination et seulement dans quelques points, il ne donne qu'une odeur légère d’empyreume. Cette terre sur 100 parties est formée de Silice. astres és sector D'ean:et.d'hpmus.e: ou acer ours he D'oxide-de:fer:s:xrts tes Rae D’alumine. :. s{stebx ets Brittto6 Des traces de carbonate de chaux. 95,4 PÉTER Te ee en ee TG IEU L’échantillon n°. 2 a été pris dans une plaine éloignée d’une lieue de l'endroit nommé Doukitt, et à un demi-mille du lac N’Ghier. Il est en morceaux de la grosseur du pouce; d'aspect argileux, compactes, non friables ; il noircit en plusieurs points de sa masse, qui s’enflamment par l’agita- tion comme du charbon, en exhalant une odeur empyreu- matique. Son apparence argileuse donnoit lieu de présumer DÉ PLUSIEURS TERRES. 40+ que la terre qui le forme contenoit plus d’alumine et de silice que le n°. 1; c’est ce que l'expérience a confirmé. Il renferme sur 100 parties : 72 de Silice. 10 d’alumine. 10 d’eau et d’humus. 8 d’oxide de fer et des traces de chaux. L’échantillon n°. 3, ramassé dans un endroit nommé N'Diagne, à 200 mètres de la rivière portugaise, dans une plaine inégalement et foiblement inondée, diffère beaucoup par l'apparence des échantillons précédens, et surtout du no. 2. C’est une terre pulvérulente, mobile, siliceuse, et l'analyse est d'accord avec ces caractères, car on y trouve beaucoup de silice, peu d'humidité, peu d’alumine, et encore moins de matières végétales que dans les deux pre- miers échantillons. Cent parties sont formées de DB Re PA EMA t cie are te MUR | O0 Baufet Humus SLT LR er 3,0 Dodelde fon PR EARNMRERS ES Xe SG ARTE EE OMAN A PR UT NZ CÉfrbonatet deMeRanx. 0e meer c'e 120 99;7 Par ses caractères extérieurs, l’échantillon n°. 4 ressemble parfaitement au n°. 2. Il est en grumeaux compactes, diffi- ciles à écraser, comme argileux; il noïrcit par places comme la terre n°. 2; ces points noirs s’enflamment lorsqu'on les agite et qu'on les met en contact avec l’air. Cet échantillon a été pris dans un des champs situés à 200 mètres de la ri- 4ov ANALYSE CHIMIQUE vière, dans les environs d’un ancien village nommé Roso; ces environs sont plus ou moins inondés, et il s'y trouve tantôt des rizières, tantôt de beaux champs de mil, selon Ja saison. L'analyse prouve que la composition de cette terre est à peu près la même que celle du n°. 2, comme son aspect l'indique. Elle contient sur 100 parties : Silent trher aitu es est vies res Aleifhe.cbéoiil Macédoine Liarahie Oxtle dederchus 2niligenbh. shine bts Hu et his. soute Puerto Et des traces de chaux. 100,0 L'’échantillon n°. 4 dont nous venons-de parler, diflère autant du n°. 5, que ce dernier se rapproche du n°. 3 par ses caractères extérieurs. Il est sous la forme de petits gru- meaux friables, se réduisant sous les doigts en poudre sèche, mobile, siliceuse, ne noircissant au feu qu'en quelques points gros comme des têtes d’épingles, et donnant très-peu d’odeur. 2 Aussi ne contient-il presque point d'humus, peu d’eau, et plus de silice que les n*. 1 et 3 qui en renferment bien davantage que les nos, 2 et 4. L’échantillon n°0. 5 a été ramassé près d’un village détruit, que l’on rencontre à une lieue plus loin que Roso, et qui étoit situé près d’une petite baie nommée N'’Dick sur le bord de laquelle on voit de beaux cotonniers, DE PLUSIEURS TERRES. f03 100 parties du n°, 5 sont composées de 91 desilice. 3 d’eau et d'humus. 3 d’oxide de fer. 1,8 d’alumine. 0, de carbonate de chaux. 99:3 Le peu de perte que ces analyses présentent doit être attribué à l’oxigène absorbé par le fer, et qui sert à la com- penser. Parmi les cinq terres du Sénégal, celles qui sont numéro- tées 2 et 4, se rapprochent le plus de la terre franche des environs de Paris, elles contiennent mème plus d'argile et d’eau que cette dernière, et seulement un peu moins d’hu- mus. On peut en conclure qu’elles doivent être propres à la mème culture, et que par conséquent il seroit possible d’y semer avec succès les graines céréales qui croïissent si avan- tageusement dans la terre des environs de Paris. Les trois autres échantillons portant les nos. 1, 3 et 5 renferment plus de silice, moins de terre argileuse, d’humi- dité et d’humus que les n°s. 2 et 4. Il est présumable que les plaines d’où les terres les plus siliceuses sont tirées, étant souvent inondées, les eaux leur ont enlevé les matières qui leur manquent et qui sont plus faciles à entrainer; aussi ces terres sont-elles plus mobiles, moins fortes, et conservent-elles moins l'humidité. Il en ré- sulte qu’elles ne peuvent servir à la même culture que les 4o/ ANALYSE CHIMIQUE DE PLUSIEURS TERRES. terres marquées 2 et 4. Il est vraisemblable que le moyen de les rendre utiles seroit d'y cultiver de préférence des arbres ou des arbustes qui exigent une terre légère et peu humide. 405 DESCRIPTION DE LA GREFFE DAUBENTON. PAR M. A. THOUIN. O: peut, au moyen des greffes, accélérer de bien des ma- nières la croissance des arbres en diamètre et en élévation. Jusqu'à présent on ne connoiïssoit pour les faire croître en largeur que le procédé de la greffe Banks. Celle dont nous donnons la description semble devoir ajouter à nos res- sources en ce genre et promet des résultats utiles. Pour mettre les cultivateurs à même de l’exécuter avec assurance de réussite, nous en avons présenté tous les développemens sur une même planche que nous accompagnons ici d’un texte explicatif. Afin d'établir de l’ordre dans les idées, nous suivrons notre méthode technique accoutumée. Choix des sujets. Donner la préférence à des individus d'espèces d’une longue vie de première grandeur, à bois dur et coloré , indigènes ou naturalisés, rustiques, de l’âge de deux à cinq ans, rarement plus. Choisir les tiges saines, sans nœuds, aussi droites que possible et flexibles par leur sommet. Déplantage. V'elfectuer à l'automne, après la chute to- tale des feuilles, lorsque les gelées ont arrêté la sève des arbres estivaux. Lever toutes les racines avec la plus grande Mém. du Muséum. t. 10. 53 406 GREFFE DAUBENTON. partie du pivot. Rejeter les individus dont les racines ne seroient pas en aussi grand nombre et aussi bien conservées que celles des autres sujets destinés à faire partie du mème groupe. Si le climat est pluvieux, froid, la terre argileuse, compacte et humide, il est préférable de faire ce déplantage à la fin de l'hiver et même à l’époque du premier printemps. Préparation des sujets. Disposer les racines des trois sujets destinés à faire le milieu du groupe, de manière qu'elles se dirigent en croissant à angle droit sur la ligne que doivent former les arbres (»oy. À À, fig. 1 ): supprimer celles qui par leur position empécheroient les collets des racines de se rapprocher exactement. Couper tout près des tiges les bran- ches et rameaux qui se trouveroient sur les parties des arbres qui doivent être réunies. Etêter le sujet du milieu à deux ou trois décimètres au-dessus du point où il doit être opéré. En faire autant au second individu et à même distance au-dessus de la coupe du premier. Rogner la flèche du troisième vers le milieu de la ramille terminale de la dernière pousse et im- médiatement au-dessus de l'œil le plus disposé à faire croître son bourgeon dans la direction verticale du pied de l'arbre (vor. fig. 2 ). Plantation. On doit y procéder dès que les sujets ont été déplantés et préparés. La fosse disposée d'avance pour les recevoir dans un terrain, à une exposition et à une situa- tion convenables à l’espèce des arbres dont se compose le groupe, doit être faite eu lieu aéré, éloigné des racines et de l’'ombrage de tous les grands végétaux du voisinage. Les trois individus, présentés ensemble au milieu de cette fosse, seront plantés perpendiculairement à côté les uns des autres : on GrRerrez DAUBENTON. 4o7 dirigera les racines obliquement dans leur position naturelle, mais hors la ligne que forment les arbres. Après avoir soï- gneusement recouvert les racines jusqu’au haut de la fosse, on aflermit la terre et on fait au pied des arbres un auget pour recevoir l’eau d’un arrosement copieux, souvent né- cessaire pour remplir de sédiment terreux les plus petits vides qui se trouvent entre les divers filamens du chevelu. Opération. Elle peut se faire sur les arbres à différentes hauteurs, selon la force des individus et les projets du cul- tivateur. Nous avons opéré l'individu central de notre groupe à un mètre au-dessus du niveau du sol; le second a été entaillé à deux décimètres plus haut que le premier, et le troisième à deux décimètres plus haut que le second. C’est à cette distance que nous continuerons d'opérer chaque an- née les nouveaux sujets plantés à l’âge des trois premiers individus. Voici en quoi consiste lopération ( »oy. fig. 2 ). Après avoir coupé horizontalement la tête de l'arbre du milieu à la hauteur que nous venons d'indiquer, on affile l'extrémité supérieure de la tige qui lui reste en biseau très- aigu de quatre à six centimètres ( vo. B, fig. 2), on enlève à ce même sujet sur un de ses côtés, en regard avec l’un des individus voisins, une lanière d’écorce depuis l’épiderme jusqu'à l’aubier, à partir du niveau de la terre jusqu'à la coupe en biseau qui termine la tige. L'arbre de droite ou de gauche est ensuite pareillement écorcé en regard de la plaie faite à celui du milieu, dans la même longueur et de la même largeur. A la hauteur du biseau que forme la tête du premier, on fait une entaille propre à recevoir cette même tête, de manière que la tige Do 408 GREFFE DAUBENTON. du groupe n'ait pas plus d'épaisseur à cette place que dans les autres parties voisines. Il est nécessaire que l'incision oblique 4 s’étende jusqu’au milieu de la colonne médullaire du second individu auquel on coupe la tête pour l’amincir ainsi que celle du premier. Le troisième sujet E est opéré comme le second , avec cette différence que la tige est con- servée entière et que l'incision oblique au-dessous de la- quelle commence l’écorcement latéral doit être faite à deux décimètres au-dessus de celle du second individu et du côté qui lui est opposé. Les trois arbres ayant été opérés chacun de la manière qu'il vient d'être dit, on insère latéralement dans l’entaille d faite au second individu le coin qui termine la tête de celui du milieu, et le coin c qui termine la tige de celui-ci dans la plaie F du troisième sujet E. On rapproche ensuite les unes des autres les parties des tiges dépouillées d’écorce, de ma- nière qu'elles se recouvrent mutuellement le plus exacte- ment possible. Toutes ces opérations minutieuses doivent être faites avec beaucoup de justesse et la plus grande cé- lérité. On les termine immédiatement en posant l'appareil qui doit assurer la réussite de cette greffe. Appareil. W consiste 1°. à lier de distance en distance avec de gros fil de laine GG, fig. 3, les trois tiges opérées pour les maintenir dans la position qu’on leur a donnée; 20. à couvrir les arbres ainsi réunis, depuis leur pied jusqu’à un décimètre au-dessus de la dernière opération, avec des lanières H H de deux centimètres de large fraichement en- levées à de jeunes branches de tilleul, d’orme ou autres arbres dont la sève douce et visqueuse ne peut nuire aux GrerrE DAUBENTON. 409 sujets; 30. à couvrir cette espèce de fourreau d’écorce de l'épaisseur de trois à quatre millimètres de terre jaune, argi- leuse, mélangée avec un tiers de bouse de vache et corroyée en consistance de mortier épais (07. fig. 3), à l'effet d’em- pècher les insectes, l’eau, l'air et la lumière de s’introduire entre les arbres et de nuire à la prompte soudure de leurs plaies ; 4°. à enfoncer perpendiculairement en terre un tuteur solide derrière individu du milieu pour le maintenir droit et l'empêcher d’être ébranlé ou cassé par les vents; 50. et enfin à placer aux deux bouts de la ligne que forme le groupe deux pieux solides J J, fig. 4, auxquels doivent être fixées deux ou trois traverses destinées à empêcher les arbres de prendre une autre direction que celle qu'on veut leur donner. Opérations suwantes. Chaque année on plante deux nou- veaux sujets K K à peu près d’égale force, de même espèce ou d'espèces congénères, aux deux bouts de la ligne que forme le groupe d'arbres établi l’année précédente. On les en rapproche autant qu'il est possible en disposant leurs racines de la même manière que l’ont été celles des pre- miers. Vers le milieu du printemps qui suit la plantation, les sujets étant en sève, on les opère d’après le procédé décrit plus haut; ensuite on rétablit l'appareil dans le même état où il étoit précédemment. Ces travaux se renouvellent chaque année jusqu’à ce que le tronc du groupe soit arrivé à la hauteur qu'on veut ou qu'il est possible de lui donner. Alors on l’abandonne à sa croissance naturelle. Conduite du groupe. Elle se réduit à supprimer avec soin tous les bourgeons qui croitroient sur le côté latéral des 410 Grerre DauBenron. tiges qui forment les deux extrémités de la ligue et qui, en y occasionnant des nodosités, empêcheroïient les tiges des nouveaux sujets qu'on plante chaque année de s'appliquer exactement sur celles des anciens. Il faut laisser croitre les bourgeons qui pousseront sur les deux faces des individus greflés précédemment pour assurer leur sève et opérer le grossissement de leurs trones, mais on doit faire en sorte que ces bourgeons se trouvent en nombre à peu près égal et également répartis sur chaque individu. Cette pratique a pour but d’équilibrer la croissance des sujets, de fournir aux racines la sève descendante nécessaire à leur nutrition et en définitif à la vigueur du groupe. Ces bourgeons qu’on laisse croître et qu’on protège pendant toute la saison du mouvement de la sève ( à moins qu’ils ne menacent de de- venir des branches gourmandes, et dans ce cas on les ar- rête en les rompant en pleine sève ) doivent être supprimés à l'époque de l'hiver. On ne les coupe pas tous à rase le tronc, mais à quelques millimètres de distance pour conserver une végétation. utile sur les divers points où l’on a besoin de gros- sissement. Les deux sujets plantés l'automne précédent et opérés au dernier printemps doivent étre conduits diffé- remment. Il convient de ne laisser croître, pendant la pre- mière sève, aucun bourgeon dans toute la longueur de leur üge, excepté sur celui qui continue la tête du groupe, ou le dernier, et seulement dans la partie qui se trouve au-dessus de la dernière entaille. Cet ébourgeonnage a pour but de déterminer toute la sève des deux individus récemment opérés à se porter sans partage dans la tête qui termine le groupe, ù 2 \ GREFFE DAUBENTON. te Culture. On sent très-bien que plusieurs sujets réunis ainsi dans un si petit espace et dont les racines sont pressées les unes contre les autres ont besoin d’être protégés dans leur jeunesse par une culture soignée et un peu nutritive. Il faut donc pratiquer au pied du groupe un large auget dans lequel on mettra environ trois décimètres cubes de terreau de fumier de vache consommé qu'on saupoudrera de marne calcaire et qu'on recouvrira d’une couche de deux doigts de terre du sol. Pendant les chaleurs de l'été, les temps de hâle et de sécheresse, quelques arrosemens copieux seront nécessaires jusqu'à ce que les racines, se portant au loin, puissent recueillir dans le sol la quantité de matières extractives dissoutes nécessaires à la nutrition du groupe entier. Résullat acquis. Plusieurs expériences sur cette sorte de greffe ont été répétées au Jardin du Roi depuis l’année 1812. Un premier groupe de trois £rables (1), un second de pareil nombre de Frénes d'Europe (2), un troisième de trois Ar- cocouliers de Provence (3), furent successivement offerts aux regards des élèves qui fréquentent l'Ecole pratique d'agriculture. Un quatrième groupe de diverses variétés de Chéne succéda aux trois premiers et subsiste encore aujour- d'hui. Ces diverses associations de végétaux étoient formées de sujets provenus de semences, âgés de quatre ans, d’égale (Gi) Acer opulifolium. Villars, Hist. des plantes du Dauphiné , tom. 3, p So. (2) Framinus exæcelsior. Linn. spec. plant. (3) Celtis australis. Linn. spec. plant. 412 GREFFE DAUBENTON. force, ayant les tiges de la grosseur du doigt du milieu et de la hauteur d'un mètre deux tiers. Plantées et opérées en divers temps elles ont donné des résultats fort différens. Les Frénes d'Europe et les Micocouliers de Provence ont été greffés d’abord et plantés ensuite pour la plus grande facilité de l'opération. Les Frénes n'ont point poussé, ils sont morts avant la fin de l’année de leur plantation. Les Micocouliers ont conservé leur couleur verte pendant une partie de l'été; l'un d’eux a poussé à la seconde sève quel- ques foibles bourgeons de son pied, mais tous sont morts ensuite, Lorsqu'on eut arraché ces groupes pour les suppri- mer, on remarqua un foible commencement de soudure entre les tiges des Frénes, et moins encore entre celles des Micocouliers. Nous attribuons la mort des arbres qui com- posoient ces aggrégations à diverses causes : la première, à ce que le déplantage fut fait trop tard; la seconde, à ce qu'il fut suivi immédiatement de l’écorcement des sujets; la troi- sième, à ce que l'été de l’année de l'opération fut pluvieux, et automne très-sec. Ces variations intempestives qui sont nui- sibles à l'existence de végétaux abandonnés à la nature, de- voient l'être à plus forte raison à celle d'individus que l’on avoit mutilés d’une manière si dangereuse. Le groupe d'Ærables, opéré le 22 avril 1813, a poussé tard parce que la sève montante s’est portée d'abord aux plaies des sujets pour les couvrir, comme cela arrive toujours. Il a donné ensuite naissance à de minces bourgeons, tant sur son tronc que de sa tête. La foiblesse de sa végétation pendant cette année ne permit pas qu’on ajoutàt deux autres indi- vidus, comme on s’étoit proposé de le faire; mais ce même GrEerre DAUBENTON. 413 groupe ayant végété avec vigueur pendant l’année 1814, on planta deux nouveaux arbres de même espèce qui lui furent réunis en 1815. La même opération fut répétée plu- sieurs fois ensuite, et le groupe continuoit de végéter avec vigueur quand on fut obligé de l’enlever faute d’emplace- ment. À cette époque les parties opérées étoient entièreinent soudées. Une nouvelle matière ligneuse remplissoit les vides qui se trouvoient entre le bois mis à nu par l’opération dans certaines parties. Des bourrelets proéminens couvroient les scissures des plaies dont il ne restoit plus que de foibles vestiges. Chaque sujet opéré avoit poussé plusieurs bourgeons vigoureux à différentes places. La tête du groupe étoit for- mée de branches nombreuses couvertes d’un feuillage épais; enfin les arbres avoient augmenté en lärgeur de plus de trois centimètres. Les Chênes ont été greffés en 1821, chaque printemps on a ajouté deux individus, et les sept qui composent mainte- nant le groupe offrent des résultats satisfaisans. Résultats présumés. | n’est pas probable qu’on puisse retirer de ces sortes de groupes des planches d’aussi grandes dimensions que cellés que l’on obtiendra par les procédés de la greffe Banks; mais il est présumable qu'on acquerra des masses ligneuses triangulaires propres aux arts du charron, du menuisier, du tabletier et de l’ébéniste. Débité de fil, sur la maille ou en différens autres sens, ce bois offrira un tissu ligueux varié de nodosités et de fibres formant des veines diversement colorées selon qu’elles appartiendront au canal médullaire, au bois ou à l’aubier. En attendant les produits de cette nature qui ne peuvent Mém. du Muséum. 1. 10. 54 414 GREFFE DAUBENTON. arriver que vingt-cinq ou trente ans après l'exécution de cette greffe, nous pourrions en annoncer un autre qui a aussi son mérite : c’est l'accélération de la croissance des arbres composant ces groupes. On doit en effet présumer qu'une seule cime d’arbre alimentée par des canaux séveux aussi multipliés, pourvus chacun de leurs systèmes de ra- cines, doit croître avec une grande vélocité. Il ne faut pas croire cependant que cette croissance soit proportionnée au nombre des individus réunis, c’est-à-dire que si deux individus séparés poussent chacun de un mètre de haut dans le courant d’une année , réunis et ne conser- vant qu'une seule tête, celle-ci doive acquérir deux mètres d’élévation dans le même laps de temps. Il n’en est pas tout- à-fait ainsi. La croissance et la vigueur des arbres dépendent d'une juste proportion entre les parties aériennes et souter- raines. En multipliant ces dernières, vous obtiendrez une végétation vigoureuse, sans doute, mais non proportionnée au nombre de systèmes de racines que vous aurez ajouté à celui d’un individu. D'abord parce qu’une partie de la sève est employée à réparer les plaies occasionnées par la trans- plantation et l’opération de la greffe, ensuite parce que les sujets ne poussent la première année qu'un petit nombre de bourgeons foibles peu garnis de feuilles. On sait que ces or- ganes et toutes les autres parties vertes des végétaux absor- bent dans l'atmosphère les fluides qui forment la sève des- cendante employée par les racines au développement du chevelu. Ces parties manquant d’alimens, prennent peu d'extension, absorbent plus difficilement dans la terre les sucs extractifs dissous qui composent en grande partie 1» GREFFE DAuUBENTON. 415 sève montante. Il en résulte qu’elles envoient moins que de coutume de ce fluide aux parties aériennes pour le déve- loppement des gemma, la croissance des bourgeons et celle du feuillage. Cependant si on protège la reprise des individus qui composent ces groupes par des arrosemens donnés à propos; si on mélange avec la terre dans laquelle ils sont plantés des matières susceptibles de fournir du gaz acide car- bonique; si on laisse se développer tous les gemma et croître tous les bourgeons qui ne sont pas mal placés; si on empêche les feuilles d'être dévorées par les insectes, et enfin si on les abrite autant que possible de la poussière qui pourroit obs- truer leurs pores, on obtiendra une grande abondance de sève descendante qui, trouvant des systèmes de racines tout formés, les mettra à même de s'étendre dans le sol et de fournir d'année en année aux parties aériennes une plus grande quantité de sève montante, Il en résultera une vi- gueur progressive qui, sans doute, doit avoir un terme que nous ne connoissons pas plus que le nombre exact des sujets dont la sève peut être absorbée par une seule cime sans lui occasionner de plétore qui compromette son exis- tence. Tout ce que nous pouvons dire, d’après des expé- riences suivies depuis dix-sept ans, sur une série de greffes de dix sortes différentes qui se rapprochent toutes plus ou moins de celle-ci, c’est que, pour la croissance, elle peut être évaluée des trois quarts au double en plus que celle qui s'effectue naturellement dans le même laps de temps sur des individus séparés. Quant au nombre de sujets le plus convenable pour fournir cette végétation surnaturelle, nous 54% 416 Grerre DAuUBENTON. n'avons que des données trop foibles pour oser résoudre une pareille question. Observations. Pour varier les expériences relatives à cette greffe, nou snous proposons de former de nouveauxgr oupes: les uns composés des mêmes espèces seront abandonnés à la nature lorsque l’on s’apercevra que leur croissance n’aug- mentera plus en proportion de la quantité d'individus qui entreront dans leur composition; les autres, formés d’un grand nombre d’espèces congénères différentes, seront dis- posés de telle sorte que les arbres les plus petits occupe- ront le centre, tandis que ceux qui s'élèvent ordinairement à une plus grande hauteur seront placés sur les côtés pour former la cime. Les groupes de cette nature pourront être composés de huit, dix, douze individus plus ou moins, selon que l’on trouvera un plus ou moins grand nombre d'espèces d’un même genre que leur analogie dans le mouvement de la sève, leur densité et leur couleur rendront propres à cet usage. Tous ces individus plantés ensemble, à la distance de deux décimètres, pour donner plus d'emplacement aux ra- cines, ne seront greffés d’abord que par le sommet : on attendra que leur croissance naturelle les ait rapprochés jusqu’au contact pour les unir dans toute la longueur des tiges. Les pieux et les traverses qui maintiendront les jeunes sujets seront assez solidement fixés pour empècher tout va- cillement nuisible à l’opération. Combien seroit précieuse une pareille association d’arbres d’une densité à peu près égale, et dont les couleurs agréablement nuancées de teintes di- verses, uffriroient de nouvelles ressources à nos arts ? Classification. Cette greffe doit être rangée dans la p" DAUBENTON. | 4.6. | | es | {ht ju | Ë i f = NERREE I —— bmp RE AE ET | | | | L à \ N ù ë N S GREFFE DAUBENTON. 417 mière section et la première série, immédiatement après la greffe Banks. Rapport. Elle se rapproche de la greffe Banks par l’opé- ration des tiges, et de la greffe Noël par celle des sommités des sujets; mais elle se distingue de la première en ce que les individus ne conservent pas leur tête, et de la seconde, en ce que les tiges sont opérées longitudinalement sur les côtés. Définition. Greffe Daubenton, par approche de tiges ac- colées sur une ligne et emboitées les unes au-dessus des au- tres, ne conservant qu'une cime. Dédicace. À la mémoire respectable de J. M. Daubenton, mort en 1800, à quatre-vingt-quatre ans, professeur adminis- trateur au Muséum d'histoire naturelle, à l'illustration duquel il a puissamment contribué par l’organisation première des collections dont il a été pendant cinquante-cinq ans l’unique démonstrateur. Parses écrits nombreux il a enrichi les sciences de beaucoup de découvertes utiles aux progrès de la minéra- logie, de la physique végétale, de l'anatomie comparée, et il a contribué au perfectionnement des races de bêtes à laine ainsi qu'à l’art du jardinage. EXPLICATION DES FIGURES. Fi. 1. Trois sujets disposés pour la plantation première. Fic. 2. Les mêmes sujets opérés pour être réunis. B Sujet du milieu écorcé latéralement des deux côtés. Sa tête est coupée en biseau prolongé. C Second sujet écorcé du côté intérieur avec l’entaille d propre à recevoir le biseau du premier sujet. 418 Gaerre Daupenronx. E Troisème sujet écorcé longitudinalement et disposé de maniere à re- cevoir dans l’entaille F le coin qui termine le second individu. Fic. 3. Groupe opéré avec ses premiers appareils. G G Ligatures de laine placées de deux en deux décimètres tout le long de la partie opérée. H Fourreau d’écorce fraîche qui doit couvrir les individus jusques au- dessus de l’attache supérieure du fil de laine. I Engluage d’argile qui doitenvelopper entièrement le fourreau d’écorce et rester jusqu’à la fin de l'été. Fic. 4. Groupe opéré l’année précédente avec les deux nouveaux sujets, les pieux et les traverses. J3J Montans destinés à maintenir le groupe verticalement. Les deux tra- verses le maintiennent dans sa ligne directe. KK Nouveaux sujets plantés à la fin de l’automne pour êlre réunis au groupe le printemps suivant. Fic. 5. Coupe horizontale du groupe. Fic. 6. Coupe verticale d’une portion du groupe sur la ligne des colonnes mé- dullaires. Fic. 7. La même, vue du côté de l'écorce. sait LOS do AT PANNES 50 DOUTE PE ne À Dm) : ? \ LLLLLITTES Tom ..10. ANTHOPHILE : COMYTIS r S'A #19 DESCRIPTION DU SACCOMYS ANTHOPHILE. PAR M. FRÉDÉRIC CUVIER. J'x fait connoître, dans mon ouvrage sur les dents des mammifères (1), le système de dentition caractéristique du genre de rongeurs nouveaux auquel j'ai donné le nom de Saccomys; mais l’espèce d’où ce caractère est tiré, et qui constitue ce genre à elle seule, ne me paroïît pas encore connue. Je ne la trouve décrite, ni même indiquée dans au- cun ouvrage. Cependant les particularités qu’elle nous pré- sente sont propres à exciter l'attention, à éveiller l'intérêt. La plus importante consiste dans des abajoues, dans des poches, où l’animal renferme ses alimens, et qui sont tout- à-fait extérieures. Lorsqu'on consulte les auteurs, on trouve des indices de l'existence de ce genre d’organe chez quelques rongeurs ; mais ce n’est que très-récemment que nous en avons eu une description exacte. Le Paca est le premier animal où l’on ait reconnu quelque chose qui en approchàt (2); mais cet organe ne seroit chez lui qu'à l’état rudimentaire; il ne consiste qu’en un léger repli (1) Page 186, n°. 74. (2) M. Geoffroy Saint-Hilaire a le premier fait connoître les abajoues extérieures du Paca. Annales du Muséum d'hist. nat. ,t. IV , p. 99. 420 DU SACCOMYS ANTHOPHILE. de la peau qui pénètre sous l’arcade zygomatique; son ori- fice est en dessous dirigée vers la terre, aucun muscle n’est c'estiné à le fermer , et l'animal n’en fait nul usage. Je donne (pl. 26, fig. 1 ) un dessin de cet organe qui n’a, je crois, jamais été représenté; il doit naturellement précéder la des- cription des véritables abajounes de ce genre. Le premier qui ait formellement parlé de ces sacs, de ces poches extérieures est M. Rafinesque-Smaltz : on trouve ce caractère dans l’ou- vrage intitulé : The American Monthly Magazine , 1817, page 44 et 45, comme étant celui de deux genres nouveaux que cet auteur nomme, l’un Drplostome, et l’autre Geomys; mais aucune description ne les accompagne, et rien n'indique la structure de cet organe, non plus que ses usages et ses rap- ports avec les autres parties de l’animal. M. Rafinesque s’est borné à réunir à ce premier caractère le nombre des doigts et des dents et la couleur du pelage, ce qui ne pouvoit même suffire pour que ces genres fussent admis dans les catalogues méthodiques; aussi M. Desmarest n’en a parlé que dans les notes de sa Mammalogie, Il paroit que c’est au genre Geomys que devroit se rap- porter l'animal décrit et représenté par Shaw dès 1798 dans les Transactions Linnéennes (t. V, p. 227, pl. 8), sous le nom de Mus bursarius, et, plus tard, dans sa Zoologie générale, sous le même nom, lequel a été rapporté aux Hamster. En effet, ce rongeur avoit toujours été présenté comme ayant des abajoues intérieures qui sortoient en forme de vessies de chaque côté de son cou, lorsqu'elles étoient gonflées par les alimens. Aujourd’hui nous savons que ces organes sont, chez cet animal, tout-à-fait extérieurs et qu'ils CE DU SACCOMYS ANTHOPHILE: fax ne se voient, dans les figures que nous venons de ‘citer, comme si leur orifice étoit interne, que parce qu'ils ont été retournés dans la préparation de la peau avant l’'empaillage. C’est ce que nous apprend, d’une manière positive, M. Say, dans les savantes notes qu'il a jointes au Voyage du major Long aux montagnes rocheuses, et ce qu’avoit déjà soup- conné le docteur Barton (1). Mais M. Say, qui a su apprécier l'importance relative des organes dans la formation des genres, nous apprend de plus que les mâchelières de ce rongeur, dont il fait le genre Pseudostoma , sont au nombre de seize, qu’elles sont privées de racines, et que leur couronne re- présente un ovale simple dans les postérieures, et double dans les antérieures, ce qui complète les caractères de ce groupe et les établit d’une manière invariable. Nous regret- tons seulemeñt de ne pas connoître ces dents par un dessin fidèle. Quant au genre Diplostome il diffère du précédent par le nombre des doigts qui n’est que de quatre à chaque pied. Les mâchelières y sont aussi au nombre de seize, mais M. Rafinesque n’en décrit pas les formes. Mon Saccomys anthophile n'appartient ni à l’un ni à l’autre de ces genres, Il diffère du premier par ses dents pourvues de racines, et du second par ses cinq doigts à tous les pieds. Si les observations de M. Rafinesque sont exactes, et s’il en est de mème, comme tout nous le fait penser, de celles de M. Say, la mammalogie se trouve enrichie d’un système (:) M: Geoffroy Saint-Hilaire a aussi reconnu celte erreur en examinant une peau de Pseudostome rapportée par M. Milbert, et qui lui avoit été donnée par M. le docteur Mitchil. Mém. du Muséum. À. 10. 55 429 Du SACCOMYS ANTHOPHILE. «l'organe nouveau présenté par trois genres différens : les Pserr- dostomes (1) qui appartiendroient aux rongeurs herbivores, les Saccomys qui se rapprocheroient des rongeurs omni- vores à dents composées, et les Diplostomes dont les dents ne sont pas connues, mais qui présentent dans le nombre des doigts un caractère qui les distingue essentiellement des deux autres; et tous trois appartiennent à l'Amérique septentrio- nale; car c’est de cette contrée qu'est venu le Saccomys an- thophile, et ce sont ses abajoues qui nous ont dévoilé son origine. Mon frère conservoit cet animal dans son cabinet sans qu'on eût gardé aucune trace des lieux d’où il avoit été tiré, ou des personnes desquelles on avoit pu l'acquérir. Mais ses abajoues se trouvoient remplies de fleurs.et de graines bien entières, et M. Kunth, avec son habileté ordi- naire, reconnut que les restes de fleurs appartenoient au genre Securidaca de Linnæus dont toutes les espèces sont de l'Amérique du nord , et particulièrement au Securidaca volubilis; et il présama que les graines avoient appartenu à une convolvulacée. Le Saccomys qui a fait le sujet de mes observations (fig. 2) étoit d’un tiers plus grand que la souris; mais sa tête étoit proportionnellement beaucoup plus volumineuse. Au reste, cet animal étoit encore jeune, ses dernières mächelières n’avoient point acquis leur développement et sa tête conser- voit ses sutures; tout me porte même à penser que l'ac- tion de l’esprit-de-vin, dans lequel il paroissoit être depuis fort long-temps, avoit contracté son corps et changé ses pro- (1) J'admets ce nom plutôt que celui de Geomys, parce qu’il ne reste auçun doute sur la bonté du genre qu’il désigne, avantage qui n’a pas lieu pour le dernier. DU SACCOMYS ANTHOPHILF. 423 portions. Quoi qu’il en soit, voici quelques unes de ses prin- cipales dimensions : Du bout du museau à l’origine de la queue....... 92 pouces 9 lignes. De l’origine de la queue à son extrémite.......,... 2 id. 6 xd. Du bout du museau à l’origine de l’oreille......... » AN 2d: Du bout-des doigts au talon.......... É ÉCATOS » 10 zd. Du bout des doigts au poignet...,.........,.... » 57. Cet animal n’est point fouisseur comme le Pseudostome qui a les ongles antérieurs presque semblables à ceux d’une taupe; il est plutôt formé pour courir; ses membres sont forts et longs; ses pieds de devant (fig. 3) sont courts et larges, ceux de der- rière (fig. 4) allongés et étroits; les uns et les autres ont cinq doigts qui sont entre eux dans les mêmes proportions : c’est celui du milieu qui est le plus long, viennent ensuite l’avant- dernier , le second, l’externe et le pouce qui ne se montre que par une seule phalange aux pieds de devant. Les ongles sont généralement courts, aigus, arqués et comprimés, ex- cepté celui du pouce de la main qui est plat et obtus, et celui du doigt qui suit le pouce du pied, lequel est plus droit, plus large et plus aplati que les autres, et semble avoir une destination particulière. La clavicule est complète ; la queue est mince, allongée, terminée en pointe et régulièrement verticillée de petites écailles carrées, de la base desquelles naissent un ou deux poils roides et courts. La paume est nue et garnie de tubercules épais; trois sont à la base des doigts, et deux à sa partie postérieure. Les premiers sont triangulaires; des autres, celui qui est du côté externe, est allongé et plus large en avant qu’en arrière; celui qui est du côté interne, aussi long que large, est ar- 58° 424 Du SACCOMYS ANTHOPHILE. rondi antérieurement et terminé par une ligne droite pos- térieurement. La plante, nue de même , est de même garnie de tubercules, mais ceux-ci sont petits en comparaison de ceux de la plante, et presque tous ont une forme aiguë. On en trouve un aux commissures des cinq doigts et deux plus en arrière; le moins reculé est au milieu de la plante; celui qui l’est le plus est du côté interne vis-à-vis du pouce. Tous les doigts sont divisés en dessous par des sillons transverses réguliers, et terminés par un coussinet comprimé, que l'ongle recouvre et garantit. Les poils sont fins, assez longs et paroïssent être tous soyeux; les parties inférieures du corps en sont bien moins garnies que les supérieures, et il en est de même des mem- bres et des oreilles. Quatre rangs de moustachestrès-longues et très-fines naissent parallèlement sur la lèvre supérieure. L’œil est de grandeur moyenne; sa pupille est ronde , et ses paupières, garnies de petits cils, sont épaisses; la pau- pière interne est peu développée. Le mufle (fig. 5) est glanduleux et ses glandes sont fort petites; il est divisé en deux parties par un sinus qui s'étend sur la lèvre, et les narines sont ouvertes sur ses côtés; leur orifice est à leur partie inférieure, la supérieure n’est qu’un sinus plus large dans son milieu qu’à ses extrémités. L’oreille (fig. 6) est un des organes des sens le plas déve- loppé; la forme générale de sa conque est elliptique et fort élevée. L'’helix s’interrompt à sa partie supérieure; à sa partie antérieure il donne naissance à une sorte de tragus supérieur déprimé dans son milieu; un repli semi-lunaïre et transversal la divise en deux parties égales. Au-dessous se voit nne PE DU SACCOMYS ANTHOPHILE. 425 erète épaisse et demi-circulaire qui va en montant d'avant en arrière; et au-dessus du trou auditif est un large bour- relet aussi demi-circulaire. C’est sans doute des relations de ces différentes parties, lorsque loreille se ferme, qué résulte le mode suivant lequel loreille interne est préservée des corps étrangers qui pourroient s’y introduire. La langue est épaisse, douce et an peu échanerée à son extrémité. La lèvre supérieure est divisée par un sillon sans être fendue; elle rentre un peu en dedans de la bouche, en arrière des incisives; l'inférieure est forte et épaisse. De chaque côté et en dehors de la bouche sont deux ouvertures (fig. 7) longues et étroites qui naissent près de la lèvre supérieure, sous la région des moustaches, et viennent presque se réunir sous le menton, où elles ne sont séparéëés que par l'épaisseur de leurs parois. Ces orifices sont les ouvertures de deux larges abajoues qui recouvrent toute la surface des joues, s’'avancent au-delà de la tête et viennent confondre leurs tégumens avec ceux des épaules et des bras. Ces organes n’ont aucune com- munication avec la cavité de la bouche, et sont parfaitément séparés l’un de l’autre sous les mâchoires, quoique par une cloison fort mince. Ils sont intérieurement remplis de poils courts et rares, et, à en juger par les fleurs dont nous les avons trouvés remplis, ils serviroient de magasin aux alimens que l’animal ne poutroïit pas consommer et dont il voudroit faire provision; mais comment les remplit:il? comment par- vient-il à les vider? c’est ce que l'étude de cette éspèce vi- vante pourra nous apprendre et ce quel’examen déses muscles pourra expliquer. Les dents mâchelières sont, cominé nous l'avons dit, au 426 pu SACCOMYS ANTHOPHILE. nombre de quatre.de-chaque côté des deux màchoires. Celles de la màchoire supérieure (fig:8\vont un peu en augmentant de grandeur de la première à la dernière. La première a une échancrure profonde du côté externe, reste sans doute d'un sillon par lequel elle étoit coupée dans toute sa largeur, et on voit dans sa partie postérieure un petit cercle d'émail, reste lui-même d’une échancrure ou d’un sillon. Les mâche- lières suivantes ne diffèrent de la première qu'en ce qu’au lieu d'une échancrure elles sont partagées par un sillon transver- sal. À la mächoire inférieure (fi 9.) les màchelières vont aussi augmentant de grandeur de la première à la dernière, et la première est presque du double plus grande que les autres; elle aune large échancrüre anguleuse à son côté interne, et au milieu de cette échancrure se voit une portion circulaire qui tient par l'émail au bord de la partie antérieure de la dent. Les deux suivantes ont une partie antérieure triangu- laire, échancrée du côté externe et séparée par un sillon transversal d’une partie postérieure simple et de forme à peu près elliptique. La dernière, encore en germe, présente deux collines séparées par un sillon. Les incisives, de forme ordinaire, ont leur face antérieure unie. L'individu dont je donne la description étoit un mäle. Ses organes génitaux (fig. 10) avoient beaucoup de ressemblance avec ceux des rats : la verge étoit dans un fourreau tubuleux libre, et les testicules dans un scrotum simple extérieur et étendu horizontalement sous la queue en arrière de l'anus. La couleur du pelage est d'un brun fauve-clair sur la tête, les épaules, le dos et la croupe. Les abajoues et les membres ont une teinte plus claire encore , et le bout du museau ainsi DU SACCOMYS ANTHOPHILE. 427 que le dessous du corps et la queue sont d’un blanc roussâtre. Le canal intestinal, que je n’ai pu examiner qu'extérieure- ment, a aussi quelques rapports avec celui des rats. Les in- testins qui précèdent le cœcum ont quatorze pouces de lon- gueur; ceux qui le suivent en ont quatre; le cœcum surpasse de beaucoup par son volume l'estomac dont les dimensions ne m'ont cependant pas paru très-petites, car je nai pu le voir qu’en place. Je ne donne point la description de la tête parce qu’elle s'est trouvée dans un état peu propre à en faire distinguer les différentes parties ; elle étoit toute fracturée, et peut-être par les coups que l'animal y avoit recus lorsqu'on le prit. Après avoir décrit les points principaux de l’organisation du Saccomys anthophile, si nous cherchons à le rapprocher des autres rongeurs , et à reconnoître les rapports qu’il peut avoir avec eux, nous trouvons qu'il forme un type assez isolé, Il est le seul parmi les rongeurs à dents composées qui ait de véritables abajoues, et si ces sacs, quoiqu’extérieurs, peuvent le faire rapprocher des Spermophiles, des Tamias, des Hamster, il s'éloigne des uns et des autres par le nombre comme par la forme de ses dents, et même par la structure de ses membres. A en juger par la longueur et la grosseur de ses jambes de derrière, la forme acérée de ses ongles, les fleurs qui remplissoient ses abajoues, on pourroit conjecturer que c’est un animal coureur qui peut monter aux arbres, et qui vit peut-être à la manière des écureuils. Néanmoins, de nom- breux intermédiaires seroient encore nécessaires pour le rattacher intimement aux genres connus qui ont le plus d’ana- logie avec lui, et à plus forte raison à toutes les autres es- 428 DU.SAGCOMYS ANTHOPHILE. pèces, si l’on admettoit, comme loi que la nature ne fait de saut dans aucun sens. Et si l’on considère qu'il en est à peu près.de même pour tous les autres genres de rongeurs, et qu'on ne connoit encore qu'à peine 150 espèces de ces ani- maux, On trouvera, entre le nombre présumé de ceux qui doivent exister, d’après cette loi de la continuité qui a pour appui l'immence autorité de Leibnitz, et le nombre de ceux qui existent en effet, c’est-à-dire qui ont été reconnus et décrits, une différence bien propre à exciter le zèle des na- turalistes : car où trouveroit-on plus de motifs d’encoura- gement pour les recherches, plus de certitudes pour les succès ? Malheureusement les spéculations en apparence les plus légitimes de l’esprit ne sont pas toujours sanctionnées par l’expérience. MÉMOIRE SUR LA FRUCTIFICATION DES PRÉLES. PAR M. VAUCHER, de Genève. le continué sur la fructification des Prèles les expériences que j'avois annoncées dans ma Monographie de cette famille ( pag. 19, 22 ). Mais le printemps de 1822 a été si chaud et si sec que mes graines, après s'être développées comme à l'ordinaire, n’ont pas tardé à se dessécher et à disparoitre entièrement. Je n’ai point perdu courage. Malgré cinq années d'observations qui n’avoient rien ajouté à mes premières connoissances, et ayant appris que M. Agardh avoit fait in- sérer dans les Mémoires du Muséum d'histoire naturelle, un travail nouveau sur cet objet, j'ai repris mes recherches avec un nouveau zèle, et j'ai enfin obtenu le succès que j'avois jusqu'ici inutilement désiré, J'ai semé aussitôt que les circonstances me l’ont permis plusieurs vases de Prèles, et en particulier un de Préle flu- viatile, et un autre de Préle des marais que j'ai recouverts, selon mon usage, d’une gaze légère, afin de les préserver de l'effet des trop grandes intempéries. Je les ai placés en plein air et à une demi-ombre, car j'avois observé précédemment que ceux que j'exposois sur Mémn. du Muséum, 1. 10. 56 430 FRUCTIFICATION DES PRÈLES. mes fenêtres, étoient atteints par l’espèce de pourriture que j'ai décrite ailleurs (1), et que ceux qui recevoient l’action directe du soleil étoient promptement desséchés. Je les ai arrosés toutes les fois que cela m'a paru nécessaire, et je les ai abandonnés à leur sort. L'année a favorisé ce dernier essai. Le printemps et l'été de 1823 ont offert une température moyenne et une alter- native continuelle de pluie et de soleil. Mes vases se sont bien maintenus, ils ont traversé sans en souffrir les mois de juillet et d'août, et enfin le premier m'a offert au 12 sep- tembre, et le second au 21 du même mois, le joli spectacle que j’attendois avec une curiosité impatiente depuis plusieurs mois. Je ne répéterai pas ici ce que j'ai déjà dit dans mon his- toire des Prèles sur les premiers développemens des se- mences de ces singuliers végétaux. Tout s’est passé d’abord comme je l’avois déjà annoncé, la graine s’est enflée, elle s’est divisée à son sommet en deux, trois et plusieurs lobes ; ces lobes se sont successivement développés, et ont émis des radicules par lesquelles ils se fixoient au sol. Ils ont enfin formé des gazons d’un vert gai, occupant quelquefois l’éten- due d’une ligne de diamètre et ressemblant tout-à-fait au premier coup d'œil à une petite Jongermanne. Ils sont restés dans cet état pendant deux mois environ, prenant des accroissemens insensibles et ne changeant point d'apparence. Enfin il s’est élevé du centre du gazon un point vert qui en grandissant a laissé voir à sa base une collerette G) Voyez Monographie des Préles. Genève 1822. Pag. 19. FRUCTIFICATION DES PRÈÊLES. 431 à quatre divisions, puis une seconde, puis successivement une troisième, d’où sortoit lé sommet de la jeune tige. Joy. les figures. Les grains verts renfermés dans les loges dont l'assemblage forme l’épi de la Prêle, sont en conséquence de véritables semences acotylédonées, dépourvues non-seulèment de coty- lédons proprement dits, mais encore d’albumen et d’enve- loppes : elles sont réduites au seul embryon. Mais cet organe ne ressemble point à ceux que nous connoissons. Il n’est pas composé d’une radicule et d’une plumule, il se déve- loppe d’une manière bizarre, et qui n’est point exactement la même pour les différens grains; il se divise et se frise irré- gulièrement, et après avoir pris pendant les mois d'été lac- croissement dont il est susceptible, il donne enfin naissance à la plante qu'il est destiné à reproduire. Ce mode de germination présente la circonstance re- marquable de deux espèces de racines. Les unes appartien- nent au grain vert dans sa première évolution; les autres dépendent de la tige même de la jeune Prêle : celle-ci est unique, fort apparente et s'enfonce perpendiculairement dans le sol : celles-là au contraire sont multiples , mais foibles et délicates : elles se détruisent promptement. La racine propre de la Prèle, examinée au microscope, ne m'a pas paru articulée : elle est simple, continue, pivotante et semblable aux racines des autres plantes. Comment de- vient-elle ensuite articulée ? c’est ce que j'ignore : mais dans ce premier âge et comme je le vois actuellement, elle n’a en apparence aucun des caractères qu’on attribue aux tiges souterraines. 56* 432 FRUCTIFICATION DES PRÈLES. Le grain vert, développé comme je viens de le dire, donne- t-il naissance à plusieurs tiges ou à une seule. Jusqu'à pré- sent je n’en ai vu qu'une, mais il ne seroit pas impossible qu'il en émit plusieurs. Cependant il ne faudroit pas croire que les tiges fussent multiples dès qu’on en verroit sortir plusieurs de la même touffe, parce que cette toufle peut elle-mème être formée du développement de plusieurs grains. On pourroit imaginer que ces divers lobes, qui prennent souvent la forme de tubes cylindriques et paroissent visi- blement articulés, ne sont eux-mêmes que des tiges avortées qui dans des circonstances différentes se seroient développées en vraies tiges. Mais si l’on examine la chose de plus près, on verra qu'il n’y a point de ressemblance réelle entre ces lobes et la tige proprement dite : celle-ci est solde, munie d'involucres qui s’emboitent les uns dans les autres : celles- là sont demi-transparentes, d’une consistance molle et sim- plement cloisonnées : elles ressemblent beaucoup pour leur nature et leur organisation à ces tubes creux et légère- ment verdâtres, qui se développent dans la germination des mousses, et dont on doit, je pense, la première découverte à Hedwig (1). Je ne doute pas que la germination de la plu- part des Fougères ne présente des apparences semblables. Agardh, dans son Mémoire sur la germination des Prèles, inséré dans les Mémoires du Muséum , vol. 5, 4e. cahier, a bien décrit ces premiers développemens, que j'avois déjà ob- servésen 1815, et présentés à la Société de Physique et d'His- (x) Foy. en particulier sa Théorie de la Génération des Plantes Cryptogarmiques, Leipsick, 1798 , pag. 153, tab. 16, qui représente le Gymnostame pomiforme, FRUCTIFICATION DES PRÈLES. 433 toire naturelle en février 1818. Mais il s’est trompé en les prenant pour des Conferves ou des productions confervoides accolées les unes aux autres. Car les Conferves, au moins celles que j'ai autrefois décrites, sont, à peu près toutes, en- tièrement dépourvues de racines; elles donnent des graines qui les reproduisent et elles ne se changent jamais en d’autres plantes. Hedwig auroit pu dire avec la mème raison que ses mousses étoient primitivement des Conferves. Mais ce qu'il y a de vrai dans l'opinion de l’illustre bota- niste que je combats, c’est que les premiers développemens des Prèles n’ont aucun rapport avec ceux qui les suivent, et qu'il y a une grande différence entre les cotylédons des plantes parfaites et ceux des plantes de la Cryptogamie de Linné. C’est ce qu’a énoncé Agardh lui-même à la fin de son mémoire, et l’on peut dire que quoiqu'il n’ait pas eu le bonheur de voir la germination complète des Prèles, il l’a cependant pressentie. Mes jeunes Prèles dont je viens de faire l’histoire sont dans ce moment assez nombreuses. J’en ai une douzaine qui pro- viennent de la Prèle fluviatile et cinq ou six de celle des marais. Jusqu'à présent elles se ressemblent beaucoup, et je ne serois pas en état d’y reconnoiître la moindre différence. Je les suivrai autant qu'il me sera possible et je les conser- verai, si je le puis, pendant l'hiver, ce qui sera difficile parce que le feuillage des espèces auxquelles elles appartiennent ne supporte pas aisément le froid de nos climats. Je m'étois trompé en imaginant que les Prêles pouvoient être considérées comme des plantes dont les semences étoient actuellement infécondes : cette conjecture étoit fondée sur 434 FRUCTIFICATION DES PRÈLES. ce que je n’avois encore trouvé aucun individu de ce genre dont la racine ne fût très-profonde et très-ancienne. Je crois aujourd'hui que les Prêles, comme les Fougères, se reproduisent toutes les fois qu’elles sont placées dans des circonstances convenables ; mais je persiste à penser que ces circonstances sont fort rares, puisque dans six années je n'ai pu réussir qu'une seule fois à élever des plantes par- faites, et que les botanistes qui m’ont précédé dans ce genre de recherches ont encore été moins heureux. EXPLICATION DES FIGURES. Fic. 1. Graines de la Prêle fluviatile, commençant à germer. Fic. 2. Les mêmes dans leurs degrés successifs de développement. Fic. 3. Prémière apparition de la jeune tige. Fic. 4. Tige plus développée. Les cotylédons commencent à se dessécher et à perdre leurs radicules. Fic. 5. Tige avec trois collerettes. Cotylédons desséchés sans radicules. Racine pivotante portant des filamens ou radicules. Fic. 6. Jeune Prêle fluviatile de grandeur naturelle. AL Zom..10. PRENZZ. de. EXAMEN CHIMIQUE D'un Fragment d’une masse saline considérable rejetée par le Vésuve dans l’éruption qui a eu lieu en 1822. PAR M. LAUGIER. M. Jules de Gaillard à fait don au Cabinet du Muséum d'histoire naturelle d’un morceau du poids d’environ trente livres, détaché d’une masse saline, de grosseur énorme, vo- mie par le Vésuve en 1822. Cette masse renferme une quan- tité de sel marin si abondante que les habitans pauvres de Naples et des environs se sont empressés d’en faire provision pour leurs usages domestiques. L'administration du Muséum, désirant connoître la com- position de cette masse saline, n’a chargé d’en faire l'analyse. Cette matière volcanique paroït, au premier coup d'œil, formée de deux substances faciles à distinguer : l’une, et c'est la plus abondante, car elle en compose plus des deux tiers, est blanche, cristalline, lamelleuse, friable, sa saveur est celle du sel marin avec un arrière goût d’amertume légère; l'autre, d’un rouge-brunître, d’une saveur un peu salée, est plus dure que la première, et contient visiblement une assez grande quantité d’oxide rouge de fer. La portion blanche, mécaniquement séparée de la portion colorée, se dissout dans l’eau froide sans laisser de résidu. 436 EXAMEN CHIMIQUE Sa dissolution précipite fortement en jaune par la dissolution d'hydrochlorate de platine, et très-légèrement par les disso- lutions d'oxalate d’ammoniaque et de nitrate de baryte. Ces deux expériences prouvent que la portion blanche est mêlée d’une assez grande quantité d’hydrochlorate de potasse et d’un peu de sulfate de chaux. J'ai pulvérisé 100 parties d’une portion de la masse dans laquelle les substances blanches et rouges m'ont paru à peu près également mélangées; je les ai fait macérer dans de l’eau froide jusqu’à dissolution totale de la partie blanche; j'ai décanté l’eau et pulvérisé la partie rouge, que j'ai de nou- veau laissée en contact avec de l’eau froide jusqu’à ce que celle-ci n’eût plus de saveur. J’ai jeté le résidu sur un filtre et je l’ai lavé à froid. Ce dernier, devenu insipide, a été sé- ché et calciné; il représentoit 23 parties, qui furent réduites à 21 parties deux dixièmes par leur digestion dans l’eau bouillante. Celle-ci précipitoit légèrement par l'oxalate d’am- moniaque, et beaucoup plus abondamment par le nitrate de baryte. Il falloit donc que l'acide sulfurique füt combiné à une autre base que la chaux, et c’est ce qu'a démontré l’évaporation de l’eau qui a laissé pour résidu une demi- partie de sulfate de chaux, et une partie deux dixièmes de sulfate de soude qui s’est eflleuri à l’air et n'a pas donné de précipité par la dissolution d’hydrochlorate de platine. Les 21 parties deux dixièmes, insolubles dans l’eau, ont été fondues avec la potasse, délayées dans l’eau et redissoutes dans l'acide hydrochlorique en totalité. L’évaporation à sic- cité a fourni 11 parties et demie de silice. Le précipité que l'ammoniaque a formé dans la dissolution, après la séparation D’UNE MASSE SALINE. 437 de la silice, traité par de l'hydrate de potasse liquide, a donné 4 parties 3 dixièmes d’oxide de fer, et 3 parties 5 dixièmes d’alumine. Enfin, l'oxalate d’ammoniaque a précipité de la dissolution privée du fer et de l’alumine, une quantité d’oxalate calcaire représentant une partie 3 dixièmes de chaux. L'eau froide qui avoit servi à traiter les 100 parties de la matière volcanique soumise à l'expérience a été évaporée à siccité ; le résidu salin qu’elle à laissé s’est redissous dans l’eau, à l'exception d’une demi-partie d’une substance flo- conneuse qui a présenté les caractères du sulfate de chaux. La dissolution saline, évaporée de nouveau, a donné 73 par- ties 9 dixièmes d’un hydrochlorate alcalin. Mais des essais faits antérieurement m'ayant démontré que l’hydrochlorate de soude enlevé par l’eau, étoit mêlé d’hydrochlorate de potasse, il s’agissoit de déterminer exac- tement la proportion dans laquelle ces deux sels se trou- voient. Pour y parvenir, j'ai pris 100 parties du sel marin de la portion blanche assez pure pour se dissoudre entièrement dans l’eau froide; j'ai introduit peu à peu dans sa dissolution de petits cristaux d’acide tartarique ; jai cessé d’en ajouter, lorsqu’en se dissolvant ils ne précipitoient plus la dissolution. J’ai recueilli le précipité lavé à l’eau froïde, et desséché avec précaution, son poids équivaloit à 35 parties. Cette quantité de surtartrate alcalin représente 9 parties de potasse qui exi- gent pour leur saturation à parties deux dixièmes d’acide hydrochlorique. Ainsi 100 parties de l'hydrochlorate de soude provenant de la masse volcanique du Vésuve renferment 14 parties 2 dixièmes d’hydrochlorate de potasse, et il en Mén. du Muséum. 10. 57 438 EXxAMEN CHIMIQUE D'UNE MASSE SALINE. résulte que les 73 parties 9 dixièmes d’hydrochlorate de soude que j'ai trouvées dans 100 parties de la masse entière volcanique soumise aux expériences ci-dessus décrites sont inêlées à 10 parties et demie d’hydrochlorate de potasse. Curieux de vérifier si je retrouverois dans la dissolution précipitée par l'acide tartarique la quantité d'hydrochlorate de soude que cet acide n'avoit point décomposée, je l'ai fait évaporer dans un creuset de platine, et j'ai calciné fortement le résidu pour décomposer l'acide végétal et brüler entière- ment son charbon. J’ai obtenu une masse de sel marin fondue qui, défalquée du poids du creuset, m’a donné 83 parties; il est vrai que j'aurois dû obtenir 85 parties 8 dixièmes; mais si l’on considère les pertes que l’on doit nécessairement éprouver dans une série nombreuse d'expériences, je pense que ce second résultat peut être regardé comme servant de contrôle au premier, quoiqu'il ne soit pas d’une exactitude rigoureuse. Il résulte de cette analyse que 100 parties de la masse saline volcanique sont formées des substances ci-après dési- gnées dans les proportions suivantes : Hydrochlorate de soude...... 62,9 Hydrochlorate de potasse..... 10,5 Sulfate de chaux. ....,...... 0,5 Sulfate de chaux...... Per ru: LAURE Sulfate de soude............ 1,2 GilCP AS SN ananas à ee AT 0 Matieres solubles dans l’eau froide. . Matières solubles dans l’eau chaude. Î Matieresinsolubles dans l’eau, fondues) Oxide de fer............,.. 4,3 avec la potasse, ,.....:..:......... Alumine........ Loboticn | Men Gauti diie. AGs daieS 96,8 Eau et perte... essences 1101837 439 Des différentes manières dont les Corps agissent sur l'organe du Goût. PAR M. CHEVREUL. D, la persuasion où je suis que beaucoup de phénomènes ne nous paroissent compliqués que parce qu’ils sont le ré- sultat de plusieurs causes qui agissent simultanément, j'ai pour principe, lorsque j’examine des phénomènes de ce genre, de chercher à déméler les différentes causes qui peuvent agir, afin de rapporter à chacune d’elles les effets qui en dé- pendent. En envisageant sous ce point de vue les sensa- tions si variées que nous percevons lorsque des corps sont introduits dans la bouche, je suis arrivé à faire une ana- lyse satisfaisante de ces sensations en reconnoissant celles que nous percevons, 1°. par le tact de la langue; 20. par le goût; 3. par l’odorat. On reconnoit généralement que nous sommes susceptibles de percevoir ces trois ordres de modifi- cation par l'introduction des corps dans la bouche ; mais parce qu'aucun des physiologistes que j'ai consultés ne m’a indiqué les moyens de reconnoître les modifications spéciales à cha- cun des sens du tact, du goût et de l’odorat, je me suis déterminé à publier les résultats suivans qui font partie EN 440 ORGANE pu Gour. de mes considérations générales sur l’analyse organique inunédiate et sur les applications de cette branche de la chimie à l'histoire des êtres organisés. Il n’est pas possible de séparer l’action qu'une substance introduite dans la bouche exerce sur le tact, de l’action qu'elle exerce sur le goût, mais il est facile de distinguer les effets produits sur chacun de ces sens : pour cela on ap- préciera d’abord l'effet produit par la substance sur l'organe du tact, en appliquant cette même substance sur une partie de notre corps autre que la langue; ensuite on fera abstrac- tion par la pensée de l'effet produit dans ce cas, de ceux qui le sont lorsqu'on met la substance dans la bouche, et on aura par ce moyen l'effet produit sur le goût; seulement parce que la langue est plus sensible que la peau, la sensation du tact de la langue sera plus intense que celle du tact de la peau. Par exemple, si on presse du chlorure de calcium réduit en poudre sur la peau, l’eau de la transpiration sera soli- difiée par ce composé, et l’on éprouvera une sensation de chaleur. Si l’on prend au contraire l’hydrochlorate de chaux cristallisé réduit en poudre, il se liquéfiera et on ressentira du froid. Il est évident maintenant que le chlorure de calcium mis dans la bouche produira de la chaleur, tandis que l'hydrochlo- rate de chaux y produira du froid , et que les effets seront plus marqués qu'à la surface du corps, puisque la langue est plus sensible et qu’elle est plus humide que la peau. Les corps qui se fondent ou qui s’évaporent à la surface du corps en produisant du froid, en produiront encore dans la bouche s'ils s'y fondent et s'ils s'y évaporent. Mais comment séparera-t-on la sensation de l’odorat des OrRGANE Du Gour. 44 sensations du tact de la langue et du goût proprement dit? d’une manière très-simple; il suflira de presser les deux na- rines l’une contre l’autre pour empècher toute sensation de la part de l’odorat, parce qu’alors l’air qui s’est chargé plus ou moins dans Ja bouche des parties odorantes qu’une subs- tance sapide et .odorante a émises, ne pouvant plus être expiré par le nez, ne portera plus à la membrane pituitaire les molécules qui occasionnent la sensation de l'odeur. Dans le cas où les narines sont pressées il n’y a donc que les sensations du tact de la langue et du goût qui sont perçues. On ne sauroit se faire une idée des différences extrêmes qui existent entre les sensations qu’on perçoit d’une substance sapide et odorante, suivant que le passage de l'air expiré par le nez est libre ou interrompu. Je suis parvenu à établir quatre classes de corps relative- ment aux sensations qu'ils excitent en nous lorsqu'on les met dans la bouche : je ne parle point ici des substances caustiques qui altèrent les organes. gre, Crasse. Corps qui n'agissent que sur le tact de la langue. Le cristal de roche, le saphir, la glace. 2e, Casse. Corps qui n'agissent que sur le tact de la | langue et sur l'odorat. Les métaux odorans; lorsqu'on met de l’étain dans la bouche, on perçoit l'odeur de ce métal : et en se pressant les narines, toute sensation autre que celle du tact, disparoît complétement. 442 ORGANE pu Gour. 3e. Crasse. Corps qui agissent sur le tact de la langue et sur le goût. Tels sont le sucre, le chlorure de sodium; lorsqu'on met ces corps dans la bouche, les sensations qu’ils causent ne sont point modifiées dans le cas où les narines sont pressées. 4e. Crasse. Corps qui agissent sur le tact de la Te . sur le goût et sur l'odorat. Exemples : 10, /es huiles volatiles. Elles ont en général de l'âcreté, avec une odeur particulière à chaque sorte d'huile. Quand on les met dans la bouche, et qu’on se presse les na- rines, la sensation d’äcreté est toujours sensible, tandis que celle be l'odeur s’évanouit entièrement. 2°, Les Le de menthe, de chocolat; les narines étant pressées, après qu'elles ont été introduites re la bouche, on ne ressent plus que la saveur du sucre; si on cesse “e se presser les narines, l’odeur de la enrelte du cacao redeviennent sensibles. Il n’est pas inutile de faire remarquer que le goût wrineux qu'on attribue aux bases alcalines fixes n'appartient point à ces substances, mais bien à lammoniaque qui est mise en liberté par la réaction des bases alcalines fixes sur les sels ammoniacaux contenus dans la salive. Les preuves en sont, 10. dans la disparition de la sensation dont je parle lorsque les narines sont pressées; 20. dans la perception de la même sensation lorsqu'on flaire un mélange de salive fraiche et d’alcali qu'on a opéré daus une petite RER de porcelaine ou. de verre, g! Il paroit qu'avec l’âge le sens de l'oderai 8 "afloiblit avant celui du gout. 443 RECHERCHES Sur plusieurs points de Chimie organique, et Considérations sur la nature du Sang. (Lues à l’Académie des Sciences, le 4 août 1823.) PAR M. CHEVREUL. Se produit-il des matières grasses lorsque l'alcool, l'éther sulfurique, l'acide nitrique, réagissent sur plusieurs substances organiques azotées? 4 Les muscles se changent-ils en adipocire dans l’économie animale ? Les tendons, le tissu élastique jaune se changent-ils en adipocire lorsqu'ils sont enfouis dans la terre ou plongés dans l’eau ? Découverte de la matière cérébrale dans Le sang. Examen du serum du sang des enfans attaqués d’une ictère, et de l’induration du tissu cellulaire. f NStoen les fois qu'une opinion est avancée par un savant distingué sur un sujet qui n’est pas de nature à être souvent examiné, cette opinion, conforme d’ailleurs aux idées du temps, est généralement admise, et lorsque, plus tard, des objections s'élèvent pour la faire rejeter comme inexacte, 444 CHIMIE ORGANIQUE. l’auteur de ces objections doit apporter un ensemble de preuves qu'on n’avoit point exigé pour admettre l'opinion contestée. La réflexion que je fais est surtout applicable aux idées de plusieurs chimistes qui pensent que les substances organiques azotées ont la propriété de se convertir en matière grasse, soit par la putréfaction, soit par l’acide nitrique; ma- nière de voir qui, en elle-même, n’est point absurde, puis- qu'on sait qu'en faisant abstraction de l’azote dans les subs- tances azotées, l’oxigène, le carbone et l'hydrogène restant, sont dans des proportions assez voisines de celles qui cons- tituent les corps gras. Mais si nous consultons les écrits des auteurs qui ont avancé ces opinions, nous n'y trouverons aucune expérience précise pour les appuyer, et, il y a plus, c’est que dans le mémoire où l'illustre Berthollet parla le premier, en 1780, de la matière huileuse qu’on obtient des substances animales traitées par l'acide nitrique, ce savant regarda cette même matière comme un des principes immé- diats des substances animales, Pour savoir si les substances azotées ont réellement la propriété de se convertir en matière grasse, il semble d’abord qu'il sufiroit de les traiter par l'alcool ou par l’éther, et de voir si ces dissolvans enlèvent une matière grasse dont le poids correspondroit à celui de la matière grasse qu'elles donnent lorsqu'on les abandonne à elles-mêmes, soit dans la terre, soit dans l’eau, ou bien lorsqu'on les soumet à l’ac- tion de l'acide nitrique. Mais ces expériences ne sufliroïent point pour résoudre la question, parce que M. Berzelins admet que l'alcool et l’éther sont eux-mêmes capables de déterminer la production d’une matièreigrasse, lorsqu'on les NaATuRE pu SANG. 445 applique aux substances azotées; et cette opinion, quelque éloignée qu’elle soit de celle des chimistes de Paris, a été sou- tenue par M. EF. G. Gmelin, et adoptée par M. Braconnot. Dans cet état de choses, je pense qu'il n’y a pas d’autres moyens de discuter les opinions précédentes, 1°. que de déterminer la proportion des matières grasses qu’on obtient des subs- tances azotées par plusieurs procédés; 20. d'étudier la na- ture des matières grasses séparées; 30, de tirer des consé- quences des recherches précédentes, et dans l'hypothèse où les matières grasses sont produites aux dépens des élémens des substances azotées, et dans l'hypothèse où ces mêmes matières doivent-leur origine à une matière grasse préexis- tante dans les substances azotées. Telle est la marche que je vais suivre dans ce Mémoire; les faits sur lesquels je m’appuie seront exposés avec les détails qu'ils comportent dans mes recherches sur les substances azotées d'origine animale. Lorsqu'on traite par l'alcool 100 parties de tendons d’élé- phant desséchés, on en retire une matière grasse fusible à 304,5 composée de stéarine et d’oléine, comme la graisse du même animal. Les tendons traités par l’acide nitrique foible et par l'acide hydrochlorique, donnent sensiblement la même quantité de stéarine et d’oléine. Ainsi en employant trois réactifs aussi différens que le sont entre eux l’alcool, l'acide nitrique et l'acide hydrochlorique, on obtient les mêmes corps et sensiblement dans la même proportion. Si l’on abandonne 100 parties de tendons au milieu de l’eau pendant un an, on obtient, au plus, de 2 à 3 parties d'une adipocire formée d’acides margarique et oléique; adi- Mém. du Muséum. 1. 10. 58 446 CHIMIE ORGANIQUE. pocire qui correspond par sa nature et par sa quantité à la proportion de la graisse extraite par Palcool. Enfin, en traitant ces mêmes tendons par l’eau de potasse, la matière organique est dissoute, et la liqueur abandonnée à elle-même, dépose du surmargarate de potasse, ce qui est conforme aux observations précédentes. Le tissu jaune élastique des animaux m'a présenté les mêmes résultats, avec cette seule différence que la proportion de la matière grasse a été trouvée constamment un peu plus forte que dans les tendons. La fibrine du sang artériel, traitée par l'alcool ou par l’éther, donne une proportion de matière grasse qu'il est assez difficile d’évaluer exactement, parce que cette matière différant absolument de la stéarine et de l’oléine, qui sontim- miscibles à l’eau, forme avec ce même liquide une émulsion ou une sorte de mélange dont il est difiicile de dégager en- tièrement la matière grasse ; cependant je crois peu m'éloigner de la vérité, en fixant de 4 à 4, 5, pour 100 de fibrine sèche, la quantité de matière grasse qu’on en extrait par l'alcool ou par l’éther. En traitant la fibrine par l'acide nitrique à 344 on en obtient = de matière grasse; en la traitant par le même acide étendu de son poids d’eau on en obtient; enfin en la traitant par l'acide hydrochlorique on obtient 5 de matière grasse impure. J’ajouterai à ces résultats, 1°. que M. Gay-Lussac ayant abandonné de la fibrine à elle-même au milieu de l’eau, a constaté qu'elle donne si peu de résidu gras, après sa dé- composition, qu'il en a conclu que par la putréfaction la fibrine ne se convertit point en matière grasse; 20. enfin que la fibrine après avoir été traitée par l'alcool ou par l’éther Narure pu SANG. 447 ne donne plus où presque plus de matière grasse quand on la traite avec les acides. Examinons maintenant les propriétés de la matière grasse obtenue du traitement de la fibrine par l'alcool ou par l'éther. La matière grasse de la fibrine n’est ni acide nialcaline; elle est soluble dans l’alcool et dans l’éther; lorsque ces liquides se refroidissent lentement, elle s’en dépose sous la forme de belles lames ou paillettes brillantes; si au contraire elle se sépare rapidement d’une solution concentrée, elle est sous la forme oléagineuse. Lorsqu'on la met dans l’eau froide, elle produit une sorte d'émulsion blanche qui se coagule par les acides, et quand on fait bouillir le liquide, alors la matière grasse se présente au milieu de l’eau bouillante sous la forme de gros flocons, et s’il y a des portions de cette même matière qui soient à sec sur les parois de la capsule où l’on opère, ils se présentent à l’état d’un liquide oléagineux. Cette dissolution exhale une odeur prononcée, très-analogue à celie de l’osmazôme. La matière grasse de la fibrine du sang ne s’est pas sapo- nifiée, après avoir été tenue pendant douze heures dans l’eau de potasse bouillante. Telles sont les propriétés que je consignai dans une note lue à l'Académie des Sciences le 10 septembre 1821. Dès cette époque, quoique je n'eusse opéré que sur une très- petite quantité de matière, je n’hésitai point, en recherchant les rapports que cette substance peut avoir avec les corps connus, à la rapprocher de la matière grasse du cerveau, car je fis observer que toutes les propriétés de cette dernière matière appartiennent également à la matière grasse de la 58” 448 CHIMIE ORGANIQUE. fibrine. M. G. Cuvier, en parlant de mes observations dans le compte qu'il rendit des travaux de l’Académie, pendant 1821, consigna ce rapprochement. J’ajouterai à mon premier travail, que la matière grasse de la fibrine étant brûlée dans un creu- set, donne de l’acide phosphorique comme M. Vauquelin l’a découvert pour la matière grasse du cerveau, et que suivant mes observations, les deux matières cristallisées en belles lames soumises à l’action de la chaleur dans un tube de verre donnent des produits alcalins. Aujourd'hui, je ne connois aucune différence qui puisse distinguer les matières quej'avois rapprochées l’une de l’autre : dans un prochain mémoire je ferai connoître la composition élémentaire de ces substances, et s’il est possible de les réduire en plusieurs espèces de prin- cipes immédiats. Maintenant, je demande si l'hypothèse où l’on suppose la production des matières grasses par l’action des acides, de l'alcool et de l’éther aux dépens des élémens des substances azotées, est conforme aux faits que je viens d'établir. S'il est naturel d'admettre que ces réactifs produisent sensiblement la même quantité de stéarine et d’oléine avec-les tendons et le tissu jaune élastique? tandis que l'alcool et l’éther pro- duisent avec la fibrine du sang une matière qu’on ne peut distinguer aujourd’hui de la matière grasse du cerveau; dans l'hypothèse contraire, tous ces faits sont si naturels que je ne m'y arrêterai pas plus long-temps : j'ajouterai seulement quelques détails historiques sur les travaux auxquels le sang a donnélieu relativement à sa partie grasse. Avant que M. Ber- zelius eût parlé de la matière grasse de la fibrine, Schwil- gué avoit annoncé à la Société de l’école de Médecine l’exis- NATURE Du SANG. 449 tence d’une matière grasse dans le sang de l’homme; il avoit extraite de ce liquide au moyen de l'alcool. ( Foyez la Chi- mie de M. Thénard.) Après M. Berzelius, M. Vauquelin a retiré de l'alcool qui avoit servi à coaguler le sérum du sang de bœuf une matière huileuse. Tel étoit l’état de la science avant mon travail. Pour terminer ici tout ce qui se rapporte à la conversion des principes immédiats azotés en matière grasse, je dirai que les muscles ne se changent point en adipocire dans l'économie animale; j'ai examiné les muscles d’une brebis qu'on disoit convertis en adipocire, et jy ai retrouvé un cinquième de fibre musculaire; les quatre cinquièmes restant étoient formés d’une graisse qui ne différoit du suif qu’en ce qu’elle contenoit plus d'oléine : elle étoit fusible à 3od,5 ; j'ai fait une observation analogue sur des muscles gras humains, et M. Béclard, de son côté, en a fait un grand nombre qui sont conformes à l’opinion que j'ai énoncée. Je passe maintenant à quelques considérations sur le sang envisagé relativement à sa nature chimique. Il est sans doute bien important pour la physiologie d’avoir constaté que le plus grand nombre des matériaux de l’organisation sont tous formés dans ce fluide : ainsi on y trouve la fibre musculaire, l'albumine, les phosphates de chaux et de magnésie, qui constituent la plus grande partie de la masse solide des ani- maux vertébrés; on y trouve tous les matériaux connus du cerveau, l’albumine, la matière grasse, et l’osmazôme; enfin MM. Prevost et Dumas ont démontré que l’urée qui est un des produits excrémentitiels les plus remarquables de l’éco- nomie animale se trouve pareillement dans le même fluide. 450 CHIMIE ORGANIQUE. Non-seulement l'analyse chimique a découvert des rap- ports entre le sang et les matières qui en sont sécrétées dans l’état de santé, mais elle en trouve encore entre le sang et les liquides pathologiques de certaines maladies. C’est ce que jai constaté récemment, grâce à l’obligeance du docteur Breschet, qui m'a mis à même d'observer le sang et la ma- tière jaune des enfans qui sont attaqués d’une ictère et de l'induration du ussu cellulaire. Je n’entrerai ici dans aucun détail sur mes expériences, celles-ci devant faire partie d’un travail que M. Breschet présentera à l'Académie; je me bornerai aux résultats suivans. Lorsqu'on incise la peau des enfans morts de l'induration du tissu cellulaire, on obtient un liquide jaune formé d’al- bumine , d’un principe colorant d’une couleur rouge-orangée, et d’un principe colorant vert; ces mêmes principes se trou- vent aussi dans la bile; si l’on abandonne le sang de ces en- fans à lui-même, il s’en sépare un caillot de fibrine et de matière colorante rouge, mais le sérum, au lieu d’être inco- lore, a précisément la même couleur que le liquide de la peau, et comme lui il contient les mêmes principes immédiats. Une autre propriété commune à ces liquides, c’est qu'aban- donnés à eux-mêmes ils se prennent en une gelée formée de liquide et d’une matière membraneuse: les principes colorans restent presqu’en totalité dans la partie liquide; et ce qui prouve que le phénomène de l'induration n'est pas essentiel à ce principe, c’est qu'il existe une maladie où l'induration n’est pas accompagnée de l’ictère, et qu’en outre dans les cadavres des enfans morts de cette dernière maladie, le sérum du sang ne contient que des traces du principe colorant orangé, et NaTurE pu SANG. 45 cependant il a la propriété de se coaguler spontanément comme le sérum des enfans ictériques. J’ignore si le sérum du sang des enfans en santé contient la matière spontanément coagulable que je signale ici; dans le cas où il en seroit dé- pourvu, ou bien, ce qui revient au même, où il en contien- drait une proportion beaucoup plus foible que celle contenue dans le sérum des enfans attaqués de la maladie de l’indura- tion, il semble qu’on devroit considérer la coagulation de cette matière comme la cause de l’induration des parties où le sérum a pénétré : j'ajouterai que j'ai trouvé une autre ma- tière spontanément coagulable qui est très-analogue à la première, si elle ne lui est pas identique, dans des liquides qui m'ont été remis il y a plusieurs années par M. Dupuy- tren; mais je reviendrai sur tous ces objets dans un prochain travail. 452 EXAMEN CHIMIQUE De l’Ecorce du STRYcHNOS PSEUDOQUINA, appelée vulgairement quina do campo ou de mandana (1). PAR M. VAUQUELIN. M. Auguste de St.-Hilaire a rapporté de son voyage en Amérique l'écorce dont il s’agit, et dont l'arbre croit au Brésil. Comme les habitans du pays emploient cette écorce comme le quinquina pour la guérison des fièvres intermittentes, M. de St.-Hilaire, curieux de savoir si elle contenoit le même prin- (1) M. Auguste de Saint-Hilaire a décrit cette plante avec le plus grand détail dans la première livraison de ses Plantes usuelles des Brasiliens. De toutes les es- pèces médicinales du Brésil, le Sirychnos pseudoquina est, dit-il, une de celles dont l'usage est le plus répandu et dont les propriétés sont le mieux constatées. Les Brasiliens s’en servent à peu près dans toutes les maladies où les médecins d’Eu- rope administrent le quinquina, et principalement dans les fievres intermittentes si communes tous les ans sur les bords du Rio de St.-Francisco, et des rivières ap- pelées Rio-do-Sono, da Prata, Abaïté, etc. Les essais tentés à Paris et dans les environs, confirment les propriétés de l'écorce dont il s’agit ; l’on peut, entreautres, citer ceux qui ont été faits par M. Courtier, médecin distingué du département de Seine-et-Oise, qui avec l’écorce du pseudoquina , employée à tres-petites doses, a guéri des fiëvresintermittentes qui avoient résisté à l'usage du quinquina ordinaire. DE L'Ecorce DU STRYCHNOS PSEUDOQUINA. 453 cipe que le quinquina, m’a chargé de l'examiner. C'est de ce travail que je vais rendre compte ici. S I. Dodoristinhe de l'Écorce. 1°, Sa couleur est d’un jaune d’ocre; elle n’a pas d’odeur bien marquée, sa Saveur est extrêmement amère et un peu astringente. 20. Elle est très-fragile, sa structure est composée de petits grains; On n’y remarque pas de fibres comme dans la plupart des autres écorces. S IL Traitement de cette écorce par l'eau dishllée. Cette écorce desséchée et pulvérisée fut soumise successi- vement à l’action de plusieurs quantités d’eau bouillante, jusqu’à ce que les dernières ne se colorassent presque plus. Ces différentes quantités d’eau furent réunies et évaporées jus- qu’à consistance de syrop. Get extrait avoit une saveur très- amère et légèrement acide. Pendant l’évaporation de ces liqueurs se présenta à leur surface une matière d'apparence cireuse, laquelle recueillie et chauffée sur du papier, y laissa une tache grasse comme les huiles. Mise sur un fer chaud, elle s'évapora en fumée blanche qui avoit l'odeur de la graisse brûlée, Elle se dissolvoit dans l’alcool bouillant ; mais elle s’en séparoit par le refroidissement, propriété qui appartient évi- demment aux graisses. L’extrait dont nous venons de parler, traité par l'alcool froid, se coagule en grande partie, et laisse précipiter: une matière floconneuse de couleur jaunâtre. La portion retenue Mém. du Muséum. 1. 10. 59 454 .. 110. ÊxAMEN CHIMIQUE par l'alcool, qui en avoit reçu une belle couleur jaune, pré- cipita par l’addition de l’eau une matière résineuse d'une couleur brune, dont les propriétés seront exposées plus bas. L'on voit déjà par ce qui précède que l'écorce du strychnos pseudoquina contient trois matières différentes; savoir : une résine soluble dans l’alcool, une matière gommeuse soluble dans l’eau, insoluble dans l'alcool, et une matière soluble en même temps dans l’eau et dans l'alcool, et qui est très- amère. S III. Traitement de l'écorce par l'alcool. Cinq cents grammes de cette écorce, réduits en poudre fine, furent traités une première fois par un litre d'alcool à 380 : au bout de douze heures de contact, à une température de 30, l'alcool s’étoit fortement coloré en rouge brun. On décanta cette première liqueur, et on y substitua un nouveau litre d’alcool qui se colora encore fortement; on fit une troisième et une quatrième macération, après quoi on distilla doucement toutes ces liqueurs réunies, jusqu'à ce que leur volume fût réduit au quart. La matière restée dans la cornue étoit visqueuse, acide et très-amère. Etendue avec de l’eau distillée, elle produisit un précipité floconneux très-abondant , coloré en jaune léger. Toutes les liqueurs ainsi précipitées par l’eau furent jetées sur un filtre pour séparer la matière insoluble, et en examiner les propriétés. La liqueur filtrée étant acide, on la fit bouillir avec de la magnésie parfaitement purifiée, dans l'intention de savoir si cet acide m’étoit pas combiné à quelque sub- stance alcaline insoluble par elle-même, comme cela existe DE L'ECORCE DU STRYCHNOS PSEUDOQUINA. 455 dans plusieurs autres strychnos, la noix vomique, par exemple. Ainsi, après avoir lavé la magnésie qui avoit servi à cette opération, on la fit bouillir avec de lalcool, mais on n’en tira qu'une petite quantité de résine jaune qui avoit été entraînée par la magnésie. Il est vrai que la liqueur qui avoit bouilli sur la magnésie étoit devenue sensiblement alcaline, effet que nous ne pouvions attribuer à l’impureté de la ma- gnésie, puisque les derniers lavages que nous lui avions fait subir à l’eau bouillante ne changeoïent nullement le papier de tournesol rougi par un acide, Nous crümes un instant, d’après cela, que l'écorce dont il s’agit contenoit quelque base salifiable soluble de nature végétale; mais après avoir épuisé tous les moyens venus à notre esprit pour obtenir cet alcali, nous avons reconnu que les propriétés alcalines de la liqueur étoient dues à de la potasse et à de la chaux, sans doute mises à nu par la ma- gnésie. Voici comment nous avons constaté ce fait : deux quantités égales de la liqueur alcaline réduites en extrait furent, l’une dissoute dans une quantité donnée d'eau dis- üllée, et l'autre brûlée et sa cendre mise avec une pareille masse d’eau que la première : celle-ci a acquis une propriété alcaline plus marquée que l’autre. J'ignore à quels acides la chaux et la potasse étoient unies dans l'écorce, mais il faut nécessairement qu’ils soient de nature à former avec ces bases des sels solubles dans l'alcool à 380. À cet égard, je ne vois que l'acide muriatique et l’a- cide acétique; mais, dans cette supposition, il faudroit ad- mettre que la magnésie auroit retenu ces acides en les rendant 59 456 ExAMEN CHIMIQUE insolubles. Quoique cela nous parût peu probable, nous avons cependant fait quelques tentatives pour le vérifier. Je brülai done, à une chaleur douce, la matière résineuse qui étoit combinée à la magnésie, et je dissolvis cette dernière dans l'acide nitrique pur; mais le nitrate d'argent n’y indiqua qu'une quantité infiniment petite d'acide muriatique. . Mais craignant que la chaleur et le temps nécessaires pour brüler la matière végétale eussent sufli pour volatiliser cet acide, je recommençai l'opération, en me contentant de charbonner seulement la résine, jusqu’à ce qu’elle ne répandit plus de vapeur sensible, et je traitai le résidu par l'acide nitrique. La dissolution, qui avoit une couleur rougeàtre, donna, par le nitrate d’argent, un précipité plus volumineux que la première fois; mais il étoit coloré. Ce précipité chauflé au chalumeau s’est réduit en un bouton d’argert qui étoit environné d’une légère couche de muriate de ce métal. Ainsi il paroît que ce précipité étoit un mélange de chlorure d’ar- gent et d’une combinaison d’oxide du même métal avec une matière végétale ; mais il y avoit fort peu de chlorure, en sorte qu’on ne peut trop rien conclure de cette expérience, si ce n’est seulement que la potasse et la chaux sont unies dans l'écorce à des acides végétaux. Nous avons dit que la magnésie qui avoit servi à notre opé- ration s’étoit fortement colorée, et que l’eau ni l'alcool ne pouvoient la décolorer. Pour connoitre à peu près la quantité de cette matière colorante, on en soumit trois grammes à l’action du feu dans un creuset de platine, jusqu'à ce qu’elle fût complétement décolorée : alors elle avoit perdu plus de la moitié de son poids, Une autre portion de cette magnésie DE L'ÉCORCE pu STRYCHNOS. PSEUDOQUINA. 459 colorée, distillée dans une comue, fournit de l’eau acide, beaucoup d'huile brune; de la potasse mise dans le produit de cette décomposition en a dégagé de l’ammoniaque rendue sensible par un papier de tournesol rougi par un acide et suspendu dans le. vase où l'opération se faisoit : ainsi il paroît que cette résine est un peu azotée: Les acides appliqués à cette magnésie la dissolvent et en séparent la résine qui se présente alors fondue à la surface du liquide; cependant les acides dissolvent aussi un peu de résine : au moins ils se co- lorent légèrement. Les alcalis, au contraire, dissolvent la résine et laissent la magnésie; mais cette dernière retient une partie de la matière végétale, car, quelle que soit la quantité d’alcali employé, elle reste toujours colorée. S IV. Traiternent de l'écorce par l'eau. Après avoir épuisé l'écorce autant que possible de tout ce qu'elle contenoit de soluble. dans l'alcool, nous l’avons sou- mise à l’action de l’eau : celle-ci en a extrait une matière d’un rouge brun qui lui a communiqué une saveur légèrement amère, la propriété de mousser par l'agitation, comme une solution de gomme, de précipiter le sulfate de fer en vert foncé et l’acétate de plomb en jaunâtre. Cette décoction éva- porée à siccité fournit un extrait lisse et brillant, paraissant noir, mais qui est véritablement ronge-brun : il n’attire pas l'humidité, Traité par l'alcool, il lui transmet encore une couleur jaune, une légère amertume, et cesse alors d’avoir de la saveur. Cinq grammes de cet extrait brülés lentement ont laissé cinq centigrammes de cendre blanche composée de 458 EXxAMEN cHIMIQUE potasse, de carbonate de chaux, d’une petite quantité de phosphate de la même base, et d’oxide de fer. Cet extrait mis dans l’eau ne se redissout pas complétement, il laisse déposer une matière brune qui prend par la dessic- cation une couleur noire; elle donne par la combustion beau- coup de carbonate de chaux et de l’oxide de fer. S V. Examen des matières trouvées jusqu'ici dans l'écorce du Strychnos pseudoquina. Les trois matières dont nous avons parlé plus haut étant séparées et purifiées le mieux possible, nous allons en étu- dier les propriétés, et en faire ressortir les caractères les plus distinctifs. Matière amère. 1°. Elle a une couleur jaune légèrement orangée, une saveur amère extrèmement marquée et qui persiste long- temps; cependant elle a quelque chose de douceätre d'a- bord. 2°. Elle est également soluble dans l’eau et dans l'alcool absolu : quand elle est complétement desséchée, ce qui demande une chaleur assez élevée, elle est transparente et cassante comme du sucre d'orge; encore chaude, elle est molle, visqueuse, et peut se filer comme le sucre : elle s’'humecte à l’air, ce qui annonce une légère déliquescence. 3. Sa dissolution dans l’eau mousse comme de l’eau de savon , et elle est précipitée en blanc par l'infusion de galles, La combinaison qui se forme entre ces deux substances est si peu soluble, qu’elle devient encore sensible lorsqu'elle à DE L'ECORCE DU STRYCHNOS PSEUDOQUINA. 459 lieu dans 1000 parties d’eau. Elle ne précipite point le sulfate de fer, mais elle lui fait prendre sur-le-champ une éouleur rouge. 4. Soumise à l’action du, feu, elle fournit une petite quantité d’un produit aqueux très-acide, et beaucoup d'huile rouge très-àcre. Ce produit ne contient pas la plus petite trace d’ammoniaque ; la matière qui la fournit est donc pure- ment végétale; son charbon est un peu alcalin. 5". Traitée par l’acide nitrique, elle se convertit facile- ment en acide oxalique, sans prendre préalablement la couleur rouge, qui distingue la strychnine dans cette cir- constance. Si l'écorce du Szrychnos pseudoquina est véritablement fébrifuge, comme on l’assure au Brésil, il n’est pas douteux qu’elle ne doive cette propriété à la matière dont il s’agit. Au reste, M. Fouquier, médecin à la Charité, ayant bien voulu me promettre d’en. faire l'essai sur des. fiévreux, nous saurons dans peu à quoi nous en tenir à cet égard. $S VI. De la matière résineuse. Cette substance, que j'appelle résire faute d’une meil- leure dénomination, a une couleur rouge-brune, comme le peroxide de fer. Elle est sans forme pulvérulente, et ne produit d’abord aucune saveur; mais, au bout de quelques instans, elle développe une amertume analogue à celle de la matière dont nous venons de parler, mais infiniment moins forte. Elle se fond avant le terme de l’eau bouillante, et se réunit en une seule masse, qui est rouge et transpa- rente. 460: | EXAMEN CHIMIQUE Elle se dissont très-bien dans l'alcool à 360; ‘mais elle ne se dissout que très-peu dans lalcool absolu, encore faut-il qu'il soit chaud. Il y a une telle différence entre le pouvoir dissolvant de l'alcool à 36 et celui de l'alcool absolu à l'égard de cette résine, que ce dernier la préci- pite abondamment de sa dissolution dans alcool à 36e. Elle est infiniment peu soluble dans l'eau, à laquelle cependant ellé communique, à l’aide de la chaleur, une légère couleur jaune et un peu d’amertume. Les alcalis, surtout la potasse et la soude, la dissolvent abondämment et en rehaussent la couleur. L'huile de téré- benthine n’a aucune action sur elle, propriété qui la ntig ee À des résines ordinaires. Distillée dans une cornue, elle fournit un pété acide et une huile brune; la potasse mêlée à ce produit y déve- loppe une légère vapeur ammoniacale ; ce qui prouve qu'elle contiént une petite quantité de ntèré azotée. De l'acide. Nous avons dit plus haut que l'écorce du strychnos con- tient un acide dont une partie sé dissout dans l'alcool et l’autre résisté à son action. Désirant nous en procurer une certaine quantité pour en étudier les propriétés, nous avons fait une décoction de l'écorce réduite en poudre, et nous l'avons précipitée par lacétate de plomb. Le précipité re- cueilli et lavé successivement à l'eau froide et à l’eau chaude, a été soumis à l’action d’un courant de gaz hydrogène sul- furé. La liqueur, filtrée et évaporée à une chaleur douce, a fourni un extrait brun très-acide et un peu astringent. Cet DE L'ECORGE Du STRYCHNOS PSEUDOQUINA. 46x acide, contenant encore des! corps. étrangers, on: le:fit dis- soudre dans l’eau et on le précipita de nouveau par l’acétate de plomb ; enfin le précipité, traité comme le prémier, donna cette fois un acide beaucoup moins coloré, et dont le goût étoit purement acide et astringent. Desséché, il!est transparent et brillant, soluble dans l’eau et dans l'alcool, précipitant le sulfate de fer.en vert bouteille le plomb en blanc, et la colle forte en jaunätre. A ces carac- wères, l’on seroit porté à croire, que l'acide dont il. s’agit seroit une combinaison de tannin et d'acide gallique; mais, ainsi que nous l'avons dit plus haut, cet acide ne produit aucun changement dans la dissolution, du principe amer du strychnos pseudoquina;, tandis qu’une infusion de noix de galles la précipite abondamment, et qu’une très-petite quan- tité de cette infusion de galles ajoutée à cet acide, Jui donne la propriété de former une belle couleur bleue dans le sulfate de fer. 10 Dellà il nous semble que pe peut conclure que cet acide astringent n’est point. de, l'acide gallique uni au tannin, et qu'il peut, y: avoir dans. les végétaux des principes où des combinaisons astringentes, qui, sans être de l’acidé gallique ni du nie, produisent à peu près les mêmes effets qu’eux. Nous n'avons pu nous procurer une assez grande quan- -Hté de, cet: acide pour pouvoir en pousser plus loin l’exa- Amen; mais Certainement çe n’est pas de l'acide gallique. 49 eold:! j' 91) 91 2». epl JaniahiisrS; Las Ref HARATS gommeuse. asc y" 1} 1 Gette matière a une couleur brune, presque noire: > quand + Mr, du Muséum. t. 10. 60 4G2 00 ExAMEN CHIMIQUE elle est sèche; sa cassure est lisse et brillante. Après avoir été desséchée, elle ne se redissout plus entièrement düns l’eau ; elle laisse une poudre brune, qui, lavée et brülée, donne, eu égard à sa masse, beaucoup de cendre blanche- jaunâtre, principalement composée de carbonate de chaux et d'oxide de fer; aussi la dissolution de la gomme d’où elle provient est-elle abondamment précipitée par l'oxalate d’ammoniaque. Sa saveur est un peu amère ; mais jé crois que cela dépend de quelques traces du principe amer qu’elle retient, et quil est difficile d’en séparer exactement. Traitée par l'acide nitrique, elle fournit beaucoup d'acide oxalique ét un peu d'acide mucique, qui se précipite par le refroidissement de la liqueur et que l’on trouve mèlé avec de l’oxalate de chaux; parce que, comme nous venons de le dire, la gomme contient un sel calcaire. Cette matière gommeuse est mêlée à un principe colorant brun, qui, par l’action de l'acide nitrique , devient jaune et amer : c’est, sans doute, quelque substance animalisée; ce qu'il y a de certain, c’est que cette gomme donne, par la décomposition au feu, des traces non équivoques d’ammoniaque, surtout vers la fin de l'opération. free L'on voit, par ce qui précède, que l'écorce du strychnos pseudoquina contient principalement, 1°. une matière amère, qui fait la plus grande partie de ses principes solubles, et qui paroïît être celle en qui réside la propriété fébrifuge; 2°. une substance résineuse d’une nature particulière, très- soluble dans Valcool à 36°, ét peu soluble dans alcool ab- DE L'ECORCE DE STRYCHNOS PSEUDOQUINA. 463 solu ; 3°. une matière gommeuse colorée, et unie à un principe animalisé qui modifie ses propriétés physiques ; 4". un acide particulier qui, comme l'infusion de galles, précipite le sulfate de fer et la colle-forte, mais avec des modifications qui ne permettent pas de le regarder comme de l'acide gallique. Réflexions. Il est remarquable qu’un végétal bien reconnu par M. de Saint-Hilaire et par M. Desfontaines comme appartenant au genre des strychnos, ne contienne pas un atôme du principe que M. Pelletier a découvert dans la noix vomique, et qu'il a nommé strychnine; et dans ce cas, comme dans beaucoup d’autres, l’analogie entre la nature chimique des principes des végétaux et la structure physique de ces mêmes végétaux, est en défaut. Au surplus, les effets de l'extrait du strychnos pseudoquina sur les animaux est d’ac- cord à cet égard avec l’analyse chimique. M. Segalas, médecin et très-habile expérimentateur, qui en a injecté dans les veines de plusieurs chiens, n’y a point reconnu les propriétés de la strychnine. 60 * OBSERVATIONS Sur legenre appelé Dosoënéx par MM. H'illderiow et Bory de Saint-Vincent, et ‘TrisricHA par M. Dupetit- Thouars; description d’une nouvelle . espèce qui doit porter le nom d’Hypnoïdes. ! (Lues à la Société Philomatique le 24 mars 1824.) + PAR M AUGUSTE DE SAINT-HILAIRE. Ex répandant la plus merveilleuse diversité dans ses ou- vrages, l'Auteur de la Nature a quelquefois répété les mêmes formes dans les êtres.les plus différens; mais, si ces ressem- blances extérieures trompent l’homme superficiel, elles de- viennent, pour celui qui compare et qui étudie, une source de contrastes dont il est d’autant plus frappé qu’ils ont été ca- chés un instant sous le voile de l’uniformité. Il pourra prendre au premier coup d'œil la feuille d'un Polygonum pour celle d'un Pécher, une Préle naissante pour un jeune Pin, le pétiole dilaté du Lathyrus Nissolia pour les feuilles d’un Gramen. Mais il ne s’arrètera point à un caractère unique, et presque aussitôt il reviendra deson erreur. Lorsque je trouvai la plante que je vais décrire, l'illusion dura plus long-temps, parce que jamais les apparences-ne furent aussi trompeuses ; GENRE Durourra. 465 cependant un examen un peu attentif finit par me dévoiler la vérité; et l’observateur persévérant peut toujours espérer de la découvrir, lors même qu’elle semble le plus se déro- ber à ses recherches. Entraversant, au mois de juin, le Rio-Claro, rivière peu éloignée de la frontière des provinces de Mato-Grosso et de Goyaz, j'aperçus sur des pierres qui s’élevoient à peine au-dessus des eaux, et qui étoient légèrement baignées par elles, j'aperçus, dis-je, de très-petites plantes que je m'empressai de recueillir. Elles avoient à peine huit à onze lignes dans tonte leur longueur, et présentoient une tige droite ou ascendante, rameuse et chargée de feuilles extré- mement petites, serrées et sessiles. Au sommet des rameaux supérieurs , ces feuilles devenoient un peu plus grandes, et du milieu d'elles sortoit un support capillaire, terminé par une fructification allongée. En détachant cette plante des pierres sur lesquelles elle avoit pris naissance, qui n’auroit cru, comme moi, récolter une mousse? qui n’eût vu un perichætiurm dans les feuilles supérieures des rameaux, une urne et son pédicule dans la fructification terminale ? Je me promenai dans le lit de la rivière, qui alors étoit peu profonde, j’enlevai tons les individus en fructification que je pus découvrir, et je revins à la maison, persuadé que j'avois recueilli des Æyprum. Armé de ma loupe, je m’ap- prétois déjà à compter les dents d’un péristôme, lorsque je reconuus avec étonnement, dans ma prétendue mousse, une plante phanérogame. En voici la description détaillée. . Ses Tices sont, comme je l’ai dit, longues de 5 à 7 lignes, 466 GENRE Durourea. sans y comprendre le pédoncule, droites où ascendantes, anguleuses, parfaitement glabres, assez grosses relativement à leur peu de longueur, souvent divisées dès la base en ra- meaux qui les égalent , et chargées, en outre, dans toute leur longueur, de branches qui généralement sont fort courtes. Ses FeuILLES sont extrêmement petites, éparses et très-rapprochées, étalées, sessiles, ovales-triangulaires, un peu obtuses, absolument sans nervures, du moins quand elles sont humectées. Les PÉDoncuzes sont terminaux, soli- taires, longs d'environ 3 lignes, glabres, et sortent d’une SpaTue composée de deux folioles. Celles-ci , se recouvrant par leurs bords, entourent la base du pédoncule; beaucoup plus grandes que les feuilles, elles sont opposées, concaves, ovales, assez larges, un peu aiguës, glabres, chargées d’une vervure dans leur milieu. Le Cazrce est dressé, profondément 3-partite, membraneux, glabre, persistant ; à divisions oblon- gues, obtuses, concaves. La Corozze est nulle. Il n'existe qu'une Eramine hypogyne, alterne, avec deux des di- visions du calice, grêle, persistante; dont le filet est assez long et capillaire; dont l’anthère est attachée par la base, linéaire - oblongue, immobile , 2-loculaire, glabre, et s'ouvre longitudinalement du côté de l'ovaire. Les Sryzes sont terminaux, au nombre de 3, stigmatiques du côté intérieur depuis la base jusqu'au sommet, et persistans. L'Ovame est oblong, obtus, 3-lobé, glabre, 3-loc., polys- perme : les ovules attachés à des placentas axiles et proé- minens sont en nombre indéterminé. La Carsuze est oblon- gue, 3-lobée, obtuse, rétrécie à la base, chargée de 9 stries, et s'ouvre en 3 valves, dont les bords continus avec les GENRE DurourEA. 467 cloisons membraneuses les déchirent par la déhiscence; de manière qu'une portion de chaque cloison est emportée par les valves, et que l’autre reste au centre avec les placen- tas, qui alors forment une masse libre. Les Semences sont nombreuses, irrégulièrement orbiculaires-elliptiques, rousses, glabres et un peu transparentes; on les découvre à peine à Pœil nu, et par conséquent il seroit impossible de les dis- séquer. D’après cette description il sera, je crois, impossible de ne pas reconnoitre ici une espèce plus petite du genre appelé Dufourea par MM. Willdenow et Bory de Saint-Vincent, et Tristicha par M. Dupetit-Thouars. Ma plante offre en effet, comme celle du dernier de ces savans, un calice libre et pro- fondément 3-partite ,une étamine unique, alterne avec deux folioles et dont l’anthère immobile s'ouvre du côté intérieur; enfin un ovaire simple et trois styles recourbés { Nov. Gen. Mad., p. 3). M. Dupetit-Thouars dit à la vérité que, dans sa plante, les semences sont insérées à des placentas pariétaux, et dans la mienne elles le sont à des placentas axilles ; mais si l’auteur de l'Hzstoire des plantes d'Afrique s'exprime au- trement que moi sur ce point important, cela tient unique- ment à ce que, comme il le dit lui-même, les moyens d’obser- vation lui manquoient lorsqu'il a découvert son genre, et excellent dessin qu’il m'a fait voir montre si bien, dans son Tristicha, un ensemble de caractères semblables à ceux de mon espèce, qu'il est possible de révoquer en doute leur identité générique. Ici s'élève une question de nomenclature qui n’est point sans difficulté et que je n’ai décidée, je l'avoue, qu'après de 468 Genre Durourea4, longues hésitations. M. Bory de Saint-Vincent avoit envoyé à Willdenow un grand nombre de plantes , et parmi elles étoit une espèce dont il s’étoit contenté de décrire le fruit et qu'il avoit étiquetée Dufourea. D'après les caractères indiqués brièvement par M. Bory, Willdenow qui décrivoit alors les Lycopodiacées , erut voir dans le Dufourea une plante de cette famille, et la plaça auprès des Lycopodium. L'ouvrage de Willdenow porte la date du 21 novembre 1809 et celle de 1810, ainsi le nom de Dufouréa a l'auntériorité sur celui de Tristicha, qui n’a été publié qu'en 1811. Ilest absolument indifférent en soi-même que l’on donne à une plante un nom plutôt qu’un autré; mais il est incontestable que si la loi de l’antériorité n’est pas scrupuleusement observée, la nomen- clature botanique tombera bientôt dans un chaos dont un nouveau Linné auroit peut-être lui-mème de la peine à la tirer. Mais, dira-t-on, cette loi trouve-t-elle son applica- tion dans ce cas-ci, et ne seroit-ce pas consacrer une erreur que de conserver à une plante le nom sous lequel elle a été jetée, avec une phrase extrèémement succincte, dans une famille qui lui est étrangère. Jusqu'ici les botanistes ne l'ont point pensé, car ils transportent tous les jours un genre d’un groupe dans un autre sans changer le nom. de ce genre, Le Trapa a conservé son nom en passant des Nayadés parmi les Onagraires, le Ticorea en devenant, une. Rwtavée, le Sechium uné Cuourbitacée, le Myriophyllun vae-Cerco- déenne, le Conocarpus une Combretacée , etc, ete. et ce- pendant la plupart de ces genres étoient décrits d’une manière inéxacte, tandis que la phrase de Willdenow péchantseulemen t parlabriéveté,nerenfermeaucuné erreur, Dans leseulouvrage Genre Durourea. 469 général où il soit question avec détail du genre qui nous oc- Eriolæna. Nouveau genre de plantes de 125 et suiv. la famille des Buttneriacées. Sa des- cription , 102. Espèces. Différence entre ce qui cons- titue l’espece dans les corps organi- sés , et ce qui la constitue dans les corps bruts, 22 etsuiv. ÆEuphorbe. NV. Euphorbiacées. Euphorbiacées. Mémoire sur cêtte fa- mille de plantes, dans lequel on examine les caractères qui la dis- tinguent ; la nature, la forme, le développement , les rapports et les fonctions des organes de la fructi- fication et de la végétation dans tous les genres qui la composent, etles propriétés qui lui appartiennent, 3r7 et suiv. Considérations sur la valeur ” 62 * 480 des caracteres, et sur les règles qui : doivent nous diriger dans la forma- tion et la coordination des genres de cette famille, 348 et suiv. Con- sidérations particulières sur legenre Euphorbe, 352 et suiv. Evodia. Observations sur ce genre et description d’une nouvelle espèce , 363. F. Fœtus. V.Respiration, Ostéologie com- parée. Frazxinellées. Si l’on est autorisé à en faire une famille séparée des autres Rutacées, 380 et suiv. G. Galipea. Caractère de ce genre et des- cription de six espèces du Brésil, 279 et suiv. Observation sur ce genre et sur son identité avec le Cusparia , 266. Gaudichautia. Caractère de ce genre et description de trois espèces, 365 et suiv. Gemmes bulbifères. Histoire du déve- loppement de ces gemmes, 1°. dans le colchique, 36 et suiv. ; 2°. dans l'orchis maculata et l'orchis morio , 46 et suiv!; 3°. dans l’allium vi- neale, 5o et suiv. Gomphia oleæfolia. Description de cette plante du Brésil, 274. Goit (organe du). Des différentes ma- nières dont les corps agissent sur cet organe, 439 et suiv. Les corps qu'on met dans la bouche agissent TABLE ALPHABÉTIQUE. sur le tact de la langue, sûr le goût etsur l’odorat, etl’onpeut,endistin- guant ces diverses sensations, les sé- parer en quatre classes, #41 et s. Greffe Daubenton. Description'de cette greffe, qui se fait par approche en ‘accolant les tigesde plusieurs sujets et ne conservant qu’une cime. Ré- sultats de cette greffe qui accélère “405 et suiv. Gynobase. Mémoiresur la nature, l'im- portance, la présence ou l'absence, et les variations de cet organe dans les plantes polypétalés, 129 et suiv. ; et sousice point'de vue, examen 1°. des Ochnacées, 129 et suiv.; 2°, des Simaroubées, des Ru- tacéesetdes Cuspariées, 134 et suiv.; 3°. des Malvacées, 160; 4°. des Sa- pindacées,161;5°.desMalpighiées, 162. Conclusion-des observations l'accroissement, réunies dans ce mémoire,168: Des- cription des espèces nouvelles de la flore du Brésil, citées dans ce mé- moire, 234et-suir. Gynophore. Différenceentre cet:organe et le gynobase, . H. Habitude. Analogie des phénomènes de l'habitude ‘avec ceux de l'instinct. Voy. Instinct." ! Haüy. Éloge historique dé ce savant , . 1 et Suiv. + Instinet. Analogie des phénomènes de l'instinct avec ceux de l'habitude. DES ARTICLES. - 0 Comparaison” dés actions instinc- tives avec celles qui sont le résultat de l'intelligence, 2/1 et suiv. Exa- men des diverses explications qu’on a données des actions instinctives, 243 et'suiv. Les actions d’habitude sontautomatiques, et forment avec celle de l'instinct uneclasse distincte - 1 de celles qui comprend les actions intellectuelles ,258et suiv. Distinc- tion entreactionsintellectuelles qui se font par: les actes spontanés de l'esprit, et celles dont la connais sance fait le caractère , 259. Ligne de: démarcation absolue entre le principe des actions des animaux et celui des actions de l’homme , 260. M. Malpighiacées. Plusieursgenres decette famille, tels que le Gaudichautia, ont un oyaire gynobasique , 162. Malvacées. Il y en a qui ont un gyno- . base, d’autres qui n’en ont point, à War 160. Masse saline volcanique. Examen chi- L mique d’un fragment d’une masse saline vomie parle Vésuve en 1822, 435 et suiv. Minéralogie. De ce qui constitue l’es- pèce dans les minéraux, 22 et suiv. De la nouvelle forme donnée à cette science. Voy. Haüy. O. Ochnacées, Considérations sur les plan- tes de cette famille, et sur le gy- nobase dont elles sont pourvues , 129 et suiv. 481 Orchis maculata et Orchis morio. Ob- servations surle développement des bulbes de ces plantes, 46 et suiv. Organes sexuels de la poule. V. Ovi- ductus. *Orobanche. Mémoire sur la germina- tion dé l’orobanche rameuse, et sur celle des plantes parasites, 261 et suiv. Les orobanches sont-elles de véritables parasites, et jusqu’à quel point sont-elles modifiées par les plantes sur lesquelleselles croissent? 268etsuiv. Expériences à faire à ce sujet, 271 et suiv. Ostéologie comparée des Ruminans (con- sidérations sur |’), 165 et suiv. Sur des rayons de nageoire dorsale pro- duits chez les bœufs durant la pre- miere période de leur âge fœtal, tbid.; sur la décomposition de l'os du canon chez un jeune fœtus de bœuf, 173 et suiv.; sur les doigts des ruminans en rapport pour le nombre , la composition et les con- nections avec ceux des autres mam- muiferes, 176 et suiv. Oviductus. Mémoire sur la formation , le développement, la structure etles rapports des deux oviductus de la poule, etsur les fonctions de toutes les parties qui les composent, 57 et suiv. Description de l’oviductus gauche, 5g et suiv. ; de l’oviductus droit, 72 et suiv. Observations sur les oviductus destrès-jeunes poules, 7getsuiv. PA Paca. Observalions sur un organe par- 482 ticulier qu’on a reconnu chez cet animal, et qui consiste en un repli de la peau, différent des véritables abajoues, 419. V. Saccomys. Parasites (plantes). V. Orobanche. Perroquets microglosses. Mémoire sur les appareils du goût et de la dé- glutition dans ces oiseaux, 186. La langue de ces animaux qui termine l'appareil hyoïdien, est extrème- ment petite, et on a eu tort de la comparer à une trompe , 191. Sin- guliéres habitudes de ces oiseaux, dues à la conformation de leur lan- gue, tb. Description de tous les or- ganes du goût et de la déglutition dans ces oiseaux, et explication des fonctions de ces organes par le principe des connexions et la théo- rie des analogues , 193 et suiv. Perruches. Notice sur la ponte faite en France par des Perruches et des Aras, 309 et suiv. Pilocarpus. Caractere réformé de ce genre, et description de deux nou- velles espèces du Brésil, 359 et s. Ponte des Perruches et des Aras. V. Perruckhes. Poule. Mémoire sur les organes sexuels de la poule. V. Oviductus. Préles. Mémoire sur la fructification , la germination et le développe- ment des plantes de ce genre, 429 et suiv. Piéromys. Caractères zoologiques de ce genre, 126. V. Ecureuil. Pierospermum. Monographie abrégée de ce genre qui appartient à la fa- TABLE ALPHABÉTIQUE mille des Buttneriacées, et descrip- tion du P. semisagittatum,xx1 ets. R. Résine. Analyse d’une résine trouvée à la Nouvelle Grenade, et qui est ana- logue à la résine copale, 307. Respiration dans le fœtus: Examen des organes et des gaz de cette respi- ration , 85 et suiv. Le fœtus res- pire à la manière des:poissons , 87. Application des principes de l’au- teur à l'explication des phénomènes, et réponse aux objections, g2 et s. Rongeurs. Considérations sur quelques espèces de cet ordre, 41gcet suir. V. Saccomys. Ruminans. V. Ostéologie comparée. Rutacées. Observations sur cette famille de plantes et sur ses rapports avec celle des Simaroubées, 144 et suiv. Comment on doit diviser la famille desRutacées, 152. Remarquessurla maniere dont elle a été divisée par MM. Nees-von-Esenbeck et Mar- tius , et sur les descriptions que ces deux savans ont données des plantes qui la composent, 378 et suiv. Con- cordance des noms que les mêmes savans ont donnés à ces plantesavec ceux qu’elles portent dans le mé- moire de M. Auguste de Saint-Hi- laire sur le gynobase , 390 et suiv. S. Saecomys anthophile. Descriptionde cet animal qui forme un type presque isolé parmi les rongeurs à dents DES ARTICLES. 483 composées , et qui est le seul chez lequel on trouve de véritables aba- joues , {19 et suiv. Description de cet organe, 425. Sang. En analysant chimiquement le sang , on y trouve tous les maté- riaux du cerveau et la plupart de ceux de l’organisation , 449. Exa- men du sérum du sang des enfans attaqués d’une ictère, 450. Schmidelia. Caractère de ce genre et description d’une nouvelle espèce, 373 et suiv. Simaba. Description de quatre espèces du Brésil apppartenant à ce genre, 276. Simaroubées. Observations sur cette fa- mille, et sur ses rapports avec celles des Rutacées et des Cuspariées,134 et suiv. Caractère des Simarou- bées, 137. Spiranthera. Établissement de ce genre de la famille des Rutacées, et des- cription d’une espèce du Brésil, 361 et suiv. Strychnos pseudoquina. Examen chi- mique de l’écorce de cette plante, et de toutes les matières qu’on y trouve, 453 etsuiv. C’est probable- ment au principe amer qu’elle con- tient , qu'est due sa propriété fébri- fuge, 458. Quoique ce végétal ap- | partienne au même genre que la noix vomique , on n’y découvre pas un atome de strychnine, 463. T: Terres. Analyse chimique de cinq es- pèces de terres du Sénégal, et com- paraison de ces terres avec la terre franche des environs de Paris, 398 et suiv. Ticorea. Observations sur ce génre , et description de deux espèces du Bré- sil, 289. Tristicha. NV. Dufourea. Trochetia. Nouveau genre de la famille des Buttneriacées; description des deux espèces, 106. V. Verdet et Vert de gris. V. Acétaies de cuivre. W. TVallichiées. Observationssur cette sous- division des Dombeyacées, qui sont une tribu de la famille des Buttneriacées, 100. Description des deuxgenres Wallichia et Eriolæna, qui composent cette sous-division , 102 et suiv. TVallichia. Nouveau genre de la famille des Buttneriacées; sa description , 104. Z. Zanthozy lum. Description d’une nou- velle espèce de ce genre, 363. Zébu, ou Bœuf à bosse. Caractères qui le distinguent des autres espèces du genre bœuf, 172. FIN DE LA TABLE ALPHABÉTIQUE. J01TAA 284 uoilo lues sÛ 149 jup à soi Tetra sb 07 ÉRRAT di von io P.241, 1.0; physiologiques. Lisez : psycologiques. Ex P. 249, |. 18; a sa propre action. Lisez : : par sa propre ss P. 259, 1.9; de celles dont. Zisez : ou dont.