MÉMOIRES V D'UNE SOCIÉTÉ CÉLÈBRE. TOME TROISIÈME. MÉMOIRES D'UNE SOCIÉTÉ CÉLÈBRE, CONSIDÉRÉE COMME CORPS LITTÉRAIRE ET ACADÉMIQUE; DEPUIS LE COMMENCEMENT DE CE SIECLE; o u MÉMOIRES DES JÉSUITES SUR LES SCIENCES, LES BELLES-LETTRES ET LES ARTS; Publiés par M. l'Abbé GROSIER. TOME TROISIÈME. Avec Figures. A PARIS, Chez DEFER DEMAISONNEUVE , Libraire, rue du Foin- Samt-Jacques , la Porte cochère au coin de la rue Bouttebrie. I 7 en réponfe à quelques quejlions fur le Crocodile , le Colubri & la. Tortue. 148 Art. V. Notice fur un Infecte de Mer * extraite d'une L ettre Italienne. 157 Art. VI. Difcours fur la refpiration des Plantes • parle P. *** Jéf il; Art. VIL Réflexions fur une Brume de cendres , tombée fur un vaijfeau allant à la Martinique s le 7 Mars ijiS ; adreffées à Monfeigneur le Comte de Toulou/e 3 Amiral de France • par le P. Laval 3 Jéf 1S0 Art. VIII. Mémoire fur l'arbre & U fruit du Cafét $1$ Table. Vufage du Café cji-il falutaire aux Gens d* Lettres? Extrait d'une Thèfe de Médecine, 201 Art. IX. Nouvelles obfervettions fur les Eaux de Bourbon-V Archambault 3 adrejfées au P. Tour- nemine ; par le P. Aubert > Jéf. 204 Art. X. Animal-Fleur. 217 Art. XI. Extrait d'une Lettre contenant la Def- cription a" un Monjlre de Mer 9 ou Homme Marin. 220 Extrait d'une autre Lettre , écrite des Indes , le 10 Janvier 1700 > fur l'Homme Sau- vage. 22 * Extrait d'une Lettre de M. Leibnit^ , du 4 Avril 171 5 j fur un Chien q_ui parle. 225 Art. XII. Defcription d'une Plante de la Mar- tinique appellée Abel - Mofch , ou Herbe au Mufc. 22 7 Lettre contenant la defcription de l'Apocyn , ou Liane laiteufe. 229 Avis de la Faculté de Médecine de Bordeaux , fur les qualités de /'Afphodelle j ou Haftuta Regia ; avec la manière de la préparer pour en faire de bon pain. 2 32 Extrait d'une Lettre écrite de Caen. 245 Art. XIII. Ê clair ciffement fur les Salagra- mams , ou Pierres dont les Indiens fe font fabriqué des Dieux. 238 Art. XIV. Extrait (Tune Lettre du P. Aubert 3 Table. Jéf. , ProfeJJeur Royal des Mathématiques à Caen ,fur un Crin de cheval trouvé dans un œuf. 145) -Obfervations fur quelques Coquillages ; par le même. 250 Mathématiques , Observations astrono- miques. Art. I: Differtation fur la latitude ou l'élévation du Pôle de Paris. 255 Art. II. Examen du nombre des Etoiles vifbles; par le P. Pallu , Jéf. 16% Première manière de trouver le nombre des Étoiles. 275 Nombre des Étoiles des différentes gran- deurs. 2.77 Autre manière de trouver le nombre des Etoi- les, ibid. Art. III. Excellence du Calendrier Grégorien dé- montrée j par le P. de la Maugeraye Jéf. , 282 Art. IV. De quel mois de Cannée Solaire doit prendre fon nomehaque mois de Cannée "Lunaire? ParlcP.deli***, Jéf. 297 Art. V. Mémoire fur les dernières tentatives que Von a faites pour découvrir le mouvement annuel de la Terre. 307 Art. VI. Lettre de M. de Vlfle , de V Académie Royale des Sciences , au P. B. Jéf. ^ fur la T a -à L X. grandeur du globe de Mars j comparé à celui de, la Terre. 3 1 3 Art. VII. Explication d'un pajfage d'Hérodote ; année Solaire & Lunaire des Égyptiens. Art. VIII. Méthode aijée pour calculer la pa- rallaxe de la Lune. 340 Art. IX. De l'effet que caufe la réfraâion dans t obfervation qu'on fait à la mer de T amplitude du S oleil^pour trouver la déclinai/on de la bouf- fole; par le P. du Chatelard , Jéf^ Hydro- graphe du Roi , au Port de Toulon. 358 Art. X. Lettre au P. B. Jéf. fur une décou- verte en Géométrie. 364 Art. XI. Lettre au P. B, Jéfy relative à la précédente Découverte. 367 Médecîne , Chirurgie, Anatomie. Art. I. Réflexions de Phyfique & de Médecine^ pour prouver combien il feroit falutaire de fubflituer le fer au cuivre , dans les uflenfihs fervant à la préparation des alimens & des remèdes ; par le P. Caflel , Jéf. 370 Art. II. Differtation fur la nature & les pro- priétés du levain de l'eflomac. 385 Art. III. Réflexions fur les bons & les mauvais effets du Tabac , tirées d'une Thèfe de M. Fagon , premier Médecin du Roi. 399 Art. IV. Mémoire dans lequel onjexplique Vin» trcduclion extraordinaire des corps étrangers au T a ê x h; travers des vaîjfeaux & autres conduits du corps humain ; communiqué par M. Doifon ^ Mé- decin de Tournai, 4»o Art. V. De la Fille maléficiée de Courfon ; & quelques Conjectures de M. Lange , Confeiller , Médecin du Roi, fur ce prétendu maléfice. 417 Art. VI. Difjertation fur la génération des In- fectes dans le Corps humain • par M, de Lignac 3 Chirurgien de Pont-Sainte- Maxence. 430 Art. VII. Lettre fur les Enfantemens avant terme. 445 Art. VIII. Obfervations fur la Pejle ; extraites d'un Ouvrage Latin du célèbre Hecquet. 449 Art. IX. Extrait d'une Lettre de M. N*** , contenant l'Wfloire d'un changement furpre,-* nantj arrivé dans fon tempérament par C effet ; d'un remède. 460 Extrait de deux Lettres , écrites de Dublin 3 par le Docteur F. Monginot au Docteur P. 461 Lettre de M. du Courroy , Médecin de Beau- vais j du zj Juin 1701 , touchant deux Ju- meaux ne formant qu'un même corps au-dejfous du diaphragme. 46$ Extrait d'une Lettre de Dijon, fur un homme dans le corps duquel on a découvert une double v#*- 46% Art. X. Extrait d'une Lettre de M. Friend ,fur une ejpèce fort extraordinaire de Convulfions* 470 Table» Art. XI. De la connoijfance des remèdes, Extrait d'un difcours de M. Geoffroy , Doâeur & Pro- feffeur-'Royal en Médecine. 477 Art. XII. Lettre contenant l'extrait dune Lettre Latine de M. Abraham Cyprianus , imprimée à Leyde en 1700 j fur une opération Céf arienne très-extraordinaire, 484 Art. XIII. Extrait d'une Lettre de M. Biet , Apothicaire de Paris , fur la différence du bon &du mauvais Quinquina. 500 Art, XIV. Obfervation d'Anatomie. 50$ Fin de la Table du Tgme troijlèmu MÉMOIRES D'UNE SOCIÉTÉ CÉLÈBRE, Conjldérée comme Corps Littéraire & Académique , depuis le commencement de ce Jîècle. GÉOGRAPHIE ANCIENNE ET MODERNE. ARTICLE PREMIER. Dissertation fur les Antipodes. D epuis quelques années (*) , on a imprimé géographie t • J 1 1 r t ancienne et; un Livre dans lequel le trouvent ces paroles , M0DERliE. qui ont enfuite été répétées ailleurs avec éloge : confentir que l'on 33 baptife de nouveau ceux que ce Prêtre a bap- » tifés ainlî , par une fimple ignorance de la »> Langue , fans introduire aucune erreur ; puif- »3 qu'on ne baptife point ceux mêmes qui ont » été baptifés par les Hérétiques , pourvu que 33 ce foit au nom de la Trinité 33. Il eft à re- (*) Tome IX , liv, 41 , page 5 17 , n. 47. A 3, ANCIENNE ET MODÎB.NE Ç Mémoires géographie marquer que le PapeZacharie , dans cette lettre parle avec honneur de Virgile & de Sidonius , Virgdius & Sidonius rdigiqfi viri. Mais foit que cette efpèce de victoire que Virgile avoir rem- portée fur Boniface l'eût rendu un peu lier , foit plutôt que des gens brouillons Se ennemis de la paix , comme il s'en trouve par-tout , priffent plaifir à mettre de la difeorde entre ces Saints perfonnages , on vint dire à Saint Bo* niface (*) que Virgile s'étoit vanté , à fon retour, que le Pape l'avoit renvoyé pour fuccéder au premier mourant des quatre Evêques que Saint Boniface avoir établis en Bavière ; qu'il femoit de la dilîenfîon entre Boniface & le Duc Odi- lon , & qu'il enfeignoit quelques erreurs. Saint Boniface s'étoit apperçu qu'il y avoit dans le pays de fon Apoftolat des impofteurs , qui por- toient faulfement le nom d'Evêques & de Prê- axes , fans avoir jamais été ordonnés par de vrais Evêques. Cela fait juger que ceux qui avoient defîein de le brouiller avec Virgile , ne man- quèrent pas de lui faire regarder Virgile comme un homme qui prétendoit être Ëvêque fans fon confentement , & fe prévaloir pour cela de la confidération que le Pape Zacharie lui témoi- gnoit. (*) Tome IX , liv. 41 , pag. 344 , n. 56. J d'une Société célèbre. 7 Quoi qu'il en foit , Saint Boniface , qui fe géographie trouvoit oblige d écrire iouvenc au Pape Za- moderne. charie , pour lui rendre compte du fruit de fes Millions Apoftoliques , & le confulter fur plu- fieurs articles , ne manqua pas de lui mander ce qu'il avoit appris , tant de la conduite de Virgile , que des erreurs qu'on lui attribuoir. La Lettre que Boniface écrivit là-defTus , n'eu: pas venue jufqu'à nous ; mais nous avons la ré- ponfe que lui fit le Pape Zacharie : & c'eft-là qu'on trouve le fait que nous examinons, Je ne fâche aucun autre monument ancien , dans lequel il en foit parlé , aucun Auteur du temps qui en ait fait mention. Cette Lettre eft impri- mée avec les autres dans le recueil des Lettres du Pape Zacharie à Boniface j ôc on la trouve citée en Latin par bien des Auteurs , entr'autres parBaronius dans fes Annales , année 748. (Voyez fur-tout les nombres 10 & 11). Voici le précis qu'en fait M. l'Abbé Fleury : « Quant à fa » perverfe Doctrine (c'en: de Virgile dont il « parle) , s'il eft prouvé qu'il foutienne qu'il 3j y a un autre monde 3 & d'autres hommes fous 55 la terre un autre Soleil & une autre Lune j 35 chalfez-le de TEglife , dans un Concile , après » l'avoir dépouillé du Sacerdoce. Nous avons 3j auflî écrit au Duc de Bavière de nous l'en- » voyer , afin de l'examiner nous-mêmes , ôc *8 Mémoires géographie » le juger fuivant les Canons. Nous avons écrit moderne."" à Virgile & à Sidonius des Lettres mena- 33 çantes, & nous vous croirons plutôt qu'eux 33. Voilà tout ce que nous fournit l'Hiftoire du temps fur ce fait de Virgile ; 8c il ne faut qu'un peu d'attention pour fe convaincre que Virgile ne fut jamais déclaré hérétique , quoiqu'on le dife tous les jours 11 hardiment. Il eft aifé de reconnoître que le Pape Zacharie ne parle point d'héréfie , mais de fufpenfîon Ôc de dégrada- tion. Cette peine même , & c'eft cela qui mé- rite le plus d'attention, cette peine, dis -je, n'eft que comminatoire , ôc il n'y eut jamais de déclaration. Le Pape ordonne à Saint Boniface de s'informer exa&ement de la mauvaife doc- trine qu'on attribuoit à Virgile, &: de le punir, s'il en eft convaincu. Il lui marque même qu'il écrit à Odilon , Duc de Bavière , d'envoyer Virgile à Rome , pour y être examiné avec foin , de y être condamné , fi on le trouve coupable de quelque erreur : Si erroneus fuerit inventas. Il eft conftant, par la fuite de l'Hiftoire, que Virgile n'alla point à Rome pour fe juftifier; on ne trouve pas même que Saint Boniface l'ait examiné juridiquement , & ait poiuTé plus loin ceire affaire. Cela fait juger qu'il avoit mandé au Pape Zacharie ce que des gens mal infor- més , & peut-être encore plus mal intentionnés , d'une Société célèbre, 9 lui avoient dit de la doctrine de Virgile ; 6c géographh . r . . ~ . . ANCIENNE ET que depuis , en ayant rait une perquilmon pIus-MODER.N£. exacte , même avant la réponfe du Pape Za- charie , il avoit trouvé que ce que difoit Vir- gile étoit fort raifonnable , & n'intéreffoit point la Foi. Si cela eft ainfi , comme il y a toute ap- parence de le croire , il faudroit conclure que l'Églife , bien loin de trouver mauvais qu'on afsurât , en ce temps-là, qu'il y avoit des Anti- podes , avoient approuvé ceux qui le foute- noient , avant que l'expérience nous en eût convaincus. Au moins, il paroît que Boniface Se Virgile vécurent depuis en fort bonne intelligence , 8c que Boniface fe fervit de Virgile pour fes mit fîons & fes fonctions ^poftoliques dans la Ba- vière ; quoique Virgile reftât toujours Abbé du Monaftère de Saint-Pierre de Saltzbourg , dont on lui avoit donné la conduite , peu de temps après- fon arrivée en Allemagne. Après la mort de Boniface, qui arriva en 755 , Virgile con- tinuant de s'employer au Miniftère Evangélique , fe fit connoître à la Cour du Roi Pépin , qui , charmé de fa piété, autant que de fon efprit Se de fon favoir , le retint auprès de lui près de deux ans , & le laiffa enfin retourner à fa mif- (îon. Mais ce Prince ne l'oublia pas pour cela &c , vers l'an 764 , il le nomma à l'Evêché i o Mémoires 6É0GJ.APHIE Saltzbourg. La peine qu'on eut à engager Virgile .modern£E.ET à ie lailfer facr^r , eft une bonne marque de fa venu. Il gouverna faintemenr fon Évêche pen- dant \6 ans, & fe trouva , en 772. , au Con- cile de Dingoluingue. Il mourut enfin , comme il avoit vécu , dans les travaux Apoftoliques , 8c dans l'exercice des vertus chrétiennes, en 780 , le 27e de Novembre : & c'eft à ce jour- là que fa fête eft marquée dans le Ménologe de l'Ordre de Saint-Benoît. On le regarde comme un des Apôtres de l'Allemagne. Henri Canifius , dans fes favans recueils , a fait imprimer fa vie & l'hiftoire de fes miracles ; l'une & l'autre'pièce , qui n'eft que du douzième hècle, fe trouve encore imprimée , par les foins du Père Mabillon , dans la féconde partie du troifième fiècle de l'Ordre de Saint- Benoît. Les miracles qui fe faifoient à fon tom- beau , obligèrent le Pape , Grégoire IX , de le mettre au nombre des Saints ; & nous pouvons , en palîant , remarquer ici que ce Pape n'eût jamais canonifé Virgile , s'il avoit été condamné comme hérétique par un de fes PrédécefTeurs , ou fi même il avoit été foupçonné d'héréfie avec quelque apparence , & fans s'être bien exacte- ment juftifié & purgé d'un tel foupçon. Mais au moins , dira-t-on , le Pape Zacharie déclare , dans fa Lettre , qu'il regarde comme (Pune. Société célèbre. 11 une erreur condamnable , le fentiment de ceux géocraphie ,.. • , ANCIENNE ET qui croyoïent , de ion temps , qu il yK avoit des moderne. Antipodes j ôc , s'il n'a pas déclaré Virgile hé- rétique , c'eft peur-être parce que Virgile s'eft rétracté j c'eft peut-être aufîî parce qu'il s'eft: trouvé , après les informations juridiques , que Virgile n'étoit pas dans les fentimens qu'on lui attribuoit , & que le Pape Zacharie , aufli bien que Sainr Boniface , regardaient , en ce temps- là comme hérétiques. Je réponds à cela que , dans la Lettre du Pape Zacharie , il n'eft poinr parlé d'Anripodes , mais feulement d'un autre monde , d'autres hommes , & fe vante d'être Unitaire , vient nous dire qu'il ne veut reconnoître qu'un Dieu ; parce que nous favons qu'il abufe de cette exprefiion pour com- battre le myftère de la fainte Trinité , nous di- rons qu'il blafphème , & qu'il n'en: pas plus Chrétien qu'un Juif ou qu'un Mahométan. La raifon de tout cela vient de ce que , comme dit Saint Hilaire , fouvent cité par le Maître des fentences& par les Théologiens de l'Ecole, l'héréfie ne confîfte pas piécifément dans les termes dont on fe fert , mais dans la fignifica- tion qu'on donne à ces termes j & c'eft le fens du difcours plutôt que le difcours même , qui rend un homme criminel en matière de Foi (*) : J)e ïntdliocntïâ enim hœrejîs j non de fcripturâ eft j & fcnfus , non fcrmo fit crimen. Or , c'eft là, à-peu-près , ce qui eft arrivé au fujet.des Antipodes , comme je prétends le montrer. J'ai dit que , quand même on auroit con? damné Virgile, pour avoir foutenu, au huitième fiècle , qu'il y avoit des Antipodes , on n'auroit rien fait en cela que de fort raifonnable ; parce (*) de Trinit. I z. c. 5. d'une Société célèbre. i y que cette propofition , il y a des Antipodes , géograpî avoit en ce temps-la un fens bien différent de celui J,^'™ que nous lui donnons aujourd'hui. Pour éclaircir cela , reprenons les chofes d'un peu plus haut. Depuis qu'on a fait le tour de la terre , on eft perfuadé qu'il y* a des Antipodes, & que ces Antipodes font des hommes comme nous ; qu'ils font , comme nous , defcendus d'Adam ; qu'ils ont eu part , comme nous , à la défobéif- fance de ce Père commun de tous les hommes , & que , par conféquent , les loîx , les promef- fes , les menaces des divins Livres , les re^ar- dent auffi bien que nous ; que Jéfus - Chrift les a eus en vue ahffi bien que nous , lorfqu'il a ordonné à fes Apôtres & à leurs fucceflêurs de prêcher l'Évangile à tous les hommes , ôc de réunir toutes les Nations dans la profeflîon d'une même Religion , clans la pratique d'un même culte , & dans la participation des mê- mes Sacremens. Mais avant la découverte du nouveau Monde , on avoit toute une autre idée , & on donnoit tout un autre fens au terme d'^/7- tipodes. Les Mathématiciens avoient bien prouvé que la Terre étoit ronde , & ils apportoient li- defTus les mêmes démonftrations que nous pro- duifons aujourd'hui. De-là ils avoient conclu, comme nous concluons encore , que de fautte côté de Ja ligne équinoxiaie , il devoir y avoir i s Mémoires géographie des terres \ que le Pôle , qui étoit inférieur à moderne" l'égard de l'Europe , devoir être élevé au-deflus de ces terres , & qu'au contraire notre Pôle de- voir être inférieur 8c caché à leur égard ; que toute la furface de la Terre devoir être partagée en cinq zones ou bandes ; que celle du milieu devoit être la plus expofée aux rayons du Soleil j que les deux qui étoient aux extrémités , vers les Pôles , devoienr être plus froides ; Se qu'il y en avoit une , du côté du Midi , aufii tem- pérée que celle que nous habitons du côté du Septentrion j qu'enfin , il devoit y avoir au-delà comme au-deçà* de l'Équareur , la même iné- galité des jours & la même viciffitude des fai- fons , félon la diverfité des climats. Les Ma- thématiques n'alloient pas plus loin alors , & , en attendant les lumières qu'elles ne pouvoient recevoir que de l'expérience, elles laiffbientle refte à deviner aux Phyficiens. Ceux-ci , toujours ferriles en hypothèfes & en conjectures, avoient ajouté plufieurs chofes aux démonftrations qu'ils avoient reçues des Mathématiciens. Je ne fais que rapporter ici en peu de mots ce qu'on trou- vera expofé dans un plus grand détail par Stra- bon & Cléomède en Grec , par Pline & Ma- crobe en Latin j en un mot, par tous les anciens Auteurs qui ont eu occafion de parler à fond fur ces matières. On y trouvera même cette dis- tinction ANCIENNE IT MOÏ>ER.Nï. d'une Société célèbre. 17 tinûion que je fais entre les démonftrations géograïhti mathématiques & les hypothèfes phyfiques j dif- tinction qui d'ailleurs vient fi à propos à mon fujet , que je ne craindrois pas de m'en déclarer l'Auteur , fi je ne l'avois pas trouvée exprimée ,en termes formels dans les Géographes & les Aftronomes les plus fameux de l'antiquité. Les Phyficiens , par exemple , fuppofoient que les parties de la Terre , qui fe trouvoient dans une expofition égale , dévoient être non feulement habitables , mais même habitées éga- lement , & qu'il devoit y avoir là , comme ici , des montagnes , des vallées , avec une grande diverfité de terres, entrecoupées de rivières, & bornées de tous côtés par la mer ; de plus , que cette mer alloit non feulement d'un Pôle à l'au- tre , tout à l'entour de la Terre , mais auffi pé- nétroit dans les terres , & s'y répandoit tout le long de la zone torride , en faifant un fécond tour , qui embrafloit toute la terre ; que ces deux grands cercles , en fe coupant l'un l'autre, partageoient la Terre en quatre parties , dont l'une étoit celle que nous habitons , que l'on nomme aujourd'hui le vieux Monde , & qui feule étoit connue des Anciens ; l'autre étoit du même côté de l'Equateur & avoit le même Pôle élevé , & toutes les mêmes faifons que .«îous , avec cette feule différence , qu'elle avoit Tome IIL B 1 S Mémoires «éogaanh!-: le jour quand notre pays avoic la nuit. C'eft la ANCIENNE ET ,., , . „ , . , moderne, qu ils plaçoient ceux quils appelloient Perie- ciens. Les deux autres parties de la Terre étoient pour les Antichthones , qui , dans la zone op- pofée , étant au-delà de l'Equateur , & regar- dant l'autre Pôle du Monde , avoient l'hiver quand nous avions l'été , & l'été quand nous avions l'hiver ; en forte cependant que les uns, qu'ils nommoient proprement les Antéciens , avoient le jour en même temps que nous , ôc les autres, qu'ils avoient appellés les Antipodes, étoient éclairés pendant que nous étions dans les ténèbres de la nuit. Ils s'étoient encore fi- guré que les deux zones voifines des Pôles , qu'ils nommoient zones glaciales , étoient , en effet , pleines de glace , & inhabitables ; que toute la zone du milieu , qu'ils nommoient zone torride , ou du moins ie pays qui étoit le plus près de l'Equateur , étoit abfolument imprati- cable j qu'il n'étoit pas propre à l'habitation des hommes , à caufe de la trop grande proxi- mité du Soleil j qu'on ne pouvoit pas même y palier pour voyager d'un quartier de la Terre à l'autre. Il eft vrai que Poflîdonius & quelques autres en très-petit nombre , avoient prétendu que ce pays , bien loin d'être inhabitable , étoit à tout prendre , à-peu-près , aulli tempéré que les autres , parce que les nuits , toujours de (Tune Société célèbre. ip douze heures , avoient une fraîcheur qui devoir géographie 1 • 1/ 1> J J »> ANCIENNE ET bien modérer 1 ardeur des jours , qui n etoient M0DLRKE, jamais plus longs que les nuirs \ parce que ce pays devoir être enrrecoupé de rivières , &c qu'a- près rour , le Soleil , en cerrains remps de l'an- née , s'éloignant de l'Equateur pour s'approcher de nous , l'expérience nous apprenoir qu'une partie de l'Europe Se des bords de l'Afrique , qu'on connoiiToit , ne laiiîoit pas d'être habitée fans aucune incommodité , quoique ces pays fuirent pour lors bien plus près du Soleil , que les pays mêmes qui fonr fous l'Equateur n'en font près pendant une grande parrie de l'année. Mais , quelques raifonnables que fufTent ces con- jectures de Poffidonius , elles n'avoient point prévalu fur les idées populaires , & fur les pré- jugés qu'on avoir peut-être pris dans la lecture des Poètes. On étoit convenu que la zone s nom- mée torride , éroir impraticable j Se il étoit de- meuré pour confiant , parmi les Phyficiens Se les Géographes , que les habirans de ces quatre par- ties de la Terre , qu'on fuppofoit féparées par l'Océan , & fur-tout ceux qui étoient féparés pat la zone torride , ne pouvoienr jamais avoir de communication les uns avec les autres. C'eft ainfî que Cicéron les repréfeate dans le Songe de Scipion : Interruptos ilà ejfe , ut nihil inter ipfos ab al'ùs ad allos manare pojjit. 8 z so Mémoires g éogilathie Les Phyfîciens , avançant toujours dans leurs ANCIENNE ET . 1 1 |\ moderne, conjectures , avoient encore conclu de-la , que ceux qui étoient clans des quartiers , ou parties diffétentes de la Terre , ne pouvoient avoir une origine commune ; &" c'eft ainfi que Cicéron , dans le même endroit , en parlant des deux zones , qu'il regarde comme feules habitables, fait dire à Scipion que ceux qui habitent la zone auftrale tempérée , font une efpèce toute diffé- rente de la nôtre , & n'ont rien de commun avec nous : Duo junt habitabiles , quorum Aufira- lis ille j in quo qui injijlunt advcrfa vobis urgent yejligia , nihil ad ve/lrum gcnus. Cette dernière conclufion n'avoit rien qui révoltât les Payens. Il eft cettain que patmi eux , les uns croyoient que le monde n'avoit jamais commencé , & , dans les différens fyftê- mes que les autres avoient inventés fur le com- mencement du Monde, & la propagation du genre humain , ils ne s'étoient jamais avifés de recoutir à la Création, qu'ils regardoient même comme impofîïble. Ils croycienr allez commu- nément que le hafard , ou fî vous voulez la Providence des Dieux , avoit fait naître de la Terre, & comme difperfé en différens pays quel- ques hommes , dont les autres étoient enfuite defcendus. On fait les fables que ks Égyptien débitoient fur leur origine : On fait la cradi- d'une Société célèbre, i\ tîon des Arcadiens , qui prétendoient que ieurs g éographie Ancêtres avoient paru au Monde avant la Lune j ^"erms. & perfonne n'ignore que plufîeurs peuples , 8c en particulier les Athéniens , faifoient gloire de ne devoir leur première origine qu'à la Terre qu'ils habitoient , & de pouvoir regarder leur chère patrie comme leur mère & leur nourrice. Il n'étoit donc pas étonnant que tous ceux qui croyoient qu'il y avoit des Antipodes , fou- tinflfent , en même temps , que ces Antipodes étoient des hommes d'une autre efpèce , & qui avoient une origine différente de la nôtre. Tout cela s'accordoit parfaitement bien avec la Théo- logie payenne j mais les Chrétiens ont toujours regardé comme un article fondamental de leur croyance , ce que les Livres facrés nous appren- nent de la création du Ciel &z de la Terre (*) : In principio creav 'u Deus Gxlum & Terram j & de la production du premier homme , duquel tous les autres hommes font depuis defcendus (**) : Fecitque ex uno omne gcnus hominum inhabitarc fuper univcrfam faciem terra. Ainfi , quand les Philofophes Payens parloient aux Chrétiens des Antipodes , félon les idées qu'ils en avoient: les uns , comme Lactance , prenoient le parti (*) Gen. lib. z. (**) Acï, 17 B 5. 22 • Mémoires géographie de nier jufqu'aux principes & aux démonftra- IEN NE WODEF.NE. T ûons que les Mathématiques avoient fourni là deflus, & auxquelles les Phyficiens avoient ajou- té leurs hypothèfes ; ils nioient même que la Terre fût ronde : & , parce qu'on leur prouvoit la rondeur de la Terre par la rondeur du Ciel qui l'environne , ils alloient jufqu'à nier que Je Ciel fût d'une figure fphérique (*) : Sic pen- dulos ïfios Antipodas Cœli rotunditas adinvenit 3 dit Laétance , en propofant très-férieufement , contre la rondeur de la Terre , les mauvais rai- fonnemens que l'imagination fournit à ceux qui veulent difeourir fur les chofes qu'ils connoif- fent le moins. Il ne conçoit pas qu'on puifle dire en aucun fens , qu'il y ait une partie du Ciel au défions de la Terre ; & , parce qu'il ne Je conçoit pas , il fondent que cela eft abfolu- ment impoiïible. D'autres , plus prudens Se plus éclairés , en avouant., ou du moins fans rejeter ouvertement tout ce que les Mathématiques avoient pu dé- montrer fur la figure de la Terre , s'arrêtoient à révoquer en doute les conjectures que les P'pyficiens avoient ajoutées aux démonftrations Marhématiques. C'eft le parti que prit fort fa- gement Saint Auguftin , dans le feizième Livre (*) Infiit. lib. 3 , cap, 24, dhme Soczùé célèbre. 25 de la Cicé de Dieu. Il s'étoic propofé la quef- géographe tion j s'il y avoit jamais eu des hommes i[| h tu&*ms^. que l'Hiftoire Profane les repréfentoit ; par exemple , des nations entières de Cyclopes , qui ii'euflfent qu'un œil au milieu du front , des Géants d'une ftature prodigieufe , des Pygmées , dont la hauteur ne fût que d'une coudée } d'au- tres qui eulTent les pieds tournés en arrière , d'autres qui n'euffent pas de bouche , d'autres qui eu(Tent les yeux aux épaules , & , fans en- trer dans le détail de tout ce que les Hiftoriens en avoient dit , il répond en général , que peut-être tout ce qu'on raconte de merveilleux & d'extraordinaire en ce genre , n'eft pas vrai ~y que , fuppofé que cela foitvrai , peut-être ce ne font pas des hommes j mais qu'enfin , fi ce font véritablement des hommes , auxquels l'on puifie appliquer la définition ordinaire de l'homme , il faut qu'ils defcendent, comme les autres, du pre- mier père de tous les hommes (*) : Ut ijlam quœfi- tïonem pedetenùm cauteque concludam , autillaquA talïa. de quibufdam gentibus feripta funt , omninb nulla. funt , aut fi funt 3 homines non funt ? aux ex Adamo funt fi homines funt. Il vient après cela à examiner fi la partie de la Terre qui eft au-defious de nous, & qui eft directement {*) Injl, Ub. 3 , cap. ?, 24 Mémoires géographie oppofée à celle que nous habitons , eft habitée moderne, par des Antipodes. Il eft bon de faire attention aux termes dans lefquels il propofe laqueftion: An inferiorem partem terra, qu& nojlra habitationï contraria ejl j Antipodas habere credendum Jît ? Cet expofé feul marque bien nettement ce que Saint Auguftin penfoit. Il ne doutoit pas que la Terre ne fut ronde , & qu'une partie de cette Terre ne fût au-deffous de la partie que nous habitons : inferiorem terra partem. Il favoit bien que l'une étoit diamétralement oppofée à l'autre : qua nofira habitationï contraria ejl. Il favoit bien tout cela : il le fuppofe , & ne fait aucune dif- ficulté là-delTus ; il demande feulement fi cette partie de la Terre , qu'il reconnoît être au-def- fous de nous, & diamétralement oppofée à celle que nous habitons, eft effectivement habitée par des Antipodes ; s'il faut croire tout ce que les Philofophes difoient là-defïus ? C'eft - là toute la queftion : An inferiorem partem Terra qua noftra habitationï contraria ejl , Antipodas habere credendum fit ? Et lorfqu'il traite de fables ce qu'on difoit des Antipodes , il n'y a qu'à fuivro. fa penfée , pour fe perfuader qu'il ne dit rien que de fort judicieux. Il remarque premièrement, que ceux qui affuroient que cette partie de la Terre étoit effectivement habitée par des Antipodes , étoienc obligés d'avouer (Pune Société célèbre, l'y qu'ils n'avoient aucune hiftoire qui leur eût ap- géographi» r ■ , , • |'« \ »•! . ANCIENNE ET pris un raie tel que celui- la , & quils n en moderne. raifonnoient que par conjecture , & comme en devinant : Neque hoc ullâ hijioricâ cognitione didicijje fc affirmant , fed quafi ratïodnando con- jeclant • que leurs conjectures étoient appuyées fur la fituation de la Terre , qui fe trouve fut- pendue au milieu du Ciel ; c'eft-à-dire , par-tout également éloignée de la furface du Ciel , & , par conféquenr , à l'endroit le plus bas du Monde ; que de-là ils tiroient cette conféquence , qu'il falloit que la partie de la Terre , qui eft au- delTous de nous , fût actuellement habitée par des hommes , auffi bien que celle que nous ha- bitons : E6 quod intrà convexa Ceeli Terra fuf- penfa fit eundemque locum Mundus habeat & infimum & médium , & ex hoc opinantur alteram Terrtt partem ^ qirnt infrà eft habitatione homi- num carere non pojfie. St. Auguftin répond à cela que, dans ce raifonnement , il falloit faire une grande différence entre les principes & les con- féquences , qu'on ne tiroit de ces principes que par conjecture j que la vérité des principes n'empèchoit point qu'on ne doutât des conjec- tures , qui n'étoient pas bien liées avec ces prin- cipes ; par exemple , qu'on pouvoir fort bien reconnoître que la Terre étoit ronde , fans être obligé d'avouer ( non tamen ejje confequens. ) > 26" Mémoires «hographîe qu'elle fût également habitée de tous côtés ; que moderne." ta Terre même étant ronde, il pourroit fe faire que la partie de la Terre, où l'on plaçoit les Antipodes , fût toute couverte d'eau , & n'of- frît qu'une grande mer \ que quand même , la mer s'éjant retirée , la terre feroit là comme ici , propre à l'habitation des hommes , il ne s'enfuivroit pas pour cela qu'elle fût effective- ment habitée ; que de dire , comme le difoient en ce temps-là les Philofophes , que cette partie de la Terre fût efFe clive ment habitée par des Antipodes tels qu'ils fe les figuroient, ek qui ne defcendifTent point d'Adam , ce feroit donner un démenti à l'Ecriture Sainte , qui méritoit bien notre créance dans le récit qu'elle faifoit des chofes paffées , puifque nous avions devant nos yeux l'accomplifTement de fes prophéties , Se des événemens qu'elle nous avoit annoncés avant qu'ils arrivafTent ; que cette Écriture nous obli- geoit de croire qu'il ne pouvoir y avoir fur la Terre aucun homme qui ne fût venu d'Adam , ôz que ceux mêmes qui foutenoient le fyftême des Antipodes , étoient les premiers à recon- noître qu'il feroit ridicule de dire , que des hommes auroient pafîe de notre Terre dans celle des Antipodes , en faifant le trajet de ce vafte Océan , qui féparoit notre terre d'avec la leur ; que, puifqu'on avouoit qu'il ne pourroit y avoir d'une Société célèbre. 27 d'Antipodes qui fiiflent venus d'Adam, il fal- géograïuî! I ^ ANCIENNE ET loic avouer auffi qu'il n'y avôit point d'hommes moderne. qui nous fulfent Antipodes. C'eft-Jà ce me femble , le fentiment de Saint Auguftin : & je n'ai rapporté plus au long toute la fuite de fon difcours , que pour faire voir quel étoit le rai- fonnement de ce Saint Docteur , ôc , en même temps , quelle étoit l'idée de fon fiècle fur les Antipodes. Tout fe réduit à ce raifonnement très-court ôc très-fenfible. Les Philofophes, qui ne parlent de l'exiftence des Antipodes que par conjecture , prétendent que ces Antipodes ne peuvent être enfans d'Adam : or , la Sainte Ecriture nous apprend que tous les hommes font venus d'Adam ; il n'eft donc pas poflible d'ac- corder- ce que l'Ecriture Sainte nous apprend , avec les conjectures des Philofophes fur les An- tipodes : il faut donc regarder ces conjectures comme des fables , Se n'y ajouter aucune foi : Quod verb & Antipodas ejje fabulantur..,., nullâ ratione credendum ejl. Il paroît encore , par toute la fuite du rai- fonnement de Saint Auguftin , que quelque raifonnable que fût fon doute fur tout ce qu'on racontoit des Cyclopes , des Pygmées , & des autres fictions des Poètes ou de quelques Hif- toriens Romains , il étoit prêt à les reconnoître pour des hommes véritables , pourvu qu'on 28 Mémoires ctéogb-aphie voulût avouer qu'ils defcendoient tous d'Adam; ANCIENNE HT . „,..,., . . r moderne. On voit auffi qu'il étoit dans la même difpo- fition à l'égard des Antipodes , & qu'il n'eût fait aucune difficulté de reconnoître que cette partie de la Terre , qui nous eft directement oppofée j étoit effectivement habitée , fi les phi- lofophes enflent pu ajouter à leurs conjectures que ces Antipodes étoient venus d'Adam comme les autres hommes , & que la zone torride n'a- voit pas toujours été impraticable. Tout ceci nous ramène fort naturellement au Pape Zacharie. Il eft certain que de fon temps on n'avoit fait aucune nouvelle découverte fur les Antipodes , & qu'on étoit encore , en ce temps-là , dans les mêmes idées que du temps de Saint Auguftin ; c'eft-à~dire } que vers le milieu du huitième fîècle de l'Églife on pen- foit là-deiïus comme à la fin du quatrième, & au commencement du cinquième. On re- connoifloit volontiers ce que les Mathémati- ques avoient démontré ; mais on attendoit le té- moignage de l'expérience & de l'hiftoire , pour fe rendre aux conjectures des Phyficiens ; on traitoit même ces conjectures de fables Se d'er- reurs , lorfque, de la manière dont les Phyficiens les propofoient , elles fe trouvoient contraires aux articles de notre Foi. Ainfi , quand même Virgile auroit die Amplement qu'il y avoir des Anti- d*une Société célèbre, 2^ podes , quand- même le Pape Zacharie l'auroit céographh 1 , ,* " -, . , ANCIENNE E* uniquement condamne pour cela ( j ai montre modeb.se. au commencement de cette DifTertâtion , que l'un & l'autre de ces faits font faux) j la cenfure du Pape Zacharie , bien loin d'êtt e fufceptible du ridicule qu'on cherche à lui donner , auroit été légitime , & très-exacte , Se très-judicieufe. Juf- qu'à ce qu'un homme s'explique bien nettement, & qu'il déclare qu'en fe fervant de certains ter- mes , il ne prétend pas dire ce que ces termes fîgnifient par-tout ailleurs , les juges Eccléfiaf- tiques & même les féculiers ont droit de fup- pofer , qu'il attache à ces expreflîons le fens qu'elles ont dans le langage ordinaire de tous les hommes j & , par conféquenr, le Pape Zacharie auroit eu droit de croire que Virgile , en fou- tenant qu'il y avoit des Antipodes, foutenoit qu'il y avoit des hommes qui ne venoient pas d'Adam , qui n'avoient pas le péché originel , qui n'avoient pas de part à la mort de J. C. , qui n'étoient pas appellés à l'Evangile : & ce fentiment auroit été afîurément très-condamna- ble en ce temps-là , comme il le feroit encore aujourd'hui. Je crois avoir bien prouvé deux chofes 5 la première efl: que le Pape Zacharie n'a jamais dé- claré Virgile hérétique , pour avoir dit qu'il y avoit des Antipodes j la féconde eft que quand ANCIENNE ET ?DER.NE. 30 Mémoires géografhie bien même le Pape Zacharie , dans le huitième fiècle, auroic condamné le fentiment de ceux qui foutenoient le fyftèmedes Antipodes, on n'au- roit point droit de parler aujourd'hui là-deflus , comme on fait , & de tourner en plaifanterie une condamnation qui eût été très-fage , & même très-nécelfairepar rapport aux idées dece temps-là. Je finis par une réflexion générale , que j'ai fouvent occafion de faire. Si l'on fe donnoit la peine d'examiner avec attention quel a été le fentiment des anciens Auteurs , tant facrés que profanes , & ce qu'ils ont entendu par les ex- preffions dont ils fe font fervis \ fi l'on vouloit un peu , non feulement apprendre leur langue , mais aufli étudier leurs mœurs , leurs idées , leurs difFérens fyftèmes ; on feroit fans doute plus ré- fervé fur leur compte ; on n'en parleroit pas fi décifivement j on ne les condamneroit pas avec tant de hauteur • on reconnoîtroit même de bonne foi , que ce n'eft pas toujours leur faute quand on ne les entend pas , & qu'on leur at- tribue des fentimens qui ne font pas foutenables. Quintilien le difoit de fon temps , on ne fauroit le dire trop fouvent en celui-ci : Modejlè tamen & circumfpeclo judïcio de tantes Viris pronuntian- dum eji 3ne 3 quod plerifque accidh , damnent qu& non intelligunt. d'une Société célèbre. 3 1 H - „. , GKOGRAPHIS " AKCIEKN E tT MODERNE. ARTICLE II. Lettre -fur les Antipodes. JF'ai fous les yeux , Monfïeur , le Tome des Conciles , qui contient la fameufe Épitre du Pape Zacharie , & le Volume de S. Auguftin, qui contient fon Traité de la Cité de Dieu. Il eft aifé de voir combien leurs fentimens font éj'ùgnés des méprifes que mettent fur leur compt- , à l'exemple de Kepler, quelques Au- teurs 'modernes. Commençons par S. Auguftin. Pour mieux fentir la juftefte de fon raifon- nement fur les Antipodes , faifons en j'Ana- lyfe. Saint Auguftin dit : Ce que quelques gens dé- bitent des Antipodes , des Peuples placés dans l'Hémifphere oppofé au nôtre , a bien l'air d'un conte. Un conte eft un fait avancé contre les vraifemblances , fur de frivoles conjec- tures , & fans aucun fondement folide. Or , eft-il vrai que ce qu'on débite de l'exiftence de ces Peuples a bien l'air d'un fait avancé fur des conjectures frivoles & fans aucun fondement folide. Les feuls fondemens folides , pour ga- rantir un fait , font, ou fa liaifon nécelfaire avec 3 2 Mémoires «ÉoGRArHiî un autre fait réel & bien certainement connu ~ ANCIENNE ET , 1, r A O J ' TC Tilt 1 modjrnî, ou la voie d un témoignage sur & decilir. Mais l'exiftence de ces Peuples i°. n'a aucune liaifon nécelfaire avec des faits , dont la réalité foit déjà certainement connue ; i°. n'eft garantie par aucun témoignage. i°. Le feul fait certain qui puifle avoir quel - que liaifon avec celui-là, c'eft la rondeur de la Terre , la preflion uniforme des Cieux qui la ferrent également de tous cotés , 8c qui fou- tiendroient aux Antipodes les hommes , comme ils les foutiennent fur notre hémifphère. Que réfulte-t-il nécelfairement de-là ? Qu'il efl: pof- fible qu'à l'extrémité des vaftes mers qui ter- minent notre hémifphère , il y ait des terres comme les nôtres ; que s'il s'y trouvoit des hom- mes , iis y feroient placés & foutenus comme nous le fommes ici , fur les parties du Monde que nous foulons aux pieds. Mais , de cette (impie & métaphyfique poflibilité , s'enfuit-il qu'en effet il doive y avoir des hommes dans ces contrées ? 2°. La voie du témoignage n'établit pas plus ce fait que celle du raifonnement. A-t-on vu quelqu'un qui ait vifité ces Peuples ? Ont -ils volé de leur hémifphère au nôtre , pour s'an- noncer à nous , & nous apprendre que le leur , femblable en tout le refte au nôtre, avoit auffi, comme S une Société célèbre, 33 Comme lui des habitans de norre efpèce ? Non , géographie r . - . , , _ ANCIENNE ET oc perlonne ne la julquici prétendu. Donc ce modeoe. fait n'eft garanti ; ni parla voie du témoignage , ni par celle du raifonnement. D'ailleurs , ajoute Saint Auguftin , ce n'eft pas feulement, par le défaut de preuve , que ce fait a l'air d'un conte , c'eft encore par fon peu de vraifemblance , & par les difficultés infolu- bles qui le combattent. Car , enfin , d'où vien- droient les hommes de ce nouveau continent ? Seroit-ce une race différente de celle d'Adam , & un peuple ifolé , créé pour ces régions fouf- traites au commerce des autres hommes ? Non, fans doute. L'Écriture borne les habitans de l'U- nivers aux feuls defcendans d'Adam , de Noë , & de fes premières générations dont elle fait le dénombrement. Ce ne font pas non plus les arrières-petits-fils de Noë , ou leur poftérité , même la plus re- culée, qui ont pénétré jufques-là. Eh ! par quelle voie y feroient-ils parvenus ? De vaftes mers renferment de tous côtés notre continent , 8c le féparent du leur. Ce n'eft donc pas , par un progrès infenfible & facile que les hommes s'é- tendant de climat en climat & de terre en terre , auront , après bien des fiècles 3 abouti à cette partie de l'Univers jufqu'alors déferte & ignorée. Ce n'eft pas non plus la navigation qui les y Tome III. C 34 Mémoires «ÉosRAPHiE aura conduits. L'immenfe étendue de cet Océan uqdÏ™L*T :étt un efpace dont nos Pilotes n'ont point en- core appris à mefurer les bornes. Donc les en- fans d'Adam de de Noë n'ont pu encore fe tranf- planter à de fi vaftes diftances ; & il n'y a dans l'Univers d'hommes que de leur race : donc il • eft inconcevable que l'hémifphère oppofé au nôtre foit habité : donc on doit à tous égards envifager le fentiment de ceux qui foutiennent qu'il y a des Antipodes , comme la chofe du monde la moins raifonnable. Voilà, Monlieur , au jufte le raifonnement de Saint Auguftin (*). Je ne lui ai prêté que le développement & le tour philofophique plus à la mode aujourd'hui qu'il nel'étoit de fon temps. Vous en trouverez toutes les femences , & la fubftance même dans les paroles de ce Père , &c vous démêlerez en même temps combien cette façon de penfer étoit judicieufe dans le iïècle où il vivoit. Lorfque les faits font établis fur des preuves claires & folides , un bon efprit s'y rend , quelque difficulté , quelque incompre b;h:é qu'il y ait dans le pourquoi, ou dans le comment. Je ne concevrai jamais , ik jamais mortel ne le concevra plus que moi , par quelle étonnante (*) S. Aug. liv. ié , chsp, 5» , de la Cité de Dieu, r ANCIENNE Et MODERNE. d'une. Société célèbre. xnéchanique les caprices d'une mère fe gravent géograjhis fur les membres de l'enfant qu'elle renferme dans fon fein , & toujours précifément fur les membres femblables à ceux , qui dans la mère ont reçu quelque impreflîon particulière , lorf- que ce caprice agitoit fon imagination : pour- quoi ni comment y au Ample afpect d'un criminel fur la roue , les membres de l'enfant font dis- loqués , brifés fur le hideux modèle qui s'offre aux regards de la mère , fans que cette mère , qui le porte en fes entrailles , fente dans les liens la plus légère émotion mais ces étranges évènemens font trop connus pour que leur in- compréhenfibilité en arrbiblifTe la perfuafion. C'eft tout le contraire quand , d'un côté, les faits ne font point établis fur des principes dé- cififs , & que de l'autre , dans l'état où font les chofes , les objections fur le comment font in- folubles. Alors un bon efprit s'arrête aux dif- ficultés , penche toujours vers la négative , & ne cède jamais à la conjecture hardie , au ton décifif , à" l'air impofant , au fouris moqueur du dogmatifte frivole , qui infulte à fa timide mais fage incrédulité. C'étoit-là juftement la fituation de Saint Au- guftin. Le raifonnement le plus épuré & le plus folide qu'on pût faire de fon temps fur un peuple Antipode , n'alloit précifément qu'à en C i 3 6 Mémoires séosrafhie prouver la pcffibilité abfolue & métaphysique. MODiRNf" Saine Auguftin n'a garde de la nier cecte poffi- biiité abftraite<: mais qu'il y a loin de la pofli- bilité à l'exiftence , & combien de chofes réu- nilfent à leur poinbilité abfolue , une impofiï- biliré relative &c de fait j parce quelles font ïiialiiables avec d'autres êtres déjà exiftans , ou, « d'autres faits déjà arrivés. Alors , comme aujourd'hui , un Chrétien ne pouvoit fe difpenfer de regarder tous les hom- mes de l'Univers comme des defeendans d'A- dam. C'eft un fait exprefiément révélé dans les Actes des Apôtres , ex uno omnes , dans l'Épitre première de Saint Paul aux Corinthiens , &c. Ce fait même eft la bafe du Chriftianifme. Cependant , du temps de Saint Auguftin , 8c bien des fîècles après , on ignoroit , au moins dans l'Empire Romain , & chez tous les peuples de qui les Romains auroient pu en emprunter l'idée , on ignoroit , dis-je , ce que c'eft que la boulfole : la Navigation étoit encore dans fon enfance. Les timides mortels , relîerrés chacun dans fon Continent , ou dans les mers qui le bordent , ne connoifloient point encore l'art périlleux d'aller à travers les flots , en s'éloignanc toujours des terres , fans autre fecours que les vents, ni d'autres guides que les Etoiles. Com- ment donc allier alors avec la connoiiTance cer- d'une Société célèbre. 37 raine de ces faits , l'établifTement d'un peuple eÊuexxrm* , , - j . 1 = 1 ' T ! \ C -ANCIENNE ET a êtres de notre elpece dans 1 hemilpnere oppoie moderne. au nôtre ? On n'avoit point encore découvert ce que le hafard , bien plus que notre pénétration ou nos recherches , nous a appris dans les hècles fui- vans , que vers le Nord de l'Europe & de notre hémifphère , à l'Occident de la partie la plus feptentrionale de la Norvège , & à une diftance médiocre du Continent , fe préfente une langue de terre nommée Groenland , d'un mot qui fi- gnifie Terre verte ; que cette Terre , en s'éten- dant de là au Nord & à l'Oueft, fe replie dans • fa plus grande étendue fous notre hémrfphère , & fe rapproche tellement de l'Amérique , que fi elle n'eft pas liée à fon Continent , comme quelques Géographes & quelques Navigateurs le prétendent, le trajet qui l'en fépareroit, ne peut guère être plus long que celui qui la divife de l'iflande ou de la Norvège , d'où par- tirent ceux qui, au neuvième ou dixième liècle, firent la découverte du Groenland , & du peu- ple fauvage qui l'habitoit dès-lors. On ne favoit point qu'à l'Orient de la Mofcovie , & environ le Nord-Eft de la grande Tartarie , il y a de vaftes terres inconnues encore , & qui ont l'air de fe rapprocher des parties Occidentales de l'Amérique Septentrionale , de ces cantons dont ANCIENNE ET .MODERNE, 5 g Mémoires géographie nous ne connoifïons encore bien que la Cali- fornie ; qu'ainfi , fans prodige &c fans miracle , les enfans d'Adam & de Noë , ont pu , dans une durée de deux ou trois mille ans , s'avancer de proche en proche jufques à ces régions nou- velles , inconnues autrefois à notre hémifphère, ôc y former à la longue ces nombreufes Peu- plades qu'on y découvrit il y a deux cents cin- quante ans j que ces peuples ont dans leurs mœurs 8c dans leur culte les traits de reiTern- blance les plus marqués avec les anciens peuples de notre Continent j que l'origine peu reculée des Empires du Mexique Se du Pérou, les feuls États un peu policés qu'il y eût en Amérique , ôz la barbarie des autres Nations répandues dans cet hémifphère , font une preuve bien complette que ces pays n'avoient été peuplés qu'à la longue, long-tems après les autres parties de l'Univers , & par des hommes arrachés, par une efpèce de hafard au commerce des autres mortels , & def- titués de la plupart des moyens propres à for- mer ou à civilifer une fociété. Faute de ces connoifîances , la propagation des hommes , & leur tranfmigration aux Antipodes , devenoic un myftère inconcevable du temps de Saint Auguftin j & tout concouroit à déterminer l'efprit le plus pénétrant & le plus judicieux, en admettant la poffîbilité abfolue , à en contefter d'une Société célèbre, 39 la réalité. Voilà dès-lors Sl Auguftin difculpé , géographie \ 1> ■ J J'J • ANCIENNE ET & fon difcernement mis a l'abri ce ces dédains, moderne. qu'une eftime démefurée pour les goûrs & les idées de notre fiècle nous fait quelquefois pro- diguer fi injuftement à l'Antiquité entière. L'affaire du Pape Zacharie eft encore plus fimple. Virgile , Prêtre Irlandois , Apôtres des Bavarois , fut, vers le milieu du huitième fiècle, accufé auprès de Saint Boniface , Archevêque de Mayence , fur plufieurs chefs détaillés dans l'É- pitre Xe du Pape Zacharie , Tome VI des Con- ciles , édition du P. Labbe. Un des Articles im- putés à Virgile , c'étoit d'avoir enfeigné , qu'outre ce monde que nous habitons , il y en avoir un autre, un autre Soleil, une autre Lune, une autre race d'hommes , Sec. Les deux autres chefs d'aceufation regardoient , l'un une formule de Baptême , l'autre la divifion née entre Boniface & Odilon Duc de Bavière , troubles dont on faifoit Virgile l'auteur. Il eft clair qu'il n'eft point- là queftion d'An- tipodes , ou de mortels qui , habitans d'une même Sphère , d'un même Globe , d'une même Terre que nous , fe trouvent fur un hémifphère diffé&ent , & dans des fituations diamétralement oppofées à la nôtre. Boniface confulte le Pape Zacharie fur le parti qu'il doit prendre à l'égard de Virgile. Le Pape Gé » '^0 Mémoires «iocRAPiwE répond à l'Archevêque , qu'il n'a qu'à examiner uoBERKE. T l'accufé dans fon Concile , &: que s'il fe trouve coupable on doit le dégrader du Sacerdoce , & le traiter félon les Canons. . On ignore totalement quelles furent les fuites de cette affaire. Il n'en paroît pas le moindre veftige dans les monumens Eccléfiaftiques de ces temps-là. Ce qui eft plus que probable , c'eft: que Virgile fe trouva innocent , 6c déchargé de l'accufation. Ce qu'il y a de bien sûr , c'eft que peu de temps après , on érigea en fa faveur l'E- vêché de Saltzbourg • qu'il en fur le premier Évêque,& que l'Églife, après fa mort, l'a mis au nombre des Saints dont elle célèbre la mé- moire. C'eft-Ià tout le fond & même prefque tout le détail d'un événement peu intérelfant par lui- même , & qui feroit refté de nos jours .dans l'obfcurité où il avoit été les fiècles précédens , 11 l'impofture ôc l'ignorance ne lui avoient donné une célébrité qu'il ne mérita jamais. Et c'eft fur ce fondement frivole qu'on ofe dire , ou fup- pofer dans tant d'Ouvrages modernes : Le Prêtre ■ Virgile fut condamné comme hérétique par le Pape Zacharie 3 pour avoir enfeigné qu'il y avoit des Antipodes. Mais quel inconvénient- pour la Religion , que Saint Auguftin & Zacharie fe fulfent mépris d'une Société célèbre. 41 fur un point de cette nature ? Il n'y en a pas géographe. l'ombré , à prendre les chofes dans les règles du moderne. bon fens , & de la faine Logique. Sans affoiblir pour nous la certitude des vérités révélées , un Père de l'Églife peut fe tromper fur un dogme, à plus forte raifon fur un fait auffi étranger au dogme , que l'exiftence ou la non exiftence d'un peuple Antipode. Le Pape , uni même au corps des premiers Pafteurs , n'a., pour fixer notre créance dans les caufes perfonnelles , que l'autorité humaine du Tribunal le plus grave , le plus éclairé & le plus refpectable de l'Univers. Les promelfes de Jé- fus-Ghiïfl: au Chef & aux membres de l'Eglife enfeignante , ne garantiifent leurs jugemens de toute méprife , que dans les décifions fur le dogme , ou fur les faits qui ont avec la décifion fur le dogme une liaifon eflentielie , & fur la Morale. Or , fuppofant , contre l'évidence du texte , que, dans l'Epître deZacharie & dans les plain- tes portées contre Virgile , il eft mention des Antipodes , la queftion fe réduiroit toujours aux faits perfonnels. Premier fait perfonnel : Y a-t-ïl des hommes dans telle parût de la Terre ou n'y en a-t-il pas ? Second fait perfonnel : Virgile a-t-il enfeigné qu'il y en eût ? Troifième fait perfonnel, ou d'économie perfonnelle : S'il a £2 Mémoires cÉcGRAfHiE débité cette doctrine 0 comment doit-on en ufer avec moderne n lUL * Donc , en fuppofant fauflement que dans l'Épître de Zacharie, & dans les plaintes portées contre Virgile , il eft mention des Antipodes , l'Eglife même univerfelle auroit pu , comme touc autre Tribunal humain , fe méprendre fur cet article , & condamner à tort Virgile , fans in- réreiïer le moins du monde le privilège de fon infaillibilité, ou affoiblir la fourmilion que nous devons à fes jugemens , en matière de foi , ou de faits liés avec la foi. Mais i°. je le répète encore, ce n'eft point des Antipodes dont il s'agit dans les fentimens attribués à Virgile , c'eft d'un nouvel Univers , d'une combinaifon de fphères & d'êtres de même nature que ceux qui compofent le Monde oiï nous fommes ; en un mot , d'un tout , dont les parties femblables feroient distribuées en- tr'elles dans le même ordre que celles qui for- ment cet Univers , Se qui feroit peuplé par une race d'hommes , dont l'origine n'auroit de com- mun avec la nôtre que l'opération femblable d'un même Créateur : Scilicet alius Mundus , & alii homines j aliufque Sol & Luna. C'eft-Ià l'ob- jet fixe & déterminé des plaintes de Boniface , &" de la réponfe de Zacharie. z°. L'Épître de Zacharie n'eft: rien moins qu'une, décifion , qu'un jugement , qu'une défini- d'une. Société célèbre, 43 tion fur un objet de foi ou d'erreur oppofée à géocraphie 1 C ■ r » a - • f ANCIENNE ET la roi. Ce n elt pas même un jugement perion- moderne. nel fur la caufe de Virgile : c'eft une limple inftruc~tion pour Boniface fur la façon de pro- céder dans une accufation peu canonique & peu exacte , portée au Tribunal de cet Archevêque , contre un Millionnaire occupé , à plus de cent lieues de lui , à prêcher l'Evangile aux Nations barbares & infidèles , Se que des bruits vagues Se des oui dire lui ont rendu fufpecl:. L'Epirre de Zacharie elt donc, Se par la forme Cv.par le fond tout-à-la-fois , la chofe du monde la plus oppofée à une décifion fur Fexiftence , ou la non-exiftence d'un Peuple Antipode. Auflï n'eft-ce point pour attaquer Théologi- quement l'autorité du Pape Se de St. Auguftiu, que quelques Auteurs de notre temps , qui fe copient fervilement les uns les autres , refaf- fent dans leurs écrits , avec plus de fadeur encore que d'ignorance , les noms de Zacharie , d'An- tipodes , Sec. C'eft pour donner aux Maîtres Se aux Docteurs du Chriftiauifme , aux liècles où il s'en: le plus étendu & le mieux foutenu , un air d'ignorance groffière , de petitelfe d'efprit , de fuperftition a qui , en décréditant les idées Se les jugemens de tant de refpectab!es perfonna- ges, décréditent, par un contre-coup nécelTaire, leur créance Se la Religion qu'ils enfeignoient. 44 Mémoires r.APHiE XJn intérêt de parti dicta d'abord ces calomnies A N C I E N K E ET _ - , _ . .moderne, aux Proteftans ; le Pyrrhonifme de nos-jours les fait répéter à l'incrédule , ou à ceux qui , féduits par un faux air de fupériorité d'efprit , prennent de lui le ton. L'alTurance avec laquelle on les lui débite , & le peu de connoiflance qu'il a de l'antiquité fait adopter quelquefois ces idées an Chrétien le plus fincère , & lui laiflent des pré- jugés auffi dangereux que faux , fur les temps où une ignorance fi profonde dominoit dans les jugemens des premiers Maîtres de fa Religion. Ce n'eu: donc point proprement l'intérêt de Za- charie & de Saint Auguftin , c'eft celui de main- tenir dans leur pureté les vérités hiftoriques , ôc les faits fur-tout liés de près ou de loin avec la Religion , qui doit engager un homme inf- truit à relever ces méprifes. L'Ecriture , dira-t-on , ne fait defcendre d'A- dam que les hommes du monde , & de la fphère du monde que nous habitons. Cela eft vrai ; & Dieu peut , pour d'autres terres , pour d'autres amas de matière , pour d'autres combinaifons de globes , créer féparément des millions d'au- tres habitans. Mais ]°. il n'en eft pas moins vrai que les hommes des Antipodes doivent dès lors être des hommes defcendus d'Adam. L'hémifphère , op- pofé au nôtre, ne compofe avec le nôtre qu'une vrrr GEOGR. APHil Nevirnum M. r. xyi. ancienne et MOliERNï. Ced Nevers , à" l'embouchure de la petite rivière de Nièvre dans la Loire , à 8 lieues de Décife. Nevers , dans la Table de Peutinger , eft appellé Ebirno. Condate M. P. XXIV. Ces 24 milles, faifant douze lieues, nous défignent que Condate eft Cofne , qui eft en- viron à cette diftance de Nevers. Brivodurum M. P. XVI. Briare , à fept lieues de Cofne. Les anciens Géographes n'expliquent pas autrement Brivo- durum \ mais la Table de Peutinger nous en donne une preuve précife , car elle marque Maffava à égale diftance de Nevers & de Brivo- durum : or , MaJJava eft Mefves , entre Nevers ôc Briare. C'étoit un Village du Territoire d'Auxerre nommé Mafva , dans le quatrième continuateur de la Chronique de Frédégaire. ( Vqye^ le Grégoire de Tours de D. Ruynart M Col. 693 ). Belca M. P. XV. J'ignore la pofition de Belca à fept lieues de Briare. Tome III. D Mémoires «Ï0G8.APHIE ANCIENNE ET Ccnabum M. P. XXII. MODERNE. La Table de Peuringer eft conforme ; d'où l'on doit conclure qu'au temps d' Antonin & de l'Auteur delaTable, publiée par Peutinger, il y avoir dans la Gaule une Ville nommée Cenabum ou Gc- nabum , à 37 milles de Briare : ce n'étoit donc point Gien , qui n'en eft éloigné que de deux lieues. On pourroit foupçonner que c'eft Or- léans • mais fi l'Empereur Aurélien a donné Ion nom à l'ancien Gcnabum , comme on le croit communément , pourquoi trouvons -nous au quatrième fiècle , long-temps après cet Empe- reur , un Ville nommée Gcnabum & non Au- rclïa ou Aurelianum ? Bien plus , il réfulte du fixième Chapitre de la vie des Pères de Gré- goire de Tours qu'il y avoit encore , vers l'an 543 , une Ville dans les Gaules du nom de Gcnabum : Genabensem Galliarum urbem. Et certainement , dans ce fiècle , perfonne ne fe feroit avifé de nommer Orléans Urbs Gcna- benjis. Il faut donc conclure que la Ville qui portoit le nom de Gcnabum n'étoit pas précifé- ment Orléans , mais en fuivant l'Itinéraire pas à pas , elle devoit être un peu plus bas fur le bord de la Loire à dix-huit lieues de Briare , en tirant vers Beaugenci , ou entre Orléans 6c Montpipcau. Et ne peut-il pas fe faire que les d'une Société célèbre, yi caprices de la Loire , que la fituation plus heu- géographu reufe d'Orléans, ayenc enfin ruiné, décrédité AKC1EKNE E* 4 MODERNE. Genabum ? Ne voyons -nous pas des endroits médiocres hériter du commerce & de l'opu- lence d'une Ville voifine ? Ainfi j'eftime que Genabum étoit à une lieue au-deflôus d'Orléans. Salioditam M. P. XXVL Le texte ne porte que 24 milles , & An- tonin , à ce calcul , ne compteroit que vingt- quatre lieues , faifant 48 milles, de Genabum à* Paris , ( Salioclitas étant à moitié chemin dans cet Itinéraire) \ cependant des bords de la Loire à Paris , il y a bien au moins vingt-fix lieues ; c'eft pourquoi , au lieu de XXIV milles , je propofe de lire XXVI , faifant une légère tranf- pofition. Vous trouverez que c'eft Saclas auprès à'EJlampes. Luteùam M. P. XXVI. Cette diftance confirme la pofition de Saclas à égale diftance de Paris & de Genabum , ville très-voifine d'Orléans. On peut s'étonner , que pour aller de Nevers à Paris , on pafsât par Orléans , ou auprès , le chemin le plus court étant par Briare , Montargis , Nemours , Fon- tainebleau , &c. Cela eft bon pour aujourd'hui , D 2 5* 2 Mémoires géographie qu'on a rendu cette route praticable à travers ANCIENNE ET f. moderne, les bois & les rochers ; mais la route ancienne étoic par Orléans , témoin Grégoire de Tours au commencement du huitième Livre de l'Hif- toice des Francs ; car il rapporte que le Roi Contran, allant de Châlons-fur-Sône } fa rélî- dence ordinaire , à Paris , pour y tenir fur les fonds de baptême le fils de Chilpéric , palïa par Nevers & Orléans. Pqfition du NOVIODUNUM EduoruM de Céfar. Les Écrivains des derniers fiècles veulent que ce foit Nevers. La chofe me paroît fort dou- teufe, car i°. l'étymologie y réfifte. Noviodunum lignifie Neuffon $ Neufchâtel : Nevers vient du nom celtique originaire de la rivière de Niever y que nous prononçons Nièvre , comme Hannovre & Pipre. i°. Nous voyons dans Céfar, au fep- tième Livre de la guerre des Gaules , qu'après avoir levé le liège de Gergovia , deux jeunes Sei- gneurs de Bibracle (Bevrai près d'Autun) , lui demandèrent la permilîion d'aller à cette Ca- pitale , fous prétexte d'empêcher la révolte , 8c que j chemin faifant , ils pillèrent & brûlè- rent Noviodunum. Or , le chemin de Gergovia à Bevrai n'étoit pas de palTer à Nevers, ni près de H j mais par Moulins, Bourbon-Lanci , ou (Tune Société célèbre. £3 un peu au-deflous, Lufi , &c. C'eft actuellement géographié un chemin militaire : donc Noviodunum femble- m»dermsv-; roit plutôt avoir été fitué à une ou deux lieues au-deiïbus de Bourbon-Lanci. Remarque. Un Hiftorien du Nivernois , non content de pofer Noviodunum Eduorum à Nevers , veut encore faire figurer cette Ville avec les Villes Epifcopales des Gaules, au quatrième fîècle. II croit que c'eft de Nevers qu'il eft dit , dans les foufcriptions du Concile d'Arles , tenu en 3 14 : ex eâdem Provinciâ (Lugdunenfi)j civitate Ni- veduno 3 Evotus Epifcopus : Pitulius Exorcijla. (Voyez fon fyftême dans le Mercure de Dé- cembre 1738) : Je n'y faurois voir la moindre apparence. Car i°. Nevers , au quatrième fiècle, s'appelloit Nevirnum , & non Noviodunum , comme il réfulte de l'Itinéraire d'Antonin & de la Table de Peutinger. i°. Nevers ne fe trouve pas même au nombre des Villes Epifcopales des Gaules au commencement du cinquième fîècle , fuivant la Notice que le Père Sirmond a fait imprimer fous ce titre : Notitia Provinciarum & Civitatum Galliœ , Honorii Augujli temporibus j condita. L'Hiftorien du Nivernois dit que cette omiffion n'eft pas générale dans tous les manus- crits , &z par-là il s'engage en quelque forte à ?4 Mémoires céographie nous en indiquer un meilleur , que celui donf ANCIENNE ET, nv — 15/1/- moperne. le Pere birmond s eft lervi. Quel eft donc ce Nivedunum ? C'eft Nion , en Suiffe, Ville dépendante du Canton de Berne, entre Laufane ôc Genève : fon Evêché a été transféré à Belley en Bugey. Elle étoit originai- rement de la fufFragance de Lyon , comme l'ob- ferve le Père Labbe dans fa Géographie Épif- copale , Ouvrage folide , 6c qu'on ne peut fe difpenfer de lire , pour ce genre de littérature. Voici fes termes : Lugdunenfi Aletropolita.no Lugdunenjïs Prima , Augufiodunenjls fivè civitatîs Eduorunij Cabillonenjis 3 Lingonenjis Matifco* ncnfis j quibus addendi funt Epifcopi maxim& Se- quanorum 3 Aventicenjis 3 qui pojieà Laufana con~ fcdit j Aug. Rauracorum , feu Bafdlenjîs , Belli- cenjis anteâ Neviduni j ut volunt j Vmdonijjen- fis , &c. Apojiillc. Je fais que ces Remarques auroient befoin d'être étayées dans quelques endroits. J'en con- viens : mais mon intention eft de donner feu- lement un léger EfTai 5 8c non point un Ou- vrage détaillé 8c raifonné. J'aurois pu , par exemple , apporter une raifon de convenance de la pofition de Condate , Cofne ; c'eft qu'en vieux langage , qui dérive vraifemblablement du d'une Société' célèbre. Celtique , Condé fignifie jonction de deux ri- glographif vières. Or , Cofne eft ficué à la jonction d'une moderne" petite rivière avec la Loire. On appelle en Hai- naut la jondion de l'Haifne & de l'Efcaut Condé; c'eft ailleurs Candé : comme l'embouchure où la Vienne fe joint à la Loire , fe nomme Cognac chez les Gafcons , &c» ARTICLE IV. Dissertation fur l'ancienne ville Avaricum. M algré la réfolution que j'avois prife d'a- bandonner les études profanes , je n'ai pu me voir à Bourges , & ne pas fentir fe réveiller en moi la curiofité que j'avois eue autrefois , de favoir fi cette grande Ville étoit l'ancienne Avaricum. Je me fouvenois même d'avoir dit ailleurs que cette queftion pouvoit être aifémenr déci- dée par ceux qui avoient vu la fituation de Bour- ges. Après l'avoir vue , en effet , il ne me refte aucun doute que ce ne foit la fituation que Céfar donne à Avaricum : Voici quelques-unes de mes preuves. D 4 y£ Mémoires 6ÉOGR.APHIS La première eft tirée du deflein de (*) Céfar modekke. T fur Avaricum. Il partit de Sens avec deux Lé- gions, pour aller fecourir une Ville de Boïens, qu'on nommoit Gergovïa. Son chemin le plus court , pour aller là , étoit de pafler la Loire à Nevers ; mais , parce qu'il étoit dangereux de pafler deux rivières , la Loire &■ l'Allier , fi près de l'armée ennemie qui af- fiégeoit Gergovia , il alla pafler le premier de ces fleuves à Gien. Je fais bien que la plupart des Savans préten- dent que Genabum , dont il eft ici parlé , eft Or- léans ; parce que Gcnabum étoit du pays Chartrain ; que Gien , à ce qu'ils difent , étoit du Sénonois , puifqu'il eft encore de la province Sénonoife , & que nos anciens Hiftoriens François aflurent qu'Orléans étoit autrefois nommé Genabum, Mais la première raifon prouve trop j car fi Gien doit être compté du pays Sénonois, parce qu'il eft encore de la province Sénonoife , Chartres, Or- léans même , en devroient être aufli , puisqu'ils étoient de cette même province , avant l'érec- tion de l'Archevêché de Paris. Mais le pays Sé- nonois etoit borné apparemment par la rivière de Loing , puifque Céfar dit que Sens étoit fur (*) Cafar. I. 7. Cornm* Bel. Gall. gh.>.shiî f, , r . . . r ANCIENNE ET ouvent des montagnes de lable , pour ainh MOD£RMi dire , d'un coté du rivag e à l'autre ; de forte que le courant eft rarement plusieurs années de fuite du même côté. On peut donc dire que la Loire entrant dans la mer pouffe fon fable aux environs , & que quelque caufe par- ticulière en entraîne une partie vers Belle-Ifle» où le changement du vent fuffit pour le porter tantôt d'un côté & tantôt de l'autre , ainfi que • nous l'avons expliqué. Voici encore quelques autres remarques que |'ai faites. En fortant de Bretagne j'ai palfé au Mont-Saint-Michel , & dans le paffage il m'ar- riva une chofe qui me fit un peu repentir de ma curiofné. Car le vent s'étant élevé comme je marchois fur la grève qui étoit alors alfez sèche y il fe forma comme un nuage de fable dont je fus tout-à-coup enveloppé , & qui ne me permettoit pas de voir à fept ou huit pas de mon cheval. Si cela eut duré , j'étois en danger de périr. Un de mes amis , qui m'ac- compagnoit & qui eft du pays , me dit, après que le vent fut appaifé , que ceux qui périf- foient en allant au Mont-Saint-Michel , ou en en revenant, ne périffoient guère que par le vent, lequel, élevant le fable , leur ôtoit par-là Ix *70 Mémoires géographie vue des terres , de forte qu'ils alloient quel- mod'erne ET ANCIENNE ET ' ~ ~ ~ M0SE&KE. ARTICLE VII. Observations fur le lieu ou s'e/l livrée la. Bataille appellée de Poitiers ^ dans laquelle le Roi Jean fut fait prifonnier par les An~ glois y le 19 Septembre 1356 j communiquée par M. Bourgeois, Avocat à Poitiers. Xl me femble que ce n'eft pas fans raifqn que les Savans méprifenc tous les Ouvrages , aux- quels le fameux Sauvage a fervi d'Éditeur. Son inexactitude eft fi certaine , qu'on peut avancer que cet infidèle Editeur a plutôt gâté que cor- rigé les Hiftoriens qu'il s'en: avifé de donner au Public , avec des notes de fa façon. Le Froitfart , qui eft fi cher , eft le plus défectueux de ces Ouvrages : en voici un exemple à ajou- ter à ceux qui ont déjà été remarqués. Dans le premier Volume , Chapitre 1 64 , page 294 , de l'Édition de 15 59 , chez Jean de Tournes , qui palTe ordinairement pour la meilleure j il fe trouve un changement de cet Éditeur peu correct , lequel a induit en erreur tous les Écrivains de l'Hiftoire de France , qui ont travaillé depuis. Sauvage , fuppofant que Froifîart s'étoit trompé , ou que c'étoit une d'une Société célèbre. 7 ? faute de copifte , a fubftitué Beauvoir , fur la foi, 3 aufli pour le rejoindre. Il part <&e la Haye eu 3' Touraine , & marche vers Chauvigny , où il fe 33 loge un Jeudi 15 , tant dans la Ville que (*) Froiflart , chap. 157. (**) Chap. 158. (***) Chap. d'une Société célèbre. 77 » dehors , proche une prairie , le long- de la géogb-aphie . . 1 1 ° ANCIENNE Et >' rivière de Creufe. (*) Le lendemain , le Roi modémie. » traverfa cette rivière , croyant que les An- » glois fuflfent devant lui. Ce qui n était point ». Ces derniers mots font remarquables , en ce que le Roi venoit de Chauvigny à Poitiers , comme nous le verrons tout à l'heure. Or , il dut infailliblement pafier par le lieu où l'on veut que la bataille fe foit donnée : par confé- quent il auroit rencontré les Anglois , & ne feroit pas venu à Poitiers , afin de continuer la recherche qu'il en faifoit. D'ailleurs , les Enne- mis n'étant point devant , ne pouvoient être près de Beauvoir , ni de Nouaillé , qui font di- rectement fur le chemin de Chauvigny à Poi- tiers. J3 (**) Le Roi de France palfa avec la plus m grande partie de fon armée , le Vendredi » i le Prince de Galles décampa d'un Village » atfèz près de là , & détacha des Coureurs » pour avoir nouvelle de l'armée Françoife ». S'ils eulfent été Ci voifins , aiîurément le Prince Anglois n'auroit pas eu befoin d'envoyer de fes gens , pour favoir s'ils trouveraient nulle. adventure3 & auroient nulle nouvelle des François ^ comme s'explique FroiflTart. Et cela feroit d'au- tant moins croyable , que le Roi , parti de Chauvigny dès la veille avec la meilleure partie de fon Armée , étoit déjà trois lieues -en deçà ; ce qui l'approchoit confîdérablement de Beau- voir & de Nouaillé. Cependant ce ne fut aucun de fes gens qui l'accompagnoient que les Cou- reurs Anglais rencontrèrent, mais bien la troupe qui n'avoit quitté Chauvigny que le lendemain du départ du Roi. Il faut néceiïairement in- férer de-là que les Coureurs du Prince de Galles venoient par le côté , & non par la tête de l'Armée du Roi ; fans quoi , ils euifent ren- contré ce Monarque avant le Corps de troupes qui le fuivoit. Ce que dit l'Hifto.rien, que les Anglois étoient décampés d'un Village alfez près ANCJFNME ET MODERNE. d'une Société célèbre, 79 de là , ne doit point arrêter , parce que cette géographie expreflion peut ne fe pas prendre dans fa plus étroite lignification. « (*) Les Coureurs Anglois ayant fait ren- » contre du Corps de troupes , le dernier parti as de Chauvigny , tournèrent bride , & les Fran- » çois les pourfuivirent en faifant de grands » cris. Raoul de Coucy & fa Bannière s'avan- 53 cèrent fi avant qu'ils s'engagèrent dans Iâ « bataille du Prince d'Angleterre : ils combat- « tirent vaillamment , mais fuccombèrent fous s» l'effort des armes Angloifes. De Coucy fut » fait prifonnier avec le Comte de Joigny , le ?» Vicomte de Breufe , le Sire de Chauvigny » 8c plufieurs autres. Les Anglois apprirent de j> ces prifonniers , que le Roi les avoir de- a vancés , & qu'ils ne pourroienr éviter le j> combat ». Seroit-il vraifemblable, qu'Edouard qui fuyoit la bataille , comme il eft évident par tout ce qui fuivit , & qui dut être alors fi particulière- ment inftruit du chemin que renoit le Roi de France , fe foit venu jeter au milieu de • fon armée , comme il auroit abfolument fallu qu'il eût faic , pour fe venir pofter entre les villages de Beauvoir & de Nouaillé , par lefquels paf- (*) Uld, 80 Mémoires géographie foit l'Armée Françoife ? N'y a-t-il pas plus ANCIENNE ET '11 J -s © !■ moderne, d apparence quil changea déroute? & au lieu de continuer le chemin de l'Orient de Poitiers, qu'il fe détermina à prendre celui de l'Occident de cette Ville , où il favoic que les Troupes Françoifes n'avoient point encore porté leurs pas ? C'étoit l'unique efpérance qu'il pût avoir de leur échapper. ce (*) Les Anglois marchèrent le Samedi , depuis le matin jufqu'au foir., & vinrent à j> deux petites lieues de Poitiers. Le Prince de » Galles détacha de nouveau des Coureurs pour »> éclairer la marche des François. Ces Cou- a» reurs s'approchèrent de fi près , qu'ils efcar- 3j mouchèrent , & firent des prifonniers. Comme » le Roi Jean étoit fur le point d'entrer dans » Poitiers , il fut informé de cette action , qui m l'obligea de retourner , ôc de faire retour- s» ner toutes manières de gens bien avant fur Us » champs ». Cela ne détermine point l'endroit où ces Troupes retournèrent. Je conviens pourtant de quelque difficulté dans les termes : mais on ne doit pas entendre que le Monarque retourna fur fes pas , & par le même chemin qui l'avoic amené à Poitiers. Si cela eut été , l'Hiftorien (*) Froiffart , ibid* (Tune Société célèbre: 81 ïë feroic expliqué plus précifément. Ce Prince c±OG%Amn pouvoir n'être pas inftruit du véritable lieu ou ancienne it Soient les Troupes Angloifes , &c il put aller dans l'endroit où s'étoit palle l'efcarmouchè , afin d'en avoir des nouvelles plus diftinctes. Au refte une Armée de foixante mille hommes, relie qu'avoir le Roi de France , ne marche pas fur une même ligne , & occupe un efpace de terrein , qui en pouvoir bien rapprocher une partie du Nord-Eft de Poitiers j 6V ce fera fans doute celle-là , qui aura efcarmouché avec le parti Anglois. Il y a plus : nous lifons dans le même Chapitre 159 , que le Roi ne menoit pas toute fon armée avec lui , & qu'il en pana une partie à Châtelleraur , dont le rendez-vous étoic à Poitiers. On ne préfumera point que ces Troupes campoient dans la Ville ; mais il eft plus naturel de croire qu'elles attendirent le Roi en dehors des murs, du côté qui regarde Châtelleraur d'où elles venoient ; ainfi ce feroit peut-être avec elles que les Anglois auroient d'abord combattu. Quant à la circonftance des deux petites lieues de Poitiers , ce qui s'accor- deroit allez avec Beauvoir & Nouaillé , j'y ré- pondrai dans la fuite. « (*) Voyant qu'il ne pouvoit plus éviter la (*) lbid. Tome III, $2 Mémoires fcéocRAPHiE" bataille , Édouard employa toute la nuit du ancienne et ^ Samedi au Dimanche à fe loger en forts lieux , Modirnï. c rr r \ » entre hayes j vignes & buijjons. Le lendemain » fe confomma en pourparlers , mais inutile- n ment. (*) Deux Cardinaux , envoyés par le » Pape pour accommoder les différens qui ré- » gnoient entre les deux Nations , s'entremi- *> rent en vain pour empêcher le combat. (**) Le » Roi de France fe montra inflexible. T out ce » qu'ils purent gagner ce fut de faire différer » l'attaque jufqu'au lendemain Lundi. Le Prince » de Galles , dans l'ordonnance de fon Armée , ai avoit placé fur la droite d'une petite mon- n tagne , qui n'étoit ni fort haute , ni efcarpée , » trois cents Cavaliers , 8c autant d'Archers à 93 cheval, avec ordre de donner , à la faveur »j de cette montagne , fur l'aîle gauche que « commandoit le Duc de Normandie , qui » campoit fous la montagne , apparemment » de l'autre côté. (***) Le choc commence : » les François tentent de pénétrer par le che- s> min où il y avoit une grofle haye , égale- » ment épailfe des deux côtés ; mais les Ar- »» chers Anglois rirent pleuvoir une grêle de (*) Froiiïart , chap. 160. (**) Chap. i6ï. (**») Chap. i64. d*une Société célèbre. t$ è> traits , dont les chevaux s'épouvantèrent ; ce géograîhis • . 1 n~ MÏ J l ANCIENNE KT jj qui jeta les auaillans dans une étrange con- M0DIRMI% 5> fufion. Quand les Anglois virent la bataille 3j des Maréchaux de France en défordre , ils pi fortirent , & s'attachèrent à chercher le Roi. 09 Un Corps de leur Cavalerie , foutenu d'un »> grand nombre d'Archers , defcendit d'une » montagne , ôc en côtoyant les batailles , vint >» fe jetter fur l'aîle du Duc de Normandie , »» qui fut défaite. La déroute des François ne » tarda pas à être générale. (*) Ce ne fut bien- S5 tôt plus qu'une boucherie. Le maflacre dura » jufqu'au portes de Poitiers ; car ceux de de- « dans les ayant fermées , les fuyards qui s'y » retiroient ne purent fe dérober au glaive des 3î vainqueurs. Il y en eut beaucoup de tués fur » la chauffée (**) qui eft devant la porte. Trois 9* des enfans du Roi s'étoient déjà retirés à •a» Chauvigny , le quatrième ne voulut point .(*) Chap. 164. (**) On ne connoît d'ancienne chauffée à Poitiers , que celle de l'Étang de l'Abbaye de Montierneuf , au- jourd'hui enclofe dans la Ville , & qui ne l'étoit pas pour lors. Il feroit furprenant , pour ne pas dire in- croyable , que les Anglois euffent pourfuivi les Fuyards jufqu'à la porte de Paris , tandis que l'endroit d'où l'on veut qu'ils vinffent ne peut aboutir qu'à la porte de St. Cyprien , ou tout au plus à celle de Pont-à-Joubert, F % $4: Mémoires «^graphie» abandonner fon père , qui fe rendit (*) £ HT™- " » Denis de Morebèque , Gentilhomme d'Ar- » tois j'» De ce récit , fidèlement copié fur celui de Froiffart s il s'enfuit que le Camp des Ànglois étoit fortifié par des montagnes. On y entrevoit même un défilé , que bouchèrent fans doute les hommes & les chevaux , qui furent renverfés du corps de Cavalerie Françoife s qui commença l'attaque. (**) L'opinion du Père Daniel eft. qu'il y en avoit un , formé par deux monta- gnes , qu'il falloit que les François forçaffent , avann que de pouvoir pénétrer jufqu'au corps de bataille des Ànglois. Peut-être pourroit-on croire que la féconde montagne , dont paroît parler Froiffart , n'eft au fond que la même dont il avoit déjà fait mention. Que cela foit , ou non , peu importe pour ce que j'ai à prou- ver. Il me fufïit au moins qu'il foit confiant , qu'il y avoit une montagne : or , c'eft ce que je défierois bien de trouver du côté de Beau- voir ou de Nouaillé , où le pays eft tellement (*) Jugez de l'exaâitude de Bouchet , qui femble douter que le Roi fût pris , (page zoi de Tes Annales d'Aquitaine , Édit. de Mounin). Ce doute me paroit iingulier. On ne doit pas fuppofer cet Auteur plus exaâ t . ANCIENNE ET' où la vue ne rencontre pas le moindre obftacle. modem»?. Ce n'eft pas la feule remarque qu'il y ait à faire pour exclure ce lieu. Les foliés , que l'on dit avoir fervi aux retranchemens des Anglois, ne font rien moins que des fofTés qui aienr en- touré un Camp : il eft aifé de s'en convaincre par les jetées qui font en dehors 8c en dedans, ce qui ne s'eft jamais pratiqué pour des retran- chemens s dont les folTés n'ont qu'une feule jetée» qui s'appelle Parapet. Mais ce qui ôte toute équivoque , c'eft qu'il y a eu dans cet endroit un Château, dont les ruines paroiflent encore,' quoique les pierres en aient été enlevées par les propriétaires de la Chaboiffière (*) , qui les ont employées aux bâtimens de cette Maifon. Les foftes que l'on voit étoient à l'ufage de ce Château , dont on remarque encore les fonde- mens. Et ce qui achève de tourner ces preuves en démonftration , l'enceinte des foffés ne pour- roit pas contenir le quart de ce qu'on donne aux. Anglois de troupes & d'équipages* Je penfe qu*en voilà plus qu'il ne faut pour réfuter l'opinion qui met cette fanglante bataille dans l'endroit indiqué par Nicole Gilles , Bou- chet Ôc Sauvage. Au contraire , tout concoure (*) Mém» man^ $ ne trop roide à monter) , pour parler le vieux langage de l'Hif- torien, derrière laquelle font des vignes, haies & buifîons , dont l'afliète rend ce lieu d'un dif- ficile accès. S'il n'y paroît aucune trace d'an- ciens folTés , cela ne doit point furprendre , de- puis le temps que ces terres fervent aux La- bours. Vis-à-vis la montagne , en tirant vers Poitiers, il y a une vafte plaine, dans laquelle deux cents mille hommes camperoient à leur aife \ & cette plaine aboutit à Beaumont , qui n'eft diftant de la métairie de la Bataille que d'environ une lieue , ou trois quarts de lieue. C'étoit fans doute dans cette plaine que cam- poient les foixante mille combattans du Roi de France. Les Anglois portés au-deiïus , ayant eu l'avantage fur les troupes Françoifes , les dé- voient nécessairement pourfuivrepar Beaumont* t$ Mémoires «ÉoGRAPHiîfoit en deçà , foît au delà du Claîn : ce qui; ANCIENNE ET , * A f , . àioDERNE. d'un ou d'autre coté, mène à la porte de Paris,' devant laquelle étoit cette Chauffée , fur laquelle y eut grand' horriblete' de gens occis navrés & ab~ batus. Cette plaine conduit encore , en prenant le Nord , ou pour parler plus jufte le N. E. $ N. à la petite ville de Châtelleraut, où nous voyons, par le Chapitre 165 , que Jehan de Helennes , fe retira avec fon prifonnier , Thomas firede Vercler» Ce qui lui étoit bien plus aifé qu'en partant de Beauvoir & de Nouaillé , trop loin de là dans la partie du Sud-Eft de Poitiers. Beaumont étant • le lieu le plus proche & le plus confidérable , la Bataille en aura pris le nom. Sauvage nous apprend dans fa Nore , que l'Exemplaire de la Chaux portoit Beaumanoir au lieu de Beaumont : c'en: encore ce qui fert à faire voir fa rémérité , &c à juftifier mon fenti- ment. (*) Il y a , dit- on, auprès de Beaumonc un Domaine appellé Beaumanoir , par confé- quent ce feroit la même chofe. Bouchet , à qui ce Beaumanoir étoit peut-être inconnu , ne l'au- toit-il point confondu avec Beauvoir , à caufe de Tefpèce de conformité de ces deux mots ? Ce qui feroit très-poflîble. 11 ne me refte plus qu'à répondre à l'objection (*) Mém, man. qui font beaucoup au-deflous de Poitiers , au lieu que Beaumont eft au-deflus , & que le droit chemin de là à Bordeaux eft de pafter par Poi- tiers, ou de côtoyer cette Ville de près. Obfervation confirmative. Les faits viennent ici à l'appui des folides conjectures de M. Bourgeois. On lit les mots fuivans dans une Edition de FroilTart „ qui eft en caractères Gothiques. Cette bataille j qui fut affe^ près de Poitiers es- Champs de Beaumont & de Maupertuis ^ &c. L'Auteur a donc raifon de taxer d'inexactitude l'Ééition de FrohTart , donnée long-temps après (Tune Société célèbre: $ï par Sauvage, où l'on lit Bavoir, au lieude2?ea«- géographu mont . Pour peu qu'inftruit des delTeins & des îhté. £o"»k*T • rêts des deux Princes, onfuive la Carte à la main ^e détail que trace Froiifart de leurs mouvemens, on verra que le Roi Jean , qui , en fermant au Prince de Galles le chemin de Bordeaux , avoir Poitiers derrière lui , devoir être au Nord Nord- Eft de cette Ville , & le Prince de Galles par conféquent plus avancé que lui vers l'extrémité de l'Angle que forment le Clain & la Vienne à leur confluent , au-deflus de Châtelleraut y qu'ainfi , c'eft vifiblement ès champs de Beau- mont & de Maupertuis , & non pas de Beauvoir Se de Maupertuis que fe donna la Bataille , où la fageiTe du Prince de Galles le rendit victo- rieux. L'Edition Gothique dont nous venons de par- ler, fe trouvoit à la Bibliothèque du Collège de Louis-le-Grand à" Paris. Elle eft en 3 volumes i/2-40 ; ce n'eft qu'à la fin du troifième qu'on en trouve la date , & le nom de l'Imprimeur en ces termes : imprimé à Paris , l'an de Grâce 1513^ le treizième jour de Juillet ;par François Regnault ^ tn la rue St. Jacques ^ à V En feigne S. Claude. Les Chapitres n'en font point numérotés , c'eft au feuillet C. VIIII qu'on lit le paflage gué nous avons cité. $2 Mémoires pioCK&lHli Ji mi l uni H — — — — — CT ANCIENNE ET ilOBÏRNE. ARTICLE VIII. L ET T R E écrite de Chartres , a« A>/2 prouve que c'eft à Bretigni , ^rAî Chartres j Village » de France près de la rivière d'Orge , dans » Tlfle de France, au-defïbus de Montlhery , 33 & à une lieue plus bas de Chartres. C'eft otr » fut conclu en mil trois cents foixante le Traité » de Paix entre la France Se l'Angleterre. Il » eft à remarquer que la plupart des Auteurs « fe font trompés au fujet de ce village , qu'ils » ont mis à une lieue de Chartres. Il eft à une » lieue de Chartres , & à cinq de Paris , au 33 Midi , en paffant vers Etampes ». Il feroit difficile de dire fi cet article doif être attribué à M. Baudrand , ou aux fa van ts Religieux qui ont pris foin de l'Édition de font Livre j car on nous apprend , dans la préface , qu'on a ajouté à l'Ouvrage de l'Auteur quantité, en particulier 5 au mot Bretigni , mérite d'être » remarqué. On fait que c'eft ie lieu où fe con- » clut en 1320 (c'eft une faute d'impreffion , s> il faut 1360) le Traité de Paix entre la France p> & l'Angleterre pour la délivrance du Roi Jean_, $4- Mémoires «iocRApHiE» fait prifonnier à la Bataille de Poitiers : maîf ANCIENNE ET ,t 1 A t> moberhe. » la plupart des Auteurs mettent Bretigni au- » près de Chartres , Capitale de la BeaulTe , »> où il n'y a aucun bourg ni village de ce nom : o» Bretigni eft à une lieue de Chartres , à cinq » lieues de Paris , fur le chemin de Paris à Or- » léans ». Cela m'a donné lieu d'approfondir la chofe , & j'ai reconnu avec plaifir que l'opinion où nous étions que le Traité de Bretigni s'étoit fait près Chartres , non-feulement eft très-bien fon- dée , mais même qu'il y a peu de faits hifto- riques qu'on puifle démontrer aufïi évidemment que celui-là. Nous le croyons fur la tradition du pays , & fur le témoignage de la plupart des Hiftoriens ; mais vous allez voir que cette tra- dition n'eft pas vaine , Ôc que ces Auteurs ont de Ci bons garants de ce qu'ils avancent , que ce fait doit demeurer hors de toute conteftation. Cette queftion, quoique légère en apparence, mérite néanmoins d'être éclaircie , non-feule- menr parce qu'il s'agit d'un fait des plus impor- tans de l'Hiftoire de France , & des plus confi- dérables qui fe foient jamais paffés dans le pays Chartrain ; mais encore parce qu'il s'y trouve plufieurs circonftances très-édifîantes de la piété des anciens Anglois , peuple autrefois fi Catho- lique , de leur dévotion envers la Sainte Vierge , d'une Société célèbre', $f & de la grande vénération qu'ils avoient , auffi c£ogk.ai>h!* bien que toute la France , pour l'Églife Cathé- mode^ksI** drale de Chartres. Si on laiffoit palier fans contradiction que la Paix de 13^0 a été faite à Bretigni près Char- tres , on nous contefteroit bientôt tous ces faits fi mémorables de la piété du Roi d'Angleterre & de fon armée } lefquels en effet n'auroient plus guère de vraifemblance. Nous devons fuppofer d'abord comme un fait certain & indubitable , qu'il y a un hameau, nommé Bretigni , fitué à une bonne lieue de Chartres , dans la Paroùîe de Sours. C'en: de quoi l'on peut facilement s'aflfurer -, & il faut con- venir qu'au moins à cet égard l'article du Dic- tionnaire Géographique & Hiftorique doit être réformé. Mais je dis plus , & je foutiens que c'eft dans ce village de Bretigni près Chartres , que la Paix fut conclue en 1 360. Pour mieux fentir la force des preuves que je vais rapporter, il eft bon, ce me femble , de donner ici une relation fommaire de l'événement dont il s'agir. Édouard , rroifième Roi d'Angleterre , vou- lant profiter de la captivité du Roi Jean , qui étoit toujours prifonnier depuis la bataille de Poitiers , & des troubles qui défoloient la France , & fur-rout la ville de Paris ; piqué d'ailleurs de '$é Mémoires «éogkaphie ce que les États avoient rejeté les conditions dé ANCIENNE ET • 1 1 D - T ' P * moderne. Palx Q°nt *e ^01 Jean ecolt prelque convenu a Londres , prit le parti de palier la mer avec une armée formidable. Il alla afliéger Rheims, dans le deflein de s'y faire couronner Roi de Prance. Mais ce fiège ne lui ayant pas réufli , il parcourut beaucoup de pays dont il ravagea une partie, mit le refte à contribution. Il vint enfin fe préfenter devant Paris , où il tâcha d'engager au combat Charles, Dauphin de France , Duc de Normandie , & Régent du Royaume pen- dant la prifon de fon père ; ce Prince s'en dé- fendit fagcment. « Alors , dit Mézeray , Edouard oi rebroulTa vers la BeaulTe , réfolu de rafraîchir » fes troupes le long des bords de la Loire , 8c #> en cas de quelque difgrace de fe retirer en a Bretagne. » Le Cardinal Simon de Lançres Léeat du » Pape , & les Députés du Dauphin fui voient » toujours fon Camp , & le follicitoient incef- » famment pour la paix , & toutes les Villes » de France faifoient des jeûnes, des procef- îj fions , & des prières à Dieu pour la demander. » Un jour qu'il étoit campé dans le pays Char- j> train , il s éleva un orage épouvantable , avec s> tant d'éclairs & de tonnerre , & une décharge 33 de grêle fi drue & fi groffe , qu'elle bleifa »• grand nombre de fes gens, cV lui tua plus 3j dç ctune Société célèbre» 97 » de mille chevaux. Il prie ce prodige pour un géograihih » commandement du ciel . & fe tournant vers ANCIENNE EB / MODERNE. » l'Eghle de Notre-Dame de Chartres , que l'on » voyoit cinq ou Cix lieues loin , il promit à. » Dieu d'achever la paix au plutôt. D'ailleurs le « Duc de Lancaftre Se les Seigneurs Anelois 5s l'en preffoient très-inftamment , à caufe que a> fon armée étoit fort débiffée , Se qu'ayant » emmené toutes les forces de l'Angleterre , 3» il l'avoit lahTée expofée à beaucoup de pé- « rils. » Les Députés de part Se d'autre fe rendirent as donc au village de Bretigni , qui eft à une a lieue de Chartres. 11 y en avoir quinze de la » part du Dauphin ; trois d'Églife , deux de » Robe , deux Bourgeois , Se deux Secrétaires » du Roi j les autres , Seigneurs de marque , » nommés néanmoins après ces Eccléfiaftiques , » qui n'étoient que des Chanoines. De la part » du Prince de Galles , il s'en trouva dix-huit, ' » tous , hormis le Chancelier d'Angleterre , » Gens d'épée Se de grande qualité. En cet en- » droit, traitant au nom des fils aînés des deux » Rois , ils arrêtèrent tous les Articles dans » huit jours ». Les principales conditions du Traité furent qu'on céderoit en toute Souveraineté à Edouard les Terres & Seigneuries qui y font mention pS Mémoires céographie nées , Se qu'on lui payéroit trois millions d ecuS >u)DÊEr.NEE.ET à'oz Pour ^a ranÇon du Jean y moyennant qaoi il renonçoit , pour lui & pour fes Succef- feurs Rois d'Angleterre , à toutes fes préten- tions fur la Couronne de France. Je ne voudrois pas me rendre garant de tout ce qui eft contenu dans le récit de Mezeray: auflî ne l'ai-je rapporté que pour qu'on vît ici, comme d'un coup - d'oeil , les principales cir- conftances de ce qui fe palfa pour lors. Il me paroît,en particulier, peu vraifembîable qu'E- douard fût éloigné de cinq ou /îx lieues de la ville de Chartres , lorfque l'orage tomba fur fon camp : il y a plus d'apparence qu'il étoic campé à Bretigny même ou aux environs. Mais quoi qu'il en foit , le point principal eft de favoir fi c'eft à Bretigny près Chartres que la Paix fut faite , 3c c'eft ce que j'ai promis de faire voir. Or , je le prouve premièrement par le témoi- gnage de deux Hiftoriens contemporains , Froif- fart , & le Continuateur de Nangis. Le pre- mier fait connoître en quel temps il a vécu par ce qu'il dit de lui-même dans la Préface de fon Livre , qu'il a toujours à fon pouvoir jufle- ment enquis & demandé de fait des guerres & des aventures 3 & par fpécial depuis la groffe bataille de Poitiers (en 1 3 $6 ) ou U Noble Roi Jean de / ^ (Tune Société célèbre: France fut prias : car devant j ajoute-t-il , /Vgéograskis étoie encor moult jeune de Cens & d'âge. Froif- f /l^f ET fart donc parle ainfi de la Paix de Bretigny , au premier volume de fa Chronique , Cha- pitre zix« « Ces paroles belles & fubtiles que le Duc » de Lanclaftre remontreie féablemenr , en in- « tention de bien , au Roi d'Angleterre ( ce 9» Duc de Lanclaftre étoit parent du Roi Se le » portoit à la paix ) convertit ledit Roi parla »> grâce du faint Efprit qui y ouvroit auiïî. » Car il advint à lui & à toute fa gent , lui »» eftant devant Chartres , que moult humilia »> & brifa fon courage. Car entendis que les sj Traiteurs François alloient Se prefehoienc a> ledit Roi Se fon Confeil , Se qu'encores nulle » refponfe agréable n'en avoient eue, un orage, *> une tempête , & une foudre il grande Se fi » horrible defeendit du Ciel en l'oft du Roi s» d'Angleterre , qui fembloit proprement que » le fiècle deut finir. Car il cheoit fi gro/Tes sa pierres qu'elles tuoyent hommes Se chevaux , « Se en furent les plus hardis tous ébahis. A a» doneques regarda le Roi d'Angleterre devers a> l'Eglife de Notre-Dame de Chartres, Se fe » voila Se rendit dévotement à Norre-Dame, s» & promit Se confelfa ( fi corne il dit depuis ) « qu'il s'accorderoit à la paix. Adoncques étoîc- ancienne et Moderne. Y 06 Mémoires tiôeRAîHiE » il logé à un village aflez près Chartres qu'orî » appelle Bretigny : & là fut certaine ordon- 55 nance & compofition faite & gettée de la 55 paix fur certains articles , qui cy-enfuyvanc » font ordonnez. » Le Continuateur deNangis étoit un Moine de Saint Denis , qui fe trouva à Paris dans le temps même de la paix de Bretigny. Il rapporte que le jour de Pâques il vit ( vidi ) dans l'Eglife des Carmes , les Curés & le peuple de dix ParoilTes de la Campagne , qui s'étoient réfugiés dans Paris , & qui faifoient l'Office de Pâques à diffé- rentes chapelles de cette Églife. Il raconte que peu après le Roi d'Angleterre fe retira avec fon armée du côté de Chartres , in partes Car- notenfes. Il femble que , félon lui , le Traité de Paix fut fait dans la ville même de Chartres entre les Députés du Régent , 8c ceux du Roi d'Angleterre : mais il fait bien entendre plus bas que le Roi d'Angleterre étoit campé à quel- que diftance de Chartres. Car il ajoute une circonftance très - édifiante , favoir qu'aufli - tôt après que la Paix eut été confirmée par ferment , plufieurs Seigneurs Anglois vinrent par dévotion , jnids pieds , à l'Eglife Notre-Dame de Char- tres , d'où leurs tentes étoient allez éloignées (*). (*) Tome il , Spicileg. pag. 873, (Tune Société célèbre. 10Ï Çuâ pace inter partes juratâ plurimï de nobilibus GÉocitAWia r j r i r ~D ANCIENNE II Anglï/x. , nudïs pedibus ufque ad Ecclejiam aeat& modes.**, MarU Carnotenfis ex devotione gaudiosâ , fatis remoti à fuis tentonis , peregrè proccjjerunt. Ce lieu , aflez éloigné de la ville de Chartres , où les tentes des Anglois étoient dreflees , ne peut être autre que Bretigny , ou Sours qui n'en eft pas loin. On peut encore voir Matthieu Villani 1. 9; ch. 98 & 105 9 & Thomas Walfingham in Eduardo 30. Je ne cite point les Hiftoriens plus modernes-; ils font en trop grand nombre \ & d'ailleurs les Auteurs du Dictionnaire nous les abandonnent pour la pluparr. Je pane donc à une féconde preuve plus politive que celle-là" , c'eft le Trairé même de Bretigny : il eft rapporté en entier en divers endroits , & dans ceux où je l'ai vu , il eft marqué précifémenr dans le titre , qu'il fut fait à Bretigny près Chartres. Du Chêne (*) dans fon Hiftoire d'Angleterre dit , que divers Auteurs ont rapporté la Chartre ou Lettres- Patentes de la Paix de Bretigny; mais qu'il ne s'en trouve nulle part de plus (*) Cet Auteur a tiré les Lettres-Patentes d'Edouard des Annotations de Denys Sauvage fur Froiflarti- G | loi Mémoires «ioes-APHiE amples que celles qu'il a inférées dans fon Oa- mo"e"«.ET vrage , dreffées au nom du Prince de Galles, & collationnées fur les Originaux , par un Tré- forier des Charrres nommé le Roulier. En voici le tirre : voir que tous les débats , & difcordes quel- 33 conques , meus & démenez entre notre très- 33 redouté Seigneur & père le Roi d'Angleterre as d'une part, & nos Coufins le Roi & ion fils 33 aîné Régent le Royaume de France d'autre 53 part , pour bien de paix qui eft accordé l'oc- 33 tiéme jour de May l'an de grâce mil trois 33 cens foixante , à Bretigny de lez Charttes en >3 la manière qui s'enfuit.» Belleforêt , dans fes Annales de France, rap- porte les mêmes Lettres-Patentes avec quelque différence ; mais on y lit aufîi dans le titre , cà Bretigny Ie% Chartres. Froifïart en rapporte d'autres : elles ne font pas du Prince de Galles , mais du Roi Edouard fon père, datées de Calais le 24 d'Octobre, l'an de grâce 1360. C'eft la Ratification de ce qui avoit été fait à Bretigny. Il eft: dit au com- cPirne Société célèbre. 103 mencemenr de ces Lettres , que certains Trai- géographe teurs & Procureurs du Roi Edouard & fon fils mod'erns. le Prince de Galles d'une part , & du Roi de France & fon fils Duc de Normandie , Dauphin de Vienne , d'autre part , ayant été affemble\à Bretigny près les Chartres ; il avoit été parlé & traité & accordé par les Traiteurs & Procureurs de l'une partie & l'autre , fur les diffentions , dé- bats , & dicords devant dits. Dans les Annotations de Denys Sauvage fur Froilfart , on trouve encore d'autres Lettres du Roi Edouard données à Bretigny d'emprés Char- tres , le 2 5 Mai l'an de grâce 1 3 60. Enfin du Tillet , dans fon Recueil des Traités entre les Rois de France & d'Angleterre , rap- porte fort au long les conditions de celui-ci. Il eft fans doute qu'il l'avoit vu en original ; & il indique même l'endroit où on le peut trouver dans le Tréfor des Chartres du Roi j favoir dans la Layette Anglia D. Il ne pou- voit donc ignorer où ce Traité avoit été fait. Or , il marque pofirivement , que ce fut au village de Bretigny , dijlant d'une lieue de Char- tres , que la Paix fut conclue le huitième Mai I 5 60. N'eft il pas vrai , Monfieur , que pour peu qu'on fe fût donné la peine de confulcer quel- qu'un de ces Auteurs , on fe feroit bien gardé C4 Xo$ Mémoires «éographie de dire , que la plupart des Hijioriens fe forit ANCIENNE ET , f ,., , , - • 1 moberme. trompes , lorlqu ils ont avance que la Paix de 1 3 60 avoir été faite à Bretigny près de Chartres ? Cela me fait fouvenir de cette belle maxime de Quintilien , que ceux qui écrivent devroient avoir fans cefTe devant les yeux : Modejlè ta- men & circumfpedo judicio de tantis vïrïs pronun- tïandum ejl , ne ( quod plerifque accidit ) damnent qu&non intelligunt. Lib. i o, delnft. Orat. cap. i°. Il me refte encore une preuve , qui n'eft ni la moins forte, ni la moins curieufe. C'eft une preuve locale, pour ainfi parler , tirée des Re- giftres Capitulaires du Chapitre de Chartres , qui les conferve encore en original , tels qu'ils ont sété écrits en ce temps là. Le Mercredi poft jubilate 1360, (c'eft-à-dire," le Mercredi d'après le troifième Dimanche après Pâques ; c'étoit le vingt-neuf du mois d'Avril ) il fut arrêté au Chapitre , que le Vendredi fui- vant, fête de Saint Philippe & de Saint Jacques, on feroit une proceffion folemnelle à S. Père en Vallée , pour demander à Dieu qu'il fît réuflir le Traité de Paix qui fe projettoit entre les Rois de France & d'Angleterre : Chm hâc die , dit le Regiftre , & diebus fequentibus effet Rex Angliœ, cum exercitu fuo apud Sours & Conjllïum Francis pro pace habendâ. J'ai remar- MODERNE. Le Jeudi après la fête de Saint Jean devant la Porte Latine ( c'étoit le feptième Mai ) on députa vers le Confeil de France } réfidant à Chartres, pour favoir s'il étoit à propos de tirer la Sainte ChalTe du lieu , où on la gardoit , Se de la placer au lieu ordinaire , pour la faire voir au Roi d'Angleterre & aux Officiers de fon armée , qui dévoient , dans cette femaine, venir a l'Eglife de Chartres par pèlerinage & en dévotion. On appelle à Chartres la Sainte ChalTe une ChalTe très-précieufe , où Ton con- ferve , avec une fingulière vénération , la che- mife de la Sainte Vierge. Le Vendredi fuivant , fur le rapport des dé- putés , il fut arrêté que la Sainte ChalTe feroit placée fur l'Autel pour la faire voir à tout le monde en la manière accoutumée : Attends relationibus Confdii j eb quod pax fuerat con- firtnata. Dans le même Regiftre on lit encore ce qui fuit : Anno LX°. die VIlla. Menfis Mail fuie facîa pax inter Reges Franc'iA & Angliœ , & ju- rata apud S ours per dicium Regem Anglu > adjiante Abbate de Clun. Symone de Langres 3 Magiftro Ordinis Pr&dicatorum , Legato Domini io6* Mémoires céogr.aphie nojlri Pap& 3 & Conjîlio Francu , vldeîlcel J. dt vod£rk£.ET Dormans , Epifcopo Bclvaccnfi , Cancellario Regnum Rcgeruis , Epifcopo Abrincenfi , Can- cellario Régis ~Na.va.rru , &c. & pluribus aliis , pro quâ exequendâ nuntiatA fuerunt Treuga. « Edward par la grâce de Dieu , Roi de 53 France 6c d'Angleterre & Seigneur d'Irlande, « à tous Jufticiers , Capitaines , & a tous nos » Sujets loyalx; Savoir faifons, que, entre nous, » pour nos fubjets , adhérens , alliez , aidans »> & amis d'une part ; 6c notre Coufin de France, » & les fiens d'autre part , font prinfes 6c ac- « cordées bonnes Treuves & loyalx , jufqu'à la 3j Saint Michel prochain venant , & de celui js jour jufques à un an enfuivant , qui finira »» le jour de la Saint Michel l'an mil ccclxi, « pour l'accompliffement 6c exécution de bonne 55 Paix final 6c perpétuel , entre nous 6c notre >j dit Coufin , les fubjets , adhérens , alliez , » aidans 6c amis des fufdits. Pourquoy vous >3 mandons 6c commandons étroitement 6c à s? chacun de vous , que lefdites Trêves faiciez s» crier 6c publier par- tout , 6c icelles tenir 6c s' garder fermement , comme en temps de 33 bonne Paix , fans rien faire ou fouffrir être 53 fait au contraire. Donné foubs notre privé 3.3 feel , à Sours devant Chartres le viie. jour » de May, l'an de notre règne de France vingt- d'une Société célèbre, 107 a premier , 8c d'Angleterre trente - quatre. » géographie J> • / 1 /-il 1 ANCIENNE SX ai rapporte tout au long cette Chartre de M0DEB.MHti la Trêve , parce que je ne l'ai point vue ail- leurs , 6c que la plupart des Auteurs n'en parlent pas. Voici ce qu'en dit du Tillet : Le feptième dudit mois de Mai fut entfeux faite trêve marchande par mer & par terre jufquau jour Saint Michel , Jbleil couchant. Il y a apparence qu'il l'avoit lue quelque part ail- leurs. Il en efl: auffi fait mention dans un abrégé hiftorique de Froiflart , cité par Sauvage , où l'on voit encore ce quifuit: Le Roi d' Angleterre quand il fe partit paffa par la cité de Chartres , là ou il oiiit la mefje & y hébergea une nuit , puis le lendemain vint moult dévotement à l'Eglife Nojlre-Dame de Chartres , & fit grandes offrandes en la compagnie de fies enfans , de fies gens , & après partirent & montèrent à cheval. Je ne doute pas , Moniteur , qu'on n'eût pu encore joindre piufieurs autres autorités à celles-ci : mais je penfe qu'en voilà fuffifam- ment, & plus qu'il n'en faut pour juftifier ce que j'ai avancé , que c'eft à Bretigny près Char- tres que la Paix fut conclue Se arrêtée en 1 3 60. Je dirai cependant pour la confolation des Auteurs du Dictionnaire, que leur erreur n'efl: pas nouvelle : elle fe trouve dans Gaguin , Hifto-s i oS Mémoires cioGRAPHiE rien célèbre , qui eft mort il y a plus de deu* ancienne et • • r x* rr 1 *oi>e*ke. cents ans , voici les termes : MiJjls ab utroque Principe nunûis 3 vins & nobilitate & doclrinâ illujlribus j apud Bretigniacum qui vicus eft non procul à Chatris fub Montelerico j conventio ha- bita pacem ad infequentem modum conjlituit 3 Anno ChriflianA gratu CCClx fupra mille. Mais l'autorité de Gaguin eft peu confîdérable en comparaifon de tout ce que nous avons rap- porté ; d'autant plus qu'il paroît affez qu'il n'avoit pas de trop bons mémoires fur tout ce qui fe palîoit en ce temps-là. Il fait faire à Édouard une marche en Bretagne avec fon armée , & l'y fait paffer tout l'été de i$6o. Il le fait revenir enfuite devant Paris , au commence- ment de l'Automne , & il le remène à Chartres 8c après à Châteaudun , où il prétend que tomba l'orage qui détermina ce Prince à faire la Paix j toutes circonftances qui font contrai- res à ce qui eft rapporté par les autres Hiftoriens, & à la date du Traité. J'avois fini cette Lettre , lorfque je me fuis apperçu que dans le nouveau Recueil de Pièces anciennes , imprimé à Rouen en 1700 , par les foins du Père Martenne , Bénédictin , on trouve un grand nombre d'Actes concernant la Paix de Bretigny. On y voit entr'autres des Lettres- Patentes en Latin , & d'autres en François 6c ïji^ le terrein y eft plus propre qu'à la Martinique. Il y a à préfent quelques arbres de Cacao à Cayenne qui portent chaque année trente & jufqu'à quarante livres de Cacao , comme à Caraque , & on n'a Jamais rien vu de femblable à la Martinique. Quoique je n'aie pas été à Caraque , j'ai va aux Canaries 6c à Cadix tant de perfonnes qui avoient vu & cultivé les Cacaotiers de Caraque : êc je leur ai fait tant dè queftions par écrit 6c de vive voix , que je crois avoir fuffifamment appris la manière de cultiver les Cacaotiers , 6c de préparer le Cacao • connoiiTance qui paroît abfolument néceffaire à Cayenne , dont les ha- bitans n'ont jufqu'à préfent agi , pour ainfi dire, qu'à tâtons. Quelques-uns même y ont fait , en 1734 , tout ce qui étoit nécefiTaire pour gâter le Cacao. Les Négocians François s'avisèrent de demander le Cacao noir , 6c les habitans de Cayenne , pour le noircir, le firent fuer dans des chaudières de fer : cela le noircit effectivement, mais lui donna une odeur aigre. On a trompé, en difant que le Cacao de Caraque eft noir. J'en ai vu aux Canaries 6ç à Cadix : il eft d'un cendré 120 Mémoires Histoire fale , & je crois qu'il prend cette couleur parce botanique 'qu'on le lave dans de l'eau de mer remplie de eiE^fite"* v^fe , qui eft de cette couleur. Le Cacao de Maragnon ou du Bréfil eft d'un rouge brun , beaucoup plus foncé que les amandes de France. Il faut obferver que le Chocolat d'Italie eft fait avec du Cacao de Maragnon , que les Génois vont prendre à Lisbonne. Si les Italiens trou- vent leur Chocolat excellent , il y a de l'appa- rence que celui de Cayenne lui doit reffembler j parce que la Colonie de Cayenne eft feulement féparée du Brefil par ia rivière des Amazones, ôc que les Portugais vont cueillir le Cacao dans v les forêts, auNord de cette rivière , c'eft-à-dire, fur le terrein des François , où ceux-ci ont com- mencé à en aller chercher , & d'où ils en ont déjà apporté quelques milliers. Il eft vrai que quelques Portugais & quelques François ont gâté le Ca- cao cueilli dans les forêts , en le faifant fécher à la fumée , parce qu'ils fe trouvèrent dans les bois au temps des pluyes. J'expliquerai comme on fait à Caraque la récolte du Cacao , après que j'aurai raconté la manière dont on y cultive les Cacaotiers. De l'un ôc de l'autre dépend la ptofpérité de la Colonie de Cayenne , qui eft à préfent la feule des Colonies Françoifes où on recueille du Cacao. Le Sucre , le Café , le Coton , qui lui font communs avec les autres Colonies , (Tune Société célèbre: 121 rie pourront jamais la faire fleurir comme le Histo'ir» C, . r n !• 1 NATURELLE, acao, dont la conlommation ett extraordinaire botanique, dans les Efpagnes de l'un & de l'autre monde. "™ ^e"^ Les efclaves des Efpagnols Américains en pren- nent prefqu'auffi fouvent que leurs maîtres. Pour avoir de beaux Cacaotiers , il faut les prendre dans une pépinière , où l'on ait femé les amandes de Cacao , récemment tirées de leurs caboffes. Lorfque les jeunes Cacaotiers ont un pied de hauteur , on les tranfplante avec leur motte , fans couper aucune de leurs racines , ni aucune de leurs branches , dans un terrein préparé , qui foit plutôt bas qu'élevé , plutôt humide que fec , où l'eau cependant ne s'ar- rête point. La principale préparation du ter- rein eft d'avoir arraché toutes les herbes , ce qu'il faut continuer jufqu'à ce que les Cacao- tiers foient allez grands pour les étouffer par leur ombre & par les feuilles qui tombent à mefure que d'autres naiffent. On plante les jeunes Cacaotiers à la diftance de dix à douze pieds, félon la bonté du terrein. D'abord, pour les défendre du foleil & du vent , Se pour pro- fiter de la peine qu'on prend à farcler le ter- rein , on plante du Manioc , & lorfqu'on arrache celui-ci , on met à chaque pied de Cacaotier des Bananiers , ou d'autres plantes qui puilfent , par leurs feuilles 5 les garantir du vent & du foleil. 122 Mémoires Histoire Si les Cacaotiers deviennent Ci hauts , que les - botanique' Bananiers ne puûTenr pas les défendre, on plante 6*iTE&cL°" d'efpace en efpace de plus grands arbres , qui , en les couvrant , laiflent néanmoins l'air fort libre. Les arbres qu'on appelle Fromagers aux Ifles font les meilleurs , parce qu'ils viennent fort haut , & que leurs feuilles ne font pas aifer d'ombre pourétouffer les Cacaotiers. Les grandes chaleurs du pays ont obligé les Efpagnols de Caraque d'arrofer les Cacaotiers ; fans cela les amandes de la récolte d'été feroient trop pe- tites , ôc les Cacaotiers périroient ou fourfri- roient beaucoup. On n'a jamais eu cette pré- caution à Cayenne , aulîi la récolte d'été eft-elle toujours la plus mauvaife , & les Cacaotiers font alors un trifte fpectacle. On ufe encore d'une précaution à Caraque , c'eft d'avoir un Nègre uniquement deftiné à fouiller au pied des Ca- caotiers , pour en arracher des vers qui les font périr. On fe fert pour ce travail d'une petite ferpe recourbée. Peut-être faut-il attribuer à ces vers la perte entière des Cacaotiers dans les Ifles Françoifes. Les Cacaotiers de Caraque n'ont que deux principales branches au tronc j cepen- dant ils rapportent environ dix livres de Cacao. Lorfque le Cacao eft mûr , ce que l'on connoît lorfque les goulfes ou caboffes commencent à jaunir , on les cueille de manière qu'on ne dé«? GIE , &X. goûte. On couvre enfuite ce tas avec des feuil- les. AMalacaie, les amandes font fur des claies; à Caraque elles font à terre , voilà pourquoi il y a tant à perdre fur le poids du Cacao de Caraque. Après un jour ou deux au plus de fer- mentation, on expufe les amandes au foleil pen- dant un jour : on les remet enfuite en tas comme la première fois. Elles y demeurent trois ou quatre jours , félon qu'elles s'échauffent plus ou moins. Quand elles le font fenfiblement (& afin qu'elles ne s'échauffent pas trop dans le centre , on remue le tas) , on les rapporte au foleil , où elles demeurent expofées jufqu'à ce qu'elles foient fort sèches ; après quoi on les met dans un grenier , &, autant qu'il fe peut, à l'abri de l'humidité. Il arrive à Caraque, & ailleurs dans l'Amé- rique, que les amandes de Cacao font fouvent piquées par les vers , ce qui ne leur arrive point en Europe. Pour les défendre de ces infectes , on les arrofe de temps en temps d'eau de mer , & dans les terres on emploie de l'eau où l'on a jetté du fel ou de la faumure. Voilà tout ce que j'ai pu favoir de la culture des Cacaotiers & de la récolte du Cacao 3 ôc 1 24 Mémoires Histoire je crois que cela fuffit , pour que les habitans ïp^j^S'de Cayenne ne travaillent pas inutilement. Ils ciT£6cc°' ^avenc 3 nouvelle Efpagne , fe font un plaifir d'en s' avoir fur quelques arbriffeaux , où il s'entre» » tient plus facilement que fur d'autres mais as ils n'en font aucun trafic. Il arrive auffi que » toutes les plantes que l'on met en terre pour sa cet effet , étant remplies , le vent jette une 55 fi grande quantité de petits fur les arbres 33 d'alentour , qu'ils en font quelquefois rout » pleins : c'eft ce que l'on appelle la Coche» » nïllc Sylvejire ? laquelle bien fouvent les ïj, i Mémoires Histoike» Marchands mêlent avec la bonne. Ceux qui botanique'," ont donné leurs atteftations au fieur Rouf- ™lHÈ%*l&~ » feau , & qui difent que la Cochenille eft une 5> graine qui vient dans une cofle , ont , fans >5 doute , confondu la Vanille avec la Coche- » nille ; car la Vanille vient d'une cofle , ôc ■» c'eft la coiïe même dont on fe fert : au lieu 3i qu'il faut mettre de la Cochenille fur l'arbre 3j pour en cueillir. Voici ce que j'en fais , tant » par moi-même, que par un Nègre nommé » Alonzo de Guaxaca , qui m'a appris quelques » petites particularités fur la culture de la Co- » chenille. » On prépare , dans la nouvelle Efpagne j> un terrein que chaque particulier fait à pro- » portion des efclaves ou des Indiens qu'il a. » On fépare enfuite ce terrein , par parties » égales , fur tous fens , à fept pieds de diftance ; » & les trous étant faits en terre , l'on y met m une branche de deux pieds d'un arbre ou 33 arbrilfeau , qu'on appelle Nopal. Le fruit « qu'il porte s'appelle Tuna : dans les autres 3> endroits , les Efpagnols donnent ce dernier 33 nom à la plante comme au fruit. Les Au- >j teurs , comme Dalechamp , où je l'ai vue 53 deifinée , l'appellent Figuier d'Inde , ou Opun- » tia. Les François de l'Amérique l'appellent » Raquette ; c'eft apparemment à caufe de Ja t n 1 1 •! 1 /-r botanique," 1 arbre eft grand , on met des toiles deiloui MINKRALO- 1 /->v /-< 1 *11 cie J &c. " Pour *a recevoir. Un met cette Cochenihe » au foleil pendant quelques jours , & enfuite » on la ferre , avec cette précaution qu'on » ne mêle point celle d'un jour avec celle » d'un autre. Alonfo m'a fait remarquer que » celle qu'on prcnoit fur d'autres arbres , écoic >j aulîî bonne pour peupler ; parce qu'on ne » la cueilloit que lorfqu'elle avoit pris le fuc » de la raquette ». Voilà , Monfieur 3 tout ce que j'ai pu décou- vrir fur la Cochenille dans mon dernier voyagei On ne doit point douter que celle qui nous vient de la nouvelle Efpagne , ne foit un véri- table infecte. Un Journal d'Angleterre l'alTurc ainfî dans un article touchant les Salamandres qui vivent dans le feu , &c. On en trouve un Extrait dans nos Journaux des Savans , 1 66j s pag, 94. Le voici tel qu'il eft. a Naihanaè'l Farfax écrit qu'une araignée pi- » lée , étant tombée par hafard dans un verre » plein d'eau , il fut furpris de voir que cette » eau fe teignît d'une couleur bleuâtre ; mais 33 qu'il avoit enfuite appris qu'une douzaine w d'araignées teindroient l'eau prefque d'une 3> couleur de plein azur. Comme l'expérience h en eft facile , on la peut faire , lorfque lz £une Société célèhre. 137 j> faifon fera propre pour trouver ces infectes. Histoir* — , . NATURELLE, s> Cependant , il n eft pas plus incroyable que botanique, « l'araignée puifTe teindre l'eau d'une couleur *™ sce^ » bleue , que la Cochenille , qui n'eft aufll s qu'un infe&e , étant macérée dans l'eau , la « colore d'un beau rouçe 33. Outre ce témoignage , celui de F. Hernan- dès dans fon Hijloire de la nouvelle Efpagne , liv. 3 , chap. 45 , pag. j6 , eft convaincant. Il dit : « On trouve dans le Mexique certains petits » vers ou infeéèes ronds , blancs en dehors & yj rouges en dedans , fur une forte de plante , ap- » pellée Roche^napalli , owNopaliioche^tli ^ qu'on » place dans des lieux, naturellement de diffi- » cile accès & hors de l'infulte des beftiaux: » On cultive ces plantes avec foi» , & on met 53 deiTus , en certains temps de l'année , les fe- » mences de l'année précédente »>. Voilà une defcription fort précife, mais bien jufte de la Cochenille. ( Vermiculi rotundi 9 extra candidi intrà verb Coccinei colons). Ef- fectivement c'eft un infeéte rond , ou plutôt demi-fphérique , blanc , ou comme farineux en dehors , & rouge au - dedans comme de l'é- carlate. Tous ces témoignages prouvent évidemment que la Cochenille eft un véritable infe&e. Mais île quel genre eft cet infe&e ? Ce n'eft ni une 158 Mémoires Histoire mouche , ni un papillon , ni un efcarbot ,. 8c botanique, encore moins une nymphe. La nymphe elt pro- *iENfcôcc\0~ prement l'enfance de l'animal , enveloppé ou emmailloté dans un étui , qu'il crève à la fin pour développer 8c étendre fes membres , 8c entrer dans l'âge viril. Il eft confiant que tant que l'infecte eft dans l'état de nymphe , il n'eft jamais capable d'engendrer , ni de produire des œufs , puifqu'il n'eft alors que dans fon en- fance : il n'y a point d'exception en cet ordre que la nature a fi bien établi. Je conclus de là que puifque la Cochenille qu'on nous apporte de la nouvelle Efpagne eft encore remplie d'oeufs y dans lefquels eft proprement contenue la ma- tière propre pour la teinture , ce n'eft plus une nymphe , mais un animal parfait , & incapable de recevoir aucun changement que celui de la mort. Je me fuis fouvent diverti à voir éclore avec un microfeope les œufs de ces animaux. Je les ai vu éclore fur le ventre même de leur mère, où ils fourmillent en grand nombre. On voit crever la membrane de l'œuf, 8c il en fort un petit animal rouge comme du fang , qui d'a- bord qu'il eft éclos , court , 8c traîne après lui la membrane qui Tenfermoit. Depuis le mo- ment que les Cochenilles font eclofes , elles croilfent toujours fans femétamorphofer, comme pleines d'oeufs , les Efpagnols cV les Indiens les recueillent , & les préparent pour nous les en- voyer en Europe. La Cochenille me paroît une efpèce de clo- porte , lequel ne change jamais de figure & n'a jamais d'ailes. Il a toujours le dos voûté , & le devant applati & garni de petites jambes , ainfi que la Cochenille. Prenez garde que dans tous les infectes volans , on voit le thorax & le ventre joints par une articulation ttès-fenfible, ce que vous ne verrez jamais dans les cloportes , ni dans les Cochenilles. C'eft un abus de dire , comme l'a dit Antoine de Leuvenhoeck , que les Efpagnols ôtoient la tête & les aîles aux Cochenilles. Il faudroit avoir bien du loifir pour ôter tous ces. membres à tant de millions d'a- nimaux fi petits. Voilà , Monfieur , quel eft mon fentiment fur la Cochenille. Je profiterai de l'occafion , pour vous faire part de quelqu'autre petite dé- couverte que j'ai faite par hafard en voyageant, tant fur les animaux, que fur les plantes propres à la teinture. Il eft certain que la connoiiTance de plufieurs beaux fecrets de divers arts & de diverfes \qc5 Mémoires Histoire fciences , ne nous eft venue que par quelque Naturelle , . i j i • j i> • ' botanique ' accident, tel que celui de 1 araignée , qui , tom- MiNHRALo- bant écrafe'e dans un verre plein d'eau , la tei- 611, &c. . * ' gnit en bleu. Il y a quelques années qu'her- borifant dans la prairie de notre Couvent de Grenoble , j'arrachai une plante de Tanaife com- mune : Tanaeetum vulgare> C B pin. i 32. L'ayant arrachée , j'apperçus mes mains &: mes doigts tout enfanglantés ; j'en fus furpris , fur - tout n'ayant fentî aucune piquure , & je le fus en- core davantage , lorfqu'ayant vifité la plante ^ j'apperçus le dos des feuilles entièrement cou- vert d'un nombre infini de petits infectes rou- ges comme du fang , & tous remplis d'un fuc également rouge. Ils étoient fi tendres , que je les ëcrafois très-facilement , pour peu que je les prclTaiTe avec les doigts. J'en écrafai plu- fieurs fur la même feuille de papier , où je def- finai la plante de Tanaife. La couleur en efH encore fort belle. J'y defimai même avec la plante, le petit animal en fa grandeur naturelle; & tel qu'il paroît dans le microfeope. Je crois que vous ferez bien aife de voir la figure de ces infectes : je vous envoie le defîîn. La figure K I {fig. première ) , les repréfente dans leur figure naturelle , & la figure L , les .repréfente vus; dans le microfeope. A propos de cette découverte, je me fouvieri$ \ V d'une. Société célèbre*. 141 iî'une autre que j'ai faite aufli en herborifant fur Histoire la montagne de Lure en Provence. J'herbori- botÏn""' fois un été au Nord de cette montagne , je M1!,ER--L°- me vis tout couvert d'une quantité incroyable d'une efpèce de moucherons deux fois plus gros que les moucherons ordinaires : tous ces mou- cherons avoient les ailes 8c le corps teints d'un bleu aufll éclatant que l'azur le plus vif. Comme les arbres en étoient couverts , je ne pouvois m'empècher , en traverfant la forêt , d'en écra- fer contre les branches & les feuilles ; de ma- nière que j'avois tout le devant de mon habit ôc de mon chapeau teint d'un très-bel azur. J'é- crafai même exprès plufieurs de ces moucherons fur du papier : ils le colorèrent d'un très-beau bleu célefte. J'ai confervé ce papier fort long temps , fans que le bleu ait jamais perdu fon éclat. Herborifant aufli un jour , vers le mois d'Août, le long des côtes de Marfeille , je fis une autre découverte fur quelques plantes de Bacille , ou fenouil marin , Cruhmum , feu f&niculum mari- jium minus CB > pin. z88. J'en arrachai plufieurs avec leurs racines , & je trpuvai à chacune quan- tité de petites veflîes pendues à des fibres me- nues comme des cheveux. Elles étoient toutes remplies d'une liqueur violette, bien plus limpide Se plus éclatante que le fuc que» nous tirons des y blettes. J'en écrafai plufieurs dans une coquille, 142 Mémoires Histoire & j'en enluminai la draperie d'une image : je naturelle r 1 'io • r r • botanique, n ai jamais vu un h beau violet & qui le loïc «s &£L°~ con^rvé lî long-temps : ces veffies reflfembloient à la veflie biliaire. Elles avoient prefque la grof- feur d'un pois , &c leur membrane étoit extrê- mement déliée : je vous en envoie la figure. (Fi g. féconde G H H). Dans le premier voyage que je fis a Saint- Domingue , je mis un jour une plante dans l'eau pour la conferver dans fa fraîcheur. Le lendemain j'apperçus que cette eau étoit teinte d'un très-beau bleu foncé , & je connus que c'é- toit les feuilles de la plante qui trempoient dans l'eau , lefquelles l'avoient teinte de cette cou- leur : cela me fit foupçonner que ces fécules auroient peut-être la même vertu que les fécu- les de l'indigo. J'en voulois faire l'expérience j mais je fus obligé de revenir en France avant que d'exécuter ce delfein. La plante dont je vous parle effc un petit arbrilfeau : les feuilles font à- peu-près les mêmes que celles de nos mercu- riales communes ; fes & fleurs & fes fruits font très-femblables à ce\ix du Tournefol , Helio~ tropium triccocum , C B , pin. 253. Ricinoïdes ex quâ paratur Tournefol Gallorum. Infl. rci Botan. 655. Je crois même que c'en eft une efpêce , ou que c'eft une efpèce qui en ap- proche. .STOIM t d'une Société célèbre. 143 Voilà , Monfieur , quelques petites décou- h.< vertes que j'ai faites par hafard , au fuiet des K,ATUR-îLLE» *. ' 1 ' BOTANIQUE, couleurs. J'en ai faites quelques autres en voya- mi»éralo- geant dans l'Amérique , dignes de votre curio- . fité : je les dois à quelques perfonnes du pays. On trouve dans la Martinique, au quartier qu'on appelle la Cabfîerre , mais beaucoup plus abondamment encore dans l'Ifle de S. Vincent, une certaine plante de même port & de même feuillage que la canne d'Inde : Arundo Indica latïfolia , G B, pin. 19. Çannacorus latifolius yulgarïs , lnji. rei Herb. Elle ne pouffe point pourtant fes fleurs de la tige des feuilles ; mais de la racine même , à côté de la tige des feuil- les j d'où elle poufle deux ou trois tiges épaiflès comme la moitié du doigt , & hautes d'environ un pied & demi , garnies de plufieurs fleurs rouges , prefque femblables à celles de la Canne d'Inde. Le calice de chaque fleur devient en- fuite un fruit ovale , gros comme une noix , charnu , fucculent , & rempli au dedans de plu- fieurs femences jaunâtres , attachées comme en peloton clans une matière charnue , couleur de fafran. Le fuc de ce fruit teint en très -beau rouge ineffaçable • & fi vous y mêlez un peu de fuc de citron, il teint en très -beau violet non moins ineffaçable. J'ai vu quelques habillemens qui en étoient teints 3 & qu'on lava plutîeurs Hiïj$ Mémoires Histoire fois devant moi , fans que la couleur diminuât; NATURELLE , • x r 11 11 botanique, en rien. Marcgrave parie de cette plante dans fon Hijioire des Plantes , liv i , chap. 23. Il l'appelle Paco Scroca : vous 7 trouverez fa figure & fa description. Un jour je delîînois une certaine plante dans Tille de Saint-Domingue. Un Canonier Ham- bourgeois , qui avoit beaucoup voyagé chez les Efpagnols dans la terre ferme , me demanda , après que je l'eus deflinée , fi je connoilîois bien cette plante. Je lui répondis que je la voyois pour la première fois. Oh ! bien , me dit-il , je veux vous montrer à* quoi elle fert. Il prit la racine , & la fit bouillir clans un chauderon plein d'eau. Enfuite il trempa dans ce chauderon un écheveau de fil de pitte ( c'eft une efpèce d'à- loés ) , il l'y lailTa un peu de temps , & il le tira teint du plus beau jaune que j'aie jamais vu. Il le jeta enfuite dans de l'eau , & le lava plufieurs fois , fans que jamais la couleur changeât. Il fit plus , il frotta cet écheveau avec le fuc d'un citron : la couleur changea tout d'un coup de jaune en une très-belle couleur d'aurore foncée. II relava le fil, qui conferva fa dernière couleur. Les Efpagnols appellent cette plante Roioc. On la trouve particulièrement le long des côtes fa- blonneufes de la mer. Ce que j'eftime le plus , eft un coquillage ; Murex 3 - fervé ce mouvement réciproque. Vous pouvez confulter ces deux Auteurs fur beaucoup d'au» fres particularités concernant les Crocodiles» ïço Mémoires Histoire Us en ont pourtant omis deux alfez confîdêra; NATURELLE , , . BOTANieui , bles. ciT,E&o°" La première eft que le Crocodile a une efpèce de Jlernum , fitué tout le long du milieu de Vabaomcn , à l'endroit qu'on appelle la ligne blanche dans l'homme. C'eft un os plat , large prefque comme le doigt. Il commence immé- diatement à l'enfourchure du Xiphaïde , & va aboutir un peu au-deflus du pubis , qui eft aurfi aflfez remarquable. Je l'ai pris pour un pubis double , étant compofé de quatre grands os. A chaque côté de ce Jlernum , il y a fix côtes ofleufes , mais minces ôc compofées chacune de deux pièces , jointes par fynchondrofe , de même qu'elles font jointes au fécond Jlernum t à contre fens des véritables côtes jointes aux vertèbres du dos. Je ne fâche aucun animal qui ait l'abdomen muni de cette manière : ce n'eft pas fans caufe , mais je l'ignore. Les Nègres attendent les femelles quand elles viennent à terre pondre leurs œufs : ôc voici ce que quel- ques uns m'ont rapporté. Elles font un creux, où elles pondent leurs œufs ; elles les couvrent bien de terre , & enfuite , s'élevant fur leurs quatre pieds , elles battent bien la terre avec le ventre. Je n'ai pas été témoin de cela ; & même , en ce cas 3 je ne voudrois pas encore d'une Société célèbre. i£i afïurer que la nature eue ainh" muni Yabdomen Hjstoim des Crocodiles , pour pouvoir bien battre la «bJANI(ltrt J terre« cie , &c, A propos des œufs des Crocodiles , je ne fais fur quoi eft fondé le fentiment des Natu- raliftes , qui aflurent que le Crocodile vit juf- qu'à foixante ans , à caufe , difent-ils , qu'il a foixante dents, foixante vertèbres , & que les femelles pondent foixante œufs. J'ai ouvert plu- fieurs femelles pleines de leurs œufs \ mais je n'en ai jamais trouvé que depuis dix-huit juf- qu'à vingt-fix ou vingt-huit. Pour les dents & les vertèbres , prefque tous les Crocodiles que j'ai diiTéqués , avoient foixante-un ou foixante- deux vertèbres , à cpmpter depuis le bout de la queue jufqu'au crâne. J'ai prefque toujours trouvé trente-quatre dents à la mâchoire fu- périeure , dix-fept de chaque côté , & trente ou trente-deux , à la mâchoire inférieure , quinze ou feize , à chaque côté. On pourroit me ré- pondre que les Crocodiles , obfervés par ces Auteurs , étoient d'une différente efpèce de ceux de Saint-Domingue. Nous n'en connoif- fons point encore d'autres que ceux du Nil & des Indes Orientales ; les uns & les autres ne diffèrent de ceux de Saint - Domingue , KIEj &Ct pieds : &je me louviens même den avoir vu un, aufli mort , dans une Chapelle deMarfeille , appellée Notre-Dame du Mont , long d'en- viron dix-huit pieds. Les plus gros & les plus longs que j'aie pris à Saint-Domingue n'ont jamais excédé la longueur de huit à neuf pieds. Peut-être que cette grandeur exceflive , qu'on remarque dans ceux du Nil , pourroit être la caufe d'un plus grand nombre d'oeufs \ mais cela n'arrive pas généralement à tous les Cro- codiles. Quant à la féconde particularité que j'ai ré- marqué dans le Crocodile , elle a été vérita- blement obfervée en partie par quelques Au- teurs \ favoir , que le Crocodile avale des cail- loux. M. du Vernay en trouva de petits dans l'eftomac d'un de ces animaux qui mourut à Verfailles. Mais je n'ai encore vu aucun Au- teur qui ait obfervé que le Crocodile digère ces cailloux , 8c même des pierres à fufil. Je n'en ai guère pris , où je n'aie trouvé des cail- loux dans leur eftomac , les uns encore en- tiers , les autres à moitié calcinés , les autres déjà friables , les autres enfin entièrement di- gérés , c'eft-à-dire , réduits en argile dans le$ BOTANIQUE , ÉR.ALO- ÔCC. étum Société célèbre. 1 5* 5 ïnteftins ; particulièrement dans un Crocodile , Histoi*» 1 1 / a T . NATURELLE , dont le rectum etoit extrêmement groin. Je lou vris , &c je le trouvai tout rempli d'arçille de MIN: la même couleur des cailloux qu'il avoit encore dans l'eftomac , dont une partie étoit aufli déjà calcinée & friable. Le Crocodile n'eft pas le feul animal qui avale & qui digère les cailloux : le loup en, fait autant. Ariftote (*) , en parlant du Loup, de l'Ours & du Lion , dit : carne omnes vef- cuntur ; nïji quod Lupos aiunt terram quaniam , chm efuriunt , edere. Or , ce n'eft pas proprement de la terre que le loup mange ou avale \ mais des cailloux qu'il digère enfuite. Je crois que ce qui a donné lieu de dire que le loup mange de la terre , c'eft que la fiente des cailloux digérés , reffemble à de l'argile délayée ; c'eft ce que j'ai obfervé en herborifant dans les mon- tagnes de Provence. Vous me propofez une féconde queftion 5 favoir , fi le Colubri eft un véritable oifeau , ou une efpèce moyenne entre Toifeau & l'in- fecte volant ? Je me fouviens d'avoir apporté , au retour de mon premier voyage de la Mar- tinique , un nid de ces admirables oifeaux. Les œufs étoient dedans & la mère auffi ; mais je (*) Livre 8e des Animaux, chapitre £. 1 5*4 Mémoires Histoire l'avois deiféché. Si vous fouhaitez la defcriptîori ^ÎaJotiÎ ^e ce Pe"c an'ma^ > )âl ^e qu°i v°us fatisfaire: miner/.lo- j'en ai décrit deux efpèces qu'on voit allez corn- munément dans toutes les ifles. Ce font vérita- blement les pins petits oifeaux de tous ceux que j'aie encore vus ; mais quoique très-petits , •ils ne laiflent pas de fe faire bien craindre à d'autres , infiniment plus gros qu'eux : je les ai vu pourfuivre certains oifeaux qu'on appelle Gros-becs. Ceux-ci font un peu plus gros que des grives , & ont le bec gros , large & pointu , enfin , très - propre pour gober les petits du Colubri dans leur nid ; mais , gare le père ou la mère. C'eft un agréable plailir de voir fuir & crier ce Gros-bec , ayant le petit Colubri à fes troulîes. Si celui-ci l'attrape, il s'attache avec fes petites griffes fous fes ailes, & le pince avec fou petit bec , pointu comme une aiguille , jus- qu'à ce qu'il l'ait mis hors de combat. Je n'ai jamais remarqué aucune mélodie dans le chant du Colubri : c'eft une manière de grincement fort aigu. Il voltige continuellement d'une fleur à l'autre , mais avec une vîtelfe fi grande qu'on a de la peine à l'appercevoir. Je me fouviens qu'un jour , à la Martinique , j'entendis d'aiîez loin un gros bourdonnement, à-peu-près comme celui d'un eflTain d'abeilles. C'étoient plu? de cinq cents de ces petits oifillons qui voltigeoient (Tune Société célèbre. à l'entour d'un grand arbre tout couvert de Histova» . 1 r T1 ■ NATURELLE • fleurs dont ils prenoient le lue. ils ne vivent botanique, III" • r MlNERALO» proprement que de la liqueur qui le trouve GIE j &c> dedans les fleurs , & c'eft pour cela que Dieu les a pourvus d'une langue cartilagineufe , fort mince , pointue , ébarbillée , & longue envi- ron d'un pouce & demi. La plus petite efpèce de ces oifeaux a la langue (impie -, mais la plus grande efpèce l'a double. Je n'ai jamais remar- qué aucune odeur , ni dans l'une , ni dans l'autre efpèce. J'en ai apporté quelques-uns de chacune , deiTéchés , que j'ai même confervé long-temps enveloppés dans du papier , mais je n'y ai jamais fenti ni ambre , ni mufe. A l'-égard des Tortues de mer qu'on appelle Carrets , je n'ai jamais entendu dire qu'elles foient aflez vigoureufes pour renouvcller leurs écailles , après qu'elles en ont été dépouillées. Je ne doute pas cependant que cela ne puifle arriver , puifque les ongles des doigts , qui font à- peu-près de même nature que les écailles des Tortues , fe renouvellent lorfque , par accident, ils fe font détachés. La même chofe n'arrive- t-elle pas à de certains a:bres pour leur écorrt ? Le Liège , par exemple , fe revèr d'ui e fé- conde écorce , lorfqu'on l'a dép lillé de ?^ première. \$6 Mémoires Histoire Vous me demandez fi le fang des Tortaei Naturelle , . _ . , botanique, eit plus rroid que 1 eau commune, apparem- ciE^6cctL°" ment des Pays chauds ? Je vous réponds qu'il eft prefque aufti froid que l'eau commune , même d'Europe. Je fus environ deux mois à la pêche de ces animaux dans les Grena- dins , avec quelques flibuftiers de la Marti- nique. La pêche fut heureufe , & nous nous en retournions à la Martinique avec beaucoup de viande falée , Se outre cela douze belles grandes Tortues en vie. Le temps nous fut fi contraire , que , fans avoir pu prendre terre , l'eau nous manqua entièrement. Il y avoit déjà cinq jours que nous n'avions bu qu'environ la quantité d'une chopine d'eau chacun , lorfque cous nous avilâmes de boire le fang d'une Tor- tue , qui nous reftoit encore en vie , des douze que nous avions. Nous le reçûmes dans un fceau, Se en ayant pris ma part , je le trouvai au£i froid que l'eau commune. 0k '(Tune Société célèhrel rt$j »i mmmm*mmmmmm zSSSSSSSSSSl , 1 "— — ^ HiSTOIRt NATURELLE j ARTICLE V. BOTANIQUB, MINERALO- GIE, ÔCC. Notice fur un Infecle de Mer ; extraite d'une Lettre Italienne. Il s'agit d'un infecte de mer, peu connu juf- quici^M. Marc Carburi , natif de Céphalonie , ôc frère d'un célèbre ProfeiTeur en Médecine à Turin , voulut revoir, en 1753 , l'Iile de Céphalonie , fon pays natal , qu'il avoit quitté dès l'enfance. Son delTein n'étoit pas feulement de fe repofer dans le fein de fes proches ; il vouloir s'inftruire, faire des collections d'Hif- toire Naturelle , étudier les maladies régnantes dans cette Terre entourée de la Mer Ioniène , & rechercher avec foin les méthodes populaires de guérir. Cet Article n'eft nullement à négliger dans un voyage de Naturalifte & de Médecin. M. de . Tournefort regardoit bien les Cerveaux des Grecs de l'Archipel , comme autant de monumens qui pouvoient avoir confexvé les noms de Plantes, cités par Théophrafte & par Diofcoride. Pour- quoi n'auroit-on pas la même penfée à l'égard des remèdes indiqués par Hippocrate , par Are- tée , par Galien , &c. ? Nos pauvres Grecs mo- dem es, fansen excepter même ceux de la cara- i j £ Mémoires Histoire pagne , ne pourroient-ils pas s'être maintenu! jotanique* dans ta poiïeffion de connoître & d'appliquer minerais- |es m0yens Je guérir dont usèrent ces grands «IE , &c. 1 _ & o hommes ? Voilà un point de vue vraiment phi- lofophique. On trouve , dans les conditions champêtres , des veftiges de l'antique probité, pourquoi n'y découvriroit-on pas quelques traces des connoilfances & des méthodes qui fervirent autrefois à foulager les maux du genre hu- main ? M. Carburi partit donc de Padoue , lieu de fon féjour ordinaire , & s'embarqua , le 20 d'Août 1753 , à Venife , pour palier d'abord dans l'Ifle de Zante. On employa dix jours pour gagner cette Ifle : ce qui eft aller à pas de tortue ; mais fur ces dix jours il n'y en eut guères que quatre de pleine route : une bonace parfaite régna le refte du temps. L'Auteur rit très-peu de féjour dans l'Ille de Zante ; mais il ne laifla pas de recon- noître les curiofités naturelles du pays , de ra- malTer des plantes , des terres , des pétrifica- tions , des cryftallifations , &rc. & quant aux maladies des habitans , il apprit que la plus ordinaire aux gens de la campagne étoit le mal- caduc , mais qu'en ces circonftances , on avoit recours à quelques bonnes femmes j qui opé- roient »des cures très - heureufes en appliquant (Tune Société célèbre. \$s> des remèdes venus de tradition. Voilà juftement Histoirs ces Cerveaux Grecs , qui confervent , commet*™*"";' * X * JJU1A.MQUE y dans des infcriptions ineffaçables , quelquechofe J*™^1*1 de l'antique & folide doctrine des Maîtres de l'Art, fi communs autrefois dans toute la Grèce. De Zante , l'Auteur palfa promptement à Céphalonie , & le féjour qu'il fit dans cette IHe fut d'un peu plus de fept mois. De retour à Padoue , l'Auteur n'eut rien de plus preffé que de faire voir une partie de fes riche (Tes Littéraires, Phyfiques , Botaniques , au Docteur Antoine Vallifnieri , fils & élève du célèbre Naturalifte , à qui l'on doit tant de re- cherches fur les Infectes , fur la Médecine , & fur prefque toutes les fciences qui appartiennent à la Phyfique. M. Vallifnieri fit une attention particulière à l'infecte nommé par les Grecs Armenifiarï. Il fe rappella que fon père avoir toujours defîré d'en voir une defcription exacte , & que l'occafion ne s'en étoit jamais préfentée à lui. L'infecte Armenïjlari elt un petit anima-1 d'environ un pouce de diamètre , compofé de deux lames ou membranes cartilagineufes , pofées l'une fur l'autre , & contenant un grand nombre de fila- mens , de pieds , de trompes , de fuçoirs. Du milieu de la membrane fupérieure s'élève au- deiTus. de cet infecte , une petite membrane 1 66 Mémoires Histoire triangulaire , qui lui fert comme ci'aîle ou de SATURELLE , .. . , _ . ,. . . botanique, voile pour naviguer : ce.lt de-la que lui vient ci£ &c. on nom ' car armenon i en Grec du moyen age^ lignifie une voile : pour le mot flari , qui eft le refte de la dénomination du petit animal , on croit qu'il eft pris de Jitari ou flari , (autre terme du bas Grec , qui lignifie une graine ou un petit corps dur ) j parce qu'on dit qu'en mangeant 1: 'Armenijiari , on fent fous la dent quelque chofe qui réfifte. Cette dernière obfervation n'eft pas fort sûre , mais elle fuffit pour fonder une dé- nomination populaire. \J Armenijiari vivant &z fortant de la mer , eft comme inondé d'une liqueur bleue très -écla- tante , très-agréable au goût , &c un peu aroma- tique. Les Céphalonites font grand cas de ce manger j ils avalent X Armenijiari tel qu'il eft, mais le plus fouvent avec du pain, qui tempère ce haut goût de la liqueur dont l'animal eft im- prégné. On fait aufli ufage de cet infecte Marin en falade , on le frit, on en compofe une forte de padlfene , &c. Indépendamment de cette liqueur bleue , & qu'on appelleroit la bave de l'infecte, fi ce mot étoit aulîï joli que le mucus Latin , ou le muco Italien , il y a , dans X Armenijiari , une autre liqueur claire & limpide, qui occupe les guaînes de fes membranes ôc de fon aile. N'eft-ce point cette comme d'une membrane , tantôt unies dans leurs cours , & tantôt s'élargiflant en manière de cellules. Or , ces cellules font les réfervoirs que nous cher- chions , & que nous pouvons regarder encore comme autant de lobes dans lefquels l'air eft porté par le tuyau de la trachée , comme nous venons de le dire des infectes : de forte qu'il y a ici de part & d'autre une conformité d'orga- nes , & cela feul doit commencer à rendre vrai- femblable ce que nous avons entrepris de dé- montrer touchant la refpiration des plantes. Ce- pendant , comme nous avons réfolu de ne pas nous en tenir aux fimples conjectures , il eft né- celfaire de palier outre. J'ajoute donc , en fécond lieu , que l'air , qui eft contenu dans les cellules , en fort & y rentre néceirairemenr par intervalle j & voici quelques- unes des raifons qu'on a de l'aflurer. Il eft cer- tain que le corps de la plante fe refterre & fe dilate fuccefïivement : or la plante ne peut fe refTerrer & fe dilater de cette forte , fans que l'air en foit chalTé , & fans qu'il y rentre enfuite. Car ? de même qu'il entre dans nos poumons , 170 Mémoires Histoire lorfque la poitrine s'élargit , 8c qu'il en fort botanique', lorfqu'elle fe refferre , il en doit être de même •ir' iu°' ^ l'égard de la plante. Tout cela fe comprend fi facilement , par exemple , des foufflets , qu'il feroit inutile d'y rien ajouter. Pour ce qui eft de la caufe qui refferre & qui dilate le corps de la plante , elle tient à fa ftructure mécanique , qu'il feroit trop long de développer ici. 11 doit nous fuffire que la chofe arrive naturellement, c'eft- à-dire , que la plante fe dilate & fe refferre. C'eft- là l'unique caufe qui fait monter le fuc , & qui l'oblige à fe répandre dans les conduits les plus imperceptibles de la plante ; il monte dans le temps de la dilatation , & il eft forcé , par la compreflion , à fe répandre , afin de porter de tous côtés la nourriture. Il n'y a qu'une feule différence entre l'air & le fuc : c'eft que ce der- nier ne fort plus de la plante , lorfqu'une fois il y eft: entré , à caufe des valvules qui l'empêchent de defcendre : au lieu que l'air peut entrer & fortir avec la même liberté , parce que les tra- chées n'ont point de valvules , comme il s'en trouve dans les conduits du fuc , mais qu'elles font toujours ouvertes , ainfi qu'on le voit dans l'Anatomie des plantes (*). Sur quoi il eft à propos de remarquer le (*) Malp, de plant. Anatom* p. 3 \y d'une Société célèbre. 171 rapport qui fe trouve encore ici entre les ani- Hutoim ni I T^v p- / • 1 NATURELLE, maux oc les plantes. Dans J intérieur de notre BOTANIQUE> bouche, il fe préfenre deux tuyaux ; l'un qui re- G^£INE^LO" çoit les alimens , & qu'on appelle l'œfophage; l'autre qu'on nomme la trachée , & qui conduit l'air dans les poumons : on trouve de même dans la racine , qui tient lieu de bouche aux plantes ; on trouve , dis-je , dans l'intérieur de la racine deux fortes de conduits ; les uns , qui reçoivent le fuc pour fervir de nourriture , 8c qu'on nomme tuyaux ligneux ; les autres qui portent l'air dans les cellules , & qu'on appelle les trachées. \ Or , cette obfervation peut nous fournir la raifon d'un fait aflez remarquable , quoiqu'il ne foit ignoré de perfonne : c'eft que parmi les plantes il en eft qui ont befoin de beaucoup de fumier, d'autres qui demandent feulement qu'on fouïïfe de temps en temps leur terre , & cela vient de cette différence de conduits. Car on fait , par l'Anatomie des plantes {*) , que quel- ques-unes d'entr'elles ont beaucoup de trachées, & les autres beaucoup de tuyaux à fuc. Ces der_ nières ont donc befoin de beaucoup de nourri- ture, & par confc'quent de beaucoup de fumier., pour fournir , Ci l'on peut parler ainsi , à ce grand (1) lbid. pag. jz. \ji Mémoires Histoire nombre d'œfophages. Quant aux autres , qui ne botanique l f°nt prefque qu'un tifïu de trachées , il fuffit de .^NE^AL°" remuer fouvent leurs terres , afin de renouveiler lespaflages de l'air , dont une partie fe bouche à mefure que la terre s'arTaitfe. Mais je reviens maintenant aux preuves que j'avois interrompues. Nous avons déjà remarqué que les poiiïbns mêmes ont befoin du fecours de la refpiration, puifqu'ils meurent dès qu'ils ne trouvent plus d'air à refpirer , comme quand on les met dans l'eau purgée d'air : or la même chofe arrive aux plantes car, fi on tranfporte dans un vafe plein de cette eau , une plante aquatique , avec la motte attachée à fa racine , elle y meurt bientôt ; au lieu qu'elle fe conferve fans peine dans une eau ordinaire. M. Boyle a même remarqué que les autres plantes cefTent de végéter dès qu'on les arrofe avec de l'eau purgée d'air. J'avoue qu'elles ne meurent pas d'abord j parce que la terre leur fournit quelque air , qui fuffit encore pour foutenir en elle un refte de vie j mais elles tombent bientôt dans un état de langueur , tant il eft vrai que le mauvais ou le bon état des plantes, dépend de la jufte quantité d'air qu'elles refpirent. D'ailleurs , perfonne n'ignore Fextrême anti- pathie , qui eft entre l'huile & les plantes ; an- tipathie Ci grande , que la feule odeur de l'huile d'une Société célèbre*, 175 jfuffit pour en faire mourir plufieurs. De-là vient Histoj*.» > A J ' J v t_ NATURELLE, qu un Auteur , qui a donne de tres-bons pre- botanique* ceptes pour l'agriculture , a pouffé la délicateffe gî1/^1"0" jufqu'à ne pas vouloir que les Jardiniers porraf- fent même des habits huileux , pour ne pas nuire à leurs herbages ; & il affure encore qu'il fuffit pour faire mourir un grand nombre de plantes, de mettre quelques gouttes d'huile à leur racine. La raifon eft , que l'ait &z l'huile font , comme tout le monde fait , deux corps qui ne peuvent pas s'affocier , à caufe du peu de rapport des pores & des parties de l'un , avec les pores & les parties de l'autre : de-là vient que l'huile , s'étant une fois infmuée dans les trachées , en exclut l'air abfolument, & bouche tous les paf- fages de la refpiration , & c'eft pour cela qu'elle eft aufli pour les infectes un poifon très-fibtil , parce qu'elle les étouffe en paffant dans leurs tra- chées , en les privant de la refpiration ; car c'eft- là la raifon que les Phyficiens modernes don- nent de ce phénomène , c'eft même cette ré- flexion qui leur a fair conclure que la refpiration n'étoit pas moins néceffaire aux infectes qu'aux autres animaux : fur quoi il eft facile de formée ce raifonnement. Ce qui nous fait juger que les infectes ont befoin de relpirer , c'eft que la même huile , qui , fe gliffant dans leurs trachées , les empêche de refpirer , les empêche aufli de vivre j 1 74. Mémoires HiîTomior , c'eft la même chofe pour les plantes : il faut UATUR.ELLE , . . , , - . , . jotanique, donc conclure que les plantes ont beloin de rel- «i*E&î.L0" Pirer ' auffi bien (3ue les in^eâes' Ce principe une fois fuppofé, il eft facile d'en tirer l'explication d'un grand nombre de phéno- mènes, qui ont rapport à ce fujet : je n'en choifis que quelques-uns qui ont quelque chofe de plus fïngulier. On voit par-là, i°. d'où vient qu'à l'égard de certaines plantes , on affecte , fuivant la re- marque d'un habile Botanifte , de lailTer autour de la racine diverfes cavités , afin de faciliter la refpiration par l'air qui y eft contenu ? Et ce qui confirme cette penfée , c'eft que les plantes qui paroilfent avoir plus befoin de la refpiration , font précifément les mêmes à l'égard defqueiles on ufe de cette précaution j c'eft à-dire , celles qui font prefque toutes compofees de trachées. 2°. Comment certaines terres denfes & ar- gilleufes , qui font très-propres à fertilifer les au- tres , quand on s'en fert en guife de fumier , font néanmoins ftériles elles-mêmes ? Car leur ftérilité ne vient pas du défaut d'un fuc conve- nable à la nourriture des plantes , puifqu'elles font fi propres à communiquer la fertilité ; mais cela vient de ce qu'érant trop ferrées , elles ne peuvent pas donner palfage à l'air pour parvenir jufqu'aux trachées des racines. (Tune Société célèbre: ijf 3®. Pourquoi , dans cerraines contrées , on Histoim répand auffi des cendres fur les champs pour les botanique! rendre meilleurs ? Car les cendres , quoique sè- MlN^ALO~ 1 1 G1E, &C. ches & arides , font néanmoins extrêmement poreufes, & par conféquent très- propres à entre- tenir la communication de l'air avec les racines. 40. D'où vient qu'un fuc trop abondant eft: extrêmement nuifible aux plantes ; fur-tout lorf- que , ne pouvant s'échapper par aucune ouver- ture , il revient en circulant à la racine ? Car alors , en gonflant les tuyaux , il prelîe tellement les trachées , qu'il étouffe fou vent la plante : c'eft ainfi que , dans l'efquinancie , l'abondance du fang, rempliflant exceflivement les veines , fuf- foque l'animal en reflerrant l'ouverture de la trachée. 50. Pourquoi , quand on veut fauver ces plantes , on fait encore aujourd'ui le précepte de Vicruve , qui eft de faire une ouverture au pied du tronc pour faire écouler le fuc ? Car cela dé- gage les trachées & rend la refpiration aux plantes , à-peu-près comme quand ou ouvre la jugulaire dans les attaques d'efquinancie , on débarrafiè la trachée artère , & l'on fauve la vie à l'animal. 6°. D'où vient qu'il eft quelquefois très-falu- taire , pour les plantes en cailfe , de les tranf- porter de la ville à la campagne , ou de la cam- pagne à la ville ? Car , fuppofé qu'elles refpirent, \f6 Mémoires HisToiwrle changement d'air doit caufer du changemeiiC NATURELLE II /TU J À, soTANiQUE.en elles, auiii bien que dans nous \ ce qui elfc en to.L°" d'autant plus vrai , que les effets de la refpira- tion font à-peu- près les mêmes dans les plantes que dans les animaux, comme il me refte encore à faire voir. On convient aftez aujourd'hui que la refpira- tion fert à deux principales fins -y l'une eft de faire gliller quelques parties d'air dans le fang , ôc l'autte d'en faciliter la circulation , p.ir le mou- vement des organes qui nous fervent à refpirer» Or, tout cela convient aufli aux plantes. Le premier ufage de la refpiration eft donc de faire paflfer quelques parties d'air dans les lobes du poumon , dans les rameaux de la veine & de l'artère pulmonaire ; car on a découvert des ouvertutes qui établilTent cette communication. Ainfi , toutes les fois que l'air eft reçu dans les poumons, il eft nécelfaire queplufieurs parties, rencontrant ces ouvertures, aillent, fe mêler avec le fang, ce qui fert extrêmement à le perfection- ner. C'eft ce mélange qui lui donne cette couleur vermeille qu'il a en fortant des poumons , & qu'il n'avoitpas en y entrant. C'eft là aufti ce qui le rend fi coulant dans tous les vailfeaux du corps ; car on fait que rien ne contribue tant que l'air à la fluidité des corps liquides. Enfin , c'eft de-là que viennent en partie toutes les fermentations du (Tune Société célèbre: 177 du fang , à caufe du nitre & des autres fels dont Histoiri 1> • r • I ./ J r y NATURELLE ; air le trouve toujours charge, de lorte, dit un B0Tanique* Phyficien connu (*) , qu'iU'en faut bien que l'u- ^NE^LO" fage de la refpiration nous ait été accordé pour rafraîchir le fang , comme l'avoient cru les An- ciens ; elle fert bien plutôt à lui donner une douce chaleur , en le faifant fermenter par le mélange de cet air. C'eft donc ce mélange , ajoute-t-il , qui eft la principale fin de la refpi ration : or , nous devons en dire autant des plantes. Pour le comprendre , il faut remarquer que le fuc qui découle quelquefois du tronc , con- tient plus d'air que l'eau commune \ car il eft , non feulement plus écumeux , mais auffi plus léger , puifqu'il fumage l'eau , lorfqu'on le verfe doucement delTus. Or , cet air , il faut bien que le fuc le ramafle en circulant , Se il ne peut le ramalfer en circulant qu'en le recevant des cel- lules , ou bien des trachées. Les cellules & les trachées ne paroilTent pas pouvoir le fournir au- trement que par des ouvertures deftinées à cette communication j car quoiqu'on n'aie pas encore découvert ces palfages , on doit fuppofer qu'ils y font , comme on en fuppofe dans les animaux pour le mélange de plufieurs fucs , dès-là qu'on (*) M. Bayle , Profetfeur de Médecine en l'Univerfaé de Touloufe, auteur de plufieurs Traites de Phyfique. Tome III. M 178 Mémoires Histoire s'eft convaincu que ces liqueurs paiTent d'un ré- *ATURCLLE'fervoir à l'autre. BOTANIQUE , • MiNÉRALo- çet air au refte , rrèft pas inutile dans le fuc , ou 11 n entre que pour le perfectionner • car d'abord , en fe mêlant à fes parties , il en change nécessairement la fituation , & caufe par- là ce petit changement de couleur que nous remar- quons dans la sève ; il contribue enfuite à la fer- mentation dans les petits ventricules , qui fonc deftinés à cette fin , à-peu-près comme il fait fer- menter le lait lorfqu'il fe mêle à fes parties. Enfin il donne au fuc cette liquidité qui lui eft fi né- celîaire , pour porter au milieu des fibres les plus ferrées la nourriture convenable. C'eft ainfi que dans les machines hydrauliques quelques parti- cules d'air introduites à propos, font couler l'eau par des tuyaux imperceptibles , & qui, fans cela, étoient impénétrables. Le dernier ufage de la refpiration eft d'aider à la circulation du grand nombre des liqueurs , ÔC en particulier du fang dans le corps de l'animal ; car les poumons & le diaphragme fe remuant con- tinuellement , font fans celfe palier le chyle du ventricule dans les inteftins , & des inteftins dans les veines lactées , d'où il va bientôt fe mêler avec le fang pour continuer de circuler. Le feul effort que fait la poitrine en sjélargiflant , com- prime necelfairement un grand nombre de vaif- d'une Société célèbre, iyp féaux dans l'intérieur du corps , ce qui ne ferr Histoire pas peu à faire avancer le fang. Ajoutons que , botaniquij fans 1 élévation des lobes , il ne fauroit paffer Minéralo- / ' GIF. , dans les rameaux de la veine Se de l'artère pul- monaire} ni par conféquenr aller d'un ventri- cule du cœur à l'autre , fans quoi tout fon mou- vement celferoit dans l'inftant. II en feroit de même de la sève , fi le rétréciflement des cellules ne lui donnoit paffage pour continuer fon cours: leur dilatation fert enfuite à la pouffer fans celle en comprimant les tuyaux conrigus pour conti- nuer de la faire mouvoir. Bien plus , de même que le fang, par la manière dont il eft forcé de circuler , fe gli(Te dans plufieurs glandes , où il fe fait une féparation de diverfes liqueurs né^ celfaires à l'animal , & entr'autres d'un liquide très-fubtil.qui caufe tous les mouvemens du corps , & en particulier celui de la refpiration • de même auffi le fuc , en circulant , palfe nécelfairement par divers nœuds, où il fe filtre plufieurs liqueurs qui fervent à la préparation du fuc , & entr'au- tres un liquide plus fubtil , qui , coulant vers les cellules , y produit une efpèce de mouvement mufculaire , qui , joint à d'autres caufes exté- rieures , que nous n'indiquerons pas ici , forme tout le reflort de la refpiration des plantes. M i Mémoires Histoire katur.ei.le , «otanique , mikekalo- ARTICLE VII. «n , Sec RÉFLEXIONS fur une Brume de cendres j tombée fur un vaiffeau allant à la Martinique le j Mars ijiS ; adreffées à Monfeigneur le Comte de Toulouje Amiral de France ; par le P. Laval j Jef. M onseigneur , le VaifTeau le Saint Jean- Baptifte, parti de Marfeille pour la Martinique, étant par le quatorzième degré vingt-neuf mi- nutes de latitude Nord , & par trois cents dix degrés de longitude , dans le premier quart de la nuit du 6 au 7 Mars 17 1 8 , à deux heures du matin , ayant le vent à l'Eft afifez frais pour faire deux lieues par heure , & portant le Cap à l'Oueft, qui étoit fa route , fe trouva dans une Brume fort épaiffe , de manière qu'au jour on ne voyoit pas loin deux fois la longueur du Navire. Cette Brume dura jufqu'à deux heures après midi du 7 Mars : elle n'étoit point compofee d'un brouil- lard humide , comme les Brumes ordinaires à la mer • mais c'étoit une pouflière très -fine de couleur de cendres j il en tomba fur le Pont de la hauteur de trois travers de doigt ; les vergues & les manœuvres en furent couvertes, (Tune Société célèbre. 181 de même qu'elles font couvertes de fel après Histstrs une grande tempère. botanique , Lorfque le Navire fut arrivé à la Martini- MINE^AL0-, 1 GIE > &<• que , les gens de l'équipage ayant raconté ce qui leur étoit arrivé , on leur dit que ce jour là il y avoit eu un grand ouragan • ils appri- rent dans la fuite , par des gens arrivés de l'Ifle de Saint Vincent , que la même nuit du fep- tième Mars , on y avoit fenti un grand trem- blement de terre accompagné d'un ouragan fu- rieux, & qu'un gros Morne, le plus à l'Oueft de Tille de Saint Vincent , s'étoit enfoncé tour d'un coup dans la terre , & avoir difparu. Voilà, Monfeigneur , le fait en peu de mots, tel qu'il m'a été raconté par un Pilote de ce Navire , fur lequel , à fon rerour de la Marti- nique , a pafTé un habiranr de l'Ifle de Saint Vincent, revenu à laCiotat, fa Patrie : aimfi le Pilote & lui , ont eu le loifir de parler de cet événement pendant la traverfée j il doit s'en fouvenir , puifqu'il y a perdu fes champs & prefque toute fon habitation. La latitude de la Martinique , fans avoir égard aux fécondes , ce qui n'eft point néceflaire ici , eft de quatorze degrés quaranre-trois mi- nutes Nord \ fa longitude , établiflant le pre- mier méridien à l'Ifle de Fer , eft de trois cent* feize degrés quarante - une minute. Mais le M 3 'i§2 Mémoires Histoire VailTeau le Saint Jean-Baptifte étoit par les trois NATURELLE , f . . , . . . * « " _ . botanique, cents dix degrés , il etoit donc a I Eft de la Mar- MINÉRALO- • • 1 r 1 ' eu, &c. unique de iix degrés quarante-une minutes qui valent , en prenant un milieu entre les pa- rallèles de la Martinique & du VailTeau , trois cents quatre-vingt-huit milles dont le Vailfeau étoit encore éloigné de la Martinique. La lati- tude de Saint Vincent , félon les meilleures Cartes „ eft de treize degrés cinq minutes Nord, de forte qu'elle eft plus Sud que £la Martinique d'un degré trente - huit minutes \ fa longituuc eft de trois cents feize degrés vingt minutes , de forte qu'elle eft plus Eft que la Martinique de vingt - une minutes \ mais le Navire étoit par les quatorze degrés vingt-neuf minutes j il étoit donc plus Sud que la Aiartinique de qua- torze minutes , & plus Nord que Saint Vincent d'un degré vingt-quatre minutes. De ces mefures , il réfulre que le Vaifleau étoit au moins éloigné de rifle de Saint Vincent de trois cents quatre-vingt dix milles , &c qu'elle lui reftoir à l'Oueft1 Sud-Oueft; pour ce qui eft de la Martinique , elle lui reftoit à l'Oueft deux degrés vers le Nord : une plus grande précifion n'eft pas ici néceflaire ; un vent qui a eu la force de poulTer de la cendre ou pouflière à trois cents quatre - vingt - dix milles , peut bien la pouffer un, ou deux milles de plus. d'une Société célèbre. 183 Cette cendre , dont j'ai l'honneur de vous Hïsïôiki envoyer , Monfeigneur , ne peut être venue **™*^"E^ que de l'Ifle de Saint Vincent. Ce n'eft point minéralo. 1 GIE , &C. de la terre, ou du fable; outre qu'il e(t aile de le reconnoître au microfcope , le volume de chaque grain auroit été trop pefanr pour être porté fi loin fans tomber. Il y a plus , ( & c'eft une circonftance décifive que j'ai oubliée dans l'expofé du fait ) l'équipage du Navire vit trois grands éclairs fort rouges , qui s'élevèrent bien âu-deiTus de l'horizon de la Mer à l'Oueft du Navire \ il entendit aufii trois tonnerres fort loin. Il paroît donc clair, i°. que ces éclairs font les mêmes feux fouterreins qui causèrent le tremblement de terre , & qui fortirent par les fentes qu'ils firent à la terre. 20. Il paroît encore évident que le vent vio- lent , caufé par l'extrême raréfaction de l'air qui étoit renfermé dans les vaftes grottes fou- terraines qui font fous cette Me , remplies de matières fulphureufes & nitreufes , en fit fortir aufii , par les mêmes ouvertures que le feu s'étoit faites , une prodigieufe quantité de cendre très-fine , qui le devint encore davantage par le frottement des parties dont elle étoit compofée , caufé par la violente agitation du vent. 30. Que ce feu, compofé de foufre & de M 4 1S4. Mémoires Histoire nitre , ayant extrêmement agité l'air , & prefle NATURELLE , 1 J ' 1 rr 1 r botanique,011 bande Je rellort de les parties, augmenta &c.L°" considérablement le vent d'Oueft , qui fouffloit déjà, enforte qu'il devint très-violent , & chalTa vers l'Eft la prodigieufe quantité de cendres forties de ces grottes fouterraines j cendres qui auroient peut-être étouffé les habitans de l'Iile , Ci le vent eût été médiocre \ mais il n'étoit pas poffible qu'il le fût , eu égard aux caufes qui le produiloient. Comme ce vent étoit furieux , il a pouffé à l'Eft de l'Ifle ces cendres bien au loin y par fa violence il en a atténué les parties , qui ont frotté les unes contre les autres , & il ne leur a pas donné le temps de tomber. Elles ont donc fait bien du chemin en très-peu de temps ; c'eft-à-dire , cent trente lieues pour le moins. On n'en fera pas furpris , fi on penfe que le vent furieux de Nord, qui fit tant de ravage en France le 6 Janvier 1709 , commença fur les trois heures du foir à Befançon , & par- vint à Marfeille fur les fix heures du même foir ; c'eft-à-dire, qu'en trois heures il parcourut cent dix-huit lieues de pays. Ces cendres pouflees par le vent violent d'Oueft , ont rencontré , à cent trente lieues , le vent d'Eft qui les a arrêtées. Mais le vent d'Oueft foufflant toujours de fon côté a obligé ces cen- dres de s'élever depuis la furface de la Mer à d'une Société célèbre; 185" une grande hauteur , fans leur donner le loifir Histoire de tomber. Enfin ce vent ayant celTé, parce que botanique* les caufes qui l'avoient produit , & fur-tout le- mineralo- . . . , . GlE , &C. reiTort de l'air , avoient celfé , le vent d'Eft qui conduifoit le VaiiTeau à route , mais moins violent que le ventd'Oueft, avoit repoulTé ces cendres vers l'Oueft qui étoit la route du Vaif- feau ; leur poids , qui n'étoit plus foutenu par un vent aifez violent , les a donc déterminées à tomber ; mais comme ce banc de cendres étoit d'une grande hauteur & longueur , elles ont em- ployé douze heures de temps avant que d'être entiéremenr précipitées dans la mer par leur poids , foit à raifon de la longueur du banc , foit auffi parce que le vent d'Eft les chalfoit len- tement de l'avant du VaiiTeau ; de forte que , quoiqu'il fît deux lieues par heure , il courue douze heures dans cette Brume de cendres , Se vingt-quatre lieues. On ne doit pas être furpris qu'il foit tombé trois travers de doigts de cette cendre fur le pont du vaifleau , & que les ver- gues & les manœuvres en fuîTent couvertes , puifqu'elle s'attachoit facilement au goudron. Pour ce qui eft du Morne ou Cap de l'Oueft de rifle de Saint Vincent , il trouva aifémene place fous la voûte , qui le foutenoit au-deflus de ces vaftes grottes fouterreines. Toute l'Ifle en auroit fans doute trouvé , fi la voûte n'eût 1 86" Mémoires Histoire tenu bon dans fa plus grande partie ; mais cette trique ' v°ûte ayantcrevé feulement au-deffous du Morne, vxtAAio.- c'^toit une néceflîté qu'il tombât dans les cavi- : , &c. J tés profondes qu'elle couvroit. En tombant , il aida à faire fortir, par fon poids & par fon mou- vement , une plus grandequantité de ces cendres, provenant de la cakination des roches , que le volcan fouterrein avoir peu-à-peu confumées au-delfbus du Morne. Il n'efl: pas furprenant que les gens du vaif- feau ayent vu ces éclairs de plus de cent lieues j on fait avec combien de vîtefTe la lumière fç propage. La fphéricité de la terre ne put empê- cher de la voir ; parce que cette flamme , bien nourrie de bitume ,de nitre & de foufre, s'éleva fort haut : il eft plus furprenant qu'ils aient pu entendre les coups de cette efpèce de tonnerre- Mais Ci l'on penfe en quel état violent furent mis les relTorts de l'air voifin , on verra bien qu'il a mis fuccelîîvement les parties de l'air en grand relTbrt , cV que cet air courant fur la fur- face de la mer , & n'étant point arrêté par des montagnes , le bruit a pu aller jufqu'au vaifleau; fur-tout l'air étant pouffé violemment vers l'Eft, par le vent d'Oueft , qui fouffloit avec tant de force. Il n'y a rien en tout cela qui n'arrive afTez fouvent & fans prodige. On entend le canon de d'une Société célèbre. 187 vingt à trente lieues \ & quel retfort peuvent Histoire {• • " j |». . . . NATURELLE , cauler aux parties de 1 air vingt ou trente pièces BOTANiQUI, de canon , ôc plus Ci on veut , qui ne tirent pas "™EfcçLO" toutes dans le même inftant , & qui font dans un air libre , comparé au reflort produit dans l'air de ces voûtes par l'inflammation fubite de tant de matières nitreufes & fulphureufes , dont la détonnation eifc aiïez piaffante pour renverfer un poids auffi énorme que Fefl: un gros Morne? De-pareils évènemens nous font connoître la puiflance du Créateur. Il a voulu que toute matière portât dans Ton fein le principe de fa deftruéHon , parce qu'il n'a pas voulu qu'une telle combinai- fon de la matière durât éternellement : & quand nous ne faurions pas par la Foi , que la terre doit périr par le feu , ces fréquens volcans qui fe font jour 11 fouvent , même par le fommet des plus hautes montagnes , nous en convain- croient aflez. Les torrens defoufre & de bitume enflammés qu'ils répandent, la quantité de cen- dres qu'ils vomiflent , nous font aflTez connoître combien font abondans les magafins qui leur fourniiTent des alimens, combien efl: grande leur activité , qui confume & réduit en cendres des matières aufli dures que le font les rochers qui leur fervent de prifon , & quels font les efforts qu'ils font pour fortir de ces prifons , 6c fe ré- pandre à leur aife fur la furface de la terre. 1 88 Mémoires Histoire L'eau de la Mer n'eft pas capable de modérer IIATURILLE , . . . , ïotanique, leur activité : on en a une preuve cerraine par ce MINÉRAL©- •! 1 / \ 1 cie,&c. C1Q1 arrlva il y a quelques années a ce volcan, qui forma un Iflot près de San ter in , dans un lieu où il y avoit douze bralfes d'eau. Combien dût-il entrer d'eau par les trous paroùfortit le feu fouterrein ? Elle n'empêcha pourtant pas ce feu de pouffer le rerrein, de l'élever toujours davantage, 6c de vomir de lourdes malTes de pierre ponce qui ont formé cet Mot , comme l'ifle de'Santo- rin fur elle-même formée autrefois. J'ai regardé au grand foleil 6c avec un bon microfcope , cette cendre ; elle m'a paru de toute forte de figures irrégulières ; mais tous les grains étoient fort poreux ; quelques-uns avoient des parties fort luifantes , foit qu'elles n'aient pas été calcinées , ou qu'elles aient été vi- trifiées par le feu j mais les pores de cette cendre n'étoient point fi évafés que le font ceux du tabac d'Efpagne , qui paroilfoit comme une éponge dans ce microfcope rempli de pores profonds 5 évafés par leurs orifices , 6c affez droits. • d'une Société célèbre. 189 NATURELLE, BOTANIQUE, ARTICLE VIII. mis éb. alo- MÉMOIRE fur l'arbre & le fruit du Café (*). JL/arbre qui produit le Café s'élève depuis fix jufqu'à douze pieds de hauteur : la groffeur eft de dix , douze & jufqu^i quinze pouces de circonférence : quand il a atteint fon état de perfection , il relTemble fort , pour la figure , à un de nos pommiers de huit ou dix années : les branches inférieures fe courbent ordinairement quand cet arbre eft un peu âgé , 8c en même temps elles s'étendent en rond , formant une manière de parafol. Le bois en eft fort tendre , & fi pliant , que le bout de fa plus longue bran- che peut être amené jufqu'à deux ou trois pieds de terre. L'écorce de l'arbre du Café eft blan- châtre & un peu raboteufe : fa feuille approche fort de celle du citronnier , quoiqu'elle ne foit pas tout-à-fait fi pointue , ni fi épailTe : la cou- leur en eft aufti d'un verd un peu plus foncé. L'arbre du Café eft toujours verd , & ne fe dé- (*) Ce Mémoire eft de l'année 1716 , temps où l'on nétoit encore qu'imparfaitement inftruit fur l'arbre & le fruit du Café. ipo Mémoires Histoire pouille jamais de toutes fes feuilles à la fois j ïoxakiqof. , elles lont rangées des deux cotes des rameaux, i^to" à une médiocre diftance , & prefque à l'oppoûte l'une de l'autre. Au refte , rien n'eft plus fîngulier en ce genre que fes productions j car prefque dans toutes les faifons de l'année , on voit un même arbre porter des fleurs & des fruits , dont les uns font encore verds , & les autres mûrs , ou près de leur maturité. Ses fleurs font blanches Se reiTem- blent beaucoup à celles du jafmin , ayant de même cinq petites feuilles alfez courtes ; l'odeur en eft agréable, & a quelque chofe de balfami- que, quoique le goût en foit amer : elles naif- fent dans la jonction des queues des feuilles avec les branches. Quand la fleur eft tombée , il refte en fa place , ou plutôt il naît de chaque fleur un petit fruit fort verd d'abord , mais qui devient rouge en mûriflant , & qui eft fait à-peu-près comme une grolfe cerife. Il eft fort bon à man- ger , nourrit & rafraîchit beaucoup. Sous la chair de cette cerife , on trouve au lieu de noyau la fève , ou la graine que nous appelions Café , enveloppée d'une pellicule fort fine. Cette fève eft alors extrêmement tendre, & fon goût eft alfez défagréable ; mais à mefure que cette cerife mû- rit , la fève qui eft dedans acquiert peu-à peu de d'une. Société célèbre, 1^1 la dureté \ & enfin le foleil ayant tout-à- fait Histoirb defleché ce fruit rouge , fa chair que l'on man- bot1niFqui^ geoit auparavant devient une baye , ou goufle,-*™ de couleur fort brune, qui fait la première écorce ou l'écorce extérieure du Café, & la fève eft alors folide & d'un verd fort clair : elle naee dans une efpèce de liqueur épailîe , de couleur brune & extrêmement amère. La gonfle qui eft attachée a l'arbre par une petite queue fort courte , eft un peu plus grofle qu'une graine de laurier , & cha- que goutte ne contient qu'une feule fève , la- quelle fe divife ordinairement en deux moitiés. Cette fève eft entourée immédiatement , comme nous l'avons dit , d'une pellicule fort fine , qui en eft comme la féconde écorce , ou l'écorce intérieure. Les Arabes font beaucoup de cas de l'une Se de l'autre , pour compofer ce qu'ils appellent leur Café à la Sultane , dont il fera parlé dans la fuite. Les arbres de Café viennent de femailie , ôc non pas de hergne ou de bouture , comme quelques-uns l'ont dit : on sème les goulTes , c'eft-à-dire , le fruit entier ôc dans fa parfaite maturité , dont on élève enfuite les plans en pé- pinière , pour les replanter où l'on veut. Le pied des montagnes & les petites collines, dans les cantons les plus ombragés & les plus humides , font les lieux deftinés aux plantations i_02 Mémoires Histoire des Cafés. Leur plus grande culture confille 5 botanique' détourner les eaux de fource & les petits ruif- féaux qui font dans les montagnes , & à con- duire ces eaux par petites rigoles , jufqu'autour du pied des arbres ; car il faut nécelfairement qu'ils foient arrôfés Se bien humectés , pour fructifier & conduire leur fruit à maturité. C'eft pour cela qu'en replantant le Café , les Arabes font une foife de trois pieds de large Se Se de cinq pieds de profondeur , laquelle ils revêtilfent de cailloux , afin que l'eau ait plus de facilité d'entrer bien avant dans la terre , dont cette foife eft remplie , Se y entretienne la fraî- cheur convenable : cependant quand ils voient fur l'arbre beaucoup de Café mur , ils détour- nent l'eau de fon pied , afin que le fruit sèche un peu fur fes branches , ce que la trop grande humidité pourroit empêcher. Une fingularité à l'égard des arbres de Café , dont il eft sûr que perfonne n'a encore parlé , c'eft que dans les lieux expofés au Midi , ou qui font trop découverts, ces arbres fe trouvent plan- tés fous d'autres grands arbres qu'on dit être une efpèce de peupliers , lefquels leur fervent d'abri Se les mettent à couvert de l'ardeur exceffive du foleil. On tient que fans cet ombrage , qui en- tretient la fraîcheur , la fleur de Café feroit bientôt brûlée , Se ne produiroit jamais aucun fruit , d'une Société célèbre. x gie , o^c. mais cette defcription , où la plante en queftion eft comparée au mirthe , eft fi différente de l'arbre du Café , qu'on voit dans l'Arabie , qu'il faut qu'il y aiteulà defTùs quelque méprife. D'ailleurs , les meilleures relations que nous avons de l'E- thiopie , dont la plus eftimée eft celle du Père Tellez , Jéfuite Portugais , & l'Hiftoire même d'Ethiopie par M. Ludolfe, ficurieufe& fiexa&e, ne parlent en aucune manière du Café. Quoi qu'il en foit , depuis que le Café eft pafifé de l'Afie dans toute l'Europe , on n'a pas manqué d'en multiplier l'efpèce , ce qu'on con-1 tinue de faire tous les jours , à mefure qu'on voit augmenter la confommation & les profits ; en forte qu'il y a à préfent des Cafés dans beau- coup de montagnes & dans d'autres lieux de l'Yémen qui n'en avoient jamais porté. C'eft une prévention prefque générale en Eu- rope , mais dont les gens éclairés reviennent tous les jours , que les Arabes, jaloux d'un bien qui ne vient que parmi eux , ne laifTent fortir de leur pays aucune fève de Café qui n'ait palTé par le feu , ou par l'eau bouillante , pour en faire , dit-on , mourir le germe ; afin que , fi on s'avifoit d'en femer ailleurs , ce fût inutilement. N fj ïp8 Mémoires Histoire Jean Ray , Docteur Anglois , l'un des plus botaniq" ' fameux Botaniftes de fon temps , a donné MIN ÉE.AI CIE, &C. eraio- comme les autres dans cette erreur ; car , après avoir parlé des vertus du Café , il dit fort férieu- fement , que le Café ne croifjant que dans Û A- rabie Heureufe j il s'étonne qu'un Ji petit coin en puijje tant fournir ; & que ceux qui font maîtres d'un fruit Ji recherché aient Ji bien Ju empêcher qu'on n'en ait pu avoir ailleurs un Jeul grain , capable de germer 3 & quon ne diminuât par là leur profit &c. Erreur qui ne peut plus fe fou- tenir après le témoignage des voyageurs , Se par le retour de nos vaiiTeaux , qui ont rapporté plu- fieurs facs de Café en fon entier, c'eft-à-dire , avec fa pouffe Se fa double écorce , fans avoir fpuffert cette prétendue altération. On fait d'ailleurs que les Hollandois , donc la fagacité & le génie pour le commerce font Ci connus , ont porté du Café de l'Arabie à Bata- via ; qu'ils l'ont femé , replanté , & heureufe- ment élevé aux environs de cette fameufe ville, mais fans beaucoup de fuccès , puifqu'ils conti- nuent d'envoyer de Batavia même , des vaifleaux dans la mer rouge, & leur argent aux Arabes pour le commerce du Café. On dit que la trop grande chaleur de ce climat fait avorter prefque tout le fruit des arbres de Café , qui , comme nous avons vu , ont befoin d'une chaleur modérée , d'une. Société célèbre. 15^ de beaucoup d'ombrage & de fraîcheur. Les An- Histoirç glois ont encore planté des CafésàMadrafpatan , botanique' qui ont beaucoup moins réuflî que ceux de Ba- c^EINE&çLO" tavia , & qui font à prefent abandonnés. On en a femé dans le jardin des plantes de la ville d'Amfterdam , & on y eft enfin par- venu à élever des plants de Café, dont quelques- uns ont déjà porté du fruit à l'âge d'environ trois ans j il y a même actuellement un de ces plus jeunes plants dans le Jardin du Roi à Paris ; enfin , Meilleurs les Magiftrats d'Amfterdam ont envoyé au Roi un arbre de Café déjà tout élevé, chargé de fon fruit ; ce qui achève de prouver que les Arabes n'emploient aucun moyen pour s'alTurer l'arbre & le fruit du Café , & qu'il n'eft pas impoffible d'avoir enfin cet arbre dans quel- ques jardins de l'Europe : je dis dans quelques jardins ; car fi les arbres de Café y ont quelque durée , ils paieront toujours parmi nous pour des plantes rares & curieufes , pour lefquelles l'art a en quelque manière forcé la nature ; & il eft à croire qu'ils ne tireront jamais à confé- quence pour la multiplication du Café, dans des climats fi différens de celui que la Providence 2 deftiné à la production de cette plante. N * \ t 200 Mémoires naturelle* L' usage du Café ejl-il falut aire aux Gens dé botanique', Lenres ? Extraït d>une Thue de Médecine. MI.NER.ALO"» J CIE , &C. M. Juffieu , Auteur de cette Thèfe , décide la queftion , en confeillant aux Gens de Lettres l'ufage du Café. Il peint avec de vives couleurs le malheur des perfonnes ftudieufes , expofées , par leur vie fédentaire , par une application opi- niâtre , par des veilles fréquentes, à une légion de maladies. L'épuifement où les jette la diffi- pation des efprits animaux en eft la caufe la plus ordinaire ; la perte de cette précieufe liqueur les détruit. Ce principe de vie , extrait du plus pur fang , fubtilifé dans le cerveau jufqu'à mériter en quelque façon le nom d'efprits , fe répand par les nerfs dans route notre machine ; inftru- ment.de l'ame , il anime le corps , il eft le lien de leur union j elle dépend de fa confervation , Se s'altère à mefure qu'il s'évapore trop : de cette trop grande évaporation des efprits vient la dé" bilité de l'eftomac , des rapports aigres , d'im- portunes naufées , des vomilfemens , des coli- ques j un chyle imparfait infecte le fang , gâte la lymphe , les fecrétions fe font avec peine ; la maigreur , la pâleur fuivent , les liqueurs & fur- tout le fang plus vifqueux coulent plus lente- ment , s'embarralTent , font des dépôts , la bile s'échauffe , s'aigrit , s'épaiffit : de-là les vapeurs d'une Société célèbre: 201 mélancoliques , l'abattement, la langueur j on Histo!?.5 , . . NATURELLE > sèche , on pent j h 1 on ne meurt pas , on vit botanique, dans les douleurs de la goutte , de la néphré- r^E,*E£*L0" tique , de la pierre , de l'hydropifie , de l'afthme , des hémorroïdes , triftes fruits d'un travail aflidu. Malheureux certainement , fans être dignes qu'on les plaigne, les Gens de Lettres qui fe livrent à ces dangers par vanité, par jaloufie , par des vues mercenaires , par une folle curiofité ; plus mal- heureux & plus méprifables ceux à qui des étu- des & des ouvrages frivoles coûtent fi cher ! M. Juffieu examine quel fecours la Médecine peut leur fournir contre la diflipation des ef- prits , effet nécelfaire & funefte des études , & l'épaifliilement des liqueurs qui en eft la fuite. Le vin , l'eau-de-vie enflammeront des matières déjà difpofées à l'inflammation par le defféche- ment des fucs \ l'eau dilayera les alimens ; mais feule elle ne peut rétablir la digeftion , ni réparer la perte des efprits ; joignez-y le thé , vous provoquerez la fueur & l'urine \ ce n'eft pas affez faire : prenez du chocolat , vous courez rifque d'augmenter le mal \ l'huile épaiîTe dont abonde le cacao , qui fait le fond du chocolat, eft difficile à digérer , & caufe à quelques per- fonnes des coliques d'eftomac & des fufTocations de cœur , il augmente la douleur des hémorroï- des , il embarrafle les vifcères. 202 Mémoires R«T©iRE Le Café vient heureufement pour tenir la place «otaniqwe, de ces boulons, il les remplace avantageulementj wistRALo- félon M. Julfieu , il remédie à tous les mauvais OIE, &C. ' effets des travaux de l'efprit par fes principes hui- leux , filins , volatils , que la torréfaction déve- loppe fans les diflîper , à caufe que la fubftance compacte du Café en efl: plus pénétrée , les re- tient mieux , & réfifte plus au feu que la plu- part des plantes ; il ne les perd que quand on le garde trop long- temps , après l'avoir réduit en pouflière. L'eftomac fent le premier la force falutaire de cette boilTon , elle le rend plus propre à digérer j elle donne au fang un mouvement plus aifé, fans le trop divifer ; elle facilite les fecrétions , & fourniffant au cerveau un nouveau fond d'efprits, elle foutient le corps dans les fortes applications & les longues veilles. M. Juflîeu ne diffimule pas que fon fentiment fut le Café a des adverfaires , qui croient donner âlTez au Café s'ils àifent qu'il ne fait ni bien ni mal , qui rient quand on veut le propofer comme un remède , qui ne le permettent aux Gens d'étude que comme un amufement propre à interrompre leur travail , qui alfurent que fes bonnes ou mauvaifes qualités dépendent de l'i- magination de celui qui le boit j que s'il en avoit quelqu'une , l'habitude d'en prendre la rendroic (Pune Société célèbre. 203 inutile. D'autres cenfeurs plus rigides du Café , Histoirb „ r j rr ! J' naturelle, 1 acculent de relierrer le ventre , d amaigrir , BOTAN1QUE, de jeter dans' des infomnies habituelles , & de M™AL°- caufer la difTenterie: ce font, répond M. Juffieu, des fuites, non de l'ufage , mais de l'abus du Café. Ce remède , comme tous les autres , exige des précautions. Les perfonnes graiTes, plus phleg- matiques que bilieufes , qu'une étude aifée ne defsèche pas, & que le repos du cabinet engrai(Te encore d'avantage , n'ont rien à craindre de l'u- fage fréquent du Café j elles peuvent le prendre fort & en prendre beaucoup ; les perfonnes mai- gres, sèches, d'un fang aigre, d'une bile prompte à s'enflammer , le doivent prendre foible , & dans du lait de vache ou d'amande ; manger un mor- ceau de pain , ou bohre un verre d'eau avant que de le prendre. Au refte , on peut le prendre à toute heure : le matin , il éveille l'efprit j après dîner , il ferc a la digeftion ; le foir , ildélaiTe de l'application de la journée , & rend capable d'une nouvelle ap- plication pendant la nuit. f. 1 204- Mémoires Histoire katur.el1e , SOïAKIQUF. , ilISÉRALO- ««, &c ARTICLE IX. Nouvelles Obfervatïons fur les Eaux de Bourbon-V Archambault 3 adreffées au P. Tour- nemine • par le P. Aubert 3 Jéf. Jj ' e vous avois promis , M. R. P. , quelques obfervations fur les Eaux de Bourbon : je m'ac- quitte aujourd'hui de ma parole. LesPhilofophes ne doivent pas voyager comme les autres hom- mes j ils doivent aux feiences le tribut de leurs voyages, c'eft à-dire, quelques nouvelles remar- ques , fur ce que la nature , ou l'art des hommes offrent à leur curiofité j & je vais payer ce tribut d'autant plus volontiers , que je fuis redevable aux Eaux de Bourbon d'une partie de ma fanté. Lorfque je partis pour les Eaux de Bourbon , j'avois depuis quatre mois étudié la nature de ces Eaux , & celles des autres Eaux minérales qui ont le plus de réputation. J'avois lu , pour en connoître l'analyfe ôc les propriétés , ce qu'en ont écrit les meilleurs Auteurs anciens & mo- dernes , & fur-tout les excellentes Obfervations qu'on trouve en difFérens endroits des Mémoires de l'Académie des Sciences , & le Traité qu'en a fait M. Pafcal , Médecin. aune Société célèbre', 205* L'évaporation qu'on fait des Eaux de Bourbon Histoire au feu de fable , 11e Jaiiïe au fond du yafe que botanique' quelques grains d'un fel fixe , mêlé d'un peu de M,jHEL**— terre blanche & légère j mais ce fel n'eft pas l'unique principe des vertus admirables de ces Eaux , ni le feul agent qui produit dans le corps humain tant de furprenans effets. La preuve en eft , que ce fel , mêlé à de l'eau commune , pique feulement un peu la langue , & borne-la toute fon opération. Il faut donc que l'autre principe , qui eft comme l'âme de cette eau , qui la rend fi animée , fi pénétrante 3 fi expan- five , foit une crème de foufre , une fleur de bitume épurée , une quinteflence de baume ex- trêmement exaltée , qui , cachée dans les pores de ce fel alkali , caufe , en fermentant avec lui , cette chaleur & ces ébullitions qu'on remar- que dans les puits de ces Eaux , & opère dans le Corps ces guérifons furprenantes Mais ce foufre a échappé jufqu'à préfent aux opérations les plus ingénieufes & les plus déli- cates de la Chymie ; quelques-uns même nient fon exiftence : on ne la conclut que par les effets ; n'eft- ce pas allez ? Non , & j'ai voulu tenter , fi , en examinant la nature du lieu , les rochers d'où fortent ces Eaux fi falutaires , je pourrois y découvrir des traces de ce foufre, fans lequel cette fource n'auroit point d'autrç '20 6 Mémoires Histoire gloire , que celle de fournir par heure cent NATURELLE , . . . . sotanique, muids environ d une eau piquante. 6ie, &c. Comme le rocher dou cette eau s eleve en bouillonnant , efl: fept pieds au-defTus de la fur- face de l'eau des puits-, & couvert aux environs d'une plus grande hauteur de terre , pavée de grands carreaux , il ne me parut pas accelîible. Je cherchai donc des morceaux de rochers , tirés des fondemens des maifons voifines, &, parmi d'anciens débris tranfportés hors de la ville , lors- qu'on tailla le rocher de la fource , & qu'on donna aux puits la forme qu'ils ont : j'y cher- chai de quoi fatisfaire ma curiofité. Je trouvai des morceaux d'un roc dur, fier , caffant , com- pofé de lames pofées & preflees les unes contre les autres, «Se tranfparent comme du talc ; mais d'un verd d'émeraude extrêmement vif, & agréa- ble à la vue. Je choquai quelques-uns de ces fragmens les uns contre les autres, je n'en pus faire fortir de feu , non pas même en les cho- quant avec un morceau d'acier ; mais de leur choc naifloit une petite odeur de foufre fine , & qui s'évanouilfoit aufii-tôt. Je conclus que , dans le choc , le frottement violent des deux corps brifoit les liens qui tenoient les parties délicates du foufre comme emprifonnées Se en- chaînées, par les coagulations qui avoient formé le rocher j iames defquels elle eft obligée de fe filtrer ; elle BOTANIQUE , * O 7 miner ald- en détache de petites parties qu'elle détrempe, oc emporte les loutres qui y etoient engages. Alors ces fourres , délivrés de leurs priions , pénètrent les fels poreux, s'engagent dans leurs pores, 8c s'y agitent avec violence , comme il ar- rive dans toutes les fermentations : c'eft dans cet état d'effervefeence que les eaux s'élancent dans les puits 8c paroiflent à nos yeux ; la déli- catelfe des foufres 8c la pureté de leurs fels ne font point capables de troubler leur limpidité. Mais comme les foufres ne fe joignent pas aux fels par des alliages bien relTerrés , ils fe dégagent bientôt de leurs pores , 8c s'évaporent avec une extrême vîterTe au travers de l'air ; ils s'élèvent même avec tant de violence, à caufe de la quantité de leur mouvement comparé à leur malfe , qu'ils élèvent les fels avec eux jufqu'à une certaine hauteur : c'eft pour cela qu'après une évaporation faite au foleil , on trouve bien des parties de fel attachées aux côtés des vafes où elle s eft faite. Il eft vrai que , pour foutenir cette explication , il faut admettre de continuel- les fublimations de fels de de foufres , pour fournir à des diflblutions fi confiantes ; mais cela ne doit point embarraiîer un Phyficien, qui fait dans combien d'endroits de la terre des flammes (Pune Société célèbre. 2. 1 1 épouvantables s'entretiennent d'un fourre, qui Histoim femble renaître pour les nourrir depuis plufieurs botanique* fiècles y outre que , quelque fyftéme qu'on em-,."111^*10" brafle, il faut toujours trouver des mines inta- rilïables de feJ. & de foufre pour fournir aux Eaux de Bourbon. La nature , comme la Chymie , a fes fourneaux & fes laboratoires fouterreins ; c'eft-là qu'elle fabrique l'or & les métaux, & qu'elle prépare , pour les plantes qui croiiTent fur la rerre Ôc pour les Eaux minérales , les fels , les foufres, le nitre , le vitriol. J'avoue que, dans ce fyftême , le fel des Eaux de Bourbon eft alkali , contre le fentiment de M. Pafcal j mais , en vérité , les raifons que çrt habile homme apporte pour prouver le con- traire ne font point convainquantes \ &c dès-lors que le fel des Eaux de Bourbon fermente avec les acides , après une évaporation de ces Eaux faite par le feu , on doit conclure que ce fel eft alkali ; que fi , lorfque l'évaporanon s'eft faite par les rayons du foleil , le fel qui refte ne fer- mente point avec des acides , cela vient de ce que le foleil n'a pas affez puilTamment dégagé ce fel de plufieurs parties d'eau & de terre , qui bouchent fes pores & en défendent l'accès aux acides. De ce que je viens de dire , on peut tirer beau- coup de conféquenees que l'expérience juftifie. O z '212 Mémoires Histoire naturelle , "« V£IQUE ' Que ces Eaux tranfportées 8c refroidies de- MINER.ALO- V- r «ii, &c. meurent rampantes ôc fans action , parce que leur principal agent , qui eft le foufre , s'eft évaporé. On peut dire la même* chofe des Eaux de Vichy , puifque leur analyfe eft femblable à celle des Eaux de Bourbon , à quelques grains de fel près. Ainfi , je ne vois pas pourquoi on les rranfporte quelquefois à Bourbon , où on les boit , après les avoir fait réchauffer dans les puits. Je crois néanmoins que la boue des Eaux de Bourbon peut être tranfportée , les foufres y étant plus groflîers ôc plus embarraftés. I I. Que plus on boit ces Eaux près de la fource , plus leur force eft grande , & leur activité fen- fible. Ainfi , il feroit plus à propos , fur -tout dans un beau temps , de les boire fur les puits mêmes , que de fe les faire apporter dans fa chambre , comme font pourtant la plupart des honnêtes gens. I I I. Que l'ufage des ces Eaux eft particulièrement approprié aux infirmités dans lefquelles il faut mettre les humeurs en mouvement ; lever des obftru&ions ; fondre des mucilages ; dégager l'écorce des nerfs des acides vitrioliques , qui (Tune Société célèbre, 213 empêchent l'irradiation des efprits animaux ; tarir Histoim les fources des pituites qui inondent le cerveau-, botanique) & peuvent caufer des apoplexies , en fe répan- G^i ma*s ^a Peur ^e ?TK > ^ n'ofa lancer fon coup , s'imaginant que ce Monftre étoit le nommé la Commune, cjui s'étoit tué lui-même dans le vailfeau l'année précédente, & qui avoit été jeté à la Mer dans ce même parnge : il fe contenta de le pouffer par le dos avec la tranche du harpon , &z lorfque celui-ci fe fentir touché, il retourna fon vifage, comme il avoit fait les au- tres fois } enfuite il vint le long du bord , de ma- nière qu'on auroit pu lui donner la main. Il eut la hardieffe de prendre un cordage que tenoient Jean Marier & Jean Deffiette , qui ayant voulu le lui arracher des mains , le tirèrent du côté du bord ; mais le cordage étant au bout , il fe lailfa retomber à l'eau , après quoi il s'éloigna d'une portée de fufil. Il revint auffi-tôt près du bord , & s'élevant hors de l'eau jufqu'au nom- bril , nous remarquâmes que fon fein étoit aufli gros que celui d'une femme du meilleur em- bonpoint ; il fe retourna enfuite fur le dos , & fe lai (Ta voir femblable à un cheval entier ; il fie derechef le tour du Navire , 6c , palfant à notre arrière , & ayant le dos tourné , il s'éleva hors de l'eau , ôc ht fes néceflités ; après quoi il s'éloigna , ôc nous ne l'avons plus revu. tPune Société célèbre. 223 Je juge que depuis les dix heures jufqu'à Histoim midi , que ce Monltre a été le long de notre botaki^u»' bord, h la peur ne s'é'toit pas répandue dans £É l'équipage , on auroit pu le prendre pluheurs fois avec la main , n'étant éloigné que de deux pieds. Cet Homme Marin a environ huit pieds de long , fa peau eft brune ôc bafannée , fans nulle écaille , tous fes mouvemens femblables à ceux des hommes ; les yeux bien proportion- nés, la gueule petite , le nez fort camard , large Se plat , les dents très -blanches , les cheveux noirs & droits , le menton couvert de barbe moufTeufe , des efpèces de mouftaches fous le nez , les oreilles comme celles des hommes , des nageoires entre les doigts des mains & des pieds , comme les canards ; femblable , en un mot , à un homme bien fait : ce qui eft certifié véritable par le Capitaine Olivier Morin , par Jean Martin , pilote de la Marine du Havre de Grâce, & par tout l'équipage, compofé de trente- deux perfonnes. EXTRAIT d'une autre Lettre , écrite des Indes , le 10 Janvier 1700 j fur l'Homme Sauvage. Ce que j'ai lu dans des Mémoires de la Chine, fur l'homme fauvage de l'Ifle de Bornéo , eft très-yéritable. Le 19 Mai 1695), étant à la rade '224* Mémoires Histoire de Batavia , je vis moi-même fur le London ; UATURELLE , „ , Al*/* * J r» / botanique' Frégate Angloile, qui revenoit de Bornéo, un «ieNE&AcL° de ces hommes fauvages , qui n'avoir encore que rrois mois , ainfi que me l'aflura M. Jean Flours, Marchand & Capitaine, auquel appar- tenoit ce vaiifeau. Ce jeune Monltre me parut haut d'environ deux pieds. Il éroit couvert de poil , mais fort court encore ; il avoit la tête ronde & très-femblable à celle de l'homme , des yeux , une bouche, un menton un peu diffé- rent des nôtres pour la figure ; mais il étoit li pro- digieufement camus , que je n'ofe lui donner de nez : vous auriez cru voir , quanr à ce point , un de ces malheureux , qui le perdoient aune- fois pour avoir quitté le fervice. Cet animal avoit de la force déjà beaucoup plus que les en- fans n'en ont d'ordinaire à fix ou fept ans , ce que je connus en le tirant par la main ; car je fentis une réfiftance extraordinaire. Il avoit beaucoup de peine à fe montrer ; & , quand on l'obligeoit à fortir d'une efpèce de loge qu'on lui avoit faite , il témoignoit du chagrin : il a des actions très-humaines. Quand il fe couche » c'eft fur le côté , appuyé fur une des mains. Je lui trouvai le poulx au bras , rel que nous l'a- vons. La taille de ces animaux , quand ils ont toute leur grandeur , égale celle des plus grands hommes. M.Jean Flours nous dit qu'il en avoit tué fur un Chien qui parle. « J'ai vu & entendu le Chien parlant , à Zeits, t> au mois de Décembre de l'an pafTé ; Mon- 33 feigneur le Duc de Saxe-Zeits le fit venir » exprès de quelques lieues de-là. Sa figure eft » des plus ordinaires , & il ne diffère point des s> autres chiens de payfans. II prononce plu- » fieurs mots Allemands, & comme Thé 3 Café s »> Chocolat & Afjemblèe , font des mots fore » reçus en Allemagne , quoique étrangers , on »> lui a appris à les prononcer. Le maître du » Chien eft un jeune garçon, qui n'a point l'air » mélancolique : badinant avec fon Chien , il 11 a cru entendre quelque fon qui approchoic Tome UL P JJATUR.E IOTAN "Mémoires Histoim » d'un mot Allemand j & là-deiîus , tout en-; if"V" ^ant qu'il étoit > H s'eft mis en tète de le faire — I Q U t. j J- ^«néralo- „ parler , & il y a réulli. C'eft comme la pierre » philofophale , Lufus infantium : ne défefpérons « plus de rien. » Omnia jam fient , fieri qu& pojfe negares. » Mais il faut favoir que le Chien ne prononce » jamais aucun mot qu'en écho , c'eft-à-dire , « qu'après que fon maître le lui a prononcé , & 9» il femble qu'il les prononce toujours malgré » lui , & comme par force. S'il y avoit des ré- 33 compenfes attachées , peut-être les pronon- 3j ceroit-îl motu proprio. Il a fallu quelques an- »■> nées pour faire apprendre au Chien une tren- s> taine de mots. Je crois qu'il avoit plus de trois v ans quand il fut mis à l'école ». 'd'une Société célèbre: 227 HlSTOIRB NATURELLE, BOTANIQUE, ARTICLE XII. ««.era^ GIE | &C Description d'une Plante de la Martinique 3 appellée Abel-Mofch , o« Zterfo commence à la nourrir. Elle eft en cet endroit recourbée des deux côtés , & forme comme deux coudes. De-là elle va toujours en diminuant jufqu'à fon extrémité , terminée com- me un fer de lance : elle eft un peu découpée dans fon contour. Sa fleur repréfente un calice évafé j elle eft compofée de cinq feuilles d'un jaune gai, arron- dies à leur extrémité , & rangées les unes fur les autres \ le fond en eft d'un rouge de pourpre, foncé & lilTé. Du milieu , s'élève un piftil blanc, d'une matière fort tendre , chargé de plufieurs bouquets grainés & jaunâtres. Le fommet eft divifé en cinq boutons égaux , recourbés & ve- loutés , de la même couleur que le fond. Cette fleur, avant que d'être épanouie , a , pour enve- loppe , deux pellicules , dont l'une eft découpée en languettes pointues : mais l'autre eft entière, & ne fe déchire qu'à mefure que la fleur s'épa- nouit. Le fruit a la forme d'une pyramide à cinq angles \ toutes les faces en font rentrantes , Se armées de poils fins , mais roides & piquans. La bafe , qui appuie fur la queue , s'arrondit en fe rétrécilîant. Cette goufTe pyramidale renferme une très -grande quantité de graines, qui font (Tune Société célèbre, 229 fermes , d'un gris pâle , faites en forme de ro- Histoirs 1 • 1 1 * ' r\ J 1 r NATURELLE, gnon applati des deux cotes. V2Liancl » en ies *rot~ botanique , tant rudement , on en enlève la première peau , G^NE££,l°"' on en trouve une féconde qui eft toute noire 8c fort polie. C'eft cette femenee qui a fait donner à toute la Plante le nom de Mufc , parce qu'elle exhale une odeur douce , agréable , femblabl® à celle du véritable Mufc. Mais fi on ne l'enve- loppe exactement , Se qu'on la lailTe éventer , elle perd cette qualité & toute fa force. LETTRE contenant la defeription de V Apocyn^ oit Liant laiteufe. Vous' voulez que je vous envoie une deferip- tion exacte de XApocyn ou Liane laiteufe , qui croît dans nos Mes , & qu'on y regarde comme le remède le plus efficace & le plus prompt contre h. morfure des ferpens. Je ne fais fi ma deferip- tion pourra être auffi ex adiré que vous le fouhai- tez : n'ayant point fait une étude particulière de la- Botanique , je crains que les termes propres ne me manquent. En ce cas vous aurez la bonté de m'exeufer : d'ailleurs , comme j'ai fouvent vti & manié cette Plante, j'efpère en dire alTez pour que tout le monde puilfe , fans peine , la con~ noître & la démêler entre une infinité d'autres. Cette Liane rampe à terre , à moins qu'elle 11e trouve quelque arbre , auquel elle puiife P 5 250 Mémoires Histoire s'attacher ; car alors elle s'élève à la faveur de bowan iqoe \ cet appui, & monte jufqu'au haut. Sa grofTeur M1NER.AL0- q. différent félon la nature de la terre où elle croît. Quand elle eft vieille , la couleur de fon écorce eft d'un gris cendré. Cette écorce eft toute découpée en long fans aucune fymétrie : le fond des canelures eft lifte & un peu luftré. Quand on a raclé cette première écorce , qui eft sèche & groftière , on trouve une peau ou fubftance molafte , qui couvre un bois poreux 8c troué , à la manière des joncs. Ce bois eft plein d'un fuc aufti blanc que le lair , & qui en coule avec abondance en quelque endroit qu'on le coupe. Ce fuc eft très-gluant , & c'eft à cela qu'on attribue la vertu qu'il a de fixer le venin, & d'en empêcher les funeftes effets. Voilà pour- quoi on appelle cette Plante la Liane laiteufe > ou la Plante aux ferpens. La feuille en eft belle j verte , épaifte , une fois plus longue que large , & finiffant en pointe. La feuille rend aufli du lait , lorfqu'on la déchire j Técorce du fruit en rend auffi , quand on le coupe, ou même quand on l'égratigne. A certe defcription , j'en ajouterai une autre; qui eft celle de la Belle-de-nuit à fleur blanche. Cette Plante croît à la hauteur de deux à trois pieds j elle eft revêtue de feuilles verres , bien nourries & aflez épaiftes ; elle pouffe fur fa tige d'une Société célèbre. 231 plufieurs boutons dont la queue eft fort courte ; Hutgirj ; £ ■ 11 NATURELLE , ce qui tait que , touchant les unes aux autres , B0TAN1QUÏ^ ils forment une efpèce de bouquet. Il eft- corn- minéralo- pofé de cinq feuilles , faites chacune en façon de calice d'une conttruction extraordinaire. A l'endroit où les feuilles tiennent à leur pédicule, on diftingue cinq côtes toutes femblables , re- courbées , arrondies en forme de genou , lef- quelles , après avoir laiffé entr'elles un petit ef- pace enfoncé , s'évafent jufqu'au milieu , fans néanmoins fe féparer. Là , elles fe gonflent ôc produifent cinq angles faillans , qui forment un pantagone régulier. Elles fe divifent enfuite en cinq parties égales , qui fe terminent en forme de lance : au milieu du calice s'élève un fruit de Iagrofleur d'un pois ordinaire. De la tête du fruit fort une fleur longue de deux pouces , & qui a la figure d'une trompette. Son tuyau eft droit 9* hérifle de petits poils & de couleur blanche. Cette fleur ne s'épanouit que pendant la fraîcheur , le grand chaud l'obligeant de fe fermer. Quand elle eft: épanouie , on y remarque un couronne- ment divifé en cinq parties arrondies : autant de filets avec un piftil s'élèvent du fond ; ils font blancs en bas & purpurins en haur. Lepiftif eft furmonté par un petit corps rouge , qui re- prefente comme un double oignon , plein de petits grains jaunâtres j les filets fupportent un, P 4 '2 $i Mémoires Histoire corps fîmple , velouté , tirant fur le violet. Le NATURELLE v » n botanique, petit fruit d ou naît cette fleur eft très-beau , k «12 J &c c°q^e en eft noire dans la maturité ; mais en le fechant elle devient grisâtre : cinq filets la divi- fent en autant de parties égales. On trouve en dedans une pellicule , qui renferme une matière blanche , friable , & femblable à la farine de bled. Avis de la Faculté de Médecine de Bordeaux > fur les qualités de /'Afphodelle j ou Haftula Regia ; avec la manière de la préparer pour en faire de bon pain. Pour fattsfaire à" l'ordre que nous avons eu de Meilleurs les Sous - Maires & Jurats , de donner notre avis fur les qualités de 1' ' Afphodclle , ou Hafula Regia , nous avons cru qu'il n'y avoic pas de moyen plus sûr , pour connoîrre les prin- cipes qui la compofent, que d'employer le feu, qui , étant un diflblvant univerfel , pénètre les pores les plus fecrets des corps , met les parties dans un mouvement extraordinaire , les fépare & les défunit : c'eft à la faveur de cette agita- tion & de ce mouvement violent , que ce qu'il y a de plus fubtil & de plus délié , fe dégage du fixe & du terreftre qui demeure dans le feu. Ce principe a été le fondement fur lequel nous avons travaillé , pour avoir une parfaite connoiifance cCunt Société célèbre. 233 des parties qui entrent dans la compofition de Histoire 11 NATURELLE , cette Plante. botanique, L'adrefle , les foins & l'application de M. c^È^&c^0" Tilhac , Syndic de Meilleurs les Apothicaires , nous a été d'un grand fecours. Il a pris fept livres dix onces de racines d'Afphodelle , râ- pées & pilées dans un mortier : on les a mifes dans une grande cucurbite de terre, bien bou- chée j & cette cucurbite a été mife dans une étuve pendant quatre jours , après lefquels on a diftillé cette matière par le réfrigérant, &c on en a tiré une eau odorante : on a mis cette même eau dans un matras à long col • on en a tiré un efpiit fubtil & pénétrant. Après ces diverfes épreuves fur cette matière , il a refté deux livres de marc , qui étant réduites en cendres , on en a fait une leflîve , & la diffolution faite , on l'a paflee à travers un papier gris , & remife fur le feu : & l'eau évaporée j on y a trouvé deux dragmes de fel rixe , dont l'acreté n'efl: pas plus confidérable que celle des autres fels fixes , qu'on trre tous les jours des plantes. Outre ces expériences } on en a fait une autre ; c'eft que de quatre livres & demie de ces ra- cines , on en a exprimé un fuc qu'on a clarifié èc exhalé à moitié j il s'eft trouvé fort doux , ce qui fait comprendre que cette racine abonde en fel elfentiel & huileux. 254- Mémoires Histoire Ces difFérens effets , que nous avons examinés XATURELLE , r 1 I f\ C • botanique, avec toute lorte de réflexions, nous ont raie cliNE&.AcL0" juSer *îu'^ nV avoit ^ans cecte racine aucune fubftance capable de troubler l'économie du corps , ni de nuire à la fanté \ d'autant plus que le fel grofîier & vifqueux qu'on exprime de cette racine , compofée d'un très-grand nombre de navets , & qui eft fufpendue par un tefte d'un goût un peu amer & pénétrant , eft corrigé par les diverfes lotions & par le feu , comme on peut le remarquer par les précautions qu'on doit prendre quand on veut en faire du pain. En voici la manière : Après avoir lavé les racines avec de l'eau froi- de , il faut les faire bouillir dans une autre eau jufqu'à ce que 1 ecorce fe fépare \ êc , l'ayant ôtée , il faut couper ces racines en tranches min- ces , & les jetter dans une eau nouvelle , mais tiède : après quoi il faut les faire fécher au four ; prenant garde auffi de ne pas les confommer, ni lesdeffécher trop. Quelques-uns les expofent au fo« leilpour les defTécherjlorfque la faifon lepermetT Ces racines étant ainfi préparées , & ayant confommé le fuc vifqueux, qui paroît fufpeél à quelques-uns, il faut prendre autant de bled que de racine , & en ayant fait le mélange, faire moudre le tout , ayant pourtant foin de parler la farine au tamis» cPune Société célèbre, 23$ II efl; bon d'obferver qu'il faut un peu plus Histoi*.* A . NATURELLE, de levain que pour une pare ordinaire , autre- botanique, . r • 11 r rc MINERAL O* ment celle-ci ne fermenteroit pas. 11 huit auih GIE } &c> remarquer qu'il eft néceflaire d'avoir quelque régularité lorfqu'on aflaifonnera cette pâte, ayant moins befoin de fel que l'autre. A Bordeaux, ce 20 Septembre 1705?. Lascous. Boyne. EXTRAIT (Tune Lettre écrite de Caen. Je me promenois , il y a huit jours , fur le bord de la mer , auprès de la Delivrande , & je ne penfois qu'à profiter de l'entretien d'un ami , lorfque je fis l'expérience que voici. Je crus voir au pied d'un petit rocher près duquel j'étois , une fleur extraordinaire , & je me cour- bai pour la confidérer de près , parce que le mouvement de l'eau où elle étoit, m'empêchoit , étant debout , de la diftinguer parfaitement. D'abord les feuilles m'avoient paru être rouges & blanches , & faire toutes enfemble une fi- gure allez femblable à celle d'un champignon dont on ne voit que le deffus \ en regardant de plus près , je remarquai que la fleur n'avoir que quatre feuilles , qui formoient une croix leur couleur approchoit fort du rouge pâle & mouillé des limaçons qui n'ont point de co- quille j la côte ou le milieu de chaque feuille, %yê Mémoires Histoire en tirant du centre vers la circonférence , avoit *ô¥«*«- Hommes inattentifs , tout occupés des fenti- mens corporels , & bornés aux premiers effets de leur impreflion, fans en rechercher la caufe. Tout ce qu'ils ne connoifïbient pas à la première vue , eft devenu un ouvrage forti immédiate- ment des mains de Dieu : première erreur où l'ignorance les a fait tomber } & , parce qu'ils n'avoient pas cette idée magnifique que nous avons d'un Être Immenfe , Infini , Tout-Puif- fant , ils ont fabriqué autant de Dieux particu- liers , qu'ils voyoient de différens effets : féconde erreur , où la corruption de leur cœur a eu au- tant de part que l'ignorance. Telle eft l'origine de la Divinifation des Sa- lagramams : il en eft parlé dans le vingt-fixième recueil des Lettres édifiantes & curieufes 3 écrites par quelques MiJJionnaires de la Compagnie de Jéfus. C'eft-là que je renvoie ceux qui voudront être inftruits amplement de tout ce qui regarde la matière , la figure , la couleur , les différens noms des Salagramams , 8c le lieu où on les trouve. Je me borne à ce qui a rapport à mon objet , après avoir averti que ce n'eft pas feule- ment fur les bords du Gandica , qu'on trouve de ces fortes de pierres , & que je fuis bien sûr 24,0 Mémoires Histoire qu'il y en a un fore grand nombre en plufîeurs Ï4AT0R.ELLE • sotanique \ autres endroits de l'Inde , aufïî bien qu'en Eu- fiiÉ^E&cL°" roPe ' ^ particulièrement en France. Ce n'eu: qu'une conjecture par rapport à l'Inde, où je n'ai jamais été \ mais ce que je dirai dans la fuite , la rendra probable & même certaine. L'objet de l'admiration dans les Salagra- mams , & ce qui leur a mérité l'apothéofe, c'eft qu'on voit deffus , & même dedans , la figure d'une Spire , dont les contours , depuis le cen- tre , qui eft la partie la plus menue , vont tou- jours en grollîdant par proportion jufqu'au cer- cle le plus extérieur. On voit aufli , dans quel- ques-uns, des trous , des cavités , des finuofités irrégulières : il n'en a pas fallu davantage pour en faire autant de Dieux. Il faut convenir qu'on ne pouvoit accorder la Divinité à meilleur mar- ché. Un Indien groflier & ignorant , ou avare, Se déterminé , pour gagner de l'argent, à faire un Dieu de toute pierre , auffi-bien que de tout bois , a faifi promptement Poccafion j il a per- fuadé à fes compatriotes que ces figures de fpircs, ces cavités,cesfmuofitésétoient l'ouvrage d'un verj bien entendu que ce ver étoit un Dieu ; car , autrement , eût-il pu travailler fur un caillou plus dur que le marbre , & ne fe nourrir que de ce qu'il en détachoit avec fes dents ? Sur cette fup- pofition faulfe , font bâties toutes les fables ex- travagantes , (Tune Société célèbre, 241" travagantes , racontées des Salagramams , qui Histoir» ont tantôt Brama , tantôt yichnou^ tantôt 6/u- botanique, voudou , tantôt quelqu'autre. Déplorable aveu- G^'NE^LO" glement des hommes qui ne connoiflent pas la véritable Réligion ! Il ne faut , pour le dif- fiper , que découvrir la caufe naturelle de ces traits prétendus myftérieux & divins. C'eft ce que je vais faire. On connoît le coquillage appelle Corne d'Ham- mon : il eft très-rare aujourd'hui qu'on en trouve dans la mer \ mais la terre nous en fournit une grande quantité , qui ne peuvent venir que de la mer. Il n'eft point de Curieux en France , en Angleterre , en Hollande , en Allemagne , en Italie , qui n'en ait. Ce coquillage eft une fpire folide fur un même plan , dont les contours , ainfi que dans les Salagramams , font plus me- nus au centre qu'à l'extérieur. Ils ont aflez com- munément des ftries , ou canelures fur la lar- geur des contours , & font quelquefois armés de pointes. On trouve aufli dans les rivières & dans les étangs des Cornes d'Hammon • mais petites, fans canelures & fans pointes , ce qui les distin- gue de celles de mer. La figure que l'on voit aux Salagramams - n'eft autre chofe que l'empreinte qu'y a faite une Corne d'Hammon. Cela paroît évidemment en approchant l'un de l'autre, & en comparant Tome III. Q Mémoires Bistoire le relief de ces coquillages avec le glyphe , ou satus.ei.te ,j creux des pierres dont je parle. J'ai des Cornes BOTANIQUE , * I C wiNÉRALo- d'Hammon , qu'on diroit être le moule , ou le cachet des Salagramams qu'on m'a montrés , tant ils s'ajuftent exactement les uns fur les au- tres. Ce feroit perdre le temps , que d'ajourer quelque autre preuve à celle-ci. Quand la figure fpirale eft extérieure fur le Salagramam , la Corne d'Hammon s'eft feulement appliquée fur le caillou , &ya laifle fes traits : mais quand elle eft en dedans , cela vient de ce que le coquillage eft entré dans la pierre. Alors il a fait une empreinte par chacun de fes côtés : éc comme les contours de ce coquillage font plus menus au centre qu'à la circonférence , il va en * profondeur de la circonférence au centre , ce qui doit faire dans l'empreinte une figure toute contraire, c'eft-à-dire , un cône ou cul de lampe: aufti le voit-on dans ces fortes de Salagramams , où les deux pointes des cônes font oppofés , & fe touchent prefque , l'une montant de bas en haut , & l'autre defcendant de haut en bas ; en- forte que le vuide repréfenre l'efpace qu'occu- poit le coquillage. Lcrfqu'il n'y a qu'une em- preinte extérieure, on ne voit qu'un cône, dont le caillou eft la bafe. Mais comment a-t-il pû fe faire, dira-t-on, qu'un coquillage ait gravé fon empreinte fur un '(tune Société célèhrel 24. f caillou des plus durs ? Bien plus, comment a-t-il Histoh % pu s'y infirmer roue entier , & en fortir par une ^ATURELLB* 1 ' ' * BOTANIQUE, ouverture beaucoup plus petite qu'il n'eft ? Cela minéralo- 11e détruit-il pas votre fyftême ? Je réponds que non ; & que l'objection n'a pas même l'ombre de difficulté , car je fais à mon tour une ques- tion 'y Se je demande comment ces pierres du- res , que l'on appelle des Bizets , ces efpèces de noyaux du plâtre & de la Marne onr pu entrer dans une pierre dure, telle qu'eft au moins celle du plâtre ? Comment des os ont pu entrer dans cette même pierre , & y tracer leur figure ? Comment des coquillages de toute efpèce , Se en particulier des Cornes d'Hammon , ont pu pénétrer dans des Rochers auiïi fermes que le diamant ? Enfin , comment la pierre s'eft inli- nuée elle-même dans les coquillages, & en a pris la forme ? Vous me répondrez que ce qui eft aujourd'hui pierre ne l'a pas toujours été j qu'il fut un temps où il étoit limon Se boue , & que c'eft alors que les pierres , qui étoienc déjà formées & durcies , que les os Se les coquil- lages y font entrés, & que ce limon s'eft lui- même introduit dans les coquillages. Vous dites vrai ; mais appliquez ce principe aux pierres du Salagramam , Se vous aurez vous-même répondu à votre objection. Que diriez-vous donc fi je produifois,au fujc t du Q * 244 Mémoires Histoire Salagramam , quelque chofe qui ne fe trouve ïoîSSîilP*8 ^ans l'exemple fies autres pierres, & qui mikeralo- con(5rme bien ma penfée ? Le voici : De quel- que figure que foient les Salagramams , ils ont en quelqu'un de leur côté un petit applatiiTe- ment -, il eft naturel : nous le favons de ceux qui les tirent des Rochers qui font le long du Gandica. Or, d'où vient cet applatiifement , finon de ce que la matière du Salagramam , en- core molle & flexible , étoit pofée fur cette par- tie ? H en arriveroit de même à un morceau de terre glaife ramollie , que l'on poferoit fur une table. Je n'ai point apporté d'autre preuve de la caufe qui a donné aux Salagramams les traits que l'on y voit , que leur conformation avec la Corne d'Hammon , & le rapport parfait qu'il y a entre les uns & les autres. On fera fans doute bien aife que j'y ajoute une obfervation , qui achève de porter la preuve jufqu'à la démonftra- tion. Tous les Salagramams ne font pas l'em- preinte faite par la Corne d'Hammon : il y en a qui font le coquillage même en nature , qui ne font pas en glyphe , en enfoncement ; mais en relief en un mot , qui font une vraie Corne d'Hammon , engagée dans la pierre , & dont on reconnoît , fur la fuperfkie qui eft décou- verte , toute la forme. d'une Société célèbre. 24. j L'expérience eft une preuve à laquelle les Histoirb hommes ie rendent cl autant plus volontiers , jOTAN:QUB; qu'ils ne la doivent qu'à eux-mêmes , non à MINE*At0-- l'autorité , ou à la fubtilité de quelqu'autre. La nature fe préfente à nos yeux ; nous l'examinons, nous réfléchirons fur ce qu'elle nous offre j nous formons notre jugement : voilà ce qui lui donne tant d'autorité. J'ai tenté cette preuve , & j'y ai réuffi : en verfant du maftic far une Corne d'Hammon , j'ai fait des Salagramams entière- ment femblabîes à ceux des Indes. Que répondroit à cela Je plus dévot In- dien , & le plus entêté des fables de fa Nation, fi les pièces en main, je lui produifois fes Dieux Salagramams , &" nos Çornes d'Hammon de France } fi je lui montrois que l'un eft fait pour l'autre , Se par l'autre ? Sans doure , ilfau* droit qu'il renonçât à la preuve qu'il tire des traits réguliers de Spire , que l'on voit fur les cailloux du Gandica. Mais peut-être fe retran- cheroit-il fur les autres cavités & hnuofités que l'on y remarque. Foible retranchement pour fa caufe , puifque , premièrement , il abandon- neroit par-là le plus grand nombre de fes Dieux; ces cavités & finuofirés fe trouvant en très-peu de Salagramams ; & , qu'en fécond lieu , rien n'eft plus ridicule que d'attribuer ces traits à l'opération d'un Dieu , ou même d'un animal. ■246* Mémoires Histoire J1s viennent de ce que la maffe de quelques NATURELLE , aoTANiQui, ùalagramams n etoit pas toute d une même ma- MINÉR.4I.O- -\ ' / 1 \ 1 gis, &c. nere > nl également propre a prendre une con- fiftance ferme & dure j qu'il s'y eft trouvé des parties qui ne pouvoient produire qu'une pierre tendre , ou plutôt une boue deflechée ; qu'il s'y eft trouvé du fable incapable d'aucune liaifon. Les endroits où étoient ces matières ayant été ouverts , le fable en eft forti ; la pierre mal compofée & mal cuite, s'eft caflee & pulvérifée, ou a été détrempée par les eaux des ravines & du fleuve , & les efpaces font demeurés vuides. Nous voyons arriver la même chofe dans toutes les pierres, & principalement dans les plus du- res , telles que font celles dont on fe fert pour faire du feu. Sont-elles ouvertes ? on y voit des cavités : ne le font -elles pas ? on entend , en les agitant , du fable qui eft dedans fonner & faire du bruit : & que font les fameufes , ou pour mieux dire , les fabuleufes pierres d'Aigle , qu'une enveloppe de pierre , dans laquelle il y a du fable ? Il n'eft pas néceiïaire , au refte , d'aller en Egypte pour trouver des pierres d'Ai- gle , non plus que des Salagramams ; les envi- rons de Paris m'en ont fourni. Concluons , en revenant à notre but , qui eft la Religion : voilà bien des Dieux détruits d'un ■feul coup , Se renvoyés au rang des plus viles '(Tune Société célèbre, 247 créatures. Car celui qui le premier a porté le Histoim . , , , , r • NATURELLE , nom d Hammon , & qui a ete adore lous la botanique , figure de ce coquillage , ou fous un autre qui C^HK5£"Q* y a de l'affinité , & dont je parlerai , ne méritoit pas davantage les honneurs divins , au jugement même de Quint-Curfe , fi cec Hiftorien penfoit ce que ces paroles lignifient naturellement : (*) Id quod pro Deo colitur. Le Jupiter des Égyptiens eft appellé Corniger Hammon j non pas qu'il fût décrit d'après Moyfe , comme quelques-uns l'ont cru , & qu'on le repréfentât fous une figure hu- maine , ayant fur fa tête des cornes > femblables à ces deux flammes qui parurent fur la tête du Léghlateur des Ifraèiites, lorfqu'il defcendit de la montagne de Sinai ; mais , parce que fon fymbole étoit une Corne d' Hammon , coquil- lage , ou une corne de bélier à plufieurs con- tours y tel qu^on en voit , applatis & réduits à un même parallèle. Alors ces deux figures fe ref- femblent parfaitement , Ôc ont de l'affinité avec le nombril des animaux, & fur-tout de l'homme. (**) ldquod pro Deo colitur 3 non eamdem effigiem habet quam vidgb Diis artifices accomodaverunt ; umbïiico maxime fimilis ejl habitus* Il y a d'autres cornes d' Hammon dans la Mer , (*) Quint-Curt. Lib. 4*. (**) lhia\ 248 Mémoires Histoire qui ne font pas un coquillage entier , mais feu- botanioue, lement une partie de coquillage , c'eft-à-dire , s™*l?c.°' l'opercule ou la porte d'un Limaçon. Il eft enflé en rond d'un côté , & plat de l'autre. Sur le côté plat , on voit une fpire qui repréfente la Corne d'hammon \ auflï appelle-t-on cet opercule um- bïli eus Veneris. Les Lirmçons de mer ne font pas les feuls qui ont de ces fortes d'opercules : on trouve fur la terre de petits Limaçons plus allongés que les ordinaires qui en ont un , avec la Corne d'Ham- mon tracée delfus. Les Salagramams des Indiens font-ils XUm- b'dïcus des Egyptiens ? & le culte de Jupiter a-t-3 paifé d'Afrique en Afie ? c'en: ce que j'ignore^ il faudroit être plus verfé que je ne fuis dans l'Hiftoire & la Religion de ces Peuples , pour prononcer là-delTus. Mais ce que je puis bien alïurer , c'efl: que , fi on nous donnoit fur l'o- rigine & la figure de leurs Dieux des notices pareilles à celle que je donne ici , il n'y en a aucun dont on ne démontrât qu'il eft l'effet d'une folle admiration de la Nature , foncée fur une profonde ignorance , ou une corruption grofiîèie des idées du fei.l vrai Dieu & de fes Ouvrages. d'une Société célèbre.- 249 HlSTOlRB naturelle , botanique, min é?.alo- ARTICLE XIV. „;,&c EXTRAIT d'une Lettre du P. Aubert 3 Jéf Profejfeur Royal des Mathématiques à Caen , fur un Crin de cheval trouvé dans un œuf. On m'apporta hier un œuf de poule qu'on avoit fait cuire jufqu'à le durcir pour le manger. Il y avoir dedans un Crin de cheval, qui faifoic plufieurs contours dans le blanc de l'œuf, fans entrer dans le jaune : cela me parut alTez extraor- dinaire ; car il a fallu que ce Crin foit entré par les veines lactées j qu'il ait coulé le long du canal thorachique ; qu'il foit tombé dans la veine cave , de-là dans le cœur , & qu'étant forti par la branche defeendante de l'aorte , il fe foit infînué dans l'ovaire , ce qu'il n'a pas pu faire en peloton ; & ce qu'on conçoit très-diffi- cilement qu'il ait pu faire , allongé , puifque le moindre détour que l'extrémité en arrière ait été obligée de prendre , a dû arrêter l'extrémité qui marchoit devant : il a encore autant de ref- fort qu'un autre crin tout femblable. î$o Mémoires *E OBSERVATIONS fur quelques Coquillages ; par Histoire k aturell botanique, ie mime, MINÉRALO- GIE . &C. Quand je vous écrivis , M. R. P. , il y a quelques mois , qu'on m'avoit apporté un ceuf de poule , dans lequel il s'étoit trouvé un crin fort long , on devoit naturellement croire que je l'avois obfervé avec allez de foin , pour n'y être pas trompé. En effet , outre que la perfonne qui me l'apporta & qui l'avoit recueilli , ne me parut pas capable d'avoir fait gliiTer le crin dans l'œuf par un trou imperceptible , je remarquai , quoique cet œuf fût caffé par un des bouts , qu'il n'y avoit aucun trou proche des extrémités du crin , & que ces extrémités étoient , affez loin de la coque , engagées dans le blanc ; d'où on pouvoit alTez bien conclure que le crin n'y avoit point été infinué par fupercherie. D'ailleurs , je me fouviens d'avoir lu dans l'Hiftoire de l'Aca- démie des Sciences , qu'en faignant un homme on lui avoit trouvé dans la veine une épingle, qui certainement avoit circulé avec le fang , puifqu'il l'avoit avalée. Plufieurs perfonnes intel- ligentes m'ont aiTuré qu'elles avoient trouvé des hannetons dans des œufs , & récemment deux perfonnes confîdérables & dignes de foi m'ont raconté , qu'elles remarquèrent dans le même œuf de poule un hanneton à moitié digéré 3 dont AS^ONOJA- Purbachius & quantité d'autres , qui marquent cette latitude moindre que Ptolomée , quoi- qu'elle diffère de la véritable , comme on le verra dans la fuite. Le premier du 16e flècle , qui ait obfervé la latitude de Paris , eft Jean Fernel , Do&eur en Médecine , comme il le rapporte dans fon. Livre de la Théorie du Monde , imprimé en 15 28. Êleclâ j dit-il j die pcrquam ferenâi quœ fuit Augufti 2 5 , hic Parijïis Solis in Meridiano conflituti elevationem per régulas deprehendi ejjè 49 grad. 1 3'. Chm igitur Sol eo die graduum 1 1 teneret , cujus declinatio Borealis eji -j° ^ 1 y"«- dicavi elevationem vEquatoris continere 410. 42'; quare & Pari/iorum latitudinem ejfe 48 grad. 38'. Ainfî, cet Auteur fait cette latitude plus grande que Ptolomée. Oronce Finée , qui vi- voit dans le même temps , & que François Iet avoit fait venir à Paris pour être ProfefTeur au Collège-Royal , la détermine , en plufîeurs en- droits de fa Cofmographie , de 48 d. 40' , & , pour cela , il a fupputé plufîeurs tables des hauteurs du Soleil , ombres verfes , &c. : ainfî il n'y a pas grande différence entre ces deux Contemporains , & l'on devroit s'en rapporter Tome UL R 2^8 Mémoires Mathéma- plutôt à Oronce qu'à Fernel , parce qu'il étoît Érvati'ons "plus verfé dans cette fcience dont il faifoit pro- ■stronom. fef]iori} & il avoit de meilleurs inftrumens. On lui a trouvé un cercle de cuivre doré , de deux pieds ou environ , divifé en degrés , en parties égales , ombres droites 8c verfes , 8c une horloge d'environ trois pieds de haut , à fept pans ou faces égales , dont chacune repréfentoit le mou- vement de quelque Planète avec toutes fes cir- conftances , de l'invention du même Oronce Finée , 8c qu'il avoit fait faire pour le Car- dinal de Lorraine, Miniftre de François Ier ; ce qu'il étoît facile de voir par la devife du lierre autour d'une pyramide avec cette infcription , te fiante virebo. Le troifième eft M. Viete , Maître des Re- quêtes , qui , dans un de fes livres , imprimé à Tours en 1593, dit avoir obfervé le jour de l'équinoxe à Paris , par la longueur de l'ombre droite à Midi , & que l'élévation du Pôle étoic de 48 d. 45/. Il eft étonnant qu'un aufîi habile homme ait choifi ce jour , puifqu'il n'y en a point où il foit fi facile de commettre de l'er- reur , à caufe de la déclinaifon du foleil , qui eft très-variable ; à moins que d'avoir fort pré- cifément le Soleil dans le point de l'équinoxe, à l'heure même du Midi de l'obfervation , ce qui ne fe rencontrera pas en cent ans une feule d'une Société célèbre, 259 fois. Quoique certe latitude approche beaucoup Mathéma- plus de la véritable que les précédentes , on ne riQUïS ' OB" doit pas néanmoins y avoir égard à caufe de la Astr°nom. manière dont elle a été faite ; & qu'on ne peut pas la vérifier , parce que M. Viete n'a pas marqué l'année de fon obfervation équinoxiale à 48 d. 4 MM. Caffini & Picard , étant à la Bibliothèque du Roi , trouvèrent que la plus grande hauteur de l'étoile Polaire étoit d'une Société célèbre. 263 de 5 1 d. 20' 52" , '& de-là ils conclurent que Mathéma- la hauteur apparente du Pôle de ce lieu étoit sÈrvationV de 48 d. 53' ; & , par conféquent , à l'Obfer- AsmoNOM' vatoire Royal , que l'on bâtiflbit alors , Se qui eft plus méridional que la Bibliothèque du Roi de i' 50", la hauteur apparente du Pôle étoit de 48 d. 51' 10", d'où , ôtant une minute pour la réfraction , il reftoit pour la vraie hauteur du Pôle à l'Obfervatoire 48 d. 50' 10". Le 1 1 Décembre 1671 , M. Caflini déter- mina la hauteur apparente du Pôle à l'Obferva- toire, qui venoit d'être achevé, de 48 d. 5 i'4o"« Le 10 Janvier 1672 , M. Caflîni, ayant bien obfervé & vérifié fon quart de cercle , trouva à l'Obfervatoire la hauteur méridienne de l'é- toile Polaire , le foir de 51 d. 19' 45" , le ma- tin de 46 d. 25' 20" , dont la différence eft de 4 d. 54' 25'- , d'où il conclut la diftance de l'é- toile Polaire ou Pôle de 2 d. 27' 11" $0"' , Se la hauteur apparente du Pôle de 48 d. 52' 32" 3c///. M. Caflîni dit que cette hauteur du Pôle eft la plus grande qu'il eût obfervée , à l'Obfervatoire , depuis 22 ans. En 1684% le 14 Janvier , M. Caflini déter- mina la hauteur apparente du Pôle de 48 d. 5 1' 25" ; & en 1688., au mois de Janvier , il la détermina de 48 d. 51' 30", de même qu'en l'année 1 673. R 4 264 Mémoires Mathéma- En 1(391 , le zi Décembre, il trouva cette *Èr.vatioks hauteur du Pôle de 48 d. 51' , & c'eft la plus ASTB.0K0M. jte gU'jj ajt obfervée dans ce lieu. Sur ces obfervations , il faut retrancher la réfraction qui fe trouve à cette hauteur de $z" , ou d'une minute. Il y a quelques Aftronomes , qui , confidé- rant que depuis Ptolomée jufqu'à nous , l'éléva- tion du Pôle de Paris a toujours augmenté , fui- vant les obfervations qu'on en a , en forte que depuis 48 d. 30' , elle eft venue jufqu'à 48 d. 53' , ont prétendu que le Pôle de la terre a véritablement changé. Car c'eft fur les obferva- tions d'Hipparque, de Ptolomée , d'Albatenius Se d'autres , que Copernic , Tycho-Brahé & les autres Aftronomes ont fondé la variation de l'obliquité de l'écliptique , comparées à celles qu'ils avoient faites ; ôc il eût été facile à Ty- cho de conclure que cette déclinaifon étoit & toujours de 13 d. 31' 30", ainfï qu'il la trou- voit , &: dire que les autres l'avoient mal ob- fervée , plutôt que de confentii a ce balance- ment du Zodiaque & changement de déclinai- fon. Ainfi , il paroît que le changement réel de l'élévation du Pôle pourroit être bien fondé fur les obfervations des Anciens Se des Mo- dernes , la différence étant a(Tez grande , pour ne pas foupçonner l'erreur d'un quart de de- d'une Société célèbre, 26$ gré dans leurs inftrumens : ce qui ne devroit Mathéma- * 1 1 1 rf \ "Il ' TIQUIS, OB- pas arriver dans les plus grolherement Travailles, servations C'en: peut-être la caufe pourquoi Tycho même , ASTKONOM- en l'année 1584, ayant envoyé un homme ex- près à Fruenbourg , y trouva l'élévation du Pôle de 54 d. n' , élévation que Copernic n'avoir trouvée en 1 500 , que de 54 d. 19' 30" ; & de-là Tycho prend occafion de le blâmer , comme ayant manqué d'exactitude , & négligé les ré- fractions. Cependant il n'eft pas croyable que Copernic, beaucoup plus habile que Tycho, ait manqué de bien prendre la laritude d'un lieu , où il faifoit fa demeure & fes obferva- tions , fâchant bien la déterminer par les hau- teurs des étoiles où du foleil qui ne fuiTent point fujettes aux réfractions , dont la doctrine même ne lui devoir pas être inconnue j il avoic vu Vitellion , Alhazen , & Waltherus , des ob- fervations duquel il fe fert beaucoup , & Wal- therus dit expreffément : Notandum quod circà hori^ontem ajlra apparent propter radios refraclos fuprà hori^ontem > cùm ,/ecundùm veritatem 3 funt fub eo 3 quod injlrumento armïllarum ftnfibilitcr fzpiùs mihi apparu.it 3 &c. Ainfi , l'effet des ré- fractions n'étoit point inconnu à Copernic , comme on le peu: voir même dans fon Livre 5e , chapitre 30 , où il parle de l'avantage z66 Mémoires m.athéma- qU'avoit Ptolomée de k pureté de l'air d'A- TIQUES , OB- 1 . . , . servations lexandrie , fur celui du lieu où il demeuroit , TB.OMOM. vapeurs de ja yiftale rendoient plus groffier : on ne voit donc pas que Tycho eût raifon de dire qu'il eût mal obfervé la latitude de fa demeure, parce qu'il trouvoit i 30" de plus, après 80 ou 100 ans. Et peut-être que h l'on retournoit à Fruenbourg, on en trouveroit da- vantage que Tycho , & il feroit important de le faire dans un lieu où deux grands Aftrono- mes ont travaillé , & même à Alexandrie , dont Ptolomée fans doute a bien obfervé la latitude, pour vérifier fi , depuis tant de fiècles , elle n'a point changé comme la plupart de celles des Villes d'Italie & autres lieux. Rome , par exem- ple , dont la latitude devoit être particulière- ment connue à Ptolomée, il la met de 41 d. 40' , & Clavius , dans fon traité de la Sphère , dit l'avoir obfervée de 41 d. précifément ; mais Kepler, dans fon Catalogue des Tables Rudolphi- nes, lametde4id. i'9 l'ayant tirée des meilleures obfervations ; ainfi , voilà 2.2/ de différence , comme dans celle de Paris, Il eft vrai que M. Caflini ne la met que de 41 d. 50'. Il fe pourroit donc faire abfolument que les unes & les autres de ces obfervations fulTent véritables -, ôc qu'en effet il y eût du changement , foit dans le ciel , (Pune Société célèbre. 26*7 (oh fur la terre. Ce qui paroîc d'autant plus pro- Mathémà- III ..... TIQUES , OB- bable , que par un mouvement particulier de la servations terre fur fon centre , fans parler du journalier ASTRONOM- ni de l'annuel , dont il n'eft pas ici queftion , elle peut incliner (es Pôles & fon Axe au-deiTus des Pôles du ciel , & changer ainfi de fitua- tion imperceptiblement par quelque caufe dont on aura peut-être un jour quelque connoiflfance. Copernic (dans fon 3 e Livre , chapitre 3 ) , pour rendre raifon de l'obliquité du Zodiaque Se de l'excentricité du foleil , & du changement des Équinoxes , dit que ce font les Pôles de la terre qui changent de place , & cum tem- pore lineas quafdam deferibunt corolU Jîmiles. Si l'on veut un plus ample éclaircifTement fur cette matière , on n'a qu'à lire le favant Écrit de M. Caflini , imprimé dans les Mémoires de l'Académie Royale des Sciences de l'année 1693. Mémoires Mathéma- tiques , OB- SERVATIONS •ASTK.ONOM. ARTICLE II. EXAMEN du nombre des Étoiles x'ifibles ; par le P. Fallu 3 Jéf. Si, toutes les Étoiles étoient diftinctement vi- fibles , on pourroit , avec du temps & du tra- vail , les compter toutes fans fe tromper d'une feule j pourvu toutefois que , tandis qu'on les compteroit , il n'y arrivât point de change- ment. Car on fait qu'en divers temps il a paru de nouvelles Etoiles , & que quelques-unes de celles qu'on voyoit autrefois ont difparu. Mais comme , outre les Étoiles qu'on voit dift incré- ment j il y en a un grand nombre qu'on ne voit que confufément , en forte que , dans le même efpace du ciel , les uns en compteroient plus Se les autres moins , il fera toujours im- poffible de déterminer le nombre précis des Étoiles , qui n'eft connu que de Dieu , & de ceux à qui il lui plaît de faire part de cette connoiflfance. Il y a , par exemple , à l'épaule du Taureau , une petite Conftellation qu'on nomme les Pléïa* des , ou la Pouffinière , où l'on compte ordinaire- ment fept Étoiles , quoique d'autres n'y en OB- ONS dyune Société célèbre. 169 comptent que fix ; ce qui a fait dire à Ovide , Mathém* parlant des Pléiades , que la Fable a fait paiTer Sjfïïtî pour filles d'Atlas : AST&oliOM- Quœ feptem dici^fex tamcn ejfe folent. Fast. IV. Ce qu'Homère femble confirmer en ne dé- crivant que fix Pléiades dans la coupe de Neftor: cependant Riccioli , dans fon Catalogue des étoiles , en marque 9 , & lorfqu'elles font fore élevées fur l'horifon , on en compte 10 ou n, lorfqu'on a la vue bonne \ il y a même un Ma- thématicien Allemand , nommé Mxftlin , qui allure en avoir compté 14 (Ricc. Almag. 1. 6). Voilà donc une variation depuis 6 jufqu'a 14 dans le nombre des Pléiades , quoique cette petite Conftellation, étant fort remarquable par le nombre & la difpofition des Étoiles qu'elle renferme dans l'efpace d'environ deux degrés , attire facilement les yeux des fpectateurs. Lorf- qu'on regarde les Pléiades avec des lunettes d'approche , on y diftingue plufieurs autres pe- tites Étoiles jufqu'au nombre de 50 , félon qu'on étend plus ou moins les bornes de cette Conf- tellation , & qu'on a de meilleures lunettes. Hipparque de Rhodes , célèbre Aftronome parmi les Anciens , & qui vivoit à Alexandrie un fiècle & demi avant J. C. , fut le premier qui , à l'occafion d'une nouvelle Étoile , vue de fon 270 Mémoires Mathéma- temps , entreprit , non pas de faire le dénombre- IeÎvatÎohs" menc toutes *es Étoiles , comme plufieurs ASTB.ONOM. j'onc cru fans fondement , mais feulement des principales , qui ne font qu'environ la dixième partie de tout le nombre des Étoiles vifibles ; & , par ce travail , il mérita le magnifique éloge que Pline fait de lui en ces termes : Hip- parchus nunquam fatis laudatus , ut quo nemo magis adprobaverit cognationem cum homine Jl- derum 3 anima/que nojlras partent effe cœlu No- yant ftellam & aliam in & pour en fupputer le nombre nous n'employons que nos yeux , nous rien trouvons que 1022 quelques- unes de/quelles n'ont paru que depuis peu , & ont été inconnues aux Anciens , qui 3 en récompenfe 3 en ont vu plufieurs que nous ne voyons plus. S'il étoit vrai qu'il n'y eut que 1022 Étoiles , comme il y en a toujours la moitié fous l'hori- fon , on ne pourroit voir en même temps que 500 Etoiles , &: encore moins , puifque les plus petites ne paroiiïent pas près de l'horifon. Mais comment Rohault a-t-il pu fe perfuader que dans une belle nuit d'hiver , où le foleil , plus enfoncé fous l'horifon , doit augmenter l'obf- curité , on ne voit que quatre ou cinq cents Etoiles , & encore moins , puifque les plus pe- tites ne paroiffent pas près de l'horifon , au lieu qu'on en doit voir dix fois davantage ? D'ail- leurs , Pcolomée , ayant fait fes obfervations à Alexandrie , où la hauteur du Pôle eft de 31 degrés , n'a pu voir les Etoiles qui £onz à une moindre diftance de ce Pôle , & dont cepen- dant on a formé 1 5 nouvelles Conftellations 272 Mémoires MATHiMA-ei1 ces derniers temps : enfin , pour que ce tiques, ob- nombre d'Etoiles , obfervé par Ptolomée, fub- SER.VATIONS 1 7 ASTB.ONOM. liftât encore le même , il faudroit , qu'autant qu'il a paru de nouvelles Etoiles , autant il en eût difparu d'anciennes ; ce que perfonne ne peut aflurer. Mais Ci Rohault avoit confulté les Catalogues d'Étoiles imprimés de ion temps , il en auroit trouvé 1393 dans Kepler, 1705) dans Bayer, 1437 dans Riccioli , 148 1 dans les fix Cartes du P. Pardies , 1 S S 8 dans Hévélius , Aftronome de Dantzic. Depuis ce temps , Auguftin Royer a fait imprimer à Paris , chez Coignard , en 1684 , les Cartes du ciel réduites en quatre Tables , avec un Catalogue de 1805 Étoiles, contenant leur longitude & latitude pour 1700* Au commencement de ce fiècle , M. de la Hire a donné , en deux feuilles , deux Planifphères où les Etoiles font difpofées avec toute la juf- tefle poflible. Le Septentrional contient 831 Étoiles , le Méridional 745 ; en tout 1 576. M. Halley , Aftronome Anglois , eft allé exprès à rifle de Sainte Hélène pour y obferver les Étoiles méridionales, dont il donna, en 1677, un Catalogue de 3 5 5 , imprimé chez Coignard. M. Flamfteed, Anglois, a donné le plus ample Catalogue d'Etoiles qu'on eût encore vu , puis- qu'il en contient 3000. Un autre Anglois, M. Keill, I d'une Société célèbre. 273 M. Keill , a cru que dans ce nombre de 3000 Mai il dévoie y avoir plufieurs Étoiles de celles qu'on ne voit qu'avec des lunettes • mais loin que ce nombre de 3000 foit trop grand , on peut dire que ce n'eft encore qu'environ le quart du véri- table nombre. Pour faire plus facilement le dénombrement des Étoiles , les Anciens les ont partagées en fîx clalTes ou grandeurs , & en ont formé 48 Conftellations ou aflemblages d'Étoiles voifines, auxquelles ils ont donné des noms Se des figu- res arbitraires , la plupart tirées de la Fable. De ces 48 Conftellations connues des Anciens , les 11 premières forment les 12. lignes du Zo- diaque. Il y a 21 Conftellations Septentrio- nales : la petite Ourfe , la grande Ourfe , le Dragon , Céphée , le Bouvier , la Couronne Septentrionale , Hercule , la Lyre & le Vau- tour , le Cigne , Caftiopée , Perfée , le Char- rier , le Serpentaire , le Serpent , la Flèche , l'Aigle » Antinous , le Dauphin , Pégafe , le petit Cheval , Andromède , le Triangle , la Chevelure de Bérénice. Il y a 15 Conftellations Méridionales : Orion , la Baleine , le fleuve Eridan ou le Po , le grand Chien , le petit Chien, le Lièvre, le Navire Argo , le Loup, le Centaure , l'Hydre , la Coupe , le Corbeau, l'Autel, la Couronne Auftrale , le Poidon Auftral. Tome III, S H EM K- TIQUES , OB- SERVATIONS ASTRONOM. 274f . Mémoires Mathéma- Outre ces 48 Conftellations connues des An- tiques,ob- • -j encore 1 5 autres qui ont été SER.VAT10NS ' j j 1 ASTB.0N0.M. découvertes par ceux qui ont voyagé en ces derniers temps vers le Pôle Antarctique. Ce font la Grue, le Phénix, le Paon , l'Indien , l'Apus ou Oifeau d'Inde , la Mouche , le Caméléon , le Poiiîon volant , le Triangle auftral , la Do- rade , le Toucan , la Colombe, la Croix, l'A- beille, l'Hydre ou Serpent d'eau, & quelques au- tres moins remarquables. Pour déterminer la fituation des Étoiles dans le ciel , les Aftronomes ont imaginé des cercles d'afcenfion droite 8c de déclinaifon , qui divi- fent le ciel par rapport à l'Equateur , &c des cercles de longitude &c de latitude qui le divi- fent par rapport à l'écliptique. On connoît , par les obfervations , l'afcenfion droite & la décli- naifon , qui varient inégalement. L'on en tire, par le calcul , la latitude qui ne varie point, ôc la longitude, qui augmente chaque année de 5 1 fécondes , & d'un degré en foixanre-dix ans 3c demi. C'eft pourquoi , dans les Catalogues d'Étoiles , on marque plutôt la longitude 6c la latitude , que l'afcenfion droite & la déclinaifon , dont la variation elt irrégulière. On compte ordinairement 1 5 Étoiles de la première grandeur , dont 5 font dans le Zodia- que , 3 du côté du Nord , & 7 du côté duMidi. d'une Société célèbre. 27 £ Les 5 du Zodiaque font , 1. l'œil du Tau- màthIma- reau , Aldebaran. 1. Le Cœur du Lion , Re- gw/w. 3. La Queue du Lion, Duneb. 4. L'Épi A"RONOM- de la Vierge , A^imech. 5. Le Cœur du Scor- pion , Antarcs. Les crois du côté du Nord font , 1. Arcture dans la Conftellation du Bouvier , Alramcch. 2. La Chèvre , Capella. 3 . La Lyre , ou le Vau- tour , Lyra, Les 7 du Midi font , 1. La gueule du grand Chien , la plus belle de toutes , Sirius. x. Le pied occidental d'Orion, Rigel. 3. Le cœur de l'Hydre , Alphard. 4. Le Gouvernail du Navire, Canopus. 5. La Gueule du PoifTon Auftral , Fo- mahan. 6. Le pied droit du Centaure. 7. L'ex- trémité de l'Eridan , Acarnar. Quelques uns mettent de la première gran- deur l'Épaule Orientale d'Orion , & le petit Chien , que les autres font feulement de la féconde. Première manière de trouver le nombre des Étoiles. Pour trouver à -peu -près le nombre des Étoiles vifibles , on peut fe fervir de la propor- tion qui fe trouve entre leurs fix grandeurs diffé- rentes , en cette manière. On compte ordinaire- ment quinze Étoiles de la première grandeur. S x 27 6" Mémoires MATHÉMA-Ptolomée en marque 45 de la féconde ; maïs Îk^t'ions ■ le Catalogue de Royer en compte 61 , c'eft-à- iSironom, jjre ^ qQarre fois plus de la féconde que de la première. Suivant donc cette proportion , ôc multipliant par 4 les 61 Étoiles de la féconde grandeur , on trouvera 248 Étoiles de la troi- fième grandeur. Comme ce nombre fuipafle de 30 celui du Catalogue de Royer, qui n'en met que 2 1 8 de la troifième grandeur , on peut diminuer la proportion , ôc mettre feulement trois fois ôc demie plus d'Etoiles de la ttoifième que de la féconde : par -là on trouvera 218 Étoiles de la troifième grandeur , comme dans Royer. Continuant à multiplier 2 1 8 par 3 ôc demi , on trouvera 763 Etoiles de la quatrième' grandeur. Comme Royer n'en met que 504, on peut fuppofer qu'il en a omis un grand nom- bre. Multipliant donc encore les 763 Étoiles de la quatrième grandeur par trois & demi , on aura 2670 Étoiles de la cinquième grandeur, quoique Royer en mette feulement 479. Mul- tipliant enfin 2670 par trois feulement , parce que la différence paroît moins confidérable entre les Étoiles de la cinquième & de la fixième grandeur , on aura 8010 Etoiles de la fixième grandeur , quoique Ptolomée n'en ait marqué que 49. d'une Société célèbre. 277 -»t VIT' j Mathéma- Nombre des Etoiles des différentes grandeurs. tic,Ltes,ob- ser.vatiohs Selon Roy er. Selon le calcul. ire grandeur. 1 s- 1 5* §••• 62. 3 gr- 218. 21b. 504. 7^3- 5e gr. 479- 2670. 6e gr. 80 1 0. Nombre total 1791. 1 173 8. On trouve donc , félon le nouveau calcul, 1 1 7 3 8 Étoiles ou environ 12000 , au lieu de 1022 , que prefque tous les Auteurs fe conten- toient d'avoir. Autre manière de trouver le nombre des Etoiles. Une autre manière de trouver à-peu-près le nombre des Étoiles , confifte à compter le plus exactement qu'on peut le nombre des Etoiles contenu dans un efpace déterminé du ciel , ré- duit en degrés quarrés , & à chercher , par une règle de proportion , combien il y auroit d'E- toiles dans le refte du ciel , en y fuppofant à proportion autant d'Etoiles que dans l'efpace mefuré. Il faut pour cela réduire en degrés quarrés toute la fuperricie du globe célefle , en S 3 278 Mémoires Mathéma- multipliant la circonférence de 360 degrés par diamètre, auflî réduit en degrés. Les Géomè- 5tl\VA i ION j ASTB.OKOM. rres f qU{ ont recherché la proportion du dia- mètre à la circonférence , ont trouvé qu'elle étoit à très peu-près comme 7 à 22 , ou comme 100 à 514, ou plus exactement encore comme 113a 355, ou, en plus grands nombres, comme 1 00000 à 3 141 59. Or , comme la circonférence eft au diamètre , ainfi la circonférence de 366 degrés eft au diamètre de 114 degrés 35 mi- nutes. Pour trouver la fuperficie d'un globe , il ne faut que multiplier la circonférence par le diamètre. Multipliant donc 360 degrés par 1 14 degrés 35 minutes , on aura , pour la fuperficie de la fphère , 41256 degrés quarrés. Ayant décrit fur une feuille de papier d'un pied de longueur la figure de la conftellation d'Oiïon , félon les degrés d'afcenfion droite 8c de déclinaifon que donnent les Tables de M. de la Hire , & ayant pris l'efpace contenu entre les deux épaules & les deux pieds , on en a formé un quadrilatère , dont la diagonale, tirée de l'épaule occidentale au pied oriental , s'eft trouvée afTez exactement de 1 7 degrés de lon- gueur. Les deux perpendiculaires tirées fur cette diagonale fe trouvent égales , & de 7 degrés & un tiers. Ainfi multipliant la diagonale de 17 de- d'une Société célèbre. 279 grés par une des perpendiculaires , on aura pour Mathéma le contenu du quadrilatère 125 degrés quarrés. IÎrvatÏok! Divifant le même quadrilatère en degrés de AsTRoNOM- longitude & de latitude, on y peut placer 20 Étoiles du Catalogue de Ptolomée , & 7 autres du Catalogue de Royer , outre 18 autres qu'on y a encore comptées , ce qui donne 45 Etoi- les dans un efpace de 1 1 5 degrés quarrés. Or , co'mme 125 degrés font à 45 Etoiles, ainfî 41256 degrés de toute la furface du ciel font à 14852 Etoiles. Il y auroit donc environ 15000 Etoiles, 11 tout le ciel en étoit aufli rempli que la conftellation d'Orion. Mais , comme cela ne paroît pas ainfî , on peut ré- duire les Etoiles vifibles à environ 12000. Cela paroîtra fans doute furprenant à ceux , qui , fur la foi mal entendue de Ptolomée , n'ont compté que 1022 Étoiles, & qui devroient fe féliciter d'en avoir dix ou douze fois davantage. Ga- lilée eft le feul Auteur qu'on connoifTe qui ne fe foit pas éloigné de cette fupputation , en eftimant le nombre des Étoiles vifibles à 1 8000 , ou davantage. Rie. Voy. Ciol. Almag. Pour ce qui regarde le nombre des plus pe- tites Etoiles, qu'on ne peut distinguer fans lu- nettes , il eft plus difficile de le déterminer. Riccioii a cru qu'elles pouvoient aller à deux S 4 s8o Mémoires tΣÙes*o£ ll"^ons ? ma's volci une remarque qui peut st.rvations diminuer de beaucoup ce nombre. Il y a dans A5TK.OKO.M. . . . ' la conltellacion de l'Ecrevitfe une Etoile néfcu- leufe' appellée Prœfepe Cancri , qui paroît aux yeux comme un petit nuage rougeârre , où l'on ne diftingue aucune Étoile à la vue (impie ; mais avec de bonnes lunettes on y compte 41 petites Etoiles dans l'efpace d'un degré quarré, félon la figure qu'en donna l'Académie Royale des Sciences en 1692 , pour obferver le paflage de Mars parmi ces Étoiles , & par ce moyen fa parallaxe. Si donc chaque degré du ciel contenoit 42 petites Etoiles , il en faudroit 1732752, (*) c'eft-à-dire , un million & près des trois quarts d'un million pour remplir tout t le ciel , qui paroîtroit alors tout rougeâtre. Comme il s'en faut beaucoup que le ciel ne paroiffe ainu rougeâtre , on peut fe contenter de mettre feulement 10 petites Etoiles en cha- (*) 4115^ 4* 82512. 16 5 ci 4. 175 2752. (Tune Société célèbre. 281 que degré ; ce qui n'iroit qu'à 412560 Étoiles Mathéma- pour les 41136 degrés de toute la fuperficie du sJrv1tÎo°nT Quelques Auteurs ont cru que les noms d'Orion , d'Arcture , de Hyades , de Pléiades font fort anciens , puifqu'ils fe trouvent dans Job , chap. 9 j 37 & 3 8 j dans Ifaïe , chap. 1 3 , & dans Amos chap. 5 j mais on doit remar- quer que ces mots ne font point du Texte Hébreu , mais de la Verfîon Vulgate ou des Septante : car les mots Hébreux qui fe trou- vent en ces endroits font , Ngaas , Chima , Chéfil qui n'ont aucun rapport à ceux d'O- rion, d'Arcture , de Hyades, de Pléiades , qu'on leur a fubftitués au hafard comme plus connus, parce qu'on ignoroit la propre lignification des termes du Texte. 2$ 2 Mémoires Mathéma- tiques, ob- sfkvations astkonom. ARTICLE III. EXCELLENCE du Calendrier Grégorien dé- montrée • par le P. de la Maugeraye j Jéf. On fe propofa trois chofes dans la réforma- tion du Calendrier : la première de remettre l'équinoxe au 21 de Mars , où il étoir au temps du Concile de Nicée , & de trouver une équa- tion folaire, qui l'empêchât déformais de s'en éloigner , comme il étoit arrivé. La féconde , de ne plus marquer les nouvelles Lunes par le nombre d'Or , mais par des épa&es , & de trouver une équation Lunaire pour les régler. La troifième , de déterminer les épactes , qui dévoient être en ufage dans chaque fiècle. L'équation Solaire, dont on s'eft fervi , con- fifte à retrancher trois jours en quatre fiècles j c'eft-à-dire , à ne faire biffextile les centièmes années que de quatre en quatre fiècles. Par le moyen de cette équation , les années Aftro- nomiques & Juliennes s'accordent parfaitement bien de quatre en quatre nècles. On ne pouvoit rien imaginer de mieux que cette équation ; & le célèbre M. Callïni , après l'avoir examinée foigneufemenr , avoue que, fur OM. cTune Société célèbre. 283 cet article, il n'v a rien à changer dans le Ca- Mathéma- lendrier Grégorien. L'équation Lunaire augmente les épaétes /fè ASJKON huit jours en 1500 ans ; de quatre jours en 1150 ans ; de deux jours en 615 ans j & d'un jour en 3 1 2 ans 1. Elle eft tout-a-fait belle & très-jufte , puif- que la grandeur du mois Lunaire qu'on en tire, eft de 29 jours 12 heures 44' 3" , c'eft-à-dire 3 telle que la donnent les meilleures Tables Af- tronomiques , à une Tierce près. Cette équation a de fi grandes beautés , que l'Illuftre Académicien que je viens de nommer, n'a pu s'empêcher de l'admirer j il eft demeuré d'accord que , fur cet article , il n'y avoit en- core rien à corriger dans le Calendrier Gré- gorien. Il n'en eft pas de même du ttoifième article. On blâme le Jéf. Clavius d'avoir diminué d'un jour les épacles , & de n'avoir pas fuivi le projet de Calendrier drelfé par Lilius , & qui fut envoyé aux Princes Chrétiens. Cette diminution fait célébrer quelquefois Pâque une iemaine trop tard, comme il eft arrivé en l'année 1724. Le grand Cafllni , confulté au commence- ment de ce fiècle fur le Calendrier , de la paît ( du Souverain Pontife , répondit que cet Ou- vrage feroit auffi parfait qu'on pouvoit le fou- 284 Mémoires "Mathéma- haiter , fi , dans l'exécution , on avoit fuivi le TIQUES, OB- . 1 T • • > a V . servations projet de Lilius , & qu'on n'eut point diminué ASTRONOM. 1, I ' n o ci un jour les épactes ; ce que , pour remettre le Calendrier dans fa perfection , il ne falloit qu'augmenter les épactes d'un jour. On ne peut pas nier qu'en fuivant le projet de Lilius , on auroit, par le Calendrier , les nouvelles Lunes aufli exactement conformes à l'état du ciel qu'il eft pofîlble. Et c'eft en cela que confifte la per- fection que M. Calîini vouloit qu'on rendît au Calendrier. Or , puifque la feule chofe qu'on trouve à reprendre & à corriger dans le Calendrier , efl la diminution des épactes ; fi je puis montrer que cette diminution étoit nécelTaire , par rap- port au but qu'on fe propofoit dans la compo- fition du Calendrier , on conviendra qu'il n'y a rien à corriger dans le Calendrier , & qu'il eft dans fa perfection. Je vais donc montrer que la diftribution que Clavius a faite des épactes , eft la meilleure qu'on pouvoit faire , & qu'il eft impoiïible d'en imaginer une plus jufte , par rapport aux règles que l'Eglife a preferites pour célébrer la fête de Pâque. Pâque , félon les règles de l'Eglife , doit Te célébrer le Dimanche qui fuit immédiatement le 1 4 de la Lune du premier mois j & fi le 14 ASTB.ON0M. (Tune Société célèbre. 28? eft un Dimanche , Pâque eft remis au Dimanche Mathéma- r • tiques , os- faivant. NERVATIONS On appelle premier mois , ou première Lune , celle dont le 14 tombe le 11 Mars , ou le fuir. Si la Lune commence le 8 de Mars, le 14 tombera le 2 1 , & elle fera Pafchale. Mais, Ci la Lune commence le 7 de Mars , alors le 14 tombera le 20 de Mars , &: elle ne fera pas Pafchale ; mais il faudra attendre la fuivante, qui commencera le 5 Avril , & qui fera Paf- chale. Toutes les Lunes Pafchales fe trouvent entre le S de Mars , & le 5 Avril inclusivement. D'où il eft aifé de voir , que le plutôt qu'on puifife célébrer Pâque , eft le 22 Mars , & le plus tard le 25 Avril. Puifque Pâque doit fe célébrer le Dimanche qui fuit le 14 de la Lune , il eft clair que cette fête pourra fe célébrer depuis le 1 5 de la Lune jufqu'au z 1 inclufîvement. Il falloit deux chofes aux Juifs pour célébrer Pâque ; le premier mois & la pleine Lune. l'Eglife veut de plus qu'on la célèbre un jour de Dimanche : c'eft donc un défaut de célébrer Pâque le fécond mois où le dernier mois ; mais c'eft un plus grand défaut de la célébrer le der- nier mois , que de la célébrer le fécond mois ; puifqu'en la célébrant le dernier mois , on fe- tlQUES , OE STRYATIONS ASTB.ONOM. 28.5 Mémoires Mathéma- roit deux Pâques en une année , &' qu'on paf- feroit une année fans Pâque. Ajoutez qu'il étoit permis aux Juifs de célébrer Pâque le fécond mois , lorfque , pour quelque caufe légitime , ils n'avoient pu la célébrer le premier mois ; mais il n'étoit jamais permis de la célébrer le dernier mois. C'eft encore un défaut de célé- brer Pâque la féconde ou la quatrième femaine; mais c'eft un plus grand inconvénient de célébrer Pâque la féconde femaine , que de la célébrer la quatrième ; puifqu'en la célébrant la féconde femaine , on la célèbre avant la pleine Lune. Il eft impoflible de difpofer de telle manière un Cycle , qu'il ne s'y rencontre quelquefois quelqu'un des défauts dont on vient de parler. Si l'équinoxe arrive le 23 de Mars, que la Lune commence le 8 de Mars , & que la lettre Dominicale foit D , Pâque fe célébrera le 2.2 de Mars avant l'équinoxe , & par confé- quent Pâque fe célébrera le dernier mois. Si l'équinoxe arrive le 1 9 de Mars , étoit un Dimanche, plus d'un jour asxronom. avant la pleine Lune , qui n'arriva que le 1 1 , une heure après midi ; c'elt-à-dire , que Pàque fe feroic célébrée la féconde femaine. En 1598 , l'épacle Grégorienne étoic 13. Le premier de la Lune, félon l'épacle, fut le 8 Mars. Le 14 tomba le 21 Mars j & le 22 , qui étoit un Dimanche , on célébra Pâque. L'oppo- fition moyenne arriva le 21 Mars à zo heures après midi , c'eft-à-dire , le 22 à huit heures du matin. Si l'épacle n'avoit pas été diminuée d'un jour, elle auroit été 24 , &: elle auroit donné la Lune Pafchale le 5 Avril j le 14 feroit arrivé le 18 Avril , &• le 19, qui étoit un Dimanche , Pâ- que fe feroit célébré. Or , cette même année , l'oppofition moyenne n'arriva que le 20 Avril , à 9 heures 20' après midi , & la vraie oppodtion le 20 à 22 heures après midi j c'eft-à-dire, que Pâque fe feroit célébré plus d'un jour avant ta pleine Lune , e\: par conféquent la féconde fe- maine. En 16 5 5 , Tépacte Grégorienne étoic 1 2. Le 14 de la Lunetomboit le premier Avril, & la pleine Lune moyenne arrivoit le premier Avril à 21 heures. Si l'épade avoir éré 1 5 , félon le projet s de Lilius , le i4 de la Lune feroit arrivé Je 3 1 Mathéma- Mars , & Pâque fe feroir célébré le premier TIQUÎS ' OB~ . .. 1 r v uu SEB.VAT10NS Avril, 20 heures avant la pleine Lune. astronom. L'année 1666 avoir 24 d'épacte. Le 14 de la Lune tomboit le 1 8 Avril , & la pleine Lune moyenne arrivoic le i 8 à 1 5 heures. On cé- lébra Pâque le 2 5 Avril , qui étoit un Di- manche. Mais, fi l'épa&e avoir été 25 , le 14 de la Lune feroit arrivé le 17 Avril 8c le 1 8 , qui étoit un Dimanche , Pâque fe feroit cé- lébré , 1 5 heures avant la pleine Lune moyenne. En 1807, l'épade fera 22. Le 14 de la Lune arrivera le 22 Mars , & la pleine Lune moyenne le 23 à 11 heures. Pâque fe célébrera le 29 Mars. Si lepacte étoit 23 , le 14 de la Lune arriveroit le 21 Mars ; & le 22 , qui eft un Dimanche , Pâque fe célébreroit, un jour 8c 1 1 heures avant la pleine Lune moyenne. On pourroit apporter une infinité d'autres exemples, pour montrer dans combien d'incon- véniens on feroit tombé , fi les épaéles n'avoient pas été diminuées d'un jour. En 1710, la pleine Lune moyenne feroit arrivée 6 heures après midi , le jour de Pâque. En 1730 , elle feroit arrivée 8 heures après midi. En 1750 , elle feroit arrivée 9 heures après midi. 2$ 2 Mémoires Mathéma- En 17(37 , elle feroic arrivée S heures après TIQUES, OB- ... SiRVATIONS IttlQl. astkonom, Mais ce qu'on va dire rendra encore plus foi. lîblesles défauts dans lefquels on feroit tombé, fi les épactes n'avoient pas été diminuées d'un jour. Entre les dix-neuf épactes, qui font en ufage dans un même Cycle décemnoval , il arrive , dans un même liècle , que les unes donnent le 14 avant les pleines Lunes moyennes, pendant que les autres donnent le 14 après les pleines Lunes moyennes. On en peut apporter un grand nombre d'exemples : en voici quelques-uns. En 1603, l'épacte 1 S donne le 14, 18 heures avant l'oppoiition moyenne. En 1609, I'épacte 24 donne le 14, 13 heures avant l'oppoiition moyenne. En 16 10, l'épa&e 5 donne le 14, 22 heures avant l'oppoiition moyenne. Et. en 1604 , i'épacte 29 donne le 14 , 8 h, après l'oppofition moyenne. En 1608 , I'épacte 13 donne le 14, 8 heures après l'oppofition moyenne. En i6izs I'épacte 28 donne le 14, 20 heures après l'oppofition moyenne. Non feulement cela arrive par rapport à dif- férentes épactes , qui font en ufage dans un même Cycle , mais encore par rapport à la même épacte. En 1700, I'épacte 9 donne le 14 , 11 heures d'une Société célèbre. 25? 3 vaut la pleine Lune moyenne, & en 1776, Mathéma-" a / o i t , . TIQUES , OS- a même epacte 9 donne le 14 , 19 heures après servations 'oppofition moyenne. ASTRO1,0M- En 171 1 , lepaâe 1 1 donne le 14 de la Lune 15 heures avant l'oppofition moyenne , & en .76$ , la même épacte 11 donne le 14, 9 h. iprès l'oppofition moyenne. En 1800, l'épac"te 4 donne le 14 de la Lune, [9 heures avant l'oppofition moyenne j & en [S76 , la même épacte 4 donne le 14 , 10 h. iprès l'oppofition moyenne. On en trouvera des ïxemples fans fin. Or , il eft manifefte que ces exemples démontrent qu'on ne pouvoit mieux lifpofer les épactes qu'a fait Clavius-y puifque, i on les augmentoit d'un jour , les épactes qui donnent le 14 de la Lune après l'oppofition moyenne , donneroient le 1 4 encore un jour plus tard ; & celles qui donnent le 14 de la Lune want l'oppofition moyenne , le donneroient encore un jour plutôt. Peut-être que quelqu'un conclura de ce que je viens de dire , que , puifqu'on ne peut avoit aucun Cycle fans défaut , on doit fe fervir des mouvemens des aftres , pour déterminer Pâque. Il eft à croire que l'Eglife auroit pris ce parti- là , fi le calcul pouvoit terminer les difputes ; mais , bien loin de les terminer, il les rendroic éternelles , comme on va voir. T 3 25*4 Mémoires Mathéma. ï°- Chacun voudroit compter par fon méri- tiques,ob- jjen ce • fourniroic une ample matière de SERVATIONS » -1 £ astromom. difpute touchant la Lune Pafchale. A Rome , on voudroit compter par le méridien de Rome, en Angleterre , par le méridien de Londres , qui en eft la Capitale , & à Jérufalem , par celui de Jérufalem , &c. Or, entre deux méri- diens , il fe trouve quelquefois plufieurs heures de différence : l'Equinoxe du Printemps pour- roit arriver un jour de Mars , par rapport à un méridien , & un autre jour, par rapporta l'autre méridien j & , dans cette fuppofition, la même Lune feroit Pafchale par rapport à un pays , & ne feroit pas Pafchale par rapport à l'autre, d'où il arriveroit qu'on célébreroit Pâque en différens mois. i°. Quand bien même il n'arriveroit point de difpute fur la première Lune , il pourroitfe faire qu'on ne feroit pas d'accord fur la femaine qu'il faudroit célébrer Pâque, puifque le 14 de la Lune pourroit arriver le famedi , par rapport à un méridien , & le Dimanche , par rapport à l'autre. Quelqu'un répondra que le Pape détermine- roit le méridien • mais ceux qui ne veulent pas fe foumettre à la règle établie par le Pape pour célébrer Pâque , feroient-ils plus dociles pour le méridien qu'il détermineroit ? D'un autre côte , d'une Société célèbre. 2$$ le Pape , en déterminant le méridien , ne pour- Mathéma- „ , ,,r 3 "A rr tiques, ob- roit empêcher que 1 hquinoxe n arrivât en dit- SERVations férens jours , par rapport à difFérens Pays. Ainfi , ASTB-0K0M- il fe trouveroit toujours des pays qui célébre- •roient Pâque contre les anciennes règles établies par l'Eglife. Or , fi on ne peut fouffrir les épac- tes établies , parce qu'elles font célébrer Pâque quelquefois contre les règles , recevra- 1- on le Canon du Méridien , qui feroit auffi fouvent tomber dans les mômes défauts. 30. S'il ne fe trouvoit point de difficulté du côté des méridiens , il s'en pourrcit trouver par rapport aux Tables dont on fe ferviroit • chacun prétendant que les Tables dont il fe fert font les meilleures. Or, il arrive fouvent que les Tables ne s'accordent pas , tk qu'elles font affez diffé- rentes : elles fourniroieut donc matière à de grandes difputes. Clavius rapporte que l'an 1586, les Tables de Copernic déterminoient l'Equinoxe du Prin- temps , 1 3 heures après qu'il arriva , pendant que les Aftronomes le déterminoient au con- traire 9 heures trop tôr. Ainfi , entre ces Tables, il fe trouvoit xi heures de différence. Je fais que dans les moyens mouvemsns il ne fe trou- veroit pas de fi grandes erreurs ; mais fi on em- ployoit les calculs, on chercherok le vrai Equi- noxe, la vraie Lune. r 4 2$ 6 Mémoires Mathéma- 40. Le Concile de ÎNioée & plufieurs Con- shrvatio°Bs' c^cS aPr<^s lui > ne donnant que 29 jours aux astroxom. pleines Lunes Pafchales , depuis le 21 Mars in- cîufivement jufqu'au 19 Avril inclulivement , il pourroit arriver que dans certaines années , il ne fe trouveroit pas de pleines Lunes Pafchales , puifqu'il pourroit fe faire que, dans les 29 jours deftinés aux pleines Lunes Pafchales , il ne s'en trouvât aucune Aftronomique : or, dans ce cas, quelle Lune feroit Pafchale ? Toutes ces raifons ont déterminé l'Eglife à ne fe fervir des mouve- mens des Aftres , qu'autant qu'ils lui étoient né- ceflaires pour former un Cycle. Or , puifqu'un Cycle eft abfolument néceflaire , il eft clair qu'il faut choiiir celui qui a le moins de défauts , 8c par confequent qu'il faut fe fervir de celui de Clavius , qui eft le plus parfait , & conclure que le Calendrier Grégorien eft dans fa perfection , qu'il n'y a rien à y corriger y 8c même qu'il eft perpétuel dans le fens , que , fans y faire aucun changement , on pourra l'accommoder à la grandeur de l'année Aftronomique , foi: fo- laire , foit lunaire , quelle qu'elle puilfe être d'une Société célèbre, i$>l ARTICLE IV. Math ém a- tiques, ob- servations astb.onom» D E quel mois de T année Solaire doit prendre fon nom chaque mois de f année Lunaire ? Par le P. de R***, Jéf. (*). JLe Calendrier du Peuple de Dieu, où l'on fe fervoic de mois Lunaires qui avoienr chacun leur nom , n'a jamais eu là-deiïus aucun em- barras. Leur année commençoic à la Lune , dont le 14 arrivoic à l'équinoxe du Printemps , où immédiatement après ; & , pour retenir les faifons dans les bornes de l'année Solaire , quand il arrivoic que leur année , qui étoit communé- ment de douze mois , en donnoit encore un , dont le 14 venoit avant l'équinoxe du Prin- temps , on lui faifoit prendre une féconde fois le nom de leur douzième mois , & on l'appel- loit le fécond Adar j & cette année étoit em- bolifmique , c'eft-à-dire , qu'on lui ajoutoit une treizième Lune. L'année Solaire , qui eft maintenant en ufage dans 'a plupart des Royaumes & des Provinces (*) Ce Mémoire eft de 174U 2^8 Mémoires "Iathéma- Je l'Europe , commence le premier de Janvier, sïrvations ôc t étant ordinairement de 365 jours, elle fur- astrokom. pa^pe ^e l j jQlus l'année Lunaire du Peuple de Dieu , dont les douze mois alternativement de 30 & 29 jours, ne contiennent èrïfemble que 354 jours. Et , comme le mois de Janvier & de Février de l'année Solaire , qui précèdent l'équinoxe du Printemps , contiennent le nom- bre de 59 jours , ils font exactement deux mois Lunaires , dont l'un eft de 30 jours 6c l'autre de 29 : d'où il arrive que l'année Lunaire, en concurrence avec Tannée Solaire , qui com- mence le premier de Janvier , nous donne des années de treize Lunes , dans le même ordre que cela revient , par rapport au Calendrier Judaïque. Ce fondement étant établi , nous reconnoif- fons d'abord , qu'il y a fur la queltion propofée trois opinions , qui ont été foutenues par des hommes favans , avant 6c après la réformation Grégorienne. Et , pour en parler félon l'ordre des temps , la première établilfoit qu'il falloit donner au mois Lunaire , le nom du mois de l'année Solaire , où la Lune commence. Ainfi , félon cette opinion , la Lune de Janvier étoit celle qui commençoit en Janvier , 6c l'on de- voit continuer toute l'année à donner au mois cPune Société célèbre, 29$ Lunaire , le nom du mois Solaire où arrivoir, la Mathéma- _ TIQUES , OB- nouveile Lune. servations La féconde opinion étoit que le mois Lu- AS™,KOM* naire devoir prendre le nom du mois Solaire * où arrive la pleine Lune ; & ce fut celle du vé- nérable Bède. Le principal fondement de cette opinion étoit , que la lunaifon qui portoit le nom du mois Solaire , où elle étoit pleine, fai- foit au moins la moitié de fa révolution dans le mois , dont elle portoit le nom ; au lieu que dans les autres opinions , on fait prendre à la Lune le nom du mois Solaire , où elle n'eft quelquefois qu'un ou deux jours. Enfin , la troifième opinion prétend qu'il faut donner à la Lune le nom du mois de l'année Solaire , où elle finit. Toutes ces opinions différentes 3 ayant été foutenues par de favans Auteurs , auroient , dans la plupart des Sciences , un degré de pro- babilité , qui laifleroit a chacun la liberté de fuivre celle qui feroit le plus à fon goût ; mais comme ii s'agit ici de la révolution des aftres , qui eft du reflort des Mathématiques , ce n'eft pas afiez d'une limple probabilité ; c'eft à la démonftration qu'il faut avoir recours pour con- noîcre quelle eft la véritable opinion : & c'eft ce que nous allons faire. 30o Mémoires Mathéma- i°. Dans les 19 années du Cvcle Lunaire" TIQVM, OE- . JJ 1 SEB.VAT10NS qui nous ramènent dans le même ordre la con- jonction des altres qui nous donnent le jour & la nuit , attachons-nous à celles qui ont pour épacte *. La dernière année que nous avons eu de ce genre , eft l'année 1729. L'année donc 1729 , ayant pour épaére *, Je premier jour de Janvier fut auflî le premier de la Lune : le 1 5 arriva la pleine Lune , & le 30 fut le dernier jour du mois Lunaire. Voilà donc une Lune , qui , félon les trois opinions, fut certainement celle de Janvier. Elle y com- mença , elle y fut pleine , & elle y finit j Se tous les autres mois , tant Lunaires que Solaires, s'étant fuivis dans l'ordre le plus naturel , le douzième mois de l'année Lunaire finit le 20 de Décembre, onze jours avant la fin de l'année Solaire : & ces onze jours furent 1 épa£te de l'année 1750. L'année Solaire ne furpalfant , en 1729, l'année Lunaire que de onze jours , il eft évi- dent qu'elle ne fut pas embolifmique , & fes douze mois fe trouvèrent totalement accomplis le 20 de Décembre. Il eft aulîi très-conftant que la nouvelle Lune , qui commença le 11 de Décembre , & qui finit le 1 9 de Janvier en 175° ? hit la Lune de fon premier mois 3 & TIQUES , o«- i£R VATIOKS AiTÏ.OiiOS.1. (Parte Société célèbre, 301 <5ue le mois Lunaire , qui commença le 20 de m.-tkéua- Janvier , fut la Lune de Février , où elle finit le 17. Voilà donc du premier coup la première opinion qui tombe. Car on voit manifeftement que la Lune qui a commencé le 21 de Dé- cembre a été pleine , & a fini dans le mois de Janvier, dont elle a du porter le nom. 20. Continuant à fuivre les nouvelles Lunes dans le même ordre avec l'épa&e 1 1 de l'année 1730 , on verra que fon douzième 8c dernier mois de l'année Lunaire s'eft terminé le 9 de Décembre ; & ne reftant plus que 22 jours pour finir l'année Solaire , il eft encore certain -que Tannée ne fut point embolifmique } car ii faut au moins un reftant de 30 ou 29 jours, pour avoir l'année Lunaire de treize Lunes. L'année Lunaire , en concurrence avec la So- laire de 1730 , n'ayant été que de douze mois, qui ont fini le 9 de Décembre , on connoît que la nouvelle Lune , qui a commencé le 10 de Décembre , doit appartenir au premier mois de l'année Solaire 1 7 3 1 , où elle a fini le 8 de Janvier : & par-là on voit encore tomber la fé- conde opinion , qui attribue la dénomination du mois Lunaire au mois Solaire , où elle eft pleine ; car le plein de cette lunaifon artiva le 24 de Décembre, après que les douze mois de l'année Lunaire , qui concouroit avec la Solaire de ^ 02 Mémoires Mathéma- 1730 , étoient totalement finis le 9 de Dy- tiques , or- 1 sERVATioNs cemore. . On connoît pareillement avec certitude que la nouvelle Lune , qui a commencé le 1 o de Décembre de l'année Solaire 1750 , a dû emprunter fon nom du mois de Janvier , où elle a fini le S de l'année Solaire 1 7 3 1 . La fé- conde Lune , qui commença le 9 de Janvier , & qui finit le 6 de Février , fut la Lune de Février. La troifième , qui commença le 7 de Février , 8c qui finit le S de Mars , fut la Lune de Mars. La quatrième, qui commença le 9 de Mars , & qui finit le 6 d'Avril , fut la Lune d'Avril. La cinquième qui commença le 7 d'A- vril , & qui finit le 6 de Mai , fut la Lune de Mai. La fixième , qui commença le 7 Mai , & qui finit le 4 de Juin , fut la Lune de Juin. La feptième , qui commença le 5 de Juin , cV qui finit le 4 de Juillet , fut la Lune de Juillet. La huitième qui commença le 5 de Juillet , & qui finit le z d'Août , fut la Lune d'Août. La neuvième , qui commença le 3 d'Août , & qui finit le premier Septembre , fut la Lune de Sep- tembre. La dixième , qui commença le 1 de Septembre , & qui finit le 30 du même mois, fut la féconde Lune de Septembre. L'onzième Lune , qui commença le premier d'Octobre , & qui finit le 30 du même mois, fut celle d'Oc- d'une Société célèbre, 303 tobre. La douzième, qui commença le 31 d'Oc- mathéma- tobre, & qui finit le 28 de Novembre , fut k™^;o**" Lune de Novembre. A»ROt)OM- Reftant encore deux jours du mois de No- vembre , & le mois de Décembre entier avant la fin de l'année Solaire , on conçoit que cette année, 1731 , fut embolifmique \ c'eft-à-dire , qu'il falloit lui ajouter une treizième Lime. Eu effet , ajoutant 11 à 2Z d'épacte de 1731 , on a encore une Lune qui finira avant la fin de l'année Solaire \ Se la douzième , ayant fini le 28 de Novembre , cette treizième Lune , qui commença le Z9 Novembre , & qui finit le 28 de Décembre , fut pareillement la Lune du mois Solaire , où elle finiffoit. De tout ce que nous avons dit fur les trois opi- nions, on voit clairement que dans l'année 1729, où la Lunaire 8c Solaire commencèrent enfem- ble , l'année Lunaire dût finir 1 1 jours avant la Solaire : car de 365 , retranchant 354 jours, refte 1 1 , qui eft le principe fondamental de toutes les épadtes. D'où réfulte une anticipation de 1 1 jours de l'a nnée Lunaire fur la Solaire 1730, laquelle année Lunaire eut , pour cela , la fin de fon 1 ze mois le 7 de Décembre : en effet , ajoutant 11 jours à 365 de l'année Solaire , on a 376 , d'où ayant retranché 354, refte 22 pour l'épacte de 173 1 j & cela donne , pour cette :J0£ Mémoires Mathéma- année , une anticipation de iz jours de Tannés «^.T ^naire fek Solaire. .stronom. Ajoutant de nouveau n jours à 11 d'anti- cipation , on a 55 , qui eft un nombre plus grand qu'une lunaifon entière ; d'où Ton con- noît que l'année 1 7 3 1 , fut embolifmique. Ayant en conféquence ajouté à l'année Solaire l'épacte 22. , on a 387 jours , Se à l'année Lunaire une Lune , on en a 384 j & , retranchant ce nombre du précédent, on a 5 , qui eft l'épaâë de 1752, & encore l'anticipation de l'année Lunaire fur la Solaire , dans le cas môme où elle eft embo- lifmique. D'où l'on voit que l'épacte de chaque année donne toujours le nombre des jours dont l'année Lunaire anticipe la Solaire , &c qu'il n'y a qu'un feul cas où ces années commencent enfemble , qui eft lorfque l'épade eft fans nombre. De-là on connoît évidemment que la première Lune de chaque année finit toujours en Janvier , & que toutes les Lunes rnuiFent conféquemment dans les autres mois de l'année Solaire dont elles doivent porter les noms. C'eft fur cette règle fondamentale que le P. Clavius , dans fon grand Ouvrage de ia réfor- mation du Calendrier , établit qu'il faut donner aux Lunes le nom du mois de l'année Solaire où elle* finiflent , & il ajoute que c'eft- là le fen- timent / iTHEMA* (Purte Société célèbre: 30$ «ment de tous les Computiftes. ltà Computifta Mai omnes. Ceft fur ce même principe inconteftable TIQUES> OB" . 1 1 SERVATIONS que M.Blondel, de l'Académie Royale des S cien- ASTB.0N0M. ces, dans fon Hiftoire du Calendrier Romain, qui a fait tant d'honneur à la réformation Gré- gorienne , dit pofitivement avec Clavius ( au s Chapitre IV de la féconde partie , page 1 56 ) , que c'eft l'ancienne maxime des Computiftes , que chaque Lune appartient au mois ou elle fi termine. Après cela , n'a-t-on pas eu lieu d'être fur- pris de trouver dans le Calendrier de la Cour , imprimé chez Collombat , pour la famille Royale & Maifon de Sa Majefté , de trouver , dis- je , l'an 1 740 , la nouvelle Lune , qui a commencé le 28 de Janvier à huit heures du foirà Paris , nommée la Lune de ce premier mois de l'année Solaire j après qu'un célèbre Académicien, Maî- tre de Mathématiques du Dauphin, fils de Louis XV , avoir dit , dans un favant Ouvrage , avec tous les Computiftes , que chaque Lune appar- tient au mois où elle fe termine ? Certainement l'année Lunaire précédente avoit fini le 30 de Décembre l'an 1739 , un jour avant la Solaire \ & cette unité d'anticipa- tion fut l'épac~te de 1740. La Lune donc qui avoit commencé le 3 1 de Décembre 1739 , fut la première qui concourut avec l'année Solaire Tome IIL V %o6 Mémoires Mathéma- 1740 , & l'cpade 1 en donna la fin le 15 Jan- «rvati'onV v*er' On voit par-là que cette Lune , étant celle amtrqnom. je Janvier f la nouvelle Lune , qui , par le cal- cul Aftronomique pour le méridien de Paris , commença le 28 de Janvier à S heures du foir, dût être nommée la Lune de Février , où elle finit le 16 à 6 heures 24 minutes du matin. On trouve encore la même erreur dans le Ca- lendrier de la Cour de l'année 1741 , où la nou- velle Lune , qui a commencé le 17 de Janvier , eft nommée la Lune de ce premier mois de l'an- née Solaire ; pendant que, félon la règle reçue de tous les Computiftes , elle eft celle de Fé- vrier, où elle a fini le 1 5 à 10 heures mi- mites du foir , au méridien de Paris. Tout ce que nous avons dit ici s'accorde par- faitement avec ce qui a été imprimé dans le Mercure de France , ôc dans le Calendrier de la Flandre l'an 1740 , où l'on a démontré, fur le même principe , que la Lune Pafchale n'eft jamais la Lune de Mars. d'une Société célèbre: 307 ARTICLE V. Mémoire fur les -dernières tentatives que Von a faites pour découvrir le mouvement an- nuel de la Terre, /est par la parallaxe horifontale , ou diffé- rence optique qui fe trouve entre un aftre vu du centre de la terre & d'un point quelconque de fa furface , que l'on connoît la diftance des corps céleftes , & leur grandeur. Deux lignes ti- rées , l'une du centre de la terre , l'autre d'un point de fa furface , au centre d'un aftre qui eft à l'horifon, forment un triangle reélangle , donc l'angle aigu , qui eft au centre de l'aftre , eft la parallaxe. Si cet angle eft connu, tout le triangle l'eft auflî par les règles de la Trigonométrie , puifque l'on en connoît deux angles & un côté. Le côté connu, c'eft le demi-diamètre de la terre ; les deux angles , celui de la parallaxe , par la fuppofïtion , ik l'angle droit formé par ce demi-diamètre , & par la ligne ou rayon vi- fuel conduit de la furface de la terre au centre de l'aftre. Si 1 eîoignement de l'aftre eft tel que le demi-diamètre de la terre foie réduit à un point 3 il eft vifible que les deux rayons vifuels Ma théma- tiques , OB- SERVATIONS •AÎÏRONOM. 30 8 Mémoires MATHÈMA-fe confondent, celui qui vient du centre de la sÉkvati-ons terre, & celui qui part d'un point de fa furface, as xronqm. & ny a plus de paranaxe. C'eft ce qui ar- rive à l'éga.rd des étoiles fixes, & même de Sa- turne & de Jupiter. Comment donc mefurer la diftance des fixes ? M. Hughens , dans fon Cofmothéoros , ou Traité des habitans des Planètes , fuppofanc que Sirius eft égal au Soleil , réduit par fa lu- nette , le diamètre apparent du Soleil , à n'être pas plus grand que celui de Sirius , & il le trouve ving-fept mille fix cents foixante-quatre fois plus petit qu'il ne nous paroît ; d'où il conclut que Sirius eft vingt-fept mille fix cents foixante-quatre fois plus éloigné que le Soleil ; mais cette me- fure n'étant fondée que fur la fuppofition arbi- traire de l'égalité de Sirius & du Soleil, ne nous inftruit de rien. Il eft fait mention , dans la Relation du voyage de M. Picard à Uranibourg , & dans les Mémoires de l'Académie des Sciences du j i Juillet 1693 , des variations obfervées dans la hauteur de l'Étoile polaire en différentes faifons de l'année. M. Flamfteed , favant Anglois , avoit auflî obfervé une pareille variation dans la même étoile , & il la rapportoit au mouvement an- nuel de la terre autour du Soleil. Rien ne fe- roit plus avantageux pour l'Aftronomie , que d'une Société célèbre. ^op la vérité de cette conclufîon \ elLe alTureroit le Mathéma- 11 Il 1 • TIQUES, «B- mouvement de la terre , elle donneroit un seIv^t*»» fyftême qui ne feroit plus une fimple hypothèfe, ASTKQi,QM* & nous aurions , dans la parallaxe de l'orbe annuel de la terre , un moyen sûr pour mefurer la diftance des fixes : par malheur les plus in- téretfes à de fi utiles connoifTances , convenant des obfervations , en nient les conféquences, M. Caflîni n'a pas laide de tenter encore cette voie. Il a repris Sirius • l'a obfervé durant une année avec une exactitude & des précautionscapables, ce femble , ou d'aiïurer le fuccès , ou d'en prouver l'impoflibilité. Il a préféré cette étoile à la Po- laire , non - feulement parce qu'elle eft la plus brillante de celles qui paroi Ment fur notre hori- fon y mais encore pour plufieurs raifons Aftro- nomiques qu'il rapporte. Or voici de quelle manière il s'eft conduit dans cette recherche. Au commencement du mois d'Avril 1,714*» il dirigea vers Sirius une lunette de fix pieds , laquelle il avoit arrêtée fixément fur un quart de cercle de fix pieds de rayon } qui eft dans la tour Occidentale de l'Obfervatoire , fcellé dans le mur depuis plufieurs années. Au foyer commun des deux verres , on a voit placé quatre fils qui fe croifoient au centre & faifoient entr'eux des angles de 4 5 degrés. Dans cette fituation, Si- nus , étant au méridien s parut d'abord au centre v 5. Mémoires Math km a- de la lunette , Se le diamètre de cette étoile fe TIQUES, OB- SERVATIONS ctouvant à-peu-près égal à la groffeur du fil , on le jugea de 5 ou 6 fécondes. La lunette de- meuta ainlî pointée jufqu'à la fin de Mars 171 5. Durant tout le cours de cette année il y eut plufieurs variations dans la hauteur méridienne de Sirius , à laquelle il pafTbit toujours par la lunette : mais toutes ces variations ne l'élevè- rent jamais plus haut que le bord fupérieur du fil horifontal , &: ne l'abaifsèrent jamais plus bas que fon bord inférieur ; c'eft-à-dire , qu'il ne changea que de l'épaiffeur du fil , égal , comme nous l'avons dit , au diamètre de l'étoile , qu'on eftimoit de 5 ou 6 fécondes. Il reftoit à prouver que ces différentes hauteurs de Sirius étoient l'effet du mouvement de la terre autour du Soleil. C'eft ce que M. Caflini auroit voulu pouvoir faire ; mais , malgré la méthode géo- métrique qu'il emploie & les raifonnemens af- rronomiques dont il tâche de l'appuyer , il eft certain qu'on ne peut encore s'en affluer par cette voie. M. Caffini en convient lui-même: habile & éclairé , comme il eft , il s'en faut bien qu'il donne fes obfervations pour des preuves démonftratîves du mouvement annuel de la terre. Une chofe cependant , car il ne faut rien diflimuler , paroît bien favorifer ce mouvement. A la même hauteur fur l'horifon, (Tune Société célèbre. 311 Sirius pafla en Hiver & en Eté par le fil de Mathéma» la lunette. Or les réfractions , inégales en l'une Hrvat'ion* & l'autre faifon , & plus grandes ordinaire- ASTROM0**' ment en Hiver qu'en Eté , élèvent d'autant plus un aftre qu'elles font plus grandes. Sirius étoit donc réellement plus bas en Hiver , Se il avoit une vraie différence de pofition , une véritable parallaxe caufée par le mouvement de la terre ; & plus l'inégalité des réfractions fe- roit grande , plus la parallaxe le feroit aufïï. Cet argument aura encore plus de force l fi l'on ajoute que , dans quelques-unes des ob- fervations de M. Caffini , la déclinaifon méri- dionale de Sirius devant l'élever au-deiîus du centre de la lunette , il parut au contraire au- delTous , ce qui fembie ne pouvoir être attri- bué qu'à la parallaxe de Forbe annuel de la terre. Voilà ce que l'on peut dire de plus favorable au mouvement attribué à la terre dans le fyf- téme de Copernic , & toutefois il relie encore très-incertain , & cela , par les raifons mêmes que l'on emploie pour l'établir. On fuppofe l'i- négalité des réfractions d'une faifon à l'autre, toujours confiante & régulière , & une combi- naifon des réfractions avec la déclinaifon de l'étoile , telle précifément que la demande ce mouvement : or a en bonne phyfique , ni cette V 4 '5 1 i Mémoires Mathëma- régularité , ni une pareille combinaifon . ne UESj OB- 0 r » TIQU sERVATioNs peuvent palTèr, Enfin , fur une parallaxe de 5 ou 6 fécondes , fi difficile à vérifier , & qui peut avoir diverfes caufes , que peut-on établir de certain contre les préjugés naturels , &c des ar- gument dont il n'eft pas aifé de fe débarralTer. Quoi qu'il en foit , l'angle de la parallaxe de Sirius de 6 fécondes au plus , donneroit fa dif- tance plus de quarante-trois mille fept cents fois plus grande que celle du Soleil à la terre ; c'eft- à-dire, plus de quarante-trois mille fept cents fois trente-trois millions de lieues , ou plus d'une millialTe quatre cents quarante-deux milliards cent millions de lieues. Sa diftance étant connue , & fon diamètre apparent de 5 fécondes , on trou- vera fon diamètre véritable de plus de dix mille diamètres de la terre ; c'eft-à-dire , d'environ trente millions de lieues , cent fois plus grand que celui du Soleil , qui l'eft cent fois plus que ' celui de la Terre ; fa circonférence dix mille fois plus grande que celle du Soleil , qui furpaffe d'autant celle de la Terre ; & fa folidité furpaf- fera un million de fois celle du Soleil , comme celle du Soleil furpatTe celle de la Terre , fui vaut la proportion des fphères entr'elles. f. d'une Société célèbre. 313 Mathémaî TIQUFS , OB- SERVATIONS ARTICLE VI. astkonom* LETTRE de M. de l'JJle > de V Académie Royale des Sciences , au P. B. Je'f. fur la grandeur du globe de Mars 3 comparé à celui de la Terre. Vous me demandez, M. R. P. , quel e£ exactement l'excès de grandeur du Globe de la terre par - defïiis celui de Mars , & quel eft le rapport des diamètres de ces deux Globes fui- vant les plus récentes obfervations. C'eft: une queftion que l'on ne peut réfoudre fans fuppofer la connoitfance exacte de la parallaxe horifon- tale du Soleil , pour laquelle vous favez que l'on attend le réfultat des obfervations qui ont été faites l'année dernière ( 1 7 5 1 ) en differens endroits de l'Europe , de concert avec celles que M. de la Caille a entrepris de faire au Cap de Bonne - Efpérance : car cette parallaxe fera connoître ie rapport du diamètre réel de la terre avec celui du Soleil j &:, comme l'on peut trou- ver, par d'autres obfervations , le rapport du diamètre réel de toutes les autres planètes avec le Soleil , il fuie que l'on en déduira le rapport du diamètre de la terre avec ceux des autres planètes. 314. Mémoires Mathéma- M. Hughens eft le premier qui ait recherché> ÎeSKt^hs" fur de meilleurs fondemens que l'on n'avoir pu astronom. £ajre avant [UJ | le rapport des diamètres réels des planètes avec celui du Soleil. Comme cetta- détermination fuppofe la connoiflance précife des diamètres appareils des planètes , ce n'a été qu'après avoir trouvé le moyen de les mefurer exactement avec des lunettes , en mettant à leur foyer des lames de métal, qu'il a pu approcher de la précifion néceflaire j ce que l'on a encore perfectionné dans la fuite , en fubftituant à ces lames des fils de ver à foie, ou des fils d'argent, que l'on emploie à préfent dans la conftrudiun de tous les micromètres. Pour déterminer le rapport du diamètre réel de chaque planète avec celui du Soleil , il ne faut qu'obferver leurs diamètres apparens , k connoître le rapport de leurs diftances à la terre; car l'on fait que les demi - diamètres réels que l'on cherche , font en raifon compofée des dif- tances à la terre & des (mus des demkliamè- très apparens. C'eft de cette manière que M. Hughens ayant obfervé que le diamètre de Mars, lorfqu'il étcit le pli^ près de la terre, n'excédoit pas 30 fécondes ; & fuppofant d'ailleurs le rap- port connu de la plus proche diftance de Mars, & de la moyenne diftance du Soleil à la terre , comme 15 à 41 \ & enfin le diamètre appa- d'une Société célèbre. 31 f rent du Soleil de 30' 30" dans fa moyenne dif- Math£mxs tance , il en a conclu le rapport du diamètre IÈrvatIons réel de Mars à celui du Soleil , comme 1 à 166.*™*°*°** M. Hughens , ayant recherché de la même manière le rapport du diamètre réel de Vénus avec celui du Soleil , il l'a trouvé comme 1 à 184. Je ne rapporte ici la détermination du dia- mètre réel de Vénus avec celui du Soleil , que parce que M. Hughens , n'ayant pas trouvé le moyen de déterminer , par obfervation immé- diate , la parallaxe du Soleil , il a cru la pouvoir conjecturer en fuppofant le diamètre réel de la Terre moyen entre les diamètres réels de Mars & de Vénus , lui paroiiTant vraifemblable que cela devoir être ainfi , à caufe que l'orbite de la Terre étoit comprife entre les orbites de Vé- nus & de Mars. M. Hughens a donc fuppofé>' plutôt par conjecture qu'autrement , que le dia- mètre réel de la Terre étoit à celui du Soleil comme 1 à 1 1 1. Suivant ce rapport &: celui du diamètre réel de Mars avec le Soleil , il eft aifé de conclure que le diamètre de Mars eft les deux tiers de celui de la Terre : de plus le diamètre apparent du Soleil , dans fa moyenne diftance à la Terre , étant, fuivant M. Hug- hens , de 30' 30", celui de la Terre vu du So- leil , ou la parallaxe horifontale du Soleil , en ASTRONÔM, 3 1 6 Mémoires Mathéma- réfulte de 16^7 environ , qui eft la 111e partie "tiques, ob- j c 1 -i servations du diamètre apparent du soleil. I! y a deux chofes à redire ou à perfe&ion- ner à ce rapport des diamètres réels de Mars & de la Terre 5 car , premièrement , M. Hughens ne doi;ne pas le diamètre apparent de Mars qu'il rapporte pour entièrement exact , parce qu'il n'a -pu , dit-il , Pobferver avec la même précilioii qu'il avoir obfervé les diamètres apparens cie Saturne , de Jupiter & de Vénus , & cela parce que , dans le dernier paflage de Mars auprès de la terre , dans lequel il a obfervé fon dia- mètre apparent , il n'avoit pas encore inventé la manière de mefurer ce diamètre avec les la1 mes dont j'ai parlé ci-deflus. Il m'a paru , en , fécond lieu , que le rapport des diftances de Mars & du Soleil à la Terre , que M. Hughens a employé dans fon calcul , n'eft pas exact , au moins je le trouve confidérablement différent, par les Tables de M. Halley , dans le temps au- quel M. Hughens a dû faire fon obfervation. Les diamètres apparens de Vénus , que M Hughens rapporte avoir obfervés avec fes lames de métal , font du 29 Décembre 1658 & du 8 Mars 1659. Ainfi ce n'a dû être que dans l'op- polition précédente de Mars au Soleil qu'il a obfervé le diamètre apparent de Mars , puif- . qu'il dit que c'étoit la dernière fois qu'il s'étoit TIQUT.S , 03- SR.VATI0N9 ASTR.OKÛM. ' d'une Société célèbre. 3 1 7 te plus approché de la Terre. Cette oppofition Mathémà^_ de Mars au Soleil étoit donc celle qui eft ar-i^ rivée le 7 Octobre 1657 , dans laquelle Mars étoit éloigné de plus d'un fîgne de fon pé- rihélie. Cette oppofition eft. la première dont M. Halley a donné le calcul dans fes Tables Aftro- nomiques j il a trouvé que l'anomalie moyenne de Mars devoir être de j{ 8° 5' 51". La dif- rance de Mars au Soleil qui y répond eft de 141779 parties, donc la moyenne diftance du Soleil à la Terre eft 100000 , &, fuivant l'a- nomalie qu'avoit alors le Soleil , fa diftance à la Terre étoit de 99733 des mêmes parties; ainfi le rapport des diftances de Mars & du Soleil à la Terre étoit de 42046 à 141779 , qui eft un peu différent de celui que M. Hughens fuppofe de 1 5 à 41. De plus , il faut employer le diamètre apparent du Soleil rel qu'il étoit alors -, je le fuppoferai de 32' 7" \ : en faifant le calcul fur ces deux corrections , & em- ployant le diamètre apparent de Mars tel que M. Hughens l'a eftimé de 30 fécondes , j'ai trouvé le rapport du diamètre réel de Mars à celui du Soleil , comme 1 à x\6 1 , &c parce, que M. Hughens fuppofe le diamètre de la Terre la 111e partie de celui du Soleil , Ton voit que le diamètre de Mars doit être à ceku 3 1 $ Mémoires llATHÉMA-de la Terre , comme 46 à cjc, ce qui eft un TIQUES , OB- t 1 1 îervations peu plus de la moitié. ast&okom. Pour remédier à la première ôc principale difficulté que l'on peut faire fur le dernier ré- fultat que je viens de rapporter , à caufe que M. Hughens n'a pu obferver le diamètre appa- rent de Mars avec toute la précifion qu'il l'au- roit fouhaité } & parce que cette planète né- toit pas alors dans la fituation la plus avanta- geufe , je veux dire le plus près de la Terre où elle puiffe arriver , il faut y employer une autre oppofition de Mars au Soleil , dans laquelle Mars ayant été plus près de fon périhélie , fon diamètre ait été obfervé avec une précifion exempte de tour foupçon. Je n'ai point trouvé d' oppofition de Mars au Soleil plus favorable à ce deffein , que celle qui eft arrivée le 8 Septembre 1672, dans la- quelle Mars n'étoit éloigné que de 14 degrés de fon périhélie , & dans laquelle la Terre étoit encore plus éloignée du Soleil , que dans l'op- pofition de 1^57 , ce qui l'approchoit plus près de Mars. Par ces deux raifons le diamètre ap- parent de Mars devoit être 5 en 1 672 , confidé- rablement plus grand que M. Hughens ne l'a- voit obfervé en 1657. Cependant M. Picard, par des obfervations très-exactes qu'il eu a faites avec une limette de vingt pieds, le 5 Septembte TIQUES , OB* SEB.VATIONS ASTRONOM. d*une Société célèbrel 319 I671 , trois jours avant l'oppoluion , ne l'a Mathéma trouvé que de 16" au plus. M. Halley , dans le calcul qu'il donne de^ cette oppofition dans fes Tables , fait l'anoma- lie moyenne de Mars de 6r 140 o' 1" , d'où la dilbnce de Mars au Soleil fe calcule par les mêmes Tables de 1 3 8709 , 8c celle du Soleil à la Terre de 100587 , & , par conféquenr. , le rapport des diftances de Mars 8c du Soleil à la Terre étoit alors comme 3 S 1 iz à 1 co 5 87. Em- ployant ce rapport , comme aulîi le diamètre apparent de Mars de 16" , & celui du Soleil fuppofé pour ce temps-là de près de 15' 56", l'on en conclut le rapport du diamètre réel de Mars à celui du Soleil , comme 1 à 16 j ± j 8c ennn , fuppofant toujours avec M. Hughens que le dumètre de la Terre eft la 3e partie de celui du Soleil , l'on trouve le rapport du diamètre de Mars à celui de la Terre , comme 37 1 à 90 (*). (**: En fuppofr.n»: ce rapport & en donnant au dia- mètre de la Terre iSéç lieues communes , on trouve, pnrune règle de proportion , que le diamètre de Mars eft d'environ 1188 lieues ; & , en prenant la folidité de ces deux Globes , la Terre & Mars , ceft-à-dire , le cube des diamètres , on trouve que la Terre efl environ quatorze fois plus grotte que Mars, 320 Mémoires Mathéma- Vous voyez , M. R. P , par les calculs que TIQUES , OS- . * ^ stations je viens de rapporter , que le diamètre de Mars ASTS.ONOM» r j 1 i i , ie trouve de plus en plus petit relativement a celui de la Terre. Il y a même apparence qu'il doit être plus petit que je ne viens de le mat? quer en dernier lieu. Je le conjecture fur la correction de peu de fécondes , que M. Newton croit qu'il faut faire aux diamètres appareils des planètes , après les avoir obfervés avec les plus longues & les plus parfaites lunettes , à caufe d"une efpèce de dilatation des rayons de lumière qui terminent les bords des diamètres apparens des aftres j laquelle dilatation eft moindre dans les plus longues Lunettes que dans les plus courtes. (V. la 3e édit. de fes princ. , liv. 3% phénom. II). Il refte donc à connoître exacte- ment la quantité de cet effet dans les Lunettes que l'on emploie à obferver les diamètres ap- parens des aftres , avant de pouvoir déterminer, par les plus exactes obfervations , le véritable rapport des diamètres réels des planètes avec celui du Soleil. J'ai auffi dit , au commencement de cette Lettre , que Ton ne pouvoit connoître exactement le rapport des Globes céleftes avec celui de la Terre que l'on ne sût, avec toute la précifion pof- fible , la quantité de la parallaxe horifontale du TIQUES , OB« SERVATIONS ASTB.ONOM. ïPune Société célèbrt'. du Soleil , que j'ai fuppofée dans les calculs Mathéma» précédens de \ d" \ , comme elle fe conclut du rapport que M. Hughens a fuppofé entre les diamètres réels du Soleil 8c de la Terre. Quoique M. Hughens n'ait déterminé ce rap- port que par conjecture, dont il paroît lui-même n'être pas fort afluré , il a cependant l'avantage d'avoir arTez approché de la quantité de la pa- rallaxe horifontale du Soleil que l'on a recher- chée avec foin depuis ce temps-là , dans les occa fions les plus avantageufes qui s'en font pré- fentées. Les circonftances les plus favorables , pour déterminer cette parallaxe , par la méthode propofée par feu M. Caflini , dans fon Traité de la Comète de i6$o , ont été les palTages de Vénus auprès du cœur du Lion en 1716", & auprès de Saturne en Septembre 1727. M. Bianchini en a profité , & l'on peut voir , dans fon Traité des taches de Vénus, qu'après avoir employé dans cette recherche toute l'induftrie dont il étoit capable , la parallaxe horifontale du Soleil qui en eft réfultée , s'eft trouvée de 13" à 14" M. Caftmi a aurti trouvé la même quantité , par les obfervations les plus exactes qu'il lui a été poffible de faire fur Mars , dans fon oppofition au Soleil du mois d Octobre 1736'. Il ne refte donc plus qu'à fivoir ce que Ton conclura des nouvelles obfervations faites Terne III. X '32 2 Mémoires Matkéma- l'année dernière fur les planètes de Mars &c de servaïïons "Vénus , tant en Europe qu'au Cap de Bonne- ASTH.ONOM. £fpérance , pour la parallaxe du Soleil , puifque ce ne pourra être qu'après s'être alfuré de la quantité précife de cette parallaxe , que l'on pourra déterminer le véritable rapport des dia- mètres des planètes avec celui de notre Terre , &c. Je fuis , &c. ARTICLE VII. Explication d'un paffage d'Hérodote ; année Solaire & Lunaire des Egyptiens. o n trouve.au fécond Livre d'Hérodote (Ch. 141 ) un paffage que feu M. Goguet , dans fon Ouvrage fur l'origine des Arts & des Sciences, a cru digne de fon attention •} mais après avoir examiné & difeuté les différentes explications qu'on en a données , il a penfé que le texte de tfHiftorien Grec n'étoit pas fufceptible d'un fens raifonnablc } que cependant il conrenoit des traces de faits véritables, & d'une tradition qu'Héro- dote avoit mal entendue ou mal expofée. Cette tradition cft celle des prodiges arrivés dans le cours du Soleil au temps de Jofué & d'Ezéchias. Cette hypothèfe ingénieufe eft digne de la fagacite d'une Société célèbre; £23 de fon Auteur , Se de cette pieufe érudition Mati^ma- •• : )_ [• . , t , TIQUES . OB- qui rendra Ion nom toujours également cher SErvations à la Religion Se aux Lettres. Je ne crois ce- ASTRONOJ*- pendant pas que le jugement qu'il porte du palfage dont il s'agit , foie irréformable , ni même que fa conjecture foit fondée ; Se , je ne crains point de propofer une nouvelle explica- tion du même paflage. Il s'y agit de la durée que les Égyptiens don- noient à leurs Hiftoires depuis que les hommes régnoient chez eux ; car ils diftinguoient un temps où les Dieux y avoient régné : mais c'étoir,' difoient-ils , avant les hommes, Se non en même temps qu'eux : ils fe moquoient des Grecs qui confondoient ces temps , Se faifoient régner pêle-mêle , fi l'on peut ainfi parler , les Hom- mes , les Dieux & les Héros. Les Egyptiens , au rapport de notre Hiftorien , lui exposèrent , d'après un Livre , 1* (îi£M , les principaux évènemens de leur Hiftoire , Se les noms de leurs Rois , jufqu'au règne de Séthon , Prêtre de Vulcain , Prince d'une grande piété , qui étoit fur le trône lorfque Sennacherib vint fondre en Egypte. L'Écriture fainte nous apprend que Sennacherib s'étant avancé jufqu a l'entrée de l'Égypte , fon armée y fut frappée par l'Ange exterminateur , & périt toute en une nuit : Sen- nacherib lui-même fe fauva à peine, & s'enfuie X 1 3 24 Mémoires Mathéma-^ Ninive , où il fat alfail'iné au bout de qua- llfallï?*' rante-cinq jours par deux de fes fils. On voyoit ****okom. encore au temps d'Hérodote , qui écrivoit en- viron deux cents cinquante ans après , une ftatue érigée à Séthon , dans le Temple de Vulcain, en mémoire de cet événement : elle repréfen- toit ce Prince tenant un rat dans fa main, avec cette infcription au bas : Qu'on apprenne , en me voyant le prix de la Piété: car les Egyptiens attribuoient le miracle de cet événement à la piété & aux prières de Séthon. Nous favons au contraire , par le témoignage des Livres faims, qu'on le dut à la piété & aux prières d'Ezéchias. Le rat que cette ftatue portoit dans fa main, étoit le fymbole ordinaire de la deftruction , & fignifioit tout Amplement que l'armée de Sen- nacherib avoit été entièrement déttuite. Mais Hérodote alTure qu'on lui dît que c'étoit parce que des rats avoient mangé dans une nuit les cordes de tous les arcs , & les courroies de tous les boucliers de l'armée du Roi des AUTyriens. Que les Egyptiens lui aient effectivement fait ce conte , & qu'il nous le répète avec fa naïveté ordinaire , je ne vois à cela d'un côté que le ton énigmatique des Egyptiens , qui transforment l'Hiftoire en emblèmes & en allégories , & qui font myftère de tout j de l'autre , que le carac- tère d'un Grec , qui ne fe plaît jamais mieux à d'une Société célèbre. 52^ dire la vérité que iorfqu'elle eft déguifée fous Mathéma- 1" 1 r I 1 /— . / • A TIQUES, OB- lecorce des râbles. Cette ecorce nuit peut- être servatioks moins à l'Hiftoire que la hardiefle de quelques ASTRON™- Critiques, qui mefurent à leur génie toutes les vraifemblances , fans connoître bien fouvent les caractères les plus réels de la vérité. Les Egyptiens , après avoir ainfi entretenu Hérodote fur la foi de leurs Livres , le mènent dans un vafte Temple , lui montreur & lui font compter trois cents quarante -une Statues de Rois, jufqu'à Séthon , & l'ailurent queThacune de ces Statues repréfente le fils de celui dont la Statue le précède immédiatement ; en forte qu'elles font une preuve que, depuis leur pre- mier Roi jufqu'à Séthon , il y a eu trois cents quarante -un âge d'hommes ; que trois âges ou générations faifant cent ans , les trois cents fai- foient dix mille ans ; que les quaranre-une ref- tantes , valent treize cents quarante ans rce qui fait en tout onze mille r&ois cônts quarante ans ; que , dans cet efpa.ce de temps , le Soleil s'étoit levé quatre fois des points ou il a coutume de fe lever \ & que deux fois il avoit recommencé fort eours du côté où il fe couchoit au temps d'Héro- dote j deux fois il l' avoit fini du côté ou. il fe le- voit au même temps, Ttr^dais \\ »'fls'«v ** feroit un fens tout contraire à «£ , parce que fe lever d'un lieu eft directement con- traire à fe lever hors d'un lieu. On allègue auiîî deux ou trois endroits d'Ha- mère , où , fuivanc quelques Grammairiens , lx ou s? eft mis pour ?£« , par une figure qu'ils ap- pellent fynalèphe : mais, outre que bien des Critiques n'en conviennent pas , il eft de prin- cipe qu'on ne peut recourir à une figure pour expliquer un mot , & lui donner une lignifica- tion extraordinaire , que lorfque fa lignification ordinaire ne peut pas lui convenir dans l'endroit où il eft placé : or , on ne voit pas qu'icr la lignification ordinaire d.e X% ne puilTe pas avoir lieu. En un mot , je conçois bien que ces pré- pofitions peuvent fe mettre ou fe prendre l'une pour l'autre , lorfque le fens qui réfultera de l'une ne fera pas contraire au fens qui réfultera de l'autre ; mais je ne conçois pas que , quand il en réfultera un fens abfolument oppofé , oiî puifle , par quelque figure que fe foit , les fubf- tituer l'une à l'autre. La féconde remarque préliminaire que j'ai à faire , eft , qu'après qu'Hérodote a dit : Ls Soleil s'eji levé quatre fois des lieux où il a coutume defe lever 9 il n'ajoute pas., car par deux fois , bec, X 4 %2$ Mémoires Mathéma- ou /avoir par deux fols , &c. Il n'y a dans le Grec mÏÏatiom^ "en qui indique ni car , ni /avoir ; on n'y voie astronom. gUe }a Hmple conjonction copulative , comme je l'ai mife dans ma verlion , & par deux fois il a recommencé /on cours 3 ôcc, tvfia ts vC. kxtuJ virai. Cette féconde phrafe n'eft pas en effet une explication de la première , mais un fécond fait joint & lié au premier , & faifant partie du phénomène dont il s'agit. Après ces obfervations , néceffaires pour ren- dre raifon des différences qu'on pourra trouver entre la manière dont j'ai rendu le texte & les verrions qu'on en a jufqu'à préfent données , je viens à mon explication , & je dis que toute l'obfcurité de ce paflage , vient de ce qu'on j prend le mot Soleil , en Grec , h'aio^ au propre, au lieu de le prendre au figuré. En effet , ce mot ne fert pas feulement à défigner cet aftre, mais encore à lignifier fes révolutions j en forte que , pour dire un jour , ou , pour dire une année, on difoit très -bien en Grec , fuivant le témoignage exprès de Phavorinus , au mot HAiof, un Soleil. Et l'on juge aifément qu'alors le lever & le coucher du Soleil dévoient être le commencement & la fin de celle de fes révo- lutions qu'on défignoit par ce mot. Les Egyp- tiens aimoient trop le langage fymbolique , pour qu'on ne puilfe pas raifonnablement fuppofer (Tune Société célèbre, 322 eue chez eux la même expreflîon avoit lieu au Mathéma- * 1 . -TIQUES, OB- propre & au figuré. Quand on n'en auroit au- sep.vations cune preuve directe & poli ave , il me lemble qu'on n'en feroir pas réduit à ne former fur ce point que de fimples conjectures ; car Ter- tulien nous apprend que par le nom d'Ofiris , par lequel ils défignoient fouvent le Soleil , ils entendoient auffi le retour de cet aftre aux mêmes points , annum recïdivum. Cette double acception du mot Soleil lèvera, fi je ne me trompe , toute la difficulté de notre paifage. Car , fi l'on y entend ce mot d'une période folaire , il en réfultera un fens clair & raifonnable , qui eft que cette période s'eft: renouvellée quatre fois dans 11 340 ans, & qu'elle a recommencé quatre fois fon tour au terme accoutumé ; c'eft-à-dire , au commen- cement de l'année Egyptienne , d'où les Egyp- tiens comptoient ordinairement les révolutions du Soleil. Mais , comme l'année Egyptienne étoit vague , & que fon commencement par- couroit fuccefîîvement toutes les faifons , on ajoute que deux fois le renouvellement de la période en queftion eft tombé dans la faifon , où l'année Egyptienne commençoit au temps d'Hérodote; deux fois fa révolution s'eft achevée au même temps. Il me femble que cette explication eft très- 5 3 0 Mémoires Mathéma narurelle , & pourroic être regardée comme TlQCESl , OB- 1 P ser.vatio.ss une conjecture fort probable , quand même on ne connoitroit pas de Période Egyptienne qui pût remplir ces conditions ; parce que le peu de notions que les Egyptiens nous ont tranfmifes de leur Aftronomie , laiife d'épaiifes ténèbres fur la plupart des réfultats qu'ils en ont déduits. Mais eJ'e acquerra , fans doute, un degré de vraifemblance qui l'approchera bien de la vérité & de la certitude , (1 l'on découvre une Période qui remplille exactement toutes ces conditions j & c'eft; à quoi je me flatte d'être parvenu. Les Egyptiens avoient deux fortes d'années Solaires , l'une de 56 5 jours précifément , qu'ils employoient dans l'ufage civil & dans la diftri* bution de leurs mois & de leurs fêtes ; l'au- tre , qui n'étolt grière connue que de leurs Prêtres & de leurs Altronomes , de 365 jours 6 un quart , qu'ils fuppofoient être la me- fure exacte de la révolution du Soleil dans le Zodiaque. Leur année civile ayant un quart de jour de moins que l'année Zodiacale ou Tropique, reculoit tous les quatre ans d'un jour fur celle- ci , jufquà ce qu'ayant rétrogradé de 36$ jours , elle recommençât de nouveau avec elle» La durée de cette révolution étoit de 1461. cPune Société célèbre, années civiles , qui équivaloient à 1460 an- Mathéma- ' nn • o ' ' • 1 » r ' TIQUES , OB- nees 1 ropiqnes j & cetoit la , comme on lait , SErVAT10NS leur Période Sothiaque fi célèbre , qui devoit AS™°*Q14* ramener le commencement de leur année civile au lever de la canicule , où ils avoient fixé le commencement de leur année Tropique. On connoît moins bien leur année lunaire : cependant il y a quelque lieu de préfumer qu'ils la faifoient de 354 jours 9 heures. Je fais qu'un excès de 11 minutes 8c quelques fécondes , empêche que cette détermination ne foit exacte & conforme à celle qu'en donnent aujourd'hui les Aflronomes ; mais on ne doit pas chercher plus de précifion dans les obfer- vations de ces temps reculés ; d'autant plus que les Egyptiens péchoient , comme on voie , à-peu-près de la même quantité dans la déter- mination de l'année Tropique r & c'eft bien aiTez , ce me femble, qu'ils euffent déterminé , à moins d'une minute près , la vraie quantité de la révolution fynodique de la Lune ; car l'année Lunaire de 354 jours 9 heures, fup- pofe cette révolution de 29 jours 11 heures 45 minutes , au lieu de 29 jours 11 heures 44 minutes 3 fécondes qu'elle a. H eft bien sûr que les premiers Aftronomes Grecs , Cléof- rate , Harpale , Eudoxe , Méton , péchoient encore plus que les Egyptiens , les uns en excès 9 3 3 2 Mémoires Mathéma les autres en défaut, dans la détermination dont TIQUSS , OB . . , StRVATIONS 11 S agit. Suppoiant donc l'année Lunaire Égyptienne de 3 54 jours 9 heures , le temps que le com- mencement de cette année doit mettre à re- venir avec le commencement de l'année So- laire , eft de 2S35 années Solaires , & cela , foit que l'on compte ce temps en années ci- viles , foit qu'on le compte en années Tropi- ques y car 2835 années Solaires-civiles en font 2920 Lunaires , 8c 2835 années Solaires-Tro- piques en font 25)22. Il eft même allez remar- quable que ces nombres 2910 8c 2922 font exactement les doubles de 14608c 1461 , en forte que la Période Solaire de la Lune con- tient précifément deux fois autant d'années Lunaires , que la Pétiode fothiaque du So- leil en contient de Solaires. Je ne doute pas que les Égyptiens n'aient été fort attentifs à la rencontre 8c à l'analogie de ces nombres; 8c c'eft une chofe qui ne fert pas peu à me convaincre de l'ufage qu'on faifoit chez eux de la Période des 28 15 ans. Or, cette même Pé- riode remplit exactement toutes les conditions données par le pafTage d'Hérodote. 1°. Elle s'eft accomplie quatre fois dans 11 340 ans, ni plus ni moins, car 2835 eft le quart jufte de 11 340. Ain fi , les quatre renouvelle- d'une Société célèbre. 33? mens de cette période donneront les quatre Mathl-ma- levers du Soleil aux points où il a coutume IÈr^at^nV de fe lever 9 c'eft- à-dire , au commencement ASTKO'NOM* de l'année Égyptienne. i*. Dans ces 11 340 ans, elle a commencé deux fois dans la faifon où finiiToit l'année Égyptienne au temps d'Hérodote : elle a fini deux fois dans la faifon où commençoit cette année le même temps : c'elt ce qu'il effc facile de vérifier. Hérodote , qui avoit 5 3 ans , l'an 430 avant J. C. , pouvoit avoir fait fes voyages entre trente & quarante ans, vers l'an 450 avant J. C. où le Thot , c'eft-à-dire , le commencement de l'année Egyptienne tomboit au 14 Décem- bre. Comme il vivoit dans la fixième généra- tion depuis le règne de Séthon , on doit placer le règne de ce Prince environ deux fiècles plu- tôt , & j'en date la fin de l'an 659 avant J. C. Je ne puis certainement me tromper de beau- coup à cet égard , & quelques années plutôt ou plus tard ne dérangeroient point mon hypo- thèfe ; mais l'année 6^9 , que je choifis , lui donne une précifion finguiière. Le Thot y tomba au 4 Février Julien, & s'y rencontra juftemenr. avecune nouvelle Lune , où dut recommencer une cinquième Période femblable aux quatre qui s'écoien: accomplies dans les 1 1340 ans, >34 Mémoires Mathéma- que les Égyptiens comproient jufques 5c corn- TIQUES , OB- 1 \ 1 c ' i servations Pns Ie règne de bethon. Ces 1 1 340 ans comptes iiiRONo.M, £ur jeurs annges civiles , & réduits aux années Juliennes , remontent au 9 Novembre de l'an iiooi avant notre Ère, où par conféquent a commencé la première de ces Périodes ; la fé- conde , réduite fur le même pied , a commencé au premier Décembre de Pan 9159 ; la troi- fième , au 13 Décembre de Tan 65 16 ; la qua- trième , au 13 Janvier de l'an 3494. Or, le dernier mois de l'année Egyptienne , au temps d'Hérodote , fe comptoir du 9 Novembre au S Décembre , après lequel étoient les cinq jours épagomènes , & au 14 commençoit le Thot ou premier mois , qui couroit de- là jufqu'au 1 3 Janvier : d'où il fuit que la première & la féconde Période , qui ont commencé le 9 No- vembre & le premier Décembre, ont commencé où finiiToit l'année Egyptienne, au temps d'Hé- rodote , & que la deuxième & troifième qui ont fini au 2.1 Décembre Se it Janvier, ont fini où commençoit l'année Egyptienne , au temps de l'Hiltorien Grec. Ainfi , voilà encore cette condition bien remplie , mon explication plei- nement vérifiée , & un fens raifonnable donné au paiTage tel qu'il eft , Se tel que tous les. ma- nuferits le préfentent. Au refte , je fuis bien éloigné de penfer que d'une Société célèbre', g 3 ç les antiquités Egyptiennes remontaient ni à 341 mathéma. générations fuccefïïves , ni â 1 1 540 ans. Quand il feroit vrai que les Hiftoires de ce Peuple n^/-??*0**»*: fentoienc une fuite de 341 règnes , on ne pour- ront pas évaluer ces règnes fur le pied d'autant de générations , puifquil eft certain que leur fucceilîon n eroit pas toujours du père au fils. Hérodote lui - même en donne la preuve ; car des 1 1 derniers Rois qu'il nomme depuis Sé- foftris jufqu'à Séthon , il y en a deux qui étoient frères , & un , Conquérant étranger. Il nous attefte aufti que dans les 330 autres , il y avoit eu 1 S Ethiopiens & une femme qui avoit régné après fon frère } d'où il fuit néceffairement que tous ces Rois ne donnoient pas autant de gé- nérations que de règnes : c'eft ce que perfonne . ne peut révoquer en doute. Il y auroit donc là beaucoup à rabattre fur le calcul de la durée que nous avons dans Hérodote. Mais quand les Egyptiens montroient à cet Hiftorien, dans leurs Livres, les noms de 341 Rois , quand ils lui faifoient voir , dans leurs Temples , autant de ftatues de Rois & de Grands. Prêtres , c'eft qu'ils joignoient Ôc comptoient enfemble les Rois & les Grands-Prêtres parti- culiers de tous les cantons de l'Egypte. C'eft une chofe confiante qu'il y eu avoit plufieurs en même temps dans les différentes contrées de $3$ Mémoires MATHÉMA-ce pays, & que, pour grotfir leurs antiquités j IJrv/tÎon* l£urs Ecrivains ont mis au bout l'une de l'autre ASTROHo.M. comrrte fucceflîves les fuites de ces Rois , qu'ils appellent Dynafties. Or , ce que ces Ecrivains ont fait en publiant leur Hiftoire , il y a tout lieu de préfumer que leurs Prêtres le faifoient en l'expofant aux voyageurs qui vouloient s'en inftruire , & entr'autres à Hérodote. Aufii je fuis convaincu que des 341 Rois qu'ils lui nommè- rent , il n'en refteroir peut-être pas 50 , fi l'on les réduifoit à ceux qui fe font effectivement fuccédé l'un à l'autre dans le même Royaume. Mais en les donnant pour autant de règnes fuc- ceffifs , & les évaluant fur le pied d'autant de générations (ce qui ne peut jamais être qu'hy- pothétique ) , ils en concluoient que ces règnes avoient rempli quatre de leurs Périodes Luni- Solaires , qui font 1 1 340 ans , parce que 1 1 340 ans font à 2.0 ans près le temps qu'occupent 341 générations , à raifon de cent ans par rroisgé- nérationsj comme on les compte ordinairement; bien entendu que ces Périodes appliquées après coup à leurs Hiltoires , n'ont d'autre réalité que d'être le réfultatdes hypothèfes qu'ils fuivoient au tempsd'Hérodote,{urlecoursdufoleil&delalune. J'ai vu des perfonnes dourer fi les Egyptiens connoifTeient alors le quart de jour que l'année Tropique a de plus que les 365 jours de l'année civile ; d'une Société célèbre. 337 tivile ; & leur doure étoit fondé pritrcipaîemcnt mathéma* fur ce qu'Hérodote n'en a point parlé. Mais Tiaurs' OB" 1 l SF.RVATIONS que fait fon filence à !a connoiiïàhce que les astb.onom» Egyptiens pouvoient en avoir ? i°. II ne def- cend pas dans des détails affez particuliers fur la forme de l'année Egyptienne , pour en in- duire qu'il a ignoré tout ce qu'il n'a pas dit. i°. Quand il l'aurok ignoré , on pourroit d'au- tant moins en, rien conclure fur l'étendue ou les bornes des connoilïances Egyptiennes , que jamais les Egyptiens ne les ont communiquées bien franchement aux Grecs ; & quelle que foit la raifcwi du my Itère qu'iis en faifoient , ce myftère eft un point de fait qu'on ne peut ré* voquer en doute , Ôc qui ne permet , par cou- féquent, de tirer aucun argument folide de ce que les Gtecs ont omis ou n'ont pas omis , lorf- qu'iis ont expofé les connoilïances qu'ils atiri- buoient aux Egyptiens. Ils fe fondent encore fur la Defcription que Diodore nous a donnée du cercle d'or, quiétoic placé fur le tombeau d'Ohmandias. Il avoit , die cet Hiftorien , 365 coudées de circonférence ; en forte qu'y ayant autant de coudées que de jours dans Tannée , on avoit marqué fur chacune le lever ce le coucher des étoiles , pour le jour auquel on la faifoit répondre. Il n'eft poinc queftion là du quart de jour j & c'en: , dit-on, Tome III, Y 1 TIQUES , OB SF.R.VAT ASTS.O 558 Mémoires Mathéma- parce que l'obfervation n'en a été faite que dans loxs ^es remPs poftérieurs. Marsham a , ce me fem- nom. foiQ } crès-bien répondu à cette obje&ion , que, comme on n'avoit pu y marquer un peu exacte- ment l'état du ciel pour chaque jour , fans que le quart du jour y fût , il étoit de l'équité de croire qu'il n'y manquoit pas (*). Je ne dirai rien ici de l'idée de M. le Che- valier de Louville fur le paflfage en queftion , où il croit que les Egyptiens ont eu en vue la variation qui arrive continuellement dans l'é- cliptique. M. le Chevalier de Louville a moins eu defleîn d'expliquer le paflage d'Hérodote par un phénomène connu 6c poilible , que d'ap- puyer une découverte nouvelle & encore peu accréditée par une prétendue ancienne obferva- tion qu'il a lâché d'y aflortir. Aulîï fon hypo- thcfe nous apprend-elle bien comment le Soleil a pu s'être levé autrefois êc pourroit fe lever un jour du côté où il fe couche à préfent ; mais elle n'éclaircit point ce qu'ont entendu les Egyp- tiens par les quatre levers du Soleil des points où il a cou^me de fe lever. (*) Cùm verà fîellarum ortus & occafus abfqut quadrantis addition* reclè defîgnari non poffint , aquum eji ut illum in circulo non defuijfe putemus* Marsh, Chr. Can. ad fecul. x p. 147 , Edicionis Franecj. d'une Société célèbre". 33$ Je ne parle pas de la difficulté qu'il y Mathéma- auroit d'accorder une révolution qui ne s'a- Srajçïf chève qu'en des millions d'années , avec une ASTR0*0M« révolution qui fe renouvelloit quatre fois en onze mille ans , ni de la différence fenfible qu'il y a entre un phénomène , qui auroit dé- rangé nécessairement toutes les faifons , & par conféquent la température de l'air , la nature des climats , les débordemens périodiques des rivières , 8c un phénomène qu'on affuroit n'a- voir opéré abfolument aucun changement quel qu'il fût en Egypte. Ceux qui voudront voir une ample expofition de l'hypothèfe de M. Je Chevalier de Louville , par rapport au palTage d'Hérodote , la trouveront dans les obferva- tions de M. Freret , fur la Chronologie de Newton , où le favant Académicien François s'eft attaché à la bien développer , fans vouloir, ni la combattre , ni la fourenir. Mémoires TIQUES j OS- 1 ' — ~ 'SEP.VATIONS A5TKOKQM. ARTICLE VIII. Méthode aijée pour calculer la parallaxe de la Lime (*). I. Si du centre du Soleil X (**) , une ii ;ne droite XR fe meur circulairement , de manière que fon extrémité X reftant immobile , l'autre extrémité rafe la furface de la Terre • cette ligne formera une furface conique , laquelle étant coupée par un plan qu'on fuppofe palfer par le centre de la terre , perpendiculairement à la ligne qui joint les centres de la Terre & du Soleil \ la feétion ain(î formée fera le difoue de la Terre (***). (*) La Méthode, expefee dans ce Mémoire , a été im- primée en Anglnis, & publiée à Londres en 1754 in~4°» & en i7Çj.in-8°, par deux differens Auteurs qui ne s'étoient point concertés ; auffi remarque- t-on quelque différence entre les deux imprjmés : on fuit ici le fécond, comme Amplifiant un peu la méthode , qui d'ailleurs eff la même dans les deux Ouvfàffes. jp (**) Le Soleil n'eft point représenté dans la figure ; il faut le fuppoferàla jonction des deux lignes RrX & EeX. (***) Dans la figure, les lignes RX, EX étant fup- Çofécs horifonuies ainls que le papier , le phn du ctrclt - \ midi. oueit, après La première partie de la variation de la pa- "ik , 1-1 j n MG x finus de l'angle rallaxe de latitude eft= s 2— méridien fi Ja déclinaifon du Soleil eft fud nord. 31 8 Mémoires Mathéma- . GV x connus ce l'angle tici'hs,ob- Seconde partie = e_ SER.VATIONS , . _ astrokom. méridien . ,. lud , , c , -, a avant midi , quand le Soleil eit nord 1 j . , r afcendans , • r nord dans les lignes , f , après midi r , D deicendans, r iud j . r afcendans dans les iiçnes ; r , deicendans. X ï. Nous avons dit , article VI , qu'il fdloit di- minuer le demi-diamètre du Soleil d'une partie qui fût à ce demi-diamètre , comme la diftance du point, où l'on obferve fur la furface de la terre à fon point de projection fur le difque V , eft à la diftance des points Vv. Cette diftance eft à très- peu près égale au rayon de l'orbite Lunaire , & peut toujours être exprimée par un nombre confiant , qui eft celui des fécon- des de degrés contenu dans le rayon d'un cercle. La diftance du lieu de l'obfervation fur la terre à fon point de projection fur le difque, peut, être conçue comme formée des deux parties , politives ou négatives : la première eft la dif- tance perpendiculaire du centre du parallèle donné au plan du difque ; la féconde eft la diftance perpendiculaire du point donné fur la terre à un plan parallèle au difque & palîant par le centre du parallèle donné. La première 'd'une Société célèbre! 34$ -.a ' 1 finus latitude du lieu x finus 'Mathéma- partie eft égale au- g POfltlve SERVATIONS <îe déclinaifon du Soleil ■ ' « félon que la astronom. négative. 1 latitude du lieu & la déclinaifon du Soleil font de même - . , l . cofin. différente elPece- La deuxième partie eft= latitude du lieu x cpfinus de déclin, du Soleil, RR côfihus de la diftance de midi P0llt've quancl négative ^ la diftance de midi eft au ^jj^de fix heures; Ayant pris la fomme de ces deux parties , fi elles font toutes deux pofîcives , ou leur diffé- rence , fi l'une eft négative , on aura la diftance eu lieu de l'obfervateur à fon point de projec- tion , cv ce qu'il faut diminuer du demi-dia- la rhètre du Soleil fera égal à cette diftance x parallaxe horifontale de la Lune au Soleil x le r x le nombre des fécondes. contenues dans demi-diamètre du Soleil. T , , r • . — - — — Le nomore des iecon- ie ravon. des contenus dans le rayon a pour logarithme 5. 314525Z. Au lieu de rerrancher ce logarithme, on peut ajouter fon complément arithméthique # 6S55748. I Mémoires Mathéma- XII. TIQUES , OB- SERVATIONS c ' • i r • • c j il ASTK.ONOM. Sur ces principes , il leroïc aile de calculer des rables de parallaxes pour roure larirude don- née. Il fuffiroit de les calculer pour chaque rrois degrés de la longitude du Soleil , & pour cha- que quart d'heure depuis midi jufqu'à fix heures prenant 10000 pour le rayon, ou pour la pa- rallaxe horifontale de la Lune au Soleil. L'é- quation , qui doit être retranchée du demi- diamètre du Soleil , ne feroit calculée que pour chaque dix degrés de longitude. Se pour chaque demi-heure depuis midi , en prenant le demi- diamètre moyen du Soleil. XIII. Si le temps donné depuis midi eft au-deflus de fix heures , retranchez-le de douze heures , & ôrez aufli la longitude du Soleil de douze lignes : avec le temps & la longitude reliante, cherchez la parallaxe entière, & l'équation pour le demi-diamètre du Soleil , en changeant fon figne. X I V. Ces tables , conftruites pour une latitude , peuvent fervir pour toute autre latitude ; car les variations des parallaxes méridiennes font toujours proportionnelles au colinus de la lati- tude : & la parallaxe méridienne elle-même, d'une Société célèbre: 5^1 foie de longitude, foie de latitude, eft fondée math*™-- fur la fomme ou la différence de deux parties , TIQCES' OB" la première defquelles eft proportionnelle finus , & la féconde au cohnus de la latitude. Ces deux parties pour la latitude des tables , font trouvées ainfi. A la longitude donnée du Soleil ajoutez fix fignes , & cherchez les paral- laxes méridiennes qui répondent à chaque lon- gitude. La moitié de la fomme de ces deux pa- rallaxes donnera la première partie, & la moitié de leur différence donnera la féconde : il faut ajouter celle-ci à la première , ou l'en retran- cher , félon que la parallaxe méridienne , qui répond à la longitude donnée du Soleil , eft plus grande ou moindre que l'autre parallaxe méri- dienne. Pareillement , l'équation du demi-dia- mètre du Soleil confifte de deux parties ; la première proportionelle au finus , la féconde au cofinus de la latitude. La première partie eft l'équation pour la longitude donnée du Soleil , & pour fix heures de difiance jufqu a midi , & celle-ci ôtée de l'équation pour la longitude du Soleil , & pour la diftance de l'heure donnée jufqu'à midi , donne la féconde partie. X V. Les mêmes règles ferviront pour trouver les parallaxes de la Lune à une étoile fixe ou à une '3 fd Mémoires Mathéma- planète. Si le demi-diamètre de là planète n*â sÈrvatioss point de grandeur fenlible , alors la correction astr-onom. l'A^^cJe VI ne peut avoir lieu j mais comme tout ce dont on a befoin ne peut être trouvé dans les tables communes , fi Tcroile a une la- titude , il faudra fuppoler d'abord qu'elle n'en a point \ Se enflure on corrigera d'une manière convenable le réfultat de cette fuppofition. En procédant de cette manière , les tables , dont nous venons d'indicjuer la conftruchon , feront ici de mime ufage que dans le calcul des éclipfes Salaires , en employant la longitude de l'é- toile au. lieu de celle du Soleil ; Se au lieu de la diftance de l'heure donnée jufqu'à midi , il faudra prendre la diftance équatoriale du lieu de l'étoile dans l'écliptique au méridien , & la convertir en temps à raifon de quinze degrés par heure. X V I. Si l'étoile a une latitude , alors la vraie lon- gitude & latitude de la Lune à l'étoile font mefuiées par des arcs, tirés perpendiculairement du centre de la Lune fur deux çrands cerchs paflant par le centre de l'étoile , dont l'un effc un cercle de latitude , l'autre coupe ce premier à angles droits. De-là il fuit que , Comme le rayon eft au colinus de la vraie latitude de la Lune j àinfi la vraie longitude de 3 580017 9- 7227902 9- 080-919 12045 > 9- 4458320 9- 3199381 9- 7657701 9- 794308$ 8. 8407880 9- 6$5°9*l 3 ? E- 9. 7435OI9 3. 5102768 3- M 37787 29'54'VÊ. Long, vraie de la Lune au Soleil , 58 34,0 Long, appar. de la Lune au Soleil ,28 40 , 0 Variation de la parallaxe de Latitude. Sinus angl. mérid. 9. 9884042 MG 8. 7657701 ite partie 8. 7541745 = 05678 S. £unt Société célèbre. 9> 9- 8. 9530980 = 09841 N. 04164 N. 51427 S. 471(33 S. 9< Cof. angl. mérid. GV 2e. partie Total Parai, mérid. Parai, de latitude Son logarithme Parall. horifontale , Vraie parall. de latitude = Vraie latitude de la Lune, Latitude apparente , Correâion du demi- diamètre du Sin. lat. du lieu , 9. Sin. décl. du Soleil , 9. te 35*7 3 5 80017 Mathéma- 63 50963 TI^S>"B- SERVATIONS ASTR.OHOM» 5 3 6745113 5 10276$ 1 8479S 1 25' 30" S. 13' 5 6' N. 8' 26" N. Soleil. 8934439 525629S y. partie = 3-6147 Cof. lat. du lieu , Cof. decl. du Soleil , Cof. dift. de midi , 9. 4i9°737 9- 9- 9- = 42190 9, 2 partie Total des 2 parties , 685 37 C. ar. des f. du rayon , Parall. horif. de la L. au S. 7943083 974°774 _8 57847f 62623 3 3 Demi-diam. du S. Secondes à ôter , Demi-diam. acc. 1 5 5*' 9- 4- 3- 2. 8359251 6855748 5 102768 978.6369 10 1. 0104136 i5 5^ Z 5 Mémoires Mathéma- _ tiques , ob- ——————————— — — — — — _ SEKVATIONS ASTKOKOM. ARTICLE IX. De t effet que caiife la réfraction dans tobfer- vatïon qu'on fait à la Mer de f amplitude du Soleil , pour trouver la déclinai/on de la Bouf- fole • par h P. du Chatelard , Jéf. Hydro- graphe du Roi , au Port de Toulon. On fait de quelle importance il eft d'obferver exactement à la Mer la déclinaifon de la Bouf- fole. Comme c'eft par la Bouflole qu'on guide un vaifleau , êc que la Bouflole peut varier plus ou moins du Nord à l'Eft, ou du Nord à l'Oueft, fi l'on ne connoît au jufte de combien elle varie d'un côté ou d'autre , pour ajouter ou retrancher la différence à la route que donne la Bouflole , êc avoir par-là la véritable route qu'on veut faire tenir au vaiffeau : on ne peut manquer de faire une route fauffe & de s'égarer. Car fi , par exemple, je veux aller au Nord-Oueft, & que la Bouflole varie de 1 1 d. 1 5' vers l'Oueft, au lieu de mettre le cap au Nord-Oueft , où je veux aller, je dois le mettre au Nord-Oueft quart d'Oueft de la Boulïble , parce que le Nord de la Bouflole me donnant le Nord quart de Nord-Oueft, le Nord-Oueft de la Bouflole me -Afefii ■ dîme Jocùzée l ^'/J/'/v ■ Tom-ffl. fape 3SS. d'une Société célèbre. 3^9 donneroit le Nord-Oueft quart d'Oueft , dans Mathéma- la fuppofition qu'elle décline d'un air de vent sÈrvatio°n* à i'Oueft. AsTs.oMon. Aufli obferve-t-on avec foin cette déclinai- fon, & l'on a imaginé plus d'une méthode pour le faire avec précifîon. Celle de l'obferver par l'amplitude ortive ou occafe du Soleil eft fuivie le plus ordinairement ; & quand elle eft faire d'ailleurs avec exactitude , on la regarde , fans comparaifon , comme la meilleure , foit à raifon de fa facilité , foit même à raifon de la préci- fion qu'elle peut donner. Il y a pourtant une correction à faire dans cette obfervation à laquelle on n'a nul égard , & qu'on peut même négliger fans conféquence dans les petites 8c moyennes hauteurs de Pôle , mais qu'il eft à propos de faire remarquer. Je l'ai cherchée à l'occalion d'une petite difpute que j'eus à la mer avec un de mes amis , homme d'efprit & de mérite , mais qui s faute d'avoir examiné la chofe d'alfez près , cV peur juftifier une obfervation qu'il avoir faite & qui n'avoit pas réuftî , s'en prir à la réfraction , foutenanc qu'elle augmentoit l'amplitude occafe du Soleil , & diminuoit fon amplitude ortive le même jour , & que la fomme de cette augmentation &c de cette diminution étoit égale à la différence qu'iJ devoir y avoir entre l'obfervation du matin , & Z4 36b Mémoires Matkém a ilt du foir , ce qui ie^voit alfez à raccommoder Tlvit' i OB- r ASTB.ONOM. Dabo d jetais voir que de l'équinoxe d'Au- tomne ù celui du Printemps , la léfraétion di- minue L'ampli: uae ortivt .m occaCc du Soleil, & que c'clt le coiitraiye de l'équincxe du Prin- temps à celui d'Automne j car ayant fuppofc les deux faits fui vans , oui font regardes comme tels par tous les Afhonomes , favoir : i°. Que la réfraction élève un aitre , c'eft à-dire , fait paroître un aftre plus élevé qu'il n'eit réellement j z°. Que la moindre quantité , dont la rétraction élève le Soleil quand i' tft à i'horifon , eft de 30'. Soir I'horifon Eï\ l'équateur dE , le point d'Eit & Oueft 0 , le Pôle Nord m , le Pôle Sud », le tropique du Cancer , ou le parallèle que le Soleil décrit au folftice d'Eté r s , le tropique clu Capricorne , ou le parallèle que décrit le Sokil au 1* Milice d'Hiver fg. Quand le Soleil décrivant fon parallèle/^, fera au point a de I'horifon 3 il paraîtra être au point i, (faifant a i de 30' , quantité dont là réfraction élève le Soleil à I'horifon ) ôf , par conféquent , ayant pris b c égal i a i , il paroîtra au point b de I'ho- rifon , quand il fera au point c de fon parallèle, 8c cela arrivera à tous les parallèles que décrit le Soleil , de l'équateur dE au folltice d'Hiver fg, (ce qui fouffriia pourtant une petite exception, cPune Société célèbre. 36 "1 donc je parlerai à la fin) , c'eft-à-dire , de Sep- Mathéma- , 1 r • J TIQUES, OB- tembre en Mars. La même choie arrivera dans servatiok» les parallèles que décrit le Soleil , de l'équateur ASTRONOM* dE au folftice d'Été r s , & du folftice d'Été à l'équateur -, c'eft-à-dire de Mars en Septembre , le Soleil paroîtra au point B de l'horifon , quoi- qu'il ne foit qu'en C. Ainfi , quand de Septembre en Mars , le So- leil, venant du méridien f , c'eft-à-dire, de midi, fe fera couché au point a , ou bien quand il viendra du méridien g, c'eft-à-dire, de mi- nuit, pour fe lever au points, il paroîtra être à l'horifon au point b , quoiqu'il foit au point c de fon parallèle. Et quand de Mars en Sep- tembre il viendra du méridien r , c'eft à dire , de midi , êc fe fera couché au point A , ou quand il viendra du méridien g , ou de minuit, pour fe lever au point A , il paroîtra être à l'horifon au point B , quand il fera au point C de fon parallèle. D'où l'on voit que dans le premier cas , l'am- plitude vraie du Soleil étant o<2, elle paroîtra, par l'effet de la réfraction, n'être que 0 b , & que , dans le fécond cas , l'amplitude vraie étant OA , elle paroîtra s par l'effet de la réfraction , êtte OB. Donc de Septembre en Alars la ré- fraction diminue l'amplitude ortive & occafe , & de Mars en Septembre l'augmente : ce que 3 6i Mémoires Mathéma- je m'étois propoféde démontrer. Du refte, cette TIOU£S , OB-' " 11 servatiohs vérité paroît n'avoir befoin d'autre preuve que ASTB.ONOM. i p r ■ ri • • j r • r de 1 expolition limple que je viens de raire lur les principes & ies premiers élémens de la fphère. Si l'on veut trouver la quantité de cette aug- mentation ou de cette diminution , c'eft-à-dire, la correction qu'il faut faire à l'amplitude ob- fervée , pour en conclure exactement la décli- naifon de la Boulîole , il n'y aura qu'à tirer par chaque point b j & B , un vertical KcL , KCL. On aura deux triangles fphériques égaux abc , ABC ; car les côtés ac , AC , peuvent être regardés comme arcs de grands cercles à railon de leur petiteife. Or , dans ces deux triangles rectangles en bB , où Ton connoît un angle aigu ôc le côté oppofé j favoir , l'angle enen rapprocllant . la quantité marquée dans la Table peut diminuer 8c fe réduire même à zéro, félon la déclinaifon Nord ou Sud du Soleil, ôc la quantité de cette déclinaifon : ce qu'un peu de réflexion fera aifément appetcevoir , fans qu'il foit néceiïaire de le détailler ici. ARTICLE X. Lettre au P. B. Jéf. , fur une découverte en Géométrie, Permettez-moi de vous faire part, M. R. P. 9 d'une découverte en Géométrie , dont un jeune étranger , nommé M. Cruds , Suiiïe de nailïance , eft l'Auteur. Vous favez que la Quadrature des Polygones eft un de ces Problêmes qui ont toujours fait le défefpoir des Géomètres. C'eft une énigme qu'une foule de laborieux CEdipes a tenté vainement jufqu'ici d'expliquer. La dif- ficulté , ou plutôt l'impoiîibilité de calculer l'A- pothème , qui eft un des élémens de cette Qua- drature , a toujours fait regarder le Problème comme infoluble. Auffi , perfonne aujourd'hui ne daigne- t-il s'en occuper férieufement j &c Âfem , ,/û/i<> dûciét» Célèbre . ïbrn.JÛ. ftt./i- 5b 4 d'une Société célèbre: 36$ M. Cruels publie hautement que ce n'étoir pas Mathéma- là fon objet. Las de fécher fur un Problème de sÊrvat!o°* planimétrie , dont il avoit la foliuion fore àASTB-OMOM* cœur , & , piqué de ne pouvoir le réfoudre , il étoit près de l'abandonner , lorfque tout-à-coup , par un des plus bifarres & des plus finguliers effets du hafard qui furent jamais , il s'apperçoit qu'il a quarré le Dodécagone. Je n'entreprends pas, M. R. P., de vous exprimer la joie donc il fut pénétré : on l'imagine aifément. Rappellez- vous les tranfports d'Archimède. Il eft vrai que ceux, de M. Cruds n'ont pas été Ci vifs. Plus maître de fes parlions que le Géomètre de Sy- racufe , il n'a pas commis , comme lui , la gra- vité des Mathématiques. Fidèle au climat qui l'a vu naître , il a fu fe contenir , ou s'il a crié : Je l'ai trouvé , ce n'eft qu'à un petit nombre d'Illuftres , à la célébrité defquels il a cru devoir cet hommage. J'ignore par où j'ai pu mériter la même attention de fa part. Serois-je donc auflTi Géomètre ? Quoi qu'il en foit , j'ai cru ne pouvoir mieux répondre à la confiance dont il ma honoré , qu'en vous adreffant fa découverte. Je fuis , &c. Tropofition de Géométrie. La furface du Dodécagone inferic eft les croîs quarts du quarré circonferit. \ 3 6 6 Mémoires Mathéma- Soit le quart de cercle DGB & BADC Ië Î[eiivath>ks" quarré du rayon : foit BG, côté du Dodécagone, .4STR.o>io.M, paEC BMG éÉant m& 1kl* 570 Mémoires MÉDECINE, CHIRURGIE, ANATOMIE. ARTICLE PREMIER. RÉFLEXIONS de Phjyfique & de Médecine ," pour prouver combien il feroh falutaire de I fubflituer le fer au cuivre , dans les ujlenjîles fervent à la préparation des alimens & des remèdes ; par le P. Caflel , Jef. hir.ur.gie *> AI ete témoin mille rois par moi-même ou par autrui , cies mauvais effets que produit l'u- fage du cuivre dans la préparation des alimens, des remèdes , des eaux-de-vie , des firops , des confitures • & je m'tconne encore comment il a fallu tant de temps pour s'avifer de fubttituer le fer au cuivre. 2°. Le cuivre eft rare Se cher : il faut le faire venir exprès & de loin , Se à grands frais. C'eft payer chèrement des armes, pour fe faire battre. Le fer eft commun Se à vil prix ; on en c ■A* AT OMIS d'une Société célèbre. 371 trouve abondamment dans plufieurs de nos pro- médecin vinces, Se prefque par-tout , dans les terres la- ^tomie! bourables mêmes , & jufques dans les cendres de toutes les plantes. On l'éguife en lances & en épées j on le façonne en boulets , bombes, mor- tiers & canons , ôc on n'en fauroit forger trop d'armes , pour fedéfendre du cuivre, le plus re- doutable , parce qu'il eft le plus inteftin de nos en- nemis. Je ne crois rien hafirder lorfque je penfe que , fous le nom d'ami , le cuivre tue plus de monde, que le fer fous le nom d'ennemi. 30. Les carefTes d'un faux ami font plus dan- gereufes , dit-on , que les bleifures d'un ennemi déclaré. Quoi de plus traitreufement carefTanc que le cuivre ? C'eft de fon fein que palfe tou- jours dans le nôtre , tout ce qui réveille , flatte , irrite & raiTafie notre appétit , les confitures , les firops , les eaux- de- vie , les liqueurs , les compotes , les ragoûts , les alimens les plus communs même. 40. C'eft une réflexion à faire, & que l'on fait même tous les jours, mais fans réflexion , toute réflexion qu'elle eft. Pourquoi de tous nos ali- mens , ceux qu'on regarde le plus fpécialement comme malfaifans , font-ils fpécialement ceux qu'on prépare dans le cuivre , les fucreries , les épiceries , les ragoûts , les liqueurs ? Les hommes ont affez le commencement de toutes les bonnes 372 Mémoires MÉDECIN! , réflexions qui tendent à leur confervation : l'in- àWATOMii. cérêî eft grand , ce la nature a toujours l'inftinÛ à fes ordres. On fent , on entrevoit , on fe doute du vrai ; mais video mtliora proboquc 3 dctcrïora. fequor. 50. C'eft , le dirai- je ? la pleine réflexion , le jugement , la raifon qui eft aux ordres de la cupidité. On préfère ici , comme en d'autres intérêts plus efTentiels , un attrait préfent à un danger plus éloigné , Se qu'on veut bien regarder comme incertain. On philofophe , on raifonne, &: le raifonnement , comme on dit , finit tou- jours par bannir la raifon. Les épiceries , les fucreries , dit-on , font mauvaifes comme épi- ceries , comme fucreries , les ragoûts font mau- vais comme ragoûts, les eaux-de-vie font brû- lantes , les liqueurs font des feux liquides : cv il y a à cela bien du vrai. 6°. Je crois bien que l'excès de tout cela n'a rien de bon , non plus que celui du pain , qui de foi cependant n'a rien de mauvais. Du refte, le fucrç , la canelle , le fel , le girofle , l'eau- de-vie même n'ont rien que de balfamique , de çonfortatif , de vital , pris en raifonnable , en convenable quantité j car la quantité, je l'avoue, en eft doublement mauvaife , ce parce qu'on en mange trop , & parce qu'on mange auiîi trop {Vautres chofes, que ces drogues rendent appé- d'une Société célèbre. 575 ïifTantes. Ce n'eft donc que la quantité, & non M-èdec.ink, 1 1 • / . r . . . CHIRURGIE , la qualité , qui en tau le mal. anatomie. 70. Mais un Médecin , un Phyficien va plus loin , & reconnoît, par une longue expérience, que la quantité même des alimens , foie de haut goût , foir autre, ne produit pas tous les accidens qu'on attribue à ces alimens les plus (impies \ un levain fecret de maladie , de mort & d'accidens imprévus qui pafTe notre prudence , fruftre nos remèdes , & rend fouvent inutiles notre art êç nos foins. Tant de gens pauvres ou modérés , qui n'ufent que très-fobrement de ragoûts , non- plus que des alimens les plus fains , font fujets aux mêmes fymptômes d'indigeftion & d'obf- truétion , de morts violentes & prématurées , qu'on attribue , comme à une qualité occulte , à un fond de tempérament , qui n'avoit pour- tant donné nul indice de Cacochymie jufqu'à im âge de 40 , 50 oa 60 ans \ tant d'accidens > dis-je , forcent de reconnoître un germe com- mun , un levain général , qui infefte également toutes fortes d'états & de conditions , de carac- tères & de tempéramens. 8°. On ne mêle dans les alimens que telles épiceries que l'on veut ; du moins on le croit ainû". Mais il y en a une qui s'y mêle tou- jours , fans que nous le voulions , & à notre infu , tant nous fournies diftratts fur ce qui nous A a 3 374- Mémoires médecine, intérefTe le plus chèrement, le plus fenfible- HIR.UR.GIE , > rt. 1 îri t J ..sATOMiE. ment : c eit le cuivre, le lel cuivreux , le verd- de-gris , & , qui pis eft , l'efprit le plus fubtil du cuivre & du verd-de-gris , qui , quoique nous puifîions faire , fe mêle , par l'action du feu le plus vif, & à l'aide même de l'eau , des fels & des épiceries , à tour ce que nous pré- parons dans des vailfeaux de cette efpèce. 9°. Je ne fuis pas le premier qui ait obfervé gue le bouilli eft communément moins fiin que le rôti , ce qui vient , non-feulement comme on dit , parce que celui-ci a moins d'apprêt 6c de mélange d'épiceries , mais uniquement parce qu'il n'entre point de cuivre dans fon apprêt, ôc que le fer , fon antagonifte & notre ami , y entre beaucoup j témoin le noir qui fe com- munique tout autour, & qui doit communi- quer un goût , un parrum ferrugineux à toute î.i pièce que ce fer enfile par le centre : goût qui n'a rien de trop rebutant , parfum qui n'a rien que de fain. io°y Pour ce qui eft du bouilli Se des ragoûts qui font du bouilli auiîi , c'eft autre cfaofe ; & s'ils font mal-fains , fur -tout le fimple bouilli , je n'en vois pas d'autre principe , la quantité mife à part , que la qualité des vaif- feaux de cuivre où ils font ordinairement préparés. Le fitople bouilli , au moins , u'tft d'une Société célèbre. 375* point chargé d'épiceries , & de drogues fuf- Mivw&i, pectes. bon apprêt elt tout limple avec 1 eau AKAY0.MU. &: le feu; & fa fubftance n'eft que du bœuf, du mouton & de la volaille, c'eft-à-dire, tout ce qu'il y a de plus fimple & de plus facile à digérer. n°. Mais il y a des Phyficiens & même des Médecins habiles , qui raifonnent autre- ment \ & qui , par-là même que le bouilli eft facile à digérer , à demi même digéré , prou- vent fort fubtilement , qu'il eft incHgefte. Leur raifon eft fort fubtile en effet , & bien dans le goût des nouveaux fyftêmes , qui enchantent les curieux. Les alimens bouillis & prefque digérés , s'avalent trop aifément félon eux. Broyez par la cui(Ton , les dents ne fe donnent pas la peine de les broyer. Trop mois & trop coulans , ils paifent fans prefler le palais ni les gencives , & fans en exprimer le fuc des glandes falivaires, lequel fuc, félon cet ingé- nieux fyftême , eft l'unique ferment de l'efto- mac , l'unique digeftif. 1 z°. C'eft de la belle Dilfertation ; mais en bonne Phyfique & par confequent en faine Médecine, il paroît que la plupart des fruits, des légumes , des herbages & des viandes , de foi trop crues 8c coriaces , ont befoin d'être macérées , hachées , broyées , fondues mêmes Aa 4 '37 6 Mémoires Médïcini, & réduites ou immédiatement réductibles en Chirurgie y ahatomiï. fuc , pour n'être pas à charge à Ja médiocre force des fibres de l'eftomac , & pour aider aux fucs ftomachiques à les pénétrer & à les achever de convertir en chyle & en fuc nour- ricier par la fermentation. 1 5°. Un autre fyftème encore de mode vient ici à la traverfe. L'eftomac eft un mortier , fes fibres font des pilons & de très forts pilons. Les Géomètres mêmes fe font mis de la partie pour en calculer la force, & l'ont fait monter à des milliers de livres. Les ofcillations donc promptes, vives, fortes de ces fibres fajfent , refajfent , balotent 3 brqyent, atténuent , fondent les alimens : de pour dernière preuve , l'efto- mac de l'autruche a bien la force de broyer le cuivre & de le digérer. Si les ingénieux Auteurs de ce fyftême y avoient réfléchi , ils auroient au Ai prouvé que notre eftomac même digé- roit tous les jours le cuivre qui fe mêle dans tous nos alimens. Je doute pourtant , avec leur permilîion , que la nature ait mis dans l'efto- mac les vrais outils de la trituration , èV d'un broiement proprement dit. 1 4°. C'eft évidemment dans la bouche qu'elle en a mis les feuls agens internes que nous ayons, laiffant pourtant à nos agens externes , à nos mains , le foin de créer & d'employer au-déhors d'une Société célèbre'. 377 les vrais mortiers , pilons , couteaux, haches, médecihs -, , _ , . T CHIRURGIE pour couper , piler , broyer & attendrir tout de ANATOmib. bon les alimens , avec l'aide même du feu &c de l'eau , vrais diflolvans de tout. C'eft fe mo- quer d'oublier tout cela , pour aller enfuite ima- giner des principes de trituration dans un efto- inac , dont le duvet feul , fin &: velouté , émouf- feroit l'adion des plus forts pilons de marbre ou de fer : revenons. 1 50. Le bouilli donc , comme bouilli , & les ragoûts mêmes , à l'excès des épiceries près, ne me paroilfent pas fi mauvais ; & je les crois plus appropriés que le rôti , à la foiblefie de notre tempérament , qui veut naturellement de l'homogène , c'eft-à-dire , du chaud & du mou, du liquide même. L'eau fur-tout, dont le bouilli eft imbibé , eft un véhicule très-naturel & très- fain j & non feulement un véhicule , mais un di- geftif très-efficace , & le plus efficace de tous , comme on le fait afiez , toute fureur bachique mife à parr. Par confcquent fi le bouilli a du mauvais , & fi le rôti pafTe pour être plus fain , ce ne peut être que parce que l'un eft parfumé ou enfumé de fer , & que l'autre eft empoi- fonné de cuivre , & de verd-de-gris. 160. Mais on a foin de récurer , laver , ef- fuyer les vailTeaux de cuivre. Je fais qu'ainfi l'entendent les maîtres ; mais ce n'eft pas dans 37$ Mémoires médecine, ce fens-là , qu'on peut toujours dire .• tel maître > Itomji!'^ valet. On fait quel fonds on peut faire fur l'entente & la bonne volonté de ces derniers. Mais fuppofons - les fur l'article infiniment af- fectionnés , exacts , délicats même , & qu'ils ôcent avec des yeux d'argus jufqu'à la moindre nuance de ce verd empoifonneur. En ôtent-ils la racine ? Le verd-de-gris n'eft qu'une fleur, q Lie la moindre humidité , la moindre faletc exalte & fait épanouir. N'eft -elle dangereufe qu'après fon épanouiilement ? & , 1 1 elle ne s'épanouit pas fur fa tige , lui eft-il défendu de s'épanouir dans notre eiiomac ? 170. Car d'abord, il fautfuppofer que le verd- de-gris n'étant qu'un cuivre exalté & épanoui , tout le cuivre n'eft qu'un verd-de-gris concen- tré & en bouton , toujours prêt à fe dévelop- per. La façon de fabriquer le verd-de-gris eft toute fimpie. On coupe le cuivre en plaques quarrées allez minces : on met un lit de marc de vendange , & un lit de plaques qu'on re- couvre d'un lit de marc de vendange , recou- vert d'un fécond lit de plaques , &c. Tous les jours on retire les plaques toutes vertes ; on racle ce verd , & on le ramalTe ; on remet le cuivre entremêlé de marc de raifin ; il s'y re- forme un nouveau verd qu'on racle , de qu'on ramaffe encore : & de cette manière tout le d'une Société célèbre. 379 cuivre s'en va en verdet , ou en verd de-gris ; médecin* $ il fe détruit , d'amant plus vîte , qu'il eft^™*^ plus aidé par les fels tartreux , les fels acides , les fimples fels , & par l'hmidité & la chaleur. 180. La queftion fe réduit donc à favoir Ci les vailTeaux de cuivre , dans lefquels on pré- pare les alimens , leur communiquent leur qua- lité , à l'aide de l'eau Se du feu , du fel même , &: de tout ce qui contribue à la préparation de ces alimens. Une expérience de tous les jours tient là-delïus les efprits en fufpens , & leur infpire même une faufle fécurité. On fait les (îrops , les confitures & mille chofes dans des vailfeaux de cuivre rouge , cuivre pur par con- féquent & non étamé. Il y a de quoi faire trembler tout homme de bon fens , qui fait ce que c'eft que le verd- de-gris. Voici le piège qui ne paroît tendu à notre inadvertence , que pour punir l'excès de notre fenfualité. Dès qu'on oce du feu ces confitures, ces firops , il faut fur-le- champ , & bien vîte , les transvafer dans d'au- tres vailfeaux non cuivreux , fans quoi on les verroit , en fe refroidilTant , fe couvrir d'un verd , dont les plus mal-avifés connoiifent le danger. 190. C'eft bien là qu'on voit que la plupart des hommes n'ont en toutes chofes qu'un com- mencement de raifon &c de réflexion, fans aller $8o Mémoires MéMBim, prefque jamais au bout d'aucun raifonnemenr.* CHIRURGIE , I anatomie. On fait cuire dans le cuivre des chofes déli- cieufes que notre cupidité doit introduire dans le plus intime de notre fubftance. Le feu , l'eau, les fels tirent de ce cuivre une infinité d'efprits corrofirs , dont il eft vrai que plufieurs doivent s'envoler au travers des pores ouverts par le feu , & avec la fumée ; mais dont une infinité doivent imbiber le tiffu , & s'incorporer dans toute la fubftance des chofes qui trempent dans cette eau , dans ce fel , dans ce cuivre , dans ce feu. La nature toujours affez vigilante pour notre confervation , s'empreffe à nous manifefter l'ennemi que notre art funefte vient d'intro- duire dans l'objet même de nos délices. Un mo- ment de patience va le raffembler , peut-être tout à la furface , d'où abfolument nous oour- rions l'enlever comme une écume , la nature pouffant toujours en dehors dans le refroidif- fement , les hétérogènes que le feu difperfe de tient confondus avec tout le refte. 2o°. Mais voilà bien les hommes, ôc leurs procédés de tous les jours : un mal qu'ils igno- rent & qu'ils veulent ignorer ne leur eft rien. C'eft uniquement la manière dont les chofes refroidiffent naturellement dans les vafes où elles ont été échauffées , qui fait que le vafe & le fond confervent encore leur chaleur avec d'une Société célèbre, 381 tout l'intérieur des corps échauffés. Les hétéro- médecins _A 51/ n r rr t. r chirurgie gènes s eu dégagent, & vont le ramafier & le iSAIOMlî, manifefter en formant une pellicule ou petite croûte à la furface , où le voifïnage de l'air caufe le premier refroidiifément. Ce qui fert d'indice aux artiftes , de la cuiffon fuffifante des chofes fur lefquelles ils travaillent. Or , fi l'on rebrouille cette pellicule, cette écume , foit en tranfvakint la chofe qui en eft couverte , foit en l'agitant & la boulever- fant un peu , elle ne reparoît plus j & le re- froidiflement fe faifant ou trop vite , ou par le fond & les côtés du vafe , ou uniformément par tout , la nature eft déroutée , Se ne donne plus d'avis de rien. Les hommes ont intérêt d'ignorer le verd-de-çris dont le cuivre rem- plie leurs alimens. Ceux qui les préparent d'of- fice , feroient taxés de .mal-propreté Se de pa~ relTe , li l'on en voyoit les effets dangereux. Ceux qui s'en nourriflent avec goût , en au- roient l'imagination allarmée , Se l'efprit in- quiété. Ils tranfvafent le fyiop ou le ragoût tout chaud , le brouillent Se le rebrouillent , jufqu'à ce que le refroidilTement fixe le verd- de-gris , qui ne demandoit qu'à fe dégager & à paroître au jour j lui permettant du refte de fe rallier dans l'intérieur de leur fubfhnce pour CHIRUR.OE ARATOMIE 382 Mémoires Médkcine, y produire, au moins à la longue, les effets * ' les plus dangereux & les plus inévitables. 12.°. On a obfervé qu'il fe trouve des pail- lettes de fer dans les cendres de tous les corps , Se que toutes les terres , où ces corps s'engen- drent font pleines d'un fer difperfé par-tour. Sur quoi on a foupçonné que ce fer pouvoir venir des charrues , bêches , pioches , & autres outils de fer , avec lefquels on cultive les plan- tes Se la terre. Cette obfervation n'a fait peur à per forme : on n'en a pris aucun ombrage contre la nature , ni contre l'art de l'Agricul- ture. Le fer eft anîi de l'homme & de l'efto- mac , Se fa rouille même entre dans nos re- mèdes ftomachiques , Se les plus internes. 2 50. Il n'en feroit pas de même , Se on s'al- larmercit rout de bon , (i l'on parvenoit à dé- couvrir des paillettes de cuivre Se du verd de- gris dans l'analvfe de nos alimens ou de notre fiibftance : peut-être ne faut-il que s'y rendre attentif Se vouloir ouvrir les yeux. En atten- dant , il eft démontré à priori , 8c par l'obfer- vation même du fer , que nos chairs , notre fang , nos humeurs , Se jufqu'au tilfu Se à la moële de nos os , doivent être imprégnés , im- bibés , empoifonnés de cuivre Se du verd-de- gris le plus fubtil : la démonftration eu eft d'une Société célèbre. 383 toute fimple, Prefque tout ce nous mangeons médticihe, O, I rC 1 • /-•• CHIRURGIE , & buvons, pane par le cuivre , y lejourne , ANAT0M1I.' s'y macère , s'y attendrit , s'y digère : nous de- vons donc en prendre la teinture , l'impreffion , le levain , le poifon. 140. Lorfque la dofe en eft trop forte , par la négligence des domefhques , il y paroît auffi- tôt. Ce n'eft pas là le plus dangereux. Il périt, par-ci par là , quelques milliers de perfonnes tous les ans en divers pays. Mais nous péririons tous , & nous dépérirons par millions , par un cuivre , par un verd-de-gris imperceptible & plus fubtil , qui s'accumule tous les jours dans notre eftomac , dans nos vifeères , dans nos veines , dans nos os mêmes , & dans nos ef- prics les plus vitaux. Sans attendre même de plus précifes obfervations , la couleur verdâ- tre que nous obfervons tous les jours dans la bile , dans le fang , dans les humeurs de bien des malades , & qui n'y pro noftique rien de bon , neft-ce point peut-être un verd-de-gris que nous avons empêché de paroître dans les vafes préparatoires des alimens, Se que la bonne nature nous représente dans nos propres vaif- fe.iux ? Car elle va toujours à fon bur pour corriger . n'ayant pu prévenir nos erreurs. 250. Le comble de Terreur & de notre mi- sère , c'elï que les remèdes à tous ces maux , 384 Mémoires Médîcine, caufés par le cuivre , les pillules , les ptifannes; lkItomTe! ' les médecines , fe préparent par les mains les plus habiles dans des mortiers , dans des poê- lons , dans des coquemars , dans des vafes de toutes les fortes en cuivre , où je puis attefter en avoir vu plus d'une fois refroidir avec un verd-de-gris manifefte fur les bords , qu'on tranf- vafoit fans façon dans des phioles , pour être avalées tout de fuite par de pauvres malades, que de pareils remèdes ne manquent guère de ruer ou de tourmenter cruellement , à la dé- charge du Médecin , qui ne devroit pas au moins porter la faute du Pharmacien , ou du Chef- d'Office , feules caufes journalières des ravages fecrets ou manifcftes du cuivre. 2.60. Conclufion pratique & intérelfante pour tout le genre humain. On ne fauroit donc trop encourager les nouveaux procédés établis pour la fubftuution du fer au cuivre dans Pufage de la vie , Se pour tout ce qui fe rapporte à l'in- térieur de nos corps. Car la plupart de nos maladies viennent des alimens , &c le cuivre en eft un prefqu'univerfel. Le fer , au contraire , eft fouverain contre les indigeftions , les ré- pétions , les obftruârions , & toutes les ma- ladies qui en remirent. 270. J'oubliois une réflexion importante ; c'eft que les huiles préfervent de la rouille le fer ; (Pane Société célèbre*. $8f fer j Se quand je dis les huiles , il faut enten- uivtcmf} dreles chofes grafTes , l'huile, la granîe , leJ2ÏÏ£« fuif , la poix , &c. n'y ayant que l'eau , l'hu- midité feule qui rouille & détruife le fer : au lieu que tout rouille le cuivre, l'huile comme l'eau , la graifTe , le fuif, comme l'humidité 5 ôc que toujours fa rouille eft un verd de-gris mal-faifant Se empoifonneur. Cette obfervation n'eft pas indifférente , Se mérite de terminer toutes nos réflexions fur cette importante ma- tière , où chacun doit confulter fon propre in- térêt. ARTICLE II. Dissertation fur la nature & les propriétés du levain de l'ejlomac. .A. va nt que de parler du levain de l'efto- mac , j'examinerai Se réfuterai l'opinion de quel- ques Médecins , qui veulent que l'action des dents Se celle de ce vifeère fe refTemblent j qui prétendent, dis- je, que la coéHon des ali- mens fe falTe par leur broyement commencé dans la bouche , & continué dans l'Eftomac comme dans un mufcle creux , où ils veulent qu'ils foient pétris & diflfous par la force de Tome III, B b '3 S 6 Mémoires Mm>ccinf, fes fibres motrices, qui l'agitent & le meuvent* C KIRUS.& ' c< par l'action des mufcles voifins , qui tous eufemble , comme autant de mains , les fou- lent , les btoyent , les dilTolvent , les fondent, Cv les réduitent, difent-ils , en une crème fine & délicate , à-peu près femblable à celle qui fe forme fous le porphyre , s'ils font de nature ôc de condition à le laiiTer brifer ; mais ce fen- timent ne fauroit être reçu chez les Médecins qui connoiflent parfaitement la ftruéhire natu- relle 5 CHIRURGIE , AHATOMl 32 o Aie moires médecins, rétrécie à différentes reprifes, pour que perfonne g.'' ne pût éviter de vomir une partie des alimens d'abord après le dîner & le fouper : cela eft pour- tant tout-à-fait contraire à l'expérience. A l'égard du foie , de la rate, du pancréas & de l'épiploon , qui font aux environs de l'ef- tomae , il eft certain qu'ils entretiennent , par leur chaleur , le mouvement des différentes li- queurs que portent les divers vaiffeaux , dont ce vifeère eft compofé j Se ils foutiennent ôc for- tifient , par conféquent, l'action de fon ferment naturel. Puifque , par toutes les raifons phyfîques-mé- chaniques , que je viens de rapporter , l'eflo- mac ne fauroit agir par lui-même , ni par les parries de fon voifmage , d'une manière lante à pouvoir broyer & réduire en une efpèce de bouillie les alimens qu'il reçoit dans fa ca- vité , il faut néceffairement qu'il les digère 8c les cuife pai l'action de fon propre levain. En effet , fi ce vifeère n'avoit pas un ferment parti- culier , comment pourroit-on expliquer la dif- folution des fubftances cartilagineufes dans l'es- tomac des hommes , & des os même dans celui de certains animaux ? Ne faut-il pas, pour qu'un corps foit broyé par un autre , que la force du corps broyant l'emporte infiniment fur la réfif- tance du corps qui doit être broyé ? Où trou- dune Société célèbre. 3^1 ve-ra-t-on quelqu'un, qui , après avoir comparé médecine, la dureté des cartilages , & des os mêmes avec °£;^f£E ' O ' ANATOM1E. la fouplelfe de l'eftomac d'un chien , par exem- ple , ne dife que l'eftomac , étant d'un tifïu très- délicat , feroit bien plutôt déchiré par les alimens d'une grande dureté, que ces alimens ne feroient eux-mêmes divifés par lui , fi la di- geftion devoit en être faite par leur fimple broie- ment ? Comment expliqueroit- on cette digeftion h prompte , qui fe fait dans les hommes, laids de la faim qu'on appelle canine ? Les épingles, & même les aiguilles qu'on avale quelquefois par inadvertance , ne picqueroient-elles pas tou- jours l'eftomac ? 5c les os avalés par des chiens, ie plus fouvent avec des bouts fort pointus , ne les blefleroient-ils point allez pour les faire gé- mir, fi les parois de leur eftomac s'approchoient d'aflez près , & avec aflez de force pour les pou- voir broyer ? Cependant il eft rare que ce vif- cère foit picqué par aucun des corps étrangers dont je viens de parler. Quelle raifon pourroit- on rendre de la conliftence épaifle que prend le lait dans l'eftomac des enfans mêmes les plus fains , qui font à la mamelle , cù il fe caille na- turellement, au lieu d'y confeiver fa fluidité ?^ Où trouveroit-on la caufe de la difficulté , que toutes les fubftances laiteufes ont à fe d? gérer dans celui de plufieurs hommes d'une par- Bb 4. 3£2 Mémoires Médecine, faite fanté, qui ne fauroient s'en nourrir , fans am atûmih. ' que leur eftomac en fouffie ? Ce que j'ai dit jufques ici me femble prouver démonftrativement que l'eftomac ne digère les alimens reçus dans fa cavité , que par un levain qui lui eft particulier ; & cela eft fi vrai , que le ferment de ce vifcère venant à lui manquer , ou devenant mal conditionné , l'appétit fe perd, &r la nourriture qu'on prend refte dans fa ca- vité quelquefois pendant vingt-quatre heures ôc même plus long temps , fans y foufTrir aucune altération fenfible , comme l'expérience le fait voir , quoique d'ailleurs fa ftru&ure foit dans fon entier , & que le mouvement du diaphragme & des mufcles du bas -ventre foit réglé , & à- peu-près aufli fort qu'il a coutume d'être dans le temps qu'on jouit d'une bonne fanté. Après avoir réfuté l'opinion des Médecins, qui rapportent la coction des alimens à leur fim- ple trituration , j'expliquerai en peu de mots les changemens qui fe font dans le tiffu propre de l'eftomac dans les temps qu'on mange & qu'on boit , afin de faire comprendre aifément ce que j'ai à dire plus bas , touchant la manière dont le levain de ce vifcère agit fur les alimens. L'eftomac n'étant autre chofequ un corps membraneux-cave, compofé de difFérens conduits , comme je l'ai déjà remarqué , il eft évident que toutes les fois d^une Société célèbre*. 3^5 due nous mangeons & que nous buvons , tous Médsciwj,- 1 I *lT J • '11 1 ' CHIRURGIE, les vailleaux doivent s allonger plus ou moins , anatomib. fuivant que la quantité de la nourriture que nous prenons eft plus ou moins grande. Or , les ar- tères , les veines , les conduits charnus, lesvaif- feaux lymphatiques - artériels , 6V les nerfs de ce premier réfervoir du manger & du boire ne fau- roient s'allonger , fans que les pores de leurs tu- niques , & leurs cavités fe rétrécirent j & pour lors deux chofes arrivent néceffairement : il ar- rive , premièrement, que la force du relTort na- turel de tous ces vailfeaux s'augmente beaucoup ; parce que les vapeurs fines , qui s'échappent continuellement des liqueurs qu'ils portent, ne pouvant pas entrer aifément dans les pores de leurs tuniques nouvellement rétrécis , elles font de nouveaux & de plus grands efforts qu'aupa- ravant pour s'y infinuer , & c'eft par ces efforts qu'elles s'y infirment véritablement, & qu'elles remettent leurs petites cavités dans l'état de leur première dilatation. Or , cela ne fe peut faire ainfi , fans que les vailleaux mômes re- prennent aulïi l'état de leur première tenfion. Il arrive , en fécond lieu , que les cavités des artères , des veines , des conduits charnus , des vaiffeaux lymphatiques artériels & des nerfs de Peftomac étant nouvellement rétrécies , les li- queurs, qui leur viennent de nouveau , ont plus 394 Mémoires . iftÉpztnwE, de peine qu'auparavant à y entrer, à y couler. akatomie. ' C'eft pourquoi le cœur même n'a pas tout-a-fait alors la même liberté , qu'il a quelque temps avant qu'on mange &z qu'on boive , de châtier aifément le fanç de l'une & de l'autre de fes deux cavités ; de forte que ce vifcère étant en quel- que façon gêné , & ne pouvant fe contracter pour lors aufli aifément qu'il fe contracte , lorfque la digeftîon des alimens eft faite , eft forcé de redoubler fes contractions , & , par conféquenr, de les rendre plus fortes Se plus fréquentes, comme chacun peut s'en nppercevoir , par les changemens qui arrivent dans le pouls , après qu'on a dîné ou foupé ; car il eft confiant qu'à mefure que l'eftomac fe dilate par les alimens qu'il reçoit , le pouls devient plus vigoureux 8c plus fréquent , c\: qu'il s'élève àc paroît plus plein qu'auparavant, lorfque les parties les plus fines des alimens , & le chyle , qui en pro- vient , paflent dans les ventricules du cœur. Àitra , il eft évident que , dans tous les temps que l'eftomac fe trouve rempli de la nourriture qu'on a prife , tous fes vailfeaux s'efforcent con- tinuellement de fe remettre dans le premier état de leur tenfion naturelle par leur propre force élaftique , beaucoup augmentée alors , comme je l'ai fait voir jufqu'ici , & fortement foute- nue par le mouvement du fang & des dirié- lOMIE» d'une. Société célèbre, 3Pj rens fucs qui paflfenr des uns dans les autres : médecins, c'eft donc par leur effort continuel , foutenu par la forte impuliion que le cœur communi- que aux liqueurs qu'ils portent , que les ali— mens font pouiTés de la cavité de l'eftomac , à mefure qu'ils s'y digèrent , dans celle des in- teftins grêles. Afin de pouvoir donner une idée véritable & nette de la nature du ferment de l'eftomac, je ferai remarquer , premièrement , que lorf- qu'on remplit la cavité de ce vifcère de tein- ture de fafran tirée dans l'eau-de-vie , cette teinture pafle non feulement dans les conduits lymphatiques-artériels nerveux , mais encore dans les grailleux , qui fervent avec des artères êc des veines , à l'attacher à l'épiploon. On re- marquera , en fécond lieu , qu'il n'y a aucune partie du corps qui foit garnie d'un aufïi grand nombre de nerfs , que l'eftomac , & que ces nerfs fe terminent dans fcs conduits lympha- tiques-artériels , dans les graifteux év dans les charnus ; c'eft pourquoi il n'y a aucun lieu de douter qu'il n'y ait quelque communication entre les trois différens vailfeaux fccrétoires dont je viens de parler , &C que les trois dif- férentes liqueurs qu'ils portent ne concourent enfemble pour compofer le levain de l'efcomac. Cela étant fuppofé , il eft évident , ce me 3p5 Mémoires MÉEEciNï, femble , que ce levain eft un fuc récrémen- CHIRURGIE , i • , f, j \ t~ J anatgmie. teux > volatil , compole de parties tres-hnes de graiiîe &c de lymphe , imprégné de beaucoup d'efpric animal , 8c deftiné pour exciter l'appé- tit , & cuire les alimens dont on fe nourrit. Il paroît , par l'idée que je viens de donner de la nature du ferment de l'eftomac , qu'il eft un extrait fort fin des divers principes du fang j ainfi il eft compofe de parties vo'atiles de phleg- me , de foufre , de fel falé-âcre , & de fel acide. Pour donner à entendre comment cet extrait excite l'appétit qu'il doit naturellement exciter, je ferai remarquer qu'à mefure que l'eftomac fe refteire par la feule force de fon reftort , & fe décharge dans les inteftins des alimens qu'on a pris , fa tunique vafculeufe fe fronce , & les différens vaiifeaux dont elle eft tuTue , s'entortillent de manière que les liqueurs qu'ils portent ne circulent pas librement dans leurs cavités. En effet, le froncemenr de la tunique vafculeufe de l'eftomac , & l'entortillement de fes vaiftèaux fanguins font que le fmg des ar- tères ne paiïe pas avec une entière liberté dans les veines j c'eft pourquoi elles fe dilarent beau- coup , & leur grande dilatation fait que les petites embouchures des conduits lymphatiques- artériels nerveux , qui naident de leurs parois, s'entrouvrent aufîi beaucoup , & laiftent pafler d'une Société célèbre, 397 dans leurs cavités plus de lymphe-artérielle, Médecin», ,., , , , , , , CHIRURGIE , qu ils n en peuvent décharger dans les veines AnatomiE. auxquelles ils aboutiflent. Cela fait que ces conduits fe gonflent , & que la liqueur qu'ils contiennent irrite doucement leurs parois tous nerveux , foit par fa grande quantité , foit par le mouvement de fes parties falines , qui , tout adoucies qu'elles font , ne laififent pas d'avoir alfez de pointe pour fe faire fentir d'une ma- nière qui flatte agréablement l'imagination j Se c'eft , par cette irritation douce, communiquée au centre ovale du cerveau par les efprits ani- maux, que fe produit dans l'ame le fentiment qu'on appelle faim , ou defir de manger : or, Ja faim diminue à mefure qu'on mange & qu'on boit , parce qu'alors tous les vaifleaux de l'eftomac , tant fanguins que fécrétoites , fe défentortillent petit-à-petit , & que les li- queurs qu'ils portent , circulent enfin allez li- brement au travers de fon tilTu , pour n'en pou- voir plus ébranler les fibres nerveuies , autant qu'il le faudroit pour foutenir l'appérit. A mefure que , durant qu'on mange & qu'on boit , le levain de l'eftomac eft verfé dans fa cavité par les petits tuyaux fécrétoires , qui en rendent la furface intérieure veloutée ; il y pé- nètre les alimens , & s'y unit avec celui dont \ CHIRURGIE AKATO 5^3 Mémoires MÉDECINE , la falxve vient de les abreuver dans la bouche! MiÉ!'De forte que ces deux fer mens unis enicmble ôc devenus plus forts par leur union , cv , par confequent , très - difpofes à fe mouvoir libre- ment , s'iniinuent aifement dans le riifu inté- rieur des alimens, & les font fermenter ; à l'aide de cette fermentation , ils en débarrafient in- fenfiblement les principes j &: , en les déga- geant de leurs chaînes , pour ainfi parler , ils les divifent , & les difpofuu à fe changer fa- cilement en fang. Tandis que la digeftion des alimens fe fait, leurs parties les plus fines &: les plus pures s'infinuent j celles de leurs parties qui tiennent le milieu , par leur mafîe & par leur figure , entre les plus fubtiles Se les plus groffières , defi- cendent dans les boyaux grêles , & y prennent la forme de cette fubftancc laiteufe , qu'on appelle chyle , laquelle s'ihûmte dans les veines lactées du fameux Afellius. . d'une Société célèbre. 399 ARTICLE III. RÉFLEXIONS fur les bons & les mauvais effets du Tabac ^ tirées d'une Thèje de M. Fagon , premier Médecin du Roi. Le Tabac, appelle d'abord Nkotiane , à caufe de Nicotj AmbniTadeur de France en Portugal, qui en apporta la graine j & depuis Tabac -, de l'Ifle de Tabago , d'où, il vient originairement , eft une herbe dont la feuille & la racine imi- tent alTez bien celle de la petite jufquiame , Se qui produit des effets falutaires ou pernicieux , félon qu'elle eft bien ou mal employée. Quand l'ufage en eft bien dirigé, elle produit de grands avantages , & doit tenir rang parmi les meil- leurs remèdes de la Médecine : introduite à propos dans les narines , foit entière ou pul- vérifée , elle picote doucement la membrane dont les enfoncemens du nez & les petks os qui les compofent font revêtus ; cette membrane fe fronce alors , Se , par l'effet de plufîeurs fe- coufTcs fucceflîves , elle comprime les mamme- Jons & les glandes dont elle fe trouve parfemée, & en exprime , comme d'autant d'épongés , la mucofité fuperflue qui s'y eft amaffée. Cette mu- MfDEctîce. CHIRURGIE ANATOMlE. 40a Mémoires Médecine, cofité , étant une fois détachée , les férofités ne ajiItoauÈ! ' trouvent plus d'obltacles à leur fortie , elles fui- vent le mouvement qui vient d'être imprimé, & , comme une eau qui couleroir par des Ty- phons , elles fortent avec abondance des vaif- feaux & des glandes d'alentour. Il arrive, par le moyen du même picote- ment , qu'en mâchant le Tabac , ou en le fu- mant , les glandes des mâchoires & les vaiiTeaux falivaires , fans ceiïe ébranlés, font contraints de laiiTer échapper une grande quantité de fa- live , laquelle emporte avec foi la matière des fluxions. Il fe communique en même temps aux membranes des poumons , une certaine im- pulfion qui les débarrafle dune pituite vif- queufe , dont la fortie fait fouvent la guérifon de l'afthme , de la toux , des catarres , & de plufieurs autres accidens. Cette vertu du Tabac contre les maladies qui viennent d'embarras d'humeurs , eft avérée ; & nous en pourrions cirer un grand nombre d'exemples , comme en- tr'autres , de furdités guéries par la fumée de cette plante , foufflée dans l'oreille , de balbu- tiemens entièrement corrigés par le Tabac mâ- ché , de maux de tête invétérés appaifés par le Tabac en poudre pris par le nez , d'alToupifiTe- mens tendant à la léthargie , diiîipés en faifant afpirer -i r 1 •> CHIR.UR.GIE. s il ne renrermoit que des principes mnocens r ANAT0MIE. Il ne faut donc pas , fous prétexte des biens qu'il peut produire , s'y trop accoutumer. Il expulfe utilement par le nez 8c par la bouche, comme nous l'avons remarqué , les humidités furabendantes ; mais il ne faut pas croire pour cela qu'il foit à propos d'en prendre fans ceiTe, car il y a plufieurs dangers à craindre de fon ufage trop fréquent. Le premier , qu'en dé- tournant trop par la bouche & par le nez les férofités fu-perflues, qui ont coutume -de fe dé- charger par la tranfpiration infenfible & par les autres voies générales , on ne détruife à la. fin l'organe de l'odorat : le nez eft fait pour recevoir les odeurs , & non pour fervir de décharge à toutes les humeurs du corps. Les enfans & les vieillards ont naturellement le nez fujet à des diftillations. L'humidité des pre- miers eft fi abondante , que les parties fupé- rieures s'en déchargent par la. première ilTue qu'elles trouvent j & dans les féconds , les par- ties relâchées font comme autant de cribles ouverts , qui , ne pouvant fe refterrer , laiiTent couler fur les narines & fur les autres orga- nes , l'humeur piruiteufe qu'elles reçoivent ; mais dans les jeunes gens , à moins qu'ils ne foient malades de cataires , le nez ne fe dé- '4 0^ Mémoires WsBiciNE, charge jamais que d'une mucofité épaiffe , qui an1xo>u£E ' Pr°duit journellement, Se qui pouroit , par fon féjour , arfoiblir l'action de l'odorat. Cela fuppofé , il eft facile de voir que c'eft contra- rier le defTein de la nature , que d'émouf- fer , par un écoulement continuel d'humeurs qu'on détermine à prendre leur cours par le nez , le fentiment vif Se délicat d'une mem- brane deftinée , par la nature, au difeernement des odeurs. Le fécond inconvénient , c'eit que par le poids des humeurs qu'on appelle fur cet or- gane , on appefantit la tête , ce lieu deftiné aux fonctions de la plus noble partie de nous- mêmes j en forte que Pefprit en peut devenir moins libre , Se la mémoire plus lente. Le troifième , que rien n'efl: plus capable de caufer ou d'entretenir l'indifpofîtion qu'on nomme des vapeurs. Pour le concevoir, il fiut d'abord remarquer qu'il ne faut point attribuer cette maladie à des fumées qui s'élèvent fou- dainement du bas-ventre au cerveau , puifqu'il n'y a aucun chemin par où ces prétendues fu- mées puiffeftt monter ainfi de la baffe région du corps à la tête , pour produire les tempêtes fubites qu'on nomme vapeurs • mais qu'il faut attribuer cette maladie à des mouvemens con- vuîiifs , excités par des humeurs acres j ou par dyune Société célèhre. 40 j le choc violent de quelques efprits corrompus Médïcikë, 1 T 1 / CHIRURGIE, qui picotent les nerfs. Cela étant , comme on anatomi*. n'en fauroit douter pour peu que l'on connoilïè la ftru&ure du corps , de qu'on ait examiné ce qui eft capable de produire les fymptômes qui fe remarquent dans cette maladie, il fera fa- cile d'expliquer comment l'ufage trop fréquent du tabac peut caufer l'indifpofition dont nous parlons. La membrane délicate des narines, fans celle picotée par les fels acres de cette poudre , tranfmet fon mouvement jufqu'aux membranes du cerveau, &, par une dépendance nécelfaire, fecoue toutes les parties nerveufes du corps & tous les vifeères ; ce qui arrive Ci fouvent, que , dans la fuite , la moindre occafion fuffic pour réveiller dans ces parties le mouvement auquel elles font accoutumées. Que la commu- nication des membranes du nez avec les nerfs des vifeères , puilTe être caufe de tant de dé- fordres , c'eft un fait dont on ne peut dou- ter après ce qu'on voit arriver tous les jours dans les prompts fymptômes de la paflion hyf- térique , Se dans ceux de la mélancolie , puif- qu'il ne faut que l'impreflion légère d'une odeur agréable pour les appeller fur le champ , & d'une odeur défagréable pour les diffiper avec la même promptitude. C'eft à cette caufe, pour Ce 3 4© 6* Mémoires Médecins, le répéter encore une fois , qu'il faut rapporter anÂtomi]^ ' l'indifpofition fi connue aujourd'hui fous le nom de vapeurs , c'eft à des mouvemens convulhfs qu'il faut attribuer ce tumulte de vifcères j en forte que les fibres & les membranes dont ces vifcères font compofés & foutenus , venant à fe refferrer par l'action de quelque acide , ou à fe froncer par i'àpreté de quelque fac auf- tère , ou à s'agiter par le choc violent de quel- ques efprits corrompus qui les heurtent , fe racourciffent, &: , par un ébranlement fucceflif, communiquent leur mouvement de convulfion, non feulement à toutes les membranes des au- tres parties, lefquelles ont commerce enfemble par la liaifon des nerfs, mais encore à la dure & à la pie mère (*) , qu'elles fecouent avec violence , 8c , par conféquent , au cerveau qu'elles compriment par la contraction qui s'y fait de ces deux membranes qui le couvrent : or , comme ces fymptômes s'excitent bien plus aifément dans des organes , que plufieurs irri- tations différentes ont déjà difpofés à la con- vulfion , il eft facile de comprendre que la continuelle émotion, où le trop fréquent ufage du Tabac entretient les parties , peut , en cer- tains tempéramens , tellement difpofer les (*) Membranes du cerveau, 4 (Pane Société célèbre. 4.07 nerfs aux mouvemens convulfifs , que la moin- Médroi-h*, dr . . CHIRURGIE » re occahon , ou d une humeur picotante , ou ASAIOMu, d'une odeur fubtile , fera capable de produire ces mouvemens de convulfion , que l'on appelle vapeurs. Quatrième inconvénient. Les parties du corps agitées par tant de fecoufles réitérées , fe lâ- chent à la fin , & perdent leur reflfort j en forte que les fibres qui les compofent fouffrent tant de mouvemens contraires , fe froncent & s'é- tendent fi fouvent avec effort , que fi elles ne fe rompent , elles ne tardent pas à fe relâcher : alors elles tombent les unes fur les autres ; les petites cavités des tuyaux ne fe foutiennenr pluss les voûtes s'affaiiTent , les pores fe bouchent s les voies ouvertes auparavant commencent à fe fermer , & ne permettent plus au fang & aux efprits de circuler. Ce défordre met les parties hors d'érat de réparer , par une nouvelle fubf- tance , celle qu'elles perdent tous les jours ; le fang qui fort des artères rentre moins li- brement dans les veines ; les membres , privés de nourriture , plient fous leur propre poids ; & le corps abattu tombe enfin dans une lan- gueur univerfelle. Cinquième inconvénient. Le Tabac , renfer- mant un foufre narcotique , comme nous l'a- vous remarqué , il n'eft ptefque pas poffible que C c 4 4° 8 Mémoires Médecine, lorfquon prend du Tabac avec excès , & eue CHIR.UR.G1E , * 1 J ^katomie. ies fibres des nerfs , à force d'avoir été ébran- lés par le fcl acre de cette plance , commen- cent à fe relâcher , le foufre narcotique donc il s'agit , ne s'attache à ces hbres , comme plus difpofees à le recevoir , qu'il ne les engour- dilfe , & que , remp'ifïant les nerfs , il ne bouche le paffige aux cfprits animaux , ce qui doit caufer dei tremble mens , tk appelltr par avance piefque toutes les incommodités de la vieillelfe. Pour le comprendre , il faut remar- quer que le foufre du tabac eft de la nature de l'opium , qui , à la différence des autres foufies , fe dilfout également dans l'huile, dans les liqueurs fpiritueufes, dans les falées ék dans l'eau. Le foufre du tabac , entrant donc dans les petits conduits des fibres nerveufes , par le moyen des fels qui le lient , ne peur manquer de s'y dilfoudre , foit par la lymphe , foit par î'efprit qu'il y rencontre j en forte que lors- qu'on fait excès de Tabac , les parties bran- chues de ce foufre fe dégageant des liens du fel , doivent nécelTairement s'embarrafler les unes dans les autres , & boucher les con- duits où elles fe trouvent engagées. 11 arrive de-là que les efprits animaux ne peuvent plus fe faire jour à travers ces foufres , à moins qu'il ne furvienne une fuffifante quantité d'efprirs (Piint Société célèbre. 40c? pour forcer les obftacles ; ce qui n'eft guère à uimcm efpérer, lorfque l'ufage non interrompu du Ta- aÏatomi" bac fournit fans ceffe de nouveaux foufres , qui fe fuccèdent les uns aux autres. Les con- duits des fibres fe boucheront donc alors à un tel point , que les efprits animaux , quelqu'a- bondans qu'ils foient , n'y ttouveront plus d'en- trée , &: que les nerfs engourdis ne pourront plus être réveillés. Aufli remarque-t-on que la plupart des jeunes gens même qui prennent trop de Tabac, font attaqués de tremblement j &que, dans la fleur de leur âge, ils ont prefque tous les maux de la vieilielTe. Le fixième inconvénient eft , qu'à force de vouloir retrancher l'humidité fuperflue, onfouf- trait bientôt celle qui eft néceifaire. La lymphe , trop fouvent excitée à fortir , fe fépare telle- ment de la maffe , que les fibres du fang dé- pouillées de l'humeur qui leur fervoit de véhi- cule , s'embarralTent enfemble , perdent une partie de leur mouvement, & s'arrêtent quel- quefois de telle manière , qu'elles deviennent un obftacle à la circulation ; ce qui peut caufer des maladies fuffoquantes , & quelquefois des morts fubites. . Enfin, le feptième inconvénient eftque, quand tout cela ne feroit pas , il eft difficile que Je trop fréquent ufage du Tabac ne perverthTe 4-io Mémoires ■MioEciHi, les levains de l'eftomac , (k que nuifant , par asatomie. ' ce moyen , à la digeftion , il ne fa (Te tort à roue le corps. Que l'excès du Tabac piaffe pervertir les levains dont nous parlons , il eft facile de le comprendre , fi l'on fait réflexion que ce fel trop acre , ou ce foufre narcotique , venant à s'y mêler par le moyen de la falive , en peut aifément changer la qualité naturelle. ARTICLE IV. M £ Al O IRE dans lequel on explique l'intro- duciion extraordinaire des corps étrangers au travers des vaifjeaux & autres conduits du corps humain ; communiquée par M. Doifon j Mé- decin de Tournai. .Pendant le mois de Novembre de l'année 1714, il fe répandit un bruit dans cette ville de Tournai, que l'on avoit tiré vingt ou vingt- deux épingles de la peau d'une Religieufe de St. Dominique , tant des jambes que de quel- ques autres parties de fon corps. Et comme le public murmuroit & parloit différemment de ce tait , difant généralement qu'il y avoit du ma- léfice & du fortilège ; j'allai vifiter cette Reli- d'une Société célèbre. 411 gîeufe le 24 du même mois. Elle gardoit le lit, mé &" , l'ayant examinée de fort près , je lui trou- vai le vifage bon & ferain , beaux yeux , la bouche faine , la langue , le palais jufqu'au fond des amigdales bien conditionnés & fans tache. Elle me dît cependant que depuis plu- fïeurs mois elle s etoit trouvée fort abattue & accablée de tout le corps , fans courage & avec des douleurs piquantes ; ce qu'ayant communi- qué aux Chirurgiens & Médecins ordinaires de la Communauté , ces Meilleurs avoient re- marqué des taches livides en plufîeurs endroits de fon corps , te notamment aux jambes & fur la poitrine , ce qui leur fit juger que c'é- toit des taches feorbutiques , & les détermina à preferire les remèdes convenables. Mais les douleurs & l'inquiétude s'emparant de l'efpric de la pauvre malade te des aflîf- tantes , elles firent chercher un Chirurgien étranger , lequel avec un garçon Chirurgien de la ville , l'examina de près. En touchant ces taches noires attentivement te plus pro- fondément , ils y fentirent quelque réfiftance . te quelque dureté , comme de quelque corps étranger : ils prirent la réfolution de faire une incifon fur une de ces taches , qui ne con- fiftoit qu'à ouvrir la peau , fous laquelle ils trouvèrent une épingle qu'ils tirèrent avec h 4 1 2 Mémoires Mvr.fciKE, pincette , Se faifant de pareilles ouvertures a anatomie. ' plufieurs de ces taches, ils trouvèrent jufqu'à vingt ou vingt-deux épingles. Quelques jours après , ladite Religieufe fe plaignant d'une douleur fort aiguë derrière l'oreille droite , le garçon Chirurgien tira encore une épingle de cette partie, Se la malade fut foukgée dans ces endroits. Dans le temps que je la voyois , elle fe plaignoit d'un peu de mal fous la gorge , à l'endroit de la trachée - artère , lors princi- palement qu'elle avaloit la falive ou quelqu'au- tre liqueur , Se prenant l'endroit douloureux entre mon pouce Se l'index , j'y ai fenti un bout de corps étranger , mais trop profond pour le faire tirer fur l'heure. Ladite Reli- gieufe me dit qu'elle en fentoit encore à la jambe ; ce qu'ayant encore entendu Se confé- déré , Se me relTouvenant d'autres exemples bien plus extraordinaires Se plus furprenans , que j'avois lus dans Jekenkius & dans Mon- iteur Verduc , & que moi- même avois encore été témoin de cheveux fortis par l'urètre , je lui demandai fi elle ne fe fouvenoit pas qu'é- tant enfant elle avoit avalé des épingles ? Er , fans héfiter , elle me dit qu'elle en avoit avalé plufieurs fois Se beaucoup , même qu'il lui avoit été habituel d'en tenir toujours dans la bou- che , Se même quelquefois plufieurs à la fois > cPune. Société célèbre. 415 êc qu'elle fe reffouvenoit parfaitement bien médecine, j, ,, , r ~ , , CHIRURGIE, d en avoir avale pluneurs. Ce qu ayant entendu A!iAXOMU. de la malade même , je décidai d'abord qu'il n'y avoit la rien de furnaturel , encore moins aucun maléfice ou fortilège. Je vais donc tâ- cher de donner l'explication de ce phénomène tout extraordinaire , Se tout rare qu'il paroît : voici comment je l'explique. 11 faut convenir, i°. que notre corps n'efi qu'un thTu & un arrangement de tuyaux , vaif- feaux & conduits creux , jufques-là qu'on nom- me les petits vaiffeaux , vaiffeaux capillaires , tant ils font petits , Se vont jufqu'à fe rendre imperceptibles à nos yeux ; i°. que ces vaif- feaux ont des fibres motrices , qui dans l'état naturel & de fan té font toujours en mouve- ment j 30. que ces mouvemens font directs, Se que les fibres droites fe meuvent toujours' du centre vers la circonférence , & cela pour y pouffer Se conduire le fang avec les matières propres à nourrir , réparer Se augmenter les parties les plus éloignées , jufqu'à la furpeau même ; 40. que ces conduits Se ces tuyaux ont chacun leur bouche ou entrée de différente configuration , pour y laiffer entrer les liqueurs qui doivent fervir à diffère ns ufages , même les corps folides félon leur différente configu- ration , comme les fables , graviers , pierres , 4 1 £ Mémoires médecine, vers , cheveux Se autres corps étrangers. Ces CHIB.UR.GIE , , . .. . r, anatomie. principes étant certains , il elt aile de conce- voir que des petits corps que nous avalons , foit avec les alimens , foit féparément , comme des poils , de petits noyaux ou pépins , de la limaille , des aiguilles , des épingles Se autres chofes pareilles , peuvent couier Se être cou- duites jufqu'aux extrémités des tuyaux Se vail- feaux les plus imperceptibles ; c'eft-à-dire, jufqu'à leurs extrémités , qui fe terminent à la peau de l'épiderme ou furpeau ; même des corps de plus gros volume que ne font les tuyaux par où ils doivent palier.; parce que ces tuyaux font compofés de membranes pro- pres à fe prêter Se à s'élargir félon le corps étranger qui fe préfente pour y pafTer. Voici comment j'explique la chofe : Tel que ce foit de ces corps étrangers , étant avalé Se defeen- du dans l'eftomac , en fort avec les alimens ou chimus par le pilore , ce qui arrive , tant par le mouvement de tout le vifeère de l'ef- tomac , que par celui de fes fibres longitudi- nales Se circulaires j lequel corps , étant en- traîné Se pouffé dans les inteftins , rien n'em- pêche qu'il ne roule Se ne fuive le cours du chyle ; Se qu'enfin il ne fe trouve infeniible- ment dans les vaiffeaux qui portent le fang Se la matière nourricière jufqu'aux extrémi- (Tune Société célèbre, 4, 1 j tés 5 & par toute la circonférence cîu corps ; Mèmtàm, où ne trouvant plus la même direction . ilCH1RURG:6> s'arrête , Se demeure jufqu'à ce qu'il puilfe émincer la peau } pour la percer , ou y caufer un abcès. Les années que la nature a em- ployées pour pouiïer ces épingles jufques à la peau de certaines parties du corps de cette fiile , ont fervi à polir , diminuer Se émincer ces épingles qui font fort liffes , po- lies Se diminuées de grofleur & de longueur , étant prefque pointues des deux bouts ; Se c'eft ce qui en a dégagé les têtes, qui rou- lent peut - être encore dans les vailîeaux de cette perfonne ; outre qu'il eft aifé de com- prendre que ces épingles ayant été charriées depuis rant d'années en differens tuyaux Se dans des liqueurs différentes , elles doivent être ufées par l'attrition & contact des fibres motri- ces de ces ruyaux Se par le choc continuel des parties & des liqueurs qui y font contenues , lefquelles fe meuvent Se coulent fans ceffe , félon le proverbe : Gutta cavat lapidem , non vi fed J&pè cadsndo. Ajoutons qu'il fe trouve des fels lexiviaux dans le fang Se dans les humeurs , qui émincent Se rident la peau de ceux qui mettent fouvent les mains dans le fang. Pour prouver encore que ces fortes de cas ne font pas nouveaux Se inconnus , Jekenkius rapporte 4 1 6 Aie moire s médecine, des faits bien plus extraordinaires j & M. Ver- amatomu!' duc, Médecin de Paris, en rapporte auiïi trois ou quatre qui feroient incroyables & inconce- vables , fi l'on ne connoilîoit l'admirable Itruc- ture du corps humain , & la fage induftrie de la nature , comme quand il dit avoir vu des couteaux , des affiloirs de charcutiers &c autres corps folides que certains hommes avoient ava- lés , fortir & être tirés par les flancs. Moi-même j'ai vu tirer un cheveu très-long de l'urètre de M... Mar. . de Fr... , lequel , fans contre- dit, devoit avoir pafie par les émulgentes , par les baflîns d'un des reins , par l'uretère & la vefîie , avant que d'être entré dans l'urètre. De ces obfervations , il eft aifé de com- prendre ôc d'inférer que dans le cas préfent, il n'y a rien de furnaturel , point de maléfice ni de fortilège. Ainfi délibéré à Tournai , le x6 Novembre I724. DoiSON. ARTICLE cTune Société célèbre. 417 ARTICLE V. De la Fille maUficiée de Courfon ; & quelques Conjectures de Al. Lange , Confeiller j Mé- decin du Roi 3 fur ce prétendu maléfice. aine Morin , de la Paroiffe de Courfon, Diocèfe de Lifieux , âgée de 22 ans, d'un tempérament a(Tez bon , d'une conduite fimple & régulière , ayant eu quelque démêlé avec une voifine accufée de plufieurs maléfices, pour lëfquels elle eft actuellement (en 1717) dans les prifons d'Orbec avec fon mari , en fut menacée , à ce qu'elle a dit , en ces ter- mes : Autant de paroles que je te dirai , ce fe- ront autant de diables qui t'entreront dans le corpsï Et elle fut prife auffi-tôt de violentes douleurs & foulèvemens d'eftomac. Il eft certain que , depuis ce temps , elle fut 22 mois à ne pou- voir manger autre chofe que des fruits , & à ne boire que de l'eau : pendant ce temps -là elle a été plulieurs fois réduite à l'extrémité par des accidens furprenans , ayant jeré par la bou- che , en préfence de plufieurs perfonnes , des chenilles , Se un léfard tout vivant. Le Sieur Dubois , Chirurgien du bourg de Tome III. D d M/.DECINH CHIRURGIE CHIRURGIE , A.NATOMIE 4. 1 S Mémoires Mé»icinn, Farvaques , l'ayant vifitée , lui confeilla , pour la foulager de grandes douleurs de tète donc elle fe plaignoit , de faire couper fes cheveux, & d'y faire appliquer un pigeon vivant ; ce fut la voifine en queftion qui les lui coupa. Ayant été confeillée d'implorer le fecours divin , par l'interceffion de la Sainte Vierge , elle fit le voyage de ta Chapelle de Notre-Dame de Délivrance , près de Caen, où elle fit dire neuf Melfes. Pendant la confécration des cinq dernières , elle s'évanouit , & vomit pluheurs chenilles vivantes , jufqu'au nombre de vingt- huit , dont la dernière étoit de la grolfeur cTun petit doigt , & revint parfaitement guérie , ce qui eft expliqué dans Patteftation de MM. les Chapelains de cette Chapelle. Le 21 de Juin de l'année dernière , cette fille fortant feule de grand matin , pour aller au bourg de Farvaques , fut maltraitée , & ce fut à ce qu'elle nous a dit par la même voihne. Elle reçut un coup de bacon fur la tête , un fur l'épaule gauche , & un vers Teftomac , qui la firent tomber en fyncope fur le côté droit, où fa feeur , qui accourut à fes cris , la trouva le vifaçe tout plein Je f;-.ne. Le heur Dubois avant été appellé le même jour pour en faire la vihte , trouva une con- tufion fur l'omoplate gauche , & une fur la 9 CHIRURGIE, ANAT0M1E. d'une Société célèbre. 4.19 ségîon du foie , & la malade dans une fièvre Mimern violente , avec de fréquentes fyncopes. Le 10 de Juillet , le fieur Dubois ayant vi- fité ladite Morin pour de grandes douleurs de tête dont elle fe plaignoit , il trouva à l'endroit de la contrition quelques apparences de corps étrangers , & ayant fait trois incitions , il en tira une aiguille & deux épingles. Le 22 du même mois, ayant fait huit in- citions fur le bras gauche , où elle reffentoit de grandes douleurs , il en tira fept épingles &c une aiguille. Le 10 Septembre , il tira tix épingles du fein gauche. Le 28 du même mois , il en tira trois fur les fauiîes côtes. Le 3 de Novembre , il en tira huit de k cuilTe & jambe , le tout du même côté. Le 10 Janvier 17 17, M. Lange, Docteur en Médecine , ayant été informé de tout ceci par le fieur Dubois , & qu'il fe préfentoit en- core de nouvelles épingles , fe tranfporta fur les lieux , & en vit tirer fepï du fein gauche. Depuis ce temps , comme l'on apprit qu'il s'en trouvoit de nouvelles, Meilleurs les Mé- decins de Lifieux , pour éclaircir entièrement le fait, & pour éviter toute furprife , jugèrent Dd 2 / 42C Mémoires M*DïciNr,à propos de la faire tranfporter en cette Ville; chirurgie, ojv jje arriva }e ,§ Janvier. On la logea dans une chambre de l'Hôpital-Général \ on la mit à la garde de deux Sœurs , qui l'ont obfervée jour de nuit, fans la perdre de vue, veillant alternativement toutes les nuits auprès d'elle ; & après qu'on lui eut tiré , le foir de fon ar- rivée , une aiguille du fein gauche , en préfence de plus de cent perfonnes , & le lendemain trois épingles du fein droit , une du bras gauche , & une , deux doigts au delfus du genouil du même côté , en préfence de plus de cent per- fonnes , & n'en ayant apperçu aucune autre far toutes les parties de fon cerps , on prit la pré- caution de lui faire ôter tous fes habits , ôc de lui en donner d'autres , & de la peigner ; enfin on prit toutes les précautions poflibles pour s'aiïurer du tait , ne s étant point patTe de jours que Meilleurs les Médecins ne l'aient vifitee. Le 50 du même mois , il commença à paroître une épingle dans le fein gauche , & il en parut de jour en jour de nouvelles , en différentes parties du corps ; favoir , deux dans le fein droit, deux dans le gauche, une à la cuilfe , une fur l'omoplate gauche, une fous l'aiffelle , une fur la région de l'eftomac , qui furent toutes 1 d'une Société célèbre. 421 rîrées le 6 de Février à neuf heures du foir , en médecine, préfence des Médecins & d'un grand nombre anatomi^.' de perfonnes de diftin&ion. Encre le 6 & le 10 du même mois , il en parue encore quatre , & , comme on crut avoir pris afiez de mefures , les parens de la fille étant venus pour la ramener chez elle , on en rira encore deux , pour la fatisfaction de plu- rieurs perfonnes de diftinction j favoir , une fur 1 omoplate gauche , & une sur les côtes droites; on n'en voulut pas tirer davantage , de peur d'aftoiblir la malr.de. Depuis fon départ de Lizieux jufqu'au z<; d'Avril , le fieur Dubois a attefté qu'elle a vomi foixante-deux épingles & une aiguille , prefque toutes courbées , avec fièvre & vomif- femens de fang , & qu'il lui en a tiré dix , trois dans les joues , une entre les épaules , & le refte dans les bras 8c fur les côtes. Pendant le féjour qu'elle a fait à Lizienx , MM. les Médecins , la vifitant tous les jours , ont fait les remarques fuivantes. i°. Les épingles qu'on a tirées font toutes fans têtes , les unes de fer, les autres de léron, de différentes groiTeurs , toutes coupées appa- remment avec des ciseaux r celles qui font de fer font un peu noires aufli bien que les ai- guilles , qui font coupées au commencement Dd $ 422 Mémoires médecine, de leur fenre : les épingles de lécon confer- ChlR.U8.GIE , , , • . , , A.sATOMiE. vent leur véritable couleur. 2°. Avant que les épingles paroiflent , la ma- lade eft prife de maux de cœur & d'un peu de fièvre ; fouvent elle vomit du fang : enfuke, aux endroits où elle fent de la douleur , il paroît dans le fond des chairs comme une pe- tite dureté , qui , de jour en jour , fe développe & fait fentir la figure d'une épingle , à mefure qu'elle approche de la fuperficie des chairs ; de forte que vers le troifième jour on les fent fous le doigt en plufieurs firuations obliques , cependant la pointe toujours la plus proche de la peau. 3°. De plus de cinquante-deux épingles qu'on a tirées , il n'y en a pas eu deux qui aient pris la même route dans les chairs , ôz qu'on aie pu tirer par la même incifion. Ce qui paroît de plus furprenant dans ce phénomène , c'eft que, de ce grand nombre d'aiguilles & d'épingles , qui ont pénétré & traverfé en tous fens les mufcles , ôc particulièrement les glandes du fein , il n'y en a aucune qui ait piqué le moindre vaiffeau , ni fait aucun épanchement de liqueurs dans les parties • de forte , qu'à l'incifion près , elles ont paru aufii faines avant &c après l'o- pération , que fi aucun corps étranger ne les avoit pénétrée*. d'une Société célèbre, 4.23 4°. Le 5 Février , à dix heures du foir , la ma- médkgiks tir t j> \r r ■ • j j chirurgie lade rat priie d une convulnon , iuivie de grands AHatomu, efforts pour vomir j elle ne rendit qu'un peu de fang. Après quoi elle fe plaignit de gran- des douleurs dans la région de l'eftomac , où l'on apperçut une petite dureté , & le lende- main au foir, on lui tira une épingle du même endroit , la pointe en haut. 5 °. Pour tirer les épingles -y on attend qu'elles foient arrivées allez près de la peau pour en toucher les deux extrémités. Le Chirurgien , les preffant avec le doigt , fait avec le biftouri une incifion de d'eux lignes de profondeur fur l'extrémicé qui paroît la plus proche de la peau ; après quoi pouffant un peu l'épingle par le gros bout, la pointe fort par fincifion , puis on la tire avec une petite pince ; on met enfuité fur la plaie un peu d'huile d'olive , & elle fe trouve guérie en quatre ou cinq heures , fans aucune fuppuration : de cette manière , on a tiré toutes les épingles & aiguilles , à la Fé- ferve d'une , qui eft reliée depuis plus de deux mois dans le genouil , & qu'on n'a pu tirer à caufe de fa profondeur. Tous les détails de cette narration ont été attejlés par cinq Docteurs quatre Chirurgiens , & deux Apothicaires. » Si nous n'avions à expliquer , dit M. Lange, Dd 4 424 Mémoires Médecine, „ en narlant fur ces faics que Ja «énérâtion & ajîatomiï. » J'expullîon des chenilles, ilferoitaifedele faire « par le méchanifme naturel. Car on peut fupofei 33 fans peine que cette fille, ayant avalé dansquel- « ques fruits ou légumes , dont elle a fait pendant » fi long -temps fon unique nourriture, une » bonne quantité de petits œufs prefqu'invifibles s> de ces infectes , ces œufs fe font trouvés dans » fon eftomac , enveloppés dans une abon- 33 dance de crudités pâteufes. Là , comme dans » leur matrice , à l'abri des pointes du diiïbl- »? vant de l'eftomac , qui , dans la perte de >3 l'appétit où elle ctoit actuellement , étoienc 3> fort émouflees , ils ont été couvés , ont éclos 33 par la chaleur de cette partie ; & , par le 3> moyen des fruits , herbes , & de l'eau , qui « étoient la feule nourriture de cette fille , &: leur » aliment ordinaire , font parvenus à ce point » d'accroilTcment où on les a vus ; ainfi , ce: 33 effet, quoique très-fingulier , pourroit bien 53 n'avoir rien que de naturel. 33 II n'en eft pas de même des épiugles cv 3» des aiguilles j ce ne font point des corps quï j> punTent être formés ni nourris dans le corps 3> humain. Quand on fuppoferoit que plufieurs »3 corpufcules métalliques , cachés dans les ali- »> mens , auraient pu fe réunir dans le corps , (Pune Société célèbre. 42 £ par les différentes fermentations & précipi- médecixe • , ,. . CHIRURGIE cations qui s y ront, elles ne pourroient pro- ANATOmie. duire que de petites malTes informes ; mais ce font de véritables épingles & aiguilles for- mées & aiguifées de main .d'homme , qu'on a tirées du corps de cette fille , dont on a manifeftement coupé les têtes , où les veftiges des cifeaux paroiffent encore , donc il y en a quelques-unes qui font demeurées courbées , par l'effort qu'on a fait en les cou- pant , &: qui lui ont fait beaucoup plus de douleurs . que les autres lorfqu'on les a ar- rachées. Ainfi , dans l'explication de ce phé- nomène , il faut néceffairement avoir recours au méchanifme artificiel. Voyons donc ce qui peut venir de l'homme , & ce que nous ferons contraints d'attribuer au Démon. » Il eft confiant que les épingles & aiguilles ont été introduites dans le corps de cette fille , puifqu'elles n'ont pu s'y engendrer ; il eft encore plus confiant qu'on n'a pu les faire entrer dans tous les.endroirs en parti- culier d'où on les a tirées. Les obfervations exactes qu'on a faites pendant quatorze jours, ne laifTent aucun lieu au foupçon ; il eft. vrai qu'il y a des perfonnes qui ont l'adreffe de s'en introduire dans les jambes , dans les 426" Aie moires XIeiîscinï, !> bras, & dans plufieurs parties mufculeufes , Lxutt la difFérence entre ce petit badinage & ce » qu'on apperçoit en cette fille , où l'on fenc » avec les doigts les épingles dans le fond des » chairs fur le périofte , & où on les apperçoit » fenfiblement s'avancer tous les jours peu-à- >• peu au travers des mufcles , pénétrer toutes » les parties gtanduleufes du fein , & préfenter » toujours la pointe la première. D'ailleurs , j> les naufées & les vomifiemens de fang , & s» la fièvre , qui précèdent toujours les appari- •> tions des épingles , la grande quantité qu'elle 55. en a rendue par le vomilïemenr , & les pi- » cotemens douloureux qu'elle relïeni- de temps * en temps dans l'eftom.ic , font des preuves -3 certaines qu'on les lui a fait avaler. « Il n'eit pas difficile de comprendre que , »■ dans le temps qu'elle reçut les coups qui la m firenr tomber , & refter long-temps fans con- » noiflance , on ait pu lui faire avaler deux *> ou plufieurs paquets de ces épingles ou ai- ' guilles , ou enfermés dans de petits étuis , « ou dans quelques enveloppes bien ferrées ; » que les coups qu'elle reçut à la tête , ayent » exprimé une abondance de matière pitui- d'une Société célèbre, 427 » teufe qu'on avale ordinairement & machi- Mldecwi, 1 1 1 -I -1 o 3 CHIRURGIE , 3> nalemenc dans de pareils accidens , & dans ANAXOx.UE. « les affections convuliives & fopopeufes qui « accompagnenc Toujours les commotions con- » lîdérables du cerveau : ces petits paquets , " qu'on aura pu lui mettre dans la bouche , 3' feront fans peine 5 à l'aide de ces eaux & » de ces déglutitions convulfives & machina- » les , defcendues jufques dans l'eftomac , fans « qu'elle s'en foit apperçue. J'ai vu moi-même 33 un homme , dans un accès épiieptique, avaler m une paire de cifeaux de plus de deux pouces » de largeur à l'endroit des anneaux , que fa » femme lui avoit mis entre les dents , & les 3> rendre par les felles au bout de neuf jours ; » & Vanhelmont allure , dans fon Chapitre » ( De injeclis materialibus ) , avoir vu à An- ■>•> vers , en 162.1 , une petite fille vomir deux 33 mille épingles empaquetées avec des poils » & d'autres ordures. 33 Ces enveloppes fe confumant infenfible- » ment par le fuc falivaire de l'eftomac , ont ji lailfé peu-à-peu écouler les épingles qu'elles » contenoient , qui ont été entraînées avec le 33 chyle dans les inreftins , dans les veines lac- >3 tées par le- réceptacle Se le canal torachi- >3 que , jufques dans la veine axillaire, &c de »j là elles ont pu fuivre le cours du fang dans 428 Mémoires MtDKciNE, „ le cœur & dans tous les gros vaifleaux , juf- CHIRUB.GIE, . anatomie. » qu a leurs plus pentes ramihcarions. « Quoiqu'il ne foie pas abfolument impof- » fîble que cela fe foie fait par le pur inécha- » nifme naturel, il eft cependant très -difficile 35 de comprendre que ce grand nombre d'é- 5> pingles , aient , par le hafard feul , n* bien » ajufté leurs pointes à l'embouchure des vei- » nés lactées , qu'elles aient fuivi le cours des » liqueurs , fans fe mettre de travers dans plu- » fieurs pallages affez larges : s'il n'y en avoit » eu qu'une ou deux dans le grand nom- » bre qu'on fuppofe , cela ne feroit pas » fans exemple. On a vu , dans la veine du »* bras d'un homme , une épingle qu'il avoit » avalée , 8c plufieurs en ont rendu pa r les » urines , & par différentes parties du corps , 35 dans les abcès. 55 Mais lorfque , dans Madelaine Morin , » ces épingles font parvenues jufqu'aux plus " petites divihons des artères, qui non feule- '5 ment font d'une petitelTe difproportionnée à » leurs malTes , mais qui font encore avec les '5 veines , avec lesquelles elles s'embouchent , 55 mille plis & mille contours ; c'eft là qu'il =5 eft phyfiquement impoffible qu'elles puilfent en fortir fans percer le vailfeau , fins faire »? un épanchement de fang dans la partie, fan? d'une Société célèbre, 42^ 3> rompre les fibrilles de la membrane de l'ar- médsciks, » tère , qui font autant de petits tuyaux rem-^™*^"' » plis de liqueurs \ & lorfqu'elles font forties » de cette manière , elles trouvent à leur paf- » fage un grand nombre de nerfs , de mem- 33 branes & de nouveaux canaux qu'il faut » qu'elles percent } ce qu'elles ne peuvent faire 5î fans exciter de nouveaux épanchemens de a» liqueurs, des contractions convullives dans les 3» fibres nerveufes blelfées , qui arrêtent la cir- s> culation du fang dans la partie , & forment 55 des inflammations & des abcès inévitables. 55 II n'eft pas cependant arrivé le moindre de s> ces accidens 5>. M. Lange , dans le refte de fes conjectures, a recours aux efprirs aériens, dont il admet l'exif- tence, pour leur faire conduire les épingles dans une route fi périlltufe pour la malade. Cette fé- conde partie de fon explication , que nous ne rapportons point , devra paroître aulli extraor- dinaire que le fait qui en eft l'objet. âP6 4jo Mémoires _ Médecinf, chirurgie , AN ATOMïH. ARTICLE VI. DISSERTATION fur la génération des Infecles dans le Corps humain ; Par M. de Lignac j Chirurgien de Pont-Sainte-Maxence. A, .nne le Grand , femme de Laurent Vual- 1er, Laboureur au village de Chevrières, Bio- cèfe fuivant ce fyftême, on verroit fréquemment fortir des infectes du corps de ces mêmes perfonnes , ce qui n'arrive point. z°. Que ces œufs de chenilles feroient cuirs dans le lait pendant l'ébullition , & n'auroienc par conféquent pu éclore. Pour réponfe à la première objection , je dis que la difpofîtion de cette vache s'eft trouvée propre à retenir ces œufs dans fon eftomac , pour être entraînés avec le chyle, 5c portés dans les mammelles avec la fubftance lactée (ce qui n'eft pas bien difficile à croire , eu égard à la largeur des conduits de la vache & à k fpon- Ee 5 438 Mémoires Médecine, gîofité des glandes de fes mammelles). II en CHIRURGIE , 1 ■ K r 1 ^matomïe. peut bien aufii être lorti avec les excremens, comme cela doit arriver à toutes les autres , en qui cette même difpofition ne fe rencontre pas. On a vu plufieurs fois des infectes vivans de différentes efpèces fe préfenter aux piquures des veines dans le temps des faignées , & qu'on a été obligé de tirer avec des pincettes : des Médecins & Chirurgiens dignes de foi m'ont affûté en avoir été témoins. En peut-on cher- cher d'autre caufe , finon que quelques ccurs de ces fortes d'animaux , ayant été avalés avec les nourritures , ont été entraînés par le chyle dans le fang , en ont fuivi la circulation , & y ont trouvé une chaleur ou difpofition conve- nable à en faire éclore quelqu'un, qui , après avoir reçu la vie cV l'accroiffement dans le fang, en fuivant fa rapidité , s'eft rencontré à l'ou- verture de la veine dans le temps de la fai- gnée. Il n'a pas été plus difficile aux œufs de che- nilles de faire le trajet que j'ai dit dans les conduits de la vache , qu'à ceux-ci dans ceux du corps humain , qui font bien plus étroits. On trouve quelquefois dans des abcès des animaux vivans , comme vers de différentes fi- gures , léfards , grenouilles , araignées, &c. ; ce qui peut arriver lorfque ces animaux , étant d'une Société célèbre. 43.9 parvenus à une certaine grolfeur , fe trouvent Médecins embarraffés dans quelques vailfeaux étroits , as.uo.mu. fans pouvoir avancer ni reculer , 8c par l'obf- truction & l'irritation qu'ils y occafionnenr , l'inflammation y futvient , 8c enfuite l'abcès dans lequel ces animaux fubfiftent , en faifanc foufFrir des douleurs infupportables à ceux qui en font affligés. On voit , dans Paréy des hif- toires de cette nature : les Journaux de France & d'Allemagne en rapportent plufieurs. Ces animaux ne peuvent avoir été produits que par les œufs ou fraie , qui ont été mêlés dans le fang, de la manière que j'ai dit, & y ont trouvé les difpofitions convenables , comme autant de matrices propres à leur génération. Ces fortes d'animaux peuvent fe trouver contraints dans les veines pendant leur accroif- fement , 8c fe mouler d'une manière à avoir une figure toute différente de ceux de leur ef- pèce , de forte qu'il ne s'en trouve point d'une pareille figure fur terre. Comme les œufs ou fraie des infectes ref- tent quelquefois dans' l'eftomac fans fui vie le chyle , 8c y trouvent des humeurs ou difpofi- tions qui leur fervent de matrices pour s'y vi- vifier , il ne faut pas être furpris de voir des perfonnes vomir &c jetter par bas des crapeaux , grenouilles, léfards, araignées, de autres ani- 44$ Mémoires médecine, maux. Ces fortes d'accidens arriveroient fou- ^natqaue! ' vent s'il fe rrouvoit des humeurs propres dans tous les eftomacs , pour développer cette fubf- tance féminale & la rendre capable d'y rece- voir la vie j mais heureufement ces difpofitions 1 s'y rencontrent rarement j & lorfque la géné- ration s'y fait , il eft à croire qu'il y en a très- peu qui puiflent réfifter à un féjour & à une nourriture qui ne convient pas à leur efpèce. M. Denifon, Médecin de Compiègne, d'une réputation diftinguée , m'a affuré qu'ayant été voir, à Verberie , une fervante de cabaret que l'on croyoit enceinte , il reconnut que fa pré- tendue grolTelTe étoit dans l'eftomac , où il fentit des mouvemens de quelques corps étranr gers vivans. Il fe détermina bientôt à lui pro- curer le vomilfement, par lequel il lui fit jetter trois grenouilles vivantes. Cet accouchement extraordinaire lui procura fa guérifon. Ces gre- nouilles ne pouvoient procéder que du fraie que cette fille avoit avalé en buvant de l'eau. Je réponds à la féconde objection que puif- que ces œufs font toujours expofés à toutes les injures du temps , pendant les plus grandes ri- gueurs de l'Hiver , fans être nullement altérés , & produifent de nouvelles chenilles au Prin- temps , ils peuvent bien réfilter à la première ébullition du lait , & même y relier pendant 11 s engendrent dans ion corps une quantité de petits animaux avec des aîles , qui lui rongeoient , premièrement le ventre, puis l'eftomac , & enfin tout le corps en peu de temps. Cette étrange maladie commençoit par une forte démangeaifon , qui l'obligeoit bientôt à fe déchirer la peau avec les ongles , & il fi- niiïoit ainiî fa vie dans les tourmens (*). On peut croire avec raifon que les œufs de ces fauterelles , n'ayant point été altérés par le fel ni les apprêts que l'on en faifoit , germoient dans l'eftomac, dans les entrailles , & par-tout où ils étoient portés avec le fang ou la lymphe, chez les uns plutôt , dans les autres plus tard , fuivant le tempérament des perfonnes , 6c lorf- que les difpoiitions fe trouvoient convenables pour leur faire produire tous les petits andro- phages , qui dévoroient les Acridophages. (*) Voyez Moréry , Acridophages. SM8 .ue, gnent à peine à l'âge de vingt-cinq ans ? Les actions naturelles qui fe font dans plus ou moins de temps , félon les différens tempéramens , con- firment la môme penfée. Tel , par exemple , digère en peu d'heures une quantité prodigieufe de nourriture , dont un autre ne peut qu'à peine digérer une très-légère portion dans un temps bien plus long. Cette différence vient du ferment de l'efto- mac , félon qu'il a plus ou moins de vivacité , qu'il eft plus ou moins abondant. Si donc les liqueurs de la femme font extrêmement actives, & avec cela fort riches , elles pénétreront bien- tôt toutes les parties de l'embryon, déploieront fes fibres , les allongeront , s'infinueront dans leurs pores vuides • & , en un mot , leur don- neront la maffe & la force requife pour former un enfant qui foit en état de venir au monde, & de faire , malgré les impreffions de l'air , les fonctions auxquelles il eft deftiné ; principale- ment , fi le père de l'enfant eft d'un tempéra» ment aufti bon & d'une fan té auflî forte que la mère. Pour confirmer encore ce fentiment , on peut ajouter que les groines qu'on jette dans ia terre germent , & acquièrent bientôt leur maturité, '44 6 Mémoires Médîcine, quand leur nourriture eft: abondante, & qu'elle iMATOMiH. ' eft animée par les rayons du Soleil , ou par une luffifante quantité de ptincipes aclifs : au lieu que les plantes reftent dans la langueur , ou ne croilîent qu'avec peine & très -lentement , quand le fuc nourricier leur manque, ou qu'elles {ont privées des douces influences qui les vivi- fient. Qu'on arrofe fouvent , par exemple, avec de l'eau plus que tiède, un îep de vigne , fes raifins mûriront un mois & demi ou deux mois avant les autres. Par tout ce qu'on vient de dire, on doit, ce fembîe, naturellement conclurequ'une femme peut être dans une difpofition , telle qu'elle puilfe donner à Ton enfant alfez de vigueur & alTez de maHe pour venir naturellement au monde avant le feptième mois , & même le cinquième , ou au commencement du fixitme. D'un autre côte, fi l'on confidère que la na- ture eft toure fimple , cu'elle agit le plus uni- formément qu'il fe peut, Se qu'elle ne multi- plie pas les !oix (ans néceiîité , on aura lieu de penfer qu'elle agit dans la femme comme dans les animaux. Or , ceux-ci ont un temps marqué pour porter leurs petits , qu'ils ne paf- fent ou n'avancent que de peu d'heurts ou de peu de jours. Les lapins portent un mois ; la chienne , deux mois & deux ou trois jours ; la d'une Société célèbre: '347 jument , onze mois & quelques jours , &c. médecike. Eft-il donc pofiible que la femme feule aie un™^?? r 1 ANATOMU. terme muable de l'accouchement } & que ce terme foit même d'une fi grande étendue ; pendant que la nature agit d'une manière fi égale dans tous les animaux , où les autres cir- conftances de la génération font les mêmes que dans la femme. Car on convient que toutes les femelles ont des œufs ; que le développement du fœtus fe fait dans toutes , & par les mêmes principes , £k par des actions femblables ; que la nourri- ture de l'Embryon eft par-tout la même j & qu'enfin tout y eft femblable en ce genre. Il eft donc plus naturel de croire que les expériences & les raifons qu'on apporte pour appuyer le premier fentiment , font fauftes. En effet , les bêtes de chaque efpèce ne font pas toutes d'un meme tempérament \ la diveriité de leurs dif- politions naturelles eft prefque infinie, par rap- port à la vivacité , à l'abondance, à la bonté de leurs principe, ikc. Cependant elles ne laiffent pas d'attenare ce terme fixe , pour mettre au jour leurs petits. Ce que l'on voit dans les plantes ne doit pas fervir de règle pou;- les animaux ; il y a nue trop grande di fiance des unes aux autres. Outre que les différens endroits où elles croif- 3.48 Mémoires médecine, fent,doiventêtreconfidéréscomme autant de dif- CHiR.VB.GIE , r, ' r> amatomie. rerentes matrices , qui , par conlequent , peuvent faire un grand changement dans les femences êc dans leurs productions. Je fais bien qu'on répondra que la nature , quoique (impie, peut agir cependant d'une ma- nière différente dans les femmes , & dans les animaux ; qu'elle agir même ainfi, fans que , pour cela , on ait droit de dire qu'elle déroge à fa fimplicité ; que la plupart des bêtes , par exemple , ne font leurs petits que dans de cer- tains temps de l'année ; que les femmes ont tous les mois des évacuations réglées qu'on ne re- marque point dans les animaux, fi on en excepte le linge ; que la nature , qui produit ces effets différens , peut bien aulîi avoir donné à la femme un terme muable de l'accouchement ; qu'elle le lui a donné , en effet , puifqu'il eft certain que l'enfant né le feptième, le huitième, le neuvième, le dixième mois eft vital ; qu'enfin , les plantes, quoique des êtres fort différens des animaux, ne croilfent & ne fe nourriflent que d'un fuc extrêmement épuré j que ces diverfes matrices prétendues ne leur donnent qu'une li- queur , dont les parties font proportionnées à leurs pores & à leurs filières j & , qu'ainfi , elles ne font pas capables de changer la ma- nière dont la plante a coutume de fe nourrir. Mais 'éPune Société célèbre! 44P Mais toutes ces raifons ne contentent pas , Se médkcine, elles me laiftent toujours i?efprit dans le doute ™om«^ fur le fait dont il s'agit. C'eft aux favans à dé- cider , & à marquer , par des raifons folides & des expériences inconteftables , à quoi l'on doit s'en tenir. ARTICLE VIII. Observations fur la Pejle • extraites d'un Ouvrage Latin du célèbre Hecquet. On demande d'abord fi la Pefte eft une forte de fièvre , 8c l'on en convient fans difficulté; mais au lieu que la fièvre ordinaire eft un en- nemi qui attaque la Nature à forces égales , on peut comparer la Pefte à un foudre de guerre, qui porte au moins fes premiers coups , avec une fupériorité qui la déconcerte. Ne croyons pas cependant qu'elle fût infurmontable à la nature , fi on en ménageoit habilement les puilfances $ & c'eft ce qu'un Médecin expéri- menté n'eft pas incapable d'exécuter. Par ces puiflances, il faut entendre les reftorts qui font tout le jeu du mécanifme animal , & qui re- çoivent la vertu , ou plutôt la liberté de leur acYion , d'une autre efpèce de relfort , qui eft Tome IIU F f 45*0 Mémoires MÉDECINE, le reiïbrt de l'air. La dépendance des uns par CHIRURGIE, y ., , P. 1 a.satomie. rapport a 1 autre eit entière; oc le mouve- ment d'ofcillation qui leur eft propre, fe trouve plus ou moins tranquille , plus ou moins uni- forme , plus ou moins réglé , à proportion que le reiîort de l'air agit fur eux avec plus ou moins de tranquillité , d'uniformité & de règle. De- là vient que les corps fe refïèntent fi fort de la différence des pays & des faifons ; de- là vient aufli que de (impies odeurs excitent fou- vent , dans la méchanique de l'homme , des ravages a (fez femblabies à ce qu'on voit arriver fur terre & fur mer , par les plus violentes tem- pêtes. Imaginez- vous qu'un nombre infini de refforts s'élancent avec roideur des entrailles de la terre , & que trouvant dans les relforts de l'air un obftacle qui les empêche de fe détendre, ils les heurtent , & les irritent , ils les boule- verfent , & les mettent en défordre : voilà ori- ginairement la caufe de ces furieux orafes qui femblent confondre 'tous les élémens ; & c'eft pareillement à un choc , & à un combat ce même nature , qu'on doit attribuer les douL;us de nerfs, les pâmoifons , les délires , & autres fymptômes terribles , auxquels certaines per- ifbnnes font quelquefois expofées à la feule odeur d'un parfum. Sur ce principe , quelqu'accoutumé qu'on foie CHIRURGIB ANAT8MII d'une. Société célèbre: à s'étonner des effets extraordinaires de la Pefte, médecisi, il n'eft pas impoflible d'en expliquer la liaifon avec les qualités d'un air enflammé, fubtilifé , plein de refïorts rigidement tendus , d'où pro- viennent les maladies peftilentes. Dès que le moindre fouffle de cet élément, ainfi constitué, s'eft- fait jour dans le corps humain , les ref- forts qu'il y rencontre font ou amortis , on aifailTés par l'impétuofité & la confulîon des ref- forts aériens qui les accablent \ ou , s'ils ont quelque force , c'eft moins pour leur réfifter , que pour en prendre la malignité , &: ne for- mer bientôt qu'un même tourbillon : nous ne fautions en apporter de meilleur exemple qu'un tas de poudre à canon, où l'on met le feu. Dans cet état , il faut néceffairement que le trouble devienne général ; que les mouvemens ne foient plus que des vibrations précipitées , fans aucune mefure ni aucune proportion , Se que le fang entraîné dans les vaifTeaux , en fur- monte les digues , en force les diamètres , en brife les ligamens. Car , fi dans les règles de la circulation ordinaire, il reçoit une imprefîioii affez forte , malgré fon volume & fa pefanteur naturelle , pour paffer mille fois par le cœur en vingt- quatre heures (au moins félon le calcul que nous croyons particulier à M. Hecquet) , que ne pouvons- nous pas nous figurer de la Ff z CHIRURGIE , ANATOMIE P 45*2 Mémoires Mfdîoini, rapidité de fon cours , quand Télafticicé des parties , qui le meuvent , eft fi excelliveraenc accrue La Pefte eft donc une inflammation com- plette , ou un concours de (eûtes les efpèces d'inflammations , qui commence , à la vérité 9 par attaquer les parties folidcs j mais qui fe communique bien vite aux fluides , & qui fait, en un moment , fur un corps, ce qu'une fièvre aiguë ordinaire àc même maligne , ne fait com- munémenr que peu-à-peu, cV en plufieurs jours. L'air qui l'entendre , vient ordinairement des pays chauds j il eft naturel à ces climats , Se a'a rien de lui-même qui foit contagieux pour ceux qui les habitent : mais, palïant dans une région plus tempérée , comme un inftrument de la juftice divine, il y devient, par le mé- lange de fes relions , & par leur conflict avec les refiorts ce l'air qu'on y refpire , la prompte 6c funefte caufe d'une révolution entière , par- tout où il tranfmet fes ondulations. Il faut re- connaître autre choie qu'une modification de l'air , lorfque lacontagion fe répand d'un pays dans un autre, fans que les lieux mitoyens en foient infectés, Ce iom alors les particules mêmes d'un air peftilentiel c\: véritablement corronvni , qui renfermées , comme il arrive dans un ballot de marchaudifes 3 fe difperlent à l'ouverture d^une Société célèbre, 4^3 3e la cailfe , percent l'air qui les enveloppe , médecine, Hr l» • ' j» >ii j r CKaUM,E' ex l agirent avec tant d empire , qu elles en drei- anatoaus. fent & difpofent les refforts au même mouve- ment d'ofcillation qui leur eft particulier , & y font lever par-là autant de nouvelles femences de Pefte. Voilà certainement une explication bien fimple de l'origine d'un mal qui paroît Ci fort fe diverfirier ; car la Pefte, dit M. Hec- . quet , eft un vrai Prothée , qui fe montre fous autant de formes , qu'il y a de différens phé- nomènes dans la plupart des autres maladies ; c'eft ce qui a fait jufqu'ici l'embarras des Mé- decins , qui ont imaginé je ne fais quelle com- plication de caufes , partie connues , partie oc- cultes , & qui ont bâti là-delTus des lyftèmes de doéirine , dont les pays expofés à la conta- gion ne fe font pas mieux trouvés. Cependant la Pefte n'eft point un mal auquel on ne puitfe échapper. Outre qu'il eft des tem- péramens robuftes , dont les refforts font plus embarraftés , qu'ils ne font dérangés par les imprefiions du dehors , & qui en foutiennent la violence fans rien perdre de leurs directions ordinaires : l'Art a aiiffi fes préfervatifs j il a fes remèdes pour les complexions moins vigoureufes. Il eft vrai que le partage d'avis eft encore ici un inconvénient à effuyer. On trouve du péril à ufer d'antidotes qui échauffent , parce f f 1 45*4 Mémoires Médecine, qu'ils agirent & ébranlent les refforts des foli- CHIR.URGIE, , • J 1 an atomie. des , & on n en trouve pas moins dans les an- tidotes cafraîchiflans , parce qu'ils les lâchent Se les amollirent. On convient généralement qu'il faut corriger la malignité de l'air, par des odeurs & des fumigations } mais quelle forte d'eiïence juge t on la plus falutaiie , des foufres ou des acides ? Autre doute , & autre fujet de fchilme dans la Faculté. On peut cependant preferice pour règle univeiftlle, que , vu la ftructure in- térieure du corps humain , où le fang cV les vifeères font exactement défendus par des tu- niques & par des membranes pleines d'éjafticité, notre premier foin doit aller à conferver ces petits remparts , qui , n'étant point viciés , em- pêcheront le mal de pénétrer plus avant , <5c jufqu'aux piincipes de la vie. Le choix des ali- mens eft , par cette raifon , d'une conféquence elfentielle , en temps de Perte ; il les faut alors fucculens , fans que le fuc en foit néanmoins ni trop abondant , ni t op fort , de peur que les efprits qui en fortent , ne faillirent tumul- tuaiiement fur ce qu'ils rencontrent, & ne trou- blant l'ordre de la trituration, & le mouvement naturel des reflorts j car tout confifte à main- tenir & à faciliter ces deux opérations. Faute de précaution fur ce point , il a; rive que la bonne chère , & une nourriture grolîière , ex* d'une Société célèbre. 45$ pofent prefque également aux attaques de la con- Médbcinï, 1 . * 1 ° 1 CHIRURGIE , tagion les personnes aifées , CHIF-UivGIE , 4^8 Mémoires MÉDECINÏ, lui allure l'effet. Le grand nombre de fymp- tomes , par où la Pefte fe déclare , pourroic faire balancer dans le choix des remèdes j mais au lieu de s'arrêter «à chaque efpèce de maladie en particulier , il faut remonter au principe qai les produit toutes : les vomilfemens , les maux de cœur, les dilTenteries , les pleurélîes, les hémorragies , les charbons , les bubons , fe rapportent généralement à la Phlogofe ou in- flammation , qui en eft la racine commune \ & l'inflammation , au dérangement des folides, dont il n'y a que lé reiïort monté au plus haut degré d'ofci'.lation , qui puilfe pouffer le fang jufqu'aux extrémités des vaiffeaux , où il croupit & forme des dépôts inflammatoires. Il fuit de-là, que, pour procéder à la guérifon de la Pefte, le remède doit agir dans la capacité des vaif- feaux ; qu'il doit diminuer la force excefîive des folides ; qu'il doit opérer ce double effet en très-peu de temps. Ce qui eft bien éloigné de la pratique ordinaire, qui, en fe propofant, pour premier objet , de corriger la dépravation des fluides , n'emploie d'abord que de purs fu- dorifiques , des vomitifs, & des purgatifs , tous remèdes contraires à l'opération , par où il fau- d. oit débuter. On a tort de fe récrier contre la fkignée» Eft-il étonnant qu'elle foit fouvent fuivie de la mort du malade , quand on y a recours (Tune Société célèbre, 4f£ pour dernière tentative , par une efpèce de dé- Medecini, r r ■ o 1 r 1 M t . ' ' J CHIRURGIE, leipoir , & que le lang brûle > oc arrête dans anatomis. l'habitude du corps , refufe de fe préfenter à l'ouverture de la veine ? En ufer de bonne heure \ marquer à propos l'endroit de l'incilion \ tirer le fang avec abondance, quoique propor- tionnémenc au progrès du mal , c'eft le feul moyen sûr pour rappeller le fang des extrémi- tés au centre , d'où dépend l'entière expulfîon de la Pefte. Ce n'eft pas cependant qu'il faille profcrire toutes fortes de fudorifiques mais il en faut choifir de tempérés , qui ne foient pas uniquement deftinés à diftilîer les fluides en fueurs , & dont la vertu fe falfe aufli fentir aux folides. Quant aux purgatifs , ils font tous à rejetter , & c'eft dans le cas dont il s'agit , qu'il faut fur-tout fe refTouvenir de ce célèbre mot d'Hipocrate , digne de fervir d'épitaphe à rant de malheureufes victimes : « Mortuus cjl » quia purgatus fuit , c'eft la purgation qui l'a 3> mis au tombeau ». Au refte , quelques foins que les Médecins anciens & modernes fe foient donnés pour maî- triftr cette horrible maladie , l'Hiftoire ne nous en apprend pas de grand fuccès. IL y a eu ce- pendant quelques heureufes cures , & celafuffit. Dès qu'il eft reconnu que la Pefte n'eft pas eiTentiellement à l'épreuve de tous les remèdes, I $6 'o Mémoires médecine, plus de promptitude , de choix , de ména^e- CHIRUR.GIE, In i ANAroMiE. ment , de conltance , pourront avec le temps , procurer des pratiques plus sûres , 6c rendre , à cet égard , notre condition meilleure que celle de nos Pères ; efpérance , au refte, uniquement fondée fur la miféricorde du Seiçneur félon l'avis d'un des plus habiles Médecins d'Alle- magne : Si quis communibus aniidotis refiituitur & fanatur Joli Deo acceptum référât. ARTICLE IX. Extrait d'une Lettre de M. A7*** , contenant l'H'Jioire d'un changement furprenant arrivé dans fon tempérament par l'effet d'un remède. Au commencement du mois d'Août dernier , me fentanc rempli de bile , en forte que j'avots de continuels maux de cœur, & que la vue feule de la nourriture me donnoit un extrême dégoût ; je m'en plaignis à un de mes amis. Il me dit qu'il avoit de ces paftilles que le Roi laiioit distribuer dans le Canada aux Sauvages, &: il m'alîura qu'elles avoient fait du bien à diverfes perfonnes qu'il me nomma. Cela étoit très-vrai , & me détermina à en prendre une. Au bout d'une demi-heure que je l'eus (Tune Société célèbre. 46*1' prife , je me trouvai dans un grand alToupilTe- médecins; ment , que je combattis. Deux heures aptes , AHAX0MIE. j"eus un vomiiTement extraordinaire , qui fut fuivi d'un dévoiement furieux. Il me prit en- fuite une crampe , qui me tourmenta violem- ment pendant trois jours. On voyoit depuis le bout des pieds jufqu'au haut des cailles , mes nerfs & mes artères trembler & changer de place. La même chofe m'arrivoit aux mains: mes gras de jambe étoient tous contournés 8c prefque au-devant de la jambe. Le dévoiement me dura bien l'eff ace de quinze jours. Les crampes m'ont repris de temps en temps juf- ques à préfent , mais avec moins de violence que les trois premiers jours. Cette paftille , qui étoit feulement de la largeur d'un denier, de de l'épailTeur de quatre ou cinq , a fait de lï grandes révolutions dans mon corps , que tout le poil que j avois aux jambes , aux cuilTes & aux bras m'eft tombé, j'avois la barbe & les fourcils très-noirs • j'ai à préfent la barbe & les feurcils blonds, & les cheveux cendrés, ti- rant fur le blond. Ma barbe & mes cheveux , qui étoient très-rudes, font maintenant très- doux & très -fins. Les Médecins ont attribué tons cës effets à la foiblefle de ma complexion , ces pavtilles n'étant faites que pour des corps très-robuiles. 4^2 Mémoires iHiKVKc^\ EXTRAIT de deux Lettres écrites de Dublin ; par le Docteur F. Monginot , au Docleur P. Syivejlre. AXATOMIE. Lettre première. Je fus hier fore furpris d'un accident qui , fans doute , mérite votre attention. La fille de Madame R. tomba dans de violentes convul- fions , & vuida une grande quantité de fane par la bouche , par le nez , par les oreilles 8c par les yeux. Sa mère me montra quelques larmes de fang qu'elle avoit ramaiTées. Ces fymptômes pafsèrent en moins d'une demi- heure , 8z la fille , après cette hémorragie , fe trouva en parfaire fanté. Il faut remarquer que pendant les deux ou trois jours qui ont précédé cet accident, elle eut un violent mal de tête, accompagné d'une grofie fièvre. Pour moi , je crois que ces convuldons font des accès épi— Lptiques. Il faut cependant avouer que je ne conçois pas comment ils partent fi vite après l'hémorragie. Vous m'obligerez de donner quel- ques momens de votre temps à faire vos ré- flexions fur un événement Ci extraordinaire. (Tune Société célèbre. 46*3 j m jiTirMW M . MÉDÏCIHS CK1R.UB.GI1! AMATOM.U. Lettre deuxième; Je vous envoie 111.* plus ample relation de l'accident , dent je vous ai parlé dans ma der- nière Lettre. La fille de Madame R. , à l'âge de deux ou trois ans , fut attaquée d'un vio- lent mal de tête \ elle avoit en même temps la fièvre & paroiiToit fort inquiète. Ses pau- pières s'enflèrent de telle manière , qu'on avoit de la peine à lui ouvrir les yeux. Ces fymptô- mes durèrent l'efpace de deux ou trois mois , quelquefois moins , quelquefois plus violens. Enfin elle tomba en des mouvemens convul- fifs , qui continuèrent prefque fans interrup- tion l'efpace de deux jours , jufqu'à ce qu'elle commença à perdre quantité de fang par la bouche, par le nez, par les oreilles, cv par les yeux. Cette hémorragie dura un jour entier, & ce qu'il y eut de plus remarquable , c'eft que l'enfant fe trouva immédiatement après en parfaite fanté. Un an après , elle eut quatre de ces attaques ; mais moins violentes que la pre- mière : les mouvemens convulfifs étoient peu conîîdérabîes en comparaison des premiers. De- puis ce temps -là , ces accidens n'arrivent que deux ou trois fois par an , Ôc le mal de tête 4 6*4 Mémoires M^dicine, ne commence que huit jours avant le faîgne- CHIRURGIE , T. . , anatomie. ment, il y a environ deux mois quon me prii d'aller voir cette fille , qui tft à préfent âgée de fept ans ; je la trouvai au lit , fe plaignant d'un cruel mal de tête elle avoir en même temps la fièvre, un gros rhume, & une fi grande difficulté de refpirer , que vous l'auriez crue péripneumonïque. Je dis à fa mère qu'il falloir la faire faigner au plutôt ; elle y confentit, m'ajoutant que ces accidens étoient les avant- coureurs de l'hémorragie ordinaire. Comme il étoic fott tard nous ne pûmes pas la faire fai- gner ce foir-là. Le lendemain , étant retourné la voir d'allez bon matin , je trouvai la malade en bonne fanté , fans fièvre, fans rhume, &c. Elle avoir perdu une très-grande quantité de fang par la bouche, par le nez , par les oreilles, de par les yeux. Je fus bien fâché de n'avoir pas été témoin oculaire de ces fymptômes : je vis cependant encore quelques goûtes de fang for- tir par la bouche. Comme ces fymptômes ne font plus fi fréquens , j'efpère qu'avec le temps ils ceiieront tout-à-fait. Lettre (Pune Société célèbre. ZettRE de Al. du Courroy , Médecin de Beau- CHnS?* vais j du 27 Juin 1701 , touchant deux Ju- ANAT0J,llE' meaux ne formant qu'un même corps au-dejjous du diaphragme. Parmi toutes les produirions monftrueufes dont patient une infinité d'Auteurs , il ne s'en rencontre pas qui ait une parfaite reflemblance avec celle-ci. Mardi dernier , la femme d'un nommé Gé- rard, Vigneron, demeurant auFauxbourg Sainr- Jacques de cette Ville , mit au monde , après trois ou quatre heures d'un travail aflTez violent deux enfans mâles entièrement formés 8c par- faits depuis la tête jufqu'au bas des fauiTes côtes, vers la région du diaphragme. Ces deux enfans. avoient donc chacun leur tête avec toutes fes parties j chacun , deux épaules , deux bras , deux mains , &c. , 8c chacun leur poitrine. \ le tout aufli parfait 8c accompli que dans les enfans qui viennent au monde au terme de neuf mois. Mais depuis la région du diaphragme , c'eft-à- dire , depuis les faufles côtes jufqu'au bout des pieds , ces enfans fe joignoient , 8c n'en for- moient plus qu'un , n'ayant à eux deux qu'un ventre , deux cuifTes , deux jambes 8c deux pieds. Le ventre à l'endroit de l'union , im- Tome Iil. ' G g $66 Mémoires Médecine, médiatement au-deflous du diaphragme , pa- chirurgie , • rr ■ \ \ J 1 1 anatomie. rcniioit plus large que dans le naturel ; parce que cet endroit fervoit de bafe à l'union des deux enfans, qui commençoient là à n'en faire plus qu'un ; le refte du ventre inférieur s'étré- ciffoit un peu jufqu'à l'hypogaftre , au bas du- quel il y avoit deux parties naturelles parfaite- ment bien formées, dont l'une étoit en fa place ordinaire , & l'autre plus bas à l'endroit de l'a- nus, qu'elle couvroit entièrement. Outre cela, il y avoit au bas du coccyx une efpèce d'excref- cence de chair , longue d'environ quatre doigts, d'une fubftance cartilagineufe vers le milieu , & qui fe terminoit en pointe. M. deFercour, Concilier au Préfidial de cette Ville , fit apporter chez lui ce fruit monf- trueux pour en faire faire l'ouverture , ce qui fut fait par M. Fournier , Chirurgien , en pré- fence de quatre Médecins dont j'étois un. Nous avons trouvé les deux têtes de ces deux enfans parfaites , tant pour les parties internes , que pour les parties externes \ auflï bien que les épaules, bras, mains, &c. Dans chacune de leurs poitrines il s'eft trouvé un cœur avec fou enveloppe , appellée péricarde , un poumon avec fon médiaftin , une trachée artère, un éfophage, ôz un diaphragme qui feparoit la cavité de clu- r n f CHIRURGIE ronde qui parut a 1 eltomac , & qui , montant ANATOmie» peu-à-peu jufqu'à la gorge, fe communiqua aux mufcles du larinx & de la tête , & caufa enfuite les convulfîons accoutumées. C'étoit la marque ordinaire à laquelle on connoifloit que le mal étoit prêt de commencer ^ & fi les malades faifoient quelqu'efrort pour empêcher l'humeur de monter , l'accès en étoit plus violent & du- roit davantage. Les cris de cette fille formoient une efpèce d'air de chanfon très-défagréable , compofé de trois tons , dont chacun fe répétoit deux fois } après quoi , elle foupiroit avec beaucoup de peine , & fîniiTbit enfin l'air par un ton plus fort & plus élevé que les autres. J'ai peine à expri- mer ce que je vis , & ce que j'entendis ; & il faut l'avoir vu , pour en avoir une idée jufte. Je remarquai , qu'après avoir achevé fon air , elle le recommençoit prefque aufiî-tôt. Quelque- fois même elle changea Sait ; enfuite les forces venant à lui manquer , le mouvement de la tête devint plus prompt , & elle chanta encore plus qu'auparavant ; jufqu'à ce que fe fentant prefque étouffée , après avoir proféré un ou deux tons , elle fe tut , & arrêta un peu le mouvement de fa tète : & , par ce moyen , ayant repris fes forces elle recommença à chanter. Pendant CHlkUR-GIE , AKATOMIE 474 Mémoires médïcini, tout ce temps -là, la tête lui branla toujours par un mouvement égal de devant en arrière , cV point autrement. Elle avoir les mufcles du col fort tendus & fort enflés : il ne paroilloic aucune convulfion dans tous les autres membres. Ce qui mérite bien d'etre remarqué , c'eft que la malade , durant toute cette attaque , eut toujours libre Pufage de fes fens j & quoiqu'elle ne pût pas dire une feule parole , elle marchoit ou s*afleyoit comme elle jugeoit à propos , ou comme on lui difoit de faire. La couleur du vifage ne lui changea poinr. Elle avoir les yeux immobiles , comme h elle eût été morte. Il ne paroifloit de convulhon qu'à la bouche , où les mufcles , qui étoient raccourcis , lui faifoient faire une grimace femblable à celle que tout les chiens quand ils font en colère. Enfin on appercevoit à peine le mouvement de fon pouls. Je vis cette fille ainfi tourmentée plus d'une demi-heure ; & comme la nuit approchoit, je la laiflai dans ce pitoyable état. Son frère & fes fœurs , quoiqu'ils fuflèht préfens , ne reffenti- rent aucune convulfion. On me dit que la nuit ils dormoient tous aflèz bien , pourvu qu'ils en euffent envie en fe couchant : car autrement le mal leur prenoit , duroit jufqu'au matin , fans leur lailfer que quelques bons intervalles affez courts , comme pendant le jour. (F une Société célèbre, 47 £ Dans la première famille, les filles avoient médecine, été attaquées du mal au commencement de^^o*^' l'année, & dans ce temps-là elles avoient été incommodées d'une enflure à la gorge. Elles eurent enfuite des attaques d'épilepfie , dans lefquelles elles perdoient entièrement l'ufage des fens. Dans cet état , elles fe frappoient quelquefois rudement la poitrine ; quelquefois elles couroient comme des fnrieufes. Elles n'a- voient rien reifenti de cela durant les trois premiers mois de leur maladie j & ce ne fut qu'un peu après que les dernières , dont j'ai parlé, eurent eu des convulfions , que celles-là furent attaquées d'épilepfie. La mère de ces filles confulta les Empiriques; mais , comme leurs remèdes ne firent rien , elle fe perfuada qu'il y avoir du fort dans cette maladie , Se ne voulut jamais confulter les ha- biles Médecins. Cependant la durée de ces fymptômes , ni ce qu'on y remarque d'extraordinaire n'empê- chent point que cette maladie ne puiffe être naturelle \ car ces convullions font feinblables aux autres , qui viennent des efprirs animaux , & qui caufent des mouvemens violens , par le moyen des nerfs & des mufcles , qui Rallongent & fe raccourcirent. Il n'y a rien de plus extraor- dinaire , dans les convulfions que je viens de / 47 6 Mémoires Médecine, décrire , que dans quelques autres , dans Ief- CHIRURGIE * Juiatoauju ' quelles on rit , on pleure , on fe frappe avec violence , félon la détermination des efprits animaux. Ainfi , comme les mufcles qui fer- vent au larinx , à la tête , aux pieds & aux mains , ont tous la même force & la même difpofition à caufer des convullîons , ce qu'il y a de fingulier dans celles-ci ne vient pas tant de leur nature particulière , que de la partie qui en a été attaquée j & quoiqu'on ne voie guère d'exemples de pareilles convulfions , ce- pendant on verra bien qu'il peut y en avoir, li l'on fait attention à ce qu'a obfervé M. Willis, que dans les enfans qui n'ont point encore ref- fenti de fortes pallions , & qui ne font pas ac- coutumés au mouvement des patties extérieures du corps , la matière des convullîons fe jette iouvent fur les nerfs les plus proches , c'eit-à- dire , fur ceux de la troifième, de la cinquième 6c de la fixième paire : ce qui caufe des convul- fions & des grimaces au vifaçe & à la bouche. Comme les malades de ces deux familles croient proches parens , je laide à ceux qui tien- nent pour la fympathie , à examiner fi la ref- femblance du tempérament , du fang & des humeurs , n'aura point contribué à communiquer le mal à celle des deux familles , qui ne l'a eu que quelques mois après l'autre. d'une Société célèbre. "~ ~" CHIR.URG1E ANATOMIS. ARTICLE XI. D E la connoijfance des remèdes. Extrait d'un difcours de M. Geoffroy, Docteur & Profejfeur- Royal en Médecine, î iEs hommes n'ont eu d'abord d'autres guides dans cette Science , que les troupeaux qu'ils conduifoient : les ayant vu recourir à certaines herbes , ils en rirent l'épreuve fur eux-mêmes, & commencèrent à diftinguer , par ce moyen , les plantes nuitibles d'avec les plantes fdutaires. Le hafard , le défefpoir des malades , fécon- dèrent les premiers effais. Comme ils cherchoienc leur guérifon indifféremment dans tout ce qui s'offroit à leurs yeux , il rencontrèrent quelque- fois des remèdes dont ils furent foulagés. Telle fut la plus ancienne cure dont nous ayons con- noillance. Les filles de Prœrus , s'ima^inant êrre vaches , remplilToient la campagne de leurs rnuguTemens: Mélampe les guérit heureufement en leur faifanc prendre du lait de chèvre. 11 fut furpris lui- même de ce ïuccès^ & en attribua la caufe à l'ellébore , que ces chèvres avoient brouté : voilà ce qui mit l'ellébore en vogue. Dans ces 477 Médtcim, ^jS Mémoires médecine, premiers temps , faute de Médecins , on ex-* CHIRURGIE , r . . 1111 AKAxoMis. poloit les malades dans les rues , & dans les places publiques j ceux qui favoient des remè- des les leur indiquoient : après une parfaite guérifon , on étoit obligé d'aller dans les Tem- ples pour y faire graver les remèdes dont on s'étoit fervi. Les Égyptiens furtout obfervoierit foigneufement cette coutume ; de forte que , dans ces temps d'Idolâtrie , les Temples con- tribuoient du moins à procurer le retour de la famé. Ce ne fut pas chez les Egyptiens feuls que la Science des remèdes fut en crédit. On fait jufqu'où alloit la connoiffance de Salomon s qui s'étendoit depuis les cèdres jufqu'à l'hyllope. Les Grecs avoient auffi beaucoup écrit fur ce fu- jet. Cependant il ne nous eft rien refté de tant d'Écrits , que ce que nous trouvons dans Hip- pocrate , qui a même paiTé légèrement fur cette matière \ & c'eft proprement aux Ouvrages de Théophrafte , de Diofcoride , & de Pline , que nous fommes redevables de ce que les anciens connoilfoient de la Science des remèdes. De- puis ce temps jufqu'à Galien , elle n'a pas fait de grands progrès. Les Arabes l'augmentèrent enfuite alTez confidérablement j mais l'ignorance des ficelés fuivans Péteignit prefque tout-à-fait. Il fallut donc , pour la rétablir , remonter juf- qu'à la fource , & c'eft ce que firent à la re- (Pune Société célèbre, 47^ naiffance des Lettres plufieurs Auteurs célèbres M&bciot; T J ' J P A ' - • 1 • CHIRUR.G1B, La découverte de 1 Amérique enrichit ANATOMnu beaucoup cette Science. Le Quinquina contre les fièvres , l'Hipécacuanha contre la d ilfenterie , le Boutua contre la néphrétique , font des re- mèdes infaillibles que nous en avons reçus, & nous ferions trop heureux fi chaque âge eût procuré une addition femblable de remèdes , depuis qu'on s'applique à la médecine. Trois grands obftacles retardent depuis long- temps le progrès de la connoifiance des remè- des y la difficulté de recouvrer tous ceux qui étoient connus des Anciens j le peu d'exacti- tude qu'on a apportée jufqu'ici , pour connoître à fond les véritables effets des remèdes j & en- fin le rifque que l'on court en éprouvant des remèdes nouveaux. Pour procurer l'avancement de la connoiifance des remèdes , il faut donc s'efforcer de lever ces trois obftacles. Quand on eft bien perfuadé de l'obfcurité qui règne dans les Ecrits des Anciens , qui ont traité la matière médicale , on eft plus en garde pour ne pis admettre , fur le rapport des noms, des remèdes incertains. Dès le temps de Galien, on n'entendoit prefque plus les noms qu'Hip- pocrate avoit donnés à certains remèdes : les Livres de Diofcoride ne font pas exempts de cette obfcurité ; en forte que , qui fe laifferoit 4S0 Aïe moires MtDEdKE, féduire par certains rapports de noms rifqueroît CHIR.L-B.GIE , . r I 1 1 A 1 amatomie. iouvent , lur la parole des Anciens , de donner un poifon pour un remède. Ainfi , parce que la canelle a été nommée par quelques-uns dorfen ou darjeni , il eft arrivé que ce terme , deve- nant inufité , on a cru qu'il lîgnirjoit de l'ar- fenic. Comme les goûts font mobiles ëc fujers au changement , ils n'ont pas peu contribué à nous déguifer certains médicamens que les Anciens nous avoient laifles. Rien n'eft: plus célèbre que leur loyer ou leur fylphïum , dont nous regret- tions d'autant plus la perte , qu'il nous fem- bloit que ce n'étoit pas feulement un bon re- mède , mais encore un excellent ragoût. On n'avoit pu s'imaginer que des gens aulîi délicats que l'avoient été les Grecs & les Romains , de- puis qu'ils s'étoient abandonnés au luxe & à la mollefie , euflfent pu faire leurs délices d'une drogue telle que l'afla fœtida , dont l'odeur & le goût nous paroilfent infupporrables : c'ctoit pourtant là ce la^er qu'ils nous ont tant vanté. Bien d'autres exemples femblables , qu'on pour- roit produire , montrent avec quelle circonf- peclion il faut examiner les Ecrits des Anciens, pour ne pas prendre le change en fait de re- mèdes. Il n'en faut pas moins pour fe fervir à propos des A 1 r> >r 11 CHIRURGIE, lur L Accouchement CeJ arien , un excellent anatomu. Traité qui fut imprimé dès l'année 15 Si , puis traduit en Latin peu de temps après par Gafpard Bauhin , & enfin refait en Latin & fort aug- menté par l'Auteur même en 1590. L'Hiftoire fuivante , arrivée à Leuvarde en 1694 » rnéri- teroit d'être mife au rang de plufieurs autres dont Fr. Rouflet s'eft fervi pour prouver & pour établir la poffibilité de l'enfantement céfarien. Une femme âgée de 3 2 ans eut, après la cef- fation de fes règles , tous les figues de grolfelfe qu'elle avoit eus dans fes grolTefles précédentes j excepté qu'elle n'eut point de lait aux mam- melles , & qu'elle fentoit fon enfant un peu plus haut qu'elle n'avoit coutume de le porter. Vers le temps de fes couches elle reflfentit de plus grands mouvemens de fon enfant , & de plus grandes douleurs qu'elle n'avoit fait dans fes autres grolTefTes , de lorte qu'elle croyoit accoucher : mais elle n'eut aucunes vraies dou- leurs de travail qui tendiflfent à faire fortir l'en- fant , & il ne fortit point d'eau de l'amnios. L'efpérance d'un accouchement naturel s'éva- nouit enfuite par la celfation des mouvemens de l'enfant ? & la mère fe porta mieux : de forte H h 3 4^5 Mémoires Médïcise, qu'on ne peut pas douter que fon fruit ne foie anatomie. mort précifément dans ce temps-là. Les pertes ordinaires qui avoient cefle pen- dant tout le temps de la grofle(Te reparurent après le dixième mois ; & la femme n'apperçut plus de mouvement d'enfant , mais feulement une pefanteur incommode , qui vers le dix- hui- tième mois l'obligea enfin de garder le lit. Peu de temps après elle fe plaignit d'une douleur aiguë vers le nombril , & vers les parties voifines ; & cette douleur fut fuivie d'un ulcère fongueux à la région du nombril , 1 5 jours avant l'ex- traction du fœtus. On appella divers Médecins & Chirurgiens , dont les uns dirent qu'il y avoit un fœtus mort dans la matrice , les autres aceufèrent une hydro- pifie de cette partie , quelques-uns une excroif- fance interne. M. Cyprianus fut appelle vers le vingt-unième mois de la groiffcfle , & fans héfiter il prononça que cette femme porroit un fœtus mort : il avoit reconnu une tumeur ou enflure de ventre qui fe terminoit un peu en pointe par en bas , & qui reflembloit plutôt à une enflure de groiïefTe, qu'à une tenfion de ventre. En preflfant fortement le ventre entre les deux mains, il avoit encore remarqué une grande dureté qui alloit jufqu'au pétitoine. Cette d'une Société célèbre, 487 dureté étoit plus fenfible vers la partie inférieure Médscini, r * CHIRURGIE » de l'ulcère. Comme cet ulcère étoit fongueux , anatomu, M. Cyprianus y introduifit -aifémenc un ftilet , avec lequel il fentit quelque chofe de dur : puis après l'avoir dilaté légèrement & y avoir introduit le petit doigt , il fe perfuada qu'il touchoit un os pariétal. Cela lui donna plus de hardie (Te ; & s'étant alîuré de la fituation du foetus , il prononça hautement qu'il y avoit encore quelque efpérance de fal ut pour la malade, li elle vouloit fournir l'opération , fans laquelle il ne falloit attendre que la mort. La malade, qui ne pouvoit plus fe remuer ni prendre de nourriture , & qui étoit mourante , fe rendit à cette apparence de falut ; & voici comment M. Cyprianus procéda à l'opération. Ayant pouffé un ftilet dans l'ulcère, il ouvrit le côté droit du bas ventre ; puis plongeant l'index dans la cavité de la trompe , & glilfant fes cizeaux fur fon doigt , il coupa de haut eia bas autant qu'il put , d'un coup de cizeaux , fuivant la direction des fibres de la ligne blanche. Alors il parut un fœtus d'une jufte grandeur, ou à rerme ; & pour le retirer plus facilement , M. Cyprianus dilata l'ouverture ou la plaie des deux côtés , jufqu'à la faire d'un pied de long : après cela retenant de la main gauche les intef- tins , de peur que le diaphragme ne les poufiat H h 4 488 Mémoires Médecine, en dehors, & qu'ils ne troublaient l'opération, CHIRURGIE , 1 t » >..n ato.mih . il retira tout entier , fans beaucoup de peine , le fœtus qui étoit femelle. Pendant le temps de l'opération & jufqu'à la convalefcence , il fit garder à la malade une fituation convena- ble , qui confiftoit à tenir les parties fupérieures un peu bafïes , afin d'empêcher l'hernie ven- trale. Lorfque l'incifion fut faite , la tête du fœtus fe préfenta la première j les pieds étoient éten- dus vets le diaphragme. Le cordon étoit encore attaché à la trempe par l'entremife d'un très- petit arrière-faix ou placenta , prefque tout confumé. La cavité de la trompe étoit enduite d'une matière mucilagineufe , qu'on auroit pris pour du pus , mais qui n'étoit en effet autre chofe qu'un refte des eaux de l'amnios ; puif- qu'elle n'avoit point de mauvaife odeur , & qu'il n'y avoit rien d'ulcéré au dedans de la trompe. On ne pouvoir pas douter que cette vafce bourfe qui avoit contenu l'enfant ne fût effec- tivement la trompe droite ; puifqu'elle alloit s'attacher par la partie inférieure vers le fond de la matrice. M. Cyprianus fit voir aux per- fonnes qui étoient préfentes , qu'elle étoit fi adhérente & unie au péritoine qu'on auroit crû que ce n'étoit qu'une feule membrane. (Tune Société célèbre, 4.89 Ayant enfuite trouvé le moyen de voir & de médecin* 11 ■ • / • 1 r 1 CHIR.UR.GIE toucher la matrice qui etoit dans Ion état natu- ANAX0M1E. rel , il fit remarquer fon ovaire & fa trompe gauche qui étoient dans leur entier : ce qui lui fit pronoftiquer , comme il eft arrivé depuis , que fi la malade échappoit de l'opération , elle pourroit bien encore concevoir. On ne pourra fans doute , en lifant ceci , s'empêcher d'admirer le fens froid & la préfence d'efprit de M. Cyprianus , d'aller au milieu d'une fi grande opération chercher & l'ovaire & la trompe gauche dans un fujet vivant , auquel ces recherches ne dévoient pas être indifférentes. Loifqu'il fut queftion de l'appareil , il efiuya d'une éponge imbue d'eau tiède tout l'inté- rieur de la trompe , pour en ôter les glaires ou matières mucilagineufes. Après avoir aufli nétoyé la plaie , il y jetta quatre points d'éguil les à égale diftance , qui prirent non-feulement le tégumens & les mufcles , mais auiîi le péritoine , & fit une efpèce de future emplumée , lailfant à" la partie inférieure de la plaie une ou verture & une tente pour donner iffue aux matières. Enfin la plaie fe guérit petit -à- petit à la manière ordinaire. Après la léparation de la membrane interne de la trompe , la tunique extérieure fe raccourcit aulîî infenfiblement , devint dure ôc comme cartilagineufe , & fe '^po Mémoires Médecine, réunie ou fe reprit avec le péritoine à l'endroit CHIRURGIE , i • f ^katomie. de 1 incilion. Ainfi la malade recouvra la faute , trois mois après cetee forte d'opération céfarienne. Elle a eu même deux couches heureufes depuis ce temps-là : ce qui fait juger que la trompe gauche avoit été exempte d'inflammation , & s'étoit con- fervée faine. Il eft allez étonnant qu'un fœtus mort fe foit confervé une année dans la trompe , fans tomber en pourriture : car il n'y a eu que le côté gauche de la rêre , & l'épaule du même côté , qui ayent commencé à fe refTentir de la corrolion de la matière purulente , parce que l'ulcère étoit vis-à-vis. Après le détail du fait dont on vient de voir l'abrégé , M. Cyprianus fait plufieurs intéref- fanres remarques fur les accidens & les circonf- tances de cette hiftoire. Il recherche d'abord, par exemple , pourquoi la femme dont il s'agit n'a point apperçu de lait dans fes mammelles pendant tout le temps de fa groffelTe , lorfqu'elle a porté fon enfant dans la trompe , & qu'au contraire elle en avoit toujours eu dans deux couches précédentes. Il croit que la fympathie de la matrice avec les mammelles contribue beaucoup à la génération du lait : c'eft-à-dire , que lorfque la matrice a d'une Société célèbre, 491 un grand volume , & particulièrement vers !a médecin*; fin de la groffelîe , les vaiffeaux qui fe portent anatomÙ. ' à cette partie font plus comprimés, & que le fang eft obligé de refluer en plus grande abondance vers les parties fupérieures. Or quand une plus grande quantité de fang fe porte aux mammel- les , il fe fait une plus grande filtration , & de graifiTe dans leurs cellules adipeufes,&de lymphe dans leurs glandes. Cette filtration entretient enfuite les vaifieaux plus ouverts & plus difpofés à filtrer : fur-tout lorfque l'enfant vient àfuccer , ou qu'on vient à toucher & à frotter le mam- melon , ou que l'imagination de la mère qui donne à teter à fon enfant , s'arrête fur fes pro- pres mammelles. Toutes ces caufes concourent à enrretenir tous les conduits ouverts dans le temps même que l'utérus s'affailfe , & que les vaiiTeaux ne font plus comprimés. Ces conjectures étant préfuppofées , il eft âifé , félon M. Cyprianus , de rendre raifon du défaut de lait dans le cas de la groflefle des trompes j parce que le fœtus ayant été pour lors fitué à côté de la matrice & dans la trompe , les vaifTeaux fanguins qui appartiennent aux parties inférieures n'en ont point été compri- més , & il ne s'eft point fait de reflux de fang vers les parties fupérieures. En effet , comme la filtration du lait , félon lui, dépend de la com- 4P 2 Mémoires Medfcike, preflîon des artères ; de même , la compreflion CHIRURGIE , . , anatomiî. qui arrive en même temps aux veines , caufe l'enflure des pieds des femmes grottes. Car le cours du fane étant retardé vers les "landes, les filtrations font plus abondantes ; principalement dans les cellules adipeufes , dans lefquelles il fe filtre de la lymphe au lieu de graille , lorf- que le cours du fang vers les parties fupérieures efl retardé. 11 en eft de cela à peu près de même que de la lenteur de la circulation du fang en général , qui caufe une filtration outrée de lym- phe dans les cellules adipeufes de tout le corps, comme on le voit dans l'anafarque , ou dans la bouffiifure univerfelle. A l'occafion de la génération du lait , M. Cy- prianus cite quelques hiftoires de jeunes filles , de femmesâgées de 6 6 ans , & d'hommes qui ont eu du lait , & il prétend rendre ainfi raifon de tous ces faits. Il fuppofe que les cellules adi- peufes féparent du fang une grande quantité de graifTe par leur ftru&ure glanduleufe , & que les glandes en féparent anflî en même temps uneaflTez grande quantité de lymphe pour qu'elle ne puilTe pas retourner dans le fang à mefure qu'elle eft filtrée : or le lait, félon M. Cyprianus , n'eft autre chofe qu'un mélange de grailfe &z de lymphe, ce qui paroît aiTez vrai femblable. (Tune Société célèbre", 493 Il examine enfuice comment le fœtns peut médecin*, » 1 1 c if CHIRURGIE, être anete dans la trompe & y prendre Ion AK AT0MIE. accroiffement. Il en apporte deux raifons ; l'une naturelle , lorfque par un vice de conforma- tion la trompe ne'ft point percée du côté du fond de la matrice j 8c la féconde accidentelle, lorfque par quelque accident » comme après un accouchement laborieux , la trompe viendroit à être attaquée d'inflammation & à fe fermer du côté du fond de l'utérus. Car tous les con- duits s'affailfent ou fe ferment ., lorfque leurs cavités ne font plus enduites de l'humeur que doivent filtrer les glandes dont leur tunique interne eft tapilTce. C'eft ce qui arrive quelque- fois aux trompes , à la matrice , lorfqu'on en a arraché l'arrière-faix avec trop de violence , 8c qu'on y a attiré l'inflammation. C'eft ce qui ar- rive aulîî à la pleure , au péritoine & aux intef- tins, lorfque l'inflammation a détléché l'hu- meur qui devoir diftiller des petites glandes , dont' toutes leurs membranes font tapiflées. La trompe eft encore fujette à fe fermer du côté du pavillon , lorfqu'eile a foufcrt quelque inflammation ou quelque paralyfie qui deffeche ou rend inutiles les nerfs de fes fibres motrices ou mufculeufes : de forte que la ftérilité s'en- fuit , parce que le pavillon ne peut plus s'ap- pliquer à l'ovaire pour en recevoir l'œuf, ou 4£4 Mémoires Médecine, que la trompe ne peut plus faire palier ou «!L«t«E ' tranfmettre l'œuf dans la matrice. Voilà les caufes qui , félon l'Auteur , peuvent arrêter le fœtus dans la trompe: mais il trouve qu'il cft plus difficile d'expliquer comment il s'y peut nourrir. L'œuf, qui contient probablement le fœtus parfait avec fes membranes ôc fon placenta , doit être poulfé de l'ovaire par la trompe dans la cavité de la matrice, où7 il doit fe nourrir ôc s'accroître en s'y attachant. C'eft pour cela qu'à fa furface extérieure, vers l'endroit de fon placenta, il eft garni de petits filets très-délicats, qui comme une efpèce de moufle fe déployenc & fe développent par l'humidité qu'ils trouvent dans la matrice. Ces petits filets font comme autant de petits tuyaux qui s'abreuvent des hu- meurs qu'ils fucent de la matrice , c'eft-à- dire des fucs qui font filtrés dans fa furface intérieure & glanduleufe j de même que les petites hbres des racines des plantes font abreu- vées des fucs nourriciers de la t^rre , qu'elles tranfmettent au corps de ces plantes. Mais lorfque l'œuf vient à s'accroître aflez , par le mouvement & par la fermentation de fes humeurs , pour prefler les parois internes de la matrice , dont la cavité n'eft à peu près que de la grofl'eur d'une fève j fa furface extc- dyune Société célèbre, 49 f rîeure , principalement à l'endroit de fon ar- médecine, rière-faix , s'attache à la furface intérieure de ahatomu*' l'utérus j ôc une partie des petits tuyaux dont nous avons parlé , vient s'unir ôc s'aboucher avec les pores ou les conduits excrétoires des glandes de la furface interne de la matrice. Ces petits filets vont , félon M. Cyprianus , s'ouvrir dans les veines du placenta qui font des racines dépendantes de la veine umbilicalej c'eft à-dire , que ces petits filets s'abouchent avec les veines du placenta , de la même ma- nière que les v ai fît aux lymphatiques vont fe rendre dans les veines par des pores , qui per- cenr ou s'ouvrent obliquement de dehors en dedans. C'en: ainfi que le fuc qui a été filtré dans la furface inrérieure ôc glanduleufe de la matrice , entre dans les veines du placenta , c'eft-à-dire , dans la veine umbilicale, & fert à la nourriture du fœtus & à la génération des eaux de l'amnios. Or ces mêmes chofes fe peu- vent paffer dans la rrompe comme dans l'uté- rus , lorfque l'œuf y eft retenu , puifque la trompe a fes vaifleaux qui peuvent fe dilater ôc s'aboucher avec ceux du placenta de l'œuf. M. Cyprianus explique le déiTèchement du placenta qui étoit devenu membraneux. Il dit qu'après la mort du fœtus , le fang de la mère étant parvenu aux veines du placenta , ôc trou- 49 6" Aie moires Médecine, vant le fang du fœtus fans mouvement, per- CH1B.UR.GIE y r • lY> r i r anatoaiie. doit auiii ion propre mouvement : de lorte que le placenta devenoit membraneux par les mêmes raifons que les vaiffeaux umbilicaux fe chan- gent en ligamens lorfqu'ils ont été liés après la nailfance de l'enfant. Car le fang croupi f- fant alors , depuis le nombril jufqu'aux artères crurales , & ne pouvant regorger contre fon propre mouvement par les artères umbilicales, il fe deffeche à la fin , & fe convertit en fubftance membraneufe & ligamenteufe. L'Auteur rend raifon des caufes qui pouvoient rendre la grofletfe dont il eft queftion , plus fâ- cheufequeles autres, & faire que la femme eût plus de peine à porter fon enfant. Cela venoit fans doute de la petitelfe de la trompe, de la difficulté qu'elle a à s'étendre ; enfin de ce que le fœtus n'étant pas dans le centre du ventre , ou , pour mieux dire , dans la ligne par où palTe le centre de gravité de tout le corps , & la charge étant toute d'un côté , il n'y avoit pas d'équilibre. M. Cyprianus recherche auffi pourquoi le fœtus, à qui la nourriture ni les eaux ne man- quoient point, eft mort immédiatement après le neuvième mois ; puifqu'on a des hiftoires affez dignes de foi , d'accouchemens après io & i i mois. Il prétend que quand le temps de l'accouchement I ApothU caire de Paris , fur la différence du bon & du mauvais Quinquina. N ous aurions befoîn cîe quelque relation jïdelle & exacte fur le Quinquina , pour nous inftruire de plufieurs particularités elfenrielks qui regardent fa vertu fébrifuge & fpécifique. Car pour le lieu defon origine , il eft connu de tout le monde ; on fait que c'eft uneécorce d'arbre que le Pérou produit. Mais perfonne n'a pu encore nous expliquer pourquoi la plus grande partie du Quinquina que nous voyons à préfent (*) eft fi différent du premier que l'on nous envoyoit. Je ne parle pas feulement de la différence qu'il y a entre l'un & l'autre à l'extérieur, mais particulièrement de fa vertu. Il y a vingt ans que l'ufage du Quinquina avoit , à parler en générai , un plus heureux ftrcçès qu'aujourd'hui , & que les fièvres étoient moins fujettes , au retour après qu'il les avoit guéries. Il efc inuti/e de dire ( comme font beaucoup de perfonnes qui n'ont nulle expc- (*) Cette Lettre eft de 1707. (Tune Société célèbre, 5*01 rîence en Médecine ) que l'on en ignore peur- Médecin, ' 1 Ol CHIRURGIE a êrre la bonne préparation ; puifque la plupart de anatom-ie. ceux qui s'en plaignent aujourd'hui , ne changent rien à la méthode qui leur avoit autrefois parfai- tement réuiïï. Déplus, le bon Quinquina produit toujours le môme effet. Il s'agit donc de favoir pourquoi nous en voyons aujourd'hui tant de mauvais , & pourquoi le bon devient fi rare. Quelques - uns prétendent que le premier Quinquina qui a paru en Europe , étoit l'écorce de la racine de cet arbre , & non pas celle de fon tronc & de fes branches , qui eft celle qu'on nous envoie à préfenr. Cette opinion ne me paroît pas dépourvue de vraifemblance , car un de mes amis m'en ayant donné quelques livres qu'il confervoit depuis 24 ou 25 ans , il s'eft trouvé bien dif- férent en tout de celui d'aujourd'hui. C'eft une écorce qui n'eft pas fort épaiffe , mais d'une fubftance compacte , de couleur & façon de chagrin extérieurement, & d'une belle couleur de canelle en dedans , d'un goût qui paroît prefque infïpide au commencement , mais dont l'amertume fe manifelte confidérablement dans la fuite , en le tenant un peu de temps dans la bouche. Cette grande différence m'a donné lieu de penfer } que le grand & fréquent ufage qua U 1 $02, Mémoires M*DïeiNE,ron fait du Quinquina dans toute l'Europe, !n1tomie! particulièrement en France & en Angleterre , auroit bien pû engager les gens du pays d'où il nous vient , à nous envoyer l'écorce , non- feulement de la racine , mais même du tronc & des branches de l'arbre ; 8c que n'en pouvant fournir une aflTez grande quantité de la première, ils ont vû qu'en faifant un peu meilleur marché de l'autre, les Marchands qui en trafiquoient, ne cherchant qu'à gagner beaucoup à la fois , pourroient s'en contenter , quoique cette der- nière fût beaucoup moins fpécifique que l'autre. On eft donc prefque perfuadé que le premier Quinquina qu'on a mis en ufage dans le pays même, étoit l'écorce de la racine. Et quoique je ne doute pas que celle du tronc & des bran- ches ne foit bonne , on ne peut pas cependant difconvenir que la première doit être plus fpé- cifique. Car il fe peut faire qu'elle conferve & augmente fa vertu en terre , pendant que l'autre la diflîpe , étant expofée à toutes les injures de l'air : ce qui la dépouille en partie de fes fels , comme nous voyons qu'il arrive au bois qui a flotté dans l'eau , ou qui a été expofé long-temps dans un lieu découvert. On doit donc toujours préférer les jeunes écorces aux vieilles. d'une Société célèbre:, Une Relation du Pérou que j'ai lue, die que médecine, l'arbre donc on tire l'écorce qui porte le nom aHItomw*.' de Quinquina , s'appelle dans le pays Mangroue j que cet arbre fe plaît extrêmement auprès de l'eau y que les gens du pays le diftinguent en Mangroue d'eau falée & Mangroue d'eau douce \ que le premier , qui croît au bord de la mer ou dans une eau falée , vient beaucoup plus gros & plus haut que celui qui croît dans l'eau douce ou auprès ; que l'écorce du premier eft auflî plus grotte & plus épaifïe que celle de l'autre 'y & ce font apparemment ces grottes écorces que nous voyons , qui ont un goût falé , & que nous appelions Quinquina mariné , croyant qu'il a ' été mouillé par l'eau de la mer. C'eft pourquoi on doit toujours rejeter ces grottes écorces, 8c leur préférer les minces > car il n'y a que l'é- corce du Mangroue d'eau douce qui foit eftimée dans le pays pour la guérifon des fièvres \ Se cela fondé fur les expériences qui ont été faites. A l'égard de l'écorce du Mangroue d'eau falée , elle eft très-rouge , & on ne l'employé dans le pays que pour teindre le cuir. Les Péruviens ne diftinguent point cet arbre en cultivé & fauvage , comme quelques-uns le prétendent ici ; car en «effet on ne le cultive point , il vient naturellement & plus fréquem- Ii 4 Mémoires médecine, ment dans les endroits où il y a de l'eau, comme CHIRURGIE , || a anatomie. les peupliers ce les aulnes en rrance. 11 croie beaucoup de Mangroue d'eau douce dans un lae qui eft derrière les montagnes de Urica , & dont on tire tous les ans la charge de vingt Mulets de Quinquina. Comme le Mangroue fe trouve ordinairement fur les bords des rivières & des fontaines , on pourroit croire que l'hif- toire que l'on a faite de la découverte de ce fpécihque fébrifuge ne feroit pas aulîi apocri- phe qu'on fe l'imaginoit. Car on prétend que l'eau d'une fontaine , au bord de laquelle il y avoit beaucoup de ces arbres , guérifloit toutes les fièvres intermittentes j & comme cette eau avoit un goût amer , cela donna occafion à quelques Curieux d'en chercher la caufe , & l'on reconnut que c'étoit l'abondance des racines du Mangroue , ou Quinquina , qui pénétroient dans cette fontaine , & qui donnoient le goûc amer à l'eau ; que fur cela on prit de cette racine , ou du moins de fon écorce , pour en faire quelques expériences qui confirmèrent l'opinion qu'on avoit que l'eau en tiroit la vertu pour la guérifondes fièvres. Qui eft-ce qui doute parmi nous , que le hafard n'ait autant de part à la découverte des bons remèdes & d'autres chofes utiles , que toutes les réflexions Se les d'une Société célèbre, raifonnemens que nous fommes capables de médïcwi, Ç • j CHIRURGIE , *alfe • ANATOMII. Le Mangroue d'eau douce, dont on rire le Quinquina , ou palos de Calenturos , comme l'appellent les Efpagnols , eft une efpèce d'arbre nain ; au lieu que le Mangroue d'eau falée eft ordinairement fort haut & a deux pieds de dia- mètre. On a de la peine àpafler par les lieux où ilscroiflent j parce que les branches de ces arbres s'entrelaflfent fi fort les unes avec les autres , qu'elles embarraifent les paflfages , & forment des efpèces de berceau. La première perfonne de l'Europe qui a été guérie de la fièvre par le Quinquina fut la femme du Gomte de Chinchon , Viceroi du Pérou; & ce fut peu de temps après que les Jéfuites , toujours attentifs au bien public , en envoyèrent en Europe , & parricuhèrement à leurs Pères en Efpagne , d'où le Pèie de Lugo, depuis Cardinal , en porra à Rome : ce fut le Père Annat , depuis Confefîeur du Roi , qui apporta le premier en France le Quinquina. Voilà la raifon hiftorique des differens noms qu'on lui donna. Il s'appelle , en Efpagne , la poudre de la Comtejje , à Rome , la poudre du Cardinal de Lugo , en France & en Angleterre., on Ta appelle quelque temps la poudre des Jéfuites.y $o6 Mémoires Médecine, Entre les différens noms que les Efpagnols CHIRURGIE, . n, , , . . . i , . , >*atomie. du Pérou lui ont donnes , celui de bois a enivrer en eft un -y parce qu'étant jettée dans une eau dormante , comme dans un étang , cette écorce enivre fi fort les poiffons, qu'on, les prend aifé- ment avec la main. Mais outre la faculté fpécifique qu'a le Quin- quina de guérir la fièvre, il a encore celle d'être un remède fort fur contre les vers des enfans, &: même des grandes perfonnes : c'eft une ex- périence confirmée , & dont on ne doit pas douter. On peut dire que le Quinquina eft une drogue fi précieufe , que la Médecine n'a point décou- vert de remède jufqu'à préfent plus fpécifique ni plus infaillible pour la guérifon des fièvres intermittentes , & même continues , accompa- gnées de redoublemens réglés & bien marqués $, c'eft pourquoi onnedevroit rien épargner pour avoir cette écorce avec toutes fes bonnes qua- lités. Mais pour l'avoir dans fa perfection , il faut être inftruit des précautions qu'il y a à prendre pour l'obtenir. Il paroît même difficile d'en être parfaitement inftruit , fi ce n'eft par le moyen de quelques Savans , ou de quelques Voyageurs curieux , qui auroient été fur les lieux pour en obferver toutes les circonftances. d'une Société célèbre. 5*07 & la différence des diverfes efpèces de Quin- médecins quina, laquelle dépend fouvent delà difpoficion anatomiÈ! ou fituation des lieux où il croît. Ce font ces réflexions & quelques autres , que M. Fagon , premier Médecin du Roi , a faites fur le Quinquina , qui l'avoient engagé d'envoyer à fes frais leR.P. Plumier , Minime , au Pérou , pour s'inftruire à fond de toutes les particularités qui regardent cette écorce. Le P. Plumier étoit un homme très-capable de nous rendre raifon de tout ce qu'on peut fouhaiter fur ce fujet , & fur beaucoup d'autres plantes curieufes qui fe trouvent au Pérou j il étoit très-habile Botanilte , & deiTinoit parfaitement bien j mais la moit , qui le furprit en chemin, nous a privés des fecours que nous attendions «le fes nouvelles découvertes. ?o8 MÉDECINE, «— ■ «HIRUR.GIE , ANATOMIE. ARTICLE XIV. Obfervation cTAnatomie. I_iE Jeudi, vingt-cinquième du mois de Novem- bre 1704 , fur les dix heures du matin , le nommé Brimer , aVé d'environ trente ans , mourut fubi- tement. II avoit foufFert pendant deux ans des maux de tête fourds & accablans , & un afthme avec fifflernent & pefanteur dans toute la poi- trine. Son viûge étoit prefque toujours bour- fouflé, & il s'y étoit formé des héréfipelles qui s'éteudoient au col & fur la poitrine & qui fe terminoient à des tumeurs féreufes , qu'on faifoit aifément couler fur la poitrine & ailleurs avec les mains : fon efprit paroilïbit plus (cupide qu'auparavant. Quelques mois avant fa mort , il s'étoit formé une tumeur à la partie fupérieure de la poitrine , caufée par un coup qu'il reçut en badinant avec un de fes camarades. De tous les remèdes que la Médecine a accoutumé de faire en pareilles occafions , les diaphoniques font ceux qui l'ont le plus fouîagé. Ces incom- modités ne l'ont pas empêché de travailler jus- qu'au dernier jour de fa vie. M. Poncelet , Mc. Chirurgien & Prévôt de fa Compagnie , fit, après la mort , l'ouverture du corps , & il a bien voulu Mémoires «Mi, "~m ■ yiu.i iiiwurii 1 (Pune Société célèbre'. '£op communiquer ce qu'il y a remarqué de fingulier. médicike oici comment il en parle. anatomie. Je commençai l'ouverture du corps par la tère , comme étant la partie qui m'avoit paru avoir le plus de part dans une mort fi fubite ; les tégumens étant coupés & féparés , le crâne fcié & levé à la manière ordinaire , je trouvai tous les vaiiTeauxde la duremère auffi bien que lefinus longitudinal fupérieur &les latéraux, fore gonflés &z remplis de fang. Je coupai la duremère autour du cerveau , à l'endroit où j'avois fcié le crâne pour le découvrir , & je remarquai que tous les vaiiTeaux qui rampent fur fa furface extérieure , fur-tout du côté droit , écoient fi tendus & fi pleins qu'ils paroilToicnt êrre prêts à fe rompre. La duremère étant levée , je me mis en devoir de découvrir le ventricule droit du cerveau , & comme la tête étoit un peu baffe , je la fis relever ; ôc je fus très - furpns que par ce mouvement , il romba fur la table un corps delà grofTeur d'un œuf de poule d'inde , de confiftance alfez ferme , & que j'apperçusêtre fortide la partie poltérieure du ventricule droit du cerveau. Un fait fi furprenant m'obligea d'examiner ce corps étranger , plutôt que de continuer mon opération , & l'ayant plufieurs fois lavé dans l'eau , pour le débarrafler d'un peu de fang qui y 1 0 Mémoires Médecike, étoit coagulé autour , ce qui refta parut de Ix an ato mie. ' grofleur d'un œuf de poule & de la même figure, fa fubftance étant toute fibreufe & comme char- nue. Je continuai l'examen du cerveau, ÔV, palTant mon doigt index de la main gauche dans l'ou- verture par où étoit forti ce corps étranger, j'ouvris toute l'étendue de la cavité où étoit mon doigt, laquelle étoit confidérable , & que je remarquai être le ventricule droit qui étoit extrê- mement dilaté , & dont la parrie poftétieure n'avoit pas plus d'épaiiTeur que celle d'une reuille de papier. Il ne fera pas difficile de concevoir comment ce corps étranger a pu fortir de lui-même de cette cavité , fans qu'il y eût ouverture au ven- tricule. Il n'y a qu'à faire attention i°. Que la partie poftérieure du ventricule étoit extrêmement mince & d'une confiftance très-molle. 2°. Que cette partie ne fe trouvoit plus couverte de la duremère qui lui fervoit comme d'une forte gaîne , & qui fait le même office au cerveau , que la capfuie qui enveloppe tous les vailTeaux de nôtre corps. Ces deuxchofes jointes au mou- vement, quoique léger, que l'on donna à ce corps étranger , en levant la tête , le déterminè- rent à enfoncer cette foible cloifon pour forcir de fa prifon.