-^ 70/ fr.

2Z.

MÉMOIRES COURONNÉS

PAR

L'ACADÉMIE ROYALE

SCIENCES ET BELLES -LETTRES

DE BRUXELLES.

$■7^1 F- Ao.

MÉMOIRES GOIIROIMIMÉS

f '• PAH

L'ACADÉMIE ROYALE

DES

SCIENCES ET BELLES - LETTRES

îre t3nutfllrs.

TOME XV. PREMIÈRE PARTIE. 1840-1841.

BRUXELLES,

M. HAYEZ , IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE ROYALE.

1841.

TABLE DES MEMOIRES

CONTENUS DANS LA PREMIÈRE PARTIE DU TOME XV.

SCIENCES. Recherches sur la théorie des résidus quadratiques , par .M. Moriz Stem.

LETTRES.

Mémoire sur la vie et les écrits de Jean-Louis Vives, par A.-J. Namèche.

Adriani Heylen commentarius de origine tertii status populum repraesentanlis in comiliis ordinum ducatus Brabantiae. quem edidit et illustravit P. F. X. De Ram.

RECHERCHES

SUR LA

THÉORIE DES RÉSIDUS QUADRATIQUES,

MÉMOIRE

EN RÉPONSE A LA QUESTION SUIVANTE :

ON DEMANDE UN MÉMOIRE d'aNALYSE ALGÉBRIQUE DONT LE SUJET EST LAISSÉ AU CHOIX DES CONCURRENTS ;

M. MORIZ STERN,

DE COETTIKCDC.

Nu Bameras sumni.

(M^moira conroDUt le i juin 1841

To«. XV.

vv^^^^\^^^^^^^^vv^^\\^\^^^\vvv^^^^vv^^^/\A^^^\^^^^^\\^^^lv^\v\^lvvvv^^

INTRODUCTION.

Les intégrales définies que M. Gaussa trouvées dans le § 356 de ses Recherches arithmétiques, appartiennent aux plus beaux corollaires de la théorie de la division du cercle. Elles sont contenues dans le théo- rème suivant. Si l'on désigne par 2 cos. o. et 2 sin. a. ^ la somme des valeurs qu'on obtient, en mettant successivement à la place de a tous les résidus quadratiques du nombre premier p,on aura

t) Çcos.a.— -I- |/— l.Ssin. o. = i ± V/Ul 1)"^

Mais l'ambiguité du signe n'est qu'apparente , et sa détermination con- stitue un autre théorème que M. Gauss a traité dans un mémoire par- ticulier. Il y montre par des recherches très-profondes qu'on doit toujours prendre le signe supérieur. Plus tard, MM. Dirichlet et Cauchy sont parvenus au même résultat en s'appuyant sur les considérations les plus délicates de l'analyse infinitésimale. Quant au théorème tt) qui, considéré en lui-même, est déjà très -important, parce qu'il conduit immédiatement au théorème fondamental de la théorie des résidus quadratiques (*), M. Libri en a déjà donné une démonstration très-sim-

(*) Théorie des nombres, t. H , p. 391.

4 liNTRODUCTION.

ple(*). Dans ce mémoire, je tâcherai d'en donner une démonstration plus élémentaire. Les recherches que j'ai entreprises dans cette vue m'ont conduit non- seulement à quelques nouveaux théorèmes sur les résidus quadratiques, mais encore à la détermination d'un grand nombre d'in- tégrales définies à différences finies, qu'on n'avait pas encore considérées et que je regarde comme l'objet principal de ce mémoire. Comme je m'occuperai seulement de résidus quadratiques, je les appellerai sim- plement les résidus. Je suppose qu'on ne connaisse de la théorie de ces résidus que les notions les plus simples et le théorème concernant le nombre 1 considéré comme résidu quadratique.

,^*) Journal de M. Crelle , t. IX, p. 177.

^vv^^^^lvvvvvvvvvvv^lv^^^^^lv^^^^^^Alvvvvv\l^Alv^^^^^^^^^^^^^^^lv^^^^\\\\\^

RECHERCHES

SUR LA

THÉORIE DES RÉSIDUS QUADRATIQUES.

1) Soit jo = 2n -j- 1 un nombre premier, je représente par

(A) . <*,, a, «„

les résidus quadratiques du nombre p, et par

(B) b„b, A„

les non-résidus.

Si l'on ajoute chaque nombre de la série (A) à tous les nombres sui- vants, en négligeant les multiples de p, j'appellerai les nombres qui naissent de cette opération , les combinaisons des résidus. Les combi- naisons des non-résidus seront les nombres qu'on obtient en opérant de la même manière sur les non-résidus.

2) Si p est un nombre premier de la forme 4m -}- 3, les combinai- sons des résidus ou des non-résidus seront formées par les résidus et les non-résidus, et elles contiendront chaque résidu et chaque non- résidu autant de fois que tous les autres.

6 RECHERCHES SUR LA

Par exemple, les résidus du nombre 23 sont

1, 2, S, 4, 6, 8, 9, 12, 13, 16, 18,

les combinaisons seront

3, 4, 5, 7, 9, 10, Ig, U, 17, 19

5, 6, 8, 10, 11, U, IS, 18, 20

7, 9, 11, 12, IS, 16, 19, 21

10, 12, 13, 16, 17, 20, 22

U, 15, 18, 19, 22, 1

17, 20, 21, 1, 3

21, 22, 2, h

2, i5, 7

6, 8

11

Maintenant, si l'on sépare les résidus des non-résidus, on trouve

1,1,2, 2, 3, 3, h, 4, 6, 6, 8, 8, 9, 9, 12, 12, 13, 13, 16, 16, 18, 18

5, 5, S, 7, 7, 7, 10, 10, 10, 11, 11, 11, 14, 14, 14, IS, IS, 15, 17, 17, 17, 19, 19, 19,

20,20,20,21,21,21,22,22,22,

c'est-à-dire que les combinaisons contiennent deux fois chaque résidu et trois fois chaque non-résidu.

Pour démontrer ce théorème, j'observe d'abord que la somme de deux résidus ne peut être qu'un résidu ou un non-résidu , la valeur zéro étant exclue , parce que les résidus d'un nombre premier jo = 4w -|- 3 ne peuvent contenir en même temps les nombres a et jt> a. Donc, si l'on trouve parmi les combinaisons des résidus, un résidu ou un non-résidu quelconque , il faut qu'on les y trouve tous. Car, soit

a, -+- Oi ^ fl„ ( mod. /) ).

Le produit de deux résidus étant encore un résidu , on peut déduire de cette congruence, ^^ autres congruences en la multipliant succès-

THÉORIE DES RÉSIDUS QUADRATIQUES. 7

sivcment par tous les résidus^ et les produits a„ a,, a„ a,.-, f'ournirunt tous les résidus. Ainsi, tous ces résidus seront congrus à la somme de deux résidus. On démontre de la même manière que les combinaisons doivent contenir tous les non-résidus, si elles en contiennent un cer- tain.

Maintenant, si un résidu ou un non-résidu quelconque est contenu x fois parmi les combinaisons des résidus , il faut que les autres résidus ou les autres non-résidus y soient contenus autant de fois. Car suppo- sons , par exemple , que le nombre rfy soit contenu trois fois, de manier» qu'on ait

a, ■*- ai ^^ d a,^ -4- o,, = (i a, -t- a, ^ d.

Multiplions ces congruences par le résidu a^ et supposons a^d^ d , les nombres d éid seront tous deux des résidus ou des non-résidus, et le nombre d sera contenu au moins trois fois parmi les combinaisons. Mais il ne peut y être contenu plus de fois. Car, supposons qu'on eût les quatre congruences

Ug -HO* ^d,

"f, -*-"'■, '^'

"t , -t- o*^ ^ «*,

a, + OA ^d,

''Il /Il '

(C)

iki-j

on pourrait toujours trouver un résidu a„ qui satisfit à la congruence ajd,^dy et, en multipliant les quatre congruences (C) pat a., on en déduirait quatre autres congruences , qui montreraient que les com- binaisons contiennent quatre fois le nombre t/, ce qui est contre l'hy- pothèse.

La somme des combinaisons des résidus peut donc être représentée par

9(«. ■♦- a. -*-••• -*- a.) -H r (6. -^ i, -t- -+-*»).

8 RECHERCHES SUR LA

et l'on voit aisément que , dans ce cas, la somme des combinaisons des non-résidus sera

D'ailleurs le nombre des résidus ou des non-résidus étant ^-, et le nombre des combinaisons = ^^ ~^ , on a

p 3 «+'■ = j--

3) Si p est un nombre de la forme 8m -]- 3 , on a

q = m , r ^ m ,

mais s'il est un nombre de la forme 8m -f- 7 , on a

q = in , r= m -h I .

Représentons par « et « des résidus quelconques , par /3 et /3^ des non- résidus quelconques , par (AB) le nombre des solutions de l'équation «-{-l = a, par (AÂ) le nombre des solutions de l'équation a-j-l = /3, par (BB) le nombre des solutions de l'équation (5 -{-!■= a, et par (BA) le nombre des solutions de l'équation /S-f- 1 =/3,. Au lieu de l'équation a+l=a ou «-|- 1 «,=0, on peut prendre la congruence

« -t- /3 -+- 1 ^ 0 (mod. /)) ,

parce qu'on peut toujours trouver un nombre (3 qui satisfasse à l'équa- tion p a.r=^-) ainsi (AB) est le nombre des solutions de la congruence «+/3+ 1 ^0, et l'on trouve par la même considération que (AA), (BA), (BB) représentent les nombres des solutions des congruences a-j-çt -f- 1 ^0, /3+«-t-1^0, /3+/3^ 4-1^0. On aura donc

(AB)=(BA),

et comme chaque résidu doit être suivi immédiatement d'un résidu ou

THÉORIE DES RÉSIDUS QUADRATIQUES. 9

d'un non-résidu, on aura aussi

(AA) -t- (AB)=^^.

Quant aux non-résidus , ils doivent chacun être suivis d'un résidu ou d'un non-résidu, excepté dans le cas le non-résidu est=p 1 . Ainsi, on aura

(BA)h-(BB)=^^.

D'ailleurs les nombres (BA) et (BB) doivent être égaux, car on peut toujours trouver un non-résidu /3 qui satisfasse à l'équation /3/S = 1 ; par cette raison, en multipliant la congruenoe l-f-/3+/3 ^0 par /5 , on obtient la congruence 1 + /3 -j- /3 /3 ^ 0, au lieu de laquelle on peut écrire 1 -}- /3 -f « ^ 0 , le produit de deux non-résidus étant toujours congru à un résidu. Par conséquent , on aura

Maintenant j'observe qu'on peut toujours trouver deux solutions différentes de la congruence 1 -{-«+i3^0, au moyen d'une solution de la congruence «-fa 1^0, un seul cas excepté. Car, soit «^ un résidu et aa„^l , en multipliant la congruence a -f- «, 1 ^0 par «^^ on aura

ax„ -+- a,a,, «„ ^ I -t- « -h |S ^ 0.

Soit de plus « , un résidu et ««^^^^1, en multipliant la congruence a-\-a 1^0 par a , OU obtient

Seulement dans le cas l'on a

1 + 1+^ = 0,

ToM. XV. 2

10 RECHERCHES SUR LA

il est impossible de trouver une solution de cette congruence à l'aide de la congruence « + « 1 ^ 0 , parce qu'on ne peut trouver un nombre «^^^ tel que les produits «« „et « «^^^ soient en même temps con- grus avec l'unité. Ainsi , selon que ce cas d'exception a ou n'a pas lieu, le nombre des solutions de la congruence

a -t- a, 1 ^ 0 ,

est égal à ~ ou à ~. Pour les nombres premiers de la forme 8m + 7,

on a

(AB)=^t__ = 2»n-l,

ainsi (AB) n'étant pas divisible par 2, il faut que le cas d'exception ait lieu, c'est-à-dire que, dans ce cas, le nombre des solutions de la congruence a -|- a 1 ^0 soit égal h m; mais pour les nombres pre- miers de la forme Sm + 3 , on a

{AB) = 2m;

ainsi le cas d'exception ne peut pas avoir lieu, c'est-à-dire que dans ce cas le nombre des solutions de la congruence « -f- « 1 = 0 est égal à m. Mais la congruence «-]-« 1^=0 équivaut à la congruence a-f- « ^ 1, d'où il suit que le résidu 1 sera contenu m fois parmi les combinaisons des résidus , et parce que les combinaisons contiennent tous les résidus en nombre égal, il faut qu'on ait toujours

q = m,

et comme on a aussi

»• -+- ç

A '

le nombre r est = m ou = m -f- 1 , selon que le nombre p est de la forme 8m -[- 3 ou de la forme 8m -f- 7.

A l'aide de la démonstration précédente on peut démontrer le théo- rème connu que le nombre 2 est un résidu des nombres premiers de

THÉORIE DES RÉSIDUS QUADRATIQUES. II

la forme 8m + 3 et un non-résidu des nombres premiers de la l'orme 8w + 7. Car nous avons prouvé que la congruence I + 1 -|- /3 ^ 0 est ou n'est pas résoluble, selon que le nombre p est de la forme 8m + 7 ou de la forme 8m + 3; maintenant /3 ne pouvant être égal qu'au nom- bre — 2, il s'en suit que 2 est un résidu ou un non-résidu , selon que p est de la forme 8m + 3 ou de la forme 8m -|- 7.

4) Sip est un nombre premier de la forme 4m + 1 , les combinaisons des résidus ou des non-résidus contiendront ^-^ fois la valeur zéro , et le reste des combinaisons sera formé par les résidus et les non-résidus , de manière qu'elles contiendront un résidu ou un non-résidu quelcon- que autant de fois que tous les autres.

La première partie de ce théorème est évidente ; car la somme des résidus étant égale à ^^ et le nombre 1 étant un résidu , les deux nombres aetp a se trouvent toujours ensemble parmi les résidus ou parmi les non-résidus, et leur somme équivaut à zéro. Quant à la seconde partie du théorème , on la démontre de la même manière que le théorème précédent.

On peut donc représenter la somme des combinaisons des résidus par

« ï

^-^. 0-+-5(o,-4-o, -H .... -f-o;,) -t- r(i, -f-A,-f- .... -4-i„),

et la somme des combinaisons des non-résidus sera

I

0-+-r(o,-t-a, -t- -H o J -4- ç ( 6_ + i, -I- -t-6„).

Le nombre des combinaisons des résidus ou des non-résidus étant

p 1 p Z

on a

4 »

5) Si p est un nombre de la forme 8m + 5, on a

ç = m , r = m ,

12 RECHERCHES SUR LA

mais s'il est de la forme 8m + 1 , on a

qz=.m 1 , r = m.

Comme ci-dessus^ je désignerai par «, « , « , «^^^ des résidus quelcon- ques, par /3, /3 , jS , /3„^ des non-résidus quelconques, par (A A), (AB), (BA), (BB) le nombre des solutions des équations 1 -]-«=«, l-}-a=iS, 1 -j- /3 = «, 1 4" jS = /3 , ou, ce qui est la même chose , le nombre des so- lutions des congruences

l-i-« + a,= 0, 1 +«-4-/3 = 0, l+/3-t-a = 0, 1 h- p -4- ^6,= 0.

On aura donc .

(AB) = (BA)

(AA)+(AB)=^,

et , parce que le nombre p 1 est un résidu ,

(BA

) + (1

BB)-^7

J

De

plus.

on aura

encore ici

d'où l'on

tire

(AB) =

(AB) (BA)

= (BB), = (BB) =

^

1

4 '

/ » » ^ _

p-^

D'ailleurs on voit que de chaque solution de la congruence /S + /S, 1=0 l'on peut toujours déduire deux solutions de la congruence 1 -j- a -1- /3 = 0. Car on peut toujours trouver deux nombres /3 , et /3 ,^ qui satisfont aux congruences

Ainsi, en multipliant la congruence ^3-1-/3 1 =0 par /5, , on trouve

THÉORIE DES RÉSIDUS QUADRATIQUES. ly

1 4-/3, /3„ 13„ = 0^1 -f-«+i3, et l'on obtient une semblable congruence en multipliant la congruence /3 + /3, 1 = 0 par )3 „. Il faut seulement excepter le cas la congruence 1 + 1 +/3^0 est contenue parmi les solutions de la congruence 1 -{-«4-/3^0, parce qu'il est impos- sible de trouver un nombre /3 , qui satisfasse en même temps aux con- gruences /Sjfl ^ 1 et /3 j3, ^ 1 .

Le nombre des solutions de la congruence /3 + jS^ 1 ^0 sera donc

(AB) l (AB) , •• ' > I-

= ^ ^ ou = -~, selon que ce cas d exception a ou na pas heu. Maintenant on a (AB) = 2m, ou (AB) = 2w + 1 , selon que le nom- bre p est de la forme Sm -f- 1 ou de la forme 8m -\- 5. Le nombre des solutions de la congruence jS -f /3 1 ^^ 0 sera donc toujours = m. Ainsi l'unité, qui est un résidu, sera contenue m fois parmi les com- binaisons des non-résidus, d'où il suit que la même chose aura lieu pour tous les résidus, c'est-à-dire qu'on aura r = m. Il suit donc de l'équation.

qu'on a q=m ou q = 7n 1 selon qu'on a p=8w-|-5 oup=8m-f-l. La congruence i -f- 1 -1- /3^0 équivaut à la congruence 1 -j- 1 2^0, il s'en suit donc, comme corollaire, que le nombre 2 est ou n'est pas un résidu selon qu'on a p = Sm +1 ou p== Sm -}- 5.

6). Dans ce qui précède, j'ai seulement considéré les combinaisons binaires, c'est-à-dire les combinaisons qui naissent de la réunion de deua; résidus ou de deuiV non-résidus. On pourrait aisément étendre ces considérations atix combinaisons ternaires, etc.; mais comme ces re- cherches m'écarteraient trop du but principal, je me contenterai de démontrer par les mêmes principes les propriétés du nombre 3 con- sidéré comme résidu quadratique.

Pour abréger , je désignerai la congruence l-l-«-l-« +/3^0 par (D), la congruence /3 -}- /3, -f /3 , 1 sO par (E), et je suppose que les trois nombres /3, /3,, /3,^ ne peuvent être égaux. Ainsi, si le nombre premier p est de la forme Am-{- 1 , la congruence (D) aura un nombre de solutions trois fois plus grand que le nombre des solutions de la

14 RECHERCHES SUR LA

congruence (E) , parce que le nombre 1 étant un résidu, on peut déduire la première congruence de la seconde en multipliant celle-ci successivement par /3^^^, (3,^, /3^, en choisissant ces nombres de manière qu'on ait /S j3^1, /3,y/3^ 1, jS^/3^^1. Il faut seulement excepter le cas la congruence l-]-l + l+/3^0est une des valeurs de la con- gruence (D). Ainsi, si l'on désigne le nombre des solutions de la con- gruence (D) par S , la congruence (E) aura -^ ou g solutions , selon que le cas d'exception aura ou n'aura pas lieu.

Si l'on a p = Am 4- 3 , on démontre par les mêmes principes qu'en désignant encore par S le nombre des solutions de la congruence (D) ,

G -1 C

la congruence a + « -f- « 1 aura -j- ou 3 solutions , selon que la congruence l-f-l + l+/5^0 aura ou n'aura pas lieu, supposé que les nombres a, a^, «„ ne puissent pas être égaux. Mais, puisqu'on a 14-a^a ou 1 -\- <x ^ j3 , on voit que le nombre des solutions de la congruence (D) est égal à la somme des nombres des solutions des deux congruences « -f- « + /3^0 et /3 + a -|- /3^0. D'ailleurs , pour chaque valeur « ^ 1 -}- «, la congruence a -\- <x -\- (2 ^0 aura autant de solu- tions que la congruence 1 + « -f- fi=0 (parce qu'on peut faire a «^a,, a /3 ^/S) , et pour chaque valeur /3^^ 1 -j- a la congruence /3 + « -|-/3^0 aura autant de solutions que la congruence 1 + /3, -|-a^0.

Maintenant il faut distinguer quatre cas différents.

I). Si l'on a p== 12m -|- 1 , le nombre des solutions de l'équation a =!-{-« sera= (AA) = ^, le nombre des solutions de l'équation /3 = 1 4" a sera = ( AB) = ^, et le nombre des solutions de la con- gruence 1 -f- a + i3, ^ 0 sera aussi ^ Partant on aura

S=P^. qil ^ ^. ^ =3m.(6,n-l),

4 4 4 4

et ce nombre étant divisible par trois, le cas d'exception n'a pas lieu. II). Si l'on a p= I2m -f- 7, l'équation « = 1 +a aura ^ solutions ^ l'équation /3 = 1 -f- a aura ^^ solutions, et la congruence 1 -f- « + /3 ^ 0 aura -~- solutions. Ainsi, on aura

4 4 4 4

THÉORIE DES RÉSIDUS QUADRATIQUES. U

et comme ce nombre est divisible par trois, le cas d'exception n'auru pas lieu.

111). Si l'on a p= 12m + 5, on trouve

ainsi le cas d'exception aura lieu.

IV). Si l'on a p= 12w + 1 , on trouve

S=^^. ^^ -4- ^- ^ =(3m-v2)(6mH-S), 4 4 4 4

le cas d'exception aura donc lieu.

En réunissant ces quatre cas , on trouve que la congruence l-f-l + l + /3^0est ou n'est pas résoluble, selon qu'on a p= 12m 4-1, jt)=12m + 7oujt)=12m-f-5, jD=12m-j-l. Mais si cette congruence est résoluble, le nombre /3 doit nécessairement être égal à 3, il en suit donc que le nombre 3 est un non-résidu des nombres jo = 3m -{-2 et un résidu des nombres p = 3m 4- 1. .ji _,;,.

7). Si, dans la série des résidus, on retranche chaque terme de tous les suivants, j'appellerai les nombres qui naissent de cette opération, les différences des résidus. Les différences des non -résidus sont les nombres qui naissent de la même opération appliquée aux non-rési- dus. Le nombre des différences sera donc égal au nombre des combi- naisons.

Maintenant je dis : si p est un nombre premier de la forme 4m + 3, les différences des résidus ou des non-résidus, prises une à une, seront congrues aux combinaisons des résidus ou des non-résidus , prises une à une, abstraction faite du signe. Par exemple, les résidus du nombre 1 1 sont :

1, 8, 4, 5, 9,

les combinaisons de ces résidus sont :

1, 2, 8, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10,

16 RECHERCHES SUR LA

et leurs différences

1, 1, 2, 2, 3, U, i, 5, 6, 8,

et l'on trouve

l=3l, 2 = 2, 3 = 3, 4 = 4,'5 = 5, 6 = 6, 7 = ^, 8 = 8, 9 = 2, 10 = 1.

En effet, on voit aisément que si l'on a, par exemple :

a, -H o, = «3 ,

et que le nombre a^ satisfasse à la congruence a^ ai = a3, on aura aussi ou bien, en écrivant a^ au lieu de ttiUu et «g au lieu de a^ a^,

Og a, ^ 03 ,

mais Uq «5 ou a^ a^ est une différence, ainsi cette différence sera congrue avec la combinaison a^ , abstraction faite du signe.

On démontre de la même manière les autres cas du théorème.

8). Si l'on prend w = —, on a, d'après les formules connues,

(1). . . . COS. « -s- COS. -H COS. 3m -+- -i- cos.{p ï)a= 1,

(2). . . . sin. u -4- sin. 2u + sin. 3a -f- -4- sin. (/> 1) a = 0 ,

et puisque les nombres 1,2,3, .... p 1 renferment tous les résidus et tous les non-résidus du nombre jt>, ces formules se changent dans les suivantes : (3) S COS. aw H- s COS. ba = 1 ,

(4) . . . , S sin. oco -H 2 sin. ia = 0 ,

si l'on pose

COS. a,a ■+■ COS. a^to -+-...,-*- cos. a„a = S cos. ace ,

COS. h^a -t- cos. èjW H . . -)- COS. Z)„a = S cos. ha ,

sin. a,u -4- sin. o^u -t- -t- sin. a„a = S sin. aa ,

sin. fcjco -H sin. 6,m -f- . . . . -t- sin. i„a = S sin. ba.

THEORIE DES RESIDUS QUADRATIQUES. 17

Maintenant il faut distinguer deux cas, selon que le nombre p est de la forme 4m + 1 ou de la forme 4m-|-3.

Soit premièrement jo = Am + 3, alors le nombre 1 étant un non- résidu, chaque valeur cos. {p a)w contenue dans la somme 2cos. bu répondra à une valeur cos. aw contenue dans la somme 2 cos. ow, et comme on a

co». ou = co». (p— o)« ,

on trouve

(S) £ COS. =s £ COS. bu ,

et, en combinant cette équation avec l'équation (3), on obtient

(6) £008.0!» = i, s COS. 6a = i.

9). La somme 1 cos. 2au sera égale à 1 cos. au ou à I cos. bo), selon que le noiftbre 2 est un résidu ou un non - résidu , et de même , la somme 2 cos. 2b(ù sera égale à 1 cos. Ztu ou à 2 cos. au , selon que le nom- bre 2 est un résidu ou un non-résidu.

On aura donc toujours

(7) £ COS. 2au = S COS. 26m = h

D'ailleurs on a

1 -4- COS. 2a = 2 COS. 'a ,

et si dans cette formule on remplace successivement la valeur a par les nombres o,u, ajw .... a„w, on aura

(8) ^-^ 4- s COS. 2oD= 2£(cos. ou)',

et l'on trouve de même

(9) ^^^ -+- Scos. 26« = 2s(co8. 6u)',

et partant

(10). . . . s(cos.aQ)' =£(cos. 6i))' = i— \- = î—

4 !2 4

ToM. XV. 3

18 RECHERCHES SUR LA

En combinant cette équation avec l'équation

sin.'a =1 COS. 'a ,

on obtient

(11) . : . . . Zisin.ao=y^E{sin.b^y = ^ ^^ = ? .

10), Si l'on représente par 2 cos. Cm la somme des valeurs qu'on obtient en substituant successivement toutes les combinaisons des ré- sidus à la place de C, et qu'on représente par 2 cos. eu la somme des valeurs qu'on obtient en substituant successivement toutes les combi- naisons des non-résidus à la place de c , on aura, d'après le numéro 2),

(12) s COS. Ca :^ 5 S COS. oco -t- r S COS. iw.

(18) Sens. CM = r S COS. oa -4- y S COS. te ,

5,

mais , parce qu on a

ces équations, à l'aide de l'équation (6), se transformeront dans la suivante :

n 8

(14) Scos. Cw = Scos. ca = --

8

11). Multiplions chaque terme de la série

cos. a^u , COS. a^a , .... cos. o^co ,

par tous les suivants, et désignons par 2 cos. a, m. cos. a 2(0, la somme des termes qui naissent de cette opération; désignons encore par 2 COS. bib). COS. iôaw la somme des termes qu'on obtient en multipliant chaque terme de la série

cos. 6, M, COS. fijU, .... COS. b„a ,

par tous les suivants, on obtiendra donc , à l'aide des équations (6) et

.,„, , , (s COS. ou)' S(cos.aM)' p 3

(15).... S COS. a, M. COS. a^a = S cos. b,a. cos. b^a = ^ == - ,

THÉORIE DES RÉSIDUS QUADRATIQUES. 19

(10) et, par conséquent,

(16) . . . Sco». a,u. C08. a,&i = Icos. Cu; i^co», b^u. co». b^a^:: co». eu.

Mais si , dans l'équation

co». (a -(- /3) = co». a co«. fl sin. a sin. S ,

on substitue successivement au lieu de «+/3, toutes les combinaisons des résidus ou des non résidus, on obtiendra

,._. / Sco». Ca= Zco». a.a.coi.a.u S sin. a.u. sin. o,a ,

(17) . . . . J 1 j '

I £co». e= S COS. A,«. COS. A,« s sin. *,«. sin. b,u,

et en combinant ces équations avec les équations (1 6) , on trouve

( s sin. o,«. sin. a,a = 0, I s sin. b,u. sin. &,u = 0,

On trouve ces dernières équations d'une manière plus directe si l'on fait usage du théorème démontré dans le numéro 7). En effet, si l'on désigne par 2 cos. Do» la somme des termes qu'on obtient en substi- tuant, au lieu de D, toutes les différences des résidus, et qu'on désigne par 2 cos. cL la somme des termes qu'on obtient en substituant, au lieu de d, toutes les différences des non-résidus, on aura nécessai- rement

( s COS. = s COS. C&i ,

('") \

* \ s COS. rfa = s COS. ca ,

parce que les différences , prises une à une, sont égales aux combinai- sons, prises une à une, abstraction faite du signe, et qu'on a cos. « = COS. ( a).

D'ailleurs , au moyen de la formule

COS. (a /9) := COS. a COS. li •+■ sin. a, sin. & ,

on trouve

( ~ COS. Da = s COS. o,«. COS. OjU ■+■ s sin. «f,«. sin. a,if, ( ^ COS. (fu = £ COS. &,». COS. b,u H- S sin. i,u. sin. b,u ,

20 RECHERCHES SUR LA.

en substituant successivement, au lieu de a. /3, toutes les différences des résidus ou toutes les différences des non-résidus. Ainsi, en combi- nant les équations (20) avec les équations (17), on voit sur-le-champ que les sommes S sin. «im. sin. a^w et 2 sin. h^<ù. sin. iôaw. doivent néces- sairement être égales à zéro.

A l'aide des équations (18) et des équations (1 1), on trouve

[s sîn.aw]' = S (sin. a'S]'' -+- 2s sin. a^w. sin. a^w = y , [s sin. Z>co]' = S (sin. 6m)' -\- 2s sin. Z),u. sin. h^a = y ,

et par conséquent

(22) i:sin. «M==t —, i; sin. 6a = zp ^— .

.J'ai déjà remarqué dans l'introduction qu'on a toujours

yp . , v"p

s sin. a:c = , i: sin. oa = - ,

c'est par cette raison que, dans ce qui suit, je n'écrirai plus le double signe.

J2). Le théorème qui a été démontré dans le numéro 3, conduit à la détermination des sommes 2 sin. Cm et 2 sin. cw, mais ici il faut distinguer deux cas, selon que le nombre jo est de la forme 8 m + 3 ou de la forme 8m + 7. Dans le premier cas, on aura

s sin. Co) = m S sin. aa -+- m Z sin. ba = Q ,

(^^) . . . , .

S Sin. eu = m j: sin. aa -t- w S sin. oa = 0 ,

mais , dans le second , on aura

s sin. Ca == m S sin. oa -t- (»» + 1) S sin. ia = -— , s sin. ca = m S sin. ia -t- (m -h 1 ) S sin. aa ==

D'ailleurs on a '

sin. (a -H /3) a =: sin. aa, cos. /Sa + cos. «a. sin. (3a.

THEORIE DES RESIDUS QUADRATIQUES. 21

Maintenant, si l'on substitue successivement à la place de a-f /5 tous les termes qu'on obtient en ajoutant chaque résidu à tous les suivants, de manière que le premier de ces résidus soit et le second =/3, la somme de ces sinus sera égale à 1 sin. Cu, et l'on aura

(SS) £ sin. Cu = 2:sin. a,u. COS. a,u. -h l^cos. a,u. sin. <i,u ,

en désignant par Z sin. Oiu. cos. Oju et par Z cos aiu. sin. aju les sommes qu'on obtient en substituant successivement à la place de a, chaque résidu , et à la place de a, tous ceux qui le suivent dans la série des résidus. On aura donc

(26) i: sin. a,u. cos. a.,u ■+■ S, cos. a,u. sin. a,u = 0 ,

si l'on a p = 8m + 3 , et

(27) s sin. a,u. COS. a^u -H Icos. a,u. sin. a^u = _ ,

2

si l'on a /)=8m + 7.

13). Considérons la formule

sin. iaa = 2 sin. au. cos. aa ,

et substituons successivement à la place de a tous les résidus, on aura

s sin. ia,a ^ 2s sin. a,u. cos. a,u,

et, par conséquent, selon que le nombre 2 est un résidu ou un non- résidu ,

(28) - sin. a,u. COS. a^a = - ,

•4

ou

s sin. o.u. COS. a,£o =

■»

De plus, si l'on multiplie 2 sin. au par 1 cos. au, on trouve

£ sin. 0:0. S COS. a-j^ Z sin. a,&). cos. a,u -t- S sin. a,u. cos. a,&) + !: cos. a,i-, sin. a,u ,

ou bien, en remplaçant 1 sin. au, 2 cos. au par leurs valeurs trouvées

22 RECHERCHES SUR LA

ci-dessus , ,

(29) ... s sin. o,M. COS. o,u ■+- S sin. a^u. cos. a,u -\- S cos. a,u. sin. o^w == ,

d'où l'on déduit, à l'aide des équations (26) et (27) ,

Vp

(30) S sin. o,u. COS. a,a = ~,

ou

s sin. a, a, cos. o,u ^ ^ ,

selon que le nombre jo est de la forme 8rn-[-3 ou de la forme 8m + 7.

En combinant ces équations avec les équations (28) , on aura donc une nouvelle démonstration du théorème : que le nombre 2 est un résidu des nombres premiers de la forme8m-t-7et un non- résidu des nombres premiers de la forme 8m -|- 3.

14). Il est remarquable qu'on ne peut exprimer par une formule générale les valeurs des sommes 1 sin. Dm, 2 sin. cL, bien que la déter- mination des sommes 2 cos. Dw, 2 cos. du soit fort facile. Cela vient de ce qu'on a sin. ( ^) = sin. y. La valeur des sommes 2 sin. Dw et sin. c/o), changera donc avec l'ordre dans lequel on aura disposé les rési- dus ou les non-résidus. Par exemple, le nombre p étant =7, les résidus, rangés selon l'ordre de leur grandeur, seront

1, 2, 4,

les différences seront

1, 3, 2;

ainsi on aura *

s sin. Da = sin. a ■+- sin. Su -+- sin. 2w ;

mais si l'on dispose les résidus dans l'ordre suivant

I, 4, 2, leur différences seront

8, 1, -2,

et l'on aura

s sin. da = sin. a -t- sin. Su sin. 2m.

THÉORIE DES RÉSIDUS QUADRATIQUES. 23

Il suit de que les \aleurs des sommes 1 sin. a,u. cos. a^o) et Zoos. Oiiu. sin. aju sont aussi indéterminées, parce qu'elles dépendent des valeurs de la somme ï. sin. Du. £n effet , comme on a

2 sin. a COS. /3 = sin. + 0) + sin. (a /3), âcos. a sin. (3 = sin. (a-t- /3) sin. (a 0),

il en suit

2 £ sin. a,u. cos. a^a <= £ sin. Cu + £ sin. Dm, 2 £ COS. a,u. sin. a,a ^ £ sin. Cu £ sin. Du.

15). Les équations (6) et (10) ne sont que des cas spéciaux de deux équations plus générales que nous allons développer.

Soit

(cos. a.w)'' -1- (cos. a^ay ■^- .... -♦- (cos. a„a)'' = £ (cos. ou)'' , (cos. b^uY -H (cos. b^aY -t- .... -+- (cos. b„u)'' := £ (cos. buf ,

r désignant un nombre entier quelconque /ï/m» joe/tV que le nombre p. Considérons la formule connue

(C) . . . s""', cos. a^* == cos. 2Aa -+- U cos. (2/t-2)a -4- ~ cos. (U-Â)s

2*....A-h1

d'où l'on déduit

(D) 2---' = 1..2.^gi!izl......,/-^ ••••*-'.

Maintenant , si à la place de s on met successivement les valeurs a,(ù , a,w .... a„'j), on trouve

(SI). . . 2 .£(cos.a^) =- i^l +V, + ——--.,.. ^ ———-^

p—l 1 2Jt ....il-4-1

"^ 2 2* 1....* '

en observant que la somme 2 cos. «om doit toujours avoir la valeur [ , quel que soit le nombre entier « (*) , parce qu'elle doit être égale à

(*) On ne doit pas oublier que nous supposons ik, et, par conséquent, le nombre a plus petit que p.

24 RECHERCHES SUR LA

2 COS. ao) ou à 2 cos, b(x>, selon que le nombre « est un résidu ou un non-ré- sidu. A. l'aide de l'équation D), l'équation (3 1 ) se change dans la suivante :

(32) 2 ,s(cos.o«) = i.2 +'-• .

On a aussi

E)... '2'* COS. s'^'^' = cos. (2A-t-l)z -+- (2^+1) cos. (2A— l)s h '-^ ^cos.s.

1 .... À

2/i - 2A-4-1.2A 2A+1 ....fe+2 F) 2 =l+2;t-4-l-f- .... -+- ,

donc, en substituant successivement au lieu de z les valeurs Oim, a^t».... a„w , on obtiendra

(38) 2^-^ S (cos. oa>)-''+> == - i. 2-^ ^

Il est aisé de voir que les équations (32) et (33) auront encore lieu si l'on change a en ^6 , on a donc les deux théorèmes généraux : Si p désigne un nombre premier de la forme 4/n -|-3, on a

,2* , , ,2* P 2A A 4- 1

s (cos. aa) = S (cos. fia) = 4 -+- ^^^ ^ ^ ^ ,

S (cos. au)^*-^' = S (cos. baf''-*-^ = i,

supposé que les nombres 2k ou 2^+ 1 sont plus petits que le nombre jo. 16). Par un procédé semblable, on peut aussi généraliser l'équation, (11). Car on a

2k— l . 2k

«)

G) . . . ±2' .sin.a =cos.2Az— 2fecos. (2i— 2)3 ^Hrf

2A .... A-*-l

k

U.^k—\ 1k A-+-2 ^k....k+l

«) ^-^^-"-TT---^ x....k^i=^'- i....k

En substituant donc successivement a,w, a^u.,. a„a à la place de z, et en représentant la somme

(sin. o,u) -+-[sin.a^a) .... h- (sin. o„co) ,

par 2 (sin. aw)'*, on aura ^

■,i_i 2k I 2A....Ah-1\ p-1 1lk....k-^-\ p U....k+\

(34).±2- .Msin.H =-M^--r::T-hV--Tr:^=^r-r::x-'

THÉORIE DES RÉSIDUS QUADRATIQUES. S8

et comme celte équation ne changera pas de valeur, si l'on remplace a par b, on aura

(8») S(s.n.a«) =I(«in.A«) =^,- , ^ .

le nombre 2k étant toujours plus petit que p.

La simplicité de cette formule vient de ce que le développement de sin. a" ne contient que des cosinus, mais il n'est pas possible de trouver une formule aussi simple pour exprimer la somme des puissances im- paires des sinus. En effet, cette sommation dépend de l'équation

rpa^gin. •""*"' = 8in.(2A+l)s-(2A-4-l)8in.(2i-l)a -»- i^îll^ 8in.(2it-î)«

^ ^ 2*-+-l....A-»-2

rp j 8in. s,

dans laquelle on doit mettre successivement à la place de z toutes les valeurs o,u, a^cù .... a„a), si l'on veut trouver la somme 2 (sin. aw)"^'.

Mais ici, il faut qu'on sache si le nombre {2k jj.) est un résidu ou un non-résidu, afin qu'on puisse décider si la somme Zsin. (2.Â; /xjau est égale à 2 sin. au ou à 2 sin. ba {*).

17). A l'aide des formules précédentes, il ne serait pas difficile de trouver encore un grand nombre d'intégrales définies plus compliquées. Représentons, par exemple, 2 (cos. a,&))^ cos. a^u la somme des termes qu'on obtient en substituant successivement au lieu de a, chaque résidu, et au lieu de a^ tous ceux qui les suivent , on aura

(s C08. ou)' ^ S(co8. o«)' -t- 3£(co$. o,uj^cos. a,u ■+■ 3 S cos. a,u(cos. a,u)-,

et à l'aide des équations 6 et 23 , on trouve

(S6) £(cos. a,Q)^co8. a^u -H Sco8. a,u. (cos. a,u)^ = '^.

Mais comme ces développements ne présentent aucune difficulté, je ne les poursuivrai pas plus loin.

(*) M. Lebesgue a déjà fait une remarque semh\ahïe (Journal des mathématiques, fcvrierl840, p. 66) , mais il semble n'avoir pas senti la nécessite de restreindre la valeur de l'exposant au cas oîi elle est plus petite que le nombre p.

To». XV. 4

26 RECHERCHES SUR LA

18), Toutes les recherches précédentes se rapportent aux nombres premiers de la forme 4m+3 ; passons maintenant à la considération des nombres premiers de la forme 4m+ 1. Puisque, dans ce cas, les nom- bres a et p a , sont contenus ensemble parmi les résidus ou parmi les non-résidus, à chaque terme sin. a,w ou sin. Z>iw, contenu dans la somme 2sin. aw ou 2sin. Zxa, répondra un autre terme sin. {p a,)û) ou sin. {p Z>,)<a contenu dans la même somme. Mais comme on a sin. au, == sin. {p a,)a), il s'ensuit

{%!) Ssin. au = 0, Ssin. 6a = 0,

ou plus généralement

(38) i;(sin.oaf*+'=0; S (sin. i«)"+' = 0.

Par la même raison on aura

(39 z[- = s k— p =0,

\sin. aal \sm. bal

(-40) S(tg. aa))-*+'= £(tg. Z>û))-*+' = 0,

(41) S (cot. aa)""^* == S(cot. 6m)"-^' = 0.

Si, dans la formule

sin. laa = 2 sin. aa. cos. aa ,

on substitue successivement, au lieu de u, tous les résidus ou tous les non-résidus, on aura

!S sin. 2a&> S sin. o,M. COS. o,a = -^ = 0 . . , , S sin. 26a) S sin. b,a. COS. b,a = = 0. 2

19). Dans la formule

2 s (cos. sca)' == 1 + COS. 2aa,

je substitue successivement, au lieu de «, tous les résidus; on aura donc

p— 1 .

(-43) 2 s (cos. aa)= = i^ -4- Scos. Soa.

THÉORIE DES RÉSIDUS QUADRATIQUES. 27

11 s'ensuit qu'on doit ici distinguer deux cas, selon que le nombre 2 est ou n'est pas un résidu. Dans le premier cas, on aura

p-i

'2 s, (Co8. au)' = 1- S co». au ,

2

ou

(•44) 2S(co8. a«)'— Sco», oa=^^^-

Dans le second cas , on aura

P— 1

2S(c08. oa)' = h S coa. bu,

1

et cette équation peut être remplacée par l'équation

_ «

(■45) 2S(C08. Oa)' -H 1C08. 0U=^-— ,

À

parce qu'on a, en vertu de l'équation (3) ,

s cos, bu = (I -+- S COS. aa ).

Par le même raisonnement on obtient

(46) 2s(cos. Aa)' Sco8. iu = ^-— ,

-i iHi t.

ou

(47) 2£{cos. ta)' + ïco». iw = ^-— ,

2

selon que le nombre 2 est ou n'est pas un résidu.

20). Puisqu'on a cos. 0= I , il suit du théorème démontré dans le 4) qu'on aura

(■48) Scos. Ca^^-- -4- o Icos. aa+ r Scos. &a,

•4

et nous avons démontré que, pour les nombres j9 = 8m + 5, on doit prendre q = r%= ''—, pendant que, pour les nombres p=Sm -f- 1, on

aura q =■■ ^ 1 et r = ^ . Ainsi , en vertu de l'équation (3) , on

aura

28 ' RECHERCHES SUR LA

si le nombre p = 8m + 5 , et

p 1 p- 9 , p 1

(SO). . . . Scos. Cco=-'^ ^ j-Scos. ba=i— Scos ai),

4 0 o

si le nombre p=%m-\-\. D'ailleurs les équations (17) auront encore lieu ici ; ainsi l'on trouve

P+3 (81) Scos. o,u. COS. o,M S sm. a.o). sm. o^M= ,

OU

P— 1 (82) Scos. a,u. COS. OjU s sin. o,u. sin. o,co = S cos. aa ,

selon qu'on ap=8m+5 ou jo=8m+ 1 .

Si l'on élève la somme 2 sin. aw au carré , on obtient

(s sin. aaY =S(sin. aa)' -t-2S8in. o,cj. sin a,(a= 0 ,

d'où il suit

(83) 2Ssin, a,u. sin. o,co = S (sin. aM)\

21 ). Les équations (44), (45), (51), (52) et (53), contiennent une nou- velle démonstration du théorème , que le nombre 2 est un résidu ou un non-résidu du nombre premier p, selon qu'on ap = 8m-l-l ou jo=8m-f5.

En effet, si, après l'avoir multipliée par 2, on ajoute l'équation (52) à l'équation (45) , on obtient

2s (cos. ou)' -4- S COS. au-(-2Scos. o,£j. COS. a,M 2Ssin.a,u. sm. o,co -<- 2Scos. aa= ; ,

ou, à cause de l'équat. (53) et de l'équation 2(cos.aw)-= ^-^ 2(sin.aco)',

p— 5 S (cos. ou)' ■+■ 3S C09. au -t- 2S cos. a^a. cos. a, a = - ,

ou bien *

o— 5 ( LC08. aay -t- 8s cos. aa = —j— ,

et par conséquent

S cos. ou = ±

2 2

THÉORIE DES RÉSIDUS QUADRATIQUES. 99

Mais, comme les équations (45) et (52) conservent leurs valeurs, si l'on met À à la place de a, on aura aussi

S co». iu ■= ± ,

2 i

ce qui est absurde , parce qu'on a

s COS. ou -4- E co». bu = I .

Les équations (45) et (52) ne peuvent donc exister ensemble, c'est-à- dire que le nombre 2 doit être un résidu des nombres premiers de la forme 8w+ 1. On prouve de la même manière que le nombre 2 est un non-résidu des nombres premiers 1 =8m+5, en montrant que les équa- tions (44) et (51) sont incompatibles.

En combinant l'équation (52) avec l'équation (44) , on obtient

ji^ a

2s(co8. oa)' Sco». ou -4- 2s COS. o,M. COS. o,u 2s sin. o,u. sin. o,b -+- 2Scps. ou= ,

-i

d'où l'on déduit , les substitutions convenables étant faites ,

p—i

(s COS. ou)' -+- s COS. au = ^— -

•4

On obtient la même équation en combinant les équations (45) et (5 1 ) ; on aura donc toujours

Scos. au= —i- , \ - 2 '

Scos. Ju= i =p -r-

2

J'ai déjà remarqué, dans l'introduction, qu'on doit toujours prendre le signe supérieur; c'est par cette raison que, par la suite, j'omettrai le signe inférieur.

22). Pour les nombres jo=8m4- 1 > on obtient encore les équations suivantes. En combinant les équations (44) et (54) , on trouve

(88) s (008. ou)' =^ H- -^,

(86) s(»in.ou)' = ^^^; i;(cos.oa)'=^ i^,

3 4 4

30 RECHERCHES SUR LA

et, en vertu de l'équation (53),

(S7) S sin. a,u. sin. a,a = - h ,

o o

et de cette équation combinée avec l'équation (52), on déduit

(38) s COS. a,u. COS. a,a = - - V p.

Pour les nombres p=Sm +5 , on trouve par la même voie

__

(59) £(co».a«)^ = ^^^ f,

(60) s(sin.aco)==^ -t--;^,

4

P vp (61) Ssin. a.oj. sin. a,co=: ^ ,

3 Vp (02) Scos. o,u. COS. a,u= ^

23). Pour chaque nombre jo=4m + ] , on aura, en vertu du théo- rème démontré dans le 4) ,

E sin. Cu = o S sin. aa -i- r '^ sin. ia h ; sin. 0,

c'est-à-dire

(63) ^ sin. Cm = 0.

D'ailleurs l'équation (25) aura encore lieu ici, on a donc

(6-4) S sin. o,«. COS. o^u ■+- S. cos. a,a). sin. o^u = 0.

L'équation (20) aura aussi lieu, ainsi l'on aura

H cos. Du = E COS. o,£o. COS. a^Q -+- S sin. o^a. sin. «,m,

et, par conséquent,

(63) S COS. Du = -gi -j- ,

soit qu'on ait p=8«+5 ou p=8»+l.

THÉORIE DES RÉSIDUS QUADRATIQUES. 31

24). L'équation (65) est une conséquence immédiate d'un théorème qui est le complément du théorème démontré dans le 7). En effet, p étant au nombre de la forme 4»t -f- 1 , on peut partager les résidus et les non-résidus en deux groupes, de manière que les deux résidus ou les deux non-résidus r et p r ne soient pas contenus dans le même groupe. Le premier groupe des résidus contiendra donc ^^ termes , que je désignerai par

»,, a,, .... o^,

4

et le premier groupe des non-résidus contiendra aussi ^ termes , que je désignerai par

b,, b, .... b

Dans le 4) il a été démontré que, pour les nombres p=4m-\- 1, les combinaisons des résidus contiennent £^ fois la valeur zéro, et que les autres combinaisons sont formées par les résidus et les non-résidus. Maintenant je dis : si l'on prend les différences des résidus, une partie de ces différences prises une à une sera congrue, abstraction faite du signe , aux combinaisons qui ne sont pas égales à zéro , et le reste des différences sera égal aux résidus ou aux non-résidus contenus dans l'un des deux groupes, selon que le nombre p est delà forme Sm -\~l ou de la forme 8w + 5. En effet on démontre, comme dans le n" 7), qu'à cha- que combinaison , qui n'est pas égale à zéro, il correspondra une diffé- rence. Mais aux combinaisons a, + (p fli)^^0, etc., répondront les ^^ différences

a, (f— o,)s2o, .

a -■ (p-a ) ^ ,

~T~ "^

donc si le nombre p est de la forme + 1 , fe nombre 2 sera un ré- sidu, et les nombres 2a, , 2a2 2op-- seront congrus aux termes con- tenus dans l'un des deux groupes de résidus. Mais si le nombre p est = 8n + ô , le nombre 2 sera un non-résidu , et les nombres 2a, , 2a.

32 RECHERCHES SUR LA

représenteront l'un des deux groupes des non-résidus. Comme on a COS. t'M = cos {p r)(ù, il est évident qu'on aura

COS. a^a ■+■ COS. a^a .... + cos. o _ m = {- S cos. aa , cos. b,a -4- COS. 6,u ....-+- cos. b u = i S cos. ba :

ainsi , on trouve pour les nombres j5 = 8m -f 1

(66) s COS. Da = S COS. Ccj h ^ S cos. oa ,

et , pour les nombres p = 8m -j- 5 ,

(67) s COS. Dm == S cos. Cu i-— 1- i S cos. fca.

Maintenant si , dans ces équations , on substitue les valeurs de 2 cos. Cw, 2 COS. atu, 2 cos, btù, trouvées précédemment, on retombera sur l'équa- tion (56).

Quant à la détermination des sommes 2 sin. Dw, 2 sin. «jw. cos. a^^a et 2 cos. aju. sin. a^w, on doit répéter ici la remarque que j'ai faite dans le no 14).

24). Les trois équations connues :

M) /-_i^^-'.... ±_L^ = o,

dont les racines sont sin. w, sin. 2w sin. [p l)(u;

1 „_, 1 p.p— 3 1 1 N) x^ -p3^ '^—i-S. ....± px =0,

dont les racines sont 1 , cos. w , cos. 2w cos. {p l)w;

0) g,^-! 3 /'•P-I-P-^^^.^ 0

'^ 1.2 ^ 1.2.3 ^

dont les racines sont tg. w, tg. 2w tg. (p l)w, conduisent non-seu- lement à plusieurs équations que nous avons déjà trouvées, mais encore à une foule d'intégrales définies dont je développerai quelques- unes des plus intéressantes.

THÉORIE DES RÉSIDUS QUADRATIQUES. 33

Je remarque, en passant, que M. Libri s'est trompé en voulant déter- miner la valeur de la somme ^^^;-[[;^,oii l'en doit mettre successivement à la place de u les nombres 1,2 .... p 1 .

En effet, si dans l'équation N), on fait ar= -, on obtient une nou- velle équation

/ =F P-/" .... = 0,

dont les racines sont

i,-L_, ' .... 1

COS. <a COS. 2u COS. (/) l)u '

on aura donc

(68) 2— i— = ± p.

COS. Ma

M. Libri trouve (*)

V. 1 p

2. = ±-i—

COS. Mi) jP"'

et il est tombé dans cette erreur, parce qu'au lieu de l'équation N), il a considéré l'équation incorrecte

xP ipx^~' .... —1=0.

Si l'on divise l'équation N) par ce 1 , on obtient, comme on sait, une équation qui est le carré de l'équation

l'on doit prendre n = ^ Maintenant , si le nombre p est de la forme 4m 4- 3, les racines de l'équation N') seront

COS. a^a, COS. a,&) .... cos. a„a ,

ou, ce qui est le même,

cos. b^a , COS. ft,U .... cos. &„&!.

(*) Journal de M. Crellc , t. XII , p. 548.

To«. XV. 5

34 RECHERCHES SUR LA

Donc si, dans cette équation, on fait .^ -, on obtient l'équation

y

n ('+/') n-, n

et on aura

(69) 2_i_=2-i- = -i:l^.

COS. a,a COS. b,a z

En vertu de l'équation

tg. a. Ig. %, = - 1 ,

on trouve encore

("0) 2 tg. a,.,, tg. 2a.« = 2 \ ^ = _j,.

COS. 2a, a 2

Il semble être plus difficile de déterminer la valeur de la somme ^ir^a ' ï*^"^ ^6S nombres jo= 8m -{-7, on y parvient encore au moyen de l'équation

1

cotg. « cotg. 2a = - sin. zx

Car le nombre 2 étant un résidu, on a 2 cotg. a,w 1 cotg. 2ai4), et 2-r— T = 2-: , et par

sin. 2a,u sin.a.u' i .

(71) 2-: = 2 cotg. o M 2 cotg. 2a, a = 0.

sin. a,cj

Mais, pour les nombres jt)=8m-l-3, je dois avouer que, malgré des eflForts réitérés, je n'ai pu parvenir à la valeur de cette somme (*). Si l'on combine l'équation (71) avec l'équation

2 1

sin. %i sin. a cos. a

(*) Il est évident que la valeur de celte somme dépendra de la valeur de la somme S cotg. a,«. En effet , on a alors

1

= S cotg. 6," S cotg. a,a. sjn. a,a>

D'ailleurs on a

S cotg. a,u -+- S cotg. 6,u = 0 ,

d'oîi il suit

1 S -: = 2 S cotg. a,a.

THÉORIE DES RÉSIDUS QUADRATIQUES.

on trouve

(72) 1- î =0,

sin. a,u, C08. a,a

et Téquation

"* ^ sin. lu '

conduit à l'équation

(73) 2 tg. a,a = 2cotg. 0,01.

Si, dans Téquation M), on fait x^=y, elle deviendra

M'). . . r-ipy- -^ ..: ^—,-'-^jj^y^^, P = 0:

si l'on fait = -}- 1 > le nombre p étant = 4w» 4- 3, les racines de l'équation M') seront

sin.'a.u, 8in.'a,u .... ou sifl.'6,<u, im.^b^u. . .,

Donc, en faisant y = -, on obtient l'équation

p-)-i.p 1

n—\

"•"^ - 1.2.8

dont les racines sont

Il II

-: , -: .... ou : - , -: - ,

siii.'a,u sin.'a,iu sin.'o.iu 8in.'6,u

et on trouve

1 p-4-l.p— 1 1

(74) 2 = - =2

' sin.'o.u 2.3 sin.'i.a

encore

Au moyen des autres coefficients de l'équation M ), on peut trouver les valeurs des sommes 2^^ , 2-r-; , etc.

tin.'a,ci> 5in. o,u '

25). Si, dans l'équation O), on fait a;*=y et ja = 2n-f-l , on obtient

p.p 1 p.p l.p 2

et le nombre p étant toujours supposé ==4m+3, les racines de cette

36 RECHERCHES SUR LA

nouvelle équation seront tg/ojcû, tg.Vjw.... ou tg.^Àito, tg/Z>2w , ainsi, on aura

(7S) . 2tg.'a,« = ^^:^=2ts.'^«.

En faisant y = -, on aura l'équation

p—V.p—l

OJ z"—'- f- a"-'....=0,

' 2.3

d'où il suit

(76). ...... 2cotg.X«=^^-^J = 2cotg.'6.c.,

et on trouve de la même manière les valeurs des sommes Stg.^'aiw, 2 cotg.^''ai&), r étant un nombre entier.

Puisqu'on a w = , et que les nombres 2a, , 1a^_ .... 2«„, sont tous des résidus ou des non-résidus, on aura aussi en vertu des équations

(74), (75) et (76),

sin. o,. sin. 0,. ^'^

/r-n\ "' T p. P 1

(78) 2tg.'a..- = 2tg.'6,. - =^-f— ,

p p 1.2

(79) 2cots.=a,^=2cots.=Z,,^=^=llf:l.

p p 2.8

Mais puisqu'on a

sin. a.^ = sin.[(p-«). j] , tg.'a. ^ = ts.=[(p-a).^] , cotg. «. -=cotg.'|^(p-«). -J,

on peut, dans les dernières formules, remplacer les résidus a, qui sont plus grands que ■^, par les non-résidus correspondants p—a; ainsi on aura

(80) y^"^ ^ _p+l.p-i

,, , sin.'M.

-u. ^ 2.3

THÉORIE DES RÉSIDUS QUADRATIQUES. 37

(81) 2 '8'"-7=^T"

V ' »■ p— >.p— 2

m 2 co»6.'u.- = ^ ; .

Par des considérations particulières, Legendre avait déjà trouvé quelques cas spéciaux contenus dans l'équation (82) ( Théorie des Nombres , tom. II , pages 386 et 388) ; mais il n'a pas remarqué la loi générale.

Les applications des équations M) , N) et O) , deviennent moins inté- ressantes si l'on prend jo=4m+l ; ainsi je ne les pousserai pas plus loin. Je remarque seulement que, pour les nombres 8m -|- I , on aura encore , en vertu des équations (55) et (56) ,

(83) 2cos.'«..I=P:ii-^i5',

p -i 4

(84) 2sin.'a..I= £ _^.

p •» 4

Pour les nombres /) = 8m + 5 , on aura , en vertu des équations (59) et (60),

(88) 2cos.X.-=^-^,

p -4 4

(86) Ssin.'a.: := l ^^.

pi 4

Mais les nombres a et p a étant en même temps de résidus, on aura ,

en désignant par a,, o, ra^,,, les ^ résidus, qui sont les plus

petits.

x=t:i

(87) 2 * cos.X.- = ^-h1:^

' p 8 8 '

x=:t

38 RECHERCHES SUR LA THEORIE DES RESIDUS, ETC.

ou

„-tr'

(88) 2 cos.'o,.

x:=i p 8 8

selon qu'on a p = 8m -|- 1 ou jo = 8m + 5.

Legendre a déjà trouvé quelques cas spéciaux contenus dans les équa- tions (87) et (88) (th., pp. 380 et 381 ); mais, ici encore, il n'a pas remarqué la loi générale.

FIN.

MÉMOIRE

SUR

LA VIE ET LES ÉCRITS

DE

^ JEAHOmS VITES,

EN RÉPONSE A LA QUESTION SUIVANTE :

ON DEMAIIDE CI» «tWOIRE SIR lA VIE ET IE8 ÉCRITS DE JEAU-LOUIS VITES, PROrESSEC» DE BEllES- LETTRRS A l'ONIVERSIT* DE LODVAW , ET l'cH DES SAVANTS LES PLUS CÉUBHES DO XVl"» SIËCIE , EN RATTACHANT CE SUJET A l'bISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA BELCIQDÉ A CETTE ÉKMJl'E;

A.-J. NAMÈCHE,

UCBRCIB EN TIÉOLOGIE, PROFESSEUR DE RRÉTORIÇUE AD COLLÈGE DE LA ASTE-COLLIIIE A l'o^IVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOOVIIN.

Siiu quêrela : hoc est symbolam nostrum. {i.-l..\tyis, SattUUu.)

To«. XV.

<'riH:m <:4j-i>i

^^'M^^\vvv\lvvvvvv^Al^l\vvvvv\v\^vvv\A^vvvvvvvvvv^^^A/vvvvvvvvvvvvv^^^

AVANT-PROPOS.

En présentant ce travail à l'académie, nous croyons qu'il ne sera pas inutile de donner quelques détails sur le plan que nous avons suivi. Ce plan nous était en quelque sorte tracé par le programme même : nous avons partagé notre sujet en deux parties principales, que nous avons fait précéder d'une introduction ; l'on trouvera un exposé succinct de l'état littéraire de l'Europe en général, et de notre pays en particulier , à l'époque oii parut Vives, et des causes qui avaient amené cet état.

La première partie est consacrée à la vie de cet écrivain : nous avons emprunté quelques faits aux biographes antérieurs ; mais la source nous avons puisé le plus abondamment, ce sont les ouvrages de Vives lui-même, surtout sa correspondance avec Erasme.

Dans la seconde partie , après avoir distribué ses productions en quelques classes, nous les analysons successivement, nous en indi- quons les éditions principales, nous rapportons le jugement des criti- ques sur ces œuvres , et nous le modifions , quand il y a lieu , en nous appuyant toujours sur le texte de l'auteur lui-même.

Nous terminons, en nous résumant, par un essai d'appréciation du caractère de Vives, considéré comme homme et comme écrivain.

4 AVANT-PROPOS.

Nous nous sommes fait une loi de nous renfermer strictement dans ce cadre : quant à la manière de le remplir, nous désirons que l'on y retrouve ce que nous avons uniquement cherché à y mettre : exacti- tude et ordre pour le fond, clarté et simplicité pour la forme.

Qu'il nous soit permis d'ajouter encore un mot. Nous sommes loin de nous dissimuler les imperfections de notre œuvre : outre celles qui tiennent à la faiblesse de notre talent et à l'exiguité de nos connais- sances , il en est d'.autres qui proviennent d'occupations nombreuses et indispensables, qui ne nous ont permis de disposer que de moments bien courts, et d'intervalles souvent interrompus. Ces considérations nous avaient même retenu longtemps , et ce n'est qu'après de longues hésitations que nous nous sommes décidé à prendre la plume. Quel que soit au reste le sort réservé à ce premier fruit de nos veilles, nous saurons toujours gré à l'académie de nous avoir fait entrer en connaissance intime avec un écrivain aussi intéressant que Vives , et de nous avoir procuré l'occasion d'étudier de plus près une des épo- ques les plus remarquables de l'histoire de l'esprit humain.

N. B. Nous réclamons l'indulgence de l'académie, pour les fautes de transcription que le copiste , peu habitué à ce genre de travail , n'a pu éviter, malgré toute sa bonne volonté.

lvvvvvv\^^^^^^^^^^^^^^^^^^^vv\^\^A^^^A^^M^^lvvvv\^(vv^^^^^vv\^^^\\\\^^^

IINTRODIICTION.

S'il est une époque mémorable dans l'histoire des lettres, c'est sans doute celle qu'on est convenu d'appeler du nom de Renaissance. Ja- mais peut-être l'esprit humain ne fit d'aussi prodigieux efforts; on eût dit que le long sommeil il avait langui si longtemps avait doublé ses forces. Jamais aussi , il faut l'avouer, les circonstances extérieures ne secondèrent si complètement les travaux de la pensée. Le grand mouvement littéraire du XV^ siècle avait été préparé en Italie, d'où partit l'impulsion, par trois génies illustres du siècle précédent. Le Dante, Pétrarque et Boccace. Ces grands écrivains avaient remis en honneur l'étude des anciens, et élevé leur voix révérée contre la bar- barie qui régnait dans les écoles '. Les rapports plus fréquents qui s'é- tablirent vers la même époque entre les Grecs et les Latins , exercèrent sur ces derniers la plus heureuse influence. Emmanuel Chrysoloras ^, envoyée Venise en 1393, par l'empereur Michel Paléologue, pour solli- citer des secours contre les Turcs , y avait donné des leçons à plusieurs gens de lettres italiens , et, trois ans plus tard , il accepta la place de

I Plusieurs hommes restés célèbres les suivirent dans cette voie : nous citerons entre autres Le Pogge, l'hilclphe et Laurent Valla.

- Ginguené, Histoire lUiétvired'J faite, t. III, p. S60 et suiv. Paris, 181 1.

6 INTRODUCTION.

professeur de littérature grecque qui lui fut offerte par les Florentins. Ses élèves formèrent dès lors à Florence une espèce de colonie grec- que , et les savants de cette nation qui se rendirent en 1439 au concile qui s'y célébra pour la réunion des deux églises, trouvèrent Florence familiarisée avec l'étude de leur langue. Ce fut l'un d'entre eux, Gemis- thus Pléthon \ qui fit revivre en Italie la philosophie platonicienne , et ouvrit ce grand débat entre Platon et Aristote , qui est une des pages les plus curieuses de l'histoire littéraire de cette époque ^. La prise de Constantinople par Mahomet II, en 1453, vint enrichir l'Occident des dernières dépouilles de la Grèce. Plusieurs savants fugi- tifs, emportant aveceuxde précieux manuscrits, cherchèrent un asile en Italie , et y apportèrent , avec les moyens de la satisfaire une nou- velle ardeur pour les travaux de l'esprit , et l'étude de ces antiques modèles, devenus l'objet d'un enthousiasme incroyable d'admira- tion ^

Tout d'ailleurs, dans cette terre classique des lettres et des arts, sem- blait concourir à l'heureuse résurrection des lettres. Les princes ita- liens % et la justice nous fait un devoir de nommer en premier lieu les pontifes romains % encourageaient avec la plus noble générosité les hommes laborieux qui se dévouaient au pénible labeur de rechercher les débris des ouvrages de l'antiquité échappés aux naufrages du temps,

' Guinguené, endroit cité , p. 262.

2 Voyez sur ce sujet un travail intéressant de Boivin le cadet : Mémoires de l'acad. des inscript, et belles-lettres, t. Il , in-^", p. 71S, sous ce titre : Querelle des philosophes du quinzième siècle.

' C'est à tort cependant que beaucoup d'écrivains ont attribué à ce seul événement le re- nouvellement des études grecques , et même la renaissance tout entière. Voyez à ce sujet Andrès, Dell' origine, progressi e stato attuale d'ogni letteraiura. l'arma, 1783, in-4°, t. I, p. 263; et sir James Mackintosch , Mélanges philosophiques, traduits de l'anglais par Léon Simon, Paris, 1829, p. 59.

•* Les Visconti à Milan, la Maison d'Est à Ferrare , les Gonzague à Mautoue, les Médicis à Florence , Alphonse I" à Naples.

^ Nous citerons d'une manière particulière Innocent VII, Eugène IV, et surtout Nicolas V.

INTRODUCTION. 7

de les mettre en lumière et d'en propager la connaissance par des traductions fidèles et élégantes.

Ces doctes travaux portèrent bientôt leurs fruits. D'heureux imita- teurs de ces anciens, qu'ils étudiaient avec une espèce de culte, se for- mèrent , et bientôt les Politien , les Mantuan, les Vida , les Sannazar , lesBembo, les Sadolet, les Fracastor, les Guicchardin, les Machia- vel , vinrent inaugurer cette grande époque , à laquelle Léon X a donné son nom ' .

Le reste de l'Europe n'était pas resté étranger à ce grand mouve- ment. En Allemagne , Jean Wessel et Rodolphe Agricola; en Espagne, Antoine de Lebrixa ^; en France , Guillaume Budée avaient commu- niqué à leur patrie l'impulsion qu'ils avaient reçue eux-mêmes de l'Italie , et presque partout les lettres protégées par les princes sem- blaient appelées à renouveler la face du monde, et à donner aux peu- ples une direction nouvelle.

Plusieurs de ces événements qui se comptent dans l'histoire de l'hu- manité, étaient venus coup sur coup accélérer encore ce mouvement universel , en ouvrant un nouveau champ à l'imagination , et en offrant de nouveaux aliments à la pensée : un seul de ces événements eût immortalisé un siècle, et la dernière moitié du XV^ siècle fut té- moin de trois , la découverte de l'imprimerie , celle de l'Amérique , et le passage aux Indes orientales *, par le cap de Bonne-Espérance.

« Cf. W. Roscoc, Fie et pontificat de Léon X , ouvrage traduit de l'anglais par P.-J. Henry. Paris, 1808 , t. III , p. 279 et suiv. , et Desportes-Boscheron , dans la Biographie univ. , t. XXIV, art. Léon X.

* Voyez sur cet écrivain une curieuse notice de Chardon de la Rochelte, dans ses Mélanges de critique et de philologie. Paris, 1812, t. IL Celte notice a été composée à propos d'un Éloge d'Antoine de Lebrija , lu dans l'assemblée publique de l'académie royale d'histoire de Madrid, par D.-J.-B. Munos, le 1 1 juillet 1796.

' Vives parle magnifiquement de cette découverte , et en homme qui en apprécie tonte Tim- portance , dans la dédicace de son ouvrage De disciplinis au rot de Portugal Jean lil , opp. rd. Basil. , t. I , p. 82.

8 lATRODUCTION.

Cependant à l'encontre de ce grand mouvement, une opposition vive , ardente,, s'était élevée aussi. Deux causes diverses avaient présidé à sa naissance. La première se trouvait dans cette autorité despoti- que qu'exercent toujours sur le vulgaire les opinions enracinées par le temps dans les esprits, quelque absurdes qu'elles soient d'ailleurs. Les premières tentatives des savants de la Renaissance s'étaient diri- gées contre la philosophie dégénérée qui régnait dans les écoles et qui joignait la barbarie de la forme à la stérilité plus triste encore du fond : la raison emprisonnée dans les catégories d'un aristotélisme bâ- tard, s'épuisait sur des formules et restait la plupart du temps étran- gère aux réalités ; les abstractions étaient tout, les faits n'étaient plus rien. C'était une barrière qu'il fallait nécessairement renverser avant d'aller plus loin; mais à peine y toucha-t-on, que l'école attaquée dans son existence se souleva avec un ensemble, une ardeur qui pré- sageaient une lutte prolongée , et qui enfantèrent tant de diatribes haineuses, aujourd'hui tombées dans l'oubli. Mais si l'ignorance et la routine eurent une large part en tout ceci , on ne peut nier que le zèle outré, disons davantage, que les excès tombèrent plusieurs des apôtres du progrès , n'aient suscité contre leurs efforts bien des résis- tances consciencieuses , et , jusqu'à un certain point , éclairées. Dans leur admiration pour les formes brillantes de la littérature ancienne , les rénovateurs se laissèrent aller jusqu'à l'adoption plus ou moins complète du fond d'idées qu'elles recouvraient ' . Les gens sensés , res- tés étrangers à cet enthousiasme, virent avec étonnement reparaître le langage de l'antiquité païenne jusque dans les chaires chrétiennes ^ ; des obscénités révoltantes, malgré la beauté du style qu'on employait

' Voyez sur ce point F. Schlegel, Histoire de la littérature ancienne et moderne, traduite de l'allemand par JV. Duckett. Louvain , 1829 , t. H , p. 21. - W. Roscoe, ouvrage cité , t. III , p. 1-47 et suiv.

INTRODUCTION. 9

à les exprimer, ne leur permirent de voir dans ces habiles écrivains que des hommes dangereux pour les mœurs; et la hardiesse avec la- quelle ces derniers manifestaient leurs opinions, le dédain qu'ils mon- traient pour leurs adversaires, n'étaient guère propres à attirer ceux-ci dans leurs rangs. Pour ne citer que quelques noms plus connus, n'é- tait-ce pas l'effet que devaient produire nécessairement les systè- mes païens de Pomponace ' et de Pléthon ', la licence des écrits des Pogge , des Valla et de tant d'autres, et jusqu'aux épigrammes un peu dévergondées de Politien ^ et d'Erasme? Nous nous sommes ar- rêté trop longtemps peut-être sur ce dernier point ; mais c'est qu'à notre avis , un des grands mérites de Vives est d'avoir évité cet excès; d'avoir dans ses écrits , aussi mesurés pour la forme que pour le fond , respecté les institutions en attaquant les abus , et fait preuve d'au- tant de modération que de science *.

Jetons maintenant un coup d'œil rapide sur l'état de notre pays à cette époque; voyons quelle part revient à la patrie adoptive * de

' Même ouvrage, t. IV , p. 79. Voyez aussi sur ce philosophe Tennemann , Manuel de l'hist. de la philosophie , traduit pur V. Cousirt. Louvain, 1830, t. Il, p. 20.

- Le mémoire de Doivin le cadet sur les querelles des philosophes du quinzième siècle, con- tient de curieux détails sur les idées et les projets de Pléthon.

' Voici comment s'exprime Vives sur le compte de Politien , h propos des cpttres de ce der- nier : Ludit tion raro et lascitit. Rébus quoquc dispticere posset secerii et eruditione praettanti- bus, quia tiiultus est in materia levissima et minutissitna sut ostentator : et in eo» quibus non probaretur, acerbe maledicus. ^Ilubescunt haec quidem adoleicentibus, relut pugnae et certamina : gravibus autem et' sanctis tirii iniuavia sunt; et imbuuntur tenerae mentes duobut vitiis humanae societati pemiciosis , jactantia et amarulentia linguae; quodque est indignius , de rebut rilisti- mis, de literula , de syllabula , de intelligentia tersiculi tel negligendi , intérim etiam obscoeni et moribus damnosi. De co^iscribendis epistolis, opp., t. I, p. 83 , et lib. 111. De TBADE:^oIs oisci- PLinis : ex ejus ( Politiani) epigrammalis ejfirpanda sunt foeda illa gentUi, nedum christiano in- digna. Opp. , t. I . p. iQ'i.

* Ce mérite est d'autant plus grand h nos yeux, que nous sommes convaiocu avec le savant et judicieux Daunou , que ic l'expérience de tous les siècles a prouvé qu'il n'y a de controverses utiles aux progrès des sciences, au triomphe de la vérité, que celles qui se maintiennent dans les limites de la plus décente modération. » Journal des savants, année 1826, p. 107.

* Longo incolatu /ielgis accensendus, dit Foppcns, Biblioth. belg., Brux., 1789, t. II, p. 679.

ToM. XV. 2

10 INTRODUCTION.

l'homme dont nous écrivons la vie et dont nous analysons les écrits, dans le vaste mouvement littéraire qui agitait l'Europe. Nous sommes obligé de remonter pour cela jusqu'au milieu du XIV^ siècle. Ce fut alors qu'un personnage auquel ses vertus et ses connaissances ont fait déférer par ses compatriotes le nom de grand , que Gérard Groot , ins- tituteur des frères de la vie commune, fonda à Déventer une école des- tinée à faire revivre aux Pays-Bas et même dans une grande partie de l'Allemagne le goût de l'antiquité, qui venait pour ainsi dire, selon l'expression de M. le baron De ReifTenberg ', d'être retrouvée en Italie.

Outre l'enseignement, cet institut s'occupait spécialement de la transcription des ouvrages anciens, et plus tard, il s'empara, dans le but d'en multiplier davantage les copies, de l'imprimerie récemment découverte ; et on lui doit plusieurs éditions rares et recherchées. Un second établissement du même ordre et ayant la même destination , s'éleva bientôt àZwol, et peu à peu les frères de la vie commune se fixèrent àHulsbergen, Doesbourg, Groningue, Home, Gouda, Nimè- gue, Utrecht, Anvers, Munster, Wesel, Cologne, Emmeric, Bruxel- les, Grammont, Malines, Bois-le-Duc, Gand ^, Cambrai, Liège, et dans plusieurs autres villes encore.

Ils s'étaient rangés, quant à la philosophie, parmi les Nominalistes;

' J'ai suivi spécialement pour guide dans cet aperçu deux mémoires pleins de faitscurieux, insé- rés parmi ceux de l'acad. de Bruxelles, t. Vll [nouveaux), sous le litre de Troisième et quatrième mémoires sur les deux premiers siècles de l'univ. de Louvain , par M. le baron De ReifTenberg; et G. -H. -M. Delprat: yerhandeling over de liroederschap van G. Groot, en over den invloed der Fraterhuizen , etc. Utrecht, 18S0, in-8°.

On peut consulter aussi sur l'influence littéraire des frères de la vie commune , surtout en Allemagne : Goethals, Hist. des lettres, des sciences et des arts en Belgique. Brux. , 18-40, t. I, p. S7 , art. Jean Busch,

Voyez sur Gérard de Groot, Lambinet , Recherches sur l'origine de l'imprimerie, Brux. ,

an VII de la républ. , p. 331 et suiv.

2 Le célèbre imprimeur Badius-Ascensius avait fait ses premières études dans cette maison de Gand. Voy. Delprat, ouvrage cité, p. 107.

INTRODUCTION. 11

leur fondateur faisait grand cas de Platon ' ; Thomas à Kempis , qui habita la maison de Zwol, avait abandonné la méthode sèche et compassée des scolastiques, pour un genre dominait surtout l'élé- ment idéal et mystique, mêlé aux élans du cœur et de l'imagination. Tout cela ne contribua pas peu à préparer les esprits à une réforme plus complète.

C'est de l'école de Zwol , et , à ce qu'il parait , des mains de Thomas que sortit le célèbre Rodolphe Agricola, qui exerça tant d'influence sur le progrès des lettres dans ces régions. Ce savant illus- tre était vers 1442, à Bafflen, village situé dans les environs de Groningue; il étudia à Louvain, y prit, en 1465, le bonnet de maître ès-arts au collège du Faucon, et obtint la place ùe primus, si glo- rieuse aux yeux de nos pères , dans le concours général de philosophie. L'université de cette ville, la seule qui existât dans notre pays , jouis- sait alors d'une grande renommée : les lettres, sans y être dans une situation très-prospère, étaient cependant loin d'être négligées; la faculté des arts y tenait même le premier rang entre toutes. Une preuve d'ailleurs, que Louvain était loin de rester étranger à la restauration des lettres , c'est le grand nombre d'éditions d'auteurs anciens qui sor- tirent de ses presses à la fin du XI V^ siècle. Dès cette époque , selon toute probabilité, l'université pouvait montrer, parmi ses membres, un philologue distingué, Jean Varennius % de Malines, célèbre surtout par ses travaux sur la langue grecque. Vers le même temps parait Érasme, qui porta bien plus loin encore sa réputation et ses efforts. Sous ses auspices Louvain voit s'élever son collège des trois langues ';

' U plaçait Platon et Socrate en première ligne parmi les philosophes ; Conclusa et propotila , p. 166, cite par Ucipart, p. 205.

* Voyez Paquol , Mémoires pour tenir à l'histoire littéraire des dix-sept provinces des Pays- Bas. Louvain, in-fol., t. I, p. 18!5.

^ Le collège des trois langues était destiné à l'enseignement du latin , du grec et de l'hébreux.

12 INTRODUCTION.

des littérateurs éminents se former; une foule d'ouvrages, destinés à rendre plus facile l'accès de la science , et à remplacer les tristes ébau- ches qui en avaient tenu lieu jusque ', sortir de leur plume et se répandre dans les écoles : telle était la situation de l'université de Lou- vain, lorsque Vives, à qui ce travail est consacré, vint y puiser les connaissances dont nous verrons bientôt le noble usage qu'il fit par la suite.

Jérôme Busleyden avait laissé par testament, daté de Bordeaux, le 28 août 1517, les fonds né- cessaires pour la fondation. Le collège fut ouvert au raois d'octobre 1520. Cf. Nie. Vernulaei , Jcademia Lovaniensis. Lovanii, 1627 , p. 144.

' Erasme commença par publier une traduction de la grammaire grecque de Théodore Gaza, et eut bientôt un grand nombre d'imitateurs. A propos de celte publication d'Érasme, je re- marquerai qu'une légère faute typographique parait s'être glissée dans le passage du quatrième mémoire de M. De Reiffenberg , ce savant en rend compte. Après avoir dit dans le texte que le premier livre de cette traduction parut à Louvain, chez Thiery Martens , et à Bâie, chez Froben, en 1516, il ajoute en note que le second parut en 1508. J'ai vu un exemplaire du pre- mier portant h la fin : Lovanii, apud Theodoricum Martinum Aluslensem , anno 1518 , ad ca- lendas marlias; et un exemplaire du second avec cette indication : Coloniae, apud Henricum Novesiensem , anno 1 52 1 , calendis martiis ; et enfin une édition des deux livres réunis : Basileae , per Joannem Frobenium, mense februario , an, 1521.

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MÉMOIRE

SCR

LA VIE ET LES ÉCRITS

JEAN-LOUIS VIVES.

PREMIÈRE PARTIE.

Jean-Louis Vives naquit le 6 mars 1492' , à Valence, en Espagne *, d'une famille distinguée, tant du côté paternel que du côté maternel.

' Nous suivons pour la date de la naissance de Vives, sa vie placée par Majansius en tête de l'édition de» œuvres de son compatriote, publiée à Valence, en 1782. Le lieu même cette vie a été écrite, les recherches minutieuses faites par l'auteur sur les circonstances en apparence les moins importantes , nous ont fait préférer son autorité h celle de Paquot , qui fait naître Vives vers le commencement de mai. Quant au nom de son père , Paquot le désigne par l'initiale N., erreur manifeste; car il conste par un passage de Vives lui-même , rappelé par Majansius h l'endroit cité, p. 8, que son vrai nom était Louis. Voyez page suivante, note*.

* Vives fait une charmante description de sa ville natale et du caractère de ses habitants , dans la dédicace de son travail sur le Somnium Scipionis, dédicace adressée à Erard de la Marck, évéque de Liège et archevêque désigné de Valence, 0pp., t. Il, p. 20.

14 SUR LA VIE ET LES ECRITS

Son père, Louis, appartenait à la noble race des Vives de Vergel ou du Verger , nom que nous retrouvons exprimé d'une manière ingé- nieuse dans les armoiries parlantes de cette famille, armoiries qui consistent en une tige d'immortelles au milieu d'un verger en champ d'azur, avec la devise : Sienipre vivas. Sa mère. Blanche March, ne le cédait pas du côté de la naissance à son mari , et avait de plus l'avan- tage de compter plusieurs poètes célèbres en Espagne ' , parmi les anciens membres de sa maison. Leur fils , qui s'est plu , dans ses ouvra- ges , à célébrer les vertus de ses parents ^ , fut élevé par eux avec beau- coup de soin et de discernement. Il reçut ses premières leçons de latin de Jérôme Amiguetus, professeur à l'université de Valence, récem- ment érigée par les soins réunis d'Alexandre VI et de Ferdinand-le- Catholique. A'miguetus, auteur de quelques ouvrages devenus d'une grande rareté , avait conservé toute la barbarie de l'âge précédent , et suivait complètement encore, dans son enseignement, les antiques errements. Aussi s'éleva-t-il fortement contre l'introduction de la gram- maire latine du célèbre Antoine de Lebrixa *, qui, de retour d'Ita- lie, apporta avec lui , en Espagne, le goût des saines études et la con-

' Voy. Majansius , loco citato , p. 8.

2 De iNSTiTUTioNE FEMiNJE cHRisTiANAE, l)b. II, cap. DE coscoRDrA coNJCGUM : Bluncu, mater niea ,

quuni in conjugio quindecim egisset annos , nunquam a me visa est litigarç ciitn pâtre Cuin

vellet significare se aliquid credere, aiebat : tamquam si dixisset Ludovicus faites; cum se vellc , iamquam si vellet Ludovicus Fivès. Ce passage, omis dans l'édition de Bàle, a été reproduit dans celle de Valence, d'après l'édition princeps d'Anvers, IBSi, in-4o. Même ouvrage, cap. De liberis et quae circa illos cura; après avoir parlé de l'éducation mâle et sévère que sa mère sut lui donner, malgré sa tendresse pour lui : Nullum filium mater tenerius amavit quant mea me ; nullus unquam minus se a matre sensit deligi.

Il ajoute : Nullum mortalem magis in oculis tuli, cujus mihi nunc memoria sacratissima est, et quoties occurrit , quant corpore non possum , animo et cogitatione dulcissima complector. Ce passage a été également omis dans l'édition de Bàle.

L. XII, c. 20. Comvienfarioruni in civitatem Dei Atigustini , il appelle sa mère matronaruin , nisi me pietas fallit , pudicissima.

* Son véritable nom était Antonio Cala Harana Del Ojo. Il est plus connu sous celui d'Anto- nius Nebrissenius, nom ancien de la ville de Lebrixa ou Lebrija. N. Antonio, Bibliotheca his- pana nova, Matriti, 1783 , t. I , p. 72â , semble supposer que ce fut à Paris que Vives déclama et écrivit contre Antoine de Lebrixa ; l'erreur est trop évidente pour avoir besoin de réfutation ; il n'existe pas de traces du séjour de ce dernier h Paris.

DE JEAN-.LOUIS VIVES. 19

naissance des auteurs classiques qu'il commença dès-lors à y expliquer. Vives , excité par son maître, embrassa sa querelle contre Lebrixa; et non content de déclamer de vive voix contre la méthode de celui-ci et contre lui-même, il exerça sa plume contre ce savant, auquel il devait rendre plus tard un hommage si bien mérité ' . Outre Amiguetus , il eut encore pour maître de grammaire latine Daniel Siso J et il est pro- bable qu'il s'occupa aussi de l'étude de la langue grecque, qui était déjà en honneur à Valence, à cette époque. Il est à présumer qu'in- dépendamment de ces études, il n'avait pas négligé non plus ces exer- cices de dialectique , l'on apprenait alors à faire assaut de subtilité, et à disputer du pour et du contre sans frein ni mesure.

Il était de mode dans ce temps-là, à Valence, d'aller compléter ses études à Paris, dont la vieille université jouissait d'une grande répu- tation. Vives suivit l'usage de ses compatriotes, et une de ses lettres nous apprend qu'il se trouvait en cette ville en 1509. Il y eut pour maître de philosophie le gantois Jean Dullard, et Gaspar Lax, espa- gnol, attachés tous deux à l'ancienne méthode ^. Dégoûté probable- ment de ces arguties, il quitta Paris en 1512, s'arrêta quelque temps à Bruges, ville habitée par beaucoup de riches espagnols, et nous ignorons quelles circonstances le conduisirent, et vint enfin s'établir à Louvain , il prit le goût des bonnes études, et y fit d'immenses progrès sous la direction d'Érasme, pour lequel il conserva toujours

> Décousis corrupt. art., I. H, p. 861, opp., t. 1, après avoir cité plusieurs savants dis- tingués qui se sont honores du nom de [grammairien , nom qui avait alors à peu près la va- leur du nom actuel de philologue, il ajoute : Iliapanus noster Antonius Nebristensis , qui pro varia et late patente eruditione, quum esset diligenter in otnni scriptorum génère versatus , potuisset quodcumque noinen usurpqre, non solum cum bona professorum ejusce artis renia, sed cum magna ctiatn laelitia , quod non parum gloriae professioni suae accessurum ex hujus modi hominis splendore, et nominis celebritate existimatsent , nihil tamen dici et haberi rnaluit quam grammaticus,

2 De r.ACSis corrcptaru» aktiom , lib, II , p. 361 , opp, , t. I. Quoties illud mihi Joannes Dul- lardus ingessit : quanta eris melior grammaticus , tanto pejor dialecticus et theologus.

Dans le Firginis Dei parentis ovatio, ibid., t. Il, p. 1-4-4, Gaspard Lax , un des interlocuteurs, appelle Homère insanus senex nugarum omnium parens. Tous deux reconnurent plus tard leur erreur, comme nous l'apprend Vives lui-même ; In pseudodialecticos, p. 284, opp., 1. 1.

16 SUR LA VIE ET LES ECRITS

beaucoup d'attachement et de reconnaissance. Les documents nous manquent pour fixer l'époque de son arrivée en celte dernière ville. Un fait certain, et attesté par Vives lui-même, dans la dédicace du Christi Triumphus, qu'il composa alors, c'est qu'en 1514 il était encore à Paris; de plus , il parle dans cet ouvrage de Gaspard Lax , comme d'un maître dont il suivait les leçons. D'un autre côté, un de ses ouvrages les plus remarquables , quoique ce ne soit qu'une ébauche , le premier ouvrage moderne, peut-être, sur l'histoire de la philosophie, son traité : De iniliis , sectis et laudibus philosophiae , fut terminé à Louvain en 1518; et dans VOvatio beatae Mariae Virg., qui remonte à l'an- née 1519 , nous trouvons un éloge d'Erasme, d'où il résulte que Vives était lié dès-lors d'une manière fort intime avec lui '. Tout ce qu'il y a de certain, c'est qu'Érasme eut bientôt fait disparaître les préjugés qui pouvaient rester à Vives de ses premières études, puisqu'on voit celui-ci écrire , cette même année, sa célèbre invective : In Pseudo- dialecticos , il s'élève avec la verve du bon sens indigné contre la sophistique pernicieuse qui régnait encore dans les écoles de Paris : elle est adressée à son jeune ami Jean Stercx ou Fortis , qui y étudiait alors. Cet ouvrage fut publié à Louvain , les bonnes études comp- taient, au moment nous sommes, un bon nombre de propagateurs distingués. Pour ne citer que les plus remarquables, outre Érasme ' , l'université possédait dans son sein les théologiens Martin Dorpius ' , Alaert d'Amsterdam, Jacques Latomus ou Masson, qui joignaient l'amour des belles-lettres à celui des sciences ecclésiastiques; lesphi- logues Jean Custos ou Decoster, Jacques Ceratinus ou Van Horn , aux-

' C'est ce qu'il nous apprend lui-même dans VOvatio B. M. V. Dans ce livre, écrit en forme d'entretien entre Gaspard Lax, Jean Fortis, Pierre Ivorra et Vives, celui-ci parlant en son nom , forme le vœu suivant : Utinam frater principis nostri Ferdinandus Erasmum Roterodamum , amicum ineum probatissimuni et eruditissinium viruni , praeccptorem nancisceretur . Qui nnus, pace aliorum dixerim , nostra aelate mihi videtiir , qui summam illam indolent in puero tantae spei posset educare. 0pp. t. H, p. 14-4.

2 Voyez sur ces savants et en général sur l'étal littéraire de l'université de Louvain , le travail cité |)lus haut de M. De Reiffenberg, sur les premiers siècles de l'univ. , i"" Mémoire , passiiu.

3 Voici une épitaphe peu connue de Martinus Dorpius, dont le P. Labbe , Thésaurus epita-

DE JEAN-LOUIS VIVES. 17

quels on doit des productions estimables; le jurisconsulte François de Craneveld et l'hôte d'Erasme, Jean Paludanus ou Du Marais, tous animés d'un zèle commun pour purger l'enseignement des restes de la barbarie. Que, d'un autre côté, le travail de renouvellement ait trouvé quelques contradicteurs , ici comme ailleurs , c'est ce qui n'a rien d'é- tonnant. Toutefois ce serait se tromper gravement que de juger de cette opposition par les passages virulents que l'on rencontre dans la correspondance d'Érasme, et qui portent l'empreinte visible de l'hu- meur et de l'exagération ; il suivrait, pour se convaincre de la justesse de cette observation , de comparer Erasme à lui-même ; car , dans cette même correspondance, il fait à plusieurs reprises l'éloge de l'univer- sité , et de plus d'un de ses membres ' . Je ne crois pas sortir des limites de la question que je traite, en transcrivant le fragment qu'on va lire d'une de ses lettres, écrite en 1521 " : a Nulle part on ne jouit d'une température plus agréable qu'à Louvain; nulle part on n'étudie plus paisiblement; nulle part la jeunesse ne montre plus d'ardeur pour les

phiorum. Parisiis, 1666, p. 8-40, désigne notre Vives comme l'auteur:

çmCDHQUE PROrEBtS VIATOI, SISTE , EXIfiCAH

aOBVlAX P0SCI.11ISJ

TDl NE MAGIS CADSSA, AU KOSTIIA , DBI HAEC COGNOrEBIS

CEilSETO.

ABTINCa DOBPIUB, BATAVUM , MOBS, SCPEBOX aïKISTBA ,

MOBTALIBCS EBIPDIT, IXIOBTALIBDS BEDDIDIT :

SIC riXIT , UT TEBBA ESSET £0 l.%DIG.1A ;

SIC aOBTCDS EST, lit COELVI VIDEBETOk ILLOI TEBBIS

inVIDEBE :

AStlMAB TliaiT DEDS. CABXEH lOBBCS , OSSA .XOBIS AO SOLATIDX

BELICTA :

AMiaS TALES HOBTEa PBECAaUB ; IRNiaiCIS TALEa TITAI :

llf BEa TDAB XATUBE jtUXC PBOPEBA.

TALE , ET VITE.

' Epiât. CCXCy, opp. , éd. Lugd. Batav. , 1703, t. III , col. 2S8 : Theologoi Locaniente» can- didos et humanos experior , atque in his praecipue Joannem yflensem, hujtu academiae can- cellarium, tirum incowparabili docirina, raraque praedilum humanitate. Aon est hic minus eruditionistheologicae quam Parisiis, sed minus sophisticet, minusque super cilii. Epist. DLXXXFI , ibid., col. 638. iSusqunm aludctur quietius. Nec alibi felicior ingeniorum proventus. Ausquain professorum major aut paratior copia.

2 Epist. DCXy, opp., t. m, c. 666.

ToM. XV. 3

18 SUR LA. VIE ET LES ECRITS

bonnes lettres : beaucoup y obtiennent d'admirables succès, quoi que fassent les hiérophantes {mystis) de la "vieille ignorance. Nous possé- dons en ce moment , à Louvain , Jacques Ceratinus ^ , très-versé dans les deux littératures , de mœurs pures et intègres, ce que je sais que vous n'estimez pas moins que la science.... Nous avons au collège du Lys , Herman Westphalus, jeune homme excellent, et à qui rien ne man- que en fait d'érudition, mais surtout d'une diligence incroyable pour former, corriger, instruire les jeunes gens. On trouve dans le même collège Adrien Suesonius, qui réunit à une connaissance exacte des lettres grecques et latines, celle de la philosophie et du droit, aussi bien que les mœurs les plus pures. Nous avons dans notre collège , institué par Busleyden (le collège des trois langues), RutgerRescius, professeur de langue grecque , qui embellit une érudition hors du commun , par une modestie extraordinaire et une pudeur vraiment virginale. Nous y avons encore Conrad Goclenius, savant distingué, laborieux , à l'âme élevée , au caractère doux et poli, d'une bonne foi à l'épreuve, et d'un discernement dans les choses ordinaires, qui est rare chez les savants. Nous y avons enfin Adrien Barlandus, homme sans fard, ami sincère, s'énonçant en latin avec correction et aisance, plein d'expérience dans l'enseignement. Au collège du Château {Cas- trensi) , on voit Melchior Trevir, homme d'une probité rigoureuse, consommé dans la philosophie et la théologie, mais joignant à ces avantages une connaissance plus que commune des deux littératures; ainsi que Vives , dont l'érudition est universelle. »

Dès l'année 1518, nous trouvons Vives chargé de la direction des études du jeune Guillaume de Croy, cardinal et archevêque désigné de Tolède, enlevé bientôt à la religion et aux lettres par une mort pré- maturée. Ce fut à sa demande que Vives mit par écrit ses méditations sur les sept pseaumes pénitentiaux , qui furent livrées à l'impression vers la même année. Il donna aussi des leçons à Jérôme RufTault, de- puis abbé de S'-Pierre , à Gand , et à Antoine de Berges , auxquels il a

' Pour ne pas estropier les noms propres en les francisant , je les ai laissés tels qu'ils sont exprimés dans le texte d'Érasme.

DE JEAN-LOUIS VIVES. 19

dédié quelques-uns de ses ouvrages. Il eut encore pour disciples, par la suite , trois de ses compatriotes, qui firent plus tard honneur à leur maître, Didace Gratian d'Alderète , Honoré Joannius, et Pierre Mal- tenda. 11 donna également des leçons , mais dans ses dernières années , à une dame espagnole d'une naissance illustre, Mencia de Mendoza, marquise de Zénète et princesse de Calabre.

C'est à l'année 151 9 que nous croyons devoir rapporter un voyage de Vives à Paris, il fit personnellement connaissance avec le célèbre Guillaume Budée. Celui-ci nous raconte cette particularité dans une de ses lettrtîs à Erasme, datée de cette année '. Vives lui-môme nous a laissé une relation curieuse de cette excursion, adressée à ce dernier, et insérée dans sa correspondance sous la date de 1521. Plusieurs motifs nous portent à voir dans cette date une erreur : d'abord Vives s'y félicite d'avoir fait la connaissance de Budée, qui lui-môme nous ap- prend, dans la lettre citée précédemment, que cette particularité re- monte à l'année 1519; ensuite, il est dit dans la lettre de Vives que le voyage en question avait eu pour occasion une tournée , dans laquelle il avait accompagné son élève le cardinal de Croy : or, celui-ci était mort depuis le commencement de 1521 ', circonstance qui ne s'ac- corde nullement avec l'hypothèse que nous combattons, car Vives y parle du cardinal comme vivant. Nous citerons un fragment de cette lettre "* intéressante sous un autre rapport , par le récit de l'accueil inattendu qui fut fait à l'auteur par les Parisiens : « J'ai voulu profiter d'un voyage j'avais accompagné le cardinal jusqu'à la frontière, pour mettre le pied en France, et aller revoir ceux de mes anciens amis qui y sont restés, et m'en faire quelques nouveaux. ... Je pensais que c'était une circonstance bien malencontreuse pour moi que la publica- tion récente de mon ouvrage : In Pseudo-dialevticos * , parmi lesquels je désignais nommément les Parisiens. J'étais pleinement persuadé que

' Eratmi opp. , t. III, c. 448. £p. CCCCXXX/I.

- Guillaume de Croy mourut le 10 janvier ISSI.

' Erasmi opp., ibitl., col. 683. Ep. DCX.

* Jllud perincommode rebar accidisie, quod eo temporo adcenus pseudodialeclitos scnp»i$sem.

20 SUR LA VIE ET LES ÉCRITS

j'allais rencontrer, parmi cette espèce d'hommes, connus actuellement sous le nom de sophistes, beaucoup de personnages disposés peu favora- blement à mon égard. Mais les choses se sont passées bien autrement , qu'une crainte exagérée ne me l'avait fait penser. J'arrive à Paris, plutôt récréé par le voyage que fatigué, et me fais annoncer à mes amis. Ils accourent en grand nombre chez moi , me comblent d'amitiés, me féli- citent de mon arrivée j ils m'amènent même le lendemain et les jours suivants le^ sophistes les plus renommés. Tout en causant , comme cela arrive, la conversation tombe bientôt sur leurs études et sur les miennes. J'usais de la plus grande discrétion, tâchant de cacher la lettre que j'avais écrite à Fortis (son ouvrage), qui était présent, lettre que je croyais sortie de ma plume pour mon malheur. Enfin, Fortis ne put taire plus longtemps mon secret. Tous se mirent à rire, et non-seulement m'assurèrent qu'ils prenaient la chose en bonne part, mais me félici- tèrent même d'exercer ma plume contre ces folies ridicules. Ils m'ap- prirent que la direction des esprits était tout autre actuellement, qu'au

moment j'y étudiais Yoilà les plaisirs que j'ai goûtés à Paris;

mais le plus grand avantage quej'aie retiré de mon voyage, c'est d'a- voir eu le bonheur de voir Budée, votre ami depuis longtemps, et maintenant le mien , ou plutôt le nôtre. Quel homme , grand Dieu , soit que l'on considère son génie et son érudition, soit qu'on ne fasse atten- tion qu'à son caractère , ou même qu'à l'éclat de sa fortune, etc. ! »

Une lettre écrite à la même époque, par Thomas Morus " , cet ardent promoteur des lettres en Angleterre, nous apprend quelle haute es- time lui avaient inspirée les ouvrages de Vives , publiés tout récem- ment : « Le jeune homme que vous m'avez recommandé, mande-t-il à Érasme , m'a montré quelques ouvrages de Vives. II y a bien long- temps que je n'ai rien vu de plus élégant, ni de plus savant. Combien

' Vives s'étend fort longuement sur le mérite de Budée, dans son Commentaire sur la cité de Dieu de saint Augustin , c. II , c. 17. Je ne puis citer queréditiondecet ouvrage publiée à Paris en 1686, avec les notes réunies de Jean Coquoeus et de Vives. C'est la seule édition latine que j'aie eue à ma disposition : le passage cité s'y trouve , col. 1573.

2 Erasmi opp., t. III, col. W9 , Ep. CCCXXXIIJ.

DE JEAN-LOUIS VIVES. 11

peu déjeunes gens rencontrerait-on, qui, à un pareil âge, aient acquis un ensemble si complet de connaissances! Gîrtes, mon cher Erasme, je me prends de honte pour moi et mes semblables , qui nous en faisons accroire pour avoir composé quelques brochures , la plupart du temps insignifiantes, quand je vois un jeune homme comme Vives produire tant d'ouvrages parfaitement digérés, dans un si bon style, et en fai- sant preuve d'une érudition exquise. C'est une grande chose que la connaissance des langues : il se montre consommé dans l'une et dans l'autre (le grec et le latin); c'est une chose plus grande et plus utile encore, que d'être versé dans les sciences qui tiennent le premier rang : et qui sous ce rapport surpasse Vives , soit pour le nombre , soit pour la profondeur? Mais ce qui est le plus admirable de tout, c'est d'avoir acquis ces connaissances, de manière à pouvoir les communi- quer aux autres par l'enseignement : or, qui instruit plus clairement, plus agréablement, avec plus de fruit que Vives? etc. » Cette lettre, qui est longue, n'est guère qu'en éloge; nous y reviendrons dans l'ap- préciation des œuvres de notre écrivain.

La même année 1519, Vives composa son Pompeiusfugiens, qu'il dédia à Charles Carondelet , seigneur de Potelés , et gouverneur (pœdo- nomus) du cardinal de Croy , avec lequel il parait qu'il était lié par la sympathie des caractères et une grande conformité de sentiments.

Il semble que dès cetteépoque il enseignait publiquement à Louvain. Grégoire Majansius, dans sa vie de Vives ', assure qu'il y était profes- seur en février 1519, mais sans s'appuyer d'aucune preuve. Paquot ' à son tour , sans citer la source il a puisé , nous apprend qu'il lui fut permis d'enseigner en public le 5 mai 1520. « L'année suivante, conti- nue Paquot, il demanda la permission d'expliquer le «Son^fec/e «Scipton.- à celte proposition, le recteur et quelques autres députés de l'univer- sité, à qui la lecture de Cicéron n'était point familière, se mirent à rire, et le renvoyèrent à la faculté de qui cette matière dépendait. Mais à quelle faculté appartenait t explication des songes (ces mots

' Vivis Opéra omnia , éd. Valentiae, t. I , p. 35.

' Paquot, Mémoire» pour servir à l'hist. littèr. des dix-sept provinces des Pays-Bas, 1. 1, p. 1 17.

22 SUR LA VIE ET LES ÉCRITS

sont écrits en italique dans Paquot) ? cette question fut agitée fort vi- vement, et il fallut plus d'une assemblée de l'université pour la déci- der. )) Cette anecdote me parait d'une authenticité fort suspecte. Quoi qu'il en soit, Vives donna des leçons publiques à Louvain,tant aux Halles que dans une maison particulière, située rue de Diest ; l'on y voit encore au-dessus de l'ancienne porte d'entrée une inscription qui atteste le fait \ Yivès expliquait le matin aux Halles, toujours selon Paquot, l'histoire naturelle de Pline, et l'après-dînée , dans la maison dont nous venons de parler, les géorgiques de Virgile; il se disposait même, en 1522, à donner chaque jour une troisième leçon sur Pomponius Mêla. Nous ajouterons aux détails que nous venons d'emprunter à Paquot, en nous appuyant sur les œuvres mêmes de Vives", qu'il donna, à Louvain, des cours publics sur les Lois de Cicé-

' Voici cette inscription :

Hic gemini fontes Graeeus fluU atque Latinus. Sic eos appellat Ludov. Fives valent, in linguae exercitatione Ad Philippum Hispan. et Angliae Regem. Jnno 1550.

Il y avait alors dans cette maison deux fontaines , l'une près de la porte , appelée par Vives la Fontaine grecque , l'autre dans le jardin , nommée la Fontaine latine. Voici au surplus le passage de Viviis dont il est fait mention dans l'inscription. Il est extrait des dialogues réunis sous le titre d'Fxercitatio linguae latinae , onzième dialogue; non le neuvième, comme il est quelquefois cité erronément : Vestitus et deambulatio matutina. Opp. , t. I , p. 30.

HAIVESDA.

Bibemus vinum ?

Minime vero, sed cerevisiam , et quidem tenuissimam , ex fla>a ista Lovaniensi ; vel aquani puram et liquidam haustam e fonte Latino aut Graecb.

«ALVENDA. '

Quem tu fontem Latioum vocas , qiiem Graecum ?

Iirum qui juxla portam est, Graecum solet nominare Vives, ulteriorera illum Latinum : causas ipse reddettibi, quuni illum convenies.

L'inscription a été renouvelée en 1767.-- La maison appartient actuellement à M. de Ryckmaii de Spoelberg.

- Voyez plus bas seconde partie, troisième classe , art. 2 e* 3 ; et quatrième classe, art. 2.

DE JEAN-LOUIS VIVES. 23

ron, le Traité de la Vieillesso, du rnéme, le quatrième livre Hhetorî- corum ad Herennium , les Convivia de Philelphe, et même sur quelques-uns de ses propres ouvrages , entre autres sur le Christi Triumphus : ce dernier fait est d'autant plus remarquable, que l'au- teur déclare lui-môme que son but, en proposant cette matière aux jeunes gens, était d'essayer de substituer, en littérature, l'élément chrétien à la mythologie '. A propos de dilKcultés chronologiques, je ferai remarquer qu'il existe probablement encore une erreur de cette nature dans la date de 1620 , qu'assigne Majansius ^ à la publication de V^des legum de notre auteur , tandis que dans la lettre de Morus à Érasme , citée plus haut, il est déjA question de cet ouvrage.

Au commencement de 1521 , Vives mit la première main à son tra- vail sur La Cité de Dieu de saint Augustin, l'une des plus connues de ses productions. Il entreprit cet ouvrage à la demande d'Erasme , son maître et son ami, qui s'était proposé de soumettre le texte de saint Augustin à une révision semblable à celle qu'ii avait faite sur celui de saiAt Cyprien et de saint Jérôme. Erasme, craignant de se charger seul d'une aussi vaste entreprise, pria Vives de prendre sur lui le soin de re- voir et de commenter les vingt-deux livres de La Cité de Dieu. Vives, à qui cet ouvrage n'était point étranger, crut la chose moins difficile qu'elle ne l'était en effet, et accepta l'offre d'Erasme, s'imaginant pou- voir terminer en deux ou trois mois ^. Mais les altérations du texte étaient si nombreuses , les variantes si multipliées , qu'outre les diffi- cultés qui résultaient de l'extrême variété des matières traitées par saint Augustin, Vives fut comme accablé par celles que présentait le

M. De Reiffenberj; a remarque que Vives ne paraJl pas avoir eu beaucoup de goùl pour l'en-' seignemcnt oral, /f^ lUém,, p. 87. Voici un passage d'une lettre de Vives lui-même qui con- firme cette observation : Me tenet lantum scholarum laedium , ut quidtii faclurus sim citius quam ad ha» redire lordet, et inter pueros veriari. Cette lettre adressée à Erasme, le 15 août 1822, se .trouve fol. 78 recto deJ.-L. Viti* fiaient., Epùtolarum.... Farrago. Anlverpiae, 1556.

- Majansius , endroi* cilé, p. 28. ' l'-'tq -"i^ ■»"» " ' ,. '

* Tous èes détails et les suivants sont extraits de la préface de Vives, Trad. de iî. Hentti' Paris, 1570. Dans l cdilion latine que j'ai citée plus haut , cette préface a été supprimée. î

M SUR LA VIE ET LES ECRITS

travail critique nécessaire pour restituer au milieu du chaos l'avait jeté l'incurie des copistes, la véritable leçon; travail que rendait plus insupportable encore, comme nous le verrons bientôt, l'absence de presque tous les secours nécessaires pour une semblable entreprise.

11 avait à peine tracé les premières lignes de son ouvrage , que la mort vint lui enlever un généreux Mécène , dans son ancien élève le cardinal de Croy. Il n'en continua pas moins à travailler avec ardeur , suppléant souvent de mémoire ' , comme il nous l'apprend lui-même, à la pénurie de livres qu'il éprouvait, surtout par rapport aux auteurs grecs , qu'il ne pouvait guère se procurer que chez Erasme, dont les fré- quentes absences étaient un autre obstacle à ses travaux. Un nouveau malheur devait l'atteindre encore : il tomba gravement malade de la fièvre tierce , et fut obligé de se faire transporter à Bruges auprès de ses compatriotes, pour s'y faire traiter à la manière de son pays; car il pa- raît qu'il ne se fit jamais complètement aux habitudes de nos contrées. Au mois de juin il était rétabli , et le mois suivant il reprit son travail. Cependant il ne revint point immédiatement à Louvain.Le roi d'An- gleterre Henri VIII et son favori le cardinal Wolsey, étaient attendus à Bruges '. Vives, pensionnaire depuis longtemps de la reine Catherine, crut de son devoir de les attendre pour leur présenter ses hommages.

Dans l'intervalle , à défaut de livres pour continuer son commen- taire, il s'occupa de la correction du texte de saint Augustin, d'après trois manuscrits qu'il tenait l'un de Marcus Laurinus, doyen de S'-Do- nat à Bruges, l'autre des carmélites de la même ville; le troisième, fort ancien à ce qu'il paraît, puisqu'on assurait qu'il était de la main de saint Lutger, lui avait été envoyé de Cologne. Il examina avec le plus grand soin chacune des variantes nombreuses qu'oflFraient ces manuscrits, en discuta l'autorité, et consigna le fruit de son travail

' Ibidem.

- Morus devait les accompagner. Voici un passage d'une letlre de Vives à Erasme qui jette du jour sur cette partie de notre récit : Manebo hic regeiii et Morum, ut videam quo pacto sit mihi vivendum posthac. Pecunia reginea me hucusque alui, et alo. Cette lettre datée 10 juillet 1S21 , se trouve inter Vivis oi'eba , t. Il , p. 960.

DE JEAN-LOUIS VIVES. 23

soit dans son commentaire, soit à la marge du texte. Il poussa ce soin, pour ainsi dire, jusqu'au scrupule, dans l'examen des passages cités des livres saints, la concordance qu'on avaitvoulu introduire entre le texte des Septante et la Vulgate, avait produit un désordre effroyable. Après le départ de Henri VIII et du cardinal, Vives quitta Bruges, et revint à Louvain à la fia de septembre. 11 se consacra alors tout entier à son œuvre, et au bout de l'hiver il était arrivé à la (indu quin- zième livre. Le printemps touchait à sa lin, lorsqu'il se trouva obligé de suspendre une seconde fois son travail , pour aller. faire ses adieux à ceux de ses amis qui quittaient Bruges pour accompagner Charles- Quint en Espagne. De retour à Louvain , il le reprit, à la sollicitation d'Erasme, avec plus d'ardeur que jamais, et acheva en un mois les quatre derniers livres et une bonne partie du dix-huitième, qui restait à terminer. Ce labeur excessif et peu attrayant l'avait tellement fa- tigué, qu'arrivé à la rédaction delà préface, il n'éprouvait plus, comme il nous l'apprend lui-même, que dégoût et aversion pour les livres et l'étude '. Avant de publier son commentaire, il le soumit à lacenstire d'Erasme, dans une lettre datée de Louvain, le 14 juillet 1522 " , et que nous croyons devoir mettre sous les yeux du lecteur : « J'ai terminé enfin , grâce au ciel , les vingt-deux livres de La Cité de Dieu , et je vous envoie les cinq derniers, les seuls qui restassent, avec l'épitre dédicatoire au roi d'Angleterre, la préface, le travail sur les commentateurs précédents, enfin les recherches sur les Goths, quatre pièces qui forment comme autant de préliminaires à l'ouvrage principal. Dans la préface, j'ai dit un mot d'une matière qui en exige- rait beaucoup, de votre mérite : que n'ai-je pu le faire avec autant de talent et en aussi bon connaisseur, que je l'aurais voulu dans mon attachement et mon admiration pour vous ! Vous lirez cela avant lim-

' Voici ce qu'il écrivait h Érasme le IJ5 août 1S22 : Ex quo Jugusiinutn perfeci, nunquain valut ex setitentia; pioxima rero hehdomadeet hac, fracto corpore cunclo,et nervis relut la tsitudine quadam et debililale dejeclis, in caput decem lurres incumbere mihi videnlur indicendo pondère , ac mole intolcrabili : iiiti sunt fructus studiorum, et merces pulcherrimi laboris, Erasii orr., I. III , col. 780, Ep.DCXXXiy.

î Ibid. ï.t. DCXXX,col. 720.

ToM. XV. 4

26 SUR LA VIE ET LES ECRITS

pression : usez largement du droit de censeur; changez, et ajoutez comme il vous plaira: seulement ne retranchez point; car alors la chose se réduirait à rien. Yoyez ensuite ce qu'il peut y avoir à. corri- ger dans les citations grecques {in grœcis) et l'orthographe, aussi bien que dans ce qui a rapport à l'histoire, la fable, la philosophie, la théologie, ou même le style. Je vous donne carte blanche pour la correction; j'approuverai tout ce que vous ferez, comme si je l'avais fait moi-même , et je m'en tiendrai obligé comme du plus grand bien- fait, celui d'avoir contribué à mon instruction, et amélioré mes œu- vres, etc. * ))

Vives, comme on vient de le voir, avait dédié son ouvrage à Henri VIII, qui protégeait généreusement à cette époque les lettres en An- gleterre; il en reçut l'honorable réponse suivante, datée de Greenw^ich, le 24 janvier 1523 : a Henri , roi d'Angleterre, à Jean-Louis Vives sa- lut. Homme éminent et notre très-cher ami {prœstantissime-vir , et amice noster plurimum dilectè), aussitôt que l'ouvrage de saint Augus- tin sur la cité de Dieu, éclairci par vos travaux , nous est parvenu, nous nous sommes pris à douter, quel devait être le principal objet de nos félicitations , vous dont les doctes veilles nous ont procuré une œuvre si excellente, le saint lui-même , dont cet écrit si longtemps mutilé et enfoui dans les ténèbres a été rendu au jour et a recouvré son intégrité primitive par vos soins, ou la postérité tout entière, qui en recueil- lera un si grand fruit. Quant à la dédicace que vous avez bien voulu nous en faire , nous ne pouvons manquer de vous en savoir beaucoup de gré et de vous témoigner notre reconnaissance, d'autant plus que nous avons cru y reconnaître que nous étions pour vous l'objet d'un attachement plus qu'ordinaire. Nous désirons donc que vous vous teniez persuadé , que nous saisirons toutes les occasions de vous être utile. )>

Le commentaire parut pour la première fois à Bâle^ chez Froben, en 1522 , et il a été réimprimé plusieurs fois dans la suite ^ Il fut l'ob-

Voyez l'édition citée du commentaire de Vives, réuni à celui de Coquceus, col. 1839. ^ G. Majansius, endroit cité, p. -46 et suiv.

DE JEAN-LOUIS VIVES. »

jet de critiques assez violentes de la part de quelques théologiens ' , qui lui reprochaient surtout les louanges exagérées données à Érasme, et le blâme jeté dans la préface sur les commentateurs, précédents. Vi- ves ne s'y était pas toujours exprimé non plus avec une exactitude ri- goureuse sur les points de doctrine , ce qui fut cause que son livre fut porté à V index , avec la clause toutefois donec corrigatur. Ces criti- ques nuisirent beaucoup au succès de l'ouvrage ; le débit fut si faible, que Froben alla jusqu'à regretter de s'être chargé de l'impression. Vi- ves se consola en philosophe chrétien, et Erasme lui ayant écrit que Froben n'en avait pas môme vendu un seul exemplaire à la foire de Francfort, il lui répondit, de Bruges, le 10 mai 1523' : a Ce que Froben vous a écrit sur moi et ma réputation ne m'a pas ému : per- sonne, j'ignore si l'on voudra m'en croire, n'est plus convaincu que jelesuisdeson ignorance; personne non plus ne sait moins dissimuler : c'est un petit tourment pour moi que de ne point obtenir une gloire, que je sais n'avoir point méritée ; je prends le ciel à témoin de la per- suasion 6ù je vis que ma réputation est au-dessus de mon mérite, et de l'étonnement que j'éprouve souvent de voir la fortune m'être si fa- vorable Et quand même je m'en ferais accroire à mon égard;

quand même je serais persuadé que je n'écris que de doctes et excellen- tes choses, je n'ignore pas qu'il est un certain don du génie , qui est le seul principe de vie pour les productions littéraires, et que la fortune distribue , dans l'empire des lettres, les récompenses et l'immortalité à son gré ; que les œuvres nous appartiennent , mais non le succès , etc. » Il se plaint ensuite des mauvais procédés de Froben , qui voulait faire croire que ses ouvrages ne se débitaient point, tandis qu'au su de Vi- ves, il en avait vendu un grand nombre d'exemplaires, et qu'il lui avait même avoué récemment avoir placé plus de trente exemplaires de son commentaire i\ Londres seul , et plus de quatre cents du Songe de Scipion en Angleterre. Il annonce aussi à Erasme la prochaine pu-

' Voyez pour les détails Ant. Possevini, Apparatu» tacer. Coloniae Agrippinae, 1608, t. I, p. 150.

* Erasmi opp., t. III, col, 767, Episf. DCLIF.

28 SUR LA VIE ET LES ECRITS

blication de son plan d'études {De Ratione studii puerilis) , pour la princesse Marie d'Angleterre , entrepris à la prière de la reine Cathe- rine , et se promet bien, cela terminé, de ne plus s'exposer de sitôt à la critique, par ses écrits. Heureusement qu'il ne tint pas cette résolu- tion, et que d'injustes dédains ne vinrent pas briser la plume dans la main d'un homme qui s'en servait avec des intentions si pures et une si heureuse entente des besoins de ses contemporains.

Nous avons cru, pour pins de clarté, ne pas devoir interrompre le cours de notre récit, quant à ce qui concerne le travail de Vives sur La Cité de Dieu. Dans l'intervalle se place une action qui l'honore trop, pour pouvoir la passer sous silence. Adrien VI , qui , par sa naissance , appartient aux Pays-Bas , venait de s'asseoir sur le siège pontifical. Vi- ves qui , comme il nous l'apprend lui-même ' , avait eu des rapports avec ce pontife , lorsqu'il n'était encore que doyen de S*- Pierre^ à Lou- vain, et plus tard, lorsqu'il devint évéque de Tortose, voulut lui té- moigner sajoie de le voir élevé à une si haute dignité. Mais au lieu de se borner à de simples compliments de félicitation, il lui exprima, dans une lettre écrite avec une liberté respectueuse , et pleine de cette élo- quence pénétrante qui vient du cœur, l'ardent désir de le voir inter- poser son autorité tutélaire, pour faire cesser les tristes divisions qui régnaient à cette époque , non-seulement entre les rois, mais même chez un grand nombre d'hommes privés. Il répéta plus tard ce touchant exemple, dans. deux lettres, qu'il adressa au roi d'Angleterre ", re- lativement aux guerres qui mirent si souvent en présence Charles V et François I" .

Vers le même temps (1522) , Vives qui , depuis la mort du cardinal deCroy, se trouvait dans une position financière peu brillante, eut une occasion d'en sortir, qui lui fut malheureusement enlevée par une avide jalousie. Le duc d'Albe tenait beaucoup à le donner pour pré- cepteur à ses petits-fils, et lui avait fait offrir, pour l'engager à accep-

' Voyez le commencement de la lettre qu'il lui adressa. Elle est insérée sous le titre : De Eiiropae statu ac tumultibus, dans les œuvres de Vives. Édit. de Bàle, t. Il , p. 9S4. - Ibidem, p. 939 et suiv.

DE JEAN-LOUIS VIVES. 29

ter ces fonctions, une pension annuelle de deux cents ducats d'or. Le frère dominicain qui s'était chargé de cette commission, ne s'en acquitta pas, et lorsque plus tard Vives eut connaissance , par un tiers, des propositions du duc, la place était remplie, et il se résigna à at- tendre de l'avenir l'amélioration de son sort ' .

Il avait reçu, comme nous l'avons vu , une précieuse marque de la bienveillance de Henri VIII, à l'occasion de la dédicace de son com- mentaire sur saint Augustin; ce fut là, sans doute, ce qui le porta à for- mer le projet d'un voyage en Angleterre, projet qu'il réalisa dans le courant de 1523 '. Il fut parfaitement accueilli par Henri et la reine Catherine, sa femme, par le cardinal Wolsey, et par le comte de Montjoie, qui entretenait depuis longtemps une correspondance lit- téraire avec Érasme. Les royaux époux confièrent à Vives l'instruction de leur fille Marie, pour laquelle il avait composé le plan d'études dont il a été question plus haut.

Pendant son séjour en Angleterre, Vives prit le bonnet de docteur en droit A Oxford , et donna des leçons publiques ' dans cette univer- sité, leçons, si l'on en croit quelques biographes, qui furent plus d'une fois honorées de la présence du monarque et de sa cour; mais nous sommes porté à croire que cette circonstance honorable pour Vives , ne se rapporte qu'aux leçons particulières qu'il donnait à la princesse.

Malgré quelques excursions *etdes intervalles quelquefois assez longs

I Vives nous apprend cctle particularité dans une lettre à Erasme, du 1*' avril 1522. Opp. , t. Il, p. 964.

* Voyez, pour ces détails et ceux qui suivent, G. Majansius, loco citato, p. 73 et suiv. ; item. Nie. Antonio, p. 728; Nicéron, Mémoires pour lercir à l'histoire des hommes illustres, t. XXI , p. 173, etc. H. Audiffret , Biographie univ. , tom. XLVll , art. Ficès , etc. Nous croyons devoir remarquer, quant h l'article cité de ce dernier ouvrage , qu'il fourmille d'inexactitudes. Pour n'en donner qu'un exemple, l'auteur assure que Vives eut plusieurs enfants de son mariage avec Marguerite Valdaura; c'est un fait dont on ne trouve aucune trace ni dans ses écrits, ni ailleurs, que nous sachions.

» * Dans la dédicace de sa traduction d'Isocrate au cardinal Wolsey , il nous apprend que cette t&che lui avait été imposée par ce dernier. Opp. , 1. 1, p. 306.

•• Érasme, dans une lettre écrite de Bàle à Vives, le IS octobre 1327, fait allusion à ces fré-

30 SUR LA VIE ET LES ECRITS

de séjour à Bruges, il ne quitta définitivement l'Angleterre que lors de l'orage fatal qu'excita le trop fameux divorce de Henri YIII. Vives ayant osé prendre le parti de la reine , sa bienfaitrice , encourut la disgrâce du roi ; et , par un excès de malheur tout à fait inattendu , il encourut aussi celle de la princesse , dont il soutenait le bon droit. Catherine avait exprimé le désir que Vives la défendît devant les juges chargés de prononcer sur la légitimité de son mariage ; celui-ci lui conseilla de renoncer à se défendre plutôt que de recourir à un moyen qui ne serait, après tout, qu'une vaine formalité.

Catherine crut voir de la mauvaise volonté dans le conseil, et lui re- tira la pension qu'elle lui faisait. Son infortune ne se borna pas : Henri le tint emprisonné pendant six semaines, et ne le relâcha qu'à la condition de ne jamais mettre les pieds à la cour. Vives reprit donc le chemin de la Belgique , sans trop regretter l'Angleterre dont il nous a dépeint le séjour sous des couleurs qui ne sont rien moins que brillan- tes ' , mais dans un dénuement tel , qu'il attribue à la Providence " la faveur d'avoir pu subsister pendant les trois années qui suivirent son départ , c'est-à-dire , depuis 1528 jusqu'à 153 1 ..

Nous avons dit que le séjour de Vives en Angleterre ne l'avait pas empêché de faire quelques excursions , et de revenir plusieurs fois en

quents déplacements : Nec te semper idem orbis habet Çâsy à/^flSicv, nunc notons apud Britannos , T)}ç v:fx.y,i x^-P'''' , nunc nudilans xxi àoyovàv apud Brugenses. Opp., t. lU , col. 1024 , Ep. DCCCCI.

' Il écrivait d'Oxford au secrétaire d'Érasme : Me hic coelum islud ventosum , densum , humi- dum , inclementer excipit, et victus ratio multum diversa à consuetudine mea. Apud Majansium , p. 86; et h Christophe Miranda : Serviendum est valetudini , praesertim hic, uhi si aegrotem, in stercorarium aliquod abjiciar, nec erit qui rnagis me respiciat , quant vilem aliquem et morbidum canem. Jncoenotus aliquid lectito , nec fréquenter coeno, quod sedentaria haec ohservatio non sinit me ita coquere , ut cum prodeambulo. 11 venait de dire : Mirum dictu ut in aulis.... sapere

videatur esse maxime decipere Habeo pro cubicuto gurgustulum angusiiosissimum.... septum

utrinque aliis cubiculis, et frequentia sirepentiuni , clamantium ; ut non liceat animo intra se re- cipere , quamlibet velit et conetur. Ibid., p. 190.

- Il écrivait à Jean Vergara, en 1531 Ergoet Rextanquaminimico,el Beginatamquamim-

morigero et refractario , uterque annuum mihi solarium ademit; itaque his tribus annis ego ad- mirer nude me toleraverim : ut facile intelligam, quanlo majus sit quod Deus tacite suppeditat, quam quod ab hominibus cum magno strepitu excutitur : Apud Majarsiim , p. 29. Voyez aussi immédiatement après une lettre à Henri VIII, pleine de desintéressement et de franchise, du 13 janvier 1331.

DE JEAN-LOUIS VIVES. U

Belgique : en effet , dès le mois d'avril 1 524 , il s'était mis en route pour Bruges , il avait pris l'engagement de ne rester que jusqu'au mois de septembre. Ce fut l'époque de son mariage avec une jeune per- sonne de vingt ans, Marguerite Valdaura, sa parente ' , fille d'un né- gociant espagnol , établi à Bruges , à l'imitation de beaucoup de gens de sa nation. Bernard Valdaura, c'était son nom, passait, si nous en croyons les écrivains cités par Majansius % pour très- versé dans la connaissance de l'antiquité , et avait même composé un ouvrage sur la matière. Claire Cervent, sa mère, nous est représentée par Vives comme une femme qui poussa jusqu'à l'héroïsme l'amour conjugal '. Mariée par ses parents, dans la fleur de sa jeunesse, à un homme de quarante-six ans, atteint, outre son âge et à l'insçu de son épouse, d'une maladie repoussante, elle ne s'attacha pas moins à celui qu'elle avait uni à sa destinée. Elle se consacra tout entière à adoucir ses maux, n'hésita point à se défaire de ses joyaux, de ses meubles, de tout ce qu'elle avait de précieux pour faire face aux dépenses occasionnées par cette cruelle maladie ; enfin , elle rendit à son mari , pendant de longues années, des services dont il faut lire tout le détail dans Vives; services, nous dit celui-ci, si pénibles à la nature, que personne qu'elle n'eût voulu s'en charger, même à prix d'argent. Vives té- moigne partout, dans ses écrits, son attachement pour cette intéres- sante famille, et son admiration pour le dévouement sublime de sa belle-mère, qu'un cœur comme le sien ne pouvait manquer d'ap- précier. Mais on peut facilement conclure de ce que nous venons de rapporter , que son mariage ne pouvait guère être , sous le rapport matériel , ce que nous appelons un mariage avantageux \

' Nous lisons à la fin du livre de Vives : Jn pseudodialecticos , dont la date remonte à 1519 , ces lignes, qui prouvent sa parenté et sa liaison dés cette époque avuc la famille Valdaura : Nicolao Faldaura, consanguineo meo salulem. Quem tibi (ce livre est adresse à Forlis), quod et aaepe alias feci , quam poasum maxime commendo. Eit enim miki, ut icia, non minus charus quam frater. Op?., t. I, p. 286.

- Loco citato, p. 67 ; il est beaucoup plus probable, comme le remarque Majansius, qu'on a confondu ici Valdaura père , avec un fils du même nom.

3 De institutione f'eminae christianae, I. li , c. 4 , opp. , t. II , p. 707.

* Voici comment il annonçait ce mariage à Érasme, le 6 juin 1524 : Feriiê £ucharistiae(t6

32 SUR LA VIE ET LES ÉCRITS

Vives , rendu à la Belgique , continua à honorer, par des travaux uti- les, la vie pénible et agitée que sa destinée lui avait faite. Pendant qu'il était précepteur de la princesse Marie, il avait fait hommage de son ouvrage De Institutionae feminae christianae à l'infortunée reine Catherine; en 1528, il en termina à Bruges un nouveau, qu'on peut regarder comme le pendant du premier : c'est son livre /?e Officio mariti , qu'il dédia à François de Borgia , duc de Gandie , qui venait de faire preuve de son zèle pour l'instruction, en créant, dans cette dernière ville, un établissement littéraire dont Vives fait mention dans sa dédicace '.

En 1529, il adressa à l'empereur Charles V, qui lui avait toujours montré , dit-il , de l'attachement , un travail qui fait encore plus l'é- loge de son cœur que de son esprit, ses quatre livres De Concordia et discordia in humano génère. On ne sait assez admirer dans un simple particulier ce zèle pour le bonheur de l'humanité , qui lui fait adres- ser, en quelques années, des lettres à presque tous les potentats, dans la vue de ramener l'union entre les peuples européens, tandis que son propre dénuement ne lui arrache pas une parole de plainte ou de re- proche ".

L'année 1531 vit paraître un ouvrage qui fit un honneur infini à Vives. Cet ouvrage, ou plutôt cette collection d'ouvrages qui concou- rent tous au grand but , qui dirigea plus tard aussi la plume de Bacon, à la refonte complète des méthodes scientifiques, est formée des traités divers De Corruptis artibus , De Tradendis disciplinis , De Artihus. Cette production suffirait seule pour illustrer Vives, et il n'est nulle- ment douteux que ceux qui ont traité ce sujet après lui n'y aient puisé

maii) subjeci cervicem jugo muliehri, nondum mihi quidem gravi, et quod cupiam adhuc cacu- tere, sed eventum Deus viderit : hactenus nec mihi factum displicet, et eis omnibus qui nos no- runt , mirifice placet : ut aiunt , nihil hic multis annis actum tanta omnium approbatione. Erasmi ovt. , t. III , coi. 801, £p. DCLXXXI.

' Opp., t. II, p. S94.

2 Voici ce qu'il écrivait à Budce, en lui envoyant son ouvrage : Jccipies a Valdaura meo librum DE CONCORDIA scriptvm a me proxima aestate , dum me horum tetiiporum miseret; et quando reme- dium tôt mails adferre nequeo propter imbecillitatem virium , chartis saltem animum meum tes- tor , in qiio tino me consoler , et utcumque acquiesça. »pud Maja?isii5i , p. 97.

DE JEAN-LOUIS VIVES. U

largement. Il l'oifrit à Jean III, roi de Portugal, qui témoigna sa satis- faction à l'auteur d'une manière digne d'un prince aussi généreux qu'éclairé. Vives nous en instruit lui-même dans une lettre écrite de Bruges ' à un ami qui partait pour le Portugal : <c vous souhaite , dit-il, un voyage heureux : tâchez, de grâce, de trouver le moyen d'offrir à un roi qui est devenu le mien, aussi bien que le vôtre, par ses bienfaits, mes très-humbles salutations et l'hommage de mon dé- vouement : remerciez-le de ma part pour le magnifique témoignage de sa munificence que j'ai reçu l'année passée. Ce don m'a été d'au- tant plus précieux , qu'il est venu me chercher dans un moment il n'aurait su venir plus à propos. »

En 1536 nous retrouvons Vives à Paris. Nous apprenons d'une lettre de lui à son ami Fortis , lettre placée à la suite d'une édition du Poeticon Astronomicon attribué à Hygin, publiée cette année dans la même ville , chez Pasquier Lambert " , qu'il avait été invité à y donner des leçons publiques , et que ce fut dans ce but qu'il donna ses soins â cette édition de l'ouvrage qu'il avait choisi pour en être le sujet.

Cette année 1536 fut celle de la mort d'Erasme; il ne précéda que de fort peu de temps son élève et son ami dans la tombe. En 1537 celui-ci se trouvait à Bréda ^ chez la princesse Mencia de Mendoza, dont il a déjà été question , et dont le mari , Henri de Nassau , prenait le titre de seigneur de cette ville. Ce fut qu'il composa son commen- taire sur les Bucoliques de Virgile.

> Voyez cçtte lettre du 17 juin 1533, ad Damianutn Goesium, dans Majansius , endroit cité, p. 104."

* Cette édition fut publiée sous le titre passablement barbare de : /tyginii historiographi etphi- losophi argutissimi libri quatuor, non solum poeticas et historicai verum et astronomicai permultas veritates acriori collectas lima , et , laconica brevitate, enodantes itudioie tibi , quicumque es , &r- tant adjectis , nuper, multis in locis ex multorum poetarum, historiograpkorum , ac philosophorum libris notis : cum recenti , et utili tabula Pasquier Lambert. Veneunt a fidelissimo aime parisior. Academiae bibliopola Pascasio Lambert incluso Brunello subdivi Claudii signo e coqueretici gym- nasii regione. In-i". Vives dans la lettre en question ^'exprime ainsi : Igitur Hyginum , cnm essem Parisiis publico professurus auditorio , volui meliori redderetur incudi ckaracterive legen- tibus longe delectabiliori. ^

Sur le séjour de Vives à Bréda , voyei le mémoire de M. l'abbé De Ram , sur la nonciature de Pierre Vorstius , dans les JVouveaux mémoires de Facad. de Bruxelles , t. XII , p. 79.

ToM. XV. V)

34 SUR LA VIE ET LES ECRITS

Vives, dont la santé avait toujours été fort délicate, souffrit beau- coup dans ces dernières années d'une goutte ' compliquée par d'autres infirmités. Un travail opiniâtre auquel il se livra , et auquel nous de- vons un de ses ouvrages les plus achevés, son célèbre traité De Veritate fidei Christianae , hâta probablement sa fin ". Il y avait à peine mis la dernière main, qu'attaqué à la fois par les tourments de la goutte, de la pierre et de la fièvre , il vit arriver l'heure fatale qui l'arracha aux lettres, à sa famille et à ses amis, le 6 mai 1540, à l'âge de 48 ans. Sa veuve lui survécut douze ans. Voici l'épitaphe gravée sur le monument funéraire que la famille de Marguerite leur fit ériger dans

' Il parle lui-même d'une manière assez plaisante de cette maladie dans sa Linguae latinac exercitatio , VII. Dial. , p. 18 , opp,, t. I. Voici ce passage :

Sed quid Vives nostep?

NEPOTDLUS.

Dicunt eum agere athletam, non tamen atbletice.

MAGISTER.

Quid istbuc rei est ?

Quia luctatur semper, sed parum fortiter. Cum quo?

HKPOTOLDS.

MAGISTEB.

REPOTULDS.

Cum suo morbo articulari.

MAGISTEn.

0 luctatorem dolosum , qui primum omniiim invadit pedes.

»EPOTULnS.

Imo lictorem saevum , qui totum corpus constringit.

2 Voyez dans Majansius , p. 166, le fragment cilc de la dédicace de cet ouvrage poslliume au pape Paul III , dédicace qui a pour auteur François Cranevcld , que la veuve de Vives char- gea de la publication.

DE JEAN-LOUIS VIVES. It

l'église de S'-Donat , à Bruges , qu'ils avaient choisie pour leur sépulture :

D. O. M.

Joaiini Ludovico Vivi, Valcntino, omnibus virtutuni

ornamculis, oiuniquc discipliuarum génère

ut amplissimis

ipsius littcrarum inonumentis tcstatum est, clarissimo;

et Margarctac Valdaurae , rarac pudicitiae , omnibusquc

animi.

Ootibus marito simillimae, iitrisque ut animo, et corpore

semper conjunclissiniis, ita hic simul terrae traditis

Nicolaus

Et Maria Valdaura sorori , et ejus marito B. M. mestiss.

Posucrunt :

Vixit Joanncs an. XLYIII. mens. ii. mortuus Brugis

pridie Nonas Maji

anno M.D.XL. Margareta vixit an. XLVII. mens. ix. obiil

pridie Idus Octobr. anno M.D.LII.

Ainsi s'écoula la vie de Vives : les événements extérieurs qui la rem- plirent n'ont rien de bien éclatant ; elle n'eut guère pour théâtre que l'enceinte obscure des écoles , et la solitude du cabinet. Pour con- naître Vives , il faut le chercher dans ses œuvres ; c'est qu'il a con- signé avec le produit de ses veilles et l'histoire interne de sa vie, si je puis m'exprimer ainsi , ce trésor de connaissances et d'idées que chaque jour de sa courte existence vint augmenter ; c'est surtout qu'il s'est peint tout entier ; car il est du petit nombre d'auteurs qui écrivent au- tant avec leur cœur qu'avec leur esprit. Ces œuvres, nous allons les passer successivement en revue , pour en tirer les éléments de l'appré- ciation définitive de son caractère comme homme et comme écrivain, et de la part qui lui revient dans le mouvement littéraire de son époque.

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36 SUR LA VIE ET LES ÉCRITS

SECONDE PARTIE.

Pour mettre un peu d'ordre dans cette partie de notre travail , nous partagerons les ouvrages de Vives en cinq classes, ouvrages philoso- phiques , ouvrages didactiques et pédagogiques, ouvrages philologi- ques et littéraires, ouvrages théologiques et ascétiques, et en dernier lieu, ceux que nous n'aurons pu ranger sous aucun de ces quatre titres, ou œuvres diverses.

Nous suivrons en général l'ordre chronologique de publication , et nous avertissons, une fois pour toutes , que, sauf indication contraire, ici comme ailleurs, nous nous servons de l'édition des œuvres pu- bliée à Bâle par Nicolas l'Evêque (Episcopius) le jeune , l'année 1 555, en deux volumes in-folio.

PREMIÈRE CLASSE.

OEUVRES PHILOSOPHIQUES.

I.

De iniliis, sectis, et laudibus Pliilosopliiae. (0pp. t. H , p. 5-14.)

Cet ouvrage, dédié au comte Herman de Neeuwenaer, quoique com- posé en 1518, n'aurait paru, selon Paquot ' pour la première fois

' Paquot, Mémoires, t. I , p. 120.

DE JEAN-LOUIS VIVES. 8f

qu'en 1521 , avec les deux opuscules sur le Calo major ou de Senectute de C^céron, et sur le songe de Scipion du même auteur. Cette publica- tion eut lieu à Bâle, chez Froben , en un \olume in-4o. Voilà au moins ce que nous lisons dans Paquot. Mais Majansius nous apprend ' que cet ouvrage fut publié seul à Louvain chez Thierri Martens, sans indica- tion d'année. Dans la dédicace de son livre , Vives en parle comme d'une production échappée à sa plume peu habituée, dit-il , aux sujets sérieux : Composito inter nugandum, ut soleo, opusculo. Il nous y apprend qu'il fut encouragé à traiter cette matière par un homme connu alors pour l'amour qu'il portait aux lettres, le bénédictin Pa- quier de Bierset ou Berselius, dont il fait un grand éloge ".

Dans cet ouvrage, notre auteur prend le mot philosophie dans son acception la plus vaste; c'est pour lui la science des choses divines et humaines. Il commence par exposer d'une manière rapide, mais sub- stantielle, l'origine et les premiers progrès des connaissances chez les difl'érents peuples. Il nous montre l'astronomie naissant chez les Ghal- déens et les Égyptiens, et nous en fait suivre les développements chez les Grecs et les Romains ; il voit dans l'harmonie des sphères célestes le premier type de la musique, dont il décrit les effets magiques sur l'âme humaine; il rappelle en passant les prodiges que la fable lui at- tribua jadis, mais en homme qui apprécie ces récits à leur juste valeur. Nous voyons naître ensuite l'arithmétique, la géométrie , la médecine, à laquelle il paye un tribut particulier d'hommages au nom de l'hu- manité qu'elle soulage; mais il a soin d'ajouter que la santé du corps n'est rien au prix de celle de l'âme, et il passe â l'éloge des premiers législateurs, versés dans les secrets de cette médecine sublime, qui consiste à arracher l'homme aux passions violentes , ces tristes mala- dies de la plus noble portion de son être. Mais il est une médecine de ce genre plus efficace que la science des législateurs humains, c'est la théologie chrétienne , dont il parle avec l'effusion d'un cœur pénétré. Arrivé , l'écrivain se tourne vers une autre partie de son sujet. II a

I G. Majansius, ubi tupra , p. 34.

3 Voyez sur Berselius, Paquot, Mèmoire$, t. II , p. S88. i^i^ iil

38 SUR LA VIE ET LES ECRITS

parlé jusqu'ici de l'objet de la science, il va s'occuper maintenant de son instrument le plus actif, de la parole. Il traite successivement, et toujours en suivant la même marche , de la grammaire, de la dialec- tique et de la rhétorique. Ensuite il nous montre Pythagore substi- tuant modestement au nom de sage celui de philosophe , et nous fait assister à la naissance des sectes nombreuses qui se partagèrent le do- maine de la philosophie en Grèce. Tout cela est écrit avec une précision de style admirable. L'ouvrage se termine par l'éloge de cette philoso- phie dont l'écrivain vient de nous faire parcourir le vaste cercle , et par une exhortation chaleureuse à la cultiver. Nous ne pouvons nous em- pêcher de transcrire en les abrégeant, quelques lignes de cette der- nière partie : a S'il est vrai, dit-il, comme on n'en peut douter, que l'homme soit destiné à une fin plus noble que les frivolités qui occu- pent trop souvent sa vie, je vous le demande, qu'y a-t-il de plus ravissant pour lui que de s'élever dans les célestes régions? D'y par- courir, comme s'il les habitait, ces sphères étoilées? De prévoir ces éclipses qui nous dérobent la lumière des astres qui nous éclairent? De déterminer le moment, d'assigner la cause de la pluie, des vents, des neiges, des tempêtes et des saisons?... Est-il quelque chose de plus beau? Peut-on imaginer quelque chose de plus admirable? Alors, tandis que les autres hommes courbés vers la terre semblent confondus avec les brutes , vous seul élevez vers le ciel ce front noble destiné à l'envisager ; tandis que les autres hommes fléchissent honteusement sous le joug de la fortune et des richesses, vous seul libre et sans liens , assistez à cette grande scène du monde qui vous a pour spectateur. Si du ciel vous descendez sur la terre, quel charme que de contem- pler ces variétés infinies d'oiseaux, de poissons, d'autres animaux; d'étudier leur nature diverse , leurs mœurs , leurs habitudes , leur mode de reproduction et de développement! Que dire des plantes, des métaux? Ah! c'est à la vue de tout cela que l'homme commen- cera à prendre en pitié les vains désirs de ses semblables , à se rire de leurs folles joies, à apprécier toute la dignité de sa nature. ))

On sait toute l'importance que Bacon attachait à l'histoire desscien-

DE JEAN-LOUIS VIVES. »

ces : l'opuscule do Vives nous semble d'autant plus remarquable, nous le répétons, que c'est peut-être le premier modèle de cette espèce de travail. Si l'on cite des productions de ce genre antérieures à la sienne , ce ne sont guère que des recueils biographiques, oii l'on fait bien l'histoire des savants, mais nullement celle de la science.

Voici le jugement porté par Brucker sur le livre Vives. On nous permettra de conserver la langue de l'original ' : (( Postquam vero nova eruditioni atque scientiis lux affulsit, manum quoque, etsi par- cius quant res merebatur, et nécessitas quoque poslulabat, admoverunt historiae philosophiae diligentius colendae viri docti, inter quos, omnium calcula , Ludovico Vivi primas merito deferimus.... Lau- dandus imprimis Vives est, quod, cum ducem ante se neminem Jiaberet, efficto ad velerum exempla vultu, maxime Ciceronis, philo- sophicam hisloriam non ad tradendas sententias morales, quod hac- tenus factum erat , sed ad emendandas artes , atque disciplinas , judicio magis quam eloquentia instructus , adhibuerit, et neglecto mi- nutiarum studio, quae historiam philosophicam scientiarum decori substraxerant , valere jusso, pragmaticam considerationem revoca- vit, etc. ' ))

II.

Liber in Psmdodialecticos '. (T. I, p. 272-286 )

Cet ouvrage est composé en forme de lettre. Il fut publié pour In première fois chez Thierri Martens, à Louvain, avec divers autres opuscules de l'auteur \ Vives s'adresse à son ami Jean Fortis, et, après

' Dans la vie de Vives , nous avons traduit les citations introduites dans le texte , pour ne pas nuire par une trop grande bigarrure à l'unité du travail, ^ous croyons que ce motif n'existe plus pour ces analyses détachées, et nous croyons préférable de citer textuellement les écri- vains, sur lesquels nous nous appuyons.

* i. Bruckcrus, Dissertatio praeliminaris , cité par Majansius , p. 34.

' Foppens, Bibliotheca belgica. Brux., 1739, t. 11, p. 6o0 , intitule erronément cet ouvrage liber psecdodialbcticcs.

* Voyez plus bas, Œuvres philologiques et littéraires, art. I, p. 150.

40 SUR LA VIE ET LES ECRITS

lui avoir exprimé le regret de ne pouvoir, comme il le désirerait, al- ler le ¥oir à Paris, il entre immédiatement en matière. 11 témoigne d'abord son étonnement de ce que , dans un moment des améliora- tions s'introduisent partout dans l'enseignement, l'université de Paris seule, à qui il eût appartenu de prendre l'initiative, s'obstine à conser- ver la méthode barbare qui infecte ses écoles. Il le regrette d'autant plus , dit-il , que l'on accuse les professeurs espagnols qui font partie de cette institution , d'être les plus entêtés à maintenir cette mal- heureuse routine. Avant d'aller plus loin , il rappelle à Fortis que personne n'est plus à même de porter un jugement éclairé sur cette matière , qu'un homme qui , comme lui, a été élevé dans ces disputes furibondes, oii les poumons les plus vigoureux, et les arguties les plus extravagantes sont toujours sûrs de l'emporter. Après avoir déploré les jours précieux qu'il a perdus dans ces misérables luttes, il com- mence à en montrer toute l'absurdité. II s'élève d'abord contre le lan- gage inintelligible et ridicule que l'on y emploie, contre cette diction barbare qui a fait de la langue de Cicéron un jargon affreux , que celui-ci, s'il revenait au monde, ne parviendrait jamais à comprendre. Il cite comme un des principaux corrupteurs du langage , Petrus His- palis ' ou plutôt Hispanus, qu'on ne rougit pas, dit-il, de comparer au prince de l'éloquence romaine. Vous invoquez , continue-t-il , l'autorité d'Aristote, mais vous ignorez sa doctrine; ses ouvrages vous sont étrangers; il n'y a aucun rapport entre la diction si pure, les formes si nettes de ce philosophe, et vos barbarismes, vos arguties ^ Mais , en admettant même que la dialectique usitée dans vos écoles

' Voyez sur cet écrivain , depuis pape sous le nom de Jean XXI , Tennemann , Manuel de l'hiat. de la philos. , trad. par V. Cousin. Louvain , 1830, t. I. p. 320; c'est à lui que l'on attribue, comme chacun sait, les mots techniques barbare celarent, etc. , l'on prétend retrouver tou- tes les lois du syllogisme. Au moins les rencontre-t-on pour la première fois dans ses Summulae logicales.

^ Pour qu'on ne rejette pas sur nous l'espèce de contradiction qu'on pourrait remarquer entre ce que nous disons ici et d'autres passages de Vives, nous citerons ses propres paroles.... Arisloteles ne mininiam quidem regulam définitif in tota sua dialectica, qtiae non congruerct cum ipso sermonis graeci sensu , qvo docti homines, quo pueri, mulierculae , plehs denique uni- versa utebatur.

DE JEAN-LOUIS VIVES. 41

fût ce qu'elle devrait être, n'est-ce pas un intolérable abus que de faire la fin, le but , de ce qui ne devrait être qu'un moyen ? La dialectique n'est qu'un art, continue-t-il , qu'on n'apprend point pour lui-môme, mais pour servir d'instrument à des connaissances plus importantes. On ne doit donc pas y consacrer plus de temps que ne l'exige le besoin qu'éprouvent ces dernières de son secours... Et maintenant qui pour- rait supporter l'homme qui ne sort point des limites de la dialectique ? Qui supporterait le peintre occupé toute sa vie à préparer ses pinceaux, à broyer ses couleurs? Que si tout cela n'est pas même supportable à l'égard de la bonne dialectique, qui est en effet un art fort respectable, que penser de ce maudit babil qui a corrompu toutes les branches du savoir? Il allègue plus loin l'exemple de ses deux anciens maîtres, Lax et Dullard , qui ont pleuré amèrement ( summo cum dolore ) , le temps qu'ils y avaient perdu. Vives finit par engager son ami parles motifs les plus pressants à ne pas se créer pour l'avenir de semblables regrets : son langage prend ici un caractère d'entraînement remarquable. On sent un écrivain dominé par une puissante conviction, et dont la plume court sous l'impulsion rapide de la pensée et du sentiment. Ses der- niers mots contiennent une protestation de la pureté de ses intentions, et l'engagement de discuter avec la plus parfaite impartialité les ob- jections qu'on pourrait lui faire de bonne foi.

Voici lejugement que portait Morus sur cet ouvrage, dans la lettre déjà citée à Erasme : Ut nihil est illius, quod non mirum in modum delectet omnes , ita me profecto quae scripsit in pseudo-dialecticos peculiari quadarh voluptate perfundunt ; non ideo lantum {quanquam ideo quoque) quod illas ineptas argutias lepidis cavillis illudit , va- lidis argumentis oppugnat, inevitabli ratione a fundamentis eruit atque subvertit , sed etpraeterea , quod ibi video quaedam iisdemfere tractata rationibus , quas et ipse mecum olim , quum nihil adhuc Vivis legissem, collegeram...

Ce serait ici le lieu d'analyser les ouvrages Z?e Explanatione cujus- que essentiae, De censura veri. De instrumento probabilitatis , De disputatione ; mais comme ces travaux, dans la pensée de l'auteur , se Toi. XV. 6

42 SUR LA VIE ET LES ECRITS

rattachent étroitement aux cinq livres De tradendis disciplinis , et ne forment qu'un tout avec eux, nous avons cru ne pas devoir les séparer dans notre examen.

III.

De anima etvita Kbri très. (T. II, p, 497-593.)

Cet ouvrage, terminé à Bruges en 1538, fut imprimé d'abord avec Ejusdem argumenti Viti Amerbachii de anima libri IIII. Basileae, Joan. Oporinus, in-8° sans date, pages 486; ensuite avec Philippi Melanchionis de anima liber. Tiguri, 1563, in-S" '. Il est dédié à François, duc de Béjar, comte de Belalazar, dont Yivès célèbre le zèle pour les études philosophiques, surtout pour la partie morale, dont la théorie des passions, qui fait l'objet de son troisième livre, est, dit-il, la base.

Ce travail de Vives est un traité complet d'anthropologie; l'auteur suit en grande partie la marche d'Aristote, et professe aussi la plupart de ses opinions ; mais comme va le montrer l'analyse que nous donnons de son ouvrage, son imitation n'a rien de servile, et sa vénération pour le philosophe de Stagire, qu'il proclame ailleurs le plus grand des philosophes, ne l'empêche pas de l'abandonner, quand il croit trouver la vérité ailleurs.

Dans le premier livre Yivès traite de la vie en général; dans le deuxième de l'intelligence, de la mémoire, de la volonté, et des fa- cultés dérivées et accessoires ; dans le dernier des sentiments et des passions , de affectionibus .

Il commence par rechercher les premières traces de vitalité dans les êtres visibles, dans le monde des corps. Il voit la vie, pour ainsi dire, à l'état rudimentaire, dans ces corps inorganiques qui n'en of- frent d'autres vestiges que la faculté de s'accroître en s'assirailant les objets environnants. Bientôt les plantes la lui montrent agissant sans

> Paquot, 1. 1, p. 122.

DE JEAN-LOUIS VIVES. U

cesse par la nutrition et la reproduction ; c'est la vie végétative. Il l'ob- serve à un degré plus élevé, et manifestée déjà par la sensibilité, chez les Zoophytes ; les animaux ordinaires présentent, outre la sensibilité extérieure , quelque chose qui a trait à la mémoire et à la pensée {quae praeler eapternos sensus, vi quadam animi sunt praeditae ad memo- riam et cogitationem). Enfin au sommet de l'échelle animale, il aper- çoit l'homme avec sa raison, son intelligence; l'homme qui tient le milieu entre les substances purement spirituelles et les êtres ex- clusivement corporels. Il entre ensuite dans l'examen des conditions de la vie : la principale est un juste tempérament entre ses deux élé- ments , la chaleur et l'humidité , calor et humor ; il entre dessus dans de longs détails, la physiologie aurait sans doute à relever plus d'une erreur. Après l'exposé des moyens fournis par la nature pour maintenir cet équilibre , après avoir parlé de l'alimentation et de l'accroissement , il passe à la génération , par laquelle l'individu se reprod\îit, et l'espèce se conserve. Tout ceci est commun au végétal comme à l'animal ; mais celui-ci est doué d'un ordre de facultés bien supérieures, ce sont les sens, par lesquels il se met en rapport avec la nature extérieure; Vives les énumère, et en examine successivement la nature , la portée et le mécanisme ; puis il les considère dans leur ensemble , les met en rapport les uns avec les autres ; il examine le principe de la sensation , le rapport entre le sens qui perçoit et l'objet perçu. Il se propose la fameuse question si les sens peuvent se tromper ; il répond que non, mais qu'ils peuvent tromper : le sens, dit-il, est passif, il perçoit la sensation , et ne peut pas ne pas la percevoir, mais il ne lajuge point ; ceci estdu ressort d'une autre faculté , de la pensée; cela le conduit à parler de la connaissance interne , cognitio interior. La sensation produit la connaissance des objets extérieurs présents; cette connaissance, quand la sensation a cessé, est conservée parla mémoire, moyennant l'intermédiaire de l'imagination. Voici l'ordre hiérarchi- que, s'il est permis d'employer cette expression , des facultés qui pré- sident aux diverses transformations de la sensation : l'imagination {functio imaginativa) reçoit les images imprimées aux sens par les ob-

44 SUR LA VIE ET LES ÉCRITS

jets extérieurs, la mémoire les retient, la phantasia les élabore, les réunit on les sépare; le jugement {vis existimatrix) détermine l'ac- ceptation ou le rejet, l'affirmation ou la négation. Tout cela encore appartient aux brutes comme à l'homme; mais celui-ci seul jouit du plus haut degré de la vie, delà yie rationnelle [vitarationabilis). C'est celle-ci que notre auteur soumet maintenant à son examen; elle a pour domaine les choses immatérielles, et tend sans cesse vers le monde spirituel, tandis que \di phantasia est entraînée par sa nature dans le monde des corps , des images; de antagonisme, lutte dans l'homme entre ces deux facultés. Après avoir examiné la vie sous toutes ses formes. Vives en recherche le principe, quidilludsit, perquodquid- quid vivit. Il commence par montrer que ce principe est nécessaire- ment distinct de la matière. La matière est inerte (torpens) de sa na- ture, la même dans tous les corps : l'âme en est distincte, puisque loin d'en suivre fatalement les mouvements , elle les règle, les domine, et souvent les contraint par la force de la volonté. Qu'est-ce donc que l'âme ? A cette demande il répond qu'il est impossible de la définir en elle-même , dans son essence ; qu'on ne peut la connaître que par ses opérations. Il finit par en donner cette définition : le principe agissant habitant un corps apte à la vie ( agens principium hahitans in cor- pore apto advitam). L'âme ainsi définie, il examine si le même être peut réunir plusieurs âmes ; si l'animal , par exemple, en possède trois, la végétative , la sensitive , et celle qu'il appelle cogitativa, pensante , ou si une seule tient lieu , dans le cas donné , de toutes les autres. Il se prononce, comme Aristote, pour la seconde de ces opinions : l'âme, d'un ordre supérieur, dit-il , renferme éminemment en elles celles des ordres inférieurs. En dernier lieu, il s'occupe du siège de l'âme; selon lui elle est dans tout le corps, comme la forme dans la masse matérielle \o\xiexiiikxe{Jiaud aliter quant unaquaeque effectio {èvzz>djsia) in cuncta sua mole). Elle voit par l'œil, écoute par l'oreille, comme le laboureur fend la terre par la charrue , la pulvérise par la herse, l'aplanit par le cylindre. De la vie considérée en général , il passe à la vie considérée dans l'homme libre et intelligent ; c'est le sujet du deuxième livre.

DE JEAN-LOUIS VIVES.

Voici comment il établit pour cette partie son point de départ : l'homme est pour le bonheur suprême; il possède donc la faculté d'aspirer au bien dont la possession constitue ce bonheur , de chercher à y atteindre et à s'y attacher : cette faculté, c'est la volonté. Mais com- ment aspirer à un bien qu'on ignore? Cette faculté en suppose donc une autre, l'intelligence. Mais l'àme de l'homme ne s'occupe pas tou- jours de la même pensée, mais passe d'un objet à un autre : elle a donc besoin d'un réceptacle , elle consigne comme dans un dépôt , ses premières pensées, à mesure qu'il lui en arrive de nouvelles; ce réceptacle c'est la mémoire. Ce sont les trois facultés principales dans lesquelles se reflète la Trinité divine. Ces facultés sont la source de toutes les autres, et voici leur ordre de subordination : l'esprit, par la simple intelligence ou aperception , se met en rapport avec les êtres distincts de lui-même ; la mémoire conserve les notions qui sont le ré- sultat de cette première opération : la considération ou réflexion , repetitio , scrutatio , consideratio , les reprend, si l'on me permet cette expression , des mains de la mémoire , et produit la réminiscence, re- cordatio ; la raison à son tour les compare, les met en rapport les unes avec les autres, et arrive au jugement qui sépare le vrai du faux, le bien du mal ; vient enfin la volonté qui choisit l'un et rejette l'autre. Reste une dernière faculté , la contemplation, par laquelle l'àme, sans sortir de son repos , considère d'un œil tranquille les objets de ses cou- naissances, de ses jugements, de ses désirs ou de ses aversions. Après avoir établi de celte manière l'ordre de corrélation entre les facultés, notre auteur les passe en revue l'une après l'autre, examine leur usage, leur étendue, leur plus ou moins d'intensité chez les individus divers, les moyens qui facilitent leur action , les obstacles qui l'entra- vent. Cela fait, il examine la nature de l'esprit humain {mens) en général; il le définit un esprit qui fait vivre le corps auquel il est uni, apte à connaître la divinité pour l'aimer, et par cet amour s'unir à elle et ainsi devenir éternellement heureux ; spiritus per quem corpus, eut est connexus, vivit, aptus cognilioni Dei propter amorein , afque hinc conjunctioni cum eo ad beatitudinem aeternam. L'esprit s'avance

46 SUR LA VIE ET LES ÉCRITS

graduellement vers son but final, en s'élevant de la matière aux sens, des sens à l'imagination , à laphantasia , de cette dernière à la raison, puis à la contemplation, enfin à l'amour. L'esprit est action (actus) ; il ne cesse donc d'agir que quand il trouve un obstacle insurmontable dans les organes ( in instrumentis). Arrivé , Yivès s'arrête pour s'oc- cuper du sommeil, du rêve, des habitudes, de la vieillesse, de la lon- gévité , de la mort , et termine enfin par l'examen de la grande question de l'immortalité de l'âme. Selon lui , deux causes ont conduit à la nier, l'ignorance, qui mesurant tout sur les sens, rejette tout ce qui n'est point de leur domaine ; la volupté , qui voudrait que l'âme ne survécût point au corps, et qui craint un vengeur pour l'avenir. Mais certes, s'é- crie-t-il, de quelque côté que nous nous tournions, «î^rsMm^ deorsum, circumcirca, tout atteste, proclame l'immortalité de l'âme humaine : la nature , l'essence de l'âme elle-même , ses facultés , ses instincts , l'analogie, les rapports de cause et d'effet, la dignité humaine comme la bonté divine. Nous lui laisserons développer ces raisons avec une force de conviction , une verve d'éloquence dont nous ne saurions donner d'idée au lecteur , et qu'il faut chercher dans l'ouvrage même, pour passer à l'analyse du troisième livre.

Après avoir exposé l'importance de la matière de ce livre , Vives remonte au principe qui la domine. Le modérateur suprême a créé tous les êtres, pour leur communiquer son propre bonheur, au degré que comporte leur nature ; il leur a donné en même temps les moyens d'atteindre à cette fin si digne de lui, et de s'y maintenir : ces moyens pour l'homme sont l'instinct de la conservation, l'aversion du mal, le désir du bien : voilà les seuls mobiles de nos actions , et la source de toutes les émotions de l'âme , de toutes ses affections. Elle ne se passionne que pour ce qui se présente à elle comme bien , soit qu'il soit tel réellement , ou seulement en apparence ; elle ne se soulève que contre ce qu'elle appréhende comme mal. Ceci établi, il énumère les sentiments, les passions diverses; en montre l'ordre de génération, les rapports; les analyse chacun en particulier dans tous leurs détails, aussi bien que dans leurs relations avec l'organisme. C'est ainsi qu'il

DE JEAN-LOUIS VIVES. 42

traite successivement de l'amour en général, des désirs, de Tamour bien réglé et de l'amour vicieux, du respect, de la pitié, de la sym- pathie, de la joie intérieure et manifestée au dehors {gaudium et laetitia), du plaisir, du rire, de l'oftense, du mépris, de la colère et de la haine, de l'envie , de la jalousie ( selolypia ) , de l'indignation , de la vengeance et de la cruauté, de la douleur, des larmes, de la crainte, de l'espérance, de la pudeur et enfin de l'orgueil. Nous sor- tirions des limites de notre cadre, si nous suivions notre auteur sur ce terrain; nous nous contenterons de dire qu'il montre dans tous ces détails une grande connaissance du cœur humain, et qu'il reproduit avec une parfaite netteté les nuances les plus délicates d'un sujet, l'œil le plus attentif et le plus clairvoyant a tant de peine à les saisir.

SECONDE CLASSE.

OEUVRES DroA.CTIQVES ET PEDAGOGIQUES.

C'est ce genre d'ouvrages qui constitue, à notre avis , le plus grand mérite littéraire de Vives.; c'est aussi son plus beau titre à la reconnais- sance de la postérité. L'intervalle pendant lequel ils furent publiés, est une de ces époques de transition, le présent lutte contre le passé, et le moindre progrès est le prix de longs et constants efforts. C'était surtout dans l'enseignement, dans les écoles, que les abus s'étaient enracinés; c'est delà qu'il fallut travailler, plus que partout ailleurs, à bannir la routine et la barbarie, qui y régnaient en souverains. Rien de plus triste, de plus repoussant que les ouvrages élémentaires dont on fit usage en Belgique jusqu'au XVI^ siècle, et qu'on parvint d'autant plus difficilement à arracher des mains des maîtres et des élèves , que le temps semblait leur avoir imprimé une sorte de consé- cration. Le titre seul de ces productions informes peut donner une

48 SUR LA VIE ET LES ECRITS

idée du contenu'. C'étaient le Catholiconde Jean Balbi, le Graecismus d'Evrard de Béthune , V Elementarium doctrinae Rudimentum de Papias, le Mammothreptus ou Mammolrectus de Jean De Garlandia, et autres élucubrations de cette espèce. Cependant dès qu'Erasme eut donné le signal , en publiant sa traduction de la grammaire grecque de Théodore de Gaza, on vit plusieurs écrivains de mérite imiter son exemple , en publiant des ouvrages élémentaires excellents pour le temps, dont plusieurs ont conservé une réputation honorable jusqu'à nos jours. Tels furent Cleynarts, Despautère et autres. Vives comprit parfaitement que c'était le grand besoin de son époque ; personne mieux que lui n'a constaté le mal et n'en a indiqué le remède; per- sonne n'a allié à un plus haut degré l'énergie de langage , résultat ordinaire d'une conviction profonde, aux ménagements pour ceux dont on attaque les opinions, ménagements dont l'absence, au lieu de ra- mener au vrai ceux qui partagent les erreurs qu'on combat, ne fait que les en éloigner davantage ; personne encore n'a mieux su se garantir de ces exagérations , de ces excès qui nuisent si souvent aux meilleures causes, et font dépasser le but à force de vouloir l'atteindre ; personne enfin n'a présenté plus clairement ces améliorations dans les méthodes et dans les études , dont on ne pouvait guère attendre la réalisation que du temps. Nous osons dire qu'il n'est en ce genre presque aucun véritable progrès dont on ne trouve l'indice, et quelquefois l'exposé dans ses ouvrages. Nous espérons que l'analyse que nous en allons faire, pourra servir jusqu'à un certain point de garantie à notre as- sertion,

I.

De ratione studii puerilis ad Catharinam reginam Angliae. (T. I, p. 4-7.)

Cet opuscule fut publié avec le suivant, ainsi que VAd sapientiam Introductio et les Satellitia, sous le titre de /. L. Vivis Valentini

Voyez pour les détails M. De Reiffenberg, Mémoires cités, III. Mém., p. 11 et suiv.

DE JEAN-LOUIS VIVES. 49

opuscula, Antverpiae, Mich. Willenius, 1531, in- 12; ensuite à Lyon, chez Melchioret Gaspar Trechsel, 1532, aussi in- 12. Outre plusieurs autres éditions, on retrouve ces deux opuscules à la suite des Rudi- menla Grammatices Thomae Linacri ex Anglico sermone in Lalinum versa à Georgio Buchanono ; Parisiis, Rob. Stephanus, 1536, in-4°; et parmi les Consilia et méthodi auî'eae sludiorum de Crenitis, 1. 1; Roterod. 1692, in-4", pag. 106-149, ils ont été enrichis de remar- ques ' .

C'est un plan d'études grammaticales, tel qu'on pouvait le concevoir alors, tracé, comme nous l'avons vu, pour l'usage de la princesse Ma- rie , fille d'Henri VIII , et de Catherine d'Aragon , et dédié par Vives à cette dernière , sous la date de 1523.

Selon l'usage du temps, il n'y est guère question que des langues latine et grecque, la langue vulgaire étant abandonnée au peuple. Au milieu des préceptes grammaticaux exposés avec autant de précision que d'élégance, on rencontre plusieurs observations d'une portée plus étendue. C'est ainsi qu'il fait remarquer au commencement, combien il importe d'accoutumer les enfants, dès leurs premières années, à pro- noncer d'une manière nette et exacte; habitude, dit-il, qui influe considérablement sur l'avenir ; c'est ainsi encore qu'il recommande l'exercice de la mémoire , et veut que l'enfant répète plusieurs fois avant de se mettre au lit , quelques lignes qu'on exigera qu'il se rap- pelle de nouveau immédiatement après son sommeil. Il veut ensuite qu'on l'exerce de bonne heure à écrire , et recommande, dans le choix des matières de composition qu'on lui donnera à travailler , de n'a- vancer que graduellement, et de faire succéder habilement aux sujets graves et sacrés , d'autres moins sérieux et qui réjouissent innocem- ment. Il conseille les entretiens avec le maître ou des condisciples choisis, et l'emploi des récompenses comme moyen d'émulation et motif d'encouragement. Il veut en dernier lieu qu'on ne mette entre les mains des élèves que des auteurs qui forment le cœur en éclairant

' Paquot, ouvrage cité , t. I , p. 119.

Toa. XV.

SO SUR LA VIE ET LES ÉCRITS

l'esprit; ceux qu'il désigne particulièrement sont les suivants : Cicé- ron, Sénèque, Plutarque , quelques dialogues de Platon, surtout ceux qui ont pour objet le gouvernement ( tous ces conseils dans Vives ne s'appliquent qu'à la princesse pour laquelle il écrit ) , les Epîtres de saint Jérôme , quelques ouvrages de saint Ambroise et de saint Augus- tin , VInstitutio principis d'Erasme , avec un petit nombre d'autres productions du même écrivain, Y Utopie de ThomasMorus.il recom- mande la lecture d'un ou deux versets du Nouveau Testament, après je lever et avant le coucher. Pour l'histoire, il indique Justin , Florus, Valère-Maxime. Il conseille aussi de se familiariser avec les poètes chrétiens Prudence, Sidoine Apollinaire , etc. , et veut qu'on fasse un choix des poètes profanes ; il cite particulièrement Sénèque le tra- gique, et surtout Horace , mais passe Virgile sous silence.

IL

Epistola IL De ratione sliidii puerilis ad Carolum Montjoium Guilielmi filium.

(Tom.I,pag. 7-18.)

La matière de ce petit traité , dédié au fils d'un des protecteurs les plus distingués des lettres en Angleterre à cette époque , est la même que celle du précédent, et la manière dont elle est traitée nous semble encore plus remarquable. Quoiqu'il n'y soit question en général , comme dans le premier , que de préceptes grammaticaux , on y trouve, relativement aux rapports mutuels du maître et de l'élève , et à l'in- fluence qu'exercent sur les études l'affection et l'estime réciproques de l'un et de l'autre , des conseils qui contrastent singulièrement avec le pédantisme, la dureté habituelle des maîtres à cette époque, le mépris, la haine même qu'ils n'inspiraient que trop à leurs élèves '. Il recommande beaucoup l'étude des classiques , et porte sur les princi- paux un jugement exprimé le plus souvent en quelques mots, mais

1 Voyez le tableau peut-être un peu exagéré que trace Érasme de ces misères pédagogiques , De conscribendis epistolis. Amstelodami, 1670, p. 64 et suiv.

DE JEAN-LOUIS VIVES. «1

qui , par sa concision substantielle même , annoncé un véritable con- naisseur. Toutefois nous devons reconnaître qu'il ne fait pas preuve d'une grande délicatesse de goût, en ne trouvant à louer, à propos des poètes latins , que la gravité et les pensées sententieuses de Virgile, et en plaçant Lucain au premier rang : a Omnes et verborum majes- tate , et argumentorum viribus, et sententiarum pondère ac numéro vincit meojudicio Lucanus. m II finit par exhorter le jeune Montjoie à étudier avec persévérance la langue grecque, parce qu'elle est, dit-il, la clef de toutes les sciences.

III.

De causis corruptarum artium libri VII. (Tom. I, pag. 321-435.)

Cet ouvrage, qui a immortalisé Vives , parut avec les deux suivants, qui en forment la seconde et la troisième partie, d'abord à Bruges l'an 1531 , in- 12; cette édition forme un volume de 612 pages en pe- tits caractères. Ils furent réimprimés la même année à Anvers, chez Michel Uellenius, et l'année suivante à Cologne, chez Gymnicus, puis à Lyon chez Jean Frellon ; enfin une édition en petit format des deux premières parties fut donnée , dans cette dernière ville , en 1 636, sous ce titre : De tradendis disciplinis libri XII, seplem de corruptis ar- tibus, quinque de tradendis disciplinis ; Lugd., Joau. Bapt. Maire, 693 pag. sans les tables \ Outre ces éditions mentionnées par Paquot, M. de Reitfenberg en cite une autre avec des notes sous ce titre : Libri XII de disciplinis, hi de corruptis artibus doctissimi viri, illi de tradendis disciplinis, cujusdam studiosi Oxonioniensis annota- tionibus illustrati, cum indice copioso; Oxoniae, 1612, in- 12.

Avant de chercher à apprécier l'œuvre capitale de notre auteur, celle que Richard Simon ^ n'hésite pas à mettre au-dessus de toutes

' Paquot, ubi »upra, p. 120.

* Bibliothèque choisie, II, 1S7, citée par Paquot, ubi supra, p. 120.

52 SUR LA VIE ET LES ECRITS

les productions d'Érasme, et qu'Andrès ' met en parallèle pour l'éru- dition, le bon sens, la justesse, la méthode et la rectitude de la pensée avec le célèbre Organum de Bacon, nous allons l'analyser, livre par livre, avec toute l'exactitude dont nous sommes capable.

Dans le premier livre , Vives s'occupe des causes générales de la décadence de ce qu'il appelle les arts, et nous verrons bientôt tout ce qu'il faut entendre par là. Il commence, dans un début d'une gravité majestueuse, à remonter à leur origine. Nous voyons, dit-il, tous les animaux naître pourvus par la nature des moyens nécessaires à leur conservation : vêtements, aliments, rien ne leur manque. L'homme seul entre dans la vie dénué de tout , comme un être privé des bienfaits communs pour un crime inconnu ; il ne se met à l'abri de l'intempérie des saisons qu'à force de travail; la terre n'est féconde pour cet être exceptionnel que quand il l'a trempée de ses sueurs. Mais Dieu a usé de miséricorde envers lui , en le laissant en possession d'un instrument capable de surmonter toutes ces difficultés; cet instrument c'est l'es- prit pénétrant, toujours actif, dont il a été doué. Voilà la source de toutes les inventions de l'homme bonnes ou mauvaises , utiles ou nuisibles.

La nécessité a produit les premières inventions, c'est un fait attesté même par les traditions poétiques ; mais le premier pas fait dans cette voie , on est allé plus loin : l'homme qui ne recherchait d'abord que l'utile , en est venu à rechercher le beau , l'agréable. La première dé- couverte dont s'occupe spécialement notre auteur, c'est celle des lettres alphabétiques, dont il ne paraît pas distinguer les caractères hiéroglyphiques. Après avoir payé un juste tribut d'admiration à cette découverte, qui a mis pour jamais à la disposition de l'homme le trésor des connaissances toujours croissantes de ceux qui l'ont précédé, il annonce qu'il ne s'occupera pour le moment que des arts qui sont du ressort de l'esprit , renvoyant à un travail subséquent ce qu'il a à dire des autres qu'il appelle artes corporis : il examinera , dit-il , à quel

* Ne io stitno minore portento di erudizione , di buon senso, di giusto et dritto pensare, il lihro del faites sul principio del secolo decimosesto, che nel fosse nel decimosettimo l'Organo di Bacone. Andrès, ouvrage cité, t. I, p. 394.

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point ils se sont tronvés chez les anciens; comment il se sont déve- loppés, puis aflaiblis ; enfin comment entraînés peu à peu dans la dé- cadence , ils en sont arrivés à s'éteindre presque entièrement.

Maintenant , quels sont ces arts que l'esprit revendique comme de son domaine? Ce sont ceux que les Grecs appellent t/tuQepùxi ou libéraux , et dont on porte ordinairement le nombre à sept, savoir, la gram- maire, la logique, la rhétorique, la géométrie, l'arithmétique, la musique et l'astronomie. Vives s'étonne qu'on n'ait pas rangé dans cette catégorie l'architecture et la perspective, dont il vante les avantages. Ces arts , ajoute-il , que les anciens appelaient libéraux , ne sont plus que les occupations de nos premières années , puerilia ; mais c'est la base sur laquelle s'élève l'édifice des sciences appelées supé- rieures, sMjorewia* artes disciplinasque , c'est-à-dire , de la médecine, de la théologie, et du droit , auxquels il ajoute la philosophie morale.

Après avoir exposé les premiers progrès des arts chez les peuples de l'antiquité, il nous montre les causes de décadence aussi anciennes que les arts eux-mêmes. Ces causes , il les voit d'abord dans l'igno- rance toujours portée à s'arroger les honneurs du vrai savoir , dans la perversité de l'homme qui abuse des meilleures choses , et fait dégé- nérer les arts en pratiques malfaisantes (de l'astrologie, la physio- gnomonie , ïa magie) ; enfin dans la jactance des savants eux-mêmes, qui n'estiment que l'art qu'ils possèdent , et professent le plus souve- rain mépris pour les autres. Vives nous montre ces causes, surtout la dernière, agissant déjà dans la Grèce, chez les sophistes ridiculisés par Socrate, et n'exerçant pas une moins triste influence à l'époque il écrit. D'autres causes extérieures contribuèrent plus tard , dit-il , à précipiter la décadence; séparé que l'on fut des temps anciens par cette nuit obscure que produisit l'invasion des barbares, on perdit avec la connaissance des langues grecque et latine, les arts de ces peuples que leurs langues seules pouvaient transmettre. Leurs livres nous restaient, mais comme une lettre close, et d'autant plus que l'ignorance affectant le mépris de ce dont l'accès lui était interdit, professait pour les mots, verbis, le plus stupide mépris; comme si

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l'intelligence des choses ne supposait pas préalablement celle des mots. Ainsi on faisait profession de suivre Platon et Aristote, et on était hors d'état de les comprendre. Il y a d'ailleurs, continue-t-il , pour ce dernier qu'il met à la tête de tous les écrivains ' , une difficulté spéciale, c'est l'obscurité dont il semble s'être enveloppé à dessein '. Actuellement encore il y a une autre source de mal, c'est l'opinion que nous sommes condamnés à rester éternellement au point nous ont amenés nos devanciers. Ici Vives s'élève avec chaleur contre cette routine malheureuse qui dévoue l'esprit humain à une stérilité désor- mais éternelle , comme si le champ du progrès ne nous était pas ouvert comme à ceux qui nous ont précédés; comme si leur nature eût été autre que la nôtre. Il déplore ensuite l'absence de critique , art pré- cieux que l'on renvoie dédaigneusement aux grammairiens : de le triste état des livres des anciens que l'on veut bien employer encore, un texte corrompu au dernier point, les ouvrages supposés mêlés avec les plus authentiques, tout cela confondu , et invoqué au même degré comme autorité. Il expose encore assez longuement beaucoup d'autres causes de décadence, la manie de disputer sur tout, non pour s'é- clairer , mais pour faire paraître une vaine habileté , l'emploi des méthodes les moins rationnelles dans les écoles, les vices les plus sor- dides tant du côté des maîtres que des élèves , l'habitude de se payer de mots, de ne vivre que de formules. Il finit par exprimer des regrets éloquents sur la perte de cet admirable amour de la science pour la science même , qui seul peut rendre respectables les lettres, et ceux qui font profession de les cultiver, tandis que le désir du gain ou d'une réputation frivole les plonge dans l'état d'abjection^ d'où il cherche à les faire sortir.

Dans le deuxième livre , Vives commence à aborder séparément les diverses parties de son sujet. Il annonce qu'il traitera d'abord des arts

' Fuit vir ille, mea qtiidem sententia , ingenii acumine, judicio, dexteritate, prudentia, di- ligentia atque studio, omnium cujusque aetatis scriptorum facile praestantissimus.

2 Voyez dessus De Gerando, Hist, camp, des systèmes de philosophie. Paris, 1822 , t. Il , p. 293 et suir.

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qui ont pour objet immédiat le langage. Ils sont au nombre de trois, la grammaire qui s'occupe de l'expression pure et simple de la pensée; la rhétorique à laquelle appartiennent la beauté et les ornements du style; la dialectique, qui a pour attributions les preuves et les motifs de probabilité : la grammaire instruit, la dialectique prouve, la rhé- torique touche , remue. C'est la grammaire qui va l'occuper en premier lieu. Après en avoir montré l'origine, exposé brièvement la nécessité et fixé les limites, il passe aux causes de dégénération et de décadence. La première, selon lui , c'est une application excessive à formuler des règles, et à vouloir ainsi imprimer le cachet de l'immobilité à une chose essentiellement mobile de sa nature , le langage dépendant sur- tout çle l'usage. Une autre cause, c'est cette espèce de superstition qui consiste à repousser comme n'appartenant pas à la langue toute ex- pression, pour peu qu'elle s'éloigne de l'usage commun, ou qu'elle ne soit pas employée par les écrivains auxquels on a voué un culte exclusif : c'est ainsi que plusieurs voudraient contraindre ceux qui écrivent en latin à n'employer que des expressions justifiées par l'au- torité de Cicéron. Ici notre auteur examine la question de l'im- portance des règles grammaticales et de l'utilité de l'étude qu'on y consacre. Il reconnaît d'abord que l'usage étant le meilleur maitre en matière de langage , il y aurait absurdité à attacher trop de prix aux travaux des grammairiens ; et certes, dit-il, s'il existait aujour- d'hui une région l'on parlât le grec et le latin, le meilleur moyen d'apprendre ces deux langues serait d'y aller passer quelque temps. Mais comme d'un côté il n'existe rien de semblable, et que de l'autre les règles ne sont que le produit des observations faites sur les mo- numents qui nous sont restés de ces langues , rien de mieux que de joindre à l'étude propre des auteurs celle des règles , qui nous rendent participants à peu de frais des fruits du travail d'autrui. Comme il est à peu près impossible de tout lire , ou au moins de tout retenir, lorsque notre mémoire est en défaut, les règles sont toujours pour y sup- pléer. Reprenant ensuite l'exposition des causes de la décadence, il en voit une très-puissante dans l'opinion méprisante qu'on se fait assez

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communément de la profession de grammairien. Après avoir montré par des exemples que cette dénomination n'avait rien que d'honorable aux yeux des anciens , il prouve par la définition même qu'il donne du grammairien, et qui, pour le dire en passant, montre assez que ce mot avait pour Yivès à peu près la signification que nous donnons au- jourd'hui à celui de philologue; il prouve, dis-je, que cet art n'a rien que de respectable et d'utile, et qu'il exige de vastes connaissances. D'après cette définition, le grammairien doit posséder non-seulement la science des lettres et des mots, ce qui n'est pas déjà, remarque-t-il, si peu de chose; mais outre cela il doit considérer comme faisant par- tie de son domaine , tout ce qui se rapporte à la connaissance complète du langage, de l'antiquité, de l'histoire , de la fable, des poètes, et à l'interprétation de tous les écrivains anciens. Il répond ensuite à ceux qui voyaient dans ces études une source d'erreurs et d'hérésies, en leur demandant si l'erreur n'appartient pas au fond du discours, aux pensées, quelle que soit d'ailleurs la forme, polie ou barbare, dans laquelle elles sont exprimées. Les Basile, les Grégoire de Nazianze, les Chrysostôme n'étaient-ils pas, poursuit-il , de meilleurs écrivains que l'hérétique Arius qu'ils combattaient? Erasme ne surpasse-t-il pas Luther? N'est-il pas parmi les catholiques qui ont écrit contre les pro- pagateurs des nouvelles doctrines , des hommes beaucoup plus lettrés que ces derniers ' ? Et Budée , qui n'est surpassé par personne dans la connaissance des deux langues latine et grecque, n'est-il pas aussi éloigné de l'hérésie que le doux de l'amer? Yivès termine par une plaisanterie assez mordante : n'est-il pas étonnant, dit-il, que les gens dont je me plains, se déclarent ainsi les ennemis de la bonne latinité, tandis que c'est au latin qu'ils doivent de n'être pas montrés au doigt par le peuple? Car il est certain, ajoute-t-il, que s'ils débitaient leurs

' Au nombre des écrivains catholiques que Vives oppose ici aux détracteurs des études philologiques , il place Latomus et Clichtoveus ; ces deux écrivains , qui ont fait honneur à leur patrie , étaient Belges. Le premier , dont le véritable nom est Barthélemi Masson , était d'Arlon ; il fut professeur au collège des trois langues à Louvain, et plus tard au collège royal de France à Paris. Voy. Paquot , t. I, p. 136. Le second, Josse Chlictoue, natif de Nieuport, était docteur de Sorbonne ; Érasme appelle ses ouvrages : Uberrimum rerum optimarum fontem.

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Sottises pédantesqiies dans une lang^ue comprise du peuple , celui-ci au liou de les admirer, les sifflerait comme ils le méritent.

Wous avons vu que, dans la pensée de notre écrivain , la poésie et l'histoire sont du ressort de la grammaire ; il s'en occupe donc en môme temps que de celle-ci ; déplore, comme le plus grand malheur pour la première, l'abus des fictions mythologiques, le peuple ne trouva que trop longtemps un encouragement à l'immoralité ; il vou- drait voir les poètes puiser à une source plus pure , aux vérités chré- tiennes. Quant à l'histoire, il s'étend assez longuement sur les mythes dont son berceau est enveloppé, sur les difficultés chronologiques, sur le peu de bonne foi des historiens ', sur leur patriotisme mal entendu. Il compare en dernier lieu Froissard, Monstrelet et Commines à Thucydide, Tite-Live et Tacite, que personne, dit-il , n'a lu une fois sans les relire, et se prononce avec force en faveur des historiens an- ciens^ Il ajoute quelques mots sur les romans de chevalerie , dont il ne parait pas avoir saisi le côté intéressant ^.

Dans le livre suivant il est question de la dialectique. Vives com- mence par regretter qu'un art si précieux, l'instrument nécessaire des autres études , en soit venu à un tel degré de dépravation. Il en est de la dialectique, dit-il, comme des manuscrits, qui ne sont jamais plus altérés, que quand ils ont passé par les mains de beaucoup d'ignorants. Et qu'on ne croie pas, ajoute-t-il, que cette corruption date de peu d'années : non, elle est presque aussi ancienne que l'art lui-même. Alors il nous montre Aristote semblant oublier le premier que la dia- lectique n'est qu'un instrument, qu'une forme, et voulant lui donner une valeur réelle , la substituer aux faits, aux réalités. Cicéron n'est ni plus raisonnable, ni plus conséquent avec lui-même. Après cette accusation générale, il passe en revue les principales productions du

I En parlant de Diodorc de Sicile, Vives s'exprime ainsi : Diodorui Siculus, quefn netcio cur Plinius dicat deaiisse primum apud Graecos nugari, quum nihil sil eo nugacius; il a été réfuté •ur ce point par Gérard Vossius , De kistoricia graeci». Francofurti ad Maenuiu , 1 678 , , t. Il , p. 168.

* M. De Reiffenberg, Quatrième Mémoire, p. 9K, a reproduit ce passage et le précédent.

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Stagirîte sur la matière, et outre le reproche d'obscurité commun à la plupart de ses ouvrages, il montre en détail ce qu'une philosophie saine y trouve à reprendre \ C'est ainsi qu'il traite successivement des ouvrages qui constituent Vorganon, c'est-à-dire des livres appelés des catégories, de l'interprétation , les analytiques , les topiques, et des arguments sophistiques. Ces traités déjà peu sûrs par eux-mêmes , se dénaturèrent beaucoup encore en passant par le latin , le génie dif- férent des deux langues donnant parfois des sens très-différents à des locutions matériellement les mêmes. Ajoutez à cela les détours cap- tieux , les mille subtilités dont des esprits malheureusement trop in- génieux ont encore embarrassé cet art déjà si maltraité. De ce temps si long employé à en acquérir la connaissance ; le moyen est devenu la fin, l'instrument le but principal. C'est ainsi qu'à Paris on consacre deux ans à l'étude de la dialectique, tandis qu'on en met à peine un à étudier le reste de la philosophie, c'est-à-dire la physique, déna- tura, la morale , de moribus , et la méiaph^fsiciue , prima philosophia. . Il finit par un tableau énergique de l'outrecuidance de ces hâbleurs , qui , forts d'un langage inintelligible à tout autre qu'à eux , se vantent de montrer que le blanc est noir, et de changer la nature des êtres. Il ajoute un mot des travaux de Yalla sur la dialectique, et tout en im- prouvant ses opinions, déclare qu'elles ne lui semblent pas mériter la peine d'une réfutation.

La rhétorique fait l'objet du quatrième livre. Vives commence par nous donner une haute idée de cet art, en nous montrant le rôle im- portant qu'il joue dans la société. Celle-ci repose sur les grandes bases de la justice et de la parole; et supposez que l'un de ces deux soutiens vienne à manquer , vous verrez bientôt s'écrouler l'édifice. Sans la première , aucune confiance , aucun lien moral dans les rapports des hommes entre eux ; sans la seconde, ces rapports ne peuvent pas même

' Vives est merveilleusement d'accord surtout cela avec De Gerando , ouvrage cité, t. II, p. 868 et suiv. Quant au reproche d'obscurité, voici ses paroles : Caeterum, quod liceat cum bona venta dicere, praeterquam quod more suo obscure et prolixe, etiam parum apte ad usum vel inreniendi argumenta, vel judicandi argumentationes.

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exister. Mais c'est surtout dans les étals libres que la parole acquiert de la \aleur, et c'est aussi qu'est née l'éloquence. Après nous avoir fait assister à sa naissance en Sicile et à ses progrès dans la Grèce, il nous met sous les yeux un premier abus, la confusion de la rhétorique a\cc d'autres arts, d'autres connaissances qui en sont essentiellement distinctes; telles sont l'histoire et la jurispru- dence : et sur ce point il cite des textes de Cicéron et de Quintilien, qui semblent faire de l'art de bien dire une espèce d'encyclopédie. Il s'attaque ensuite à ceux qui ont rassemblé sous le titre de lieuû!! cornmuns, une foule de formules , , selon eux , l'orateur n'a qu'à puiser les preuves dont il a besoin ; comme si un procédé semblable n'était pas le meilleur moyen d'ôter à l'éloquence toute son éner- gie, toute sa vigueur. Ce que j'attendais de vous, dit-il^ c'était des règles, canones, générales et résultant de l'expérience pour me di- riger ; car un art ne peut être que cela. Que vous y ajoutassiez quelques exemples pour servir de modèles d'exercice , c'est ce que je n'aurais pas désapprouvé ; mais quant au reste , il n'est pas du ressort de la rhéto- rique, mais du jugement et de l'usage. Plus loin, il blâme ceux qui ont distingué trois genres de style, comme si entre le style élevé, mé- diocre et simple, il n'y avait pas une infinité de nuances intermé- diaires , qui toutes tiennent à des spécialités qui échappent à l'analyse. Ailleurs il s'étend assez longuement sur la sévérité scrupuleuse avec laquelle plusieurs bannissent du discours tout ce qui , sous le rapport prosodique, ressemble de près ou de loin aux vers. Il passe enfin au tableau de la décadence de l'art oratoire chez les Romains. Ici je le laisserai parler lui-même, pour donner une idée de sa manière au lec- teur : Romae Pompeius magnus tertio suo consulatu legem tulit , ut actori duae assignarentur ad dicendum horae , pafrono très , et peroraretur eodem die. De quo Cicero queritur in Bruto ; inquit enim : et perterritum armis hoc studium nostrum conticuit subito, et obmutuit , lege Pompeia ternis horis ad dicendum datis. Et Tacitus imposilos esse dicit velut frenos eloquentiae. Caeterum in jus etpotes- tatem unius redactis omnibus , is non passus est vel tam crebro po-

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pulum cotre , vel tam fréquenter , vel quemquam libère in puhlico loqui , quod ut erat, ita periculosum esse existimatum est pofentiae unius. Quocirca exclusa est a concionihus eloqtientia, id est, a theatro et nutrice sua.... Principes raro ipsi loquehantur ad populum, et pauca, et plerumque per edicta, haud aliter quant ad servos: in se- natu sententiae dicebantur ; non libère , ut antea , sed in adulationem potentiae compositae. Inforo, siprinceps cognosceret , ptidor vetabat euni detinere.... nec ipsijudices, qui essent imperiti et delicati , fere- bant longas orationes , sed brèves , atque easdem amaenas; et, quod in persona judicis est flagitiosum , malebant aliquid quod delectaret audire _, quam quod doceret de causa : aptatae sunt ejusmodi affec- tibus orationes , et in forum allatum , quod scenae magis congrueret. Ita genus dicendi penitus mutatum ; ex sano, et sobrio , et severo , ad luxum et delitias, tanquam si virili veste posita muliebrem sumpsisset. Il poursuit cette triste peinture, et nous montre l'éloquence dégra- dée de plus en plus dans les déclamations des rhéteurs, et expirant la première sous les coups des barbares. Il fait ensuite le portrait des ■prédicateurs de son temps, hommes tout à fait étrangers, dit-il, à la connaissance des moyens d'agir sur le cœur humain, et ignorant même jusqu'aux plus simples convenances du style. Le dernier abus qu'il sou- met à sa censure est la pratique de ces littérateurs si communs à cette époque, qui tombés d'un excès dans un autre, poussaient l'admira- tion pour les anciens, jusqu'à paraître croire qu'on ne pouvait penser que d'après eux, et qui auraient craint d'avancer quelque chose qui ne se rencontrât pas chez ces derniers. Que vous empruntiez aux anciens les mots que vous employez, dit-il, rien de mieux ; mais que vous cal- quiez vos phrases tout entières sur les leurs , que vous emprisonniez votre pensée dans la leur, c'est vous condamner à une stérilité éternelle, c'est vous ranger parmi le servmn pecus d'Horace. Voyez, ajoute-il, comme les anciens eux-mêmes imitaient; voyez comment Virgile imite Homère et Ennius; mais imiter n'est pas transcrire. Il finit par cette pensée bien digne de lui : « Equidem sordes et vitia sermonis nemo vel amare débet , vel probare , unde maxima pars cladis tum artium,

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tum judiciorum est accepta; sed certo si detur optio , quis non malit multo immundtim spurctimque magnis de rébus atque excellentibus sermonem , quant de nugis complissimum atque ornatissimum 9 m

Le cinquième livre est consacré à l'examen de la physique , ^At/o- sophia naturae, de la médecine et des mathématiques. Ici Vives dé- bute d'une manière solennelle. Il nous montre l'auteur de la nature mettant à la disposition de l'homme tous les êtres créés pour lui; celui-ci initié ainsi à tous les secrets du monde extérieur, privé bientôt après de cette connaissance par sa faute, et jeté dans les ténèbres, remontant lentement et à la sueur de son front vers la lumière. Deux abus diamétralement opposés ont enchaîné ses progrès ; d'un côté trop de facilité à croire, de l'autre une démangeaison excessive de douter. Un autre abus, dit-il, c'est une indiscrète propension à conclure du particulier au général, et dessus Aristote devient de nouveau l'objet de sa censure. Il attaque son histoire des animaux ^ et l'accuse, tout en montrant la plus grande sévérité à l'égard des assertions d'autrui , d'avoir donné lui-même des preuves de la plus étonnante crédulité. Le partage des philosophes en sectes ennemies a nui beaucoup aussi au progrès, chacun travaillant dans les intérêts de son école, et per- sonne ne recherchant la vérité avant tout. Pour les modernes, il se sont astreints à suivre servilement Aristote, sans tenir compte ni de Timée, ni de Platon, ni de Plotin, ni de Pline, ni de Théophraste, ni de Cicéron. Bien plus , ils ont admis pour principe qu'il est impossible en cette matière, d'aller plus loin que n'a été Aristote, qu'ils préfèrent à tous, parce qu'il se prête mieux à leur charlatanisme (rixantium circulis) : opinion absurde aux yeux d'Aristote lui-même, puisqu'il s'est contredit et corrigé bien des fois. Dieu seul, s'écrie Vives, peut fixer des bornes aux progrès de l'esprit humain dans l'étude de la nature, car lui seul connaît l'étendue de l'une et de l'autre. Il faut voir dans l'ouvrage lui-même avec quelle chaleur, quelle force d'ironie amère, il livre au ridicule et au mépris cette malheureuse manie de répondre à toutes les difficultés par Aristote Va dit, de ne plus voir que par ses yeux , de faire abnégation complète de sa propre intelligence. On va

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même, dit-il, jusqu'à préférer les rêveries du Stagirite à la foi chré- tienne , dont les mystères les plus élevés ont cependant de si admira- bles analogies dans la nature, pour qui les cherche avec une sobre diligence {sobrie et diligenter), et dont la connaissance existe en germe d'une manière non équivoque dans nos esprits ( illorum non levia aut tenuia semina in animis nostris esse itigenita). Et encore s'ils pre- naient Aristote tel qu'il est, et dans ce qu'il a de plus sensé ! Mais non, rejetant son livre des animaux , ses problèmes , ce sont les livres physiques , ceux des météores, c'est-à-dire les parties les plus ab- struses, qu'ils étudient. Et les étudient-ils? dans la traduction d'Aver- roès ' , c'est-à-dire dans une version qui est en défaut presque à chaque ligne. Il finit par une tirade véhémente contre ce traducteur, et con- tre la misérable méthode que son travail a introduite dans les écoles. Il passe ensuite à la médecine et aux mathématiques : il montre en peu de mots combien d'abus ont résulté pour la première du vice des méthodes, de l'ignorance des travaux des anciens, de l'amour du gain et du charlatanisme. Quant aux mathématiques^ après en avoir montré l'importance, il ajoute que les ouvrages de l'antiquité sur cette matière qui nous sont parvenus, sont beaucoup moins altérés que les autres, par cela même qu'ils ont été les plus négligés de tous. Au sixième livre, Vives s'occupe de la philosophie morale. C'est l'art, dit-il, le plus digne de l'homme; c'est celui qui nous apprend à nous connaître nous-mêmes. Les anciens ne l'ignoraient pas, et l'on vit Socrate, si versé dans toutes les parties de la philosophie, s'appli- quer spécialement à étudier sa propre nature , pour tirer de cette con- naissance les moyens de l'améliorer, en réglant convenablement son cœur et son esprit. Pour cela il se retira dans l'intérieur de lui-même, en se soustrayant autant que possible aux préjugés de la foule, qu'il appelait la grande maîtresse de l'erreur. Effectivement chacun a au dedans de soi une lumière naturelle , qui ne peut que le conduire au

Voyez sur les traductions d'Aristote et sur Averroès en particulier Jourdain , Recherches critiques sur l'âge et l'origine des traductions latines d'Aristote , et sur les commentaires grecs ou arabes employés par les docteurs scolastiques. Paris, 1819.

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yrai , s'il n'abandonne pas ce flambeau allumé par la main de Dieu pour l'éclairer. Le grand tort de l'homme, et surtout du chrétien, éclairé à un bien plus haut degré encore par le soleil de vérité, c'est de perdre tout cela de vue pour écouter les philosophes qui n'ont rien de supérieur à lui-même. Mais ce qu'il y a d'inconcevable , c'est qu'au lieu de suivre au moins la doctrine de Platon ou celle des stoïciens qui ont tant de points de rapport avec le christianisme , on se soit mis à la suite d'Aristote, qui est resté bien au-dessous d'eux. Ainsi Platon place le souverain bien dans une union dont l'amour est le lien entre l'homme et cette beauté qui n'en connaît pas qui la sur- passe, et qui n'est sujette ni au changement ni au déclin. Aristote le place sur la terre, et prétend que l'homme le trouve en lui-même. Aristote ne voit dans la vertu qu'une habitude, é^(ç, n'est-ce pas aussi, et à plus juste titre une force agissante , ivépyttal La vertu encore est-elle toujours , comme il le dit, un milieu entre deux exc^s, ^aay ? N'exclut- elle pas au contraire le plus souvent tout terme moyen ? N'est-elle pas alors la contradictoire du vice? Mais le point sur lequel il pousse le plus vivement Aristote, c'est sur sa définition de la magnanimité, qui est pour lui le désir des grands honneurs. Il faut voir avec quelle véhémence il l'interpelle dessus, comment il montre l'inanité de cette gloire tant préconisée par le philosophe qu'il combat, comment surtout il fait contraster cette opinion avec la doctrine évangélique. Mais outre cela, continue-t-il , ce philosophe si éloigné de notre foi, comment le comprend-on dans les écoles? Ici il prouve par plusieurs exemples combien la traduction vulgaire est infidèle et obscure. Mais c'est précisément pour cette raison qu'on en fait usage , s'écrie-t-il avec indignation ! On a conservé les éthiques à cause de cette obscurité , tandis qu'on rejetait sa rhétorique et sa politique , que les fables , les histoires, les sentences qu'il y môle rendaient plus claires. Encore une fois on a cherché matière aux disputes interminables. Et maintenant, dit-il en terminant, l'éthique n'est plus qu'un objet d'altercations; et loin d'y apprendre la vertu , c'est en disputant sur elle que les jeunes gens se pervertissent chaque jour davantage.

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Le droit civil fournit la matière du dernier livre. L'équité est une des bases de la société; or l'égoïsme tend sans cesse à faire pencher la balance de son côté ; il a donc fallu que la force sociale vînt rétablir l'équilibre : de l'origine des lois , qui ne sont que des déductions, des applications du principe général de l'équité. Le premier abus pro- vient des lois iniques ; le second de ce que ceux qui sont chargés d'ap- pliquer les lois, justes, sont les premiers à s'y soustraire. Un point important et qui a été souvent perdu de vue , c'est que le premier but des lois est la conservation ou l'amélioration des mœurs. Je crois, dit ici Vives, qu'aux yeux des Romains leur liberté tant vantée con- sistait à vivre comme il leur plaisait, pourvu qu'on le fit sans violer le droit d'autrui ; mais si c'était là, continue-t-il, ce qu'ils se propo- saient, ils n'y sont jamais parvenus, malgré toutes leurs formules; ce qui leur serait peut-être arrivé , s'ils s'étaient mis plus en peine des mœurs de la cité. Deux autres causes de décadence dans cette, partie , c'est l'obscurité des lois et leur excessive multiplicité. Arrivé , Vives fait l'histoire de la manière dont nous est parvenu l'ensemble du droit romain actuel : tout en louant le dessein de Justinien dans la compilation du Digeste, il regrette que ce travail ne présente pas une unité complète, et qu'il ait peut-être été cause de la perte des ori- ginaux. Il déplore ensuite l'excessive corruption du texte, et exprime, sans toutefois y attacher beaucoup de confiance, l'espoir que le fa- meux manuscrit Florentin ' pourra faire disparaître le mal. Enfin il emploie le reste du livre à dépeindre le triste état en est encore , au moment il écrit , la science du droit : tout se borne , dit-il , à la connaissance matérielle des lois , et à de vaines subtilités ; tous les moyens d'interprétation sont négligés , langues , science de l'anti- quité , étude du droit naturel , principes du droit écrit ; tout cela est ignoré , ou employé sans le moindre discernement.

' Voyez sur ce célèbre MS. Henricus Brencmannus , Historia pandectarum , seu fatum exem- plaris Florentini. Trajecti ad Rhenum , 1722, elles auteurs cités par J.-C.-F. Bœhr, Manuel de l'hist. de la littérature romaine, trad. par J.-E.-G. Roulez. Louvain , 1838, p. .421.

DE JEAN-LOUIS VIVES. cfltt

IV.

De tradendis disciplinis seu de inslitutione Christiana libri F. (T. I, p. 436-527.)

Après avoir exposé les causes de la décadence, Vives recherche dans l'ouvrage dont nous commençons l'analyse , les moyens de remédier au mal par un enseignement sain. Dans le premier livre il revient sur l'origine des arts, insiste beaucoup sur la fin à laquelle ils doivent tendre , et qui n'est autre à ses yeux que d'aider l'homme à arriver au bonheur, pour lequel il est créé; bonheur, dit-il, que sa religion lui fait connaître, et qu'elle suffit pour lui faire atteindre. Cependant la science peut lui être utile pour cet objet aussi , et loin d'être en oppo- sition avec la foi , elle est pour celle-ci un auxiliaire précieux. La na- ture, dit Vives , a Dieu pour auteur aussi bien que la religion ,pielas ; mieux par conséquent on connaîtra la première, plus on se rappro- chera de la seconde. Après avoir déterminé de cette manière le but de l'art, il réprouve tout ce qui est en désaccord avec ce but; c'est ainsi qu'il repousse les connaissances qui n'ont en vue qu'une vaine cu- riosité , toutes les espèces de divination , la magie , tout ce qui tend à la corruption des mœurs; il cite dans ce genre les livres qui respirent la colère, la haine; les éloges du vice; les romans, Milesiae Fabulae. Après cela il trace une sorte de classification des connaissances hu- maines, fondée sur la distinction de ce qui , dans les objets visibles, frappe immédiatement nos yeux, et de ce qui, dans ces mêmes objets, n'est accessible qu'à l'intelligence , c'est-à-dire leur essence ; et en établissant une troisième classe pour les objets sur lesquels cette der- nière seule peut s'exercer, c'est-à-dire, les substances invisibles ou spirituelles. Maintenant tous ces arts ont été le sujet d'une infinité d'observations consignées dans un grand nombre de volumes. Com- ment s'y prendre pour arriver à la connaissance de ce qu'il y a en tout cela de vraiment important. Il est évident qu'il faut faire un choix. Ici Vives exprime un vœu qui a été , longtemps après lui, celui Ton. XV. 9

66 SUR LA VIE ET LES ÉCRITS

de tous les hommes sensés , et il l'exprime en des termes qui donnent de lui une si honorable opinion, qu'il nous est impossible de ne pas le laisser parler lui-même : In unaquaque arte ac peritia lihri debent assignari, qui enarrandi sunt in scholis , qui secreto studio legendi ac evolvendi, ne aevum adeo brève ac fugax in supervacaneis et non raro noxiis quoque consumeretur.... Hoc quifaceret, magna scientia- rum notifia et acrimoniajudiciifretus, nae is , mea sententia, ingens in univefsum hominum genus beneficium conferret. Nec contenfus esset libres nota quadam insignisse , sed ecc his libris loca etiam indicaret, unde singula essent petenda. Quod nos quadam ex parte facere aggrediemur : quo successu, non multum laboro, certe optima voluntate , etqua multorum ingénia excitabimur.... Equidem neque hoc , neque ullum aliud bonum invidebo generi humano , a quocum- que proficiscatur , et me in postremum aut in nullum etiam rejici locum jucundissimum mihi erit intuenti profectus humanae sapien- tiae. Il examine enfin la question de savoir s'il peut y avoir utilité à lire les ouvrages des ennemis de la foi chrétienne : il répond que oui , mais qu'il faut le faire avec discernement, et il ajoute qu'il serait à souhaiter qu'un esprit éclairé fît le triage du bien qui peut s'y rencontrer, et des erreurs qui appartiennent à la secte de l'écri- vain.

Après ces observations préliminaires, Vives commence proprement dans le deuxième livre, à entrer en matière : l'examen auquel il va se livrer aura pour objet , dit-il , la matière et les limites de l'ensei- gnement, le lieu on doit le donner, et le choix des méthodes et des maîtres. Il s'occupe en premier lieu de l'emplacement : il veut d'abord que les établissements d'instruction soient placés dans une situation saine ; ensuite qu'on puisse y vivre à peu de frais , que les sources de dissipation n'y soient pas trop multipliées ; il préférerait la campagne à la ville. Qu'on ne soit pas étonné, ajoute-t-il , que nous attachions tant d'importance à bien choisir le lieu les jeunes gens viendront se former à la sagesse : n'en met-on pas beaucoup à trouver une po- sition favorable aux abeilles , qui distillent un miel bien moins pré-

DE JEAN-LOUIS VIVES. 67

cieux? Après cela Vives passe au choix des maîtres. II exige d'eux non-seulement la science, mais aussi l'aptitude à la communiquer : Non modo sint ea doctrina ut possint bene instituere , sed habeant tradendi facultatem ac dexteritalem. Il veut que leurs mœurs soient d'une pureté irréprochable, et qu'ils y joignent une prudence qui les mette à même de discerner ce qui convient à la situation et à la ca- pacité de leurs élèves. Il est deux choses surtout qu'il veut que l'on bannisse absolument de l'enseignement : c'est l'avarice et un désir immodéré de se distinguer chez ceux qui en sont chargés. Il demande donc que les maîtres reçoivent un traitement aux frais du public , trai- tement médiocre, et tel que la probité sache s'en contenter , et que le vice ne se soucie pas d'y aspirer. Il s'oppose à ce qu'ils acceptent un salaire de la part des élèves, parce que cela nuit à leur indépendance. Il repousse également les exercices publics trop fréquents, parce qu'ils sont propres à nourrir la vanité et la jactance des maîtres. Quant aux grades académiques, il voudrait ou qu'on les supprimât, ou qu'on ne les accordât qu'au mérite éminent, et après de nombreuses épreuves. Que les professeurs soient animés par des sentiments de religion et d'humanité; qu'ils vivent en bonne intelligence et même en commun ; qu'ils s'aident mutuellement dans leurs travaux; qu'ils ne perdent jamais de vue, qu'aider un frère dans la recherche de la vérité, c'est une œuvre sublime, et souverainement agréable à celui qui est la vérité par excellence. Que leur nomination ne soit pas laissée aux étudiants, incapables encore de discerner le bon maître de celui qui l'est moins, et qui seront dirigés le plus souvent dans leur choix par des motifs vicieux. Que les maîtres , lorsque les parents leur confient un enfant, tâchent de faire comprendre non-seulement à celui-ci, mais aux parents eux-mêmes, quel est le vrai but de l'instruction, c'est-à- dire , rendre l'enfant plus sage , et par conséquent meilleur. Qu'on mette cet enfant à l'essai pendant un mois ou deux pour s'assurer de la partie qui lui convient; que les maîtres se réunissent quatre fois l'année pour examiner sous ce rapport les facultés de leurs élèves. Il examine ensuite il convient le mieux de faire instruire les enfants,

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dans la maison paternelle, ou dans un établissement public; il pré- férerait le dernier, si l'on en trouvait d'organisé convenablement; dans l'état de choses actuel, il se prononce pour l'instruction particu- lière ; mais toutefois à condition que l'élève ait au moins un condis- ciple. Il montre longuement ensuite combien il importe d'éloigner des écoles ceux qui manquent de goût ou d'aptitude pour l'instruc- tion, et il énumère les maux que l'usage contraire a coutume de produire dans la société. Il expose plus loin combien il importe aux maîtres de bien saisir le caractère de leurs élèves, et entre sur la pro- digieuse variété qui existe sous ce rapport parmi les hommes, dans des détails qui étonnent par la vérité des observations et la finesse des aperçus. Il fait remarquer combien l'amour mutuel du maitreetdu dis- ciple influe d'ordinaire sur les progrès de celui-ci. II finit par montrer à quel point, dans l'étude d'un art, l'observation réfléchie des modèles est importante : il n'est pas, dit-il, de meilleurs maîtres d'éloquence que Demosthène et Cicéron , de poésie qu'Homère et Virgile. Cepen- dant ils ne faut pas tellement s'attacher à ceux qui ont excellé dans un art , qu'on perde de vue la nature elle-même , la source de tous les arts, et le premier de tous les modèles. Il termine en disant que l'on ne saurait familiariser ti'op tôt les élèves avec les saints livres; et quant aux maîtres eux-mêmes, peuvent-ils trouver un meilleur modèle de leur art que dans le divin auteur de l'évangile?

Le livre troisième est consacré à l'enseignement des langues. L'at- tention de l'auteur se porte à cet égard , si je puis parler ainsi , jus- que sur les premiers bégaiements de l'enfant , et il montre qu'on ne saurait trop tôt l'accoutumer à s'exprimer avec aisance , et surtout à articuler nettement. Il expose ensuite les raisons pour lesquelles il veut qu'on attache une importance particulière à la langue latine : ces raisons sont la beauté, la gravité noble de cette langue, l'usage géné- rai qu'en font les hommes lettrés, usage auquel elle est redevable d'ê- tre devenue la langue universelle de la science, l'utilité qu'il y a à ce qu'une langue spéciale mette le domaine de l'érudition à l'abri des incursions de l'ignorance, enfin l'avantage d'être la langue mère des

DE JEAN-LOUIS VIVES. 69

principaux idiomes européens. Il insiste beaucoup aussi sur les avan- tages de l'étude du grec , ne fût-ce que pour mieux savoir le latin; car on ne saurait le connaître parfaitement sans le secours de la lan- gue grecque : TVec ullus absolulc fuit latini sermonis peritus , nisi et graeco imbulus. Il trace ensuite lu marche qu'il veut que l'on suive dans l'enseignement de la grammaire, et met les maîtres en garde contre le pédantisme morose et brutal qui n'accompagne que trop souvent cette profession de grammairien. Ses explications auront tou- jours la plus grande clarté; il appuiera toutes les règles qu'il don- nera sur des exemples empruntés aux bons auteurs. Quand il en sera venu à l'explication de ceux-ci , il aura soin de jeter sur le travail de l'intérêt et de la variété : s'il est question d'un homme célèbre, il don- nera quelques détails sur sa vie et ses actions; s'il s'agit d'un lieu , il en déterminera la position géographique; il décrira brièvement les animaux, les plantes dont il y sera fait mention, indiquera le climat qui leur convient , les régions on les rencontre , etc. Il exercera souvent ses élèves à écrire , surtout par les traductions de la langue vulgaire en latin et vice versa ; pour la langue grecque, il ne conseille que les versions proprement dites. On les accoutumera aussi à tirer quelque chose de leur propre fonds , en leur donnant une lettre , un récit à écrire, une pensée à développer; mais qu'on prenne bien garde de leur rendre jamais ce travail odieux, en le leur imposant trop ri- goureusement, et en exigeant d'eux plus qu'ils ne sont capables. Il indique la manière de corriger ces petites compositions , de façon à n'en pas décourager les auteurs. Plus loin il traite du mélange de dou- ceur et de sévérité qui doit distinguer le maître, mais veut que la première l'emporte toujours sur l'autre. Il arrive enfin aux auteurs l'on doit puiser la connaissance des langues. Il recommande d'abord d'éloigner des mains des enfants tout ce qui pourrait porter atteinte à leurs mœurs , et veut pour cette raison que l'on retranche surtout des poètes , tout ce que la décence y condamne. Pour les éléments , il cite quelques auteurs dont il conseille l'emploi, entre autres Érasme et Despautère. Il regrette l'absence de bons dictionnaires, et exprime le

7f« SUR LA VIE ET LES ÉCRITS

vœu qu'on s'occupe d'en composer. Il veut qu'on donne aux élèves des notions d'histoire et de géographie , et recommande pour ce dernier point Pomponius Mêla. Il fait ensuite une assez longue énuniération des auteurs latins qu'il trouve propres à être mis entre leurs mains, et parmi ceux-ci il désigne plusieurs latinistes récents. Pour les Grecs, il veut qu'on commence par Ésope, qu'on y ajoute Lucien, Isocrate ou saint Jean Ghrysostôme, dont il vante la gracieuse limpidité, et que l'on finisse par Demosthène , Platon , Aristote , Aristophane , Euri- pide, et surtout Homère, dont il apprécie le mérite en juge éclairé. Aux ouvrages destinés aux élèves, il joint ceux qui peuvent être utiles aux maîtres. Il en nomme un très-grand nombre , et en fait ressortir le mérite et les défauts avec autant d'érudition que de jugement. Toute cette partie est rédigée avec la plus grande concision, et échappe par même à notre analyse ; nous ne saurions la reproduire autrement qu'en la transcrivant.

Mais la connaissance des langues n'est qu'un instrument pour aller plus loin , et ceux qui les possèdent ne sont encore qu'à la porte , ou tout au plus dans le vestibule de la science : c'est la remarque que fait Vives en commençant son quatrième livre. Une langue, dit-il, n'est jamais digne d'être apprise pour elle-même, et sous ce rapport le grec et le latin doivent être rangés sur la même ligne que toute autre langue, le français ou l'espagnol , par exemple. Il est donc temps de faire avancer notre élève, et de l'initier aux éléments de la logique {censura veri). Notre auteur prescrit les règles à suivre à cet égard : il repousse les disputes, auxquelles ceux qui s'occupent de cette étude ne sont que trop portés naturellement; leur prescrire des exercices de ce genre, ce serait jeter de l'huile dans le feu. Il recommande beaucoup la méthode socratique, qu'il trouve extrêmement propre à faire sortir la vérité comme du propre fonds de l'élève , à exercer l'intelligence de celui-ci , et à le fortifier contre les objections. Après avoir indiqué les auteurs qui peuvent servir de guide , indépendamment de la dialecti- que d' Aristote, qu'il veut qu'on parcoure attentivement tout entière , il passe à la connaissance de la nature , dans laquelle il recommande

DE JEAN-LOUIS VIVES.

de ne pas vouloir aller trop loin, et de se borner à ce qui peut être utile aux usages de la vie ordinaire; il ajoute quelques conseils sur la manière de diriger les jeunes gens sur ce point, et indique les ou- vrages qui peuvent fournir des secours. Arrivé à la métaphysique générale (prima philosophia) , il définit cette partie de la science philosophique, en indique la source, et détermine le caractère d'es- prit qu'il faut y apporter pour réussir : Desiderat disciplina haec auditorem ingenii altollenlis se, ac erigentis supra sensus ad causas

rerum acprimordia, ad collectionem universalis ex singulis Alie-

num est ab inslituto hoc ingenium nugax , inepte canjectans , item contentiosum , ut rationem ad omnia evidentem atque invincibilem efflagitet, quae non potes l ubique exhiberi par. Il veut que l'élève se retire quelquefois dans la solitude pour réfléchir sur ce qui lui a été enseigné, l'examiner et se l'approprier. Il veut aussi que cette étude ne soit pas trop continue, mais que de fréquentes excursions dans le champ moins aride des travaux précédents, servent de récréa- tion à l'esprit fatigué. Il s'occupe ensuite de la dialectique propre- ment dite [argumentorum inventio), qu'il distingue de la logique quae est de judicio; et passe immédiatement après à la rhétorique , dont il montre toute l'importance.

iili recommande l'étude des ouvrages d'Aristote, de Cicéron, de Quintilien et des principaux rhéteurs ; la lecture assidue des modèles, dans le choix desquels chacun doit consulter son caractère et son apti- tude; et enfin des exercices gradués, sans être trop fréquents, tant quant à la composition qu'à la prononciation. Les mathématiques l'oc- cupent ensuite, il veut qu'on s'y applique^ mais sans excès. Voilà, continue-t-il, de quoi occuper un jeune homme jusque vers l'âge de vingt-cinq ans. Il est temps alors qu'il entre dans le domaine de la vie pratique , et qu'il se familiarise avec les principaux objets qui la cons- tituent. Il place à cette époque des études la métaphysique spéciale, de rébus spiritalibus. C'est aussi le moment, dit-il , les élèves se séparent en deux grandes classes : les uns se consacrent à la culture des âmes , les autres embrassent la science qui a pour objet la conser-

SUR LA VIE ET LES ÉCRITS

vation du corps , sur laquelle nous allons l'entendre lui-même énoncer les idées les plus saines et les plus avancées , surtout pour son époque. Après avoir parlé de l'importance de cet art , de la responsabilité de ceux qui l'exercent, des capacités qu'exige l'étude qu'on veut en faire, il continue en ces termes : Ratio tradendae arlis medicae , quantum quidem ipse assequor , haec est , ut primum expositae sint nohis ac perspectae patates omnes humani corporis , quae cuique vires , quae cuique natura , quae inter eas proportio , et quasi harmonia. Hinc de lis morbis , qui universum hominem infesta?it ; de iis qui certain unam sedem non habent ; de iis qui certain; quae cujusque illorum

origo, sedes, auctus,progressus, effectio, opus, reliquiae, vestigia

exercitia hujus artis erunt trifaria : primum in agnitione eorum om- nium quae pro medicamentis consueverunt usurpari Secundum

exercitium, erit , ut aegros cum veterano aliquo medico adeant, et observent diligenter quemadmodum, is praecepta ai'tis operi accomo- dat. Tertium vero , quum iidem soli manum jam admovebunt operi , quod bene vertat. Il exige ensuite que le médecin ne s'occupe d'au- cune autre étude que de celle de son art; il aura soin de consigner par écrit tout ce que son expérience lui apprendra de propre à con- tribuer au progrès de la science ; il termine en le mettant en garde contre l'amour sordide du gain, et un vain désir de renommée, deux choses, dit-il , du plus grand danger au lit des malades.

Après s'être occupé de la science qui a pour objet l'entretien de la santé corporelle et la guérison des maladies qui l'attaquent , rien de plus juste que de considérer celle qui revendique pour elle le soin plus noble de conserver la santé de l'âme, et de la lui rendre quand elle l'a perdue ; c'est à cette hygiène et à celte thérapeutique morale qu'est consacré le dernier livre. Cette connaissance importante repose sur deux bases , le jugement et l'expérience : le jugement ne s'acquiert point ; mais , supposé existant n'importe à quel degré , il se perfec- tionne surtout par la lecture des auteurs qui se sont distingués par cette qualité, et Vives nomme ici Platon , Aristote, Demosthène , Ci- céron , Sénèque, Quintilien , Plutarque ; et parmi les écrivains chré-

DE JEAN-LOUIS VIVES. 78

tiens, Origène, saint Jean Chrysostôme , saint Ambroise et Lactance. Quant à l'expérience , l'histoire nous fournit de précieuses ressources pour suppléer à ce qui nous manque personnellement. Après avoir mon- tré toute l'importance de cette branche des connaissances humaines, surtout pour les hommes d'état, il examine quels sont les points prin- cipaux sur lesquels on doit s'appesantir dans l'étude que l'on en fera. Ce passage est trop remarquable pour ne pas écouter l'auteur lui- même : Tenenda sunt ex historia primum ratio temporum ,hinc fada et dicta, quae exemplum possint aliquod adferre , sive ut bonum imi- temur , sive ut malum devitemus. Bella et praelia non accurate

persequenda Notanda sunt dumtaxat ac leviter qui arma cepe-

rint , qui utrinque duces , ubi congressum , qui victi , quid illis actum : nec aliter dicenda vel legenda haec quam latrocinia , cujus- modi rêvera sunt pleraque horum omnium. Satius igitur et fructuo-

sius fuerit dare operam togatis rébus tum dicla et responsa

hominum praeditorum ingenio , sapientia , usu rerum , ea potissi- mum quae graeco verbo i-nodfOéy^za. dicuntur: consilia etiam, cur quid- quid susceptum , f actum, , dictum , eorum potissimum qui probitate , sapientia , studiis bonarum artium reliquis antecelluerint. Il exige qu'avant de se livrer à cette étude, on possède bien la connaissance des lieux; ensuite qu'on se fasse d'abord une idée nette de l'ensemble des faits , en parcourant attentivement un précis l'on n'ait relaté que les événements dominants. Il énumère ensuite les nombreuses sources l'on peut puiser une connaissance exacte et complète des faits historiques, depuis les premiers temps jusqu'à l'époque il écrit. II porte ici sur Froissard , Monstrelet et Commines un jugement qui contraste un peu avec celui que nous avons rapporté plus haut. Après avoir dit qu'il ne rappellera pas les historiens dont les ouvrages ne nous sont pas parvenus , il ajoute : Nec attigi qui de exigua aligna g ente , vel de una quapiam civitate quaedam conscripserunt , velut de Flandria, de Leodio , de Trajecto; nec qui linguis vulgaribus pro- diderunt sua , ut Valerum Hispanum , Frossardum , Monslreletum , Philippum Comininm , quorum multi sunt legi et cognosci non minus Toji. XV. 10

U SUR LA VIE ET LES ECRITS

diqni, quamplerique de graecis vel latinis. Après l'histoire , la philo- sophie morale attire son attention, il veut qu'on en puise les principes dans le dépôt des vérités révélées, et qu'on y ajoute la lecture des livres d'Aristote sur la matière, de ceux de Platon, de Cicéron et de Sénèque : quant aux écrivains postérieurs, il cite saint Thomas d'Aquin qu'il appelle scriptor de schola omnium sanissimus ac minime ineptus , Boëce et Pétrarque. Il passe ensuite aux connaissances économiques et politiques, donne les indications nécessaires à celui qui veut les acquérir , et arrive enfin à la science législative. Après avoir exposé les qualités qui constituent la bonté des lois , il propose ses vues sur leur confection dans les termes suivants : Et leges quidem , antequam fixae sint et sanctae , rogari convenit , hoc est deliberari cum multi- tudine, an approbari oporteat. Si lex placent, proponatur publiée dies jaliquot , quod trinundino fiebat Romae , ut si quid cuiquam parum videretur aequum, de eo magistratiis admoneret .-post idtempusfixae sunto leges et ratae. Perscribantur accurate distincteque : serven- tur in tahulario populi loco maxime tuto , minime ruinae obnoxio , vel qnod est magis cavendum , incendia : extent earum codices duo : in altero contineantur leges nudae, cujus subinde fiat populo non legendi modo , sed describendi etiam,, si velit , copia ; in altero leges sint cum earum rationibus et causis , ut ex eis prudentes viri existi- ment, sitne e republica abrogari legum illarum quampiam, velali-

quid in ea innovari. Nam, ratio dux est legis Adde quod ratio

efficiet %d melius intelligatur lex. Yivès err finissant déclare qu'il n'a pas la prétention de croire qu'on ne trouvera aucune omission dans les listes d'auteurs qu'il a données; c'est aux maîtres , dit-il, a y sup- pléer par leurs recherches; et il annonce l'intention de traiter dans un ouvrage spécial de la théosophie et de la théologie , sciences trop im- portantes à ses yeux pour en parler en passant. ; aq iiio

On trouve à la suite de tout ceci quelques pages sous le titre : de vita et moribus eruditi. Vives s'étend sur les qualités principales qui conviennent au savant , sur la défiance de ses lumières , l'emploi que sa conscience exige qu'il en fasse, la modestie et le mépris de la gloire

DE JEAN-LOUIS VIVES. 79i

huinaiue si peu digne d'un chrétien et d'un sage; la politesse et la dou- ceur dans les rapports avec ceux qui exploitent comme lui le domaine de la science; l'usage légitime de la critique; le choix des matières sur lesquelles il exerce sa plume; la révision et la maturité qu'exigent les œuvres destinées au public. Je citerai ici l'éloge qu'il fait d'Adrien VI, à propos de la loi imposée par l'équité aux savants, de ne Jamais in- terpréter en mauvaise part les paroles d'un écrivain , aussi longtemps qu'il n'est pas impossible de les expliquer d'une manière plus favo- rable : Ego Adrianum Florentium illum , qui postea faclxis est sum- mus pontifex, quum adhuc esset decanus Lovaniensis , in publiais saepe disputalionibus , qiiaecumque auctorum dicta a disputantibus citarentur , interpretanlem pro se audivi, nunquam aspernantem , étiamsi ex iis essent, qui adhuc vivunt , nempe Jacobi Fabri , aut Erasmi,

V.

A. Déprima Philosophia, sive intimo naturae opificio libri III. (Pag. 528-582). R. De explanatione cujusque essenliae liber. (Pag. 582-592.) C. De censura veri libri II. (Pag. 592-613.) D. De instrumento probabilitatis liber. (Pag. 614-632.) —E. De disputatione liber. (Pag. 633-639.) Jt"

Sous ces diflférents titres, Vives a rangé autant de traités qu'il donne comme la troisième partie du grand ouvrage dont nous nous sommes occupé. Le premier renferme les éléments d'une espèce de métaphy- sique générale, dont nous allons faire connaître le cadre au lecteur, sans entrer dans des détails qui nous mèneraient trop loin , et qui n'of- friraient probablement qu'un fort médiocre intérêt : c'est à quoi nous nous bornerons également pour le reste de cet article. Son but, dit-il , dans ce traité, est de rechercher le principe et le mode de production , de développement, de conservation , et de destruction des êtres. Par- tant de , il s'occupe successivement de Dieu , de la matière et de la forme ; de l'origine des connaissances chez l'homme, origine qu'il place dans les sens; des esprits et des corps; de la création ; des éléments; de

7»: SUR LA VIE ET LES ÉCRITS

lu volonté et de la raison ; du nécessaire , du possible et de l'impossible; de la fin et des moyens; de l'étendue, de la divisibilité, du fini et de l'infini ; du mouvement; de la quantité; dii temps et de l'éternité; des forces; des combinaisons de la matière et de leurs efTets; de la sub- stance et des accidents; enfin de la subordination et de l'échelle des êtres depuis l'infiniment grand jusqu'à l'infiniment petit, depuis la matière brute jusqu'à Dieu.

Le livre intitulé , de explanatione cujusque essentiae , est un tra- vail sur le principe de la définition. Vives s'y attache à expliquer ce qu'il faut entendre par genre, espèce, essence, attribiit, tout , parties , et à mettre ainsi en lumière ces rapports de similitude et de diffé- rence qui servent à discerner et à classer les êtres. Viennent ensuite les livres de censura veri; sous ce titre notre auteur a placé un traité de logique, il est question tour à tour des signes des idées, des propo- sitions, des jugements , et du syllogisme. Les deux suivants roulent, le premier sur les sources et la valeur des arguments ; l'autre sur la ma- nière de s'en servir; ce dernier est une véritable stratégie de la dispute.

Nous espérons qu'on nous ^pardonnera l'étendue qu'a prise sous notre plume l'analyse d'un travail qui forme un si riche ensemble , en considération de son importance. Toutes réflexions faites, nous croyons pouvoir affirmer qu'aucun autre ouvrage ne l'emporte sur celui-ci pour l'étendue et la justesse des vues, pour la complète intel- ligence du sujet, pour l'élévation des idées, pour la noblesse et le désintéressement du but, la sagacité dans le choix des moyens propres à l'atteindre : l'admiration redouble, si l'on songe à ce qu'était encore la science et les méthodes scientifiques au moment Vives écrivait. Pour notre part, il nous est arrivé plusieurs fois en le lisant, d'oublier les trois siècles qui le séparent de notre époque , et de croire avoir sous les yeux un ouvrage écrit pour nos contemporains, tant les con- seils , la manière, le langage si plein de persuasion et de naturel, nous semblaient avoir d'actualité! Aussi tous les écrivains qui s'en sont occupés n'ont qu'un voix sur le mérite de ce monument littéraire, Vives a surpassé tous ses contemporains, dit Dugald-Stewart, par

DE JEAN-LOUIS VIVES. 77

la justesse de ses aperçus sur les progrès futurs des sciences '. Deux critiques se sont permis seuls de jeter quelque blâme sur cette œuvre. Le premier, c'est le théologien Melchior Canus *, qui lui reproche d'abord de ne pas assez respecter des opinions et des usages autorisés par une longue antiquité, et ensuite de s'exprimer avec une hauteur et un dédain des plus déplacés. Cette double censure nous parait éga- lement mal fondée. Quant à la première accusation , nous l'avons déjà dit, et nous croyons que cela deviendra évident pour quiconque pren- dra la peine de lire quelques pages de Vives : jamais personne n'a mieux séparé que lui les institutions des abus; jamais en attaquant les erreurs, personne n'a plus ménagé ceux qui les professaient. Quant à la hauteur et au dédain , les passages que nous avons cités suffisent pour réfuter cette assertion, qui contraste si singulièrement avec le caractère imprimé par Vives à ses écrits, que nous avons quelque peine, nous l'avouons, à nous persuader que Canus ait lu l'ouvrage qu'il a critiqué. Brucker % c'est l'autre censeur, si toutefois il mérite ce nom, exprime, au milieu de beaucoup d'éloges, le regret qu'il n'ait pas mis le même soin à indiquer le remède qu'à signaler le mal : cette critique nous ne pouvons nous empêcher encore de la trouver non méritée, et nous croyons qu'il en sera de même pour ceux qui auront bien voulu suivre l'analyse que nous venons de donner des cinq livres de Tradendis disciplinis.

' Histoire abrégée des science* nUtaphysiques , morales et politiques, depuis la renaissance des lettres, trad, de l'anglais par Buckon. Bruselles, 1829, première partie, p. -44.

2 Melch. Canus. De locis theologicis , lib. X, cap. ullimum. Voyez ses Œuvres. Lugduni, 1704, p. 373.

' Voici le passage de Brucker : Qui ( faites ) si nova , et saniora dare , quam morbosa et putida retegere, maloque delecto, iiiedicinam convenienlem offerte coluisset, inter viaximos saeculi sut reformalores philosophiae referendus esset , nam tirtutibus illis solis instructus fuit , quae ad hu- jusmodi conatus suscipiendos requiruntur, animo netnpe magno, qui scriptoribus aero consecratis ausus est repugnare , et imprimis Jristoteli , sinceritate haud tulgari qua nec auclor unquam seclac nec suasor esse cupiebat, perspicuitate et elegantia terborum, quibus aperte ac dilucide cuncta potuit exponere, ut percipi facile ac teneri passent : sed sufficiebat viro eruditissimo nuditatem phi- losophiae receptae demonsirasse , errores retegere , et ad meliora ablegare jutenum ingénia. Cité par Majansius, ubi supra , p. 111.

Ou voit qu'il est peu d'auteurs qui aient à redouter une pareille censure.

m SUR LA VIE ET LES ÉCRITS

VI.

h.. De ratione dicendi libri très. (T. I, p. 34-154.) B. De consultatione liber. (Ibid., p. 154-175.)

Nous réunissons en un seul article ces deux ouvrages, composés l'un ( de Ratione dicendi) en 1532, l'autre en 1523, parce qu'ils roulent sur la même matière, et ont été livrés à l'impression ensemble. La première édition , d'après Majansius ', est celle de Louvain, ea: officina Burgeri Rescii , pridie iduum Septembris 1533, in-8°.La seconde, que Paquot cite comme la première ' , parut à Bâle , chez Robert Winter, en 1537, in-8°; il en existe une troisième de Cologne.

Aubert le Mire nous apprend que le premier de ces ouvrages avait servi de texte aux leçons données à Louvain par Vives : il y mit la dernière main à Bruges, en 1532, et le dédia à l'évêque deCoria, François Bovadilla. Ce prélat , ancien professeur de littérature grec- que à l'université de Salamanque, était venu en Belgique l'année précédente, et Vives avait passé quelques jours avec lui, comme il nous l'apprend dans cette dédicace , à Louvain et à Bruxelles. Ce morceau est loin d'être aussi insignifiant que le sont d'ordinaire les pièces de ce genre; il est clair par les idées générales qu'il y énonce sur l'éloquence, que l'auteur était loin de n'y voir, comme on l'a fait trop souvent , que l'art futile de combiner des mots et d'arrondir des périodes; mais qu'à ses yeux c'est le don précieux d'agir sur les hom- mes par la parole, qu'elle suppose un jugement exercé, une connais- sance des choses de la vie qu'on ne peut guère attendre des jeunes gens , à l'époque l'on à coutume de leur en donner les éléments : aussi voudrait-il qu'on renvoyât cette étude à un âge plus avancé , et après que l'intelligence eut été développée par les sciences philoso- phiques.

I Ubi supra, p. 12g. - Item, p. 119.

DE JEAN-LOUIS VIVES. 79

Nous indiquerons en peu de mots l'ordre suivi par Vives dans ce traité, et nous nous arrêterons ensuite sur quelques passages qui nous ont paru dignes d'une attention particulière.

Il s'occupe d'abord de l'origine de l'éloquence qui a suivi presque partout les progrès et la décadence de la liberté ; il passe ensuite à la définition de la matière et de la fin de l'art de bien dire : après avoir distingué dans la matière le fond et la forme, les sentiments, sensa, et les mots, il s'attache à ce qui concerne le choix de ces derniers, les tropes, l'effet, dans la prononciation, des lettres et des syllabes comme sons, la construction des périodes, enfin tout ce que nous croyons pouvoir appeler le mécanisme de l'éloquence. Le reste du premier li^re est consacré à ce que les rhéteurs désignent par le nom de figures de pensées. Dans le deuxième il considère le style oratoire dans son ensemble : il commence par rappeler l'ancienne distinction entre les styles asiatique , attique et rhodien ; il s'occupe ensuite de ce qu'il appelle la couleur du style, qualité qui résulte de l'emploi des figures, des mots et des pensées; du rapport et de l'harmonie des par- ties ou de l'unité ; de la beauté du style, qui a surtout la variété pour principe ; de l'égalité du style, habitudine; de la force et de l'énergie, c'est-à-dire de ce que l'on exprime par nervi, lacerti, latera , mus- culi; de la finesse et de la subtilité; du caractère qu'impriment au style l'érudition, le jugement, les passions, les mœurs, la dignité de l'écrivain. La dernière moitié de ce livre est occupée tout entière par un sujet important, la marche à suivre dans l'excitation des passions, de niovendis affectibus. ,,, •, \>,.. v>i •.x>i.n\ Au\«ii)Vi- j-^^^x *>>'

.Dans le troisième livre Vives s'occupe à déterminer le style qui convient aux divers genres de composition, aux descriptions, aux narrations, à l'histoire, à la poésie, aux abrégés, aux ^olie&. et com- mentaires , aux paraphrases et aux traductions. \i.an, ^.v.v < v ?

On voit que Vives laissant à la philosophie le soin de fournir la matière de l'éloquence, n'a voulu faire qu'un traité d'élocution. Son plan, considéré sous ce rapport, et nous croyons que c'est le véritable , ne manque pas de méthode , et c'est bien à tort que

80 SUR LA VIE ET LES ECRITS

Gibert ' nous représente cet ouvrage comme a un vrai chaos, il )) n'est pas possible d'apprendre les règles de cet art , si on les ignore ; » un amas de passages que Vives semble avoir ramassés sous divers lieux )) communs. » Ajoutons que la plupart des préceptes sont empruntés aux auteurs classiques les plus respectables , et que , pour peu qu'on ait saisi le fil qui dirige la marche de l'écrivain, il est impossible de ne pas admirer l'art avec lequel il a su fondre tous ces passages et en faire un tout, qui, loin d'être un chaos, est surtout remarquable par sa substantielle unité.

Nous avons promis de nous arrêter sur quelques passages que nous avons particulièrement remarqués. Ils nous semblent encore éminem- ment propres à faire apprécier les vues larges et saines à la fois qui distinguent les ouvrages didactiques de Vives : nous allons les citer textuellement et sans commentaire.

P. 115. Nos discentium studia magis dirigemus ad viam, quant perducemus ad finem. Natura et exercitatio perficient a nobis in- choata, sine quitus parum effecturaest ars omnis.

P. 117. Quum attentio est prorsus necessaria, nonproho admis- ceri sermonem auditori ignotum : dum enim quid illud sit quaerit, avertit animum a proximis sententiis.

P. 119. Illud perpétua est in intentione persuasionis observandum, debere esse majorent de rébus quant de verbis curant.

P. 120. Induenda mens illorum (quos agitare volumus) et totum ingenium tantisper, dum quae ad rem nostram facianl excogitamus , ponamusque nos illorum loco ; id est contemplemur sedulo si nos es- semus illi, hoc est, si nobis ita esset de rébus persuasum atque illis , quibus tandem inpraesenti negotio moveremur aut sedaremur.

P. 121. //i audiente considêranda sunt plura , quoniam ad eum prorsum pertinet oratio , quae non est dicenti parata , sed audienti

On n'a rien dit dans aucun temps de plus sensé sur la matière, et nous croyons qu'il ne manque pas de rhétoriques composées à des épo-

' Cité par Paqiiol, ubi supra, p. 119.

DE JEAN-LOUIS VIVES. 81

ques beaucoup plus rapprochées de nous , dont tous les préceptes ne valent pas les quelques lignes de Vives que nous venons de transcrire.

Je ne m'appuierai ici que sur le jugement d'un seul écrivain, le célèbre C. Gesner : a Vives, dit-il , eloquentiae sapientiam ita con- junxit, ut nerno eruditus non cum aliquo fructu ipsius lucubrationum se leclionem hausisse faleatur ' . »

Le livre De consuUatione , placé à la suite des premiers , est un tra- vail sur ce qu'on appelle dans les écoles genre délibératif. Il fut achevé à Oxford en 1523, et dédié ad Ludovicum a Flandria Dominum Pratensem. Il nous semble beaucoup inférieur aux précédents pour la méthode et pour le jugement.

VII.

De conscribendis epistolis ad Idiaqueum a secretis Caroli T. (T. I, p. S9-8o).

Cet opuscule de Vives fut publié pour la première fois avec celui d'Érasme qui porte le même litre, Coloniae , Gymnicus, 1536, in-12. Il a été réimprimé depuis dans les deux recueils suivants : Brandolini de ratione scrihendi epistolas libri très : adjecti sunt J. L. Vivis , D. Erasmi, Corn. Cellis, Chr. Hogendorphini de conscribendis epis- tolis libelli; Basilese, Joan. Oporinus , 1549 , in-8° ; et, incerti auctoris epislolarum conscribendarum methodus, una cum exemplis graece et latine, Jeanne Sambuco Pannone Tirnaviensi interprète ; acces- sere de conscribendis epistolis libelli J. L. Vivis , Erasmi, etc. Ibid. , idem, 1552, in-8°. Outre ces deux éditions mentionnées par Paquot, Majansiusen cite une autre de 1573, apud heredes Arnoldi Birch- mani, in-8°.

Paquot comparant cet ouvrage de Vives à celui d'Érasme, dit que celui-ci vaut mieux , sans alléguer aucun motif de cette préférence : à notre avis, si Érasme l'emporte par l'esprit et l'agrément, le travail

' Apud MorhoGum , Polyhistor, Lubecae, 1747, t. I , p. 9K1.

Tos. XV. 11

83. SUR LA VIE ET LES ECRITS

de Vives est plus approprié au but que les deux auteurs se sont pro- posé, en ce qu'il est tout à la fois plus complet et plus élémentaire. On lit à la fin une critique assez curieuse des épistolographes grecs et latins, anciens et nouveaux. Voici le jugement porté sur Rodolphe Agricola : a Si ipse sua emendasset , maximis quoque veterurn po- tuisset comparari : tanta erat in illius eruditione soliditas et sanitas, atque acrimonia injudicando. » Et sur Erasme etBudée : « Superant scriptores omnes aetatis hujus , et aequant eos , qui patrum atque avorum fnemoria vixerunt, ingenio, eruditione, facundia , Eras- mus Roterodamus et Gûilielmus Budaeus, vario et diversissimo dicendi génère; sed uterque in suo praestans : Erasmus facilis et dilucidus , ut alias semper; Budaeus novo quodam atque inusitato dicendi génère est delectatus , quod sit admirari quam imitari promptius. »

VIII.

Exercitalio linguae latinae. (T. I, p. 13-59.)

La première édition de cet ouvrage terminé à Bréda , en 1538, dont la vogue se soutint longtemps, et qui fut traduit dans presque toutes les langues de l'Europe, parut, selon Majansius ', à Paris sous ce titre : Linguae latinae exercitatio , Joa. Lodo. Vivis Valentini Libel- lus valde doctus et elegans , nuncque primum in lucem editus , una cum rerum et verborum memorabilium diligentissimo indice. Pari- siis, apud Joannem Foncher et Vivantium Gaultherot, via Jacobea, 1539, in-8o. Cette édition princeps est accompagnée à la marche de courtes notes de l'auteur^ qui ont été omises dans les réimpressions

' Ouvrage cité, p. 148; et : Spécimen bibliothecae Hispano- Majansianae. Hannoverae, 1733, in-4'', p. 42.

^ic. Antonio est tombé dans une singulière distraction, lorsqu'il donne pour première édition de l'ouvrage de Vives, une prétendue édition de Cologne , 1494, in-4o , Bihl. Hisp. nova, t. I , p. 274.

DE JEAN-LOUIS VIVES. 83'

postérieures, et reproduites seulement dans la belle édition des œu- vres de Valence. Paquot ' , qui cite une édition de Bâie, 1538, sur laquelle d'ailleurs il ne donne aucun détail, parait avoir été induit en erreur par l'indication rapportée plus haut de l'année et du lieu non de l'impression , mais de la composition de l'ouvrage. Cet ouvrage a été réimprimé un très-grand nombre de fois, et plusieurs éditions ont été accompagnées de notes. On cite : /, Z. Vivù colloquia, sive exercitatio latinae linguae, Joannis Thomao Freigiinotis illustrata. iVoribergae, 1582, in-8°, et Wittebergae , 1625, in-8''. I"" Linguae latinae exercitatio Jo. Ludo. Vivis Valentini. Annotationes praeterea in singula colloquia doctissimi viri Pétri Moltae Complutensi» in Hispanae juventutis gratiam adjecimus. Cum indice latino-hispa- nico difficiliorum ab Joanne Ramires compilato; anno 1607. Caesar- Augustae, apud Joannem Quartanet, in-8°. M. de Reiffenberg cite en outre une édition de Brème, 1618, avec un commentaire moral et philologique de Mathieu Martinius.

Quant aux traductions , nous indiquerons d'abord les traductions françaises suivantes : l** Les dialogues de Jean Louis Vives, traduits de latin en franc ois pour V exercice des deux langues ; auxquels est. adjoustëe t explication françoise des mots latins plus rares et moins usages, par Gilles de Housteville. Lyon, Gabr. Cotier, 1560, in-8". Item, avec ample déclaration et traduction des passages grecs et latins par P. de la Motte , le tout nouvellement revu et corrigé. An- vers, Guil. Cuzman, 1571 , in-16; et Nancy, J. Janson, 1573, in- 12. 3*>Une autre p&r Benjamin Jamin, Paris , Gabriel Buon, 1578, in-16.

Il existe une traduction espagnole imprimée en 1723, et réimpri- mée en 1749 et 1765, sous ce titre : Dialogos del docto valenciano Louis Vives , corrogidos de los muchos yerros, que han contraido al passo que se han reiterado sus impressiones. Traducidos en lengua espanola por el dotor Christoval Coret à Péris. Majansius cite une autre traduction espagnole par un religieux carme , Gabriel de Aulon,

I Ubi tupra , p. 1 19.

84!- SUR LA. VIE ET LES ÉCRITS

publiée à Alcala , en 1574 , mais tellement rare , qu'il n'a pu , dit-il , s'en procurer un exemplaire.

Il en existe également une traduction italienne, dont on connaît deux éditions : Firenza, 1708, in-16, et Venezia, 1716, in-12. On l'a encore , dit Paquot, en allemand et en polonais.

Ces dialogues sont dédiés au jeune prince Philippe, fils de Char- les Y; dans la dédicace, Vives se loue de la bienveillance de ce dernier à son égard : propter patris hii benevolentiam erga me summam. Dans le dialogue intitulé Princeps puer, Philippe joue le rôle de principal interlocuteur; c'est sans doute ce qui aura donné lieu à l'erreur de quelques écrivains^ qui ont pensé que Yivès avait été précepteur de ce prince '.

L'ouvrage renferme vingt-cinq dialogues , dont la plupart ont lieu entre des étudiants; dans quelques-uns Vives figure lui-même. Ils roulent en général sur les diverses scènes de la vie scolastique , ou sur des matières d'éducation. Nous allons en extraire quelques pas- sages qui ne manquent pas d'intérêt, soit par eux-mêmes, soit par des détails de mœurs , et qui donneront une idée de la manière de l'auteur.

Le dialogue VII est intitulé : Refectio scholastica ; l'un des inter- locuteurs est Brugeois; il a été admis par le maître au repas commun des élèves. Voici quelques paroles échangées dans le cours du dialogue entre le précepteur et l'étranger.

MAGISTER.

Tu habes cultellum, Brugensis?

piso [un des élèves).

Prodigium, Flander sine cultello, et quidem Brugensis, ubi cuduntur optimi.

NEPOTULus {le Brugeois) .

Mihi vero cultello nihil est opus, dentibus frangam mordendo, vel digitis buccellatim comminuam.

' Voyez Majansius, ubi supra , p. 192.

DE JEAN-LOUIS VIVES. 8I|

HAGISTER.

Ubi fecisti latinac linguac tyrocinium? Nam non vidcris milii prave iustitutus.

NEP0TULU8.

Brugis, sub Joanne Theodoto Nervio.

MAGISTER.

Viro diligenti, docto, probo. Brugae elcgantissimac; nisi quod pereunl in dies vitio picbis protusissimae , dolendum est.

Dans le neuvième, qui a pour titre Garrientes , des étudiants à la promenade s'asseyent sur un vieux tronc d'arbre, et, pendant qu'ils s'entretiennent d'autre chose , sont agréablement interrompus par le chant du rossignol.

CAMBALIO.

Ausculta lusciniolam illam.

GRACCULUS.

Ubi est?

BAHBALIO.

Non vides eam in ramo illo sedentem? Vide, ut canit ardenter, nec intermittit.

NUGO.

Flet Philomela nefas {Ovid. Metatn.).

GRACCULUS. ,

Quid mirum dulciter eam garrire , quae sit attica ? Ubi etiam lluctus maris non sine Numéro alliduntur littori.

NDGO.

Plinius scribit eam praesentibus hominibus, diutius et accuratius cantare.

FURDUS.

Quid causae est?

NUGO.

Ego tibi causam aperiam : cuculus et philomela eodem cantant tempore , verno sci- licet, ab Aprili medio ad Majum exactum, aut eo circiter. Hae duo aves in contentioneni venerunt de suavitate concentus : quaesitus est judex ; et quia de sono erat certamen , aptissimus visus est ad eam cognitionem asinus, qui praeter caeteras animantes grandes

m SUR LA. VIE ET LES ÉCRITS

haberet auriculas. Asinus, repudiata luscinia, cujus se harmoniam negaret intelligere, victoriam cucuUo adjudicavit. Philomela ad hominem appellavit : quem ubi videt , agit statim causam suam, canit diligenter ut se illi approbet, ad vindicandam injuriam ab asino acceptam.

GRACCULUS.

Habeo causam poetae dignam.

NUGO.

Quid ergo? Expectabas philosophe dignam? Posce a novis illis magistris Parisiensibus.

GRACCULUS.

Plerique illorum vestibus sunt philosophi , non cerebro.

NUGO.

Quid ita vestibus? Nam coquos potius dixeris, aut mulioues.

GRACCULUS.

Quia gestanteas crassas, detritas, laceras, lutulentas, immundas, pediculosas.

NUGO.

Erunt ergo philosophi cynici.

Gracculus.

Imo cimici ; non , quod videri affectant , Peripatetici ; quippe Aristoteles , sectae prïn- ceps, cultissimus fuit. Ego vero longum vale dico jam nunc philosophiae, si aliter non possum esse philosophus. Quid enim pulchrius , et homine dignius , quam mundities et civilis quidam cul tus in victu et vestitu? Ex ea re antistant mea senteutia Lovanienses Parisiensibu*.

Dialogue XXII , Ludus chartarum seufoliorwn. Nous y lisons quel- ques vers de Vives , qui plaisante assez, agréablement sur la difficulté qu'il trouvait à versifier :

TAMAJUS.

Omnium rerum est sacietas, etiam voluptatum; et egodefessus sum jam sedendo; as- surgamus aliquantisper.

lupianus.

Cape testudinem hanc , et aliquid nobis cantilla.

TAMAJUS.

Quid tandem?

DE JEAN-LOUIS VIVES.

De ludo quippiam.

Carmen Vcrgilii?

LVPUNUS.

TAIUJUS.

LUPIANUS.

' ni H .t t

Isthncipsum, aut, si mavis, Vivis nostri, quodille nupcr canebat deambnlans in po- mario lirugcnsi.

VALDAURA.

Anserina voce?

LUPIANUS.

Caae tu olorina.

. TAMAJUS.

Deus meliora! Nan blor non canit, nisi fato jam cogente.

Ludunt et pueri , ludunt juvenesque sencsque : Ingenium, gravitas, cani , prudeotia, ludus. Deniquc mortalis , sola virlute remota. Quid nisi nugatrix et vana est fabula, vita?

VALDAURA.

Possum vobis confirmare esse carmen bene cxpressum , tamquam ex spongia arida.

LUPIANUS.

Tanta cuni diincultate componit carmen?

VALPAURA.

Magna , sive qnod rare, sive quod non libenter, sive quod alio fert cum ingenii pronitas.

Nous ne citerons pas davantage ; il nous semble qu'il suffit de ces morceaux pour reconnaître que ces dialogues ne manquent pas d'ai- sance et d'agrément ; nous admettons toutefois volontiers qu'Erasme lui est supérieur sous ce rapport; mais ce en quoi Vives l'emporte à son tour, c'est la décence, le respect pour les mœurs, la crainte si louable d'effaroucher l'innocence des jeunes gens : on sait assez qu'E- rasme est loin d'être irréprochable sous ce rapport, et que son lan- gage est quelquefois libre jusqu'au cynisme.

Quant au style, on lui a reproché dans ces dialogues l'emploi beau-

88 SUR LA VIE ET LES ÉCRITS

coup trop fréquent d'expressions grecques latinisées, et une certaine dureté qui , selon ses critiques ' , se fait sentir dans toutes ses produc- tions. Sans vouloir justifier complètement Yivès de ces reproches, appuyés, au moins le dernier, jusqu'à un certain point sur l'autorité d'Érasme ^ , nous ferons remarquer qu'ils tiennent surtout à ce culte exagéré de la forme, à cette imitation scrupuleuse des anciens, et même exclusivement de Gicéron , qui ne pouvaient être du goût de Vives, génie mâle et sévère, qui ne vit jamais dans la parole qu'un pur instrument de la pensée, et qui avait trop de jugement pour ja- mais sacrifier cette dernière à l'expression.

Le style de Vives, considéré sous ce dernier point de vue, a obtenu l'approbation d'un critique éclairé , Richard Simon ^ , qui le loue pour sa pureté , et lui trouve un caractère tout à fait didactique et propre à atteindre le but que s'était proposé l'auteur.

Gravina en recommandant de mettre l'ouvrage de Vives entre les mains des jeunes étudiants, l'appelle nitidissimus atque utilissimus libellus \

' Voyez là-dessus Majansius , p. 1-47 et suiv. Ceux qui ont attaque le plus vivement Vives sur ce point, sont deux de ses compatriotes , Alphonse Garciasy Matamoros, dans son ouvrage : De asserenda Hispanorum eruditione, et Sanctius , auteur d'une grammaire latine estimée , dans ses notes sur l'art poétique d'Horace.

2 Érasme, in Ciceroniano , opp., t. I, col. 101 S, s'exprime ainsi sur le compte de Vives : Equidem, nec ingeniutn , nec eruditionem , nec memoriam in illo desidero; adest illi parafa sen- tentiarum ac verborum copia; tum, cum fuerit initia durisculus, in dies magis ac magis in illo ma-

turescit eloquentia Hic quotidie vincit se ipsum, et hahet ingenium ad quodvis versatile

aliquot tamen M. Tullii virtutes nondum ahsolvit, praecipue jucunditatem dictionis ac mollitu- dinem.

' Darts sa Nouvelle bibliothèque choisie, citée par Majansius, p. 1-47.

* Oratio de instauratione studiorum ad Clementem XI , inter J.-V. Gravinae opéra. Lipsiae , 1717,in4°,p. 623.

DE JEAN-LOUIS VIVES. W

TROISIÈME CLASSE.

OEUVRES LITTÉRAIRES ET PHILOLOGIQUES. I.

A. Pompeius fugiens. (T. I, p. 261-269.) B. Falntla de homine. (H. 269-272.) C. InLegei Ciceronis Praelectio. (II. 286-292.) D. Jn Georgica P. Virgilii Maronit Praelectio. (It. 680-685.)

Nous réunissons ces productions de Vives , parce qu'elles furent pu- bliées pour la première fois en un seul volume, avec quelques autres pièces sous ce titre : /. L. Vivix Valentini opuscula varia... Lovanii, in aedibus Theodorici Martini Alustensis, in-4°, sans date. Cette édition doit être précédée de deux lettres, l'une du cardinal de Croy à Vives , l'autre de celui-ci au premier.

Le Pompeius fugiens remonte à l'année 1519; il fut composé à Louvain , et dédié à Charles Carondelet, seigneur de Potelés et gou- verneur du cardinal. C'est une espèce de déclamation que l'auteur met à la bouche de Pompée, errant et fugitif après la bataille de Pharsale. Nous nous occuperons plus loin ex professa de ce genre de travaux ; il serait donc superflu de nous y arrêter ici.

L'opuscule suivant est de la même année; il fut adressé à un des disciples de Vives , le jeune Antoine de Berges. Dans la dédicace l'au- teur indique en ces termes le but qu'il s'est proposé : (c Erit libelbis fabula de homine , id est de mu?idana scena, in qua suam una- quaeque rerurn personam agit, primaeque sunt partes ipsius ho- minis. )) C'est une allégorie assez ingénieuse, dont la mythologie a fait les frais.

Le troisième est une introduction, en forme de discours académique, à l'explication des Lois de Cicéron. Vives s'excuse de parler des lois, ToM. XV. 12

90 SUR LA VIE ET LES ECRITS

lui simple philosophe, devant une réunion nombreuse de juriscon- sultes ; mais il ne s'en occupera que dans leurs rapports avec la des- tinée humaine en général , sur laquelle elles exercent la plus grande influence. Il donne ensuite une idée de l'ouvrage qui va servir de texte à ses leçons, examine l'ordre dans lequel la matière y est distribuée, en discute l'authenticité , et finit par une notice substantielle et inté- ressante sur Cicéron.

Le dernier de ces opuscules est une pièce à peu près du même genre, dédiée comme le second à Antoine de Berges ; il s'y étend sur le mérite du poète latin , et sur les éloges que les écrivains postérieurs se sont plu à lui donner. J'en citerai une phrase , pour montrer quelle haute et juste idée Vives se faisait des connaissances nécessaires pour remplir la tâche qu'il s'était imposée : « Ne quis grammaticulus accédât ad ejus enarrationem sine multa notilia antiquitatis, -sine astroruni pe- rilia , sine scient ta historiae ; et quod in primis necessum est, sine maqna cognitione linguae latinae , et romani populi legibus , morihus ac institutis. ))

II.

A. Ad Catonem Majorem, sive de Senectute Ckeronis praelectio. (Tom. II, pag. 15-20.) B. Somnium, quae est praefalio ad somnium Scipionis ciceroniani. (Ibid., pag. 20-36.) C. In somnium Scipionis, ex sexto deRepubl. Ciceronis vigilia. (Ibid., pag. 36-70.)

Les deux premières pièces furent publiées pour la première fois à Bâle,avec le traité de initiis , sectis et laudibus philosophiae ; la der- nière parut d'abord à Bâle aussi , chez Froben , 1521 , in-4o.

Le travail sur le Cato Major est dédié à l'abbé de S'-Jacques de Liège. Vives suppose que l'âme du vieux Caton lui apparaît en songe , et se peint à ses yeux sous des traits aussi majestueux qu'aimables; c'est tout ensemble l'éloge et l'école de la vieillesse.

Le second de ces opuscules est une allégorie fort intéressante. Il se suppose transporté dans la demeure du Sommeil , la décrit , et rap- porte les entretiens qu'il y eut avec Scipion , Cicéron et d'autres illus-

DE JEAN-LOUIS VIVES. gt

1res personnages. II finit par raconter comment s'y éleva une discussion entre les Parques sur le cours des destinées , Clotho voulant que le temps à venir répondît au passé, Anthropo croyant qu'un changement devait avoir lieu ; et sous ce voile , il nous trace un tableau piquant de l'état littéraire de son époque, et des améliorations qu'il espère, et à la réalisation desquelles il a consacré sa vie. Cette production est dédiée à Erard de la Marck , évêqne de Liège , récemment promu'à l'archevêché de Valence, ville natale de Vives, qui s'étend longue- ment sur les louanges de cette cité. La dédicace porte la date de Lou- vain, quinto calendas Aprileis, 1520,. Voici un trait de Vives assez spirituellement dirigé contre la jeunesse louvaniste des écoles. Il est depuis assez longtemps dans le palais du Sommeil , sans que celui-ci , qui lui a promis de lui montrer Scipion , tienne sa promesse; comme il doit commencer le lendemain l'explication du songe de ce grand homme, il prend le parti de rappeler au Sommeil ce qui lui a été pro- mis : « Ad ipsum deum accedo per quant reverenter , praefatusque pacem et veniam, oro Scipio mihi ostendahir. Arrisit Sommus , ut est deus humanissirnus , et cum primis comis : jam tibi , inquit , longa videtur ista in aede nostra mora? Bona , inquam, venta, se- cure Somne , oppido quant lihenter domi tuae versor , sed sollicitutn me reddit juvenlus Lovaniensis, quae est me cras auditura ; nosti hominum genus vigilantissimum. Apage, inquit, istud dictum ; nulla juventus mihi est acceptior , nulla libentius ministrat nohis. Aspice , inquit , ad destram, et ostendit mihi complures ecc vobis , qui iden- tidetn an?iuebant. »

Dans l'introduction au troisième , V ivès se plaint de la malignité des grammairiens de son temps , et de l'ignorante présomption avec la- quelle ils versent leur bile sur les meilleures productions; il nous apprend que cette considération lui a fait renoncer à la publication d'un travail considérable sur les auteurs de l'antiquité : a Eram ipse in mullos Ciceronis , Virgilii, Plinii, Quintiliani libros editurus com- mentaria , quae domi perfecta servo , nisi tam me illarum dementia- rum et rabiosarum annotationum toederet pigeretque. » Après avoir

»a SUR LA VIE ET LES ECRITS

fait un magnifique éloge de l'ouvrage de Cicéron , il entame son expli- cation, dans laquelle il suit l'auteur pas à pas, le commente, et pro- pose, à l'occasion, ses propres vues sur les matières traitées dans le texte.

III.

A. Praelectio in convivia Francisa Phiklphi. (Tom. I, pag. 293-94.) B. In quartum Rhetoricorum ad Herennium Praelectio. (Ibid., pag. 295-96.) C. In suum Sapientem Praelectio, et immédiatement après : J.-L. Vivis Valentini, viri philosophi, urbanus panier ac gravis dialogus qui Sapiens inscribitur. (Ibid. , pag. 296-300.) D. Aedes legum. (Ibid., pag. 301-306.) E. Isocratis areopagitica oratio , etNicocles, sive auxi- liaris, J. L. Vive interprète. (Ibid., pag. 506-521.)

Nous ne faisons encore une fois qu'un seul article de tous ces opus- cules, parce qu'ils furent publiés en même temps, en 1538, sous le titre de : Joan. Ludov. Vivis Valentini diversa Opuscula , Basileae, in-4°. Cetteéditionrenferme en outre les pièces qui forment l'article premier, et quelques autres que nous énumérons plus loin , sur des matières ascétiques. Le premier de ces opuscules est une introduction aux leçons qu'il allait donner sur le texte de Philelphe. Il y fait l'éloge de ce cé- lèbre littérateur, et s'élève contre ceux qui, par cela seul que l'ou- vrage à expliquer roule sur des questions grammaticales , mépriseraient et l'auteur et les leçons.

Le suivant, très-court comme le premier, a le même objet. Il y parle dignement de la véritable éloquence, qu'il est bien éloigné de considérer comme un vain amas de mots harmonieux et de tours fleuris. {{ Quis eniin tam rudis ac incullus , qui composili sermonis dulcedine non capifltur ? Qui viros éloquentes non vereatur? Qui non ultro pareat orationi? Cujus vis eadem praecipua est in hominum affecti- bus sedalis concitandis , coticitatis sedandis aut comprimendis. Com- pliires , imo fere omnes nostrae tempestatis litteratores qui volunt oratores videri, verborum flosculos et tintinnum orationis dumtaxat affectafit.. . »

Dans le troisième. Vives, sous forme de dialogue entre Nicolas

DE JEAN-LOUIS VIVES. 93

Beraldus, Gaspard Lax et lui-même, passe en revue ceux qui se mê- laient , à l'époque il écrit , de l'enseignement des différentes bran- ches de la science, les fait parler successivement, et met à nu le ridicule de leur ignorance et de leur pédantisme. La scène est à Paris, et Vives met ces mots dans la bouche de Beraldus, l'un des interlocu- teurs : nAh! verum nunc esse ici esperior , quodamicis dictitare so- Icbam, Parisienses philosophas omnem philosophiatn inter dénies, labra et linguam habere , in mente vero nullam. » Dans l'introduction ou praelectio, il s'attache à montrer l'utilité , pour la correction des vices et des travers, d'une liberté modérée d'écrire.

Paquot indique ainsi le sujet du quatrième de ces opuscules : u C'est une fiction , à la manière de Platon , Vives montre l'utilité de la jurisprudence, et les maux que cause la chicane. » L'auteur nous re- présente le palais des lois comme un monument d'une majestueuse élégance; il est introduit dans le vestibule par un vieillard qui lui tient d'abord un langage à peu près inintelligible, l'on aperçoit cepen- dant une imitation des anciennes formes latines.... « 0 quam filie feritinnio copicupedia, ut quemadmodum elatasjam tôt hornos taxim redandrtiantes tango simitu cum glossa genlis curinalis sapientiam reliqtiasque arteis et scientias pertertes , etc. » C'est pour avertir que la connaissance des antiquités romaines est la clef de l'étude du droit. Vivèscontinue à s'entretenir avec le vieillard sur l'intelligence et l'ap- plication éclairée des lois, à laquelle l'équité doit toujours présider, et sur l'idée bien opposée qu'en ont les chicaneurs, juges et avocats, qu'il nous montre relégués dans un coin obscur du palais, ils se dé- chirent à belles dents. En se retirant, il se promet bien de revenir au plutôt parcourir en détail ce beau palais, dont il n'a fait qu'apercevoir imparfaitement la distribution.

La traduction des deux discours d'Isocrate est précédée d'une dédi- cace au cardinal V^olsey, datée d'Oxford le 15 décembre 1523.

94 SUR LA VIE ET LES ECRITS

IV.

Declamationes septem. (Tom. I, pag. 179-260.)

Parmi les pièces qui forment ce recueil, publié pour la première fois à Bâie, chez Robert Winter, 1538, in-4°, les cinq premières, dont les actes tristement mémorables de la vie de Lucius Cornélius Sulla ont fourni le sujet , portent la date de Louvain 1520, et sont dédiées à l'archiduc Ferdinand d'Autriche; les deux autres celle de Bruges 1521; de ces deux l'une est le paries palmatus attribué à Quintilien, dans l'autre Vives plaide la cause de la belle-mère ;, accusée dans la précé- dente du meurtre de son mari. Voici de quelle manière Vives établit l'utilité de ces exercices , dans la dédicace à l'archiduc; on y retrouve encore cette sagacité de jugement qui lui fait tout rapporter dans l'en- seignement à un but élevé et pratique : a Declamandi exercitationem priscorum hominum prudentia facile intellexit , non solum ad omne studiorum genus vehementer esse utilem , verum etiam ad adminis- trationem reipublicae , sive quis esset in foro de causa dicturus, sive de consuUatione rerum gerendarum in curia; vel ad multitudinem denique vitae universae , ad bene et sentiendum , et dicendum. Exci- tatur enim ingenium illa diligentia , acuitur docta et prudenti con- certatione , instruitur magnis rationihus ad actiones omnes vitae , tum sententiis et exemplis gravissimis ad usum rerum expeditur lin- gua , ut quae mente sis et cogitatione consequutus , facile possis aliis explicare. );

Sans prétendre que Vives ait complètement évité les défauts à peu près inséparables du, genre, nous croyons pouvoir assurer qu'il est entré souvent si parfaitement dans la situation de ses personnages, que le lecteur oublie qu'il n'a sous les yeux qu'un discours purement artificiel , et se laisse entraîner à cet intérêt , à cette émotion même qui est l'ouvrage de la nature, et que l'art ne produit qu'à la condi- tion d'imiter cette dernière avec une fidélité , dont la perfection forme ici sa dernière limite.

DE JEAN-LOUIS VIVES. 93

Je transcrirai le jugement d'Érasme, qu'on n'accusera pas d'avoir prodigué les louanges à Vives, qui aussi bien était loin de les recher- cher. Voici ce que le premier écrivait en 1519 au précepteur de l'ar- chiduc à ce sujet ' : « Est apud nos Ludovicns Vives Valentinus , nondum, opinor , vigesimum sextum egressus annum, sed in nulla philosophiae parte non supra vulgum eruditus ; tum in bonis literis, atque etiam in dicendi scribendique facultate eo progressais , ut hoc seculo via; alium norim, guem ausim cum hoc commitlere. Nullum est argumcntum , in quo non exercuit stylum. Nunc veternm exem- plutn réfère ns déclamât, sed tanta dexteritate , mihi crede , ut si titulum adimas , putes rem non hujus regionis, nec hujus seculi, magis autem felicissimis illis Ciceronis ac Senecae temporibus no- tam.... Artis observantissimus est, sed ejus affectationem ita dissi- mulât , ni neges rem adumbratam agi. »

Écoutons maintenant Morus ' : « Nonpossum satis admirari vir- tutes nias, quas in declamationibus ejus tu (il s'adresse à Érasme) et acute perspexisti et expressisti luculenler ; potissimum vero (quodin declamationibus potissimum est), non modo illorum kistorias tem- porum tam exprompta memoria complecti, quam non quivis suarum rerum meminit, verum hominum tôt olim seculis functorum fato affeclus tam praesentes induisse, ut non e libris haussisse quae décla- mât, sed vidisse, sensisse , in parte fuisse rerum vel prospère vel secus cadentium videatur. Consilia denique non ex aliéna conditione languidule , sed ferventer admodum ex suo ipse metu , spe , periculo, felicitate metiri. »

Dans la préface qui précède les deux dernières déclamations. Vives nous apprend que les instances seules de Morus purent le déterminer à lutter dans cette circonstance contre un aussi rude jouteur que Quin- tilien.

' Opp. Enumi, t. m, col. 418, q». CCCLXXXFI. ï Jbid. , col. 450 , fp. CCCCXXXIIJ.

96 SUR LA VIE ET LES ÉCRITS

In Publii Virgilii Maronis Bucolica interpretalio , potissitnum allegorica. (Tom. I, pag. 640-679.)

Ce commentaire, terminé à Bréda en 1537, parut d'abord, si l'on en croit Paquot, à Milan, 1539, in-12; il fut réimprimé à Anvers, Jean Loe, 1543, in-12, et à Paris, Thomas Richard, 1548, in-4° '. Mais Majansius ' nous fait connaître l'édition princeps qui est de Bâle, et dont voici le titre : Jo. Ludovici Vivis in Bucolica Vergilii Inter- pretatio, potissimum allegorica, nunc primum in lucem édita. Rerum item ac verborum in ea tnemorabilium diligentissimus index , cutn privilégia ad triennium. Basileae, et à la fin Bredae Brabantiae , 1537, in-8«.

Dans ce travail Vives s'attache à montrer le sens réel que , selon lui, Virgile avait en vue dans ses bucoliques, et qu'il ne laisse apercevoir que sous le voile de l'allégorie. On lui a reproché d'avoir porté trop loin ce genre d'interprétation ; mais il a soin d'avertir lui-même qu'il est loin de vouloir mettre sur le compte du poète toutes ses idées à cet égard : (( Non dubito quin allegoriam aliquibus versibus aptaverim , de qua poefa ne cogitarit quidem, ut alias permultas , adquasprocul dubio respexerit, quum scribebat : sed id nec ingratum erit lectori nec inutile. » Vives montre d'ailleurs ici comme partout des connais- sances étendues, surtout en histoire,

VI.

In Suetonium quaedam. (Tom. I, pag. 686-87).

On sait que les Vitae XII Imperatorum de Suétone , telles que nous les avons , commencent assez brusquement à la sixième année

' Paquot, p. 120.

^ Spécimen , etc. , p. 42.

DE JEAN-LOUIS VIVES. Vt

de Jules César, tandis que partout ailleurs l'historien commence par donner des notions sur la famille de celui dont il raconte la vie , et sur les premières années de celui-ci. Cette circonstance a fait croire à plu- sieurs critiques que nous n'avions par le commencement de l'ouvrage : Vives embrasse cette opinion , et nous offre ici un morceau destiné à combler cette lacune , et écrit, dit-il , autant qu'il a pu , à la manière de Suétone. Le lecteur jugera par cet échantillon à quel point il a réussi : (( Gentem Juliatn pro cerlo credilur ab Julo ^neae filio ma- riasse, qui, Lavinio relicto , Albam longam condidit, in qua et re- gnavit : eo mortuo, quum ad Ascanium Laviniae atque y^neae filium Latinum rediisset regnum , cura sacrorum caeremoniarumque La- tinae ac Trojanae gentis pênes sobolem Juli mansit, ex qua sunt Juin : hos cum aiiis quibusdam nobilissimis Latii familiis , TuUus ' Hostilius Romanus rex postquam Albam diruisset, Romam trans- tulil, ac in patres cooptavit , etc. »

Ce fragment, daté de Louvain 1522, est dédié a Jérôme Ruffault^ qu'il appelle auditorurn suorum probissimus , ac proinde charis- simus.

QUATRIEME CLASSE.

OEUVRES AScilIQUES ET THÉOLOGIQUES.

L

Divi Aurelii Augustxni libri XXII Civitatis Dei commentariis iUuslrati.

Ce travail sur saint Augustin n'a point été inséré dans l'édition des

œuvres de Vives publiée à Bàle. Il vit le jour en 1522, sous ce titre :

D. Aurelii Augustini libri XXII de Civitate Dei, ad priscae vene-

randaeque vetustatis exemplaria collait, eruditissimisque commen-

Toï. XV. 13

98 SUR VIE ET LES ÉCRITS

tariisillustrati, studio etlahore J. L. Vivis; Basilese, Joan. Frobenius, in folio. Parmi les réimpressions nous citerons les suivantes, d'après Paquot: Parisiis, Carol. Guillard, 1555, in-foL; Basilese, Ambros. et Aurel. Frobenii, 1570, in-fol.; ib. 1610, 2 vol. in-8°. Il a été réim- primé aussi dans plusieurs éditions des œuvres de saint Augustin. Dans l'édition que nous avons sous les yeux, le commentaire de Yivès est réuni à un autre , et voici le titre de l'ensemble : S. Aurelii Augustini Hipponensis de Civitate Dei libri XXII..... cum commentariis novis et perpetuis R. P. F. Leonardi Coquaei.... et Joa. Lud. Vivis. Pa- risiis, 1636.

Nous en possédons une traduction française publiée d'abord en 1 574 ;

on lui a donné pour titre : saint Augustin, de la cité de Dieu illustré

des commentaires de Jean Louys Vives.... le tout faict françoys par Gentian Hervet.... et enrichy de plusieurs annotations.... par François de Belle-Foresl. Paris chez Nicolas Chesneau, 1570, in-fol. Paquot ne mentionne point cette édition, dont nous transcrivons le titre sur l'original même. Il en cite une seconde, imprimée chez le même et portant la date de 1574, in-fol. Il en existe en outre une troisième; Paris, Michel Sonnius, 1585, in-folio.

Nous sommes entré plus haut dans quelques détails sur l'historique de cette publication de Vives : on est étonné de la prodigieuse érudi- tion qu'il y déploie, surtout dans ce qui a trait aux doctrines des philosophes anciens , quand on songe à la pénurie de livres qu'il éprou- vait, et qui le mit souvent dans le cas de ne pouvoir s'aider que de sa mémoire. Mais l'érudition n'est pas le seul mérite de ce commentaire ; la sage sobriété avec laquelle il la dispense , la lucidité et la précision qui caractérisent son style , la critique judicieuse qui préside au choix des variantes et à la discussion des textes , tout cela nous semble des plus remarquables pour l'époque. Nous citerons, pour mettre le lecteur à même d'en juger, un court passage de saint Augustin et les notes de Vives qui l'accompagnent, lib. 1 , c. VIII. De commodis afque in- commodis, quae bonis ac malts plerumque communia sunt.

DE JEAN-LOUIS VIVES. 99

TEXTE.

.... Quamvis quidam (injustornm) divitias bonitatis et longa-

nimilatis Dei contemnentes thezauriaent (a) sihi tram in die

irae et revelalionis justijudicii Dei, qui reddet (b) nnicuique secun- dum opéra ejus , tamen palientia Dei ad poenitenliam invitât malog,

sicut flagellum Dei ad patientiam erudil honos Interest autem

plurimum qualis sit usus (c) vel cura rerum quae prosperae , vel earum quae dicantur adversae. . . . Nam sicut sub uno igné aurum rutilât, palma fumât; et sub eodem tribulo (d) stipulae comminuun- tur, frumenta purganlur. . . . ita una eademque vis irruens botios probat , cliquât {g), malos exterminât.

NOTES DE VIVES.

(a) Thésaurisent, congregent. Nam thésaurus congregatio est tam bonarum rerum quam malarum. Hinc apud Graecos : ôypmfxx; xouùv et apud Plautum : thésaurus stupri.

(b) EVeddet. Vulgo habetur , reddit. Augustinus melius ; nam de futuro seculo loquitur Apostolus , et graece est : cj oŒsôûcei jxâdTco.

(c) Qualis sit usus. Terentius in èœjzovz. : Quae quidem in homine dicuntur bona , parentes, palriam incolumem , amicos, genus , co- gnatos , divitas : atque haec perinde sunt ut illius animus qui eapos- sidet. Qui uti scit , ci bona; ei qui non utitur recte , mata, ^i ffaec Terentius eue Platone multis in locis.

(d) Tribulo. Tribulum ponit Virgilius inter instrumenta rustica primo Georgicon. Plinius , lib. 18" : « JJessis ipsa alibi tribulis in area, alibi equorum gressibus exteritur, alibi perticis flagellatur. Est ergo instrumentum , quo fruges maturae in area terunlur. » Id quomodo fiat jdocetVarro, libro de rébus ruai. \. , ,.;.. ......y

(e) Eliquat. Liquidas facit. Pertinet ad similitudinem auti. Si quis velit paulo longius philosophari , eliquantur charitate boni, ut in canticis : « Anima mea liquefacla est. ...»,.,

100 SUR LA VIE ET LES ECRITS

On voit assez que, sauf la matière, ce commentaire est beaucoup plus philologique que théologique. Je citerai encore une note qui m'a frappé , parce qu'elle laisse subsister quelque espoir de recouvrer un ancien ouvrage regardé comme perdu , VAnticato , ouvrage satirique dirigé par César contre Caton d'Utique,'(( ZtAros scripsit César Anlica- tones duos contra Catotiem, ut Cicero ipse et Suetonius meminerunt. Ea volumina vir clarissimus cardinalis Leodiensis confirmavit se in antiqua quadani bihliotheca Leodii vidisse , et curaturum ut ad me milterentur. Quod si fecerit , non invidebo studiosis hominibus lec- tionem eorum. »

Voici l'honorable jugement que porte Brucker sur ce commentaire : (( Legenda erudita Vivis praefatio in libros de civitate Dei , qua ipse referl , ideo inter ceteros Erasmum sibi curam libros de Civitate Dei recognoscendi tradidisse , quod opus, bona ex parte . tum rerum gestarum , fabularumque narrationibus , tum disputationibus phi- losophicis plénum viderelur , quibus rébus bonam aetatis partem videretur impendisse : et sane pensum hoc non impigre tantum, sed féliciter quoque Vives absolvit, ut omnium plausum mererertur : maxime vero eam veteris historiae, philos ophiae notitiam inspersii , ut non sine jucunditate et emolumento ejus annotationes legantur, multumquae conférant ad noscendam philosophiae , maxime Plato- nicae recentioris , sive Alexandrinae facian , quanquam non omnia satis vel perspexit , vel rite explicuit '. »

Cet ouvrage de Vives fit naître des clameurs assez vives contre lui de la part de quelques théologiens. Selon Possevin, la source de tout ce bruit furent les éloges exagérés donnés à Érasme dans l'introduc- tion de Vives, et le mépris déversé par celui-ci sur les anciens commen- tateurs. On lui reprochait en outre quelques inexactitudes sur des points de dogme et de morale, comme de prétendre que toute guerre qui se fait entre chrétiens est par cela seul une guerre injuste, de paraître mettre sur la même ligne le culte rendu en certains lieux

' Brucker, Historia philosophiae, cité par Majansius , p. -'i9.

DE JEAN-LOUIS VIVES. «»1

aux saints, et celui que les païens rendaient jadis à leurs dieux, etc.

J'ai oublié de dire que l'ouvrage de Vives est précédé d'éclaircis- sements sur l'origine des Goths qui dévastèrent l'empire romain à l'époque vivait saint Augustin, et dont les ravages lui donnnèrent l'occasion d'écrire sa Cité de Dieu, ainsi que sur les progrès de leurs invasions du Nord au Midi. Il croit, quant au premier point, et en s'ap- puyant sur Strabon et Pomponius Mêla, que les Goths ne sont autres que les peuplades connues auparavant sous le nom de Gètes et de Daces ' , et qui habitaient les bords du Danube, et les côtes du Pont-Euxin.

Vives ayant confié à Érasme le soin de revoir son travail et d'y faire les changements qu'il jugerait convenables, Majansius conjecture que les endroits critiqués venaient de la plume de l'aristarque '. Toutefois , il nous est resté une lettre de Vives, qui prouve qu'au moins les re- proches adressés aux anciens commentateurs sont bien de lui \

II.

.4. rtvîffhxKm Jesu Christi. (Tom. II, pag. lH-119.) B. De tempore quo natus est Chrislus. (Ibid., pag. 119-126.) C. In suum Christi triumphum praelectio , quae dicilur veritas fucata. (Ibid., pag. 126-130.) D. Christi Jesu triumphus. (Ibid., pag. 130-136.) E. Clypei Christi descriptio. (Ibid., pag. 137-140.) F. Virginis Dei parentis ovatio. (Ibid., pag. l-il-l^'J.) G. Meditaliones in seplem psalmos, quos va- cant poenitentiae. (Ibid., pag. 145-192.) H. Medilalio altéra in psalmum A'A'AT// de passione Christi.

La première de ces pièces parut d'abord avec les septem declama- tiones de plus haut. Elle fut réimprimée plus tard, accompagnée des six autres, à Bâle 1543, in-16.

' Nous rappellerons que c'est aussi, quant aux Gètes, l'opinion d'un savant distingué , enlevé naguère aux lettres, Saint-Martin, dans les notes qu'il a jointes à l'édition de Y Histoire du lias -Empire, de Lcbeau , publiée par ses soins h Paris, en 1824. Voyez à ce sujet Journal des savants, année 1826 , p. 534.

* Spécimen p. -49.

' 0pp. , t. Il , p. 06S. Dans cette lettre, à l'adresse d'Erasme, Vives s'exprime ainsi sur l'é- tendue qu'il a donnée, dans son commentaire, aux détails relatifs à la philosophie ancienne : Jn oclato et decimo libris longior fui forsan qunm oportebat : tum ut recondita illis {theologis

102 SUR LA VIE ET LES ÉCRITS

Le rsveSliaxov est adressé, en forme d'étrennes, au docteur Jean Briard d'Ath, professeur d'écriture sainte à Louvain. Vives y décrit, sous l'al- légorie d'un songe., les merveilles de la naissance du Christ, et la ré- volution que sa venue va produire sur la terre; il déclare qu'il eut d'abord l'intention de traiter ce sujet en vers, mais qu'il a changer d'avis, à défaut de temps et de verve : « Decreveram id ludere car- mine , sed modo variae , intérim, etiam frigidae occupationes , modo tarditas mea atque infelicitas styli in versibus scribendis propositum averterunt. » Il a mis cependant quelques vers dans la bouche des bergers à la fin : a Ex quibus, dit-il, versificationis meae gustum ac- cipies, etaccipies me sanum esse poetam. » En voici un échantillon; on y retrouvera ce mélange de mots grecs dans son style latin , que ses critiques lui ont reproché.

Magne Deus, genitor, Verbumque ex mente parentis iEternum nascens ante omnia secula mundi , Hocque die genilum, claudit qui tempore cuncta. Sanctum et ab utroque procedens Pneuma Deusque , Quem non humanus potuit comprehendere sensus , Non mens , non animique vigor , naturaque tota etc.

AD DIVAM VIRGINEM.

Virgo, quae magnum gêneras tonantem, Nec tuus candor maculatur unquam , Quam theanthropos vocitat parentem, Quant colet orbis.

Aima quae totum genus ipsa nostrum Actibus vincis superasque vita , Scia quae patri placuisse summo, Virgo videris.

Diva , lu nobis , petimus , precamur Supplices, natum facias amicum, Crimini ut nostro veniam det, atque Vivere secum.

nostris) aperirem et proferrem , tum ut Plaionica prorsus non ignorarent, viderentque haec nihil ^rislotelicis cedere , et inciperent alios quoque magnos authoresvelle cognoscere

DE JEAN-LOUIS VIVES. 102

Dans le second de ces opuscules, Vives présente le tableau de l'état du monde à la naissance du Christ ; il expose avec une rapidité de style remarquable les événements qui, depuis la mort de César, avaient agité l'empire romain , et avaientfini par amenercette paix universelle, au milieu de laquelle naquit celui que l'univers attendait.

Le troisième sert d'introduction au suivant, qui, à ce qu'il parait, fournit à Vives la matière d'un de ses cours publics ; l'auteur y combat le préjugé qu'avaient pu apporter à ses leçons sur un sujet chrétien, des jeunes gens accoutumés à n'entendre retentir dans les chaires que les noms des divinités du paganisme , et dépeint tour à tour, en les personnifiant , la fausse et la vraie sagesse.

Le Christi Triumphus est daté de Paris , et remonte au mois d'avril 1514. Vives le dédie à Bernard Mensa, évéque d'Elne. Il faut remarquer que le précédent est beaucoup moins ancien , et porte la date de Louvain 1519, avec une dédicace à Jean de Crommaas ou Curvimosanus, abbé de S'-Jacques à Louvain, fut donné, comme tout porte à le croire, le cours dont nous parlions tout à l'heure; ce qui fait remonter le professorat de Vives, en cette ville, à une date plus reculée que celle qu'après Paquot, on lui assigne ordinairement. Dans la dédicace du Triumphus, on peut remarquer que Vives s'y exprime avec un mépris dont il fut bien éloigné plus tard, sur le compte de plusieurs auteurs anciens , tels que Plutarque, Tacite, etc. Quant à l'ouvrage lui-même, c'est une suite d'éloges des triomphes divers du Sauveur dans sa résurrection, que Vives fait prononcer successivement par Gaspard Lax , Michel Saint-Ange [Michael Sanctus Angélus Trangensis) et Jean Fortis. Paquot se trompe en disant que ce sont trois déclamations que Vives met dans la bouche de Gaspard Lax , de Jean Fortis et de François Christoval de Valence. Ce dernier , que Vives appelle Franciscus Christopho- riis civis meus, est nommé à la vérité dans l'ouvrage, mais ne prend point la parole.

Le cly-pei Christi Descriptio est une description poétique du bou- clier du Sauveur, à l'imitation, dit Vives, delà description du bou-

104 SUR LA VIE ET LES ECRITS

clier d'Enée dans Virgile. Cet opuscule est dédié au comte d'Oliva, Séraphin Centelli.

UOvatio B. M. V. fait suite au Christi Triumphus. Pierre Ivorra, nommé avec Ghristoval dans ce dernier , fait dans celui-ci , l'éloge des vertus et de la gloire de la sainte Vierge. Vives termine par quel- ques mots il montre combien est plus digne de nos éloges et de notre émulation le chrétien qui triomphe du vice, que le conqué- rant qui remporte des victoires ; c'est , dit-il , ce qu'on devrait faire comprendre aux rois et aux grands de la terre, et parmi ceux qui tâchent d'y parvenir, il désigne de la manière la plus honorable le précepteur de Charles V : a In quorum numéro primns est magniis vir, de quo modo memini , Hadrianus Florentius Trajectensis , Ca- roli principis nostri institutor. ))

Les méditations sur les psaumes pénitentiaux furent composées, comme nous l'avons dit dans la vie de Vives, à la demande du car- dinal de Croy. Nous remarquons dans l'épître dédicatoire, un passage d'où il résulte que l'auteur n'était pas étranger à la connaissance des langues orientales : « Nec dissimularim me plerumque ad Hebrai- cam , ut vocant, veritatem, et Chaldaeam paraphrasim allusisse. »

Le dernier de ces morceaux , composé à une autre occasion , est placé ordinairement à la suite du précédent.

IIL

A. Ad sapientiam introductio. (Tom. II, pag. 70-94.) B. Satellitia CCXIII.

(Ibid., pag. 94-HO.)

Ces deux ouvrages furent publiés d'abord à Anvers, 1531, avec les deux opuscules mentionnés sous les articles I et II , parmi les œu- vres didactiques et pédagogiques , et réimprimés plusieurs fois depuis séparément. Le premier a été traduit deux fois en français, à savoir par Guillaume Paradin , doyen de Beaujeu , sous ce titre : Traité du vrai amour de sagesse divine, introduction à la sagesse, traduict du

DE JEAN-LOUIS VIVES. 105

latin de Jean Loys Vives, Lyon, 1550, in-12; et par Jean Colin, bailli du comté de Beaufort, qui *a intitulé sa traduction de la ma- nière suivante : Introduction a vraye sapience. Paris, Charles l'Ange- lier, 1548, in-12.

C'est un traité de morale chrétienne, en maximes ou aphorismes. En voici quelques-uns pour exemple :

Magnus erroris magister , populus.

Nobilitas, excellentia acluum esse cognilum, vel a bonis prognatum , similem pareii- tuni se probari.

Lineamcnta et corporis decor quid juvant, si turpis sit animus, et sicut Graecus illc dixit, in hospitio pulchro bospes deformis?

Illoruin decet te praecipue meminisse, in quibus faisus es, ne te rursum decipiant.

Ex sapientibus disccs, quo fias melior; ex stultis, quo fias cautior.

Liber ille, qui capitsolum quae sunt in ipsius manu ; servus, qui contra.

Ne verbis'quod sois ostentes, sed rébus te ostende scire; nec quidquid jucundum est tibi dicenli, idem credidcris esse aliis audientibus.

Si -reprehendi fers aegre , reprehendenda ne feceris.

Le dernier de ces deux ouvrages a été réimprimé séparément sous le titre suivant : Satellititim animi, sive symbola; accessere dicta sapienlum Graeciae ex Ausonio cum Erasmi enarratione , et aliquot sententiae ex variis scriploribus colleclae. Lugduni, Godofr. Be- ringus, 1544, in-12. II est dédié à la princesse Marie d'Angleterre, à laquelle Vives l'offre comme une garde, satellitium, plus sûre et plus précieuse que toutes les autres : « Satellitium circumdabo animo tuo : quod te securiorem ac tutiorem praestabit, quam hastati aut sagit- iarii quicumque... » La dédicace est datée de Bruges, 1524, ad ca- lendas Quintiles. Cette garde mystique est composée d'environ deux cents satellites, représentés par autant de devises ou symboles, c'est-à- dire, de pensées exprimées d'une manière courte et sentencieuse, et dont l'explication se trouve à la fin de chacune d'elles. En voici quel- ques-unes :

ToM. XV. 14

106 SUR LA VIE ET LES ÉCRITS

Virtus instar omnium.

NuUa enim re ad bene vivendum indiget , qui eam habet : quod Stoici senserant, et id sentire Christianos magis decet.

Harmonia interna.

Ut nihil ab alio dissonet, sed sit concentus in animo dulcissimus : hanc esse veram musicain dicebat Socrates.

Pauper egens , non carens. Non est pauper qui caret, sed qui eget, qui desiderat.

Fortuna fallacior, quod blandior.

C'était la devise que Vives avait donnée à son disciple le cardinal de Croy.... « Quod ego ad moderationem animi cardinali Cronio dederara; sed non tam symbolum id fuit, quam vaticinium : nam quum se effusissime fortuna in illius et Cerviani patrui sinum effudisset, repente utrumque absumpsit, sed cardinalem adolescentem adhuc alterius et viginti annorum. »

Sine querela.

C'est celle de Vives lui-même, et elle nous donne une juste idée de son caractère : « Vivendum ita ut non sit cur vel de te quisquam conqueratur, vel ipse de quoquam, aut de fortuna; nec ipse cuiquam facias injuriam nec factam tibi credas Hoc est sym- bolum nostrum. »

IV.

A. De officio mariti liber. (Tom. II , pag. 395-647). B. De institutione . cArotianae /emmae K6n ///. (Ibid., pag. 647-733.)

Le premier de ces ouvrages parut d'abord à Bruges, chez Robert Crocus ' , 1528, in-12. Il fut réimprimé à Hanovre, en 1614, avec le suivant et un traité sur l'éducation, in-12. Le second, dont la com- position remonte au mois d'avril 1523, ne fut livré à l'impression qu'en 1538^ à Bâle, chez Rob. Winter, in-12. Il fut traduit en fran- çais avec le précédent , et publié en cette langue sous le titre suivant :

' Paquot, p. 122.

DE JEAN-LOUIS VIVES. 107

Institution de la femme chrétienne , tant en son enfance , que mariage et viduité : aussi de F office de mari. Lyon, in- 16. Item, Anvers, Christ. Plantin, 1579, in-12. Une autre traduction française a été publiée par Louis Turquet. Lyon, Jean de Tournes, 1580, in- 16. La traduction espagnole de Jean Justiniani a eu deux éditions : Zaragoza, 1555, et Valladolid , Diego Fernandez, 1584, in-8*>.

Ces deux traités de morale pratique sont remplis d'excellents pré- ceptes; Vives y entre dans d'assez longs détails sur les devoirs de la vie conjugale , et y prouve tout à la fois une profonde connaissance du cœur humain et un esprit d'observation remarquable. Le dernier est plus étendu. L'auteur prend la femme chrétienne au berceau , dirige son éducation , et la considère successivement dans les divers états de jeune-fille, d'épouse, de mère et de veuve. Nous remarquons que Vives veut autant que possible, que la mère alaite elle-même son enfant. Voici ses paroles; c'est le début du premier livre : (c Fabius Quintilia- nus oratorem instiluens , a cunis ipsis exordiendunt censet; nuflum tempus debere vacare ratus, qtiodadfinem illum destinatae artis non accomodaretur. Quanto major cura suscipi débet de virgine chris- tiana, ut non solum ejus incrementa formemus et componamus, sed initia quoque a lacté ipso, quodvelim,fierisipossit, maternum esse ; idque consuluerunt Plutarchus , Phavorinus, et alii maximi philo-

sophi Verius mater filiam existimat suant, quam infantu-

lam semper in ulnis bajulavit, cui praebuit mammam cujus

somnos sinu suo fovit , primos arrisus accepit blanda , et osculata est, etc. y> C'est tout ce que nous avons à dire de cette portion des œu- vres de Vives : nous croyons devoir renvoyer à ces ouvrages mêmes le lecteur qui voudrait en prendre une plus ample connaissance.

108 SUR LA VIE ET LES ECRITS

A. Exercitationum animi in Deum praefatio. (Tom. II, pag. 199-201.) B. Praepa- ratio animi ad orandum. (Ibid., pag. 202-206.) C. In ipsam precationem domini- cam commenlarius. (Ibid., pag. 207-221.) D. Preces et meditaliones diurnae. (Ibid., pag. 222-226.) E. Preces et meditationes générales. (Ibid., pag. 226-259.)

Ces divers opuscules ont été publiés ensemble , et forment un recueil intitulé : /. Z. Vivis Valentini ad animi exercitationem in Deum commentatiunculae . Antv., 1538, in-16. Item Basil. Rob. Winter, 1540 , même format. Paquot en cite deux traductions françaises, l'unie de Pierre de Leucran , l'autre portant ce titre : Prières et méditations tant journales que générales, avec exercitations de V esprit à Dieu; composées en latin par J. L. Vives, et mises en français par Geoffroy de Billy. Paris, Claude Fremy, 1570, in-16,

VI.

De veritate Fidei christianae libri quinque. (Tom. II, pag. 260-496.)

Ce traité, l'un des plus considérables de Vives, ne vit le jour qu'a- près sa mort. Ce fut François Craeneveld qui , à la prière de la veuve de l'auteur, se chargea des soins de l'impression. L'ouvrage, dédié par l'éditeur au pape Paul III, conformément aux intentions de Vives, parut d'abord à Bâle, Joannes Oporinus, 1543 , in-fol., et 1544, in-8°. Il fut réimprimé à Lyon en 1551 , in-8°, àBâle, 1555, in-8o, et enfin à Cologne , Pet. Horstius, 1564, toujours dans le même format.

Le but de ce travail est la démonstration de la foi chrétienne : l'au- teur traite, dans les deux premiers livres, de la religion en général, et de la destinée de l'homme envisagée du point de vue religieux; passe ensuite au christianisme en particulier, établit sa divinité contre les Juifs et les Mahométans , dans le troisième et quatrième, la discus- sion prend la forme du dialogue; il termine dans le cinquième par

DE JEAN-LOUIS VIVES. 109

démontrer la supériorité de la foi chrétienne sur les systèmes philoso- phiques des anciens.

Entrer dans un exposé plusétendu du contenu decetouvrage , serait soulever des questions théologiques , dont l'examen serait déplacé ici ' . Nous nous contenterons de dire que c'est une des productions les plus soignées de notre auteur, et qu'il a su rattacher au sujet principal bien des considérations philosophiques, qui sont loin d'être sans inté- rêt, même pour celui qui n'y chercherait que cela.

CINQUIEME CLASSE.

OEUVRES DIVERSES. I.

De subventione pauperum , sive de humanis necessilatibus libri duo. (Toin. II, pag. 889-922.)

Cet ouvrage, dédié au'x magistrats municipaux de Bruges, sous la date du 6 janvier 1526, fut imprimé, la même année, en cette ville, in-I2, selon Paquot; in-8*', selon Majansius, qui cite le nom de l'imprimeur, Hubert de Croock, et nous apprend que cette édition était accompagnée de courtes notes du chartreux Jean Moyard, admi- rateur et ami de Vives.

Nous connaissons les réimpressions suivantes : Paris., Sim. Coli- nœus, 1530 et 1532, in-12; Lugduni, Melch. et Gasp. Trechsel, 1531 , in-8°.

Il existe une traduction française sous ce titre : \J Aumosnerie de

' On peut voir une analyse assez étendue de l'ouvrage posthume de Vives , dans E. Dupin . NouvtUe bibliothèque des auteurs ecclésiasiique* , t. XIV, p. 100. Mons, 1708, in-4».

110 SUR LA VIE ET LES ECRITS

Jean Loys Vives , traduite du latin par Jacques Girard , jurisconsulte de Tournus , en Bourgoigne. Lyon, Jean Stratius, 1583, in-12; et une espagnole sous le titre suivant : Tratado delsocorro de los Probes y cumpuesto en latin por el dotor Juan Luis Vives, traducido per el dotor Juan de Gonzolo. . . . En Valencia, en la imprenta de Bénit Monfort, 1781 , in-4o.

Le travail de Vives a pour objet de montrer l'obligation de secourir les pauvres, et en second lieu d'indiquer les moyens d'atteindre en remplissant ce devoir le but qu'on se propose, de la manière la plus intelligente et le plus véritablement utile.

Dans la dédicace : Consulibui et saenatui Brugensi, Vives fait l'éloge de la ville de Bruges , et nous apprend qu'elle est devenue pour lui une seconde Valence : (( Ego sic in civitatem hanc afficior, ut in Valentiam meam : nec aliter hanc nomino quant patriam, cujus jam quatuordecim annis sum incola , et si non conf inenter , semper tamen hue sum solitus redire tamquam ad domum. Placuit ratio adminis- trationis vestrae , educatio ac civilitas populi hujus, et incredibilis in eo quies ac justitia per gentes celebrata. »

Le premier livre développe les raisons sur lesquelles s'appuie le précepte de l'aumône ; l'auteur remonte à l'origine de la société , ex- pose les causes de l'inégalité des conditions parmi les hommes, et invoque tour à tour en faveur de sa thèse la nature et la religion.

Le second livre est extrêmement curieux : c'est une véritable théorie administrative du soulagement des pauvres. Vives s'étend d'abord sur l'importance que la matière doit avoir aux yeux des administrateurs , soit qu'ils la considèrent sous le rapport de la salubrité publique, soit sous le rapport de la morale. Après avoir indiqué les moyens de s'as- surer préalablement du nombre et de la situation des pauvres d'une cité , il formule ainsi ses idées sur le mode de les secourir : « Ante omnia illud decernendum , quod Dominus generi humano , tamquam, pro muleta critninis , indixit ut unusquisque edat panem suum labore suo quaesitum.... Ne quis igitur inter patiperes otiosus sit, qiii qui- dem per aetatem aut valetudinem laborare possit....

DE JEAN-LOUIS VIVES. 111

» Valetudinis hahenda ratio et aelatis , sic lamen ne simulatione morbi aut injinnilatis imponant, quod fit non raro : adhibebitur me- dicorum judiciutn , et qui fefellerit , puniatur. . . . •\y» Indigence rogandi, an artem norint vllam : qui nullam norunt , si aelate sunt idonei, edocendi, ad quant dicent se maxime propensos ,

modo liceat Sin est provectior , aut ingénia nimis tarda, facilior

aliqua tradatur.... Qui foedis modis et per turpitudinem facultates prodegere.... alendi quidem, natn nemo est famé occidendus; cae- terum iis molestiores imperentur operae, et vie tus tenuior.

» His omnibus non deerunt officinae, in quibus recipianfur. Qui lanificium Armenterii exercent , imo plerique omnes opifices que- runtur de raritate et infrequentia operarum, et qui serica Brugensia contexunt, conducerent quosvis pueros ad gyrandum quosdam tor- nulos, quibus numerarent quotidie singulos stu feras, plus minus , praeter cibarium, nec possunt invenire qui hoc agant; nam parentes eorum aiunt plus illos domum referre ex mendicatu...

» Nec caecos patiar ociosos vel sedere vel obarnbulare : sunt

permulta in quibus se exerceant : alii ad literas sunt idonei, stu- deant.... alii ad artem musicam, cantent , puisent fides ; aHivertant turnos aut rotulas , alii trahant torcularia.... Caecae nent et filum conglomèrent.... » V v ,

Les mesures qu'il propose à l'égard des aliénés m'ont surtout frappé : « Quia de mente captis locus admonuit, cum nihil sit in mundo excel- lentius quant homo , nec in homine quant ipsa mens, praecipua danda est opéra ufi haec valeat ; .summumque hoc beneficium cen- sendum est, si aliorum mentes vel ad sanitatem reduxeritnus , vel conservaverimus in sanitate atque constantia. Ergo, adducto ad hos- pitale homine mentis emotae , principio perspiciendum est, ufrum naturalis sit insania , an casu aliqua contigerit , sit sanitatis spes , an penitus desperata : dolendum tanto humani animi , rei praes- tantissmao , incommoda , et ante omnia sic habendus , ne augeatur ei , aut alatur amentia, quod fit furiosis irrisione, lacessitu, irrita- tione ; fa luis , assenssu et comprobatione eorum, quae sfulle seu

112 SUR LA VIE ET LES ECRITS

dixerint seu egerint, atque incitatione, ut ridicule magis decipianl.... Adhibeantur congrua singulis remédia : aliis opus sunt fomenta et

ratio victus; aliis mitis tractatio et comis aliis institutio. Erunt qui

cohercione et vinculis egebunt; sedita his utendum, ne illi magis per haec efferantur. Omnino, quoad ejus fieri possit , tranquillitas in eo~ rum animos invehenda, unde facile judicium redit ac sanitas mentis. » Vives s'occupe ensuite des soins à donner aux malades, aux en- fants troxivés ; de la surveillance à exercer sur les pauvres en général ; des moyens de se procurer les fonds nécessaires pour réaliser le plan qu'il vient de tracer; des secours à accorder à ceux que des événe- ments subits et inattendus plongent dans le besoin. Il finit par réfuter les objections qu'on pourrait élever contre ses projets, et par énu- mérer les avantages qui doivent résulter, selon lui, de leur mise à exécution.

II.

A. De concordia et discordia libri quatuor. (Tom. II, pag, 760-861.) B. De pacifica- tione liber unus. (Ibid., pag. 862-881.) C. De conditione vitae Christianorum sub Turca. (Ibid., pag. 882-888.) .

Le premier de ces ouvrages, terminé en 1526, fut dédié à l'empe- reur Charles-Quint, parune épître datée de Bruges, le !«>'■ juillet 1529; il fut imprimé avec les suivants à Anvers, 1529, in-12,etàLyon 1532, même format.

Yivès déplore éloquemment dans ce travail la discorde qui règne entre les princes chrétiens, en recherche les causes, montre les avan- tages de la concorde, et expose les moyens d'y parvenir. Ce n'est qu'à regret que nous renonçons à en extraire plusieurs passages, la belle âme de l'auteur se met tout à fait à découvert ; mais la crainte d'alon- ger outre-mesure ce mémoire nous retient; nous ajouterons seulement qu'il est écrit d'un bout à l'autre avec une chaleur d'âme, un entraî- nement qui attachent exlraordinairement le lecteur. Le style s'élève plus d'une fois à cette hauteur d'éloquence qui distingue certaines

DE JEAN-LOUIS VIVES. 113

pages des grands moralistes et leur donne quelque chose de sublime.

Le traité qui suit roule sur la môme matière que le précédent : Vives en fit hommage à l'archevêque de Séville, Alphonse Manriquez.

L'opuscule désigné en troisième lieu a pour objet d'éloigner le» peuples chrétiens de toute alliance avec les Turcs, et de leur faire redouter le joug barbare des Musulmans. On sait assez quel scandale avait produit en Europe François I, en s'unissant avec ceux que la Chrétienté avait considérés jusque comme ses plus cruels ennemis. Nous ne pouvons nous empêcher de citer les nobles et éloquents re- grets de Vives sur le sort de la Grèce : a An ulla gens, aut ullusomnino hominum tam extremam est servitutis aliquando conditionem passus, quam nuncpatitur ùiclyla illa et ingeniis, et literis, et armis, Graecia 9 Quod mancipiuni miserius servit, quam illa Graecia, quae olim pro solo libertatis nomine tantum effudit sanguinis, tantum armavit mi- litum, qui ad certissimam atque indubitatam mortem ire non dubi- tarentpro libertate 9 Ut nunc nullus in tanta regione nascatur ingenio paulo liberiore , aut impatiente servitutis, qui non primum omnium Graeciam sibi relinquendam et fugiendam ducat, velut ergastulum ultimae servitutis, in Italiam se aut in alias orbis partes conférât, magnum secum, quocumque eat, circumgerens documentum, quid patiendum sit viventibus sub Turca. »

Nous ajouterons que cet écrit a été reproduit dans le recueil inti- tulé : Jacobi Sadoleti, de bello Turcis inferendo, Oratio : ejusdem

argumenti Othonis Brunfeldii ad christianos principes Oratio

Lud. Vivis de vita Christianorum sub Turca Opusculum. Basil. Thom. Platterus, 1538, in-S".

m.

A. De Europae dissidiis et bello turcico dialogus. (Tom. II, pag. 947-959.) B. Decom- munione rerum, ad Germanos inferiores. (Ibid., pag. 923-931.)

De ces deux opuscules qui virent le jour ensemble à Bàle, 1538, in-8°, le premier terminé à Bruges, octobre 1526 , est un dialogue, à Tom. XV. 13

114 SUR LA VIE ET LES ÉCRITS

la manière de Lucien , entre Minos et des ombres récemment arrivées dans les enfers. Vives met dans la bouche des interlocuteurs la des- cription du triste état ou se trouvait l'Europe à cette époque, l'exposé historique des causes qui ont amené les guerres entre les princes chré- tiens qui la désolent, le récit sommaire des événements militaires, enfin ses craintes sur les progrès toujours croissants des Turcs , et ses vues sur les moyens de les arrêter : il voudrait que la chrétienté prît l'offensive et allât attaquer l'islamisme sur son propre territoire, en Asie , des populations asservies et malheureuses sont toutes prêtes à se joindre à eux contre l'ennemi commun.

Le second, daté de Bruges, 1535 , fut composé à l'occasion des doc- trines subversives du droit de propriété proclamées par les Anabaptistes, et des scènes de violence et de brigandages qui en résultèrent sur les bords du Rhin. On sait que Jean de Leyde, à la tête d'une troupe de fanatiques , s'était emparé de Munster, en 1534 , et y tint jusqu'au 24 juin 1535. Vives cherche à ramener à la raison les malheureux, dont la bonne foi a été surprise par l'hypocrisie des agitateurs ; il combat avec une logique serrée et un style entraînant le principe de la com- munauté des biens , empruntant ses armes quelquefois à la religion , et le plus souvent au simple bon sens. Nous citerons quelques passages. Il décrit ainsi l'origine de la Réforme en Allemagne, et ses résultats : « Olùn in Germania res pietatis erant if a constitùlae , ut firmae ac stabiles gratissima quiète perseverarent : nec quisquam fas esse duce- bat de ulla earum rerum quae receptae jam essent , ambigere. Inven- tus est qui primuni auderet quaedam in dubium revocare , initio modice ac verecunde , mox aperte ; non solum ut disputaret , sed ut negaret, abrogaret , tolleret permulta tanta confidentia , quant si de coelo et arcanis divinitatis esset delapsus, aut de calceo vel pallio suendo foret quaestio. Ea fenestra aperta ,jam non quae speciem ali' quant dubitandi passent praebere , sed quaeper tôt annos accepta , et approbata essent ab Ecclesia, rejecta stmt ut falsa , inutilia, noxia. Ex dissentione opinionum ventum est ad dissidium vitae : coeptum est non jam amplius linguis et calamis certari, sed hastis, gladiis , bom-

DE JEAN-LOUIS VIVES. 115

hardis. Illis vero quiproficto quodam libertatis nomine et aequalitate inferiorum cum superioribus iniquissima bella moverent , successe- runt, qui non illam modo exaequationem , sed communitatem rerum omnium décernant, postulent, efjlaqitent, etc. )> On voit que c'est bien à tort qu'Osiander à voulu faire passer Vives pour un homme qui pen- chait vers le protestantisme '.

Voyez avec quelle force de raison , quelle vivacité, il presse ses ad- versaires dans les lignes suivantes : « Omnia jubés esse comm,unia.... Vis in animo virtutem esse communem, vis acumen, scientiam, usum rerum, prudentiam , judicium , memoriam? Vis in corpore robur, valetudinem , formam , integritatem , acumen sensuum , aetatem? Haec cuique sunt propria , non potes communicare aliis. Restant externa. Quae tandem ista sunt omnia , quae postulas fieri commu- nia? Ego sum studiosus , tu miles : hoccine videtur tibi aequum, ut libri mei sint communes tibi, mihi vero tua arma? Placet dare puero, quae sunt senum in victu, in vestitu, in cultu? Senibus vi- cissim quae puerorum ? ^gris quae sanorum , età contrario ? . . . . Placetne omnes vel héros fieri, velministros? .... Censen tu omnes debere esse magistratus , aut contra, omnes esse privatos? Lex Christi et famulos , et dominos , et magistratus , et privatos distinguit. Non confundit ordinemille , cujus opéra omnia ordine et praescrip- tione persistunt. ...»

IV.

Epistolae.

L'édition des œuvres de Vives, publiée à Bâle, contient, tom. II, page 960 à 978, vingt lettres de notre auteur, outre celles qu'il adressa à Henri VIII, à Jean, évêquede Lincoln, son confesseur, et à Adrien VI , touchant les discordes qui régnaient entre les princes chrétiens; ces dernières se trouvent dans la même édition, ibidem,

' Lucas Osiander , Epitome eccletiatt. hittoriae, cent. XVI , I. II , t. I , cité par Paquot, ubi *upra, p. 1 18.

116 SUR LA VIE ET LES ECRITS

pp. 932 à 947. La plupart des premières sont adressées à Érasme, les deux dernières le sont l'une à Gilbert Cousin , Cognatus , secrétaire de celui-ci; l'autre, au portugais Damien Goesiusj elle a été citée déjà dans ce mémoire.

En 1556 parut à Anvers, chez Guillaume Simon, un nouveau re- cueil de lettres de Yivès, sous ce titre : Joannis Lodovici Vivis Val. Epistolarum,quaehactenusdesiderabanturFarrago. .. . petitin-12; recueil qui a été réimprimé dans la même ville en 1571 et 1572. Les lettres inédites jusqu'alors, qu'il contient, sont au nombre de trente neuf ' . Elles sont adressées à divers personnages , et nous en avons cité, d'après Majansius, plusieurs extraits dans la vie de Vives.

L'édition de Yalence, opp.^ tom. VU, contient en outre une lettre de Vives à Maldonat, datée de Bréda , 16 décembre 1538. Elle ne renferme guère qu'une réponse modeste aux témoignages d'estime et d'amitié que celui-ci lui avait donnés. Seulement nous y apprenons que Vives se proposait de ne revenir à Bruges qu'au printemps suivant ^.

Paquot prétend qu'Adrien Vlacq a augmenté le recueil des lettres de notre écrivain dans la collection qu'il a publiée, sous le titre sui- vant : Epistolarum D. Erasmi libri XXXI et Philippi Melanchtonis libri IV, quibus adjiciuntur Th. Mori, et Ludovici Vivis Epistolae , ex editione Gasp. Peuceri. Londini , M. Flescher, 1642, in-fol. Nous n'avons pas eu l'avantage de pouvoir consulter cette production : ce qui nous porte à croire que Paquot s'est exprimé ici un peu légère- ment , c'est d'abord qu'il ne donne aucun renseignement sur les aug- mentations dont il parle , tandis qu'il s'est étendu assez longuement sur les recueils précédents; une raison plus forte, c'est que l'édi- tion des œuvres complètes, publiée avec tant de soins à Valence, ne contient que la seule lettre à Maldonat , de plus que le recueil d'An- vers.

' Non trente-huit , comme dit Paquot , ubi supra, p, 123.

- Cette lettre est accompagnée, dans l'édition citée, de la note qu'on va lire : Haec epistola hucusque inedtta, inter alias Joannis Maldonali manuscriplas legitur, quae uno volumine con- tentae serrantur in collegio majori Valisoletano S. Crucis,

DE JEAN-LOUIS VIVES. 117

Nous avons reproduit, dans la première partie de noire travail , ce que ces lettres nous ont paru offrir de plus intéressant ' .

APPENDICE DE LA SECONDE PARTIE.

Nous croyons, pour compléter notre travail , devoir dire un mot des ouvrages attribués à tort à Vives, ou, tout au moins, sans qu'il soit bien établi qu'ils viennent de lui; de ceux auxquels il a contribué , sans en être le principal auteur ; enfin de celles de ses productions que nous avons perdues, ou qu'une mort trop prompte a empêché l'écrivain de terminer.

La première classe se compose des trois ouvrages suivants ; d'abord : Philalethae Hyperborei in anticatoptrum suum, quod propediem in lucem dabit , Parasceue , sive adversus improborum quorundam im- probitatem, illr. Angliae reginam ab Arthuro Walliae principe priore marito suo cognitam fuisse , imprudenler et inconsulte adstruentium, Susannis extemporaria. Luneburgi, 1533. C'est une réponse à un travail publié en faveur du divorce de Henri VIII , sous le titre de : Spéculum veritatis. Majansius incline à en regarder Vives comme l'auteur; au moins résultc-t-il d'un passage de la lettre de ce dernier au roi , après son retour à Bruges , qu'il avait composé , à la demande

' Nous ajouterons seulement que deux lettres insérées dans l'édition d'Anvers, 1536, la pre- mière, fol. S4 recto, la seconde , fol. 36 id. , présentent des observations de Vives surl'ouvrage de Budcc de yiise, et des vues sur l'évaluation de la monnaie romaine. Ce sujet a été, il n'y a pas longtemps encore , l'objet d'une controverse entre deux savants distingués, M. Germain Garnier et M. Letronne. Voyez ce dernier : Considérations généixilet sur l'évaluation des monnaies grec- ques et romaines. Paris, octobre 1817.

118 SUR LA VIE ET LES ECRITS

du cardinal d'Yorc, Wolsey, un petit traité sur ce sujet '. Quelques- uns l'ont attribué à Jean Cochlée.

Le deuxième est intitulé : Johannis Warsenii Descriptio temporum etrerum romanarum. Lovanii , 1534. Ce qui parait avoir fait mettre cet ouvrage au nombre de ceux de Vives , c'est que l'imprimeur anver- sois, Guillaume Simon, auquel nous devons le recueil des nouvelles lettres de notre auteur, annonce, dans la dédicace, qu'il possède en manuscrit un autre de ses ouvrages, qu'il indique par Descriptio rerum ac temporum Populi Romani '.

Le troisième est l'infâme écrit publié sous le titre de : Aloysiae Si- geae Salira sotadica de arcanis Amoris et Veneris. Il est reconnu maintenant que ce livre licencieux , qui a été attribué à plusieurs per- sonnages célèbres, est sorti de la plume de Nicolas Chorier, avocat au parlement de Grenoble.

Pour ce qui regarde les ouvrages auxquels Vives a coopéré, nous citerons en premier lieu le travail d'Erasme sur Sénèque. La preuve de cette coopération existe dans ce passage d'une lettre du l<^i^ octobre 1528, adressée par Vives à son ancien maître : « In Seneca, quae ha~ beo, alia ex vetustis sunt mihi codicibus annotata, aliajudicio meo , ex eo sensu quem mihi videbar , partim ex verbis , partim ex propo- siti argumenti ratione , colligere ; sed qualiacumque sint , maloaucto- rem illum, , legi et cognoscimulto dignissimum , ex tua castigatione in studiosorum, manus venire , quam ex mea ^ )) D'après le témoi- gnage d'André Schott , Vives contribua aussi aux développements que prirent les Adages d'Erasme , dans les dernières éditions que celui-ci en donna ^.

Un autre travail de Vives doit trouver ici sa place, c'est sa Censura Aristotelis , il apprécie avec une impartialité remarquable le mérite et les défauts de ce philosophe, insérée dans l'édition des œuvres du

' Majansius, lococitato, p. 12-4.

* Voyez YEpistola nuncupatoria , fol. 8 recto, édition de 1S56.

» 0pp., t. II, p. 974.

'* Andréas Schottus, Bibliotheca Hispaniae , cité par Majansius, p. 138.

DE JEAN-LOUIS VIVES. 119

Stagirite, publiéeà Bàle en 1536, 2 vol. in-fol. On l'a reproduite dans l'édition de Valence.

Je dois ajouter que l'on trouve dans Guillaume Canterus, livre II, Novarum Lectionum, chap. 24, les vues de Vives, extraites d'une lettre autographe de celui-ci, sur quelques corrections à introduire dans le texte de Tacite '.

3" Voici indépendamment . des commentaires sur plusieurs écri- vains anciens dont il a été parlé plus haut, la liste des ouvrages perdus de Vives :

A. De constiluenda schola ^.ad patres juratos senatumque Valentinum , en langue vulgaire, sermone lemovicensi , dit Majansius '. B. De ratione linguarum, peut-être le même que celui qu'il annonce sous le titre De lingua latina, praefatio in vigiliam in somniuni Scipionii. C. De caritate Dei et proximi. D. De prosperis et adversis.

Vives avait en outre, comme il conste de divers passages de ses œuvres, l'intention de traiter les sujets suivants : De originibus His- paniae. De actis vitaque Blanchae Marchae , De Fato, De Sapientia christiana. Il avait de plus annoncé le projet de recueillir et de pu- blier les fragments qui nous restent du poète Ennius \

' Voyez J. Gruterus, Latnpas être Fax artium. Francofurti, 1604, t. III, p. 568.

* Nie. Antonio et Paquet écrivent erroncment : De constmenda schola. ^ Majansius, ubi supra, p. 169.

* Voyez les preuves de ce que nous avançons ici dans Majansius, p. 180 à 185.

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CONCLUSION.

IVous croyons avoir fait connaître suffisamment Vives, pour qu'il soit possible de porter sur lui un jugement en connaissance de cause. II nous semble que ce jugement n'exige que la simple réunion des traits épars dans ce travail, et que leur ensemble nous donnera le portrait complet de l'homme privé et de l'écrivain.

Sous le premier rapport, sa vie et ses écrits nous ont montré en lui un chrétien fervent, un fils tendre et reconnaissant, un bon mari, un ami fidèle et sincère, un homme dévoué au bonheur de ses sembla- bles, et cherchant de tous ses moyens à y contribuer. Pacifique, dé- sintéressé , sans ambition , content de lui-même et des autres , fuyant le bruit et l'éclat ; du reste courageux quand son devoir l'exigeait, sachant dire la vérité même aux rois. Vives nous semble un modèle accompli du sage formé à la double école de la philosophie et de la religion.

Comme écrivain , la voix de son siècle le plaça à côté de deux hommes qui tenaient alors le premier rang dans l'empire des lettres, nous parlons d'Erasme et de Budée. S'il accorda la palme de l'érudi- tion à l'un, celle de l'esprit à l'autre , il mit Vives au-dessus d'eux pour le jugement, et certes ce n'est pas la part la moins honorable. Ce qui le caractérise à nos yeux, c'est la tendance pratique de son esprit, l'étendue et la justesse de ses vues, une abnégation sans réserve de lui- même à côté du plus admirable dévouement à la science, une force de raisonnement qui prend sa source dans une profonde conviction intérieure, une indépendance de jugement qui n'exclut nullement la ToM. XV. 16

122 SUR LA VIE ET LES ECRITS DE J.-L. VIVES.

modération et la mesure, mais qui s'allie merveilleusement avec elles; enfin un style clair, précis, dégagé de toute affectation, tel que l'est d'ordinaire celui des écrivains qui n'y voient que l'instrument de la pensée. 11 n'est point exclusif dans ses admirations, il loue le bien, blâme le mal, partout il les trouve; reste toujours lui-même; croit la vérité indépendante des temps et des hommes; ne professe pour les anciens ni respect superstitieux ni mépris insultant ; en un mot il nous présente, pour le temps il vivait, un phénomène unique peut-être, et qui, il faut l'avouer, nous semble n'avoir pas été assez remarqué , et cependant être l'un des plus dignes de fixer l'attention des observateurs éclairés.

Qu'on nous permette de finir par une observation qui a quelque chose de triste pour les lettres , mais qui a trouvé plus d'une fois ail- leurs son application. Nous croyons que personne ne contestera le mé- rite éminent de Yivès , comme savant et comme écrivain; nous croyons qu'il est peu de noms dans les fastes de l'esprit humain aussi dignes des hommages et de la reconnaissance de la postérité. Et cependant ce nom est à peine connu; hors du cercle restreint des savants pro- prement dits, on peut même dire qu'il est entièrement ignoré : celui de Bacon est dans toutes les bouches, personne ne prononce celui de Vives : tant il est vrai, selon sa propre remarque, que la fortune exerce sa maligne influence jusque sur les œuvres du génie! Au reste, Yivès a obtenu le seul genre de récompense qu'il ambitionnait : ses livres ont servi à l'amélioration de l'humanité et aux progrès de la science; leurs nombreuses éditions en fournissent la preuve. Toutefois , s'il nous est permis de dire un mot de nous-même en finissant,, nous nous estime- rions heureux , si ce travail , tout imparfait qu'il est , produisait chez quelques-uns de nos compatriotes le désir de faire une connaissance plus intime avec l'homme à qui nous l'avons consacré. Si ce vœu s'ac- complit, Yivès reprendra la place qui lui appartient dans l'estime des amis des lettres et de l'humanité. Nous leur adressons en toute con- fiance nos derniers mots : Lisez et jugez.

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TABLE

DES BIA.TIÈRES CONTEITUES DA.NS CE MEIHOIRE.

Introduction 5

Cominenceinent de la renaissance des lettres en Italie ib.

Relations entre les Grecs et les Latins ib.

Le mouvement littéraire seconde par les princes italiens 6

Siècle de L<;on X 7

Le mouvement se propage dans le reste de l'Europe »^, ,._ . . ib.

Grandes découvertes de cette époque «6.

Obstacles qui s'opposent au progrès 8

État littéraire de La«Belgique 9

Gérard Groot , fondateur des frères de la vie commune 10

Leurs nombreux établissements li.

Quelle part ils prirent au travail de renouvellement . . ib.

Rodolphe Agricola et l'université de Louvain Il

Jean Varennius ib.

Erasme ' ib.

PREMIÈRE PARTIE. Vie de Vives.

Naissance de Vives 13

Ses premières études à Valence 14

Séjour à Pari» 15

Arrivée en Belgique ib.

Vive» s'établit à LouvaiD Ut.

Ses relations avec Erasme ib.

Savants que comptait en ce moment l'université ib.

124 TABLE DES MATIERES,

Vives chargé de la direction des études du cardinal de Croy 18

Détails sur quelques autres de ses élèves 19

Voyage de Vives à Paris ib.

Jugement porté par Thomas Morus sur ses premières productions . 20

Leçons données par Vives à l'université de Louvain 21

Travail sur la Cité de Dieu de saint Augustin 23

Mort du cardidal de Croy 2-4

Maladie de Vives ib.

Séjour à Bruges ib.

11 termine son travail sur saint Augustin ' 25

Réponse de Henri VIII à la dédicace que lui en fait Vives 26

Critiques dirigées contre cet ouvrage ib.

Lettre adressée par Vives à Adrien VI , à l'occasion de son exaltation au pontiGcat ... 28

Le duc d'Albe veut» confier à Vives l'éducation de ses petits-fils ib.

Voyage en Angleterre 29

Vives préposé aux études de la princesse Marie , fille de Henri VIII et de Catherine

d'Aragon ib.

Il prend le bonnet de docteur en droit , et donne des leçons publiques à Oxford . . . ib.

Vives disgracié . . t . . 30

Il revient à Bruges ib.

Son mariage ib.

Détails sur la famille de sa femme 31

Il dédie à Charles-Quint son ouvrage De concordia et discordia in hiimano génère ... 82 Publication de son grand ouvrage sur les vices de l'enseignement, et sur les moyens d'y

remédier ib.

Vives professe publiquement à Paris 38

Séjour à Bréda .• «6.

Infirmités de ses dernières années 34

Sa mort ib.

SECONDE PARTIE.

Examen analytique des ouvrages de Vives.

Leur partage en cinq classes 36

Première classe. Œuvres philosophiques.

Art. I. De initiis, sectis, et laudibus philosophiae ib.

Art. Il, Liber in pseudodlalecticos 39

Art. 111. De anima et vita libri III 42

Deuxième ciasse. Œuvres didactiques et pédagogiques.

Art. I. De ratione studii puerilis ad Calharinam reginam Angliae 48

Art. H. Epistola II. De ratione studii puerilis ad Carolum Montjoium Guilielmi filium . SO

TABLE DES MATIÈRES. 1Î5

Art. III. De cousis corruptaruni artiuni libri VII .... ^'■•v'^ .•i:-,<i'^.-^i, ... Kl

A>T. IV. De tradendis discipliais seu de institutione chrisliana libri V 66

Art. V. y/. De prima philosuphia , sivc intimo naturae opificio libri III 75

B. De explanationc cujuiiquc cssentiac liber 76

C. De censura veri libri II ib.

D. De instrumento probabilitatis liber ib.

E. De disputatione liber ib.

Art. VI. A. De ratione dicendi libri très 78

B. De consultatione liber ib.

Art. VII. De conscribcndis cpistolis ad Idiaqueum a secretis Caroli V 81

Art. VIII. Exercitatio linguae lalinae 82

TROisitat CLASSE. Œuvres littérairei et philologique».

Art. I. A. Pompeius fugiens 89

B. Fabula de honiine ib.

C. In leges Ciceronis praelectio ib.

D. In Georgica P. Virgilii Maronis praelectio ib.

Art. II. yi. Ad Catoncm majorem , sive de Sencctute Ciceronis praelectio 00

B. Somnium , quae est praefatio ad somnium Scipionis ciceroniani .... ib.

C. In somnium Scipionis, ex sexto de Rcpubl. Ciceronis vigilia ib.

Art. III. A. Praelectio in convivia Francisci Philelphi 92

B. In quartum rhetoricorum ad Herennium praelectio ib.

C. In suum sapienlem praelectio ; avec : Dialojjus qui sapiens inscribitur . . ib.

D. AEdes legum ib.

B, Isocratis areopagitica oratio, et Nicocles, sive auxiliaris, J.-L. Vive inter- '

prête. ih.

Art. IV. Declamationes septem 84

Art. V. In Pub. Virgilii Maronis Bucolica interpretatio potissimum allegorica ... 96

Art. VI. In Suetonium quaedam ib.

Quatrième classe. Œuvre» a»cétique» et théologiqttes.

Avt. I. Divi Aurelii Augustini libri XXII Civitatis Dei commentariis illustrati .... 97

Art. II. j4, Vtvei>Muiov Jesu Christi 101

B. De tempore quo natus est Christus ïb.

C. In suum Christi Iriumphum, quae dicilur Veritas fucata ib.

D. Christi Jesu triumphus ib.

E. Clypei Christi descriptio ib.

F. Virginis Dei parcntis ovatio ib.

Gm Meditationcs in septem psalmos quos vocant paenitentiae ib.

H. Meditatio altéra in psalmum XXXVII de passione Christi ib.

Art. III. A, Ad sapientiam introductio 104

B. Salellilia CCXIII ib.

126 TABLE DES MATIERES.

Pag.

Art. IV. A. De officio mariti liber 106

B. De inslitutione christianae feminae libri III ib.

Art. V. ,4. Exercitationum animi in Deum praefatio 108

B. Praeparatio animi ad orantlum . ib.

C. In ipsam Precationem dominicain comraentarius ib.

D. Preces et meditationes diurnae ib.

E. Preces et meditationes générales . . . ' ib.

Art. VI. De veritate fidei christianae libri quinque ib.

CmQDitME CLASSE. Œuvres diverses.

Art. I. De subventione pauperum, sive de humanis necessitatibus libri duo . . . 109

Art. II. yi. De concordia et discordia libri quatuor 112

B. De pacificatione liber unus ib.

C. De conditione vitae Christianorum sub Turca ib.

Art. III. A. De Europae dissidiis et bello turcico Dialogus 113

. B. De communione rerum ad Germanos inferiores ib.

Art. IV. Epistolae 115

APPENDICE DE LA SECORDE PARTIE.

Productions attribuées faussement ou sans preuves suffisantes à Vives 117

Productions étrangères, dont une part revient à Vives 118

Ouvrages perdus ou simplement projetés 119

CONCLUSION.

Caractère privé de Vives 121

Vives apprécié comme écrivain ib.

FIN.

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ERRATA.

Page 11, ligne 19, XIV , /i«ea : XV.

14, 27, deligi, lisez : diligi.

22, 26, aquani , lises : aquam.

44, 29, ^yrfAixf'^5 '«*es ; fyTfA^5;f<«.

79, 17, figures , des mots et des pensées , lisez : figures de mots et de pensée.

88, 22, Numéro, lisez: numéro.

91, 17, sommus , /t«es ; somnus.

ADRIANÏ ÏIEYLEN,

IN ABBA.TIA. TONGERLOE?(SI CANONICl REG. ORD. PRVE.nOXSTRATEnSIS ET

ARCaiIVORllM PRAEFECTI ,

COMMEINTARIUS

DE

ORIGINE TERÏII STATUS

POPULUM REPRAE8ENTANTIS

IN COMITIIS ORDINUM DUCATUS BRABANTIAE,

QUEM ACADEMIA REGIA BRUXELLENSIS , ANNO MDCCLXXXVI PRAEMIO ORNAVIT, NIJNC VERO t.V EJUSDEM ACADEHIAE DECRETO EOIDIT ET ILLUSTRAVIT

P. F. X. DE RAM,

Ton. XV.

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PROLOGIIS EDifÔhiS.

L. S.

Editons munus, quod ex Regiae Academiaedecretosuscepi, id a me postulare videtur, ut de commentarii auctore et argumente quaedam praemoneantur. Agam itaque de Heylenii vita et scriptis, de ipsa etiam circa originem Ordinum ducatus Brabantiae quaestione ; quibus non- nuUa addere placuit de auctoris fratre Petro Josepho Heyien, ecclesiae collegiatae S. Gummari Lyrae quondam decano et Regiae Academiae socio. Illorum enim \irorum, scientiae ac virtutis societate illustrium , notitiam nemo hactenus tradidit.

§. I. JoAN?iES Fra?!cisci;s IIetlen iiatus est in IVodderwyck seu Noorder- Aari.ni Heji«n .a..

»cr>rft.

wyck , Campiniae vico, non longe ab Herendalio sito, die 6 mensis

IV PROLOGUS

Augusti an. 1745. Patrem habuit Josephum Franciscum Heylen, sca- binum in Morckhoven, matrem Aunam Elisabetham Wouters , nata- lium honestate et fortunae munere apud suos vix alio inferiores '. Literis humanioribus Ghelae enutritus, Lovanium missus est an. 1763. Quum disciplinis philosophicis operam impenderet, ea dédit felicioris ingenii indicia, quae parentibus ac magistris spes facerent laetissi- mas. Sed communis et vulgaris homiuum consuetudo pio juveni mi- nime placuit, seque mox ad abbatiam Tongerloensem contulit, ut ordini Praemonstratensi , quem prae caeteris amaret, nomen daret. Peracto religionis tirocinio, die 9 mensis Jiilii 1767, solemnium vo- torum \incnlo sese Deo adstrinxit , Adriani nomine indutus. Sacerdotio insignitus die 23 Decembris 1769, mox studiorum causa Romam mit- titur ad coUegium Norbertinum ^. Ex itinere in patriam redux, die 5 Martii 1776 nominatur vicarius in praepositura monialium Vallis Liliorum Mechliniae. Biennio vix elapso, mense Augusto anni 1780 ab abbate Godefrido Hermans * ad monasterium revocatur, et archivio ac bibliothecae praeficitur.

Litei'arum studiis, quodtoties exoptaverat, jamtotus incumbere po- tuit. llli tum licuit exarare commentarios , quos Kegia Academia quater

' Pater vila functus est in Morckhoven die 14 Novembris 1788 , actatis 74. Mater I^yrae ohiit 27 Novembris 1790 aetalis 79.

^ Adrianus Stalpaert , Hilvarebecanus, inonasterii Tongerloonsis abbas Irijjesimus sexlus , anno ]622Boniae erigi et institui curavil collegiuni S. Nofberli, cujiis fundationera anno 1627 auxit Joannes Honoriiis ab Axel de Seny , nobiiis Ultrajectensis (Cfr. Foppens, Hisl. episcopatus Buscoducencis , p. 188, el Miraei Diplom. belg., tom IV, p. 688). Ad hoc coilegium singnlis fere annis duo vel très ex ordine Praemonstratensi niittebantur alumni; ipsum vero coiiegiuin inslitutum erat , ut Praemonslratensibus canoiiicis. qui Romae monasterium non habebant , facilior esset ad Summum Pontificem in occurrenlibus Ordinis negotiis recursus , alque adeo collegii praeses generaiem PraenBonstratensium procuratoreni apud Sedem Apostolicara agere solebal.

■' Naïus in Vorst, Campiniae pago, die 19 Xovembris 1723 , abbas cleclus est die 13 Martii 1780. Post suppressam abbatiam secessit in Hoilandiam , obiitque die 13 Julii 1799 in domo pastorali de Haren , altero lapide a civitate Buscoducensi.

EDITORIS. t

praemioornavit, quosque reruni domeslicarum nostrarum periti semper pliiris aestiinarunt. In illis enim opcribus enitescit scriptor non minus diligens qiiatn priidcns, qui in disquisitionibus historicis duo extreniu sibi vitanda csseduxerat, hincnimiain credulitatem, indc intemperan- liorem criticam. Ulrumque vitare conabatur, médium ita servando, ut nectorrente credulitatis abriperelur , nec criliccs nimiae fluctibus im- mcrgeretur.

Otium si quod a monasticis et litcrariisofficiis supererat,antiquita- tum investigationi impendebat. Itaque curam contuiit, ut in nonnuilis Campiniae locis quaedam Romanorum monumenta eflbderentur. ]\u- mismataquoque, romana praesertim , detexitet coUegit, quibus Ghes- quierus in disquisitionibus suis numismaticis usus est ' , et quorum aliqua etiamnum conservât Heylenii ex sorore nepos, \ir amplissimus Henriciis TcBBAX , quondam in seminario Mechliniensi S. Theologiae professer, nuncvero pastor et decanus Ghelcnsis ^.

Eruditis satis superque notum est, anno 1788 jubente gubernio Bruxellis suppressam fuisse editionem operis bollandiani et Actorum Sanctorum Belgii^ . Id vero vix notum arbitrer, Heyleniumnihil inlen- tatum reliquisse, ut monasterii abbatem Godefridum Hermans excitaret ad Tongerloam transfercndum musaeum hagiographicum totamque supellectilem literariam, quibus exteri eruditi quam maxime inbiabant. Praesul ille, de republica christiana ac literaria bene merendi studio incensus, multo aère ingenlem, qua hagiographi usi fuerant, librorum cum lypis editorum tum manuscriptorum copiam coëmit, Tongerloam

' Métn<nre sur trois points intéressants de l'histoire monétaire des Pays-Bas , Bruxelles. 1780.

* Ilona hoc lecloris vcnia dixcrim , luc quuque Heyleiiium iiostros inter cousanguincos liabere por aviam palernam Joaiinnm Mariara Van llailaer.

^ Cfr. Gachard, Mémoire sur les BoUandistcs et leurs travaux, Gand 183o , p. 45; et Presby- teroruni e Societate Jesu liber prodronius de proseciUione operis bollandiani, mense Martio I8'4&, Kruxellis l'ditus, pugg. U.

VI PROLOGUS

una cum omni preli supellectile transtulit , nova ornataque bibliotheca condidit, et utrumque opus hagiographicum continuaturis proprium musaeum assignavit '.

Laborum hagiographicorum aliquandiu particeps fuit Heylenius. Sed tenui imperante valetudine a studiis cessavit , ac die 27 raensis Decem- bris 1796 curam pastoralem suscepit in Oolen prope Herendalium. Mense Martio 1801 a saevientibus Gallis exilio niulctatus, Germaniam petiit, inde Romam venit_, ibique collegium Norbertinum , in quo ante annos triginta otio literario juvenis fruebatur, exulantem parochum suscepit. Huic domui ab anno 1779 praeerat ipsius consanguineus iEgidius De Smet , Romae Fabri dictus, ordinis Praemonstratensis pro- curator generalis , Pio YI pontifici maximo «îarissimus ^.

S. suo in Urbem adventu languescere coeperat Heylenius, quem ven- triculi inflammatio repentino sustulit die 4 mensis Maii 1802.

$. II.

iicjieBii sciipia Scriptorum Heylenii recensionem jam aggredior; quumque obve- nerit occasio , ea quoque exponenda esse duxi quae ad quaestionem de origine Ordinum ducatus Brabantiae illustrandam speclant.

' Ghesquierus in praefat. ad tomum VI , Jet. SS. Belgii sélect. , p. II, typis abbatiae editum anno 179-4. Eodem anno iisdeni typis prodiit tomus VI, Act. Sanct. octobris.

2 Joannes Josephus De Smet natus est in Herenthoul die 16 Junii 17-40. Paemonstratensibus Tongerloae adseriplus 6 Januarii 1763, .-^g'ttin nomcn accepit. Per annos aliqiiot vicarins fuit in Broechem, deinde nominalus praeses collegii Norbertini. Obiit Romae die 2 Februarii 180-4. Huic successit Joannes Baptista Sneyers , ex Wickevorst, Romae defunctus die 17 Augusti 1812.

EDITORIS. VII

1. Commenlarius ad quaesilum : « A quo tempore jus romanum commcouriu. <u i.»

pore quo apud no»

notum fuerit in Belgio Austriaco , vimquo legis ibidem obtinuerit? » i'.n ""guobiîôlrt' " Quem palmam referenti accessisse caesarea regiaque Bruxellensia Acadomia judicavit anno J782. Bruxellis, typis regiae Academiae 1783, pagg. 56,iii-4».

Parum aptum aiictori visum fuerat, omissis initiis et origine non repetita, protinns quacstionem ab Academia propositam tractare. Ita- quecircumscriplionitemporis, quo jus romanum Belgis innotuit,elapud illos pro lege receptuni fuit, quaedam praemisit de Belgarum per Ro- manos subactione, de Romanorum in Beli^ica statu, de eorum juris origine et illius apud provinciales vicissitudinibus '. Ut concinna et compendiosa foret iiotitia juris quasi omnis, quod apud Belgas viguit ab eorum per Romanos ad haec tempora subactione, hinc etiam quae- dam exposuit de legibus Francorum saUca et ripuaria, de capitularibus regum Francorum, deque legibus municipalibus quorumdam locorum Belgii saeculo duodecimo et decimo tertio conditis vel confirmatis ". De codicibus Theodosiano et Justinianeo, eorumque apud nos ante saeculum duodecimum usu, copiose disserit ' ; deinde hoc saeculo propagatam juris Justinianei notitiam et auctoritatem explicat \ Pos- Iremo ex monumentis quamplurimis docte admodum demonstrat, jus romanum Justinianeum per totum quasi Belgium Austriacum saeculo decimo tertio non modo cognitum fuisse , sed post mores seu consuetu- dines patrias et constitutiones principum, et comitum aliorumque supe- riorum auctoritatem obtiTuiisse, idque non ex aliqua, publica consti- tutione sed ex populi ac principum tacita acceptatione '.

Cap. I, Il et III. ï Cap. VI, VU et VIII. s Cap. IV et V. « Cap. IX. » Cap. X.

viii PROLOGUS

Certaminis literarii palmam Academia detulit auctori commentarii gallico sermone exarati '; hiiic Heylenium proxirne accessisse decla- ravit, licet inter competitores haberentur duo praesertim, quibusjiiris studia plane cognita erant, Carolus Lambertus d'Outrepont, juris utriusque licenciatus et in supremo Brabantiae consilio advocatus, ac Montaniis Hettema, in Frisiorum universitate juris utriusque doctor ". conmicniariin do Or- 2. Commcnlarius ad quaesitum : (( Quo circiter teinpore eccle-

dioe ecclcsiaït. apiid ■* ^ '

""'""""" siastici coeperint esse membrum Ordinum seu Slatuiim Braba7itiae9

Qui fuerint illi ecclesiaslici, quaenamque fuerint causae et rationes unionis seu adsumptionis ecclesiasticorum in reliquorum Ordinum coelutn ? » Cui palmam detulit caesarea regiaque Bruxellensis Acade- mia anno 1 783. Bruxellis, typis regiae academiae 1 783, pagg. 78, in-4".

Ad quaestionem anno 1781 propositam commentarii duo praemio ornati fuerunt; iinus erat Heylenii nostri latinus , alter gallicus Simonis Pétri Ernst, canonici regularis et s. theologiae professoris in abbatia Rodensi ^ Palmam referentibus accessit Joannes Baptista Engels *.

Heylenius commentarium suum intriacapita distribuit, sic ut singula enodent singula quaesiti academici membra. Capite primo solidis omnino argumentis stabilivisse mihi videtur , ecclesiasticos saecularibus Ordi-

' Mémoire sur la question : Depuis quand le droit romain est-il connu dans les provinces des Pays- Bas autrichiens et depuis quand y a-t-il force de loi?... par M. Ferdinand Rapedius de Berg, écuyer, amman de Bruxelles. Vol. m-A", pagg. 213 , cum tabula analytica constilutionuiu impe- l'ialium , etc.

- 11 Pour la question historique (du concours de 1780), il fallait déterminer depuis quand le droit romain était connu dans ces provinces et y avait force de loi? M. De Berg, amman de Bruxelles, fut couronné. Quatre mémoires , dont les auteurs étaient MM. Heylen, Hettema, d'Outrepont et Verhoeven , furent jugés dignes de Yaccessit. » Journal des séances, Mëuoirks , tom. IV, p. XLV. Cfr. Mémoires couronnés en 1782.

^ Mémoire sur la question : Vers quel temps les ecclésiastiques commencèrent-ils à faire partie des états du Brabant? Quels furent ces ecclésiastiques et quelles ont été les causes de leur admis- sion?... par M. Ernst, chanoine régulier et prof, en théol. de Tabbaye de Rolduc; in-4o, pagg. 173; Mémoires CDD RONKÉs, 1783,

■* ln-4°, pagg. 21 ; ibid.

EDITORIS. u

iiibus coiisociiilos fuisse circu incdiutn re^imen ducissac Jouiinue.Capite secundo ecclesiusticos illos, qui simul Priiimm Statum seu Ordinem constituerunt saeculis XIV, XV et XVI recenset, eamque recensionem ex fontibus linipidissirnis depronipsit. Capite auteni tertio ex dissidiis occasione impositionis subsidiorum (a quibus ecclesiastici se libères contendebant) toties ortis, sed post annum 1383, ex quo ecclesiastici cotnitia frequentare et subsidia contribuere coeperunt, non amplius occurrenlibus,auctor concludere non dubitavit, voluntariain oneris sub- sidiorum acceptationcm seu contributionem potissimani fuisse causam et rationem adsuniptionis ecclesiasticorum in reliquorum Ordinum coetuni; quuni alioquin aequo atque ante privilégia ab ipsis ducibus recenter concessa et confirmata inclamassent, et subsidiorum imposi- tioui sese opposuissent.

Âliani prorsus sententiam amplectitur Simon Petrus Ernst. Post in- simonii Pem Enm a.

eadem ijaaesUone seu-

stitutam disquisitioncm amplissimam circa publica comitia , tum Fran- ''"'"

corum regibus, tum comitibus nostrisac ducibus regnantibus, operose

probare nititur, ecclesiasticorum Ordinem jam exeunte saeculo duode-

cimo aut saltem medio saeculo decimo tertio apud Brabantos floruisse.

« Dans les routes ténébreuses qu'il m'a fallu entamer, j'ai cru ( inquit

» auctor sententiam suam breviter exponens) que l'apparition du clergé,

)) et en particulier des abbés, dans la compagnie du souverain et de

» ses vassaux, dès les premiers temps du comté, pouvait être un point

» de vue vers lequel je pusse diriger ma course pour y découvrir l'é-

)) tat ecclésiastique. Je l'ai fait avec d'autant plus de conGance, que

)) tenant l'usage des temps postérieurs comme un fil à la main , j'élois

)) sûr , au cas que je man(juasse ce but, de pouvoir revenir sur mes pas ,

)) et me fixer au milieu du treizième siècle environ. Si donc on récuse

» de concentrer avec l'origine du comté, celle de l'état ecclésiastique

» en Brabant, si l'on vent surtout que ce ne soit point par une suite de Tos. XV. b

xi PROLOGUS

)) l'ancienne constitution nationale sous les Francs , que les abbés aient )) été admis dans les assemblées des états de Brabant, j'y consens, » pourvu qu'on m'accorde (et comment pourroit-on s'y refuser raison- » nablement?) que les mêmes raisons qui avoient engagé les rois des » Francs et la nation , à recevoir dans les assemblées les évéques et les M abbés, auront porté les souverains du Brabant et les deux autres or- w dres des états à s'aggréger les abbés à l'exclusion des autres ecclé- )) siastiques '. » Ut sententiam suam confirmaret, anno 1786 Trajecti ad Mosam opusculum edidit % in quo totis viribus nititur orbi literario persuadere, jam longe ante saeculum decimum quartum non solum ecclesiasticorum Ordinem, sed et Nobilium quoque ac Tertiura Statum seu Ordinem magistratuum plenam habuisse stabilitatem. Mordacius Heylenii nostri sententiam carpit; sed quamvis multum laboris et operae insumpsit, ut eam infirmaret, nihil tamen profecisse mihi videtur ^ con.meniaiius ,1c ori- 3. Commentavius deoriqine Tertii Status populum repraesentan- »im<i Brah.ntos ^^^ ^^ comitUs Ovdinum ducatus Brahantiae , quem Academia regia Bruxellensis anno IISQ praemio ornavit , nunc vero ex ejusdem Academiae décréta edidit et illuslravit P. F. X. De Ram. Bruxellis, 1841.

De illo nunc agam commentario , quem typis edo , quique ab auc- tore exaratus fuit, antequam de re monetali Belgii aliisque historiae nostrae argumentis disquisitiones evulgaret. Ob rei notitiam quaeso

' Ernst, comment, cit. p. 173.

' Observations hhtoriques et critiques sur la prétendue époque de l'admission dos ecclésiastiques auxétals de Brabant, vers l'an 1383, par M. ** ; Jlaestricht 1786, in-4.

* Cfr. Heylenii Mantissa ad comment, an. 1786, infra p. 39. Ad elucidandam quacstionem de Ordine ecclesiastico usui esse potest codex manuscriptus, qiiem nuper nactus sum, et ciii titulus est : Bemerkingen nopende den tyd en dewyze op de welke^die abten ofte prelaelen van den lande van Brabant sitting genomen hebben in de Staeten van het land, door d'Heer Edclheer,pen- sionaris der stad Antwerpen , in-fol. pagg. 323.

EDITORIS. XI

ut venia dctur repetendi, quue alio in loco a me dicta sunt '.

« L'académie, après avoir donné comme sujet de concours l'époque de l'admission de l'ordre du clergé dans les états de Brabant, proposa, en octobre 1782, la question suivante : Comment et depuis quel temps s'est formé l ordre du Tiers-Etat , en sa qualité de représentant du peuple, dans les assemblées des états du duché de Brabant? Cet ordre est-il plus ancien, ou moins ancien que celui de la noblesse? Cette question avait été adoptée pour le concours de l'année 1784, mais dans la séance générale du mois d'octobre *, l'académie n'ayant point trouvé dans les mémoires présentés une réponse entièrement satisfaisante, quoi qu'elle reconnût dans plusieurs un goût de recherches et un esprit de discussion propres à réussir dans des questions controversées, ré- solut de proposer de nouveau , pour le concours de 1 786 , la même question , en doublant le prix. Elle manisfesta en même temps le désir que les auteurs, qui voudraient concourir, s'attachassent particuliè- rement à établir lequel des deux ordres est antérieur à l'autre, et qu'ils évitassent toute discussion étrangère au sujet.

» Plusieurs mémoires avaient été envoyés au concours. Mais cette fois encore , comme il est dit dans le procès-verbal de la séance géné- rale du mois d'octobre 1786 % aucun mémoire n'ayant pleinement ré- pondu à l'attente de l'académie, elle trouvajuste de partager le double prix entre plusieurs concurrents, et de distinguer quelques autres par des accessits. En conséquence, elle adjugea une médaille d'or au mé- moire latin portant la devise : Cedat reverentia vero , qui avait pour auteur Adrien lleylen , chanoine régulier et archiviste de l'abbaye de Tongerloo, dont le mémoire sur l'admission de l'ordre ecclésiastique

' Bulletin» de l'académie , loin. VI , part. 2°", p. 488.

* Noue, Mémoires de l'académie, lom. 1, p. XXXIV, Brux. 1788.

- Ibid., p. LIV.

XII PROLOGUS

dans les états de Brabant avait été couronné en 1783. La valeur d'une seconde médaille d'or fut partagée entre Simon- Pierre Ernst, chanoine régulier de l'abbaye de Rolduc, auteur d'un mémoire écrit en latin, portant pour épigraphe : Hac casti maneant in religione nepotes ; et entre Isfroid Thys , chanoine régulier de Tongerloo , auteur d'un mé- moire en flamand avec la devise :

De waerheyd die in'tdujster lag, Die komt allengskens aen den dag.

» Deux autres mémoires, l'un en flamand, par le conseiller-pension- naire de Louvain, Reniers, et l'autre en français par Corneille Smet, prêtre de la compagnie de Jésus, obtinrent un accessit.

» D'après le procès-verbal de la séance précitée , il fut résolu que l'académie ne ferait imprimer aucun des mémoires auxquels elle venait d'adjuger des prix; qu'elle ne se dessaisirait d'aucune des pièces origi- nales sur lesquelles elle avait porté son jugement; que, conformément à une résolution antérieure , les auteurs pourraient tirer des extraits ou des copies de leurs mémoires au bureau du secrétaire , et publier eux- mêmes leurs écrits, s'ils le trouvaient convenable.

» M. Gachard , dans son précis du régime provincial de la Belgique avant 1794 {Collect. des documents inédits , t. I, p. 49), nous a fait connaître le motif de cette résolution, a Les états de Brabant, dit-il, s'adressèrent, par une représentation au gouverneur-général, afin que, en qualité de protecteur de l'académie, il ne permît pas qu'aucun des mémoires... fut rendu public par la voie de l'impression ou autrement, vu les inconvénients qui en pouvaient résulter; et ces inconvénients consistaient, selon eux, en ce que ces sortes d'ouvrages, par les notions souvent erronées qu'ils présentaient, fournissaient quelquefois matière à des prétentions sans fondement. » M. Gachard ajoute que le prince

EDITORIS. , SHi

de Stahremberg, gouverneur-général par intérim, répondit le 14 dé- cembre 1782 à la représentation des états, et qu'il écarta, dans les termes les plus mesurés et par des raisons plausibles, leur demande. Cependant la nature même de la question mise au concours, question qui peut-être avait le tort de se rapporter trop aux circonstances de l'époque, me portée croire qu'en 1786, l'influence du gouvernement n'a pas été étrangère à la décision prise par l'académie, de ne point pu- blier les mémoires des concurrents. »

Quum duobus abhinc annis solitam peregrinalionem ad Beatissimam Yirginem IVIarubi Montis Aculi peregissem, et apud canonicos regulares abbatiae A.vorbodiensis hospitarer, ibique inclytam Praemonstraten- sium familiam denuo renascentem laetus conspicerem, evolvere et pcrscrutari mihi licuit monumenta quaedam literaria, potius dixerim rcliquias direptioni Gallorum féliciter subductas '. Inter codices illos nonnuUi erant lleylenii manu exarati, ipsum etiam autographum Corn- vientarii de origine Terlii Status ordinum ducatus Brabantiae, in cujus frontc haec ab auctore verba inscripta leguntur : Originale com- mentarii oui delata fuit palma acadeniica, sed qui ob temporis cir- cumstantias numquam prodiit in lucem, neque forte uynquam edetur, nisi dtitn patriae pax illuxerit, et omnia sint ad votum populi et illus- trissiinorutn Ordinum reducta, et cuique liherum sit sua sensapromere quoad ea quae neque rcligionem ne qtte polit iam turbant. Acceptuni ab arnica manu codicem studiose perlegi; quaestionem hislorican», admodum diflicilcm et bucusque nondum plene enucleatam, tanta eruditione ac solertia pertractatam inveni, tit meum esse duxerim coram

' Campiniae nosirae abbaliac Tongerlocnsis et Averbodiensis indefessa cura et gravissimo siimptu omnigcnam librorum supellectilcm comparaverant ; sed tcmpestas exeuntc saeculo dé- cime %ctavo in nionaclius cuocitata bas dispersit opes! De bodierno Averbodiensi moderatore. viro admodum vencrando J, Dierckx , id honorificc praedicandum , quod monasieriumrecenler restiluliim selecta bibliolheca inslrucre curct.

xiy PROLOGUS

clarissimis Academiae Regiae sociis rem exponere. Ab illis autem de- cretum est, ut a me inter Commentarios academicos Heylenii dissertatio ederetur.

De priscis Brabantiae Ordinibus auctor aiebat se disserturum non prout tantum senalus vice funguntur, seu nudi consiliarii sunt aut fidelissimi rerum agendarum testes , sed archontum loco sunt , qui ipsimet certo sensu potestatem participant, et reipublicae clavum una cum principe torquent. Acturum se de illis non ut rudibus lineis desi- gnatis seu praefîguratis , sed ut vere existentibus et veram corporis po- litici, patriae negotia majora stabili modo curantis et contrectantis, formam adeptis: quemadmodum enim rudes quaedam lineae nomen imaginis aut picturae immerito obtinent; ita corpori politico , quod mi- nora quaedam patriae negotia contrectat modo haud stabili et ex mera gratia, Ordinis nomen non videtur jure posse tribui. Verum sicut lineae bene dispositae et ad artis régulas reductae vere imaginem efformant et conficiunt , ita vere nomen Ordinis mereri videtur corpus politicum , quod modo prorsus stabili majora reipublicae negotia, non ex gratia tantum, sed et de jure ac consuetudine curât et contrectat. Hoc sensu de Brabantiae Ordinibus agit Heylenius.

Totum operis sui fundamentum non tam ex chronographis et anti- quis historicis quam ex diplomatibus et publicis monumentis exstruit. Censebat enim rei propositae disquisitionem ejusque veritatem magis eruendam esse ex solidis monumentis quam exlevis fidei aut parvae ac- curationis scriptoribus. Itaque (quemadmodum in altero de Ordine ec- clesiastico commentario fecit) Edmundi Dinteri, Pétri a Thymo, Joannis Heeluensis, Joannis Clerici et aliorum veterum scriptorum auctoritatem flocci facit, dum res non coaevas absque instrumentorum publicoruni muniminereferunt; illis tamen fidem habet, dum res coaevas aut fere coaevas enarrant. Citra arrogantiam libère dicere potuit, se tôt inedita mo-

EDITORIS. xw

numenta ad solvendam qiicstionem opportuna coUegisse ac prompsisse, ut inter compctitores ad palmam academicam nuUus tôt ac talia esset productunis : ne tamen nimium excresceret volumen , extractis et cita- tionibus rem firmare voluit, poslea pleraque ex integro produclurus , #1 haec illustrissimis Academiae judicibus visa fuerint fecisse satis, idque opportufium judicetur.

Comnrientnrium in duas secliones divisit. Utraque sectio tria capita continet, quibus totam quaestionem membratim assequitur, et quae eani obnubilare possent submovet.

Caput I sectionis primae agit de Brabantiae statu , oppidorum ori- gine et accretione saecuio duodenimo et decimo tertio (p. 1-14). Ca- put II est de majoribus privilegiis et juribus, quae saecuio decimo quarto adepti et prosecuti sunt oppidorum ac municipiorum magistra- lus, quibus et perfectam Ordinis formam induerunt (p. 14-27). Ca- pite III examinatur, utrum magistratus oppidorum et municipiorum populum scmper repraesentarint in publicis comitiis (p. 27-30).

In altéra sectione , capite I , demonstratur ante saeculum decimum quartum nobiles necdum veram Ordinis formam habuisse (p. 31-38). Capite II recensentur monumenta, quibus probatur saecuio decimo quarto oppidorum magistratus plura et graviora patriae negotia de jure et privilegiis curasse, peregisse et contrectasse quam nobiles; ac proinde illos citius perfectam Ordinis formam consecutos fuisse quam nobiles ( p. 38-45 ). Capite tandem III recensentur et dissolvunlur ea quae opponi possunt sentenliae ab auctore capite superiori stabilitae (p. 45-58).

Hic est Heylenii commentarius. Ex eo typis jam primum pervulgato rerum Belgicarum studiosos quaestum factures esse, non vana éditons praedicatio censebitur.

Aliorum , qui in eodem scriptionis génère cum Heylenio \crsati sunt, ««««.«mr .iwr.

XVI PROLOGUS

de c«dem quacsiione commcntarios ex archivio academico accepi. Hos paucis recensere li-

roniinentarii.

ceat.

Simon Petrus Ernst operi sno hune inscripsit tituliim : De populari in, Brabanticis comitiis Ordine commentarius , seti responsum ad quaestionein ab Academia caesarea scientiarum et elegantiormn li- teraruni Bruxellensi propositam : a Qua ratione, quove ex tempore Tertius Ordo in eam formam coaluit , ut populi vicem in comitiis diicatus Brabantiae suppleret? Anne is nobilium Ordinem aetate su- peret nec nel ' In praefatione ita nientem suam explieat : « Quaestio- » nem a caesarea Academia propositam nonnisi difficulter admodum » elucidari posse (si tamen potest omnino) mecum , opiner, deputabit )) is omnis qui perspectum habet, quam pauca rei, de qua agitur , il- » lustrandae idonea vel fuerint umquam , vel certe supersint monu- )) menta, quamque illa ipsa variam in partem a viris doctis trahantur. )) Nimirum sunt, iique nostra aetate haud adeo pauci, quibus solemne )) est, non res gestas ex coaeyis testibus , sed testes ipsosadopiniones » suas dijudicare. Hi igitur quoniam semel animo conceperunt, Ordi- » num patriae originem non multum ultra saeculi quinti et decimi initia » protendi debere, quidquid contra hanc suam sententiam quoquo fa- » cere modo videtur , totum aut abjiciunt prorsus, aut qua valent ra- » tione alium in sensum interpretari conantur '. Sic et qui ex adverso » pro Ordinum gioria depugnant, non Ordines tantum, sed etiam, » quales nunc sunt, ubique deprehendere sibi videntur, atque ita » nubem aliquando pro Junone tenent. Ego vero ne in alterutrum » isthunc scopulum impingam, id faciam, quod principio in omnibus )) disputationibus fieri oportere insignis apud Ciceronem censebat

' Cod. MS. , pags 36 in-fol.

2 Hoc loco Ernstius Heylenii sententiam , in coramentario de Ordine ecclesiastico jara expo- silam , parum aequus carpit.

EDITORIS. XVII

M orator ', ut quid illud sit, de quo disputetur, explanetur, ne vagari et » erraro cogatur oratio, siii, qui inter se dissenserint, non idem esse » illud de quo agitur intelligant. Quamobrem dum quaeritur, quo » prinmm tempore populus Brabanticis ita interesse comitiis coeperit, » ut in Ordinum numéro haberetur, constituendum puto qui essent » Ordines in Brabantia.

» Eo nunc nomine veniunt episcopi, abbates, virique quidam no- » biles, et selecti ex trium praecipuarum urbium civibus legati, qui » reliquae gentis partes in publicis coelibus sustineant, et pênes quos » sit sua quaedam auctoritate efficere, quae ipsis renuentibus légitime » lieri omnino nequeunt. Quorum etsi communi plerumque Toto res » agantur, quique tamen pro illo, cujus \ice funguntur, hominum » ordine suffragia ferunt, ut ex tribus proinde ordinibus comitia coa- » lescant.

» Hos porro si quis eosdem quovis tempore constituisse autumat,

)) nae is vanus est imo et deridiculus! Ut enim alia praeteream, lippis

» notum est atque tonsoribus, minorum etiam civitatum magistratus

» olim comitiis interfuisse, ueque illa, ut adirent, a nobilibus quali-

)) tates quae nunc exigebantur.

» At si remotis istius modi adjunctis, pro temporum scilicet et hu- )) manarum rerum conditione variis, inteiligamus apud Brabantos in » more positum fuisse, ut publica quaedam negotia nonnisi in publicis » conventibus a certis quibusdam gentis hominibus suo caeterorumque )) nomine tractarentur, haud video sane, cur hos praeclaro Ordinum )) titulo insignire non \aleamus modo, sed et debeamus? Enimvero )) aut maie hoc nomine nuncupamus eos, qui nunc principum inau- » gurationibus aliisque interveniunt negotiis, quae Ordinum propria » sunt, aut certe majores nostros eadem ipsa praestantes eodem pariter

I De oratore lib. I.

ToM. XV. c

xvin PROLOGUS

» honore mactemus oportet. Primum, nisi me omnia fallant, nemo w dederit ; concédant igitur omnes alterum necesse est , fateanturque )) nec olim suis Brabantiam caruisse Ordinibus.

» Perspicuum itaque est eam , quae de Ordinum Brabanticorum ori- )) gine controversia agitatur, a nominis potissimum definitione pendere. )) Nam ut, quod jam dixi, majoris claritatis gratia recolam , si Ordines » non agnoscamus quam quo nunc sunt modo comparâtes , profecto » nulles Brabantia habuit nisi duobus abhinc circiter saeculis. Contra w si, quod resest, Ordines dicamus eos quos pênes congregatos fuit )) publica illa gerere negotia, quae nunc ad Ordines spectant, aut etiam )) plura; nemo, nisi in patria historia sit plane hospes, ire inficias va- )) let, Brabantiam omni memoria suos habuisse Ordines, Ordinumque )) solemnes conventus. ))

Tota deinde commentarii séries in eo versatur, ut demonslretur, Nobilium quidem Ordinem principatui ipsi in Brabantia esse coaevum; Popularem vero Ordinem, si eidem (ut auctor par esse opinatur) inge- WMî adcensentur homines, eo pariter suam referre originem; caeteros autem , ex quo liberi facti sunt, Brabantiae urbium cives ingenuis istis, alque ita Ordinibus quoque , partim tertio et decimo , partim duodecimo saeculo fuisse adscriptos. Eamdem prorsus sententiam auctor tuetur in commentatione de Ordinum Brabanticorum origine ab ipsis principatus incunabulis repetenda ', et in compendiosa Tertii Status Ordinum Bra- bantiae historia ' , quam ex latino suo commentario pro concursu acade-

' Ordines apud Brahantos ejusdem cum eorum principibus esse aetatis , ad illustrissiniorum Or- dinum sententiam in libellis '2djan. et 28 aprilis datis expressam, demonstrat Simon Petrus Ernst. Maeslricht, 1788, pagg. 52, in-8°.

- Histoire abrégée du Tiers-Etat de Brabant, ou Mémoire historique dans lequel, après un coup d'œil sur la constitution des villes en général au moyen âge , on voit l'origine des communes en Brabanl, l'époque et les causes de l'intervention de leurs députés aux assemblées de la nation, et les occasions oit elles se sont particulièrement distinguées , ainsi que le temps et les raisons de la re- traite des petites villes et franchises des Etals. Maeslrichl, 1788, pagg. XHFetSOB, in-8°.

EDITORIS.

XIX

mico conscripto digessit'. Vir doctissimus et de patriao nostrae his- toria optime meritus, Joannes Josephus Raepsaet, Ernstii senten- tiam comprobare \idetur *; ut equidem arbitrer, alia mens ipsi fuissct, si iiieditum hucusquc Ilcylenii commentarium perspectum ha- buisset.

Eodem, quo Simon Petrus Ernst, praemio ornatus fuit commenta- rius vernaculo idiomate conscriptus ab Isfrido Thys *. Hic majorem commentarii sui partem inseruit operi anno 1809 edito *, in quo sedulus probare conatur, originem Tertii Status referendam esse ad initia principatus Joannis III '. Thysius vir erat perquam pius et doctus, sed a comniuni usu et consuetudine nonnumquam recedens. Socium,

' « C'est un morceau de ce mémoire latin {inquit, p. V) que le désir d'éctaircir l'histoire Bel- gique m'a engagé de donner au public. Et le résultat eu est qu'au moins l'état noble date en Brabant de la même époque que ses comtes puis ducs héréditaires , et qu'en outre on ne peut se refuser à reconnaître pour le même temps le tiers-état dans cette classe d'habitants du Brabant connus sous le nom d'ingenui ou liberi, mitoyenne entre la noblesse elles serfs exclus par leur condition des assemblées de la nation ; qu'ainsi les ducs , en accordant des aOranchissements aux serfs qui demeuraient dans les villes ou qui viendraient les habiter , n'ont point créé un troisième ordre dans la nation , mais n'ont fait que l'étendre en y élevant ceux qui jusqu'alors avaient formé une quatrième classe d'habitants du Brabant. »

- Histoire de l'origine, de l'organisation et des pouvoirs des Etats généraux et provinciaux des Gaules, particulièrement des Pays-Bas , depuis les Germains jusqu'au XFI' siècle. Œuvres com- plet. , tom. II , p. 105 et suiv.

' Cod. MS. pagg. 124 in-4».

* Historische verhandelingen over den staet van het Nederland , vervattende in dry deelen eene Historié van de homste der Komeynen in onze Nederlanden tôt onze tyden ; waer in uytgeleyd icord den aerd , seden en religie van onze roorcaderen ; de opkomste, voortgang , ens. , van het frankische ryk; de opkomste en remietinge der slavernye ; de opkomste van de staeten van Bra- bant; de opkomste, voortgang en bloey van den koophandel; de opkomste , voortgang en bloey van de kloosters en landbouw, etc. Mechliniae, 1809, vol 3 , in-8°.

* II Acngezien in de geheele oudheyd geenen eenen lydstip te bespeuren is , in welken men zoo openbacriyk , jae zonncklaer ziet, dat dit {de optorming der Staeten) kan geschied zyn, als in het begin van de regéeringe van Joannes den III, zoo is 't, dat ik my vast laet voorstaen , dat ditbcgin van zyne regéeringe den waeren tydstip is , op welken den derden Staet, te wéetcn de «tedcn , tôt een staets-lichaem gevormt is , by welke in latere tyden de geestelyke en edele zyn toegevoegt gewéest , zoo haest déeze en de geestelyke met de sleden gestaedig hebben begonst mede-te-gelden in den ondcrstand des hertogs en des lands. » Op. cit., tom I , pag. 79.

XX PROLOGUS

Regiae Academiae die 3 mensis Julii 1816 adscriptum, an nostrorum aliquis pro more laudaverit, nescio *.

Palmam referentibus accesserunt, ut supra dictum est, Antonins Reniers et Cornélius Smet.

Antonius Reniers origine erat Lovaniensis, in generali Artium pro- niotione die 18 mensis Novembris 1749 primus ab universitate renun-

' Joannes Franciscus Tkys, Drechtanus , nntus die 1 1 Januarii 1749 , Lovanii 1768 in Arlibus promotus, ordinem canonicorum regularium Praemonstratensium Tongerloae professus est die 8 Deccmbris 1770, et in religione Isfridus dictiis. Die 6 Martii 1773 sacerdotio initiatus, nominatur -4 Decembris 1778 assistées in Zoerle , 23 Augusli 1780 vicarius in Westerloo , 23 Junii 1793 proto-vicarius in Mierlo. Die 6 Septembris 1789 ex boc pago ad abbatiam rediit, paulo post electus assistens in Oevel. Die 20 Junii 1790, fit coadjutor Josephi Ghesquieri , qui cditionem selectorum de Sanctis Belgii actorum Tongerloae prosequebatur. Cum eo Thysius per annos fere sex societatem habuit, donec die 22 Maii 1796 curain rursus pastoralem exercere coeperit in Kleyn-Sundert. Demum die 18 Aprilis 1800 faclus est pastor in Wyneghem; mense aulem Marlio 1816 muneri renunciavit, et Antverpiam secessit , ibique otio literario indulgens vitae finetn habuit die 3 Januarii 1824.

Scripsit multa, pleraque sermone vernaculo.

Responsum ad quaeslionem de Ordine ecclesiastico apud Brabantos; quod nulle praemio ornatum fuisse anno 1783 , queritur ad calcem commentarii de Tertio Statu , licet (ut ait) hoc responsum inter judices academicos non contemnenda immo grariora pro se vota habuerit quara dissertationes Simonis Pétri Ernst et Joannis Baptistae Engels. MS.

Responsum ad quaestionem de Tertio Statu, ab Academia anno 1786 praemio insignitum.

Comraentarius de agricullura in majoratu Buscoducensi , quem anno 1788 Academia praemio ornavit, auctor vero anno 1792 Mecbliniae typis edidit sub hoc litulo : Over het uyt- geven en tôt culture hrengen der vage en inculte gronden in de meijenje van S' Hertogen-Bosch. , vol. in-8°.

4" Commentarius de dissidiis , quae Margareta Flandriae et Hannoniae comitissa cum filiis suis Joanne et Balduino habuit , ab Academia anno 1791 praemio ornalus. MS Cfr. Dewez , Rapport sur l'état des travaux de Tacadérnie, Nouv. mémoires , tom. II , pag. XLIH.

3" Commentarius de statu Lolharingiae sub duce Gisleberto , ab Academia anno 1793 nummo aureo insignitus. MS. Cfr. Dewez , loc. cit.

Commentarius de Raginero I, Hannoniae comité, ab Academia nummo argenleo ornatus eodem anno 1793. MS. Cfr. Dewez, loc. cit.

Commentarius de Balduino Ferreo, Flandriae comité, quem anno 1794 palmam referenli Siardo Van Dyck accessisse declaravit Academia. BIS. Cfr. Dewez, loc. cit.

Memorie over het backen van kareel-stcen , de manier oin de zelrc te verbeteren, etc. MS. Ees- popsioerat ad quaestionem anno 1793 ab Academia propositam;sedGaliorum in Belgium irruptio mox ipsam Academiam dispersit.

Anno 1794 e typis abbatiae Tongerloensis prodiit t'omus sexlus Actorum Sanrtorum Belgii,

EDITORIS. XXI

ciatus '. Die 2 mensis Aprilis 1754 juris utriusque liceutiatus, Bruxellis causas agere coepit, donec die 5 Decembris 1772 oppidi Lovaniensis ad Status Brabantiae deputatus , quem Pensionarium externum voca- bant, noininaretur. Mense Junio 1789 magno senatui Mechliniensi consiliarius adscriptus est. Obiit Bruxellis die 31 Martii 1816, aetatis 88. In commentario , quein Âcademiae obtulit *, in primis agit de varia regiminis publiai forma, quae apud nos viguit, a Nortmannorum irrup- tionibus ad saeculum duodecimum et decimum tertium. In altéra parte exponit ortum, accrelionem et mutationem publicae rei apud Bra- bantos. Tertia denique pars quidquid ad regimen municipale spectat complectitur, eamque auclor in hune moduin concludit :

« Uyt aile het gène voorschreven is, men vertrouwt met recht en » rede hier voren reeds gemaekt te hebben en alhier te mogen her- )) haelen de volgende wetlelyke besluyten :

» Dat voor de tyden van Godefridus III men vruchteloos alhier

a Josepho Ghesquiero et Isfrido Thysio illustratus. In hoc opère legunlur Thysii commentarii de S. Ursmaro et aliis sanclis abbatiae Lobiensis (p. 225), de S. Dodone, abbate Wasleriensi (p. 870), de S. Silvino episcopo (p. 439), de S. Oda Virgiae (p. 589), et de S. Lamberti anno emortuali et causa martyrii (p. 634).

10° Catechismus toor d'eersie communie, oft uytlegginge van den mechelscken calechismus, Antverpiae 1803 et 1804.

1 Hiêlorische Ferhandelingen over den Staetvan ket Nederland, etc. Cfr. supra p. XIX not. 4.

12° Troost der kwijnende, of nieuwe verhandeling over de gemoeda-onstelteniisen en kwaelen die hedendaegs zoo gemeyn syn , eus. Antverpiae 1817, in-B°. Fecisset sane prudentius, si de rébus ad medendi artem spectantibus nihil umquam scripsisset.

13° Verhandeling ocer de teeken» welke den laetten dag des oordeeh zuilen toorgaen , enz. Ibid. in-12.

14° Chrislelyken boom geplant in den acker van de H. Kercke, dienende om het gansche lettn van eenen christenen mensch , bezonderlyk voor de ouders in het opcoeden hunner kinderen , enz. Ibid. in-12.

15° Verhandeling over de nederduytsche tael en letterkunde. Ibid. 1821, in-8*.

' Cfr. Bax , Catalogus omnium Primorum, e/c. Mechliniae 1824, p. 81.

* Antwoord op het eerste der traeg-stukken voorgestelt wegens de coninklykc académie... Hoc ende sedeil wal tyd is den stant van den derden Slaet opgemaeckt in zyne hoedaenigheyd van Re- présentant tanitolk in de rergaedering van de Staelen, enz. MS. pagg. 144, in-fol.

xxir PROLOGUS

)) te lande sal gaen soecken de staeten van het selve, 't zy in d'een, 't zy )) in d'ander order;

» Dat de grondregels dier hun begin genomen hebben van de )) tyden van Henricus I ende soo voorls in syne naecomelingen in voor- » deel der stad Loven , als het hoofd van syne bezittingen , ende soo )) gevolgentlyk in voordeel van Brussel, Antwerpen ende andere )) steden ;

)) 3" Dat de selve hunne volkome wesentheyd van eene borgerlyke » ende staetsgewyse bestieringe behaelt hebben onder Joannes II, ten » jaere 1306 ofteontrent dien tyd;

)) Dat de gemelde staetsgewyse bestieringe ten opsichte van de )) edele eensamenlyk met de steden haer begin genomen heeft met den )) charter van Cortenberg, ende syne volkome wesentheyd met de blyde » incomste van Wenceslaus ende Joanna ;

)) Dat de gène van de dry orders te samen in eenen sekeren sin » begonst is ten jaere 1383 ofte entrent dien tyd, doch tôt dan toe » sonder groot gevolg , ten opsichte van den geestelyken staet ( Mém. )) couronné de M. Heylen en 1 783, fol. 24 usqiie ad 29). Maer dat de )) selve ernomen is met de toekomste van Anthonis, ende soo gevol- » gentlyk haere wesentheyd gecregen heeft onder ende met Joannes IV, )) ende wel namentlyk onder Philippus I, in wiens blyde incomste de » dry orders der staeten plechtiglyk voor de eerste reyse erkent syn » geworden. Dusdaenig nochtans dat de steden, soo in dese als wel be- )) sonderlyk in aile de voorgaende blyde incomsten, verre aïs het eerste )) ende principaelste lit gehouden syn geworden; ende dat maer de )) verkeeringe van sittinge uyt enckel eerbied ende sonder eenig gevolg )) syn begin ende grond gehad heeft. »

Inter competitores ad palmam Academicam denique nominandus est Cornélius Smet, societatis Jesu presbyter, de cujus vita et scriptis

EDITORIS. XXIII

ubcrtim satis disseruerunt alii '. Iliinc Ghesquierus paleographiae Belgicae reique diplomaticae omnino peritum atqiie in sacra Belgii historia versatissimum merito praedicavit^.Ex inedito ipsius commen- tario ' excerpsi quae infra in Appendice leguntnr, et ad elucidandam de Terlii Status origine quaestionem nonnihil conferre arbitror.

De hoc jam satis est argumento : intermissam Ileylenii operum recen- sionem repetam .

4. Antwoord van den eertc. heer Jleylen, canonik ende archivist commcntanu. de re

moneiali Belgii.

der abdye Toricjerloo, op het vraegstuk : « Aen te toonen de steden of andere plaetsen der Nederlanden in de itoelke de respectieve souve- reynen geld-specien hebhen doen slagen geduerende de XIV en XV eeuw, en voor al volgens de ordinantien geëmaneérd binnen deéze twee eeuiven, ofby gebrek van deéze volgens andere geloofioeerdige bewys-stukken , enz. ; aen te toonen den titel van het goud ofvan het zilver, het gewigt en de evalttatie van die geld-specien ( binnen de Nederlanden gemunt geduerende de XIV en XV eeuw ), in neder- landsche offransche munte onzer dagen ,• eyndelyk te doen kennen de plaetsen der historie-schryvers en van des zelfs-tydsche bewys-stuk- ken, de welke gewag maeken van deéze oude Nederlanscho geld- specien. )) Aen de welke de keyserlyke en koninglyke Académie van Bncsseldcn palmtak heeft toegewesen tenjaere 1787. Bruxellis , typis Regiae Acadeiniae 1787, pagg. VIII et 128, et indicis pagg. VI.

Argumentum operosi admodum laboris adeo féliciter pertractavit et elucidavit ut omnes, qui de veteribus Belgii monetis scripserunt, hujus commentarii auctoritatem proferre soleant.

' Cfr. Kcrsten , Journal hist. , tom. IV, p. 88 et additiones ad eumdera tomuin p. 4 ; it. vila pracnxa operi posthumo : Het leven van O. H. Jesus-Christus , door wylen P. Corneliu* Smtt. Rruxcllis, 1841, in-8".

- y-icta 55. lielgii selecta, tom. III, p. XI.

» Cod. MS. pagR. 48 iu-fol.

XXIV PROLOGUS

Disqmsiiiones histori- 5. Historlsche verhandelmneu over de Kempen, ens. Disqiiisitiones

cae de Campiaiac ^

.utu.etc. illae, decem numéro, priraum Lyrae (non vero Buscoduci, ut titnlus

indicat) typis editae sunt ab anno 1789 ad annum 1793, in-4°; denuo Turnholti anno 1837 in-8 récusée, quam editionem, ni fallor, curavit auctoris consanguineus vir aniplissimus lïenricus Tubbax. En illarum disquisitionum seriem : I. Hist. verhandeling over den land-bouw der Kempen. II. Hist. verhandeling over de gesteltenis der nu ge- naemde Kempen en aengelege provincien , in de eerste eeuioen. III. Hist. verhandeling over de mildheyd, hulp en menschlievetiheyd beicéezen door de ahdyen en Jdoosters der Kempen. IV. Hist. ver- handeling over de slaverny en deszelfs verbanning uyt de vry- heydszugtige Kempen in voorige eeutaen. V. Hist. verhandeling nopens de slaeverny en de vryheydsboomen of standaerden. YI. Hist. verhandeling over den iever, waekzaemheyd en ziel-zorg der Jdoos- terheeren in de Kempen. VII. Hist. verhandeling der tydstippen, waerop de plaegen der goddehjhe rechtvéerdigheyd over de Neder- landen , en bezonderlyk over de Kempen uyfgeschéenen hebben. VIII. Verhaîideling over de voordeelen door de religieuzen , nae- melyk in de Kempen, aen kerk en vaderland toegebragt. IX. Verhan- deling oflevens-beschryving van verscheyde uytsteékende religieuze kweekelingen van de ahdyen der Kempen, voorgegaen van eenen korten oogslag over de Bloemardine en haere leerstiikken. X. Ver- handeling over eenige urnen oflykvaten, onlangs (1792) ontdekt by het dorp Alphen , in de baronie van Breda, en andere gevonden tôt Meerhout in de brabandsche Kempen. ii.yieni. codiez Mss. Supcrcst , ut Ilcylenii codices MSS. et inedita quaedam opus- cula indicentur, quorum vel notitiam vel ipsa exemplaria nactus sum.

a. Vraegstuk , op welkdanig titel is den graeve Hermannus , egt-

EDITORIS.

XXV

getioôt der graevin Richiidis, graeve geweest van Henegomo; was dit uyt zyneii hoofde , ofuyt den hoofde der graevinne syne egtge- noote? MS. pagg. 34, in- fol. Ut apparct, auctor dissertalionem illam conscripsit pro certamine academico, in quo anno 1783 palniam retulit Cornélius Smetius. Cfr. Feller, Journ. hist. 15 nov. 1785, pag. 465, et Recherches hist. et crit. pour servira F hist. de Ilerman de Saxe , par de Hesdin, Nouv. mém. de l'académie, 1788, tora. I, pag. 123.

/3. Carmina, partim latine, partim vernaculo sermone.

y. Evaluationes antiquœ. a Monumenta rara, ait Heylenius, bene conservanda et tenipore opportuno, quod mihi expetenti défait, nitide describenda. » In-fol.

i. Aqiaet facta quce raptim exvariis chartis excerpsi, et chrono- logice , tempore favente, disponam pro majori commoditate suc- cessorum (archivii prœfectorum) : servire poterunt non solum pro cognitione status monasterii (Tongerloensis) sed et pro aliquali in- dice contentorum in archivio inferiori. MS. in-fol.

e. Analecta inedita. MS. in fol. pagg. circiter 300. Ex hoc codice Vir Cl. Willemsius in musaeo suo Belgico edidit, tom. Il, pag. 162, diploma anni 1421 , dejure pastorali in parochia de Nispen, et tom. III, pag. 78 chronicon Buscoducense ab anno 1312 ad 1517. Plura alia docu- menta ex iisdem analectis descripsit in codice diplomalico ad Joannem Clericum.

ç. Analecta. MSS. pagg. circiter 300 in-4, in quo plura diplomata iiiedita , quae ad res oppidorum Diesthensis et Herendaliensis pertinent. Ex hoc codice descripsi inventarium chartarum comitatus Namurcensis, quod legitur Bulletins de la cominission royale d^ histoire , tom. II, pag. 328. Ulerque ille codex Analectorum mihi suppeditavit docu- menta, quibus illustrabitur Edmundi Dynteri editio, quam typis paro. Toï. XV. d

XXVI PROLOGUS

V. Reyze in Italien, enz. MS. in-4o. Memini hune codicem, elegan- tibus tabellis ab auctore ornatum , in publica librorum Tongerloensis bibliothecae auctione Antverpiae anno 1825 divenditum fuisse.

len.

$. III.

viiaPetrijoscphiHcy- AdHani nostri frater natu major, Petrus Josephus Hetlen, Lovanii anno 1755 in generali promotione Artium inter centura et unum competitores tertium locum promeruit , paedagogii Falconis alumnus. Ineodem collegio philosophiae professer, die 20 mensis Junii 1759, ad concilium faeultatis Artium admittitur. Licentiae lauream in saera theologia die 8 mensis Augusti 1763 adeptus est. Feliei GuilieJmo Antonio de Brenart, mense Februario 1777 ad sedem epieopalem Brugensem nominato, Heylenius successit in canonicatu et decanali dignitate ecclesiae collegiatae S. Gummari Lyrae. Die 13 mensis octo- bris 1778 Regia Academia sibi socium adscivit virum nominis cele- berrimi, quod summa in disciplinis theologicis et historiois eruditio, non vana scientiae ostentatio illi contulerat. Vita functus est Lyrae, die 5 mensis Decembris 1793. Multis ille bonis flebilis occidit, at nulli flebilior quam optimo fratri Adriano , oui literarum studiis atque animi indole conjunctissimus semper fuit.

Eodem quo obiitanno, mense Octobri, ut ecclesiasticus librorum censor approbavit tomum sextum Actorum Sanctorum mensis Octobris, Tongerloae editum. Faxit Deus, aiebat, ttt laboriosi scriptores in lite- rario suo secessu, aetate nostra, qua Sanctiet quaecumque religionis sunt , a tanta impiorum turba irridentur, pergant Coelitum gloriam vindicare, et de Ecclesia Catholica, orbeque erudito bene merere.

EDITORIS. XXVII

Scripsit quae sequuntur :

1 . Anno i 771 haec ab A.cadefnia proposita erat qiiaestio ; Quelétoit ej«i icript. C habilloment , le langage , l'état de F agriculture , du commerce, des lettres et des arts ches les peuples de la Belgique avant le septième siècle? Ad quaestionem illam Ileylenius latino sermone commentariiim scripsit^ quem palmam referentibus Du Rondeau et Donatiano Du Jardin accessisse anno 1773 declararunt Academici. Exstat inediti commentarii exemplar autographum in archivio academico '.

2. Commentarius praecipuos hodiernae Belgicae fluvios breviter describens , ac eorumdem alveorum mutationes , operasque ad Ca- roli V saeculum usque , cum ad ampliandam navigationem ^ tum ad eos diversis civitatibus jung endos , subinde susceptas exhibens / cui palmam detulit caesarea ac regia scientiarum et literarum Academia Bruxellis , anno \11A. Bruxellis 1775, in-A^, P^gg* 1^^ ^'

Auctor a borealibus Belgii fliiviis exordiumducit, atque adeo capitel de Groninganae provinciae fluviis dissent. Capite II de Frisiae fluviis sermonem instituit. Capite III Rheni cornu orientale percurrit, caetera Rhenicornua majora binis sequentibus capitibuselucidandarelinquens. Quuni vero in itinere Mosellam , quasque hic ex Luxemburgensi agro sibi miscet aquas, recipiat; Mosellaet fluminaex Geiriaet Transalana in gurgitem hune vel saltem in Flevum lacum se exonerantia hîc com- memorantur. Capite IV de altero Rheni alveo seu inedio, variis ejusdem elicibus, fossisque deductis, et cap. V de Rheni alveo nativo seu Va- hali, fluvio Linga ac relativis agit. Capite YI Mosae decursum describit, et provinciae Luxemburgcnsis a dextris, Sabimque a sinistris, Mosae

' Cfr. Journal de* séances; MtioiRES^ tom. I , pag. LXIV et LXVI.

^ Il M. Heylen, profe«seiir de philosophie, en l'université de Louvain , ayant laisse après lui tous SCS concurrents, reçut la couronne acadcmique. » Journal des séances; }ftMOitts ,lom.l, [>. UXXIII.

xxviii PROLOGUS.

sese affundentes fluvios, aliosque minores rivos ex agro Leodiensi, Bo- realis Brabantiae atque ultra Mosanae ditionis complectitur. Capiti VII materiam praebet Scaldis, varies Hannoniae, Artesiae, Flandriae et Brabantiae fluvios absorbens. Capite VIII de Liva et de Flandriae, qua boream et mare spectat, fluentis ; denique capite IX de Isara et Agnione disserit. Canales quoque , mortalium manibus deductos ad mercaturae et navigationis amplitudinem , pro re data describit.

3. Responsum ad quaesitum : « Cujus juris scriptiusus obtinue- rit apud populos Belgicae , a saeculo septimo usque ad exoidium circiter saeculi decimi tertii? et quae isto teniporis intervaïlo admi- nistrandae justitiae ratio fuerit 9 » Cui palmam detulil caesarea ac regia scientiarum et literarum Academia Bruxellis , anno 1776 '. Bruxellis 1777, pagg. 71 , in-4°.

Commentarius ille duas habet partes secundum duo temporis inter- vaila : altéra est ab exordio saeculi septimi ad saeculi decimi initia, dum Caroli Magni stirps mascula Germanis imperaredesiit; altéra sequentia tempora percurrit ad saeculum decimum tertium. Partis primae sec- tione prima exponuntur leges scriptae , quae priori temporis intervalle vigebant apud Belgicae incolas , scilicet lex Salica et Ripuaria , capi- tularia regum Francorum, lex Frisica, jusromanum et ecclesiasticum (p. 5-25). Sectione secunda exhibetur modus quo judicia exercebantur : pro controversiarum autem varietate varius fere usus fuit tribunalium

' ic Deux auteurs avoient très-bien traité la question sur le droit écrit et sur les formes de la justice dans les provinces belgiques : l'un dans un mémoire latin... l'autre dans un mémoire fla- mand... On remarqua dans ce dernier un raisonnement solide et une vaste connoissance de la jurisprudence Belgique, mais ces avantages étoient balancés par des omissions considérables, l'auteur n'ayant point parlé des lois frisonnes, et par quelques inexactitudes historiques. Le premier étoit exempt de ces défauts et présentoit toute l'érudition de l'autre. Ainsi on décerna d'un commun accord la palme à M. le professeur Heyien , auteur de cet ouvrage. Le mémoire flamand , composé par M. d'Hoop , avocat au conseil provincial de Flandre, fut jugé digne d'un accessit. » Op. cil. , p. LXXXIV.

EDITORIS. «IX

aut judicum; itaqiie dejudicum vario gradu atquc de personis qnae judiciis intcrerant, tum de loco ubi causae finis imponebatur, deinde desententiis sermo instituitur (p. 26-46). Parte secunda, duabusetiam sectionibusdistincta, enarratur quae leges, novae praesertim (p. 47-56), quae forma justitiae a saeculo decimo ad decimum tertium apud Belgas oblinucrint (p. 56-71 ).

4. Disserlatio de antiquis Romanorum monumentis in Ausfriaco Belgio superstitibus aliisque non ita pridem abolitis, nec non de iis quae apud Tunqros et Bavacenses repertafuerunt^ Academiae prae- lecta VI id. Mail 1782. Exstat in commentariorum acadcmicorum tomo IV, p. 405—490.

Dissertationis suae exordium ducit auctor a causis praecipuis inle- ritus monumentorum compluriiim, a Romanis hisce in oris conditorum eo consilio, ut publicae utilitati cbnsulerent, aut sui famam ad seros nepotes transmitterent (p. 407 ). Mox pleraque indicat loca , ubi vete- rum Romanorum reperta fuerunt numismata (p. 415). Deinde célèbres lustrât Romanorum vias militares (p. 426). Denique summatim per- stringit alia Romanorum monumenta, nec inanem arbitratur se posi- turum operam, si loca quaedam designaverit, in quibus sepulchrales urnae, aliave ejusmodi monumenta optatam erudilis lucem adspexe- runt(p. 447).

5. Diasertatio de inventis Belgarum, Academiae praelecta 15 lUaii 1786. Exstat in commentariis acaderaicis anno 1788 editis, tom. I, p. 74— 122.

De inventis, quae nostratibus debentur, breviter apud Guicciardinum et paucos alios mentio est. Sed Heylenius de iilo argumento, quod alii primis tantum labiis degustaverant, copiosissime disseruit, eaque om- nia in médium attulit, quae ab incolis tantillae regionis excogitata sunt aut iu rébus naturalibus primo observata. Ut disposite rem exsequatur.

XXX

PROLOGUS EDITORIS.

temporum spatia in très périodes , et secundum has dissertationem in très partes dispertitur. Prima complectitur pauca illa , quorum initium incidit in tempora, quae Romani imperii excidium praecesserunt (p. 76). Altéra indicat quae usque ad ortum Caroli V caesaris Belgicae famam , humano generi commodum, utilitatem vel oblectanientum honestum contulerunt inventa (p. 83). Tertia tandem parte expenduntur prae- clariora Belgarum excogitata ab exordio saeculi decimi sexti ad auctoris aetatem (p. 110). Latissimum ille dicendi campum haberet, qui hoc argumentum ad nostram aetatem produceret '.

De hac et altéra dissertatione hoc judicium tulit vir Cl. Dewez ^ : (( C'est à M. Heylen, doyen de l'église de Lierre, qu'on doit deux )) très-savantes et très-curieuses dissertations latines, l'une sur les » anciens monuments des Romains dans nos provinces, l'autre sur )) les découvertes et les inventions 'que l'on doit aux Belges. Ces deux )) ouvrages, auxquels on voit que l'auteur a apporté le plus grand soin » tant pour toutes les recherches qu'ils lui ont coûtées, que pour l'ordre » et la méthode qu'il a su y mettre, offrent dans le plus grand détail, à )) remonter à l'origine, province par province et objets par objets_, » tout ce qu'il paraît possible de recueillir et de rapporter de plus im- » portant sur ces deux beaux sujets. »

Praeter commenta rios supra enumeratos alia scripsit opuscula, inter quae libellus est de doctrina christiana saepius typis excusus. Codices etiam autographes de rébus ad patriae historiam spectantibus reliquit. Horum tamen omnium plenior notitia desideratur.

Lovanii, mense Maio MDCCCXLI.

P. F. X. De Ram.

' Cfr. Delepierrc, la Belgique illustrée par les arts, les sciences et les lettres. Bruxelles, 18-40, in-O". - Rapport sur l'état des travaux de l'académie ; Noi;v.,Méji., loiii. Il, p. XXVI.

ADRIAJM HEYLEN

IN ABBATIA TONGERLOENSI CANOMCI REG. ORD. PRAEMOÎCSTRATESSIS, ET ARCHIVORUM PRAEFECTI ,

C0>I>1E1\TAR1US AD QUAESITUM :

QCOMODO ET A QVO TENPORE FORMATCS SIT ORDO TERTII STATUS IN QIIALITATE REPRAESENTANTIS POPIILCM IN COMITIIS ORDINU.H BRA- BANTIAE, ET NUM HIC ORDO SIT ANTIQCIOR VEL RECENTIOR ORDINE NOBILIUM.

Cedat revcrpntia vero.

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COMMENTARIUS AD QU^ESITUM :

QUOMODO ET A QUO TEMPORE FORMA.TIIS SIT ORDO TERTII STATUS liV QUALITATE REPRAESENTAKTISPOPCHJMIN COMITIIS ORDINUM DUCATUSBRABANTIAE, ETNliM HIC ORDO SIT ANTIQUIOR VEL RECENTIOR ORDI?(E KOBILICM?

SECTIO PRIMA.

CAPUT I.

Brahantiae status, oppidorum oriçjo , accretio , etc., saeculo XII et XIII.

Quanquam olim in Mallis, Campis madiis, Placitis generalibus, Parlamentis , aliisqne conventibus, in quibus publica rcgni tracta- bantur uegotia, convenirent Ecclesiastici, Nobiles ei communes Laici, ii, qui in praesens Brabantiae Ordines constituunt, haiid equidem aetate, qua bis potissimum erat locus, corpus ilhid politicum, cui hodie nomen statuum seu Ordinum tribuitur , subsistebat forma aut conditione, qua jam a tribus et amplius saeculis substitit. Id ra- tionibus plurimis probare facile esset negotium. Observasse sufficiet, in illis conventibus et congregationibus comparentium numerum haud ita fuisse deterniinatum , ac in Brabantiae Ordinibus unionem et subordinationem , quas in his reperire est, illis quoque defuisse : Ton. XV. 1

2 COMMENTARIUS DE TERTIO STATU

consilium non potestatera praesentium plerumque tanlumadhibitumy aliaque desiderata fuisse, quae nostratibus Ordinibus conveniunt *.

Porro quum academicum quaesitum supponat Tertii (ut modo vo- camus) Ordinis originem quaerendam ea aetate, quajam Brabantia ducatus titulo cohonestabatur, otiosam insximeremus operam monu- mentis saeculo XII antiquioribus evolvendis et lustrandis. Saeculi proinde nominati et insequentium acta potissimum rimabimur, et, ut quaesitum assequamur, perscrutabimur. Quia vero dissertationis prolixitas non modo lectoribus fastidium parit , verum etiam eorum attentionem judiciumque perturbât, quantum res patitur, brevitati erit opéra data. Ad rem properemus, patriae constitutionem, clarita- tis gratia, praevie nonnihil explicando.

Belgicae universae faciès, a vetere illa, quam a-^te Godefridi Bar- bati tempora habuit, mirum quantum post sit mutata. lila enim tem- pestate oppidorum et libertatum seu Franchisiarum (si ita ex instru- mentis loqui liceat) exiguus adhuc erat numerus, magistratuum parum compositus ordo, continuus armorum strepilus : verbo, ruptis iniquilas habenis in omne , quoa volebat facinus , impune baccha- batur ^.

Postquam vero Godefridus Lotharingiaeducatumestadeptus , ejus- que portio Brabantiae, qua feudalis, hereditarie ad posteros trans- mitti potuit, omnia paulatim in meliorem ordinem fuerunt redacta. Hic enim princeps armis strenuus rebelles ad obedientiam coegit ; pietate et religione ductus, loca vastatoris fecit esse domos salvatoris, et quae ferali lustro erant deputata, in meliores usus servire curavit ';

' De illis conventibus ita Hincmarus Remensis, cui Francorum status fuit notissimus : « Consue- i> tudo autem tune temporis (Caroli M.) talis erat, ut non saepius, sed bis in anno Placita duo » tenerentur; unum, quo ordinabatur status totius rcgni. ... In quo placito jjeneralilas I' universorutn majorum tam clericorum quam /atcoruwconveuiebat. Seniores propter consilium » ordinandum ; minores propter idem consilium suscipiendiim , et interdum pariter tractandum, ]• et non ex potestate, sed ex proprio mentis intcllectu, velsententia confirmandum.» Epist. XI F ad Proceres regni, apud Bouquet, tom. IX, p. 267. Qui plura ea de re cupit, adeat Glossarium Du Gange ^ ad voces Mallum , Campi Madh, etc. Opusc. Jgobard, etc.

2 Lamb. Scbaffnab. ad an. 1072.

^ Vide Dipl. Miraei, 1. 1, p. 90, edit. 1723.

ORDINUM DUCATUS BRABANTIAE. 3

justitiae vindex latronum ac praeUonum reccptacula destnixit, et in loca pia atque secura convertit; clementia et benevolentia plenus^ subditos privilegiis donavit multis , ut merito scribat iilustrissimao acaderniae Secretarius : <( A cette époque l'histoire du Brabant com- mence à sortir des ténèbres, et à devenir intéressante. Le gouver- nement y prend les premiers traits de cette forme respectaJ^le qui; perfectionnée dans la suite , a ménté l admiration des gens éclairés. On y voit les premières barrières posées contre la barbarie , une jurisprudence et une police naissante, les premiers éléments d'un commerce avantageux '. »

Exemplum Godei'ridi Barbati imitati sunt successores Godefridi et Henrici : hi enim non solum conditores plurium legum, refor- matores vel conûrmatores consuetudinum , verum etiam variorum monasteriorum , nosocomiorum , uti et plurium oppidorum et muni- cipiorum seu Franchisiarum erectores seu exslructores. His ultimum recensitis locis maxima concessere privilégia plurimasque libertates (unde ipsis nomen adhaesit : vryheden, gai. franchises), quaecontinuo fuere aucta cum principum mera liberalitate, tum pro Brabautorum meritis ratione multiplicium ac fidelium servitiorum , quibus ipsis principibus (uti ipsimet fateiitur ') mascule semper adstiterunt, ut adeo non temere scribat Zypaeus de Belgisuniversim : «Vixaliquid inmori- » bus Belgarum est, quod non suis privilegiis nitatur : non alia natio )) est, quae tantis animis ea promeruerit, tantis defendat. » Lib. 3, Jud. cap.2, pag. 170, edit. Antv. 1633.

Privilégia autem erectorum seu exstructorum oppidorum et muni-

' Des Roches, Ditsertation sur les comtes de Louvain, Méx. oel'Acid., tom. H, p. 629.

* lu fatctur suis litterisJoannes ( anno 1200 in hune modum : uf^f^y makencont'... dot toieom '< grotcn dicnst , die ans onse poirtetrn ... nu en voormacls hebben gcdacn , etc. » « Et Joannes 11 . » aniio 1312 : Sonderlinge omtne de gheonslcclicit ende de gctrouwe diensten, die onse lieden van

onse landen altoes hebben gcdaen. » « Similitcr Joannes 111 , an. 132S : Doen cont. . . . dat ici

omme de Qetrouwc en gerustige dienste , die onse goede lieden van Brussel dickwille gedaeit » hebben en noch doen, etc. » « Item 1326 : Aensiende de goede trouwe, vrintschap endejonste . » die onse lieve poirteren , . . tan Brussel altoos van outs sonderlinge met herten tote ans gedrae- » gen hebben . . . hebben wi hen gegeven, etc. » Vid. Ldysth van BtAB. , part. I, p. 87, 78, et LoovMs , t. I , p. 26 ; t. 111 , pp. 11 et 24 , PaATYCKi ek stiil vak piocsKun , edit. Brux., IH&.

4 COMMENTARIUS DE TERTIO STATU

cipiorum potissimum consistebant iu libertate bonorum et persona- rum ea inhabitantium aat ad ea commigrantium. Qui servilis aut censualis erat conditionis, uti ea aetate plerique ruri adhuc erant ', post annum, ut plurimura , et diem habitationis, a privato suo domino erat liber et immunis ^;ej us quoquebona, exquibus ante annum pen- debat i^ud tributum, quod vernacuie Jaersco^ dicebatur, erant libéra et exempta ^ A teloniis et vectigalibus in alienis quoque terris non

raro libertate gaudebant MVlagistratuum communes burgenses subinde partes et pêne corpus constituebant. Pro delictis in oppidis seu liber- tatibus commissis, ut plurimum duplo minus ^ vapulabant, quam ex- tranei, variisque aliis favoribusgaudebant. Quum autem tôt actantis prae ruricolis donati essent privilegiis oppidani , seu, ut Yocari male- bant, burgenses, oppida et libertates inhabitantes, multi ruricolae, quasi agmine facto, agros deseruere, et in oppida commigrarunt, pri- vatisque suis dominis \aledixerunt usque adeo , ut res in magnum

' Qui hujus asseiti probam desiderat, adeal Diplomata Mirœi, t. i , pag. 289, 313, 762, et t. II , p. 817; Butkens, Preuv. des Troph., pp. 32 , 60, 68, 89 , edit. novis. ; B. Le Roy, Not. Marchion. S. R. I., pag. 389, 4^71; Mieris, Charter- B oek , t. I, pag. 194, 498, elc.Ubi, uti et raillenis aliis loeis, servorum mentio ; sed unus pro cunclis, si libeat, videatur Anton. Malthœus, déNobilit., lib. IV c. IX.

- Praeter ipsum libertatis noraen oppidis concessum , id manifeste in quibusdamdiploraatibus exprimitur, qnae quidem invicinia data sunt, sed ad morem comraunem totius Belgicaecondita fucrunt. (( Ex que (inquit circa an. 1168 Balduinus Flandriae et Hannoniae cornes) aliquis in » oppido Gerardi-Montensi haereditatem acquisierit , si oppidi instituta secundura judicium sca- !• binoruni tenueril, liber erit, cujuscumque conditionis fuerit, » Apiid Grammaye, pag. 41. Idem reperitur in legibus Mariakerkae datis an. 1238, art. XI et XIV, apud eumdem Gramm. , seu potiusLindanump. 107, edit Lov. 1708, Ethucetiam faciunt diplomata apud Butkens, p. 46; Mieris , t. 1 , p. 222 , ubi haec in chora Haerlemensi : <; Poslquam aliquis fuerit oppidanus , nulli » tenebitur esse sercus. »

3 V. Kluit, Primae lineae Coll. dipL, p. 130; item, vol. IV, Hist. HoL, p. 723, 724, 908, edit. 1780.

-* Mirœus , t. I , Dipl. , p. 193.

5 Ita salis edocet citatac legis Mariakerkae art. XII : x Si quis extraneus ... in Burgensem " infra libertatem liberae villae excesserit , diiplici poena puuialur. " Loco cit. : quibus siniilia referuntur in Choris Medioburgensi , Domburgensi et West-Cappellensi , apud Mieris, Ckarter- boeck, pag. 6, 170, 182 , 189. Item in legibus Lovan. an. 1211, apud Divœuni : « Oppidanus. . . " si convictus fuerit o solidos persolvet; alienus de obulo solvet 40 solidos. » .Innal. , oppid. Lov. , p. 7 , edit. Lov. , 1757.

ORDINUM DUCATUS BRABANTIAE. 3-

rapereturabusum, maloque percontructus ' , inhibitioncs * et restric- tiones ' obviam iri debuerit; principis enim aerarium bac via immi- nuebatur * ex parte una , deterior ficbat ex altéra nobilium ipsorum- que agrorum conditio.

Urbes itaqueseu oppida et municipiatot privilogiisdonata in tantum populo et divitiis opplebantur, ut scribere ausus sit, et justissime, illustrissimus Antverpiensium preesul « qu'il est inconcevable combien )) nos villes prospéraient au moyen de leurs loix et de leurs privi- )) léges\ » Incolae natura laboriosi, diligentes, ingeniosi, niagni mo- menti res inveniebant, et omne genus mercimoniorum atque opificio- rum inox exercebant. Opificcs, aliique in certas, sub certis legibus, coibant societates aut confraternitates , quarum capita decani et ju- rati, primarium autem veluli advocatus , vulgo Over-deken, quidam ex proceribus.

Hae societates variis armorum exercitiis excultae, quasi totidem niititum cohortes constituebant ; et in bis societatibus ac aliis pago-

I Aono eniin 1212 , Henricus I et Godefridus de Bredà conveniunt , qui tractandi sint eoruin respective siibditi ad oppida de novo vel ab anliquo aedificata commigrantes. Apud Butkens , Preuv. , p. 62. Qiiin anno 1259, quia tantus erat in oppida recessus, Arnoldus Wesemalius re- misit duci 100 L., quas annuatim ex parte ipsius rccipiebat, ea conditione, ut dux nunquam in terra Brabanliae in Francas villas reciperet boniincs terrae mcmorati Arnuldi. Loco cit., p. OU.

* Tcstis Iiujus rei charta Liijjdunensis anni 1266 in qua art. XI Florentins V,Hollandiae coines, ait : K Nemo cujuscumque sit conditionis, potissime ad tributa et caligiat obligatus oppidum, ■I mansionem in eo facturus, ut libertate oppidi fruiturus inlrabit , nisi prius meu , vel mei ju- » dicis , necnon ocio juratorirm obtento expresso consensu. i> Apud Boxhorn in Theat. HoU. , p. 180, edil. Lu(;d., 1632.

* Constitutum enim subinde fuit , ut in poslerum , qui in urbes aut libertates coa)Dii{;rarent , solita antc tributa et scrvitia praestarent. Conventio enim inter duccm Joannem I et dominos de Grimberga an. 1292, haec continet : « fF'ie ook poorleren ter Cappellcn oft yUcorden tcorden » willen, sy moment doen in manieren dat »y plegen moclen allen dientt daer »y te voien af be- 11 kommert waeren . . . roor don heerdaer te toren loebehoerdett (V. Butkens , Preuv., p. 130). ■• Hinc postmodum régula : « Een huisman poorter tcordende geld bede. (V. Kluit, Primae lin.Col. t Dipl. , p. 136 ; item , Oudheden ran JVoort-I/olland, edit. Lugd , 1721 , p. 395). » Ubi : « yille » poorteren , die openbaer woonachtig sijn binnen den ambacht . . . tullen gecen scot en schoude n van haeren goede gelyck eenen buiierman. ^> Lit. an. 1398.

* V, Chart. Wilhelmi Hollandiie Comitis , apud Mieris, Charler-boeck , t. Il , p. S03.

* Nelis , suite dis Fues sur l'Histoire , t. Il , Mém. de l'académie, p. 670.

6 COMMENTARIUS DE TERTIO STATU

rum sub eorum signis militantibus , post equestris ordinis milites , po- tissimum robur miiitiae consistebat ducalis '.

Decani memorati sub conductu principalis capitanei ( vulgo Over- Dehen ) non tantum res , quae in societatis régulas impingebant , cum juratis (vulgo die gre,sî<?oerwe) judicabant, sed etiam oppidorum seu municipiorum regimini sese immiscere solebant , et magistratuum (ut diximus ) partes erant.

Rébus igitur oppidorum ac municipiorum ita comparatis , eorum rectores seu magistratus ad consulendum, fide jubendum, consen- tiendumet deliberandum in gravibus reipublicae negotiis convocare principes etadhibere subinde voluerunt, et (rébus urgentibus) con- sultum, quin et necessarium duxerunt, quoeossibi magis devincirent, ac reipublicae bono consulerent. Interdum etiam ipsi magistratus pro- prio marte, magis licentia quam libertate, pro privilegiorum obtento- rum conservatione , mutua assistentia , et patriae limitum defensione conventus agebant ; atque ita quodammodo via aperiri et sterni coepit, qua pedetentim ad constanter et de jure aut consuetudine majora reipublicae negotia contrectanda pervenirent , accedentibus continuo ex parte principum privilegiis et promissis novis.

Magistratus porro ad huncmodum convenisse aut convocatos fuisse, ex actis et monumentis publicis evidenter constat. Ita jam anno 1194 octo oppidorum rectores icarandiam (utvocabant) contractus inter ducem Brabantiae Henricum I et Flandriae comitem jurasse reperiuntur ^.

Anno 1202 convocati fuere ad jurandam observantiam contractus antenuptialis inter filia m Philippi imperatoris et filium memorati ducis Henrici I. a Jurabunt illud idem ( ut sonant tabulae) ministeriales ( ducis ) et suae civitates ^ . »

' V. Mirœus, tom. II, DipL, p. 872; Verhoeven, Inlyding tôt de Nederl. Hist., p. 833; et Ant. Matthœus, deNob.,\. II, c. 16, p. 316 et 1317.

- Il Simili modo burgenses oppidorum meorura de Anwers, Brussella, etc. , fidem dederunt, » et sacramento , quod si promissa ali(|uo casu infringerem , praestiterunt , a servitio meo se " prorsus substraherent. » Ita Instrumenlum in Thesauro ^necd, Martene, t. I, p. 636 et seqq.

^ Apud Butkens , Preuv. , p. S9.

ORDINUM DUCATUS BRABANTUE. 7

Anno 1243 ad petitîoncm Ilenrici II, se constituunt fidejussores super conventionibus de Castro Dalhemensi. a Nos ( inquiuntipsi ma- » gistratus) de Lovanio, Bruxelia, Antverpia, Busco, Lewis et de )) Thenis communitates, notum facimiis universis....quod ad petitio- » nem karissimi domini nostri Hcnrici^ ducis Lotharingiae et Bra-

» bantiae super conventionibus de Castro de Dalehem nos

» constituimus fidejussores '.

Anno 1261 (stylo novo 1262) Ërabantia^ ab obitu Henrici III, motibus exposita, communitates urbium de Antverpia et de Turnhout ad sopiendas discordias et proptcr profectum ducis ( ut in litteris lo- quuntur ") ac totius terrae , atque ad privilegiorum suorum conserva- tionem foedera junxerunt , imitantibus idem Bruxellensibus , Lova- niensibus, Lyranis, aliisque oppidanis.

Anno 1267 duo celeberrimi habiti fuere conventus. Prior Corte- bergae initio mensis maji , in quo Henricus natu maximus, astcapa- citate minimus, Henrici III filius, fratri suo Joanni cessit omne jus, quod habebat vel habere poterat in Brabantiae ducatum, idque coram nobilibus et oppidorum magistratibus, ad hoc ab Adela sive Aleide matre evocatis ^

Posterior habitus fuit 23 ejusdem mensis maji Cameraci, ubi litte- rae conditae fuere *, quibus episcopus, très abbates, abbatissa Ni-

Rulkens, ibid., p. 87.

2 V. Miraeus, Dipl. , t. I , p. 429; aut lib. Edict. t. I , p. 671.

''Hujiis quidem conventus tabulas necdum vidimus; de earum tamen existentià saeculo ad- hucXVI nullum relinquitur dubium. Vide Divseum (cujus oninia pêne asserta diplomatibus inni- tuntur) Renim Brab., lib. XIX, p. 122, edit. Antv., 1610. Ut utsit, testis synchronus Joan. Van Heelo , Slag van ff^oeringen , MS. in biblioth. Burgund. , sufficienter eum promit , dum canit :

Te Cortenberghe dede men eomen

Die stade vau Crabant , clien en grotc,

Ende daer riddertn en gcnote ,

Daer gaf Hexnric openbaer Foor hen op tinen broeder

Janne , met rade tinre moeder . T' hertogherike van Brahant, etc. {')

^ Butkens, Preuv., p. 101.

(') Cfr. WUIems, Hjrmiroiijrk van Jan f^an Beelu, p. 24 el ZS

8 CO^IMENTARIUS DE TERTIO STATU

\ellensis, pluresque nobiles, universis denuntiant cessionem memo- ratam coram se atque burgensibus factam fuisse.

Eodem adhuc anno Richardus Cornubiae cornes tanquam Roma- norum rex cessionem, qua feudalem, approbavit, modo imbecillis Henricus eo processisset (uti in suis litteris ait) « de consensu benevolo )) et voluntate comtnuni Aleidis ducissae matris , baronuni, macjna- )> tum, etcommunium oppidorum ducatus Brabantiae, aut ejusdem » vel majoris vel sanioris partis '. »

Liquet igitur saeculis XII et XIII oppidorum et municipiorum ma- gistratus pluriespro gravibus reipublicae negotiis , ^uia fidejussione ^ nuptiarum stipulatione , contractuum warandia , privilegiorum con- servatione , limitum custodia , ducatus cessione , vei sponte sua, vel a principe evocatos convenisse ; atque ita videtur via aperiri et sterni cœpisse , ut ad ulteriora et majora reipublicae negotia assume- rentur. Sed numquid ex bis concludere liceret, magistratus jam tum perfectam formam Ordinis patriae negotia co-regentis adeptos , et no- men statuum vere fuisse promeritos? Ita quidem prima fronte videri posset, et forsan aliquibus videbitur; verum non ita visurum puto ac- quis rerum aestimatoribus , siquidem haec non reperiantur ex aliquo jure praescripto aut concesso contrectasse regulariter et constanter exercuisse; neque etiam haec tantam involvunt magistratuum aucto- ritatem, uthinceos in Ordinem co-regentem abiisse concludere liceret. Pro quo juvabit observare sequentia.

Quod ea tempestate pro ejusdem naturae negotiis subinde tan- tum fuerint convocati et adhibiti. Ita quanquam anno 1207 (ut jam demonstratum est supra) fuerint ut jurati testes adhibiti pro contractu antenuptiali inter filium ducis Henrici I, et filiam imperatoris Phi- lippi, tamen pro similibus contractibus anno 1206 ^ inter Margaritam ej usdem ducis filiam et Gerardum Com itis Gelriae filium, et anno 1214' inter Mathildem memorati ducis filiam et filium comitis Hollandiae

' Butkens, Preup. , p. 102. 2 Ibid. , ibid , p. 58 , 59. ^ Ibid., p. 64.

ORDINUM DUCATUS BRABANTIAE. 9

non fiiere convocati , neque etiam anno 1233 ' , imo nequidem anno 1330 contraclui antenuptiali inter Wilhelmi comitis HoUandiae fi- lium et Joannatn, JoannislII ducis Brabantiae filiam, reperiuntur ullatenus magistratus adfuisse ', atque adeo ex praesentia aut subscrip- tioneuniusalteriusve contractus antenuptialis paruin aut nihil erui potest pro eorum in ratione status existentia.

II" Quod fidejussiones et warandiae (ut vocabant), pro quibus principes praecipuorum oppidorum magistratus subinde, videiicet anno 1194, 1243 etforsan aliis, adhibuerunt, tantum fuerint requi- sitae pro majori contrahentium securitate, et hae non dependerint ex eorum beneplacito aut auctoritate (ut ut etiam nonnunquam in- sinuentur rogatae) , sed a principibus impositae, atque ideo potius onus quam libertas essent reputandae.

Idevidenterpatetex privilegiisBruxellensibusanno 1 290 concessis ; articulo enim VIII a talibus ut onerosis iiberantur his verbis : Voirt geloven wi hen dat wise nimmermeer noch niemant van onse tcege TE BORGE SETTEN en sele , noch Bn)DEN BORGE te wordene , wi noch niemant van onse tcegens jegen yemene van eeniger hande stuc- kens van toelcken borgtogt wise immermeer quite schilde \ Et quamquam ad petitionem ducis id se egisse dicant, constat tamen

' Butkens, Pr. , p. 74.

* Mieris, Charterboeck , t. III, p. 492.

* Loovens, t. III , p. 11. Privati interdum Domini tantam in subditos suos exercebant ju- risdictionem ut eos pro se obligarent et (idejussores iuvitos constituèrent, et hinc non mirum, id ducibus nostris etiam in more fuisse positum. Litterae ineditae ducis Johannis II id satis edocent pro domino de Diest : « Nos (inquit Dux) notum facimus universis , quod nos dilectis nostris

» scabinis, juratis, caeterisque oppidanis Diestensibus promisimus et bona fide pro-

>• mittimus per praesentes , quod eos vel eorum aliquem per nos per alios

» ad fidejubendum , vel promittendum Johanni Mirabello ex parte domini de Diest

> vel ad sigillandum sigillo oppidi Diestensis .... promissiones , obligationes et conven- tiones inter dictum dominum de Diest et Lumbardum praedictum .... factas et in poste-

> rum faciendas non arctabimu», nec aliquo modo hoc compellemus. Promittimus insuper, etc., » anno 1809. » Hinc patet quam infirmum formetur argumentum ex Gdejussionibus et subsi- gnationibus quorumdam per magistratus et nobiles contrnctuum, et quam levis sit auctoritas notas 8 , p. 123 , Mém. cour., R. D. Ernst, qua ex similibus terlii Ordinis existentiam elicit saeculis XII et XIII.

To». XV. 2

10 COMMENT ARIUS DE TERTIO STATU

eorum libertatem fuisse minimam, quum ipse dux in anterioribus lit- leris de eadem re, ad an. 1243 ' , dicat constitui ( non rogari ) fide- )) jMssoresSeynensem,Gelderensemet Lossensem comités, Lovanien- » sem , Bruxellensem , Antverpiensem , etc., communitates.

III" Juvabit animadvertere, quod ratione tutelae liberorum Hen- rici III , quam plures ambierant , ipsaque mater Â.dela adsumpserat , idque non ex urbium et nobilium delatione, sed sua sponte aut ad summum ex praedictorum consilio ^, plures exstiterint discordiae, quae post aliquos annos fuere auctae ex eo , quod eadem mater , pri- mogenito suo ad regimen inepto , secundo-genitum suum Joannem ducatui praeficere conaretur , indigne id ferentibus Lovaniensibus et aliis, resque eo evasit, ut matri ac Joanni advenientibus Lovanienses portas praecluderent , et Bertholdum ducissae consiliarium tanquam hujus rei auctorem bello peterent, praedasque ex agro Mechliniensi agerent; at fusi fugatique pacatiores evasere\ Adelae igitur (Henrico ad cedendumjam satadulto) opportuna occasio visa est , ut qui ante Joannem ut principem recipere detrectabant , jam facile eum cum aliis ut talem agnoscerent. Itaque ut motus ulteriores praeveniret, proceres et plerorumque oppidorum magistratus Cortebergam convo- cavit, ut coram ipsis Henricus ducatum fratri Joanni cederet. Lova- nienses aliique ante refragantes eo etiam convolarunt, et admissorum veniam petentes reconciliati sunt , promittentes se Joannem in ducem suscepturos. Atque ita omnia pacata fuere, et motibus subortis finis impositus, et suborituris ostium praeclusum fuit , id , quod bac con- vocatione praecipue intendisse providam Adelam nullatenus dubito, non ita magistratuum aut procerum in cessionem consensum , tan- quam necessarium.

Non plus judicandum aut inferendum ex conventu Cameracensi, quia si ex praesentia eorum, qui notae cessioni interfuere, inferre liceret, eos ut membra Ordinum patriae curam gerentium adfuisse,

' Butkens , Preuves , p. 86.

- Yide Joan.\anEee\a, Slag van ff^oeringen.

3 Vide Divxum, Rer. Brab. , 1. X[, p. 121.

ORDINUM DUCATUS BRABANTIAE. 11

sequeretur etiam , episcopum Cameracensem atque abbatissam Nivel- Icnsem inter ea connumeratos fuisse, utpote ibidem similiter exis- tentes. Quis tamen id dixerit? '

Porro litterae confocderationum anni 1261 nihil omnino insi- nuant aut continent de novi ducis receptione, aut tutelae delatione, at solum de mutuis defensionibus, limitum patriae, ac privilegiorum conservatione meminefunt, quod quidem probat illos tempore , quo Brabantia per Henrici III obitum motibus et invasionibus expone- batur, bonum reipublicœ cordi habuisse; minime vero eos, tanquam Ordines co-regentes, tune exstitisse.

Quod autem Rom. rex Richardus burgensium et nobilium volun- tatem et consensum in memoratam ducatus translationem litteris suis requisierit, ad eumdem omnino finem fecerit; ne scilicet motus, quos exstitisse sciebat, iterum exsurgerent, si contra voluntatem praefatorum Joannes ducatum suscepisset; non autem quod eorum consensum et voluntatem ad validam cessionem judicaret necessaria. Sed et alia eum facile moverit ratio, proprii nempe interesse. Quum enim Bra- bantiae dux beneficiarius esset imperii , ac tota fere nobilitas cliens ipsius ducis , Richardi intererat , ut proceres et magistratus in illam personam conspirarent quae ducatui erat praeficienda , ne alioquin et ipsi jugum feudale detrectassent , et quum Alphonsus, Aragonumrex, se etiam ut Romanorum regem gereret , et ut talis ab Henrico IH ac Brabantis fuisset agnitus, non autem Richardus, hinc ut proceres et urbes sibi conciliaret et sibi devinciret, voluerit, ut ducatus translatio secundum eorum voluntatem fieret, licet hucusque nullum ad hoc jus haberent *.

Neque observationes bas infirmant, quae canit, et partim jam

' Ad hnec , si ex eo conventu pro translatione ducatus probari queat triuiu Ordinum existentiar jam saeculo XIII, quaero, quare conventibus annorum 1354 et 13S7, in quibus (ut infra pate- bit), similiter de translatione ducatus tractatum fuit, non iuterfuerint Praelati et Proceres, episcopus Cameracensis atque abbatissa Nivellensis? Quare conventui Cortebergensi , in quo de eadem re tractatum fuit, non iuterfuerint? Vide Div. , lib. XIX , Rer. Brab. , p. 122 , ubi ex tab. recenset qui inlerfuerint.

» Vide Des Roches , Epil. Hi$t. Belg. , t. Il , p. 156.

12 COMMENTARIUS DE TERTIO STATU

supra produximus, auctor synchronus Johannes Heeluensis cele- brem cessionem describens :

Te Corteberge dede mm comen

Die stade van Brabant clein ende grote

En daer loe ridderen en genote

En al die ghene d'magt aenlach, etc.

Quia hicper stade non status (uti non ignobiles voluere scriptores ') sed oppida [steden) designari , ipsa epitheta clein en grote luculenter indicant; sed et ipse auctor aliis locis se per stade oppida, sive ut nune loquimur, et facile minus recte ^ stede designare \elle, non obs- cure innuit. Ita enim paucis lineis superius scribit :

Want vanden lande die beste Beide van heeren en van staden Wjuden doen elc andere scade.

Voor de stade ende vor die mannen , etc.'

ubi per stade non status staeten, sed oppida stede eum expressisse, ex contextu et obvio sensu nimis apertum est. Accedit alium rhythmo- graphum de eadem saepe inemorata cessione agentem, atque Heeluensis rhythmos copiantem expresse vocabulum stede loco stade adhibuisse ; en ejus verba :

Voir die stede en voir die mannen Dat hyt opdroege daer Joannen *.

Quid clarius? uterqueeumdem omnino versum prodit, cur non eodem sensu? posterior utique, si legendo Heeluensis rhythmos per stade status

V. Mémoires cour. , 1783 , Ernst et Engels , p. 237 et 12.

^ Uti enim dicimus in plurali ex bacl , baden , ex pad , paden , ex blad , bladen , ita conformius et rectius videtur diceadum ex stad , staden, quam steden ; sed

Ut sylvae foliis pronos mutantur in annos , Prima cadunt, ita vcrbonim interit aelas.

HORAT.

3 Willems,p. 13 et 23.

* Joannis Clericus , vel quisquis alius, auctor chronici rhythmici incoepti circa an. 1313.

ORDmUM DUCATUS BRABANTIAE. 13

intellexisset, nullam sane litteram immutasset praecipue quae alium omnino sensum causaret.

Edmundum Dynterum , Petrum A Thymo, auctorem Magni chronici Belgici , aliosque antiquos chronographos ex comitiis Cortenbergen- sibusaliisqueactisOrdinum existentiam supponentes non moramur : constat siqu idem hos duobus fere saeculispost famosam ducatustrans- lationem scripta sua exarasse, promoresaeculi credulos fuisse, veram- que Ordinum originem nunquam ex professe indagasse, atque adeo facile, quod humanum est, committere potuisse. Sed quid ergo ex hucusque productis monumentis saeculi XII et XIII concludendum? Plus concludere non ausim quam supra, videlicet per relata viam quodammodo apeririet sterni coepisse, qua magistratus, accedentibus subinde novis privilegiis, ad alia et majora patriae negotia regulariter coregenda et contrectanda assumerentur et pervenirent. Sane quum memorata negotia dictis saeculis neque constanter aut regulariter contrectarint , neque ullum ad hoc jus reperiantur acquisivisse, nec grandem illa auctoritatem involvant, neque etiam majora illa patriae negotia, quae adjura regalia reducuntur, contrectarint , eo tempore nomen Ordinis eo sensu, quo id in usu est a tribus et amplius saeculis, ipsis minime convenit, aut profecto valde improprie, ast dum certo modo dictorum jurium, quae ad majestatem et patriae regimen

Sed id monenduni duxi, exemplar (quo uturjdifferrc in aliquibus ab aliis exemplaribiis MS. , ' lib. eaim IV, cap. XVI haec refert :

Nock lal ic u doen weten Dat IC hier voer heb vergeten Daer u van hertoge Jan begorute

Daer l'c noch af bebbe Tonden Scoene ryme en vraye woirt DU tôt sire materie hoirt

I>fy is leet dat ics vergal

Daer 't souda staen te siere stat.

Quae in picrisque aliis exempluribus non iaveniuatur, quibus indicat auctor autinterpolator, dum eo pervenerat, se rcperisse rhylhnios Joiinnis Heelueiisis,nain, quae statim ex illis rhythmis recenset quasi umniinudo conrormia sunt svriplis citati Johannis , excepto quod stede loco stade scribere soleal. Joaonis Cierici chronicou rbylhinicuia Willemsius noster edidit, 2 vol. in-4*.

14 COMMENTARIUS DE TERTIO STATU

spectant, participes fieri coeperunt, videntur formam Ordinis induere coepisse. Quandonam autem, et quomodo id factum sit modo latius exponere conabimur.

CAPUT II.

De majoribus privilegiis et jurihus , quae saeculo XIV adepti et prosecuti sunt oppidorum ac municipiorum magistratus , quibus et perfectam formam Ordinis induerunt.

Plura privatim singulis Brabantiae oppidis et communitatibus pri- vilégia concessa fuisse ante saeculum XIV, ex chartis singulorum no- tissimum est, neque adeo probatione eget : verum privilégia ipsis om- nibus et singulis communia, et communiter data aut promissa, eo tempore sat rara erant. Memorato vero saeculo non tantum plura privatim obtinuerunt, sed et varia ipsis communiter fuere promissa et concessa, atque inter illa tanta et talia, ut inter regalia et majes- tatis jura a juridicis reputentur. Talia enim ab ipsis enumerantur : l*' Monetae percussio et evaluatio , Bellorum susceptio , Pacis conciliatio ; Patriae limitum et domaniorum conservatio; Tal- liarum, directio , aliaque quorum partialis ' contrectatio et co-rectio ipsis diverso tempore et quasi gradatim fuere promissae et concessae. Dum autem hisce se immiscere , et ad haec cum principe concurrere coeperunt ex jure, promissis acquisito, veram corporis istius politici, quod nomen Ordinis sive status meretur, formam induere coepisse , recte putem judicari ; non autem dum quasdam hujus corporis lineas rudes accepere, dum (inquam) quaedam patriae negotia, etiamsi gra- via, ex speciali gratia subinde contrectasse reperiuntur.

Porro talium jurium sive privilegiorum saeculo tantum XIV , ma- gistratus participes fieri coepisse non ante, eaque gradatim obtenta

' Partialis (inquam) co-rectio , quatenus talia etiam ex magistratuum consensu aut consilio de principum promissis et concessionibus erant expedienda, tractanda aut regulanda, quod minime principum supremitati officere demonstrat Zypœus, lib. IV, Jud. , pag. â2S et 326, edit. Antv., 1632. Quin imo eorum prosperitati multum conduxisse et quo Ordinum major erat auc- toritas , eo magis floruisse Brabantiam , facile demonstrari posset.

ORDINUM DUCATUS BRABANTIAE. 15

excrcuissc et continuasse, utque ita adeptos etiam alia pedetentim perfectam Ordiuis formam obtinuisse, denionstrandum restât.

Quantum ergo ad I"™, Monetae percussio et evaluatio a tempore, quo jure illo principes nostri gaudebuntad saeculum usque XIV ex eorum solo videntur factae arbitrio : nullum enim instrumentum etiam ad rem monetariam spectans ante dictum saeculum conditum quidpiam de magistratuum ad hanc materiam innuit concurrentia. Anno vero 1313 de consilio oppidorum et communitatum promittitur mo- neta cudenda et evaluanda , « item ( inquit dux Joannes III ) soo or- SONEREN wi : dat men nog slaen nog maeken en sal eenigh pen- ninck in Brabant ten sy in vry steden, en by raede van onse voors. steden en ons lands voors. , en desen penninck sal men werde- ren en houden in goeden pointen by raede der voors. steden ende des lands voors. ' » Idque postmodum continuo repetitum videre est in celebri contractu anni 1339, Flandros inter et Brabantos art. V *, laetis introilibus Wenceslai et Joannae, art. XIII, Antonii art. IX, Philippi Boni, art. XXVI, Caroli Audacis art. X, aliisque insequen- tium ducum tabulis. Sed ne exempla desint , quibus promissa in eflectum deducta fuisse constet, pauca promemus; ac 1^ quod modo anno 1336 pro evaluanda et cudenda moneta cum principe délibé- rasse reperiantur : testantibus id ipsum duce atque Hannoniae co- mité in hune modum : Nous Guillaumes cuens de Haynnau, et nous, Jehans, duc de Brabant, faisons savoir à tous, que nous... par grand conseil et par grand délibération, que nous avons sur ce eu (agitur de moneta) maiementpar lassent et l'accort des nobles et des bonnes villes de nos pays, nous sommes andoy , etc. '

2" Ëadem de causa an. 1370 mense junio Lovanium convocati fuere, uttradit, qui sua exarchivis Lyranis deprompsit. Van Lom *.

3'' Anno 1 420 ex trium provinciarum conscnsu et consilio cusi et

Loovens, t. I , p. 32.

* Loovens, l. II , p. 38 ; Item , t. I , p. 54 , 83. » Mieris, Charter B., t. II, p. 575.

* Beschryving van Lier , p. 3 1 .

16 COMMENTARIUS DE TERTIO STATU

evaluati fuere nummi, nomen congruenter sortiti, Drielanders , de quibus ita Rhythmographus aequalis. '

1420. . . . Dede [Johannes IV) den penninck slacn, mit wetm. Die drielender wert geheeten, Want die munt vore vercleert Biden drie landen was geconsenteert : Brabant, Henegouwe ende HoUant, Ende overdragen sy u becant, etc.

40 Annis 1434, 1436, 1474, 1481, 1491, de eademre Ordinescum duce tractarunt, uti in Ms. ex archivisBuscoducensibus circa an. 1516 confecto, mihique commodato, reperio; citatis en im respective annis haec praemittuntur : By den voors. héritage ende den staiten van zynen landen wairt gemaict een valuacie van verscheyden munten en pen- ningen... in manieren hier nae volgende , etc.

Neque minus saeculo insequenti oppidorum magistratus et reliqui Ordines evaluationi se immiscuere. Testes habemus tabulas et chartas hucusque reliquas, Ita charta apud Willem Voesterman in den Gul- den Eenhoren an. 1514 impressa, haec habet opten xxvni dach in jullio an. XV<= XIIII ter begeertevan den staten van Brabant te dier tyt te Bruessele vergadert synde... want by den générale meesters van der munten bevonden es.... soe es geordineert, etc.

Anno quoque 1521 , die 15 augusti, item 1529 die 15 et 18 junii Ordines provisioni et evaluationi incubuere. Et rem banc ex Ordinum deliberatione peragi consuevisse, sat déclarât sequens praelatorum circa an. 1636 ad cancellarii propositionem responsum : Aengaende den stuck van den munt, want de prelaten hen des egheensints en ver- staen en daer inné ontivyffel is gelegen de icelvaert oft tverderffenisse van den landen , dunckt den prelaten dat men den tvaerdeyns en aile anderen hen des verstaende , behoert in H particulier en elcken besun- der te doen comeîi voor de drye staten , om elcks opinie te hooren , on-

» MS. De Brabantsche Feesten, 1. VII, C. 75 mihi.

ORDINUM DUCATUS BRABANTIAE. 17

der bohoorlyken eede te vercleren van de waerheyty en elck opinie vercleen int geschrift le slellen, om dat gedaen tbesle en dapparenste daeruutte nemen ende dan voers daeropte anltcoerden, alsoemen zal bevinden nae aile redene ten meeste profyte van den lande behoe- renden. Chartam, ex qua haec, ipse possideo.

Si alia arrideant excmpla, proanno 1577, immo et 1611 , \ideaii- tiir libri cdictorum , t. 2, p. 503 et 523 edit. Antv. 1648. Utadeo lu- culeuter patcat, tam exemplis quam proinissis jam ab anno 1313 oppidorum magistratiis rem monetariam cum principe curasse, quod saeciilis siiperioribus haud reperire est, aut certo rarissime.

Qiioad II. Belli dcnuntiatio aut susceptio Brabantiam tangens, ad saeculum usque XIV, ex solo ducis arbitrio et \oIuntate pende- bat ', eo ■vcro ex oppidorum etcommunilatum consilio etconsensu in perpetuum promissa est facienda : articulo enim secundo celebris con- Irac tuscumFlandrisan. 1339,italoquuntur dux Brabantiae et Flan- driae cornes * : Item ( is geaccordeert en overeengedragen ) dat wy hertoge (Jan) ende grave {Lodmcyck)...onse naekomers. ..nimmermeer ooRLOGiiE BEGHiNNEN oft voREN A.ENGRTPEN mogen op ymanden sonder deîi RAED , wiLLE ENDE CONSENT VAN DE TWEE LANDEN ( Brabant en Vloende-

Id satis constat tam ex ipsorum ducum , quaiu burgensium litteris. Audi an. 1234 Henrici II lilteras : >< Insuper adjectum est, quod scabini ad exactionem et statutum nobis faciendum de Il bonis suis juxta facult.ites suassolvent, et in expeditionibus nosiris nosirorum ubique a nobis i> contocati fuerint , de propria bursa expendent*. » Item tabulas Joannis II an. 1312 : <> Foeit >• willen wy soo wanneer dat nien lierweert ** gebiedt in onte lande en onse lieden gemynelych uyt- " vaeren dat niemaut thuys en blive , wy en gevene hem selve oorlofmet onte monde. >• Lib. cdict. , t.I,p. 1 IT.Civium lilterae nn. 1261 id etiamiuculenter indicant; sonant enim in hune modum : •t Si alicubi terminos terrae abbreviari perceperimus , vel jura domini nostri occupari seu in 1' aliquo dcbilitari (quod Deus averlat^ hoc dominae vel domino ipsius terrae, qui tune esset , X quanto citius possemus, intimare dcberemus, ut $i taliê animi foret quod ad hoc emendau- » dum atque ad debilum statum reformandum instare vellet ad assistendum ci , tient tenemur , <• rébus et corporibus nus semper paratos et benevolus exhibebimus. » Apud Mira:um , tom. I , Dipl. , pag. 429.

* Looven», t. III , p. 87.

* V. Luytter van Brab. , part. I . p. 43.

" 1(1 est heerevaert sive keirvaert , cxpctlitio. De qua rc . si lubcl . vide Van I.oon in nolis ad Klaa» Kolyn . p. 181 . Item Oudenliuven , Oudt en nieuw Dordrtcht , p. 174 , edit. llaerl. , 1C60.

Ton. XV. 3

18 COMMENTARIUS DE TERTIO STATU

ren). Idem confirniarunt in laetosno introitu Johanna et Wenceslaus art, IX , et de novo promiserunt art. X, quo ita fantur : dat {wy)nim- mermeer oorloghe begutnen en selen... noch doen op jeinanden het en waer by raede , wille ende consent onser steden en ons land ' . Inse- quentes etiam principes idem promissum voluere , ut videre est in laetisintroitibusAntonii, art.VI,PhilippiBoni, art. III, Caroli Auda- cis, Mariae, Caroli V, Philippi II, Alberti, etc. itidem art. III. Et plerumque illis temporibus observatum id fuisse pbis quam verisimile est : refert namque Dinterus % Joannam post mortem viri sui ducis Wen- ceslai, cum dux Geldriae bellum moveret terrae Brabantiae , dixisse: « Modo est tempus , ut exeam ad repellendas injurias per ducem Gel- » driae illatas et inferendas, vel yerba similia in effeetu , et eo tum » mandavit très status Brabantiae describi ad dietam in Bruxeila.... » in qua quidem dieta comparuerunt coram ipsa praelati, barones, » nobiles, milites vasalli feudales et deputati oppidorum et Franci- » siarum patriae Brabantiae , ubi fuit concordatum et ordinatum , )) etc. ))

Consonat auctor Chronici Rhythmici de eadem re commemorans :

Een dachvaert maeckt sy te hande En nom raedt met haere lande, Hoe srj mochte wederstaen Den hoogmoet die haer was gedaen, Daer soe overdroech te hant, Vrou Johanne ende dland , etc.

Et hinc duci Antonio anno 1407, quod Ordinibus exponere nollet, quem bello impetere intenderet, auxilium a plerisque oppidis dene- gatum fuit ^ , et reipsa bellum sinepotiorum civium adjutorio confecit,

' V. Loovens , t. I , p. 83. Ex hoc articule refert auctor hujus comracntarii (/l/ém. couron , an. 1788, p. 1-4), duces nostros promisisse res gravissimas secundum nobilium et civitalnm placitumetassensum seperacturos ; sed erronée, quum in eo articulo nullum vesligium promis- sionis nohilibus factae sit videre, ut salis ex tenore ipsius articuli liquet.

' Chron. lib. VI , c. S2.

' V. Des Roches , Epit. Hist. Belg. , t. I , p. 283.

ORDINUM DUCATUS BRABANTIAE. 19

ut (qui oculatus potuit esse testis) citati Chronici Rhythmici auctor iterum tradit :

Sj/n land vraeghde met wyshede Waer hijse (Antonius) henen leyde xcilde , Tôt wat ooirboire ende op wien, En om wat saken maer van dien , En dede die herloge geen berecht, Maer ht begeerde als boven eclit Dienst , soe hy voren hadde begeert ; D'Edele hebbent geconsenteert , Voir hen selven alte hant, Maer die sleden van Brabant En wildcD die begeerten des heeren Soe lichtelic niet consenteren,

die alleyne

Van Antwerpen volgde hem nair, Entie Van den Bossche, dat is waer*.

Ànno item 1415 aliqualis oppositio ex parte oppidorum, quoad auxilium abeodem duce petitum, yidetur exstitisse ^ , eo quod bello gallico, Brabantiae penitus extraneo, nec in rem Brabantorum sus- cepto^ se implicaret; et bine etiam sub Philippe Bono videtur cautum% ut Brabanti a belle Gallico et Leodiensi , cui , dum Brabantiae dux inaugurabatur , erat implicitus , essent immunes , ut pote quod non ut Brabantiae sed tanquam Burgundiae dux ac Flandriae comes tum gerebat. Sub Carolo Audaci non absimilia leguntur, et sub Carolo V subsidia quaedam tantum concessa reperiuntur in patriae defensionem, quem finem a principe intentum fuisse etiam cancellarius Ordinibus promisisse reperitur. Edelheden (inquiebat ad illos *) mogen versekert worden , dat de voorsbede tôt gheenen anderen oirbaer geeniployeert en sal worden dan totter oorloge gelyck Haere Majest. uwer eenc. en

I Btfm Cronyk , lib. VII , cap. mihi 8.

* V. Divxiim, Rer. Brab. , lib. 17, p. 1212 et 219. Item, An. Lovan., p. 41 , edit. 1757.

* Art. m laeli introit. , Luyil. van Brab. , p. 66.

* MS. coaeviim pênes me.

20 COMMENTÂRIUS DE TERTIO STATU

eûûcell. geloeft en toegeseyt heeft '. Ac proinde sat liquet, magistratus seu oppidoriim deputatos, reliquosque ordines de bello suscipiendo , sive gerendo a saeculo XIV, consultos fuisse, et de eo curn principe délibérasse etc. Ad aliud igitur, inter regalia jura reputatum, pro- grediamur, pacis videlicet conciliationem ac foederum junctiones.

111° Quod attinet pacis conciliationem et confoederationes, hae quoque ex solo ducis nutu seu arbitrio ad saecuhim XIV usque factae fuere ' j tune autem , anno videlicet 1339^ de oppidorum ac munici- piorum seu magistratuum consilio et assensu faciendae promissae fuere. Etenimart. Illcitaticontractus inter Flandres et Brabantos ita sonat : Dat deen heer en syne la.nden nimmermeer vrede bestant , PEYS EN A.CC00RT maeketi zoude ^ . Quod clarius exprimitur art. III et IX laeti introitus Joannae et Wenceslai, quibus memoratus contrac- tusconfirmatur : et hinc videntur nominati principes rogasse et jus- sisse principaliora Brabantiae oppida, ut instrumentum, quo decla- rabatur Wilhelmo Bavaro concessa facultas per arbitrium suum conciliandi pacem cumFlandris, subsignarent % quod et fecere Lova- nienses, Bruxelîenses, Antverpienses, Buscoducenses, Thenenses, etc.

Idem postea practicatum , instrumenta, quae supersunt, demons- trant : ita enim videre est in tabulis pacis Atrebatensis et Sylvanec- tensis anni 1435, 1482, 1493 in libro illustrissimis Academicis certo ad manum, cui titulus : Recueil des traitez de paix , Rotterd., 1693,

' Plura in hanc rem accumulare possemus ; sed haec suflîcere visa sunt. Intérim vicleri pos- sunl, cui ad manum sunl, Chron. Rhtjthm., I. Vil , c. 62; Flandria Generosa, p. 13-4 , cdit. Bruxell., 1781 , ubi reperireest, quomodo principes nostri de bello Brabantiam conlingentc staUis seu Ordines consuluerint.

' INullum enim pacis inslruraentum fquanquam centena ante annum 1339 condila evolverim) reperi, quod vel a longe indicaret , eam eo usque de magistratuum consensu conciliatam fuisse , aut conciliari debuisse ; neque etiam confoederationes ex eorum assensu Ceri debuerunt, aut fa- ciendae promissae fuerunl, uti ex hujus rei inslrumentis apud Mieris , t. I , p. 138, loi . ^â-i , 463, 463: tom. il, p. 18, 107, 199, 218, 261, 262, 463, et Butkens, Prewc, p. 130,133,167 liquido constat, eteniin in iliis nec vola nec vesligium occurrit exquisiti aul adhibiti magistra- tuum consensus. Nisi vererer longior esse, pacis instrumenta citata adferrem; sed haec ab Aca- demicis possessa me bonae fidei esse in citando évincent.

•* Apud Bulkens, Preuv., p 191 ; Mieris, Chartb. , t. III , p. 23.

^ Apud Loovens, t. Il , p. S,7.

ORDIINUM DUCAÏUS BRABAiNTIAE. 21

t. I, p. 13, 270 et 565; quas brevitatis gratia citasse stilTicict.

Porro, ut pliira praelercainiis, adhuc anno 1529 confirmatio pacis Cameracensis cxpetitur ab Ordinibus ; parellemeni (inquiebat Cancel- larius ad Ordines) Vempereur a promis de le faire ratifier , promettre et jnrer de V entretenir , garder et observer par ceclx de ses États, particuliers depardeçà et oultrespar vous mess"^» de Brabant, à la- quelle cause Madame la Gouvernante désire en ce estre satisfait ' .

Item anuo 1547,diexidecembris, canceliarius Ordinibus proposuit, quani necessaria foret propatriœconservationeconfoederatiocum im- perio, eamquejam satis conclusam , sed eorum ratibabitionem adhm* desiderari : datter anders niet resteerde dan dat die staeten gaven (ut sonant aequalcs litterae) heuren hrievenvan ratificatie gelyk dat gere- quireert is. Igitur et haec ad Ordines spectasse liquet. Sed quum Bra- bantiac duces continuo nova acquirerent domania, variaque extra Brabantiam possiderent, quorum occasione interdum bella sustinere autsusciperecogebantur, foederaquejungere quae Brabantos specia- liter non contingebant, aliaque obstacula subinde émergèrent , haec aliaque recensita et recensenda tam stricte observata non fnerunt, quin partini in desuetudinem abierint, rationem hancquoque insi- nuante ipso Carolo V, anno 1549 in laeto introitu filii sui Philippi : tcant in de blyde inkomste , die icy en onse voorvaderen gesworen hehben eenige puncten ende saecken syn alreeden ende geheelycken volbrachf : andere , die niet onderhotidelyck nog gevueghlyck en syn ter welvaert , vrede ende rust des selfs lands , soo, etc. ' Ad aiia proce- damus.

1111° Quantum ad Brabantiae limitum et domaniorum conservatio- nem, haec ex solo principis nutu ad saeculum XIV dépendisse vi- detur ', eo autem, nempe anno 1314, magistratibus oppidorum

I (.harta pencs me.

* V. Louvens , t. I, p. 259.

^ Nihil enira ante hoc sarciilum rcjierilur en de re procerîbiis aut magistratibus promijtsum , ni-- queulluiiiputocx8tarcexrmpliimconsiliiiiiagistratuumadtaliatumadhibili;at!icetctiamcxcinplu occurrercnl , e\ gratia idfacluin pot; us, quant jure, judicanduin furet, quo usqucquidpiam circa id promissum repcrialur. Sacculo quidcm Xlli* pro palriae limitum conservationc et defcnsionc

22 COMMENTARIUS DE TERTIO STATU

promissum fuit absque eorum consilio alienationes, diminutiones aut aggravationes preedictorum haud factum iri. Item promittit dux Jo- hannesIII , a Qu'on ne saillera ment de nostre sayel en grosses causes, qui puissent trouver à encombrier ou domaiger à nous ou à nostre terre, s* ce n'est par le conseil de bonnes villes. Item que nous ne ven- drons à nulluy mérite pour son service de nostre héritage, mais de nos biens moebles, ci ce n estait par le conseil desdits villes et dou païs ' . » Idem et insequentes duces promisere et confirmavere, uti videre est in laetis introitibus Wenceslai art. III et VII, Antonii , Philippi I, Caroli I, Philippi II, Alberti etisabellee, etc. art. itidem III. " Et hinc anno 1357 à magistratibus signatas voluisse putamus Wenceslaum lit- teras (de quibus supra) , per quas Wilhelmo Bavaro potestas conce- debatur conciliandi pacem * , qua facile Brabantiae pars avellenda vel gravanda tiraebatur, quod etcontigit, Idemjudicium sitde litte- ris, quibus Heusda memorato Wilhelmo anno 1356 cessa fuit *. Atque hinc etiam alienationes et oppignorationes domaniorum ex Ordinum consensu posterioribus temporibus factae leguntur, plerumque sub his verbis : by tvete ende consente der drie staten des lands , etc. Uti ad annos 1457, 1505, etc. , affatim videre est apud Le Roy inNotitia Marchion. S. R. I. p. 301 , 291 ,294, 361 ,387, et copiosius in ipsius libello Institution de la chambre des comptes p. 43 et seq. Et haec igitur post saeculum XIII ad oppidornm et municipiorum magistra- tus , quatenus Ordinis formam assecutos, pertinuerunt.

Denique (ut minora praetereamus ) subsidiorum directio et col- lectio, quae secundum principum voluntatem saeculis XII et XIII videntur factae per eorum receptores seu quaestores, ^ saeculo XIV

convenisse, foederaque junxisse magistratus , jam supra demonstratum est; verumid potiusin favorcm principis et patriae actum , quam ut ipsins jus limitarent , sibique taie arrogarent, ipsa iDStrumenta sat ostendunt. Vide supra notam 1 pag. 17.

' V. Loovens, t. I, p. 34.

- V. Luysler van Brab. , p. 2 , p. 4 ; Loovens , t. 1 , p. SI ; Anselmo , Cod. Belg. , pag. 60 , 85 , U9, etc.

' v. Butkens, Preuv, , p. 191.

< V. Mieris, Chartb. , t. III, p. 00.

^ Id satis apertuiu videtur ex eo , quod ante médium saeculi XIII principes nostri quasi pro

ORDINUM DUCATUS BRABATSTIAE. S».

potissimum concreditae fuerc oppidorum magistrutibiis. Ita videreest ad anniim 1314, dum ex generoso et affectuoso erga ducem animo, ipsius, in qiiae successerat, débita, cum abbatibus etsuperioribus ple- rorumque monasteriorum ' in se susceperunt, et ex ipsis receptores dictorum subsidiorum fuerunl constituti , qui et patriain cum quibus- dam nobilibus rexisse leguntur in ipsis ducis tabulis, in quibus se- quentia : JViJan.... hertoge van Brahant.... doen cont.... dat wy.... met raede.... hebben geset om te berechlene ons ende ons lants fonsen besten ineften onsen edele lieden minen heere Geerarde heere van Diest.... minen heere Daniel Van Boeckhoult, riddere, ende andere goede lieden, seckere persoonen uyt onsen goeden staden van Bra- bant, die daer toe ghecosen en gheordineert syn.... en hebben hen.... aile ons goet.... in handen geset en willen /", dat hen in handen kome om, te beheerne in oerboere ende in profite ende ons lants, etc. ( LiTTST. VAN Brab. , part. 1 , p. 82.)

Quum idem dux anno 1334 iterum multum gravaretur aère alieno ex praecedentibus bellis maxime contracte, visa fuit nccessaria sub- sidiorum petitio : itaque oppida et quaedam " monasteria petitioni consensere; directio autem seu collectio potissimum oppidorum ma-

nutu tallias imponerent maxime immédiate sibi subditis , et adhuc anno 1293 Joannes I declaret, se suosque praedecessores illos liucusquc pro libitu lalliasse : u {Sauf ce que nous puisâiens tailler Il ceautque nousetnoancesseur atons taillé juske à oresà!<o voLOi«Tt(v. Butkens, Preuv., p. 130);» atque adeo etiam pro nutu videntur constituisse receptores. Idem monumenta ^eculî insequen- tis XIV insinuant , co enim adhuc ducis quacstorcs reperiuutur subinde precarias récépissé. Exemplum habcmus ad an. 1332 , quo Joannes de Halen , dictus de Mirabello, rcceptor Bra- bantiae pro duce Joanne III summam 12000 Ib. a Bruxcllensibus concessam recepit, simile ad an. 1805 videtur reperiri (Litt. hujus rei exstant in '/ 5irer<-/?ôecA, p. 18 et alibi.)

I rierorumque (inquaiu) monasteriorum , quia non omnium monasteriorum superiores vi- dentur in memoratum subsidium consentisse , quum Icgamus an. 1315 Villarienses solvere non volentes ncc valentes talliam impositam , asportantes bona sua mobilia exivisse domum suam et confugisse in Camberonam, Alnam et in locum S. Bernardi et ad terram Namurcensem (v. Mar- tene et Durand, The*. Anecd, , t. III, col. 1298).

' Scribilur quaedam, quia 25 ex pricipalioribus se exaction! seu subsidio petito opposuerunt, ut demonstravit auctor in Commentario cui anno 1783 Academia palmam detulit , p. 46 et 62, et sntis constat ex litteris ipsius ducis an. 1336 , in quibus haec : « ff^ant ttoiste , clebat , discoert i> en ghedinge hceft gcweest tusschen ons in deen side en een deel ran den ahden , abdissen , prio- n rinnen , . . op dander side, etc. (V. Luystertan Brab. , p. 102).

24 COMMENTARIUS DE TERTIO STATU

gislratibus fuit demandata ' ; ex his enim proprio consilio quatuor erant eligendi , nempe duo ex Bruxellensibus et duo ex Lovaniensibus, qui cum duobus nobilibus ex ducis consilio assumptis pecunias colli- gerentet expenderent. Quinimo ipsi magistratus seu consules videntur cum duce ipsiusque consiliariis, monasteriis quodammodo contribu- tionem injunxisse '; etsi litterae ducis 16 octobris anno 1334 de hoc subsidio datae id nonenuntient, sed potius, ea omnia ex pleno con- sensu contribuisse innuant.

Neque alia desunt exempla, anno 1372 iterum ex oppidorum ma- gistratibus quatuor receptores fuere constituti , qui cum duobus nobi- libus pecunias ex inquisitione in magistratus provenientes ' colligerent et expenderent et circa idem tempus subsidiorum, pro liberatione ducis atque nobilium infeiici pugna Basweilleranae captorum liberaliter promissorum, directionem aliqualem praetenderunt, scribente Din- tero: a Oppida et villae Brabantiae obtulerunt.... duci in subsidium » redemptionis suorum fidelium.... summam 900,000 mutonum * sed » solus dux voluit hahet^e dispositionem, unde ortum est dissidium ' . » Concordant chronicon Rhythmicum sive Brabantsche Yeesten :

Aldus is twist geresen .

Tusschen den hertog en die steden ,

Int ontfanc van deser bcde.

' V. Luyst. tan Brab. , p. 1 , 98 ; Loovens, t. III , p. 32.

' Id ex ducis litleris anni 1338 liquide constat, in his enim dux ait : « Caeterum licetpraeclara » sacrae religionis mérita digne nos moneant, quod nos religiosarum personarum quarumlibet » utilitatibus votive teneamur intendere , ac easdem favore prosequi . . . illas tamen personas " religiosas . . . ampleclimur charius . . . quae tempore discordiae quondam (1334) subortae 1) internes ac religiosas ... se nobis ac nostris nobilibus * bonarum villarum consulibus , )> quantum cum Deo poterant, dévote humiliterque subjecerunt. " Autographura lilt. pênes me.

' V. l.oovens, t. 111, p. 57.

* Lib. 6 , cap. c. 10.

^ Quam ingentem summam monetae modernae hi Mutones conficerent, docte demonstravit D. Ghesquiere in utilissimo suo opère : Mémoire sur T Histoire monétaire des Pays-Bas, pag. 13-4 et seq.

* Nobiles , de qtiibus hic mentio . crant ducis consiliarii , lit liquct ei aliis cjusdcm ducis littei-is de codcm subsidio cditis , in quibus id nomen in terminis reperitur : » TFant wi mit onsen rade en met onsen stede aenzogt hebben » eenen eersaemen vailer , heere Janne . . . . biscop van Vtnchl ende hêtre van Diest, van 100 i6. en 50 on-

ORDINUM DUCATUS BRABANTIAE. M

Dissidiiiin iiliid contractibus Braiiiensi et Yuruno ' fuit terraiim- tum, et pro recipiendis et expendendis subsidiis concessis sex aut phi- res ex oppidis fiiere constiluti cum quatuor nobilibus, duo videlicet ox consilio Cortebergensi et duo ex cominuni patria '.

Anno 1388 soli cives babuisse videntur curam colligendi etexpen- dendi subsidia. Priiioeps cnim Joanna in tabulis ea de re datis ait : Item dat al dat gelt, dat van den voirscreven diensfe comen sal , tôt alsuclken steden en by der gheenre handen ontfaen en uylgheven sal tcorden die oiise steden daer toe geordineert hebben en nymene anders. Brussel, 28 jul. 1388, Swert-boe/c, p. 109.

Sed neque saeculum XVI suis caret exemplis, anno namquc 1506 die22aug. reperio Ordines consensisse in summam, pro inlertentioue 2000 pedituni et 1000 equitum necessariam, sed sub bac conditioue : J)at de 4 hooftsteden den ontfanck van bede soude hebben en de knech- ten soe te voet als tepeerde betaelen (MS. synchronum pênes me), fio

I Hic iterum observandum , etiamsi labulae pro hac re conditae sonent ac si raonasteria in quotam 115,000 consensissciit , rêvera matjislratuii potissimas partes e(;isse , et quasi taxasse monastcria , quiim pleraque iterum se opposuerinl , ut omniuo liquet tain ex instrumente concordiae an. 1377 (quod ex rarissimo Chron. Bonae Spei produxil Adrianus Heyien, comm. cit. p. 62), quam ex tabulis seu elencho capitationis pro collijjenda summa confecto. In eo eniin (in quo unines personae enumerantur, quue conlribuerunt) nullos religiosos reperireest, exceptu abbate Gemblacensi , de quo ita : « Jtem den abt ran Gembloers tnelten Xllll moniken, XXXVl » inoUoen. « (Exstat apographum in 't Swert-Boeck, a fol. 44 usq. 76 et alibi. V. Diva;i, Rer. Brab., lib. .\V,pag. 186, 1H7.) Quura igilur nihil Inic in dicto elencho de aliis monasteriis reperiatur, recte videtur inferri pleraque anle terminatam discordiam anni 1377 non contribuisse, et invi- tos taxatos fuisse. Porro in precaria anni 1383 jam sponte videntur contribuisse, quum in tabulis pro ca confectis acque recenseantur illa raonasteria corumque quotac ac alii conlribuentes. (Apograph. cil. , lib. Stcert-Boeck, a pag. 90 usque 106.) Sunt autem illu, quae produxit Adrianus Heyicn loc. cit., p. 31, cui certo hae tabulae fuere incognitae, quum alias bas ut antiquissimas , quae primi status membra continent, citassset. His conformes sunt tabulae an. 1443, 1451, 1485 (loco cit., pag. 470, 555, 423), et quas mox laudatus scriptor allegat. Libuit haec pnulo prolixius referrc , quia lucem non parvam affundunt chartis obscuris et Ordinuiu constitutioiii vcl ]>otius effoi mationi.

- Vide Luysler van Brab, , p. 1 , 166 et seq.

gênent le onsen orlogt en onter teoud bthoef, etc. •> 37 septeinb.1535. Hic eoim , qui anno 1334 à prio- ci|>c vocantur nobiles, et precariam , ut rocabant, cum consulibus direxerant , nunc ont« rade, *ive coDÙliarii iodigitintur.

Ton. \V. 4

â6 COMMENTARIUS DE TERTIO STATU

Anno 1522 die 24 januarii ferme idem obtigit; consenserunt enim Ordines in summam petitam sub his conditionibus : Bat de 4 hooft- steden hebben den ontfanck van de penningen , ende oock nemen de monsteringe van den volcke van oorloghe , die sy souden hetalen by advise van den grave van Buren als capityn generael ( MS. apud me).

Liquet proinde rem subsidiariam asaeculoXIV per cives seu perop- pidorum electos potissimum curatam fuisse. Liquet etiam ex adductis hoc capile monumentis caetera adjura regalia spectantia a saeculo XIV non ante a magistratibus itidem contrectata fuisse; atque adeo fun- date ex conglobatis hucusque circumstantiis et testimoniis concludere mihi liceatjper ea magistratus pedetentim ad perfectamOrdinis formam pervenisse. Allegata enim (ut minora taceamus) jura et privilégia, quorum participes fuere dicto saeculo XIV , talia ac tanta sunt , ut non nisi principibus Ordinibusque pleraque convenire possint, ut fa- cile quisque concedet.

Porro ut clarior esset Ordinum origo et progressus , non tantum hoc capite ob oculos posui saeculi XIV fréquentes consulum aut aliorum magistratuum membrorum , pro negotiis gravissimis , convocationes et comparitiones, anterioribus saeculis quoad talia insuetas, eorum consilia et consensus adhibita fuisse et adhiberi debuisse , operamque patriae regimini passim immixtam fuisse, etc. ; sed etiam adduxi tem- pora et gradus acquisitionis potiorum privilegiorum aut jurium hoc saeculo obtentorum , et quasi regulariter postea observatorum , ut adeo (his bene perpensis) putem sagaces nec sinistrojndicio praeoc- cupatos lectores mecum sensuros per gradatim acquisita privilégia majora, quae recensuimus, magistratus pedetentim perfectam Ordi- nis co-regentis seu de majestatis juribus, certo sensu, participantis formam induisse, et superioribus saeculis (uti capite I ostensum est) sibi per minora viam aperire et sternere coepisse, qua ad majora per- venirent.

Quum autem pleraque recensita privilégia sive jura modo ante lae- tumWenceslai et Joannaeintroitum acquisita et in usu fuerint, atque per hune confirmata sint, novisque promissis aucta, et reliqui laeti

ORDINUM DUCATUS BRABANTIAE. tf

iutroitus, quasi pro fundamento habuerint memoratum Wenceslai introitum , \idetur magistratuum seu commuuium Ordo per eumdem quasi colophonem acccpisse reliquisque conservasse : ita ut sano sensu dicere liceret, ex adductis inonumentis, anno 1314 principa- liora Status seu Tertii Ordinis (ut nunc vocamus) fundamenta jacta fuisse ( patriae tum curacivibus potissimum concredita), structuram autem potissimum consummatum anno 1356, quando Wenceslaus et Joanna inaugurati fuere , licet ei nomen Status in publicis actis ' solum saeculo insequenti XV legatur tributum.

Caeterum quum quaesito academico de tempore quo formatus sit ordo Tertii Status , addatur in qualitate seu tanquam repraesentantia populum in comitiis, quaedam circa hoc enucleanda supersunt.

CAPUT III.

Examinatur utrum magistraltis oppidorum et municipiorum populum, semper repraesentarint.

Non otiose post quaesitum quomodo Ordo (quem Tertium modo nominamus Statum) formatus sit, additur in qtialilate seu tanquam repraesentans populum, in comitiis ; non enim id adeo evidensest, neque aliquando controversia caruit. Et enim jam abhinc saeculo vir cl. de Pape, consilii privati praeses, scribebat * : a Les nobles ont quelquefois voulu soutenir qu'ils représentoient et comparoissoient pour tout le plat pays, et que le chefs villes n'avoient à parler que pour les chefs villes et habitans cTicelles même, pas pour les autres villes. »

' Fortasse ipsimet Ordines in Brabantia anno 1420 priraum nomen Slatu» abhibuere in tabulis , quibusPhilippo comiti S. Pauli , fratri diicis Joannis IV, patriae gubernationcm decreverunt. In bis haec verba leguntur : « Byder ordinantiender dryer staten stands van Brabant , etc. » (lib. I . edict., p. 568.) Scio equidem in synopsibus aliquarum tabularum paulo antiquiorum nomen Status reperiri ; sed in corpore illud non occurrit , et quum synopses soleant eiise adjectae et ta- bulis postcriores , facile ante citnlum annum 1420 in labulis Brabantini» non invenielur.

^ Remarques sur la joyeuse entrée , etc.

28 COMMENTARIUS DE TERTIO STATU

Ratio nobilium facile fuerit (neque infirma), quod rure possiderent ingentia bona , et sibi subjectos haberent hoinines snosfeudales, cen- suales seu mansionarios, Laten et eygelieden ', qui propter servitium, quod eorum domini nobiles, principi, ut vasalli debebant, ab insolitis talliis et exactionibus per principes exigi subinde solitis, erant liberi, atque ideo absque dominorum consensu gravari non poterant ' ; cum ergo de talliis seu insolitis impositionibus agei^etur sive in comitiis sive extra, aut de aliis rébus, taies homines aut dicta bona multum tangentibus, non magistratuum sed nobilium erat pro bis respon- dere, uti et gravamina pati, atque adeo pro communi populo ruri commorante quodammodo comparere videri poterant. Ast quum mu- nicipia et oppida (rectores inquam) non tantum cives suos intra moenia aut libertatum limites sub se haberent, sed etiam rure exis- tentes vulgo landtpooriers ^ atque etiam homines principis et liberi

' Hi servilis vel quasi servilis conditionis hoinines extra communia servitia , quae dominis suis praestabant, sat superque ab eisdem taliiabantur. Insuper in morte, putissimam solebant amittere mobilium bonorum parlera, cedente ea domino; sed pedelenlim , vel libéral i ter vel mediante pecuniae surama, vel sub certo censu etrecognilione, suam accepere libertatem(v. Ant. Mallhseus de Nob., lib. IV, c. 9, p. 932.) Ethue speclant lilterae anni 1337 (pênes me cxistentes) in quibus lego : n Sal hehben de voerscreven dorpen .... met allen den eyghenen luden , ende n t sisen (census) van den eyglien lieden , die gevryt syn. »

2 Haec, ut alias probationes omittam , liquent ex variis ineditis litleris , ac primum anni 1299

in quibus ita loquitur Joannes 11 : « Et quia mansionarii el feudales dictorum NN tallias

» seu exactiones nobis seu nostris praedecessoribus non solvunt neque soiverunt, nisi quando » Barones nostri Brahantiae suos homines nostro patri . . . concesserunl talliandos- .... nos 11 fidèle servitium a dictis NN. saepius impensum etpostmodum impendendum . . . concedimus 11 ipsis , suis mansionariis et feudalibtts dictis libertatibus tanquam aliis nostrae terrae baronibus >< et eorum hominibus imperpetuum perfrui et gaudere,» Litteras etiam anni l«J3-4 et 1339 ejus- dem tenoris possideo. Exempla qui desiderat, adeat pro anno 1333 et 137-4 Le Roy, ISotit. ^/arcA^on., S. R. I., p. 212.

•* De talibus ita Albertus Bavarus Hollandiae comes an. 1303 : <i hebben geconsenteert (aen die van Dordrecht) dal sy laiidpoorteren sullen moyen houden en ontfuen binncn onstn lande, etc. » Et Wilhelmus Bavarus an. 1-414 : u f^an der ttjt a/' dut sy landt-poorters gewcesl zyn .... 1' dat sy daer af te redite sullen staen binnen onser stcde van Dordrecht, » Apud Oudenhoven , Beschryving van Dordrecht, pag. 381 et 383, edit. Haerl., 1666. V. item Chronicon Gisleberti (cujus cditionem diu desideratam orbi litterario communicavit illust. ftJarchio de Chasteler Acad. socius) ad an. 1194, p. 268: n De hominibus autem , qui se burgenses esse dicebant. Il et in vilHs campestribus manentes burgensiura libertate gaudcbant , unde et ab ccclesiis et

ORDINUM DUCATUS BRABANTIAE. il

qui speciali titulo non erant cxempti oppidorum aiit municipiorum jurisdictioni certo modo essent subjecti , corumque vexilla tempore expeditionum sequi tcnerentiir (diviso jam saeculo XIV in quartcria et majoratus Brabantiae ' solo), hique longe essent numerosiores, rectius seu polius dicuntur magistratus quam nobiles rcpraesentasse communem populum; idqiie ipsi magistratiis jam saeculo XIV extra dubium positum arbitrabantur , quum ferc ubique in iitteris, quas eo tempore subscripsisse reperiuntur, dicant : Pour tious et en nom de nous et pour les aultres bonnes villes e/ commun pays ^ ( 1 347). a Voe7' ons en voer aile de andere smal steden en vry heden van den lande van Brabant (1354). » Wy steden ende vryheden voirscrevenin den naem van ons endedesgemeynts lands van Brabant {}iebben)geaGCordeert en getoille- coort, etc. Hoc rhytmographus Joannes Clericus ila expressit Lib. 7 :

Wy meesters en schepenen des gelyck,

Baide en univcrsiteit der stede

Van Loeven, van Bossche, van Bruessel mede.

Ende Bergen op den Soem,

Voer ons en dandere nempt goem.

Porro cum oppidorum et municipiorum magnus esset numerus, ac frequentesforeutconvocationes,magnaequeadcomparendumsubinde essent subeundae expensae % raro omnium delegati comparuerunt ; neque etiam semper omnium rectoresconvocati fuere, et hinc pedeten- tim minorum oppidorum et libertatum rectores domi remansisse viden-

» militibus graves saepe procedebant querimoniae , ordinavit dominas cornes et de consilio no- » bilium suorum instituit, ut neuo burgensis ulterius essct, si in biirgu non maneret. »

I liacc quidem quartcria et districlus noimullis fuerc subjocta mutalionibus, sed non tantis, ut gencralcm iclcam confundant. Anno 129t) , quocl curiosi notent , Vorst in Taxandria ante ad districtum Thenensem (ut litterae pênes me enunliant) pertinens, transivit sub scultechiam Ant- verpienscm. Sicque de aliis exempta exstant.

î V. LoovenSjt. Il , p. 47; 1. 1 , p. 45. Z,uy»<.,pag. 124, 144, 169.

* Hae tantae erant, ut ipsi nobilcs an. 1481 conquesli reperiantur, et a principe Maxirai- liano obtinuerint , ut subditos suos gravare possent per quinquennium mille equitibus ( 1000 ryders) pro expensis pcr corum députâtes ad continua comilia frequenlandum faciendis (extract, litterarum pênes me). Et rêvera saeculo XV erant adeo fréquentes, ut ter, quater, quinies et sexics in anno couvenirenl , uti pcr farraginem exemplurum (si desidercntur) ostendam.

m COMMENTARIUS DE TERTIO STATU

tur, comparentibus ut plurimumseptem aut quatuor oppidorum capi- talium deputatis totius ordinis vice. Ubi tamen gravissima reipublicae occurrebant negotia , plerorumque deputatos comparuisse , aequalia monumenta docent, uti ad annos 1413, 1415, 1418, 1424, 1430, 1433, 1450, 1454, 1479, 1481 videreest '.

Saeculo vero XVI subinde adhuc comparuerunt , sed minus fré- quenter. Anno 1507 die 18 feb. Lyrae adfuerunt deputati Antverpien- sium, Bruxellensium, Lovaniensium , Buscoducensium, Thenensium , Bredanorum_, Bergizomiensium, Herentaliensium, Diesthemiensium, Soutleviensium , Geldoniensium et Thurnhoutanorum. Annis item 1514 Lovanii et 1527 Bruxellis plerique deputati convenere, ut ex ejus temporis litteris conspicio. Insequentibus annis paulatim rarius exempta occurrunt, ast equidem needum omnino cessarunt : constat enim annis 1555 die 25 octobris, et 1559 die 9 novembris quosdam minorum oppidorum deputatos Bruxellis comparuisse % et Philippo II ut Brabantiae duci fidelitatem jurasse. Anno 1576 quaedam oppi- dula adhuc citationis litteras accepisse reperiuntur , ut constat de Ly- rano ex archivis mihi communicatis a domino Phonasco ; sed hae facile ex ultimis fuerunt. Post haec enim tumultibus ad incitas redacta, vix de comitiis frequentandis cogitarunt , aut de ipsorum delegatis con- vocandis cogitatum est, atque ita quatuor capitalia, postea (avulso Buscoducensi majoratu) tria sola remansisse videntur, e quibus pro omnibus aliis deputati ad comitia convocarentur.

Haec ergo sufficiant quoad priorem quaesiti partem, cui nobis ex fontibus purissimis videmur fecisse satis per ea, quae hoc et praece- dentibus capitibus produximus.Et licet paulo prolixius ea deduxeri- mus, quaedamque non omnino necessaria adjecerimus, speramus equidem id nobis illustrissimes judices facile condonaturos, quatenus posteriori quaesiti membro, ad quod modo progrediemur, securius de- tegendo ac patriae historiae illustrandae facem quamdam ministrant.

' V. lib. edict., t. I , pag. 1 et 42, odit. 1623. Ilem Van Lom , Beschryvinge van Lier, pag. 26S , 267 , 270 , 272 , 273 , 273 , 280 , 281 , 28S , edit. Hag Com., 1740. 2 V. Loovens, t. l , p. 289 et 290.

ORDINUM DUCATUS BRABANTIAE. U

SECTIO SECUNDA.

SïïtVt^^ =

CAPUT I.

Demonstratur ante saeculum XfV nobiles necdum veram Ordinis

formam habuisse.

IVon is ego sum , qui patriae proceribus et antiquorum stemmatum familiis quid detractum velim. Sane apud omnes Europae nationes, eorum prosapia summo jure habetur in honore; nec ignoro apud nostros principes olim barones, caeterosque nobiles maximo in pretio fuisse , multumque semper valuisse. Profecto eos gravibus patriae negotiis expediendis, privilegiis concedendis, confoederationibus et contractibus ineundis, legibus ferendîs, bonis dividendis alienandisve, aliisque rébus peragendis, adfuisse, tôt fere exempla demonstrant , quot principum diploniata, etiam ante saeculum XIV condita, exstant. Sed an ideo proceres dici queant jam Ordinem constituisse, aut inter Ordines accitos fuisse , hic libct disquirere.

Dipiomata, aliaque instrumenta publica evolvi, excussi, exami- navi millena, nullum tamen ante memoratum saeculum conditum reperi, quod procerum inculcaret auctoritatem talem, qualem in veris Ordinibus agnosccre soient politici. Solum enim ca ipsorum tes- timonium, consilium aut auxilium ad majorem solemnitatcm atque securitatem adhibita fuisse ad res , quibus aderant, innuere mihi visa

32 COMMENTARIUS DE TERTIO STATU

stint, non autem eorum auctoritatem, sive ipsorum voluntatem et consensum ad valorem talium desiderata aut requisita fuisse. Qui dignabitur ea acutiori mentis indagine evolvere, mecum (ni fallor) sentiet et experietur ipsa fere ubique continere vel desinere in bas formulas : Fidèles nostros, qui huic traditioni interfuerunt , idoneos testes subsignamus N. N. Testes Arnulphus cornes de Los et N. IV. Hancpaginam testimonialem dux G. stihscrihi fecit TS . N. Hujus rei testes sunt N. N. Cum assignatione testium munimus. Tes- tiuni adstipulatione placuit roborari N. N. Homines meos in tes- timonium subscribi praecepi hanc paginant. Hanc paginant testi- monialem subscriptione tnuniri curavi?nus testes N. N. Haec fada sunt praesentibus N. N. His praemissis interfuerunt tanquam, fidèles domini ducis. Testibus et juratis his nobilibus N. N. Factum est hoc praesentibus N. N. Testes aderant subnotati N. N. Habita deliberatione cum hominibus, et fidelibus nos fris, et viris religiosis. De consilio bonorum et religiosorum virorum or- dinavimus et disposuimus. Fidelium hominum nostrorum commu- nicato consilio. Proborum usi consilio. In majorent evidentiam et securitatem. Ad majorent securitatem rogamus attente fidèles nostros , etc. ' Quibus quidem liquet affatim, vel ut testes vel ut con- siliarios plerumque principibus adfuisse nobiles; minime vero ut ta- ies , quorum consensus aut voluntas pro rébus subjectis expeti necesse erat ".

' V. Biilkens, Preuv., p 29, 30, 35, 53, 54, 85 , 157, etc. Luyst., pag. -U, 62 , etc. ; Mirai , Dipl., perlolum.

^ Saue ubi consensus alicujus fuit necessarius, istius in instrumentis fieri mentio debebat , et ex 60 probari oportebat jus, quod alicui competerel non autem ex consilio, testimonio , de- liberatione aut praesentia. Ex pluribus unum accipe exemplum anni 1319. Existente lum con- troversia inter ducem nostrum Joannem lil et Wilhelmum , Hollandiae et Hannoniae comitem , de oppido Heusden, Gerardus, cornes Juliaccnsis , arbiter electus, primum argumentum pro duce format, quod in litteris productis in favorem comilis nulla de consensu ducis mentio (ut debe- bat) fieret ; « tandem (inquit Gerardus) quia exaclis et probatis et deductiscoramnobis bine inde 11 in prirais pro domino nostro comité Hannoniae non invenimus aliud, nisi quod nobilis vir )i quondara Joannes , dominus de Hoesden , lapso 29 annorum spatio vel circiter , oppidum Il suum de Hoesden et libertates oppidi ejusdem , quibusdam tanlummodo exceptis in suis lit- 11 teris (tn çMtiu» «ec dicti domini nostri ducis Brabantiae , suorumque progenitorum , ut domi-

ORDIÎSUM DUCATUS BRABANTIAE. 33

Non eiiim, quantum scio, loquuntur uspiam ante saecuium XiV principes nostri de nobilitim voluntate aut assensu, quomoilo tanc iinperatoresrespoctu principumimperii,aut quidam principes respeclu subditorum^ iocuti reperiunlur. AudiaturimperatorOttoanno 1209 ' : (( Principtim, inquit , diclavit sentenlia, quod nos eamdem abbatiani » (Nivellensem) non potuerimus ab iniperio alienare... ad banc ita- » que sententiam assensu principum imperii légitime approbatam... » cassavimus. )) AudiaturFredericus II, anno 1214 : aConsensu, ait, » principum nostrorum et in praesentia eorum contulimus, etc. » Item anno 1219 : (c Communi consilio principum et voluntate concessi- mus.» Atque iterum : « Lata fuit ^Gn\.en\Xa....aprincipihus approhata.» Audiatur llenricus II, anno 1222 : «De consensu, refert, et volun- » tate concessimus, etc. » Ëodem fere modo loquitur Wilhelmus anno 1252 : a (^VieiQv'vs principibun et magistratibus approbantibus, etc. » Sic et comités Flandriae Iocuti reperiuntur. Robertus Frisius, anno 1080: « Ilis ordinatis et dispositis, consilio et assensu meorum fide- lium. " » Balduinus, anno 1 1 12 : «Ut haec concessiofirmapermaneat, » in conspectu principum etcumeori^m assensu eam firmavimus '. » Et anno 1 1 16 : «Tarn ex judicio optimatum meorum , quam ex deli- )) beratione secum habita. » Theodoricus * anno 1151 : « Petitione

11 norum priitcipalium, nec alteriu» cnjusque, cujus intenit appareret consensus adhibitus nec » requisilus) liuiiavcril vel siipporlavcrit siinpiicis donationis litulo quoiidam spectabili viro » Florentio, comili Hollandiae .... nec producantur instrumenta, vel aliquae litterae authen- » ticae alictijus <c(en//ac re/ con«en.tus qiioad praedictam donationem . . . . dicti domini nostri :> ducis . . . . seii alterius cujiis intersit . . . . hinc, etc. » (Butliens, Preur., p. 153). Igitur consensus , ubi necessarius , in litteris exprimi debuit , et nobilium (si eousquc fuisset adhibitus aut adliiberi debuisset) alibi , immu fere ubique, reperiretur expressus. Quemadmodum enim, ubi eoruD) consilium fuit adhibiluni. aut delibcratio expetita, id in litteris quasi sempcr repe- rilur expressum sub bis fereterminis « de consilio et deliberatione fidelium nostrorum, etc. » Ita sane, si eorum consensus fuisset adhibitus aut adliiberi debuisset in gravioribus patriae negotiis, tabulue ante saecuium XIV pru talibus couditae id plerunique enuntiarent , et bas aut similes formas continercnt : de assensu et toluntale Fidelium nostrorum concessimus, etc.

1 V. Butkens , Preut. , pag. 60 , 04 , 03 , 6fl , 60 ; Des !\oches , Epit., t. Il , p. 161 ; Kluyt , IJist. JIoll., t. I , part. 2, p. 217.

2 Miraei, Dipl., t. I, p. 70. ^ Id.,t. 11, p. 1163.

Id., t. IV, p. 207.

Ton. XV. ÎJ

34 COMMEINTARIUS DE TERTiO ST4TU

)) uxoris meae Sybillae, nec non assensu Baronum meorum... libère )) et quiète contuli, etc. »

Itahideprincipibusetproceribuspatriae, cuipraeerant; sednon ita, non in hune modum principes nostri respectu suorum nobilium ante saeculumXIVreperiuntur locuti, aut profecto rarissime '. Neque adeo mihi persuadere valeo , eos nobilium voluntatem aut assensum uUibi , nisi ad rem beneficiariam, cujus tanquam ipsi vasalli ex more judices erant ^ , ad patriae negotia valide et légitime peragenda , ante dictum tempus ullatenus necesse habuisse, tametsi absque eorum consilio et deliberatione vix unguem moverent; immo ad ipsos cum Frede- rico I veraciter dicere potuissent ^ :

.... Vestris cupimus disponere cuncta Consiliis

Ne tamen ex quibusdam diplomatibus ante saeculum XIV conditis aut ex historicis nobilioribus scrupulus oriatur de summa procerum auctoritale in negotiis, quibus adfuerunt, autsaltem adfuisse descri- buntur ante epocham citatam, quae difficiliora apparere possent,

' Balduinus quidem Monlanus saeculu XI Gerardiraontensibus varias concedens libertates et jura, omnia Baronum Brabantiae , Flandriae et Hannoniae assensu et consilio ordinavit; scd quum id ad Brabanliatn non pertineat, nihil assertis officit {vid. Miraei, DipL, 1. 1, p. 292). Ad haec per Brabantiae Baroncs ibi facile intelligunlur ii , qui sub parte ista Brabantiae, quae hoc saeculo Flandris cesserai , degebant ; sed et ratio insinuatur, quare ipsos adhibuerit u quia scilicet 1) oppidum situm erat in marcbis Flandriae, Hannoniae et Brabantiae et ad inhabitationem sui » minime quemquam invitaret , nisi raaximac libertatis ope tutaretur, » quam praestita cautione juramenti in perpetuum servanda Barones compromiserunt.

2 Hoc innumeris stabiliri posset monumcntis. Suflïciant sequentia prineipum i;ostrorum testi- monia. Joannis II anni 1307 : « Per sententiam hominum nostrorum fideliura suorum parium n (inquitdux) fecimusjudicare . . » Etulterius: « Fidèles nostri senlenliaveriml nos deherecilare i> utrasque partes coram (idelibus nostris hominibus in judicio. » Item : « El nos Johannes , do- 1' minus de Kuic, Johannes, dominus de Hoesden, Florenlius Berlhout . . . . fidèles homines

» excellentissimi domini ducis per ip'sius debitam monitionem et nostram sententiam et

» aliorum hominum fidelium .... prolatam , secundum jus et consuetudinem curiae Bra- " bantiae, etc. » (Litterae apud me.) Et haec ex infinitis monumentis constant et notiora sunt quam ut latius demonstrcmus, astinde nihil pro Statibus.

' Gunlher, in Ligur.

ORDIKUM DUCATUS BRABANTIAE. Stî

oxplanarc conabimur. Ituque ex eo quod Divacus, (idus sane histo- cus, referai anno 1 143, Godefrido II e vivis sublato, « celebri Ordi- » num conventu Lovanii indicto, crealis diici tutoribus Diesthcmii , » Birbnchii ac Wesemaliae baronibus etdomino a Wenimela , omnes » sacramenta fecisse ', » dubiiirn suboriri possil, an Ordines tum reapse nonexstiterint, elproceresut Ordinnmmembraetpatriaetutoresrem- publicam curarint. Sed ut id amoveamus , respondemus nos quidem auctoritatem Divaei ma^ni facere; verum née eum argum fuisse, et eo facilius hic errare potuissc, quo minus c re ipsius erat, Ordinuin originem indagare. Egit ut plerique chronographi, qui mox, ubi in quibusdam conventibus reperiebant quosdam nobiles, praelatos et urbium dcputatos, judicarunt iilos ut Status membra ibidem compa- ruisse ', quamvis sub alio omnino titulo adessent, aut forsan nomen Ordinum laliori sensu adhibuerint, pro illa hominum classe, quibus eft qualifas et illud nomen postea vere convenerunt *. Quod autem innuat, in eo conventu duci quatuor tutores fuisse creatos, plene recipere nequeo, quum Godefridum moribundum jam ipsis tutelam decrevisse antiquiores tradant '.

Re itn oomparata,Godefridi voluntas tantum patefacta videtur*; utcumqne tamen res se habuerit, ex eo nobilium Ordinem haud solide probari posse certum est, quum quasi ex omnium Europae nationum more esset minorennibus dari tutores aut ex potentioribus proccribus aut ex sanguine propinquioribus, idque saepe in potio- rum nationis membrorum conventibus. Immo pro rerum natura,

' Beruin lirab. , lib. \\\, p. 93, «dit Anlv., 1610.

' V. Kluit , Pfiinae lineae col. ûipl. , p. 96. . ^ Aiictor in praefatione Commentarii an. 1783, p. 5, mocct, « Dum duorum Ordinum $ae- « cularium ad certos annos mentionem facit , nullatcnus se deOnire aut siipponere eos j.iin " tum coaUiisse ; scd se ita loqui prolitetur, qualenus ii , qui modu Ordiites illos repraeseatant , X coinitiis «eu actis istis adfuerint, de qbibus mentionem facit. »

* lia Brab. Feesten , apud Des Roches, Epit., t. Il, p. 9S.

^ Sed quid si diceremus malrcm advocasse nobiles et primarios oppidorum pro eleclione vi- rorum , qui reipublicae curam secum assumèrent. Neque enim maires et amitae a (iliorum aut ncpotum tutela juribus excludebantur, sed secum co-reclorcs assuroere solebant , aut ipsis dabantur (V. Rluit. txcurs. VII , p. 880, 2.3o , Butk., Preuc, p. 97).

36 COMMENT ARIUS DE TERTIO STATU

loco et tempore id prudenter lactum fuisse, circumstantiae evincunt.

Quid enim moerens et afflicta mater, filiis regimini omnino ineptis, contra potentissiraos Bertholdos jugum feudale detrectantes^ egisset, nisibaronesreipublicaeetfiliorumcuramsuscepissent, atquenationem sibi fidelitate obstrinxissent? Non minus provide processerunt, quam si tempore, quo duces abessent et patria ex improviso invaderetur, populum congregarent , capitaneos, etc., constituèrent, et hos et illos fidelitatis juramento obstringerent : quo facto tamen eorum auctoritas non reputaretur ut exercita ab ordine seu corpore politico , de juribus majestatis communicante. Igilur neque in casu concludendum no- biles aut alios , qui forte adfuerint in qualitate Ordinum haec egisse.

Addi posset , quod ea aetate nedum successio in ducatum ullatenus ex procerum aut civium consensu videatur dépendisse , sed qua feu- dum ad imperatorem spectasse, cum anno 1204 Philippus Hen- rico I concessisse reperiatur, ut filiae, si mascuhjm haeredem non haberet, in feudis (quale erat potior Brabantiae portio) libère ei tanquam masculi succédèrent ^. a Regia (inquiebat rex) auctoritate )) nostra statuimus et memorato duci concedimus, ut filiae suae, si » masculum haeredem non habuerit, in feudis suis libère ei succe- » dant. )) Ex quibus verbis jam ante nos idem conclusit recens scriptor A. Kluit * : « observent bine (inquit) patriae nostrae amantes, suc- » cessionem in comitatuset ducatus, tune temporis non pependisse » ex arbitrio incolarum, nec ipsorum terrae principum, sed impera- toris : » ut proin Richardus nullatenus constringeretur procerum aut civium consensum et volunlatem in ducatus translationem expetere, sed ex motivis supra allatis fecisse omnino videatur,

Ilis porro scrupis et scrupulis demptis, Butkens aliique aliam diflicultatem movere possent ex iis quae ad annum 1290 referunt. Scribit siquidem noniinatus auctor, eo anno Jobannem I ordinasse et constituisse loges vulgo dictas Lant-Keuren , idque in plenis Ordinum

' V. DesRochcs, £'p<.,t. II,p. 93

i Des Roches, t. Il, p. 89.

3 Hist, crit. Hoîl. et Zeland, ; Cod. Dipl. , p. 281 .

ORDINUM DUCATUS BRABANTIAE. Bf

comitiis. En ejus verba ' : a En l an mesme MCCJCC , nostre Duc ordonna et consfilua certaines loix quon nomme Lant-Keuren... et furent prononcées et piibliées en pleine assemblée des estais du pais, se trouvèrent avec le duc le prince Jean son fds , Godefroy... son frère, Godefroy comte de Vianden..., Jean sire de Cuyck, Arnou sire de Diesl, Gérard sire de Hotselaer... avec les députés des bonnet villes de Brahant. » Ita quidem celebris hic auctor, sed varie errât, nam le^çis Aicine Lant - Keuren , aut Lant- charter condilae fuere, non anno 1290, ut vult hic aiictor ac etiam Divaeus'j sed anno 1292, nti videre est in ipsis tabulis "\

Neque hae ab ullis nobilibus aut oppidorum deputatis fuere sub- scriptae autsigillatae. Reperiuntur quidem tabulae anno 1290 con- ditae *, quae subscriptae sunt a nobilibus , quos Butkens et Divaeus recensuerunt ; sed hae non leges continent pro aliquo districtu latas, sed privilegium solis Bruxellensibus concessum, neque hae ab ullo oppidorum depulato fuere signatae , etsi id asserat Butkens, qui qui- dem citât testem suum Divaeum , sed et id erronée , quum scriptor ille nobiles supra memoratos proférât, sed nuUos oppidorum députâtes recenseat.

Igilur neque haec, neque uUa alia , quantum scio , quantum capio, saeculo XIII procerum Ordinem exslitisse convincunt eo modo, ea forma quam jani per tria aut quatuor saecula aut amplius, habue- runt. Ilistorici quidem plures, etiam saeculi XV, Ordinum exis- tentiam saeculo XIII memorato supponunt; verum nullus syn- chronus reperitur, qui vel clarum existentiae Ordinum vestigium promat; ac proin quantum ad hanc rem seriorum scriptorum auc-

' Troph. de llrah. , lib. IV, p. 323, Ila^pe Coni., 1724.

- lia liic auctor alioquin valde accuratus, lib. XI Jierum Rrab., p. 129, cdit., 1610, qui vl alios induxil in errorcm, inler quos ipsuin eliam Adrianum Heyien qui in Commentario cit., p. 12, ex co refert rncnioratas le{jcs land-ke.uren datas fuisse an. 129U.

' Vide Loovens, l. III, pa^;. U et 22, vcl Luyatcr vanlirah., p. 52, cujus quidem poslerio- ris libri compilatorcs illitterati fuere et pêne rudes in hisloria palria; sed in autlienlicitatc luo- numentorum , quae all(>{jant , nemini suspecta est corum sagacitas aut mentis sincerilas.

* Apud l.oovens, I. III , pag. 11,1?.

38 COMMENTARIUS DE TERTIO STATU

toritas (ut infra monebimus) pro eo saeculo omnino exigua est, res- que adeo e publiais monumentis decidenda apparet. Quum autem nuUum taie ante saeculum XIV conditum repererimus, in quo Or- dinis nobilium clarum vestigium conspeximus , hujus existentiam ante illud non admittimus. Et neque statim saeculo XIV agnoscimus Ordinis nobilium existentiam , quum ante hujus medinm plnribus et gravissimis negotiis ad patriae regimen spectantibus se non imniis- cuerint, vel ut regiminis participes adfuerint, quibus quum adfuisse et se immiscuisse reperiantur oppidorum magistratus seu deputati , hos citius quam proceres plenani et perfectam Ordinis patriam con- curantis et coregentis adeptos fuisse formam existimamus et conclu- dimus. Rem ita se habuisse probandum restât.

CAPUT IL

Recensentur monumenta, quibus probatur saeculo XIV Magistratus plura et graviora patriae negotia de jure et privilegiis curasse , peregisse et contrectasse , quam Nobiles , ac proin illos citius per- fectam Ordinis formant consecutos quam proceres .

Animus non est hic cuncta illa accumulare , quae concurrere pos- sent ad probandum vel suadendum ' Tertium, ut nunc vocamus, Sta- tum citius exstitisse illo, qui modo Secundus est. Tantum

Potiora sequemur, De miiltis raodicam nilentcs cudere summam.

I*> Itaque, quum anno 1314 ob Ducis (in quae successerat) débita variis in locis detinerentur Brabantiae mercatores, atquc aerarii ratio raale videretur administrari, oppidorum rectores, concurrentibus ple-

Talia sunt pro privilegiorum et amicitiae conservatione conventus et confoederationes civium Bruxellensium et Lovaniensium an. 1313, ilem Antverpiensium , Bruxellensium et Lovaniensium an. 1328 (v. Loovens , t. Kl , paji;. 23 et 27) , aliaque , ex quibus quidem quaetlam oppidorum auctoritas aut licentia elucet, sed non talis, ut eam pro argumento existenliae Terlii (ut nunc reputatur] Ordinis adhibere audearaus.

ORDINUM DUCATUS BKABANTIAE. 39

risque etiam mouastcriis , praefatu débita per se susceperunl exonc- randa.

Peciiniarum pro his colligendarum atquc expendendarum ex ipsis constituti fiiere quacstores, quin etiam ex ducis arbitrio cura reipu- blicae ipsis ut tutoribus fuit demandata, tantumque cffccerunt, ut consueti aerarii administra tores loco suo moverenlur, uti haec fere omnia ex ducis litteris ' liqueut, et synchronus auctor in hune mo- dum enarrat ' :

. . Men vinc in elc latidt Die coopmannen uut Brabant, Over scout, die beide gader Syn vader ende syn oudervader, Den goeden iieden scituldich bleven,

Die poirleren clagheden dit zeere ,

En de die te sinen rade tcaren , Grote Iteeren in dien daglten , Achtcn lultel dierre claghen,

Nochtan al metten sinen,

Soe langhe si hieromme pinen ,

Dal die herloghe selle sinen raet

Aen sine poirleren dal verslaet.

Ende om dal desc dinc gesciede

Soe tcies tusschen die edele liede.

En din poirleren evelen moet.

Ende die poirleren , aise liede vroet .

Queten die schout al sonder sparen,

Soe dal die coopmanne mochten varen , elc.

lncumdensensuniscribitauctorchroniciDumensisadannuml314: <{ Eodem anno, Johannes... deconsilio comitis Ebroicensis commisit

' V. Luyiler ran brabant, pajj. 77, et supra p. 17.

^ Citron. Fi/thm., sivc Brab. l'eesten , lib. V. cap. IX. Cfr. Willems, I, p. 430.

40 COMMEiNTAlUUS DE iERTlO STATU .

» regimen oppidis. » MS. sub Ludovico Borbonio Episcopo Leodieiisi circaannum 1468exaratum.

Liquet igitur oppidorum lectores rempublicam curasse anno 1314, et quum de nobilibus nihil in hac re reperiatur^ quin satis excludi (oxceptis fortasse tutoribus) videautur, satis elucet eoscitius formam Ordiniscoregentis induere coepissequam proceres: eo magis quod prae- fato anno res summas et ad majestatica jura pertinentes, uti monetae evaiuatio et percussio, ex eoruni tantum consensu dux in posterum fa- ciendas voluerit ' , nihil simile pollicitus praelatis aut nobilibus.

11° Urbiutn seu oppidorum re ita comparata , eorum rectores niox alia tractarunt, quae eorum prae nobilibus curam et auctoritatem demonstrant; nam anno 1315 Mechlinienses ad toUendam discordiam et concordiam formandam , non solum cum duce Johanne III con- traxerunt, sed etiam cum rectoribus seu magistratibus oppidorum praecipuorum Brabantiae, promittentes mutuum adjutorium, defen- sionem aliaque, nullo modo intervenientibus nobilibus ^ Ac proin

' V, Loovens, t. I, p. 32.

2 11 Jan , bider gratte ran Gode, herloge van Brahant .... ende raet van den goeden staden van Brahant, dats te toetvne van Loven, van Brussel, tan Jntwerpcn , ran Jen Bossche, van Tricht, van Tkienen, van Leeuw ende van Nievele . . . . doen kont . . . . dat wij Juti , her- loge , schepene gesworen en raet van den goeden staden van Brahant voorgenoenit . ... en aile die raet van derstadt van Mecliekn .... ommc peyn , rust en rrientschap tusschen ans te meerne ende te behoudene over een ghedragen sijn van den poenten, die hier naemaels beschreven syn I. . . 11. . . dat wy hertoge ende die goede staden van Brahant voerghenoemi . . . . hehhen gheloeft en gheloven in groeder trouwe de stadt van Mechelen . . . . hi te stane ende te hulpene te aile haere rechte en aile haere vreheden , etc. ///. . . Foert soe hehhen wi en onse staden van Bra- hant voerghenoemt g eloeft . . . .datwi. . . . hen dies ghesladen silen en seekcr tcaranl syn met aile onser macht , etc., 1315 (Luystervan Brab. , p. 83). » Ubi reflecti potest multoties staden pro steden .scribi et neqiiacjuam pro slaeten sive ordinibusaccipi ^v. supra p. 12.) El for- tasse tanlura saeculo XIV invaluit pedetentim usus scribendi steden loco staden. Ut enim voces interdum insensibiliter a primitiva significatione ad prorsus aliam transeunt , ita facile litlera una alterius locum occupât. Sane rectissime scribit cornes deFraula, in curiosa eruditaquecom- mentatione linfjuarum. « C'est par gradation et en passant par une infinité de variations , d'abord 1) très-peu sensibles, que le nom primitif se change si fort , qu'il parait étranger dans la maison » de sa mère (v. JUém. de l'Acad., t. IV, p. 5-46.) ■> Mutalio aulem unius litterae « in e in voce staden eo facilius potuit evenire, quod vox stade et stede plura baberel. significata , adeoquc maxime inore esset hominum, uli Videre in operibus citali scriptoris (lom. III et IV, Mémoires de l'Acad., pag. 329 et 542.)

ORDINUM DUCATUS RRABANTIAE. 41

major eo tempore videtur fuisse auctoritas magistratuum quam pro- cerum.

111° Anno 1333 parte Mechliniae comiti Flandriae vendita,qnum cives magis essent addicti Brabantiae duci quam dicto comiti , iteruni ad ducem et Brabantiae oppida confugerunt ', nullo vestigio occur- rente recursus ad nobiles. Manifestum illud signum est, magistratus pbis in n'ipublicre rebns potuisso, ducemqne illos pro similibus magis adhibuisse quam nobiles, ut ut hi consilio suo reipublicae bonum continuo spectarent.

l\° Anno 1339 celeberrimum inter Brabantos et Flandros fuit initum foedus, plura ad jura regalia spectantia involvens ^. Foedus quidcm boc quadraginta Brabantiae nobiles subsignarunt ; sed qui id vere contraxerunt , erantdux et oppidorum redores, nobilium sub- signatione pro majori sccuritate tantum adhibita, uti attente tabulas evolventi ad ocuhim patebit ^, et jamdudum ante nos observavit ill. consilii privati praeses L. J. de Pape, dum scribit : « Dans l'accord du duc Jean avec la Flandre en fati 1339, nentrevenoient que les villes de Brabanf et Flandre; quoique les nobles de Brabant et Flandre ayent à la réquisition de leur prince y apposé leur scel , mais n'y comparurent pas comme contractant *. » Igitur nobiles addictum foe- dus non ut contrahentes, sed tantum ut testes concurrentes, de patriae cura minus participasse quam oppidorum rectores, quis non inferet?

V** Anno 1347 mense septembri, aliud iterum ictum est foedus cé- lèbre inter Brabantos et Leodienscs. In eo plura, quae Brabantiam ejusque jura et regimen tangunt , slipulantur per ducem et Lovanien- sium ac Bruxellensium deputatos patriam repraesentantes ^ , nullo

' Ita refert auctor Chronici Gemblacensis , dum scribit sequcntin : « Quod Mechliniensesaegre ferenteSiCum nollcnt se tradere doininio comitis Flandriae, acquisierunt ducem et bonas villas » Brabantiae pro sua parte. » Apiid Chapeaville, t. Il, p. •41.4, sed per impressori» incuriam nolata 406.

* V. supra, pag. 20.

» V. Luyiler, p. 109 ; Loovens, t. III , p. 35.

* Remarque» $ur la Joyeute-Entrée , MS. , pafj. mihi 7.

* V JVous Johans duc , . . . . (sunl verba tabularum) /e cowwoinyfiemaiVre*, e*cA«ci»i«, _;Mré#,

To». XV. 6

48 COMMENTARIUS DE TERTIO STATU

coucurrente praelato uut nobili , claro iterum indicio patriae curam eousque magis ad oppidorum rectores quam ipsos spectasse.

Idem foedus, mense octobri ejusdem anni 1347, videtur renovatum fuisse in palatio episcopali Leodii in praesentia et per assistentiam sex Burgensium de Lovanio et Bruxella; scribit enim citatus auctor chro- nici Gemblacensis : a Demum (anno 1 347) se duci confoederaverunt promittentes se mutuo juvaturos , et in octava S. Dionysii omnes in palatio congregati , sex Burgenses de Lovanio et Bruxella hoc foedus pariter juraverunt.')^Wû\\\ iterum de praesentia aut juramento nobi- lium proditur. Cfr. Chapeaville, t. II, p. 493.

VI» Joanne III omni mascula proie amissa et morbo fere confecto , de successione et patriae regimine cogitari coepit. Itaque anno 1354 Lovanium oppidorum ac municipiorum rectores maximo numéro convenerunt et arctissimum foedus inierunt, decernentes se eumdem tantum ducem recepturos, nunquam se dividi passuros, mutua pri- vilégia defensuros , aliaque hue pertinentia \ Nobilium aut praelato- rum praesentiae non est in tabulis ibidem conditis ullum reperire vestigium ; ubi tamen, si jam Ordinem constituissent , aut tantae auc- toritatis fuissent quantae magistratus, quoad patriae negotia seu regimen , indubie convocati fuissent et comparuissent ac tabulas obsi- gnassent % uti, ubicumque comparuisse reperiuntur, primo aut se- cundo loco , et non post magistratus , subsignasse et sigillasse semper conspiciuntur. Quid plura?

VII° Nequidem anno 1355 (seu stylo romano 1356) in laeto in- troitu Joannae et Wenceslai ulla res gravis momenti aut ad patriae

consiatilx . ... de ville de Louvain et de Bruxelles, pour nous les aulires bonnes villes et com- mun pais , etc. Accorde à Thielemont le XXI J jour du moys de septembre, n ( Luyster , p. 120 , et Loovens , t. III, p. 48.)

' V. Loovens , 1. 1 , p. 43, et MS. de Pape.

2 Refert quidem illus. Acaderniae secretarius ( Des Roches, Epist. Hist. Belg., t. II , p. 212) .lohannem III morbo iiigravescenle Lovanii conventumprocerMHi et urbiumegisse, sed, quod et celeberrimis historicis commune est, cespitare videtur; nullum enim praesentiae procerum quoad subsignalionem aut stipulationes in tabulis aut scriploribus iliius aevi detegi potest vestigium. Et hinc in has tabulas commentans Loovens , scribere non verelur, 1. 1 , p. 45 : « Hier is te » sien dat noch geene edele , noch geeatelyke hun daer niede bemoeyt hebhen , vervolgens , etc. »

ORDINUM DUCATUS BRABANTIAE. 4S

regimen purtiiieus, nobilibus fuit promissu ; sed quaecuinquc alicujus momenti oppidis promissa spcctantur. Immo XXIV priores articuli (inter quos maxime notubiles 1, II, III et X) contiuent promissu solis oppidis et patriae factu , ut tabulas iiispicienti apertissimum est.

Et quidem, si tes bene perpendatur, scrmonis contextus ciare innuit omnia quasi promissa directe eousque oppidorum magistrati- bus facta fuisse; ubi enim art, XXV" monasteriorum promittitur con- servatio privilegiorum , additur die voorschreve (voert geloeven wy onse voorscreven goede liedeu va?i aile onse cloesteren... aile haere privilegien en charteren... eutoelyck voortaen vaste en gestade te hou- den, etc. ')

Quod referri non potest nisi ad eos, quorum in anterioribus mentio; in illis autem tantum de oppidis et communi patria, adeoque latine reddi deberet (( promittimus suprascriptis (oppidis et populo) mo- nasteriorum conservare privilégia; » non autem : « promittimus mo- nasteriis privilegiorum suorum conservationem ^. »

' Loovens, 1. 1 , p. 62.

* Popro insequentcs laeti introitus fere ad normnin hujus redacti fuernnt, «ed in illis fqiiod umnino observaniium) duiu praclatorum et procerum privilegiorum cooservatio promitlilur , orliculis, quibus id fit, non amplius additur to , voorschreve. En art. XXXIX Antonii an. 1406 : « Voerts hebben wy geconfirmeert en gerali/tceert , confirmceren en ratificeeren allen den prelaeten, » cloesteren , f^oidshuysen , baerrotsen , ridderen, steden en vriheden, etc. ■■> in signum ipsis directe jam proniissiones Geri, uti ilerum observavit Loovens, in huncmodum, 1. 1, p. 84 : « Onder reflectie dat de gelofle by de voorschreve bly-inkomste {.Intonii) gedaen wordt aen de » prelaten, edclen ende stede, daer de selve te vorens maer gedacn en syn aen de edelen * ende '< steden. » Et rêvera magna intercedit difTerentia inter laetum introitum Wcnceslai et Antonii quoad personas, quibus promissinncs factae fuerunt. Art. enim VVenceslai et Johannac tantum mentio fit do civibus et communi populo, quibus directe promissio fit, et reliqui articuli semper ad eosdem referuntur ; in laeto autem introitu Antonii et subsequentium ducum, art. in gêne- rait fit promissio Rrabanlis , non amplius specialiter expressis oppidis aut communi populo ; deindc art. ullimo Johannac, quo fil gcneralis promissio conscrvandi ])rivilcgia, cives primo loco nominantur : « Foerts hebben wy geloefl. . . . aile onze goede lieden , steden , vryhcden , cloes- 1' teren en aile on*cn /ancien. . . . alh haere rryheden. » Arliculo vcro ultimo Antonii , primo loco jam reccnscntur praclati et pruceres et postrcmo cives : « Soe hebben wy die algemynelyk i> den prelaten , cloesteren , goidshuysen , baerotsen , ridderen , vryhedcn en allen onsen gœden n luyden .... geloefi , elc. » Ut adeo medio tcropore inter conditos lactos introitus Wenceslai

* Vol Edele abuixlat et per errorcm iirepsit . quia alias sibi contradiceret , uti ex iiltimit lineis notae 3 p. Ai ia aprico est .

44 COMMENTARIUS DE TERTIO STATU

Articule XXX quaedam quidem nobilibus concessa fuit venatoria libertas, sed haec nullatenus ad patriae regimen spectat. Quidam etiam subsignarunt tabulas, sed pro majori firmitate et securitate, ut ipsae tabulae sonant : orn meerdere zekerheyd, etc.

Quae porro articulis II et III (addi et possunt I et X) promissa fuere,talia sunt, ut ex iis solis concludere non vereatur Loovens, ineos commentans , oppidorum ac municipiorum magistratus citius veram formam Ordinis assecutos quam nobiles. Ita enim seribit (L. I , p. 48) : Men ziet uyt den teneur van den ii ende iii artikel der Blyde In- komste (Wenceslai)... dat aile de beloftens geschieden aen de goede steden, en goede mannen , icaer uyt lichtelyk af te meten is dat 'er noch doen ter tyde geen andere leden der staten eu subsisteerden, als de voorscheve steden ende de gedeputeerde van andere plaetsen.

VIII° Denique cum Johanna ducissa posterioribus nuptiis haud fecundior appareret futura quam prioribus, anno 1357 iterum dede- volutione seu successione in ducatus Brabantiae et Limburgi cogitari coepit. Conventui ea de re indicto interfuisse dumtaxat reperiuntur ' deputali oppidorum Lovaniensis , Bruxellensis , Antverpiensis , Bus- coducensis , Thenensis , Leuwensis , Nivellensis , Heusdensis , Vil- vordiensis, Herentaliensis , Geldoniensis et Lyrani. Igitur tantae rei neque nobilibus neque praelatis se immiscentibus, quid concluden- dum nisi magistratus, utpopulumrepraesentantes, potissimum patriae curamliabuisse, citiusque formam Ordinis adeptos quam proceres.

Stat igitur nobis fixa firmaque sententia ex hix productis monu- mentis (minoribus etiam, ut ut plausibilibus, omissis) oppidorum et municipiorum magistratus ut communem ptitriae populum reprae- sentantes ^ sive Tertium (ut nunc vocamus) Statum , citius perfectam

et Antonii videatur obvenisse quaedam rerum mutatio per incorporationem seu unionem praela- torum et nobilium , quuin qui sub Wenceslao primo loco recensebantur , et quibus directe omnia majora fiebant promissa, in Antouii et subsequeutiumprincipumlaetisintroitibusarliculopostremo semper uUimo nominentur loco, et hi introitus, quoad haec , non ad normam Wenceslai et Jolian- nae sed Antonii redacti conspiciantur. Vide latins D. Engels [Mém. couron., 1783, p. 20 et 21.) ' Ut ex a Thymo refert Adrianus Heylen in Commentario cui Acadeniia anno 1783 palmam delulit, p. 1-5. '

ORDINUM DUCATUS BRABANTIAE. 45

furmarn Ordinis patriue negotia majora co-regentis et coiicurantis habuissc , quam uobilcs sive Secundum Brabantiae Statiim. Quis cnim aequus rerum aestimator credet, si saeculo XIV eadem auctori- tas aut potcstas nobilibiis fuissct quae magistrutibus, quod non aeque ac hi aerarii et patriae curam habiiissent? contractas et foedera iniis- sent? pro successione in ducatumoonvenisscnt? ad rem monetariam concurrissent? archivorum claves custodiissent? aliaquc contrectas- sent? haecque eliam ipsis contrectanda promissa fuissent? quae ta- men omnia magistratus , magis quam proceres , saeculo XIV curasse et contrectasse, illisquc citius contrectanda et curanda promissa fuisse, hoc et praecedentibus capitibus solide et late nobis videmur demon- strassc. Profecto quae hoc et praecedentibus capitulis produximus, talia nostro sunt judicio , ut etiamsi seorsim considerata alicui insuffi- cientia videri possent ad probandum magistratus populum reprae- sentasse, et saeculo XIV perfectam Ordinis formam induisse, idque citius quam proceres, attamen simul composita et considerata, nullum cuiquam dubium relinquere posse videantur, quin ita seres habuerit, ut statuimus et proposuimus. Quia tamen tôt sententiae quot capita, et tanta est animorum quanta cerebri varietas, difficiliora quae in contrarium objici possent, et aliis facile argumento erunt contrariae opinionis, producemus et dissolvere conabimur, ut sufTossis funda- mentis eorum corruat aedificium.

CAPUT III.

Recensentur et dissolvuniur momenta, quae in contrarium

afferri possent.

Varia sunt quae sententiae nostrae , quam capitulo praecedenti et sectionis I capite II stabilivimus, opponi possunt. Difficiliora (quan- tum nobis apparent) solum proponere et dissolvere (ne nimium hoc excrescat volumen) conabimur, eaque petita tantum ex actis etfactis

46 COMMENTARIUS DE TERTIO STATU

saeculi XIV, utpote jam supra satis solutis iis, quae ex monumentis praecedentium saeculorum proferri potuerunt.

In primisobjici possetanno 1312 nobilesadfuissecondendispropa- triae regimine tabulis Cortebergensibus ' ; hos illas subsignasse aeque ac magistratus : imnio eodem anno , paulo ante, jam fateri Fiorentium Bertholdum se suosque teneri observare , quidquid per communem consensum et consilium baronum et oppidorum et populi Brabantiae esset conscriptum et ordinatum : (( Nous (inquit Florentins ) connais- sons et témoignons , que nous sommes tenus et disons tenir etfair tenir bien et loiaulment en nostre ville de Malines et par tout chou que par commuîi accord et conseil des barons, villes et bons gens de Brabant sera criet commendoit etordinoit et fait en Brabant ^ »

Igitur quum nobiles aeque ac magistratus condendis legibusetor- dinationibus pro Brabantiae regimine adfuere, easque subsignarunt , et aliae de eorum consilio et assensu supponantur condendae, videri possunt tum Ordinis formam habuisse, et non minus quam magistra- tus ad patriae regimen concurrisse.

Respondemus nobis videri nihil ex objectis pro existentia Ordinis sive Secundi siveTertii (undenec haec supra inargumentumadsumpsimus) erui posse. Etenim pro creatione legum generalium adhibere procerum et potioris plebis consensum et consilium , principibus nunquam fuit insolitum, immo quasi in more positum. Sic J. Caesar communicata re cum primoribus aut toto aliquando ordine senatorum plura decrevit ^ Augustus in ferendis legibus multa publiée deliberanda proposuit \ Tiberius publiée negotia per principes expedita voluit ^. . Carolus Magnus , et insequentes imperatores, ad condendas leges suos convocatos voluere, et capitularia aliasque constitutiones ab ipsis subscribi cupiere; quis tamen inde ordines eliciet? Ita et principes nostri subinde procerum et populi consensum et consilium adhibuere,

' V. Loovens, t. I,p. 29.

2 V. Butkens, Preuv., p. U2.

^ Dionys Ualicar. , lib. XLIII , uintiq. Boni.

^ MA. , lib. Lin.

5 Tacil. , lib. III et IV, An.

ORDINUM DUCATUS BRABANTIAE. 47

ut et legum cresceret auctoritas et earumdem major esset observantia. Etenim ut poeta canit ,

Turba libcns servit, propriis si legibus auctor.

Praeterea si allegutis probari possct proceres et magistratus ad talia jus habuisse, et haec eorum auctoritatem suminam involvere, quaero quare anno 1292 ' et eodem anno 1312 ' quo tabulae Corte- bergenscs fuere conditae, eorum asscnsus et consilium non fuerint adhibita in creatione tabularum vulgo Landcharter pro districtibus Lovaniensi et Bruxelleusi tune redactarum , quibus creandis nequi- dem adfuerunt magistratus? Quare ctiam anno 1332 ' dictae tabulae Cortebergenses ex eorum assensu non fuere confirmatae, si ex eorum consensu condi debuerint? Aliud est ultro et sponte ad leges etedicta constituenda aliquem in consilium adhibere, aut ex communi con- sensu aliquid agere, aliud ad id teneri. Prius principes voluere, ad posterius non constringebantur.

Opponi etiamposset, quod quidam nobiles, Florentins Bertholdus mox memoratus et Gerardus comes Juliacensis anno 1314 fuerint reipublicae administratores , berechteren van onsen lande, ut eos vocat ipse dux * : adeoque potius rempublicam curasse videantur proceres quam magistratus.

Equidem fateor dictes proceres administratores seu directores fuisse , et ita ab ipso principe Johanne III indigitatos reperiri , sed non mirum, quum hi cum Ludovico Ebroicensi quasi ducis, XIV aetatis annum adhuc agentis, tutores essent, et ita reipublicae cura ipsis in- cumberet, sed mirum his adjunctos fuisse ex civibus, quibus quidem potissima cura et administratio reipublicae commissa fuit, uti in ta- bulis per totum videre est ' ; mirum, inquam, cives eo pervenisse, cum

' Luysler van lirab., p. 52 ; Edicl. , t. I, p. 117 ; cdit. Antverp,, 1648.

3 ButkcDS, Trop, de Brab. , lib. IV, p. 3.38.

-'' Loovens , t. III , p. 29.

* Luyster van Brah., pag. I et 83.

' Ibid., p. cit. 82.

48 COMMENTARIUS DE TERTIO STATU

neque ex sanguinis praerogativa neque ulla consuetudine ante haec eo pervenisse reperiantur. In similibus enim circumstantiis ex more quasi omnium gentium , quidam aut sanguine propinquiores, aut viribus, opibus et virlute clariores proceres minorennium principum et patriae curam habere solebant. Hic igitur pro more actum est no- bilibus, sed extra morem cum civibus,qui reipublicae curam suscepe- runt, et quidem ita ut quasi soli omnia administrarent et curarent, immo consiliariis ducis amotis ipsorum loco pro tempore forent, ut tradit auctor synchronus :

Die lier toge setlen sinen raedt, Aen syn poirteren dat verstaet '.

Ad haec: nominati proceres non vice aliorum nobilium, quum quasi essent extranei, patriae curam habuere, ut fecere cives ex oppidis electi, née ullibi nobiles (quantum scio) et quod bene notandum, loquuntur ut magistratus : voor ons en aile de andere; pour nous et en nom, etc. ^.

Sedurgeri posset, auctores referre jam anno 1260, HenricoIII de-

functo, quosdam tulelam ipsius prolium praetendisse , et per Status

inductos fuisse, ut a praetentione désistèrent. Audiatur auctor chro-

nici rhythmici , Joannes Clericus :

Van Gelre (die grave) ende oie syn broeder. Die biscop van Ludic syts vroeder; En van Doringe die landgrave , Elc van hen woude daer ave, Momhoir wesen sonder verlaten; Maer sy worden van den drien Staten Des lands van Brabant soe onderwesen , Dat sy te vreden bleven van desen.

Ut adeo non nobiles tantum, sed et reliqui Ordines suam formam jam saeculo XIII habuisse videri possent.

Respondeo animadvertendum esse pro bis quae ex chronico rhyth-

' V. supra p. 26. : Ibid.

ORDINUM DUCATUS BRABANTIAE. 49

mico (quod eliam sub nomine Brabantsche Yeesten venit) hauriri et

objici possunt, illud a diversis auctoribus esse compilatum et continua-

tum. Prinius putatur fuisse Joannes Clericus, qui iloruit et opus suum

perduxit circiter ad annum 1338; aniio 1315 aliquaiiter a scriptiono

videtur cessassc^nam lib.Y,cap. XI ad an. 1315 hiiuc in niodiim scribit:

Wanl nu recjneert dese Jan. Golcve ic (len Iji voir tan, Dal hem gevallen eenige saken , Dat sal ic u dichten en maken.

Postea supervivens promissa exequitur scribens :

Sider dat ic desen ' boec liet. En betoec , ah ghi hier siet , Soe syn gevallen saken. Die ic u cont wille maken, elc.

Statim illa refert; sed in his nihil pro Ordinibus reperi , nisi quae supra p. 39, exhibui.

Ubi desiit JoannesCIericus, alius vel alii suppleverunt, altioribus etiam interdum repetitis et fragmentis interjectis, et produxerunt usque ad Philippum I. Sed qui ultimam manum apposuit, yidetur sibi vindicare libres VI et VII, capite enim extremo canit :

Van hertoge Philips onsen genedigen heere. Die Brabant, nu ter tyt regeert.

Dus heb icker dicke omme gewaect, 'T scsde en sevende boec volmaect.

Ex libro autem Vllcap.(mihi) 47 quae objiciuntur,desunipta sunt; unde non majoris auctoritatis sive ponderis sunt, quant ea quae ex Dynteroet a Thymo,ejusdem fere aetatis scriptoribus, objici possunt",

' De quinto Clironici libro quxstio est. Cfr. Willeras, p. 4-4o et HQ.

^ Principium gcncrnlc est passitn civitate donatum : Quod scriptoria tempore rerum gestarum nimiuin remoto, non $il fides adhibenda, nisi alleget aliosgeslit satis propinquos , adeo quidem ut tealis de re quam descripsit, duobus aut tribus saeculis sine allégations leslis sijnchroni non habea- tur pro teste idoneo. Ita censent Mabillon, de Studiis MonasI,, parte II, cap. 8; Bailletus, m Ad»ionil.; Tillemontiu» , ad P. Lamy,t. U, art. 80; Joan. CIcricus, (fe y^rto crifica, t. Il, part. III, sect.2; apud D. GeoTQ.,iH Syl/ogeseuspirilulitierario , p. 429,edil. Aug. Vindel. 1771.

To«. XV. 7

50 COMMENTARIUS DE TERTIO STATU

quibus tanquam Ordinum originem non ex professe scrulatis , parva in his debetur reverentia. Ejusdem naturae suntomnia argumenta, quae ex aliis locis citatorum librorum VI et VII formari possent. Verum id fatemur, horum auctorem majoris esse auctoritatis quam allegatos au- ctores, utpote raagis judicio valens, et relatis vicinior, quum sub Jo- hannajamex ephebis videatur egressus; scribit enim lib. VI, cap.ult. :

Ik sach by vrouw Johanna iiden, Die selcken op hoge perden riden , Die naer haer doot, cort na dat, Metten cleederen in de moder sat.

Apud hune auctorem saepissime Statuum mentio , et quum anti- quiorem non invenerim, qui Ordinibus id nomen tribuat, inducor ad credendum , eum e primis et antiquioribus fuisse , qui Statuum memi- nerunt.

Sed est aliud, quod scrupulum majorem injicere posset de Ordinis nobilium existentia saeculo ut minus XIII, diploma videlicet Richardi Romanorum régis, qui anno 1267 non tantum procerum aliorumque consilium et deliberationem, sed eorum etiam consensum et volunta- tem requirit pro saepe memorata ducatus cessione. Verum huic, uti et illis,quae ex comitiis Cortebergensibus et Cameracensibus objici possent, jam supra pag. 7, obviam itum est.

Sententiae nostrae videri posset adversari , quod nobiles repe- riantur suos homines aliquoties saeculo XIII et XIV duci talliandos concessisse, atque cum magistratibus talliarum et subsidiorum direc- tionem sive administrationem habuisse , ut proinde aeque ac dicti magistratus ad reipublicae negotia concurrisse, ejusque curam ges- sisse , et jura quodammodo regalia contrectasse dici possent.

Respondemus nos iterum non negare id aliquoties contigisse, sed nechocmirum, quumtum observitia,quaeut vasalli principi exhibe- bant, tum per testamentum Henrici III eorum subditi censuales et pro- prii abinsolitistalliis maxime capitationibusessent liberi ", atque adeo

' Omnes quidem ruricolae, qui servilis vel quasi servilis erant conditionis, per testan.enlum

ORDINUM DUCATUS BRABANTIAE. «t

impositiones de ipsorum nobiliiim voiiintalcfieri debebant. Adminis- tratio vcroautdirectiotalliarumetsub.sidiorum magis a magistratibus quam iiobilibus fuit exercita, uti ad annos 1314, 1334, etc. jam su- pra demonstravimus. Immo soli magistratus cum suis concivibus, absque nobilium (ut apparet) concursu, non raro subsidia conces- sisse reperiuntur '. Unde inferri posset rem banc maxime ad ma- gistratus spectasse, nobiles non semper rogatos fuisse, neque rem banc (ut objectionem praeveniamus) in conventibus omnino peragi debuisse, etsi posterioribus temporibus ita communiter factumrepe- riamus.

Sub alia qualitate quam cives, nobiles concurrebant ad subsidia ordi- nanda, nempe ut intimi principis consiliarii, quemadmodum tabulae edocent *. Sed dato etiam nobiles ac cives ad subsidia extraordinaria concedendaconvenisse, non inde solide probari posset, proceresjamOr- dinis seu Status formam adeptos fuisse, quum vox iSto/w* stabile quid ac regulare innuat , et hae petitiones générales ingentium summarum a medio saeculi XIII usque ad médium insequentis sat rarae fuerint;

Henrici III ab exactionibus et talliis (casibus paucis exceptis) fuerunt declarati ia posterum li- beri (v. Mirxi Dipl., 1. 1 , p. 207). Sed id intègre (maxime respecta hominum ad ducem immé- diate spectantium) in eiTectum non fuit deductum ; Johanncs enim II anno 1292 ait : « Sauf ce » gue nouspuiise tailler ceaus que nous u no ancesseur avons ta'd\6ju»kes à ores à no volonté » (Apud Butkens, Preuv., p. 130.) Verum nobiles et cives privilégia sua magis manutenuerunt, et qui ipsis immédiate subjiciebantur , talliari tantum polerant a principe ex ipsorum nobilium et ci- viumconsensu , quiquidcm ipsi nobiles, suos quasi pro placito talliabant, donec ipsos, vel libe- raliter vel mediante pecunia, intègre vel sub certo censu a cooditione quasi servili libera- runt. (v. supra p. 28.)

' Ita anno 1303, occasione belli Mechliniensis, Bruxellcnses concesserunt duci 2500 Ib. ( v. Luystervan Brab., p. 1 et 61). Ita eosdem, annis 1805, 1332, 1335, 1339, ingentes sommas duci concessisse in apographis literarum ducis conspexi , nulla ibidem occurrente mentione praelatorum aut nobilium.

^ Ita liquet ex collatis littcris ducis Johannis III. Anno enim 1335 ait dux inlitteris suis de sub- sidio anno 1834 petito : « /f^anl tpy met onsen rade en met onsen stede aentogt hebben eenen dientt » tan [00 ponden en rypich ponden, , . . vanonse»tadt Diesl , etc. n Et anno 1336 aliis literit de eodem subsidio agentibus dicit : « Qui se Dostris nobilibut villarumque consulibus subjece- sunt, etc. '■ En quos hic nobilei vocat, anteriori anno conêiliarios nuncupabat, atque adeo raepius tantum ut consiliarii potuerunt rem subsidiariam contreclasse. Porro litterarum aile- gatarum apographa pênes me sunt ( Cfr. supra, p. 34).

52 COMMENTARIUS DE TERTIO STATU

principes enim ex proventibus suorum domaniorum , teloniis , impo- sitionibus, censibus, talliis hominum suorum censualium proprio- rum, etc., ac communi annuo tributo (jaerscot) , quod moderate ex agris non ex capitibus solvi solebat, reipublicae necessitatibus sub- venire nitebantur. Quum copias militares perpétuas non alerent (ci- vibus belio ingruente hostibus se opponentibus) non tantae , quantae hodiedum, ipsis faciendae erant expensae. Urgente \ero reipublicae ne- cessitate adhuc prius, quam générales petitiones aut exactiones fièrent, pecuniarum summas mutuo accipere solebant, eas ex proxima exac- tione aut tallia (si imponere oporteret) refusuri , aut eorum quotae annumeraturi ', aut alias reddituri.

Sed dato etiam bas petitiones sat fréquentes fuisse , et ad hoc pro- ceres convenisse cum oppidorum deputatis , non ex eo audacter con- cludere auderem eos jam in Ordines abiisse, quum ea sola quoad subsidia facultas non videatur sufficiens, ut ex eo capite perfectam Ordinis formam ipsis adjudicemus, si alia patriae negotia non ita con- trectasse reperiantur, ut ea contrectarunt ea tempestate magistratus. Praeludia liaec quidem vocari possent " , non tamen stricte actus Or-

' Ita adannum 13S6 reperiuntur Lovanienses, Bruxellenses, Antverpienses , Buscoducenses, Thenenses, Nivellenseset Leeuwenses, duci Wenceslao ob bellum Flandricum commodasse ISOOO sciita antiqiia , qui ipsis in pignus concessil : ic ^lle dejuweele en schoonheiden (ducissae) die de " heere van ff^ùham onder hande hadde (Swertboeck , p. 122 et 99.) » Et anno insequenti 1337 promillit idem Wenceslaus Bruxellenses et Lovanienses, qui ipsi mutuo dederant 800 oude schilde, per haec salisfacturos precariae proximae, quae reipsa an. 1868 concassa fuit. Eodem modo anno 1808 Herentalienses commodarunt Johanni lll 912 Ib. et 3 d., fidei jussoribus con- stitulis Florentio Berthout, Gerardo domino de Diest, Henrico de Kuic, et Henrico domino de Duffel. Litterae apud me.

- Praeludia, inquam , vocari possent; si enim dicerem, quod nobiles ita interdura cum magistratibus convenientes , sic sibi partira viam paraverint ad alia etiam patriae negolia con- trectanda , a vero fortasse non longe aberrarem. Siquidem post médium saeculi XIV, subsi- diorum petilio generalis (antea rara) continuo invaluit , et facile in conventibus pro bis indiclis aliae res magis magisque coepere proponi et decidi , quibus quum adessent nobiles, debitus illis honor cerlo fuerit delatus , atque adeo alia , quae ante a-enda tantum ex civium assensu fueranl promissa , contrectare facile coeperunt. Ut ut sit , hujus praesertim rei decisio ab Aca- demia non quaeritur. Porro petitionemsubsidiorum post médium saeculi XIV continuo invaluisse constat luculenler ex instrumentis ea de re superstitibus. Exstant siquidem tabulae an. 1338, 1362, 1868, 1374,1883, 1384, 1385, 1388, 1389, 1394, 1407, 1409 , 1412, 1421 , 1428,

ORDIiNUM DUCATUS BRABANTIAE. 33

(linuin dici debent. Supra quidein ad demonslrandum, qiiomodo inagistratus Ordinis formam adepti sunt, adduxi talliarum seu sub- sidioruin administrationem magistratibus commissam argumento esse, eos patriae curam habuisse; sed simul demonslravi poliorem eorum curam ipsis quasi semper incubuisse , et postea addidi, quod etsi singula ibidem allegata seorsim considerata, fortasse non solide probarent magistratus formam Ordinisconsecutos, attamen si- mul sumpta et considerata nulium relinquere videantur dubium, quin magistratus ita eopervenerint, et quidem prius quam proceres.

Si opponatur nobiles anno 1336 aeque ac magistratus de cu- denda et evaluanda moneta fuisse consultes, atque ex eorum assensn de ea re contractum fuisse initum inter ducem nostrum et comitem Ifollandiae ', atque adeo juriumregalium certo sensu etiam proceres fuisse participes; respondeo ■verum esse eos contractui adfuisse et as- sensum praebuisse ducis propositioni : id tamen mirum videri non debere, quum principi, si quosdam de tali re consulere vellet ( uti certo consilio opus erat) nihil opportunius esset, quam eorum, qui ipsi sat magno numéro continue aderant atque a consiliis erant , adhibere assensum et consilium pro majori rei cautela, utiliori et securiori ejus dispositione. Verum non ita res se habebat respectu magistratuum. Hi remoti accersiri debebant , et facile accersiti non fuissent, ut rem consilio atque assensu suo firmarent, nisi de jure con- Tocari debuissent Sic igitur satisfieri volebat princeps promissis suis anni 1314 ^ respectu magistratuum : ita suo beneplaeito respectu procerum , quibus hue usque nihil de subjecta re erat pollicitus.

Dici possel, quod anno 1356 duces nostri cum CaroloIV impcratore contraxerint, quod si nullam prolem relinquerent, ducatus Brabantiae

1436 , U44 , U51 , 1457, etc. , quibus patel ingénies summas per tcrminos 5, 6, 7, intcrdum dcccm annorum ducibus fuisse concessas, idque sane(ut plurimum) in patriae convenlu (v. Wy- nants, Traité de$ charges publiques, MS. Sieertb., p. 35, 44, etc.; Luyster van Brab., part. I, p. 188, 171, part. II, pag. 106, 120; Mémoires cour, en 1788;Heylen, p. 25;Ernst, p. 144; Engels , p. 16). Pro rcliquis annis ipsc sub oculis habui tabularum apographa.

' Mieris, Chart., t. Il , p. 673, et supra p. 15.

> V. Loovens, t I, p. 86.

54 COMMENTARIUS DE TERTIO STATU

et Limburgi ad familiam Luxemburgensium devolyeretur seu transi-

ret, approbantibus id non tantum magistratibus^ sed etiam ducum

fidelibus , seu proceribus vasallis , atque adeo videatur aeque ad nobi-

les ac ad oppidorum redores spectassepatriaedevobitio.Tnstrumentum

quo id fitexhibet Butkens, Preuves p. 190.

Respondeo in instrumento id haud clare contineri. Duces quidem

in eo affirmant se super hoc diligentem tractatum ac maturum consi-

lium habuisse cum fidelibus seu nobilibus ; sed inde parum pro eorum

auctoritate. Ut ut sit, quum talia contrectare solis magistratibus anno

1355 ' esset promissum, consilium vel etiam consensus procerum,

rébus Brabantiae tum valde ulcerosis % videntur tantum pro majori

rei securitate ' ac patriae tranquillitate adhibita , non autem ex om-

nimoda necessitate, attento etiam quod tabulas instrumenti citati

confirmatorias soli magistratus videantur subsignasse , ut indicat auc-

tor chronici rhythmici, dum de bis agit :

en van aile dat

By brieven gemaeckt en gescreven , Onder der stede segel gegeven , Des anderen daigs , etc. *.

nihil addens aut allegans de procerum sigillatione. Sane quum anno

' V. Laeto introitu fp'enceslai, art. III.

2 Flandri enim imminebant Brabantiae, et de Geldris accedebat timor, unde potius ex timoré quam amore erga familiam Luxemburgensem videntur magistratus vel etiam nobiles eo per- venisse , ut nempe imperatorem adjutorio habcrent, et hinc fortasse evenit, quod nunquam hic contractus sortitus fuerit efifectum. Aliam intérim affert rationem Lopvens, t. I, p. 52 , ob quem hic contractus non substiterit , quia nempe videbatur repugnare art. VII laeti introitus. Etenim ut scribit in citatum art. : « Daer uyt resulteert dat het concordaet van successie tusschen « de voorscreven hertogen met keyser Carolus IV , broeder van fVenceslaus , aengegaen ten jaere Il 1336 , niet en heeft konnen subsistercn. »

* Sane eum in fincm non tantum proceres, sed etiam magistratus pluries ducum literas si- gnarunt, et rébus contrahendis aderant, ac toarandiare rogabantur. Itaanno 1292 quum plerique ducis vassalli eorumque homines, XX partem omnium bonorum suorum duci concessissent per literas , quibus tam ingens subsidium nunquam amplius se petiturum promittit , octo oppido- rum magistratus rogat, ut eum ejusque successores ad promissa servanda compellant, ipsique pro suo posse obsistant , si haec infringat (v. Butkens, Preuv., p. 130). Ita et anno 1301 , ven- dita Mechlinia , literas soli magistratus sigillant , quae omnia ad majorem contrabentium secu- ritatem , non ad demonstrandum sigillantium auctoritatem facta esse sat intelliget lector.

* Brah. Veesl., lib. Vl.Cfr. Des Roches, Epit., t. II, p. 216.

ORDINUM DUCATUS BRABANTIAE. 55

1354 et 1357 *, dum etiam de ducatus devolutionc sou translatione actiim est, se huic rei non immiscuerint, sed soli magistratus id ege- rint, quis ex instrumente citato audebit inferre procerum consensum necessario et dejure fuisse adhibitum et adhiberi debuisse, uti respectu oppidorum rectorum oportebat?

Urgeri posset, quod eodem anno 1356, dum ferrebat bellum Flan- dricum, duces nostri, ut Wilhelmum Hannoniae et Hollandiae comi- tem sibi conciliarent, ejusque opéra pacem obtinerent, sub variis conditionibus ipsi tabulispublicis ^ cesserint territorium Heusdanum, decem baronibus aut proceribus pro praestatione seu warandia pro- missorum et contractorum adhibitis , ut proinde aeque reipublicae curam quoad liniitum custodiam videantur habuisse ac oppidorum magistratus.

Respondeo verum esse, barones aut équités contractui adfuisse, ut tabulae exhibent, eorumque praestationera seu warandiam (ut illius aevi voce utar) adhibitam esse; ast id iterum pro majori securitate, cautela et solemnitate, non ex necessitate actum est.

Quantum ad cessionem nominati territorii , ea de re , de abbrevia- tione (inquam) limitum, nequidquam hucusque fuerat promissum proceribus; et proinde eorum consensus ea de re non erat dejure expeteudus; et hinc, si tabulae bene expendantur, soli magistratus cum ducibus reperiuntur cum comité ejusque oppidis contraxisse non proceresmemorati. In initie enim tabularum itafantur principes: u Wenceslaus ende Johanne... doen cont... dat ley over een gedragen syn met onsen lieven neve Hertoge Willem van Beijeren... vanpunten van voirwarden... tusschen onsen lieven neve voirs. , sinen slede ende lande... e?ide ons ouse stede ende lande van Brabant aen d'andere 5yrfe^),ubinihiladditurdebaronibusautequilibus.Posteasolum,dum de praestatione seu vvarandiae mentio fit, eorum occurrit memoria * .

V. supra pag. 42 et 44.

î V. Mieris, t. Il, p. 868,

^ Micris , loco cit. , t. Il, p. 868.

* De warandia ita tabulae : « f^oirt »oe nuUen hen die voirs, heereit hare riddercn , ileden en

56 COMMENTARIUS DK TERTIO STATU

i\eque etiam proceres ad sigillandas tabulas destinantur , sed tan- tum oppidorum magistratus : a geloven icy... dat loy dese saken... en die le doen bezegelenmetonsen zegelenende met onser stedezegelen. » Ut adeo potius hic contractussystemati nostro faveat, quam id evertat aut quatiat.

Si replicetur quod iterum anno 1357 barones ac équités aeque ac oppidorum rectores rogentur sigillare, ut tabulae indicant ' , quae memoratus Wilhelmus pro terminando praedicto bello esset arbitra- turus, ac proinde eorum consensus aeque ac magistratuum videatur necessario expeti debuisse ^ ; fateor rem ita se habere quoad sub- signationem. Sed additur in tabulis : a ora de meere sekerheydt ende >estenisse soo hebhen wy gebeden , bevolen en bevelen onsen lieven getrouicen baenrodsen , riddere en steden als Heeren Henric Ber- thout... HeerJan van Polanen , etc. » Pro majori ergo securitate et firmitate, addi et posset subinde, solemnitate, ad talia proceres concurrerunt : enim vero quum principibus familiares et a consiliis essent, ac adeo quasi semper ad manum, pro more saeculi literis ducalibus sigilla sua apponere pro opportunitate et solemnitate pote- rant, et alii pro securitate desiderabant. Et quum in rébus feudalibus et bellicis summae essent potentiae, res eo securius et solemnius per- ficiebantur, quo frequentius eorum testimonia et sigilla adhibe- bantur, et hinc principes nostri non tantum proceres Brabantinos, sed saepe etiam extraneos sibi adhaerentes et latérales, multoties adhibuisse reperiuntur.

Eodem quidem modo loquitur dux de nobilibus et oppidis in citato instrumento. Ast (quod pluries observatum et quasi ubique

» lande onderlinge verbindtn gelyck gesproken es. . . . dat wy dese zaken en pointen voirs. ende » eenen yegelycken vanhen tetoldoen ende volvueren (v. Mieris, t. II, p. 868.) »

' V. Butkens, Preuv. , p. 191.

- Alia fortasse contra nosiram sententiam possent procluci, et a contrariae sentenliae patro- nis facile producentur; ast ex hic datis solutionibus et observationibus , uti et reruni circum- stanliis non difllcile (ut putojerit ea enodare. Quae vero nos supra ex instrumenlis et aucloribiis synchronis pro sententia nostra deprompsi , non eadem facilitale , nisi veheraenler fallar , dissolvi posse existimo.

ORDIISUM DUCATUS BRABANTIAE. 57

observandum)inugnuinterccditdifl*erentiaintersubsignationesetinter pracsentiam nobilium et magistratuum scu oppidorum deputatoruni quoad pracsens et aliu patriae negotia, quibus simul adfuere. Hi plerumque aderant rébus, qiiarum expeditio de eorum consensu ex principis promissis anni 1314, 1339, 1351 ' erat facienda, adeoquc de jure ^, isti ut ducis consiliarii ac fidelissimi et potentissimi testes , idque de principis gratia , utpote nusquam ante médium saeculi XIY polliciti, se talia absque eorum consensu et assistentia non expedi- turum. Quibus adeo eousque jurisdictionem suam haud ita communi- casse censendi sunt principes, ut magislratibus per promissa fecere.

Igitur neque haec objecta, neque alia sententiam nostram hac sect. II cap. III stabilitam ita yidentur quassare, ut eam multum mobililent,sed sarta tectaque manere videntur sensa nostra, oppido- rum scilicet municipiorumque rectores ut populum repraesentantes prius pie nam seu perfectatn fo/'tnamOtdmis, patriae negotia majora concurantis et de juribus regalibus certo sensu participis , consecutos quam patriae proceres.

Quorum splendori, decori et gloriae ne hilum hic decerpere inten- dimus , etsi serjus quam magistratus perfectam Ordinis formam eos adeptos statuamus et agnoscamus. Solum pro veritate eruenda et pro- mcnda scripsimus, nullatenus ut calumniam inferamus. INeque adeo sensa nostra aegre laturos confidimus, quum et ipsis magis veritas aut hujus sincera inquisitio cordi esse soieat quam vana adulatio.

« Vide tabulas apud Loovens , t. I , pag. 32 , 34 , 48 , et t. Hl , p. 36.

2 Hinc ad probaiulam Tertii (ut nunc loquimur) Ordinis existeotiaoi, plura oraisimus , quibus aliquando adfuere oppidorum deputati , absque vel etiam cum nobilibus , sed tantum ex gratia , pro majori rei sccuritate et patriae tranquillitate, nulluni ex ducis promissis adhuc jus ad talia adepti, quia ista non evincunt , neque multum suadent, ut credamus haec in qualitate Ordinum ab ipsis contrcctata fuisse. Aliud est enim de jure quidpiam contrectare, aliud ex gratia ad id concurrere.

Ordo magistratuum ut populum repraesentans patriae negotia de jure ex principum promis- sis et concessis ab anno 1314 contrectare coepit, et continue magis magisque novis promissis jurisdiclione accrevit. Troceribus autem id concessum aut promissum anlc médium saeculi Xl> neutiquam reperitur, adeoque de gralia aut convenientia pleraque , quibus adfuere, conlrec- tasse censendi suot , quia privilegium in dubiis non tupponitur, sed probari débet.

Toji. XV. 0

38 COMMENTARIUS DE TERTIO STATU, ETC.

Caeterum vos , candidi sagacesque Judices Academici , lucubralio- nes nostras qualescumque attenta , quaeso , mente revolvite et rem judicate : certi nec falsi quidquam nos scienter per caliimniam admis- cuisse (iteratodicimus), necveri violenter omisisse per adulationem. Vestrum jiidicium non tantum non subterfugimus, sed post multnm laborem etiam expetimus et provocamus, ut , si non nostrum , saltem ex charitatis dictamine , rivalium videamus et gloriemur alleviatum conatum,

Ne quoque soieries sileant sine munere musae.

Denique si humanitus alicubi erratum sit (non enim in tam obscura materia argum falli aut subinde offendere rarum esset), corrigite_, nec enim pigebit unquam , sicubi haesitamus, quaerere; nec pudebit, sicubi erramus, discere errataque expungere-

CEDAT REVERENTIA VERO.

vv\^vvvvvv\v^^vvvvvv^^/vvvvvv^^^^AAAlvv^Alvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvv^^(^^^lvvv\^r^^

M4NTISSA.

Quuin praesens opusculum ex inlegro esset absolutum et compac- lum , ut A.cademicorum judicio subj iceretur , en ab amica manu recepi aliud sub titulo : Observations historiques et critiques sur la prétendue époque de V admission des ecclésiastiques aux états de Bra- bant, vers l'an 1383, joar M. Er... ', à Maestricht. Id dum raptim evolvi , reperi systema, quod hic adoptavi ab illius auctore prorsus rejici , etenim lotis viribus nititur orbi literario persuadere, jam longe ante saeculum XIV très Brabantiae Ordines plenam suam habuisse consistentiam. Monumenta qnae pro sua sententia producit, si tem- pestive \idisseni , forsan inter objectiones collocassem , ibique dissol- vere conatus essem; facilia namque solutu mihi apparent. Intérim nullum producit quod mihi erat incognitum, dum praesens opusculum conscriberem : quod plura ex iis non produxerim ( quae jam video magni fieri ab auctor^Er... ) egi, quia judicabam et hucusquejudico ea parum aut nihil probare pro Ordinum existentia. Quid enim ex ta- bulis anni 1233, aut ex testamentis Henrici II et III, quibus adfuere nobiles, abbates aut religiosi, concluderem, non videbam, quum inter istos praesentes etiam taies essent ^, quos nemo admittit Ordinum

' Ernst. Cfr. supra ediloris praefatio.

- Scilicct Priur l'rardicatoriim et Decantis S. Pétri, quos quasi studio omittit auctor Observa- tionum , p. 9. Vide Dirai lieruin Brab. lit. X, p. 1 1-i.

60 MANTISSA.

membra fuisse , et ex adhibitis corum consilio et deliberalione (ut ta- bnlae sonant ' ) haud solide inferri posset eos, ut talibus adessent , jus habuisse aut ut Ordines comparuisse et délibérasse.

Caeterum si mea interesset, totum pêne citatum opusculuin tanta faciiitatedestruerem, quanta animositatevideturconfectum, et quanto zelo (si bene dixerim) systema D. Heyien, quod an. 1783 praemio dignum judicarunt Academici, deprimere et concutere nititur auctor anonymus.

EXPLICIT

ADRIANI HEYLEN

COMMENTARIUS DE ORIGINE TERTII STATUS ORDINUM

DUCATUS BRABANTIiE.

Butkens, Preuv., p. 89; Mirœus, t. I, p. 207.

vvvvvv^/vv^A/vvwvv\vvv^lvvv^v\lvvvvvvvv\^^(vvvvvvvvvv^lvv^^

APPENDIX.

I.

COMMENT ET DEPUIS QUEL TEMPS S'eST FORMÉ l'oRDRE DU TIERS-ÉTAT ' ?

« Le tiers-état > dit l'auteur des Mémoires historiques et politiques sur les Pays-Bas au- trichiens, p. 157, « était composé ci-devant des députés de toutes les villes, et même des » bourgs considérables du Brabant; mais depuis longtemps le droit d'avoir séance aux » états a été attaché privativement aux villes de Louvain, de Bruxelles, d'Anvers et de » Bois-le-Duc , que l'on nomme les quatre chefs-villes; ce qui a cessé à l'égard de la der- » nière, lorsqu'en 1029 elle passa au pouvoir des Hollandais. »

Pour que ces députés aient pu avoir séance aux états en qualité des représentants du peuple, il faut V que les villes et le peuple soient libres; que les villes soient immé- diatement sous le gouvernement du duc de Brabant. Selon le système féodal , une ville aurait pu dépendre immédiatement d'un baron.... Les bornes qui me sont prescrites ne me permettent pas de dire en particulier de chaque ville, quand et comment elle a été rendue sujette aux ordres de nos ducs. Il est essentiel d'observer qu'on parle ici des com- munes des villes, ou des bourgeois non feudataires.

' Extrait du mémoire du père Corneille Smcl.

62 APPENDIX.

Afin d'éclaircir ces points, je crois qu'il sera utile de donner quelques notions générales sur la condition du peuple, soit de la campagne, soit des villes, dans les X" et XP siècles, c'est-à-dire vers le temps que notre duché a été érigé. Voici quelques extraits sur cette matière, tirés des différents endroits de l'introduction à l'histoire du règne de l'empereur Charles-Quint , par Robertson. Le gouvernement féodal , dit-il , pag. 29 , avait dégénéré en un système d'oppression. Les nobles, dont les usurpations étaient devenues excessives et intolérables, avaient réduit le corps entier du peuple à un état de véritable servitude; et la condition de ceux qu'on appelait les hommes libres n'était guère meilleure que celle du peuple.

Cette oppression, dit-il encore, n'était pas seulement le partage de ceux qui habitaient à la campagne et cultivaient les terres de leurs seigneurs : les villes et les villages rele- vaient de quelque grand baron , dont ils étaient obligés d'acheter la protection , et qui exerçait sur eux une juridiction arbitraire. On exigeait d'eux, sans indulgence et sans pitié , des services de toute espèce, etc. Et pag. 56: Tant que le gouvernement féodal a subsisté dans toute sa rigueur, la masse entière du bas peuple était réduite à l'état de ser- vitude.

Il se pourrait que ces expressions de Robertson fussent un peu trop fortes pour chaque pays en particulier : du moins ces termes d'usurpations intolérables ne doivent faire tort qu'à la réputation des premiers qui ont introduit ces usages. Ceux qui sont venus dans la suite n'étaient plus à même de changer un système si fatal au peuple; car, comme l'avoue Robertson à la même page, suivant une maxime généralement établie, il n'était pas per- mis à un vassal de diminuer la valeur d'un fief au préjudice du seigneur de qui il l'avait reçu; en conséquence, on ne regardait pas comme valides les affranchissements accordés par l'autorité du maître immédiat, si l'acte n'était confirmé par le seigneur suzerain.

Ecoutons le même auteur, page 212 : Les personnes employées à la culture des terres, pendant les siècles qui font l'objet de nos recherches, peuvent se partager en trois classes : Les serfs ou esclaves. Un maître exerçait une autorité absolue sur la personne de ses serfs , et avait le pouvoir de les punir de mort sans qu'aucun juge eût besoin d'y intervenir; les vilains (villani) formaient une deuxième classe des habitants de la campagne ; ils étaient également attachés à la glèbe ou à une métairie, dont le nom villa leur avait donné leur nom. Ils différaient des serfs en ce qu'ils payaient à leur maître une- rente fixe pour la terre qu'ils cultivaient; et dès qu'ils avaient payé ce tribut, tous les fruits de leur travail et de leur industrie leur appartenaient en toute propriété; la classe des hommes libres ou de ceux qui possédaient des terres en propriété.

Kluit, auteur très-versé dans l'histoire des Provinces-Unies * , dit que les habitants de la campagne desdites provinces sont restés dans cet état de servitude jusqu'au XIP ou XIIP siècle , et qu'alors on a commencé peu à peu à leur accorder plus de liberté. Voyons maintenant le changement qui est arrivé par rapport aux villes. Robertson, dans l'ou- vrage cité, en parle de la sorte, page 254 : Avant l'institution des communautés, les

' M. Kluit, Primœ Hnece collegii diplomatico-historico-politici , pag. 102.

APPENDIX. 63

nobles ne résidaient que dans leurs châteaux. C'était qu'ils tenaient leur petite cour, tan- dis que les villes étaient désertes, et ne comptaient presque pour habitants que des serfs et d'autres personnes d'une basse condition. Et page '■À^d, il poursuit ainsi : Longtemps avant l'inslitulion des communautés en France, les seigneurs accordèrent des Chartres de franchise ou d'immunités h quelques villes et villages de leur dépendance; mais ces Char- tres étaient fort diiïérentes de celles qui devinrent communes dans les XII° et XIII" siècles. Elles n'érigeaient pointées villes en communautés; elles n'y établissaient aucun gouver- nement municipal, et ne leur accordaient point le droit d'avoir des armes , etc. Elles ne contenaient autre chose qu'un aliranchisscment de servitude.

Louis-le-Gros (vers l'an HU8) adopta le premier l'idée d'accorder de nouveaux pri- vilèges aux villes situées dans ses domaines. Par ces privilèges, appelés Chartres de com- munauté, il atlranchit les habitants, abolit toute marque de servitude et les établit en corporations ou corps politiques, qui furent gouvernés par un conseil et des magistrats de leur propre choix. Les grands barons suivirent l'exemple du monarque , et accor- dèrent de semblables immunités aux villes de leurs territoires. C'est encore vers le même temps que les grandes villes d'Allemagne commencèrent à acquérir de semblables im- munités. Cet usage se répandit promptement en Europe, et fut adopté en Allemagne, en Espagne, en Angleterre, eu Ecosse et dans tous les autres étals soumis au gouvernement féodal.

Lorsque les habitants des villes eurent obtenu la franchise personnelle et la juridiction municipale , ils acquirent bientôt la liberté civile , et quelque influence dans le gouverne- ment. Ils devinrent des parties légales et indépendantes de la constitution, et jouirent de tous les droits appartenants aux hommes libres. Le plus essentiel de ces droits était celui de donner sa voix pour faire de nouvelles lois et pour accorder les subsides. L'Angleterre fut un des premiers royaumes les représentants des bourgs furent admis au grand conseil de la nation. Savoir, en 12ââ , comme le marque Robcrtson. Il ajoute qu'en France la même chose arriva sous Philippe-le-Bel.

Dès que les représentants des communautés eurent acquis un certain degré de crédit et d'influence dans le gouvernement, les lois commencèrent à prendre un caractère diffé- rent de celui qu'elles avaient eu jusqu'alors. La rigueur de la domination aristocratique s'afl'aiblit, et les privilèges du peuple s'étendirent par degrés à proportion du décroisse- ment do l'ancienne et excessive autorité des nobles. La portion du peuple qui habitait la campagne et qui était occupée aux travaux de l'agriculture , commença à obtenir sa liberté par la voie de l'alfranchissement. C'est ainsi que Robertson parle en général de tous les pays l'on suivait le gouvernement féodal : reste h voir comment ce changement a eu lieu dans le lirabant.

La plus ancienne chartrc d'affranchissement que j'aie pu découvrir, est celle que le duc Henri lit expédier en 1 192, en faveur de son alleu de Vilvorde '. Il y est dit que les ci- toyens de Vilvorde seraient désormais jugés en justice réglée par les échevins de la ville,

' ButkcDS, Tropkéa, lom. I, preuves, pag. 40.

64 APPENDIX.

à moins que le cas ne soit hors du ressort du duc ou n'excède son pouvoir. Il y est dit en outre, qu'aussitôt que ces bourgeois auraient fait le serment de fidélité, leurs personnes et leurs biens seraient sous la protection du duc. Il y est ajouté encore, que tout bourgeois qui aurait été domicilié pendant un an et un jour dans la susdite ville , aurait , passé ce temps de domicile , la faculté de transporter ailleurs sa personne et ses biens , et même de les vendre s'il le jugeait à propos. Ces bourgeois , en vertu de la même chartre , furent dé- chargés de toute expédition militaire , qui pourrait être entreprise au delà de la Meuse et de la Dendre, au-dessus d'Anvers et de Nivelles. Ils furent encore , en vertu de la même chartre, déchargés de tout impôt, excepté le cas son fils serait fait chevalier, ou que son fils ou sa fille se marierait, ou enfin que le duc devrait marcher à la tête de ses troupes au delà des Alpes pour le service de l'empereur, ou que le malheur voudrait qu'il fiit fait prisonnier. Encore est-il ajouté cependant, que mên^ dans ce cas, le secours ne devrait être que médiocre. En passant de aux ouvrages serviles qu'il pouvait en exiger en faveur de sa personne , il les en exempte , en exceptant seulement la corvée de faire pour lui la récolte de son foin.

Je ne doute pas , et qui est-ce qui en pourrait douter? que les citoyens de Bruxelles et deLouvain n'aient alors eu le même affranchissement , et vraisemblablement encore plus tôt, puisqu'ils habitaient des villes plus considérables , et aussi immédiatement sujettes au duc que Vilvorde. Je me persuade en conséquence , que le système féodal a suivi le même ordre en Brabant qu'en France, que le décroissement de ce système a eu ici les mêmes époques, et que de plus, les franchises de nos principales villes remontent jusqu'au com- mencement du XII" siècle. Je ne parle pas de Bois-le-Duc, qui ne fut bâtie qu'en 1184, parle duc Henri I", ni d'Oosterwyck , Arendonck, Herenthals, Turnhout, Hooghstraeten , qui doivent aussi leur origine au même prince *.

Nous avons vu l'affranchissement de ceux de Vilvorde. Le duc Henri II accorda à peu près la même grâce à tout le peuple de Brabant. Il est dit , dans son testament, daté de l'an 12G0, articles 1 et 2 : Qiiud ex mine in antea homines terrae Brabantiae communiter per judicium et sententiam tractabimtur. Et quod sint sine tallid, exaclione et praecariâ, ita quod nihil ah eis capiemus , vel capi procurabimus , nisi in expeditionibus cum exercitu ad terrae nostrae defensionem , vel juris noslri conservationem , aut injuriarum amotio- nem , vel in serviiium imperatorum Bomanorum , sive regum Allemanniae, sive cum filiuin vel filiam nuptui tradiderimus , aut cùm filium cingulo cinxerimus militari^. Que doréna- vant tous les Brabançons ne seraient traités que par voie de justice : qu'ils seraient exempts de toutes tailles et exactions, et ne seraient désormais sujets qu'aux expéditions militaires qui se feraient pour la défense du pays, pour le maintien du droit du duc, ou pour le service de l'empire , ou bien quand le duc donnerait en mariage ses fils ou ses filles, ou enfin quand son fils serait fait chevalier.

Ces exemptions, accordées à tout le peuple, sont une preuve évidente qu'alors les villes

' Oppida quœ de novo feceramus, scilicet Oosterwyck , Jrendonc, Herenthals, Turnhout, ffoochstraten : ainsi paile Henri 1" dans une chartre qui se trouve au tom. I" de Butkens, Trophées, etc., preuves, pa(;. 02. Zuystervan Bmbant, pag. 46. Butkens, Trophées, tom. I", pag. 99.

APPENDIX. 69

de celte province ctaienl airranchies. Elles faisaient des corps si respectables, en 1269, que le roi liicliurd ne voulut investir du duché le second (ils de Henri III , qu'après le consen- tement des barons, des magnats, et des communautés des villes '. L'autorité des villes s'accrut cuiisidérablemeiit par la charlre dite de Corlenberg , par laquelle le système féodal fut considérablement changé dans le Urabant. Depuis cette chartre, il ne fallait plus avoir de fief noble [tour devenir juge dans les affaires de la plus grande conséquence. Les plé- bécns y vont pour ainsi dire de pair avec les barons.

(iette chartre portait de plus que le duc ou ses successeurs ne feraient plus ni exactions, ni |)étitions, si ce n'est par occasion de chevalerie, de mariage ou d'emprisonnement; que ces pétitions même seraient si médiocres, qu'elles ne seraient à charge à personne; que par toute la province on jugerait selon les lois; que les villes libres continueraient de jouir de leurs immunités; qu'on y jugerait selon le droit municipal de chaque ville res- pectivement , etc.

C'est à cette époque que les députés du tiers-état auraient pu avoir séance aux assem- blées des états, c'est-à-dire , que tout obstacle était levé qui aurait pu les empêcher d'y en- trer. Les communes étaient libres ; le peuple l'était aussi. Ces communes étaient assez im- mtHliatement sous le gouvernement du duc : ou du moins les barons consentirent h tout, en apposant leur scel à la chartre de Cortenberg *. Mais pourquoi et quand ce tiers-état a-t-il enlin pris séance aux états en sa qualité de représentant du peuple?

Le Gendre ' , après avoir dit qu'en France les villes et le peuple étaient devenus li- bres vers le temps de Louis VII , explique ensuite , quand et comment les députés des vil- les ont eu entrée aux assemblées générales du royaume. Voici ses termes : < Les villes » s'enrichirent, et devinrent bientôt si puissantes, que pour les faire contribuer avec » moins de répugnance , on les appella par députés aux assemblées générales. Leurs dé- » pûtes y entrèrent en lôOi. Ce ne fut, cette première fois , que pour y représenter leurs » besoins et leurs facultés. Les honneurs augmentèrent selon le plus ou le moins d'argent » que les villes fournirent dans les nécessités publiques ; de sorte qu'insensiblement elles » formèrent un tiers-état, qui eut dans ces assemblées autant et plus de pouvoir que la > noblesse et le clergé. Il n'y avait auparavant que les nobles et les gens d'église qui y » eussent voix délibérative. » Roberlson , dans l'ouvrage cité, page 250, dit que les dé- putés des villes furent admis aux états-généraux, en France, vers l'an 1312, et que les états-généraux, tenus à Paris en 1355, étaient composés de près de huit cents membres, dont plus de la moitié n'étaient que des députés des villes.

' f'oyez ci-<Ics»iis pag. 8 et 1 1 .

' A cette chartre apposèrent leur scel le' comte de Julien , le comte de Loea, le sei{;neur de Vaickenbourg , S(.'i(;ncur de Malincs , le seigneur de Diest , le vicomte d'Anvers , le seigneur de Liolckcrckc et de Breda , les seigneurs d'Hornc, de Wrsemael , de Itcr(;lien , de Vianen . de Grimbcrgen , etc. ; les communes qui la scellèrent de leur sceau furent : Onun lieven lietlen l'an onsen iteden en van onstn vriheden van onsen lande, data te tcelen van Loven. van Jirussele, van .^nticerpen, van S' Hertogen-Bossche , van Thienen, van Leice , van A'yvtle, van Geldenake, van Genappe, van Lyre, van J/erentaU, van Turnhout, van Hannut, van yUvoirden, van Tervutnn, van y'ache, van Merchtem en van der Cappellen.

^ Nouvelle histoire de france , tom. VI , pag. J(W , 113, etc.

To«. XV. 9

66 APPENDIX.

Pour ce qui regarde le Brabant , je réponds à la question académique , que c'est vers le même temps , c'est-à-dire vers le commencement du XI siècle , que le tiers-état a eu droit d'assister aux assemblées de la province. Plusieurs motifs peuvent avoir contribué à lui donner cette entrée aux assemblées; la richesse des communes et leur puissance; l'exem- ple du royaume de France , comme on vient de le voir ; l'exemple du comté de Flandre, les communes des villes furent agrégées aux états , vers l'an 1500 , comme le soutient l'au- teur du mémoire intitulé : Expoailion des trois états du pays et comté de Flandre , imprimé ea nu , pag. 31 et suiv- Si quelqu'un alléguait encore d'autres motifs, je ne les combat- trais pas. Mais j'ai à alléguer une raison , qu'on ne peut pas révoquer en doute; la voici : Le tiers-état a acquis le droit d'entrer aux assemblées du duché, parce qu'il a contribué aux besoins de l'élat malgré ses privilèges. Je vais en fournir la preuve.

En 1515, les villes, les abbayes et le pays de Brabant, payèrent les dettes du duc Jean II, et ils le firent de leur plein gré, comme l'atteste le duc même dans la chartre qu'on appelle communément la chartre walonne '. C'est pourquoi, le duc voyant et con- sidérant le grand faveur et loyaullé d'eulx envers lui , leur promet entre autres choses , qu'on ne saillera nieet , dit-il , de notre sayel en grosses causes qui peussent trouver à en- combrier ou domaiger à nous ou à notre terre , si ce n'est par le conseil des bonnes villes. Le conseil du pays y est apparemment sous-entendu , puisqu'il est exprimé dans les autres articles. Il est à remarquer que Gérard, comte de Juliers, Ernoul, comte de Los, Renault, seigneur de Faulquemont et de Monjoye, Floris Berthoudt, seigneur de Malines, Gérard, seigneur de Diesle et chaslelain d'Anvers , Ernotd, seigneur de Wesemale, marichal de Bra- bant, et Philippe, seigneur de Liedekercke et deBréda, signèrent la chartre non-seulement en recognoissancc de vérité, mais aussi pour reconnaître que toutes ces choses étaient fai- tes pour le bien-être du duc et du pays , et par leur gréalable ressentement ; de sorte que ces nobles consentirent à ce que le sceau du duché ne fût plus employé qu'avec l'agré- ment des villes et du pays.

Le même jour ce prince donna une chartre en langue flamande *, dans laquelle il sta- tua, que dorénavant on ne battrait plus aucune monnaie que dans une ville libre de Bra- bant , et avec l'avis des villes et du pays, même pour ce qui regarde la valeur des pièces. Dat nien niet maken sal noch slaen negencn penninck binnen Brabant, en si binnen vrien ste- den, ende met raede dervoorz. stedenende van den lande, endedien penninck sal men tcar- deren ende houden in goede poenten bi den raede van de voorschreven steden ende van den landen. Ces articles furent confirmés dans la Joyeuse-Entrée de nos ducs Wenceslas et Jeanne, en 153G ^ , et par plusieurs autres.

Il en résulte évidemment, que si l'on eût délibérer vers ce temps-là , ou sur la fabrique des monnaies, ou sur quelque autre chose qui eût mérité le grand scel du duc de Brabant, on aurait convoquer non-seulement les barons, mais aussi les députés des communes. Mais les a-t-on convoqués tout de suite? c'est ce que je ne saurais dire avec certitude. Au

' La chartre walonne se trouve dans le livre intitulé : Den luyster van Bratiant, pag. 77. ' Dans le même ouvrage, pag. 79. " fbid., pag. 126.

APPENDIX. 67

reste, ne sullit-il pas démontrer leur droit? ne sullit-il pas de prouver que leurs [mu- voirs étaient alors plus considérables que ceux /les états-généraux de France, du moins si Le (îendre est digne de foi dans cette matière '? Cet auteur, après avoir rap|»orlé l'origine des trois états de France à l'an lôOi, poursuit dans ces termes : t Ces étals-gé- > néraux n'eurent pas le même pouvoir qu'avoient eu dans les premiers temps les assem- » blées générales; ils ne se tenoient que quand le roy le vouloit; on n'y délibéroit ni de » la guerre, ni de la paix, et leurs fonctions se réduisoient à représenter leurs griefs, à » régler les subsides et la manière de les lever, ou à nommer à la régence dans un temps » de minorité , si le roy n'y avoit pas pourvu. >

Quoi qu'il en soit de ce début de Le Gendre, il n'en fut pas ainsi en Brabant. Nos ducs, en favorisant les communes, n'ôlèrent pas aux barons leui's anciennes prérogati- ves; ils en firent seulement les plébéens participants, et ce fut du consentement des ba- rons. Les ducs , il est vrai , diminuèrent ou détruisirent même cette juridiction arbitraire, que les barons avaient exercée sur le bas peuple; mais ils ne les privèrent pas du droit de délibérer de la guerre ou de la paix, de délibérer des nouvelles lois, de la fabrique des monnaies , etc.

On a sans doute convoqué les deux états de Brabant , en 1359 , pour faire une conven- tion entre le Brabant et la Flandre , convention qui est un traité de paix et de commerce, un traité l'on s'oblige de se servir de la même monnaie dans les deux provinces*. Ce traité est signé par le duc Jean et par les communes {cominun-gemyns) de Louvain, de Bruxelles, d'Anvers, de Bois-le-Duc, de Nivelles, de Tirlemont et de Leeuwe; ainsi que par les communes de Flandre (7 commun van de steden van Vlaenderen) , Gand , Bruges , Ypres, Courtrai, Audcnarde, Alosl, Grammont. 11 fut encore muni des sceaux du duc et desdites villes , hormis (|uc l'abbé de Gemblours y apposa son scel pour la ville de Nivelles, parce que cette commune n'en avait pas. 11 fut encore scellé du sceau des nobles ou des grands vassaux, les seigneurs de Gaesbeecke, de Diest, de Wesemaele , de Duffel , etc., etc. Enfin, le traité entier fut fait au nom du duc, des nobles et des communes.

Le tiers-état s'assembla avec le duc Jean, en 1547, pour conclure un traité d'alliance défensive et de commerce avec le pays de Liège '; l'acte commence par ces mots : Nous Jehans, par la grâce de Dieu, duc de Lothier, de Brabant et de Limborg, et marchis del Saint Empire, les cogmoniguema'dres, eschevins , jtirel , consiaulx.et toutes les unit^rsitez des villes de iMvain et de Bruxelles, pour tous les autres bonnes villes et commun pays de nous duc, devant dict, d'une part , etc. Cette assemblée n'avait pas été générale, puisqu'on n'y voit pas de nobles. Le tiers-état s'assembla encore en 1554 , pour se lier ensemble plus étroitement, afin de rester toujours sous le môme prince, de s'aider mutuellement, et de défendre réciproquement leurs privilqjes, etc. *. Une autre assemblée du tiers-état se tint

' Nouvelle hiitoirt de France, tom. VI, pag. 119.

* Ce contrat se trouve dans l'ouvrage intitulé : Den luytler van Brabant , pag. 100. Voyei ci-dessus, pag. 41 ,

* Ce traité se trouve dans le même ouvrage . pag. liO.

* Cette convention nomme les communes suivantes : Loven, Brussel, S'Uertogen-Bossche , Thienen, Njrrd, Leeuwc. Triclit, Limbourg, Daelhem , Uode, Kcrpen, Wasscnberghe . Sprcmont, Lyerc, Herentals, Tureobout, Geldcnaken, liannu^t, Ccncepre, Laodva, Dormale , Ilalc, Diest, Aerscbot , Sjrcbeae , Bergen op dcn Zoem,

68 APPE^DIX.

en lôo6, pour accorder au duc Wenceslas un subside ' , que ce prince dit cire une pure grâce, et il confirma , en conséquence, de nouveau tous leurs anciens privilèges.

Si je ne me trompe, il y eut une assemblée générale des trois états en 1562 , quand nos ducs Wenceslas et Jeanne demandèrent et obtinrent un subside pour payer leurs dettes. En reconnaissance de ce service , ils promirent de ne jamais plus demander de tels subsi- des , excepté le cas d'emprisonnement, de mariage ou de chevalerie. La copie de l'acte, en langue originaire , porte : Plaelse, baenrusle , rkideren, steden en vriheiden des lands van Brahant ^. Ce mot plaelse n'y signifie rien , à moins qu'on ne le prenne pour prelaten (abbés) ; de sorte qu'on y doit supposer ou une faute de copiste , ou une expression ancienne , mais plus vraisemblablement que le copiste a écrit la lettre P pour Prae par abréviation.

Les deux états, savoir les nobles et les villes ou communes, s'assemblèrent en 1372, lorsque les ducs Wenceslas et Jeanne confirmèrent la chartre de Cortenberg et la cbar- tre walonne ; laquelle confirmation fut munie des sceaux de la principale noblesse de Bra- bant et des communes de ladite province '. Je ne citerai plus d'autres assemblées qu'on a tenues dans la suite; on peut les connaître par les Mémoires de MM. Heylen et Ernst, couronnés en 1785. Celles que je viens d'indiquer, me suffisent pour être assuré que le tiers-état existait vers le commencement du XIV" siècle , qu'il représentait alors le peuple dans les assemblées de ce duché. Je suppose comme certain que l'académie ne demande pas depuis quand ce tiers-état a été inséparablement uni avec les deux autres, de sorte que les résolutions des états ne sont prises que par unanimité des suffrages des trois ordres; et ma supposition est fondée sur la demande même de l'académie, qui désire, dit-elle, qu'on s'attache particulièrement à établir lequel des deux ordres (c'est-à-dire de la noblesse ou du tiers-état) est antérieur à l'autre. Si néanmoins on voulait savoir depuis quand ces trois ordres se sont obligés de demeurer unis d'une manière ferme et stable, et d'être dorénavant inséparables pour s'assister en tout et de tout leur pouvoir, on en trouve un acte qui date de l'an 141,") , muni des sceaux des trois ordres *.

IL

EN QUEL SENS l'oRDRE DE LA NOBLESSE EST ANTÉRIEUR AU TIERS-ÉTAT ' ?

La question de l'académie peut être envisagée sous différents points de vue , selon les différentes idées que l'on se forme sur l'essence et la constitution du corps de l'état; or,

Steenbergen, Breda, Hoelden, Gravcn, Helmonl, Eyndhoven , Sente Oedenrode , Oerle, Erscle, Oesterwyck. Waelwyck , Vilvoerden , Tervuercn . Overeyssclie, Assche, Merchlem, Cappellen op don Bosch P'oy. ci-dessus p. Ai .

' Eene bede en settinge van vijf te half homlerl dusent onder guldenre schilden. quittance du duc est copiée dans l'ouvrage dit Luysler van Brahant, pag. \ù7 .

' Ibid., pag. 137.

'- Luyster van Urahant , pag. 152.

* Ibid., 2""' partie, pag. 19.

' Extrait du mémoire cité ci-dessus, p. G1.

APPENDIX. 69

comme j'ai dit d'avance que je n'allais pas cnlreprcndrc de décider sur l'essence même de la constitution, je répondrai à la question selon les diflérents sens dont elle est encore sus- ceptible, mal^'ré les explications que j'ai faites à ce sujet.

L'auteur des Mémoires historiques et politiques ' avance que les états de nos provinces ne sont que les représentants du corps des sujets; que leur pouvoir doit être borné au droit de consentir aux iniposilions, et à une administration économique, sans juridiction, sans aucun attribut de la puissance publique. Supposons que ces assertions soient conformes à l'exacte vérité, il en résultera que la question académique pourrait avoir le sens sui- vant : Le tiers-état est-il plus ancien que l'ordre de la noblesse pour représenter le corps des sujets en consentant aux impositions qui regardent tout le duché!'

Selon les susdites assertions , on pourrait encore former cette question-ci : Le tiers-état est-il plus ancien pour rejnésenter le corps des sujets dans les assemblées des états qui ont pour objet l'administration économique, ou enlin dans toute autre assemblée à laquelle le sou- verain voudrait appeler ses sujets, sans leur accorder néanmoins aucun attribut de la puissance publique V

Mais comme ce n'est pas peut-être le vrai sens que l'académie s'est proposé dans sa question, et que d'ailleurs j'ignore si tout le monde souscrira au sentiment de l'auteur des Mémoires historiques, etc. , il reste à examiner si l'ordre de la noblesse est plus ancien , non pas justement pour accorder des subsides, mais pour faire le grand conseil du duché, pour concourir à la formation des lois , pour souscrire aux actes publics; enfin , non-seu- lement pour représenter le corps des sujets dans le consentement aux subsides, mais pour représenter aussi la puissance publique.

En envisageant la question sous ce dernier point de vue , je réponds que l'ordre de la noblesse est plus ancien que le tiers-état. J'ai montré les différents pouvoirs de la no- blesse ; j'ai prouvé qu'elle en a joui, du moins depuis que le système féodal a donné

la forme au gouvernement; et l'on a assez remarqué, j'espère, que, pendant le gouver- nement féodal, la puissance publique ne résidait pas dans une seule personne, soit qu'elle fut empereur, ou roi, ou duc, etc. Écoulons là-dessus encore un passage du |)ère Daniel *, qui confirmera tout ce que j'ai dit du système féodal. Il parle du temps de Hu- gues Capet.

« L'idée la plus approchante du gouvernement de ce temps-là, en ce qui regardoit l'au- » torité du roi sur les plus puissants vassaux , est celle de l'empire d'aujourd'hui , et de » l'autorité que l'empereur a sur les princes et feudataires de l'empire, tant ecclésiasti- » qucs que laïques, qui reçoivent de lui l'investiture, et qui sont obligés de lui fournir » des troupes en certaines occasions; mais qui, à cela près, sont maîtres absolus chez » eux. » Ajoutons à cela ce que cet auteur dit dans un autre endroit de son histoire, et nous aurons l'idée du gouvernement du Brabant de ce temps- là. < Ce que faisoient, » dil-il, les plus grands seigneurs du royaume, tels qu'étoient par exemple le comte de » Flandres, le comte de Vermandois, le comte de Hainaut, etc.; les seigneurs d'un

' Ëditioo de l'an 1784, tom. II, pag. 13.ï.

* Hittoire dt France par le P. Daniel, toni. 111. iMg. 401. Éililioade l'ao 1749.

70 APPENDIX.

» moindre rang, et qui étoient les vassaux de ceux-ci, le faisoient entre eux , à propor- » tion de leur puissance '. »

Schmidt , dans son Histoire des Allemands ^ , parle de même par rapport au pouvoir des empereurs et des princes de l'empire pendant la constitution féodale ; il dit que, par exemple, pour ce qui regarde le droit de faire la guerre, qui paraît le plus essentiel aux princes, et sans lequel toute autre autorité ne saurait subsister longtemps : L'empereur pouvoil faire la guerre tant et si souvent qu'il voidoit, lorsque c'étoit pour lui; telles furent plusieurs campagnes de Frédéric P'' , en Italie , et surtout les guerres de Frédéric II, aux- quelles les princes ne participèrent que fort peu. Mais quand les princes dévoient aussi faire les campagnes, il fallait alors demander leur consentement avant que de commencer la guerre. Mais ces vassaux avaient-ils une autorité absoluedans leur province, tandis que les empereurs ne l'avaient pas eux-mêmes? non, sans doute. « A proportion, dit M. Schmidt', » que les princes avoient réussi à se soustraire à l'autorité des empereurs, les vassaux et » les possesseurs de fiefs se tinrent aussi davantage sur leurs gardes, parce qu'ils rie pou- » voient plus compter sur l'autorité impériale. Le même esprit de liberté qui animoit les » princes à l'égard des empereurs , passa aussi à leurs vassaux. Quand les princes vou- » loient faire la guerre, ils ne le pouvoient qu'avec le secours de leurs vassaux ou avec » des soldats qu'ils prenoient à leur solde. Il falloit traiter les premiers avec beaucoup de » douceur, afin de ménager leur bonne volonté pour l'occasion. Il s'en falloit beaucoup » que les domaines des princes fussent sulfisants pour payer un grand nombre de soldats; » et quand les princes vouloient tirer des secours de leur pays, ils étoient obligés de s'y » prendre avec beaucoup de ménagement et de douceur. »

Le ménagement que les premiers ducs de Brabant ont prendre poiir tout ce qui re- garde la guerre , se voit encore en 1540 , en laquelle année il y eut une contestation entre les villes de Louvain et de Bruxelles, qui prétendirent chacune au droit d'être campée à la droite du duc dans les expéditions militaires. Le duc Jean, pour leur faire voir com- bien peu leur demande était raisonnable, leur représenta que dans les guerres personne ne pouvait occuper autre place que celle que le maréchal de Brabant lui assignerait. Il y ajouta, que le duc même se campait dans l'endroit que le maréchal lui marquait : Want voie selve nedervallen endeplaetse nemen, daer hi se ons levert. Néanmoins, pour contenter cesdeuxvilles, il fit un règlement, après avoir consulté ses nobles et ses hommes d'armes *.

L'autorité et la puissance des villes est si visiblement postérieure en date à celles des nobles , que ceux qui paraissent avoir fait le plus de recherches sur les constitutions féo- dales ^ , disent que les empereurs dans l'empire, et les ducs dans leur province, n'ont tant favorisé les communes , que pour contrebalancer le pouvoir de la noblesse. Pour moi , je laisse à part le motif que nos ducs ont pu avoir de favoriser les communes; mais je re-

' Histoire de France, par le P. Daniel , tom. III , pag. 423.

* Histoire des allemands, traduite de l'allemand de Schmidt en 1785, tom. IV. pag. 61 . '' Ibid., pag. 73.

* Ce règlement se trouve dans l'ouvrage intitulé : Luyster van Brabant , pag. 1 1 7.

'' Par exemple Schmidt dans son Histoire des Allemands , tom. IV , pag. 63 de la traduction.

APPENDIX. 71

iiiarque eiicure que les privilèges des i-oininunes ont été munis des sceaux de la principale noblesse, preuve certaine que l'autorité des nobles est plus ancienne. Les seigneurs de Diest, de (l ri m berge, de Craynhem, de Ruysbroeck, de Wcsemaele, etc. , scellèrent de leurs sceaux la cliartre d'afl'rancbissement que le duc accorda à ceux de Vilvordc, et de la- quelle j'ai donné le contenu. Plusieurs privilèges remarquables que le duc Jean accorda , en 1290, à la ville de Bruxelles, furent signés par les seigneurs d'Arschot de Vierson, de Kuyc , de Diest , de Wescmalc , d'Assche , de Bauterscm , d'Éverlé , etc. Ils y apposèrent leurs sceaux, ainsi que leiils du duc '.

Mais en interprétant la question académique selon le sens que j'ai indiqué ci-dessus, je réponds que le tiers-état est plus ancien que celui de la noblesse, pour représenter le corps des sujets dans le consentement aux subsides : la raison en est toute simple ; c'est que sous le gouvernement féodal, les nobles feudataires, et principalement les chevaliers, étaient exempts, non-seulement de tout tribut, mais encore de toute aide, de tout subside et charges, excepté le service militaire et les charges qui étaient attachées à l'hommage féodal, l'our les impositions extraordinaires, ou on ne leur a pas demandé, ou ils s'y sont refusés. Il est vrai qu'en 1292, ces seigneurs, excepté les chevaliers, écuyers et yens es- trainls de lignage de chevaliers, accordèrent au duc la vingtième partie de leurs biens; mais, en 1.314, lorsque le duc Jean avoua avec reconnaissance que les bonnes villes, les abbayes et le pays de Brabant * avaient payé ses dettes, il ne disait rien de la no- blesse; d'où M. Des Roches conclut ' très-bien qu'elle n'y avait rien ou très-peu con- tribué; de même, en 133i, le duc Jean reconnut encore que, pour éteindre les dettes qu'il avait contractées pendant la guerre, les bonnes gens du pays, les couvents et les bonnes villes, lui avaient accordé de grosses sommes *, sans faire mention de la noblesse.' Les barons et chevaliers contribuèrent, en 1356, pour payer les dettes du duc Wen- ceslas *; item, en 137i, ils contribuèrent dans la somme de 900,000 moulons d'or, quo Wenceslas avait demandée après la bataille de Baeswilre *; mais, pour alléguer uue preuve de plus de leur ancienne exemption, j'ajouterai que, lorsqu'en 1451 , les trois états de Brabant avaient accordé au duc Philippe un subside de 144,0(X) florins, appelés ridders, laquelle somme fut prise sur les terres situées en Brabant, on en excepta les terres des hautes seigneuries ou des anciennes baronnies, comme on excepta aussi les terres des premières fondations des couvents '.

Comme le tiers-état est le plus ancien, dans sa qualité de représentant du peuple, quand il accorde des subsides , il l'est encore pour représenter le peuple dans toutes les au- tres assemblées des états, c'est-à-dire, qui se tenaient pour tout autre sujet que pour des suh-

' Oo peut voir ces privilèges dans le livre nommé Luysttr van Bra(>ant, pag. 50.

* Ihid., pag. 77.

* ppitome hiitoriœ Belgicœ , lib. 5, cap. 10.

* Luytter van Brabant, pag. 08.

* Ibid., pag. 137.

* /fr<a.,pag. 171.

' Ibid.. pag. 133 . 3"' partie.

72 ÂPPENDIK.

sides. Kluit ' observe que les subsides exlraordiuaires sont comme la base sur laquelle sont fondés presque tous les privilèges dont les états des Provinces-Unies ont joui autre- fois. J'en pense de même par rapport aux états de Brabant, bien entendu que, par le mot d'étals on comprenne les états qui se sont formés après le cbangement qu'on a fait dans le système féodal. Mais pendant ledit système , ce ne furent pas les subsides extraordinaires qui faisaient le fondement des droits de la noblesse, ce fut la constitution même du duché. On peut encore remarquer que vers le commencement du XIV' siècle , je lise l'ori- ginedu tiers-état, cetordre paraissait le plus puissant, et voici commentson autorité s'est accrue. Le peuple étant déchargé des fers de la servitude, et les communes ayant acquis différents privilèges, ce changement tout utile qu'il nous paraît aujourd'hui, a eu ses in- convénients, comme il en arrive ordinairement lorsqu'on change les anciennes coutumes. Il faut quelquefois des siècles entiers avant qu'on ne puisse mettre des bornes aux esprits émus par la nouveauté. Il en est presque de même des républiques que des rivières, qui, ayant changé de lit par quelque accident violent, ravagent toutes les terres d'alentour avant qu'elles ne se creusent un lit régulier , et ne deviennent navigables. La même chose, dis-je, est arrivée par l'érection des communes et par l'affranchissement des serfs. L'auteur d'une chronique manuscrite ^ , qui a dédié son ouvrage au duc Jean III , nous est d'un grand poids pour faire connaître les premiers inconvénients que ce changement a d'abord causés. Il dit, à ce sujet, en parlant du commencement du XIV' siècle, qu'il arriva alors la chose la plus prodigieuse qu'on eût encore vue , savoir , que les communes étaient au- dessus des nobles ; il répète la même chose plusieurs fois, et il ajoute, que les bourgeois se faisaient juges de tout, qu'ils se saisissaient des tribunaux de justice et qu'ils en excluaient la noblesse. Au reste, il faut l'avouer aussi, l'auteur n'attribue pas ce pouvoir des communes à leur seule insolence, mais il l'attribue encore au petit nombre de nobles; à peine , dit-il , trouvait-on dans le Brabant quinze chevaliers en état de servir, savoir, après la bataille de Courtrai , donnée en 1502, les principaux seigneurs du Brabant avaient perdu la vie.

' Primœ Hneœ collegii diplomat., p3Q. 142.

- Brabantsche y'eeslen, MSS., fol. 83, 84 et 85. C'est le livre V. l'auteur parle de Jean 11.

In des selfs hertogen tiden ,

l)ien Vil hier nu ovcrliden ,

Soe gescieden drie wondre

Die meeste die ondre

Des hemels trocn waercn ,

Hier te voren in hondert jaeren.

Dierste wonder dat was dat

Dat die gemjnte in elke stat

Boven die heeren hadden doverhandt ,

Ende dit geschiede in elc landt ,

Dat die gemeynte deden houden

In eicke stadt dat sy wouden,

Ende waren scepenen en aidsmanne .

Ende die heeren moesten danne

Quite syn van aile dien

Ende moeste die geniey nte zeere ontsieo , ctc .

APPEIVDIX. 73

La puissance des villes fut encore augmentée par les malheurs du temps. L'auteur que je viens de citer, dit qu'en 1315, commencèrent trois horribles fléaux : première- ment une pluie qui, durant une année entière, ruina tous les fruits de la terre; ensuite vint lu disette générale, et enlin l'année suivante vint une mortalité si grande qu'elle enleva presque la troisième partie des brabançons. On sent bien que les richesses des ba- rons, qui consistaient en terres et dans un grand nombre de cultivateurs, durent dis- paraître pour ainsi dire tout d'un coup. Ainsi, tout l'argent resta entre les mains des marchands qui habitaient les villes ou les gros bourgs affranchis. Nous avons vu qu'en 1313 , les communes avec les abbayes furent toute la ressource du duc Jean II pour le tirer de son embarras par le payement de ses dettes; ce qu'elles firent encore plusieurs fois dans la suite. Il n'est dont pas étonnant que leurs privilèges aient été toujours en augmentant, et que les communes aient pour quelque temps comme éclipsé le pouvoir de la noblesse.

Il n'en est cependant pas moins vrai de dire que les nobles ont fait de tout temps les états du duché de Brabant, que l'origine de leur autorité est la même que celle du pouvoir des ducs, je veux dire qu'on doit l'attribuer à la révolution que le gouvernement féodal a introduite; ii moins qu'on ne veuille la chercher dans les siècles antérieurs, ce qui n'en- tre pas dans mon sujet. J'y ajoute, qu'on ne sauroit les accuser d'usurpation , si on ne veut en accuser nos ducs mêmes. Au reste, leur attachement à leur prince, leurs soins pour conserver le pays aux dépens de leur sang, leur coopération à l'afl'ranchissementdes serfs, à l'érection des communes, et enfin à l'introduction de meilleures lois , doit effacer dans notre esprit tout ce que le gouvernement féodal pourrait nous représenter d'irrégu- lier. Je dis aussi que les communes ont acheté bien cher ou du moins bien récompensé les privilèges qu'on leur a accordés. Si ces privilèges leur ont fait un meilleur sort, leur ser- vice militaire, leurs aides et subsides ont fait voir qu'elles en étaient dignes. Elles ont fait revivre les métiers, les artset les sciences; elles ont introduit toutes les aisances de la vie par leur commerce. On les a faites participantes des droits des nobles en les associant aux états : qu'en est-il résulté? Surtout l'adoucissement des .mœurs. Les nobles ont perdu cette fierté par laquelle, en se plaçant au-dessus des autres hommes, ils se mettaient hors d'état de secourir leurs semblables. Les serfs ont perdu cette même férocité qui est pro- duite aussi bien par l'oppression que par la hauteur et par l'orgueil. Les différentes con- ditions se sont rapprochées, se sont unies pour former un corps utile au souverain, à proportion qu'il devenait utile à chaque particulier. Cette liberté qui , en se soumettant aux lois, ne connaît pas de libertinage , comme elle ne perd pas les ressorts de l'àme et du corps par les entraves delà servitude, a fait le bonheur dn Brabant. Je ne puis que former des vœux pour que ces états continuent toujours de s'entr'aider pour le bonheur de la pro- vince, qui fera en même temps la gloire du souverain.

To«. XV. 10

7A APPENDIX.

111.

LITERAE «UIBUS ANNO 1309 JOHANNES II, DUX BRABANTIAE , ETC., DIESTENSIBUS CONCEDIT

LIBERTATEM A FIDEJUSSIONE ' .

Nos JoHANNEs, Dei gratia Lotharingiae , Brabantiae et Lymburgensis dux, notum faci- mus universis, quod nos dilectis nostris scabinis, juratis , cacterisqiie communitatis com- muniter oppidanis Diestensibus promisimus et bona fide promittimus per praesentes, quod eos vel eorum aliquem , vel suos successores per nos, per alios ad fidem jubendam vel ad promittendum Johanni de Mirabello , Humberlo dicto Roijr, vel eorum sociis Lum- bardis vel famulis eorum ex parte domini de Diest *, vel ad sigillandum sigillo oppidi Diestensis vel aliquo alio sigillo promissiones , obligationes sive conventiones inter dic- tum dominum de Diest et Lumbardos et suos nuncios pracdictos faclas et imposterum faciendas non arctabimus , nec aliquo modo ad boc compellemus : promittimus insuper eisdem scabinis et juratis , caeterisque oppidanis Diestensibus, quod ipsos vel eorum quem- libet, vel eorum successores, vel eorum bona in nostro dominio ad instantiam Lumbar- dorum vel eorum alterutrûm seu nunciorum ipsorum occasione debitorum , in quibus do- minus de Diest dictis Lumbardis tenetur, vel imposterum tenebitur, arrestari vel proa- merciari per nos vel per alios nuUatenus permittemus. Si secus factum fuerit, quod absit, praecipiendo mandamus omnibus nostris judicibus , villicis et justiciariis , qui pro tem- pore fuerint, quatenus visis bis litteris vel transcripto barum litterarum nostrarum dictos scabinos, jurâtes et oppidanos Diestenses et eorum bona absque suis dampnis délibèrent et expédiant indelate. Et haec omnia et singula ipsis bominibus Diestensibus universis bona fide inviolabiliter promittimus observare : in cujus rei testimonium sigillum nostrum praesentibus litteris duximus apponendum. Datumdie Benedicti abbatis, anno MCCCIX.

' Literas illas . ab Heylenio cilalas pag. 9, not. ô , hic describimiis ex ipsiiis Codice Analeclonim , in-A" paj;. 47. * Iserat Gerardiis. Cfr. De Reiflenberg, Mémoires héraldiques , tom, I . p. 1 16.

v\\^^lvvv\lvv\vvvv\lv^^^vvv^vvv^^vvv^^^\lvvvvvv\vvvvvv^\vv^^\^^^

INDEX.

rnoLOGCs editoris.

Adriani Heyicn vitae seriei m

Ejus scripta recensentur , in priniis commentarius de tempore quo apud nos jus ronianu-

rum innotuitct vim legis obtinuit vu

Ejusdem commentarius de origine Ordinis ecclesiastici apud Brabantos viii

Simonis Pctri Ernst , de eadeni quacstione sententia ix

Heylcnii commentarius de origine Tcrtii Status Ordinum duc. Drab x

De eadem quaestione commentarius et sententia Simonis Pétri Ernst xvi

De eodem argumento commentant et scntentiae Isfridi Thys , Antonii Renicrs et Cornelii

Smct XIX

Heylenii commentarius de re monetali Belgii xxiii

Ejusdem disquisitiones Historicae de Campiniae statu, ctc ibid.

It. codices MSS. et opuscula inedita xxiv

Ipsius fratris , Pétri Josephi Heylen , vitae séries xxiv

Ejus scripta recensentur ibid.

ADRUIII BEYLElf COJMEÏITAIICS DE ORIGI!<E TSBTII 8TATC8 ORDII<lia OrC.^TLS BRABAKTUE.

Pan prima.

Cap. I. Brabantiae Status , oppidorum origo , accretio , etc. , saeculo XII et XIII. . I

Cap. II. De majoribus privilegiis et juribus, quae saeculo XIV adepti et prosecuti sunt

oppidorum ac municipiorum Magistratus, quibus perfectam formamOrdinis induerunt. I i

Cap. m. Examinatur, utrum Magistratus oppidorum et municipiorum populum sem-

per repraesentarint 27

Sectio secundo.

<.ap. I. DemonstraturantesaeculumXlVnobilesnccdumveramOrdinisformamhabuisse. SI Cap. II. Recensentur monuraenta, quibus probatur saeculo XIV Magistratus plura et

76 INDEX.

graviora patriae negolia de jure et privilegiis curasse , peregisse et conlrectasse qiiani nobiles , ac proin illos citius perfeclam Ordinis formam consecutos qnara proceres .

Cap. III. Recensentur et dissolvuntur , quae in contrarium afferri possent

Mantissa S9

38 -43

APPENDIX AD COMMENTARIUM.

I. Comment et depuis quel temps s'est formé l'ordre du tiers-état; extrait du mémoire

inédit du père Smet 61

H. En quel sens l'ordre de la noblesse est antérieur au tiers-état ; extrait du môme mé- moire QQ

III. Literae quibus anno 1809 Johannes II , dux Brabantiae , Diestensibus concedit liber-

tatem a fidejussione , etc 74

MÉMOIRES COURONNÉS

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MÉMOIRES DES SAVANTS ÉTRANGERS

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L'ACADÉMIE ROYALE

DES SCIENCES ET BELLES-LETTRES DE BRUXELLES.

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MÉMOIRES COURONiNÉS

ET

MÉMOIRES DES S4VANTS ÉTRANGERS,

PUBLIÉS PAR

L'ACADÉMIE ROYALE

DES SCIENCES ET BELLES-LETTRES DE BRUXELLES.

TOME XT. —2-»' PARTIE. 1841-1842.

BRUXELLES ,

.M. HAYEZ IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE ROYALE.

1843.

MÉMOIRE

LES FONCTIOIVS ARBITRAIRES

EXPRIMÉES

PAR DES IISTÉGRALES DOUBLES;

A. PIOCH,

rROrESSECR d'analyse a L'tCOlE aiLITAIRE.

Ton. XV.

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0.

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INTRODUCnON.

Ce mémoire a pour objet la représentation des fonctions arbitraires par des intégrales doubles , et spécialement , de faire connaître une méthode très-simple qui conduit directement à une formule remar- quable dont Fourier a enrichi l'analyse, et à d'autres formules analo- gues. Cette formule de Fourier sert à exprimer toute fonction arbitraire d'une seule variable par une intégrale définie double, prise depuis oo jusqu'à + GO , et qui ne renferme plus la variable que sous le signe co- sinus , c'est-à-dire , si l'on représente par ya? une telle fonction de la variable a?, on aura , quel que soit x,

se oo

(I) y jT = - f ffst cos.p[x a) dpda,

La grande importance de cette formule de Fourier, c'est qu'elle est vraie , quelle que soit la nature de la fonction fX , lors même qu'elle n'est assujettie à aucune condition de continuité, pourvu toutefois qu'elle n'ait pas plusieurs valeurs pour chacune de celles attribuées à la variable indépendante x. Ainsi , avec cette formule, on peut repré- senter tous les lieux géométriques imaginables , quand même ils se-

4 INTRODUCTION.

raient formés par des arcs de courbes différents, ou par des lignes droites et des arcs de courbes ; elle peut également représenter le con- tour d'un triangle ou d'un polygone, etc., c'est ce que nous explique- rons plus clairement dans le cours de ce mémoire.

Plusieurs géomètres, après Fourier, ont démontré sa formule, mais, les raisonnements et les calculs qu'ils ont faits pour l'établir, sont si épineux, pour ceux qui ne sont pas rompus aux difficultés de l'analyse transcendante , que je me suis proposé de la trouver directement en partant des premières notions sur les intégrales définies.

Fourier, dans sa Théorie de la chaleuî^, et après lui Poisson, dans un ouvrage qui porte le même titre, sont parvenus à la formule (1) au moyen du développement des fonctions suivant les sinus et les cosinus d'arcs multiples; mais cette méthode me paraît avoir l'inconvénient de présupposer l'existence d'une série dont la forme et la convergence ne sont pas données à priori. Quant aux autres méthodes données par Poisson et Deflers ', elles sont, d'après l'avis de Poisson lui-même, des vérifications et non des démonstrations de la formule ( 1 ).

M. Cauchy ' est aussi parvenu à la formule de Fourier par une mé- thode qui lui est propre ; mais sa démonstration , quoique indépendante des développements en séries, me parait trop difficile pour entrer dans les éléments, attendu qu'elle est fondée sur une théorie très-abstraite des intégrales définies prises entre des limites imaginaires, et sur une espèce d'intégrales que M. Cauchy nomme singulières.

La méthode que j'ai suivie pour obtenir la même formule, fait com- prendre comment elle représente une fonction arbitraire ; elle explique à la fois sa signification et son usage dans l'analyse.

1 Voyez le 18» et le 19= cahier du Journal de l'école polytechnique, et le Bulletin de la société philomatique , novembre 1819.

- Exercices d'analyse , tome II , page 114.

LNTRODUCTION; S

8-1 Après avoir rapporté la méthode mentionnée' do Deflers, je fais voir qu'en suivant une marche inverse, on peut étabh'r plus directement la formule de Fourier; mais ces transformations, quoique curieuses comme artifices de calcul, ne font pas comprendre comment cette for- mule est applicable; je démontre même qu'elles n'offrent que des véri- fications incomplètes, attendu qu'elles no font pas connaître ce que devient la formule (1), lorsque la variable devient égale aux limites des intégrales , et lorsqu'elle tombe hors de ces limites. C'est pour cela que, revenant sur dos raisonnements antérieurs qui mettent en évidence sa signification et sa généralité, je l'applique à des exemples particuliers de lieux géométriques; h ♦vieq Jhoh "'fit Min-tin ;»} mJ-î-mj !!m: •*v'y'f"> ■tUne des applications les plus remarquables par son originalité, que j'ai faite des intégrales définies, est celle dans laquelle je me suis pro- posé de déterminer géométriquement et analytiquement un air de mu- sique quelconque, en m'appuyant sur certains principes de mi^sique et d'acoustique. ''> 'i>v> ."!'. . ,'■ i .,, ..;,/r

Généralisant la méthode qui m'a conduit à la formule de Fourier, j'établis une formule très-générale pour représenter les fonctions arbi- traires d'une seule variable; formule qui comprend celle de Fourier et toutes celles trouvées par M. Cauchy, et une infinité d'autres analogues; puisque la fonction arbitraire est représentée par une intégrale double qui renferme la variable sous le signe d'une autre fonction très-générale.

.le démontre ensuite comment on peut, en partant de la formule (1), développer les fonctions arbitraires en séries de sinus et de cosinus d'arcs multiples, et retrouver ainsi, par une marche inverse et qui me parait plus rationnelle, les différentes formules desquelles on avait déduit la formule même de Fourier et d'autres de la même espèce.

Enfin , je termine en démontrant que dans une intégrale double , Tordre des intégrations n'est pas indifférent, lorsque les limites des

intégrales dépendent d'un paramètre variable que renferme la fonction différentielle.

En composant ce mémoire , j'ai eu pour but de rendre plus facile l'étude d'une partie de l'analyse transcendante, et de répandre des connaissances qui, jusqu'aujourd'hui, sont restées du domaine des savants.

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lUÉMOlRE

LES FONCTIONS ARBITRAIRES

EXPRia£ES

PAR DES INTÉGRALES DOUBLES.

I.

Les fonctions ordinaires de l'analyse , qui ne comprennent dans leur définition que les opérations algébriques et les opérations transcen- dantes désignées par a% log. x , sin. x , arc (sin. = x), etc., ne sau- raient embrasser tous les modes de génération des quantités , c'est-à- dire, toutes les lois de quantités, continues et discontinues, dont l'esprit conçoit l'existence à priori. Pour le démontrer, cherchons les propriétés communes ou le caractère général de ces fonctions que je nomme ordinaires, parce qu'elles ne renferment pas de signe d'intégra- tion. Soit donc Fa; une fonction ordinaire, l'équation y = ¥x, sera celle d'une ligne courbe telle que, si l'abscisse x croît d'une manière

8 MÉMOIRE

continue dans un certain intervalle, l'ordonnée Fa? croîtra ou décroîtra suivant la loi de continuité ; d'où il suit que pour deux abcisses infini- ment voisines, les ordonnées correspondantes ne pourront différer d'une quantité finie, mais bien d'une quantité infiniment petite. De plus, si la fonction Fa? éprouve une solution de continuité ou devient infinie pour la valeur particulière ce = a, elle aura encore une valeur infiniment grande pour une abscisse immédiatement plus petite ou plus grande que a. D'après ces propriétés générales de la fonction Fa?, il suit que l'équation y = F.^ ne pourra représenter un lieu géométrique qui serait formé par des parties d'arcs de courbes différents , placés les uns à la suite des autres, fig. 3. Pour ne citer que l'exemple le plus simple, il est visible que l'équation y = Fa?, ne pourra représenter la partie de ligne droite parallèle à l'axe des a?, qui serait comprise entre deux ordonnées finies et déterminées. L'équation y == h, représente bien une ligne droite parallèle à l'axe des a? et distante de cet axe de h unités de longueur, mais cette droite est infinie dans les deux sens; d'où il résulte que y=hj ne peut représenter uniquement la partie de cette droite qui serait comprise entre deux ordonnées correspondantes aux abscisses a? = a et a? = à.

Je crois devoir faire remarquer, pour mieux expliquer le manque de généralité des fonctions ordinaires, que les solutions de continuité qu'elles éprouvent pour certaines valeurs de la variable indépendante, sont toutes de la même nature, et qu'il en existe d'une autre espèce qu'elles ne peuvent manifester , par suite de leur composition analy- tique.

D'après la définition du mot conlinuité, on dit qu'une fonction ç.î? est continue pour des valeurs de x comprises entre certaines limites dé- terminées , si , quand la variable a? croît d'une manière continue entre ces limites, la fonction ©a? croît et décroît insensiblement, c'est-à-dire, lorsque la différence de deux résultats consécutifs peut devenir moindre qu'aucune grandeur donnée. S'il n'en est pas ainsi, la fonction ^a? sera discontinue, ou éprouvera une solution de continuité pour certaine valeur de a?, puisqu'alors la continuité des valeurs de ya? est rompue.

SUR LES FONCTIONS ARBITRAIRES. fk

Cette continuité sera rompue pour la valeur particulière a; ^= a, si la din'érence ^(a + u) 9a ne s'évanouit pas avec w; or, cette diffé- rence peut être finie ou infinie, déterminée ou indéterminée. Dans les traités d'analyse, on dit qu'une fonction fX éprouve une solution de continuité pour x °=a,si pour cette valeur la fonction devient infinie, parce que, dans ce cas, la différence f(a + ") est une quantité indéterminée ou infinie. La fonction log. ( l a;) est dans le premier cas, et la suivante 7-—, dans le second ; en effet , pour la première , on a

log. (1— jh-m) log. (1— jr) = log. ( .^ J

Pour savoir ce que devient cette différence , lorsque a? devient l'unité et que u s'évanouit, posons a? = 1 + muj la différence ci-dessus de- viendra log. (w + 1); quantité entièrement indéterminée, puisque «n est une quantité finie arbitraire. Pour la fraction -r— , on trouvera la différence ; r~ qui devient infinie quand u s'évanouit.

m{m - 1 )'>> T ^

En général , la différence (f{a + w) ya sera déterminée ou infi- nie suivant que l'expression coy'(a-|-ww) sera indéterminée ou infinie quand w s'évanouit.

Ce mode de discontinuité résulte de la nature même des fonctions ordinaires qui n'éprouvent de solution de continuité qu'en devenant infinies. Mais l'esprit peut concevoir, et conçoit effectivement l'existence de fonctions pour lesquelles la différence y(o + u) <fa est finie et déterminée, sans que pour cela, la fonction (fx soit infinie pour a? = a.

Les fonctions ordinaires ne peuvent manifester ce dernier mode de discontinuité ; nous verrous plus loin que celles qui en sont susceptibles, peuvent être représentées par des intégrales définies à paramètres va- riables.

II résulte clairement de ce qui précède , qu'on ne saurait représenter

tous les lieux géométriques en nombre infini, que la pensée conçoit et

réalise , au moyen des fonctions que l'on considère dans la géométrie

analytique et dans le calcul différentiel , parce que la génération de ces

To«. XV. 2

10 .^*l'À;i*-»^î«fïA MÉMOIRE

fonctions ne peut embrasser toutes les lois de nombres et de quantités.

Les fonctions dont la généralité n'a pas de limite, celles qui em-r brassent tous les modes de génération possibles, sont nommées fonc- tions arbitraires ; pendant bien longtemps , les géomètres ne purent les représenter par des signes analytiques ; c'est au célèbre Lagrange qu'on est redevable de cette importante découverte, qui a agrandi le domaine de l'analyse en faisant faire des progrès considérables dans l'intégration des équations différentielles partielles , et dans la théorie des intégrales définies desquelles dépendent les solutions des principaux problèmes physico-mathématiques. uip

Dans un mémoire sur la théorie du son et dans un autre sur diffé- rents problèmes de calcul intégral ', Lagrange établit la formule

/

2 P m . «a-^ . ixo. (2) /à? = - / 2 sin. -• sin. —j- fzdx ,

qui exprime le développement d'une fonction quelconque suivant les sinus des arcs multiples, et qui subsiste pour toutes les valeurs de a; entre o et /, lors même que la fonction fa; n'est assujettie à aucune loi de continuité, pourvu qu'elle s'évanouisse pour x = o et iv = L

Quelques années plus tard, dans un mémoire qui porte la date de 1777, mais qui ne fut imprimé qu'en 1793 dans les Nova acta aca- demiœ Petropolitanœ , Euler donna la formule

1 r 2„oo r

(8) Yx =■ ~ I Yndx H 2, COS. ix 1 cos. tx Fadx ,

o o

qui exprime le développement d'une fonction arbitraire suivant les cosinus des arcs multiples, et qui a lieu pour toutes les valeurs de a? com- prises entre o et n.

Je dois cependant ajouter qu'antérieurement au mémoire d'Euler, mais postérieurement à celui de Lagrange, Daniel Bernouilli ' avait

' Tome ni des Anciens mémoires de Turin. - Mémoires de Pétersbourg , année 1772.

SUR LES FONCTIONS ARBITRAIRES. M

trouvé des séries de la même espèce pour le développement de quelques fonctions rationnellesl ob ^uq j, lob gfuoiirMtoi

La formule (2), qui avait servi à Lagrange pour la solution du fameux problème des cordes vibrantes, ainsi que la formule d'Euler (3), parais- sent être demeurées sans usage, jusqu'à ce que Fourier, reprenant le problème du développement des fonctions suivant les sinus et les cosinus d'arcs multiples, retrouva ces formules et d'autres de la mémo espèce , qui lui servirent à résoudre la question de la propagation de la chaleur dans les corps solides. Ces premières recherches de Fourier, qui datent de 1807, furent continuées dans une suite de mémoires adressés à l'académie des sciences de Paris. Mais c'est principalement dans son grand ouvrage sur la théorie de la chaleur, dans lequel il a réuni tous ses travaux antérieurs sur cette matière, qu'il faut lire cette savante analyse, il démontre la belle formule qui porte son nom, et qui est d'une si grande utilité dans les applications aux sciences physi- ques. Ces recherches furent continuées par Poisson et Cauchy, qui donnèrent d'autres démonstrations de la formule de Fourier, et en firent des applications nouvelles.

Pour obtenir la formule de Fourier, je vais d'abord chercher la sui- vante

/sin. mx . t

dans laquelle m est un nombre positif quelconque. Prenant l'intégrale

le ds = c ,

J «

entre les limites zéro et l'infmi , on aura

la MÉMOIRE

multipliant les deux nombres par da, et intégrant entre les limites b et c, il viendra

c os

b o

mais

f da I e "^ dx = log. -■ ;

I da I e "'^ dx = I dx I e "^ da = j dx ,

h o " b '"

d'où il suit

«0

/—bx —ex î £ dx = log.

h o

Posant h = mV 1, c^=m\/ 1, divisant les deux nombres par 2 V/ 1 , et remarquant que

mxy/ I ^ mxy/ 1

5 -g— = s'ia.mx, et log. ( l) = rj/ |,

2J/-1

on trouve enfin

/sin. mx x dx =i , X 2

O

c'est-à-dire la formule (4) qu'on voulait obtenir.

Si l'on veut éviter les symboles imaginaires , on partira de l'intégrale

f_„r a sin. mx -+- m cos. mx _^^

/ e sin. mxdx = c e ,

J a" -t- »»'

de laquelle on tire

I e~''^ sin. mxdx =

a , ^,2

multipliant les deux nombres par da et intégrant entre les limites b et c, on trouvera

(5) . . / sin. mxdx = arc. | tang. = J arc. j tang. = j ;

SUR LES FONCTIONS ARBITRAIRES. IS

posant c='0, À«ao , il vient, comme ci-dessus

/sin. mx r dx = arc. (tang. = oo ) = -

o

Il est remarquable que la valeur numérique de la constante m n'influe pas sur celle de cette intégrale définie, du moins tant que m demeure finie et positive et ne devient pas nulle. C'est ce que démon- trent à priori les calculs qui précèdent ; pour le faire voir à posteriori, posons mx = nt, n désigne une quantité positive quelconque diffé- rente de 7n, et t la nouvelle variable; les limites de l'intégrale seront encore o et oo , et l'on aura

ce X

/^sin. mx /*sin. ni ,

o o

En changeant le signe de m, la valeur de l'intégrale définie (4) devient négative; en effet, à cause de sin. ma; = sin. ( mx), il viendra

_ /■:in.(-m.)^^. ^.,a /""'"•(-"'") rf,^_I. J X 1 J X 2

o o

Il suit de là, que l'intégrale définie (4) change de signe dans le pas- sage de m < o à wt > o, et réciproquement ; mais que devient - elle quand m est une quantité infiniment petite et s'évanouit ? Pour répon- dre à cette question , considérons l'intégrale (4) comme étant la somme des valeurs en nombre infini de sa fonction différentielle, lorsqu'on y fait croître la variable x d'une manière continue entre les limites o et oo ; dans ce cas, et en supposant m infiniment petit et x fini, chaque terme de cette somme, à cause de sin. mx— mx , sera un infiniment petit du second ordre; quand x devient infini, comme sin. mx ne peut surpasser l'unité, le terme correspondant sera moindre que—, c'est-à-dire, sera encore un infiniment petit du second ordre : donc, dans l'hypothèse actuelle, la valeur de l'intégrale (4) sera une quantité infiniment petite et qui s'évanouira avec m.

U M^ MÉMOIRE <^

On peut conclure de ce qui précède, que la valeur de l'intégrale (4) est égale à-^ ou à ~, suivant que m est une quantité positive ou négative; ensuite , qu'elle est infiniment petite avec m, et devient nulle pour m = o.

Donc, si dans (4) on change xen p et mena; a, on aura

(6) /-1in.;,(.-.) ^

\ 0 , . . . x = a.

C'est-à-dire, que si x diffère de a. d'une quantité finie, positive ou né- gative, la valeur de l'intégrale (6) sera ^ ou ^, et pour x = a elle sera nulle; mais, d'après ce qu'on a vu ci-dessus, cette valeur sera infini- ment petite avec iv «; donc, si dans cette différence, on fait croître ou décroître a;, à partir de a? == a, jusqu'à ce qu'elle devienne une quan- tité finie, la valeur de l'int.égrale (6) demeurera toujours infiniment petite, en même temps que a? «; mais sitôt que cette différence de- viendra finie et aussi petite que l'on voudra, on aura | ou ^; d'où il suit que la valeur de l'intégrale (6) passe d'une quantité infiniment petite à l'une des quantités | ou |, sans passer par des valeurs finies intermédiaires ' ; ce qui montre que le lieu géométrique de l'équation

00

/sin. p(x- P

'^dp, (Fig. l"),

P

est représenté par les deux parallèles à l'axe des an, mn et m'n', et par le point p situé sur cet axe.

■.îilau ii III.

D'après la formule (6), la valeur de l'intégrale

1 Z"" ^_ dp

(7) - / [sia,p(x—a„) sm.p{x—a„+i)\ ,

ir i/ p

o

dans laquelle o„^i est plus grand que a„, est nulle pour toutes les

' Voir la noie 1" à la fin du mémoire.

SUR LES FONCTIONS ARBITRAIRES. «1

valeurs de x plus petites que a„ ou plus grandes que a«^.i, et elle est égale à l'unité pour toutes celles qui sont comprises entre a, et a,^,, mais ne donne que ^, pour a? =*= o, et a? »«»a„+, ; ce que met en évidence le tableau suivant :

I

2 "

ir=OM-i-

Si a„ et a„ ^ , sont des quantités négatives, ou si 1 une est positive et I au- tre négative, ces propriétés de l'intégrale (7) subsisteront encore, comme il est aisé de le vérifier, pourvu toutefois que la difierence o,^, a^ soit une quantité finie et différente de zéro. Si o,^, a„ est une quan- tité infiniment petite, il sera encore vrai que la valeur de l'expres- sion (7) sera nulle pour des valeurs de x plus petites que o, et plus grandes que 0,4.,; mais si se est compris entre o„ et a„^,, les quantités X o„ et a; a„^, seront, dans ce cas , infiniment petites, la première positive et la seconde négative; il en sera de même des deux intégrales,

T./ P '' P ^'

et par suite, de leur différence (8), qui sera encore infiniment petite pour a? = a, et a? == a„^,, puisque alors, l'une des quantités x a„ et X o„4.,, sera nulle et l'autre infiniment petite.

En supposant que la différence a„^^ a„ soit finie et différente de zéro, il résulte de ce qui précède, que l'expression

(9)

1 /•" dp

= - / fc„ [sin. p(*— o„) i\vi.p\x—On^C\\ , T./ p

16

MÉMOIRE

est égale à h„ pour toute valeur de x comprise entre a„ et a„^,, et égale à.~ b^ pour ^ = o„ et ^ = a„^,; et enfin, nulle pour toute autre valeur de w, quels que soient les signes et la grandeur de a„, a„+, , et Z>„. Si ces quantités sont positives, l'équation (9) a pour lieu géométrique la partie mn de parallèle à l'axe des ao , représentée par la figure 2 , ainsi que les parties indéfinies de cet axe qui se trouvent l'une à gauche du point jo, et l'autre à droite du point q^ ce lieu géométrique comprend aussi les points milieux des perpendiculaires mp et nq.

Il est facile de voir quel sera le lieu géométrique de la même équa- tion, lorsque les quantités o„, a„^.i et b„ oifriront une autre combi- naison de signes.

Désignons maintenant par a„ et b„ les termes généraux des deux suites indéfinies de quantités,

(10) a„, a^, a^, a-^, , a„ , etc.,

(H) bo, b^, b,, bi, ...... 6„, etc. ,

qui sont ou non régies par une loi de formation, mais dont la première est croissante, et faisons successivement dans l'expression (9), w = 0, 1, 2, 3,... n,... i; ajoutons les seconds membres entre eux, on obtiendra la somme suivante :

(12).

1 /* dp

- I b^[sm.p{x-a^)-ûn.p[x—a;i\ tt/ p

o

au

1 /' dp

- /b^\s\x\.p{x—a,) i\n.p{x—a;)\

Tl/ . p

O

\ C ^dp

- I b^\s,m.p{x—a^ s\a.p{x a{)\

Te/" P

etc.

1 /•" dp

- / i„[sin.jo(ar— oj— sin.p(a?— o„+,)] ^t/ p

etc.

I /• dp

- I bi\_sin. p{x—a,) sin. p(ar— a,-4-, )] ; 3-,y p

SUR LES FONCTIONS ARBITRAIRES. ^^

D'après ce qui précède, il est visible que ce développement repré- sente une fonction de s qui demeure égale à A„ pour toute valeur de a? comprise entre Oo et o, , qui est constamment égale à h, pour des valeurs de a? comprises entre o, et Oj, et ainsi de suite; en général, cette fonc- tion demeure égale à b„ pour toutes les valeurs do a? qui sont comprises entre o„ et a„^.,. On observe ensuite que, si l'on fait successivement 0?= Ooj a,, Oi,.... O/, on trouvera respectivement les valeurs suivantes :

Il suit de là, que la fonction de a? dont il s'agit, peut être regardée comme l'ordonnée du lieu géométrique représenté par la figure 3; mais en attribuant à s les valeurs suivantes a^, a,, Oj, etc., on trou- vera que ce lieu géométrique comprend aussi les points milieu des perpendiculaires à l'axe des w, terminées aux extrémités de deux pa- rallèles successives à cet axe. La somme désignée par (12) peut d'ail- leurs être écrite en abrégé de la manière suivante :

#

l /•* dp

(18) - / l'J KbiD.p{i!-a„)-t\B.p(x-an+i)] ,

o

le signe 2"' représente la somme des termes qui résultent de la quan- tité entre crochets multipliée par b„ , lorsqu'on y fait successivement w = 0, 1 , 2,.... n,... i. On aura donc généralement

j /* ^""^ x>o,et<fl,+,

- / Z;;t„[«in.p(x— aJ-»in.p(x-o,+,)] = ) i(i„_,-»-*„) . . . *=o,,

Ti/ ° p I

mais à cause de la relation *,

(U) »in.p(*— a„) •in.p(x— a,+i) = 28in. i;)(a„+, o„). co«.p[x— i(o,-4-a»+,)],

il viendra

. [bm, pour j?>a„et<a,+ ,

(15)... -/a2^^ t„co«./>(«—o,- iAO'««»'ipA«,- = \ H*"-« -»■*») * = "„'

i (6„ -+- A,^-i) . . . x = a,+, ,

l'on a fait, pour abréger, a,^. , a, = Aa, ToM. XV.

18 MÉMOIRE '8

Examinons ce que devient cette formule lorsque les termes la suite (10) sont les valeurs successives d'une quantité «qui croît suivant la loi de continuité, alors la différence Aa„ sera une quantité infini- ment petite, ainsi que sin. à joAa„; de sorte que Aff„ se changera en da., et sin. | joAa„ en sin. \pda., ou plus simplement en {pda.; et comme la loi de génération des quantités (11) est arbitraire, supposons qu'elles soient les valeurs successives d'une fonction quelconque i|>«, quand on y fait croître « d'une manière continue depuis a„ jusqu'à a,. Par ces conditions, les différents termes du développement (12) ou de l'expres- sion

2"^2fi„cos.;>(j; «„— iAa„).sin.i;jAo„,

seront des quantités infiniment petites, et cette expression elle-même sera la somme des valeurs de la différentielle

iacos. jo(»- a.) dx , lAtil

lorsqu'on y fait croître « d'une manière continue, depuis a„ jusqu'à o,, c'est-à-dire, qu'elle aura pour valeur celle de l'intégrale définie

/'ix.cos.p(x a)dx, ou / di/u. cos. pÇx fijdfi; "o "o

par suite, le premier membre de la formule (15) deviendra

\ r r

1 dp I ^fx.co?,. p{x /j.)d/Lc'^

o a

o

mais la fonction t//a, qui remplace b„, étant continue pour des valeurs de a depuis a.= a„^ jusqu'à «=«/ ^ les trois quantités

ne différeront pas de (|/a, qui exprime la valeur actuelle du second membre de la formule (15) ; on aura donc

00 "l

(16) j dp t ificos. p[x ii)dfx. = iia, poura' = a,

SUR LES FONCTIONS ARBITRAIRES.

et pour des valeurs de a; qui difTèrent de a d'une quantité infiniment petite; mais, dans cette hypothèse et à cause de la continuité de la fonction ip entre les limites a„ et ai, les deux fonctions tfa et ^s seront identiques; donc, pour toutes les valeurs de a? comprises entre ces li- mites, on aura

ix = - /dp l^fi. QOi.p{x-n)dfi,

r

ou bien en remplaçant fi par a >

(17)

■ix = - / / <^x. COS. p [x .t) dpdx ,

en se rappelant que l'intégration, par rapport àp, a lieu entre les li- mites o et 00 , et celle par rapport à a, entre a„ et a,; ensuite, que pour x=a„ et x=ai, les valeurs correspondantes du second membre doivent être doublées, et sont nulles quand x tombe hors des limites «„ et o,. ' '

Avec cette formule , on peut représenter une portion d'arc de courbe continue, c'est-à-dire, une partie de courbe qui serait comprise entre les parallèles représentées par les équations x=a„ e\.x=a,.

Si nous désignons par (fX une fonction qui devient identique à <\ix pour des valeurs de x depuis «„ jusqu'à o,^ à <\i,x quand x est compris entre o, et o, , à if,a? quand x est compris entre o„ et a,,, etc., à i>,„x pour des valeurs de x depuis o,^_ , jusqu'à a, , on aura

(18)

?*= \

^ / Aa. cos.f)(T a.)dpda.

o tt

o ^ jj\ii^- co». p(x— a) dpdx

i jr^^x. C08. p [r a) dpdx

etc.

1 jj\n't- co»./) «) dpds. ;

20 MÉMOIRE

or, si l'on remarque que le premier et le second terme deviennent |(// af,f ip,a,, pour x=ai, il suit que, pour cette valeur dm x , on aura

La même observation a lieu pour x=ai^ , x^=ai^, et ainsi de suite ; donc, si l'on a les conditions i|/a, = (p,a,, (/-la,^ = <\i2.aî^, (pjO,^ = '^^ai^, etc., l'éga- lité précédente pourra s'écrire comme suit :

' rr""

(19) fX=—l f fa. COS. p[x ajdpdx

formule qui subsiste pour toutes les valeurs de x comprises entre a,, et a, ; mais il faudra doubler les résultats correspondants à a? = a„ et ;r=a,^, si toutefois la fonction (fX ne s'évanouit pas à ces limites; auquel cas, cela ne sera plus nécessaire.

On voit à posteriori que le second membre de cette formule est une fonction de x: en effet, l'intégration par rapport à « donne une fonction de ^ et de jo, et l'intégration suivante, faisant disparaître p^ il ne reste plus qu'une fonction de la variable x.

Comme a„ et a,^ sont des quantités arbitraires, on peut prendre a„ = 0 , a, = oo , ce qui donne la formule

C20)

aX ^ - I I <fX. COS. p{^x—a)dpdx

qui exprime une fonction de x telle que , si x est compris entre zéro et l'infini, la valeur de la fonction soit (^x, et que, si x est négative, la va- leur correspondante de la même fonction soit toujours nulle.

Si, au contraire, on veut une fonction de x qui subsiste pour des va- leurs de X comprises entre oo et + go, il faudra prendre a„ = oo et a,^ = oo; ce qui donnera la formule suivante due à Fourier :

00 CD

(21) ^o; = ' / /ya. COS. j3(ar a)dpdx ;

o «

l'intégration par rapport àp aura lieu entre o et x .

SUR LES FONCTIONS ARBITRAIRES. M

hi Cette formule comprend celle désignée par (20); car, il suflit, pour obtenir cette dernière , de remplacer oo par 0 dans (21), Si l'on écrit la formule (21) comme suit :

'4 V^#-» fl.i -Jlili

* I

Mil)

« ce

yj? = - / fudx / C0«. p {x x) dp ,

«0 o

et si l'on observe que

00 ee

(M) / COS. p(x a)rfp = ^ / COS. p{X'-x) dp ,

il viendra :

(28) fx =z —// fx. COS. p(x— a) dpdx. ..^

ao —m

On aurait pu parvenir directement à la formule (23) au moyen de rai- sonnements analogues à ceux que l'on a faits pour obtenir la formule (21).

On peut se dispenser de faire la transformation trigonométrique ( 1 4) pour passer de la formule (15) à la formule (16). En eflFet, dans l'hypo- thèse que la différence Aa„ devient une quantité infiniment petite ou da, la suivante

un. p{x—a„) sia. p[x~an+i) , ou a «in. /)(«- a„),

devient la différentielle de sin. p (a? «) par rapport à «, c'est-à- dire,

p. co$. p(x—«)da;

lîn •(■(iii lifion (11, If* donc, en supposant, comme ci-dessus, que b„ soit la valeur aune

fonction continue ^a; pour la valeur particulière .T=a, l'expression

X/, [»'"• ?(*—"«) MD. /)(*— 0„+, )] ,

ou bien

2***, A»in-p(*-<fJ, "'

<& MÉMOIRE

se changera dans l'intégrale définie

I iia. COS. p(x a) da .

et par suite, mettant cette valeur dans (15), on trouvera, comme plus haut (16),

go ai

I l^a. COS. p[x a)dpdi

•a ==^ ipx , pour

IV.

On vérifiera la formule (21), si, en exécutant les intégrations indi- quées dans le second membre, on trouve cpx pour résultat. Pour opérer cette vérification , posons

ae go

(%A) y = ~// f^-* cos, p{x a) dpdx ;

exécutant d'abord l'intégration relative àp, entre les limites 0 et p, sauf à faire jo infini dans l'intégration suivante , on aura

/ COS. p(^- -2) dp

et ensuite

siii. p(x a)

00

1 /^ sinp(x a) , T J X a

00

pour faire disparaître jo qui est infini, faisons a ^7 = -, il viendra (25) y = - Af^-H-^

T./ \ Pj

GO

or, à cause de la valeur de jo, la fonction y (^ + -) se réduit à fo: ,

Slll. z dz ;

pj z

SUR LES FONCTIONS ARBITRAIRES. H

excepté pour les valeurs de z qui sont elles-mêmes infmies, mais auxquelles on peut se dispenser d'avoir égard, parce que, dans ce cas, le facteur ^^, rend infiniment petite la valeur correspondante de l'in- tégrale. Ce qui donne enfin

I /'"in. z , y ■= ~ fX I OS = oj.

T «y a

Telle est la démonstration, ou plutôt la vérification que M. Deflers a donnée de la formule de Fourier.

On peut obtenir cette formule en suivant une marche inverse, c'est- à-dire, en partant directement de l'intégrale

(26)

■/— " = -

en effet, si l'on multiplie les deux membres par la fonction arbitraire 5^, on a identiquement

I /' sin. 8 <fX =^ I ^x dz .

X ,J 3

a(UH!

Pour faire disparaître s sous le signe de la fonction y, posons s =k (a j;), k désigne une constante, et « la nouvelle variable indé- pendante, les limites de l'intégrale demeureront les mêmes, et l'on aura

;!'

I /* / «\ sin. A (*— «) ,

«0

mais, à cause de

(i7) ""—--'^ F COS. p(x-x) dp,

il viendra

*

<fx = -ffia—''j\étf 00». p{x x) dp;

m MÉMOIRE

formule dans laquelle k est une quantité arbitraire; donc, si on le sup- pose infini, on obtiendra

1 /• /•

<fX =z / 1 facos.p(x a) dit dp.

00 o

Si, au lieu de multiplier les deux membres de l'identité (26) par (fcc, on les multiplie par ya, et qu'on pose comme ci-dessus z=k x), on aura

«0

/ z\ \ P sin./tfj; a)

Πhr -f- - == - / 5>a dx ,

\ kl T t/ X a

00

et en vertu de la formule (27) , il viendra

î^arn--!^— / f f^ COS. p {x a) dx dp;

en supposant A = x , la fonction ^{a; -|- ^), se réduit à y^, et cette formule devient celle de Fourier.

Pour vérifier l'équation (21), M. Poisson la remplace par la suivante:

y = / f e~ ^ fa COS. p [x a) dp dct

o 00

dans laquelle, k est une quantité positive qu'on égalera à zéro, après les

intégrations. On a d'abord

00

/ e~ '' COS. p (x a) dp ■■

et ensuite

kfx

{x-aY

dx.

Si l'on suppose k infiniment petit , le coefficient de da le sera aussi pour toutes les valeurs de «, excepté pour celles qui diffèrent infini-

SUR LES FONCTIONS ARBITRAIRES. «

ment peu de x; donc, en ne considérant que ces valeurs, et posant ûP « a?' , les nouvelles limites seront les quantités infiniment petites w et -j- w; ensuite, si l'on observe que ^w ne varie pas sensiblement entre ces limites , on aura

1 /• kdx' 2 / a\

—a

et, en posant k=o , il viendra

2 y = fur. arc. ( Ung. s oo ) = ^x.

V.

Les vérifications précédentes de la formule de Fourier sont incom- plètes ; d'abord, parce qu'elles ne font pas connaître si cette formule subsiste encore lorsqu'on attribue à la variable x les valeurs limites GO et +G0 ; ensuite, en supposant que les limites assignées soient finies , elles ne font pas voir que la fonction est nulle quand la valeur de x tombe hors de ces limites; ce que je vais expliquer.

Nous avons dit que la formule (20) exprime les valeurs d'une fonc- tion (fX pour des valeurs àex , depuis a;=o jusqu'à x=ço ; si l'on veut qu'elle exprime seulement les valeurs de la même fonction quand x est compris entre les limites /3 et /3', et qu'elle soit nulle pour toutes les va- leurs de X qui sont hors de ces limites, il faudra écrire

(M) y =- / /yxcoa.p {s a)dpda;

/3 est < /3', et n une quantité qu'on fera égale à l'infini , après les inté- grations. Pour vérifier à posteriori cette formule , nous la mettrons sous la forme

y = / ç.a Ja / cos. p (*— a) dp.

To«. XV. 4

M MÉMOIRE

Or, on a

n

/"* sin.M(j; a) cos.p{x a)dp = , a; a

o

et ensuite

posant a a? = -, il viendra

"(B'-x-) l /• / s\ sin. z

(29) y = -Jf\^X-i.-j——dz;

remplaçant n par l'infini , il viendra successivement pour a; >/3 et </3',

a

1 /^ sin. n^ar a) y = / (ta oa ;

2" pour a; = /3.

3" poura?=/3',

1 /'sin. 3

00

1 /'Mn. z I

y = - f * / «^ = -; ?■'■ ;

T .y z z

1 /^sin.s , I

r ' J s 2

00

Ces résultats font voir que la formule

» a'

(30) TjiX ^ t I yacos. p(j.' a)dpdx

"o /3

subsiste pour des valeurs de a? comprises entre /5 et /3' , et que pour a; =/3 et a;=jS' les valeurs correspondantes doivent être doublées, à moins toutefois, que pour ces limites, la fonction (pa? ne devienne nulle.

4" Pour compléter cette vérification , supposons que a? tombe hors

SUR LES FONCTIONS ARBITRAIRES. «

des limites /3 et /S', dans ce cas, la formule (29) donnera pour a?=/2 /•,

/.(J'-J-t-A) «i

et pour a? == jfl' + ,

»iX 1(3'— û+i)

-n(3'— _.+*) Hit

mais, ces deux valeurs de y sont nulles ; en effet, à cause de w infini, on a

/•sin. s , T /*«in. 2 , r

/__./, = - et y __.,= -;

il faut donc que l'on ait

«(3-/3+*)

quel que soit le nombre fini k.

Par des raisonnements analogues aux précédents , on vérifiera que la formule

* ô

(31) *•*= / / facoi.p(x a] dp dx

'o '—2

représente la fonction (fx pour toutes les valeurs de a; comprises entre /3 et -\-(i' ; qu'il faut doubler les valeurs correspondantes à .r= /3 et à j; = +/6', et que cette fonction est nulle, quand w tombe hors de ces limites.

Ces propriétés des formules (28) et (31) sont vraies, quelles que soient les valeurs de /S et de/3'; ainsi, elles subsistent encore quand on a pour la première /3= o et &' = oo, et pour la seconde /3= oo

et /3' = + 00.

Nous avons vu que ces propriétés se déduisent directement de la dé- monstration qui a donné les formules (20) et (21).

28 MÉMOIRE

YJ_ isii^m ^a^il

Afin de bien faire comprendre la généralité de la formule de Fourier et ses usages dans l'analyse, nous allons d'abord chercher sa significa- tion géométrique; ensuite, nous l'appliquerons à quelques exemples faciles.

Nous avons démontré dans le n" III, en supposant que a„, a., a,, etc., forment une suite de quantités croissantes régies ou non par une loi unique, que pour des valeurs de a? comprises entre a„ et a„_^.^, les valeurs correspondantes de

ce

(32) y = - fl'b^Asm.p(a„-

-X)

seront toutes égales à b„, quel que soit l'indice n; de sorte, que si ce croît d'une manière continue depuis «Jusqu'à a„, les valeurs correspondantes de y seront les ordonnées d'un lieu géométrique de la forme fig. 3, c'est- à-dire, une espèce d'escalier dont la hauteur et la longueur des mar- ches peuvent varier pour chacune d'elles ; de manière , qu'une ou plu- sieurs de ces marches peuvent se trouver dans un quelconque des quatre cadrans , et même se confondre avec l'axe des x.

Ensuite , nous avons expliqué ce que devient l'équation (32) et son lieu géométrique , lorsque le second membre devient identique à celui de la formule (17).

Dans ce passage, on a supposé que les quantités a^, a,, a., etc., sont les valeurs successives d'une quantité « qui croît suivant la loi de continuité, et b^, bi, b^, etc., les valeurs correspondantes d'une fonc- tion i//a qui demeure continue pour des valeurs de «, depuis a=a„ jusqu'à a^tti', d'où il suitj que l'équation

» ",

y = / / 'P^ ^os. p [x a) dpda

représente une portion quelconque d'arc de courbe compris entre les deux parallèles désignées par les équations x^-a^, x-=ai.

SUR LES FONCTIONS ARBITRAIRES.

Désignons maintenant par

y = *ar, y=^.*, y=M. «'c-

les équations respectives de certaines courbes dont mn, m'n' ,m"n" , etc., fig. 4, ne sont que des parties comprises entre des parallèles à l'axe des y, et proposons-nous de trouver l'équation qui représente à la fois tous ces arcs de courbes différents.

Si nous désignons par «„ et a, les abscisses op et op' , nous aurons , d'après (16), pour l'équation de l'arc mn

y = / / ifa COS./) {x a) dp dx ,

parce que les ordonnées sont nulles depuis x^o, jusqu'à x = a„, et depuis a?=a^ , jusqu'à x= oo. Ainsi, en faisant croître x depuis x=a„ , jusqu'à X = Ut, cette formule donnera les ordonnées correspondantes de la courbe mn, et ces ordonnées seront nulles pour des abscisses qui tombent hors de ces limites.

En nommant o,^ l'abscisse op" , on trouvera, de la même manière, que l'équation

= Il ^,a. COS. p {x a] dp da

sera celle de l'arc m'n' , et ainsi de suite. De sorte que si l'on désigne par a^^, o,^, O; , etc., les abscisses op'" , op", op' , etc., on îiura, pour l'équation du lieu géométrique représenté par la/f^r. 3 :

(84)

. y= -JJ iiicoi.p{r-

-o) dp dx

-»■ - //*,3C0S.f («- ' o ,.

-a] dp d:t

-*- - / / *,a<:o8.f>(j-

O a .

- a) dp dx

' 1

-♦- etc. ■v;"-;:'. .'■

- . - T

50 .?:. MÉMOIRE

Dans cette formule, quelques-unes des fonctions <//«, (|»,a, (//^a, etc., peuvent être nulles; cela arrivera lorsque la partie correspondante du lieu géométrique se confondra avec l'axe des x.

Si , pour abréger, nous représentons par ya? une fonction qui devient respectivement identique à '^x , <piX , i//,^, etc., lorsque x est compris entre les limites a„, a,; a,, a,^; a^^, a,^, etc., la formule (34) devient

0= "

= 7.//

fx COS. p [x— a) dp da.

Ce qui montre que cette équation, qui n'est autre que celle de Fou- rier, représente un lieu géométrique quelconque ; elle peut, entre deux abscisses données, exprimer un certain arc de courbe, entre deux autres abscisses, un arc de courbe différent, ou une ligne droite, qui peut même se confondre avec l'axe des x, et ainsi de suite.

Cependant, cette formule ne représente rigoureusement une série d'arcs différents, placés les uns à la suite des autres, qu'autant que les extrémités voisines de deux arcs sont contiguës, comme dans Isifig. 5. Si ces arcs sont placés comme dans le fig. 4, cette formule n'aura pas lieu pour les abscisses op, op', op" , etc.; en effet, pour ces valeurs l'équation précédente ne donne pas les ordonnées correspondantes du lieu géométrique, mais la demi-somme de ces ordonnées ; ce qui fournit une série de points qui n'appartiennent pas à la suite d'arcs que l'on considère. Cette remarque sur l'application de la formule de Fourier, et qui résulte immédiatement de la démonstration que j'en ai donnée dans le n" 3, ne me paraît pas avoir été faite, du moins je ne l'ai vue men- tionnée dans aucun livre.

Ce qui précède montre comment on trouverait l'équation d'un lieu géométrique qui serait entièrement situé du côté des x négatifs, et de celui qui serait situé à la fois dans les deux sens de l'axe des x.

L'équation (34) peut aussi se déduire directement de la formule (32); en effet, supposons que a„, a„^, a„^ , etc., soient des abscisses écrites dans leur ordre de grandeur , et comprises entre a„ et a„; désignons par

SUR LES FONCTIONS ARBITRAIRES. U

hn,, h„,b„^, etc., les ordonnées corresponduntes ; Téquation du lieu géométrique représenté pur la formule (32) , pourra s'écrire ainsi :

I

y = - / 2^ i «in- p{»n, r\

o

Ole.

Si dans ce développement, nous supposons que les quantités ao, a, , o,, etc., soient les valeurs successives d'une quantité a qui croît suivant la loi de continuité; ensuite, que )6o, />„...., A„; A„^.,, Z>„^.2,...., „^; A„^., , bm +jv'j ^m, > ^*c., soient respectivement les valeurs correspondantes de ij>,«, f2.»f f3»t etc., pour les valeurs de «, depuis a = Ao, jusqu'à a—b„; de- puis a=i6„, jusqu'à a=b„^, etc.... , le tableau précédent deviendra iden- tique à celui désigné sous la marque (34), en supposant toutefois que l'on aitm=/^ »w, = î, , m^^i^^ ©te.

Lorsque la fonction que l'on cherche est paire ou impaire, la for- mule de Fourier (23) se décompose en deux autres qui se rapportent à chacun de ces cas particuliers; en effet, si dans cette formule, on

développe cos. p (x a) , elle deviendra

u

fX ■= - I I tf3.coi.px cos.pxdpda ■{ / / f a iin. px Ma. pxdpHx;

o so o 00 ^

cela posé, remplaçons yar par la fonction paire F.r=F ( x) , puis par la fonction impaire fx = / ( x); observons ensuite que Ton a v

J Yaûxi.p:,dx = o, J fxcoi.pxdx^o, -f»^ jup iilh»

parce que la fonction différentielle est le produit de deux facteurs dont un seul change de signe avec a, et que par suite, chaque intégrale

52 MÉMOIRE

considérée comme étant la somme des valeurs infiniment petites de sa différentielle, est composée d'éléments qui se détruisent deux à deux. Par ces observations , on aura les deux formules

ce X

F:ï;=— / / Y c(, cos* px cos, pxdpdx^

O X

X X

fx =~ I I fx sin. px sin. pxdpda ,

o ce

que l'on peut encore écrire de la manière suivante :

00 X

(3S) ¥x = ~ I cos, pxdp f fxcos, pxdx,

o o

X X

fx =~ I sm.pxdpl fa sin. pxdx.

On peut vérifier ces deux formules immédiatement ; en effet , si l'on re- marque que

2 COS. px COS. pcc = COS. p (X— a) -+- COS. p [x -i- x) ,

2 sin. px sin. pa = cos. p Çx a) cos. p (x + a)

elles deviendront

Fjr = - / / ¥x COS. p (a; x) dpdx -*- ^— / / ^^^ ^^^' P {x -^ x) dpdx ,

o X o X

XX XX

fx ^ / / f^' ^^^* p (^ ^) ^P^^ / / /^ ^^^' p (^ -^ ^) dpdcc ,

o X

et, d'après la formule (31), on aura les deux équations

F* F(— ^) Far=—+ \ \ 2 2

fx f{-x)

ix = ,

'2 2

dont les seconds membres sont identiques aux premiers.

SUR LES FONCTIONS ARBITRAIRES. 33

Si la fonction tfX que l'on cherche est paire , la courbe représentée par l'équation y =(fia7, sera située au-dessus ou au-dessous de l'axe des X, et divisée en deux parties symétriques par l'axe des y; par con- séquent, à cause de la nature de la fonction (fX, il suffira de déterminer analytiquement la partie située à droite de cet axe, pour avoir l'équa- tion de la courbe entière. Si au contraire , la fonction (fX est impaire , la courbe se trouvera dans deux cadrans opposés, et sera encore divisée en deux parties par l'axe des y ; il suffira de chercher l'équation de la partie qui se trouve du côté des x positifs. Dans le premier cas , celui la fonction est paire , il faudra employer la formule (35) ; dans le se- cond, on fera usage de la formule (36).

Les formules (33) et (34) représentent des lieux géométriques qui sont situés dans les deux régions de l'axe des x; si l'on ne veut considérer que des courbes qui sont situées du côté des 2? positifs, il ne sera plus nécessaire que la fonction cherchée soit paire ou impaire, ce que je vais démontrer.

Supposons d'abord que les lieux géométriques dont il s'agit soient compris entre les limites a?= /et ar=-f-/; alors les équations (35) et (36) deviendront

« /

(87) l'x^— / / Fa COS. ps COS. px dpda ,

o n

« l

2 /'/"

(88) fx=— f i fa tia. px sia. pxdpda,

o o

On peut vérifier que les fonctions ¥x et fx seront nulles quand la valeur de x sera hors des limites /et -{- /; mais, si l'on considère sé- parément les parties comprises entre 0 et /, il est visible que la pre- mière formule subsistera pour x= o, tandis qu'à cette limite, la fonc- tion fx devra s'évanouir. Cela posé, transportons l'origine au point dont l'abscisse est a? = /; il suffira de changer, dans ces formules, X en X /, a en a /, et / en 2/, ensuite F {x /) el f {x /) en Toï. XV. 5

3l MÉMOIRE

F,a? et /,«? ; on obtiendra les équations :

(89) F,aT = / / ¥^acos.p[x /)cos.p(a l)dpdx,

o o

« 2/

(40) f^x = I I /",« sva. p {x—l) sm. p {a l) dpda ,

o o

qui sont celles du lieu géométrique proposé rapporté aux nouveaux axes.

Les fonctions F,a? et fiiv ne sont plus des fonctions paires et impaires, mais quelconques.

VII.

Nous allons appliquer ces théories à quelques exemples particuliers de lieux géométriques déjà considérés par Fourier , et pour lesquels ce grand analyste n'a pas employé sa formule , mais des développements en séries de sinus et de cosinus d'arcs multiples. On observe que ces séries ne mettent pas en évidence , aussi bien que les intégrales définies, les propriétés de ces lieux géométriques ; ce dont on peut s'assurer en comparant nos résultats à ceux obtenus par Fourier.

Trouver une fonction qui demeure égale à h, pour des va- leurs de X entre o et m , et qui est constamment égale à b, quand x est compris entre les limites o et m.

La fonction que l'on cherche étant impaire , il faut faire usage de la formule (36), laquelle deviendra, par le cas actuel,

00 "■

y= / / sin. px sin. pcc dpdx.

Pour vérifier que cette équation exprime la fonction cherchée, don- nons-lui une autre forme ; remarquons à cet effet , que

m

J sin. padtt, =

1 COS./)

in

SUR LES FONCTIONS ARBITRAIRES. 55

donc on aura •'<)•,•> i i/iimi >:!'!'• "<

2t /'sin. px . i /* lin. or cos. pm .

'—^J-r-'~~J^ '? '''

mais à cause de

2 sin. />x COS. pm^ sÏD. p (w-t-x) sin.p (m x) ,

il viendra l'équation

^''^ '^—J-r^^—J -? '^"-J -? *'

o o o

qui montre visiblement que la valeur de y est égale à b pour des va- leurs de X comprises entre o et m, et égale à + à pour des valeurs comprises entre o et m, et nulle pour des valeurs de x qui sortent des limites m et -j- wj.

Si dans la formule (37), on change a? en a? m, on aura l'équation

2i /^sin.pfx m) , 6 /*sin.px , b /^sin.p(2»n x)

î' = T / ;; '^P / —i^^P-^-J h; "^f

X tJ p Tt/ P ^«^ P

o '^ o "^ o '^

qui sera encore celle du même Heu géométrique; mais, dont l'origine est transportée du côté des x négatifs à m unités de distance; ce que l'on peut d'ailleurs vérifier.

Dans la position actuelle de l'axe des y , aucune des formules (35) et (36) ne pourrait servir à trouver directement la dernière équation ; cependant , si l'on ne voulait pas passer par la transformation précé- dente, il faudrait employer la formule (34) ou (40), et on arriverait au même résultat. ,,1

Déterminer la fonction qui est égale à x entre les limites x= m e<x = m.

Comme cette fonction est impaire, on prendra encore la formule (36), qui deviendra dans ce cas

« m

'= / / asin. px sin. pxdpda ;

m COS. pm sm. pm

m MÉMOIRE

intégrons d'abord par rapport à « , on aura

m

/ asin. pxda =

et ensuite

*lfn /^*sin. px COS. pm , 2 /*s'm, pi: sin. pm

y = / ^ ^-dp + - / ^^_^ dp,

OU encore

m /'sin. p (m-i-x) m /''sin. p (m x)

y = --/- ~ dp-.^J dp

o o

00 <

1 /^cos.p [x m) 1 /*!

o

mais on a , en intégrant par parties ,

COS.» (a; m) 1 f^cos.p {x-\-m)

_ dp-- l dp;

00 00

/cos*p(x m) . COS. r (j;— w) , /^sin. p f^r m) , ^11 Ldp = i '. - [x-m) / J^l 1 dp p r i/ p

/COS. p Ix+m) COS. r lx-^-m) /'sin. p (x+m) ~ dp = (x-t-m) I p r J p

dp;

posant r= o ^ et remarquant que , pour cette valeur, la différence

COS. r {x »i) COS. r [x+tn) r r

est nulle, la valeur de y deviendra

X /'sin.plm x) x /'siB, p (m-i-x) y=- / dp + - / 1^ idp;

ÎTi/ p 7! J p

o o

équation qui fait voir immédiatement que si l'abscisse x est comprise entre m et -\-m, l'ordonnée correspondante sera égale à a? , et que , pour des abscisses qui tombent hors de cet intervalle, les ordonnées seront nulles.

SUR LES FONCTIONS ARBITRAIRES. 37

Chercher téquation du contour du trapèze isocèle ABCD, fîg. 5 , dans lequel ou (i

OA = OB==:»-, PB = PC=OT, OP = OP' = T m.

L'équation de la droite AB est y = n x, et comme la fonction cherchée est paire, il faudra prendre la formule (34). On trouvera pour le lieu géométrique du contour du trapèze ABCD, l'équation

y = / / COS. px COS. px dpdx

o o

"^ ~ / 1 ('■ t) COS. px COS. pa dpdx.

Si l'on intègre par rapport à a, et que l'on fasse des transformations analogues aux précédentes, on trouvera la formule

m r f's\n.p{x-^x—m) fsin.p(x r-t-m) -\

V U—p *-J- —p 'p\

T— X r /'sm.p{x 't) f's\n,p{x r-f-»*) "1

»--4-xr /*»iu. ;)(*-*- T ) f's\n.p{x-\-x-m) "1

qui met en évidence le lieu géométrique représenté par le contour du trapèze isocèle ABCD.

Si dans la formule précédente, on change a; en x ;:, on transpor- tera l'origine au point ^ , et la nouvelle équation sera celle du trapèze rapporté aux nouveaux axes.

Si au moyen de la formule (33), on cherche une fonction qui équivaille à e""", lorsque x est positif, et à e"^, lorsque,;? çst négatif, on trouvera ,r. .; \-: «« - , i

X

3 /*eos.px

38 MÉMOIRE

Si on veut que la fonction cherchée soit égale à e~^ quand x est positif, et à e^, quand x est négatif, on fera usage de la formule (34), et l'on obtiendra

\P

'p sin. px

En cherchant directement les valeurs de ces intégrales définies, on verra qu'elles satisfont aux conditions énoncées {voyez les Traités de calcul intégral).

Si l'on cherche la fonction qui est égale à sin, x pour des valeurs de X comprises entre o et w , et qui est nulle quand x tombe hors de ces limites, on trouvera

2 /^' sin. px sin. prn

y = - / ; 2 ''p-

TT J 1 «2

o

Les questions que nous venons de résoudre par la formule de Fou- rier sont des plus simples; je les ai rapportées afin de donner un exer- cice facile à ceux qui n'ont pas encore étudié cette partie de l'analyse transcendante ; mais c'est principalement dans l'intégration des équa- tions différentielles partielles que cette formule manifeste son utilité. Ceux qui voudront connaître ces applications devront étudier les ou- vrages déjà cités de Fourier et de Poisson, sur la théorie de la chaleur, ainsi que les 18^ et 19'' cahiers du Journal de l'école polytechnique ^, les Exercices d'analyse de M. Cauchy et les Traités de calcul différen- tiel et intégral par MM. Duhamel et Cournot.

Je terminerai ces applications en rapportant, dans le numéro sui- vant, la construction et l'équation du lieu géométrique d'un air de musique quelconque.

VIII.

En partant de ce principe de musique que toute note demeure au même ton pendant tout le temps de sa durée, et que les tons, d'après

SUR LES FONCTIONS ARBITRAIRES.

59

la théorie de l'acoustique , correspondent à certains nombres de vibra- tions sonores pendant des temps égaux, je me suis proposé le problème suivant :

Trouver l'équation du lieu géométrique dont les abscisses repré- sentent les temps musicaux; écoutés depuis le commencement de l'air que l'on veut exécuter, et dont les ordonnées sont les tons correspon- dants des notes ; en supposant que ton prenne pour unité de temps celui de la mesure, et pour unité de ton t ni bas de T instrument^ ensuite, que la gamme soit divisée en douze semi-tons moyens dont les valeurs numériques se trouvent dans le tableau suivant ' :

VALEURS NUMÉRIQUES DES DOUZE SEMI-TONS DE LA GAMME.

PREMIÈRE OCTAVE.

DECXIÈMB OCTAVE, ETC.

Ut, =2H = 1.000000

ut, = 2ÎÎ = 2.000000

ut, ; ou ré, b = 2" = 1.059403

ut, ; ou r», b = 2n = 2.118920

«', =2W = 1.122462

ré, = 2^ = 2.244924

rt, S ou m< b = 2^ = 1.189207

ré, ', ou mi, b = 2V« = 2.378414

»M-, = 2n = 1 .239921

TOI, = 2'> = 2.519842

fa, = 2H = 1..Î34840

fa, = 2M = 2.6C9680

/■o, J ou «o/,b = 2^ = 1.41 421. î

fa, ; ou %ol, b = = 2.828420

sol, =z'ïh =\ .498306

toi, = 2'« = 2.906619

mJ, J on ta, b = 2" = 1.587400

toi, ; on ta. b = 2ÎÎ = 5.174800

la, = 9-n = 1.081793

la, = 2H = 3.303596

fa, ; ou «•, b = = 1.781719

fa, Ç ou »<, b = 2iî = 3.503392

ti, =215 = 1.887745

ti, = 2U = 3.775490

ut, = 2l> = 2.000000

=,TT-=r.rr^^ =r-r-^Tr= = îî—t-

ut, = 275 = 4.000000

Considérons d'abord la question sous le point de vue général, et désignons par bo, by, b^, etc,... les valeurs numériques des tons, ou

' Foyes la Physique de Riot , loin. I , pag. 881 .

40 MÉMOIRE

leurs nombres de vibrations correspondantes, pour un air donné, en les supposant écrites dans leur ordre de succession dans l'air ; repré- sentons par ao, Oi, a,, etc., les temps musicaux correspondants , écoulés depuis le commencement de la première mesure et la fin de la note que l'on considère; on pourra prendre a^, a,, a,, etc., pour les abscisses, et bo, b^, ^2, etc., pour les ordonnées du lieu des notes. Imaginons maintenant deux axes rectangulaires OX et OY, fig. 3, et supposons que l'on porte sur l'axe des x, à partir de l'origine, les temps musicaux O'o> «i> «2> etc., évalués en lignes, et qu'à l'extrémité de chacune de ces abscisses on élève des perpendiculaires respectivement égales aux nombres, b^, bi, b,, etc., aussi mesurées en lignes; ensuite, que par l'extrémité de ces ordonnées, on mène des parallèles à l'axe des iv et terminées à l'ordonnée suivante, prolongée s'il est nécessaire, on for- mera ainsi une espèce d'escalier qui monte et descend, et qui sera le lieu géométrique de l'air musical donné. Ce lieu est représenté par la fig. 3.., dont la formule

y = - /2 b^[sin.p{a;-a„)—s\n.p(x—a„^^)]

dp

P

est évidemment la traduction analytique, puisqu'elle exprime l'ordon- née constante bo de la première note pour toutes les valeurs de a? com- prises entre ao et a, ; la seconde bi , pour toutes les valeurs de a; depuis a, jusqu'à ao, et ainsi de suite; cependant, lorsque m sera égale à une des quantités ao, a,, a^, etc., l'ordonnée correspondante sera la moyenne entre celle qui la précède et celle qui la suit; mais cette circonstance ne modifie pas l'image du lieu géométrique.

Je vais appliquer ces considérations générales aux cas particuliers les plus simples :

l'' Prenons d'abord la suite des ut dans les octaves successives; dans ce cas, les abscisses formeront une progression par différence, les ordonnées correspondantes, une progression par quotient dont la raison est 2; l'unité de longueur est d'ailleurs arbitraire. La construc-

SUR LES FONCTIONS ARBITRAIRES. 41

tion du lieu géométrique est trop facile à concevoir et à construire pour m'y arrêter ; l'équation correspondante est

«

i/i-

X J I

2 \wa.f{x n-\-\) sin. (*— n)]-i-'

?

Ip Pour la gamme chromatique, les abscisses formeront encore nne progression par différence, et les ordonnées une progression par quo- tient, dont la raison est V^, base des logarithmes acoustiques. On trouvera aisément que l'équation de cette gamme, considérée comme lieu géométrique , est

1 /•"«. ,'•, ^ dp

y= - /2^ \^ '2"-' [sin. p{x—n-i-l) sin. p{x—n)] -!-.

La fig. 6 représente l'air God save the king et son lieu géomé- trique correspondant. Pour les abscisses, on a les rapports suivants :

mesure

= 1 ri = s * ' J' * J -•

et afin de simplifier la figure et les calculs, l'échelle des ordonnées a été réduite de moitié , et l'on a pris les valeurs approximatives

•«■-i^H, M<=1, re = 2, ,/i» = I , = I , etc

ce qui donne pour les six premières mesures, la formule assez longue

' J p

■h\»\a.p{x—\)- sin.p(x- 1 ) sin./»(* ^) -*-8iD.p(*— 6)] + J [8in./»(x— î) Mn./>(x— V)-+-sin.;j(jr— J^)-+-»in./»(jr 4)] -*- i [sin.pfx— 2) - 8in.;)(jr— J)l-f- ri[sin.p(x— J) 8in.p(jr-3)] -«- t\n. px im. p{x ^).

J'ajouterai, en terminant ces applications, que je ne prétends pas changer la méthode ordinaire d'écrire la musique ; sans doute , la suc- cession des abscisses et des ordonnées indiquées par la fig. 6, donne une idée frappante de la manière dont lestons se succèdent; mais la construction de cet escalier musical, dont les marches devraient tou- ToM. XV. G

la MÉMOIRE

jours être accompagnées de leur grandeur et de leur élévation données en nombres, sera toujours moins simple que l'écriture musicale ordi- naire; cependant, je pense que cette représentation géométrique pour- rait aider la mémoire et faciliter le travail de ceux qui commencent l'étude de la musique; car dans l'écriture ordinaire, la représentation figurée de la durée et de la portée des notes ne me paraît pas aussi caractérisée que par notre escalier musical, qui offre, comme image, toute la précision désirable.

Quant aux formules algébriques qui représentent les airs musicaux , je ne pense pas qu'elles puissent être de quelque utilité pratique ; aussi n'ai-je fait cette application que comme un exercice d'analyse, et pour montrer comment celle-ci est susceptible d'être appliquée à un sujet qui ne paraît pas devoir se soumettre à cette grande loi de la nature et de l'entendement, que l'on nomme loi de continuité.

IX.

Nous allons maintenant établir une formule, au moyen de laquelle, on exprime toute fonction arbitraire d'une seule variable par une in- tégrale double qui renferme la variable, sous le signe d'une fonction très-générale.

Soit l'intégrale

V

(42) . . ...... . ff{cc-a„p)dp = ±S,

b

qui s'évanouit pour t!=a„ et qui a pour valeur déterminée + S, ou d, suivant que ce est plus grand ou plus petit que a„. Il suit de que l'intégrale

^^J\j{x—a„ ,p) f (*-o„4., ,p)dp,

dans laquelle a„^_, >a„, sera égale à l'unité pour toutes les valeurs àex comprises entre a„ et a„+, , à | pour x = a„ Qi x == a„+,, et sera nulle

SUR LES FONCTIONS ARBITRAIRES. 43

pour toute autre valeur de x; par conséquent, on aura également

[ P""'* *>o, et <o„+, ,

[ 0, jr<O„,0U >«M-i ;

et ensuite

, A.^ ( pou»" ^>a„ et <o»-f-i ,

* ( i(*,+Wi) T = o,4.,.

Si nous appliquons à cette formule les raisonnements que nous avons faits dans le III, à la formule (15), on trouvera aisément

en faisant attention que l'intégration par rapport à /> a lieu entre les limites h et c.

Telle est la formule que nous nous proposions de trouver, et dans laquelle ip représente une fonction arbitraire, soumise ou non à la loi de continuité, et 9 une autre fonction qui satisfait aux conditions énon- cées ci -dessus.

Le nombre des fonctions particulières qui vérifient ces conditions parait être illimité ; nous allons d'abord en faire connaître quelques- unes ; ensuite , nous en tirerons les intégrales doubles correspondantes : Soit d'abord

»iD.p(*— «) P

ce qui donnera

df{x—a,p)

= CO8. p{x—a) ,

ax

et par suite , il vient

\l/x = f / \p* COS. p(^x— a) dpda.

6

m MÉMOIRE

Pour déterminer ô , il faut recourir à la formule (42) qui devient dans ce cas

c

•sin. p[x—a)

r-

dp = B;

si l'on prend A = o^c=co,on aura ô = |, et en faisant a„ = oo et a, = + GO , il viendra la formule de Fourier

xjjo; = ~ / / 4^a COS. p{a: a) dpda,

o co

Si dans l'intégrale '

oo

rtanff. ax , t

(^«) J-T-'^^ = ^'

o

on change xewp et a en x «, il viendra

risxn<y.p{x—x) T

.y ^ ^p=-^'

o *

comme elle satisfait aux conditions dont jouit la fonction y, posons

tang. ;> (â?— «) ?(*—«,/') = .

on aura

df{x—a,p) 1

rfa COS." p{x a)

et ensuite

(47) . . . 4^x=i ff'-±^?f^-=:!. rr^.séc."p{x-.)dpda

3-t/t/ C08.'p(a;— a) TcJ J

s*' Soit encore l'intégrale connue

00

/' X sin. mx sr _„

dx = —' e ,

* LegendrCj Exercices de calcul intégral , tom. Il, pag. 180.

SUR LES FONCTIONS ARBITRAIRES. «

en y changeant a; enpeimen x «, on aura ..^«

/•x-« f>«in.p(jr— «) T

0

pour a? >a; et comme pour a?< «, elle a pour valeur ^, on fera

, , *-<x p«in.p(ar— a)

d'où

^-s [»in.p(*— «) H- pco».j» (*—«)] ;•;

substituant cette valeur dans la formule (45), et remarquant que 5=|, on aura encore

*i

1 /*/• pe'"" (48) . . . 4/x = / / [«in.p(a:— «) -4-/)C08.p(ar— a)] —4/xdpdx.

X \J \J 1 -4-p

° 'o

40 Si l'on part de

on aura 5 = -^, et ensuite

mettant cette valeur dans l'équation (45), il viendra

(49) .... 4>x==-^J'J^l\-<ip\s-ay^e-'^'-''^'''' 4"^

dpda.

Les formules (47), (48) et (49) sont nouvelles, et peuvent se vérifier à posteriori comme celle de Fourier, c'est-à-d^re, en exécutant d'abord l'intégration par rapport à p, entre les limites o et k; ensuite, on posera w ^'^i* ®' ^^^^ ^^^^ ^ infini eu intégrant par rapporta a;

46 MÉMOIRE

on retombera ainsi sur les intégrales définies d'où ces formules tirent leur origine.

Ces formules, comme celle de Fourier, servent à représenter une fonction arbitraire entre deux limites déterminées de la variable a?,* leur valeur est nulle quand x tombe hors de ces limites; mais, pour ces dernières valeurs , les résultats correspondants doivent être doublés, s'ils ne sont pas nuls.

La multiplicité de ces formules peut d'abord paraître superflue, puisqu'elles jouissent toutes des mêmes propriétés et du même degré de généralité; cependant, l'une convient souvent mieux que d'autres lorsqu'il s'agit de les appliquer à l'intégration des équations différen- tielles partielles.

Nous pourrions rapporter encore un grand nombre de formules ana- logues aux précédentes, ainsi que celles données par M. Cauchy dans un mémoire sur la transformation des fonctions d'une seule variable en intégrales doubles * ; mais nous nous bornerons à reproduire la principale, celle de laquelle il a déduit toutes les autres. Nous ferons d'abord connaître les propriétés de certaines intégrales définies dans lesquelles la fonction différentielle est affectée de symboles imaginaires.

Soit l'intégrale

(50) fe-"''^~' dx;

O

il est évident que si a est positif, on aura

00

.P

dx

aV-l

et pour a négatif, il viendra

00 00

1

aV—X I Exercices de mathématiques , tom. II , pag. 112.

SUR LES FONCTIONS ARBITRAIRES. 47

d'où il suit que la valeur de l'intégrale (50) sera , ou î7=^> *'»-

\ant que a sera positif ou négatif.

On embrasse à la fois le cas de a positif et de a négatif, en mettant l'équation (50) sous la forme

dx

f'-"

y/— a' ni/— I

de sorte que pour a positif, on aura et pour a négatif, ^.

Si la limite inférieure de l'intégrale (50) est ao , on obtiendra

J^-'^^-' ds = J'c-"^-" ds = 2 /I~"

^^'d.== '

Si a est négatif, il viendra

» 00 QB

y-t ^t <tx* j'4 ttX

•e"'^=^d*= I e"^^^' dx^l I e~^^' dx==

«

al/-l

>b •jll'VV...Ii

Soit cette autre intégrale

-{a+by-,)kx

(81) yj-,._._.,„ ^^.

o

Si k est positif, on aura

00

'J k{a-^b\/^)

et pour k négatif

dx =

dx=J e

V-\ J- ' r',;-» ■■> I ' inoy I

k{b-aV~\) *(a + 6l/-l)

ce qui montre que la valeur de l'intégrale (51) change de signe avec h.

Pour obtenir une autre intégrale de la même espèce, et qui nous

conduira à la formule cherchée de M. Giuchy, multiplions les deux

^ MÉMOIRE

membres de l'identité

00

/ e dv = - , J a

par dttj et intégrons ensuite les deux membres entre les limites r+« V'^^ et r'-{-s' 1/ 1 , il viendra

o

mais, comme

log. (r'+«'l/— 1)=^ log. (r"'-^-s'^)-t- arc. tang. j/— 1 , log. (r +s 1/ 1) = I log. (r" -4- S") -t- arc. tang.- [^ 1 ,

on trouvera

o

Si, pour abréger, nous posons

r -1- » |/ 1 = m , r' -(- s' 1/ 1 = w ,

/r"-f-s"\ s' «

i log. I-; -\ = A , arc. tang. -, arc. tang. -= B ,

il viendra

dv= k + BV/— I ;

faisant v = p (^ a), p désigne la nouvelle variable, on aura

(53) y[e e ]

P

A-4- B^/ l ,

formule de la même espèce que (51), et qui donnera (A+Bl/— l)

SUR LES FONCTIONS ARBITRAIRES. M

quand x sera plus petit que «. Si dans la formule (45) , nous faisons

mp (x— Jt} '■/'(•>' *)

b^o, c=se, j.(jr— «,p) = ,

V

on trouvera 5=*= A+B\/— 1. Substituant cette valeur de 6 et de 9 dans (45), on aura la formule suivante :

VdK). 40:=^ / /[(r+«K— l).e (r -4-«'K— l).c ]\lyxdpdx,

qui comprend celle que M. Cauchy a indiquée sous la marque (27), et de laquelle il a déduit, comme cas particuliers, d'autres formules de la même espèce.

Pour vérifier la formule (54), écrivons-la en abrégé comme suit :

00 "i

1 /" /,• ~mp(x-a) —mpix-»)^

v//jF = / / I m e n. e \\l/x dpdx ;

en intégrant par rapport à p entre o et A", on aura

/

nk{x—a) m* (x— a)

-mp{x-l*) -"''('-«) TJ„ « «

j; a

substituant cette valeur dans la formule précédente , sauf à faire k infini après les intégrations, il viendra

I /'*— /i*(x— a) —mk{x—a)

J'-

\l/X = rzzr- / '■px dx ;

2(A-»-BJ/— 1),

posons maintenant k{x a) =z, on aura

/* , ,. «» —m»

,|/jr = ___ / i/, (jr_ _) . :: : j,.

a(A-t-Bi/-

*(x_.<,)

Faisant k infini , cette équation montre que la formule (54) subsiste To». XV. 7

5p .r.W^HTV. MÉMOIRE

pour des valeurs de a; comprises entre a„ et o, , et que pour an = a„ et s = a,, il faudra doubler les résultats correspondants; on voit aussi que si a; est plus petit que a„, ou plus grand que o, , la valeur correspon- dante de tpa; sera nulle.

Voici le moyen de trouver des formes particulières pour la fonc- tion f, qui entre dans la formule (45).

Posons

df[x—a,p) d'l>(3;—x,p)

Soj j = j »

dx dp

et admettons que de cette identité on puisse déduire , par une simple intégration, la valeur de l'une des fonctions y ou $, lorsqu'on connaît l'autre, ou seulement sa dérivée. Cela posé, faisons, dans la for- mule (45), b= o, c= ce on aura

(^^) ■^' = -nJJ'''- dp •'^^-^-'

o <,„

intégrant par rapport à j», entre les limites o et-, il viendra

d^{x—it..p) j 1

dp

et ensuite , en supposant - infiniment grand

a ^

o

faisant « iv = sz, on a

4/^:= -^ / £\p(x+sz]'l> [ sz,-]ds;

or, comme a; est compris entre a„ et a, , et à cause de la valeur de e , cette équation conduit à la suivante :

(S7) y.

f 1) f ES , - 1 rfs = ,

SUR LES FONCTIONS ARBITRAIRES. ^•

qui montre que 5 sera une quantité déterminée, si la limite de e<l»( -1^,-%^ pour« infiniment petit, est une fonction déterminée de z, dont on con- naît ou dont on peut connaître l'intégrale définie entre les limites 00 et 00 . ■' *^'**- *•-• '*^* «^'^fc''

Prenons pour exemple

ri >iii;b yijii''

ds dp

on aura ici

:,lV!r.: . e-^'-'^''-é~^-'^^^

(s—x,p) = .

x~ a

itm

etpàr kUite la formule (57) deviendra

(80) / [e^ ^«^ _ e ^ ' 1 T = - -^-

»

Supposons maintenant que l'on ait

Vp = F, p -+- \/-\ F,p , //,=/•. p -.- \/~\ U P .

et que

lim. t-F (|j=P-+-Qi/ I . lim. f/(ij = R 4- Si/— i ; . 'jJiii<r.ii:) J >

il viendra

r^^(K^svrz\), _ ^(p+Q v/in).j ç|« _ _ 2,

OD

et ensuite

/ [e e j j,

en vertu de la formule (52), on aura

__^| .y. \/—\. f arc. tâng. - arc. tang. -j = A t B l-^-l ;

J noiJiiiijj''

TC

é\:enûniMïaTmu\è{A6) dey'xendra '»feir|'u»?

(60). 4/^;=

/ / y . '.rtr. ifr.} i.< ' > \lia dfdx

W J ] d(fl>^\/—\f.t)\ ,...l/-r..w„ si'

2(A + Bl/-l)y./ )-rf(/-.pH-l/=ÏAp) ^_(^,,^v/i:ïy^,n._.)|

dp

\

Cette formule suppose que les fonctions F,p, V^p, /ip et f,p s'éva- nouissent avecp, et que les quantités ?.oua«« <f^

iiin..F,(l) = P, lim.fF,(i)=Q, lim.f/-. (i ) =R, l.m. f/, ( i) ==S,

sont finies et déterminées.

On peut aisément s'assurer que la formule (60) comprend celle que M. Cauchy a désignée sous la marque (75) dans son mémoire déjà cité.

.(10) slmmol OU] .Vqjziij

;<;9li(nil X09b erh' litonot ci X. . nu jg ^ofioO

Proposons-nous de déduire directement de la formule de Fourier les développements connus des fonctions suivant les sinus et les cosinus des arcs multiples. Reprenons pour cela la formule s

(61) y-'^ = ~ / / fx.coi. p [x- a) dpdx ,

qui représente la fonction ya; pour toutes les valeurs de w comprises entre w et + m, quelle que soit la quantité m. Supposons d'abord que tn ait une valeur infiniment grande, et faisons p = —, i étant un nombre entier qui varie avecjo, on pourra prendre dp—^, et ensuite,

on aura -0> -îlunnoT gJ

/a- 00 .3- [x— z) COS. p ( X u ) dp = 2 COS. i ; ff» <*, m

o ■'■'". \

or, à cause de la valeur de m, la quantité cos. 'i"—— sera toujours peu différente de l'unité, tant que ^ sera une quantité finie j mais rien

SUR LES FONCTIONS "ARBITRAIRES. M

n'empêche que i surpasse m et qu'on le fasise ct'oitteiflii <lelà de; cet infini : si donc, dans cette expression, on fait successivement ^ = o, i— m, i'== 2m, été., on obtiendra la somme 2* cos. ii:[x «) qui est égale à 5 ', et l'on aura \\- -iii -oo

^

/T r 1 » )r(j!— a) "I co». p (^— a) dp =~\ - -4- 2 co». » ,

en supposant que i ne surpasse pas l^infîni qui aHecte le signe 2. On obtiendra ensuite Téquation

fn m

WF = / vxaa ,■+■ i / oa co». t oa ,

m

qui représente encore la fonction fX pour des valeurs de x depuis m jusqu'à + m, et qui jouit des mêmes propriétés que la formule (61). Donc, si on veut qu'elle représente la fonction (j>x entre deux limites finies /et + /, il faudra remplacer m par /; ce qui donnera la for- mule connue' '"'^^"^ ■■■■■ , ' 'iim^t ''VfUf ?^\ infyfi' / «•tinrioo zîfTMfft-^afjof'j/'jb «oi

(62) pr W-i y^^rfa 4- j 2]° A^ <t6É.'.U''-?Lto-^'rf;t. « 8î>1fl 9.9b

En développant cos. i'^ "' , on obtient la suivante

/ ' /

(es^f.iffiy: JL/'il*rf« ^- i i; COS. i^ y^c^.i^dx^-^E%iu.i^>/^i&-mvf^m\

qui exprime le développement de la fonction arbitrait '<fJi^'f éiAySiiVI^

sinus et les cosinus des mxûii^les de l'arc ~. '"' '"?^ ^*m*"^ ^fdmon

La formule (62), comme la suivante ''"'^'^ '*^'

00 /

}i* = / / ya. COS. p(x ajdpdx ,

o —l

"*,' 17- ., l'h'J'"'"!' '" < •' yb tuotsf .ol 'tb 'jgiir.-j s ,io

' CagDoli , Trigonométrie, pag. 108. * _ '

"'■ Voyez la note 2"°, .'i la fin du mftrioW*;: ^ '«"P lur.l .ÙtilluT ob a1n9T>7Hb U'jq

î^ MÉMOIRE

représente la fonction arbitraire ya? pour toutes les valeurs de x qui sont comprises entre /et + /,• pour ces valeurs extrêmes, non-seu- lement elles ne subsistent plus généralement, mais elles ne donnent pas même des résultats identiques ; il faut cependant excepter le cas ces valeurs font évanouir la fonction (^x. Nous avons démontré que pour faire usage de la dernière formule quand a? = ± /, il faut doubler les valeurs correspondantes de (s^x. Quant à la formule (62) , si l'on y fait .^ =r ± /, on trouvera pour la valeur du second membre \ [y/ -)- y ( /)]; résultat qui n'est identique avec le premier qu'autant que l'on a a,/ = ij,( /), c'est-à-dire, lorsque la fonction (^x est paire. Si <-s^x est une fonction impaire, le second membre de l'équation (62) est nul, et n'est identique au premier qu'autant que a^x s'évanouit pour a; = ± /. Avant de démontrer ces conséquences, je vais donner une vérifica- tion facile de la formule (62). En la mettant sous la forme

(6-4) !/=y / j-«U + 2, COS. ». ^ J

et observant que ;r et « sont compris entre /et -j- /_, on aura pour toutes les valeurs finies de ^r «

« z [x a) 2, COS. i ^ ^ \,

tiitb'ln t> c'est-à-dire, pour toutes les valeurs de « qui diffèrent de x d'une quan- tité finie. Pour ces valeurs, on voit que y devient nul; nous devons donc considérer seulement les valeurs de a qui diffèrent de x d'une quantité infiniment petite, et examiner ce que deviennent, dans cette hypothèse, les deux termes du second membre de l'équation (64), c'est-à-dire ,

/ ■^xda,, et— / ci.«Z, COS. i \ dc/.\

-l -l

SUR LES FONCTIONS ARBITRAIRES. ai

po

ur le

premier, on aura

-i

1

1 .fi.

= ?■«■ ,

et

pour

le second ternie

T /«Xi. C0«. 1 r

-A^..

1

l'f

ou bien, en intégrant

I f . ^(ar-a) 1 „« I r . .t(x— /) . .t(j: + /)-1

y / 2, co«. » - dx = - yji, -. I.ïin. I »in. i -~ - j;

mais à cause de

sm. I-

-^; =(— I)'. siD. »-y-,

t(*-4-/) ,• T*

sin. » = ( 1 ) . »in. i - ,

il viendra pour toutes les valeurs de a qui diffèrent infiniment peu de ùr

^ 2'j1 89)Ul>}

/ fa 2i, COS. » rfa = 0 ;

-/

d'où l'on conclut que le second membre de la formule (64) se réduit à çu? pour toute valeur de u; comprise entre /et + /.

II serait facile de démontrer, par des calculs analogues aux précé- dents, que si a; tombait hors des limites /et + /, la valeur de y, dans l'équation (64) , serait nulle. , Ju luiuiiiiu jJthii.tf{)

Voyons maintenant ce que devient la formule (64) lorsque jp^i ±i.if Posons d'abord iv = l , on aura dans ce cas

y = - / fctda + - 2* / J.Ï. (—1/ COS. i Y'^/

m MÉMOIRE

eu remarquant que cos. ^7^ = ( 1)' et sin. ir. = o. Or, comme la quan- tité 2"( I y COS. i~ est égale à 1 pour toutes les valeurs de a qui sont moindres que l, il suit que, pour ces valeurs, y devient nul; donc, pour connaître la valeur de y , il faut seulement considérer les valeurs de a qui diffèrent infiniment peu de ± /. Dans ce cas , le terme ji fmda. s'évanouit, et il reste ~'

y=j-l"j f'- (—1)' COS. i~da, —l'

OU bien

o l

1 » \ r ^^ f* Tx -\

y = - 2, ( 1)' / fx COS. ï -da H- / tfxcos. i dx ; -l "

cela posé, désignant par z une quantité infiniment petite et positive, on aura pour « = 1-\- s ,

o l

/ma COS. i-- dx = 9)(— /) /(— 1)' cos. i -— rf z = ?(— /) (—1)' sin. i —, —l "

et pour a = / z,

i i

ya COS. i— dx = fL I (—1)*. cos. i (/« = -— y/. (—1)' sin. « -y ;

o o

mettant ces valeurs dans la dernière expression àe y , on obtiendra

] 00 i Ta

y= - [?/ + ?(—/)] 2. - Sin.» ;

mais pour des valeurs de a; moindres que n, on a

2, sm. ta: = i (t x); i

mettant y à la place de a;, et observant que la valeur de z est infiniment petite, il viendra

go 1 TTZ T

2. -.sin...-=-,

SUR LES FONCTIONS ARBITRAIRES. f7

et enfin ' i >

ce qui est la valeur du second membre de l'équation (64) lorsque x = l; si l'on fait x= /, les calculs ne dilTôreront pas des précédents, et l'on trouvera le môme résultat.

On voit donc que pour x= ±: l, les deux membres de la formule (62) ne sont identiques que si i})/=y( /); si (fX est une fonction impaire, la quantité {{<fl-\-<f{ /)] sera nulle, et par suite la formule (62) ne sera vraie pour x= ±1, dans ce cas, qu'autant que la fonction <fX devient nulle pour ces valeurs extrêmes.

Si dans (62) (fX est nulle depuis x= o, jusqu'à a?= /, les limites des intégrales relatives à « se réduiront à o et /; on aura alors la formule

fts=.~ J ^fitdi -f. -. 2, / COS. I da ,

Q O

qui a lieu pour des valeurs de x entre o et /; mais qui ne donnera que la moitié des valeurs de fX , quand on fera x == o et x = l.

Si dans cette formule on change x en a: , on aura la suivante

' /" j ' V* /" ■'•(^ + ^) j

0^^— tfaila-i-— Z, f 9a cos. t oz ,

2/t/ l J ' I

o o

qui sera nulle pour des valeurs de x entre o et /, et qui, pour ces dernières valeurs, ne donnera que la moitié de fx; donc, si l'on ajoute cette équation à la précédente , l'équation résultante

i i

(68) . . . . ')X=:— Itfada-*- 'Se, If* COS. i cos. i dx,

o a

subsistera pour toutes les valeurs de x entre o et /, et même quand x sera égal à ces limites; ensuite, si on les retranche, on obtiendra

/

équation qui a lieu pour des valeurs de x entre o et /, mais qui ne sub- siste, pour ces valeurs extrêmes, qu'autant qu'elles font évanouir ip^:. To«. XV. 8

58 MÉMOIRE

Les formules (65) et (66) ne subsistent pas seulement pour des va- leurs de X entre o et /, mais pour toutes celles qui sont comprises dans l'intervalle /et +/; en effet, la première représente une fonc- tion paire, et la seconde une fonction impaire, puisque les fonctions cos. î'^ et sin. i^, que renferment les seconds membres, sont res- pectivement paires et impaires. Ainsi, en prenant pour (fX deux fonc- tions Yx et fx, telles que Vx— F( x) et fx = /"( x), on aura les deux formules :

(67) Fa? = / F;( rfa -4- 2, COS. i—rl ?^- cos. i dx ,

l

2 oo rx P , ■'^"^ ,

(68) fx =^ Z.^ sin. 1. —■ I fi'., sm. i —da. ,

qui sont analogues à celles désignées sous les marques (37) et (38).

On peut aussi déduire ces deux formules de l'équation (63); il suffit pour cela, de remplacer n^x par F^ çXfx, et de remarquer que

j '^a ûw. i da = 0 , 1 f'xdy. = o , 1 fx

TTX

fx COS. i dx -l -l -l

Enfin , on pourrait encore obtenir ces deux formules par des raison- nements analogues à ceux qui ont conduit à l'équation (62).

Les lieux géométriques représentés par les équations (67) et (68) sont situés dans les deux sens de l'axe des ir^ et divisés en deux parties par l'axe des y. On peut transporter l'origine au point dont l'abscisse est x = //pour cela, on remplacera l^x et x, par 2/, x /et « /, et mettant FiX, etfiX, au lieu deF(a; l)ei f{x /), on obtiendra les deux nouvelles équations :

2/ Il

Y ,x = / t ,xdx -4- >,, COS. t / r COS. î ; dx ,

o o

21

1 „« . .7r[x—t) p . 3-(a /) f^x = 2., sin. i -— / f^a.. sm. % dx ,

o

analogues à celles représentées par (39) et (40).

SUR LES FONCTIONS ARBITRAIRES. ^

On peut encore tirer d'antres formules des équations précédentes ; mais je ne m'arrêterai pas à leur recherche, parce qu'elles ne donnent lieu à aucune propriété qu'on ne puisse exprimer pur les formules déjà trouvées.

Toutes ces formules tirent leur origine de celle de Fourier ; on pour- rait, par des raisonnements et par des calculs analogues aux précédents, tirer des formules de la même espèce des équations désignées par (47) , (48), (49), (53) et (60).

Les formules (67) et (68) servent principalement à représenter des fonctions périodiques; en effet, supposons que l'on fasse l = n, nous obtiendrons les deux équations

»• r

1 /' 2 » /*

Far = / Tadx -»- 2, cos. ix / ¥x cos. ùtdx,

o o

T

2 = . . /^ .

/x = - 2, sin. ix I fa sin. ta da,

o

dont les seconds membres conservent la même valeur quand on y rem- place X par a;±: 2k7:, A- étant un nombre entier quelconque. Il suit de que Fa? et /à?, auront les mêmes valeurs pour des valeurs de a? com- prises dans les intervalles 0 et 2?;, 2;: et 4r., An et On, etc.... et dans les suivants 0 et 2-, 2:: et An, An et on, etc.... On dit alors que la période de la fonction est *2n. On peut facilement concevoir la forme du lieu géométrique représenté par chacune des équations pré- cédentes.

Si l'on veut que la période ait une grandeur quelconque, il faut faire 1= l'n, alors les équations (67) et (68) deviendront

t'r /'T

2 /" . 2 v-* ^ f '

¥x = —— I Faoa -»- -— 2, COS. i I Fa. cos. i —dx .

ixj l'r tJ r

O o

fr

2 ..« * P * .

/* = i, 8'n. » - J f*- sin. ». - rfi ;

60 MÉMOIRE

La période sera ici ll'n, et comme /' est une quantité arbitraire, il en sera de même de la période "ll'u.

XL

Les formules que nous avons obtenues dans le numéro précédent, pour représenter les fonctions arbitraires , ne subsistent plus lorsqu'on attribue à la variable x les limites de l'intervalle que l'on considère , à moins que pour ces valeurs, la fonction ne devienne nulle. M. Poisson a cherché à obvier à cet inconvénient, du moins pour les formules (62) et (66) du numéro précédent, c'est-à-dire, qu'il a cherché à les mo- difier de manière qu'elles subsistent encore pour ces valeurs limites ' . Il y est parvenu en ajoutant au second membre un terme qu'il nomme complémentaire , qui devient nul quand x est compris entre les limites assignées à la variable, et qui, pour ces dernières valeurs , exprime ce qu'il faut ajouter au second membre pour le rendre identique au pre- mier. Mais ce savant analyste ne paraît pas avoir examiné si ces for- mules ainsi modifiées subsistent encore quand la variable tombe hors de l'intervalle mentionné, ce qui n'a plus lieu effectivement; de plus, il n'a trouvé ces termes complémentaires que d'une manière indirecte , c'est-à-dire, comme des conséquences de l'existence des formules qui résultent de la différentiation et de l'intégration effectuées sur celles qu'il s'agit de compléter.

Nous allons trouver d'une manière directe les résultats obtenus par M. Poisson; considérons d'abord la formule de Lagrange

/

/•«Q^ r 2 „" . . îra; /*. ;ra

(oa) fx ■= z,^ sin. i / sin. t —-da ,

t l «y /

o

qui subsiste pour toutes les valeurs de x entre / et + / et aussi entre o et /, mais qui n'est vraie pour ces limites qu'autant qu'elles font

' Voyez le 19° cahier du Journal de l'école polytechnique , pag. 143, 61, ou la Théorie mathématique de la chaleur, pag. 193 , 99.

SUR LES FONCTIONS ARBITRAIRES. «|

évanouir la fonction /Ip. Pour a?< /et a?>/, le second membre de cette formule est toujours nul. Cherchons quelle quantité il faut ajouter à son second membre pour qu'elle subsiste encore lors même que fx ne devient pas nulle pour a?= o et a;= /. Cette quantité doit être nulle quand x est entre o et /, et donner f{o) et fil) pour a? = o et a? = /. Si dans la formule (69) on remplace fx et fa par a; et « , on aura

= i, 8iti. I / « sin. I aa;

en effectuant l'intégration indiquée, il vient l'équation

(70) a- «= 2, : sm. »— -,

T t /

dont \^% deux membres sont identiques quand x est compris entre o et / ainsi que pour x=o, mais dont le second membre seul devient nu! pour a? = / et a; >/; de il suit que l'expression

('1; 7 -H 2, r— «n. i —,

est nulle pour toutes les valeurs de x, depuis x = o, jusqu'à x<^ l; pour X = 1, elle se réduit à l'unité, et comme le second terme disparait pour a; >/, elle se réduira dans ce cas à |. Cela posé, si dans (7 J) on change X en / X , on aura la nouvelle expression

'-* 2 (-1)' . .«•(/-*)

7- + - 2. ^

I r I

sm. t

/

qui sera nulle quand x sera compris entre o et /_, ainsi que pour u== l; mais pour x=o, elle se réduit à l'unité^ or, si l'on observe que

xU x) .,, rx

l'expression précédente deviendra

(7*) 1 2, ^8in. I—

I T I /

dUUi!

62 MÉMOIRE

En multipliant les fonctions (71) et (72) respectivement par f{l) et f{o), on obtiendra la somme

[/ X 2 » 1 . 'r3:~\ ^, ^ rx 2 ^^ ( 1)' . 'rx~\

____2.-s.„..-jAo)-.[y-.-2. V^'"-*T>'

qui sera nulle pour toutes les valeurs de x entre o et l, mais qui se ré- duira à f{o) et àf{l) pour x=^oei x= l. Pour ;r >/^ elle deviendra

l— X X

quantité qui n'est pas nulle puisque, par hypothèse, la fonction fx ne s'évanouit pas pour x = o eX x = l.

En ajoutant l'expression (73) au second membre de la formule (69), on a la suivante :

ri X 2 00 ] jrx~\

[X 2 «> f •)' 'ra'-]

7 -;^. V^'"-T>('^

-2. sin.z-y/.

3-a sm. i o(a , /

donnée par M. Poisson , et qui subsiste pour toutes les valeurs de x entre o et /, et même pour ces limites , mais qui n'est plus vraie quand

xyl.

Si l'on veut que la formule (69) subsiste pour les valeurs extrêmes a;= ±1, il faudra ajouter au second membre le terme complémentaire

[X 2 «0 f 1 )' ^x~\

qui, d'après la propriété de l'expression (71), sera nul quand *' tombe entre a? = let x = l, et deviendra

i[fl-n-l)]^fl, pour x = l

et

- U/'-A-/)]=/'(-0. pour x = -l;

SUR LES FONCTIONS ARBITRAIRES. «S

la fonction fx étant impaire. On aura dans ce cas la formule

A = i[//-A--/)][y-^,2:41l'.in..!f]

1 . .»■*/',. .»••».

-4- - 2, sin. % —- J fx sin. t—dx, -I

qui subsiste pour toutes les valeurs de w entre /et -\- 1, et même pour ces limites.

On trouvera de même que la formule (62) subsistera pour a? = ±: /, si on l'écrit comme suit :

.ri / mf^ 2 „<• (-1)' . .TX-\ fx = i[^_y(-/)]|^- -f- 2, i— s.n. 1— J

■*- YiJ ''^"^ -^-j^,/?^ co*- » ^ *= ; -/ -i

en elFet, pour a?== ± /, on aura

en prenant le signe supérieur, le second membre devient

i [?'-?(-')] + i[^' +?(-')] = ?'. et pour le signe inférieur

- U?^-?(-0-^i['r'+?(-01=f{-');

ce qui démontre la propriété énoncée. Considérons encore la formule de Fourier

00 *-

iX =— / / i^a COS. p[x a) dpela;

on sait que les valeurs du second membre, correspondantes à a? = /5 et a? = |fl' doivent être doublées pour qu'elles soient identiques à celles du premier.

U MÉMOIRE

Si l'on veut que cette formule subsiste encore à ces limites, nous écrirons

o ^

2 /^sin p ((3' x) P p 0'

fa COS. p{x x) dpdx.

o 0

Il est visible que les deux premières parties sont nulles, quand x est compris entre /3 et /3', et que, pour a? = /3, la première devient i y/3 et la seconde nulle; tandis que pour x = ^' cette dernière devient \ yjS' et la première nulle. Donc, pour a; = /3 et a? = /3' le second membre de la formule précédente est identique au premier.

XII.

M. Cauchy a démontré le premier que l'ordre dans lequel on effectue les intégrations dans les intégrales doubles , n'est pas toujours indiffé- rent, car les résultats peuvent ne pas être identiques ; c'est ce qui a lieu lorsque la fonction différentielle éprouve une solution de continuité pour des valeurs des variables comprises entre les limites des intégra- tions; dans les autres cas, on regarde l'ordre des intégrations comme arbitraire; mais cela n'a lieu toutefois, qu'autant que les limites des intégrales sont des constantes , et n'est pbis vrai lorsque ces limites dépendent de paramètres que renferme la fonction différentielle. Ce que je vais démontrer.

En supposant que a et Z> soient des fonctions de a , l'intégrale définie

6 Oh) y=ff{a, ^)dQ,

a

est une fonction de a, h, «, et, par conséquent une fonction de a. On

SUR LES FONCTIONS ARBITHAIRES. m

aura d'abord :

(7») '!i^'^y. '^^ ^^y. il ^ i^j\

^ ^ da da dx db dx \dx)

f^J est la dérivée de y par rapport à a, en y considérant a et i6 comme constants. Afin d'abréger les calculs, posons

/?(a, li)d^ = ^{x, 0),

on obtiendra les deux relations

y^f(,,b)-f(x,a) et f(x, g) = ^^^' ' ;

la première donne successivement

rfy df{x,a) da=-—da '(''")'

dy di.{a, b)

/^\ ^ d^{a,b) _ di,(a,a) \<^/ da dx

mais en vertu de la seconde, on a

, d ou = / ; da ,

d^(x.

a)

d>(«,3)

dx

dHdx

et par suite

a^.]

= /

rd-,{x.b)

dx

da J dM

J dix J dx

Mettant ces valeurs de ^ j ^* et f^j dans l'équation (75), il vient la formule

qui exprime la dérivée de la fonction désignée par l'intégrale (74) par Ton. XV. 9

66 MÉMOIRE

/da r db r

fi.,,)d,-^Jfi.,a)d.^-^^^Ja.,b)d.,

rapport à a. En remplaçant ~-^ par f{a, j3), on aura

dx

intégrant par rapport à a, il viendra

y = / dx / fi«, (i)d(i— Tda. -^. ff{a, a) dx -+- J dx —■ //(a, b)dx.

a

en remplaçant dans (74), ^{a, /3) par //"(«, /3)c/«, on aura aussi

b

y=Jd&J^f[x, P)dx;

a

comparant ces deux valeurs de y, on obtiendra

I ddj f[x, d)dx=-jdxjf[x,$]d»—rdx^-^-Jf{x,a)dx+fdxj. ffix, b)dx;

n a

mais , à cause de

f dx -j-- / f{x , a)dx = a I f[x , a)dx— j of{x , a)dx, I dx. _-. I f{x, b)dx = b f f{x, b)dx I bf{x, b)dx,

on aura la relation

* b

(77). . fdliff{a,e,)dx=fdxff{x,li)dd aff[x,a)dx-Y-faf{x,a)dx

a a

H- bff[x, b)dx fbf{x, b]dx,

qui donne l'intégrale définie d'une intégrale générale, au moyen de l'intégrale générale de l'intégrale définie et d'autres intégrales géné- rales.

On en tire aussi la suivante :

(78) . . fdxff(x , 0) dd =fddff(x ,d)dx hff{x , b) dx +fbf{x , b) dx

a a

-H a ff(x , a)dx faf{x , a)dx,

SUR LES FONCTIONS ARBITRAIRES. 67

qui fait voir comment on doit intégrer une intégrale déBnie par rap- port à un paramètre qu'elle renferme.

Cela étant, si dans l'équation (76) on remplace ^^-'~ par F(a, jS) , il viendra

ÛM r da f dh P

a

multipliant les deux membres par da et intégrant entre les limites a, et by , fonctions de a, on aura

b, t b, h,

y=J dxj Y(a,li)dli— J da—. /f(«, a)da +/«/«_. rF{a,b)da;

4i a ai at

r' changeant dans (74), ij)(a, /3) eny F(a, /3)c/a, il viendra

b t,

y^fdlifï{x, li)dx,

a a,

et par suite , on aura l'équation

b b, b, b b, b,

(79)^^/3/ F(« , /3)d« =Jd<tjY{a , /3)d|3 -Jdx /f(« , a)da -i- fdx ^ . /?(«, b) rfa ,

« A. a. it a. a. ^

U Al

qui montre que les deux intégrales doubles

b b, h, b

fdHfYia, 0)dx, fdxf¥{x, 0)d&, « «. •■ «

ne sont pas identiques généralement, mais elles le seront quand a et Z> sont des quantités indépendantes de a, en supposant toutefois que la fonction différentielle n'éprouve aucune solution de continuité entre les limites des intégrations.

rttn riNif

lit, !.-.lii '■ihlhffO''

lilaq tndinifli^ni no ^laii tuale/ 9Ju<

/^^^^\^\^^^v\^lv\^\^^^v^^^v^^^^lvv\v\vvv\\\'v\v\^^\^v\v\\^v\^^■v\^l\•v\\^^^^^^.^^^\^v^^(vv\^^^^\^\^\\\^\^^\

NOTES.

On pourrait croire que la valeur de y, dans l'équation

n\ /^*»in.f(j-«)

croît et décroît suivant la loi de continuité, depuis 0 jusqu'à j et depuis 0 jusqu'à ^, lorsque la différence x a varie d'une manière continue, depuis zéro jusqu'à uue quantité finie très-petite, positive ou négative, et par suite, que le lieu géométrique de l'équation (1) comprend une ligne idéale, figure l", infiniment voisine de la perpendicu- laire mm', passant par les extrémités alternantes des deux éléments de mn et m'n, contiguës à mm', et par le milieu de cette droite. Pour démontrer que cette ligne n'existe pas, même idéalement, différentions l'équation (1), et nous aurons

~=J coa.p(x—a)dp;

o

or, on peut considérer le second membre comme la limite de l'intégrale

-ap "

e COS. p(x a)dp = —^

/•

lorsque a devient nul ; on aura ainsi

(2) ^==\\m.\- ^ -1.

résultat qui fait voir que pour toute valeur finie ou infiniment petite, d'un ordre quel-

70 MÉMOIRE

conque de x «on aura ^■^=0, c'est-à-dire que la tangente aux points correspon- dants à ces abscisses, est parallèle à l'axe des x. Si x=a., on aura %-=oo , par consé- quent, la tangente au point p est la perpendiculaire mm! . L'équation (2) donne

di'y r "la {x a) ~|

dx'^ ~ ""■ L(a' -^ (x a}')'} '

ce qui montre que -^^ est aussi nul quand x a est une quantité finie ou infiniment petite, et devient infinie pour a; = «; donc le rayon de courbure

[a' -+- (g' -H (a; aY^f '^~ ^a(x a){tt'-^{x—xy) '

est infini pour toute valeur finie ou infiniment petite de x «, et nul pour a;=a; d'où l'on peut conclure que la perpendiculaire mm', ni aucune ligne qui en approche infiniment, ne font partie du lieu géométrique de l'équation (1), mais que, pour des va- leurs de X dans le voisinage de l'abscisse «, les points correspondants sont ou sur les parallèles mn et m'n, et très-proches de wi et m', ou sur l'axe des x dans le voisinage du point p, milieu de mm' , c'est-à-dire, le point p lui-même.

II.

On pourrait peut-être ne pas trouver très -rigoureuse la méthode par laquelle nous sommes parvenus, dans le n" X, à la formule

/ i

1 /^ , 1 v°° /^ . ^ (^ «)

(1) aja:=-— / fxda -i- y 2, / ya. cos. t da ,

-/ -/

à cause des raisonnements un peu abstraits que nous avons faits pour passer de la re- lation

os

t(x a.) s COS. i ~ ,

/ COS. p(x a)dp = 2

a

à la suivante

/sr r 00 .i-(x «)i

COS. p(x a) dp = I -t- 2 COS. i ; m\_ ' m J

n

voici un autre moyen de parvenir à la formule (1).

SUR LES FONCTIONS ARBITRAIRES. 71

L'équation '"«

f * = / / }«c COS. p{x a) dpdx

étant mise sous la forme

m

(*^ ''--.Xf'^'

. tU- a) COS. t i ,

comme dans le n" X, on remarque que le terme qui résulte de i=:o, dans le développe- ment du second membre, est indépendant de x; il doit donc être éga\ à la valeur de 9X quand x=o; dans cette hypothèse, on a

nt

f (0) = / 2„ COS. i— dx;

m

mais, à cause de

. '■"' _'«' »■«

\ COS. t = 1 -+. 2 COS. » ^ 1 i = i , m m

on a

m

m

et par suite, la formule (2) deviendra

fX = - / ■j.x dx ■+■ 2, / 5»2 COS. I ^ dx ;

2m ./ fn ./ m

m m

remplaçant m par (, on aura la formule (1).

La difliculté dont il a été parlé ci-dessus ne se présente pas, lorsqu'on veut obtenir di- rectement la formule de Lagrange

/ (I) »j.= - 2, sio. t —- M fx sin. --- dx ;

en effet, si dans l'équation

« m

tfX-^—l / fx sin. px 9Î0. px dpdx ,

•'{•

'72 ''-'^''/'Hi!;i/ MÉMOIRE

dans laquelle m est une quantité infiniment grande, on remplace p par i - et dp par^^, on aura

,. r t

m 1 V* .^^C ■'^'^ ,

tfX = 2<„ sin. t / sin. t rfa ;

m

or, puisque le second membre s'évanouit par i== o , il viendra

m

1 „* . . ^^ /' . . 'r« ,

f :r = Z, sin. i / ?*• s'n- » dm : wt TO J m

m

formule qui représente la fonction ^x pour des valeurs de x comprises entre m et -4- m, c'est-à-dire entre oo et + oc. Si donc on remplace m par une quantité finie l, on obtiendra la formule (3), qui subsiste pour des valeurs de x entre / et -t- 1; mais qui devient nulle pour x^o et x^=l, et pour des valeurs de x non comprises entre les limites i et -\-l.

III.

Proposons-nous d'examiner, dans cette note, ce que devient la formule de Fourier et ses analogues, lorsqu'on différentie ou qu'on intègre les deux membres par rapport à la variable x. Nous croyons être parvenus, par de simples considérations géométriques, à des résultats que M. Poisson a déduits de l'analyse, et à des conséquences plus générales, qui ne paraissent pas avoir été signalées.

Considérons d'abord les formules qui résultent de la différentiation.

Si l'on différentie par rapport à x les deux membres de la formule de Fourier

00 «0

(1) i:r = / I <.itcos.p[x a) dpda ,

o - X

la formule résultante

00 «

(2) if'x = / f^a, p sin. p(x x) dpdx ,

ne subsiste que pour les valeurs de x , pour lesquelles la fonction fx demeure continue et représente une même courbe.

En effet, en supposant qu'elle représente un lieu géométrique de la forme fig. A, les formules (1) et (2) ne subsisteront pas pour les valeurs de x qui répondent aux abscisses oj) , op , op", etc., ainsi que pour celles qui répondent aux extrémités de l'intervalle que l'on considère; dans tous ces cas, le coefficient différentiel (f'x devient infini, parce que

SUR LES FONQWiHfl^ ARBITRAIRES. _75

la tangente aux poin(s.OQri«A()Oii(laal!$ à n-n aU>dm6S.6>t periK-ikcliculaire à l'axe (ks,^; ce qu'on peut d'ailleurs vérilier par la diflërcntiation. „,

Si la formule (1) représente un lieu jçéomélrique de la l'ornie fiyure li, elle subsistent pour les valeurs de x (pii répondent aux abscisses op, op, op" , etc., mais la formule (2) n'aura' pas lieu, parce qu'aux points correspondants à ces abscisses, on pourra mener deux tangentes, puisque deux arcs difl'crents s'y réunissent.

Si ces deux arcs ont une tangente cuunnune, la courbe présentera un point de rebrous- sement de la première espèce, et la Unij^ente en ce point devra être perpendiculaire à l'axe des a;,- car autrement, la formule devrait donner, pour des abscisses immédiatement plus petites ou plus grandes, phis d'une ordonnée correspondante, ce qui ne peut être; donc, dans ce cas, la fonction f'x sera encore inlinie. Il en sera de même pour les valeurs de X qui répondent aux limites du lieu géométrique.

JQ suit de que l'équation (2) ne subsistera qu'autant que la formule (1) représente une seule courbe continue entre les limites assignées à la variable; pour ces limites la fonction f'x sera infinie, à moins qu'elles ne fassent évanouir yx. Dans ce cas, la for- mule (2) ne subsistera pour ces limites qu'autant qu'elles feront aussi évanouir y'x; ce qui aura lieu lorsque l'axe des x sera une tangente commune à la courbe à ses extrémités.

Si l'on veut que la formule (i) subsiste pour des valeurs de x entre fi et /5', et pour ces limites mêmes, on l'écrira comme suit :

sa r= _ t I ^a C08. p{' x)dpdx H / ffxcos.p{x a) dptLi

o o

-I- / f 't'a COS. p[x x)dpdix.

en supposjiiit que l'on ait les conditions iji/3= il'jS, ?/3' = $/5'.

Cela étant, la dérivé*; jficjliip'n 'itii(Tnr»1 »;!

f'j(à=— '— / 1 fx.pain.p^x x) dpdx

nOUVHOl «il, ÉRilIvl'

" (3

ô

il, 8-jJlvi'L>P^

/ I fa. p i\a.p(x «) dpdx

II* II»

,p8jO.|)(*-a)«^„„. ^^ j^^

To«. XV. 10

"ni

74 MÉMOIRE SUR LES FONCTIONS ARRITRÂIRES.

subsistera pour toutes les valeurs de x entre /3 et /3'; mais pour ces limites, cela n'aura lieu qu'autant qu'aux points contigus des trois courbes que représentent les termes de la première formule , il y aura une tangente commune à deux courbes. Ce qui exige qu'on ait les nouvelles conditions y'/3 = i|/'/3, f'ô' = 4>'/3'. Si nous considérons la formule

X 3'

:— / / fxcos. p(^x a) dpdx r ni, 2 /^lin.pfH x) , \

o *

00

/ dp

X J p

qui a été donnée dans le X, sa dérivée subsistera pour les abscisses x=(3 et a; = /3', si les parallèles à l'axe des x représentées par les équations y=fl3ety^ y/3' sont tangentes à la courbe à ses extrémités; ce qui exige qu'on ait les conditions y'/3 = o, y'/3' = o.

On peut conclure de ce qui précède, que l'équation (2) subsiste pour toutes les valeurs de X pour lesquelles l'équation (i) a lieu; si celle-ci est vraie aux limites, l'équation (2) ne subsistera à ces limites qu'autant que certaines conditions seront remplies. Si la pre- mière n'a pas lieu pour ces valeurs extrêmes, le coefficient différentiel f'x sera inflni pour les mêmes valeurs.

Supposons maintenant que l'on intègre les deux membres de la formule

« /3' (8) (fX ^ f t tjH COS. p[x— a) dpdx ,

'" 0

par rapport à x, on obtiendra la suivante :

(4) I tfxdx = I I ■jd. ^^ dpda,

qui exprime l'aire de la courbe y = (fx, prise jusqu'à une abscisse quelconque x entre /3 et /3'. Si l'on prend cette aire jusqu'à l'une des abscisses extrêmes a; = /ï, x=/5', la for- mule (4) subsistera pour ces valeurs , quoique la formule (3) ne subsiste pas pour ces va- leurs limites; ce qui résulte immédiatement du lieu géométrique de l'équation (5).

Les conséquences que nous venons de trouver relativement à la formule de Fourier, subsistent pour toutes les formules de la même espèce que nous avons fait connaître dans ce mémoire; et comme les raisonnements qu'il faudrait faire pour le démontrer ne diffè- rent pas des précédents, je crois inutile d'entrer dans plus de détails.

FIN.

Jtfm.tvur.ttJUm.iitaMoi.^.

Tome AT tiparlir .

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MÉlOffiE

SUR LES

DIVERSES ESPÈCES DE BROUILLARDS;

M. Ath. PELTIER.

(lu dams l.K StAKCE Ufc l'ACADtaiE UU 2 JCILLET 1842.)

Toi. XV. t.

MÉMOIRE

SUR

LES DIVERSES ESPÈCES DE BROUILLARDS.

I . La théorie des brouillards par simple refroidissement, est acquise à la science, depuis les recherches de De Luc ', de H. Davy ' et de G. Hervey ', si l'on ne considère que la cause de la condensation des vapeurs à l'état nentre. En effet, pour produire ce phénomène, il suffit d'un abaissement dans la température de l'air de 2 ou 3 degrés au- dessous de celle de la surface des eaux ou des terrains humides, et le brouillard est d'autant plus épais, que cette différence entre la tempé- rature de l'air et celle des eaux est plus grande. Les brouillards produits par le seul refroidissement de l'air, seraient donc un des phénomènes les plus simples et les plus uniformes, s'ils pouvaient toujours s'accom- plir sous cette influence unique. Il n'en est point ainsi dans la nature, et cette simplicité de brouillards n'est presque jamais réalisée.

' Becherches sur les Modif. de l'Attnosp., § 678.

» Phil. Trans., 1819, 1" partie, et ./nn. de Chim. et de Pkys., 1819, t. 12, p. 195.

» Quarlerly Joum. et y^nn. de Chim. et de Phys., 1828, t. 23, p. 197.

4 SUR LES DIVERSES ESPECES

2. La première cause de la complexité des brouillards, est la forma- tion des vapeurs à la surface d'un corps chargé d'électricité résineuse , vapeurs qui participent conséquemment de cet état et qui sont résineuses comme lui. La seconde cause est dans la réaction des vapeurs résineuses du vaste courant qui s'avance constamment des tropiques vers les pôles, dans les hautes régions de l'atmosphère. Suivant la suprématie de l'une ou de l'autre de ces influences, les vapeurs interposées éprouvent des modifications très-diverses qui en font autant d'espèces différentes.

Dans un mémoire précédent ', j'ai démontré toute l'influence du globe sur la production des vapeurs qui s'élèvent à sa surface et sur la distribu- tion de leur électricité ; mais, pour laisser à ce sujet toute sa simplicité, j'ai omettre l'influence du courant supérieur qui réagit contre l'in- fluence terrestre dans sa progression au-dessus des régions extra-tropi- cales et qui vient ainsi ajouter des complications nouvelles au phénomène primitif, déjà très-compliqué par la seule influence terrestre. Dans le présent mémoire, je serai obligé de mentionner une partie des effets de ce courant supérieur , réservant la discussion de toute son action pour un travail spécial, dans lequel je suivrai la formation des nuages, leur distribution et leur transformation.

3. Quelles que soient nos réserves, il n'en résulte pas moins que l'abaissement de la température, en condensant les vapeurs, augmente leur conduction et facilite une nouvelle répartition électrique. Cette influence du globe, comme corps chargé d'une puissante électricité résineuse, a été méconnue jusqu'alors ; mais nos expériences et nos ob- servations ne permettent plus, je l'espère, cette omission ; elles ont trop démontré combien cette influence est puissante sur la série des trans- formations des vapeurs, et combien les résultats en deviennent com- plexes. Les vapeurs ainsi chargées d'électricités différentes, ne sont plus soumises aux seules lois du refroidissement et de la pesanteur ; l'action résineuse, soit du globe, soit du courant tropical, attire celles qui sont chargées d'électricité vitrée, et repousse celles qui sont char-

' Mém. sur la cause des phénomènes électriques de l'atmos. Ans. de Chim. et de Phys., série, 1842, t. 4, p.38S.

DE BROUILLARDS. $

gées d'électricité résineuse. De ces diverses influences, il résulte trois sortes de brouillards , qui se divisent en cinq espèces bien distinctes : la première est celle des brouillards simples; la seconde et la troisième sont celles des brouillards résineux ; la quatrième et la cinquième sont celles des brouillards vitrés.

DES BROUILLARDS SIMPLES.

4. Les brouillards simples sont le produit de la condensation des va- peurs élastiques par le refroidissement de l'air, lorsque celui-ci est des- cendu de plusieurs degrés au-dessous de la température du sol qu'il domine; ils sont toujours humides et mouillent les corps froids qu'ils touchent. Ces brouillards paraissent vers la fin d'une belle journée, s'élèvent lentement dans l'atmosphère et se tiennent assez bas. Ils sont d'un blanc mat, diminuent la lumière sans la colorer, et leur surface est plane et tranquille.

Ces brouillards ne peuvent exister dans cet état de simplicité primi- tive que lorsque les vapeurs élastiques supérieures réagissent avec une tension résineuse égale à celle de la terre et neutralisent ainsi les eflets de cette dernière. Cette égalité d'influences contraires se reproduit assez rarement , et rend cette espèce peu commune. Depuis longtemps on avait remarqué l'impossibilité d'expliquer tous les brouillards par cette seule cause, principalement ceux qui durent plusieurs jours pen- dant des froids continus, comme celui qui dura du27 décembre 1813 au 2 ou 3 janvier suivant, au-dessus de Londres et de ses environs, avec une température qui oscilla entre + l^'C. et 6°. Ce brouillard qui bornait l'horizon à quelques mètres, dura 8 jours, pendant un calme plat, et déposa une couche de neige assez épaisse. Sa formation et sa continuité ne sont pas comprenables, dit Th. Yoimg ', avec des différences de tem- pératures qui n'existaient pas alors. De tels brouillards ne peuvent se comprendre qu'avec la puissance d'une force nouvelle qui fait abaisser

> Ann. of Philo*., 1814, t. 3, p. 1S4.

6 SUR LES DIVERSES ESPECES

successivement les vapeurs supérieures, quelles que soient les tempé- ratures de l'air et du sol.

DES BROmLLARDS ELECTRIQUES.

5. Dès 1761, Th. Ronayne avait remarqué que certains brouillards étaient tellement électriques qu'ils pouvaient donner des étincelles '. Henley, qui continua ses expériences, rapporte beaucoup d'exemples de la grande tension qu'ils peuvent acquérir '. Depuis, l'électricité des brouillards a été constatée généralement ; c'est un fait acquis à la science, et il est vraiment étonnant qu'on n'ait pas su reconnaître en- suite l'importance des modifications que la présence de l'électricité de- vait leur imprimer, même en méconnaissant l'influence terrestre. Cette coercition de l'électricité par les brouillards les divise nécessairement en deux sortes : ceux qui sont chargés d'électricité résineuse et ceux qui sont chargés d'électricité vitrée. INous verrons que chaque sorte forme deux espèces distinctes.

DES BROUILLARDS RÉSINEUX,

6. Le globe terrestre étant un corps chargé d'électricité résineuse, les vapeurs qui s'en élèvent sont résineuses comme lui * ; il semblerait alors que les brouillards de cette nature devraient être les plus nom- breux et presque journaliers ; il semblerait que le refroidissement des vapeurs élastiques résineuses devraient faire des brouillards résineux comme elles. Cette espèce n'est cependant pas commune, et l'on pourrait même dire qu'elle est rare, si on la compare à celle des brouillards vitrés. La cause de cette transformation de signes est dans la loi même des in- fluences électriques; et, en effet, l'égale répartition électrique ne pour- rait se conserver dans un air humide qu'autant que toutes les particules

" Phil. Trans., 1772, vol., 62, p. 137, et Jour, de Phyu. Roz., 1774, t. 4, p. U. = Id., 1774 , vol. 64, p. 422, et Jour. dePhys. Roz., 1773, t. 6, p. 252. ■'' Mèiii. cilé plus haut, Ann. Ch. Phys., série, t. 4.

DE BROUILLARDS. 7

de vapeurs seraient séparées pur un isolant parfait qui ne permettrait aucune transmission électrique. Comme telle n'est pas la nature de l'air humide, l'égalité primitive est de courte durée. La conduction devenant plus grande par le refroidissement qui condense la vapeur, la terre re- pousse plus facilement l'électricité résineuse vers les couches élevées, et rend ainsi vitrée la couche rapprochée du sol; effet que l'élcctromètre mobile constate chaque jour vers le soir. Cette nouvelle distribution se fuit d'autant mieux, que les vapeurs supérieures de l'atmosphère sont plus primitives et n'ont point encore une. tension résineuse capable de réagir avec force contre celle du sol. Cette répulsion de l'électricité ré- sineuse par l'influence du globe, ne permet jamais que les brouillards primitifs, ceux qui se forment par le seul refroidissement du soir, restent résineux. Pour qu'un tel brouillard puisse se maintenir en contact avec la surface du globe, il faut qu'une autre puissance l'emporte sur la ré- pulsion de la terre, ou que cette répulsion terrestre soit atténuée par une force semblable, agissant en sens contraire. Le premier effet se produit par la pesanteur spécifique que prennent quelquefois les nua- ges, et le second par la puissance répulsive des couches supérieures fortement résineuses. Les brouillards résineux produits par ces deux causes, se distinguent par des qualités particulières qui en font deux espèces différentes.

7. Des brouillards résineux de la \^^ espèce. Les brouillards rési- neux, provenant de l'accroissement dans la pesanteur des vapeurs, ne sont qu'une nue résineuse abaissée par sa gravité jusqu'à la surface du sol, et non un brouillard proprement dit. L'abaissement d'une nue rési- neuse est toujours un phénomène orageux, tempétueux et dès lors de courte durée; car la répulsion terrestre, s'opposant à la descente gra- duelle et moléculaire de ces vapeurs, elles n'arrivent près du sol qu'en masse, en vertu de leur poids et avec toute leur puissance électrique. Plus repoussées qu'attirées , ces nues effleurent les corps terrestres sans les mouiller, ou elles n'y déposent que l'humidité de leurs particules extrêmes. La neutralisation de ces nues surbaissées ne se fait pas par

8 SUR LES DIVERSES ESPÈCES

un écoulement partiel , mais par la décharge de l'atmosphère électrique qui les entoure: c'est par les brusques agitations de l'air, par les bour- rasques instantan.ées, que la neutralisation s'effectue. Aussitôt que la décharge a eu lieu, la répulsion diminue, les particules se condensent et se résolvent en une pluie abondante qui n'a cependant qu'une in- fluence médiocre sur l'hygromètre. C'est dans l'automne et dans l'hiver qu'on voit le plus souvent ces gros nuages gris de plomb s'abaisser jusqu'à simuler un brouillard, et produire ces tourmentes atmosphé- riques qui servent d'intermédiaire à leur neutralisation. Dans les régions polaires, ces nues surbaissées sont très-communes et provoquent des tempêtes locales dont les limites sont très-rapprochées. W. Scoresby en cite de curieux exemples : tel est celui rapporté par son père '. Tous les bâtiments qu'il voyait dans son horizon étaient affectés différemment : les uns éprouvaient de fortes bourrasques; d'autres, peu éloignés, gardaient leurs voiles et ne ressentaient qu'une petite houle; d'autres enfin étaient au milieu d'un calme complet.

8. Des brouillards résineux de la 2'"^ espèce. Cette seconde espèce de brouillards résineux est la plus rare, surtout avec l'intensité suffisante pour être visible. Les états météoriques qui la préparent, coexistent ra- rement au degré nécessaire pour la produire d'une manière appréciable. Il en résulte qu'elle existe souvent sans être sensible à nos organes, et ne peut être manifestée que par des appareils électriques mobiles, qui in- diquent une tension résineuse non motivée.

On sait qu'il existe un courant supérieur dans l'atmosphère qui s'avance de l'équateur vers les pôles et qui transporte au loin les vapeurs tropicales qu'il déverse le long de sa route, à mesure que la conden- sation s'effectue. En se condensant, ces vapeurs subissent toutes les influences résineuses du globe, et leur électricité se distribue en raison de l'énergie de cette influence. Les couches les plus élevées deviennent plus résineuses; les inférieures deviennent vitrées. Ces dernières, ainsi

' Account o/'the arctic Régions, etc., vol. 1, chap. 5, sect. 6.

DE BROUILLARDS. 9

chargées d'électricité contraire à celle du globe, sont attirées; elles des- cendent, se rapprochent du sol; elles se neutralisent, soit par rayon- nement avec les vapeurs résineuses inférieures, soit d'une manière brusque, lorsqu'elles sont massées en nuages; une grande partie se résout en pluie et laisse ainsi réagir les vapeurs résineuses supérieures avec toute leur énergie.

La démonstration de ces transformations ne peut faire partie de ce travail; il suflitde constater que les vapeurs supérieures possèdent une puissante tension résineuse, pour comprendre tous les effets d'influence de haut en bas sur les vapeurs qui s'élèvent chaque jour. La constatation de cette intensité de puissance résineuse se déduit de l'observation et de l'expérience, comme nous l'avons prouvé ' en démontrant que toutes les vapeurs très-blanches et colorées étaient fortement vitrées et que celles qui sont brunes et gris de plomb étaient résineuses. Nous verrons tout à l'heure par la couleur des vapeurs inférieures combien celles qui font partie du courant tropical supérieur doivent être résineuses, pour produire ainsi par influence de telles masses de vapeurs colorées.

9. Lorsque les vapeurs supérieures possèdent une tension résineuse plus grande que celle de la surface du globe, elles réagissent sur les vapeurs inférieures qui s'élèvent, et y distribuent l'électricité en raison de leuV suprématie d'influence; elles attirent l'électricité vitrée vers la partie supérieure, et repoussent l'électricité résineuse vers la partie in- férieure. Si la densité donne aux vapeurs une conduction facile, l'élec- tricité résineuse repoussée se dispersera dans le globe, et laissera l'électricité vitrée régner seule dans le brouillard qui en naîtra ; c'est l'exemple du § 23 suivant; mais si, par l'effet de la température élevée, ou de leur rareté, les vapeurs inférieures ont peu de densité, la conduc- tibilité sera faible, et elles pourront garder un certain temps l'électricité résineuse qui aura été repoussée. Cette portion inférieure de l'atmos- phère possédera alors une vapeur résineuse, raréfiée par la répulsion supérieure , raréfiée par celle du globe, et d'autant plus, que chacune des

' Mémoire préccdemment cité , § 66.

To». XV. 2.

10 SUR LES DIVERSES ESPÈCES

particules aura conservé une plus grande tension électrique. Un nuage , comme un brouillard, est une agglomération de petits corps distincts, chargés de la même électricité et isolés les uns des autres par l'air inter- posé. Lorsque cette agglomération de petits corps électrisés est en pré- sence d'un autre corps chargé d'une électricité dissemblable, leur influence respective étant atténuée, leur répulsion mutuelle est moindre; tandis qu'au contraire, si l'on approche un corps chargé de même électricité, leur répulsion réciproque s'en accroît; elle devient plus grande encore, si on place de l'autre côté un second corps électrisé semblablement. On démontre parfaitement ce fait par l'expérience, en simulant une nue avec des parcelles de sureau isolées, suspendues par des fils de soie et près de laquelle on approche un, puis deux corps chargés de la même électricité qu'on leur a donnée préalablement. On voit toutes ces petites boules de sureau s'écarter l'une de l'autre , en raison de la proximité et du nombre des corps électrisés semblable- ment, de même qu'on les voit se rapprocher lorsque ces corps possèdent une électricité contraire.

10. Pour que des vapeurs résineuses soient maintenues près du sol, il faut donc I ° que les régions élevées de l'atmosphère soient le récep- tacle de vapeurs fortement résineuses, possédant une réaction au moins égale à celle du globe ; que les vapeurs inférieures soient assez raré- fiées pour être faiblement conductrices, et qu'elles puissent ainsi garder la tension résineuse qu'elles possèdent. Il faut la coexistence de ces cir- constances pour que l'électricité résineuse de ces vapeurs inférieures ne s'écoule pas dans leglobe, ou que ces vapeurs ne soient pas massées en nuages avec une périphérie électrique qui en faciliterait la décharge. Une des circonstances qui accompagnent toujours les vapeurs résineu- ses, c'est la couleur gris foncé, ou de fumée de charbon de terre; cette qualité spéciale des vapeurs résineuses les accompagne même lorsque leur dissémination les rend transparentes; on n'aperçoit aucune vapeur, cependant le ciel est obscurci, il est d'un bleu noir; les étoiles de petite grandeur disparaissent, et le soleil perd de son éclat et semble décoiffé de son auréole.

DE BROUILLARDS. 11

1 1 . Les vapeurs supérieures étant transparentes, rien ne pourrait en faire soupçonner l'existence ni le signe électrique qu'elles possèdent, si les vapeurs de la région immédiatement inférieure n'en fournissaient pas l'indication par leur coloration. Des observations nombreuses nous ont démontré de la manière la plus péremptoire, que les vapeurs globulaires, dont la couleur Tarie du blanc mat au blanc vif d'argent, et que les va- peurs intermédiaires ', de la teinte lie de vin au rouge écarlate, étaient chargées d'électricité vitrée à des degrés différents qui correspondaient à la vivacité de la blancheur d'une part, à l'intensité delà coloration de l'autre. Il résulte de cette coexistence de l'état vitré avec la blancheur, et surtout avec la coloration orangée des nuages, que les couches moyennes de l'atmosphère possèdent souvent une haute tension vitrée qui ne peut exister à cette distance de la surface du globe que par une puissance résineuse supérieure, et que l'intensité de cette dernière peut se préjuger par l'intensité de la coloration des couèhes subordonnées, comme on préestime la puissance de l'électricité d'un corps par celle de nom contraire qu'il développe sur un conducteur voisin.

Cette déduction de l'état résineux des couches supérieures est d'autant plus forcée, qu'en dehors de cette puissance, la tension vitrée des couches moyennes serait non-seulement un elFet sans cause, mais un effet con- traire à l'action de la terre qui attire l'électricité vitrée dans les couches les plus inférieures et repousse l'électricité résineuse dans les couches moyennes et supérieures, suivant leur conductibilité électrique: Nous verrons , dans un autre mémoire, comment ces vapeurs vitrées montant vers les vapeurs résineuses supérieures, les neutralisent et accélèrent leur résolution en pluie. Nous ne voulons constater ici que l'existence, dans certaines circonstances, d'une puissante tension résineuse dans les hautes régions de l'atmosphère, tension qui réagit avec suprématie contre celle de la terre et renverse la marche naturelle et primitive de la distribution de l'électricité , sous la seule influence résineuse du globe.

12. Il est encore plusieurs circonstances dont la coexistence est né-

* Voyez notre Mém. précité, § Sa.

12 SUR LES DIVERSES ESPECES

cessaire pour produire le phénomène que nous explorons : ainsi, il arrive souvent que les vapeurs résineuses inférieures, repoussées par les supé- rieures, ne descendent pasjusque près du sol; il arrive qu'elles restent à une certaine élévation la moindre température les condense en stra- tes grises et minces.

Lorsque ces vapeurs sont assez repoussées pour s'approcher du sol, la température y étant plus haute et la répulsion plus grande, toutes les répulsions intérieures en étant augmentées, leur densité diminue, leur opacité s'affaiblit; elles deviennent demi-transparentes et jettent un voile obscur sur le ciel, sans qu'on puisse en apercevoir la cause; elles for- ment une brume sèche qui tient les corps terrestres dans un état tout à fait anomal. Telle est la seconde sous-espèce de brouillards résineux qui ne paraissent que dans le printemps et l'été, tandis que la première ap- partient à l'automne et à l'hiver. Saussure cite un nuage de cette nature dans ses Essais sur l'hygrométrie, § 355, lorsqu'il dit : « On y voit nager une vapeur bleuâtre qui n'est pas une vapeur aqueuse, puisqu'elle n'af- fecte pas l'hygromètre, mais dont la nature ne nous est pas encore connue ' . );

1 3. C'est à la première de ces deux sous-espèces de brouillards qu'il faut rapporter les brumes tempétueuses des régions polaires et dont nous sommes parfois témoins en Europe, dans l'automne et dans l'hiver, comme le Havre en a eu un exemple le 18 janvier 1842. C'est à la se- conde sous-espèce qu'appartiennent les brouillards secs résineux non massés en nuages et disséminés en une vaste brume qui noircit l'aspect du ciel sans qu'on puisse distinguer les vapeurs interposées. Ces brouil- lards appartiennent plus spécialement aux régions tropicales, et on en retrouve de nombreuses descriptions dans la relation des voyages de M. de Humboldt '\ Enfin, il y en a à tous les degrés possibles, entre ces

' Nous devons rappeler que nos instruments ne marquent que des diffërences (Mém. cite, § 5) ; que la terre étant un corps puissamment résineux, la diminution de son influence sur l'instrument est la première manifestation d'une action résineuse venue d'en haut, et qu'il faut déjà une tension électrique extrêmement puissante dans les couches élevées pour réduire à zéro l'indication d'un instrument placé près du sol.

2 T. 8, liv. 9, page 318, in-K

DR BROUILLARDS. 13

deux états extrêmes. Voici quelques exemples de la seconde sous-espèce, plus rare dans nos contrées que la première, et plus extraordinaire aussi lorsqu'on n'en connaît pas la cause.

14. « Le l"'" juin 1721, on vit pendant presque toute la journée, à Paris et dans une grande étendue de pays, le soleil tout blanc, sans son éclat ordinaire, sans rayons, et pour ainsi dire décoiffé et ressemblant à la lune. La plupart des gens qui s'en aperçurent, même de ceux qui observent, n'y faisant pas grande attention, c'était sûrement le soleil obscurci, non pas par des nuages qui en eussent la forme, mais par un brouillard transparent, fort également répandu sur tout l'horiion. M. de Mairau observa ce brouillard à Breuil-Pont...., petit village sur

l'Eure, entre Passy etYvri, pendant la dernière heure 11 dit que les

bords du soleil étaient très-nettement terminés, nulle couronne autour du soleil, nulle dégradation de lumière, point de nuages, ni même de vapeur sensible; un fond de ciel d'un bleuâtre obscur, fort uniforme, et tel qu'il a coutume d'être dans une nuit claire aux endroits il n'y a pas d'étoiles. Sur la fin du jour , des nuages sensibles passèrent devant le so- leil, lui donnèrent pendant quelques moments une petite teinte de couleur rose, les bords demeurant bien tranchés sur le même fond uni- forme, et enfin ils le cachèrent entièrement M. Cassini vit le

même phénomène en Picardie, et M. De Louville a appris qu'on l'avait vu aussi en Auvergne et à Milan '. »

15. Voici un exemple tiré de Le Gentil ". « C'était unechose très-sin- )) gulière que de voir l'horizon, le matin, avant que le soleil se levât .... )) L'horizon était sans nuages et fort net en apparence, mais d'une cou- )) leur bleue si foncée et si obscure, qu'on eût dit que le soleil était » encore fort loin au-dessous, lorsqu'il paraissait sortir subitement comme » du fond du chaos, étant déjà de deux ou trois de ses diamètres au-dessus )) de l'horizon; il ressemblait à un feu qu'on aurait vu de loin; il continuait )) de se laisser voir pendant encore quelques minutes, comme on voit la )) lune se lever lorsqu'elle est pleine. Peu à peu les rayons prenaient de

' Mém. Acad. Sci. Paris, 1721 , p. SB.

* Le Gentil, voyage dans les mers de l'Inde, 1 , 625.

14 SUR LES DIVERSES ESPÈCES

» la force , et faisaient sortir comme du fond d'un tableau quelques gros » nuages épars çà et là, qui se dissipaient bientôt entièrement. »

16. « Ce qui m'a frappé à Cumana, dit M. de Humboldt ', c'est que peu de minutes avant que la pluie tombe, l'hygromètre à cheveu ne con- tinue pas seulement d'indiquer Ql° à 68°, ce qui est une sécheresse considérable pour ces contrées, mais que (sans aucun changement de température) il rétrograde vers la sécheresse, de 1 à 2 degrés, à mesure que le ciel s'obscurcit, et prend cette intensité de bleu noirâtre qui précède les explosions électriques. Le thermomètre baisse pendant la pluie de 24° R. tout au plus à 19°. Le ciel en s' obscurcissant reste uniformément bleu , ne montre pas de vapeurs divisées par groupes, et acquiert une intensité de couleur qui va jusqu'à 47° du cyanomètre. »

Enfin dans le 21^ volume des Annales de chimie et de physique, page 411, M. Arago a inséré la relation d'un brouillard analogue, mais avec cette addition intéressante , que la masse de vapeurs n'étant pas excessivement étendue , on put en suivre la marche et la vitesse de progression.

Le 18 août 1821, M. Forster observa en Angleterre, dans le comté d'Essex, un brouillard remarquable. « Le soleil affaibli par ce brouil- lard, pouvait, à son lever, être regardé à l'œil nu, et avait une teinte argentée si semblable à celle de la soie vernie, que les paysans à la cam- pagne le prirent pour un aérostat. (Ann. Chim. Phys., t. 18, p. 419. ) M. Howard observa ce phénomène dans le comté de Sussex, entre 9 et 10 heures du matin. A Paris, il se manifesta le même jour, mais seulement sur les 6 heures du soir. Nous avons déjà rapporté ces circonstances; nous n'en parlons de nouveau aujourd'hui que pour ajouter qu'à Viviers en Dauphiné (44° 29' de latitude), un brouillard analogue, fumeux, blanchâtre, sec, couvrit aussi le ciel le 19 au soir; le lendemain matin, le soleil à sou lever, parut blanc et sans éclat; le soir cet astre était rouge, suivant M. Flaugergues à qui nous emprun- tons ces détails. Ce brouillard, assez analogue à celui de 1783, ne

' Foyageaux R. Eq., liv. 9, t. 3, p. 818, in-^°.

DE BROUILLAHDS. !5

se dissipa entièrement que le 30 août, à la suite d'une petite pluie. )>

17. Pendant le règne de ces brouillards secs et résineux, l'état élec- trique des corps vivants étant interverti, il peut en résulter des maladies spéciales s'ils durent lon^çtemps. L'état habituel des corps placés à la surface du globe est d'être résineux, puisqu'ils forment les aspérités d'un corps résineux, en présence de l'état vitré de l'espace céleste. Lorsqu'un bronillurd résineux surmonte la surface delà terre, son in- fluence électrique rend vitrés tous les corps qui touchent au sol. Le globe, comme tous les vastes corps électrisés , permet une répartition inégale de son électricité propre, sous l'influence d'une nue résineuse. La partie placée immédiatement au-dessous de cette masse de va- peurs, devient otVre'epar influence, si la tension do la nue est suflisante. Suivant cette tension, l'état naturel du sol est altéré, il est moins rési- neux, il peut être même vitré, et nous savons, par notre propre expérience, combien la présence d'un nuage résineux peut changer l'état normal.

1 8. C'est à cette espèce de brouillard que nous rapportons la brume qui accompagne le chamsin d'Egypte , le semoun d'Arabie , le sirocco d'Alger, le solano de Cadix, etc. L'aspect d'un ciel triste et terne, l'afiaiblissement de cette brume en passant au-dessus des eaux, ses influences pernicieuses, tout prouve que l'atmosphère inférieure est chargée de vapeurs puissamment résineuses et dès lors trés-dilatées. Lors- que le soleil est d'un rouge brun, c'est qu'il y a encore dans la région moyenne une couche quelque peu vitrée, mais de peu d'importance par rapport aux couches résineuses du courant tropical qui réagissent contre le sol. Le calme indique que ces vapeurs sont peu massées, que les molécules sont très-disséminées et conservent individuellement leur grande tension résineuse et ne forment pasde groupes ou nues entourées d'atmosphères électriques libres. Il en est ainsi incontestablement, car nous savons par nos observations, que si ces nues possédaient de l'élec- tricité libre à leurs périphéries, elles produiraient des bouffées ou coups de vent en attirant l'air brusquement et en le repoussant ensuite, comme le démontrent les corps isolés placés entre d'autres corps chargés d'élec- tricités contraires.

16 SUR LES DIVERSES ESPÈCES

ISous nous bornerons, dans ce mémoire, à cette seule indication ; ces vents sont un des sujets les plus intéressants du travail que nous pré- parons sur la cause des ouragans et des vents tempétueux '.

Il y a donc deux espèces de brouillards résineux : la première provient d'une nue résineuse abaissée par sa pesanteur spécifique; la seconde est formée des vapeurs résineuses repoussées de haut en bas, par les tensions supérieures, non massées ou peu massées en nuages; elles sont disséminées et peu apparentes tout en noircissant le ciel.

DES BROUILLARDS VITRES.

19. Les brouillards chargés d'électricité vitrée sont de deux espèces, qui ont des résultats fort distincts. La première est celle qui a lieu sous un ciel serein, sans autre influence électrique que celle du globe. Cette espèce a ses portions inférieures plus vitrées que les supérieures, et elles sont puissamment attirées par le globe. L'autre espèce est celle qui est formée sous l'influence de masses de vapeurs fortement résineuses qui dominent dans les couches supérieures. Cette dernière a ses portions supérieures plus vitrées que les inférieures.

20. Brouillards de la l^e espèce. Sous un ciel pur et serein, la vapeur condensée en brouillard se trouve placée sur-le-champ entre l'influence vitrée de l'espace et celle du globe terrestre, qui est de nature contraire. En raison de sa conductibilité, la couche supérieure se charge d'une tension résineuse et l'inférieure d'une tension vitrée. La superficie des brouillards, comme celle des nuages, comme celle de tout liquide placé entre deux corps chargés d'électricités différen- tes, passe avec plus de facilité à l'état de vapeurs élastiques. On voit la portion supérieure des brouillards dans une agitation perpétuelle: elle se moutonne, les flocons se repoussent, s'élèvent, disparaissent dans l'atmosphère supérieure. C'est ce que De Saussure a observé sur le col du Géant, lorsque les vapeurs formées au fond des vallées

' Consultez le Foyage de Denon en Egypte, t. 1, p. 853, et t. 2, p. 163, éd. 1829. E. Ruppel , dans la Corresp. de Zach., t. 7, p. 532, et M. Ledinghen dans le Compt. rend. Acad. Se, 1840, t. 11,822.

DE BROUILLARDS. 17

s'élèvent assez pour étro dégagées des influences latérales des monta- gnes. ({ On les \oyait, dit-il, se diviser en filaments qui, semblables à ceux d'une houppe de cygne qu'on électrise^ semblaient se repousser mutuellement en produisant des tournoiements et des mouvements si bizarres, si rapides et si variés, qu'il serait impossible de les décrire '. m Cette transformation faite sous l'influence vitrée de l'espace, donne à la vapeur élastique une tension résineuse plus considérable, et laisse aux vapeurs inférieures un état vitré proportionnel.

21 . Dalton observa le même phénomène au-dessus des brouillards : «En remontant plus haut dans la vallée, les parties de la rivière abri- » tées étaient couvertes de brouillard; celui-ci, en s'élevanl, disparais- » sait aussitôt qu'il atteignait la région le vent se faisait directement )} sentir ; il offrait alors de légères stries qui ne dépassaient jamais une » certaine hauteur et se dissipaienten peu de secondes ". » Les stries s'é- levant à une certaine hauteur, ne pouvaientêtrele produit du vent, puis- qu'elles étaient droites, comme les panaches de la trombe de Mce du 6 janvier 1789 étaient restées droites, malgré la violence de la tempête*.

iM. Boussingault, dominant le brouillard qui existe pendant toute la saison d'hiver au-dessus des plaines du Pérou, voyait également la su- perficie s'allonger en lambeaux déchiquetés et disparaître peu à peu. M. Alcide D'Orbigny les a vus aussi s'allonger en stries, se détacher et disparaître en vapeur élastique. La superficie de ces brouillards se re- nouvelle donc, et leur transformation se faisant sous l'influence de l'état vitré du ciel, emporte avec elle l'état résineux et laisse au brouillard inférieur l'état vitré, état que les vapeurs inférieures conservent plus ou moins suivant leur conductibilité.

Ronayne avait déjà observé, en 1770, que les brouillards qui se traî- naient à terre ne donnaient pas d'électricité, tandisqueceux quiétaient plus élevés en donnaient beaucoup *. En effet, les brouillards étant vitrés,

' /'oyage* aMj- y//pe», § 2071.

- Phil. Tr., 1819, 1- partie; ^«n. Ch. Phyt , 1010, t. 12, p. 2C4.

•■' Obsercatton* et Bech, erp. sur la formation deê trombes, f,"^ 217 et 225.

* lettre de lionayne à Franklin. Jota. Pht. Ruxieii, 4. 16, année 177-i. ijl

ToM. XV. 3.

18 SUR LES DIVERSES ESPÈCES

sont attirés par la tension contraire de la terre; ils s'en approchent, y déchargent leur électricité, s'y déposent peu à peu et mouillent tous les objets qui font saillie.

22. Les corps élevés se mouillent diflFéremment suivant leur conduc- tibilité électrique et la tension résineuse qu'ils possèdent. Lorsqu'ils sont bien dégagés de ceux qui les entourent et qu'ils forment une saillie du globe, l'eau déposée n'y reste pas; elle se revaporise immédiatement. Placée sur un corps résineux , cette eau facilite le rayonnement électri- que du globe, l'échange entre les deux tensions opposées se fait rapi- dement , comme il est facile de le prouver par une expérience directe , et elle repasse ainsi sur-le-champ à l'état de vapeur élastique, emportant l'électricité résineuse et neutralisant les vapeurs voisines. Beaucoup d'observateurs avaient remarqué la différence de mouillage qu'éprou- vent certains corps ; mais ils n'avaient pas su en apprécier la véritable cause, celle d'une meilleure conductibilité électrique et une exposition qui leur donne une tension résineuse plus grande. C'est ainsi qu'on voit une tablette en bois élevée de quelques décimètres au-dessus d'une autre tablette du même bois, n'être nullement mouillée, tandis que l'infé- rieure l'est complètement : c'est que , plus élevée, elle a une tension plus grande ; elle rayonne plus facilement son électricité résineuse vers les vapeurs vitrées qui l'entourent ; elle la rayonne par l'intermédiaire des particules d'eau qui repassent à l'état de vapeur élastique. Les métaux, meilleurs conducteurs que le bois et la terre, conserveront moins en- core l'humidité déposée, à moins qu'ils ne soient dominés par d'autres corps qui rayonnent avec facilité l'électricité résineuse du globe et neu- tralisent les vapeurs ambiantes.

23. Ces brouillards peuvent se former au-dessus des terres humides d'où s'échappe la vapeur, ou bien leur formation ne se fait qu'à une hau- teur considérable. Les vapeurs qui ne rencontrent qu'à cette élévation l'abaissement de température nécessaire à leur transformation , forment d'abord des strates opaques peu épaisses l'électricité se distribue comme dans le premier cas. La couche inférieure est vitrée par l'in- fluence du sol; la couche supérieure est résineuse : une partie repassant

DE BROUILLARDS. M

à l'état de vapeur élastique , emporte avec elle l'électricité résineuse supérieure, et laisse réiectricité vitrée dans les couches inférieures ; plus attirées alors par la terre, ces strates descendent peu à peu et forment un brouillard très-vitré et très-humide. Tous les lieux élevés en sont mouillés, et l'hygromètre marche vers 90 à 95 degrés.

Ces brouillards ne diffèrent que par le lieu de leur formation et de leur condensation; l'un se forme autour de nous, l'autre se forme plus haut et descend ensuite sur nous: beaucoup d'entre eux affectent l'or- gane de l'odorat etdonnent la sensation de gas nitreux. Je me contenterai d'en citer un exemple: u Le21 mai 1822, dit M. Arago ', sur les 5 heures du soir , il se répandit tout à coup dans l'air , à Paris , un brouillard d'une nature particulière et à travers lequel on voyait le soleil du rouge le plus vif. Ce brouillard avait une odeur très-prononcée de gaz nitreux ; il fut observé presqu'au môme instant , dans un rayon de huit à dix lieues autour de la capitale; il avait partout les mêmes propriétés. Il se dissipa entièrement à Paris vers les 10 h. { du soir.

)) Ce brouillard n'a exercé aucune action appréciable sur une aiguille aimantée suspendue à un fil de soie sans torsion, m

24. Brouillards vitrés de la 2'= espèce. Les brouillards vitrés dont nous venons de parler sont nécessairement humides; aucune autre force ne contrebalançant l'attraction du globe, chacune des particules vitrées est attirée, et lorsque l'attraction l'emporte sur leur légèreté spécifique, elles viennent se déposer sur le corps attirant; mais cet état de simplicité n'existe pas toujours : il y a souvent une action en sens contraire dans les régions supérieures qui vient en changer les résultats. Lorsque les vapeurs supérieures possèdent une tension résineuse assez puissante pour réagir contre le sol avec supériorité, leur influence prépondérante rend la surface du sol neutre ou même vitrée, et la masse de vapeurs qui s'é- lève obéit à cette suprématie d'influence. Vers le soir, lorsque l'abaisse- ment de la température fait condenser les vapeurs de la journée, et que le brouillard se forme dans les circonstances que nous venons d'indi-

' Ann. Ch.Phy,.. 21. 412. ...S ^, ,.;,K| uOiUU

20 SUR LES DIVERSES ESPÈCES

qiier, c'est la partie supérieure du brouillard qui est le plus vitrée, et non l'inférieure comme dans l'espèce précédente. On voit ce brouillard s'élever en stries roussâtres et se perdre dans l'espace en repassant à l'état élastique. Ce n'est plus une brume terne comme celle des brouillards résineux, c'est une vapeur plus ou moins colorée qui s'élève, se digite, se ramifie et disparait : suivant l'énergie de sa tension vitrée, sa couleur passe de la teinte lie de vin pâle au rouge le plus vif. L'attraction prédo- minante des masses de vapeurs résineuses supérieures ne permet pas aux particules humides de se déposer sur les corps terrestres, devenus eux- mêmes moins résineux et moins attirants. Elles s'élèvent, et ces vapeurs opaques, toutes vitrées qu'elles sont, forment un brouillard peu mouil- lant, souvent même un brouillard très-sec, mais d'une nature toute diffé- rente de celle qui provient des vapeurs résineuses. Les électromètres qu'on élève au milieu de ces brouillards roux indiquent une puissante tension vitrée; ils obéissent au brouillard qui les entoure préférablement à l'in- fluence résineusedes vapeurs supérieures trop éloignées. Dansles régions tropicales les couches moyennes de l'atmosphère sont si puissamment chargées de vapeurs résineuses , ces brouillards roussâtres apparaissent souvent, et M. de Humboldt les a observés un grand nombre de fois. 25. En résumé, les masses de vapeurs résineuses rendent vitrés les brouillards qui se forment sous leur influence, et la surface du sol en est elle-même moins résineuse. Les particules vitrées de ces brouillards ne sont plus attirées par les corps terrestres; elles n'y vont plus déposer leur charge électrique, ni leurs molécules aqueuses; elles ne mouillent plus. En s'élevant dans l'espace, ces brouillards atteignent les vapeurs résineuses supérieures; ils en neutralisent en partie l'électricité, et les rendent ainsi moins répulsives entre elles et moins repoussées par le globe terrestre. Le résultat de cette moindre répulsion des vapeurs supérieures est une condensation et par suite une résolution en pluie d'une portion de leur masse. Ces brouillards, roux dans leur partie supérieure et rami- fiés en un chevelu allongé, sont un signe d'altération du temps à la suite des beaux jours , et ils annoncent la marche des vapeurs vers une réso- lution plus ou moins rapprochée. Nous citerons les brouillards à stries

DE BROUILLARDS. f|

rousses etne mouillant pus, du 28 novembre 1 840, du 1<=' et du 9 décem- bre suivant, qui furentsuivis de grandes pluies. Parfois la pluie ne tombe pas dans les localités on les a remarqués , mais dans les lieux le Tent pousse les nues résineuses supérieures. Il y a à cet égard une diflé- reuce notable entre le résultat de l'automne et celui du printemps: dans le premier cas, le refroidissement de l'atmosphère allant en augmen- tant, toute neutralisation électrique des vapeurs ajoute au refroidisse- ment pour provoquer une résolution en pluie ; tandis qu'au printemps, la température s'élevant, la capacité de l'air s'en accroît, les vapeurs rousses ou rouges du soir atténuent bien alors la répulsion et lu raréfac- tion des vapeurs supérieures, mais souvent sans pouvoir l'emporter sur l'effet contraire à la température.

Il y a des exemples de ces brouillards roux d'une étendue considéra- ble et qui ont duré plusieurs mois ; tel est celui de 1 783 dont il existe de nombreuses relations '.

26. Le brouillard qui accompagne le harmatan (vent de l'intérieur de l'Afrique, sur la côte occidentale) me parait être de cette seconde es- pèce, d'après les signes extérieurs qui le distinguent. On sait par le rap- port des voyageurs ^ que, pendant la durée de ce vent, l'évaporation est telle que toutes les plantes se dessèchent , que les hommes en ressentent un froid piquant, produitpar la vaporisation trop rapide des fluides. Cette prodigieuse évaporation ne peut être spontanée, puisqu'à peine les va- peurs sont-elles formées, qu'une température de 25** A 27*' C. n'est plus suffisante pour les conserver à l'état élastique, qu'elles se globuU- sent en un brouillard durable et tellement épais, qu'il intercepte parfois la vue d'un fort placé à 400 mètres. Pour qu'une condensation aussi grande puisse se produire d'une manière continue, il faut que l'évapora- tion soit activée par une puissance autre que celle de la température ; il faut qu'elle attire dans l'atmosphère une masse de vapeurs qui ne peut s'y maintenir à l'état élastique. Ces vapeurs opaques ou demi-transpa-

(1

' Joum, Ph, Hozicr, t. S-i; Mim. delà Société det Se. Phys. de Lautanne, 1783, t. I, p. 110; Kxmtz, Meteorol., 3. 108, etc. 3 D'ObsoD, Phil. Tram. , 1781, p. 46, et Joum Pkyt. Ras. , 1782.

12 SUR LES DIVERSES ESPÈCES

rentes teignant la lumière en roux et desséchant tous les corps , possé- dant nécessairement, d'après nos observations, une haute tension vitrée, sont conséquemment le produit de l'influence des masses de vapeurs ré- pandues dans les couches élevées chargées d'une tension résineuse supérieure à celle de la terre.

Nous réservons les détails que comporte ce sujet, comme nous avons réservé ceux du chamsin et du semoun, pour un travail spécial sur la cause des ouragans et des vents tempétueux.

27. Contrairement aux brouillards résineux qui ne se limitent qu'imparfaitement, les brouillards vitrés, comme les nuages de même nature, se limitent bien : la limitation de leurs bords est d'autant mieux tranchée que leur tension vitrée est plus grande. Ce fait s'observe sur une grande échelle pendant la saison des orages. On voit les nuages blancs et clairs se terminer d'une manière aussi distincte que s'ils étaient formés de substances solides , tandis que les strates grises qui les accompagnent sont baveuses et déchiquetées. Les divers groupes vitrés, massés en un cumulus , ont aussi leurs bords nets et bien dessinés. Cette limitation des vapeurs se remarque même quelquefois dans les brouillards qui che- minent à la surface du sol '.J'en citerai quelques exemples. Dans leurs excursions à la cime de la Silla de Caracas, le 22 et le 27 décembre 1 797, MM. de Humboldt et Bonpland " furent enveloppés d'une brume qu'ils virent se diviser en petits nuages à contours déterminés et qu'ils attri- buaient à de petits courants d'air locaux , parce qu'ils voyaient serpenter les éclaircies qui se formaient et séparaient en groupes distincts la masse uniforme qui était montée de la vallée. Ces groupements se for- mèrent au moment la superficie de la brume fut assez élevée pour être dégagée des influences latérales de la montagne et ne recevait plus que celle de l'espace supérieur. L'influence positive d'une part et né- gative de l'autre , distribuant inégalement l'électricité , les parties de la brume moins denses s'en chargèrent davantage et séparèrent bientôt par répulsion les vapeurs en flocons distincts. Aussi trouvèrent-ils

' Journal Phys., an 7 (1799), tom. 48, p. 189.

2 Voyageaux Bég. ,in-V, t. 1, liv. 4, ch. 13, p. 607.

DE BROUILLARDS. fiS

des signes alternatifs d'électricité positive et d'électricité négative.

De Saussure a vu la même chose au col du Géant ' ; il en donne une mauvaise explication ; mais ici nous n'avons besoin que de constater ce fait. Ronayne a vu également le floconnage des brouillards vitrés '. Du reste, chacun a pu en voir dans la campagne, et même ils ne sont point inconnus au milieu des grandes villes. Nous en avons vu un bien limité en 1840 sur un des boulevards de Paris, et M. Breguet fils en vit un sur la Seine le 28 janvier 1842, qui réfléchissait toutes les maisons du quai de la Mégisserie, comme un corps plan un peu mat. Ces exemples, que beaucoup d'observateurs ont constatés, indiquent que les vapeurs peuvent se limiter d'une manière nette par une puissance de répulsion électrique du dehors en dedans, comme l'observation et l'expérience nous l'ont montré. C'est à cette même cause que nous rapportons le fait observé par Don Ant. Ulloa ^ ; seulement l'état des particules de vapeurs était tel dans ce dernier cas, que ce n'était plus une vapeur globulaire proprement dite, mais une surface formée de particules liquides et main- tenues à une hauteur de quelques mètres. Ramond a vu un phénomène analogue dans les Pyrénées *, et Scoresby en cite de semblables dans les régions polaires \ C'est un sujet sur lequel je reviendrai en traitant des vapeurs et des nuages d'une manière spéciale.

28. Il nous reste une question fort importante à résoudre , c'est celle qui traite de l'influence des brouillards électriques sur les plantes et les animaux ; mais nous manquons d'observations exactes pour l'aborder actuellement. Parmi les observations qui ont été faites sur les brouillards dans leur relation avec la végétation, les unes ne contiennent que la seule indication d'une tension électrique, sans spécifier le signe ni l'in- tensité; d'autres indiquent que des maladies ont suivi la présence des brouillards, sans dire s'ils étaient électriques ou non. Tout est donc à

' yotjage aux Alpes , 2071 et 2072. » Joiim. Phyt. Hoz., in-4*, 177i, 17.

* Foyagehisl. de l'Amer, mérid. et au Pérou , 1" partie du livre 6, chap. 9.

* Mémoire tur la Fégétation au sommet du Pic du Midi. Lettres publiées en 1834 à Toulouse. 8, p. 32.

* Account ofthe artic. etc., ch. 5, sect. 5.

24 SUR LES DIVERSES ESPECES

faire dans cette voie , et si quelques agronomes instruits voulaient suivre la marche des brouillards en les interrogeant avec l'éleclromètre, d'après la méthode que nous avons indiquée, on saurait, dans un petit nombre d'années, qu'elle est la véritable cause de certaines altérations dans lesvégétaux et peut-être de certaines maladies qui affligent tout à coup l'homme et les animaux. INe pouvant nous baser sur des faits précis, nous allons indiquer en quelques mots ce que la théorie fait prévoir. 29. Lorsqu'une nue vitrée s'abaisse jusque près du sol, toutes les as- pérités conductrices servent d'intermédiaires pour en neutraliser l'élec- tricité. Les animaux et les végétaux imbibés de liquides conducteurs et s'élevant au-dessus du sol, servent de pointes rayonnantes entre la terre et le brouillard. Les végétaux pénétrant dans le sol jusqu'à la terre humide et s'élevant et se ramifiant en pointes ou en aspérités, sont des corps très-propres à remplir cet office, suivant le degré de leur con- ductibilité. On a des milliers d'exemples que, dans les orages, les arbres ont servi de conducteurs aux décharges de la nue et ont conservé les stigmates de leur violence. Les végétaux ne sont conducteurs que par la sève qui les pénètre ; conséquemment tout courant électrique peut en altérer la nature par trois moyens : le premier, c'est que tout courant traversant une dissolution, en rend l'extrémité acide ou alcaline suivant le sens; ainsi les feuilles et les fleurs peuvent être altérées de deux ma- nières: elles peuvent être plus acides ou plus alcalines, suivant l'in- fluence vitrée ou résineuse du brouillard ou de la nue. La seconde sorte d'altération que doivent subir les plantes, puisqu'elles sont des corps humides, c'est que le rayonnement électrique ne se fait par leurs extré- mités qu'en emportant une partie de leur humidité; la sève s'évapore et transporte l'électricité contraire qui doit neutraliser celle du brouil- lard, comme l'eau d'une capsule ou d'un étang s'évapore bien plus rapidement sous l'influence électrique. Si l'influence est puissante , le courant et par suite l'évaporation sera considérable, et la plante sera desséchée comme nous en avons vu de si prodigieux exemples à la suite de la trombe de Chatenay ', et comme le produit aussi le vent du helm,

' Observ- et Recher. etc., sur les trombes .

DE imOUILLAUUS. 25

lorsqu'il a quelque durée '. Enfin le courant peut acquérir une telle in- tensité par le passage de la foudre ou l'écoulement prolongé de l'électri- cité, que toute la sève se vaporise, qu'elle brise les paroisqui la retiennent et divise le ligneux en une quantité considérable de filaments, comme on en connaît une foule d'exemples par la foudre, et comme la trombe de Chatenay en a fourni à elle seule 850 exemples.

30. Plusieurs agriculteurs ont pensé que les brouillards secs rouil- laient les blés, et Duhamel a dit que cet effet arrivait principalement lorsque la plante était dans la force dejla végétation ", et non lorsqu'elle n'avait plus d'humidité dans son tissu. Ces deux observations réunies prouvent que la rouille de Duhamel est un produit du courant électrique, puisqu'elle a lieu à la suite des brouillards secs et qu'il faut que la plante soit conductrice par l'humidité qu'elle contenait avant l'influence du brouillard. Une autre observation de M. Lemaîlre, c'est qu'une fumée épaisse produite par la combustion d'herbe humide, protège le champ sur lequel se répand cette fumée conductrice de l'électricité. Ce qui a été un obstacle à ce genre de recherches, c'est l'abus qu'on a fait de la liaison observée entre la rouille et les brouillards secs, et on a voulu ensuite rapporter aux brouillards électriques toutes les autres maladies des plantes. L'observation n'ayant pas confirmé cette extension abusive d'une bonne observation, on a délaissé ce genre de recherches et un beau sujet d'observations. Nous engageons les agriculteurs instruits à les re- prendre et à observer si les plantes les plus élevées ne sont pas plus susceptibles de prendre la rouille après les brouillards électriques, que les plantes basses et abritées, et à examiner la perte de la sève faite par les plantes roussies, comparativement aux plantes voisines restées vertes. Nous reviendrons ailleurs sur cette question agricole, et nous indique- rons des moyens propres à la préservation des plantes de cette influence.

' Compte rendu de la9' réunion de l'association Brit., 1838, p. 33 des notices.

s Elétnetifs d'agriculture, éd. de 1779, liv. 3, ch. 3. f^oyes aussi les Mémoires de TUlet, de I77S et 1774. L'opinion de Fagou dans CHist. Ac. Se, 1710, p. 62; le Traité uranographique de M. Phillipar, in-B", 18.37, et les iVémoires de M. Turpin, sur les maladies des plantes,

FIN. 4

ToM. XV. 4.

RECHERCHES

SUR LA

CROISSAIVCE DU PIN SYLVESTRE

DANS LE NORD DE L'EUROPE.

A. BRAVAIS EX CH. MARTINS, ,

HIMBillS DE COHMISlIOn D HISTOIK.

To». XV.

\vv\^^^^^\^\^^fv^^^^^l\^^^^^lvvvwv^^^^^\^^^^^^^^^A^\^^^^^^vvv^^^^^^^^\^^^^^^^^^^

RECHERCHES

SUR

LA CROISSAJNCE DU PIN SYLVESTRE

DANS LE NORD DE L'EUROPE.

Pendant notre séjour auprès de l'établissement métallurgique de Kaafiord en Finmark (lat. 69"57' N.; long. 2O'40' E.), nous fûmes frappés du peu d'épaisseur des couches annuelles de quelques Pins sylvestres, qui avaient été abattus pour les besoins de l'usine. Elle était telle que nous ne pouvions les distinguer nettement qu'en faisant usage de la loupe. Nous résolûmes de les compter et de les mesurer sur un certain nombre de troncs, et de recommencer ce travail à di- verses latitudes, pendant notre retour vers la France. Notre but était de découvrir les lois de l'accroissement du Pin sylvestre sous des lati- tudes variables, depuis le 50' jusqu'au 70" parallèle. Cette recherche nous paraissait d'autant plus intéressante que, dans aucun autre pays, le Pin n'atteint le 10", et que nous pouvions étudier son développe- ment sur des individus qu'on regarde comme les sentinelles avancées de la végétation forestière ; car le Pin sylvestre ne dépasse pas cette

4 RECHERCHES SUR LA CROISSANCE

latitude en Finmark non plus que l'Aune {Alnus incana, Wahlb.), le Tremble {Populus tremula ,h.) et le Sorbier des oiseleurs [Sorbus aucwparia, L.). Le Bouleau blanc et quelques Saules sont les seuls vé- gétaux ligneux qu'on trouve aux environs d'Hammerfest, à 40 minutes plus au Nord. Parmi tous ces arbres, le Pin se distingue par son émi- nente utilité; seul dans ces régions glacées, il peut être employé comme bois de construction. Le Pin Scandinave possède à un haut degré les qualités requises pour cet emploi, et celles plus précieuses et plus rares que réclame l'architecture navale. Sous ce point de vue, les marins le préfèrent beaucoup au Sapin {Abies excelsa, Poir. Çrran. Norveg. et Sued.), qui lui dispute le domaine des immenses forêts de la Pénin- sule. Dans les chantiers, le Vin {Pinus sylvestris, L. Fichte, J//._, Tall. Sued., Fyr. Norveg.) se reconnaît à son bois rougeâtre, à son écorce de même couleur, formée de plaques rhomboïdales fort épaisses et à son aubier blanchâtre. Dans la marine , il est principalement tra- vaillé pour les pièces peu courbes de la membrure , les bordages et la mâture. Aussi droit que le Sapin, il est moins putrescible et acquiert les mêmes dimensions. Le Sapin a un bois blanchâtre d'un grain plus fin : on le préfère pour les boiseries , parce qu'il devient plus lisse sous le rabot que le bois du Pin. A défaut de ce dernier, on l'emploie en ma- rine pour faire des vergues et des épars.

Les Pins que nous avons mesurés à Kaafiord , provenaient des envi- rons de l'usine; ceux que nous trouvâmes dans les chantiers d'Hapa- randa , avaient été coupés l'année précédente sur les bords du fleuve Torneo, auprès du village de Pello (lat. 66°48'; long. 2r40' E.), qui forme l'extrémité septentrionale de la triangulation de Maupertuis. Les Pins de Geffle (lat. 60''40'; long. 14°50' E.) provenaient de fo- rêts de l'intérieur, situées sous le même parallèle, à moins de trois ou quatre myriamètres de distance. Ils avaient été réunis dans un chantier de constructions navales. A Halle (lat. 5r30'; long. 9"40' E.), nous mesurâmes des souches qui avaient survécu à l'abatage dans la forêt de Giebichenstein, peu éloignée de la ville. Qu'il nous soit permis de remercier ici MM. Crowe, Jhle, Sundell, Elfbrink et de Miinck-

DU PIN SYLVESTRE. 5

hausen , pour l'obligeance avec laquelle ils ont bien voulu faciliter nos recherches dans chacune de ces quatre stations.

Parmi les arbres coupés , nous choisissions ceux dont les couches étaient les plus distinctes , et dont le centre n'avait pas été attaqué par l'humidité. Pour compter et mesurer les couches, nous avons em- ployé le procédé recommandé par M. deCandolle ' . Après que la hache avait régularisé la section, nous appliquions sur elle une bande de papier fort, dans la direction du centre à la circonférence : nous y marquions successivement par un trait fin le centre d'abord , puis les couches dont nous voulions connaître la position (de 25 en 25 ordi- nairement), et enfin, la dernière couche avec l'indication de son nu- méro d'ordre, qui nous donnait l'Age de l'arbre.

Presque toujours les sections étaient obliques, ce qui provenait dn procédé d'abatage usité par les bûcherons suédois : ainsi la mesure originale ayant été prise le plus souvent sur une section oblique h l'axe du tronc , il fallait la réduire à ce qu'elle eût été sur une section perpendiculaire à ce même axe , afin que les arbres fussent compa- rables. Pour cela, nous avons toujours mesuré le diamètre ou la cir- conférence du tronc dépouillé de son écorce, et il a été facile de ré- duire les coupes obliques à des coupes normales. Autre difficulté : dans la section d'un tronc, le centre de l'arbre indiqué par la moelle n'occupe pas toujours le centre de figure; dans ce cas nous avons néanmoins fait nos mesures sur un rayon partant de la moelle, et dont le choix était déterminé par la netteté des couches. Mais nous avons réduit les longueurs ainsi mesurées à ce qu'elles eussent été sur un arbre de même diamètre et parfaitement cintré.

Les tableaux I, II, III et IV présentent les résultats de nos me- sures réduites d'après ces principes. Chacun des nombres de ces ta- bleaux indique la quantité dont le demi-diamètre s'est accru en 50 ans, àKaafiord ; en 25 ans, à Pello et à Gefile;en 10 ans, à Halle. Au moyen de ces tableaux, nous en avons construit d'autres indiquant

' Notice sur la longérilé He$ arbres BiBUorntiQci «tiivehsiuc , mai I8S1.

6 RECHERCHES SUR LA CROISSANCE

au bout des mêmes périodes de temps, non plus les croissances succes- sives, mais les rayons correspondants qui représentent la somme de toutes les croissances antérieures. Nous avons supprimé ces tableaux, mais le lecteur pourra facilement les reconstruire au moyen des ta- bleaux existants. JNous les nommerons tableaux I 2, II 2, III n" 2, IV 2, et rien n'empêche de les supposer rétablis.

Cherchons maintenant à déterminer la grandeur du rayon moyen des Pins de Pello , par exemple , au bout de 25 ans , au bout de 50 ans , de 75 ans, de 100 ans, et ainsi de suite, afin de nous faire une idée de la quantité de leur accroissement dans un temps donné. Par rayon moyen , nous entendons une moyenne arithmétique entre les rayons d'un grand nombre d'arbres du même âge. Pour l'obtenir, nous avons pris dans chaque colonne du tableau II les épaisseurs moyennes

36n"n,61 ; 35™'",01 ; 23™«,21 pour chaque période de 25 ans '.

La longueur 36™'",61 représentera donc le rayon moyen au bout de 25 ans. De même 36'nm^6] + 35™™,01 = 71™n%62 sera le rayon moyen au bout de 50 ans. 71'»'n,62 -f- 23™™ ,21 = 94™™,83 sera le rayon moyen à l'âge de 75 ans, et ainsi de suite. Le tableau V ren- ferme les rayons moyens ainsi obtenus sous le titre de rayon moyen '.

I. LOIS DU DÉCR0ISSE5IENT DE l'ÉpAISSEUR DES COUCHES.

Les épaisseurs moyennes des couches annuelles décroissent assez régulièrement. Il arrive cependant quelquefois qu'une de ces épais- seurs se trouve plus forte que celle qui la précède immédiatement. Ceci arrive surtout pour les moyennes déduites d'un petit nombre d'observations. La moyenne 125 à 150 du tableau II, est un peu plus forte que la moyenne précédente; anomalie remarquable à cause du grand nombre d'arbres dont ces moyennes dérivent. Mais il faut re- marquer : que dans tous les cas pareils le décroissement reprend

' Voyez la note A. 2 Voyez la note B.

DU PIN SYLVESTRE. ! 7,

bientôt sa loi habituelle ; 2" que les grandes irrégularités de croissance qu'offrent la plupart des arbres considérés individuellement, ne se compensent pas toujours dans les moyennes. Si la plupart d'entre elles représentent fort exactement l'état moyen, il en est aussi quelques- unes qui ne le représentent pas aussi bien. Ainsi ces résultats n'ont rien que de fort naturel et de conforme à la théorie générale des chances variables.

La loi du décroissement se révèle au milieu de cfcs inexactitudes lo- cales, lesquelles auraient sans doute disparu, si au lieu d'examiner 20 ou 30 arbres dans chaque localité, nous eussions pu opérer sur un plus grand nombre. Mais comment déterminer le rapport qui existe entre l'âge de l'arbre et son accroissement moyen aux diverses pé- riodes de sa vie , ou si l'on veut entre les rayons successifs du Pin dans son état moyen , ou plus laconiquement entre l'âge et le rayon d'un Pin moyen idéal 9 \ v\ '

Sans doute on sait d'une manière générale que l'épaisseur des cou- ches ligneuses va en diminuant avec l'âge; mais ces énoncés vagues, résultats d'une inspection superficielle, qui peuvent satisfaire les gens du monde, ne sauraient prendre place parmi les vérités acquises à la science. Partout il s'agit de quantité, il faut des mesures rigoureuses, et leurs moyennes deviennent l'expression des lois générales; aussi un grand botaniste ', a-t-il dit, en parlant des travaux du genre de celui auquel nous nous sommes livrés : « Des tableaux d'accroissement en diamètre dressés sur un grand nombre d'espèces et d'individus de chaque espèce, donneraient les documents les plus curieux sur la marche de la végétation : on arriverait à établir pour chaque espèce une moyenne de son accroissement annuel, en sorte qu'en connaissant ensuite la circonférence d'un arbre exogène , on pourrait avec une grande probabilité connaître son âge ; étant donnée la con- naissance de l'accroissement moyen et de la solidité moyenne d'une es- pèce de bois, on pourrait juger par l'épaisseur des couches de chaque

' DeCandoIle, I. c, p. 10.

($ RECHERCHES SUR LA CROISSANCE

tronc s'il s'écarte plus ou moins des qualités propres à son espèce; on ' pourrait déduire de des règles précises sur l'époque il confient d'abattre certains arbres. J'ose donc croire que des tableaux de coupes horizontales seraient d'une singulière utilité, et je recommande leur confection soit aux voyageurs, soit à ceux qui vivent près de grandes exploitations de bois ou près de grands ateliers de construction. »

Afin que les lois d'accroissement du Pin sylvestre devinssent pour ainsi dire visibles, nous les avons représentées sous forme de courbes, comme le montre la planche jointe au mémoire. Dans le sens hori- zontal, à partir du point 0, les intervalles correspondent à des dizaines d'années, et dans le sens vertical à des centimètres. Au bout de chaque période de 10, 25 ou 50 ans, portons sur la verticale correspondante une longueur égale au rayon moyen de la circonférence de l'arbre; rayon qui nous est fourni par le tableau V. Joignons ces points par une ligne; celle-ci exprimera le rapport qui existe entre l'âge du Pin moyen et son accroissement ; aussi nommerons-nous ces courbes cour- bes d'accroissement. Nous les avons construites séparément pour le Pin moyen de Kaafiord, de Pello, de Geffle, de Halle et de Haguenau.

Si maintenant nous représentons par r, le rayon de l'arbre en millimètres au bout d'un nombre n d'années; par a, un certain nombre de millimètres constant pour chaque courbe, mais variable d'une courbe à l'autre; par Z>,une constante analogue, mais expri- mant un nombre fractionnaire abstrait, on peut représenter ces courbes avec une exactitude suffisante au moyen de la formule '.

(1)

1 -t- bn

Nous avons ensuite déterminé pour chacune de nos quatre stations les quantités constantes a et b, de manière à représenter le mieux possible l'ensemble des observations, et nous sommes arrivés aux ré-

Isï» Voyez la note C.

DU PIN SYLVESTRE. 9

snltats suivants :

„. . ^ ^ j 1— ,186.1» «S— .n ,.,

Pin» de Kaaiiord r = ^ (i)

1 -f- 0,0028.n 387 -^^ n ^ '

Pins de Pe lo r = ^-r— = (3)

1 -*- 0,0052.n 192 -4- n ^ ^

Pin» de (ieffle r = ; ' ..^ = . -— ^ (4)

1 .+- 0,0043.n 288 -t- n ^ -^

Pms de HalJe r = ^-— = (5)

1 + 0,011.n 91 -t-n ^ '

»

Veut-on , d'après ces formules , calculer , par exemple , le rayon moyen des Pins de Kaafiord à l'âge de 100 ans, on divisera 42,300 par 457 5 le quotient 92'"'", 6 est le résultat cherché.

Les rayons calculés par ces formules sont inscrits au tableau Y, dans les rangées qui portent le nom de rayon par la formule. La différence tantôt positive , tantôt négative de ces rayons avec les rayons observés, se trouve inscrite dans une rangée particulière immédiatement au- dessous de la précédente.

Quand on connaîtra le nombre d'années (m) pendant lesquelles aura vécu un Pin de Kaafiord, de Pello, etc., on déduira de ces mêmes formules le demi-diamètre (r) probable , et réciproquement si l'on connaît le demi-diamètre , l'équation

a rb

qui n'est qu'une transformation de la formule (1) , exprimera son âge d'une manière très-approximative.

En prenant les différences , deux à deux , entre les rayons calculés, propres à chaque période commençante et finissante , on obtiendra les accroissements successifs calculés d'après la formule. De résul- tent les nombres que nous avons réunis dans les tableaux I , II , III , IV , au-dessous des épaisseurs moyennes , sous le titre : épaisseurs calculées. La rangée la plus basse donne la différence entre le calcul Ton. XV. 2

KJ RECHERCHES SUR LA CROISSANCE

et l'observation. Ce sont les différences de cette dernière rangée qu'on doit s'occuper à rendre le plus petites possibles , par une détermina- tion convenable des quantités aet b\ nnguaijbuhitii «i aup Jaabuaq Les séries de moyennes , obtenues pour chacune de nos quatre sta- tions , ne sont pas toutes également bien représentées par les formules qui leur correspondent. Pour Kaufiord et Geffle , l'accord est très-sa- tisfaisant , mais cela n'a rien de surprenant , puisque ce sont les séries les moyennes sont déduites du plus grand nombre de couches. Dans la première colonne du tableau I , les épaisseurs moyennes correspon- dent à 20 fois 50 ou 1000 couches annuelles. Dans le tableau III, elles correspondent à 675 couches; à 500 dans le tableau II, et seulement k 1 30 dans le tableau IV. Plus le nombre de couches que l'on considère est élevé, plus ces irrégularités accidentelles tendent à se compenser. Aussi voyons-nous que la série de Halle est assez mal représentée par la for- mule (5) que nous avons donnée ci-dessus. Il est impossible de trouver un système de valeurs pour les coefficients aetb qui ne laisse subsis- ter des anomalies assez graves, soit sur la longueur des rayons moyens, soit sur la grandeur des épaisseurs moyennes de chaque période décennale " ; mais il est probable que cette anomalie disparaîtrait si les moyennes étaient déduites d'un grand nombre de mesures '\

Examinons maintenant quelle est la signification concrète des va- leurs qui entrent dans nos formules, a représente , à très peu près, le rayon moyen de la couche centrale ou le demi-diamètre moyen de la pousse de la première année. Si, à l'aide de nos formules , on cherche à calculer la longueur de ce rayon , il faut faire n= 1 , et l'on trouve ainsi }^'°^,\S; 1"^"^,!^ ; 2'n™,43; Sn^^jSl. Ces nombres diffèrent très- peu des coefficients numériques du numérateur des fractions qui, dans les formules (2) , (3) , (4) et (5) , expriment la valeur moyenne du rayon.

Ce coefficient a, ou rayon de la couche centrale, varie assez réguliè-

' Voyez la note D.

2 Voyez la note E.

3 Voyez la note f!»\,"*»*' **'

îf^^A^'DU PIN SYLVESTRE, ijM]

lA

rement en suivant la loi de la latitude; du moins lesmodifioationsqiiV>n> est obligé d'apporter à sa valeur pour le faire décroître régulièreinenL pendant que la latitude augmente, ne dépassent pas (entre les méri^ dieiisaous lesquels nous avons observé) les erreurs <lQuX,il,^p»T9na croire que nos coefiicients sont encore entacha» ) ana t noi>. sa ^ f.tun i -r.En calculant a par la formuler, (flimiï tuo9 Jfrebnrtqjîsnoo fuol inp

«oiièg zol Jno8 90 anpgiiiq 4J^'(|U»"ijié'(^9'— ft^" "'" "'^^*«b«'' ' tnf.aioïéiJ «nfld .gadaiio'j ab fjidraon bnina, ftilq iib goJiubèb Jnoz zonns/om «ol lio dans laquelle L représente la latitude, on peut former le tableani comparatif suivani.^iiBd .«if)li»iiniiM i!':*d->0o-j<KM)i uoOtl gioiOi' b in'tb

Latitude. ... sa* X7' ASo iR' (tO<> ifl

Latitude, . . ^ I 69*, 87' , 66- ■, OiMO > ■XlOO'iDfJKUnOILijI

48' , eO" iO' •*•■" Valeur ;re7ÔWrvécV'\'''f''V-^':lfc^'+'^^'^V'r

Valeur de a calculée »

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Voici, d'après la formule, les valeurs du coefficient a, de cinq en cinq degrés , depuis le 50' jusqu'au 70" parallèle iseu «dileniouj} «ab teJ

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Latitude.

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Valeur de a . .

^,1 Le coefficient a est éminemment propre à nous faire voir comble» force de végétation du Pin varie avec la cif^tf^QQ^,^ h'S^^^W.P^iri

dftnt les premières années de sa croissance. ,,. .,>; ,., .1 , r ..,

1 /L'on pourrait croire que l'effet de la latitude se traduisant sur l'ar- bre par l'intermédiaire des influences météorologiques , et principale- ment de la température , l'on obtiendrait une loi plus régulière en substituant aux latitudes des stations leurs températures moyennes, mais cela n'est pas, car les moyennes températures sont exprimées pour chacune de nos stations par les nombres suivants : |(<,,)r, ^^ |

0«,0 0»,4 4»,4 8%8*.

' Voyez la note G.

* Mahlmann, Tabelle ueberdie minière f^ertheilung der ff^aerme in derjaehrlicken Période.

iSi RECHERCHES SUR LA CROISSANCE

?.ifAucune loi de décroissement proportionnel à la température ne peut expliquer les valeurs observées de a, sans admettre sur ce coeffi- cient des erreurs égales au sixième de sa valeur totale, proportion évidemment trop forte, u oîl^j ttUHuiu riùiiy yiiuy niotoè ksû'iuùo àuoD

On sera plus heureux en se bornant aux moyentoeisf estivales, sa- voir : des mois de juin, de juillet et d'août , car elles sont exprimées par les qwfttre nombres sjtu.Yajo,tsi,;,,, ,., , , .

i h 'unrHvih iriafT ^>xf'lfl'~'^»/l" ,2„y^'f4le ^^ ^^uQe^isqë eal àlifalfio

r> neyotn OB g.Toi.iBfë et la loi de décroissement qu'on en déduirait serait assez conforme à l'observation. '^ ^ : Ji_::f L^

Etudions maintenant la signification de la quantité b. Si dans une même localité l'accroissement des Pins était uniforme pendant toute la vie de l'arbre, la formule qui le représente serait : ^^

r -^— un ^

ce qui revient à multiplier l'accroissement de la première année par le nombre des années, et, dans notre figure, l'accroissement total se- rait représenté par une ligne droite. Il n'y aurait qu'à déterminer le coefficient a. Mais , l'accroissement diminuant avec l'âge , les rayons ainsi obtenus seraient trop grands. Il fallait donc diviser le produit an par l'unité , augmentée d'une quantité bn d'autant plus grande que l'arbre est plus âgé. Cette quantité se trouvant au dénominateur de la fraction , celle-ci deviendra plus petite à mesure que son déno- minateur sera plus grand : elle exprimera donc le ralentissement de la croissance avec l'âge. C'est donc cette quantité bn qui transforme la lia:ne droite en une courbe dont la concavité est tournée vers l'axe des abscisses (voyez la planche). Si cette quantité b devenait nulle, la courbe continuerait sa route en ligne droite. Les couches annuelles conserveraient la même épaisseur , et l'arbre végéterait toujours avec la même vigueur. Supposons maintenant deux arbres dont l'accroisse- ment serait le même pendant les premières années, mais que, vers l'âge de 100 ans, l'accroissement de l'arbre A soit plus fort que celui de l'ar-

33l^A^ DU PIN SYLVESTRE. « 13

bre B. Nous exprimerons algébriquement ce fait en donnant à b, dans la formule destinée k représenter la croissance de l'arbre B, une y&-4 leur plus grande que celle qu'il a dans la formule de l'arbre A, et les' deux courbes seront entre elles comme celle de Kaafiord , par exemple,' est À celle de Pello. L'on pourra dire alors que i'arbre B a eu une vieillesse précoce comparé à l'arbre A'J'iui, f>b ,iunf hL r-.soiu khU : Tioy Pour nous rendre compte plus exactement do ces eflFets, nous avons calculé les épaisseurs de chaque 25° couche pour chacune de nos stations au moyen de la formule '

jti auvnjUioo ^'U3(Si> iitivxc Jiii'iiiib;>b iii> iio'up iivjia'MniorMli ttb lol i>i Jd '(''■^^) ?ÎL_ ou fevnoiJBvvjj-Jo'l

Muii «-iii'i' i- >> viiiiiiiJjjT al au aoiitJHini'oii lïï iiihUDUitsm ■'.mnDuiA

' ' CS^ést aVèe I6feltë' fdi-Wtllè? cliië WÔli^' àvâti^ 'dfèsië tableau Vf. Oïi' y verra que , malgré la grande différence de force végétative qu'of- frent les deux stations de Geffle et de Halle, déjà avant la 50« année de leur âge , les Pins de Halle croissent moins vite que ceux de Geffle. Si l'on compare ceux de Pello à ceux de Kaafiord , on remarque un' résultat semblable vers leur 150* année. Ainsi donc à Halle le pre-J mier jet des Pins est beaucoup plus vigoureux qu'à Geffle, mais cette" croissance rapide ne se soutient pas. Aussi le coefficient b a-t-il une valeur considérable dans la formule (5) qui représente les Pins deHalle. Ce coefficient b exprime donc le degré de caducité de l'arbre , c'est-à- dire la rapidité avec laquelle il converge vers un état stationnaire.

Comparons maintenant les valeurs différentes de ce coefficient b,' dans les différentes formules (2, 3, 4 et 5) qui représentent les accrois-' sements des Pins de Kaafiord, Pello, Geffle et Halle. Les variations de' ce coefficient ne semblent pas être en rapport avec la latitude, Ëi' avec les lignes isothermes; ou du moins si ce rapport existe, nous pou-' vons affirmer que, dans le Nord , la végétation du Pin se soutient, en' s'avançant vers le pôle, d'une manière remarquable.'" iut>'*ii«*»t-i<iuoy

-'Si nous étudions avec plus de détails les climats sous lesquels véj^

91 .yiipaiiiiu ,iiy'jiiau atii'H. i

1 Voyez la noleH. ' ' 'J <îul(j '' •' ' :■',<■: .m..^,-ht . ,- , m:jO

Il RECHERCHES SUR LA CROISSANCE

talent les Pins que nous avons mesurés, nous verrons que les uns ren- trent dans la classe des climats marins, les autres dans celle des climats continentaux. L'établissement métallurgique de Kaafiord est situé au fond d'un golfe étroit et profond. Toutefois en ligne droite il n'est pas à plus de 5 myriamètres de la pleine mer. Sa température moyenne an- nuelle et de 0°,10 C. Mais sa proximité de la mer tend à égaliser les saisons, ainsi les hivers sont peu rigoureux. Les vents de l'Ouest et du Nord élèvent sans cesse la température, les vents froids de l'Est et du Sud-Est soufflent rarement, et ce n'est qu'accidentellement et pour peu de temps que le thermomètre descend à 20° au-dessous de zéro. Jamais le mercure ne gèle, et en estimant à 8°,5 la moyenne de l'hiver, on s'éloignera peu de la vérité. Mais si les hivers sont remarquablement doux , eu égard à la latitude , les étés sont sans chaleur , des brumes fréquentes obscurcissent le soleil, et l'obliquité de ses rayons n'est pas compensée par sa présence continuelle au-dessus de l'horizon ; car la température estivale n'est que de 9" environ. Si l'on se rappelle com- bien le voisinage de la mer est hostile à la végétation arborescente , combien la violence des vents s'oppose à la croissance en hauteur des arbres verts, et combien les chaleurs de l'été leur sont nécessaires, on s'étonnera de trouver encore le Pin végétant et fructifiant sous des conditions climatériques aussi défavorables.

j^nQuoique l'on n'ait point de séries d'observations météorologiques faites au village même de Pello , on peut conclure son climat de celles de Karasuando et d'Over-Torneo, entre lesquels ils est situé. La tempéra- ture moyenne de l'année doit y être peu supérieure à celle de Kaafiord, car l'isotherme de 1" qui atteint sur la côte 0. de la péninsule Scan- dinave son point latitudinal le plus élevé , s'abaisse rapidement sur le versant oriental des Alpes laponnes. La moyenne de Pello sera donc peu supérieure à 0^; mais cette moyenne résulte de températures extrêmes beaucoup plus éloignées l'une de l'autre que celles de Kaafiord. Ainsi le mercure gèle souvent à Pello, et la moyenne de l'hiver ne saurait être supérieure à 12°, tandis que celle de l'été oscille entre 13° et 14°. .d .1 .anfimiitoM

ll)/./^ DU PIN SYLVESTRE. ' iS

-''On voit qu'avec des moyennes sensiblement égales, leïs'cHniàts Kaafiord et dePello sont fort différents l'un de l'autre : l'un est un climatcontincntat , l'autre un climat marin. Ces différences se tradui- sent, du reste, dans tout l'ensemble de la végétation ^ et ioflneotsur la croissance initialeda Pin en particulier. '-••H-Mif f mi '; ! - ';; «'•'Gefflo a un climat »m peu plus froid que celui d'Upsal, dont il n'est éloigné que de 48' en latitude. Or, la moyenne annuelle d'Upsal est de 5',3; celle de l'hiver S",?, et celle de l'été 15%1'J L'hiver est donc presque aussi rigoureux qu'à Kaafiord , mais l'été est beaucoup plus chaud; donc les moyennes de Geffle doivent être plus élevées que celles de Pello. La température moyenne annuelle de Halle est d4 8",8; celle de l'hiver 0",0, celle de l'été de 18",! : climat essentielle- ment continental , et tel que la position de Halle au centre de l'Alle- magne pouvait le faire prévoir.

' Malgré ces différences dans les climats, les variationsdu coefficient b ne sont nullement en rapport avec elles ; en effet, on peut voir dans les formules (2), (3), (4) et (5), que sa valeur augmente à mesure que la tem- pérature moyenne devient plus élevée; résultat difficile à expliquer par les lois connues de la végétation. Mais il est permis de penser que ce coefficient h est jusqu'à un certain point en rapport avec la nature physique et chimique du sol dans lequel les Pins se sont développés. Nott« sommes hors d'état de vérifier a posteriori l'existence d'une semblable relation, puisque nous n'avons pu examiner chaque fois quelles étaient les qualités spéciales du sol sur lequel ces arbres ont végété dans chaque localité. Mais a priori une telle relation n'est nullement invraisemblable, et il est fort possible que si nos arbres avaient été coupés ailleurs ( la latitude, la température et les autres conditions climatériques restant les mêmes ) , on eût trouvé pour le coefficient b, des valeurs notablement différentes de celles que nous avons obtenues. Ces différences seraient dues à la constitu- tion du sol qui n'evit pas été la même. L'épaisseur moyenne de la

' Mablmann, l. c. -"^1 J9 "ï- 1 Otino ylli'><'0

ÎB RECHERCHES SUR LA CROISSANCE

couche centrale resterait au contraire peu sensible à cette influence.

Ce sujet est encore peu étudié, quoique l'on sache d'une manière vague et générale que certains arbres réussissent de préférence sur certains terrains; par exemple les hêtres sur le calcaire, les châtai- gniers sur les terrains siliceux. La nutrition s'opérant par les extrémités des radicelles, lesquelles progressent sans cesse du centre à la circonférence et vont puiser de nouveaux sucs dans des zones de plus en plus éloignées ; on pourrait se demander si ces racines qui traversent le sol dans tous les sens, se joignent, s'entrelacent, se gênent dans leur accroissement , ne finissent pas par se nuire mutuel- lement en épuisant le terrain. Des arbres trop rapprochés s'entravent dans leur développement, et leur végétation se ralentit à mesure qu'ils grandissent. C'est à ces circonstances toutes locales et physiolo- giques que sont dues les variations du coefficient b, dans les for- mules (2), (3), (4) et (5).

Si l'on veut savoir quelle valeur de b correspondrait à un état moyen du sol , il suffit de prendre la moyenne entre les quatre valeurs trouvées pour b, ce qui donne :

b = 0,0058.

Mais comme on doit accorder plus d'importance dans la formation de la moyenne , aux valeurs 0,0028 et 0,0042, déduites des séries les plus nombreuses; on adoptera de préférence la valeur

h = 0,003.

Nous ferons aussi remarquer qu'on aurait tort d'accorder une trop grande confiance à un coefficient destiné à représenter les effets d'un élément aussi variable que le sol. Nous ne pouvions espérer de déter- miner cette valeur moyenne avec une bien grande exactitude.

En résumé, la croissance moyenne du Pin sylvestre peut se repré- senter par la formule

0"'°',186(79 L)« ' *■ ~ 1 -4- 0,00b. n '

DU PIN SYLVESTRE. 17

oîi r représente le rayon au bout de n années et L la latitude. On n'ou- bliera pas que celte formule n'est applicable qu'entre le 5(K et le 70'' degré de latitude , mais principalement au delà du 60<^.

On sait que lu surface « d'une section horizontale du tronc dont r est le rayon, est égale à tt/^ on la déduira donc facilement de la valeur connue du rayon r dans la formule (1); à chaque époque delà vie de l'arbre elle sera exprimée par la formule :

s =

(1 -+- H'

L'accroissement annuel de cette surface n'est autre que la surface annulaire de la nouvelle couche , et s'obtiendra en multipliant la cir- conférence

par l'épaisseur d'une couche annuelle

(I -4- in)'

que cous avons trouvée, p. 13, car on peut sans erreur sensible considérer cette surface annulaire comme un rectangle dont la base est égale à la circonférence dont le rayon est r, et la hauteur à l'épaisseur de la (n+I)™^ couche. En exécutant ce calcul, on voit que la surface de la (»+ 1)""® couche a pour valeur

(7)

(1 H-fc*»)'

Le tableau Yll donne en millimètres carrés la surface de chaque

25^ couche. Cet accroissement annuel atteint un maximum, après

lequel il devient de plus en plus petit. Ce maximum a lieu lorsque

l'on a n = {i, comme on le prouve en ayant recours aux calculs supé-

ToM. XV. 3

Ig RECHERCHES SUR LA CROISSANCE

rieurs. Après la substitution de cette valeur de n dans la formule pré- cédente, on a pour l'expression An maximum àe surface d'une couche annuelle: , ,. . ,, . . ,

;f'J444«!-; !) ')TOOno

,>. fi

Si dans l'équation n = j^ , on donne à b les différentes valeurs indi- quées dans les formules (2), (3), (4) et (5), on trouve que l'époque de l'ac- croissement m^aximum, en surface arrive à 178 ans, pour les Pins de Kaafiord ; à 96 ans pour ceux de Pello j à 1 1 9 ans pour ceux de Geffle , et à 46 ans pour ceux de Halle. Pour chaque arbre considéré isolément, l'époque de la croissance maximum en surface est excessi- vement variable, et le moindre accident de végétation suffit pour la déplacer. Sur le Pin moyen, considéré dans nos différentes localités, l'arrivée de cette époque est d'autant plus tardive que le coefficient b est plus petit. En admettant la valeur 0,005 comme exprimant la valeur moyenne la plus générale de ce coefficient b, on trouve que c'est au bout d'un siècle que l'accroissement annuel en surface est le plus considérable.

Avant de terminerce paragraphe, nous devons faire remarquer que les Pins de Geffle et des provinces voisines, sont les plus beaux delà Suède et les plus propres par la nature de leur bois à être employés aux con- structions navales. Dans les climats plus méridionaux, le premiei* élan de la végétation est beaucoup plus énergique. Il en résulte que les couches sont épaisses et le bois peu dense; en outre, cet élan se ralentit bientôt et l'arbre cesse de prospérer. Les Pins de Kaafiord ont un bois plus dur, plus compacte que ceux de Geffle, mais il n'est pas élastique. C'est à ces précieuses qualités des Pins de la Suède moyenne, que la marine marchande de ce pays doit la bonté et la force de ses navires. Comme l'accroissement annuel diminue lentement, les arbres de Geffle peuvent acquérir des dimensions considérables. Ceux des environs de Kaafiord , au contraire, ont un accroissement primordial beaucoup trop lent pour pouvoir atteindre la même grosseur.

DU PIN SYLVESTKK. fl |^

II. DES VARIATIONS DE l'A-CCHOISSEMERT. ,'jru] i

IS il nous a été difficile do trouver une ïoi propre à représenter Tes relations de nos résultats moyens entre eux , il nous sera plus difficile encore de retrouver quelque apparence d'ordre ou de régularité dans les écarts que nos mesures ofTrent entre elles. Il semble qu'il n'existe à cet égard d'autre règle que cette variabilité même. Ckîpendant^ dès qu'on opère sur des nombres un peu grands, il se manifeste une ten- dance vers un état de choses régulier qu'il est intéressant d'étudier. ''

1)ans ce but, concevons d'abord qu'on ramène tous nos tableaux d'accroissement à un seul type, en prenant une période commune, celle de 50 ans. Le tableau I restera le même. Dans les tableaux If et III on additionnera les nombres des colonnes impaires avec ceux des colonnes paires, et les entêtes des colonnes deviendront 0-50; 50-100; 100-150, etc., comme dans le tableau I. On transformera de même le tableau IV. ]\e tenons pas compte des bouts de rayons qui dépassent la dernière période de 50 ans , et formons les moyennes au bas chaque colonne. Prenons ensuite, dans chacune de ces colonnes, la différence entre chacun des nombres qui concourent à la formation de la, moyenne et cette moyenne elle-même, en retranchant constam- ment le plus petit nombre du plus grand. Ces restes donneront les écart.^ d'avec la moyenne, considérés d'une manière absolue et indé- pendamment de leur signe. Prenons enfin la moyenne de ces écarts; l'écart moyen ainsi obtenu , nous fournit une mesure de la variabi- lité de la quantité dont nous connaissons déjà l'état moyen. Ainsi ^ dans le tableau I, on trouve entre chaque nombre de la colonne 0-50 et 1^ résultat moyen 50'"'",25 les différences suivantes : 44""" ,85 ; î'i^'",05; 10'n">,45; l'"'",05; 33'"'",65 ........ I2'"'",25; 32"»»,15. La

moyenne de ces vingt nombres sera 16f"°,57;; c'est celle quantité

, _ , > !tl.) ■ilillUllillWll ■llil I il

qu on nomme Fécart moyen .

Ainsi les accroissements en 50 ans ou accroissements semi-secu-

laires , oscillent autour de leur valeur moyenne . avec une variabilité li^iinvAutiq Jujiua«iuiDUJi itn iuo ,-ïiimJuo-j uu fUioiliatiA f»u f,nuii/uy

' foy. lanoieA-]^, dtnôin lil onbtthih, liovuoq iiioq Juyj (|uif qnrioonod

20

RECHERCHES SUR LA CROISSANCE

indiquée par l'écart moyen. Si l'on divise cet écart moyen par l'épais- seur moyenne du groupe formé par les 50 couches annuelles, à la^ quelle cet écart correspond, le rapport ainsi obtenu sera l'écart moyen relatif, c'est-à-dire l'écart moyen , lorsqu'on prend pour unité de me* sure cette même épaisseur moyenne. Cet écart moyeu relatif nous offre donc la mesure de la variabilité des accroissements semi-séculaires '.i Nous avons calculé pour nos quatre stations , la valeur de ces écarts^ moyens relatifs dans chacun des demi-siècles qui composent la vie de l'arbre, en voici le tableau. Nous y joignons les résultats fournis par les mesures de 30 Pins de la forêt de Haguenau (Bas-Rhin), que nous devons à l'obligeance de MM. Millet et Nanquet': «a^^-^'^**"'*^ '^

8£ç0 çT ÉCARTS MOYENS RELATIFS DE L'ACCHOISSEiEkT'SEMI-SÉCDiaïKfeTlïSPIKÏlOO «3

«ni<r pi (fXM'^

.9

ffîo ani^ï 9Jni' sb 0 Jn9Î

99111-

«no'l

-ail»

LIEUX.

E7

Y'^}\ Hiiji ' ^- ' '^'''""'"'»JiJBo-oI- miix

Pello . . . . ... .

Geffle .'>.w.B im'ipa'

Halle .«ilBfiiï 9bx«f»0 îR''5"Tr"9UJribril-8''i

Mo™ J. «^^«^ •^'^:'^' .m>M\so ?,9jnèfjf ?.

'sfcniisE générale'.- ';''.'

0— 30

0,ld 09,* 9

,,0,25,^

<j>i

0,24

30—100

9 9"rtn9

-1 m

ii\?

0,21

100—150

In

0,23 0^22

«gJrKîJeiJ)

»

150-200

"?f.>lT

iO,27

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no

,0,27 0,18 0,28

0,20

0,24

U' li

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oiinu 9ifiyB ODiirJ

-^^SU^nè^bhaque rangée horizontalèf^'8Mip?^'lfes^tilëgiWsifl4ts

oh "MT ni 'V.'- 'yi'^?.•:*h'ift\hïi^n•. r r.,l .,i)'ji{>,H« .'^IniJ

^ ' EclaircissoDS ce point ,parw,, exemple emprunté à une autre branche des sciences natu- relles. Si l'on s'occupait de rechercher quelles sont les variations de la taille dans les animaux mammifères, on trouverait que les Musaraignes sont les plus petits, les Baleines les plus gros dans le rapport de 1 à 730 {voy. Isid. Geoffroy S'-Hilaire , Essais de zoologie générale, p. 389) ; supposons que les variations moyennes soient de quelques millimètres dans les premières et de plusieurs mètres dans les secondes. Dira-t-on que la variabilité de la taille est infiniment plus grande dans les Baleines que dans les Musaraignes? nullement, ésr cette variabilité est relative à la taille moyenne des espèces du genre. Elle ne sera la même dans ces deux genres d'animaux que dans le cas la variation absolue de la Baleine sera 7S0 fois plus grande que celle de la Mu- saraigne. .:A 9Jon bI sa^o? '

aDVI/K^OHPIN SYLVESTRE. iDîffl U

eaUrq éliXf.Qtiaveoilelm moyennes générales!^' qui se troùtent dans dei^ntère ëolonne à droite, on verra que cet écart reste sensiblement le môme pendant toute la vie de l'arbre; l'accroissement étant tout aussi variable ù un âge avancé que dans la jeunesse. Du reste , pour se rendre compte de ce résultat d'une manière plus claire, prenons de haut en bas les moyennes de chaque colonne, en excluant toutefois les séries trop incomplètes de Uaile, Nous trpuverons les nombres suivants •Jao^o^]Ulo^J iup aaloôia-imob esfa nuoath guub y\ \

^^a^lu6l ziBiïuibn asi giiQ499*)(>>Sf ;^ii04^; oMiiui ol it>ioY: iie> ^ o-idifi'l

ces différences spnt évidemm^ni<le.r,9r^{p,^^ç,g)çjljç^9^\ p^^v^^ ^^ ter pour des éléments aussi variables.

En comparant maintenant les quatre moyennes 0,27; 0,18; 0,28 et 0,20 ; nous remarquerons une non moindre variabilité pour les Pins de Pello et de Haguenau que pour ceux de Kaafiord et de Geffle. Cette différence peut s'expliquer par cette circonstance que les Pins de Pello et de Haguenau ont été coupés dans une localité restreinte et nullement accidentée. Ceux de Geffle provenaient au contraire de plusieurs forêts assez distantes entre elles. Ceux de Kaafiord avaient crû sur un espace limité , mais sur un terrain très-montueux , l'ex- position et la nature du sol étaient fort différentes. Enfin la croissance uniforme des Pins de Halle s'explique par les mêmes causes. Tous avaient été abattus dans la forêt de Giebichenstein à une faible dis- tance les uns des autres. ■■■■■* 'i

La variabilité d'accroissement ne dépend donc point de la lati- tude, mais de la variabilité des circonstances qui ont marqué la vie de chaque arbre. On peut adopter 0,25 pour mesure de cette variabilité moyenne ' , de telle sorte que Pécari moyen vaut le quart de V ac- croissement semi-séculaire moyen. -'■'- > •»'-'> ^' '■

Le nombre de cas dans lesquels l'écart èèitîiif5rîëTÉiySl''é'éart moyen, surpasse celui des cas inverses. Aii^,ft(>^5| Im\li^^d^m»i^é^'f1i^ été inférieur à l'écart moyen : ' i . ' ^ ! ' 1,1 .

"'i'

' Voyez la note K. -aj.itiBi

n

RECHERCHES SUR LA CROISSANCE

9attObsllAi^'^^'"^^ -42 fois sur 73 j le rapport est 0,b6 àil^yj^y^q

AGéffle A Halle

Total

U6

7

126

84 13

224

0,SS à 0,34 h

nabèoèiq

0,g63 à I > 07 ?'n07G aiToVÎ

i". Passons maintenant à l'examen des écarts moyens relatifs pour les ac- croissements séculaires. Nous formerons dans ce cas le tableau suivant.

! 2onjfjo »

TABLEAU DES ÉCARTS MOYENS RELATIFS DES ACCROISSEMENTS SÉCULAIRES.

-- LIEUX. r"'""

Tr4-T00

'100-200

MOYENNE.

II

Kaafiord

Pello f.^t

0.23 ""S Oil4 e.O »>22' -'l.

0,22 0,16

0,225

0,19

Geffle ".-

lmoqéiao,fi! ■.. - » <

li Enfin pour 200 couches nous trouvons les écarts suivants :

'"' > f n I '

,f ' Kaaûord 0,17

Geffle 0,11

ï.r

■!'> Ainsi les écarts moyens relatifs diminuent sans cesse à mesure que l'on considère un plus grand nombre de couches. En nous bornant aux observations de Kaafiord et de Geffle, nous trouvons que ces écarts diminuent d'après la loi suivante :

' : Éci

"'1

^Jft.OT»j|r i^j«CCjj9,i,M|^OTpeini-séculaire 0,275

—3 ^ '— séculaire 0,207

JJii

bi-séculaire 0,140

Urî

. f Ce qui veut dire que l'accroissement d'un arbre s'écarte d'autant

moins de l'accroissement moyen que cet arbre est plus âgé. ^ ^jq

On représente assez exactement ces différentes valeurs en nommant

l le nombre d'années de la période qu'on considère, et en prenant r;^

' Voyez la note Z. ?8 "0 ni? ub andami b f eol leq imiioJ J49 9i'

:i:»/ DU PIN SYLVESTRE.

2S

pour l'écart moyen relatif correspondant à cet âge. Cette formule donne

en effet pour les nombres destinés à remplacer ceux du petit tableau

précédent : '

0,288; 0,200; 0,U1 >.

Nous avons voulu connaître pour chacune de nos stations les épais- seurs maxima et minima des couches annuelles. On les a déterminées en prenant dans chacun des tableaux I , II , III et lY , le groupe de couches dont l'épaisseur, divisée par le nombre de ces couches, donne le plus petit quotient; en voici le tableau:'-'"^'* "^'*'''" ^" '*^''"' '

'(

KAAPIOUII.

I'I.1.1.U.

i.tfUE.

HALLE.

H4GCENAD.

1 1

. . \maximxtm. Epaisseur

( minimum .

1»-,90 0,10

2">",21 0,22 =

4"-,52 0,32

5—,98

o;si

0,5

Ces nombres ne sont que des approximations, car nous n'avons point compté de couche en couche, et dans une série de 25 ou 50 couches, il s'en trouve toujours de plus grandes et de plus petites les unes que les autres. L'épaisseur maximum réelle surpasse donc celle de notre ta- bleau. L'épaisseur wtnimMm réelle est au-dessous de celle que nous in- diquons. Entre le 50*= et le 60«= degré de latitude , il est difficile de trouver des couches annuelles d'une épaisseur moindre que 4 de millimètre; dans le Nord, au contraire, il en est dont l'épaisseur est moindre que J de millimètre. :»,i(it;/jii>' iti til <:;;yiijtil) innimnwu /.iiny^t

En parcourant les nombres si variables qui composent une des co- lonnes des tableaux I, II, 111 et IV, nombres qui expriment des me- sures de couches correspondantes à la même période de la vie du végétal , on pourrait croire que ces grandes différences proviennent des influences variables des années bonnéis oii 'mauvaises ; ainsi, le Pin n" 68 de la série de Halle a acquis de dix à vingt ans une épaisseuf

^iju i»;

'^4

Voyec la note M.

jj uixsnioii al \

Ce sont les 8 dernières couches du Pin n' 15 qui fournissent ce nombre.

' Ce nombre est fourni par les -4 dernières couches du Pin n" 37.

sjoo el ji9V"V '

24 RECHERCHES SUR LA CROISSANCE

de 13™™,7 , tandis que le rayon du Pin 71 s'est accru pendant la période correspondante de SI"""',?. Mais cette opinion n'est point fondée : en effet, une période de 25 ans est à peu près suffisante pour reproduire constamment les mêmes valeurs moyennes de tous les éléments météorologiques qui déterminent le climat d'un lieu donné. C'est donc dans le sol, dans la perméabilité différente des di- verses couches ou zones que traversent successivement les racines que nous devons chercher la cause de ces anomalies , et non dans les va- riations météorologiques des années successives. Ainsi nous avons vu , en effectuant nos mesures sur les troncs des Pins , que les couches épaisses comme les couches minces étaient disposées sur chaque arbre par groupes ou séries composées d'un nombre très-variable de couches, parfois 3 ou 4 seulement, quelquefois 10, 15, 20, ou plus encore. Dans les mêmes années pendant lesquelles un ar- bre souffre ou prospère, un arbre voisin se trouvera dans des con- ditions inverses. Prenons pour exemple ceux de Pello , tous coupés en 1838. Voici les exemples les plus remarquables de couches très-serrées :

Le pin n" 28 avait des couches très-serrées correspondantes aux années 1798 1812

n»32 1773—1813

( _ _ _ 1793—1798

I _ _- 1813—1819

Ainsi l'indépendance entre la croissance d'une couche annuelle et celle de la couche précédente n'est pas complète. Si une couche est plus ou moins large que la couche moyenne du même âge , c'est une raison pour que la suivante se trouve aussi dans les mêmes conditions. Mais cette dépendance est bornée; elle cesse de se faire sentir au bout d'un certain nombre d'années, qu'on peut estimer grossièrement à dix ans par exemple. Nous allons vérifier ces faits de la manière suivante : sé- parons les vingt Pins du tableau I en deux groupes distincts, l'un composé de dix Pins dont la croissance a été la plus forte pendant le premier demi-siècle; l'autre composé de dix Pins dont la croissance a au contraire été la plus faible , et prenons les moyennes des accroisse-

30/. DU PIN SYLVESTRE. j

m

ments pendant ce demi-siècle et le demi-siècle suivant, nous auroiialie tableau que voici :

KAAFIORD.

taot OL

Uoif n

il

'k

:U\) t.' \tl /,\t\ illfcll 1

ANIVËES.

Premier groupe Second groupe

DlFFÉREFTCE

0—50

06,77

33,03

60-100

44,79 '•-•flfWrUt

5,26

> f l!

500—150

32,07

5,01

il II >'! " '<•' 1

Il est évident que la grande prédominance du premier demi-siècle ne se, continue pas pendant les demi-siècles suivants. Pour arriver à des résultats plus concluants, faisons de même pour Pello.

.ti iii>'.' PELLO." <■''■"■ •' -f v.i.YT ..i.i iia ï|||n

ad

ANNEES.

iqirr

.-r »-''-

Premier groupe Second groupe

Mïftr,

DiFFKBEMCE

43,36 39,06

13,30

25-50

36,73 53,28

9,47

50-75

23,83 23,49

.'i.si

Eh partageant les vingt-sept Pins de Geffle en trois groupes de neuf arbres chacun, d'après leur degré,4^ p^9,ii;f^^ce,,|)pTid^H^ les 25 premières années, nous trouverons :. ^.jngbèo'jiqDfbiioanlobdHoi

GEFFLEi" '"''"">' i.f ^iffii '^l'i'éi.f pifioHi oo

n\

iA Jui>i

il« t(1*i««ÉE8. t 9J. eh ., 5")*-#l .•

n xîlabéJ/nl

JQ u-

Premier groupe . Deuxième groupe Troitiéme groupe

; '\ >:i.\:\ ' .J'«B 9:

Différence du \- et du sraine, f.

Idem du 9~ et du 3"* groupe .

ToM. XV.

as-^50

60-r76

71,8 .

30,0

n

55,2 46,5

ir.> tà,i

41,2 37,5

14,4

76—100

Tiioq Uyo

27,8

S4.8

11/ S3,8

isq

ir.q

.noo

' Uli

26 RECHERCHES SUR LA CROISSANCE

Il est donc bien établi que la grosseur des couches d'une période exerce une faible influence sur celle des couches de la période qui la suit immédiatement. Les différences, en ne prenant que les moyennes , forment la série suivante :

PREHIÈRE PÉRIODE. DEUXIÈME PÉRIODE. TROISIÈME PERIODE.

Différence . .i'J4ip iJij^ 22,1 -4- 7,7 - 0,45

Série qui met cette influence en évidence. Nous devions nous attendre à ces résultats. Le trait de crayon destiné à marquer sur nos bandes de papier ' le terme de chaque cinquantième ou vingt-cinquième cou- che , doit nécessairement tomber plus d'une fois sur une de ces séries bonnes ou mauvaises, lesquelles se trouvent ainsi scindées en deux et chevauchant à la fois sur deux périodes successives. II n'est donc pas étonnant que ces deux périodes subissent en partie les mêmes in- fluences. Mais à part cette action locale et bornée, laquelle se trans- met en quelque sorte au contact et d'une couche à sa voisine, l'ac- croissement lent ou rapide de l'arbre pendant les premières années de sa vie ne préjuge rien sur son accroissement pendant sa vieillesse, ce qui justifie le principe sur lequel nous nous sommes appuyés dans la note B, pour mettre les épaisseurs moyennes des dernières années à l'abri des erreurs qu'eût pu produire l'inévitable élimination des Pins les moins àeés., ,. •.

Le résultat auquel nous venons d'arriver est certamement remar- quable, car il prouve la faible influence des causes constantes consi- dérées comme agissant pendant la vie de l'arbre. Ces causes cons- tantes se réduisent au mode d'exposition et à la nature générale du sol ambiant. Ce résultat est donc peu d'accord avec les différences que nous ont fournies les écarts moyens relatifs correspondants à chacune de nos quatre stations. Des observations plus nombreuses, des données plus précises sur les circonstances dans lesquelles ces arbres ont vécu, auraient certainement levé cette contradiction apparente.

Voyez p. S.

DU PIN SYLVESTRE. ti i7

La dernière question que nous allons examiner est celle du change- ment séculaire que la végétation a pu éprouver dans le nord de l'Eu- rope. Les observations météorologiques auxquelles nous pouvons ajouter quelque confiance, datent à peine d'une centaine d'années; les petites variations climatériqiies des siècles précédents nous sont donc entièrement inconnues. Les épaisseurs des Pins séculaires du Nord, ne pourraient-ils fournir à cet égard quelques utiles indica- tions? Un changement de en latitude, lequel correspond à peu près à un changement de 0",5 C, sur la température moyenne du lieu, fait varier le coefficient a ou l'épaisseur de la couche centrale de 0'""',136, c'est-à-dire d'une quantité qui, selon la latitude, vaut de | à ,'j, de la valeur de a.

Au moyen de deux séries de cent arbres chacune, et en se bornant A mesurer les 100 premières couches, on peut espérer d'obtenir la valeur de ce coefficient un ,\^, près dans chaque série. La diff(érence des deux valeurs obtenues serait ainsi connue à ^'g. près, comme le prouve le calcul des probabilités. Si donc une variation de 0°,5 avait eu lieu depuis 200 ou 300 ans , on la mettrait certainement en évidence par ce moyen. A Kaafiord, on pourrait ainsi constater une variation de température qui ne serait que de 0°,3. Mais nos observations ne sont pas assez nombreuses pour nous mener à un pareil résultat. Elles sont en outre entachées d'un vice dont l'importance est radicale dans une semblable détermination, quoiqu'il n'altère que faiblement tous les résultats auxquels nous sommes arrivés jusqu'ici. En effet, les conclu- sions relatives au changement de climat ne seraient parfaitement légitimes , que dans le cas les Pins abattus auraient été pris entière- ment au hasard, et sans distinction de plus grande ou de moindre grosseur. Or, tel n'était pas certainement le cas des Pins sur lesquels nous avons opéré. IndiffiéreUt à leur âge, que d'ailleurs il ignorait, le bûcheron s'est de préférence attaché à choisir les troncs les plus gros, et si déjeunes Pins se sont trouvés môles aux arbres abattus, c'est parce que leur croissance était supérieure au développement moyen des arbres de leur âge. Pour pouvoir conclure légitimement

28

RECHERCHES SUR LA CROISSANCE

dans une recherche pareille , la coupe doit avoir lieu sans distinction de grosseur et dans les lieux la hache n'a pas encore pénétré, afin de se ménager l'observation de ces Pins âgés , que leur croissance vi- goureuse aurait pu désigner bien des années auparavant à la cognée du bûcheron. Pour être à l'abri de toute cause d'erreur, il faudrait s'assurer en outre si les couches anciennes du Pin sylvestre ne conti- nuent pas à croître un peu pendant les années qui suivent leur forr^i mation , quoique le contraire soit généralement admis.

Si l'on partage la série de Kaafiord en deux groupes dont les âges moyens diffèrent de 91 ans, on trouve pour l'épaisseur moyenne des 100 premières couches 93"™,6 dans le groupe le plus âgé, et 90""",0 dans le groupe le plus jeune. On pourrait donc penser qu'à Kaafiord la végétation s'est ralentie.

La série de Geffle conduit à un résultat opposé. Partagée en trois groupes dont les âges moyens respectifs sont 295 ans, 189 ans et 140 ans, on trouve pour l'épaisseur moyenne des 100 premières cou- ches 131™'",6 dans le groupe le plus ancien; 189,8 dans le second groupe, et 197,2 dans le groupe le plus jeune.

Ces derniers résultats indiqueraient indubitablement une amélio- ration de la végétation , si les Pins que nous étudions avaient été pris au hasard ; mais cette condition n'ayant pas été remplie , on ne peut rien conclure de ces faits. q

-f)ij

lïl.

DE L'EXCENTRICITE.

M '"'

)ient bi

alViliJf;! r.l ^iir t».^ . -, . , ,

11 est rare que les Fins soient bien exactement centres ; la partieuj

larlté s'observe même dans la plupart des autres arbres. Sur quelques-r uns des plus excentriques, nous avons mesuré les deux demi-diamètres inégaux qui, réunis, composent le diamètre moyen passant par le cen- tre de figure. Voici le résultat de ces mesures.

^i>b iï)

pi'^^i^:^ -•'"

N"1.

N-S.

IV-5.

N»11.

K" 13.

N»17.

N-33.

N"46.

N"67.

Plus grand rayon. Plus petit rayon.

183,0 100,4

177,8 130,4

143,8

115,8

170,3 145,3

146,6 130,4

166,6 150,8

148,0 106,0

390,0 185,0

370,0 260,0

?TT/'/, DU PIN SYLVESTRE.!I'II'->'IH 29

nL'excentricité maximum est celle du 46; le rapport est cellif> de 9 à 19. Nos mesures sont trop peu nombreuses pour qne nonS' puissions on déduire l'excentricité moyenne. Il serait intéressant de savoir si cette excentricité tend à s'effacer de plus en plus à mesure que l'arbre avance en âge, ou si elle tond au contraire à persister. Les mesures que nous avons prises de 25 en 25 couches sur les deux rayons opposés , nous font pencher vers cette dernière opinion , qui se trouve en harmonie avec l'explication que Buffon et Duhamel don- nent de ce fait. ) «o bi6rlr,r.>I.»b fiii^w ni o^jatir;

Il arrive aussi quelquefois que l'arbre, d'ailleurs assez exactement centré, est sensiblement aplati. Alors sa section horizontale n'est plus un cercle mais un ovale. Ainsi sur lo Pin 19, les deux rayons per- pendiculaires entre eux avaient pour longueurs respectives 291 """,6 et 229«»»™,0. Le rapport est celui de 127 à lOO.noj •jm-iiu ji

, . . , ">ÏR »m\ Jnti- r. M^:

,, MjJV. :— 7,I)E LfUMITE DE l'aIIBIÇ», , / ,t(Vtt fin ;-n.. '

' La séparation entre l'aubier et le bois parfait est assez nettement indiquée sur les troncs des Pins septentrionaux 3 elle est moins dis- tincte dans nos zones tempérées. Nous ne l'avons notée qu'un petit nombre de fois. Le nombre des couches de l'aubier, compté à partir de la couche la plus récente, a été trouvé de 50; 67 et 114, sur les Pins n* 2, 10 et 13. La largeur moyenne de l'aubier embrasse donc 77 couches ou 77 années. C'est donc aussi en moyenne le temps né- cessaire à la transformation de l'aubier en bois parfait , sous la latitude de Kaafiord, en admettant, ce qui n'est point encore démontré, que la transformation de l'aubier en bois se fasse toujours dans le même espace de temps pendant toute la vie de l'arbre '..,.'

V. DE LA POUSSE DU PIW EN HAUTEUR. * ^" *"''

Nous avons fait quelques observations sur la pousse en hauteur des Pins de Geffle et de Pello; en voici le résultat :

' Voy. De Candolle, Organographie , f. I, p. 174 et suivantes.

50 RECHERCHES SUR LA CROISSANCE

ntii

Pin 33 . .

. 10°',86 en 58 ans.

Pousse annuelle. .

. 187""°

.b

Pin 36 . .

. 10", 83 en 47 ans.

. no

ib

Pin 61 . .

. 15»,0-4 en 60 ans.

>. . .

. "251

Pin 66 . .

. 19"', 13 en 119 ans.

. 161

. 207"""

MOTERRES.

. I3"',96 en 71 ans.

La pousse annuelle moyenne vers le 64^ degré de latitude est donc de 207 millimètres. Vers le 70" elle est certainement beaucoup plus petite. En effet , les vieillards des environs de Bosekop nous assu- raient que les Pins qui entourent le village n'aVaient point grandi depuis qu'ils les connaissaient. Leur hauteur ast de 5™ à lO'"; rare- ment ils atteignent celle de 15 mètres.

A mesure que l'arbre s'élève, la section horizontale du tronc de- vient de plus en plus petite, et le nombre de couches qui lu compo- sent est uécessairement inférieur à celui des couches de la section du pied. Les diamètres des deux sections s'accroissent en même temps, mais l'on peut se demander s'ils croissent également vite_, ou, en d'au- tres termes, si l'épaisseur des couches contemporaines estla mémedans le haut et dans le bas. Pour le découvrir, nous avons mesuré des sec- tions faites au petit bout du tronc, et nous les avons comparées avec les accroissements contemporains qui leur correspondent dans la partie extérieure du rayon de la section faite au pied de l'arbre.

Pin n" 35. Accroissement du rayon infér. en 108 ans = 76°"",7. Rayon super. 94°'"',0

Pin 36. en 123 ans = 75°"",2. 85"'"', 0

Pin 61. en 196 ans = 197'"'°,2. 145"'"',0

rtn 66. _ en 254 ans = I53"'"',0. 142'">",0

Accroissement moyen dans le bas. .... I25"""',5, dans le haut . 126"'"',5

Cette correspondance se soutient même dans les détails : ainsi le tronc du Pin n<> 35 , mesuré à son extrémité supérieure , nous a offert une série de couches minces correspondantes aux années 1789 à 1799, et 1813 à 1819.

De résultent deux conséquences , la première c'est que l'obliquité de l'arête externe du cône formé par le tronc doit rester la même peu-

DU PIN SYLVESTRE. 61

dant toute la vie de l'arbre, on , en d'autres termes, la surface externe des couches doit former constamment le même angle d'inclinaison avec l'axe du tronc. Cet angle de décroissement , calculé pour chacun des quatre arbres, a les valeurs suivantes :

0»I6' 0°10' 0»30' 0'28'.

La moyenne générale est 0111'. L'obliquité de l'arête externe relati- vement à l'axe est donc de { de degré environ.

La seconde conséquence est relative à la pousse annuelle elle-même. 8i cet angle est en effet constant, cette pousse annuelle en hauteur ne saurait l'être, puisque les accroissements annuels du rayon de la base auxquels elle correspond , deviennent de plus en plus petits ; cette pousse devient donc do plus en plus petite , et la hauteur H de l'arbre est liée au rayon r de la base par la relation

d'où

r :

= H tang.

(o-ai'),

H

= 164r =

IQian

n exprimant le nombre d'années correspondant à l'âge de l'arbre, o et b les deux valeurs de nos coefficients , pour le point du globe que l'on considère. Si cette manière de voir est exacte , et si l'on admet le pa- rallélisme des surfaces de couches successivement emboîtées les unes dans les autres comme étant leur état normal, la valeur de 207 mil- limètres trouvée ci-dessus comme représentant la pousse annuelle moyenne sous le 64<^ degré, ne conviendrait, comme le montre te premier tableau de la page précédente , qu'aux premières années de la vie de l'arbre.

YL DE QUELQUES ACGn)ERTS DE LA VÉQÉTATIOW DD PIIÏ SYLVESTRE.

•'Bans les hautes latitudes, surtout à partir du 63^ degré, les Pins offrent quelques particularités de croissance assez remarquables. Sou- vent la pousse terminale est détruite; un vent violent peut la casser, comme nous l'avons vu sur les Sapins de la vallée de Grindelwald, en

^ RECHERCHES SUR LA CROISSANCE

Suisse, après l'ouragan du 17 au 18 juillet Î841. Le coq de bruyère (Tefrao urogallus , L.) , si commun dans les forêts de la Suède, se perche toujours au haut des Pins et des Sapins , et nous avons vu sou- vent leur extrémité se courber sous le poids de cet oiseau , dont le vo- lume égale celui du dindon. Enfin il paraît que deux Vhalènes (Tortrio! BuolianajTahr.et T. turioniana, L.) attaquent souvent cette pousse terminale '. Alors, parmi les branches qui l'entourent, il en est deux toujours opposées qui grossissent plus que les autres, et le tronc se bi- furque. Les mêmes remarques s'appliquent au Sapin [Abies excelsa, Poir.). Dans le JXord on voit souvent des Sapins bifurques à une grande hauteur , d'autres qui le sont à un ou deux mètres du sol. Ces accidents de végétation ne se voient pas exclusivement dans les contrées boréales de l'Europe; car nous les avons rencontrés assez souvent en Suisse. On peut les observer sur le Pin dans les forêts voisines de Bâle ; pour le Sapin , dans celles qui se trouvent entre Berne et Aarberg. Si l'on compare le mode de bifurcation dans les deux arbres , on verra que dans le Sapin les deux branches de la fourche sont raccordées entre elles par une petite courbe concave vers le ciel, tandis que dans le Pin les deux branches font un angle aigu entre elles.

Autour de Kaafiord, un grand nombre de Pins portent des bouquets formés de branches étroitement entrelacées entre elles, et dont l'aspect rappelle tout à fait celui de notre Gui {Viscum album j L.), A mesure qu'on s'avance vers le Sud , ces bouquets deviennent moins communs, et en Suisse je me rappelle n'en avoir observé qu'un seul dans la vallée de Saas , non loin du village de Zerschmieden.

Tel est le résumé de nos observations sur la croissance du Pin. Nous avons aussi mesuré l'épaisseur des couches annuelles sur des Chênes [Quercus robur, L.) à Geffle, et sur des Frênes {Fraxinus excel- sior, L.) à Upsal. L'étude de la croissance de ces arbres, qui dans ces deux localités sont à leur limite extrême, comparée à celle des mêmes espèces en France et en Italie , pourra fournir d'intéressants docu- ments pour la physiologie végétale.

' Voy. Ratzeburg, Die Forst Jnsecten , t. II , p. 202 à 209 , et tableau XIV , fig. 4x et Sx.

DU PIN SYLVESTRE. 33

Vir. DE l'accroissemiînt des pins de la forêt de dagleivâu

( BAS-RHIN ).

Notre travail sur les pins du Nord était déjà terminé lorsqu'un habile forestier, M. Millet, voulut bien nous communiquer des mesures sem- blables aux nôtres, qu'il avait faites avec M. Nanquet sur des Pins de la forêt domaniale de Haguenau , près de Strasbourg. Nous les donnons dans le tableau YIII, Aux pages 20, 22 et 23, on trouvera les écarts moyens relatifs, semi-séculaires et séculaires, et les épaisseurs maximum et minimum de ces Pins. La forêt ils ont été abattus est située par lat. 48»43' N., long. 5"27' E., et à 144 mètres au-dessus de la mer. Le sol est un sable siliceux , frais , contepant un peu d'hu- mus. Son climat est celui de Strasbourg, qui n'en est éloigné que de trois myriamètres. D'après 15 années d'observations du professeur Herrenschneider ', la moyenne générale de l'année est de9°,8; celle de l'hiver i'',4: celle de l'été 1 7%8.

Si l'on jette les yeux sur le tableau VIII , on verra que la loi que suit la moyenne épaisseur des couches annuelles successives est bien diffé- rente de celle que suivaient les mêmes couches dans le Nord. Dans les premières années, l'accroissement va en s' accélérant; il atteint sa plus grande valeur vers 40 à 50 ans; après quoi il décroît lentement d'abord , puis avec une rapidité qui devient très-marquée vers l'âge de 100 ans. (VoyAa planche.)

Il est impossible d'exprimer toutes ces variations au moyen d'une formule aussi simple que celles que nous avons employées dans le courant de ce mémoire. Après quelques tâtonnements, nous avons trouvé que la formule propre à donner la valeur de l'accroissement annuel, c'est-à-dire de l'épaisseur e d'une couche au bout d'un nombre n d'années était :

3""»,80

/»— 50\ï l

'■"68"]

' Résumé des observations faites à Strasbourg de 1811 à 1820. {lUimoint de la Société des iciencesetarit de Slrasbourg, vol. II. )

To«. XV. 5

u

RECHERCHES SUR LA CROISSANCE

Si l'on veut calculer de suite la grosseur du pin moyen de Haguenau, lorsqu'il a vécu n années on obtient le demi-diamètre en multipliant 4mra^078 par la valeur en degrés et fractions de degré de l'arc qui a pour sa cotangente ^humoï bI teq ^shatte

102,7

ri\''î t

0,794.

En calculant les rayons successifs de l'arbre pour w=l 0=20=30, etc., nous avons obtenu les résultats suivants : '

TABLEAU DE LA LONGUEUR DU RAYON DE l' ARBRE ENTRE 10 ET 150 ANS.

8U0.

^•^ Isoswp

20

30

40

50

60

70

;iJ-

54 , 2 87 , 0 123 , 0 160 , 6 198 , 2 234 , 2

80 90 100 110 120 130

267"",0 296 , 0 321 , 2 342 , 8 361 , 2 377 , 0

C'est d'après cette formule que nous avons tracé la courbe de croissance des Pins de Haguenau sur notre figure. Cette courbe est presque une ligne droite pendant tout le premier siècle de la vie de l'arbre, surtout si l'on compare sa faible courbure à celle des quatre lignes du Nord. Les Pins de Halle croissent d'abord plus vite que ceux de Haguenau; leur grosseur est la même vers l'âge de 30 ans. delà, le Pin français l'emporte de plus en plus sur l'autre. ' "■ ^''

Dans le cours du mémoire, nous avons fait remarquer que la for- mule des Pins de Halle ne représentait pas exactement l'observation. La courbe de Haguenau nous a fait présumer par analogie, que nous serions plus heureux en essayant la forme suivante, qui représente la longueur du rayon r au bout de n années : .m ^<jyflv)iioa cjU

VY^r^ DU PIN SYLVESTRB.f Tii) IJI 55

,nHnof«^BH'»im'>/omiTif|/ii,a x «rc. (cotang. -) , r'>leoJu9/n<»'l iH

8J)'lèe qui revient au même, en exprimant l'épaisseur eâli "bout de n années par la formule - i. r;>i,cJoo o^ :m m,

ft'W^i.lt

I -+-Bnî

Les nombres a, h on A, B doivent être déterminés par l'observa- tion. L'accroissement annuel e des pins de Halle est alors assez bien représenté par la formule

«U TH 0^ Bfliy/f afia«A'.i :<« r.*\{m m MfsaoHOJ aj au 'i/^jh/t $«■,3 MO-»

l«0 + «»

'-ÏÔÔ ; !

Toutefois, cette formule n'est guère plus exacte que celle <|ùe nous avons employée dans le cours du mémoire.

VIIL DES CONDITIONS DE L4 DISTRIBBTION GEOGRAPHIQUE DU PIN SYLVESTRE

SUR LE CONTINENT EUROPEEN.

L'ensemble de ce mémoire prouve que le climat et le sol ont une influence bien différente sur la végétation du Pin sylvestre. En effet, l'épaisseur des couches annuelles diminue à mesure qu'on s'approche, du pôle, c'est-à-dire , à mesure que le climat devient plus rigoureux ;, mais la température est sans influence sur la vigueur de la végétation pendant toute la durée de la vie d'un arbre. Ainsi les Pins de Pello, quoique ayant un accroissement initial plus rapide que ceux de Kaa-, fiord , ont une décadence plus prompte. L'épaisseur des couches de, ceux de Halle diminue plus rapidement que celle des Pins de Gefile , et l'accroissement des Pins de Haguenau, qui ont vécu sous un climat, très-peu différent de celui, de Halle, se soutient beaucoup inieux^ Ainsi donc le climat a une influence positive sur l'épaisseur moyenne> des couches, mais il n'en a aucune sur leurs variations accidentelles)

36 RECHERCHES SUR LA CROISSANCE

et sur la \igueur de la végétation, examinée pendant toute la durée du végétal. iqBiS; ! lioxirao

La distribution géographique du Pin sylvestre est une conséquence de cette double dépendance. En effet , tandis que certaines espèces européennes du même genre , telles que Pinus alepensis, P. pinea ,< P. laricio , sont pour ainsi dire parquées dans la zone tempérée de l'Europe^ tandis que le Pinus cembra ne croît naturellement que dans les régions glacées de la Sibérie^ et du Kamtschatka; ou sur les Alpes, l'Oural , les Carpathes et le Caucase , à des hauteurs variant entre 1500 et 2000 mètres ' , le Pinus sylvestris se trouve depuis la Perse septentrionale (lat. 36° N. ) jusqu'au nord de la Laponie (lat. 70° N.) et de la Sibérie orientale par lat. 65°1 5' , à l'embouchure de l'Ob dans la mer glaciale , contrée oii le sol est toujours gelé à cinq mètres de profondeur ^. L'espace qu'il occupe ne comprend pas moins de 34 degrés en latitude et 74 degrés en longitude. Il supporte également les climats continentaux et secs de la Sibérie^ des étés très-chauds succèdent à des hivers d'une rigueur extrême, et les climats marins et humides, à température égale de l'Irlande et de la Norwége. On le retrouve dans tous les pays intermédiaires compris entre les limites que nous avons indiquées , tels que la Grèce , l'Italie, la France , l'Allemagne, la Russie et la Péninsule Scandinave; mais il ne pros- père pas également partout , et si l'on examine quelles sont les con- ditions d'une belle venue, on verra qu'elles tiennent au sol d'abord, et ensuite à des éléments météorologiques autres que la température. Aussi partout ces conditions sont réunies, l'homme conserve ou aménage les forêts de Pins ; partout ailleurs il les néglige, les exploite comme bois de chauffage et les fait ainsi disparaître.

Examinons d'abord quelle est la nature du sol des belles forêts de l'Europe , de celles surtout cet arbre acquiert des dimensions telles qu'il puisse servir de bois de construction. En Ecosse % le Pin pros-

' Mirbel , Distribution géographique des conifères , Mémoires ne Muséum , t. XIII p. 28.

2 Erman , Beise uni die Erde, tom. I, p. 634 et 636.

3 LoudoD, Arboretum et Fruticetum britannicum, t. IV ,^.116^. ' '■■

DU PIN SYLVESTRE. H 37

père dam les terrains sablonneux ou très-légèrement argileux. Dans ceux la couche la plus superficielle du sol est tourbeuse , le sous-soL est du gravier. C'est dans les terrains de transport de l'Aberdeenshire ut dans des détritus granitiques, que sont plantées les belles forêts de Braemer et d'Abernethy. En France, le sol de la grande forêt de Haguenauest un sable siliceux frais, et contenant un peu d'humus. En Prusse , il en est de même. La présence du Pin indique un sol secl et léger. Les forêts de cette essence recouvrent d'une manière uni-^I forme les collines sablonneuses qui régnent depuis Langenboese jus-i qu'à Danzig. Entre Koenigsberg et Memel, entre Munich et Ratis4 bonne, le Pin occupe les parties sablonneuses; mais dès que le sol devient plus humide ou plus compacte, il est remplacé par le Sapin {Abies excelsa , DC). Pendant tout son voyage, depuis Berlin jus- qu'aux bords de la mer Glaciale, à l'embouchure de l'Ob, M. Erman a fait la même remarque. En Suède, les magnifiques forêts de Pins des environs d'Upsal croissent dans un sol sablonneux; mais dès que le terrain est humide, le Bouleau et le Sapin deviennent l'essence dominante. Autour de Kaafiord, c'est sur les terrasses d'alluvion, dans le sol léger du penchant des montagnes, que prospère le Pin sylvestre e> qu'il acquiert de belles dimensions; dès qu'il se trouve sur le roc nu il dégénère et se rabougrit.

Cette puissante influence du sol sur la croissance du Pin explique un phénomème de géographie botanique qui, depuis longtemps, avait frappé les voyageurs. En effet, le Pin et le Sapin s'avancent ensemble vers le Nord et s'arrêtent à peu près à la même limite , ou bien , si leur limite n'est pas la même , c'est le Pin qui s'approche le plus du pôle arctique. Dans les Alpes, au contraire, le Pin ne s'élève point sur le penchant des montagnes^ et reste bien au-dessous du Sapin qui cou- ronne leurs sommets ou couvre leurs flancs j usqu'à une grande hauteur. C'est au changement dans la nature du sol qu'il faut attribuer cette différence. Très-souvent, en effet, la limite du terrain de transport est aussi celle de la végétation du Pin à l'état d'arbre. Voici quelques exem- ples pris en Suisse, oii nous les avons observés. Dans les plaines dont le

58 RECHERCHES SUR LA CROISSANCE

sol est alluvial comme aux environs de Bàle ou du lac de Thun, le Pin forme des forêts assez belles; mais il ne s'élève pas sur les montagnes, ou bien il se rabougrit, se couche sur le sol et forme la variété con- nue dans le pays sous le nom de Krummholz, et que Suter ' a élevée au rang d'espèce, sous le nom de Linus montana. Mais les Pins en arbres à tronc droit cessent ordinairement dès que le sol n'est plus un terrain de transport ou bien un sable sec et léger. Sur les deux versants du Simplon, le Pin s'élève très-haut. Sur le versant septentrional on le trouve sans interruption, jusqu'à 1555 mètres au-dessus de la mer % et nous en avons encore observé un bouquet à ISOO'^^ au-dessus de la mer près de la galerie de Kaltwasser. Au Sud, ils s'élèventjusqu'à 1270 mètres. Aussi sur les deux versants, le sol est-il formé de sables mica- cés, dus à la décomposition des gneiss qui constituent le squelette de la montagne. Entre Stalden etZerschmieden,dans la vallée deSaas, en Vallais , à 900 mètres au-dessus de la mer , on traverse un petit bois de Pins plantés dans un sable siliceux. Dans cette localité, le Pin s'arrête à la même hauteur que la vigne. Au-dessus de Sumvix, dans la vallée du Rhin postérieur, cet arbre couronne des caps formés de terrains de transport dont le sommet est à 1 100 mètres au-dessus de la mer. En Piémont, dans le val Tornanche, il cesse à 870 mètres, c'est-à-dire au-dessous de la limite de la Vigne et des Noyers. Ainsi, comme on le voit, le Pin s'arrête en général bien au-dessous du Sapin , dont la limite moyenne peut être fixée à 1800 mètres environ.

Ce serait une grande erreur de croire que la rigueur du froid em- pêche cet arbre de s'élever plus haut, car nous avons vu qu'il végète sous le climat humide et avec les étés sans chaleur du Finmark , et qu'il supporte les étés courts, chauds £t,l^ï|]i^çgp,êijiyi?,d'j^y^jjs^ç^ et froids de la Sibérie asiatique. : . , \ „.f.-.^..> ,..,j^

Toutefois , il est d'autres circonstances météorologiques dont l'apf, préciation n'est point à négliger. C'est le vent et la neige. Le vent em- pêche les arbres de grandir et les couche sur le sol , comme on le voit

' Flora helvelica, t. II , p. 273.

2 Cette mesure et les suivantes sont barométriques. .

.imA^. DllPIN SYLVESTRE. > 30

snr les bords de la mer. A Kaafiord même, qui est au fond d'un golfe étroit et profond , tous les Pins qui avaient crû dans des endroits dé- couTerts non abrités des vents d'Ouest, étaient rabougris et rampaient sur le sol. Un grand propriétaire de forêts en Norwége, assurait à M. White ', que les Pins ne s'élancent que dans les plaines et lors- qu'ils sont réunis en forêts, parce qu'ils peuvent alors résister à l'effort des vents. Isolés ou sur des hauteurs près de la mer, ils se rabougrissent ; Si le Sapin ( Epicéa ) ne se rabougrit pas comme le Pin , c'est que son tronc est plus élastique , et que sa forme pyramidale ne s'oppose pas ail rapprochement des arbres. Ils cèdent à l'effort du vent en se protégeant réciproquement, et relèvent la tête dès que la tourmente est passée. Le Pin , au contraire , forme des bois moins touffus , et le vent renverse ou brise les arbres écartés les uns des autres. Quand ils sont trop rappro- chés, lien résulte, suivant M. Kasthofer ", un autre inconvénient : la neige s'accumule entre les feuilles, et finit par former une couche épaisse et continue , qui fait plier les branches et couche le jeune massif qui ne se relève plus. Mais, {ijoule le même auteur, si l'on sous^ trait cet arbre à l'action du vent et au poids des neiges, il supporte très-bien le froid et réussit encore au-dessus de la région de YAhies excelsa ei àxi Pinus cembra. i«'<^i Ij" '

ç Ir'UkJ. ... i . ^

K&^i— DE QUELQUES CONDITIONS ESSENTIELLES POUR OBTENIR EN FRANCE DES . PINS PROPRES AUX CONSTRUCTIONS NAVALES.

Si l'on tentait (!;(tièlques essais pidni^plànfèir d'esr forêts de PiiTsqÀi, jiar la suite des siècles, affranchiraient notre marine du tribut qu'elle paye à la Suède et à la Russie, peut-être ce mémoire pourrait-il four- nir quelques indications utiles. En effet, pourque le Pin soit propre à être employé aux constructions navales , il faut qu'il réunisse les con- ditions suivantesr^r'"'' "'*^^«»' ley il ,8ioiyï.hH

Les troncs doivent être droits sur une longueur de 20 à 30 mè-f très et présenter un diamètre de 3 à 7 décimètres à leur base ; *^^*^1

' Loudon , /. c, p. 2170.

3 Guide dans les forêts , 1. 1 , p. 80 à 84.

40 RECHERCHES SUR LA CROISSANCE

*' 1p Pour qu'ils aient l'élasticité requise, l'épaisseur moyenne des couches ne doit guère dépasser un millimètre; c'est celle des Pins de Geffle, qui sont si propres à la mâture. Si les couches sont plus épaisses, le bois est mou, spongieux, sans consistance et sans durée; si elles sont plus minces, il devient plus lourd et moins élastique.

On obtiendra une belle croissance en choi^ssant un terrain et une exposition convenables. En effet, si l'on fait des semis ou des planta- tions de Pins dans des localités le terrain soit un sable siliceux sec mêlé d'humus ou seulement recouvert d'une légère couche de terre végétale , le Pin croîtra rapidement ; mais il ne s'élancera pas, s'il n'est protégé contre les vents régnants par des massifs de montagnes et à l'abri des chutes d'avalanches et des inondations.

Pour remplir la seconde condition, c'est-à-dire pour que les cou- ches annuelles aient une épaisseur d'un millimètre environ , il faut faire ces plantations à une hauteur telle, que le climat se rapproche autant que possible de celui de la région intermédiaire entre Her- noesand et Upsal, région qui fournit les Pins aux constructeurs de Geffle. Voici les températures moyennes de ces deux villes :

Année 3,3

Hiver 3,7

Upsal . . ^ Printemps 3,4

Été 1S,1

Automne 6,2

Année 2,8

Hiver ' . . 8,1

Hernoesai^d. / Printemps 0,2

Été 13,4

Automne . . " 8,6

Pendant l'hiver de ce pays, la végétation du Pin est complètement suspendue. Dans les plaines de la France , au contraire, cet arbre croît pendant tout le cours de l'année, et ses couches acquièrent quelquefois un centimètre d'épaisseur. Même à Haguenau, les hivers sont plus

DU PIN SYLVESTRE. il

froids que dans la majeure partie de la France, l'épaisseur moyenne des couches annuelles est de 2"'" ,80 , c'est-à-dire presque triple de celle de Geflle. On voit donc qu'il faut s'élever sur les montagnes si l'on veut trouver un climat dont l'été soit assez court pour que la couche annuelle qui se forme n'ait eu moyenne qu'un millimètre d'é- paisseur, et l'hiver assez rude pour arrêter complètement la végétation. En s'appuyant sur un travail dans lequel M. Kaemtz ' u donné pour chaque mois de l'année le décroissement de la température avec la hau- teur, déduit des observations de Genève comparées à celles de Saint- Bernard et de celles de 30 lieux situés en deçà et au delà des Alpes, on trouve que pour avoir un décroissement moyen de la température de C.jil faut s'élever :

En moyenne de 188*"

En hiver de 230

Au printemps de 170

En élé de 166

En automne de 187

Gîla posé, quand on connaîtra les températures moyennes d'une ville située au pied d'une chaîne de montagnes, on saura à quelle hauteur on pourra faire avec avantage des plantations de Pins sylvestres pro- presaux constructions navales. Ainsi prenons les Vosges pour exemple. Le climat de Strasbourg est le suivant :

Année 9?8

Hiver 1,1

STkASBociG. / Printemps 10,0

Été 18,1

Automne 10,0

D'après cela, pour trouver un climat analogue à celui d'Upsal, il faudrait s'élever au-dessus de Strasbourg :

' forUtungen ueber Météorologie , p. &44.

ToM. XV. 6

4i RECHERCHES SUR LA CROISSANCE

8n0768 aif on eiotol^n moyenne de 846°>^,g^finil «sb IdflHok

Jnuniwq fl9 çTO j 19^" '"^®'' '^'^ " '•^ném ^'*^* Jao noonsha 9op

. 1,. . , ^ Au printempsde . . . . . . 1122 - '.

-iTAbJsâvônD '^ , ^ 'Jaioqjuoa

En été de . . 493

-oaq-' •'{fi.iioii^n;;-^^^/^^; ; 'Joiij^sq ^^g ^moj us *9^ non;g

Ur, Strasbourg étant lui-même a 144 mètres au-dessus de la mer, c'est dans une zone comprise entre 800 et 1 200 mètres qu'on pour- rait espérer d'obtenir des arbres propres aux constructions nava-^ les, en choisissant convenablement le sol et l'exposition. A cette limite extrême de 1200™, l'été serait assez chaud, car sa moyenne ne différerait que de I°,7 à celle d'Hernoesand , et nous avons vu dans le cours de ce mémoire qu'il y avait encore de magnifiques Pins au nord de cette ville. Si l'on s'élevait plus haut , la violence des vents empêcherait les arbres de s'élancer; plus bas, la douceur des hivers n'arrêterait pas suffisamment leur végétation , et les couches annuelles deviendraient trop épaisses; ainsi donc, c'est dans les limites de la zone indiquée que les plantations devraient être faites. Toute- fois on ne saurait se dissimuler l'infériorité des climats de montagnes, sur les climats des plaines du continent européen. En effet, ce qu'il faut pour que le Pin acquière un beau développement , c'est un été chaud de 13° à 14" en moyenne, et un hiver rigoureux, dont la moyenne est indifférente, pourvu qu'elle soit au-dessous de 4°; mais, malgré ces désavantages, on aurait tort de se décourager, car de l'autre côté du Rhin, les Pins de la Forêt Noire servent aux con- structions de la flotte hollandaise.

C'est surtout dans les départements des hautes Alpes et de l'Isère qu'on devrait faire des plantations de Pins. Les vallées que parcourent la Durance, l'Ubaye,, le Drac, la Romanche, l'Arc et l'Isère, sont remplies de terrains de transport souvent disposés en terrasses ; mais le manque de données hypsométriques et climatologiques sur les villes de Grenoble, Briançon, Gap, Embrun ou Barcelonette, empêche de

' Annuaire du bureau des longitudes 18-40, p. 247.

DU PIN SYLVESTRE. iJI 45

donner des limites altitudinales bien précises. Tontefois nous savons que Briançon est à 1306 mètres au-dessus de la mer; or, en prenant pour points de départ les températures moyennes de Genève et d'Avi- gnon, et en tenant compte des différences latitudinales et hypso- métriques des trois villes, on trouve que la moyenne annuelle de Briançon doit s'élever peu au-dessus de 6 degrés. C'est donc aux environs de cette ville, et jusqu'à une hauteur de 500™ au-dessus,, qu'on devrait tenter des plantations de Pins. Est-il besoin d'ajouter que ces données ne sont que des indications destinées à guider ui|| forestier instruit, indications que son expérience et l'inspection des lieux pourront modifiera l'infini. Heureux si ce mémoire renferme quelques vues utiles , et surtout s'il pouvait contribuer à éveiller la^ sollicitude du gouvernement sur l'indispensable nécessité de reboiser nos montagnes dans l'intérêt du commerce, de la marine et de l'aeri-c.

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NOTES.

Note A , p. 6.

Les arbres sur lesquels nous avons effectué des mesures n'ont point été coupés précisément à l'expiration de l'une de nos périodes conventionnelles de 10 , 23 ou 50 ans; leur âge n'est pas un multiple exact de ces nombres 10 , 25 et 50. Il reste des bouts de rayon excédants, que nous avons utilisés dans l'intérêt de l'exactitude de nos moyennes. Ainsi dans la colonne 125-150 du tableau II, les six arbres portant les numéros 23, 24, 25, 26, 27 et 28, fournissent les épaisseurs excédantes 12""",!, 15°"",1.... Le signe -i- placé devant un des nombres du tableau indique que ce nombre appartient à celte catégorie. Dans le cas actuel , la somme des six nombres est 90""*, 8, tandis que la somme totale desannées correspondantes vaut 16-t- 19-1-1 9 -4- 28-+- 2-4=125. Chacun de ces six derniers nombres est le reste arithmétique de la division de l'âge de l'arbre par le nombre 2o.

Pour former la moyenne des nombres de la colonne 125-150 de ce même tableau , nous ajou- tons à la somme 194""°,! , des douze accroissements des arbres n°" 29 5 40, la somme des bouts excédants ou 00™°<,8 ; mais en même temps nous augmentons le diviseur 12 d'un nombre égal au résultat , en/ier ou fractionnaire, de la division de 125 par 25; ici ce résultat est égal à 5,0, de sorte que le diviseur définitif est égal à 12-f-5,0 ou 17,0. Les diviseurs ainsi obtenus sont écrits dans une rangée spéciale au bas de chaque tableau , et un seul coup d'oeil sur cette rangée indique quel degré de précision l'on peut attendre de chaque moyenne ; ces moyennes étant d'autant plus exactes que le diviseur est lui-même un nombre plus considérable.

il faut remarquer maintenant que les croissances partielles, 12°"", 1, 1 5°*°*, 1.... delà colonne déjà prise pour exemple , correspondent à une époque de la vie de l'arbre un peu moins avancée que l'âge moyen auquel correspondent les accroissements des arbres n°* 29 à 40. Pour ces der- niers, l'âge moyen dont il s'agit ici est de 125 -t- ^.25 ou 137,5 années; mais pour les six arbres à âges incomplets, ce même âge moyen vaut seulement 125 -i- ^ (20,8) ou 135,4 années : le

m

RECHERCHES SUR LA CROISSANCE

nombre 20,8 est le résultat de la division de 125 par le nombre de ces arbres , c'est-à-dire par le nombre 6. Or, l'accroissement diminue à mesure que l'arbre avance en âge; la croissance à 185 ans est un peu plus forte que celle qui a lieu à 137. Ainsi il faut faire subir à l'accroisse- ment total de ces six arbres une correction fondée sur cette remarque , et diminuer d'une petite quantité le nombre 90,8 ; cette correction a été faite; elle est en général faible , mais elle peut dans certains cas s'élever à plusieurs millimètres : il nous parait superflu de donner de plus am- ples détails sur la manière dont nous avons appliqué celte correction. Les sommes des croissances excédantes , préalablement corrigées , sont disposées dans une range'e horizontale particulière sous le titre de n Accroissements additionnels. » Une autre rangée donne la somme de tous les nombres de chaque colonne, compris entre les deux barres, l'une supérieure, l'autre inférieure, de cette colonne. En dessous est le diviseur obtenu par le procédé que nous venons d'indiquer, et enfin le quotient , sous le titre de u Épaisseur moyenne » , indique l'accroissement moyen du rayon pendant la période que l'on considère. <aii;jiio-j riuai Jui^iJ^d'i qo-iJ aiduioii dl

, , , Josq 90 no'l , êsanBlenoT'''» »•»■» '•»'i >ii.iti!i

^ail «sb 99aB8«ioi3 bI , sffisO sb l9 ojlal sb wiiùe «ai eiiiiQ .otojiz» InsDnaeu

«neh aàqijoo enil esb sJoiîbnoqBanoo i^qte R p. Q^>^^l)^'nbqu^ kiànèg bib a inunti^^ «ulq «di

Nous avons dit, dans le texte, que l'on pouvait élre tenté de déduire le rayon moyen aux di- vers âges des tableaux fictifs que nous nommons tableaux n" 2 , et dont nous avons indiqué le mode de construction dans le cours du mémoire. Nous allons discuter ici cette méthode etjirouver qu'elle est vicieuse , et doit être rejetée.

Si les vingt-sept Pins du tableau de Gefïle, que nous allons prendre pour exemple, avaient tous été abattus au même âge , par exemple à l'âge de 300 ans , aucune objection ne pourrait s'élever contre les moyennes déduites des tableaux n" 2. Malheureusement il n'en est point ainsi: un certain nombre d'arbres a été frappé par la hache avant d'avoir atteint l'âge supposé. Les Pins n°» k\, A^, 43.... (voir le tableau III) ne concourent pas à la formation des moyennes relatives aux dernières périodes de la vie des autres arbres; lés accroissements qu'auraient eus ces Pins dans leurs dernières années sont inconnus , et les places correspondantes restent en blanc dans nos colonnes. 11 est donc impossible de les restituer ; mais il est permis de faire sur la valeur présumable de ces nombres des suppositions plus ou moins légitimes : il en est d'au- tres qui, en tous cas, doivent être rejetées. C'est ce que nous allons montrer par un exemple. Supposons que l'on n'ait mesuré à Geffle que les Pins n°' 41 et 42 ; on aura obtenu les résultats

suivants : :

4.

mJ-

Rayok à. l'âge de

Pin 41 . . . Pin n" 42 . . .~

Moyennes

25 AKS. 50 ANS

88,8 34,1

149,1 63,3

75 ANS.

206,1 112,0

61,45 106,2 138,6;;

100 ANS.

149

149!

Le résultat auquel nous arrivons ainsi est évidemment impossible ; car le Pin moyen ne peut avoir, à 100 ans, un rayon moindre qu'à l'âge de 75 ans. En réfléchissant à la cause de ce ré-

DU PIN SYLVESTRE.

«

lullat, on voit que le nombre laissé en blanc dans la dernière colonne à droite a une limite en moins , une limite au-dessous de laquelle il ne saurait s'abaisser. Cette limite est le nombre 3i06, 1 , valeur du rayon de l'arbre n* -41 h Vàf^c de 75 ans. Ainsi le nombre laisse en blanc, faute d'ob- servation, est nécessairement de la forme 2U6, !-«-«,- « indiquant un nombre positif, inconnu d'ailleurs, Si nous substituons cette valeur dans la dernière colonne, la moyenne de cette co- lonne n'est plus égale à UO; elle devient 177, KIS ■*■ i», nombre plus grand que i58,G5^i«t l'anomalie signalée disparaît. >':

' lEn généralisant ce que nous venons de dire pour le cas simple de deux Pins , en nous repor- tant à la série complète des vingt-sept arbres de GelHe , nous voyons qu'il ne saurait èire permis de prendre les moyennes des nombres inscrits dans chacune des dernières colonnes du ta- bleau III , n" S, sans tenir compte en même temps des lacunes qui existent dans le haut de ces colonnes , et sans apprécier la croissance antérieure plus ou moins vigoureuse des arbres que le nombre trop restreint de leurs couches élimine de ces colonnes. En prenant des moyennes en dehors de ces circonstances, l'on ne peut attribuer à la série des rayons moyens ainsi obtenus une valeur rigoureusement exacte. Dans les séries de Pello et de GcfUe, la croissance des Pins les plus Jeunes a été en général supérieure à la croissance corresjtondante des Pins coupés dans un 6ge plus avancé. Le rayon moyen déduit des tableaux 2 , est donc trop faible , par suite de la même cause, qui , dans l'exemple fictif cite ci-dessus, nous a conduits à un rayou moyen égal à 149, tandis que sa véritable valeur était au moins égale h 177, bi5. Il n'est donc pas éton- nant que le rayon moyen déduit du tableau III , 2 (voir tableau V), se trouve plus petit dans la colonne 200 ans , que dans la colonne précédente , relative à 1 75 ans , quoique ce résultat soit évidemment impossible. En parcourant attentivement le tableau V, on reconnaîtra que la série des txtyom moyent déduite dts tableaux n" % est toujours moins régulière que la série des vérita- bles rayon* moyens.

Daus la méthode que nous avons suivie dans le mémoire, nous ne raisonnons pas directement sur les rayons moyens , mais seulement sur leurs accroissements d'une période à la suivante. Des diflîcultés pareilles aux précédentes peuvent-elles s'élever contre cette manière d'agir.' Nous ne le pensons pas. En effet, reprenons l'exemple déjà cité des Pins n»' 41 et 42, et formons le petit tableau ci-joint :

AcCBOnSMENT

0-95 iHS.

35-SO ms.

50-75 xm.

75-100 AS».

Pin n' 41 88,8

G0,3

57,0

M

Pio n" 42

34,1

29,2

47,9

37,8

MOTEKNC

ei,45

44,75

52,45

37,8

La supposition la plus légitime que l'on puisse faire sur le nombre laissé en blanc dans ce ta- bleau , consiste à lui assigner pour sa valeur l'accroissement 87,8 fourni par le Pin n" 42. Mais , dirn-t-on, puisque la croissance du Pin 41 a constamment surpassé celle du Pin n" 42, pen- dant les 78 premières années de sa vie , n'est-il pas naturel de supposer que cette supériorité continuera pendant les 28 années suivantes? Nous avons discuté celte manière de voir dans le

48 RECHERCHES SUR LA CROISSANCE

cours du mémoire , et nous avons montré qu'elle n'était pas exacte. La rapidité plus ou moins grande de l'accroissement de l'arbre dans son jeune âge ne préjuge rien sur sa croissance ultérieure. Du moins si une telle influence existe, si le passé réagit sur l'avenir, cette influence très-faible peut être négligée. Ainsi la réintégration des nombres manquants , si elle était possible , ne tendrait pas à changer, dans un sens déterminé d'avance , le chiffre de l'épaisseur moyenne des couches dans un âge avancé. Les épaisseurs moyennes inscrites au bas de nos tableaux peuvent donc pécher aussi bien par excès que par défaut , et si elles sont moins exactes pour un âge avancé que pour le jeune âge , c'est uniquement parce qu'un moindre nombre d'observations a concouru à les déterminer.

Note C. t. 8.

Nous avons d'abord essayé de représenter la loi d'accroissement par la relation plus com- pliquée ;

an ■+- a'n^

r ■■

1 -t-

mais , en voulant appliquer cette formule aux observations de Halle et de Kaafiord , nous avons été conduits à admettre

ce qui nous a ramenés à la forme adoptée dans le mémoire. Selon que a' est égal ou non à zéro, la courbe d'accroissement oifre l'une ou l'autre des deux particularités suivantes. Dans le der- nier cas , l'asymptote de la branche ascendente est oblique à l'axe horizontal , tandis que , a étant égal à zéro , cette asymptote devient elle-même horizontale. Dans le cas d'obliquité, l'ac- croissement annuel tend à la longue à devenir constant ; dans le cas de l'asymptote horizontale , cet accroissement tend sans cesse à devenir de plus en plus petit ; les deux suppositions sont également admissibles à priori ; mais la seconde est probablement la seule légitime. En tous cas , la courbe d'accroissement est toujours une hyperbole.

Note D. p. 10.

On peut calculer directement l'accroissement de l'arbre pendant une période d'un nombre d'années égal à /, c'est-à-dire , depuis l'âge n jusqu'à l'âge n+l. On aura pour l'accroissement total du rayon

al

(1 + bn) \l-\-b{n-\. /)]

DU PIN SYLVESTRE. 49

ou , MUS une forme plus simple, quoique moins exacte,

al

Non £. r. 10.

Au lieu de représenter les accroissements dccennaus des Pins de Halle par la formule

10a

[l+i(„+»)]2'

expression qui rentre dans la formule générale '^, , nous avons essayé de représenter ces mêmes accroissements par une expression de la forme ^ ^,^. Nous avons déterminé o' et b' par la méthode des moindres carrés des erreurs des accroissements, celles-ci étant préa- lablement divisées par les accroissements qui leur correspondent. Nous avons trouvé de la sorte a' 86,8 &'=0,033. D'après cette manière d'opérer, l'accroissement décennal aurait pour valeur

86"»», 8

1 + 0,3S n

Pour déduire de la valeur du rayon r en fonction de l'âge , il faut recourir aux méthodes compliquées du calcul des différences, et au théorème d'Evier. On arrive à une équation delà forme

r = « log. (1 •!- on)

( 1 -4- i'n)2

Cette équation a le grave inconvénient de ne pas être comparable avec les formules qui con- viennent aux trois premières stations. C'est à l'expérience à décider si l'hyperbole perd, dans des latitudes moins boréales , la propriété de représenter l'accroissement des Pins avec une exactitude suffisante. Les observations faites à Haguenau tendent à prouver qu'il en est ainsi.

Note F. p. 10.

Quoique les coefficients a et i tels que nous venons de les déterminer, soient ceux qui repré- To«. XV. 7

50 RECHERCHES SUR LA CROISSANCE

sentent le mieux les observations faites, il serait inexact d'attacher une confiance trop absolue à ces valeurs. Nous estimons que pour Kaafiord et Geffle, le coefficient a est connu à la préci- sion d'un trentième de sa valeur , et le coefficient 6 à la précision d'un huitième de la sienne. Il faudrait recourir à la théorie des probabilités pour déterminer exactement ce degré de précision.

Note G. p. U.

D'après notre formule, la formation du bois devient nulle sous le 79° parallèle M. Bôeker, dans son ouvrage intitule : Om skogars skôtsel i norden Aho. 1829, donne une formule empirique des- tinée à représenter le volume en pieds cubes du bois de pin, produit annuellement par chaque arpent de terre sous diverses latitudes ; cette formule est 484-, OS 3,541 0,00043 L^; L est le nombre de degrés de la latitude. D'après cette formule , la production du bois deviendrait nulle sous le 78" degré , ce qui s'accorde assez bien avec notre résultat.

Noie H. p. Il

Cette formule n'est pas bien rigoureuse. L'expression

[1+M«+4)P

représente plus exactement l'épaisseur cherchée delà w-t-l" couche; mais la formule donnée dans le texte est suffisante.

Note /. p. 19.

Cet écart moyen jouit de propriétés remarquables que lui assigne le calcul des probabilités. En voici quelques-unes que nous allons indiquer sans démonstration.

Si nous partageons en deux groupes égaux la série des nombres qui concourent pour fournir une moyenne , de façon que l'un de ces groupes comprend tous les nombres les plus forts , et l'autre tous les nombres les plus faibles. Si nous calculons ensuite les deux moyennes par- tielles relatives à chacun de ces deux groupes , elles différeront de la moyenne générale , en plus et en moins, d'une quantité égale à l'écart moyen. Ainsi dans la colonne 0—SO (tableau I), l'écart moyen est lO^^jS?; la grosseur moyenne est représentée par 50""",25 ; celle des dix Pins les plus

DU PIN SYLVESTRE. 51

grog sera à très-peu près 60"'",25-t-16"°',87 ou 66°"",82 ; celle des dix Pins les moins gros sera de même à très-peu près égale à 80""»,28— 16°"",67=38"-,68.

La probabilité que l'écart fourni par une observation isolée sera moindre que l'écart moyen , peut être exprimée, dans tous les cas, par la fraction 0,575, la probabilité contraire étant égale à 0,425. Ainsi , dans l'exemple précédent, on pourra parier 575 contre 425 qu'un Pin de 80 ans pris au hasard h KaaHord , aura un rayon intermédiaire entre 38""°, 68 et 66""", 82.

Mais la propriété la plus importante dont jouisse l'écart moyen est de servir à mesurer le degré de précision auquel atteint la moyenne générale , puisque cet écart moyen , divisé par la racine carrée du nombre N des observations , donne la moyenne erreur dont la moyenne de ces N observations reste passible. On entend par cette moyenne erreur, la moyenne idéale de toutes les erreurs également possibles , de même que l'écart moyen est la moyenne de tous les écarts également possibles. Ainsi dons l'exemple déjà cité au commencement de cette note, veut- on connaître Yerreur moyenne qui peut exister sur le rayon moyen 50°'°',25? On l'obtiendra en divisant l'écart moyen 16""°, 57 par la racine carrée du nombre 20:1e quotientest S°'"',7I.II y a donc 578 à parier contre 428 que la vraie moyenne , celle que l'on déduirait d'un nombre exces- sivement grand d'observations pareilles, tomberait entre 50°"° ,25— S"",? 1 et 50°'°',2S-4-3'»",71 , c'estrà-dire, entre 46°'°>,54 et 53»°',96.

Il faut cependant remarquer que cette dernière proposition n'est rigoureusement vraie que dans le cas les nombres OS"",!, 88"'°',2, 60°'°',7... qui composent la colonne 0—60 (tableaul), peuvent eux-mêmes être considérés comme étant le résultat moyen de plusieurs observations indépendantes l'une de l'autre. Mais cette condition est satisfaite dans le cas actuel ; car le nombre 95,1 est la somme de cinquante épaisseurs de couches annuelles successives ; divisé par 50, ce nombre donnera la moyenne d'une épaisseur unique. Il est donc le produit d'une moyenne épaisseur par un facteur constant , par le nombre 50. Il en est de même de tous les autres nom- bres 38,2, 60,7 ; la loi citée leur est donc applicable.

NoTB K. p. 21.

Ainsi, d'après les principes du calcul des probabilités, si la mesure d'un seul arbre donne l'accroissement semi-séculaire à 0,20 près , la moyenne des mesures de 25 arbres donnera ce même accroissement h ~. =0,04 près, c'est-à-dire à ^j^ de sa valeur, et il faudrait me- surer 400 arbres pour avoir l'accroisseraeut à un centième près.

NoTS L. r. 22.

Il est bon de remarquer que ce rapport 0,668 diffère très-peu du rapport théorique 0,878 ( voir la note / ) ; ce qui justiûe notre manière de considérer l'accroissement serai-sëculaire

sa RECHERCHES SUR LA CROISSANCE

comme étant égal à SO fois la moyenne de 80 accroissements partiels , indépendants l'un de l'autre.

Note M. j>. 23.

2

La formule -r-q , suivant laquelle l'écart moyen est en raison inverse de la racine carrée du nombre des observations, est conforme à la théorie, dès que l'on considère chaque accroissement comme étant une moyenne, et non un nombre isolé , résultat brut d'une observation unique. Au moyen de cette formule, on peut déterminer l'âge probable d'un arbre dont le demi-dia- mètre R est connu.

Au rayon R correspond dans nos formules un certain âge m. Si l'arbre soumis à notre examen avait crû sur le modèle du Pin moyen de la localité, m représenterait le véritable âge de l'arbre. L'on a pour déterminer ce nombre m la formule

R=:

1 ■+- bm

oii R , a et 6 sont des quantités connues , m restant la seule quantité à déterminer ; on en con- clura

R

a bK

C'est l'âge le plus probable ; mais néanmoins il n'est pas vraisemblable que l'âge réel soit précisément égal à m. L'on demandera donc, ot„ et m, étant deux nombres assignés d'avance, quelle est la probabilité pour que le nombre des années de l'arbre tombe entre et «,. Appe- lons n cet âge réel de l'arbre, quelle que soit sa valeur. Appelons r„ le rayon moyen qui lui correspond , de sorte que l'on ait

1-4-6»

L'écart réel entre Pin observé et le Pin moyen sera R r„.

Comparons cet écart avec l'écart moyen qui est propre aux arbres de l'âge n, écart moyen que nous désignerons par e„. D'après ce que nous avons dit dans le texte, nous aurons

K

\/n

K étant un facteur constant qui, pour le Pin sylvestre, est sensiblement égal à 2. Quelle est maintenant, dans l'hypothèse de l'âge n, la probabilité pour que le rayon de l'arbre soit compris

DU PIN SYLVESTRE. 53

entre R— t et R-t-t, t étant une lon{;ueur trè»-pclite, par exemple égale h 1 milliinùirtf ' ? Ia: calcul répond ^ cotte question , en montrant que cette probabilité a pour valeur

X étant le rapport de la circonférence au diamètre , et e la base du système népérien. Rempla- çons R, r„, e„ par leurs valeurs conclues des équations précédentes , et posons pour abréger

»K'(1 +bmy = -•

X

Cette probabilité deviendra

(n ' -i- on*) e ^ 1

Faisons maintenant une autre hypothèse sur l'âge de l'arbre: admettons qu'il soit égal à n'; la probabilité d'un rayon compris entre R » et R-n", dans cette nouvelle hypothèse , aura pour valeur l'expression précédente, dans laquelle il aura sulTi de remplacer n par n'. On pourrait de même essayer un troisième Age n", et ainsi de suite. On sait d'autre part que la vraisemblance de ces diverses hypothèses est mesurée par la probabilité que chacune d'elles assigne à l'événe- ment arrivé, lequel est ici, en déûnitive, la sortie du rayon R. Ainsi la probabilité de l'âge n sera proportionnelle au nombre

celle de l'Age n' sera proportionnelle au nombre

et ainsi de suite. On peut supprimer le facteur —, qui reste le même dans les quantités que l'on compare entre elles.

Représentons maintenant par ç>(n) , ^(n').... les diverses valeurs de ces nombres successifs , et cherchons h déterminer le nombre qui mesure la probabilité pour que l'âge de l'arbre tombe entre les valeurs «=n„, n = M,, et celui qui mesure la probabilité pour que l'âge de l'arbre tombe entre les valeurs n = o et « = eo ; cette dernière probabilité équivaut h la certitude, et a pour valeur l'unité. Nous pourrons représenter ces deux nombres par les formes symboliques bien connues des mathématiciens :

* Cest à peu près le degré de précision dont nom pouvons répondre sur la mesure du rayon l(

54 RECHERCHES SUR LA CROISSANCE DU PIN SYLVESTRE.

Soit donc X la probabilité définitive de l'événement attendu , lequel est ici «> n,, et <«,. L'on pourra établir la proportion :

x:i :: 2"' ?(«) : sj ?(")•

Donc l'on a

2"' f(»)

OU , ce qui revient au même ,

2W o p(«)

f ' f{n)dn

o f(n)dn La difficulté est donc ramenée à la résolution de l'intégrale suivante

Pour la résoudre , posons n=y^ ; elle devient

2y(l-t-%')e-«(^"^-'"'-^')dy. ,

Or , M. Binet a donné dans les Comptes rendus de l'Institut de France ( tom. Xll , pag. 958) les moyens d'intégrer cette expression en la ramenant aux fonctions ordinaires algébriques et à l'intégrale '

J)

e du ,

dont on possède des tables suffisamment étendues. Ainsi le problème de la détermination de la probabilité de tel ou tel âge pour l'arbre de rayon R n'est pas au-dessus des forces actuel- les de l'analyse mathématique ; mais nous croyons inutile de développer les formules compliquées auxquelles conduirait un calcul rigoureux. Bs.

TABLEAUX.

56

RECHERCHES SUR LA CROISSANCE

TABLEAU I.

PINS MESURÉS A KAAFIOUD.

Lat. 69»57'N. Long. 20°40' E.

d'ordre.

<

ta

■A

o

.4ge.

Derai- DUMÈT.

ÉPAISSEUR DES COUCHES EN MILLIMÈTRES. 1

0-50

50-100

100-150

150-200

200-250

250-300

300-350

1

2

M. JM.

103 170

144,7

128,6

95,1 38,2

48,4 52,4

+ 1,2

-H 6,1

31,9

5

M.

183

157,1

00,7

47,7

32,2

-t-16,5

4

5

M. B.

196 200

187,4 129,8

51,3 16,6

54,8 38,1

41,2 42,6

-+-40,1

32,5

6

J.

200-)-a;

124,5

44,0

11,3

34,8

29,5

7

J.

209-t-a;' ,

224,0

77,7

56,1

34,8

31,8

8

M.

208

168,0

27,4

51,4

52,4

31,3

+ 5,5

9

M.

213

131,5

33,6

30,9

40,1

20,2

-t- 6,7

10

M.

215

142,0

30,4

36,2

39,6

19,0

-+-10,8

11

M.

219

162,5

65,0

34,6

32,6

18,1

-f-12,2

12

M.

226

176,0

45,0

38,8

48,8

27,3

-Hl6,l

13

M.

229

153,0

50,8

43,7

19,2

28,0

-t-11,3

14

15

J. B.

231+a;" 258

228,0 138,5

78,2 58,3

35,4 27.7

50,8 27,1

35,6 14,5

-f-14,0

-h 1,3

9,6

16 17

M. B.

285 ÔOO-t-aî'"

199,0 158,7

68,0 50,9

54,4 27,6

16,6 18,3

23,4 16,8

22,6 21,5

-Hl4,0

20,4

18 19

M. 321 i. 350

196,2 260,3

33,3

62,5

58,7 61,2

38,0 35,0

16,5 28,8

18,8 29,8

23,3

27,5

-+- 7,6

15,5

20

B. 375

135,0

18,1 0,0

33,8 0,0

23,4 -+- 1,1

14,8 H-59,6

14,7 -1-76,6

10,6 -Hl5,0

13,1 -t-7,0

Accroissements additio Sommes générales . .

[inels. .

1005,1

843,2

660,5

447,7

193,6

96,8

35,6

Diviseurs

20,0

20,0

19,06

18,08

8,82

4,86

2,42

Épaisseurs moyennes .

50,25

42,16

34,65

24,77

21,95

19,92

14,70

Épaisseurs calculées .

51,98

41,60

32,60

26,74

22,34

18,95

10,26

Différences

. . . .

+ 1,73

0,50

2,05

-t- 1,97

-4- 0,39

0,97

-4- 1,56

DU PIN SYLVESTRE.

57

TABLEAU IL

PINS MESURÉS A PELLU. Lat. 66* «S* N. I^og. 21» 40' E.

i

Ace.

Demi-

ÉPAISSEUR

DES COUCHES

EI< MILLIMÈTRES. |

d'ordre.

O

DIAMÈT.

0-25

25-50

80-7»

75-100

100-125

125-150

150-175

175-200

200-225

31 32

B. M.

90 100

101,5 144,0

39,1 51,0

27,2 37,9

20,4 37,3

-+-14,8

17,3

23

M.

141

157,0

23,5

45,2

33,1

18,9

24,2

-t-12,1

34

M.

144

161,0

40,8

40,5

36,0

18,0

13,3

-4-15,1

25

M.

144

104,0

44,3

55,3

35,5

17,1

0,4

-t- 5,5

20

M.

148

165,0

33,5

38,0

33,2

34,0

14,2-

-t-20,0

27

M.

149

137,0

19,3

23,2

21,1

23,8

21,0

-f-29,6

28 29

B. M.

149 151

132,0 135,0

44,3 42,4

38,5 25,6

21,1 21,0

13,5 18,5

7,7 12,9

-t-7,9

-^ 0,8

13,8

30

M.

151

158,0

44,8

35,7

21,5

14,0

20,2

20,4:

-+- 0,8

31

B.

153

147,0

34,8

44,9

31,1

20,4

12,0

11,7

-1-1,2

33

B.

155

103,0

49,5

44,3

21,4

18,8

6,5

19,6

-H 2,0

33

M.

157

137,0

30,0

21,8

12,6

17,0

17,9

20,5

-+- 6,3

34

M.

150

141,0

31,0

30,3

20,7

21,3

17,2

15,9

-+■ 4,8

35

B.

1G6

143,0

29.0

39,7

17,0

35,7

16,1

12,4

-1-11,9

30 37

M. B.

170 179

134,0 157,0

32,8 38,3

29,0 36,0

22,0 22,5

18,9 15,4

16,2 31,8

8,9 14,1

-H 5,2

-t- 0,9

8,0

38 30

B. B.

190 300

143,0 163,0

37,5 37,9

30,7 85,7

10,8

27,7

10,4 19,4

24,6 15,8

15,2 16,4

15,3 10,4

-+■ 8,6

9,9

40

m:

340-t-y

201,0

87,2 0,0

34,3 0,0

15,0 0,0

14,6 +14,1

18,7 0,0

17,8 -»-00,0

19,4 -♦-30,3

17,9 -♦-9,4

12,7

Accroisseme Sommes

Dts additioi nérales . .

]nels. .

733,2

700,3

464,2

363,1

287,1

284,1

83,4

80,8

Diviseurs. .

20,0

30,0

20,0

19,6

18,0

17,0

6,48

2,76

n

Épaisseurs i

DOjreones.

. . . .

36,01

85,01

23,21

18,48

15,95

16,71

12,87

13,99

12,7:

Épaisseurs (

alculées .

> >

38,41

30,48

24,78

30,64

17,31

14,77 12,77

11,14

DiflVSrcnces .

-4- 1,80

- 4,68

-♦- 1,57

-h 9,06

-¥■ 1,36

-1,94- 0,10

- 2,08

ToM. XV.

8

58

RECHERCHES SUR LA CROISSANCE

PINS MESURi

Lat. 60» 40' N.

H«i

Demi-

ÉPAISSEUR DES COUCHES

d'ordre.

DUMÈTBE.

0-25

25-50

50-75

75-100

100-125

125-150

160-175

41 42 43

M. B.

M.

92 117 138

230,0 165,0 200,4

88,8 34,1 35,0

60,3 29,2 30,4

57,0 47,9 43,0

-+-44,0

H-16,0

-1-15,0

37,8 31,8

43,2

44

D.

138

230,0

39,5

37,4

70,2

36,0

28,3

-+-11,5

43

B.

141

265,0

58,5

37,0

42,2

48,0

30,0

-1-29,6

46 47

B. M.

142

-158

287,6 243,7

08,0 113,1

84,6 51,2

38,6 31,3

42,4

22,6

36,4 14,8

-+-17,8

-+- 2,0

10,1

48

M.

171

300,0

61,8

88,3

47,8

34,5

21,3

31,9

-Hl4,3

49

M.

172

274,0

23,0

51,0

62,5

27,2

21,8

48,1

-t-40,5

50 31

M. M.

174 179

284,0 228,0

71,7 28,0

56,8

27,2

61,1 33,3

39,7 44,2

20,0 43,5

17,2 23,5

-+-17,5

23,5

32

M.

182

294,0

92,6

41,2

61,0

39,6

25,0

14,6

16,6

53

M.

184

231,6

87,0

45,0

27,7

15,9

17,0

14,5

16,7

54

M.

190

200,0

60,5

45,8

30,2

24,0

29,0

24,5

32,5

55

B.

194

275,8

81,2

68,8

34,0

14,3

30,0

16,7

14,0

5C

M.

196

376,0

50,8

59,4

69,3

37,3

49,5

41,1

30,0

37

M.

197

272,0

49,0

48,1

46,8

47,3

33,2

24,2

15,2

38

M.

205

225,0

44,9

30,4

31,9

34,9

24,7

19,6

16,9

59

M.

211

290,0

31,1

61,3

58,1

45,3

31,5

24,5

16,3

60

B.

254

216,3

19,7

18,9

40,7

36,0

28,2

19,3

13,6

61

M.

256

277,0

41,3

27,4

27,8

25,0

29,4

23,6

25,8

62

B.

258

280,0

78,0

38,6

26,5

24,0

31,3

30,5

18,2

63

M.

264

266,5

40,4

25,0

17,0

21,2

21,8

37,1

27,0

64

M.

292

280,0

65,8

50,4

33,6

24,0

21,0

16,8

12,7

63

B.

314

232,0

18,2

12,6

14,2

16,0

14,0

16,5

31,5

00

M.

o73

310,0

48,0

51,2

24,8

20,7

16,4

13,1

15,8

67

M.

456

315,3

39,8 0,0

21,3 0,0

9,8 0,0

29,5 -t-42,7

30,1 -M3,7

26,2 -H71,6

26,5

-i-73,4

Accroissemenls additu Sommes générales .

1470,6

1204,8

1096,5

882,5

724,3

365,2

426,8

Diviseurs

27,0

27,0

27,0

26,08

25,68

2ô,30

20,04

Épaisseurs moyennes

34,47

44,62

40,61

33,07

28,20

24,20

21,30

Épaisseurs calculées

53,16

43,58

38,31

32,64

28,14

24,32

21,55

Différences

i *"*f i

.T.l. ..

-+- 0,37

-+- 1,04

- 2,30

0,43

0,06

-t- 0,32

-+- 0,23 '

'^J ' ' '

ku m.

nSi A 6EFFLE. 0$. ï*> tV K.

dOYl/ DU PIN SYLVESTRE.

EM MILLIMETRES.

aoo-azs

22S-2S0

îJO-275

275-300

300-325

325-350

350-375

375-400

400-42S

2,1 7,4

13,8

34,7

,0

8Ï,»

8,S

94,8

10,5

13,t

r 0,1

141,1

8,04 10,35

17,03 - 0,70

11,5

34,3

0,0

14,7

1ô,4

10,1

10,0

10,8

0,0

2,0

4,5

3,5

10,8

11,4 13,4 14,0 14,4

90,1

130,5

8,0

15,81

15,30 - 0.53

73,3 5,38 13,88

13,79 0.09

10,8

13,0 11,7 13,3 10,0

6.0

10,0

13,1

- 5,9

47,0 3,08 19,03

98,0 3,50 11,30

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60

RECHERCHES SUR LA CROISSANCE

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TABLEAU IV.

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EXPLICATION

TABLEAUX ET DE LA PLANCHE.

Tableaux J, IJ, IJI et IV, Les S% et 7°.... colonnes de chacun de ces tableaux offrent les résultats des mesures individuelles exprimées en millimètres de chaque tronc de Pin sylvestre. Les nombres précédés du signe -+- indiquent la longueur des bouts de rayons qui se sont trouvés excédants quand on a mesuré , du centre à la circonférence , les couches annuelles de SO ans en 50 ans dans le tableau I ; de 25 en 25 dans les tableaux II et III ; de 10 en 10 dans les ta- bleaux IVetYlII. Voir la note A pour l'explication des rangées horizontales intitulées accrois- sements additionnels, sommes générales et diviseurs, La rangée intitulée différences donne les excès de l'épaisseur calculée par les formules (2) , (3) , (4) , (5) du mémoire , sur l'épaisseur moyenne déduite de l'observation.

Tableau V. C'est un résumé des tableaux précédents. Pour les rangées intitulées rayon déduit des tableaux n" 2 , que nous ne donnons pas pour éviter un double emploi , voir la note B . La rangée intitulée différence donne l'excès du rayon calculé par les formules (2), (3), (-4), (5) du mémoire sur le rayon moyen déduit de l'observation.

Tableau VI. Les nombres indiquent des longueurs en millimètres calculées par la formule (6).

Tableau VII. Les nombres représentent des surfaces exprimées en millimètres carrés et cal- culés par la formule (7).

Tableau VIII. La 1" colonne donne l'âge des arbres. Les colonnes suivantes, les accroissements de 10 en 10 ans exprimés en millimètres. Ce tableau est en tout semblable à celui de Halle, sauf les l'" , 2""^' et ■4'"" colonnes , qui ont été supprimées.

Planche. Elle représente les courbes d'accroissements du Pin sylvestre , construites d'après les rayons moyens déduits des formules (2), (3) , (-4), (5), pour Kaafiord, Pello, Geffle et Halle , et du tableau p. 34, pour Haguenau.

FIN.

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NOUVEL 1 XAMEN

DON

PHÉNOMÈINE PSYCHOLOGIQUE

DU SOniNAlHBlLISIHE;

PAB

H. E. TANDEL,

PROFESSEUR A L UNIVERSITÉ DE LIÈGE.

( Mémoire lu i racadémic. dans la séance de 15 décembre 1839.)

Ton. XV.

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NOUVEL EXAMEN

Dtm

PHïrVOMÊNE PSYCHOLOGIQUE

DU SOMNAMBULISME.

PREMIÈRE PARTIE.

« Il n'y a rien de si instructif pour l'homme éveillé, » a dit Maine de Biran ' , « que l'histoire des songes , ni rien de plus utile pour )) l'homme raisonnable que l'histoire de la folie, w Cette maxime, que les Spartiates déjà avaient sans doute comprise, en donnant à leurs fils le spectacle de l'ivresse officielle des ilotes , ne semble pas très- goùlée de nos jours, quoique, dans l'étude des faits matériels , l'ana- tomie et la physiologie comparées ne soient pas au fond autre chose. Je me souviens avec quelle surprise ironique le monde des savants spéciaux accueillit l'annonce et l'analyse du mémoire que je viens de citer , lorsque V Institut en parla , il y a quelques années. Outre l'en-

' Nouvelles contidérationn »\tr le sommeil, les songes et le somnambulisme , mémoire lu à l'a- cadctnic des sciences morales et politiques, par M. Cousin , le SI mai 1834.

4 PHÉNOMÈNE PSYCHOLOGIQUE

goUement de notre époque pour l'observation des faits, il y a, je l'a- voue, des raisons, spécieuses au premier coup d'oeil, pour qu'on ne s'égare pas dans le dédale des phénomènes psychologiques, chacun , dit-on , ne voit que soi-même , il ne se voit bien souvent qu'à tra- vers ses passions et ses préjugés du moment, les observations fugi- tives qui peuvent se présenter échappent presque entièrement au contrôle d'autrui et ne se reproduisent pas à volonté ; enfin , les faits, en les supposant parfaitement constatés, nous conduiraient à quoi? à raisonner plus juste? à nous dépouiller de notre égoïsme? vain espoir! L'avare de Molière a-t-il opéré la conversion d'un seul des harpagons qu'il nous a dépeints avec tant de vérité et qui sont venus l'applaudir? ou bien l'anatomiste, qui a analysé toutes les fibres du corps humain, en marche-t-il plus droit et plus ferme? On ajoute qu'on ne peut concevoir qu'un seul côté intéressant dans les observa- tions de ce genre, intérêt purement scientifique, qui découlerait de l'explication des faits; mais cette tentative on la déclare encore plus insensée que l'observation elle-même. Que sera-ce, si les faits dont il s'agit appartiennent à une région aussi ténébreuse que celle des songes et du somnambulisme , oii le moi lui-même , assure-t-on , est anéanti ? N'est-il pas d'un homme sage de fermer les yeux à ce tissu d'illusions , spectacle bien venu d'un vulgaire ignorant, et de s'en tenir aux seules réalités pondérables ?

Je ne me dissimule aucune de ces difficultés. L'esprit dans lequel on cultive généralement aujourd'hui toutes les sciences n'est rien moins que favorable aux recherches que j'annonce, et les savants, qui de tout temps se sont partagés en deux catégories , les uns s'appliquant à constater les faits et à les décrire , les autres à les comprendre et à les expliquer, ne se sont jamais aussi hostilement éloignés les uns des autres que de nos jours. La passion, j'ai presque dit la fureur de l'observation exclusive et isolée va si loin , que vous entendez des sa- vants du premier ordre protester de la manière la plus formelle et la plus énergique contre les prétentions de ceux qui s'efforcent de leur faire comprendre ce qu'ils voient. Pour eux , décidés à ne rien com-

DU SOMNAMBULISME. S

prendre ni rien expliquer , ils se bornent à recueillir et à analyser le» faits que peuvent atteindre leurs doigts ou leurs rayons visuels , lu seule chose sensée que l'homme puisse faire , jusqu'au moment tous les faits étant réduits en atomes, et se refusant à toute analyse ulté- rieure , l'édifice de la vraie science soit complètement élevé. Alors so vérifiera pleinement ce mot du Méphislophélès de Goethe :

fVer toill was Lebendig's erkennen und beschreiben

Siicht erst den Geitt herauisulreiben ;

Dann hat er die Theile in der Uand , ,_.

t'ehlt, Icider! nur da$ geisligc Uand '. ,.

Au surplus, ce travail d'analyse fait des progrès très-rapides; car' aujourd'hui déjà se fait sentir , dans toutes les sciences d'observation , le besoin d'une catégorie nouvelle de savants, chargés d'observer les observations, de les inventorier, de les classer et de les porter à la connaissance du praticien , afin de leur donner au moins, s'il est pos- sible , cette utilité réelle , à laquelle on ne croit pouvoir faire de trop grands sacrifices.

Quelque puissantes que soient ces considérations, elles n'ont pu dé- truire en moi, je dois le confesser, la prédilection que j'ai toujours sentie pour les questions de l'ordre intellectuel , pour le côté immaté- riel des choses; je persiste à croire qu'il y a du vrai dans la maxime de Biran , et qu'après tout, quiconque a éprouvé combien il y a de déceptions dans la vie que l'on nomme réelle, ne s'expose tout au plus, en se réfugiant dans son intérieur , qn'à changer d'illusion. Je me sou- viens d'ailleurs aussi , que dans mes années de collège on m'a parlé de l'enthousiasme avec lequel les Romains , ce peuple si égoïste néan- moins, applaudirent à cette pensée de Térence : Homo stim, humant nihil a me alienumputo. J'entre donc en matière.

■• '■ f'

' Ce qui veut dire, par une comparaison plus directe, que le chimiste , par exemple, pouri savoir ce que c'est qu'un être vivant, le décomposera et résoudra la fibrine , l'albumine , etc. , en hydrogène , oxygène , carbone et aiote , mais que malheureoMmenl il a laissa échapper te lien immatériel qui faisait de ces éléments un être vivant. yr,y ,,., f j^^, ^^f», . f. ,,., i.(|)q

1

6 PHÉNOMÈNE PSYCHOLOGIQUE

Les phénomènes du somnambulisme spontané sont généralement connus ; il est peu de personnes qui n'aient eu occasion de les observer par elles-mêmes, et quelque inexplicables qu'ils soient parfois, ils sont entourés de toute l'authenticité dont les sciences d'observation ont pu revêtir les faits naturels , à quelque domaine qu'ils appartien- nent ' . Je ne puis me proposer , dans les limites étroites de cette no- tice, d'approfondir les causes et la nature de cet état extraordinaire; mais je crois pouvoir rendre compte d'un phénomène psychologique qui l'accompagne , et qui forme un de ses caractères les plus étranges, puisqu'il semble constituer dans les somnambules une double person- nalité. Tous ceux qui ont pu observer des somnambules parfaits , se sont convaincus que l'oubli le plus profond enveloppe pour eux, une fois qu'ils sont rendus à l'état de veille ordinaire, tous les faits dont ils ont été les acteurs pendant leur sommeil ; les témoignages sont unanimes à cet égard. S'ils se souviennent de quelque chose, ce qui est excessivement rare, c'est comme d'un rêve ^. Comme les rêves et le somnambulisme diffèrent entre eux du tout au tout, un tel sou- venir n'en est pas un. Nous nous souvenons d'un rêve comme d'une illusion , tandis que les phénomènes du somnambulisme ont toute la réalité de ceux de la veille. Broussais, en argumentant contre Biran, et en protestant avec raison contre l'hypothèse des deux moi, a donc tort de citer ces souvenirs comme une exception au fait général du complet oubli.

Comment expliquer cet oubli? comment le concilier avec les lois fondamentales de la psychologie ? Bien qu'on dise qu'il n'y a pas de règle sans exception ; quand on ne peut rendre compte d'un fait bien constaté qu'en admettant une exception contradictoire à cette règle , celle-ci se trouve détruite. Toute exception apparente doit s'expliquer par la loi elle-même à laquelle elle semble déroger. Telle est la ques-

' CI Tel est, " dit Broussais, « le tableau que Biran (dans le mémoire cité plus haut ) trace :• du somnambulisme : il est exact , et nul ne l'a mieux tracé. " Mémoire sur l'association du physique et du moral , lu à l'académie des sciences morales et politiques , les 16 et 23 août 1834 , §V11.

- Broussais, /oco ct7. , p. 183.

DU SOMNAMBULISME. «1

tion que je me suis proposé d'examiner. Je développerai mes propres idées sur celte matière en exposant celles des autres.

Le somnambulisme serait compris , si tous les phénomènes qu'il nous présente pouvaient se rapporter à des faits connus de l'état de veille ; car nous croyons comprendre les choses que nous voyons tous les jours, k Nous sommes tous plus ou moins , )) dit encore Biran , « comme le peuple ignorant , qui ne s'étonne point en voyant tom- » ber une pierre, et qui crie au miracle en voyant pour la première )) fois le fer tendre vers l'aimant. » C'est dans le sens de cette obser- vation que ce philosophe, plaçant sur la même ligne les songes et les phénomènes du somnambulisme, tâcha d'expliquer les uns et les autres par le seul fait de a l'absence de l'attention volontaire et active, dans » leur première production (p. 34). m Et ce qui confirme à ses yeux cette doctrine, c'est surtout cet oubli profond qui fait que le même être (( semble divisé en deux personnes distinctes, dont l'une ne s'ap- » proprie rien de ce que l'autre a fait ou senti , n'en conserve pas le )) moindre souvenir, n'y joint pas le même moi (p. 59). » Cet oubli, selon lui , est un caractère essentiel des songes et partant du som- nambulisme. (( Il ne faut donc plus, » ajoute-t-il , a demander pour- » quoi nous ne conservons pas le souvenir de tous nos rêves, mais )) bien comment il arrive que nous nous en rappelions quelques-uns )) (p. 35). )) Et plus loin : « Dans un sommeil complet il n'y a nul )) souvenir, et il y a souvenir, le sommeil n'était pas parfait » (p. 36). »

Ainsi le somnambule oublie, parce qu'en agissant, en pensant, en parlant, il n'a pas conscience de lui-même, parce que son mot est aboli; en d'autres termes, parce que l'àme du somnambule et du dormeur n'est plus capable d'aucun effort : « La conscience du moi » se réfère à l'état d'effort qui fait la veille, et cet effort est périodique )) et suspendu pendant le sommeil (p. 35). » Au surplus, la suspen- sion de cet effort est due à des causes organiques. Et c'est parce que cet oubli, inséparable du sommeil parfait et du somnambulisme, ne peut s'expliquer autrement aux yeux de l'auteur que par cette ab-

8 PHÉNOMÈNE PSYCHOLOGIQUE

sence d'effort ou cette abolition de la volonté , qu'il sert à la prouver. Car a V effort volontaire que fait l'esprit pour rappeler une idée, est » un acte de veille complète , absolument étranger au sommeil. Aussi )) si, comme il arrive quelquefois mais assez rarement, on s'occupe )) en rêvant des signes de quelque idée^ et que ceux-ci demandent )) quelque effort pour être rappelés, aussitôt que V effort se déploie et )) que le signe se présente , le réveil s'en suit à l'instant ; tant l'état )) de sommeil est incompatible avec le plus léger exercice de la vo- » lonté , tant il suppose son absence complète ! (p. 37 ) » Le souvenir est donc bien inconciliable , dans l'esprit de Biran , avec l'état de sommeil (et de somnambulisme) , et cela parce que le souvenir exige l'intervention d'un effort volontaire de l'intelligence, et que pendant le sommeil (et le somnambulisme) cet effort est suspendu.

Je n'examine ici le travail de Biran que sous un seul rapport, et s'il ne me satisfait pas sur ce point , cela ne m'empêche pas de recon- naître tout ce qu'il renferme de vues neuves et vraies , sous d'autres points de vue.

L'erreur fondamentale que je dois relever dans ce mémoire , le tra- vail le plus récent , je pense , qui ait paru en France sur cette matière , c'est que l'auteur a confondu le sommeil et les songes avec le som- nambulisme et ses phénomènes. La théorie que je viens de résumer explique peut-être parfaitement ce qu'il y a d'étrange et d'anomal dans les rêves ; mais elle est cause que Biran ne nous a présenté , sous ce rapport psychologique, qu'un tableau très-incomplet du som- nambulisme.

< Il est très-vrai que le somnambule spontané, rendu à l'état de veille, ne conserve pas le moindre souvenir de ce qu'il a fait ou éprouvé dans un état tout différent, et qui a peut-être duré trois ou quatre heures; mais ce qui n'est pas moins vrai, c'est que le som- nambule se souvient parfaitement de toute son existence antérieure , tant de l'état de veille que des accès précédents de somnambulisme, et même infiniment mieux que quand il est éveillé : ses actions et ses discours prouvent également, qu'il sent clairement son identité, avec

DU SOMNAMBULISME. «

Tindividu de 1 etut de veille, puisqu'il ne fuit que reprendre et con- tinuer, d'une inauière fort rationnelle, le lil des idées ou la suite des travaux qui l'avaient occupé pendant sa veille diurne. Cette singu- larité d'une ujénioire qui ne s'exerce que d'un côté , savoir dans le somnambulisme sur l'état de veille, et non dans ce dernier sur le som- nambulisnie, et dont il est impossible de ne pas être frappé , quand on a observé des somnambules, cette singularité avait déjà été si- gnalée par V Encyclopédie ' , et il y a lieu de s'étonner que Biran-, qui cite V Encyclopédie, mais sans relever cette circonstance remar- quable, n'ait pas senti la diliiculté qui en résultait pour sa théorie. Car si la suspension de l'acte personnel et volontaire, si l'abolition du moi de l'état de veille explique à elle seule les phénomènes du som- nambulisme, et si elle se prouve surtout par l'absence totale du souvenir, qui fait, dit-on, du somnambule et de l'éveillé deux êtres complètement étrangers l'un à l'autre; alors rien n'est prouvé ni rien expliqué, du moins quant au somnambulisme, puisque le somnam- bule sait fort bien qu'il ne fait qu'un avec la personne de l'état de veille.

Mais il y a plus que cela : des observations nombreuses prouvent aujourd'hui que les faits du somnambulisme peuvent très-bien se transmettre par le souvenir à l'état de veille, et cela sans déroger, comme nous le verrons plus loin , aux lois ordinaires de l'association des idées. On a fait de nombreuses expériences pour vérifier si les somnambules avaient réellement la conscience des objets qui les en- touraient, et s'ils les apercevaient par les appareils ordinaires des sens " ; mais on n'a pas songea s'assurer, à l'égard des somnambules , i

' Par l'Encydop. ancienne de d'Alembert et Diderot, publiée en 176B, art. SomnambuUtm».

* Voyez entre autres les Mémoire$ de l'académie rçyale des science$, année 17-43, p. 40^ et •uiv. ; les observations faites par le» docteurs Pigatti et Reghellini, et consignées dans le Journal encyclopédique, juillet 1762. eldamle Dittionnairedet merreille* delà natvr»; V Encyclopédie, citée plus huiil ; les Mémoire* de la toctété de» science* phytique* de Lausanne, III , 81 et 88 (année 1787); Moritz, Magasin fiir Er/ahrungi-*eelenkunde, II, S* partie, p. 85 ei sniv.: Schubert, Symbolik de* Traum*, p. 1t(l,'t*édit. ; Nasse, Zeittchrift fur Anthropologie, I8K, I, 9^9 et 1820,1,806. . . _, ■'

Ton. XV. î

iO PHÉNOMÈNE PSYCHOLOGIQUE

spontanés, si, les conditions naturelles du souvenir étant données, le sommeil pouvait se lier à la veille , comme celle-ci se lie évidem- ment au sommeil ; cette lacune a été remplie par des expériences faites dans des cas de somnambulisme artificiel '. Outre les faits con- signés dans divers ouvrages ^ , j'ai eu occasion d'observer moi-même d'une manière suivie , il y a dix ans , une somnambule, qui se sou- venait de ce qu'il lui plaisait , en employant les moyens qui nous sont familiers dans l'état de veille , en faisant un nœud dans son mou- choir ou dans ses cheveux , en défaisant un bouton de la manche de sa robe , etc. Ces mémento , qu'elle faisait à l'insçu même de son ma- gnétiseur ^ , lui avaient cependant été suggérés par lui. Voulant ré- péter une expérience déjà faite antérieurement sur d'autres personnes, il lui avait demandé quelquefois si elle ne désirait pas conserver le souvenir de tel ou tel détail , qu'il n'y avait pas nécessité de lui laisser ignorer , et sur sa réponse affirmative, il lui ordonnait de penser , par exemple, au nombre sept. Après le réveil et au milieu d'une conver- sation générale , tout étrangère à ce qui s'était passé pendant le sommeil magnétique, il prononçait à haute voix ce nombre sept , en s'adressant à la somnambule, et celle-ci , comme une personne trans- portée avec la rapidité de la pensée dans une autre partie du monde, demeurait immobile de surprise et de confusion , en rentrant , avec pleine conscience de soi , dans une des scènes de sa vie somnambuli-

1 « L'oubli au réveil de tout ce qui s'est passe dans l'état de somnambulisme (artificiel) est Il une des propriétés les plus constantes de cet état singulier. Au surplus, la perte totale du » souvenir s'observant assez fréquemment à la suite du délire, de la folle et de plusieurs au- i> très affections , cette faculté (?) n'a jamais excité l'incrédulité. » (Bertrand, Considérations sur l'extase , p. 409.) Les personnes qui , sans avoir jamais observé de somnambule magnétique, croient cependant pouvoir nier les faits que d'autres ont constatés , peuvent considérer comme non avenus les arguments que je tire de ces faits; ma démonstration peut s'en passer, ils ne servent qu'à corroborer. Je rappellerai que M. Cousin a pu , au sein de l'académie royale des sciences morales et politiques, parler du somnambulisme artificiel comme d'une chose avérée et connue de tout le monde,

- Kieser , System des Tellurismus , § 271 ; Van Ghert , dans Kicsers archiv fiir den thieri- schen Magnelismus, 111, 3, p. âS ; &illot , Correspondance sur le magnétisme vital, II, 204 et suivantes. «iip» ;smu(j»i hs»:* -ï» ,3mlflJ ''b .>■ *

'■'' M. Van Ghert, référendaire au conseil d'état ,^La Haye. '^

DU SOMNAMBULISME. n

que. Ces signes extérieurs n'auraient servi de rien , s'il ne s'y était joint l'intention d'associer les idées présentes à l'esprit dans l'état de somnambulisme avec certaines idées qui devaient nécessairement le frapper après le réveil. Aussi a-t-on remarqué que la volonté seule du somnambule, sans aucun artifice de mnémotechnie , pouvait déterminer le souvenir, soit que cette volonté fût spontanée, soit qu'elle eût elle-même pour cause l'influence du magnétiseur '.

Ce n'est pas tout encore. L'abolition de la volonté dans la produc- tion des phénomènes du somnambulisme est si peu la cause de l'oubli qui les enveloppe ordinairement , qu'un oubli tout aussi profond peut effacer de notre mémoire des idées qui ne sont dues cependant qu'à un développement extraordinaire de notre liberté morale. Ce n'est pas sans un acte de grande énergie volontaire, que, dans nos études, nous parvenons quelquefois à concentrer notre attention sur un seul objet, après avoir péniblement fermé, pour ainsi dire, nos sens à des sollicitations de tout genre et souvent bien puissantes, qui venaient du dehors les assaillir. Nos facultés intellectuelles semblent alors exal- tées, la pensée se déroule avec une facilité qui nous étonne, nous voyons plutôt que nous ne réfléchissons. En même temps les impres- sions extérieures, qui nous auraient frappés dans toute autre circon- stance, demeurent inaperçues ^ Mais qu'une de ces impressions soit assez forte pour attirer brusquement notre attention sur l'objet qui l'a produite, et nous maudirons cette distration importune, parce que nous ferons désormais de vains efforts pour retrouver les idées que nous voyions si claires et si vraies il n'y a qu'un instant , et qui nous offraient des solutions cherchées depuis longtemps. L'analogie évidente qui existe entre cet état d'une veille bien consciente d'elle-même et

' Kieser, Syitepi, etc. , § 271 ; Bertrand , Traité du êomnabulitme , ouvrafje que je n'ai pu me procurer, mais dont j'ai lu une analyse très-détailléc dans JS'aWs ZeiUchrift fur Anthropologie, 1824 ,1, 1 lu à ISii; Passavant, L'nter$uchungen ùber den Leben$magnelitntu* , p. 95, S* édit.

* On rapporte , par exemple , qu'un ami de Kant entra un jour dans sa chambre , y resta assez longtemps pour fumer une pipe de tabac , et s'en retourna sans que Kant s'en aperçût, il méditait sur la nature de l'espace et du temps.

PHÉNOMÈNE PSYCHOLOGIQUE

le somnambulisme a été remarquée par MM. Passavant ' et Ahrens '^i mais elle ne les a pas conduits à la conclusion que j'en tirerai plus tard, pour l'explication du phénomène qui nous occupe. Cette ana- logie, on peut même la poursuivre plus loin ; car il nous arrive par- fois de retrouver d'une manière inattendue les idées dont nous avions regretté la subite disparition, lorsque nous sommes parvenus à repro- duire un état de méditation profonde, semblable à celui qui les a vues naître. C'est ainsi que les somnambules se souviennent fort bien de ce qu'ils ont dit ou fait pendant leurs sommeils précédents, et que ces divers accès, s'unissant entre eux , semblent constituer pour eux une existence à part, distincte de l'état de veille.

Il résulte clairement de ces faits et de ces considérations, que l'ex- plication des phénomènes du somnambulisme, et notamment de l'oubli au réveil , présentée par Biran, est insuffisante.

L'abbé Frère, indigné de voir la plupart des écrivains qui se sont occupés de magnétisme vital , séduits par une analogie superficielle- ment appréciée , confondre les extases des saints et les pi'ophéties des hommes inspirés de Dieu avec les phénomènes du somnambulisme magnétique, a publié récemment une brochure ^, il s'attache à faire ressortir la différence essentielle qui distingue ces deux états , attribuant les faits magnétiques, que sa bonne foi ne lui permet pas de nier, ce qui eût été plus commode, à l'intervention des anges des ténèbres, et appuyant cette opinion sur la double personnalité, que l'oubli dont il est question ici semble attester dans les somnambules. Cette hypothèse se trouve donc aussi réfutée.

'Les physiologistes français, fidèles à la loi que les savants de cette nation semblent s'être faite généralement de ne pas chercher à com- prendre les faits, mais seulement à les constater, ne nous ont guère présenté de théorie sur la cause du même phénomène , bien qu'ils aient eu fréquemment occasion de l'observer, ailleurs encore que dans

'"P ' ' ' Il «I ftnA) ymniM -ji; ,.' ! i'ni;b

' Untertuchungen ûber den Lehcnsinagnetismus und dai ffellsehen , p. 160, 1" édition. ' Covrs de psychologie , l, S^S. ' .<{ , IbJé ,«b\ï6'wo»«D'Vt'Mi aViomiy'. '

* Examen du magnélùrhé animal. Paris. l8.37."tî^'V^' '9% ^8t:V*wi««V^wW''T'i'^Kt(wJ»y(?

MriaMfrâonfjniDuusME. ia

le sorantunbulisme. Broussais semble l'utlribuer à une érection nerti veiise du cerveau '. Le docteur Bertrand, daus son TraUé du Somv nambulismo , ouvrage d'ailleurs très-remarquable , l'explique par uut>i surexcitation du cerveau , attendu que cette surexcitation est cou^i statée dans le délire, et que celui-ci est également suivi d'un oubli complet. Je veux bien qu'une semblable surexcitation soit la condition extérieure et matérielle de la production du somnambulisme et même du sommeil ordinaire, comme l'œil est la condition extérieure de la vision, mais cela ne m'apprend rien sur l'enchaînement des phéno- mènes psychologiques; et puis nous avons vu que cette surexcitation n'empêchait pas le souvenir de survivre néanmoins au réveil, ni d'embrasser chez le somnambule toute l'étendue et tous les détails de l'état de veille.

Les savants allemands qui ont traité cette matière prennent les choses de beaucoup plus haut. Kieser , par exemple ^, se plaçant au point de vue des lois générales de l'existence et les appliquant succes- sivement au système solaire et à tous les phénomènes sublunaires, tant de l'ordre intellectuel et moral que de l'ordre physique, est conduit à attribuer le somnambulisme , sous le rapport psychologique, à la prépondérance que la faculté de sentir a acquise sur celle de connaître. Ce n'est pas ici le lieu d'examiner dans son ensemble cette théorie extrêmement vaste ; je me bornerai à l'apprécier dans son rap- port avec la question qui nous occupe.

Le développement de l'âme est , selon Kieser, le résultat de l'actinn réciproque et alternativement prépondérante de ses deux pôles oppo- sés, du pôle intelligent ou pensant ( positif) et du pôle sensitif (négatif). Le premier est au second ce que le soleil est aux planètes, ce que la terre est A la lune, ce que la lumière est à la chaleur, ce que le jour est h la nuit, ce que la veille est au sommeil, ce que la vie animale est à la vie végétative, etc. , etc. Cette analogie se reproduit partout, dans l'homme c^mme dans la nature, dans les différentes faces que

iioitillj "'I .Oeil .q . i«aÀ'!<AVA\ tabbnii tuinK;t>\nï'iuuttcut^-««\ tn^ t^iîti 4t«nn«riV->»it-i'.)ii\) )' I Mémoire surVassociation , c\.c. . p. 184. » System des Tellurismu», 1822. el System dermcdicitt, I817.«(, JAI9..,, , ,

14 PHÉNOMÈNE PSYCHOLOGIQUE

présente le même individu comme dans l'histoire de l'humanité. Of pourquoi l'état de veille ou la prépondérance du pôle positif et le somnambulisme ou la prépondérance du pôle négatif sont-ils séparés comme par un abime dans la vie de l'homme, faute d'un souvenir qui les unisse? C'est que l'âme, qui ne saurait se manifester sans organe matériel, ne dispose pas dans ces deux états des mêmes organes. Les deux pôles du système nerveux qui correspondent à ceux de l'âme, sont le système ganglionnaire et l'axe cérébro-spinal, et dans l'encé- phale même ce sont les organes ou circonvolutions inférieures, atta- chées aux facultés affectives et sensitives, et les organes supérieurs, agents des facultés intellectuelles. L'action prépondérante de l'un de ces pôles sur l'autre caractérise respectivement le sommeil et la veille , sous le point de vue physiologique. Pour que cette explication en fût une, il faudrait supposer les facultés de l'âme dans un état absolu d'isolementet d'indépendance réciproques, démenti par tous les faits et repoussé par les principes fondamentaux de Kieser lui-même. Aussi ce dernier se hâte-t-il d'ajouter, que néanmoins le somnambule se souvient fort bien de son propre état de veille , ce qu'il explique par la supériorité du pôle positif sur le pôle négatif. On peut s'étonner à bon droit, que ce soit en vertu d'une supériorité que l'état de veille est privé d'une faculté que possède le somnambulisme, qui est censé lui être inférieur. Expliquons donc la pensée de l'auteur.

L'âme intelligente, qui a conscience d'elle-même et qui est mora- lement libre, étant supérieure à cet autre état de l'âme, oii celle-ci est toute sensitive, à l'âme dont la pensée est automatique, il faut que l'état de veille exerce une plus grande influence sur le somnam- bulisme que celui-ci n'en peut exercer sur le premier; ce qui fait que les idées de la veille dominent celles du somnambulisme et peuvent s'unir à elles, tandis que la réciproque est impossible. Que signifie ce mot dominer? car jusqu'ici, c'est l'auteur que j'ai laissé parler.

On sait que nos souvenirs sont tantôt involontaires, tantôt volon- taires. Dans le premier cas, on peut, quand on n'y regarde pas de bien près, considérer les içjpçs ,4pïit ^^ se souvient comme douées

DU SOMNAMBULISME.

d'une certaine spontanéité, en vertu de laquelle elles viennent solli- citer notre attention, sans être demandées. Voilà sans doute en quoi consiste la domination dont il s'agit. Quand le souvenir est volontaire, l'esprit cherche une idée qui ne se présente pas d'elle-même et la trouve.

Le somnambule se souvient des idées de l'état de veille, et cela, parce que celles-ci dominent le somnambulisme : on suppose donc ie somnambule dans le cas du souvenir involontaire. L'homme éveillé ne se souvient pas des idées qu'il a eues comme somnambule. C'est sans doute parce que ces idées, produites par une pensée automati- que, n'ont pas le pouvoir de venir d'elles-mêmes solliciter l'attention de l'âme qui veille, de se reproduire spontanément dans l'âme, qui a repris la direction d'elle-même , qui a reconquis son autonomie. Elles ne peuvent , dit-on , se reproduire que dans un état semblable à celui elles se sont formées pour la première fois.

Nous verrons tout à l'heure ce qu'il faut penser de cette spontanéité que l'on attribue aux idées de la veille, dans le fait du souvenir, sup- posé involontaire, du somnambule à leur égard. Rattachons pour le moment tout cela à quelque chose de généralement connu.

Lorsque dans l'état de veille nous nous laissons aller à nos rêveries , quand nous faisons des châteaux en Espagne, les lois d'après lesquelles nos idées se développent sont absolument les mêmes que si nous avions pleine conscience de notre moi; il n'y a que cette différence, qu'au lieu de diriger nous-mêmes le mouvement de nos idées , nous les laissons s'associer au gré des premières impressions qui leur ont fourni l'occasion de se produire ou de se reproduire, ou bien au gré des sen-* sations et des désirs qu'elles éveillent à leur tour dans notre âme. Cet état de l'âme est agréable, parce que nous jouissons de son activité sans qu'il nous en coûte le moindre effort. C'est la pensée automatique, ce sont les souvenirs involontaires, c'est la vie sensitive du somnam- bulisme. Cependant revenus à nous-mêmes, nous pouvons nous sou- venir de tous les détails de ces rêveries. Quant elles sont arrivées à un certain développement , â un certain résultat, l'esprit s'y repose agréa-^''

16 PHÉNOMÈNE PSYCHOLOGIQUE

blement;puis revenant à lui-même, il reconnaît l'illusion qui l'abuse, et parfois se demandant par quel enchaînement d'idées il est arrivé , il parvient, en remontant des effets à la cause, à reproduire cet enchaî- nement et à se rendre compte de la cause première qui l'a provoqué. Ne dites pas que ces rêves de la veille ne ressemblent au somnambu- lisme qu'en apparence : ils n'en diffèrent que par un moindre degré d'isolement de l'àme, à l'égard des choses extérieures qui ne l'occupent pas dans le moment; ce qui est cause qu'elle ne passe guère de la con- templation à l'action externe. Les sens du rêveur sont pour ainsi dire oblitérés; comme le somnambule, il est entièrement absorbé par les idées qui le dominent, et comme le somnambule encore, il en per- dra complètement le souvenir, si vous l'arrachez brusquement à ses méditations involontaires. N'est-il jamais arrivé à votre esprit de s'ab- senter ainsi en présence d'autres personnes causant de choses indiffé- rentes? Si alors on vous a interpellé par votre nom, en vous deman- dant à quoi vous pensiez , vous aurez peut-être répondu que vous n'en saviez rien. Ce n'était pas réserve ni discrétion de votre part; car réel- lement vous n'en saviez plus rien. D'où vient cet oubli ? nous le verrons plus loin; j'ai voulu constater ici l'analogie parfaite qui existe entre les rêveries de la veille et l'état de somnambulisme ' , ce qui n'em- pêche pas que les premières ne puissent être complètement repro- duites par le souvenir, après qu'elles ont cessé et lorsque l'âme a recommencé à penser et à agir avec connaissance de cause.

N'argumentez pas non plus contre cette analogie, en rappelant que, dans les rêveries en question , l'esprit ne s'occupe que d'illusions. Voici le fait. Celui qui fait des châteaux en Espagne ne croit pas lui-même à la réalité actuelle des objets extérieurs qu'il se représente; il se les figure seulement comme possibles, et il anticipe intellec- tuellement les jouissances que leur réalisation lui procurerait; voilà toute l'illusion, si c'en est une. Mais ce qui n'en est pas une, ce sont les idées elles-mêmes présentes à son esprit, idées produites sponta-

' Maine de Biran a parfaitement senti et signalé celle analogie , mais sans la considérer sous le point de vue du souvenir. Nouvelles considérations , etc. , p. 82 et suivantes.

DU SOMNAMBULISME. 47

nément, comme celles du somnambulisme, d'après la théorie de Kieser , et se développant comme elles d'une manière très-cohérente , très-normale; mais qui tantôt se trouvent complètement effacées de la mémoire, tantôt se reproduisent par le souvenir, après le retour de la conscience de soi : d'où je crois pouvoir conclure, que si le somnambule se souvient de l'existence de l'état de veille, ce n'est point parce que l'âme éveillée domine l'âme en état de somnambu- lisme, et que si l'homme éveillé ne se souvient généralement pas de ce qu'il a dit ou fait comme somnambule, ce n'est point non plus parce que la pensée du somnambule est une pensée automatique.

Mais nous avons vu plus haut, que le somnambule magnétique peut se souvenir dans l'état de veille de ce qu'il lui plait de se rap- peler de son existence somnambulique, et les faits de ce genre sont connus de Kieser; il parait même qu'il en doit la connaissance à la personne qui m'a fourni à moi-même l'occasion de les observer. Il eût été difiicile de ne pas songer , pour les expliquer, à l'association des idées ; c'est aussi ce qu'il fait. Mais ce qui me semble tout aussi diffi- cile, c'est de concilier cette explication avec la théorie précédemment exposée.

D'après cette théorie, comme nous venons de voir, les idées du somnambulisme n'auraient pas eu par elles-mêmes le pouvoir de se représenter â l'esprit dans l'état de veille. L'auteur , qui ne semble connaître que le souvenir involontaire, doit supposer également que l'homme éveillé n'a pas le pouvoir de les rappeler volontairement, quoiqu'il jouisse de ce pouvoir â l'égard des idées nées pendant la veille. C'est pourquoi il admet que, pendant le somnambulisme, l'âme peut avoir des moments de conscience de soi et de liberté morale, et que c'est alors qu'usant de l'empire que, par son pôle positif, elle exerce sur le pôle négatif, elle associe les idées dont elle veut garder le sou- venir avec certains signes qui se représenteront après le réveil , ou bien qu'elle prend simplement la résolution de s'en souvenir, ce qui suffit; car ces idées, présentes à la conscience sous le règne du pôle positif, si je puis m'exprimer ainsi, jouiront désormais de l'énergie Ton. XV. r>

18 PHÉNOMÈNE PSYCHOLOGIQUE

ou de la spontanéité nécessaire pour se reproduire d'elles-mêmes dans Tétat de veille.

Je crois avoir bien interprété la pensée de Kieser ; mais il n'a fait ici que reculer la difficulté. A quelle condition ces éclairs de la vie intelligente, de la vie consciente d'elle-même, viendront-ils illuminer de la sorte la vie somnambulique? L'auteur ne le dit pas. 11 est très- probable qu'il les fait naître sous la seule influence du magnétiseur, car il devait ignorer que les somnambules peuvent faire ces mémento ou prendre ces résolutions à l'insçu du magnétiseur , fait qui a été ob- servé pour la première fois chez la somnambule dont j'ai parlé plus haut, sept à huit ans après la publication de l'ouvrage de Kieser. Quand cette influence n'y est pour rien, est-ce le hasard qui produit cet éveil de l'intelligence libre au milieu des phénomènes du somnam- bulisme? j'ai peine à le croire, en voyant qu'il se présente au gré du somnambule, chaque fois que celui-ci désire se souvenir de quelque chose , et qu'il peut s'étendre , par conséquent , à toute la durée du somnambulisme. Il est donc plus naturel d'expliquer ce souvenir par la simple association des idées, qui agit ici comme elle agit dans l'état de veille. Kieser, tout en nommant cette association, ne s'est pas rendu compte de sa loi ni de ses conditions. Ce sont elles qui expli- quent tout, l'oubli aussi bien que le souvenir, et ce sont encore elles qui sont cause que le somnambule se souvient toujours des idées de l'état de veille, et non l'empire que l'on attribue à l'état de veille sur le somnambulisme. Car les idées dont je me souviens involontaire- ment ne sont pas douées de plus de spontanéité que celles que ma mé- moire ressuscite par ses propres efforts : si elles surgissent dans mon esprit sans que je les cherche, c'est qu'elles furent jadis associées à une idée , à un sentiment, à un désir actuellement présent à ma con- science , et par qui elles sont rappelées.

Quelle est l'influence que l'association des idées exerce sur le sou- venir? avant de répondre à cette question et de compléter l'exposé de mes idées sur le sujet qui nous occupe, je terminerai l'examen des opinions émises par d'autres sur la même matière.

DU SOMNAMBULISME. 19

Le somnambulisme magnétique a été, en Allemagne, l'objet de re- cherches scientifiques de la part d'un grand nombre de savants du premier ordre, tels que Gmelin ', Ilufeland *, Nées von Esen- beck ' , Passavant , Eschenmayer * , Brandis \ Nasse *, Strombeck ' , Meyer ' , etc. ; mais l'explication qu'ils donnent des modifications remarquables que nous offre le souvenir dans cet état extraordinaire , quand ils s'en occupent , ne diffère pas au fond de celle de Kieser. Elle a été reproduite encore dans un travail plus récent du professeur Fi- scher sur le somnambulisme *, travail très-intéressant sous un autre rapport, a Ce singulier phénomène » dit-il « ne s'explique qu'en )) admettant, pour la veille somnambulique et la veille diurne, deux » sièges et deux régions toutes différentes (p. 321). )>

M. Ahrens pense "* qu'il serait difficile de « donner une raison psy- chologique satisfaisante » du même phénomène. II se sert, pour le faire comprendre, d'une comparaison qui rappelle la théorie de Kieser. « On pourrait se figurer » dit-il « ces trois états principaux m (la veille ordinaire et les deux degrés du somnambulisme) « comme trois » cercles de la vie , contenus l'un dans l'autre , et dont le troisième )) étant le plus exlensif comprendrait les deux autres sans être compris » par eux-mêmes. La personnalité humaine s'élèverait ainsi comme )) par une métamorphose ascendante , dans des sphères plus élevées, )> dont chacune présenterait une vue plus large , en embrassant en

' L'eber den thieritchen Magnetismus , 1787 et 1789; Materialen fiirdie /anthropologie, 1791 h 1798.

* L'eber Sympathie, ISM; Journal derpraktitchen //eilkunde, annces I815etl8l8.

' Entwicklungsge$chichle des magnetitchen Schlafs u. Traumt , 1820, leçons faites \k l'univer- sité de Bonn.

^ Versuch die tcheinbore Magie des tbierischen Magnetitmus aus physiologiichen u. ptycho- logiêchen Griinden zu erktàren, 1816.

* L'eber psychische Heiliiiiltel u. niagnetiamut. Co^ienhague, 1818.

^ jirchic fiir den thieritchen Magnetiimu», public avec Eschenmayer, Kieser et Nées von Esenbeck, 1817-21.

^ Geichichie einetallein durch die Natur hertorgebrachlen animaliichen Magmetitmuê, 1813.

» Blatter fur hbhere fFahrheit , 1818 et 1820.

9 Deutsche Fierteljahrs-schrift , 1838, l^'caliier, p. 298-822.

>o Court de /w^cAo/o^te, I, 824-25.

20 PHÉNOMÈNE PSYCHOLOGIQUE

» même temps la sphère inférieure par le lien du souvenir. » On voit qu'il explique aussi l'impossibilité du souvenir par la supériorité d'un de ces états sur l'autre; mais à l'inverse de Kieser, il partage l'opinion de ceux qui considèrent le somnambulisme comme supé- rieur, sous le rapport psychologique, à l'état de veille.

an'dpJ

SECONDE PARTKg,,,,

Je reprends maintenant la question posée plus haut : Quelle est l'in- fluence que l'association des idées exerce , notamment dans le cas que nous examinons, sur le souvenir? cette question peut paraître oiseuse, tant la mémoire a été l'objet d'analyses nombreuses et variées de la part des psychologistes. Cependant , puisqu'on n'a pas songé à chercher dans les conditions générales de la mémoire la cause de cet oubli remarquable, qui cache communément les phénomènes du somnambulisme à l'état de veille , je puis supposer que tout n'a pas été dit sur cette matière. ..JTout en cherchant dans mon esprit une expression convenable, qui semblait me fuir, je viens d'ouvrir machinalement un ouvrage de phrénologie ' , je rencontre cette phrase : (c L'activité humaine )) çst une; elle n'est pas multiple, comme le veulent les phrénolo- » gistes, qui assimilent l'homme aux animaux. )> Cette pensée se

' Examen du système phrénologique , par le docteur Cerisp*;, olioa t DibcJlc't -iop umz 9il

DU SOMNAMBULISME. 21

rapporte à mon sujet, et je'ptiJi la pi'efcdyB'pititlf fJohit de départ. L'aoliviti^ humaine est une sans doute, ainsi que celle des animaux etde tout ce qui est vivant et organisé ; mais je nie qu'elle ne soit pas multiple : elle est à la fois une et multiple ' ; sans cette condition, l'acte le plus simple de l'Ame ne serait pas possible, et la différence qui sépare l'homme de l'animal n'est pas là.

J'éprouve par supposition un grand froid ; mais mon âme n'est pas isolée, enfermée pour ainsi dire dans cette sensation. Je vois en môme temps bien des objets qui m'entourent, je pense à une affaire qui m'intéresse , ou je cause avec quelqu'un , ou bien je me livre à quel- que travail manuel, ou je vais quelque part, etc. Toutes ces idées existent dans mon esprit en môme temps que cette sensation du froid, et sont quelquefois troublées par elle dans leur libre développement. Comment existent-elles simultanément dans le champ de ma cons- cience? à côté et en dehors l'une de l'autre, comme les meubles qui garnissent une chambre? ou bien comme les circonvolutions, les gan- glions, les pédoncules, les tubercules et les ventricules du cerveau dans le crAne? Dans ce cas, le froid que j'éprouve ne gênerait pas le mouvement de mes idées, et mon âme pourrait d'une part se mor- fondre, tandis que de l'autre elle ferait tranquillement un traité sur l'irritation et la folie ou bien une Iliade. Dans ce cas encore , je pour- rais dans dix ans ressentir le même froid qu'aujourd'hui , sans qu'à cette occasion les idées qui accompagnent aujourd'hui cette sensation se représentassent à mon esprit, en l'absence des objets qui les ont fait naître, comme je puis, par exemple , vous présenter les couches opti- ques (privées de vie, à la vérité,) sans la glande pinéale. Mais il n'en est pas ainsi : qu'un seiil des éléments de ce tout varié se reproduise, et les autres seront donnés par celui-là, dans celui-là et en même temps que celui-lù ; quoique très-distincts entre eux , ils ne sont donc qu'un. Moi, par exemple , je n'éprouve jamais un froid d'une certaine intensité sans voir en imagination l'incendie qui consuma, par un froid

' Le sens que j'atUche à celle expression se trouve déveIo)[klpiJ!'j>i(*'*^ttfi<î'' Mvwm^

22 PHÉNOMÈNE PSYCHOLOGIQUE

pareil, il y aura bientôt vingt ans, le palais des états -généraux à Bruxelles, ainsi que les principaux détails de la scène que j'eus alors sous les yeux. Et comme deux moments quelconques de la vie de l'âme pris isolément tiennent toujours ensemble par quelque élément qui leur est immédiatement ou médiatement commun , il faut admettre que l'âme , une fois qu'elle a posé le premier acte de son existence dans le temps , c'est-à-dire , dès la première sensation qu'elle a éprou- vée, dès la première perception qu'elle a formée, dès la première réaction qu'elle a exercée , est toujours multiple en même temps qu'elle est une. Il y a plus; elle ne saurait rien de sa propre unité , si elle ne pouvait la vérifier dans la variété de ses états divers, soit successifs, soit simultanés. Unité et variété sont donc deux notions qui s'impliquent mutuellement. Voilà ce qu'atteste l'association des idées. Dans chaque moment de son existence , l'âme est multiple , elle est double , triple , quadruple , etc. ; elle a plusieurs idées à la fois qu'elle compare entre elles; elle éprouve en même temps des sensations plus ou moins vives , des désirs qui peut-être se combattent ; elle se voit dans le passé, dans le présent et dans l'avenir , et néanmoins elle est une : cette unité n'est pas un amalgame ; ces divers états sont un, sans pour cela se confondre ; ils sont d'autant plus distincts et mieux connus individuellement qu'ils sont plus un. Si l'âme était toujours une et rien qu'une, dans le sens d'une unité numérique et à l'exclusion de la variété, ou bien elle ne changerait jamais d'état , elle serait immobile et inerte ; ou bien ses divers états ne communiqueraient pas ensemble, il n'y aurait pas d'as- sociation des idées, pas de souvenir, et l'âme en réalité ne serait rien moins qu'une.

On me pardonnera d'avoir rappelé ces détails élémentaires ; ils ren- ferment la solution de notre problème, et je demanderai de pouvoir en ajouter encore quelques-uns.

Je passe sous une fenêtre et des sons viennent frapper mon oreille; soudain j'éprouve une vive émotion : je pleure, ou je frémis, ou je m'é- lance comme pour saisir une proie. C'est que, dit-on , ces accents vous ont rappelé des circonstances remarquables de votre vie antérieure;

DU SOMNAMBULISME. 25

c'est un souvenir. Qu'est-ce à dire? j'entends chanterun air et je saisque je l'ai déjà entendu. Dans ce fait , il y a association du moment présent avec le passé; cet air existe deux fois dans mon esprit, non pas comme deux choses difl'érentes , mais comme deux choses qui, bien que deux , n'en sont néanmoins qu'une. J'ai donc la conscience du fuit actuel, du fuit passé et de l'identité de ces deux faits. Voilà déjà les conditions de l'association des idées : l'unité dans lu variété , l'âme à la fois une et multiple. Il y a ici ce que les psychologistes appellent simple souvenir. Mais cet air, en tant que passé, que je désignerai par m, a fait partie nécessairement d'un multiple, d'un groupe mnojo.... dont les autres éléments {nop....} représentent certaines émotions vives, certaines ac- tions ou certaines idées, qui , en vertu de l'unité de l'âme, sont main- tenant reproduites en même temps que l'élément m qui les implique. C'est-là ce que les psychologistes appellent proprement association des idées.

Que faut-il maintenant pour que le moment présent se lie par le souvenir à un moment passé, ou bien pour qu'un état passé se repro- duise en tant que passé? Il faut qu'un des éléments du multiple, du groupe mnop...., par exemple, dont l'âme a été jadis l'unité, soit actuellement reproduit dans l'âme à l'occasion d'un fait extérieur ou intérieur quelconque, et tel absolument qu'il a existé dans ce groupe. Pour me souvenir de l'élément p , il n'est pas nécessaire que précisé- ment ce même élément j9 soit ainsi reproduit; il suffit que l'élément m, avec lequel il n'a fait qu'un, se reproduise tel qu'il a existé.

Constatons encore un autre fait , connu de tout le monde. Si l'on vous accusait inopinément d'être l'auteur d'un meurtre commis tel jour et à telle heure , et que l'on vous demandât vous étiez et ce que vous faisiez dans ce moment-là, vous ne pourriez peut-être pas le dire dans l'instant même ; mais vous vous en souviendrez , si on vous donne le temps de réfléchir. Si l'âme , qui est toujours multiple, l'é- tait assez pour avoir toujours présente à elle-même la totalité des actes de sa vie passée , vous n'auriez pas besoin de réflexion pour savoir ce que vous avez fait tel jour et à telle heure , vous le verries. Mais de

24 PHÉNOMÈNE PSYCHOLOGIQUE

même que l'âme , soumise pour son développement à la loi du temps, n'a posé ces actes que successivement , bien qu'ils se rapportent à des choses extérieures qui peuvent coexister simultanément dans l'espace; de même elle ne peut se les représenter que successivement. Le pour- quoi de ce fait appartient à la métaphysique. Cependant l'âme n'est pas exclusivement reléguée dans le temps de façon qu'elle ne puisse en aucune manière réaliser dans son développement les conditions de l'espace; nous savons qu'elle est multiple jusqu'à un certain degré, et que c'est que se trouve la possibilité du souvenir. En effet, vous connaissez immédiatement votre état actuel. Cet état multiple ren- ferme des éléments qui ont appartenu également à l'état, au groupe immédiatement antérieur, ne fût-ce, par exemple, que l'idée du lieu vous vous trouvez et vous vous êtes occupé successivement de plusieurs choses différentes. Yous pouvez ainsi remonter, en vertu de cette communauté d'éléments entre les scènes qui se sont succédé dans le champ de votre conscience , du moment présent au moment donné. Ou bien vous vous rappellerez une chose que vous avez cer- tainement faite ce jour-là, et vous vous demanderez : qu'ai-je fait im- médiatement avant ou immédiatement après? jusqu'à ce que vous arriviez au moment en question. Ce fait, que l'on a occasion de vérifier tous les jours , nous apprend, que dans le cours ordinaire des choses, l'âme ne passe pas brusquement d'un état donné A { = mnop....) à un état X { = ...uxys) n'ayant absolument rien de commun avec le pré- cédent ; mais que ce progrès se fait insensiblement, de façon que deux états ou groupes immédiatement successifs se tiennent toujours par quelques éléments communs.

Supposons , pour rendre la chose plus sensible , que dans un temps donné l'âme ait été le théâtre d'idées, de sensations, de désirs, devoli- tions divers représentés par la série :

a, b, c, d, e, f, g, h s, t, u, x, y, z.

Cette série , par les raisons rappelées plus haut, ne pourra pas former un seul groupe; mais elle se partagera entre plusieurs groupes A_,

DU SOMNAMBinJSME. <IB

B , C, D , «te, comprenant chacun trois, quatre, cinq, etc., de ces éléments, de façon néanmoins qu'ils s'enchainent entre eux par des éléments communs, ce que l'on pourra représenter ainsi :

A B C _ j) ^X Y Z

\ "F, Zd, 'e, f, g, A.:'.*! sT^, u^x, y, z.

Ces prémisses posées, passons aux applications. Admettons que contrairement à la marche ordinaire des choses, l'âme passe immé- diatement d'un groupe donné A = abcd... à un groupe Y=8tux... (complètement étranger au précédent , et l'on comprendra qu'aussi longtemps que durera l'état Joëlle ne pourra avoir aucun souvenir de l'état A , et que si plus tard aucun des éléments du groupe A n'a l'occa- sion de se reproduire tel qu'il a existé dans ce groupe, elle ne s'en souviendra jamais plus.

"■'Voilà précisément ce qui arrive, lorsque dans l'état de veille on nous arrache iôrMsç'î/emew^ soit à nos rêveries, soit à une méditation profonde.Nos sens étaient fermés au monde extérieur; nous ne voyions, uons n'entendions rien de ce qui nous entourait; notre âme était tout entière à des idées dont les objets étaient loin de nous , dans le passé ou dans l'avenir, ou bien à des idées qui ne se rapportaient à rien de matériel ; en un mot , notre âme n'était associée à rien de ce qui était tictuellement présent à nos sens extérieurs, à aucune impression sen- sible, à rien de ce qui constituait notre existence dans l'espace. Sou- idain une impression plus vive que les autres nous force de porter notre attention au dehors; l'objet qui a produit cette impression se présente à nous dans un cadre tout nouveau , celui de tous les objets qui par les sens font subitement invasion dans l'âme, et q»ii avaient été complè- tement inaperçus ; aucun élément commun ne rattache l'un â l'autre ces deux états successifs de l'âme, ils sont séparéscomme par un abîme, et il y a nécessairement oubli complet, parce que la condition fonda- mentale du souvenir, l'association des idées, n'existe pas; et celle-ci manque, parce qu'il y u eu assoupissement, involontaire ou volon- ToM. XV. 4

m PHÉNOMÈNE PSYCHOLOGIQUE

taire , de nos sens externes. Ce sont en effet les impressions sensibles», reçues continuellement et sans le vouloir, qui, s'associant à tout ce que nous pensons, à tout ce que nous éprouvons, à tout ce que nous faisons , établissent entre les divers états de l'àme le lien ordinaire qui détermine le souvenir. Yousétes, par exemple, assis dans votre chambre et vous vous levez pour vous rendre dans une autre partie de la maison , oii se trouve une chose dont vous avez besoin. Chemin faisant, quelque autre objet que vous rencontrez inopinément, et qui est totalement étranger au premier, attire assez vivement votre attention, et arrivé vous vouliez aller , vous ne savez plus pourquoi vous y êtes venu. Si ce n'est pas la première fois que pareille chose vous arrive, vous saurez 'que le seul moyen de vous en souvenir , c'est de retourner à votre point de départ, de vous replacer dans les circonstances matérielles oii vous vous trouviez alors , et de vous rendre compte de tout ce qui vous envi- ronne. Le retour des impressions sensibles, associées involontairement de votre part à la cause pour laquelle vous vous êtes levé , suffira ordi- nairement pour vous la rappeler. Je dis ordinairement; car si l'objet qui vous a distrait chemin faisantvousa inspiré un intérêt vif, qui dure encore, ces impressions sensibles n'auront pas le pouvoir de se faire remarquer. Je reviendrai sur cette dernière observation. --'Si cette transition immédiate d'un état de l'âme à un autre qui lui est complètement étranger, explique l'oubli profond qui peut enve- lopper, non-seulement nos rêveries de l'état de veille, mais encore nos pensées les plus réfléchies , elle expliquera à plus forte raison le complet oubli qui accompagne le réveil du somnambule, à l'égard de l'état dont il sort. Les sens du somnambule sont littéralement fermés au monde extérieur. Des expériences variées et nombreuses' ont fait voir que les organes de ses sens résistent à des impressions beaucoup plus fortes que celles qui les affectent et qui sont senties dans l'état de veille; ou pour mieux dire, c'est l'âme qui leur résiste, ' puisqu'après le réveil, le somnambule commence à sentir celles qui ont

**''i MUf les ODSèrvalîins'cdn'signees dans les ouvrages cîlol pftis hSifi", pT ^\ noie 5 . «

.'été assez vives pour que les traces matérielles n'eu soient pas totaleineat efl'acées. Cepeniiaut, il a la conscience des objets extérieurs, qui soui en rapport avec les idées dont il s'occupe, et tel objet qu'on aura yair- neinent fait agir sur ses sens avec une énergie extraordinaire, sera très-clairement aperçu de lui , dès que le cours de ses idées aura dirigé vers lui son attention. Il est donc tout entier à ce qu'il pense, à ce qu'il fait; il observe dans toute sa rigueur le précepte âge quod agis, ai nulle impression involontaire, comme il nous en arrive mille par jour dans l'état do veille, ne vient le distraire. On appelle com- munément les rêveurs et les penseurs des hommes distraits; ce soot les gens toujours éveillés qui méritent celt^ épithèle , ce sont eux que leurs sens distraient continuellement de ce qui réclame toute leMr attention. ri

'Cet état d'isolement, cette absence de toute distraction, cette ooBcentration de l'attention , expliquent, chez les somnambules^ la rapidité des conceptions , la facilité des opérations intellectuelles et l'absence de toute hésitation dans les actions extérieures. iNos sens ex- ternes, sans lesquels le développement temporel de l'âme ne pourrait pas commencer, s'opposent, d'un autre côté, en faisant sans cesse avorter notre attention, en nous privant de notre liberté, à toute 'Connaissance approfondie des choses. On sait que quand on s'est mis à son bureau pour se livrera un travail intellectuel, on fait plus pen- dant la quatrième heure que pendant les trois premières réunies. C'est qu'il a fallu tout ce temps pour se recueillir, c'est-à-dire pour s'isoler, pour faire abstraction du monde extérieur, pour imposer silence à ses sens , et pour effacer complètement les mille et une sensations .qui sont venues nous assaillir pendant toute la journée. Rappelez-vous un de ces moments de méditation profonde que j'ai indiqués plus haut; rappelez- vous avec quelle rapidité et quelle abondance les idées évoquées par mille souvenirs, par mille analo- gies inaperçues dans le chaos de votre existence matérielle , se soqt pressées dans le champ de la conscience, au point que vous avez gourmande la pesante vir de vos organes, qui ne vous permettait pas

28 PHÉNOMÈNE PSYCHOLOGIQUE

de les fixera mesure qu'elles se présentaient, et supposez, que, dans un de ces moments , pour prolonger cette sorte d'inspiration ou d'intui- tion , vous ayez pu engourdir et dominer vos sens comme ils le sont dans le somnambulisme, et fermer les abords de votre âme aux im- pressions parasites du dehors ainsi qu'aux interpellations que les besoins du corps lui adressent périodiquement, et vous pourrez soup- , çonner les grandes choses dont l'âme consciente d'elle-même est ca- pable , quant elle est parvenue à secouer la lourde chaîne de son organisation matérielle; vous concevrez en même temps la possibi^o lité des merveilles que l'on raconte du somnambulisme.

II sera maintenant superflu d'ajouter, que le somnambulisme forme avec l'état de veille un contraste beaucoup plus frappant , que celui qui existe entre ce même état de veille parfaite d'une part, et de l'autre nos rêveries et nos moments d'abstraction volontaire. Et de même que l'isolement du somnambule est plus profond, de même la transition immédiate devra être plus brusque, et s'opposer plus énergiquement à tout souvenir. Quand le somnambulisme se termine par une période plus ou moins longue de sommeil ordinaire, comme il arrive chez les somnambules spontanés, ce sommeil ne rend pas moins brusque la transition dont il s'agit, puisque, pendant ce somr:: meil , la personne qui dort ne se rend pas compte de ce qu'elle vient de faire comme somnambule. Quant au somnambule magnétique, lorsqu'il ne rentre pas immédiatement dans l'état de veille, son som- nambulisme se termine, comme il a commencé , par une période plus ou moins longue de sommeil ordinaire '.

TMlUf. 8911

' Sans association des idées, point de souvenir; voilà la loi que j'ai cherché à établir par les considérations qui précèdent; d'oîi il suit que tout souvenir doit pouvoir s'expJiquer par quel- que association d'idées. Un savant ami, dont les vastes connaissances m'ont été souvent d'un grand secours, et à qui j'ai fait part de mes vues sur cette question, m'a fait remarquer, que parfois certains souvenirs se présentent si soudainement à notre esprit, que malgré tous les efforts que nous faisons ensuite pour nous en rendre compte , le plus souvent nous n'y parvenons pas ; qu'il y a donc des souvenirs que nous ne pouvons expliquer par l'association des idées. Le fait est incontestable , et je l'admets dans sa généralité, bien que l'inulililé de ces efforts s'explique bien souvent à mes yeux par l'intérêt que nous inspire l'o^ijet de ces souvenirs , intérêt qui ne nous permet pas de nous replier à temps sur nous-mêmes. Mais aussi longtemps que ces mêmes

DU SOMNÂMBllLISMK.

'^fhftfjit rttàintètiattt'qrte jié'prévienne une objection qni se pr<''seïi-^' tera certainement à tout esprit réfléchi. Tout en accordant ce que j'ai'^ avancé sur l'isolement des somnambules, on observera que néanmoins^' ces derniers sont en rapport intime avec une partie des choses qni les'' entourent dans l'état de veille, et que la vue de ces objets, après leuri réveil, devrait leur rappeler toute la scène dans laquelle ces même*^ objets sont intervenus pendant le sommeil lucide. Une domestique^'* par exemple, aura fait son ménage; un professeur de poésie aura faîfl des vers , qu'il retrouvera le lendemain écrits de sa main ' . C'est ainsi'," ajoutera-t-on , que le froid qu'il peut faire aujourd'hui , rappellera A' un ancien militaire la campagne de Russie et sa captivité en Sibérie , quoique les autres circonstances associées à cette sensation puissent différer du tout au tout dans ces deux époques, et sans qu'il soit néces- saire , pour que ce souvenir ait lieu , de parcourir successivement dans l'esprit les états intermédiaires qui rattachent l'existence d'aujour-i' d'hui à celle de ce temps-là. *^^*^^' '^'"» aoiiumii

Cette objection est spécieuse, et elle me fournit l'occasion de déve- ' lopper une loi de l'association des idées que, plus haut, je n'ai fait' qu'indiquer. Remarquons d'abord qu'elle porte également sur dei' phénomènes de l'état de veille, sur les distractions. J'ai l'habitude dé' monter ma montre tous les soirs , quand je me dispose à me mettre arf' lit. Il m'est déjà arrivé plusieurs fois de vouloir la monter une seconde' fois, ayant oublié que je l'avais déjà montée. Je connais votre expli^ cation; en la montant je pensais à autre chose. Sans doute ; mais je'

souvenirs involontaires n'auront pas été expliqués autrement que par l'associatiou des idées, je serai autorisé h faire ce raisonnement-ci : Tous les souvenirs dont on peut de fait se rendre compte, s'expliquent par l'association des idées; donc cette même association des idées pent être considérée comme pro<luisant aussi les souvenirs, dont jusqu'ici on n'a pu en aucune façoi» se rendre compte. Une personne qui a subi l'amputation d'un membre , éprouvera encore pen-i- dant longtemps des douleurs dans ce membre , qui n'existe plus. Ce phénomène a beancoup* exercé la sagacité des philosophes et même des physiologistes (voyez entre autres Richerand, § 182). Il ne s'explique d'une niunière «atisfaisante qae par l'association des idées, quoique le» personnes en qui il se prodjiil ne se soient jamais rendu compte de celte association. Ce fait' vient à l'appui de mon argumentation.

* Ab Heers , Obserrat. oppidà rvràe , cité par Fischer , Deutsche Fiertetjakrt-ichrift. ,

50 PHÉNOMÈNE PSYCHOLOGIQUE

n'ai pas pu la monter sans la tirer de ma poche, ou la détacher du mur elle pendait, sans par conséquent la voir, sans lui accorder mon attention , quelque faible qu'on la suppose à raison de l'habitude; je ne l'ai pas montée non plus sans voir la table de nuit sur laquelle je l'ai placée. Celte opération a donc été réellement associée à la pensée qui me préoccupait alors, que j'ai encore poursuivie après, et dont j'ai conservé le souvenir; elle a été également associée à l'idée de la montre que j'ai eue sous les yeux et de la table de nuit je l'ai placée , idées qui se reproduisent au moment je veux la monter de nouveau. Comment donc ne me souviens-je pas que la chose est déjà faite ? Notons quelques autres circonstances de ce fait. Lorsque j'ai réellement monté ma montre, j'y ai sans doute fait quelque attention; mais cette attention a pu être infiniment plus faible que l'attention ac- cordée à d'autres idées , à des réflexions, je suppose, qui n'étaient que la continuation d'une recherche intéressante , forcément interrompue par l'heure avancée de la nuit. Mais je continue à faire d'autres pré- paratifs, et ces distractions finissent par affaiblir graduellement l'in- térêt attaché à cette recherche ou plutôt l'attention dont elle est l'objet; je vois alors ma montre sur ma table de nuit, et je me dis que je dois la monter. Il est encore évident ici , que l'idée de ces deux objets est alors beaucoup plus claire dans mon esprit moins préoccupé, qu'elle ne l'a été lorsque j'ai réellement monté la montre. Nous voilà sur la voie de l'explication.

L'âme, comme nous savons, est toujours une et multiple à la fois. Mais les divers éléments de ce multiple (idées diverses, sensations, volitions et désirs qui les accompagnent) n'ont pas nécessairement tous le même degré de clarté ou d'intensité , le même degré de déve- loppement, parce qu'ils ne sont pas l'objet de la même attention : deux ou trois d'entre eux pourront être plus intimement unis à la con- science, au moi qu'un quatrième , un cinquième, etc. , et dans ce cas, ils seront aussi plus étroitement unis entre eux qu'avec ce quatrième , ce cinquième, et s'évoqueront plus facilement l'un l'autre qu'ils n'é- voqueront le quatrième , le cinquième ou qu'ils ne seront évoqués par

DU SOMNAMBULISME. 31

eux. Le champ do la conscience n'est jamais également éclairé sur tou* ses points. Les points qui ne le sont que Fuiblemcnt, peuvent être con- sidérés quelquefois comme ne s'y trouvant pas. Voilà ce qui explique le souvenir simple. Je rencontre en rue une figure que je me souviens d'avoir déjà vue, sans pouvoir me dire dans quelles circonstances. C'est une idée qui se reproduit en tant qu'ancienne, à l'occasion de l'objet qui jadis l'a fait naître, mais qui n'a pas le pouvoir de repro- duire les autres éléments du groupe dont elle a fait partie. Ceux-ci à leur tour auront pu se reproduire depuis comme souvenir, sans rap- peler la première. Je me suppose engagé dans une conversation très- animée avec »ine autre personne. Un ami vient à passer, et il se peut que tout en dirigeant vers lui mes yeux ouverts, je ne le voie pas, parce qu'il n'a aucun rapport avec les idées qui m'occupent, comme les somnambules n'ont aucune conscience des choses avec lesquelles ils ne sont pas en rapport. On bien , je le reconnais , je lui fais un signe , mais sans me laisser distraire sensiblement par ce nouvel objet. Quelque temps après, je revois cet ami et je me souviens de l'avoir vil récemment quelque part, mais sans pouvoir me dire où; je pourrai aussi m'étre rappelé, depuis ce temps, ma conversation sans y associer l'idée de cet ami. li en serait tout autrement si celui-ci, au lieu de passer rapidement , m'avait accosté et avait pris part à notre discus- sion. L'idée de cette personne aurait alors eu dans mon esprit le même degré de clarté que l'objet de la discussion lui-même. Il est encore certain , pour revenir au point de départ de l'objection à laquelle je réponds, que le froid que j'éprouverai aujourd'hui ne me rappellera pas la campagne de Russie ni la Sibérie , à moins qu'il ne soit très-vif ou que d'autres circonstances étrangères au froid , ne concourent à opérer cette reproductîonji^ous ne nous souvenons jamais des pre^ niières années de notre enfance. L'explication de ce fait se trouve dans ce qui précèdci iVos idées sont d'autant plus claires et plus distincte* que nous en avons davantage, et que par conséquent les points de comparaison sont plus nombreux. Les idées que nous formons aujour- d'hui , et qui trouvent dans celles que nous possédons déjà un grand

52 PHÉNOMÈNE SPYCHOLOGIQUE

nombre de points de comparaison ou de moyens de cognoscibilité, acquièrent donc beaucoup plus rapidement que dans les premiers temps de la vie , le degré de clarté convenable , et cette plus grande clarté relative, qui ne les quitte plus, est cause qu'elles ne reprodui- sent pas ces premières ébauches d'idées, ces idées à l'état de rudiment, bien qu'elles se rapportent à un grand nombre des mêmes objets '. Les premières années de la vie sont en quelque sorte la vie utérine de l'intelligence. Lorsque, par l'effet de circonstances extraordinaires , une idée a pu acquérir un plus grand degré de clarté, elle brille toute seule, comme un point lumineux , au milieu des ténèbres de ce pre- mier âge. Le seul souvenir, par exemple, qui me reste des trois pre- mières années de ma vie se rattache à l'explosion d'un magasin à poudre qui ébranla ma ville natale.

Nous conclurons de toutes ces observations, 1" que deux idées, re- latives au même objet, ne s'éA'oqueront pas mutuellement, si elles différent considérablement entre elles par la clarté dont elles sont re- vêtues, et 2" que si une idée qui se trouve conservée ou reproduite , ne reproduit pas en même temps tous les éléments du groupe dont elle a fait partie , cela tient uniquement à ce que l'attention a été fort iné- galement partagée entre les divers éléments de ce groupe. Ce que je dis de la clarté des idées doit s'entendre aussi de la vivacité des sensa- tions et des désirs, comme de l'énergie des volitions.

L'application au somnambulisme est facile à saisir. Si la clarté de nos idées dépend de l'attention que notre esprit accorde à leur objet, on comprendra qu'aucune idée de l'état de veille ne pourra jamais être aussi claire , à beaucoup près, que les idées du somnambulisme. Cette difflérence est la seule cause de l'oubli. En effet , rendez, à ces idées leur ancienne clarté , concentrez-y toute l'attention dont l'esprit est capable, en supprimant toutes les distractions occasionnées par les sens ouverts au monde extérieur, c'est-à-dire en rétablissant les conditions du somnambulisme, et le souvenir se présentera. C'est pré-

i ''■. Voyez Stiedenrolh , Psychologie sur Ërkldrung der Seeknerscheinungen , I, j). 53.

DU SOMNAMBULISME. W

cisément ce qui a lieu; le somnambule se souvient parfaitement de tous les détails de ses accès précédents de somnambulisme. Il se sou- vient même d'une manière merveilleuse des époques les plus reculées de son existence de l'état de veille, et cela parce que les distrations sen- sibles de tous les instants qui voilent ces époques pour l'homme éveillé n'existent pas pour lui.

Tout me semble donc expliqué, en ce qui concerne l'oubli , par des lois que nous avons constatées , en analysant des faits qui appartien- nent à l'état de veille lui-même; j'en ferai autant à l'égard du souvenir.

J'ai fait remarquer plus haut que l'on pouvait se souvenir parfai- tement de ses rêveries. Il sulFit pour cela de ne pas en sortir brusque- ment, mais de s'y reposer en quelque sorte, lorsqu'elles ont acquis un certain développement, et de s'en rendre compte, comme s'il s'agissait de les mettre par écrit. Cette récapitulation fait passer une seconde fois ces idées sous les yeux de la conscience, les impressions qu'elles nous laissent sont moins vives, parce qu'elles ne sont plus neuves; elles n'ab- sorbent plus toute notre attention , que nous pouvons insensiblement reporter sur le monde réel qui nous entoure, et ces rêveries finissent par s'associer aux idées des choses extérieures, éveillées graduellement en nous par nos sens, dont les relations ordinaires avec l'âme se trou- vent rétablies.

Si nous nous souvenons des idées qui sont le fruit de nos plus hautes abstractions volontaires, c'est pour ainsi dire par le même procédé. Il faut qu'avant de nous rendre complètement au monde extérieur, nous ayons pu parcourir au moins une seconde fois la série de ces idées, et que dans cet intervalle notre attention , moins enchaînée à ces idées, qu'il ne s'agit plus de produire mais seulement de constater, se re- porte insensiblement sur les choses qui nous entourent : il faut que l'attention que jusqu'alors nous avons accordée à l'objet de nos idées ne cesse pas d'être volontaire, libre; il faut, par exemple, que uotre esprit se dise qu'il a besoin de beaucoup d'attention pour ne pas perdre le fil de ses idées; ce qu'il ne peut se dire sans se rappeler en même temps qu'il existe des choses extérieures qui pourraient venir le ToM. XV. 5

54 PHÉNOMÈNE PSYCHOLOGIQUE

troubler, sans par conséquent leur accorder sciemment quelque atten- tion , ne fût-ce que pour se mettre en garde contre toute interruption. Mais cette double attention, en se prolongeant pendant quelque temps, fait que les idées suscitées par l'action de nos sens s'associent par de- grés à l'objet de nos méditations , et établissent un lien entre la veille intérieure et la veille extérieure.

En d'autres termes (et ce point de vue ira peut-être plus au fond de la question ) : cet intervalle de récapitulation est un temps plus ou moins long^ pendant lequel le rêveur ou bien le penseur cesse de rêver ou de méditer, sans cependant sortir de son rêve ni de sa méditation. Aussi longtemps qu'il a rêvé, qu'il a médité, son esprit, c'est-à-dire ses idées n'ont fait qu'un avec leur objet; il a été , comme on dit, tout entier à l'objet de ses idées; il a donc été isolé (de tout autre objet). Si une cause extérieure l'avait fait passer subitement à un objet tout différent , l'avait arraché subitement et complètement à son isolement , nous avons vu plus haut qu'il y aurait eu oubli à l'égard de son état précédent. Mais maintenant , grâce à sa nature d'homme , à sa liberté, il se détache lui-même de cet objet dans lequel il était isolé,, non pas pour ne plus y penser du tout, mais pour reproduire librement les idées que cet objet a fait naître en lui, et se rendre compte ainsi de l'état oh il se trouve. Qu'y a-t-il dans ce fait? il y a, que le sujet (rê- vant, méditant), au lieu d'être captivé, dominé par l'objet, le do- mine à son tour, puisqu'il a su arrêter le développement des idées suscitées par cet objet, et qu'à son gré il les reproduit. 11 n'est donc plus isolé (de tout autre objet) , et les impressions reçues par ses sens ont retrouvé le chemin de son âme. Mais comme dans ce moment son activité intellectuelle est libre , ces impressions n'ont pas assez d'em- pire sur lui pour l'isoler à leur tour dans les objets qui les ont produi- tes , pour détourner son attention de tout autre objet , pour l'empêcher par exemple , de se rendre compte de l'état il vient de se trouver ; elles existent donc dans son âme en même temps que les idées relatives à cet état. Voilà l'association et les conditions du souvenir.

Le somnambule ne se distingue de l'homme qui rêve les yeux ou-

DU SOMNAMBULISME. 35

verts, de l'homme distrait et du penseur plongé dans de profondes mé- ditations, que par un isolement bien pi us prononcé encore à l'égard des choses extérieures. Pour qu'il puisse y avoir association entre le som- nambulisme et l'état de veille, il faut, par analogie avec ce qui précède , que l'isolement du somnambule cesse d'être complet, sans cependant que le somnambule soit complètement arraché à son état somnambu- lique, c'est-à-dire aux idées qui constituent cet état. Et pour cela, que faut-il ? il faut, pour poursuivre notre analogie, de la part du somnambule un acte de liberté , un je veux, un acte par lequel , se dé- tachant lui-même de l'objet de ses idées somnambuliques, il com- mande à ces idées en les reproduisant librement , en les plaçant en face de soi , pour s'en rendre compte. Cet acte de liberté sera beaucoup plus difficile chez le somnambule que chez le rêveur, par exemple, à raison même de son isolement , qui est beaucoup plus profond. Cela explique peut-être pourquoi le souvenir en question n'a pas encore été observé chez les somnambules spontanés, et pourquoi, chez les som- nambules magnétiques, si l'on en juge par les faits connus jusqu'ici , il ne s'est produit spontanément qu'après avoir été produit une pre- mière fois à la suggestion du magnétiseur '.

Remarquez donc que la condition du souvenir, c'est-à-dire l'asso- ciation des idées, doit être poséejoewrfan^e somnambulisme lui-même. Cette condition se trouve-t-elle réalisée par le seul fait que le som- nambule pense à l'état de veille , qu'il en parle, ou que, par les discours qu'on lui adresse , il est amené à y penser , à en parler? « L'action de la » pensée, dit Descartes % par laquelle on croit une chose , étant dif- » férente de celle par laquelle on connaît qu'on la croit, elles sont » souvent l'une sans l'autre. » Pendant que les idées et les actions du somnambule se forment et se développent naturellement , sa pensée est la pensée qui croit les choses , mais non la pensée qui connaît qu'elle les

' El gibt keine gebonu Sohne der Fniheit , dit quelque part Schelling ; en d'autres termes, nul ne naît avec le plein usage de sa raison (de sa liberté) ; pour qu'elle entre eo action , il faut un excitant extérieur , qui soit lui-même un être raisonnable ou libre.

- Ditcoun de la méthode, Z"" partie.

36 PHÉNOMÈNE PSYCHOLOGIQUE

croit; il a la conscience de ces choses (des objets de ses idées ou de ses actions) , il a donc aussi la conscience implicite de lui-même , puisque dans ce moment il n'existe que dans ces choses , il est tout entier à ces choses ; mais il n'a pas la conscience explicite de lui-même , il est encore isolé dans les choses dont il s'occupe , isolé de toute autre chose ; s'il pense à l'état de veille , cette idée elle-même est une idée entièrement somnambulique : il pense à l'état de veille, mais il n'est pas éveillé; donc point d'association entre le somnambulisme et l'état de veille.

Pour que cette association soit possible, il faut que l'isolement complet se trouve le somnambule cesse, sans cependant que le somnambule soit complètement arraché à son état , c'est-à-dire à ses idées somnambuliques. Ce qui constitue cet isolement , c'est que cer- tains objets ont seuls le pouvoir de fixer son attention, tandis que les abords de son âme sont fermés aux impressions faites sur ses sens par tout autre objet. Le somnambule se trouve donc dans un état de dé- pendance à l'égard de certains objets , dont son esprit a de la peine à se détacher. Celtedépendance , et par suite cet isolement , ne peut cesser que par un acte de liberté. Qui produira cet acte? l'esprit du som- nambule n'est dans un état de dépendance, que parce qu'il s'aban- donne passivement au courant des idées qui se développent pour ainsi dire d'elles-mêmes dans son commerce avec les choses extérieures. Il ne peut donc manifester sa liberté qu'en arrêtant ce mouvement de ses idées ; et comme ce mouvement est le produit de son commerce , de son union intime avec les choses extérieures , en arrêtant ce mou- vement, il se détache de l'objet de ces idées ; enfin , comme son activité ultérieure ne peut plus consister à produire de nouvelles idées, puis- qu'il a rompu avec leur objet, et puisqu'il est libre à l'égard de tout objet, elle ne pourra consister qu'à reproduire, avec la conscience explicite de lui-même , l'état il vient de se trouver. Voilà ce qu'im- plique cet acte de liberté. Ce même acte réalise donc les conditions d'une association entre le somnambulisme et l'état de veille. En effet, le somnambule n'est pas hors du somnambulisme , cet état ne lui est pas devenu complètement étranger, puisqu'il s'en rend compte, puis-

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qu'il le reproduit. Il n'est pas nou plus enfermé pour ainsi dire dans le cercle magique de ses idées somnambuliques, puisqu'il leur com- mande, puisqu'il en a arrêté le développement, puisqu'il les fait re- naître à son gré ; il n'est donc plus complètement isolé (de tout autre objet), il n'est plus exclusivement somnambule. Il est donc éveillé et somnambule à la fois ; ces deux états sont dans sa conscience comme un et comme distincts , c'est-à-dire ils sont associés. Cette association existe dès que le somnambule se dit : Je veux me souvenir de cette chose; en revanche, pour qu'elle existe, il faut que le somnambuh- veuille , qu'il soit libre, qu'il soit en position de se rendre compte de lui-même '. Or, le somnambule, répétons-le, peut fort bien penser à l'état de veille, sans vouloir se souvenir, sans même être capable de cette volonté, parce que les objets de ses idées l'intéressent trop vivement et paralysent sa liberté : il ne peut s'en détacher, et il ne sera probablement pas le premier à y songer; il faut qu'on lui en sug- gère l'idée, en lui demandant s'il ne veut pas se souvenir de telle ou telle chose. Cette question réveille en lui la conscience de sa liberté , elle le rend libre, et en lui parlant des moyens à employer pour as- surer le souvenir on prolonge cet état de liberté. Cela fait, il se laisse entraîner de nouveau par le mouvement de sa vie somnarabulique. Mais il a fait l'expérience de sa liberté, et cette expérience n'est pas perdue; il la renouvellera désormais à l'insçu de son magnétiseur, ainsi que le prouvent les faits cités plus haut.

' On trouvera peut-être que mon argumentation prouve trop. S'il est nécessaire , dira-t-on , que le somnambule se rende compte de lui-même pour pouvoir se souvenir, il faudrait qu'il en fût de même dans l'état de veille. Or il est notoire, que dans l'état de veille , nous nous souve- nons parfaitement des idées que nous avons eues, quand même nous ne nous en sommes pas rendu compte immédiatement après leur production ; pourquoi donc cette nécessité existerait- elle pour le somnambule? La solution de cette difficulté se trouve dans ce qui précède. Cette nécessité n'en est une pour le somnambule qu'à cause de Yùolement profond il se trouve, et qui est généralement inconnu dans l'état de veille (externe), qui n'est au fond qu'un clat de distraction. Faites naître dans l'état de veille un isolément , je ne dis pas égal k celui du som- nambule, mais un isolément qui en approche seulement de loin, comme celui du rêveur et du penseur absorbé dans ses méditations, et vous ne pourrez vous souvenir plus tard de cet état , qu'à condition de vous en rendre compte avant d'en sortir complètement. Je crois avoir montré cela plus haut. ;•, ,

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Examinons de nouveau ces faits. Le somnambule fera un nœud dans son mouchoir pour se souvenir de certaine chose. Ce nœud pro- voquera-t-il le souvenir par sa propre vertu, et par la seule circons- tance qu'il a été fait pendant le somnambulisme, pendant que le somnambule pensait à cette chose? Cela n'est pas probable. Pourquoi en effet le somnambule ne se souvient-il de rien , quand le matin il trouve sur sa table la feuille de papier qu'il a remplie de vers de sa propre composition, pendant son état somnambulique ? Si ces we- mento ont la vertu d'associer le somnambulisme à l'état de veille subséquent, c'est donc uniquement parce que, dans le moment le somnambule les a faits, il a voulu se souvenir, c'est-à-dire parce que dans ce moment il n'était pas complètement somnambule '. Aussi est-il des somnambules qui se souviennent sans faire de mémento, uniquement parce qu'ils ont voulu se souvenir, parce qu'en pensant à l'état de veille futur ils étaient réellement éveillés ^

Il y a donc souvenir pour le somnambule , quand il y a asso- ciation des idées entre le somnambulisme et l'état de veille, et les conditions de cette association sont absolument les mêmes que pour deux états quelconques de la veille elle-même.

Ici se termine la tâche que je me suis imposée : elle consistait à

' On me donne, je suppose , dans l'état de veille, une commission, et on me recommande de ne pas l'oublier. Tout en pensant à autre chose , je le promets et je fais un nœud dans mon mou- choir : quelques heures après je vois ce nœud et je ne sais plus pourquoi il est là. Je l'ai oublié, parce qu'en faisant le nœud j'étais distrait, c'est-à-dire que j'étais isolé jusqu'à un certain point dans un autre objet. Mais cet isolement est infiniment moindre que ne le serait celui du som- nambule, si au moment il veut se souvenir, il pouvait encore être complètement somnam- bule. Donc il ne l'est pas , et s'il ne l'est pas, il est jusqu'à un certain point éveillé.

^ C'est ainsi que moi-même, en montant ma montre le lendemain du jour j'ai eu la dis- traction dont j'ai parlé tout à l'heure, je m'adresse toujours ces paroles: je me souviendrai tantôt que cette montre est montée, et en effet je ne l'oublie pas. Mais en disant cela je ne fais qu'associer mon action présente à une action ou à un état à venir, que je réalise en moi par la pensée. Ainsi encore , quand je veux ne pas oublier une chose que je dois faire plus tard, comme d'emporter, en sortant, tel livre ou tel papier, je me recommande bien cette action mentale- ment; mais ce n'est pas tout : dans le même moment je me vois tel que je serai au moment de sortir, debout, habillé, le chapeau sur la tête, me dirigeant vers la porte et tenant l'objet en question à la main.

DU SOMNAMBULISME. 39

expliquer par des lois connues un phénomène, considéré jusqu'ici comme très-extraordinaire. Je crois l'avoir examiné sous toutes ses faces, et lui avoir fait perdre beaucoup de son étrangeté. En faisant ainsi rentrer un des phénomènes que présente le somnambulisme dans le cadre des phénomènes connus et compris de tout le monde , j'aurai sans doute considérablement rapproché le somnambulisme dans son entier, du cercle des faits qui nous sont familiers, et que, pour cette raison, nous croyons parfaitement comprendre. Le point le plus important à mes yeux , est d'avoir pu écarter toutes les hypo- thèses que j'ai analysées dans la première partie de ce travail, et parmi lesquelles la moins inadmissible n'est pas assurément cello des deux moi. Broussais, qui ne voulait pas qu'il y eût dans l'homme un seul moi, à titre d'entité surajoutée à la substance nerveuse , s'est naturellement élevé avec beaucoup de force, à propos du mé- moire de Biran, contre l'admission de deux entités de ce genre '. Cette protestation part d'un instinct très-vrai , mais qui, s'ignorant lui-même, n'a conduit qu'au matérialisme.

' Mémoire tur l'auocialioH , etc. , p. 188.

FIN.

TABLE

DES MEINOIRES CONTENUS DANS LE TOME XV.

MÉMOIKËS COUHONNÉS.

Recliei'clies sur la (héorie des résidas quadratiques, par M. Moriz Stem.

Mémoire sur la vie et les écrits de Jean-Louis Vives, par M. A.-J. Namèclie.

Adriani Heijten eommentarius de origine tertii slatus populum repraesentantis in comitiis ordimtm ducalus Bralmntiae, quein edidit et illuslravit P. F. X. De Ram.

MÉMOIRES DES SAVANTS ÉTRANGERS.

Mémoire sur les fonclions arbitraires exprimées par des intégrales doubles, par M. A. Pioch.

Mémoire sur les diverses espèces de brouillards, par M. Ath. Peltier.

Recherches sur la croissance du Pin sylvestre dans le nord de l'Europe, par MM. A. Bra- vais et Ch. Marlins.

Nouvel examen d'un phénomène psychologique du somnambulisme, par M. Tandel.