>i } MÉMOIRE Sur la Queftion propofce par l'A c ad é mie Impériale & Royale des Sciences & Belles-Lettres de Bruxelles, en 1785, dans ces termes : Indiquer les nouvelles Branches de Manufactures & de Commerce , qui pour- roient être introduites dans les diverjes Pro- vinces des Pays-Bas Autrichiens , fans nuire à celles qui y font déjà établies ; PAR M. B. COPPENS, Médecin à G and, ConJ aller au Mont de Piété , Membre de la Société des Arts de Londres , &c. --*&-- Materia tantâ abundat copia Labori faber ut défit, non fabro labor. Phedr. Fabul. Epilogus ad Eulychum , lit. 4, Fab. 13. 4Qf Cn*/ INTRODUCTION. il ,jE commerce a toujours été le moyen le plus sûr & le plus univerfellement employé pour rendre un pays floriflant ; c'eft le plus ferme appui d'un état , & l'hiftoire de toutes les nations prouve évidemment qu'elles n'ont été puilîantes , que pour autant qu'elles ont donné leurs foins à cette feience & qu'elles ont étendu plus ou moins heureufement leurs entreprifes de négoce. Les Pays-Bas font pourvus de tous les avantages pour être rangés dans la première clafie des pays commerçans de l'Europe ; fes ports font avantageufement fitués entre le Midi & le Nord, fur une mer poiflbnneufe ; le pays eft entrecoupé par nombre de rivières navigables ; les chemins publics font prefque tous pavés & bien entretenus ; le fol , excepté quelques bruyères dans le Brabant & le Pays de Luxembourg , eft peut être le plus fertile de l'Europe entière , & l'agriculture y eft portée au plus haut degré de per- fection ; il recèle dans fon fein des mines de fer , de plomb, de cuivre , de calamine , de marbre , de quartz , de pyrites , de charbons de terre, d'argille de toute cfpece ; les habitans font francs, in- duftrîeux , entreprenans & propres aux entreprifes de commerce les plus compliquées ; aufli fon commerce étoit-il anciennement des plus confidérables; fes manufactures étoient pour ainfi dire les feules de l'Europe, les arts fleuriflbient , & toutes les mers étoienc couvertes de nos vaiffeaux : l'époque de cette profpérité commença vers le tems de la fameufe aflbciation des villes anféatiques qui fe A % Prix forma , a ce que Ton croit, en 1164 (a) à Bremen fur le Wefer- la grande célébrité & la profpérité étonnante de cette fociété fie que les Pays-Bas y fournirent Anvers , Dort, Amftérdam , Bruges , Oftcnde & Dunkerque ;mais ce ne fut qu'après que les croifades, dont les dernières expéditions fe firent à la fin du treizième fie- cle (Z>), venoient d'anéantir totalement la tyrannie féodale , que le commerce de ce pays jouifToit de toute fa fplendeur, que Fin- duftrie commençoit à fe développer par l'anéantiflement de la fer- vitude , que la navigation devint confidérable & les manufactures floriffantes \ c'eft donc , à proprement parler, au treizième, quator- zième & quinzième fiecle , que les Pays-Bas , malgré les guerres nationales & les divifions inteftines , furent Je théâtre du com- merce de l'Europe entière (c). Cet état de profpérité dura jufqu'au départ de Philippe IL pour l'Efpagne ,où il arriva en 1559 , nom- mantpour Gouvernante-Générale de ce Pays, Marguerite d'Autriche, DuchefTe de Parme ; les malheurs des Pays-Bas & la décadence de fon commerce datent de ce tems : l'extrême rigueur avec laquelle on févifïbit contre les fectaires ; l'inquifition , que vers ce tems on voulut introduire fans aucun ménagement ; l'accroifTe- ment de la puifTance eccléfiaftique par la fondation des Évêchés , auxquels on afîïgnoit des revenus confîdérables ; l'ambition des grands, jaloux du crédit de Granvelle (d) ; toutes ces caufes réu- nies fouleverent les efprits , & cauferent dans ce pays une fermen- tation générale : Philippe II , pour l'appaifer , envoya aux Pays-Bas le Duc d'Albe , mais au lieu d'appaifer les troubles , ce defpote ( a ) Savary, Diôionnaire de Commerce, 3 vol. in fol. éd. de Paris 174 1 , pref. hiflor. p. vii. ( b ) Mémoire fur les Emigrations des Belges qui a remporté le prix de l'Académie de Bruxelles en 1778, par Mr. le Marquis ou Chafteler, pag. $5. ( c ) Mémoire contenant le précis de l'hiftoirc naturelle des Pays-Bas maritimes, par Mr. l'Abbé Mann , imprimé dans le IV. vol. des Mémoires de l'Académie de Bruxelles, p. 119. Hiftorifche tyd en oérdeel-kundigc aenteekeningen tôt antwooVd dienende op de vraeg « Hoedaenig vas den ftaet der hand-verken en koophandel m in de Ncderlanden ten tyde van de derthiende en vierthiende eeuw ? n door den Heer Verhoeven, gedrukt in 1778. ( d ) Mémoires hiftoriques & politiques fur les Pays-Bas Autrichiens, par Mr. le Comte de Neny , Brux. 1786, 8°., tome 1 , pag. 43. DE l'AN I787. 3 ne fit que les augmenter par (es barbaries , & fit tant que nom- bre de familles fe retirèrent chez l'étranger, & que le pays entier fe mit en état de fe débarrafTer des oppreflîons inouies du Duc: les troubles augmentèrent malgré fon rappel, qui eut lieu à la fin de 1 573 , & étoient parvenus au point qu'en 1579 quelques provin- ces fe liguèrent , puis fefouffrairenc , en 1581 , à l'obéiflance de Phi- lippe II ,& firent un état libre & indépendant , fous le nom de Répu- blique des fept Provinces-Unies , ce qui fut confirmé par l'Efpagne en 1648, dans le traité de Munfter , après une guerre de 80 ans. Pendant tous ces troubles, le commerce ne pouvoir que lan- guir , quelques reftes de manufactures , monumens de fon ancienne grandeur , le préfervoient d'une ruine totale , tandis que les Hol- landois, profitant fagement de notre abattement général, augmen- tèrent confidérablement le leur. Cette inaction dura jufqu'au tems que les Pays-Bas, qui avoient été pofledés par le Roi Charles II, furent remis en 17 16 à la Maifon d'Autriche. Les habitans firent, dès ce moment, des nouveaux efforts pour rélever un commerce ruiné; des particuliers, fous Charles VI, envoyèrent dès 1718 & 17 19 quelques navires k la Guinée & aux Indes Orientales ; le fuccès de ces expéditions ayant répondu à leur attente, on forma la fameufe fociété connue fous le nom de compagnie d'Oftende, qui fut octroyée le 19 X.brc 17x1: elle jouifloit de grands privilèges & d'un heureux fuccès : la réputation de cette compagnie naiflante excita la jaloufie des autres nations & notamment des Hollandois qui parvinrent, en 1717, à faire fuf- pendre l'octroi pour le terme de 7 années , il fut depuis aboli à jamais par l'article V. du traité conclu à Vienne le 16 Mars 1731. Malgré ce contretems , on mit fucceffivement en œuvre tous les moyens qu'on croioit propres à ranimer le commerce languiffanc de ces belles provinces ,& nous pouvons dire, d'après le témoig- nage des Hollandois mêmes (e),que nous avons reufïi. Ce furent particulièrement les Hollandois qui , dans le tems de notre aflbupifTement léthargique, firent tout notre commerce, ( e ) Verhandelingen uytgegeven door de Hollandfche Maatfchappye der weten- fchappen te Haerlem. 16 deel 177J 8?. pag. *Jj. A x 4 Prix ils nous portèrent les matières premières dont le peu de fabriques, que le hafard avoit confervé , pouvoit avoir befoin ; ce furent eux qui exportèrent nos denrées chez l'étranger , & nous procu- rèrent les productions des Indes , du Midi , du Nord & d'autres contrées commerçantes ; notre navigation & notre pêche étant négligées, ils nous fournirent les poiffons que le pays confommoit; notre commerce enfin étoit entièrement entre leurs mains. Actuel- lement nous trafiquons fur le globe entier , il n'y a pas de porc de mer qui foit de quelqu'importance que nos vaiffeaux ne vifitent quelquefois, nous cherchons directement les matières premières dont nous avons befoin , & nous exportons en partie fur nos propres navires les denrées du crû du pays & les produits de nos manufactures ; la navigation , la pêche & l'agriculture font encouragées & fleuriffent , en un mot notre commerce doit être confidéré comme très -actif; il s'en faut pourtant de beaucoup qu'il le foit au point auquel on pourroit le porter en ce pays; plufieurs branches languiffent, parce qu'on n'y a pas porté l'atten- tion qu'elles méritent ; d'autres manquent absolument r plufieurs circonflances concourent à empêcher que celles-ci ne s'établiffent dans le pays, & que celles-là n'y fleuriffent : l'Académie a fenti cette vérité en demandant: « Quels font les branches de manu- » factures & de commerce qu'on pourroit introduire dans les pro- » vinces des Pays-Bas Autrichiens, fans nuire à celles qui y font » déjà établies." Queftion importante ; mais que la nouveauté du fujet & les nombreux matériaux ont rendu difficile d'être traité dans un Mé- moire Académique. L'Académie fe borne , dans fon programme , à l'indication des branches nouvelles de manufactures & de commerce ; mais le grand nombre d'obftacles qui empêchent dans le pays qu'une entreprife ne puiffe réuffir , me forcent en quelque forte de m'éloigner du fujet annoncé : que me ferviroit-il , par exemple , d'indiquer les avantages des nouvelles raffineries de borax , de camphre , de fouffre , &c. fi je n'indique en même tems les obftacles qui feroient échouer l'entreprife ? ce feroit induire en erreur tous ceux que mon travail pourroit engager à quelqu'entreprife de ce genre: ces réflexions régardent particulièrement le commerce proprement DE L'AN I787. 5 die : l'industrie & l'a£tivité n'ont jamais manqué , quand les cir- conftances nous ont permis de faire des fpéculations avantageuses; qu'on examine le détail du commerce que nous faifons actuelle- ment, on ne trouvera aucune branche de quelque conféquence, fi l'on en excepte les fabriques & les manufactures , qui depuis 20 ans ait été totalement négligée ; mais on en trouvera plufieurs qui languiflènt , on en trouvera beaucoup que nous faifons par le minifterc d'un tiers , que nous pourrions faire directement avec beaucoup plus d'avantages ; fi longtcms qu'on ne portera pas une attention réfléchie fur tout ce que nous favons par expérience être contraire au développement du commerce , nous refterons conftamment au-delîbus du niveau des connoifTances en ce genre de nos voifins ; envain tâcherons-nous de jouir des mêmes avan- tages fans prendre les mêmes mefures; ce font donc ces mefures que nous devons approfondir en même tems que nous indiquons les branches nouvelles de commerce ; c'eft en applaniffant ces obftacles que l'on rendra au commerce tout l'éclat, dont il jouiffoit aux treizième, quatorzième & quinzième fiecles: en effet, eft-ilpoffible de le faire fleurir , là où la navigation languit , où il n'y a pas des loix félon lesquelles on puiffe juger les différens qui réfultent de la négociation des lettres de change , où les juges mêmes ne con- noiffent le commerce que de nom, où le négociant eft rébuté par des enteaves cV des formalités fans nombre dans fes déclarations, où la perception des droits fe fait avec une rigueur extrême , où l'induttrie eft étouffée par les corporations , &c. &c. : qu'à l'exem- ple des autres nations commerçantes l'on débarraffe le commerce de ces liens, il ne manquera certainement pas de prendre vigueur, l'induftrie fc développera , & l'on aura détruit les vraies caufes qui, jufqu'à préfent, ont empêché l'accroifïemenc du commerce des Pays-Bas. 6 Prix mk DE L'AGRICULTURE. I E commencerai par l'agriculture , parcequ'elle eft le fondement de tout commerce ; fans agriculture tout commerce doit languir , & l'agriculture fans le commerce feroit très-bornée ; elle eft le premier des arts , puifquc la fubfiftance eft le premier des befoins; elle fournit aux manufactures les matières premières , que l'ou- vrier travaille ; c'eft le fondement de notre commerce d'expor- tation & conféquemment de notre navigation ; en un mot l'on ne peut nuire à l'un , fans porter quelqu'atteinte à l'autre. Plufieurs branches d'agriculture peuvent être introduites dans ces provinces , d'autres peuvent être améliorées , les unes & les autres méritent toute l'attention de notre Gouvernement ; parce- que dans une fcience , dans laquelle tous ceux qui la cultivent ne fuivent qu'une aveugle routine , il eft très-difficile de changer les opinions & opérations auxquelles ils font adonnés ; ce ne fera que par des encouragemens & des récompenfes, que notre Gouvernement parviendra à faire adopter de nouvelles branches d'agriculture : ce moyen a été très-efficace en Angleterre , par les foins de la fociété des Arts de Londres. Il conviendroit donc d'en- courager & de récompenfer le laboureur qui aura mis en œuvre quelque découverte qui puifTc tourner à l'avantage de l'économie rurale ; qui cultiverok les arbres & plantes étrangères , dont nons avons droit d'attendre quelqu'utilité ; qui auroit défriché une partie des bruyères, qu'on trouve abondamment dans le Bra- bant (/); les fileufes qui auroient fait le plus beau fil de lin , de laine & de coton ; un prix , en couronnant une feule , mettroit (/) Mr. De Beunic, célèbre médecin & membre de l'Académie de Bruxelles, a fait de belles expériences fur la nature des terres, & a décrit les meilleures métho- des de cultiver les bruyères. Voyez Mémoires de l'Académie Imp. & Roy. de Brux- elles , tome II pag. 3yi. DE t'AN 1787. 7 dans le commerce une quantité de fil fupérieur. L'exemple fui- vant démontre bien clairement ce que peuvent les encourage- mens : un miniftre de l'Impératrice - Reine lui préfenta huit defleins d'étoffes de foie qui coutoient douze mille francs ar- gent de France ; Mr. Thys bourguemaître & fabriquant à Eu- pen , ville du Duché de Limbourg , que cette Princefle avoic mandé pour le confulter fur les moyens d'augmenter les manu- factures , étoit préfent lorfque ces defleins furent examinés ; le miniftre dit, qu'ils étoient fi chers, qu'il éçoit dégoûté d'en faire faire ; Mr. Thys répréfenta qu'il n'étoit pas impoflïble d'en avoir un très-grand nombre & à très-bas prix , qu'il fufHroit peut- être d'annoncer dans les papiers publics , que ceux qui donne- roient les deux plus beaux defleins pour des étoffes de foie, auroient un prix de quinze cens francs pour chacun ; cette an- nonce procura deux cens vingt defleins , dont plus de xoo furent exécutés : ainfi ils ne revenoient qu'à quinze francs la pièce (g). Ce ne fera que par des moyens femblables que nous parviendrons à la fin à pofTéder en ce pays quelques branches de commerce, qui nous manquent actuellement & qui ont l'agriculture pour bafe. De la Soie végétale. Commençons par la foie végétale : cette production , qu'on emploie dans quelques manufactures chez l'étranger y eft. encore inconnue dans ce pays ; les avantages que peuvent en rétirer les manufactures & l'agriculture de ces provinces , nous forcent d'entrer dans quelques détails fur cette plante ; mais comme nos expériences ne font pas encore aflez multipliées pour traiter cette matière avec toute la juflrefle qu'elle mérite , nous fuivrons fou- vent Mr. Giilich ( h ) qui l'a cultivé & qui a mis en œuvre la foie qu'elle produit. Cette plante eft appellée par les Botaniftcs Apocynum ertSutn ( g ) Corps d'obfcrvations de la focie'tc d'agriculture de commerce & des arts de Bretagne, années 1757 & 17 j8 , à Rennes 1760, 8?. pag. 104. ( h ) Volflaadiges faerbe und blaichbuch. Ulm.4. vol. 8'. 1779-1786, vol. 30. pag. r. 8 Prix latijolium , incanutn ftorïbus parvis, obfohtc purpura fceniibus. Elle croîc dans ce pays abondamment comme de la mauvaife herbe , avec peu de foins & dans les terres les plus ingrates ; quoiqu'une culture plus foignée donne une foie plus fine & plus longue. Sa racine eft tubereufe , & poflede à-peu-près la forme de la racine d'afperge ; mais elle eft un peu plus forte. Sa tige a Tépaiffeur d'un pouce , & croît à la hauteur de cinq jufqu'à huit pieds , elle porte en Août de cinq à huit bouquets de plufieurs fleurs , félon que la plante eft plus ou moins forte ; après que les fleurs font paffées , il vient des gouffes fembla- bles à celles des fèves de marais , qui contiennent la femence & la foie végétale qui l'entoure. Cette foie eft blanche, quand la plante eft mûre,& a tout-au- plus un pouce de longueur ; en cet état on coupe les tiges près des racines , dans un tems fec , pour que les pluies ne puhTent ternir le brillant & nuire à la blancheur de cette production. L'écorce filamenteufe de la tige , ôtée & préparée par les pro- cédés connus , donne une matière qui , par fa longueur , force , beauté & brillant , furpafle le plus beau lin : on en fait du beau fil & de la belle toile. Le bois des tiges eft très-propre au chauffage. Après avoir rétiré la foie des gouffes , on fépare la plus courte, que l'on peut employer avec avantage en la mêlant avec deux parties des poils fins d'animaux pour la fabrication des chapeaux, pour en faire des couvertures, remplir des matelas, &c. Celle qui eft longue , eft trefTée & arçonnée & puis filée fur un rouet à filer le coton ; on purifie & on blanchit le fil qui en provient avec du favon feulement , pareeque les lefîives rendent cette foie jaunâtre, & comme elle eft très- blanche de fa nature, on doit la traiter avec beaucoup de ménagement ; on en peut teindre le fil beaucoup plus facilement que tout autre , foit du règne animal4, foit du règne végétal, fans employer des acides ~u mordans concentrés, qui nuiroient à fon brillant, qualité qui lit un des principaux mérites de cette production. Le fil uni- quement fait de foie végétale n'eft pas aflez fort pour être em- ployé en chaîne , mais s'employe pour la trame ; on peut faire la D! l'A» I787. 9 la chaîne des fils de tiges d'Apocynum , ce qui donne une toile foieufe des plus belles. Elle fe mêle avec le lin , la foie animale , &c. ; mais de toutes ces produirions , le coton elè celle avec laquelle elle pourroic s'allier avec le plus de profit. Mr. Le Breton (i), particulièrement animé pour la culture des plantes de ce genre , a récolté fur deux perches d'une mauvaife terre qui n'étoit propre à aucune efpcce de culture, afTez de coques d'apocyn pour fabriquer dix paires de bas en les mélangeant d'un tiers de coton ; ainfi , en évaluant chaque paire de bas au prix modique de xo fols , tous frais faits , un arpent rapporteroit an- nuellement 300 livres Tournois au propriétaire : cette fomme paroît trop forte; mais ne fût-ce que la moitié, ce feroit tou- jours beaucoup , vu que la culture de cette plante ne demande que peu de foins & que la récolte fe fait à peu de frais. Les curieux qui défireroient s'inftruire d'avantage fur le pro- duit de cette plante trouveront, dans le journal cité, des états de dépenfe des objets fabriqués avec la foie végétale. Un autre avantage, que nous procure la culture de ce végétal, cft, qu'on n'en connok pas, dont les fleurs , par leur odeur fuave, attirent plus puifTamment les abeilles ; deforte qu'on pourroit, avec avantage , établir des ruches a miel dans le voifinage de cette plante. Il ne fera peut être pas déplacé de dire un mot en cet endroit fur le gouvernement de ces infectes , qui fait un objet de confé- quence pour l'économie rurale. Des Ruches. Les mouches a miel donnent au commerce le miel & la cire ; le pays eft très-favorable à la multiplication de ces infe&es , no- tamment les Ardennes ; mais il ne jouira pas des avantages atta- chés à cette branche , fi longtemsque le gouvernement des ruches ne fera pas plus généralement connu , que les obftacles qui s'op- pofentala multiplication de ces utiles infecies ne feront pas applanis; ( i ) Efprit de Journaux, fixieme ann& ,10111. II pag 373* B 10 PRJX en effet, peut-on imaginer des pratiques plus deftru&ives & meur- trières , que de tuer les abeilles comme on le fait encore dans ce pays : n'eit-ce pas , comme l'obferve judicieufementMr. Scghers (k)t abattre les arbres pour avoir les fruits. Leurs Majeftés Imp. & Roy., ainfi que l'Académie de Bruxelles, ont formé des établifTemens , ont encouragé & récompenfé les perfonnes qui ont perfectionné cette branche de l'économie ru- rale ,• l'on ne peut difeonvenir que les moyens n'aient produit les plus heureux fuccès ; mais nous fommes encore bien éloignés de l'avoir portée au point défiré ; la raifon eft que les travaux de l'A- cadémie & les mémoires couronnés fur cet objet , ne font lus que par des favans ou des curieux ; tandis que les payfans qui ont le plus befoin de bonnes instructions fur le gouvernement de ces in- fectes , n'en ont aucune connoifTance ; comme je m'en fuis con- vaincu dans plufieurs cantons de la Flandre & ailleurs : je crois donc qu'il conviendroit, que le Gouvernement de ces provinces fit imprimer, à fes frais, une notice flamande, contenant tout ce que l'expérience a prouvé nécefTaire pour bien réuffir dans cet éta- blifTement ; de charger les curés des villages de la diftribution gratuite d'un certain nombre d'exemplaires à tous ceux qui vou- droient s'occuper de cette branche : il ne feroit aucunement diffi- cile de rédiger une pareille notice à la portée des gens de la cam- pagne, d'après ce que nous trouvons dans les Mémoires Académiques, tant dans ceux de Mr. Needham (/), que dans ceux qui ont été couronnés en 1779 , notamment celui de, Mr. Seghcrs, curé de St. Léonard. De la Rhubarbe. La rhubarbe eft un objet qui mérite aum" notre attention. Il eft conftaté par nombre d'épreuves que cette racine pourroit être cultivée avantageufement dans ce pays y Mr. Durondeau , mem- bre de l'Académie , a donné en 1771 , un Mémoire fur la culture ( k ) Mémoires qui ont emporté les prix en 1779 , prem. Me'moirc de Mr. Se- ghers, pag. 19. ( / ) Mémoires de l'Académie de Bruxelles, tome II , pag. 3a j. DK t'Ai/ I787. II de la rhubarbe; il fuie, de ce que rapporte cet auteur, que la rhu- barbe qu'il a cultivée dans ce pay> , n'eft pas feulement conforme pour le goût , la couleur & autres qualités extérieures , à là rhu- barbe asiatique , mais qu'elle étoit également amere , purgative & tonique ; qu'elle produifoit, foit en fubftance , foit en décoction ou infurion , les mêmes effets que celle qu'on nous envoie à grands frais de la Chine ou de la Mofcovie. Du Sparte, Tilleul, Agave, &c. &c. Le fparte efl une plante vivace , appellée par Linné Sùpa tenacif- fima arijlis baji pilojis ,paniculata , J'picata, foliis filiformïbus. On la fait venir d'Efpagne, où elle croît abondamment, quoiqu'on en trouve des efpéces prefque partout; on en fait en France, ainfî qu'en Italie , la Sicile , la Sardaigne , la Corfe , en Provence , Rouflillon, Languedoc, &c. des filets dépêche, cables, cordes, natecs, paniers, corbeilles, cordages & trèfles, de toute efpece & à toute forte d'ufages domeftiques & civils. Tous ces ouvrages font beaucoup plus forts & durent plus long- tems que s'ils fufTent fait de chanvre; l'eau n'a pas tant d'action fur lui & il n'tft point , comme le chanvre , fujet à l'inconvénient de tacher , ce qui le rend précieux pour en faire des cordeaux pour faire fécher le papier nouvellement fabriqué & le linge. Ces avantages ont engagé Mr. Gavoti de Berthe a établir une manufacture de fparterie au Fauxbourg St. Antoine a Paris; cet établiiïcment, dirigé par fon favant auteur, a le plus grand fuccès , & il n'eft aucunement douteux qu'une pareille manufacture s'éta- bliroit avec fuccès dans nos Provinces Belgiques. On peut employer aux mêmes ufages & avec avantage le tïl- hul , l'agave Âniéricana , les feuilles du palmite ou chamerops hu- milis , les branches tendres du mûrier; les rnalvacêes , entre lefquel- lcs on préfère le fyda aboutillon (m)é Le genet d'Efpagne, ou fpartïum junceum, conviendroit pour quelques terres incultes qui , quoique rares, fe trouvent dans ce pays 5 il ne demande qu'un fol pierreux & fec , où aucune autre plante ( m ) Journal de phyfique de l'abbé Roficr, tome XXVIII , Mai 1786 , pag. îi4. B % i x Prix ne peut végéter ; les rameaux donnent une filaffe , dont on fait du linge, & fervent en hiver de nourriture aux moutons & aux chè- vres (/z). La fleur du rofeau de marais , ou typha mêlée à un tiers de coton , a fervi à Mr. le Breton (o) à faire des gants, & des cha- peaux avec un tiers des poils de lièvre , & , comme la matière efl en elle-même fort douce au toucher & fort chaude à la peau, on peut en faire des bas , bonnets , & couvertures , &c. La Ouate. On pourroit aufli tenter quelques expériences , pour s'afîurer fi la température de notre atmofphere feroit affez chaude pour la cul- ture d'une plante qui donne une efpece de coton , qu'on appelle Ouate , elle ne demande que peu de foins & des mauvaifes terres,* nous la tirons actuellement du Levant , où elle croît abondamment ; on l'employé pour la fabrication des fourrures qu'on met entre les étoffes , on la file auffi & on en fabrique , foit feule, foit mêlée avec du coton & de la foie, de très-jolies étoffes : la méthode de travailler cette produ&ion a été inventée par Mr. la Rouviere de Paris. Du Paflel Le paftel , ou guefde, efl: une drogue dont les teinturiers fe fer- vent pour teindre en bleu y c'efl le produit des feuilles d'une plante de ce nom, qui croît abondamment en France & dans le pays de Juliers y on en rait quatre récoltes par an; on cueille les feuilles, qui font femblables à celles du plantin , quand elles font mures , on les laifTe flétrir pendant quelque tems , puis on les met fous la roue pour les piler ou moudre ; cette opération finie , on les laifTe une dixaine de jours en piles, & puis on en fait des boules qu'on laifTe fécher à l'ombre : on lui fait fubir encore une opération , ( n ) Mémoires d'agriculture de la Société' Royale d'agriculture de Paris , tri— mettre dAutomne, année 1785, pag. 117. ( 0 ) Efprit des Journaux , tome 1, feizieme année, 1787 pag. 38^. . DE L'AN I787. 13 qui confifte à caflcr les boules de paftel , les mouiller avec de l'eau croupie & de remuer ce mélange 3 a 4. fois par (emaine , pendant 4 mois, après quoi il elt en état d'entrer dans le com- merce : la valeur & la grande confbmmation de cet article prou- vent l'utilité que le pays pourroit retirer de la culture de cette plante. Safran & Réglijfe. Les Anglois & les François cultivent aulfi, avec le plus grand fuccès , le fafran & la régliile , deux objets de commerce qui nous manquent abfolument ; la culture du fafran IanguifToit autrefois en Angleterre; mais depuis pluficurs années le Gouvernement An- glois , convaincu des bons effets des récompenfes , a propofé des prix pour la multiplication des fafranieres. Le but du gouverne- ment a été rempli ; car loin d^en tirer de l'étranger pour leur confommation , comme ils étoient accoutumés , ils en exportent préfentement des' parties confidérables : il ne cède pour la qua- lité qu'à celui de Perfe ; & fon prix courant, à Amfterdam, eft de fl. 18 par livre pefant : je connois quelques particuliers, dans ce pays, qui font annuellement leur petite récolte de fafran ; la qualité & la quantité de cette production m'ont convaincu qu'on pourroit cul- tiver cette plante dans ces provinces, avecaffez. de fuccès, pour en former une branche nouvelle de commerce. Mûriers. Outre les avantages que procure la culture des mûriers , confi- derés comme nourriture des vers à foie & dont nous parlerons à l'article Soierie , l'écorce de cet arbre donne , en très-grande quantité une fubftance filamenteufe , fine & foieufe ; le fil qu'on en fabrique elt fort & fuperfin , & les dépenfes pour la prépara- tion de cette fubltance font moindres que celles pour la prépara- tion du lin ; de forte que j'eftime qu'on pourroit avec avantage ériger en ce pays des fabriques d'étoffes faites avec cette fub- ftance (0). ( o ) Fxtraft uyt de Mémorie van den Heer Seghers , Paftor te S. Léonard > welke den eerften prys bchaeld heeft in 1781. Bruflel 1783 , 40. pag. 9. 14 Prix Toileries. Les toiles font un objet de commercé dé la plus grande confé- quence pour les Pays-Bas ; la Flandre en fabrique annuellement plus de deux cent mille pièces , pour lefquelles on employé plus de douze millions de livres de lin , & qui rapportent au pays plus de huit millions de florins par an : leur fabrication , depuis l'in- ftant que la femence du lin eft confiée au fein de la terre , jufqu'à ce que la toile qui en provient foit mife dans le commerce , donne de l'occupation à plus de 306 mille âmes. Ces avantages marqués nous porteroient à croire qu'en tous tems on a donné des foins particuliers pour l'amélioration, tarit du fil, toiles & dentelles, que du lin & du chanvre qui en font les matières premières, afin de conferver au pays ces branches précieufes de commerce; mais on s'cft contenté jufqu'à préfent d'employer le lin , foit bon ou médiocre, après les préparations ordinaires, parce qu'en général le pays en produit du meilleur ou du moins d'une aulîi bonne qualité , que quelqu'autre pays de l'Europe , fans faire attention qu'il y ait des procédés connus & employés avec fuccès par d'au- tres nations , pour rendre le lin & le chanvre beaucoup plus fin (j>) ; pour donner un blanc fupérieur à celui qu'on eft accoutumé de donner aux toiles dans ce pays, fans nuire en aucune façon à fes autres bonnes qualités. Ces changemens avantageux nous procure- roient la préférence , là où nous pouvons à peine actuellement foutenir la concurrence , & donneroient un nouvel eflbr , tant à nos manufactures de toiles , qu'à l'agriculture. Comme fous le nom générique de toiles , on comprend tous les tiffus unis ou croifés de lin ou de chanvre , il eft évident que l'art de la voilure & de la corderie font partie des manufactures fufdites : ces Arts font trop négligés dans ce pays ; l'abondance du bon chanvre qu'on y cultive, fait que non-feulement nous fommes en état de fournir nos propres navires , mais qu'on pour- ront en établir une branche de commerce d'exportation très-con- ( p ) Journal de l'abbé Rofier, introdu&ion, tome II foî. $84. DE L'AN 1787. 15 fidérable ; un grand nombre , d'ailleurs , de perfonnes y gagnent la vie : les opérations multipliées de ces manufactures , telles que la filature, le devidage, le travail affidu de difFércns métiers, la blanchcric , un moulin pour rompre le chanvre, un autre pour écraier la foude , &c. , font que plus de 300 perfonnes font con- tinuellement occupées dans une manufacture de ce genre de quelque confcquencc ; on en voit un exemple à Schoonhoven , ville des Provinces- Unies, où tous ces travaux font réunis. Ijjpe autre branche qu'on a négligée dans ce pays , & qui mérite toute l'attention du Gouvernement, eft l'art d'imprimeries toiles de lin , au lieu de toiles de coton , nous n'avons pas en Amérique ni aux Indes des établiffemens qui pu i fient nous fournir cette der- nière denrée , ce qui nous met dans la néceffité de l'acheter de nos voifins ,• le Confeil des Finances de S. M. eft à même de con- noître les fommes immenfes que perd annuellement le pays par ce commerce, qui, félonies principes généralement reçus, eft tota- lement ruineux pour ce pays, puifqu'on peut s'en palier , & qu'il peut être remplacé par la toile de lin, qu'à l'exemple des autres nations, nous fommes intéreffés à faire valoir, en variant, le plus qu'il nous eft pofîible , fa forme naturelle. D'ailleurs les manufac- turiers, qui impriment actuellement la toile de coton, imprime- roient celle de lin : le nombre des perfonnes employées dans cette dernière, eft plus grand que dans la première ; d'où il fuit que, par ce changement, nous ne pouvons perdte aucune des manufactures actuellement exiftentes; les avantages , au contraire , qu'entraîne- roit ce changement , font trop fenfibles pour s'y arrêter : la cul- ture du lin , fes différentes préparations , la fabrication des toiles & leur débit, doubleroient pour le moins cette branche de richefle nationale ; ce feroit une branche nouvelle de commerce d'expor- tation pour l'Efpagne & autres pays qui en font des envois con- fidérables en Amérique. Ces avantages joints aux fommes im- menfes que nous payons actuellement aux étrangers pour le coton, ne peuvent manquer d'être une fource féconde de richeffe pour ce pays ; on peut s'en former une idée , d'après ce qui eft rapporté par un Auteur Anglois très-recommandable , favoir : » qu'on enlève » de leurs toiles ( des Irlandois ) pour plus de deux millions de i6 Prix r> verges par an, depuis qu'il ejl permis d'en imprimer & d'en » peindre ( il fera toujours de notre intérêt de tirer la foie brute de l'étranger > afin de la travailler dans ce pays & de conferver par ce moyen tout l'avantage attaché à la main-d'œuvre. La Chine, la Perfe , la Turquie & l'Italie font les pays qui produifent cette denrée en abondance, leurs qualités différent beaucoup ; celles de la Chine & de l'Italie font les meil- leures, & fervent , après avoir été tordues , pour la chaîne ; tan- dis que beaucoup d'autres qualités ne fervent que pour la trame > & de deux fortes fufdites , celle de la Chine eft encore à préférer, parce qu'en général, à qualité égale, elle coûte un tiers de moins que la foie d'Italie , ce qui fait un objet confidérable : au furplus il importe beaucoup de n'acheter que de la foie crue & d'établir dans ce pays des moulins-à-eau pour la tordre ; c'eft l'unique moyen de nous paffer de la foie torfe de Piémont. DE LA PÈCHE. La pêche offre une branche de commerce des plus considérables; c'eft une mine d'or pour tout pays qui , par fa fituation , peut ( t ) Confidérations fur le commerce & la navigation de la Grande- Bretagne > Amû. Ï7J0 8°. pag. ai. de l'an 1787. ai en jouir ; le berceau & l'école des bons matelots : l'Angleterre & la Hollande n'ont eu de marine formidable , que parce qu'ils poffe- doient, dans le fein de leur pays, le nombre fuffifant de bons pêcheurs ; la république entière , dit Smallegange ( u) , doit fa richclfe & fa grandeur à la pèche , & les villes principales de la Hollande n'ont remplacé fi fubicement des marais infecr.es , que par l'activité des pêcheurs. Ce font principalement les Anglois & les Hollandois qui ont porté cette branche de commerce à un point où il n'eft plus poflible d'atteindre, depuis qu'à leur exemple, toutes les nations de l'Europe , confidérant dans la pêche une des plus grandes ref- fources d'un état , ont donné tous leurs foins à fe l'approprier : on peut juger de l'importance de cet objet par ce qui eft rap- porté par le Chevalier Walter Raleigh , qu'en 1610, le com- merce des harengs, péchés par les Hollandois , fur les côtes d'Angleterre , d'EcofTe & d'Irlande feulement , monta pour une année à 1.659.000 liv. fterl. ; cet article leur occupoit dans ce tems-là trois mille vaifTeaux ou bufles , & cinquante mille pê- cheurs, fans compter neuf mille autres vaifTeaux, & cent cinquante mille perfonnes fur terre & fur mer , employées au commerce du poiflbn ( v ). Les Flamands eurent beaucoup de part à ces pêches confidérables ; on peut s'en convaincre par les différentes ordon- nances de nos Souverains (w),& le témoignage deGuicciardin(*), mais depuis que fept provinces fe font fouftrait à l'obéifTance de l'Efpagne , notre pêche eft tombée , tandis que les Hollandois, profitant de notre abattement général , l'augmentèrent confidéra- blementj au point de fournir du poiffon à une bonne partie de l'Europe : cette branche de leur commerce , à méfure que d'autres nations fe font adonnées à cette partie , eft considérablement tom- bée , & décline encore journalierement, d'après le témoignage même de l'Académie des Sciences d'Haerlem , qui propofa en fn) Kronyke van Zeeland, blz. 174. ( v ) Remarques fur les avantages & deTavantages de la France & de la Grande Bretagne, par rapport au commerce, Leide 1754, 8°. pag. 141. ( w ) Place, van Vlaenderen, II deel, II bock, rubr. 1 , blz. 311-14. Ibid. fol. 364. \ \ M ) Guicciardini deferitt. di tutti i Patii Lwili , i'oglio 3 1 , éd. di Plantino 1 ; 88. toi. i% Prix 1775 , la queftion fuivante pour un de fes prix : « Quelle eft la m raifon de la diminution de nos pêches marines près de nos » côtes ; & quelle eft la caufe que le poifîbn s'en éloigne toujours m davantage , & fe rétire plus avant dans la mer". Au tems marqué pour le jugement du prix., l'Académie n'ayant reçu au- cune folution fatisfaifante , abandonna le fujet. Les curieux, qui défireroient avoir quelques éclaircifîemens fur cette queftion , peuvent confulter l'excellent mémoire de Mr l'Abbé Mann , fur l'hiftoire naturelle de la mer du Nord (y) : c'eft auffi dans ce Mé- moire, ainfi que dans celui de Mr. Vcrhotvcn (f) , qu'on trouvera des caufes fans nombre , qui empêchent que notre pêche nationale n'augmente , ainfi que les moyens efficaces de la perfectionner & de l'étendre : j'y renvois d'autant plus volontiers , que je ne pourrois que les copier; j'ajouterai feulement, que le Gouvernement, toujours at- tentif au bien-être de ce pays , depuis leur publication , a mis en ufage quelques moyens qui nous font efpérer que cette branche acquer- rera fon ancienne fplcndeur : nous nous flattons qu'il étendra fes bienfaits plus loin, afin de nous mettre à même de faire la pêche de la baleine avec les mêmes avantages , que les autres nations : elle doit être des plus importantes , quand on confidére que les Hollandois envoyèrent en 1675 & 1711 , fix mille neuf cent qua- trevitigt quinze batimens , qui prirent 3x908 baleines, & que la pêche leur valût 31a millions Tournois (ï). Outre les moyens dont il eft parlé dans les Mémoires cités , un des plus efficaces pour attirer & conferver dans nos ports mariti- mes les pêcheurs & mariniers , feroit de leur afiurer les moyens de paffer des jours tranquilles dans leur vielleffe,par l'établiffcmenc d'un hôpital ou infirmerie uniquement deftinée pour les pêcheurs & autres mariniers : un érabliflernent de cette nature n'eft pas fi ( y ) Mémoires de l'Académie de Bruxelles , tome II , pag. a.09. ( 1 ) Gekroonde Verhandeling door de Keyzerlyke en Koninglyke Académie Tan Bruffel , op de vraeg : « Aentewyfen de foorten van viffehen die het gemeen voor- » werp zyn van de vangft , zoo op de kuften als in de rivieren van Vlaenderen , « de misbruyken die in de viffcheryc in zwang zyn te kennen te jevea, met de v middelen om de zelve te verbetere». Mechekn , 40. 1781. ( 1 ) Avantages &i défàyamages du commerce ,.&<;. pag. 148. DE L'AN I787. 13 difficile qu'on pourroic fe l'imaginer; les villes d'Oftende , Nieu- port, & ÎJlankenberghc contribueroienc avec plaifir pour foulager dans leurs vieux jours , les inftrumcns de leur richefle & de leur grandeur ; d'ailleurs les vues bienfaifantes de notre augufte Sou- verain nous permettent d'efpérer que le fond de quelque couvent fupprimé contribuerait , du moins en partie , pour efttcluer un fi noble projet. DE LA NAVIGATION. L'exportation de notre fuperflu & le tranfport des marchandi- fes d'une nation à une autre fe fait principalement par la naviga- tion : cet art occupe continuellement un grand nombre d'indivi- dus; car outre les matelots qui y trouvent une fubiiltence hon- nête , la navigation donne de l'occupation aux charpentiers , cor- diers , forgerons & à nombre d'autres artifans : fon avantage s'of- fre donc trop fenfiblement pour que les différens peuples n'en fÏÏTent le plus grand ufage. Les Anglois , en publiant leur acte de navigation, ont fenti toute l'importance de cette maxime , que toute nation qui laifTe faire par d'autres une navigation qu'elle pourroit elle même entreprendre , diminue d'autant fes forces réelles & relatives en faveur de fes rivales. Notre indolence à cet égard, de» puis que fept provinces fe font fouftraitesà l'obéiffance Espagnole, a enrichi les autres nations & notamment les HoIIandois; notre navigation a langui dans ces tems avec notre commerce; depuis nous avons mis tout en œuvre pour relever celui-ci & nous avons négligé celle-là; nous avons toujours méconnu qu'il y à une û étroite liaifon entre le commerce & la navigation , que la foi- blcffe ou la force de l'une dépend de l'autre : nous avons mé- connu, que fans navigation la valeur de notre fuperflu dépend entièrement des nations qui naviguent. Le commerce que nous faifons a&uellement eft très-conlidérable ; mais la plupart fur des vaiffeaux étrangers ; les avantages infinis de la navigation devroient nous faire fonger aux moyens de l'augmenter : entre ceux que je crois les plus propres à cet objet, le meilleur feroit k mon avis, d'affujettir à un droit d'un florin par tonneau , tout navire étran- ger qui feroit dans les ports des Pays-Bas ce commerce d'inipor- 14 Prix tation ou d'exportation. Ce droit pourroit être augmenté à mefure que notre marine marchande augmenteroit, & on pourroit pren- dre les mefures les plus efficaces pour empêcher que cette loi ne fût éludée en donnant le Pavillon Autrichien à des navires étrangers. Les vaiffeaux qui nous apportent des marchandifes ou des den- rées de l'étranger, s'ils appartiennent à des fujets des ports des pays ou des états où croiflent les denrées , où fe manufacturent les marchandifes, doivent faire exception à la régie générale ; cette pré- caution eft nécefTaire fi nous voulons que d'autres puiflances agif- fent de même à notre égard. <£% FABRIQUES ET MANUFACTURES PARTICULIERES. Manufacture des Glaces. JLjes différentes fortes de verres peuvent fe rapporter à trois claffes , favoir : verre commun verd , verre blanc où criftallin , &t criftal ; de ces trois fortes de verres on fait les bouteilles , les verres a vitres, verres à boire, lanternes, luftres, glaces, &c. De ces ouvrages on ne fabrique aux Pays-Bas que des bouteil- les , du verre verd & blanc pour les vitres & de la gobleterie commune ; encore les manufactures où l'on travaille ces fortes de verrerie ne font pas allez multipliées dans ces provinces,* ce qui eft caufe que malgré les gros droits de S. M. il fe fait une affez forte importation de cet article. Pour ce qui regarde les ouvrages de criftal , façon de Bohême , il n'y a pas de verrerie où on Te tra- vaille : un Anglois a commencé à établir une manufacture de criftal près de Bruxelles , où il compte travailler de luftres , lan- ternes, gobleterie &c. , on ne peut pas encore favoir fi l'établiffe» ment aura du fuccès; ce qui dépendra du prix & qualité de la mar- chandife : je fuis pourtant porté à le croire , parce que l'Anglois qui dirige les travaux , me paroît connoître à fond la branche qu'il entreprend. U DE l'AH I787. ZJ La parttc la plus confidérable de l'artde la verrerie, confifte dans les glaces, dont il n'exifte pas de manufactures aux Pays-Bas : il eft éton- nant qu'on ne fe laffe pas d'envoyer pour cet article des millions chez nos voifins , tandis que nous pouvons fabriquer ces ouvrages avec les mêmes avantages ; nous trouvons , dans le fein de notre pays , la majeure partie de matières premières ,• l'argile la plus apyre , qui fait le fondement d'une manufacture des glaces ; car fans un bon fourneau de fufion , fans de bons creufets, la matière ne fe fond & ne s'affine qu'à demi : nous avons du beau fable blanc & des cailloux en abondance ; pour la foude , nous la tirons d'Ef- pagne , comme les autres nations , & le refte d'ingrédiens ne mé- rite aucune confédération : le défaut d'ouvriers faits à ce genre de travail , ne doit pas non plus nous rébuter , parce que les mani- pulations de cette branche font très-faciles à faifir : le célèbre Mr. Bofc d'Antic , lors de l'érection d'une manufacture de glaces à Rouelles en Bourgogne, forma , de quelques bûcherons, en très-peu de tems de fort bons ouvriers (i) ; mais c'eft d'un directeur que dépendra la bonne ou mauvaife ifTue de l'entreprife : pour réuflir il faut être au fait des principes de la chymic pyrotechnique ; c'eft à cette feience que font dûs les progrès qu'a fait la verrerie en Europe. Ce fût un Chymifte François qui, en 1754, préferva la fameuG: manufacture de glaces de St. Gobin d'une ruine totale (3); on peut donc être perfuadé de faire de très -bonnes affaires, lorfqu'avec les fonds néceffaires on a le bonheur d'avoir un direc- teur pareil , & que, de fon côté, le Gouvernement encourage le nouvel établiffement, en défendant l'importation des glaces étran- gères dans ces provinces. Manufactures de Porcelaine & de Fayence. De toutes les poteries, la porcelaine tient le premier rang : pour être parfaite , elle doit joindre la beauté à la folidité ; c'eft-k- dire, qu'elle doit plaire , tant par la forme , le deflin , que par la vi- vacité des couleurs ; elle doit pouvoir renfler au feu le plus violent, i ) Œuvres de Mr. B.)fc d'Antic, a vol. Paris 1780 8°. tora. I, pag. \6%. 3 ) Ibid. difeours préliminaire, pag. a.3. 1.6 Prix fans fe fondre , & foutenir le paflage du froid au chaud & du chaud au froid fans fe cafter ,• elle doit préfenter dans fa caflure , un grain fin & très-ferré : l'argile blanche fait la bafe de la porce- laine ; de fa pureté & de fa blancheur dépend la beauté de la mar- chandife ; les autres ingrédiens font le quartz blanc , les teflbns blancs, & le gyps calcina," toutes ces matières font pulverifées , cal- cinées , lavées , tamifées,& mifes en pâte. On trouve en différens endroits de ce pays, & principalement le long del'Efcaut, des bancs entiers d'argille de toute efpèce, jufqu'à la plus blanche ; la manu- facture de porcelaine de Tournay nous offre une preuve qu'on peut l'employer avec avantage \ il feroit donc à fouhaiter qu'on n u'tipliât de pareilles fabriques dans nos provinces; infenfiblemcnt nous parviendrions à bannir l'importation de toute porcelaine étrangère & notamment celle de la Chine; ce commerce nous eft doubl me it défavantageux : premièrement en ce qu'il nuit à la vente des produits de nos manufactures , & fecondement parce qu'en échange , au lieu de marchandifes , nous leur envoyons de For tout pur. La fayencerie eft une partie non moins importante ; on com- prend fous ce nom tous les ouvrages de terre cuite, couverte d'é- mail; ce qui lui donne le coup-d'œil & la propreté de la porcelaine, fans en avoir les propriétés. L'art de la fayencerie eft fournis, dans ce pays, à une routine aveugle ; la fayence, qu'on y faiteft lourde , d'une forme groffie- re , & la peinture eft toujours la même & très-mal exécutée; en un mot elle eft encore la même que celle qu'on y fabriquoit il y a cent ans. Ces obfervarions ne peuvent être appliquées à la fayence que l'on fabrique dans le Duché de Luxembourg , dans le Comté de Namur & dans quelques endroits de la Flandre : cette fayence eft parfaite ; auffi n'eft ce pas un compofé de terre glaife & de marne, mais de l'argile pur , du quartz laiteux ,&c, ce qui rap- proche cette fayence à la porcelaine : celle dont nous délirons l'amélioration , eft la commune ; c'eft celle , comme nous venons de le dire, qui eft faite de glaife & de marne , celle dont le peuple peu aifé fait un ufage journalier; les récompenfes font le feul moyen d'opérer le changement déliré dans cette partie , & ce fe- roit, a mon avis , un des premiers objets à propofer par l'Académie DI L'AN I787. 17 des arts (4), fi, comme nous l'efperons, un pareil établifTement aie lieu pour ces provinces. Fine Poterie Angloife. La poterie qui a le plus de rapport aux efpeces décrites , eft la Poterie Angloife : les manufactures de ce genre font d'un rapport immenfe pour l'Angleterre ; les plus considérables fe trouvent dans les Comtés de Northumberland & de Stafford ; dans ce dernier on compte dix mille âmes qui y font occupées à 10 milles à la ronde : la confommation de cette poterie eft immenfe , tant chez l'étran- ger ( 5 ), que dans le pays ; fa bonne qualité de ne pas fe cafter , foit par la chaleur de l'eau bouillante , foit par le feu, pourvu qu'elle ne foit pas mife tout d'un coup à un feu trop violent, l'a fait ré- chercher univerfellement : les matières dont on la fabrique font une argile grifatre & le filex : on trouve l'un & l'autre abondam- ment dans ce pays, ce qui nous met à même d'entreprendre & d'exécuter ces fabriques avec avantage. Poterie commune. On y trouve aufli en quantité la terre propre pour la grotte po- terie ; mais la marchandife qu'on en fabrique ne peut aucunement foutenir la concurrence avec celle d'Hollande; d'ailleurs on n'y fa- brique pas la poterie dont on fait un emploi fi confidérable dans les rafineries de fucre ; on n'y fait pas les pots de calcination & de forme pour les fabriques de] blanc de plomb ; les pots de forme pour les fabriques de vermillon ; on y fait de très-mauvaifes tuiles, qui, à beaucoupprès, ne valent pas celles d'Hollande, dont on fait aux Pays-Bas un ufage prefque général : nous devrions rougir de tirer cet article de la Hollande , d'autant plus que les Hollandois viennent chez nous acheter la terre dont ils fabriquent une partie de leur poterie. Depuis que S. M. a trouvé bon d'augmenter les droits ( 4 ) Confultez cet article , pag. 51 de ce Mémoire. ( y ) En 17 j6 on a déclaré a l'exportation aux bureaux de l'Angleterre pour 300 mille liv. fterl de poterie, dont un tiers fut envoyé aux Provinces-Unies & aux Pays-Bas Autrichiens. Dl *8 Prix fur la poterie étrangère , quelques potiers-de-terre , profitant des inftruâions qu'on leur a donné , ont commencé a fabriquer une partie de poterie fufmentionnée , telles que les pots pour les raffi- neries de fucre , pour les fabriques de blanc de plomb, &c.,& je fuis perfuadé , qu'avec un peu plus de foin dans le choix & la prépa- ration de l'argile, ils parviendront a la fin à fabriquer une mar- chandife qui aura toutes les bonnes qualités réquifes , & que doré- navant nous ferons difpenfés de recourir aux étrangers pour des objets de première néceffité , & dont la matière première fe trouve par-tout fous les mains. Fabrique de Creufets. Une branche qui nous manque pareillement, eft la fabrique des creufets, dont les effayeurs, les orfèvres, les chymiftes , &c. fe fervent en abondance : les meilleurs font ceux qui nous viennent de Hefle & d'Ipfen ; les Anglois mêmes les tiroient de ces places , jufqu'à ce que la Société des Arts de Londres , après avoir facrifié en récompenfes fur cet objet 211 liv. fterl. ,a eu la fatisfa&ion de voir qu'on ait érigé avec tout le fuccès poffible une fabrique de ce genre à Chclfea (6). C'eft encore l'argile qui fait la bafe de ces fabriques ,• mais une argile très-pure , très-réfra&aire , qui foit dé- pourvue de toutes particules hétérogènes, notamment des parties martiales,* l'art confifte à donner à cette argile fraiche un inter- mède qui puiffe empêcher le retrait ,• on la trouve dans l'argile même , brûlée , pilée & tamifée ; on l'appelle Ciment : quatre par- ties de ciment fur cinq d'argile fraiche , eft la meilleure propor- tion pour avoir le moins de retrait pofîible. Il nous vient auffi de HeiTe des creufets noirâtres ; cette couleur dépend de la plombagine qu'on mêle à l'argile en de certaines proportions ; ce font ceux qui refiftent au feu le plus violent. On fabrique encore de la manière fufdite des retortes , des moufles , & nombre d'autres uftenfiles pour la chymie. ( 6 ) Tranfaâions of the Society of Arts , Manufactures and Commerce , vol. I > i-ondon 1783 , pag. 11 & \6- DE l'AN I787. 20, Manufactures de Fer & Acier travaillés. Le fer eft, fans contredit, le plus utile de tous les métaux; celui dont on fait le plus d'emploi pour les différens befoins de l'hom- me, aufli le travaille-t-on de toutes fortes de manières, ce qui donne une occupation continuelle à un grand nombre de manu- factures. Les ouvrages de fer Se acier , qui fc confommenr dans ces provinces, nous viennent prefque tous de l'Angleterre, de l'Alle- magne & de la France; pourquoi tardons nous à nous approprier en partie une main - d'oeuvre que notre indolence à jufqu'ici fixée chez les nations voifines? rous avons dans les pays de Luxembourg & de Namur des mines de fer d'une aflèz bonne qualité , & nous pouvons , comme les Anglois , chercher ce qui nous manque en Suéde , en Bohême , en Norwege, en Styrie , en Carinthic , en Car- niole & en Tirol.Nous pouvons, pour la fabrication de l'acier, cher- cher celui qui provient des fameufes mines de Dannemora dans la province de Roflagie en Suéde ,• c'eft le meilleur de l'Europe pour cet ufage , c'eft le feul qui , avec beaucoup de ductilité & de mal- léabilité , cft fort dur , & qui n'eft caftant , ni à froid , ni à chaud ; c'eft le même dont les Anglois fabriquent tous leurs ouvrages d'acier & qu'ils payent I 5 pour cent plus cher que tout autre fer. Ainfi il ne me paroit aucunement difficile de multiplier le nombre de manufactures déjà exiftentes & d'en introduire les nouvelles qui nous manquent ; telles que les fabriques des ancres , des ca- nons , des feies , limes , chaînes , boucles d'acier , peignes d'acier pour les manufactures des étoffes de foie ; du fil d'archal & de plufieurs autres du même genre. Fabrique de Fer-blanc. Nous pouvons , d'après les mêmes principes & avec les mêmes avantages , ériger dans ce pays des fabriques de fer-blanc , que nous tirons actuellement de l'Angleterre & du pays de Liège. Le fer qu'on employé pour ces fabriques eft celui qui vient en lon- gues barres quarrées des forges de Forfmarc en Roflagie; l'ou- vrier divife fes barres avec de la craie, les fait rougir dans un fourneau de réverbère , les coupe à leurs divifions par une cifaille , 30 Prix agiffant par l'eau , les bat , les rogne , puis les porte à l'étuve pour les décaper , où leur donner la préparation pour recevoir Réta- mage ; ce qui fe fait en mettant les feuilles dans différentes barri- ques, remplies d'eau aigrie au moyen de la farine de feigle: cette opération finie, l'ouvrier les plonge dans un bain d'étain, auquel on a ajouté un peu de cuivre, après cela! on les nettoyé & on les af- fortit pour les remettre dans le commerce. Raffinerie de Salpêtre & Potajfe. Le falpêtre ou nitre eft un fel neutre, formé par l'acide nitreux, & l'alkali fixe végétal ; fon ufage efttrès-étendudanslachymie, dans les fabriques des eaux-fortes , dans les fonderies de métaux , dans la teinture , & principalement dans les fabriques de poudre à canon ; ce qui l'a fait nommer , par quelques chimiftes , fel d'enfer. Nous n'avons a&uellement aucune fabrique de ce genre dans ce pays, quoique nous ayons des moulins à poudre , & d'autres éta- blifîemens qui l'employent. On retire ce fel par différens procédés , des nicrieres, tant artificielles que naturelles ; les nitrieres naturelles > les plus riches, font dans l'Inde & à la Chine ; c'eft aufïi de ces en- droits que la plus grande partie de l'Europe le retire : celui qu'on fait en Europe des nitrieres naturelles , provient des plâtres & dé- combres des nos habitations domeftiques : cette méthode a fes avantages ; mais eft en même tems la plus gênante & la plus oné- reufe pour le peuple , puifqu'on ne peut la faire avec profit , qu'au moyen des fouilles dans nos habitations. Les nitrieres artificielles , c'eft-a-dire celles que l'art arrange pour la formation du falpêtre , différent prefque dans chaque pays & font plus ou moins vicieufes : en Suéde on donne la préférence aux couches cultivées fous des hangars ,* en PrulTe on pratique des murailles de différens matériaux, plus ou moins propres à la nitrification ; ailleurs ce font des voûtes, des tuyaux , des pyrami- des , des fofTes , &c.; mais de toutes les méthodes , les nitrieres-ber- geries propofées & exécutées par Mrs. Thouvenel (7) , méritent , à ( 7 ) Mémoire fur la formation du Salpêtre , couronné par l'Académie des Sciences de Paris, inféré dans les Mémoires mathématiques & phyfiques de cette Académie, tome XI. 40. 178c? , Paris, pag. 56 du Recueil des Mémoires. DE L'AN I787. 31 tous égards, la préférence : ces deux favans font de cette fabrique une branche d'économie rurale , & c'elt par l'application de ce genre d'indultrie à l'agriculture , qu'ils ont obtenu la (implicite & l'économie dans les procédés , & l'abondance & la célérité dans les produits. Cette méthode offre, aux gens de la campagne, une branche d'i-.duftric à leur portée, & un homme ou deux , hors Je tems du leflîvjge, fuffifent pour conduire la plus grande des nitriéres-berge- rics ; ils ont fous les mains, &. connoifTcnt toutes les matières propres à la nitrification ; mais il paroît y avoir un inconvénient attaché a cette nouvelle méthode : c'eft qu'elle enlevé les engrais fournis par les beftiaux , qui font très-precicux pour l'agriculture; mais outre que le fumier peut être remplacé en quelque forte par d'autres engrais , comme nous le verrons à fa place , nous avons dans ces provinces des cantons, tels que les Poldrcs , qui, à raifon de leur grande fertilité ne reçoivent du fumier que tous les fept ans: par conféquent il doit y en avoir une très-grande quantité dont ils ne peuvent faire ulage & qu'ils font obligés de vendre , à quelque prix que ce foit : c'eft dans ces cantons , qu'on pourroit , fans porter le moindre préjudice à l'agriculture , établir de nitrieres-bergeries. Le projet de cultiver le botrys ambrofioïdes Mexicana pour la formation des nitrieres végétales , communiqué à l'Académie de Bruxelles , par Mr. le Profeflèur van Bochaute (8) , peut être d'une très-grande utilité: il conviendrait , par conféquent, de faire des expériences en grand, afin de déterminer fi l'on pourroit former ces nirricres avec quelque profit, ou fi ce n'eff. qu'un objet de pure curiofité. Les gens de la campagne qui auroient envie de former des nitrieres artificielles peuvent, en outre, pour plus grand profit, & ce qui ne demande pas plus de feience , joindre à cette fabrique , l'art du falinier : on fait que le falin ou la potafle (9) eff. le pro- duit de la lixiviation des cendres des différens végétaux; ceux ( 8 ) Mémoires de l'Académie de Bruxelles, tome IV, pag. 311. ( 9 ) Le falin ne différé de la potaiFc qu'en ce que celle-ci , pour £1 confervation & pureté a lut» un de'gré plus ou moins fort de caicinacioo. / 3x Prix qui en donnent le plus , font les tiges de tournefol , les tiges des maïs , les farmans de vigne , &c. toutes fubftances qu'on peut cultiver à la campagne avec peu de frais & dont on ne doit pas avoir une fi grande quantité qu'on pourroit fc l'imaginer pour fuffire aux befoins d'un falpetrier, puifque x%S liv. & 14 onces de cendres des tiges de tournefol, donnent 80 liv. de matière faline (10). En attendant que nous foyons aflez heureux de voir ces établifTemens dans nos Provinces Belgiques , il fera toujours de notre intérêt d'y établir des raffineries, fur le pied qu'elles travail- lent à Amfterdam ; les travaux de ces établifTemens confiftent à donner une bafe alkaline fixe au falpétre brut qui nous vient des Indes , de clarifier la liqueur & de procéder à la cryftallifation. Je ne connois aux Pays-Bas qu'une feule raffinerie de cette ef- péce , établie dans la ville de Gandj le fuccès de cette branche ne répond aucunement à l'attente qu'on s'en étoit formé : ce n'eft pas que la marchandife qu'on y fabrique ne foit auffi belle que celle qui nous vient de Hollande: je crois qu'elle la furpaffe à prix égal : on penfe en général dans ces provinces qu'il nous foit im- pollible d'y fabriquer avec les mêmes avantages qu'en Hollande, comme s'il ne dépendoit pas de nous de détruire ces liens qui tien- nent notre commerce enchaîné. Cette abfurdité a gagné au point que les marchands qui font des affaires avec quelque fabrique nouvellement établie , tâchent toujours , épouvantés de la chimé- rique crainte de perdre leur crédit , de faire ce commerce le plus fécrettement poffible ; en conféquence ne permettent aux fabriquans de faire les livraifons que vers le foir , ou à toute autre heure indue1, vendent la marchandife fous des noms em- pruntés , & ne rougiffent pas de la décrier , même quand ils n'en ont pas d'autre dans leur boutique. D'un autre côté , il eft très- difficile d'attirer des chalans qui chez l'étranger ont toujours été bien fervi , & qui trouvent toujours un compte ouvert chez leur fabriquans, qu'il leur feroit difficile, & quelquefois même impof- fib! e ( 10 ) Mémoires de mathématique & phyfique de l'Académie Royale des Sciences de Paris, tome XI, 4°-; P»rt- hiftorique pag. 190. DE t'AN 1787. 33 fïble de folder ; il conviendroic donc de penfer férieufement aux moyens d'applanir tous ces obftacles; le plus fur feroit de donner les marchandées à plus bas prix , en coniervanc les bonnes quali- tés; mais le pouvons nous? La navigation de nos voifins & leur commerce ont une folidité fur le globe entier , dont nous fom- mes beaucoup éloignés ; leurs main-d'œuvres ne font pns plus chè- res ; ils ont des ouvriers faits , & la certitude de la réuifitc de leur entreprife , & au-deffus de tout , un débouché affuré,- malgré ces défavantages, nous pouvons être perfuades d'obtenir ce bas prix , fi le Gouvernement daigne défendre ou charger de gros droits les marchandifes étrangères qui peuvent nuire à la confommation de celles dont il y a des fabriques djns le pays , & qu'il daigne ren- dre libre l'entrée des matières premières étrangères , que nous em- ployons dans nos fabriques , comme il a été obfervé ci-devant. Raffinerie de Borax. Le borax cil un fel neutre , qu'on employé en médecine & dans la teinture ; il fert k brafer l'or , & les autres métaux, c'eft un des flux des plus puifTans qu'on aie dans la docimaftique. Ce furent au- trefois les Vénériens qui poffedoient l'art de raffiner ce fel ; les Hollandois leur ont enlevé cette branche avec beaucoup d'autres, & ce font eux qui fourniffent, pour ainfi dire, actuellement l'Eu- rope entière de cette marchandife. Le borax brut nous vient des Indes Orientales , fous trois formes différentes : la première eft une terre grifàtre , affez péfante, d'une faveur d'alka.li minéral fucrée, c'eft le tinqmle : la féconde efpece eft en petits cryftaux jaunâtres , empâtés dans une matière tenace , dont l'odeur , félon Mr. De Machy (n) , approche beaucoup de celle de la vieille cire jaune : la troiiiemc eft en maffe , d'une criftalifation confufe, & reffemble aux criftaux de tartre vitriolé, qui feroient falis d'une terre qui les entoure : ces deux dernières efpeccs nous viennent principalement par le port de l'Orient. Le raffinage du borax n'a rien de particulier , comme quelques ( n ) Dcfcription des arts & mteiers. Neufchatcl , 40. tome ia,pag 163,1780. E 34 Prix. auteurs nous l'ont voulu faire accroire : les Hollandois qui ont in- térêt à conferver cette branche de commerce, fe difent pofleffeurs de quelques manipulations fécretcs , d'où ils font dépendre la réuf- fite de l'opération ; mais je puis afïurer , d'après l'expérience , que le prétendu fécret des Hollandois n'a été imaginé que pour écar- ter & dégoûter les curieux des tentatives qu'ils auroient pu faire pour enrichir le pays de cette nouvelle fabrique. Toute l'opération confifte à faire , félon les règles de l'art, une difïblution du borax brut, de la filtrer, l'évaporer, & de la conduire à une cryftallifa- tion très-lente (n). Raffinerie de Camphre A la décadence du commerce des Vénetiens, les Hollandois fe font aufli emparés d'une autre branche , qui eft le raffinage du camphre : l'opération , par laquelle on purifie cette marchandife, fut longtems un fecret connu de peu de gens; mais grâce aux tra- vaux de Mrs. Jars , Model , Valmont de Bomare & Demachy , nous fommes actuellement en état d'ériger de pareilles fabriques dans ce pays : l'opération confifte à fublimer le camphre brut qui vient de Bornéo & de Sumatra. Je fuis parvenu par cette méthode fimple . mais qui exige beaucoup d'attention , principalement pour la conduite du feu, à raffiner du camphre brut, qui ne le cède pour aucune bonne qualité à celui d'Hollande. Raffinerie de Soufre. La confommation dufoufre, tant en mafîe& canons, qu'en fleurs, eft immenfe dans ce pays : on le tire des raffineries de Marfeille & d'Amfterdam , tout préparé , le pays n'ayant aucune de ce ces fabriques ; une feule , que j'y connois , mérite plutôt le nom de laboratoire de chymie où l'on fait des efTais , qu'une, fabrique. Les opérations, cependant, font fi fimples pour quiconque a les moindres notions de chymie , & la confommationde cet ar- ticle eft fi confidérable , qu'il eft étonnant qu'on n'ait pas encore ( il ) Johan Jacob Ferbers neue Beytrâge zur mineralgefchichtc verfcheidener lander, erflerband, pag. 331 Mittau, 1778. 8°. DE l'AN I787. 3f pcnfé à l'établiflement de ces raffineries. On retire le foufre im- pur de l'Italie , fous le nom de foufre de Pouzzol , foufre de Rome , ou de Sicile, foufre d'Ancone, &c; & c'eft principalement de cette dernière place que Marfcille le tire pour l'ufage de fes fabri- ques : ce foufre a déjà fubi une opération dans le pays môme, dont on trouvera la defeription dans un mémoire de Mr. l'Abbé Nol- let ( 13); on le raffine, par une fufion répétée, pour le couler en moules ; c'eft le fouffre en canons : ce qui refte d'impur , eft mis dans des grandes cornues, placées fur un bain de fable, fur un vafte fourneau ; ces cornues ont des cols très-larges & fort longs , aux- quels on adapte des récipiens proportionnés à leur grandeur, & on procède à la fublimation : le produit de cette opération font les fleurs de foufre; le réfidu ou le caput mortuum qui refte, eft le foufre caballin ; on le vend dans les boutiques fous le nom de foufre vif. Fabrique de Blanc de Plomb , de Minium & de Sel de Saturne. La fabrication du blanc de plomb confifte uniquement dans la calcination du plomb par les vapeurs du vinaigre ; la cerufe n'en diffère que parce qu'on amalgame le blanc de plomb avec une quan- tité déterminée de craie, de chaux ou de toute autre matière cal- caire blanche , qui rend la marchandife meilleur marché; mais qui la détériore infiniment. Il y a deux fabriques de blanc de Plomb aux Pays-Bas , l'une à Gand, l'autre à Anvers : l'une & l'autre pour- roient , avec avantage, y joindre la fabrication du minium & du fel de faturne , parce que les matières premières de ces branches nouvelles s'y trouvent abondamment. On fabrique le minium des cendres du plomb qu'on a enlevé à la fonte du plomb, lors du coulage des plaques pour la calcination ; ces cendres, après avoir été lavées , broyées & lévigées , font calcinées dans un fourneau de réverbère jufqu'au rouge; c'eft le minium. Le fel de faturne fe fait en diffblvant du blanc de plomb dans du vinaigre diftillé ,•' (13) Collection Académique , partie Franc, tome X , pag, 174. 36 Prix la difîblution faite , on évapore le tout k un certain degré , on filtre la liqueur & on la met cryftallifer. Je joins d'autant plus vo- lontiers ces deux branches nouvelles aux fabriques de blanc de plomb , que, malgré la confommation que font les peintres du minium , & les imprimeries de toile de coton , du fel de faturne, elles n'offrent pas un objet affez confidérable pour en former des établiffemens particuliers. Fabrique des Préparations Antimoniales. L'antimoine eft un demi-métal qu'on tire de la Hongrie , de la Bohême, du Poitou, d'Auvergne, &c.y enle calcinant dans un four approprié , on le réduit en chaux par la volatilifation du fou- fre; quand a 100 liv. de cette chaux on a joute, comme fondant, 50 liv. de lie devin bien féche & pulverifée , on obtient, par la fufion, le régule d^antimoine, qu'on purifie par des fontes réitérées. Le verre d'antimoine fe fabrique par la fufion de la chaux d'antimoine; mais qui n'a pas été entièrement dcfoufré. Le tartre ftibié eft un fel qui fe forme par l'union du verre d'antimoine & la crème de tartre , & fi, à une partie de chaux d'antimoine , on ajoute de l'antimoine cru , & des fcories qui reftent de la fabrication du régule , on obtient par la fufion le crocus mctallorum. Pour le kermès minerai , on jette de l'antimoine bien pur dans une leffive de nitre liquifiée & detonnée ; l'on fait bouillir ce mélange, & on le filtre bouillant; la liqueur filtrée & refroidie , dépofe le kermès au fond du vafe. Ces différens produits de l'antimoine font refpecVivement em- ployés pour fondre les métaux , pour retirer l'aigreur de l'or : les Anglois l'employent pour rendre leur étain fonore & argentin : il s'en fait une confommation confidérable dans les fonderies des cloches & caractères d'imprimerie , dans la teinture , la méde- cine , & i'hippiatrique; le débit, par conféquent, de cette mar- chandife eft affez confidérable, pour entretenir dans ces provinces une fabrique de ce genre. Fabrique de Sel Ammoniac. Le fel ammoniac n'eft pas d'un ufage moins général dans les arts; les chaudronniers, les potiers d'étain, ferruriers, orfèvres, DE L'AN I787. 37 teinturiers, épingliers, fondeurs, &c. en confomment adez grande quantité pour entretenir deux ou trois fabriques, outre celle que Mr. LimercIIe a établi, avec fuccès, à Binche , près de Mons. On tiroit autrefois le fcl ammoniac d'Egypte , actuellement on le fabrique en Hollande , en Angleterre , en France & en Alle- magne, avec beaucoup plus d'économie. De toutes les méthodes, qui y font en ufage , celle dont fe fervent les frères Gravenhorft , a Brunfwic , eft Jupérieùre aux autres , tant pour la qualité de K marchandife , que pour le bas prix. Fabrique de Vitriol, £ Huile de Vitriola autres Acides. Le vitriol eft un fel qu'on retire par lixiviation d'une terre py- riteufe , & l'huile de vitriol fe fabrique , en diftillant le vitriol martial , ou , à l'imitation des Anglois , en brûlant du foufre dans des grandes cornues de verre , remplies d'une partie d'eau pour condenfer les vapeurs : c'eft la méthode la plus économique. Il exifte une mine de terre pyriteufe dans le quartier d'Anvers; je n'ai pas eu l'occafion de l'examiner; je fais feulement, qu'un particulier a tenté , il y a quelques ans , d'en établir une fabrique de vitriol ; l'établifTement n'a pas eu le fuccès qu'on pouvoit en attendre: quelques informations, prifes à ce fujet, m'ont con- vaincu que le peu de connoifTances de l'entrepreneur , tant en chymic que des manipulations particulières de cette fabrique , ont été caufe de fon peu de fuccès: il feroit donc à fouhaiter, qu'un particulier, avec les connoifTances requifes, en fît des nou- velles expériences. On pourroit, d'ailleurs , joindre, avec avantage, à cette fabrique, l'art de fabriquer les eaux fortes, l'efprit de fel & l'eau régale ; tous ces differens acides font d'un ufage très-étendu pour le relieur, le teinturier, l'orfèvre, le graveur, le chaudronnier, le chapelier , &c. Fabrique de Bleu d'Azur. Le bleu d'azur , bleu d'émail , ou bleu d'empois , dont nos blan- chifTeurs confomment une fi forte quantité , fe fait par un mé- lange de cobalt, de fable ou cailloux & de potafle: ces matières font fondues enfemble dans des creufets placés dans des fours 38 Prix femblables k ceux d'une verrerie ; après la fonte on les broyé & on les lave : de la différente proportion de ces fubftances, réfultent les différentes qualités de bleu , depuis le plus pâle jufqu'au fafFre. Il y a des fabriques de bleu k Anvers , à Gand & k St. Nicolas, pays de Waes, qui font très-bien leurs affaires, excepté celle de Gand; je ne fais ce qui en a pu fufpendre les travaux. La forte importation de cet article , malgré ces fabriques, démontre clairement que , pour la confomption feule du pays, on pourroit encore en établir 5 k 6 , fans nuire k celles qui y font déjà établies. Fabrique de Plumes à écrire. Les fabriques des plumes k écrire paroiffent au premier afped de très-peu de conféquence ; mais le débit de cette marchandife doit être plus confidérable qu'on ne fe l'imagine, puifqu'on en trouve des fabriques confidérables k Hambourg & en Hollande : les opérations , quoique généralement ignorées, font très-fimples, & confident k dépouiller les plumes brutes , qu'on tire de la Pologne & d'autres endroits du Nord , de leurs impuretés & graiffe, par des bains favonneux & la vapeur du foufre. On m'a affuré qu'il y avoit une fabrique de cette efpece k Bruxelles: je fuis perfuadé que, fi le Gouvernement inclineroit k défendre toute importation de plumes k écrire , elle déviendroit, non feulement très-importante , mais on pourroit encore en établir d'autres , fans nuire en aucune façon k celle de Bruxelles. Fabrique de Couleurs. Outre les couleurs que nous avons examiné particulièrement, il y en a un nombre confidérable d'autres , qu'on pourroit fabri- quer dans ce pays , dans un feul & même emplacement : ce n'eft pas qu'on n'en puiffe faire autant de fabriques particulières, comme cela fe pratique en Hollande & en Angleterre ; ce n'eft uniquement que parceque le débit n'étant pas affez confidérable dans ces provinces f pour autant de fabriques particulières , il efl: plus conforme k l'intérêt particulier , de faire différentes marchandifes DE L'AN I787. 39 dans un feul attelier, fur-tout des couleurs qui ont du rapport entr'eux : quand avec le tems nous ferons parvenus , par la bonne qualité & le bas prix de la marchandife , à foutenirla concurrence chez l'étranger , & à former par ce moyen une branche nouvelle d'exportation , on pourra avec expeétation d'une bonne réufïite , former , à l'exemple des autres nations , autant de fabriques par- ticulières de la plupart des couleurs , telles que le vermillon , le carmin , les lacs , le bleu de Berlin , le verd de Brunfwic* , le verd diftillé , le jaune de Naples , le blanc de Troye , le verd de gris , le lacmoes , l'outremer , le noir de fumée , le noir d'Alle- magne , toute forte de vernis , &c. Fabrique des Préparations Chymiques. Il en eft de même des préparations chymiques ,• plufieurs font d'un afTez grand ufage dans la pharmacie & les arts ,• mais nulle- ment d'un débit affez confidérable pour en établir des fabriques particulières; il conviendroit donc d'en fabriquer plufieurs dans un même attelier. Ces préparations font les différentes combinaifons du mercure & autres , tels que le fublimé corrofif , le mercure doux , les précipités rouge & blanc , la magnéfïe blanche , le tartre vitriolé , le cryftal minéral , les fels de glauber , d'ofeille, volatils, de feignette, de fuccin , &c. Moulins. Outre les fabriques dont nous venons de faire mention, nous ne pouvons paffer fous filence PétablifTement de plufieurs moulins, ou , qu'on ne trouve pas dans le pays , ou, dont on pourroit éta- blir un plus grand nombre ; tels font les moulins d'engrais , à l'inftar de celui qu'on trouve à Louvain & dans lequel on brife les os & autres débris d'animaux ; on employé cet engrais avec avantage, & dans certaines circonftances on le pçéfére au fumier & aux cendres : cet article eft important pour l'agriculture; parce qu'outre que les terres labourables de différente nature exigent différens engrais, tant pour la qualité que pour la quan- tité,^ fabriques qui font ufage des cendres , telles que les ver- reries , les blancheries , les raffineries de falpêtre , &c. , & celles 40 Prix qui employant le fumier , comme les fabriques de blanc de plomb, n'enlèveront plus ces matières au préjudice de l'agriculture. Les moulins économiques pour la farine , comme ceux qu'on a établis à Audenaerde ville de Flandre. Les moulins pour monder & perler l'orge , pour écrafer le tras, pour moudre les bois des Indes , pour tordre la foie , pour mou- dre la plombagine & la garance, & quelques autres de moindre importance. mf • m* REFLEXIONS GENERALES SUR LE COMMERCE DES PAYS-BAS. No. is avons infinué précédemment, qu'il ne fuffifoit pas d'avoir indiqué des branches nouvelles d'induftrie , qu'il falloir en outre indiquer ce qui pouvoit faire réuffir ou échouer une entreprife; mais comme ces confidérations tiennent au commerce en géné- ral , j'ai cru devoir les traiter particulièrement. Je commencerai d'abord par quelques points de finances, qui ont une influence finguliere fur le commerce , & qui feuls font capables de faire fleurir ou de perdre tout le commerce d'une nation; & en premier lieu, il feroit à défirer que S. M. fût fervie de défendre toute importation des marchandifes manufacturées chez l'étranger qui peuvent nuire à la cofommation de celles du pays , ou qui s'oppofent au progrès de fes manufactures : par cet arrangement le pays ne gagneroit pas feulement les fommes qui vont actuellement chez l'étranger pour la fabrication ; mais nous nous réferverions une forte branche de commerce maritime, en cherchant avec nos propres navires , les matières premières qui nous manquent, ■& en réexportant ces mêmes matières manufactu- rées. Il eft étonnant qu'un principe , fi. évidemment démontré & fi généralement reçu , rencontre tant d'oppofitions de la part de notre Confeil de Finances ; il feroit difficile de trouver la caufe d'une telle conduite : ce ne peut-être le vuide que porteroit né- cefîàirement DE l'AK I787. 41 certainement dans les Finances de S. M. la défenfe totale de plu- sieurs marchandifcs étrangères; le penfer , feroit malconnoître les vues bienfaifantes de notre augufte Souverain , JOSEPH II, qui n'a rien plus a cœur que le bonheur de fon peuple ; n'eft-cc pas d'ail- leurs la richefle du pays qui rend un monarque puiflant ? & n'y a-t-il pas d'autres moyens connus, qui puifTent remplacer ce vuide, fans nuire au commerce de ces provinces : c'eft avec douleur que je me rappelle avoir follicité, fans fuccès, auprès du Confeil des Finances , l'augmentation des droits d'entrée fur une marchandife qu'on tire de Hollande , & dont j'avois érigé une fabrique confidé- rablc dans une de ces provinces ;(*) ces droits fur la marchan- dife en queltion ne montent qu'à deux & demi fi. du cent pefant ; j'ai fait connokre au Confeil les manœuvres dont fe fervent les marchands détailleurs pour éluder ce droit modique ; de forte , qu'au lieu de deux flor. & demi , ils ne payent effectivement que 16 fols 8 deniers : malgré ces raifons je fus débouté de ma de- mande, fous prétexte, à ce que j'ai pufavoir depuis, qu'on craignoie le monopole, vu que ce n'étoit que la deuxième fabrique de cç genre qui exiftoit aux Pays-Bas , & que nous aurions pu faire la loi aux confommateurs. Quelles raifons ! Aurions-nous pu faire le monopole fi ces droits d'entrée eulîent été portées à 5 ou 8 flor. du cent pefant ; je ne demandois pas la défenfe totale de l'entrée de ces matières , je ne demandois qu'une augmentation des droits ; & quoique j'euffe follicité cette défenfe , tout concourroit à ma le devoir accorder : le monopole n'eft pas à craindre quand on n'a pas de privilège exclufif. Quand une branche nouvelle d'induf- trie réufîit , d'autres la fuccedent rapidement ; la concurrence , fruit d'une telle défenfe , fixe un prix qui nous permet d'entre- prendre, avec l'efpoir d'une bonne réuflite , l'exportation de cette même marchandife chez l'étranger : le monopole n'eft pas plus a craindre de deux fabriques exiftantes dans un pays, que de vingt- cinq , quand ces deux fabriques peuvent, non-feulement, fuffire à la confomption du pays," mais même pour l'exportation; quand, ( *" ) Celle de Blanc de Plomb & de Cerufe Hollandoife, e'rige'e à Gand par l'auteur de ce M t-moire. F 41 Prix en un mot, deux fabriques peuvent faire, dans leur forte, ce que vingt-cinq peuvent dans la leur : j'avoue que ces revers , dans une caufe fi jufte, m'ont découragé, au point d'abandonner un projet que je nvetois formé d'établir dans ces provinces trois manu- factures différentes , dont il n'y en a aucune ; je me fuis défait des matières premières , qu'à cette intention , j'avois ordonné , & je cède volontiers, a d'autres , le défir de faire un préfent fi impor- tant à la patrie , au rifque d'être ruiné. On conçoit qu'on doit excepter de la régie , dont nous venons de faire mention , les marchandifes fabriquées chez l'étranger qui ne font importées que pour la réexportation chez une autre nation : c'eft le commerce le plus avantageux & le gain le plus clair que nous puiffions faire; car non-feulement on profite plus ou moins fur la marchandife , félon qu'elle eft plus ou moins récherchée dans les places où on l'envoie ; mais le pays jouit en outre des frais attachés à la charge & décharge de la marchandife, profite des droits de tranfit & du fret , fi l'opération fe conduit par des vaifleaux nationaux. Notre pofition heureufe , entre le Midi & le Nord , nous invite fingulierement à ce commerce , qui nous procure- roit les mêmes avantages dont jouifTent aétuellement les Hollandois. Il conviendroit auffi de défendre l'exportation des matières pre- mières : on augmente, a la vérité, la valeur de ces matières en per- mettant leur exportation ,* mais on fait néceffairement renchérir la marchandife qu'on en fabrique : cette haufie nous fait perdre la concurrence , là , où fans cela nous ferions préférés & avec elle tout le bénéfice de la fabrication ; cette défenfe doit avoir prin- cipalement lieu, quand d'autres nations fuivent les mêmes princi- pes ; car une mauvaife récolte , ou quelqu'autre caufe , peut nous mettre dans le cas de ne pas avoir afiez de ces matières pour ali- menter les fabriques du pays ; ce qui entraîneroit infailliblement leur ruine ; le lin étoit dans ce cas , il y a un an. Il y a pourtant des circonftances où il eft avantageux au commerce de permet- tre la fortic de quelques matières premières ; c'eft quand on fait un emploi confidérable de ces matières , telles que la nature les produit , quand le pays en eft richement pourvu & quand d'autres nations en permettent la fortie. 1/ Angleterre , fuivant ces princi- de l'aï 1787. 43 pes ,laiflc fortir le plomb , qui eft la matière première de la cerufe ; parce que , tout confidéré, elle en retire beaucoup plus de profit ; mais un Gouvernement attentif ne laifle pas de charger ces ma- tières des droits de fortie, félon qu'il le trouve convenir: on dé- tourne, par ce moyen , les autres nations de fe pourvoir des fabri- ques dans lesquelles on employé les matières premières qu'ils n'ont pas dans leur pays , & on les invite a préférer la marchandife travaillée, qui doit être exempte des droits de fortie , parce qu'elle leur revient à meilleur marché. En troifieme lieu, il feroit a défirer que le Gouvernement voulût affranchir de tout droit d'entrée , les matières premières dont nous avons befoin dans nos fabriques nouvellement établies : cette franchife influe beaucoup fur la réufïite d'une fabrique nouvelle ; car les matières premières , que nous tirons de l'étranger , nous re- viennent déjà afléz chères , par les droits de fortie & les frais de tranfport, & ce n'eft que par une économie bien entendue, par l'emploi des machines , & une main-d'œuvre moins chère, que nous pouvons conferver la concurrence chez l'étranger : quelquefois le Gouvernement accorde cette exemption, quand on établit une fa- brique de quelque conséquence ; mais elle eft accompagnée de tant d'entraves, qu'on aime autant ne pas la folliciter ; puifque, pour l'obtenir, on eft obligé de facrifier, & fon tems & fon argent,- & quand on cft aflez heureux d'obtenir cette exemption , c'eft tou- jours a des conditions très-onéreufes pour le commerce , puifqu'on eft aftujetti à démander la permiffion auConfeil de Finances, cha- que fois qu'on veut faire entrer de ces matières premières; fût ce tous les 8 jours; les réponfes du Confeil tardent quelquefois deux à trois mois , elles font adreffées aux bureaux des villes où fe trouvent les fabriques , 3c l'on peut fe féliciter quand , quelques jours plus tard , Mrs. les Commis daignent vous en informer. De cette manière on peut retirer ces matières premières plufieurs mois après leur arrivée ; car il n'eft pas rare de recevoir la mar- chandife peu de jours après qu'on reçoit la facture, dont pourtant on a befoin avant de demander la permiffion , parce que la quan- tité de ces matières doit être déterminée au jufte. Qui ne voit pas actuellement, que les frais d'emmagafinage , d'une féconde charge & décharge , les pertes qu'on fait dans les fabriques, quand on De F x 44 Prix peut pas attendre & fe parTer feulement de quelques jours de ces matières, jointe aux frais qu'on eft obligé de faire pour obtenir l'exemption, n'abforbe le bénéfice que, fans ces caufes , elle au- roit procuré : je fuis dans le cas de pouvoir affirmer ce que j'a- vance comme véritable, & ce qui plus eft, j'ai vainement tenté d'obtenir la permiflion pour la confomption des matières premiè- res de ma fabrique pour un an. 4°- U feroit aufîi a fouhaiter que le Gouvernement voulût af- franchir de tout droit de fortie toute marchandife fabriquée dans le pays , parce qu'il eft de notre inrérêc de conferver la préfé- rence chez l'étranger: nos toiles, par exemple, ne devroient rien payera leur fortie ; on les charge aflez a Cadix & aux autres endroits où nous les envoyons : il conviendroit, dc.plus , de rendre à la fortie des denrées où marchandifes , les droits qui ont été payés à leur entrée , parce que ces droits n'ont été établis que pour ce qui fe confomme , dans le pays même. Un autre obftacle qui dégoûte les négocians du commerce dans ce pays , eft l'extrême rigueur dont on ufe dans les bureaux des droits de S. M. : il eft vrai que c'eft l'exactitude à percevoir ces droits qui eft le plus ferme foutien de nos fabriques; par l'obliga- tion ou l'on eft de déclarer correctement les qualités & quantités des marchandifes que l'on veut faire entrer dans le pays. Ceci eft fort bien conçu pour le produit des fabriques ou manufactures étrangères qu'on voudroit introduire, au préjudice de celles du pays ; on ne peut être trop fcrupuleux fur ce commerce d'impor- tation , qui eft tout-à-fait ruineux ; mais pourquoi tout autre com- merce des denrées, ett-il fournis aux mêmes entraves? les matières premières , même de nos manufactures n'en font pas exemptes ; la diftinction eft pourtant effentielle : » C'eft la différence, dit Mr. de » Melon (14) qu'il doit toujours y avoir entre les ouvrages des » mains & les denrées , foit d'exportation , foit d'importation : les » denrées peuvent être utiles à recevoir', parce qu'elles nourrifTent » les habitans,- les ouvrages des mains font toujours bons à expor- » ter, & par la même raifon , leur importation ne doit être per- » mife que par des grands dédommagemens". ( 14 ) Effai politique fur le commerce, Amft. J7H> 8P. pag. 134- D E l'A N 1787. 45 Je connois des négocians très-honnêtes qui ont abandonné les projets les mieux concertés pour l'établifTement des manufactures, uniquement parce qu'ils fe voyoient fujets à des devoirs & des for- malités fans nombre, qui grofliflent encore de jour en jour, & dont la moindre faute, quoiqu'involontaire , vous expofe à des faifics de la plus grande contequence : pourquoi ne fuivons-nous pas plutôt l'exemple des Hollandois , le modèle de tout pays com- merçant ? cette nation , pourvu que les fabriques du pays n'en fouffrenc pas , ne prend pas attention aux petites fautes , elle n'exige pas cette juftefle mathématique dans les déclarations qui, en plufieurs circonftances, eft impofïible dans le commerce y elle fait trop bien , que cette rigueur dégoûte & éloigne beaucoup de gens de cette profeifion , &c qu'à la fin , le Souverain & le pays perdent beaucoup plus , que s'ils euflent ufé de quelque con- nivence. Tous ces inconvéniens & beaucoup d'autres , qui grofïï- roient trop ce Mémoire Acadcmique , nous font défirer, qu'on pût trouver un moyen de débaraffer le commerce de toutes ces entraves , fans diminuer les Finances de S. M. Les droits d'entrée que S. M. perçoit dans les Pays-Bas , ne montent annuellement , à ce que l'on m'a a(Turé,qu'à cinq millions de florins : de celte Comme l'Empereur eft obligé de payer au moins un million & demi à un nombre prefqu'incroyable de receveurs , contrôleurs , commis & gardes : ces derniers ne font ordinairement compofés que de gens fans aveu & qui n'ont plus d'autres reflburces, qui tour-à-tour tourmentent les négocians & trompent leurs maîtres , de forte qu'il ne refte au Souverain , dé- duction faite, que trois millions & demi. Cette fomme, fut-elle plus forte , ne pourroit-elle pas aifément être remplacée par une capitation générale ou toute autre impofition ? quel fervice ne rendroit pas le Souverain à ce pays, en abolilTant totalement ces droits , & en rendant , par ce moyen, le commerce tout-à-faic libre," car, à proprement parler, ce ne font pas les marchands qui payent ces droits , mais les confommateurs , qui n'achètent les marchandifes, qu'au prix augmenté de ce droit, comme de tout autre frais : il eft vrai , qu'en payant la marchandife un peu plus chère , on paye les droits fans s'en appercevoir, & qu'on évite par ce moyen l'odieux de l'impofition ; mais cette 4.6 Prix confidération ne peut , en aucune façon , balancer les avantages infinis d'un commerce libre & fans entraves. Il ne faudroit, dans ma fuppofition , que peu de gardes diftribuées fur les frontières , pour veiller qu'on n'exporte les matières premières de nos fabri- ques, dont la fortie eft défendue & qu'on n'importe dans le pays les marchandifes étrangères, qui peuvent nuire à la consommation de celles dont il y a des fabriques dans ce pays , ainfi que pour obvier à toute fraude fur les marchandifes de tranfit. Corporations & Mahrifes. Il n'eft rien de fi pernicieux au commerce que les corps de métiers ; c'eit un impôt qu'on met fur I'induftrie , & qui ne tend qu'à l'anéantir : les membres de ces corps font les maîtres de faire la loi aux confommateurs, & d'établir un monopole odieux; elles nuifent à, la population , parce qu'il devient difficile d'être reçu maître , & que , fans cela , il eft rarement poiiible d'entre- tenir femme & enfans : la plupart donc s'adonnent plutôt à la débauche , qu'au mariage. C'eft l'argent & la protection qui ou- vrent la porte aux maîtrifes; au lieu qu'un bon ouvrier , dépourvu d'amis & qui ne peut fournir l'argent néceffaire , en eft exclu: eft-il étonnant, d'après cela , qu'on fe plaint que le public eft fi mal fervi , quand les bons ouvriers , qui donnent la réputation à un maître , changent de maîtres à tout moment ? N'eft-ce pas aufli la fource la plus féconde de quantité de procès , qu'ils in- tentent , non feulement aux particuliers, mais dont ils fe déchi- rent mutuellement ? n'eft-ce pas avec les fonds , pris fur les mar- chandifes , qu'ils donnent leurs repas multipliés , & qu'ils payent leur procureur? Cette confidération eft de la plus grande confé- quence. Le corps des braffeurs de la ville de Gand eft endetté de 80 mille florins, dont ils payent annuellement l'intérêt par la contribution des membres; n'eft-il pas naturel, d'après cela, que leur premier foin eft de s'attacher à recouvrer le montant de leurs contributions , & n'eft-ce pas en augmentant le prix de leur marchandife , qu'ils fe rembourfent ? Les corps auront toujours les mêmes défauts que les privilèges exclusifs ; il en rélukera toujours le même inconvénient. » Le DE L'AN I787. 47 m pofTefTeur , dit Mr. Rouflcloc de Surgy (15), du droit cxclufif, » s'endort à l'ombre du privilège, ne craignant pas la concur- >j rence; il ne veille pas à la plus grande pcrfe&ion ; il en eft de v même d'un corps ou d'une compagnie , où il n'eft pas permis à a tous d'entrer -, le bénéfice reflcrré entre les mains d'hommes v privilégiés , les met à l'abri de la concurrence ; le gain afTuré y les rend négligens & parefleux , ce qui n'arriveroit pas s'ils » n'étoient pas les maîtres de limiter le nombre des privilèges ; 3> ils ieroienc , «Se plus vigilans «Se plus habiles ; c'eit ainfi que les » arts dégénèrent & n'acquièrent aucun accroiflement. Loin donc » que les corporations tendent a la propagation du commerce , » elles tendront toujours a la diminution & au monopole." On voit, d'après cet expofé, que ce feroit rendre un fervice réel au commerce, que de détruire toutes ces corporations : nos arts, délivrés de ce fardeau , prendroient un nouvel efîbr ; nos manu- factures, principalement , travaillèrent avec beaucoup plus d'é- conomie , & nos productions foutiendroient, par confequent , beau- coup mieux la concurrence chez l'étranger : les villes de Man- chester , Halifax & Birmingham , où l'on ignore jufqu'au nom de corporation , auroient dû, ce me femble , depuis longtems, nous deflillerles yeux fur cet important objet. Privilèges exclujifs. r On peut dire , des privilèges exclufifs, ce que nous avons rap- porté au fujet des maîtrifes ,• ils arrêtent & découragent l'induftrie; ils mettent obftacle à ce que l'entreprife ne foit menée avec toute l'économie poflible , parce qu'ils ne craignent pas la concurrence; d'ailleurs le pofTefTeur d'un tel privilège, rafluré fur un débit con- fidérable , ne s'embarrafle guère des expériences & tentatives qu'il pourroit faire , pour donner à fon établifTement le plus haut degré de perfection, qui pourtant eft eflèntiel pour que rétabliflc- ment puifle un jour former une branche nouvelle de commerce d'exportation. Les privilèges exclufifs ont toujours été accordés, quand il s'a- ( 15 ) Encyclopédie méthodique, Finances, tome III, pag. ic. 48 Prix gifîbit d'introduire dans le pays une branche nouvelle d'induftrie ; c'étoit une récompenfe qui garantiflbit l'entrepreneur des pertes auxquelles tout établifTement nouveau eft plus ou moins fujet; mais le Gouvernement , en accordant des récompenfes ou des hon- neurs , toutes les fois qu'il s'agit d'introduire dans ce pays une bran- che nouvelle d'induftrie , peut , en quelque forte , balancer l'in- certitude de la réuffite ; ce qui nous procurera le bien des privi- lèges exclufifs , fans en avoir les inconvéniens. Les compagnies privilégiées ne fonc pas moins dans le cas d'in- troduire le monopole; elles vendent toujours leurs marchandifes plus chères que des particuliers , parce que leur prix eft augmenté par les frais énormes de dire&ion. On a toujours obfervé que le commerce qui fe fait par des compagnies privilégiées , a moins augmenté qu'aucun autre qui étoit libre : nous en avons des ex- emples chez d'autres nations; les Hollandois , qui n'ont point de compagnie du Nord, y font dix fois plus de commerce que les Anglois : le commerce de ceux-ci, avec laRufîie & au Groenland fut très-borné, fi longtems que quelques perfonnes privilégiées le fai- foient exclufivement : celui que cette nation fait fans compagnie en Italie , en Efpagne, en Portugal & ailleurs , eft aufïi confidérable que celui d'aucune autre nation. Dans le tems , dit un auteur Anglois (16), que le commerce des Indes Orientales fut libre chez les Anglois , fous le protectorat de Cromwel , le négoce fit fortir de l'Angleterre pour ce pays lointain , le double de mar- chandifes qu'il demandoit auparavant , & les retours n'étoient pas vendus alors la cinquième partie de ce que la compagnie les vendoit en 1696. Le bas prix des denrées apportées des Indes Orientales par les Anglois , dans ce tems-là , penfa caufer la ruine de la compagnie Hollandoife ; peut-être eut-elle été chaffée de ces contrées, fi cette liberté eût fubfifté plus longtems. Nous n'avons plus dans ce pays que très-peu de compagnies qui travaillent exclufivement : le privilège de celle des moulins à feier le ( 16 ) Eflai fur l'c'tat du commerce d'Angleterre, tome II, pag. an, Londres de l*ah iy2y. , 49 le bois, pré» d'Oftende , a été plusieurs fois renouvelle au grand préjudice des citoyens des Pays-Bas; le dernier terme accordé , tend à fa fin, & nous faifons des vœux pour le bien du public que ce foit le dernier : je fais à n'en pouvoir douter que, fi le terme du privilège exclusif n'eût pas été prolongé , le pays auroit compté , dans fon fein , au moins dix fois autant de ces moulins. Avant la faillite confidérablc du Comte Proli , nous avions auffi dans ce pays une compagnie afiatique : depuis fa chute quelques particuliers ont expédié des navires aux Indes pour leur propre compte: je ne doute pas, que ce fera avec avantage: il n'eftpas nécef- foire pour faire fleurir notre commerce aux Indes & à la Chine, qu'il fe falTe par une compagnie exclufive, les frais énormes de direction , la mauvaife adminiltration , les manœuvres illicites pref- qu'inféparables de ces grandes entreprifes , font que prefque tou- tes les compagnies des Indes ont écroulé , ou écrouleront un jour. Il n'eft pas non plus néceffaire que nous ayons des forts, des pofTefïîons & des troupes dans ces parages lointains ; car ce font ces forts & ces troupes qui toujours ont été les caufes premières des guerres fanglantes & des ruines de ces grandes compagnies d'Europe : trafiquons Amplement dans les ports libres où il eft per- mis de trafiquer à toutes les nations; on en trouve affez, tant fur la côte d'Afrique , aux Indes orientales , qu'en Amérique, & mal- gré la concurrence, nous n'y payerons jamais les marchandifes au prix qu'elles coûtent aux nations qui y ont des établiflemens ; parce que le prix de leurs marchandifes, quoique primitivement très- modique, augmente confidérablement par les dépenfes énormes qu'entrainent néceffairement ces établifîemens : fi la fortune de* particuliers ne permet pas de faire des entreprifes fi confidéra- bles , plufieurs peuvent entrer en aflbciation , fans que pour cela la compagnie foit exclufive. Les perfonnes qui veulent approfon- dir cette queftion plus particulièrement , peuvent confulter 'les mémoires de Mr. l'Abbé Morellet , qui partout établit cette li- berté avec une éloquence mâle' & une logique très-vigoureufe. Une autre queftion, qui n'eft pas moins importante , ell de favoir , fi le commerce immédiat de l'Inde , dans l'état où il fe préfente actuellement , ne feroit pas plus nuifible au pays qu'utile: nous favons qu'un pays quelconque fait une perte réelle , en im- G $o Prix portant des marchandifes étrangères , en échange d'argent ; prin- cipalement quand ces marchandifes peuvent nuire au débit de celles des manufactures du pays ,* le commerce des Indes n'eft-il pas dans ce cas? les ~ d'une cargaifon pour l'Inde , la mieux com- binée , eft en or & en argent, le refte con fille en plomb, en fer, en poudre à canon , vif argent, vermillon , &c. , & la porcelaine , les foieries teintes , les papiers & toiles peintes , nuifent infiniment à la confommation du produit de nos manufactures : pour rétirer de ce commerce tout le fruit dont il eft fufceptible , le Gouver- nement ne devroit permettre l'importation des marchandifes des Indes qui peuvent nuire aux nôtres , que pour la réexportation ; & pour toute autre marchandife nous devrions nous borner à y chercher les denrées que le luxe a rendu de première néceflité; telles que le thé , le poivre & autres épiceries , les pierres pré- cieufes , les cannes, &c. ainfi. que les matières premières de nos fabriques , comme drogues pour la teinture & la médicine , le camphre brut , le tinckal dont on fait le borax , &c. Ce n'eft qu'en fuivant ces principes , que le commerce des Indes , malgré qu'il exporte du pays beaucoup d'argent , pourra dévenir d'une utilité réelle ; car, en premier lieu, il augmente notre marine mar- chande , donne de l'occupation à nombre de gens de mer, vu que les vaifleaux propres à ce commerce , font très-grands & dé- mandent beaucoup de monde pour les manœuvres. i°. Il nous procure des denrées de première néceflité , & les matières pre- mières de plufieurs fabriques que nous devrions acheter beaucoup plus cher partout ailleurs. 30. Il nous procure des cauris , de toiles de coton , de toiles peintes , &c. , propres pour le commerce de Turquie de l'Efpagne , de l'Italie & de l'Afrique. De la Main-d 'Œuvre. I Le fuccès des manufactures & des fpéculations , dépend prin- cipalement du bon marché desmarchandifes ; mais le bas prix n'aura jamais lieu dans un pays où la main-d'œuvre eft très-chere; c'eft 1 économie & le bas prix de la main-d'œuvre qui font le fondement de la concurrence chez l'étranger. Quatre points con- courreront, principalement dans ce pays, à réduire le prix de la main-d'œuvre , qui y eft déjà trop haut , ou du moins à empêcher bi l'an Ï787. yi qu'il n'augmente; i°. La fuppreffion des corporations & maîtrifes; nous en avons déjà parlé. x°. Un emploi plus général des ma- chines : il y a des perfonnes qui fe recrient contre leur ufage parce que, difent-ils, leur emploi ruine une partie des ouvriers qui n'ont que la main-d'œuvre pour fubliftancc. Quand on confidere cette objection fuperficicllcment , on la croiroit d'un aflVz grand poids ; mais les perfonnes qui connoiflent les manufactures , favent qu'il y aura toujours aflez d'ouvrage qui ne peut fe faire qu'à la main, & que les machines mêmes devront toujours être dirigés par dss ouvriers : d'ailleurs, les machines , en abrégeant infiniment le tra- vail , le donnent plus net & plus uni ; elles procurent un fini aux marchandifes, auquel les mains ne peuvent atteindre; le bas prix de la marchandife qui en refulte , & cet apprêt font que nous pouvons foutenir la concurrence chez l'étranger ; concurrence qui eft le plus ferme appui de nos manufactures : d'où il refulte que le mal, dont pourroit être accompagné l'ufage des machines, eft nul en comparaifon des avantages infinis que leur emploi nous procure. 30. La franchife des droits de confomption fur les com- meftibles; carie tout bien confidéré, ce ne font que les ouvriers qui payent ces droits; un magiftrat, un avocat, un procureur, ou toute autre perfonne en place , en font exempts ; & 40. l'encou- ragement des fabriques hors l'enceinte des villes : la main-d'œuvre y eft moins chère , parce qu'on peut y vivre avec la moitié de ce qu'on a befoin dans les villes : c'eft la raifon pourquoi les Anglois placent la plupart de leurs manufactures dans le nord de leur royaume. Académie des Arts. Entre les différentes caufes qui s'oppofent au progrès du com- merce dans ce pays , on peut encore compter le défaut d'ému- lation : le meilleur moyen pour l'exciter , eft l'érection d'une Aca- démie qui eût Amplement pour objet , le commerce & fes dépen- dences ; c'eft-à-dire , les fabriques & manufactures , l'économie & l'agriculture, la navigation , la pêche &c. C'eft à une pareille So- ciété qu'on doit en Angleterre l'établiiïëment d'un grand nombre de manufactures nouvelles ; telles que les fabriques des creuftrs, qu'ils tiroient d'Allemagne, & dont ils font un emploi confidé- G x ^ Prix * * rable ,• des nouvelles fabriques de fel ammoniac , de verd de gris , le rouge de Turquie , &c. L'agriculture lui doit la rhubarbe qu'on y cultive a&uellement ; la multiplication des mûriers pour nourrir les vers à foie ; la culture des turneps ,* la multiplication des mou- ches à miel; un grand nombre de plantes & arbres nouveaux y utiles aux arts ; plufieurs inftrumens nouveaux pour l'économie rurale ; en un mot, je ne crois pas , qu'il y ait une branche de commerce qui ne lui doit quel^u'amélioration : il efl; vrai que cette fociété n'épargne pas les encouragemens , car depuis fon inititution en 1754 , jufqu'en 17?? , elle a facriflé en prix & grati- fications une fomme de liv. 184,34 —14—1 fterl. On ne doit pas fe flatter de pouvoir jamais ic procurer des femmes fi coniî- dérables dans ce pays ,• mais nous avons des raifons particulières de croire que des perfonnes riches, jaloux du bonheur de ltui trie, contribueroient avec plaifir pour la fondation de quelques prix ; il ne faut pas juftement que ces prix foient considérables pour exciter l'émulation; car ce n'eft pas la valeur du prix, mais l'honneur de l'avoir emporté , qui reveilleroit cet ancien efprit de commerce de nos braves concitoyens. Mais, dira-t-on , l'Académie des Sciences de Bruxelles peut fuppléer à ce nouvel établiflem nt : je ne le crois pas ; car malgré que cette Académie , toujours at- tentive au progrès des feiences , cV jaloufe du bien-être du pays, ait depuis fon inftitution conttamment fait paroître le plus grand zèle pour l'avancement des objets énoncés ci-deffus, nous croyons (^es occupations trop multipliées pour donner des foins continuels au commerce : c'eft pourtant un objet qui en mérite de toutes parti- culières ; principalement dans un pays, où , avec la meilleure iitua- tion , un grand nombre des matières premières & beaucoup d'au- tres avantages , nous reftons inférieurs aux autres nations commer- çantes : d'ailleurs les Anglois n'avoient-ils pas leur Société Royale , lors de l'érection de leur Société des Arts : l'Académie des Sciences d'Haerlem doit avoir fenti la juftefle de ces obfervations ; car elle a féparé , fous le nom débranche économique, tout ce qui a trait au commerce, arts, manufacture & agriculture. La chymie des arts ayant une influence marquée fur les fabri- ques & manufactures , mériteroit d'être encouragée : les progrès que les nations voilines ont fait, dans ces branches , font parti- DJ5 L'AN I787. 35; culicrcmcnt dus à cette feience. Les verreries, la porcelaine, la teinture, la diftillation, les raffineries de fucre & de Tel com- mun , les fabriques de falpêtre &: de potaffe , ne peuvent être entre- pris fans quelques notions chymiques;la métallurgie lui doit toute fa perfection ; & Ton doit être bon chymifte , pour bien réuffir dans les raffineries de camphre , les fabriques du vermillon & du borax. Chambre Confulaire, &c. Comme la bonne foi , qui fait la bafe & Pefprit du commerce , & la prompte décilion des différens qui furviennent entre les marchands, ne s'accordent guère avec les fubtilités & les longueurs de notre ju- rilprudcnce , les nations commerçantes ont fenti la néceffité d'avoir un tribunal particulier qui décide les différens entre marchands & pour fait de marchandife : une pareille inititution peut feule remédier aux faillites, empêcher les fraudes, pourvoir aux créan- ciers & débiteurs , éviter les frais , les longueurs & les forma- lités des procès , & rendre une juftice également prompte & défintereffée. Une ordonnance pour la jurifdiclion d'un pareil tri- bunal e(t facile à concevoir, d'après ce qui cft établi fur ce faic en France ,& ailleurs, en y ajoutant ou en retranchant ce que les loix & coutumes du pays ont de contraire : j'obferverai feu- lement qu'il feroit à fouhaiter que les membres fuffent tous choifis parmi les plus habiles négocians, & que ces charges, auxquelles on devroit attacher une penfion honnête , leur fuffent conférées ad vitam: en France, la charge de jugc-conful n'eft que d'un an, fans que , fous quelque prétexte que ce puiffe être , ce terme puiffe être prolongé : cet arrangement ne pourroit jamais avoir lieu dans ce pays, pareequ'il eft connu que ce fera beaucoup, fi, dans chacune des villes principales des Pays-Bas, on trouve cinq à fix négocians affez habiles pour remplir avec honneur ces charges importantes. Plufieurs autres arrangemens, qu'il fuffira d'indiquer, peuvent encore concourir à faire fleurir le commerce de ce pays ; telles que la réduction de l'intérêt de l'argent ; une ordonnance qui autoriferoit le tranfport des obligations , reconnoiffances & bil- lets faits pour dettes ; rétabliffcmem d'une banque nationale ,• un 34 Prix emploi bien entendu des pauvres, & la publication d'un code marchand ; car nous voyons journalierement des fetitences qui fe détruifent mutuellement , principalement pour les différens qui réfultent des lettres-de-change , par la feule raifon , que la juftice fur ce point fe rend arbitrairement. Voilà , je crois , tout ce que l'abondance des matériaux & les bornes d'un Mémoire Académique , nous permettent de dire fur les branches nouvelles d'induftrie & de commerce qu'on pour- roit introduire dans ces provinces, fans nuire à celles qui y font déjà établies ; heureux fi mes récherches emportent l'approbation de l'Académie , & puiflent contribuer à l'avancement du com- merce de ce pays.