tee ne LJ Hs | # dy MEMOIRE SUR L'AGRICULTURE DE LA FLANDRE FRANCAISE, ET SUR L'ÉCONOMIE RURALE. Par J. CORDIER, INGÉNIEUR EN CHEF DES PONTS ET CHAUSSÉES, CHEVALIER DE LA LÉGION D'HONNEUR ; ANCIEN ÉLÈVE DE L'ÉCOLE POLYTECHNIQUE. Les pays ne sont pas cultivés en raison de leur fertilité, mais en raison de leur liberté. Moxresquieu , Esprit des Lois. A PARIS, DE L'IMPRIMERIE DE FIRMIN DIDOT, IMPRIMEUR DU ROI ET DE L'INSTITUT, RUE JACOB, N° 24. RAA TE 1929. Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from University of Ottawa htip://www.archive.org/details/mmoiresurlagr00cord ne SE SA ASS AR A/R ARR RARE RAR AR LR SRE ARR RAR LRU RAR LR ARR RE AR PRÉFACE. Lx mémoire que nous présentons n'est pas un Traité d'Agriculture, mais une description des pratiques suivies par les fermiers flamands, et une série d'observations générales sur l'Écono- mie rurale ; il est destiné principalement aux ad- ministrateurs des départements, etaux membres de conseils généraux, appelés à demander et à voter des fonds pour l'ouverture des canaux et des routes; aux ingénieurs chargés d'en présenter les projets et les moyens d'exécution; et surtout à cette classe nombreuse d'hommes recomman- dables que des révolutions successives ont privés de leur fortune, de leurs emplois, et d'un avenir séduisant. Nous nous sommes attaché à montrer aux premiers que la prospérité de lAgriculture dépend moins de la fertilité du sol, que de la facilité des communications et des institutions qui les donnent ; aux ingénieurs (1), que leurs (1) On ne peut mettre en doute que l'Agriculture, le v] PRÉFACE. études et leurs travaux peuvent avoir ia plus grande influence sur la puissance et la richesse des états, et que, loin de se borner à exécuter les ouvrages ordonnés par le gouvernement, ils doivent appeler son attention sur les travaux utiles, créer les moyens de les entreprendre, et chercher à coordonner les intérêts des proprié- taires, des manufacturiers et des capitalistes avec ceux de l’état. Nous avons, de même, cherché à convaincre les personnes qui ont éprouvé des malheurs, qu'avec de modiques capitaux, de l'ordre, de l'instruction, et de la persévérance, commerce, la marine, et la puissance de la Grande - Bre- tagne n'ont pris un si grand développement et tant de supériorité , que depuis l'époque où les ingénieurs anglais ont perfectionné les machines à vapeur, et ouvert un grand nombre de canaux , de routes , ports, etc.; la facilité des communications et l'emploi des machines ayant réduit le prix du charbon et des matières premières, et les dépenses en main-d'œuvre, il est impossible qu'une autre nation puisse rivaliser avec l'Angleterre, si elle ne parvient pas à créer des communications également nombreuses et bon- nes, et des machines aussi parfaites. M. Becquey, directeur général des ponts et chaussées et des mines, contribuera beaucoup à la prospérité nationale, par la grande extension qu'il donne à la-navigation inté- rieure , et à l'exploitation des mines ; il a fait concéder à des compagnies les lignes de navigation les plus grandes, les plus belles et les plus utiles du royaume. PRÉFACE. vi} on peut retirer d'an terrain médiocre des produits variés et abondants, et oublier, au milieu d’oc- : cupations pleines de charmes , des pertes que l’oisiveté exagère souvent et agrave toujours. Nous prévenons ceux qui voudraient faire l'application des méthodes flamandes, qu'il ne faut pas les copier, mais les imiter et les modifier selon le sol et le climat, et que le succes exige une instruction préliminaire. Ils doivent con- naître les éléments de botanique et de chimie, lire avec recueillement les ouvrages de nos plus grands agronomes , et particulierement ceux de MM. Bosc, YvartT, Huzarp, TEssiEr, etc., où tous les principes d’une profondethéorie et d’une saine pratique sont clairement expliqués; visiter ensuite les campagnes de la Flandre , et particu- liérement les arrondissements de Lille et de Dunkerque. Nous osons leur promettre, qu’à l’aide de ces connaissances indispensables, ils parviendront, sans de grandes avances, à doubler en peu d'années les produits nets des domaines dont ils sont propriétaires, ou locataires à longs termes. Les améliorations qu'ils obtiendront, quoi- que isolées, auront cependant l’inappréciable vi] | PRÉFACE. avantage de propager les meilleurs assolements, et les outils les plus parfaits, et de contribuer ainsi à la prospérité de l'Agriculture et de l'état. Les instruments et les méthodes de culture de l'arrondissement de Lille se répandraient plus rapidement, si on parvenait à monter en grand , sur le bord d’un canal, et près des mines de charbon, une fonderie et des forges pour la fabrication des instruments d'agriculture les plus parfaits, et des fermes expérimentales, où l’on élèverait les plus belles races d'animaux, et où l’on mettrait en pratique les meilleurs principes d'agriculture (1); de nombreux éleves seraient exercés dans les diverses applications des sciences naturelles aux arts mécaniques et à l'économie rurale. Il est à notre connaissance que des proprié- taires et des capitalistes du département du Nord doivent fonder des établissements ana- (1) M. PoroxcEaAuU, ingénieur en chef des ponts et chaus- sées et président de la Société d'Agriculture de Seine-et- Oise, également versé dans les sciences mathématiques et naturelles, aussi bon agronome qu'habile ingénieur , doit établir, près de Paris, une ferme-modèle, et rendre par là un nouveau service très -important à son pays. PRÉFACE. Jx logues, dont le succes et l'influence ne sauraient être douteux : la nouveauté appellera l'attention des cultivateurs des environs; l'intérêt et l’exem- ple développeront leur intelligence, et, en peu d'années, on verra s’opérer de grandes amélio- rations dans les habitudes des fermiers, sur un rayon d’une grande étendue. Des établissements semblables ont réussi en France, en Angleterre et en Suisse, et la recon- naissance publique a été le prix des généreux efforts des fondateurs. Peut-être n'est-il pas au pouvoir des hommes sans fonctions publiques, d’être plus utiles à leur pays : le perfectionne- ment de l'Agriculture multipliant les produits de première nécessité, en fait diminuer les prix, prévient les disettes et tous les malheurs qu’elles occasionent. Cet art a, surtout, ce grand avan- tage qu'une simple amélioration, ou seulement l'importation d’une espèce nouvelle de plante ou d'animaux, contribue à répandre l'abondance chez un peuple tout entier, et jusqu'aux géné- rations les plus éloignées. On est porté à croire que c’est par la science de l'Agriculture et sa pratique, que le pouvoir de l’homme instruit a le plus d'extension et d’in- fluence, soit en multipliant et variant les pro- x PRÉFACE. ductions nécessaires à notre existence, soit en embellissant nos campagnes par des races choi- sies et précieuses d'animaux, et les abords de nos demeures par les arbustes et les fleurs de mille contrées diverses. Heureusement, nous ne sommes pas forces d'aller au loin, et à grands frais, chercher des exemples et des espèces rares de plantes utiles; la Flandre nous offre, sur quelques lieues car- rées, des instruments simples et très-perfec- tionnés, une grande variété de plantes très-pro- ductives, cultivées en grand, et même des espèces nombreuses et nouvelles des fleurs les plus rares. Tout ce que nous avons décrit dans ce mé- moire , réussit, depuis un siecle, sur des terres tantôt marécageuses et tourbeuses, tantôt sablo- neuses et argileuses. On y remarque une culture soignée sur une étendue de trente lieues, où chaque observateur étranger peut trouver un sol correspondant à celui où il voudrait faire l'application des mêmes méthodes. Nous aurions moins de certitude de ia vérité des détails que nous publions, s'ils n'avaient pas été confirmés par des propriétaires tres- instruits du département du Nord, qui s'occu- * PREFACE. : x} pent à étendre les progrès de l'Agriculture; nous en citerons plusieurs, pour nous acquitter de la reconnaissance que nous leur devons, et don- ner plus de poids à notre témoignage. Dans l'arrondissement de Douai, M. le mar- quis de Lacoste, membre du conseil général du département, l'un des meilleurs administra- teurs , et des plus éclairés de France. Dans l’arrondissement de Dunkerque, mes- sieurs CoFrFyn-SPyNs, administrateur des watte- ringues, nommé député par Dunkerque , en reconnaissance des services rendus à cette ville; Descopsr , sous-préfet de Dunkerque, qui à contribué, par son excellente administration, à la prospérité rapide de l'arrondissement; DEs- GRAVIER, président d'une section des watterin- gues, et l’un des plus zélés et habiles administra- teurs de cette admirable institution ; Deguysser , administrateur des watteringues , maire des Moœæres , dont 1la opéré,en grande partie, le des- sechement ; Bosquirron, ingenieur des ponts et chaussées , qui dirige, avec le plus grand talent, les travaux du port et de l'arrondissement de Dunkerque ; tous membresde la Société d'Agri- culture de cette ville. + XI} PRÉFACE. Dans celui d’Avesnes , MM. BrÉGEON et CuEL, ingénieurs très-distingués des ponts et chaussées. Dans celui de Cambrai, M. Ernest Desmourier, conseiller de préfecture, l’un des plus anciens et des plus recommandables fonctionnaires du département , également versé dans toutes les branches de l'administration et de l'Agriculture. Dans celui d'Hazebrouck , mon frere, inspec- teur de l’enregistrement, membre de la Société d'Agriculture de Douai. Tous m'ont donne, avec bienveillance ou le zele de l'amitié, des renseignements multipliés sur les cantons où se trouvent situés leurs do- maines. Nous avions différé de publier ce mémoire, imprimé depuis plusieurs années, dans l’espé- rance de pouvoir comparer de nouveau l’Agri- culture de la Grande-Bretagne à celle de la Flandre; mais nos occupations nous ont égale- ment forcé d’ajourner, d'année en année, ce voyage, et d'en abréger la durée, et nous obli- gent encore à réduire à quelques observations, consignées dans le Discours préliminaire, les rapprochements détaillés que nous nous pro- posions de présenter. RS DISCOURS PRÉLIMINAIRE. Le principe de Montesquieu, que nous avons pris pour épigraphe , explique les phases de l'Agriculture dans chaque siècle et dans chaque pays. Cette science, sous le règne des lois est honorée , et développe tous les germes de richesses, de puissance et de vertu ; les rochers de la Suisse, de l'Italie et de la Grèce, les marais de Rome, de Venise et de la Hollande se couvrent d'habitations superbes, de récoltes abondantes et précieuses, et d'une population pressée et généreuse. Partout où le sol est libre, l'Agriculture est perfecuonnée, et produit des miracles ; le séjour des champs est préféré, et le soin de cultiver la terre est l'occupation favorite des hommes indépendants et supérieurs. Les cam- pagnes fournissent alors des magistrats incorruptibles et courageux, des soldats infatigables , dés généraux sans ambition ; Rome sauvée, Manius Curius, Cincinnatus et Régulus retournent avec empressement à leurs domaines : de nos jours, Washington et Jefferson imitent leurs exemples, et méritent de même notre admiration , dans ces temps où les hommes que la fortune favorise, exigent, pour prix de services rendus , l'esclavage ou la ruine de ceux qui ont été la cause et les instruments de leur gloire. Sous l'empire du despotisme et de l'arbitraire, la popu- lation des campagnes diminue et se dégrade , le sol se couvre de ronces, les forêts s’agrandissent, la mer et les fleuves reprennent leurs domaines. Des vingt-six villes et du grand nombre de villages que l'on comptait autrefois dans les plaines desséchées des marais Pontins, de ceux de Lucques XJV DISCOURS et de Piombino, à peine y distingue-t-on quelques ruines; vingt papes et princes italiens, avec l'or de la chrétienté et des ingénieurs habiles, n'ont pu rendre ces terres à l'Agri- culture, et exécuter en plusieurs siècles ce que fit, en peu d'années , un peuple libre. La nature semble assoupie sous les princes absolus, les germes des talents, étouffés par le despotisme, se dessèchent sans produire. On chercherait en vain des agronomes célèbres des hommes illustres dans ces vastes empires qui occupent une partie du globe; leurs souverains absolus sont forcés d'emprunter aux états libres, des agriculteurs, des ingé- nieurs, des ministres, des généraux ; et souvent la disgrace et l'exil, ou la récompense donnée par Philippe à Aratus ; sont le prix d'éminents services, et le fruit de leur amitié. Le ciel n'a pas voulu condamner certains peuples à un esclavage éternel, et réserver à quelques-uns les bienfaits des institutions. Chaque nation a joui d'une période plus ou moins longue de liberté, et a produit un #’arron, un Columel, un Olivier de Serre; ces savants infatigables ont : enrichi leur patrie par leurs travaux, leurs exemples et leurs ouvrages. On peut citer comme les principaux auteurs de la science géoponique , depuis la renaissance des lettres , Tarello et Gallo, à Venise; Pierre de Crescens, à Boulogne ; Baudhins, Gesner, Haller, en Suisse; Senebier, Pictet, à Genève; Columel, Herrera , en Espagne; l'électeur Au- guste I, Hersbach, en Allemagne ; Olaus Magnus, en Danemarck ; Mascal, Cavendish, Hartüib, Arthur Young, en Angleterre; et en France un grand nombre de savants célèbres qui ont illustré la patrie dans toutes les branches des sciences naturelles. Pendant bien des siècles, la France féodale était décimée périodiquement par la guerre et la famine; l'Agriculture PRÉLIMINAIRE. XV ne fut perfectionnée que dans quelques lieux isolés et protégés ; ou par les montagnes, ou par l'enceinte des mo- nastères. Charles Etienne, le premier; écrivit sur cette matière; et Louis XII favorisa puissamment les laboureurs, par la diminution des impôts. Le règné glorieux de Henri IV, fut aussi le plus favorable à la culture; ce grand roi en- couragea, par des récompenses et son exemple, tous les genres de prospérité et d'illustration, et doit être considéré comme le fondateur de notre Agriculture. Il fit introduire en France la culture des prairies artificielles, du mûrier et des vers à soie; Olivier de Serre, par son ordre, planta de mûriers les jardins des Tuileries, de Rosny et de Mantes; Sully importa beaucoup de races précieuses, et envoya des graines et des pommes de terre dans les provinces, pour les multiplier. Henri IV, par l'ordre admirable établi dans les finances, et par la puissance de son génie, créa des ri- chesses, et forma des hommes supérieurs , causes premières et principales de la puissance et de la gloire de Louis XIV. - Après Henri IV et son digne ministre, le laboureur dé- daigné et écrasé par les guerres et les impôts qu'elles néces- sitent, n'a obtenu que depuis quelques années des garanties nécessaires aux progrès de la culture, Maintenant, et par l'influence d'heureuses institutions que le temps complètera, l'Agriculture prend un développement extraordinaire; les connaissances se répandent, les propriétaires voyagent ; s'instruisent et enrichissent leurs contrées des améliorations faites ailleurs; on rencontre, dans chaque département, des cultivateurs très-instruits et des terres parfaitement tenues ; notre pays possède, peut-être actuellement, plus d'agriculteurs habiles, que pendant les dix-huit siècles qui nous ont précédés , et cependant les dix-neuf -vingtièmes de la France sont en friche, ou mal cultivés, et ne seront fé- XV] DISCOURS condés que lorsque le gouvernement aidera de son influence les efforts de nos grands agronomes , qui jouissent en Eu- rope de la même célébrité qu'en France. Nous avons un sol riche et varié , un climat excellent, une population intel- yigente , ardente et laborieuse ; nulle nation ne pourrait rivaliser avec la France, si nous avions bientôt les amélio- rations (1) vivement réclamées par les départements. Nous nous sommes attaché, en prenant pour modèle l'arrondissement de Lille, à montrer qu'il est nécessaire de diminuer et de mieux régler les impôts; de multiplier les fabriques et les communications, ou de perfectionner les institutions qui procurent sans effort ces avantages. Ces observations seront confirmées par des exemples tirés de la Grande-Bretagne, où les arts, la navigation, l'Agriculture et la puissance nationale se sont développés avec les institutions et par leur influence. Nous suivrons l'ordre du mémoire, pour faire le parallèle de l'Agriculture de la Flandre avec celle de la Grande - Bretagne , envisagée seulement sous quelques points de vue généraux. (x) Le plan des améliorations ne peut être conçu et exécuté que par un de ces hommes supérieurs , qui , consacrant leur honorable carrière à la prospérité de la patrie, méditent, chez les peuples divers, leurs institu- tions et leurs lois, et favorisent de tous leurs efforts l'importation de leurs découvertes. De tels hommes, pleins de confiance dans leurs intentions et la justice de avenir , méprisent les efforts de l'envie et des partis, marchent avec fermeté et arrivent sans peine à un grand but utile, secondés par les divines inspirations de leurs cœurs généreux, et par la puissance du talent et de l’expérience. La nomination par S. M. de M. le baron SÉGUIER , consul général de France en Angleterre, au ministère, du commerce et de l'Agriculture, satisferait les vœux et les espérances des voyageurs français en Angleterre, ét promettrait à notre commerce le plus brillant avenir. PRÉLIMINAIRE. XVi] COMPARAISON DE L'AGRICULTURE FLAMANDE ET ANGLAISE, EN 1022. a —— > 0 © ——————— NOTES SUR LES CHAPITRES PREMIER ET SECOND. Causes principales de la supériorité de l'Agriculture de l’arrondis- sement de Lille, sur celle de l'Angleterre, et du reste de la France. Climat et sol. Le climat de l'Angleterre est humide comme celui de la Flandre, les chaleurs et les froids modérés par la mer et les fleuves y ont moins d'intensité et de durée, ° qes changements de température y sont moins brusques que dans l'intérieur des terres, et l'on peut y cultiver des plantes qui ne réussiraient pas dans des contrées plus mé- ridionales. Mais le sol de la Flandre est en tout point plus favorable à la végétation que celui d'Angleterre ; le premier est plus profond , formé principalement d'un mélange d'argile, de parties calcaires et siliceuses très-menues ; la silice se trouve tellement divisée, que sa présence ne peut être constatée que par l'analyse; la terre absorbe l'eau, et la perd facile- ment par filtration ou évaporation ; la couche inférieure, toute calcaire, lui donne un libre passage ; ainsi on a moins à craindre qu'ailleurs les inondations et les sécheresses. En Angleterre , la couche végétale est en général peu épaisse, et formée en partie de sables et de cailloux mêlés avec dif- Agricult. de la Flandre. b xvii] DISCOURS férentes proportions d'argile ; le terrain est plus ou moins incliné , et serait rapidement entrainé dans le fond des vallées, si on labourait la même proportion de terre qu’en France. Il nous a paru que la même surface, prise succes- sivement dans les divers comtés d'Angleterre ou en Flandre, donnait, en Flandre, terme moyen, un produit brut triple, et un bénéfice net double. Etat du cultivateur en Flandre et en Angleterre. Le culti- vateur flamand, affranchi depuis plusieurs siècles de la féodalité, des monopoles, des impôts indirects, des milices, a été plus tôt libre que le cultivateur anglais; et maintenant encore sa position est plus favorable. Dans la Grande - Bretagne, le sol étant en partie inalié- nable , comme bien de substitution , de dotation , de corpo- ration , le fermier n'a pas la chance de devenir propriétaire, ni le même intérêt à faire des perfectionnements; il paye d’ailleurs des impôts excessifs de tout genre, la taxe exor- bitante des pauvres , celle sur les chiens , les domestiques, les chevaux, etc. Il ne retire des bénéfices que pendant les années de guerre (les prix des produits étant alors très- élevés) et par l'influence d'une prohibition exclusive des blés et bestiaux étrangers. Depuis la paix, beaucoup de fermiers ont été obligés de résilier leurs baux, et d’aban- donner , sans indemnités , les constructions et les capitaux qui leur appartenaient. Si on brisait tout à coup les obstacles mis au commerce des produits agricoles entre la Flandre et l'Angleterre, les fermiers anglais ne pourraient soutenir la concurrence, et seraient, en peu de temps ruinés, par suite des méthodes de culture adoptées en Flandre. Nous exportons en Angle- terre, avec beaucoup de bénéfice, le beurre, les œufs, la PRÉLIMINAIRE. XIX volaille, les fruits , les légumes, le lin, le chanvre, et toutes les productions du sol que les lois anglaises n'excluent pas, quelque élevés que soient les droits d'entrée. Ces résultats doivent être, en partie, attribués à la situation plus favo- rable et plus heureuse des fermiers flamands. Etendue des fermes. Les fermes de l'arrondissement de Lille ont l'étendue la plus convenable pour donner de l'oc- cupation , toute l'année, aux ouvriers et aux attelages, éviter les transports éloignés et dispendieux, permettre la nourriture des bestiaux à l’étable, et procurer la plus grande somme possible de revenus bruts et nets. En Angleterre, les fermes sont ordinairement cinq fois, et quelquefois dix, vingt et trente fois plus grandes ; la difficulté et la longueur des transports, obligent d’aban- donner une grande partie du sol en pâturage, de renoncer aux cultures et aux assolements les plus productifs; de mul- tiplier les domestiques, ouvriers et agents dont la surveil- lance est toujours difficile et pénible; d'accroître les capitaux et les chances de pertes ; et de réduire les produits et les bénéfices. Une exploitation en grand semble cependant, sous quel- ques points de vue, plus profitable ; le travail étant divisé en plus de métiers, chaque détail est confié à un ouvrier plus exercé; mais les agents mercenaires d’une grande ferme n'ont pas le même intérêt au succès et le même zèle que les fils des petits fermiers. Les fermes de la Flandre sont plus petites, la population est plus nombreuse, et se compose de propriétaires, culti- vateurs ou fermiers ; la proportion des mercenaires est très- faible. Etat et qualités du cultivateur. Le fermier anglais est un B. XX DISCOURS capitaliste qui a des domestiques pour labourer, des chiens et chevaux de chasse, et souvent les goûts et les habitudes de dépenses et de luxe des gentlemen ; le fermier flamand est un laboureur sobre, économe et infatigable, qui exécute lui-même ou par ses enfants tous les travaux importants, et ne confie à ses domestiques que les ouvrages subalternes. Les nombreux ouvriers des fermes anglaises ont la dexté- rité que donne la division du travail, et tous les défauts des mercenaires ; la taxe des pauvres est l'effet de la grande étendue des fermes, et sera la cause de nouveaux troubles. Presque tous les cultivateurs flamands sont fermiers ou pro- priétaires ; observateurs scrupuleux des lois et de l'ordre, ils sont fort ennemis des changements; la classe des pauvres ne se compose ; dans les campagnes , que des gens âgés ou infirmes. Le laboureur flamand est recommandable par les meilleures qualités. Distribution du travail, Dans une grande ferme ; l'ouvrage est très-pressé à certaines époques , et ne peut se faire à temps; on est forcé de prendre, à grands frais, beaucoup d'ouvriers supplémentaires. Dans une petite ferme, la distri- bution du travail étant plus régulière, les gens de la ferme suffisent: d’où il résulte ordre et rapidité dans l'exécution, économie et bénéfice dans les résultats. Le travail des laboureurs flamands est plus égal, mieux distribué, pendant l’année, qu'en Angleterre; les ouvriers produisent plus et s’épuisent moins ; ils n'ont pas à redouter les saisons mortes et les temps de presse, qui nuisent à leur santé. J'ariete des cultures. La culture du tabac est défendue en Angleterre; celle du lin de fin et le repiquage du colza PRÉLIMINAIRE. XX] y sont à peine connus, et celle du lin ordinaire, de la caméline, de l’œillette très-peu répandue. Ces plantes, géné. ralement et admirablement bien cultivées en Flandre, sont les principales causes de la supériorité de cette agriculture sur celle de l'Angleterre. En Flandre, les produits par arpent sont plus élevés, le travail est plus également distri- bué, toute l'exploitation se fait par les gens de la ferme. Le fermier anglais, cultivant moins d'espèces de plantes et beaucoup plus d’étendue de chaque espèce, est tantôt oisif et tantôt trop pressé; il est forcé de prendre, à grands frais, beaucoup d'ouvriers supplémentaires en certaines saisons, de commencer les récoltes avant leur parfaite maturité, et de les finir trop tard; d'où il résulte des pertes considé- rables. Influence du voisinage des villes et des fabriques sur la prospérité de l'Agriculture. Les villes de la Flandre sont nombreuses et très-rapprochées, toutes sont plus ou moins manufacturières ; il n’est pas de villages où l'on ne compte des fabriques qui occupent la population que la culture n'emploie pas ; les femmes et les enfants des petites fermes donnent leurs temps perdus à la préparation du lin, à la fabrication de la toile et de la dentelle. Ce mélange d’occu- pations agricole et manufacturière est également favorable aux deux industries , et à la santé des habitants. En Angleterre, la campagne étant partagée en un petit nombre de grands domaines , dont les lois sur les substitu- tions et les successions préviennent les subdivisions, ne peut recevoir ou occuper l'accroissement de la population ; l'excédent annuel est forcé de se porter dans les ports et les grandes villes de fabrique, où le commerce lui donne un emploi indéfini et des salaires élevés. D'où il résulte que XXi] DISCOURS la population se distribue de plus en plus inégalement sur le sol; les fermes et les villages sont rares et placés à de grandes distances , leur population est presque stationnaire ; tandis que celle des ports et villes de fabriques, favorisées par le commerce et les lois, prend un accroissement ex- traordinaire. Le nombre des habitants de Glasgow, Édim- bourg, Liverpool, Bristol, Manchester, etc. , s'est élevé, en quarante ans, de 15,000 à 150,000 dans chacune de ces villes, et augmente journellement. Cette masse d'ouvriers entassés sur quelques points occa- sionnerait des troubles et des révolutions , si l’admirable gouvernement de ce pays ne lui maintenait le monopole du commerce du monde. Si la Flandre avait d'aussi bonnes institutions, elle obtiendrait, par la meilleure répartition de la population , le voisinage plus rapproché des fabriques , et par le mélange d'occupations agricoles et manufactu- rières , une prospérité plus rapide que celle de l'Angleterre, et plus de garantie contre les agitations et troubles politiques. Clôtures. Tout le sol de l'Angleterre est divisé en clos de grandeur différente, suivant leur destination. Les clôtures sont formées par des poteaux montants, de six pouces d'équarissage et de cinq pieds de saillie, et par deux ou trois traverses ou lisses de quinze pieds de longueur. La lisse supérieure empêche le passage des chevaux, et celle inférieure celui des moutons. Ces dispositions donnent aux terrains une valeur moitié plus grande, permettent d'élever ces races précieuses qui font la richesse de l'Angleterre, et de tirer parti des pentes inclinées de nature sablonneuse et fort médiocre. Les troupeaux restent toute l'année, sans bergers dans les clos ; et y acquièrent de la vigueur et de la santé. PRÉLIMINAIRE. XXII] Les clôtures de la Flandre sont faites par de larges fossés à peine visibles à une certaine distance ; elles embrassent un grand espace et des terres appartenant à différentes fermes. La vaine pâture étant proscrite, et les troupeaux se nourrissant à l’étable, la méthode de clôture de la Flandre est économique, bien appropriée au but qu'on se propose, et, sous ce point de vue, meilleure que celle d'Angleterre ; mais celle-ci est très-supérieure aux usages de presque toute la France, où la plupart des terrains sont ouverts, et où les clôtures sont faites de haies vives, larges et épaisses qui épuisent le sol à plusieurs toises de distance. Mélange du labourage et de la culture à bras. La popu- lation de l'Angleterre , et particulièrement celle des cam- pagnes, étant moins pressée que celle de la Flandre, et le prix des ouvriers étant plus élevé, les agriculteurs anglais ne retireraient pas les mêmes bénéfices en ajoutant au travail des chevaux celui de l'homme. La rareté et le haut prix des journées le déterminent à employer un grand nombre de machines, et à forcer la proportion des pâtu- rages, pour économiser la main-d'œuvre. En Flandre, la multiplicité des petites fermes, le bas prix du travail, les bénéfices assurés par le voisinage des fabriques et des villes, permettent de perfectionner le tra- vail des chevaux par celui de l'homme ; par cette combi- naison, la culture est parfaite, chaque récolte est superbe, et en prépare d'excellentes. L'ouverture de nombreuses et profondes rigoles pour la culture du colza, et le curement annuel de larges fossés de séparation, renouvellent la surface du terrain; des ouvriers, à chaque saison , enlèvent les mauvaises herbes, et nettoyent le sol. XXIV DISCOURS Partage du temps entre les travaux agricoles et manufac- turiers. Les petits fermiers de la Flandre sont plus ou moins fabricants ; les uns préparent le lin et le tabac; d’au- tres tissent des toiles, tous augmentent leurs revenus par le négoce de leurs produits qu'ils gardent en meule ou dans les greniers plusieurs années, et jusqu'à ce que les prix en soient élevés. Ce partage du temps entre l'industrie agricole et manufacturière, les garantit, en partie, des se- cousses produites ailleurs par le passage de l’état de guerre à l'état de paix. Lorsqu'une branche de travail est peu lucrative, la population se livre davantage à l’autre branche, et produit les subsistances nécessaires, ou les moyens de se les pro- curer par des échanges qu'une bonne administration facilite. Elle n’a jamais à redouter la famine , la misère et les mal- heurs qui menacent les ouvriers dans des villes immenses. Lorsque les gens de la campagne ne sont que cultivateurs, et ceux des villes seulement manufacturiers, comme en Angleterre , chaque exploitation est dirigée avec plus d’'habi- leté et d'économie; la masse relative des produits est plus grande, chaque ouvrier est mieux payé; les fermiers et les manufacturiers s'enrichissent en moins de temps; la prospérité nationale augmente plus rapidement. Mais si tout à coup le commerce est déplacé ou suspendu ; une population nombreuse reste sans occupation; les terrains consacrés en partie au luxe, ne peuvent fournir les aliments nécessaires ; les prix augmentent dans le même rapport que la difficulté de se les procurer ; les impôts paraissent excessifs et deviennent insupportables : un tel pays est ex- posé aux révoltes et aux plus terribles commotions. Ainsi, par une heureuse distribution de la population et du travail, la Flandre possède les ressources nécessaires pour PRÉLIMINAIRE. XXV se suffire à elle-même, et toutes les causes de stabilité; tandis que l'Angleterre sera exposée à des catastrophes affreuses , lorsque des événements plus ou moins éloignés, mais certains , feront tomber ses fabriques, et priveront de travail et de ressource une grande masse d'ouvriers agglo- mérés sur quelques points. D'après ces considérations , la législation francaise doit plutôt propager les habitudes flamandes qu'anglaises, et chercher à rendre les villes fabricantes un peu agricoles, et les pays agricoles un peu manufacturiers. Par un juste équilibre dans la répartition de la population , et par le mélange des occupations agricoles et manufacturières, elle préviendrait les malheurs et les révolutions que causent l'interruption du commerce, et le passage rapide de l’état de paix à l'état de guerre , et réciproquement. Des canaux et des routes. Le système de construction et d'entretien des canaux, ports et routes, établi dans la Grande-Bretagne, est admirable; la direction en est confiée a des commissaires choisis parmi les hommes les plus re- commandables, dont la fortune assure l'indépendance des décisions, et donne au public toutes les garanties néces- saires. Les droits de barrière, perçus sur les routes, suffisent au remboursement des frais de construction première et d'entretien , et reportent sur les canaux les marchandises lourdes qui dégraderaient les chemins. Les canaux s'ouvrent et se réparent de même par les revenus qu'ils produisent. Au moyen de ressources analogues, on creuse les bassins , les ports, les docks, et on élève aux abords toutes les con- structions et magasins nécéssaires aux chargements et dé- chargements des marchandises. Les institutions prévoyantes ne se bornent pas à lever XXV] DISCOURS les obstacles qui s'opposent ailleurs à l'exécution de sem- blables ouvrages ; elles garantissent encore les intérêts publics et privés des dommages causés par le mauvais état de ces travaux. Si la voiture d'un agriculteur ou voyageur est renversée sur un point quelconque d'une route, par suite d'un mode vicieux de construction ou d'un mauvais état d'entretien, si un bateau est retardé sur un canal, la partie lésée intente un procès aux commissaires du comté chargés de la direction, ou aux concessionnaires de ces ouvrages, et obtient, en peu de temps et sans frais, les dommages et intérêts qui lui sont dus. C'est à cette prévoyante législation que l'Angleterre doit les travaux sans nombre que les étrangers admirent, et en grande partie la prospérité de son commerce et de son agriculture- Après l'Angleterre, la Flandre est le pays d'Europe où les communications sont plus multipliées et plus faciles ; le même mode de construction vient d'y être introduit de nouveau , et donne les mêmes résultats; l'exécution des travaux est confiée à l'intérêt particulier, et une expérience de plusieurs années a fait voir que ce système réunit tous les avantages qu'on s'en était promis. L’Agriculture et le commerce de la Flandre ayant acquis un si grand dévelop- pement, par l'influence des canaux et des routes qui coupent ce pays en tous sens, nous cherchons à les étendre, et surtout à compléter la navigation intérieure , par le perfec- tionnement des canaux actuels, et le creusement de ceux qui manquent encore. En résumé, si l'Angleterre est mieux percée de routes et de canaux que la Flandre, celle-ci a une semblable supério- rité sur toutes les provinces du continent. PRÉLIMINAIRE. XXVI] NOTES SUR LE CHAPITRE IIl. Instruments aratoires. Dans tous les pays où la loi protége le cultivateur, et le garantit de l'arbitraire , l'Agriculture est honorée , et devient l'occupation favorite de la majeure partie de la population; c'est le délassement de l’homme public, du négociant, du militaire et des gens instruits. Tous y trou- vent le repos, la santé et l'indépendance, et mille charmes qu'un séjour continuel à la ville, ou que l'oisiveté à la campagne ne peuvent procurer. L'Angleterre, dont l'admi- nistration intérieure est si perfectionnée , nous en fournit des exemples ; les personnages les plus élevés par leurs places , leurs richesses et leurs talents, se livrent à l’exploi- tation d'une partie de leurs terres, et à tous les détails de l'Agriculture, qu'ils ont porté à un haut degré de perfection. Ils importent les charrues et outils de tous les pays du monde; comparent leurs effets, et mettent à contribution les sciences pour les modifier et les approprier au sol de l'Angleterre, et obtiennent, par le concours de tant d'efforts et de lumières, des instruments aussi variés qu'ingénieux. Nous citerons, comme les plus remarquables, les machines à battre le blé, à transporter la paille dans les greniers, celles à semer, à butter, herser, etc. L'Écosse nous paraît avoir surpassé l'Angleterre, par la perfection des instruments aratoires , le bon état des terres» l'instruction des fermiers. Dans cette contrée septentrionale, le cultivateur soumis à l'influence d’un climat sévère, ayant plus d'obstacles à vaincre, a fait plus d'efforts, et obtenu plus de succès. On remarque, dans chaque ferme, un moulin XXVII] DISCOURS à vent destiné à battre la paille et le grain qui sont séparés et transportés au grenier, La construction de ce moulin est aussi ingénieuse qu'élégante; la calotte en fer est mobile sur une cage circulaire en pierres; les ailes, formées de plusieurs pièces et plaques de fer fondu, sont maintenues dans la direction du vent, par une roue mobile placée du côté opposé, en dehors, à une distance telle que la rési- stance déterminée par le volume et la longueur du bras de levier, compenseet au-delà la différence en étendue et force. Les plaques des ailes, qui remplacent les toiles , se meu- vent sur des axes, s'ouvrent lorsque le temps est orageux et le vent très-violent, donnent passage au courant, et ne présentent plus qu'une faible résistance. Cette précaution nécessaire, surtout dans un pays de montagnes, et sur les bords de la mer, prévient les accidents, et dispense le fermier de laisser un homme à la garde du moulin. On rétablit, par une manœuvre simple et facile , les ailes dans leur première position, et on en change à volonté et facile- ment pour arriver à l'inclinaison la plus convenable. La machine à semer est également ingénieuse, et son usage devient de plus en plus général en Angleterre, et surtout en Écosse; les sillons et les lignes de graines et plantes sont parallèles; ce qui facilite le sarclage, binage, buttage par la houe à cheval, et réduit les frais des opéra- tons. On ne saurait trop louer les avantages de cet instru- ment, qui remplit parfaitement le but qu’on s’est proposé. Mais, avant d'employer en Flandre les machines aratoires compliquées d'Angleterre , il est nécessaire de se rendre compte des dépenses premières de construction, des diffi- cultés dans la pratique, des économies à espérer, et de faire la part des circonstances particulières où se trouve placé le cultivateur de la Grande-Bretagne. PR PE ee PRÉLIMINAIRE. XXIX La valeur du terrain, en Angleterre, est bien moindre qu'en Flandre, et celle des journées d'ouvriers beaucoup plus forte; tous les produits se vendent à des prix plus élevés, parce que la rècolte ne suffisant pas à la consom- mation, on est obligé de tirer le blé des autres états, et de payer des droits d'importation excessifs; il suit de là qu'on peut cultiver, en Angleterre, les terres médiocres et même mauvaises, et que les recettes d'une ferme remboursent l'intérêt de l'énorme capital employé, la dépense des instruments compliqués, et le luxe de l’ex- ploitation. On s'exposerait, dans le département du Nord, à de grandes pertes, si on voulait faire usage de tous ces instruments dont le but est d'économiser la main-d'œuvre. Le prix de la journée d'un ouvrier français n'est pas le tiers de celui d’un ouvrier anglais, et celui de ces machines serait, chez nous, le double ou le triple. On ne doit donc faire usage en grand de ces nouvelles inventions , qu'après un examen bien réfléchi, et des essais multipliés. En Angle- terre même , la plupart de ces machines sont abandonnées , depuis qu'une longue expérience a fait voir qu'elles ne procuraient pas les avantages annoncés par un grand nom- bre d'agriculteurs ou écrivains. Nous examinerons les prin- cipales. De la charrue. La charrue étant un coin destiné à fendre la terre, la largeur et l'angle du soc doivent être propor- tionnés à la force de l’attelage et à la résistance du sol, pour produire le plus grand effet possible. Il est nécessaire que le laboureur fasse usage de charrues avec oreille et soc différents, suivant la profondeur du labourage ; de même que le bûcheron se sert de la hache pour abattre un arbre, et XXX DISCOURS de la serpe pour couper des branches flexibles : par la même raison, le charpentier emploie, pour chaque genre d'ou- vrage, des haches de forme, de largeur et de pesanteur différentes ; mais jamais il ne leur arrive de placer plusieurs haches à un même manche; un semblable instrument, difficile à manier, ferait moins de travail, et serait bientôt brisé. En appliquant les principes de la mécanique à l'étude et à la construction des charrues , on est conduit à reconnaître que les charrues à plusieurs socs, qui coûtent beaucoup, sont moins avantageuses que celles à un soc, et qu'il n'en existe pas, en Angleterre, de plus parfaite que celle de la Flandre. La charrue d'Écosse , admise en Angleterre comme la meilleure, est bien moins ancienne que celle des environs de Lille, et n’est qu'une modification de celle-ci ; ainsi que les agronomes l'ont reconnu. Quelques écrivains anglais citent avec éloge la char- rue de la Chine, comme la plus simple et la plus légère ; le poids n'étant que de quinze à vingt livres, le laboureur la porte sur son cheval, à côté de lui; mais, en Chine (r), la plupart des terres sont arrosées et même couvertes d'eau pendant plusieurs mois, au moyen de canaux d'irrigation : le ciel est superbe, le soleil très-ardent; dans de telles circonstances , il suffit d'effléurer le sol; la force de la végétation développe rapidement les graines, dont le feuil- lage étouffe les plantes nuisibles; la population d'ailleurs (x) Nous avons étudié à la Bibliothèque royale, cabinet des manu- scrits, les instruments aratoires de la Chine, dans l'Encyclopédie chinoise, tous nous ont paru moins parfaits que ceux analogues de la Flandre. L'examen des planches nous à fait présumer que la lithogra- phie est, depuis long-temps , connue en Chine. PRÉLIMINAIRE. XXX] est très-nombreuse, les engrais sont communs et à bon marché, et les journées à si vil prix, qu'on fait nettoyer les terres à peu de frais. Les charrues de la Flandre, modifiées selon la nature du sol, nous semblent tout à la fois préférables aux charrues plus simples de la Chine, de l'Italie, et même à celles plus compliquées d'Angleterre, où l'on compte plusieurs socs, coutres, et autres pièces plus. ingénieuses qu'utiles. Nous n'avons pas remarqué , dans nos voyages, parmi cette variété infinie de charrues anglaises , une seule meilleure que celles de Flandre; les inconvénients de la plupart des premières nous ont paru constatés par l'étude de leurs parties, et la différence du travail; dans les divers comtés, nous avons vu des attelages de trois, quatre chevaux et plus, et toujours deux hommes. La charrue flamande, attelée d’un seul cheval, dirigée par un seul homme, aurait plus complétement et plus rapidement labouré le même terrain, en admettant préalablement l’ensemble des méthodes de culture de la Flandre , au moyen desquelles la terre reste toujours ameublie. Nous pensons toutefois qu'on doit introduire générale- ment en Flandre le drille, ou semoir anglais; les lignes de plantes étant droites et régulièrement espacées, on peut biner et nettoyer le sol plus facilement et à meilleur marché, en employant surtout la houe à cheval; ces instruments fabriqué en Flandre, où les ouvriers sont très-habiles, ne coûteraient pas plus qu'en Angleterre. Des voitures. Les chariots et voitures de la Flandre sont solidement construits et bien entendus pour les localités. Les routes étant toutes pavées, et presque de niveau, deux chevaux conduisent une charge pesant quelquefois douze XXXi] DISCOURS et quatorze milliers ; les roues , essieux et autres pièces en fer et en bois, doivent avoir les dimensions nécessaires pour résister à cette charge. L'usage des chariots lourds se perd en Angleterre, où l'on transporte sur les canaux presque toutes les matières premières et fabriquées; à peine rencontre-t-on un seul chariot de roulage en parcourant cent milles , même sur les principales routes du royaume. Depuis trente ans surtout, l'instruction de toutes les classes, en Angleterre, est plus étendue et plus profonde ; les sciences exactes et les arts mécaniques ont fait de grands progrès , et entrent dans les cours d'études suivis par les enfants des artisans et ceux des familles les plus opulentes. Les manufacturiers et les laboureurs ont perfectionné ; de plus en plus, les machines et les instruments de leur art, et particulièrement les voitures. Le chariot aux engrais a, comme les autres , des essieux en fer, des boîtes en cuivre parfaitement tournées , et un réservoir pour l'huile qui en adoucit le frottement. On est arrivé à reconnaitre, par beaucoup d'expériences , que l'huile d'olive est plus con- venable que toutes les autres, et par cela même plus éco- nomique; et on l'employe. Ce seul fait montre avec quelle précision l'essieu et la boîte sont ajustés. Les voitures destinées aux transports de marchandises, sont suspendues, très-élégantes, et conduites, comme les diligences , par un cocher assis sur le siége, et un attelage de quatre chevaux légers allant au trot. Les ressorts dimi- nuent la fatigue des routes, des chevaux et des marchan- dises, et la rapidité des transports compense, pour ainsi dire, leur cherté. Il est bien à souhaiter qu'on s'occupe d'obtenir ,en France, des améliorations analogues ; mais plusieurs obstacles s’y PRÉLIMINAIRE. XXXI1] \ . . JE = opposent; le système de notre navigation n'est pas complet ; ja législation semble encourager les transports par terre, qui dégradent et détruisent les routes; mi le nombre des chevaux, ni pour ainsi dire les charges ne sont limitées, puisqu'on en tolère de si lourdes que ies routes en sont écrasées. Cette prime d'encouragement accordée sur les transports par terre, en diminue les frais, et met dans la nécessité d'établir des chemins très-solides, mais durs ou raboteux, afin de résister à la pression excessive des cha- riots de roulage. On ne peut donc espérer, pendant que la législation actuelle sera maintenue, d'introduire l'usage gé- néral de transporter les marchandises sur des chariots sus- pendus et conduits par des chevaux allant au trot. Machines à battre, à faner, etc. Les instruments ingé- nieux inventés en Angleterre pour ces usages seraient de peu d'utilité en Flandre, où les exploitations sont très - petites ; les travaux de ce genre exigent peu de journées , et l’éco- nomie de temps qui résulterait de leur emploi ne rem- bourserait pas l'intérêt du capital. Il n’en est pas de même dans le reste de la France, où les fermes ont souvent la même étendue que celles d'Angleterre. On devroit y intro- duire quelques-unes des machines anglaises (1), ayant soin de choisir celles qui ont recu la sanction de l’expé- rience. . , X à A Leur emploi, en général , ne peut etre avantageux que (1) On trouve des modèles de ces machines dans le Dépôt des Arts et Métiers, et M. MorarD, sous-directeur de cet établissement , a établi “un atelier de perfectionnement, où l’on construit les instruments ara- toires les plus parfaits. Agricult, de le Flandre. C XXX]V DISCOURS dans les grandes fermes, et dans les pays où les ouvriers sont rares et chers ; ailleurs , les instruments de la Flandre sont en tout préférables. En résumé, les méthodes anglaises et flamandes, pour battre le blé, faner, etc., quoique très-différentes , sont les meilleures , chacune pour les localités où on les emploie. Moulin à vent et à vapeur pour la fabrication de l'huile. La Flandre est la contrée du monde où la culture des plantes oléagineuses, ét la fabrication de l'huile ont pris, depuis long-temps , le plus d'extension, et ont fait le plus de progrès. On compte, autour de Lille, près de deux cents moulins à huile, appelés tordoirs , que le vent fait mouvoir, et depuis 1814 on établit, chaque année, des machines à vapeur destinées au même usage. La charpente de ces tordoirs est simple , solide , et coûte peu ; l'intérieur renferme , dans deux toises quarrées , tous les instruments nécessaires à la fabrication de l’huïle ; savoir: les pilons , la presse, la chaudière et les réservoirs. Les machines à vapeur sont tirées d'Angleterre, et exé- cutées avec uñe grande perfection. En Angleterre, on fait en fer forgé ou fondu la plu- part des pièces extérieures des moulins à vent, la calotte et ses agrès, les ailes, ete. Ces constructions sont très- solides , il est vrai, mais lourdes ; on est obligé de poser le mécanisme sur des murs épais, et de dépénser cinq fois plus qu'en Flandre. On doit d'ailleurs remarquer que la fonte de fer coûte trois fois moins qu'en France, que le bois de chêne y est beaucoup plus cher, et que le choix des ma- tières et des systèmes doit être déterminé, dans beaucoup de cas, par la différence de valeur des matériaux. En An- gleterre , le prix de l'huile étant plus élevé, la fabrication PRÉLIMINAIRE. XXXV donne des bénéfices qui paient les intérêts du plus grand capital dépensé pour l'usine. Quant aux machines à vapeur, l'emploi en est moins avantageux en Flandre, puisqu'il faut ajouter aux prix de fabriques les frais de transport et d'entrée, et ceux journaliers du combustible qui coûte plus cher qu'en Angleterre. Nous avons cherché à nous rendre compte s'il est plus profitable d'employer le vent, force motrice variable, inter- mittente, mais qui ne coûte rien, ou la vapeur dont l’action est régulière, continue, mais occasione une dépense jour- nalière. Cette question nous a paru très- compliquée et susceptible d’une solution différente, selon les localités. Une machine à vapeur diminue la main-d'œuvre, fournit dans un temps donné plus de produits, mais augmente les dépenses de construction et d'entretien. D'après cela, il faut employer le vent dans les pays où les capitaux sont rares , les ouvriers nombreux et communs, et les produits à bon marché, et préférer les machines à vapeur dans les contrées riches, où la main-d'œuvre et les produits sont chers, et le charbon et l'intérêt des fonds à bas prix. On ne doit pas conclure que les fabricants d'huile de la Flandre soient moins habiles que ceux d'Angleterre, parce que leurs usines sont simples et en apparence misérables ; il suffit d'en examiner l'intérieur, d'en étudier les parties, de tenir note de l'ouvrage fait, et de suivre pendant quel- ques heures ces ouvriers lourds dans le repos ,jardents et d'une extrême dextérité et prestesse dans le travail; on ne saurait concevoir plus de simpicité dans les machines, plus d’habileté dans ceux qui les conduisent. Les Anglais ont, comme les Flamands, des moulins à eau employés à la fabrication de l'huile; nous avons éiudié ces divers établissements dans les deux pays, et nous avons C. XXXV] DISCOURS reconnu que le mécanisme des usines anglaises est plus parfait, mais coûte quatre fois le prix des usines francaises , et ne donne pas le double de produit; chacune des mé- thodes adoptées est la meilleure pour chaque pays; on veut économiser, en Angleterre la main-d'œuvre, et en Flandre les capitaux. Depuis quelques années on a établi, à Lille, des machines à vapeur d'une rare perfection, destinées à la fabrication de l'huile; quoique ces machines soient tirées des fonderies anglaises, on ne doit pas en conclure que la fabrication de l'huile est plus perfectionnée dans ce pays que dans Île nôtre. On ne compte, en Angleterre, qu'une ou deux machines aussi perfectionnées que celle de M. Mirrr- Cararr (1), et qu'un petit nombre de la même forme que celle de M. Bowre-Porrer, etc. La Flandre possède maintenant d'aussi beaux modèles de machines de ce genre que l'Angleterre , et leur introduction a fait voir que celles (x) La machine à vapeur de M. Mrzr-Cararr, rue des Jésuites, met en mouvement deux presses hydrauliques , de la force de 500 tonneaux , ou 500,000 kilogrammes , qui expriment l'huile , et quatre meules verti- cales qui écrasent la graine. Il n'existe pas , en Angleterre, d'usine mieux combinée, et d’une plus grande perfection. M. Mrs, qui avait monté l’une des premières et des plus belles fila- tures de coton du royaume, a ainsi que MM. ses frères, le génie des arts, et montre avec complaisance ses établissements aux étrangers. Nous devons également citer comme modèle, dans un autre genre, J'établissement de MM. les frères Scrive , auxquels le commerce du Nord et dn royaume a de grandes obligations. I! serait à désirer que le gouvernement récompensät les services rendus par ces honorables manufacturiers, en affranchissant, par exemple, leurs fabriques de tout impôt, pendant un demi-siècle. PRÉLIMINAIRE. XXXVij de la Flandre, mues par le vent, d’une simplicité remarqua- ble, en usage depuis des siècles, l'emportaient, quant aux frais de fabrication , sur les machines à vapeur de ce genre, les plus perfectionnées d'Angleterre. Depuis l'établissement de huit grandes fabriques d'huile, allant par la vapeur, les tordoirs ou moulins à vent, pour l'huile, continuent à se vendre et à se louer le même prix; quoique la valeur de lhuile ait beaucoup diminué par suite des progrès de la culture des plantes oléagineuses dans plusieurs départements voisins de celui du Nord. Nous sommes persuadé que l'économie de la main - d'œuvre obtenue par la machine à vapeur ne com- pense pas, pour ce genre de fabrication , la dépense en combustible, et les intérêts plus considérables du capital 5 mues par l'eau donnent les plus grands bénéfices. employé ; et que de toutes les usines de ce genre, celles On doit conclure de ces diverses observations, que la Flandre a obtenu le point de perfection dans les fabriques d'huile comme dans beaucoup d’autres genres; que les frais de main-d'œuvre et autres sont les plus faibles pos- sibles , et que le système adopté , qui permet d'élever une usine avec un faible capital, est aussi très-favorable à l'Agri- culture. Ce mode dispense des longs transports des graines, des huiles et des tourteaux, et encourage la construction d'une ou plusieurs fabriques semblables à côté de chaque petite ville ou village. Cest donc en Flandre et surtout à Lille, ét non en Angleterre , que les propriétaires de l'intérieur de la France doivent venir chercher des modèles des moulins à huile ; ils se convaincront de la facilité et de la nécessité de con- struire, pour leur propre usage, une usine de ce genre, si leurs exploitations sont étendues; et l'examen des cam- XXXVII] DISCOURS pagnes de Lille, et des tordoirs , leur apprendra qu'il n'est pas de culture plus productive que celle des plantes oléa- gineuses, de machines plus simples que les tordoirs , et de fabrication plus facile et plus lucrative que celle de l'huile de colza et autres. Fabrication de la brique, de la chaux , etc. On emploie généralement, en Flandre et en Angleterre, la brique pour les constructions , la chaux pour engrais, et le charbon de terre pour la fabrication de ces substances ; l’art du brique- tier et celui du chaufournier ont été poussés, dans ces deux pays, à une égale perfection; cependant, en Angleterre, on obtient plus de bénéfices par l'emploi des pompes à feu; la même machine à vapeur transporte les matériaux de la mine aux fourneaux sur des routes et par des voitures en fer, et opère le mélange des terres au moyen de cylindres. Il en est de même dans les poteries ; une même force donne le mouvement aux meules, pilons, mortiers, et diminue les frais de fabrication. Ces machines , quoique plus profitables en Angleterre, où le charbon est à meil- leur marché et la main-d'œuvre plus chère, seraient très-avantagenses enFlandre , et devraient y être importées , particulièrement celles destinées à broyer et mélanger les terres. On pourrait aussi faire usage, pour la fabrication de la brique, du procédé ci-après , suivi par les Anglais. Les briques sont élevées en masse, d'après l'usage ordi- naire , en ménageant entre eiles un espace d’un centimètre ; les vides sont remplis avec les parties charbonneuses retirées , par le crible, des cendres de la houille. Ces ma- tières combustibles brülent lentement, le feu est moins vif, mais il suffit pour produire une bonne cuisson. La PRÉLIMINAIRE. XXXJxX poussière séparée par le crible sert de sable dans la prépa- ration des briques, et contribue à leur donner une qualité réfractaire. En Flandre, les cendres ont plus de valeur comme engrais, mais moins que le même volume de par- ties combustibles , appelées escarbiles , qu'elles contien- nent; nous devons , cette année, faire des essais pour comparer les dépenses de la cuisson de la brique dans les deux cas. Dans le reste de la France, et même à Paris, les procédés de la fabrication de la brique et de la poterie y sont très- imparfaits ; les produits s’y vendent trois et quatre fois plus chers qu'en Flandre et en Angleterre, sans être de meil- leure qualité, et sans donner aux manufacturiers de plus grands bénéfices. Cependant il existe dans tous les arron- dissements de la France des terres de même nature que celles de Flandre et d'Angleterre, et on pourrait y intro- duire, avec avantage, les mêmes machines et les mêmes modèles de four. A la vérité, les exploitations, dans ces deux derniers pays, sont très-favorisées par le bas prix du charbon de terre, et par le grand nombre des canaux au moyen desquels on se procure avec facilité, en abondance et à bon marché, les matières premières de tout genre. Nous sommes sans cesse couduit à répéter qu'une bonne naviga- tion est la première cause de la prospérité de l'Agriculture, des manufactures et de toutes les branches du commerce. NOTES SUR LE CHAPITRE IV. Engrais et amendements. Les fermiers flamands paraissent être les plus habiles dans l'emploi des engrais liquides , et xl DISCOURS les seuls qui fassent un usage général de celui que nous avons nommé engrais flamand. C'est, en grande partie, à cet engrais , employé partiellement à Lucques, à Grenoble, que l'on doit attribuer la supériorité de l'Agriculture fla- mande sur celle de l'Angleterre. Quant à l’art de créer ou de composer les autres engrais , et d'améliorer le sol par des mélanges, les agronomes an- glais ont épuisé les combinaisons que la science de la chimie indique, et que d'immenses capitaux permettent de ten- ter. Ils connaissent les propriétés des diverses terres, les moyens de multiplier les engrais, d'en accroître les effets, d'en tirer le meilleur parti par les composts, ou mélanges de parties végétales et animales avee diverses terres. Mais la plupart de ces opérations, calculées d’après le prix des recettes en Angleterre, ne sont lucratives que dans ce pays, où les productions du sol ont une valeur de monopole, et seulement pendant les temps de guerre, et par son in- fluence. Depuis la paix, les denrées ont diminué de valeur, et ne remboursent plus les frais de cette agriculture de luxe; beaucoup de fermiers se ruinent, et abandonnent leurs exploitations. En France, les grands propriétaires ou locataires de grandes fermes, ont seuls intérêt à étudier et à suivre, avec des modifications convenables, les procédés anglais pour la fabrication des engrais. Les petits fermiers ne doivent imiter que les méthodes flamandes , comme plus écono- miques et plus sûres. L'Agriculture flamande est calculée pour donner les plus grands bénéfices avec de faibles avances ; celle d'Angleterre exige beaucoup de capitaux, de l'instruction, des essais, et expose à de grandes pertes; l’une , simple, facile, est le résultat d'une expérience de plusieurs siècles ; l'autre , 2 PAT v£, AE PRÉLIMINAIRE. xl} pour ainsi dire, spéculative, hasardeuse et de luxe, vise plutôt à la nouveauté (1) qu'aux profits. En résumé, les fermiers flamands suivent, sans beaucoup d'instruction, sans faire d'innovations, sans ‘chances de pertes, les méthodes les plus parfaites pour amender et améliorer leurs terres ; les Anglais tentent, avec de grandes dépenses, des essais ingénieux , compliqués, et arrivent quelquefois à des résultats neufs et heureux, mais chère- ment achetés. L'imitation de leurs procédés exige tout à la fois une exploitation étendue, une instruction profonde, un capital considérable, et une vente assurée et avantageuse des produits. La différence de la quantité des récoltes recueillies sur les champs cultivés avec le plus d'habileté ou d'ignorance étant renfermée dans de certaines limites, la valeur de cette différence est de même déterminée et limitée, et ne peut être obtenue avec avantage que par des sacrifices au- dessous de ces valeurs. Il faut donc se rendre compte d'avance du rapport des dépenses et des produits, et ne tenter qu'avec une extrême réserve les améliorations sédui- santes qui exigent de grands capitaux. (1) Nous voulions faire mention ici du nouveau système de culture du major général Alexandre Brarsox , qui propose de remplacer le labourage par un léger houage, et les engrais par l’écobuage, ou la combustion de la superficie du sol , enlevée sur deux ou trois pouces d'épaisseur, et répandue ensuite sur le terrain; mais nous préférons renvoyer à la tra- duction que nous donnons de cet ouvrage, qui renferme des vues neuves. Nous nous bornerons à faire observer que ses procédés ne paraissent ad- missibles que dans les cantons mal cultivés, où le sol est très -argileux s les engrais rares , les matières combustibles à bas prix, etles procédés flamands inconnus. xli} DISCOURS NOTES SUR LE CHAPITRE:V. Assolements. S'il est vrai, ainsi que l’a remarqué Virgile, et après lui tous nos grands agronomes, que la terre se repose en changeant de richesses, on doit agrandir le plus possible le cercle de rotation des récoltes , et ne faire revenir chacune qu'après la plus longue période. Les flamands admettent dans leurs assolements beaucoup de plantes précieuses que les Anglais ne cultivent pas en grand, comme le tabac, le lin de fin, les œillettes , la ca- méline, le colza d'automne, et arrivent, par cette variété de produits, à de plus longs assolements; ils ont donc obtenu, par cela seul, plus de perfection. Chaque récolte, revenant plus rarement sur le même terrain , est plus abondante ; la valeur des produits est comme assurée par leur nombre; leur variété permet de supprimer les jachères, et même d'obtenir deux récoltes sur le même champ. La supériorité de l'Agriculture flamande sur celle britan- nique, sous le point de vue des assolements, doit être moins attribuée au défaut d'habileté des fermiers anglais, qu'aux circonstances locales qui les empêchent d'adopter le système de rotation le plus parfait ; nous indiquerons les principales. À 1° Le sol de l'Angleterre est coupé de monticules et montagnes plus ou moins élevés; les routes, les villages et les fermes s'écartent peu des ruisseaux ou du fond des vallées ; les bâtiments d'exploitation se trouvent ainsi placés à l'extrémité du domaine. 2° Les pentes des terrains sont souvent si rapides qu'il serait dangereux de les labourer annuellement; les averses PRÉLIMINAIRE. xl]: entraîneraient les terres nues, et rendraient le sol stérile. Cette particularité topographique, et la grande étendue des fermes, obligent de laisser quelquefois moitié des terrains en jachères , ou en pâturages. 3° On défend la culture du tabac, dont les récoltes remboursent avec profit les prix des engrais riches, des nombreux houages, sarclages, et de divers amendements qui améliorent le sol. 4° Les huiles végétales ayant moins de valeur dans ce pays, en raison de l'huile de baleine, cachalot, etc. , et de l'usage généralement adopté de l'éclairage par le gaz; les fermiers anglais retireraient moins de bénéfices que les flamands , s'ils faisaient entrer , dans leurs assolements réguliers , le colza repiqué en automne, et cultivé pour graine. 3 5° La culture du lin de fin exige beaucoup de bois et de journées d'ouvriers, dont le prix est élevé en Angleterre; d’ailleurs l'emploi de ce lin à la fabrication de la dentelle et de la batiste y est à peine connu ; les produits de cette culture ne donneraient pas les mêmes bénéfices qu'en Flan- dre; il en est de même de plusieurs autres cultures qui sont plus profitables en Flandre qu'en Angleterre. Les fermiers de la Grande-Bretagne ne peuvent donc pas admettre tous les assolements de la Flandre, quoique ceux-ci, considérés d'une manière générale, soient plus parfaits ; du moins ils devraient adopter , dans le cercle des récoltes , le colza repiqué, et pour graine, le tabac, le lin de gros, les œillettes, la caméline, etc. En augmentant ainsi le nombre des cultures, la période des assolements se trouverait prolongée, la terre mieux préparée, le travail plus régulièrement distribué, et la garantie des produits mieux assurée, xljv , DISCOURS On remarque que les comtés d'Angleterre les mieux cultivés , suivent les anciens assclements de la Flandre , de trois à six ans, et que la prospérité de l'Agriculture, dans ces cantons, est en grande partie due à cette introduction qui date de trente à quarante ans. Une imitation de plu- sieurs autres assolements flamands à longs termes, donnerait à ces mêmes comtés plus de richesses encore. NOTES SUR LE CHAPITRE VI. Culture des differentes graines ou plantes. 11 existe, en général, entre les cultures anglaises et flamandes la même différence qu'entre celles d’une grande et d'une petite exploitation, ou d’un champ et d’un jardin. Les ouvriers des campagnes de la Grande-Bretagne sont plus rares et plus chers ; les terrains ont moins de valeur; les fermiers n'ont donc pas intérêt à rechercher une aussi grande per- fection. Les Flamands n'épargnent ni les soins, ni les dépenses pour la culture en grand du tabac, du lin, du colza pour graine, et autres plantes oléagineuses qui ne font point partie des assolements anglais, et qui seules cependaut peuvent rembourser les frais des engrais les plus riches, et l'emploi de nombreux ouvriers. On ne connait point, en Angleterre, les travaux Jour- naliers et les précautions excessives que l'on prend en Flandre pour ameubler le sol, le purger des mauvaises herbes, en renouveler la surface, et rendre la terre féconde par des engrais dont la valeur s'élève quelquefois à un tiers de celle du fonds. Les jardins mêmes de la Grande-Bretagne PRÉLIMINAIRE, xlv ne sont pas mieux tenus que les champs de la Flandre cultivés en plantes oléagineuses, dont la surface est environ le tiers de celle des fermes. D'après la différence des localités, il serait aussi peu avantageux d'admettre en Flandre les instruments aratoires ingénieux mais compliqués et dispendieux d'Angleterre, que d'introduire dans ce dernier pays tous les procédés de culture flamande, qui exigent un très-grand nombre de bras. La comparaison de culture de ces deux pays fait croire que les usages flamands donnent des produits plus abondants, et plus de bénéfices, en raison de l’économie obtenue par la perfection du labourage et des autres opé- rations qui le complètent. Sur d'autres points, nous nous plaisons à rendre toute justice aux Anglais ; les agriculteurs n'épargnent ni les soins ni les dépenses pour multiplier et perfectionner les espèces et variétés de plantes cultivées. Chaque année, ils choisis- sent les épis et les grains les plus beaux, les racines les plus fortes, ils les plantent les années suivantes, et obtien- nent successivement des variétés et des récoltes meilleures. Ils sont parvenus, par une persévérance éclairée, à créer des espèces et variétés précieuses de pommes de terre, de carottes , de navets, turneps, etc., etc., dont les unes sont très-précoces , les autres tardives et résistent aux gelées, et qui sont toutes très-productives. Aucune nation na porté, dans ce genre, les recherches de culture aussi loin, et n’est arrivée à de plus beaux ré- sultats. Le commerce du monde, dont l'Angleterre a le monopole, apporte comme en tribut, aux cultivateurs de ce pays, les productions de tous les autres, et leur procure les moyens d'essayer en grand la culture des plantes étran- geres; la richesse de ces agriculteurs leur permettant de + xlv) DISCOURS d'en payer les dépenses. Quoique la plupart de ces tentatives soient plutôt faites dans le but d'acquérir de la célébrité que des profits, cependant le succès ne manque jamais de procurer d'énormes bénéfices à celui qui l'obtient , et encourage de plus en plus l'esprit de recherches. Chez ce peuple libre, et par cela même recommandable, la richesse acquise par des entreprises utiles, loin d'exciter l'envie, mérite l'approbation du public, et la nomination au par- lement, récompense qui est le but et le prix des plus longs et des plus nobles travaux. Les agriculteurs du continent devraient emprunter de ceux d'Angleterre les nouvelles espèces de plantes, et en multiplier et perfectionner les variétés par des travaux ana- logues. Quelques habiles agronomes français (1) se livrent à des recherches aussi louables avec autant de zèle que de bonheur; mais leur influence n'agit qu'à peu de distance de leurs domaines. Si le gouvernement encourageait leurs généreux efforts par des récompenses nationales , il par- viendrait, en peu de temps, à répandre la culture d'un grand nombre de plantes ou variétés précieuses. NOTES SUR LE CHAPITRE VII. Plantations. Les plus riches capitalistes et propriétaires de la Grande-Bretagne , les premiers personnages de l'état (x) On doit citer dans ce nombre M. Morez DE VINDÉ, pair de France, et M. Marer , ancien ingénieur des ponts et chaussées et con- seiller d'état, qui sont parvenus à obtenir un grand nombre de variétés de plantes, et ont ainsi rendu un grand service à notre agriculture. PRÉLIMINAIRE. xlvi] habitent leurs terres huit mois chaque année. Ils s’y réser- vent l'exploitation de quelques fermes, dans le but de faire de l’agriculture , et d'embellir les alentours de leurs de- meures par le choix des cultures et des plantations. Leurs parcs (1), formés par un mélange de prairies et de bos- quets, se marient admirablement avec les forêts ou cam- pagnes du voisinage. Des arbres superbes , souvent isolés, quelquefois groupés, mais toujours placés à des points de vue choisis, donnent plus de fraicheur aux prairies, plus de mouvement et, pour ainsi dire, plus d’étendue au paysage. On ménage, sur le pourtour, des plates - bandes de fleurs et arbustes , que défendent contre les troupeaux des grilles en fer, peintes en noir, peu élevées, et presque invisibles. L'intérieur, tout en prairie, est laissé au pâturage des vaches et moutons, qui maintiennent les gazons courts et verts, et donnent aux campagnes plus de mouvement et de vie. De tels usages, qui ne semblent dictés que par le goût du luxe, sont justifiés par les principes d'une sage écono- mie. Les grands propriétaires recherchent les races les plus précieuses, les perfectionnent par les soins et les croisements, et en retirent plus de revenus que du labou- rage de leurs parcs; ainsi, l'utilité qui est, pour ainsi dire, la règle de conduite et le but de toutes les actions des Anglais , est ici cachée sous une fausse apparence de prodi- galité, d'opulence et de luxe. (x) On n’y remarque ni sentiers tortueux , festonnés et ridicules , ni rivières et montagnes factices , ni ponts sans ruisseaux , et fabriques sans objet ; tout y est simple et naturel. xlvi] DISCOURS Quelques parcs, dans les environs de Lille (1), comme ceux de Fournes , d'Annappes, de Lassessoir , de Marque, sont dessinés (2) avec le même goût, dans le même but , et entretenus avec le même soin; mais dans les autres campagnes de la Flandre française, les limites en sont si rapprochées, en raison du haut prix des terres, qu'on est forcé d'en déguiser l'étendue, et d'en cacher l'enceinte par des plantations touffues. Le système de plantation de la Flandre, considéré sous le point de vue des produits , a la même perfection et supé- riorité que les diverses autres cultures. Les champs, bordés d'arbres de haute-futaie, assez espacés pour prévenir l'in- convénient d'une ombre trop épaisse, garantissent les campagnes des vents violents et des fortes pluies , et main- tiennent une température plus uniforme et plus douce, Ces arbres solitaires, dont les racines s'étendent dans des terrains labourés , s'élèvent rapidement, et fournissent sur place, sans frais de transport, et pour tous les usages , des bois de la meilleure qualité. Le propriétaire trouve , dans ses planta- üons, des ressources en cas d'incendie, et se crée un capital qui s'accumule d'année en année, sans soins et sans dé- / (1) On peut citer comme l’un des plus jolis parcs de France, celui de M. le marquis de La Coste, à Sebourg , près de Valenciennes, les cascades, les pièces d’eau , les prairies et les plantations, donnent, sur une petite échelle, une idée des plus jolis parcs d'Angleterre , et des plus agréables vues de la Suisse. Le propriétaire, qui a créé cette campagne, a fait preuve du goût le plus éclairé. (2) L’art de tracer les parcs, en Angleterre, se réduit à imiter et em- bellir la nature , et échappe , par cette raison , aux règles que la médiocrité , ; q a cherché à établir. PRE ET Re SL." PRÉLIMINAIRE. xljx penses ; les terres plantées se louent même plus cher que les autres, en raison de la valeur des élagages laissés aux fermiers. Les travaux annuels garantissent le sol cultivé de l’action des racines; la terre est retournée plusieurs fois, chaque année, par une charrue tranchante et un labourage pro- fond ; les racines tracantes sont coupées, et la surface en culture conserve la même fécondité que si le sol était nu. Àu moyen d'un tel système de plantation, les forêts sont inutiles, et en petit nombre, et celles qui existent ne sont conservées que par l'influence de la législation fu- neste qui en empêche le défrichement. Les campagnes ainsi éloignées des grandes forêts, sont garanties des dégâts causés ailleurs par les animaux carnas- siers et les oiseaux de proie qu'elles recèlent, ou par les orages et la grêle qu'elles attirent. Les plantations de la Flandre, quoique isoléés et symé- triques donnent aux campagnes l'aspect le plus riche et le plus ravissant. Le voyageur aperçoit partout autour de lui de riches récoltes, des prairies toujours vertes et de belles plantations, et au loin, par la projection des arbres isolés l'image d'une forêt superbe (1). = (x) Le paysage animé de la Flandre suffit pour convaincre le voyageur _ attentif que le peuple est aisé et intelligent ; car il est impossible de se persuader que des propriétaires et fermiers malheureux aient la pré- voyance de laisser accumuler sur le sol de si grandes richesses ; la détresse du moment leur en ôterait la possibilité, et même la pensée. Cette réflexion angmente encore le plaisir qu'on éprouveen visitant ces belles campagnes; peut-être n’est-il pas de voyage qui laisse des impressions plus profondes, Agricult. de la Flandre. d l DISCOURS Les fermiers anglais plantent peu d'arbres forestiers, mais donnent tous leurs soins à la culture des arbres fruitiers, dont ils ont perfectionné et multiplié les espèces et variétés , avec la même habileté que celles des plantes ; ils ont, par exemple, obtenu des pommiers à cidre qui müûürissent plus tôt, et donnent une liqueur plus spiritueuse, meilleure et deux fois plus abondante. Cette industrie, inconnue en Flandre, pourrait y être importée avec avantage ; les pommiers et poiriers croissent rapidement sur ce sol profond, et les fruits y mürissent bien. Par cette culture , le département s'affranchirait, en partie, des tributs élevés qu'il paie aux pays vignobles et à l'étranger. On arriverait à ce résultat en établissant, au moyen d'encouragements donnés par le conseil-général du département , une ferme expérimentale, où chaque cultiva- teur trouverait, à has prix, de jeunes arbres de choix, et des instructions et des exemples. En moins de vingt années, on introduirait , avec cette culture si bien pratiquée en Nor- mandie , très-perfectionnée en Angleterre, l'usage du cidre, boisson si supérieure à la bière, et surtout à l'eau-de-vie de grain, dont la consommation, encouragée en Flandre par le prix élevé du cidre et du vin, oceasione aux nom- breuses et malheureuses classes d'ouvriers les maladies les plus graves. et montre mieux la facilité de procurer aux habitants des campagnes, par une bone législation , la plus grande somme possible de tranquillité et de bonheur. is 2 4 PRÉLIMINAIRE. ij NOTES SUR LE CHAPITRE VIII. à Éducation, nourriture , engraissement des bestiaux. Sur un espace donné , et avec des races communes le fermier flamand retire de ses troupeaux le plus de produit possible ; il les traite avec douceur, les élève avec soin, et les nourrit abondamment et à l'étable. Le pays étant ouvert, riche, et très-exposé aux invasions, le cultivateur ne peut tenir des races précieuses que l'ennemi lui enleverait. Plus les chevaux flamands sont lourds et lents, moins il court de chances de pertes; c'est donc par une extrême prévoyance qu'il se condamne à ne posséder que des animaux de race com- mune, qui coûtent peu d'achat et moins de frais d'en- tretien. Le fermier anglais, certain de jouir d'une longue paix intérieure, en raison de la difficulté des invasions, et de la bonté des institutions, se livre avec sécurité au perfec- tionnement des races, branche de l'économie rurale la plus profitable dans cette contrée. Il a obtenu, à la quatrième génération , par le croisement des juments anglaises et des étalons arabes , des chevaux qui ont plus de jarret, d'haleine et de docilité que les arabes , plus de vigueur et de rapidité que ceux indigènes , et s'est rendu le continent tributaire, par cette importante industrie. Au moyen des croisements, long-temps continués, des moutons d'Asie (1), d'Espagne avec ceux du pays, les (x) La France doit à M. Ternaux l’importarion des chèvres du Thibet, qui vont procurer à nos agriculteurs et à nos fabricants de nouveaux d. li DISCOURS laines ont été successivement allongées et affinées ; et les toisons ont également gagné en poids et en beauté. Les Anglais ont créé, par des recherches qu'on ne saurait assez louer, des espèces particulières de moutons, destinées les unes à donner des laines à peigner et à carder, les autres à produire en peu d'années, et avec un volume donné de nourriture, le plus grand poids de chair et de graisse. ‘Ils sont de même parvenus à former des espèces ayant des formes et des qualités voulues. La tête de mouton étant sans valeur, ils ont toujours choisi ceux qui l'avaient plus sèche , pour arriver à une race qui ait cette qualité ; ils se sont de même attachés à créer des espèces ayant des cuisses très-fortes, parce que c'est la partie la plus esti- mée, et de petits os, signe caractéristique de la facilité a prendre la graisse. Au moyen de tentatives analogues, et d'une persévé- rance supérieure aux obstacles, l'Agriculture anglaise s’est enrichie de races précieuses, dont le capital dépasse tous les calculs. Quelques chevaux et beliers ont paru si beaux, qu'on les a loués, pour la monte, à raison de mille gui- nées l'un, pour quelques jours seulement. Les races des cochons ont de même été améliorées par moyens de richesses. M. Tervaux a de même introduit en France des machines et améliorations importantes dans les différents genres de manufactures dont il est, pour ainsi dire, le créateur. Il contribue puissamment, par l'honorable emploi de ses richesses et de ses talents , à notre affranchissement de fabriques étrangères , à la prospérité et à la puissance de la patrie. PRÉLIMINAIRE. hi} le croisement successif de ceux qui approchaient le plus des formes cherchées. On est arrivé à une espèce à jambes très-courtes, avec un corps vaste et allongé, et de pe- tits os. Ces cochons se nourrissent d'herbes comme les moutons, s'engraissent rapidement, et sont abandonnés dans les pâturages , qu'on les empèche de dégrader au moyen d’un clou planté et rivé dans le naseau (r): Plus les races de chevaux et de moutons d'Angleterre ont de valeur , plus les fermiers ont mis de soins à leur procurer les pâturages les plus convenables. Ils ont reconnu que la vigueur, la santé et l'amélioration des troupeaux, ne pouvaient être obtenues qu'en plein air, dans des pâtu- rages fermés. L’Angleterre a été dès lors divisée en clos, destinés les uns aux chevaux, les autres aux moutons; les troupeaux y restent renfermés, presque toute l’année, sans gardien, Cet usage conseillé et pratiqué par les plus habiles agronomes, n'est devenu général que depuis qu'une légis- lation, prévoyante l'a rendu avantageux; plus le vol des troupeaux , ainsi abandonnés , était facile, plus les lois sont devenues sévères. D'un autre côté, on est parvenu à dé- truire les loups, par de forts encouragements. Maintenant le propriétaire peut, avec sécurité , abandonner les troupeaux du plus grand prix, sans berger, dans des pâturages clos, et prévenir les inconvénients des étables, où ces animaux (r) M. Deseravrer, président de la Société d'Agriculture de Dun- kerque , a introduit en France cette race, qui réussit à merveille , et donne des produits au moins doubles de ceux de la race commune de Flandre. lv DISCOURS perdent la vigueur et les qualités que procurent l'air libre et l'herbe fraiche des pâturages. On ne saurait trop recommander aux agriculteurs francais de se procurer les races anglaises les plus perfectionnées , et de les croiser avec les races francaises , afin d'améliorer nos troupeaux avec peu de dépense ; ils doivent aussi clore des pâturages, et les destiner à l'éducation des bestiaux. Cet usage, établi dans quelques arrondissements du Nord, procure de grands bénéfices. Ces résultats seraient bientôt obtenus dans toute la France, si le gouvernement encourageait la destruction des loups par des primes plus fortes, et l'établissement des clos par une réduction d'impôt sur les terrains nouvelle- ment fermés de murs et de haies. INFLUENCE D'UNE BONNE OU D'UNE MAUVAISE ADMINISTRATION, SUR L'EXISTENCE ET L'AVENIR DES FAMILLES RICHES HABITANT LA CAMPAGNE. Le genre de vie adopté par les plus grands personnages de l’état, en Angleterre, aux États-Unis d'Amérique et dans tous les pays bien administrés, fixe l'attention des obser- vateurs et rappelle les plus beaux temps de l'antiquité (x). (x) « J'en viens maintenant aux plaisirs de l'Agriculture , qui ont pour « moi un charme incroyable. « Ils ont pour objet la terre qui , toujours docile à Ja main qui la gou- « verne , ne rend jamais qu'avec usure ce qu’elle a recu... Ce ne sont pas PRÉLIMINAIRE. lv Chaque propriétaire consacre sa Jeunesse aux voyages et au service de la patrie, se livre ensuite avec ardeur aux travaux agricoles , et trouve, par des occupations pleines de charmes, les moyens d'accroître sa fortune, et d'être utile à son pays. Revêtu, par le suffrage de ses concitoyens, de pouvoirs étendus que la loi établit, il préside, en qua- 4 « seulement les fruits qui me charment, c’est aussi la nature et la vertu de « Ja terre. « Homère nous représente Laërte fumant et cultivant ses domaines, « pour adoucir les regrets de l’apsence de son fils. « Je doute qu’il puisse y avoir une vie plus heureuse, non - seulement « parce qu’on y remplit un devoir , en cultivant un art salutaire à tout le « genre humain , mais parce qu’on y trouve ce charme dont j'ai parlé, et « l'abondance de toutes les choses nécessaires au culte des.dieux et à la « nourriture des hommes. Un bon habitant de la campagne a toujours « sa maison approvisionnée des meiileurs vins, etc... Rien de plus agréa- « ble et de plus utile qu’une campagne bien cultivée. « Xénophon , pour faire sentir que nulle occupation ne lui semble plus « royale que la culture des champs, fait, dans son livre intitulé Économi « que, raconter par Socrate à Crétobule , que Cyrus le jeune, roi des « Perses, également grand par son génie et la gloire de son empire, ayant «reçu dans sa cour , à Sardes , le Lacédémonien Lysandre, homme d’un « mérite éminent , lui fit voir un parc planté avec soin ; que Lysandre , « enchanté de la beauté des arbres , de leur disposition, de la propreté « des allées et des odeurs suaves que les fleurs exhalaient , lui dit que, « dans tout cela , il n’admirait pas seulement l’exécution qui en était par- « faite, mais encore l'intelligence de celui qui en avait concu le plan , et « que Cyrus lui répondit : C’est moi qui l'ai concu ; la disposition , l'aligne- « ment sont mon ouvrage, et plusieurs de ces arbres ont été plantés de ma « propre main. Lysandre s’écria: Ah! c’est à juste titre, Cyrus, qu'on « vous dit heureux ! puisque en vous la fortune se joint à la vertu. » (Cicéron , de la Vieillesse.) Trad. de LE CLErc. lvj DISCOURS lité de commissaire de sa paroisse et du comté, au tracé, à l'exécution et à l'entretien des canaux et des routes ; règle les différents entre les compagnies et les particuliers ; donne l'exemple des sacrifices, et concilie tous les intérêts. Il dirige lui-mème, dans ses domaines , les constructions, dessèchements, plantations et améliorations importantes ; il sait se procurer les races d'animaux domestiques les mieux choisies, les arbres et les plantes les plus productifs, et se plait à partager avec ses voisins les résultats et les avan- tages qu'il est parvenu à obtenir. Les travaux utiles sur ses fermes sont ordonnés avec discernement, conduits avec intelligence, exécutés avec promptitude ; un ordre et une économie sans minutie, une justice sans faiblesse, président de même aux dépenses et aux recettes, et augmentent les ressources sans diminuer l'affection des agents employés. Ces propriétaires prévoyants règlent, en général, l'état de leurs maisons pour ne dépenser que la moitié de leurs revenus ; et emploient le reste en améliorations, prêts sans intérêts à des voisins , achats de propriétés, et spéculations de divers genres. Ils donnent aux domestiques et ouvriers le nécessaire en abondance , à leur famille tout ce que peuvent réunir l'aisance et le goût sans luxe, et à leurs voisins l'exemple d'une vie active et heureuse, que l'envie respecte, et que peuvent imiter ceux mêmes qui ne jouissent que de la fortune la plus bornée. Ces propriétaires éclairés ne donnent que leurs loisirs à l'amélioration des terres ; une partie de la journée est con- sacrée à l'étude, et le reste à l'éducation de leurs enfants: livres, instruments , excellents maîtres, tout est prodigue pour la rendre plus prompte et plus parfaite. PRÉLIMINAIRE. lvi Les fils livrés, dès le bas âge, à des précepteurs habiles, soignés par des domestiques de diverses nations, qui leur apprennent les langues étrangères, et envoyés de bonne heure dans d'excellentes universités, achèvent des études fortes à un âge où on les commence ailleurs. Le séjour prolongé qu'ils font chaque année à la campagne, dans leur première jeunesse, leur donne les goûts , l'instruction et la vigueur que ce séjour peut seul développer. Ils ac- quièrent , par leurs plaisirs mêmes dans les divers exercices utiles , une habileté qui ne s'obtient à la ville que par un travail pénible et des dépenses considérables. Un jeune homme ainsi élevé, pouvant disposer de tout à la campagne, ne connaïîtrait ni les besoins ni la prévoyance qui en est le souvenir ; il serait exposé, en entrant dans le monde, à tous les dangers de la prodigalité. On lui fait connaître la nécessité de l’ordre et de l'économie, en lui donnant les moyens d'obtenir des revenus plus ou moins considérables, qu'il doit employer au soulagement des malheureux qu'il affectionne et aux frais de voyages qu’il désire faire, et pen- dant lesquels il est plutôt surveillé que dirigé. Ses parents lui accordent dans ce but, et il recoit avec reconnaissance une ferme et des troupeaux dont les pro- duits lui sont abandonnés ; plus il apporte d'intelligence dans la direction de son domaine, plus il augmente ses ressources et les moyens de satisfaire ses désirs ; la bienfai- sance et le goût des voyages le rendent économe, intelligent et actif ; il veut tout connaître pour accroître ses revenus, ses bienfaits et ses plaisirs. À dix-huit ans, il réunit une instruction étendue, un cœur généreux, une ame fière, l'amour de son pays, la force , le caractère et toutes les qualités généreuses que dé- vu} DISCOURS veloppe le séjour de la campagne. Maître de choisir, par l'étendue de ses connaissances , la marine , l'artillerie, le génie, ou la diplomatie, il adopte l'une ou l’autre de ces carrières , parcourt le monde, étudie les mœurs, les lois et la géographie des nations qu'il visite ; et rentre dans son pays, à la force de l’âge, avec l'expérience et les connaissances d'un homme d'état. Il s'empresse de revenir à la campagne pour y jouir d'un repos honorable, et suivre l'exemple de ses pères, certain d'y être accueilli par l'affection publique. Si le destin détruit tant d’'espérances et arrête ce jeune homme dans une si belle carrière , les regrets universels apportent à ses parents les seules consolations qu'une aussi grande perte puisse permettre. Les mères de famille règlent, avec la même sagacité, l'éducation de leurs filles, qui leur est abandonnée , et sont aussi heureuses par le succès qu'elles obtiennent. Des so- ciétés funestes pourraient seules troubler l'harmonie d'un intérieur si respectable; mais elles sont plus rares et moins dangereuses à la campagne qu'à la ville ; le maître de maison sait sen garantir, en recevant seul les visites importunes , en interdisant aux inconnus l'entrée de son intérieur, comme celle d'un sanctuaire auguste, en n'y admettant que des amis intimes , ou les personnes recommandées par eux ; précautions nécessaires au bonheur des familles , et que la ville ne peut permettre. Les plaisirs ne sont point bannis d’un tel séjour: les occupations multipliées qui prennent une grande partie de la journée , les rendent plus vifs, et la campagne offre les moyens de les varier. | L'étranger recommandé trouvé au sein d'une telle famille, 5 l'indépendance , les soins et les agréments de la sienne; il, TE — — PRÉLIMINAIRE. Lx dispose librement, dans le jour, des domestiques , des che- vaux, de son temps ; le soir il jouit, dans un petit cercle, de tous les agréments que donnent la société la mieux choisie et la plus heureuse, et la réunion de talents supé- rieurs. L'influence d’une maison si bien ordonnée s'étend dans tout le voisinage ; les ouvriers , habitués à voir les meilleurs exemples, obligés de les suivre pour rester attachés à l’ex- ploitation , exercés dès leur jeunesse à tous les détails de la culture la plus parfaite, reçoivent des fermes à loyer, s’y distinguent par une bonne conduite et une expérience éclairée, et contribuent ainsi à angmenter la fortune du propriétaire en créant la leur. Tout, dans le voisinage, a l'aspect de l’aisance et de la félicité; les enfants des simples cultivateurs recoivent, dans des écoles gratuites, une in- struction soignée , et sont admis dans les diverses branches de l'exploitation, où leur éducation s'achève sans frais, et avec peu de fatigue. Ce propriétaire recommandable , le protecteur et le bien- faiteur dé toute la contrée, est appelé par elle pour en défendre les intérêts aux chambres. Appelé par ses vastes connaissances à faire partie des comités d'agriculture et de législation , il contribue à perfectionner les lois de son pays, et à étendre dans tout le royaume les améliorations obtenues dans sa paroisse. L'existence de ce propriétaire, aussi honorable que heu- reuse, est, sans contredit, la plus utile à ses enfants, au prince et à la patrie; mais elle suppose d'excellentes insti- tutions , qui appellent les propriétaires à la campagne, et leur assurent tous les avantages d'une sage liberté. 2 Q . , . ’ . HN n'existe pas, et il n'a pas existé sans doute de nations x DISCOURS entièrement composées de familles aussi recommandables ; cependant nous pourrions en citer plusieurs, dans le cercle peu étendu de nos connaissances , qui présentent un inté- rieur-semblable à celui que nous venons de décrire. Supposons un autre pays, où le pouvoir administratif est centralisé et absolu ; le grand propriétaire , qui réside à la campagne, y est exposé à mille vexations et tracasseries, fût-1l même respecté comme il le mérite, en raison de son influen- ce ; chaque discussion avec des employés subalternes , exige de sa part des voyages pénibles, de nombreuses démar- ches, et beaucoup de pertes de temps et d'argent : chaque jour il recoit les plaintes des malheureux qui réclament son appui; toujours placé entre les conseils de son cœur géné- reux et le soin de la conservation du repos de sa famille, il est obligé de n’écouter que les demandes les plus justes, et n'en devient pas moins solliciteur auprès de personnages éloignés et étrangers aux besoins de la contrée. Son in- fluence personnelle s’use bientôt; chaque jour de nouveaux désagréments le dégoûtent de la campagne. Le dernier employé contre lequel il agit arrive, par une longue filière, à son ministre, s'étaie de sa puissance , et lutte avec avan- tage contre les pouvoirs locaux et de province, qui se découragent et s'abandonnent à discrétion. Ainsi, le grand propriétaire ne pouvant s'occuper, à la campagne , des améliorations à faire, en raison des vices de la législation, devient comme étranger aux habitants des villages voisins, se dégoûte du séjour des champs, et préfère la capitale, le dernier et le seul refuge de l'indépendance. Il confie d'abord ses affaires à un intendant , qui ne s'occupe que des siennes ; les réparations sont négligées; les améliorations ajournées, les débiteurs pressurés; les bois plutôt exploités qu'admi- PRÉLIMINAIRE. x) nistrés; les baux consentis à des conditions onéreuses. En peu d'années les charges augmentent rapidement ; les re- venus diminuent ; l'intendant fait des avances, devient créancier , et prend l'ascendant et le droit de disposer de tout à son profit. Si le propriétaire visite, de loin en loin, ses domaines , il ne voit que ruine et occasion de dépenses, et l'impossibilité d'y suffire. Dans la capitale, son état de maison, quoique réduit, dépasse d'année en année ses ressources ; les dettes et l'embarras croissent. Un seul moyen reste, la vente de la terre ; il compare sa valeur et les produits qu'il en retire; se laisse séduire par l'attrait et la nécessité d'une augmentation de revenus; vend l'héritage de ses pères, achète des rentes, et double par à ses ressources annuelles. Mais au premier besoin , il entame le fond qu'il touche avec autant de facilité que le revenu, et finit par ne laisser à ses enfants qu'une fortune mobilière et bornée, des habitudes de dissipation et de luxe, et au- cun de ces goûts et attachements de campagne qui élèvent l'homme au-dessus de l'infortune. Une telle famille, étran- gère au sol, sans habitude d'occupations utiles, ne peut espérer d'existence honorable que par des places lucratives qui n'offrent nulle chance d’un avenir assuré et d'un bonheur réel. Ainsi deux pères de famille , également riches et recom- mandables, placés sous l'influence d'administrations oppo- sées, peuvent avoir des destinées très-différentes ; l’un, soutenu par des institutions paternelles, peut vouer ses talents et sa vie au service de son pays: fixé à la campagne, il donne l’exemple des occupations utiles, soulage les mal- heureux, enrichit les agriculteurs intelligents, lègue à ses enfants les mêmes goûts de bienfaisance et d'indépendance , lxi] DISCOURS une fortune supérieure à leurs besoins , des talents utiles, une ardente ambition de rendre des services à leurs conci- toyens, et de n'en recevoir de personne ; ainsi il contribue, par lui et les siens, à la prospérité, à la puissance et à la gloire de sa patrie. L'autre, blessé dans son indépendance, et découragé par les vices d’une administration absolue, abandonne la cam- pagne , dérange sa fortune, vend la terre de ses pères, se fixe à la capitale, laisse à ses enfants une fortune embar- rassée, l'exemple et l'habitude du luxe, le besoin d'emplois publics, et des, intérêts opposés à ceux des agriculteurs ; plus de telles familles sont nombreuses et puissantes , plus les gouvernements sont enclins à multiplier les places, les charges et les impôts, plus les campagnes sont écrasées, plus le séjour en devient insupportable , plus elles se dé- peuplent, plus les villes s'agrandissent , plus l’état dépérit, plus les révolutions sont prochaines. La France, placée entre ces deux extrêmes, a déja la base fondamentale du meilleur gouvernement ; l'espoir et la promesse des lois salutaires qui en seront le complément. Il lui faudrait le rétablissement, avec toutes les modifications nécessaires, des diverses institutions qui ont porté à un si haut degré de prospérité les anciens pays-d'états de France, et les divers comtés de la Grande-Bretagne. Ces réflexions nous conduisent à exprimer des vœux dont l’accomplissement facile rendrait notre patrie le pays du monde le plus florissant, le plus puissant et le plus heureux. Des exemples anciens et récents, en France et à l’étran- ger, confirment également les avantages qu'on obtiendrait PRÉLIMINAIRE. Ixu) par les changements suivants, dans les détails de notre ad- ministration intérieure. Les réparations des édifices appartenant aux communes et aux départements, seraient entièrement laissées à leurs conseils-généraux, pris régulièrement parmi les plus inté- ressés , et choisis hbrement par eux. On confierait à des associations de propriétaires et capi- talistes , dirigées par des ingénieurs, l'exécution de travaux neufs, routes, ponts, canaux, ports, etc.: des péages rembourseraient les avances sans accroissements de charges publiques , et sans faire payer aux campagnes les travaux de luxe, utiles seulement à quelques grandes villes. L'impôt sur le sel, le plus nuisible à l'Agriculture, destiné par la loi à l'entretien des routes, deviendrait sans objet, et serait supprimé. Les impôts perçus sur le vin, le cidre, la bière, le tabac, seraient de même snpprimés, et remplacés par des droits mis sur le sol, en raison de sa valeur et de son étendue , et perçus, presque sans frais , avec les autres contributions directes. La campagne se trouverait affranchie des frais que ces perceptions coûtent, et paierait la différence par un service temporaire dans les gardes nationales, régulier et organisé aussi fortement que celui des troupes de ligne. Les troupes réglées seraient ainsi réduites d’un nombre correspondant aux économies à faire, et remplacées par des troupes départementales, entretenues aux frais de chaque département; et organisées pour être augmentées instan- tanément en raison des besoins. La ligne de douane , reportée à l’extrème frontière, em- pêcherait mieux la contrebande ; et la population de vingt- Ixjv DISCOURS cinq départements se trouverait, affranchie des gênes que le système actuel leur fait éprouver; les forces départe- mentales concourraient au même service, et permettraient d'en diminuer beaucoup les frais, La dette publique serait réduite par l'aliénation des bois de l’état, vendus avec autorisation de défricher les parties en plaine, et l'obligation d'entretenir un certain nombre d'arbres de futaie par arpent dans les parties en pente. On vendrait de même les bois des communes, avec la sujétion de replanter les pentes des montagnes, ou en vignes, ou en arbres fruitiers et forestiers ; le capital serait versé au trésor ; l'état en paierait annuellement la rente aux communes , et rembourserait le capital, dans des occasions et pour des ouvrages déterminés. Par ces mesures, ou d’autres analogues, l'Agriculture et le commerce seraient affranchis des charges et ‘entraves qui en arrêtent le développement; et les propriétaires , qu'une législation défectueuse éloigne de la campagne, y seraient rappelés par l'attrait des services à rendre, et les charmes d’une existence indépendante et heureuse. Nous terminerons nos observations en donnant les con- seils que nous avons suivis, et en promettant les succès que nous avons obtenus. Nous supposons qu'un propriétaire intelligent veut ha- biter la campagne , et cultiver son domaine, situé dans un pays mal cultivé, assez montueux, sans communication facile, sans industrie, sans plantation, sans clôture, où le sol a peu de profondeur et de valeur, et où les trou- peaux sont de race commune, semblable à celui où nous avons fait nos premières expériences de culture. PRÉLIMINAIRE. Ixv: Il importera d'Angleterre les machines les plus simples et les plus parfaites pour semer et pour battre le blé; ces deux machines étant de toutes celles sans nombre qu’on a inventées en Europe, pour les besoins de l'Agriculture, les seules que l’on puisse adopter avec avantage. Il fera venir, du département du Nord, les modèles d'instruments dont nous avons donné la description et les dessins, et surtout des graines choisies (1) des diverses plantes céréales, oléagineuses et légumineuses qu'on y cultive. Il établira, la première année, des pépinières d'arbres fruitiers et forestiers, les unes par des semis, les autres par des boutures, et une partie par des sujets francs, greffés immédiatement. Pour se procurer des greffes de toute espèce et hâter le moment de la jouissance, il tirera des pépinières les plus renommées une collection d'arbres à fruit. Tous les champs convenablement situés , seront clos ou de murs ou de haies et de fossés, en remplissant les for- malités exigées par les lois; les haies seront plantées de jeunes arbres d’essences diverses, et de fortes dimensions pour être défensables. Ces clôtures permettant d'adopter les assolements les plus convenables ; un quart des terrains et les plus éloignés (x) Le choix des graines a la plus grande influence sur les produits, ainsi que nous avons cherché à le montrer; celles de la Flandre sont considérées comme les meilleures de la France , et en raison de leur gros- seur et des qualités que leur donnent la richesse et la profondeur du soi. Agricult, de la Flandre. € Ixv] DISCOURS de la ferme, seront transformés en prairies , afin de diminuer les frais de labour et de transport. Les autres champs seront divisés en trois assolements ; les trèfles et les plantes oléagineuses remplaceront les jachères. à Le propriétaire se procurera , la première année de l'ex- ploitation, des mérinos de race pure, âgés de six à huit mois ,afin de n'avoir à dépenser qu'un moindre capital. La bergerie sera aérée, plafonnée , d'une étendue convenable, et divisée en compartiments pour séparer les bêtes de di- vers àges. Près de la ferme , il semera les plus mauvais champs en sainfoin , où les mérinos resteront constamment dans des pares mobiles, afin de leur donner une nourriture saine, et de fertiliser le sol par leur engrais et leur suint. Il se procurera aussi des moutons de la meilleure es- pèce des contrées voisines, qu'on mêlera par des croise- ments. Il distribuera à cheptel, les années suivantes, de fortes brebis et des beliers mérinos ; et chaque année les produits des troupeaux seront donnés aux mêmes conditions , afin de faire disparaître de la contrée les races chétives à laine commune. Les races des bœufs et des chevaux seront améliorées de même et par des mesures analogues, qui augmenteront les revenus du propriétaire comme ceux des fermiers. A mesure que le système des assolements sera perfec- tionné, les produits du sol seront plus variés et plus abon- dants, et le nombre des bestiaux, tous de race distinguée, s'accroîtra rapidement. En quelques années, et avec une PRÉLIMINAIRE. Ixvij avance de la moitié de la valeur de la propriété, il pourra quadrupler les revenus et le capital du domaine. On ne saurait se créer des occupations plus attachantes et plus délicieuses, un emploi plus profitable de ses capi- taux, et un moyen plus facile d'être utile à ses voisins. En peu d'années, la campagne la plus aride, et le village le plus pauvre peuvent changer d'aspect, et devenir des modèles pour le canton. Les autres améliorations exigent plus de capitaux et de persévérance, et doivent être dé- terminées par les localités. Nota. Nous nous proposons de publier bientôt, sur les manu- factures de la Flandre française, un mémoire qui sera la suite et le complément de celui que nous présentons. Nous ferons connaître l’état des principales fabriques du dépar- tement du Nord, les chances de bénéfice ou de perte dans chacune, les dessins des machines les plus ingénieuses, et les moyens em- ployés pour la filature de la laine et du lin, et la fabrication de de l’huile, du papier, du fil, de l’amidon, de l’eau-de-vie de grain , et de diverses étoffes. Nous comparerons ces diverses manufactures avec celles ana- logues de la Grande-Bretagne , et chercherons à indiquer les causes des progrès rapides et toujours croissants de celles-ci, et les ob- stacles qui nuisent aux nôtres. Notre tache sera remplie, si nous parvenons à montrer la facilité d'élever la patrie au plus haut degré de prospérité par des lois protectrices et prévoyantes, qui favorisent l'association des talents et des richesses, et la fusion de tous les intérêts. ywal Nanban usaine AL à pot trabre # “he ; # TAN 149 fr “so 9 19 CICR ES M: | : A Qi zh: ao 2e LL & balona rap Jalttite. ut, 4298 . d . ä EP U He #0itis: Re REV S og t ton ESA : AL. “ E sa "2 ESTIMER à + sl Age qi au RD. 1 vob, »: RAT D. Le LUE is rx D'ANUE TPÉAENILEL TA" a SUN 2 2 NE AOIFE> à je PE -h) JE 1H QI Li 15. 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C’est à la campagne seulement que lhomme peut jouir de l'indépendance et atteindre toute sa dignité (1). Plus libre que dans les villes, et (1) « Plus je m'occupe d'économie rurale, et plus je m’attache Agricult. de la Fland. ï 2 INTRODUCTION. plus recueilli, il devient plus énergique et plus labo - rieux; il acquiert, par des occupations continuelles et douces, plus d’aisance et de santé; témoin des scènes qu'offre la nature, sa raison se fortifie, ses lumières s'étendent, son ame s'élève sans cesse à l’au- teur de tant de merveilles, et se préserve de toutes les corruptions. Mais ce séjour ne peut plaire qu'aux personnes modérées dans leurs desirs, capables de beaucoup de résolution et de patience, ardentes à obliger, et qui portent à la campagne le germe des vertus qu’elle féconde. L'homme frivole, au contraire, esclave de petites passions, plutôt inquiet qu'ambitieux, sem- bläble aux plantes grimpantes, ne peut se soutenir sans appui étranger; la ville est sa demeure favo- rite. Mais autant un propriétære bienfaisant, généreux et recommandable par ses qualités et l'étendue de ses lumières, habite avec plaisir ses domaines, lorsqu'il y «à ce genre d'occupation : je ne me trouve jamais plus heureux « que quand je fais de l’agriculture; ce travail innocent et utile «me donne un extrême plaisir. Je sens tous les jours combien, «pour une ame dont les penchants sont droits, la tâche de culti- « ver la terre et de multiplier ses produits est plus douce et plus « satisfaisante que la vaine gloire de la ravager. » { Le général WAsHINGTOWN & ARTHUR YOUNG.) INTRODUCTION. 3 jouit de la plénitude de ses droits, autant ce séjour lui devient insupportable si les abus d’une adminis- tration incertaine et arbitraire le poursuivent jusque dans sa retraite; si un agent fiscal a le droit de visi- ter sa demeure et de contrôler ses récoltes: le charme de la campagne disparait alors avec la liberté et le propriétaire instruit fuit une terre devenue inhospi- talière, avec d'autant plus d'empressement qu'il a plus de caractère et d'élévation ; ilest alors condamné à perdre en voyages, ou dans le séjour des villes, une existence et le fruit de talents dont il aurait fait un usage honorable pour lui, et avantageux pour son pays. Ainsi la campagne doit être plus ou moins habitée par les propriétaires instruits, selon le degré d’indé- pendance qui leur est assuré; et comme ils peuvent seuls perfectionner la culture, on peut dire que l'Agriculture d’un pays est une science, un art, ou un métier, selon que le gouvernement est plus ou moins parfait. L'histoire de chaque peuple nous montre que des primes et des récompenses pécuniaires ne suffisent point pour mettre l'Agriculture en honneur : c’est en respectant les droits des cultivateurs, en honorant leur profession , en supprimant les impôts qui appel- lent l'arbitraire, en défendant l'approche de leur demeure et de leur domaine, comme celle d’un lieu 4 INTRODUCTION. sacré, quon parvient à les rendre agriculteurs et agronomes. Lorsqu'un employé a le droit de faire .des perquisitions dans les fermes, de compter les plantes, de mesurer les fruits, de traverser, à toute heure, la terre cultivée; ses pas sont aussi funestes que la grèle et la gelée; 1l porte avec lui la désola- tion et la stérilité. Il est facile de se convaincre que l’activité des culti- vateurs, leur aisance dépendent bien moins de la bonté de la terre que de la perfection du gouver- nement; et que des sables arides, cultivés par des hommes libres, donnent de meilleures récoltes que les terres les plus fécondes, remuées par des esclaves. Le serf, qui n’a point part à la récolte, travaille mal et le moins possible ; le métayer, qui partage sur le terrain avec le propriétaire, est plus intéressé que le serf; 1l travaille davantage et mieux : son ardeur est cependant ralentie par la pensée que le fruit de ses peines sera partagé. Le fermier, qui ne paye que la même rente, quels que soient les produits, cherche, à force de travail et d'industrie, à augmenter les revenus qui sont à lui, sans trop accroître la valeur du terrain qui ne lui appartient pas. Plus le bail est long, plus il est intéressé à bien cultiver, plus il montre d’ardeur. Aucun d'eux ne peut avoir autant d'activité et de INTRODUCTION. ñ persévérance que le propriétaire qui fait valoir son domaine ; il en améliore chaque année le fonds, et obtient de meilleures récoltes. Il contribue ainsi le plus puissamment et le plus directement à augmenter la population et la richesse de son pays, par l’abon- dance et le bas prix des productions de la terre (1). Le cultivateur français ayant dü s'élever de la plus triste des conditions à la meilleure, l'Agriculture a éprouvé des changements analogues; dédaignée comme le paysan pendant bien des siècles, son état s'est amélioré successivement, mais lentement. (1) C’est, en dernier résultat, la terre qui renferme les éléments de toutes nos richesses, et c’est par l'Agriculture principalement qu'on peut les faire valoir. Les villes, sans les campagnes, subsis- teraient moins long-temps qu'une population d’un seul sexe. Les fabriques des villes ne peuvent prospérer que par la prospérité des laboureurs; toute préférence accordée aux villes sur les cam- pagnes, tout impôt qui pèse spécialement sur l'Agriculture , est doublement désastreux, et arrête ou détruit l’industrie des villes _ comme l’industrie agricole. Non-seulement les campagnes fournissent toutes les productions nécessaires aux habitants des villes, mais elles donnent encore les meilleurs soldats, les hommes les plus robustes et les plus éner- giques , et souvent d’un grand mérite. 1l faut donc honorer et en- courager lAgriculture, comme le plus puissant moyen de force et de richesses. Si le cultivateur est opprimé, s’il est accablé d’im- pôts, les terres se couvrent de ronces, la consommation décroît, les manufactures tombent, la population diminue, et justifie, par sa misère, l'observation de Rousseau, qu'un pays qui se dépeuple est condamné à périr de faim. 6 INTRODUCTION. En 1789, la France libre tout-à-coup des derniers lens de la féodalité, a dù faire et a fait de grands progres en Agriculture; cependant le cultivateur n’en connaît encore que l’art, parce que les secrets de la théorie ne sortent point du cercle des savants et des propriétaires instruits, que nos institutions repous- sent des campagnes et concentrent dans les villes. Aussi faut-il attribuer les améliorations de la culture plutôt à la réforme de beaucoup d'abus, qu'à l'in- fluence de l'instruction. Depuis la révolution, les grandes propriétés, au- trefois substituées et plutôt administrées que cultivées, ont été partagées par portions égales entre les héri- üers, ou disséminées pendant les désastres de la terreur; les biens du clergé furent de même divisés et depuis subdivisés par parcelles; maintenant il existe un grand nombre de petits propriétaires qui travaillent pour eux-mêmes avec la sollicitude, Pacti- vité et l'intelligence que donne toujours lattrait de la propriété. Mais de l'état de cette culture à celui où elle pour- rait et devrait atteindre, la distance est immense; à peine la science a-t-elle fait les premiers pas dans les capagnes, et s’est-elle étendue au-delà des banlieues des grandes villes , la Flandre exceptée. Dans les temps affreux de la terreur, qui fut plus désastreuse encore à la campagne qu'à la ville, les INTRODUCTION. T propriétaires riches et instruits durent abandonner leurs terres. Ils y revinrent au retour de l’ordre, en recueillirent les débris, s'y fixèrent , s’occupèrent d'Agriculture par prudence et par nécessité, et con- tribuerent à ses progrès. Depuis 1800, un gouvernement militaire, d'abord réparateur, mais bientôt après absolu et arbitraire, porta dans les champs la stérilité du despotisme , et le découragement de la servitude. L’Agriculture fut honorée par des décrets illusoires, et découragée par des vexations, des lois imprudentes et des impôts intolérables. Depuis 1814, les mêmes lois, les mêmes impôts, les mêmes abus subsistent; mais l'espérance donne le courage de les supporter. On attend avec impa- tience, on sollicite avec ardeur des institutions et un Code rural, et tout assure que le Gouvernement constitutionnel, qui promet le plus heureux avenir, rendra bientôt des lois protectrices de la culture, et rappellera à la campagne les propriétaires instruits, en supprimant les impôts arbitraires, les exercices et les monopoles, restes du régime révolutionnaire , militaire ou despotique. Si la théorie de l'Agriculture n’a pas encore pénétré dans le fond des provinces, la France est du moins le pays où l’on honore et où l’on cultive davantage, du moms dans les villes, les sciences naturelles qui Le) I[NTRODUCTION. touchent de plus pres à celle de l'Agriculture, et en sont, pour ainsi dire , la base. Ces connaissances po- sitives qui nous apprennent à distinguer la nature des terres, les qualités des engrais, à expliquer les phénomènes de la végétation, rendent quelquefois les habitants instruits des villes, plus habiles agro- nomes que les cultivateurs sans instruction : ceux- ci tirent peu de parti d’une longue expérience, ceux-là savent y suppléer par leur sagacité ; aussi considère-t- on Bergman, Priestley, Lavoisier, Monge , Bertholet, etc., comme les hommes qui ontrendu les plus grands services à l’Agriculture, soit par d'importantes décou- vertes, sur la composition et la nature de l’eau, de l'air, des engrais, etc., soit par l'invention de nou- veaux procédés pour les arts qui réagissent si puis- samment sur la prospérité des campagnes. Les disciples de ces grands maitres, initiés par eux dans les mystères de la nature, reconnaissent que, géné- reuse et prévoyante, elle offre partout mille variétés de sol, etlesmoyens d’approprier chaque terrain à chaque espèce de récolte. Tantôt une terre glaiseuse et presque stérile repose sur un fonds de sable ou de cailloux, qu'il suffit de mélanger avec soin pour en obtenir un terrain fécond; tantôt la surface est sablonneuse et la couche inférieure alumineuse , et la réunion des deux substances donne un sol d’une excellente nature; par- tout on peut, avec Les ressources infinies d’une in- INTRODETTION. 9 struction étendue, corriger les défauts d’une terre qui paraît ingrate, et la forcer à donner, chaque année, d’abondantes récoltes, sans grandes avances. On peut donc dire que linstrucuon des cultiva- teurs serait une des plus puissantes causes de la pro- spérité de l'Agriculture, et par conséquent de l'Etat ; mais comme l'instruction du peuple, et laisance qu'elle suppose, sont toujours le fruit d'excellentes institutions, on doit en conclure de nouveau que le pays le mieux gouverné est toujours le mieux cultivé et réciproquement. ; Nous ferons voir que la Flandre franc: exempte autrefois des impôts arbitraires, est devenue la pro- vince la plus riche, parce qu'elle était la plus libre. Long-temps avant 1780, l'Agriculture y était portée au plus haut degré de perfection , et tous lès malheurs des temps et les tourments des gouvernements révo- lutionnaire et despotique n’ont pu altérer les vertus de ce peuple recommandable. Les bons procédés de culture sont si familiers aux cultivateurs le moins instruits, leurs idées sont si bien arrêtées sur les points essentiels, leur bonne foi et leur sincérité si grandes, que cinquante fermiers, consultés sur les mêmes faits, font exactement les mêmes observations et les mêmes réponses : ce qui montre aussi que la science est maintenant stationnaire, soit parce qu'elle a atteint un haut degré de perfection, soit plutôt 10 INTRODUCTION. parce que les gens qui pourraient l’avancer n’habitent plus la campagne. La Flandre est le pays du monde où il est le plus facile d'étudier lAgriculture-pratique : le cultivateur est intelligent, communicatif, confiant; il indique ses procédés, sans songer qu'ils sont les meilleurs. Nous avons assisté à leurs travaux de tous les jours, essayé des divers genres de culture; toujours ils ont montré la même complaisance, et refusé d’être dé- dommagés du temps perdu à nous enseigner leur méthode ; tant le séjour de la campagne et l'habitude du travail élévent homme, et lui donnent de douces vertus | Pour prix des soins qu'ils prenaient à nous instruire, ils se bornaient à nous faire la confidence de leurs peines, nous peignaient les rigueurs et les excès de certains impôts, et nous apprenaient, sur le monopole du sel et du tabac, mille inconvénients que nous: essaierons de faire connaître. En donnant avec détail les procédés de la culture flamande, nous passerons légèrement sur ceux connus dans les autres pays; nous nous attacherons plus par- ticuliérement à décrire les méthodes qu’on pourrait facilement introduire ailleurs. Ce recueil, qui n’est autre chose que la description du travail journalier d’un fermier flamand, sera di- INTRODUCTION. RCE visé, pour plus de Ste en chapitres intitulés ainsi qu'il suit. Chapitre 1%. Considérations générales sur l'Agri- culture de la Flandre. Chapitre 2. Nombre des habitants, des chevaux, etc, ; étendue de l'arrondissement de Lille et du dé- partement du Nord; rapport de la population des villes à celle des campagnes; prix des journées de labourage , sarclage, etc.; recueil des éléments qui doivent servir à évaluer la dépense et la recette d’une ferme prise pour modele. Chapitre 5. Description des instruments ee et constructions. Chapitre 4. Des engrais. Chapitre 5. Assolements en usage. Chapitre 6. Culture des graines et des plantes. Chapitre 7. Des plantations. Chapitre 8. De l'éducation et de la nourriture des bestiaux. Chapitre 9. Des différents objets susceptibles d’ob- servations dans une ferme, et particulièrement du laitage, du beurre, etc. Chapitre 10. Récapitulation ; améliorations à faire à la culture de la Flandre; et indications des mé-. thodes à introduire dans les autres pays. Chapitre 11. Calcul de la dépense et de la recette d'une petite ferme flamande. 12 INTRODUCTION. Quelque imparfait que puisse être notre travail, peut-être les faits que nous citerons, après les avoir étudiés et vérifiés dans toutes les localités de la Flandre, pendant neuf années, seront-ils jugés dignes de quelque intérêt. | Aprés avoir visité les exploitations les plus renom- meées de la France, de l'Italie, de la Suisse et de l'Angleterre, il nous a paru que des méthodes suivies depuis plusieurs siècles par les fermiers de la Flan- dre, expliquées par un agronome habile, pourraient encore être considérées comme des découvertes im- portantes. Si cet Essai donne à d’autres plus capables, . la pensée d'exécuter ce que nous avons entrepris , il aura été utile. Nous n'avons pas donné des tableaux détaillés représentant les dépenses et les produits des divers assolements en usage. Ceux que nous avons dressés, d'apres le témoignage journalier de fermiers intelli- gents, nous ont paru trop peu certains. Dans nos relations avec les cultivateurs de la Flandre, nous n'en avons trouvé qu'un petit nombre, habitués, comme ceux de l'Angleterre et de la Suisse, à tenir des registres des semences et des récoltes, des dépenses et des recettes ; ainsi le montant des produits, inscrits dans les tableaux suivants, ont été déterminés d’après des réduites prises sur un grand nombre d’exploita- tions. Ces résultats généraux jetteront peut-être plus INTRODUCTION. 15 de jour sur l’Agriculture de la Flandre, que des comptes minutieux de la culture partielle de quel- ques terrains, situés dans des localités particulières. Nous n’aurons point à citer, à l'appui de notre opinion, notre expérience pratique dans ce pays; celui où nous nous sommes livrés aux soins de la campagne, en diffère totalement par la nature du sol et par le climat. Puisse ce Mémoire contribuer à répandre les bien- faits de l'Agriculture dans les classes malheureuses ; à rappeler à la campagne les hommes oisifs et riches qui la dédaignent, parce qu'ils en ignorent les res- sources et les chances; et à étouffer les germes de discorde, en montrant que la culture est une source intarissable et la plus féconde des richesses , de la puissance et du bonheur des individus et des na- tions. 3} à À 2 sil ft CET A drtré purent an KL LI PS 1e 1 Robinaur !. 60 LR io, tainuré ) ORPI AT) CI SET LOLIE AREA ÈNT t. DUR: Si) PU T 10 64 sa Route HbToË, dot if | fs sua sl gps DIET polo Ro rene D Date RU à Es 4 ds « réf af | ei és shnbs FE dit os pui qu A 448 à “Haut leg faonet 201 ufr AIO esoer, js bigiu.s on | [I CENTS SLR LATE FUIT af. à nl pr He à feras if) à QUE M MEDETT EMAIL ‘#8 gl. Las 0 à # jh 2) ape ac He Sao dits fes CUT MN sn hitia@ûr AS CE | £ hab paul, #9 D AP at £. 13:98 de à Shi Que 1413 ‘ele M£ cb, DE ME Qi tu CA FU st - L (RONA | EN f é : # 4 « Ps \ LM . i = 4 3 EE EN AC HO " A 4 L Li. hi: L' rt R RE Re RE UE RE LR OR DUR RTE RE RUE LEUR LR LR R LEE LED LE RL RE ER LL EUR LE D CHAPITRE PREMIER. CONSIDERATIONS GÉNÉRALES SUR L'AGRICULTURE DE LA FLANDRE. Agricola incurvo terram dimovit aratro : Hinc anni labor ; hinc patriam parvosque nepotes Sustinet ; hinc armenta boum, meritosque juvencos. Le laboureur en paix coule des jours prospères, Il cultive le champ que cultivaient ses pères : Ce champ nourrit l'État, ses enfants, ses troupeaux Etses bœufs, compagnons de ses heureux travaux. GÉoRrG. DE VirG. Trad, de Dertrxs. T RAITER de l'Agriculture d’un pays, sans examiner les causes qui ont de l’influence sur l’industrie agri- cole, ce serait présenter un travail aussi inutile aux fermiers qu'aux agronomes. Pour remplir le but que nous nous sommes pro- posé, nous devons parler du sol, du climat de Ja Flandre, du caractère des habitants et des institu- tions, rechercher ensuite les causes des progrès de l'Agriculture; en expliquer le caractère particulier, les différences essentielles avec celles des autres con- trées, etc., et essayer d'indiquer les méthodes avan- . Dusol,du climat de la Flandre , du caractere de ses habi- tants, etc. 16 CHAPITRE PREMIER. tageuses et particulières à ce pays, qu'on pourrait introduire dans les autres. Nos efforts sont animés par la conviction que les peuples, en se livrant davantage aux travaux de la campagne (1), perdent plus tôt leurs sentiments de haine et de jalousie, goùtent davantage les charmes de la paix, et trouvent, pour repousser l'ennemi, plus de moyens, de force, de courage et de volonté. Le sol de la Flandre est uni, fertile, profond et coupé de rivières presque navigables naturellement; aussi cette contrée , habitée dans les premiers temps, et connue par sa richesse, fut toujours convoitée et souvent attaquée par les puissances voisines ; beau- coup de rivières et de monticules sont devenues (1) Un propriétaire laborieux et instruit, occupé du soin déli- cieux de faire valoir le domaine de ses pères, est inaccessible aux passions haineuses, patrimoine de l’oisiveté et de l'ignorance. Sa bienveillance active ne s’arrête point à telle limite de province ou d'État , posée par le hasard; il sacrifie son temps, sa fortune en voyages utiles, en expériences suivies ; il met son bonheur et sa gloire à faire connaître à ses semblables le secret de ses riches récoltes, et à répandre ses observations nouvelles , digne fruit d’essais sans nombre , de méditations profondes et du concours de toutes les sciences. Un but si élevé, des occupations si douces, purifient l’ame de l’agronome, et la garantissent des atteintes de l’envie, de l’égoïsme, défauts inhérents à l'esprit de fabrique; le cultivateur ne cherche point le mystère, il ne demande ni privilége ni monopole. Telle fut, dans les pays libres, et surtout à Rome, dans les plus beaux temps de la république, l'opinion sur l'Agriculture, que Caton l’ancien appelle une profession agréable aux dieux : Pius quæstus stabilissimusque , minimé invidiosus ; minimèque male co- gitantes sunt qui in eo studio occupati sunt. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 17 célébres par les batailles livrées depuis César jusqu’à nos jours. La population, pressée dans ces plaines fécondes, en raison de la richesse du sol, de la facilité des communications et de la liberté dont elle a joui, a dü se civiliser plus tôt, et faire les premières découvertes en Agriculture. Les auteurs anciens et modernes , qui ont traité de cette science, citent avec éloge celle de la Flandre. Les uus, et particulièrement Columelle, vantent la culture du lin, si peu connue alors; les autres, et en dernier lieu Arthur Young et Ch. Pictet, considèrent ce pays comme le berceau de la science des assolements, l’une des bases essentielles d’une bonne Agriculture. Le climat est tempéré; les chaleurs et les froids ont peu d'intensité et de durée; les changements de température ne sont jamais brusques : le printemps et l'automne se prolongent long-temps, et anticipent sur l'été et sur l'hiver; et l'air, à la fois doux et hu- mide, est le plus favorable à la végétation. Si la nature a comblé ce peuple de ses dons, en füt-1l un qui méritàt ses bienfaits par plus de qualités ? Le cultivateur est religieux (1), laborieux, sobre, (x) Illic saltus, ac lustra ferarum , Et patiens operum parvoque assueta juventus , Sacra deüm, sanctique patres. C'est dans les champs qu’on trouve une mäle jeunesse, C’est là qu'on sert les dieux, qu'on chérit la vieillesse. (Géorc. DE Vrrc. Trad. de DeriLxe.) Agricult. de la Flandre. 9 Climat de la Flandre. Qualités du cultivateur flamand. La Flandre est souvent le théâtre de la suerre. Traits de ressemblan- ce des Fla- mandsetdes Suisses. 10 CHAPITRE PREMIER. économe, probe, et observateur scrupuleux des lois, des institutions et même des usages; 1l devrait donc être l'un des plus heureux de la terre. Cependant, par une fatalité inhérente à la nature de homme, qui le poursuit dans tous les climats, et se joue de toute prévoyance, ce pays n’est point exempt des plus graves calamités. Ces belles campagnes, couvertes des plus riches récoltes, d'habitations sans nombre, situées loin des hautes montagnes, des grands fleu- ves, des mers orageuses et des volcans, ainsi à l'abri des grands accidents de la nature, sont cependant exposées à des désastres plus terribles encore, aux irruptions de tous les peuples de l'Europe. Le Flamand court plus de dangers et jouit moins sürement et moins long-temps du fruit de ses travaux que: le montagnard des Alpes, qui cultive, au pied des rochers suspendus sur sa tête, un sol mobile et presque stérile, ou le Napolitain , qui couche et sème sur la cendre à peine refroidie du Vésuve. Tant il est vrai que les débordements des peuples et les maux de la guerre sont plus fréquents et plus désastreux que les avalanches, les volcans et tous les fléaux de la nature. Cette conformité de dangers donne au Flamand et au Suisse une conformité remarquable de caractère: ces deux peuples, entourés des traces de funestes évènements, ne peuvent les oublier, et semblent à chaque instant en redouter de nouveaux. Par l'effet de cette funeste prévoyance, qui anticipe sur les maux à venir et les multiplie par limagination et la crainte, le Flamand à, comme l'habitant du haut Valais, la résignation de la nécessité, le calme et la CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. i9 franchise de la force, l'intrépidité du malheur, et un besoin insatiable de liberté. Mais si les champs de la Flandre semblent, comme Les guerres ceux de la Lombardie et de l'Alsace, condamnés à être périodiquement dévastés par les armées des con- quérants , et à devenir plusieurs fois, chaque siecle, le théâtre de batailles mémorables; telle est aussi la divine compensation de la providence, que ces ter- ribles fléaux retombent presque toujours sur ceux qui les .apportent, et que les provinces fertiles qui ont le plus à souffrir de la guerre, sont souvent les seules qui en retirent quelques avantages. En effet, les souverains font à l’envi de grands sacrifices, les uns pour conserver, les autres pour conquérir ces plaines fertiles, où ils construisent et entretiennent à grands frais des places de guerre. Ils y envoient, pendant la paix, des hommes d'État, des officiers habiles, des corps nombreux de troupes, l'élite des nations, qui instruisent et enrichissent le pays. Pen- dant les hostilités, si la guerre, comme la foudre, menace les familles les plus élevées , qui fuient une terre dangereuse, si les grandes fortunes changent souvent de maîtres et se divisent, d’un autre côté le peuple de ces contrées, attaché au sol par nécessité, qui a moins à craindre de l'orage, s'enrichit presque toujours des désastres publics, et de tous les sacri- fices faits par les souverains vainqueurs et vaincus. La liberté imdividuelie est également une suite inévitable des guerres étrangères ou civiles; le vain- queur ne peut conserver le prix de la victoire qu’en diminuant les charges qui pesaient sur le peuple, qu'en le flattant par lespoir de la liberté. Ainsi la 2. modernes, si funestes aux grandes familles , sont quel- quelois fa- vorables au pays. Les guerres modernes augmentent souvent la liberté du peuple. Les guerres ont rendu militaire et enrichi une partie de la population de la Flandre. 20 CHAPITRE PREMILR." Flandre, qui changea souvent de maître , reçut de chacun d’eux des exemptions, des immunités et un accroissement de franchise. La présence continuelle. des troupes amies ou ennemies dans une contrée, en rend essentiellement la population militaire : pendant la guerre, l'habitant de la campagne, sans protection, sans ressources , dans l'impossibilité de fuir le danger, ou d'espérer ailleurs une autre patrie, condamné à dévorer les tourments inévitables de l'occupation, froissé dans ses habitudes , tourmenté dans ses plus chers intérêts, prend, dans le malheur et par le désespoir, un cou- rage qui l'élève au-dessus des conquérants ; il brave la mort, devient plus qu'un homme, et commande aux vainqueurs le respect des lois et des usages du pays (1). Pendant les trèves et au retour de la paix, l’ordre se rétablit promptement ; alors le soldat, ami ou ennemi, est forcé de payer à des prix doubles, tri- ples, quelquefois décuples, soit directement, soit par son gouvernement , les subsistances et objets de pre- mière nécessité qu’on a cachées pendant le danger. Les officiers, enrichis par les suites de la guerre, (x) Les remarques sur les suites et les effets des guerres mo- dernes , ne sont applicables qu'aux pays fertiles, peuplés, coupés de canaux et de routes, et couverts de places fortes comme la Flandre. Les armées ennemies ne peuvent s’y établir qu'en masse, et s'y maintenir qu'étant très-disciplinées ; elles sont forcées de payer exactement, et chérement. Le prix de toutes choses, pen- dant la guerre, étant ordinairement triple, une bonne récolte “A la paix , dédommage de toutes les pertes. Dans les pays peu peu- plés et pauvres, les partis ennemis détruisent ce qu'ils ne con- somment pas; la guerre ruine tout. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 21 avides de jouissances, et impatients de goûter les douceurs du repos, mettent un haut prix à tout ce qu'ils désirent; ainsi les habitants, d’abord froissés, dépouillés, retirent bientôt, de ce qu'ils ont sauvé, des bénéfices que des années d’abondance et de paix n'auraient pu leur procurer. La population de la Flandre , comme celle de toutes les provinces où séjournent souvent Îles armées, se compose , en grande partie, d'anciens guerriers. Ces hommes de tous les pays, essentiellement laborieux et entreprenants, y apportent l'instruction et l'expé- rience des autres contrées. Long-temps habitués à une sévère discipline, ils respectent les lois, et obéis- sent à l'autorité avec la soumission impassible et complète d’un soldat. Un tel peuple qui a horreur de la sédition, de la désobéissance même, redoute bien plus les impôts excessifs et arbitraires, les vexa- tions pendant la paix, que l'état de guerre, où, livré à lui-même, il sait commander par la puissance de son énergie, par la réputation de son courage, la remise des charges trop fortes; il obtient des amélio- rations à son sort et surtout plus de liberté, souverain bien qui le console de la privation de tous les autres et les procure bientôt. Ainsi les guerres modernes, sources de tant de malheurs, détruisent nécessaire- ment les restes de la féodalité et du despotisme, comme les hivers rigoureux font périr les animaux nuisibles et les germes dangereux. Aussi la Flandre ayant été souvent le théâtre des combats, le peuple ÿ à toujours joui de beaucoup de liberté, et a montré une résolution et une constance héroïques pour la conquérir ou la défendre. La popula- tion de la Flandre est en partie composée d'anciens soldats. Avantages. La Flandre est depuis long -temps affranchie du servage et droits arbltraires. La terre la plus libre est la mieux cultivée. 22 CHAPITRE PREMIER. Long-temps avant la révolution francaise, la Flandre était déja la province de France où la noblesse avait le moins de privilèges; où le peuple tenait des sou- verains le plus d’exemptions , et jouissait de plus de hberté; ou la propriété avait le plus de garantie, et le travail le plus d’encouragements. Les fabricants et les cultivateurs de la Flandre, certains de conserver par la protection des institu- tions et des lois ce qu'ils avaient acquis, s’efforçaient avec plus d’ardeur à augmenter les produits de leurs terres, ou de leurs manufactures; l’'émulation était générale. Les hommes industrieux et riches des con- trées voisines ont recherché cette terre hospitalière et protectrice, et ont enrichi leur nouvelle patrie de leurs découvertes ou de leurs trésors. De simples ou- vriers même y étaient attirés de tous les pays par l'espoir d’y trouver plus de travail, de sécurité et de hberté. Ce principe, établi par Montesquieu, est confirmé par l'expérience des temps anciens et nouveaux; toujours la terre la mieux gouvernée ou la plus libre fut la mieux cultivée et la plus fertile; les rochers de Gènes ou de la Suisse (1), les marais de la Hol- (r) La Suisse est peut-être le pays le plus stérile de l'Europe : les sommets des hautes montagnes sont formés de rochers nus; les pentes et les bases sont recouvertes de leurs débris, et les plaines de cailloux roulés, ou de sable ; etcependant telle est Ja puissance de la liberté, qu'a force de travail, de patience et d'intelligence, ces pentes presque inaccessibles , exposées aux avalanches, ces plaines sujettes aux débordements se couvrent , chaque année, de riches récoltes, Les Suisses transportent des terres du pied des CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 23 lande et de Venise, sont maintenant plus féconds que les terres d'Espagne, de Portugal, de Naples, de Rome (1), les meilleures du monde; tant la liberté a d'influence même long-temps après qu'elle à reçu des atteintes, et tant le souffle du despotisme porte avec lui de stérilité ! Des observations récentes, faites en Suisse, en montagnes sur les rochers, et créent d'excellentes vignes; ils pra- . tiquent, sur plusieurs lieues de longueur, des rigoles tantôt souterraines , tantôt suspendues au-dessus des précipices , arro- sent les vignes , les champs, les prés, et fécondent des pentes escarpées où les troupeaux n'oseraient se hasarder. La Suisse est une des contrées d'Europe le mieux cultivées, parce qu’elle est une des mieux gouvernées et des plus libres. Les impôts sont pres- que nuls, et ceux qu'on paie ne sont jamais vexatoires. On y vient de toutes les parties de l’Europe étudier l’Agriculture de MM. Fallemberg, Pictet, etc. (1) Les campagnes de Rome, sous les premiers consuls, cui- tivées par des mains libres, nourrissaient Rome et les villes voisines; ses légions , alors composées d'hommes habitués aux travaux de l’Agriculture, conquirent l'univers, moins par la su- périorité de leur courage, que par leur aptitude au travail, leur constance et leur obéissance religieuse à la discipline, qualités inhérentes aux peuples libres. Rome, sous les empereurs, esclave et oisive, ne put conserver quelque temps que par le crime un empire conquis par le travail etla vertu; et les maitres du monde, dédaignant l’Agriculture et honorant l'oisiveté, n’avaient pas trop de la terre entière pour fournir à leur subsistance. 44 hercule olim ex Italiæ regiontbus longinquas in provincias commeatus portabant : nec nunc infecunditate laboratur ; sed Africam potius et Ægyptum exercemus , navibusque et casibus vita populi romant permissa est. Tacirr Aanalium lib. XII, $S XLITI. La Flandre était pays . d'Etats, et affranchie d'impôts indirects. Le départemt du Nord conserve , sur quelques points , des institutions paterneiles. >4 CHAPITRE PREMIER. Piémont, en Lombardie, en Toscane, en Allemagne, en Angleterre et en France, montrent de même que plus le cultivateur jouit de sécurité et de liberté, et plus l'Agriculture se perfectionne. Dans tous les temps et sous tous les climats, la terre la plus féconde, labourée par des esclaves, s'est couverte de ronces, ou n’a produit que de faibles récoltes; tandis que le sol le plus ingrat, cultivé par des hommes libres, en a toujours donné de très -abondantes. La Flandre doit plutôt ses richesses à de bonnes institututions, qu'à la fertilité de son sol. Ce pays affranchi, depuis des siècles, de la féodalité et des impôts indirects, était administré, sans frais, par des magistrats pris dans son sein. Les campagnes, les villes , les associations de particuliers, avaient le droit de tout entreprendre, et ont exécuté tout ce qui leur était nécessaire, des canaux de navigation ou de dessèchement, des routes pavées, etc. Par l'influence des communications nombreuses et faciles, les terres et les récoltes augmenterent de valeur; les objets importés diminuerent dans le même rapport; les fa- briques, également favorisées par une liberté étendue et sage et le bas prix des transports, prospérèrent rapidement. Maintenant encore , malgré les révolutions qui ont détruit, avec de graves abus, des institutions amélio- rées et sanctionnées par les siècles, le département du Nord conserve, sur quelques points, une admi- uistration paternelle qui pourrait servir en même temps de modèle et de critique pour d’autres admi- nistrations. Les propriétaires des terrains exposés aux Inon- CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 29 dations, appelées watteringues (1), sont réunis, par une loi, en association, et nomment, dans chaque localité cinq administrateurs avec des pouvoirs tres-étendus. Ceux-ci lèvent les impôts, en ordonnent l'emploi, et font exécuter les ouvrages qu'ils jugent utiles, après avoir donné, en communication, les projets à l'autorité; et l’on voit souvent ces associations pro- poser de payer la moitié des ouvrages publics, tels que routes et’ canaux, évalués ensemble plusieurs millions, lorsqu’ ils sont en même temps nécessaires au pays et à l'État. Cet heureux concours des propriétaires et des au- torités a fait tripler, en vingt années, la valeur de toutes les terres; malheureusement, ces institutions n'existent encore que dans les cantons où la néces- sité en a fait presque une loi. Ailleurs, le système de centralisation établi par le despotisme, paralyse toute industrie, et occasione des calamités sans nombre, que le régime actuel ne peut manquer de faire cesser. Une sage liberté, en élevant et purifiant lame, à rendu le cultivateur flamand, qui en a long-temps joui , également probe, religieux et laborieux : il pos- sède au plus haut degré ces vertus qui sont les prin- cipales causes de la force et de la richesse d’un État. Tel est le respect du peuple des campagnes pour les (1) Nous avons donné, dans une notice sur la navigation inté - reure du département du Nord, des détails sur les Watteringues et le règlement administratif. (Notice sur la navigation du dépar- tement du Nord, in-4°, chez Gœury, libraire des Ponts- et- Chaussées.) Le cultiva- teur flamand a un respect religieux pour les propriétés, Le cultiva- teur de la Flandre a toutes les qualités qui distinguent les commer- cants. 20 CHAPITRE PREMIER. propriétés, que les récoltes sont déposées des années entières en meules dans les champs, loin des habi- tations; les troupeaux paissent, une grande partie des nuits, dans des prairies ouvertes, et sans bergers; les instruments aratoires sont laissés sur les terres : cependant les vols et les désordres, parmi cette po- pulation si nombreuse, ont été sans exemple, même pendant ces dernières années de détresse, où tant de malheureux furent condamnés, par la nécessité, à vivre d'herbages et de racines sauvages. Ce respect religieux pour les propriétés publiques et particulières, qui caractérise éminemment le Fla- mand, est une des grandes causes de la prospérité de l'Agriculture; car nulle amélioration n’est possible dans un pays où celui qui plante n’est pas certain de récolter, où des cultures et des essais dispendieux sont détruits par l’avidité ou la malice. Le cultivateur flamand réunit, en outre, à l’éner- gie, à la bonne foi et au patriotisme des peuples agriculteurs et pasteurs, beaucoup de qualités qui paraissent d'abord incompatibles, et qu'on remarque plus particulièrement chez les fabricants. Il se dis- tingue par son activité, sa sobriété, son extrême économie, par le sacrifice continuel du présent à l'avenir, et un insatiable désir d’être mieux. Aussi, tel est le résultat d’une forte volonté, unie à la pa- tience et à la vertu, que ses efforts sont presque toujours heureux : on voit souvent un fermier loca- taire devenir propriétaire, élever dans le commerce ses enfants, qui sont d’abord petits marchands, et, bientôt après, de véritables négociants. Ces causes de prospérité sont si puissantes, que l'abondance CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 27 deviendra générale dans toutes les classes des culti- vateurs de la Flandre, si l'on supprime où modifie les impôts indirects, qui leur sont insupportables. La Flandre offre tant de ressources et de chances de fortune, que, malgré les guerres et leurs suites 8 inévitables, la population est toujours croissante ; les pertes d'hommes, causées par les désastres et la fa- mine, sont aussitôt réparées que dans les ports mal- sains de la Zélande et de Batavia, où l’attrait d’énor- mes bénéfices attire, de toutes parts, les hommes éntreprenants. La Flandre, d’ailleurs, possède tous les éléments qui font croître rapidement la popula- tion : une terre fertile, des récoltes abondantes, des fabriques en tous genres, de nombreuses communi- cations et des usages admirables, qui remplissent le vide des lois révolutionnaires. La classe des cultivateurs de la Flandre diffère essentiellement de la classe ouvrière employée dans les manufactures des villes, parce que celle-ci, ab- sorbée par un travail mécanique, vit au jour le jour, sans prévoyance et sans cette brülante activité que donnent l'espoir et la volonté d’être mieux. L'état habituel de la nombreuse population des villes de guerre et manufacturières est véritablement déplo- rable : son sort ne sera amélioré que par l'introduction générale des nouvelles machines, qu’elle a d’abord repoussées. Les machines à vapeur peuvent seules l'affranchir d'un travail excessif et mécanique qui la dégrade et l’épuise, et donner la facilité d'employer plutôt l'intelligence de l’homme que sa force. Il faut , toutefois, faire une distinction en faveur des ouvriers fabricants qui travaillent isolément dans Difference entre le cultivateur et l’ouvrier des manu- factures Avantages de l'isole- ment des fermes. 20 CHAPITRE PREMIER. les villages, et qui sont en même temps petits fermiers et manufacturiers; car 1ls tiennent essentiellement , par leur caractere et leurs habitudes, à la classe des cultivateurs , et en ont toutes les qualités : ils ne res- pirent pas l’air mal-sain et délétère des grands ateliers, ne restent point comme étrangers à leurs familles, ne sont pas soumis à des heures fixes de travail, mi condamnés à remplacer des animaux; libres, ils ont la force, la santé et le courage des hommes libres ; ils travaillent tour-à-tour à leurs métiers ou aux champs qui touchent leurs habitations, et, par ce mélange d’occupations douces, ils vivent dans l’ai- sance, et n'ont jamais à redouter les suites d'une interruption de commerce. Peut-être les ouvrages qu'ils fabriquent demandent plus de temps et sont moins parfaits, mais tous les bénéfices restent entre leurs mains : leur famille est élevée dans le travail et la vertu, tandis que les enfants des ouvriers employés aux grandes fabriques, souvent vicieux et misérables, deviennent à charge à la société. La division des propriétés , l'isolement (1) des fer- (1) L'usage de l'isolement des fermes , qui est genéral dans plu- sieurs cantons de la Flandre, paraît être très-ancien. Tacite dit, dans la description des mœurs des Germains, que chaque maison est entourée d’un espace de terre, soit afin de prévenir les acci- dents du feu, soit faute de savoir bâtir : Suarm quisque domum spalio circumdat, sive adversüs casus ignis remedium, sive inscitia ædificandi. (Tacire, De more Germanorum, XVI.) Peut-être cet usage doit-il être plutôt attribué à l’amour de l'indépendance et à l’avantage d’une culture plus facile. On remarque qu'il n’est généralement adopté que dans la partie de la Flandre où l’on parle flamand, qui est un allemand corrompu; ce qui ferait penser que CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 29 ines et leur peu d’étendue, ont beaucoup contribué à la prospérité de l'Agriculture flamande. Lorsque les bâtiments d'une ferme sont établis au milieu des terrains qui en dépendent, les frais de transport des engrais et des récoltes se trouvent par là tres-réduits et presque nuls. Le cultivateur ne perd point une grande partie de ses journées et de celles de ses chevaux, en courses inutiles et pénibles ; le temps du travail s'accroît de cette économie; sa surveillance sur son domaine est de tous les instants ; il emploie chaque heure favorable ; toujours il est en face de son ouvrage, qu'il quitte et reprend avec le jour; sa famille vient l'aider, et préside en même temps à la garde de la demeure et à tous les soins domestiques. Ces causes de prospérité ne tiennent point essen- tiellement aux localités, mais à des habitudes déter- minées par une expérience longue et éclairée. Tou- tefois il faut observer que la Flandre jouit d’un avantage particulier : son sol n'est pas marécageux , et cependant assez étanché et humide pour qu'on obtienne des réservoirs intarissables, en les creusant de quelques pieds. L'eau s’y conserve toute l’année sans se corrompre; elle se renouvelle constamment par les filtrations et les évaporations, et peut fournir à tous les besoins de la ferme. Il est donc plus facile en Flandre qu'ailleurs d'isoler les bâtiments, et de les placer dans les lieux les plus favorables aux ex- cette population, encore si distincte dans son langage et ses habr- tudes , tire son origine des anciens Germains. Del'étendue des fermes flamandes. L’étenduela plus conve- nable doit varier dans chaque pays. 30 CHAPITRE PREMIER. ploitations; mais on peut, dans les pays où la nappe d’eau est peu éloignée du sol, introduire ce même usage, avec la certitude d'obtenir les mêmes résul- tats. Les avantages inappréciables que procure en Flan- dre la division convenable des terrains, semblent résoudre la question de l'étendue des fermes en faveur des petites (1), quoique d'habiles agronomes et des hommes d’État célèbres se soient prononcés pour les grandes. Quelques observations pourraient peut-etre concilier des opinions en apparence si contraires. Le cultivateur d’un petit terrain, qui manque sou- vent d'ouvrage pour lui et sa famille, qui ne peut entretenir un troupeau, est forcé de faire, à -bras, longuement et péniblement, des cultures que des bœufs ou des chevaux auraient terminées plus vite et à bien moins de frais; s'il loue des chevaux, il ne les obtient que lorsque le moment favorable est passé ; il dépense en frais de transport de ses récoltes àa son domiale où au marché, les mêmes’ sommes pour des demi-chargements que pour une charge complète. La garde d'une vache coûte autant que celle d’un troupeau. Hors d'état de faire des avances, il ne peut donner à la terre les engrais et toutes les cultures nécessaires ; obligé de tout exécuter iui- méme , il change plusieurs fois par jour de métier, perd beaucoup de temps en passant de l’un à l'autre, (1) Nec dubium quin minus reddet laxus ager non recté cultus quam angustus eximie. ; { CoLUMELLE. ) CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 31 et ne peut, dans aucun cas, acquérir de l’habileté ; pressé par le besoin, et souvent force d'acheter che- rement et de vendre à bas prix, il finit par s’épuiser et se ruiner, quelles que soient sa bonne conduite et son ardeur au travail. Ainsi une trop petite ferme ne peut procurer au cultivateur que de très-faibles revenus, et ne peut pas lui offrir des chances de fortune. Si, au contraire, la ferme est trop étendue, ou si la superficie n’est point en rapport avec le nombre des ouvriers et du troupeau , si l’éloignement de quel- ques terres empêche de transporter partout des en- grais, et force d’en laisser une grande quantité en jachères , les frais de location, de culture et les im- pôts enlevent la plus grande partie des produits, et le propriétaire ne retire que peu de revenus; le fer- nier est ruiné lorsqu'il survient quelque accident, ou des saisons malheureuses. Ainsi, une extrême division des terres, et la trop grande cumulation des propriétés, sont en général également funestes aux propriétaires, aux fermiers et à l’État; mais lorsqu'une ferme, quoique peu étendue, suffit pour occuper constamment et utile- ment la famille du cultivateur, ses bœufs, ses che- vaux ; lorsque la terre, mieux amendée, plus souvent labourée, donne proportionnellement, tous frais faits. plus de bénéfice au fermier, plus de revenus au propriétaire qu'une ferme ou plus grande ou plus petite, cette division moyenne du terrain est évidem- ment plus favorable au propriétaire, au cultivateur . et en dernier résultat au public. On conçoit que le r2aximum d’étendue doit varier 32 CHAPITRE PREMIER. selon la nature de la terre, l’état de l'administration et de la population, et le degré d'avancement de l'Agriculture ; qu’elle doit être d'autant plus petite que le terrain est plus fécond, le gouvernement meilleur, la population plus grande, les communi- cations plus faciles ; et que plus ces circonstances sont défavorables, plus les produits nets sont faibles, plus il faut que la ferme s’étende pour que le cultivateur puisse payer le propriétaire, entretenir sa famille , ses troupeaux et le capital de son exploitation. On ne peut donc pas assigner, d’une manière absolue , l'étendue la plus avantageuse à donner aux fermes, puisqu'elle doit varier en raison de ces diverses circonstances. En Flandre, où la terre est très-fertile, où les impôts ont été long-temps tres-faibles, où la popu- lation est pressée, où les produits ont une grande valeur, où les propriétaires ne retirent que 2 à 3 pour cent de la valeur du terrain, où l'Agriculture est plus avancée que dans aucun autre pays du monde, les fermes doivent avoir peu d’étendue: aussi remarque- t-on que le cultivateur de ce pays préfère les pe- tites fermes; il cherche à retirer une même quantité de récoltes de la moindre étendue possible, parce que le prix de baux, les impôts, la surveillance, étant en raison de la grandeur du terrain, et les frais de culture, de récolte et de transport d'engrais, croissant dans un bien plus grand rapport que l’éten- due , plus la ferme est grande, les produits étant les mêmes , plus la part du fermier est petite(r). L'étendue (1) Si un champ d’un hectare, par exemple, donne douze hec- CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 33 moyenne d’une bonne ferme de la Flandre, est d’en- viron vingt-cinq hectares, ou seize bonniers. Les fermes de la Flandre ayant peu d’étendue, le fermier est obligé de nourrir ses troupeaux à l’étable, et de cultiver beaucoup de fourrages verds, afin de les entretenir en santé, et de retirer plus de laitage. Cette nécessité l’a conduit aux méthodes les plus utiles de son agriculture : il cherche à multiplier le trèfle , les carottes, les navets, les choux cavaliers, etc.; il donne en verd l'orge, l’avoine, les fèves même, et parvient ainsi à retirer, chaque année, de ses terres une et souvent deux récoltes, et à les main- tenir en bon état, par la succession des plantes céréales et légumineuses. Les troupeaux, recevant presque toute l'année une nourriture verte et abon- dante, sont en parfaite santé; restant à l’étable (1), tolitres de blé; et si la semence, les frais, les impôts, la location sont de la valeur de dix hectolitres, il ne restera au cultivateur que deux hectolitres. Supposons maintenant qu'un demi - hectare plus fumé, mieux cultivé, produise de même douze hectolitres, et que les impôts, la location et les frais ne soient que de la va- leur de six hectolitres, le bénéfice, dans ce dernier cas, sera trois fois plus grand que dans le premier; mais il faut, pour obtenir ce résultat, que le cultivateur ait des avances, de l’habitude et une vente facile de ses produits. Telle est la situation des fermiers de la Flandre, qui, à raison de leur aisance et de leur instruction, et de la grande population de cette contrée , achètent à bas prix les engrais et vendent chère- ment les récoltes. (x) Nous devons remarquer que ces observations ne sont rela- tives qu'aux fermes de l’arrondissement de Lille; dans les autres arrondissements du département du Nord, on s'écarte plus ou moins de cette méthode, selon que l'Agriculture est plus ou moins parfaite. Agrieult. de la Flandre, e Les trou- peaux sont nourris , toute l’an- née, à l'étable, Le grand nombre des canaux €t des routes pavées fait prospérer YAgricul- ture. Le voisinage des fabri- ques et des villes est 34 CHAPITRE PREMIER. ils donnent plus de fumier ; leurs urines sont recueil- lies avec précaution et portées dans les caves d’en- grais flamand, que nous regardons comme le principal secret de cette étonnante culture. Si les fermes étaient plus grandes, les troupeaux seraient plus nombreux, les champs plus écartés, les transports plus longs, les domestiques ne pour- raient suffire pour couper chaque jour la nourriture verte , et la porter à l’étable; de même si lon faisait paturer les troupeaux, il faudrait plus de terrain pour leur nourriture, ou plus d’étendue à la ferme. On voit donc que toutes les parties d’un bon système d'Agriculture sont étroitement liées, et que plus on approfondit celui qui est généralement adopté en Flandre, plus on le trouve bien coordonné et admi- rable en tout point. Les canaux et les chemins pavés, qui sont nom- breux et généralement bons dans le département du Nord, contribuent beaucoup aux progrès de lAgri- culture ; ils facilitent les relations, rendent les trans- ports moins chers et plus rapides : le charbon de terre se vend à bas prix; les briques nécessaires aux constructions, la chaux, le plus actif des amende- ments, se fabriquent partout et à peu de frais; les fermiers conduisent en peu de temps leurs récoltes sur les marchés, et en rapportent, en retour, de fortes charges d'engrais de toute nature ; d’où il suit que le revenu d’un domaine est souvent doublé par la facilité des communications par terre et par eau. Le voisinage des fabriques et des villes peuplées et commercantes, a aussi une grande influence sur la prospérité des campagnes : en Flandre, les manufac- CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 35 tures de tout genre semblent attirées par la facilité des communications intérieures et maritimes, et se multiplier en raison de l’abondance et du bas prix du charbon de terre et des matières premières. On sait que le prix des transports entre pour plus d’un tiers dans la valeur de la plupart des marchan- dises; et celui du charbon quelquefois pour le quart de poids. On peut donc fabriquer à plus bas prix dans cette contrée, où le charbon et les transports coûtent peu, que dans celles plus éloignées des mines, où les transports sont plus difficiles et les matières premières plus chères; 1l en résulte que beaucoup de manufactures des autres départements, moins favorablement situées, ne peuvent soutenir la concurrence avec celles de la Flandre. On remarque que le département du Nord possède plus de moitié de toutes les fabriques de plusieurs espèces établies dans toute la France. Les grands bénéfices que donnent ici les fabriques, ont porté les gens de la campagne eux-mêmes à s’en occuper; chaque village est comme une grande ma- nufacture; chaque maison a son atelier de filature, de tissage, etc. La population , encouragée par les ressources qu'offre l’industrie agricole et manufacturière, croît rapidement, et se presse de plus en plus sur chaque point de ce pays; déja sur plusieurs l'ouvrage man- que à l’ouvrier, tant il y a d’émulation, d'activité et d'aptitude. L'amour du travail y est si grand que la plupart des familles consacrent, en toute saison, quinze à seize heures par jour aux ouvrages de cam- pagne ou de fabrique. Ce favorable à l'Agricul- ture. Les négociants cultivateurs font faire des progrès à l’Agricul- ture. 50 CHAPITRE PREMIER. La grande consommation qui se fait sur une petite | surface, par une population aussi aisée que nom- breuse, a donné une grande valeur à tous les pro- duits de la terre, et par suite à la terre elle-même. Les récoltes de blé ne peuvent suffire : il faut an- nuellement tirer, de cinquante à soixante lieues, à- peu-près le tiers de la consommation; mais le blé de Flandre, qui se vend au même prix que celui importé de soixante lieues, donne nécessairement aux propriétaires et cultivateurs du Nord plus de bé- néfices qu'à ceux des départements voisins qui l’ex- portent : car ceux-ci sont forcés de supporter la réduction de tous les frais de transport ; il en est, à plus forte raison, de même des fourrages, et autres matières plus encombrantes que le blé. Ainsi la culture de la Flandre permettant de grandes chances de gain, les négociants ont du s’y livrer avec la hardiesse que donne l'étendue du commerce, et avec les ressources et les avances qui manquent pres- que toujours aux propriétaires qui ne sont pas com- merçants. Un négociant cultivateur doit nécessairement amé- liorer l'Agriculture. Obligé,, par ses affaires, de voyager partout, il a eu occasion de beaucoup ob- server; il essaie, en rentrant chez lui, les méthodes suivies dans les États qu'il a visités ; il contribue ainsi à établir rapidement toutes les découvertes utiles. Un négociant d’ailleurs se laisse moins entrainer par l'attrait des nouveautés (1), il ne cherche nullement (x) Les novateurs sans expérience se laissent trop souvent sé- duire par les illusions de leur imagination; ils ne savent appré- CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 37 la renommée, mais les bénéfices ; il n’estime que les succès, et ne juge que par les résultats. Ses essais ne sont jamais dangereux, parce qu'il ne tente que ce qui à réussi, et qu'il se borne à perfectionner. Les manufactures, établies dans les villages, font prospérer l'Agriculture, en assurant, à des prix élevés, la vente des récoltes; en employant les ouvriers, lorsque la terre ne les réclame pas, et en attirant dans les campagnes des hommes riches, entrepre- nants, instruits, qui ont beaucoup voyagé et ré- fléchi. Le grand nombre et la richesse des agricul- teurs font de même fleurir les manufactures voisines, parce que les fabricants vendent plus facilement et mieux leurs produits, et savent employer dans leurs ateliers l’excédant toujours croissant d’une population nombreuse, intelligente, qui vit de peu sur son pro- pre terrain, et travaille à bas prix. Quelque favorable que soit à l'Agriculture cet en- semble de circonstances heureuses , le laboureur flamand doit plus encore à lui-même : on ne peut se lasser d'admirer sa patience et sa sagacité, lorsqu'on le suit avec attention dans tous les détails de ses occupations. Distribution égale du travail pen- dant toute l'annee Le fermier est parvenu à varier la culture avec ‘ cier que-ce qui est nouveau, s’en exagerent les avantages, et entraînent dans de fausses spéculations des hommes ignorants : ceux-ci, trop ardents à chercher le merveilleux , et trop faciles à s'abandonner aux promesses d’une théorie spéculative, se dé- couragent apres de funestes épreuves, deviennent incrédules , opiniâtres et les ennemis les plus dangereux des perfectionne- ments, jcaucoup de terrains sont clos par des fossés et disposés en prismes, 38 CHAPITRE PREMIER. tant d'art, à diviser si admirablement son travail, que chaque saison, en raison de la longueur des jours, présente une même quantité d'ouvrage à faire : il n’est jamais oisif ni pressé; chaque jour il sème ou il plante, et chaque jour il recueille. La même graine peut être semée pendant six mois et récoltée au printemps, en été ou en automne; la terre est tou- jours nettoyée , labourée et amendée; chaque année un champ produit, et chaque année le même champ est en jachère. Nulle saison n’est entièrement. défa- vorable; si la sécheresse est nuisible à une plante, elle convient à une autre; il en est de même des fortes pluies et des hivers rigoureux. Toujours le cultivateur peut s’applaudir du temps, et il s’en plaint rarement ; son inconcevable prévoyance l’assure, pour ainsi dire, contre les intempéries, et lui donne une année plus ou moins bonne , mais jamais entièrement mauvaise; la grêle mème ne pourrait le ruiner, car il est toujours en mesure de remplacer une culture qui manque par une autre aussi productive; il lui faut plus de travail, mais il est essentiellement labo- rieux. Il peut perdre soit des semences, soit des engrais, soit des journées, mais jamais le revenu total de sa terre. On ne connaît en Flandre ni les terrains vagues et communs, ni la vaine pâture. Un cultivateur a la totale propriété du sol, que personne n'a le droit même de traverser. Beaucoup de terrains sont clos, sans qu'on remarque de haies de séparation, et voici l'usage établi : depuis un temps immémorial, chaque champ, dans les fermes en terrain bas, est entouré d’un fossé profond, ordinairement plein d’eau, de deux CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 39 pieds au plus de largeur dans le fond, et de six à sept dans le haut; les bords étant presque à pie, les ani- maux , les hommes même ne peuvent les franchir; les terres qui en proviennent sont jetées sur les sillons ; le labourage se fait toujours dans la plus grande lon- gueur du terrain, et en repoussant sans cesse la terre des bords vers le milieu du champ (1), qui se trouve par cette raison plus élevé. D’après la disposition artificielle de chaque terrain, quelque abondantes que soient les pluies, les eaux se rassemblent dans les fossés de clôture, n’en dé- passent que rarement les bords, et n'arrivent jamais dans les parties ensemencées. Les fossés étant de niveau , les eaux sy maintiennent à une hauteur uniforme , souvent elles y séjournent toute l’année, quelquefois parce qu’elles n’ont pas d'écoulement, mais le plus souvent parce qu’on les retient comme moyen de clôture, ou pour entretenir le terrain, en été, dans un certain degré d'humidité. Il résulte de (x) Chaque champ ressemble à une surface gauche, formée par un arc de cercle, variable de rayon, qui suivrait, parallèlement à lui-même, dans le sens de la longueur, les deux lignes horizon- tales, limites du champ, et un autre arc de cercle donné et placé en travers : ces lignes génératrices expliquent dans leur mouve- ment cette surface, qui ne peut être variable que par la flèche de l'arc du cercle ; on peut évaluer cette flèche à 2 w. sur un champ de 80 w. de long sur 30 de large. Ainsi le point le plus élevé du champ se trouve à 4 et 5 mètres au-dessus du fond des fossés ; où, plus simplement, ce champ est un prisme dont les faces sont curvilignes , et e sommet placé au centre, à 2 "tau-dessus des bords, et à 4 à 5 mt. au-dessus du fond des fossés. Variété des assolements. Le prix des produits détermine l'étendue de chaque culture. 40 CHAPITRE PREMIER. ces dispositions, que les parties de terre et d'engrais entrainées par les pluies se déposent dans les fossés, se mélent avec le détritus des plantes, et forment un excellent engrais qu’on répand chaque année sur le sol, après une suffisante fermentation. Tous les terrains étant clos, le fermier est maître de sa culture; il peut, à son gré, labourer, ense- mencer, récolter, sans s’assujétir à des usages préju- diciables et à une routine aveugle. Jamais un culti- vateur intelligent ne copie son voisin, ne se copie lui-même, et ne suit une rotation périodique de récoltes ; et cependant il en est peu, à notre connais- sance, qui tentent des innovations , et qui aient des notions exactes de la théorie de la science. Le motif principal de la détermination du fer- mier flamand, soit dans le choix des cultures, et de leur succession, soit dans l'étendue de chaque espèce de récolte, est le prix sans cesse variable des différents produits. Si les blés, ou les lins, etc., sont plus rares et plus chers, il en force la proportion Vannée suivante, dans l’année même, parce que tou- Jours ses attelages et ses forces sont au-dessus des besoins de sa ferme, et que chaque champ, comme un jardin, peut, quelques jours après la récolte, re- cevoir de nouvelles semences. La terre qui ne se repose pas est couverte de productions ou est en labour , et bientôt ensemencée. L’attention soigneuse que met le fermier à maintenir sa terre dans le meil- leur état, lui permet de s’écarter sans perte, et mème avec avantage, dans certaines circonstances, des vrais principes de la science. Notre prédilection pour l'Agriculture d’un pays où CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 41 les chevaux sont préférés aux bœufs; où l’on n’em- ploie ni la charrue à semoir, ni d’autres instruments aratoires aussi ingénieux qu'utiles ailleurs, nous fera sans doute accuser de partialité. Nous tàcherons de justifier les usages de la Flandre et notre opinion. Les plus habiles agronomes ont fait connaitre, dans leurs écrits, les avantages de l'emploi des bœufs sur celui des chevaux, et en même temps ils donnent les plus grands éloges à l'Agriculture de la Flandre, où les chevaux sont préférés. Nous avons vainement cherché à apprendre des fermiers les motifs de ce choix, aucun n’a pu nous en donner de satisfaisants. Cependant nous sommes convaincus qu'il doit y en avoir de fort graves ; mais pour les connaitre et dé- couvrir les mystères de cette belle Agriculture, il faut remonter à ceux qui l'ont fondée. Depuis bien long- temps, les fermiers ne sont plus que des ouvriers intelligents qui imitent, en améliorant, ce qu'ils ont vu faire dans leur enfance; ils sont hors d'état de s’écarter beaucoup de la ligne qui leur a été tracée, soit que leur culture soit plus parfaite, soit qu'ils aient moins d'instruction, soit sur-tout qu'ils ne re- coivent plus d’utiles exemples des négociants et des propriétaires, qui dédaignent maintenant d'étudier VAgriculture et de s’y livrer. Nous allons tàcher d'expliquer les motifs probables de cette préférence. 1° La marche des bœufs est lente; il faudrait donc plus de temps pour faire le même travail, ou tenir plus de deux fois autant de bœufs que de chevaux; ce qui serait, en Flandre, un grave inconvénient. 2° On n’emploie généralement que Les bœufs accou- plés ; mais les Flamands trouvent qu'il est avantageux On n'emploie que les che- vaux à la culture. Motifs pré- sumés de cette préfé- rence. 4 3 42 CHAPITRE PREMIER. de ne mettre qu'une bète à la charrue, parce que le seconde piétine la terre, la durcit, et rend le labour plus difficile et plus incomplet. 3° La Flandre est, ainsi que nous l’avons observé, couverte plusieurs fois par siècle d’armées de tous les pays; le peuple est frappé de réquisitions sans nom- bre, tantôt régulières, tantôt arbitraires, mais tou- jours plus fortes que ses ressources: rien de ce qui est apparent et qu'on peut enlever avec profit ne lui est laissé. Si le fermier se servait de bœufs pour le labou- rage, 1l les perdrait bientôt, et avec eux l'espoir des récoltes. Ainsi dans ce cas, les champs de la Flandre qui semblent être, depuis un temps immémorial , le rendez-vous où tous les souverains de l'Europe vien- nent vider leurs querelles, resteraient souvent sans culture. Les apparences même de guerre auraient des résultats aussi désastreux, car, long -temps avant les hostilités, les garnisons des nombreuses places de guerre établies dans ce pays s'emparent de tout ce qui peut, dans le voisinage, servir aux approvision- nements ; les bœufs ayant toujours été considérés comme les plus importants de tous, on les enlèverait, et on Ôterait aux cultivateurs la possibilité de la- bourer. Le fermier flamand semble avoir prévu et prévenu ces dangers : il n’emploie que des chevaux, et même il les veut d’une race lente, forte, et incapable de fournir à une marche longue et rapide; de quelleutilité ces animaux, si lourds, seraient-ils à une troupe ? après quelques journées de marche , elle serait forcée de les abandonner, ou de les donner à bon marché dans le pays même. GONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 43 Maintenant, à la premiere apparence de guerre, les fermiers prévoyants vendent leurs jeunes et bons chevaux , à des prix très-élevés, parce que le gou- vernement en manque alors; ils ne conservent que les plus mauvais, et seulement le nombre qui leur est indispensable. Plus tard, lorsque la guerre com- mence , les armées amies ou ennemies, qui occupent le pays, ont toujours à leur suite un grand nombre de chevaux pris ou blessés, dont elles doivent se défaire, et qu’elles ne peuvent vendre que dans le pays; les cultivateurs les achètent à vil prix, et réta- blissent, par des soins et une bonne nourriture, les chevaux de réforme qui ne sont souvent qu’épuisés ou blessés. Ainsi c’est dans ce même moment que les chevaux du labourage et déréforme ont le moins de valeur, que les fermiers se procurent de plus nombreux atte- lages, au-delà même de leurs besoins, sans craindre d'en être dépouillés, parce que ces chevaux sont marqués, et ne peuvent plus être ni requis ni en- levés. La charrue à semoir , la machine à battre le blé, etc., seraient moins avantageuses dans ce pays que dans tous les autres. En Flandre, la presque totalité des fermes est au-dessous de trente hectares , et à peine sème-t-on sur cette étendue sept hectares en blé, c'est-à-dire, pour une valeur de 100" de blé, prix moyen. Admettons que l’on puisse, avec le semoir, économiser 30" sur le blé de semence, ou le tiers; cette somme pourrait-elle compenser l'intérêt de la dépense d’une nouvelle machine? les frais de son emploi, et les pertes à craindre les premières années La charrue à semoir n’est pasenusage, et serait moins utile qu'ailleurs. Mélange du labourage et de la cul- ture à bras d'hommes. . 34 CHAPITRE PREMIER. pour y familiariser les garcons de charrue? Cette découverte sera moins utile à la Flandre qu'aux autres pays : ici la terre est préparée avec tant de soins , les semences sont répandues avec tant d’intel- ligence, que peu de grains sont perdus; les bénéfices d’ailleurs qu'on pourrait espérer seraient presque nuls, comparés à ceux que le fermier obtient par de bonnes récoltes de colzat, de lin, de tabac, etc. C'est à ces genres de culture qu'il emploie plus par- ticulièrement son intelligence, ses capitaux, son temps et qu'il se livre tout entier. Chacune de ces récoltes, lorsqu'elle réussit, vaut-de 1,800 à 2,800" par hectare chaque année, ou plus de quatre fois le prix d’une récolte de blé, et beaucoup plus que la valeur vénale du fonds dans plusieurs départements VOISINS. En Angleterre et en Suisse, on considère comme désavantageuse la culture à bras d'hommes ; cepen- dant l’usage en est généralement adopté en Flandre, du moins pour certaines récoltes. Le fermier pense que le travail de l’homme doit commencer, continuer et compléter celui du labour; aussi s'est-il appliqué à varier et à perfectionner ses instruments. La plu- part sont préférables à ceux analogues des autres pays; plusieurs même sont si habilement disposés, qu'ils semblent ètre unis avec les bras qui les em- ploient. Le fermier se réserve le travail de quelques parties des champs, tels, par exemple, que les bords des fossés, où les chevaux ne peuvent arriver; mais il ne se borne pas, comme ailleurs, à retourner le sol, 1l l'enlève avec précaution à une grande profondeur, CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 45 sépare les herbes, et répand à une grande distance la terre végétale. 1l renouvelle la superficie en la cou- vrant d’une couche de terre vierge, en remplaçant le vide par la vase des fossés , qu'il laisse fermenter jus- qu’à l’année suivante. Pour certaines cultures, il divise ses champs par planches régulières et étroites, en ouvrant, à la houe, des rigoles profondes que la charrue ne pourrait exécuter; le terre qu'il en retire est de même distribuée à une grande distance, avec une intelligence et une rapidité qui étonnent. Uñe étude réfléchie des méthodes suivies par ces habiles fermiers donne la conviction qu’on aurait souvent tort de condamner même celles qui, au premier coup d'œil, paraissent les moins parfaites. Tout ce que nous avons dit concernant le sol, le climat, l'Agriculture et les usages, s'applique géné- ralement à toute la Flandre Fi ro mais dans la suite nous nous bornerons à examiner les pratiques en usage dans les arrondissements de Lille et de Douai, parce que c'est dans ces limites que la mé- thode flamande est la plus tranchée et la plus par- faite. Les banlieues des villes de Lille, Douai et Orchies, furent long-temps les apanages des ducs de Bour- gogne, et jouirent des bienfaits d’une administration paternelle, qui protégeait la liberté et l’industrie. Cette province, en changeant de maître, n’eût à obéir qu'à de grands seigneurs , toujours plus éclairés et plus généreux; elle obtint le privilége d’être pays- d'États, de simposer et de se gouverner elle-même ; avantage inappréciable, source de mille prospérités , et l'une des causes qui ont appelé dans cette contrée On se bor- nera à traiter del'Agricul- ture des ar- rondisse- ments de Lille et de Douai. On remarque facilement la limite des anciens pays- d'États. On indiquera quelques particulari- tés de la culture de l'arrondis- sement de Dunkerque. La culture de la Belgi- queest moins par- faite que celle de Lille, 40 CHAPITRE PREMIER. des manufactures de tout genre et porté l’Agriculture à un si haut degré de prospérité. La différence des deux arrondissements dont on vient de parler, avec les arrondissements de Cam- brai et d’Avesnes (de ce même département), ou ceux des départements voisins, est facilement aper- cue, à leurs limites, par l'œil le moins exercé: du côté de Lille, fermes petites et isolées, terrains pres- que toujours recouverts, récoltes superbes et très- variées ; au-delà, grandes fermes, jachères, récoltes plus uniformes et moins belles. La même différence existe entre les habitations : autour de Lille, tout annonce l’aisance, l’industrie et la propreté; au-delà, on remarque des traces de la gène et quelquefois de la pauvreté. Mais depuis que les limites ont été changées, l'instruction et l’industrie gagnent de pro- che en proche, à l’aide d’une administration uni- forme. Encore quelques années de paix, les arron- dissements limitrophes jouiront, en grande partie, de la culture flamande. L’arrondissement de Dunkerque a aussi un carac- tère particulier, qu'il est essentiel de faire remarquer: il jouit des bienfaits attachés aux administrations locales , et marche aux améliorations et à la prospé- rité avec une rapidité toujours croissante. Chaque année on exécute des travaux qui rendront cette contrée, conquise sur les eaux, l’une des plus riches de la France. à Nous nous abstiendrons de parler de l'Agriculture de la Belgique, parce qu'elle nous à paru, en tout oint, moins parfaite que celle des environs de Lille. Les fermes sont plus grandes , moins isolées; la culture » MR h . _ CONSIDERATIONS GÉNÉRALES. 47 est moins variée; la valeur vénale et locative plus faible ; et la suppression des jachères moins générale. La partie de la Flandre qui forme les deux arron- dissements de Lille et de Douai, où la culture est plus avancée, s'étend de la Lys à la Scarpe et borde l'Escaut, rivières toutes trois canalisées, le sol est formé d’alluvion et de détritus de corps marins. A quinze à vingt pieds de profondeur, règne une couche générale de pierre calcaire tendre et coquil- lière qui fournit la chaux employée dans les champs pour engrais dans toute la Flandre française et la Belgique. Les vallons et coteaux qui séparent les bassins de ces rivières, sont peu prononcés; ils s’arrondissent par des pentes douces et si insensibles, que souvent on peut à peine reconnaitre à l’œil linclinaison du terrain, sur plusieurs lieues de longueur. Les eaux des ruisseaux et rigoles, qui n'ont qu'une faible pente, abandonnent les molécules de terre qu’elles entrainent, et arrivent presque claires dans les rivières, qui elles-mêmes, ne charrient que de l'argile, et seulement dans les grandes crues; lorsqu'elles débordent , elles déposent sur les prairies un limor fin et gras qui compense, par sa fertilité, les perte que les inondations peuvent occasioner. On a peu écrit, en Flandre, sur l'Agriculture, et des ouvrages (1), sur cette matière, y intéresseraient (1} L'ouvrage le plus étendu qui traite de l’Agriculture de la Flandre, est la Statistique du département du Nord, par M. Dieu- donné, ancien préfet : c’est à-la-fois un modèle de statistique et un excellent recueïl de faits intéressants sur ce beau département. M. Bottin, alors secrétaire-général de la préfecture, en a été l’un Circonserip- tion de la partie de la Flandre , dont on parlera plus particulière- ment, On a peu écrit, en Flandre, sur l'Agricul- ture, 15 CHAPITRE PREMIER. peu de monde: les cultivateurs instruits savent tout ce qu'on pourrait enseigner; les autres, absorbés par un travail continuel, ne lisent pas; les négociants, les capitalistes s'occupent peu d'Agriculture. Par un funeste préjugé qui a gagné de la capitale dans cette province, beaucoup de familles croiraient déroger si elles présidaient à la culture de leurs terres. Lorsque des négociants (r) quittent les affaires pour faire va- loir eux-mêmes leurs domaines, ils ne cherchent plus à se distinguer que par l'abondance des récoltes usitées, le bon état de leurs propriétés et la beauté des plantations d'arbres forestiers ; ils ne tentent plus d'innover en s'écartant des méthodes ordinaires, ainsi que faisaient leurs ancêtres. Les propriétaires qui ne sont pas négociants, peu- vent, bien moins encore, se mettre à la tête de leurs fermes; s'ils ne se sont pas adonnés à l’agriculture, dès leur enfance, ils n’en retireraient jamais les reve- des principaux rédacteurs. Quoique le nombre et les produits des fabriques aient beaucoup augmenté, cet ouvrage devra tou- jours être consulté. Nous avons conservé la forme de plusieurs tableaux, afin de comparer les changements après un intervalle de quatorze ans. (x) Ce que nous disons de la banlieue de Lille, ne s’applique pas à Dunkerque. Ce dernier arrondissement, conquis en grande partie sur les eaux, est de mieux en mieux cultivé. Les terres, en quinze ans, doublent de valeur par l'influence des travaux pu- blics et particuliers qui sont entrepris. Plus de cinquante négo- ciants très-instruits et très-riches, qui ont beaucoup voyagé et bien vu, font des améliorations et des essais en tout genre. Il n'est peut-être pas de pays en Europe où la culture se perfectionne plus rapidement. Des étrangers viennent de toutes parts visiter cette contrée intéressante. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 49 nus qu'on leur paie. La plupart connaissent à peine leurs domaines, et ne les visitent que rarement: ils n’y sont attirés ni par l'intérêt, n'ayant aucune part. dans-les produits; ni par l'attrait de la campagne, le terrain ayant une si grande valeur, qu'il faut une immense fortune pour en sacrifier beaucoup à l’agré- ment. Ils se bornent à conserver de grands jardins, tenus avec beaucoup de goût et de recherche; ou vivent à la ville comme de simples rentiers, étrangers à cette belle Agriculture. Ainsi les travaux agricoles se partagent maintenant en Flandre, entre un grand nombre de petits pro- priétaires cultivateurs, et des fermiers qui ont des capitaux , de l'aptitude au travail, et une instruc- tion pratique et de tradition aussi étendue que celle que pourrait donner l'étude de bons traités d’Agri- culture. La classe des hommes spéculatifs, qui s'occupent ailleurs des progrès des sciences, est peu nombreuse dans un pays de fabriques, où la jeunesse s’'adonne de bonne heure, presque exclusivement et avec beaucoup de talent et de succès, aux manufactures et au commerce. La banlieue de Lille est un des pays où l'on fait le moins d'essais sur la culture; c’est peut-être parce que la pratique est à ce point admi- rable, que les plus habiles agronomes auraient peu de préceptes à enseigner aux simples fermiers, et pourraient au contraire s’instruire avec eux. Les cultivateurs , en suivant d'anciennes méthodes, ne sont pas esclaves d’aveugles routines; il leur faut une longue expérience et beaucoup d'intelligence pour approprier cette culture, si variée, aux diffé- / Agricult, de la Flandre: É La culture est aban- donnée aux petits pro- prietaires et aux fermiers. La banlieue de Lille est maintenant le pays où l'on fait le moins d'es- sais en A gri- culture. Des essais malheureux causerajent la ruine des fermiers. 50 CHAPITRE PREMIER. rents terrains. Un fermier, d’ailleurs, ne pourrait ten- ter des essais ; la moindre erreur entraïiuerait la ruine de sa famille, puisque les produits bruts d'une ferme , dans les environs de Lille, valent, terme moyen, trois fois le capital d’un domaine de pareille gran- deur , situé dans les quatre cinquièmes de la France. On doit conclure de cet exposé, qu'il est bien dif- ficile que l'Agriculture des environs de Lille fasse maintenant des progrès sensibles. 00 UE SARL ARR LR ARR RD LR RE LR DER LR LR RL RE LU RL RU LUE LV AUN CHAPITRE II. DE L'ÉTENDUE, DE LA POPULATION, elc. DES DIFFÉRENTS ARRONDISSEMENTS DU DÉPARTE- MENT DU NORD; DU NOMBRE DES CHEVAUX, BŒUFS, etc. M ns D Laudato ingentia rura fo] 12 Ezxiguum colito ........ Ne desire donc point un enclos spacieux : Le plus riche est celui qu’on cultive le mieux. Derrezs. 2 avons cherché à faire voir, dans le premier chapitre, que la prospérité de l'Agriculture dépend plus de la nature des institutions que de la bonté du terrain; que le pays le mieux gouverné est tou- _jours le mieux cultivé; que les progrès de l’industrie agricole sont liés à ceux de l’industrie manufactu- rière. Nous avons considéré le grand nombre des bonnes communications, comme le résultat d’une administration paternelle et vigilante, et comme la principale cause de la richesse des campagnes et des villes. 4. 52 CHAPITRE fi. Nous donnons, dans ce chapitre, divers renseigne- ments pris sur les six arrondissements du départe- ment du Nord, dans le but de prouver, par des faits, la vérité des observations précédentes. Cha- cun de ces arrondissements a été long -temps soumis à une administration particulière, et quoi- qu'un régime uniforme ait, depuis trente ans, effacé une partie des différences les plus prononcées, il en reste encore de bien marquées qui peuvent servir à indiquer les causes de la prospérité ou de la dé- tresse des campagnes. | L'arrondissement de Lille, ancien pays-d’États, exempt alors des impôts indirects, est devenu le plus riche, le plus commerçant et le mieux cultivé du département, parce qu'il fut le mieux administré. Depuis que cet arrondissement a perdu les préro- gatives dont il jouissait, et que la culture du tabac n’est plus libre, l’Agriculture ne fait plus de progrès, et l’état des campagnes et des fabriques reste presque stationnaire. L’arrondissement de Douai se compose d’une par- tie des États de Flandre et d’une partie de la province du Hainaut. 11 fut, après celui de Lille, le mieux gouverné, il est aussi, dans le même rapport, le plus riche et le plus peuplé des cinq autres. L'arrondissement d'Hazebrouck fut aussi affcanchi des impôts indirects, comme pays de franc aleu. Avant 1700, son administration était paternelle, la culture et le commerce étaient libres; aussi cet ar- rondissement marchait rapidement à la prospérité, et s'était créé un genre particulier de culture. I n'a manqué à ces cantons que des routes, qu'ils au- QT CS ÉTENDUE, POPULATION, etc. raient fait exécuter si des considérations militaires ne s’y fussent opposées. C'est en raison de ce princi- pal obstacle que l'arrondissement d'Hazebrouck reste en arrière de ceux de Lille et de Douai; mais nous espérons bientôt parvenir enfin à ouvrir les routes votées par ces contrées. | Les tableaux suivants montrent que le nombre des habitants, l'état du commerce et de l'Agriculture, dans les autres arrondissements, sont proportionnels, au nombre et à la bonté des canaux et des routes. On verra, de même, que Îles causes qui assurent à l'arrondissement de Lille une si grande supériorité sur les cinq autres, donnent au département du Nord la même supériorité sur tous les départements de la France. TABLEAU PARTICULIER N° 1°. A AI RS TE A Dérais en hectares de la superficie du département. TERRES JARDINS PRAIRIES MAISONS, EAUX ROUTES MINES LABOURABLES potagers TERRAINS ARRONDISSEMENTS, Moulins,| BOIS, [MARAIS £. £ et et TOTAUX. et INCULTES. en USINES. courantes, stagnantes, CHEMINS. CARRIÈRES ensemencées. ; : naturelles. | artificielles. pances. à s jachères RIVIERES, ETANGS, a î ol st nee ne nn. + À mme mms + | ee ee fs ee ———————û< —— ——— EE ee PEN SR 61,729 1,042 5,835 8,719 3,093 3,613 1,232 156 312 3,827 14 10 91,256 DOTE a ao e 62,502 5,524 11,350 5,670 2,058 13,312 1,235 rx2 385 3,592 699 19 108,687 Hazupnoucr........ 33,113 4,639 20,715 1,829 639 882 6,010 422 162 62 210 4 72,822 DunkEnQUE..... ...) 32,542 4,652 22,020 2,712 1,453 799 1,980 2,204 464 1,035 3,202 3 94»734 CEMBRATE Es... Er 59,845 ”,809 5,852 5,329 1,013 1,082 4,72 101 294 50 2,235 200 13 88,542 Avssnzs......,....) 38,042 12,726 51,007 3,0y6 1,003 907 31,026 319 204 280 3,512 3,555 32 146,403 TOTAUX.. 987773 36,192 116,773 28,247 9,259 6,939 5,603 1,992 2,124 17,867 7,880 x1x 581,424 TABLEAU PARTICULIER N° 2. niet e sieste ss PopuLarion, étendue et rapport de la population à l'étendue, etc., dans le département du Nord, en 3818. NOMBRE SUPERFICIE NOMBRE I — © = . + d'habitants ARRONDISSEMENTS. EN LIEUES de de en carrées | par lieue d'habitants. & ; itants de 25 ; k MAISONS. | MÉNAGFS. HECTARES. carrée. au degré. + ee | es | ME 2 . LE 51,248 | 42,875 |245,622 91,256 | 46,199 5,316 < Lie coe Ji 33,772 41,103 178,825 | 108,687 55,023 | 3,250 20 AC 21,124 17,205 99,990 71,822 36,360 | 2,550 19,004 13,792 85,104 74,714 37,824 | 2,250 DuNKkERQUE...... (HIS TS MAO ARE 26,012 22,184 118,784 83,542 44,824 | 2,650 23,049 | 21,382 101,959 À 146,403 74116 | 1,375 AVESNES, 2 : el dé à Loraux.:h.. 179,209 |158,63r |830,284 | 581,424 | 294,346 | 2,820 =. TABLEAU PARTICULIER N° 3. 2 ,,252255252352) Rapport de la population des villes à celle des campagnes, en 1815. INDICATION l POPULATION MT ; À de la | POPULATION des campagnes des des à celle des ARRONDISSEMENTS. TOTALE. x CAMPAGNES. VILLES. des villes. 102,312 DuxkerQUE Camerar AVESNES FOTRUX. 24455 2 830,284 | 558,365 | 251,919 ep'6L £69‘gg1 9ç‘p Log ggg'ezr GLe‘ger p66:L 16G | Yop'el eLltez 0667 "999 12°: CON TON Lel'ex Gpetxc gpi'x 62 oëç'oc t10‘çc olL Loy g6ç'hx 996 gp6'x r89‘6 D AU 0" PEER ES CUS cec'oÿ 898 867 çôg'or ægotrt gçe ob «hais agt'i ce Leb6 PPTTPOS OOOSSSENE IVUTNYN) Lyatex zeg'z +96 1t Lec‘hx eLotkx Lytse « 19ÿ'or 9bg'e cry AA fesses ses ee aadNTINNG gor'ze bexG 6gx [TA geo'Lr peter chotc < côte gcésx 86e &10:9 5 Ft PAPE MONOUTALTH gbltzx Gcg‘ip L6 ge g6L1Le AAT: tes be 9g6:9x cest 1ÿ6 eungr oc 1vnog £6L: Lhc‘oe Gcy 66 beg'ze bec'os eGo'x _ plgtrx abris LG£ c6*6 Pre Oiore arr] ee POPREERCE : CS DRE RE EDR AN SIN nn ‘s1otu 18urA | ‘suodsues "aampnonse ] -29v +396 “2% 32 J < ‘sraBuo rt |éamnonuse y! stoux 18u1a \ ] ; ) op XAVauAVL ‘XAYATHO xne Y SENANISSIANOUYV L| \] ep 3007 1a07 no} 3no1 snossap-ne + TEE = sounsap sp foyduo sap snôssop-ne SASSINO SAXOTINHX sop 2p 2p 2p 2p 7 a . _ mx SIHIVA AN LONE SOMHOd |SNOINON| SANV | SLAINN j NOILVOIQNI XAVIHA SX A 404 XAVA4HO "QIQI 2 ‘p10 np quawo4nde 9] Sup ‘‘2J9 “SUOJnOU “SaY2DA “S{n20 SXNDA2Y9 $0P AVI Pr 2)" APT 2 bib : RSS MARS SE RS RS ARR ‘7 oN MAI TINNILUVA AVATAV I]. e l'ABLEAU PARTICULIER N° à A ER AR ARS BR Te RE Vareur vénale et locative des terrains par hectare, en 1853 PATURAGES GRAS. PRAIRIES NATURELLES. TERRES LABOURABLES INDICATION om © LS ER ft Qualité, | 2° Qualité. 3° Qualité, | 1'° Qualité. | 2° Qualité. 3° Qualité. rt Qualité. | 2° Qualité. 3° Qualité. des re = — jt Es de. ee = — VALEUR VALEUR VALEUR VALEUR VALEUR VALEUR VALEUR VALEUR VALEUR iii. ct ARRONDISSEMENTS. EE © À, = Vénale. ÎLocative.| Vénale. [Locative. | Vénale. [Locative.f Vénale. |Locative.| Vénale. |Locative.| Vénale. |Locative. Yénale. |Locative. | Vénale. [Locative.| Vénale. | Locative. real orme our er les mme | commandement | tr or fr. c. fr, c. fr. c. fr. c. fr. ©, fr, c. fr. c- fr. c. {r, c. fr. €, fr 10: fr, c. fr. c. fr.00, fr. c. fr. c. fr. c Li CAM MODO 7 90 4400 80 3500 72 8000 275 6000 175 4000 80 4500 84 4000 74 3200 sé 1) ANS ABOU 98 3350 79 410 6o 440 75 3012 70 2107 54 3638 8o 282t 68 2120 50 Hazenroucx. 90 3482 76 2817 Go 5192 106 4505 90 3750 75 2722 80 2227 6o 1782 4 DunNkRERQUE...... 138 2890 110 1720 72 2711 90 1120 45 $q90 28 2494 75 1495 60 997 35 naar. es. 110 3017 90 2500 76 2507 79 2120 55 1722 45 2660 75 2170 55 1971 R AVESNES....,.... 100 3019 75 2116 58 3017 74 2014 55 1280 54 1825 50 1237 30 295 1 Prix moyens......)4291 66| 104 33) 3359 » 85 » [2509 83| 66 8314306 83| 115 83,3r28 50 8x 66/2291 50! 56 » 2978 16] 74 » 2323 33| 57 Sd D 16] 43 16 | A Re PER Ur es Al Nota. Dans la valeur locative on n’a pas compris l'impôt foncier, qui est le cinquième du prix de location. Gomme cet impôt est payé par le fermier, il faut ajouter le cinquième à chacun des prix de location, pour avoir précisément celui que paie le fermier. L'impôt foncier du département est distribué, ainsi qu'il suit, par arrondissement. Année 1819. À "d Du ARRONDISSEMENTS. IMPOSITION FONCIÈRE. SUPERFICIEF. IMPOÔT FONCIER PAR HECTARE,. Lirzre. TA FhénS 1,733,864 fr. Douat. RARE LEARE 1,1)2,082 HAZEBROUCEK...,.......,. 933,686 Do EL QUE Lee ne mn ei o 0 079 825,590 CAMBRAI... A Prar AO 788,024 AVESNES... # var 675,410 a ——— Toraux.... 6,108,656 » 581,424 » TABLEAU PARTIGULIER N° 6. SAR ART AAA SAS LR RL Erar de la fabrication de bière chaque année. En 1818. INDICATION QUANTITÉ |ESCOURGEON : HOUBLON| CHARBON des de bière ou orge EMPLOYÉ. EMPLOYÉ. ARRONDISSEMENTS. BRASSÉE. EMPLOYÉ. hert. hect. kil. hectol. 302,854 | 166,569 | 302,854 | 121,141 6o || 268,485 | 147,666 | 268,485 | 107,394 » 97,984 | 53,671 07,984 | 39,033 60 |] DuxKERQUE 112,482 | 61,865 | 112,482 | 44,992 80 || CAMBRAI 152,648 | 83,956 | 152,648 | 61,059 20 AVESNES 86,749 | 47,711 86,749 | 34,699 60 1,020,802 | 561,438 |1,020,802 | 408,320 80 TABLEAU PARTICULIER N° 7. A Te ER EE A AR Érar de la distillerie, en 1818. QUANTITÉ | CHARBON DÉSIGNATION NOMBRE | ESPÈCES ET QUANTITÉS DE GRAINES EMPLOYÉES. | TOTAL des de des de genièvre| de terre ARRONDISSEMENTS. distillerices. ESCOUBGEON.| AVOINE. SARRASIN, | GRAINES. fabriqué | consommé. kil. il, «il, hect, LicLE... G7,045 5,901 Douar , ... 1,020,812 : 235,137 180,281 6,293 20,871 0,818 123 HazeprOUCK.. DUNKERQUE....... : 1,714:717 2,8559,665 ER TR RME 11,282 28,994 100,276 ÂVESNES...... SUCRE 79,207 47,524 10,278 137,009 # TorAÂve ter 953,412 |2,906,889 595,917 918,169 312,460 9 ‘sympoad Sino[ Ans oouuop aunont 21C9u9 LA ao folrArjOv wo 9112, JU9MOIUDS JUOUUOIA SJI OUUOO STE fanodea ef aed sam ajmq e sermou srox € auomaqavdop 9j suvp ‘aisixe J] “2707 co6‘e oçrfl cgoflr 98£‘cS oL6t1çe 14) ce Ty c6c Alpes 4e VÉANIO ££L 9vE Let oo£ ogc‘c £ & ce Lot réreeeeeeese ee ee SaNSTAY | Lyr 1x tOT &io'l 1cc‘çy y ot ET 96 roses este IYHANVE) |: ogx og Yog‘z oçu'r c9g*cr Ga C. MENT + cosesieees es ynduIINNG | £a gét cy1‘G Gvyifx CAT 6 & cyr y ssssessese ts MONOUATZVIT £ço‘z cyo‘y ovyr‘9 L66(Y7r cyc‘e6 89 Gr vor 19 vesssssesssssseervnocr |l | Gçc‘r gcc oÿG‘z glx‘o9 cyg‘zor À cgz v çot g1 eseessesereeeeecyvirT tete. | CPE | ES | ns | EME , mer meme en anes | (06 A à *SIA9 UD 9pP | ‘UI{9 Me) 9p ‘ut 9p ‘19/1120 p °1U2[09 9P ‘Ju9a 91 ‘uva I ‘1094 01 ‘nvo | ; RPM SZ © "©" À, 0m TE — " ‘SLNENAISSIUNOUUV 1 €: ‘- r H TT UYA SAN CAIN V HV SAN ÉANJUVA Y E sap mo ———— SHNÔŸIMEVI SHMLITOLOHHA ALILNVNŸ NOILVNOISAŒ || SNITANON 44 HAUINON È ‘QIRI UY ‘ouur oun uo vonbrigof opmy,p omupnb »} op 3 ‘ajiny D Jo aurinf » suynow S2p AVI A TE TE TE AE TE ’ "G ON HAITAOIEUVA AVA4HTIVE TABLEAU PARTICULIER N° ©. Érar des récoltes de tabac et de lin, et de la fabrication du fromage, beurre, etc., par an. En 1818. DÉSIGNATION LIN NOMBRE 1 TABAC des PEIGNÉ , FROMAGE.| BEURRE.\DE RuCKES RÉCOLTÉ. ARRONDISSEMENTS, non filé. d’abeilles. kil. kil. Lirrnm Na) CEE re" 1,052,460 | 1,344,062 52,725 | 2,014,784 1,960 5 HARAS dE ù 759,878 1,787,494 - Bras 692,783 978,748 DunkERQUE...... 463,852 782,684 Camsrix. 20.7. 18,325 98,543 72,162 484,275 3,859 ÂVESNES......... 12,548 38,422 856,748 Torauxe- 2,999,846 | 3,383,565 | 1,448,482 | 6,904,693 10,706 (1) Érar de la fabrication du tabac dans la chätellenie de Lille, lorsque la culture était libre. En OBSERVATIONS. 17977 — 4,887,000 1778 — 9,572,000 1979 — 6,492,500 17980 — 5,574,000 On voit par cette note que 1781 — 5,797,000 le prodait du tabac dans la 1982 — 4,810,500 Toraz TERME chätellenie de Lille, avant la Axnées. 11783 — 3,534,500 £ | morex suppression de la liberté de la 1984 — 3,790,000 |, _. Lil. | culture, était presoue double 17985 — 3,522,500 01,759,000 4,411,357 | du produit actuel de tout le 1786 — 2,958,000 département, depuis que le 1987 — 1,545,000 monopole est établi. Ce fait 1788 — 2,375,500 répond à tous les arguments 1789 — 2,746,500 en faveur due morovole. \1990 — 4,156,000 / … TABLEAU. PARTICULIER N° 10. SR SA AR A ARR RE FaBriGaTION de la chaux, et extraction des mines de houille et de fer, etc., par an. En 1818. “ 1 CHARBON E) 1 [QUANTITÉ N EXTRAIT MINES INDICATION NOMBRE |QUANTITE 2. des mines de houille lu département du Nord. de de de Nc: CHARBON des LL, rours | cæaux | employé d'Anzin, dés 73, dans la se Fresne > : do Stis à chaux. fabriquée. d'Aniches. Vire FER. a fabrication. Cd a DR DE SSSR) CEE — RER | ms metres hect. hect hect kil. | cubes. rniAPo0one 14 56,128 8,685 » » » DouAr..:..,-| 21 58,842 9,106 2,852,454 » » HazEBROUCK . : 7 13,921 1,931 » » » DuxrERQUE... 6 42,728 6,104 » » » CAMBRAI. .... 35 54,148 8,380 » » » AVESNES... ... 58 172,548 | 51,633 » 1,124,523| 152 Toraux...| rar | 397,915 | 65,839 |245,842 |2,852,454|1,124,523| 152 Nota. Une grande partie da charbon de terre, brülé dans le département du Nord, est tiré des mines des environs de Mons ou de la Belgique. TaABLEAU PARTICULIER N° if. C3 he Te TT TT TT Te RaFFINERIES de sel marin; fabrication de briques en une INDICATION des ARRONDISSEMENTS. DuxkERQUE Camerat AVESNES ToTaAUx- 58 - année. En 1818. QUANTITÉ NOMBRE DE SEL de blanc raffinies, gris. raffiné. __ ,JFABRICATION QUANTITÉ DE BRIQUES. de 2 , Nombre de BRIQUES. CHARBON CHARBON de terre employé. : ï employé. ER RER RUE die mme mea | en neue en | CRE RS ER neue en hect. 20,400 26,400 16,150 20,900 6,800 8,800 5,950 7700 16,150 | 20,900 1,700 2,200 86,900 hect. hect. 13,600,000 [20,400 bect. 19,800 26,600,000 |39,900 4,600,000 | 6,900 8,580,000 |12,720 5,600,000 | 7,500 3,800,000 | 5,700 62,780,000 |93,120 TABLÉEAU PARTICULIER N° 12. aË RARE AR ARR AVE LA RTE : Érar des ouvrages exécutés, en 1818, dans les principales fabriques du département du Nord, qui sont, pour la plupart, établies dans l'arrondissement de Lille. ul DÉSIGNATION DES OBJETS FABRIQUÉS. | xs omrrs fabriqués. | LIN DIT DE GROS. La quantité de fil fabriqué dans le département du kilog. Nord est, année commune, de....... date sacre (0040600 Dont moitié du lin est produit par le pays, et le reste par les départements voisins. De ces six millions et demi de kilogrammes, on emploie 2,600,000 “! aux fabriques de toileries, re- torderies, etc.; environ 2,000,000 de kilogrammes “pour les fabriques de fil de Lille; dont les produits sont envoyés en France, et le reste sert aux fabri- ques des autres arrondissements, et particulièrement de celui de Douai, qui expédie les toiles au - dehors ou en France. LIN DIT DE FIN. On fabrique en lin de fin, ou fil d'once, dans le département, année commune, environ............ 380,000 Qui sont destinés, soit à faire des dentelles ou des batistes, soit à coudre. » Toiles blanches, toiles de ménage, de voiles, linge mèêt. de table , etc. ; longueur ensemble. ............... 3,890,000 Voiles de fils de lin en couleur, dites toiles à ma- OR RSR ln. Run ce ), Coton filé, employé à la fabrication des nankins, créponis, satins , velours, bas, bonnets, etc......... 5,260,000 Agricult. de la Flandre, 5 Surre de l'Etat des ouvrages exécutés dans les principales fabriques du département du Nord. QUANTITÉ |È DÉSIGNATION DES OBJETS FABRIQUÉS, DES OBJETS fabriqués. mèt Cordons et rubans en fil de lin ; longueur ensemble, 1,950,000 Pièces de lacets, chacune de 36 lacets d’un mètre dix-huit centimètres de longueur.................| 180,000 Pièces de toilette ou de batiste, gaze, linon, de quinze mètres environ de longueur Pièces de dentelle fabriquées à Lille, de huit mè- tres environ de longueur, et de 10 à 130 fr. la pièce. Pièces de toile de fil de lin et coton, en couleur, de quatre-vingt-quinze mètres de longueur chacune. . Pièces de basin, fil de lin et coton. . Pièces de nankinet, de quarante-huit mètres de longueur, sorties, en 1818, des fabriques de Roubaix, Lille et Turcoing Pièces de velours, basins , créponis, satin, velour- tine , toile à carreaux, de cinquante mètres chacune. . Pièces de toile de coton, imprimée, dite guinée, garats, basthas, de vingt mètres de longueur réduite. . Pièces de toile de lin imprimée, de soixante-six mètres de longueur chacune Laine peignée, dite sayette. 1,600,000 kilogrammes. On peut compter que moitié s'expédie; le reste est employé dans les manufactures de Turcoing, Rou- baix et Lille ; savoir : Camelots, calmande, serge, satin, prunelle, bon- neterie, etc., ensemble Pièces de molleton, de soixante-dix-sept mètres de longueur... Couvertures de laine. ....... TABLEAU PARTICULIER N° 13. Lee es. Le sd TagLeAU des prix payés par les cultivateurs des environs de Lille, en 1818. fr © Gages d'an domestique de ferme............,.......| 150 » Gages d’un garcon au-dessous de seize ans............| 30 » || Journée d’un ouvrier, non nourri, employé à la culture. » 7ù || Idem , id. pendant It récottes ere É ‘ab Idem , d’un ouvrier nourri avec le fermier............ » bo Idem , d’une ouvrière, non nourrie, employée à sarcler. 7 "0 Idem , d’une charrue à deux chevaux et un homme. ... 6 » | Hem d'une ebarrue a un cheval. 5.2... ... & bo À arune charrueà2 chev*.| 712 » Prix du labourage d’un hectare 1 par une charrue à 1 chev!. 9 » Nota. Une charrue à deux chevaux laboure un demi-hectare par jour, ainsi qu'une charrue à un seul cheval; mais dans le premier cas, le labourage est plus profond. ' ar une herse à 2 chevaux. r 9o { Prix du hersage d’un hectare 5 par une herse à 1 seul cheval. z «xb Nota. Deux chevanx ou un cheval hersent quatre hectares par jour, mais le hersage, dans Je premier cas, se fait avee une herse à dents plus longues. : ar un rouleau à 2 chevaux. I » Prix du roulage d’un hectare Ê idem à 1 cheval... » nb Nota. Deux chevaux ou un cheval roulent six hectares par jour,” mais , dans le premier cas, le rouleau est plus lourd. Prix du sarclage d’un hectare de blé , orge, colza , etc... 20202 TABLEAU PARTICULIER N° 14. BARRE ART AT Frais de récolte, et de transport de récolte, dans les environs de Lille, en 1819. Blé de différentes espèces, par hectare.............. Fvé 28 : Orge d'hiver... 2. AIN EL D st CE ESS ehinèx » Seigle.:-.:-...Mirretess CARE CAESES RECU" 14 © » 22 » Orge de mars............ 1 NRA ES NA ST PARA LE 26 = ANDRE ETES ARTE CIS Le RE RMS Es à = 25 . Chirac. JELL SERRE 7: ASS PR ARR à LS | 22 à ll Lin de ar NO EN PME PE Lil... SLI 2e CC ETES | 925 » Okillettes 2er RS PSE A LAPS RE Le es | 20 : Camelme Er Herr er. CE. 5 IPS DR ER ML € 20 . Pommes de terre...... ns: ace top. Le SRE 25 À Trèfle, chaque coupe...... Aus ete EL ROUE 18 é PévVES EE UET PETER PER Re LA. toutes EE EN ae ECC 22 : Poids de quelques récoltes par hectare. kilog. Poids du tabac en feuilles , par hectare............... - | 2,200 Tdem JT J des le BATEAUX CANAL TIRANT | 6rdinaire © © élépartemt LE VS DCR EEE TPE àla iles | Le Il EP (TE 2 Toraz, A SR en surface DEA ARRONDISIS, CANAUX ET RIVIÈRES NAVIGABLES. ee: : a Vid 818 Te a 508, simples. 1acs, 1010. des caux. M M. M Le A Report.............2:1257,633 24 T 35 9,215 » Ron | 20 La Scarpe, rivière..... ns tata et TE 53,235 3 7 10 9 1 20 150 Douar 21 al de la Sensée... . solde peus s ses 27,500 3 2 5 974 2 150 et 22 L'Escaut, r MC CP OR re .. . 1 +1 73,700 — 7 18 2 I 150 CaMBnar. : .: | 23 Canal de Saint - Quentin D Le tee e n 21,920 re » 7 1,066 l 150 \ 247 Chnal de Mona CODdé. 4. besstuemc eee deu ee ae tnt ee 3,200 3 » 3 1,992 2 » 150 1 AVESNES .... 25) La Sambre ,"xivières. ... ne, 4, euros eee taseetes see] 45,000 6 2 8 4x L_ » 40 \ —————— | nr | ss et { Toraux.. | Vingt: cinq canaux, ou rivières...:........4.,..,.,. De don AT: TRE 57 29 86 16,199 » » | RécapiTuLaTiON de la longueur des canaux par arrondissements. € Dunxenque... Longueur ensemble..... 120,892. mètres. Hazennoucx... .:.:... Jdem, ......... Go,o8g ARRONDISSEMENTS. Lnne ts CR o Soaus 76,622 Dotir, Ce tu AIT ae em LT 000 CAMERA RS Ne. nr. Jon 07,520 AVESNES)... dela moe AUOMI, aue 45,000 2 ——— LONGUEUR TOTALE, .........,.. 481,788 DD rountimoo % AUNnUUOP 9ÿ AUuUIfE EsopAvd op orquiou puvaf un 91SIX0 Uu9 fr ‘SoN01 599 9p Auowmvpuodopuy quottroitedop np o1dæm0o he ‘sopuquouro1. ?p saqnor sa] 190% Si np QAR | xuv sonuojaxiuo quos soyuÂor LE LULER € Sort (x) LyL6Gc Logtecc terrestres ere 10940094 D Log‘ys Log‘ye **010 ‘onbaoyquuq ‘ soutfpoavro avd € so1d x 19 sonSaog v stejeT) 2 gro(cG c19*cG goÿtg rss... 1ossen avd ‘ouSopnog e JT 8Q 88£'o7 ggg'oÿ « **:‘apanoquerg ‘oosseg ef atd € Teuano y, 19 OJ[UT & [OŒ-IUIUS a([ 66e 66e « retsstseteetet torse tester ee: S0IY € IENO(] 0(] Ycctcc Gcetcz glytge Dem. sisi. ere ersssseseeee + 08noqnem Avarg Cureyefg aed € nvayeqoynoN 19 19419 ® SouUU9OU9EA 9] citer YGI'gI « resseseetesteseseee 2pIPUOPNO 19 PPUOD E SOUTOIOUOIEA 9(T ggotgc f90°gc C neue uttes9o Creno(r ‘opieMog avd siege) e ureqonog of‘ gcl‘Ge E ç8l‘6c 1Y66 À... sso1que-neoyen of aed ‘om-ans-[MaMUON € 5219179 IN °C çoy‘Lç À cov‘cy OYGtgr D.............., ere resevreseres esse + Samuato -uo[eA ‘sonospueyz ed ‘reuinoy, 19 PUEUTY -JUILS E O[MEIA 2 oolto oogç(# ooÿt@ .......................sraeuog aed ‘reiquen e suo]eq9 of Lyo‘6ç Lyo‘6ç Se ‘++ -‘ureqonog ‘1w4quuen) aed ‘SUOJA 19 SAUUHIOUIIE À E UONOY 2(] oct oyctçr « DL IE AT A LU OPUS * “AVI 19 100$ aed ‘oIINT v ox n( ‘'ASSVEO LC a SILAOU g90‘86 g90‘86 "tete reiquen fSTATUOY Ed ‘GI 19 [UT SUV 0 6L8'eg gyo‘Ly rétretenrrees see "on01qoZeff a0d tonbioyunç ve stavq 9 *‘ASSVAIO ,G HA SILNOYW « 9 “ 2 réstereeseeesette"SUO 19 98n9queJ{ 8 SIC 2 "HSSV'IO ,,.,1 “Œ SH&LAOU ‘apssneqo quororduuo ‘TIVLOL *s91N01 EI 9p “AIVLOL u) US rt Gi art ‘SHLAOU SAG NOILVOIGANI sop ‘xuvoquod 19 ee YNTNONOT SHLNAOM SHG MA4HO9UVI SOXINNN HAAMNON XAAN9YNOT ‘PAION np quowomivdop np (1) Saypjuouammdop 19 saj0Ao4 San04 S2p INA a % \ Surre de l’État des routes du département du Nord. | LONGUEUR LARGEUR NOMBRE ‘ DR OCTES LONGUEUR { des INDICATION DES ROUTES. D | rOÔNTS en TOTALE. de la et $ : » F TOTALE. Hempierremt, paves, chaussée, Reports urre À 7o,gro 528,837 599,749 À » EN RME TE ROUTES DÉPARTEMENTALES. De Lille à Valenciennes, par Pont-à-Marcq........ À 26,093 À 26,093 25 De Lille à Ypres, par Quesnoy-sur-Deüle......... 15,502 15,502 32 De Douai à Tournai, par Orchies................. K 16,007 16,007 _24 De Cambrai à Tournai, par Bouchain, Marchiennes.. © 18,533 18,533 17 D'Avesnes à Philippeville, par Solre-le-Chäteau. . ... D 15,773 555 À 16,328 3 De Landrecies à Chimai, par Avesnes, Trelon..... .À 32,536 6,190 À 38,726 28 De Condé à Mons, par Kiévrain...........,..... SO 0 9,081 9,081 2 Routes entretenues. Totaux. : | 348 | RécapiTuLATION de la longueur des routes par arrondissement. Dunkerque ; longueur...... 5g,181 mètres. Hazebrouck... id. ......: 68,413 Lille (1)...:. id ....... 135,325 DO ner. idee Nes LOST OANDENL 22.0... LTD 104 AVESTES. à.» ce RG. eee tee T7 TO) \ ARRONDISSEMENTS. Longueur totale.,... 740,017 PE (1) Indépendamment des routes indiquées ci-dessus, il en existe un grand nombré d'autres payées dans l'arrondissement de Lille, TABLEAU GÉNÉRAL N° 19. SRE RIRE SR RE RL RS TABLEAU COMPARATIF de l'étendue et de la population des Différents départements de la France, en 1818. RAPPORT DÉPARTEMENTS. | SUPERFICIE. |POPULATION.| dela superficie A LA POPULATION. hectares. individus. 322,065 451,525 - 292,527 Alpes (Basses À 145,717 Alpes (Hautes) 120,823 Ardèche 290,833 LEE OO 258,896 Arriège. . ... 222,936 LEO SAME SU RE 238,629 262,190 327,424 Bouches-du-Rhône. ... 293,235 Calvados nai 505,420 Cantal 250,931 Charente 326,835 406,579 233,583 252,612 174,702 354,346 524,021 Creuze....s. © 238,77 Dordogne .. : C 424,113 242,597 253,847 421,480 265,943 452,452 ee 322,144 Garonne (Haute})..... 378,829 Gers... 290,412 512,054 299:999 509,673 204,721 274970 471,660 292,883 260,000 214,920 315,858 Loire ( Haute) 268,860 Loire-Inférieure 5 417,124 Loiret ) 286,153 261,233 Lot-et-Garonne. .,.... 326,117 Lozère 309,543 146,000 Maine-et-Loire 713,807 401,240 Manche 695,713 581,429 HMGHHN MED GH MN WH N D D H H HN HN ND D D HD OT WW H HN HN D D D D HHE OR HAT Suire du TABLEAU comparaTiIr de l'étendue et de la populati des différents départements de la France, en 1818. | RAPPORT DEPARTEMENTS. | SUPERFICIE. |[POPULATION. de la superficie A LA POPULATION. hectares, individus. 820,273 311,609 633,173 230,106 518,863 332,198 629,002 365,810 : 604,439 284,703 681,504 403,83: 609,000 391,101 686,619 240,164 581,424 830,284 581,424 383,507 645,254 425,920 669,688 584,454 Puy-de-Dôme . . 794,370 542,834 Pyrénées ( Basses ) .... 755,950 391,999 Pyrénées (Hautes).... 464,53x 198,763 Pyrénées-Orientales . .. 411,376 126,626 Rhin (Bas) 417,900 449,980 Fhin (Haut) 383,257 346,759 Rhône:.... 270,423 340,980 Saône (Haute) 462,800 305,724 Saône-et-Loire 857,678 470,08 639,276 410,380 49,000 | 631,537 595,980 304,068 575,042 418,664 593,810 651,254 585,273 253,236 604,456 495,287 576,827 295,885 354,597 238,268 729,628 283,967 234,560 205,832 675,458 268,664 689,083 252,090 558,058 444,430 587,955 | 336,169 729,223 | 326,324 53,533,42G | 29,124,815 (1) La superficie deld'arrondissement de Lille est de. . . - 90,629 hectares. Saÿpopulatoniest RE PRRE LC OEETETS CMP RRRARR 245,622 individus. Ainsi Je rapport de la superficie à la population est de, . , o,36,90 TABLEAU GÉNÉRAL N° 20. TABLEAU GOMPARATIF de la valeur des terres, des impositions et de la filature du coton, dans les différents départements de la France. È © CONTRIBUTION | me foncière , personnelle PRODUIT MOYEN | PRODUIT + DÉPARTEMENTS. et mobilière et des ie Anatheciane de terre DU COTON FILÉ, É re 1pa 1 et fenêtres, en princip en kilogrammes, et centimes additionnels, en 819. L en 1819 en 1572. a Francs. FEU ce: kilog. LUE bete Mec 8 CE OPEN 19 2,220,755 | 52 | 25 79 60 20,900 PS T CN D OR TRE 76 5,8795,951 | na 35 0165 ‘81 218,700 Aer NE MP ME 26 2,496,429 | +3 EH. » » » à Alpes (Basses). ....... 6 1,155,678 | 2 5 99 » » || Alpes, (Hantes)........ 2 862,622 3 6 20 » » à Ardèche...... ÉIE DRE OR 10 1,593,598 | 27 19 48 56 12,400 Ardennes 42:24... 36 2,940,102 | 20 16 93 > ï: AREIORER ie ne Aetelafe aise 5 1,142,225 | 14 15 20 » » \à ENTRE AOC AB PERS 34 2,918,598 | 35 21 O5 77 188,000 |f ICE SRE NE RRE ee LI 5o 3,450,261 | 40 | .23 o7 » > | Aveyron 9. 1 55 3,7938,755 | 12 140 57 44 300 Bouches-du-Rhône. .... 58 4:007,245 | 55 26: 77 49 1,000 Calvados. tn. #0" {a 82 7:780,694 | 7x 351038 70 85,400 || Cantal à. 83 21 2,343,127 | 16 ENS » » Pharentes 2.1.2 J:: #4. 53 3,644,825 | 56 | 26 93 » » Charente-Inférieure. . ... 70 | 4,912,545 | 65 30 37 » » (| (L'ITTLCÉRRNERtSS FETE 16 1,929,959 | 9 12 74 » 5 || Coprère. 21 fast 1, El 12 1,807,909 | 8 12 69 57 16,500 |} (CESSER PRES L » I » 5 » = Ce diOrt L'AN. L1.Li) 66 4,690,625 | 47 24 60 50 1,100 | Côtes-du-Nord......... 4x 3,059,192 | 39 22 68 |_59 18,000 | Mnénse ail NU) DNS 9 1,936,525 5 10 36 45 400 Dordogne. +.0 .!}."..: 54 3,729,852 | 32 20 51 » » DETTE TROT 22 2,323,861 | 34 20 99 55 12,200 LENS TR PERS 20 2,236,781 | 23 270 7% 67 23,200 LITE RER RE PTE 81 6,803,356 | 78 40 43 73 95,900 Eure-et-Loir .......... 7x 5,101,485 | 67 31 O1 64 48,700 limistére. AN. LE Un 33 23912,459 | 28 19 78 7 à he. (CRC AAOEE PORS METR 49 3,425,057 | 53 26 30 14 98,200 Garonne ( Haute)...... 6x 4,434,202 | 66 30 52 66 54,800 CFTC FRAME RRE RENTE 40 3,033,136 | 38 22 09 » » ronde air: te 78 6,193,950 | 68 PEU 72 » » OTARI 10 etote NAS Se 67 4:715,850 | 58 AN «17 69 33,700 Ilie-et-Vilaine...,..... ÿ2 3,611,368 | 54 26 40 » > der ot ee. 15 1,387,729 | 7 ÉD 22 » 5 Indre-et-Loire .,....... 48 3,378,035 | 36 21 18 » » JO BARRE CE 59 4,248:937 | 46 24 45 » » LITE EP ERP ERENS 25 2,453,59x 59 274 5% 6,400 LILI ER RER SES 8 1,429,895 A 6 25 » » Loir-et-Cher . ...... PS SE 2,798,785 | 22 170009 48 800 Dr ...| 42 3,104,312 | 49 24 go 71 95,900 Loire ( Haute) ........ 14 1,819,952 | 25 18 59 » » Loire-Inférieure.. ...,.. 47 3,351,066 | 42 23 89 » » LOIRE TR en 65 4,610,765 | 43 2 1x2 62 25,700 LOTUS PP EE 27 2,542,329 | 24 18 57 2 s Lot-et-Garonne. ,...... 60 4,325,054 70 34 Go » » Lozère NI ERP AMEL 3 1,040,750 6 10 94 46 500 Maine-et-Loire......:..| 72 5,101,602 | 6x 28 61 79 200,000 Manche ae ei ME 6,579,445 | 9 40 59 76 164,000 SUITE dU TABLEAU COMPARATIF de la valeur des terres , des impositions et de la filature de coton, dans les différents départements de la France. CONTRIBUTION 5 | foncière | personnelle PRODUIT MOYEN PRODUIT DÉPARTEMENTS et mobilière et des portes! d'un hectare de terre DU COTON FILÉ ; et fenêtres, en principal en kilogrammes , et centimes additionnels , en 1819, à en 1812. en 1519. Francs. . = kilog. 4,763,856 , 49,000 2,706,566 2,400 3,772,302 » 3,216,940 52,500 2,931,150 2,763,954 3,350,667 2,397,364 8,024,912 c 5,827,000(1)|E 5,498,217 95,800 4,474:177 73,700 5,644,562 197,500 45437,50x Pyrénées ( Basses) 1,812,350 Pyrénées ( Hautes )..... 1,046,634 Pyrénées-Orientales... .. 1,215,922 Rhin (Bas) 3,875,144 Rhin (Haut) 2,959,843 : 4,592,300 Saône (Haute) 2,659,309 Saône-et-Loire 5,272,706 Sarthe 4,815,847 i 5 | 23,130,482 800,000 5,920,610 56,000 8,491,219 319,800 10,742,552 102,000 3,104,872 » 6,494,962 315,700 3,334,000 16,600 3,013,513 2,696, 1:52 1,633,634 2,955,595 2,409,484 1,949,927 2,209,114 3,544,516 TOMEX: 00 25,153,473 10,362,200 (x) Les 5/6 de cette quantité sont filés dans l'arrondissement de Lille. Aussi les filatures de ce seul arrondissement fabriquent presque autant que tout le reste de la France, même y compris le reste du département. TABLEAU GÉNÉRAL N° 21. SARA SALAIRE RAR Re Tasceau de l'impôt foncier par département et par hectare, en 1819. . CONTRIBUTION CONTRIBUTION DEPARTEMENTS. SUPERFICIE. È PA : L FONCIÈRE. R HECTARE | Francs. hectares. 1,834,050 582,209 4,862,60o7t 749,183 .. 2,141,479 742,292 Alpes ( Basses) 981,255 740,895 Alpes ( Hautes )‘. 791,245 553,569 Ardèche 15327748 650,004 Ardennes 2,432,694 457,088 890,075 529,540 2,322,948 610,608 2,899,211 650,996 Aveyron .: 3,210,709 882,17: Bouches-du-Rhône 2,280,597 601,960 Calvados 6,404,144 570,424 2,040,977 574,081 3,0792,655 __ 588,803 4,007,995 716,814 1,593,609 740,125 1,535,209 594,717 235,000 980,510 3,831,375 856,956 2,225,02 736,720 1,320,07à 599,455 3,164,052 898,274 1,801,561 533,993 1,890,331 655,915 5,692,256 623,283 4:349,486 602,752 2,131,159 693,384 2,713,707 599,723 Garonne (Haute) 3,534,295 642,533 (PEAR 2,525,325 623,996 4,335,000 1,082,552 3,826,500 630,935 2,870,618 681,977 1,927,229 701,667 2.792,439 612,679 3,570,837 841,230 1,984,911 503,364 1,155,445 900,534 2:274,731 603,116 : 5 2,501,162 496,000 Loire (Haute) 1,530,252 502,854 Loire-Inférieure me 2,383,816 706,285 Loiret 3,655,315 675,191 2,111,200 398,406 3,702,306 532,641 903,000 509,543 D ND OO m C0 OF CH ON MH H D O 2 ÿ OF si À D © QG D Co + > Or Or CS C0 Or 0 H GP BR D PE Or» m4 © Suire du rABLEAU de l'impôt foncier par département et par hectare, en 1810. ; CONTRIBUTION] __ CONTRIBUTION DÉPARTEMENTS. | SUPERFICIE. FONCIERE. PAR HECTARE. Francs. hectares. fr-. €. Maine-et-Loire... ........... 4,347,045 718,807 65 6 o5 RACE An. JL or te 04 5,581,945 675,713 57 8. 26 DAT Le... LEE. 3,790,356 820,273 Hs & 62- Marne (Haute)............- 2,198,916 633,173 29 3 47 Mayenne.................. 3,284,202 518,863 68 6 33 Ménrithe.:.£ 2 CLRPRCEPETS 2,953,740 629.002 42 4 06 Meuse... L..62 000 CÉRÉERES..- 2,413,850: 604,439 | 40 LUS Môrbihin: 42. HRreEr.-. 2,175,204 681,704 INS6 3 19 Moselle :2- RE CS ALERTE: : 2,668,589 609,000 46 L: 38 Nievre 7-2 -rEtr-S 2,011,614 686,619 19 | ‘2 93 ordi: TARREL.2 CES EE: 6,108,656 581,424 87 10 87% OÉe NN EC y -rotebee.e 4,436,364 581,424 76 7 64 Orne SAN PERLE: IE ETLETtL- 3,765,924 645,254 64 5 84 Pas-de Cali SEAL 4,455,762 669,638 7x 6 65 Puy-de-Dôme............... 3,759,251 . 794,370 52 4° 73 Pyrénées ( Basses ).......... 1,305,000 755,950 6 1 93 Pyrénées ( Hautes).......... 855,384 464,53r 8 1 86 Pyrénées-Orientales.......... 1,050,522 411,376 13 > 56 Rhin (Bas)-......:........ 2,817,490 417,500 72 6* "7 Rhin (Haut)........:.:.... 2,332,585 383,257 67 6 og Rhône. Let. : HA PREE..- 3,150,000 250,423 83 1 T0 Saône ( Haute). .....:..: =" 2,206,159 462,800 53 4° 76 Saone=et-Loire:: . . 222.572 4,555,506 455,678 58 SINST Sarthé.. 5706 . HHMERELS 4,153,294 639,276 70 6 5o TR 3 à 18 FR CAS 152 14,304,582 49,000 86 |29r 94 Seine-Inférieure............. 8,022,852 595,980 78 8 27 Seine-et-Marne!.. :- 212... .. 4;,931,000 575,042 84 11 96 Seine-et-Oise. =... Leu. 6,875,469 593,8 ro 85 3 Dr Sèvres (Deux}=---:8..+00-. 2,673,652 585,273 50 4 57 Somme... LÉLECHRE 5,180,667 604,456 79 8 59 TRES TEE MR 2 T5 7 2,820,000 556,82r 54 & 90 Tarn-et-Garonne . ..:...1.:... 2,909:119 354,597 75 7 30 UNS CNT SO NE Te 2,102,952 729,628 16 2 88 vAciInsSer ER. SOCCER. 1,294,738 234,560 62 5 57 Méndée FLE CP. Es CEb.t 2,967,922 655,458 36 3 So Wicnne Die. CL... TL. - 2,031,034 689,083 20 22709 Vienne ( Haute)........... + 1,622,397 558,078 18 2 70% LÉ 4 NT CNED ENTER 1,:66,664 587,955 21 ne Te à v NORME ST ER ete. 2,881,566 729;225 38 3108 TOTASREES AOF RE 209, 36,622 53,533,420 | 4 S£& TABLEAU GÉNÉRAL N° 25. RAR ER LR RD Érar des longueurs des routes, canaux et rivières navigables par département. LONGUEUR LONGUEUR LONGUEUR DÉPAR TEMENTS. des routes entretenues des canaux ou rivières Au rivières ottables (x) ; par le Gouvernement. navigables , en mètres, : en meétres,. —_—— + | M. c. M. M. ARS sertie" More 27 49 375,155 » 35 72,000 » AISNE eee cletsieie 2 | OA 607,005 34 70 176,000 » ATOr.-. 7 -e -- 21100 456,856 9o 58 132,000 » Alpes (Basses)..,...| 4 176,902 » 15 » * 180,000 Alpes (Hautes)...... 36 335,547 50 19 » 264,000 Ardéehe.seretehe de 08 à 70 472,102 » 16 20,000 » PATTES. le... 2e 42 358,894 53 28 . 52,000 » Arriège..... Et Bree) io 285,146 » 20 30,000 » Lit SE PER APP 48 392,028 » 54 120,000 » LUTTE RERe DRE 35 332,825 60 27 50,000 , Aweyron.---..-.-.- 174 526,670 05 51 104,000 » Bouches-du-Rhône ...| 8 238,821 » 26 49,200 » Calvados ,....... 2010 402,108 20 42 92,000 5 ÉAmal. 254. Mt] las 341,444 » 6 » 44,000 Cirente. - . À. :.:..2:1 23 310,021 » 41 74,000 160,000 Charente-Inférieure...| 54 398,243 _» 40 86,000 « Tiers ER CFA 52 380,520 » 78 244,000 » PORrÉZEz M deco» 25 311,672 » 9 » 80,000 TOO PE CR: I » » I » » GatedOr--2:.-..2-1 85 617,407 » 63 146,000 » Côtes-du-Nord ...... 45 366,374 » 10 8,000 4 RE CO PREPEMETE 14 282,101 » 5 » 40,000 Dordopne =." .:."2: 33 330,775 » 73 192,000 > PBARDS 14. 4: see: - Al QE 277,644 37 43 96,000 - Dre OS bRe EE 24 311,430 o1 37 80,000 » rer ec DORE 55 400,654 21 68 158,000 12,000 Eure-et-Loire ....... 43 360,106 67 21 30,000 32,000 Finistère .,.........| 44 360,209 » 46 98,000 » GA. Scie «je ns ste ls 72 479,905 » 31 46,000 132,000 Garonne (Haute)....] 29 322,420 25 7 194,000 D RERO Eye 57 411,612 » 8 » 48,000 Gironde....... Ace) ME 356,217 5o 82 326,000 : HEIN ee css 47 370,804 » 38 74,000 84,000 Ille-et-Vilaine ....... 85 665,944 » 33 65,000 : ee 5: de 20000 375,655 ‘ 92 II » 96,000 Indre-et-Loire....... 20 | ‘294,18r 38 85 344,000 » ue os 68 | 461,764 30 14 16,600 n LL PP 34 331,573 » 17 15,400 60,000 LU TAN 58 416,391 20 59 136,000 » Loir-et-Cher..,..... 12 273,160 35 66 156,000 » D ren 20 308,820 » GE 125,000 » Loire ( Haute )......] 15 284,706 » 3 » 24,000 Loire-Inférieure...... 26 317,432 ». | 67 158.000 » Loiret. Use t 58%." 62 443,430 66 72 186,000 » (x) La longueur des rivières flottables a été com pour le classement des départements. Agricult. de la Flandre, G ptée pour :/r0 , et ajoutée à celle des rivières navigables , Surre de L'ETAT des routes, canaux et rivieres navigables, par département. LONGUEUR LONGUEUR LONGUEUR DÉPARTEMENTS. des routes entretenues des canaux ou rivières Fr RRT ottables , r le Gouvernement. navigables , en mètres. . pa F ; $ : en mètres. nee De 2 ER EL RE M. C« M. M. DOCS EEE. : 2. . 5 213,40 57 6o 144,000 » Lot-et-Garonne...... 17 285,445 » 69 172,000 » Lozere.. 2... Fosccie 60 436,101 5o 2 » » Maine-et-Loire ...... 46 370,577 20 80 266,000 » Nénpghes...:.2.- 1697 340,543 39 438 100,000 » LUE UT CHASSER RSR 77 564;766 79 7 100,000 » Marne ( Haute )..... 67 457.239 29 | 44 96,000 » Mayenne... ."...... II 257,988 or 29 54,000 » Meurthe ....-... esta) 00 426,188 99 49 104,000 » Meuse:s LR NE 76 556,561 » 3a 64,000 » A PTS 73 5x 3,967 » 6r 144,000 » SC à MESSE 64 451,857 » 64 146,000 » LI 0 00e 40 357,328 60 39 84,000 » ROSES SES: 80 599,747 » 86 481,788 » LATE MR 79 586,215 67 71 176,000 » 32 SAGE 18 292,694 66 22 36,000 » Pas-de-Calais........ 86 681,918 21 ba 106,000 Puy-de-Dôme ....... 63 447176 9x 18 26,000 » Pyrénées (Basses)....| 9 240,949 » 62 144,000 0e Pyrénées (Hautes)...| 30 325,004 25 13 16,000 » Pyrénées-Orientales...| 28 321,164 » 30 52,000 34,000 Rhin (Bas})......... 53 388,108 23 83 338,000 » Riin(Haut)}}r- ce 71 473,024 » 65 148,000 » Rhone ER EE Sc ee 7 220,545 » 84 338,000 os Saône (Haute )...... 19 292,999 » 24 28,000 124,000 Saône-et-Loire....... 75 538,189 » 7 236,000 96,000 NA 5: SRE 59 349,892 11 57 132,000 » BA: UE 0C TE 3 93,870 » 56 128,000 » Seine-et-Marne. ..... 69 463,900 67 77 232,000 » Seine-et-Oise........ 65 456,202 » Sr 318,000 » Seine-Inférieure...... 8x 603,427 88 76 230,000 » Sèvres (Deux )...... 6 219,510 50 | 53 114,000 _» Somme... 2e 78 584,695 » 50 104,000 >» RSS PRE 32 329,993 93 25 30,000 112,000 RCE 10 256,274 90 34 67,000 » LE ROC PNR Er 6r 442,110 » 45 96,000 » Re de SA 2 90.229 » - » 46,000 Ne PRE 27 38,095) & x 36 74,000 » : 0 à 2 SPP &x 358,257 24 23 26,000 122,000 DA E 31 325,585 » 4 » 36,000 REZ SÉTON 21 298,931 » 19 12,000 » PRES EE. 637,779 31 75 204,000 90,000 a ———_— Tonus... 32,592,188 49 9,301,988 1,916,000 TABLEAU GÉNÉRAL N° 23. AR RE RU Rapport de la superficie au nombre de bœufs et vaches, dans les différents départements de la France, en 1812. DÉPARTEMENTS. /surerrrcre. TAUREAUX. hect. 582,209 749,183 742:272 740,895 Alpes (Basses)... Alpes (Hautes)... Ardennes..... Arrriège 588,803 716,814 740,125 Charente Charente-Infér'®.. 623,996 1,082,552 900,534 603,116 Loire (Haute)... Loire Inférieure . . Eoiret 398,406 Lot-et-Garonne .. . 532,641 | Lozère 509,543 | BOEUFS et 32,142 7,052 53,654 8,238 7:387 7:966 11,718 16,680 3,075 32,633 31,536 1,079 21,404 18,276 63,451 43,444 12,488 27,044 27,313 26,200 23.268 108,914 43,763 7:753 802 2,131 39,437 4,192 38,395 33,067 33,050 3,190 15,449 36,172 17,978 29,552 39.665 31,383 11,604 15,670 12,412 43,247 7,598 36,558 24,436 15,630 VACHES et GÉNISSES. Eee À 94,064 84,094 117,585 10,258 25,161 53,917 78,111 49,674 45,920 39,027 79,956 2,006 99947 102,982 70,250 66,619 42,908 S6,937 103,745 153,691 93,354 121,431 105,293 9,399 43,127 56,464 200,961 5,627 75,674 80,992 81,050 7.254 164,589 100,978 64,758 113,099 111,822 58,061 59,720 71,584 51,896 133,130 72,758 54,444 59.086 33,154 61,922 77:042 63,937 2,020 17:774 45,945 66,397 32,994 42,845 6,394 39,420 927 78,937 84,706 6,819 23,175 30,420 59,893 76,432 127,491 79,086 12,917 61,528 2,146 42,325 54,333 161,530 1,429 37,279 47925 28,000 4,064 149,140 64,806 46,980 35,547 72,197 26,678 48,116 55,914 39,484 89,383 65,140 17,886 55,650 7 Qiz 17,484 ÉTENDUE de terrain PAR TÈTE,. nt : hect ar. “ 18 SAIQO OR D wi ed ue 1 D © DO À pi ep SUITE du RAPPORT de la superficie au nombre de bœufs et vaches, dans les différents départements de la France, en 1812. BOEUFS | VACHES ÉTENDUE DÉPARTEMENTS. /surrrrrcre, et et TOTAL. de terrain TAUREAUX. | GÉNISSES. PAR TÊTE. nn | SAR En mt | Sen REN conne do 20 | ne hect. hect. ar, c. Maine-et-Loire....| 718,807 52,500 107,500 160,000 76 4 (49 “an Manche... ... 675,713 44,722 106,466 151,188 77 4 47 00 Marnneser. :..: | 820,279 13,165 49,430 62,595 18 13 10 45 Marne (Haute)...| 633,173| 19,696 60,113 79,809 41 7 93 36 Mayenne ........ 518,863 37,784. 111,332 149,116 83 3 47 96 Meuïthe......... 629,002 9,116 66,167 75,283 40 8" 35 1134 Meuse: ». .-.-11. 604,439 13,600 54,840 68,440 35 8° 53 0%rn Morbihan........ 681,704 46,627 127,327 173,954 8x 3'""O1, 389 Moselle. ....... 609,000! 15,756 69,159 84,915 5t n' 19 29 Al Nièvre. ........ .| 686,619| 40,873 57,606 98,479 | 53 6 97 20 IENOLd eee - de 581,424 27,005 250,560 277,565 85 2°: OO DÉDRREEL 531,424 20,705 53,478 74,188 42 7 83 97 HOme.- cie. .Le 645,254 37,900 72,900 110,800 65 5:82 36 Pas-de-Calais. .... 669,688 2,144 146,175 148,319 74. KL, 5E7" 5% Puy-de-Dôme.....| 794,370 18,257 84,970 103,227 45 7 69 54 Pyrénées (Basses).| 755,950 7,487 05,673 103,160 49 7. 32 79 Pyrénées (Hautes).| 464,531 13,579 34,645 48,224 29 9 63 28 Pyrénées-Orientales| 411,376 5,565 9,070 14,635 8 28 10 9o Rhin (Bas)...... 417,500 11,394 96,056 107,450 80 3 88’ 55 Rhin (Haut).....| 383,257 18,072 67,707 85,779 78 £ ":46 "60 Rhone.s--£eLie.E 270,423 8,421 36,288 44,709 6x 6 04 85 Saône (Haute)...| 462,800! 38,431 54,392 92,823 71 4 98 58 | Sadône-et-Loire....| 857,678 50,047 63,544 113,591 46 10 55 No6 HFSacthe. ect. 639,276 24,814 83,349 108,163 63 5191: "0ù Seine. 40 49,000 2,380 9,645 12,025 82 4 07 48 Seine-et-Marne ...| 595,980 2,659 57,193 59,852 27 9 9273 H| Seine-et-Oise..... 575,042 147 76,708 76,855 44: 7 C7OLWE 1| Seine-Inférieure...| 593,810 1,195 115,714 116,909 72 LA He > Sèvres (Deux)....| 585,273| 37,353 25,658 63,o1t 37 9 28 84 SOMMES. «He 604,456 1,716 82,700 84,416 52 7 16 0% DETTE SENOMNN 576,821 11,623 39,435 51,058 21 11 29 74 Tarn-et-Garonne ..| 354,591 19,365 20,829 40,194 36 8 82 20 VERSO ASSE ON AE 729,628 8,733 2,812 11,545 6 63 19 95 PVanclnse.:...+.e 234,560 3,505 545 4,050 7 53 ‘01 60 Vondées...%: 6. 675,458 46,968 57,157 104,125 57 6 48 yo NTeNNRES EE cite «9 689,085 37.065 5,444 42,509 12 16: '2r2#08 Vienne (Haute)..| 558.078 28,128 66,012 94,140 62 5 92 82 Vosges.-........ 587,955 24,472 81,434 105,906 68 SAS EN TEE I Yonnez sc Eu * 729,223 10,864. 46,316 57,180 19 12° 82 "97 Toraux. 00 53,533,426|1,961,767 |4,926,460 |6,888,22t qe TABLEAU GÉNÉRAL N° 24. Lane issi es ss) SURFACE MOYENNE, EN FRANCE, par téte de cheval, bœuf, etc. INDICATION. Taureaux et bœufs..... Vaches et génisses... Chevaux , juments, mulets, poulains ........,. Mérinos purs.... Métis....... Moutons indigènes. . .. Porcss. NOMBRE. 1,961,761 4,926,460 1,872,617 766,310 3,578,748 30,843,8)2 3,900,000 2,400,000 LA SURFACE | LA SURFACE des terres labourables, | totale de la France pâturages , prés , etc., étant étant de 30,000.000 h,| de 53,533,426", ; SURFACE MOYENNE|SURFACE MOYENNE par tête. par tête. hect: ar. oc. 271129 39 10 86 65 58 85 95 73 72 30 222 OBSERVATIONS SUR LES TABLEAUX CI-DESSUS: Nous avons cherché à faire voir, par les tableaux qui précédent, que les mêmes causes qui favorisent l'Agriculture, favorisent égale- ment la population ; font augmenter la valeur des terres, le nombre des troupeaux, et fléurir le commerce. Après avoir mis en parallèle les arrondissements du département du Nord éntre eux, nous comparons le département du Nord aux autres départements de la France, afin de généraliser les résultats, et de confirmer ceux que nous avions déja indiqués, et que nous allons rappeler. ee —— ÉTENDUE, POPULATION, elc. 07 AR ASS ARE LR R LU R RE VB LIRE LVL RL ALES RAR LAURE VAR RER ARTE VER VER LEUR LR R TABLEAU N° 2. DE LA POPULATION. Les hommes, comme les animaux, se multiplient en raison de l’abondance de la nourriture; mais il faut de plus à l'homme la sécurité et la liberté, biens qu'il estime au-dessus de tous les autres, quand il n’est point dégradé. La bonne culture, en augmen- tant les subsistances , fait croitre la population; plus celle-ci est nombreuse, plus elle fait fleurir l'Agri- culture , et l’une et l’autre ne peuvent prospérer qu'à l’aide de sages institutions. On pourrait peut-être considérer un tableau dé- taillé de la population des différents peuples, pendant un grand nombre d'années, comme un moyen pres- que certain d'apprécier l’état de la civililation , celui du gouvernement, et particulièrement la prospérité de l’Agriculture. ‘Nous voyons, par le tableau n° 2, que la popu- lation de larrondissement de Lille est presque dou- ble de la population moyenne du département du Nord ; par le tableau général n° 19, qu’elle est cinq fois plus grande que la population moyenne de la France; enfin, par la statistique générale, que la Flandre est le pays le plus peuplé de l'Europe. On 80 CHAPITRE I. aurait pu, par induction, en conclure qu'il est aussi le mieux cultivé. Les différences que présente l’état n° 2, dans la population des six arrondissements, sont faciles à expliquer. L’arrondissement de Lille , autrefois pays- d'États, mieux administré que les autres, est plus peuplé même que celui de Douai, où se trouve confondue une partie de l’ancien gouvernement du Hainaut. Celui de Douai est à son tour plus peuplé que celui d'Hazebrouck, où des considérations militaires ont empêché d'ouvrir des routes indispensables à sa prospérité. L’arrondissement d'Hazebrouck , affranchi autrefois, comme pays-d’États, des impôts indirects, avait une cause de prospérité qui manquait à celui de Cambrai et d'Avesnes; aussi la population s’est accrue plus rapidement dans le premier que dans les deux autres. Si l’arrondissement d’Avesnes est le moins peuplé des six arrondissements du départe- ment, c'est parce que la culture y est moins avancée, ou plutôt parce que l'administration intérieure a été moins bonne, et qu'on n’a rien fait pour y dévelop- per l'industrie: les chemins vicinaux sont imprati- cables; on n’y compte que quelques routes publiques, toutes très-montueusés et mal tracées ; la navigation y est à peine ébauchée et presque nulle. L’arrondissement de Dunkerque est celui où l’ad- ministration intérieure approche le plus de la per- fection, dans quelques cantons : les propriétaires , réunis en association, ont le droit de voter et de faire exécuter, à leurs frais, quelques-uns des ou- vrages qui leur sont nécessaires ; aussi les progrès de ÉTENDUE, POPULATION, etc. 89 la culture et de la civilisation y sont plus rapides qu'ailleurs. Espérons qu'on donnera bientôt plus d'autorité à ces associations bienfaisantes , et que les autres départements recevront des institutions analogues, essentielles à la prospérité de tous les pays. 90 CHAPITRE Il. AR AS SARA A RE RAS AR RE RARE A/R ARR TR ET ARE AE ARE AR AR A/R TABLEAU N° 1°. Division du territoire en terres labourées , jachères, prairies, etc. Le rapport de l'étendue des terres labourées à celle des jachères et des prairies, pourrait, peut-être, suffire pour faire connaitre l’état de la culture. Nous regrettons de ne pouvoir donner un tableau sembla- ble qui embrassät le sol de toute la France, afin de comparer , sous ce point de vue, l’Agriculture de chaque département à celle du Nord. On voit, par le tableau n° 1°, que les jachères ne sont, dans l'arrondissement de Lille, qu’un soixan- tième des terres cultivées, ou plutôt qu'il n’y existe pas de terres proprement en jachères; car on donne ce nom à celles qui ne portent qu'une récolte de navets, choux ou colzas pour replanter. On remar- que aussi que les prairies artificielles, sont le sep- tième des terres labourées. Moins la culture est avancée dans les autres ar- rondissements, plus le rapport des terres labourées aux jachères diminue, et plus celui de ces terres aux prairies artificielles augmente. On pourrait assurer, d'après ce tableau et sans avoir d’autres renseigne- ments, que Douai est mieux cultivé que Cambrai, et Cambrai beaucoup mieux qu'Avesnes. Dans les quatre derniers arrondissements du département, les ÉTENDUE, POPULATION, etc. (op: jachères indiquées sont complètes, c'est-à-dire, que les terres ne portent rien pendant l’année de la ja- chère. La comparaison des états n° 1 et 2, justifie ce que nous avons dit : que la population, dans chaque pays, est en raison des progres de la culture et de l'abondance de la nourriture. 92 CHAPITRE II. AA RAR TE AT BR AR A ART RE ARR ARR ART A A TA A A A SR AS ER TABLEAU N°3. Rapport de la population des villes à celle des campagnes. LE classement des six arrondissements ne semble pas suivre la même loi, dans ce tableau, que dans les autres. Comme il est avéré que la population des villes favorise la culture des campagnes voisines, il semblerait qu’on pourrait en conclure que les arron- dissements où la population des campagnes approche davantage de celle des villes, devraient être les mieux cultivés, et que le tableau n° 3 contredit les observations précédentes. Nous tächerons d’expliquer ces anomalies apparentes. La population des villes est plus ou moins avan- tageuse à l’Agriculture , selon que ces villes sont plus ou moins commerçantes. Ainsi les campagnes des environs des villes où siégent les souverains, les grandes cours de justice, peuvent être favorisées par la facilité de la vente des produits ; mais l’Agri- culture n’y est point honorée, et rarement perfec- üonnée ; les hommes riches et instruits dédaignent de s’y livrer; ce sont principalement les villes de fabriques qui font fleurir l'Agriculture : comme lar- gent est plus commun, et à plus bas intérêt, les fermiers sont aisés, et font de grandes avances à la terre. Dans le cas particulier que nous considérons, ce sont des causes purement locales qui font varier le rapport de la population des villes à celle des ÉTENDUE, POPULATION, etc. 93 campagnes, et empêchent d'en tirer des inductions justes et générales. L’arrondissement de Dunkerque, par exemple, renferme deux ports de mer, où les habitants sont attirés par les avantages que promet et procure le commerce maritime. L’Agriculture n'est d’abord que peu favorisée par une population de marins , dont l'industrie et les capitaux se dirigent vers le commerce étranger; seulement la consommation étant plus grande, les produits se vendent mieux. Il faut ou une stagnation de commerce, ou un excès de richesses, pour que les capitaux soient. détournés vers l'Agriculture ; c'est ce qui a lieu à Dunkerque. Dans l'arrondissement d'Hazebrouck, c’est le dé- faut de communications qui a déterminé les habi- tants à se réunir et à se presser sur les points traversés par des routes et des canaux. Les villes sont d’ailleurs petites, et ne peuvent avoir aucune influence immé- diate sur la prospérité intérieure. Ainsi, dans cet arrondissement, la population des villes approche de celle des campagnes, par une cause funeste à l'Agriculture. La ville de Lille, et toutes celles de cet arrondis- sement, étant essentiellement manufacturières, les capitaux y sont attirés, et les intérêts peu élevés; le travail est encouragé et honoré; les classes aisées, loin de répandre, par leur exemple, le luxe dans les campagnes, y portent l’esprit d'ordre et d’éco- nomie. Rien n’est donné à l’ostentation, et les fer- miers se distinguent par la vigilance , l’activité, l'intelligence , et l’économie portée dans les plus petits détails; qualités mhérentes à l'esprit de commerce, et nécessaires au succès de toute entreprise. 94 CHAPITRE HI. CREER RE LR LS LE LA LE RS RE LE LAS LATE RER RE LE R LAURE RE LEE LR LUE LUE TABLEAU N°4. État des chevaux, bœufs, etc., dans les différents arrondissements du département du Nord. Le tableau n° 4 mérite un examen particulier. On sait que les meilleurs agriculteurs nourrissent un plus grand nombre de bestiaux, sur une étendue de terrain donnée; qu'ils ont plus d’engrais, de meil- leures récoltes, plus de moyens d'entretenir un trou- peau plus nombreux, et, en dernier résultat, plus de profits. L’arrondissement de Lille, étant mieux cultivé que les autres, doit donc avoir proportion- nellement un plus grand nombre de bestiaux; aussi existe-t-il dans cet arrondissement 70,200 bœufs ou génisses, sur 91,256 hectares, ou plus d’une tête par 1 hectare 5o ares, tandis qu'on n’en compte que 59,523 sur 108,687 hectares, dans l'arrondissement de Douai; ce qui fait une tête sur environ 2 hectares: 39,010 têtes sur 71,822 hectares dans larrondisse- ment d'Hazebrouck : 31,646 têtes sur 74,714 hectares dans l'arrondissement de Dunkerque : 22,183 sur 88,542 hectares dans l'arrondissement de Cambrai, et 44,560, sur 146,403 hectares dans l'arrondissement d'Avesnes. Ainsi, l’arrondissement de Lille a, relati- vement, deux fois autant de bœufs et vaches que l'arrondissement d’Avesnes, et pres de trois fois au- tant que celui de Dunkerque. ÉTENDUE, POPULATION, etc. où On juge, par le nombre de bœufs et vaches de _ l'arrondissement d'Hazebrouck, que si ce pays obte- nait les moyens de prospérité qui lui manquent (1), la culture y serait rapidement perfectionnée. L’arrondissement de Dunkerque ést le seul où-le rapport du nombre des hectares à celui des têtes de bœufs où vaches soit de quatre, c'est-à-dire, où il n'y ait qu'une tête de bœuf ou vache par 4 hectares. Nous avons déja remarqué que cet arrondissement est un des moins peuplés ; on pourrait en conclure que les habitants sont moins industrieux, ou que les terres sont plus mauvaises; mais nous avons observé que cet arrondissement à été conquis sur la mer, par un ensemble de travaux extraordinaires ; maintenant il jouit d’un avantage qui manque aux autres, et marche plus rapidement à la prospérité ; il nest re- tardé que par les funestes effets du système de défense qui empêche l'ouverture des canaux et des routes si nécessaires dans ce pays humide, dont le sol est au-dessous du niveau de la haute mer. Lorsque Dunkerque pourra recouvrer tous ses droits, et sera affranchi de mesures arbitraires , il dépassera en peu d'années, par ses progrès en Agriculture, les pays voisins où elle est momentanément plus avancée. Comparons le tableau des bœufs et vaches du (1) IL faudrait ouvrir des chemins et des caraux; rétablir l'administration paternelle qu’Hazebrouck à long- temps con- servée ; supprimer sur-tout les impôts indirects dont ce pays fut exempt, et dont les abus plus funestes, dans ces campagnes isolées, troublent le repos de ce peuple estimable, essentiellement labo- rieux, religieux, et scrupulenx observateur des lois. 96 CHAPITRE 11. département du Nord, à celui général n° 23; le rapport moyen, en France, de la surface au nombre de bœufs ou vaches, est de 8 hectares par tête. L’arrondissement de TLälle a donc, proportionnelle- ment, cinq fois plus de bœufs ou vaches que le reste de la France, considéré en masse. Cependant la culture du Nord se fait par des chevaux, tandis que dans la plupart des autres départements, on se sert de bœufs; ce qui doit augmenter le nombre de vaches et bœufs dans ces départements, et devrait le rendre supérieur à celui des vaches et bœufs du département du Nord. L'état des chevaux des différents arrondissements du département du Nord, paraît présenter une ano- malie. La culture de l'arrondissement de Lille étant bien plus avancée que celle des autres arrondisse- ments, et la terre recevant plus de labours, il semble que le nombre de chevaux devrait être relativement plus considérable à lille qu'ailleurs. Cependant Douai en a proportionnellement davantage, et les autres arrondissements presque autant. Ces diffé- rences, toutes à l'avantage de Lille, sont encore une nouvelle preuve de lhabileté des fermiers des envi- rons de cette ville. Les ahevaux coûtent plus d’entretien que les bœufs ; ils perdent chaque année, une partie de leur valeur, exigent une nourriture plus abondante et plus chère, et demandent plus de soins. Le culti- vateur a donc le plus grand intérêt à n’en conserver que le moins possible, et à tirer d’un petit nombre le meilleur parti. Le fermier des environs de Lille : fait, dans ce genre, des prodiges; c’est dans ces dé- ÉTENDUE, POPULATION, etc. 97 tails minutieux et dans ses économies ingénieuses de force et de temps, qu'il faut l’étudier : il saisit tous les instants favorables des saisons, et sait multiplier ses ressources, soit par son aptitude à chercher ce qui convient le mieux à chaque culture, soit par sa promptitude à le faire. Rarement passe-t-il un jour sans visiter chacune de ses terres, et sans y travailler; sa vigilance et son activité lui donnent le temps de tout exécuter. Loin de laisser reposer la terre, il donne, chaque année, trois ou quatre labours à chaque champ; ses méthodes de culture sont admi- rables, et ses instruments aussi ingénieux que par- faits. Sa charrue , attelée d’un seul cheval, laboure tres- bien la moitié ou les deux tiers d’un hectare par jour, tandis que la lourde charrue des environs de Cambrai et d’Avesnes , tirée par trois chevaux, peut à peine retourner la même surface dans le même temps. Ainsi le petit nombre de chevaux employés dans les fermes de Lille doit être considéré comme la plus grande preuve de la perfection de cette belle culture. Le rapport du nombre des moutons à la superficie, dans chaque arrondissement, semblerait aussi con- tredire ce qui précède. Il est généralement reconnu que les moutons donnent, par les parcages et les en- grais , d'excellents moyens d’amender les terres, et qu'ils procurent, en outre, de gros bénéfices. On pourrait donc supposer que les fermiers de Lille, que nous envisageons comme les plus habiles culti- vateurs, en nourrissent une tres-grande quantité, Cependant l'arrondissement de Lille en a moins rela- Agricult. de la Flandre, j 7 où CHAPITRE LE. tivement, que les autres arrondissements, et même moins que la plupart des départements. Cette parti-. cularité mérite d’être expliquée. La culture de Tälle, sous bien des rapports, diffère essentiellement de celle des autres pays : les fermiers ne laissent point sortir leurs bestiaux , dans le double but de faire plus de fumier et d'empêcher que la terre ne soit durcie par le piétinement des trou- peaux ; ils devraient donc nourrir leurs moutons à ’étable, ce qui serait aussi préjudiciable à leur santé qu'aux intérêts des maîtres. Les fermes étant d’ail- leurs très-petites, chaque fermier ne pourrait avoir que quelques moutons , dont les frais d’entretien surpasseraient les produits. On ne voit des troupeaux de moutons que dans les fermes de 40 à 50 hectares, qu'on nomme, par cette raison, fermes à moutons, ou grandes fermes. Les bergers ne les conduisent que sur les grandes routes et sur les bords des fossés, ou s'ils les font paitre sur les champs, c’est parce que les terres des grosses fermes, plus mal cultivées que celles des petites, sont quelquefois en jachères. D’après le genre de culture des petits fermiers, on concoit qu'ils ne peuvent pas tenir de moutons; mais on doit s'étonner que les gros cultivateurs, qui ont de l'intelligence et des avances, n’abandonnent pas la race flamande , à laine grossière , pour la remplacer par celle à laine superfine, qui est aussi robuste, et qui donnerait de bien plus gros bénéfices. Mais ici, comme ailleurs, les améliorations ne s'introduisent que lentement , et ne peuvent pénétrer dans les campagnes que par les efforts et les sacri- fices des hommes riches et instruits. ÉTENDUE, POPULATION, etc. 99 ALLER RIRE AR LUE LV LR R VE VERRE LUE LRU RTE LR ELLE RER RE RER LR RL ER LAS A TABLEAU N° 5. l’aleur vénale et locative des terrains. Ce tableau sert encore à faire remarquer la supé- riorité de la culture des environs de Lille, La terre y est moins bonne que dans plusieurs cantons du département; cependant la valeur vénale et locative est plus grande. Cette différence peut s'expliquer : l’'excédant des fermiers qui manquent de terrain, la classe plus nombreuse des ouvriers fabricants, qui consomment beaucoup et paient bien , la multiplicité des bestiaux qui font hausser les prix des fourrages et des prairies, et baisser celui des engrais, con- tribuent également à augmenter la valeur des terres. Il existe près de Lille, sur les bords de la Lys et de la basse Deuüle, des prairies qui se vendent r,r00 “ l’hectare, où 1% 10 le mètre carré ou 9 pieds carrés. C’est, peut-être, le prix le plus haut qu'on ait mis, en Europe , à des terrains non clos, d’une grande étendue, situés loin des villes, et loués dans . le seul but d’en retirer une rente par des récoltes. En comparant le tableau particulier n°.5, et les tableaux généraux n° 20 et 21, On remarque que le prix moyen locatif du département du Nord, est plus de trois fois plus grand que celui du reste de la France, et que l’impôt moyen par hectare, dans ce département, est deux fois et demie celui des — / 100 CHAPITRE Il. autres. Comme il dépend du gouvernement de faire doubler la valeur vénale et locative des terrains du département du Nord, en ordonnant les routes et les canaux nécessaires à ce pays, et comme il est en son pouvoir, et par un moyen semblable, de faire quin- tupler les terres du reste de la France; nous dirons, de nouveau, que l'Etat est au moins aussi intéressé que les particuliers à s'occuper des améliorations nécessaires aux progrès de l'Agriculture, puisqu'il est le principal propriétaire et le premier usufruitier du sol. ÉTENDUE, POPULATION, etc. 101 DS ARR LR A/R UE LUR LVAR LAS AIR LAN ER LATE ARR LE USE LAS LAS LE LETLALLES LALULS TABLEAUX N° 6, 7, 8, 9; 10 ET 11. Le colza, le lin et le tabac sont considérés, en Flandre, comme les plantes qui donnent les béné- fices les plus considérables , et dont la culture amé- liore davantage les terres. Le cultivateur , certain de retirer de ses capitaux des intérêts d'autant plus forts qu’il fait plus d’avances , n’épargne ni les engrais, ni les labours; aussi les champs destinés à l’une ou à l’autre de ces plantes sont aussi-bien préparés que les jardins potagers les mieux tenus. C'est surtout dans ce genre de culture qu'excellent les fermiers des environs de Lille; ils y donnent leurs soins de tous les instants, et dépensent souvent mille francs en engrais par hectare. On doit dire qu'ils sont en- couragés par le voisinage des fabriques de lin, d'huile de colza, et par la facilité de la vente de leurs ré- coltes, qui souvent sont achetées sur pied. On voit, par les tableaux 8 et 9, que l'arrondissement de Lille produit près de moitié des huiles faites dans le dé- partement , et plus du tiers du lin et du tabac qu’on y récolte. Cependant la culture du tabac est dimi- nuée des trois quarts depuis l'établissement du mo- nopole, parce que les manufactures particulières de tabac ont été fermées, et que celles du gouvernement en fabriquent moins et de moims bonne qualité. La régie des tabacs de France a acheté 5,733,816 kilogrammes de tabac indigène chaque année, terme 102 CHAPITRE Ji. moyen , sur les cinq années 1812, 1813, 1814, 1815 et 1816, tandis que le seul arrondissement de Lille peut fournir et a fourni 9,572,000 kilogrammes en une année, c’est-à-dire , pres du double de la quan- tité autorisée et achetée par la régie. Le monopole doit donc être regardé comme désastreux en général, et particulièrement funeste à la culture de Lille, dont la prospérité est, en grande partie, due à la culture du tabac. Maintenant les belles manufactures de tabac, établies depuis long-temps à Lille et à - Dunkerque, qui imprimaient un mouvement extra- ordinaire au commerce et à l'Agriculture, sont fer- mées, au grand détriment du pays et de la France. Les fonds sont sans emploi; les ouvriers sans occu- pation; la contrebande ruine l'État, corrompt la po: pulation de la frontière, et enrichit nos voisins, qui élèvent, chaque année, des fabriques près de la limite des deux royaumes. Les distilleries et brasseries font prospérer l’Agri- culture, en facilitant la vente du blé, de l'orge et du seigle. Elles donnent aussi d’abondantes nourri- tures pour les chevaux et les vaches, et beaucoup d'engrais. La ville de Lille possède beaucoup plus de ces fabriques que les autres villes, et même que le reste du département. Une grande partie de la population de Lulle est occupée à filer et à travailler le lin que l'on em- ploie à la fabrication des toiles, des dentelles et de beaucoup d’étoffes. Lille renferme de même un plus grand nombre de manufactures, et le lin se vend plus cher dans ses environs qu'ailleurs, quoique le prix des différents lins, sur le marché, paraisse le ÉTENDUE, POPULATION, etc. 103 même. On conçoit que les frais de transport doivent être déduits du prix total, pour obtenir le prix net, et que le lin qui est récolté sur place vaut, de plus que les lins tirés des autres arrondissements, tout ce que ceux-ci ont coûté en frais de transport. 104 CHAPITRE 11. RE A A TT A RAA RAR ART TA RTE ARE A RAR A Te TABLEAU N° 72. Le tableau n° 12 donne seulement le relevé des ouvrages faits dans quelques fabriques du départe- ment; ces ouvrages, pour la plupart, sortent des manufactures de Lille et de ses environs; il en est de même des filatures de coton. Si la moitié des co- tons travaillés en France sont filés dans le départe- ment du Nord, ainsi qu'on le voit dans le tableau n° 20, plus des trois quarts de cette quantité vien- nent des fabriques de Lille; aussi, dans cette ville manufacturière, les plus grandes maisons sont des ateliers où président l’ordre, l'intelligence et l’activité; la plupart des habitants sont ouvriers ou fabricants, et tous laborieux et industrieux. Les villes et villages voisins, et particulièrement Roubaix, Turcoing, se distinguent par un esprit essentiellement manufactu- rier et commercant. Il est peu de fermes où l’on ne trouve quelque métier; l’ouvrier est tour-à-tour cultivateur et tisserand: sil est moins habile en chaque genre, il est plus robuste; 1l gagne moins comme fabricant, mais le champ qu'il cultive assure sa nourriture. Ce mélange d’occupations favorise également la culture et le commerce, et entretient les ouvriers dans un bon état de santé. Dans les grandes manufactures, au contraire, l’homme est forcé de remplacer les machines; il se dégrade rapi- ÉTENDUE, POPULATION, étc. 105 dement par un travail forcé et mécanique; et par une vie sédentaire dans ‘un air vicié. Quelque prodigieuse que soit la fécondité des f4- briques de Lille, on doit dire que leur prospérité est arrêtée par le taux des impôts et le mode de per- ception. La seule ville de Lille paie 860,000 francs d'impositions locales, pour les charges municipales, l'entretien des casernes, etc. Cette somme énorme, prélevée sur les fabriques et sur les propriétaires, porte, en dernier résultat, presque exclusivement sur le commerce; elle fait enchérir tous les objets fabriqués, et Ôte à cette ville recommandable une grande partie de tous les avantages qu'elle doit à l’activité infatigable et aux qualités estimables de ses négociants et manufacturiers. 100 CHAPITRE 11. RSS LS LE 2 5 3 1 1 TABLEAUX NS 135 7h, TOR TEE Les prix portés dans ces tableaux sont ceux des environs de Lille. Les travaux faits à la tâche coûtent moins en général dans cet arrondissement que dans les autres, ce qui augmente les bénéfices des fermiers. On peut expliquer en Agriculture, comme dans les grandes fabriques, la modicité des prix d'ouvrages faits à la toise ou à la pièce. Dans les manufactures, l'extrême division du travail permet de n’employer un ouvrier qu'à une même occupation, où il de- vient bientôt très-adroit par l'habitude : il fait plus vite, bien, à bon marché, et gagne beaucoup ; tandis que le manœuvre qui change plusieurs fois le jour de travail, perd bien du temps en passant de l’un à l’autre. L’Agriculture est aussi une grande manu- facture, que le cultivateur habile divise en plusieurs métiers, et à chacun desquels il attache plus par- uculièrement ceux qui s’y trouvent les plus propres. Chaque fermier sait se rendre compte, dans ce pays commerçant, de l'avantage de mettre les ouvriers à la tâche. Ceux-ci gagnent des journées doubles ou triples, le fermier paie moitié moins, et l'ouvrage est fait plus rapidement. Cet usage de travailler à prix fait, doit être principalement attribué à la per- fection de la culture, qui multiplie et varie les tra- vaux, et donne de gros revenus. Le peuple, d’ailleurs, témoin des fortunes rapides et brillantes des négo- ciants, montre une vive impatience de se créer un avenir ; aussi 1l se livre au travail avec une ardeur et un courage qu'on ne saurait trop louer. ÉTENDUE, POPULATION, etc. 107 ARR ARE LR LR LR LR ILE LE IL ILTE LUEUR ULR ULULRE VIE VE LUE LEL LAL LUE TABLEAUX N° 17 ET 18. État des canaux et des routes du département du Nord. Nous avons cherché à montrer, dans le premier chapitre, que la prospérité du département du Nord doit être, en partie, attribuée à la multiplicité et à la bonté des communications. Les tableaux n° 17 et 18 donnent les longueurs des canaux et des princi- pales routes, dans chaque arrondissement du dépar- tement du Nord. Il semble, au premier aperçu, que l’arrondisse- ment de Douai est plus favorisé que celui de Lille; mais, en étudiant la carte, et surtout l’état de la navigation des rivières du département , on reconnait que la navigation de l'Escaut et de la Scarpe ne se fait que par des écluses simples, qu’elle est lente, incertaine , tandis que celle de la Deule et de la Lys est de tous les instants et pour les bateaux les plus lourds. Elle, d’ailleurs, a de beaux bassins, des chantiers, des quais étendus qui semblent appeler le commerce. Douai, qui ne pouvait être traversé que par des petits bateaux peu chargés, paraissait repousser l'industrie; dans peu les travaux qu'on y exécute amélioreront sa navigation, et rendront cette ville lune des mieux situées pour les fabriques, et des plus commercantes de la France. 108 CHAPITRE II. Si l’on considère l’état des canaux de Lille où la navigation est continuelle, et où les eaux sont main- tenues toute l’année au même niveau, on peut dire Que cet arrondissement a vraiment plus de navigation que les autres, quoique les longueurs des canaux soient moindres. Il faudrait donc, pour plus d’exac- titude, augmenter le nombre qui représente cette longueur , dans le rapport de la valeur des différents canaux. Dans l'arrondissement d’Avesnes, par exemple, on ne navigue sur la Sambre qu'avec une charge de 15 tonneaux, et encore le passage n’a lieu qu'après les temps d'inondation, et avant ceux de sécheresse. Les canaux de Lille, qui portent 150 tonneaux, rendent donc dix fois plus de service que ceux d’Avesnes, et devraient être représentés par le nombre 766,000, au lieu de 76,000. Il en est des chemins comme des canaux : les lon- gueurs portées dans les états ne donnent qu'une idée imparfaite des avantages qu'ils procurent. Les routes des environs de Lille sont toutes pavées, et presque de niveau; en sorte qu'un cheval peut conduire une charge double, en moins de temps et avec moins de fatigue, que sur une route mauvaise ou en pente. Dans presque tous les autres arrondis- sements, les routes sont montueuses, mal tracées, et faites en partie avec des cailloutis qui ne résistent pas à de fortes pressions. L’arrondissement d’Avesnes parait très -favorisé, sous le rapport du nombre et de la longueur des chemins ; mais ces chemins ont des pentes rapides , sont sans issue, et sont recouverts, en général, de ÉTENDUE, POPULATION, etc. 109 cailloutis peu durs; les montagnes voisines n’en offrant pas de meilleurs. Nous observons, de nou- veau, que ce pays était mal administré avant 1789; que tout reste à faire, et qu'on pourrait le porter à un haut degré de prospérité, en ouvrant des routes, et surtout en améliorant celles qui existent. Les tableaux , comparés entre eux, confirment l'in- fluence des bonnes communications sur la richesse - des campagnes. Les environs de Lille sont plus avancés dans le commerce et dans la culture, parce que les commu- nications sont nombreuses et excellentes, ou parce que la châtellenie de Lille a joui long-temps d’une sage administration, qui a créé des canaux et de bonnes routes. Quelque fertile que paraisse le département du Nord, il est probable que le sol rendrait encore plus de produits qu’on n’en retire maintenant, et que la population augmenterait dans le même rap- port, si le gouvernement laissait exécuter les ouvrages utiles que les propriétaires offrent d'entreprendre à leurs frais, à la condition de percevoir des péages déterminés par des lois. 110 CHAPITRE II. / RAID APR RE ARR A A TE TE AT TE TR TT TT TR AT TT AT TE RE A/R RS TABLEAU N° 22. Nous avons pensé qu'il pouvait être utile de pré- senter, dans un seul tableau, l’état des longueurs des canaux et des routes dans chaque département de la France, afin de juger de la place qu’on doit assigner au département du Nord. : Le classement n'étant fait qu’en raison des lon- gueurs des communications, sans avoir égard à leur valeur plus ou moins grande. Les numéros de ce tableau sont mis dans le même ordre que dans les autres, c'est-à-dire, que le département qui a le plus de routes ou de canaux, a le n° 86, et celui qui en a le moins, est le n° 1°. Ce tableau montre que le département du Nord est celui de la France qui a le plus de longueur de canaux, et un de ceux ou les routes ont le plus de développement. Mais il faut remarquer que la super- ficie du département du Nord est bien au-dessous de la moyenne de toute la France, et que ses routes et ses canaux ont une très-grande valeur; par exemple, la charge réduite des bateaux qui navi- guent en France est de 25 tonneaux, celle du dépar- tement du Nord est de plus de cent. Il faudrait donc quadrupler la longueur des canaux du Nord, pour avoir des rapports Fe exacts. Il en est, à ae forte raison, ainsi pour les chemins : si les routes de lar- rondissement de Lille sont supérieures à celles des ÉTENDUE, POPULATION, etc. tit autres arrondissements du département, ces der- nières valent, sans aucune comparaison , beaucoup plus que la plupart de celles des autres départements. Les routes du département du Nord ont, en général, moins de pente, sont exécutées en grès et plus soli- dement; aussi une voiture, attelée de six chevaux, conduit 10 tonneaux, ou 20 milliers dans le dépar- tement du Nord, et ne peut transporter dans les autres que la moitié ou le tiers. On peut donc assurer que le département du Nord est celui où les com- munications sont les plus nombreuses, et les meil- leures , où elles rendent le plus de services, et que l'Agriculture et les manufactures doivent y être, par cette raison, beaucoup plus avancées. Cependant le département du Nord, placé à une si grande distance des autres dans l'échelle des com- munications, n’a pas encore le tiers des canaux et des routes qui lui sont nécessaires : ne peut-on pas en conclure, moins pour critiquer que pour répéter une vérité utile, que tout reste à faire, et que les retards qu'éprouve l'exécution de travaux aussi émi- nemment utiles, ne peuvent être attribués qu’à des vices graves dans la législation actuelle des travaux publics? La France sera condamnée à ne faire que des progrès lents dans les arts, le commerce et Agriculture, tant qu'on n'adoptera pas le système de législation des travaux publics, établi en Angle- terre, aux États-Unis, en Belgique, et autrefois en Flandre et en Languedoc, c’est-à-dire , tant qu’on ne laissera pas aux départements, aux arrondissements, aux associations de particuliers, la liberté d'exécuter, à leurs frais, les ouvrages nécessaires. Ces vérités, 112 CHAPITRE Il. quelque évidentes qu'elles soient, nous paraissent d’une telle importance, que nous croyons devoir les répéter sans cesse, et les appuyer par de nouvelles preuves, tirées des tableaux n° 19, 20 , 21 et 22, que nous avons donnés sur la France. ÉTENDUE, POPULATION, etc. 113 TT RS 5 4 TABLEAUX GÉNÉRAUX N° 19, 20, 21 ET 22. Ex recherchant, dans ces tableaux, les départements qui étaient autrefois pays-d’États , nous reconnaissons que la plupart portent de hauts numéros, c'est-à-dire, qu'ils ont plus de longueur de canaux et de routes, plus de troupeaux, plus de commerce; que les terres y sont plus chères, et l'Agriculture plus avancée. Si nous avions pu recueillir des renseignements ana- logues pendant soixante années, c'est-à-dire, trente ans avant 1789 et trente ans aprés, nous aurions, sans doute, remarqué que leur prospérité croissait rapidement avant 17989; que depuis, ils sont presque stationnaires, parce que leur administration est en général moins bonne, tandis que les autres départe- ments, mieux gouvernés qu'avant 1789, ont plus ou moins gagné, mais sont encore loin d'atteindre la richesse et la civilisation des anciens pays-d’Etats ; tant les bonnes institutions ont d'influence sur le bonheur des peuples! Les routes et les canaux étant de toutes les amé- liorations publiques celles qui influent le plus géné- ralement sur la prospérité, on peut conclure de nouveau, d’après les renseignements fournis par ces tableaux, quelque incomplets qu'ils soient, que le gouvernement pourrait doubler le capital et le revenu foncier de la France, en faisant ouvrir les routes et les canaux nécessaires, et qu'il retirerait, par l’ac- croissément des contributions, un intérêt tres-élevé Agricult, de la Flandre. 8 114 CHAPITRE LI. des sommes qu'il aurait avancées. Pour en donner la preuve, nous entrerons dans quelques détails sur les tableaux n°” 19, 20; 21, 22 et 23, et nous com- parerons au département du Nord les quatre pre- miers par ordre alphabétique, l'Ain, l'Aisne, l'Allier et les Basses - Alpes. Le département du Nord est le moins étendu des cinq ; il renferme beaucoup de marais, des dunes, ou monticules de sable mobile, des montagnes de rochers où la végétation est presque nulle; mais c’est le mieux percé de canaux et de chemins; c'est celui où les communications sont en meilleur état; où les transports se font le plus vite et à plus bas prix; aussi ce département est, sans contredit, le premier de tous, en les considérant sous le point de vue de l'Agriculture, du commerce, des richesses foncières et mobilières , de la population et de la civilisation. Le département de l'Ain est presque aussi favorisé que le département du Nord, par le sol, et beaucoup plus par le climat. Comme pays -d'États, des routes y furent tracées et commencées sur tous les points s mais 1] n'a pas joui long-temps d’une administration paternelle, et il se trouvait, d’ailleurs, à l'extrémité des États de Bourgogne. Il est plus avancé et plus riche que les pays voisins administrés par des inten- dants; mais beaucoup moins que la Flandre exempte alors des impôts onéreux qui écrasaient la Bourgogne. La partie du département de l'Ain nommée la Bresse, est d’une grande fertilité ; les pres et les, terres des rives de la Saône sont excellents; les coteaux sont couverts de vignes; les montagnes donnent de bons pâturages , et les plaines d'abondantes récoltes. Ce ÉTENDUE, POPULATION, etc. 11 département serait l’un des plus riches de la France, si l'on parvenait à perfectionner les routes existantes, à terminer celles commencées, et à ouvrir les canaux que la nature semble indiquer. On ne rencontre, dans la belle plaine appelée la Bresse, ni villes popu- leuses, ni manufactures, ni aucune trace de com- merce; à peine les habitants peuvent-ils sortir de leurs demeures pendant l'hiver. L’abondance des ré- coltes est aussi redoutée que la disette, parce que ce pays n'a pas de débouché pour ses immenses produits. Aussi l'impôt foncier n'est-il que de 2,220,755" » Tandis que celui du Nord est de. 8,024,912 » PRAÉTELCE A PP PEIAUR 5,804,157 » Mais comme l'impôt foncier n’est que les = de l'impôt total, le département du Nord paye donc 12,000,000 de plus que le département de l'Ain. Supposons que le gouvernement fasse exécuter, dans le département de l'Ain, cent lieues de routes et cent lieues de canaux; que la dépense d’une lieue de route soit de 50,000 francs, et que celle d’une lieue de canal soit de 200,000 francs ; la dépense totale serait donc de 25,000,000 de francs; ajoutons 5,000,000% pour les réparations et le perfectionne- ment de tout ce qui existe, l'Ain aurait ensuite des communications plus étendues et aussi bonnes que celles du Nord ; la valeur vénale et locative des terres doublerait; les carrières et les mines, maintenant in- utiles, seraient exploitées ; l’industrie et l’aisance pénètreraient dans toutes les campagnes, et le trésor retirerat avec plus de facilité, de ce département, 5,200,000 francs d'impôts, que 2,200,000 francs, 8. 110 CHAPITRE LI. dans son état actuel. Le gouvernement a donc le plus grand intérêt à faire exécuter les améliorations nécessaires à l'Agriculture et au commerce. Ce que nous venons de dire, du département de l'Ain, s'applique, à plus forte raison, aux départe- ments de lAisne, de l'Allier et autres. Le département de l’Aisne a un sol fertile, une culture aisée; il est traversé par un grand nombre de routes, et par des canaux et rivières navigables ; aussi est-il un des plus industrieux et des plus riches de la France ; mais la plupart des communications y sont mauvaises, et, quoique ce département ait une superficie moitié plus grande que celle du Nord, il ne paye pas les © des impôts de ce dernier dépar- tement, et ses richesses foncière, mobhilière et in- dustrielles , ne peuvent lui être comparées. C’est dans le département de l’Aisne, plus particu- lièrement, qu'on peut reconnaitre l'influence des communications sur la prospérité d'un pays; avant l'établissement du canal Crozat, ou de Picardie, la ville de Saint-Quentin était sans commerce; favorisée : depuis par l'ouverture des canaux, elle est deve- nue l’une des premières villes manufacturières de la France. F’aisance et l’industrie se sont répandues dans les carnpagnes, à mesure que des communica- tions ont été ouvertes; mais, à quelques lieues de là, et partout où l’on manque de moyens de transport, les terres ont moins de valeur, l'Agriculture est moins avancée. Si le gouvernement faisait les avances né- cessaires pour réparer et exécuter les communica- tions utiles, l'Aisne serait, en quelques années , l’une des contrées les plus riches de PEurope. ÉTENDUE, POPULATION, etc. #17 Le département de l'Allier nous fournira des re- marques semblables : il a beaucoup de routes, plu- sieurs rivières navigables, mais les chemins, mal tracés, sont montueux , faits de mauvais matériaux , et impraticables en hiver. La navigation, établie en lit de rivière, est difficile et sans cesse arrêtée, soit pendant les crues, soit pendant les sécheresses; les propriétés se vendent et se louent à vil prix; les mines de fer et les forêts s’exploitent difficilement ; les fabriques y sont peu nombreuses, malgré le voi- sinage de belles rivières, de mines de charbon et de grandes forêts; l’industrie agricole et l'industrie manufacturière languissent arrêtées par la difficulté des communications ; aussi l'Allier, qui a une super- ficie plus grande que celle du Nord, paie quatre fois moins d'impôts. Si le gouvernement dépensait utilement, dans l'Allier, trente millions en canaux et en routes, et autres améliorations, ce département prendrait un accroissement extraordinaire, et les revenus s'élèveraient, en peu d'années, à plus de trente millions au-dessus du montant actuel. Les observations précédentes paraitront d’une vé- rilé plus frappante encore, si on compare le Nord à un département montueux et éloigné de la capitale. C’est là où l’on reconnait mieux les inconvénients d'une adminitration trop centrale, et des impôts trop élevés. Dans la distribution des charges publiques, les départéments pauvres sont sacrifiés aux départements riches; ceux-ci, mieux représentés, obtiennent sans cesse de nouvelles faveurs au détriment des autres ; mais le gouvernement est le premier à souffrir de l’état de gène où il laisse plusieurs contrées. Quelque 115 CHAPITRE Il. accablantes que soient les contributions, pour les départements mal administrés , elles sont très-faibles, si on les compare à celles des départements autre- fois bien gouvernés. Le département des Basses- Alpes, qui a une superficie moitié plus grande que celle du Nord, ne paie que le huitième des impôts, de ce département. Cette différence doit être, en partie, attribuée à ce que le premier n’a pas assez de communications; les routes y sont rares, montueuses, et presque impraticables une partie de l’année; la navigation des rivières y est impossible. Cependant ce pays renferme des sources inépuisables de richesses qui restent sans valeur, faute d’une administration mieux appropriée aux localités, et plus paternelle. Qu'on dépense 20,000,000" à réparer et à ouvrir des routes et des canaux de navigation, à établir, surtout, des canaux d'irrigation qui féconderont ces montagnes, maintenant desséchées , et à perfection- ner les races de moutons, de chevaux, etc.; le dé- partement des Basses - Alpes, en peu d'années, changerait de face , et serait aussi riche qu'il est main- tenant malheureux. Nous citerons encore le département du Jura, dont la prospérité était rapide, tant que les impôts indirects et arbitraires y furent inconnus, et qui succombe maintenant sous le poids des contributions de toute nature, hors de toutes proportions avec ses ressources. Comme les communications commencées ne s’a- chèvent pas, et que les transports sont difficiles, l'Agriculture est négligée, les belles mines que ce département possede sont sans valeur. Cependant ÉTENDUE, POPULATION, etc. 119 nul pays n’est plus favorisé par la variété et la ri- chesse des productions, l’activité et l’intelligence des habitants ; mais les vices d’une administration cen- trale paralysent tous les efforts, empêchent les amé- liorations, et tent à ce beau pays tout espoir d’un plus heureux avenir. L'étendue du département du Jura est presque la même que celle du département du Nord, et cepen- dant les impôts excessifs qu'il paye ne s'élèvent pas au quart de ceux de ce dernier département. Le gouvernement, en dépensant trente millions dans le département du Jura, rendrait ce pays aussi riche et fortuné qu'il est à plaindre. Des fabriques s’éléveraient de toutes parts; les impôts paraïîtraient faibles par l'accroissement de la valeur des produits; les villes seraient plus riches; les campagnes plus heureuses; les Français cesseraient alors d’être affli- gés par le contraste qu'on remarque en passant de la Franche-Comté en Suisse, où la différence d’ad- ministration, sur un sol semblable, a produit des différences si extraordinaires. Quelque excessives que paraissent les sommes né- cessaires pour ouvrir des communications, et faire prospérer l'Agriculture en France; les hommes qui ont quelque connaissance du mode d'exécution des canaux et des routes, à l’aide de compagnies con- cessionnaires, concevront la facilité de se procurer, instantanément, de pareilles ressources, sans l’inter- vention de l'État. Le gouvernement, en établissant une législation des travaux publics, et en continuant à montrer un respect religieux pour ses engagements , 120 CHAPITRE U. pourrait disposer de tous les capitaux libres de l'Eu- rope. Nous terminerons ce chapitre par une remarque sur le tableau n° 24. L'Angleterre et l'Écosse, sans l'Irlande, qui ne sont en superficie que les + de la France, ont cepen- dant un plus grand nombre de chevaux, bœufs, vaches, moutons, etc. Le capital de l'Agriculture et le revenu net sont plus grands; mais la Grande- Bretagne est beaucoup mieux percée de canaux et de routes sans lesquels l'industrie agricole et manu- facturière n'aurait pu arriver à un si haut degré de prospérité. En parcourant l'Angleterre, la France, ou les autres Etats de l'Europe, on voit partout le commerce, la civilisation et l’aisance s'étendre le long des bonnes communications et s'arrêter avec elles. | Nous croyons devoir conclure, de nouveau, que la belle Agriculture de la Flandre doit, en grande partie, sa prospérité à la facilité des communica- tions, et que ce pays obtiendrait encore un accrois- sement, peut-être double, de richesses, si le gou- vernement faisait réparer et ouvrir tous les chemins et canaux qui lui sont indispensables, que des par- ticuliers offrent d'exécuter, et des communes de payer. C’est pour justifier cette observation, que nous avons donné les tableaux précédents. Nous regret- tons de n'avoir pu les rendre plus complets; mais, peut-être, suffiront-ils pour rendre évidents les principes généraux établis dans ce chapitre et dans ce Mémoire. D RES LL LR LR LVL RL LR LUE URR LAR SALLE LEUR LL LEUR LU RL LE ULULE ELLES CHAPITRE IIT. INSTRUMENTS ARATOIRES ET CONSTRUCTIONS. ‘Sans tous ces instruments il n’est point de culture. Géorg. Virc. (Dezrce.) Géious métier a des instruments d'autant plus par- faits qu'il occupe un rang plus élevé dans l'échelle de l’industrie, et qu'il exige plus d'instruction et un plus long apprentissage : ainsi les outils de l'hor- loger sont plus variés et plus fins que ceux du for- geron, et les ciseaux du statuaire sont plus délicats que ceux du tailleur de pierres. On remarque une gradation analogue dans le nombre et la perfection des outils dont se servent les ouvriers, plus ou moins habiles, d’un même métier, et particulièrement dans ceux employés en Agriculture, qui en réunit plu- sieurs. Plus cet art est avancé, plus les instruments sont perfectionnés ; et on pourrait juger de l’état de le culture, dans chaque pays, par l'examen des in- struments en usage. DE LA CHARRUE. De tous les instruments aratoires, la charrue est sans doute le plus important; aussi les premiers 122 CHAPITRE 111. peuples ont voulu la diviniser ; d’autres ont cherché à l'améliorer, en appelant au concours les savants qui ont publié, sur ce sujet, des ouvrages dans tous les pays et dans toutes les langues. Mais, soit que la théorie de cette machine ne soit pas encore claire- ment établie, ou soit que l'habitude ait un empire absolu sur le peuple des campagnes, on voit avec surprise, des cultivateurs de villages voisins, labourer une terre toute semblable avec des charrues en- tièrement différentes de forme et d’attelage, et con- server les pratiques de culture les plus défavorables. En vain des hommes habiles, dévoués au bien public, ont sacrifié leur temps, leurs talents, leur fortune, dans l'espérance de détruire de funestes préjugés; la routine à prévalu, et le peuple des cam- pagnes conserve, avec sa misère, les habitudes les moins propres à la faire cesser. Les petits fermiers, victimes de graves erreurs dans les pratiques de la culture, ne sont pas les plus re- préhensibles : 1l existe un grand nombre de personnes aisées qui honorent les anciens usages, se font une religion de les défendre, et qui poussent l'erreur jusqu'à soutenir que l’aisance corrompt le laboureur. D’autres, moins coupables et plus aveugles, donnent des raisons spécieuses aux pratiques les plus vicieuses, et essaient de tout justifier par des sophismes : Ils attribuent la variété des charrues à la variété des sof$; considerent leurs instruments aratoires comme les seuls convenables; repoussent et font repousser les nouvelles découvertes , quelque authentiques que soient les avantages de leur application. Il est sans doute bien reconnu qu'une même char- INSTRUMENTS ARATOIRES, etc. 223 rue ne pourrait être également avantageuse dans des terreins très-différents de densité et de profondeur, et que la forme de quelques parties doit varier selon les localités; mais les charrues sont des machines com- posées, et, comme telles, elles doivent satisfaire à des principes immuables de mécanique. Il faut que toutes les parties en soient parfaitement coordonnées, et que le rapport de la puissance à l'effet soit le plus près de l'unité, ou que les résistances inévitables détruisent le moins de force possible. Souvent de légers changements dans les pièces, donnent des résultats très-différents : on a constaté, dans un concours public et solennel, qu'une charrue placée dans les mêmes circonstances que les autres, labourant le même terrain, tirée par le même nombre de chevaux, avait exécuté six fois plus d'ouvrage; cependant les autres charrues n'étaient pas regardées comme les plus mauvaises du pays. Ce seul fait, attesté par les hommes les plus dignes de foi, montre que le perfectionnement de la charrue est peut-être une des causes les plus puissantes de la prospérité d'un pays, et le plus important service qu'on puisse lui rendre. Pour juger d’une charrue, il faut examiner les effets qu'elle doit produire. On se propose, en la- bourant, d'ouvrir le terrain, de retourner le sillon, d'enfouir à une grande profondeur les mauvaises herbes, de briser l’adhérence des molécules entre elles, de relever et d’ameublir la terre, et d'obtenir ces ré- sultats pour un espace donné, dans un temps limité, avec le moins de force possible, ou avec une force donnée dans le moindre temps possible. 124 CHAPITRE 111. Ce problème est susceptible d'autant de solutions qu'il existe de variétés de terrains; Car on concoit que la forme du soc, celle de l'oreille (1), de la char- rue, etc., doivent varier selon la densité et la téna- cité de la terre. Une formule générale pourrait com- prendre tous les cas particuliers, mais l'application n'en serait possible que lorsqu'on aurait toutes les données sur la nature de la terre. Ces recherches étant étrangères au sujet que nous traitons, nous nous bornerons à essayer de montrer que, pour un terrain semblable à celui de la Flandre, les trois charrues des environs de Lille sont bien entendues, et que celle dite le brabant, est la meilleure et la plus parfaite des trois. Avant d'en donner la description, nous indiquerons les conditions principales qu'une bonne charrue doit remplir. 1° Elle doit être solide, ou invariable de forme. Les mouvements qui ont lieu dans les joints d’une machine, l’usent rapidement et occasionnent une perte de force (2). Elle doit être simple, facile à construire , à réparer et à manier. é (1) Lord Sommerville a obtenu un brevet d'invention pour avoir ajouté au soc une plaque mobile, dont l'effet est de donner à la terre telle sorte de labour qui convient le mieux, en faisant varier l'angle selon la nature du terrain. Cette amélioration est loin de donner une bonne charrue pour toutes les localités, ce qui parait, d’ailleurs, impossible à trouver. (2) Quelques agronoines pensent qu'il est avantageux de pouvoir varier l’angle de l’âge avec le sep, au moyen de coins, afin de faire piquer plus ou moins le soc, et de régler, à volonté, l’en- = INSTRUMENTS ARATOIRES, etc. HÈR 2° Elle doit être en même temps légere et cepen- dant bien tenir dans la terre. Le poids des parties trop lourdes augmente le frottement sans nécessité , et diminue l'effet de la puissance. 3° Le centre de gravité doit se trouver le plus bas possible, c’est-à-dire, que l’age et le manche doivent être bas et légers, et le sep lourd. La stabilité en est augmentée et le travail du laboureur diminué. 4° Le centre de gravité doit être dans le plan ver- tical qui passe par l'axe de l'age, ou le plus près possible de cet axe; alors la direction de la force passe par ce point , ou tres-près de ce point; la puis- sance n'est mn décomposée ni réduite. 5°. La verticale passant par le centre de gravité doit tomber dans le plan des trois points de contact, la pointe du soc; le talon et l'extrémité extérieure et intérieure de l'oreille, et très-près de la base du triangle ou du côté qui réunit les deux points; le 3° point du triangle, qui est à l’extrémité inférieure et postérieure de l'oreille, doit être de niveau et éloigné de la base. Par ces dispositions , la machine est main- tenue en équilibre sans le secours du laboureur, et peut marcher seule lorsque le commencement du sillon est ouvert. 6° Le frottement doit être le plus faible possible ; ainsi la charrue ne doit poser que sur trois(1) points: trant. Le brabant , quoique invariable de forme , donne la facilité de fixer la profondeur du sillon, sans décomposition , ni perte de force. f 1] ” (x) Un corps dur porté sur un corps dur, ne repose souvent que sur trois points. Trois points de contact établissent la stabi- 126 CHAPITRE III. sur la pointe du soc, sur le talon du sep et sur l’ex- trémité inférieure et postérieure de l'oreille. Le sep doit être concave en dessous, et garanti de côté par le coutre qui doit ouvrir, par son recourbement intérieur, un champ plus large que celui du sep. La ligne inférieure de l'oreille doit être de même légère- ment concave, et ne porter que par le point extrême. 7° Le soc doit être pointu, tranchant, et fait en coin, avec une inclinaison qui doit augmenter à mesure que la terre, dans le mouvement, a perdu de sa ténacité. 8° L’angle de la lame du soc, avec l'horizon, doit être déterminé de telle sorte que la résistance, qui tend à enfoncer ce soc, fasse équilibre à la partie de la puissance qui tend à le soulever, et que la résul- tante agisse horizontalement. 9° La pointe du coutre doit étre près de la pointe du soc, et en arrière seulement de quelques lignes, afin que la terre soit aussitôt coupée que soulevée et que le soc n'éprouve aucune résistance latérale, et le sep aucun contact. 10° L’'oreille doit être exactement dans le prolon- gement du soc. La terre, dans son mouvement et dans son frottement contre le soc et l'oreille, oppose alors moins de résistance. lité, et cette stabilité est d'autant plus grande, que ces trois points forment un plus grand triangle, ou que les points de contact seront plus près des extrémités du système. Quoiqu'il ne soit pas question ici de corps entièrement durs, les mêmes principes doi- vent être appliqués. : INSTRUMENTS ARATOIRES, etc. 127 r1° L'oreille doit être une surface gauche, dont la courbure soit calculée de telle manière que la terre, dans son mouvement d'ascension, suive une spirale. L’inclinaison de la section perpendiculaire à la longueur du sep doit devenir de plus en plus forte, à mesure qu’elle s'éloigne du soc, ou à mesure que la ténacité de la terre diminue , afin que sa ré- sistance soit la même dans les différentes positions des molécules. 12° L’extrémité supérieure et postérieure de l'oreille doit être recourbée en avant et süurplomber; la terre, par ce moyen, est completement retournée et jetée hors du champ de la surface de l’oreille. 13° La charrue ne dqt avoir qu'une oreille. La deuxième oreille, placée du côté opposé, porterait la terre remuée sur celle qui ne l’est pas; le labou- rage serait incomplet; ou bien il faudrait tenir la charrue couchée, ce qui rendrait le travail pénible aux hommes et aux chevaux et plus imparfait. 14° Le coutre , ainsi que nous l’avons vu, doit être recourbé en-dehors , afin que le champ du sillon soit plus large que la voie de l'age, du manche et surtout du sep, et pour que ces parties ne touchent que fai- blement le terrain. 15° L’anneau d'attache de la puissance doit être mobile, et tellement disposé que la puissance agisse en ligne droite, et que sa direction passe par le centre de gravité de la charrue. ; 16° La charrue doit ouvrir un large sillon; la terre est mieux retournée et plus ameublie; le cheval mar- che plus commodément, sur un chemin plus ferme , et ne piétine pas la terre remuée. 128 CHAPITRE 111. 17° La même charrue doit, selon la volonté du laboureur, creuser à différentes profondeurs, selon le sol, la saison et surtout le genre de semences. 19° La charrue doit être tirée par le plus petit nombre possible de chevaux ou de bœufs. Plus l’at- telage est nombreux, plus il y a de force perdue, et moins le travail est complet. Les pieds du second, et surtout du troisième et quatrième cheval ou bœuf, piétinent la terre, la rendent compacte, et plus dif- ficile à ameublir. On reconnaitra, par la description (1) que nous allons donner des charrues des environs de Lille, qu'elles satisfont à toutes ces conditions. DE LA CHARRUE DES ENVIRONS DE: LILLE, dite LE BRABANT. Planche premiere. — F igure première. a La queue, où le manche. f L'arrelle, ou age. | e Le plat-épée, ou aiguille. qg Le queuf, ou sep. , hh Le coutre, ou couteau. (1) Quelque soin minutieux que nous ayons pris à donner les figures , les cotes et tous les détails des charrues de la Flandre, nous prévenons qu'il est beaucoup plus sûr et plus économique de faire venir des charrues de Lile, pour modele, que d'en construire d’après des dessins. s INSTRUMENTS ARATOIRES, etc. 120 #&k Le patin, ou le rabot. o L’époi, ou soc. p Le réte, ou oreille. b Anneau, ou porte -cordelle. d Broque, ou cheville qui sert à tourner ou à soulever la charrue. g Coin en fer, qui serre le coutre. i Étrier qui tient le rabot. m La moufle , ou crochet où s'attache le palonnier du cheval ou des chevaux. l Chaine, à l'extrémité de laquelle sont deux boulons , l’un pour retenir le patin, et l’autre la moufle. LE MANCHE. Le manche, qui est de bois de frêne, a 0"85 de longueur depuis son extrémité supérieure jusqu’à l'axe de l'age, et 1" 30.de longueur totale, ou jusqu’à la face inférieure du sep, qu'il traverse par un tenon de 0052 de longueur et de 0"18 d'épaisseur. Le manche a 0"o8 de largeur, et 0"o6 d'épaisseur de- puis l'age Jusqu'au sep; au-dessus de l’age, sa force diminue insensiblement, sa forme s’arrondit et se réduit à 0"03 de diametre à l'extrémité de la poi- gnée. Le manche porte un anneau à en fer, avec un crochét c, où sont attachées les cordes ou rênes des chevaux ou du cheval , et une cheville aussi de fer. qui sert à porter et tourner la charrue, ainsi que nous l'avons dit. Le manche est traversé par l'age et traverse le sep : Agricult. de la Flandre. (e! 150 CHAPITRE III. il est uni à l'age par un tenên, un étrier et une équerre en fer. L’équerre est ronde et pleine vis-à- vis le joint, pour que la solidité soit plus grande. Des équerres plus épaisses maintiennent également le manche avec le sep, et le sep avec l'aiguille. L'AGE. L’age a une longueur totale de 1"58 (y compris le tenon qui dépasse le manche), une largeur de 0"075 et une épaisseur de 0" 06; il traverse le man- che par un tenon de 0"06 de hauteur et de 0"o2 de longueur, et est traversé par l'aiguille, le coutre et le patin. Comme l'age est coupé par de larges mortaises, on à dù le fortifier : il est garni de deux grandes plaques de fer, l'une supérieure et l’autre inférieure. La plaque supérieure à 0"06 de largeur, o"4o de longueur totale; le dernier décimètre se termine en torsade avec patte d’un diamètre plus fort. La plaque inférieure, beaucoup plus longue, s'étend depuis le manche jusqu’au-delà du coutre; sa largeur est de 0"66, son épaisseur de 0"007, et sa longueur totale de 0" 72; elle se termine, comme celle supérieure, par une bande plus étroite et plus épaisse, qui finit par un crochet. Cette dernière partie est fixée par une bride qui enveloppe l'age. L’extrémité de l'age est consolidée par une bande latérale de fer, qui em- brasse les deux faces verticales sur une longueur, de chaque côté, de 0"45, une hauteur de 0"065 et une épaisseur de 0"005. INSTRUMENTS ARATOIRES, etc. 131 L'AIGUILLE. L’aiguille a une hauteur totale ( y compris le tenon qui affleure la face intérieure du sep) de 0"61 ; une largeur, au-dessous de l'age et jusqu'au sep, de 0"17 et une épaisseur de 0"027, au-dessus de l'age, ses dimensions sont moindres : la largeur est de 0" 1, se réduisant à 0" 14 et s’arrondissanit à l’extré- mité. L’aiguille traverse l'age, et s’assemble dans le sep par un tenon de toute la largeur et de 0"024 d'épaisseur ; l'aiguille est maintenue avec l'age et le sep par des étriers ; elle est retenue par un boulon en fer qui déborde l'age, et comme elle est plus mince dans sa partie supérieure , qu'on doit regarder comme un tenon, elle est fixée invariablement dans l'age. On cloue sur l'aiguille un coin, ou prisme en bois, qui appuie l’oreille et le soc. LE SEP. Le sep a une longueur totale de 0" 71 et une lar- geur variable qui est de 0"0o5 à son extrémité dans le soc; de o"14 vis-à-vis l'axe de l'aiguille, et de 007 à son extrémité postérieure; son épaisseur, vis-à-vis l'axe de l’aiguille, est de 0"08, se réduisant à 0"07 vers le manche, et se terminant en coin du côté du soc. Le sep est traversé par les tenons du manche et de l'aiguille, et lié avec le manche par une équerre 9: 192 CHAPITRE LI. forte et longue; son extrémité est emboitée par le soc qui le déborde, de maniere que la charrue porte uniquement sur la pointe du soc et sur l'extrémité postérieure du sep; cette extrémité est consolidée par un talon en fer taillé en forme de coin. Ce coin n’a que le tiers de la largeur du sep, et se place à fleur de la face gauche, et comme la pointe du soc est dans le plan de cette même face, le poids de la charrue porte uniquement sur ces deux points et sur l'extrémité de l'oreille, ainsi que nous le ver- rons. La face extérieure du sep étant exposée à quelque frottement, elle est garnie sur toute sa longueur et largeur, d’une plaque de fer. Le sep est la pièce qui supporte les plus grands efforts; aussi elle est faite du bois le plus solide, de frêne, de pommier, ou de racine d’orme. On a, sur- tout, soin de donner plus de largeur et d'épaisseur à la partie que traverse l'aiguille. LE 'GOUTRE. Le coutre a 0"75 de longueur totale, mesurée en suivant la courbe; 0"o13 d'épaisseur, et 0"035 de largeur dans le haut, 0"o2 d'épaisseur et 0"o4 de largeur au-dessus de la lame; 0"o7 de largeur à la naissance supérieure de la lame, et 0"o2 d’épaisseur au dos de cette lame. La partie la plus remarquable du coutre est son recourbement en dehors, de 0" 04 : comme l'age a 0"06 d'épaisseur, le coude du coutre dépasse le plan de la face de l'age de 0"o1; mais la lame est légerement rentrante, et vient se placer à INSTRUMENTS ARATOIRES, etc. 133 0"013 au-dessus de la pointe du soc, et à o"or en arrière. Le coutre est retenu dans l’age au moyen d'un coin de fer qui sert à fixer ce coutre à la hauteur qu'on désire. Le trou du coutre est pratiqué dans l'age, et les deux plaques de fer appliquées sur les faces supérieure et inférieure de l'age. LE PATIN. Le patin ##, terminé par un rabot, est ainsi ap- pelé, parce qu'il ne fait qu’effleurer la terre; c'est un régulateur qui fixe la profondeur du labour. La surface inférieure du rabot est courbe et inclinée, dans le but de soulever le soc lorsqu'il pénètre ie avant. Ce rabot est garni d’une lame de fer qui ga- rantit le bois, diminue le frottement, et ne s'attache pas à la terre» Cette pièce doit être aussi considérée comme un point d'appui sur lequel la charrue porte et tourne, lorsque le laboureur passe d’un sillon à un autre. Le rabot pourrait être remplacé par une roue, et plusieurs cultivateurs en font usage; mais, en géné- ral, on donne la préférence au rabot; celui-ci est plus simple, coûte moins, et a; sur la roue, l’avan- tage de soulever la charrue lorsqu'elle s'enfonce trop avant. Si la roue d’ailleurs n'avait qu'un petit dia- mètre, le frottement sur le tourillon serait trop grand, et comme elle se remplirait de terre et ne tournerait que difficilement, si le diamètre était grand, on ne pourrait labourer qu’à une plus petite profondeur. Des cultivateurs, pour remédier à cet inconvénient, 134 CHAPITRE FPIt. ont placé la roue à eoté, mais alors le point d'appui ue se trouve plus dans le plan du centre de gravité et de la force; le système ténd à tourner. Nous parlerons, plus bas, d’une autre variété de brabant avec deux roues, l’une plus grande, l’autre plus petite, qui présente quelques avantages, et dont plusieurs cultivateurs font usage. D'apres les considérations précédentes, nous pen- sons que le patin est une pièce essentielle de cette charrue, et qu’on ne pourrait le remplacer utilement par une seule roue, que l'axe en soit fixé ou mo- bile. La longueur totale du patin, y compris le rabot, est de 0"32, la largeur est de o"o"7, et l'épaisseur de 0"023. Le rabot, placé à lextrémité, a 0"28 de longueur, 0"065 de largeur dans le bas, et 0"08 de hauteur dans le bas; il termine en courbe et en pointe. LE SOC. Le soc est un coin angulaire dont l’une des faces est verticale, et se trouve dans le prolongement de face extérieure et verticale du sep. La seconde face, destinée à couper et soulever la terre, est, à sa naissance, une ligne un peu courbe, et présque ho- rizontale, qui se relève insensiblement contre lai- guille, en se rapprochant de la verticale. Le soc est une surface gauche engendrée par une ligne droite, qui se meut horizontalement le long des deux courbes extrêmes et génératrices réunies à leur sommet. La hgne intérieure du soc, fixé solidement sur l'aiguille et sur un com eloué sur l'aiguille, est com- INSTRUMENTS ARATOIRES, etc. 139 mune à l'oreille, qui n’est autre chose que le pro- longement du soc. La lame du soc a bc, planche 2, f£g. 12, a 0" 42 de longueur; le point c se relève de 0"o024; ainsi c’est la pointe a du soc quai porte seule. L’arête in- clinée qui se trouve dans la face intérieure et verti- cale du sep, a 0"61 de longueur ; le point f, le plus haut , est à 0" 334 au-dessus de la pointe 4 du soc. La lame du soc est coupée en échancrures c, d, e; le côté c d, est de 0"15, et de de 0"08. Le fer pro- venant de cette échancrure est recourbé, ainsi qu'on le voit, /g. 10, en d c; il enveloppe la pointe anté- rieure du sep. Le soc est aussi fixé au sep par la face latérale et verticale qui se projète en & 0, fig. 10; il porte, en outre, sur un coin prismatique en bois, qui soutient e f du soc, ainsi que la courbe corres- pondante de l'oreille. Ce coin, cloué sur le sep et sur l'aiguille , a 0" 17 de hauteur, o"o7 de largeur d’un côté et 0" 025 de l’autre. Les figures 7, 8, 9, 10, 11 et 12, de la planche 2, représentent les différentes positions du soc. La planche r2 est une projection horizontale du soc dans sa position naturelle. La planche 10 est également une projection horizontale : elle montre le soc retourné. On distingue la partie de léchancrure d'e qui emboite le sep, et la face latérale et verti- cale & e, appliquée contre la face verticale du sep. Le point o est au-dessus du point a de 0025. On Juge, par cette figure, que la face inférieure du soc est évidée, et qu'il ne touche que par la pointe 4. Le soc est fait d’une feuille de fer battu, de 0"008 d'épaisseur , réduite à 0" 003 et 0"002, à laquelle on 150 CHAPITRE LI. a donné une forme gauche qu’il est facile de se repré- senter, si on examine avec attention la figure 1" de la planche 1”. Le soc est pressé contre le sep, qui est taillé en prisme et qu'il emboîte, et n’est attaché au sep que par un gros clou ou cheville. On peut, par cette raison, le détacher à la main, ou d’un coup de mar- teau, pour l’aiguiser et le réparer , après avoir enlevé la cheville qui est peu engagée. La plus grande largeur de la lame du soc, ou la plus courte distance du point e, de la lame à ligne tracée par la pomte @, fig.12, pl. 2, est de 0"27; ainsi la quantité de terre coupée par che trait de charrue est de 0" 27 de largeur. L'OREILLE, L'oreille est une plaque de fer battu, de 0"004 d'épaisseur, terminée par deux lignes presque droites et horizontales, et par deux courbes qui sont dans des plans verticaux, à-peu-près parallèles entre eux, et perpendiculaires aux lignes horizontales. Dans la planche 2, fig. 4, l’oreille est renversée, où en projection horizontale; c d est la ligne infé- rieure; & b la ligne supérieure; a e la courbe extrême verticale, et à d la courbe intérieure verticale, qui vient s'appliquer exactement contre la courbe verti- cale du soc, et former, du soc et de l'oreille, un seul tout. La courbe de jonction, étant plus longue dans l'oreille que dans le soc, l'oreille descend au-dessous du soc, en sorte que la terre, qui glisse sur le soc INSTRUMENTS ARATOIRES, etc. 137 et qui pourrait tomber dans l’échancrure et passer sous l'oreille est reprise par l'oreille, et ensuite sou- levée au haut du sillon. La ligne inférieure, presque horizontale c d, a o"4o de longueur; l'angle à se relève de 0"035 et s’arrondit, et l’oreille ne touche le fond que par le point extrême a. La charrue, ainsi que nous l'avons dit, ne porte donc que sur trois points : sur l’angle de l'oreille, sur la . du soc, et sur le talon du sep. La ligne supérieure de l'oreille, qui est presque horizontale, a 0"44 de longueur; la courbe presque verticale à d, commune à l'oreille et au soc, a un développement de 0" 35; l'angle supérieur d de lo- reille est à 0"025 de la face de laiguille : il est ap- pliqué contre le coin, et se trouve en arrière de 0"13 du point à extrémité de la courbe du plan vertical. La ligne courbe, presque verticale et extérieure a c, a 0" 31 de hauteur, et l’angle supérieur et exté- rieur c surplombe de o" 12 en avant de l’angle infé- rieur et extérieur de l'oreille a. L'angle inférieur a est à 0"38 du plan de la face extérieure de la charrue, ou de la ligne du soc, ainsi le trait qui reste ouvert a 0"38, mais la largeur de la lame du soc n'étant que de 0"27, l'oreille dépasse la lame du soc de 0" 11; ainsi toute la terre coupée par le soc est déplacée, ce qui rend le mélange des terres plus complet, et le labourage plus parfait. L’oreille a plusieurs points d'appui et d'attache : elle porte contre le coin cloué sur l'aiguille; elle tient au sep par un fort crochet m2, Jég. 1 et, planche >, fixé dans le bas, et qui entre dans un anneau du sep; 195 CHAPITRE II. elle est attachée à l'aiguille par un autre crochet fixé à l'aiguille, qui s'engage dans l'anneau supérieur » de l'oreille ; elle est surtout retenue par un boulon de fer p, soudé imvariablement dans l'oreille, et qui entre dans la partie basse du manche. Ces dispositions ont cet avantage que l'oreille est très-solide et invariable, et qu’on peut l'enlever avec facilité pour labourer, avec le soc seulement, dans quelques circonstances particulières dont nous par- lerons. Quelques fermiers font des oreilles qui coûtent moins, et les attachent plus solidement ; nous don- nerons leur méthode dans la description d’une autre charrue. Quelque imparfaits que soient les dessins qui re- présentent le soc et l'oreille, on peut se former une idée de ces pièces en comparant les figures de détail de la planche 2, avec celles de la planche 1, et en examinant les feuilles développées que nous joignons à ce Mémoire , et où nous avons représenté dans leur grandeur et leur courbure ces deux pièces, les plus essentielles de la charrue. Les autres détails sont suffisamment expliqués par les différentes figures de la planche >. Nous devons cependant faire mention de la moufle, ou de l’attache », où s'applique la force. On voit (planche 2, fig. 15 et 17), qu’elle se compose de deux plaques de fer, fixées à l'extrémité de l’age par le boulon «a b. Ces plaques sont mobiles autour de ce boulon et percées de deux trous correspondants e; lorsqu'on les écarte de l'axe, et qu’on fait entrer dans ces trous la cheville qui pend à Fextrémité de la INSTRUMENTS ARATOIRES, etc. 139 chaîne, elles ne peuvent plus être placées dans la direction de lage; la diréction de la puissance est portée, à volonté, à droite ou à gauche de la di- rection de l'age, suivant les circonstances. Comme il est souvent nécessaire d’user de ce moyen pour donner des directions différentes à la force, quelques cultivateurs attachent à l'extrémité de l'age, et perpendiculairement, une plaque de fer percée d’un grand nombre de trous, où la force peut être appliquée; ainsi le laboureur peut écarter ou rap- procher , à son gré, la direction de la puissance, de celle de l'age. La charrue dite le brabant, que nous venons de décrire, nous parait avoir les avantages suivants : :° Les différentes parties sont liées entre elles d’une manière invariable; une charrue d’une seule pièce et de fer, ne serait pas plus solide; elle est simple et facile à construire et à manier. 2° La charrue ne repose que sur trois points ex- trèmes; la partie inférieure du sep et du soc est con- cave ; le frottement est réduit à ses moindres termes. 3° Elle porte essentiellement sur la pointe du soc, dont la forme tend à la rendre pénétrante, mais la position du centre de gravité rend son mouvement horizontal et uniforme. 4° Le triangle de contact est agrandi par l’écarte- ment de l'oreille, ce qui augmente la stabilité et de la charrue et la facilité à la mener. 5° Le centre de gravité est très-bas. Comme le sep et le soc sont les parties les plus lourdes et les plus basses , le centre de gravité est près de la terre, ct la charrue ne peut être renversée. 140 CHAPATRE III. 6° Le manche étant élevé et long, le laboureur dirige facilement la charrue d’une main, et la main- tient, sans effort, en équilibre pendant le travail. 7° Les deux points de contact du soc étant dans le plan même de la face extérieure de la charrue, il ne faut qu'une très-faible force pour incliner la charrue à gauche, et arrêter le travail. Une pression de quelques livres suffit pour renverser en-dehors la charrue que nous avons fait faire pour modele, et que nous décrivons. 8° Cette charrue étanttrès-légere , il ne faut pour la conduire qu'un seul cheval, qui marche dans le der- nier sillon ouvert. La terre n’est point comprimée, et le sillon n’est point piétiné; ainsi que cela arrive lorsqu'on emploie plusieurs chevaux ou plusieurs bœufs. 9° Comme un seul homme suffit pour labourer avec cette charrue, et qu'il ne fait aucun effort pour la diriger , il peut donner tous ses soins et son at- tention à ouvrir des sillons très-droits et très-nets. Aussi, on peut dire qu’il est impossible de voir un ouvrage plus régulier et plus exact que le labourage des environs de Lille. Nul jardin n’est travaillé avec autant de soin, de précision et de propreté. 10° Le cheval attelé au brabant, devant toujours tourner à droite, en a tellement l'habitude, qu'arrivé à l'extrémité du sillon, il se retourne avant que le laboureur ait tiré les rênes, et marche vers le nou- veau sillon à ouvrir. Cette circonstance, qui dépend de la forme de l'instrument, diminue la fatigue du laboureur ; auil n’est pas obligé d’avoir à-la-fois deux INSTRUMENTS ARATOIRES, etc. 141 soins, celui de diriger le cheval et de conduire la charrue; ce qu'il fait d’ailleurs avec facilité, lors même que le cheval n’est pas exercé. Dans la charrue dite le brabant, la direction de la force et celle de la résistance, sont bien combinées; la résultante est horizontale, et la charrue se main- tient dans sa même position, sans que le laboureur ait besoin de faire d'efforts. Il se borne à tenir, d’une main, le manche sans le presser; on voit même des garçons de charrue le quitter momentanément, lors- que la terre est bonne et les chevaux exercés. Par cette facilité dans le travail, et le peu de force qu'il demande, la journée est faite de bonne heure; les hommes et les chevaux, peu fatigués, sont employés le même jour à d’autres ouvrages. On voit des fer- miers labourer, le matin, un champ d’un demi-hec- tare, avec un seul cheval, le herser plusieurs fois le soir avec un second cheval; le semer, dans la mème Journée, et ne pas rentrer chez eux sans avoir coupé le fourrage verd nécessaire aux bestiaux nourris à létable. Cependant la surface du terrain, labouré avec un seul cheval, est double ou triple de celle la- bourée ailleurs avec deux et trois; la journée ce- pendant est plus tôt finie. Quoiqu’on ne mette, généralement, qu’un cheval au brabant, on pourrait en atteler deux, et on le fait lorsque la terre est très-dure. Le cheval, ou les chevaux, vont au grand pas en labourant , et un seul cheval laboure la même super- ficie que deux; seulement le labourage est plus pro- fond, dans le second cas, que dans le premier. 142 CHAPITRE HI. La surface, labourée par un ou deux chevaux, est, terme moyen, de 64,000 pieds carrés par jour; mais nous l'avons fixée seulement à un demi-hectare, c’est- à-dire, 47,415 pieds carrés, pour simplifier les cal- culs suivants, et rester au-dessous de la vérité, plutôt que de la dépasser. Il est facile de vérifier cette donnée, et de se ren- dre compte de la durée du labour de cette superficie : supposons que le champ à retourner soit un rec- tangle de 100" de longueur et de 50" de largeur , c'est- à-dire, d’un demi-hectare ; comme le cheval fait peu d'efforts, et que la terre n'est jamais durcie par un long repos et par le piétinement des bestiaux, un bon cheval fait en labourant, d’après les expériences que nous avons souvent répétées, 3,600" à l'heure; réduisons cette distance à 3,000"; il parcourra 100" en 2 minutes; supposons qu'il y ait 15 secondes de perdues, pour retourner et reprendre l’autre ligne, le temps, pour chaque trait, est donc de 2° 15/ ou 2" 25”. Comme la largeur du soc est de 0"27; et la largeur du trait de 100 mètres; la surface retour- née , à chaque trait, et pendant 2° 25", sera donc de 27 mètres carrés. Mais la surface d’un demi - hec- tare est de 5,000 mètres carrés; il faudra donc 186 traits ou sillons, lesquels, à 2’ 25" par trait, font 418" = ou 6 heures 58" 30’, ou 7 heures. Nous avons calculé les frais d'exploitation d’après ces résultats; c'est pourquoi nous les avons pris plus faibles, afin qu'ils soient vrais, même pour les mauvais fermiers et les mauvais attelages; mais si on voulait établir les calculs, d'apres l'ouvrage exécuté par la plupart des fermiers, on devrait fixer à 64,000 pieds carrés INSTRUMENTS ARATOIRES, elc. 1/49 le labourage fait par un cheval en un jour. En effet la vitesse moyenne des chevaux , employés autour de Lille, peut être évaluée à 3,600" par heure; il faudra donc, pour parcourir 100", 1” 666'’; ajoutant 15 se- condes, ou 0’ 25/' pour temps perdu, ou employé à retourner la charrue, chaque trait demandera 1'916. Si l’on suppose que la journée de travail estde8 heures, la quantité de terrain labouré , a raison de 27%", en 1916, sera de 251"04, multiplié par 27, ou de 6,7:8"08°"*, ou 64,132 pieds carrés ; mais si l’on fixe à dix heures la journée de travail, ainsi qu'elle est réglée, lorsque les jours sont grands, l'ouvrage ur- gent et le moment favorable, on trouvera, d’après les mêmes données, qu'un cheval fait par jour 8,472" 35%", ou 80,168 pieds carrés. Deux chevaux et deux hommes peuvent labourer, en un jour, 16,944" 70%", où 160,336 pieds carrés. Ce résultat n’a pas encore été obtenu dans aucun autre pays, du moins nous le croyons, quelque ingénieuses et avantageuses que soient , en apparence, les charrues en usage. La grande quantité d'ouvrage fait en un jour, par un seul cheval, dans les environs de Lille, ne doit pas étonner, si on se rappelle qu'il n'existe dans les champs ni rochers, ni pierres d'aucune espèce, ni racines; que la terre n’est jamais ni foulée, ni durcie par le repos; que le cheval marche toujours sur un fond solide, tres-uni, de 0" 38, ou plus de 15 pouces de largeur ; qu'il tourne toujours dans le même sens: que sa route est tracée, et que le cultivateur ne perd point de temps à le diriger. On doit aussi dire que les chevaux de la Flandre , naturellement mous, vont plus vite, en labourant , que sur les grandes routes. 144 CHAPITRE HI. | la charge est plus légère, et leur pied est plus ferme sur la terre que sur le pavé. Il en est de même des hommes qui paraissent lents, et qui, dans le travail, montrent une ardeur extrême; on est étonné de la quantité d'ouvrage qu'ils font en un jour dans toute espèce de métiers, lorsqu'ils sont à la tâche. On observera, peut-être, que la charrue dite bra- bant, très-bonne pour les terres de Flandre, ne pourrait convenir à une autre localité; parce que ailleurs , la ténacité du terrain, ou la grosseur et le nombre des pierres, empêcheraient d'en faire usage. Ces objections, en apparence très-spécieuses, per- suadent beaucoup de personnes, retardent les essais et les progrès de l'Agriculture. Il est essentiel de les examiner. Il est peu de pays où la terre ait, en général, au- tant de ténacité qu'en Flandre; celle de la surface peut servir, et sert dans toutes les localités, à faire de la brique; aussi elle se durcit à tel point, dans les temps de sécheresse, que le sillon s'ouvre, pour ainsi dire, d’une seule pièce d’un bout du champ à l'autre, et que la terre ressemble à des lames de rochers; mais le climat étant tres-humide, et toutes les parties de la terre bien mélangées, la premiere pluie détrempe le sol et le rend tres-friable. On peut donc dire que la terre de la Flandre n'est d’une culture si facile, que parce qu'elle est sans cesse travaillée , amendée, et divisée par les engrais et les racines des récoltes annuelles. C’est bien plutôt à la main de l’homme qu'à la nature, qu'elle doit sa pro- digieuse fécondité. On pourrait se servir du brabant dans tous les INSTRUMENTS ARATOIRES, etc. 145 autres pays humides et non pierreux ; mais il faudrait, préalablement, faire en engrais et en culture, les mêmes avances que le fermier flamand. Si le terrain est pierreux, le brabant doit être modifié en quelques points; mais l'age, la queue, le sep, le coutre, et toutes les pièces qui lient ces parties entre elles, nous paraissent on ne peut mieux enten- dues et peuvent être conservées dans toutes les loca- lités. Il n’en est pas de même du soc et de l'oreille : la lame du soc doit être rétrécie et consolidée, en raison de la ténacité du sol, du nombre et de la grosseur des pierres. Il faut également réduire la longueur de l'oreille dans une telle proportion, que la résistance d’une terre plus lourde, prise en moin- dre quantité , soit égale à celle du sillon de 0"27 du terrain de la Flandre. Nous croyons cependant devoir assurer, d’après des observations que nous avons faites dans des localités très-différentes, que lorsque le terrain est défoncé à deux pieds de profondeur, et lorsque les pierres n’ont qu’un pouce ou deux de grosseur, la même charrue peut servir, avec de légères modifications; mais il faut que la vaine pâture soit supprimée; que la terre ne soit pas piétinée; qu'elle soit souvent labourée et fumée. Ainsi, on peut faire usage du brabant (1) partout où le fermier est (1) Nous devons rappeler que le brabant n’est ordinairement employé que pour les premiers et seconds labours , et pour ceux qui doivent être faits à une moindre profondeur ; mais pour le troisième labour, qui est presque toujours le dernier, et après de grandes sécheresses , on se sert, de préférence, de la charrue dite rouelle, qui est plus forte, dont l'oreille est mobile, et qui Agricult, de la Flandre. JO 140 CHAPITRE HI. en état de faire de grandes avances, et de dépenser 3 à 400 francs par hectare, chaque année, en engrais. Il nous reste encore à donner quelques détails sur la charrue dite brabant. Le soc pèse environ. . ....... RP R oreille as sir siens LE fe DER TEE Le cputres nr Le CRAN GERS Tous les étriers, plattes-bandes, chevilles, chaines, etc., ensemble, environ......... 8 68 HotaDd Ier. 2e Loi 2e IE RE T Chr: Total du poids de la charrue.......35K“t: 5o Ce poids est ainsi évalué lorsque la charrue est neuve; on conçoit que le fer et le bois s’usent chaque jour par le frottement, et que ce poids diminue constamment. On en fait quelquefois de plus légères; j'en ai laboure à une profondeur de 10, 11, 12 pouces, ou un pied, et même de 13 à 1/4 pouces. Les petits fermiers, qui n’ont qu'un seul cheval, emploient , pour toutes les facons , la charrue dite brabant. Si le sol est très- dur, ils enlévent l'oreille, et ouvrent facilement, et avec un seul cheval, les terres les plus fortes; mais le sillon, dans ce cas, n’a que 4 à > pouces dé profondeur. Dans les grosses fermes , où les terres en général sont bien moins cultivées, on fait quelquefois les premiers labours avec la grosse charrue dite rouelle. Les cultivateurs appellent tailler le troisième et dernier labour, qui est plus profond , et après lequel ils doivent semer ou planter. Nous décrirons, plus bas , la charrue rouelle, ou à roues. INSTRUMENTS ARATOIRES, etc. 147 vu du poids de cinquante livres seulement; mais elles sont moins solides. Le prix d’une charrue ordinaire est de 36 francs; celle que nous avons fait établir pour modèle, dont le fer est mieux travaillé, et le bois mieux choisi, et mieux assemblé, a coûté 75 francs. Nous allons donner quelques explications sur les autres figures de la planche première. Figure 2. — Planche 1re. La charrue est vue par devant; on remarque l’écar- tement de l'oreille, et la quantité dont surplombe l’arête supérieure et extérieure. Figure 3. La charrue est vue par derrière; on distingue lécartement du coutre qui dépasse la face verticale du manche, de lage et du sep, et on voit les cro- chets , et la cheville en fer par lesquels l’oreille tient au sep, à l'aiguille et au manche. Figure 4. La charrue est en projection verticale sur sa face latérale droite ; les équerres, étriers, bandes , etc. , sont placés symétriquement, et le sep est garni d'une bande de fer latérale mise dans le prolonge- ment du soc. Figure 5. Cette figure est la projection horizontale de la TO 143 CHAPITRE LI. charrue, prise dans sa position naturelle; elle sert à montrer la courbure de l'oreille, et à indiquer sa propriété de retourner complètement la terre. Figure 6. La figure G est la projection horizontale de la charrue renversée : elle sert à montrer que le soc est évidé , et que son arête inférieure dépasse le plan du sep, et l'empêche de toucher. Les figures 6, 7, 8 et 9 de la planche 1%, et celle 22 x la planche >, donnent les détails des palonniers pour un ou plusieurs chevaux. Il nous reste à parler du seul défaut que nous trouvions à la charrue dite le brabant : comme la lame du soc est d’un seul côté, que oreille ne peut être placée alternativement à droite et à gau- che, ils’ensuit que le laboureur est obligé , en finissant un sillon, de parcourir quelquefois un grand espace pour chercher un autre sillon, et que les extrémités du champ sur lequel il passe constamment, sont durcies par le piétinement du cheval; mais 1l faut remarquer que cet inconvénient est moins grave ici qu'ailleurs; les champs des environs de Lille ont une très-orande longueur, et peu de largeur. Ces dispo- sitions sont très-favorables à la culture, puisqu'on retourne moins souvent la charrue; on perd ainsi moins de temps. Il semble qu'on ait choisi les divi- sions du terrain les plus favorables au labourage et aux assolements; chaque champ se prolonge Jjus- qu'à un chemin public; l'agriculteur est le maitre d’assigner lespace et la durée de la culture, et de disposer, à son gré, de ses terres. INSTRUMENTS ARATOIRES, etc. 149 Ainsi, dans les environs de Lille, l'obligation d'aller chercher chaque fois le sillon, n’occasionne que peu de perte de témps. Nous n’avons pas trouvé que celui employé pour retourner et passer d'un sillon à l’autre fût plus de 15 secondes, terme réduit. Comparons le travail de cette charrue, dite le bra- bant, à celui fait par les charrues employées dans la plupart des autres départements : nous avons vu que dans une journée, avec le brabant attelé d’un seul cheval, on laboure à la profondeur de 0" 16 à 0"22, ou 6 à 8 pouces, un demi-hectare, ou 47,415 pieds carrés. ( Ces résultats étant donnés pour le travail des plus faibles chevaux. ) Dans la plupart des départements, avec une char- rue attelée de quatre bœufs, ou de deux chevaux, on ne laboure que 15,000 pieds carrés par jour, et à o"11,ou 0" 16, ou 4 ou 6 pouces de profondeur. Un cheval , dans les environs de Lille, laboure donc trois fois autant de terrain que deux chevaux, ou six fois autant de terrain qu’un cheval dans la plupart des départements; et comme le travail est moitié en sus plus profond à Lille que dans ces départements, un cheval de labour , dans les environs de Lille, fait donc neuf fois dut d'ouvrage qu'un cheval ou due bœufs dans plusieurs départements de la France. Ce résultat extraordinaire explique tous les pro- diges de l'Agriculture flamande. On conçoit mainte- nant comment le fermier peut donner plusieurs labours par saison à ses terres, et en retirer, chaque année, une ou plusieurs récoltes. Comme il n’est jamais pressé par l'ouvrage , il peut toujours faire chaque travail en saison convenable. Un autre avantage de 150 CHAPITRE IL. la facilité et de la multiplicité des labours, c’est que la terre est maintenue friable, meuble, et très- divisée en tout temps. : Nous donnerons une explication plus abrégée de trois autres charrues employées dans l'arrondissement de Lille, et d’une cinquième généralement en usage dans les arrondissements moins bien cultivés. LE BRABANT A DEUX ROUES D'INÉGALE GRANDEUR ET A ESSIEU MOBILE. //ariété de la précédente. Cette charrue ne diffère de la précédente que par un chassis mobile, qui porte deux roues neeele grandeur, dont les axes peuvent être relevés à vo- Ionté On ente sur l’age deux bras horizontaux b b, b'b", qui le traversent par deux tenons de 0"o4 de largeur sur 0"025 de hauteur; ces bras ont 0"30 de long sur 0"06 de hauteur, et 0"065 de largeur. Le bras 0" 0’ est un peu recourbé en dehors pour donner plus de jeu à la roue. Ces deux bras portent une branche c' c' parallèle à l'age, et qui a 0"80 de longueur, o"o7 de hauteur et 0"06 de largeur. La branche c c et l'age sont traversés par Le deux montants du chassis mobile qui porte l'axe ou les essieux des deux roues. Chaque montant a 0"55 de hauteur, o"o7 de largeur et o"o3 d'épaisseur ; il est percé de trous dans lesquels on fait entrer un verrou fixé sur l’age qui passe au-delà dans un anneau des- tiné à le maintenir invariable; les différentes faces INSTRUMENTS ARATOIRES, etc. 191 sont garnies de lames de fer également trouées qui empêchent le bois d’éclater. Les trous des montants sont espacés de 0"04; le verrou qui s’y engage a 0"30. Le chassis sert à placer les roues à des hauteurs dif- férentes, selon la profondeur à laquelle on veut la- bourer. La branche c c est fixée à l’age par une barre de fer o € de o"5o de long et de o"or2 de diamètre. Les deux roues ont leur axe sur la même ligne ho- rizontale , et conservent toujours leur position res- pective. La grande roue a 0" 52 de diametre, et o0"03 d’é- paisseur : elle est écartée de la face extérieure de l'age de 0" 19, et de la face intérieure de la branche cc de 0"08; la distance entre les faces intérieures de l'age et de la branche cc, est de 0"30, et celle entre les faces extérieures est de 0"43, dont 0"06 pour l'épaisseur de la branche cc, et de o"07 pour l'épaisseur de l'age; la grande roue est garnie d’une bande de fer, elle a pour essieu une forte cheville en fer. La petite roue, de 0"25 de diamètre, est écartée de la face extérieure de l’age de 0"08 dans le haut, et de 0"04 vers l’axe. Elle est faite de deux planches clouées ensemble, ou d’une seule plus épaisse dans le milieu que sur les bords. | La traverse horizontale 2 à est percée de trous où l’on attache le palonnier. Ces différents trous donnent le moyen d'appliquer la puissance le plus conveni- blement, en raison de la tendance de certains che- vaux de tirer par côté, et de la résistance de la terre. On regle le point d'attache de manière à ce que la 12 CHAPITRE HI. direction de la puissance passe par le centre de gra- vité de la machine. La branche & b est consolidée par une bande de fer également percée de trous correspondants, qui, se retournant d’équerre, unit invariablement l'age au bras à &. La grande roue suit le sillon ouvert , la petite reste sur le terrain naturel. La petite étant plus élevée que la grande de 0"35 (environ 5 pouces), le sillon doit avoir environ cette profondeur. La largeur du soc à c est de 0" 244; l'épaisseur de deo “o9, et l’échancrure à d de 0" 154; a c a 0" 20, et a b 0" 37; la hauteur verticale du soc est de 0"33, et la distance de la pointe du soc à la platte-épée , est de 0" 36. Nous avons vu que la distance du plan de la grande roue à la face intérieure et verticale de l'age, est de 0®19, à quoi ajoutant lépaisseur de l'age 0"07, la face de la roue est à 0"26 de la face verticale exté- rieure de l'age; mais puisque la pointe intérieure à du soc est à 0"244, il s'ensuit donc que le chemin de la roue est à 0"0o16 en-dehors de l'angle du soc. Par cette disposition, la totalité de la terre est en- tièrement coupée; car si le bas de la roue touchait le pied du terrain, et si la bande de 0"016 entre la roue et la pointe intérieure du’soc, restait et oppo- sait quelque résistance, l'oreille, qui a une plus grande largeur que le soc, l’entrainerait. Cette grande roue, non-seulement a le double but de supporter la charrue, de diminuer le frottement, mais encore de régler l'épaisseur de la couche à cou- per : elle est portée vers le pied du sillon à ouvrir, INSTRUMENTS ARATOIRES, etc. 153 par la résistance que fait éprouver à l'oreille fa terre remuée. On doit remarquer que le coutre étant incliné en- dehors, coupe la terre en talus, en sorte que le bas de la grande roue touche le pied du talus du sillon ouvert, sans frotter contre sa surface. Le plan de la grande roue est précisément dans le milieu de la surface de l'oreille. Ces roues, ainsi disposées , ont le grand avantage de diriger si bien le travail, qu'on peut le confier à des ouvriers peu exercés ; aussi on voit des laboureurs qui laissent aller seule, quelques instants, cette char- rue, lorsque le cheval est engagé dans la ligne, sans que ce travail soit plus mal fait. Quoique cette char- rue cause moins de fatigue à l’ouvrier, comme elle est plus compliquée, plus chère et moins solide, peu de fermiers en font usage : la plupart préfèrent le brabant sans roues, dont nous avons parlé. Les autres détails de cette charrue sont, en tout points, semblables à ceux de la charrue que nous avons décrite. On peut évaluer à vingt francs l’aug- mentation des dépenses pour l'addition des roues. L’oreille de cette charrue doit être remarquée : elle est clouée sur un cadre en bois qui s'attache avec des crochets et un boulon au sep, à l'aiguille et au manche. Ce cadre a pour but de consolider l'oreille, de donner la possibilité de n’employer qu’une feuille de tôle, et de diminuer en même temps le poids et la dépense du fer. Cet instrument est si simple, que le fermier peut le réparer sans l’aide du forgeron et du charron. _ [S24 Fm CHAPITRE TITI. DE LA CHARRUE dite LE NORMAND. Le normand ne diffère du brabant que par la forme du soc; il est de même sans roues, avec un patin et une oreille semblables. Toutes les autres pièces étant parfaitement les mêmes, nous n’en ferons pas men- ton. Dans le brabant, le soc est une feuille de fer re- courbée, enveloppant le sep, convexe dans le haut, et concave dans le bas; ensorte que la terre, lors- qu’elle est très-humide , entre dans cette cavité, et fait éprouver de la résistance. Dans le normand, on a voulu remédier à cet inconvénient , en doublant le soc par une autre feuille de fer horizontale, qui em- pêche la terre de pénétrer entre le sep et le soc. Comme le frottement polit rapidement cette feuille inférieure, elle coule sans éprouver une résistance aussi forte de la terre, qui ne peut s’y fixer; d'ou il résulte que la puissance doit être moins grande , et que les chevaux, comme les hommes, se fatiguent beau- coup moins. Mais on n'obtient cet avantage que lors- que la terre est très-humide; dans le cas contraire, le frottement du soc du normand étant plus fort que celui du brabant, on préfère celle-ci à l’autre. En général, chaque fermier a trois charrues : le brabant, le normand, etxla rouelle, dont nous allons parler. Quant à la précédente à roues mobiles, elle ne se voit que dans un petit nombre de fermes, et doit être considérée comme une particularité. Les petits culti- vateurs, qui ne peuvent avoir qu'une charrue, préfèrent le brabant. INSTRUMENTS ARATOIRES, etc. 155 Le prix du normand est presque le même que celui du brabant. CHARRUE dite LE CULTIVATEUR. On se sert, dans les environs de Lille, d’une petite charrue, dite le cultivateur ( planche 6 ), qui n’est autre chose qu'un brabant avec double oreille, et soc à fer de lance : elle n’a pas de roues, mais un patin comme le brabant. Cette petite charrue, très-légère, a deux oreilles, dont l’écartement, de chaque côté, est de 0"20, et ensemble de 0/40; le soc n’a que 0"20 de largeur. Elle est employée à buter les pommes de terre, les choux cavaliers, dont les lignes sont espacées de 0" 60, largeur suffisante pour le passage de cette charrue. Un cheval , avec cette charrue, bute deux hectares de pommes de terre, ou de choux, et fait vingt fois le travail d’un ouvrier. Elle est légère, solide; elle coûte peu, et devrait être d’un usage général en France. DE LA CHARRUE dte ROUELLE. Les charrues précédentes sont sans avant-train, et ont le soc placé invariablement à droite, et une seule oreille fixée du même côté; la charrue rouelle a un avant-train, un soc en fer de lance qui coupe également des deux côtés, et une oreille mobile qu’on place successivement à droite et à gauche. D’après ces dispositions, les premières charrues ne labourent que dans un sens; ainsi après chaque sillon , il faut 156 CHAPITRE III. aller de plus loin en plus loin chercher un autre sillon, ce qui augmente le trajet, foule et endurcit la terre de l'extrémité du terrain où l’on passe souvent. Avec la rouelle, dont l'oreille est mobile, on peut continuer le travail dans le même sens, en déplaçant l'oreille à chaque trait. Nous en donnerons la des- cription. La charrue dite rouelle, se compose d’un manche, d'un age, d’une aiguille, et d’un sep de dimension et de disposition à-peu-près semblables à ces mêmes pièces dans le brabant. Ces pièces sont aussi liées entre elles par des équerres, des bandes de fer qui empèchent tout écartement; mais le soc, le coutre, l'oreille et l'age ont des différences qu’il est essentiel de bien déterminer. Le soc est en fer de lance, dont la lame régulière s'écarte également à droite et à gauche de la pointe; au-dessus du soc et sur le sep, est un crochet où s'attache celui de l'oreille mobile. Cette oreille, indé- pendamment de ce point, est fixée par un boulon soudé par son extrémité, qui entre dans un trou pratiqué dans le manche. L'oreille, faite d’une lame de fer recourbée et cylindrique, se place symétriquement et successive- ment à droite et à gauche, et très-pres de l'aiguille, afin que la terre ne passe pas entre l'oreille et l’ai- guille. L’oreille étant ainsi mobile, il restait à faire varier convenablement le coutre, pour agir symétri- quement des deux côtés. Le coutre se dirige successivement à droite et à gauche, au moyen d'un levier dont l'extrémité est traversée par un boulon, où le point d'appui varie INSTRUMENTS ARATOIRES, etc. #07 à chaque changement. On passe successivement le levier à droite et à gauche du coutre et de laiguille, en l’engageant avec force contre l'aiguille ; la pointe du coutre est repoussée en sens contraire de la tête. La forme du coutre et celle du trou étant angulaires et inclinées, la lame du coutre est toujours rejetée en-dehors, et sur l'oreille. Le coutre qui, par cette raison, fait fonction d'oreille, est plus large et plus fort que dans les autres charrues. Comme l'oreille n'est maintenue que par deux points, le laboureur appuie, contre sa surface inté- rieure, l'extrémité d’un bâton qu'il tient de la main droite. À la fin du sillon, il se sert du même bâton pour dégager l'oreille, et la nétoyer avant de la re- porter du côté opposé. L'age de la rouelle, beaucoup plus long que dans le brabant , est en courbe concave, afin de rendre, à volonté, cette charrue plus pénétrante , et de pouvoir labourer à la profondeur qu'on désire. Il est percé de trous , où se place la cheville à la- quelle on attache l'anneau qui unit la charrue à l'avant -train. Cet avant-train se compose de deux roues, dont l'essieu en fer est fortement lié par des bandes de fer à une pièce de bois nommée patron, qu'on peut regarder comme faisant partie de l’essieu. Sur cette pièce de bois coupée carrément, sont fixés vertica- lement deux montants en fer 72 m, ou lames trouées, qui se terminent en baguette. On fait jouer le long de ces lames une pièce de bois horizontale et mobile, qu'on nomme hausse, et sur laquelle repose l'age de la charrue. Au moyen des trous et des chevilles 158 CHAPITRE If1. de fer qu'on y fiche, on maintient cette hausse et l'extrémité de l'age à ia hauteur que l'on juge con- venable, pour donner à l’age et au sep l'inclinaison qu'on désire, et au labour la profondeur nécessaire. Le milieu de lessieu en bois, ou patron p, est ouvert et traversé par une pièce de bois fourchue, nommée almont, qui repose sur la partie en fer de l'essieu. L'almont porte, en avant, un crochet en fer qui se ferme par une cheville, où lon attache le pa- lonnier. Les deux branches de fer verticales supportent une petite traverse en bois, nommée têtière, sur laquelle reposent les guides. On y remarque deux chevilles aux extrémités, qui empêchent les guides, ou rênes, de glisser, et deux autres implantées dans la face verticale antérieure, où l’on attache une petite bride destinée à retenir le cheval, dont le pas serait plus allongé, ou qui aurait plus de feu que l'autre. Les différentes pièces de cette charrue étant indiquées et cotées dans la planche n° 5 , nous nous borne- rons à donner les dimensions des parties les plus essentielles. D'UVSO'E: Le soc est en fer de lance, symétrique à droite et à gauche, concave par le bas, et convexe par le haut; la pointe, en labourant, est au niveau du talon du sep. Le sep est également concave en dessous, de manière que la pointe du soc et l'extrémité du talon en fer, taillé en coin, sont les seuls points qui touchent. Le soc fait d’une lame de fer, enveloppe dans sa » INSTRUMENTS ARATOIRES, etc. 129 partie étroite et postérieure, l'extrémité du sep; celui- ci est taillé en pointe, et entre dans la gorge du soc. Par l'effet de cette disposition, la pression de la terre tend à pousser le soc et à le maintenir dans sa position; le soc n’est pas même retenu par des chevilles ou clous, ensorte que le laboureur peut, avec facilité, l’ôter, l’aiguiser, le réparer, et le rem- placer lui-même en quelques instants. La largeur du soc (planche 4, fig. 14 et 15), est de 0"24, sa longueur, de la partie la plus large à la pointe, est aussi de 0"24; la longueur totale est de 0" 34, celle de la gorge, de o"10; la largeur de la gorge est de o"oë à la naissance, et de 0"o9 à l’ex- trémité. On garnit quelquefois l'extrémité du sep de deux petites bandes de fer ( /ig. 24) pour le préserver du frottement. DU COUTRE. Le coutre a 0"96 de long, et 0"o9 dans la partie la plus large; le dos, dans le dessus, à 025 d’épais- seur, et la face antérieure à o"or. Le trou où passe le coutre est un quadrilatère ( Jig. 17), la longueur est de 0"05, celle de l’autre face, de o"or. Ce trou se nomme lumière du coutre. Le coutre s'applique, à chaque changement, contre les faces latérales de la lumière , qui font un angle avec celle de l'age. Le coutre porte un crochet, où s'attache une corde qui le soutient, et avec laquelle on le monte, ou on le descend. Sa pointe est à 0"o005 en arrière de la pointe du soc; à 0"005 au-dessus , et à o" 12 de côté, 160 CHAPITRE HI. soit à droite, soit à gauche. La pointe du coutre se déplace de 0"2/4 à chaque mouvement, et arrive exactement dans la ligne de l'angle du soc; ainsi toute la terre soulevée par le soc, est coupée par le coutre, et toute la terre coupée par le coutre est soulevée par Îe soc. On doit remarquer, sur-tout , que la lame du coutre n’est pas dans la direction de l'age, mais toujours inclinée en-dedans, de manière à former une espèce d'oreille; le prolongement du plan de la lame du coutre coupe la surface de l'oreille; ainsi la terre est jetée par le coutre sur l'oreille. LE CLINCHE, OÙ LEVIER. Le levier, ou clinche est destiné à rejeter à droite et à gauche le coutre; sa longueur est de 0"74, sa largeur de 0"061 , d’un côté, et de 0" 035 de l’autre. La figure 18 montre les supports du boulon où joue l'extrémité antérieure du levier. Au moyen de la mobilité du point d'appui, le levier peut être fixé successivement sur chaque face de Paiguille, ou platte- épée et du coutre, qui change de position, et s'incline successivement à droite et à gauche. L'OREILLE. L’oreille a 0"68 de longueur, sans y comprendre le crochet ; sa largeur est de 0"28 à l'extrémité, et de 0"25 à la pointe antérieure; le bombement moyen est de 0" 065. 4 Le boulon cc (fig. 7), qui est représenté en fer, est le plus souvent partie en fer et partie en bois; INSTRUMENTS: ARATOIRES, etc. 161 dans ce cas, les deux extrémités sont en fer, et le milieu est en bois. Cette partie en bois doit être con- sidérée comme un manche qui sert à manier l'oreille plus facilement, lorsque le temps est pluvieux, ou froid. LA TEMPLOIRE. On nomme temploire la cheville qui est plantée dans l’un des trous de l’age, et où vient s'attacher l'anneau de la chaine fixée à l’avant-train sur al- mont. Les trous qui traversent l’age, étant percés de 0"09, de milieu à milieu , 1l était nécessaire d’obte- nir une profondeur de labourage intermédiaire entre les profondeurs déterminées par le placement de la cheville dans deux trous consécutifs. Pour y parvenir, on a donné à la tête de la cheville la forme indiquée par les figures 10, 12 et 13. L'une des branches de la tête a 0"o7 de longueur , mesurés à partir de l’axe de la cheville ; son extrémité est donc à 0"02 de l’axe du trou suivant; la seconde branche a o"o5 de lon- gueur; la troisième 0"o3; la quatrième o"or. On voit donc qu’on peut régler l’attache de 0"02 en o"o2 centimètres ; mais comme la profondeur du labour n'est qu'une fraction de ces distances, fraction qui est la moitié, le tiers, ou le quart, selon que l’on monte plus ou moins la careulle , ou hausse fixée sur l’avant-train ; on conçoit qu'on est maître, au moyen de cette cheville et des trous de l'age, de faire va- rier, avec facilité, la profondeur du labourage de 0" 006, en 0"006 (ou de 3 en 3 lignes), précision qui suffit dans toutes les circonstances. Agricult. de la Flandre. , 11 102 CHAPITRE LIL Les trous de l'age ne sont pas verticaux, mais in- chnés en avant, afin de donner plus de solidité à la cheville, ou temploire. L'ALMONT. La pièce de bois mn (fig. 1,4 et5, planche 4), qui pose sur la partie en fer de l’essieu , et s'emboite avec celle en bois, est d’une seule piece : elle porte en avant le crochet où s'attache le palonnier, et en arrière une pièce de bois transversale 00, nommée soulie, qui lie les deux bras de l’almont, et où vient reposer lextrémité de l’age. Cette soulie a 0"06 de diamètre, grosseur qui paraît trop forte, mais qui est nécessaire , parce que le frottement continuel de l'age l’use rapidement. LA CAREULLE, OU HAUSSE. La careulle, ou hausse, est une pièce de bois de même longueur et épaisseur que la partie en bois de l'essieu , sur lequel elle est placée : elle s'élève à vo- lonté, au moyen de deux lames de fer fixées dans l’essieu par des boulons, et quitraversent cette hausse. Ces lames sont percées de trous où l’on fait entrer les chevilles qui pendent aux chaines, et servent à faire varier la position de la hausse, ou de l'age qu’elle porte. La hausse est arrondie pour mieux tenir l'age. LA TÊTIÈRE, OU VARLET. La pièce de bois horizontale supérieure se nomme 22 INSTRUMENTS ARATOIRES, etc. 162 tétière, ou varlet : elle maintient les montants de fer, et porte les guides des chevaux. Les crochets extrêmes et latéraux, indiqués dans le dessin, sont destinés à retenir les rênes et la bride du cheval qui a le plus de feu. EMPLOI DE LA CHARRUE ROUELLE. Cette charrue, la plus forte de celles des environs de Lille, sert à rompre les trèfles et les prairies, et à labourer les terres argileuses, surtout après les grandes secheresses. On l’emploie aussi généralement à donner le troisième ou dernier labour, après lequel on sème ou l’on plante. On est dans l’usage de labourer avec cette charrue à dix, douze, et même quinze pouces, mais la pro- fondeur la plus usitée est de onze pouces. La charrue rouelle est tirée par deux chevaux, quelquefois même par un seul, lorsque sa force est plus que moyenne : jamais, dans les environs de Lille, on ne met trois chevaux à une charrue. La journée ordinaire de cette charrue, attelée de deux chevaux ou d’un seul, est de = à = hectare. Le travail commence, dans les grands jours, à quatre heures du matin, et continue jusqu’à sept heures et demie; heure à laquelle les chevaux sont conduits à l'écurie, où 1l restent une heure et demie; à neuf heures , ils reprennent l'ouvrage jusqu’à onze heures et demie, et retournent à l'écurie jusqu’à deux ; ils recommencent à deux jusqu’à cinq; à cinq heures, ils mangent sur place pendant une demi-heure, et à cinq heures et demie, le travail reprend jusqu'à sept A NE 104 CHAPITRE III, heures et demie. La journée est donc de onze heures, souvent même de douze heures lorsque le temps est bon , et l’ouvrage pressé. Dans les autres saisons, la journée commence et fmit de meilleure heure; les chevaux se reposent moins pendant le jour, et travaillent moins long-temps; mais comme le temps est plus favorable, et que la terre, en général, est plus humide, on laboure au moins autant de terrain. On pourrait fixer la quantité de terre labourée à deux tiers d’hectare, comme ap- prochant plus de la moyenne. Cependant nous ne compterons qu'un demi-hectare, afin de rester plutôt au-dessous qu’au -dessus de la moyenne, ainsi que nous l'avons dit. La journée de cette charrue est, en général, plus longue que celle du brabant, parce que, 1° la char- rue rouelle est plus lourde; 2° les roues augmentent le frottement par la terre qui s'y attache; 3° on laboure plus profondément ; 4° les chevaux marchent plus lentement. Il faut donc travailler plus long-temps pour labourer une même surface. Si on veut calculer la quantité de terre remuée, à chaque sillon, on doit compter que la largeur du sillon est de 0"/40. CHARRUE dite LE BINOT. La charrue dite le binot, qu'on ne peut, sous au- cun rapport, comparer aux précédentes , est généra- lement en usage dans plus du tiers du département du Nord. La planche n° représente la moins par- faite de cette espece : elle a encore tant de défauts, INSTRUMENTS ARATOIRES, elc. 165 que nous nous bornerons à les indiquer, sans nous attacher à la décrire, parce qu’elle n’est pas employée dans les environs de Lille, dont il est ici spécialement question. Cette charrue a deux oreilles en bois, mal facon- nées et très-lourdes, qui rejettent le guéret à droite et à gauche. Le terrain n’est pas complètement re- tourné ; il reste souvent, après chaque trait de char- rue, une bande non retournée, qui est recouverte par de la nouvelle terre; les mauvaises herbes de cette bande poussent ensuite avec plus de vigueur, percent la couche qui les couvrent, et s'emparent du terrain. Ordinairement le laboureur tient la charrue pen- chée, afin de ne prendre la terre qu'à droite, et de la retourner toute de ce côté. Dans ce cas, il attaque toute la terre, et ne laisse point de bande; mais alors il doit constamment tenir fortement la charrue, la diriger et la maintenir dans cette position forcée. L’age est mobile, dans le modele que nous don- nons ; ordinairement 1l est fixé sur l’essieu , mais alors la profondeur du labour ne peut varier ; cette fixité empêcherait seule la plupart des améliorations. C'est aussi un défaut capital de ne pas mettre de coutre ; quelques-unes, à la vérité, en sont armées; mais toutes les charrues de cette forme ont lincon- vénient d'être lourdes, de ne labourer qu'à peu de profondeur, et très -mal. Il résulte de ces labours imparfaits, que les terrains ne sont Jamais purgés de mauvaises herbes ; que la terre se durcit de plus en plus, et qu'il faut trois ou quatre chevaux pour tirer cette lourde charrue; in- convémient des plus graves: si les trois chevaux sont 166 CHAPITRE III. mis de front , ainsi qu'on est dans l'usage de les pla- cer, l’un d'eux marche sur l’arête du sillon qui vient d'être fait, l’écrase , et rend la terre moins propre à la culture ; ainsi le labourage , par cela même qu’on emploie plus de force, est plus mauvais. Le laboureur, dépensant beaucoup à chaque labour, en est avare; la terre ne s'améliore pas; elle devient dure dans les sècheresses, se couvre de mauvaises herbes qui étouffent les bonnes, et souvent les ré- coltes manquent par suite d’une aussi mauvaise cul- ture. Le travail du binot, en un jour, avec le même nombre de chevaux, n’est pas le tiers de celui du brabant, et il est toujours imparfait. Aussi remarque- t-on que dans les mêmes années, sur des terrains semblables, les récoltes sont tres-différentes, en rai- son de la perfection ou des défauts des charrues qu'on emploie. D’après les observations que nous avons faites, un hectare, dans les environs de Lille, donne trois fois plus de produits que dans l’arrondis- sement d’Avesnes, et que dans le reste dé la France, terme moyen; résultat qu'il faut principalement attri- buer à la perfection des instruments aratoires des environs de Lille, ou à leur imperfection dans la plupart des départements. On peut en conclure que ies progrès de l'Agriculture en France, ou seulement \ les perfectionnements de la charrue (1), augmente- (1) La France a 23,500,000 hectares de terres labourables : sion évalue seulement à trente francs, par an, le bénéfice qu’on obtien- drait, en perfectionnant les insiruments aratoires, le bénéfice INSTRUMENTS ARATOIRES, etc. 107 raient le revenu public, et la richesse nationale , d’une somme à peine croyable. DE LA HERSE. La herse des environs de Lille (PI. 8, fg. 1, 2, 3,4, 5, 6, etc.), diffère peu, par la forme, de celle des autres pays; seulement, elle est plus légère; les dents sont en bois, et en saillie des deux côtés. La herse quadrangulaire est moins usitée; elle est, d’ailleurs , plus lourde, et exige deux chevaux. Comme les dents ont plus de saillie, le labour est plus pro- fond. La tète des dents sort de 0"10, et la pointe de 0" 45. La herse triangulaire, qui a vingt-cinq dents, et de vingt-cinq à trente pieds de surface , est conduite par un seul cheval; elle est légere, et les dents, qui sont moins nombreuses, ont aussi moins de saillie ; la tête dépasse le plan de 0"08, où 3 pouces, et les pointes, de 0" 25, ou 9 pouces. Les cultivateurs ont l'habitude de se servir des deux faces de la herse : ils la renversent lorsque la terre est dure et agglomérée, et la font ainsi passer plusieurs fois du côté des têtes, qui ne saillent que annuel'et total serait de 70h millions, c’est-à-dire, pres de trois fois le montant de l'impôt foncier, qui est de 259 millions; mais il faut avoner que ces améliorations ne seront possibles, que lorsqu'il existera un Code rural , que la vaine pâture sera suppri- mée; et que d’autres lois, aussi indispensables, seront rendues, pour assurer l'entière propriété, et la sûreté des récoltes aux pro- priétaires. 168 CHAPITRE III. de trois pouces, avant de la retourner du côté des pointes. Ils posent quelquefois sur la herse/une boîte qui sert à recueillir les mauvaises herbes, et à rece- voir des pierres ou des mottes de terre, afin d’en augmenter la pesanteur ; souvent même ils s’asseyent sur le fond de cette boîte, ou se tiennent debout sur la herse, pour la rendre plus pénétrante, quand la terre est desséchée ou très-dure. On fait la herse de bois très-sec, coupé depuis deux ou trois ans, afin d'éviter le retrait et la dis- jonction des angles; souvent ces angles sont con- sohdés par de petites équerres en tôle, ou en fer mince. Pour transporter la herse, on la pose sur la char- rue. On voit toujours ces deux instruments sur le même champ, opérer l’un à côté de l’autre, dans le mème temps, ou à peu d'heures de distance. On considere, en Flandre, le travail de la herse comme un demi-labour. Cet ouvrage étant facile, rapide et peu coùteux, on donne trois où quatre coups de herse par coup de charrue. Les cultivateurs ont pour adage qu'il faut fatiguer la herse pour avoir une bonne récolte. C’est à cette excellente mé- thode de herser souvent , qu'il faut, en partie, attri- buer le bon état des terres de Flandre : à peine aper- coit-on une mauvaise herbe, long-temps même apres que les semailles ont été faites. Des enfants et des femmes suivent ordinairement la herse, et ramassent les chiendents et autres mau- vaises herbes ramenées à la surface, qu'ils mettent en tas, et brulent sur le terrain. On doit recommander un usage des laboureurs INSTRUMENTS ARATOIRES, etc. 16g flamands, qui est à peine connu ailleurs : ils passent, sur chaque champ, plusieurs fois la herse, le jour même ou ils ont fait la récolte. Les avantages de cette pratique sont faciles à saisir : quand le colza, par exemple, est coupé, ou lorsque le lin et les fèves sont arrachés, la terre est recouverte de mauvaises herbes en pleine floraison; la plupart sont étiolées parce qu’elles se trouvaient à l'ombre, et comme étouffées ; quelques jours de grand air et de chaleur auraient suffi pour féconder ces plantes, mürir leurs graines, et infester le terrain; mais le prévoyant la- boureur, en passant plusieurs fois la herse, le jour même de la récolte, entraine facilement ces plantes étiolées et faibles, et purge son terrain, à l’aide d’un travail peu coùteux; il ne cesse de herser que lors- que la terre est entièrement nétoyée. Souvent encore, le même soir, il donne un coup de charrue, afin de faire périr les racines des plantes dont la herse à entrainé les tiges. Les mauvaises herbes sont jetées dans une fosse où elles pourrissent; mais on les brüle lorsqu'elles paraissent approcher de la maturité. Les cultivateurs ont des herses de différentes for- mes, dont les dents sont plus ou moins serrées ou allongées, selon la culture et la saison. Ces herses ont peu de valeur, et sont faites, ou réparées, par les laboureurs eux-mêmes. DU ROULEAU. Le rouleau (Planche 8, /g. 9, 10) parait lourd et bizarre : sa forme, cependant, peut être justifiée. Comme la terre des environs de Lille est, en gé- 170 GHAPITR EvIN EL: néral, argileuse et forte, il faut un rouleau pesant pour l’aplanir et la plomber. Beaucoup de graines d’ailleurs, et les plus précieuses, particulièrement le lin, le colza, exigent que la terre soit parfaitement unie et meuble. On doit semer ces graines fines pres- que à la surface ; aussi les cultivateurs , après avoir, selon leur expression, fatigué le rouleau et la herse à dents serrées et fines, après avoir semé, et ensuite hersé et roulé de nouveau, battent le sol avec un large maillet, et le plombent plus exactement. Le rouleau devant être très-gros, pour mieux écraser la terre, et tourner plus facilement, on a cru préférable de l’allonger; 1l a fallu, par cette raison, l’armer d’un chassis, afin que la pression fut plus forte, le mouvement plus direct, et l’ensemble de forme in- variable. Les dispositions des différentes pièces, et leur courbure, font connaitre, à l'inspection des figures 9 et 10, que la direction de la puissance passe par le centre de gravité, que nulle force n’est perdue, qu’elle est toute employée de la manière la plus avantageuse; enfin, qu'on est parvenu à rendre le cadre du rouleau, inflexible, quoique les pièces fus- sent de faibles dimensions. Le rouleau est ordinairement tiré par deux che- vaux, mais comme ceux du pays! sont, en général, assez gros et forts, les petits fermiers n’emploient qu'un cheval à ce travail. HOUE, HOUETTES, etc. Pour achever la description de la planche 8, nous donnerons quelques détails sur la houe , ete. INSTRUMENTS ARATOIRES, etc. 171 Nous avons dit que les cultivateurs faisaient, à la main, une partie des travaux, qu'ils achevaient les ouvrages imparfaits du labourage , et exécutaient ceux qui demandaient plus de précision. Un des outils qu'ils emploient le plus fréquemment est la grande houe ( fig. 12). Les côtés a c, d d'ont chacun 0"24 de longueur; le côté c d'a o"19, et le côté a b 0"205; le diamètre du trou de la douille e, a 0"0; le fer de la houe pèse 4 kil. +; le manche a 140 de longueur; la houe se vend 4 francs 50 cen- times. L'ouvrier coupe la terre , avec la houe, de 4 à 5 pouces de profondeur, et la retourne completement par un coup sec qu'il donne à son outil. Le flamand fait rapidement et avec habileté ce travail, qui de- mande une grande habitude. On ne doit pas seule- ment considérer l'ouvrage de la houe comme un simple labour (1); la terre est mieux retournée et les mauvaises herbes sont mieux coupées. On emploie la houe, dans les environs de Lille, pour travailler les jardins, les terrains qu’on destine à une culture précieuse, et toutes les parties des champs où la charrue n'arrive que difficilement. On l’'emploie aussi pour cultiver les champs de tabac, et (1) En Valais, et dans d’autres pays de montagnes, où le ter- rain est divisé en trop petites portions, et trop incliné pour être labouré, les cultivateurs qui ne se servent que de la houe, par- viennent à maintenir leurs terres en si bon état, par le travail et les engrais , qu’ils sèment dix années de suite du blé dans le même champ, et ont dix bonnes récoltes, quelque vicieux que soit pour- tant l'usage de ne point alterner. 172 CHAPITRE III. buter les pommes de terre, ou les choux. Un ouvrier peut houer, en un jour , 5 ares ou le 20° d’un hec- tare. Les petites houes, ou houettes (#8. 12 et 15), plus légères , servent pour le même usage aux femmes ou enfants, trop faibles pour manier la houe com- mune , ou grande houe. Le croc(/ig. 16), ressemble à ceux des autres pays. DU LOUCHET. Le louchet ( planthe 9 , g. 2 et 6), bèche longue, étroite et un peu concave, est un des instruments les plus employés, les plus utiles, et un de ceux qu'il est le plus essentiel de décrire. On en distingue un grand nombre de variétés, mais nous ne parlerons que de deux espèces, auxquelles les autres se rat- tachent. Le louchet ( fig. 6), appelé ailleurs bêche, lichet, etc., se compose de la lame et du manche. La lame est étroite et longue, et se forme de deux feuilles de fer et acier à grain fin, qui reçoivent fe manche à leur extrémité supérieure; et se terminent , dans le bas, en une seule lame tres-acérée. La largeur a b du haut, est de o"17; celle c d du bas est de 0"145; la hauteur ac est de 0"320, et celle fg de la douille, de o"r0. Le manche pénètre entre les deux lames , de 0"20, y compris la douille ; la longueur fr est de 0"85, et celle de la poignée de o"11. On doit remarquer que la largeur du bas cd étant plus grande que les parties supérieures qui sont en courbe, le louchet entre facilement en terre, parce INSTRUMENTS ARATOIRES, etc. 175 qu'il n’éprouve de résistance que par la lame de la base, qui est tranchante et d'acier. Quoique la hau- teur du fer du louchet ne soit que d’un pied , les bons ouvriers l’enfoncent à 14 et 15 pouces; mais, en gé- néral, la profondeur du travail est de 0°32, ou en- viron un pied, ou de la hauteur du fer. Le louchet (fig. 2 ) est plus étroit, plus long, et en général plus solide que celui de la figure 6 : la largeur du fer cd du bas est de o"140, celle ab du haut, de 0"145. Souvent le haut est plus étroit de o"or que le bas; la hauteur à d'est de 0"38; la hau- teur f 2 de la douille de 0"75; la quantité dont le bois est engagé dans les deux lames de fer, est de 0"18; la longueur f #7 du manche est de o"71, et celle de la poignée mm de 0"12. Le bois du manche, qui se prolonge entre les deux feuilles du louchet, est taillé de manière à faire suite au fer du louchet : il est cloué sur ces deux feuilles, qui sont soudées dans le bas, et réunies dans le haut par des clous rivés et limés, qui les traversent ainsi que le bois. Le bois introduit dans ces lames, donne de la ner- vure, et empêche la casse du fer. On peut, à l’aide de cette disposition, creuser à 0"45 et o"5o; lorsque la terre est humide, on enlève ainsi une tranche de terre moitié plus haute que le fer du louchet. L'ouvrier se sert rarement de son pied pour en- foncer le louchet : il presse de tout le poids de son corps , en se penchant sur son outil, qui entre avec facilité de toute sa profondeur et an- delà. Le manche, par cette raison , doit être tres-court, et la poignée assez large pour y placer les deux mains; il frappe 174 CHAPITRE III. verticalement la terre avec force, et penche son corps sur ses mains appliquées à la poignée, afin d'agir de tout le poids de son corps. Il est quelquefois obligé d’enfoncer trois fois le fer avant d’enlever la terre : une fois de chaque côté, afin de détacher le terrain, et une troisième et der- nière fois dans la direction du travail; alors il lève la terre et la dépose, avec adresse et intelligence, à droite et à gauche du fossé qu'il ouvre. On garnit quelquefois d’une cheville de fer, ou de bois, lun des côtés fb du bois du louchet ( fig. 2), afin de mettre le pied dessus lorsque la terre est très-dure. On emploie particulièrement le louchet pour ouvrir de petits fossés dans les champs de colza, qu’on di- vise , par ce travail, en planches de 5 à 4"50 de lar- geur, selon les localités. L’ouvrier est payé à raison de 1 franc 75 cent. pour 330 mètres de longueur de fossés, appelés ruaux. Ces fossés ont 0"325 de lar- geur, et 0"325 de hauteur, ou environ un pied. On compte que, par hectare, la longueur des fossés est d'environ 2,500 mètres , et la dépense de 13 francs 25 centimes. Le fer du louchet pèse 1“*12, et coûte, avec le manche, 3 francs. Cet instrument devrait subir des modifications, si on voulait l'employer dans des terres dures et mêlées de cailloux. DU PLANTOIR. Le plantoir sert à ouvrir les trous où l’on met, à la main , les différentes espèces de choux, que l'on re- INSTRUMENTS ARATOIRES, etc. 179 pique, et particulièrement la variété dite colza, plus généralement cultivée. On en distingue de deux espèces : le plantoir à > branches ( #g. 4), et celui à une branche (fig. 11). Comme le plantoir à une branche est plus commu- nément employé, nous ne parlerons que de celui-ci; le second exigeant une force plus que moyenne, est moins en usage. LE PLANTOIR. (9. 11.) Le plantoir est fait d’une feuille de fer envelop- pant exactement un piquet en bois, qui se termine en pointe. La hauteur c d du fer du plantoir, est de 0"26 ; la largeur a b est de 0"095, et celle du manche, à ce point, de 0"o51; la hauteur du manche 4m, depuis le fer jusqu'à la poignée mm, de 0"54; la lon- gueur de la poignée mm , de o"29, et la grosseur moyenne de 0"o4 de diamètre; la douille dg à owr10 de longueur. Le manche se prolonge jusqu'à la pointe et a la forme cab; le fer recouvre l'extrémité du bois, le conserve et facilite le travail, en diminuant le frot- tement. L’ouvrier tient le manche des deux mains, et s’ap- puie avec force sur l'outil, qu'il fait vaciller sur la pointe pour élargir le trou, et retirer l'instrument avec moins d'efforts. En ouvrant les trous, il suit les lignes du sillon, qui sont parfaitement droites, et avec un peu d'habitude, 176 CHAPITRE III. il parvient à les espacer également en longueur comme en largeur. Le fer du plantoir pese 1*25 , et l’outil entier coûte 5 francs. Un bon ouvrier, dans sa journée, fait des trous pour planter des colzas sur une surface de 25 ares. Il est payé à raison de 85 centimes pour 10 ares, ou de 8 francs 5o centimes par hectare. On donne la même somme pour mettre les plantes en terre ; les ouvriers ne sont pas nourris. Beaucoup de ces travaux se font à la tâche; les gens qui en font métier sont très-exercés, et gagnent de fortes journées. PIQUET, pour faucher, Ou PETITE FAUX. / Le piquet ou petite faux, est peut-être l’instrument le plus singulier, le plusutile, et celui qu’on pourrait, avec le plus d'avantages, introduire dans les autres contrées. Avant d'en indiquer l'emploi, nous en donnerons les dimensions. Le piquet se compose de deux pièces (/£g. 3 et 9, PL :0) La figure 9 représente un crochet, que l'ouvrier tient de la main gauche, et qui est destiné à ras- sembler les épis de blé, d'avoine, etc.; à les sou- tenir pendant qu'il les coupe avec la faux, et à les ranger ensuite derrière lui. Ce crochet se compose d'un petit manche carré a c de 113 de longueur, ayant dans le haut 0"032 de largeur sur o"o19 d'épaisseur : il est garni, au INSTRUMENTS ARATOIRES, etc. 177 bas, d’un crochet en fer qui lui donne son nom. Le crochet a o"18, et la branche a b, de o"o9 de hau- teur, est clouée sur le bois; près de l’extrémité du manche, on a pratiqué une ouverture de 0"105 de hauteur et de o"or de largeur, destinée à passer la lame de la faux, et à la porter, en marchant , sans s’exposer à se couper. La figure 8 représente la faux vue de différents côtés. | La lame a à à une longueur de 6"56 , une largeur cd de 0"065; c'd' de 0"08 , cd" de o"o7; le dos a o"or d'épaisseur. La lame s'attache au manche, au moyen d'un crochet de fer chassé à coups de marteau dans ce manche, et avec un osier qui les lie ensemble étroi- tement. La faux, qui pèse + de kilogr., est faite d’a- cier, et se vend, avec le manche et le crochet, 5 fr. bo cent. La lame est travaillée de différentes manieres : dans quelques-unes, le dessous est plat. Le faucheur alors coupe à fleur de terre, mais il faut qu'il soit plus exercé, et que le terrain soit très-uni ; dans d’autres, le tranchant de la lame se relève, de manière que le dos touche la terre; alors le tranchant de la lame est toujours éloigné du terrain de la quantité dont la faux est bombée, c’est-à-dire, de 0"025. Le manche, qui est d’une seule pièce, est recourbé près de son extrémité; la longueur ag est de 0"45; la largeur 77 m est de 0"075; le manche à 0"035 de large sur 0"025; le crochet p est en cuir, et sert à placer le second doigt; le pouce est posé sur le point g, qui est échancré pour cette raison; la partie Agricult, de la Flandre. X 2 175 CHAPITRE IIL. recourbée 2 x sert de contre-poids, et donne au fau- cheur la facilité de travailler avec dextérité, rapidité et sans fatigue. Comme le manche est rentrant sur la faux, le centre de gravité se trouve au point où s'applique le second doigt; ainsi l'outil revient, sans effort, à la première position. Le faucheur place le crochet le long de son bras gauche, le serre sous l’aisselle, et étend les doigts à 0"30 du fer; l'extrémité du manche, qui touche son corps, tourne autour de ce point fixe, et soulage la main gauche. Au moyen de cet outil, un faucheur exercé fait plus d'ouvrage qu'avec la grande faux, et exécute en mème temps le travail de l'ouvrier qui devrait le suivre, pour ramasser le blé, et le mettre en andain. Le faucheur range avec régularité ce qu'il a coupé, fauche très-bas, et ne laisse ni paille ni herbe; les épis sont tranchés sans être secoués, en sorte qu’on perd peu de grains, lors même qu'il est mür. On peut estimer que l'usage de cette faux, qui pourrait être général, diminue d’un tiers les frais de récolte, ou de moitié, selon qu'on les compare avec ceux payés pour moissonner avec la grande faux, ou avec la faucille ordinaire. LA ,.R ASETTE. La rasette ( /g. 5 pl. 9) est une petite houe dont on se sert pour la culture du lin. L’ouvrière, qui est à genoux sur le champ, tient la rasette de la main droite, et se sert tour-à-tour du tranchant ou des INSTRUMENTS ARATOIRES, etc. 179 pointes pour enlever les mauvaises herbes, ou donner une culture au lin. Le manche en bois bc, qui est rond, à 0"28 de longueur, 0"o35 de diametre dans le haut, et o"o dans le bas. La partie du manche en fer ab est de 0"13 ; la largeur de la lame est de 0"o8, ét la lon- gueur o # des pointes est de 0"05..Cet outil coûte 2 francs 56 cent. Nous ne décrirons pas les autres outils représentés sur la planche 9, parce qu'ils sont presque semblables à ceux en usage dans les autres pays. DES VOITURES: Les fermiers et voituriers de la Flandre emploient des voitures à 4 roues pour transporter au loin de lourds fardeaux, parce que les chars, charrettes ou voitures à deux roues fatiguent les chevaux et ne sont pas d’un emploi aussi commode et aussi avantageux. La principale voiture dont on se sert le plus dans les environs de Lille, est le chariot à 4 roues, qui est plus ou moins fort et solide, suivant l'usage auquel on le destine. CHARIOTS FLAMANDS. Les chariots des fermiers { pl. 10) méritent d' être étudiés : toutes les parties en sont bien éntendues. Nous ne parlerons que des pièces qui different es- sentiellement de celles des voitures en usage dans les autres départements. Les fermiers transportent sur le même chariot, 12. 180 CHAPITRE IL. tantôt des matières très-lourdes, du charbon, des pierres, de la terre, etc.; tantôt des matières légères, de la paille, du foin, etc. : ils s'en servent surtout pour conduire le blé et autres grains à la ville, et pour en rapporter de la drague (1). Elle est jetée encore humide sur ces chariots, sans être renfermée dans des sacs ou des tonneaux. D’après cela, 1l est nécessaire que le chariot flamand soit en même temps solide, vaste, commode pour le chargement et le déchargement , et disposé pour recevoir des matières friables et humides. Les différentes figures de la planche 10 font voir que ce chariot réunit ces dif- férents avantages. La pièce de bois fff (fig. 1 et 3, pl. ro) qui lie le train de devant à celui de derrière, se nomme allonge : elle est quelquefois faite de deux pièces , mais ordinairement d’une seule. Son extrémité anté- rieure est armée d'une large bande de fer qui per- met d’en diminuer la force en ce point, et de réduire l’écartement entre les pièces de l’essieu. Les bords de la voiture sont formés par deux pièces de bois courbes aaa, nommées écaliers de dessous, où s'assemblent exactement les planches du fond, et les montants 72/71m. Au-dessus de ces pièces sont placées deux autres pièces correspondantes 4 bb, nommées écaliers de dessus, qui ont une double courbure, l'une dans le sens de la largeur, et l’autre daus le sens de la hauteur. Vis-à-vis les roues de (1) On nomme drague le résidu du blé, seigle ou orge, germés et fermentés , employés dans les distilleries et brasseries. | INSTRUMENTS ARATOIRES, etc. 181 derrière et sur les écaliers de dessus, sont posés deux petits écaliers c cc nommés garde-roues; ils servent au même usage que les écaliers. Les deux écaliers de dessus et de dessous, liés par les montants 7277 m, sont maintenus dans une po- sition invariable, et soutenus, ainsi que le fond, par des supports, espèces de petites fermes qui emboitent un tiers de l’allonge, et s'appliquent contre les éca- lhiers. Ces supports, formés de plusieurs pièces, sont unis entre eux par de forts tenons et mortaises et par des brides de fer qui les fixent aux écaliers. Il faut considérer la pièce LA (fig. 5), et les mon- tants 00 comme le support de derrière, et l’assem- blage de ces pièces avec la pièce g et les planches et montants, comme la culée de cette construction in- génieuse. Chaque partie est faite avec autant de soin et de solidité que le derrière de la voiture, et résiste également sans se déformer, quelle que soit la charge. L'allonge , l’une des pièces les plus importantes du chariot, est soutenue en avant par larmont ££ ( fig. 1), et en arrière par l’armelle, et surtout à son extrémité postérieure par la pièce 2 L (fig. 5), dont nous avons parlé. On sait qu'une pièce de bois ne peut casser sans plier; que les bois dont les extrémités, au lieu d'être appuyées sont fixées d’une manière invariable, sont capables d'une plus grande résistance; ainsi l’al- longe dépassant de trois pieds l'axe de l’essieu de derrière, et cette partie de la voiture étant et la plus forte en construction et la plus fortement chargée, on doit considérer l'extrémité de l’allonge comme fixée invariablement, et par cela même moins flexible, el susceptible d’une beaucoup plus grande résistance, 182 CHAPITRE TI. La partie de derrière étant la plus forte, et les roues plus hautes et le frottement moins grand, 1l est donc avantageux de porter la plus forte charge sur le der- rière; aussi les fermiers ont soin de disposer les far- deaux lourds selon la courbe de l’écalier de dessus, en sorte que le devant et le milieu du chariot sont peu chargés ; tout le poids porte sur les roues de der- rière. Comme l’écalier supérieur 2 b bb est très-bas dans le milieu, et que cette partie de la voiture est très- large , le voiturier peut charger et décharger avec une grande facilité ; il n’élève le poids que jusqu’à la hau- teur du fond de la voiture; lorsque les fardeaux sont trop lourds, il se sert d’un plan incliné qui porte sur le milieu de l’écalier, assez fort pour résister. On place ordinairement derrière la voiture, un treuil, à l’aide duquel on serre avec des cordes, les charges de paille et de foin, qui dépassent de beau- coup les écaliers. Lorsque le fermier conduit de la drague où du charbon , il applique contre les écaliers des planches ou bordages qui s’y attachent, et se joignent exacte- ment de manière à ne laisser aucune ouverture ; 1l place ensuite sur l’écalier supérieur et le garde-roues, la planche ce ( fig. 4), qui s’assemble au moyen des traverses ztt et des crochets 7 r dans les agraffes en fer tttet rr (fig. 3). ‘Cette planche, nommée planche au charbon ou à la drague, dont on fait également usage pour trans- porter les pommes de terre, navets, etc., est quel- quefois d’une pièce, le plus souvent de deux. Au moyen de cette dernière disposition, le fermier peu! INSTRUMENTS ARATOIRES, etc. 183 n'employer que la moitié de la planche et transporter à-la-fois des denrées de différentes natures. On manie plus facilement ces planches quand elles sont divisées; elles coûtent aussi moins cher et se conservent plus long-temps sans se déformer. Lorsque la ferme est établie sur le bord d’une route pavée , le cultivateur conduit sur son chariot attelé de deux chevaux, 6,000 kilog., ou 12,000 livres de charbon et de pierres, ou 1,500 kilogr. ou 3,000 livres de paille ou de foin. Il ne paraît, pas possible de faire aucune améliora- tion à ce chariot, soit qu'on en considère la con- struction sous le point de vue de la solidité, ou sous celui de la commodité et de l'élégance. La forme en général qui est une réunion de courbes, indique au premier coup d'œil que les différentes parties ont été bien combinées; et si on entre dans les détails on reconnait que les inventeurs étaient doués de beau- coup de sagacité, et que les ouvriers du pays ont le sentiment des formes les plus avantageuses et le ta- lent de les exécuter. Cette espèce de chariot ne pourrait pas servir dans les pays de montagnes. Dans les environs de Lille la pente des routes est au plus de 3 pouces + par toise; presque tous les chemins sont de niveau et les routes pavées sont si multipliées, que presque toutes les fermes en sont tres-rapprochées. Si d’un côté les routes pavées sont bonnes en toute saison , sion peut y transporter des poids plus lourds avec un même nombre de chevaux, il faut convenir que les chocs sont plus violents, que le roulage fa- tüigue davantage les voitures, et que les chariots des- 184 CHAPITRE III. ünés à porter de pesants fardeaux, doivent être beau- coup plus forts. C’est d’après cette circonstance qu'il faut juger de la composition du chariot du fermier flamand, qui paraïîtrait trop lourd dans tout autre pays. Au moyen de dispositions fort simples, et avec des cerceaux et des draps, le fermier transforme son chariot en voiture de voyage; il s’en sert pour con- duire aux foires et aux fêtes voisines toute sa famille, sans craindre les mauvais temps. Le fermier a soin de construire près de son habi- tation un hangar couvert de paille, fermé seulement du côté du couchant pour mettre ses voitures à l'abri de la pluie. Cet appentis peu coûteux, prolonge du double la durée de ses instruments. ( CHARIOT FLAMAND, pour le STos roulage. ( Planche 10 et 11.) Ce chariot a plus de longueur et de largeur que le précédent, et les différentes parties sont plus fortes pour résister à de plus lourdes charges; du reste, il est construit d’après les mêmes principes. Nous nous bornerons à en indiquer quelques particularités. La longueur totale du fond est de dix-sept pieds, et sa plus grande largeur est de quatre pieds six pouces. Les écaliers inférieurs aa aa sont plus écartés à l'extrémité, et les écaliers supérieurs 4/60 b sont plus relevés vers cette partie, et ne sont pas sur- montés d’un garde -roue. Les essieux sont faits d’une pièce de bois d’un fort INSTRUMENTS ARATOIRES, etc. 155 écarrissage , et d’une barre de fer d’un gros échantil- lon, qui la traverse; le tout consolidé par beaucoup de bandes de fer larges et épaisses. Les almonts # sont plus larges, plus longs et plus forts, et liés de même par une soulie 4. Le derrière (fig. 3) est surtout construit avec une extrême solidité, parce que c’est là où lon . porte les plus lourdes charges, etque cette partie doit être considérée comme la culée du char. Les pièces hh gg, liées entre elles par de forts montants, em- brassent les écaliers, ainsi que les pièces du fond , et soutiennent l’allonge, qui ne peut plier sous le poids de la charge du milieu. Ce chariot, attelé de cinq, six ou sept chevaux, porte ordinairement un poids de huit à neuf mille kilogrammeés (16 à 18,000 livres), non compris celui de la voiture ; et quelquefois, par contravention , quinze et dix-sept mille kilogrammes (ou 30 et 34 milliers), lorsque les rouliers suivent des routes où il n'existe pas de ponts à bascule. Comme les voituriers de Lille vont, avec ces cha- riots, à Paris, à Rouen, et dans les principales villes de commerce, et qu'ils ont à passer des montagnes rapides, où ils doivent enrayer, ils ont trouvé un moyen puissant, simple, sûr et prompt pour le faire. Une longue barre de fer xx (fig. 3, pl. 11) porte, à ses extrémités, deux plaques en bois pp, garnies de fer, qu'on presse à volonté contre les roues, au moyen d'une vis v (fig. 1 et >), qui entre dans un écrou fixé dans la pièce de bois posée au-dessus de l’'essieu. Dans les descentes, le voiturier se place derriere sa voiture, tient le levier /, et fait tourner la vis jusqu'à ce que la roue soit arrêtée , si les pentes 180 CHAPITRE LI. sont trop rapides; dans les descentes moins fortes, il gradue la résistance, et laisse à la roue un mou- vement d'autant plus faible que la pente est plus forte. Ces plaques xx servent aussi, dans les routes en plaine, à nétoyer les roues qui élèvent, dans les temps humides , une grande masse de terre, en raison de leur pesanteur et de leur largeur. Ce système de voitures, et l’avantage des routes pavées, diminuent les frais de transport, à tel point qu'il n'en coute que trois francs, et quelquefois même deux francs par quintal, ou cent livres, par aller de Lille à Paris, qui en est à 57 lieues (1). La figure 3 représente le treuil à aide duquel on fait serrer les toiles qui vont de l’avant à l'arrière de la voiture, et servent à fermer où maintenir la charge, et à la garantir de la pluie. La figure 2 est une vue, par devant, du chariot: on voit que l'essieu de lavant-train est également fort, et consolidé par des bandes de fer. La figure 1° de la planche r2, montre le’dessous (1) Mais il faut remarquer que les routes ne résistent pas à de si lourds transports ; que les réparations , à la charge de l’État, coûtent très-cher, et que le gouvernement paie, au moins, moilié de tous les frais de transport des gros roulages; ainsi le public, en dernier résultat, est victime des mauvais systèmes d'entretien des routes et de transport. Il serait plus avantageux et plus juste d'établir des droits de barrière, et de faire payer, par les voitures, à-peu-près la valeur des dommages qu’elles occasionnent. C’est d’après ce système que sont faites et entretenues toutes les routes d'Angleterre, des États-Unis, et de la Belgique. INSTRUMENTS ARATOIRES, elc. 187 du chariot, et la manière dont Flavant et arrière- trains sont construits, liés entre eux et fortifiés. La figure 2 de cette planche, est ce même chariot, vu en projection horizontale. Le timon et les palon- niers sont représentés séparément. (PL. 12, /£g. 4.) On peut se rendre compte de tous les autres dé- tails, à l’aide des différentes figures des planches r1 et 12, et des figures 2 et 3 de la planche 13. Quoique ces dernières n'appartiennent pas au dessin du gros chariot de roulage, elles montrent le système d’as- semblage des avant et arrière-trains. Chaque essieu est comme doublé ou triplé par une des pièces de bois, d’un échantillon semblable, qui forme corps avec lui, et qui en rend la force quatre fois ou neuf fois plus forte; la résistance des bois augmentant comme le carré de l'épaisseur des pièces, les mon- tants ou supports maintiennent les écaliers, que la charge tend à porter en dehors. L’essieu #4 (fig. 2 et 3, pl. 13), qui est en bois, est garni, à chaque extrémité, d’une barre de fer soutenue par des liens en fer. La pièce z£, posée sur l'essieu, et fixée par des brides, se nomme platte- selle. La pièce 2}, qui tourne sur la platte-selle, s’ap- pelle écamiau, et celle gg, assemblée sur l’écamiau, et destinée à soutenir les écaliers, est désignée sous le nom de ronde. DEA BROUETTE. La brouette (pl. 13, #2. 4,5, 6) est ici d’un usage général : elle sert à transporter les engrais et les four- rages verts, lorsque les terres avoisment la ferme, et souvent même à porter des charges, d’un village à 108 CHAPITRE HI. l’autre, par des sentiers de traverse, ouéierpnies sont mauvaises. On distingue un grand nombre d'espèces de brouettes, qui varient selon l'usage auquel on les emploie; elles sont, en général, légères, solides, et les formes en sont commodes et élégantes. Le milieu étant très-bas, on les charge et décharge facilement ; le poids étant près de l'axe de la roue, la puissance ou le travail de l'homme se trouve réduit. Chaque ferme a de petits sentiers en grès ou en briques, ouverts jusqu'au ruisseau ou au village voisin , et disposés pour le passage des brouettes. ÉCOPERCHE, OU ARROSOIR. Nous donnerons lexplication de la figure 7, pour terminer ce qui est relatif à cette planche. Elle re- présente une pelle en bois, appelée arrosoir, dont on fait usage pour arroser les jardins, ou les toiles dans les prairies. A l’aide de cette pelle creuse, allongée en courbe, un ouvrier exercé lance, sans effort, de l’eau à une distance de cinquante pieds; et arrose, en peu de temps, un grand espace. On est surpris que cet outil, d’un prix peu élevé, si avantageux dans un grand nombre de circonstances, ne soit pas connu dans le reste de la France. Sa longueur totale est de 2" 50; celle de la partie creuse, de 1"; la largeur du vide, de 0"08; la pro- fondeur, de 0"05 , et le bombement de la partie re- courbée, de 0"20. L’arrosoir peut contenir 0"004 cubes; mais on ne peut prendre, chaque fois, qu'une partie de ce volume. INSTRUMENTS ARATOIRES, elc. 159 Ce mode d'arrosage a, surtout, l'avantage inap- préciable de lancer leau à une grande hauteur, de la diviser comme un brouillard, de lui donner, par son mélange avec l'air, quelques-unes des qua- lités de l’eau de pluie, en limpreignant, surtout, d'acide carbonique. DU TOMBEREAU. Les fermes des environs de Lille étant de peu détendue , il existe un grand nombre de cas où le cultivateur ne doit transporter que de petites charges; il faut donc qu'il ait des moyens de charrois appro- priés à ses besoins et aux localités. Une voiture à quatre roues est souvent trop grande , toujours trop lourde, et quelquefois incommode. Une charrette à deux roues fatigue et épuise le cheval, qui doit à-la- fois porter et tirer ; ayant moins de stabilité, les ac- cidents sont fréquents dans les exploitations diffi- ciles. Le fermier flamand préfère les tombereaux à trois roues, qu'il nomme baigneaux. Dans les uns, l’avant- train est fixe, et dans les autres il est mobile. Du tombereau à trois roues fixes. Ce tombereau (pl. 14, fig. 1, 2, 3, 4) a lincon- vénient de ne pouvoir tourner aussi facilement que celui à avant-train mobile; mais comme l’avant-train est léger, le cheval soulève la petite roue, et tourne le tombereau comme si la charrette n’avait que deux roues. 190 CHAPITRE. LIL I faut particulièrement attribuer l'usage des trois roues à la prévoyance et à la sagacité du fermier, qui élève ses chevaux avec beaucoup de soin, et qui veut les ménager. La forme de ce tombereau est telle, que la petite roue soutient tout le poids qui serait porté par le cheval, si le tombereau n'avait que deux roues. On voit par la figure 4, qui représente le tombe- reau retourné, que les brancards sont indépendants de la caisse posée sur l’essieu, et, par les quatre figures de cette planche, que la caisse tourne sur un axe (1), et se renverse sans que les brancards chan- ent de position. Cette manœuvre est utile pour verser la terre, la chaux etles engrais contenus dans la caisse, et éviter le temps et les frais du déchargement. L’axe de rotation de la caisse est placé un peu en arrière de l’ess'eu, qui ne gène pas ce mouvement, et la caisse est posée de maniere que la plus longue partie soit en arrière de l'axe de rotation ; de sorte que le poids seul du chargement entraine et fait tourner la caisse, lorsque la clef qui la retient est enlevée. Ce tombereau est presque toujours conduit par un seul cheval, et n’est employé que pour les ex- ploitatens rapprochées. Cette maniere de transporter, nous paraît com- ©: O (x) On a considéré, il y a soixante ans , l’emploi de ces tombe- reaux comme une découverte; les fermiers flamands s’en servent depuis plusieurs siècles. Il est plusieurs autres de leurs instru- ments encore inconnus dans la plus grande partie de la France, qu'on y accueillerait de même comme des inventions. INSTRUMENTS ARATOIRES, etc. 191 mode, ingénieuse et économique, et pourrait servir avec avantage pour toutes les exploitations qui se font, surtout dans les pays de plaines, quels que soient, d’ailleurs, l’état des routes, et la nature de: la terre. Les palonniers (/ig. 5) n’ont rien de particulier , et ressemblent à tous ceux en usage, et précédem- ment mentionnés. Du tombereau à trois roues, avec avant-train mobile. La caisse de ce tombereau est disposée de la même manière que l’autre. Lorsqu'elle est pleine, et qu'elle est fixée aux brancards de l’avant-train , le centre de gravité de la voiture se trouve entre l'essieu et la petite roue, ou dans le plan du triangle des trois points de contact des trois roues : la voiture est donc stable; mais lorsque la caisse, mobile autour d’un axe en fer, placé en arrière à 0®20 de l'axe de l’essieu, est séparée de ses attaches au brancard, elle se renverse en arrière. Le derrière de ce tombereau est toujours mobile, et ste avant que la caisse ne tourne, afin que la terre ou le fumier qu’elle ren- ferme soit déchargé par le seul mouvement de la voiture. L'avant-train se compose d’une petite roue et de deux montants qui portent l’essieu. Ces montants sont fixés à un cercle garni de fer horizontal et mo- bile, tournant dans son milieu avec les roues, autour d'un pivot vertical , fixé à une large planche hori- zontale, assemblée solidement dans les deux bran- cards. O2 CHAPITRE ŒHIlT. Ce tombereau, qui tourne facilement même sous un angle aigu, est surtout employé à l'exploitation des terres. Comme chaque fermier est obligé d’avoir un chemin d'exploitation dans les champs de luzerne, trèfle, etc., 1l est intéressé à ne le faire que le plus étroit possible, pour ne pas perdre d'espace, même dans les angles où il faut tourner. Au moyen de ce tombereau, il va, sans causer beaucoup de dom- mages, chercher le fourrage vert dont il a besoin, et passe facilement sur les fossés remplis en partie de fumier de paille, et sur des pentes tres-inclinées, sans craindre de renverser son tombereau, qui a une grande stabilité. La figure 1°°, pl. 15, représente le tombereau vu de côté : on distingue, 1° les différentes parties de l'avant-train, armées de bandes de fer ; 2° l'axe de rotation de la caisse, qui se projette un peu à gau- che et au-dessus de l’essieu; et 3° les deux mon- tants placés derrière la caisse, où ils laissent de l’es- pace pour le jeu de la planche mobile qu'on fait glisser avant et apres le chargement. La petite roue est mise à une assez grande distance de la grande, afin d'augmenter la longueur du bras de levier, et la stabilité du système. La figure 2 montre le même tombereau renversé, et les détails de construction de l’avant-train, et du fond de la caisse. La figure 3 est une vue par devant. Ce côté de la caisse est d’une grande solidité. La pièce supérieure s est surtout large et forte; c'est la plus essentielle , car elle maintient les ridelles. La figure 4 est le tombereau vu par derriere; la INSTRUMENTS ARATOIRES, etc. 193 planche qui le ferme en est ôtée; on distingue l’axe de rotation de la caisse. Observation générale sur les tombereaux. La perfection de ces tombereaux, et de beaucoup d’autres petites voitures et instruments aratoires, doit être, en partie, attribuée à l'influence que les travaux militaires exécutés dans ce pays, ont eue sur la civi- lisation et l'instruction des hommes de la campagne. Les manœuvres et chefs d'ateliers, employés aux for- tifications des places, et depuis, à leur réparation, ont contracté l'habitude de se servir d'outils perfec- tionnés et bien travaillés. Les forgerons, charrons, ont été exercés à les construire, en sorte que, de proche en proche, ces instruments ont passé des travaux publics dans les fermes, et sont devenus, après une expérience (r) aussi longue que heureuse, les seuls en usage dans la Flandre française. Il serait difficile de perfectionner cette branche de l'Agricul- ture des environs de lulle; toutes les combinaisons semblent avoir été depuis long-temps épuisées. (1) On voit de même, dans les environs de Dunkerque, les habitants des campagnes se servir, dans leur usage ordinaire, avec intelligence et dextérité, de toutes les machines etmanœuvres des vaisseaux à bord desquels ils ont servi dans leur jeunesse. Mais au-delà d’un certain rayon, cette utile influence cesse, et souvent la séparation, imperceptible d’un arrondissement à un autre, semble une barrière insurmontable, que les usages les plus utiles ne peuvent franchir pendant un long espace de temps. 2 Agricult. de la Flandre, 12 194 CHAPITRE III. CHARRETTE @ deux roues. La charrette ( planche 16) n’a rien de particulier ; les fermiers ne s’en servent pas; elle n’est employée qu’au service journalier des moulins à huile et à blé, qui entourent la ville. Nous ne la donnons que pour en indiquer les proportions : elle est légère, forte et assez spacieuse pour recevoir une charge volumineuse. Les brancards aa sont fortifiés dans les parties qui fatiguent davantage, savoir au-dessus des essieux, par les échantignolles 4, et à la partie 7 qui doit résister à l'effort du cheval dans les changements de direc- tion. Les figures 2 et 5 représentent la charrette vue par devant, et renversée. TRAÏÎNEAU. En hiver il est d'usage, dans le département du Nord , de défendre la circulation des lourdes voitures pendant le temps de dégel. Cette mesure est Jugée nécessaire pour la conservation des routes payées, faites avec des pierres de petit échantillon , et posées sur une terre qui absorbe-+beaucoup d'eau, se gêle à une grande profondeur, et devient tellement friable au dégel, que les pavés cèdent à la plus légère pres- sion et s’enfoncent. Les fermiers et meuniers ont alors l'usage de se servir de traineaux ; ils emploient de même ces moyens de transport pour leurs exploi- tations lorsque la terre est couverte de neige ou for- INSTRUMENTS ARATOIRES, etc. 105 tement gelée, ou très-humide ; ils s'en servent aussi pour transporter surles champs la charrue et la herse. Ce traineau n'a rien de remarquable; cependant on doit dire qu'il est solide, léger et bien entendu. CAVE AUX ENGRAIS. La cave aux engrais est une construction particu- lière aux environs de lulle. C’est là où le fermier reçoit et prépare l’engrais flamand, dont les effets sont si puissants. Chaque fermier construit, sur le bord des routes pavées , à l'extrémité de sa principale pièce de terre, une voûte dont les proportions sont indiquées dans les planches 17 et 18. Souvent il réunit plusieurs caves à la suite les unes des autres, lorsque ses ex- ploitationS sont considérables; mais ordinairement chaque fermier n'a qu'une cave, quil établit à quelques cents pas de son habitation. Cette cave est faite de briques; elle a, en général, environ 4" 50 de largeur, 5* de longueur, et 0"90 de hauteur, de pied droit, et 2"10 de hauteur sous clef, le tout mesuré en œuvre. Les murs des pieds- droits et la voüte sont faits de maçonnerie de briques avec mortier de chaux et sable ; l’épaisseur des murs est d’une brique et demie ou deux briques. Le fond de la cave est aussi en maçonnerie : on pose sur un bain de mortier deux rangs de briques à plat, on recouvre l’assise supérieure d’une couche de mortier, sur laquelle on établit un pavé en grès avec mortier de chaux et sable, afin d’empécher les filtrations, soit du dehors au dedans , soit du dedans au dehors. "5 À 190 CHAPITRE IEL. Une cave contient, sans être pleine, environ 32 mètres cubes ou tonnes, ou 4 toises cubes. A chaque cave sont pratiquées deux ouvertures ; l’une horizontale indiquée dans le plan (pl. 17), s’ou- vre au moyen d'un volet portant cadenas, et commu- nique au milieu de la voüte; l’autre plus petite et placée sur la face verticale, est représentée par la figure 2 de la planche 18. La première sert à remplir et vider la cave; la se- conde à fournir de l'air atmosphérique pendant la fermentation continuelle qui s'opère. Il est essentiel que cette cave soit maintenue à une température constante et peu élevée, afin d'empêcher que le gaz acide carbonique ne s'en dégage; c'est pourquoi elle est creusée dans la terre, et la voûte est recouverte d’une forte couche de terre, ou d’un toit en paille, épais et très-bas. - Le fermier flamand met à profit toutes les Journées de ses chevaux. Lorsque les travaux de la campagne - sont moins pressants, 1l fait charrier dans la cave aux engrais les vidanges des latrines des villes, et la remplit ainsi pendant l'hiver. Au printemps, 1l con- tinue d'en transporter à mesure qu'il en fait usage. Il attache tant d'importance à cette espèce d'engrais, qu'il n’épargne aucun sacrifice pour s’en procurer, et fait peu de cas des autres. Aussi refuse-t-il d'acheter des fumiers de chevaux et de vaches, à des prix qui paraîtraient peu élevés dans d’autres pays. Il s'occupe peu de la conduite des fumiers ordinaires; mais il fait grand cas des urines de chevaux et vaches, quil sait recueillir et bien employer. Il entretient avec autant de soin sa cave aux engrais, que sa maison, INSTRUMENTS ARATOIRES, etc. 197 construite quelquefois de pisé et couverte de paille, tandis que sa cave est voütée en bonne maçonnerie et bien entretenue. On pourrait introduire l'usage des caves aux en- grais près de toutes les grandes villes, et en retirer des revenus considérables; mais autant les bénéfices sont énormes pour les cultivateurs, autant l'odeur en est insupportable aux voyageurs et surtout aux étrangers. C’est un supplice d’être forcé de traverser les campagnes aux époques où l’on emploie ces en- grais. Du reste, on peut assurer que les vapeurs, quelque repoussantes qu'elles soient, ne sont pas malsaines. La figure 3 représente le moyen employé pour vider le tonneau dans la cave; on se sert d'un long chenal, qu'on laisse près de là. Moyen de transport de l'engrais flamand. Les voitures (/ëg. 1, 2, 3 et 4) destinées à trans- porter les tonneaux d'engrais, ont une forme par- ticuliere. Les brancards ne sont pas surmontés de ridelles, mais ils sont élevés par les fontiaux jusqu'à la hau- teur du dessus des roues, pour faciliter le chargement et le déchargement des tonneaux sans les déplacer. A l'extrémité de la voiture, on remarque un crochet c (Jig. 1 ), qui sert à attacher le palonnier du cheval, et à tirer la voiture par derrière, lorsqu'on ne peut la retourner. Les tonneaux sont bouchés par des bondes , ou le 198 CHAPITRE III. plus souvent par de forts tampons de paille, qui empêchent le liquide de ballotter et de sorur. Les figures 2, 5, 4 représentent une voiture vue en projection verticale, par devant et par derrière. Beaucoup de fermiers ont des voitures plus larges, où ils placent deux rangs de tonneaux; mais, dans ce cas, ils se servent de deux chevaux; les autres n'en mettent qu'un, quoique les palonniers soient disposés pour deux. Les figures 5, 6 et 7 indiquent la manière dont les tonneaux sont quelquefois charriés sur les champs. Ce moyen de transport est préféré, lorsque le champ a peu d’étendue, ou lorsqu'il se trouve placé près de la cave aux engrais, ou de l'habitation. Les figures 15, 16, 17 et 18 donnent les détails de la construction du chenal qui sert à vider le ton- neau dans la cave ou dans la cuve (fig. 9), ou dans le tonneau défoncé ( 72. 8 ); le crochet c du chenal porte sur le brancard. Dans cette position , le tonneau appuyé sur la face du chenal, est vidé; le liquide va de là dans la cave ou la cuve. Le chevalet (fig. 10 et 13) est employé à supporter le chenal; souvent aussi il est posé dans le champ, et sert à recevoir les tonneaux, qu'on vide ensuite dans la cuve, ou tonneau défoncé ( fig. 8 et 9). La figure 14 représente un levier, à l’aide duquel deux hommes placés aux deux extrémités, ayant leurs épaules engagées dans les échancrures, lèvent les tonneaux, et les transportent de la voiture sur le chevalet, et réciproquement. Le tonneau défoncé (/ig. 8), destiné à recevoir les engrais au moment de l'emploi, est porté sous la INSTRUMENTS ARATOIRES, eic. 199 voiture, au moyen de deux crochets latéraux, et de deux leviers ; l’un des ouvriers, à l’aide de la poche de l’engrais (ég. 19), le répand tout autour; le ton- neau est reporté plus loin de la même maniere, et l'opération recommence. Lorsque le tonneau défoncé est vide , la voiture chargée approche et on le remplit de nouveau ; le manche de la cuiller étant très-long, le cultivateur exercé jette l’engrais à six metres et demi ou 20 pieds tout autour. Pour retirer l’engrais de la cave, on place un tonneau sur le chevalet ( g. 10 13), on plonge le seau en cuivre (fig. 11 et 12), et on le verse successivement dans le tonneau, qui est ensuite posé sur la voiture, ou sur le petit traineau, selon l'étendue de l'exploitation. Tous les garcons et filles de fermes de Flandre font ces différentes opérations sans plus de difficulté que les autres ouvrages; mais dans les autres arrondisse- ments, les propriétaires ou gros cultivateurs, n’ont pas encore pu obtenir que cet usage s’établisse dans les environs des autres villes, où il serait également lucratif. Les ouvriers de ces cantons ont toujours montré une extrême répugnance à l’adopter. DELLA, FABRICATION. DE LA: CHAUX. La chaux étant un engrais puissant , et donnant lieu à un commerce considérable dans les environs de Lille ,nousferons connaitre les procédés de fabrication. La pierre à chaux est tirée d’un banc qui règne généralement dans les environs, à une profondeur plus où moins grande, et qui forme la masse des terrains un peu élevés. On l'extrait au moyen de 200 CGHAPITR E'XIX puits et de voutes souterraines. Ce banc est formé de détritus et de coquilles ; il a peu de consistance et tient beaucoup de la craie; on nomme ces pierres blancs, parce qu’elles sont d’une grande blancheur. Les fours à chaux sont placés sur le bord des grandes routes pavées, et près des canaux, afin de rendre plus commodes et plus économiques les trans- ports des pierres , du charbon, et de la chaux après la cuisson. Les fours sont en briques, et formés d’une voûte conique renversée et couverte dans le haut, d’une voûte annulaire qui l’entoure-et qui est couverte; la bouche inférieure des fours communique avec la voûte annulaire, où la chaux cuite est recueillie jus- qu'au moment de la vente. Souvent on pratique au- dessous de la voûte des fours, d’autres voûtes ou caves, où la chaux est recue et conservée jusqu’à ce que le temps soit sec, et qu'elle soit vendue, La partie supérieure, ou la plus large du four, est peu élevée au-dessus du terrain; par ce moyen, le transport de la pierre, du tas dans le four , exige peu de peine. Presque toujours on place deux fours l’un à côté de l’autre, afin que le travail ne soit pas in- terrompu. Les fours sont perpétuels, c'est-à-dire, qu'on peut continuer très-long-temps de les remplir de pierres et de houille, et d’en retirer la chaux sans arrêter le feu. Lorsqu'on veut charger un four, on en remplit le fond de fagots de bois sec; on y jette une couche de charbon, ensuite un lit de pierres cassées de la grosseur d’un œuf. On continue ainsi de suite à jeter “ INSTRUMENTS ARATOIRES, etc: 201 alternativement une couche de pierres cassées, et une couche de houille, en ayant soin de n’ajouter du charbon et de la pierre, que lorsque les couches in- térieures du charbon sont en combustion. La chaux reste environ trente-six heures dans le four; on la retire peu après, et on remplit le vide par des couches semblables de charbon en poussière et de pierres cassées. Nous avons indiqué , dans les tableaux, la proportion des pierres et du charbon. Le mètre cube de chaux coûte, au four, de 19 à 15 francs. Nous donnons le dessin de l’un de ces fours, planche Lorsque l’une des voûtes est à réparer, on met le feu à l’autre, de manière que l'exploitation est con- tinuelle. On doit remarquer qu’on se sert toujours de char- bon de terre, dit menu, ou en poussière, parce qu'il se répand plus également, et qu'il ne donne pas de coup de feu, ce qui vitrifierait la chaux. DE LA BRIQUE. La brique est d’un usage si génér« en Flandre, qu'il semble nécessaire d'indiquer comment on la fabrique. Elle se fait près du lieu où l’on doit l’employer, dans les champs mêmes, qui tous four- nissent de la terre propre à cette fabrication; mais le plus souvent sur les bords des canaux et des rou- tes, afin de diminuer les frais de transport. Les terres de Lille étant toutes propres à faire de la brique, on est maitre de choisir l'emplacement du four. S 203 CHAPITRE III. La terre est tirée pendant l'hiver ou le printemps, et plusieurs fois retournée ; cette préparation lui donne du corps et de la liaison, et rend les briques plus denses, plus lourdes, et moins cassantes. On moule les briques pendant les mois de mai et juin; on les laisse sécher d’abord sur le terrain; en- suite on les relève en petits murs, où elles sont pla- cées de champ, alternativement sur la largeur et sur la longueur, et très-espacées. On tâche de laisser beaucoup de vide, afin que l'air puisse jouer et les sécher plus complètement. Le dessus de chaque ais est recouvert d’un petit toit de paille, et la partie exposée au couchant, ou à la pluie, est garantie par des paillassons que l’on pose où qu’on déplace selon les variations de l'atmosphère. Trente jours, d’un temps chaud, suffisent pour les sécher convenablement. On commence alors le four: la base est un rectangle, dont les côtés varient sui- vant la quantité de briques qu'on doit cuire. On fait des fours de 6 à 15 mètres de largeur, sur 8 à 18 mètres de longueur, selon qu'ils contiennent 150,000 À 2,000,000 de Due Dans ce cas, les dimensions de la base sont de 10" 50 sur 12"50 , et la hauteur est de 7 mètres. Les détails suivants sont relatifs à un four de cette dimension. L’aire est mise de niveau, et garantie des pluies par une rigole ouverte tout autour; elle est divisée par onze bandes longitudinales, ayant toutes la lon- gueur du four, et chacune une largeur de 0" 30. Ces bandes sont recouvertes par une petite voûte faite INSTRUMENTS ARATOIRES, etc. 203 avec des briques; l’intervalle est rempli de fagots tres - secs. Les quatre angles sont fortifiés par une partie sail- lante en brique, qui monte en talus à 2 mètres de hauteur. | Les briques sont mises de champ, et posées par couches, et alternativement sur leur longueur et leur largeur , en laissant, de l’une à l’autre, le plus faible intervalle possible, de quelques millimètres seule- ment. Sur chaque couche de briques, on répand une légère couche de charbon menu, ou en poussiere, qui remplit tous les intervalles , et sépare les briques. Lorsque le four est élevé à trois pieds de hauteur, on met le feu, que l’on modère en laissant plus ou moins d'ouverture aux petites voütes dont nous avons parlé. Quand la chaleur se fait sentir à la surface supé- rieure, et qu'on juge le dessèchement de ces briques assez complet, on continue à poser successivement des couches de briques et de charbon, et on n'arrête que le moins possible cette opération, parce que la marche de la combustion est aussi prompte que la pose. En général, on règle la chaleur de la surface de manière qu’elle soit la plus forte possible, sans incommoder les ouvriers qui posent sur le tas, et restent constarhment dans cette atmosphère embrasée et sulfureuse. Souvent, en quinze jours, le four est terminé; alors on recouvre le dessus d’une légère couche de terre, pour ralentir la combustion et la concentrer; le charbon se consume en entier, et la chaleur se conserve long-temps. Pendant ce travail, on a soin d’enduire successi- ai 20/ CHAPITRE IIL. vement les côtés du four de terre détrempée, pour empécher l'air de pénétrer, la chaleur de se dégager, et la pluie de dégrader les briques du pourtour. Sou- vent même on garantit les deux faces exposées aux pluies, par des paillassons qui en sont à deux et trois pieds, et assez éloignés pour que le feu ne puisse s'y communiquer. Le feu est réglé par l’ouverture des voûtes infé- rieures, et par des jours qu’on pratique à différentes hauteurs, afin de laisser introduire l'air et faciliter la combustion complète du charbon. Ce travail demande une longue habitude, et ne peut être bien fait que par des ouvriers très-exercés. : Souvent le feu agit trop d’un côté, et vitrifie les briques : sur un autre côté, elles ne sont pas assez cuites. Ces ouvrages se font ordinairement à la tâche; les rebuts restent au compte du fabricant, qui paie toutes les mains-d’œuvre, et n’est payé que des bonnes bri- ques, à tant le mille. Les briques ont, en général, o"22 de longueur, 0" 11 de largeur, eto"055 d'épaisseur. Ces dimensions sont préférées, afin que deux épaisseurs fassent une largeur, et deux largeurs une longueur. Les con- structions sont par là plus faciles, et en même temps plus solides. Le charbon coûte 2 francs les 100 kilogrammes, ou 20 francs le tonneau; et la brique revient aux fa- bricants de 10 à 11 francs, et se vend 14 à 15 francs le mille, sur place. En général, les briques sont faites avec trop peu de soin; la terre est trop humide, la brique est trop INSTRUMENTS ARATOIRES, etc. 205 poreuse, et se casse sous une médiocre pression; sou- vent même on trouve dans le tas un cinquième, et même plus, de briques cassées. Il est d'usage d’en recevoir = de bonnes et : de cassées, lorsqu'elles sont reconnues de bonne qualité. Ce mode de faire la brique est simple, économique ; mais on ne peut l'employer que dans les pays où le charbon est abondant, où la terre à briques est commune, et où toutes les constructions se font en briques. Les briques qui doivent servir, dans l’intérieur, à carreler les appartements, sont fabriquées avec plus de soin; la terre est choisie, mieux pétrie, mieux moulée , mieux desséchée, et cuite dans des fours couverts, destinés à cet usage, comme dans les autres pays. On vient d'essayer une nouvelle méthode de fabri- cation, pour donner à la brique à bâtir plus de con- sistance. Ce procédé, usité en Angleterre, a parfaite- ment réussi. La brique est faite, suivant la méthode actuelle, dans un moule plus grand; on la laisse quelques jours sécher , et ensuite on la passe dans un moule plus petit, où elle est frappée d’un coup de balancier ; l’eau s’en échappe, le grain est plus serré, et la brique d’une qualité supérieure. Cette main- d'œuvre peut être évaluée à 4 francs de plus par mille. On n’a pas essayé de faire de la brique par la pres- sion, c'est-à-dire, sans mélange d’eau et sans cuisson. La terre de ce pays ne nous paraît pas assez grasse et liante; elle se fendrait trop vite par la dessication. L'air, d’ailleurs, est trop rarement sec et chaud, pour enlever l'humidité, et donner aux briques assez de 206 CHAPITRE. LILI. consistance même pour être employées dans des constructions couvertes. | : DES MOULINS A HUILE. (Planches 22 et 23.) / Le colza étant l’une des productions, des environs de Lille, les plus abondantes et les plus estimées, par la valeur de la graine, nous indiquerons la ma- nière dont on fabrique l'huile qu’on en retire. Les moulins à huile, dans les environs de lille, qu'on nomme tordoirs, sont mus par le vent, parce que les eaux des rivières , d’ailleurs peu abondantes, sont exclusivement employées aux besoins de la na- vigation, et aux moulins à blé. Ces moulins à vent, en très-grand nombre près de la ville, sont construits avec intelligence et soli- dité, et renferment, dans quelques pieds quarrés, tout ce qui est nécessaire à la fabrication de l'huile. L'arbre du moulin, que les ailes font tourner, en- grène directement avec six pilons, dont quatre écra- sent la graine ; le cinquième frappe sur des coins, et presse l'huile ; le sixième desserre les coins, au moyen d’un com renversé, d’une forme très-ingénieuse. La graine est placée dans quatre trous, creusés en demi-sphère dans une forte pièce de bois, consolidée par de forts liens en fer. Les pilons, terminés de même en demi-sphère, mais d’un diamètre plus petit que celui des trous correspondants, écrasent la graine, et lui impriment un mouvement de bas en haut, de sorte que les différentes parties de la graine revien- nent tour à tour sous le pilon. INSTRUMENTS ARATOIRES, etc. 207 Lorsque la graine est très-écrasée, l’ouvrier en remplit de petits sacs, qu'il enveloppe d’une étoffe de crin d’un demi-pouce d'épaisseur; 1l place les sacs à l'extrémité du pressoim,,les sépare par des pièces de bois, et introduit entre elles la pointe d’un coin que le pilon fait entrer avec force. L'huile qui sort est recueillie, de chaque côté, sous le pressoir. Après un nombre fixe de coups de pilon, qu'un instrument fort simple indique, ouvrier fait frapper le sixième pilon sur le coin renversé; les coins se desserrent, les sacs sont retirés, et aussitôt remplacés par de nouveaux. L'ouvrier Ôte des sacs la matière pressée une pre- miere fois, la place sous les pilons ; l’arrose de temps en temps avec de l’eau; l’expose ensuite sur une plaque de fer, chauffée par un feu clair, et remplit de cette matière des sacs qu'il soumet à une nouvelle pres- sion; il en sort encore de l'huile, et le résidu est un gâteau de colza solide, qui est livré, en cet état, dans le commerce. Il faut quatre hectolitres et demi de graines, pour faire une tonne d'huile, qui contient un hectolitre. La tonne ou l'hectolitre d'huile pèse de 105 à 107 kilogrammes; on retire des quatre hectolitres et demi 180 tourteaux, qui se vendent à raison de 10% envi- ron le cent. Un moulin à vent, tel que celui représenté par les planches 22 et 23, fait, par an, de 5oo à 6oo tonnes d'huile. Sa construction coûte de 9 à 10,000 francs, et il se loue, par an, de 1,000 à 1,200 francs. Dans les arrondissements de Cambrai et de Douai, on fait plus généralement usage des moulins à eau. 208 CHAPITRE IL. Les détails de la fabrication sont, en partie, les mêmes que dans les moulins à vent, appelés aussi tordoirs ; la pression de l'huile a lieu par un pilon et par une méthode entièrement semblalile à la précédente, mais la graine est broyée par un autre procédé. Deux roues en pierre verticales d’un grand diamètre, mues par l’eau, et tournant sur une forte pierre horizon- tale, écrasent la graine; une machine ramène sans cesse la matière de la circonférence au centre, et la fait arriver successivement sous les surfaces verticales des meules. Ces roues écrasent plus également et mieux que les pilons, et les produits, en huile, sont plus con- sidérables. Un moulin ordinaire, mu par leau, porte quatre pilons destinés à presser l'huile; ainsi il fait quatre fois plus d'ouvrage qu'un moulin à vent, lorsqu'il tourne pendant le même temps. Mais le chomage des moulins à vent est plus fréquent, et beaucoup plus long, et la marche des moulins à eau est plus régulière; aussi un moulin à eau, quoique interrompu des mois entiers par le manque d'eau, ou par le manque de graines, fait communément de deux à trois mille tonnes d'huile, c’est-à-dire, cinq fois autant qu'un moulin à vent. Depuis six ans on a établi, dans la ville de Lille, de grands moulins à huile, mus par des machines à vapeur. Dans l’un, la graine passe d’abord entre deux cy- lindres en fer, qui l’écrasent ; elle est portée ensuite sous de grandes meules en pierre presque verticales, de neuf pieds de diamètre, mues par un arbre ver- tical, autour duquel elles tournent, comme dans les INSTRUMENTS ARATOIRES, etc. 209 moulins à eau. La graine, étant réduite en farine, est mise dans des sacs, qui sont soumis à l’action des pilons, semblables à ceux des moulins à vent; le tour- teau tiré des sacs est arrosé d’eau, soumis à l’action des pilons, qui remettent le résidu à l’état de farine; on l’expose ensuite sur une plaque de fer, échauffée par la vapeur; la farine, qui est constamment remuée par un rateau que la machine fait tourner, est remise de nouveau dans des sacs, et ensuite sous les tor- doirs, qui en font sortir les dernières parties d'huile. Toutes ces huiles coulent directement, par des tuyaux, dans des réservoirs placés dans des caves, où elles sont clarifiées et épurées. Le même moteur (i), c’est-à-dire, la machine à vapeur, imprime à la fois le mouvement aux cylin- dres qui écrasent la grame, aux grandes roues qui la mettent en farine, aux pilons qui expriment l'huile, ou écrasent de nouveau les tourteaux, et aux rateaux destinés à la remuer sur les plaques échauffées. (x) La même machine pourrait également servir à élever, par des pompes , l'huile de la cave dans les cuves d'épuration. On re- marque , dans les détails de ces ateliers, des mécanismes fort ingénieux : 1° lorsque la graine est écrasée sous les meules, un ramoneur en fer, qu’on descend, rejette la farine du centre à la circonférence, et la fait sortir par une trape, où elle est mise dans des sacs. 2° La plaque où les tourteaux de première pression sont mis , après avoir été écrasés , est recouverte par un cylindre creux qui forme les bords de la plaque. Ce cylindre, qu’on retire, amène, dans des ouvertures , la farine qui tombe dans des sacs. 3° Tous les engrénages sont faits avec beaucoup de précision, et méritent d’être étudiés par tous ceux qui ont des établissements à faire ou à perfectionner. Agricult, de la Flandre. I / 210 CHAPITRE IIF: Le travail des pilons étant très-bruyant, n’est au- torisé que pendant la journée, ou jusqu’à dix heures du soir; ce qui occasionne une interruption de huit heures par vingt-quatre, et une grande perte de chaleur. | Plusieurs fabricants ont remédié à cet inconvé- nient, en établissant des moulins à farine qui mar- chent pendant la nuit, par l'action de la machine à vapeur, et pendant l'interruption de la fabrication de l'huile. D'autres ont remplacé les pilons par des presses hydrauliques, d’autres par des presses muettes. Ces dernières sont formées par une surface spirale, qui se meut, avec une extrême lenteur, entre deux pla- eaux ou pressoirs. Le mouvement de la spirale est très-lent, parce que l'arbre de la machine à vapeur imprime successivement ls mouvement à une suite de roues armées de petits pignons, qui engrènent dans d’autres roues plus grandes, et produisent entre elles le jeu et la puissance"du mécanisme des crics, où l’on est obligé de perdre en temps ce que l’on gagne en force. On conçoit qu'on peut, par ce pro- cédé, donner à la machine tel degré de puissance qu'on veut, en multipliant les engrénages. Ces moulins font de 10 à 20 tonnes d'huile, ou 20 hectolitres par vingt-quatre heures, c'est-à-dire, de cinq à dix fois autant que les tordoirs ordinaires , mus par le vent. Cependant on n’est pas certain que ces nou- velles usines donnent de plus grands bénéfices que les tordoirs , eu égard aux grandes dépenses premières, et frais d'établissement, et aux causes suivantes. Le propriétaire d’un ou plusieurs moulins à vent INSTRUMENTS ARATOIRES, etc. 211 paie, il est vrai, proportionnellement plus d'ouvriers pour la fabrication, mais ces usines coûtent moins à établir; la puissance ne lui occasionne que la dépense et l'entretien des voiles et des ailes. IL achète la graine avec plus d'avantage , parce qu’il achète moins ; vend, par la même raison, avec plus de profit ses tour- teaux, destinés à l’engrais des terres du voisinage. Enfin, l'introduction de la culture du colza dans l'intérieur de la France, et la diminution du prix de l'huile, ont réduit les bénéfices faits par les premiers fabricants. Nous donnons, planche , les dessins d’un tor- doir mu par le vent, et d'une usine analogue, mue par une machine à vapeur. BARATTE, OU BEURRIÈRE, OU BATTE-BEURRE. Les Flamands ayant un grand nombre de vaches, dont le lait est surtout employé à faire du beurre, ont dû rechercher la méthode la plus économique de le fabriquer. Aussi on remarque un grand nombre d’ustensiles destinés à cet usage, qui tous annoncent la réflexion et la sagacité des inventeurs. Soit que le beurre soit une combinaison de la crème avec le gaz oxigène, ou soit une substance particulière , 1l faut imprimer au liquide un mouve- ment rapide , afin qu'il soit mis en contact avec l'air, ou que les parties butireuses puissent se rapprocher et se séparer du petit-lait. Ce mouvement peut s’imprimer de plusieurs ma- nières; tantôt on pose le vase sur un chassis mobile, ou bascule, que l'on fait balancer, tantôt, et le plus 14. 212 CHAPITRE LLL. souvent, on agite un pilon qui fait mouvoir le liquide, au moyen d’une planchette trouée. Les figures 1 et 10, planche 24, représentent une baratte, où l’on donne le double mouvement à la crème. La baratte pose sur un chassis qui se ter- mine en partie sphérique, et qui se meut sur un seuil horizontal. La manivelle est agitée en différents sens au moyen d'une corde. | Le liquide reçoit donc une double action, l’une de bas en haut, et réciproquement, et une autre circu- laire. On concoit que cette agitation est tres - favora- ble, et que la séparation du beurre et du petit-lait doit être trèes-prompte. Mais, soit que ce chassis soit difficile à construire, ou plus coûteux, ou plus embarrassant, cette mé- thode n’est que très-rarement adoptée. On préfère poser la même baratte sur le sol , et agiter simplement la manivelle. Les figures de 11 à 17 donnent les dé- tails de la baratte ordinaire du pays. Nous la trouvons simple, convenable et ingénieuse à la fois; au moyen des nombreux trous de la planche attachée latérale- ment à la manivelle, on imprime un mouvement rapide et varié au liquide ; on facilite la combinaison de la crême avec l'air, ou la séparation du beurre et du lait. Cet appareil a l'avantage imappréciable de faciliter le lavage de l’intérieur ; l'ouverture supérieure étant assez grande pour qu'on puisse en retirer la manivelle avec sa planche; chaque partie est ensuite nétoyée avec une extrême facilité. Cette précaution est fort essentielle, car les moindres particules de lait qui. resteraient dans le vase s’aigriraient, et donneraient INSTRUMENTS ARATOIRES, elc. 213 au beurre une mauvaise odeur, et un principe d’aci- dité qui l’'empêcherait d’être gardé. Cette forme de vase nous parait bonne et peu sus- ceptible d'amélioration. Nous avons cru devoir donner en double les dessins de cette machine, parce qu'elle parait présenter plus d'avantages que les autres, et qu’on aurait pu en confondre les parties avec celles du chassis de la figure précédente. La beurrière ( fig.1 et 8, pl. 25), qui ressemble à celles employées dans beaucoup d’autres départe- ments, est plus imparfaite que la précédente : l’ou- vrier est obligé, dans le mouvement, de soulever le liquide, ce qui triple la fatigue, sans augmenter la rapidité de l'opération. Le vase étant conique, et. le pilon circulaire, le liquide n’est pas également agité dans toutes ses parties; en relevant le pilon, l'air, chassé avec force, entraine la crême, et occasionne des pertes. Nous croyons donc que cette forme de beurrière ne peut être adoptée que par de très-petits fermiers. On ne la voit, dans le Nord, que chez les petits cultivateurs, qui ont peu de vaches. La figure 14, planche 25, représente une autre beurrière, aussi commune que celle des figures 1 et 8, planche 25. Le vase est un tonneau, divisé par deux grands cercles fixes, qui se coupent à angles droits, et qui sont percés d’un grand nombre de trous. L’essieu en fer qui traverse la tonne, est à l'intersection des plans des cercles intérieurs, qui sont en bois. L'axe, ou essieu fixé dans le tonneau , est posé sur un chassis, et se tourne au moyen d’une manivelle. Dans cette opération, l’ouvrier ne fait que déplacer 214 CHAPITRE 111. le liquide, sans faire d’effort pour le soulever, comme daus la précédente machine; il y a donc moins de force dépensée; le liquide est fortement agité, et le beurre se sépare rapidement, Il semblerait donc que cette méthode düt avoir la préférence, mais elle expose à des inconvénients, qui n’ont pas lieu lorsqu'on emploie la première ou la deuxième machine. Dans celles-ci, les planches trouées sont fixées dans l’intérieur du tonneau, et ne peuvent en sortir pour être nétoyées. L'intérieur n’est pas facilement lavé ; aussi conserve-t-il de l'odeur qui se communi- que au beurre. Cet instrument à, d’ailleurs, un autre défaut : quelque jointive que soit la bonde, souvent la crème, poussée par une grande force centrifuge, s'échappe par les fissures, quelquefois même la bonde s'ouvre, et la crême est jetée au-dehors. Par ces différents motifs, nous pensons qu'on doit donner la préférence à la seconde méthode, qui est en même temps simple et bien entendue. OBSERVATIONS. Il existe, dans chaque ferme, un grand nombre d’autres instruments, que nous ne décrirons point, parce qu’on en trouve partout d’analogues. Les fermiers, par exemple, ont tous l'établi indi- qué sur la planche 25, dont ils se servent pour faire des cercles de tonneau, des chevilles de herse, des manches, et les différentes pièces de leurs instru- ments. En général, ils se bornent à raccommoder leurs INSTRUMENTS ARATOIRES, €tc. 219 outils, et trouvent plus économique d'en acheter que de les faire, car ils connaissent le prix du temps, et savent aussi que des ouvriers exercés, faisant con- stamment la même chose, fabriquent mieux et à plus bas prix, que ceux qui changent d'ouvrage plusieurs fois dans un jour. IL serait à souhaiter que l’on introduisit dans les autres départements, l'instrument qui sert à hacher la paille, et qu'on trouve dans toutes les grosses fer- mes de la Flandre. L'usage de la paille hachée est si général , près de Lille, que des hommes, dans la cam- pagne, font métier de la couper, et travaillent ordi- nairement à la tâche. Le prix est modique, mais telle est leur dextérité, qu'ils gagnent de fortes journées. La paille hachée, que les bestiaux préfèrent au foin, qui leur profite plus que les meilleurs four- rages , est dans cet état à l'abri des rats. Les graines qu’elle renferme restent intactes des années entières dans le tas, parce que la mobilité des brins, et le grand nombre de pointes empêchent les souris dy pénétrer. Les fermiers flamands ont l’usage de ne point battre certaines récoltes, qu’ils destinent à leurs trou- peaux, et qu'ils nomment hivernage. C’est un mélange de vesces et de seigle, qu'on coupe, ainsi qu'on vient de dire, et qu'on distribue en remplacement de la- voine. Cette nourriture donne aux chevaux beaucoup de force et de santé; les chardons qui s'y trouvent étant coupés verts, et hachés avec la paille, er altèrent tres-peu la qualité. 216 | CHAPITRE III CONSTRUCTIONS RURALES. Les fermes sont isolées, bâties près d’une route et dans le centre du domaine, et construites avec simplicité et solidité. Les bâtiments, en général , forment un carré, dont le vide intérieur , ou la cour, est plus ou moins spa- cieux, selon l’étendue de la ferme. Le bâtiment principal, ordinairement en brique, a un soubassement en grès, parce que la brique, ex- posée à l'eau, se détériore, prend l'humidité, et la communique à l’intérieur. Ce mode de construction réunit à la salubrité et à l’économie , l'avantage d’une longue durée. Le rez-de-chaussée , où loge le fermier, est ordinairement double, et élevé de deux ou trois pieds au-dessus du sol. Le dessous est un célier, ou une cave qui sert aussi de laiterie. Cette habitation a rarement un étage supérieur; au-dessus du rez-de- chaussée, règne un grenier carrelé, solide et propre, où les graines battues sont conservées; à côté de l'habitation, et dans le prolongement, se trouve une chambre à coucher, et plus loin une autre chambre qui sert d'atelier et de magasin des outils. L’habitation est quelquefois recouverte en paille, inais le plus souvent en tuiles jointives, soit plates, soit courbes, et toujours garnies de mortier, ce qui rend les toits imperméables, et les garantit à la fois de l’action des vents et des pluies. Sur le second côté du carré, sont placées les écu- ries et étables ; sur le troisième, les granges, et sur le quatrième, ordinairement tres-réduit par l’ouver- INSTRUMENTS ARATOIRES, etc. 217 ture de la grande porte d’entrée, de petits greniers, ou des étables de veaux, moutons, etc., et quelque- fois le poulailler, qui ordinairement n’est pas distinct, et se place dans l'angle de l'écurie ou de létable. Les trois côtés de la ferme, c’est-à-dire, les écuries, étables et granges, sont le plus souvent bâtis en charpentes légères, enduites de pizé, et recouvertes par un toit très-épais de paille. Ce genre de construc- tion réunit tout à la fois la légereté, l’économie à l’'uniformité de température. Comme l'étendue de la ferme n’est que de vingt- cinq à soixante hectares, que le propriétaire ne s’y réserve pas de logement, les constructions en sont simples, et présentent rarement l'apparence de re-: cherche , d'élégance et de luxe. Les fermiers proprié- taires ne cherchent à se distinguer que par la belle tenue des jardins et des vergers qui entourent leurs demeures. On remarque cependant, dans chaque village, une ou deux fermes de cinquante à soixante hectares, dont les bâtiments, plus spacieux, plus élevés, faits tout entiers de briques, recouverts de tuiles vernis- sées ou d’ardoises, et entourés de larges fossés et de belles plantations, présentent l'apparence de petits châteaux , ou de maisons de campagne, et en seraient en effet de très-commodes. Les propriétaires les aban- donnent aux fermiers. La triple clôture, formée par des vergers, des haies épaisses et bien taillées , par des fossés larges et pleins d’eau, et par les bâtiments et l'isolement de ces fer- mes, en rendent la garde facile, et la surveillance des troupeaux de même plus aisée. Des chiens sont 218 CHAPITRE III. attachés à la porte, et veillent à la garde de l'habi- tation pendant que les maîtres sont livrés, dans les environs, aux soins de l’Agriculture. L'étude des fermes de Flandre, considérée dans le but d'introduire ailleurs les bons usages qu’on y suit, donne partout lieu aux observations suivantes. 1° La forme des bâtiments, en carré, facilite la surveillance des troupeaux et la garde de l’établisse- ment; les bœufs, chevaux, etc., qui s’échappent des écuries ne peuvent sortir de la cour, qui est presque constamment fermée; 2° les greniers, couverts en tuiles, sont secs, éclairés, propres, et garantis de l'action de la pluie et du vent. L’addition du mortier entre les joints des briques, contribue à prévenir l'humidité de l'habitation, et à la rendre salubre; 3° l’intérieur de la maison est tenu avec une pro- preté excessive : plusieurs fois par semaine, les usten- siles de cuisine, la crémaillère même, sont nétoyés, frottés, et sont toujours brillants et comme neufs. Cette précaution est sans doute obligée par lhumi- dité du climat, qui corroderait rapidement le fer et le cuivre, mais partout ces mêmes soins seraient aussi nécessaires à la santé des habitants. On éprouve un sentiment de bonheur en visitant les fermes de Flandre ; tout annonce l’amour du tra- vail, l’aisance et l’ordre. La laiterie est, chaque jour, lavée , et les vases qui contiennent le laitage sont bril- lants de propreté. La fermière offre, avec un laitage excellent, dans des tasses de porcelaine, des cuillers d'argent, un pain de froment pur, gris, mais tres- savoureux. Souhaitons que la même aisance, due aux bienfaits INSTRUMENTS ARATOIRES, etc. 219 d’une ancienne et excellente administration, soit re- marquée dans tous les villages de France, et procure bientôt aux habitants des campagnes les qualités qu’elle manque rarement de donner; savoir : l'instruc- ton, la propreté et un grand amour du travail. Un si grand résultat pourrait être obtenu, 1° par des lois bienfaisantes sur les communications intérieures ; 2° par la réduction des impôts; 3° par le séjour à la campagne des propriétaires éclairés. Jusque -là, les doctrines, ou les meilieures expériences en Agri- culture n'auront qu'une faible influence, et ne pro- duiront que difficilement les résultats utiles que l’on doit en attendre. SR MR RE RTE TE TE A AR ART ARR RE ARTE AT D AT A A RE CHAPTTRE, LV: DES ENGRAIS EMPLOYÉS EN FLANDRE. Arva putri non posse saturare, coloni desidis est. VAxiÈRE, Præd. rust., Lib. VIII. Les champs qui sont privés d'engrais réparateurs , Du fermier paresseux sont les accusateurs. (E. ne N.) CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. ES découvertes faites, à la fin du dernier siecle, en chimie et en physique, ont servi à expliquer plu- sieurs mystères de la végétation, et à établir la théo- rie des engrais. Depuis cette époque, les hommes les plus considérables de France et d'Angleterre , les savants les plus distingués, se sont honorés de des- cendre jusqu'aux soins les plus minutieux de l’Agri- culture, et sont parvenus, par leur persévérance et leur génie, à élever cet art utile à la hauteur des autres sciences. Leurs fermes ou leurs demeures sont devenues comme des.foyers de lumière, qui éclairent ENGRAIS. 2 et fructifient les campagnes voisines. De proche en proche, les bonnes méthodes et les richesses qu'elles procurent, se répandent et se répandront plus rapi- dement, lorsque leurs efforts généreux ne seront plus neutralisés par le mode et l’énormité des impôts (1), qui tiennent les laboureurs dans un état voisin de la misère. Les excellentes méthodes flamandes, que nous décrivons , ne pourront être introduites dans le reste de la France, si le Code rural n’est pas perfectionné, et si les impôts ne sont pas réduits, et les moyens de perception améliorés. Jusque là, le cultivateur incertain de pouvoir payer ses contributions, et de conserver le blé nécessaire à la nourriture de sa fa- (1) Malheureusement les cultivateurs gémissent sous le poids des contributions, et les propriétaires riches sont repoussés de leurs terres par le système des impôts. Tout semble éloigner des campagnes les seuls hommes qui pourraient éclairer les labou- reurs. Les sciences et ies savants sont isolés, et comme consignés dans les villes; peu de personnes réunissent la théorie et la pra- tique ; la science a peu d’influence, et l'expérience éclairée reste stérile; les campagnards sont livrés, sans défenseurs, à l’arbi- traire des lois fiscales créées sous l’empire pendant la guerre, que l’on conserve pendant la paix , et qui sont de plus en plus oppres- sives. De nouveaux Fellemberg , etc. , ne pourraient maintenant rendre à la France le même service que l’illustre agronome de Hofwil : une armée d'employés viendraient contrôler la quantité de bière faite, d’eau-de-vie distillée, de plantes de tabac cultivées, de feuilles récoltées , de vins consommés, etc. Le propriétaire le plus courageux et le plus dévoué ne peut résister long-temps à de si dures épreuves; il fuit les champs lorsque la tranquillité et la liberté en sont bannies. 222 CHAPITRE IV. mille, sera hors d'état d'acheter, par des avances, des bénéfices éloignés. Sans liberté et sans aisance, la prévoyance est impossible, et sans prévoyance, le cultivateur n’est que manœuvre. Le plus puissant de tous les engrais, est la sueur volontaire de l’homme libre. Ni la science, ni des encouragements pompeux, ne peuvent balancer les inconvénients d’un système vicieux d'impôts; aussi on ne peut espérer l'intro- duction de l’admirable culture flamande que dans les provinces régies paternellement , comme l'était autre- fois la Flandre française (1 .. Avant de décrire les engrais employés en Flandre, il est nécessaire de rappeler quelques faits physiolo- giques, qui aideront à juger des méthodes en usage. On est assuré, par un grand nombre d'expériences, que la lumière, l'air, le gaz acide carbonique, l’eau, et plusieurs des substances qu'elle dissout, sont né- cessaires ou utiles à la végétation, et que l’accrois- (1) On objectera peut-être que tous les départements de la France étant administrés de la même manière, on peut imtro- duire dans tous les mêmes méthodes de culture; mais on doit ob- server que si les lois sont les mêmes en France, les usages, plus puissants que les lois, sont différents; que ceux de la Flandre, si favorables à la propriété et à l’Agriculture , ont pris naissance pendant un long régime de liberté ; que les cultivateurs ont acquis de l'instruction, des richesses et des vertus , qui leur donnent le courage et la possibilité de résister plus long-temps aux vexations qu'ils éprouvent. Cependant il faut dire que l’Agriculture de la Flandre est stationnaire, et même rétrograde depuis l’établisse- ment des nouveaux impôts indirects , et que le commerce souffre et décroît aussi, par les mêmes causes que l'Agriculture. ENGRAIS. 223 sement des plantes est en raison de l'action de ces agents. On s’est de même rendu compte, par des expé- riences délicates et difficiles, du rôle que joue chaque organe de la plante dans cet important phénomène. Les plus grands naturalistes ont soumis à leurs re- cherches les parties déliées des racines, les différentes fibres du bois, de l'écorce, des feuilles et de leur parenchyme; ils ont suivi les graines dans leurs ger- mes et dans leurs développements, la sève, dans ses mouvements variés : 1ls ont tenu compte de l’eau et des gaz absorbés et transpirés ; enfin, à force de persévérance et d'habileté, ces hommes de génie ont soulevé le voile mystérieux qui avait enveloppé les prodiges de la végétation, et ont rendu presque pal- pables les découvertes les plus essentielles aux pro- grès de la culture. Maintenant on peut considérer comme bien établis, et clairement démontrés, les faits suivants, qui jettent un grand jour sur toutes les opérations de l'Agriculture, et rendent l’étude de cette science prompte et facile pour tous ceux qui ont quelques notions exactes de chimie, de physique et de botanique. 1. La plupart des graines mises dans l’eau dis- tillée, le sable, ou les terres pures, ne germent pas; celles qui germent périssent sans produire, ou si quelques-unes produisent, leurs graines ne sont ni nombreuses, ni fécondes. 2. Si l’eau distillée, même quatorze fois de suite, et à plus forte raison, si l'eau de pluie ne contenait pas quelques parties des gaz et des terres nécessaires à la végétation; les plantes mises dans des terres 22/ CHAPITRE IV. pures arrosées d’eau distillée, ne donneraient pas de graines, ou du moins ces graines seraient infécondes. 3. Les racines des plantes absorbent chaque jour environ le tiers de leur poids d’eau, mais seulement par leurs extrémités, qui sont des espèces de suçoirs. 4. Plus cette eau est limpide (les matières étant parfaitement dissoutes), plus l'absorption des plan- tes est grande, plus cette eau tient en dissolution d'acide carbonique , plus la végétation à d'activité. 5. Lorsque le carbone n'est que suspendu dans l'eau et que les sucoirs des racines sont immédiate- ment en contact avec elle; l'absorption est moindre et les plantes languissent et meurent (1). Elles dé- périssent de même, par l’action de toute substance (x) Nous croyons pouvoir nous permettre d'exposer notre opi- nion sur quelques passages de l’excellent ouvrage sur la Physiologie végétale, de M. Senesier, l'un des naturalistes qui ont le plus avancé cette branche importante de l’histoire naturelle. Cet illustre auteur dit, dans cet ouvrage : « Je puis assurer «que les parties des plantes plongées dans l’eau de fumier, n’en «retirent pas une quantité perceptible, et qu’elles y ont bientôt «péri. Elles ont, à la vérité, vécu plus long-temps quand cette «infusion était étendue d’eau, mais elles y ont toujours péri plus «tôt que dans l’eau commune, quelle que fût la quantité d'eau « mêlée avec la dernière. (Tome 3, page 73.) « L'eau récemment tirée de certains puits est nuisible aux plan- «tes. Les eaux croupissantes, l’urine des animaux, les eaux pour- « ries, et celles qui sont combinées avec beaucoup de fumier frais, « sont mauvaises. » (Toïne 3, page 70.) Il pose ensuite cette question : « L’eau des fumiers serait-elle, « lorsqu'elle n’est pas délayée dans beaucoup d’eau pure, un «obstacle à la végétation, par la grande fermentation qu'elle ENGRAIS. 229 mélangée et non dissoute dans l’eau où les racines sont plongées. «éprouve, et par la pourriture qu’elle occasionne ? » ( Tome 5, page 290 ). Un témoignage d’un si grand poids semble condamner ia mé- thode la plus usitée dans les environs de Lille, et, à notre avis, la plus essentielle de l'Agriculture flamande, c’est-à-dire, l’arro- sage avec des eaux pourries. Nous tächerons d’expliquer cette contradiction apparente, et de démontrer l'avantage des procédés suivis par les cultivateurs du département du Nord. Senebier, renfermé dans une ville, ne pouvant disposer de l’espace, s’est borné à faire des essais sur ses croisées, ou dans ses jardins ; rarement il mettait les graines en pleine terre; ses plantes en observation étaient plongées dans des vases d’eau différemment mélangée, ou dans des caisses de terre particulière. Ses conclu- sions ne sont donc décisives que dans les circonstances analogues à celles où il se trouvait, Il est bien constaté, et j'en ai fait souvent l'expérience, que les racines des plantes et même des arbres, plongées dans de l’eau de fumier, deviennent noires, perdent la propriété d’absorber l’eau, et que les arbres périssent en quelques jours; on ne peut les sauver qu'en coupant la partie des racines que l’eau de fumier a désorganisée. Mais dans les champs tout se passe différemment : la terre sert d'intermédiaire entre l’eau et la racine. La nature prévoyante a sauvé les plantes du contact de l’eau chargée de carbone. Elle dispose les extrémités des racines à une profondeur si bien com- binée, que l’eau la plus trouble et la plus malsaine, versée sur la surface du sol, ne peut arriver aux sucoirs des racines qu’a- près s'être purifiée et clarifiée à travers le filtre de la terre. Au moyen de cette précaution merveilleuse, l’eau pourrie répandue, non sur la planté, mais sur le sol qui l’avoisine, est fécondante. La terre sépare ce qui est utile et nuisible. L’eau en- traine avec elle les substances en dissolution, arrive limpide aux sucoirs des racines, et devient favorable à la végétation, tandis Agricult, de la Flandre, 1) 0 CHAPITRE IV. 6. La germination est déterminée par une sorte de fermentation (1), et il faut à l’une et à l’autre les mémes conditions pour qu'elles aient lieu, c’est-à- que les matières en suspension qui feraient périr les racines ; se déposent à la surface, fermentent et fournissent des gaz queles eaux de pluie dissolvent successivement, et entrainent dans les plantes qu’elles fécondent. Les cultivateurs flamands sont parvenus , par une longue expé- rience, et à l’aide d’une grande sagacité, à découvrir la double propriété des eaux en fermentation et sales, de faire périr les ra- cines et les feuilles mises immédiatement en contact avec elles, et de favoriser la végétation , lorsque la terre sert de filtre ou d’in- termédiaire. Ils se servent principalement d'engrais liquides, parce que ce sont les plus puissants; mais illes déposent dans de petits creux pratiqués à quelque distance de la plante, afin que l’eau imprégnée de gaz ne puissent pénétrer jusqu'aux racines qu'après avoir été épurée par la terre qui retient les matières suspendues. 1!s ont, surtout, soin de ne pas jeter de l’engrais liquide sur. les feuilles , parce qu'elles seraient flétries , et périraient , ainsi que les racines mises immédiatement en contact avec de l’eau de fumier. Les anciens fermiers de la Flandre, qui ont inventé ces pro- cédés, et les fermiers actuels qui les suivent, n’ont aucune idée de la théorie de l'Agriculture, ni des expériences qui l’établissent, mais ils dirigent leurs travaux comme si la science leur était fa- milière. Senebier, sans doute, n’a pas voulu généraliser sa pensée, et conclure de ce que l’eau de fumier fait périr les racines qu’on y plonge, que l’arrosage par l’eau de fumier était funeste, puisque lui-même dit, dans un autre passage de son excellent ouvrage, que les terres purifiées, soit par les lavages, soit avec le feu, et qui sont, par cela même stériles , deviennent fécondes.en les arrosant avec de l’eau de fumier. (x) Cette fermentation diffère essentiellement de la fermentation vineuse, acide, ou putride. ENGRAIS. 227 dire, de l'air, de l’eau et de la chaleur. IL faut de de plus de la lumière pour la végétation qu'on doit distinguer de la germination. 7. Pendant la nuit, les plantes cessent de croître et ne fournissent que des gaz nuisibles aux hommes, et surtout de l'acide carbonique. 8. L'eau se décompose dans les plantes; elle aide à leur accroissement par le gaz hydrogène qu'elles absorbent, et fournit à l'air pendant le jour le gaz oxigène qui en est dégagé par la lumière. 9. Senebier conclut de ses belles expériences, que les plantes décomposent l'acide carbonique aspiré avec l'eau; que cette décomposition se fait par l’action de la lumière sur le parenchyme des feuilles ; que le carbonne est entrainé avec la sève dans la plante, qu’il fournit au développement de ses parties et que le gaz oxigène en est dégagé. 10. D’après cette théorie, les substances contenant ou de l'acide carbonique, ou du carbonne, doivent être considérées comme de bons engrais. 11. IL résulte aussi des expériences ingénieuses de Duhamel, de Ingenhouz, Spallanzani, etc., que les feuilles sont aussi nécessaires à la végétation que les racines ; qu'elles remplissent les mêmes fonctions, que les branches se changent en racines lorsqu'on les enfonce dans la terre; que les plantes privées de feuilles, par accident, languissent et périssent quel- quefois. 12. Les terres pures qui sont presque stériles, lors- qu'elles sont arrosées avec de l'eau distillée, devien- ent très-fécondes, soit par l'addition du fumier, ou 15. 228 CHAPITRE IV. seulement par une dissolution d'acide carbonique dans l’eau. 13. La végétation épuise le sol, en enlevant le carbone et les terres nécessaires au développement et à la consistance des plantes. Il est indispensable de rendre au terrain, par des engrais, tout ce quil a perdu par la végétation. Il faut donc préalablement s'assurer, par une analyse approximative , des sub- stances qui manquent à chaque terrain. 14. Les fumiers qui sont en général de bons en- grais, contribuent moins à la végétation des plantes, s'ils sont employés après la fermentation; c’est dans le temps même de cette fermentation qu'ils fournis- sent aux plantes le plus d'acide carbonique. Ainsi les fumiers mis sur les terres long-temps avant de semer, ou long-temps après leur fermentation, ont perdu sans profit une partie de leur gaz, et de leur vertu fécondante. 15. Les substances que l’on trouve par l'analyse dans les plantes, paraissent uüles, souvent même indispensables à leur développement et à leur con- sistance, et sont en général considérées comme des engrais, quoiqu'elles ne contiennent pas de carbone. 16. Les plantes se nourrissant par les feuilles, toute plante qui présente une plus grande masse de feuilles que de racines, est évidemment destinée par la nature, à végéter plutôt à l’aide de ses feuilles que de ses racines. Il faut choisir pour ces plantes des engrais qui fournissent une grande quantité de va- peurs aqueuses saturées de gaz acide carbonique et autres, qui enveloppent les feuilles d’une atmosphère fécondante ; ainsi les substances liquides doivent être ENGRAIS. 229 dans certains cas les plus prompts, les plus actifs et les meilleurs. 17. Les graines dont le germe est au-dessus du sol, qui sont exposées à la lumière, et celles enfon- cées à une grande profondeur, ne germent pas. Il est nécessaire, en général, que les graines ne soient recouvertes que d’une couche légère de terre. 18. Kirwan, dans son savant mémoire sur les en- grais , a montré, d'après Bergman, que la composi- tion des terrains fertiles devait varier selon les cli- mats ; que dans les pays humides, les terres doivent contenir plus de silice, afin de laisser filtrer l’eau ; et dans les pays secs, plus d’alumine et de carbonate de chaux (1), afin de la retenir. Il a justifié par des exemples ses observations lumineuses, les plus pro- pres peut-être , à avancer la science de l'Agriculture. 19. On pourrait peut-être également dire, que la couleur des bonnes terres doit varier en raison du climat, et de l’exposition, ou selon la quantité de lumière et de chaleur qu’elles doivent recevoir, et selon la profondeur et la nature de la couche végétale. Dans le nord, la terre doit être noire et absorber tous les rayons de lumière qu’elle décompose ; plus au midi, elle doit être jaune pour réfléchir plus de rayons. (1) Kirwan considère le carbonate de chaux comme pouvant suppléer à l’alumine, et comme trés-nécessaire. 11 nous semble que la proportion du carbonate de chaux pourrait varier sans inconvénient, quant à la propriété de retenir l'eau, si le rapport de l’alumine à la silice se trouvait le plus favorable au climat, c'est-à-dire, si la proportion de la silice était plus grande dans les pays tres-pluvienx , et moindre dans les pays plus secs. 230 CHAPITRE IV. 20. Le carbonate de chaux est nécessaire à la terre: la chaux donne aux plantes de la consistance, et la force de soutenir le poids de l’épi, ou de la graine, et surtout de la tige. Pour faire l'application de ces principes à la cul- ture de la Flandre, il est nécessaire d'indiquer tous les élémens d’un terrain des environs de Tulle. La terre dont nous donnons l'analyse, nommée terre à colza, est bonne pour faire de la brique sans addition de sable et de glaise. Le sol de tous les en- virons de Lille, et à plusieurs lieues de distance, est à peu-pres de la même nature. Il est friable et poreux par l'effet des fréquents labours, binages , hersages ; il absorbe facilement l'humidité , et la perd de même, en raison de la forte proportion de magnésie. Cette terre qu’on pourrait appeler hygrométrique , est sem- blable à celle décrite par Virgile (1). Dans un beau temps et lorsque le terrain n'était ni sec, ni humide, ainsi que le prescrit Kirwan, nous avons enlevé deux pouces de la surface du sol afin de séparer l'herbe et la plus grande partie des (x) Quæ tenuem exhalat rebulam fumosque volucres, Et bibit humorem, et cum vult ex se ipsa remittit ; Quæque suo viridi semper se gramine vestit, Mec scabie et salsa lædit rubigine ferrum. Pour ce terrain poreux où l'air trouve un passage , Qui pompe sa vapeur et l’exhale en nuage, Que tapisse à nos yeux un gazon toujours frais, Où le coutre brillant ne se rouille jamais : Ce fonds se prête à tout pourvu qu'on le cultive. Trad. de DertLre. | | EE Dire PL ne te ENGRAIS. 131 racines, et avons pris au-dessous de ces deux pouces exactement, 27 centimètres cubes de cette terre {un peu moins d'un pied cube). Le metre Enbeypesait. 4 hate PR Ts Leman. 2p Le poids du mètre cube d’eau dis- HS Snibde. 2 ere nl Local a Re 1000 » La pesanteur spécifique de cette terre ERbAR AS US LS. ANAL 1 AL D SAN 1,437 50 L'analyse de cette terre, faite à Lille, à donné sur 10,000 parties : LOC... le ne PU 5822 LU. 11508 | LUE LENS rte à 54 Carbonate de chaux...... RE da he 164 DIE TeReSONe. #2 4 4e à de 189 Carbonne et matière inflammable... 99 | bc RE, M CET ASE PENSE As 1750 Perté :.....:.. DRE RUE RE cn en 36r BOT: 20 Der rt HG 10,000 N'ayant pas à Lille les facilités nécessaires pour faire cette analyse avec une grande précision, mi le temps de la répéter plusieurs fois, nous avons prié M. le directeur général des ponts et chaussées et des mines, d'envoyer de cette même terre au laboratoire de l'École des mines, et d'inviter M. l'ingénieur en chef de l'École , à faire faire cette analyse. Nous avons beaucoup à nous louer d’avoir eu cette pensée. Les détails suivants, donnés par un ingénieur habile et exercé, sont du plus grand intérêt, et 2392 CHAPITRE IV. jettent un jour lumineux sur les propriétés de la couche végétale des environs de Lille. Nous joignons 1ci la copie du rapport fait par M. Berthier. Rapporr au conseil de l’École des mines, sur la € = terre végétale des environs de Lille, envoyée par M. Cordier, ingénieur en chef des ponts et chaussées. « La terre, telle qu'elle est arrivée au laboratoire, avait pris un retrait notable par dessication lente ; mais elle ne formait qu'une seule masse non fen- dillée. « Elle est de couleur blonde, grenue, à grains très- fins, et semble à la vue simple tout-à-fait homo- gène; elle s’égrène entre les doigts, mais seule- ment à l’aide d'une pression assez forte. Lorsqu'on la délaie dans l’eau, elle se prend en une pâte assez gluante à peu-près comme l’écume de mer. Cette pâte peut être pétrie et moulée; lorsqu'on la fait fortement dessécher à l'air, elle prend une assez grande consistance; mais dans cet état, elle absorbe l’eau rapidement et se délaie de nouveau, beau- coup plus facilement que ne font les argiles ordi- naires. Par la cuisson à la chaleur blanche, elle n'acquiert qu'une solidité médiocre; elle se casse aisément sous le choc; elle s’égrène sous l’ongle; elle est spongieuse et elle absorbe l’eau. Sa cou- leur ne change pas à l'extérieur ; mais elle devient noire à l'intérieur. Chauffée dans un creuset de charbon au four à porcelaine de Sèvres, elle a ENGRAIS. 233 « donné une masse d’un gris presque noir; un peu « bulleuse et à cassure grenue, en partie mate, en « partie luisante; il y avait eu demi fusion. « D’après ces propriétés, 1l n’est pas probable que « la terre de Lille puisse servir à faire des briques « bien solides, et à plus forte raison de bonne po- « terie. Peut-être cependant, à cause de sa porosité, « serait-elle propre à fabriquer des vases destinés à « rafraichir les liquides ( alkaraza ). « La terre de Lille, ayant été réduite en poudre «et desséchée à l'air, a perdu 0,034 d'eau. On l'a « analysée après sa dessication, et on l’a trouvée « composée de RAMECS AMIONE RL SHOT | 1070 PPRAMINO RARES NE GAMERS « Oxide rouge de fer....... o 0442 RUE a OR ERTEG 0106 DANMETICSIE AU. CRIE re 0 0078 « Acide carbonique........ o 0143 D. 00.0 0077 « Matières végétales........ point. ADomars.:. rire 218 ego « La chaux dans cette terre, est certainement com- « binée avec l'acide carbonique. Quant à la ma- « gnésie, il est probable qu’elle est combinée avec « de la silice à l’état de silicate, ou écume de mer, « et que c’est à la présence de cette combinaison, « que la terre doit sa viscosité. Sa proportion d’alu- « mine est très-peu considérable, comparativement à « celle que renferment les argiles communes. Cepen- 234 CHAPITRE IV. « dant la terre ne contient que très-peu de sable, mécaniquement mélangé, car en la lavant avec le plus grand soin par décantation, on n’a pu extraire que 0,03 de petits grains de quartz; le reste s'est tenu pendant assez long-temps en suspension dans l’eau. Cette circonstance explique la fertilité de la terre de Lille; car il en résulte qu’elle doit avoir la propriété d’absorber l’eau , de s’en laisser pénétrer, et de ne la perdre que lentement par l’évaporation. Elle doit aussi se laisser diviser sans une trop grande difficulté par le soc de la charrue. « Il y a des terres qui ne donneraient pas à l'ana- lyse une plus grande proportion d'alumine , et qui cependant seraient loin d’avoir les mêmes qualités; mais alors elles donnent au lavage plus de la moitié de leur poids de sable quartzeux, et elles renfer- ment une argile très-tenace , qui ne laisse plus sun- ter l’eau , et acquiert, par ladessication , une dureté telle que le labourage devient fort difficile et que : les racines des plantes ne peuvent sy développer qu'avec peine. « La présence du carbonate de chaux dans la terre de Lille, contribue à sa fertilité; cependant il ya lieu de croire, qu'un engrais calcaire la rendrait encore plus féconde. Fait au laboratoire de l'École des mines. Paris , lé 24 janvier 1821. L'Ingénieur en chef des mines, Signé P. BERTHIER. L'analyse de M. l'ingénieur Berthier, n'indique pas Er ENGRAIS. 235 la présence de substance végétale dans les terres des environs de Lille. Nous avons prévenu qu’elle avait été prise à deux pouces au-dessous de la surface, où s'arrétent toutes les petites racines, et nous avons souvent rappelé que la plupart des engrais étant liquides, ne pénètrent pas au-delà de cette profon- deur. La quantité d’eau de la seconde analyse est moindre que dans la premiere, parce que la terre s’est fortement desséchée dans le transport à Paris, et pendant les mois qui ont précédé l’opération. Comparons cette analyse à celle des terrains fer- tiles dans différents climats, et rappelons que la quantité d'eau qui tombe à Lille est, année com- mune , de 0" 772. D'après les expériences de M. Giobert, l'analyse d’un terrain fertile dans les environs de Turin, où il tombe annuellement 1 016, ou plus de trois pieds de hauteur d’eau, donne les résultats suivans : Matière charboneuse..... JOUE DEN REP PL£ THÈME AR 70 nes oops or Li .... de 4362 à 4475 Argeles , du fkS à .. de og à 793 PTE TCT- FRERES ANT 7 LAPS .. de 283 à 679 Dans les terrains moins fertiles, les proportions sont pour une livre : 0 2268 Niort @r ie: M 2716 à 4528 ne Pis 390 à 1245 Co. 2 02 x 339 à 622 On peut évaluer l’eau... 100 à 100 236 CHAPITRE IV. Dans les terrains stériles on trouve : © 1. 1° SUR ROTILAE .. de 2368 à 4063 ASles... . eee Je MIO CEE PRAUx.. CODE Rest de 225 à 620 Eau... d'occuse ete rttete CON ONN ANA RES EE Un sol fertile de Suède, où il tombe annuellement 0"6072 ou 17 ror%% Bliss l’eau, contient, d’après l'analyse de Bergman, 4 parties de glaise, 3 de sable silicieux , 2 de terre calcaire , et 1 de magnésie, total 10 parties , sans y comprendre les pierres qu'il avait Ôtées et qu'il évalue à 30 pour 100. D’après cela, les proportions seraient ainsi qu'il suit : Silex: srossier.i. 1. 7... Ce 30 26 Plus ni. 24 4. péoidhre cite SC RES ATRUES. ART Oh cc LUS RS NE 1/4 Carbonate de chaux....... du oppire Er ER 30 Dans les environs de Paris, où il tombe anuelle- ment environ 0"508, ou 17° Gr Ole, la propor- tion de silex est de 46 à 51, et celle de carbonate de chaux de 37-50 pour cent. Quelque précises que soient ces analyses, peut-on en conclure les proportions exactes, qui rendent un terrain fertile ou stérile sous un climat donné? Si le rapport de l’alumine doit augmenter à mesure qué le climat est moins pluvieux, ce rapport doit varier dans le même climat, selon la nature du fond du sol. En effet, la couche végétale peut reposer sur une couche de glaise, ou terre à pot, qui empêche toute filtration ; l'atmosphère peut être aussi plus ou moins couverte et humide, selon que le pays est plus près de la mer, ou de grands marais; circon- ENGRAIS. 237 stance très-importante, qui n’est point appréciée dans l'évaluation de la quantité d’eau tombée. Mais, à ne considérer que la couche labourée, les analyses qui précèdent confirment les conjectures des savants et les observations des agronomes. Le climat de Lille est non-seulement pluvieux, mais constam- ment plus couvert, plus humide que dans les envi- rons de Paris, et moins chaud qu'à Turin. Il faut donc que la proportion de l’alumine soit plus faible; aussi cette terre n'est-elle que le dixième, environ, de la partie calcaire et siliceuse réunies; mais la ma- gnésie, qui entre pour un cent-trentième environ, ajoute à la tendance de cette terre à prendre l’eau de l'atmosphère et à la conserver. On remarque seulement que l'analyse des terres des environs de Lille diffère particulièrement de celle des terres très-fertiles dans d’autres climats, par la plus faible proportion de carbonate de chaux. Le carbonate de chaux n'entre que pour un cin- quante- sixième dans la composition de la couche végétale ; il est donc peu essentiel à la fécondité, puis- que les terres de Lille sont éminemment fertiles. Cette circonstance pourrait, peut-être, servir à expli- quer le seul inconvénient de cette belle culture. Cha- que année, et surtout dans les saisons pluvieuses, la tige des plantes est trop faible; elle succombe sous le poids de la graine, un peu avant la maturité; ou bien les vents humides les renversent ; les fourrages pourrissent et les blés germent. Ces inconvénients ne doivent-ils pas être attribués à la trop faible propor- tion de carbonate de chaux dans la plante et dans la terre , puisque les plantes doivent principalement 238 CHAPITRE (Y. leur consistance au carbonate de chaux qu’elles con- tiennent ? Il serait donc très-avantageux de répandre sur les champs des environs de Lille, des marnes calcaires , ou de la poussière de craie, afin de donner à ces terres la seule substance qui leur manque. La mollesse des céréales , dans les environs de Lille, est si préjudiciable, qu'on peut évaluer au dixième de toutes les récoltes, la perte qu’on éprouve chaque année, et qu'on préviendrait, peut-être, en marnant ces terrains, ainsi qu'il est d'usage dans les arrondissements de Dunkerque et d’Hazebrouck. DES ENGRAIS. Nous considèrerons comme engrais, non-seulement les matières qui améliorent la terre, mais encore les substances végétales, qui, répandues sur les graines ou les feuilles des plantes, en accélèrent la végéta- tion, sans augmenter la fertilité du sol. Nous parle- rons plus particulièrement de ces derniers engrais; parce que les cultivateurs, la plupart fermiers pour trois, six ou neuf ans, ne cherchent nullement à bonifier le terrain, mais seulement à tirer des terres, chaque année, les plus abondantes récoltes. Nous ne ferons qu'indiquer les engrais de ce pays, qui sont également en usage dans les autres, pour traiter, avec plus de détail, des engrais liquides, qui distinguent plus particulièrement la culture flamande; c’est d’ail- leurs à leur usage général et bien entendu, que nous attribuons la grande supériorité de cette Agriculture sur celle du reste de l'Europe. Nous diviserons les engrais en engrais liquides, ENGRAIS. 239 en engrais solides et, végétaux, et en engrais mi- néraux. DES ENGRAIS LIQUIDES. Des urines des bestiaux. Les fermiers des environs de Lille font beaucoup de cas de l’urine des bestiaux. Ils en recueillent une grande quantité. Les troupeaux sont nourris toute l’année à l’étable, les écuries sont pavées en pente, et disposées de manière que les urines arrivent dans des tonneaux, ou dans des fosses placées aux extré- mités. Quelquefois, ces urines sont transportées dans des caves dont nous allons parler, mais le plus souvent on les emploie directement comme engrais. On en remplit des tonneaux ouverts dans le haut, et on les transporte au moyen de brouettes dans les champs, où l'urine est répandue; on choisit de pré- férence le soir , les temps humides et couverts, et toujours le moment qui précède ou qui suit immé- diatement le semis des graines. Cet engrais a la propriété de réchauffer la terre, de faire périr les mousses et le lichen, et de produire une végétation rapide et instantanée. L'usage de cet engrais est une des causes de la fécondité des terres de la Flandre. 240 CHAPITRE IV. DE L'ENGRAIS FLAMAND (1). Nous nommons engrais flamand, les vidanges de latrines (2) rassemblées dans des: caves, et mélangées avec les urines des bestiaux, et quelquefois avec des tourteaux. Cet engrais est appelé par les fermiers, gadoue ou courte graisse , nOMS que nous ne conser- vons pas, parce qu'ils ne désignent ni sa nature, ni ses propriétés, et parce qu'ils ne sont connus que dans les environs de Lille. Celui que nous donnons, rappelle le lieu où l’eraploi en a commencé, et ou il se fait avec le plus d'intelligence. Chaque fermier construit une cave en maçonnerie à quelques cents toises des bâtiments de sa ferme, sur les bords d’une route ordinairement pavée, et à l'extrémité du plus grand champ de la ferme. Le fond de la cave est pavé en grès, et les quatre murs et la voûte cylindrique qu'ils portent , sont faits en maçon- (x) Nous le nommons engrais flamand, pour le distinguer des autres, parce que c’est en Flandre que l'usage en a d’abord été établi, et surtout parce que la Flandre est encore le seul pays où l'emploi en soit général. Les cultivateurs de Lucques et de Gre- noble s’en servent, mais depuis moins de temps, et avec moins de discernement. (2) Quelque rebutants que soient les détails qui suivent, l’espoir que la connaissance d’une pratique avantageuse de culture peut contribuer à augmenter les produits de la terre, et à préserver de la misère un grand nombre de malheureux , fait vaincre toute répugnance, et donne le courage d’expliquer les procédés em- ployés. ENGRAIS. 24r nerie de brique (1). Si la ferme a plus d’étendue, on établit deux et trois caves à la suite l’une de l’autre. On laisse à chaque cave deux ouvertures, l’une dans l'épaisseur de la voûte et dans le milieu, l’autre dans le mur nord, et dans la surface du cercle de la voûte. La première sert à introduire les substances. Elle se ferme par un volet épais portant cadenas; la seconde, plus petite, dirigée au nord, donne accès à l'air nécessaire à la fermentation qui s'opère. Pendant toute l’année, et surtout lorsque le tra- vail presse moins, les fermiers envoient à la ville leurs voitures, qui en rapportent des vidanges de la- trines. Chaque voiture porte de 7 à 15 tonneaux; selon qu’elle est attelée d’un ou de deux chevaux. Ces tonneaux du poids de 100 à 125 kilogrammes l'un, sont vidés dans ces caves, ainsi que l’urine des étables ; on laisse ensuite plusieurs mois ce mélange fermenter lentement avant de le répandre sur les terres. L'emploi de cet engrais est principalement réservé à la culture des plantes oléagineuses, qui donnent les bénéfices les plus considérables; c’est-à-dire, à celle du colza, du lin, des œillettes et camélines, et sur- tout du tabac; on s’en sert aussi pour arroser les semis des plantes légumineuses destinées aux bes- tiaux, comme carottes, navets, etc. Cet engrais est répandu sous la forme liquide, immédiatement avant ou après les semailles, ou (x) Les détails de cette construction sont indiqués dans les planches n°° 22 et 23. Agricult, de la Flandre. 16 242 CHAPITRE IV. après le repiquage des jeunes plantes. Son action est prompte, et les effets en sont comme miraculeux : les graines germent, se développent en trois fois moins detemps, et sont ainsi garanties des intempéries des saisons. Les plantes repiquées, et particulièrement celles qui ont de larges feuilles, comme le tabac et le colza, acquiérent en peu de jours une vigueur extraordinaire. On doit convenir qu'il faut tout le courage des fermiers flamands, pour faire usage d’un engrais dont l'odeur est insupportable, même à une grande distance pendant vingt-quatre heures. Mais une longue habitude et les résultats si surprenants qu'on en obüent, donnent aux cultivateurs la rési- gnation et la patience qui leur sont nécessaires ; il est d’ailleurs reconnu que ces gaz, qui se dégagent en plein air, ne nuisent Jamais à la santé. L'emploi de cet engrais se fait de la maniere sui- vante : avant de semer, le cultivateur passe plusieurs fois la herse et le rouleau, jusqu'à ce que la surface du champ soit parfaitement unie, et la terre bien émiettée et comme réduite en poussière. Il donne un . dernier coup de herse, avec des dents courtes et serrées, qui ouvrent de petites lignes très-rappro- chées, et de un ou deux pouces de profondeur. Pen- dant qu'il marche en semant, un rouleau le suit et recouvre la graine; on roule deux ou trois fois de suite, afin de presser la terre sur la graine, de la plomber et de la garantir du contact immédiat de l'air, de l’eau, de la lumière et surtout des engrais. Le même soir le cultivateur conduit sur le champ en- semencé, une voiture de 7 à 15 tonneaux d'engrais tiré de la fosse, ainsi que tous les instruments qui D re a ENGRAIS. 243 sont nécessaires à l’arrosage. Il dépose à l’une des extrémités du champ, un tonneau défoncé, ou une cuve d’un quart de mètre cube, ou d’un quart de tonne de 2000 livres; il y verse un tonneau d’engrais et répand le liquide à 7 mètres autour de lui, à l'aide d'une perche 4° de long, terminée par une poche ou cuiller de bois, contenant environ 2 kilo- grammes. Lorsque la cuve est vide, les garçons de ferme la transportent de place en place; la voiture suit et on verse successivement les tonneaux dans cette cuve, d’ouù l’engrais est pris de la même manière et jeté tout autour, ensorte que la surface des champs en est également recouverte. Cet engrais échauffe la terre et produit une fer- mentation si prompte, que les plantes germent sou- vent en moins de trente-six heures , lorsque la terre et la graine ont été convenablement préparées. Les jeunes germes échauffés, humectés, entourés d’une terre légère que la lumière, l’engrais et l'air ne peuvent atteindre dans leur premier développe- ment, poussent rapidement en jetant de nombreuses racines. L’eau de pluie ou des rosées qui humecte ce terrain fraichement remué et imprégné d'engrais en fermentation, se sature d'acide carbonique et de car- bonate de chaux, et porte une abondante nourriture aux plantes dont les feuilles croissent rapidement. Ces feuilles plongées dans une atmosphère chargée d'acide carbonique, l’absorbent, se développent avec une rapidité extraordinaire, et empêchent par leur multiplicité et par leur ombre, le dégagement de l'eau et des gaz fécondants ; elles étouffent surtout les 16. 244 CHAPITRE IV. plantes nuisibles ; ainsi, l’engrais flamand a la dou- ble influence de procurer de rapides et riches récol- tes et d'améliorer les terres. Lorsque l’on repique les plantes de colza, ou de choux cavaliers, et autres, on répand de nouveau et de la même manière cet engrais à leurs pieds; mais On a soin de n’en pas jeter sur les feuilles qui seraient tachées et brülées si le temps était sec. On choisit toujours les soirées et des temps couverts et humides, parce que la lumière et une chaleur sèche dégageraient rapidement le gaz, et brüleraient les racines où les feuilles en contact avec l’engrais. Les pluies légeres et les brouillards dissolvent l'acide car- bonique et le gaz hydrogène carboné qui se déga- gent. l’eau des rosées qui en est saturée, les porte sur les feuilles; ainsi tous les produits de cet engrais sont employés au développement des plantes. Quelques cultivateurs ont l’usage de répandre l’en- grais flamand immédiatement avant de semer; la terre en est échauffée, humectée, et la germination est également très-prompte. On choisit de même des temps de brouillard et couverts, parce que l'engrais dans ce cas, devant être jeté des le matin, de fortes chaleurs feraient dégager les gaz, ou de grandes pluies les entraineraient à une grande profondeur en pure perte. L'emploi du même engrais pour la culture des plantes à larges feuilles, après qu'elles ont été repi- quées, donne des résultats encore plus prompts et plus surprenants. Les carottes, les betteraves et les choux, reprennent tres-vite et développent en peu de temps des feuilles abondantes. EE mt ER el D ENGRAIS. 245 On réserve surtout cet engrais pour la culture du tabac, dont les produits peuvent plutôt rembourser les fortes avances qu’elle exige. L’agriculteur flamand semble se surpasser lui-même et se complaire dans cette culture, où il montre une patience, une dex- térité et une intelligence rares. 11 combine son ou- vrage de chaque jour , de manière à finir le repiquage d’un certain nombre de plantes quelques heures avant le coucher du soleil; aussitôt après il ouvre un petit trou à six pouces de chaque plante et dans la ligne des plantes; un garcon le suit et remplit ces trous d'engrais flamand. L'action de cet engrais, soit sur la plante, soit sur ses feuilles qu’il ne touche cependant pas immédiatement, est presque instan- tanée. Apres 36 heures, les racines plantées dans une terre bien nétoyée, amendée , humide et échaut- fée par l’engrais, reprennent, et les feuilles enve- loppées d’une atmosphère chaude et chargée de gaz acide carbonique, se relèvent, s’enflent rapide- ment, et couvrent en quelques jours la terre de leurs feuilles. Le lendemain de ce travail, le fermier ouvre une ligne de six pouces de profondeur, dans le sens de la plus grande distance des plantes, afin que l’eau des pluies ne puisse laver la terre et entraîner l’en- grais. Les rigoles pratiquées pour les récoltes d’été sont horizontales, tandis ‘que celles ouvertes en hiver sont tracées suivant la plus grande pente. Nous avons été forcé d'anticiper et de parler de la culture du tabac, mais ces détails nous ont paru né- cessaires pour mieux expliquer l'emploi et les avan- tages de l'engrais flamand, parce que c’est celui qui 246 CHAPITRE IV. appartient plus particulièrement à ce pays, et qu'il est le plus essentiel de faire connaitre, ainsi que nous l'avons dit plusieurs fois. Il nous semble qu’on ne saurait assez étudier les effets des engrais liquides (1), et que les résultats qu'ils donnent , peuvent également servir à expliquer (1) Nous avons dit que les vidanges des latrines sont dans un état constant de liquidité, ou de viscosité dans les caves à en- grais, ou fosses de Flandre. Les matières, étant liquides, peuvent fermenter; mais les produits de la fermentation sont retenus par l’adhérence des parties. Il paraît que, dans ce long travail, qui s’opère à l'ombre, et à une température uniforme, maïs assez élevée en raison de la masse, l’eau est décomposée; l’oxigène uni au carbone, forme l’acide carbonique qui reste ou dissous, ou comme arrêté, et le gaz hydrogène de l’eau s’unit au carbone, et forme le gaz hydrogène carboné qui reste de mème enveloppé dans les matières visqueuses. Ces effets sont semblsbles à ceux qu’on remarque dans les marais : en agitant la vase des marais, on recueille une grande quantité de ces deux gaz que les chaleurs d’été font dégager, et quelquefois enflammer spontanément. Pour éviter le dégagement des gaz, on a soin de ne puiser l’engrais dans les caves qu’au coucher du soleil, et de choisir les temps hu- mides et couverts. On a de même démontré que des légumes ou des farines bouil- lies long-temps dans l’eau, acquéraient plus de qualités nutri- tives ; ainsi les matières animales ou végétales, maintenues dans un état convenable de liquidité, doivent augmenter leurs pro- priétés fécondantes par une fermentation lente que favorisent les dispositions des caves à engrais. L'usage flamand de laisser long-temps des engrais dans une cave, doit donc être considéré comme l'une des plus importantes opérations à méditer et à imiter, et peut être justifié par les principes de la chimie moderne. < ; ENGRAIS. 247 plusieurs phénomenes de la végétation et à multi- plier les produits de la terre. _ Comme l'opinion que nous nous sommes formée n'est point étayée encore d’assez de preuves, et que ce n’est point la théorie des engrais qu'il faut donner ici, mais leur description, nous différons de faire connaitre nos observations jusqu’à ce qu'elles aient été confirmées par un plus grand nombre d’expé- riences. Nous croyons cependant pouvoir assurer que les modifications de l’engrais flamand , sa dessi- cation, ses mélanges avec la chaux ou avec le plâtre, détruiraient sa force. À la vérité, on évite par ces combinaisons , l'odeur insupportable qu'il répand ; mais aussi on perd par cela même l'influence des gaz, et l’action des liquides qui en sont saturés. Cet engrais changé en poudrette inodore comme à Paris (1), ne serait plus qu'un engrais ordinaire, d’un emploi moins sûr et plus difficile. Dans les an- nées de sécheresse, les plantes sont brülées par la poudrette, et toujours elles en contractent une odeur si infecte , que les animaux refusent souvent de man- ger les récoltes; tandis que lengrais flamand qui n'est jamais solide, n’a aucun contact avec la plante, (1) N’a-t-on pas le droit de s'étonner qu'on sache si peu tirer parti de cet engrais dans les environs de Paris, où résident tant de sociétés savantes, et d’habiles agriculteurs ? Il en coûte, aux habitants de Paris, 400,000 francs pour faire nétoyer leurs latrines, tandis que les cultivateurs de Lille achètent, à un prix plus élevé, autorisation de faire , à leurs frais, le même travail. La perte à Paris esi donc double. 248 CHAPITRE IV. tant qu'il est liquide, et se convertit rapidement en gaz. Il nourrit mieux les plantes par les gaz acide carbonique et hydrogène carboné : gaz qui sont les mêmes, quelles que soient les substances qui les ont fournis. Cet engrais ne peut donc communiquer à la plante aucune mauvaise odeur; aussi les chevaux, vaches et moutons des autres provinces, qui arrivent dans celle-ci, mangent sans difficulté les fourrages verts , les choux et les carottes, récoltés sur desterres fertilisées avec cet engrais. La poudrette n'étant qu'un mélange solide de carbone, d’alkali, de chaux et autres substances fines, la fermentation en est lente et difficile; la mauvaise odeur se conserve plus long- temps, et l'emploi en est aussi plus rebutant. Les fermiers augmentent les effets fécondants de l'engrais flamand, en jetant dans les caves des tour- teaux de colza, etc., réduits en poudre. Ces débris de graines oléagineuses, malgré la grande compres- : sion qu'ils ont subie, contiennent encore beaucoup de parties mucilagimeuses, salines et carboniques, et sont éminemment fécondants; aussi beaucoup de cultivateurs mélangent cette poussière avec les graines qu'ils sèment, afin que les germes soient enveloppés de sucs nutritifs. Lorsque la poussière des tourteaux, jetée dans les caves d'engrais, y séjourne quelque temps, elle ab- sorbe rapidement les parties extractives et mucilagi- neuses qu'elle avait perdues; elle se sature de gaz hydrogène carboné, qu'elle cède, ainsi que le car- bone, aux plantes arrosées. L’engrais flamand, mélangé de poussière de tour- teaux, est surtout avantageux dans la culture des ENGRAIS. 249 plantes oléagineuses, parce qu'il entre dans leur com- position beaucoup d’alkali, de mucilage et de carbone fournis par les résidus des huiles. En résumé, l’engrais flamand contenant beaucoup de partie$ animales , fournit une grande quantité de gaz, les plus propres à la végétation. Il est peut-être le plus chaud , le plus actif, le plus fécondant de tous ceux que l’on connait; il a surtout l'avantage inappréciable de ne pas répandre de germes perni- cieux. Les fumiers des écuries , au contraire, toujours méêlés de graines que les animaux n'ont pas mangées, ou qui n'ont pas été détruites en passant par leur estomac, infestent les terres de mauvaises herbes : celles -c1 poussent rapidement, s'emparent du terrain et étouffent les récoltes. | Un tonneau du poids de 250 livres, ou d’un quart de mètre cube, ou d’un quart de tonne, coûte d'achat 30 centimes, de transport 30 centimes, d’em- ploi 60 centimes, en tout 1 franc 20 centimes. Une cave ordinaire contenant, ainsi que nous l'avons vu, 32 mètres cubes de matière, ou 256 ton- nes, chaque mètre cube équivaut à 8 tonneaux. La dépense, pour remplir une cave, est donc de 153 francs 60 centimes. DES FUMIERS D'ÉTABLE. Les fumiers d’étable sont réunis au milieu de la cour de la ferme, dont les bâtiments du logis et les écuries forment un carré, et sont ombragés par des ormes élevés et serrés, qui maintiennent une tempé- rature uniforme, et empêchent la dessication et l'éva- 250 CHAPITRE I. poration du fumier. Cette cour est creuse, l'eau des toits s'y réunit, et le fumier est constamment mouillé, sans que l’eau qui le baigne puisse s'en échapper, parce que le fumier est dans un fond, et repose sur une terre alumineuse qui empêche les filtrations et la perte du carbone. Le fumier est à l'ombre la plus grande partie de la journée, toujours humide, sans être délayé et lavé dans les temps de pluie; mais, du reste , il est Jeté sans soin , et les bestiaux qui le piétinent, les poules et les pigeons qui le grattent (1), en arrêtent la fer- mentation. Si l'on compare cette pratique à celle usitée dans les fermes les mieux tenues d'Angleterre et de la Suisse, on la jugera très-mauvaise, et on pensera que l'art, sous ce point de vue, est très-reculé en Flandre. Les fumiers ne sont ni rangés avec soin , ni mélangés de substances propres à accélérer la fermen- tation, et à retenir le carbone et les gaz qui s’en dé- gagent. On les abandonne ainsi plusieurs mois, et souvent même une année entière, et jusqu'au mo- ment de l'emploi. (r) Plusieurs agronomes très - habiles considèrent comme un grave inconvénient de laisser gratter le fumier par la volaille. La fermentation est plus lenteet plus incomplète. Peut-être cet usage, qu'il faut attribuer à la négligence, a-t-il de grands avantages : la volaille mange les mauvaises graines qu'elle digère, et fait per- dre à ces semences funestes la propriété de se reproduire. Les fumiers d’étable acquierent par cela même plus de prix. Peut-être doit-on regarder toute fermentation quise fait dans la cour comme nuisible : les gaz qui se dégagent sont perdus pour la végétation , et altérent la santé des hommes et des bestiaux. ENGRAIS. 251 Cependant si on observe que des agriculteurs an- glais très-habiles ont constaté que les fumiers trans- portés frais sur les terres, ou avant la fermentation, donnent de meilleures récoltes que s'ils eussent été pourris; et si on considère que le suint des mou- tons, et leur engrais dans le parcage, produisent plus d'effet que leur fumier, on aura quelque raison de douter que la pratique du fumier flamand soit essentiellement vicieuse. À la vérité, la putréfac- tion du fumier jeté dans un creux profond, au mi- lieu d'une cour, est très-lente; les eaux qui le mouillent, favorables à la fermentation, quand elles sont en petite quantité, l’arrètent lorsqu'elles le bai- gnent. D'après cela, nous croyons que l'usage de jeter le fumier dans un creux, étant considéré sous le point de vue de l'efficacité de l’engrais, n’est pas aussi vicieux qu'il le paraît au premier abord. Lors- qu'on le répand sur la terre, il conserve encore tous ses principes fécondants, et peut les communiquer sans beaucoup de déperdition, parce qu’on le re- couvre par un labour profond, le jour même où il est transporté sur le sol. Mais sous le point de vue de la salubrité, cet usage est essentiellement vicieux: l'eau du fumier arrive souvent jusqu'aux portes de l'habitation et des écuries; elle attire, en été, un grand nombre d'insectes qui tourmentent les bestiaux. L'atmosphère est humide, et remplie des gaz malfai- Sants qui s’en dégagent, quelque lente que soit la pu- tréfaction. D’après ces considérations, nous pensons que les fumiers d’étable sont mal conduits en Flandre, et qu'il faudrait creuser derrière les écuries de chaque ferme, des places à l'ombre et au nord, où ils seraient 292 CHAPITRE IV. rangés avec soin , et arrosés, en été, au moyen d’une pompe. On pourrait alors faire des tas particuliers pour le fumier de chaque nature, pour celui de chevaux, de vaches, de moutons, et ne plus les confondre, ainsi que la plupart des cultivateurs en ont l'habitude. Ce- pendant on doit dire que cette séparation de fumier est moins nécessaire en Flandre, où les chevaux et les vaches ont exactement la même nourriture la plus grande partie de l’année, c’est-à-dire, du trefle et de l'orge, en vert en été, et en hiver, de la paille hachée, de la drage ou seigle et orge des brasseries. Il résulte de ce système de nourriture des bestiaux, que le fumier de vache est moins froid, et celui de chevaux moins chaud que dans les pays où la nourri- ture des vaches et des chevaux est très-différente (r). Les fumiers ne sont conduits sur les champs que le jour même ou la terre est labourée, ainsi en un jour on transporte le fumier, on le répand sur la terre et on le recouvre par le labourage. Quand la pièce est grande, on la divise en plusieurs parties, et on exécute, en un jour, sur chacune un travail complet. Les cultivateurs pensent, avec raison, que le fumier perd la plus grande partie de sa valeur lorsqu'il est exposé quelque temps à la pluie et sur- tout au soleil, et lorsqu'il est employé long- temps avant les semailles. Aussi ils ensemencent la terre le 4 (1) Les agronomes ont prouvé que la grande efficacité du fumier de cheval était principalement due à l’avoine et au foin qu'on leur donne. | 409 ] ENGRAIS. 299 même jour ou elle est fumée , parce qu'ils savent qu'elle acquiert par la fermentation du fumier, une température élevée qui favorise la germination. La mulüuplicité des travaux d'Agriculture, dans une ferme du département du Nord, et la rapidité de leur exécution se concçoivent facilement : les fermes ont peu détendue; les champs entourent l’habitation ; la . terre est toujours meuble et friable, et le labourage se fait avec un seul cheval. FEUMIERS DE COUR. Dans les environs de lülle, les fumiers d’étable étant réunis, sans distinction, au milieu de la cour qui est profonde et humide, le fermier y jette de même les herbes, les pailles, et tous les débris des végétaux qui se trouvent ainsi entremélés de couches de fumier de cour proprement dit. Cette confusion de fumier a le grave inconvénient de laisser, dans les engrais, un grand nombre de graines nuisibles que la fermentation, d’ailleurs tres-faible, ne peut détruire; d’où il résulte que les fumiers apportent dans les champs beaucoup de mauvaises graines, dont les plantes ne sont ensuite extirpées que par un travail assidu et continuel. Il existe cependant des fermiers soigneux et intel- ligents qui séparent les fumiers de chevaux, de va- ches , etc., brülent avec soin les plantes nuisibles, et savent faire un excellent emploi de ces engrais de différentes espèces; mais, dans ce Mémoire, nous ne devons décrire que les usages les plus répandus, et nous borner à citer les exceptions. 25/4 CHAPITRE IV. VASES DES CANAUX, BOUES DES VILLES. Ces vases et ces boues contiennent beaucoup de parties animales, végétales, et sont, en général, de « bons engrais; mais il faüt les laisser reposer, ou les préparer par des mélanges de chaux, ou des lessives de potasse et en faire des composts. Les fermiers des environs de Lille estiment peu les vases, et ne les recherchent pas; ils ne les enlèvent même que lorsque les frais de transport leur sont en partie payés. On doit attribuer cette indifférence à deux causes : 1° la valeur du terrain est si grande, que les cultivateurs ne se déterminent pas à sacrifier quelques toises à la préparation des fumiers; 2° ils ne connaissent pas les effets des engrais minéraux, et ne savent pas que la potasse et la chaux neutra- lisent les acides, déterminent la décomposition des substances animales et végétales, détruisent les mau- vaises graines, et rendent ces vases et ces boues fécondes en quelques mois. C’est une opinion accré- --ditée parmi les fermiers, qu’on ne peut faire usage . des vases qu'après un repos de trois années. Il serait à désirer que l'administration du pays fit publier une instruction sur l'emploi avantageux des vases et des boues, et fit entreprendre, par des hommes exercés et habiles, des expériences en grand, afin de con- vaincre les fermiers de l'utilité des vases. Si les fermiers des environs de Lille dédaignent ces engrais, ceux des environs de Dunkerque, et parti- « culièrement de la ville de Bergues , en tirent un grañd parti. | ENGRAIS 255 Les négociants de Dunkerque arment, pour la péche , un grand nombre de navires, qui reviennent chargés de morues ou de harengs. Les habitants en consomment et en salent une grande quantité; les débris et les poissons mal conservés, sont jetés dans les boues, qui remplies de parties animalisées, fer- mentent rapidement. Les fermiers des environs de Bergues, très-indus- trieux, paient le droit d'enlever les boues, et de balayer la ville de Dunkerque. Ils recueillent ces rases dans des bateaux, les transportent à une ou deux lieues, en font de gros tas qu'ils mélangent par des lits successifs avec de la marne, de la craie et de la terre, et n'employent ces composts qu'après une année ou deux de repos. Il ne manque à cette pratique utile que d'ajouter de la chaux, et d'opérer rapidement par cet agent actif, les effets qu'on n'obtient que plus incomplè- tement et plus lentement avec de la marne. La chaux coûte peu à Bergues, et les cultivateurs de ces can- tons ont l'habitude de l’employer comme engrais, en la semant sur leur terres en octobre et novembre. Il est malheureux que les cultivateurs des envi- rons de Lille, capables de tant de patience et de ‘courage, n'aient pas de notions de la chimie prati- que ; ils tireraient un beaucoup plus grand parti des boues des villes, des vases des canaux, et autres en- grais qu'ils pourraient se procurer à peu de frais. Cette ignorance est cause que les conseils qu’on leur donne sont sans influence, et qu'ils se laissent entraîner dans leurs opinions fausses, par quelques hommes à préjugés, qui se montrent les plus ardents ennemis 256 CHAPITRE IV. de toute innovation et de l'esprit de perfectionne- ment. FIENTE DE PIGEONS. Les cultivateurs des environs de Lille, dont les fermes sont très-petites, ne cultivent que quelques hectares de plantes céréales, et n’élèvent que fort peu de pigeons et de volaille; ainsi on ne peut faire mention de la fiente comme engrais. Mais comme ces agriculteurs intelligents connaissent les excellents effets de la fiente de pigeons, ils vont au loin en chercher, et particulièrement dans le Pas-de-Calais, où les fermes sont fort étendues, et les pigeonniers nombreux et très-peuplés; ils se louent pour une année , ou par bail de plusieurs années, à raison de 100 francs par an pour la fiente de 600 à 650 pi- geons. Un pigeonnier semblable, donne une bonne | voilure de fiente qui coûte ainsi 100 francs, non compris les frais de transport. Les fermiers n'ont pas l'habitude de prendre en considération ces frais, parce qu'ils se servent de leurs chevaux et de leur voiture ; qu'ils choisissent l'hiver et les jours ou ils ne sont pas occupés, et parce qu'ils portent sur leurs chars la nourriture de leurs chevaux et la leur ; ainsi ces transports ne leur occasionnent aucun déboursé. Une voiture de ce fumier, peut servir pour fécon- der 0" 80**, On emploie principalement cet engrais dans la culture du lin, du tabac, quelquefois aussi dans celle du colza. On suppose qu'il rend le lin plus fort, plus abondant et meilleur. RL, TOUS | A. ENGRAIS. 257 DU PARCAGE DES MOUTONS,. Comme les terres de Lille ne sont jamais en jache- res, et que les moutons y sont en très-petit nombre, nous ne parlerons pas des effets du parcage ; les pro- cédés et les résultats en sont d’abord les mêmes que dans les autres pays. Nous observerons seulement qu'on ne fait parquer les moutons que dans les gros- ses fermes des environs de Lille, où la culture est moins parfaite. Mais le parcage est en usage dans les autres arron- dissements du département du Nord, où les fermes sont plus étendues, les troupeaux plus nombreux et les jachères en usage. DES TOURTEAUX. Les tourteaux, ou pains formés avec le résidu des graines grasses dont on a retiré l'huile, donnent un engrais chaud, fort estimé et très en usage. Les tourteaux sont mis en poudre et semés à la main dans les temps humides, quelquefois mélangés avec la graine d’œillet et de colza. On les réserve pour la culture des plantes oléagineuses, et particu- liérement pour celle du lin et du tabac; parce que cet engrais est très-cher, et que les récoltes céréales ne pourraient en payer la dépense. Souvent on mèle cette poussière avec de l’eau, de l’urime, et surtout avec de l’engrais flamand, ainsi que nous l’avons dit. Les tourteaux sont un engrais si estimé par les cultivateurs de Lille, que non-seulement ils emploient Agricult. de la Flandre, 17 258 CHAPITRE IV. tout ce qu’on en fabrique dans le pays, mais ils vont en chercher dans le département du Pas-de-Calais , où, la culture étant moins avancée, les fermiers ai- ment mieux vendre cet engrais si puissant, que d’en tirer parti. DES ENGRAIS MINÉRAUX (1) DE LA MARNE. L'emploi de la marne serait très-avantageux sur la plupart des terres des environs de Lille. Cepen- dant les fermiers n'en font jamais usage, peut-être parce qu'il faudrait la transporter de dix-huit lieues, ou parce qu'ils craignent d'améliorer leurs fermes pour un temps plus long que la durée de leurs baux, ou surtout parce qu'ils jugent que la même somme dépensée en achat d'engrais flamand et autres, donne de meilleures récoltes. Nous croyons que lorsque la navigation sera per- fectionnée, et que la marne coûtera peu de frais de transport , les fermiers propriétaires , ou à longs baux, se serviront de cet engrais. Les blés et autres plantes céréales des environs de Lille, contenant plus (x) La plupart des agronomes nomment amendement l'emploi des substances minérales , telles que la marne, la chaux, le plâtre, les cendres, etc. Nous leur avons donné le nom d'engrais, pour nous conformer à l’usage, et parce que ces substances ont non- seulement la propriété d'amender, mais de contribuer à la vé- gétation. ENGRAIS. 259 de carbonate de chaux, auront plus de consistance par l'influence de cet engrais, et seront moins expo- sées dans les années pluvieuses : il en résultera un bénéfice, par an, du 10° au moins des récoltes. L’em- ploi de la marne est connu dans les arrondissements d’Avesnes, Cambrai, et plus particulièrement dans ceux d'Hazebrouk et de Dunkerque; C’est surtout autour de Bergues.et sur une longue zone, qui s’é- tend de la Belgique au Pas-de-Calais, appelée pays au bois, qu'on a lhabitude d’en répandre sur ies terres. Cette marne, extraite des environs de Saint-Omer, est blanche , tendre et calcaire; on la conduit des car- rières par les canaux de la Colme et de lAa, jusqu’à Bergues et Hondschoote, où les cultivateurs des en- virons viennent la prendre, et la transportent jus- qu'à cmq lieues de ces villes. On a l'usage d’en ré- pandre par hectare, vingt voitures attelées de deux chevaux , tous les 15 ans. Comme cet engrais a un effet très-prolongé, et que la dépense est fort élevée, on conçoit qu'il faut être ou propriétaire ou locataire à long terme pour l’employer. Aussi dans les arrondis- sements de Dunkerque et d'Hazebrouck, où l’on marne les terres, les baux sont de o ans, mais se renouvellent généralement, et restent des siècles dans les mêmes familles. Ordinairement on mélange la marne avec la boue des villes et les autres fumiers, surtout à Dunker- que et à Bergues. On forme des composts qu’on laisse fermenter une ou deux années, et qu'on transporte ensuite sur les terres. La marne a la propriété de simprégner de carbone et autres substances végéta- 17. 260 CHAPITRE IV. les et animales, et de devenir ainsi par elle-même et directement un excellent engrais. Elle produit aussi beaucoup de gaz acide carbonique, par la décompo- sition du carbonate de chaux, à l’aide des acides minéraux et végétaux contenus dans les vases. DE LA CHAUX. Les fermiers des environs de Lille ne font que très-rarement usage de la chaux. Cependant les effets en sont bien connus, puisque celle employée comme engrais dans les campagnes de Gand, et autres villes de la Belgique, situées près de la Lys, est fabriquée dans les faubourgs de Lille. Les fermiers des envi- rons de Lille, dont les terres sont en général bien nétoyées, bien fumées, pensent avec raison que la chaux détruirait les substances carboniques et hui- leuses qu'ils emploient comme engrais. Ils ne se ser- vent donc presque jamais de la chaux; et quand ils emploient, c'est uniquement pour détruire les in- sectes, ou pour donner de l’action à la végétation au printemps. On fait, au contraire, un grand usage de la chaux dans les arrondissements d’Avesnes et de Cambrai, où la culture est moins perfectionnée , où les terrains sont compacts , froids, et couverts de mauvaises her- bes. Dans les arrondissements d'Hazebrouck et de Dunkerque, où les terres sont humides, la chaux est employée en poussière peu de temps après sa fabri- cation, et toujours vive. On la répand sur les terres en automne, avant de les semer, et quelquefois au printemps sur les graines de mars, et à raison, quant ENGRAIS. 261 au premier usage, de 4 mètres cubes par hectare. L’effet de cet engrais se fait sentir pendant une dou- zaine d'années. La pierre à chaux qu’on emploie à Dunkerque et à Hazebrouck, est tirée, comme la marne, des en- virons de Saint-Omer. C’est une craie blanche, tendre, semblable à celle de Lille. La chaux d’Avesnes, au contraire, est faite avec une pierre calcaire brune et dure, dont plusieurs bancs sont d’un marbre veiné qu'on exploite pour Paris. En résumé, il nous semble que les fermiers de Lille montrent de la sagacité en redoutant les effets de la chaux vive. Leurs terres étant bien nétoyées et fu- mées , la chaux vive décomposerait les molécules vé- gétales et animales des engrais, et absorberait le gaz carbonique dont ces terrains sont saturés , et qui les rendent éminemment fertiles. Les cultivateurs des autres arrondissements , au contraire, font bien d’em- ployer ce puissant caustique, qui détruit les lichens, les mousses, les mauvaises herbes et les insectes qui recouvrent et épuisent ces champs, souvent en Jja- chères et toujours mal travaillés. CENDRES DE TOURBE, DE HOUILLE, DE SARS-POTERIES. On distingue les’ cendres de towrbe, en cendres de tourbe du pays et cendres de tourbe de Hollande ou cendres de mer. Celles-ci sont les plus estimées, parce qu’elles proviennent de marais recouverts au- trefois par la mer, et qu’elles contiennent, avec du sel marin, beaucoup plus d’alkali que les autres; 262 CHAPITRE IV. aussi une mesure de celles-ci produit plus d’effet que trois mesures des autres. Les cendres de houille ont une plus faible pro- portion de potasse, et sont moins bonnes comme engrais, mais elles divisent mieux la terre. On répand à la main et au printemps ces diffé- rentes cendres sur les prairies, ou sur les graines de mars, en choisissant de préférence un temps couvert et humide. Ces cendres fournissent des alkalis aux plantes, réchauffent et divisent la terre; font, ainsi que la chaux, périr les mousses et les insectes, et ont, comme la chaux, la propriété lorsqu'on les répand sur les jeunes feuilles, d’irriter les membranes par leur qualité stiptique, et d’augmenter leur force vé- gétative ainsi que les récoltes. On fait un grand usage de ces engrais dans le dé- partement du nord, où l’on extrait beaucoup de tourbes des marais de la Sensée , de la Deüle, de la Scarpe, etc. La cendre a presque autant de valeur que la tourbe qui l’a fournie; ainsi le chauffage des habi- tants des bords de ces marais coûte très-peu. On méle à ces cendres, dans quelques localités, et par- ticulièrement dans l’arrondissement d’Avesnes , de la chaux, dans le rapport d’une partie de cendres sur trois parties de chaux, et on emploie environ 2000 livres de cendres et 6000 de chaux pour fumer un hectare. Les cendres minérales de Sars-Poteries , près d’A- vesnes, sont de la même nature que celles dites de Saint-Quentin, et sont employées aux mêmes usages : on les retire au village de ce nom, d’une fosse de 25 à 30 pieds de profondeur. Cette matière est un ENGRAIS. 263 mélange de charbon fossile et de pyrites sulfureuses de cuivre et de fer, qui s’enflamment spontanement. On laisse plusieurs semaines la masse brüler lente- ment en plein air, et on vend comme engrais les cendres qui sont le résidu de la combustion. Con me cette combustion n’est pas complète, des parties sulfu- reuses qui ne sont ni brülées ni décomposées restent sur les feuilles. Les chevaux mis sur ces pâturages sont très-échauffés par ces parties alkalines et sulfu- reuses , et perdent quelquefois la vue; aussi on doit user avec précaution de cet engrais, qu'on répand de préférence sur les prairies froides. On ne fait usage près de Lille que des cendres de tourbe ; les autres engrais dont nous venons de par- ler, sont exclusivement employés dans les arrondis- sements de Douai, Avesnes et Cambrai. SUIE DE CHEMINÉE. On se sert pres de Lille de la suie de cheminée, moins comme engrais que dans le but de garantir les jeunes pousses de colza des insectes qui les dé- vorent. On en répand à raison de 5 hectolitres pour 10 ares. Quelquefois on jette aussi de la suie sur les feuilles de colza repiqué dans le mois d'avril et de mars. La suie doit aussi être considérée commme un bon engrais , puisqu'elle contient beaucoup de carbone ; mais les effets en sont lents, et ne sont appréciés que par les cultivateurs instruits ou bons observateurs. 264 CHAPITRE Iv. GYPSE. Les effets extraordinaires et rapides du gypse, comme engrais, sont inconnus dans le département du nord; on ne peut cependant en accuser l’igno- rance des fermiers, mais seulement la rareté et la cherté de cette substance. Le plâtre le plus près de Lille est celui des carrières de Paris; les transports sont encore si difficiles et si longs entre ces deux villes, que le plâtre coûte à Lille 7 francs les 100 ki- logrammes , ou 200 livres pesant; aussi on ne l’em- ploie que pour des ouvrages délicats , et d’ornement, et il sera impossible d’en faire usage comme engrais, tant que ce prix ne sera pas diminué des 2/3 ou des 3/4. On doit espérer que lorsque la navigation, dont on s'occupe, sera perfectionnée, le gypse ne coûtera plus à Lille que deux francs les cent kilogrammes, et que l’usage de cet engrais deviendra général dans toutes les fermes de Flandre. A la vérité les cendres de houille semées à la main au printemps, sur les feuilles, ont bien quelques unes des mêmes qualités; mais les effets du gypse son bien plus puissants, plus rapides, et si surprenants qu’on doit le préférer aux cendres, surtout dans la culture du trefle, et autres fourrages verts, dont il est l’engrais spécial. ÉCOBUAGE. Jamais on n'a recours à l'écobuage dans les envi- rons de Lille; Les terres fournissent peu de mauvaises herbes, et sont toujours bien nétoyées et amendées, ENGRAIS. 265 L’écobuage aurait l'inconvénient de volatiliser les gaz fécondants dont cette terre est imprégnée, et quelquefois saturée. On ne pratique l’écobuage que dans les arrondis- sements d'Avesnes et de Cambrai, où l’on fait des jachères, et où ce procédé a les avantages et les in- convénients qui sont connus. L’écobuage peut être utile pour préparer des terrains glaiseux, couverts de plantes nuisibles. Si on modère le feu, et si on charbone les mauvaises herbes au lieu de les brûler, cette opération fournit du carbone, détruit des plantes funestes , et brüle des molécules de terre qui perdent la propriété d’absorber de l’eau, acquièrent la qua- lité de silice et en augmentent ainsi la proportion. A Lille, on ne brüle sur place que les chaumes, ou paille de colza, et les mauvaises plantes arrachées par les hersages répétés. Les cendres en sont répan- dues avec soin sur la terre. On emploie encore, dans les environs de Lille, différents engrais, dont nous ne croyons pas devoir parler, parce qu'ils n’ont rien de particulier. On peut conclure de ce qui précède, que les fer- miers flamands montrent de l'intelligence et de l’habileté dans le choix et l'emploi des engrais, et qu'ils sont supérieurs en ce point, comme en beaucoup d’autres , aux cultivateurs des autres pays. A la vérité leur usage de jeter les fumiers des étables dans une cour creuse, est vicieux, quant à l’agrément et à la salubrité de leurs habitations ; mais peut-être, sous le point de vue de l'Agriculture, faut-il mettre en doute si ce procédé est favorable ou nuisible. On peut citer, pour ou contre, des faits attestés par des 266 CHAPITRE IF. hommes dont l'opinion est d’un grand poids. 11 nous semble que si on excepte quelques grands propriétaires qui joignent à de profondes connaissances en chimie et en physique, un grand désir d'avancer la science de l’Agriculture, on ne trouvera pas ailleurs une population d'agriculteurs qui aient des méthodes si parfaites; méthodes connues dans ce pays depuis plusieurs siècles , et qui paraissent cependant des applications raisonnées des dernières découvertes en chimie, en physique et en physiologie. CRT et tot RS Re DDR Se 0 0 1 CHPAPAETICET DES ASSOLEMENTS. Sic quoque mutatis requiescunt fetibus arva ; La terre ainsi repose en changeant de richesses. ( Géorg. ne VirG. Trad. de Derivee.) CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. Ox nomme assolement l'ordre dans lequel on fait succéder des récoltes différentes qui se renouvellent périodiquement , et dans une série à peu près sem- blable. Les derniers travaux sur les assolements, tentés et vérifiés , surtout depuis quarante ans, dans tous les climats avec un même succès, ont jeté un grand jour sur la science de lAgriculture. On peut maintenant la réduire à quelques principes simples, généraux, et d’une explication facile pour tous ceux qui ont des notions de botanique et de chimie; on peut même espérer que laisance et l'abondance produites par ‘ 268 CHAPITRE V. l'influence des bonnes méthodes de culture, pénètre- ront dans les dernières chaumières aussitôt que l’in- struction, indispensable à la prospérité des cam- pagnes, sera plus répandue. On se propose, en cultivant la terre, de l’ameu- blir, de la nétoyer, de la féconder, et d’en retirer le plus grand revenu net chaque année, ou dans une période d’années. Ce but ne serait point rempli si une récolte tres- productive épuisait le terrain, ou linfestait de plantes nuisibles, puisque les récoltes suivantes seraient mau- vaises. Le cultivateur a donc besoin d'instruction et de prévoyance pour se déterminer dans le choix des plantes; il faut qu'il connaisse l'influence du sol, du climat, celle des différents engrais et de chaque cul- ture. Son expérience solitaire serait vaine si elle n'était pas éclairée par celle des savants agronomes, s'il dédaignait ou s’il était hors d’état de méditer tout ce qui a été tenté et découvert avant lui; eüt-1l du génie, de la persévérance et une immense fortune, jamais il ne parviendrait à atteindre la hauteur ac- tuelle de la science de l’Agriculture, liée à toutes les autres, et dont le domaine a été agrandi par les hommes les plus illustres des temps anciens et mo- dernes. Un jeune homme doué d’une intelligence ordinaire, et d’un bon jugement, s'instruira davan- tage et plus promptement par l'étude suivie des livres des grands maitres, que le cultivateur le plus favorisé des dons de la nature par une expérience isolée et des essais ruineux. Les faits que le cultivateur doit connaître ont été ASSOLEMENTS. 269 établis et confirmés par des expériences tellement authentiques, qu’on peut heureusement se dispenser de les vérifier. S'il fallait que chaque agriculteur en- treprit une si longue tâche, sa carrière serait par- courue, et son expérience tardive, achetée par de longs et inutiles sacrifices, n’aurait d'autre résultat que de le ruiner, de décréditer la science, et de fa- voriser la paresse des fermiers sans instruction, et leur secrète aversion pour les améliorations. S'il est avantageux de donner de la célébrité aux principes avérés de la science, et de montrer au cul- tivateur, par des raisonnements et des faits, la né- cessité de les adopter et de les suivre, il est plus nécessaire encore d’écarter tout ce qui n’est qu'hy- pothétique et peut donner lieu à des discussions, à des doutes et surtout à des essais malheureux. Il serait hors de notre sujet, de notre pensée et au- dessus de nos forces, de présenter ici la théorie des assolements, nous chercherons seulement à exposer des bases certaines qui puissent servir à discuter le mérite des assolements des environs de Lille. Nous considérons, d’après les meilleurs maitres, comme de axiomes, les faits suivants : 1° Plus la végétation d’une plante est rapide, re- lativement aux autres espèces de méme genre, moins elle reste long-temps sur le sol, moins le terrain est épuisé. Les blés, les colzas, etc., d'automne, par exemple, épuisent plus le sol que ceux de mars. Une récolte hâtive peut être suivie, dans la même année, d’une autre récolte, ou du moins on a le temps de donner plusieurs labours après une moisson hâ- 270 a CHAPITRE! V. tive et avant les semailles, et d'obtenir ainsi tous les avantages d’une jachère. 2° Plus une plante a ses feuilles et ses membranes molles et vertes, plus elle prend de nourriture dans l’air, moins elle épuise le sol, plus elle fournit de détritus et d'engrais et plus elle améliore le terrain. La surface extérieure des plantes, les tiges et les feuilles surtout, sont composées d'organes qui ont la faculté d’enlever à l'air le gaz acide carbonique, l’eau, les substances que les vapeurs aqueuses, et l'air at- mosphérique tiennent en dissolution, et celles qui, n'étant que suspendues dans ce gaz, sont entrainées par l’eau qui se condense sur les plantes pendant la nuit. Plus ces organes sont herbacés et délicats, plus l'absorption est considérable, moins la terre fait de déperdition pour fournir à la végétation. Plus les parties sont volumineuses et molles, plus elles four- nissent de secrétion, de détritus de feuilles et d'in- sectes, et plus la terre se trouve enrichie. Ainsi les plantes légumimeuses, étant herbacées, épuisent peu le sol et lui fournissent des engrais. Les plantes cé- réales, au contraire, ayant des feuilles lancéolées , étroites , et une tige qui devient presque ligneuse , et très-lente à se décomposer, enlevent à la terre beaucoup de sucs nutritifs, et sont essentiellement épuisantes. 3° Une plante tire moins de sucs de la terre de- puis le temps de la semence jusqu’à celui de la flo- raison, que depuis le moment de la floraison jusqu’ à celui de la maturité. Dans la première période la plante est verte, molle, herbacée ; elle se nourrit surtout par ses feuilles. … ASSOLEMENTS. 271 Dans la seconde, ses organes extérieurs étant durcis, les sucs sont fournis par les racines; ainsi les plantes légumineuses, coupées, la plupart du temps, pour fourrage, et à l’époque de leur floraison, enlévent peu de sucs à la terre; tandis que les plantes céréales, qu'on laisse jusqu'à maturité et qui ne perdent que peu de feuilles, épuisent le sol. 4° Plus une plante garnit la terre par ses tiges et ses feuilles, plus le sol est garanti de l'action des averses qui plombent ou entrainent les terres, et de celle du ‘soleil qui volatilise les principes fécondants; plus le terrain est nétoyé des plantes nuisibles que l'ombre étouffe et fait périr. Les plantes légumineuses comme le trefle, le sain- foin , les fèves, les vesces, etc., remplissent éminem- ment ce but et sont, par cela même, fécondantes ; tandis que les plantes céréales qui laissent les champs exposés à l’action des pluies et du soleil, favorisent la végétation des herbes nuisibles, promptes à se mul- tiplier et à s'emparer du terrain. Les plantes céréales rendent donc le sol moins fertile et sont essentielle- ment épuisantes. 5° La terre est plus epuisée par une mauvaise ré- colte que par une bonne. Une récolte est mauvaise lorsque l’intempérie des saisons et les herbes nuisibles font languir et périr les plantes semées. Dans ces deux cas, les plantes vivaces et les mauvaises graines poussent avec vi- gueur, muürissent rapidement; leurs graines tombent, | germent et envahissent la terre, qu’on ne peut pur- ger que par un travail long, difficile et tres-coûteux. Ainsi le cultivateur, dans le choix des assolements.. 272 CHAPITRE. W: doit surtout chercher à maintenir constamment son terrain nétoyé de plantes nuisibles : il doit se hâter de remplacer dans la même année la graine qui n’a pas réussi, par une autre d'une végétation rapide, afin d'empècher les herbes et les graines nuisibles de prendre possession du sol. Si le laboureur manque d'intelligence, d'activité et d’aisance, il perd double- ment par une mauvaise récolte, puisque la suivante est encore plus mauvaise. 6° Une jachère a souvent tous les inconvénients d’une mauvaise récolte; elle rend moins, coûte plus et” peut épuiser le sol. Les jachères ont pour but de laisser reposer le sol, de l’amender et de le fertiliser ; mais ce but peut être manqué : 1° Lorsque les labours sont faits dans les grandes chaleurs : les parties de carbone et les autres engrais mis en contact avec l'air et la lumière, se vola- tilisent ; 2° si les labours précèdent de longues pluies chaudes et sont faits à de très-longs intervalles; les graines nuisibles, favorisées par cette culture, se dé- veloppent rapidement, s'emparent du terrain et l'é- puisent; les récoltes suivantes sont ainsi moins favori- sées par ces jachères imparfaites que par des récoltes de plantes légumineuses essentiellement fécondantes. 7° Il est nécessaire d’intercaler une récolte non sarclée entre deux autres qui doivent étre sarclées ou binées. Les plantes qu’on sarcle peu, comme les céréales, laissent la terre infestée de plantes nuisibles qui s'emparent du sol et en dévorent les sucs; si on rem- plaçait cette récolte par une autre non sarclée, les graines et les racines des plantes funestes prendraient ASSOLEMENTS. 273 possession du terrain; les plantes vivaces surtout s’é- tendraient rapidement, étoufferaient les semences et détruiraient, pendant plusieurs années, les récoltes. Le cultivateur, en suivant une marche aussi vicieuse, quelque précieuses qu’aient été les premières ré- coltes, n'aurait pas rempli le double but auquel il doit tendre, celui de retirer de ses terres après un temps donné, le plus grand revenu, et de les laisser ensuite dans le meilleur état possible. Mais en se conformant au précepte de remplacer, par des plantes sarclées, celles qui ne l'ont pas été, il parvient par une excellente culture, à purger le gl de toutes les herbes nuisibles. 8° On doit remplacer les plantes qui tracent, par des plantes a racines pivotantes, et les plantes à racines bulbeuses par des plantes à racines fibreuses, etc. Sans entrer dans la question de savoir si les su- coirs des plantes absorbent des sucs semblables ou différents, on peut du moins établir comme certain que les plantes de même espèce dont les racines s’é- tendent de la même inanière, enlèvent aux mêmes couches de terre tous les principes fécondants. Avec quelque soin qu'on retourne la terre, dans les la- bours beaucoup de parties restent placées de la même manière que dans la culture précédente , et ne peuvent fournir des aliments aux racines des plantes de la même espece. Il est d’ailleurs évident que les plantes à racines pivotantes qui s'étendent à une plus grande profondeur que la couche labourée, vont chercher, au-dessous de cette couche des aliments qui ne profiteraient point aux racines traçantes. Quelle que soit d’ailleurs l'influence des vaisseaux intérieurs Agricult. de la Flandre. 15 274 ‘CHAPITRE V. des végétaux sur les sucs qu'ils retirent de la terre, on doit présumer que les plantes de diverses classes ou familles, dont tous les organes de la végétation et de la fructification sont différents, ainsi que les rapports entre eux des principes, soit fixes, soit . gazeux, absorbent les mêmes éléments avec plus ou moins d'activité, ou pompent avec plus d’avidité leurs principes constitutifs. Ainsi, les plantes de même es- pèce, mises successivement dans un même terrain, doivent plutôt l’épuiser et de moins en moins pros- pérer ; et les plantes d'espèces ou de propriétés dif- férentes, peuvent croître ensemble ou pres l'une de l'autre, sans se nuire autant : mille faits établissent ce point de théorie. On à, il est vrai, remarqué que les plantes à racines fibreuses et traçantes jettent des racines dans toute la couche labourée; que les plantes à racines pivotantes ont aussi des fibres qui s'étendent à la surface et qui en absorbent les sucs, mais les premières tirent beaucoup plus des couches supé- rieures que de celles inférieures; et les autres, au contraire, ürent plus de la couche inférieure que de celle supérieure. Le choix à faire dans la succesion des récoltes est également justifié par l'application générale du principe suivant : 9° On doit, autant que les circonstances le per- mettent, remplacer une plante d’une famille par une plante d'une famille différente. La nature, par mille faits, indique que la variété de la culture est le premier et le plus grand principe de fécondité. Il est constaté, dans tous les pays, que la terre semble se refuser à donner constamment les mêmes Li ASSOLEMENTS. 275 productions; qu’elle se plait dans une variété conti- nuelle. On a remarqué en Europe, et particulière- ment à Montargis, qu'une haute futaie de chênes qu'on abat, est remplacée par une haute futaie de chataigners ou de hêtres, et dans les États-Unis d’A- mérique, qu'une futaie de sapins est renouvelée par _une futaie de chênes ou de hètres. Partout on a re- connu qu'un arbre d’une espèce croissait difficilement en remplacement d’un autre de même espèce. Les ra- cines qui pourrissent font souvent périr celles des arbres semblables qui les touchent. Un muürier, par exemple, qui meurt, fait périr le voisin, et pendant long-temps on ne peut planter de mürier à la même place. Tout semble prouver que le même phénomène a lieu pour les plantes de même espèce (1). Ainsi les herbes des prairies se renouvellent sans cesse natu- rellement par d’autres de classe ou d'espèce diffé- rente. Chaque cultivateur peut constater lui-même la vé- rité de cette observation ancienne (2). On voit des (1) Un fait à peu près analogue est remarqué dans le règne animal. Beaucoup d’animaux carnivores épargnent ceux de même espèce : 1ls périssent souvent de faim à côté de plus faibles qu'eux, ou de maladie quand ils ont violé cette loi de la nature. (2) La pensée de Virgile, si simple, si claire et si bien rendue par le poète francais : La terre ainsi repose en changeant de richesses , renferme peut-être , en substance, la science de l'Agriculture. La divine inspiration du génie a donc devancé les siècles : elle dit plus que des milliers de volumes publiés depuis lui sur l’Agricul- ture. Les découvertes récentes en physique et en physiologie ont confirmé la justesse du précepte établi par le prince des poètes. en: 270 CHAPITRE V. plantes, des arbres de famille différente, croître ra- pidement sur un espace étroit qui se refuserait à pro- duire en aussi grand nombre et aussi long-temps les mêmes variétés. Ce n’est qu'à force de soins et d’en- grais , etsurtout par le changement des récoltes, qu’on en obtient de si abondantes. 10° Une bonne récolte de plantes oléagineuses ou solanées, fumée et sarclée, ou de plantes légumineuses coupées avant la maturité de la graine, améliore et prépare mieux la terre qu'une jachère. Le but d’une jachère étant de détruire les plantes vivaces, de faire pousser les mauvaises graines et de soumettre la terre à l'action de l'atmosphère, peut être mieux rempli par une récolte fumée, souvent. sarclée et coupée dans les derniers jours du printemps. Les plantes légumineuses, coupées pour fourrage, étouffent les germes nuisibles par leur ombre, en- graissent le sol par leurs feuilles et leurs racines qui pourrissent rapidement. Les plantes oléagineuses, les solanées, etc., exigent beaucoup d'engrais et de cul- ture : elles laissent de même la terre très-fumée, et parfaitement nétoyée et comme les unes et les autres sont coupées avant l'été, le cultivateur a trois mois de l'année; pour donner à ses champs les préparations nécessaires pour une autre culture , et pour obtenir les avantages des jachères; mais ces récoltes étant souvent les plus productives, et les jachères n’occasionnant que des pertes, l'usage des jachères ne peut être maintenu que par l'ignorance ou la misère. De ces différentes vérités et de plusieurs autres analogues, considérées comme des axiomes tant elles ASSOLEMENTS. 277 sont maintenant clairement établies, nous tirons les conclusions suivantes : Les jachères peuvent et doivent être supprimées dans presque toutes les localités. Ce ne sont pas les récoltes qui épuisent la terre, mais plutôt la succes- sion mal entendue des plantes et la mauvaise culture de chacune. Toute terre, quelque légère qu’en soit la couche, de quelque variété qu’en soit la nature, peut, au moyen de quelques préparations ou travaux, fournir à la végétation de quelques plantes et donner chaque année une récolte. Le sable même le plus aride, clos, abrité et arrosé, devient très-productif. Les assolements les plus longs, c’est-à-dire, ceux où la même plante ne revient qu'après la plus longue période, produisent , toutes choses égales d’ailleurs, les plus abondantes récoltes, abstraction faite de leur valeur variable dans des circonstances particulières, et qui doivent influer sur le choix de la culture. Il est avantageux d’alterner non-seulement les va- riétés, mais les espèces, et surtout les familles natu- relles. On doit, par la méme raison, changer les semences le plus souvent possible, parce que la même graine a quelquefois mille variétés imperceptibles, mais dont les différences s’apprécient par les résultats. On est presque certain, en allant au loin chercher les semences d’une plante, d'obtenir une variété nou- velle qui, par cela même, végète avec plus de vi- gueur. Nous allons examiner, d’après ce qui précède, st le système d’assolement admis en Flandre est bien entendu. 270 CHAPITRE NW. , DÉS ASSOLEMENTS DES ENVIRONS DE LILLE. Chaque année la terre produit une récolte et quel- quefois deux ; ainsi les jachères sont mconnues dans les environs de lille. Quelque variété infinie qu'on remarque dans les assolements suivis par les fermiers, on peut les ran- ger en quelques classes , et en assigner les caractères principaux. L’assolement le plus général se divise en trois an- nées. La premiere, celle qui correspond à l’année des jachères, on cultive les plantes oléagineuses et les pommes de terre; la deuxième année , les plantes céréales; et la troisième année, les plantes légumi- neuses. £: Les plantes de la première année sont: le colza, la caméline, de la famille des crucifères ; Le tabac, les pommes de terre, de la famille des solanées; le lin, de celle des caryophilées. Celles de la deuxième année sont : les variétés et sous-variétés de froment , seigle, orge et avoine, c'est-à-dire, les plantes céréales, toutes de la famille des graminées. Celles de la troisième année sont les fèves , pois, vesces, lentilles, les trèfles, sainfoins, luzernes, de la famille des légumineuses. Si on cultivait successivement toutes ces plantes, et sur une même étendue, et si on admettait dans le choix des assolements les espèces principales et les combinaisons qui en éloignent le plus le retour, ASSOLEMENTS. 279 on trouve, par le calcul, que l'assolement de la Flandre pourrait être de 256 ans, c’est-à-dire, que les mêmes espèces ne seraient cultivées sur le même terrain qu'après cette longue période. On peut juger par là de l'extension que les culti- vateurs sont maîtres de donner à la variété de cul- ture, et de la perfection (r1) à laquelle Fart est par- venu dans ce pays. Dans le cas même où l’assolement de Lille ne serait que de trois années, comme chaque plante précède et suit une plante d’une autre famille et d'une cul- ture différente, le laboureur satisfait ainsi aux con- ditions principales de la science; mais il est trés-rare que l’assolement ne soit que de trois années : il est presque toujours de 6 ans pour le colzat, et de 15 pour le lin, plante réputée une des plus épuisantes. Nous ne considèrerons point, comme faisant partie des assolements de Taille, les navets, les choux, les carottes, etc., parce que les récoltes de ces plantes, quelque abondantes et précieuses qu’elles soient, sont dérobées, c’est-à-dire, intercalées entre deux récoltes. (1) Malgré notre intention de nous borner à décrire, nous som- mes sans cesse arrêté par lé besoin de faire l'éloge de ces praticiens habiles qui ont atteint la perfection plusieurs siècles avant les découvertes récentes. Quelques facilités que donnent les nouvelles découvertes pour arriver aux mêmes résultats, comme la culture des environs de Lille a eu plus d'influence sur les progrès de l'Agriculture, que les ouvrages de théorie publiés par les plus savants agronomes, une description détaillée des procédés fla- mands, peut encore , dans l’état actuel de la science , être utile aux fermiers. 280 CHAPITRE V. Elles sont semées dans la même année, immédiate- ment après le colza, le seigle ou les hyvernages (1), et donnent ainsi une seconde récolte. De même, nous ne ferons pas mention, dans le cours des assole- ments, de la caméline et du pavot, parce que ces plantes sont destinées à remplacer les récoltes qui manquent; elles ne sont comprises dans leur rotation que dans l'arrondissement de Cambrai. Nous exposerons la pratique et les avantages prin- cipaux du système général d’assolement des environs de Lille, en ne considérant d’abord que la grande division en trois années. L! 1° ANNÉE. Plantes oléagineuses et pommes de terre. La terre est fortement fumée avec les fumiers des écuries qui engraissent, par un labour profond, les couches inférieures : on répand sur la couche supé- rieure l’engrais flamand qui l’enrichit. Les plantes oléagmeuses, mises après les plantes légumineuses es- sentiellement fécondantes, ont une végétation fort rapide. Comme cette culture, ou celle des pommes de terre et du tabac, donne de riches produits, le cul- (x) On nomme hivernage un mélange de vesces ou de gesses., de fèves et de seigle ou orge, que l’on coupe en juin ou dans les premiers jours de juillet, lorsque le grain commence à mürir. Les fèves, l'orge, etc., servent de support aux plantes rempantes qui s’y attachent par leurs vrilles ou mains. ASSOLEMENTS. 281 tivateur ne craint point de faire des dépenses en frais de sarclage, houage, ete. Aussi, chaque mois les fossés ouverts entre les plantes sont approfondis et curés ; la terre est remuée; les plantes étrangères ou nui- sibles sont enlevées avec une extrême précaution. Les graines qui germent par les cultures successives, les plantes qui échappent les premières fois et qui poussent, sont de même détruites par la culture sui- vante. Il s'ensuit donc qu'après la récolte des plantes oléagineuses (1) et des solanées, la terre est parfaite- ment ameublie, nétoyée, fécondée et préparée pour. la culture des céréales. Comme les plantes oléagineuses se récoltent de très-bonne heure, la terre est libre, pour les trois- quarts de ces plantes, au commencement de l'été; le cultivateur a donc la facilité de donner plusieurs la- bours à sa terre et d'obtenir tous les avantages d'une jachère complète, ou de se procurer une récolte dérobée, c’est-à-dire double, dans la même année. If ANNÉE. Plantes céréales. On fait succéder au colza et au lin, le seigle, le blé ou l'orge d'hiver, parce que ces plantes oléagi- (1) On aurait sans doute tort de trop généraliser, et de conclure que ce système d’assolement, quelque simple et admirable qu’il soit, puisse s'appliquer dans toutes les localités : il ne convient qu'aux pays où la culture des plantes oléagineuses est possible et avantageuse ; les 4/5 du territoire de la France sont dans ce cas. 282 CHAPITRE V. neuses se récoltent de bonne heure, et qu'on à le temps ensuite de donner au sol les préparations et leslabours nécessaires et d’ensemencer le blé en bonne saison. On remplace les pommes de terre et le tabac, qui restent sur terre plus long-temps que le colzat, par des céréales de mars, comme du blé, de lorge, etc., de mars. La récolte de céréales, après une culture bien en- tendue de plantes oléagineuses , est plus belle que si elle suivait une jachère, parce que la terre est ameu- blie, fécondée, mais surtout nétoyée : point capital qu'on ne saurait assez recommander. Les plantes céréales se sèment sans engrais, par- ce que le fumier d’écurie introduirait dans les céréales beaucoup de mauvaises graines qui diminueraient les récoltes et prendraient possession du terram; les engrais d’ailleurs mis immédiatement avant les cé- réales les font pousser en herbe, les font verser, et contribuent à ne donner dans de bons terrains que des récoltes médiocres. III ANNÉE. Plantes légumineuses. La culture des céréales épuise la terre, et favorise la végétation des plantes nuisibles ; il est donc es- sentiel de les remplacer par des récoltes qui nétotent le sol, et lui rendent les sucs nourrissiers qu'il a perdus. Les plantes légumineuses ont essentiellement ‘eette double propriété. Les feuilles épaisses, herba- cées, puisent dans Fatmosphère les substances nutri- ASSOLEMENTS. 289 tives , fertilisent la terre par les débris de leurs feuilles et de leurs racines, et font périr par leur ombre épaisse, les plantes funestes. Elles produisent d’'a- bondantes récoltes qui permettent de nourrir de nombreux troupeaux sur de très-petites fermes, et d'obtenir la grande quantité d'engrais nécessaire à la culture des plantes oléagineuses. En général, le système d’assolement de la Flandre remplit toutes les conditions exigées par les plus habiles agronomes. Les plantes à racines pivotantes succèdent à celles dont les racines sont fibreuses ; les plantes sarclées et binées, remplacent celles qui ne l'ont pas été; un tiers des récoltes est consacré à la nourriture de l’homme; un tiers (1), à celle des troupeaux; et le troisième tiers, à la culture des plantes précieuses qui paient le loyer de la ferme et l'achat des engrais. L’agriculteur flamand consomme dans son domaine la presque totalité de ses récoltes ; il n’achète aucun produit que ses terres puissent lui donner; tout ce qu'il vend est d’un fable poids, mais d’une grande valeur, et lui sert à se procurer beaucoup plus d’en- grais étrangers que la soustraction de quelques pro- duits n’en représente. La terre est couverte de récoltes en toute saison, ainsi elle n’est exposée ni à l’action dangereuse des grandes pluies et des fortes chaleurs; et dans les courts intervalles qui séparent le temps de Ja moisson L4 (1) Ces deux premiers tiers ont plus de valeur que si on admet- tait les jachères dans le système d’assolement. 284 CHAPITRE V. de celui des semailles suivantes, elle est maintenue meuble et parfaitement nétoyée. Les champs ne sont point épuisés par des plantes nuisibles et à peine en remarque-t-on quelques unes sur des terrains d’une grande étendue (1). Il n’en est aucune, même des plus vivaces qui puisse résister aux fréquents labours que nécessite cette bonne culture. Nous entrerons maintenant dans le détail des as- solements de quelques fermes. On peut évaluer à 25 hectares et demi l'étendue d’une ferme moyenne des environs de Lille, dont les bâtiments, les vergers (2) les jardins et la partie cul- tivée en luzerne et sainfoin qu'on change ensuite en jardin et réciproquement, font un hectare et demi ; il reste donc 24 hectares de terres labourables. Les 24 hectares sont souvent partagés en trois as- solements de 8 hectares chacun, ainsi que nous la- (1) Plusieurs fois j'ai observé que mon chien de chasse trouvait difficilement des chiendents dans des champs de blé de plusieurs hectares de superficie. (2) Il est très-rare que les petites fermes aient d’autres prairies naturelles que les vergers, qu’on fauche une fois; mais qui sont destinés plus particulièrement à donner de l'ombre et de l’air aux troupeaux de la ferme. Les vaches y sont à la pâture dès les pre- miers jours de juillet, et, aussitôt après les récoltes de juin, jusqu'aux premiers jours de mai de l'année suivante. Pendant tout l’hiver , la température , en Flandre, est si donce que la végétation est presque continuelle, et que les vaches peuvent trouver à manger dans les pâturages. Les vergers sont fermés par des haies épaisses , et ombragés par plusieurs rangs de gros arbres forestiers plantés dans la haie ou tres-près, et par des arbres fruitiers disséminés dans l’intérieur. théoiié ASSOLEMENTS. 285 vons dit; 8 hectares sont cultivés en plantes oléagi- neuses et solanées, 8 hectares en plantes céréales, et 8 en plantes légumineuses. Des 8 hectares de la première division, 4 sont mis en colza, 1 et demi en lin, 2 en pommes de terre, un demi en tabac. Les 8 hectares de la deuxième division se parta- gent en 4 hectares de blé ordinaire, 1 de blé barbu, 1 de seigle , 1 d'orge, 1 d'avoine. Des 8 hectares de la troisième division, 3 sont cul- tivés en fèves, 3 en trèfle, 1 en hyvernage , et 1 en orge coupée en vert et considérée comme fourrage. Les fèves sont récoltées avant leur maturité, et sont données en fourrage et sans être battues , aux vaches et surtout aux chevaux. Ces principes généraux d’assolement sont la regle de conduite des fermiers intelligents. Cependant ils ne s’y assujétissent pas servilement; ils font varier plus ou moins le cours des récoltes, selon les varia- tions annuelles et infinies des prix des graines et des fourrages. Quoique chaque plante soit cultivée sur une faible étendue, cependant les récoltes sont presque tou- jours si bonnes que le cultivateur retire de chacune bien au delà de ce qu'il faut pour sa consommation. Il peut même, en raison de leurs variétés, augmenter à sa volonté la portion qu'il destine au marché; par exemple, si l'orge est d’une grande valeur, il en vend la presque totalité de sa récolte, et en remplace l’u- sage par les autres graines. Il prive de même ses chevaux d'avoine toute l’année, si le prix de cette graine est trés-élevé; mais, dans ce cas, il donne beau- 286 CHAPITRE V. coup plus de fèves et d’hyvernage, mélange de vesce, de seigle et d'orge non-battus, nourriture aussi suc- culente et préférable même à l’avome; enfin, ses pro- visions en pommes de terre, en légumes de toute nature, sont tellement abondantes qu’il épargne de même à volonté une grande partie du blé destiné à sa consommation , lorsque le prix en est très-élevé (1). On doit observer qu'il serait aussi difficile d’as- signer tous les assolements que de déterminer ceux adoptés par des jardiniers, car les laboureurs des en- virons de lille cultivent plus de plantes que ceux-ci, en varient davantage la succession, et le font d’après des circonstances plus variées, difficiles à assigner. On a cité dans plusieurs ouvrages les assolements suivants, comme étant ceux des environs de Lille. ASSOLEMENTS. DE. 3 ANS. 1° Soucrion ou orge 1° Pommes de terre. 1° Choux collets. fauché en herbe. 2° Colza. 2* Betteraves. 2° Lin. 3€ Blé. 3° Blé. 3° Blé. ASSOLEMENTS DE 4 ANS. E. } s 1° Navets. 1°° Colza en graine. 1" Colza en graine € ee SC , . 2" Avoine, orge ou 2° Blé. ou lin. trèfle. 2° Blé. D 1rmR-2% : \ 3° Trèfle. 3° Hivernace. 3° Fèves. Oo e + . ‘ 4° Froment. 4° Graine de mars. 4° Graine de mars. (1) Cette circonstance arrive ordinairement une année sur trois, parce que ce pays frontière est exposé au passage des troupes , et parce que le superflu des récoltes est en quelques mois enlevé » lorsque la liberté du commerce en facilite la sortie. \ ASSOLEMENTS. 207 ASSOLEMENTS DE D ANS. 1° Colza, lin, tabac. 2° Blé et trèfle. 3° Trèfle. 4° Orge. 5° Fèves. ASSOLEM ENTS DE 6 A NS. r'* Colza ou lin. 3° Fèves. 5° Trèfle. 2° Froment. 4° Avoineavectrèfle. 6° Froment. ASSOLEMENTS DE 7 ANS. 1° Colza en pépinière. 2° froment. 3° hyvernage. 4e colza pour graine. 5° graine de mais. 6° trèfle. 7° froment. ASSODEMENTS DE FO "ANS: 1° Colza. 2° froment. 3° betteraves ou carottes. 4° seigle. 5° pommes de terre. 6€ orge. 7° fèves. 8° avoine ou trèfle. 9° trèfle. 10° froment. Ces assolements et tous ceux donnés dans d’excel- lents ouvrages comme étant des environs de Lille, sont bien certainement suivis par quelques fermiers, et se trouvent justifiés par l'expérience et par les meilleurs préceptes de l’art. Cependant, il faut con- venir qu'ils ne peuvent donner aucune idée, ni de l'Agriculture de Flandre, ni même des détails des assolements. En effet, comment compter dans le même assolement, ainsi qu'on l'a fait, les colzas en pépi- niere et les colzas en graine, lorsqu'il ne faut que la 10° partie du premier terrain pour fournir à la cul- ture de l'autre? Il en est de même de l’hivernage comparé au froment : on met généralement deux et trois fois plus de froment que d’hyvernage, et deux 288 CHAPITRE . fois moins de terrain en fèves qu’en blé. Ces données ne sont donc pas suffisantes, et ne sont vraies que pour quelques cas particuliers. Nous répétons que nous jugeons impossible d’as- signer exactement tous les assolements suivis en Flandre, parce qu'il n’est pas un fermier qui s’as- treigne servilement à une marche réglée et tracée long-temps d'avance. Chacun veut tirer de ses terres les plus gros revenus en augmentant les cultures des graines ou des plantes qui se vendent le mieux, sans s'écarter toutefois des bons principes. Il cherche tou- jours, quelque assolement qu'il adopte, de satisfaire à des conditions invariables; il veut : r° que ses terres soient constamment nétoyées, amendées, et ferti- lisées; 2°, quelles donnent chaque année au moins une récolte; 3°, que la culture de la même plante ne revienne qu'après une longue période. Nous indiquerons quelques assolements que nous avons remarqués dans bien des fermes des environs de Lille, et qui nous paraissent plus parfaits que ceux qu'on à cités comme étant les assolements de la Flandre. Nous les considérons comme ayant les ca- ractères généraux de ceux adoptés par la plupart des fermiers des environs de Lille. ASSOLEMENTS DE 3 ANS. Nous en faisons l'application à un champ de 4 hec- tares; ou à 4 pièces d’un hectare. 4 hectares de colza pour graine ,{ 2hect.en navets, carottes , sais d’étable. 1° récol betteraves ; choux , avec en- avec engrais d étable. 1 récolte, | grais liquide. 21° récolte. x'° Année. 2 hectares blé. 2° Année. 1 hectare orge avec trèfle. } Coupés la première année, ou | 1 hectare avoine avec trèfle. | mangés en vert. s ASSOLEMENTS. 289 /2 hectares trèfle. 3 coupes. , 1 hectare fèves. 3° Année. j 1 hivernage coupé au commence- |? hectare en navets, ca” ai J rottes, betteraves, etc. 2° ré- ment de juillet. 1"° récolte. colte. ASSOLEMENT DE 4 ANS. 2 hectares lin. 2 hect. en navets, carottes, re £ 1 Année. ; E : 2 hectares colza pour graines. (choux. 2° récolte. {2 hectares blé ordinaire. 2° Année. | 1 hectare avoine avec trèfle. | 1 hectare orge avec trèfle. | 2 hectares trèfle. :nière , navets, carottes, bet- 3° Année. ! 2 hectares hivernage. Première } 2 hectares en colza de pépi- | récolte en juin ou juillet. }teraves, choux. 2° récolte. ,__(2 hectares fèves. € x 4” Année. : ; i 2 hectares pommes de terre. Les assolements à plus longs termes paraissent en- core plus parfaits que les précédents, et quelque in- finies qu’en soient les variétés (1), on peut en citer quelques-uns comme plus remarquables par leur ré- gularité, en rappelant que les fermes les mieux cul- tivées sont d’une étendue moyenne de 24 hectares. (1) En général, on peut regarder comme une preuve convain- cante de la perfection de ?’Agriculture des environs de Lille , les variations infinies dans le mode des assolements, et leur durée prolongée que les fermiers semblent d’ail'eurs modifier selon chaque localité et chaque saison. Rarement le cultivateur, quelque attentif et prévoyant qu'il soit, peut déterminer exactement, au commencement de la saison, les plantes qu'il cultivera. Pendant l’année il change ses cultures selon l'intempérie des saisons , se prépare d’avance à tous les évènements, et sait remplacer par d'autres graines, celles que les hivers rigoureux font périr. Agrieult, de la Flandre, 19 200 CAAPIHTREEW- Ces 24 hectares sont en général divisés ainsi qu'il suit : 2 hect. navets, carottes, bet- teraves , plantes de colza. Cul- ture fumée avec engrais liquide. É 2° récolte. 4 hectares colza pour graine. Plantes oléagineuses | ou cerucifères | 1 + lin. pan solances.... = tabac. 2 hect. pommes de terre. 1x hect. blé barbu et trèfle. Plantes céréales ' 4 hect. blé ordinaire. 8 |rhect.avoine avectrèfle Goupéla 1° année. qu ‘hect. { x hect. navets ,choux collets, bet- uraminées. x hect. seigle teraves, plantes de colza, Culture D e fumée. 2° récolte. \1 hect. orge avec trèfle Coupé la °° année /3 hect. fèves coupées avant la maturité. 3 hect. trèfle 3 coupes. ante M : Plantes lune 1 hect. hiverpage. lé égumineuses. | hect. rhect. navets, choux col- 1 hect. soucrion ou lets, betteraves, plantes de colza. Culture fumée. \orge coupé en, ver: fée oe: Cet ordre est établi dans les fermes où toutes les terres sont bonnes. On est maître alors de ne cul- üiver qu'une fois sur le même sol, le blé, les fèves et le colza en 6 années; les pommes de terre, le trèfle et l’hivernage en 12; le lin en 18 ans environ; le tabac en 48, etc. Ces règles satisfont aux préceptes les plus sévères de la pratique et de la théorie, et peuvent servir de regles pour réformer la culture dans presque toutes les localités. Nous citerons un assolement de 12 années d’un champ de deux hectares, comme le plus parfait. ASSOLEMENTS. 201 Plantes oléagineuses et cruciferes (1). { Colza en graimc sur fumier | 1 hectare carottes, betteraves, re , 1 “Année. ; SRE : A Nef | d'établé , avec engrais liquide. navets. Culture fumée. 2° récolte. (x) L’assolement de la Flandre ne pourrait pas sans doute être admis sans modifications dans toutes les localités; le colza, par exemple, ne réussit pas dans tous les cantons; et, dans les autres , les bénéfices ne sont pas comparables à ceux qu'on en re- tire dans le département du Nord; mais il est à remarquer que partout où le colza est cultivé, les récoltes, en général, ne sont si chétives que par défaut de prévoyance, d'instruction et d’avances. Cette culture ne réussit qu'au moyen de beaucoup de travail et d'engrais ; elle est à peine connue dans cinq ou six départements où nous l'avons examinée. Les essais infructueux qu’on a tentés ne doivent point décourager des agriculteurs habiles. Les colzas des environs de Lille seraient aussi chétifs que dans les départe- ments de la Somme, de l’Aisne et de Seine-et-Oise, s'ils étaient aussi peu et aussi mal soignés et fumés. Le colza croitrait facilement et donnerait de grands produits dans beaucoup de départements où il est inconnu. On pourrait aussi le remplacer par d’autres plantes oléagineuses, dent la cul- ture remplirait de même de même but de nettoyer la terre, de l’amender, de l’ameublir et de donner de plus forts revenus. La navette, le chanvre, la caméline et les pavots viennent sur toutes les terres profondément remuées , cultivées avec intelligence et fortement fumées. El nous semble qu'il n’est pas de campagnes, du moins dans les partiés que nous avons visitées de lltalie, du Piémont, de la Suisse, de l'Angleterre, et surtout de l2 France, qui ne puissent tirer les plus grands avantages de limitation de quelques parties de la culture de Flandre, reconnue , par les savants agronomes, comme la plus parfaite, et celle qui a servi de modèle et de type à tons les assolements maintenant renommés des eantonsles mieux cultivés. \ 19. 292 CH VPTTRE ON. Plantes céréales. x x bl e fi 5 j 1 hect. de navets , carôties, choux cavaliers 2 Année. .2 hect. é non IUME | 2° récolte , avec engrais liquide. Plantes légumineuses. 3* Année. 2 hectares fèves. Plantes solanées. 4° Année. 2 hect. pommes de terre, sur fumier d'étable et fumier liquide. Plantes céréales. ré ELA 1 hect. orge avec trefle, coupés la 1°° année 5 Année.2 hect. 2 : . | x hect. avoine avec idem idern. Plantes légumineuses. 46* Année. Trèfle (1), trois coupes. Plantes oléagineuses, cariophilées et solanées. LA - à Ê { Fumier liquide, } x hect. navets, carottes 2 hect. lin. | tourteaux. (etc. 2° récolte. \ ‘ La -* Année. 2 hect. ï { 5 hect. tabac. Fumier liquide , tourteaux. (x) On sera étonné que le trèfle ne revienne qu'une fois en douze années ; mais il faut se rappeler que les fèves, le sucrion, l'hiver- nage, sont cultivés pour la nourriture des chevaux , et donnés en vert, et que les carottes, pommes de terre, ont nne grande valeur, en raison de la grande population des villes. On est obligé, à la vérité, de faire un plus grand nombre de labours, que si le trèfle revenait plus souvent; mais ces labours coùtent peu, parce que là terre est très-meuble et bien amendée; d’ailleurs, les fermes sont très-petites, et le cultivateur cherche plus à multiplier les récoltes précieuses, qu'a épargner les labours. ASSOLEMENTS. 2093 Plantes céréales. x Lébu blé barbu. 1 hect. seigle. J Navets , carottes, etc. 2° récelie avec | engrais liquide. 8° Année. 2 hect. | Plantes légumineuses. { 1 hect. sucrion 1 hectare en choux, choux collets, bette- { raves, navets. 2° récolte, fumée avec en- 9° Année. 2 hect.{ coupé en vert. | ssais liquide. 1 hect. hivernage. \ Plantes oléagirieuses. Colza pour graine sur fumier. : 10° Année.2.hect lrhect. navets, carottes, Année. ; w SORT da À d’étable et engrais liquide. }®t: 2" récolte. Plantes céréales. rx £ Année. 2 hect. blé 1 hect. navets , caroutes , etc. 2° récolte. Plantes légumineuses. 1 : hect. fèves. ; »] s op + hect. sucrion coupé en vert Pésin ré ulCole; e 7 12" Année. 2 hect. {. ke ls la fin de mars, ou au com- ? 2° récolte, sur en- grais liquides. |mencement de juin. On voit que dans cette rotation de 12 soles, chaque variété de plantes oléagmneuses, céréaies et Jlégumi- neuses ne revient que deux fois; que la plupart et les plus épuisautes, comme les pommes de terre, le lin, ne sont cultivées qu'une fois. On satisfait done à læ grande condition d’une extrême variété dans les cultures, et on remplit exactement toutes les autres, puisque les récoltes améliorantes et les plantes sarelées et fumées précèdent de même et suivent les plantes céréales, qui ont le double inconvénient d'épuiser et d'infester les terres de plantes nuisibles. 20/ CHAPITRE V. On peut assurer que cet usage, qui a pour but de supprimer les jachères, de donner 16 récoltes en 12 ans, de diminuer les engrais et les frais de culture, de nettoyer et fertiliser la terre, a surtout pour résultat de procurer les plus gros profits dans une période de 12 années et de laisser les terres dans le meilleur état. Comparons les différents assolements cités plus haut, à ceux que l'on désigne comme les plus parfaits suivis en Angleterre. ASSOLEMENT DE NORFOLK, dans les meilleures terres. erannée-. Durneps 2€, Orge avec trefle. GA Trèfle. je Blé. ASSOLEMENT DE 6 SOLES suivi dans les comtés les mieux cultivés. 1° année. Turneps. 2e. Orge ou avoine avec trèfle. 373 Trefle. 4°. Trefle paturé et rompu ensuite au mu- heu de l'été. b°* Blé. 6°. Orge. Le turneps est reconnu en Angleterre comme don- nant de gros profits, parce qu'il sert à engraisser les les moutons, dont la viande se vend plus cher qu’en ASSOLEMENTS. 200 France. Le turneps d'ailleurs enrichit la terre par ses feuilles et ses racines, qui pourrissent rapidement ; mais la récolte, même en Angleterre , est très-incer- taine , et le fermier ne sait comment la remplacer quand elle manque. Cet assolement ne donne que 5 récoltes recueillies et vendues en six ans, tandis que le système flamand en donne au moins 6 et souvent 5. L’assolement de Norfolk, que lon considère comme une imitation de celui de Flandre , nous semble bien moins parfait (1). Ce que nous venons de dire des assolements en général , des avantages et de la nécessité de leur long terme, dénote assez qu'il faut au cultivateur plutôt encore de la prévoyance et de linstruction que de bonnes terres; mais comment donner au laboureur ces qualités indispensables qui honorent et agran- dissent l’homme, si l'usage de la vaine pature lui fait craindre de ne pas récolter tranquillement le champ qu'il a semé ; si Le défaut de communication Ôôte toute (1) Il en est de même de la charrue de ce comté, maintenant améliorée d’après celle de Flandre. La charrue dite brabant , des environs de Lille, est bien supérieure. Les fermiers de Norfolk ne font en un jour, avec leur charrue attelée de deux chevaux, que le travail d’une charrue flamande tirée par un seul cheval, et en général, l'Agriculture des environs de Lille paraît plus avancée que celle du comté de Norfolk, soit dans l’ensemble, soit dans les détails. De même aussi nous reconnaissons que l'Agriculture de Norfolk est très-supérieure à celle de la plupart des départe- ments de la France, où les usages et mille circonstances funestes semblent repousser les améliorations les plus indispensables. 206 CHAPITRE V. valeur à ses produits; si l'avenir ne lui offre aucune garantie; s'il prévoit que telle culture lui occasion- nera des discussions, des frais et des voyages pour se faire rendre justice? Nous finirons l’article des assolements en rappelant l'observation que nous avons faite en commençant cet ouvrage. La première condition d’un bon asso- lement et d'une bonne agriculture, est une bonne administration, ou une sage liberté, sans laquelle il n'y à ni sécurité réelle, ni prévoyance possible. Hi faut que l'agriculteur soit maitre de sa propriété tout entière; qu'il paie des contributions réglées invaria- blement par l'étendue et la valeur de son domaine, et non variable chaque année, selon la nature des cultures; qu'il soit affranchi de tout monopole et sur- tout de l'arbitraire. Tant qu'il en sera autrement , les encouragements apparents donnés à l’agriculteur, n'auront d'autre ré- sultat que d'enlever des bénéfices nécessaires aux cul- tivateurs utiles, pour en gratifier des spéculateurs dangereux. Un code rural, rs canaux et des routes, un bon système d RER PEU rappelleraient à la cam- pagne les propriétaires éclairés, les seuls capables de faire adopter les meilleurs systèmes d’assolements. Ces systèmes introduits enrichiraient les campagnes, feraient fleurir l'Industrie manufacturière, et dispa- raitre tous les malheurs de la guerre et ceux plus grands des divisions intestines. ASSOLEMENTS. 297 ASSOLEMENTS saiyis, en 1776, dans la Flandre Francaise. Un agronome et littérateur célebre, M. Brançois de Neufchâteau, a donné dans une note insérée à la suite du vi‘ lieu du théâtre d'Agriculture d'Olivier de Serres, le tableau ci-joint de l'exploitation d’une pe- tite ferme de Flandre, dressé par M. Monthinot, et a discuté avec une rare sagacité les avantages de lA- griculture Flamande. On reconnait par la date et les détails de ce ta- bleau , que le système général d’assolement était déja établi et parfait en 1776, époque à laquelle lAgri- culture n'avait encore fait que peu de progrès dans les autres pays. Les céréales alternent avec les oléa- gineuses et légumineuses; les plantes d’une famille précèdent et suivent celles d’une famille différente. Aux plantes à racines pivotantes succèdent celles à racines fibreuses et réciproquement. Toutes les lois de la nature avaient été observées, et tous les prin- cipes d’une bonne culture étaient devinés et suivis. Ce tableau offre à la fois l’ordre des assolements et les méthodes de culture flamande, et justifie les éloges donnés depuis un siècle à cette contrée la plus avancée sous le point de vue de l'Agriculture et des manufactures. Nous donnerons dans le chapitre 11 ce même ta- bleau réduit en mesures nouvelles, et à la suite les calculs des dépenses et revenus de la petite ferme de 16 bonniers des environs de Lille, prise pour modèle. Nous n'en faisons mention ici que pour établir la + 208 CHAPITRE v. preuve que depuis long-temps l'Agriculture de ce pays était parvenue au plus haut degré de perfec- tion, et que le mode de rotation des récoltes avait atteint un haut degré de perfection avant les nou- velles découvertes en chimie et en physique qui ont servi à élever l'Agriculture au rang des sciences. TABLEAU D'UNE FERME DE :6 BONNIERS, PRÈS DE LILLE, DÉPARTEMENT DU NORD. EMPLOI DES TERRES REMPLACEMENT DES GRAINS PENDANT 4 ANNEES. 2 Emplacement de | la ferme... | 1 jardinlégumier. - » 13 verger... 12 planchon....... 6 navets. .... ñ choux collets.. 8 blé froment, 1 8 avoine » hivernage, | A 8 seigle... | 8 soucrion, ..... | 8 trèfle... _ 4 pommes deterre. | à betteraves. ...., 2 Carottes... .. ° année verger. . avoine hivernage.… seigle. …. > soucrion. .. trèfle... pommes de terre, betteraves. . carottes. planchon....... navets. choux colléts... blé froment.. trèfle. 4° année. —_—_—_—_——————| ————— ——| » 2 ferme. LATIN. verger... trèfle. lin 3 avoine hivernage. . seigle. soucrion . NEA 680 pommes de terre. betteraves. .. ... carottes. ÿ navets... i choux collets…., . blé froment.... » bonniers. iculture de la Flandre. bonniers 16 » bonniers 21ETME 1-0 + 1 jardin... = 13 verger en herbe. blé froment..... avoine. ......,. hivernage. 8 seigle. 8 soucrion.. f pommes deterre. betteraves. . Carottes... planchon.… 6 navets. .... 6 choux collets.., FUMURES. “xne}INO) 9f 64 paniers decendres a ; Bee | 16.. | 32 paniers de cendres. 16. 8.. SHNOAV'I à la bèche, SEMENCES,. néant... ( diverses graines que { le fermier récolte. les fonds de grange. et de greniers 72 havots.. 24 livres. 9 havots.. 480,000 plantes. . havots...... 24 havots..,.... 2 havots vesce. + havots seigle. havots. . havots.. 214,000 plantes... PRODUIT TERRES. le logement du fermier et des bestiaux. Jr légumes nécessaires au fermier. je produit se compare à un champ de trèfle. 81 sacs de blé froment , et 13,500 gerbes, 16 voitures de foin en deux coupes. 320 hottes de lin et 3 sacs de graines, 55 sacs de graine et 8,000 bottes de tiges. 3,200 bottes de tiges et 16 sacsde grain 60 sacs de grain et 4,500 gerbes. 3,200 bottes de fourrage. 10 sacs de grains et 1,400 gerbes 20 sacs de grains et 1,600 gerbes. 8 voitures de foin en 3 coupes. 80 sacs de fruits. les + du produit des pommes de terre. Idem. produit les plantes pour colza. le + du produit des pommes de terre. le + du produit des pommes de terre. EE + LPS 7 VATÉ EL ?? FE usa ñ 1) ‘1 [2872 d'ou 4 HAA'T ZE e 24 4 RE M NUE M M EE À 5 | ŒIOJAM A UE AL ess | ut ai hi one U k D” nant dés D NP UE à RTL nent Li Î * D RE LE ; " CR NIET À 1 ! PCA SIT aident à # A / l: . 0 LS .. 405: F4 Ve HE LA \ Î . PSE 2 AUOT LA ! ’ ET Tom share # 1x EE de cnatest £ ' a | La %, “ 1 1: \ là LL ton 41 cu 3 ii MUR HOTTE : 00 2 ee Los - £ + #2 vi Corot al D «RL 5 5 > RE EE EE LE EE SE EEE ST SSSR SR SSSR SR SL RS 5) 5 2 CHAPITRE VI. DE! LA CULTURE DES DIFFÉRENTES GRAINES ET DES PLANTES. Illa seges demüm votis respondet avari Agricolæ, bis quæ solem, bis frigora sensit ; Illius immensæ ruperunt horea messes. Veux-tu voir les guérets combler tes vœux avides, Par les soleils brülants, par les frimas humides Qu'ils soient deux fois müris et deux fois engraissés : Tes greniers crouleront sous tes grains entassés. ( Géorg. Vire. Trad. de DELrLLE. ) CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. L'icrrcurreur des environs de Lille est un jardinier consommé : il sait varier les cultures, multiplier les récoltes dans la même année, et manier avec dexté- rité le louchet et le cordeau, disposer ses champs en sillons réguliers , et dresser les plantations en lignes droites et en quinconce pour en faciliter la culture, mais 1l sait de plus remplacer la bêche, le rateau et le mallet, par la charrue, la herse et le rouleau. 300 CHAPITRE VI. La nature reconnaissante récompense généreuse- ment ses soins. Chaque année la terre se couvre d’une ou deux récoltes d’un grand prix, et chaque année le laboureur donne à la terre les labours et prépara- tions d’une jachère. Le cultivateur flamand, instruit par tradition et par expérience, ne connaît point comment Pair, la lumière, agissent sur le sol; cependant sa sagacité a devancé de plusieurs siècles la théorie. Il modifie avec intelligence les détails des différentes cultures ; chaque labour est disposé d’une manière particulière et la plus convenable : le premier labour entrepris le jour même de la récolte sur trois et quatre pouces seule- ment de profondeur, purge le terrain de mauvaises herbes et fait germer les graines nuisibles répandues sur le sol ; le deuxième labour, également préparatoire et léger, remplit non-seulement ce double but, mais encore un troisième aussi important, celui de ferti- liser la terre par le contact de l’atmosphere. Dans ce dernier cas il emploie une charrue d’une forme par- ticulière. Le terrain est relevé au-dessus de son ni- veau ; les sillons sont étroits, très-creux, et presqu à pic; d’où il suit qu'une plus grande surface est ex- posée à l’action de l'air; que le sol reçoit en même temps toute l'influence de l’atmosphere et tous les avantages d’une longue jachere. Le troisième labour, qui est profond, ramène à la surface une terre reposée, féconde, où les semences croissent rapidement. Le labour est aussi modifié selon la nature de len- grais. Lorsqu'il emploie le fumier d'étable, ordinai- rement peu décomposé, toujours rempli de mauvaises CULTURE DES GRAÏNES ET PLANTES. 301 graines, et mélangé de longues pailles, que la herse soulèverait , il laboure à une profondeur de 9 et 10 pouces et enterre l’engrais dans les couches inférieures, où les pailles pourrissent et les graines nuisibles ne peuvent germer. L’engrais liquide, au contraire, se répand sur la surface même immédiatement avant ou après la se- mence. Le labour alors est, pour ainsi dire, de su- perficie; une herse remue la terre à deux ou trois pouces seulement, et mélange la couche supérieure du sol soit avec les graines, soit avec cet engrais, dont l’effet est comme spontané. Tous les autres détails de la culture sont également bien raisonnés, et frappent d'étonnement l'obser- vateur attentif (1). En vain chercherions-nous dans les ouvrages de théorie et dans les journaux des plus (1) On m’accusera peut-être de faire plutôt l'éloge que la descrip- tion de la culture flamande. J'ai cherché cependant à me défendre de toute partialité. On n’aime avec prédilection, on xe juge avec faveur que les lieux de sa naissance : étranger à la Flandre, j'y ai vécu assez pour n'avoir à redouter ni la surprise du moment, ni l'indifférence et l'aveuglement de l'habitude; j'ai dù honorer les qualités rares du cultivateur, vanter la perfection de ses mé- thodes. Si je ne consultais que mon inclination et mes goûts, Je préfèrerais pour séjour un sol élevé, peu fertile, où la vue s’éten- drait loin, où l'air se renouvelle facilement; où les eaux rapides remplissent les vallées du bruit de leurs cascades, où les mon- tagnes sont couvertes de bois, les coteaux de vignes, les plaines de prairies naturelles; où le cultivateur n'ayant presque rien à à vendre , ni à acheter, conserve toutes les_vertus naturelles sans les vices d’une société trop avancée. Avec de l’aisance et de l’in- struction dans une telle contrée, on peut faire, à peu de frais, beaucoup de bien. Pour être utile aux fermiers flamands, il fau- 302 CHAPITRE VI. célèbres agronomes des méthodes plus parfaites que celles suivies en Flandre. Il parait que les découvertes récentes, aussi importantes que nombreuses, n'ont pu porter la pratique au-delà du terme atteint depuis plus d’un siècle par le fermier flamand. Il ignore, il est vrai, les phénomènes de la végétation; mais est- on parvenu à les expliquer tous? Qui pourrait se vanter de connaitre tous les secrets de la nature, les mille combinaisons qui ont lieu lorsque la terre nue est exposée à l'atmosphère ; l’action séparée ou réunie de l'air, de la lumiere, de la chaleur, de l'électricité sur la végétation ? Savons-nous surtout pourquoi une terre épuisée par une espèce de plante est riche pour une autre? Puisque nos plus grands naturalistes ont encore des doutes sur les points les plus importants de l'Agriculture, les simples fermiers sont fort excu- sables de ne pas tout connaitre. Des découvertes précieuses simplifient, il est vrai, l'art de l'Agriculture, et en rendent la pratique plus facile à ceux qui manquent d'expérience; on connait l'influence de l'acide carbonique sur la végétation; quelques-unes des propriétés admirables des feuilles, des racines, des plantes et de leurs principaux or- ganes; on sait que la lumière frappant une terre re- drait une fortune immense, ou le pouvoir de faire supprimer les impôts onéreux qui épuisent et découragent ces hommes laborienx» plus négociants encore que laboureurs. Le voisinage des grandes villes de fabrique, l'esprit de commerce généralement répandu, le haut prix des produits, l'aglomération de la population, ont donné aux agriculteurs flamands tous les avantages et les incon- vénients de la civilisation la plus avancée. CULTURE DES GRAINES ET PLANTES. 303 levée, bien exposée, dégage beaucoup de calorique, facilite la combustion du carbone, favorise la forma- tion de l'acide carbonique , et contribue à développer la végétation. Mais combien d’autres phénomenes, peut-être plus essentiels, doivent ‘se passer dans les jeux extraordinaires de la nature, et dont nous n’a- vons pas encore le moindre soupçon ! Concluons de nouveau que, dans l’état actuel de la science, une description fidèle des procédés des agri- culteurs des environs de Lille, est peut-être aussi in- structive que des préceptes théoriques , et peut con- tribuer au perfectionnement de la culture, parce que le laboureur, toujours en défiance des essais et de ceux qui les proposent, sait écouter avec intérêt et imiter avec confiance ce qu'il voit faire avec succes, ou ce quil sait être pratiqué avec avantage par de simples fermiers comme lui. Toutes les méthodes des agriculteurs flamands ne peuvent être citées comme modeles, et ne pourraient étre imitées que dans quelques positions analogues; par exemple , jamais les fermiers des environs de lille ne mélangent les graines céréales, et jamais ils ne font manger les récoltes sur place. Nous croyons ces pratiques très-bonnes en Flandre, mais, en vou- lant les justifier, nous sommes loin de critiquer ce qui se fait dans d’autres localités. Il est sans doute beaucoup de pays où les mêmes principes de saga- cité et d'expérience doivent obliger de choisir ou de suivre des habitudes entièrement opposées. Il ne faut pas oublier que la maison du fermier dans les environs de Lille, est au milieu ou très- pres des terrains qui en dépendent ; que les champs 304 CHAPITRE VI. sont ainsi tres-rapprochés des habitations; que les terres ont beaucoup de valeur; que la population est nombreuse et pressée, et que les bras et les en- grais ne manquent Jamais. Dans de semblables cir- constances , l’agriculteur est intéressé à retirer les plus gros profits d’un petit terrain, et à faire plutôt de grosses avances en engrais et en frais de culture, qu’en location de terrains plus étendus. La nécessité et son intelligence lui prescrivent des pratiques uti- les qui ailleurs seraient nuisibles et l'effet d’une aveugle routine. Par exemple, il doit cultiver chaque graine séparément et éviter de faire manger les ré- coltes sur place. S'il mélangeait les graines , le blé et le seigle, le seigle et l'orge, les fèves et les pois, ainsi qu'on le fait ailleurs, il n'aurait pas de mauvaises récoltes, mais jamais il n’en obtiendrait d’excellen- tes (1); toutes seraient médiocres, et, par ce seul fait, (1) Le cultivateur flamand est presque certain que la plupart de ses récoltes sont belles; il sait, à force de travail, de dépenses et d'intelligence, disposer le terrain, choisir et varier les plantes de manière à prévenir, en grande partie, l'intempérie des saisons. Les champs sont fortement bombés, coupés de rigoles en pente et entourés de fossés profonds; les eaux s’écoulent rapidement, sans jamais inonder le sol; les labours étant profonds, l’eau de pluie pénètre facilement dans la terre, arrive dans les couches inférieures, d'où elle est pompée par les racines et les tuyaux capillaires , sans cesse ramenés à la surface, qu’elle maintient dans nne humidité constante. Excepté dans les sècheresses extraordi- naires, les plantes ne languissent pas même pendant les fortes chaleurs; la terre couverte de récoltes serrées, es préservée de l’action des vents brülants et du soleil, et conserve une humidité qui ne s'échappe que par l’intermédiaire de la tige des plantes, et favorise leur développement. CULTURE DES GRAINES ET PLANTES. 305 il serait bientôt ruiné ; les prix de location étant très- élevés, et établis dans la supposition que les récoltes seront avantageuses. Le seigle vient bien dans les saisons qui sont nui- sibles au blé, et réciproquement le blé réussit quand le seigle manque; il en est de même du seigle et de l'orge, des fèves et des pois : à la vérité, la plante favorisée étant clair-semée, se développe bien, et le champ n'est jamais dégarni; mais, d’un autre côté, l’une des graines mürit avant l’autre, ce qui oblige de moissonner avant la parfaite maturité de l’une et après celle de l’autre; d’où il résulte une perte dou- ble et souvent très-étendue. Cette pratique, qui serait très-préjudiciable à Lille, peut être bonne dans les cantons de grande culture, où le fermier redoute moins la perte de quelques portions de ses récoltes qu'un surcroit de dépenses en labour et autres avan- ces, parce que les frais de culture sont très-élevés et ceux de location peu considérables. Des motifs également bien calculés empêchent le laboureur de faire manger sur place les navets, colzas, trefles et autres récoltes. On sait qu'une vache libre (1), nourrie sur le sol, gate deux fois plus de plantes qu'elle ne peut en manger ; ainsi une récolte qui nourrirait trois bêtes à l’étable , serait mangée ou détruite par une seule dans le même temps. On épargne, il est vrai, les (1) Nous devons spécifier et ne pas comprendre les moutons, qui gâtent moins, parce que la plupart des fermiers n’ont pas et ne peuvent avoir de moutons : ils n’élèvent que des chevaux, des vaches et des cochons. , Agricult, de la Flandre, 20 306 CHAPITRE VI. transports de la récolte et on engraisse le sol; mais l'économie des frais de transport ne peut entrer en compte dans les fermes de Lille, parce que ces frais sont presque nuls, la ferme étant très-petite et groupée, et parce que les moindres récoltes ont plus de valeur que les plus riches engrais. Les fumiers étant abondants, et à bas prix, en raison du grand nombre de troupeaux, et du voisinage des gros bourgs et d'une grande ville. * Le fermier flamand n'a pas l'usage d’enfouir des plantes en fleurs pour améliorer Île sol ; il obtient le même avantage par des engrais dont le bas prix est inférieur à celui de la plus médiocre récolte, même en fourrage. Ainsi cette méthode (1), aussi ancienne qu'ingénieuse ; bonne ou mauvaise, selon que les engrais sont rares et abondants, ne doit pas être suivie en Flandre. En exposant le mode de culture des plantes, nous n'indiquerons que les détails particuliers à chacune, évitant, autant que possible, de rappeler les prépa- rations de la terre en labour, hersage, etc., qui se font de la même manière pour les différentes espèces de plantes. Nous suivrons la division indiquée dans le chapitre des assolements. La plupart des plantes seront partagées en trois classes principales : la pre- (1) On peut conclure de la variété des méthodes en Agriculture, que si les principes généraux sont fixes et d’une application facile et nécessaire dans tous les pays, les principes secondaires doivent être variés et modifiés en raison des circonstances , et dans chaque localité; il faut donc que l’Agriculteur unisse à une longue expé- rience une instruction étendue, et un esprit observateur et juste. " CULTURE DES GRAINES ET PLANTES. 307 mière comprendra les plantes oléagineuses et sola- nées; la seconde, les plantes céréales de la famille des graminées ; et la troisième, les plantes légumi- neuses. Nous rangeons dans une classe à part, ou quatrième classe, celles qui ne font point partie du cours ordinaire des assolements , parce qu'elles ne sont semées ou plantées qu'après une récolte hâtive, et parce qu'elles donnent une seconde récolte, ou récolte dérobée. La culture des plantes de cette der- nière classe est aussi importante que les autres, soit par la variété et la richesse du produit, soit par l'in- fluence de leur culture sur l’amélioration du sol. DES PLANTES OLÉAGINEUSES ET SOLANÉES. Cette première classe comprend le colza, le lin, la caméline, les œillettes, le tabac, les pommes de terre. DU. COLZ A. Le colza, brassica arvensis, qui est une varicté du chou, est semé d'abord en pépinière à la fin d'août, sur une terre qui a porté la même année du seigle, du sucrion coupé en vert, ou autre plante fauchée au printemps pour fourrages, et quelquefois sur un champ qu'on a laissé reposer et qui ne donne cette année que cette récolte. Le terrain destiné à cette culture doit étre, pen- dant les mois de juin, de juillet et le commencement d'août, bien préparé, parfaitement nétoyé et tres- fumé. Le colza de pépinière se sème très-serré. à 20% 308 CHAPITRE VI. la volée , et à raison de deux litres par are. On choisit un temps couvert et humide ; on répand le jour même sur la surface du sol lengrais flamand, qu'on mélange et enterre avec la graine par un hersage et un roulage. Chaque are de colza en pépinière fournit des plantes pour cinq à six ares, selon que la récolte a plus ou moins bien réussi. Le colza est arraché des pépinières à la main par un temps humide, ou après des pluies à la fin de sep- tembre et pendant les mois d'octobre et de novem- bre. On le plante dans des champs qui ont porté des fèves, de l'hyvernage ou du blé, de l'orge ou de l’avoine. Avant de repiquer les colzas on donne d’abord à la terre deux labours légers de 4 à 5 pouces qui ont pour but de détruire les plantes nuisibles, de faire germer les mauvaises graines et de procurer au sol les qualités d’une nt complète. La veille de planter , on répand sur la surface du fumier d’étable qu'on enterre par un dernier labour plus profond, c’est-à-dire de 8 à 10 pouces. Le champ est divisé en planches de 3 à 4" (oà 12 pieds) de large, et de toute la longueur du ter- rain , formées par des fossés de o" Fa (1P6P) de largeur. Ces fossés, d’abord ouverts avec la charrue, sont approfondis et élargis au louchet. On plante les colzas le Jour même ou peu d'in- stants après que le champ a été labouré , parce que la terre fraichement remuée est humide et la plante reprend plus facilement. On a de même soin de re- CULTURE DES GRAINES'ET PLANTES. 309 piquer les colzas peu de temps après qu'ils ont été arrachés. Lorsque le terrain a été dressé en planches par le labourage , un ouvrier tenant de ses deux mains le plantoir de colza, à une ou deux branches, que nous avons décrit, fait des trous en ligne droite et en quinconce : ces trous sont à 0" 25, ou 9 pouces l’un de l’autre en tous sens et ont de 0" 15 à 0" 20 de profondeur (1). Une femme et deux enfants suivent l’ouvrier pour repiquer les colzas : ils tiennent chacun sous le bras gauche un paquet de plantes, et une douzaine dans Ja main gauche, posent avec la main droite la racine d'une plante dans chaque trou et appliquent en même temps le pied droit au-dessus du trou pour le fermer par la pression ; ils font ce travail avec beau- coup de dextérité et de rapidité. Cependant quelque diligence qu’ils mettent, à peine peuvent-ils suivre l'ouvrier qui ouvre les trous, et en perce 32 mille par jour, ou sur le quart d’un hectare, quand il est exercé. Ce travail paraitra étonnant si on considere que cet ouvrier ne se borne point à enfoncer et à retirer le plantoir, mais qu'il imprime à son outil un mouvement de balancement, afin d'agrandir lou- verture et d'empêcher la terre de retomber et de fermer le trou. (1) La profondeur des trous contribue beaucoup au succès de cette culture, parce que la racine plongeant au-dessous de la couche exposée à la gelée, garantit la plante de ses atteintes, et parce qu’elle donne beaucoup de fibrilles, qui nourrissent la plante dont la tige n’est que le prolongement de la racine. 310 CHAPITRE VI. Dans les fermes étendues et à cinq à six lieues de Lille, où la culture est moins parfaite, on replante les colzas sans ouvrir de trous, et à la charrue. Lors- que la terre a été préparée et fumée, on ouvre dans le milieu du champ un sillon profond où des femmes et des enfants qui suivent la charrue, couchent des plantes de colza à un pied de distance l’une de autre. Un second coup de charrue donné à 1 pied ou #5 pouces du précédent , recouvre les racines des plantes et ouvre un second sillon, sur lequel on continue à poser des plantes. Ce procédé est beaucoup plus expéditif , plus économique et surtout moins pénible, puisqu'on est dispensé de creuser des trous, travail considéré comme le plus fatigant ; mais les récoltes sont ordinairement chétives. La plante est inclinée et ne se relève que difficilement ; la racine étant pliée reprend plus difficilement et gèle plus souvent. Au delà de l'arrondissement de Lille et dans les départements voisins, le colza n’est pas repiqué; on le sème en mars à raison de quinze litres de graine par hectare; les plantes sont ensuite plusieurs fois éclaircies, nettoyées et travaillées. Cette pratique est, comme la précédente , plus économique; mais lune et l’autre ne donnent pas autant de produits et ne sont jamais suivies dans les environs de Lille, où lon veut obtenir d'excellentes récoltes, et les plus gros profits, quelles que soient les avances. En sui- vant les deux derniers procédés que nous venons d'indiquer, on ne peut en espérer que de très-mé- diocres. Revenons à la méthode de Lille, et achevons de la décrire : lorsque les plantes ont été repiquées, CULTURE DES GRAINES,ET PLANTES. Bt on répand le même soir de l’engrais flamand (1), à raison d’un tonneau par cinq ares, où de 20 ton- neaux par hectare. Dix ou douze Jours après le repiquage , et lorsque les plantes se sont relevées, et que les premières feuilles poussent, on approfondit les fossés qui sépa- rent les planches ; l’ouvrier lenr donne deux fois la largeur et toute la profondeur du louchet; son tra- vail se fait en marchant en arrière : il se penche for- tement et avec rapidité sur son outil, dont le manche est très-court; deux fois il l’enfonce latéralement d’abord à droite et ensuite à gauche, pour séparer la motte de terre qu'il veut enlever, ensuite il l'en- fonce carrément , soulève un cube de terre de la lar- geur et de la hauteur du fer du louchet , et le dépose, sans le briser, près d’une plante sur la planche à droite. 11 enlève de la même manière, sans changer de place, un second cube de terre qu'il dépose près d’une plante sur la planche à gauche; il recule en- suite pour recommencer le même travail. Chaque fossé a donc pour largeur deux fois celle du louchet et pour profondeur celle du fer. Comme l'ouvrier peut étendre son outil jusque sur le milieu de chaque planche, et qu'il sait distribuer également les cubes de terre qu'il enlève, toute la (1) Souvent cette opération se fait avant la plantation, mais toujours de grand matin, ou dans la soirée et par un temps couvert, et on a soin de herser et de rouler immédiatement après avoir répandu l’engrais , afin d'empêcher que la chaleur ne vola- tilise le gaz et ne détruise l'effet de l'engrais. 312 J IGHAPITRE VX surface est recouverte de mottes irrégulières qui pré- sentent beaucoup de surface à l'action de l'air et du soleil, et garantissent les plantes de la gelée, lors- que les hivers ne sont pas d’une rigueur extrême. A l’aide de ce travail, les colzas ne périssent tout au plus qu'une année sur six. Le creusement de ces fossés très-rapprochés, a l'avantage d'ouvrir la terre à une plus grande profon- deur que celle du labourage; de renouveler la cou- che supérieure et de la remplacer par un terrain entièrement neuf et exempt de mauvaises plantes, et de graines nuisibles. Cette opération est quelquefois recommencée deux ou trois fois pendant l'hiver ou au printemps, lors- que de fortes pluies et la fonte des neiges ont amolli les mottes de terre saillantes, et rempli les fossés. Au printemps on donne un ou deux coups de houe pour enlever les herbes et ameublir la terre. Le colza qui végète dans ce climat , même en hiver, pousse rapidement au printemps; il couvre Îa terre de ses feuilles et étouffe par son ombre les plantes nuisibles. On coupe le colza à la faucille dans le mois de juin, et avant qu'il soit parfaitement mür (1). Les plantes sont déposées en ligne et par brassées sur le terrain , qu'on herse et qu’on laboure le jour même, ou le lendemain, dans les intervalles. (1) Si on attendait que la maturité fût complète, on perdrait beaucoup de graines. Lorsque la silique est mouillée, elle s’ouvre et perd rapidement ses graines à la premiere chaleur. CULTURE DES GRAINES ET PLANTES. 313 En un ou deux jours, par un temps sec, le colza couché sur le terrain achève de mürir; on en fait une ou plusieurs meules au milieu du champ, afin d'éviter les frais de transport et surtout la perte du grain que les secousses feraient tomber. Un hectare planté en colza donne 30 hectolitres de graine , année commune. Jamais, dans les environs de Lille, on ne fait manger le colza en verd, et jamais on ne l’enterre pour fertiiser le sol, parce que îe fermier retire du grain et de l'huile de colza, des bénéfices plus grands que ceux donnés par l’engrais des troupeaux et du terrain. Les fumiers sont à très-bas prix dans l’ar- rondissement, et l’engrais acheté avec le prix de quelques mesures de graines, fertilise mieux le sol qu'une récolte enterrée. On n'enlève point les feuilles basses des colzas pour la nourriture des hommes et des bestiaux; cette opération ferait languir la plante, qui se nourrit principalement par les feuilles, et dont les sucs se perdraient par les incisions. La culture du colza, quelque épuisante qu’elle soit, est regardée comme une des plus avantageuses ; les _ produits sont abondants et d’une grande valeur, et les préparations usitées contribuent à donner au sol une plus grande fécondité; aussi toutes les ré- coltes qui suivent le colza, et particulièrement celles des céréales, sont très-belles et remboursent les avances faites pour cette plante oléagineuse. Le colza reste en meule pendant deux mois; la graine prend plus de corps; le mucilage se change 314 CHAPITRE Vif. en huile, et les graines plus müres sont mieux nour- ries, se conservent mieux et donnent plus d'huile. On bat le colza pres de la meule, par un temps chaud et sur de larges toiles. Les femmes disposent les plantes que les hommes battent avec des fléaux ; elles reprennent les pailles pour les rebattre encore à la main avant de les jeter. Les pailles sont con- duites à la ferme et servent à chauffer le four, et quelquefois on les brüle sur place afin d’amender le terrain par les cendres qu’on a soin de répandre. La graine est portée en automne ou en hiver aux tordoirs où moulins à huile, et les pains de résidu, nommés tourteaux, sont employés à engraisser les troupeaux , et le plus souvent les terres destinées à la culture des plantes oléagineuses. DU LIN. On ne cultive en Flandre qu’une espèce de lin, le lin commun, linum usitatissinmum, plante annuelle, à racines pivotantes, originaire de Perse. Cette espèce comprend trois variétés principales qu'on distingue par la grandeur ou la finesse de la tige, et qu'on nomme, la première, lin de fin, lin ramé , lin froid; la seconde, lin de gros, lin tétard, lin chaud, et la troisième, lin moyen. Le lin de fin sert à la fabrication du fil de dentelle et de batiste, dont on fait un grand commerce dans les arrondisse- ments de Lille, de Douai et Cambrai. Le lin de gros est employé dans les nombreuses et belles filteries de Lille, et les manufactures de linge de table de cet arrondissement. CULTURE DES GRAINES ET PLANTES. 31 Le lin (1) se sème après les fèves, le trèfle, le sucrion coupé en herbe, et quelquefois apres les pommes de terre. On remplace le lin dans la même année , par des navets, choux, carottes, etc., et l'année suivante par du blé, du seigle et autres cé- réales et du trefle. Le lin n'est jamais cultivé uniquement pour la graine , mais plutôt pour la filasse qui donne de plus grands profits. Les principaux détails de la culture de ces deux variétés de lin sont à peu près les mêmes, et souvent les mêmes graines donnent des lins de l’une ou de l’autre qualité, selon qu'elles ont été semées plus ou moins épaisses. Toutes les terres ne sont pas également propres à donner du lin de gros ou du lin de fin. Le lin de gros demande des terres profondes, fortes ou à colza; le lin de fin réussit dans les terrains bas, légers, un peu tourbeux, marécageux, humides et abrités. On ne cultive que très-rarement du lin de fin dans les environs de Lille, où le sol est trop argileux et trop compacte (2), et le bois nécessaire pour ramer est rare et cher. Cette culture est presque uniquement concentrée dans l'arrondissement de (x) Le terme de la location du lin est de 12, 15 et 16 ans. Cette plante est‘considérée comme la plus épuisante ; vérité connue des anciens. On trouve dans Virgile : Urit, ertm lini campum seges , le lin brûle la terre. Dans Pline: Terræ injuriam facit. (2) Les terres fortes du département du Nord ne contiennent qu'un dixième d’alumine; ainsi on ne doit pas les confondre avec les terres argileuses des autres pays. 316 C'HA“PI TR'EMI Y- Douai, et plus particulièrement sur les bords de la Scarpe, et dans les communes de Lallaing, Mar- chiennes , Saint-Amand, etc. La vallée est abritée par de grandes forêts, où les habitants achètent à bas prix le bois nécessaire pour ramer le lin de fin. On sème le lin de gros et de fin à la fin de mars (1), ou dans les premiers jours d'avril, sur une terre parfaitement préparée, nettoyée, bien fumée, trois fois labourée, hersée et roulée, soit avant l'hiver, soit après. Lorsque la surface est bien dressée par la herse et le rouleau, le cultivateur perfectionne le travail par des instruments plus délicats et plus parfaits; il fait briser les mottes de terre avec de larges mail- lets de bois, et passer plusieurs fois une herse légère à dents courtes et serrées. La terre, très-menue et réduite en poussière, est sillonnée, au moyen de la petite herse, de petites lignes parallèles, peu profon- des, où la graine, jetée à la volée, vient se ranger. Le lin est semé à la main et de la même manière que le blé : on met 220 litres par hectare de lin de gros, et 560 par hectare de lin de fin. Lorsque la graine est répandue, on fait passer pour la couvrir, un rouleau léger qu’un ou deux hommes promènent (1) Dans le département du Nord, on ne sème jamais le lin avant l'hiver; on croit que les premières gelées du printemps le feraient périr. On ne sépare point les champs en planches comme pour le colza. Le terrain est bombé en entier de quatre à cinq pieds, comme pour les autres cultures; il est environné de fossés profonds, ordinairement pleins d’eau, qui maintiennt le soi dans un état d'humidité favorable et constante. CULTURE DES GRAINES ET PLANTES. 317 une ou deux fois sur le sol. On a soin de ne plus se servir ensuite de chevaux dans cette culture , parce que leurs pieds comprimeraient la terre, enfonce- raient la graine et l’empêcheraient de lever. Quelques cultivateurs , et les plus diligents, ont encore l’usage de faire battre de nouveau la surface avec un maillet, pour mieux presser la grame, plom- ber le sol et le garantir de l’action des vents. Tous ont l'usage, le soir même des semailles, d’arroser avec de l’engrais flamand, afin d'humecter la terre, de l’échauffer et de hâter la végétation. On doit dire, à la louange des agriculteurs de Lille, qu'on ne voit nulle part des Jardins disposés avec plus de régularité et de perfection que leurs champs de lin, où l’on ne remarque ni plantes étrangères, ni traces de racines, de pailles ou de fumier. La terre est tellement unie et le grain en est si fin, qu’on croirait qu'on a recouvert la semence avec de la terre passée au tamis , ainsi qu'on le pratique sur le semis des graines les plus délicates des arbres étrangers. La variété (1) tardive, soit de lin de fin ou de lin de gros, se sème dans les premiers jours de mai; mais elle réussit plus rarement, parce que les jours étant longs et les chaleurs très-fortes, les jeunes plantes qui ont besoin d’un air humide et d’un temps couvert, périssent pendant les sècheresses. On a re- cours aux lins tardifs, lorsque les gelées d'avril ont fait périr les lins hatifs ou les colzas. (1) Nous nous servons dn mot variété, parce qu’il est adopté en Flandre. Cependant ces plantes ne présentent pas de différences botaniques sensibles. 318 CHAPITRE VI. Le lin est quelquefois attaqué par un insecte qui cause beaucoup de dommages ; on l’en préserve en répendant des cendres et de la suie au moment ou il commence à pousser. La cuscute , ou engoisse, ou goutte de lin, plante parasite, qui fait périr ailleurs beaucoup de tiges de lin, en les enveloppant de ses filaments, ne fait de ravage que dans le département du Nord; on s’en garantit en enlevant de bonne heure, avec une ex- trême précaution, cette plante nuisible, ainsi que toutes les autres, aussitôt qu'elles paraissent. On sarcle les lins trois semaines ou un mois après qu'ils ont été semés ; la tige est alors haute d’envi- ron 0", 5O {IP 1, 2)s une rangée de femmes et d’en- fants, au hs de 10 à 20, et quelquefois plus, se mettent en ligne en se a à trois pieds l’un de l’autre, et s’avancent sur leurs genoux suivant une même direction; ils enlèvent à la main toutes les herbes étrangères, les mettent dans leurs tabliers, et donnent au terrain une légere culture, au moyen d'une rasette, petite houe dont nous avons donné la description planche 21. Pour faire ce travail essen- üel, les ouvriers quittent leurs souliers et ne por- tent que des chausses, afin de ne pas meurtrir ou froisser la plante délicate. Ce sarclage, d’où dépend le succès de la récolte, ne doit être fait ni trop tôt mi trop tard. Trop tôt, les graines nuisibles n'auraient pas encore germé; trop tard, les plantes de lin se- raient cassées, ou tellement pliées, qu'elle ne pour- raient se relever. La même opération est recom- mencée 8 où 10 Jours aprés, et aussi souvent qu’on le juge nécessaire ; mais toujours avant que les plan- CULTURE DES GRAINES ET PLANTES. 319 tes aient atteint six pouces de hauteur. Le fermier entre plus tard dans les champs de lin avec une houe à long manche, pour en ôter les chardons ou plantes vivaces, dont la végétation est aussi rapide que funeste ; le dommage qu'il cause en foulant des tiges est plus que compensé par celui qu'il prévient. Ces préparations sont communes à la culture des différentes espèces de lin, mais le fin lin demande un soin de plus : quelques jours après le second sarclage , il doit être ramé. On a l'usage de planter, de six pieds en six pieds, de petites fourches de bois qui sortent de terre d’un pied, et sur lesquelles on pose des ramées de bois sec qui vont d’une fourche à l’autre. Les ramées et les fourches sont liées avec des osiers et de la paille, en forment un grillage solide divisé en compartiments carrés de 4 à 5 pieds de côté; les vides sont recouverts par d’autres ra- mées plus petites, dont les branches s’entrelacent avec les premières. L'ensemble présente un réseau solide à travers lequel le lin s’élance, et où il trouve un appui contre les vents et les pluies. Ces précautions sont quelquefois insuffisantes , les fortes averses poussées par des vents violents , font plier, courber, et brisent ces plantes minces et déli- cates ; aussi de toutes les cultures, celle du lin de fin est la plus chère et la plus incertaine; mais, lors- qu'elle réussit, c’est aussi la plus profitable; une bonne récolte représente la valeur vénale du champ et dé- dommage de toutes les pertes causées par une ou deux mauvaises. On conçoit que l'exposition du terrain doit avoir une grande influence sur la culture du lin, et qu'un 320 CHAPITRE VI. champ mediocre, mais bas et bien abrité par des arbres ou des haies, peut donner des récoltes plus belles qu'un champ meilleur , mais élevé et fort exposé à des coups de vent. La Flandre doit une partie de sa fécondité à l'usage établi de conserver des arbres à haute tige autour des bâtiments et des vergers, et de larges fossés pleins d’eau autour des champs. La température est plus douce et plus hu- mide ; le sol est garanti des vents brülants, et les plantes les plus délicates se développent facilement dans une terre humectée par le voisinage de l’eau. La graine de lin ramé est tirée de Riga (1); comme . (1) Le choix de la graine a la plus grande influence dans cette culture, comme dans toutes les autres, sur la beauté de la récolte. La bonne graine est arrondie, brillante, pesante, ferme et s’en- flamme promptement et en pétillant sur les charbons ardents. Celle qui n’est pas müre est légère, matte et plus platte. Celle qui est trop vieille ou altérée est sèche et rance, et brûle mal; la plus nouvelle est toujours préférable. On choisit la graine tirée de Riga , qui arrive directement de la Russie par la Hollande. Comme la graine que les Hollandais tirent de la Zélande, et qu'ils vendent comme venant de Riga, donne souvent d’aussi beaux produits, il serait bien avantageux de pouvoir constater si on ne pourrait pas s'affranchir de l'étranger, en prenant de la graine dans un autre canton de la France. Le renouvellement des graines a, en général, cet avantage de changer les variétés, et de satisfaire à la loi gé- nérale de la nature, qui prescrit de varier les cultures; maïs il est peut-être nécessité dans cette culture par un autre motif. Le lin est semé très-serré, chaque plante est comme étiolée et manque d'espace et d’eau pour se développer ; les plantes comme les graines sont chétives. En cultivant du lin pour graines, en l’espacant beaucoup, en lui laissant le temps de mürir complètement , il est bien probable qu'on obtiendrait, même dans le département du CULTURE DES GRAINES ET PLANTES. 3a1 elle se vend en tonne, on le nomme par cette rai- son, lin de tonne. Elle dégénère dès la seconde année ; le lin est fourchu et court, et la récolte se nomme lin d'apres tonne. Les cultivateurs mettent les plus grands soins à se procurer de la graine de Riga. Malheureusement ils sont souvent trompés : on leur vend en place de la graine de lin de Hol- lande, et mème de celle du pays. Le lin est alors branchu , tétard , et ne donne pas le quart de la valeur d’une bonne récolte. Le prix du lin ramé ou non ramé, varie en raï- son de sa hauteur et de sa finesse, c’est-à-dire que plus il est élevé et délié, plus sa valeur croît et dans un plus grand rapport que sa hauteur et que sa finesse. Des chaleurs fortes et sèches, des vents du nord développent rapidement la fleur et la graine; la plante alors ne croit plus, et la récolte est mauvaise ; mais les temps chauds et humides sont très-favora- bles à cette culture. Le lin ordinaire s’élève à 2 pieds 1/2 de haut; le beau de 3 à / et quelquefois 5 pieds. Les deux variétés se récoltent à la fin de juillet ou au commencement d'août, en l’arrachant à la main ; le lin de gros est posé par paquets et en ligne sur le terrain. Il est lié en bottes de trois à quatre pieds Nord , des graines aussi belles et surtout aussi bonnes que celles de Riga. Cette conjecture paraîtra bien probable, s’il est vrai, ainsi qu'on l’assure, œue les cultivateurs de Riga, et ceux de la Hollande, tirent leurs graines de la France, pour avoir de plus beau lin. Le changement de graines serait reconnu par eux comme un principe de fécondité. Agricult. de la Flandre. 21 3292 CHAPITRE VI. de circonférence , qu’on place jointives sur un dou- ble rang en ligne droite, et dans le sens de la plus grande longueur du champ. On les pose ainsi avant que la tige soit sèche, pour conserver la graine. Par cette disposition, le terrain se trouve presque libre sur toute la surface. Le jour même de la récolte, et le même soir le cultivateur intelligent herse plusieurs iois le champ, pour enlever les mauvaises herbes, et laboure aussitôt après. Le lin de fin est posé sur les ramées, où on le laisse pendant quelques jours pour sécher; on le redresse ensuite par petites poignées autour des branches de bois plantées en cercle; on le met en- suite en bottes. Dans la culture du lin de fin, on s'occupe prin- cipalement du revenu en filasse; dans celle du lin de gros, la graine est une partie essentielle de la récolte. On a l'usage dans le département du Nord de faire rouir Le lin dans l'eau. Toutes ne sont pas éga- lement favorables : les eaux stagnantes, et trou- bles, celles de rivières profondes et rapides, d’un volume variable, qui charrient des terres dans les crues, ne peuvent convenir au rouissage : les vases et matères colorantes qu’elles trainent, nuiraient à la qualité et à la couleur du fil. Il est d’ailleurs sévère- ment défendu d’y faire rouir le lin; la fermentation pendant le rouissage, et les gaz qui s’en dégagent ou se dissolvent, rendent l’eau fétide et l’air funeste aux hommes et aux animaux. On choisit de préfé- rence les ruisseaux ombragés qui ont peu de vitesse, où l’eau se conserve au même niveau, ne se renou- CULTURE DES GRAINES ET PLANTES. 323 velle que lentement et n’est jamais trouble; la tem- pérature en est plus élevée; la partie gommeuse du lin fermente, et favorise la ‘dissolution de la partie résineuse, que le courant entraine. Quelques eaux sont si renommées par la propriété de dissoudre la gomme-résine de la plante et par les qualités qu'elles donnent au lin dans le travail du rouissage, qu'on est dans l’usage d'envoyer le lin de fin jusqu’à 7 ou 8 lieues pour le faire rouir. On vante particulièrement les eaux du pays d’Aleu, et celles surtout du ruisseau de Fétubert (1), etc., à une lieue de la Brassée. Le lin à rouir est mis en bottes de 3 à 4 pieds de circonférence , jeté dans des pièces d’eau, ou larges fossés , attaché par le haut à des perches que l’on charge de pierres, afin de faire plonger les bottes qui ont une pesanteur spécifique moindre que celle de l’eau. On les retourne de trois en trois Jours pendant le temps du rouissage, qui est de trois à six semaines, selon la température. Il faut éviter que les bottes touchent le fond et les bords des routoirs, et que des eaux troubles puissent y arriver : par cette précaution on évite que les lins soient imprégnés de matières étrangères et colorés par elles. Avant de mettre le lin dans le routoir, on l’étend (x) Ces eaux viennent de sources, sont très-limpides, ont une pente insensible, se renouvellent lentement, et sont partout om- bragées par de grands arbres. Nous pensons qu'il faut attribuer 6 plutôt à ces circonstances, qu'à leurs qualités chimiques, leur propriété de bien rouir le lin. 271, 324 CHAPITRE VI. pendantt rois jours sur le pré. En le sortant de l’eau, on l'expose à l'air par petites poignées, les têtes liées et les brins écartés au pied. Lorsqu'il est très-sec, on réunit les poignées, et on en forme de petites bottes, qu'on met en tas sous des hangars, à l'abri de la pluie, mais exposés au courant des vents d’est et du nord. On avait annoncé, il y a deux ans, la découverte d'une machine qui devait remplir toutes les opéra- tions du rouissage; elle aurait affranchi les campagnes des dangers et des dépenses de cette pratique; car le lin plongé en masse dans des eaux stagnantes, les corrompt rapidement; les gaz qui s’en dégagent sont fétides et nuisent à la santé des habitants, même à de grandes distances ; les cultivateurs , et souvent leurs femmes, sont forcés de rester plusieurs heures dans cette eau pestilentielle, et sont exposés à des maladies aiguës connues dans ces localités. Pendant cette fermentation, long-temps prolongée, le lin perd d’ailleurs une grande partie de sa force. Ce serait donc rendre un service immense aux campagnes et à l'État, que de faire connaître un procédé simple, sain et peu cher, qui püt remplir toutes les condi- tions du rouissage. Il faut, dans cette opération, sé- parer le fil de la paille, dissoudre la gomme -résine qui enveloppe le filament et le colore, et donner du moelleux au fil. Espérons que le gouvernement fran- çais encouragera les essais des manufacturiers, et M que de nouveaux efforts compléteront les premiers succès. Le département du Nord est plus intéressé qu'aucun autre à une découverte aussi importante. La culture du lin doit être considérée comme celle ns oc ee © CULTURE DES GRAINES ET PLANTES. 325 qui demande le meilleur terrain, le plus de soins et d’avances; qui réussit le moins souvent, et épuise le plus le sol. Comme les produits sont d’une.vente assez assurée et qu’une bonne récolte dédommage de deux mauvaises, les cultivateurs des environs de Lille, ont soin de faire entrer cette plante dans le cours de leurs assolements, mais ils en éloignent le retour, en raison de ses qualités épuisantes. La graine de lin est employée, comme celle de colza, à faire de l'huile. On la laisse pendant un ou deux mois dans la capsule, pour qu'elle achève de mürir ; une partie de l’eau se volatilise, et le muci- lage se convertit en huile; on conserve ensuite pen- dant un mois ou deux, la graine en tas, pour que cette double opération se complète, et on l'envoie au tordoir ou moulin. La graine gardée plus long- temps ‘devient rance, et donne moins de produits. Cette huile est estimée dans les arts et la médecine ; cependant le prix en est moins élevé que celie du colza : la différence est de plus d’un septième. LA,CAMÉLINE. La caméline ou camomille, plante annuelle, indi- gène , à tige cylindrique , velue, haute de deux pieds, à fleurs jaunes du genre des myagres, est cultivée pour l'huile que donnent ses semences. La caméline est mise apres les fèves, l'hivernage, le sucrion , et quelquefois après l’avoine ; mais le plus souvent elle remplace le colza et autres plantes d’hi- ver qui manquent. La caméline est remplacée par du blé ou du seigle. 326 CHAPITRE 1. La caméline se sème à la fin de mai, à raison de 7 litres de graine par hectare. C'est la plante qui demande le moins de soins, qui reste le moins sur pied: en trois mois elle est mure. La graine de caméline étant très-fine, on la mé- lange avec du sable, pour la répandre plus égale- ment et l'espacer davantage. Lorsqu'une récolte de colza manque, la terre est labourée en mars où avril, hersée plusieurs fois, et semée en caméline. Apres les semailles, on passe la herse et le rouleau, et souvent on répand de l'engrais flamand. Dans le mois de juin, il faut sarcler plu- sieurs fois, enlever avec soin toutes les herbes étran- gères, et éclaircir les plantes de caméline qui doivent être espacées de 4 à à pouces. Tous les fermiers ne suivent pas exactement ces détails de culture: le nombre des sarclages, échar- donnages et des autres travaux analogues, varie selon l’activité, l'intelligence et souvent l’aisance du laboureur. De toutes les plantes oléagineuses, la caméline est celle qui rénssit le plus sûrement dans les plus mau- vais comme dans les meilleurs terrains. On est étonné, par cette raison, que la culture n'en soit connue que dans quelques départements. La caméline se récolte en août; on arrache la tige à la main, on en fait des bottes qui sont dressées et alignées dans le sens de la longueur du champ. Lorsque la plante est sèche, on la bat sur place comme le colza, après avoir laissé la tige au moins un mois dressée. Pendant ce temps.le mucilage se transforme en huile, par l’action d’un reste de végé- CULTURE DES CRAINES ET PLANTES. 3427 tation qui se prolonge. La graine, par la même rai- son, est conservée un mois ou deux avant d'être envoyée au moulin. L'huile qu'elle fournit est plus abondante et meilleure. Quoiqu'elle soit bonne à brüler , elle se vend entre le quart et le cinquième de moins que lhuile de colza. La paille, comme celle de colza, sert à chauffer le four. Un hectare de caméline donne environ quinze hectolitres de graine. \ ŒILLETTE OX PAVOT. Le pavot somnifère, papaver somniferum, pavot à opium , pavot blanc ou rouge, est cultivé en grand dans le département du Nord, sous le nom d’œillette, pour en retirer de l'huile (1). Ses fleurs donnent aux campagnes l'aspect de superbes jardins. L’cœillette remplace ordinairement, comme la ca- méline , les récoltes d'hiver, que la gelée ou l’intem- périe de cette saison a fait périr. Cependant les bonnes récoltes du département, en oœillette, ont tant de valeur, que beaucoup de fermiers du Nord font en- trer cette plante dans le cours de leurs assolements; dans ce cas, cette culture précède celle du blé, du seigle et autres plantes céréales, et remplace les fèves, le sucrion, le trefle et l'hivernage. On sème les œillettes à raison de six litres par (1) Les œillettes ne sont pas cultivées en Flandre pour en retirer de l’opium, comme dans Je Midi. Il faut, peut-être, une tempé- rature plus élevée, un terrain plus sec que celui de Ja Flandre, pour développer, en assez grande quantité, cette substance. 328 CHAPITRE VI. hectare, à la fin de mars, dans le mois d'avril, ou dans le commencement de mai, mais Jamais avant l'hiver, ainsi qu'on le pratique dans le Midi. La terre est préparée de la même manière que pour le lin, c'est-à-dire, qu'on laboure deux fois en automne, et une fois au printemps. Les deux premiers labours qui remplissent l’objet des jachères, nettoient la terre, et la disposent en sillons relevés, pour qu’elle soit mieux exposée à l’action de l’atmosphère pendant l'hiver. Au printemps, on fume et on donne un labour profond pour enterrer engrais, et ramener à la surface une terre neuve. On passe ensuite plu- sieurs fois la herse avant la semaille, et une ou deux fois la herse et le rouleau le jour même où l’on à semé, ayant soin de ne recouvrir la graine que d’une couche légère ; on répand ensuite de l’engrais flamand qu'on mêle avec la surface, au moyen d'une herse légère. Lorsque les œillettes ont atteint deux pouces de haut, elles sont sarclées, nettoyées au moyen de la rasette, dont nous avons parlé, et plusieurs fois éclaircies, de manière qu'elles soient au moins à 0"20 , environ 8 pouces de distance. Plus tard on recommence ce sarclage, et on enlève, chaque mois, les chardons, qui épuiseraient les ter- rains, et rendraient la récolte ou médiocre ou mau- vaise. En général, la culture des pavots est une de celles qu'on fait avec le plus de soin, parce que les produits ont beaucoup de valeur. La vigueur de la plante, et l’espacement permettent de parcourir le champ sans y causer de dommages. CULTURE DES GRAINES ET PLANTES. 329 Les œillettes se récoltent à la fin d'août. Les plantes sont arrachées à la main, et réunies en bottes qu’on range verticalement et en ligne, en les appuyant les unes contre les autres. Les tiges de chaque botte sont liées étroitement au-dessous des têtes et avec de la paille; les pieds en sont écartés pour leur donner de la stabilité , et garantir les bottes de l’action des vents, qui, en les renversant, répandraient les graines. Les bottes restent sur le champ jusqu'à ce que les cap- sules soient desséchées, et les graines noires (Tr). Losqu'on est assuré de la maturité de la graine, les ouvriers prennent les bottes une à une, en con- servant les tiges dans une situation verticale, et les portent sur une grande toile, où les têtes sont ren- versées et battues : quelques fermiers ont l'usage de couper les têtes et de les faire sécher sur des toiles, afin de perdre moins de graines. Il est indispensable de cueillir l’œillette un peu avant sa parfaite maturité ; si on néglige cette atten- tion, quelques jours de pluie, de chaleur et de retard l’accélèrent. Les têtes, naturellement penchées par le poids des graines, s'ouvrent, et la récolte est en parte perdue. Comme les bottes des plantes sont rangées en ligne, et dans la direction du champ, on peut labourer le jour méme où l’on a récolté; il ne reste à faire que quelquessillons, qu'on ouvre plus tard. — ———— (1) L'usage de laisser la graine dans la capsule pendant un mois, a pour but de donner à l’huile le temps de se développer par l’in- fluence d'un reste de végétation. Il est justifié, ainsi que dans la culture des autres plantes oléagineuses, par l'expérience et par les préceptes de la physiologie végétale, . 330 ; CHAPITRE 1V. Un hectare d’œillettes rend , année commune, dix- huit hectolitres de graines. L'huile d’œillette faite avec soin, et dans le moment le plus convenable, conserve peu l'odeur et le goût de son fruit; elle ressemble à lhuile d'olive, dont elle a toutes les propriétés. Des expériences faites avec soin ont montré que c’est à tort qu'on lui attribue des qualités narcotiques et déléteres. Elle ne partage aucune des propriétés des autres parties de cette plante. Dans le département du Nord, on se sert presque exclusivement de cette huile dans les usages domes- tiques, et même on en fait un grand commerce avec le midi de la France. Les négociants de Marseille en font vénir des navires, et la mélangent avec de l'huile d'olive, soit pour la fabrication des savons blancs, soit pour la livrer comme huile d'olive. L'usage de la culture des œillettes se répand de plus en plus dans le département du Nord. TABA C. Le tabac cultivé, nicotiana tabacum, aussi appelé petun, herbe à la reine, plante originaire d’Amé- rique, où elle est vivace, est annuelle en France. On sème le tabac en février, dans une portion de jardin que lon nettoie, fume et prépare avec les soins et les détails donnés aux couches; pendant la nuit, on recouvre les semis de paillassons ou de paille. Le tabac se repique dans le courant de juin. On choisit, pour le replanter, parmi les meilleures terres qui avoisinent les bâtiments, celles qui sont . . , ‘ + le mieux abritées des vents du nord, par les grands CULTURE DES GRAINES ET PLANTES, 333 arbres et les haies plantées autour de toutes les fermes. Il est essentiel que le champ de tabac ne soit pas éloigné de l'habitation, parce que cette culture exige les soins de tous les jours, et une surveillance con- tinuelle. Il est également indispensable qu'il soit garanti des grands vents et des orages par des bâti- ments ou des haies: cette plante est délicate, et ne résiste pas à leur action. Au reste , toutes les terres des environs de Lille jouissent presque de ce double avantage : les fermes sont au milieu de lexploitation , et les villages, villes, plantations sont si multipliées, que tous les champs se trouvent abrités. Par cette raison, il n’est pas rare de voir des champs de tabac en pleine campagne. On plante le tabac après les feves, l’hivernage, le sucrion, et avant l'orge et autres céréales. On a l'usage de n’en renouveler la culture, sûr le même champ, qu'une fois en trois, six et neuf ans, et de la faire précéder d’une plante d’une famille différente. Le tabac pourrait, sans inconvénient, précéder le colza, qui n’est pas de la même famille naturelle, quoique leurs graines aient la propriété d’être toutes deux oléagineuses: aussi quelques cultivateurs suivent cet assolement; mais, en général, on préfère remplacer le tabac par de l'orge, du seigle ou de lavoine; les récoltes en sont superbes; le terrain serait ensuite trop bien préparé et engraissé pour le blé, qui pous- serait en herbe et verserait. La terre sur laquelle on doit replanter le tabac, reçoit, avant l'hiver, deux labours , et un troisième plus profond au printemps, ainsi que pour les autres 332 CHAPITRE IV. marsages ; mais indépendamment de cette préparation ordinaire, le cultivateur prend une attention parti- culière à nettoyer parfaitement sa terre , à la féconder par d’abondants et puissants engrais, à la maintenir meuble au moyen de fréquents hersages, qui sont vraiment des demi et d'excellents labours. Lorsqu’en juin la terre est parfaitement préparée, le cultivateur fait des trous en ligne droite et en quinconce , avec autant de précision que le plus habile jardinier. Il se sert du plantoir de colza, ou d'un plantoir de forme plus petite; les trous sont à la distance les uns des autres d'environ 0"4o ou 14 pouces, ce qui fait soixante mille plantes par hectare. Il dispose les plantes en quinconce, parce que chacune a un espace égal et plus grand pour se dé- velopper. Avant de repiquer le tabac, et le jour même où l'on doit faire ce travail, on arrose toute la surface du champ avec de l’engrais flamand, qui échauffé le sol et hâte la végétation de la plante. Le premier et le deuxième jour la tige du tabac est couchée et comme flétrie, surtout si le temps est sec et tres- chaud; mais le troisième ou le quatrième jour les tiges reprennent, toutes les feuilles se relèvent, et s’écartent du sol. On ouvre alors, à côté de chaque tige, un petit creux qu'on remplit dans la soirée, l’un après l’autre, d'engrais flamand. Les effets en sont instantanés et presque merveilleux : Patmosphèere, chargée de gaz acide carbonique enveloppe les feuilles et leur porte des sucs abondants; l’eau des rosées, des pluies, et de l’engrais , saturée d’acide carbonique, pénètre à travers la couche de terre jusqu'aux suçoirs CULTURE DES GRAINES ET PLANTES. 333 des racines. Les organes, les vaisseaux de la plante. plongés dans des couches pleines des sucs les plus appropriés et les plus favorables à la végétation, se développent avec une rapidité extrême; les feuilles croissent rapidement, et semparent en peu de temps de l’espace qui sépare les tiges : mais avant ce moment on a soin de buter les plantes, et de séparer les Hignes par des rigoles qu'on ouvre horizontalement, afin que l’eau des pluies s'y réunisse, y séjourne, pénètre la terre, et ne puisse en laver la surface et entrainer les sucs. Cette eau , en filtrant, se charge d'engrais, et les conduit aux racines , qui se sont étendues aussi rapidement et de la même manière que les feuilles. Lorsque la tige s’est élevée à 0"30, environ 11 pouces, on recueille les feuilles qui trainent à terre; elles servent à l'usage de la ferme; on ébourgeonne tous les quinze jours la plante pour qu’elle ne s’é- puise pas, on sarcle souvent le terrain, où il ne peut croître des herbes étrangères ou nuisibles; plus tard on châtre la plante, c’est-à-dire, qu'on pince et qu’on enleve la tête pour l'empêcher de monter en graine. On continue à Ôter tous les bourgeons latéraux qui poussent avec plus de vigueur, lorsque la tête est coupée. Par ces précautions toute la sève se porte aux feuilles principales, qui prennent de plus en plus de l’étendue et du poids. La récolte de tabac se fait dans le milieu ou à la fin de septembre; le cultivateur en détache en pre- mier lieu les belles feuilles et les dépose par tas sur le champ ; des femmes et des enfants les enfilent une à une dans une ficelle qui traverse le pétiole des feuilles. Aux extrémités de cette ficelle, on noue de 334 CHAPITRE VI. petits 9s qui servent à HSE la ficelle et les feuilles. - Chaque ficelle contient le même nombre de feuil- les, ordinairement 100 où 50, et toujours un nom- bre rond. Cette précaution est exigée par la régie des tabacs, qui s'assure par là et en peu de temps, du nombre de feuilles récoltées, et contrôle les états des feuilles comptées plusieurs fois pendant la saison. Les feuilles ainsi enfilées sont exposées au grand air sous des hangars, ou sous les avant-toits des maisons, et quelquefois même dans les vergers, lors- qu'on manque d'espace et d’abri. Il est essentiel de préserver les feuilles de la pluie après qu'elles ont perdu une partie de leur humidité: l’eau enleverait la sève et le montant du tabac, ferait fermenter et pourrir les feuilles. On ne peut Les laisser exposées en plein air que pendant les ro où 19 pre- miers jours apres la récolte. Quand les feuilles ont été séchées lentement à la- bri, et qu'elles ne paraissent plus contenir d'humi- dité, on les rentre jusqu’au moment où elles sont livrées dans cet état à la régie; nulle autre prépa- ration n'est permise au cultivateur. Avant l'établissement du monopole, les négociants achetaient le tabac des fermiers, qui le préparaient eux-mêmes. Maintenant l’agriculteur est obligé de conserver 4 ou 5 mois sa récolte avant de la livrer; il doit perdre bien du temps, est exposé à beau- coup d'incertitudes et de chances, avant d’en obtenir le paiement. Quelques-uns gagnent dans les évalua- tions; d’autres perdent, parce qu'il est impossible aux employés chargés de classer et de régler les prix, ee CULTURE DES GRAINES ET PLANTES. 335 de donner à cette immense opération le temps qu'elle nécessiterait. Quand la culture du tabac était hbre dans la Flan- dre, l’agriculteur enlevait, comme il fait encore au- jourd'hui, les belles feuilles, et laissait la tige; les petites feuilles prenaient alors un grand développe- ment, et donnaient une seconde récolte qui était em- ployée à la consommation de la ferme, ou vendue dans le pays. Maintenant il faut couper la tige le jour méme où l’on récolte les belles feuilles, et l’on perd ainsi ce second produit qui eut été d’une grand valeur. Il est essentiel de remarquer que dans la culture de cette plante, qui donne de si riches produits, l'ex- trême soin que l'on prend de bien fumer et sarcler le sol, a pour résultat de donner long-temps de belles récoltes ; la terre est tellement aérée, engraissée et nettoyée, qu'on craint ordinairement d'y mettre du blé, parce que la végétation étant trop abondante et forte, les tiges ne pourraient supporter le poids de l'épi ; elles verseraient, et ne donneraient , par cet excés de vigueur, que des récoltes médiocres ou maur- vaises. Mais le seigle, l'orge et les feves, le lin même, réussissent à merveille , et contribuent à augmenter, par de superbes récoltes, les bénéfices de celle du tabac. En 1819, cette culture à si bien réussi, et a été si productive, qu'un hectare planté en tabac a donné, terme réduit, dans l'arrondissement de Lille, un pro- duit de 3,200 francs, non compris l'amélioration du sol; cest plus que la valeur foncière du terrain, prix moyen. Quelque productive que soit cette culture sous l'empire du monopole, on peut assurer que le 336 CHAPITRE VI. pays en général perd plus de moitié des bénéfices qu'il retirait du commerce libre. Si on supprimait le monopole , l'étendue cultivée serait plus que double, et les fabricans libres épargneraient, par leur appli- cation et leur économie, une grande partie des frais. En 1820, le gouvernement a empêché dans le seul département du Nord, ou plutôt dans deux arrondis- sements, la culture du tabac sur 5oo hectares. On peut évaluer ce produit, terme moyen, à 2,500 fr. lhectare et fixer à 2,000 fr. la différence de cette ré- colte à celle qu'on a faite; il est donc évident que les fermiers de la cinquième partie seulement du dé- partement du Nord , ont perdu un million de revenu par cette défense, et que leurs terres, moins bien cultivées, plus mal amendées et fumées, ne produi- ront pas ensuite d'aussi riches récoltes. La somme d’un million n'aurait pas sans doute été un bénéfice net pour les fermiers, puisqu'il faut en déduire les frais de préparation de culture et d’en- grais; mais il est évident que l’état et le département perdent cette somme tout entiere. En effet, les femmes et les enfans qui auraient été chargés de ces détails, n'ayant aucun autre ouvrage à faire, sont à charge à la société et, loin de pro- duire un million de valeur, ils consomment cette somme, qu'il faut prélever sur les autres récoltes. Si le monopole du tabac est nuisible à ce pays, 1l est bien plus funeste encore aux autres départements qui ne jouissent pas de quelques avantages attachés à ce monopole. Le prix payé aux producteurs étant en général très-élevé, par la restriction de la culture, les fermiers qui font la contrebande obtiennent les. | CULTURE DES GRAINES ET PLANTES. 337 mémes bénéfices que l’État : ils jouissent d’un privi- lége ruineux pour les autres départements; ils per- coivent, pour leur compte, un impôt. Ce monopole est d'autant plus avantageux aux fermiers, qu'ils savent mieux tromper la régie. Le monopole tend donc à corrompre les campagnes ; et, comme il ôte aux fabricants des villes une branche importante de commerce, de puissants motifs doivent déterminer le gouvernement à supprimer cet impôt, qui mécon- tente le peuple, encourage et alimente la contre- bande , et Ôte aux négociants français (1) le commerce du tabac, dont ils jouissaient auparavant. DES POMMES DE TERRE. La pomme de terre, solanum tuberosum, aussi nommée morelle, solanée parmentière, très-cultivée en France, est la nourriture principale des habitants pendant sept ou huit mois de l’année. Les différentes variétés sont à peu près cultivées de la même ma- niére. On plante les pommes de terre à la fin de mars et pendant le mois d'avril, sur des terres qui ont porté de l'orge coupé en vert, des fèves, du trèfle (1) Pour se convaincre de toul le préjudice que le monopole du tabac cause à la France, il suffit de parcourir la ligne frontière du Nord : on y rencontre mille fabricants ou débitants de tabac belges, qui donnent, à moitié prix, un tabac meilleur que celui des fabriques royales, et qui tous font fortune au détriment des Français ; tandis qu'autrefois ce pays, ainsi que l'Allemagne, s'approvisionnait dans les manufactures de France. Agricult. de la Flandre, 22 335 CHAPITRE VI. et de l’hivernage; on les remplace par du blé, de l'orge, et autres céréales. Quelques laboureurs , en petit nombre, plantent les pommes de terre sur des terres qui ont porté des colzas, et retirent deux ré- coltes dans un an; tous en mettent après les récoltes coupées en vert la même année, et obtiennent amsi deux bonnes récoltes dans un an. On en cultive dans les environs de Lille beaucoup de variétés ; mais comme la terre est forte , profonde, et que le climat est souvent couvert et humide, les variétés appelées chaudes sont moins hâtives qu'à Paris , et toutes, en général, sont recueillies plus tard que dans les pays où les terres sont plus légères, et qui sont situées à une latitude plus méridionale. On emploie environ, par hectare, sept à huit hec- tolitres de pommes de terre que l’on coupe ordinaire- ment par quartiers lorsqu'elles sont grosses; quelques cultivateurs conservent, pour cet usage, les plus pe- tites, parce qu'ils jugent qu'étant entières, elles se conservent mieux en terre, et donnent, à poids égal, plus de produits. Les meilleurs agriculteurs ont re- connu que les plus belles pommes de terre procurent les plus belles récoltes, et ont soin de réserver les plus grosses et les plus saines; mais ce bon usage n'est pas général, parce que l'ignorance et des motifs d'économie ou de détresse engagent souvent à vendre celles-ci, et à ne conserver que les plus petites. La terre, pour cette culture, est préparée avec le même soin, et de la même manière que pour la ca: méline, les œillettes, etc. : les deux premiers labours sont légers, et le troisième est profond. Ce dernier labour est destiné à enterrer le fumier, quelquefois CULTURE DES GRAINES ET PLANTES. 339 à recouvrir en même temps les pommes de terre. Ordinairement on donne un quatrième labour, parce que les fermiers flamands attachent le plus grand prix à cette récolte, qui doit remplacer, pour les hommes et les troupeaux, les céréales qui auraient manqué. Pour planter les pommes de terre, le laboureur ouvre, avec le brabant, une raie dans le milieu du champ; une femme et des enfants qui le suivent posent à la main des pommes de terre, ou seulement des quartiers dans le fond du sillon, et les placent à 0" 30 où 9 pouces de distance. Le second coup de charrue recouvre la rate, et ne recoit pont de plantes : il est destiné à régler l'intervalle entre elles ; la troi- sième raie est de nouyeau plantée, et ainsi de suite. Comme chaque trait de charrue a au moins 0"/40 de large, les lignes sont à o"8o ou 2 pieds et demi envi- ron, On passe ensuite la herse et le rouleau; on re- commence quelques jours après, et plusieurs fois cette opération avant la pousse des pommes de tere, de façon que le sol est parfaitement amendé, et net- toyé de toute espèce d'herbe. Lorsque les plantes ont quatre ou cinq pouces de hauteur, et qu'on distingue bien les lignes, on fait passer le cultivateur, petite charrue à deux oreilles, qui bute les plantes et donne en même temps un lé- ger labour. Le plus souvent ce travail se fait à la main et avec la grande houe. On répète plusieurs fois les sarclages, afin de tenir la terre purgée de mau- vaises herbes. Beaucoup de fermiers augmentent la fécondité de la terre en répandant de l’engrais fla- mand pres des tiges, évitant d'en jeter sur les feuilles 22. 340 CHAPITRE VI. qui en seraient brülées dans les temps secs. La vé- gétation par cet engrais est très - accélérée, et les produits, plus assurés, sont quelquefois le double des récoltes ordinaires. On continue les sarclages jusqu'à ce que les feuilles de la plante recouvrent le terrain, et empéchent par leur ombre le développement des plantes nuisibles. Cette culture, quise fait en grand et avec beaucoup de soin, est très-précieuse en raison du haut prix de ce légume, de l'extrême population des villes et des campagnes, de la facilité de la vente, et du grand parti que le fermier sait en tirer. C’est aussi la cul- ture qui nettoie, émiette, ameublit le mieux la terre, et prépare les plus belles récoltes de froment. Les pommes de terre réussissent toujours en rai- son de la fertilité du sol, du bon état de la terre et de la richesse des engrais. L'usage, comme nourriture, en est général, et les gens de la ferme en ont toute l'année à discrétion. Les plus blanches, ou les moins estimées, sont destinées aux troupeaux; les autres sont vendues en partie, et remboursent bien au-delà tous les frais. Les pommes de terre hâtives, dites chaudes, se récoltent au commencement d’aout; mais elles ne sont pas encore parfaitement müres : la terre est trop profonde, trop forte, et le climat trop humide. On arrache les autres espèces en octobre. Un hectare de terre planté en pommes de terre rend environ de 200 à 350 hectolitres. Les agriculteurs des environs de Lille considèrent la culture de la pomme de terre comme la plus im- portante ; leur nourriture est assurée , les récoltes en CULTURE DES GRAINES ET PLANTES. 341 sont abondantes; ni la grêle, ni la gelée, les seche- resses ou les pluies, ne peuvent les détruire; l’arra- chement et les autres opérations rendent la terre nette, amendée, ameublie et dans l’état le plus favo- rable à la culture des plantes céréales. On estime en Flandre qu’un terrain planté en pommes de terre produit trois fois autant de nour- riture que la même étendue cultivée en blé, et donne trois fois autant de bénéfices. Cette culture n’est point regardée comme épuisante, parce qu'elle exige beau- coup d'engrais et de labours, qu’elle paie avec gros intérêt les avances, et laisse pour les récoltes suivantes une terre riche, parfaitement ameublie. Ces circon- stances sont sans doute particulières à l’arrondisse- ment de Lille, où toutes les terres sont profondes et parfaitement égouttées, enfermées de fossés; où la vaine paäture n'existe pas, et où il est facile de se procurer à bas prix une grande quantité d’engrais. Mais il n'est pas de localités en France qui n’offrent une partie de ces avantages, ou du moins la possi- bilité de se les procurer par du travail, de la con- stance, de l'instruction et des avances. On doit attribuer à la culture de la pomme de terre, pratiquée en grand dans toute la Flandre, et à l'usage général de cette racine pour nourriture, le phénomène que présente une population de 950,000 habitants, concentrés sur 362 lieues carrées, et vivant du produit de son sol, dont l’excédant qui s’exporte est évalué, avec le produit des manufactures, à plus de quatre-vingt millions par an. 2 pe Êe CHAPITRE VIT, OBSERVATIONS GÉNÉRALES Sur la culture des plantes oléagineuses et solanées. Toutes ces plantes, qu’on peut considérer comme remplaçant les jachères, sont fortement fumées, soit avec du fumnér d’étable dans la couche inférieure, soit avec de l’engrais flamand dans la couche supé- rieure. Les récoltes étant toutes d’une grande valeur, nulle dépense n’est épargnée pour houer, sarcler et purger le sol de mauvaises herbes. La terre est donc bien préparée, ameublie , engraissée ; les récoltes céréales qui suivent, presque jamais fumées, sont cependant toujours belles. Il en est de même des plantes légumineuses qui précèdent, qu'on ne fume pas : ainsi les champs, en général, ne sont fumés qu'une année sur trois. ‘ DES PLANTES CÉRÉALES. Cette deuxième classe se compose des différentes variétés de blé, de seigle, d'orge et d'avoine. La terre est préparée de la même manière pour la culture des plantes céréales que pour celle des plan- tes oléagineuses. Les deux premiers labours n'ont que cinq ou six pouces dé profondeur, et le troisième et dernier est profond de huit à neuf pouces au moins. Les autres détails ne different que dans le nombre des sarclages , hersages ét roulages, lé temps des labours et des semailles, et le mode des récoltes. Nous avons dit que, d’après le système d’assolement suivi, 1l est rare que les terres destinées à porter du CULTURE DES GRAÏINES ET PLANTES. 343 blé soient beaucoup fumées; on réserve les engrais, et particulièrement le fumier d’étable, pour les ré- coltes oléagineuses, qui, étant souvent sarclées, lais- sent la terre nette et purgée des plantes semées avec le fumier d’étable. Nous croyons devoir rappeler le grand principe du fermier flamand : quelle que soit la planté qu'il cultive, il cherche à maintenir sa terre bien fumée, bien ameublie à une grande profondeur, légère, aérée et parfaitement purgée des mauvaises herbes ; Il veut à chaque sole une belle récolte, d’abord à cause de sa valeur, et ensuite parce qu'elle en pré- pare une meilleure. Les plantes sont semées les unes avant l'hiver, les autres apres, et sont distinguées en céréales d’au- tomne et céréales de printemps ou de mars. Nous tâcherons d'expliquer la culture de ces deux divisions, d’abord d’une manière générale; nous entrerons en- suite dans les détails. CÉRÉALES D'AUTOMNE. La terre reçoit trois labours:le premier, peu pro- fond , fait immédiatement après la récolte, avec le brabant sans oreille, coupe les plantes nuisibles sans les enterrer, fait germer les mauvaises herbes et né- toie le sol; le second, donné quinze jours ou un mois après avec le brabant garni d'oreille, produit d’abord le même effet, mais il relève davantage la terre, et l’expose à l'influence de atmosphere; le troisième et dernier, d’une profondeur double ; c’est- à-dire, de 8, 9 et 10 pouces, ramène à la surface une 344 CHAPITRE VI. couche entièrement neuve. On emploie pour les deux premiers le brabant ou le normand, charrues sans roues et à un seul cheval, et pour le troisième la rouelle, ou charrue à deux roues attelée de deux chevaux. Après le troisième labour, la herse passe plusieurs fois pour enlever les mauvaises herbes, ameublir le terrain et ouvrir des petites lignes droites, peu larges et peu profondes où la graine vient se ranger. Après avoir semé à la main (1) ou à la volée, la herse et le rouleau recouvrent la graine, la serrent, et plom- bent légèrement le terrain. Au printemps beaucoup de fermiers hersent et roulent de nouveau, soit pour donner une petite cul- ture , et rehausser les plantes que les gelées auraient dégarnies, soit pour semer du trefle. Les céréales d’automne sont sarclées deux fois; la première en avril et la seconde en mai. On enlève avec soin, on brüle ou on jette sur les routes les plantes nuisibles qui auraient étouffé les céréales et pris possession du terrain. Les cultivateurs des environs de Lille ont l'usage de semer de très-bonne heure. Les plantes acquierent (1) Comme les raies du labour sont parfaitement droites , que le hersage se fait aussi avec beaucoup de régularité, et en suivant les mêmes lignes , le cultivateur a une grande facilité pour semer avec précision. Il met autant d'intelligence que de soins dans ces détails importants. Nous croyons, ainsi que nous l’avons dit, que les semoirs ne peuvent être introduits avec avantage dans un pays où l'habileté de l’ouvrier atteint la perfection des instruments qu'on a inventés dans d’autres contrées. CULTURE DES GRAINES ET PLANTES. 345 de la force avant l’hiver , résistent mieux aux gelées, et, en couvrant au printemps la terre de leurs feuilles, elles tuent par leur ombre les herbes nuisibles. Quel- quefois le premier sarclage se fait à la fin de l’au- tomne; on enlève par ce moyen avant l'hiver les plantes étrangères qui auraient végété avec vigueur au printemps, fait languir les céréales et épuisé le sol. La récolte des céréales d'automne se fait en juillet ou en août. CÉRÉALES DE PRINTEMPS. Les graines céréales du printemps sont considérées comme des espèces différentes de leurs analogues d'automne : elles sont plus petites, moins denses; cependant il paraît certain qu’elles n’en sont tout au plus que des variétés. Les céréales du printemps se sèment en mars et avril, après deux ou trois labours; le premier coup de charrue est donné aussitôt après la récolte qui a pré- cédé, ainsi que pour la culture des plantes céréales d'automne, et dans le même but. Par le second labour la terre est divisée en sillons étroits, profonds, rele- vés, et présente pendant l'hiver une grande surface à l'atmosphère ; les conditions de la jachère se trou- vent ainsi remplies. Dans les premiers jours du prin- temps on fait, avec la charrue rouelle, un troisième et dernier labour de huit à neuf pouces de profondeur, qui ramène à la surface une terre neuve, exempte de mauvaises graines ou plantes. On passe le même jour une ou deux fois la herse pour nettoyer et unir le sol sur lequel on jette la semence ; deux coups de 346 CHAPITRE Vi. herse et de rouleau la recouvrent et affermissent la surface du sol. | Ces dernières opérations doivent être faites le même jour ; on en conçoit la raison et la possibilité. La terre nouvellement labourée à une humidité favorable que quelques jours de chaleur dissiperaient ; la végétation serait lente et moins vigoureuse. Comme les terres sont toujours parfaitement ameublies, que les instru- ments sont très-perfectionnés , que les fermes sont très-petites, ces détails de culture s'observent exac- tement et n’exigent aucun effort extraordinaire de la part du fermier. Le maitre sème, les fils ou domes- tiques suivent , l’un avec une herse à un cheval, l’autre avec un rouleau. Les deux chevaux qui ont labouré le matin, hersent et roulent plusieurs fois le même champ le soir. Les céréales de printemps sont sarclées et échar- données deux fois en juin et juillet, et recueillies en septembre. Ces points principaux établis, nous nous borne- rons maintenant à indiquer les faits particuliers re- latifs à la culture dé chacune de ces plantes. Nous né croyons pas devoir décrire les méthodes particu- lières et différentes de quelques fermiers , parce qu'elles ne présentent qu’un intérêt de localité, et que la plupart ne sont pas justifiées par une expé- rience éclairée. DU FROMENT. On cultive dans les environs de Lille un grand nom- bre de variétés de froment, qu'on distingue par des CULTURE DES GRAINES ET PLANTES. 947 noms tirés de la couleur, de la grosseur des grains, de la forme de l’épi, ou de l’époque des semailles; les. principales sont l’épeautre, le blanc-zée , le froment barbu , le gros blé ou froment renflé. Toutes ces va- riétés se divisent chacune en froment d'hiver et fro- ment de mars. La variété la plus estimée et la plus répandue, celle qui règle le prix des autres, et qu'on emploie presque exclusivement à la fabrication du pain dans les villes, est le blanc-zée; comme zéa signifie semence, le nom de blanc-zee est tiré de la couleur de la graine, de épi de la tige, et même de la farine qui sont tres- blancs. Ce froment blanc-zée est sans barbes, à balles blanches ; les grains sont petits, blancs, ronds, et la tige est creuse. Ce froment est plus tendre que le doré ; sa farine, très-blanche, donne un pain moins savoureux. Chaque cultivateur sème le blanc-zée et d’autres variétés sans barbes pour le vendre; le prix en est plus élevé; et il garde pour sa consommation les variétés de froment barbu , moins estimé et moins cher. Le froment barbu donne en général de plus gros produits que l’autre; il réussit mieux, mais la farine est moins délicate et plus grise; le pain qui en pro- vient est taxé dans les villes, ainsi que le grain, à un huitième de moins. Les fermiers lé cultivent et le préfèrent pour leur consommation, parce que la va- leur en est moindre, et que le pain étant plus lourd tient plus long-témps dans l'estomac, propriété que les ouvriers apprécient et recherchent. On sait que la diminution des forces et l’affaiblissement se font 348 CHAPITRE Vi. sentir aussitôt que l’estomac commence à être vide. Il est donc essentiel que les aliments des ouvriers soient d’une digestion lente. Les différentes variétés de froment d'hiver et de froment de mars ont les mêmes différences entre elles que leurs analogues; mais en général les froments de mars, comme les autres céréales de printemps, sont plus petits, moins nourris, moins lourds et de cou- leur moins uniforme. On les sème l’un et l’autre dans les mois de mars, avril ou mai, suivant l’état de l’at- mosphere, et selon la circonstance qui détermine à choisir ces cultures. Ces froments sont la plupart du temps destinés à remplacer les cultures d'automne qui ont manqué, ou les récoltes tardives de betteraves, choux, collets, colza en pépinière. Les cultivateurs flamands, convaincus que la beauté, la bonté et l'abondance des récoltes dépendent du temps que les plantes ont mis à croître, et sont restées sur le sol, adoptent dans leurs assolements le plus possible de plantes d'automne. Ils ne cultivent au printemps que des plantes délicates ou celles qui remplacent les plantes manquées, en se conformant cependant à ce grand principe invariable de régler les ouvrages d’une manière uniforme toute l’année. Le froment d'hiver est semé de très-bonne heure, en octobre, et souvent en septembre, et aussitôt que la saison ou la récolte qu’il remplace le permet. On estime que lorsque la plante a atteint de la force avant les gelées, elle résiste mieux à l’action des froids et à l'effet des changements rapides de tem- pérature. On sème en général le froment tres-clair; la terre CULTURE DES GRAINES ET PLANTES. 349 étant bien préparée, aucune graine n’est perdue, toutes tallent rapidement et s'emparent de l’espace qui les sépare. Le froment est semé sans raies après trois labours et plusieurs coups de herse. La semence est ensuite recouverte par un grand nombre de légers hersages, qui la distribuent également, rompent les grandes lignes et la recouvrent ; le rouleau passe après, la nivelle et plombe le terrain. Le froment est cultivé avec tant de soins et les terres sont si bien amen- dées et préparées, que cette récolte ne manque qu'après des hivers extraordinaires, et dans ce cas même, les marsages qui remplacent ces froments d'hiver sont très-beaux, et dédommagent de Ja perte des premiers frais. Le froment d'hiver suit toujours les plantes oléa- gineuses, les solanées et quelquefois les légumi- neuses. Quelque beaux que soient les blés après les fêèves et les trefles, on fait succéder à ces plantes légumineuses, les oléagineuses, parce que cet asso- lement convient à celles-ci dont la valeur des ré- coltes est double de celle en blé, et pour satisfaire à ce principe d'assolement qui prescrit une culture sarclée après une qui ne l’a pas été. Les froments de mars, d'avril et de mai, cultivés en plus petite quantité que ceux d'automne, rem- placent les colzas et trèfles manqués, ou les récoltes d'automne très-tardives. Les fermiers ne fument que tres-rarement le fro- ment; ils réservent leurs engrais pour les cultures plus précieuses. Les fumiers d’étable ont d’ailleurs l'inconvénient d'introduire beaucoup de graines étran- 350 CHAPITRE VI. geres qui nuisent plus aux céréales qu'aux autres plantes, et qui végètent plus rapidement à côté des premieres. Le froment est en général remplacé par des fêves, du trefle, de l’hivernage, et quelquefois du colza. Souvent on sème après le froment, et la même année, des navets, carottes, betteraves et colza de pépinière; la terre ainsi donne deux récoltes. On met très-rarement ici deux années de suite des céréales ; les terres sont préservées, par cette mé- thode, des plantes nuisibles que la succession con- tinue des céréales ne manque jamais d'introduire ; à peine trouve-t-on dans les champs quelques tiges de chiendent et d'avoine à chapelets, plantes si funestes aux récoltes des pays où les bons principes d’agri- culture sont encore ignorés. On récolte le froment avec le piquet, petite faux qui se tient d’une main; le blé est coupé, ainsi que les herbes, à fleur de terre, rangé par le faucheur en andains réguliers , et déposé sans secousse. On ne sau- rait assez recommander l'emploi de cet instrument qui diminue de moitié les frais de récolte. Nous en avons donné la description dans le chapitre des in- struments. Après un ou deux jours, selon le temps, le froment est relevé, lié en gerbes de 4 à 5 pieds de tour. On forme ensuite des tas de cinq ou six gerbes qui sont dressées et recouvertes par une gerbe renversée, afin de les garantir du soleil, de la pluie et de la grele. On range les tas de gerbes en ligne droite, dans le sens de la plus grande longueur du champ, et on se CULTURE DES GRAINES ET PLANTES. 301 hâte de donner un ou deux hersages et le premier coup de charrue. Après sept ou huit jours (1) de chaleur, et lorsque la paille est très-sèche, on transporte pres de la ferme les gerbes dont on fait des meules. Chaque meule à environ 4o à 50 pieds de circon- férence, 10 à 12 pieds de hauteur totale. On pose sur le sol une première couche de paille de colzat battue, sur laquelle on range les gerbes, ayant soin de tourner les épis au centre et la paille au dehors; les meules s’élargissent en s’élevant, afin que la partie supérieure débordant , garantisse le pied de la meule de toute humidité; on recouvre le toit conique avec de la paille battue posée par couches; on lunit à celle de la meule par des liens ou cordes de paille formées avec celle tirée des gerbes intérieures. Ces cordons font le tour à différentes hauteurs. Ces toits sont si solides et les dispositions si bien entendues, qu'il est très-rare que les vents les dégra- dent et que la neige ou la pluie puisse y pénétrer. On laisse six mois, un an, et quelquefois deux ans le blé en meule (2); le grain se nourrit dans la paille, (1) Par les temps de pluie, ce délai est beaucoup plus long. 11 semblerait que cette méthode est en général vicieuse , puisque le blé reste dix, quinze et vingt jours sur le champ ; mais il faut remarquer que la terre étant forte, toujours bien fumée, et sou- vent ensemencée en trèfle, produit beaucoup d’herbages. Les fermiers font grand cas de ce supplément de fourrage , et fauchent, par cette raison , très-bas . Il faut donc donner à ces herbes le temps de sécher, sans compromettre les grains de froment. (2) I faut” observer, à la louange des gens des campagnes des 352 CHAPITRE VI. se conserve sain et gros, a plus de poids, de volume et donne de la meilleure farine. Les autres céréales à l'exception de l’avoine, se ré- coltent de même avec la petite faux ou piquet , ainsi nous n’en ferons plus mention. à SEIGLE, Les terres des environs de Lille sont toutes excel- lentes pour le blé; cependant on cultive du seigle, dont les récoltes, considérées isolément. ont moins de valeur. Le cultivateur n’adopte pas sans calcul cette plante, le seigle se sème et se récolte de très-bonne heure; les travaux se font donc dans le temps ou ils coûtent le moins. Le seigle prospère dans les années sèches, souvent funestes au blé et aux autres plantes céréales. Le cultivateur s'assure donc par cette culture et se dédommage par une riche récolte de la modicité d’une : autre. Le seigle d’ailleurs à souvent une grande va- leur dans une ville où il se fabrique beaucoup de environs de Lille et de la population tout entière, que depuis dix ans que j'habite ce pays, il est sans exemple que des meules aient été incendiées ou volées , et que l’on ne se rappelle pas de mémoire d’homme qu’on en ait brülé dans les environs de Lille. Nous ne croyons pouvoir répéter assez souvent que cette population est laborieuse, religieuse, et probe. Ses vertus sont le fruit de la sage liberté dont elle a joui; de l’aisance produite par l'exemption des impôts indirects ; des excellents usages qu’elle conserve et qui remplissent le vide des lois ; enfin de l'instruction qui est générale, et que favorisent une extrême population, et l’aisance des cam- pagnes. CULTURE DES GRAINES ET PLANTES. 353 genièvre ; la drague ou seigle qui a fermenté, est une excellente nourriture pour l’engraissement des bes- tiaux. Le fermier échange son seigle pour de la drague, qui fournit presque autant de substance nutri- tive que le grain, et donne en outre un grand profit. Souvent le prix du seigle est presque aussi élevé que celui du blé, surtout dans le temps où l’on dé- fend de brüler le blé dans les distilleries. Le seigle épuise moins la terre, se coupe de très- bonne heure , permet de faire une récolte dérobée en navets, carottes, etc. Ainsi cette culture donne sou- vent plus de profit que celle du blé. Le fermier mêle du seigle avec le blé pour en faire du pain , ce qui le rend légèrement acide, rafraichis- sant, plus sain, plus frais et moins sujet à moisir. On ne cultive qu'une espèce de seigle, et jamais on ne le sème au printemps; 1l ne mürirait pas assez tôt ou produirait beaucoup moins. Fout ce que nous avons dit de la culture du blé d'automne, s'applique à celle du seigle. IL est semé dans le mois de septembre ; quelquefois à la fin d’août; récolté en juillet, et presque toujours remplacé la même année par des navets, carottes, etc. ; on'en retire ainsi deux récoltes par an. | Le seigle est quelquefois coupé en vert, pour fourrage, lorsque les trèfles manquent. On le fauche dés la fin d'avril; la terre alors est aussitôt labourée et plantée ou semée en colza. Quoique le seigle soit la céréale la plus hâtive, et celle qui procure au printemps le premier fourrage vert, on à rarement recours à cette ressource ; on préfére cultiver dans ce but Le sucrion ou escourgeon, Agricult. de la Flandre. > 354 CHAPITRE VY dont la paille abondante, sucrée et tendre plait et convient davantage aux troupeaux. On ne coupe le seigle en vert que lorsque l'orge d'hiver ne peutsuffire. On n’a pas non plus l'usage de faucher le seigle au printemps et de le laisser ensuite monter en graine; on trouve plus convenable de retourner le champ lorsqu'on a fauché le seigle en vert et de l’ensemen- cer par une graine d’une autre famille; la faux meur- trit la plante, et il faudrait au moins quinze jours avant que la végétation tout à coup arrêtée ;, püt re- prendre son cours; la plante languit long -temps et ne donne jamais de belles récoltes. L’ergot, maladie des seigles, fait ici peu de ravages; 1 semble qu’elle est due à la pauvreté du sol, à l’a- bondance des plantes nuisibles qui lépuisent et à toutes les causes qui ralentissent là végétation. Dans les environs de Lille, la terre excellente et bien pré- parée , reçoit les engrais et les soins nécessaires; les plantes sont toujours fortes, et les grains moins sujets aux maladies qui les attaquent ailleurs. ORG E. ' Les fermiers des environs de Lille cultivent plu- sieurs espèces et variétés d'orge, qu’ils nomment es- courgeon,sucrion, pamelle, et plus généralement orge d'hiver, et orge de printemps, quoique la même va- riété puisse être semée à ces deux époques: nous ne ferons mention que des deux espèces d'orge qui sont moins connues ailleurs. L’escourgeon , suCrion ou sOuCrion, orge hexastique ou à six rangs, hordeam hexasticon, est une orge CULTURE DES GRAINES: ET PLANTES. 359 d'hiver d'un grain plus gros, plus allongé, plus pesant et plus blanc que l'orge de printemps. L’escourgeon est une plante d’une végétation fort hâtive, qui demande la meilleure terre et beaucoup d'engrais. Au printemps elle fournit un fourrage abon- dant, précoce et le meilleur, et c’est en partie pour cet usage qu'on la cultive. Le soucrion, ou orge d'hiver, coupé en vert pour fourrage dès les premiers jours de mai, époque à la: quelle il a déja atteint trois pieds de hauteur ; raffrai- chit les chevaux et les vaches, les engraisse et les guérit de l’échauffement occasionné par des fourrages secs et un long séjour à l’étable. L’escourgeon qu’on laisse mürir donne des récoltes hâtives qu’on remplace dans la même année par des navets , carottes, choux, etc. La culture de l'orge d'hiver est considérée comme une des plus essentielles et des plus productives, en raison de l'abondance des récoltes, du haut prix de cette graine, dans un pays ou la bière est la boisson habituelle, et surtout en raison des excellents effets de cette plante donnée en vert. L’orge d'hiver est semée en septembre. et octobre, et se récolte en juillet et août. L’orge à deux rangs a deux variétés; l’une se sème également en hiver et se nomme aussi soucrion, comme la précedente, en raison de la qualité sucrée de la paille donnée en vert; et la seconde variété, qu'on sème en mars, s'appelle pamelle; les épis sont sans barbes et présentent deux rangs de grains. La pamelle qu'on sème en avril et mai pour remplacer les récoltes céréales qui ont manqué, se récolte en 23. 350 CHAPITRE VI. août ; c'est une des plantes qui restent le moins long: temps sur le sol, et qui donnent les plus abondantes récoltes, surtout dans le nord, où les terres sont parfaitement préparées et engraissés. Il est facile de distinguer l'orge d'hiver et de prin- temps : le grain de la première variété est plus gros, plus allongé, mieux nourri, plus pesant et plus blanc; celui de la seconde est plus petit, moins compact, plus léger et d’une couleur terne; l'orge d'hiver reste neuf mois sur le sol, et celle de printemps quatre mois seulement. L’une et l’autre de ces plantes favo- risent l'établissement des bons assolements, parce que les récoltes en sont trés-hâtives. L’orge est peu exposée au charbon dans les en- virons de Lille, parce que les semences sont saines, bien choisies, et toujours chaulées. L'orge qu'on doit faucher est semée très-serrée, afin d’étouffer la végétation des mauvaises herbes; on l’arrose au printemps avec de l’engrais flamand qui en double le produit. Les fermiers vendent la plus grande partie de l’orge aux brasseurs, et se réservent la drague ou le grain après qu'il a fermenté. Cet échange est aussi favora- ble aux brasseurs qu'aux fermiers, puisque les pre- miers paient moins cher la graine, et que les autres conservent la presque totalité de ce que leurs récoltes peuvent produire , soit pour la nourriture de leurs troupeaux, soit pour l'engrais de leurs terres. L'orge recueillie en grain est intercallée, comme le blé et autres céréales, dans les assolements ; mais coupée en vert elle est considérée comme récolte , essentiellement améliorante. l'orge fauchée est rem- CULTURE DES GRAINES ET PLANTES. 397 placée la même année par un semis de colza, ou ré- colte dérobée en navets, carottes, etc. On doit considérer la culture de l'orge comme une des plus avantageuses, soit en profit, soit en amélio- ration du sol, soit aussi parce que cette plante ro- buste résiste bien à toutes les intempéries. DE L'AVOINE. De toutes les espèces ou variétés (Fr) d'avoine, on n’en cultive généralement que deux principales, la blanche et la noire. L’avoine blanche est ici plus tendre, plus grosse et de la même longueur que la noire; elle. produit en volume un quart et même un tiers de plus. Les fer- miers, par cette raison, la préfèrent; mais dans le commerce elle est moins estimée. L'avoine noire a les grains plus menus, plus den- ses, et ne produit pas autant en volume, ni même en poids; on en sème peu, quoique la qualité soit réputée compenser la quantité. On ne sème jamais ici l’avome en automne , mais au printemps, en mars. et avril, et on la récolte en septembre. L’avoine d'hiver donnerait de plus grands produits, mais des motifs impérieux ont sans doute (1) Nous disons espèces ou variétés, parce qu’il ne nous appar- tient pas d'émettre une opinion dans la discussion qui s’est élevée er tre des savants célèbres, pour savoir si les différences de cou- leur, de grosseur dans les grains, de temps et de durée dans la culture, pouvaient constituer des espèces ou seulement des va- riétes. 358 CHAPITRE Vi. déterminé lusage adopté. Ces fermiers intelligents ont voulu partager également le travail dans le cours de l’année, et ont préféré cultiver en automne les plantes dont les produits, plus nécessaires, ont plus de valeur. Beaucoup de cultivateurs font succéder l’avoine au blé. Quelque différentes que paraissent ces plantes, toutes deux sont des graminées et ne doivent pas se suivre. L'usage de mettre de l’avoine après une autre céréale a le grave inconvénient de salir les terrains, ou d'y introduire des plantes vivaces qui s’en empa- rent et qu'on extirpe difficilement. Il est bien préfé- rable de faire précéder et suivre cette culture par des plantes entièrement différentes , ainsi que le pratiquent les meilleurs fermiers du pays. On coupe quelquefois l’'avoine en vert pour en nourrir les troupeaux; c’est un excellent fourrage que tous les bestiaux recherchent; mais on n'y a re- cours que lorsque les trèfles sont tardifs ou man- quent, parce que la récolte en grains est d’une grande valeur. L’avoine se maintient toujours à un prix très- élevé dans l'arrondissement de Lille, où le pays ne fournit jamais moitié de ce qui est consommé. On est dans l'usage de couper lavoine un peu avant sa maturité; la paille en est plus succulente et plus nourrissante; mais le grain est moins rempli. Comme il faut laisser sur terre les gerbes jusqu'à ce que les grains soient mürs, on court alors risque de perdre une partie de la récolte; dans les saisons pluvieuses les grains germent, et la paille se noircit et pourrit. Beaucoup de fermiers rentrent lavoine dans les CULTURE DES’ GRAINES:ET PLANTES. 990 granges lorsqu'elle est müre et ils la font battre presque aussitôt. D'autres, moins pressés, mettent les gerbes en meule, et attendent pour la battre que le grain se soit ressuyé; par ce procédé on obtient un grain plus gros, plus nourri et d’une meilleure garde. On ne fume jamais les champs d'avoine, parce que cette plante croit même sur les plus fnauvais ter- rains, et à plus forte raison doit-elle prospérer sur les terres parfaitement amendées de Lille. De toutes les récoltes des céréales, c’est celle qui rend le plus : elle donne de 30 à 4o et 5o grains pour un, près de Lille. L'avoine élevée ou le fromental, plante vivace, est très-commune dans les prairies grasses de la Lys et de Bergues, où elle croit naturellement. C’est en grande partie à cette plante que ces pâtures doivent cette propriété, si bien appréciée, d’engraisser les bestiaux en peu de temps, et de donner une excel- lente qualité de graisse. Mais ici c’est la nature qui a tout fait; on ne sème point le fromental seul dans les champs, ni même dans les prairies qu’on veut établir. Ce graminée n’est pas assez connu. DES PLANTES LÉGUMINEUSES. Cette division comprend les plantes de la famille des légumineuses qui servent à la nourriture des hommes ou des animaux, tels que les pois, fèves, haricots, lentlles, etc. ; le trefle , la luzerne et le sain- foin. Cette famille est l’une des plus riches et des plus importantes pour l'Agriculture. 300 CHAPITRE VE Nous ne donnerons pas les détails de chacune de ces cultures, dans la crainte de rappeler de nouveau ce que nous avons répété sur le mode du labourage, hersage et roulage adoptés en Flandre. Il suffira d'expliquer quelques soins particuliers donnés à cha- cune de ces plantes que nous rangerons selon leur importance et l'étendue du terrain qu’on leur destine. Les plantes légumineuses ont en général la pro- priété de diviser la terre par de profondes racines; de la féconder par les débris qu'elles laissent ; de lui enlever beaucoup de sucs en raison de la rapidité et de la richesse de leur végétation; de contribuer à l’'ameublir par les nombreux binages qu'elles exigent et de la nettoyer par leur ombre, DU TRÈFLE. La variété de trèfle que l’on cultive presque géné- ralement est le trèfle commun, #rifolium pratense purpureum, où grand trefle, ou trefle de Flandre. IL est à présumer que cette plante, qui tire son nom du pays où elle a été d’abord cultivée, doit à la fécon- dité de ces terres profondes, les tiges élevées , les feuilles larges et nombreuses, les grandes fleurs et cette richesse de végétation qui contrastent avec le trefle primitif. C'est encore en Flandre où l’on doit étudier cette culture merveilleuse, et chercher les graines pesantes, grosses et brillantes qui donnent en produit un cin- quième de plus que des graines de même volume prises dans d’autres contrées. Dans les environs de Lille, le trefle est la nour- CULTURE DES GRAINES ET PLANTES. 3617 riture principale des bestiaux , comme le blé est celle de l’homme. La culture du trefle est aussi soignée, aussi étendue et aussi connue de chaque fermier que celle de l’une ou l’autre des céréales. On se rendrait ridicule si on voulait parler des avantages ou des in- convénients de ce fourrage, tant est vulgaire ici tout ce que les agronomes ont tant de peine à enseigner et à faire adopter ailleurs. On ne craint pas que le trèfle épuise le sol; le retour en est éloigné, et les récoltes sont toujours si abondantes et si fournies, que les plantes qui le remplacent trouvent le sol parfaitement nettoyé et engraissé par les détritus des racines et des feuilles. On ne craint point qu'il occasionne des tranchées et des météorisations aux bestiaux ; les portions en vert sont réglées et distribuées par bête, chaque jour, à l’étable, et mélangées avec d’autres fourrages dans de justes proportions. La récolte se faisant ainsi chaque jour et par pe- tites parties pour être donnée en vert; on n'est pas exposé, dans les saisons pluvieuses, à perdre une partie des produits; ainsi, tous les inconvénients qu'on attribue au trèfle sont ici évités, et peuvent être empêchés ailleurs par des pratiques faciles et avanta- geuses. Les semailles du trefle se font au printemps. Aus- sitôt apres les fortes gelées, fatales aux jeunes pousses, on jette, en mars, la graine à la volée sur les céréales d'automne, et quelquefois en même temps que les semences céréales de printemps. Avant de répandre la graine sur une plante d'au- tomne , on fait passer une herse légère au printemps, 362 CHAPITRE VI. sans crainte d'enlever les racines des céréales ; la graine jetée à la volée se range dans les lignes de la herse ; un nouveau coup de herse et deux coups de rouleau la répandent également , la recouvrent, unissent le terrain et butent les racines des céréales. Lorsque les pousses de trèfle paraissent, on se hâte d'enlever avec un soin extrème toutes les plantes nui- sibles. Le trefle croit à l'ombre des céréales, et est protégé par elles contre l'action d’un soleil brülant et des insectes. À l’époque de la moisson, le cultivateur ne fauche que les tiges les plus élevées du trèfle, et empèche tout à la fois que celles-ci ne s'épuisent en donnant des fleurs, et que les autres ne languissent et ne soient arrêtées par une trop prompte mutilation. A peine le champ est-il découvert, que les mauvaises herbes sont de nouveau enlevées. Le trèfle, comme reposé et fortifié par une première végétation lente, se développe avec rapidité aussitôt qu'il reçoit l'in- fluence de l'air et de la lumière; en huit jours le champ est vert et a tout l’aspect d’une belle prairie. Le cultivateur respecte cette plante délicate la pre- mière année, et a soin de ne pas la mutiler et crain- drait de suspendre la végétation par une avidité 1m- prévoyante. Quelques charges d’un fourrage aqueux et malsain coupé trop tôt diminueraient l'abondance des récoltes suivantes; à plus forte raison ne fait-il point paiître les trèfles nouveaux : la dent ou le pied des vaches et des moutons les feraient périr. Au printemps suivant on répand sur le trèfle des cendres de tourbe, de charbon de terre , ou des cendres de Hollande ; et quelquefois des ‘urines et de l'engrais CULTURE DES GRAINES'ET PLANTES. 303 flamand. Les récoltes en sont beaucoup augmentées, - imais les effets de cette famure ne peuvent être com- parés à ceux qu'on obtiendrait par le gypse, qui n'est pas encore employé à cause de sa cherté. La deuxième année, on obtient trois récoltes de trèfle que l’on coupe lorsque la plante est en pleine floraison ; plutôt, les tiges seraient aqueuses et per- draient par la dessication moitié de leur volume ; plus tard, elles seraient ligneuses et dé mauvaise qualité. On ne laisse muürir que l’étendue nécessaire pour donner de la graine, et on choisit les trèfles de se- conde coupe dont les graines sont de meilleure qua- lité. | On ne craint pour les trèfles, la deuxième année, que les fortes gelées sans neige, ou plutôt les pas- sages rapides du dégel à de grandes gelées. Si le trèfle périt dans un hiver rude, on se hâte de le remplacer par de l’orge ou des fèves, et dans ce cas on coupe en verd l’orge d'hiver qui est donnée pour fourrage. Après la troisième coupe on rompt le trèfle en septembre avec le brabant, qui coupe les racines à quatre pouces et retourne les tiges ; en quelques jours les racines sont desséchées et périssent. Un second labour les enterre, et après quinze jours un champ de trefle retourné est aussi uni, aussi nettoyé que si on avait fait une jachère complète. On se hâte de pré- parer la terre pour y mettre du blé, du colza, etc. Quoique les plantes oléagineuses réussissent très- bien sans fumure après le trèfle, on met souvent beaucoup d'engrais la même année, parce que les récoltes de graines grasses sont, de toutes, les plus 364 CHAPITRE VI. précieuses. Ou considère le trèfle en Flandre comme la plante qui prépare le mieux le sol, l’ameublit et l'enrichit davantage ; aussi on le remplace par les graines qui donnent les plus riches récoltes, et qui exigent le terrain le mieux amendé. Quelque beau que soit le blé après le trèfle, on préfère y mettre des colzas, des pommes de terre, et surtout du lin, dont la valeur, dans les bonnes années, est égale à celle du sol qui l’a produit. On voit par ces détails que les agriculteurs des autre pays regardent mal à propos la culture du trefle comme sujette à de graves inconvénients; 1ls sau- raient les prévenir s'ils adoptaient les méthodes fla- mandes qui se réduisent aux précautions suivantes : 1° Il faut parfaitement fumer et préparer la terre où la céréale et le trefle ont été semés ; 2° biner et enlever les mauvaises herbes, soit avant, soit après la moisson de la céréale; 3° épargner en automne les jeunes pousses de la première année, en s’abste- nant de les couper et de les faire manger; 4° fumer au printemps suivant par des cendres ou un engrais liquide; 5° couper le trefle successivement toute l’année pour donner en vert à l’étable; 6° faucher en pleine floraison par petites parties ; 7° faire sécher rapidement ; 8°, rompre aussitôt apres la seconde ré- colte; 9° et labourer deux ou trois fois en peu de temps avec une charrue tranchante, pour détruire les tiges et purger le terrain. En suivant des pratiques contraires, le trefle n’est pas épais, ne donne que de faibles produits ; les herbes nuisibles s'emparent du sol, et les récoltes sut- vantes sont tres-chétives. Jr CULTURE DES GRAINES ET PLANTES. 36 Le sol de la Flandre est peut-être celui qui con- vient le mieux à la culture du trèfle; les terres sont profondes sans être tenaces, argileuses sans être hu- mides ; le temps est presque toujours couvert et bru- meux, et le climat tempéré à l'abri des longs froids et des grandes chaleurs. Dès la première année, cette plante acquiert une telle vigueur, qu'il est quelque- fois nécessaire de la faucher pour éviter qu'elle ne s’épuise en donnant des fleurs. Mais à ces avantages locaux, il faut ajouter l’in- fluence plus grande de l'intelligence et des soins du fermier qui n’épargne ni les travaux, ni les engrais. C'est à cette dernière cause surtout qu'il faut attri- buer les superbes récoltes de trèfle, que es culti- vateurs des autres pays, également aisés, laborieux et habiles, ne peuvent obtenir qu'en moindre quan- tité. On doit rappeler que le choix de la graine de trèfle a une grande influence sur les produits des récoltes, et que les semences des environs de Lille donnent au moins le cinquième de plus que celles des pays les plus renommés après la Flandre. On fait moins de cas ici qu'ailleurs de cette pro- priété du trèfle de préparer d’excellentes récoltes de blé, et à peine avons-nous parlé de cette faculté amé- liorante et des bénéfices qu’on retire en remplaçant le trèfle par le blé. Cette rotation est assez rare; on préfère mettre, après le trèfle, des plantes oléagi- neuses , qui sont superbes et dont les produits valent souvent plus du double et du triple que des récoltes en blé. Lorsque le blé succède au trèfle, il est inutile de 366 CHAPITRE VI. fumer; le blé est superbe, et plus beau que s'il eût été mis après une jachère complète. Un seul perfectionnement reste à faire à la LL du trèfle dans les environs de Lille, c’est l'emploi du plâtre ou gypse. Jusqu'ici la cherté de ce minéral en a rendu l’usage impossible ; mais bientôt la navigation sur Paris sera abrégée; le plâtre sera ramené par les bateaux qui conduisent du charbon et des huiles ; il se vendra à bas prix, et les effets miraculeux en ;se- ront bientôt connus dans un pays où les découvertes se répandent avec rapidité. Une seule expérience (x) faite avec intelligence et soin suffirait pour rendre l'emploi du plâtre commun dans toute la Flandre ,.et contribuerait à perfectionner et completter cette belle agriculture considérée en tout autre point et en tout pays comme le plus ancien et le meilleur modèle à suivre. DES FÈVES. ‘On. cultive en grand deux variétés de fèves : La fève de marais et principalement celle dite de cheval ou faverolle. | Cette plante est considérée en Flandre, depuis des siècles, comme l’une des plus précieuses; elle donne (1) La société d'Agriculture de Douai, toujours prête à saisir tous les moyens de contribuer à la prospérité de la Flandre, et fort au courant des progrès de toutes les sciences, va rendre bientôt cet éminent service par le prix qu’elle vient de proposer : elle offre une médaille à celui qui aura découvert le méilleur emploi à faire du plâtre pour la culture du trefle et des colzas dans le département du Nord. CULTURE DES GRAINES ET PLANTES. 307 un bon fourrage sec ou vert, trés-abondant et pré- pare d'excellentes récoltes. Les fèves réussissent presque toujours dans le dé- partement du Nord; la terre est profonde, humide, assez forte, toujours bien préparée, et parfaitement nettoyée. On ne les sème jamais en automne; la tige délicate serait exposée à périr dans les hivers rudes; on attend l’époque où les fortes gelées ne sont plus à craindre, les mois de mars et avril. Le cultivateur est alors moins occupé, et il distribue ainsi plus uni- formément les travaux annuels. On sème les fèves après deux ou trois labours ; le premier, avant l'hiver, prépare le sol, le fertilise par l'influence atmosphérique , et fait germer les plantes nuisibles ; le second détruit ces plantes, enterre le fumier et ameublit la terre ; le troisième, qu’on donne après avoir fait passer plusieurs fois la herse et le rouleau, est destiné à couvrir les fèves jetées à la volée. On fait ensuite passer plusieurs fois la herse et le rouleau pour unir le sol, et enlever toutes les herbes nuisibles. Lorsque les plantes ont quatre pouces, la terre est sarclée, et on répète deux et trois fois les binages, pour nettoyer le terrain et buter les tiges; bientôt après les feuilles se développent, et, en couvrant toute la terre , étouffent les herbes nui- sibles à mesure qu’elles germent. Le chardon est presque la seule plante dont la végétation forte et rapide résiste à l’action des binages, pousse à l'ombre des fèves, et rend ensuite les champs presque impénétrables, surtout lorsque les binages ont été épargnés. Mais en général près de Lille on a 368 CHAPITRE VI. soin d'enlever les chardons par un binage tardif et d'en purger le champ. Ces soins multipliés qui nettoient le terrain, extir- pent le chiendent, l'avoine à chapelets, et Lee autres plantes si funestes aux céréales, et la grande quan- tité de feuilles et de débris de cette tige herbacée, fer- tilise le sol et prépare les meilleurs et les plus abon- dantes récoltes. Ces avantages sont surtout le résultat de l'usage si prévoyant de couper les fèves, soit pour fourrage vert, soit pour fourrage sec, et toujours avant la maturité complète ; d'ou il résulte que cette plante herbacée , à feuilles larges , épaisses , glauques, tire presque entiérement de l'atmosphère sa nour- riture , et n’épuise point le sol. Les fèves sont coupées en verd avec la faucille, et quand elles sont müres, avec la petite faux ou piquet; on choisit pour les moissonner l'époque où les graines du bas ont acquis un commencement de maturité. La récolte est conservée par bottes et don- née, pendant l'hiver, comme fourrage et sans être battue. Les bestiaux = He bEnt tous cette nourriture succulente; les chevaux prennent une chair ferme, un poil brillant, et sont capables d’un travail soutenu ; les vaches donnent plus de lait; les veaux, les co- chons s’engraissent. La plus faible partie de la récolte et la plus müre, est battue, pour en obtenir de bonnes semences ou pour réduire les grains en fa- rine destinée aux animaux qu'on veut engraisser ou mieux soigner. Les fermiers ne mangent point cette espèce de fèves : ils cultivent dans leurs jardins de la feve de marais et d'autres variétés également estimées. CULTURE DES GRAÏNES ET PLANTES. 309 Les fèves ne sont pas mêlées iei avec les céréales, ainsi qu'il est d'usage dans les arrondissements d'Ha- zebrouck et de Cambrai et dans ceux du Pas-de-Ca- lais , où ce mélange se nomme warat, et Jamais On n’enfouit les fèves en fleurs pour fertiiser la terre ; les engrais, qui sont à bas prix à Lille, valent beau- coup moins que la récolte premiere qui les rem- placerait. La culture dés fèves précède presque toujours celle des plantes céréales, oléagineuses et solanées , et suit celle des plantes céréales de mars. Dass les autres arrondissements où l'on ne cultive que peu de plantes oléagineuses, et où les assole- ments sont moins parfaits , les fèves reviennent plus souvent , quelquefois toutes les trois années, quel- quefois même foutes les deux années; on met suc- cessivement des feves , du blé, des fèves, du seigle ou orge, ainsi de suite. Nous trouvons préférable l’asso- lement de Lille, où les mêmes plantes ne reviennent qu'après une période plus longue et la plus éloignée qu'on connaisse. _ Les fèves sont quelquefois semées à la raie et à la charrue; un enfant suit le laboureur et range les fèves dans le sillon ouvert; le deuxième coup de charrue ferme la première raie, et ouvre un autre sil- lon qu’il sème de même. Les fèves étant ainsi alignées et également séparées, la végétation est plus régu- lière et plus forte, et les fréquents sarclages qu’on donne à cette plante, sont plus faciles et plus éco- nomiques. On ne se sert pas du cultivateur ou de petite herse, parce qu'on est dans l'usage de semer tres-serré, afin d'obtenir plus de fourrage. L’abon- Agricult. de la Flandre. 2 î 370 CHAPITRE VI. dance d’une récolte quelconque compense bien au delà les frais considérables de biniage à la main , qui n'ont que les apparences d’un luxe de culture. | Les feves mangées en vert sont coupées jour par jour dans le courant de l'été, et donnent aux vaches plus de lait et aux chevaux plus de vigueur que le trèfle , que ce fourrage est destiné a remplacer. La culture des fèves dans le département du Nord parait beaucoup plus ancienne que l’époque, assez rapprochée, où ses avantages ont été constatés et pu- bhés comme une asbod rte en Angleterre. [> usage d'admettre cette plante comme LE essentielle de J'assolement, était établi depuis plus d’un siècle avant que l'Agriculture eût fait de si grands progrès en Angleterre; et maintenant encore il est hors de doute que le petit fermier flamand avec ses instruments simples et parfaits, tire de ses récoltes de fèves et de ‘ses autres cultures beaucoup plus de profit que les riches agronomes qui ont introduit des instruments compliqués, peut-être trop vantés. Les fèves de Flandre paraissent d’une autre nature et surtout d’une autre espèce que la même variété cultivée ailleurs ; en Flandre les tiges ont sept et huit pieds de haut; des gousses longues et nombreuses, contenant cha- cune quatre, cinq et six grains gros, lourds et substantiels, Cette eulture est une des plus avanta- geuses , mais elle exige tous les soins qu'on lui donne en Flandre. DE L'HIVERNAGE. On nomme hivernage dans l'arrondissement de Lille, une récolte destinée à nourrir les bestiaux pen- CULTURE DES GRAINES ET PLANTES, 971 4 dant l'hiver; c'est le plus souvent un mélange de vesce, de seigle ou orge, que l’on sème en automne, que l’on coupe avant parfaite maturité, et qui est donné comme fourrage sans être battu; la fève n’est jamais admise dans ce mélange; la végétation en est lente, et la jeune tige trop délicate est exposée à périr en hiver. L'orge et le seigle destinés à servir de support aux vesces, ont la propriété de pousser et de mürir en même temps; condition indispensables et sans la- quelle on n'aurait qu'un mélange de plantes, les unes dures comme la paille, les autres en herbe, qui se dessècheraient sans conserver de qualités nutritives. On mêle des fèves à l’hivernage dans les autres ar- rondissements, afin de soutenir les vesces qui, dans les années pluvieuses et orageuses, entrainent leur faible support , et pourrissent. L'hivernage se sème en automne et de très-bonne heure. Cette récolte doit être précoce afin de pré- venir les pluies froides et tardives qui feraient pourrir les tiges herbacées des vesces. On sarcle une fois l’hivernage avant l'hiver pour le nettoyer. Au prin- temps, les vesces couvrent tellement le terrain, que les graines nuisibles ne peuvent germer, ou sont en grande partie étouffées par leur ombre. On coupe l’hivernage en juillet; la terre ainsi dé- couverte de bonne heure, peut recevoir tous les la- bours préparatoires, et nécessaires à la culture des plantes oléagimeuses qui suivent. Très-souvent on ob- tient apres l’hivernage une récolte dérobée en navets, carottes’; etc. On a l'usage de hacher Fhivernage, paille et grain, 24. 572 CHAPITRE VI. et d’en distribuer comme de l’avoine , mais presqu'à discrétion , aux chevaux qui travaillent et aux vaches laitières; c’est une excellente nourriture qui donne du feu et de la force aux chevaux, beaucoup de lait et d’excellent lait aux vaches. L'hivernage haché est à l'abri des souris : il ne présente que des pointes qui les empêchent de s'y introdüire. On ne saurait donc trop recommander l'usage de hacher les récoltes non battues qu’on des- tine à la nourriture des bestiaux. L'hivernage étant coupé avant parfaite maturité, et contenant en grande partie des plantes légumi- neuses herbacées, qui enlèvent peu de sucs au sol, et tirent leur nourriture de l'atmosphère, doit être considéré comme une des cultures les plus amélio- rantes , et surtout des plus précieuses; le poids de la récolte est vingt fois plus grand qu’en avoine, cé- réale dont la paille coriace , quand elle est müre, ne _sert ordinairement que de litiere. L'hivernage ne serait plus qu'une nourriture ordi- naire et peu substantielle, si le cultivateur, trop avide, battait cette récolte, et en tirait l'orge et le seigle dans des années où ces graines ont beaucoup de valeur; ce fait est presque sans exemple dans un pays où l’agriculteur attache tant de prix à la pros- périté de ses troupeaux. LUZERNE el SAINFOIN. On cultive tres-peu de luzerne et de sainfoin dans les environs de Liile, et rarement on le fait en grand ; chaque fermier se borne à destiner près de sa ferme | CULTURE DES, GRAINES ET PLANTES. 379 une portion très-petite de terre à l’une ou à lPautre de ces plantes, qu'il coupe tout l'été en vert, pour varier la nourriture des troupeaux. Chaque année cette prairie , arrosée avec de l'urine des bestiaux, ou l’engrais flamand qu'on y sème avec des cendres de tourbe et de houille, donne quatre récoltes abon- dantes , mais on a soin de faucher en pleine floraison. Comme cette plante vivace ne donne que de fai- bles récoltes la première année, que la culture en est chère et la graine d’un grand prix; les agricul- teurs flamands ne doivent pas la cultiver très en grand : les impôts et le prix des fermes sont tres- élevés , et les baux trop courts. Il faut à de tels la- boureurs un produit assuré, et des récoltes qui n’a- méliorent pas le sol au-delà du terme de deux ou trois années. Ces plantes conviennent bien mieux aux pays de grande culture, où les baux sont à longs termes et les fermages moins chers. Il serait d’ailleurs difficile au fermier le plus in- telligent, de tirer d’une prairie en luzerne on en sainfoin , les mêmes produits que ceux qu'il obtient par un assolement varié, parfaitement entendu dans l’ensemble et les détails. Le trefle, par exemple, donnant plus de produits et de profits que la luzerne et le sainfoin , l’amélio- ration de la terre étant tres-rapide , cette culture doit être préférée aux deux autres. L'usage de la luzerne, et surtout du samfoin, étant peu répandu, nous rn'entrerons poiut dans le détail de leur culture, qui ne présente d’ailleurs 1c1 rien de paruculier ; nous nous bornerons à faire ob- + 374 CHAPITRE VI. server que le sainfoin ne convient pas à ces terres fortes et un peu humides, que la luzerne y donne- rait de bonnes récoltes, mais moins précieuses que celles des plantes oléagineuses mises après le trèfle. RÉCOLTES DÉROBÉES. Cette quatrième division se compose des plantes mises après une première récolte, et qui en donnent une seconde dans la même année. Les principales sont les navets, les carottes , betteraves , choux-collets ou cavaliers, etc. (1) La terre est préparée, pour la culture de ces plantes, à peu près de la même manière que pour les mars; nous n’aurons ainsi que peu d'observations à faire. DES NAVETS. Chaque fermier cultive au moins un hectare en navets, et en obtient une assez grande quantité pour en nourir abondamment ses bestiaux pendant une grande partie de l'hiver; il prévient par l'usage mo- déré et prolongé de cette plante succulente et rafrai- chissante , les mauvais effets des fourrages secs. L'agriculteur flamand (>) n'imite point la négh- EEE (1) Nous n’avons pas fait mention de ces plantes dans le système d'assolement, parce que leurs récoltes, quoique précieuses, sem- blent secondaires, et ne présentent rien de particulier et de systé- matique dans l’ordre de succession. (2) Nul détail n’est négligé par cet habile fermier ; nulle culture n’est faite au hasard; la plante la moins précieuse, comme celle du plus haut prix, recoit ses soins journaliers, et il ne croit pas qu'il soit avantageux d'abandonner la terre a elle-même et aux plantes nuisibles qui s’en emparent; il n’admet point ces pratiques funestes , bien plus dues à la paresse qu'a l'ignorance. CULTURE DES GRAINES ET PLANTES. 375 gence de beaucoup d’autres cultivateurs, qui se bornent à jeter la semence de navet sur un champ de blé ou de seigle ; de retourner le terrain sans fumure, ni préparation, et d'abandonner ces plantes délicates à l’action des mauvaises herbes et des in- sectes. Il sait qu'une récolte médiocre est suivie par une plus mauvaise, et qu’une excellente est remplacée par une meilleure ; il n'épargne point pour la cul- ture des navets, les labours, hersages, roulages et surtout les engrais, et redouble d'attention et de soins pour prévenir l'influence de la secheresse et des insectes, qui sont plus dangereux, lorsque la sai- son est avancée ; cependant les navets n'ont pas la même importance ici qu'ailleurs. Dans le Norfolk, par exemple, où les fermiers élèvent un grand nom- bre de moutons; ils les nourrissent en partie et les engraissent, en faisant manger les navets sur place, et fertilisent les terres par cette pratique. Le fermier flamand ne tient que peu de moutons, et ne sème des navets que pour augmenter la variété des plan- tes et l'abondance des fourrages verts, et pour ferti- liser les terres par cette plante légumineuse essen- tiellement fécondante. La culture des navets est une de celles qu'il fait avec le plus de perfection, et qui exige le plus d’ha- bileté et de promptitude. Lorsque la récolte de blé, seigle, sucrion, est enle- vée , la terre est labourée et hersée le même jour ou le lendemain, et ensuite abandonnée 8 ou 15 Jours , et le temps nécessaire pour que les plantes nuisibles | coupées par la charrue , soient desséchées par la cha- 370 CHAPITRE VI. leur ; on donne un second coup de charrae, souvent aprés avoir répandu une couche de fumier d’étable bien consommé; on herse de nouveau pour enle- ver les mauvaises herbes et faire des lignes droites peu profondes, où la graine qu'on jette à la main, tombe et se trouve en rangées bien alignées; on ré- pand de lengrais flamand (1), et on passe plusieurs fois une herse légère et le rouleau pour recouvrir le grain et plomber le sol. Cette excellente préparation, qu'on renouvelle pour toutes les cultures soignées , ainsi que nous l'avons plusieurs fois observé, doit être regardée comme le secret des superbes récoltes des navets. La végétation est prompte, forte, et la plante vigoureuse, qui pousse très-serré , résiste aux attaques des insectes ; aussi cette récolte manque irès-rarement. En cas d'accident, on se hâte de res- semer, et les produits, pour être plus tardifs, n’en sont n1 moins abondants ni moins bons. Les navets sarclés, butés, et éclurcis plusieurs fois avec soin, s'emparent du terrain qu'on ne voit plus, et étouffent les mauvaises herbes, qu'on n’aper- çoit Jamais à la surface. La fermière visite chaque Jour les champs de navets, pour enlever les plantes étrangères et éclaircir les navets, dont elle cueille des bottes qui sont données aux vaches laitières. (1) L’engrais flamand, qui convient également à la graine et a la plante, qui échauffe le sol, accélère la germination, et n’attire pas les insectes comme les fumiers non consommés , donne à la végétation une telle activité qu'en peu de jours les jeunes pousses sont à l'abri des pucerons et des autres insectes qui, ailleurs, les dévorent, CULTURE DES GRAINES ET PLANTES. 377 On cultive plusieurs variétés de navets; qui sont en général blancs, rarement colorés, très-alongés , fort gros et tres-fades. Plus de là moitié de F1 racine est enfoncée en terre et y tient fortement. Les fermiers, qui mangent rarement des navets des champs, cul- vent avec soin, dans les environs de leur domaine, les raves et les meilleures espèces de plantes pota- gères. En Flandre, les navets ne sont jamais donnés aux bestiaux pour nourriture principale, mais comme supplément et variété, et afin de corriger les défauts de celles trop sèches. Ainsi, on n'a point à craindre les maladies que cette plante occasionne, lorsqu'on la distribue à discrétion et sans discernement. La culture des navets prépare les plus riches ré- coltes ; le sol est divisé par les racines pivôtantes et profondes ; nettoyé de mauvaises herbes, par de nom- Dreux binages, et par les tiges élevées et fournies , et fertilisé par les débris des racines et des feuilles. La végétation riche et rapide du navet est en partie due à la puissance de ses feuilles absorbantes, qui puisent dans l'air les gaz dissous. Mais les racines si volumi: neuses enlévent en même temps à la terre tout l’en- grais élaboré ; aussi cette plante est considérée en même temps comme tres-épuisante. Par ce motif, et en raison du nombre de binages que cette plante nécessite, on ne cultive en navets que l'étendue jugée strictement nécessaire, pour fournir suffisamment à la consommation des troupeaux nourris à l’étable. Le navet épuise plus la terre en Flandre qu'ailleurs. L'agriculteur engraisse la terre de deux maniéres principales , ainsi que nous l'avons souvent répété , 378 CHAPITRE VI. savoir : la couche inférieure par un fumier solide et d’un effet prolongé, et la couche supérieure par un engrais liquide et moins durable que ce dernier, mais d’un effet plus prompt et plus grand. Le fermier doit donc tenir à conserver sa terre saturée de ce dernier engrais; il a remarqué et on le conçoit facilement, que les navets, par leur végé- tation forte, soit terrestre , soit atmosphérique, en- levaient la presque totalité de cet engrais précieux ; les feuilles mêmes semblent aspirer de la terre les gaz fécondants qu’elle contient; il faut donc d’une part fournir une large aspersion d'engrais flamand, pour favoriser le développement des navets, et rendre im- médiatement au sol les sucs abondants qu'il a perdus, et qui assurent la réussite et la beauté des autres récoltes. Ainsi les frais d'engrais et de binage em- pèéchent d'étendre la culture des navets au-delà du nécessaire et de la considérer comme des plus profitables ainsi qu'on le juge dans des pays très- bien cultivés. La récolte des navets se fait d’abord chaque jour pendant les mois de septembre et d'octobre pour les éclaircir et en donner comme fourrage, feuilles et racines, aux vaches et cochons. En novembre le reste est arraché à la main par un beau temps, et lié par bottes de deux à trois pieds de tour; on les laisse se ressuyer pendant un jour ou deux; on enlève les fanes , on les range dans un creux sous la forme py- ramidale, et on les recouvre d’une couche de paille et de terre assez épaisse pour les garantir de la gelée; les tranchées n'ont que deux pieds de profondeur, parce que la couche inférieure serait trop humide CULTURE DES (GGRAINES ET PLANTES. 379 Ainsi les tas ayant 6 et 7 pieds d’élévation sont en saillie de 4 à 5 pieds. La récolte est distribuée en plusieurs tas qu’on enlève à la fois, et qu’on porte le même jour dans les caves de la ferme pour les distribuer ensuite jour par Jour. Quelques fermiers n’ont pas l'attention de donner au toit une épaisseur nécessaire, les fortes gelées les pénètrent , et causent de grandes pertes, lorsque les hivers sont rigoureux. DES CAROTTES @{ BETTERAVES, CHOUX ORDINAIRES. Ces plantes sont semées et récoltées en même temps que les navets, et cultivées de la même maniere; elles remplacent de même, et la même année, les plantes oléagineuses, céréales et légumineuses, semées en automne et recueillies au printemps. La terre est aussi fumée avec l’engrais flamand, qu'on répand avant ou après les semailles, afin que la premiere végé- tation soit forte et rapide, et que ces plantes ne puissent en contracter de mauvaises qualités ou une saveur désagréable. Ces plantes sont sarclées, houées et butées avec le cultivateur et avec la houe à bras plusieurs fois, et aussi souvent qu'il est nécessaire pour que le terrain soit exempt de mauvaises herbes. Ces récoltes sont d’une grande valeur; on en des- time une partie à la nourriture des hommes et des bestiaux , et le reste est vendu en hiver sur les mar- chés publics et à des prix tres-élevés. Les cultivateurs considerent Les carottes comme un aliment plus succulent et plus sain que les pommes 380 CHAPITRE VI. de terre, les navets, etc., et les graines céréales. Les carottes engraissent les bœufs, cochons, moutons ; augmentent le lait des vaches, et la portion de crème; donnent de la force et un poil brillant aux che- vaux, et maintiennent tout le troupeau dans un par- fait état de santé. Ces plantes, cultivées avec un soin extrème, lar- gement engraissées et souvent fumées, produisent en plein champ des récoltes plus belles que celles qu'on rebre dans la plupart des jardins des autres pays. Les betteraves sont semées et soignées de la même mamere; les produits sont également abondants et précieux ; et on ne voit nulle part de racines aussi fortes et plus belles. On ne saurait trop recommander d'acheter en Flandre les graines de betteraves et de carottes, qui donnent dans des climats très-différents si fort éloignés, de très-belles récoltes. Les betteraves des environs de Lille, d’une excel- lente qualité, ont été quelque temps employées, et avec succés , à la fabrication du sucre; mais à la paix, le prix du sucre ayant tout à coup baissé des trois quarts, les premiers fabricants ont éprouvé de grandes pertes et renoncé à ce genre de manufacture. Main- tant de nouvelles fabriques s’élvent, prospèrent, et donneront de grands bénéfices , lorsqu'un accident fera de nouveau augmenter la valeur des sucres. Les manufactures actuelles n'auront plus à supporter Îles frais et les chances des essais qui ont ruiné plusieurs des inventeurs. L'art de faire du sucre avec de la bet- terave a élé approfondi et perfectionné au point qu'il est mamtenant à la portée de simples ouvriers. CULTURE DES GRAINES ET PLANTES. 381 DES CHOUX ORDINAIRES €{ CHOUX COLLETS OU CAVALIERS. On connaît et on cultive toutes les variétés de choux destinés à la nourriture de l’homme. Comme cette cul- ture n’a rien de particulier , et concerne plutôt le jar- dinage que l'Agriculture, nous ne ferons mention que des choux-collets ou cavaliers. Les choux-collets ou cavaliers se sement en février sur du terreau ou dans les meilleurs carrés du jardin potager. On les replante en juillet de la même ma- nière que le colza, seulement on laisse un intervalle qui est de o" 50, ou 18 pouces en tous sens. Le plan- toir est ordinairement plus alongé et plus gros que celui du colza. Les choux collets se repiquent dans les champs qui avoisinent la ferme, et sur des terres qui ont porté du sucrion, ou autres plantes coupées pour fourrage et récoltées de bonne heure. | Ils ont la propriété de résister au froid, de se con- server en plein champ pendant l'hiver et de fournir pendant la mauvaise saison une nourriture verte , saine et recherchée par les vaches. Les fermiers en vont chaque jour cueillir les feuilles les plus basses, et Les distribuent aux vaches laitières ou portières. La tige s'élève à 4, 5 et quelquefois 6 pieds; les premieres feuilles ne poussent qu'à 3 pieds de terre, et forment entre elles une espèce de toit qui cache entiérement le sol. C’est particulièrement à cette cir- constance qu'il faut attribuer la propriété de cette plante de ne pas geler. La terre recouverte par | a CE 382 CHAPITRE VI. feuillesest à l'abri des gelées même de 15 degrés, car, le mouvement de l'air étant arrêté par ce toit, la température au pied de la plante est moyenne entre celle de l'atmosphère et de la terre. La racine de la plante, garantie de la gelée, et plongeant dans un terrain doux, porte des sucs chauds à la tige, à l’aide de la circulation qui continue. Ainsi, les choux ne peuvent geler et ne gelent que dans des hivers extrémement rigoureux. Souvent les choux cavaliers restent sur terre jus- qu’en février et mars, et fournissent encore pendant tout ce temps des feuiiles vertes qu'on recueille avec SOIN. Les choux cavaliers donnent le fourrage le plus abondant, le meilleur et le plus estimé; les vaches surtout en sont fort avides; elles se maintiennent en bonne santé, et fournissent beaucoup de lait par le mélange de cette nourriture verte aux fourrages secs. Chaque fermier en cultive 50 ares environ, plus ou moins , en raison de l'étendue de sa ferme, et destine principalement à cette plante les terres les mieux amendées et les plus rapprochées de l'habitation. Les tiges sont plus élevées, plus fournies en Flandre que partout ailleurs, et résistent bien aux plus grands froids et à toutes les intempéries. Il serait essentiel d'introduire cette culture dans toutes les localités où le sol est profond et un peu argileux , et le climat humide. Dans de telles circon- stances, les choux cavaliers manquent rarement, et fertihsent toujours le sol. ee ttttttttittttttttthtuts 222584 CA EAER EEE. DES PLANTATIONS. Scilicet omnibus est labor impendendus, et omnes Cogendeæ in sulcum, ac multä mercede domande. Tous les arbres enfin ont besoin de culture; Que tous soient transplantes, rangés dans les sillous , Et qu’à force de soins on achète leurs dons. (Géorg. Trad. de Deriree.) CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. Uk campagne sans arbres a perdn son plus bel ornement et l’une des causes de la fécondité; les vents dessèchent les plaines; les pluies entrainent les terres en pente, mettent à nu les rochers, et couvrent les vallées de leurs débris. L’atmosphère privée de l’hu- midité et de l'air vital fournis par les arbres, est lourde, malsaine, tantôt brülante, et tantôt glaciale, le sol est sans ombre et sans protection contre les orages ; les troupeaux sans abri; le laboureur lui- même est exposé à toutes les rigueurs des saisons. Qi se PS CHAPITRE VII. Si le bois est aussi nécessaire à l'Agriculture, que les arbres sont utiles à la fertilité du sol, par com- bien de précautions ne doit-on pas veillér à leur re- production. Mais est-il Juste d’accuser le cultivateur du besoin de détruire, dont on se plait à le charger? L'homme, et l’agriculteur surtout, n'est-il pas essentiellement prévoyant, et porté à conserver et à se préparer un avenir? Il aime à planter des arbres à toutes les époques heureuses de sa vie ; il se plait à les soigner, à les conserver; c'est à semer des fleurs et des ar- brisseaux qu'il aide les premiers efforts des mains délicates de ses enfants; c'est au milieu de bouquets d'arbres qu'il porte l’image de la divinité; il environne les temples et les tombeaux, d'arbres qu'il vénere , de bois sacrés ; 1l respecte l'arbre qui ombragea son en- fance et a survécu à ses aieux. Les règlements et les peines qui défendent d’a- battre les arbres sont donc superflus , lorsqu'une 1m- périeuse nécessité ne condamne pas à les abattre. C'est à l’exces des impôts, à la misère qu'ils occa- sionnent, qu'il faut attribuer la nudité des campagnes, et le déboisement des contrées. Les lois, fussent-elles plus sévères, n'empécheraient point le cultivateur, qu'un collecteur va chasser de sa maison, le père qui manque de pain pour ses enfants, de vendre et d'a- batire les arbres plantés autour de sa demeure, qu'il chérissait et conservait comme ses dernières res- sources. Si la détresse du peuple à pour résuliat d'ocea- sioner la destruction des arbres près des hameaux, PLANTATIONS. 385 elle contribue par la dépopulation , à étendre la sur- face des forêts. On pourrait dans nos climats, à l'aspect de la carte détaillée d’une contrée, juger de son administration et de l’état du peuple : si les campagnes sont coupées de haies et semées de beaux arbres; si les maisons en sont ombragées; nul doute que le cultivateur ne soit aisé, heureux et confiant dans l’avenir. La nu- dité des campagnes et des abords des villages, au- torise à porter un Jugement opposé. Parcourons l'Europe et choisissons les États où les impôts sont nuls et l'administration paternelle. Est-il un spectacle plus ravissant que celui offert par les villages suisses? Chaque maison est entourée de superbes poiriers, d'immenses noyers; de prairies ombragées toujours vertes; le village est caché dans un bosquet élevé que domine un beau clocher; le sol, garanti par les arbres disséminés dans les cam- pagnes, est plus fertile; les troupeaux, moins exposés à l’ardeur du soleil et à l’action de la pluie et des insectes, sont plus robustes; la terre, recouverte d’une triple richesse, par le mélange des céréales, des arbrisseaux et des grands arbres fruitiers , offre chaque année sur un sol presque stérile, d’abondantes ré- coltes, et conserve, pour les générations suivantes, des trésors qui s'accumulent; les pentes même des montagnes , recouvertes de superbes chataigners, donnent à la fois du bois, du fourrage et des fruits, et préservent les hameaux de l’action des avalanches. En s’élevant jusqu'au sommet des Alpes, on retrouve le même mélange d’arbres fruitiers, ou forestiers, et Agricult. de la Flandre, 25 380 CHAPITRE VIL de prairies, et la même prévoyance à conserver des bois partout où ils sont nécessaires ou utiles. Par ce concours de plantations et de paturages, la Suisse libre retire de ses rochers des produits que ne donnent pas les contrées naturellement fer- tiles, soumises à des lois arbitraires et à des impôts excessifs. _ La Toscane, la Hollande, l'Angleterre, les pro- vinces françaises autrefois libres et bien administrées, comme la Flandre, l'Alsace et la Bretagne, offrent un coup d'œil aussi satisfaisant : on aperçoit à chaque instant de riches fermes, de beaux villages et tout au tour des clos de haies, des vergers et des plantations; les forêts sont rares et de peu d’étendue, mais les arbres isolés sont nombreux et superbes. Portons-nous maintenant dans les états où l’homme, comme les animaux domestiques, appartient à un maitre : on ne distingue les hameaux que par la nu- dité du sol qui les entoure; on n'y arrive qu’en traversant d'immenses et inutiles forêts. Si, par ex- ception, les bois s'étendent jusqu’à la porte des ca- banes; sile malheureux cultivateur respecte les arbres, c’est parce qu'ils sont sans valeur et sans acquéreurs. En vain chercherait-on près de sa demeuré des ar- bres fruitiers dont la culture exige prévoyance et con- fiance dans l'avenir. £ ù On ne peut surtout se défendre d’un profond sen- timent de tristesse, lorsqu'on parcourt les provinces françaises soumises autrefois à la féodalité : nul arbre ne rompt la monotonie des campagnes et n'ombrage les abords des cabanes; le cultivateur est condamné à tirer de plusieurs lieues le bois nécessaire à son EE SE - PLANTATIONS. 397 usage, et à le payer très-cher; les pentes de mon- tagnes, que rien ne défend, sont coupées par les ra- vins, et n'offrent que d’inutiles bruyères; les fontaines sont désséchées; et les terres, toujours exposées à l’intempérie, ne produisent que de chétives récoltes. A quelques lieues de là, on trouve d'immenses forêts où le bois est sans valeur , et où les herbes qui crois- sent dans les espaces vides ne servent qu'à nourrir quelques bêtes fauves chèrement conservées. De la comparaison des pays bien ou mal admi- nistrés, considérés sous le point de vue des plan- tations et du rapprochement des faits rapportés et discutés par nos plus savants naturalistes, nous con- cluons qu'on peut établir en principe qu’il est aussi funeste de conserver de vastes forêts, qu’il est avan- tageux d’entourer les campagnes de belles plantations, et que le meilleur moyen de multiplier les arbres de haute futaie, c’est de laisser à chacun la liberté ab- solue de disposer de sa propriété. L'examen de ce qui se pratique en Flandre, Le pays le mieux cultivé d'Europe, nous servira à justifier cette opimion. DU MODE DE PLANTATIONS ADOPTÉ EN FLANDRE, CONSIDÉRÉ DANS L'INTÉRÉT DES PARTICULIERS. Le mode de plantations adopté dansla Flandre fran- caise, est peut-être la partie la plus importante et la moins connue de cette belle Agriculture. En parcou- 25. 300 CHAPITRE VII. rant la route de Lille à Dunkerque et toutes les routes transversales sur 7 à 8 lieues en tous sens, on aper- çoit des terres parfaitement cultivées; des prairies toujours vertes ; des maisons isolées, mais très. rap- prochées et enveloppées de beaux arbres; des trou- peaux nombreux qui paissent à l'ombre dans les prai- ries, et tout autour de soi, une forêt de haute futaie qui forme de toutes parts l'horizon; à mesure qu'on avance , la forêt semble s'éloigner, et au lieu d'entrer dans un bois épais et sombre, on continue à voir des arbres magnifiques, isolés, et fort espacés, om- brageant d’abondants pâturages; entourant de riches récoltes de céréales, ét présentant toujours au loin, par l'illusion de la perspective, l'apparence d’une futaie pleine. On ne peut se figurer un spectacle plus ravissant et qui satisfasse davantage l'observateur at- tentif. Si on entre dans les fermes isolées, et comme dis- tribuées symétriquement au milieu de ces belles cam- _pagnes, le dedans, comme le dehors, annonce la prospérité et le bonheur, et montre la parfaite har- monie qui règne toujours entre la beauté de la cam- pagne et le bonheur des habitants. Le fermier cul- tive avec soin pendant l'été les terres qui entourent sa demeure; les femmes et les enfants filent le lin que les hommes tissent en hiver; les vaches abandonnées dans le clos donnent beaucoup de laitage, de grands profits et une portion aussi abondante que saine de la nourriture de l’homme. L’aisance du fermier doit être attribuée en partie à l’influence des plantations qui conservent la fraicheur des paturages et procurent PLANTATIONS. 359 d’abondantes récoltes de fruits; ou plutôt aux bien- faits d’une administration qui a rendu les cultivateurs et les propriétaires aisés , et par cela même économes, et les a déterminés à créer de riches prairies et des plantations d’une grande valeur. La Flandre dépouillée d’arbres, perdrait en même temps sa beauté et sa fécondité : les vents violents de la mer dessècheraient les terrains nus, ou renver- seraient les récoltes avant leur maturité; les pluies abondantes entraîneraient les terres, inonderaient les plaines en détruisant les moissons ; l’eau saturerait les couches inférieures et glaiseuses, où les plantes pivotantes périraient avant de muürir. Ces prairies, maintenant toujours vertes, deviendraient presque arides; les troupeaux seraient peu nombreux; les campagnes moins habitées; enfin ces contrées , main- tenant si riches et si belles, ne présenteraient plus à la vue que le tableau de maisons abandonnées, de terres en friche, et d'habitants misérables. La riche parure des campagnes de la Flandre, et l’aisance des cultivateurs qui l’habitent, attestent les avantages des plantations isolées et l'influence d’une bonne administration. L'état du département du Nord, sous le point de vue des plantations, présente des différences qui con- firment les observations précédentes : toute la partie jadis exempte des impôts indirects est bien plantée ; les jardins et les bâtiments sont entourés d'arbres fruitiers ; les terres, bordées d’arbres de haute futaie très-écartés, ont plus de fécondité et plus de valeur, soit en capital, soit en revenus ; aucune forêt n’est con- 390 CHAPITRE VII. servée; Le sol est partout également cultivé et boisé; les habitants sont aisés, instruits et très-industrieux. On remarque, au contraire, dans la partie soumise avant 1789 aux impôts indirects, aux exercices ri- goureux et à une administration moins parfaite, des forèts étendues qui rendent peu ; des champs ouverts et nus, peu fertiles malgré la bonté du sol; des villages groupés , beaucoup de pauvres et de mi- sère. La carte seule suffirait pour attester la vérité de ces faits. Les observations physiologiques confirment de même les avantages des plantations isolées : on sait que chaque plante absorbe chaque jour moitié de son poids d’eau, plus ou moins, selon son essence; les arbres doivent donc être considérés dans les pays humides comme des moyens puissants employés par la nature pour dessécher des marais; ainsi les parties basses de la Flandre seraient naturellement malsaines et peu fertiles sans le grand nombre d’arbres fo- restiers et fruitiers qui ombragent les habitations, entourent les champs et les défendent des intempéries. On sait aussi que les arbres absorbent par leurs feuilles les gaz méphitiques et les vapeurs aqueuses; qu'ils dégagent beaucoup d’air vital. Ils servent donc a la foi$ a corriger les vices d’une atmosphère hu- mide où d'un sol marécageux et malsain ; à préserver la terre des chaleurs trop fortes et des vents brülants; ils garantissent tout ce qu'ils ombragent de l’action des fortes gelées; forment un abri salutaire nécessaire à la végétation de beaucoup de plantes délicates. En- fin, puisque les arbres se nourrissent moins à l’aide des sucs de la terre que par ceux de l’atmosphère, PLANTATIONS. 391 leur végétation aérienne multiplie le sol, eL en aug- mente les revenus (1). Le cultivateur flamand distribue la culture et les plantations avec autant d’art qu’un jardinier habile : celui-ci élève à grands frais des murailles de terre, de paille ou de pierre pour créer des abris, accroître la température et assurer ses récoltes en légumes et en fruits. Le flamand élève des abris durables qui, loin de causer des dépenses d'entretien, procurent chaque année des revenus; il trouve dans ses plan- tations le bois nécessaire à son usage (2), ses charrues, ses voitures , la charpente de ses bâtiments et jamais il n’est condamné à tripler par la cherté des charrois ou le temps perdu en transport, le prix élevé d’ac- quisition des bois indispensables. L’incendie, qui est rare dans ce pays où les mai- sons sont isolées , est moins funeste qu'ailleurs, puis- (1) Les propriétaires de la Flandre estiment qu’un arbre fores- ter vaut 40 francs , après quarante ans; que l’élagage paie au-dela de la rente de la terre, et que la récolte est plus abondante que si le sol était nu. Les 40 francs sont donc un bénéfice excédant donné par les plantations. (2) « Pour à cela parvenir, est aussi nécessaire d'employer en « bois une partie de vos meilleures terres. Ce que sans regret ferés, « quand considérerés quel bien procurés à vostre maison, la ren- « dant par ce moyen de noble et agréable représentation, et pour « tous jours remplie de bois, au lieu de déserte qu’elle en estait « auparavant , estant contraint, pour la cuisine et pour le chauf- « fage, d’aller chercher loin le bois, escharcement et à frais ex- « cessifs. Par lequel changement apperra le fonds employé en bois, « servir autant que celui qui travaille en blés et en vins. » ( Orivrer DE Serues, Théâtre d'Agriculture, vu‘ lieu.) 392 CHAPITRE VI. qu’à la porte de la ferme on trouve des matérraux pour la réparer ou la rétablir. La foudre même n’est pas à redouter par le cultivateur dans son humble demeure; elle passe, ou frappe les grands ormes des vergers qui abritent et préservent les bâtiments du domaine. Ainsi, les superbes plantations qui entourent la de- meure des propriétaires, augmentent les revenus, et garantissent de tous les fléaux qui menacent ou rui- nent les fermes bâties à découvert. Près de Lille, les villages et les fermes sont plus rapprochés, les grandes plantations qui les entou- rent procurent un abri suffisant, sans qu'il soit né- cessaire d’entourer d'arbres chaque champ, ainsi qu'on a l'usage de le faire dans l'arrondissement d'Hazebrouck; le sol de la campagne de Lille est moins humide, moins glaiseux et à moins besoin d’être as- séni et desséché par de grandes plantations. Chaque ferme possède, comme un fonds en réserve, les arbres nécessaires pour la réparation et la reconstruction des bâtiments, et pour faire face à une grande perte inattendue. La culture des arbres doit être soumise aux prin- cipes d’assolement précédemment établis: nous avons vu, au chapitre assolement , que la terre se refusait à reproduire constamment les mêmes plantes à la même place; qu'une plante semée ou plantée en rem- placement d’une autre de la même espèce, ne pros- pérait pas et périssait; que la nature semble indiquer par des faits bien constatés, et que nous allons rap- peler, la nécessité de renouveler les arbres d’une essence par des arbres d’une autre essence. PLANTATIONS. 393 Les futaies de hêtres qu’on abat en Amérique, sont remplacées naturellement par des futaies de noyer; à celles de chènes coupées en France, succèdent des futaies de hètres ou de chataigniers. Dans les Alpes, lorsque des avalanches abattent une forêt de pins ou sapins, des bouleaux croissent en masse, et s'élèvent à leur plus grande hauteur. Sous ces arbres, et pro- tégés par leur ombrage rare, croissent des pins ou sapins qui bientôt étouffent les bouleaux et les rem- placent. Dans les prairies, comme dans les bois, on remarque cette succession continuelle de plantes et d'arbres d’une espèce différente, et ce mouvement et ce renouvellement périodique qui ramènent sur Île même sol une rotation de produits aussi variés que ceux des longs assolements des plus habiles fermiers. L'expérience qui prescrit d’assoler les arbres comme les plantes annuelles, conseille de leur donner les mêmes soins et une culture analogue. On remarque dans les coupes de futaies pleines, que les vieilles souches ne donnent jamais des arbres de construc- tion, mais des jets faibles et du bois de chauffage. C'est dans l'intervalle que croissent de jeunes arbres d'espèces souvent différentes, destinés par la nature à les remplacer. Mais ces tiges implantées sur un sol dur et jamais remué, enveloppées d'herbes, d’arbris- seaux qui épuisent le sol, ne croissent d’abord que très-lentement; peu à peu la cime s'élève, domine tout ce qui l’entoure; les branches s'étendent en tous sens, puisent l’eau et les sucs nourriciers dans l'air; une nouvelle forêt recouvre le sol; mais il faut bien des années, souvent un siècle, avant qu'une futaie pleine puisse donner des arbres de service. 394 CHAPITRE VII. Il est bien évident que l’état d'abandon où on laisse la terre dans les bois, expose les arbres utiles à l’action des arbrisseaux , des gros herbages, lichens, bruyères, qui épuisent le sol, et retardent la végéta- tion. On peut, sans exagérer, estimer que le produit d’une forêt n’est presque jamais la moitié, ni même le quart de celui des terrains semblables labourés , habilement assolés, et entourés d'arbres. L’agriculteur flamand hâte les effets du temps, et seconde la nature; il cultive (x) les bois comme les plantes céréales; jamais il ne les met en masse ou en forêt, mais il remplace un arbre d’une essence par un arbre d’une autre essence ; il entoure de planta- tions ses prairies et ses champs. Le sol étant chaque année labouré et fumé, les racines des arbres trou- vent une abondante provision de sucs, s'étendent rapidement; la végétation des branches est également a ——— (1) « La vertu de la culture se manifestant, non-seulement au « bois des arbres sauvaiges, ains à leurs fruicts : mesmement aux « glands, qui en plus grande abondance et plus grosses sortent « des chesnes du labourage que des forêts agrestes. « Encores que les arrousemens ne soyent nécessaires, ni ès taillis, « ni ès forests pour le naturel de leurs arbres, si leur servent -ils « de grand ornement, voire et d’accroist quand ils sont opportu- « nément arrousés ; n’atteignans jamais en parfaite grandeur, les « plantes endurant la soif au cours de leur vie, ains senlement « celles, qui par bon tempéramment, sont entretenues. Qui aura « donques son terroir tant felice que de le pouvoir arrouser à vo- « lonté, en cet endroit se servira de l’eau , la faisant découler au=. « près des arbres par petits canaux à ce appropriés, lorsque, par « la sècheresse de la saison, toutes plantes désirent l'humeur. » (Ouvier DE Serres, Thédtre d'Agriculture , vu° heu.) PLANTATIONS. 399 prodigieuse ; ces arbres isolés, bien éclaircis et aérés, sont d’une excellente qualité. La nature prévoyante rend le bienfait réciproque : les arbres protégent les plantes cultivées , et les garantissent des intempéries. Si l’eau tombe par torrents, les branches des arbres qui la reçoivent la rendent en pluie douce et fécon- dante; si le vent glacial du Nord porte des frimats, les nombreuses ramées des arbres couvrent d’un man- teau les terres d’alentour, et les garantissent de la grêle. La gelée de même perd son intensité à une grande distance des arbres, et les plantes délicates sont préservées. Cet heureux mélange de culture et de plantation, source intarissable de richesses, est un système admi- rable qu’on ne peut attribuer au hasard. Ne voyons- nous pas le cultivateur flamand montrer, dans tous les détails de l'Agriculture et de sa vie , la même pré- voyance et la même sagacité? On dira que cette méthode est vicieuse , que les racines d'arbres vigou- reux, mises en contact avec une terre parfaitement labourée et fumée, doivent s'emparer du sol, et dé- truire les récoltes; mais chaque année le cultivateur fait la part des racines, ouvre des tranchées pour les limiter, et cultive près des arbres les plantes de famille différente qui végètent sans se nuire. Les champs et les prés, dans tous les pays, ne peuvent être enveloppés, comme en Flandre, de grands arbres; mais il est possible partout d’éta- blir des plantations assez rapprochées pour présenter au loin un horizon de haute futaie, et former une précieuse et superbe barrière qui arrête les vents desséchants , et procure une température plus douce 396 CHAPITRE VII. et moins variable. Cette pratique admirable qui : contribuant à la fécondité du sol, en augmente les revenus, ne saurait être assez recommandée dans les contrées où elle est possible, c’est-à-dire, dans celles où les cultivateurs ont de l’aisance, ou sont régis par une excellente administration. DU ,MODE. DE. PLANTATIONS ADOPTÉ EN FLANDRE, CONSIDÉRÉ DANS L'INTÉRÊT DE L'ÉTAN. Un terrain cultivé, entouré ou planté d'arbres fo- restiers ou fruitiers, a souvent une valeur double d’un terrain voisin de-mème nature et étendue, qui n'est point planté. La richesse nationale est donc augmentée de la valeur des plantations , et le revenu | public croit aussi dans le même rapport. Mais autant un État est intéressé à encourager les plantations isolées et particulières, autant il doit éviter d’être propriétaire de forêts. Une forêt, en bon terrain, ne rend pas la moitié du même terrain cultivé et planté; l'État perd done la moitié (1) des revenus du sol dont il reste pro- (1) Je dois citer un fait qui m'est personnel, et qui est le résumé el la preuve de toutes les observations contenues dans ce cha- pitre. L'État avait mis en vente un bois de 372 hectares, moitié taillis el moitié taillis sur futaie, situé en plaine. Je le traversai, par hasard , huit jours avant la vente; et peu de jours après avoir rédigé ce chapitre, je fus étonné de la vigueur de la végétation, PLANTATIONS. 397 PE priétaire , et il Ôte de la circulation un capital que l'industrie particulière ferait valoir avec profit pour la communauté. : La bonne conduite des plantations dans le dépar- tement du Nord, nous mène à conclure que l’État ne tire pas le meilleur parti de ses forêts, et que les règlements de la marine sont cause de la destruction des hautes futaies et de la rareté des bois de con- struction dans toute la France. Nous choisirons pour base de nos calculs des don- nées prises dans le département du Nord, parce que nous sommes plus certain de leur exactitude. L'État était propriétaire dans le département du Nord, en 1813, de 34,980 hectares de bois, tous situés en plaine ou en pente douce, et d’un sol riche très-propre à la culture. de la bonté du sol, du peu de produit que l’État en retirait, et fus convaincu de la possibilité de donner à ces terrains une valeur double. Je fis part de mon opinion à mon ami, et lui envoyai en communication le chapitre sur les plantations. Mon ami, plein de confiance dans mes observations, arriva la veïle de la vente, muni d’une procuration en blanc d’un banquier de sa connaissance, acheta le bois 500,000 francs , sans le visiter, suivit mes conseils, et nous en avons retiré, en dix-huit mois, 1,100,000 francs. Depuis cette époque, l’État a perçu, en impositions et droits divers, beaucoup plus que le revenu net de ce bois; il a donc gagné 500,000 fr.; le bénéfice des acquéreurs a été de 600,000", et je puis attester que la valeur actuelle de ces mêmes biens dou- blera dans dix ans. Tous les bois en plaine , et en bon terrain , peuvent donner aux propriétaires et à l'État des bénéfices, sinon semblables, du moins analogues. 398 CHAPITRE VII. Les bois aliénés depuis 1813 ont été payés à raison de 1,300 francs l'hectare , terme réduit. L'État avait donc, dans le département du Nord, un capital FL 14 AENN TN NT | SVP Le QE PAR PRE o La coupe annuelle de ces bois, ven- due en adjudication publique, s’est élevée jusqu’en 1813, époque à laquelle le prix du bois n'avait pas encore baissé, au prix moyen de....... Dont il faut déduire les appointe- ments et gages de 180 employés fores- tiers du département à cette époque; les frais particuliers et proportionnels de l'administration générale évalués ainsi qu'il suit : La vente des coupes des bois de l'État dans toute la France, est, d’après le budget de 1820, de... 17,097,400 " Les frais administra- üfs, travaux d’améliora- ton SONÉSIe, LS. à 3,047,400 Les frais, pour 1,040,000 fr. de pro- duit, sont donc de................ Le revenu net des bois de l’État dans le département, est donc de........ Ou en divisant 854,633 par45,/474,000, ce revenu pour cent est de......... c’est-à-dire, moins de deux pour cent. 45,474,000 " 1,0/40,000 185,367 854,633 1,879 Supposons que l’État vende la totalité de ses fo- PLANTATIONS. 399 rêts dans le département du Nord; les 34,980 hectares rendraient au trésor, en impôt foncier, à raison de dix francs par hectare, prix fixé pour les bois vendus, revenu, annuel. de... :....:..1:4 349,800 " Les bois, vendus 45,474,000 francs, augmenteraient de plus de moitié, si on laissait les propriétaires libres de mélanger la culture et les plantations, système aussi favorable à la végétation des plantes céréales et autres, qu’à celle des bois, ainsi que nous l'avons vu ; le capital des bois, dans cette hy- pothèse, s’éleverait donc à la somme LE LCR Re re 68,211,000 Il est constaté que les propriétés particulières produisent au gouverne- ment, tant en droit d'échange qu’en droit de vente, frais de succession, soit directe, soit indirecte, etc. (droits main- tenant nuls, puisque les bois sont à l'État), en tout le cinquantième. Les 68,2r1,000 fr. de propriétés foncières et particulières rendraient au fisc, par I Re 199 D, ORISA 4: GOT aq 1,324,220 A ces pertes faites par PÉtat, il faut ajouter l'intérêt du capital de 45,474,000 fr. que le trésor retirerait du montant de la vente, intérêts qu’on peut fixer à 7 pour 0/0, taux moyen à reporter....... 1,674,020 400 CHAPITRE VIL Report... 1,074,020 payé pour la rente des fonds publics, en prenant une moyenne sur dix an- nées, cet intérêt est de..... ..... 1036087106 Il retire maintenant..........,.. 854,633 La perte faite chaque année par le trésor, dans un seul département, est dontde A ACE hs 4h NRA OCR Le gouvernement est donc obligé d'imposer quatre millions de plus, parce- qu'il reste propriétaire de forêts dans le département du Nord. Cette perte, quelque énorme qu'elle paraisse, est réellement beau coup plus grande, ainsi qu'on va le voir. L'État retrait, en 1813, de 34,980 hectares un revenu de 1,040,000 francs. Ces bois, cultivés par des particuliers, partie en bois, partie en céréales et en plañtes oléagineuses, donneraient brut, terme moyen, 500 francs par an et par hectare. Les 34,980 hectares, situés en plaine, sur un sol très-fertile, ren- draient donc 17,490,000 fr. par an, ou 16,450,000 fr: de plus. Cet accroissement de produits mis en cireu: lation , ferait prospérer tous les genres d'industrie, accroiîtrait la population en raison de ce surcroît de produits, procurerait à l'État un revenu plus élevé que celui que nous avons supposé. Ces calculs et ces observations ne doivent pas, sans doute, être généralisés et appliqués au reste de la France; mais on peut, sans exagération, sup- poser qu'il existe en France 500,000 hectares appar- tenants aux particuliers, qu'on pourrait et devrait de PLANTATIONS. Got méme éclaircir et entreméler de culture et de prairies. Ces terrains rendraient, par an, 80 francs l’hectare, au lieu de 20 francs, et donneraient un revenu net de 60 millions et un revenu brut de 240 millions. Il serait difficile d'évaluer tous les avantages qui en ré- sulteraient pour toutes les branches de commerce , et surtout pour l’état ; les revenus publics croissant en raison des richesses des particuliers. On objectera sans doute que ces hypothèses man- quent de fondement et de justesse, puisque les parti- culiers ne pratiquent pas dans leur intérêt ce que nous proposons au gouvernement d'adopter. 11 suffira, pour répondre à cette objection, de rap- peler un seul fait connu de tous les propriétaires de bois, et dont ils se plaignent. Les bois des particuliers sont soumis à peu pres au même régime forestier que ceux de l’état : un pro- priétaire n’a pas le droit de défricher et de cultiver ses arbres, et n’a pas même celui d”’en abattre un seul de 4 pieds de tour, avant d’avoir rempli des formalités si longues et si funestes, que les délais font perdre un an et demi, deux années et souvent la moitié de la valeur des arbres. Il lui est défendu de cultiver les parties excellentes du fonds, et de favoriser par le mélange des plantations et des céréales, la végé- tation des arbres. On ne saurait calculer jusqu'où s'étendent les pertes causées aux propriétaires de forêts par les règlements de la marine, faits sous l'empire de la féodalité, et dans un esprit évidemment contraire aux lois fonda- mentales qui assurent à chacun la propriété tout en- tière de son terrain. n Agricult. de la Flandre. 20 402 CHAPITRE Vil. Le gouvernement , en voulant conserver les bois par des lois oppressives, cause la destruction des arbres de construction, et nuit à l'Agriculture, au commerce et surtout à la marine. Les reglemens de la marine et des eaux et forêts, considerent encore l'état comme premier propriétaire du sol, et le possesseur comme un usufruitier qui ne peut disposer du fonds et de la superficie que du consentement du maitre, et en se soumettant à des charges onéreuses, établies arbitrairement. Le pro- priétaire n’a pas le droit d’abattre un seul arbre de 4 pieds de tour et au-dessus sans une autorisation du directeur, maître et contre-maïître de la marine, dont les résidences sont souvent très-éloignées. IL faut faire ane demande plusieurs mois d'avance, et attendre qu'elle ait passé dans cinq bureaux par- ticuliers établis dans des villes et des départements différents: le moment favorable d'abattre est passé avant que la permission soit accordée. Si l'arbre est désigné par la marine, le propriétaire n'a plus le droit d'en disposer: il doit se soumettre à des expertises, des délais; faire lui-même abattre; remplir mille formalités; et souvent apres un an d'in- certitude , l'arbre, qui a perdu son écorce, une partie de sa valeur, est abandonné au propriétaire, qui ne peut plus en tirer le même parti. Le propriétaire, tourmenté par les formalités à remplir, par les délais, les incertitudes et les pertes, voulant à tout prix s'affranchir de cette oppression, n'attend plus que les arbres aient atteint la gros- seur fixée par les règlemens de la marine; il se hâte de les abattre avant leur maturité; d'où ik résulte PLANTATIONS. 403 que les hautes futaies sont détruites par l'eftet des mesures arbitraires prises pour les conserver, On peut donc dire que c'est le gouvernement lui-même qui est la cause première de la destruction des futaies et des arbres de marine. Si nous passons de l’examen des bois particuliers à celui des bois royaux, nous voyons mieux encore que les règlements analogues de la marine produisent l'effet contraire à celui qu'on s’est proposé, et que l'état ne retire de ses forêts qu’une faible partie des _bois de futaie que ces mêmes forêts donneraient si la propriété tout entière était vendue à des particuliers; en supposant toujours l'abolition des gènes dont nous avons parlé. -On aurait tort sans doute de considérer cet objet de haute importance sous le point de vue de l’éco- nomie, si l'administration de la marine trouvait par ce système tous les bois qui lui sont nécessaires ; mais elle n'en fournit qu'une partie et à des prix beaucoup plus élevés que ceux du commerce; elle prive tous les autres services des bois qui leur sont indispensables. Par l'influence des règlements, la France se dépeuple d'arbres de marine, tandis que les autres pays deviennent plus riches en futaies, par les avantages d'un système contraire. Il faut donc que celui adopté en France soit mauvais. En Angleterre, où les propriétaires ont pleine li-” berté de planter et d’abattre, où ils ont le droit de conserver leurs plus beaux arbres, de les faire con- duire.dans les ports et de les vendre au prix du com- merce, un bois de haute futaie représente un im- mense capital, qu'on veut à tout prix augmenter. On 26, 404 CHAPITRE VII. conserve les plus beaux arbres avec un soin religieux; on plante ceux de la meilleure espèce dans les ter- rains convenables avec de grandes précautions: chaque arbre est entouré de forts piquets qui ne le touchent - point, ne le gènent pas dans sa croissance, et le dé- fendent de l'approche des troupeaux. Un seul grand propriétaire, le lord Weymouth, plantait chaque an- née cent mille pieds d'arbres pour la marine, et à vécu assez pour vendre comme mats de vaisseaux, les arbres qu'il avait lui-même semés et plantés dans sa Jeunesse. En France un si grand exemple ne pourrait être imité : nos règlemens empèchent d’entreméler de prairies et de champs les arbres de futaies et de hâter leur croissance par la culture de plantes an- nuelles et précieuses; ils diminuent la valeur des fu- taies, et tendent, par les gènes et les pertes qu’on redoute, à faire abattre les arbres avant qu'ils soient devenus propres à la marine. Considérons les bois d’une manière plus générale, et comme objet de commerce. Les bois de marine doivent être rangés ou dans la classe des matières premières, et de première nécessité, dont l'importa- tion doit être encouragée, ou dans la classe des pro- duits du sol, dont la culture doit être favorisée. Dans l'un et l’autre cas, il est nécessaire de modifier les règlements qui ont un effet entièrement opposé au but du législateur. Il est bien démontré que le pro- priétaire qui aménage ses bois à un terme assez éloigné pour obtenir des arbres de marine, ne retire pas de son fonds un sixième du revenu que donne une autre culture, ni le tiers de celui que produirait PLANTATIONS. 40 le mème bois coupé en taillis et aménagé à court terme. Il faudrait donc augmenter le prix des bois de marine ou diminuer les impôts sur les terrains qui en produisent, et défendre aux particuliers de dis- poser de leurs terrains et d’abattre avant une époque fixée. Puisque cette disposition est contraire aux lois fondamentales, on doit avoir recours à l’un ou à l’autre des deux premiers moyens. L'achat des bois de marine, en pays étranger, est de même entierement contraire au but qu'on se pro- pose : il en fait baisser les prix, augmente les pertes des propriétaires de futaies, et contribue à dépeupler les forêts. Nos règlements, en forçant les propriétaires de suivre l'aménagement le plus défavorable à leurs in- térêts, sont évidemment nuisibles à l’état. Prenons pour exemple une forêt dans le départe- ment du Nord, aménagée en futaies, ou en futaies sous taillis : un hectare ne donne pas, déduction faite des impôts, des frais de garde, des intérêts, etc., un revenu net de 10 fr. Le même hectare culüvé en houblon , en lin et entouré de chènes, rendrait brut 2,000 francs , et net 100 francs; et donnerait au bout d'un certain nombre d'années, plus d'arbres de ma- rine qu'une futaie pleine, si la production était en- couragée, c'est-à-dire, si le prix en était plus élevé ou si le propriétaire avait la faculté de les livrer au commerce sans être assujetti à a marine. Le produit brut d’un hectare de houblon ou de lin étant d’en- viron 2000 francs, terme moyen ;un hectare défriché et ainsi cultivé diminuerait de cette somme lexpor- tation de ces produits; ou bien lon se procurerail 406 CHAPITRE /VII. la possibilité d'acheter à l'étranger cinq ou six fois plus d'arbres de marine que le même hectare aurait pu en donner. Nos règlements qui obligent, pour ainsi dire, de tirer des forêts le plus mauvais parti, occasionent de grandes pertes aux propriétaires ét à l’état, et privent la marine des ressources qu’une autre législation ne manquerait pas de procurer. Pour encourager la production des arbres de là marine, nous croyons qu'il faut laisser chaque pro- priétaire maitre de disposer à son gré de ses domaines; offrir des primes élevées à ceux qui conduiraient dans les ports des bois d’une certaine dimension; diminuer les impôts perçus sur les bois plantés d'arbres de marine; augmenter ceux payés par les bois taillis. Personne ne peut contester que, si les prix des bois de marine étaient plus élevés, si les chênes cultivés, c’est-à-dire, plantés auprès des champs, donnaient plus de produits que la culture des céréales, tous les terrains seraient bientôt environnés de superbes plan- tations. Des économistes célébres ont fait craindre que la France ne füt exposée aux plus grandes calamités par la diminution progressive des bois ; mais au lieu d’at- tribuer le déboisement à l'influence des règlements, ils ont proposé d’autres mesures aussi nuisibles ou plus funestes encore. Ils n’ont pas considéré que dans les pays libres, bien administrés , ou chacun est maitre de sa propriété, les bois de service et de chauffage ne manquent pas plus dans le commerce que les autres marchandises. Abandonnons toutes les cultures à la plus entiere liberté, et n'ayons jas la crainte de manquer de pro- Len PLANTATIONS. 407 duits utiles ou nécessaires ; les agriculteurs approvi- sionneront nos ports avec le mème soin que nos marchés, et cultiveront de préférence les bois de charpente, s'il est bien démontré que les plantations donnent plus de bénéfice ou le même bénéfice que le blé, l’avoine et le colza. Ce bénéfice ne peutmanquer d’être en peu d'années le même, lorsque l'état ne sera plus propriétaire de bois, et laissera au commerce le soin d'en régler les prix; car si les bois donnaient moins de revenus on en défricherait une partie, et sils en procuraient de plus grands on planterat les champs. Les réglements et les gènes rompent ce juste équilibre et produisent nécessairement les maux qu'on veut éviter. Les modifications à faire aux règlements forestiers sont également indiqués par les plus savants natura- listes. Parcourons les ouvrages des hommes illustres qui ont acquis par leurs talents et leurs découvertes une réputation européenne, MM. de Réaumur, de Buffon , Duhamel, l'abbé Rozier, etc., ces pères de la science de l'Histoire naturelle et de lAgriculiure en France, ont reconnu, avec les praticiens éclairés, que les règlements forestiers sont vicieux. Lorsqu'on fait une coupe dans une forêt, disent. ils, les baliveaux de l’âge, auparavant soutenus ei protégés par les arbres qui les entouraient, se trouvant isolés , périssent ou se déforment; les arbres qu'ils donnent ne peuvent être d’une bonne et prompie venue. Les baliveaux sur taillis ue viennent jamais bien. Les baliveaux ruinent les tallis etles tullis ruineui les baliveaux. 405 CHAPITRE V}i. Les arbres qui poussent sur les vieilles souches sont de mauvaise venue, et ne donnent que des ar- bres rabougris. Les baliveaux ne produisent que des arbres de mauvaise qualité, et ne contribuent que très- -peu au repeuplement des forêts. Aux remarques de ces grands maitres, dont les conseils n'ont pas encore été écoutés, nous ajoute- rons les observations faites par les plus habiles con- structeurs. Les arbres plantés ou semés isolément autour des champs et des prairies, croissent plus rapidement et donnent des bois de meilleure qualité; leurs troncs et leurs branches, exposés à l’action de la lumière et de l'air, prennent plus de corps; les fibres ont plus délasticité et de force, et les produits du terrain sont triples de ceux laissés en futaies. Les arbres plantés isolément , élagués avec soin , donnent de plus beaux jets, s'élèvent plus rapidement, et cepen- dant les fibres sont plus serrées et plus fortes. Les hautes futaies pleines (1) du département du Nord ne produisent que des arbres de mauvaise qualité ; on est obligé de défendre l'emploi d'une grande partie de ces bois dans les constructions hy- drauliques. Ces arbres sont roulés, noueux, vicieux (1) On a remarqué que les villages placés dans le département du Nord sur les lisières des grandes forêts, sont très-souvent ravagés par la grêle , et qu'il en tombe rarement dans les cantons bien plantés, mais éloignés des forêts. Il paraïîtrait que la masse des bois attire les nuages et la foudre, et détermine la formation de la grêle. PLANTATIONS. 409 et pourrissent rapidement , tandis qu'à quelques cents pas de là, et sur les mêmes terrains, les bois de même essence, plantés sur les bords des champs, sont de la meilleure qualité. D'après ce qui précède, le système flamand sur les plantations, qui consiste à ne pas conserver de forêts et à planter les bords des champs et prairies, doit être considéré comme le plus parfait et le plus pro- fitable à l'état et aux particuliers. Ce serait aussi, s’il était libre, le plus propre à donner les plus beaux arbres de marine; mais, de même que dans les pays soumis au régime despotique, où le souverain, en cas de guerre, a le droit de prendre les plus beaux chevaux, les cultivateurs n’élèvent que des bœufs, ou des races abâtardies de chevaux plus petits que la taille exigée, de mème dans la Flandre on abat les arbres avant qu'ils soient sujets à la marque de la marine , et surtout on a soin de ne planter que des bois blancs et des ormes; essences que les règlements ne comprennent pas. RESUME DES AVANTAGES DU SYSTÈME DE PLANTATIONS ADOPTÉ EN FLANDRE. Les agriculteurs flamands cultivent les arbres comme les colzas : Hs ne les laissent point en forêts et en masse ; mais ils les plantent très-écartés sur les bords des prairies, des vergers et des routes. Les arbres élagués avec intelligence, croissant rapide- ment et isolément, sont droits, à haute tige, durs et de la meilleure qualité. 410 CHAPITRE VII. Ces habiles cultivateurs observent dans les plan- tations , Les excellents principes de leurs assolements: les arbres d’une essence sont remplacés par ceux d’une essence différente, et toujours placés à une grande distance des anciens troncs, qu’on enlève d'ailleurs avec soin. Au moyen de ces précautions et de cette grande variété de culture, les produits d’un terrain peuvent ètre évalués au quadruple de ceux retirés par l’état, des forêts d’un sol semblable et d’une même étendue. S'ils ne plantent point de chènes et de sapins, qui offriraient de grandes ressources à la marine, c’est dans l'unique but de s'affranchir des gènes et pertes auxquelles ils seraient exposés par les règlements de la marine, règlements qu'on doit considérer comme la cause de la destruction des forêts en France. Les Flamands cultivent en haie et en pépinière les arbres et les perches qu'ils doivent replanter ou cou- per pour leur usage, ou pour vendre aux cultivateurs de houblon. Un bois taillis bien conservé, et en très-bon sol, ne rend, après dix ans, que 300 francs par hectare. Un hectare planté en bois de choix et cultivé, rend, au bout de dix ans, quelquefois 5,000 francs, au moins 3,000 francs, et pendant les deux ou trois premières années, deux ou trois récoltes de pommes de terre plantées dans lintervalle des lignes; les éla- gages et les arbres arrachés pour vendre, paient bien au-delà le prix de location du terrain, et les irais de culture. Dans un hectare de bois abandonné à la nature, PLANTATIONS. Aux on ne retire que deux à trois cents perches de hou- blon : dans un hectare planté en bois et cultivé pen- dant deux ou trois ans, on peut en retirer, apres la même période de temps, 12 à 15 mille, qui valent dans le département du Nord et sur place 30 à 40 francs le cent, c’est-à-dire, de 4,000 à 6,000 francs l’hectare, ou au moins 3,000 francs, c’est-à-dire, dix fois plus. Cependant les règlements défendent de défricher et de cultiver les bois comme les colzas ou les pommes de terre. Concluons de tout ce qui précède: 1° Que les règlements et ordonnances féodales qui restreignent le droit de propriété, qui soumettent les particuliers au régime de l'arbitraire, sont aussi funestes aux propriétaires que désastreuses pour ÉRIC > 2° Que le seul moyen de repeupler les campagnes d'arbres superbes propres aux constructions, c’est de laisser une liberté absolue aux propriétaires, d'obliger la marine à traiter à l'amiable avec eux, et de mettre un droit beaucoup plus élevé sur les bois de service importés ; j 3° Que la crainte d’être forcé d'aller à l’étranger chercher des bois de marine, serait aussrridicule sous l'empire de bonnes lois qu’elle est maintenant fondée avec le système forestier qui nous régit ; 4° Que la législation actuelle sur les forêts ne peut ètre partout bonne, puisqu'elle est générale pour la France, où il existe une infinité de localités diffé- rentes ; 5° Que les agents de la marine, n'ayant aucun mot de désirer que l'interprétation de ces lois soit faite 412 CHAPITRE VI. dans l'intérèt des particuliers, doivent, au contraire, chercher à étendre leurs attributions et les préroga- tives-du gouvernement ; Et 6° Que les défenses faites aux propriétaires de disposer de leurs bois à leur gré, causent à la France, chaque année , une perte de plusieurs centaines de millions. IL parait constaté, par l’expérience des autres peuples, que pour augmenter les richesses de l’état, multiplier les plantations, fournir la marine de bois nécessaire et d'excellente qualité, il faut abandonner aux propriétaires la pleine jouissance de leur do- maine; leur laisser le pouvoir de défricher et planter à volonté. C’est par l'influence de cette même liberté que les Flamands ont acquis ces futaies si précieuses, et ont fait tant de progrès dans toutes les branches de l'Agriculture. Aussi long-temps que les proprié- taires ne seront pas libres de disposer de leurs bois à leur gré, ils auront intérêt à détruire les futaies, à couper les chènes, afin de s'affranchir des règle- ments de la marine. Les futaies disparaitront, et le sol sera de plus en plus recouvert de landes incultes, de bois rabougris que les troupeaux continueront à détruire. Nous proposons, 1° d’affranchir les propriétaires de futaies et de bois de toute visite et règlement; >° de leur laisser pleine et entière liberté de défri- cher, planter et aménager les plantations , en donnant les landes, pentes de montagnes, biens communaux sans valeur, aux propriétaires qui s’engageront à les planter dans un temps déterminé; 3° d’affranchir tous ces terrains d'impôts jusqu'à l'époque où l’on PLANTATIONS. 413 abattrait les arbres plantés; 4° d'établir des primes très-élevées en faveur de ceux qui auraient planté sur leurs propriétés le plus grand nombre d'arbres essence de chène, frêne et sapin; 5° d'augmenter la valeur de ces primes, et de les promettre à ceux qui, à une époque donnée, auront des arbres-futaie plantés ou semés par eux, en plus grand nombre et de plus belle venue; 6° de charger les employés de ladmi- nistration des forêts d'encourager les replantations et d'y veiller, en éclairant les cultivateurs; 7° d’accor- der de grandes récompenses à ceux de ces employés qui auraient, dans leur arrondissement, obtenu le plus de succès; 8° de donner à ceux de ces employés qui voudraient planter, des terres et les moyens né- cessaires, afin de justifier par d’heureux exemples les meilleures méthodes à suivre; 9° de former dans chaque département des pépinières considérables qui seraient dirigées par ces employés , et où les cultiva- teurs trouveraient des arbres à bas prix, et d'établir des cours publics où ils recevraient l'instruction né- cessaire. Par de telles mesures, l'administration des forêts parviendrait à faire planter toute la France, et ren- drait encore de nouveaux et immenses services qu’on ne peut espérer de nos règlements, reconnus vicieux par les hommes les plus éclairés. ss 5 1 à | CHAPITRE VIII. DE L'ÉDUCATION, DE LA NOURRITURE ET DE L’'ENGRAISSEMENT DES BESTIAUX. Des mères avec soin il faut choisir l'espèce. Je veux dans la génisse une mâle rudesse, Une oreille velue, un regard menaçant, Des cornes dont les dards se courbeñt en croissant; Que son flanc allonge sans mesure s’étende ; Vers la terre en flottant que son fanon s’étende ; Qu'’enfin ses pieds, sa tête et son cou monstrueux (1), De leur beauté difforme épouvante les yeux. { Géorg. Vire. Trad. de DELILLE, ) CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. Lis animaux domestiques, modifiés par une longue servitude, le sont plus encore individuellement par l'espèce d'éducation qu'on leur donne, et prennent plus ou moins l'empreinte du caractère de l’homme qui les soigne. Le cheval de l’Arabe est ardent et infatigable comme son maître; le cheval flamand à toute la patience du sien. Il est bien rare que les animaux élevés avec douceur aient des vices, et que (x) Cette description semble celle de la belle race flamande. ÉDUCATION , NOURRITURE, CC. DES BESTIAUX. 419 ceux nôurris par les hommes durs et méchants soient exempts de défauts. Puisque les hommes régis par le meilleur gouver- nement se distinguent par les excellentes qualités que donne la nature, les animaux qui leur appar- üennent doivent étre mieux traités et moins vicieux , meilleurs et plus attachés à leur maitre. Lorsque le Suisse, par exemple, change de domi- cile à chaque saison , et va de chalet en chalet, ses bestiaux, qu'il ne frappe jamais, sont abandonnés des mois entiers la nuit et le jour autour de sa de- meure d'été; à sa voix, chevaux, vaches et moutons accourent et obéissent. Il en est de même dans tous les pays libres, les animaux sont bien soignés, mé- nagés et dociles. La bonne éducation des animaux contribue à augmenter les produits agricoles: 1l faut moins de personnes et de temps pour soigner ceux qui sont dressés et sans défauts; les combats et les accidents sont plus rares; on peut avec moins d'inconvénients les abandonner dans les pâturages ; s'ils s'en échap- pent, c’est pour rentrer dans leurs étables, où ils sont bien traités. La nourriture a de même beaucoup d'influence sur les animaux: un cheval qui ne mange que des four- rages verts, n'a pas le feu de celui nourri de foin et d'avoine (1). La trop grande abondance d’aliments les (1) On est forcé, dans les villes et les grandes exploitations, de nourrir les chevaux de fourrages secs et de grains, parce que les fourrages verts ne peuvent se conserver et se transporter qu'à grands frais. Le mélange de nourriture verte est plus économique, 416 CHAPITRE VIII. rend volumineux, pesants avant l’âge, et les expose à de graves maladies; la disette ou la mauvaise qua- lité des fourrages en occasione d’également funestes. C'est par le choix et la variété des aliments et la régularité des repas, qu'on parvient à maintenir les troupeaux dans un état continuel de vigueur et de santé. L'éducation et la nourriture des bestiaux ont de l'influence sur leur plus ou moins grande facilité à s'engraisser. On sait que les animaux vicieux, ou mal nourris dans les premières années, prennent plus difficilement la graisse, et donnent beaucoup moins de bénéfice. L’engrais des bestiaux , de même que le choix de leur nourriture, a donné lieu à beaucoup de recher- ches et d'observations. On peut les organiser de trois manières : en les tenant constamment renfermés dans ‘étable, ou dans les parcages , ou en partie dans l'étable et en partie dans les pâturages. Le mode adopté dans chaque localité dépend beaucoup de la position des lieux (1), de la nature des pâturages et de l’état de la culture. plus salutaire et préférable. Les chevaux flamands nourris habi- tuellement de fèves, de trefle vert et de fourrage haché, supportent bien un travail journalier, pénible en raison de la bonté de ces aliments succulents et variés. Ils deviennent tout à coup capables de fournir sans inconvénient à une tâche extraordinaire, lors- qu'ils recoivent quelquefois par mois une distribution d'avoine. En résultat, on obtient par cette méthode, avec une dépense moindre , une plus grande somme d'ouvrage, ou bien on peut nourrir plus de chevaux sur une ferme de même étendue. (1) Le prix des fourrages est d'autant plus bas qu'il y a moins ÉDUCATION, NOURRITURE, €ÎC. DES BESTIAUX. 417 Les fermiers d’un pays éloigné des grandes villes, manquant de communications, ont plus de profit à faire des élèves, à engraisser des bestiaux, et à con- sommer ansi sur place leurs récoltes qui sont sans valeur, en raison de la difficulté des transports. Leurs bestiaux se transportent eux-mêmes à de grandes distances et à peu de frais; ces fermiers entrent en concurrence, même sur des marchés éloignés, avec des agriculteurs les plus, favorisés par le voisinage des villes et des ports, et par la multiplicité des com- munications. Lorsque les campagnes sont percées de bonnes routes, et sont traversées par des canaux navigables qui communiquent à de grandes villes, les cultiva- teurs ont moins de profit à élever et engraisser les bestiaux qu'à vendre les produit de leurs, troupeaux et de leurs champs; et plus ces campagnes sont rapprochées des grandes villes, plus ils ont intérêt à rendre cette vente immédiate, journalière et détaillée, plus ils doivent s'appliquer à se fournir des produits qu’on peut faire venir de loin. de communications et de population; il est quelquefois double ou triple à dix lieues de distance, et en général il est plus va- riable que celui de la viande. Un bœuf est conduit en huit jours à peu de frais du pays le plus pauvre au pays le plus riche; il vaut, par celte raison, presque autant dans le premier que dans l’autre. On peut donc dire que moins un pays est peuplé et civi- lisé, plus les communications y sont difficiles, plus il y a d’avan- tage à élever et à engraisser les troupeaux. Par la même raison, un fermier placé près d'une grande ville ou dans un pays très- peuplé, a plus d'intérêt à vendre l'excédent de ses récoltes , qu'à éleyer ou à engraisser des bestiaux. Agricult. de la Flandre, 27 ER CHAPITRE VIII. Le département du Nord présente dans les détails et les méthodes d'exploitation, tous les contrastes de position, ainsi que même toutes les variétés d’u- sage, par cette influence inévitable des circonstances locales sur les habitudes. Les cultivateurs des environs de lulle, d’Avesneg! d'Hazebrouck et de Bergues, ont chacun des prati- ques différentes, opposées même (1), et réunissent sur une faible étendue les méthodes diverses suivies dans le reste de la France et de l'Europe. A Lille, les troupeaux ne quittent pas l’étable ; à Avesnes, on les abandonne le jour dans les bois ou les prairies, et on les rentre le soir; dans l’arrondissement de Dunkerque, et particulièrement à Bergues, on laisse les vaches six mois consécutifs dans les parcours la nuit et le Jour. Chacune de ces méthodes est peut-être cependant la meilleure pour le moment dans la localité où elle est adoptée. Par exemple, dansles environs d'Avesnes, d'Hazebrouck et de Bergues, les communications sont peu nombreuses et difficiles ; les villes petites et en petit nombre; la population plus rare est disséminée dans les campagnes; les terres et tous les produits (1) Gomme nous avons dû souvent parler de ce qui se pratique dans les différents arrondissements du Nord, il est à craindre que nos observations ne paraissent quelquefois contradictoires à ceux qui ne se représenteraient pas exactement les localités. Il est essentiel de distinguer, chaque fois, l’arrondissement dont nous parlons , et de se rappeler que ce que nous disons des environs de Lille ne peut s'appliquer à quelques licues hors du territoire de cet arrondissement. En dépassant des limites, tout change, même dans le reste du département du Nord. ÉDUCATION , NOURRITURE , @LC. DES BESTIAUX. 419 ont par cela même peu de valeurStaussi le cultivateur a plus de profit à vendre les bêtes jeunes ou grasses, que ses récoltes , et plus d'avantages à les laisser libres dans les pâturages clos, qu'à les nourrir à grands frais à l’étable, parce que la valeur locative des terres étant moins élevée, et les transports des récoltes à la ferme tres- difficiles, il cherche plutôt à écono- miser sur les frais d'exploitation que sur ceux de fermage. Les prairies, par cette raison, y sont plus recherchées que les terres, et toute la rente des do- maines se compose de la vente du fromage, du beurre et surtout des bestiaux. Dans les arrondissements intermédiaires de Cam- braiï et de Douai, les usages sont mixtes; on conduit les troupeaux sur les champs après les récoltes, et on les nourrit en partie au -dehors et en partie dans ‘étable. Les autres détails de culture sont également un mélange de ceux adoptés au centre et aux extré- mités du, département du Nord, et se rapprochent en beaucoup de points de ceux suivis dans l’intérieur de la France. Comme les usages adoptés dans les parties intermé- diaires du département du Nord, ne présentent rien de nouveau et d’intéressant, nous nous abstiendrons d'en parler ; nous nous bornerons à décrire ce qui se pratique dans une ferme placée sur les bords de la basse Deüle. Nous avons plusieurs fois remarqué que dans cette partie de l'arrondissement de Lille, les campagnes sont coupées en tous sens par des routes pavées et bonnes en toute saison , et par un canal d’une navigation continue; que la population des campagnes , comme celle des villes, est très-nom- 27. 426 CHAPITRE VIIR breuse, essentiellement commercante et riche; que les terres ont une grande valeur, soit vénale, soit locative; que les fermes sont petites, isolées, et que les bâtiments sont situés au cenire de l’exploi- tation. Toutes ces circonstances ont eu nécessairement une grande influence sur le choix du fermier dans ses méthodes d'exploitation. Son système pourrait paraitre d’abord singulier et vicieux; mais en le mé- ditant on reconnait qu'il est bien entendu et parfai- tement coordonné à toutes les circonstances de lo- calité. Après l'avoir décrit, nous donnerons quelques détails sur les pratiques des fermiers des environs de -Bergues, pays qui fait aussi partie de la Flandre francaise, où le langage comme les habitudes se con- servent dans leur originalité primitive. DE L'ÉDUCATION DES TROUPEAUX DANS L'ARRONDISSEMENT DE LILLE. Le cultivateur des environs de Lille exempt pen- dant des siècles des monopoles et des impôts arbi- traires , est par cela même essentiellement bon; 1l est très-civilisé, parce que la population est très-nom- breuse, et a été long-temps libre; il est instruit, parce qu'il jouit de beaucoup d’aisance. Ces qualités se montrent dans les soins qu'il prend de ses trou- peaux; il les traite avec douceur, les nourrit bien , et ne les frappe que rarement. Jamais le laboureur à la charrue ne tient de fouet; il ne se sert des rênes que pour faire tourner ses chevaux ; il parle, et ils obeéissent aussitôt à sa voix. ÉDUCATION ; NOURRITURE, @ÎC. DES BFSTIAUX. 4921 Les chevaux et les vaches tenus toute l’année à l'étable, perdant ainsi de leur vivacité et de leur vigueur, doivent être , il est vrai, plus faciles à con- duire ; cependant leur docilité est plutôt le prix des soins extrémes qu'ils recoivent. En effet, les fermiers des environs de Lille ne pouvant ni élever, ni en- graisser des bestiaux, en raison de la cherté des fourrages, achètent une partie de leurs chevaux et de leurs vaches ; ils savent les corriger de leurs vices, et les rendent , à force de précautions , aussi dociles que les bêtes qu'ils élèvent. On peut seulement leur faire le reproche de ne point chercher assez à per- fectionner leurs races, et de préférer les chevaux lourds à ceux de plus d'apparence et de prix. A Ja vérité ils étaient autrefois parvenus à créer une race de vaches superbes; mais la guerre a détruit en partie l'espèce flamande qu'on essaie maintenant de régénérer. L'éducation des troupeaux, quant aux soims, est bien entendue; mais les cultivateurs obtiendraient plus de bénéfices si les races étaient plus perfectionnées. Un établissement de beaux haras, tenu par des par- ticuliers, augmenterait beauconp la prospérité du département du Nord. La seule pratique du fermier qu’on puisse peut- être trouver mauvaise, est celle de tenir constam- ment les troupeaux à l’étable; mais cette habitude est presque forcée, et nullement du choix du fer- mier. La terre a tant de valeur qu'il doit en tirer les plus gros revenus ; il faut donc qu'il médite le moyen d'entretenir le plus de troupeaux aux moindres frais 422 CHAPITRE VIII. possibles, et sa méthode est sans contredit la meil- leure pour atteindre ce but. Au reste, 1l sait prévenir les maux que causerait à ses bétes une vie trop sédentaire; il les laisse des jours entiers dans des vergers, où elles sont à l’om- bre sous de gros arbres. Le grand air, une bonne nourriture les maintient en parfaite santé. DE LA NOURRITURE DES BESTIAUX. La variété de la nourriture plait aux animaux, comme la variété des récoltes convient à la terre. Cette remarque n’a point échappé à la sagacité du fermier flamand. Nous avons. dit qu'il cultivait en grand la plupart des plantes de jardin, et avec au- tant d'intelligence et de soin que le plus habile jar- dinier. Le fermier se procure ainsi, chaque année, d'abondantes récoltes de plantes céréales, légumi- neuses, etc. Il sait préparer, mélanger ou alterner avec intelligence ces différents aliments; 1l nourrit ses chevaux et ses vaches alternativement de foin, de paille, de navets, carottes, betteraves, choux- collets et de pommes de terre; il fait aussi usage de la fane verte de ces plantes , et sait conserver et don- ner en toute saison une nourriture verte, abondante et saine. Tantôt il coupe en vert de l'orge ou du seigle, tantôt des fèves, mais le plus souvent du trèfle. Il se ménage une ample provision d’hivernage haché sans être battu ; 1l donne aux bêtes échauffées, des navets; à celles qui sont faibles, une nourriture succulente et forte ; aux vaches portières et laitières, des carottes, du sain-foin en vért, etc. ; aux chevaux ÉDUCATION , NOURRITURE, @tC. DES BESTIAUX. 423 qui travaillent, de l’avoine et force hivernage coupé. Chaque jour, à chaque repas, il varie la nourriture, et sait entretenir, en tout temps, ses bestiaux en parfaite santé. Cet habile agriculteur est convaincu que la rente des troupeaux, comme celle de la terre, augmente à mesure qu'on les tient dans le meilleur état, et que les économies de fourrage ou de culiure finissent par être très-préjudiciables et rumeuses. Le fermier est amplement payé de l'excellente nourriture donnée aux vaches : il en retire beaucoup de beurre et de laitage qu’on porte à la ville sur des voitures destinées à ramener des engrais. Peut-être est-il nécessaire de donner plus de détails sur la succession pendant l’année des nourritures vertes, et sur le mode de leur emploi. Dès le 15 avril, le fermier fauche le sucrion, ou orge d'hiver; c’est en même temps la première nour- riture du printemps, et la plus succulente; il en nourrit pendant 15 jours ses vaches et ses chevaux. L'influence de cet excellent fourrage est rapide : on voit en peu de jours disparaitre les effets du régime échauffant de l'hiver. Les animaux ont bientôt après un poil brillant et court; une peau douce et lisse; ils prennent du ventre et du corps, et deviennent vifs et vigoureux. Plus tard, le sucrion est remplacé par le trèfle, quelquefois par le seigle; ensuite les fèves, la luzerne , l’hivernage et la seconde coupe du trefle, fournissent pendant l’été une nourriture verte; enfin, les navets, carottes, choux, betteraves et pommes de terre, sont conservés et donnés pen- dant l'hiver avec les fourrages secs. L'usage des nourritures vertes est général; le cul- 424 CHAPITRE VIii. tivateur dans ses fréquents voyages à la ville, où al conduit ses produits, et d'où il ramène du fumier, porte toujours sur son chariot des bottes de fourrage vert, ordinairement du trefle. Si les chevaux nourris ainsi ont moins de feu, ils ont aussi bien plus rarement des maladies, et sont capables d’un travail journalier plus soutenu. La nourriture de choux en vert convient surtout aux vaches : leur lait, plus abondant, est aussi plus agréable; peut-être est-il moins caseux et butireux; mais comme une grande partie se vend dans les villes, le fermier trouve plus de bénéfice à augmenter les proportions en lait, qu'en beurre ou fromage. Le laitage et le beurre sont en Flandre une partie essentielle de la nourriture du pauvre comme du riche. Le beurre est un mets servi à tous les repas, et le café au lait sans sucre, le déjeuner habituel de la plupart des ouvriers et garcons de forme. Aussi se fait-il à Lille, et dans les environs, une grande consommation de lait et de beurre. Les prix en sont tres-élevés. On fait venir, il est vrai, du beurre des pays voi- sins; mais il faut payer les frais de transport, les pertes et déchets. La valeur réelle est donc diminuée de ces frais, et celle du beurre des environs augmen- tée de cette différence. Quant au Jait, on ne saurait établir une concurrence au-delà du rayon de quel- ques lieues, un long transport l’altérerait: les fermiers des environs en ont donc le monopole; 1ls peuvent et savent en maintenir le prix élevé. La nourriture des bestiaux des environs de Lille est, en général, parfaitement entendue; le fermier ÉDUCATION, NOURRITURE, @tC+ DES BESTIAUX. 425 est dédommagé par de riches produits, des avances qu'il fait et des peines qu'il se donne, en procurant en toute saison à ses bestiaux les aliments les plus sains. L’abondance, la bonne qualité et la variété de la nourriture , ont eu à la longue une grande influence sur la structure des animaux. Les chevaux sont, en général, très-gros et forts, les vaches élevées et larges; les moutons hauts et de la plus riche taille; mais ces races dépérissent dans toutes les parties du départe- ment où les pâturages sont maigres, la nourriture moins choisie, et les fermiers moins soigneux. DE L'ENGRAISSEMENT DES BESTIAUX ET DE LA VOLAILLE. Le prix des grains, dans les environs de Lille, étant toujours plus élevé qu'ailleurs, on ne peut y engrais- ser de la volaille avec profit; on ne tient que les poules nécessaires pour fournir la ville d'œufs frais, qui se vendent fort cher. Le fermier a plus de profit à vendre les vieilles poules maigres qu’à les engraisser. Les moutons s’engraisseraient rapidement dans le climat humide et les pâturages gras des bords de la basse Deuüle ou de la Lys, et au moyen des carottes, des navets et des pommes de terre que l’on récolte en abondance; mais on trouve plus avantageux gle porter les fourrages et les légumes aux marchés de la ville. On ne tient de troupeaux de moutons (1) que (1) Les moutons sont, en général, mal tenus dans les étables. Cette partie de l’économie rurale est la plus négligée, et la plus h20 CHAPITRE VIIL dans les grandes fermes, où la culture est moins per- fectionnée que dans les petites. Les petits fermiers flamands ne considerent pas , dans leur position, l’engraissement des moutons comme un objet important, et s'occupent encore moins de l’engraissement des bœufs; ils font tous les labours avec des chevaux, et se bornent à élever et conserver les taureaux qu'ils vendent jeunes. Il ne nous reste à examiner que ce qui est relatif . à l’engraissement des vaches et des cochons : chaque fermier porte son attention sur ce point important. Son troupeau se composant en grande partie de vaches , il doit chercher et cherche à s'en défaire avec le plus d'avantage. Pour qu'il y ait profit à engraisser , il faut que lac- croissement en graisse ou en poids d’une bête com- pense et au-delà la valeur du fourrage consommé. Le fermier des environs de Lille, placé dans la contrée d'Europe la plus peuplée, a trop d'intelli- gence pour ne pas régler son exploitation le mieux possible, selon la localité particulière où il se trouve. Il sait qu’une livre de graisse représente au moins 30 livres de plantes et graines céréales et légumi- neuses données à froid ou à chaud; que les dépenses en soins, en combustibles, dépassent quelquefois la a mal entendue : les races ne sont point améliorées, la laine est très-grossière; les écuries sont peu aérées , rarement nettoyées; tout est à corriger. Il faudrait, par une expérience bien faite, détruire le préjugé maintenant établi, que la race des mérinos ne pourrait prospérer sur un sol humide et sans pâturages communs. ÉDUCATION ;, NOURRITURE, €tC. DES BESTIAUX. {427 valeur de la nourriture. Il doit donc examiner si la valeur de cette livre vaut celles des graines ou four- rages consommés , et si cette même nourriture donnée à une vache laitière, n’aurait pas procuré plus de profit. Une bête ne s’engraisse pas lorsqu'elle croît, et difficilement lorsqu’elle a passé l’âge de produire. C'est donc dans le court intervalle qui sépare ces deux époques , intervalle tout au plus de 6 ans pour une vache, qu'il peut être avantageux de l’engraisser. Mais c’est durant ces 6 années seulement qu’elle donne beaucoup de lait et les plus grands produits; au-delà de cet âge, il faut ou la vendre ou l’engraisser; et pour l’engraisser il faut augmenter la quantité et la qualité de la nourriture, et souvent donner celle de deux vaches laitières à une seule à l’engrais. Près de Lille, les denrées ont tant de prix que les bêtes bien engraissées ne vaudraient pas ce qu’elles auraient consommé; le fermier aurait donc perdu le prix de ses soins, et la valeur de la bête maigre. Mais à Lille, où la garnison et la classe d’ouvriers sont nombreuses, les vaches maigres se vendent très- cher, et bien plus encore en raison de leur poids que de leur graisse. IL est donc de l'intérêt du fermier de ne pas en- graisser complettement des bœufs on des vaches, mais de donner seulement de l’embonpoint aux vieilles vaches qui cessent de produire , afin de les vendre plus chérement. Cette méthode du fermier flamand peut être justifiée, eu égard aux circonstances locales où 1l se trouve. Des soins, une bonne nourriture choisie et mé- 428 CHAPITRE VIII nagée, suffisent, sans grande dépense, pour donner de l'embonpoint aux vaches. C’est un état de santé qui s'annonce par le poil brillant de l'animal, sa vi- gueur, son agilité. La graisse, au contraire, est une espèce de maladie qui suppose le relâchement des fibres, donne lieu aux plus graves accidents, etne s'obtient que par l'excès de nourritures succulentes et d’une grande valeur ; aussi on prépare les troupeaux à prendre de la graisse en les soignant, en leur don- nant des boissons chaudes et des fourrages relàächants, qui dilatent les fibres et font place à la graisse, qui s'interpose entre les muscles. Peu à peu elle gagne les viscères du bas ventre; le ventre s’arrondit; toutes les parties saillantes du corps disparaissent. L'animal devient lourd, paresseux, insensible , mais sujet à de graves accidents : souvent la graisse se mêle avec le sang, où les moindres accidents la répercutent, et font perdre en quelques jours les dépenses de plu- sieurs mois. Le fermier flamand est donc pourvu d’une grande sagacité en » INTÉRIEUR DES FERMES; étC., EMPLOI DU LAITAGE 441 chose que l'enveloppe intérieure du cacao, rejetée dans les préparations des fabriques. On sert au diner et au souper , d’abondantes soupes aux légumes et au beurre, et.des pommes de terre, ou autres légumes cuits séparément et à l’eau, et pour boisson du petit lait, ou lait de beurre. On ne voit de bière ou de viande sur la table des petits fer- miers, que dans les jours de fêtes, ou d'événements mémorables pour la famille. Chez les plus aisés on fait la soupe au lait ou à la viande, le dimanche, et on ne sert de la bière que ce seul jour chaque semaine. Entre les repas, les ouvriers ont l'habitude de man- ger dans le champ, deux fois par Jour, des tranches de pain frottées de beurre qu'ils nomment tartines. Dans beaucoup d’autres pays, les ouvriers, 1l est vrai, font également cinq repas; mais c’est seulement dans les temps où les travaux sont extraordinaires et pressés: 1ci c'est une habitude de toute l’année; parce que chaque jour de chaque saison est complètement et utilement rempli, l'ouvrage étant distribué d'une manière presque uniforme depuis le premier jour du printemps jusqu'au dernier de l'hiver. Dans les environs de lille, les femmes, en géné- ral, ne sont point astreintes à des ouvrages bien pé- nibles : leur tâche est de nettoyer les cultures avec de petites houes; d'aider à planter; de éouper les fourrages verts pour les bestiaux, et de soigner les vaches; jamais elles ne sont obligées de travailler à la terre. Le nombre de vaches étant d'environ deux pour trois hectares, où de 16 à 17 pour une petite ferme de 25 hectares, la fermière, ses filles et la 442 CHAPITRE IX. servante sont suffisamment occupées le jour des soins et travaux de leur ressort, qui leur sont abandonnés; le soir elles filent ou font de la dentelle. Dans ce nombre de 16 à 17 vaches on peut en compter dix à douze laitières’, et le reste est de gé- nisses de différents âges. Comme chaque vache donne de 20 à 50 litres de lait par jour, le produit moyen journalier est donc de 00 à 360 litres de lait, et de 8 à 12 livres de beurre. Une partie du lait frais est envoyé au marché; le reste sert à faire du beurre, du fromage à la crême, qu'on vend de même chaque semaine. Le lait de beurre qu'on en retire suffit et au-delà à la consom- mation du ménage; le reste est donné aux génisses ou aux cochons qu'on engraisse. Le grand nombre de belles et d'excellentes vaches nourries sur une petite étendue, explique comment la fermière parvient à procurer aux gens de la ferme une excellente nourriture, par l'addition du laitage, du beurre, et à obtenir chaque jour directement de gros profits, par la vente journalière du lait, du beurre et du fromage. On peut fixer à 1 fr. 25 cent. ou 25 sous, le prix du beurre; huit livres par jour à ce prix font 10 fr. ou 3650 fr. par an. Le lait donne également beau- coup de produits; mais on n’en porte qu’une portion au marché; la plus grande partie sert à donner de la crème, du beurre ou du fromage qu'on vend de même, ainsi que le lait de beurre et le petit lait né- cessaires à la consommation de la ferme. Le produit journalier d’une vache laitiere est d’en- viron 2 fr., et le produit moyen de tout le troupeau, ” INTÉRIEUR DES FERMES , etC., EMPLOI DU LAITAGE. 445 y compris les génisses, de 1 fr. 50 cent., non com- pris la valeur des veaux et celle des engrais précieux qu'ils fournissent. Pendant la belle saison, les femmes de la ferme sont très-occupées aux soims de tous les instants dont nous venons de parler. Mais lorsque la presque to- talité des récoltes est rentrée; que les labourages et les semailles sont finis, les garcons de ferme et les fils de ia maison s'occupent de soigner les vaches à l’étable. Les femmes alors reprennent les ouvrages d'hiver ; elles filent le lin qu'on emploie dans les fa- briques de Lille, et gagnent par ce travail supplé- mentaire le prix des toiles consommées dans la mai- son, et leurs frais d'entretien. Ces ouvrières infati- gables commencent la journée plusieurs heures avant le lever du soleil, et la prolongent tres-avant dans la nuit. Dans aucun pays peut-être les habitants de la campagne ne connaissent aussi bien l’emploi du temps, et ne méritent mieux d'obtenir cet état d’ai- sance et de satisfaction que l’on remarque générale- ment dans les environs de Lille. En entrant dans une petite ferme flamande, on est frappé de l'esprit d'ordre et de l’air de propreté qui se montre partout ; la vaisselle est nombreuse; beau- coup de vases sont en cuivre, toujours nettoyés et brillants ; chaque jour la servante vigilante frotte avec du grès, la pelle, les pincettes, la crémaillère et autres ustensiles de ménage qui souvent manquent ailleurs, ou sont toujours couverts de rouille. Le samedi, la maison toute entière du plus pauvre cultivateur est lavée et frottée. À la vérité, le charbon dont on fait généralement usage, oblige à plus de soins et de pro- 444 CHAPITRE IX. preté; et le besoin peut-être leur à rendu ces qua- lités plus nécessaires; mais il faut surtout les attri- buer à l’aisance, à l’instrucuon et à la vigilance de ces estimables cultivateurs. Le même ordre et la même propreté se font re- marquer dans tous les soins de la laiterie. Malheureu- sement, par une économie trop stricte, on emploie trop généralement les vases en cuivre. Pour prévenir tes dangers de ce métal, on augmente, il est vrai, la proportion d'étain; le mélange, d’un jaune clair, est moins sujet à prendre le vert-de-gris; cependant les vases en bois sont bien préférables, et sont adoptés par les cultivateurs les plus éclairés. Les cultivateurs se garantissent, à force de pro- preté, des effets funestes du cuivre dans les usages domestiques , et ne se servent que rarement des vases de terre, dont le vernis d’oxide de plomb est aussi dangereux que le cuivre. Les vases de terre, très-fra- giles, coûtent beaucoup plus à la longue, que ceux en bois ou en cuivre; aussi les flamands, essentielle- ment économes, préferent ceux-ci aux autres, et par cette mème raison, aiment mieux faire usage du cuivre que du bois. Ordinairement la laiterie est une cave peu profonde, saine et aérée. On a soin de laver souvent l'aire, qui est en brique, et de ne déposer dans la cave aucun corps étranger qui pourrait corrompre le lait par l'odeur ou par la fermentation. En général les détails de la fabrication du beurre et du fromage, et tous ceux de la laiterie sont bien entendus, et pourraient être proposés pour modèle dans une grande partie de la France. .. INTÉRIEUR DES FERMES, €tC., EMPLOI DU LAITAGE. 445 On voit que dans une ferme flamande, les femmes comme les hommes n’ont pas un instant de repos(r), et que chaque jour amène un travail nécessaire et de toute la journée. Les fermiers tiennent peu de poules, et ont soin de les laisser renfermées dans la cour de la ferme pendant le temps des semailles, afin de garantir de leurs atteintes la culture des jardins et des champs. Par la même raison on n’élève pas de pigeons bizets qui sont même proscrits, sinon par des lois, du moins par l'usage. Les petits propriétaires les tueraient pour sauver leurs récoltes. (1) Chaque jour ils ont mille soins variés à remplir, beaucoup de travaux à faire ; leur prévoyance les tient sans cesse en haleine, et dans l’impatience d'améliorer leur sort, Cette activité conti- nuelle et une abondante nourriture leur donnent une santé vigoureuse, et les précautions qu'ils prennent pour l’avenir, les empêchent de le redouter; mais, soumis à cette loi souveraine de la nature, qui semble compenser les biens et les maux et les distri- buer uniformément sur la terre, on remarque rarement sur leur physionomie Fheureuse insouciance qui distingue les habitants des pays moins fertiles ou mal cultivés, et surtout ceux des pays vignobles. Ceux-ci jouissent des bienfaits accidentels de la fortune, comme s'ils devaient cesser; ils se livrent, dans les années heu- reuses, à tous les plaisirs, à des dépenses folles, sacrifiant le pré- sent à l'avenir. Le Flamand, au contraire , toujours sévère et en crainte de l’avemir, se confie moins au destin, et semble ne compter que sur son travail ; aussi les riches récoltes qu’il obtient sont moins dues à la fertilité de la terre et à la faveur des saisons qu’à ses excessifs travaux de tous les jours. Le vigneron croit plus à la fatalité, et l'expérience paraît le justifier; ses récoltes sont incertaines , et le plus léger changement dans latmosphère, un froid léger, détruit sans ressources ses espérances pour plnsieurs années, 446 CHAPITRE IX. Les jardins des fermes sont cultivés avec plus de soin encore que les champs, et les récoltes en sont aussi variées qu'abondantes. Rarement les jardins sont arrosés; cependant la végétation des plantes y est très-rapide; il faut en attribuer la richesse à l'in- fluence d’un ombrage léger, à la profondeur du ter- rain et de la culture, et à la puissance des engrais liquides. Les plantes favorisées par de bonnes prépa- rations jettent des racines profondes qui vont aspirer dans les couches basses l’eau et les engrais, et recoi- vent par les tiges vigoureuses les sucs que fournit l'atmosphère toujours humide. Les cultivateurs flamands récoltent en plantes lé- gumineuses bien au-delà de leurs besoins, et con- servent dans des caves voütées les provisions d’hiver qu'ils portent au marché deux fois la semaine. Ils ont soin de ne faire consommer dans le ménage que les racines à’ bas prix et de vendre la presque tota- lité de celles qui ont beaucoup de valeur. Redisons encore que ces fermiers industrieux sont, dans tous les détails de leurs travaux et de leur vie, d’infati- gables jardiniers et des commerçants économes et habiles. On ne fabrique pas, dans les environs de Lille, de fromages renommés; mais on fait, avec le lait écrémé, des fromages à la crème dont les fermiers fournissent les marchés de Lille. Comme cette ville est commerçante et riche, qu'elle forme avec les fau- bourgs, une population de 80,000 ames, toute vente journalière de laitage , de beurre et de fromage donne de bien plus grands bénéfices que des fromages sees qui auraient une grande réputation; les fermiers du pays car xr on : rs D me INTÉRIEUR DES FERMES, etC.; EMPLOI DU LAITAGE. 447 se trouveratent en concurrence avec ceux éloignés qui ont des päturages à bas prix et peuvent donner leurs productions à meilleur marché. Les fromages renommés du département du Nord se fabriquent dans les arrondissements d’Avesnes et de Bergues, où les päturages sont étendus, l’Agricul- iure moins avancée, les communications plus diffi- ciles et les villes petites et éloignées. Dans de telles localités, les cultivateurs n'ont pas la possibilité de vendre avec avantage leurs produits sans prépara- tons; ils doivent se livrer aux soins d'élever et d’en- graisser des bestiaux et de fabriquer des fromages et du beurre, afin de les expédier au loin; ils sont for- cés de transformer leurs récoltes et de les réduire au plus faible volume, afin de diminuer les frais d'ex- ploitation , et d'entrer avec moims de perte, sur les marchés éloignés, en concurrence avec les producteurs plus voisins où ceux favorisés par la facilité des com- munications. Ces cultivateurs fabriquent une grande quantité de beurre et surtout de fromages, qui s'expédient dans l'intérieur ou à l'étranger; mais dans ce genre de commerce comme dans tout autre, ceux qui l’exer- cent semblent se conformer aux usages adoptés dans les pays voisins, plus renommés pour ce genre de commerce: Bergues, par exemple, fait des fromages semblables à ceux de la Hollande; et Maroilles en fa- brique de pareils à ceux de Mont-Didier et autres villes intérieures dont les fromages ont de la réputation. Les fromages de Bergues et ceux de Maroilles ne se ressemblent point; mais c'est au mode de prépa- ration qu'on doit en attribuer les différences. 11 paraît 448 CHAPITRE IX. prouvé que les qualités du beurre et du fromage dé- pendent plus des procédés suivis dans la fabrication que de la nature des herbages, et que la réputation de ceux préparés dans quelques localités doit être surtout attribuée à quelques mélanges d'herbes et aux proportions différentes de lait et de crème. Il est de même constaté que les terrains plus gras et plus humides donnent du lait plus butireux que caseux , et qu'au contraire les prairies sèches rendent le lait plus caseux que butireux. Cette influence bien re- connue par les fermiers flamands, les détermine dans le choix de l'emploi du lait. A Bergues on fait deux espèces de fromages, le fro- mage maigre et le fromage gras. Pour faire le fro- mage maigre, on verse dans un vase de cuivre le lait de la veille après l'avoir écrémé; on le laisse déposer une ou deux heures; on en fait chauffer le tiers qu'on retire avant l’ébullition, et on remet ce tiers dans le premier vase, en y ajoutant, pour le faire prendre, une cuillerée de présure, ou liqueur acide tirée de l'estomac du veau; la partie caillée est retirée et étendue sur un linge propre, où le fromage est pétri avec les mains pour en rapprocher les parties; on soumet ensuite le tout sous une presse afin d’en faire sortir tout le petit lait; enfin on met le fromage dans un moule en bois que l’on expose pendant 36 heures devant le feu , en le retournant sonvent. Le lait donne le 5° de son poids en fromage. Le fromage gras se fait en laissant la crème avec le lait, et en opérant du reste exactement de la même manière que pour le fromage maigre. Le fromage de Maroilles se prépare avec des herbes INTÉRIEUR DES FERMES, €tC., ABEILLES. 449 ex de Ja graine de fenouil on ne retire la crème que sur le lait du soir, ce qui lui donne plus de qua- lité. Le meilleur se fait en laissant toute la crème et en n'employant que du lait frais. Il n’est ni pétri ni soumis à une presse comme celui de Bergues, se con- serve moins bien et ne peut être transporté à une aussi grande distance. Il nous reste à parler des abeilles. C’est une partie fort négligée dans l'arrondissement de Lille. Si Zthur Yong a eu souvent occasion et raison de louer les pratiques des fermiers flamands , et de les citer pour modele, les agronomes qui ont médité sur l’éducation des abeilles trouveront à critiquer dans ce pays, où les importantes découvertes de l'illustre aveugle de Genève sont encore ignorées. À lexception de quel- ques grands propriétaires fort instruits, au courant de toutes les sciences, et qu’il fant toujours excepter lorsqu'on parle en général; on peut dire que nulle amélioration en ce genre n’a été faite depuis des siècles. Les vers de papillons, nommés teignes, dévo- rent les vieilles ruches; la forme de ces ruches est vicieuse ; on ne sait point en faire en feuillets ou avec des hausses, ou à plusieurs compartiments, pour les visiter, les nettoyer, et enlever le miel sans faire périr les abeilles ; on est dans l'usage de les enfumer ou de les noyer, procédés destructeurs qui diminuent les bénéfices et les ruches , et annoncent une grande ignorance des principes de cette branche importante de l'économie rurale. Les fermiers ne savent pas distinguer la reine, et ne connaissent m les particularités relatifs aux fonc- tions de cette reme et des antres abeilies, ni les autres Agricult. de la Flandre, 29 40 CHAPITRE IX. détails décrits dans tous les ouvrages; ils ne peuvent donc conduire les abeilles avec intelligence et en tirer le meilleur parti. C’est sans doute à ces circonstances qu'il faut attribuer le petit nombre de ruches qu'on remarque dans les fermes, et les faibles produits qu'on en retire. Cependant il est juste d'observer que ce pays étant très-peuplé, chaque ferme ne pourrait en avoir beau- coup; les abeilles se nuiraïient, et manqueraient d’au- tant plus vite de nourriture que les ruches sont très- fortes. Le miel de Flandre est de mauvaise qualité; les fleurs de colza lui donnent une couleur rouge et un goût désagréable, aussi on ne l’emploie qu'aux usages de pharmacie. Peut-être avec des soins, surtout avec d’autres formes de ruches, on obtiendrait un miel d'été et d'automne qui serait excellent. À la vérité, dans aucune autre partie de la France, les ruches ne sont conduites avec plus d'intelligence et de soins; mais on doit s'étonner que les fermiers flamands, qui ont porté toutes les branches de lAgri- culture au plus haut degré de perfection, n'aient point avancé celle qu'ils ont honorée en formant des sociétés pour l'éducation des abeilles, et en dé- cernant des prix aux cultivateurs les plus habiles à les élever. Les autres pratiques intérieures de la ferme ne présentant pas de particularités remarquables, il se- rait inutile de les détailler; nous nous bornerons à faire une derniere observation. Le goût passionné des fermiers pour la belle Agriculture et leur habileté, « les portent a cultiver des fleurs autour de leurs de- INTÉRIEUR DES FERMES, €tC., CULT. DES FLEURS. 451 meures, et à tenter dans ce genre de culture, comme dans tous les autres, des espèces de tours de force. Ils sont parvenus par beaucoup de persévérance et de soins à multiphier à l'infini, au moyen des semis, les variétés d’œillets, de primevères, d'oreilles d'ours et de roses , et obtiennent chaque année des espèces nouvelles très-recherchées; mais ils attachent trop d'importance à la variété, à la multiplicité et à l'op- position des couleurs ; beautés de convention qui frappent peu les étrangers. Ces fleurs rares ont moins de prix, parce qu'on ne peut les transporter; les es- pèces se perdent rapidement, et dégénerent en fleurs simples, lorsqu'on les change de climat ou de terre. L'air humide et couvert de la Flandre, la terre franche et profonde conviennent essentiellement aux fleurs, et favorisent les jeux extraordinaires de la nature. Au reste, cette mode suivie avec passion, 1l y a cin- quante ans, par les hommes riches ou aisés, est pres- que passée, et on ne voit plus de gens enthousiastes et passionnés comme autrefois acheter au prix de l'or des variétés semblables aux leurs, pour les détruire et jouir de l'honneur d’être seuls propriétaires d'espèces nouvelles. 20 : RSR RD D RTE Me à TT AE Se RE OR RE Te A AT AT A IT TE TS AT CHAPELRE, 2 RECAPITULATION OU RÉSUMÉ DES PRINCIPES GÉNÉRAUX DE L'AGRICULTURE FLAMANDE; DES CAUSES DE SON ANCIENNE PROSPÉRITÉ , ET DE SON ÉTAT STATIONNAIRE; DES AMÉLIORATIONS A FAIRE EN FLANDRE, ET DES MOYENS D'INTRODUIRE DANS TOUTE LA FRANCE LES MEILLEURES PRATIQUES AGRICOLES DU DÉPARTEMENT DU NORpD., LA Flandre française, placée au sommet de la civi- lisation , renferme, comme un réservoir mmense, des connaissances agricoles, qui se répandent sur les contrées les plus éloignées, de mème que les glaciers, des Alpes, situés sur les pics les plus hauts, versent les fleuves et la fécondité jusqu'aux extrémités de la terre. Les causes morales et physiques qui alimentent ces sources intarissables de richesses, semblent avoir entre elles quelque analogie , ainsi que leurs effets. Par l'influence de la lumiere, les vapeurs, tribut des mers, sont portées et se condensent sur les hautes montagnes : par l'influence de la liberté, les produits RÉCAPITULATION. 453 et les richesses des différents pays passent de mème, comme des tributs, des peuples esclaves aux nations les plus libres ou les mieux gouvernéeés. La Flandre fut le pays le plus tôt libre et pendant long-temps le mieux administré : aussi c’est dans la Flandre où se formerent les premiers et les plus ha- biles agriculteurs et fabricants, et c’est de la Flandre opprimée que sortirent les fondateurs des premiers établissement commerciaux et agricoles de la Hoi- lande et de l'Angleterre, maintenant lasile le plus assuré contre l'arbitraire, et par cèla mème l’entre- pôt du monde. RÉSUMÉ DES PRINCIPES GÉNÉRAUX DE L'AGRICULTURE FLAMANDE. Les jachères sout supprimées dans les environs de Lille; chaque année donne une récolte et quelque- fois deux. Le mème jour ou le lendemain d’une moisson, on herse, et on laboure, afin d'enlever ou de détruire les plantes nuisibles avant la maturité de leur graine. La vaine pature est inconnue : les cultivateurs ne laissent jamais paitre leurs bestiaux sur leurs propres champs, afin de prévenir le piétinement, qui serait si nuisible sur ces terres argileuses ou à brique. Les champs. sont clos, et la plupart entourés de fossés profonds que les bestiaux ne peuvent frauchir ; la forme des champs représente un prisme, dont le sonnnel on le milieu du champ est à deux ou trois mètres au-dessus de la base, Ces fossés, de niveau. FF 054 CHAPITRE xX. où viennent se déposer les terres et les engrais en- trainés par les pluies, sont curés chaque année à vif- fond, et les terres de déblais sont répandues au loin sur le sol; ce qui en renouvelle la surface. Par la disposition des bâtiments de la ferme, placés au centre de l'exploitation , les frais de transport des engrais et des récoltes sont très-réduits, et la sur- veillance du fermier devient facile et de tous les in- stants. Une telle centralisation des bâtiments et des terres doit donner des revenus souvent doubles de ceux qu’on retirerait d’une ferme de même grandeur, de terrain semblable, mais dont les champs seraient dispersés à une grande distance. Près des fermes on réserve des vergers, ou pâtu- rages plantés d'arbres forestiers et fruitiers, où les bestiaux restent libres une partie du jour et de la nuit dans les temps chauds. Le sol en toute saison, avant et apres les récoltes et les semailles, est toujours ameubli, aéré, engraissé, et nettoyé de plantes nuisibles. Dans l'intervalle d’une récolte aux semailles, la terre recoit trois labours, savoir : deux labours légers et un troisième profond. Le premier détruit les mau- vaises plantes, et fait germer les graines nuisibles; le second fait périr les graines qui ont germé, et dispose le sol sur une surface que l'atmosphère bonifie; le troisième amène à la surface une terre nouvelle ou reposée. Chaque labour est précédé et suivi d’un ou deux hersages et roulages : ainsi la terre , chaque an- née, recoit les mêmes préparations et les améliora- tions que donnerait une jachère complete. On a l'usage de semer où planter de très - bonne RÉCAPITULA TION. 455 heure en automne, et au printemps. Les graines d’au- tomne semées avant l'hiver sont vigoureuses, résis- tent mieux aux insectes et à la gelée; celles du prin- temps, ou les mars, semées aussitôt après les gelées se développent rapidement dans une terre humide; elles acquièrent de l'étendue et de la vigueur avant l'époque où elles sont attaquées par les insectes ; on sait d’ailleurs que plus les plantes restent en terre , plus les récoltes sont abondantes et de bonne qualité. Le laboureur flamand .a découvert les instruments les plus convenables pour chaque espèce de culture; il se sert de trois espèces de charrues: le brabant, le normand , et da rouelle, d’une construction élégante et solide, et d’un effet admirable. > Le brabant a le soc large, tranchant et creux en- dessous; loreille, très-écartée et recourbée. Avec cette charrue les plantes funestes sont coupées; la terre est bien retournée et surtout déplacée, et la raie est large et le sillon relevé. Le brabant est üré par un seul cheval qui suit le fond de Ja raie ouverte, et ne piétine pas la terre remuée. Lorsque le sol est dur et tenace, on laboure sans l'oreille; on se borne à rompre le sol et à former des sillons grossiers que la herse brise. Le normand ne diffère du brabant que par la forme du soc, qui étant aplati et poli en-dessous, coule mieux lorsque la terre est humide : l'une et l'autre de ces charrues sont sans roues; un talon, terminé par un rabot, règle la profondeur du sillon, sert de point d'appui et remplace les roues avec avantage. La troisième charrue, dite rouelle, à deux roues. 456 CHAPITRE X. Les parties en sont combinées et calculées de manière à faire varier à volonté la profondeur du labour. Cette charrue n’a qu'une oreille, qui est mobile, et qu'il faut changer à chaque sillon. La forme de cette oreille est moins parfaite que celles des précédentes; aussi la terre n’est pas retournée aussi complètement. Cet inconvénient et celui de la mobilité sont compensés par l'avantage de suivre le travail, sans être forcé de passer, comme avec les autres, d’une extrémité d’un champ à une autre. On ne laboure avec les deux premières charrues qu'à 4 à à pouces de profondeur; mais avec la rouelle on est dans l’usage aller à 8, 9 et 10 pouces. Le hersage est considéré comme un demi-labour et comme un complément nécessaire; les mauvaises herbes sont arrachées, tirées et enlevées : aussi cha- que coup de charrue est précédé ou suivi d’un her- sage. Le rouleau écrase les mottes, ameublit la terre, recouvre les semences, plombe le sol, le rend uni, et le prépare à recevoir également les pluies et les engrais liquides. On se propose par les labours , de purger le sol des plantes nuisibles, d’en faire germer les graines, d'en détruire les nouveaux germes ; de soumettre la terre à latmosphère, de laérer, de Fameublir, et de pré- parer aux jeunes plantes un terrain convenable, où les racines se développent avec facilité; et de recouvrir les graines par une couche légère et serrée. Ces con- ditions sont exactement remplies par le fermier fla- mand. Cet agriculteur cultive une grande variété de plan- RECAPITULATION. 457 tes, et avec autant de régularité et d'intelligence qu'un habile jardinier. Au moyen de la variété des cultures , il s'assure contre l'intempérie des saisons. Si un temps sec nuit à une plante, il est en même temps favorable à une autre, qui compense par ses riches produits les autres mauvaises récoltes. Lorsqu'une plante périt par les gelées ou les grandes chaleurs, il la remplace aussitôt par de nouvelles qui donnent un produit la même an- née. La terre est toujours si bien préparée que quel- ques jours après la récolte on peut de nouveau Pensemencer. Cette multiplicité de plantes qu’on doit semer, nettoyer, récolter à des époques diverses, distribue le travail de l’année d’une manière uniforme. Le Fla- mand, pendant dix mois, sème, plante ou récolte presque chaque jour; il n’est donc jamais ni oisif, ni pressé , et rarement les sécheresses ou les fortes pluies lui font perdre le moment favorable des récoltes ou des semailles. Les gens de la ferme enlèvent sans se- cours étrangers en deux ou trois jours chaque espèce de récolte. Sept à huit jours de beau temps par mois suffisent pour fournir à tous les travaux indispen- sables, et presque toujours on peut compter sur un plus grand nombre. Par cette variété de culture, la- griculteur flamand multiplie à l'infini les assolements et en prolonge la durée. C'est dans le choix et la succession des récoltes qu'il s'est acquis le plus de célébrité, et qu'il montre le plus d’habileté; ses procédés sont justifiés par la théorie qu'il ne connait pas et qu'il a devancée. Ses 458 CHAPITRE X. excellentes pratiques, que nous allons rappeler, pour- raient être adoptées dans beaucoup de pays. Il fait ordinairement précéder une plante d’une certaine famille par une plante d’une famille diffé- rente; et dans le retour des familles il a soin d’en faire varier les espèces de manière à étendre la pé- riode de rotation, et à ne faire revenir que le plus tard possible la même plante sur le même sol. Il rem- place chaque plante par celle qui en diffère le plus : les oléagineuses par les céréales ; celles-ci par les légu- mineuses, etc. Aux plantes qui doivent mürir tard, ou épuiser et infester le sol de mauvaises herbes, | succèdent les plantes vertes, coupées pour fourrage, qui engraissent et nettoient le terrain. Apres les graines traçantes il en met de pivotantes, et toujours une culture non sarclée ou peu sarclée est précédée et suivie d'une culture plusieurs fois sarclée. Ces regles, adoptées et suivies depuis plus d’un siècle par le fermier le moins instruit de la Flandre, sont justifiées par les observations et les découvertes récentes des plus habiles agronomes, et paraissent indiquées par la nature, qui renouvelle sans cesse la variété des es- pèces dans les prés et dans les bois. Les plantes que lon considère dans les autres pays comme épuisantes, savoir, le colza, le lin, le ta- bac, etc., sont dans celui-ci essentiellement amélio- rantes ; mais la culture en est parfaite. On multiplie les labours, les engrais, les sarclages, et à peine trou- verait-on une herbe nuisible et étrangère dans un champ de lune ou de l’autre de ces plantes. Le cultivateur flamand est convaincu que les mau- vases herbes épuisent plus le sol que les bonnes : | RÉCAPITULATION. 459 aussi ne conserve-t-il jamais les pousses mauvaises ou médiocres. Si la gelée, la sécheresse , ou les in- sectes détruisent une partie d’un semis, le champ est aussitôt retourné et ensemencé avec une autre gramme: jamais il ne laisse le temps aux plantes nuisibles de prendre possession du terrain. Il sait que les plantes funestes prospèrent par un peu de culture, et péris- sent par une culture plus répétée et mieux faite. Les instruments employés à récolter sont aussi par- faits que ceux du labourage. Le piquet, ou faux à une main, est un outil très-utile ; le travail est plus complet et plus rapide; les plantes sont coupées à quelques lignes de la surface : ainsi les mauvaises herbes sont rasées, se trouvent mélangées avec la paille, et la rendent meilleure ; leurs graines n’ont pas eu le temps de mürir et de se répandre. Les récoltes des fourrages se font avant parfaite maturité , et lorsque la plante est en plaine floraison; le fourrage est plus tendre et plus succulent; la terre moins épuisée , et le sol plus tôt libre. Le fermier flamand emploie une grande variété d'engrais, parmi lesquels il faut distinguer l’engrais liquide, ou flamand , dont Fusage nous paraît étre une des causes les plus puissantes de la grande ferti- lité des terres. Cet engrais échauffe le sol, lhumecte, le sature, ainsi que l'atmosphère, des gaz les plus favorables à la végétation ; les eaux de pluies et des rosées les dissolvent, les portent aux racines, aux feuilles et à tous les organes des plantes : la végéta- tion devient rapide et comme instantanée, sans qu'on ait à redouter les inconvénients qui ont lieu lorsqu'on emploie les mèmes matières à l’état de poussicre. Les 400 CHAPITRE X. plantes n'en contractent point d’odeur, et les bes- taux, même des autres pays, les mangent sans ré- pugnance. On fait aussi un grand usage comme engrais, des iourteaux, qu'on jette dans les caves à engrais h- quide, ou qu'on répand en poussière mélangée avec les graines. Cet engrais est peut-être le plus puissant qu'on connaisse; mais le haut prix oblige d’en réduire la quantité. Le choix dans l'emploi des engrais solides ou liquides dépend de la nature de la culture : si la plante est privotante, on fait usage de fumier d’é- table, qui est enfoui à une profondeur de 6 ou 7 pouces, où les racines viennent plonger; si la plante est traçante, on préfère l’engrais liquide, qui n’en- richit que la surface, où les sucoirs des racines vien- nent se ramifier en tous sens et labsorbent avec l’eau qui en dissout les gaz. Dans la culture des plantes oléagmeuses, on n'é- pargne ni les engrais solides, ni les engrais liquides, ni les soins; d’où il résulte qu'après les plantes les plus épuisantes, la terre est cependant dans le meil- leur état de préparation. Le cultivateur, pour obtenir plus de fumier , pré- venir le piétinement sur les terres, et recueillir les urines des bestiaux, ne les laisse jamais paitre dans les champs; il les tient toute l’année à l’étable et les nourrit en grande partie de fourrage vert; quelque- fois 1l mélange les fourrages secs, mais il a soin d'en faire hacher une partie. IL fait varier chaque jour la nourriture de ses bes- Haux comme la culture des champs, et par [a même raison: il sait que la variété de nourriture plait aux RECA PITULATION. 46: animaux comme la variété de culture convient à la terre ; 1l mêle à leur boisson des farines, des tour- teaux, et donne ces mélanges tantôt ‘froids, tantôt chauds. DES CAUSES QUI ONT FAIT. PROSPÉRER L'AGRICULTURE FLAMANDE, ET QUI EN RENDENT MAINTENANT L'ÉTAT STATIONNAIRE. L’extrême fécondité des terres de la Flandre doit ètre moins attribuée à la fertilité du sol qu’à l’excel- lente culture; mais cette culture admirable est le fruit d’une longue et sage liberté. La Flandre long-temps exempte de monopoles , d'impôts indirects , de taxes arbitraires et de levées d'hommes, protégée par une administration paternelle, fut le pays du monde où les lois avaient le plus de vigueur, les propriétés le plus de garanties, les habitants le plus de sécurité. Chaque homme, certain de conserver ce qu’il avait acquis, ne s'occupait qu'à étendre son industrie; lA- griculture et les manufactures se perfectionnèrent par une influence réciproque; l’aisance et l’industrie devinrent générales; les villes, les campagnes, les grands propriétaires entreprirent des ouvrages utiles; on creusa des canaux à la condition d’en recevoir un revenu; on ouvrit des routes pavées dans toutes les diréctions ; les frais de transport furent réduits; la culture -et les fabriques donnèrent de plus grands bénéfices, qui servirent à entreprendre de plus grandes choses ; tout ce qui pouvait être utile fut aussitôt exé- cuté que proposé. C’est de même à l'influence d’une bonne adminis- tration quil faut attribuer les vertus qui distinguent 462 CHAPITRE X. essentiellement ce peuple recommandable : il est à la fois laborieux, prévoyant, économe, probe, per- sévérant, et capable d’un grand et généreux dévoue- ment pour la patrie, et d’un attachement religieux à ses usages qui remplissent le vide ou les vices des lois. Quelque funestes que soient les innovations ad- mises depuis quarante ans dans le système des impôts, et l'accroissement des charges publiques, les cultiva- teurs de la Flandre conservent encore leurs vertus par l'influence d’antiques usages. Ce sont ces mêmes usages qui empêchent la culture de la Flandre de dé- générer, et la maintiennent stationnaire malgré les causes puissantes qui tendent à la faire rétrograder. Si, en Flandre, les récoltes n'étaient pas plus as- surées que dans plusieurs autres départements de France, l’agriculteur flamand ne pourrait ni culti- ver en grand les plantes légumineuses, ni laisser en meules le blé exposé pendant des années au pillage, ni abandonner ses bestiaux pendant la nuit et sans berger. Comment pourrait-il conserver des champs couverts de carottes, de pommes de terre, etc., si à quelques pas des milliers de malheureux man- quaient de travail et mouraient de faim? Pour que les cultivateurs puissent entreprendre des améliora- tions dispendieuses, et chercher par de grandes avances, et des sacrifices de plusieurs années, à se procurer dans l'avenir de riches récoltes, il faut que la population tout entière soit occupée ou heureuse, et soumise aux usages et aux lois (1). (1) Lorsque les lois sont mauvaises ou négligées, les impôts a RÉCAPITULATION. 463 La Flandre française ne jouit plus des premières et puissantes causes de sa prospérité. On à établi des monopoles, des impôts indirects, des taxes ex- cessives, des levées d'hommes, qui nuisent au com- merce et à l’industrie : d’un autre côté la révolution, en rendant les charges publiques égales, en détrui- sant les priviléges, en distribuant à un grand nombre de petits propriétaires des biens mal tenus par des couvents , a compensé les funestes effets des nouvelles charges publiques. L’Agriculture est maintenant sta- tionnaire ; les fabriques, par la même raison, sont moins florissantes, languissent ; et ce pays ne con- serve ses vertus, son industrie et ses richesses, que par la puissance de longues et bonnes habitudes, et par le concours de circonstances heureuses, le voi- sinage des ports et la facilité des communications. excessifs, la population oïsive et misérable, l’agriculteur est à la merci des gens mal intentionnés ; il redoute d’habiter des champs ou des bâtiments isolés ; évite de cultiver en grand des plantes de jardin qu'il ne pourrait conserver ; les maisons se groupent; les villes, étant plus sûres, sont plus habitées; les fermes ont plus d’étendue ; les terres sont plus écartées des bâtiments; Le logis du fermier ne peut être au milieu du domaine; les frais d'exploitation augmentent , les bénéfices diminuent ; enfin le fermier , par mille circonstances qui dérivent de celles-ci, se trouve dans la nécessité de renoncer aux avantages des bons assolements. Nous croyons que le système d'Agriculture de la Flandre n’est admissible que dans un pays parfaitement gouverné, où les impôts sont modérés, les lois fixes et le gouvernement paternel. 10! CHAPITRE X. DES AMÉLIORATIONS A FAIRE DANS LE DÉPARTEMENT DU NORD. La Flandre française pourrait acquérir une plus grande prospérité; mas les améliorations dont elle est susceptible dépendent directement ou indirecte- ment du gouvernement. Lui seul a le droit de modifier ou supprimer les taxes qui troublent la sécurité des agriculteurs et des fabricants, éloignent de la culture et des fabriques beaucoup d'hommes riches et instruits, les seuls en état d’en accélérer les progrès ; lui seul a le pouvoir d'attirer à la campagne les grands propriétaires par l'attrait des bienfaits que de bonnes institutions leur permettraient de répandre. L'impôt sur le sel pèse uniquement sur l’Agricul- ture; il empêche le fermier d'en donner largement à ses troupeaux, de corriger les vices d’un fourrage humide et de prévenir les épizooties. Cet impôt, qui remplace le droit de barrière, devrait être remplacé par celui-ci, mieux calculé et réglé qu'il ne le fut autrefois, avec ordre et économie, comme en Angle- terre et en Allemagne. Le monopole du tabac, que se réserve le gouver- nement, encourage la fraude, tend à corrompre le culuvateur et à le mettre en état d’hostilité contre des lois qu'il ne trouve pas justes. La loterie porte la désolation dans les classes les plus malheureuses, et ne rend point au trésor un revenu proportionné aux pertes et malheurs incal- culables qu'elle occasione. RÉCAPITULATION. 465 Les impôts sur les huiles arrêtent les progrès de la culture, soumettent les nombreux fabricants à la visite toujours inquiétante des employés, accordent pour ainsi dire une prime à la fraude, et condamnent les hommes de bonne foi à cesser leur commerce, qu'ils ne peuvent plus faire avec le même avantage. L’impôt sur la bière oblige les cultivateurs à s’en priver, et leur impose la nécessité de faire usage d’une eau bourbeuse et malsaine. Ces impôts ont tous l'inconvénient de ne point produire au trésor la moitié de ce qu'ils coûtent, de se percevoir dans le moment le moins convenable, et de ne pouvoir être répartis avec égalité et justice. Il faudrait aussi modifier le régime des douanes; reporter toutes les lignes sur l'extrême frontière ; établir des lois plus sévères contre les contrebandiers, et marquer la séparation des deux états voisins par des limites visibles qui seraient sévèrement gardées, et qu'on ne pourrait franchir sans s’exposer aux peines les plus graves. Les habitants qui se trouvent placés sur une zone frontière de quatre lieues de lon- gueur ne seraient plus dès lors exposés aux perqui- sitions et à des visites corporelles qui les révoltent. Ces mesures préviendraient les maux que l’on souffre dans cette contrée, comme dans le reste de la France; mais il en est de bienfaisantes à prendre, ui seraient plus salutaires encore par leur heureuse influence. Le département, les arrondissements et les com- munes n'ont pas le droit d'ouvrir les chemins et les canaux qui leur manquent, et de réparer ceux qui existent. Des précautions militaires, que les lois n’au- Agricult. de la Flandre. 30 466 CHAPITRE X. torisent pas, condamnent les malheureux habitants à rester dans leurs domaines plusieurs, mois chaque année, enfermés et comme prisonniers, par suite du mauvais état des routes, qu'ils n’ont pas le droit de rendre praticables. Le gouvernement pourrait laisser aux autorités du département la faculté d'ouvrir les chemins vicinaux, et instituer une administration paternelle pour s'é- clairer sur les besoins du pays, et fournir les fonds nécessaires aux améliorations intérieures. Il serait possible de dépenser utilement cent millions dans la Flandre française pour établir les communications par terre et par eau qui lui manquent, Le gouvernement obtiendrait de grands résultats en établissant une ferme expérimentale d’ne grande étendue, qu'il confierait à un de nos célebres agrO- nomes. On y réunirait les plus belles races en tous genres pour les propager dans les départements voi- sins, les plantes nouvelles faciles à acclimater sur l’un des points de cette contrée variée, et les meilleures mé- thodes de culture et d'engrais. Les jeunes cultivateurs flamands apprendraient, dans des cours publics, les éléments de la science agricole , et des autres sciences naturelles qui s'y rattachent; des jeunes gens, pris dans toute la France, partageraient les bienfaits de cette éducation, et s’instruiraient en même temps des méthodes flamandes. Les améliorations produites par la réduction des unpôts, et par les lecons d’un professeur célèbre sur ‘état de l'Agriculture et sur l’art en lui-même, con- tribueraient puissamment à la prospérité des manufac- tures. La Flandre , en peu d'années , nous affranchirait - — RÉCAPITULATION. 467 de l'étranger, et rendrait les états voisins tributaires de nos nombreuses et superbes fabriques. Les perfectionnements suivants, qu'on peut con- seller aux cultivateurs, ne sont que d’un faible in- térêt, si on les compare aux précédents, qui contri- bueront si puissamment à la félicité de cette belle contrée et de la France. Les vaches bonnes laitières, les chevaux de prix, les moutons à laine superfine, ne coûtent pas plus de soins et de nourriture, et donnent souvent des profits triples. Le fermier flamand devrait donc ache- ter des haras normands, des béliers espagnols, et les plus beaux taureaux de la race flamande. Les arbres fruitiers sont rares; et les forestiers , trop communs: 1l serait avantageux de multiplier les pre- miers, et de créer, par l'abondance des fruits, une boisson saine et une récolte de beaucoup de valeur. L'emploi du gypse sur les trèfles est d’un effet ra- pide et admirable; le prix en sera bientôt réduit des trois quarts dans l'arrondissement de Lille. Il serait essentiel d’en introduire l'usage par l'exemple, et par des primes , ainsi que vient de le tenter la société de Douai, toujours attentive à propager les lumières et les excellentes doctrines. L'éducation des abeilles doit être améliorée. Une expérience en grand, encouragée ou ordonnée par le département, atteindrait ce but essentiel d'économie rurale, et donnerait aux gens aisés qui l’habitent des occupations faciles dont ils ne peuvent soupçonner le charme. Les fumiers sont négligés, jetés sans soins au mi- lieu de la cour, au détriment de la santé des maîtres É 30. 468 CHAPITRE X. RÉCAPITULATION. et des troupeaux. Avec plus d'instruction et de soins, les fermiers s'en procureraient un plus grand vo- lume, et sauraient en tirer un meilleur parti. Ces conseils ne sont adressés qu'aux simples fer- miers de la Flandre. Il existe plus qu'ailleurs un grand nombre de propriétaires instruits qui habitent leurs terres, y portent l'application des connaissances les plus étendues, et atteignent la perfection dans chaque branche; mais leurs domaines sont isolés, et leurs expériences solitaires, qui ne sont ni encoura- gées ni connues, n'ont pas l'influence nécessaire : le but désiré ne peut être atteint que par une ferme expérimentale , appartenant à l’État, confiée à un agro- nome célebre et à des professeurs habiles, où lin- struction serait donnée gratuitement à tous les jeunes agriculteurs de Flandre et de la France, désignés par leur commune , ou envoyés par leurs parents. La Flandre enrichie par l'instruction des fermiers, l'amélioration des races, l’ouverture des canaux et chemins vicinaux, produirait, sans s’épuiser, de plus gros revenus au trésor. L'état trouverait ainsi la ré- compense la plus honorable et la plus profitable des sacrifices momentanés qu'il se serait imposé pour l'avantage de la France entière. Puissent les vœux que nous faisons pour la pro- spérité de la Flandre, hâter l’époque heureuse où elle sera affranchie des entraves qui arrêtent le dévelop- pement de sa belle Agriculture et de ses nombreuses fabriques ! ee RS ARR RS AR AS LAS AR BAR SARA VERRE ARR ELLE LA RARE LAS SAR BAR A/R ARS CHAPITRE XIE. EVALUATION DES DÉPENSES ET RECETTES POUR L'EXPLOITATION D'UNE FERME FLAMANDE DE 2) HECTARES DO ARES. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. Novs avons vu que les fermiers flamands ne sont pas assujettis à des règles fixes d’assolement et à une routine invariable de culture : Chacun détermine à son gré la proportion des différentes récoltes, et en fixe l'étendue d’après les prix sur des marchés et ses conjectures sur leur variation dans le cours de l'année suivante. Il serait donc impossible de déter- miner avec précision les dépenses et les recettes d’une exploitation dont le montant doit être différent, dans chaque ferme, d’une année à l’autre. La multiplicité et la grande variété des graines que le fermier fla- mand cultive, ajoutent encore à la difficulté que pré- 470 CHAPITRE XI. sente dans tous les pays une semblable recherche. II est d’ailleurs d’autres causes inappréciables par le calcul, et très-influentes, qui modifient ces résultats; les principales sont la plus on moins grande vigilance dans les travaux, et le degré d’habileté dans la vente des récoltes et l'achat des engrais, et surtout l'esprit d'ordre et d'économie qui président dans tous les détails de l'exploitation. Les cultivateurs flamands se distinguent éminem- ment par ces qualités essentielles, mais tous ne les ont pas au même degré, et on se perd dans les con- jectures, lorsqu'on tente de fixer des bases et de prendre des moyennes. Pour faciliter un examen aussi délicat, et des re- cherches analogues , nous avons dressé des tableaux ou sont indiquées les dépenses, lesrécoltes et recettes moyennes d'une ferme; le tout calculé d’après un grand nombre de faits et de documents certains. Nous avons extrait des mercuriales authentiques les séries de prix des grains pendant plusieurs années, et réuni dans des tableaux les produits moyens de chaque espèce de récolte, la valeur des engrais, les frais de culture : en sorte que chaque personne peut avec ces mêmes données établir la balance des re- cettes et dépenses, et arriver à des résultats plus ap- proximatifs que ceux que nous présentons. Loin de prétendre que nos calculs sont d’une exac- titude mathématique, nous répétons que nous ne croyons pas même possible d'y atteindre, et que des moyennes prises sur beaucoup d'exploitations donnent des résultats approximatifs suffisamment rigOUreUXx. DÉPENSES ET RECETTES. 475 Nous nous faisons un devoir de rapporter, comme moyen de vérification, les calculs analogues faits en 1776 par M. Montlinot dans la nouvelle édition d'O- livier de Serres, donnés par M. François de Neuf- château , et discutés avec le talent et la sagacité qui distinguent cet agronome et littérateur célèbre. La différence de ces résultats avec les nôtres, en partie produite par la différence des prix et des méthodes à des époques éloignées, doit être aussi attribuée à la difficulté d’arriver à une grande précision dans des recherches aussi délicates et aussi conjecturales. Les observations de M. F. de N. sur l'Agriculture de la Flandre forment en raccourci le tableau complet de tout ce que cette admirable culture présente de plus intéressant. Depuis 1776 jusqu’en 1821; les changements les plus remarquables qu'offre l’exploitation des fermes flamandes, doivent être attribués à la plus grande di- vision, non-seulement des propriétés, mais des for- tunes. Les cultivateurs sont mieux habillés, mieux nourris, plus instruits; les fabriques , qui s'étendent et qui emploient plus ou moins une partie de la po- pulation des cultivateurs pendant l'hiver, y répandent des capitaux, et augmentent l’aisance et les ressources des laboureurs. La dépense intérieure et les. impôts sont, il est vrai, plus grands; mais les prix de la plu- part des graines ont doublé et quelques-uns ont tri- plé, quoique ceux des journées soient presque les mêmes. Les fermes flamandes n’ont pas été comme ailleurs partagées et morcelées; mais beaucoup de fermiers sont devenus propriétaires et ont fait for- tune, non par l'exploitation directe des terres, mais 472 CHAPITRE XI. par la vente des récoltes suffisamment gardées et par l'influence des événements extraordinaires qui ont fait augmenter rapidement les prix des graines après des années d'abondance. Ces fermiers économes et riches , en conservant la même simplicité de mœurs, doublent rapidement leurs capitaux par la eumula- tion progressive des intérêts. Les résultats du tableau dressé par M. Montlinot, font présumer que l’auteur a voulu garantir son pays et ses compatriotes d’un surcroît d'impôts ; en mon- trant que la dépense d’une exploitation flamande était presque égale à la recette. Étranger à ce pays, dégagé de tout intérèt et de passions qui, à notre insu pourraient influencer notre opinion, nous avons cherché avec zèle la vérité qu'aucune considération ne pourrait nous déterminer à altérer. L'inexacti- tude dans les résultats ne pourrait être attribuée qu'à des erreurs involontaires. En rapportant tous les documents qui nous ont servi de base. dans nos calculs, il sera facile de les vérifier et de les rectifier. Le même principe de justice qui nous a guidé nous oblige d'exposer nos conjectures : il nous semble que l'heureuse situation du fermier flamand doit bientôt décliner. Les méthodes et les cultures de Flandre se propagent dans l’intérieur du royaume : on aperçoit depuis peu dans les départements des environs de Paris , des champs de colza et de lin. Ces graines après deux mauvaises récoltes en Flandre, diminuent de prix et se vendent difficilement ; la valeur des autres graines, des troupeaux, baisse de même constamment. On fabrique des huiles dans les pays qui étaient de- DÉPENSES ET RECETTES. 473 puis plus d’un siècle , exclusivement approvisionnés par la Flandre; des manufactures analogues à celles du département du Nord s’établissent de toutes parts, et font baisser par la concurrence les bénéfices de la nombreuse population des environs de Tille, que ces fabriques entretenaient; la fabrication des dentelles avec du coton et par des machines, a réduit au tiers le salaire de plus de 60,000 dentellières; les filatures de coton nuisent de plus en plus aux nombreuses et belles filteries de Lille et de ses environs, qui jus- que-là avaient obtenu le monopole de la fabrica- tion du fil du lin fin, employé presque dans toute l'Europe. Ce serait donc une grande erreur de croire qu’on pourrait augmenter les impôts fonciers de ce pays assujetti aux impôts indirects et à divers monopoles dont il était exempt depuis des siècles. OBSERVATIONS SUR LES TABLEAUX SUIVANTS. Le premier tableau est le résumé de tous les do- cuments que nous avons donnés dans les chapitres des Assolements et de la culture des Graines et Plantes: les prix sont ceux de 1818, époque à laquelle nous avons constaté les récoltes et dressé ce tableau. On doit observer que les récoltes de 1818 ont été supérieures aux récoltes ordinaires, soit en quantité, soit en qualité, soit surtout parce que toutes les cul- tures ont réussi. Le blé avait une pesanteur spécifique d'un dixième de plus que le poids moyen. Le deuxième tableau est l'évaluation des différentes 474 CHAPITRE XI. récoltes d’un hectare calculé pour une année moyenne et à des prix réduits sur dix années. Nous n'avons pas compris dans la recette les fanes des carottes, betteraves, navets qui ont beaucoup de valeur, et sont estimés environ le sixième des racines, parce que beaucoup de dépenses sont diffi- ciles à apprécier, et se trouvent remboursées par ces produits. Dans le troisième tableau, qui est l'évaluation des produits bruts de la ferme, on ne tient pas compte des produits du jardin, du verger, ni de celui des vaches, cochons, volailles, etc.; on suppose que la vente du lait et du beurre, et tous les bénéfices donnés par les bestiaux, sont égaux à la valeur de leur nourriture, et que la partie consommée dans la ferme, soit en beurre , fromage, laitage et viande salée, repré- sente la valeur du temps et des soins qu’exige leur entretien. Dans le quatrième tableau qui est une évaluation des frais de location, de culture, d'engrais, etc., on n’a point estimé les récoltes dérobées ou doubles, parce qu'elles ont été considérées comme devant compen- ser les cultures manquées qu’il faut remplacer dans l'année méme, et parce que les récoltes mises en remplacement de celles qui manquent exigent double dépense de semence et de culture, et donnent rare- ment les mêmes bénéfices que les premières : elles occupent le sol plus long-temps, et les récoltes qui suivent sont par cela même moins bonnes. L | | T7 TABUEAU. | A ARTE TE Re : IQuawrrrés de semences et de récoltes par hectare ; rapport des | récoltes aux semences ; différence des récoltes aux semences ; | | | produit par hectare. Ainée 1818. semences] RÉCOLTES |rarrorr | ptFEÉRENCE | PRIX en en kectolit., | entre les entre les ee PRODUIT INDICATIONS./hectolit., litres récoltes récoltes |[l'hectolit. par litres ou ou et les et les ou du hectare. kilogr®. | kilogrammes.| semences. | Semences. kilogr*. Blé froment d’hiver|hect. lit. hect. lit. hect. lit, fr. oc ou non barbu....| 1 80 24 4o| 13 = 22 66 | 32 « Blé barbu d’hiver...| 1 75 24 70 | 14 = 22 95 | 30 « Blé de mars, d'avril et de mai...... r 60 19 «| 11 À 17140 28 ls Seigle d'hiver..... É£ 65 21 12 | 12 19 47 | 179 « A] Sucrion ou orge d'hi- _ AT SPP ETES 2e 85 50 70 | 27 & 48 85 | 917 « A Orge de printemps..| 1 50 45 20!| 30 &3 90 | 19 « Avoine...... hr Et. vo 58 45 | 34 + 56 75 | 11 « LL... 2 90 28 17 | 10 25 47 | 16 « _ CRANAEMANÉ « 12 29 151|242 ANT l20..e A Caméline......... « 8 22 53 |2S1 À 22 45 | 27 50 Mbillettes. . }.:.. « & 23 42 [582 = 23 38 | 28 50 A] Lin de gros....... “22 6.34(| 28 + 6RrEr 29e Pommes de terre...| 8 » 304 23 | 33 À 296 23 4 50 | 1,333 3 | Carottes... ...... » 310 25 » 310 25 6 50 | 2,016 62 | PRE... … » 311 24 » 311 24 2 50 778 10 | « 7 | 988 56 A TER ASS DES » 3,380 » » 3,380 « « 75 | 2,535 » Paille de lin de gros. » 4,507 » n 4,507 « « 45 | 2,028 15 Paille de blé....... » 3,750 » » 3,750 « En 187 50 Tréfle sec. . he + 6. » 4,500 » ET, 6,500 « « 9 595 » Betteraves . ....... » 11,268 kil.» » 11,268 kil. } ToTAL..|17:720 72 À 2° TABLEAU. SRE RE Re Évazuarion des différentes récoltes d’un hectare, calculée pour une année moyenne à des prix réduits sur dix années, y come pris 1818. N QUANTITÉ Î GRAINES DÉSIGNATIO PRODUITS MOYENNE des récoltes, |? *1*| PRODUITS OU PLANTES des A A AUS par : déduction = faite des [moyens partiels. récoltées. RÉCOLTES. hectare. semences. fr. c fr; €. FL Æ sraine.i =... 19h28 |2r 10] 406 80 £ Ble froment d'hiver...... | paille... À 3,347 kil. » 4] 136. 548 44 RE NE | graine + 4... 19h86 |20 05] 416 61 | Blé barbu d’hiver....... paille... .... 3.563 kil. 4h 52 | 558 58 É 4 ; BLANC - se 5 15h.64 |18 92] 295 go | | Blé de mars, avril Er ET ES 2,840 kil NE MEN A 409 50 || 3 _ STAiNe. 0-0 16h.52 |11 66] 194 95 | Seigle d’hiver........... | paille. Be ff à 2,827 kil FT 84 8x 279 76 |] L AIGLE graine. pr. ie 41h23 |14 641 603 60 Sucrion on orge d’hiver,.. ROME Cr ce 3,427 kil ct 68 54 672 14 graine. ..... 36h27 |12 88] 467 15 Orge de mars: 5e PAIE EE el 068 La. re UT 526 21 | re SEA 0e 47h42 | 7 17] 340 » | Avoine de mars.........… | paille. #7 2,742 kil F5 54 84 394 84 à. } graine. se. 1.2 24h18 |10 37] 250 94 Hevesidemmars.:7.-- 201 He La 2,475 kil SRE “Ha 324 99 || Golmb. 520. A 2e 98.1 graine. ...... 26h.32 [19 63 » 516 66 Caméline..,.... RE ar graine. ele 20 83 |18 58 » 389 2 OEillettes. 197 HUM graine-= ee 22 47 |18 40 » 413 44% L; L graine... 6 75 |18 98! 128 11 8 INC SrOS Pertes paille. ve 46 Hatotsl. HOPPER 1,231 81 Pommes de terre....:... » 295. 345 » 866 25 Carottes .5 M -L: La =: » 247 3 ro » 765 7o MÉRIICMSS MRC ES 7 0 » 239 I 95 » 466 oë Betteravess Le 76.1 100 07 » 11,460 » 6 - 687 60 HrcHersecs 4.4... 2..2 trois coupes...] 9,142 » 5 » 457 10 Hivérnage! 64.4... uneseulecoupe.| 5,845 » 10 » 584 50 Bone EL. NL 0. 2 feuilles sèches.| 3,240 » JOUE 2,268 » in dent. ...L. 1... Re DR 5,545kil | » 35/1,940 75 RE di J éTAinB ee 8h12 [28 42] 230 97 21102 Choux-collets......:... feuilles vertes..| 7,235 kil. » 8 » | 578 80 3% 2 D ARBRE AT: Re Re ART EVALUATION du produit brut, déduction faite de la semence, d’une ferme de 25 hectares + des environs de Lille, que nous avons prise pour modèle. ÉTENDUE INDICATION PRODUIT | PRODUITS par hectare des de chaque des comme différentes cultures |A CULTURE. CULTURES. Eten HEAR c. 3hect. | Blé froment d'hiver..., 44 l Blé barbu d'hiver 58 Blé froment ou barbu demars, avril ou mai. 50 hec. à Seigle d'hiver 79 76 Orge d'hiver ou sucrion 14 Avoine de mars 84 | | fé 99 10 8 2 ÉVEMRARE Su 0 eine Mens meteo date eee 0e 5o Orge coupée en vert comme le trèfle Lin de gros Pommes de terre Divisant par 25 hect. 50, on trouve pour produit moyen d’an hectare 4e TABLEAU. A Te Te , A ÉVALUATION des frais de location , de culture, d'engrais, de récoltes, etc., par hectare. DCR DAT se ne cbr 8 8 0e 100 D MT PE TN TE a ee es eee es ee ee 8 j fr. ec. Dre neuvième pour Dot, devint rec ot ee cause odaienD cn : Fe | pp k p pot devine 0. e-r He-eene-rE pre CES | Impôts à la charge du fermier... ss cree clame Jefie dia SLR Mdr cet 17 » in 25 | Ré | Deux labours à un cheval, à 9 francs par hectare................. RAM ST Tete 18 » Un labour'a deux chevauxe 22-22 -ccs-c- et CON LEE Ce 0 12 » 1| Quatre hersages à un cheval, à x franc 15 centimes......................,.... 4 60 H| Deux hersages à deux chevaux , à x franc 50 centimes........................... 3 » D! Deux roulages à un cheval, à 75 centimes.................................... zx 50 Deux roulages à deux chevaux, à x franc...................:..:............... 2» Frais desemalle, sarcigpe, @ic-.-----n----c=: 0 --ce-cc-eeccee.:c-tece@0te 42 5» Fumier d’'étable. 255 charretées de fumier pour les 25 hect. 50 ares, ou 10 charretées par hect., à 6 fr. 60 » : Engrais liquide flamand. M! 765 tonneaux d'engrais flamand pour laferme, ou 30 tonn. par hect., à raison, savoir: rte | Achat en ville d’un tonneau pesant 110 a T20 mlogrammes. 1 ..-ter--r.-: ere » 3o RTranspor#ées la tuile alarcae.- "Eee 001.0, Mneh er eee ee » 30 D | Transport de la cave sur les champs, emploi...........................,...... » 60 H SRE TES I 20 3otonreix , ‘a x franei20 cutimes font... .......:.....-." 1. et ES 36 » Engrais mineral. 103 panniers de cendres de houille pour la ferme, ou 4 panniers par keot. , à raison de x fr. 50 c... 6 » Tourteaux. 3,200 tourteaux pour la ferme, ou 125 tourteaux par hectare. Achat de roo! tonrteaux à.............. 12{e Transport, emplor--::--...--- 6 f & ' x25,tourtsaux à 18) francs lecent-.. 22:62. 22 ttes 22 50 Frais de récolte par hectare, ......... Ducs ie ae nos oin es DOS AT ANR LE TR EEE 29 » Le capital du fermier étant d'environ, 8,680 francs, l’intérèt, à 5 pour cent, est de 434 francs qui,divisés par 25 francs 50 centimes, font: ........::...:.. C0. ete es 17 2 Entretien du mobilier, des outils, de Ja partie des bâtiments à la charge du fermier, etc. , oo francs Ce) Qui fait par Hectare.. 2.2.0 i-P ee 35 67 Toraxipar hectare LR. sister ss sente 399 29 Et ponir 215-hectares 5o: ares: "4 10,181 89 Sacs - at ETES” DÉPENSES ET RECETTES. 479 REMARQUES SUR LES TABLEAUX PRÉCÉDENTS. 1% er 2° TABLEAUX. RÉCOLTES PAR HECTARE. En divisant les sommes de 17,720 fr. 75 cent. et de 15,100 fr. 81 cent., produit de 21 hectares, en 1818, (ou dans une année moyenne sur 10) par 21, nombre des différentes cultures, on ne trouve pas la valeur moyenne par hectare de l'exploitation; ces prix sont trop élevés, parce que chacune des graines ou plantes n’est pas cultivée sur une même étendue. Les champs de tabac ou de lin, par exemple, sont toujours plus petits que ceux de blé ou de trèfle. Quelques bénéfices que donnent ces récoltes précieuses, les fermiers ne peu- vent dépasser dans l’assolement certaines proportions, enraison de la cherté de quelques engrais et des qua- lités épuisantes de ces plantes, qui ne doivent revenir sur le même sol qu'après des périodes plus ou moins éloignées. Il semblerait à l'inspection de ces tableaux, que le fermier düt renoncer à certaines cultures, à celle du seigle, par exemple; mais avant de le condamner il est nécessaire de suivre les calculs de l'exploitation pendant une longue série d'années, de tenir compte de l’influence de chaque récolte sur les suivantes et sur le sol, et de prendre ensuite une moyenne. 480 CHAPITRE XI. Si le seigle n'a produit, en 1818, que 279 francs 76 cent. , et terme réduit sur dix années que 33o francs 99 cent., comme il est récolté de très-bonne heure et presque toujours remplacé par des navets, betteraves ou choux, on doit ajouter à ces premières sommes 466 fr. 5o cent., ou 687 fr. 60 cent., ou du moins une partie de ces nombres, selon l'étendue des champs de seigle qui produisent la même année une récolte dérobée. On trouve par là que le seigle, dans les an- nées favorables , donne des bénéfices plus grands que beaucoup d’autres récoltes. 3°vEr-% MABLEAUX. PRODUIT BRUT, FRAIS D'EXPLOITATION. Le produit brut d’une ferme de 25 hectares 1/2 est CNE RARE LL cu vues LEE ... 15/0048 Et les frais de location, d’exploita- OR, GÉC:5 Aa es © one dubee ee AAA RS Différence..." OM ESS Si ce résultat représentait le bénéfice net du fer- mier, son sort serait heureux, et dans peu d'années il pourrait acheter la ferme qu'il loue; mais ce reste doit acquitter les pertes en tout genre auxquelles il est exposé, et les réductions dans l'évaluation des prix et des produits. Nous avons compté ces produits au moment des récoltes, et calculé les valeurs d'apres les prix moyens des marchés de l’année. Ces résultats nous ont conduit à une recette trop grande: 1° les récoltes diminuent de jour en jour de volume et de DEPENSES ET RECETTES. A8: poids; les animaux, les insectes et les gelées en dé- truisent une partie; les déchets s'élèvent souvent au dixième et quelquefois au sixième; 2° il faut déduire des prix du marché les frais de transport, qu’on ne peut fixer au-dessous du vingtième de la valeur; 3° les prix des grains, des fourrages, sont très-variables, et en général beaucoup plus bas immédiatement après les récoltes que huit ou dix mois après; et c’est dans ces moments défavorables que les petits fermiers sont obligés de vendre : ils ne peuvent donc retirer de leurs fermes ce que nous avons estimé en bloc. Il est d’ailleurs à remarquer que dans un pays aussi riche et aussi peuplé, tout ce qui est acheté par le fermier est payé plus cher, et qu'il lui serait impos- sible de subsister avec les faibles revenus qui suffisent dans des contrées isolées et pauvres. On peut conclure des observations précédentes que les revenus du fermier sont au plus de 2000 fr., et qu'il faut encore prélever sur cette somme les frais d'éducation de ses enfants, et d'entretien de sa fa- mille. Ce n’est donc que par une économie et une tempérance extrèmes, un travail excessif, une grande habileté dans son art, et un capital assez élevé, que le petit fermier acquiert de l’aisance. Mais le gros fer- mier qui a de fortes avances , qui n’est jamais pressé de vendre, qui peut attendre pendant une ou deux années que le prix des grains soit élevé, manque rare- ment de prospérer et fait souvent assez d'économie pour acheter la ferme qu'il a long-temps louée. C’est donc en général à l'esprit d'ordre et de négoce, et au travail plutôt qu'à la fertilité de la terre, qu'il faut Agricult. de la Flandre. 317 42 CHAPITRE XI. attribuer la richesse des récoltes et l’aisance des fer- miers de la Flandre. Le produit brut d’un hectare de céréales étant énidon de...::6 22e Re. Het US CPE Et les frais de culture d’environ....... 399 » Il ne reste donc par hectare qu'un pro- düit’net de 25e x. Lo Jiudl rs SOC Il semble que le cultivateur flamand devrait renon- cer à la culture des céréales qui donnent moins de bénéfices que les autres récoltes, et augmenter, selon le précepte de Caton, la proportion des prairies, fourrages et plantes légumineuses. Mais tout est lié dans cette grande et difficile manufacture, et tout est bien calculé, par rapport aux circonstances , dans l’ad- mirable culture des environs de Lille. Un: fermier, soit qu'il achète ou qu'il vende, paie dans les deux cas les frais de transport, C'est-à-dire qu'il achète à un prix plus élevé que celui du marché, et qu'il vend à un prix-plus bas, tous les frais de transport étant à sa charge; il a donc un grand intérêt à se procurer directement tout ce qui est nécessaire à la consom- mation de sa famille et de ses troupeaux, et à se mettre en mesure de ne vendre que des produits dont le débit est certain et avantageux. S'il montait son exploitation pour vendre beaucoup de fourrage, comme trèfle, luzerne , et pour acheter les céréales qu'il consomme, il aurait moins de trou- peaux, moins d'engrais, moins de variétés de culture, et dépendrait davantage des saisons; ses travaux se- raient plus pénibles, et les chances plus dangereuses ; DÉPENSES ET, RECETTES. 483 dans les bonnes années ses produits, par suite de l'abondance, auraient peu de valeur, et dans les mau- vaises 1l courrait risque d’être ruiné. Quelque grande et commercante que soit la place de Lille, ce n’est point une ville de luxe; le nombre des chevaux n’est pas proportionné à la richesse des habitants. Les grands propriétaires, d’ailleurs, qui doi- vent en partie leur fortune au commerce , conservent long-temps après l'avoir quitté l'esprit d'ordre qu’il donne; il font venir directement, de leurs fermes, les fourrages et légumes qu'ils se réservent par les baux. Les cultivateurs des environs n'auraient donc pas de grands bénéfices à espérer s'ils sacrifiaient, comme dans les environs des grandes capitales, beaucoup de terrains en prairies. Ils cherchent, au contraire, à consommer presque tout sur place, et ont soin de se réserver les engrais, la drague et les tourteaux, en vendant une partie des pailles, de l'orge et des graines grasses qu'ils récoltent. Dans les comptes qui précèdent, nous ne sommes pas entré dans les détails des dépenses et des recettes des troupeaux ; les résultats en sont trop variables et trop incertains : on les trouvera dans les tableaux qui suivent, dont nous avons parlé, qui furent rédigés en 1776, par M. Montlinot, et insérés, dans la nou- velle édition d'Olivier de Serres, par M. François de Neufchâteau , qui a fait sur les assolements, sur ces tableaux et sur l'exploitation d’une petite fée fla- mande, des observations du plus haut intérêt. L’étendue des terrains employés à chaque culture et les produits sont évalués en anciennes mesures de DE : 484 CHAPITRE XI. Lille; nous y avons substitué les nouvelles et corrigé des erreurs ou omissions qui s'étaient glissées dans les calculs. Au moyen de l’uniformité des mesures, on pourra plus facilement comparer ces résultats avec ceux que nous avons donnés. © © RE CULTURE FLAMANDE. Page 484 re 1 hect sr. €, » 17072 <- » 8 86 1 15 18 TE » 53 16 » 53 16 37 93 1 41 77 » 70 88 54 40 » 70 88 7 hivernage.… REMP année. Emplacement de la ferme. jardin légumier verger. planchon.… | 1e | choux-collets.. nayets blé froment.. ayoine,, .. seigle... soucrion . trèfle. . porm. eee be | | (: ne Er “ . aves. »2 G8 20 EMPLOI DES TERRES LACÊMENT DES GRAINS PENDANT 4 ANNÉES. = SE \ a° année | 3° année ! e her an © 72 ferme. + 17 72 ferme... 17 72 ferme » 8 86 jardin. ..... | 8 86 jardin... 8 86 jardin. 1 15 18 verger, # 1 15 18 verger 1 15 18 verger.:..... 1 4x 97 trèfle........\ 2... 2 12 64 avoine. | D naine na elle à soute se ES 1 41 77 hivernage.. . 6 37 93 blé froment... zonlBrscigles, 3 54 41 colza. }: SMS Aa 70 88 soucrion.. “ 70 88 trèfle. » 35 44 pomm.deterre 17 72 betteraves. . 17 7a carottes. 1 | 6 32 RARE de {2 41 77 trèfle 12 64 avoine.. 53 16 navets... F 6 À 70 88 lin » 53 16 choux-collets. | | 1 41 77 Aeee mit 3 54 41 colza... 70 88 soucrion.… RATES 70 88 trèfle... / » 35 44 pomm.deterre 6 370 é ; ji 33 blé froment 17. 72, betteraves. 70 88 fèves 17 72 ca x 6 32 pla Al 53 16 navets. 2 12 64 avoine....... 53 16 choux-collets | 1 #1 77 hivernage. 41 77 trèfle » 70 88 seigle... ÿ0BA lin 70 88 soucrion. 70 88 trèfle........ S2 40 colrs ) 6 37 93 blé froment » 35 44 pomm. deterre » 17 7a betteraves. 17 72 carottes... 1 6 32 planchou. » 70 88. 53 16 navyets.. | \ + 53 16 choux collets, 22 68 20 22,68 20 | 12 68 20 FUMURES farce ap siu2) 64 paniers decendres, 24 8 120 20 » 16 32 paniers de cendres, 16 8 | 8  | 8 { | 48 22 24 7 + | 24 73 272 ch 67 28 96 pan sunoav'i à la bèche. SEMENCES néant {diverses graines que { le fermier récolte. les fonds de grange et de greniers. 12 hectol, 6a lit. 12 kilogrammes. 1 hectol, 58litres. 480,000 plantes. . à hectol, ro lit, f hectol. 20 lit. » hect, g9l. vesce. 1 h. 871. seigle x hectol. 40 lit. x hectol, 4o lit. 6 kilogrammes 7 hectolitres. 1 kilo, 5 hectol. 1 kilo. 6 kilogr. colza. 1 kilo, 5 hectol. 5 hectol. 24,000 plantes. . | PRODUIT | DES TERRES le logement du fermier et des bestiaux. Jr légumes nétessaires au fermier | le produit se compare à un champ de trèfle. 113 hectôl. 53 lit. de blé froment, et 13,500 gerbes 16 voitures de foin en deux coupes. 320 hottes de lin et 4 h. 20 1. degraines. 77 hectol. xx lit. de graine , et 8,000 bottes de tiges. 3,200 bottes detiges, étaa hect. 43 lit. de grain 70 hect 1 lit, de grains, et 4,500 gerbes 3,200 bottes de fourrage 14 hect. à 1, de grains et 1,400 gerbes. 218 hect. 4 idem , et 1,600 idem 8 voitures de foin en deux coupes. 12 hectol. de fruits et 18 litres. 74 hectol. 78 lit. Idem idem produit les plantes pour colm 37 hect, 39 lit, de fruit 37 39 idem. #1 had dé Le ri +4 PE a ù 1 ” (: SES 166 or” ÿ} ERA A PTE LE sn ES {: culs A AG +9 Fe .. de , Lou Der & &, à he À: Ho Ft LEE À - k REC rl: rare ECS ra ie, ; ; ‘ou sai 8: 1x fx KA CE Le oe 4 * + v (4 $ % Lastaual 33 Let EE dns mn) ft ip #4 r per à ETES Vite rm. EE i # N # MUC A ue % $ FA dk, ä . 0 A | s dêg M Sn Gs. si 2 * a “Ale pen se DÉPENSES ET RECETTES. 485 COMPTE DES DÉPENSES ET DES RECETTES DE LA CULTURE FLAMANDE. DéPense relative à l'exploitation de 29% 68% 32°". de terre exploités suivant le tableau précédent. OBSERVATION - GÉNÉRALE. Ces dépenses ont été calculées pour l'époque à laquelle les notes du tableau de culture ont été recueillies, c'est-à- dire, en 1776. CHAPITRE [°. PRÉLÈVEMENT SUR LES PRODUITS. ART. 1%. Zmpositions. — 1 fr. bo cent. les 8 ares 86 cent., ou 24 fr. pour 1 hect. 41 ar. 77 cent. Pour les 22 hect. 68 ar. 32 cent., c’est un objet de...... 384f- » Arr. 2. Loyer, ou rente payée au propriétaire. — 7 fr. bo cent. pour 8 ar. 86 cent., où 120 fr. pour 1 hect. 41 ar.77 cent. Pour les 22 hect. 68 ar. 32 cent., c’est un total de....... 1,920 » Ar. 3. Taxes des pauvres. — 5o cent. les 8 ar. 86 c., ou 8 fr. pour 1 hect. 4r ar. 77 cent., ci pour les 22 hect. 68 ar. 32 cent......... 128 » ART. 4. Dime — On lamentionne ici seulement pour mémoire (1). Arr. bd. Entretien de la ferme, à la charge du fermier, évalue 4.3. 01 LR 2.88#97.0n PARUS bo » TorTaz de ce chapitre........... 2,482 » (1) La dime, en Flandre, était moins onéreuse que dans le reste de la France: on ne la prélevait que sur le blé et le lin; le colza et toutes les antres graines en étaient exempts. 486 CHAPITRE X1. CHAPITRE Il. he PRÉLÈVEMENT pour les fumures, suivant les D°, 6° et 5° colonnes P r L du tableau. ART. 1°", 234 charretées du fumier à 3 fr...... sete + 2. CT ART. 2. 96 paniers de cendres à 1 fr. bo cent...... _ 144 » Arr. 3. 67 charretées de courte - graisse. ( Elles se trouvent à peu de distance, et se mani- puient dans la ferme. ) ART. 4: 2,800 tourteaux à 9 fr. le cent...... FE... 202 Art. 5. Colombine. ( Loyer d’un pigeonnier.)...... 72 _» ART. 6. Suie. 2, mannes à 1 fr. l’une........ L'Are 24 ee Torar de ce chapitre. .…..:2% 1,194 -» © ——+9 CHAPITRE III PRÉLÈVEMENT pour les semences, suivant la 9° colonne du tableau. ART... Blé froment. — 8 sacs à 24 fr. le sac, ow 12 hectol. à Go Éd ser tofs hr 26-001 192% » ART. 2. Zréfle, — 12 kilog. d’une sorte et 6 de l’autre, font 18, kilos. à,x frl'un.8 tasse ass -e 18 » ART. 3. Lir. — 9 havots, ou un sac et un huitième à 48 fr. le sac de r hectol. 40 litres... .. 5k" ART. 4. Colza — (Voyez Planchonr, art. ci-après. ) ART. b. Fêves. — 12 havots ou un sac À à 12 fr... 18 » ART. 6. Avoine. — 24, havots ou 3 sacs (4 hectol. 21 Li) à 18 Gros 236 = iHErÉ sl 40 "0 36 » ART. 7. Hivernage.— 5 hect. ? ( 99 litres) de vesces; 10 havots + de seigle ( 1 hectol. 87 lit.) à 3 fr. le havot de vesces ( 17 lit. Z) et à 13 fr. le sac de seigle ( 1 hectol. 40 lit.).... 35° 10 AnT. 8. Seigle. — 8 havots ou un sac (1 hect. 4o lit.) # HLonr le Sac ee 2 te - RE ART. 9. Sucrion. — 8 havots ou un sac (1 hectol. 40 HE RES MASON LINE RE 12 » à reporter... iso. ce 1880 x 0 ART. ART. ART. ART. ART. ART. ART. ART. ART. ART. ART. ART. ART. ART. ART. ART. DÉPENSES ET RECETTES. 487 RÉnOrE 0. «. _380f- r1o°- 10. Pommes de terre. — 5 sacs (7 hect.) à 6 fr. 30 » 11. Betteraves.— 1 kil. + (3 livres) à 3 fr. le kil. & bo 12. Carottes. — 1 kil. = (3 livres) à 3 fr. le kil. 4 bo 13. Planchon. — 6 kil. de colza à 1 fr. le kilog. 6 » 14. Navets ou raves. — 1 kil. + à x fr. le kilog. z bo 1. Choux -collets. — (3 livres) 1 kil. : à r'fr. leckulosr.z. 2-0 RP Prise UT. !.5o Torar de ce chapitre. .... 428 10 CHAPITRE IV. AVANCES ANNUELLES POUR LES BESTIAUX. 1°. Nourriture de trois chevaux............. 900f. » 2. Nourriture de 12 vaches à 5o cent. par jour. 2,160 Torar de ce chapitre........ CHAPITRE V. DOMESTIQUES ET OUVRIERS. 1°". Gages de deux domestiques............. 2. Gages de deux filles de basse-cour......... 3. 200 journées d’ouvriers extraordinaires dans le cours de l’année, à 1 fr. l’une........ 4. 100 journées plus fortes pendant la récolte du colza, à 1 fr. o cent......... APR 5:Maréchal: :;; : à 24 à: SU su +. us BBourreher.ssisonus ses e UE Suis so 7: IChatron:: : és isa 2: LIQULE Me h.rtiaste ER SL eee ne done s es EE Toraz de ce chapitre....... 458 CHAPITRE XI. CHAPITRE VI. ENTRETIEN DU MÉNAGE. Agr. 1°, 3 sacs de blé par tête (4 hectol. 20 lit.) pour nourrir le fermier et ses domestiques, à 20 fr. le sac (x hectol. 4olit.).....,.... 36of » Arr. 2. 500 kilog. de viande salée, à 5o cent....... 250 » ART. 3. Sel, huile, bière, habillements, maladies et dépenses imprévues. (Pour mémoire, at- tendu que ces objets ne peuvent guère s’arbitrer. ) Toraz pour ce chapitre. ..... 610 » CHAPITRE VII. INTÉRÈT DES AVANCES PRIMITIVES. AETIGEE DNIOURE EL cer -oLe caereecrerle : 4oofr. » REÉCAPITULATION DE LA DÉPENSE. CHAP. I. Prélèvement annuel sur les produits..... 2,482f »° —0®. Famures..oeul."l. 6 ,aèvet LA His < 1,194 » —. 3. Setiencess! 12501494 0410) ae se MS — 428. 10 — 4. Bestiaux.......... HS.cé - 1 calais té 3,060 » —196. Domestiques .et.ouvriers , . : « « « «+ ° pm eeie 1,066 » —9 6. Entretien du ménage....,.,,...- PRE 610 » — 7. Intérêts des avances... .... RE Te < 400 » TOTAL de la dépense ----:-. 0.00 9:240 10 * DÉPENSES ET RECETTES. RECETTE 459 RELATIVE A: L'EXPLOITATION DES 122% 68% 39e. DE TERRE, SUIVANT LE TABLEAU PRÉCÉDENT. CHAPITRE 1°. BÉNÉFICES INTÉRIEURS. Arr. 1%.12 vaches, 60 kilog. de beurre chacune par an, agente kloymitsl .cas,é sue mme ART. 2. 10 veaux par année, à 6 francs....... des Arr. 3. Lait de beurre, 3 livres (1 kil. :) parsemaine. AnT. 4. 2 cochons. Consommation intérieure. (ci pour mémoire )fh: smile srete ee re Ads Pr POuleS es LA ANR nue ae dealer cr) 6 ART. 6. Jardinage...1.…: sa Dh 6 4 eat a Borazide,ce chapitre: 245.2, 9 CHAPITRE Il. PRODUIT DES RÉCOLTES, suivant la 10° colonne du culture. Arr. 1°. Froment. — 8x sacs (113 hectol. 53 lit.) de blé, à 20 fr. le sac (de 1 het. 4o lit. 22 c.) 1,620f- — 13,500 gerbes, à 10 fr. le cent........ ART. 2. Tréfle. — 16 voitures d’une sorte et 8 de l’autre, 24 voitures ou 2,400 bottes de fon, 226. 1fr. lecent: 2215. 45: 8. # AnT. 3. Lin. — 320 bottes de lin et 3 sacs de graine (4 hect.20 lit.) à 45 fr. le cent de bottes et à 49 fr. le sac dé sramé.. 2.7. 27e à reporter. ...... : 72 où » 60 » 156 » » » D] » » » 936 » tableau de 1,350 864 490 ART. ART. ART. ART. ART. ART. ART. ART. ART. ART. ART. ART. ART. CHAPITRE XI. Report. + EE 4. Colza. — 55 sacs de graine (77 hect. xx lit.) à 20 fr. le sac. STE. AS AE | — 800 bottes de és. Chauffage de la Éd estimés. SEE 2 LL HER EL #4 5. Fèves. — 16 sacs de graine (22 hect. 43 Et à 13 fr\lün. cree 15 «fs AS — 3,200 bottes de tiges à l’usage de la Fe me, AoMr. fleicente"t ts NP PRE 6. Avoine.— 5o sacs de graine (70 hect. 11 lit.) DMOEC 2: -che M RPERE-cenee : — 4,500 gerbes, pour l’usage de la ferme. . 7. Hivernage. — 3,200 bottes de fourrage, à 10-fr: le centétR tes Tue AAA #7 V2 8. Seigle. — 10 sacs de grain (14 hectol. 2 lit.) Ace fr) FUI ut sub ack ed à — 1,400 gerbes pour FR de la ferme, à 10 fr. le cent..... FI Sd S shE IR NER 9. Sucrion.— 20 sacs de grain, à 10 fr, (a8hect. Pi TE AN EE SÉÉLRS TEASER SO — 1,600 ee pour l'usage de la nés à 5 ŸE. de GENE. - 7: RARE A 4 2 AE 10. Pommes de terre. — 8o sacs (112 hectol. 10) it. JADE. ce: Sue PS 11. Betteraves. ds pes | 2 tiers des pommes dé tepte. fes Se ME Ge DR res + CU 12Caroles.. Idem es ere ee 13. Raves ou navets. — Le tiers des pommes de terre...... S ÉTRNT E nre OI NÉE ad SEE 14. Planchon. — 480,000 plantes de APCE 4 ho:cent: Je-malle ©... Mue-.-tSbes 15. Choux- collets. — Le tiers des pommes de terrér. Mie DE JA ROLE A uroine Co e ECO 16. Péturage du verger. — 1 hectare 15 ares 18 cent. à 338 fr. 6o cent. l'hectare..…. Tora de ce chapitre....... 4,122 » 1,100 400 192 96 5oo 360 320 150 140 200 DÉPENSES ET RECETTES. 491 RÉCAPITULATION DE'EA RECETTE. CHAP. 1°. Bénéfices intérieurs de la ferme... ..... 936 » v ms "Produit des récoltes.:...:.....:... 9,730 » TOTAL IHESLAT RECETTES : 142928 10,666 » BALANCE. Le.montant de la recette est de... .........,.... 10,666 » ÉPeehn daifa dépense de ct mec CE 9,240 » Hénencesa. A PS. LUS PERS 1,426 » REMARQUES SUR LES TABLEAUX PRÉCÉDENTS. D'après les tableaux 1, 2, 3 et 4, l'exploitation d'une ferme de 25 hectares 1/2 donne : Parcecite-brute :5.%72 :e00ap), a08 15,004 98 Enalépenser. :1:04.Gi43 940 10, LB era 10,181 89 Difiérence. ui EL 4,823 09 Nous avons fait observer que nous n'avions pas compris la valeur des récoltes intercalées pour com- penser celles qui manquent, ni les produits des trou- peaux pour tenir lieu des soins qu'ils exigent, des pertes qu'ils occasionnent, et de l'entretien de la famille. Par des calculs analogues plus détaillés, relatifs à une ferme de 16 bonniers, où de »2 hect: 64 ares 492 CHAPITRE XI. 32 cent., et rédigés en 1776, on à trouvé que le montant des recettes était de......... 10,666": » Et celui des dépenses de:.,..4:.... "0h Différence: 4 225 0e 2008 Ces résultats sont et doivent être au-dessous des précédents. 1° La première ferme est de 25 hect. 50 ares , et la seconde seulement de 22 hect. 64 ares 32 cent. ; la différence est d'environ 3 hect. et plus du huitième : 2° le prix du sac de blé n’était, en 1776, que de 20 fr.; à présent le prix moyen d’un sac de même poids est d'environ 28 fr., et il en est de même des autres récoltes : 3° les frais d'exploitation et de journées étaient à la vérité plus chers en 1820 et an- nées antérieures, qu’en 1776, mais dans un moindre rapport: 4° les impôts indirects, maintenant très-éle- vés, n'étalent pas établis en 1776. Il faut donc que le cultivateur retire maintenant des revenus plus forts pour couvrir ses dépenses. Quelques soins qu’on prenne pour évaluer exacte- ment les dépenses et les recettes d’une ferme de Flan- dre, il est mille détails qui sont imappréciables et qui augmentent de beaucoup les sommes trouvées. Toutes les femmes, par exemple, sont occupées une grande partie de l’année à faire des dentelles, à filer de la laine et du lin; quoique le prix de leur travail soit beaucoup réduit depuis l'introduction des machines nouvelles, cependant les bénéfices qu'elles retirent suffisent pour payer l'achat des habillements. Lorsque la famille est nombreuse, elle s'occupe de la prépa- ration du lin, et quelquefois même de la fabrication DÉPENSES ET RECETTES. 495 des toiles, occupation journalière des locataires, ou occupeurs, d’un bonnier ou deux. NOTES SUR LES PRIX DES GRAINS. Il ne suffit point à un fermier de récolter ce qui est nécessaire à sa consommation, il faut encore qu’il produise un excédant dont la vente lui donne les moyens de payer les baux, les impôts directs et in- directs, les engrais, l'entretien de sa famille et les dépenses de toute nature qu'il est obligé de faire. Si la vente du superflu de ses récoltes était difficile et incertaine, l’état du fermier serait précaire, parce que les paiements qu'il doit faire arrivent à des termes qu'il ne peut ordinairement ajourner sans courir les chances d’être ruiné. La position du fermier flamand sous ce point de vue est favorable, en raison du nombre et de la gran- deur des villes de commerce qui l'entourent. La po- pulation manufacturière qui consomme beaucoup et ne cultive pas, assure la vente des produits agricoles à des prix élevés. Le fermier à en outre la facilité de conduire ses grains au marché presque sans frais, parce que le pays est coupé de routes pavées et de canaux praticables en toute saison. C’est à ces deux circonstances autant qu'à l'abondance des capitaux qu'il faut attribuer le haut prix vénal et locatif des fermes. Il est essentiel d’avoir égard à ces particularités dans l’examen des tableaux précédents. Des fermes situées dans l’intérieur de la France ne pourraient donner moitié des petites fermes flamandes, parce que 494 CHAPITRE XI. les cultivateurs sont obligés de porter leurs grains à quatre et cinq lieues, par des chemins presque impra- ticables, dans des marchés où ils vendent souvent à des prix très-bas, en raisôn de l'abondance des pro- duits qu’on y amène, du petit nombre d'acheteurs et de la difficulté des communications. La Flandre est placée, par rapport au reste de la France, dans une situation privilégiée : des ports, des canaux et des routes servent à importer à peu de frais tout ce qui manque à ce pays, et à exporter avec profit tout l’excédant des récoltes; mais il n’est au- cun point du royaume où l’on ne puisse procurer les mêmes avantages en ouvrant des routes et des canaux. Ces travaux sont de toute nécessité et de la plus grande urgence , ainsi qu'on le reconnaîtra en comparant les tableaux que nous donnons. On verra que les mar- chés éloignés des ports et des rivières sont mal ap- provisionnés dans les années de disette, et que les prix des grains y sont beaucoup plus élevés que ceux des marchés plus favorablement situés. Nous donnons les tableaux suivants dans le but de montrer que pour améliorer le sort des propriétaires et cultivateurs de la France, assurer le paiement des contributions, et faire prospérer l'Agriculture et le commerce , il est indispensable d'ouvrir les communications que récla- ment les départements. | = —————— Prix des grains vendus au marché de Lille. 495 PRIX MOYENS INDICATIONS. pendant les mois de pendant l'année. ER EE — © — Janvier. i. Septembre. | de la rasièr. | de l’hectolit. EN 1700. Orge, ou sucrion... Orge de mars ........ ..... OEillettes Tabac, le kilogramme.. Lin, les roo kilogrammes..,.| 1 Hivernage , les 100 kilogr..... Paille de froment........... Chanvre......, De | Blé froment , la rasière Blé barbu, ou gros blé Seigle Avoine Orge, ou sucrion.. Orge de mars Or © COtO E ‘00 © SR © 1 or = (OO © (© ES QUE OEïllettes.. . Caméline Tabac, le kilogramme Lin, les 100 kilogrammes Hivernage, les 100 kilogr Paille de froment Chanvre. — © pa où SI 96 Prix des grains vendus au marché de Lille. PRIX MOYENS A — INDICATIONS. pendant les mois de pendant l’année. EE © Janvier. Mai. Septembre. |de la rasière.[ de l'hectolit. eee | 0 = | ————— | EN 1792. fr. c frs c fr. c. fr. c fr. c Blé froment , la rasière....... 13; 90! 15-254). 21,90 18002 250 Blé barbu, ou gros blé......| 12 5o | 13 8o | 20 30 | 17 38 | 24 85 Btigler. 1. PRÉC RL EUX 10. 25 | «3 50 | x5N 40 [rt rio: Avoine tra. PELCELE 5 60 oO 600) rss 9,467 0 TS:2482 Orge, ou sucrion........... 9 4o 9 80 0150 9 39 | 13 43 Orge ue mars.............. 9 20 9 70 RE 9, 2200 4618 Téves J.-L OP ME CETCEL.-tL. TO D0. | 20 > 112, T0 -IS TOO TO CORRE RAT Eee reer r0 "6o!! 260 re Mo) 9.1 20/4145 Eine NE PEER AE NL. 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LIRE HOME TEA | 10 go | 12 80 8 77 | 10 49 À 15 ,.» Orge d'hiver, ou sucrion.....| 9 35 9 15 9 96 9 45 13 5x, Orgeïde mars. 4. 1 00 « No 9 710 9) 89 9 5o 9 24,].15..2x Fèves+.:60t it 2e 11 xo | ro 8o 9 go |. 10 53 DAS Golzar. PERL LCL ER LIRE. F5 D» lite 2» | x8 >» LaG so es Lin SFr EC ELIEUL LORRELTEZ ARR 12 » 13 > 13 89 | 19, 86 DEdienes the, .2c Km DES 15 20 | 13 95 | r2 » | 13 73 |. 190165 Peméline..02.44.L 0%. 0h 12 Gollr L> ir 95 |:12,60 08 Pommes deterre...........,. 2 3 20 3 60 » » 3 42 (CE TT PAR MS ARE x, 5 I 24 1 20 > a 1 23 Rterayenr er. . 0. CLR. 1 23 L''AT LS > = I 20 Tabac, le kilogramme ....... Hivernage , les 100 kilogr..... 7 99 7 68 7.492 » D Tr 02 Paille de froment........... & 70 4 95 & 20 » ® 4 a Chanvre?" OR RREMr à. .:. OR CT) 12 » 12 90 12,, 159 x 74037 Lin, les 100 kilogrammes.....| 14 66 | 14 77 | 14 5t » _» | 14, 68 Foin , les 100 kilogrammes.. .. 7. 90 7 65 7 60 > ou 7. 67 Navels:. te cet E LINE » 60 » 64 » 68 » : ». 64 | Prix des grains vendus au marché de Lille. 497 PRIX MOYENS INDICATIONS. pendant les mois de pendant l’année. | ER © , | Janvier. Mai. Septembre, |de la rasière | de l’hectolit, EN 1794- Blé froment, la rasière Blé barbu , ou gros blé | Orge, ou sucrion Orge de mars Tabac, le kilogramme Lin, les 100 kilogrammes. ... Hivernage, les 100 kilogr..... Paille de froment Chanvre EN 1795. Blé froment Blé barbu , ou gros blé Orge d'hiver , ou sucrion..... Orge de mars Caméline Pommes de terre Carottes Tabac, le kilogramme Lin, les 100 kilogrammes.... Hivernage, les 100 kilogr..,.. Paille de froment Chanvre Agricult. de la Flandre. 32 498 Prix des grains vendus au marché de Lille. PRIX MOYENS EE" INDICATIONS. pendant les mois de pendant l’année D A . — — — Janvier. Mai. Septembre. de la rasière.| de l'hectol, EN 1706. Ta Blé froment, la rasiére....... 14 »1|rr3 Soi 12), SAINTS amvrotton Blé barbu, ou gros ble...... 12, 507 |: 12 -5o | 10) 25 Mhem66M 6065 Orge d'hiver, sucrion....... c Be à » 210108%l@nrima ES NOEL ‘ 1% 20, 50 ) Févesi:. RUB SE SRI ANT 95 ô ÿ Colza ss TA: MORALE C 21 » 18 » 19 » 16 02 | 22 90 lin. - EE de: CE 19 » Se | © 12,6 13: .08.|.201 1 OEillettes .e.. Lr.E ee ar 18 » 12 50 14 » 13,93 19 62 Caméline....... DE AA 0 | 17 5o 12 » 10 50 | 12 60 18 02 Pommes de terre........... | 2 6o 2 8o 2 90 » » 2 78 Garottess RTE AR CRE lu 110 Lo 23 EL, 22 » » 1 : 21 Betteraves..... OUES SP TEE A Ti . a 1ÿ 20 1 20 » » s'u28 Tabac, le kilogramme....... | Lin, les 100 kilogrammes...| 12 09 | 12 65 | 13 og » » 12 _S4 Hivernage, les 100 kilogr.... 7 06 8 37 8 92 » » 8 36 Paille de froment...... 20 0 | RE D) 4 90 4 58 ».. » 4 63 Ghanvre:,. RE cr fe 12 S 7% 8. 2 8. 92. | .32m97 Fons 0n2..0 dE AR << 116 68050 7 Do a. + » » 7 60 Navéts.. drum rad re EN 1797. Blé froment , la rasière. . . ... 11 98 9 go | ro 68 | ro 60 |. 15 « 16 Blé barbu, ou gros blé. ..... 9.25 8:25 9 07 8 86 | 12 25 Orge d'hiver, sucrion....... 6 20 5 go 6 5o 6 20 8 86 Orge derbars.-:-#-.t. AIT Un ME 5 So 6 30 G 19 8 85 Selgle..;. » + serons vos 6 95 by #90 5% 50 5007 8.145 Avoine blanche............ 3 66 STD 4, 25 37 sin 5,, 30 EYES PEL CC REC Eee 10:-b0, {ro >, |Mrr xo ro ro CHIPS RRRPTRRE R Nn 0 UE TT) LES ES 14 02 | 20 04 LENS ER EM EN CARE ass mie » He » 14 « 14 06 20 13 re AT Rare dE ecRC 17 amener ed doc te sales To Ut 12 Pommes de terre........... SP A8 | A (CAS CE OS NS PO E T4 207 I Belteraves. "2. Esp se 10020 1 Tabac, le kilogramme....,.. Lin, les 100 kilogrammes....| 13 50 ONE YO 13 7 hivernage, les 100 kilogr.... 8 50 8 o7 7 62 Paille de froment .......... H. 20 Ar, 4 7 Chanvre... Re. [L 8, 75 oJa 9 » Foin, les 100 kilogrammes...| 8 25 8 4o 8 95 Nagets he... FLE ice » 60 » 68 63 Prix des grains vendus au marché de Lille. 499 ; PRIX MOYENS INDICATIONS. pendant les mois de pendant l’année 7 A" — (EE 6 Mai. Septembre. | de la rasière.|de l’hectolit: | À UE 798. fre; fr: We: fr, c. fr. oc. fr. ec. Blé froment, la rasière.. ..... 9 5o 8 60 8 75 9 ‘» | 12 87 Ble barbu, ou gros blé ...... 5. 50 655 7 bo 7 37 | 10 56 Orge d'hiver, sucrion....... 6 50 5 9o 5 60 5 97 8 53 Quse/demars.- 25.45. 4.1 6: 75 6 » 5 80 6 13 8 n5 SES ES SE TOC AN BF ANR 625 5 a 5 5o 5 8o 8 29 Avyoime blanche :…. 1... ., 3 25 4 25 3. 42 3 92 159 | PÉTER NOR EE PRET 6: rt 5 90 6 50 6 26 8 94 CO LESC APR SE APRES ne. à 15 25 15 » 15 12 | 21 60 DAS de ans Sears das 14 25 | 15 35 | 14 .5o | 16. 69-l 23 85 Dameline. 22. dd. 2-0 0E Et. 50 | 21 |}; 12: 5ovlerr 087 Mr6M 97 RO RE LL SE se. 14 » 15 14 » 14 50 20 72 Pommes deterre........... 2001950 SE 2 86 » » 2 80 DroHest 2-0 wide ae ts: FE 14 T4 1-20 » » eo) Detlerayes.--.:.2....:.. 1 09 TN 2 71 18 ». » LOBET'7 Tabac, le kilogramme....... Lin , les 100 kilogrammes....[ 15 60 ! 15 60 | 14 60 » » 14 98 | Hivernage, les 100 kilogr....| 8 » 7 5o 7 4a » » 7 52 | Paille de froment.......... he 32 % ko 4 9o » » 4 60 | Orne SOS RE EC Qur p SE D NE » 4o | 13 43 Foin, les roo kilogrammes...| 8 25 8 20 8 66 » » 8 4o HÉVOS MORE CPE » 58 » 66 » 60 » 22 0€ EN 1799. Blé froment, la rasière....... 90 33 8r » 13 Blé barbu, ou gros blé...... 7 7 Où So |Pnr Orge d'hiver, sucrion....... (CR 6 10 6 Orge de mars............. 6 50 6 » 6 FNELENE TRE ENT Gun 7 20 6 Avoine blanche............ 30 83 5 83 5 MÉVESEREE this ie she dede Mae G» ay tros 26% | xx BOITE Le he ot ! ‘ 150 251 || 22: 5a,| 124 Pan DRE. cc ie 29e T0 Es 16 5o | 16 Menlées Et. hi. 42... 18416 22 $5o | 20 (LT SO PRE 12 10 0 16 Pommes deterre........... 2 20 22100 2 Daroites.E. din. 1 98 T'hOT I TENTE DONC Ace 27 1 18 ï Tabac, le kilogramme. ...... Lin, les ro0 kilogrammes....| 15 68 | 15 37 | 14 Hivernage, les 100 kilogr.... 8 “595 Sax 8 Paille de froment........... 4 90 & 70 4 Champre bn. .t Je das. S CRT |br4 Foin , les 100 kilogrammes...| 8 15 8 oo 8 Navets: 5... SR MSC CRE » 60o » | 65 : 500 ÿ 4 Ÿ INDICATIONS. EN 1600. Blé froment, la rasière...... Blé barba, ou gros blé....., Orge d'hiver, sucrion....... Orge de mars.............. Seigle.................... Avoine blanche............ REVERS LE HO TERMES SIN. EE Colzt : Fast Sc. HSin tek ei Sp e SE SOL: OTIERes ut 560. 8x Giméline: 44 2. dû: 22 Pommes de terre........,... Cérofes EE." ie ie Die) lee Betteraves..….... Ses de Tabac, les 100 kilograiwmes. . Lin, les 100 kilogrammes.... Foin, les 100 kilogrammes,.. Hivernage, les 100 kilogr.... Ghanvret NN: 08 A. Paille de froment........... Nüvets. Lu. 14 SA. 24. Blé froment, la rasière...... Blé barbu, ou gros blé...... <&: , Orge d'hiver, sucrion....... Orge de mars............. Seigle . 2.07, . M. Jesse Avoine blanche............ CROIS (QE ECO SSS APP PE PS Re CE Elettes..-- rt dt 4 fameline: 3.1 . 16 4: Ka Pommes deterre..........,. ERrO tes Eee: cute del de BetteRen-e .. .1. de -ue Tabac, le kilogrammes ... +... Lin, les roo kilogrammes.... Hivernage, les 100 kilogr.... Paille de’froment........... Chanvre LMP EEEE. à Foin, les ro0 kilogrammes.. AVES. CE CSS RE LR PRIX MOYENS Prix des grains vendus au marche de Eille. EEE Re, pendant les mois de pendant l'annce RE Janvier. RES Are Mai. Septembre. de la rasière. |de l'hectolit. O m Om ot wo fr? ‘€, 13 63 13 » 6 » 3 50 6 50 3 25 13 ” 21 » 20 50 16 5o 15 » 25% 1*.#h QUE 14-27 8 16 70875 9 » & 80 » 66 TH oD 13295 67 7 » 8 » 4 50 9 18 » 18 » 17 95 16 50 2. 50 > x NT ET Eh) 5 02 & 39 10 » 8 20 » 72 fr. c. fr. 19 7 c. 59 67 ‘OT 74 24 90 70 23 85 32 67 49 23 21 85 31 71 52 74 65 A — — Prix des grains vendus au marché de Like. Sort PRIX MOYENS D ——— ——— INDICATIONS. pendant les mois de pendant l'année D — n Janvier. Mai. Septembre, de Ja rasière.|de l’hectolit EN 1502. Blé froment , la rasière Blé barbu, ou gros blé. R'EMEAULLONR RC APP || Orge d'hiver, sucrion. | Orge de mars.......... | 1] Seigle.... Avoine blanche..... REVES ne Cobar. 3..! Minnie 4. OEillettes Celine... #7. Pommes de terre...:. CArôties.: 0.70 Bétteraves.. Tabac, le kilogramme....... Lin, les 100 kilogrammes. ... Hivernage, les 100 kilogr.... Paille de froment....,..... CENTER Na ele etele a lels »/ctei ce Foin, les 100 kilogrammes... EN 1803. ; pendant l’annfe. Blé froment, l’hectolitre., ... 5 1ofr. 3e. Blé barbu, ou gros blé....... 3 j 2/6 14 67 Navets.... j » G7 Orge d'hiver, sucrion...... 5 11 o4 Orge de mars... SE Le 10 SRE ee de ce so re 11 Avoine blanche. . ATile ee 7 MEGER Lens Le CEE < 12 (Co CROE 1 Di SP OEillettes..... Caméline (anottesr. "Te Te JELÉETAVES 2 + - ce 0 0 Tabac, le kilogramme Lin , les 100 kilogrammes. Hivernage , les 100 kilogr... Paiile de froment...... Chauvre Foin, les 100 kilogrammes.. . 5o2 PLPAL LES 22 PCR AU CEA RE NT AE EE LEA PEER OP PEU PQ PC ILE AP CR AT TR TL A ER PO EE PP DCE TE INDICATIONS. | Ÿ EE 1804. Blé froment , l’hectolitre..... Blé barbu, ou gros blé...... LOTERIE see | Orge d'hiver, sucrion....... | Orge de mars........... + SIPle- RE EL EC EE ------ Avoine blanche.,.......... Foin, les 100 kilogrammes.... NT GONE OS DETENTE | Pommes deterre........... Garoftest 2... Betierayes es ee. - Tabac, les roo kilogrammes. . Lin, les 100 kilogrammes.... | Hivernage, les 100 kilogr.... Paille de froment........... | ChANNTE Te = de de | EN 1805. | Blé froment, l’hectolitre..... | Blé barbu, ou gros ble...... | Navetse- 2-4 dede: Orge d'hiver, sucrion....... Orrede mars. #02... | SN DSSR SON EUR CURE . REVES ES Re us AO. Tabac, le kilogramme. ,..... | Lin, les 100 kilogrammes. ... Hivernage, les 100 kilogr.... Paille de froment........ EG Clpavyre..::.....fe Eee PENDANT LES MOIS DE Janvier. 50 go PRIX MOYENS Co SJ Prix des grains vendus au marché de Lille. PENDANT l'année, Prix des grains vendus au marché de Lille. 503 EG QT Q SQQSQQCQÇ QU QU QUE PRIX MOYENS A —— ——— " INDICATIONS. PENDANT LES MOIS DE PENDANT 1e a Janvier. Mai. Septembre, AT mess | ns | ce. À en mmemncnnengen EN 1806. fr dc. fr, Mic: LHENNTE fr: Me: Ble froment, l'hectolitre. . ... 20 » 19 7 r600Sÿ 18 06 Blé barbu , ou gros blé... .... 17 25 15: 425 14 5o TMNOE Navets...... HR ce » 5) » 59 ». 66 Or Orge d'hiver, sucrion....... 8 75 8 5o 9 ‘» 8 7 OGfge de mars: *.". 7.0.1 06 8 4150 8 975 8 » 8 19 10 | 75 970 11 25 6 l‘» 5 30 HUSS 5 8o 5 75 BDIEST 12 2 10 85 ErRUT LE 1 WE 21 » x'OMPTIE 25 » 24 » 24 952 20 50 #20- 50 20 13 14 » 16 50 14 73 3 60 2 8o Dr 0 D 1220 + be Tp20 RATS T'MST Lin , les r00 kilogrammes.. .. ) TAUE 14 99 TANOS Hivernage, les 100 kilogr.... 8 45 9 16 8 76 Paille de froment 4 t 50 & 15 4 - 06 Chanvre » » » » 10 » Blé froment, l’hectolitre 5 |: 16 50 15 66 16 14 Blé barbu , ou gros blé 4 ‘26 PM ER r'ANES 13 97 Naveils.:.. 2 : « 59 » 62 » Go Orge d'hiver, sucrion g 60 9 50 930 Orge de mars.. : » » » » 32050 » » 11 60 17 47 5 4o qe 5 LH 5) VO 5 80 node 9 60 2030 10 74 18 » 18 » 18" "58 25 » 23 » 24 47 16 50 BE 5» 18 66 16 » 13% > HMEro 2 9o SE TO 397 Carottes. ... 1 26 1: 28 OL ES Petteraves LA I 20 Dr Tabac, le kilogramme Lin, les 100 kilogrammes... 16 20 16 90 16 54 Hivernage, les 100 kilogr.... 9 32 OMS E 9 40 Paille de froment 4 4o 5 42 4 5% Chanvre 10 » ». » 10 5o PRIX MOYENS mo INDICATIONS. TENDANT LES MOIS DE PENDANT I L l’année Janvier. Mai. Septembre. gs EN 1808. Blé froment, la rasière....... Blé barbu , ou gros ble...... Névets.:.4..99.:22r.-8.c#88 Orge d'hiver, sucrion.. & - rie Orge de mars....... Foin, les 100 kilogrammes... Hévess---2--eé6r-eu-re- RÉ Camelhino.-à. pt eucmesee Pommes de terre........ RE" Carottes. re rech Re Beitrtraves 2: .2.--0c--0b. "LL Tabac, le kilogramme....... Lin, les 100 kilogrammes.... Hivernage, les 100 kilogr.... Paille de froment........... Chanvre. 2e lire Doté - Ble froment, l'hectolitre. . ... Blé barbu, ou gros blé...... Navetn: 6eme cbr. ei Orge d'hiver, sucrion....... Orsedé mars. ere +: Seipie- Chen r-Sc LC Avoine blanche............ loin, les r00 kilogrammes... HEvesss LE pe CE TL DUR NC OT CRE CO) LOC anbhne LE db - 0: Pommes de terre........... GANTS ELEE E - ©» cb. de BElTe AVES an. «04 - 0 D o jore Tabac, le kilogramme....... Lin, les 100 kilogrammes. ... HU 14 So 14 59 14 68 Hivernage, les 100 kilogr.... 8 5o 8 14 UE 8 12 Paille de froment........... 2 9 3 60 5, 420 4 18 Chanvre... ee RE EE 15 50 15, | 50 14 50 15. 26 +. 31 ‘40 29 62 » 60 » 7oO » 53 » 59 8 5o 12 » TS 7N9Ù 12 52 8 1125 11 770 3 MAS 12, 17 » » » » 14 65 18 7 6 5o 8 4o 8 %o 8 59 6 3: 1. NS 8 66 8 73 9 50 11 50 14. 65 132295 26 50° | 927 » 22 » 2560072 25 4» 30 5o 26 50 28 17 21 5o 2201060 27 ‘50 23016 21 7 22 60 22 90 23 02 3 %4o 3 (Go & 310 3 89) 1 90 x) 7 LYS 117 20 1 06 x, Jr z' + O9 » Cl dy à 16 » rh 69 dit DE 2 157" 48 10 » 9 19 8 50 Je 2 19 3 bo 5: 10 & 13 » » 16 #60 - » » 1% 99 4r 28 52 64 S © 42 49 38083 1MUTS HO 23 29 34 93 » 54 » 060 » 68 » 60 16 Do 22 » 17 50 15 50 16 25 21 60 1 TC TS 19 73 2 5 » 33 » 21 x 25 7 3 9 90 15 o 14 » Ya 40 12 94 FN D 8 70 10 54 17 » 3r o 16 » 22 48 27 50 30 » 32 50 28 67 29 50 32 » 31 » 30 58 29 » 30 +» SON 27 67 26 » 26 » 27 » 29 0067 5 90 6 40 BA1EO 5 87 1 26 1 34 LT TITI I 29 Tr 100 1 08 17 16 1 » THAT 1 97 I S6 Prix des grains vendus au marché de Lille. 509 PRIX MOYENS INDICATIONS. PENDANT LES MOIS DE PENDANT A , : Janvier. Mai. Septembre. l'année. EN 1818. fr.! «© fr c Eva ic fr c E| Blé froment, l’hectolitre...... 370439 23 64 26 94 27 97 | Blé barbu, ou gros blé...... 058 20 82 23 86 24 30 HPNa vs 2 2e Lise > » 59 » 72 » 64 #| Orge d'hiver, sucrion....... 11 5o 11 5o II 970 TELN 43 HMOrge de mars. 1: ....:. IE 25 11 20 + AE FE EG SAUTER ER QE TERRE 29. 133 M0 15 » 16 70 A voine blanche............ 10 20 9 © TOR 9 .6% Foin , les 100 kilogrammes. .. 953 $S 926 II 22 9 38 RÉVESRES PM NE Gus eu eo 25 4o 20 » 27 So 21 922 METIER ARR RS RRTE 30 » C1, 3r 5o 28 92 OHettest das esp eee à 31 » 30 25 30 50 30 :56 ECO E SSSR ET 29 » DIEU 30 50 27 30 Ginélimer Pride she ZONE » 24 » SITES 24.71 Pommes.de terre... ....1 +2. 40450 SANTE. 3 So 3 9o CET EU COS SRRETORPEMAEET D C0) W2f 1 o7 1 17 MEERAVES Lea Re 000 0 D Ch É ONDIT MATO LALEZ Tabac, le kilogramme....... Lin, les 100 kilogrammes....| 14 10 14 15 14 90 14 47 Hivernage, les 100 kilogr.... 8 28 8 42 8 95 833 Paille de froment........... 7 36 6 66 TL Q 7 07 Chanvre...... NE Ge NE Torpr> 17 » ARE 16 3 EN 1819. Blé froment, l’hectolitre.....| 19 95 17 67 18 36 TE JE Blé barbu, ou gros blé....... “EVA THE 15% 381: ae D, en » 155 » 60 » Go » Gr Orge d'hiver, sucrion........ 8 » 8 60 7 19 7 87 Orseide mars. .:42,50: 111. 7 9 8 45 na 55 7 95 ST TCCÉONS EMERC ERA 12 25 7 A de TOM.» 11 O8 Ayoine blanche............ SANro 8 10 6 » 5 41 e| Foin, le quintal métrique... CURE g 40 6 89 8 17 FETES ORNE 19 VERRE où > 14 03 CITÉE RL RPR EE 26 5o SFR 29) 05 26- 9x L'OMLCITEOR CRSSEDRR TE 29 50 35 » SAV S 28 30 LR a. 29 » 33 2 19 » 27 04 CRE UE, | .l. 26 » 29 We DOTE 24. 67 Pommes deltertre. ». . 2. :.... 3 4o 3 » SR DNILTÉS Carottes. LR de AR 1050 1 PA 5) EAU TE LUI Hétiéraveés. AU 30 Ne Re TE (34 ÉOUTO 1 » 1: 200 Tabac, le kilogramme....... Lin, les 100 kilogrammes..,. TAN OS 14 00 ARR S 14 go A| Hivernagé, les 100 kilogr.... 8 30 8 85 9 10 MY Paille de froment........... 6 36 6 o4 4 75 5 ot Dihanvre; ft Jane ei TT 19 » 16 56 16 5ro TaBcrau des récoltes et des prix moyens DÉPARTEMENTS. hipes (Dusses 2 CRE Mb ce di dvase SRE Alpes Cas CR ENT RE EEE Re ae Mn AE A SCA lee PE HOT MIT AO Es OCR SE SR ET Ee TERRES RSS ANVEVTON2 Eire el ciel mie lele ele ete Duels SRE RASE Bonenes-dushhone th... Mucer Nl il cena Calvados 22102: Si te de ehore dela Se CE le (CEBRZO MS ei. Eee rl EUR en ER EN UE LL EUR DRASS Sa CS SE LR BR nr DOUDs ANSE Marmite) EME . LR Se De estate dote et Garonne (Haute DL RALES HÉROS CI LUE TS co PRET LE CE CO UE DR 0 AE OL CRETE RE RO A ie OR DES PET ATOME DES O AUS ON AR Te ie MAS RAP EEE à OU. AS ne. SARA DoirellEtrate) EC ORNE... NRREP: Epire-lhfénienre.: NS." RES CRE 0. . ter? .FRO RÉCOLTES EN ES 1817. 1818. RAR RE ET nee ne 560,900 1,367,173 322,000 282,940 255,437 155,000 385,000 199,600 334,065 440,000 295,390 503,853 1,372,000 22,000 131,280 906,150 450,000 12,000 422,000 288,000 909,602 1,300,000 014,190 443,500 358,006 986,000 350,000 174,000 378,220 96,460 640,500 1,907,000 322,000 190,300 270,000 140,700 : 575,000 240,000 444835 607,000 234,299 340,000 1,372,000 45,320 234,375 435,510 785,000 30,000 220,970 936,431 440,000 13,000 453,000 288,000 758,000 1,416,147 1,043,000 476,700 221,000 1,450,000 937,208 569,000 570,252 934,000 390,000 580,000 . 549,500 370,000 232,000 375,000 64,306 71,947 524,800 520,000 500,000 des grains, en 1817, 1818, 1819 et 1820. ri MENT. RÉCOLTES PRIX MOYENS EN À DE PAREILLES ÉPOQUES, EN 1819; 1520. 1817. 1818. 1819. 1820. fr. c. fr. c. fr. e. fr c. 850,000 350,000 31 50 26 25 14 15 18 20 2,335,805 1,397:580 30 86 199 2139 18 50 21 © 5o 480,000 320, 000 32 » 24 » 15 » 18 » 285,480 257,600 36 » 32 60 22 90 24 II 4 250,000 170,000 Li » 37 50 24 35 28 75 | 152,032 146,830 33 33 3 79 22 50 26 25 | 970,874 444,656 41 » 18 » 12 56 20 72 | 180,331 180,331 32 12 24 » 19 15 18 5o 488,225 151,006 32 y2 18 24 12 » 18 48 750,000 650,000 EVAMMEE 27 9 17e 237 18 72 215,319 161,442 SL 42 23 93 21 36 21 29 453,000 362,700 47 » 36% 17% 17 48 20 MOT 1,040,000 1,300,000 24. 59 21 13 19 60 Dites 04 44,880 40,500 32 » 2) » 19 65 24 25 270,000 230,000 231420 26 90 19 » 19: : - 3x 748,750 493,240 SO US n7 91 14 96 20 56 1,040,000 700,000 27 17 21 90 T9 100 17 12 37,500 24,000 27 95 2455 19 20 22° Laÿ 143,810 240,860 37 10 20 59 20 49 236-2073 1,269,000 700,000 HAN EC 21 35 12 5o TON 460,000 390,000 20 » 23 50 17 35 16 75 15,000 10,000 28 66 23 33 19 64 20 » 446,300 420,000 27 4 26 18 17 S 19 » 325,000 108,300 35 » 24 - 5a 14. 24 18 80 908,000 600,000 29 » 26 bo 19 60 23 #70 1,431,351 1,420,820 39 88 23% - 62 19 24 22 080 2,070,960 825,143 32h22. 20 24 50 19 50 23 » 524,000 324,700 23 94 20 22 16 68 16 32 312,0c0 240,000 34 50 28 5o 20 » 23 » 1,360,000 900,000 270 24 67 15 18 16 45 1,258,885 944,163 30 58 25 17 17 85 15 59 70,000 470,000 37 80 Sr 95 18 5o 19 bo 514,000 496,000 35 25 29 50 26 75 30 46 945,000 940,000 20 90 21 90 17 90 18 25 420,000 220,000 27 » 22 » 12 50 20 50 847,000 586,000 28 6x 24 32 14 72 19 84 500,000 340,000 A6 50 30 » 19 6o 21 50 498,000 226,000 30 85 24 » 18 7 17 85 260,000 203,000 DSMOIO 22 80 14 40 16 » 569,216 400,000 30 60 25 92 12 3 20 90 84,200 55,000 32 » 26 » 19 10 21 68 118,000 124,800 3500 "13 220 126 16 #91 21 40 612,266 460,000 31 Go 28 70 17 63 20 85 800,820 469,502 |- 28 » 23 Go 19 » 22 » 625,000 443,700 32 81 30 84 17 25 17 50 ra SUITE du TABLEAU des récoltes QT FRO RÉCOLTES DÉPARTEMENTS. EN “ © 1817. 1818. Later Garonne: sr... Die coke 2e - - ee dt - dede 1,080,000 848,000 MOzbre. 15e + clore clate ece dolorelele e die « « diele suce s'etle os tt 67,500 70,000 Mamme-et-Lioire. =." -:h-0R. 0. deecse siec EX. 663,212 680,000 Manche fil Rec due sker fe: d ne. 1,065,000 1,065,000 Marne: As SA PA es an dote. 830,000 1,037,500 Marne (Haute).............:..................... 350,550 597,000 Mayenne..............................sssss.e. 288,064 298,000 Ménrthese th RE detre clioiot o ee delle see Mere > 838,644 1,048,305 Mense Æs Re e Je. - As :: PL hosp. 701,654 935,000 Moeshihane..t.=2...1t..L.4<+ ce 2 TR ER: ad 423,840 331,000 Méfelle 22 2.4, QE..-£0- 6 - fire de sole. See. des 536,000 650,000 Niésren £a CURE: nent Ace ce bre + tre sde 241,024 320,000 Nord. e-h Ab --ghele de A 2 Je Me à oc ce 1,620,000 | 1,776,918 Offer CLS A AE. LEE. LR. .6... tt PRE APRES :, à 1,353,729 995,000 Onme--Rr--+-%tr--- JE - cc ee de. 470,000 470,400 Pass de Gala: Mis he: - «tbe somme sec ee ‘ 1,381,131 1,624,230 Puy-de-Dôme................................... . 641,580 1,015,497 Pyrénées (Basses)............................... 41ÿ,390 500,000 Pyrénées (Hautes)............................... 412,710 330,168 Pyrénées- Orientales. ...... ICE: TOO 20 A CE : 120,000 120,000 Rhin (Bas)... Mi... . ous oo cfofee ol oo oo o dates 885,340 1,130,569 Rhin (Haut).........,.....essssesessches due 297,168 520,000 Rhône. pr -2he orectetebestbose + 1885 100 Mr 214,234 250,000 | Saône (Haute).............0. hé ensceese sie e 639,000 610,000 Saone -et= FOIRE: CR: 2-06 cs ee cl um heu SÉE 450,000 529,899 4 SAHHe. . pacs OS COS + CR CE A RE à 70 440,000 432,000 . See TA LE RE ce Ce 0: Chr cce-be--Rhchrbee » » Seine-Inférieure .2i..-Br-ce--pe---eee-e SAME TC 1,410,565 | 1,969,435 Seimc-0i= Mamme--:.:.2"- HG tte:-2: the .L."..111/382378 1,613,300 Selne=el-Oisn.. MAN co ue ciel fee Lee cree e 1,628,113 1,800,000 Sevres (Deux). 68: - #3. cnte--ed--t-ept eee 326,000 197,000 SOMME 2e. ses. Macs rERee rit Ee MRC CEE 605,088 760,211 Dane ER. RPC. -Cérctopet bb esE REC -MR 919,150 1,150,000 Fan AT ONnEM: ed sde pie à be » de olélhe café » 585,000 550,000 VAT. 288 COPINE PRES EE REP IE CEE RES 438,977 432,300 VAR UM. = -N. cet -.-2e-ce- Mic tt 85,600 152,470 V'ÉT -. 0 RON EEE CET Et CO D 525,750 740,000 Vienne CR RRRLA Docs De son. som ert tee ARS 632,000 550,880 Vienne (HAN. 2... A. 66... CRE. 57,000 43,000 Vosges... ...1:.Mimmops-eresmsssomeee sell nie etes « 332,160 349,000 SL NES VOTE: use 206 5. RH 638,000 4 TOTATE RP EEE CEE. L:-28 LI SE 48,157,127 | 52,879,782 et des prix moyens du MENT. RÉCOLTES EN A" | 1819. 1920. 1,200,000 1,740,576 90,000 30,000 874,640 585,094 1,000,000 1,109,000 1,206,700 465,000 700,000 270,000 552,000 500,000 1,300,000 430,000 1,227,297 450,228 À 400,000 390,000 900,000 300,000 520,000 180,000 1,999,226 | 1,538,165 | 1,852,745 925,473 570,000 570,000 | 2,428,900 1,661,835 620,000 420,000 391,742 300,000 396,000 150,000 174,000 152,000 1,400,000 900,000 620,000 450,000 223,900 147,209 683,000 432,000 707,032 630,700 436,000 231,000 125,000 74,000 1,784,080 1,968,920 1,8793,610 895,730 1,728,375 860,000 950,660 450,000 926,511 706,700 1,255,000 | 1,058,000 1,000;000 1,100,000 326,300 460,000 265,100 159,440 1,055,000 650,000 692,412 346,200 57,000 20,000 440,000 150,000 801,650 322,348 63,945,875 | 44,526,586 PRIX MOYENS EN — 2 PRET, F 1818. 1017. Agricult. de la Flandre. 1810. fr. 1820 fr. C. x +-39 25 31 18 67 20 » 18 32 18 10 18 » 18 » 17 56 18 76 16 40 17 28 18 23 22 50 21 -84 16 45 20 60 16 70 16 72 20 84 17 15 18 73 20 60 18 05 18 25 21 44 23 » 23 5o 23 » 23 50 18 LA 24 27 18 5o 18 85 24 » 25 37 17 93 19 20 21 » 17 70 19 38 33 Qt AN Tagceau des récoltes et des prix moyens MÉ RÉCOLTES DÉPARTEMENTS. Li EE 2 1817. 1818. UN spi sfoie ON lu ES Bien late MESs AIG eee ae te fe ce MOMGE 101,700 114,800 ACTOR OS ACDC PRO RER GRR ERA 2 334,575 444,300 JNITT PR TEUS GAS CS AO DE DA CDN SMS RTE MO Co 8,244 » Apes (Basses) 2 T- de - demain. -U:-Fe- ee 93,926 47,742 Alpes (Hautes) ele mecs: Re UE: 58,729 62,000 Ardèche...,... De CHE Got OMS IC PRE TE 15,000 12,700 Ardennes... J. asc. te ARLES ORNE: SORTIE ET 70,000 80,000 TO TC PORE HOT ODEL GOUT OM 00 DES OP de 36,295 40,000 ADP Niels es inlmne eQ ec ciele lois aie Tee ete ces core 36,821 48,210 LUE CODE TOME CAO POLE RD on oc ÉROAELO EE - 19,000 18,000 ANENTONE- LL deep aalste esse eee ce p-l-hte cr D 35,453 26,548 Bouches-du-Rhône................... OPA 0 he » » Calvados....... IE OR EN EE MO AE De POS LUE 42,000 42,000 Cantal..…......... don -cecebise -LcCRC---LReE 23,100 20,295 Ghirente +122 Socle dou à nc rec cpe ts 100,000 66,667 Charente Inieneures 2. -Etehl-eee sheet 124,000 62,000 Gher.e 30 LE RON QE HOT MALE CE SR TG ARS MS GE ire) 130,000 Cosrezeñd-- "ec. OCTO MERS M Eee ue 3,000 3,000 Cosse hier eee cb ebLe-teeme-c here 23,400 9,750 Côte-d'Or...... ere seen BON ONE SO APR DIS 92,400 195,966 Côtes-du-Nord...:72.,.4:.02.c EVE ME CC RON 67,400 63,000 Creuze....... AS nat lee ue a chute db MR ee ME » » 1 Dordopne-e@e eee Sete le déstee hoie 2 loue) SAT 75,000 | 79,000 Honbs ere eee. doi RL sai iete eue CRE 110,000 110,000 | rome dirais ai Aa ee dar ete sat lee DUR ea teen 50,559 40,000 L Enre at cc ee Ses b Se 0 à ie ob tels ce MED 394,332 353,018 ; EHTE = EAOIRe 2002 eee US ol Rise Li Re ee RARES Tr 468,122 416,300 | ANISTÈT EAN Se à lo ieie eue rie sel CE D LE El 70,500 23,000 | Conde Se Lune cs abus ques EU CEE ER 67,918 35,000 | Géonnt (Haute)... et... Re t erdEn 80,640 4,000 COR PR PO RS RENE CR Cr case 34,196 21,373 Gironde ...... TARD ONE CD A Po ON DCR Me Se de » » Herault, . 1. OO DR SON M SOEUR At 4,326 5,000 Te etAVilaiMmens eee E MAR. cie de calais eee à 286,400 288,500 ARE NOTA ON ME CO Pots SU TOME co 29,248 29,000 re theure. che ebe 2 determine eideie 116,475 118,400 LT «+ 0 OO PO DR OR EE DOTE RETt 271,992 250,000 Jpra'.+ 3 RER ue bre ch +. de cou e » » Landes ........ 54108 1008 ROC SO OS UGC te DT 31,980 35,000 Doir-etCher re RER CRC che Je deep : 95,244 96,800 Loire... 44.6 Luce Es dusicie ou co SOC IO COS 1,500 » Borrc (Haute). -0 2e ÆRER. eGerle ce. JR CCE 45,885 34,414 Loire-Infenenre:.. CRE SR... l IREM 10,842 11,312 Loiret. tek e cent rec er 12 2 Mec 257,000 210,000 NT OC À RMS E 2 010 à COTITE Je 0 8 0.0: 27,648 20,000 des grains en 1817, 1818, 1819 et 1820. 515 TEIL. RÉCOLTES PRIX MOYENS EN EN 4, |] 1819. 1820. 1817. 1816. 1819. 1820. EE fr c fr c. fr Cp fr c- 150,000 58,900 21 40 17 125 7 80 14 » 382,800 380,000 26 73 14 20 » » » » » 2 D» » » » LL » » » 106,962 102,040 29 60 26 20 19 Do 19 » 70,000 45,000 36 50 29 30 » » » » 15,950 13,450 27 » 217: 25 15 » 15 60 327,474 143,731 » » » » CE 13 95 8, 982 8,982 » » » » » » » » 75,352 21,910 » » 1301050 7 03 4 26 22,000 25,000 » » v » II 37 14 37 29,685 28,990 29 69 19 37 18 20 20 20 » » | 21 87 17 0 » » » » 36,000 40,000 » » » » » » » 2 17,600 10,000 28 5o 20 35 » » 22 » 70,000 112,500 18 98 19 30 11 » 13 Jo 134,000 90,000 » » 29 » 12 » 20 » 150,000 120,000 22 bo 16 50 II 40 » » 4,000 6,000 » » » » » » » » 30,500 24,480 » » » » » » » » 285,255 215,000 » » 17 66 $ à » .: 93,000 68,000 17 27 LOTO TON xQ 14 où » » » » » » » » » » 52,500 60,000 She MSI CURE 10 … 50 » » || 160,000 85,000 » » » _» TON 72 13, 150 40,000 30,000 » » ANA » » » » 391,555 398,450 21 95 20 69 EAN UXE 17 30 || 520,400 350,000 23 30 19 50 » » 16 95 75,000 68,000 21 10 16,50 12 » 13 » 30,000 20,000 » » 22 50 16 » 18 » 4,000 4,000 230002 10 029 TON TS » » 21,373 14,248 25 5o 23 » » » » » 38,000 30,000 » » » » » » » » 6,000 » » » » » » » L] » 319,400 À 378,400 18 69 17 18 AS 1 » 36, 000 24,000 25 » » » » » » » 441,000 272,000 » » » » » » » » 275,000 200,000 ALTO » » » » » » » =, » 2e = » » » 800 1,200 » » » - 11 15 14 » 240,000 90,000 » » » » FA » à » » » 28 5o 21 50 » » » » 93,400 95,550 29 » 18 94 TAN ONSE 16 20 15,000 12,000 25 » 24 » 11 5o » nf] 204,000 264,000 24 » + AA » » 13 60 25,000 32,400 » » » » » » » » A 2 516 Suite du TarrEeau des récoltes MÉ RL EP 7 2 OC RÉCOLTES ; EN DEPARTEMENTS. à 1817. 1818. HeiSet- Garonne. . sauce: No CO LEARN 151,399 38,000 Hozere.--.-2L- date ajeroomtensetete cime cdi 0 Se 23,800 12,000 Maine-et-Loire sr. RP PAPERS NES EU 82,612 83,900 Mänchef Eh esct MIE EC AA NUE LR a Re € 158,000 168,000 Marne RE Cecile te SEE. UN AE ANT 27,200 32,000 Marne (Haute)... 0. D'oPRTEE JO 0 6 0 0 LE Ur e 26,100 19,780 Mayenne Mrpeteteie RAGE «7 PR OX 65,184 67,000 MELON EN teen ee eos eee tr SR 12,450 12,450 MORE SR SUR et ace al te à Pa CR NL OU EE 4,752 6,000 Morbihan........ SSI DÉS PR TT RE EE » « Moselle Mer. 5 510.. ANE SD LPO: OP HO Le 36,000 42,000 Nièvre. *. ... 15 0 NO DU t cr ot POE EC ET ELA EC 60,900 76,000 Nardes M ere BED SO COR OL CAL OS CPE AN 333,342 334,932 Oescr A rR 1 HO AOIOE Pot bi MO A AUS LEE 728,701 544,000 COM SOA M MOD OT DEN MN: 2 (AA QIER HR, 2 AR 117,600 117,600 Pas-de-Calais... ...... d'elles ble eee ec iete 871,910 843,210 Puy-de-Dôme......... De QE BE en ONE UE ssitenieie 82,560 263,310 PyLénERs) (basse ee AE + AN AE et eteleetete » » Piyrénees (antes )o SEA LA: 9, LR 165,420 124,065 Pyrénées = Orientales. 27 Re ep eee 33,000 31,000 RhTe (CBS) ER Re RL ET PL OP SANTA PI NT 66,860 79,708 NON QE AUD ESS APP eor Pinto Die TR AE dE Ne 81,857 80,000 J Rhône.#.....7 AA NES CE AE NM A EL en 53,130 54,000 Sadue |(ÆHaute).2%... MR... + CRC à ARTE 56,000 55,000 | Saône-et- Loile. A. 7 ee 4. M MSN Get AE 2 13,500 186,230 | SAR es à feeds ste MAS à 2. OR OR OT ER, 210,000 213,500 SEE. ee à OISE DICO OLD POSER TMS QE » » Seine-Inférienrez, ... 4%... 08.08 JE LME TRE, 67,290 91,582 Sue-Et- Marne A. . 2. DK: 4. 08 68208 ae Le QE 78,397 85,254 Seane-et-Oïsé. #9, 4004 Be er L ARR TS 339,421 300,000 = Sèvres ( Deux)..... SNS ER RS Re PR UE © y 83,000 62,000 2° COM TR PPS GE, OT Si à 1,284,792 1,026,848 LENS OP NO RRRRCRRRE PET UNRRRE PNA AU Sang 39,000 50,000 Tarn-et-Garonne...... se Eee Nue LA deoMetientteiete 45,000 25,000 L'bhe à à SOA SE AE SR EPP ET. D 20,744 28,000 Vaneluse es. Ant be she ee ER De de 69,230 54,942 N'EndéC RARES. 0... Moore fus SPRINT OR ER Gr,125 » Vicnne RCA Ne 2e ut SI OO USER 144,000 150,500 Vienne (Haut. Er. A. MORTE 1,612 1,600 Mospess SUR MERE LCL SCC 1.00 Dee 25,630 30,000 NMOnne- error BA ES TOO OMIE S CRLT 2 224,000 237,800 a ——— LOnAUXe CARE ERERENI. LES, PNR 9:909,838 | 0,374,351 et des prix moyens du 517 TEI L. RÉCOLTES EN © 1910. 1820. 150,000 80,000 44,800 78,000 51,592 » 60,000 26,740 191,248 124,166 160,000 150,000 105,000 6,000 27,900 25,000 9,200 80,900 16,000 8,000 6,144 2,820 » n” 52,000 25,000 100,000 79,000 PRIX MOYENS EN EL" 1817. 1818. 1919. 1820. 12,000 65,000 402,521 491,000 597,100 500,000 100,000 110,000 143,300 839,000 103,000 75,000 » » 80,000 60,000 9,300 5,500 73,000 50,000 248,310 267,540 270,000 202,500 50,000 56,000 115,659 119,860 100,300 100,000 250,090 197,700 365,940 100,000 1,101,530 1,113,700 58,000 45,000 150,000 100,000 20,400 27,200 98,000 438,560 » » 155,292 139,760 2,000 1,500 490,000 20,000 291,254 117,628 11,020,748 9,381,005 518 Tagreau des récoltes et des prix moyens SET RÉCOLTES DÉPARTEMENTS. p«: a 1817. SOUL TE Lt oh sb ee co DR CNE PIE 389,500 * 410,500 BMARB Re chris s'atole ete mile ee er ele te DRE 610,204 823,000 JTE EUR RES AMEL À EE MAR E ES à 846,000 951,000 Alpes (Ban) RE MERE Den seche ec ÉEE ee 55,405 74,460 Alpes ( Hautes Ba MR AE SOS SOMEPSERS ec ét 120,763 130,000 Ardèche... RS Pie à DC Sete 2 ous Gels à aie le Mie LE 405,900 392,500 Ares PR ES RE RON PT MON ae. 180,000 270,000 D Te AN oO RL SO PORN AIS SUR: 192,960 220,000 ARE RE M Ne M ES ee © oc cos 385,102 392,278 AUTRE ER EE CC ecran 24e 0 aueie See siens LE 101,600 139,400 ÉLSRONE A DC POI E LÉO ARMUEE MADES TIEERE 221,971 403,186 Bouches-du-RhOne.25 2.1. Le eee moeisele sie silo iele Case 19,984 15,000 CARO IS ER eee le s'oeb la sde ce 158,200 126,660 CARMEN cie cire ce Eee à Caisse fe lie ee 306,000 736,250 CHRATENTE RS NE RP EN AU EENS RE PE era 130,000 162,500 Chirente-breneure sen ET ER LT SE ES Lee 13,530 10,152 Cher EE NE M ES ARLES HE SN LES AR ne dues L 250,000 170,000 COREZ EE EE RE Lo ET doc iles eco 232,000 260,000 CORPS SIREN ANA EURE SORT RERS CAR CEE PE 32,200 26,808 COCO EP RT n Us MEEN Le dome San e Move Cie 62,946 228,970 Cotes du Nord RE CRE nos M US Dre nie dE 378,400 375,000 CTEURES TUNIS SR ER CNE En 785,460 940,000 Or Go STAR SRE PE PA CNET. He ESS à 157,500 172,000 DONS ES RE D'une ou sb soute M NE ea 48,000 48,000 DO MS SE EARENRER DEN made Lt El Sans 294,000 245,000 RTE ris ele Santa ere ui TE à 2 eee CONS EE DUR 166,430 171,277 Pare et DOir ee ete bone ous Le DEN CE 154,623 154,600 LP te MO NRC RS SRE Re M est À 229,690 354,100 CETTE RUE DA E HOUR LR Den ses 87,714 44,000 LR UNE SUCER CRRSPNENS LACET Bite Ne 255,780 130,000 ÉrTe RRS AFS PE EL SPORE SR RÉ STATE à 44,223 30,269 EE CAE ARR ER re RS NE te 2 199,100 224.000 RE LE ERE, 2 e E 51,426 84,352 His ENG es NS PR RSR RES ET ARR in Par 285,000 280,000 LÉTILCSRS 28:32 NO ORNE RARES D PR ln nie ie Diote 291,240 242,000 PROC TER emo os not Mesa lee be 155,453 163,000 EST Eee RL: 7 ue Ale aie art IRC oc CE 566,972 566,972 Éd Pod à 2 SR EE 50,000 53,000 Landes, LP Ress es. 22.00. 0. AR 156,000 208,000 Lo-et-Chér ER RER na de eue se do o «er 155,883 163,000 HOME Se. - : Es -eE RD © eo CC 506,702 168,896 Lors (Hautel}::2- 0. -CRPRMEEC ch... ÉECLLE 790,081 632,065 Loire-Inferienre:t 7:65 ce, CORRE 2 2. COOL 178,551 180,000 Loiret. le 21. à OR te PR CRE 5 00 > OCR 249,000 127,000 LÉ PE SR Re 7 een OS 5 2e 156,528 100,000 qe om des grains en 1817, 1818, 1819 et 1820. GLE. RÉCOLTES 1810. 500,200 292,975 1,250,000 107,740 150,000 481,350 142,957 106,429 630,314 160,000 410,960 12,019 96,660 775,000 180,000 30,280 250,000 580,000 17,412 352,300 620,000 1,170,000 140,000 40,000 223,000 185,507 110,379 519,700 73,000 150,000 30,269 250,000 219,500 257,000 360,000 455,000 650,000 48,300 230,000 192,000 507,144 732,000 200, 000 97,108 125,000 EN 1820. 227.200 292,975 1,000,000 97,700 100,000 428,350 78,800 196,429 352,708 200,000 409,640 6,227 154,000 130,600 195,000 20,260 180,000 480,000 36,716 253,000 440,000 870,000 140,000 25,000 150,000 Retoe 110,379 505,700 55,000 220,000 20, 179 250,000 660 234,000, 240,000 330.000 500,000 28,200 BE 4 000 150, 000 328,200 5 2184 2,000 F 4770 E 186,300 BE Fr A PRIX MOYENS 519 EN EE 1818. 1919. 1820. fr. c: fr. c. fr. c. 16 60 TeUTAR rang 11 53 8 » 10 » 17 » 9 9o Pr 456 24 » 17 30 16 30 25 » 15 » 18 75 21 4037 15 » 15 60 10 50 7 82 9 84 15 » 10 5o 10 50 11 14 6 » 11 » 27 17 0 :2165 Ÿr 67 15 87 12 69 14 06 20 : 9 \‘79 10 63 15-2733 TOME 12° 87 19 05 T'Y PONTS Ci) 19 50 10 50 12 90 22 93 11 12 17 » 15 87 8 80 14 80 15 44 12 5o 12 50 1642420 8 80 13 » 1 a 1€ 83 12 » 1914022 II 32 II 67 19 ‘50 10 5o 14 » 220050 9 76 Le MOD 18 ÿo 13 5o 14030 15 * 60 9 ‘57 10 60 15 » 8 » II » 14 LS 1212149 5 ie 18 » 12 » HE] 50 15 69 8 92 10 O0} » » » » 8 82 21 25 10 50 10 75 T9 00 17 98 20 48 16 32 13 87 12 78 E7 » 10 » 12 » 14 ar 10 20 10 40 17 50 12 80 15 7h 17 45 Tu 62 11 65 15 30 8 20 9 5o 18 26 7 5o 14 86 17 » 12 40 ï 80 ON 36 12 25 1/4 » 22 » 10 40 10 80 16 où 07 050 10 » 23 » 10 50 10 50 0 SUITE du TABLEAU des récoltes SEI RÉCOLTES EN re Le à 1817. 1818. DÉPARTEMENTS. RE ER CE. do ace Oo 151,875 166,000 enecl-cparsdiedeiece De RCE DEEE 210,000 350,000 644,192 660,000 RE she DRE sien ie co CCR CE 197,120 197,120 PRÉ ORNE 0e DE Or RE OS Ie de | 837,600 980,000 ERARE ON DO NE ES ONE 175,200 |. 155,000 UE RIRE Et re De ele one cet ER ES 369,264 384,000 Menurthe---2-"-"te--0 ERP E eens acPEELT EP ECTS 47,339 54,000 Mensen nr RE heu LAN Er ou CLULCLE 31,640 42,000 Morbihan. enr LEE AT CEE ect VAS CRIS : 828,900 525,000 Moselle Ar EL CE 0 -Ce. Le OPFECEC CE se. 91,000 121,000 Se FOR SR TN AT ANTON ASIA TES : 186,200 248,000 2 dacro dore Soi An d'A ES ot PSN TS : 214,236 220,104 DRE ME PARDON 2 PSE PP SIERRA RE SL à 389,369 246,000 OPA 197 DOTE OT OO DE D 0 3 26 à AD Tan 100 : 162,000 162,000 Pasedet Calais ever CANCER, M ÉÉR RR CRCL RER NE 433,100 522,360 Puy-de-Dôme........... Br CCE RERO LUE E 1,131,804 865,746 Pyrénées (Basses) eee EGRECE 2 AR.CTRCCLE 22,120 24,000 BYreneest(tlautes) "RR rire --CerOE- Le Cc-ACEeCE 258,342 193,757 Pyréences-lOrientales SC ee RCD -Cec-E 97,;020 87,000 Hate (ETS caen US ARMES PAS UC EE 126,919 100,000 RRBAGHAUD) EEE CRE C DEC EE CCÉETCE CEE CEE Cr : 92,656 92,000 Bihôonels nine aseeree cite cooper CC ER ec ELLE 318,598 371,700 SOLE, (REUTO) MER PRO 0 2255550877: - 117,000 112,000 SaAONCS CE MOILER 1e Bec ce center pe er Rec 630,000 461,530 OR TS To 0 SOON AO ON TE 0 AO 0 2006 don à 0 472,000 490,000 Less bihionsa is DR RO R CR LOUE 146,218 167,449 helene ent NL PE CREENUTE 125,655 90,916 PAR IDOR 200 S NO D SMS PA ON Le » 339,421 300,000 Hate (QD DE ÉPREMRRRE DEPURE PRRN R ONE | 215,000 202,000 STD RS, NET MO PNR DE PE da © MS a pe à 222,480 210,076 AO SR DETENTE en DER ME CRE | 553,700 490,500 Mnneet-Garonner cri. LR le hi uctler he ch 68,000 90,000 Var Lure LR Per SR ROTIUE) PE EMMA PRIENS HA ER RES à 15,883 87,000 NE HOTELS <'PSRE UE PORT PRE RAP © 134,037 85,600 Vendée...... D ebrnELA RUE SE NRC ox ER 166,068 165,000 AS TNES 1: - - NN AO TO I OS D RE PE" © 236,000 206,080 Nienne (Haute) MERE. RCE CELL EULERE NT à 470,134 543,000 Vosges. nn EP RReR Et -pre-cbrehhnt:.RRe 103,952 104,000 Monne.. these CET ERPRES rer rien ere set RRE 182,000 165,600 HOTAUX.. EE de. LCR 22,205,163 |22,840,733 et des prix moyens du | bar GLE. RÉCOLTES EN PRIX MOYENS EN 1819. 1820. 1818. 1819. 1820. Led o F 0 Ca Le] 195,000 598,323 20 89 9 50 10 95 400,000 387,800 18 go 13 47 16 67 787,094 674,652 18 83 8 86 11 28 190,000 190,000 15 12 13 » 13 » 1,320,000 784,000 11 80 Don Te 9 25 112,000 99,000 16 » S:.2132 10 » 635,000 600,000 21 » 12. 95 rai0 ‘Oa 67,000 50,000 14 50 7 50 10 4oO 39,751 33,624 11 Bo 6 » 8 » 700,000 600,000 19 82 II 50 IT 25 160,000 110,000 14 » 7 63 10 80 360,000 180,000 17 25 9 50 12 60 373,542 399,200 21 5o 9 » 10 o2 191,879 191,879 13 : 70 8 50 10.150 200,000 200,000 20 » 11 6o 16 » 344,860 400,800 22 0070 815168 9 40 1,050,000 90,000 16 » TO 1 13 65 13,140 10,000 15 90 9150 10 » 230,000 | 180,000 T0 NEO 9 380 10.020 117,750 157,000 ÉTIGF 50 12-37 110 070 120,000 80,000 14 91 9 OUE 10 2410 100,000 90,000 16 10 10 13 OMC 332,200 210,466 16 65 11 25 12007 185,000 154,000 00050 7 70 0 100 624,270 427,180 17 90 9 » 11 » 528,000 540,000 20 5o 9 40 130004 22,000 22,000 204,555 189,330 154,345 155,000 120,000 125,000 624,624 400,000 244,090 220,500 520,000 487,000 220,000 260,000 66,000 96,210 101,900 50,950 340,000 240,000 257,015 231,310 675,000 675,000 140,000 100,000 218,801 11,364 27:519,719 |21,887,004 5292 CHAPITRE XI. Tagceau du prix courant du quintal métrique de froment, au premier de chacun des mois et dans les années ci-après. 1811, 1812. PLACES. ‘SNOISIAIG dorauvg o1quoidog “Joraueg aiquodog fr. 23 27 27 Compiègne Soissons Orléans Saint-Quentin... Beauvais Longwy Luxembourg, ... Épinal RRPRE NT Strasbourg...... Weissembourg... Landeau Huningue Colmar Pesancon Lous-le-Saulnier . SG Ce = J + IA ES mm D EE Co Pourg.,. fr. 43 ‘UN fr. 32 32 36 32 30 34 30 37 = CROREREERES CS cc = © © 1 | “oiquordog PLACES: *‘SNOISIAIG Chambéry . .... SUR g° Eomonss. 222.008 2. tAlAntbes..27.L 3 Avignon”. : se à. res Sa EE ds | Draguignan HOME € 17 PP ASE E RerCis 1. 2.1. * +. Castres RE EL # Phen afa ne) ue © © 51» Éerpibnan "21008 Montauban .....,.. Bordeaux......., 44 Bayonne |... : 30% su Mont-de-Marsan, ... ge froment. 1810. ci | "arquodog 1811. | dorAuue su asquadog DÉPENSES ET RECETTES. ‘em “aiquadeg 523 . Suire du Tanrrau du prix courant du quintal métrique de FD | “axquaideg 524 CHAPITRE X. SUITE du TaBreau du prix courant du quintal métrique de froment. PLACES. ‘SNOISJAIG P | “oxquiodog Nantes La Rochelle Rochefort...:....... Ile d'Oléron Paimpol Morlaix Lorient . Vannes Cherbourg Valogues Contances Avranches oO © D Abbeville Evreux & EEE = © Dunkerque Cambrai sans nm N mm Le DÉPENSES ET RECETTES. 525 SuiTe du TABrEau du prix courant du quintal métrique de frorment. HE 1810. 1811. 1812. 1813. Al < # ; ms ts Po LE PLACES. a g | p = 2 |E|S le ls ls alt ls elt hi E = S. = B = a QUE < 5 5 ÿ E | 5 FiS TS T W: { fr fr. fr fr ff fl fr fr fr fr :| 31 | 30! 28 | 26 | 28 | 46 | 64 | 50 | 41 | 40 | 28 F] 21/2427 |22|27145 | 58 | 34 | 33 | 32 | 27 A! :6 29 | 25 27 | 28 | 35 | 42 57132143 | 35 | 29 |K | Boulogne. .i..".[-"#10% 22 [25 | 26! 279 | 27 | 36 | 46 | 52 | 48 | 42 | 37 | 26 f fi! Saint-Omer .....,... 21123 [27] 27 |25|32143 | 64 | 31 | 39 | 35 | 32 |} < 17°. Ile de Corse AA ST .. » » » » » » » » » » » » Mnxerhes: 2: 2.0 19 [20 | 24! 32 | 28 | 32 | 36 | 58 | 49 | 47 | 39 | 25 À Chälons-sur-Saône...| 21 | 22 | 34 | 39 | 38 | 38 1 43 | 62 | 4o | 43 | 39 | 25 |8 Mäcon............|:24 | 26 | 34145 | 42 | 40144 | 56 | 38 43 | 40 | 28 |£ A | | ; Lyon MOIS | 24 | 25 | 331 45 | 421 43 1 46 | 67 | 38 | 49 | 31 | 25 À Hoanne:f 147,223 27128 | 35140 [43144148 | 66 | 46 | 46 | 35 | 32 19°. / Clermont-Ferrand. ..| 25 | 27 | 31 | 34 | 33 | 36 | 36 | 57 | 43 | 39 | 29 | 23 À: LetPayt. 00 00 36 | 38 | 36] 39 | 41 | 42 1 43 | 60 | 46 | 47 | 38 | 27 | 16 LE TONNERRE À 29 | 35 | 36 | 39 | 38 | 43 1 46 | 6r | 44 | 44 | 36 | 50 |À ‘1 : | Périgueux. L,..:... 25 | 27 | 301 30 | 32 | 38 1 48 | 54 | 40 | 44 | 4o | 27 À 20° Angoulême ........ 20 |21| 25 | 26 | 26 | 29 j 45 | 63 | 51 | 42 | 41 | 26 Mani QUIL. 2 TC RIRES GRR 30 | 32 | 28 | 30 | 32 | 37 | 50 | 61 | 4o | 44 | 39 | 32 : | LEGO GEREGNELE | 24 | 24 | 261 35 | 36 | 38 1 5r | 93 | 42 | 43 | 29 | 20 ‘t Houraese +00 2.2 20 | 21 | 24 | 32 | 29 | 37 | 44 | 5o | 48 | 42 | 39 | 3x Be | outns LR Pr es à 26 | 27 | 30} 34 | 36 | 40 1 43 | 68 | 46 | 51 | 40 | 28 WIN ETErS.LN LM RER IE 24 | 26 | 271361 35148148 | 50 45148 [44 | 35 à [Limoges deu AVS. ONE 24 | 22 22 | 26 | 27 | 34 | 50 | 63 | 52! 54144 | 29 | | | 1" CREER 15 [19 22123 | 25135146 | » | 36 | 39 | 32 | 27 Wgaf.ATeers sen 248.122 L 17 |18 | 171 24 | 23 | 33 | 47 | 60 | 39 | 36 | 25 | 18 | He Mains... UE 20 | 21/21/27} 27 | 33 | 39 | 59 | 371 38 [25 | 253 | | Bastia A6 LINLATE » 4o » » » » ,% » 54 60 54 46 3° Saint-l'lorent do le ge a 36 36 40 70 70 58 » » » » » » | | ATAECIONT. she» JE » v |[34139| 531561 » | » [45163 54156; Cervione "à. :4.N.t »” 45 | 50 1 85 | 88 | So 90 » » » » » | | ! l 526 CHAPITRE XI. Suite du TaBLEau du prix courant du quintal métrique de froment. 1810. 1811. 1812. 1813. | PLACES. *‘SNOISIAIG JoIAuf Lin quaidog CEUUT on “aaquo1dog sotaucf ETAT sarquodag Joraue g LAS VE Cu | “oxquaidog CPC CC Liège. 244.5 eeele se 0 Maëstricht......... encens... Aix-la-Chapelle.. . .. : Mayence .......... 26°. | Trèves. .......... Coblentz. .."...% nn ss... ss Florence:. 1.7. . |. PIvVonme de. re ce Spoletos: 41. : I Civita-Vecchia...... Groningue.... EnoolEec-nre.. ss... Osnabruch..:...... Mindent ile... DÉPENSES ET RECETTES. 527 OBSERVATIONS SUR LES TABLEAUX QUI PRÉCÈDENT. On remarque que dans les différents départements et marchés, abstraction faite des causes extraordi- naires produites par la guerre, le blocus continenta! et la difficulté des communications par mer, les prix dans chaque lieu sont d’autant plus variables que les communications sont plus difficiles et plus mau- vaises. Ainsi dans les pays de montagnes. et dans ceux qui manquent de canaux et de routes, les prix sont tres bas lorsque les récoltes sont très-abondantes, et excessivement élevés lorsqu'elles manquent. Dans le premier cas les cultivateurs ne peuvent vendre l’ex- cédent de leurs récoltes, dans le second cas les cul- tivateurs ne peuvent apporter qu'à grands frais ce qui manque à la consommation. On a constaté que les frais de transport, dans une seule année, s’élevaient au-delà de la dépense à faire pour ouvrir toutes les routes nécessaires. Il n’en est pas ainsi dans les pays bien percés de canaux et de routes, comme la Flandre. Les diffé- rences de prix sur tous les marchés intérieurs et voi- sins, ne représentant que le montant des frais de transport, sont beaucoup plus faibles; les disettes y sont plus rares, et le peuple manufacturier n’est pas exposé à ces terribles catastrophes qui déciment ailleurs la classe ouvrière. Les tableaux qui précèdent, comparés à ceux que 528 CHAPITRE XI. nous avons donnés dans le second chapitre, confir- ment ces mêmes résultats. Nous sommes ainsi amenés à conclure de nouveau que le plus puissant moyen de faire prospérer l’Agri- culture, c’est d'établir une bonne législation des tra- vaux publics, et d'ouvrir, par les moyens les plus simples et les plus économiques, des canaux dans chaque département, et des chemins de village à vil- lage. Le résultat est à ce point important que nous n'avons pas craint d'entrer dans des détails minutieux et qui paraissent fort étrangers au sujet que nous traitons; mais c’est uniquement pour arriver à la dé- monstration claire de ce principe, que nous avons entrepris l'essai que nous donnons. a — RAR RAR D RS RER RS VER LRU LR LR LR LUE LES LR UE BL URLS LE ALALAILES NOTES SUR L’ACCROISSEMENT DE LA POPULATION DU DÉPARTEMENT DU NORD. Les mouvement de la population dans le département du Nord, est donné par les résultats de deux recensements faits avec soin, l’un en 1806 et l’autre en 182x, après un intervalle de quinze années. Pendant cette période, la population a été influencée par plusieurs causes de réduction et d’accroissement: la guerre, l'occupation, la disette, la famine même, ont fait orand nombre de victimes, surtout dans les arrondis- 5 sements du midi, ceux d’Avesnes et de Cambrai; d’un un autre côté, la paix a ramené beaucoup de militaires, a fait augmenter le nombre des mariages et naissances ; des manufactures nouvelles et nombreuses ont accru la prospérité de plusieurs cantons, et attiré sur ces poin!s les habitants des états voisins. On remarque, d’après ces tableaux, que la population a été stationnaire et même rétrograde dans les divers can- tons des arrondissements de Dunkerque et d'Hazebrouck, que nous avons représentés comme privés de communi- cations, et par cela même d'industrie , de fabriques, et des principales causes de prospérité. Les communes marécageuses ont surtout présenté le Agricult. de la Flandre. 34 Le 530 NOTES. phénomène d'une population décroissante ou malheureuse, tandis que, près de là, les villages situés sur les pentes ou sur les hauteurs, ont gagné autant en population qu’en industrie. L'arrondissement d’Avesnes manque , il est vrai, de communications ; mais le sol en est élevé, montueux , rocailleux, et presque toutes les routes de terre sont plus ou moins praticables en hiver et bonnes en été. Il a d’ailleurs de belles forêts, qui occupent beaucoup d’ou- vriers ; un grand nombre de carrières, d’usines, de forges et manufactures d'ouvrages en fer. La prospérité de ces divers établissements, qui est due au bon marché du bois, du charbon de terre, et de toutes les matières premières, attire sur ce point des ouvriers du reste du département et des états voisins. Mais puisque les arrondissements de Dunkerque et d’Hazebrouck sont essentiellement agricoles, et que leur population n’a pas augmenté sensiblement, on peut, par cela seul, conclure, ainsi que nous l’avons fait par d’au- tres considérations, que les progrès de l'Agriculture sont arrêtés ; car l'accroissement de la population suit partout celui de la quantité des subsistances, ou du perfectionne- ment de l’industrie agricole. Nous répétons encore qu’il serait nécessaire que le Gouvernement prit des mesures pour assurer les communications dans ces contrées hu- mides, où il est impossible de circuler en voiture et même à cheval pendant huit mois chaque année. Les tableaux représentant le mouvement de la popu- lation, ont été dressés ainsi qu'il suit : deux colonnes NOTES. 537 indiquent la population de chaque ville, canton et arrondis- sement, en 1806 et 1821; dans la troisième, on a inscrit les différences ; dans une quatrième, le rapport géomé- trique , ou le quotient de la population de 1806, divisé par la différence, ce qui donne le rapport de l’accrois- sement en quinze années. Nous avons calculé dans une cinquième colonne, l’ac- croissement annuel, d'après les premières colonnes, et , dans une sixième, le nombre d'années qui doit s’écouler pour que la population soit double, en nous servant des formules déduites des propriétés des progressions géomé- triques. Si l’on représente par P, la population en 1806, et si l’on suppose que l'accroissement où diminution , que nous nommons R, a été progressif et uniforme depuis 1806, pendant une période de T années, on aura la population à une époque quelconque, en calculant la valeur du terme correspondant de la progression suivante : s 2 3 4 Es: 2“ pR°:PR :PR : PR : PR' efC. :* PR Ainsi la population, après T d'années, sera égale à la population première, multipliée par l’accroissement an- nuel élevé à une puissance marquée par le nombre T des années; car le nombre T d'années, est égal au nombre 7 des termes de la progression moins un. Nommons D, la population à l’époque fixée par le pr. A Cette équation, qui établit un rapport entre les quatre 1 nombre d'années T, nous aurons d — pr quantités de la progression, donne la valeur de l'une ou l’autre, lorsque les trois autres sont connues. 34. 539 NOTES. Ainsi on a les quatre équations 1° d=p r" d Lo — — 2 P — si go —184— log p log r SIM En mettant dans ces formules les valeurs connues de P: d, qui sont données par le tableau de la population en 1806 et en 1827, et celle de T— 15, nous calculerons les valeurs de 7, ou l'accroissement annuel de chacun des cantons, arrondissements ou villes. Pour connaître l’époque à laquelle la population sera double , il suffira de faire d'— 2p dans l'équation T _—log d—logp log 7 Après avoir calculé la valeur de 7 , ou l’accroissement annuel. Nous prendrons pour exemple la ville de Roubaix. 1806 où p — 8724 La population en !{ 1821 où d— 12130 T= 15 ans. Nous mettrons ces valeurs dans l'équation 7 = 12170 On aura donc 7 PRE 8724 Log r = log(r2170)—log (8724) 15 74 —= 4,0852906 — 3,9407157 — 0,0096383 et r — 1,02244. 15 Cherchons maintenant la valeur de T, lorsque la popu- NOTES. 533 lation sera double de celle de 1806, ou de 17448, nous ___log (17448) — log (8724) aurons T TE —=4,24174)7 —3,9407157 0,0096383 En faisant des calculs analogues pour chaque canton, — 31 années, 2 mois, 24 jours. arrondissement et ville, et pour le département, nous avons formé les dernières colonnes du tableau. QT C0 ph D] NOTES. ÉTAT coMPARATIF de la de 1800 POPULATION PAR ARRONDISSEMENT, NOMS POPULATION des À ARRONDISSEMENTS, CANTONS ET VILLES. | EN 1806. | EN 1821. PAR CANTON. ARRONDISSEMENT DE DUNKERQUE. Canton de Berenes.-?%. "2.0... 15,034 15,255 DOREBOUER EEE ee re ---recHte-e 10,117 11,248 Dankerquel(esb)--ce-cree--cccerre er 16,296 16,594 Dunkerqne (ouest)... "0-2. ; 14,642 13,814 Gravelines EL SL 22 Me ue ae ee 4,484 5,394 avc don 10808 cv o dé 0e 11,690 13,065 SLT E CIS SNS ER D LS CR ÉD 14,587 15,065 PERTE OU OREE ce 86,850 90,438 Canton de Bailleul (nord-est)........... 12,978 13,410 Balleuli(sud-onest)- EE -e- eee 13,542 12,941 Cassel RES RTE Re cs 14,084 14,756 Hazebrouck (nord) EEE Ce ere. 14,703 14,334 Hazebrouck (sud)..!.......... helene 13,858 12,967 MORALE op odaraceotbcremocec 17,329 18,038 SéeRvOOrdes. ee sel sel eRe CiE 14,439 14,455 Toriux: Se eee 100,933 100,901 | —_—_—_———— (1) Nous rappelons que la dernièse colonne présentant les valeurs de T , quand d— 3} NOTES. 535 population du département du Nord. à 1821. CANTON ET VILLES, DIFFÉRENCE | RAPPORT EN PLUS de l'accroissement ou ou en plus accroissement EN MOInNs. | ou en moins. annuel. | | | ‘SION —- o 5 + o 1 + o 4 — o » + o 3 == o 5 <= 0 5 + 432 0 032 28 800 317 6 15 — 601 o 044 40 066 » » » + 652 o 046 AA Soo 223 » 24 — 369 O 025 24 600 » » » — 891 e] 064 59 400 » »” » + 709 9 039 47 266 259 $ “+3 + 16 o oo! I 066 9,407 2 8 exprime le nombre d'années qui doivent s’écouler pour que la population soit double | Haubourdin,...... NOTES. NOMS des ARRONDISSEMENTS ; CANTONS ET VILLES. ARRONDISSEMENT DE LILLE. Canton d’Armentières..….....,.... Sr Labassee.., ._, sn... sn HG es Aer .-ve.- nee UE (DE 8) 0 canon A OPA Lille (sud-est), L'adse 15 ele ete EI THet(sudEonest) te". "-CO ELLE eMECE THEN ((ORESD) ESPERANT CORPS PACE Pont A NICE En ec creer ceci Templeuve ou GySoime 2. Aer -c-Lor-ete Tourcoing (nord)......... SNS PR / A dourcoims (sud)... 7: 2.200... #60 . Toravxs 4 MERE ARRONDISSEMENT DE CAMBRAI. Canton de Cambrai (est)...:-..7........0t Cambrait{{(ouest) 22... 2.662 CURE Gamers. -c ere -ce pere El ŒOTAUE Sera ——_—_———————…—…—…—…———————— EN 1806. 15,105 12,440 15,865 14,842 14,549 12,862 14,830 18,670 17,905 14,858 15,472 15,335 14,604 14,027 17,995 12,462 241,407 17,314 16,613 120,112 POPULATION TT 261,949 17,407 17,838 18,410 20,215 20,400 19,041 20,460 133,821 NOTES. DIFFÉRENCE | RrAPrr?ORT VALEUR EN PLUS de l'accroissement ou ou en plus accroissement EN MOINS. | Ou en moins. annuel. —— 72 oO 00 4 800 + 320 0 025 21 333 —— 46 o 003 3 066 + 1,974 Ov LITÉT 131 600 +. 3,826 o 121 255 066 + 3,391 o 203 251 400 + 2,745 ON UTO6 183 » —« 3,721 O0 199 248 066 — 2,042 o 114 136 133 + 681 o 044 45 400 — 963 o 062 64 200 + 4,516 O 227 301 066 +" 1,753 o 107 116 866 + 1,029 o 068 68 600 — 117 0 007 7 800 + 4,894 ON Ft 326 266 - 93 Oo 00 6 200 + 1,295 0N07x 85 » + 2,692 o 146 179 466 + 2,192 0 119 146 133 + 2,279 OPSMETIIE THTMMOSS + 2,532 Or33 168 800 + 2,646 OMEL209 176 400 538 NOTES. NOMS POPULATION des A ARRONDISSEMENTS, CANTONS ET VILLES. | EN 1806. EN 1821. ARRONDISSEMENT D'AVESNES. Canton d’Avesnes (nord ) 9,145 10,122 CCC Avesnes {sud}. 026 ES. Rte en 10,779 11,482 tata here aa Vale MEL EE, le GARE A LEE Pa 11,079 12,466 Mac e onto ne code 00 c 6,750 7,286 | Ne SU oies nec SE Ne « 11,967 13,805 Manbengee ete -c-cctr encre cercle 15,868 17,992 Quésnoy (est). 01. sc ques 0e 10,503 11,736 Quesnoy (ouest ).......3%.,.. 4 ee 10,923 11,545 Solre-le-Chatean....1... #40: 0. Oroetre 6,860 7,885 LE UNS ame ve lei e let ee c'e ee re ee SCIE 10,958 11,548 tee he ele 104,832 115,867 ARRONDISSEMENT DE DOUAI. | Canton de Saint-Amand (rive droite)....... 13,436 14,585 Saint-Amand (rive gauche)............... 12,805 14,689 Arleuxst 2 bte,s à se ie elalelé ele e de IE 11,132 12,343 Bouchain 4.0 À NN A ra Die ete ONE 17,491 Conde bats denis talsye s DR 17,368 19,304 Doua(nord)t lente RARES Lt à 13,079 14,227 Dquar (and) C6, +225 Nate reine 13,527 15,029 Douai (ouest)... 4.5.4... 13,555 13,923 Marchiennes ue. 2.24% NL 10.1. is 14,576 15,538 Orghies. ses OR RNA MARNE 14,688 13,238 Valenciennes (nord})...... RE EN ES DER ET 13,609 17,495 Valenciennes (sad)....., CODES SOPR EL | 13434 15,545 Valenciennes (est). 1 MER A CSS ..| 14904 16,384 TOnAUXE 2 Hate at, 183,964 199791 Len nn NOTES. 539 DIFFÉRENCE RAPPORT VALEUR VALEUR EN PLUS de l’accroissement ou de T ou en plus accroissement quand EN MOINS. | Ouen moins. annuel. di— 2 \p: D ce + 977 0 097 06% 433 102 5 Le + 703 o o6r 46 866 164 7 1I + 1,387 o 111 92 466 88 I 24 +- 536 o o74 34/4733 136 1 2 + 1,838 o 133 122 533 72 9 6 + 2,124 o 118 141 600 82 9 7 + 1,233 o 105 82 200 93 7 28 + 622 o 054 41 466 BTE OA NES + 1,025 My 1130 68 333 74 ASE + 590 OM Ir 300 1330 198 NT + 1,149 0 o79 76 600 126 CARE D: + 1,884 o 128 125 600 75 9 » + 1,211 o 098 80 733 100 8 4 + 2,040 OT ET 136 » 83 9 28 SE: 030 0 100 129 066 98 PAUL + 1,148 o o8: 76 533 123 GR +. 1,502 O 100 00 Ur9S 98 8423 + 368 o 026 2h 533 388 2 3 + 962 o o62 ANR ETS) 162 8 9 —. 1,450 0 o99 96 666 » » » + 1,886 o 108 190 733 91 129 + 2,111 o 136 140 7133 .7I 2 24 + 1,480 0 o09o 93 666 109 OL NOTES. NOMS des ARRONDISSEMENTS , CANTONS ET VILLES. k RÉSUMÉ. 1) Arrondissement de Dunkerque............. | Idem d'Hazebrouck.. 2. ..:1..%" Idem delle. M4: A 20 ARE : Idem de'Cambrais:.- C0 0006 Idem d'Avesnesti.:. MNT Tes ‘ Idem de Douai®fe.. "ONE URSS Toraux de la population du département... VILLES. ARRONDISSEMENT DE DUNKERQUE. Dunkerque. ........,...... esse Bergnes. ..:.,.....,5...s..stes.sessse BOUTRONEPE = ES cesser ec es. eee Gravelines 22m 2-0. sci etect ARRONDISSEMENT D'HAZEBROUCK. Hazebrouck...,... A OR PRO TOO tilleul SE LP RS SE NRA TARA RENE Cassel 2% 2 MMM SA MT ER ep Lagorgue....:.:....... soso Merville -rsce--Cie-iseerrr POPULATION EN 1806. 86,850 100,933 241,407 837,699 PE EN 1821. 90,435 100,901 261,949 133,821 115,867 202,791 905,764 23,012 5,528 2,273 3,570 3,823 3,775 41,981 HE NOTES. DIFFÉRENCE |.RAPPORT VALEUR ro de l'accroissement de r, ou en plus ; ou = accroissement ou en moins EN MOINS. en 15 ans. annuel. + 3,585 0 040 239 » — 32 o 0003 2 133 + 20,542 0 o5o 1,369 466 + 13,709 o 102 0731709953 +- 11,035 o og 735 666 + 19,926 0 948 1,981, 733 — 5,166 0 048 77 733 — 1359 oO 024 9 266 + 269 o 118 17 933 + 789 2 … 297 52 600 +- 529 OT 3S 35 . 266 on 222 o 059 14 800 + 20 o 003 TNT + 253 o 027 16 866 +- 432 © | 102 28 800 +- 262 o 042 17 466 + 175 Oo o54 11 666 + 389 o 066 25 933 — 9 Oo 002 o 600 ARRONDISSEMENTS , CANTONS ET VILLES. | EN 1806. ER FERRER SE ARRONDISSEMENT DE LILLE. PU CERN EE SES CE LELL PER 0 PR QAR ire 61,467 ATFMERTIErES. RENE RAT PR 7042 LE COTES DOM A DOI EPA Ce UL 2,209 Commimes RCE EN. ee Eee 4577 ÉANROYE EE EC ELEC ER CCR IENE. CARRE 0 2 1,269 SEC NES MEUR ce SPAS NAS EI 2,585 Fourcoinp et ect eee ce 11,998 Roubaix RU oise din ANRT ER 8,724 FOTAURN = ere ne 100,571 ARRONDISSEMENT DE CAMBRAI. Cambrai AA EE Te -- Ce TECCE 15,608 LelGatenns. ire ue. IE Dire. LAS 4133 Toriues "5:00. 19,741 Ever Doc e tb er inÉ sde oct Maubeuge" ..---heR-relchelscter-het Le OUESNOY Ce -c- he. ToTaAux ARRONDISSEMENT DE DOUA1. Douai tte mere bre AR