BULLETINS
L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES,
DES
LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE.
BULLETINS. A
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LACADEMIE ROYALE
SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS
DE BELGIQUE.
TRENTE-NEUVIÈME ANNÉE. — 2m SÉRIE ce
ee 5 1 A
LS à A:
Mo. Bot. Garden,
1896.
BRUXELLES,
M. HAYEZ, IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE.
1870
BULLETIN
DE
L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES,
DES
LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE.
1870. — N° 4.
— ae
CLASSE DES SCIENCES.
Séance du 8 janvier 1870.
M. H. Nysr, directeur.
M. Ap. QuetELET, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. d'Omalius d'Halloy, C. Wesmael,
J.-S. Stas, L. De Koninck, P.-J. Van Beneden, le vicomte
B. du Bus, Melsens , Gluge, J. Liagre, F. Duprez, Poelman,
G. Dewalque, E. Quetelet, M. Gloesener, A. Spring, Can-
dèze, Eugène Coemans, F. Donny ‚Ch. Montigny, Steichen,
Brialmont, E. Dupont, membres; Th. Schwann, Th. La-
~ cordaire, E, Catalan, Ph. Gilbert, associés; C. Malaise,
Aug. Bellynck, Ed. Mailly, A. Briart, H. Valerius et F. Folie,
. correspondants.
2"* SÉRIE, TOME XXIX. 1
(2)
CORRESPONDANCE.
M. le Ministre de l’intérieur transmet une expédition de
l'arrêté royal du 31 décembre dernier, qui approuve l'élec-
tion de MM. Alexis Brialmont et Édouard Dupont, en
qualité de membres titulaires de la classe.
— MM. A. Brialmont, Ed. Dupont, H. Valerius, F. Folie,
Alph. de Candolle, Oswald Heer et Donders remercient :
respectivement pour leur élection de membre, de corres-
pondant et d'associé de l’Académie.
— M. le Ministre de l’intérieur adresse, pour être ré-
partis entre les membres de la classe, 50 exemplaires du
rapport du jury qui a jugé le dernier concours quinquennal
des sciences physiques et mathématiques. — Remerci-
ments.
— Son Ex. M. le baron L. Gericke, ministre des Pays-
Bas, fait parvenir, au nom de son gouvernement, plu-
sieurs feuilles de la carte géologique de la Néerlande. —
Remerciments.
— L'Académie royale des sciences de Munich, la So-
ciété silésienne de Breslau, l’Académie impériale des
sciences de Vienne, la Société provinciale des sciences
d'Utrecht, l'Institut royal des sciences de Venise , "Obser-
vatoire physique central de Saint-Pétersbourg et PObser-
vatoire de San Fernando remercient pour les derniers
envois de publications académiques; plusieurs de ces éta-
mt,
(5 )
blissements scientifiques se par contre , la conti-
nuation de leurs travaux.
— La Société dunkerquoise pour l’encouragement des
sciences, des lettres et des arts, fait parvenir son pro-
gramme de concours pour 1870.
— La classe reçoit pour le recueil des phénomènes
périodiques : 4° les observations météorologiques faites en
1869 : à Bruxelles, par l'Observatoire royal; à Ostende,
par M. Cavalier, et à Liége, par M. Leclercq; 2° les obser-
vations botaniques faites à Namur, en 1869, par M. Bel-
lynck; 3° les observations sur le règne animal faites à
Melle, en 1869, par M. Bernardin.
— M. Altenrath, d'Anvers, communique la liste des
orages qu'il a observés dans cette localité pendant l'année
1869. — Réservé pour les Bulletins.
— M. Roulez transmet l'inscription suivante destinée à
la médaille de concours de M. C. Malaise :
CONSTANTINO + MALAISE
OB
DiSQUISITIONEM + GEOLOGICAM
QUA + STRATA +» SILURICA + BRABANTIÆ
EXACTIUS + QUAM + ADHUC + FACTUM + EST.
DEFINIVIT.
MDCCCLXIX.
`
Les remerciments de la classe seront exprimés à
- M. Roulez.
E)
— Les travaux manuscrits suivants sont présentés el
seront l’objet d'un examen :
4° MATÉRIAUX POUR LA FAUNE BELGE : Crustacés isopodes
terrestres, par M. Félix Plateau. (Commissaires : MM. Van
Beneden, de Selys Longchamps et Candèze.)
de RECHERCHES SUR L'EMBRYOGÉNIE DES CRUSTACÉS : IV.
Développement des Anchorella, Lerneopoda et Hessia,
Ed. Van Ben., par M. Éd. Van Beneden. (Commissaires
MM. Schwann, Gluge et Poelman.)
5° Description d'une nouvelle espèce africaine du genre
Varan (Varanus), par M. A. Preudhomme de Borre.
(Commissaires : MM. Lacordaire et Van Beneden.)
4 Note sur la nature du soleil, par M. G. Bernaerts.
(Commissaire : M. Ad. Quetelet.)
5° Découverte d’un gisement de phosphate de chaux en
dessous de la ville de Louvain, par M. G. Lambert. (Com-
missaires : MM. De Koninck et d'Omalius d'Halloy. )
ÉLECTIONS.
La classe procède à l'élection du directeur pour 1871.
Les suffrages appellent M. Stas à remplir ce mandat.
M. Nyst, directeur sortant, exprime ses remerciments
pour le concours bienveillant quí lui a été accordé pendant
l’année écoulée. Il installe M. Dewalque, qui adresse à
M. Nyst les remerciments de ses confrères. M. Stas est
ensuite prié de venir prendre place au bureau.
(5)
RAPPORTS.
Note sur Vorgane reproducteur du Psilotum trique-
trum Sw., par M. J.-J. Kickx.
Rapport de M, Spring.
« En 1857, lorsque je séparais du genre Lycopodium
les espèces pourvues de deux sortes d'organes reproduc-
teurs, j'étais loin de m'attendre à ce que le genre Selagi-
nella, que je créais alors, fût élevé au rang de Famille.
Quoiqu'on ne connaisse encore ni la germination ni la
fécondation des vraies Lycopodiacées ( Lycopodium, Tme-
sipteris et Psilotum), on est presque certain qu'elles dif-
fèrent du mode découvert, par Hofmeister, chez les Séla-
ginellées. Plusieurs botanistes cherchent aujourd’hui à
rapprocher ces plantes des Fougères Ptéridées , en plaçant
les Selaginella plus près des Rhizocarpées.
Les tentatives de faire germer les spores des vraies
Lycopodiacées n’ont pas manqué; j'en ai fait moi-même
un grand nombre; mais de Bary seul est parvenu, jusqu'à
présent, à obtenir un commencement de succès. En se-
mant les spores du Lycopodium inundatum dans le sol qui
avait nourri la plante mère, le professeur de Fribourg a
vu apparaître, au bout de deux mois environ ,une vingtaine
de prothalles ou rudiments dont les plus gros se compo-
saient de sept ou huit utricules; mais tous ses efforts
pour obtenir des plantules plus avancées demeurèrent sans
résultat.
(6)
On sait que chez les Fougères ( Pteris, Aspidium, Asple-
nium, Adianthum) le prothalle se garnit, à sa face infé-
rieure, de petites pustules qu’on appelle Anthéridies et
dans lesquelles se développent des filaments sporozoaires
comparables aux spermatozoides des animaux. Plus tard
apparait, sur le même prothalle, une sorte de coussinet
portant des organes femelles, c'est-a-dire des pistils qui
rappellent, par leur structure et leur mode de développe-
ment, ceux des Mousses et des Hépatiques. C'est dans
cette sorte de pistils, appelés Archégonies par Hofmeister,
que se forme, à une époque où les sporozoaires ont déjà
quitté les anthéridies pour se répandre sur le prothalle, un
corps cellulaire central — sorte de graine qui s'allonge en
grandissant : l’une de ses extrémités devient la fronde
s'étalant en Pair, tandis que l’autre se transforme en racine
s'implantant dans le sol.
C'est donc une manière de génération alternante : la
fronde alterne avec un prothalle, le sporange avec des
anthéridies et des pistils, la germination agame ou parthé-
nogéne avec la germination sexuée; et, ce qu'il y a de
particulièrement remarquable, la différence sexuelle, ici,
n’appartient pas à la plante adulte, mais à son état em-
bryonnaire, — on dirait que les Fougères se marient avant
de naître.
Les faits se passent-ils de la même manière chez les
Lycopodium , les Tmesipteris et les Psilotum? Personne
ne Padmettra avant de lavoir vu. L'auteur de la note dont
nous avons à rendre compte à l’Académie a cherché à
faire germer les spores du Psilotum triquetrum. Il n’y
a pas mieux réussi que ses devanciers avec ceux des
Lycopodium. Mais il croit avoir établi d’autres affinités
entre les vraies Lycopodiacées et les Fougères.
A Y a A ie
ddr sd
ET
Ses recherches ont porté sur le développement des
spores et des sporanges ( sporocarpes). S'occupant d’abord
de la question, très-importante en effet, de savoir si les
sporanges sont axiles ou épiphylles, c'est-à-dire s'ils sont
portés par Paxe, comme les bourgeons des phanérogames ,
ou s'ils appartiennent exclusivement au parenchyme des
feuilles, comme ceux des Fougères, il s’est décidé en
faveur de Pépiphyllisme, soutenu déjà par M. Brongniart
et par moi. Cette nouvelle affirmation n’était pas superflue,
attendu que l'opinion contraire a été adoptée par des
hommes comme Schacht et Hofmeister. Je dirai, en pas-
sant, que Vépiphyllisme est surtout évident dans le genre
Tmesipteris, où le sporange se trouve loin de Paisselle, sur
le point même de la bifurcation de la feuille.
M. Kickx a étudié ensuite, avec beaucoup de soin, les
faits microscopiques relatifs au point de départ du spo-
range et des spores. Il a trouvé que le mode de formation
de ces dernières, chez le Psilotum triquetrum, diffère de
celui des grandes et des petites spores des Selaginella , tel
qu'il a été décrit par Hofmeister. Toutes les cellules sphé-
riques , dit-il, qui occupent le milieu du sporange, sont
fertiles chez los Psilotum comme chez les Fougéres, et
chacune d'elles engendre directement, par division du
noyau, ses quatre spores, sans l'intermédiaire de cellules-
mères spéciales. __
La description des spores múres, el de leur position re-
lative dans les sporanges, est bien faite. La petite vésicule
que Kaulfuss avait remarquée au bord interne des spores
du Psilotum ne serait, selon M. Kickx, qu'une bulle d'air
et, par conséquent, sans importance. Mais je regrette qu'il
n'ait pas accordé plus d'attention au phénomène extrême-
ment remarquable que Robert Brown a découvert dans la
(8)
même plante, phénomène que j'ai vu après lui, et qui s'ob-
serve aussi dans plusieurs Selaginella cultivées dans les
serres.
Lorsqu'on soumet les spores à l’action de l’eau, leur
enveloppe se rompt, non pas au hasard, mais sur un point
déterminé, et laisse échapper un jet de granules extréme-
ment fins et liés ensemble par une substance d'apparence
visqueuse (protoplasma?). Je m'étais demandé (1) si Pon
ne devait pas y voir une espèce de fovilla et de boyau pol-
linique? M. Kickx ne semble considérer ce phénomène que
comme un accident endosmotique.
Une dernière observation de l’auteur concerne la dé-
hiscence des sporanges qui, selon lui, s'opère d'une ma-
nière toute particuhère chez les Psilotum. Une fente longi-
tudinale se dessine au milieu de chaque lobe du sporange,
et s'étend du sommet jusqu’au milieu de la hauteur de cet
organe. Lors de la maturité des spores, les bords de cette
solution de continuité s'écartent l’un de l’autre, de manière
que chaque fente devient une ouverture circulaire, et que
le sporange représente une sorte de pyxide triloculaire dé-
barrassé de son opercule. La déhiscence ne serait donc, à
proprement parler, ni loculicide ni septicide.
A ce propos, M. Kickx me permettra une rectification en
ce qui concerne l'opinion qu'il m’attribue avec une appa-
rence de raison. Ma description imprimée du genre Psilo-
tum (2) porte, en effet : antheridia subtricocca septicida,
mais les mots qui suivent sont : valvis semipartitis medio
septiferis. Il eût donc été possible de reconnaître là une
faute d'impression ou de plume, je ne sais : septicida pour
(1) Monographie des Lycopodiacées , 2° partie, p. 516,
(2) Loc. cit., p. 268.
A | A E o Pe
ES]
septifraga. D'ailleurs, dans la partie organographique de
mon ouvrage se trouve expressément ce qui suit (1) :
« Dans les genres Psilotum et Tmesipteris, chaque loge
a une fente de déhiscence propre qui est parallèle aux cloi-
sons et correspond au milieu de la loge. » Il y est dit aussi
que l'endroit de la déhiscence n'est pas le même dans
toutes les espèces, qu’il se trouve, par exemple, près de la
base du sporange et à sa paroi externe chez les Lycopodium
alopecuroides , inundatum et cernuum.
Quoi qu'il en soit, une place définitive dans le système
ne pourra être assignée aux vraies Lycopodiacées que
quand leur germination sera bien connue. J'engage beau-
coup M. Kickx à poursuivre ses essais dans ce but, qui est
tout à fait digne de l'ambition d'un botaniste.
En attendant, j'ai le plaisir de proposer à la classe de
publier la note et la planche qui l'accompagne, dans le
Bulletin de la séance. »
Rapport de M. Coemans.
« Dans la notice qu'il vient de présenter à PAcadémie,
M. le professeur Kickx s'occupe d'une petite Lycopodiacée
fort remarquable par son port étrange et son mode de
fructification , et dont l’aire de dispersion forme , dans les
pays intertropicaux de l'hémisphère austral, une zone, une
ceinture presque compléte autour du monde entier.
Quoique cette petite plante, qui est le Psilotum trique-
trum, ait attiré de tout temps l'attention des botanistes
(1) Ibidem, p. 511.
+
(10) |
voyageurs et soit cultivée depuis longtemps dans nos jar-
dins botaniques, son organisation, et surtout sa reproduc-
tion, nous sont encore complétement inconnues : c’est ce
qui a engagé M. Kickx à Pétudier de plus près.
Le travail qu'il nous présente aujourd'hui n’est cepen-
dant pas encore une monographie de cette intéressante
cryptogame, mais une simple étude de son organe repro-
ducteur, dont la signification physiologique est et reste
toujours des plus incertaines.
Quelle est la nature, la valeur physiologique de ces
innombrables spores réniformes que porte le Psilotum
triquetrum? Sont-elles des microspores semblables à celles
des Selaginella, ou bien des spores neutres analogues à
celles des Fougères? Voilà la question que s’est naturelle-
ment posée M. Kickx en commençant ses recherches. Pour
la résoudre directement et sûrement, il n’y avait qu'une
voie , un moyen, celui de faire germer ces corps reproduc-
teurs ; mais tous les essais pour obtenir ce résultat ayant
été infructueux, l’auteur s’est vu forcé de recourir aux
moyens indirects, d'étudier et-de consulter les analogies de
structure ‘et de développement que présente le sporange _
du Psilotum triquetrum avec les organes similaires des
Selaginella et des Fougères, et c’est ce qui fait l'objet
principal de sa notice.
M. Kickx examine donc d’abord la position du sporange
du Psilotum. Est-il axile, comme chez les Lycopodiacées,
ainsi que le prétend M. Hofmeister, ou bien épiphylle,
comme dans la famille des Fougères? L'auteur a trouvé
qu'il est parfaitement épiphylle. Ce fait n’a cependant pas
ici d'importance décisive; d’abord, parce que souvent le
sporange n’est pas axile chez les Lycopodiacées, et, ensuite,
parce que dans les cryplogames, même supérieures, la ligne
e id is il:
ES REIR, O A O A nd dend
| (11)
de démarcation entre la tige et les feuilles n’est pas toujours
nettement tranchée comme dans les plantes phanérogames.
Il étudie ensuite la genèse et le développement de lor-
gane et des corpuscules reproducteurs du Psilotum. Il
commence par nous mettre sous les yeux deux types de
formation sporale, celui qui est propre aux Lycopodiacées,
c'est-à-dire aux Selaginella, le seul actuellement bien
connu, et celui que l'on connait chez les Fougères; et,
leur comparant ce qui s'observe dans le sporange du Psi-
lotum triquetrum, il constate que les spores de cette
plante naissent et se forment exactement comme les spores
neutres des Fougères. Cette partie du travail de M. Kickx
est entièrement neuve pour la science. Cette découverte,
quoique fort importante, ne tranche. néanmpins pas entiè-
rement la question. Aussi longtemps que nous ne connai-
trons pas le mode de reproduction des vrais Lycopodes, 1
nous restera toujours une inconnue et il nous manquera
un terme de comparaison, certainement le plus important
de tous.
Un troisième point que M. Kickx a examiné avec beau-
coup de bonheur et de sagacité est le mode de déhiscence
du sporange. Cet organe s'ouvre et se ferme chez le Psi-
lotum d’une façon toute particulière: on dirait une bouche
trilobée, qui s'ouvre en baillant pour laisser passer les
spores. et se ferme ensuite en resserrant ses lèvres après
érhission des propagules. Cette déhiscenee pourrait pres-
que se nommer_buccale ou hiante. C'est encore une intéres-
sante découverte que nous devons à M. Kickx.
L'auteur termine son travail par cette conclusion :
« Quoi qu'il en soit, par cette étude du développement des
»- sporanges et des spores, je crois avoir indiqué des afli-
» nités nouvelles entre le genre Psilotum et les Fougères,
&
(12)
et, plus que jamais , je suis porté à considérer les Lyco-
podium, Psilotum et Tmesipteris comme constituant
un groupe distinct, qui établit en quelque sorte la tran-
sition entre la famille des Sélaginellées d'une part el
celle des Ptéridées de Pautre. »
Je trouve ce rapprochement heureux et je crois égale- _
ment à l'existence d'un ou de deux groupes intermédiaires
entre les Fougères et les Lycopodiacées.
Je trouve ce rapprochement heureux, parce que, non-
seulement, comme l’a démontré M. Kickx, les spores du
Psilotum naissent exactement comme celles des Fougères,
mais encore parce que cette plante ne possède pas ces ra-
cines dichotomes si caractéristiques pour les Lycopodia-
cées, même dès les époques dévoniennes et houilléres,
mais est munie d’un rhizome en tout semblable à celui des
Opioglossées. Sa préfoliation est circinale, ce qui s'observe
cependant aussi pour quelques Selaginella. Sa tige s'étale
et s’aplatit parfois en forme de fronde ailée (Ps. compla-
natum Sw. et flaccidum Wallr.) de maniére á rappeler les
Hymenophyllum. Et si ses tiges irrégulièrement dicho-
tomes et presque aphylles s'éloignent des frondes des fou-
gères actuelles, je trouve, à l’époque houillère, des Ptéridées
qui ont presque exactement le port de notre Psilotum.
Je crois également à l’existence de groupes intermé-
diaires entre les Fougères et les Lycopodiacées, parce que
depuis longtemps j'ai été frappé des rapports qui existent
entre les Fougères et les Lycopodes fossiles et qui ne se
retrouvent plus chez les représentants actuels de ces
familles. Il y a là comme un souvenir d’une origine com-
mune, qui impliquerait une dichotomation de filiation à
une époque antérieure , et, par conséquent, la formation de
groupes intermédiaires.
vv y v'v
(45 )
C’est ainsi que les Fougères dévoniennes et celles du
houiller inférieur affectent souvent une ramification par-
faitement dichotome, semblable , non à celle des Gleiché-
niacées, mais à celle des Lycopodiacées anciennes et
modernes.
A l’époque houillère on trouve des Fougères à feuilles
dissemblables, rappelant d’une manière frappante, par leur
forme et leur position, certaines Sélaginelles de nos jours,
également munies de deux sortes de feuilles.
A cette même époque on rencontre indistinctement sur
les troncs des Fougères et des Lycopodes fossiles, ces écus-
sons pétiolaires qui ne caractérisent plus aujourd’hui que
les stipes de nos Fougères arborescentes.
- Dans presque tous les bassins houillers de l'Europe, il
existe une Fougère paradoxale, nommée Sphenopteris
Hoeninghausi. C'est une vraie Fougère, pour sa fronde,
mais en même temps un Lepidodendron, c'est-à-dire une
Lycopodiacée, pour son stipe et ses rachis. C’est la sirène
du règne végétal, à tête de Fougère, et au corps tout couvert
d'écailles et de feuilles de Lepidodendron.
Nous pourrions encore citer plusieurs faits, mais nous
terminons ici, puisque ces analogies seront encore signa-
lées dans un autre ouvrage, et nous concluons en priant la
Classe de bien vouloir voter Pimpression de la notice de
M. Kickx; c'est un bon travail et plein de Taits nouveaux
pour la science. »
Conformément aux conclusions de ces rapports, la
classe vote l'impression de la notice de M. Kickx dans les
Bulletins.
(r)
— M. Gluge donne lecture de son rapport sur deux notes
de M. Ed. Robin, l’une concernant le moyen de prévoir la
grandeur comparée des mâles et des femelles dans la série
animale, et l’autre relative aux effets de la foudre sur les
animaux. — Ces notes ainsi que le rapport seront déposés
aux archives.
PROGRAMME DE CONCOURS POUR 1871.
—
La classe procede , en comité secret, à la formation du
programme suivant de concours pour 1871 :
PREMIÈRE QUESTION.
Résumer et simplifier la théorie de Vintégration des
équations aux dérivées partielles des deux premiers ordres.
_ DEUXIÈME QUESTION.
Faire une étude des courants électriques basée, autant
que possible, sur de nouvelles expériences.
« TROISIÈME QUESTION.
Fier, par de nouvelles recherches, la place que doi-
vent occuper, dans la série naturelle des familles végétales,
les genres LYCOPODIUM, SELAGINELLA, PsiLOTUM, TMESIP-
TERIS ef PHYLOGLOSSUM.
QUATRIÈME QUESTION.
Exposer le mode de repróduction des anguilles.
(15 )
CINQUIÈME QUESTION. `
On demande de nouvelles recherches pour établir la
composition et les rapports mutuels des substances albu-
minoïdes.
La médaille d'or attribuée comme prix à la première et
à la cinquième de ces questions sera de la valeur de mille
francs; elle reste fixée à six cents francs pour les deuxième,
troisième ct quatrième questions. 7.
Les auteurs des mémoires insérés dans les recueils de
l’Académie ont droit à cent exemplaires de leur travail.
Ils ont, en outre, la faculté d'en faire tirer un plus grand
nombre, en payant à Pimprimeur une indemnité de quatre
centimes par feuille. |
Les manuscrits devront être écrits lisiblement, rédigés
en latin, francais ou flamand, et adressés, francs de port,
à M. Ad. Quetelet, secrétaire perpétuel, avant le 1% juin
1871.
L'Académie exige la plus grande exactitude dans les
citations; les auteurs auront soin , par conséquent, d'indi-
quer les éditions et les pages des ouvrages cités. On n'ad-
mettra que des planches manuscrites.
Les auteurs ne mettront point leur nom à leur ouvrage,
mais seulement une devise, qu’ils répéteront dans un billet
cacheté renfermant leur nom et leur adresse. Les mémoires
remis après le terme prescrit, ou ceux dont les auteurs se
feront connaître, de quelque manière que ce soit, seront
exclus du concours.
L'Académie croit devoir rappeler aux concurrents que,
dès que les mémoires ont été soumis à son jugement, ils
(46)
sont déposés dans ses archives comme étant devenus sa
propriété. Toutefois, les auteurs peuvent en faire prendre
des copies à leurs frais, en s'adressant, à cet effet, au
secrétaire perpétuel.
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
Sur l'aurore boréale du 3 janvier 1870; note par
M. Quetelet, membre de l’Académie.
Le 3 janvier au matin, les barreaux de déclinaison ma-
gnétique et d'intensité horizontale de l'Observatoire ont été
trouvés en perturbation. La déclinaison atteignit son plus
grand écart à 9 h. 10 m.; elle était alors plus petite de
14 minutes environ que la moyenne du mois de décembre.
L'intensité a continué à diminuer jusqu'à 9 h. 58 m. :
son écart était alors d'environ 8 degrés. Ensuite les bar-
reaux se sont insensiblement rapprochés de leur position
normale.
Le soir, malgré un ciel à peu près couvert, M. Terby
croit avoir observé à Louvain une aurore boréale. A
Bruxelles, le ciel ne s'est découvert qu'à 9 h. 20 m.; il est
resté beau jusque vers 11 heures, mais rien de particulier
wa été vu dans le nord; les instruments magnétiques
étaient revenus tout à fait à leur position normale.
y dde A e On
O a il e EEE
Ed
Note sur Porgane reproducteur du Psilotum trique-
trum Sw., par J.-J. Kickx, professeur de botanique
à l’Université de Gand.
Parmi les plantes cryptogamiques supérieures, la fa-
mille des Lycopodiacées est une de celles qui offrent le
plus grand intérêt scientifique : les quatre genres, Sela-
ginella, Lycopodium, Psilotum et Tmesipteris, qui la
composent, sont loin de présenter, surtout pour leurs
organes de reproduction, les mêmes caractères essentiels,
et ce n’est guère que dans les sélaginelles que ces organes
sont bien connus.
Il y a donc , dans Vétude de ces plantes, de nombreuses
lacunes à combler. C'est ce qui m'a fait entreprendre les
recherches dont j'ai l'honneur de soumettre les premiers
résultats à l’Académie.
Mes observations ont été faites sur un fort exemplaire
de Psilotum triquetrum que je cultive depuis quelque
temps dans les serres du jardin botanique de Université
de Gand. Cette plante, remarquable par sa fertilité, est
couverte , pendant presque toute l’année, d'un nombre pro-
digieux de sporanges parvenus à des degrés différents de
développement.
De même que dans les autres Lycopodiacées, l'empla-
cement des sporanges du Psilotum triquetrum est indiqué
par les feuilles. Celles-ci, qui sont sessiles et de petite
taille, sont entières quand elles sont stériles, el présen-
Que SÉRIE, TOME XXIX. 2
(18 )
tent, au contraire, en cas de fertilité, une bifurcation
profonde en deux lobes effilés. Aussi la diversité d'aspect
des organes foliacés permet-elle de reconnaitre facilement
la place occupée par les appareils reproducteurs, á une
époque où ces appareils eux-mêmes échapperaient peut-
être à l'œil nu.
Le sporange, quand on le considère au moment de sa
maturité, se présente comme une capsule (fig. 2) jaune,
globuleuse, un peu aplatie, ayant en moyenne un dia-
mètre de 1,8""-2,1”", sur une hauteur de 1,57*-4,8"" : il
est formé très-distinetement de trois lobes renflés, et il est
partagé en trois loges par des cloisons complètes qui se
réunissent à son centre. La présence de ces trois loges est
un caractère de genre pour les Psilotum : il arrive cepen-
dant quelquefois, par accident, que le sporange est divisé
seulement en deux compartiments par une cloison mé-
diane, ou même qu’il est kn ee uniloculaire. C'est là
un fait tératologique que j'ai observé fréquemment, lors-
qu'une fructification longue et abondante semblait avoir
épuisé le végétal, et qui rappelle, jusqu’à un certain point,
la diminution du nombre des sépales, des pétales, des
étamines ou des feuilles carpellaires, dans les fleurs des
plantes supérieures.
Les auteurs qui se sont occupés de l’organographie des
lycopodiacées ne sont pas d'accord quant à la position
véritable du sporange. Cet organe a-t-il le même emplace-
ment qu’un bourgeon de plante phanérogame, c’est-à-dire,
est-il porté par la tige au point d'insertion d'une feuille
devenue Panalogue d'une bractée? ou bien naît-il sur la
feuille elle-méme ?
La première de ces opinions a été généralement admise
(49)
jusqu'en 1836, époque à laquelle M. A. Brongniart (1)
démontra la nature épiphylle du sporange, et cette ma-
nière de voir fut partagée par M. Spring (2) dans sa savante
monographie des Lycopodiacées. Au contraire, à une épo-
que beaucoup plus récente (1851), M. Hofmeister(3), dans
ses belles recherches sur les cryptogames supérieures, dit
que les premiers rudiments du sporange résultent de la
division d’une des cellules du pourtour de la tige, cellule
qui est exactement placée au milieu et au-dessus de Pin-
serlion de la jeune feuille; il ajoute que si, dans quelques
espèces, le sporange très-jeune encore est déjà fort avancé
sur la feuille sous-jacente et semble constituer une partie
de cet organe, néanmoins les premiers commencements
de ce sporange sont situés sur l'axe, de manière que sa
position ultérieure sur la feuille est une apparence qu'il
faut attribuer à une sorte d'extension ou de déplacement
des tissus de la tige.
L'observation anatomique du Psilotum triquetrum ma
permis de trancher cette question pleine d'intérêt en fa-
veur de MM. Brongniart et Spring : en effet, chez cette
plante, comme il est dit plus haut, les feuilles stériles et
entières se distinguent très-aisément des feuilles fertiles
et bifides, de sorte qu’en se laissant guider par ces der-
nières, on peut trouver les sporanges dans les premières
phases de leur développement : or, chaque fois que, par
(1) Brongniart, Histoire des végétaux fossiles, 11, p. 28.
xs as Monographie de la famille des Lycopodiacées , 2m* part,
p.
n Hof ofmeister, Vergleichende Untersuchungen der Keimung, Ent-
faltung und Fruchtbilbung hoeherer Kryptogamen und der Samenbil-
dung der Coniferen.
( 20 )
une coupe longitudinale, j'ai recherché au microscope
l'insertion de ces organes, je les ai vus placés sur la base
des feuilles et non sur la tige (1). La même préparation
montre à l'évidence que le faisceau fibrovasculaire par-
tant de la tige pour aboutir dans la feuille passe sous le
sporange, mais sans pénétrer dans celui-ci.
Il ne m'a pas été possible de voir la formation du spo-
range de Psilotum depuis sa toute première origine; mais
je suis porté á croire, par analogie avec ce qui se passe
chez les autres lycopodiacées et chez les fougères, que le
commencement de cet organe est une cellule unique de
Pépiderme de la jeune feuille : cette cellule fait d’abord
une simple saillie en dehors du limbe, puis se multiplie par
des divisions réitérées jusqu’à représenter à la fin un petit
globule arrondi. C'est à partir de ce moment que j'ai pu
poursuivre l’évolution de cet organe.
Dans cet état d'extrême jeunesse, toutes les cellules du
sporange ont à peu près la même apparence extérieure : elles
sont arrondies-elliptiques, assez petites; leur enveloppe de
cellulose est extrêmement mince et leur grand noyau nage
dans un protoplasme très-abondant, finement granuleux et
présentant la teinte jaune-verdátre de la chlorophylle nais-
sante. Ces cellules mont paru se multiplier, par deux
(1) M. Julius Sachs, dans son Lehrbuch der Botanik (1868), est du
mème avis en ce qui concerne le genre [soetes etle Lycopodium Chamaecy-
parissus : il ajoute que le sporange de quelques Selaginella paraît axillaire
arce qu'il est inséré très-bas et tres-profondément sur la base de la
feuille. Je ne vois pas d’ailleurs pourquoi le sporange des Iycopodiacées
ne pourrait être épiphylle, alors que ce mode d'insertion s'observe dans
toutes les vraies fougères et qu'il a, de plus , son analogue chez les coni-
fères et les cycadées.
(2)
divisions successives en deux, de manière à produire, en
somme , quatre cellules-filles à leur extérieur. Quelquefois,
en examinant les cellules-mères au microscope, on croit
voir dans leur sein huit et même douze jeunes cellules,
mais il s’agit simplement, dans ce cas, de deux ou trois
cellules-mères qui sont réunies intimement entre elles et
qu’à l’aide des aiguilles on finit par pouvoir séparer. Un
fait analogue s'observe pour la production du pollen dans
quelques plantes phanérogames et notamment dans la fa-
mille des Légumineuses : chaque grain s’y montre parfois
formé de quatre, huit, douze ou même seize cellules par-
tielles, parce que les cellules polliniques formées dans une,
deux, trois ou quatre cellules-mères restent agglutinées
ensemble.
Cette multiplication de cellules produit l'agrandissement
du sporange, qui se gonfle et montre déjà ses trois lobes
saillants : sa base se rétrécit légèrement pour simuler une
espèce de court pédicelle comparable au podogyne de la
capsule du pavot.
Si, à ce moment, on examine de nouveau, sous le mi-
croscope, la coupe transversale de Pappareil reproducteur
(fig. 1), on trouve que sa structure n’est plus homogène,
et on y distingue très-nettement trois sortes de tissus :
1° La couche tout à fait extérieure se compose d’une
rangée unique de grandes cellules prismatiques-tabulaires
(lig. 1, a) à enveloppe plus épaissie du côté externe (couches
cuticulaires) que du côté opposé, renfermant un proto-
plasme peu abondant, dans lequel nage une petite quantité
de chlorophylle déjà granuleuse.
2 Sous cette première couche, qui représente lépi-
derme du sporange, se trouve une autre enveloppe (fig. 1,6)
x
(22)
formée d'ordinaire d'une double ou triple rangée de cel-
lules : celles-ci sont plus petites et courtement elliptiques;
leur protoplasme renferme une assez forte quantité de
grains de chlorophylle, qui donnent au sporange en voie
de développement sa couleur verte intense; enfin leur
noyau est relativement petit. Les cellules de ce genre
n'existent pas seulement à la périphérie, mais on les voit
encore s'avancer, en rangées triples ou quadruples (fig. 1, b”),
jusqu’au centre du sporange, pour constituer plus tard les
cloisons de celui-ci.
° Enfin, au milieu de chacun des trois lobes, se ren-
contre un groupe considérable de cellules sphériques
(fig. 1 , c), grandes, à protoplasme abondant et non chloro-
phyllaire : c'est en elles que se forment les spores et, á ce
titre, leur développement mérite un intérêt particulier.
Chaque groupe de ces cellules sphériques, ou cellules-
mères des spores, paraît se former aux dépens d'une cel-
lule unique qui occupe le centre d'un lobe de sporange.
Celle-ci donne naissance à quatre cellules-filles par deux
divisions binaires successives : à cet effet, le noyau primitif
se partage en deux noyaux partiels, qui, à leur tour, en
produisent chacun deux autres; ces derniers s'entourent
de protoplasme, et Papparition d'une fine membrane de
cellulose vient enfin compléter lesjeunes cellules. Lorsque,
gráce à ces divisions qui se répètent plusieurs fois consé-
cutivement, il s'est formé un nombre considérable de cel-
lules sphériques, celles-ci se désagrégent et parfois même
s'écartent légèrement les unes des autres : elles se prépa-
rent dès lors á engendrer les spores.
Il n'est pas sans utilité de rappeler ici comment nais-
| (25)
sent les spores des Selaginella. D'après les recherches de
M. Hofmeister (1), lorsqu'il s'agit de la production des
macrospores, de toutes les cellules sphériques et libres de
l’intérieur de la jeune sphérothèque (macrosporange), une
seule, que rien ne distingue des autres, acquiert un vo-
lume un peu plus considérable; à son nucleus primitif, qui
se dissout, en succèdent quatre nouveaux; puis six cloi-
sons prenant simultanément naissance dans son sein, elle
se trowve partagée en quatre cellules secondaires tétraédri-
ques, qui seront pour autant de spores des cellules-méres
spéciales. Presque immédiatement, en effet , il s'engendre
dans chacune de ces cellules particulières un utricule à
parois délicates, qui les remplit entièrement et dans lequel
il faut reconnaître la spore.
Le même auteur (2) a également étudié le mode d'évo-
lution des microspores : dans les fruits destinés à devenir
coniothèques (microsporanges), toutes les cellules globu-
leuses et libres de l'intérieur de ces organes se partagent,
à la fois pour ainsi dire, chacune en quatre cellules-méres
spéciales. Puis en chacune de celles-ci, il se forme une
microspore, qui, après la résorption de Putricule généra-
teur, se couvre, en quelques espèces, d'épines singuliére-
ment allongées.
Ces procédés de formation des grandes et des petites
spores de Selaginella sont loin d'être conformes à celui
que j'ai observé chez le Psilotum triquetrum. Dans cette
dernière plante, toutes les cellules sphériques, indistincte-
(1) Voir les Annales des sciences naturelles (1852), vol. 18, p. 175.
(2) Loc. cit., p. 179.
(24)
ment, deviennent mères des spores (fig. 8). A cet effet,
leur noyau primitivement unique se partage en deux nou-
veaux noyaux (fig. 9), et ceux-ci s'entourent chacun d'une
portion du protoplasme; ces deux masses de protoplasme,
de même que dans la formation des spores de fougères, se
limitent souvent par une ligne bien nette (fig. 10). A cette
époque, les deux jeunes noyaux se divisent à leur tour
(fig. 11), de manière que dans chaque cellule-mère se pro-
duisent quatre cellules-filles; celles-ci ne sont autres que
les spores.
Ces spores, qui ont d’abord une forme irrégulière, s'al-
longent, deviennent bientót réniformes et prennent une
position déterminée et constante : elles se tournent en
effet symétriquement autour du centre de la cellule-mère,
de maniére qu'elles se touchent par leur cóté concave et
que leurs grands axes soient paralléles entre eux (fig. 12).
Dans cet état, Pensemble des quatre spores de chaque
cellule-mère simule assez bien un melon qui n'aurait que
quatre grosses côtes saillantes. Enfin Penveloppe des
spores, d’abord unique, devient double, et Pon y distingue
Pexospore et Pendospore.
Comme on le voit par cette courte description, la genése
des spores du Psilotum triquetrum s'écarte notablement
du même phénomène chez les antres Iycopodiacées. Si
Von ne considère que les sélaginelles, les seules plantes
de la famille dans lesquelles l’origine de ces organes soit
bien connue, on trouve que, dans les macrosporanges,
une seule des cellules sphériques donne naissance à quatre
cellules-mères spéciales, dont chacune engendre une seule
macrospore; tandis que dans les microsporanges toutes les
cellules sphériques, également fertiles, produisent cha-
( 25 )
cune quatre cellules-mères spéciales, et que, dans chacune
de celles-ci, se développe de nouveau une microspore
unique.
L'évolution des spores du Psilotum rappelle beaucoup
mieux, à mon avis, ce que l’on a observé dans les fougères,
puisque dans cette famille, de même que dans notre plante,
toutes les cellules sphériques occupant le milieu du spo-
range sont fertiles et que chacune d'elles engendre direc-
tement ses quatre spores , sans l'intermédiaire de cellules-
mères spéciales. En outre, pour augmenter encore cette
analogie déjà si frappante, la position que prennent les
spores de fougères dans leurs cellules-mères correspond
parfaitement, dans quelques cas (Aspidium filix mas), à
ce que j'ai signalé plus haut pour le Psilotum triquetrum.
Peu à peu les parois des cellules-mères disparaissent par
résorption, et les spores, devenues libres, remplissent, sous
forme d’une fine poussière d'un blanc jaunátre, les trois
loges du sporange, en attendant le moment où la déhis-
cence de leur conceptacle leur permettra de se disséminer.
Tandis que ces phénomènes se passent dans son sein,
les parois du sporange subissent aussi des modifications
profondes : leur couleur passe au vert foncé, puis au vert
jaunátre et l'on voit bientôt apparaitre la teinte jaune
franche qui trahit la maturité de l'organe. L'examen mi-
Croscopique fait à cette époque nous montre que les grains
dechlorophylle ont disparu successivement, en même temps
que le protoplasme s’est déposé sous forme de couches
d'épaississement dans les cellules de la paroi. Cette dispa-
rilion du protoplasme, qui a pour conséquence le durcisse-
ment et le desséchement des tissus, s'observe également
(26 )
pour les rangées de cellules elliptiques constituant les cloi-
sons interloculaires.
Vient le moment où le sporange s'ouvre. Les différents
botanistes qui ont étudié le genre Psilotum ne sont pas
d'accord quant à la manière dont s'accomplit cette déhis-
cence. D’après M. Brongniart, la capsule s'ouvre en autant
de valves qu'il y a de loges, par des fentes qui correspon-
dent au milieu de celles-ci. Le sporange est tout aussi
vaguement qualifié de three-valved dans le Genus of ferns
de Th. Moore, tandis que, dans son Genera filicum,
Hooker le décrit et le représente (tab. xxxvi) comme
loculicide, et c'est à cette dernière opinion que se rallie
M. J. Sachs, dans son traité récent de botanique. Enfin
M. Spring caractérise le sporange en disant qu'il est septi-
cide (4). Mais aucune de ces différentes explications ne rend
bien compte de la déhiscence du sporange de Psilotum,
déhiscence toute particulière, dont je ne connais pas de
- véritable analogue pour les fruits des plantes phanéro-
games, et qui se passe de la maniére suivante :
Vers le temps de complète maturité, une fente longitudi-
nale se dessine au milieu de chaque lobe du sporange (fig.2
et 3) : cette fente part du sommet, mais, au lieu de des-
cendre jusqu’à la base de l'organe, elle se termine vers la
moitié de sa hauteur; peu à peu les bords de cette solution
(1) La déhiscence d’une capsule est seplifrage, quand les valves, en
s'abaissant, se détachent des cloisons et que celles-ci restent en place.
Elle est septicide , lorsque les cloisons se orgie et que chaque valve,
en s'abaissant, entraîne, par chacun de ses deux bords, une moitié de
cloison. Elle est enfin Loulou, si les cloisons non gehe sont en-
traînées par la partie médiane des valves, quand celles-ci s'abaissent.
pta
(27 )
de continuité s'écartent l’un de l'autre, d’abord très-faible-
ment (fig. 4 et 5), puis d'une manière de plus en plus pro-
noncée jusqu'à ce que chaque fente primitive se soit trans-
formée en une ouverture circulaire (fig. 6 et 7), par laquelle
la loge communique largement avec l'air extérieur; à tel
point que celui qui, à cette époque, examinerait le spo-
range du Psilotum pour la première fois, le considérerait
comme une espèce de pyxidium triloculaire déjà débarrassé
de son opercule (fig. 6). Il n’y a donc certainement ici ni
déhiscence septicide, ni déhiscence loculicide : les cloisons
restent en place et ne se détachent point des parois du
«fruit.
Dès lors les spores peuvent se disséminer. Je n'ai pu
observer chez elles aucun mouvement spécial de projec-
tion, tel qu'on en a constaté pour plusieurs sélaginelles ;
mais je suis, au contraire, porté à croire qu’elles sont
versées hors du sporange, comme les graines du pourpier
sont versées hors du pyxidium, petit à petit, chaque fois
que les.tiges s'agitent. Le vent peut alors porter à de cer-
taines distances ces organismes, qui sont d'une légèreté
extréme.
Quand le sporange est débarrassé de son contenu, il
échange insensiblement sa couleur jaune contre une teinte
brun-foncé, qui résulte du dépérissement des cellules de
la paroi. Pendant ce temps, les trois ouvertures circulaires
qui ont livré passage aux spores resserrent graduellement
leurs bords, et ne tardent guère à se présenter de nou-
veau, comme à leur origine, sous forme d'une simple fente.
C'est dans cet état que reste le sporange jusqu'à ce qu'il se
détache enfin de la feuille, à laquelle d’ailleurs il ne tient
plus que très-faiblement.
(28 ) |
Les spores múres du Psilotum triquetrum (fig. 15) sont
translucides et légèrement jaunátres, ovales-réniformes et
longues en moyenne de 0,059-0,045 millimètres, sur une
largeur d’environ 0,022-0,042 millimètres. Elles ont un
noyau bien défini, ainsi qu'une forte proportion de proto-
plasme finement granuleux, et sont entourées d’une double
membrane (fig. 14): Pextérieure (exospore) est rugueuse
et légèrement bosselée, tandis que l'intérieure (endospore)
est parfaitement lisse. Cette dernière enveloppe n’a pas les
mêmes dimensions partout, mais elle est plus épaisse du
côté concave de la spore que du côté opposé. La dessicca-
tion a pour effet d'infléchir cette partie plus épaisse vers le,
centre de la spore, ce qui occasionne l'espèce de pli ou de
sillon longitudinal que Pon remarque sur le côté concave
des spores sèches (fig. 15), el ce fait me parait identique à
celui que Schacht (1) a fait connaître pour le pollen de
Yucca gloriosa.
M. Spring rappelle dans sa monographie (2) que « Kaul-
» fuss a remarqué, sur le milieu du bord interne des
» spores, un petit point noir qui était en rapport avec une
» petite vésicule et qui disparaissait en même temps que
» cette dernière dans l’eau, » et il engage les botanistes
qui ont des Psilotum vivants à leur disposition à diriger
dans ce sens leurs investigations. Le point noir auquel
Kaulfuss fait allusion n'est probablement pas autre chose
que le sillon déerit plus haut (fig. 15), et la prétendue vé-
sicule, une petite bulle d'air qui y reste souvent engagée
pendant quelque temps.
(1) Schacht, Grundriss der Anatomie und Physiologie der Gewaechst,
p. 171:
(2) 2me part., p. 268.
(29)
Les spores müres et sèches exécutent, quand on les
projette dans l’eau, des mouvements de trépidation déjà
remarqués par M. Spring : ces mouvements, purement
mécaniques , résultent, je pense, d’un changement subit
de forme, car le contact de l'humidité a pour effet de dila-
ter rapidement les membranes el d'arrondir brusquement
les spores, en faisant disparaître leurs sillons longitudi-
naux.
Si, au contraire, les spores soumises à l’action de l'eau ne
sont pas arrivées à maturité, il sétablit, entre ce liquide
et leur contenu , une endosmose rapide qui fait crever les
enveloppes et répand le protoplasme, phénomène qui rap-
pelle parfaitement l’action de l’eau sur les grains de pollen
de quelques plantes, et notamment des Martynia.
On sait que les sélaginelles ont deux espèces de spo-
ranges, dont l'un (macrosporange , sphérothèque, oopho-
ridie) est considéré comme sporange véritable ou fruit,
tandis que l’autre (microsporange, coniothéque, anthéri-
dange) est généralement considéré comme renfermant les
organes mâles (microspores, anthéridies). Dans les autres
genres de Lycopodiacées, on ne connait qu'une seule sorte
de sporanges et on s'est demandé bien souvent quelle est
la signification physiologique de ces organes. |
Dans l’état actuel de nos connaissances, il est impos-
sible de trancher cette question avec certitude. Les spores
que renferment ces appareils s'éloignent notablement des
macrospores par leur structure et leur aspect extérieur et
ont, au contraire, une certaine analogie avec les micros-
pores; aussi ces sporanges sont-ils, dans beaucoup d'ou-
vrages , décrits comme organes mâles. D'autres auteurs, se
basant sur l'existence d'une seule sorte de spores dans les
( 50 )
Lycopodium, Psilotum et Tmesipteris, comparent ces _
plantes aux fougères el aux équisétacées, qui portent
leurs fruits et leurs graines sur la plante parfaite, et leurs E
deux sexes sur le prothalle. a
On a tâché de résoudre cette grave question par l'expé-
rience. E
Malgré la multiplicité des tentatives faites dans ce but,
les spores des Lycopodium avaient constamment refusé de
germer, lorsque, en 1855, M. de Bary, alors professeur à
Fribourg, en semant les spores du L. inundatum dans le |
même sol que celui qui avait nourri la plante mère, fut
assez heureux d'observer, après deux mois environ , au
moins vingt-cinq d’entre elles dans des états plus ou moins _
avancés de germination; quelques germes étaient déjà
formés de sept ou huit utricules; mais tous les efforts qu'il _
fit pour obtenir des plantules plus développées demeurèrent
sans résultat (1). |
J'ai voulu essayer, à mon tour, de faire germer les spores
de divers Lycopodium et celles du Psilotum trique-
trum (2) : j'ai varié, autant que possible, la nature de la
(1) De deux choses l’une : ou bien le prothalle dont M. de Bary a vu les
premiers commencements, est destiné à porter les deux sexes de la plante
` et est, par conséquent, analogue à celui des fougères et des équisétacées,
ou bien il doit porter seulement l'organe mâle, tandis que l'organe femelle
naît sur un prothalle distinct. Dans tous les cas, le genre Lycopodium ne
me parait pas pouvoir être maintenu dans la même famille que le genre
Selaginella.
(2) Il se peut que les spores ne germent pas dans les conditions ordi-
naires, à cause de la facilité extrême que possède le Psilotum triquetrum
de se propager d'une autre manière. Des observations nombreuses démon-
trent qu'il y a une relation entre la reproduction sexuelle et la reproduc-
tion non sexuelle el même que Pune peut, en quelque sorte , se substituer
ES A A ed
(51)
terre employée, ainsi que les degrés de température, d'hu-
midité et de lumière, et, malgré cela, je vai pas réussi.
J'ignore si quelque tentative analogue a été faite, avec plus
de succès, depuis la publication du travail de M. de Bary;
mais le nom de l'éminent botaniste garantit la vérité et
l'exactitude. de ses observations, et, pour ma part, j'ai en
elles la plus entiére confiance.
Quoi qu'il en soit, par cette étude du développement des
sporanges et des spores, je crois avoir indiqué des affinités
nouvelles entre le genre Psilotum et les fougères, el, plus
que jamais, je suis porté à considérer les Lycopodium ,
Psilotum et Tmesipteris comme constituant un groupe dis-
tinct, qui établit en quelque sorte la transition entre la
famille des Sélaginellées d'une part et celle des Ptéridées
de l'autre.
EXPLICATION DE LA PLANCHE.
Fig. 1. Coupe transversale par le milieu du sporange , immédiatement
avant la formation des spores : a cellules rer a
laires formant l'enveloppe extérieure ou Pépiderme du s
à l’autre. C'est ainsi que plusieurs plantes phanérogames se multiplient
exclusivement par bulbes, ne tubercules ou stolons, et que dans
quelques algues, lichens et champignons, la propagation par gonidies,
pycnides, zoospores, etc., us complétement la fructification. Le Psi-
en se détachant de la plante mère, devenir chacune le point de départ d’un
nouvel individu. Peut-être l'espèce se conserve-t-elle ainsi pendant une
période dont nous ne connaissons pas le terme , et se régénère-t-elle de
temps en temps par une reproduction sexuelle.
(32)
range; b deuxième enveloppe formée de cellules elliptiques ;
c cellules sphériques, devenant plus tard mères des spores. _
Fig 2. Sporange mûr avant la déhiscence.
— 3. Le même sporange vu par le sommet.
— 4. Sporange commençant à s'ouvrir.
5. Le même, v 5
6. Sporange entièrement ouvert , montrant les spores renfermées,
sous forme de egt dans ses trois loges.
— 7. Le même, vu parle so
— 8. 9,10, 11. Cellules mères des spores de des états de plus en
; plus avancés de division.
— 12. Quatre spores d'une même cellule mère, avant leur sépara- i
tion. E
15. Spores séches, montrant sur leur côté externe un sillon lon- ;
gitudinal. :
— 14. Coupe transversale d'une spore; Pendospose est plus épaisse
du cóté interne ou concave de la spore que du cóté opposé.
E
ns 2e serie, Tome XXIX.
eti
Bull
L'un,
RX
Y
Van
(33)
CLASSE DES LETTRES.
ns:
Séance du 10 janvier 1870.
M. Ap. Borener, directeur de la classe et président de
- l'Académie pour 1869.
M. Ab. QuETELET, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. Ch. Steur, J. Grandgagnage, J. Rou-
lez, L.-P. Gachard, P. De Decker, F.-A. Snellaert, J.-J. Haus,
- M.-N.-J. Leclercq, le baron Kervyn de Lettenhove, R. Cha-
lon, Ad. Mathieu, J.-J. Thonissen, Th. Juste, E. Defacqz,
le général Guillaume , Félix Nève, Alph. Wauters, H. Con- _
science, membres; Nolet de Brauwere Van Steeland et
Auguste Scheler, associés; M. Laforét, correspondant.
EME. Alvin, membre de la classe des beaux-arts, et
_M. Ed. Mailly, correspondant de la classe des sciences,
assistent à la séance. j
CORRESPONDANCE.
= M. le Ministre de l’intérieur adresse : 1” une expédi-
_tion de l'arrêté royal du 4 décembre 1869 qui nomme
_MM. F.-A. Snellaert, A. Van Hasselt, Nolet de Brauwere,
D Delcroix , P. Génard , J. Heremans et P. Willems, mem-
8 27€ SÉRIE, TOME XXIX. 5
(34)
bres du jury chargé de décerner le prix quinquennal de
littérature flamande pour la 4* période; 2° une expédition
de l'arrêté royal de la même date nommant MM. P. Bourson,
Fuerison et Stecher, membres du jury chargé de juger le
concours triennal de littérature dramatique française pour
la 4° période.
— Le même haut fonctionnaire adresse, pour la biblio-
thèque de la Compagnie, différents ouvrages imprimés qui
seront annoncés au Bulletin, et parmi lesquels se trouve,
entre autres, un exemplaire du travail de M. Th. Juste :
Le lieutenant général Goblet d'Alviella, ministre d'État,
d'après des documents inédits; 1 vol. in-8°.
La 2° livraison de la traduction flamande de l'Histoire
de Léopold 1”, par M. Th. Juste, est également offerte à la
classe de la part de l'éditeur.
M. le Ministre de la justice adresse deux exemplaires du
tome I" de la 2 série du Recueil des ordonnances de la
principauté de Liége, publié par la Commission royale des
anciennes lois et ordonnances de la Belgique.
M. le Ministre de la maison de l’empereur des Français
adresse les tomes V et VI des Œuvres de Bartholomeo
Borghesi, offerts à l'Académie par ordre de S. M. Napo-
léon HHI.
La direction générale de la statistique, à Madrid, trans-
met un exemplaire de la Statistique du bélail en 1865.
Les ouvrages suivants sont présentés par divers mem-
bres de la Compagnie :
4° Par M. le baron Kervyn de Lettenhove, le tome IX
des Œuvres de Froissart, publiées dans la collection des
travaux des grands écrivains du pays; 1 vol. in-8° ;
9 Par M. Ad. Mathieu, le tome IX de ses œuvres en
(35) |
vers, portant pour titre : Rognures; 1 vol. in-12; et la
4° édition de son poëme: Théroigne de Méricourt; 1 vol.
in-19;
3° Par M. Laforêt, la 34° année de l Annuaire de l’'Uni-
versité de Louvain, 1870; 1 vol. in-12;
4 Par M. R. Chalon, le XIV* article de ses Curiosités
numismatiques, in-8°, et une Notice sur le temple de Ju-
piter Capitolin, offerte au nom de M. le baron de Koehne,
associé de la classe.
Des remerciments sont votés pour ces différents dons.
— La Société silésienne d'histoire et d'antiquités de
Breslau, la Société historique de Gratz et la Société de
littérature néerlandaise de Leyde, offrent leurs dernières
publications; ces Sociétés remercient en même temps la
Compagnie pour le dernier envoi de publications acadé-
miques.
— Une notice de M. C. Van Dessel, sur une collection
de monnaies romaines trouvées à Elewyt, est déposée aux
archives d’après le désir de l’auteur.
ÉLECTIONS.
La classe procède à l'élection du directeur pour 1871 :
. J.-J. Haus est désigné pour remplir ce mandat.
M. Borgnet, directeur sortant, remercie ses confrères pour
le bienveillant concours qui lui a été prêté pendant Pexer-
cice de ses fonctions. En cédant le fauteuil à M. Defacqz,
(56 )
il exprime à celui-ci le désir de le voir doter la classe de
son grand travail sur le Droit belgique, interrompu jus-
qu'à présent. M. Defacqz présente ensuite à M. Borgnet
les remerciments de ses confrères pour la manière dont il
a dirigé leurs travaux, et il prie M. Haus de vouloir bien
prendre place au bureau.
La classe s'est oceupée ensuite de différentes questions
relatives à ses travaux et au règlement intérieur.
>
( 57 )
CLASSE DES BEAUX-ARTS.
Séance du 6 janvier 1870.
M. N. De Keyser, directeur.
M. Ap. QuereLer, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. L. Alvin, F.-J. Fétis, G. Geels,
A. Van Hasselt, Joseph Geefs, F. De Braekeleer, C.-A. F ral-
kin, Ed. Fétis, Edmond De Busscher, J. Portaels, Al-
phonse Balat, A. Payen, le chevalier Léon de Burbure,
Joseph Franck, Gustave De Man, Ad. Siret, J. Leclercq,
membres; F. Stappaerts, correspondant.
M. Ed. Mailly, correspondant de la classe des sciences,
assiste à la séance.
CORRESPONDANCE.
La classe apprend la mort de Pun de ses associés de la
section de sculpture, M. Pierre Tenerani , décédé à Rome
le 14 décembre 1869.
— M. le Ministre de l’intérieur transmet une expédi-
tion de son arrêté du 31 décembre dernier, qui confére à
M. J.-G. Marchant, lauréat du grand concours de sculp-
ture de 1869, la pension de voyage de 5,500 francs.
(38 )
Le mème haut fonctionnaire avait demandé des instruc-
tions de voyage pour M. J.-B. Van den Eeden, lauréat
du grand concours de composition musicale de 1869. La
réponse de M. F.-J. Fétis, au nom de la section permanente
du jury de ces concours, a été transmise á M. le Ministre.
— Le même Ministre offre les tomes JI et IHI du recueil
intitulé : Scriptorum de musica medii «evi, par M. De
Coussemaker. — Remerciments.
— M. le secrétaire perpétuel présente l'Annuaire de
l'Académie pour 1870, renfermant les notices biographi-
ques de M. Baguet, par M. Roulez; de M. Moke, par
M. De Laveleye et de M. Buschmann, par M. Ad. Siret.
Il offre ensuite un exemplaire de P Annuaire de POb-
servatoire royal de Bruxelles pour la même année. —
Remerciments.
ÉLECTIONS.
La classe avait à pourvoir au remplacement de trois de
ses associés, MM. Calamatta, Rossini et Quaranta, décédés
en 1869 et en 1867.
Les suffrages des membres présents désignent succes-
sivement :
Pour la place vacante dans la section de gravure :
M. KELLER, à Dusseldorf.
Pour la place vacante dans la section de musique :
M. Feperico Ricci, à Paris.
Pour la place vacante dans la section des sciences el des
lettres : M. Mariette, au Caire.
(39)
— On procède ensuite à l'élection du directeur pour
1871 : M. Louis Gallait est élu à l'unanimité des suffrages.
M. De Keyser, directeur sortant, en cédant le fauteuil
à M. Fraikin, directeur pour l’année courante, remercie
la classe du bienveillant concours qui lui a été accordé
pendant l'exercice de ses fonctions. M. Fraikin remercie à
son tour ses confrères de l'honneur qu’ils lui ont fait en
l'appelant à remplir le mandat de directeur, et adresse à
M. De Keyser les remerciments de la classe pour la manière
dont il a dirigé ses travaux.
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
L Égypte entrevue à travers Pinauguration du canal de
Suez, par M. Alvin, membre de l’Académie.
Lorsque, dans la séance du 4 novembre dernier, la
classe des beaux-arts apprit que deux de ses membres, —
notre confrère Portaels et moi, — allaient se rendre en
- Égypte, invités par Son Altesse le khédive à assister à
l'inauguration du canal de Suez, notre honoré secrétaire
perpétuel m'engagea à recueillir des observations suscep-
tibles d’être communiquées à l’Académie. Mon silence a
pu étre interprété comme un acquiescement, comme un
engagement auquel j'aurais mauvaise gràce de chercher
aujourd'hui à me soustraire. Toutefois, pour que celle
quasi-promesse ne paraisse point trop imprudente et ne
soit pas même taxée de présomption, il est nécessaire que
j'explique en quelle manière je l'ai entendue.
(40)
L'égyptologie est une science dont les arcanes ne sont
révélés qu’à de rares adeptes. Le vieux sphinx n’a pas en-
core cessé de poser ses redoutables énigmes, et, s’il ne
dévore plus les imprudents qui ont en váin essayé de les
résoudre, il exige le sacrifice de la vie entière des curieux -
investigateurs de ses secrets. Je puis, comme le premier
venu, avoir pris connaissance des résultats des travaux
des savants égyptologues, mais cela ne m'autorise pas à
me targuer de leurs découvertes; à venir, compilant les
écrits de Champollion, de Letronne, de Lenormant, de
Lepsius , de Nestor PHote et de Mariette-Bey, vous débiter
compendieusement, comme nouveautés, ce que nos en-
fants peuvent apprendre dans le Tour du monde ou dans
le Magasin pittoresque, à savoir : qu’on a beaucoup exa-
géré les dimensions du phare d'Alexandrie, une des sept
merveilles; que la colonne de Pompée n’a rien à faire avec
la mémoire du grand rival de César; que cette colonne,
placée dans la cour du Sérapéum, a servi de piédestal à
l'effigie du cheval d'un empereur; que les aiguilles de
Cléopâtre étaient placées devant un temple érigé à César
par la maîtresse d'Antoine; que la bibliothèque si regrettée
avait été déjà incendiée et détruite deux fois avant larri-
vée d'Omar (1); que Pon a beaucoup trop rajeuni les pyra-
(1) Tout le monde connaît le récit qui a fait d'Omar le symbole du
fanatisme et de la barbarie. Après avoir subi, pendant des siècles, l'injure
de cette renommée proverbiale, Omar a été déclaré presque innocent de
l'incendie des livres d'Alexandrie; on lui a du moins découvert des com-
plices qui Pont devancé, et ont fait beaucoup plus de mal que lui. Ces
complices sont illustres et ne sont point des ennemis farouches de Ja
civilisation ; ils s'appellent César et le Christianisme.
(J.-J. Ampère, Voyage en Egypte et en Nubie, page 71.)
CH)
mides, pour moser contredire la chronologie biblique, et
qu'il faudrait ajouter vingt siècles aux quarante qui, du
haut de ces vénérables monuments, contemplaient les sol-
dats de la république française. Si je me permettais ce
genre d’études, je m'exposerais à faire sourire plus d'un
de nos confrères de la classe des lettres.
L'Académie ne peut s'attendre davantage à ce que je lui
présente une appréciation du magnifique travail auquel
M. Ferdinand de Lesseps a attaché son nom; que j'ana-
lyse, comme le pourrait faire un ingénieur, le plan de
celle vaste entreprise, les moyens d'exécution mis en pra-
tique, les engins formidables créés pour cette gigantesque
opération. Tout eela a été très-bien exposé dans le beau
livre de M. Olivier Ritt; et nos confrères de la classe des
sciences, cette fois, pourraient trouver que j'empiète sur
leurs attributions.
Quel sera done l’objet de cette communication? Un re-
flet de nos impressions personnelles; je dis nos, parce
qu'il est juste que j'associe à ce travail le compagnon qui
a partagé mes impressions, qui souvent les a provoquées
en attirant mes yeux sur des beautés qui auraient pu
m'échapper. Je parle à des artistes; c'est done du côté
plastique et pittoresque des choses que je vous entretien-
drai. Si påle que paraisse mon expression , si impuissante
quelle soit à donner la vie aux images qui ont passé de-
vant moi comme un rève, je compte sur votre imagina-
tion, elle complétera mes ébauches.
Nous voici transportés en présence de l'Égypte de
Chéops et des Pharaons, que recouvre l'Égypte gréco-
romaine des Ptolémées, cachée à son tour sous l’ Égypte
arabe des Califes, cédant elle-même la place à cette Égypte
européenne, si je puis dire, qui achève en ce moment
d’envahir le Delta.
(4)
Vous comprenez l’émotion qui nous a saisis à la vue de
cette vieille terre où les alluvions du Nil se mêlent aux
amas de décombres que soixante siècles y ont amoncelés.
Dans cette atmosphère limpide, sous ce ciel pur, enve-
loppe éternellement jeune des objets les plus vienx du
monde, les oppositions les plus tranchées vous étonnent.
Ici, la vie exubérante, lá, le silence de la mort. Ici, la na-
ture se revét des plus brillantes couleurs et, tout á cóté,
vous la trouvez dépouillée de sa parure; semblable á une
veuve désolée, elle se couvre la téte de cendre. Un suaire
de sable la voile au loin; rayé par le souffle du simoun, il
miroite sous le soleil comme un océan pétrifié.
Auprès des villes mortes, la ville vivante où s'agite une
réunion indescriptible de types aussi anciens que le sol
méme, se coudoyant sans se confondre, conservant leurs
caractéres, leurs costumes, leurs allures originales et for-
mant le plus étonnant contraste avec les toilettes préten-
tieuses, étriquées, souvent grotesques, et les physionomies
vulgaires de la colonie européenne.
Une température chaude, même en hiver, et jamais hu-
mide, du moins dans la région du Caire, permet aux habi-
tations de se passer de toit et même assez souvent de
croisées, et dispense les habitants du souci de rechercher
le confort.
Les rues regorgent d’une population toujours en mou-
vement et vivant en plein air. Le Copte, le fellah, P'Abys"
sinien, le Nègre, VArabe, le Ture, le Juif, le Gree, le
Syrien, Y Arménien s'y croisent dans tous les sens. Celui-ci
chemine à pied, celui-là monte un magnifique coursier, le
plus grand nombre se contentent de Páne, monture plus
modeste et, partant, plus commune. Les voitures qui, il y a
vingt ans, étaient à peine connues au Caire, y sont au-
E
à
À
8
74
A IP ME SO PE DO MR e
(45)
jourd'hui aussi nombreuses que dans les capitales d'Eu-
rope.
De longues files de chameaux chargés de moellons ou
de poutres, menacant la sécurité du passant, augmentent
l'encombrement au milieu duquel tout ce monde court,
crie, gesticule, se pousse, se heurte. C'est une confusion
inexprimable, et pourtant, tout cela finit par trouver pas-
sage, sans accident, tant cette foule est accoutumée aux
bagarres, tant aussi cette population, soumise et pacifique,
a été dressée dès longtemps à plier devant la force. Les
chiens seuls semblent jouir du privilége de ne se déranger
pour personne. Ils sont les maîtres de la voirie qu’ils ont
mission de purger des immondices; ils s’y installent comme
chez eux. Le cheval, l'âne, le dromadaire lui-même, tout
aussi bien que le fellah à pied, s’il rencontre un chien
couché et faisant la sieste sur la voie publique, se détour-
nera plutôt que de troubler le dormeur.
Au fond de ce désordre apparent, il y a une sorte d'har-
monie; les bruits les plus aigus se fondent dans le brouhaha
général; les mouvements les plus désordonnés et les plus
brusques finissent par s'accorder. La variété des costumes
est infinie, les couleurs tranchées se heurtent, rien n’y
fait, la grande lumière qui les noie harmonise ces tons
divers. À chaque instant le peintre regrette de n'avoir pas
sa palette et de ne pouvoir fixer sur la toile les tons in-
saisissables de ces trop fugitives visions.
Un pareil ensemble nous captive, absorbe toute notre
attention et ne nous laisse point la liberté de diriger nos
observations. Cette suite de tableaux s'impose à nos sens
plus’ encore qu’à notre intelligence. Ne soyez donc point
surpris, mes chers confrères, du décousu de ces pages.
J'ai beau chercher à ordonner mes souvenirs, ils m’arrivent
(44)
mélés comme si j'étais encore dans les rues du Caire, —
je parle du vrai Caire africain, — trottant sur mon áne el
nayant pas assez de mes deux yeux pour saisir les mille
accidents de cette ville de décombres, dont les maisons
s'émiettent, tellement qu’on les croirait menacées de des-
truction s’il survenait une averse. Elles abritent pourtant
une population immense, active, gaie même, et qui ne
paraît pas malheureuse. La partie inférieure des rues est
recouverte par l'étalage des marchands qui en dissimule le
délabrement. Il faut lever les yeux pour s'apercevoir que
ces étranges habitations n’ont point de faîte, — ni toit, ni
corniche. — On ne sait si elles sont en voie de construction
ou de démolition. Mais, de temps en temps, la vue est
agréablement surprise; elle s'arrête sur de ravissants mou-
charabiés : c’est une sorte de balcon fermé, enveloppant une
ou plusieurs fenétres, où se tiennent les femmes. Elles y
sont comme dans une cage, entourée d'un treillage élé-
gant, qui leur permet de voir dans la rue sans être elles-
mêmes apercues par des yeux indiscrets.
Ces rues, lorsque par hasard elles ont une certaine lar-
geur, ont besoin de s'abriter contre les ardeurs du soleil;
de larges bandes d’étoffes, des branches de palmier et quel-
quefois même un plancher, suspendu au-dessus de vos têtes,
font l'office de velarium. La masure la plus décrépite ac-
compagne les plus délicieuses fantaisies de Parchitecture
moresque : des portes ornées d'arabesques de pierre, des
fontaines ouvertes aux ablutions du peuple, les mosquées
avec leurs coupoles flanquées de minarets élancés et fouillés
comme un ivoire chinois, rappellent, par la gràce de leurs
proportions et par Félégance de leurs profils, que toute
cette ruine, encore habitée, a un jour brillé d'un vif éclat,
lorsque la richesse des bazars, la splendeur des édifices
( 45
du Caire fournissaient à l’auteur des Mille el une nuits ses
merveilleuses descriptions. Mais, sur cette terre qui a vu
passer tant de civilisations diverses, on parait avoir pris
l'habitude de ne rien réparer; on édifie, on achève même,
_sil'on peut, mais on ne sait plus ce que c’est que d'entre-
tenir. Quand la maison n’est plus habitable, on en construit
une autre; quand le quartier n'est plus qu’un tas de ruines,
on transporte les habitations un peu plus loin, le sable a
bientôt repris ses droits et ramené le désert sur Pempla-
cement abandonné : c'est ainsi qu'autour du Caire gisent
plusieurs villes mortes ou mourantes, Héliopolis, Mem-
phis, le vieux Caire, sans compter les nécropoles qui sont
elles-mêmes de grandes villes silencieuses, avec leurs mos-
quées, leurs marabouts et leurs minarets qui ne sont plus
hantés que par les éperviers dont le cri plaintif remplace
la voix du muezzin.
Quelle mine d’études pour l'architecte, pour le sculp-
teur, pour le peintre! A tout moment, mon compagnon,
notre confrère , tire son crayon, il saisit au passage une
altitude, un pli de draperie, une scène vivante. Des ex-
clamations de surprise s'échappent de nos poitrines. Est-ce
que Rembrandt aurait visité le Caire? Ne sommes-nous
pas bien naïfs de croire qu'il a trouvé dans le moulin pa-
ternel ses oppositions de lumière et d'ombre, ses effets de
clair-obscur? Se peut-il que la force seule de l'imagination
lui ait fait deviner, rendre avec tant de justesse et d'éclat,
une lumière qu’on ne trouve qu’en Orient?
EL, tout en cheminant sur nos humbles montures, à
travers la foule qui encombre le Mousky, ou sous l'ombre
des sycomores qui bordent l'avenue de Choubrah, nous ne
cessons d'admirer. L'Arabe bédouin passe couvert de son
burnous blane , sa tête grave et belle rappelle un patriarche
(46 )
des temps bibliques; une femme fellah soutient un jeune
enfant nu sur son épaule et en tient un autre par la main;
drapée dans sa guenille qui accuse des formes superbes,
elle vous a une majesté de reine. Vous croiriez voir mar-
cher un bronze antique échappé du musée de Bourbon.
Un sais nous frôle en passant. Il court avec aisance, sa
tunique blanche découvre ses jambes nues, les larges
manches de sa veste lui font deux ailes de cygne : il pré-
cède une voiture, une baguette à la main, et lui fraye un
passage au millieu de la cohue en criant d'une voix aiguë :
Reglett, Reglett Warda. Les proportions de ce corps agile
sont des plus pures, c'est le vrai type du coureur; le
scuipteur, pour produire un chef-d'œuvre, n'aurait qu'à
le mouler. Voici un autre bijou de bronze auquel le con-
servateur du musée de Naples accorderait une place d'hon-
neur dans ses galeries : c'est le petit marchand d'eau
fraiche; une amphore de terre cuite est suspendue á son
côté, il verse à boire dans une petite sébile de métal.
L'àne occupe une grande place dans les habitudes et
dans l’économie domestique de l'Orient. C’est la monture
la plus ordinaire, c’est aussi le plus commode des véhi-
cules. Ces animaux sont forts et doux, patients et infati-
gables; fermes sur leurs pieds, ils marchent avec une égale
assurance au bord des fondrières et dans les sables quasi
liquides. Leur nombre est incalculable dans les rues du
Caire : hommes et femmes en usent. Les femmes de con-
ditions aisées s'y montrent enveloppées de la tête aux
pieds de larges mantilles de soie noire; le vêtement de
coton blanc ou bleu est réservé aux classes inférieures.
Toutes les musulmanes se cachent le bas du visage et
ne laissent voir que leurs grands yeux, séparés par une
sorte d'étui de métal à travers lequel passe un ruban qui
(47)
soutient le masque, une longue bande d'étoffe, noire ou
blanche, qui leur pend jusqu'aux pieds. Les femmes indi-
gènes qui se montrent dans la rue le visage découvert
appartiennent au culte chrétien, copte ou fellah; on recon-
naît sur leurs traits le type qu'ont copié les anciens sculp-
teurs égyptiens.
A tout moment arrivent sous nos yeux des groupes qui
figurent des scènes de la vie patriarcale de l'Ancien et du
Nouveau Testament : Abraham et Sara sont venus sur ce
sol, ils y ont précédé la sainte famille. N'est-ce pas celle-ci
qui passe? Une femme en manteau bleu, assise sur un
âne, presse entre ses bras un jeune enfant. Un vieillard la
précède tenant la bride et s'appuyant sur son bâton de
voyage.
Mais toute cette population ne nous apparaît que de la
manière la plus fugitive, nous n’en voyons que l'extérieur;
quant aux mœurs, aux usages, il faudrait, pour les étu-
dier, pénétrer dans le sein des familles; C'est ce qui west
guère possible au touriste européen. Tout le côté féminin
des classes riches lui échappe nécessairement. Nous voyons
bien, à certaines heures de la journée, passer comme une
apparition, l’élégant coupé qui emporte au grand trot de
deux magniques chevaux, quelques femmes du harem,
très-légèrement voilées. Un eunuque noir est sur le siége
auprès du cocher, un saïs court devant les chevaux faisant
ranger la foule. C’est tout ce qu’on peut voir de la vie in-
time des indigènes opulents. Si nous sommes- admis cn
présence de quelque haut dignitaire, du khédive lui-
même, rien dans Pameublement, dans l’étiquette, dans les
costumes ne nous montre POrient, c'est toujours le luxe
européen, un peu outré, fort mêlé, d'un goût douteux. Il
(AS )
n'y a de vraiment oriental que les riches chibouques et les
ravissantes petites tasses avec leurs merveilleux supports
dans lesquelles on nous offre un café délicieux.
Dans ces rues tortueuses el obscures, derriére ces mu-
railles grises et délabrées, il doit se cacher encore quelque
retraite, habitée par des familles tenantaux anciens usages,
ayant le culte des mœurs antiques. Là doivent se conser-
ver les merveilles d'une architecture qui se prête à toutes
les délicatesses, à toutes les fantaisies, à toutes les élé-
gances du décor, à tous les raffinements du luxe : les tapis
précieux, les fontaines aux bassins de marbre et d'albátre,
les soies de Perse et des Indes, les pavements de mosai-
que, les lambris revêtus de faïences émaillées ou de bois
précieux, les meubles aux incrustations d'ivoire et de
nacre, les mille ustensiles d'argent, d'or, de filigrane,
que PArabe du désert conserve lui-même si précieusement
sous sa tente et que les chefs bédouins nous exhibaient au
campement hospitalier d'Ismailia. J'ai la ferme croyance
que si Pon cherchait bien, on trouverait encore, au Caire,
plus d’une maison entretenue comme au temps de Saladin.
Nous avons même eu la bonne fortune d’en visiter une à
laquelle il ne manquait que l'entretien et qui, si elle était
restaurée avec intelligence, exciterait l'admiration des
moins enthousiastes.
C'est derrière l'hôtel Abat; de la place de l'Esbékieh,
centre du quartier européen qui ne diffère guère de nos
villes modernes, on s'engage sous une voûte sombre el
malpropre; on suit une ruelle étroite et tortueuse, abou-
tissant à plusieurs autres dont aspect n'est pas plus riant;
une petite porte s'ouvre : vous êtes dans la cour d'une habi-
tation moresque, dont l'ensemble et les détails frappent
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(4)
encore par leurs élégantes proportions malgré leur état de
délabrement. Un peintre français en a fait sa demeure
depuis plusieurs années; ne pouvant en entreprendre lui-
même la restauration, il s'est contenté de la rendre habi-
table, tout en respectant ces précieux restes et s'attachant
à leur conserver leur caractère primitif. Tant qu’elle sera
entre les mains de cet homme de goût, la précieuse relique
sera préservée de la destruction; mais que quelque jour la
pioche civilisatrice, qui travaille déjà très-activement au
Caire, menace ce quartier qui a besoin d’être assaini, que
deviendra cette demeure ?
n nous a assuré pourtant que c'est dans celle maison
que logea le général Bonaparte. Oh! si je pouvais hasarder
un conseil aux conseillers de Son Altesse, je leur dirais :
« Poussez votre maître à déblayer ce quartier, mais en-
gagez-le à conserver cette maison; qu’un artiste habile,
bien pénétré du caractère de l’art arabe, recoive la mission
de la restaurer, et qu’elle devienne le pendant du musée
de Boulaq ; qu’elle soit, pour l’art du temps des Califes,
ce que le musée de Mariette-Bey est pour Part du temps”
des Pharaons. » Déjà le khédive est entré dans la voie des
restaurations; par ses ordres, les abords de la magnifique
mosquée du sultan Hassan ont été déblayés, et — Son
Aitesse elle-même nous en a donné l'assurance, dans l'au-
dience qu’elle a daigné accorder à ses invités belges, —
sous peu, ce splendide monument reparaîtra aux yeux des
amis de Part, dans toute sa fraicheur premiére.
L'Egypte, qui ne veut pas demeurer en arrière de la
civilisation européenne, nous imitera aussi dans notre res-
pect pour les monuments anciens. Parmi les exemples que
nous lui donnons, elle n’en wrd choisir de plus salu-
2%" SÉRIE, TOME XXIX.
Mo. Bot. Garden,
1896.
( 50 )
taire et qui l'élève plus haut dans l'estime des peuples;
car le soin qu’une nation apporte à la conservation et à
l'entretien de ses édifices peut donner la mesure de sa
valeur morale et indiquer le degré de civilisation auquel
elle est parvenue.
En effet, quelle triste impression ne rapporte-t-on pas
d'une visite à cette nécropole qu'on appelle les tombeaux
des Califes! surtout si, en y allant, on est entré dans le
somptueux temple de la citadelle, dans cette mosquée dont
on ne pourra pas dire : Materiam superabat opus. Oh!
quelles merveilles nous verrions si l'argent dépensé pour
l'érection de la mosquée de Méhémet-Ali avait été employé
à restaurer ses ainées! Malgré leur état actuel, plusieurs
des anciennes mosquées offrent un intérêt sérieux. Ici,
c'est un refuge ouvert aux pauvres, là, c’est un hospice,
plus loin, une école. C’est dans un de ces édifices que Se
trouve la plus ancienne université du monde, jadis la lu-
mière de l'Orient, dont les cours continuent encore au-
jourd'hui. L'antique mosquée de Gama-el-Azhar, bâtie en
„même temps que le Caire, vers l'année 969 de notre ère,
était PAlma Mater de ces contrées; son nom signifie Mos-
quée des fleurs, parce que lon y voyait fleurir toutes les
sciences. C'était à la fois, et c'est encore, une maison de
prière et un sanctuaire d'études. Ici, comme partout, nous
avons traversé les galeries, les cours, les portiques au pas
de course et nous n’en avons pu saisir que le côté pitto-
resque. Sur des nattes qui recouvrent le pavement de
marbre, les écoliers sont assis en cercle autour du maître,
à la façon orientale, tracant, au moyen du calamus al-
tique, des caractères arabes sur des feuilles de zinc ou de
fer-blanc, comme les enfants de nos écoles le font avec la
touche sur Pardoise. Le roseau ne rayant point le métal
(31)
comme le feraient nos plumes de fer, ce qui a été écrit
peut être facilement effacé (1).
Si architecte, si le sculpteur, si le peintre rencontrent,
à chaque pas, sur le sol égyptien, des modèles précieux et
des objets d'étude, le musicien n’y trouverait peut-être
point une aussi abondante moisson. Ce n’est pas que, grâce
à la munificence de Son Altesse, il ne puisse entendre au
Caire une excellente troupe d'opéra italien; que, gráce à
des spéculateurs cosmopolites, il ne puisse savourer en
même temps, dans les cafés concerts et à PEldorado, une
chope de bière de Vienne et une valse de Strauss, voire
même une contredanse empruntée aux œuvres d'Offen-
bach. Mais la musique indigène ne nous a point paru à la
hauteur des autres branches de l’art arabe. Pourtant, lors-
que nous assistions aux exercices pieux des derviches tour-
neurs, nous avons cru reconnaître, dans les préludes de
la psalmodie qui accompagne cette sorte de danse, plu-
sieurs mesures que Félicien David n’a pas dédaigné de
placer dans son Désert.
Revenir d'Égypte sans vous parler des pyramides , vous:
ne nous le pardonneriez point. Quelque soin que nous pre-
nions de ne pas empiéter sur les attributions des archéo-
logues, du moins devons-nous raconter nos impressions.
A la limite du désert, une chaîne de monticules protége
contre Penvahissement des sables la riche plaine que fer-
tilise chaque année le limon du fleuve nourricier; elle dé-
(1) Le Caire possède de nombreuses institutions pour l'enseignement;
on s'efforce de les tenir au niveau des progrès de la science moderne. lla
été publié, sur la situation de cette branche d'administration, un livre que
j'ai vainement demandé aux libraires. Il n'entrait point dans nos projets
d'étudier cette matière, le temps nous aurait fait défaut.
(52)
coupe, sur un ciel toujours pur, les profils arrondis de ses
mamelons fauves. N'était le ton plus chaud , vous les pren-
driez pour nos dunes de la mer du Nord. C’est lá que se
dressent, dominant toutes ces hauteurs, les trois colosses,
prodigieux entassements de pierre, dont Pun est demeuré
le plus haut comme il est le plus vieux des monuments
élevés par la main de l’homme. Sur cette frontière, que le
Nil et le désert se disputent, entre la plaine verdoyante et
Varidité du Sahara, il y a le cadavre d'une grande cité, la
nécropole de Memphis. Cette colline recouvrait un séra-
péum que Mariette-Bey vient d'exhumer. Qui pourrait dire
les palais et les temples que cache encore cel amas de dé-
combres ?
La destination des pyramides a donné lien á une foule
de conjectures contradictoires. N'étaient-elles que les tom-
beaux des souverains, 0u, comme le suppose M. Fialin de
Persigny, avaient-elles aussi pour mission d'arréter lenva-
hissement des sables? Cette théorie n'est peut-être pas
aussi loin de la vérité qu’on l’a prétendu. Ici, la demeure
des morts semble une barrière pour défendre celle des
vivants; les collines, dont je parlais tout à l'heure, recou-
vrent tout un hypogée. Les pyramides elles-mêmes, ces
gigantesques témoins de Porgueil des despotes, ne sont-
elles pas, en effet, un défi jeté à l'ennemi éternel du sol
égyptien, au sable du désert qui envahit toute construc-
tion, temple ou palais? Il n’a respecté que le colossal, les
pyramides et les obélisques; — un obélisque est tout ce
qui reste d'Héliopolis. On comprend que ces rois, dont la
puissance étaitsans bornes et qui avaient à leur disposition,
en nombre illimité, cette machine qu’on appelle l’homme,
se soient fait construire des tombes gigantesques, afin
qu'elles survécussent à tout, même aux demeures des
ie NE
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E
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(55 )
dieux. Si telle fut leur pensée, les bátisseurs de ces mo-
numents ont atteint leur but. Ils ont assuré la durée de
leur œuvre, œuvre grossière, mais formidable, où l’art me
semble avoir une bien petite part.
Mais ce n'est pas sur ce point de l'Égypte qu'il faut
chercher les chefs-d'ceuvre de Part égyptien. Il faut re-
monter le fleuve, voir Karnac, Luxor, Thèbes. Je n'ai pas
eu la bonne fortune d'aller jusque-là; le temps m'a man-
qué. Avec quels regrets n'ai-je pas renoncé à contempler
le merveilleux colosse qui, selon Pexpression du poète,
De Semblait, en amant préféré,
Épouser la lumière à son réveil sacré;
Celui qui, le matin, tout palpitant d'oracles ,
Changeait l’âme d'un marbre en source de miracles.
La statue de Memnon ne rend plus de sons mélodieux;
la pyramide n'a pas su conserver le dépót qui lui a été
confié. Celle-ci pourtant défie toujours le désert dont les
vagues impuissantes viennent mourir à sa base et n’en ont
pu submerger encore que quelques assises.
L'impression que produit la vue des pyramides n’est pas
aussi profonde, aussi instantanée qu’on le pourrait croire.
On n’est vraiment étonné qu'après réflexion, lorsqu'on a
supputé la hauteur et calculé le cube de cet amas de pier-
res. Après avoir fait à pied, montre en main, le tour de la
plus grande, pendant que mes compagnons plus jeunes se
hissaient jusqu’au faîte, je me suis dit: la base équivaut à
la superficie du pare de Bruxelles; je n’en voulais point
croire le témoignage de mes jambes. Un géomètre a fait,
avec la précision de la science, le calcul dont voici le ré-
sultat : des pierres qui composent la grande pyramide de
Giseh, on bâtirait un mur de six pieds de haut, d’un pied
(54)
d'épaisseur, ayant une longueur de mille lieues et pouvant
faire le tour de la France. C'est qu’il y a la 75 millions de
pieds cubes de matériaux !
La vue du sphinx colossal qui semble le gardien des
pyramides, satisfait plus l'artiste; c’est aussi une œuvre
gigantesque, mais on voit que Part a passé par lá.
Vous me pardonnerez, mes chers confrères, de ne point
vous faire le récit des incidents de notre voyage et des
fêtes qui en étaient l’occasion. Cela exigerait un livre. Il
n’y a qu'un mot pour qualifier ces fêtes : elles ont été
dignes d’un roi,
Quant à l'hospitalité dont nous avons été l’objet, elle a
été grande comme les pyramides; elle ne sera pas plus
imitée que ne l'ont été les gigantesques monuments de
l'antique Égypte. Jamais on n’avait vu une semblable réu-
nion d'hôtes traités avec une pareille munificence. Têtes
couronnées, princes de la science et des arts, représen-
tants autorisés de la presse, de l'industrie et du com-
merce, tous ont été accueillis avec distinction, égards,
prévenances, attentions de toutes sortes. Ils ont été tous
reçus somptueusement même au milieu du désert trans-
formé, comme par la baguette d'un enchanteur. Pour ma
part, je mets au nombre des plus délicates attentions dont
nous avons été l’objet le respect de notre indépendance :
on nous a permis d'aller où bon nous semblait, mettant à
notre disposition tous les moyens de transport et ne nous
obligeant à aucun devoir d'étiquette.
Et pourtant des murmures, qui ont pris naissance au
bord du Nil, ont eu de l'écho jusqu'ici. Ils auraient pu
faire douter de notre reconnaissance. |
Quelques petits désagréments inséparables d’un aussi
long voyage, certains mécomptes que toute la sollicitude
(55 )
du khédive, que tous les soins intelligents des délégués de
Son Altesse ne pouvaient prévoir et empêcher, ont été
grossis sous l'impression d'un moment de contrariété.
Ceux qui se sont faits les interprètes de ce mécontente-
ment se seraient abstenus d'en entretenir le public s'ils
avaient eu le temps de la réflexion.
Pas plus que les autres, je n’ai été à l'abri de certaines
petites misères inhérentes aux climats chauds, mais j'y
trouvais une compensation suffisante dans la douceur du
climat lui-même. Je n'ai pas été indifférent à quelques
contre-temps dont on s’est plaint avec amertune; mais il
s'est trouvé presque toujours, pour moi du moins, que
ces contre-temps eux-mêmes étaient la source de jouis-
sances que nous n'aurions point goûtées sans cela. Par
exemple, l’ordre de reprendre la mer dès l'arrivée à
Alexandrie, a contrarié tous les passagers de la Guyenne,
et pourtant, sans ce supplément de navigation, qui d’ail-
leurs s’est effectué par une mer calme et une nuit vrai-
ment orientale, nous n’aurions point vu le magnifique
spectacle que présentait la rade de Port-Said, le 16 no-
vembre, au lever du soleil, quand les escadres de toutes
les nations saluaient le passage de l'Aigle entrant dans le
port; c'était splendide.
Quant aux ennuis d’une traversée de sept jours, pen-
dant lesquels la mer ne s'est pas constamment montrée
clémente, n'ont-ils pas été largement compensés par le
charme des honorables et sympathiques relations que nous
avons rencontrées à bord de la Guyenne? Je serais un in-
grat si 'omettáis de placer ici un souvenir à Padresse des
hommes éminents, des compagnons aimables avec lesquels
j'ai eu la bonne fortune d'accomplir ce pèlerinage. J'en
rends grâce, avant tout, à Son Altesse le khédive, dont la
(56 )
munificence a permis que ma tête déjà blanchie recút le
baiser rajeunissant du soleil d'Orient.
Je ne donnerai pas à cette communication une étendue
que son importance ne justifierait point. Ce modeste cro-
quis n’aura pas été absolument inutile s’il peut inspirer à
quelques-uns de nos artistes le désir de visiter ces mêmes
lieux.
Si la Grèce, si l'Italie, si les musées qui se sont enrichis
des dépouilles de ces pays privilégiés étalent pour notre
instruction les productions les plus parfaites de Part an-
tique, l'Égypte possède encore des modèles aussi purs que
ceux que les Phidias et les Apelles ont interprétés. Même
après avoir étudié ces immortelles traductions de la forme
humaine, l’artiste aura beaucoup à apprendre sur ces types
originaux, vivant et agissant en pleine lumière : car ce
n’est pas sans raison que l'illustre Ampère Pa dit :
« Dans le pays du soleil, le beau n’est jamais absent, la
gráce se mêle à tout. »
OUVRAGES PRÉSENTÉS.
Quetelet (A.). — Annuaire de l'Observatoire royal de
Bruxelles, 1870, 37”* année. Bruxelles, 1869; in-12.
Commission pour la publication d’une collection des œuvres
des grands écrivains du pays. — OEuvres de Froissart, pu-
bliées par M. le baron Kervyn de Lettenhove. Chroniques,
tome IX. Bruxelles, 1869, in-8°.
Chalon (R.). — Curiosités numismatiques. Médailles et mon-
naies rares et inédites. 14”" article. Bruxelles, 1870; in-8°.
(De) |
Mathieu (Ad.). — Rognures (œuvres en vers, tome IX).
Bruxelles, 1870; in-12.
Mathieu (Ad.). — Révolution francaise. Théroigne de Méri-
court. 4" édition. Bruxelles; in-12. :
Juste (Théodore). — Les fondateurs de la monarchie belge.
Le lieutenant-général comte Goblet d'Alviella, ministre d'Etat,
d'après des doeuments inédits. 1790-1869. Bruxelles, 1870;
in-8°,
Juste (Th.). — Leven van Leopold 1, eerste koning der Bel-
gen, naar het franch. Aflev. 5. Gand, 1869; in-8°.
De Koehhe (le baron B.). — Le temple de Jupiter Capitolin,
d'après les médailles. Bruxelles, 1870; in-8°.
Annuaire de l’Université catholique de Louvain. — 1870,
54™ année. Louvain; in-12. 4
Plateau (Félix). — Réflexions et expériences sur le vol des
coléoptères. Genève, 1869; in-8°.
Jourdain (Aug.). — Dictionnaire encyclopédique de géogra-
phie historique du royaume de Belgique. Bruxelles, 1868-1869;
2 vol. in-8°.
Van Bastelaer (D.-A.). — La question du travail des femmes
et des enfants dans la houillère en présence de la statistique
officielle. Bruxelles, 1869 ; in-8°.
Van de Casteele (Désiré). — Justification du magistrat de
Gand, concernant les troubles religieux arrivés en cette ville
du 50 juin 1566 au 7 mai 1567. Bruges, 1869; in-8°.
D'Otreppe de Bouvette(Alb.). — Essai de tablettes liégeoises,
99% et 100% livr, Liége, 1869; 2 cah. in-12.
Société royale de numismatique à Bruxelles. — Revue de
la numismatique belge, 5ee série, tome II, 1"° livr. Bruxelles,
1870; in-8°,
Société d’Émulation de Bruges. — Annales, 57° série,
tome IV, n° 4. Bruges , 1869; in-8°.
Willems- Fonds ; te Gent. — Jaarboek voor 1870. Gand,
1869; in-12, — Vuylsteke (Julius). — Korte statisticke be-
( 58 )
schrijving van Belgie, 1** en 2% aflev. Gand, 1865-1869 ; 2 vol.
in-12..
Revue de l’instruction publique en Belgique, 17”* année,
Dee livr. Gand, 1870; in-8°.
Annales d'oculistique, 32%" année, tome LXI, 5% et
6”* livr. Bruxelles, 1869; cah. in-8°.
Société géologique de France, à Paris. — Bulletin, 2°* sé-
rie, tome XXVI, feuilles 25-54. Paris, 1868-1869; in-8°.
Institut historique de France, à Paris. — L'Investigaleur,
56"° année, 418% et 419% livr. Paris, 1869; in-8°.
Revue britannique, 45"° année, n°°6 à 12, juillet à décembre.
Paris, 1869 ; 6 eah. in-8. :
Flammarion (Camille). — Études et lectures sur Pastrono-
mie, tome II. Paris, 1869; in-12.
Leymerie (A.). — Catalogue des travaux géologiques et mi-
néralogiques publiés jusqu’en 1870. Paris-Toulouse, 1869;
in-8°.
Revue et magazin de zoologie pure et appliquée et de sérici-
culture comparée, par M. J.-E. Guérin-Menéville, 1869, n° 12.
Paris; cah. in-8°.
Comptes rendus des séunces de la commission permanente
de l'association géodésique internationale pour la mesure des
degrés en Europe tenues à Florence en 1869. Neuchâtel, 1869;
in-4°. E
Deutsche geologische Gesellschaft zu Berlin. — Zeitschrift,
XXI. Band, 1.-5. Hefte. Berlin, 1869; 5 cah. in-8°.
Zoologische Gesellschaft zu Frankfurt A|M. — Der zoolo-
gische Garten, X. Jahrg., n% 7-12. Frankfurt A/M, 1869 ; 6 cah.
in-8°. `
Societatis stenographicae Tirolensis, Inspruck. — Com-
pendium stenographiae latinae secundum systema Gabels-
bergeri, auctore D** J. Plaseller, autographo prof. P. Huberto
Riedl. Inspruck, 1868; in-12.
Sexe (S.-A.). — Le glacier de Boium, en juillet 1868. Chris-
tiania, 1869 ; in-4°.
( 99 )
Flateyjarbok. — En samling af norske Konge-Sagaer,
5. Binds, 2. Hefte. Christiania, 1868 ; in-8.
Thomas Saga Erkibyskups. — Fortaelling om Thomas Bcc-
ket erkebiskop af Canterbury. Efter gamle Haandskrifter ud-
given af C.-R. Unger. Christiania, 1869; in-8°.
Botten-Hansen (Paul). — La Norwége littéraire. Christiania,
1868; in-8°.
Caspars (C. -P). — Quellen zur Geschichte des taufsymbols
und der glaubensregel, IL. Christiania, 1869; in-8°.
Nyt magazin for naturvidenskaberne, XVI. Binds, 1-4.
Hefte. Christiana, 1869; 5 cah. in-8°.
Foreningen til norske fortidsmindesmerkers bevaring, i
Christiania. — Aarsberetning for 1868. Christiania , 1869;
in-8° :
Beretning om ren Virksomhed i aarel, 1868.
Christiania, 1869;
Videnskabs- a i Christiania. — Forhandlinger, aar.
1868. Christiana, 1869; in-8°.
Kongelige Norske Videnskabers-Selkabs i Throndhjem. —
Skrifter i det 19. Aarhundrede, V. Binds, 2. Hefte. Throndhjem,
1868; in-5°.
Hertzberg (Ebbe). — En fremstilling af det norske aristo-
kratis historie indtil kong Sverres tid. dee 1868;
in-8°,
Om R. Keysers’s Esterladte Skrifter. Christiania, 1868;
in-8°,
Synnestvedt (A.-S. -D.). — En anatomisk esiineias af de
paa over-og under extremiteterne forekommende Bursae Mu-
cosae. Christiania, 1869; in-#°.
Diplomatarium Norvegicum , samlede og udgivne af C.-R.
Unger og H.-J. Huitfeld, VII. samling, 2. Halvdel. Christiania,
1869; in-8°,
Skandinaviske naturforskeres i Christiania. — Forhand-
linger, tiende Mode, aar 1868. Christiania, 1869; in-8°.
a (60)
Finska Vetenskaps-Societelen till Helsingfors. — Ofversigt,
XI, 1868-1869. — Bidrag till Kännedom af Finlands natur och
Folk, 45, 14 häftetets. — Gedachtnissrede auf Alexander von
Nordmann, von D" Otto E.-A. Hjelt. Helsingfors, 1869; 4 cah.
in-8°.
Reale istituto lomburdo di scienze e lettere a Milano. —
Rendiconti , serie IL, vol. H, fase. 41-16. Milan, 1869; 6 cah.
in-82. — Classe di scienze matematiche e naturali, Memorie,
vol. XI, fase. 2. Milan, 1869; in-4°. — Classe di lettere e scienze
morali e politiche : Memorie, vol. XI, fase. 2. Milan, 1869;
in-4°. — Att della fondazione scientifica Cagnola, vol. V, parte
4. Milan, 1869; in-8°.
Società reale di Napoli. — Rendiconto delle tornate e dei
lavori dell’ Accademia di scienze morali e politiche, anno VHP,
quaderni di settembre ed ottobre 1869. Naples, 1869; in-8°.
Real academia de nobles artes de San Fernando, a Madrid.
— Resúmen de las actas y tareas, 1864-1868. Madrid, 1865-
1868; 4 cah. in-8°. — Memorias, tomi I-II. Madrid, 1867-1868;
2 vol. in-8°. — Discursos practicables, por Jusepe Martinez.
Madrid, 1866; in-8°. — Discurso en elogio del E.-S. duque de
Rivas, por Joré, amador de Los Rios. Madrid, 1866; in-8°. —
Pablo de Céspedes. Madrid, 1868 ; in-4°.
Universidade de Coimbra. — Annuario, 1869-1870. Coimbre, `
1869; in-12.
Geological Society of London. — Quarterly Journal, vol
XXV, part 4. Londres, 1869; in-8°. — List, november 1%,
1869. Londres, 1869; in-8°.
Royal geographical Society of London. — Proceedings,
vol. XIII, n° 5. Londres, 1869; in-8°.
Chemical Society of London. — Journal, vol. VII, ser. 2,
july-september 1869. Londres, 1869; 5 cah. in-8°.
A do 4 E ae E E LIE E E E nn E E RE li ns e aki Bad
BULLETIN
DE
L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES,
DES
LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE.
1870. — Ne 2.
CLASSE DES SCIENCES.
Séance du 5 février 1870.
M. G. DEWALQUE, directeur, président de l’Académie.
_M. Ap. Querecer, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. J. d'Omalius d'Halloy, C. Wesmael,
J.-S. Stas, L. De Koninck, P.-J. Van Beneden, Edm. de
Selys Longchamps, H. Nyst, Gluge, Melsens, J. Liagre,
F. Duprez, Poelman, E. Quetelet, H. Maus, M. Gloesener,
A. Spring, Candèze, Eugène Coemans, Ch. Montigny, Stei-
chen, Brialmont, E. Dupont, membres; Th. Schwann,
Th. Lacordaire, E. Catalan, Ph. Gilbert, associés; C. Ma-
laise, Aug. Bellynck, Ed. Mailly, Al. Briart, correspon-
dants.
2%* SÉRIE, TOME XXIX. 5
(62)
CORRESPONDANCE.
M. le Ministre de Pintérieur transmet une ordonnance de
payement de 25,750 francs , à titre de première moilié de
la dotation académique pour 1870. Ce mandat a été en-
caissé par M. Stas, trésorier.
— Le même haut fonctionnaire envoie divers ouvrages
qui seront annoncés au Bulletin. — Remerciments.
— M. Alph. de Candolle exprime le désir, en accusant
réception de son diplôme d’associé, d'être gratifié des Bul-
letins et de l Annuaire. — Accordé.
— La légation d'Espagne, à Bruxelles, au nom de POb-
servatoire de San-Fernando à Cadix, la Société des sciences
à Harlem, et la Société Senckenbergeoise des naturalistes
de Francfort s/M, offrent divers ouvrages el remercient
pour les derniers envois de publications académiques.
— L'Institut des provinces de France annonce Pouver-
ture à Moulins, le 4° août 1870, de la XXXVII" session `
- des congrés scientifiques de France.
— La Société batave de philosophie expérimentale de
Rotterdam envoie son programme de concours pour 1869.
— Un billet cacheté, adressé par M. G. Van der Mens-
brugghe, répétiteur à l’Université de Gand, est accepté et
réservé pour les archives, après avoir été contre-signé par
M. le directeur.
( 65 )
— M. F. Terby, de Louvain, transmet de nouveaux ren-
seignements sur l’aurôre boréale du 3 janvier dernier.
— M. P. Michel, chef du nouveau phare à Ostende, en-
voie le résumé des observations météorologiques faites à
Ostende pendant l'année 1869; M. Cavalier, de la même
ville, adresse des observations semblables pour le mois de
janvier 4870.
— M. Ed. Lanszweert, pharmacien à Ostende, commu-
nique ses observations zoologiques faites pendant l'année
1869
— Les ouvrages manuscrits suivants seront l’objet d'un
examen :
1° Mémoire sur les poissons qui habitent régulièrement
ou visitent accidentellement les côtes de la Belgique et sur
leurs parasites et commensaux, par M. P.-J. Van Beneden.
(Commissaires : MM. Lacordaire, de Selys Longchamps et
Poelman.)
2 Notes sur les tremblements de terre en 1868, avec
suppléments pour les années antérieures, de 1843 a 1867
(XXVI relevé annuel), par M. A. Perrey. (Commissaires :
MM. Ad. Quetelet et Duprez.)
5” Études sur le frottement. — Première partie : Note
relative au frottement de glissement sur les surfaces héli-
coïdes réglées, par M. J.-M. de Tilly. (Commissaires :
MM. Steichen et Folie.)
4° Sur la pierre météorique tombée à Saint-Denis-Wes-
trem, près de Gand, le7 juin 1855, par M. Stanislas Meu-
nier. (Commissaire : M. Duprez.)
5” Note sur le Byrsax (Boletophagus) gibbifer Wesmael,
(64)
de Java, par M. A. Preudhomme de Borre. (Commisaires :
MM. Lacordaire et Wesmael.)
6° Fondements d’une géométrie supérieure cartésienne
(suite), par M. F. Folie. (Commissaires : MM. Gilbert et
Catalan.
7° Notice sur la Bryonicine, par MM. Lucien De Ko-
ninck et Paul Marquart. (Commissaires : MM. Stas et Mel-
sens.)
La classe se constitue en comité secret et approuve la
rédaction des cinq questions du programme de concours
de 1871 (1), revues par les auteurs et imprimées dans le
Bulletin du mois de janvier. Elle élève à 800 francs la va-
leur de la médaille d’or attribuée comme prix à la question
suivante de ce concours :
TROISIÈME QUESTION.
Fixer, par de nouvelles recherches, la place que doivent
occuper, dans la série naturelle des familles végétales, les
genres LYCOPODIUM, SELAGINELLA , PSILOTUM, TMESIPTERIS
el PHYLLOGLOSSUM.
(1) Une erreur s'est glissée dans la rédaction de la deuxième question
de ce dad inséré page 14 du Bulletin du mois de janvier ; au lieu
de courants électriques , lisez : courants d'induction électrique.
PURE PORT ET PART M
elen Ge ie en eeeh nd ende SE id hak ge
(65)
RAPPORTS.
RECHERCHES SUR L'EMBRYOGÉNIE DES CRUSTACÉS. — HIT. Dé-
veloppement de l'œuf et de l'embryon des Sacculines
(SACCULINA CARCINI , Thomps.), par M. Éd. Van Beneden.
Rapport de M, Schwann.
« Dans un mémoire, présenté il y a quelques mois à
l'Institut de France, M. Éd. Van Beneden a démontré que
le corps que M. J. Gerbe a pris pour l'œuf des Sacculines,
est en réalité un œuf double, c’est-à-dire deux œufs dont
Pun se développe d’abord , se sépare ensuite de l'autre qui,
à son tour, donne origine à un nouvel embryon.
Dans le nouveau travail soumis à notre compagnie,
M. Éd. Van Beneden expose le développement de l'œuf et
de l'embryon de ces mêmes parasites qui vivent sur la
queue de certains Crustacés.
L'œuf a une forme ellipsoïde. Il ne présente, au début,
qu’une seule membrane, la membrane vitelline. Le vitellus
est formé de gouttelettes réfringentes réunies par une
substance visqueuse que présente le protoplasma de la
cellule-œuf. Il est inposta de distinguer la v ger-
minative.
Après la ponte, pe ceufs forment par leur réunion des
colonnettes ramifiées qui sont 'homologue des ovisacs des
Copépodes et des Lernéens.
Peu de temps après la ponte, le développement em-
bryonnaire commence et se fait avec une rapidité très-
( 66 )
inégale, de sorte que dans un même tube ovifère on observe
des embryons sur le point d'éclore à côté d'autres œufs
montrant les premières phases du fractionnement.
Le fractionnement est total : Poeuf se divise en deux,
puis en quatre globes. A ce moment s'opère la sépara-
tion entre les éléments nutritifs et protoplasmatiques. Le
protoplasma de chaque globe se relire d'un côté autour
d'un noyau, en refoulant les éléments nutritifs vers l'autre.
Une séparation s'établit ensuite entre ces deux parties: nous
avons quatre cellules à noyaux et une masse opaque et
réfringente beaucoup plus considérable. Les quatre cellules
embryonnaires se multiplient par division et s'étendent en
même temps, de manière à former une membrane qui
entoure la masse réfringente. Cette membrane, composée
d’une seule couche de cellules , est le blastoderme.
Le blastoderme s'épaissit considérablement du côté
du ventre futur et des faces latérales de l'embryon. A ce
moment apparaît tout autour de l'extrémité céphalique de
Pembryon un sillon circulaire qui divise l'embryon en une
partie antérieure très-petite et plus bombée, et une partie
postérieure qui comprend les cinq sixièmes de l'œuf. Cette
partie antérieure correspond à la partie antérieure de la
future carapace dont le bord antérieur se prolonge latéra-
lement en forme de cornes. Il n'y a pas encore la moindre
trace d’appendices. C'est un peu plus tard que la première
mue a lieu : les cellules blastodermiques sécrètent à leur
surface libre une membrane anhiste. La membrane vitelline
tombe alors.
La première forme embryonnaire des Arthropodes est
donc dépourvue d’appendices articulés et le corps se con-
slitue de deux segments.
Après la déchirure de la membrane vitelline, le volume
(67)
de Fœuf augmente considérablement. Les trois paires
d'appendices caractéristiques de la forme Nauplienne ap-
paraissent simultanément un peu plus tard.
Peu de temps après, on reconnait l'œil comme une pelite
tache pigmentaire unique placée dans la ligne médiane.
La bouche se montre sous forme d'un sillon transversal
au niveau de Pinterstice entre la deuxième et la troisième
paire d'appendices. Derrière la bouche, la lame cellulaire
ventrale présente de grandes cellules à noyaux que M. Gerbe
considère comme l’origine des appareils sexuels : M. Van
Beneden n’a pu trouver des preuves à l'appui de cette
opinion.
La forme Nauplienne des Sacculines après leur nais-
sance, et les phases ultérieures de leur développement sont
connues par les travaux de plusieurs auteurs.
Le travail de M. Éd. Van Beneden est accompagné
d’une planche bien dessinée. Comme il renferme plusieurs
points nouveaux pour l’histoire du développement de ces
parasites, j'ai l'honneur d'en proposer l'impression, avec
la planche, dans les Bulletins de l'Académie. »
Conformément aux conclusions favorables de ce rap-
port, auquel ont souscrit MM. Gluge et Poelman, la classe
vote l'impression du travail de M. Éd. Van Beneden dans
les Bulletins.
( 68 )
Sur la méthode de Brisson pour l'intégration des équations
linéaires, par M. Paul Mansion.
Rapport de M. Catalan.
L'objet du mémoire présenté à l’Académie est claire-
ment indiqué par les lignes suivantes, tirées du préambule
de l’auteur : « Cauchy a fait connaître, dans les anciens
Exercices de mathématiques, deux méthodes remar-
quables d'intégration des équations à coefficients con-
stants, dues au géomètre français Brisson. La première,
dont on peut retrouver le germe dans Laplace , a pour
caractère essentiel de ramener l'intégration de cette
classe d'équations à celles d'un système d'équations li-
néaires, du premier ordre, que l’on peut aborder direc-
tement, comme si elles étaient indépendantes... » …
Dans cette Note, nous appliquons la première méthode
de Brisson aux équations linéaires les plus simples, dans
les cas qui n’ont pas été examinés par Cauchy... Nous
donnons, en outre, quelques applications de la même
méthode aux équations linéaires à coefficients varia-
bles. »
Considérons, pour fixer les idées, une équation du
deuxième ordre, à coefficients constants :
v y v Yy va Yo Yo Y yv vv
dy
dx 2
di
+ A + By=X ot
En comparant le premier membre au polynôme
a + Aa + B,
( 69 )
supposé décomposé en
(a — a) (a gr da),
on est conduit à écrire l’équation (1) sous la forme sym-
bolique :
(D — a) (D—ajy=X; . - . - (2)
et Pon voit alors que cette méme équation (1) peut étre
remplacée par les deux équations du premier ordre :
Y ay=0, TE és... À
Telle est, en peu de mots, l'indication de la première
des deux méthodes dues à Brisson.
Une première rédaction, retirée par l’auteur, commen-
çait ainsi : « Dans ce travail, nous montrons, par une
» méthode nouvelle, les analogies qui existent entre les
» équations algébriques et certaines équations linéaires...
» Cette méthode conduit, d’une manière très-simple, à
» l'intégration de ces équations. »
Il résulte, de ces paroles de M. Mansion, qu’il réinven-
lait, il y a quelques mois, la méthode des facteurs symbo-
liques. De même , ainsi qu'il nous l’apprend dans son nou-
veau travail, le célèbre géomètre Boole a réinventé la
seconde méthode de Brisson (*). Pour se consoler de cette
petite mésaventure, bien honorable pour lui, M. Mansion
a généralisé la première méthode : il considère, successi-
vement, les équations linéaires à coefficients variables, les
—
() Des recherches bibliographiques auxquelles M. Mansion s’est livré,
il conclut que les travaux de Brisson, analysés par Cauchy, n'ont pas été
publiés. Si cette assertion était prouvée, elle expliquerait l'oubli profond
dans lequel sont tombées ces ingénieuses et fécondes méthodes.
(70)
équations aux dérivées partielles, puis les équations aux
différences. Pour les équations linéaires à coefficients va-
riables, le jeune professeur explique, sur un exemple
particulier (celui des équations de quatrième ordre), com-
ment la connaissance de l'intégrale générale permet de
transformer le premier membre de l'équation en
(D — t) (D — ts) (D — t) (D— U) y.
Ce procédé, appliqué a Pintégrale
Y = Yi + CoYs)
donne :
dy, dy, i do
t=, 0 Ì e
; yı dx dx hY h 0 dx
puis
(D — 4) (D— ta) y =0,
c’est-à-dire
de di dt
=- (t, + + (1153) y =0.
Au lieu de conclure, de l'intégrale générale, la décom-
position en facteurs symboliques , ne pourrait-on, comme
dans le cas où les coefficients sont constants, effectuer di-
rectement cette décomposition, pour la faire servir à la
recherche de l'intégrale ? C’est lá une question intéres-
sante, que je soumets à M. Mansion, et à laquelle, j'en
suis persuadé, il est très-capable de répondre.
Non content d’avoir traité les différents problèmes dont
nous avons essayé de donner une idée, M. Mansion appli-
que la méthode des facteurs symboliques à la recherche
des intégrales communes à plusieurs équations. Il retrouve
ainsi, avec la plus grande facilité, les théorèmes de D'A-
lembert et de Lagrange.
o
qe 3
CAE)
En résumé, le mémoire de M. Mansion me parait très-
digne de l'attention des géométres, et, en conséquence,
j'ai l'honneur de proposer à l’Académie d'en ordonner la
publication. »
Conformément aux conclusions de ce rapport, auquel
ont souscrit MM. Steichen et Gilbert, la classe vote lim-
pression du travail de M. Mansion.
Matériaux pour la faune belge : Crustacés isopodes
terrestres , par M. Félix Plateau.
Rapport de M, Van Beneden,
« Le travail que M. Plateau a communiqué à la dernière
séance a pour objet les Isopodes terrestres qui vivent en
Belgique. M. Plateau avoue ne pas faire du neuf en zoo-
logie et fait connaître l'existence dans le pays de trois :
espèces d'Armadillidium, d'une espèce d'Oniscus, de
quatre Porcellio, d'un Ligidium et d'une Philoscia. Nous
sommes persuadé que l'auteur a mis dans ses recherches
toute l'attention qw'exige ce sujet, et comme il n’est pas
sans utilité de connaître notre faune carcinologique, nous
n’hésitons pas à demander l'impression de la notice de
M. Plateau.
Nous voudrions que l’Académie s'assurát si M. Plateau
tient à ce que le nom des genres qui n’ont point de repré-
sentants fût conservé dans cette énumération? Nous ne
croyons pas que la notice perdrait à cette suppression. »
menen
(72)
Rapport de M, de Selys Longchamps.
« M. Félix Plateau continue ses investigations sur nos
crustacés. Dans le groupe qu’il traite aujourd’hui, il wa
pas eu occasion de rencontrer des espèces inédites : aussi
s'est-il borné à présenter un catalogue raisonné qui comble
une des lacunes de notre faune indigène.
Ceux qui désirent l'avancement d'un travail général sur
les animaux articulés du pays sauront gré à M. Plateau de
continuer ses intéressantes recherches.
J'opine donc pour que le travail de M. Plateau soit im-
primé dans les publications de l'Académie, ainsi que le
demande M. Van Beneden.
Je pense, comme mon honorable confrère, que le mé-
moire ne ferait que gagner si l’auteur supprimait la men-
tion des genres qui n'existent pas en Belgique.
Enfin je désirerais que M. Félix Plateau signalàt dans
le préambule, comme il Pa fait A propos des espèces indi-
quées pour la Belgique par M. Bellynck, la liste raisonnée
des Isopodes de la province de Liége, publiée en 1852 par
feu M. Alexandre Carlier dans le Dictionnaire géogra-
phique de la province de Liége de M. Philippe Vander
Maelen. Cette liste n'est pas longue, il est vrai, mais il est
juste Ven faire mention. »
Conformément aux conclusions favorables des rapports
de MM. Van Beneden et de Selys Longchamps, auxquels
a souscrit M. Candèze, troisième commissaire, la classe
vote Pimpression du travail de M. Félix Plateau.
EE Ee DE EN
|
l
l
4
E
(75)
Note sur la nature du soleil, par M. G. Bernaerts.
Rapport de M. Ad. Quetelet.
« M. Bernaerts, qui a déjà pris plusieurs fois part à nos
recherches sur l'atmosphère et les météores qui la tra-
versent, a fait parvenir à l'Académie, dans sa dernière
séance , une notice Sur la nature du soleil. Vous avez bien
voulu la renvoyer à mon avis : je ne puis que vous enga-
ger à la joindre aux travaux qui occupent aujourd’hui les
physiciens et les astronomes des différents pays sur ce
genre intéressant de phénomènes. Le cours actuel des re-
cherches montre effectivement que, pour les planètes qui
nous entourent et qui sont à même , par leur distance et
leur grandeur, d'attirer notre attention, l’état de la science
exige qu’on ait des notions plus exactes sur les milieux
qui les entourent.
J'ai cru moi-même devoir, il y a quelques années, entrer
dans des considérations semblables pour l'atmosphère de
notre globe; mais le phénomène était si marqué que je
ne pensai pas devoir me refuser au désir d'exprimer mon
opinion à cet égard. Toutefois je m’adressai d’abord, pour
plus de sûreté, à des hommes distingués, prêt à aban-
donner mon hypothèse, s'ils y voyaient des difficultés. Il
me semblait impossible, désormais, de supposer à notre
propre atmosphère quinze à vingt lieues d'épaisseur seule-
ment, avec une égale composition dans toute son altitude.
Je soumis mes doutes à quelques savants, MM. Herschel,
De la Rive, Haidinger, Newton, ete., qui voulurent bien
appuyer mon hypothèse. Je crois devoir faire remarquer
que j'avais surtout égard à la différence de composition en
deux couches hétérogènes de l'atmosphère terrestre et à
(H)
la distance de leur surface de séparation. Du reste , je wai
jamais fait une question personnelle de mes travaux; je
prierai seulement les savants qui s'occupent de ces recher-
ches de joindre de nouveaux faits à ceux déjà signalés.
Les physiciens modernes se sont occupés aussi de Pétude
de l’atmosphère solaire. Parmi eux, deux astronomes ont
émis leur opinion particulière, MM. Faye et Secchi. C'est
cette opinion que considère M. Bernaerts, et il cite les mo-
tifs pour appuyer celle qu’il croit devoir avancer. Sa notice
est présentée avec ordre, et je pense qu'on la lira avec
plaisir : c'est déjà un mérite. Il faut attendre patiemment
ensuite si tous les phénomènes observés peuvent s'expli-
quer sans peine et leur donner une certaine probabilité.
Je demanderai done à l’Académie de ne pas refuser, dans
ses Bulletins , une place à des idées qui semblent de nature
à fixer l'attention. » 7
Conformément à ces conclusions, la note de M. Ber-
naerts paraîtra dans le Bulletin.
Description d'une nouvelle espèce africaine du genre Varan,
par M. A. De Borre.
Rapport de M. Lacordaire.,
« Le saurien du genre Varan dont M. De Borre a com-
muniqué la description à l’Académie fait partie de cette
catégorie d'espèces à queue carénée en dessus, à mœurs
plus ou moins aquatiques, sur lesquelles M. J.-E. Gray à
fondé son genre Hydrosaurus que la plupart des erpéto-
logistes paraissent peu disposés à admettre. On n’en con-
nait jusqu'ici que cinq espèces, disséminées aux Indes
orientales, à la Nouvelle-Guinée et en Australie. C'est
A SR A A e ds AS ar A ee UT 2m
A A A AE
ERE
waikanae nn TET E T a REE EE ERA E O AE A VL A A IORN en enn T
( 75 )
des espèces australiennes et, en particulier, du V. varius,
que se rapproche le plus celle décrite par M. De Borre sous
le nom de mustelinus. Mais elle est originaire de la côte
de Guinée, et cet habitat si différent, réuni à des diffé-
rences très-sensibles dans la livrée, ne permet pas de
douter qu'elle soit réellement nouvelle.
J'ai l'honneur de proposer à l’Académie l'impression
du travail de M. De Borre, en en retranchant toutefois la
planche qui l'accompagne et qui n'est pas nécessaire pour
l'intelligence du texte. »
Conformément aux conclusions de ce rapport, auquel
M. Van Beneden a souscrit, la classe vote l'impression de
cette notice dans les Bulletins, sans la planche qui Pac-
compagne,
— MM. E. Catalan et Ph. Gilbert pensent, à l'égard du
travail de M. Mehay concernant le calcul infinitésimal el
présenté au commencement de la séance, qu’il y a lieu
d'adresser des remerciments à l’auteur et de déposer son
travail aux archives.
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
Notice sur un nouveau genre de poissons fossiles de pr
craie supérieure, par M. L. De Koninck, membre de
l'Académie.
Il y a quelques années, mon excellent et regrettable
ami Waterkeyn, dont la santé n’a pu résister aux fatigues
de sa charge, ni à son ardeur pour l'étude des sciences
(76 )
physiques et naturelles, découvrit dans la craie blanche de
Meudon, près Paris, un débris de poisson, de forme remar-
quable, qu'il eut Pobligeance de me confier pour en faire
Pexamen et en publier la description.
Si je m'acquitte un peu tardivement du devoir qui m'in-
combait, cela tient à diverses circonstances qu'il est inutile
d'exposer ici, mais parmi lesquelles l’état de ma santé et
l’affaiblissement de ma vue ont joué le plus grand rôle.
Ce reste de poisson possède une forme si particulière et
si différente de tout ce que l’on connaît, qu’il est assez dif-
ficile de se prononcer d'une manière absolue sur la nature
de la fonction à laquelle il a dû servir.
Au premier aspect, on ‘incline à le considérer comme
dent; mais en le comparant aux dents des Placoïdes, qui
sont celles avec lesquelles il a le plus de rapports, il est
permis d’hésiter; en effet, tandis que la base de notre fos-
sile est comprimée latéralement et très-longue, celle des
dents des poissons que je viens de citer est généralement
courte, large et souvent même bilobée; et l’on se demande
ce qui s'oppose à ce que le fossile en question ne soil
qu’une sorte de piquant ow de Boucle analogue à celles
dont la peau de certaines raies est garnie.
Néanmoins la symétrie bilatérale que possèdent géné-
ralement les piquants dermiques fait ici défaut. D'un autre
côté encore, la surface de la partie émaillée est ornée de
légers plis ondulés semblables à ceux que l’on observe à
la base du cône émaillé de certaines espèces de Lamna
et d’autres poissons analogues; enfin l'extrémité du cône
et l’un de ses côtés ont été sensiblement usés par frotte-
ment pendant la vie de l'animal, circonstance qui ne s'ob-
serve pas sur les productions épidermiques.
Je suis donc porté à croire que le fossile de Meudon est
(77)
une véritable dent appartenant à un genre et à une espèce
encore inconnus.
Sir Philip de Malpas Gray Egerton (1), l’un des plus sa-
vants ichthyologues de notre époque , que j'ai consulté à cet
égard, m'a donné l'assurance de n'avoir encore rien ob-
servé de semblable.
Selon lui, il y a de l'analogie entre le genre Sphenonchus
créé par M. Agassiz et celui auquel appartient notre fos-
sile. C'est done à côté de ce dernier genre et dans la famille
des HrBoponres que je propose de classer le nouveau genre
que je désigne sous le nom de :
ANKISTRODUS (2).
Caractères. Dents allongées , comprimées latéralement;
base simple, poreuse, beaucoup plus longue et plus épaisse
que la partie supérieure ou émaillée; celle-ci formée d'un
cóne unique fortement recourbé en arrière en forme de
hamecon ou de crochet.
Observations. Tandis que la base des dents des Hybo-
dontes actuellement connus est très-large, Mais assez
courte et généralement taillée en biseau, celle des Ankis-
trodus est, au contraire, remarquable par sa longueur et
par son égale épaisseur sur presque toute son étendue;
C'est surtout par ce caractère que ces derniers se distin-
guent nettement des Sphenonchus, avec lesquels , comme
- (1) Je saisis avec le plus grand plaisir l'occasion qui m'est offerte de
remercier mon illustre confrére de la Société géologique de Londres, de
l'obligeance et de l'empressement avec lesquels il a bien voulu me fournir
les précieux renseignements qui m'ont permis de compléter l'étude du
fossile qui fait l'objet de ma notice.
(2) De ‘Ayxorpor, Hamecon.
27° SÉRIE, TOME XXIX. ; 6
(78 )
je Pai déjà fait observer, ils ont les plus grands rapports.
La seule espèce de ce genre qui me soit connue appar-
tient à la craie blanche ou système sénonien d'Orbigny.
4. ANKISTRODUS SPLENDENS.
(Fig. 1, 2,3.)
La partie supérieure ou émaillée de cette espèce a la
forme d'un croissant dont l’une des cornes serait un peu
plus pointue que Pautre. Cette partie se trouve reliée par la
moitié de son bord'inférieur à la base , laquelle a dû être
implantée très-obliquement dans la gencive de l'animal.
Tandis que cette moitié porte sur son bord libre ou in-
terne une carène assez bien prononcée , qui rend ce bord
plus ou moins anguleux , l’autre moitié antérieure possède
une coupe présentant un oval assez régulier, comme le
démontrent les fig. la et 15. Le côté gauche de sa sur-
face extérieure est orné de quelques rides irrégulières
qui ont leur origine à la base du cône et se dirigent vers
le sommet. Sur le côté droit, ces rides sont entièrement .
effacées par l'usure, laquelle a, en outre, émoussé la
pointe de la dent. La couleur de l'émail est d'un gris un
peu brunátre; sa texture paraît très compacte, ce qui la
rend légèrement transparente sur les bords et permet
d'apercevoir la forme du creux qu’elle offre, lorsqu'on la
regarde contre le jour. La base est longue, aplatie et très-
poreuse; sa surface est recouverte d'une légère couche
d'émail transparent qui la rend très-douce au toucher; on
la dirait vernie; quelques légères ondulations obliques
provenant de l'accroissement s’y font observer de chaque
côté: elles sont croisées par de fines stries longitudinales
dont l'origine se trouve au bord par lequel le cône émaillé
se soude à la base.
Ne e Si A Si inh nde ne PES ne
(79)
Vue de face, la dent entière apparaît courbée et pré-
sente une convexité assez sensible à gauche et une conca-
vité correspondante à droite (fig. 3).
L'échantillon décrit a été déposé par Waterkeyn au
musée de minéralogie de l'Université de Louvain.
EXPLICATION DES FIGURES.
Fig. 1. Ankistrodus splendens, de K , vu du côté gauche, de grandeur
naturelle, l
— a et 1b. Coupe transversale dans la direction des traits pointillés
de la figure précédente.
—- z La même dent vue du côté droit.
— 5. La même vue de face.
( 80)
Notice sur la séparation des tr ajectoires décrites dans lat-
mosphère par des rayons de même origine sidérale,
mais de réfrangibilité différente, et sur les effets de celle
séparation à l'égard de la scintillation ; par M. Montigny,
membre de l’Académie.
Dans sa marche oblique à travers les couches atmosphé-
riques, un rayon lumineux d’origine sidérale est décomposé,
par l'effet du pouvoir dispersif de Pair, en rayons consti-
tutifs colorés ou de réfrangibilités différentes : les trajec- -
toires de ces rayons constitutifs, originaires de rayons
-incolores différents, et qui reproduisent la lumière natu-
relle de l'astre par leur réunion dans l'organe visuel ou la
lunette, suivent ainsi des chemins très-différents à travers
une grande partie de l'atmosphère, comme je Pai fait voir
dans un travail précédent. Dans ce phénomène de disper-
sion, les trajectoires des rayons constitutifs de plus grande
réfrangibilité présentent vers le sol une courbure qui,
quoique très-faible, est un peu plus prononcée que celles des
rayons de réfrangibilité moindre : les premières trajectoires
se dessinent d’ailleurs au-dessus de celles-ci, et toutes
suivant l’ordre de leur réfrangibilité, dans le plan vertical
de dispersion, avant d'atteindre l'appareil de vision.
Les trajectoires de deux rayons colorés linéaires, de
méme origine sidérale, ne se rencontreraient évidemment
qu’à leur point de pénétration dans l'œil ou la lunette si
l'ouverture était infiniment petite. Mais suivons en idée
deux faisceaux colorés de diamètre égal au diamètre réel
de la pupille ou de Pobjectif de la lunette : nous verrons
ces deux faisceaux cylindriques courbes se rencontrer,
dans l'atmosphère, en avant de ces appareils de vision, el
“4
( 81 )
se confondre de plus en plus dans la dernière partie de
leur trajet vers ces appareils. La longueur de la partie com-
mune des deux faisceaux varie évidemment avec le dia-
mètre et la réfrangibilité des rayons considérés, et selon la
distance zénithale de Pastre d’où ils émanent.
La notice que j'ai "honneur de présenter à l’Académie a
pour objet de préciser, à l'aide du calcul, les circonstances
que je viens d'indiquer, et d'exposer ensuite les différences
que présente la scintillation des étoiles selon ces circon-
stances , c’est-à-dire suivant le mode d'observation du phé-
noméne. Les calculs numériques qui nous permettront de
préciser ces circonstances reposent sur les valeurs des
indices de la réfraction atmosphérique à l'égard des prin-
cipaux rayons colorés que j'ai déterminées dans un travail
précédent.
Considérons dans leur partie commune, en avant de la
pupille ou de Pobjectif de la lunette, deux faisceaux cylin-
driques courbes, de couleurs différentes, provenant de la
même étoile située à une distance zénithale déterminée,
et appelons trajectoires médianes les deux rayons linéaires
appartenant à ces faisceaux qui se croisent au centre de
la pupille ou de l'objectif : il est aisé de voir qu’à l'endroit
où les deux faisceaux se rencontrent dans l'atmosphère,
c'est-à-dire à leur intersection, la distance de leurs trajec-
toires médianes est précisément égale au diamètre de la
pupille ou de l'objectif (*).
(*) Soient ac, fig. 1, l'ouverture de la pupille ou de l'objectif et à le lieu
d'intersection des deux faisceaux colorés bac et rac : la distance mm’ des
trajectoires médianes bmo et rm'o au point į est égale à l'ouverture ac de
l'œil ou de l'objectif , car cette distance est précisément la somme des deux
demi-diamétres mi et m'i des faisceaux, diamètres qui sont égaux entre
eux et à celui ac de l'ouverture de l'appareil de vision.
(82)
Cela posé, nous calculerons la distance à Pobservateur
du lieu de Vintersection des deux faisceaux, à l’aide de
l’ensemble des données suivantes. Désignons d’abord par
n et n/ les indices de réfraction relatifs à Pair des deux
espèces de rayons composant ces faisceaux, puis par Z la
distance zénithale apparente de l'étoile qui est leur lieu
d'origine, et par R la réfraction astronomique correspon-
dant à Z; langle s compris entre les tangentes aux deux
trajectoires médianes à leur point de croisement au centre
de la pupille ou de l'objectif, et qu'il importe de connaitre
préalablement, sera facilement calculé au moyen de l'ex-
pression suivante :
n—o? R
te PT
Désignons par æ la distance à l'observateur du lieu d'in-
tersection des deux faisceaux émanant de l'étoile, là où
leurs trajectoires médianes sont séparées par l'écart D qui
est précisément égal au diamètre de la pupille ou de Pob-
jectif; représentons par a le rayon de la terre supposée
sphérique et par v angle, exprimé en secondes, qui est
compris entre les rayons menés , l’un du centre de la terre
à Pobservateur, et, l'autre, de ce centre au point de ren-
contre des deux faisceaux ; il résulte des développements
exposés dans la note ci-dessous (*), qu’à de très-grandes
panam
(*) Supposons, fig. 2, l'observateur placé au point A de la surface ter-
restre, et où arrive Pune des trajectoires lumineuses bmA suivant la
tangente Af, dont Pécartement dela verticale AY mesure la distance zéni-
thale apparente Z; nous supposerons cet angle très-grand, c'est-à-dire
l'astre lumineux, d’où émane la trajectoire, à de ne rrd au-dessus
de l'horizon, afin que la distance Am ou g ait le moins d'étendue Il résulte
des considérations exposées par Laplace au sujet des réfractions terres-
Er
3
la ik
x" MAUR. ine A O E A a E
t
( 85 )
distances zénithales, la valeur de x est donnée par les
formules suivantes :
2). . . . æ= 30,864 E
E n ETE Le
/ zie D
sins Y sins - —sinZ(ni—n”)(p)571,56
a
5)v=72,185 .
as CE)
tres (Mécanique céleste, t. IV, $ 11), que si le point m d'une trajectoire
lumineuse n'est pas très-élevé au-dessus de la surface terrestre, sa hau-
teur mB ou y est exprimée en fonction de l'indice de réfraction n, du
rayon terrestre a, de Pangle v ou ACm au centre terrestre et estimé en
parties du rayon, au moyen de la formule :
y= rc E FAS nd e| + av cot Z,
2 2
nt
Considérons actuellement une seconde trajectoire médiane colorée rm'A
originaire du même astre, et son point de rencontre o avec le rayon Cm,
mené du centre terrestre au poi e la première trajectoire; désignons
par Z’ la distance zénithale sous laquelle arrive la trajectoire roA au point
À suivant la tangente A/V’, et par n’ l'indice de réfraction correspondant à
Ce second rayon coloré; l'élévation oB ou y’ du point o aura pour expres-
SION :
av? n/2 — 1\ 571,551 ;
y 6. (=) e p jenan
sin Z’
Dans le petit triangle mom’ formé par mo = y — y’, et par la perpendicu-
laire mm’ abaissée du point m sur le très-petit arc m'o CE rr
ligne et qui est le troisième cóté du triangle , nous avons Y — SN ER
La ligne mm” mesure précisément l'écart D des ee et he
mom’ est la distance zéaithale que nous ar robe par z’, sous laquelle
(84)
Dans la dernière expression (o) indique la densité de Pair
au lieu de l'observation.
La valeur de x étant connue, on calculera l'élévation y
du lieu où s'opère la rencontre des faisceaux considérés à
l’aide de la formule :
le rayon cole ro serait perçu en o ou à la hauteur y.-11 résulte de
l'équation — =y - y’ et des valeurs de y et y:
sin 2
D — 1 n— 1 ds
— = av? er 142,89 (P) + av (cot Z — cot Z’).
sin z’ a E
sin Z’ inZ
La différence Z’— Z des distances zénithales est égale à l'angle ¿At' des
tangentes que nous désignons par s; il est aisé de voir que l’on a
sin (Z' — Z)
in s
MN r E dora pen Y
E sin Z. sin Z’ sin Z.sin Z’
Nous déduisons de ce qui precède, en ordonnant par rapport à v :
dida sin s
LA
nas [ (2 — 1) 27 (ty EZ Iz] (e)
i sin Z sin Z’
Ee — D
pE nei nn
sin z'a En 170
2
sin Z sin Z
Cette expression est susceptible de recevoir plusieurs simplifications
qui sont applicables aux cas où nous en ferons usage par rapport aux
étoiles. Posons d’abord Z= Z’, en nous appuyant sur le fait qu’à la dis-
tance zénithale de 90° Pexcés de Z’ sur Z n'est que de 55” pour les tra-
jectoires rouge et violette, originaires de la même étoile. L'angle 3’ qui est
la réfraction en o pour la trajectoire rm'A, est égal à Z’ —v+p; p esl la
A A ae id i
Si
A TE o SA MEEN E EA
( 85 )
Une première conséquence résulte des formules (2) et
(3) : elles nous montrent d'abord que, toutes choses
égales d’ailleurs, le lieu d'intersection de deux faisceaux
colorés est d'autant plus rapproché de l’observateur que
la différence n —n' des indices correspondants est plus
grande. Ainsi, à égalité de distance zénithale et pour le
même appareil de vision, les faisceaux rouge et violet ex-
trémes sont ceux dont le lieu de rencontre est le plus
rapproché. Il en résulte qu’au delà de ce lieu, ces deux
faisceaux n’ont aucun point commun; mais plus près de
mens: Late na nd
différence des réfractions en A et en o, à la hauteur y’ ou y. Il sera
facile de calculer ? à l’aide de déterminations approchées de v, x et y,
que l’on obtiendra en supposant d’abord 2"=7Z'. Nous introduirons celte
supposition dans l'expression de v en vue de la simplifier. Si la première
valeur de v obtenue à l'aide de cette supposition est trés-petite, comme
cela s'est présenté dans mes calculs, on pourra s'y arrêter, ainsi qu'aux
valeurs de x et de y qui en seront déduites; sinon, il conviendra de cal-
culerla valeur de z’ et de l'introduire dans l'expression de v; les valeurs
de v, æ et y ainsi obtenues seront suffisamment exactes.
La grandeur de l'angle v résultant de la dernière équation simplifiée,
comme il vient d’être dit, serait exprimée en parties du rayon ; si nous la
transformons en secondes à l’aide de calculs connus, nous obtiendrons
pour la longueur de cet arc l'expression suivante :
mo Y D
sins+ V sin $ — sin Z (n? — n”?) (2) 571,56
(n2 — n°?) (2)
v = 72,183
ll importe d'interpréter ici la double valeur de v qui répond à un même
écart D. Dans les calculs qui précèdent, nous n'avons introduit aucune
donnée «dépendant des positions relatives des points de l'astre d'où les
rayons de couleurs différentes émanent; on peut considérer le cas où les
deux trajectoires sont originaires , non de la même étoile supposée réduite
à un point lumineux situé à l'infini, mais de deux points de la surface
d'un astre de diamètre appréciable, tel. qu'une planète. Considérons ce
cas plus général et auquel répond l'expression de v, en admettant que
les points d'émanation soient situés sur une même corde verticale du
( 86)
l'observateur , tous les faisceaux diversement colorés sont
mélangés en quantité croissante, de telle sorte que, si Pon
considère la partie où se trouvent réunis tous les faisceaux,
dans une section faite par un plan perpendiculaire à la
trajectoire moyenne, cette partie présentera d'autant plus
d’étendue relative que la section est plus rapprochée de
l'observateur.
Nous voyons en second lieu, d'après ces formules, que
la distance x de l'intersection des deux faisceaux rouge el
violet extrêmes, par exemple, augmente avec le diamètre
disque de la planète, de telle manière que le point d'émission du rayon
le plus réfrangible soit situé un peu au-dessous du lieu d'émanation du
rayon qui l'est le moins. La figure 3, où YU est la limite supérieure de
l'atmosphère, el P, une portion du disque planétaire, représente ces Con-
ditions : la trajectoire BobA émanant du point B est plus réfrangible
que le rayon RorA émis par le point R situé un peu au-dessus du premier.
Ces trajectoires sont évidemment rectilignes et unies à d’autres rayons
colorés en dehors de l'atmosphère. Si la distance des deux points lumi-
neux sur ce disque est très-petite, les trajectoires se croisent dans l'at-
mospbére en o, préalablement à leur rencontre en A, lieu où l'observateur
se trouve. Il est évident qu'il se présente alors enfre-les points de croise-
ment o et A, deux lieux où l'écart D des trajectoires a la même valeur;
ces lieux et cet écart sont désignés par mm’ et par nn’ dans la figure. Telle
est la raison de la double valeur de v ou des deux angles ACm et ACn
gui, d'après le double signe affectant le radical, répondent , dans la solu-
tion du problème, aux deux positions où l'écart D est le même. I est évi-
dent que la plus petite valeur de v et de x sera donnée par la solution où
le radical est affecté du signe négatif,
ras là ré s'applique au cas où ù les hin en émanent sier p
ré e, le
seul exemple 7. sera traité dans an note, le second point de croisement 0
existe plus, dan pour ainsi dire de l’ in-
dé Si l'on y réfléchit, on verra aisément que cette condition est parfaite-
ment précisée dans le problème, quand on donne à s une valeur angulaire
égale à celle qu'affecterait le spectre d’une étoile produit par latmo-
sphère, à la distance zénithale Z. Alors les trajectoires ne se croisant
plus qu’en A où se trouve l'observateur, ne seront écartées de la quan-
ETS NES TR- M NES
A ES E de
SA A EA E
EER eet A A A A Sd
(87)
D attribué à appareil de vision, à égalité de distance zénie
thale. Il suit de lá que la longueur de la partie des faisceaux
suivant laquelle se trouvent mélangés des rayons de toutes
les couleurs, est plus grande pour une lunette à large ouver-
ture qu'à l'égard d'une lunette moyenne et surtout de la
pupille, quand les observations ont lieu à l'œil nu.
Précisons ces particularités en calculant la distance x
de l'intersection des faisceaux rouge el violet extrêmes
émanant d'une étoile, dans les cas différents où les obser-
vations s'effectuent soit à l'œil nu, en attribuant à la pu-
tité D qu'en un seul lieu mm’, fig. 2, au delà duquel leur écart croîtra. II
est évident que le radical doit être affecté du signe négatif pour répondre
à ce cas. Ajoutons, à l'appui de ce choix, que les valeurs de v qui corres-
pondront à des écarts croissants D, augmenteront avec ceux-ci, ce qui
devait être.
D'après les considérations précédentes, la valeur de l'angle v est donnée
par la formule
» A E
—2
sins — vV sin s — z sin Z (n? — n/?) (P) 571,56
a
(n? — n°?) (£)
(2). . v=12,185
Pour déterminer æ, joignons le point A au point m dans la ligure 2;
tracons la tangente BT et considérons le triangle AmB dont Am ou x est
un des cótés, et dans lequel on a AmB sensiblement égal à Z — v, il
viendra :
1
mBA mov
== = AB —_—— .
3 AB; sin RE sin (Z — v)
D'autre part, AB ayant pour valeur a. v. sin 1”, nous obtiendrons, en
admettant 6366198 mètres pour la grandeur du rayon terrestre, l'ex-
pression suivante :
1
cos -v
i 2
(3). tn . à = 300,868 ———— X v.
sin (Z — v)
Quant à la valeur de y, qui est l'élévation du lieu où de l'écart D des
(88)
pille une largeur moyenne de cinq millimétres, soit à
l’aide d'une lunette de dix centimètres, ou d'un télescope
de quarante centimétres d'ouverture. A ces calculs, qui
seront appliqués á des distances zénithales comprises entre
80 ° vu les conditions suivant lesquelles les for-
mules ont été établies, seront réunies, d'une part, l'étendue
s du spectre stellaire calculée pour chaque distance zéni-
thale , et de lautre , les valeurs y de l'élévation de linter-
section des faisceaux au-dessus d’une enveloppe sphérique
concentrique au centre terrestre, et passant par le milieu
de l'ouverture de l'appareil de vision. Les valeurs données -
à net n° sont 1,00029745 et 1,00029242, valeurs des
indices du violet et du rouge extrêmes que j'ai fait con-
naître dans un travail précédent (*). Les résultats figu-
trajectoires au-dessus d'une sphère concentrique au centre terrestre el
passant par le milieu de l'ouverture de l'appareil de vision de Pobserva-
teur elle est donnée, d’après le triangle AmB; par la formule :
(*) D'aprés les considérations et les calculs qui sont exposés dans la note
insérée au tome XXIV des Bulletins de l'Académie royale de Belgique,
2me série, les indices relatifs aux principaux rayons colorés réfractés par
Pair à Oeet sous la pression 07,76, sont, d'après le concours del'observa-
tion et du calcul :
Raie B ou rayon rouge ep hs dax à + à + NOV
— C — wann o > Lomme
- ns ee
Don moyen ou jau er DI
Raie E ou rayon jaune vert . . . . . . . . . . . 1,00029484
Por M, Li es à + à MON
— G — indig en a a o a U
MH: — don: A OO
A A A A A O A ES
(89 )
rant au tableau suivant ont été obtenus en supposant la
densité (p) de Pair égale à 1 dans la couche où se trouve
l'observateur, c’est-à-dire à la température 0° et sans la
pression 0,76.
DISTANCE ÉLÉVATION
DISTANCE ÉTENDUE du lieu d'intersection du lieu d'intersection
dd des faisceaux Tas et violet des faisceaux rouge et violet
zénithale de nt leur entrée avant leur entrée
apparente Pe pa
de spectre directe- | dans une | dans un | directe. ans une sun
l'étoile, stellaire. pri i = deu. 10 de oml pes zj de 010 =
la pupille. Canli. dami. la pupille. | diamètre. nus
Mètres. Mètres. Mètres. Mètres. Métres. Métres.
80° 5/5 | 189 | 3673 | 477145 | 39 619 | 3783
82 307 LA 441 2948 | 12588 19 385 1655
85 10,1 102 2074 8390 9 181 7136
87 30 16,6 62 1248 5029 3 54 221
90 34,8 29 592 2386 0 0 0,5
Les résultats numériques obtenus sont en parfait accord
avec les considérations précédentes. Je ferai remarquer que
ces dernières sont également vraies pour des distances
zénithales moindres que 80°, auxquelles correspondent
des valeurs de x et de y beaucoup supérieures á ces résul-
tats; mais les formules précédentes, qui ont été établies
pour les régions inférieures, ne se prêteraient plus à ce
calcul, dans le cas d'un instrument amplifiant à très-large
ouverture, pour de moindres valeurs de Z.
Si, au lieu d'effectuer les calculs pour les rayons qui
diffèrent le plus en réfrangibilité, nous les eussions appli-
qués à l'égard des faisceaux orangé et jaune qui diffèrent
le moins sous ce rapport, les résultats eussent été beau-
(90 )
coup supérieurs aux précédents, aux mêmes distances
zénithales, à partir de 80°; ils auraient fait connaître les
lieux de séparation complète des sept rayons principaux.
Mais ces calculs offraient peu d'intérêt, parce qu’au delà
de ces lieux se trouvent encore réunis, en avant dans l'at-
mosphère, des rayons de réfrangibilité intermédiaire aux
“indices qui caractérisent les rayons orangé et jaune. Il
importait bien plus de fixer la position des points de réunion
des faisceaux différant le plus en réfrangibilité, et de con-
naître ainsi la partie des trajectoires où sont mélangés des
rayons de toutes couleurs.
Ces considérations et ces caleuls vont nous permettre
d'expliquer les différences que présente la scintillation des
étoiles dans les observations à l'œil nu, ou à l’aide d'un
instrument amplifiant plus ou moine large.
Rappelons d’abord que les particularités les plus remar-
quables de la scintillation des étoiles consistent en des
changements de couleur et des affaiblissements, ou parfois
des extinctions de la lumière stellaire qui se produisent
très-rapidement et n’ont qu’une très-courte durée. J'ai
expliqué ces variations par l'extinction totale ou partielle
que subissent les rayons stellaires, séparés par dispersion
dans Patmosphére, à l'instant où des ondes aériennes,
douées d'un pouvoir réfringent qui diffère de celui de l'air
ambiant, traversent ces rayons dans des conditions telles,
que ceux-ci sont interceptés, en totalité ou en partie, par
suite du phénomène de la réflexion totale qui se produit
subitement à leur égard à la surface des ondes (”).
ME De eraf
(*) Les développements de cette théorie de la scintillation sont exposes
au tome XXVIII des Mémoires couronnés el des savants étrangers de
l'Académie royale de Belgique.
PRES ARTE
(91)
L’extinction totale d'un faisceau coloré, par le passage
et le mouvement des ondes aériennes, a d'autant plus de
chance de se produire que ce faisceau est plus étroit; car
si celui-ci était infiniment mince, une onde d'étendue
très-restreinte Pintercepterait en totalité et subitement
en le traversant dans les conditions de réflexion totale. La
ténuité des faisceaux qui pénètrent dans la pupille, lors des
observations à l'œil nu, nous explique ainsi pourquoi les
changements d'éclat et de couleur qu’affecte une étoile
scintillante sont alors si nets et si soudains. Ces carac-
tères marqués donnent, à mon avis, beaucoup de prix aux
deux premières lois que M. Dufour, professeur à Morges, a
formulées d'une manière si précise à l'égard des influences
respectives de la couleur propre de l'étoile et de son élé-
vation au-dessus de l'horizon , sur le nombre de ses varia-
tions de scintillation. Ces lois, dont j'ai expliqué la raison
dans une note particulière, ont été déduites par M. Dufour
d'un ensemble d'observations à l'œil nu s'élevant à plus de
treize mille (*). Si Pon objectait que les variations de couleur
et d'intensité qui affectent la lumière d'une étoile scintillante
sont, dans la réalité, beaucoup plus fréquentes qu'elles
ne le paraissent à l'œil nu, à cause de phénomènes, tels
que la persistance des impressions lumineuses, qui dépen-
dent de la sensibilité de la rétine, il y aurait lieu d'admettre
en réponse que, pour un même observateur, le rapport
des variations qu’il perçoit, dans un temps donné, au nom-
bre de changements si rapides qui s'effectuent en réalité,
doit être sensiblement le même à l'égard des diverses mo-
difications.
C) Bulietins de l'Académie royale de Pelgique , 1" série, t. XXIII et
2e série, t XXV.
(92)
Un faisceau coloré de diamètre beaucoup supérieur à
celui de la pupille, l’un de ceux qui pénètrent dans une
lunette de dix centimètres d'ouverture, par exemple, ne doit
subir le plus souvent des extinctions que dans ses diverses
parties, à cause de l’étendue de ses dimensions transver-
sales : aussi, les variations de couleurs si brillantes qui
affectent sans cesse, dans les conditions atmosphériques
ordinaires, l’image d’une étoile scintillante au foyer d'une
lunette, résultent-elles de l'ensemble des interceptions
partielles que subissent, en avant de l'objectif, les larges
faisceaux originaires de l'étoile. La diversité des modifica-
tions qu'éprouve un même faisceau dans ses différentes
parties, au même instant, est prouvé par le fait suivant :
dans des expériences tentées au sujet d’une question po-
sée par Arago, j'ai reconnu, conformément aux prévisions
de ce célèbre savant, qu'il n'y a pas identité constante dans
les variations que subissent les deux images d'une étoile
scintillante produites par les deux moitiés d'un objectif de
77 millimétres de diamétre; car, lorsque ces images, préa-
lablement séparées, sont développées en deux cercles dis-
tinets, ceux-ci offrent souvent, au même moment, des arcs
correspondants de couleurs notablement différentes (*).
Le passage de plusieurs ondes, sinon d'une seule, dans
des conditions de réflexion totale, à travers des faisceaux de
certaine largeur, peut concourir à produire leur extinction
complète ou presque complète; car, en observant Sirius, à
44° de hauteur, à l’aide d’une lunette de cinq centimètres, el
d'un télescope de huit centimètres d'ouverture, j'ai constaté
l'apparition de quelques ares de teinte sombre parmi les
(*) Bulletins de l'Académie royale de Belgique, 2e série, t. XVII,
( 95 )
arcs vivement colorés qui composaient le cercle que décri-
vait l’image de cette belle étoile, par l'effet de la rotation
d'un scintillomètre adapté à l’un et l’autre instrument.
Supposons maintenant une personne observant à l'œil
nu une étoile située à 80° de distance zénithale : le passage
rapide d’une onde traversant horizontalement et dans les
conditions de réflexion totale, à 500 mètres de distance,
les faisceaux colorés qui y sont réunis aux rayons rouges,
s'effectuera sans que l'onde aérienne y rencontre aucun
rayon violet. En effet, d’après les calculs précédents, les
rayons de cette couleur étant entièrement séparés des
rayons rouges à toute distance supérieure à 179 mètres,
les rayons violets échapperont ainsi à l'extinction subite
qu'épronveront les autres rayons colorés, à l'instant du pas-
sage rapide de londe dans les conditions spécifiées. Quand
le spectateur observe l'étoile, non à l'œil nu, mais à l'aide
d'une lunette de dix centimètres d'ouverture, la même
onde, en traversant, à 500 mètres de distance, les fais-
ceaux de cette largeur qui y sont réunis, y trouvera mé-
langés et dans les conditions d’interception , des rayons
violets, puisque le faisceau de cette couleur aura rencon-
tré les rayons rouges à plus de 3000 mètres de distance,
par suite du mode de vision à large ouverture. La varia-
tion de couleur qu'éprouvera l'image de l'étoile dans la
lunette à cet instant, résultera de l'extinction momen-
tanée de rayons de toutes les couleurs, ce qui ne s'était
point produit lors de la perception à l'œil nu, vu l'absence
de rayons violets sur le passage de l'onde. La couleur com-
plémentaire qui affectera l'organe visuel ne sera donc point
identique dans les deux modes de vision, quoique les autres
conditions soient les mêmes. La différence des effets que
je viens de signaler à Pégard des rayons violets, en les
2° SÉRIE, TOME XXIX.
(94)
choisissant comme exemple, se produit à Végard des divers
rayons selon leur réfrangibilité et entre des limites qui
varient notablement avec Pappareil de vision, puisque, à
80° de distance zénithale, le lieu de réunion des faisceaux
de toutes les couleurs se trouve à moins-de deux cents
mètres lors des observations à Poeil nu, tandis que cette
réunion commence á plus de dix -sept mille métres de
distance, quand Vinstrument amplifiant est un télescope
de quarante centimétres de diamétre.
Les résultats numériques de la seconde partie du ta-
bleau nous conduisent á une autre remarque. Lors de la
vision directe d'une étoile scintillant à 80° de distance zé-
nithale, le lieu de rencontre des faisceaux rouge et violet
se trouve à 55 mètres au-dessus du spectateur; mais si
celui-ci se sert d'une lunette de 0",10 d'ouverture, lin-
tersection des faisceaux des mêmes couleurs s'effectue à
679 mètres de hauteur dans l’atmosphère. Par sa position
beaucoup plus élevée dans le second cas, ce lieu où com-
mence la réunion des faisceaux de toutes les couleurs se
trouve dans une couche d'air où les ondes aériennes tra-
versant cette partie possèdent, à cause de leur tempéra-
ture propre, une réfringence qui est sensiblement diffé-
rente de celle des ondes s'agitant dans la couche d'air
élevée de 55 métres seulement. Déduisons de là cette
nouvelle conclusion : toutes choses égales d'ailleurs, les
particularités que présente la scintillation d'une étoile
étant influencées par Vélévation du lieu de Patmosphére
où s'opère la réunion de rayons de diverses réfrangibilités,
ces particularités varient encore avec la grandeur de
l'ouverture des appareils de vision, par la raison que
l'élévation de ce lieu de réunion est d'autant plus grande
que cette ouverture est plus large.
(95)
Les variations d’une étoile scintillant très-près de Pho-
rizon présentent encore d’autres différences à l'œil nu ou
dans une lunette d'un fort pouvoir amplifiant, et, par con-
séquent, à large ouverture. En effet, les COUJenEs : princi
pales du spectre de l'étoile dù àla d
se séparant avec d'autant plus de netteté que Pé toile est
plus bas, elles sont perceptibles dans un instrument puis-
sant : Poeil distingue alors les changements qui affectent
séparément les diverses parties de l'image spectrale de
l'étoile étalée sur une certaine portion de la rétine. Dans la
vision directe, au contraire, l'image étant sensiblement
réduite à un point lumineux, l'œil ne distingue isolément
aucun des changements particuliers que subissent en réa-
lité ses parties; c'est alors l'image entière de Pétoile qui
revêt, dans Vorgane lui-même, la teinte complémentaire
résultant de Pextinction de l’une ou l’autre partie de son
spectre aérien. J'ai apprécié ces différences en observant,
au même instant, une étoile scintillant très-près de Pho-
rizon , d’abord à l’œil nu, puis dans un grand télescope à
miroir réflecteur argenté, de 0",40 d'ouverture, préparé,
d’après son système de retouches, par feu M. Foucault lui-
même, et que possède M. De Boë, amateur d'astronomie
distingué, à Anvers (*)
L'ensemble des considérations que je viens d'exposer
pour montrer l'influence que doit exercer la largeur de
(*) La distance focale du miroir de ce beau télescope est de 27,40. Le
poli de ce miroir a reçu de M. Foucault le dernier degré de précision au
commencement de 1867 : c'est donc un des derniers instruments auquel
ait mis la main cet habile physicien , dont la science regrette si vivement
la perte prématurée. M. De Boë , qui avait fait la commande de ce télescope
à M. Secrétan, a encore acquis la belle lunette méridienne qui figurait,
parmi les instruments de cet opticien, à l'exposition de 1867.
(96)
Fanderia de Pappareil de vision sur les caractères de la
scintillation, est confirmé par ce fait que, pour réaliser le
premier des scintillomètres d'Arago, celui où la scintilla-
tion est caractérisée par des réapparitions accidentelles
d’un point lumineux dans une lunette dont Poculaire est
déplacé, il faut que Pouverture de l'objectif soit considéra-
blement réduite par la superposition d'une plaque percée
d'une étroite ouverture.
Je terminerai cette notice par un rapprochement qui me
parait important. Dans la lumière émise par une étoile, des
rayons font défaut : ce sont ceux qui correspondent aux
raies obscures que l'analyse spectrale révèle dans la plupart
des étoiles, et dont le nombre, l'intensité relative, la réfran-
gibilité varient d'un astre à l’autre. Le spectre de Sirius, par
exemple, accuse deux raies obscures dans le bleu et une
très-marquée dans le vert. L'absence des rayons correspon-
dant à ces raies doit affecter certaines phases de la scintil-
lation de cette belle étoile observée à l'œil nu. En effet, à
l'instant où tout autre rayon que les bleus se trouvent in-
terceptés, influence des rayons bleus existant dans la
teinte complémentaire que revêt passagèrement l'image de
Sirius, est nécessairement un peu différente de ce qu'elle
serait si cette teinte n’était point privée des rayons bleus
correspondant aux deux raies signalées dans la partie du
spectre de cette étoile.
L'influence des rayons déficients dans la scintillation
d'une étoile, qui modifie aussi sa couleur propre et au sujet
de laquelle je viens de citer Vexemplele plus simple à choisir,
n'avait pas été signalée jusqu’à maintenant. Mais nous ne
nous arrétons pas á ce premier apercu, et nous trouverons
que l’absence d'un grand nombre de rayons suffit pour
expliquer d'une manière très-satisfaisante, me parait-il,
A ES ei
(97)
les anomalies qui ont marqué la scintillation de Pétoile a
d'Orion dans les observations à l’œil nu de M. Dufour. La
courbe de scintillation relative à cette étoile a présenté,
dit-il dans son travail, des irrégularités plus considérables
que celle des autres étoiles, bien que sa scintillation soit en
général faible. Or, d’après les recherches de MM. Miller et
Huggins, le spectre d’a d’Orion présente des groupes de raies
nombreux dans le rouge et surtout dans le vert et le bleu,
où ces groupes de raies sombres rendent comparativement
obscures ces dernières teintes. Ces observateurs ont mesuré
la position de 80 lignes de ce spectre (‘). Dans sa classifica-
tion des étoiles, d’après le nombre de raies, le P. Secchi
place z d'Orion en tête du type spectral à larges zones,
frangées de raies nombreuses, où figure l'étoile a d'Hercule,
dont le spectre se présente, dit ce savant, comme une série
de colonnes éclairées de côté (°°). Le rapprochement que
j'établis ici nous permet d’attribuer à l'absence d’un grand
nombre de rayons dans la lumière d’ d'Orion les irré-
gularités de sa scintillation signalées par M. Dufour et sa
faible scintillation. En effet, les lacunes étant nombreuses
parmi ses rayons rouges, verts et bleus, on concoit que
les phases de la scintillation de cette étoile soient moins
régulières et aussi moins fréquentes, puisqu’à l'instant
du passage d’une onde dans les parties des faisceaux entre
lesquelles ces rayons font particulièrement défaut, il ne se
produit point d'interception de rayon, et, par conséquent,
aucun phénomène de coloration ou d'extinction de l’image
de l'étoile. Si celle-ci était, au contraire, plus riche en
(*) Journal l'Institut. Année 1865, page 46.
(*) Journal l'Institut. Année 1866, page 348.
(98 )
rayons lumineux, des variations de couleur ou d'éclat résul-
teraient immédiatement du même passage de Ponde entre
ses rayons qui seraient étalés en plus grand nombre par
la dispersion atmosphérique, et présenteraient ainsi des
lacunes moins fréquentes et moins larges.
Ajoutons une autre remarque à l'appui de cette explica- _
tion : d’après l’ensemble du travail de M. Dufour, l'étoile
la Chèvre, qui y est si souvent citée, est celle dont la
scintillation présente le plus de régularité. Or, d’après le
P. Secchi, cet astre appartient au type des étoiles à
raies spectrales fines ou à bandes très-faibles. En outre,
MM. Miller et Huggins n’ont mesuré qu'une vingtaine de
lignes dans le spectre de la Chévre. La régularité de sa
scintillation semble être ainsi en rapport avec le peu de
raies ou de lignes d'absorption de son spectre.
D'après ce qui précède et conformément à des prévi-
sions que j'ai émises dans la notice relative aux observa-
tions de M. Dufour, Panalyse spectrale nous révèle très-
probablement la cause de certaines particularités que la
scintillation de quelques étoiles a présentées à M. Dufour,
et qui ont porté cet habile observateur à formuler la pro-
posilion suivante : :
« Outre le fait de influence des couleurs, il y a encore
» dans la scintillation des étoiles des différences essen-
» tielles qui paraissent provenir des étoiles elles-mêmes. »
| Bull.de VAcad. 2° série, Tome XXIX.
€ a
Litka Z Severeyns Bruxelles 7
8 Ch Montigny, ded.
(99)
RECHERCHES SUR L'EMBRYOGÉNIE DES CRUSTACÉS. — IH. Dé-
veloppement de l'œuf et de l'embryon des Sacculines
(SAGCULINA carcini, Thomps.), par M. Edouard Van Bence-
den, docteur en sciences naturelles.
Dans une note communiquée à l’Institut de France (Aca-
démie des sciences) et insérée dans ses Comptes rendus (1),
j'ai exposé les recherches que j'ai faites sur le développe-
ment de l'œuf ovarien des Sacculines (Sacculina carcini,
Thomps.). Il résulte de ces observations que la grande cel-
lule que M. Gerbe (2) a considérée comme représentant la
cellule formatrice du vitellus est en réalité l'œuf tout entier;
que l'œuf des Sacculines ne peut être comparé à l'œuf des
oiseaux, puisqu'il est impossible d'y distinguer un jaune et
une cicatricule; que la cellule polaire de l'œuf, qui a été
considérée par M. Gerbe comme représentant celle cica-
tricule, n’est pas une partie de l'œuf, mais qu’elle repré-
sente le cordon protoplasmatique que portent, à un de leurs
pôles, les œufs ovariens des Anchorelles et des Lernéo-
podes; enfin, que cette cellule se détache de l'œuf mûr,
qu’elle reste dans l'ovaire pour s’y diviser et donner nais-
sance à de nouveaux œufs. L'importance des observations
de M. Gerbe résultait de ce que l’auteur a vu, dans la double
cellule et dans les deux noyaux dont se constitue à son
début l'œuf ovarien des Sacculines, l'explication de la pré-
(1) Comptes rendus de l'Académie des sciences. 29 novembre 1869,
(2) Comptes rendus de l'Académie des sciences, 22 février 1869.
( 100 )
tendue découverte, faite par M. Balbiani, de l'existence,
dans l’œuf des animaux , d’une seconde vésicule, à côté de
la vésicule de Purkinje. D’après M. Gerbe, l’une des deux
vésicules de l'œuf (vésicule balbianienne M.-Edw.) serait le
centre de formation des éléments nutritifs du vitellus;
l’autre (vésicule de Purkinje) serait le point de départ de
l'embryon. La prétendue vésicule de Balbiani ne présente
jamais, ni chez les araignées ni chez les myriapodes, les
caractères ni le mode de développement d’une vésicule
(noyau de cellule), et, loin d'exister dans les divers groupes
du règne animal, elle manque même chez beaucoup d'aral-
gnées et de myriapode3. De plus il n’y a aucun rapproche-
ment à établir entre le noyau vitellin de l'œuf des araignées
et des myriapodes, et l'un des deux noyaux cellulaires de
l'œuf des Saceulines. — Ce que M. Gerbe prend pour l'œuf
des Sacculines est en réalité un œuf double : la cellule qui
reste stationnaire dans son développement, pendant que
l’autre se développe pour devenir un œuf, se détache de
l'œuf arrivé à maturité el reste dans l'ovaire pour se mul-
tiplier ultérieurement et donner naissance à de nouveaux
œufs. |
J'ai l'honneur de présenter à la classe l'histoire du déve-
loppement embryonnaire des Sacculines.
DÉVELOPPEMENT EMBRYONNAIRE.
L’œuf de la Sacculina Carcini présente une forme ellip-
soidale parfaitement régulière; son grand axe mesuré
environ 0,07 de millimètre sur 0,054 de millimètre que
possède son petit axe. Au début du développement em-
bryonnaire, l’œuf ne possède qu’une seule membrane, qui,
d’après son mode de développement, doit recevoir le nom
( FOF )
de membrane vitelline. Elle est immédiatement appliquée
sur le vitellus et elle reste la seule membrane de l'œuf
pendant les premiers temps du développement de l'em-
bryon — Le vitellus est formé de gouttelettes réfringentes,
dont le volume est très-variable , et, si l'on écrase Poeuf
avec prudence, on reconnait que ces gouttelettes sont
réunies entre elles par une sorte de ciment visqueux,
transparent et finement granuleux : Cest le protoplasme
de l'œuf. Il est impossible de distinguer la moindre trace
de la vésicule germinative.
Après la ponte, les œufs forment, par leur réunion, des
colonnettes ramifiées, qui sont lhomologue des ovisacs
des Copépodes et des Lernéens, quoique leur structure ne
soit pas la même.— Chez la plupart des Copépodes libres et
parasites, chaque œuf est entouré d'une membrane propre,
dépendant de l'ovisac, et celui-ci présente en outre une
membrane commune. Cette membrane commune des ovi-
sacs, qui retient les ceufs réunis, manque chez les Saccu-
lines, et les glandes cimentipares ne fournissent pas à
chaque ceuf une membrane complète, de facon à le ren-
fermer dans une loge à parois propres : les ovisacs sont
formés d'une masse aréolaire, et dans chaque aréole se
trouve un ceuf distinet. Ces organes ne méritent donc que
bien imparfaitement le nom de tubes iden qu "on leur
a donné.
Les glandes qui fournissent la substance dont se con-
stitue la masse aréolaire des ovisacs ont été d'abord re-
connues par M. Leuckart (1) qui leur accorde un épithé-
léon eylindroïde. Ces cellules ont plutôt une forme conoïde
1) Leuckart, Carcinologisches. Archiv für Naturgeschichte, 1859.
~
( 102)
à base externe; elles sont granuleuses et pourvues d'un
petit noyau. Lilljeborg a décrit et figuré la forme exté-
rieure de ces glandes (1).
Peu de temps après la ponte, le développement em-
bryonnaire commence; mais ee qui est bien remarquable,
c'est que tous les ceufs ne se développent pas avec la
même rapidité. J'ai presque toujours trouvé, contrairement
à l'observation faite par Fritz Müller, chez le Lernaeo-
discus (2), que dans un même tube ovifère, on observe,
les uns à côté des autres, des œufs à différents états de
développement. J'ai vu des œufs qui renfermaient des
embryons sur le point d'éclore, à côté d’autres œufs qui
étaient encore au début du développement embryonnaire
et montraient à peine les premières phases du fraction-
nement du vitellus.
Le fractionnement du vitellus est d’abord total et l'œuf
se divise en deux portions égales, à la suite de Pappa-
rition à la surface du vitellus, autour de sa petite section,
d'un sillon qui s'avance progressivement vers son centre
(fig. 17). Bientôt après, il apparaît de la même manière
un plan secteur passant par le grand axe de l'œuf (fig. 18),
et l’on y reconnait dès lors quatre segments vitellins, ayant
chacun la forme d'un segment ellipsoide qui aurait été
divisé par deux plans perpendiculaires passant Pun el
l’autre par le centre. Fritz Müller a figuré un œuf de
Lernaeodiscus qui montrait le fractionnement du vitellus
en quatre segments (3).
1) Lilljeborg, Supplément au Mémoire sur les genres Liriope el Pelto-
gaster. Upsala, 1860.
(2) Fritz Müller, Die Rhizocephalen. ARCHIV FÜR NATURGESCH. 1862.
(5) Loc. cit, pl. 1. fig. 7
in,
( 105 )
A ce moment, il s'opére dans chacun des quatre
segments vitellins une séparation entre les éléments nutri-
tifs et Pélément protoplasmatique du vitellus. J'ai vu quel-
ques œufs chez lesquels cette séparation avait commencé
` à s'effectuer alors qu'ils présentaient encore la division
en' deux segments. Le protoplasme, entrainant le noyau
des globes, se porte à l’un des pôles de l'œuf, qui est l'ex-
trémité du petit diamètre suivant lequel se coupent les
deux plans secteurs (fig. 20). On voit les quatre segments
séclaircir de plus en plus en ce point et se débarrasser
complétement des éléments nutritifs du vitellus, qui sont
refoulés au pôle opposé. Chaque segment présente dès
lors une partie claire, formée d’un protoplasme granuleux
et d'un noyau vésiculeux très-pâle, et une masse foncée
très-réfringente, beaucoup plus volumineuse que la pre-
mière, qui se constitue de l’ensemble des éléments nutri-
tifs du vitellus. Quand cette séparation s’est produite, un
sillon apparait dans chacun des quatre segments à la limite
entre la partie claire et la partie foncée (fig. 21), et chacun
d'eux se divise alors en deux globes dont l'un, plus petit,
clair et transparent, est une cellule embryonnaire, tandis
que l’autre, opaque et réfringent, n’a rien de commun
avec une cellule. Les quatres cellules embryonnaires se
multiplient par division : il s'en forme huit qui constituent,
par leur réunion, une petite zone cellulaire, appliquée
comme une calotte sur un point de la surface des grands
globes. Les cellules embryonnaires se divisent encore; la
zone cellulaire s'étend de plus en plus en même temps
qu'elle diminue d'épaisseur; elle recouvre une partie de
plus en plus considérable de la surface des quatre grands”
globes (fig. 25), et bientôt la zone s'étend sur toute leur
surface , de façon à les englober dans une sorte de poche
( 104 )
cellulaire (fig. 24) qui est la membrane blastodermique.
Pendant que les premières cellules embryonnaires se sont
ainsi multipliées, les quatre grands globes ont perdu leurs
limites d’abord si distinctes : ils se sont fondus l’un dans
l’autre de façon à former un amas unique de matières nutri-
tives à l’intérieur de la poche blastodermique (fig. 25 et 24).
Le blastoderme présente d’abord une épaisseur uniforme
sur toute la surface de l'œuf. Il est formé d'une rangée
unique de cellules dont on distingue clairement les noyaux,
et dont il est bien difficile de distinguer les limites. Mais
bientôt il s’épaissit considérablement dans la région qui
doit devenir la face ventrale et sur les faces latérales de
l'embryon, tandis qu’il se réduit du côté dorsal à une lame
extrêmement mince à peine reconnaissable (fig. 25). On
distingue parfaitement alors l’épaississement cellulaire ven-
tral de l'embryon (Keimstreif), et je ne concois guère com-
ment certains embryogénistes ont pu dire que cet épaissis-
sement manque chez les Crustacés, quand le vitellus subit
le fractionnement total (1).
A ce moment, il apparaît tout autour de l'extrémité cépha-
lique de l'embryon un sillon circulaire dont le plan est per-
pendiculaire au grand axe de l'œuf. Il divise l'embryon en
deux parties, l’une en avant, très-petite, l’autre en arrière
qui comprend les cinq sixièmes de l'œuf. Cette première
partie de Pembryon correspond à la partie antérieure de la
future carapace dont le bord se prolonge latéralement en
forme de cornes; ce sont ces organes qui atteignent, chez
quelques larves de.Cirrhipèdes, un énorme développement.
Cette particularité, qui paraît peu digne d’intérêt au pre-
(1) Fritz Müller, loc. cit. — Claus, Die freilebenden Copepoden.
( 105 )
mier abord; peut acquérir une très-grande importance au
point de vue de l’histoire généalogique des Arthropodes;
elle se présente avant que l'embryon manifeste la moindre
trace d'appendices, et avant la formation de la membrane
que j'ai désignée sous le nom de cuticule blastodermique.
C'est un peu plus tard seulement que Pon trouve les pre-
mières traces de cette membrane cuticulaire. Elle s'accuse
d’abord par un contour foncé que présente à l'extérieur la
lame cellulaire de l'embryon. Ce contour s'épaissit, de-
vient ensuite une véritable membrane anhiste, qui bien-
tôt se détache des cellules embryonnaires : l'embryon subit
une première mue. Dans le cours du développement, la
membrane vitelline de l'œuf se déchire et tombe, et la
cuticule blastodermique devient alors l'enveloppe externe
de l'embryon. On peut dire que l'embryon naît sous la
forme blastodermique. Ce qui est bien remarquable, c'est
que la cuticule blastodermique accuse très-nettement la
division primordiale de l'embryon en deux segments. On
y “distingue une partie ‘antérieure où la membrane est
beaucoup plus mince et plus délicate et qui présente un
rayon de courbure beaucoup moindre que celui de la
partie postérieure (fig. 28 et suivantes); de sorte que,
entre la partie antérieure à rayon de courbure plus court,
et la partie postérieure dont le rayon de courbure est
plus considérable, existe une sorte d'angle rentrant, peu
prononcé cependant, qui correspond au sillon circulaire
primordial de l'embryon (fig. 28). La première formë em-
bryonnaire des Arthropodes est donc dépourvue d'appen-
dices articulés, et le corps se constitue de deux anneaux
ou segments, C'est là la seule particularité que nous con-
naissions de cette première forme embryonnaire; elle rap-
pelle singulièrement Vembryon de beaucoup de vers el
(106 )
spécialement d'un grand nombre d'annélides, où la divi-
sion du corps en deux parties par un sillon circulaire est
parfaitement accusée au moment de la naissance. Á Ces
caractères de la cuticule blastodermique on distingue, au
premier coup d'œil, si Pembryon qu'on a sous les yeux
s'est débarrassé de la membrane vitelline, et si la mem-
brane qui l'entoure est Penveloppe primitive de l'œuf ou
une membrane embryonnaire. La cuticule blastodermique
est, du reste, très-extensible et aussitót que la déchirure
de la membrane vitelline s’est produite, le volume de l'œuf
croît considérablement. Il atteint alors de 0.09 à 0.10 de
millimètre suivant son grand axe sur 0.07 à 0.08 que pré-
sente son petit axe.
Les trois paires d'appendices caractéristiques de la forme
nauplienne apparaissent simultanément. Ils sont d’abord
simples, obliquement dirigés d'avant en arrière et de dedans
en dehors, et ne consistent qu’en de simples petites colon-
nettes cellulaires. Mais à une époque très-peu avancée de
leur développement , les appendices de la seconde et de la
troisième paire deviennent bifides, et bientôt on reconnait,
à quelques courtes soies que présentent à leur extrémité
chacun de ces appendices, les premières traces de la cuti-
cule nauplienne (fig. 29).
Peu de temps après l’apparition de ces appendices on
distingue les premières traces de l’œil qui se présente, dès
le début, sous forme d'une petite tache pigmentaire uni-
que, située sur la ligne médiane, assez loin en avant des
antennes antérieures. A ce moment aussi les prolonge-
ments latéraux du bord antérieur de la carapace se sont
déjà développés; ils se trouvent appliqués sur les faces
latérales de l'embryon, dirigés en arrière et en dehors, el
sont insérés en avant des antennes antérieures, dans le
sillon circulaire primordial de Pembryon (fig. 29p). .
( 107 )
On reconnaît entre les points d'insertion de la seconde
et de la troisième paire d'appendices, les premières traces
de la bouche, sous forme d’un sillon transversal. La bouche
est done située très-loin en arrière (fig. 29b et 506). Der-
rière la bouche la lame cellulaire ventrale s'est considé-
rablement épaissie par la formation de grandes et belles
cellules qui, à cause de la pression qu’elles exercent les unes
sur les autres, affectent une forme polygonale. Elles sont
pourvues d’un grand noyau sphéroïdal, parfaitement trans-
parent, à nucléole réfringent. Je ne sais quelle peut être la
fonction de ces grandes cellules, ni ce qu’elles devien-
nent, et rien ne me porte à admettre l'opinion de M. Gerbe
qui voit dans ces cellules les premières traces des organes
sexuels.
La lame ventrale s'amincit considérablement à la face
postérieure du corps, où elle donne insertion à deux sortes
de papilles caudales qui affectent, dans les différentes
formes naupliennes, des aspects divers et un développe-
ment très-variable. Du côté du dos la lame cellulaire est
à peine reconnaissable.
Au moment de la naissance, la larve nauplienne présente
une forme ovoide, dont la grosse extrémité antérieure
est légèrement tronquée (fig. 31). Le bord antérieur,
bombé sur la ligne médiane, se prolonge latéralement en
une sorte de petite corne qui est caractéristique du Nau-
plius des Cirrhipèdes et des Rhizocéphales. Les antennes
de la première paire sont dirigées en avant, et portent à
leur extrémité trois soies terminales également dévelop-
pées; une quatrième soie est insérée en dedans, à quelque
distance de l'extrémité. On y reconnaît une légère indica-
tion des trois articles qui constituent toujours ces organes
chez les Nauplius. Les appendices de la seconde et de la
( 408 )
troisième paire sont bifides à leur extrémité libre, et cha-
cune des divisions porte quelques soies assez allongées.
M. Gerbe (1) pense que d’après le nombre de ces organes
il est possible de poser des diagnoses spécifiques de ces
larves.
L'œil simple et unique, situé sur la ligne médiane, est
devenu très-distinct; il se constitue d'une masse pigmen-
taire, entourée de petites cellules qui se distinguent par
des caractères particuliers du reste de la masse cellulaire
de l'embryon.
On reconnait toujours, en arrière de la bouche, cet
amas de grandes et belles cellules transparentes qui re-
foulent en haut et en avant le reste du vitellus. Il n'est pas
possible de reconnaître au moment de la naissance aucupe
fibre musculaire, et néanmoins l'embryon nage librement
au moyen de ses appendices qui battent l’eau comme autant
de rames. Ils sont remplis de cellules dont les corps, indis-
tincts, paraissent fondus en une masse commune, proba-
blement contractile, où Pon ne distingue que des noyaux
de cellules. C’est aux dépens de ces cellules que doivent
se former les différents organes et les différents tissus
des formes larvaires ultérieures; mais à cette époque de la
phase nauplienne, la spécialisation n’a pas encore eu lieu
et c'est la même masse cellulaire qui sécréte la cuticule el
qui fait fonction de système mulculaire. On ne distingue
pas nettement les parois du tube digestif et je n'ai trouvé
aucune trace du système nerveux; l'emplacement de la
bouche est indiqué par un sillon profond.
Je me suis borné à l'étude de la première période du
(1) Gerbe, Sur les Sacculina. Extrait d'une lettre de M. J. Gerbe à
` M. Van Beneden (BULL. DE L’Acap, ROY. DE BELG., 2me série, t XIII).
:
À
à
4
i
E
( 109 )
développement des Sacculines, dont la forme nauplienne
est connue depuis les travaux de Thompson (1), d'Oscar
Schmidt (2) et de Lindström (5); dès lors la place que
ces animaux doivent occuper dans le cadre zoologique ne
pouvait plus être douteuse. Mais les différentes phases du
développement de cette forme larvaire n'avaient pas été
étudiées. On ne connaissait pas chez ces Crustacés le mode
de développement du blastoderme qui commence par un
fractionnement total du vitellus pour s'achever sans frac-
tionnement; et ces premiers phénoménes embryonnaires
jettent une vive lumière sur la question de savoir quelle
est la valeur des différentes parties dont se constitue l'œuf
Ovarien de ces animaux. Il est clair qu'on ne peut assi-
miler l'œuf des Sacculines à celui des oiseaux et des autres
vortébres ovipares.
Les observations que j'ai faites sur les premiers phéno-
ménes embryonnaires dont le blastoderme est le siége, et
sur la formation d'une cuticule blastodermique, ont une
importance très-grande au point de vue de la théorie des
descendances, et je me réserve de revenir sur ce point dans
le travail qui résumera les résultats généraux de mes re-
cherches sur Pembryogénie des crustacés. Enfin la succes-
sion des phénomènes qui précèdent Péclosion de la larve
nauplienne, et plusieurs particularités anatomiques de
cette forme embryonnaire n'avaient pas encore été étu-
diées. Les phases ultérieures du développement des Sac-
(1) Thompson, Entomol. Mag., vol. 111, 1836.
2) 0. Schmidt, dese fur gesammt. Naturw
(5) Lindström , Ofver . kongl. Vetensk. Akad. sde t XH, 1855.
2"° SÉRIE, TOME XXIX.
ren
(1440)
i bae ont été observées par e (1), Lilljeborg (2),
Anderson (5) et surtout par Fritz Müller (4).
EXPLICATION DE LA PLANCHE.
1-4, Anchorella uncinata; 5-8, Congericola pallida; 9-51, Sacculina
Carcini.
Fig. 1. — Groupe d'œufs d’une Anchorella uncinata, tels qu'ils se pré-
sentent en sortant de l'ovaire quand on a déchiré ses parois.
Fig. 2. — Groupe d'œufs provenant d'une toute jeune Anchorelle. On
voit clairement que les œufs ne sont que des cellules agran-
die e modifies pes soras 1 ovarien. t: (Gross. 550.)
Fig. 5. — G e. (Gross 550.)
Fig. 4. — Un ent d'Anchorella uncinata portant à l’un de ses pôles le
filament ovarien, formé de cellules discoides. (Gross. 350.)
Fig. 5. — Portion de l'appareil sexuel du Congericola, pour montrer
comment le cordon ovarien entortillé et pelotonné dans le
germ pren se continue directement dans le germiducte, à
l'entrée de cette gla
Fig. 6. — Portion de cordon ovarien germigéne. On reconnait Pana-
logie de structure avec le filament polaire de l'œuf des An-
chorelles. (Gross. 350.)
Fig. 7. — Portion de bi baten sexuel du Congericola montrant bien la
P NE A a
(1) Hesse, Observations sur des Crustacés rares ou nouveaur des
côtes de France, 10me art. Peltogasters el Sacculinidie
(2) Lilljeborg, Les genres Liriope et Pellogaster. touts, 1859. — Idem.,
Supplément au mém. préc. Upsala, 1860.
(3) Anderson, On the Analomie of Sacculina. ANNALS OF NAT. HIST»
3me série, t. 1
(4) Müller, Die zweite Entwickelungsstufe der Wu irzelkrebse.
ARCHIV. FÜR NATURGESCHICHTE, t. XXIX, — Idem., Für Darwin. Leipzig
1864
Bulletins 2e serie, Tome XXIX.
Ren
O
0
t
> Pr,
HE de g
DO g
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engte
N Lith. C Severeynes. Bruxelles
A
l Van Beneden ad nat del.
continuité au point d'union du germiducte avec le vitello-
géne, entre le cordon ovarien du germiducte et la pr
d'œufs du vitellogène. (Gross. 5
Fig. 8. — Cellules-mères des œufs de Sasculind carcini observées dans
l'ovaire peu de temps après la ponte. (Gross. 5
Fig. 9. — Cellules-méres en voie de multiplication par division.
Fig. 10. — L'une des deux cellules accolées grandit beaucoup; il s'y
développe des éléments réfringents dout le nombre et le
volume s'aceroissent simultanément. Is cachent compléte-
ment la vésicule germinative. On reconnail api avec
la fig. 2
Fig. 11 et 12. — lea L'œuf s'est développé davantage. La cellule polaire
Fig.
ne se modifie pas : elle reste stationnaire. On reconnait l'ana-
logie avec la fig. 4
. 15et 14. — OEufs arrivés à nátori£ La cellule polaire est toujours
accolée à la surface. On voit la membrane vitelline s’avaucer
entre le vitellus de l'œuf et la cellule polaire.
. 15. — La cellule polaire va se détache
1
. — OEuf chez lequel la cellule jes s’est détachée. Il est encore
déprimé au pôle où se trouvait insérée la cellule.
ig. 17-25 — Différentes phases du fractionnement.
ig. 24. — Le blastoderme est formé.
25. — L'épaississement cellulaire ventral a apparu. On reconnait en
avant le sillon circulaire primordial, et on distingue la mem-
brane anhiste (cuticule blastodermique) sécrétée par les
cellules du blastoderme.
. 26. — Portion de l'épaississement cellulaire ventral au niveau du
sillon circulaire primordial. e membrane vitelline; cb cuti-
cule blastodermique; elle est plus délicate en avant du
sillon. S sillon primordial.
„27. — Portion de la lame cellulaire dorsale à la même phase du dé-
veloppement; c membrane vitelline; cb cuticule blastoder-
mique; d ee dorsales.
A Embryon, vu du côté du dos, en partie sorti de l'intérieur de
l'œuf déchiré. On distingue très-bien, surtout au niveau du
sillon primordial, la cuticule blastodermique plus mince en
avant du sillon.
29. — Embryon entouré de la cuticule blastodermique. Les trois
paires d'appendices ont apparu et on distingue la tache pig-
mentaire qui indique les premières traces de l'œil, Une dé-
(112 )
pression s'est produite à la face ventrale au niveau de Pem-
placement de la bouche. On distingue entre l'œil et les
antennes antérieures Vindication des cornes latérales.
Fig. 30. — Embryon plus avancé dans son développement et sur le point
d'éclore.
Fig. 51. — La larve au moment de la naissance, vue par la face ventrale.
Matériaux pour la faune belge : Crustacés Isopodes ter-
restres; par M. Félix Plateau, professeur à l’athénée
royal de Bruges.
En donnant la liste des Isopodes terrestres qu’on ob-
serve en Belgique, je mai pas eu la prétention de faire du
neuf en zoologie; mais j'ai cru qu'il y avait de l'utilité à
travailler à l'achèvement de notre faune carcinologique.
M. P.-J. Van Beneden a indiqué sept espèces d'Isopodes
marins appartenant à la faune belge (1); en y ajoutant les
espèces terrestres que j'énumère dans la notice actuelle el
l Asellus aquaticus, on voit que le groupe des Isopodes est
représenté dans nos contrées par dix-sept espèces.
Il eût été facile de doubler ce nombre en adoptant une
foule de Porcellionides décrits par Panzer (H. Schäffer) (2)
et par Koch (3); mais cette manière d'agir eût été peu scien-
tifique. Dès 1832, F. Brandt, dans son Conspectus (4), 1
(1) Recherches sur la faune littorale de Bel; pique (Crustacés) (MÉM. DE
L'ACAD. ROY. DE BELG.
(2) Faunae insectorum Germanicae initia. Nuremberg ; 1798.
(3) System der Myriapoden mit den Verzeichnissen und Berichtigun-
gen zu Deutschlands Crustaceen., ete. Regensburg; 1847
(4) Conspectus mono praphibe: Crustaceorum onion Latreillii
(ACADEMIAE SCIENTIARUM ANNO 1452 HEXIBITAE). Mosquae ; 1855.
(H9)
employé, pour la détermination des Isopodes, les carac-
tères basés sur le nombre et la disposition des pièces du
squelette. Plus tard, les excellents travaux de MM. Lere-
boullet (1) et J.-R. Kinahan (2) sont venus prouver à l'évi-
dence que les caractères spécifiques résident dans la mor-
phologie et aucunement dáns des couleurs et des dessins
toujours variables.
La coloration mwa d'importance que pour les variétés
seules. Il ne faut pas la négliger d'une façon absolue, mais
elle ne doit être employée qu'avec beaucoup de circon-
spection.
Il n'est pas rare de voir des auteurs confondre plusieurs
espèces voisines, même très-communes; C'est ce qui m'a
engagé à donner des descriptions pour quelques Isopodes,
en faisant ressortir, autant que possible, les caractères dif-
férentiels.
Un certain nombre d'espèces avaient déjà été indiquées
pour la Belgique par MM. Carlier (3)et A. Bellynek (4), et
pour la Hollande, par M. Snellen van Vollenhoven (5); j'ai
fait mention de ces espèces dans le texte.
Comme les ouvrages généraux renferment des syno-
(1) Mémoire sur les Crustacés de la famille des Cloportides qui habi-
tent les environs de Strasbourg (MÉM. DE LA SOC. D'HIST. NAT. DE STRAS=
BOURG, t. IV). Strasbourg; 1853,
(2) A Review of the Genero of terrestrial Isopoda. Dublin; 1857.
(3) Dictionnaire ta eg de la province de Liége, par Vander-
maelen, p. 50. Bruxelles;
(4) Résumé di cours | str professé au collége de N.-D. de la
Paix, à Namur. Namur; 1864-1
(5) Natuurlijke historie van en (Geleede dieren). Haarlem ;
1859.
( 114 )
nymies souvent très-détaillées, fidèle au système que j'ai
suivi dans mes publications antérieures, je me suis borné à
citer les auteurs qui ont figuré les animaux dont il s’agit.
Genre ARMADILLIDIUM (Brandt).
l. Armadillidium vulgare (Milne-Edwards).
Milne-Edwards, Hist. nat. des Crustacés, t. HI
184
p. 184.
- Cloporte armadille. Olivier, Encycl. méthod., t. VI, pl. CCCXXIX,
Oniscus armadillo. ae Journ. d'hist. nat., t. II, pl. XXVI
— cinere (Koch) Panzer, Faun. insect: Germ., fascie. 62,
Armadillo convexus. n° 22; fascic. 178, nes 12 et 13; fascic. 180,
— opacus. | ns 2 et 5
— vulgaris.
(Cuvier) Milne-Edwards, Règne animal illustré
(Crustacés), pl. LXXI%s, fig. 5 et 5a
Armadillium vulgare. np A Review, etc., pl. XXI, An 909,
Tea dans tout le pays.
ge Gris de plomb uniforme.
n. À Gris foncé maculé de petites taches jaunes.
Déjà cité : pour la Belgique, par MM. Carlier (op. cit., p- 50)
et Bellynek (op. cit., p. 375).
2, Armadillidium triviale (Nobis).
Armadillo trivialis. pdre Faun. insect. Germ., fascic. 178,
pustulatus. edn Considérations, etc., pl. XLV, fig. 6
et 7.
— trivialis. Snellen van Vollenhoven, Nat. hist. van Neder-
land (Geleede dieren), pl. H, fig. 8.
.
- CH
Si PA. pustulatus décrit par Duméril (1) et figuré par Des-
marest peut, à la rigueur, être regardé comme synonyme de
PA. triviale, il n'en est pas de même de lA. pustulatus de
Koch (Panzer, fascic. 178, n° à) trouvé en Dalmatie et qui, par
la forme arrondie de l'extrémité du dernier anneau de Pabdo-
„men, s'éloigne de notre espèce indigène. Le nom VA. pustu-
latus a done été donné à deux espèces différentes.
A part le mode général de coloration, il n'existe que des
caractères d'une valeur très-secondaire pour tracer une ligne
de démarcation entre l'A. vulgare et PA. triviale. Après avoir
analysé comparativement toutes les parties du corps; je crois
pouvoir signaler les caractéres différentiels suivants :
A. vulgare. A. triviale.
Corps relativement peu convexe, c'est- | Corps très-convexe, le rayon de l'arc de
à-dire que le rayon de Parc de chaque chaque anneau étant petit.
anneau est grand.
Tête offrant une faible saillie au milieu | Tête sans.saillie et sans dépressions.
avec une légère dépression à droite et
à gauche, ces dépressions pouvant se
retrouver sur le premier anneáu.
Lobes latéraux du front demi-circulaires, | Lobes latéraux du front plus petits el
grands. anguleux.
Bord postérieur de la tête concave. Bord portérieur de la tête presque droit.
Antennes plus longues d'un quart que | Antennes plus courtes d'un quart.
celles de l'A. triviale
Couleur: gris de plomb quelquefois un | Couleur : brun grisâtre, une ligne claire
peu moucheté de jaune. , au milieu du dos, dessins jaunes ct
d'un brun clair sur les cótés.
Taille presque toujours un peu plus
ite.
L’ Armadillidium triviale se rencontre, comme le précé-
dent, sous la mousse, au pied des arbres, sous les pierres.
Commun.
Déjà cité: pour la Belgique, par M. Bellynek (op. cit., p.575);
(1) Dictionnaire des sciences naturelles, t. MI, p. 116.
(116)
pour la Hollande, par M. Snellen van Vollenhoven (op cit,
-
p. 30
C'est probablement à cette espèce qu'il faut rapporter PA.
variegatus , indiqué par Carlier (op. cit., p. 50).
5. Armadillidium pictum (Brandt). .
Brandt, Conspectus, etc., p. 24
Armadillidium pictum. Lereboullet, Mém. sur les Crust. de la fam. des
Cloportides, pl. 1, fig. 19 et pl. IV, fig. 102-105.
C'est avec un certain doute que j'attribue le nom VA. pictum
à Pespèce que j'ai rencontrée, bien qu'elle satisfasse à la phrase
descriptive de Brandt : « Apex triqueter, brevis, acutus. Dor-
sum nigro-brunneum, flavovariegatum, cingulorum margines
posteriores rufo-brunnei » et à la diagnose de M. Lereboullet.
Voici les caractères que j'ai constatés : Tête sans saillie et
sans dépressions, lobe frontal médian très-saillant.
Apex du dernier anneau abdominal court, triangulaire, ar-
rondi au sommet et non tronqué comme chez les deux espèces
précédentes.
Uropodes : Article basilaire entièrement caché, ischium
(ischium Kinahan) large, triangulaire, bordé de nombreuses
“soles raides et courtes; appendice accessoire interne tronqué
au bout.
Couleur d'un brun rougeátre foncé, maculé de petits fan
jaunes; bords latéraux des anneaux thoraciques, bords lat
et postérieurs des anneaux abdominaux d'un rouge brun e
tillé de noir.
Très-rare; un seul exemplaire. Sclayn (prov. Namur, rive
droite de la Meuse), juin 1867. M. Lereboullet n'a rencontré
l'espèce qu'une seule fois et n'a trouvé que deux exemplaires.
“
dd ME + >
as Se ae A ai A A e a o dd à nn dedo ¿Ta ad
ME A à à en code dens id B meene à
(447)
Genre ONISCUS (Linné Latreille).
4. Oniscus murarius (Cuvier) (1).
Cuvier, Journ. d'hist. nat.,t 11, pl. XXVI, fig. 11-15.
Oniscus murarius. (Cuvier) Milne- Edwards, Règne animal illustré
Crustacés), pl. LXX]bis, fig. 5
7 2a Lereboullet, Mém. sur ra Crust. de la fam. des Clo-
portides , pl. H,
= — Kinahan, À er E + XIX, fig. 10 à 12; pl XX,
fig. 11
— asellus: Snellen: van Vollenhoven, Nat. hist. van Nederland.
(Geleede dieren), pl. IF, fig. 7
Très-commun partout, anssi bien á la campagne dans le
bois pourri que dans les lieux habités.
Van. A. Corps plus mat, lobes latéraux du front plus arron-
dis, couleur beaucoup plus pâle, une ligne étroite obscure au
milieu du dos. Peu rare; voisin de l'O. fossor de Koch, mais
non identique.
Genre PORCELLIO (Latreille).
5. Porcellio scaber (Latreille).
end Hist. nat. des Crust. el ins., t. VII,
Cloporte noir de Hollande. ie: a Mém. pour serv. à hist. des îns.,
t. VIE, pl. XXXV, fig. 1 et 2.
Porcellio scaber, dubius, etc. (Koch) Panzer, Faun. insect. Germ., fascic.
180, n°s 6, 7 et 8
(1) L'espèce étant très-bien connue, j'ai supprimé les indications con-
cernant les planches de Geoffroy, De Geer, Panzer, Olivier (Encyel.),
Latreille, Desmarest et Brandt, pour ne pas surcharger le texte d'une
Synonymie inutile.
(HS )
Porcellio scaber. Cuvier, Journ. d'hist. E IE, pl. XXVI, fig. 9 et 10.
= — Brandt, Medic. zool., t. H, pl. XII, fig. 1 à 4
— — Lereboullet, Mém. sur = Crust. de la fam. des Clo-
portides, pl. 1, fig 4 et 5; pl. I, fig. 45 à 47.
—- — Kinahan, A Review, etc., pl. XXI, fig. 2 et 8
— — Soi van Vollenhoven, Nat. hist. van Nederland
I
ER
Très-commun partout, sous les éeorees d'arbres, les pier-
res, ete
Offre de nombreuses variétés à colorations différentes que
Pon a parfois élevées au rang d'espèces. Desmarest en a déerit
quelques unes (1). Voici l'énumération de celles que j'ai été à
même d'observer en Belgique :
Type. Gris ardoisé uniforme avec les angles latéraux af anneaux rou-
geátres (n° ls de en fig. 4de M. Lerebou
lanes anneaux T lien
ou en totalité, d'un blanc jannátre. L'individu le plus curieux
avait les six premiers anneaux thoraciques blanes à gauche
et gris à droite.
Van. B. (Transition). Gris très-pàle ou blanc jaunàtre maculé de noir
( I minn let.)
Var. €. Blanc jaunátre unifor
“Var D. Brun rougeátre clair vel colour Kinahan) maculé de noir
(n° 7 de Panzer).
Var. E. Gris maculé de taches jaunes.
Déjà cité : pour la Belgique, par MM. Carlier (op. cit, p- 50)
et Bellynek (op. eit, 575); pour la Hollande, par M. Snellen
van Vollenhoven (op. cit., p. 30).
6. Porcellie dilatatus (Brandt).
Brandt, Conspectus, ete , p. 14, pl. IV, fig. 7 el 15.
Porcellio dilatatus. Brandt, Medic. zool., t. 11, pl. XI, fig. 6 C D.
anio ot
(1) Considérations générales sur la classe des Crustacés. Paris €
Strasbourg, p. 521; 1825.
Et nk al ie nn CES dir AR
A OT ES
(149)
Porcellio scaber. (Cuvier) Milne - Edwards, Règne animal illustré
(Crustacés), pl. LXXT, fig. 1.
— dilatatus. Lereboullet, Mém. sur. + Crust. de la fam. des Clo-
portides, pl. 1, fig. 6; pl. HI, fig. 48 à 54.
Aussi commun que le précédent avec lequel on le rencontre
presque toujours,
Type. Gris ardoisé uniforme.
Var. A. Blanc jaunàtre maculé de
Var. B. Rouge brunátre uniforme fka par M. Milne-Edwards).
Var. C. Rouge brunátre maculé de noir. Très-commune, les très-jeunes
individus sont de couleur orange.
7. Porcellio pictus (Brandt).
andt, Medic zool.,t. I1, pl. XII, fig. 5 E. F.
Porcellio melanocephalus. ee Panzer, Faun. insect. Germ., fascic.
178, n° 18
Eet pictus. Lerehoullet, Mém. sur les Crust. de la fam.
s Cloportides, pl. 1, fig. 8 à 12; pl. MI,
fig. 61 a 65.
Le P. pictus est assez commun en Belgique; je Pai observé
dans les fentes des rochers de la rive droite de la Meuse. En
Flandre, je Vai trouvé abondamment á Gand, dans les lieux
humides, sous les feuilles pourries, ete.
Déjà cité: pour la Belgique, par M. Bellynck (op. cit., p. 575);
pour la Hollande, par M. Snellen van Vollenhoven (op. cit.,
p. 50)
8. Porcellio laevis (Latreille).
“Latreille, Hist. nat. des Crust. et ins, t. VIL, p. 46,
Porcellio loevis. Lereboullet, Mém. sur les Crust. de la fam. des Clopor-
tides, pl. 1, fig. 7; pl. IH, fig. 55 à 60.
La figure que donne Panzer (fascic. 159, n° 1) n'est pas d'ac-
cord avec les descriptions des auteurs plus récents. L'individu
(120)
que j'ai capturé satisfait complétement aux caractères énumé-
rés par MM. Lereboullet et Kinahan.
Três-rare. Environs de Gand, sous les écorces. Un seul
exemplaire (avril 1866.)
C'est probablement par erreur que M. Carlier signale le
P. loevis comme très-commun dans la province de Liége.
Genre LIGIA (Brandt) (1).
Genre LIGIDIUM (Brandt) (2).
9. Ligidium Persoonii (Brandt).
Brandt, vond, etc., p. 12.
Oniscus agilis. Pe Sn , Panzer, Faun. insect. Germ., 9-24, fascic.
180, n° 22 et 25.
— hypnorum. Cuvier, vende d'hist. nat, t. M, 1792, pl. XXVI,
fig. 5 à
Ligidium Persoonii. oee Mém. sur les Crust. n z E des Clo-
portides, pl. I, fig. 1; pl. H, fig. 20 à
= — Kinaban, A Review, etc., pl. XXI, de ee et pl. XXII,
fig. 9.
La Ligidie de Persoon accompagne souvent la Philoscie des
mousses; le filet terminal de ses antennes, composé de douze
articles, permet toujours de Pen distinguer facilement.
Relativement rare; au bord de Peau, comme Pindique très-
bien M. Lereboullet. (Dickelvenne, près de Gavre , Fl. or-)
(1) M. Kinahan range la Ligia oceanica. Lin. parmi ‘les Isopodes ter-
restres; il est plus rationnel, me semble-t-il, de la considérer comme espèce
marine ainsi que l'a fait M. Van Beneden. (Voyez Kinaban, A. Review of
the Genero of terrestrial Isopoda, op cit., p. 2
En Genre Zia de Koch, System der Mi yrispodes Regensburg, 1847;
(191 )
Genre PHILOSCIA (Latreille).
10. Philescia muscorum (Latreille).
Latreille, Hist. nat. des Crust. $ ins. : va, p. 45.
Philoscia muscorum. Kinahan, 4 Review, etc., pl. XX,
L'Oniscus muscorum de M. Lereboullet est PO. et
non la Philoscie des mousses (1).
` Excessivement commune dans tout le pays; mais jamais
dans les endroits habités; sous Pécorce des arbres, sous les
pierres, la mousse, ete. On rencontre des femelles chargées
d'œufs des le mois de janvier.
Van. A. Entièrement d'un brun rouge tirant sur l'orangé ;
rare. (Environs de Bruges, bois de Tilleghem, au pied des
hêtres, automne 1868, novembre 1869.)
Déjà cité : pour la Belgique, par MM. Carlier (op. cit., p. 50);
et Bellynek (op. cit., p. 375); pour la Hollande, par M. Snellen
van Vollenhoven (op. cit., p. 29).
La Philougria celer (Kinahan.) Très-commune en Angle-
terre, paraît ne pas exister chez nous.
(1) Voyez à ce sujet: La description de M. Lereboullet, op. cit, p- 29
et 30, el Kinahan, op. cit., p. 21.
(12)
Description d'une nouvelle espèce africaine du genre VARAN
(Varanus), par A. Preudhomme de Borre, conservateur
au Musée royal d'histoire naturelle.
Le genre Varan, qui, dans l'Erpétologie générale de
Duméril et Bibron, composait presque à lui seul (1) la fa-
mille des Lézards Varaniens ou Sauriens Platynotes , a été
notablement divisé par les auteurs postérieurs. Ainsi, pour
M. J. E. Gray (2), le genre Varan de Duméril et Bibron ne
forme pas moins de sept genres (Psammosaurus, Odatria,
Regenia, Empagusia, Uaranus, Monitor et Hydrosaurus).
Leur réunion constitue la famille des Monitors ( Monito-
ride), la première des dix familles dans lesquelles M. Gray
partage sa tribu des Cyclosauræ, correspondant aux Va-
raniens, Lacertiens et Chalcidiens de Duméril et Bibron.
Dans un travail de date plus récente (3), M. Aug. Du-
méril déclare ne pouvoir admettre les coupes génériques
proposées par le savant erpétologiste anglais. « Les divi-
sions et subdivisions, » dit-il (p. 494), « établies dans un
mn
(1) Les savantes recherches anatomiques de M. le professeur Troschel
(Ueber Heloderma horridum Wiegm , dans Archiv für Naturgeschichte,
1855, p. 294) ont manifestement établi que le genre mexicain Heloderma
doit être séparé de la famille des Varaniens, ce qui la réduit aux seuls Va-
rans.
(2) Catal. of the specim. of Lizards in the collect. of the British Museum,
1845, p. 6 el suiv.
(3) Deseript. des Rept. nouveaux ou imparfaitement connus de la col-
lection du Muséum d'histoire naturelle. He Mémoire. — Dans les Archives
du Muséum d'histoire naturelle, t. VIH, Paris, 1855 à 1856.
/
|
E
E.
E
=
y
(195 )
genre si homogène et si parfaitement naturel que Pest ce-
lui des Varans, sont toutes plus ou moins systématiques el
artificielles. Elles tendent, sans motifs suffisants, à faire
considérer comme appartenant à divers genres des ani-
maux qui n’offrent réellement entre eux que des différences
spécifiques. Ainsi, M. Schlegel qui, dans son Essai sur la
physionomie des Serpents, a manifesté un éloignement
extrême pour l'adoption des coupes plus ou moins nom-
breuses proposées par ses devanciers, s'est-il montré fidèle
à ses habitudes comme zoologiste, en n’admettant qu'un
seul genre, celui des Monitors, dans l'explication métho-
dique et savante qu'il a donnée des figures publiées par
lui (Abbildungen neuer oder unvollstándig bekannter Am-
phibien, 1857-44). » |
Je me sens très-disposé à admettre cette manière de
voir, sauf peut-être à conserver le genre Psammosaurus
Fitzinger pour les espèces à queue sans caréne, et que
Pon appelle communément les Varans terrestres (Varanus
arenarius, Timoriensis, etc.), c'est-à-dire celles qui con-
stituent pour M. Gray les deux genres Psammosaurus el
Odatria, ou sa division A de la famille. |
Vai rencontré dans la collection erpétologique du Musée
royal d'histoire naturelle un exemplaire monté qui ne me
parait pouvoir se rapporter à aucune des espèces décrites
du genre. C’est, ainsi qu’on va le voir, une espèce qui
rentrerait dans le genre Hydrosaurus de Gray, et qui y
viendrait prendre place à côté d'une espèce australienne ,
l'Hydrosaurus giganteus Gray (Catal., etc. p. 15). Elle a en
effet les narines très-rapprochées du bout du museau , les
doigts allongés , mais inégaux , et l’écaillure qui surmonte
l'orbite composée uniquement de petites écailles. L'en-
semble de ces caractères amène à lui assigner la place que
jé viens d'indiquer.
( 124 )
Il est à remarquer que cette nouvelle espèce est afri-
caine, et que tous les autres Varans africains appartien-
nent à des coupes différentes. M. Gray (loc. cit.) indique
bien (1) PHydrosaurus Salvator Laurenti (Varanus bivil-
tatus Dum. et Bibr.) comme se trouvant dans l'Afrique
australe, mais la patrie véritable de cette espèce est l'Asie
orientale et l’archipel Malais.
VARANUS (HYDROSAURUS) MUSTELINUS.
Diagnose : Noir, avec des bandes transversales nom-
breuses d’écailles jaune verdátre depuis la tête jusqu’à
l'extrémité de la queue, presque effacées sur les parties
supérieures, plus larges et mieux marquées en dessous.
Gorge verdátre, tachée de noir. Pattes antérieures annelées
de jaune verdátre; les postérieures simplement tachelées
de la mème couleur.
Forme générale très-svelte. Téte allongée et pointue. Na-
rines rapprochées du bout du museau. Écailles susorbi-
taires uniformément petites. Doigts inégaux ; le 4” le plus
long. Queue très-lonque, à crête peu élevée.
Descriprion. — La forme éminemment grêle et svelte
de ce saurien, sa tête pointue rappellent d'une manière
frappante celles des petits carnassiers de la tribu des Mus-
télides; d'où le nom spécifique que j'ai imaginé de lui
donner.
La tête a la forme d'une pyramide quadrangulaire nota-
blement allongée; le vertex est très-aplati. Les dents, dont
je ne puis donner le nombre à cause des lacunes que mon
o
(1) D’après un exemplaire rapporté par le Dr Krauss.
( 125 )
exemplaire présente, sont pointues, un peu comprimées,
et n'offrent point de dentelures sur leurs bords, faisant
exception à un caractère indiqué pour le genre Hydro-
saurus par Wagler et M. Gray. Ces dents sont légère-
ment inclinées d’avant en arrière. Toutes les écailles qui
recouvrent le museau et le dessus de la tête sont à peu
près d'égale grandeur, irrégulièrement polygonales, géné-
ralement à cinq ou six côtés. L'orbite est couvert en des-
sus d'écailles plus petites, en pavé, et toute d'égale gran-
deur. Une écaille occipitale, à sept pans, plus grande que
les autres, forme le centre d'un cercle d'écailles un peu
plus petites. En arrière, dans la région de la nuque, les
écailles, plus convexes, font en quelque sorte la transi-
tion aux écailles carénées de la région dorsale. Sur les có-
tés de la tête, entre Poreille et œil, s'étendent des rangées
obliques d'écailles plus petites et à peu près quadrangu-
laires. Des rangées longitudinales d'écailles hexagonales
allongées s'étendent en dessous des branches de la má-
choire inférieure; le centre du gosier est occupé par des
files d’écailles beaucoup plus petites. Toutes ces rangées
font immédiatement suite à celles de la gorge et du des-
sous du cou, où les écailles sont imbriquées d'avant en
arrière, et pourvues à leur sommet d'une bordure de gra-
nulations.
Le dos, les flanes et le ventre sont couverts d'un trés-
grand nombre de petites écailles également carénées, for-
mant des rangées transversales plus nombreuses sur le
dos que sur le ventre, où, par suite, les écailles sont plus
grandes et plus allongées. Sur le dos, j'ai compté 128 ran-
gées d'écailles, et seulement 99 sur le ventre.
Des rangées d'écailles semblables se voient sur les mem-
bres etsur la queue. Celles des doigts ne sont pas carénées.
27" SÉRIE, TOME XXIX. >
( 126 )
Au dessus de la queue, non pas dès la base, mais à
partir de la 45° rangée transversale environ , les carènes
de la ligne médiane, au nombre de deux pour chaque
rangée, se relèvent un peu, pour former une crête longi-
tudinale double, qui se prolonge jusqu’à l'extrémité, sans
cesser d’être assez basse. Cette double crête est légèrement
dentelée, chaque carène présentant en arrière un angle
saillant.
Les pattes sont assez robustes; leurs doigts sont gréles,
comprimés, et pourvus d'ongles forts, crochus, presque
tranchants en dessous.
Les doigts sont de longueur assez inégale. Le quatriéme
doigt est le plus long; mais, aux membres antéricurs, le
troisième n'est pas de beaucoup plus court. Aux membres
postérieurs, la longueur des doigts va en croissant à peu
près régulièrement du pouce au 4° doigt; le cinquième
n’atteint pas tout à fait la longueur du deuxième.
La coloration, comme chez la plupart des espèces du
genre Varan, est noire, avec des dessins fort mal limités
formés par un certain nombre d'écailles d’un jaune verdátre,
tantôt groupées, tantôt éparses au milieu des écailles noires.
Le dessus de la tête est noir, avec deux bandes transver-
sales jaunátres, l’une en avant des narines, l’autre un peu
en avant des yeux. Le dessous de la tête est jaunátre, avec
l'extrémité de la mâchoire inférieure et deux bandes trans-
versales noires. Un jaune verdátre constitue encore tout
le fond de la gorge, avec des taches noires, généralement
transversales en dessous et longitudinales sur les côtés.
De cette région partent, embrassant la partie supérieure
du cou, quatre bandes en forme de chevrons à pointe
tournée en arrière; ces bandes, très-mal limitées, sont
(127)
dues à la présence, au milieu des écailles noires, d'un cer-
tain nombre d'écailles de couleur claire. Retournant en
dessous, on alias e abord, me le fond redevenu noir, une
ande t geant un peu sur l'épaule,
puis une seconde bande pectorale occupant l'intervalle des
pattes de devant, en dessous desquelles elle se prolonge
aussi; enfin le ventre est ceint de onze bandes transver-
sales de la même teinte verdátre, que je comparerais volon-
tiers à des sangles, parce qu’elles s’atténuent en se rétré-
cissant sur le dos, au point de n’y être plus indiquées que
par le groupement du petit nombre d'écailles verdátres
éparses de cette région. Vers anus, les écailles d’un jaune
verdátre sont groupées assez confusément sans former de
bandes. La queue continue le même système de coloration
par bandes ou sangles jaune-verdátre; mais ces bandes sont
si confuses et si peu marquées en quelques endroits que les
compter me paraît chose impossible. Le dessin des mem-
bres est encore analogue, avec cette différence que les deux
couleurs y tranchent mieux l’une sur l’autre; ce sont des
demi-anneaux jaune-verdátre sur la partie extérieure des
membres de devant, continués á la face interne par des
taches arrondies assez grandes. Aux membres postérieurs,
les anneaux clairs se réduisent à de plus petites taches
assez espacées,
Dimensions. — Longueur totale : 1 mètre 12 centimètres.
Longueur de la tête : 8 centimètres; longueur du cou : 1
centimètres; longueur de la queue : 67 centimètres.
Longueur du membre antérieur jusqu’au bout de Pongle
du 4° doigt : 17 centimètres; longueur du membre posté-
rieur jusqu’au bout de l’ongle du 4° doigt : 19 !/a centi-
métres; longueur du 4* doigt antérieur : 5 centimétres;
(128 )
longueur du 4° doigt postérieur : 8 centimètres. Largeur _
de la tête entre les bords des orbites: 3 centimètres. Inter-
valle des narines : 14 millimètres. Circonférence du cou:
15 '/2 centimètres; circonférence du tronc, à sa plus grande
épaisseur : 25 !/, centimètres; circonférence de la queue,
à la naissance de la crête : 9 centimètres.
PATRIE : L'exemplaire unique de cette espèce de Varan
faisait partie d’une petite collection d'animaux recueillis
sur la côte de Guinée et dont Sa Majesté Léopold I fit don
au Musée de Bruxelles en 1836. Il était resté jusqu'ici in-
déterminé, et figurait dans les inventaires sous le nom de
Lézard de la côte de Guinée.
REMARQUES : Par ses narines terminales et ses doigts
allongés, cette espèce ne peut être rapportée qu'au genre
Hydrosaurus Wagler, tel que le comprend M. J.-E. Gray (1).
Adoptant la manière de voir du savant professeur du Mu-
séum de Paris, je ne puis me décider à accorder à cetté
coupe une valeur générique, et ne saurais y voir qu'un
sous-genre. Des cinq espèces que M. Gray y rapporte,
- deux ont les écailles sus-orbitaires traversées longitudina-
lement par une série d'écailles plus grandes que les autres :
'Hydrosaurus Salvator Laurenti (Varanus bivittatus de
Duméril et Bibron), des Indes orientales, et l'Hydrosaurus
prasinus Sal. Muller et Schlegel, de la Nouvelle-Guinée ;
les trois autres ont, comme notre nouvelle espèce, la région
sus-orbitaire couverte d'une quantité d'écailles toutes éga-
lement petites. La plus anciennement connue (Hydrosaurus
varius Shaw) a de grands traits de ressemblance avec l'es-
a céttèntt
(1) Catal. of the spec. of Liz., p. 12.
( 129 )
pèce que je décris; ainsi la tête et les narines doivent être
tout à fait semblables; de plus, la petitesse des écailles
dorsales est également remarquable dans les deux espèces,
et je n'ai pas trouvé autour de ces écailles dorsales de
petites granulations (1); mais la coloration est très-diffé-
rente (2). Le Varan de Bell (Hydrosaurus Bellii Duméril
et Bibron) est aussi très-différent par la coloration (5),
ainsi que le Varan géant (Hydrosaurus giganteus Gray) (4).
De plus, ces trois espèces sont exclusivement austra-
liennes (5), et cet habitat si différent de celui du Varanus
mustelinus est encore une preuve que ce dernier constitue
bien une espèce nouvelle.
Quoique les caractères des narines et des doigts eussent
dù suffire pour me dispenser de pousser plus loin mes
comparaisons, j'ai cependant cherché si je ne pouvais iden-
tifier mon Varanus mustelinus à aucune espèce des autres
divisions du genre et je n’ai pu y parvenir. J'ai trouvé seu-
lement quelque analogie, sous le rapport de la coloration,
entre Pexemplaire que j'ai sous les yeux et la figure que
Daudin donne de son Tupinambis orné (6); mais les for-
mes de celui-ci sont plus trapues, et, quoique la figure,
(1) Duméril et Bibron (Erp. Gén. t. HI, p. 493) contestent ce caractère
de Pabsence de dea autour des écailles dorsales, attribué par
Wagler au Varan v
(2) Voir jii et ben (loc. eit).
(3) Dumér. et Bibr. an p. 495; Se XXXV, fig. 1.
(4) Voir la figure donnée par M. J.-E. Gray (The Lizards of Australia
and New Zealand in the Std of the British Museum,1867, tab. IV).
(5) La patrie du Varan de Bell, restée inconnue à Duméril et Bibron,
est positivement l'Australie (Gray, Liz. of Austr. and New Zealand, p. 5).
(6) Annales du Muséum d'Hist. natur., t. 11, p. 240, pl. XLVIIL
( 130 )
pas plus que la description, ne dise rien de la situation
des narines, la tête en pyramide quadrangulaire courte est
bien celle du Varanus (Monitor) niloticus , qui est l'espèce
africaine à laquelle Duméril et Bibron (1) et M. Gray (2)
rapportent le Tupinambis orné de Daudin.
M. Dewalque communique à la classe une lettre de
M. le baron de Ryckholt, qui Pinforme de la découverte
à Woncq, village du Limbourg, sur le Geer, d'un dépôt
d'argile minéralogiquement et paléontologiquement iden-
tique à Pargile rupélienne de Boom. Les fossiles sont en-
croútés de pyrite, et présentent extérieurement le méme
aspect que ceux de Boor.
(1) Erpét. gén, t. HE, p. 476.
(2) Catal. of the spec. of Lizards, p. 11.
(131)
CLASSE DES LETTRES.
Séance du 7 février 1870.
M. E. Defacqz, directeur.
M. Ap. Querecer, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. Ch. Steur, J. Grandgagnage, J. Rou-
lez, P. Gachard, Ad. Borgnet, P. De Decker, F.-A. Snel-
laert, J.-J. Haus, M.-N.-J. Leclercq, M.-L. Polain,
Ch. Faider, le baron Kervyn de Lettenhove, R. Chalon,
Ad. Mathieu, Th. Juste, le général Guillaume, Félix
Nève, Alph. Wauters, H. Conscience, membres ; Nolet de
Brauwere Van Steeland et Auguste Scheler, associés.
M. L. Alvin, membre de la classe des beaux-arts, el
M. Ed. Mailly, correspondant de la classe des sciences,
assistent à la séance.
CORRESPONDANCE.
pu
M. le Ministre de l’intérieur offre un exemplaire de Pou-
vrage imprimé suivant : Nos premiers siècles littéraires,
par M. Ch. Potvin, 2 vol. in-8. — Remerciments.
— M. À. Scheler présente un exemplaire de son travail :
Jacques de Baisieux, trouvère belge. — Poëmes inédits. —
Remerciments.
(132)
CONCOURS DE 1870.
Cinq questions avaient été inscrites au programme de
concours de cette année. Quatre mémoires sont parvenus,
avant le 4°" février, terme fatal de ce concours.
Le premier portant pour devise: Ad retinendam co-
ronam ! est envoyé en réponse à la première question :
Rechercher les causes qui amenèrent, pendant le xn° el
le xın® siècle, l'établissement des colonies belges en Hongrie
et en Transylvanie. Exposer Vorganisation de ces colonies
et l'influence qu’elles ont exercée sur les institutions poli-
tiques et civiles, ainsi que sur les mœurs et sur les usages
des pays où elles furent fondées. |
Les commissaires sont : MM. Thonissen, le baron Ker-
vyn de Lettenhove et Borgnet.
Les trois autres mémoires concernent la troisième ques-
tion, demandant un Essai sur la vie de Septime Sévere.
Ils portent pour devise :
Le premier : Rapide conquérant, il égala César par ses
victoires, mais il n’imila pas sa clémence. (BossuET-)
Le deuxiéme, la méme devise : E
Et le troisième : Peu d'empereurs ont montré une indi-
vidualité plus forte et laissé, dans l’histoire de Rome, une
trace plus profonde. (Am. THIERRY.)
Les commissaires sont : MM. Roulez, Félix Nève el
Haus.
(135)
ÉLECTIONS. -
Conformément à l’article 12 de son règlement intérieur,
la classe procède, par scrutin secret, à l'élection du comité
de trois membres chargé, de concert avec le bureau, de
présenter, dans la séance du mois de mars, la liste des
candidats aux places vacantes.
ee
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
L'empereur Joseph II et Varchiduchesse Christine Au-
triche, par M. Th. Juste, membre de l’Académie.
Le prince de Ligne raconte , dans ses Mémoires, qu'un
Jour, étant de service chez l’empereur Joseph IT, en qua-
lité d'adjudant général, il refusa d'annoncer un prêtre
italien dont la mine singulière, scélérate, sinon égarée,
lui avait paru suspecte. « C'était, ajoute-t-il, dans le
temps que, comme un enfant, l'empereur touchait à tout,
et qu'un capucin vint me dire qu'il arrivait pour prier
Sa Majesté de permettre au couvent de chanter du nez
comme à l'ordinaire : il avait défendu à ces révérends pères
„de psalmodier à leur façon. » Cette anecdote fait seule-
ment ressortir le côté imparfait du caractère de Joseph II :
impatient réformateur avait le tort de toucher, sans tact
( 134 )
et sans mesure , à des choses trop minimes. Il est vrai que
les républicains de l'Amérique du Nord n'avaient pas en-
core introduit dans le monde le salutaire principe de la
séparation de l'Église et de l’État.
Quoi qu’il en soit, gardons-nous de ne voir en lempe-
reur Joseph qu’un despote tracassier. Il avait une vive
intelligence , un noble cœur, une ardente passion pour le
bien de ses peuples. Il devança , dans quelques-unes de ses
innovations, l'assemblée constituante de France; et bien
qu’on puisse lui reprocher de n’avoir point contracté une
- féconde alliance avec la liberté, il fut, sous plusieurs rap-
ports, un des créateurs de la société moderne.
Les préventions et les préjugés, qui avaient pendant
longtemps obscurci la renommée de Joseph IF, se dissi-
pent aujourd’hui; et sa mémoire est bénie dans le réveil
inattendu, inespéré, de l'Autriche.
En livrant au public les secrets des archives impériales ,
en mettant à sa disposition les correspondances de Marie-
Thérèse et de sa famille, le gouvernement de Vienne à
contribué notablement à cette réaction qui se déclare pour
Joseph 11. Les importants recueils que nous devons au
zèle infatigable de M. d'Arneth ont fourni des notions plus
abondantes sur les projets, les vues et les tendances du
successeur de Marie-Thérèse. Mais déjà un autre publi-
ciste avait pris l'initiative de ces précieuses révélations :
je veux parler de M. Adam Wolf. Pour composer l'ouvrage
dans lequel il a retracé la vie de Parchiduchesse Chris-
tine (1), M. Wolf a eu à sa disposition deux mille cinq cents
pièces inédites et en outre cinq volumes in-folio , qui for-
(1) Marie-Christine, erzherzogin von Oesterreich, 2 vol. in-8°.
EEE ET ee
Berk O NOR LA Rd dn E,
( 135 ) ;
ment les Mémoires également inédits du duc Albert de
Saxe-Teschen.
Parmi les lettres qui sont insérées intégralement dans
l'ouvrage de M. Wolf plusieurs émanent de Joseph H et le
font mieux connaître. Jusqu’à nos jours il était accusé
d’avoir pris l'initiative de la violation de la Joyeuse-Entrée
de Brabant, du coup d'État qui détermina et légitima le
soulèvement des Brabancons en 1789. Joseph II était sans
doute très-jaloux de son autorité, mais (sa correspon-
dance intime l’atteste) il lui répugnait de violer les ser-
ments prêtés en son nom et de recourir à une dictature
illégale. 11 déplora le premier, comme nous le dirons, les
fausses mesures qui lui avaient été suggérées par des mi-
pistres imprévoyants. :
Considérée en elle-même, la biographie de l’archidu-
chesse Christine est pleine d'intérêt. Elle nous conduit à
la cour de l'impératrice Marie-Thérèse, pendant la plus
belle époque de son règne; elle nous transporte à Pres-
bourg et à Ofen, parmi les Hongrois dont Marie-Christine
s'était concilié Paffection; elle nous fait également con-
naître sous tous ses aspects la cour de Bruxelles; elle nous
rapproche, enfin, de la reine Marie-Antoinette, des em-
pereurs Joseph H et Léopold I, et d'autres princes encore
qui avaient avec l'archiduchesse des rapports de parenté
ou d'amitié.
Marie-Christine d'Autriche, quatrième enfant de lim-
pératrice Marie-Thérèse et de l’empereur François de Lor-
raine, était née à Vienne le 43 mai 1742. Elle avait atteint
sa dix-huitième année en 1760 lorsque vinrent à la cour
de Schœnbrunn les princes Albert et Clément, issus du
mariage de Frédéric IH, électeur de Saxe et roi de Polo-
(436 )
gne, avec Marie-Joséphe, fille de l’empereur Joseph Í”.
Tous deux servaient dans l’armée autrichienne, où Albert
avait le grade de lieutenant feld-maréchal. Quant à Clé-
ment, sa faible constitution devait l’obliger bientôt de
renoncer à la carrière des armes : il prit les ordres et de-
vint, en 1763, évêque de Freisingen et de Ratisbonne; en
1764, coadjuteur d’Augsbourg, et, en 1768, archevèque
et électeur de Trèves. A cette époque, Albert était déjà
Pheureux époux de Marie-Christine. Dès son apparition à
la cour impériale, il avait fait une vive impression sur le
cœur de la jeune archiduchesse. Il était bien de sa per-
sonne, bon militaire et très-instruit , parlant le français et
Pitalien, antiquaire, peintre, musicien.
Albert de Saxe et Marie-Christine d'Autriche furent
unis le 8 avril 1766, dans la chapelle de la cour, à Vienne,
par l’évêque de Freisingen. Christine reçut, à cette ocea-
sion, le duché de Teschen, qui était un fief de la cou-
ronne de Bohême, et elle prit, de même que son époux,
le nom et les armes de ce grand domaine.
La veille du mariage, Marie-Thérèse adressait à sa fille
des conseils dignes d'attention. C'était tout un plan de
conduite à Pusage d’une jeune femme, qui voulait conser-
ver toujours l'affection de l’homme qu’elle avait choisi. La
lettre, très-longue d’ailleurs, était écrite en francais par
l'impératrice elle-même (1).
(1) En voici un extrait :
v .… Plus vous laisserez de liberté à votre époux , en exigeant le moins
» de gêne et d'assiduité que vous pourrez, plus vous vous rendrez ai-
» mable : il vous cherchera et s'attachera à vous. Ce qui doit faire votre
» principale étude, c'est qu'il trouve toujours dans vous la même hu-
> meur, les mêmes complaisances, les mêmes prévenances. Táchez de
-
a OS o
AS ig ÿ ee ds
(137)
Albert de Saxe-Teschen et Marie-Christine résidèrent à
Presbourg, de 1761 à 1775. En 1776, ils firent un voyage
en Italie sous prétexte de visiter leur frère Léopold, grand-
duc de Toscane, que Christine n’avait plus vu depuis dix
ans. L'antagonisme de l'Autriche et de la Prusse, à propos
de la succession de Baviére, rappela ensuite le duc Albert
à l’armée où il demeura jusqu’à la paix conclue à Teschen. .
Charles de Lorraine, gouverneur et capitaine général
des Pays-Bas autrichiens depuis 1740, étant mort au chá-
teau de Tervueren, le 4 juillet 1780, Marie-Thérèse, par
des lettres patentes du 20 aoút, conféra le gouvernement
-Vacant à sa fille Marie-Christine et au duc Albert de Saxe-
Teschen. Mais ils n'avaient pas encore pris possession de
leurs nouvelles fonctions lorsque l’illustre impératrice des-
cendit elle-méme dans la tombe, le 29 novembre 1780,
après un règne de quarante années.
Joseph 11 était de sa nature très-économe, parcimonieux
méme. Or Christine, qui avait besoin d'argent, se plai-
gnait beaucoup de la lésinerie de l’empereur et fut même
sur le point de résigner le gouvernement des Pays - Bas.
Mais elle renonca á ce dessein lorsque le grand-duc de
Toscane lui eut avancé 200,000 florins.
E o eme
3
Pamuser, de l’occuper, pour qu'il ne se trouve pas mieux ailleurs. Pour
vous attirer sa confiance , vous devez avoir soin de la mériter par toute
votre conduite et discrétion. Que jamais aucun soupçon n'entre dans
votre cœur : plus vous laisserez de liberté à votre époux, et lui mar-
querez sur ce sujet vos sentiments et votre confiance, plus vous vous
Pattacherez.... Tous les mariages seraient heureux si Pon suivait cette
» marche, … Les plus laides et les plus vieilles femmes ont souvent
occasionné les plus fortes passions par leur complaisance et adresse
d'amuser et d'attirer les gens, tandis que les femmes les plus jolies sont
» négligées, parce qu’elles manquent de ces qualités... »
( 138 )
Enfin, le 3 juin 1781, les nouveaux gouverneurs-géné-
raux des Pays-Bas partirent de Vienne et, le 10 juillet
suivant, firent leur entrée à Bruxelles.
De 1781 à 1786, ils menèrent en Belgique une exis-
tence heureuse, plus occupés d'embellir leur nouveau
- domaine de Laeken que d'étudier l'antique constitution du
Brabant. Au printemps de 1786, ils allaient quitter Vienne,
où ils s'étaient rendus pour visiter leurs proches, quand
Joseph II les entretint pour la première fois des projets de
réformes , qu’il avait conçus au sujet des Belges. Les gou-
verneurs généraux devaient être les exécuteurs passifs de
ses desseins : ce fut une grande faute dont l’empereur Sé
repentit un jour. Christine et Albert, en revenant de la
cour de Versailles au mois de septembre, se retrouvèrent
au milieu d’un peuple qui, soumis au clergé, prenait hau-
tement sa défense contre le réformateur.
Joseph II, intrépide et persévérant parce qu'il était de
bonne foi, ne se laissa point arrêter par les clameurs popu-
laires. Il continua son œuvre en déerétant, du 4° janvier
au 12 mars 1787, la réorganisation de l'administration
générale et des tribunaux. L'exaspération des anciens pri-
vilégiés fut alors au comble. Les états de presque toutes
les provinces refusèrent leur consentement à la levée des
impôts; le peuple s'agitait; des corps de volontaires St
formèrent. Une lutte paraissait imminente, lorsque les
gouverneurs généraux, effrayés, suspendirent, le 28 mai,
la. réorganisation politique et judiciaire. Joseph II, irrité
à son tour, les mande à Vienne; il enjoint en même temps
aux états de lui envoyer des députés. Il refuse de ratifier
les concessions faites par les gouverneurs généraux avant
que toutes choses aient été remises en létat où elles
étaient le premier avril 1787.
EN deren nf o MR SP NN
i des
( 139 )
Les états se soumirent, et les gouverneurs généraux
revinrent à Bruxelles le 29 janvier 1788. Mais Joseph Ii
les avait, selon ses expressions, débarrassés du fardeau des
affaires, car toute l'autorité avait été remise entre les mains
du comte Richard d'Alton, commandant des troupes, et du
nouveau ministre plénipotentiaire, le comte Ferdinand de
Trauttmansdorff-Weinsberg. L'archiduchesse jugeait mal
la situation alors que, dans une lettre intime à Pempereur,
elle se réjouissait de l'octroi des subsides ordinaires par
les deux premiers ordres des états de Brabant. Joseph H,
qui guerroyait contre les Tures, répondit de Semlin, le
15 juin 1788 : €. „Je viens de recevoir votre chère lettre
» du 27 mai, où vous m’annoncez le pompeux accord de
» la continuation des impôts par les deux premiers mem-
» bres du Brabant. Il faut être bien bas, et les ressorts doi-
» vent être bien détraqués pour qu’on ait à s'étonner, à
se réjouir d’une chose aussi simple, aussi juste, aussi
nécessaire. Enfin, on n’est pas pour cela dupe quand
on a la complaisance de le paraître, et je vous sais un
gré infini, ma chère sœur, et au prince d’avoir contribué,
avec autant d'intelligence que de zèle, à faire entendre
à ces aussi mauvaises que pauvres tétes raison sur les
choses du monde les plus simples... »
Y
VU "Y vv y" u
Si Joseph IT avait donné plus d'autorité à sa sœur et
à son beau-frère, peut-être ceux-ci auraient-ils su pré-
venir une rupture complète. Mais il avait placé toute sa
Confiance en Trauttmansdorff et en d'Alton. Mal inspiré,
mal compris, mal obéi, il fut considéré à tort comme le
véritable auteur du coup d’État qui eut de si tristes con-
séquences. Le 18 juin 1789, les états de Brabant furent
dissous par la force, et la Constitution (Joyeuse-Entrée)
(140 )
supprimée (1). C'était donner le signal d'un soulèvement
général.
Les troupes autrichiennes n'ayant pu comprimer Pin-
surrection , les gouverneurs généraux quittèrent Bruxelles
le 18 novembre, à quatre heures du matin. Mais Chris-
tine n'avait cédé qu'aux instances, aux obsessions du comte
de Trauttmansdorff. C'est ce qui résulte d'une lettre qu'elle
adressa de Coblence, le 25 novembre, à son frère, le grand-
duc de Toscane. Elle lui explique qu’elle n’a pas pris la
fuite, comme on l’a prétendu, mais qu’elle a dû se sou-
mettre aux injonctions qui lui étaient faites par le ministre
au nom de l’empereur. Elle lui annonce ensuite que, à
partir du 5 décembre, elle ira s'établir à Bonn, où son
frère, l'électeur de Cologne, avait mis à sa disposition la
maison dite de Poppelsdorf.
Ce fut là qu’elle reçut une lettre extrêmement remar-
quable de l’empereur Joseph IT. Dans cette lettre, que les
historiens de la révolution brabançonne ont ignorée (2),
Joseph déplorait amèrement le soulèvement des Pays-Bas
et rejetait sur d’autres la responsabilité des fautes qui
avaient été commises. Il faut lire cette justification datée
du 28 décembre 1789 (5).
ere
mm
(1) Dans ses Fragments pour servir à l'histoire, etc., Len
écrivait : « Le général commandant me fit faire compliment, et me fit
que le 18 juin était un jour heureux pour la maison d’ Autriche, an
c'était celui où la bataille de Collin avait sauvé la monarchie, et où l'em-
pereur devenait maître absolu des Pays-Bas. »
(2) Cf. Histoire des Belges à la fin du XVIII" siècle, par A. Borgnet,
2e édit., t. Ier, pp. 97 et suiv., et notre Histoire de la révolution belge
de 1790, 1. Ier, pp. 161 et s
(5) De même que Ma NS: Joseph II et les autres membres de
la famille impériale correspondaient en francais
e
vv serres sr u vw
Nu Y Y
(141)
«.... Que puis-je vous dire des malheureuses circon-
stances dans lesquelles se trouvent les Pays-Bas! Elles
m'anéantissent et avec l’état souffrant dans lequel je
me trouve, faute de respiration, où je ne peux ni bou-
ger ni être couché, mais dois être assis toute la nuit, je
vous laisse juger de mes peines. Je crois pour le présent
le mal sans reméde et il faudra attendre des événements
et des occasions pour d'une facon ou de Pautre recon-
quérir ce pays, toutes les voies de conciliation étant
rompues, toutes les facilités que j'y apportais inutiles,
l'indépendance absolue déclarée et soutenue par les trois
puissances alliées (1). Avec cela, l'intérêt des mauvais
sujets qui ont le dessus, entièrement intéressés à empé-
cher les membres plus sensés des états à se rassembler
et à prendre le dessus, rendent impossible toute espèce
de pourparler pour parvenir à un accommodement. Tout
ce qui s’est écrit et tout ce qui s’est passé pour amener les
choses à ce point sera à jamais incroyable, et si je ne pen-
sais qu’à moi, je publierais cette correspondance avec mes
réponses, desquelles on n’a rien exécuté et où on verrait
par quelles assurances j'ai été conduit à lâcher Pédit de
la cassation des états et du conseil de Brabant, dont de
Bruxelles on a envoyé la minute ici, comme on la vou-
lait. Malade à Laxenbourg, la: promesse que cela termi-
nerait tous les embarras m'y détermina; mais j'ordon-
nais expressément en méme temps de restituer dés le
lendemain les états et le conseil, avec les changements
qu’on y aurait trouvé nécessaires à faire el de rendre la
Joyeuse-Entrée. Rien ne s'est fait, quoique je Paie or-
(1) L'Angleterre, la République des Provinces-Unies et la Prusse.
2e SÉRIE, TOME XXIX. * 10
v vy v Vv
( 142 )
donné itérativement. De tous les autres excès on n'a ni
demandé mon consentement, que certainement on n'au-
rait pas eu; mais on ne m'en a pas même fait rapport :
voilà à quoi en sont les choses... »
Le mal de poitrine, dont souffrait Joseph H, fit des
progrés alarmants. Dans la prévision de sa fin prochaine,
il manda à Vienne l'héritier présomptif de ses couronnes,
son frére Léopold, grand-duc de Toscane. Alors Christine
recut une autre lettre également digne d'attention. Elle
avait été écrite par le grand-duc le 17 février 1790:
v y y YV YV y Y V yY yY
W v wv v Y y y y y
« .... Je pars après demain, disait-il, et me soumets à la
volonté divine et à sa providence. Répondez-moi à
Vienne, mais ostensiblement, et ne m'y envoyez pas mon
courrier, hors le cas que S. M. vienne à manquer. Pour
ce cas, je profite de cette occasion pour vous prévenir
que si jamais S. M. venait à manquer, vous fassiez d'a-
bord publier et envoyer aux états des Pays-Bas le mé-
moire ci-joint qui contient mes intentions à leur égard,
en les assurant de toute ma bonne foi et sincérité à leur
tenir parole, et táchant de les disposer á se rapprocher
de moi, ce que raisonnablement ils ne pourront pas me
refuser sur ce mémoire. En méme temps suspendez le
nouveau conseil ou Junte créé par le comte de Cobentzl
et supprimez-le, renvoyez Cobentzl à Vienne, et traitez,
vous, directement avec les états, en faisant mettre aux
arrêts le général d'Alton à Luxembourg, s'il ne Pest pas
déjà. Je me flatte qu'avec toutes ces démonstrations,
surtout si vous agissez directement de bonne facon el
bonne foi avec les états, on pourra ramener ce pays, Cé
qui est de la plus grande importance pour le bien-étre el
l'existence de la monarchie, et pour cela on peut bien
( 145 )
même leur accorder la garantie de quelconque puissance
pour leur Constitution , aucune garantie ne pouvant être
dangereuse, lorsque de bonne foi on a intention jde la
leur tenir comme il convient. Mais ce que je vous prie,
c’est que si S. M. venait à manquer, vous vous serviez de
cette lettre de ma part comme si c'était un ordre venu
exprés alors; mais tant que S. M. vit, vous ne fassiez voir
cette lettre ni le mémoire y joint à áme quí vive, pour
ne pas me compromettre , quelque bon effet même qu'ils
pourraient faire dans le public... »
vers wv
Joseph JI mourut le 20 février, el Parchiduchesse s'em-
pressa de faire usage de la lettre qu'elle tenait du nouveau
Souverain, Tandis que la restauration de Léopold IT se pré-
parait dans les Pays-Bas, ce prince était élu empereur
d'Allemagne à Francfort. Christine et Albert assistèrent à
son couronnement. Dans l’entrevue, qu'ils eurent, à As-
schaflenbourg, avec Léopold IF, Christine, privée d'enfants,
manifesta l'intention d'adopter l’archiduc Charles, troi-
sième fils de l’empereur. Ce jeune prince, qui devait être
plus tard un des plus illustres défenseurs de l'Autriche,
avait alors dix-neuf ans. L'empereur accueillit la demande
de sa sœur, et voulut de plus que Varchiduc accompagnát
Sa tante dans les Pays-Bas comme futur gouverneur.
Le 15 juillet 1791, Albert et Christine firent leur ren-
trée à Bruxelles. Le 30, l’empereur Léopold écrivait à sa
sœur :
€... J'ai vu avec satisfaction que les inaugurations se
» sont faites heureusement et convenablement, et que
» tont, quant au gros et à l'essentiel, prend un bon pli
» et Sachemine au bien et à la tranquillité. Les états de
» Brabant et d'Hainaut auront besoin encore quelque
y e A DRE os ow y
(144)
temps qu'on y ait Peeil ainsi que les ci-devant membres,
non moins que les chefs du parti démocratique francais,
dont il faudra tácher d'étouffer tout principe dans les
commencements, protégeant plutôt le clergé en toutes
les occasions contre eux. Le grand nombre des Français,
surtout sans aveu, qui sont chez vous, méritent aussi
la plus grande attention ainsi que les émissaires qu'on
pourrait découvrir de la propagande chez vous... »
Citons également une lettre, qui témoignait des senti-
ments affectueux voués à l'archiduchesse par sa sœur, l'in-
fortunée Marie-Antoinette. Cette lettre, datée du 29 mai
1791, racontait les souffrances de la famille royale de
France depuis le retour de Varennes. « Pardon, chère
sœur, disait Marie-Antoinette, de vous entretenir de cho-
ses aussi tristes pendant que mon cœur ne devrait être
ému que de tendresse et de reconnaissance des marques
de votre amitié. Notre santé se soutient bonne encore;
on dit que la semaine prochaine on nous laissera faire
des courses de quelques jours à Saint-Cloud en reve-
nant souvent ici. Cela est bien nécessaire; au moins
pourrons-nous respirer un air plus pur et plus frais et
pourrons-nous nous promener un peu. Il y aura au moins
du calme pour les yeux et pour les oreilles, car ici Ce
sont tous les jours des scènes nouvelles d'horreurs qui
se passent sous nos yeux.... »
L'archiduchesse était à coup sûr moins égoïste que son
frère Maximilien d'Autriche, électeur de Cologne. La gou-
vernante générale des Pays-Bas s'étant informée près de
lui du triste sort de la reine de France, il répondit : l'État
n'a pas de sœur.
Quelques mois s'écoulent, et Léopold I, à peine àgé de
(145 )
quarante-cinq ans, est enlevé à Vienne par un mal sou-
dain (1° mars 1799). La douleur de Christine fut profonde,
car elle avait voué une sincère affection à son frère Léo-
pold. Des pressentiments sinistres l’agitaient. EL, en effet,
le règne du jeune Francois Il allait s’ouvrir sous de tristes
auspices. Bientôt la guerre éclate entre la France et PAu-
triche : le 6 novembre, les Impériaux, commandés par le
duc de Saxe-Teschen, sont battus à Jemmapes, et, le 9,
Christine est de nouveau obligée de quitter Bruxelles,
qu'elle ne reverra plus.
Elle se retire d’abord à Munster, puis à Vienne. Elle
passe l’année suivante à Dresde. En 1794, pendant que
son mari commande en chef sur le Rhin, elle est à Hei-
delberg. Elle revient enfin se fixer à Vienne. Sachant que
la guerre l'avait presque ruinée, François IE avait mis un
hôtel à sa disposition et lui payait une pension de 385,000
florins. En 1798, déjà atteinte du mal qui devait l'enlever,
elle fut transportée dans le palais du prince de Kaunilz, au
faubourg de Mariahilf, résidence charmante, d'où Pon
dominait un vaste et splendide horizon. Ce fut là que
Christine, archiduchesse d'Autriche, s'éteignit paisible-
ment le 24 juin.
Le lendemain on remit au due Albert une lettre cachetée
dont la suscription était : Pour mon adoré époux, à lui re-
mettre le lendemain de ma mort. Cette lettre touchante
prouvait que les sages conseils de Marie-Thérèse avaient
porté leurs fruits. « Hélas! disait Christine, si j'ai pu un
» moment vous déplaire ou vous offenser, pardonnez-le
» moi; mon cœur ni ma volonté sûrement n’y ont pas cu
» de part, car pas même en pensée j'ai cessé un moment
» de m'occuper de vous ; et Dieu et mon cher Albert se-
» ront mes dernières pensées et auront mes derniers
» VŒUX. »
( 146 )
Le duc de Saxe-Teschen, qui survécut à Marie-Chris-
tine jusqu'en 1822, voulut honorer la mémoire de cette
femme si dévouée. Il lui fit ériger par Canova, dans
l’église des Augustins, à Vienne, un mausolée destiné à
perpétuer sa reconnaissance et ses regrets.
Puisque nous avons commencé cette étude en citant
les Mémoires du prince de Ligne, répétons ce que cet ob-
servateur si fin pensait de Christine : « L'archiduchesse,
disait-il, est vive et pourtant ne revient pas aisément; elle
gâte par là de grandes qualités qu’elle tient de sa mère. »
Quant au duc de Saxe-Teschen, il le dépeignait en ces
termes : « Le duc est bon, a beaucoup de connaissances
militaires... (Mais) ses mémoires valent mieux que sa mé-
moire, qui, hors de là, est souvent en défaut. Au grand
air, à cheval, au milieu de beaucoup de monde, on dirait
que tout ce qu'il sait et voit à merveille dans son cabinet
disparaît... » C'est ainsi, selon le prince, qu'il perdit la
bataille de Jemmapes.
(147)
CLASSE DES BEAUX-ARTS.
Séance du 5 février 1870.
M. C.-A. Fraikin, directeur.
M. Ab. QUETELET, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. L. Alvin, N. De Keyser, F.-J. Fétis»
L. Gallait, G. Geefs, Madou, A. Van Hasselt, Joseph Geefs,
F. De Braekeleer, Ed. Fétis, Edmond De Busscher,
J. Portaels, Alphonse Balat, le chevalier Léon de Bur-
bure, Joseph Franck, Gustave De Man, Ad. Siret, J. Le-
clereq , membres.
M. Ed. Mailly, correspondant de la classe des sciences,
assiste à la séance.
CORRESPONDANCE.
M. L. Gallait, élu, dans la séance du 6 janvier dernier,
directeur de la classe pour 1871 , remercie ses confréres
du sympathique témoignage d'estime qu'ils lui ont donné
par cette élection.
—M. Joseph Keller exprime, par écrit, ses remerciments
au sujei de son élection Vassocié de la section de gravure.
( 148 )
— M. le Ministre de l’intérieur adresse, pour la biblio-
thèque de l'Académie, un exemplaire du Recueil d'orne-
ments et de sujets pour les armes de luxe, gravé et publié
par M. C. Claesen.
— L'Académie des beaux-arts de Saint-Ferdinand, à
Madrid, transmet ses dernières publications.
— La société sténographique du Tyrol offre le Compen-
dium de sténographie latine qu’elle vient de publier.
Remerciments pour ces différents dons.
ÉLECTIONS.
Conformément à la décision prise dans la dernière
séance , le bureau de la classe , auquel s'est adjoint, d'après
le règlement d’ordre intérieur, la section de peinture, s'est
réuni avant la séance pour dresser la liste des candidals
aux deux places de membre titulaire vacantes par le décès
de MM. Leys et Navez.
Le résultat des délibérations de cette réunion est ac-
cepté par la classe et la liste imprimée des candidatures
sera communiquée aux membres.
e
OS: EE OE en
(149 )
CAISSE CENTRALE DES ARTISTES BELGES.
La classe recoit connaissance que le Comité directeur de
la Caisse centrale des artistes belges s'est réuni avant la
séance, afin d'entendre la lecture du rapport rédigé par
M. Ed. Fétis, secrétaire, sur les opérations administratives
de 1869 et de l'exposé de la situation financière pour la
même année, dressé par M. L. Alvin, trésorier. Le comilé
a décidé, dans cette réunion, de continuer à la veuve d'un
des souscripteurs le subside de 100 franes, et a accepté,
comme membres effectifs, MM. Van Keirsbilck et Stob-
baerts. Ces dispositions sont ratifiées par la classe, qui,
après lecture des rapports, vote des remerciments à
MM. Fétis et Alvin pour la manière dont ils continuent à
gérer les intérêts de la caisse et décide l'impression de ces
documents dans l'Annuaire.
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
ee
M. Ed. Fétis donne lecture de la 7° partie de ses Étu-
des sur Part et ses tendances. L'impression de ce travail
est subordonnée à la présentation des parties suivantes.
( 150 )
OUVRAGES PRESENTES.
Juste (Th.). — Leven van Leopold 1, eerste koning der
Belgen; naar het fransch, aflev. 4. Gand, 1869 ; in-8°.
Snellaert (F.-A.). — Historische aanteekeningen van
G.-Ph.-F. Groshans. Amsterdam, 1869; analyse. Gand, 1870;
in-8°.
Scheler (Auguste). — Jacques de Baisieux , trouvère belge.
— Poëmes inédits. Bruxelles, 1870; in-8°. |
Morren (Édouurd). — Contagion de la panachure (varie-
gatio). Bruxelles, 1869; in-8°.
Conseils provinciaux de Belgique. — Procès-verbaux de la
session ordinaire de 1869, 9 vol. in-8° avec 2 annexes : rap-
ports des chambres de commerce de Liége et de Mons; 2 vol.
in-8°.
Inscriptions funéraires et monumentales de la province de
la Flandre orientale, publiées par un comité central, 58"* à
65% livr. Gand, 1868-1869; 5 cah. in-4°.
Gregoir (Edward). — Bijdragen tot de kennis der vlaamsche
toonkunstenaars : Adriaan Willaert. Levensschets. Anvers, 1869;
in-8°
Gregoir (Edward). — Schetsen van nederlandsche toon-
kunstenaars, meest allen weinig of tot hiertoe niet gekend.
Anvers, 1869; in-8°.
Gregoir (Edouard). — Réflexions sur la régénération de
l’ancienne école de musique flamande et sur le théâtre flamand.
Anvers ; in-8°.
D'Otreppe de Bouvette (Alb.). — Tablettes liégeoises, 100%
à 102° livr. Liége, 1869; 3 cah. in-12.
L'Abeille, revue pédagogique pour l'enseignement primaire;
(151)
publiée par Th. Braun, 15%* année, 44° à 12%: livr, Bruxelles,
1869; 3 cah. in-8°.
L'Illustration horticole, rédigée par Ch. Lemaire et publié
par Ambroise Verschaffelt, tome XVI, 10% à 12% livr. Gand,
1869; 3 cab. in-8°.
Commissions royales d'art et d'archéologie, à Bruxelles. —
Bulletin, 8%" année, n 11 et 12. Bruxelles, 1869; in-8°.
Potvin (Ch.). — Nos premiers siécles littéraires, tomes 1
et IL, Bruxelles, 1870; 2 vol. in-8°.
Claesen (Charles). — Recueil d'ornements et de sujets pour
être appliqués à Pornementation des armes. Liége; in-4.
Messager des sciences historiques , année 1869, 5™° el 4°
livr. Gand, 1869; in-8°.
Académie d'archéologie de Belgique, à Anvers. — Annales,
2"* série, tome V, 4° livr, Anvers, 1869; in-8°.
Ministère de l’intérieur. — Bulletin du conseil supérieur
d'agriculture, tome XXII. Bruxelles, 1870; 1 cah. in-#°.
Bossuet (F.). — Traité de perspective linéaire, 1% volume
avec atlas. Bruxelles; 4 vol. in-8° et 1 cah. in-4°.
Le Progrès national, 1" année, n°° 26 à 52. Bruxelles, 1869-
1870; 59 feuilles in-4°,
Académie royale de médecine de Belgique. — Bulletin, année
1869, 5"* série, tome IH, n% 10 à 12. Bruxelles, 1869; 5 cah.
in-8°,
La Belgique horticole, rédigée par Édouard Morren, janvier,
février et mars 1870. Liége; 1 cah. in-8°.
Nederduitsch letterkundig jaarboekje voor 1870, 57*™ jaarg-
Gand; in-12,
Bataafsch genootschap der proefondervinderlijke wijsbe-
geerte, te Rotterdam. — Gedachtenis viering van het honderd-
jarig bestaan, 1769-1869; feestrede door Dr K.-M. Giltay.
Rotterdam, 1869; in-4°.
Historisch genootschap, gevestigd te Utrecht. — Kronijk,
24** jaarg., 1868, Bie serie, 41 deel. — Werken, nicuwe serie,
n™ 8 en 12. Utrecht, 1869; 5 vol. in-8°,
~“
(152 )
Revue des cours scientifiques, VI" année, n° 1415. Paris,
1869-1870; 15 cah. in-4°.
Revue des cours littéraires, VII® année, n°s 14415. Paris,
1869-1870; 15 cah. in-8°.
Institut historique de France, à Paris. — L'Investigateur,
36”* année, 420"" et 421%: livr. Paris, 1869; in-8°.
Société philomatique de Paris. — Bulletin, tome VL, avril-
aoút 1869. Paris, 1869; in-8°.
Matériaux pour l’histoire primitive et naturelle, 5”° année,
n® 11 et 19, 6”* année, n° 1. Paris, 1869-1870; 2 cah. in-8°.
Comité flamand de France, à Lille. — Bulletin, tome V,
n° 4. Lille, 1870; in-8°.
Société des sciences physiques et naturelles de Bordeaux.—
Extrait des procès-verbaux des séances, tome VII, a. Bor-
deaux, 1870; 1 cah. in-8°.
Société impériale d'agriculture de Valenciennes. — Revue
agricole, tome XXIII, 21”* année, 12° livr., titre et table. Va-
lenciennes , 1869; in-8°.
Société des antiquaires de Picardie, à Amiens. — Bulletin,
année 1869, n° 5. Amiens, 1869; in-8°.
Institut national génevois. — Mémoires, tome XI, 1867-
1868. Genève, 1869; in-4°. — Bulletin, n° 52, 35 et 34. Ge-
néve, 1869; 5 cah. in-8°.
Sécretan (Edouard). — Les origines de la confédération
suisse, histoire et légende, par Albert Rilliet. Le Grūti et
Guillaume Tell, par H.-L. Bordier. Lausanne, 1868; in-8°.
Sécretan (Edouard). — Du passage des Alpes par Annibal.
Lausanne, 1869; in-8°.
Société d'histoire de la Suisse romande, à Lausanne. —
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Konigliche preussische Akademie der Wissenschaften z"
Berlin. — Monatsbericht, November und December 186%.
Berlin, 1870; 2 cah. in-8°.
Justus Perthes "geographischer Anstalt zu Gotha. — Mit-
A A A OO
pi
A EEEE PA A RET ESSAAT NES
( 453
theilungen über wichtige neue Erforschungen auf dem ge-
sammtgebiete der Geographie von Dr. A. Petermann, 1870,
l und 2. Gotha; 2 cah. in-4°.
Kaiserliche Akademie der Wissenschaften in Wien. — Sit-
zung der Math.-Naturw. Classe, Jahrg. 1870, n% 1,2, 5, 4.
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Heidelberger Jahrbucher der Literatur, unter Mitwirkung
der vier Facultäten , LXII“ Jahrg., 10.-11. Hefte , October-No-
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Senckenbergische naturforschender Gesellschaft zu Frank-
furt a/M. — Abhandlungen , VII. Bandes, 1° und 2" Hefte.
Francfort S./M., 4869; in-4°. — Bericht, von Juni 1868 bis
Juni 1869. Francfort S./M., 1869; in-8°.
Von Littrow (Carl). — Ueber das Zuruckbleiden der alten
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K. K. Geologische Reichsanstalt zu Wien. — Jahrbuch,
Jahrg. 1869, XIX. Band, n° 4. — Verhandlungen, 1869,
n” 14-18. Vienne; 2 cah. gr. in-8°.
K. K. Universität zu Wien. — Ubersicht der akademischen
Behörden für das Studien-Jahr 1869-1870. Vienne, 1869;
in-4°,
Astronomische Gesellschaft zu Leipzig. — Vierteljahres-
chrift, IV. Jahrg., 4'* Heft. — Tafeln zur Reduction von Fix-
stern-Beobachtungen für 1726-1750, 2'* Supplem. (Jabrg. IV).
Leipzig, 1869; 2 cah. in-8°.
Königliche Gesellschaft der W issenschaften zu Göllingen.
— Abhandlungen, XIV"! Band. — Göttingische gelehrte An-
zeigen, 1869. — Nachrichten, 1869. Gottingue, 1869; 4 vol.
in-4° et 5 vol. in-12,
(454 )
Künigl. Sternwarte zu Göttingen. — Astronomische Mitthei-
lungen, Aster Theil. Gottingue, 1869; in-#°.
Philomathie in Neisse. — Sechszehnter Bericht, von August
1866 bis zum August 1869. Neisse, 1869; in-8°.
Archiv der Mathematik und Physik, herausgegeben von
J.-A. Grunert, L. Theil, 4 Heft; LI. Theil, 1. Heft. Greifswald,
1869; 2 cah. in-8°.
Preisschriften gekront und I von der Fürstlich
- Jablonowskischen Gesellschaft zu Leipzig. — XIV, B. Büch-
senschütz, Die Hauptstátten der Gewerbfleisses in klassischen
Alterthume. — XV, Dr. Hugo Blümner, Die gewerbliche Thä-
tigkeit der Völker der klassischen Alterthums. Leipzig, 1869 ;
2 cah. in-4°-
Société royale des antiquaires du Nord, à Copenhague. —
Mémoires, nouvelle série, 1867-1868. Copenhague, 2 cah.
in-8°. — Aarboeger for nordisk oldkyndighed oy historie,
1868, IH-IV hefte, 1869, I-Il hefte. — Tillaeg til aarboeger,
aarg. 1868. Copenhague, 1868-1869; 5 cah. in-8°.
Zoologisch-mineralogischer Verein in Regensburg. — Cor-
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don. — Journal, new series, vol. IV, part 4. Londres, 1869;
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Scientific opinion, part XV, vol IN, february 1870. Londres;
4 cah. in-4°.
Nature, a weekly illustrated journal of science, vol. 1, n° 11
à 15. Londres, 1870; cah. in-4°
Royal Institution of Great Brite at London. — Procee-
dings, vol. V, parts 5, 6, 7. Londres, 1869; 5 cah. in-8°. —
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Royal Dublin Society. — Journal, n° 58. Dublin, 1869;
in-8°.
Asiatic Society of Bengal at Calcutta. — Proceedings, n° 8
9 and 10, august and october, 1869; journal, part 1, n° 5, 1869.
Calcutta; 5 cah. in-8°.
¡Almanaque nautico para 1871, calculado de orden de la
Superioridad en el observatorio de Marina de la ciudad de San
Fernando. Cadix, 1869; in-8°.
Archivio per la zoología, l’anatomia e la fisiologia, serie 2,
vol. L Turin et Florence, 1869; in-8°.
Società reale di Napoli. — Aui dell’ Accademia di scienze
morali e politiche , volume quarto. Naples, 1869; in-4°.
Società dei naturalisti di Modena. — Rendiconti delle adu-
nanze , num. 1. Modène, 1870; feuilles in-8°.
Fenicia (Salvatore). — Libro decimo quinto della politica.
Bari, 1869; in-8°,
R. Comitato geologico d'Italia nel Firenze. — Bollettino,
n° 1, Gennaio , 1870. Florence; in-8°.
Mangoni (Antonio). — Le finanze delle nazioni pienamente
e prontamente restaurate. Naples, 1870 ; in-8°.
Barboza du Bocage (J.-V.). — Aves das possessoes portu-
guezas d'Africa occidental que existem no Museu de Lisboa.
Lisbonne, 1870; in-8°.
The american Journal of Science and Arts, second series,
vol. XLVIII, n° 144 (november, 1869). New - Haven, 1869;
in-8°,
Meteorological committee at Calcutta. — Report of the me-
teorological reporter to the government of Bengal, for the
year 1868-1869, with a meteorological abstract for the year
1868. Calcutta, 1869; in-4°. — Annual report on meteorolo-
gical observations registered in the Punjab, by A. Neil, 1867.
Lodiana, 1868 ; in-4°.
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Agassiz (Louis). — Address delivered on the centennial an-
niversary of the birth of Alexander von Humboldt, under the
auspices of the Boston Society of natural history. Boston, 1869;
in-8°.
Museum of comparative zoology at Harvard college, Cam-
bridge, Mass. — Bulletin, n* 8, 9 and 15. Boston, 1869; 5 cah.
in-8°.
Ernst(4.). — Amadeo Bonpland. Apuntes biograficos leidos
en la sesion de 22 de noviembre de 1869 de la Sociedad de
ciencias fisicas y naturales de Caracas. Caracas, 1869; in-8°.
BULLETIN
DE
L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES,
LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE.
1870. — No 3.
—a e
CLASSE DES SCIENCES.
Séance du 5 mars 1870.
M. J.-S. Sras, vice-directeur, occupe le fauteuil.
M. Ap. Quererer, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. J. d'Omalius d'Halloy, €. Wesmael,
L. de Koninck, P.-J. Van Beneden, Edm. de Selys Long-
champs, H. Nyst, Gluge, Melsens, J. Liagre, F. Duprez,
Poelman, E. Quetelet, H. Maus, M. Gloesener, A. Spring,
Candèze, Eugène Coemans, F. Donny, Ch. Montigny,
E. Dupont, membres; Th. Schwann, Th. Lacordaire, E. Ca-
talan, Ph. Gilbert, associés; C. Malaise, Ed. Mailly et
F. Folie, correspondants.
2" SÉRIE, TOME XXIX. 11
(A58 )
CORRESPONDANCE.
M. le Ministre de l’intérieur transmet, de la part de M. le
baron Larrey, un exemplaire du discours prononcé, au
nom de l’Académie des sciences de Paris, à l'inauguration
de la statue de Dupuytren à Pierre-Buffière (Haute-
Vienne). — Remerciments.
— Le congrès international des sciences géographiques
qui se réunira à Anvers, au mois d'août prochain, envoie
le programme des questions adressées au comité , et de-
mande des sujets de discussion.
— La Société royale des sciences de Gottingue et la
Société « Philomathie », de Neisse, remercient pour les
derniers envois académiques.
— M. Adolphe de Boé transmet le relevé de ses obser-
vations météorologiques faites à Anvers en 1869.
— Les travaux manuscrits suivants seront l'objet d'un
examen :
1° Lettre de M. G. Boccardo, de Gênes, sur une chule
de substance jaunátre qui a en lieu dans celte localité
le 14 février 1870. — Commissaires : MM. d'Omalius, de
Koninck et Dewalque.
9 Notes sur le système landénien, par M. J. Moreau.
— Commissaires : MM. d'Omalius et Dewalque.
( 159 )
5° Sur le triangle inscrit el circonscril à une sec-
tion conique, par M. Joseph Carnoy. — Commissaires :
MM. Liagre et Folie.
4 Note sur les puits naturels du terrain houiller, par
MM. F.-L. Cornet et Al. Briart. — Commissaires :
MM. d'Omalius et Dewalque.
5° Sur la viscosité superficielle des lames de solution de
saponine, par M. G. Vander Mensbrugghe. — Commis-
saires : MM. Plateau et Duprez.
RAPPORTS.
MM. Th. Lacordaire, Edm. de Selys Longchamps el
Poelman, commissaires pour un mémoire de M. P.-J. Van
Beneden, intitulé : Sur les poissons qui habitent régulie-
rement ou visitent accidentellement les côtes de Belgique,
et sur leurs parasites et commensaix, donnent lecture de
leurs rapports sur ce travail.
Conformément aux conclusions favorables de MM. les
rapporteurs, la classe vote l'impression du mémoire de
l. Van Beneden dans le recueil in-4° des publications
académiques.
Selon les dispositions réglementaires, les rapports ne
sont point livrés à la publicité et sont réservés pour les
archives.
(160 )
RECHERCHES SUR L'EMBRYOGÉNIE DES CRUSTACÉS. — IV. De-
veloppement des Anchorella, des Lerneopodaet des Hessia
(Éd. Van Beneden), par M. Édouard Van Beneden.
Rapport de W. Schwann.
« La quatrième partie des recherches de M. Éd. Van
Beneden sur l'embryogénie des Crustacés concerne le déve-
loppement des Anchorella, des Lerneopoda et d'un nou-
veau genre de Crustacés que cet auteur a découvert et qui
vit en parasite dans la cavité branchiale du Trigla lineata.
Il lui a donné le nom de Hessia colorata. Elle constitue
une forme intermédiaire entre celle des Anchorellas et de
certains Chondracanthes.
Comme il l’a fait dans les travaux précédents pour
d'autres genres de Crustacés, l’auteur décrit successive-
ment la formation et la constitution de l'œuf et ensuite le
développement embryonnaire des trois genres signalés.
Nous ne le suivrons pas dans le détail de ses observations :
nous fous contenterons de citer les conclusions générales
qu'il en tire à la fin de son travail.
« Si nous comparons, dit-il, le mode de développement
des Anchorelles et des Lernéopodes avec celui des autres
Copépodes, qui a été si complétement étudié par M. Claus,
nous trouvons de grandes différences... Le développement
des Anchorelles et des Lernéopodes diffère done de celui
des Copépodes libres, en ce que les métamorphoses nom-
breuses que ceux-ci subissent successivement après l'éclo-
sion du Nauplius s'accomplissent à peu près simultanément
dans l'œuf chez nos Lernéens ; et le moment de la naissance
étant ainsi considérablement reculé, il en résulte que les
organes, tant de la vie végétative que de la vie animale qui,
161 )
chez les Copépodes libres, apparaissent dans le Nauplius,
ne se forment que beaucoup plus tard chez les Anchorelles
et les Lernéopodes. — Le développement de ces Lernéens
est done un développement de Copépode ordinaire rac-
courci: les phases correspondantes aux premières périodes
de la vie chez les Copépodes libres ont été supprimées.... »
Le mémoire est accompagné de dessins bien, faits : il
continue dignement la série des publications antérienres
de l'auteur, et j'ai l'honneur de proposer l'insertion du
travail dans les Bulletins de l'Académie. »
Conformément aux conclusions favorables de ce rap-
port, auquel ont souscrit les deux autres commissaires,
MM. Gluge et Poelman, la classe vote l'impression de la
notice de M. Éd. Van Beneden, avec la planche qui l'ac-
compagne, dans les Bulletins.
Sur la pierre météorique tombée à Saint-Denis-Westrem,
près de Gand, le 7 juin 1855; par M. Stanislas Meunier.
Rapport de M. Duprez.
« L'aérolithe tombé à Saint-Denis-Westrem, aux environs
de Gand, le 7 juin 1855, a déjà été l’objet de deux notes :
dans la première, insérée au tome XXII de la 1"* série des
Bulletins de l'Académie, j'ai donné la description succincte
de cette pierre météorique , et j'en ai fait connaître la den-
sité et les autres caractères physiques, ainsi que les cir-
constances qui ont accompagné sa chute; dans la seconde,
communiquée à l'Académie de Vienne, le 4 octobre 1861,
M. Haidinger, en revenant sur cette description, est entré
dans des considérations importantes relativement à la
( 162 )
nature et à la direction du mouvement qui a dú animer la
météorite en question. Aujourd’hui, M. Stanislas Meunier,
bien connu par ses recherches sur le genre de phénomènes
dont il s’agit dans ce rapport, produit de nouveaux rensei-
gnements concernant l’aérolithe de Saint-Denis-Westrem,
en comparant la structure minéralogique de Péchantillon
qu’en possède le Muséum d'histoire naturelle de Paris,
avec celle d’autres pierres météoriques de la même collec-
tion : il cherche à montrer que les météorites ont eu, en
général, une communauté de gisement et qu’elles sont le
résultat de la dislocation d’un ou de plusieurs astres où
elles étaient en relation stratigraphique. Quant à la cause
de cette dislocation, il la trouve dans le fait même du
développement normal des corps sidéraux qui, d’après les
hypothèses admises, originairement à l'état de chaleur,
passent successivement par des états dont le soleil, la
terre et la lune marquent trois termes particulièrement
caractérisés et dus aux progrès du refroidissement de la
matière cosmique, En considérant que ce refroidissement
n’a pas encore atteint son dernier degré sur notre satellite,
on doit s'attendre, d’après M. Meunier, à voir les astres
présenter, après l'état de lune, un état tout différent,
savoir celui de météorites. C'est cette opinion que l’auteur
cherche surtout à établir dans sa note, en s'appuyant sur
quelques données fournies par les phénomènes, et l’obser-
vation de certains faits qui ont eu lieu sur notre globe.
La note de M. Stanislas Meunier me paraît de nature à
être lue avec intérêt, et j'ai l'honneur d'en proposer l'inser-
tion dans les Bulletins. »
Conformément à ces conclusions, la classe vote l’impres-
sion de la note de M. S. Meunier dans les Bulletins.
(163 )
Sur la découverte d'un gisement de phosphate de chaur
au-dessous de la ville de Louvain; par M. G. Lambert.
Rapport de M. de Koninck.
« Dans le courant de l’année dernière, Padministra-
tion communale de Louvain résolut de tenter le forage d'un
puits artésien au milieu de la belle place publique , dési-
gnée sous le nom de Place du Peuple.
Ce forage, qui s’est fait à travers les systèmes br uxellien,
yprésien et landénien, a été arrêté dans ce dernier système
à la profondeur de 120 mètres environ, c’est-à-dire à 9,50
au-dessous de la limite inférieure du système yprésien
lequel, suivant l’auteur, commence à se montrer à la pro-
fondeur de 31,80 et descend jusqu’à 110",50.
Seulement, dit-il, entre 100” et 105",50, il renferme
une assez grande quantité de morceaux de pyrile de forme
irrégulière, tandis que de 105”,50 jusqu'a 110",50 , la
sonde a fait reconnaître la présence de nombreux nodules
de la grosseur d’un œuf environ, trés-résistants, gris-blan-
châtres à la surface, noirs-brunátres dans la cassure el å
texture subcompacte.
Ce sont ces nodules qui ont attiré attention de l'auteur;
leur analogie avec ceux que Pon exploite en Angleterre el
en France pour la fabrication des engrais phosphatés lui
a fait supposer que leur composition pouvait bien avoir
aussi quelques rapports avec celle des nodules français et
anglais.
Un essai au chalumeau, suivi d'analyses faites par
MM. F. Dewalque et Blas, vint confirmer ces prévisions.
(1464 )
Les résultats obtenus par le premier sont les suivants :
Résidu insoluble. neet pe
Acide piciftioriqué (Anhydride). >
plus du carbonate de chaux et des traces de fer provenant
des enduits pyriteux.
Ceux du second sont :
Matière volatile à 100: is FOND.‘
id. par lela CaA E vR)
Matière insoluble dans l'acide chorhsarique: 16,14 »
Anhydride phosphorique . 29,90 »
En supposant que tout Panhydride phosphorique sy
trouve à l’état de triphosphate de calcium, on aurait, dans
le premier cas, 60,50 %o de ce FRS et, dans le
second, 65,20 0/0.
D’après les indications qui nous ont été fournies par
M. Lambert, le reste serait composé de carbonate de
calcium et de magnésium, d'oxyde d'aluminium et de
traces d'oxyde de fer.
Mon savant confrère, M. G. Dewalque , qui a eu égale-
ment l'occasion d'examiner un des nodules à phosphate
de Louvain, m'a assuré y avoir rencontré en outre des
traces de matières organiques.
La présence de ces matières, ainsi que celle des carbo-
pates alcalins terreux , auxquels il faudra joindre proba-
blement encore un peu d'eau, explique la perte assez
considérable obtenue par M. Blas, en soumettant le
minéral à la calcination. Cette composition des nodules se
rapproche de celle des coprolites indiquée par Berthier ,
Herapath et Mengy.
Il est donc permis de supposer que ces nodules ont une
( 165 )
origine semblable à celle qui a donné lieu à la formation
des coprolites exploités en Angleterre et en France, et
dont l’agriculture a su tirer un si excellent parti.
ll serait à désirer que la Belgique pût, à son tour, trouver
chez elle un gisement assez riche et assez facilement
accessible de cette matière éminemment fertilisante.
M. Lambert est d'avis qu'il n’est pas impossible de ren-
contrer dans les affleurements du terrain yprésien celte
nouvelle source de la prospérité publique, dont la décou-
verte serait en même temps profitable à celui qui en serait
l'auteur.
Je prie l’Académie d'ordonner l'impression de la notice
de M. Lambert dans le Bulletin de ses séances et de voter
des remerciments à l'auteur pour son intéressante com-
munication. »
Conformément à ces conclusions, auxquelles a souscrit
M. d'Omalius, second commissaire, la notice de M. Lambert
prendra place dans les Bulletins.
Sur la Bryonicine, par MM. Lucien de Koninck et
| Paul Marquart.
Rapport de M, Stas.
« Le travail présenté à l'Académie par MM. Lucien de
Koninek et Paul Marquart a pour but de faire connaitre
la composition d'une substance organique nouvelle qui a
été découverte dans la racine de bryone. On sait déjà que
celle racine renferme deux corps définis : la bryonine et
la bryonitine. Les recherches consignées dans la note
( 166 )
prouvent que cette racine contient un troisième corps par-
faitement distinct et défini, que MM. de Koninck et Mar-
quart désignent sous le nom de bryonicine, et auquel ils
attribuent la formule C9 H7N OZ. Ils ont contrôlé cette
formule à l’aide de l'analyse d’un composé de substitution
bromé. En effet, sous Pinfluence du bróme liquide ou du
brôme à l’état de vapeurs entrainées par un courant d'air,
la bryonicine forme de la bryonicine monobromée.
La bryonicine constitue un corps solide cristallisable en
aiguilles légèrement aplaties , fusibles et volatiles sans al-
tération. Quoique renfermant 8 pour cent d'azote, elle ne
jouit d'aucune des propriétés chimiques des alcaloides.
Sa nature chimique et le rang qu’elle doit occuper
parmi les substances végétales ne sont pas déterminés. Le
défaut de matières a empéché jusqu'ici MM. de Koninck
et Marquart de résoudre ces questions.
Le travail soumis à mon examen est bien fait et mérite
l'approbation de la classe. J'ai l'honneur d'en proposer
l'impression dans le Bulletin de la séance et de voter des
remerciments aux auteurs pour leur communication. ?
M. Melsens, second commissaire , s'étant rallié aux €00-
clusions de M. Stas, la classe vote l'impression de la no-
tice de MM. L. de Koninck et Marquart dans les Bulletins:
eee
Études sur le frottement, 1°° partie; par M. de Tilly.
Rapport de M, Steichen.
« L'auteur se propose de rechercher les formules gene
rales exactes du mouvement des projectiles dans les armés
(107 )
rayées, afin d'en déduire la mesure des pressions. Dans ce
but il traite d’abord le problème de la détermination de la
pression normale d'une surface hélicoide mobile sur une
surface fixe, le corps du noyau mobile étant soumis à des
forces définies; il commence par le cas de la vis à filet trian-
gulaire et trouve exactement le résultat même auquel je
suis parvenu il y a vingt-cinq ans, en prouvant que cette
solution, donnée en premier lieu par Navier, est seule vraie;
comme M. de Tilly envisage plus exactement que ses de-
vanciers la réaction, il réussit à assigner avec précision
Porigine et la cause de l'erreur commise par Persy, Pon-
celet, Coriolis et d'autres. La méthode des réactions est
incontestablement exacte dans le cas actuel comme dans
divers autres cas particuliers; et néanmoins je fais quel-
ques réserves à ce sujet; j'ajoute en outre que pour obte-
nir la pression normale, ou la réaction normale exacte,
il faut décomposer la réaction totale suivant la normale,
la tangente hélicique, et suivant une droite du plan tan-
gent, perpendiculaire au plan des deux premières lignes.
Mais pourquoi cette décomposition plutót que toute autre?
Pour donner une réponse satisfaisante à cette question,
on est bien obligé d'adopter les idées que j'ai énoncées
dans mon mémoire sur la décomposition effective et né-
cessaire des forces : si donc je cours la chance de me trom-
per une fois dans la décomposition des forces directes, les
amateurs de la méthode des réactions sont exposés à se
tromper deux fois; car on doit, avec M. de Tilly, décompo-
ser la réaction de la manière même dont je décompose les
forces directes; en outre, on s'expose à concevoir inexac-
tement la réaction. Le cas qui nous occupe ici nous offre
même un exemple remarquable de la possibilité et de la
réalité de cette erreur.
( 168 )
L'auteur examine en second lieu la même question pour
les surfaces hélicoides de second genre, el parvient à la
vraie valeur de la pression normale, laquelle ne s'accorde
pas non plus avec le résultat donné par d’autres. L'erreur
est ici analogue à celle qui est signalée d’abord. Ensuite il
apprécie l'influence de la largeur de la surface hélicoide,
la force étant censée répartie sur la surface d'une maniére
uniforme. Cette question a été traitée aussi par Poncelet;
mais sa pression normale n'étant pas exacte, sa solution
ne saurait nous inspirer de confiance; il y a done opportu-
nité à refaire la question. Eu égard à ce qui précède, je ne
puis qu'approuver le travail de M. de Tilly et en proposer
Pimpression. »
Rapport de M. Folie.
« Comme l'Académie vient de l'entendre par la lecture
du rapport de son premier commissaire, l’auteur du travail
soumis à la classe a repris avec succès une question que
des hommes éminents avaient résolue d'une manière
inexacte; cette fausse solution a, plus que toute autre con-
sidération peut-être, contribué à faire naitre des doutes,
dans plusieurs esprits distingués, sur Pexactitude des prm-
cipes et des méthodes de la mécanique appliquée, tant est
grand l'ascendant exercé par un homme supérieur : plutôt
que de lui attribuer une simple erreur de caleul et de la
rechercher, on préfère adopter avee confiance le résultal
qu'il donne, comme étant une conséquence logique de Ses
prémisses, et, le trouvant faux, on en conclut à la faussele
du principe qui lui a servi de base.
(169 )
C'est donc un véritable service que M. de Tilly a rendu
aux géomètres, en montrant clairement que Perreur de
Poncelet et de Coriolis, qui a été reproduite par plusieurs
auteurs, git, non dans la méthode, mais dans le calcul seu-
lement; et nous avions lieu de croire la question de prin-
cipe entièrement tranchée; l'honorable M. Steichen fait
toutefois encore quelques réserves à ce sujet; il admet que
la méthode des réactions peut étre vraie dans quelques cas
particuliers, mais il conteste son exactitude en général. H
nous est impossible de nous associer à ces réserves, el de
ne pas persévérer dans l'opinion que nous avons toujours
défendue de l'exactitude absolue de la méthode des réac-
tions, méthode qui concorde, du reste, entièrement avec
celle des mouvements spontanés que nous avons dévelop-
pée précédemment (1), et qui détermine directement, non
les réactions, mais les pressions elles-mêmes.
L'auteur du Mémoire admet également Pexactitude de
la méthode que M. Steichen a proposée sous le nom de dé-
composition effective et naturelle, et qui, appliquée par lui
au problème de la vis triangulaire, l’a conduit au résultat
exact de Navier; non-seulement nous sommes d'accord
avec notre honorable confrère sur l'exactitude de cette mé-
thode, mais nous pensons que toute décomposition, quel-
que arbitraire qu'elle soit, conduira toujours au résultat,
pourvu que les frottements soient introduits, dès Pabord ,
au nombre des forces qui doivent se faire équilibre. Que
parmi les décompositions il y en ait de plus simples les
unes que les autres, cela va de soi; mais qu'il y en ait
deffectives et naturelles, C'est ce que nous comprenons
(1) BELLETINS DE L'ACADÉMIE, 2 série, tomes XX el XXIV. — ANNALES
DU GÉNIE CIVIL, août 1867.
(470)
moins; ne sait-on pas en effet que tous nos systèmes hypo-
thétiquement rigides sont contre nature, et qu'il n'existe
pas deux molécules matérielles qui conservent pendant un
instant, l’une par rapport à l’autre, leur position relative,
par suite point de décomposition qu'on puisse nommer
effective et naturelle ?
ue dans le cas qui nous oceupe la décomposition de
M. Steichen soit la plus simple, c'est incontestable; mais
les autres seront tout aussi sûres, pourvu que l'on applique
exactement les principes ; ainsi Navier donne en note deux
solutions fautives qui le conduisent au résultat de Ponce-
let; et en quoi consiste l'erreur? Non dans sa décomposi-
tion, mais dans l'évaluation inexacte de la pression nor-
male, résultant de ce qu'il a considéré la composante
estimée suivant le rayon comme n'ayant aucune influence
sur cette pression ; que l’on caleule, au contraire, la pression
due à cette composante, et l'on retrouvera le vrai résultat.
La même observation s'applique à la solution de Navier
par la méthode des vitesses virtuelles; ici encore, le plus
simple serait de regarder le point auquel les forces sont
appliquées comme assujetti, puisqu'il doit se mouvoir sur
l'hélice, à ne quitter ni la surface hélicoide, ni le plan ge
passe par la normale à cette surface et par Ja tangente 4
l'hélice. Si nous désignons par L=0 l'équation de la sur-
face, et par
M=x—a' —(y—y') sinz cos a tg 8 + (z—z')eosatgi=0
l'équation de ce plan, en conservant les notations de Na-
vier, le principe des vitesses virtuelles nous donnera, * si
nous posons f =/V1 + tg? + 1823 :
Pri, — Qz + 20L + uM — if ds = 0 ;
AA EA
A o E CEE
(171)
d'oú Von déduira, en effectuant les substitutions sui-
vantes : :
dl, = 02 — tg 6 dr — riga dy
JM = costa tg 8 dz + dr — sin a cos z tg B rdp
ds = sin 02 dz + 1 COS x dy,
les trois équations :
— Q + 5 + u cos?z tg 8 — i f’ sin z= o
Pr — àr tg a — pr sin z cos a tg B — rf’ cosa = 0
— tg + p = 0;
et enfin, en éliminant 4 et u:
Yo tga + sin «cos a tgp + f’ cosa
A PA
r 1 + costa +188 — f sina
?
résultat qui ne diffère que par la forme de celui qui a été
donné par Navier dans le texte.
Nous avons cru utile de rétablir l'exactitude de cette
application du principe des vitesses virtuelles, dont La-
grange fait la base, et Poinsot le résultat final de toutes
les lois de la statique, parce que M. Brassinne, dans un ar-
ticle, remarquable du reste, inséré dans le JOURNAL DE
Liouvizce (2 série, t. X), a commis la même erreur que
Navier.
Il nous a été impossible de contrôler les critiques que
l'auteur du Mémoire adresse aux méthodes de Poncelet el
de Coriolis, n'ayant pu ni nous procurer le second, ni dé-
couvrir dans le premier autre chose que le résultat; nous
dirons toutefois que si ces savants affirment que la réac-
tion totale de la surface hélicoide est dans le plan de la
tangente à l’hélice et de la normale à la surface, ¡ls sont
(172 )
dans le vrai; mais qu'alors leur erreur consiste à négliger
la réaction du noyau de la vis; et nous pensons que par
réaction totale l'auteur entend la résultante de la réaction
totale de la surface hélicoide et de la composante, estimée
dans le plan tangent, de la réaction du noyau de la vis ou
du corps de Pécrou, suivant le cas, réaction totale qui est
bien, comme il le dit, située dans le plan tangent au cylin-
dre. Peut-étre aurait-il pu insister davantage sur ce point
dans l'établissement même des équations d'équilibre, en
faisant voir que ces équations supposent que le point m est
assujetti, en vertu de ses liaisons, à se mouvoir, non-seu-
lement sur la surface, mais sur Phélice même; s’il n'en était
pas ainsi en effet, l'équation R cos a’ = 0 serait fausse,
parce qu’elle suppose que la composante du frottement,
perpendiculairement à Fhélice, est nulle d'elle-même, 04
que le pojnt matériel tend à se mouvoir sur hélice seule-
ment.
En revenant dans une note, qui se trouve á la fin du
Mémoire, sur cette troisième composante de la réaction
totale qui est perpendiculaire à l’hélice dans le plan tangent,
l’auteur se demande si elle n’exerce aucune influence Sur
le frottement; la réponse à cette question est qu'en effet
cette composante, exerçant une pression sur le corps de la
vis ou de l’écrou, doit produire un frottement latéral; et
l’auteur aurait dù, nous semble-t-il, prévenir tout d’abord
qu'il négligeait ce frottement pour simplifier la théorie. H
est bien clair, en effet, que si l'on devait en tenir comple,
toutes les solutions actuelles du problème seraient défec-
tueuses; et s’il nous était permis de donner à l'auteur UN
conseil tout sympathique, nous Pengagerions à compléter
la solution du problème en ayant égard au frottement
contre le corps de la vis ou de Vécrou, frottement qui n'est
pas négligeable dans le canon rayé.
(175)
Nous aurons á présenter encore une observation ana-
logue aux précédentes, relativement à la eritique que fait
Pauteur de la notion de la pression normale, en se deman-
dant s’il ne vaudrait pas mieux dire pression effective, et
si celle-ci est nécessairement normale, comme on Padmet
d'ordinaire, dit-il, un peu légèrement. Nous répondrons à
ce sujet que, quand il est question de pression normale,
eest en un point d'une surface seulement; si deux surfaces
planes sont en contact, la résultante des pressions en tous
les points sera une pression normale unique; si les deux
surfaces sont courbes, au contraire, alors, non-seulement il
n'y a plus une pression normale unique, mais il n’y a pas
davantage ce que l’auteur appelle une pression effective
unique : toutes les pressions qui ont lieu aux différents
points, et que l’on doit nécessairement regarder comme
normales, pour qu’elles ne produisent pas de glissements,
étant des forces situées dans des plans différents, n'auront
pas en général de résultante unique. Quand donc on parle
de pression normale sur une surface courbe, c’est en un
point seulement, et c'est par cette raison qu'on cherche à
ramener le problème à ce cas au moyen d'hypothéses des-
tinées à le simplifier.
L'auteur, du reste, cherche lui-même, à la fin de son tra-
vail, le moyen de se soustraire à cette hypothèse de la con-
centration des forces en un point unique du filet. Tout en
applaudissant de grand cœur à ses efforts, nous nous voyons
obligé à faire quelques réserves au point de vue de la nota-
tion d’abord, que nous désirerions un peu plus rigoureuse ,
ensuite relativement à une équation fondamentale au sujet
de laquelle l’auteur ne nous semble pas avoir donné des
développements suffisants. Ainsi nous préférerions lui voir
+2" SÉRIE, TOME XXIX. 12
(174 )
employer la notation cos a? f'AR cos q, plutôt que celle-ci,
dR cos a! x cos q, R étant une fonction de ọ déterminée par
C'est cette dernière équation même dont nous ne saisis-
sons pas exactement le sens : elle semble indiquer 1° que
les réactions élémentaires dR sont proportionnelles aux
rotations élémentaires do, ce qui résulte d’une hypothèse
établie préalablement par l'auteur; 2 que la réaction to-
tale R est la somme des réactions élémentaires dR; or, il
nous paraît qu’elle en est la résultante ; nous espérons que
l’auteur voudra bien éclaircir ce dernier point.
Enfin, l’indétermination qu'il trouve dans le cas de la vis
à plusieurs filets ne proviendrait-elle pas de ce qu'il attri-
bue au signe sommatoire >, dans ce dernier cas, une signi-
fication différente de celle qu'il lui donne dans l'équilibre
de la vis à un seul filet? En d'autres termes, en employant
le signe / pour ce cas-ci, comme nous l'avons indiqué plus
haut, et le signe = pour la sommation relative aux diffé-
rents filets, les équations ne devraient-elles pas s'écrire :
z cos af dR cos g — z cos b'fdR sin ọ = o, etc.? -
M. de Tilly traite également la question du mouvement,
dans le cas général de Phélicoide gauche à cône directeur,
en appliquant le principe de d'Alembert. A la vérité, la
science n’a pas résolu, jusqu'aujourd'hui, la question du
mouvement d’un corps en tenant compte du frottement,
et cette question est du reste l’une des plus compliquées de
la physique mathématique; ce n’est que quand on aura des
idées exactes sur les forces moléculaires qui entrent €n
“o
(475)
action au contact des corps, qu’on pourra aborder des pro-
blèmes de cette nature; jusqu'alors, force est de s’en tenir *
à la loi expérimentale trouvée pour le frottement, et dans
cette hypothèse les solutions de l’auteur ne laissent rien à
désirer (au frottement latéral près). Si, comme il l'espère,
il parvient à établir sur ce sujet des expériences précises,
les résultats montreront jusqu’à quel point l'hypothèse de
l'exactitude de la loi expérimentale est vérifiée dans le cas
des grandes vitesses.
Enfin, il applique ces formules au canon rayé, et il sup-
pose que toutes les résistances que l’action des gaz doit
vaincre se réduisent à une force dirigée suivant l’axe du
canon, et aux frottements sur la surface hélicoidale;
comme nous l’avons déjà fait observer, il serait très-inté-
ressant de compléter la théorie en ayant égard au frotte-
ment latéral; mais la solution de M. de Tilly est du moins
exacte sur tous les autres points, tandis que celles de ses
devanciers ne l’étaient pas.
Il ne me reste plus qu’à résumer mes conclusions; la
classe a pu voir que le travail de M. de Tilly est important
au point de vue méme des principes de la mécanique appli-
quée, que ses résultats sont exacts, et que les seules obser-
vations que j'aie eu à présenter sont plutôt relatives à
l'exposition de la méthode et aux critiques que l’auteur
fait des idées des savants qui Pont précédé qu’à Papplica-
tion de la méthode elle-même, application qui me paraît
irréprochable dans l'hypothèse qu’on néglige le frottement
latéral et qu’on suppose les forces concentrées en un même
point.
En conséquence je me joins bien volontiers à l'honorable
M. Steichen pour vous proposer de voter impression du
( 176 )
travail de M. de Tilly dans les Mémoires de l'Académie, et
d'adresser des remerciments à l'auteur pour sa communi-
cation. »
Conformément aux conclusions favorables de ces deux
rapports, la classe vote l'impression du travail de M. de
Tilly dans les Mémoires in-8°.
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
Sur les aurores boréales des mois de janvier et de février
1870; par M. Ad. Quetelet, directeur'de l'Observatoire
royal.
Deux aurores boréales ont été observées à Bruxelles, le
30 janvier et le 4° février de cette année; la dernière à
été remarquable par un grand arc blanchátre qui s'est
formé vers 9 1/2 h. du soir et qui s'étendait du N.-E. à
l'O.-N.-0. Cet arc, qui n’a persisté qu’un quart d'heure,
s'élevait jusqu’à 10° environ sous l'étoile polaire et avait
son point culminant dans la direction N.-N.-0. Les deux
aurores ont été accompagnées de perturbations dans les
barreaux aimantés.
M. Florimond Desrumeaux a également observé l'aurore
boréale du 1* février à Kain, près de Tournai.
Plusieurs autres phénomènes de la même espèce ont été
observés dans le nord, notamment les 22, 23, 28, 29,
30 janvier et les 1%, 11,17, 19,25, 25 el 27 février.
i
;
1
l
į
1
(PER)
Les perturbations des barreaux aimantés qui ont été
constatées à Bruxelles se sont présentées aux dates des 1°"
et 3 janvier (celle-ci accompagnée, comme on sait, d'une
aurore boréale observée á Louvain par M. Terby), les 5
et 50 janvier, le 1% février, le 9 et le 14 du même mois.
Une lettre de M. Denza nous a fait connaître, depuis,
qu’une aurore boréale avait été observée aussi dans le
Piémont, le 5 janvier dernier, et avait présenté des circon-
stances remarquables.
Nous remarquerons que la nuit du 2 janvier a été
signalée par nous, depuis plus de trente ans, comme géné-
ralement remarquable par le nombre des étoiles filantes
et par les aurores boréales. (Catalogue des principales
apparitions d’éloiles filantes, par A. Quetelet, tome XII
des Nouveaux MÉMOIRES DE L'ACAD. ROYALE DE BRUXELLES,
Nous extrayons d’une lettre de M. Heis, directeur de
l'Observatoire de Munster, les renseignements suivants :
« Le nombre des aurores boréales a été très - considé-
rable cet hiver. Le mois de janvier nous a présenté deux
fois ce phénomène, le 6 et le 20. Le soir du 30 janvier,
vers 9 1/2h., on aperçut à l'horizon nord-ouest une faible
clarté dont le fond était obseur et qui augmentait succes-
sivement en intensité et en étendue. A 10 h. 5 m. tout le
ciel nord-ouest rayonnait en pleine lumière depuis Pégase
jusqu’au Cygne; ensuite la lumière s'affaiblit. A 10 h. 44 m.
trois rayons blancs sortirent tout à coup de la clarté, Fun
vers le nord par à du Cygne, l’autre vers le N.-N.-E. par a
du Cygne et le 3° vers le N.-E. par p du Cygne. Après la dis-
parition de ces rayons, la clarté générale persista; le déve-
loppement le plus beau de l'aurore boréale se fit à 11 h.
(ER)
95 m., où trois aigrettes lumineuses et rouges s'élevérent
entre le Cygne et Andromède.
» Deux jours après, le 4° février, une superbe aurore
boréale se développa le soir de bonne heure. Ce phénomène
s'est étendu sans doute bien loin, car on nous informe
qu’on Va observé à Cóslin, à Königsberg, à Stockholm, à
Saint-Pétersbourg et en Angleterre.
» L'après-midi du 1° février, le ciel s'éclairait et on aper-
cevait beaucoup de cirrhus. A 7 h. 15 m. l'aurore boréale
apparut déjà, mais je ne Pobservai qu’à 7 h. 45 m., après
sa complète formation. Vers le N. et le N.-O. une clarté
se montrait sur un fond obscur en forme de segment
semblable à la lumière de crépuscule que la pleine lune
répand dans le ciel peu avant son lever. Au-dessus de ce
segment se voútait une arche superbe, brillante et rayon-
nante; on voyait aussi vers louest un large faisceau de
rayons qui resplendissait en pleine lumière, semblable à un
grand incendie; ce faisceau avait un mouvement lent,
oblique à l'horizon, du nord vers l'ouest.
» Le phénomène resta très-brillant jusque vers 8 h.
20 m. Le nuage d'aurore boréale pálit alors, Parche de
rayons s'éteint en même temps. Deux fois encore des
rayons d'aurore boréale s'élèvent pour peu de temps. À
9 h. 10 m., un large faisceau reparait à l’ouest de æ du
Cygne; un second passe par u de Pégase à 9 h. 11 m.; à
9h. 14 1/2 m., les deux faisceaux deviennent rougeátres el
disparaissent à 9 h. 18 m. Dès lors on ne peut plus distin-
guer Paurore boréale à cause du brouillard qui commence
à se répandre. »
(179 )
Sur. le commensalisme dans le règne animal (note sup-
plémentaire), par M. P.-J. Van Beneden, membre de
l'Académie.
Depuis la lecture que j'ai eu l'honneur de faire à la séance
publique du 16 décembre 1869 sur le commensalisme, j'ai
recu de divers côtés l'indication de faits nouveaux et inté-
ressants. Je demande la permission à la classe de lui faire
part de certains passages d’une lettre que j'ai reçue de
M. Alex. Agassiz, au sujet de quelques cas de commensa-
lisme qu’il a eu loccasion d'observer sur les côtes des
États-Unis d'Amérique.
« Nous avons sur la côte de Californie, wécrit M. Alex.
Agassiz, une espèce de Lépidonote qui se loge toujours
près de la bouche d'un Asteracanthion (Asteracanthion
ochraceus, Brandt); on en trouve quelquefois jusqu’à cinq
sur un seul individu; ils sont toujours placés sur diflé-
rentes parties des rayons ambulacraires.
» Vous t i dans mon catalogue des Acalèphes,
ajonte mon savant confrère, une indication de commensa-
lisme d’un petit poisson el d'une de nos espèces de Pélagie
(Dactylometra quinquecirra, Al. Agass.). Cette Pélagie ha-
bite la baie de Nantucket ; elle est nocturne dans ses habi-
tudes, et Je poisson qui appartient au genre Clupea se loge
communément dans les replis de ses franges.
» On voit encore un autre cas de parasitisme, comme on
Vappelait, d'une espèce d'Hirudinée et d'un Béroé, le
Mnémiopsis Leydii, qui vit sur la côte des Etats-Unis
(180 )
d'Amérique á Naushon, Buzzard's Bay. On ne trouve
jamais de ces Béroés qui ne logent quatre ou cinq de ces
vers, et on en voit quelquefois jusqu’à huit dans le même
animal.
» Vous trouverez aussi dans mes Sea side Studies Vindi-
cation du commensalisme de notre grande Cyanea arctica,
dont le disque a sept pieds et demi de diamètre et dont les
cirrhes dépassent une longueur de cent pieds. Entre les
franges buccales de cette superbe Méduse vit une espèce
d'Actinie à laquelle mon père avait donné le nom de Bieci-
- dium et qui appartient peut-être au même genre qui a été
appelé Philomedusa par Fr. Muller.
» On voit communément de trois à cinq de ces Actinies
sur chaque Cyanée.
» Nous avons aussi, dans notre Aurelia, un assez grand
nombre de Hyperina qui vivent en commensaux sur le
disque.
» Un autre fait intéressant est le commensalisme de nos
jeunes Comatules et des adultes : les jeunes de notre
espèce de la Caroline du Sud s'attachent volontiers aux
cirrhes basales, et lá se développe une petite colonie de
jeunes Pentacrinoides.
» Enfin une autre sorte de commensalisme est celle d'une
espèce de Planaire, la Planaria angulata, Muller, dont j'ai
fait Pembryologie; elle vit toujours en commensal libre
sur la surface inférieure de notre Limule près de la base
de la queue. »
Je profiterai de cette occasion pour citer un fait observé
par Risso et qui m'avait échappé lors de ma lecture. Risso
dit que la Baudroie loge, dans le sac de ses énormes ouïes,
un poisson Murenide, VApteryehte oculé, et il n'est pas
( FOF)
impossible que ce poisson apode rentre dans la catégorie
des animaux commensaux.
Enfin voici un des exemples les plus curieux de commen-
salisme et dont on s’est beaucoup occupé dans ces der-
niers temps.
Von Siebold a rapporté du Japon une aigrette de Spicules
hyalins, entourée d'une gaîne de Polypes charnus et qui se
termine par une éponge. Cette aigrette, qui, pendant plu-
sieurs années, était une des grandes raretés des musées,
se trouve aujourd'hui aussi répandue sur les étagères des
salons que dans les vitrines des collections. M. Semper Pa
trouvée aux îles Philippines où les Espagnols la désignent
sous le nom de regadera, c'est-à-dire aiguière. C'est l Hya-
lonema des naturalistes.
Quels sont les rapports qui unissent cette Éponge, car
PHyalonema est une vraie Éponge, au Polype qui l'entoure
en partie et auquel M. Schultze a donné le nom de Poly-
thoa fatua? Le Polype est un parasite de l'Éponge, dit
M. Schultze. Non, l'éponge est, au contraire , parasite du
Polype, dit le docteur Gray. L'Hyalonema est un produit
artificiel , dit Ehrenberg. Et M. Bowerbank, le naturaliste
le plus autorisé pour tout ce qui concerne les Éponges,
pense que le Polype de l'Hyalonema est, non point un ani-
mal distinct, mais une partie de l'Éponge, une réunion de
conduits formant un système de cloaque.
C'est M. Schultze qui a déterminé le mieux les rapports
et la nature du Polype et de l'Éponge, et il est évident que
le Polythoa est, non le parasite, mais le commensal de
PEponge.
M. Oscar Schmidt a reconnu dans l'Adriatique un Polype
du même genre Polythoa, et, comme celui de l'Hyalo-
nema de la mer de Chine, ce polype vit sur une Éponge
( 182 )
du genre Axinella. C'est également un cas de commen-
salisme (1).
Nous ferons remarquer, en terminant cette note, que tous
les travaux viennent corroborer l'opinion que nous avons
exprimée depuis longtemps sur la nature des Éponges. —
L'Éponge n’est autre chose qu’un Polype, avons-nous dit
encore en dernier lieu au Congrès de Hanovre, Polype
dont la partie active est réduite à un tube membraneux
dont Vorilice est dépourvu, contrairement à ce qui s'observe
chez les autres animaux de sa classe, de tentacules pré-
henseurs. C’est l'animal du type polype réduit à sa plus
simple expression, ai-je dit depuis longtemps dans la
Zoologie médicale que j'ai publiée en collaboration avec
: M. P. Gervais (2).
Remarques sur l'équation x" —1 = 0; par M. E. Catalan,
associé de l’Académie.
I.
Soit m = pq, les facteurs p, q étant premiers entre
eux. De
x" — A = (aP — 1) [x +. + a +1]
= (1 — A) [a a … + a+ 1),
on tire, en supprimant x —1 :
(1 + e pe a? haa en ad get) [1 eE x? + a? ak da at]
mitra E) ls at at + + gr].
enn
je Die Spongien des Adriatischen + es. de me 1862.
(2) Zoologie médicale, Paris, 1859,
PRET ln ea
(183)
Les polynómes
E a LA
sont premiers entre eux; donc l'égalité précédente devient
E A Atal oel? x, (1)
= == f p
Y nat. +17! Zaza”
X étant un polynóme entier.
H.
Lorsque les nombres p, q sont un peu grands, chacune
des divisions indiquées est presque impraticable. Jl est
néanmoins facile, non-seulement de calculer X dans cha-
que cas particulier, mais encore de trouver l'expression
de ce polynôme. *
na
1 — x”
X= (1 x), : (2)
l i — x”) (1 — 21)
ou
X— (1 — à) (L — a) (1 + a a ars) (A + at + a +),
ou encore
mt Ten apr+-bq « 5
X=(1—2) (1 — 00) Dart; (3)
a, b étant des nombres entiers quelconques.
Le dernier terme de X est, d'après la formule (2),
gritt-p—i — g-t) (ad),
Par Conséquent, on peut faire abstraction du facteur
„pe . à > ¿ap j
(1 — x"), pourvu que, dans le produit (1— x) £x", on
(184)
néglige les termes dont le degré surpasse (p— 1) (q —1).
Si, par exemple, p—7, q=5, d'où résulte
Sen Areria atat +
nde
on trouve, en multipliant par 1 — x et supprimant (—a*):
Kir at gt + 2 (4)
nh nt as 17 + a",
Tel est le quotient de
tenir xt + x
par
À + x + a? + a,
et de
laar + à + à + à + a
par
lr dr ds x + x + o.
HI.
Soit ọ(n) le nombre des solutions, en nombres entiers;
de Péquation
pa + qb =n,
n étant égal ou inférieur à (p —1) (q—1). D'après une
propriété connue, ọ(n)=1 ou 0. Done, dans le poly-
nóme X, les coefficients sont + 1, —1 ou 0. En outre,
on peut remplacer la règle ci-dessus par la formule sut-
vante :
n=(p—1) (4-1)
A = y a(n) — p(n — 1)|x". (5)
i (185 )
IV.
On sait, et cela résulte d’ailleurs des égalités (1), que
les coefficients des termes de X, également éloignés des
extrêmes, sont égaux entre eux. Donc
(001) (pr) (qr) Ap) (4 Int],
ou
¿y (pt) (qr Aep DD) (gt) 2);
ou plutôt
p(n) + ș [(p— 1) (g — 1) — n — 1] = const.
Lorsque n —0, le premier terme est 1, le second est
nul (*); done enfin
An en (6)
Ainsi : des équations
ap+bqg=n, ap+bg=pgp gR,
Pune admet une solution en nombres entiers, l’autre n’en
admet pas E
EA a aa man
(*) En effet, il est visible que l'équation
pla+1—q+q(b+1)=0
admet aucune solution en nombres entiers
(**) On ne doit pas oublier que n est compris entre 0 et (p — 1) (g — 1),
inclusivement.
(186)
N
Soit q
Ze + Zy +- + Zip |
ger TEZ deg dn te Lj \ (8)
1+2,+ La + + Lj |
+ Zit Zit + Ly
(*) Cette propriété, bien connue, a été indiquée ci-dessus (IV).
Ei A e O E A Pet De nl EE ed
rs E
z IT Fe LE
( 489 >
Ainsi, chacune des dernières fractions est réductible à
un polynôme entier
2p'q"
Zes Ads (9)
dans lequel
A, = ?(2pq — n) — y (2p'g —n —1). (10)
En effet, le coefficient de Z, , dans Z, égale le coefficient
de x°%—, dans X
L'exemple ci-dessus conduit à
1+2, Z; A+ ZA Lio + La
Aal Mers ars (an
=1—Z + 22 + Z; — Lo + Z — Zu + Ze |
IX.
Les racines imaginaires de x”— 1 —0 sont données
par les équations
lar. +2 *=0, (12)
1e. +2" —0, (15)
que Pon peut réduire á
1 4-Z, + Zo +... + Zy =0, (15)
l+Z+Z +. +2; =0, (16)
Z =0. (17)
Lorsque m = 35, ces dernières équations sont :
1+Z,+Z,+2Z,=0, 4+7Z,+2Z,=0, las)
kr ek em Za D Mn + La 0e)
2%" SÉRIE, TOME XXIX. 15
(190)
D'ailleurs :
HS re, Let -10+2
=z — 5a D, L= — 62 + 92 —2,
L=2 — 17 +14 — 72, Z= 2— 825 + 207 — 162 + 2,
Lo = 2° — 92 + 272% — 507 + 9z,
Le zie 102% + 352 — 507! + 257 — 2,
Zu z" — 112 + 442 — 772% + 552 — 117,
Ze= 2 122 + 542 — 112% + 1052 — 567 + 2.
Par conséquent, les réduites (18) deviennent
Par dl, 2+r z—1=—0,
ze ¿1 192 + 1442 + 542 — 437 — 1132 + 712 (19) —
+ 1107 — 462 — 402 + 8z + 1 =0.
X.
On peut prendre, comme racine primitive de Véqua-
tion (49) :
9 Evi
Ir aie r 27
a=c0s— + V— {sin — =e"
P P
De même, une racine primitive de l'équation (15) est
27. Hi
8 =e"
Soit maintenant
7:17
y=af — AA ie
y est racine primitive de la proposée.
: (TH)
En effet, supposons y? =y?”, ou y'"=1, y, y, y étant
moindres que m. La dernière égalité conduit à
résultat absurde, attendu que la fraction À test irréduc-
tible (*
La formule
x= y (20)
donne toutes les racines de l'équation (14), et seulement
ces racines, si l’exposant À n’est divisible ni par p ni par q:
c’est ce que l’on reconnait aisément. Si Pon identifie alors
le polynôme X avec le produit IL(x—y*), composé de
(p—1) (q—1) facteurs, on pourra trouver des relations
simples entre les sommes des puissances de y.
Par exemple, de
1 — x + a — r? + x — ra als a ua
— x” 4 g! — g! p gt — r” + rt —
(x — 9) (x —7°) (x — 7°) (x — Y) (x — y) (x — 1)
(x — y’) (x FREE y") (x — y”) (a —y*) (x Rue y) Le (x —>,
— En
+
(*) Si j'ai reproduit cette démonstration, c'est parce qu'ordinairement
on choisit, comme racine primitive, une expression beaucoup plus com-
pliquée que le produit «3.
( 192 >)
on conclut
vr Parr + A € 9° + pl + 9 + y + yi
ay + Bara 9 + ay”
HA + 98 Pp —0,
el
en supposant
s=1+2+53+4+64+84+9+.+34=1420=55 X 12.
La dernière relation est évidente; l'autre est facile à
vérifier.
XII.
Les racines de l'équation (17) sont données par la for-
mule
z = 9 cos np rie (21)
rq
dans laquelle à, tout au plus égal à PL, ne doit être
divisible ni par p ni par q. En particulier, les racines de
l'équation (19) sont :
247 487 72r
7, = 2 COS >» Za = 2 cos — , Hes >
39 39 y
96r 1447 1927
ZD 008, Z= 2 cos ——, 2 == 008 >
33 35 35
2167 2647
zı =2c0s—, Z= 2 cos ——, z = 2 cos ——»
55 55 35
3127 3847 4087
Zo 2 cos pe Zu 2 cos == 9 cos ==
29 55 35
SM Re SS
ess
WE
e E
E a
O
il
o ls
KT
EE D EN
(195)
ou, plus simplement :
1 437 2r
Z = — 9 cos ze , Za = — D COS — , Z5 == 2 COS —
3)
Or TE
Zz; =— 2008) Zp 2 COS —; Z = — 2 cos >
55 5
or 16r 8r
27 = 2 COS — > Ze = 2 cos — ; A EEE.
99 99 sh)
Zw — 2 cos er Zu —2c0s ESPE, Zig 2 LOS =>
35) 59 39
AHE
Quand Pexposant m, supposé impair, est décomposé en
plusieurs facteurs, premiers entre eux deux à deux, les
considérations précédentes sont encore applicables; mais
les résultats se compliquent rapidement. Si, par exemple,
on fait m = pqr, on trouve d’abord
1 — y”
= (tata tt) (tata!) (Arte) (22)
1—x
X, étant un polynôme entier; puis
X, =(1 — Jaro, (25)
pourvu que, dans le produit, on néglige les termes dont
le degré surpasse m — p — q — r + 2 = y. Enfin, si Pon
désigne par ọ(n) le nombre des solutions de l'équation
ap + bq + er =n,
exprimées par des nombres entiers, on a aussi
X s $ : AS (n en 2) pág E (24)
: un A j
(194)
XIV.
L'égalité
(1 — xy (1 — xr)
e Ut DA)
peut être écrite sous les trois formes
(1— 2) (1 — 0) 1 —2(1— s
n (1 — srj — 2?) (1 — x’) uo”
x A—x)(1— x) (1 —x) (1 — a”)
Gate) Ate)
x, (1— 2)(1 2x") (1 — x)(1 — x”)
OMA) (te)
Par conséquent, si Pon fait
p (1 — x) (1 — ar) (A — a) (1 — a)
mE (1 — ar) (1 — ar)” ee (4 — x) (1 — x)
Lie À er à ee dte) (25)
(1 — x”) (1 — x’) (1 — x") (1 — ar)”
ü (4 Fr x) ( (1 sen 7 a (1 — x) (1 - Een a)
(1 — 2?) (haa (1 — x?) (1 — g)
on aura
X, = PP, = QQ, =RR.. (26)
Les quantités P, P,, Q, Qi, R, Ry, analogues à la
fraction (2), sont, comme celle-ci , réductibles à des
polynómes , =X. Donc le poly-
nóme X, est ahd de trois manières différentes;
en un produit de deux facteurs entiers, dont les termes
ont pour coefficients +1 ou —1.
CER
Cette propriété n’exige pas que l’exposant m soit impair.
Afin de la vérifier dans un cas simple, prenons p = 5,
q= 53, r= 2, Nous aurons
(1 — x) (1 — g%) A+a + x + x + a”
D no LE NR O
(1 — x) (t — x) 1+x+ a + à + x
== À = x + ai as a+ x”,
AN TE up 5
ET x) (1 A ast
(1 — x) (ia) A+
MN ae A+ + qe
a tr.
= E A a pq
o (t— x) (1 — x”) À + ab
== en
(1 — a?) (1 — x) Az
UN +46
Aat) oz
ix e rito arr ar tr”
R
si x"! ie qe pe qa + qe,
R Aajt Aar?
En ss
(lada) Arara
strater
puis
=d rr
1 *
+ añ o es gteat + 2 D + a” (*).
(*) Le coefficient de x? est 2, tandis que, d’après la formule (24), il
devrait être égal à 1. Pour expliquer cette divergence, il suffit de rappeler
que la dernière formule suppose p, q,r impairs, et, par conséquent,
supérieurs à 2
( 196 )
XV.
Les relations (25) seraient absurdes si les polynómes
P, P,, Q, ... étaient premiers. Il est facile de prouver que
R R Y P
Ri Q, P, R, Q, Pp,
A, B, C étant des polynômes entiers.
n effet,
Q (1— a) (Aa) 1A +t +. + geer
== ,
Re (ltr) A + a + + at
ou, si Pon fait x’ — y :
+: aal ar Saba ar AONE (28)
R, A+y+g +. + y
et, d'après la formule (1), le second membre est réduetible
á un polynóme entier.
AVI.
Dans cette même formule (1), remplacons X par
F (p, q, x); de manière que
; (i = a l (29)
Aa)
Au moyen de cette notation , légalité (28) devient
F (p, 9, x) =
= F(q, r, a’).
R, (a j x)
Ainsi
A = F(q, r, x°), B= F (r, p, 2%), C=Fí(p, q) 7); (50)
rdc
(197)
el, en conséquence :
ASS pF A CS À A A A A fu dé DE
o Éd an Ris aras ES 5 Se
X, = F (p, q, x)F(p, r, 2) F(q, r, 2”),
X, = F(g,r, x)F (q, p, x)E (r, p, 27), lsi
X, RE F(r, P- x)E (r, VE x) F(p, VE a”); |
ou, ce qui est équivalent,
X, = AQR, = BRP, = CP,Q.. (32)
Le polynôme X, est donc décomposable, de trois manières
différentes, en un système de trois facteurs entiers, analo-
ques, chacun, au polynôme X.
Dans l'exemple ci-dessus : *
Stet) fazer
tte) daer?
d 5 30 i5
mihi. Ls —1— 24 ias x"
Aajt tar i
td art +1
(1 — x") (1 — a" lo >
= À — r? + xê 98 + x! A + r",
=1— x + x",
A
Le polynóme du vingt-deuxiéme degré, trouvé précé-
demment , se décompose done comme il suit :
Nl) (a+ aaa) (Ia + ate aa” + xt)
(lata jl taa qa) (1x +2)
== (1 —y?+ re a et PE a Ra 0 (1 —a-+x?) (1 gtr).
De plus,
1— 2 + r” — nn +4 +2),
1— Pra + rgt + mt
(1— x+ rt ria Aa star x + + xt);
(198 )
donc enfin
X,=(1—2<+ 0) (1 — x — x + x)
+ e +0) (1—x +20 — ata — x" +27),
Il résulte, de cette derniére décomposition, que les
racines imaginaires de x30 —1 — 0 sont déterminées par
les équations : .
Iry x2=0, let p50, ++ ar + x'—=0;,
ret =0, Aar ata + aaa =0,
Ere er ek ==.
Ces résultats connus servent de vérification aux calculs _ 1
précédents.
Liége, février 1870.
Note sur la nature du soleil, par M. G. Bernaerts.
L'étude de la constitution physique du soleil a fait de
grands progrés depuis quelques années. Gráce à la bril- -
lante théorie de M. Faye et du R. P. Secchi, une lumiére
toute nouvelle est venue se répandre sur celte question;
les véritables principes, longtemps méconnus, se sont fait
jour et ont écarté les idées anciennes qui n'expliquaient
ni la vive lumière, ni la longue période d’incandescence
du soleil. Mais cette hypothèse, quel que soit d’ailleurs
son mérite, a néanmoins donné lieu à une grave objec-
tion: Une sphère gazeuse élevée à une haute températ
doit être diaphane et à travers les éclaircies de la tache on
doit voir la partie opposée et brillante de la photosphére-
Pour échapper à cette difficulté et expliquer la couleur
sombre des taches, M. Faye suppose que les couches,
ure 3
NS
ERE RN DT NE S
kent E à + PE
(199) en
placées en dessous de la photosphère, ont une moindre
température qui combat cette transparence (1), et le
R. P. Secchi émet Pidée que les taches sont des nuages
opaques, nageant dans cette enveloppe lumineuse (2).
Ces opinions paraissent se concilier difficilement avec la
forme du noyau des taches, au milieu duquel se remarque
quelquefois une place plus noire, une espèce de gouffre ou
d'ouverture, pratiquée dans un corps, placé en dessous
de la photosphère (5). Ce fait semblerait indiquer que le
noyau gazeux est recouvert d'une couche liquide, incan-
descente, de faible épaisseur, enveloppée á son tour de
nuages incandescents et lumineux.
Cette idée, déjà soutenue dans le temps (4), concilie la
nouvelle théorie avec Vancienne théorie de Wilson, et
poúrrait bien nous donner la vraie solution de la nature
du soleil, puisqu'elle est en harmonie plus complète avec
la forme des astres dont nous connaissons l'organisation,
et puisqu'elle tient compte de Panalogie qui doit régner
entre eux, tout en ayant égard á la différence qui existe
entre leurs états spécifiques.
I.
Et d'abord il est nécessaire d'admettre que le soleil n'est
pas à l'état solide, ni purement liquide , car c'est dans son
noyau que doit se trouver le réservoir presque inépuisable
A EI
(1) Comptes rendus de l Académie des sciences. Paris; 1868,t 1,p 200.
(2) Comptes rendus, 1869, t. 1, p. 1184.
(3) A. Guillemin, Le soleil, éd. 1869, p. 150.
_(4) F. Faye. C. R. 1866, t. 11,
on Bulletins de l’Acad. ARE Belgique, 1865, 2e série,t. XIX,
Pp. 30 sq
5 (200)
de la chaleur, et la grande quantité de calorique qu'on y
rencontre n’est compatible qu’avec l'état gazeux. Une
sphère entièrement liquide ne pourrait contenir ni émettre
autant de chaleur; par conséquent, son incandescence ne
serait pas de longue durée, et à ce titre le soleil n'existe-
rait plus, depuis longtemps, comme astre lumineux.
La masse gazeuse s'étant depuis longtemps refroidie par
rayonnement, c’est sa surface et les couches voisines qui
doivent être le plus affectées de cet abaissement de tempé-
rature. Le centre, plus éloigné que tout le reste du champ
d'action où s'opère la déperdition de la chaleur, doit être
le point le plus échauffé de la sphère. Cet espace est ensuite
entouré de couches de plus en plus froides, et dans cet
ordre de choses le liquide incandescent doit nécessaire-
ment se placer à la périphérie. C’est aussi le seul endroit
où son existence soit possible, car les corps gazeux in-
ternes le réduiraient immédiatement à l’état de vapeurs.
Cela ne veut point dire cependant que cette couche
liquide, formée par le rayonnement à l'extérieur du globe,
n’ait une tendance continuelle à se précipiter vers le centre.
Au contraire, elle est constamment entamée par la force
dissolvante du noyau et entraînée vers le milieu du globe
pour s’y dissocier de nouveau. De lá un courant descendant
qui s'établit, et, comme complément, un courant ascen-
dant, qui, à son tour, vient troubler l'équilibre primordial.
Les gaz que le courant ascendant entraine, après leur
dissociation, doivent forcément percer l'enveloppe liquide
pour se répandre dans la photosphère. Cette couche n'étant
pas fort épaisse proportionnellement au rayon, rien n'em-
pêche que le noyau ne réagisse fortement sur elle et né la
perce partout d'une infinité de pores ou de cratères, Ca!
ce n’est que lorsqu'elle s'épaissit qu’elle peut comprime
FS es,
5
ERN,
II
( 201 )-
lessor des matières internes et les empêcher de se lancer
abondamment dans la photosphère.
Après avoir émis de la clarté et de la chaleur, les mo-
lécules, débarrassées par le rayonnement de leur excès de
calorique, se condensent et retombent sur enveloppe du
noyau dont elles viennent accroître le volume du côté
extérieur, tandis que le noyau gazeux, comme nous l'avons
vu, dissout continuellenient à l'intérieur, par sa forte tem-
pérature, cette partie liquide qui Penvironne de toutes
parts.
Si cette enveloppe n'existait point, la chaleur émise par
le noyau gazeux empécherait sinon la totalité, au moins
la plus grande partie des combinaisons et des réactions
qui s’opèrent dans la photosphère, les gaz internes s'y
précipiteraient en trop grande quantité, et leur tempéra-
ture excessive, que rien ne combat, en détruirait tout
l'éclat et toute la chaleur rayonnante. La couche liquide
a donc pour effet de modérer l'action du noyau et de lais-
ser un libre essor aux causes productrices de la lumière
et de la chaleur.
On se fait peut-être une idée inexacte du rayonne-
ment interne de la photosphère, et l’on croit qu'il doit
nécessairement vaporiser la couche liquide, tandis que
C'est la photosphère seule qui en protége l'existence. Sa
chaleur est bien faible quand on la compare à celle du
corps central (1); celui-ci, par l'intensité énorme de son
calorique, peut seul dissocier les matières de l'enveloppe
liquide et il en aurait bientôt détruit l'existence si la pho-
tosphère n’en réparait constamment les pertes incessantes.
Sae
(1) F. Faye, C. R., 1865, t. I, p. 144; 1868, t. 11, p. 196.
( 202 )
On conçoit immédiatement que l'accroissement et la
diminution de la couche liquide ne s’opèrent pas toujours
au même degré. Son épaisseur est bien variable et Poscil-
lation qu’elle subit produit la périodicité des taches du
soleil. Quand son développement est très-faible, les gaz
peuvent s'émettre avec une grande facilité, les taches sont
peu nombreuses, l’action de la photosphère est puissante
et la couche liquide s'accroît rapidement. Arrive le mo-
ment où elle gêne l’émission des vapeurs, alors l'éclat de
la photosphère diminue, l'atmosphère moins échauffée
donne naissance à des courants froids plus puissants, à des
taches plus considérables et plus fréquentes. Mais en même
temps l'accroissement extérieur de la couche opaque est
moins rapide el le noyau gazeux l’entame avec une force
toujours plus vive et plus puissante. Enfin, cette couche
redevient moins épaisse, l'émission du gaz s'opère de
nouveau avec plus de facilité, et la photosphère récupère
sa première force et son premier éclat.
Dans cette lutte de courants, la victoire reste toujours
au courant froid, car le soleil perd une partie de son calo-
rique par rayonnement, et, comme toute chaleur émise ne
se récupère plus jamais, l'accroissement de la couche
liquide doit toujours l'emporter d’une certaine quantité
sur le décroissement. Cette couche devient done insensi-
blement de plus en plus épaisse, elle empêche toujours
davantage les gaz de se jeter, en force suffisante, dans la
photosphère, et un moment arrive où cette dernière dispa-
raît complétement. L’astre paraît alors éteint ; cependant,
à de rares intervalles, les gaz internes, réunissant leurs
efforts, parviennent à percer leur enveloppe, la photo-
sphère se reforme pour un moment et acquiert un éclat
soudain et inusité; mais la couche liquide ne permet pas
ET ile
(203 )
que de nouvelles vapeurs viennent remplacer celles que le
rayonnement détruit en grande quantité et les nuages
lumineux se dissipent rapidement. L’astre est alors devenu
une étoile temporaire et son éclat n'est pas, en général, de
longue durée.
Cette théorie explique done assez bien la dernière
période de l’incandescence et peut-être mieux que celle
qui admet un soleil entièrement gazeux ; car pour elle
c'est la photosphère qui s'épaissit et qui empêche les gaz
de sortir du noyau et de devenir lumineux. Or, comment
comprendre cette photosphére qui tour á tour est obscure
el lumineuse et qui empéche ou non les gaz de s'échapper
du noyau? Si les gaz doivent percer la photosphère pour
que celle-ci devienne lumineuse, ce n'est plus cette enve-
loppe qui est la source de la lumière et de la chaleur; c'est
dans une autre partie que s'optrent toutes les combinaisons.
La formation de l’enveloppe liquide serait donc le premier
échelon qui conduit à la formation d’une croúte solide, la
première étape dans la voie de l'extinction d'un astre. Elle
Concourrait à produire la lumière et la chaleur en détrui-
Sant l’action dissolvante du noyau; sans elle il n’y aurait
point de photosphère, mais un pouvoir émissif très-faible,
En un mot l’état nébuleux.
De là, comme on l’a déjà fait remarquer, trois phases
principales dans l'existence d'un astre :
1° L'état nébuleux ou purement gazeux. L'émission de
la lumière et de la chaleur est alors très faible; les couches
internes restent dans un équilibre perpétuel que rien pour
¿ya dire ne vient troubler.
° L'état lumineux, avec formation d'une photo [hidro
et x une couche liquide incandescente. Le pouvoir émissif
est alors très - grand, l'astre répand une forte chaleur et
( 204 )
une vive clarté. Les courants ascendants et descendants
attaquent, avec une force toujours croissante, le foyer
interne du noyau.
3 L'état obscur, résultant de la destruction de la pho-
tosphère, lorsque la couche liquide a envahi tout l’espace
intérieur et que le noyau gazeux a totalement disparu.
C'est alors que commence la solidification externe du
globe liquide.
Tous les astres sont donc condamnés à s'éteindre et le
monde doit aboutir un jour à l'absence de toute lumière
et de toute chaleur. Cependant l'univers est encore fort
éloigné de cet instant fatal : presque toutes les étoiles ont
un éclat fort régulier et le soleil est à la partie la plus
brillante de sa période lumineuse, puisque les extinctions
toutes locales de sa photosphère n’affectent point, d'une
manière sensible, son intensité, ni sa chaleur.
Toutefois les phénomènes d'extinction deviendront
d'autant plus rapides qu’on approchera de la fin de l'in-
candescence. Ils forment les termes d’une progression
qui s'aceroissent d'autant plus vite qu'on s'éloigne du
point d’origine.
IL
La nature des taches du soleil mérite un examen parti-
culier, car elle se lie intimement à la constitution physique
de cet astre. Les taches se présentent toujours sous forme
d'entonnoir ou de trouées faites dans la photosphère, et
semblent nous indiquer, dans tous leurs phénomènes,
qu’elles résultent d’un courant descendant.
Puisque le soleil est encore dans toute la force de son
action, les émanations gazeuses doivent étre considérables
pis à
aa a SE de i a.
dk enn d'a
( 205 )
et le courant chaud, ascendant, doit s'exercer sur toute la
surface du globe; en un mot les gaz dont il se compose
doivent suinter partout à travers la couche liquide. Cette
proposition serait encore plus évidente dans l'hypothèse
où le soleil serait à l’état purement gazeux, où rien, par
conséquent, n'empécherait les vapeurs de s'épancher dans
toutes les directions. Dans cet état point de cratères, point
de volcans, point d'émissions isolées possibles; ce n'est
qu'avec une couche liquide fort épaisse qu'on peut les con-
cevoir, car c'est alors seulement que les vapeurs doivent
réunir leurs forces pour percer l'enveloppe qui comprime
leur essor. Puisque le courant ascendant se manifeste sur
toute la surface du globe, il est dès lors peu probable de
le trouver, en outre, localisé en certains endroits, et Pon
n'expliquerait que fort difficilement la nécessité d’un pareil
état de choses. ;
À cette raison vient se joindre une autre non moins
importante. Si le courant ascendant se dilate à mesure qu'il
monte, il perd aussi une partie de son calorique, et, par
conséquent, une partie de sa force dissolvante. En outre
les efforts qu'il fait pour dissoudre la photosphère le ren-
dent moins puissant à sa sortie qu'à son entrée, et la
tache ne pourrait se présenter sous forme d’entonnoir.
Pour expliquer les taches il faut donc recourir à un
Courant descendant. Sans ce courant les gaz de P'atmo-
Sphère du soleil ne pourraient jamais se rendre dans l’en-
droit où la chaleur dissocie tous les éléments, car les molé-
cules extérieures, quoique attirées par le noyau central,
ne pourraient passer isolément la couche lumineuse qui
détruirait immédiatement leur basse température; ils
doivent donc se réunir pour la percer en un seul
endroit. Cependant le courant froid perd son intensité,
Me SÉRIE, TOME XXIX. 14
(206 )
s'échaufle et se comprime à mesure qu'il senfonce dans la
photosphère; son étendue doit donc être plus petite à sa
sortie qu'à son entrée, et la tache qu’il produit doit se
présenter sous la forme ordinaire. Quelquefois sa force
s'épuise avant qu'il ait traversé complétement la couche
lumineuse, alors il ne la perce que faiblement et une
simple pénombre indique la trace de son passage. Quel-
quefois aussi, surtout à son début, il perce la photo-
sphère de simples pores, de petites ouvertures, dépourvus
de nébulosités, et ce simple et mince filet, sous lequel il
débute, nous montre tous les efforts qu'il doit faire pour
opérer son passage, comment il doit réunir toutes ses
forces et former, pour ainsi dire, une pointe effilée pour
percer la couche incandescente.
D'autres particularités indiquent encore plus clairement
que les taches résultent d’un courant descendant. Partout
les matières de la pénombre et même les faeules se préci-
pitent et se dissolvent dans le gouffre formé par la tache (1).
Il en est de même des petites taches qui sont attirées et
absorbées par les grandes (2). Ces phénomènes peuvent trés-
bien s'expliquer par un courant descendant qui entraine
tout pour se frayer un passage, car les nuages lumineux
et les taches doivent suivre dans leur marche la direction
du courant principal (3).
On objecte que le courant descendant aurait pour effet
non de produire une tache, mais de raviver l'éclat de
(1) Chacornac; C. R., 1865, t. I, p. 1000: Secchi, C. R., 1866, t. 1, p. 862,
1867, t. I, p. 1122; Faye, ee Lockyer. C. R., 1065, t. I, p. 597.
(2) Secchi, C. R, 1866
3) Le R. P, Secchi, aa du courant ascendant, admet mga
un contre-courant descendant pour expliquer ces phénomènes. C.
66, t. 1, p. 862.
( 207 )
la photosphère; cela serait vrai si le courant n’était pas
assez intense. C'est ce qui arrive, par exemple, au mo-
ment où la tache commence à se former. On voit alors
apparaître des facules lumineuses qui, peut-être, mont
pas d'autre cause productive. C’est pourquoi aussi ces
facules persistent jusqu’à ce qu'elles comblent le noyau
lorsque le courant a perdu son intensité (4).
Le courant froid, venant des régions supérieures de
l'atmosphère, a dans sa descente une vitesse plus grande
que ne comporte la rotation des couches inférieures qu'il
traverse; la résultante de ces deux forces, l'attraction et la
rotation Jui font prendre une direction inclinée dans le
sens du mouvement de l'astre autour de son axe. La résis-
tance de la photosphère transforme cette marche oblique
en mouvement qui se rapproche de la ligne horizontale
et fait que, lorsqu'un nouveau groupe se produit, la pre-
miére tache se porte en avant (2), phénomène qui se ma-
nifeste aussi lorsqu'une ancienne tache vientá se segmenter
ou bien à s'agrandir (3); ce mouvement ne cesse que lors-
que la résistance de la photosphère est entièrement vain-
cue (4); alors le courant prend insensiblement une direc-
tion invariable et la tache finit par rester immobile.
On pourrait aussi expliquer de cette maniére pourquoi
un grand noyau est presque toujours suivi d'autres ou-
vertures, orientées dans le sens des parallèles (5), et
—
(1) Chacornac, C. R., 1865, t. 1, p. 61.
(2) Faye, C. R., 1867, t. I, p. 375; Secchi, C. R., 1867,t. I, p. 1121.
(5) Secchi. Ibid.
(4) Faye. C. R, 1867, t. 1, p. 373; Secchi. Ibid., p. 1121. La tache ne
devient immobile que lorsqu'elle a pris la forme d'un entonnoir.
(5) Chacornac. C. R., 1865, t. I, p. 61, sqq.; Faye. C. R., 1865, t. I,
p. 139.
E ( 208 )
pourquoi les facules suivent la tache et ne la précèdent
point (1). En outre, si Pon tient compte du mouvement
de la photosphère, combiné avec l’action du courant
descendant, il sera facile de comprendre ces oscillations
elliptiques qu’on a constatées dans les taches du soleil (2),
ainsi que la rotation différente des pôles et de l'équateur.
Admettre que le courant chaud, issu de couches diverses,
animées de vitesses différentes, soit l'unique cause de ces
mouvements, C'est lui accorder des effets trop multiples
et trop divers. Du reste, comment toutes ces actions si
variées pourraient-elles encore se produire, si l'on con-
sidère que toutes les couches, que les gaz traversent, ont
des vitesses différentes, qui doivent nécessairement in-
fluer sur le mouvement originaire du courant ascendant?
D'autre part, la couche liquide n’est pas un obstacle
à l'explication du mouvement propre des taches : puis-
qu’elle n’est pas fort épaisse, elle peut, comme la photo-
sphère, être entraînée , dans une certaine mesure, par les
courants intenses qui se lèvent au centre du globe incan-
descent.
On objecte, il est vrai, que le courant froid ne peut être
la cause des taches parce qu’il se comprime, et, par consé-
quent, se réchauffe, en descendant, et cela à tel point qu'en
arrivant à la photosphère il a entièrement perdu sa basse
température. Mais le courant ascendant perd en mon-
tant la même quantité de calorique que le courant froid
en gagne en descendant, leurs trajectoires étant égales, et
comme leurs molécules se refroidissent pendant leur
1) Faye. C. R., 1865, t. 1, pp. 140-148. Ce fait a aussi été signalé par
MM, Balfour-Stewart et Warren de la Rue.
Faye. C. R, 1867, 1.1, pp. 201-211.
PR ne A ET
( 209 )
marche par rayonnement, il s'ensuit qu’au niveau de la
photosphère, le courant descendant pourrait être plus
froid que le courant ascendant. -
À la question de la cause productive des taches du soleil
se lie une autre non moins intéressante, celle de leur répar-
tition autour de la ligne de l'équateur. Ce phénomène,
dont l'explication est assez difficile, pourrait cependant se
comprendre si Pon suppose que l'atmosphère du soleil a
une forme lenticulaire, analogue à celle de la lumière
zodiacale (1): comme sa plus grande étendue se trouve-
rait dans le plan de l'équateur, c'est dans cette direction
que le courant froid aurait le plus d'intensité, car son point
d'origine y est plus éloigné qu'ailleurs de la source du
calorique. En outre, tout courant issu de Péquateur
devrait, lorsqu'il commence à descendre, se porter d'une
certaine quantité vers la région plus échauffée des pôles,
et tout courant qui se lève aux pôles devrait être attiré
dans une direction inverse. De la combinaison de ces deux
Courants résulterait la distribution des taches en deux
Zones parallèles, tandis que les pôles et l'équateur en
seraient dépourvus parce que le courant ne peut revenir
à Son point d'origine. Cette atmosphère, dont Pauréole des
éclipses totales semble d'ailleurs prouver l'existence, ne
Pourrait être formée d'un amas de matières cosmiques,
analogues aux étoiles filantes, mais elle devrait être fluide
nn mm à Le
(1) D'après M. Liandier, la lumière zodiacale est une atmosphère du
Soleil; elle produit les taches par Pabaissement de température que cause
la diminution de sa pression (C. R., 1866, t. Il, p. 1405). M. Faye croit
Cependant que la distance au périhélie de la cométe de 1845 ne permet
pas de dépasser pour cette atmosphère une hauteur de 5’, c'est-à-dire
les 215 du rayon de la photosphère (C. R., 1868, t. I, pp. 195-194).
(20)
et fort subtile; elle ne serait pas nécessairement incandes-
cente dans toutes ses parties.
La théorie que nous venons d'exposer peut donc rendre
compte de la nature des taches, de leur périodicité, de
leurs mouvements et de leur répartition. Elle explique
aussi facilement que celle qui admet un soleil entiére-
ment gazeux , la photosphère, ses protubérances et sa com-
position chimique, en un mot, tous les phénoménes que
Panalyse spectrale vient de révéler. Cependant, á cause
des difficultés inhérentes à la matière, nous ne présentons
cette maniére de voir que sous toutes réserves et en ré-
clamant Pindulgence de nos lecteurs.
Sur la pierre météorique tombée à Saint-Denis-Westrem,
près de Gand, le 7 juin 1855, par M. Stanislas Meunier,
docteur ès-sciences, detal au Muséum d'his-
toire naturelle de Paris.
Le 7 juin 1855, vers 7 heures 3/4 du soir, la commune de
Saint-Denis-Westrem fut témoin du phénomène imposant
de lumière et de bruit dont s'accompagne avec la constance
la plus remarquable l’arrivée sur la terre de pierres mé-
téoriques. Une pierre de 720 grammes fut recueillie.
J'ai pu en étudier un échantillon que possède le Muséum
d'histoire naturelle de Paris.
Comme toutes les météorites, la pierre de Saint-Denis-
Westrem est recouverte sur toute sa surface externe d'une
mince couche noire vitrifiée. Cette croûte extérieure
tranche par sa couleur avec la nuance tout à fait blanche
que présente la cassure de la roche météorique.
(211)
Cette roche, et c’est lá le point sur lequel j'insisterai,
est identique, sous quelque rapport qu’on la considère, avec
celle qui constitue, entre autres, les météorites de Lucé
(1768), de Mauerskirchen (1768), de Politz Gera (1819), de
Allahabad (1862), de Motta dei Conti (1868), de Sauguis-
Saint-Étienne (1868), etc., etc. Je la désigne sous le nom
univoque de lucéite qui dispense de périphrases, et on peut
la caractériser de la manière suivante :
La lucéite est.une roche blanche, très-finement grenue,
àpre au toucher, éminemment cristalline. Sa densité, d’après
les mesures les plus récentes faites par des pierres appar-
tenant à douze chutes différentes, est égale à 3.43.
Jusqu'à présent son analyse minéralogique n’a pas été
faite d’une manière satisfaisante. Toutefois on y reconnaît
la présence de minéraux péridotiques, de minéraux py-
roxéniques, de fer nickelé, de sulfure de fer et de nickel
(troilite), de phosphure double de fer et de nickel (schrei-
bésite), ete., etc.
Son analyse élémentaire a été faite avec beaucoup de
soin dans diverses circonstances el on a obtenu des résul-
lals toujours très-peu différents les uns des autres.
Voici, par exemple, les nombres que j'ai obtenus dans
l'examen de la lucéite tombée le 12 septembre 1868 à
Sauguis-Saint-Étienne (Basses-Pyrénées).
La substance, réduite en poussière, abandonne à l’aimant
E
8.05 pour 100 de son poids de fer nickelé renfermant :
POE O Toese 10
Waker. o AO
7,99
ce qui correspond à peu près à 5 pour 100 de nickel. La
proportion du sulfure s'élève à 3.044 pour 100.
(212)
Quant à la matière lithoide, qui représente, comme on
voit, 88.906 pour 100 du poids total, Pacide chlorhydrique
la sépare en
Matière attaquable . . . 65,556
Matière inattaquable . . “ti
88, 88,906
Voici séparément Panalyse de ces deux parties :
PARTIE ATTAQUABLE. OXYGÈNE.
ru md
ORL 16,15
Magnésie. . bee ee 13,13 )
En de fer | 0,44 l 15,65
Potasse k 0,406 0,06 }
Soude . traces.
65,909 >
PARTIE INATTAQUABLE. ni OXYGENE.
Pi a 14604 7,79
o ee a 5,802 2,26
i ' 9
Protozyde de ler ne 2001 0,4 2,848
Chaux , 0,500 0,14
asse . ,048 0,008
ATAR |
: 0
Sesquioxyde de fer. . sn
Sesquioxyde de chrome. . 0,012
25,571
Les faits acquis récemment dans l'étude chimique des
météorites autorisent à affirmer que la pierre de Saint-
Denis-Westrem soumise à l'analyse donnerait des résultats
sensiblement identiques. De même que si Pon dit d'une
certaine roche terrestre que c'est un phyllade, on est fixé
(215)
sur sa nature sans en faire une étude spéciale; de méme,
en disant de la pierre de Saint-Denis qu'elle est formée de
lucéite, on donne à Pinstant l’idée la plus nette sur ses
caractères chimiques et minéralogiques.
Un fait sur lequel je veux appeler tout spécialement Pat-
tention, parce qu'il a échappé á toutes les personnes qui se
sont occupées de létude des météorites, et parce qu'il est
de nature á fournir les documents les plus décisifs quant á
l’origine de ces corps, c’est que la lucéite n'existe pas seu-
lement dans les pierres, d’ailleurs nombreuses, dont elle
constitue la substance exclusive. Je Vai retrouvée en frag-
ments empâtés dans différentes météorites bréchiformes,
telles que les pierres de Saint-Mesmin (Aube, 1866), de
Cangas de Onis (Asturies, 1866) et d'Assam (Indes, 1846).
En examinant ces météorites on y constate aisément, ce
que confirme d'ailleurs une étude plus attentive, la pré-
sence de fragments de lucéite, empátés dans une roche de
couleur sombre.
La conséquence de ce fait, analogue à plusieurs autres
que j'ai eu l’occasion de constater, est évidemment qu’à une
époque passée, la lucéite dont la pierre de Saint-Denis-
Westrem est un échantillon si caractérisé, était en relation
Stratigraphique avec la roche bréchiforme que représentent
dans nos collections la météorite de Saint-Mesmin et les
masses analogues.
D'un autre côté, j'ai observé d'autres météorites bréchi-
formes, telles que celles de Canellas (Espagne, 1861), de
Gutersloh (Westphalie, 1857) et de la Baffe (Vosges, 1822)
quí, dans la même pâte foncée que les précédentes, renfer-
ment des fragments d’une roche grisátre, oolithique, toute `
différente de la précédente. 11 est clair que ces deux séries
de météorites bréchiformes proviennent de masses formées
(214 )
dans les mé ili isqu'ellesont un élément litholo-
gique commun; el il résulte de là que les pierres du type de
Canellas ont été en relation stratigraphique avec des masses
de lucéite, bien que cette roche n’y soit pas représentée.
Mais ce n’est pas tout : la roche oolithique des météorites
de Canellas, de Gutersloh et de la Baffe constitue á elle
seule certaines masses dont les plus connues sont tombées
à Montréjeau (Haute-Garonne, 1859), à Pegu (Indes, 1857)
et à Muddoor (Indes, 1865), et je la désigne sous le nom de
montréjile.
Évidemment nous devons admettre que cette montréjite
a été en relation stratigraphique avec la lucéite, car autre-
ment nous ne pourrions comprendre la présence de ces
deux roches en fragments anguleux dans une pâte foncée
identique.
Voici donc, en rèsumé, quatre types bien distincts de mé-
téorites représentés par les pierres de Saint- Denis-Wes-
trem, de Saint-Mesmin , de Canellas et de Montréjeau , dont
nous sommes autorisés à dire qu’ils ont été en relation
stratigraphique , et tout le monde conviendra qu’un fait de
ce genre est de nature à éclairer d'un nouveau jour la
question si peu connue encore de l’origine des météo-
rites.
En elfet, cette communauté de gisement que nous re-
connaissons à différentes masses extra-terrestres diffé-
rentes, jointe à l'existence de filons météoriques que j'ai
fait connaître dans un mémoire publié l’année dernière,
montre que les météorites dérivent d’un ou de plusieurs
astres où elles étaient en relation stratigraphique et qui
ont été démolis.
Quant à la cause de la démolition, je la vois dans le fait
même du développement normal des corps sidéraux. On
A re A RS te der M
A
ys VESTES nt EN
(25)
pense que ceux-ci, originairement à l’état de nébuleuses,
passent successivement par des états dont le soleil, la terre
el la lune marquent trois termes particulièrement caracté-
risés et qui sont dus aux progrés ininterrompus du refroi-
dissement de la matière cosmique. Or, en admettant, ce
qui est certain, que ce refroidissement ne soit pas arrivé à
son dernier degré sur notre satellite, nous devons nous
attendre à voir les astres présenter, après l’état de lune,
un état tout différent, Suivant moi, c'est l’état de météo-
rites,
En effet, les astres tendent d'eux-mémes à se briser.
Nous en avons la preuve autour de nous dans les failles
que la terre nous montre de toutes parts. Au fur et à mesure
de leur formation ces fractures sont ressoudées par l'injec-
tion de la matière fondue interne : cette matière les rem-
plit, et constitue suivant les cas, les dykes, les typhons, les
culots, ete., si fréquents dans tant de régions.
Mais admettons que pour une raison ou pour une autre
ce coment vienne à manquer, il est clair que le travail mo-
léculaire qui a déterminé les failles les élargira peu à peu,
en formera de nouvelles et finalement divisera le globe en
une infinité de fragments de nature et de grosseur variées.
Or, sur un globe constitué comme la terre, le ciment man-
querait á partir du moment où la masse interne serait
complétement solidifiée.
La lune, sans être encore arrivée tout à fait à ce point, y
enire évidemment et le phénomène de rupture commence
ä S y manifester par les rainures, crevasses gigantesques,
dont sa surface est sillonnée. Mais supposons que la terre
at eu autrefois un satellite beaucoup plus petit que la
lune e qui pouvait d’ailleurs graviter autour de celle-ci, ce
satellite serait aujourd’hui complétement brisé.
(216 )
Une fois le globe réduit en fragments, ceux-ci, par suile
de diverses causes agissant inégalement sur eux, ont glissé
les uns contre les autres et se sont concassés suivant leurs
surfaces de moindre cohésion.
Il n’appartiendrait qu'aux géométres de résoudre dim
sa généralité le problème de la destinée ultérieure de ces
fragments. Retournant done à Pobservation du phénomène
auquel ce travail est consacré, je constate que, considéré
dans la totalité de ses manifestations, ce phénomène pré-
sente deux circonstances conduisant à admettre que les
matériaux de lastre, dont les météorites proviennent, se
sont, après la rupture de l'astre , distribués le long de Por-
bite précédemment décrite par celui-ci et que de plus ils se
sont triés d’après leurs densités en couches concentriques
au foyer d'attraction, dès lors entouré d'anneaux séparés
les uns des autres d’une manière plus ou moins nette.
Les circonstances dont il s'agit sont 1° l'absence de
périodicité dans la chute des météorites et 2 l’ordre de
succession des types de roches tombés sur le globe, ordre
de succession conforme à l’ordre de superposition que Ces
types ont dù affecter dans lastre démoli.
Il paraît certain, en effet, que les fers météoriques sont
tombés anciennement en très-grand nombre, tandis que
leur chute est aujourd’hui un événement extrêmement pet
fréquent.
On aura une idée de la rareté actuelle des chutes de fer
quand j'aurai rappelé que depuis cent dix-huit ans on n'en
a observé que quatre en Europe, qui est la partie du monde
où le phénomène a le moins de chances de rester inaperçu;
or, pendant le même laps de temps, le nombre des chutes
de pierres dans la même contrée, et dont plusieurs ont
fourni des milliers d'échantillons, s'élève au moins à cen!
soixante-quatorze.
(A7 )
Il est vrai qu'on pourrait inférer de lá que les fers mé-
téoriques sont simplement plus rares dans l’espace céleste
que ne le sont les pierres, ce qui est d’ailleurs possible.
Mais non-seulement les chutes de fer ont été dans le passé
beaucoup plus fréquentes qu’elles ne le sont aujourd'hui,
mais elles ont été en méme temps beaucoup plus fréquentes
que ne l'étaient alors les chutes de pierres elles-mêmes.
Ainsi comprise, l’origine des météorites cesse de témoi-
gner, comme on Pa dit quelquefois, d'un certain désordre
dans la nature et apparait comme Pune des phases nor-
males de la grande évolution sidérale.
Sur la Bryonicine, substance azotée nouvelle, extraite des
racines de Bryonia dioïca, par MM. Lucien de Koninck
et Paul Marquart.
Les racines de Bryone ont été examinées au point de
vue de leurs principes immédiats par Brandes et Firnhaber
d’abord (1 (1), puis par Schwerdtfeger (2), et en dernier lieu
par Walz (5). D'après celui-ci, Vextrait alcoolique de raci-
nes sèches de Bryonia alba contiendrait, outre des matiéres
colorantes, de la gomme et des résines, deux composés
définis, la Bryonine et la Bryonitine; en traitant la Bryo-
nine par de Pacide sulfurique étendu à chaud, il l'a décom-
(1) Archiv der Pharmacie, t. II, p. 356.
(2) Jahrbuch für grant ad VII, p. 287; Pharmaceutisches
Centralblatt, 1844 ‚De
(3) Neues Jahrb, der Piu. t. IX, pp. 66 et 217; Archiv der Phar-
macie, CXLVI, p.150; Chem. Centralblatt, 1859, p. 5. :
(218 ) |
posée, dit-il, en deux substances nouvelles auxquelles il
a donné les noms de Bryorétine el d'Hydrobryorétine, el
en glucose.
La substance que nous avons découverte et pour laquelle
nous proposons le nom de Bryonicine, en attendant que
la connaissance de sa constitution permette de lui donner
un nom rationnel, paraît avoir échappé aux recherches de
Walz et de ses devanciers; elle est distincte de tous les
composés décrits par eux.
La Bryonicine a été obtenue à la fabrique de produits
chimiques du docteur L.-C. Marquart, à Bonn, comme
produit accessoire de la préparation de la Bryonine; elle
est de couleur jaune très-pâle et cristallise par refroidis-
sement d’une dissolution dans l'alcool étendu, en aiguilles
légèrement aplaties et irrégulièrement entremêlées; elle
est neutre aux papiers réactifs, insoluble dans l'eau froide,
dans la potasse, dans l’ammoniaque et dans les acides
minéraux étendus; l’eau et l'acide chlorhydrique concen-
tré en dissolvent une très-petite quantité à la tempéra-
ture de l'ébullition. L'alcool, Véther, le chloroforme, le
benzol, le sulfure de carbone, Vacide acétique glacial et
Pacide sulfurique concentré dissolvent la Bryonicine avec
la plus grande facilité; la dissolution dans ce dernier
réactif a une couleur rouge de sang. L'eau précipite la
Bryonicine de ses dissolutions dans les acides sulfurique
et acétique et dans l'alcool; cette dernière n'est précipitée
ni par les acétates de plomb ni par le tanin; une disso-
lution de perchlorure de fer n'y apporte aucun change-
ment.
La Bryonicine fond à 56° C.; par refroidissement elle
se prend en petits mamelons hérissés de pointes cristal-
lines; à une température élevée elle distille sans se décom-
( 29 )
poser. Remarquons en passant que sa manière de se com-
porter avec les acides et les alcalis démontre qu'elle n'ap-
partient pas au groupe des composés connus sous le nom
de Glucosides.
Le produit brut, tel que nous Vavons recu de la fabrique,
était fortement coloré; nous l'avons purifié par cristallisa-
tion et décoloration au moyen.du noir animal, puis nous
l'avons soumis à Panalyse.
I. 0#,2005 de substance nous ont donné 0*,4982
d'acide carbonique et 0,0845 d'eau.
H. 0#,2473 id. id. 0,6147 id. et 0,1050 id.
IH. 4,8352 id. id. 155 C.C. d'azote à la tempéra-
ture de 13°C. et sous la pression de 735"".,
IV. 1,2577 id. id. 90 C.C.: id. à la tempéra-
ture de 13°C, et sous la pression de 758".
Exprimés en centièmes ces résultats deviennent :
L HE I. IV.
Gea as re 67.77 — q.
Eo na 4,15 -a
N a -= e 8.52 8.45
ea 18.98 à 19,14.
Ces chiffres se rapportent très-exactement à la formule
CIHI6N201, laquelle exige :
ii. A Re l N
Mo. com ds a 0
M en
D ee, 10
Les dosages d'azote ont été faits suivant la méthode de
M. Dumas; un essai de dosage suivant MM. Will et Varren-
trapp nous a démontré que la méthode de ces chimistes
n'était pas applicable ici: une partie de la Bryonicine se
(220 )
volatilise sans décomposition et se dépose à l'extrémité
froide du tube.
La stabilité de la Bryonicine, rendant une formule aussi
compliquée que celle que nous avons indiquée ci-dessus peu
probable, nous avons supposé que le produit sur lequel
nous avions opéré était encore souillé de quelque impureté;
pour l'en débarrasser, nous l’avons dissous dans de l'acide
sulfurique concentré à froid, puis nous Pavons précipité
de cette dissolution par l’eau et fait cristalliser dans l'alcool.
Une nouvelle combustion nous a fourni les résultats sui-
vants :
_0,2599 de substance nous ont donné 0%,6576 d'acide
carbonique et 0,0966 d’eau.
Cela correspond à :
Lo o UI O e
H s
La formule C'0H7NO? exige :
ef
a a A
ee,
o a 19,40
Une nouvelle détermination de l'azote ne nous a pas
paru nécessaire. :
La présence de 8 0/0 d'azote dans la substance qui fait
l’objet de ce travail nous a fait d’abord supposer que nous
avions affaire á un alcaloide, mais tous les essais que a.
avons faits pour en obtenir un sel sont restés sans succés :
la Bryonicine est, comme nous l'avons déjà dit, insoluble
dans les acides minéraux étendus, et même dans l'acide
chlorhydrique concentré; craignant que Veau n'eùt me
;
A
E E EEEIEE II WTS ERE TN En
CET )
influence sur la réaction, nous avons fait une dissolution
dans l'alcool absolu, nous l’avons saturée de gaz acide
chlorhydrique sec, puis nous y avons ajouté une solution
également alcoolique de chlorure de platine; il ne s’est pas
formé de précipité, même par addition d’éther, et la disso-
lution soumise à l'évaporation spontanée nous a fourni la
matière première complétement exempte d’acide chlorhy-
rique.
Ne pouvant obtenir de combinaison saline de la Bryo-
nicine, nous avons dû avoir recours pour en fixer la molé-
cule aux produits de substitution; l'analyse d’un dérivé
bromé a confirmé l'exactitude de la formule que nous
avons donnée en dernier lieu.
Nous avons fait agir le brôme de deux manières diffé-
rentes sur la Bryonicine : à l’état liquide et à l’état de
Yapeurs entraînées par un courant d'air; nous avons
obtenu dans les deux cas le même produit. Le bróme
liquide dissout la Bryonicine; en laissant l’excès s'évaporer
spontanément, on obtient une matière qui paraît être le
produit de l'addition d’une molécule de bróme et qui, déjà
à la température ordinaire, et surtout à 400 degrés laisse
dégager de l'acide bromhydrique. Le produit final, purifié
Par cristallisation dans l'alcool, ressemble complétement à
la matière première et résulte de la substitution d'un atome
de brôme à un atome d'hydrogène, ainsi que le démontre
l'analyse (1):
I. 0,5030 de substance ont donné 0*,5300 d'acide
carbonique et 0,0754 d'eau.
(1) Les dosages Nes I et III ont été faits sur le produit de l'action du
brôme liquide ; les dosages Nos II et IV sur le produit de l’action des
Vapeurs de bróme sur la Bryonicine.
2% SÉRIE, TOME XXIX. 15
( 222 )
M. 0,3056 de substance ont donné 0,5306 d'acide
carbonique et 0,0742 d'eau. : F
JIT. 49,0747 id. id. 0%,7715 de bromure d'argent.
IV. 0%,8458 id. id. 05,6359 id. id.
Calculés en centièmes ces résultats deviennent :
E IL HI. IV.
O y e 47.35 = ds
H. 877 ER nn a
EN 50.65 51.99
A la formule C'H6Br NO? correspondent les nombres
suivants : ;
Ds 47.62
H 9.58
Br Oro
Le point de fusion de la Bryonicine monobromée a été
trouvé à 120 C
L'acide nitrique fumant dissout la Bryonicine ; en chauf-
fant légèrement, puis en précipitant par l'eau, on obtient
une matière jaunátre, soluble dans l'alcool, qui parait être
un mélange de plusieurs produits nitrés.
Par Paction du perchlorure de phosphore, nous avons
obtenu une matière huileuse très-dense, distillant entre
260 et 290 degrés, et restant liquide à — 10°C.
L'acide sulfurique fumant paraît former avec la Bryoni-
cine un sulfacide.
La faible quantité de substance que nous avions à notre
disposition ne nous a pas permis d'entreprendre l'étude
détaillée de ces derniers composés.
Nous sommes occupés à travailler une certaine quan-
tité de racines de Bryone dans le double but de nous pro-
curer une nouvelle quantité de matière première el de
(225 )
déterminer la méthode d'extraction á suivre. La maniére
dont le produit sur lequel nous avons opéré a été obtenu,
ne nous est pas connue assez exactement pour la publier.
Nous nous proposons d'étudier, par la même occasion, les
autres composés qui Paccompagnent, notamment la Bryo-
nine et la Bryonitine, dont les formules mémes ne sont pas
déterminées convenablement.
Nous espérons avoir sous peu l'honneur de commu-
niquer à l’Académie la suite de ‘nos recherches sur la
Bryonicine et arriver à des résultats au moyen desquels
nous puissions formuler une hypothèse sur la constitution
` de ce composé intéressant.
Ce travail a été fait à l’Institut chimique de l’Université
de Bonn, et nous ne faisons que remplir un devoir en
remerciant le savant éminent qui le dirige, pour l'intérêt
avec lequel il a suivi nos recherches et l'appui que nous
avons toujours trouvé en lui.
—
RECHERCHES SUR L'EMBRYOGÉNIE DES CRUSTACÉS. — IV. Dé-
veloppement des genres Anchorella, Lerneopoda, Bra-
chiella et Hessia, par M. Edouard Van Beneden, docteur
en sciences naturelles.
La quatrième partie de mes recherches sur Pembryo-
génie des Crustacés a pour objet le développement des
Lernéopodes, des Anchorelles, des Brachielles et d'un
genre nouveau de Crustacés Lernéens extrêmement inté-
ressant, parce que, d'un côté, il constitue une forme voi-
sine de celle des Anchorelles, dont il se rapproche beau-
conp par tous les phénomènes du développement, et que,
(224) |
d’un autre côté , il rappelle certains Chondracanthes par
tous ses caractères extérieurs. Il vit en parasite dans la
cavité branchiale du Trigla lineata, très-commun sur les
côtes de la Bretagne, et je propose de le désigner sous le
nom de Hessia colorata: je le dédie à M. Hesse qui,
depuis de longues années, s'occupe avec une infatigable
activité de Pétude des animaux inférieurs qui habitent ces
côtes.
Les Lernéopodes qui ont servi à ces recherches sont
d’abord le Lerneopoda Dahmanni, assez commun dans
les narines de la Raia batis et le Lerneopoda Galei, qui
n’est pas rare sur le Galeus canis et le Mustelus vul- '
garis. J'ai pu suivre les différentes phases du développe-
ment d'une espèce de Brachielle qui est peut-être iden-
tique à la Brachiella Thynni Cuv. et que j'ai trouvée fixée
sur Popercule et dans la cavité branchiale de la Sciæna
umbra.
J'ai observé le développement d’un assez grand nombre
d'Anchorelles, parmi lesquelles je citerai particulièrement :
PAnchorella uncinata du Gadus merlangus, VAnchorella
brevicollis du Gadus morrhua et VAnchorella ovalis du
Trigla hirundo. |
Pendant un séjour de plusieurs mois à Concarneat
(Bretagne), je me suis tout spécialement occupé de lem-
bryogénie des Crustacés; Cest là que j'ai fait la plus grande
partie de mes recherches sur les Anchorelles, les Bra-
chielles et les Lernéopodes, et depuis cette époque j'ai pu
compléter à Ostende ces études commencées en Bretagne
en 1868. C’est également à Concarneau que j'ai fait les
observations que je compte publier prochainement sur le
développement des Laemodipodes, des Nebalia et des
Décapodes.
(225 )
Je suis heureux de pouvoir exprimer ici à M. Coste, à
qui la science est redevable de ce magnifique établisse-
ment de Concarneau, toute ma reconnaissance pour la
bienveillance qu'il m'a témoignée en m’autorisant à tra-
vailler dans ce laboratoire, et en me facilitant le travail
par tous les moyens en son pouvoir. Je me fais un plai-
sir aussi d'exprimer ici mes remerciments à M. Guillou,
directeur de l'établissement, et à son fils, M. Étienne
Guillou, qui n’ont pas cessé de me rendre le travail plus
facile et plus productif, en m’aidant à me procurer chaque
jour les matériaux nécessaires à mes recherches.
Je ferai précéder l'étude du développement embryon-
naire, de Pexposé de mes observations sur le mode de for-
mation de l’œuf chez les Anchorelles et les Lernéopodes.
L'histoire de l'œuf se rattache intimement à celle de l'em-
bryon , et il est indispensable de connaître exactement la
composition et même le mode de formation de l'œuf pour
pouvoir juger de la vraie valeur des premiers phénomènes -
embryonnaires.
On sait depuis longtemps que si tous les Copépodes libres
et parasites passent, dans le cours du développement em-
bryonnære, par la phase de Nauplius, quelques-uns per-
dent, peu de temps après l'éclosion, la robe Nauplienne
Pour revêtir une forme bien plus complexe. C’est le cas,
par exemple, pour l’Achteres percarum : von Nordmann (1)
avait observé cette métamorphose, et M. Claus (2), dans
un travail qui traite tout spécialement de l'histoire de cet
animal, a fait savoir que quelques heures après la nais-
(1) Von Nordmann, Mikrographische Beiträge, 2* heft. Berna, 1992.
(2) Claus, Ueber den Bau und die Entwickelung von Achteres perca-
rum. ZEITSCHRIFT FÜR Wiss. Zoon, Bd, XI
(226 )
sance la jeune larve subit une métamorphose, á la suite de
laquelle elle se présente sous une forme très-voisine de celle
des Cyclopides, et qui a été très-exactement décrile par
le savant professeur de Marbourg. M. Kollar (1) a décrit la
constitution de la même forme larvaire d’un autre Lernéen :
du Basanistes huchonis.
Les Anchorelles,-les Lernéopodes, les Brachielles et
les Hessia ne naissent pas sous la forme de Nauplius; au
moment de l’éclosion, l'embryon est revêtu d'une forme
très-voisine de la forme cyclopéenne. IÌ était extrêmement
important, à différents points de vue, d'étudier l'embryo-
génie de ces Crustacés, aujourd’hui surtout que toutes les
questions relatives au développement et à la morphologie
générale des Arthropodes présentent un si haut intérêt.
FORMATION DE L'OEUF.
Si Pon déchire les parois de Povaire d'une Anchorelle
ou d'un Lernéopode, et que l’on examine les œufs qui en
sortent, on est frappé de voir que chaque œuf porte à l'un
de ses pôles un filament plus ou moins allongé} clair et
transparent. On reconnaît, en examinant ces filaments à
de forts grossissements, qu’ils sont formés de cellules
généralement discoïdes, empilées les unes sur les autres
à la manière de pièces de monnaie. Ce n’est que quand
les œufs sont arrivés à maturité que les filaments polaires
se détachent de leur surface, et tandis que les œufs sont
évacués, les filaments restent à l’intérieur de Povaire.
SAME e SRA TAA A La
(1) Annalen des Wiener Museums. Bd. I.
(227)
En étudiant de tout jeunes Anchorelles, il est facile de
s'assurer que primitivement l'ovaire est obstrué de cordons
semblables à ceux que l’on trouve dans l'ovaire des indi-
vidus plus âgés, et qu’à un moment donné la cellule termi-
nale de chaque cordon s'agrandit; il s'y développe, en
quantités de plus en plus considérables, des globules réfrin-
gents qui finissent par enlever à la cellule sa transparence
primitive. Bientôt, la cellule agrandie, qui présente dès à
présent tous les caractères d’un jeune œuf, a pris un tel
développement, que le cordon n'apparaît plus que comme
un filament très-grêle, attaché à l’un des pôles de l'œuf,
à peu près comme le filament spermatique est attaché à
la tête du spermatozoïde. — Il est clair que ces filaments,
formés de cellules discoides, ne sont que des groupements
d'œufs rudimentaires, destinés à se développer successive-
ment l’un après l’autre (1).
Au reste, nous trouvons des phénomènes analogues
chez d'autres Crustacés. Chez les Caligus, les Clavella,
les Congericola, etc., le germigène renferme un cordon
cellulaire dont la structure est identique à celle des fila-
ments polaires de l’œuf des Anchorelles et des Lernéo-
podes. Entortillé et pelotonné sur lui-même à l’intérieur
du germigène, ce cordon se continue directement, à Pen-
trée de cette glande, avec la série des œufs contenus dans
le vitellogène (2). Au moment de la ponte, la pile d'œufs
contenue dans le vitellogène entraine à sa suite une por-
tion du cordon ovarien du germiducte, et celle-ci, arrivée
E e
(1) J'ai représenté les différentes phases du développement de l'œuf
des Anchorelles , sur la planche qui est annexée á ma notice sur le déve-
loppement des Sacculines. (Fig. 1-4.)
(2) Voir la méme planche. (Fig. 3-7.)
(228 )
dans le vitellogéne, va donner naissance á une nouvelle
chaîne d'œufs. — Les cellules discoïdes du cordon ovarien
s'agrandissent; elles se chargent peu á peu de granules
vitellins, et chacune d'elles devient un ceuf qui conserve
pendant tout le temps du développement, dans le vitel-
- logéne aussi bien que dans les ovisacs, la forme discoide,
aplatie, des cellules primordiales.
La seule différence entre le développement de l'œuf des
Anchorelles et celui des Caliges et des Congéricoles,
c’est que , chez les Anchorelles, il existe un grand nombre
de cordons ovariens et que les cellules terminales de
chacun de ces cordons se développent successivement,
tandis que chez les Caliges et les Congéricoles ¿l n'existe
qu'un seul cordon ovarien et toujours une série de cellules
Juxtaposées se développent simultanément.
Constitution de l'œuf. —Je wai jamais réussi à aperce-
voir autour de l'œuf ovarien une membrane distincte. La
densité du protoplasme de l’œuf est très-probablement
plus grande à la périphérie, et, grâce à cette particula-
rité, la forme sphéroïdale des œufs se conserve en l'absence
de membrane vitelline. Dans les tout jeunes œufs on dis-
tingue clairement les deux principes constitutifs du vitel-
lus : un liquide visqueux, clair et transparent, qui con-
stitue exclusivement le corps des cellules discoïdes du
cordon ovarien (protoplasme), et des éléments réfringents
plus ou moins volumineux, en suspension dans le proto-
plasme, qui prennent naissance dans la cellule-ceuf, au-
tour de la vésicule germinative. Chez tous les Crustacés,
dont les œufs se forment aux dépens d’un cordon pro-
toplasmatique, la vésicule germinative se distingue par
ses faibles dimensions. Elle renferme toujours un nucléole
(229 )
unique, peu volumineux et réfractant fortement la lu-
mière.
L'œuf grandit progressivement, et bientôt la vésicule
germinative se dérobe à la vue au milieu d'un vitellus
granuleux très-opaque. Je n’ai jamais pu la retrouver dans
les œufs mûrs.
Au moment de passer dans les ovisacs , les œufs s’en-
tourent d’une membrane mince, qui paraît être un pro-
duit de sécrétion des cellules de l'oviducte, et que je
désignerai pour ce motif sous le nom de chorion. Dans
les ovisacs, les œufs sont entourés d'une seconde mem-
brane, qui se forme aux dépens du produit de sécrétion
des glandes cimentipares; elle est de même nature que la
membrane commune des ovisacs, et l'on peut lui appli-
quer le nom d’exochorion.
Dans les ovisacs les œufs conservent la forme ovoide ou
sphéroïdale qu’ils présentaient déjà dans l'ovaire , et jamais
ils ne s'empilent comme chez les Caliges, les Clavelles,
les Lernanthropes , ete., chez lesquels les ovisacs sont de
longs tubes cylindriques très-grêles, tandis que, chez les
Anchorelles, les Lernéopodes, les Brachielles et les genres
voisins, les ovisacs sont très-larges, généralement beau-
coup plus courts, et Pon trouve plusieurs ceufs dans une
même section de ces organes. Chez ceux-ci les ceufs sont
déposés en couches; chez ceux-là ils sont empilés à la
manière de pièces de monnaie.
DÉVELOPPEMENT EMBRYONNAIRE.
Nous avons exposé, dans un travail spécial sur le mode
de développement du blastoderme chez les Crustacés, la
( 250 )
manière dont se forme chez les Anchorelles la première
lame cellulaire de embryon (1).
Chez les Lernéopodes et les Hessia, les phénoménes ne
- se passent pas de la même manière. Chez eux, il s'accom-
plit tout d'abord une séparation partielle entre le proto-
plasme de la celluie-œuf et les éléments nutritifs du
vitellus. Les plus jeunes ceufs en voie de Re
que j'ai eus sous les yeux montraient manifestement,
Pun de leurs pôles, deux grandes et belles cellules se
vues d’un noyau clair, et la transparence de leur corps
protoplasmatique n'était que légèrement atteinte par la
présence d’un certain nombre de corpuscules réfringents,
en suspension dans leur protoplasme (fig. 1). A côté de
ces cellules se trouvait un grand globe complétement
opaque, formé de la plus grande partie des éléments
nutritifs du vitellus. Les deux cellules se multiplient par
division; il s’en forme quatre, huit, un plus grand nom-
bre, et l’on distingue dès lors une zone cellulaire peu
étendue, recouvrant une partie de la surface de la masse
deutoplasmatique qui se maintient, sans subir de moditi-
cations, pendant tout le cours du développement (fig. 5)-
La zone cellulaire s'étend de plus en plus, et en même
temps son épaisseur diminue, Les cellules continuent à se
multiplier et bientôt elles entoureront de toutes parts la
masse deutoplasmatique pour former une vésicule cellu-
laire close: c'est la vésicule blastodermique (fig. 4). Le blas-
toderme se forme done ici à la suite d’un fractionnement
partiel du vitellus, et il se développe sur tout le pourtour
O eee
(1) Edouard Van Beneden el Émile Bessels, Mémoire sur la formation
du blastoderme chez les Amphipodes, les Lernéens et les Copépodes.
T. XXXIV des MÉM. COUR, DE L'ACAD, ROY, DE BELGIQUE.
( 231 )
de l'œuf, avant de s’épaissir dans la région qui doit de-
venir la face ventrale de l'embryon. J'ai reconnu qu'il en
est de même chez les Anchorelles; les appendices n’ap-
paraissent qu'après que le blastoderme s’est étendu sur
tout le pourtour de la masse deutoplasmatique.
Il est facile de s'assurer, pendant que ces phénomènes
s'accomplissent, qu’il n'existe autour de l'œuf d'autre mem-
brane que le chorion et Pexochorion. Mais aussitôt que la
première lame cellulaire de Pembryon s'est étendue sur
toute la surface de Poenf, les cellules blastodermiques sé-
crétent une première membrane cuticulaire. Dès que l'em-
bryon a atteint la forme blastodermique, il subit une pre-
mière mue; il en subira une seconde quand il aura revêtu
la forme de Nauplius. C’est cette première cuticule que j'ai
désignée sous le nom de « cuticule blastodermique. » Tous
les Crustacés ne subissent pas cette premiére mue, bien
qu'ils traversent tous la phase de blastoderme, pas plus
qu'ils ne subissent tous la mue nauplienne, quoiqu'ils pas-
sent tous par la phase de Nauplius. Il faut rattacher à la
cuticule blastodermique de nos Lernéens la membrane
larvaire des Gammarus (1) et la membrane interne de
l'œuf des Asellus. J'ai reconnu que les Crangon parmi les
Décapodes, les Nebalia parmi les Phyllopodes, les Cap-
rella, les Leptomera et les Sacculina donnent naissance,
dans le cours de leur développement, á une cuticule blas-
todermique. Je crois que la membrane que Claparède a
(1) Nous avons cru d’abord qu'il fallait rapporter cette membrane à la
« Larvenhaut » de Fritz Muller et la considérer comme l'homologue de la
Cuticule nauplienne. Mais puisqu'elle se développe autour de la vésicule
blastodermique avant apparition des premiers appendices (appendices du
Nauplius), il est clair qu'elle est l'homologue de la première cuticule de
nos Lernéens, La cuticule nauplienne manque chez les Gammarus.
( 252 >)
observée chez les Acarides, et qu'il appelle Zwischenhaut,
et plus tard Deutovum (1), présente la même signification,
et peut-être la membrane que Brandt a observée chez les
Hydrometra et qu'il n’a pu distinguer que dans le cours
du développement de l'embryon (Dotterhäutchen), n’est-
elle qu'une cuticule blastodermique (2). On trouverait
ainsi des traces de cette première mue non-seulement
chez les Crustacés, mais aussi chez les Arachnides et les
Insectes. Je n'ai pas besoin de faire ressortir ici limpor-
tance que présente cette Roses ton au point de vue
généalogique.
Dans toutes les phases ultérieures du développement des
Anchorelles et des Lernéopodes, on trouve autour de l'em-
bryon trois membranes qui sont, en allant de dedans en
dehors, la cuticule blastodermique, le chorion et l’exocho-
rion.
(1) Claparède, Studien an Acariden. Zeirscunier FÜR WISS. ZOOL»
Bd. XVII!
(2) Alex. Brandt, jun., Beiträge zur Entwickelungsgeschichte der Libel-
luliden und Hemipteren. Pl. HI, tig. 29, 32 et suiv. L'œuf des insectes, en
général, ne présente que deux membranes : l’externe, épaisse, caractérisée
par la présence des pores à canalicules, est un chorion; l'autre, it-
terne, mince et délicate, est la membrane vitelline. Si l’on tient compte de
ce fait que la membrane que Brandt désigne chez les Hydromètres SOUS
le nom de exochorion, présente tous les caractères du chorion des autres
insectes, et que celle qu'il appelle endochorion ressemble en tous points à
la membrane vitelline, on sera très-porté à croire que cette membrane
plus interne encore, qu'il gn seulement dans le cours du dévelop-
pement de l'embryon, n'est pas, comme le croit l'auteur, une me embrane
vitelline, mais bien, au contraire, une cuticule blastodermique. Je regrette
beaucoup de n'avoir pu faire moi-même des observations sur Ce point si
important pour la solution des problèmes relatifs à la généalogie des Ar-
thropodes .
( 255 )
La première cuticule embryonnaire se présente chez les
Anchorelles et les Lernéopodes sous forme d'une mem-
brane ovoïde d'une épaisseur uniforme, peu considérable,
dépourvue de tout appendice, comme de tout organe dis-
tinct, Mais il n'en est pas ainsi chez tous les Crustacés :
chez les Sacculines, au moment de sécréter la cuticule
blastodermique, l'embryon est divisé en deux parties par
un sillon circulaire, et la premiére membrane embryon-
naire porte les traces de cette division primordiale de Vem-
bryon. La partie postérieure du corps se divise ultérieure-
ment en plusieurs segments sur lesquels se développent
les appendices caractéristiques de la forme nauplienne.
Ne pourrait-on rapprocher cette première forme embryon-
naire des Arthropodes de la première forme larvaire d'un
grand nombre d'Annélides, caractérisée, elle aussi, par la
division ducorps en deux parties, gráce á un anneau circu-
laire le plus souvent indiqué par un cercle de cils vibratiles ?
L'embryon cilié des Trématodes présente aussi ce carac-
tère. De ce que chez les Sacculines la premiére cuticule
embryonnaire est dépourvue de cils vibratiles, on ne peut
nullement conclure qu'un rapprochement est impossible
avec Pembryon cilié des Annélides. Certaines larves d'An-
nélides (Exogone Naidina), qui accomplissent leur évolu-
tion embryonnaire sous le ventre de la mére et qui ne se
meuvent pas sous leur première forme larvaire , sont dé-
pourvues de cils vibratiles (1); le cercle ciliaire manque
aussi chez la Terebella Meckelii, quoique la division du
Corps soit parfaitement manifeste (2).
ee TP ND ed
(1) Wiegmann's Archiv für Naturgeschichte; 1845.
(2) Claparède et Mecznikow, Beiträge zur Kenntniss der Entwicke-
emi der Chetopoden. ZEITSCHRIFT FÜR WISSENSCH. ZOOL.
Bd. XIX
K 254 )
Au reste, l'étude du dével ent des Cestoides comme
celui des Trématodes montre à l'évidence qu’une membrane
ciliée peut être 'homologue d'une membrane dépourvue de
cils vibratiles : l'embryon du Distoma tereticolle n'est pas
cilié, contrairement à ce qui se voit généralement chez les
Trématodes digenèses ; et chez les Téniens (1) il se dé-
veloppe une membrane dépourvue de cils vibratiles, qui
présente la méme signification que la robe ciliée des
Bothrioeéphales. Chez tous les Cestoides, il se détache de la
périphérie de la masse cellulaire, qui remplit la cavité de
l'œuf, à un moment donné de l’évolution embryonnaire,
une couche de cellules, qui donne naissance à une mem-
brane ciliée chez les Bothriocéphales, non ciliée chez les
Téniens. Cette couche cellulaire périphérique pourrait bien
être homologue de l’Amnios des Insectes, et il est pro-
bable que la membrane que Brandt appelle « Dotterhäut-
chen,» chez les Hydrometra, est une production cuticu-
laire sécrelbo par l’Amnios et qu'elle est l’homologue de la
membrane anhiste fournie par la couche périphérique de
l'œuf des Cestoides. En partant de deux points de départ
distincts, nous arrivons ainsi à une même conclusion :
La première forme embryonnaire des Arthropodes est
homologue de la première forme larvaire d'un grand
nombre de vers : chez les uns et les autres l'embryon Sé
constitue primitivement de deux segments ou anneaux
séparés l’un de l’autre par un sillon circulaire. Mais chez
beaucoup de vers, comme chez un grand nombre d’arti-
Re
(1) Édouard Van Beneden, Recherches sur la composition et la signi-
fication de l'œuf, basées sur l'étude de son mode de formation el des pre”
miers phénomènes embryonnaires. Mém. COUR. DE L'ACAD. ROY. DE BELG:
. XXXIV. |
( 235 )
culés, la première forme embryonnaire ne présente plus
de traces de cette constitution primordiale en deux seg-
ments. Il n’en est pas moins très-probable, que de la même
manière que le Nauplius est la forme d’où sont sortis tous
les Crustacés, de même la forme à laquelle correspond la
cuticule blastodermique est Je point d’où sont partis en
divergeant les Arthropodes et les vers.
Dans ses belles recherches sur l'organisation et le déve-
loppement des Pentostomes (1), Leuckart a reconnu qu’au
début du développement il se forme ehez ces animaux une
membrane embryonnaire que je crois homologue de la cu-
ticule blastodermique des Crustacés. Mais à ce moment il
s'est déjà développé à la face dorsale de l'embryon un
organe que l’auteur appelle « Ruckensapfen. » La cuticule
blastodermique reste longtemps soudée en ce pomt au
corps de l'embryon et elle porte plus tard la trace de cette
soudure primordiale. Cet organe, dont on ne connaît ni le
rôle physiologique ni la structure, doit évidemment être
rattaché à la première forme embryonnaire des Arthro-
podes, dont nous connaissons done deux particularités :
par les Sacculines nous savons qu’elle est caractérisée par
la division du corps en deux anneaux; les Pentostomes
nous apprennent qu’elle porte du côté du dos un organe
qui, chez ces animaux , présente Vapparence d'une petite
ventouse. Il n'est pas douteux pour moi que le prétendu
“ppareil micropylaire des Amphipodes (Micropylapparat
de Meissner et de de la Valette) est l’homologue de cet or-
gane dorsal des Pentostomes, et que c'est bien à tort que
RS AS
(1) Leuckart, Bau und Entwickelungsgeschichte der Pentaslomen,
(236 )
Dohra (1) et Bessels (2) le rattachent à la forme zoëenne,
en le considérant comme l'homologue de l'épine dorsale
des Zoëa. Il est à remarquer que cet appareil se développe
chez les Amphipodes avant tout autre organe, et qu'il pré-
sente des rapports intimes avec la cuticule blastodermique,
à laquelle il reste adhérent absolument comme chez les
Pentostomes.
Les premiers changements qui se manifestent dans le
blastoderme des Lernéens dont nous nous occupons
consistent dans un épaississement considérable de la
couche cellulaire dans la région qui doit devenir la lame
cellulaire ventrale de l'embryon (Keimstreif). La multi-
plication des cellules blastodermiques est surtout rapide
dans la région où vont apparaître les premiers appen-
dices, et qui répond aux « Procephalic lobes » de Huxley,
aux « Kopfplatten » des naturalistes allemands. Ces bour-
relets cellulaires latéraux dépriment fortement la masse
deutoplasmatique, en la réduisant, dans cetle région,
à une lame peu épaisse, qui s'avance entre les deux
bourrelets; elle est insérée sur le reste de Pamas nutritif,
à peu près comme l’apophyse odontoide est insérée sur le
corps de Paxis.
En même temps que le blastoderme s’est épaissi sur la
face ventrale et sur les côtés de l'embryon, les cellules qui
le constituaient primitivement se sont modifiées : elles sont
(1) Dohrn, On the morphology of the Arthropoda, dans « JOURNAL oF
ANATOMY AND en conducted by G. Humphry and W. Turner,
24 series,
(2) nie haché Zeitschrift, Bd. Y, Heft 1.
( 237 >)
devenues très-petites , et il devient difficile de distinguer
leurs contours; leur noyau seul est resté clair et distinct.
Du côté de la face dorsale de l'embryon , la couche cellu-
laire s’est considérablement amincie; les cellules de cette
région n'apparaissent plus, à la surface de la masse deuto-
plasmatique, que comme de petites bosselures transpa-
rentes et arrondies, qui donnent à cette région un contour
légèrement ondulé.
Les appendices caractéristiques de la forme de Nauplius
apparaissent simultanément sur les faces latérales de lem-
bryon. Dès leur début, ils sont dirigés en arrière et en de-
hors. Ils se montrent sous forme d'un tubereule cellulaire
qui s'allonge rapidement. Chez les Lernéopodes, il appa-
rait en même temps trois paires d'appendices; d’abord
identiques, ils se différencient bientôt l’un de l’autre : la
seconde paire, d'abord simple, devient bifide à son extré-
mité libre, et les appendices de la troisième paire, desti-
nés à former les mandibules, se développent plus lente-
ment que les antennes et les antennules. Ils conservent
d'abord leur forme de tubercule; mais bientôt, à leur face
externe, apparaît un bourgeon cellulaire qui se développe
en même temps que les appendices des deux premières
paires, se dirigeant en arrière et en dehors. Mais cet ap-
pendice ne se bifurque pas. Chez les Anchorelles et les
Hessia il n'apparaît d'abord que deux paires d'appendices;
les mandibules se forment beaucoup plus tard, et le Nau-
plius, au lieu d’être pourvu de trois paires d'appendices,
comme c'est presque toujours le cas, n’en présente que
deux. On sait, du reste, par les recherches de von Nord-
mann et de Claus sur l’Achteres percarum, et celles de
Zaddach sur le développement de Y Apus gare mis,
27° SÉRIE, TOME XXIX.
( 258 )
que le Nauplius de ces Crustacés ressemble, sous ce rap-
port, à celui des Anchorelles. Dans ce cas, la troisième
paire d’appendices , celle qui doit former les mandibules,
fait défaut. Elle apparaît plus tard en même temps que les
appendices de la seconde série.
En même temps que les appendices se développent,
l'épaississement cellulaire ventral de l'embryon s'amincit
et se déprime un peu en arrière de l'insertion des anten-
nes de la seconde paire, au point où apparaîtra la bouche.
Au contraire, il s'épaissit très-considérablement en avant
de ce point, de façon à former le capuchon buccal, se
terminant en arrière par la lèvre supérieure qui, comme
nous le verrons, atteint chez ces Crustacés un si énorme
développement. La partie postérieure de cette région ven-
trale se distingue en ce que les cellules qui la constituent
prennent une forme allongée, je pourrais dire eylindroide
(fig. 5). :
Quand les appendices ont atteint une certaine longueur,
l'embryon s'entoure d'une nouvelle cuticule : c'est la cuti-
cule nauplienne. Elle présente, comme Pembryon lui-
même, une forme ovoide se prolongeant sur les cótés par
deux (Anchorelles) ou trois (Lernéopodes) diverticules
latéraux, où se trouvent engagés les appendices. A leur
extrémité, ces appendices portent maintenant des soies
dont le nombre varie d'un appendice à l'autre, et dont la
longueur s'aceroit successivement dans le cours du déve-
loppement. — Les appendices ne montrent pas encore de
traces d'articulations; entourés des prolongements de la
cuticule nauplienne, ¡ls se trouvent appliqués contre les
parois latérales de l'embryon, entre la cuticule blastoder-
mique et la partie postérieure de la cuticule nauplienne.
On reconnait facilement, quand on a sous les yeux un
( 239 )
embryon qui occupe sur le porte-objet la position repré-
sentée à la figure 7, que la cuticule blastodermique est
bien distincte de la cuticule nauplienne, et que ces deux
membranes embryonnaires coexistent. En a! et a? on voit
les sections idéales des appendices, et on distingue une
membrane anhiste cb, qui s'étend en formant pont, au-
dessus de ces appendices, sans s'infléchir pour former
autour de chacun d'eux une gaîne propre. Cette membrane
ovoide est dépourvue de diverticules latéraux. Au con-
traire, chacun de ces appendices est limité par un contour
net et foncé, indice d'une membrane qui s'isole plus tard
et constitue la cuticule nauplienne. En dehors on recon-
nait le chorion et Pexochorion.
Tous les Copépodes libres et la plupart des Copépodes
parasites naissent revêtus de la forme de Nauplius. Les
appendices sont composés d'articles distincts et couverts
de soies simples ou rameuses : ils font fonction de pattes
natatoires et sont mis en mouvement par des muscles
à fibres striées. De plus, au moment de la naissance , les
parois du tube digestif sont déjà bien distinctes; un œil
plus ou moins bien organisé, voire même les premières
traces d’un ganglion nerveux, sont nettement reconnais-
sables. Entre les parois du tube digestif contre lequel est
adossé un appareil urinaire primordial, et les parois du
corps, on distingue déjà Ja cavité générale où circule un
liquide sanguin. Il y a loin de cette forme nettement
caractérisée et de cette organisation assez complexe, à
celle de nos embryons d'Anchorelles ou de Lernéopodes.
Ces Lernéens passent par la forme de Nauplius, mais cette
forme est en quelque sorte rudimentaire chez eux; il
n'existe chez le Nauplius de nos Lernéens ni organe dis-
tinct, ni tissu particulier. Aussi Vembryon ne naît pas sous
( 240 )
cette forme : il continue son évolution dans l'œuf et il
subit dans les ovisacs les métamorphoses que la plupart
des Copépodes subissent après l’éclosion. De plus, lévo-
lation de l'embryon est raccourcie par l'apparition presque
simultanée de différents organes qui, chez les autres Co-
pépodes, caractérisent plusieurs phases évolutives dis-
tinctes.
C'est peu de temps après la formation de la cuticule nau-
plienne que Pon voit apparaître la fente buccale, un peu
en arrière de l'insertion des antennes de la seconde paire;
au niveau de la dépression que nous avons vu apparaître
à la lame cellulaire ventrale, avant la formation de la cu-
ticule nauplienne. Elle consiste en un sillon transversal
qui divise la lame cellulaire ventrale en deux parties;
l’antérieure, très-épaisse sur la ligne médiane, est très-
proéminente chez les Lernéopodes; c'est la partie posté-
rieure de cette proéminence qui va donner naissance à la
lèvre supérieure.
En même temps, la lame cellulaire ventrale s'étend
davantage en arrière : l'embryon s'allonge, et un sillon
transversal apparaît du côté du dos , à la partie postérieure
de Pépaississement ventral; il a pour effet de diviser
l'embryon en une partie antérieure, que je désigne sous le
nom de portion céphalique et qui, comme nous allons le
voir, représente l’ensemble des somites correspondant aux
antennes, aux mandibules, aux mâchoires et aux pieds-
máchoires des Crustacés supérieurs; et une partie posté-
rieure, la queue, qui représente le rudiment du thorax
et de Pabdomen. La portion céphalique renferme toute
la masse deutoplasmatique; par contre, la queue est exclu-
sivement formée d’une masse cellulaire, La queue est repliée
du côté du dos, et, sous ce rapport, les Anchorelles et les
( 241 )
Lernéopodes se rattachent aux Isopodes. — La queue,
d’abord rudimentaire, va prendre, dans le cours du déve-
loppement, une importance de plus en plus considérable,
et c'estaux dépens de cet'organe, d’abord rudimentaire, que
vont se former les anneaux correspondant au thorax (1).
Si l’on observe l’épaississement cellulaire ventral entre
le sillon buccal et l'extrémité postérieure du corps, on re-
connait que son contour présente des ondulations; celles-ci
résultent de ce que le blastoderme se sillonne transversa-
lement en formant des zones transversales, qui représen-
tent chacune un protozonite ou segment primordial. La
formation de ces protozonites précède l'apparition des ap-
pendices, et il ne sera pas inutile de faire remarquer que
le méme ordre chronologique des phénoménes a été observé
par Zaddach chez les Phryganides, par Leuckart chez le
Melophagus ovinus, et par Claparède chez les Arachnides.—
Peu de temps après, il apparaît sur les faces latérales de
chacun de ces protozonites un tubercule cellulaire qui se
développe rapidement, et Pon reconnait bientót dans ces
bourgeons autant d'appendices rudimentaires. Ces nou-
veaux appendices, au nombre de cinq paires chez les Ler-
néopodes, de six paires chez les Anchorelles, apparaissent
à peu près en même temps; néanmoins, si nous remar-
quons que les zonites sont d'autant moins bien marqués
qu'ils sont placés plus loin de la bouche, et qu’au début
—
nnen,
(1) Je crois qu'il serait utile de créer un mot pour désigner les diffé-
rents modes d'inflexion de l'embryon des Crustacés dans l'œuf. Je propose
d'appeler Gastroflexes les embryons qui sont repliés du cóté du ventre,
Comme c’est le cas chez tous les Décapodes et tous les Amphipodes, et
d'appeler Notoflexes ceux qui, comme les Isopodes et les Lernéens dont
hous nous occupons , sont repliés du côté de la face dorsale.
(242)
la dimension des appendices rudimentaires décroit aussi
d'avant en arrière, nous ne pouvons méconnaitre que la
formation des appendices d'une même série a lieu d'avant
en arrière et, en quelque sorte, successivement. Les deux
premières paires des appendices de la seconde série chez
les Anchorelles, la première paire chez les Lernéopodes ,
restent rudimentaires. Au contraire, les deux paires sui-
vantes se développent rapidement : elles s'allongent de
dehors en dedans et d’avant en arrière, et tandis que les
insertions des appendices de la deuxième paire (Lernéo-
podes) s’écartent l’une de l’autre, on voit ceux de la troi-
sième paire se rapprocher de la ligne médiane. Les deux
dernières paires se développent plus rapidement encore,
et leur accroissement marche parallèlement; autant ils se
ressemblent entre eux, autant ils se différencient déjà des
appendices insérés plus en avant.
Pendant que ces modifications se produisent dans la
constitution des appendices, d’autres changements se sont
manifestés, et de nouveaux organes ont apparu. Le capu-
chon, buccal s’est considérablement développé, en refou-
lant en arrière et en haut la masse deutoplasmatique de
l'œuf. En même temps il proémine davantage en avant, ct
la lèvre supérieure fait fortement saillie en arrière. A la
partie antérieure et supérieure du capuchon buccal, dans
la profondeur des tissus cellulaires, s’est produit un dé-
pôt circulaire de granulations pigmentaires, qui apparaît
comme la première trace de l'œil. Le sillon buccal s'est
approfondi et s'étend jusqu’à lamas de matières nutri-
tives; on y reconnaitra bientôt l'cesophage.
Sur les flancs de l'embryon, en dehors des appendices,
depuis l'insertion de l'avant-dernière paire de pattes jus-
qu'à l'extrémité antérieure du corps, a apparu un repli
( 245 )
cellulaire qui cache en partie la base des appendices et qui
se continue directement avec la lame cellulaire dorsale.
Il se termine en arrière suivant un sillon transversal
étendu depuis la face ventrale jusqu’à la face dorsale de
l'embryon, Ce repli représente la limite latérale de la cara-
pace, qui résulte de la réunion des pièces tergales et des
épimères correspondant aux sept premiers somites (ceux
qui portent les antennes, les mandibules, les mâchoires
[trois paires dont la première reste rudimentaire] et la
première paire de pattes natatoires). A aucune période de
leur existence, ces Crustacés ne manifestent done à la face
dorsale la division du corps en somites, La carapace ou, si
Fon veut, le bouclier ovalaire qui recouvre les sept pre-
miers somites, est tronquée en arrière au niveau de la ligne
de séparation du septiéme et du huitième somite. A cette
époque, le huitième somite, celui qui porte la seconde paire
de pattes natatoires, est déjà distinct; et c'est immédiate-
ment derrière ce somite que se trouve le pli au niveau du-
quel commence Vappendice caudal. — Cet organe qui, au
début, était tellement rudimentaire qu'il apparaissait à
Peine comme une petite papille cellulaire insérée à la face
postérieure et inférieure du corps de l'embryon, à pris un
développement beaucoup plus considérable. H s’est excavé
en avant, et la masse deutoplasmatique, qui était d'abord
tout entière comprise dans la partie céphalique de l'em-
bryon, se prolonge maintenant jusqu’à l'intérieur de la
queue. — En même temps cet organe s'est segmenté, et
son extrémité libre s'est bifurquée de telle maniére que le
Corps se termine en arriére par deux prolongements de
forme conoïde. La queue (thorax et abdomen rudimen-
taires) se trouve toujours repliée en haut, de sorte que la
face supérieure de l’organe se trouve appliquée contre la
(244 >
face dorsale de Pembryon qui est donc bien notoflexe
comme tous les Isopodes.
Dans une phase du développement un peu plus avancée,
les máchoires de la seconde et de la troisiéme paire se
sont considérablement développées en longueur, et on y
distingue un commencement de division en articles. Les
appendices suivants, qui vont devenir les pattes natatoires,
ont pris un grand développement en largeur et ils se sont
divisés en un article basilaire qui supporte deux articles
terminaux. Ces deux rames ont une forme conoide: elles
s'amincissent de leur point d'insertion jusqu'à leur extré-
mité libre, où vont se développer des soies dont le nombre
et la longueur s’accroissent -progressivement dans le cours
du développement. Les antennes de la premiére paire se
constituent déjà de trois articles bien distincts, et Pon
reconnait que la masse cellulaire dont elles se composent
s’est détachée de la cuticule nauplienne qui les enveloppe.
Les antennes de la seconde paire ont subi des modifica-
tions analogues; les mandibules et les máchoires de la
première paire ne se sont guère modifiées. L'appendice
caudal montre bien manifestement la division en seg-
ments; le premier seul est bien distinct; il porte les
pattes natatoires de la seconde paire. A son extrémité la
queue est bifide : elle donne insertion à deux tubercules
de forme conoïde, dont l'extrémité effilée va donner in-
sertion à des soies analogues à celles que portent les pattes
natatoires. — La carapace devient de plus en plus dis-
tincte. — Quelques modifications se sont produites dans la
constitution de la bouche : par suite de la formation d'un
léger sillon antéro-postérieur, la lèvre inférieure s'est
divisée sur la ligne médiane en deux lobes qui se déve-
( 245 )
loppent en avant et recouvrent en partie la fente buccale
primitive.
J'ai figuré (pl. I, fig. 15) un embryon de Hessia colorata
plus avancé dans son développement; les divers appendices
sont composés d'articles bien distincts, et leur forme se
rapproche beaucoup de celle que revêt la larve au moment
de l'éclosion. La première cuticule eyelopéenne, pourvue
de soies et de piquants, s'est déposée à la surface du corps,
et les organes internes se sont développés.
Les antennes de la premiére paire sont complétement
isolées de l'enveloppe que leur formait la cuticule nau-
plienne. Elles sont composées de trois articles dont la lon-
gueur croit de l'article basilaire vers l’article terminal.
Celui-ci donne insertion à quelques soies dont le nombre
et la longueur varient d'une espèce à l’autre; les soles sont
plus courtes que celles que portaient ces organes pendant
la phase nauplienne. L'article médian porte constamment
une soie vers le milieu de son bord antérieur.
Les antennes de la seconde paire, bifides chez le Nau-
plius des Anchorelles comme chez celui des Lernéopodes,
se sont modifiées plus profondément : à l'extrémité de la -
branche antérieure de la bifurcation terminale s’est dé-
veloppé un crochet recourbé, tandis que la masse cellulaire
quí remplissait la branche postérieure a été en grande
partie résorbée. Elle n'apparait plus sur Particle terminal
de cet organe que comme un tubercule où s'insère une
soie plus ou moins allongée. La seconde paire d'antennes,
dont la fonction est bien caractérisée par la présence de ce
crampon terminal, se constitue de deux articles : un
article basilaire plus long et un article terminal qui porte
à son extrémité le erampon recourbé, et sur son bord pos-
térieur le tubercule qui est le reste de Pune des branches
( 246 )
de division de Pantenne primordiale biramée du Nauplius.
Chez les Lernéopodes la troisième paire d'appendices
(protoguathes) a donné naissance, dans sa portion basilaire,
à la mandibule proprement dite. Elle a la forme d'un stylet
émoussé et donne insertion á la palpe mandibulaire déve-
loppée dans la partie principale de la troisième paire de
pattes du Nauplius. La plus grande partie de la masse
cellulaire qui remplissait primitivement cet organe a été
résorbée, ce qui fait que le volume de la palpe mandibu-
laire est très-peu considérable. Cet organe porte à son
extrémité quelques soies peu développées. — Chez les
Anchorelles la palpe mandibulaire manque.
A cette phase du développement, je n’ai plus trouvé de
traces de la première paire de máchoires.
Les mâchoires de la deuxième paire sont insérées assez
loin de la ligne médiane; elles restent dans un état en quel-
que sorte rudimentaire, non pas que leur volume soit peu
considérable, mais: leur forme ne rappelle aucunement
cellé que ces organes revêtent chez les adultes, où ils jouent
toujours le rôle de crampons, ni même celle des larves
cyclopides que Pon a observées nageant librement dans
l’eau. Ils se constituent de deux articles dont Particle ter-
minal, dirigé d'avant en arrière et de dehors en dedans,
parait présenter des parois chitineuses très-solides, recou-
vertes de plusieurs séries longitudinales de petits crochets.
Chez les larves d'Anchorelle, ces crochets sont beaucoup
moins prononcés : on y distingue seulement de légères
rugosités.
Les màchoires de la troisième paire, plus faciles à dis-
tinguer, sont insérées tout près de la ligne médiane et sont
étendues longitudinalement sur la face ventrale de P'em-
bryon à côté de la ligne médiane. Hs se constituent de
( 247 )
trois articles chez les Lernéopodes et les Hessia, de six
articles chez les Anchorelles. — Chez tous ces Lernéens
l'article terminal porte un crochet recourbé, disposé de
telle manière que sa concavité regarde toujours en dedans.
Les pattes natatoires, au nombre de deux paires, sont
très-développées. Elles se constituent d'un article basilaire
très-large et aplati d'avant en arrière, qui supporte deux
rames natatoires, dont le bord libre donne insertion à un
grand nombre de soies. Toutes ces soies se réunissent en
un faisceau de forme triangulaire, à base antérieure et à
sommet postérieur et supérieur. Ce faisceau de soies, ap-
pliqué contre la face ventrale de Pappendice caudal, suit la
courbure de cet organe et le recouvre en grande partie;
de sorte que si l’on observe un embryon du côté du dos,
on distingue, á la partie postérieure du corps, la partie
terminale de ce faisceau qui recouvre tout l'abdomen et
même la partie médiane du segment qui porte la seconde
paire de pattes natatoires.
En arrière de la carapace, on distingue quatre segments
dont Vantérieur, beaucoup plus développé que les sui-
vants, porte la seconde paire de pattes natatoires. Les
deux segments qui suivent.sont dépourvus d'appendices,
et le segment terminal donne insertion aux appendices
caudaux sur le bord libre desquels sont implantées quel-
ques soies.
La conformation de la bouche s’est profondément mo-
difiée. Les deux lobes de la lèvre inférieure se sont forte-
ment développés en avant, de facon à recouvrir la fente
buccale primitive et à former, par leur réunion avec la
lèvre supérieure, un organe de forme conoïde qui est la
trompe; à son extrémité se trouve l'ouverture buccale.
Dans l'épaisseur des parois de cet organe se développent
.
( 248 )
des pièces chitineuses qui lui servent de soutien. — L'æso-
phage relie la base de la trompe buccale à l'élargissement
considérable du tube digestif qui renferme les restes du
vitellus; il s’est considérablement allongé, et l’on distingue
facilement ses parois. On peut suivre le tube digestif dans
toute sa longueur : fortement renflé en avant, il se rétrécit
progressivement en arrière pour s'ouvrir à l'extrémité
postérieure de l'abdomen entre les deux appendices cau-
daux. — Il renferme le reste de la masse deutoplasmatique
qui a singulièrement diminué dans le cours du développe-
ment embryonnaire, ayant été employée à former succes-
sivement les différents organes de Pembryon. Entre les
parois du corps et le tube digestif, on distingue la cavité
générale en partie occupée par des faisceaux musculaires
striés, qui la traversent en différents sens et qui servent -
á mouvoir les appendices. Les lacunes de la cavité gé-
nérale sont occupées par un liquide incolore qui n'est
autre que le sang. On n’observe pas de trace de cœur.
L'œil unique, placé sur la ligne médiane, a une forme
très-irrégulière et très-variable. Il se constitue de deux
cristallins de forme sphéroïdale, parfaitement transparents,
séparés l’un de l'autre par une masse pigmentaire dont la
couleur varie beaucoup. Immédiatement en dessous de
Peil, se trouve le ganglion nerveux céphalique, indiqué
par la présence d'une masse granuleuse arrondie; je n ‘ai
pu donner à l'étude de ces organes une attention spéciale.
J'ai reconnu chez des embryons complétement développés
de Lerneopoda Galei l'existence de cet appareil singulier
que M. Claus a observé chez l’Achteres percarum el qui
sert aux embryons à se fixer à l'hôte sur lequel ils doivent
vivre. — Il consiste en une tigelle eylindroide, grêle, très-
allongée, entortillée et pelotonnée sur elle-même, el qui
(249 >
se trouve logée dans une poche située á la partie anté-
rieure de la tête. Cette tigelle se termine par une petite
expansion présentant la forme d'une ventouse, qui se
trouve accolée à la cuticule cyclopéenne, à la partie anté-
rieure du corps, entre les antennes antérieures. — Je n'ai
pas trouvé de traces de cet organe chez des embryons
moins avancés dans leur développement; il est donc pro-
bable qu’il se forme seulement à la fin de la période d'in-
cubation, si l’on peut ainsi s'exprimer. — J'ai rencontré
ces embryons complétement développés de Lerneopoda
Galei à une époque où toute mon attention était portée
vers l'étude des premiers phénomènes embryonnaires, et
je Wai plus eu l’occasion d'étudier l’organisation d'em-
bryons aussi avancés dans leur développement.
La carapace est formée en dehors d’une membrane an-
histe épaisse, qui n’est en définitive qu’une partie épaissie
de la cuticule eyelopéenne. Elle a une forme ovalaire allon-
gée, tronquée en arriére, au point oú elle se continue avec
le segment qui porte les pattes natatoires postérieures.
Je n'ai pas pu suivre les transformations ultérieures de
la larve cyclopéenne des Anchorelles et des Lernéopodes,
et même je n'ai pu observer leur éclosion naturelle; mais
il n 'est guère ess gn ils en pires la forme 5 Cy-
dont ils sont recouverts. Toujours est-il que, bien avant
Péclosion, la larve eyclopéenne est complétement formée à
l'intérieur de la cuticule nauplienne. Les antennes ne sont
aucunement organisées pour servir à la natation, et bien
avant la naissance, les pattes natatoires ont atteint tout
leur développement.
Si nous comparons maintenant le mode de développe-
ment des Anchorelles et des Lernéopodes avec celui des
=
(250 )
autres Copépodes, qui a été si complétement étudié par
M. Claus, nous trouvons de grandes différences. Tous les
Copépodes libres naissent sous la forme de Nauplius;
_puis la larve s'allonge successivement; une nouvelle paire
d'appendices naît à sa face ventrale, en arrière de l'inser-
tion des mandibules, qui font encore fonction de pattes na-
tatoires. Plus tard encore apparaissent, sous la cuticule,
trois nouvelles paires qui se montrent à l'extérieur après
une nouvelle mue; et ainsi successivement les appendices
se développent d'avant en arrière, et l'apparition de nou-
veaux appendices est toujours précédée d'une mue.
M. Claus donne le nom de « Cyclops ähnliche Jugend
form » à la larve dont le corps allongé se constitue d'une
partie antérieure (carapace) formée de la réunion des seg-
ments correspondant aux antennes, aux mandibules, aux
máchoires et à la première paire de pattes natatoires, €t
d'une partie postérieure (abdomen) formée de quatre seg-
ments dont le premier porte la seconde paire de pattes na-
tatoires.
Le développement des Anchorelles et des Lernéopodes
diffère donc de celui des Copépodes libres, en ce que
les métamorphoses nombreuses que ceux-ci subissent sut-
cessivement après l'éclosion du Nauplius s’accomplissent
à peu près simultanément dans l’œuf des Lernéens pro-
prement dits; et le moment de la naissance étant ainsi
considérablement reculé, il en résulte que les organes tant
de la vie végétative que de la vie animale qui, chez les
Copépodes libres, apparaissent chez le Nauplius, ne Se
forment que beaucoup plus tard chez les Anchorelles et les
Lernéopodes. — Le développement de ces Lernéens est
done un développement de Copépode ordinaire raccourct;
les phases correspondantes aux premiéres périodes de la
( 251 )
vie chez les Copépodes libres ont été supprimées, et le
développement embryonnaire des Copépodes libres nous
retrace beaucoup plus parfaitement et plus complétement
que celui des Lernéens l’histoire du développement généa-
logique des formes qui nous occupent.
Si Pon compare la forme cyclopéenne à la forme que
revêtent, au moment de leur naissance, la plupart des Crus-
tacés décapodes, on trouve entre ces formes des diffé-
rences très-grandes ; les yeux composés seuls, dont on ne
trouve jamais de traces chez les Copépodes, séparent déjà
complétement ces deux séries de formes. Mais Fritz Müller
a fait connaître que les Peneus qui naissent sous forme de
Nauplius subissent une première métamorphose, après
_ laquelle la larve affecte une forme qui, tout en se rappro-
chant de la forme de Zoëa, s'en distingue cependant par
la plupart des caractères qui différencient la forme zoéenne
de la forme eyelopéenne. L'identité de la seconde forme
_larvaire des Peneus et de la forme eyelopéenne n'est guère
douteuse pour moi. J'ai exprimé déjà, dans mon travail
sur le développement de l'Asellus aquaticus, cette opinion
de Pidentité des formes eyclopéenne et zoéenne primor-
diales, et j'ai été heureux d'apprendre, par une lettre que
m'écrivait dernièrement mon ami, le docteur Dohrn, l'un
des naturalistes qui s'occupent avec le plus d'ardeur et de
distinction de toutes les questions relatives à la morpho-
logie générale des Arthropodes, que nous partageons sur
celle question la même manière de voir. Mes recherches
sur le développement embryonnaire des Crangons m'ont
conduit au méme résultat.
(252)
EXPLICATION DE LA PLANCHE.
Dans toutes les figures les mémes organes sont constamment designes
par les mêmes lettres,
ech. Exochorion.
Chorion.
ch. Cuticule blastodermique.
en. Cuticule nauplienne.
cc. Cuticule cyclopéenne.
ks. Épaississement cellulaire ventral (Keimstr eif:
cd. Lame PERN dorsa
È. ergeren
uche.
ls. rez rg
l. Ligne média
pc. Plaques rs EA
sc. Sillon caudal.
ca. Bord de la carapace, du bouclier céphalique.
O. il.
a nten
a?. Antennules
andibules.
mc. Se de la première paire.
mer, id, a deuxième paire
mes. troisième paire.
pn'. Pattes natatoires de la première oe (pieds
choires des Crustacés décapodes)
pn?. fong TP de la deuxième paire
Fig: 1 et 2. — ea e t les premiéres es phases du
fractionnement partiel du vitellus
Fig. 5. — OEuf de Lerneopoda Galei pendant le fractionnement.
n'existe pas de trace de cuticule blastodermique
Fig. 4. — OEuf du même. Le blastoderme et la cuticule plastodermique
sont complétement formés.
-má-
Bulletin 2° Serie, Tome XXIX.
pn?
E ont
hs E A
mé ne
13
£a: 1
(255 )
Fig. 5. — Autre ceuf du même. L'épaississement cellulaire ventral est
parfaitement reconnaissable. Les cellules dont il se constitue
se distinguent aisément des cellules dorsales.
Fig. 6. — Embryon d'Anchorella unciñata vu latéralement. On dis-
tingue déjà le capuchon buccal, et les deux paires d'appen-
i dices caractéristiques de la forme nauplienne.
Fig. 7. — Embryon du même vu par une coupe idéale faite perpendicu-
lairement à Vaxe du corps. On distingue les Lee cépha-
liques sur lesquelles reposent les antennes. — La cuticule
blastodermique recouvre immédiatement ces organes
Fig. 8. — Portion latérale d'un embryon dans brevicuilis vu
a mé aniére á un den fort grossissement. On voit
> cuticule blastodermique se jeter en formant pont d'une
antenne à l’autre et des antennes sur les côtes du corps, ce
qui démontre bien que la cuticule blastodermique est dis-
tincte de la cuticule nauplienne
Fig. 9. — Embryon de Lerneopoda nend immédiatement après la
formation de la cuticule nauplien
Fig. 10. — Embr yon du méme pour montrer ld ende: de l’épaissis-
semeut cellulaire ventral, qui indiquent la division du corps
en somites. On distingue six somites derrière la bouche. On
reconnaît bien le sillon caudal.
Fig. 11. — Embryon de Brachiella Thynni montrant les tubercules cel-
lulaires qui vont devenir les appendices du Nauplius. —
La mandibule est encore rudimentaire.
Fig 12. — Embryon de Lerneopoda Dahmanni. Tous les appendices ca-
ractéristiques de la forme cyclopide ont apparu; le capuchon
buccal s’est beaucoup développé; l'appendice caudal gagne
eni ce.
Fig 13. — Embryon sp brevicollis au même degré de déve-
loppement à ES près a l'embryon de Lerneopoda Dah-
manni représe:
Fig. 14. — Embryon de rin ian i débarrassé des enveloppes de
l'œuf et des premières membranes embryonnaires. On re-
connaît la forme cyclopide; la queue a pris beaucoup
d'importance, et l’on voit qu'elle était accolée contre la face
dorsale de l'embryon. La carapace est nettement dessinée
et les appendices qui ont apparu en même temps el sous la
même forme se sont déjà différenciés.
Fig. 15 — Embryon de Hessia colorata à un âge un peu plus avancé.
2%" SÉRIE, TOME XXIX. 17
(254)
Les organes ont atteint une forme voisine de la forme défi-
nitive.
Fig 16. — Embryon du même vu du côté du ventre.
Fig. 17. — Antenne du même. L’antenne de la forme cyclopide est encore
renfermée dans la gaîne nauplienne
Fig. 18. — Embryon d'Anchorella uncinata vu du côté du dos. On voit
le faisceau de soies natatoires replié sur la face dorsale.
Découverte d'un gisement de phosphate de chaux au-dessous
de la ville de Louvain; note par M. G. Lambert, profes-
seur à l’Université de Louvain.
En juillet 1869, l'administration communale de la ville
de Louvain a fait commencer sur la place du Peuple un
sondage ou puits artésien qui avait atteint, vers la fin de
novembre, la profondeur de 120 mètres, à laquelle il est
maintenant arrêté, momentanément, paraît-il.
Les roches rencontrées sur cette hauteur appartiennent
aux terrains tertiaires : système bruxellien, yprésien el
landénien.
La détermination rigoureuse de ré épaisseur de chacun
des deux systèmes supérieurs qui sont complétement tra-
versés a été assez difficile, d'une part, par suite du mode
de travail suivi pour ramener les détritus á la surface, opé-
ration qui avait lieu au moyen d'un courant d'eau obtenu
à l’aide d'une pompe (système Fauvelle) ; d'autre part, parce
que sur toute la hauteur percée, la sonde n’a mis à nu au-
“cune espèce de fossile.
D'ailleurs cette difficulté se présente à un degré plus ou
moins élevé dans chaque sondage, surtout en terrains
meubles, mais avec beaucoup de soins et d'attention on
( 255 )
peut toujours parvenir à la détermination des limites de
séparation à un ou deux mètres près. Dans la plupart des
cas et surtout dans celui dont il s’agit, cette approximation
est bien suffisante.
- L'étage bruxellien, qui a été rencontré à la place du
Peuple, depuis la surface du sol jusqu’à la profondeur de
51 m. 80 c., est composé de sable gris-verdâtre trés-
glauconifère, à grains quartzeux assez gros, avec plaques
de grés calcareux et de grès lustré (1).
L'assise yprésienne sur laquelle repose ici le bruxellien,
est formée d'argile sableuse, verdátre, glauconifère. Le
sable contenu dans cette roche est excessivement fin, pres-
que pulvérulent. Il existe dans cette assise des lits minces
d'argile plastique d'un vert moins foncé, assez résistante
pour que le courant nettoyeur en ait souvent ramené à la -
surface des fragments de la grosseur d’une noix et au-
dessus.
L’yprésien descend jusqu'à 110 m. 50 environ de pro-
fondeur en conservant à peu près les mêmes caractères.
Seulement, entre 100 m. et 105 m. 50, il renferme une
assez grande quantité de pyrites de formes irrégulières,
généralement cylindriques, et de quelques millimètres seu-
lement de diamètre, sur un ou deux centimètres ms lon-
gueur.
De 105 m. 50 jusqu'a 110 m. 50, c'est-à-dire sur une
épaisseur de cinq mètres environ, la sonde a fait recon-
naître la présence de nombreux nodules de la grosseur
d'un œuf environ, très-résistants, gris-blanchâtres à la
emma semaine
(1) C'est la dureté de ces grès qui a retardé l'avancement du travail,
malgré la grande habileté de M. Van Ertborn, qui en était chargé.
( 256 )
surface, noirs-brunâtres dans la cassure et à texture sub-
compacte.
Sur certaines parties de la surface, on remarque un en-
duit cristallin brillant formé de pyrites. Le même enduit
tapisse parfois les parois de légères fentes de retrait diri
gées de la surface vers le centre des nodules.
Amenés à la surface en fragments de la grosseur d'une
noix au maximum et salis par les roches enveloppantes,
ces nodules avaient été désignés par les sondeurs sous le
nom de cailloux durs, pour rappeler, sans doute, les ga-
lets de silex noirs et de phtanite avec lesquels ils ont la
plus grande ressemblance.
En passant au sondage dont il s’agit, afin d’y recueillir
quelques échantillons pour les collections de l'École des
mines annexée à Puniversité de Louvain, j'ai été mis en
possession de l’un de ces petits fragments.
En Pexaminant attentivement, sa teinte brune et son
facies général m'ont rappelé, presque par hasard, les
nodules de phosphate de chaux exploités, depuis quinze
à vingt ans, en Angleterre et en France pour Vagricul-
ture.
L'essai au chalumeau ayant confirmé mes prévisions,
j'ai alors fait appel à la complaisance de MM. les profes-
seurs F. Dewalque et C. Blas pour des essais quantitatifs.
Les résultats presque identiques auxquels ils sont arri-
vés prouvent avec quels soins ces savants procèdent dans
leurs recherches.
Voici ces résultats.
M. Dewalque a trouvé dans ce minerai.
Résidu insoluble ¿202 sa 46p
Acide phosphorique . »
( 297 )
Plus du carbonate de chaux, du carbonate de magné-
sie, de Palumine et des traces de fer; celui-ci provient des
enduits pyriteux.
Voici les chiffres obtenus par M. Blas :
Matière volatile à 100°., oC SUP OR
par calcination . . i En,
Matière insoluble dans l'acide ont . 16.42 »
Acide phosphorique anhydre. . . . A à
D'après ces essais, cette roche contient donc en moyenne
62 p. /, de phosphate de chaux tribasique, ou très-approxi-
mativement la même dose que celle fournie par les no-
dules, exploités actuellement en si grande quantité en An-
gleterre, sous le nom de coprolithes.
C’est le célèbre Buckland qui a le premier, en 1829, ap-
pelé l'attention des savants et des agriculteurs sur l'exis-
tence de nodules de phosphate de chaux dans diverses
formations géologiques de l'Angleterre et notamment dans
les étages oolithiques , dans les grès verts, dans la craie et
même au-dessus. Ses observations à ce sujet sont consi-
gnées dans un mémoire publié par la Société royale d’Agri-
culture, en 1849.
Plus tard, on signala la présence de nodules analogues
dans le crag sur la côte de Suffolk.
Dès 1850 on se mit à l'œuvre , en Angleterre, pour l'ex-
ploitation et pour le traitement de ces nodules.
Dans ce traitement ils sont simplement lavés, broyés et
mélangés avec de l'acide sulfurique pour étre transformés
en superphosphates. Actuellement on recommande de les
traiter par le procédé de M. Boblique, qui consiste à fondre
le phosphate avec du minerai de fer, dans un cubilot, puis
( 258 >)
a transformer en phosphate de soude, le phosphure de fer
ainsi obtenu.
Telle est actuellement Pimportance de cette fabrication,
dans la Grande-Bretagne, que l'on y estimait déjà, en
1864 (1), à onze millions de francs la valeur annuelle des
+ Dove retirés des nodules ou coprolithes.
- C’est maintenant dans les environs de Cambridge et de
Suffolk que se trouvent les principales exploitations de
ce précieux minéral.
Grâce aux savantes recherches de MM. Elie de Beau-
mont, Dufrenoy, Meugy, etc., de nombreux gisements de
nodules de phosphate de chaux ont aussi été reconnus en
France.
Il semble que là les nodules sont encore plus largement
répandus qu’en Angleterre, mais, en revanche, ils sont
moins riches en acide phosphorique.
En Belgique, nos richesses en phosphates minéraux
semblaient se borner aux faibles dépôts d'apatite ou de
phosphorite concrétionnée trouvés accidentellement dans
les gites de minerais de fer de l'époqne achenienne à Ra-
melot et à Baelen et signalés, le premier par M. Dor, et
le second, par M. Dethier.
Les nodules de la place du Peuple sont sans doute à une
trop grande profondeur pour être exploités en ce point
d'une manière profitable, mais ils ne tarderont pas, j'es-
père, à être retrouvés dans les affleurements des terrains
yprésiens au sud-est de Louvain et probablement sur d'au-
tres points de la Belgique, et notamment dans le Hainaut.
mn mea aae ý A aa
(1) Ronna, Fabrication et emploi des phosphates de chaux en Angle-
terre.
(239 >
En outre, la découverte de ces nodules ne peut man-
quer de provoquer de nouvelles recherches dans notre
Système landénien et dans nos assises crétacées. Il est
bien vrai que l'étage anglais, le plus riche en fossiles et
en nodules, n’a pas, jusqu’à présent, été retrouvé chez nous;
mais à part cette lacune, la formation crétacée est pour le
moins aussi complète chez nous qu'en Angleterre, et nous
croyons que c’est le cas ou jamais de rappeler la devise :
Cherchez, vous trouverez.
En dessous de 110 m. 50 et jusqu’à 120 m., profondeur
actuelle du sondage de la place du Peuple, les sables sont
moins glauconiféres, à grains plus gros et semblent appar-
tenir au système landénien, mais il est assez difficile de
dire à quel étage.
( 260 )
CLASSE DES LETTRES.
me
Séance du 7 mars 1870.
M. E. Deracoz, directeur.
M. Ap. QUETELET, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. Ch. Steur, F.-C.-J. Grandgagnage,
J. Roulez, P. Gachard, Paul Devaux, P. De Decker,
F.-A. Snellaert, J.-J. Haus, M.-N.-J. Leclereq, M.-L. Po-
lain, Ch. Faider, le baron Kervyn de Lettenhove, R. Cha-
lon, J.-J. Thonissen, Th. Juste, le général Guillaume,
Henri Conscience, Alph. Wauters, membres; Nolet de
Brauwere Van Steeland, Auguste Scheler, associés; G. Ny-
pels, correspondant.
M. L. Alvin, membre de la classe des beaux-arts, el
M. Ed. Mailly, correspondant de la classe des sciences,
assistent à la séance.
CORRESPONDANCE.
— M. le Ministre de l’intérieur transmet le programme
de la 37° session du congrès scientifique de France, qui
q
s'ouvrira à Moulins le 1* août prochain.
p
— La société royale des Antiquaires du Nord, à Copen-
hague, et la société princière de Jablonowski , à Leipzig»
remercient pour les derniers envois et adressent différents
ouvrages.
( 261 )
— M. G. Nypels offre la 10° livraison de son Commen-
taire du Code pénal belge. — Remerciments.
— Un travail manuscrit de M. J. Poullet, intitulé :
Quelques mots à propos de la juridiction communale au
XV" siècle en Belgique, est renvoyé à l'examen de M. Tho-
nissen.
ÉLECTIONS.
La classe reçoit communication du résultat des délibé-
rations du comité chargé, en vertu de Particle 16 du
règlement d'ordre intérieur, de présenter les candidatures
aux places vacantes. il
Elle ratifie la liste de présentation dressée par le comité,
qui s’est réuni à cet effet avant la séance.
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
Le dernier héros du moyen âge en Belgique : PHiLipre
DE Crëves; notice par M. le général Guillaume, membre
de l’Académie,
Parmi les personnages qui ont figuré dans les événe-
ments de la fin du XV: siècle, il n’en est guère qui aient
joué un rôle plus important que Philippe de Clèves.
Issu d’une famille princière qui faisait remonter ses
origines jusqu'au Chevalier au Cygne NE id din
loire de la Beliqué E Vs alie dans les rios de la Commission
royale d'histoire.
( 262 >)
d'une cour brillante, par une famille influente , et ambi-
tieuse, en vue d'une alliance royale; honoré de la faveur
d'un des plus puissants princes de son temps, Philippe de
Clèves, que toutes ses attaches semblaient devoir retenir
dans le parti aristocratique, devint, par la fatalité des
circonstances, le héros populaire de la Flandre, le cham-
pion de la liberté des communes belges dans leurs luttes
suprémes contre l'étranger.
Après avoir assisté aux derniers efforts de la nationalité
flamande; après avoir été pendant quelque temps le véri-
table souverain de la Flandre et du Brabant, Philippe de
Clèves fut investi de la vice-royauté d'une antique répu-
blique italienne, puis, dépouillé de toutes ses grandeurs,
il entra dans les conseils de l'empereur Charles-Quint et
consacra les dernières années d’une carrière des plus
agitées à composer des commentaires militaires qui placent
leur auteur au premier rang des écrivains didactiques.
Tel est le résumé de l'étrange destinée du personnage
auquel est consacrée cette notice.
Philippe de Clèves et de Lamarck, seigneur de Wynen-
daele (1) et d'Enghien (2), duc de Coimbre (3) et, après la
is
(1) Wynendaele, seigneurie située dans la Flandre occidentale entre
Roulers et Thourout.
(2) Il devint seigneur d'Enghien par sa femme Françoise de Luxem-
Held petite fille du célèbre connétable de St-Pol que Louis XI fit déca-
. A la mort de Francoise de Luxembourg, en 1523, le domaine
€ SHARE passa à François de Bourbon, prince de Vendôme, qui avail
épousé la sœur de Françoise de Luxembourg.
(3) Ce titre lui vint de sa mère Béatrix de Portugal,
Coimbre.
fille de Pierre de
( 265 )
mort de son père, seigneur de Ravesteyn (1), appartenait
à une branche cadette de la maison de Lamarck. Son
grand-père, Adolphe de Lamarck, avait été fait due de
Clèves par Pempereur Sigismond padid le concile de
Constance (2). D'illustres alliances contractées par sa
famille le rattachaient à des maisons princières considé-
rables : son aïeul avait épousé Marie de Bourgogne, fille
de Jean sans Peur, et son père avait eu pour femme Béatrix
de Portugal. D'un autre côté, sa tante, Marie de Clèves,
s'était unie à Charles d'Orléans. Philippe de Clèves était
donc tout à la fois l'arrière petit-fils du roi Jean de Por-
tugal et du duc de Bourgogne, Jean sans Peur; par consé-
quent, il était le neveu du duc Philippe le Bon et de la
duchesse d'Orléans, mère du roi de France Louis XII (3).
Élevé à la cour de son cousin Charles le Téméraire,
avec la jeune Marie de Bourgogne, qui était à peu près de
son áge, Philippe de Clèves ne réussit pas à réaliser les
espérances ambitieuses de son père et de son oncle, Adol-
phe et Jean de Cléves, qui auraient voulu unir le jeune
prince à Punique héritière du duché de Bourgogne. Leurs
projets furent renversés notamment par les intrigues du
roide France, Louis XI, qui ne négligea aucune occasion
de se prononcer contre une union qui eút déjoué ses
combinaisons politiques (4). Il chercha done à déconsidérer
le jeune seigneur de Clèves par toutes sortes de moyens
ct
(1) Seigneurie située entre Grave el Megen sur la rive gauche de la
E et Bran du Brabant.
(2) E :
(5) a père dd Philippe de Cléves ayant perdu sa premiére femme,
Béatrix de Portugal, épousa en 1468 Anne de Bourgogne, fille naturelle
de Philippe le Bon et sceur de Charles le Téméraire.
(4) Louis Xl aurait voulu faire épouser Marie de Bourgogne par le
Dauphin qui fut plus tard le roi Charles VIII.
( 264 )
et par des calomnies, en disant que ce prétendant obscur
« avait un mauvais ulcère à la jambe; qu’il était ivrogne
» comme tous les Allemands; qu'après boire il casserait
» le verre sur la tête de sa femme et lui donnerait des
» coups » (1). La vérité est qu’à la cour de Bourgogne,
le jeune Philippe de Clèves était réputé chevalier loyal,
noble et généreux, et jouissait de beaucoup d'estime et de
considération. Quoi qu’il en soit, la princesse Marie, cédant
aux conseils de sa mère et au désir des états de Flandre,
qui redoutaient une alliance avee un prince francais,
épousa Parchiduc Maximilien d'Autriche (2).
Ce prince, après son mariage avec l'héritière de Bour-
gogne, témoigna à Philippe de Cléves les sentiments les
plus bienveillants. Il lui donna une compagnie de cavalerie
tout en lui conservant le commandement de Valenciennes,
place frontière qui était menacée par les troupes de
Louis XI. Le jeune seigneur de Clèves, bien qu’il n'eùt
encore que dix-huit à dix-neuf ans (3), se tira avec hon-
neur (4) d’une mission qui n'était pas sans difficulté; les
(1) Extrait d'un discours de Louis XI aux habitants du Quesnoy. — Ker-
vyn de Lettenhove, Hist. de Flandre,t. V,p 267. Rae Annales
de la province et comté du Hainaut, t. IV, p. 407, ;
(2) Molinet. — Amelgard. — Un historien capi a dit, mais
sans justifier son opinion, que Philippe de Clèves était jaloux, envieux,
hautain, et que Marie, vive et légère, ne sympathisait pas avec lui; que Ces
deux enfants n'étaient presque jamais d'accord dans leurs jeux el leurs
voren des sciences, etc, t. IT. ?
(3) La date précise de sa arepa n'est pas connue, mais, d'apres o
de ses biographes, il mo n 1327, âgé de soixante-huit ans; d'apres
cela il serait né vers nd ij 23)
(4) Vinchant , Annales de la province et comté du Hainaut, t. v‚ pp.7
et suivantes.
zal
E me U
( 265 )
succès militaires qu'il obtint contribuérent, paraît-il, à
procurer à Maximilien la trêve du 11 juillet 1478, à la
faveur de laquelle il put préparer ses forces pour lutter
avec avantage contre son redoutable voisin.
Depuis que le mariage de Marie de Bourgogne avec
Parchiduc Maximilien avait déjoué toutes les intrigues de
Louis XI pour amener une alliance utile à ses intérêts,
ce roi perfide et cruel s'était livré aux dernières violences
contre les provinces des Pays-Bas (1).
Maximilien, mettant à profit la trêve, était parvenu à
rassembler 27,000 hommes à la tête desquels il marcha
contre les troupes francaises. La rencontre des armées
eut lieu le 7 août 1479 dans PArtois, près du village
d'Enguinegatte, non loin de Térouane (2). Philippe de
Clèves assista à cette bataille, qui dura depuis midi jusqu’à
9 heures du soir. Il se trouvait derrière l'aile gauche et il
était particulièrement chargé de la défense des vivres.
La cavalerie francaise, après avoir culbuté Pavant-garde
de Maximilien, se précipita avec une force irrésistible au
milieu de l'infanterie flamande qui s’entr’ouvrit en désor-
dre. Une mêlée effroyable s'ensuivit, et bientôt à une
sanglante résistance succéda le désastre d’une déroute
complète, Philippe de Clèves fut d’abord entraîné par les
fuyards, qui cherchèrent un refuge à Aire (3). Il retourna
néanmoins au combat, s’y conduisit fort bien (4) el assista
——
(1) Rien n’est plus horrible que les actes commis contre les malheu-
reuses populations du pays, par les troupes françaises et par les ordres
exprès du roi Louis XI Ce n’est plus la guerre, c'est une barbarie sauvage
Comme on n'en trouve pas d'autre exemple dans l'histoire.
(2) Molinet.
(3) Kervyn de Lettenhove, Histoire de Flandre, t. V, p. 507,
(4) Chronique de Maximilien, p. 229.
( 266 )
à la victoire que, par un retour de fortune, remporta
l’armée flamande. Quelques jours après cette bataille il se
distingua en s'emparant bravement d'un convoi considé-
rable qu'il ramena à S'-Omer, nonobstant la vive résis-
tance d'un corps nombreux de gens d'armes français (1).
Plus tard, les ennemis de Philippe de Cléves ne man-
quérent pas de rappeler la journée de Guinegate comme un
triste épisode de ses débuts militaires; ils attribuérent sa
retraite vers Aire à la lácheté et à la trahison, comme si
tous les faits d'une carriére de plus de trente années ne
donnaient pas un démenti éclatant à ces imputations
calomnieuses.
Philippe de Cléves prit part au siége de Durbuy et à
presque tous les combats qui marquèrent la lutte soutenue
par Maximilien pour paralyser les entreprises sans cesse
renaissantes de Louis XI contre l'héritage de Marie de
Bourgogne.
La mort prématurée de cette princesse (27 mars 1482),
en ravivant les espérances de conquête du roi de France,
créa bientôt les plus grandes difficultés à Maximilien. La
Flandre profita de ces circonstances pour tâcher de s'af-
franchir de l'autorité d'un prince étranger qui, d'abord,
avait été accueilli avec enthousiasme parce qu’on espérait
trouver en lui un défenseur dévoué aux intérêts du pays,
mais qui s'était bien vite aliéné Vaffection des Flamands par
sa légèreté, sa prodigalité, et le mépris qu'il affectait pour
les anciennes institutions si EN aux Flamands; à la
même époque, l'entrey i de Guillaume d'Aren-
berg contre l’évêque de Liége répandit l'épouvante dans le
(1
—"
Chronique de Maximilien , p. 256.
( 267 )
Brabant et dans le comté de san de toutes parts, enfin,
on courut aux armes.
Les états de Brabant qui, par une judicieuse apprécia-
tion des intérêts du pays, penchaient plus vers l'alliance
germanique que vers celle de la France, redoutérent les
conséquences de entente qui existait manifestement entre
Louis XI et le meurtrier du prince-évéque de Liége; ils
envoyérent contre Guillaume d'Arenberg les plus vaillants
capitaines de Maximilien et, entre autres, Philippe de Clè-
ves (1) qui, après s'étre emparé de S'-Trond, de Loos, de
Hasselt, défit complétement les bandes redoutées du San-
glier des Ardennes et resta quelque temps investi de la
charge de lieutenant général de l’avouerie de Liége (2).
Philippe de Clèves était alors sincèrement dévoué au
parti de Maximilien; il poussa le dévouement jusqu’à com-
mettre un acte qu'on lui a souvent reproché : le meurtre
de Lancelot de Berlaimont, qui avait compromis la cause
de Maximilien par l'arrestation arbitraire et illégale des
députés des états de Flandre, et qui s'était allié à l'assassin
de l’évêque de Liége, Guillaume de Lamarck, en épousant
sa fille (3).
Après avoir gak à la prise de Ninove (4) et d'Aude-
(1) Vinchant, Annales du Hainaut, t. V, pp. 49
(2) On trouve, sous la date du 27 avril 1486, une aan accordée
aux Liégeois par Maximilien (alors à Cologne), en leur envoyant Philippe
de Cléves comme lieutenant général de Pavouerie de Liége et de Loos.
— Bulletins de la Commission royale d'histoire, t. IX, p. 86
(3) Le meurtre de Laucelot de Berlaimont eut lieu le 19 janvier 1484 à
Cambray. On trouve des détails relatifs à ce meurtre dans l'Histoire de la
Toison d'or de M. le baron de vere (p- 200); voir aussi Kervyn de
Lettenhove, Histoire de Flan
(4) Vinchant, Annales du lid t: V, D. 5.
s
( 268 )
narde et à la réduction de la citadelle de Bourgogne qui
défendait cette ville (1), Philippe de Clèves qui, à cette
époque, était, en remplacement de son père, lieutenant de
l'empereur et capitaine général de Hainaut et de Valen-
ciennes (2), établit ses troupes dans la ville d'Enghien, en
attendant le résultat de l'expédition tentée en Hollande par
Maximilien. Sa haute renommée de valeur et de loyauté
lui avait attiré une grande popularité à Gand; elle ne
suffit pas cependant à prévenir le soulèvement qui éclata
dans cette ville, en 1485, contre Maximilien (3). Toutefois
son intervention modéra les projets de vengeance que ce
prince, excité par son entourage, nourrissait contre les
Flamands (4); il offrit même de rester en otage entre les
mains des états pour assurer la liberté de son souverain (5),
qui partit pour l'Allemagne où il devait recevoir la cou-
ronne de roi des Romains.
Pendant cette absence de Maximilien, Philippe de Cléves
fut associé à Englebert de Nassau pour le gouvernement
du pays et l'administration de la guerre (6).
(1) Kervyn de erik ouvrage cité, p: es
(2) Dans le préambule d'u 1 de capitaine général du pays
et comté de Hainaut et de la ville da TEE donnée le 6 aoùt 1482,
au comte de Por me il est dit que le Sr de Ravestein, qui était investi de
cette charge, ne pouvait y vaquer à e du soin qu vil avait de la garde
du duc Philippe, et que Philippe de lores, fils du Sr de Ravestein, auquel
cette charge avait été conférée pour Tökerder en l'absence de son père, ne
pouvait la remplir, le duc ayant besoin de lui à l'armée. — Bull. de la Com-
mission royale d'histoire, t. XI, p. 198
(5) Kervyn de Lettenhove, Histoire de Flandre , t. V, p. 579.
(4) Kervyn de Lettenhove, p. 380. « Lorsque vous aurez détruit Gand,
» disait Philippe de Clèves à Maximilien, vous aurez détruit la fleur et la
» perle de tous vos pays.
(5) Kervyn de Lettenhove, ouvrage cité, p. 447.
(6) Vinchant , Annales du Hainaut, t. V, p. 72.
(269 )
En 1486, la paix d'Arras ayant été brusquement rom-
pue, les hostilités recommencèrent avec la France. Phi-
lippe de Clèves s'empara de Térouane (9 juin 1486), de
Bourbourg, de Gravelines, de Dunkerque, mais fut moins
heureux au combat de Béthune (juillet 1487). Il y com-
mandait la cavalerie, et malgré Vintrépidité qu'il déploya,
il ne parvint pas á repousser les bandes francaises qui
prirent Englebert de Nassau et le gardèrent prisonnier
pendant plusieurs mois.
Est-il vrai, comme on l’a reproché à Philippe de Clèves,
qu'il prépara le désastre de cette journée pour se débar-
rasser d'un rival qui lui portait ombrage ?
C'est là une question délicate à laquelle il est fort diffi-
cile de répondre. Bien que les personnages de ce temps ne
fussent pas toujours très-serupuleux dans le choix des
moyens pour satisfaire leurs passions, il répugne de croire
que Philippe de Clèves , à qui l'on attribue généralement
un caractère plein de loyauté et de franchise , se soit laissé
aller à commettre une félonie.
Quoi qu’il en soit, la cause de Maximilien se trouva
grandement compromise à la suite de cet échee, et les
Flamands jugèrent le moment favorable pour tenter de
secouer le joug d’un prince étranger.
La conduite de Philippe de Clèves, dans ces conjonc-
tures, a fait naître la supposition qu'il avait conçu l'espoir
de tirer parti, pour son propre intérêt, de Pimpopularité de
Maximilien auprès des communes flamandes, et de s'élever
à la toute-puissance en se posant comme le champion des
états de Flandre.
ll est très-vrai que tout en restant, en apparence, atta-
ché au roi des Romains, il ne négligea rien pour se con-
cilier l'affection et la confiance des bourgeois de Gand et
2%* SÉRIE, TOME XXIX. 18
( 270 )
- de Bruges. Il parvint même à faire cesser les divisions qui
existaient entre ces deux grandes cités, de même qu'entre
les Flamands et Maximilien. Mais en même temps il fut
l'agent le plus actif de la paix qui fut signée le 16 mai
1488 et qui rendit la liberté au roi des Romains.
Sans chercher à déméler quels furent les sentiments
secrets qui dominèrent Philippe de Clèves à cette époque
importante de sa carrière, on doit reconnaître que les cir-
constances, bien plutôt qu’une volonté préméditée, ame-
nèrent fatalement l'attitude qu'il prit à l'égard de Maximi-
lien. En effet, à peine le roi des Romains se vit-il libre,
qu'il oublia ses serments et la promesse qu'il avait faite
solennellement aux Flamands (1) : les troupes allemandes
qu'avait amenées l’empereur Frédéric JH pour délivrer son
fils, et qui auraient dû se retirer immédiatement après la
conclusion de la paix , ravagèrent le pays, mirent à ran-
çon villes et villages et menacèrent la ville de Gand du
même traitement.
Philippe de Clèves, otage volontaire de Maximilien
(1) Voici le serment qu'avait prêté Maximilien en signant la paix avec
les Flamands :
« Nous promettons de notre franche volonté et jurons en bonne foi sur
» le S“Sacrement cy présent, sur la sainte vraie croix, sur les évangiles
» de nostre Seigneur, sur le précieux corps de St-Donat, patron de paix
» el sur le canon de la messe, de tenir, entretenir et accomplir par effect
» la paix et l'alliance conclues en notre nom et nos bien aimés les estats
» et trois membres de Flandre et leurs adherents, ensemble la concor-
» dance, union et alliance de tous les états du pays conclue par notre
» consentement et promettons en paroles de prince et comme roy sur
» nostre foy et honneur, que jamais ne viendrons au contraire en quelque
» manière que ce soit, deschargeant lesdits de Flandre du serment qu'ils
» nous opt faicts comme main bourg de nostre chier et amé fils. »
( 271 )
entre les mains des Flamands (1), se trouva alors dans
une position des plus difficiles et que certes il n'avait pas
créée.
Le jour où Maximilien avait été rendu à la liberté, Phi-
lippe de Clèves l’avait accompagné à quelque distance de
la ville, et avant de se séparer de lui pour aller se remettre
entre les mains des Flamands comme garant de l’exécu-
tion des promesses du roi des Romains, il lui avait de-
mandé s’il était bien décidé à rester fidèle à la paix jurée :
« Monseigneur, lui avait-il dit, vous estes maintenant vostre
» francq homme et hors de tout emprisonnement : veuillez
» me dire franchement vostre intention. Est-ce vostre
» volonté de tenir la paix que nous avons jurée? »
Maximilien avait levé tous ses doutes en répondant :
« Beau cousin de Clèves, le traité de paix tel que je Pai
» promis et juré, je le vueil entretenir sans infraction. »
Le lendemain de son départ, Maximilien , bien décidé
déjà à violer tous ses serments, avait néanmoins demandé
aux états de Flandre une somme de 50,000 florins pour
solder, avant qu’ils s'éloignassent du pays, les soldats
allemands qu'il n'avait pas l'intention de faire partir; il
avait demandé aussi qu’on délivrât deux des trois otages
qu’il avait laissés entre les mains des Flamands en garantie
de l'exécution fidèle de ses engagements.
Toutes ces demandes lui avaient été accordées sur-le-
champ.
Mais dès qu'il eut obtenu la délivrance de ses deux otages
el touché les 50,000 florins qui devaient servir à congé-
mnd
(1) I lui avait écrit « que par le grand désir qu’il avoit de sa délivrance,
» si plus povoit employer que corps et biens, il le feroit de très-bon
» Cœur, »
(272 >
dier les troupes allemandes (1), Maximilien jeta le masque
el se servit de ces mémes soldats étrangers pour ravager
le pays.
La perfidie du roi des Romains devint alors évidente
pour tous. Quelle conduite devait suivre Philippe de Clèves
qui, de son côté, avait pris l'engagement « de aider et de
» faire assistance á ceux de Flandre contre les infractions
» de ladite paix, union et alliance? » Quelle détermination
allait-il adopter en présence du manque de foi de Maximi-
lien et du procédé honteux dont ce prince venait si auda-
cieusement de se rendre coupable à l'égard des états de
Flandre ?
On doit reconnaître que Philippe de Clèves suivit dans
ces circonstances difficiles la loi de l'honneur, et qu'il pro-
testa, par la loyauté de sa conduite, contre la mauvaise fol
qui malheureusement était devenue le vice du temps; le
9 juin il ne craignit pas d'écrire au roi des Romains :
« Monseigneur, en Pacquit de mon serment, par doubde
» d'offenser Dieu notre Créateur, j'ai promis aux trois
» membres de Flandre de les aider et assister, ce que Je
» vous signifie à très-grand regret de cœur et très-dolent :
» car en tant qu'il touche votre noble personne comme
» vostre très-humble parent, je voudroye vous faire tout
» service et honneur, mais en tant qu’il touche Pobserva-
mt
(1) Maximilien ne rougissait pas d'employer les moyens les plus oane”
bles pour se procurer de largent : quelques années après les événements
de notre récit, lorsque Louis XI! voulut détròner le roi de Naples, Maxi-
milien reçut de l'argent de ce prince pour ne pas renouveler avec le roi de
France la trêve qui rendait disponibles les troupes de Louis XH; puis, aU
mépris de ses engagements, il consentit à une nouvelle prorogation de
trêve. (A. Martin, Hist. de France, t. VI, p. 328.)
PE ENT NE ANT E
(275)
> tion de mon serment, je me suis obligé à Dieu, souverain
» roi des roys. Dieu scait que je me trouve en danger par
» vostre délivrance sans ma coulpe. »
IE.
Une des clauses du traité qui avait amené la mise en
liberté de Maximilien portait que Philippe de Clèves pour-
rait prendre les armes pour les Flamands contre le roi des
Romains, et serait dégagé du serment de fidélité qu'il lui
avait prêté si le roi contrevenait à l'une ou à l’autre des
conditions de la paix (4). Lorsqu'il ne fut plus possible
de douter des projets hostiles de Maximilien, Philippe de
Clèves se mit résolúment à la tête des Flamands et rompit
tous les liens qui précédemment l'avaient attaché au parti
de la cour. Alors commence pour lui ce grand rôle qu'il
joua un instant dans les destinées du pays. Digne de servir
la cause du peuple, parce qu'il ne le flattait pas plus que
les princes, dit le savant historien de la Flandre (2), Phi-
lippe de Clèves empécha les Gantois de mettre à mort le
chancelier et les nobles Flamands qui avaient été arrêtés
au Craenenburg. Il resta constamment à Gand au milieu
des partis irrités, dont il sut dominer la fureur par la sa-
gesse el la modération de sa conduite; peu de temps après
il fut créé capitaine général de l’armée flamande, dans
(1) Vinchant, Annales du Hainaut, t. V, pp. 92 et 96. Voir le texte de
celle clause dans Mist. de Flandre de M. Kervyn de Lettenhove, t. V,
P- 449. Voir aussi les lettres du 22 juin et du 18 août, adressées aux éche-
vins d'Ypres (Bull. de la Comm. royale d'hist., 2w* série, t. IL, pp. 361
t 410).
(2) M. le baron Kervyn de Lettenhove.
<
( 274 )
laquelle on vit bientôt figurer toute la noblesse confondue
avec les communes (1); gráce à son énergie et à son acti-
vité, les projets insensés de Maximilien et de tous les
princes allemands accourus à son aide furent déjonés; le
roi des Romains sollicita vainement une trêve; toutes ses
offres d'arrangement furent repoussées avec mépris :
« Quel est le Dieu que le roi des Romains peut désormais
» prendre à témoin de ses promesses, répondirent les Fla-
» mands; vous nous menacez excommunication : elle
» doit moins nous atteindre que ceux qui ont violé leurs
» serments. » Après une série d'échecs et d’affronts, Maxi-
milien dut se retirer honteusement en Zélande, où il cher-
cha de nouveau à rassembler des forces pour recommencer
la lutte contre les communes flamandes (2).
En se retirant, ce prince, qui avait violé audacieusement
la foi jurée et venait tout récemment d'employer des
moyens honteux pour s'approprier une somme de 50,000
florins, ne craignit pas de lancer une déclaration « pour
» dégrader Monseigneur Philippe de Cléves de son hon-
» neur, par ban impérial (3). » Voici la noble réponse que
fit Philippe de Clèves :
« Mon très-redoubté seigneur, vous me reprochez à dif-
ST ne NE
(1) Kervyn de Lettenhove, Hist. de sets t. V. p. 458.
(2) Kervyn de Lettenhove, ouvrage e
(5) En 1493, le roi des Romains fit dere en trois langues, par les Car-
refours de la ville d'Anvers, comment il abolissait la dégradation de l'hon-
neur paai lempereut piia edn en bro sn en mars o contre la per-
jue la g 1erre que le edit
sonn ne g PI
le Ravestei it tre Îbs Flamands el cid
faite de son bon vouloir, à gen litre et juste querelle, et le restituait en
son pass comme dessus. Hist. de la Toison d'or, par M. de Reiffen-
berg, p. 2
( 275 )
» fame ce que toutes gens de sain entendement me doib-
» vent attribuer à grant honneur; car quel honneur peut
» estre plus à noble homme que de acquitter le serment
» qu'il a faict pour le bien de paix et de préserver les pays
» de son seigneur, moindre d'ans, contre ceux qui hosti-
» lement el sans cause envahissent, brûlent et destrui-
» sent... »
Cependant une grande partie du Brabant adhérait au
mouvement de la Flandre; Bruxelles, Louvain, Tirlemont,
Nivelles, Léau, Jodoigne , Arschot, n'attendaient que loc-
casion de se prononcer; Philippe de Cléves marchait de
succès en succès; le 18 septembre 1488, il fit dans
Bruxelles une entrée triomphale (1); le 25, Louvain re-
connut son autorité, puis successivement un grand nombre
de villes du Brabant suivirent l'exemple de Louvain et de
Bruxelles.
Maximilien chercha, de son côté, à envahir le Brabant
pendant que la flotte aliemande s'emparait de Dunkerque
et de Saint-Omer, et que les soldats étrangers incendiaient
bourgs et villages jusqu'aux portes d'Ypres et de Thou-
rout. Mais Philippe de Cléves défit complétement les
bandes de l'empereur Frédéric HE, et Maximilien ne par-
vint qu’à grand’peine à se réfugier dans Anvers.
Bientôt après, se voyant dans Pimpuissance de dompter
ses ennemis, il suivit l’empereur en Allemagne, laissant en
(1) Dès son entrée à Bruxelles, Philippe de Clèves fit publier la paix de
Bruges. Quelques jours après, il adressa au doyen et chapitre de Sainte-
Gudule une lettre pour combattre les serupules que quelques-uns avaient
manifestés au sujet de l'excommunication et de l'interdit du pape et pour
leur faire entendre que s'ils y cédaient, il prendrait des mesures contre
eux. (Bull. de la Comm. royale d'histoire, 2° série, t. 1, p. 416.)
(276 )
Flandre pour ses lieutenants, le duc de Saxe et le comte
Englebert de Nassau, lequel, moyennant rancon, avait
récemment été rendu à la liberté par les Francais.
Les états de Flandre, prévoyant que de nouveaux périls
les menaceraient bientôt, envoyèrent Philippe de Clèves en
France réclamer Pappui de Charles VIII. Mais ce souverain,
sauf quelques stériles témoignages de sympathie pour la
cause des Flamands, n'intervint en définitive que pour
faire conclure le traité du 50 octobre 1489, par lequel la
Flandre, ruinée par les désastres d'une longue guerre el
hors d'état de continuer la lutte, se trouva sacrifiée el con-
trainte non-seulement á reconnaître Maximilien pour main-
bourg , mais encore à lui payer 500,000 livres tournois,
moyennant quoi le roi des Romains accordait une amnistie
sans réserve et confirmait tous les actes de l'administration
de Philippe de Clèves.
Un accord conclu dans de pareilles conditions ne pouvail
subsister longtemps; aussi les villes conservèrent-elles leurs
hommes d'armes prêts à entrer de nouveau en lutte avec
les soldats du duc de Saxe, qui avaient continué d'occuper
une partie des garnisons du pays (1).
Philippe de Clèves avait parfaitement prévu que la Flan-
dre ne se résignerait pas longtemps à subir l'autorité de
Maximilien, restaurée à des conditions humiliantes et rui-
neuses pour le pays. Il s'était retiré dans le château de
PÉcluse en attendant les événements. Il cachait peu lhos-
tilité de ses sentiments, mais il avait fait le siége de Dor-
drecht, où il avait perdu beaucoup de monde, et ne se
trouvait guère en mesure de seconder efficacement le
(1) Kervyn de Lettenhove, Hist. de Flandre, t. Le, p. 471.
C IFE )
mouvement des communes. Gand ayant été livrée aux
Allemands par la trahison du sire de Rasseghem, la ville
de Bruges était devenue le centre de la résistance. Assié-
gée par le comte de Nassau, qui mettait à tout arrangement
avec les Flamands la condition de renoncer à l'alliance de
Philippe de Clèves que les Allemands haïssaient d'autant
plus qu'il avait constamment refusé d'abandonner le parti
de la Flandre, en proie aux horreurs de la famine, cette
ville infortunée fut encore secourue par Philippe de Clèves :
il fit percer les digues d'Houcke afin de rétablir les com-
munications de l’Écluse et de Bruges par l’ancien canal, et
parvint ainsi à faire passer quelques vivres à une population
désolée.
Mais dès qu’il apprit qu’il était le seul obstacle au réta-
blissement de la paix, il s'empressa d'écrire aux Brugeois
qu'il les dégageait de leur alliance avec lui et les autorisait
à traiter sans lui, Les Brugeois se décidèrent alors à signer
à Damme (1), le 29 novembre 1490, une convention par
laquelle ils consentaient à payer leur part de la coMtribution
Stipulée par le traité de Tours (2). Ils avaient cru par lá
obtenir la paix et la sécurité; il n’en fut rien. Le comte de
Nassau se montra d'une sévérité cruelle, fit décapiter tous
ceux qui avaient été opposés à l'autorité de Maximilien;
il établit d'énormes impóts sur les objets de première né-
cessité, et comme Philippe de Cléves, de son côté, arrétail
tous les navires étrangers qui abordaient dans le Swyn, la
disette fut bientôt horrible (5). Philippe de Clèves qui, dans
une entrevue avec Englebert de Nassau, avait rejeté toute
(1) Despars,
(2) suites > lala ouvrage cité, p. 478.
(3) Molin
( 278 )
proposìtion de rentrer sous l'autorité du roi des Romains,
se prépara activement à recommencer la guerre contre les
troupes allemandes, qui faisaient la désolation du pays; il
essaya d’abord de les chasser de Bruges, puis il se rendit
à Gand au mois d’août 1491 pour présider au renouvel-
lement de Véchevinage. Ses troupes s'étaient rendues
maîtresses de plusieurs villes et avaient remporté des
avantages sur les Allemands, quand une surprise livra
inopinément aux soldats de Frédéric IŢI la forteresse si im-
portante de Hulst (9 octobre 1491).
Des défaillances, des trahisons comme il s’en produit si
fréquemment dans les guerres civiles, amenèrent successi-
ment la soumission de Gand, de Bruges, d'Ypres et d'autres
localités; Philippe de Clèves seul ne voulut pas se sou-
mettre et abandonner la cause des communes flamandes.
« Je n'ai rien à me reprocher, répondit-il aux envoyés
» du duc de Saxe, lieutenant de Maximilien aux Pays-Bas,
» j'ai loyalement observé le serment que j'avais fait au roi
» des Romains jusqu'à ce qu’il m'appelát à Bruges pour
» lui servir d'otage, et pour Parracher aux périls, je me
» livrai moi-même. Il me dégagea de mon serment el
» wobligea à jurer que s’il violait la paix, je soutiendrais
» contre lui les communes de Flandre : serment que je
» crois avoir rempli à mon honneur vis-à-vis de Dieu ét
» vis-à-vis des hommes. »
Après d'infructueuses tentatives de conciliation, le due
de Saxe réunit contre Philippe de Clèves toutes ses forces,
tandis que les Anglais bloquaient le port de l'Écluse où
Philippe s'était retiré; « comme jadis, dit Molinet, les Gre-
» geois se mirent sus à grande puissance pour environner
» la noble cité de Troye, gendarmerie se adoubba de lots
» costés pour subjuguer l'Écluse. »
EMS
Philippe de Clèves fit une défense héroïque et ne con-
sentil à négocier que lorsque ses murailles se trouvérent
complétement ruinées, et qu'une plus longue résistance
fut absolument impossible. Le 12 octobre 1492, une paix
honorable lui fut offerte en considération de sa haute re-
nommée :il conserva la propriété du château de l'Écluse (1);
tous ses biens, précédemment confisqués, lui furent resti-
tués; enfin le roi des Romains s'engagea à lui payer des
sommes considérables qu'il lui devait (2).
IH.
Après cette capitulation la Flandre se trouvait définiti-
vement vaincue; une guerre civile de douze années l'avait
couverte de deuil et de ruines; l'énergique défenseur de
son indépendance, Philippe de Clèves, privé désormais des
moyens de prolonger l’œuvre de délivrance qu'il avait en-
treprise, dut rentrer sous Pautorité du roi des Romains;
mais il s’abstint de toute intervention dans les affaires pu-
bliques et vécut complétement à l'écart jusqu’à l'émanci-
pation de Philippe le Beau, émancipation qui mit fin au
pouvoir de Maximilien en Belgique.
Philippe de Clèves qui, à la mort de son père, arrivée à
cette époque (3), prit le titre de seigneur de Ravestein,
reparut alors à la cour. En 1495, il assista au mariage de
Marguerite d'Autriche avec le prince de Castille, et la même
<
(1) H céda ce château à Englebert de Nassau en 1493 pour une somme
considérable.,
(2) Molinet,
(5) Adolphe de Cléves, seigneur de Ravestein, mourut au mois de jan-
vier 1495,
( 280 >
année il accompagna Philippe le Beau à sa première joute ,
qui eut lieu dans le pare de Bruxelles le jour de la Saint-
André (1). Il se rendit ensuite avec ce prince à l'assemblée
de Ratisbonne, où fut proposée une croisade afin de chasser
les Turcs d'Europe. Ce projet ne fut pas mis à exécution
par l’empereur Maximilien qui Pavait proposé, mais lors-
que Louis XII, proche parent du sire de Ravestein du
côté maternel (2), résolut de poursuivre les projets de
Charles VIII, qui voulait marcher, par la conquête de
Pltalie, à la délivrance de l'Orient, Philippe de Clèves fut
l’un des premiers qui répondirent à cet appel. Il fut investi
bientôt de la vice-royauté de la ville de Gênes (1499) qui,
secouant le joug que faisaient peser sur elle deux factions
puissantes, s'était mise sous l'autorité du roi de France (5).
Ce fut de lá qu'il partit, en 1501, avec le titre d'amiral de
Gênes, pour aller combattre Bajazet II, qui venait de vain-
cre la flotte vénitienne. :
Accompagné d'Antoine de Lalaing et d'un grand nombre
de jeunes nobles de la Flandre, Philippe de Ravestein
s'empara d’abord de Naples, puis se dirigea vers l’île de
Mételin (Mitylène dans l’ancienne Lesbos), tandis que son
vaillant émule, Gonzalve de Cordoue, s'emparait de Cépha-
lonie et de Leucade. Mais bientôt abandonné par les Véni-
tiens, trahi par les Espagnols, mal secondé par les Fran-
cais mémes qui étaient mécontents d'obéir à un Belge,
enfin battu par la tempête qui dispersa ses vaisseaux , Phi-
(1) Herne et Wauters, Histoire de Bruxelles. — Philippe de Ravestein
regut à cette occasion huit aunes et un quart de satin cramoisi rouge
pour un paletot. (Gachard, Rapport sur les archives de Lille, p. 289.)
(2) Louis XII et Philippe de Ravestein étaient cousins germains.
(5) A. Martin, Histoire de France, t. VII, p. 320.
(281 )
lippe de Ravestein se vit contraint à regagner le port de
Tarente. Toutefois le but de l'expédition se trouvait
atteint : Bajazet II avait cessé de menacer l'Italie; aussi,
lorsque le seigneur de Ravestein se rendit à Rome, le pape
Alexandre VI lui fit rendre les plus grands honneurs,
égalant sa gloire à celle de Gonzalve de Cordoue (1).
Après plusieurs années de sa vice-royauté de Génes,
Philippe de Ravestein revint pour quelque temps dans les
Pays-Bas et habita son château d'Enghien. C’est, paraît-il,
à cette époque qu'il commença ses savants commentaires
sur Part de conduire les armées, ouvrage qu'il destina plus
tard à l'instruction de Charles-Quint. Il continuait néan-
moins de suivre d'un œil attentif la marche des événements,
prêt à saisir la première occasion que les circonstances
offriraient à son activité et à son ambition pour reprendre
un rôle dans les événements contemporains.
Cette occasion ne tarda pas à se produire. Des troubles
sérieux ayant éclaté à Gênes en son absence, le roi de
France, Louis XH, avec lequel le sire de Ravestein n'avait
pas cessé d’être en relations, l'invita à aller reprendre le
gouvernement de cette cité turbulente, que son lieutenant
avait laissé flotter.
Il rentra done à Gênes le 15 août 1505, dans un appa-
reil royal (2); mais son pouvoir fut de conrte durée. Dès
mnd
(1) A. Martin, Histoire de France, t. VII. — Kervyn de Lettenhove,
Histoire de Flandre, t. Y, p. 504. — Miège, Histoire de Génes.
(2) Voici comment s’exprime à ce sujet l'historien de Gênes: « Les deux
» partis députent au-devant de lui Fieschi, et les commissaires de la no-
» blesse l'atteignent à Asti et n’ont pas de peine à l'irriter contre les pré-
» tentions des plébéens et contre les sde de la near néanmoins
» ils s’abstienñent de rentrer à sa suite. R
> vont à sa rencontre lui porter les respects des citoyens et conduire une
( 282 )
le 25 octobre suivant, il erut devoir résilier une autorité
que toutes les classes de la société lui contestaient et qu'il
n'avait que les moyens de faire respecter. Il revint en Bel-
gique, où il vécut plusieurs années dans la retraite sous
les ombrages solitaires de ses résidences d'Enghien et de
Winendale. Il ne prit aucune part aux affaires du temps,
bien que la régente lui eût donné le commandement d'une
des quatre bandes d'ordonnance qui existaient à cette
époque (1). Mais lorsque Charles-Quint prit possession du
gouvernement de ses États, il ne voulut pas se priver des
services de Pillustre auteur des Instructions de toutes ma-
nières de guerroyer, d'un homme qui était réputé un des
plus habiles et des plus judicieux capitaines de son époque,
et il appela Philippe de Ravestein dans son conseil avec le
prince de Chimay, le comte de Nassau, le seigneur de
Chièvres, etc., etc. (2). Quelques années après, il lui alloua
une pension de 6,000 livres (3).
Nonobstant ces distinctions et ces faveurs accordées à
son mérite el á son expérience, le seigneur de Ravestein
continua de rester étranger aux affaires et de s'occuper de
la culture des lettres; ses collégues, les gens de cour en
général, témoignaient , paraît-il, peu de considération et
» garde d'honneur de jeunes populaires. Il remet à les entendre dans la
» ville et les chasse en quelque sorte devant lui. Cette sévérité alarme;
» l'effroi est grand quand, à son entrée, il fait dresser des potences suf
» les places publiques et se renferme au palais. » á
« Des élections populaires eurent lieu ensuite, un sénat tout à fait dé-
» mocratique se forme, le gouvernement appartient désormais à la mul-
» titude. » (Miège, Histoire de Génes. a
(1) Il eut la bande d'ordonnance qu'avait commandée Louis Rollin,
seigneur d'Eimeries.
(2) Vinchant, Annales du Hainaut, t. V.
(5) Lettres patentes du 21 janvier 1518.
Sl di
PORT Pe
( 285 )
d'estime pour le gentilhomme qui naguère avait dérogé en
se faisant le champion des libertés communales; qui avait
mis son honneur à observer la foijurée, à une époque où les
grands seigneurs, voire même les souverains , se croyaient
dispensés de respecter leurs engagements envers la nation;
à un gentilhomme enfin qui avait osé rappeler à son sou-
verain que la violation de la parole royale est une félonie.
Les sentiments malveillants dont le seigneur de Rave-
stein était l'objet se manifestèrent notamment dans la
réunion capitulaire des chevaliers de la Toison d'or, tenue
au mois d'octobre 1516. On lui reprocha « d’avoir toujours
favorisé les Francais; que lors de la bataille que l'em-
pereur leur livra pres de Térouane, il avait abandonné
ce prince qu'il accompagnait et pris la fuite dès qu'on
en était venu aux mains; que vers le méme temps il
s'était rendu coupable de plusieurs autres excès el no-
tamment de la mort de Lancelot de Berlaimont et
d'Adrien de Vilain, seigneur de Rasseghem, person-
nages très-attachés à la maison de Bourgogne, lesquels
il avait fait tuer injustement. »
Ces reproches, immérités pour la plupart, comme le
prouve notre récit, étaient assez étranges de la part de
seigneurs qui presque tous avaient été les conseillers et
les complices des parjures du roi des Romains; toujours
est-il qu’ils déterminèrent l'assemblée à se refuser à la
demande du sire de Ravestein et à déclarer qu'il n’en
serait plus parlé (1).
VV VON ED, LU, 7
(1) Le père du seigneur de Ravestein, Adolphe de Clèves, avait été
déchu de l'Ordre en 1491 , pour n'avoir pas agi contre le peuple flamand
lorsqw'il emprisonna le roi des Romains (de Reiffenberg, Histoire de la
Toison d'or, p. 205).
( 284 >)
Sur la foi d'un historien de la ville d'Enghien (1) qui,
en 1654, c'est-à-dire plus d'un siècle après la mort du
seigneur de Ravestein, vint révéler textuellement les
conversations qui, selon lui, avaient eu lieu entre ce
seigneur et son confesseur, quelques historiens ont cru
pouvoir attribuer à Philippe de Clèves, devenu vieux, des
actes puérils de pénitence motivés par les remords que lui
causaient les meurtres qu'il avait à se reprocher. Il passait,
it-on, la nuit travesti en cordelier, sous un chêne du
pare, dans la saison la plus rigoureuse; il se couvrait d'un
cilice et se fustigeait avec une queue de renard — étrange
discipline qui ne pouvait lui occasionner de bien cuisantes
mortifications.
Tout cela nous paraît être de l'invention de Pierre Colins
et mériter peu de confiance : de seigneur de Ravestein , Ce
héros du moyen âge qui , malgré ses violences déplorables ,
avait un très-vif sentiment du devoir et de l'honneur,
n'éprouva probablement jamais de remords d'avoir fait
mettre à mort Lancelot de Berlaimont et Vilain de Rasse-
ghem, deux chevaliers félons qui avaient manqué à toutes
les lois de honneur.
Lancelot dé Berlaimont avait fait arrêter, dépouiller el
A ete
js PAE 3 h 1 £ Li 1 1 è 1150 j usqu'á
notre siècle , digérées selon le tempset ordre qu'ont dominé les seigneurs E
d'Enghien, terminées es familles de Luxembourg et de rr par
Pierre ve chevalier et seigneur d'Heetfelde. Mons, 1654, in
même auteur publia, en 1640, un gs ayant pour titre : pi
aulicum quads libris comprehen n quo plures tragedi quam
comedi, probant sorle sua verissimum ser divini tiresiæ, inter pri-
vatos latitans longe optima v
Cet ouvrage fut supprimé es ordre de la cour, à cause des critiques
que l’auteur se permettait contre certains personnages.
( 285 )
emprisonner les députés des états de Flandre contraire-
ment au droit des gens; les conseillers du duc Philippe
avaient requis une punition exemplaire de cet acte inqua-
lifiable de trahison , et, après une querelle survenue entre
Pauteur de cet attentat et Philippe de Clèves, dans un
combat qui s’en suivit, Berlaimont fut tué.
Quant à Adrien de Rasseghem, qui avait été longtemps
un des chefs des patriotes gantois, et qui s'était engagé par
un serment solennel envers Philippe de Clèves, devenu lui-
méme le chef de la résistance des Flamands contre le roi
des Romains, il avait fini par se laisser corrompre : moyen-
nant une somme d'argent il avait livré une des portes de
Gand aux soldats allemands. Après cet acte honteux, il
prit la fuite et s’abstint de répondre au cartel que lui
envoya Philippe de Ravestein. Des hommes d'armes,
dévoués à la cause flamande, l'ayant découvert, le massa-
crérent.
Ces violences jugées d'après les principes et les idées
que la civilisation moderne a fait triompher nous paraissent
injustifiables, mais n’oublions pas que l’on s'exposerait à
commettre de graves erreurs si l'on ne tenait pas compte,
dans Vappréciation des hommes du moyen âge, de leur
Caractère et de leurs actes , des mœurs et des idées d'une
époque où , en absence de toute autre loi, le faustrecht,
ou droit du poing, régissait la société (1); où la vie d'un
homme comptait d'ailleurs pour peu de chose; où le senti-
ment de l’honneur, au contraire, était tellement exalté
qu'il étouffait parfois tout autre sentiment.
EH
(1) D'après cette loi, un noble offensé, après avoir envoyé un fehdebrief
(un cartel) à son adversaire, était libre de se venger par une guerre
privée, sans qu'aucune justice pùt être exigée pour le tort infligé.
o SV (
2" SÉRIE, TOME XXIX. €
(286 >)
Ce serait certainement méconnaitre les idées et les
mceurs du moyen âge, de supposer que Philippe de Raves-
tein se soit jamais repenti d’avoir tiré vengeance d’ennemis
qui s'étaient souillés par des attentats que de son temps on
ne pardonnait pas et qui aujourd'hui même couvriraient
d'infamie leurs auteurs.
Philippe de Ravestein n'avait pas non plus à regretter
d’avoir pris la défense de la Flandre contre les prétentions
tyranniques d'un prince étranger qui n’exerçait aucun
pouvoir légal en Belgique. Sa conscience ne fut certaine-
ment jamais troublée par le remords d’avoir été fidèle au
serment solennel qu'il avait prêté, d'abandonner la cause
du roi des Romains si celui-ci devenait traître envers la
Flandre. Mais la loyauté dont il avait fait preuve semblait
être la critique des antécédents de tous ces seigneurs qui
autrefois avaient été les instruments serviles du roi des
Romains, les complices et, sans doute, les conseillers de
ses parjures, et qui maintenant cherchaient à se faire illu-
sion sur leur propre conduite en calomniant celle de leur
ancien adversaire.
Toujours est-il que Philippe de Ravestein finit très-Wran-
quillement ses jours dans son château de Winendale el qué
ce fut au bruit de la musique joyeuse d'un bal qu'il ful
frappé d’apoplexie et rendit le dernier soupir le 28 jan-
vier 1527 (1).
(1) IL fut inhumé près de sa femme et de son père, Adolphe de q.
à Bruxelles, dans l'église des Dominicains dont le couvent était Situé è
côté de l'hôtel des seigneurs de Ravestein, sur l'emplacement ee.
aujourd'hui le théâtre de la Monnaie. Cette église, ainsi que le super se
mausolée des Ravestein, furent saccagés par les réformés en 1581. En 179%
l'ancien cloitre des Dominicains ainsi que l’église furent démolis.
( 287)
Sans doute on rencontre dans la vie de ce dernier repré-
sentant de la féodalité en Belgique, bien des écarts, bien
des fautes qu'un moraliste austére ne saurait approuver;
mais l’histoire de tous les temps et de tous les pays constate
qu'il est bien peu de grands hommes auxquels on ne puisse
adresser des reproches analogues, et que les héros les plus
illustres ont payé leur tribut á la faiblesse humaine. Ne
soyons donc pas trop sévères pour le seigneur de Ravestein,
et de même que dans le comte d'Egmont nous honorons
Padversaire de l'intolérance religieuse, sans tenir compte
des faiblesses et des défaillances qui se rencontrent dans
la carriére de cette illustre victime, ne voyons dans Philippe
de Clèves que le loyal et héroïque défenseur de l’indépen-
dance nationale : á ce titre, il mérite certes notre estime
et notre éternelle reconnaissance.
- iv
Il nous reste à parler des titres littéraires de Philippe
de Ravestein, qui occupe un rang distingué parmi les écri-
vains militaires. Son ouvrage le plus célèbre a pour titre :
Instructions sur la manière de guerroyer tant par mer
que par terre, données à Philippe de Castille, duc de Bour-
gogne, etc.
Ces instructions ont été imprimées à Paris en 1558 par
Guillaume Morel en un volume in-8°, avec le titre suivant :
Instructions de toutes manières de guerroyer tant par
terre que par mer el des choses y servantes.
Cette édition , qui aujourd’hui est rarissime, était dédiée
à Philippe le Bel (le Beau), roi d'Espagne.
Philippe Nuyts, imprimeur à Anvers, en fit une traduc-
(288 )
tion flamande et la publia en 1579 (un volume in-8° de
184 pages), en la dédiant à Jean van Stralen, bourgmestre
et colonel de la ville d'Anvers. Cette traduction, non
moins rare que l'édition francaise, porte le titre suivant :
Den Crych-Handel van den deurluchtighen heere Phi-
lips van Clève, Ravensteyn, etc., saligher gedachten, by
hem geschreven ende gedediceert aen den seer deurluch-
tighen ende seer machtigen heere de keyser Kaerle de
Vyfde. Waerinne begrepen syn alle de middelen, om oor-
logte te voeren, soo wel te water als te lande, mits ooc de
oncosten van de provande, artillerie, poyer en de clooten, etc.
Ghetaxeert soo de selve costen mochten in zynen tyd, An-
vers, Philippe Nutius.
Il existe plusieurs manuscrits du même ouvrage en diffé-
rentes langues : à Paris, un texte français dans la biblio-
thèque impériale (n° nouveaux 1244 et 1282); à Naples,
dans la bibliothèque Bourbon, un texte français avec
traduction italienne; à la bibliothèque de Gotha, une tra-
duction allemande dédiée à Charles-Quint.
Enfin, à La Haye doit se trouver Pexemplaire de ce ma-
nuscrit provenant de la bibliothèque de Gérard. Ce manu-
scrit de 215 pages petit in-folio, d'une écriture du commen-
cement du XVI: siècle, pourrait bien être, suivant l'opinion
de M. le baron de Reiffenberg, la minute de l'exemplaire
que l’auteur a présenté au roi de Castille, parce qu'on y
désigne les endroits où doivent être placées les figures (1).
wam
(1) Bulletin de la Commission royale d'Histoire, t. Ier.
Le marquis du Chasteler, dans la séance de PAcadémie de Bruxelles,
du 24 janvier 1782, a lu un mémoire sur ce MS. ll a été impossible malheu-
reusement de trouver ce mémoire, qui n’a jamais été imprimé, dans les
archives de l'Académie. Voici comment M. de Nélis parle de cette lecture
( 289 >
Il existe encore à la bibliothèque nationale à Paris, sous
le n° 7452, un manuserit de Philippe de Clèves, intitulé :
« Traité de la guerre. »
Dans ses ouvrages, Philippe de Clèves expose et discute
la manière de combattre chez toutes les nations; il formule
les meilleures règles à suivre pour la formation tactique des
troupes, pour leur armement; pour la manière de combat-
tre dans différentes hypothèses; pour la formation et la
défense des convois; pour l'attaque et la défense des places
fortes; il indique aussi la composition et l'établissement
des mines; l'organisation des pares d'artillerie, etc., ete.
Bien des années avant que les instructions fussent
imprimées, on en suivait les prescriptions, même en
France, d'après des extraits manuscrits; c'est ainsi que
toute la partie qui traite de l'artillerie dans Philippe de
Clèves se retrouve complétement reproduite dans un ma-
nuscrit portant la date du 20 janvier 1545, intitulé « Opé-
ration de la guerre escript de la main de Jehan Bytharne
dans une lettre conservée parmi les MS. de la bibliothèque royale de
Bruxelles sous le n° 17770 : « J'ai lu avec le plus grand plaisir ce que
» j'avais déjà entendu lire dans les mêmes sentiments, les recherche sur
» Philippe de Clèves, seigneur de Ravestein, et sur s militaires
» par le marquis du Chasteler, la manière dont l'auteur dé ces recherches
» parle d'un MS. ignoré de tous nos bibliographes, car, pour moi, je n’en
» connais aucun qui nous ait donné des notions même superficielles de ce
» MS. avant M. du Chasteler, dans la famille de qui ce MS. s’est conservé
» depuis qu'il existe: l'intérêt qu'il a répandu sur l'ouvrage ainsi que sur
la personne de l'illustre guerrier qui l’a composé, tout doit faire désirer
» au public de voir paraître l'ouvrage même, et, en attendant, l'esquisse
» que M. du Chasteler en donne ne pourra être que très-agréablement
» reçue el orner le premier volume qui doit paraître de nos mémoires. »
Il est bien regrettable qu'il mait pas été donné suite au désir exprimé
par M, l'abbé de Nélis.
>
( 290 )
canonnier ordinaire du Roy nostre sire en son château de
Dourlens.(MS. code Colbert, n° 7450.)
Il existe également des lettres et des mémoires du sei-
gneur de Ravestein à Paris, à la bibliothèque impériale,
fonds Harlay, n° 508, ainsi qu’à la bibliothèque de La
Haye, n° 1575.
Jeanne la Folle et S. Francois de Borja (1); notice par
M. Gachard, membre de l'Académie.
A l’époque, où nous sommes parvenu de la vie de la
reine Jeanne, il n’était bruit, en Castille, que du P. Fran-
cisco de Borja, de l’austérité et de la sainteté de ses mœurs,
des âmes qu'il. ramenait à Dieu, des conversions prodi-
gieuses qu'il opérait, par sa parole et par son exemple.
Le P. Borja avait été Pun des plus brillants cavaliers de
la cour de Charles-Quint; il portait alors le titre de mar-
quis de Lombay qu'il tenait de la faveur particulière de ce
monarque; il était grand veneur de l'Empereur et grand
écuyer de l'impératrice Isabelle (2). Chargé de conduire à
la chapelle royale de Grenade les restes de cette illustre
princesse , qu’une fin prématurée avait enlevée à l'amour
des Espagnols (3), il dut, avant de les remettre au cha-
pitre, faire ouvrir le cereueil qui les renfermait , afin que
l'identité de l’auguste défunte fût juridiquement consta-
PA B nd
(1) Fragment d’une histoire inédite de Jeanne d'Aragon.
(2) Ciesruecos, La heroyca vida, virtudes y milagros del $ grande
$. Francisco de Borja, etc., 1717, in-fol., p. 50.
(5) Le 1°r mai 1539.
( 291 )
tée : à la vue de ces traits naguère si gracieux et que la
main de la mort avait horriblement défigurés, il éprouva
- une impression telle qu’il résolut, dès ce moment, de quit-
ter le monde pour embrasser l’état religieux (1).
Les circonstances ne lui permirent pas de réaliser im-
médiatement ce dessein : il était engagé dans les liens du
mariage ; il avait une nombreuse famille, et Charles-Quint
n'entendait pas se priver de ses services, comme il le
prouva en Jui conférant, aussitôt après son retour de Gre-
nade, la vice-royauté de Catalogne. En 1543, par la mort
de son père, il devint duc de Gandia et chef de sa maison.
Sa résolution n’en demeura pas moins fermement arrêtée;
et quand, trois années plus tard, il eut perdu sa femme,
doña Leonor de Castro, toutes ses pensées furent dirigées
vers les moyens d’en hâter l’exécution. 11 avait été initié
aux doctrines et aux exercices spirituels de l’ordre fondé
récemment par Ignace de Loyola; il se sentait une vocation
décidée pour ce nouvel institut; ce fut celui qu'il choisit
Pour se consacrer désormais à Dieu. Il assista pourtant
encore, en 1547, pour obéir à l'Empereur, aux cortès de
Monzon, y remplissant sa charge de grand maître de la
maison du prince Philippe; mais, le 4° février de l’année
suivante, jour de Saint-Ignace, en la chapelle de Gandia,
il Gt profession dans la compagnie de Jésus (2) : il avait
obtenu du pape Paul II un bref qui Vautorisait à con-
server, pendant quatre années, — temps dont il croyait
avoir besoin pour l'établissement de ses fils et de ses filles
— l'administration de son duché et le costume séculier
(1) Ciexruecos, p. 56.
(2) Ibid., p. 143.
(292 >
gui était propre á son rang (1). Le 31 aoút 1550 il parti
pour Rome; il avait un ardent désir de se mettre aux
pieds du fondateur de son ordre. Accueilli par Ignace, par
le pape, par toute la cour romaine avec la distinction que
méritaient ses vertus autant que l'illustration de sa nais-
sance, il quitta précipitamment la ville sainte, sur le bruit
qui courait que Jules IJ voulait le créer cardinal. Il se
dirigea vers le Guipuzcoa, pour visiter le lieu où l'homme
éminent qui était à la tête de la compagnie de Jésus avait
reçu le jour; il entendit la messe et communia dans la
chambre même où Ignace était venu au monde et qui avait
été convertie en oratoire (2).
Il avait écrit de Rome à l'Empereur, qui était alors à
Augsbourg, afin d'en obtenir la permission de transmettre
le duché de Gandia à son fils aîné, don Carlos de Borja;
Charles-Quint la lui accorda dans les termes les plus
bienveillants : « La détermination que vous avez prise —
» ajouta-til — fera plus d'envieux qu’elle ne trouvera
» d'imitateurs : car il en coûtera peu de vous envier, mais
» beaucoup de suivre votre exemple (3). » Borja était à
Oñate, à quatre lieues de Loyola, lorsqu'il reçut cette ré-
ponse; aussitôt il se dépouilla de ses états, de ses titres, de
ses biens en faveur de son fils; il quitta habit séculier pour
se revêtir de la robe et de la soutane de la compagnie de
Jésus; il se fit couper les cheveux et la barbe (4); il chan-
gea son nom de duc de Gandia en celui de François le
Pécheur (5). Ordonné prêtre par l'évêque de Calahorra, il
A Ee PME A DAT TE
(1) CieNFUEGOS, p. 142,
(5) Ibid., p. 170.
(295)
dit sa première messe, le 4°" août 1551, dans cet oratoire
du château de Loyola dont nous avons parlé plus haut (1).
Dès lors son existence tout entière fut vouée au service
de Dieu, au progrès de la religion et aux œuvres pies. Il
parcourut les provinces basques et la Navarre, préchant,
catéchisant, confessant (2); recueillant des aumónes pour
les pauvres (3); réconciliant des familles qu'une haine
invétérée divisait (4); visitant les monastères de filles et
rappelant à l’observance de leurs règles ceux qui s'étaient
reláchés de l’ancienne discipline (5); refusant partout
l'hospitalité que le suppliaient d'accepter les familles les
plus considérables des lieux où il s'arrêtait, pour aller loger
dans les hôpitaux (6); se livrant, au collége d'Oñate, dont
l'érection était due à son zèle, aux travaux les plus hum-
bles (7). Le peuple ne l’appelait que le saint duc, el duque
santo (8). Des diverses parties de l'Espagne accouraient
dans sa retraite de grands personnages, des prélats, des
personnes de toute condition, pour le connaître et lui de-
mander des conseils (9). Une foule d'hommes notables se
faisaient recevoir dans la compagnie de Jésus, entraînés
par l'influence de son exemple et de son nom (10).
Au printemps de 1552, il recut du général Pordre de se
o a *
(1) CIENFUEGOS, p. 169,
(10) 7bid., pp. 175, 176.
( 294 )
rendre à Valladolid, et de lá en divers endroits de la Cas-
tille où Pon réclamait sa présence (1). La princesse doña
Juana, la plus jeune des deux filles de Charles-Quint, dont
le mariage était conclu avec le prince don Juan de Por-
tugal, résidait à cette époque à Toro : dès qu’elle sut Par-
rivée à Valladolid de l’ancien duc de Gandia, elle lui dé-
pêcha l’un de ses gentilshommes, porteur de l'invitation
de venir à sa cour (2). Borja se mit aussitôt en route. Tor-
desillas étant sur le chemin de Toro, il s’y arrêta pour
baiser les mains à la reine Jeanne ; il était pour elle une
ancienne connaissance : pendant deux années, il avait été
lun des menins de sa fille Vinfante doña Catalina (5).
Jeanne lui fit un accueil gracieux (4). Il revint à Tordesillas
au mois de mai, sur le désir du prince Philippe, qui était
en visite auprès de son aïeule. Invité par ce prince à em-
ployer toute son éloquence pour persuader à la reine de
reprendre les pratiques religieuses qu’elle avait interrom-
pues depuis longtemps, il accepta cette mission avec bon-
heur. Il eut avec Jeanne plusieurs et de longs entretiens
où il s'efforça de l'amener à s'approcher des sacrements.
Voyant qu'il serait impossible d'obtenir d’elle davantage,
il la supplia de faire une confession générale, à la suite
de laquelle il lui donnerait l'absolution. Elle voulut savoir
d’abord s'il avait le pouvoir d'absoudre; sur sa réponse
qu'il l'avait, même dans les cas réservés au pape, elle lui
demanda de dire pour elle ce qu’elle avait à dire : il le fit
en ayant soin de s'assurer qu’elle approuvait toutes Ses
(1) degen p. 185.
(2) Ibid 186.
(5) Ibid. 4 29,
(4) Ibid., p. 186.
AI ME ii
A A | np) NDS USE A A EEE A oe
`
(299)
paroles. La confession achevée, Jeanne consentit à rece-
voir Pabsolution (1).
Mais Borja ayant quitté Tordesillas, elle oublia bientót
et ses exhortations et l'acte religieux qu'elle avait ac-
compli: elle retomba dans son indifférence, dans son éloi-
gnement ordinaire pour tout ce qui avait rapport à la foi.
En vain le marquis de Denia essaya, par divers moyens,
de la porter à se confesser de nouveau : il rencontra en elle
une résistance invincible (2).
Le moment était venu oùle prince Philippe devait passer
en Angleterre, pour célébrer son mariage avec la reine
Marie. Avant de s'éloigner de l'Espagne, il désira qu’une
dernière et suprême tentative fût faite auprès de la reine
son aíeule; il manda le P. Borja, qui était au fond de PAn-
dalousie, et le pria de s’en charger : « Vous seul, — lui
it-il — vous fites plus, il y a deux ans, en quelques
» jours, que n'avaient fait, en quarante années, cent
» hommes savants et beaucoup de médecins (3). »
Le P. Borja retourna done à Tordesillas; comme les
autres fois, il descendit à l’hôpital, malgré toutes les in-
stances du marquis de Denia, qui voulait lavoir chez lui :
(1) Voir, dans les Appendices, n° I, la lettre du marquis de Denia au
prince Philippe, du 9 mai 1552.
(2) «..... En lo que toca á la confesion de Su Alteza, sobre que serevi
dando cuenta al príncipe nuestro señor para que, pareciendo á Su Alteza,
la diese à Vuestra Magestad, he procurado, por las mejores formas que con
Su Alteza se podian tener, fuese servida de llevar al cabo obra tan prove-
chosa á su conciencia y de que Nuestro Señor seria muy servido : mas la
rijd ha sido de manera que quita la sperança por ahora..... » (Lettre
du marquis de RS à Charles- ei: + 18 mars 1553: Arch. de Simancas,
Estado, leg. 10
(5) dia p. 207.
( 296 >
le fils du marquis, le comte de Lerma, avait épousé Pune
de ses filles (1).
C'était à la fin d'avril 1554. Chaque jour Borja allait
voir la reine (2). Aussitôt qu'il jugea l’occasion favorable,
il lui représenta la peine qu'éprouvait le prince de
l'exemple fàcheux que sa manière de vivre donnait au
publie, en un temps surtout où le zèle de son petit-fils
pour la religion lui faisait entreprendre une œuvre aussi
difficile que le rétablissement du catholicisme en Angle-
terre : « Les habitants de ce royaume — lui dit-il — ne
» prétendront-ils pas que, puisque Votre Altesse vit sans
» messes, sans images, sans sacrements, ils peuvent vivre
» de même , car, dans les choses de la foi, ce qui est per-
» mis à une personne l'est à tout le monde? » Il insista
beaucoup là-dessus; après quoi il supplia la reine de
s'amender pour la décharge de sa conscience.
Jeanne, qui l'avait écouté avec une grande attention, lu!
répondit qu'aux temps passés elle avait coutume de se
confesser, de communier, d'entendre la messe, d’avoir des
images, de dire ses prières d'après des livres approuvés,
lesquels lui avaient été donnés par un moine dominicain ,
ancien confesseur des rois catholiques; qu’elle ferait encore
tout cela, si les femmes qu’elle avait auprès d'elle n'y met-
taient obstacle, à son grand chagrin; que celles-ci, quand
elle commençait à lire ses prières, lui ôtaient le livre des
mains et se moquaient d'elle; qu'elles crachaient sur les
images qui étaient dans sa chambre, savoir : un saint po”
minique, un saint François, un saint Pierre et un paini
Paul; qu'elles jetaient dans le bénitier toute sorte d'or-
id
(1) CIENFUEGOS, pp. 186 et 207.
(2) Ibid., p. 207.
( 297 )
direii; ; que lorsqu'on célébrait la messe, elles se placaient
irrévérencieusement devant le prêtre, retournant son mis-
sel et lui ordonnant de ne dire que ce qu'il leur plaisait ;
qu'elles avaient même táché plusieurs fois de lui enlever
lesreliques et le crucifix qu’elle portait maintenant sur elle.
Et elle ajouta qu'il fallait veiller sur le saint sacrement
dans les églises, car elles cherchaient à s'en emparer.
Le P. Borja exprima à la reine le doute que ses femmes
fussent les auteurs des avanies dont elle se plaignait.
« Elles peuvent bien l'être, — lui répliqua-t-elle — puis-
» qu'elles disent qu'elles sont des revenants. » Et en
preuve de ce qu’elle avançait, elle lui conta que, la prin-
cesse doña Juana étant venue un jour la visiter et étant
assise, elle vit que ses femmes faisaient à sa petite-fille les
mêmes mauvais traitements dont elles usaient ordinaire-
ment envers elle. Elle dit encore qu’elles entraient quel-
quefois dans sa chambre, et que l’une prétendait être le
comte de Miranda, une autre le grand commandeur;
qu’elles lui manquaient de respect et faisaient des en-
chantements comme des sorcières. Enfin elle se montra
disposée à se confesser et à communier, si on lui ôtait
cette compagnie qui lui était si désagréable.
Dans tout ce discours, qui dura une heure, Jeanne s'ex-
prima en termes très-convenables et sans s'écarter un
instant du sujet de l'entretien.
Le P, Borja se garda de la contredire; au contraire, il
Passura qu’on éloignerait d'elle la mauvaise compagnie
dont elle était excédée, et que, si en effet ses femmes
avaient commis les actes qu’elle leur imputait, elles seraient
livrées à l’inquisition, car c’était un cas d'hérésie. Il mit en
avant à dessein le mot d'inquisition, sachant que le saint-
office inspirait une grande crainte à la reine.
( 298 )
Il lui demanda ensuite si elle croyait les articles de la foi
avec tout ce que prescrivait l'Église catholique ; elle répon- .
dit : « Pourquoi ne les croirais-je pas? Certainement que je
» les crois. » Il lui demanda si elle eroyait que le fils de
Dieu était venu au monde pour racheter le genre humain,
qu’il naquit, mourut, ressuscita, monta au ciel, et si elle
voulait vivre et mourir dans cette foi catholique : elle ré-
pondit affirmativement, répétant qu'elle était prête à se
confesser et à communier, pourvu qu'on levát Pobstacle
dont elle avait parlé.
Comme il était six heures du soir et que la reine m'avait
pas diné, le P. Borja crut devoir borner là l'entretien, bien
que la reine parút y prendre goût, et il fut convenu qu'il
reviendrait la voir après qu’il aurait rendu compte de leur
conversation au prince Philippe. 1 avait été accompagné
au palais du P. Miguel de Torres, qui revenait de Portugal,
où le général de la compagnie Vavait envoyé, et était por-
teur d'une commission de la reine Catherine pour sa mère;
il pria la reine de le recevoir : ce qu’elle fit immédiatement.
Jeanne adressa au P. Torres quelques questions sur sa
fille; elle parla avec lui de la mort de l'infant don Juan (1)
et des regrets que cet événement avait excités dans tout
le Portugal. Après quoi Borja et Torres prirent conge
delle,
Au sortir de cette entrevue, le P. Borja en envoya une
relation détaillée au prince Philippe. Selon son jugement,
Vinfirmité mentale de la reine n’était guère susceptible de
remède; néanmoins il indiquait différents moyens qui lu!
BS LON a E
r j i i 1 à tal tle
(1) Ce prince, qui avait épousé la princesse doña Juana, était mort
2 janvier 1534.
("299 )
paraissaient pouvoir être mis en œuvre pour it au
but qu'on voulait atteindre.
Il proposait d’abord que, pendant quelque temps, aucune
des femmes de la reine n’entrât chez elle, et qu’on lui an-
noncát qu’elles avaient été prises par Pinquisition; qu'après
deux ou trois jours pendant lesquels l’inquisition serait
censée instruire leur procés, on placát des croix dans
toutes les pièces du palais, et des images sur l’autel de la
galerie; que chaque matin la messe fût dite à cet autel; que,
la messe achevée, le prêtre avec l’eau bénite fit les exor-
cismes dont l’Église usait ordinairement en des cas sem-
blables; que, tous les jours où la reine serait disposée à
l'écouter, il lui lût les évangiles; que lorsqu'elle ne serait
pas en cette disposition, il les lût à la porte de sa chambre,
de sorte qu'elle pút les entendre; que, les vendredis, il
dit la messe de la Passion, et qu'on insinuát à la reine que
tout cela se faisait par l’ordre du saint-office.
Il était ensuite d'avis :
Qu'un religieux instruit, qui serait qualifié d'inquisiteur
quand on le présenterait à la reine, fût attaché à son ser-
vice; que, le plus souvent qu’il pourrait, et chaque jour, si
C'était possible, il exhortát Son Altesse à protester qu’elle
voulait vivre et mourir en la foi catholique, à renoncer à
Satan et à ses œuvres, à faire le signe de la croix, à pro-
férer le nom de Jésus et à lui être dévot;
Qu'il s’appliquât à la persuader de se confesser ;
Qu'il eût soin de remarquer si elle était toujours dans le
même état mental, ou si elle avait des intervalles lucides,
afin de profiter de ceux-ci;
Que, comme l’objet qu’on avait en vue dépendait plus
de Dieu que des hommes, il fût fait des prières spéciales
et célébré des messes pour la reine en divers monastères
( 500 )
et églises du royaume; qu’en outre des pèlerins fussent
envoyés à Saint-Jacques de Compostelle, Monserrate, Notre-
Dame de Guadalupe, ainsi qu’à un ermitage près de Bur-
gos auquel la reine Catherine de Portugal avait une grande
dévotion ;
Enfin qu’on cherchát des prêtres ou des religieux ayant
reçu de Dieu autorité sur les esprits malins, afin que, visi-
tant en secret la reine, ils pussent la délivrer de la com-
pagnie qui la molestail : car, cet empêchement levé, ou elle
se confesserait, ou elle dirait pourquoi elle ne le voulait
pas faire.
Philippe approuva tout ce que le P. Borja lui proposait,
à l'exception de deux choses — les exorcismes et l'inter-
vention de personnes ayant pouvoir sur le démon — aux-
quelles il lui parut qu'il ne fallait recourir que si les autres
moyens restaient sans effet (1).
En conséquence, l’ordre fut donné aux femmes de la
reine de suspendre leur service, et à ceux qui entraient
dans sa chambre de lui dire, si elle les demandait, qu’elles
étaient en prison. Cela fait, le P. Borja retourna auprès de
Jeanne. Comme elle lui témoignait une grande satisfac-
tion de la mesure que le prince son petit-fils avait prise,
il jugea le moment propice pour l’amener à ce qu'on dé-
sirait d'elle. Il la supplia, puisque la cause qui l'en avait
empéchée jusque-là n'existait plus, de manifester doré-
navant, par des marques extérieures, l'esprit catholique
dont elle était intérieurement animée : elle répondit que
c'était juste et qu'elle le voulait faire. Il la supplia de
protester fréquemment de vivre et de mourir en la foi
(1) Voir, dans les Appendices, n° I, la première lettre du pP. Borja au
prince Philippe.
( 301)
catholique; elle renouvela cette protestation. Il la supplia
d'entendre la messe le jour suivant, et de permettre qu'on
aspergeát d’eau bénite les chambres du palais; elle y con-
sentit. Les deux jours d’après, elle entendit en partie la
messe, trouvant bon d’ailleurs, quand elle ne sortait pas
de son appartement, qu’on la dit dans la galerie.
Un autre jour, lorsque la messe finissait, le P. Borja
entra chez elle : il lui dit qu’elle pourrait bien avoir en-
couru Pexcommunication, ou pour avoir été si longtemps
sans se confesser, ou pour avoir eu commerce avec des
sorcières et ne lavoir pas déclaré, ou enfin pour d'autres
fautes qui résultaient ordinairement d’un tel commerce, et
que, dans ces circonstances, il lui paraissait nécessaire
qu'elle se fit absoudre. Elle répondit qu’elle y était prête,
demandant s’il lui fallait pour cela faire sa confession. .
Borja repartit que les absolutions de ce genre se pouvaient
onner sans que d’autres péchés y fussent compris. Là-
dessus elle lui rappela qu'il l'avait absoute deux années
auparavant : « C’est vrai, — dit-il — et Votre Altesse a de
» la mémoire ; mais alors je ne Vai pas absoute de choses
» de nature à entraîner l’excommunication. » Il se leva,
lui donna l’absolution, et ensuite lui lut les évangiles de
saint Jean et de saint Marc. Elle se montra très-attentive
à celte lecture : quand elle fut finie, elle désira savoir s’il
était d’une bonne dévotion ‚après l'absolution reçue, de lire
les évangiles; Borja lui répondit que cet acte de dévotion
était si bon qu'il Pengageait à le renouveler souvent.
Là se borna l’entretien pour cette matinée. Borja ayant
quitté la chambre de la reine, elle en sortit et vint dans
la galerie. Ayant remarqué que l'autel avait été garni de
courtines, et qu’on y avait placé une petite tapisserie d’or
2% SÉRIE, TOME XXIX. 20
(302 )
représentant l’Adoration des Mages, elle en témoigna son
mécontentement et prescrivit qu'on les ôtàt, trouvant que
ces ornements ne s'accordaient pas avec la bure dont elle
avait pris l'habitude de se vêtir. Pendant deux heures, on
chercha à la faire revenir sur sa détermination; ce fut en
vain, et comme elle ne voulait pas se mettre à table avant
que les objets qui choquaient ses yeux eussent disparu,
on finit par se soumettre à sa volonté.
Le lendemain le P. Borja retourna auprès d'elle. Elle
s'était imaginé ou on lui avait dit qu’il était question de
lui renvoyer ses femmes : elle demanda à Borja si cela
était vrai, ne lui laissant pas ignorer qu’elle en éprouve-
rait un grand déplaisir, car, depuis que ses femmes avaient
été prises, elle n’avait plus eu de ces visions qui lui étaient
si pénibles. Il répondit qu’un religieux dont les parents
avaient été au service des rois catholiques, fray Luis de la
Cruz, viendrait bientôt traiter avec elle cette affaire, que
le saint-oflice avait commise à ses soins : ce religieux était
celui que Borja et Denia avaient désigné au choix du
prince Philippe pour résider à Tordesillas et entretenir la
reine dans des sentiments de piété. Jeanne fit beaucoup
de questions sur fray Luis de la Cruz; elle parut satis-
faite des renseignements qui lui furent donnés sur son
compte.
Ce fut dans ces circonstances que Philippe, pressé
d'aller s'embarquer en Galice , arriva à Tordesillas , pour
prendre congé de la reine, qu'il ne devait plus revoir. Les
historiens ni les documents qui nous ont été envoyés de
Simancas ne nous fournissent de détails sur ce qui se
passa dans cette entrevue de Jeanne et de son petit-fils.
La mission du P. Borja était terminée. Il avait gagne
sur la reine cinq choses qui lui paraissaient être des motifs
( 505 )
de grande consolation : elle avait protesté de vivre en la
foi catholique; elle avait assisté à la messe; elle avait, au
grand étonnement de toutes les personnes attachées à son
service, laissé asperger d’eau bénite les pièces de son appar-
tement; elle avait entendu la lecture des évangiles; elle
avait recu l'absolution. Si ce qui était si bien commencé se
continuait, on pourrait concevoir de grandes espérances
pour le salut de son âme (1).
N'oublions pas de rapporter une particularité curieuse
de ces visites faites par le P. Borja au palais de Torde-
sillas. On lui avait conté, dans Pendroit, que, quelque
temps auparavant, comme on avait placé en la chambre
de la reine des chandelles bénites, sans la prévenir qu'elles
l'étaient, elle s'était mise en fureur et les avait fait jeter
dehors, s'écriant qu’elles exhalaient une odeur infecte; on
lui avait dit aussi que, quand la reine entendait la messe,
elle fermait les yeux au moment de l'élévation : il voulut
Sassurer de ce qu'il y avait de vrai dans ces deux his-
toires, Des chandelles bénites furent, à sa demande, ap-
portées chez la reine, qui les regarda avec indifférence;
un jour qu’elle assistait à la messe en sa présence, il fit
en sorte qu’au moment de l'élévation un des chapelains
de la chapelle royale se dirigeát vers elle; quand il s’en
approchait, elle lui fit signe de la main de retourner sur
ses pas. La messe finie, elle témoigna au chapelain sa sur-
prise de ce qu'en un tel moment il était venu vers elle;
il excusa sur ce qu’il avait cru que Son Altesse l’appelait.
Le P. Borja concluait avec quelque raison, de cette double
expérience, que bien d'autres choses qu'on avait débitées
in
(1) Voir, dans les Appendices, n° HI, la deuxième lettre du P. Borja au
prince Philippe. ;
( 304 )
de la reine pouvaient n'avoir pas plus de fondement (1).
Fray Luis de la Cruz étant arrivé à Tordesillas, Borja
l'instruisit de tout ce qu'il -avait besoin de savoir pour
s'acquitter de la charge qui lui était donnée. La première
fois qu'il se présenta chez la reine, Jeanne, persuadée
qu'il était envoyé par Pinquisition, lui demanda s’il tenait
ses femmes sous bonne garde; elle le chargea expressé-
ment de les châtier avec la plus grande rigueur, et à ce
propos elle lui dit mille choses dont elle avait à se plaindre
de leur part, les accusant de l'avoir empéchée d'user des
sacrements, des dévotions des heures, du rosaire, de la:
messe, de hie bénite, et enfin de la traiter comme la
moindre des créatures. Elle répéta ces derniers mots plu-
sieurs fois. Fray Luis lui répondit que, si ses femmes
avaient eu la hardiesse de lui déplaire, c'était parce qu'elle
ne recevait les sacrements ni ne remplissait ses devoirs
religieux. Elle répliqua qu'avec une telle compagnie cela
lui était impossible; puis elle dit : « N'étes-vous pas, mon
» père, petit-fils de Juan Velasquez? » Sur sa réponse
affirmative, elle le remercia de s'être chargé de cette
affaire, et lui manifesta la confiance qu'il n’en serait pas
cette fois comme les autres, où, trois jours après Pavoir
débarrassée de ses femmes, on les lui renvoyait. Fray
Luis lui représenta qu’en ne faisant pas ce qu'une reine
d’Espagne, chrétienne et catholique, devait faire, elle
empéchait ses serviteurs de lui donner le contentement
qu’ils voudraient. Elle répondit : « Certes, mon père, vous
» n'avez pas raison de tant insister à cet égard. Faites Ce
» que vous devez en exécution des ordres du prince, qui
Voir, dans les Appendices, n° IV, la troisième lettre du P. Borja au
prince Philippe.
(305 )
» est de chátier ces monstres; pour le reste, je m'en
» Charge. » Alors elle recommenca à dire mille horreurs
de ses femmes, que son interlocuteur excusait de son
mieux. Deux heures se passérent dans cette conversation.
A une seconde visite, fray Luis obtint, non sans de
grandes instances, que la reine lui parlát des mystères de
la vie de Jésus-Christ et de la religion catholique; mais
elle y entreméla des propos si étranges qu'il en fut stupéñé.
Ainsi elle lui conta une très-longue histoire d'un chat
d'Afrique (1) qui avait mangé la petite infante de Navarre
et la reine Isabelle, et mordu le roi Ferdinand : ce vilain
animal, ses femmes l'avaient, disait-elle , apporté au palais,
et il était tout près de sa chambre; elle ne doutait pas que
ce ne fút pour lui faire le méme mal qu'elles avaient cou-
tume de lui faire. Elle avait tant de plaisir á conter cette
histoire, qu’elle ordonna au religieux de prendre un siége
et de se mettre à son aise pour l’entendre. Lorsqu'elle Peut
inie, elle assura fray Luis qu'elle était très-satisfaite de
sa venue, et lui recommanda , puisqu'il connaissait main-
tenant les méfaits de ses femmes, de faire d’elles une
justice exemplaire.
Après avoir bien réfléchi à ce qui s'était passé dans ces
deux visites, le P. de la Cruz jugea qu’il fallait renoncer
à toute espérance de voir la reine s'approcher des sacre-
ments, et que, quand bien même elle les voudrait rece-
(1) La lettre de fray Luiz de la Cruz porte : un gato de algalia, que le
Dictionnaire de l'Académie espagnole traduit ainsi « Animal cuadrúpedo
» del tamaño del gato; ..... se cria en los paises Calientes del Asia y Africa …
» Viverra zibethus. » Nous aurions donc, pour traduire littéralement,
dù nous servir du mot de civette, mais ce nom 2 ‘aurait guère été com-
pris que des naturalistes.
( 506 )
voir, il n’y aurait aucun ministre des autels qui osát les lui
administrer sans craindre de commettre un sacrilége. Il
prit, d'après cela, de l'avis du marquis de Denia et du
P. Borja lui-même, le parti de retourner à son couvent (1).
Dans le même temps, le P. Borja quitta Tordesillas, pour
aller porter des consolations á la princesse doña Juana que
la perte de son époux , après quinze mois de mariage seule-
ment, avait plongée dans la plus profonde douleur (2).
Cette jeune princesse, cédant aux sollicitations de son
frère, s'était déterminée à revenir en Castille, pour gou-
verner les royaumes d'Espagne en l'absence de Philippe.
APPENDICES.
Lettre du marquis de Denia au prince Philippe : 9 mai 1592.
Muy alto y muy poderoso Señor,
Despues que Vuestra Alteza partió de aquí, tornó el duque
de Gandía á hablar á la reyna nuestra señora, y persuadién-
dole que se allegase á los sacramentos de la Yglesia. Su Alteza
le respondió que ella lo deseava mucho, y dieron y tomaron en
De
(1) Voir, dans les Appendices, n° V, la lettre de fray Luis de la Cruz
au prince Philippe, z 15 mai 1554.
(2) Crexruecos , p. 208.
(907).
esto muy gran rato, y el duque le dixo que, pues no avía dis-
pusicion para mas, que suplicaba à Su Alteza que dixiese la
confesion general y que él la absolveria; y preguntándole el
duque si la sabía, dixo Su Alteza si podia absolver, y el duque
la respondió que sí y en casos reserbados al papa, y suplicóle
el duque que dixiese la confesion general. Su Alteza le respon-
dió: « Decidla vos,» y él lo hizo así, y quando la dezia, le
dixo el duque : « Vuestra Alteza dize esto como yo lo digo. »
Respondió : « Si; » y acabada consintió que la absolviese.
Lo que hasta ahora ha avido es esto. Yo besaré las manos á
Su Alteza por tan buen principio; y si viere que ay esperanca
para que vaya adelante, seriviré al duque para que torne á ver
á Su Alteza; y si uviere de qué avisar á Vuestra Alteza, lo haré
como en este caso y en todo lo demas me manda Su Mg’. Tengo
por cierto holgará Su Mg* de que Vuestra Alteza le haga saber
esto, y así lo suplico á Vuestra Alteza, cuya real persona y
estados Nuestro Señor guarde y prospere bien abenturada-
mente muchos años, como los siervos y criados de Vuestra
Alteza deseamos.
De Tordesillas, 9 de mayo 1552.
Muy alto y muy poderoso Señor,
Siervo y vasallo de Vuestra Alteza, que sus
reales manos besa,
El Marqués.
(Archives de Simancas, Estado, leg. 89.)
( 308 )
ll.
Première lettre du P. Francisco de Borja au prince Philippe :
sans date (mai 1554).
JHS.
Muy alto y muy poderoso Señor, obedesciendo los reales
mandamientos de Vuestra Alteza, venimos, el doctor Torres y
yo, à visitar la reyna nuestra señora; y Su Alt* avía ya pregun-
tado por mí dos ó tres vezes, y segun se cree era para enten-
der la respuesta que tenia de Vuestra Alteza sobre sus negocios;
y así mandándome llamar, fué servida de querer saber de mí
lo que en ello se avia hecho. Yo dixe la mucha voluntad qu'en
Vuestra Alteza avía para servir y contentar á Su Alteza en todo
lo que mostrase quedar servida, estendiendo esto con palabras
generales, de manera que mostró quedar muy contenta. Viendo
yo esta buena occasion, dixe á Su Alteza que así como avía
dicho la voluntad que Vuestra Alteza tenia de tener contenta
à Su Alteza, así tambien me parecia estar obligado à signi-
ficar el sentimiento que Vuestra Alteza tenia del exemplo que
nos daba su manera de vivir, y mas en este tiempo que
Vuestra Alteza tomaba con ánimo tan cathólico los trabajos de
Inglaterra, por reduzir aquel reyno á la fe cathólica; qué
dirian los que en el bibian, sino que pues Su Alteza bibia
como ellos sin misas y sin ymágenes y sin sacramentos, que
tambien podian ellos hazer lo mismo, pues en las cosas de la
fe cathólica lo que es licito 4 uno es lícito 4 todos. Finalmente
sobre esto mostré muy largamente el sentimiento de Vuestra
Alteza, por lo qual supliqué con toda humildad y instancia la
- enmienda de lo pasado, y especialmente en este tiempo, quanto
mas que en todo tiempo lo devia Su Alt* para descargo de su
real conciencia.
( 509 )
Respondió, despues de averme oido con mucha atencion,
que en los tiempos pasados solía confesar y comulgar y oia
sus misas, y tenia ymágenes, y recaba en unas oraciones
aprovadas que le avia dado un fraile dominico qu’era confesor
de los reyes cathólicos, y que lo mismo haria agora, si la com-
pañía que tiene se lo permitiese, mas que teniendo tales
dueñas y tal compañía, qu’estaba muy affligida, y que no
estaba en sus manos hacerlo, porque á los principios que recaba
le quitaban el tibro de las manos y le reñian y se burlaban de
su oracion, y à las imágenes que tenia, qu'eran un santo
Domingo y un san Francisco y san Pedro y san Pablo scupían,
y en la calderilla del agua bendita Sanan een supe
dote, bolbiendo el misal y mandándole que no dixese sino lo
que ellas quisiesen : por lo qual avisa que guarden el sacra-
mente en las iglesias, porque andan tras él, y tambien an
trabajado muchas vezes de le quitar las reliquias y eruxifijo que
agora trae consigo.
Diciendo yo á Su Alteza que dudava yo que fuesen esas sus
dueñas, dixo: « Bien pueden ser, porqu'ellas dicen que son
» almas muertas; » y para mas prueva desto, entre otras
cosas me dixo que, viniendo un dia Su Alteza á visitarla y es-
tando asentado en su silla, via que hacian lo mismo estas sus
dueñas ó compañía, haciéndole el mal tratamiento que suelen
hacer á Su Alteza. Otras veces dice que se le entran en su cá-
mara, y que dize la una qu'es el conde de Miranda y la otra
el comendador mayor; que le hacen muchos menosprecios y
muchos enxalmos, como si fuesen bruxas.
En toda esta plática que duró un’ ora habló muy apropósito ,
Sin salir de la materia; y jurando una ó dos vezes la fe, dixo :
« Por la mia digo, que no por la de Dios. »
Todo lo sobredicho me contó, para que yo lo dixese à
Vuestra Alteza , diciendo : « Ya que yo stoy desta manera, no
> sean de los participantes, sino confiesen y hagan como cris-
(310)
» tianos, que si esta compañía me quitan, tambien me confe-
» saré y comulgaré yo. »
Respondí á Su Alteza que se daria órden para quitar tan mala
compañía, y que si eran sus dueñas, que se prenderian por el
santo officio de la inquisicion, porqu'era caso de heregia el
que Su Alteza contaba, y que de una manera ó de otra se le
proveeria lo que convenia.
Preguntado despues si Su Alteza creia los artículos de la fe
con todo lo que la Iglesia cathólica manda, dixo pues no lo
avía de creer: «Si por cierto que lo ereo;» y preguntado des-
pues si creia que el hijo de Dios vino al mundo por nos redimir,
y nasció y murio y resucitó y subió à los cielos, ete., y si queria
vivir y morir en esta fe cathólica , respondió que sí y que dese-
ava confesarse y comulgarse, si le quitaban el impedimento
que tenia. Finalmente estava en la plática, que durára mas si yO
no la atajära, así por ser ya las seis de la tarde y aun Su Alt
no aver comido, como por parescer que quedase antes con
deseo que con pesadumbre; y quedó concertado que yo avía de
dar cuenta á Vuestra Alteza de todo esto, y que volveria des-
pues la respuesta; y preguntóme quando se partiria Vuestra
Alteza y vendria la princesa de Portugal.
Acabado esto, dixe á Su Alteza qu'el doctor Torres venia de
Portugal y traia recaudo de la serenissima reyna para Su Alt.
Mandóle entrar y dióle grata audiencia, preguntándole algunas
cosas de la reyna. Hablaron del sentimiento que avia en Por-
tugal del fallecimiento del príncipe y de otras cosas. Y con esto
nos salimos los dos.
Vista agora la dispusision de la reyna nuestra señora, pa-
resce qu'en la enfermedad que Su Alteza tiene de la flaqueza
del juicio se pueden poner pocos remedios, por estar ya tan
arraygada esta dispusicion en Su Alteza. Con todo, pará
hacer lo que se puede y para descargo de su real conciencia,
s’escriben aqui los remedios siguientes, para que, visto por
Vuestra Alteza, mande quitar ó poner lo que mas convenga á
( s11 )
su real servicio; y será principalmente para evitar esta pesa-
dumbre que tiene con aquella mala compañía, que, segun se
puede juzgar, son illusiones 6 visiones malignas, y para que,
libre dellas, pueda mejor disponerse para el bien de su alma.
Primo, aunque paresca que bien claro se ve qu'esta com-
pañía 6 dueñas que Su Alteza dice no son sus criadas, antes
son sus enemigos, con todo para que mas claramente se pueda
juzgar, le parece al marqués, qu’es el que con la speriencia
qu'en esto tiene mejor lo tiene entendido, que por algunos
dias no entre allá alguna de las dueñas, para que, pregun-
tada despues Su Alteza si vuelve á sentir la afliction acostum-
brada, se le diga la verdad de como las dueñas an estado
presas, sin entrar en su real cámara; y con esto se averiguará
ser lo que dice ser illusion del demonio en la imaginacion, ó
que realmente con los ojos corporales ve esas figuras de per-
sonas qu'el enemigo toma para aflixir y persuadir á Su Alt lo
que conviene á la salud de su ánima (1).
Item, que para satisfacer á Su Alt* en esta ymaginacion que
tiene contra las dueñas, como para los efectos que abaxo se
dirán, conviene que á Su Alteza se diga que, sabiendo en el
officio de la santa inquisicion lo que Su Alteza dice de sus duc-
ñas, provea de comisario ó inquisidor para entender en este
negocio, en cuyo nombre se dirá qu'están presas las dueñas;
y despues de aver pasado dos ó tres dias, mostrando star en la
informacion del processo, en nombre del santo officio se dirá
que así como ha proveydo en las dueñas lo que conviene, así
tambien se ha de proveer en todo lo demás, y es lo siguiente,
(1) Respuesta de Su Alteza. En esto me paresce muy bien lo que al
Marqués, y así lo podrá proveer, que asta que otra cosa paresca no vean á
Sie Ali» sus dunes | y se le diga qu'están presas por la inquisicion , para
que, con lo que en este caso se a de dezir à Su Alt”, se pueda averiguar lo
Cierto deste negocio
(312)
lo qual se hace en el nombre del santo officio, por ser la cosa
que mas a de temer y el mejor medio para hacer lo que se
pretende, por el temor que tiene al santo officio (1). :
Primo, que por averse hecho en la sala y camaras de Su Alteza
los desacatamientos sobredichos al nombre de Nuestro Señor,
conforme á lo que Su Alteza ha dicho, conviene qu'en aquellos
lugares donde ha sido desacatado sea reverenciado, para lo qual
se an de poner cruces en todas las pieças, y en el altar del
corredor donde se dice la missa de Su Alteza esten puestas imá-
genes, siempre con la devida reberencia y acatamiento, y en
él se diga cada dia missa, y despues de dicha el capellan con
agua bendita use de los exorcismos que la Yglesia católica suele
usar en semejantes casos, conforme al ordinario, y que todos
los dias que Su Alteza tubiere dispusision „el sacerdote reves-
tido diga los evangelios à Su Alt", y que quando no la tubiere, á
lo menos los diga desde la puerta de su cámara, de manera
que los pueda oir, y que los viernes diga la misa de la passion
por la qual tenemos nuestro remedio (2).
2° Que tenga Su Alteza una persona letrada, spiritual y
religiosa, que resida aquí, y le quede nombre de inquisidor
para con Su Alt”, para estas cosas que han de llevarse adelante
para el beneficio de su real consciencia; y entre otras cosas, las
mas veces que pudiere, y si pudiere ser cada dia, seria mejor,
ha de acordar á Su Alteza que proteste de morir y bibir en la
fe cathólica, y que renuncie á Sathanas con todas sus Obras,
—
(1) Respuesta de Su Alteza. Esto será bien que se diga à Su Alt”, y NO
me ha parescido comunicallo con el inquisidor general ni con nadie hasta
ver el efecto que se hace con no entrar las dueñas.
(2) Respuesta de Su Alteza. El ponerse la cruz y las imágenes y decirse
la missa y evangelios en qualquier tiempo es bueno, quanto mas en este.
Las otras cosas y exorcismos me paresce que se podrian diferir hasta ver
el efecto que ai de lo de las dueñas. Pero hagase como paresciere al padre
Francisco,
(313 )
y se santigue y diga el nombre de Jhesus y tome devocion
con él (1).
5° Este religioso 6 inquisidor para con Su Alteza que aquí
a d'estar, le a de persuadir á Su Alteza que confiesse, y special-
mente tomar occasion de la confession que a hecho en estas
cosas sobredichas, diciendo qu'estava obligada á lo manifestar
luego y no dissimularlo tanto tiempo, y si por caso alguna
vez a condescendido ó obedescido en alguna delas illusiones, á
mayor cautela diga su culpa, conociéndola, y de nuevo proteste
la fe cathólica (2).
4° Qu'esta misma persona tenga cuenta y miramiento de ver
si está siempre de una manera ó si tiene algunos ratos de mas
claridad en el juicio, para que en aquellos se aproveche del
tiempo : para lo qual converná visitarla á menudo, pues
(naturalmente hablando) los dias se le ban acabando; y puesto
que en el comer y vestir y en lo demas, aunque todo desorde-
nado, se le hace su voluntad, no se le deve de permitir en lo
que toca à la salud de su alma (5).
5” Por quanto en este negocio no bastan las fuerzas humanas
y a de ser mas obra de Dios que de hombres lo qu'en ello se ha
de hacer, uno de los principales remedios será qu'en diversos
Monasterios y iglesias deste reyno se hagan oraciones speciales
por Su Alteza, y sin esto se digan misas en algun número por
esta necesidad, y tambien se enbien algunos peregrinos à algu-
has casas santas, como es Santiago, Monserrate 6 Nuestra
Señora de Guadalupe, y tambien à una hermita qw'está cabe
(1) Respuesta de Su Alteza. Qu'él y el marqués, entre tanto que se ve
lo que sucede con no entrar las dueñas, platiquen qué persona seria buena
para ello y me avisen dello.
(2) Respuesta de Su Alteza. Quando se pusiere esta persona, es muy
bien que haga esto,
(5) Respuesta de Su Alteza. Lo mismo.
( 314 )
Burgos, donde la serenissima reyna de Portugal tiene grande
devocion (1).
6° Que se busquen algunas personas eclesiásticas ó religiosas
que suelen tener don de Nuestro Señor sobre los spiritus mali-
gnos, para que con el secreto debido visiten à Su At, y
vean qué remedio podria aver para quitar esta compañía
que tanto trabajo le da, porque, quitado este impedimento, 6
se confesaria 6 diria la causa por que lo dexa (2).
Esto es lo que hasta agora se ha podido juzgar. Bien se cree
que con lo sobredicho se abriria camino para juzgar lo qu'en
esto hay, 6 se entenderá que se ha hecho lo que humana-
mente se podia hacer : lo que será gran contentamiento y
satisfacion de Su Magestad y de Vuestra Alteza. Plega la Divina
Magestad lo guie todo para mayor gloria suya.
(Archives de Simancas, Estado, leg. 109.)
HI.
Deuxième lettre du P. Francisco de Borja au prince
Philippe : 10 mai 1554.
JHS.
Vista la respuesta que Vuestra Alteza a mandado dar y lo
que por ella se manda proveer, se ordenó á las dueñas que
no entren á servir á Su Alteza, y á los que entran á su real
A
(1) Respuesta de Su Alteza. Qu'en esto se hagan las diligencias que
pacieren al padre Francisco.
(2) Respuesta de Su Alteza. Si, con el quitar las dueñas, todavía dize
Su Alteza que las ve, aviseme el padre Francisco de qué personas sabe
que serian buenas para esto, para que yo las envie á llamar.
-
(315 )
servicio se les dió órden que dixesen á Su Alteza, si pregun-
tava por ellas, que publicamente se dezia qu'estavan detenidas
ó presas, y que á esta causa dexavan de ir á servir á Su Alteza.
Hecho esto, yo entré á dar la respuesta de Vuestra Alteza á
la reina nuestra señora, significando el sentimiento que tenia
Vuestra Alteza de oir las pesadumbres y molestias que le daban
las dueñas, por lo qual se mandaba proveer lo que arriba está
dicho, mostrando yo en ello mucho encarecimiento, y ven-
diendo este servicio á Su Alteza lo mejor que supe, lo qual fué
tambien recibido que mostró quedar muy servida y contenta.
Estando en este gozo, entré en la plática que importava y la
que hazia al caso para el effecto que se desea, y es suplicar á
Su Alteza fuese servida que, pues la molestia de las dueñas
estava echada á parte, qu'era la principal causa por que Su Al-
teza no mostrasse en lo exterior el ánimo cathólico interior que
tiene, que fuese servida de aquí adelante mostrarlo muy de
veras: á lo qual me respondió que así era justo y lo queria
hacer. Viendo yo estar occasion, supliqué que usase á me-
nudo los protestos de bibir y morir en la fe cathólica, y así de
nuevo los hizo. Tambien supliqué oyese misa el dia siguiente
y fuese servida que con el hisopo echase agua bendita por la
Casa por ragon de aquellas bruxas que otras vezes avía visto, y
esto concedió tambien y cumplió el dia siguiente, de que no
poco s'espantaron de que admitió el agua bendita y que su
sacristan la echase por la casa. Otros dos dias arreó quasi a
oido misa, y quando no sale es contenta que la digan en el
corredor.
En estos dias pasados, un dia en acabando la misa yo entré,
y entre otras cosas dixe á Su Alteza que podria ser aver in-
currido en alguna excomunion, ó por aver dexado de confe-
Sarse en tanto tiempo, ó por aver tratado con esas bruxas sin
averlo notificado, ó por otros inconvinientes que desto suclen
salir, por lo qual me parescia necessario, à mayor cautela, Su
Alteza se absolviese desta censura , si por caso en ella avia in-
(316 )
eurrido. Dixome qu'era contenta, y preguntó si era menester
confesarse ó reconciliarse. Respondi qu’estas semejantes ab-
solutiones se podian dar sin absolution de otros peccados.
Entonces me dixo Su Alteza : « Son agora dos años, tambien
» me absolvístes. » Dixe : « Si, señora, bien se acuerda
» Vuestra Alteza, mas no absolví de la excomunion, sino con
» sola absolution deprecatoria. » Y así estando siempre en
que queria ser absuelta, me levanté en pie y dile el absolu-
tion, y despues dixe los evangelios de san Juan y de san Mar-
cos. A todo estuvo muy atenta y de muy buena gracia, tanto
que me preguntó si era buena devocion, despues de la absolu-
tion, decir los evangelios. Dixe qu'era tan buena que Su Alteza
la devia usar muchas vezes. Y con esto cesó la plática de aquella
mañana.
Mas despues de ido, quiso Su Alteza salir un poco mas al
corredor, y vió unas cortinas que estavan puestas en el altar,
porque aquello stuviese mas decente, y tambien un pañito de
oro con el misterio de la Adoracion de los reyes magos: lo qual:
dió causa para que Su Alteza ubiese enojo y lo mandase quitar,
paresciendo cosa nueva y que no dezia bien con el buriel que
agora ordinariamente trae; y tomólo de manera que, aunque
provámos por dos oras à detenello , visto que no queria comer
sin que selo quitasen, se hizo como lo mandó, pues no era de
las cosas esentiales, aunqu’era conviniente para la decentia del
altar. Y así bolvió á sosegarse.
Y otro dia me preguntó si se tratava de bolver las dueñas,
mostrando no venir en ello bien; y por dexar satisfecha à Su
Alteza en este punto que tanto persuade (1), dixe qu'estava
nombrada una persona muy religiosa, cuyos aguelos fueron
criados de los reyes cathólicos, y qu'este vernia muy presto Y
trataria con Su Alteza este negocio de las dueñas, por que á él
A
(1) Sic dans la copie qui m'a été envoyée de Simancas.
CI)
stava cometido. Esto se dixo por abrir la puerta al padre fray
Luis de la Cruz, y para darle occasion y grata entrada para con
Su Alteza, pues a de ser el que a de residir aquí, á lo menos
mucha parte del tiempo. Y así despues de averme preguntado
muchas particularidades de fray Luis, quedó muy satisfecha en
esta materia.
Esto es lo que passé, serenissimo Señor , hasta la venida de
Vuestra Alteza. En lo demas, pues lo abrá visto y tocado con
las manos Vuestra Alteza, solo diré que, atendida la dipusi-
tion de la reina y que me a dicho que, despues que las dueñas
están presas, no a visto ninguna de aquellas figuras que se le
presentavan, no paresce que agora se puede juzgar otra cosa
de lo que otras yezes se a pensado, y es ser esto ymaginacio-
nes y flaqueza de cabeça, todo lo qual procede de la raiz prin-
cipal de la enfermedad que a tantos años que Su Alteza tiene.
Por lo qual paresce que sele podrán bolver las dueñas despues
de la venida del dicho fray Luis, con decir que no se les halla
culpa, buscando en esto los mejores medios y formas que se
pudiere para que lo buelva à recebir con paciencia. Hecho esto
y lo que Vuestra Alteza a mandado remitir acá, qu’es las perc-
grinaciones, devociones y misas que por la reina nuestra se-
ñora se an de decir y hacer, no se siente otra cosa que de
nuevo se pueda proveer, porque solo el Señor, en cuya mano
están todos los que biben, es poderoso para remediar esta
enfermedad, laqual está de manera arraigada que lo mejor que
sea podido proveer a sido aver persona que resida aquí por
algun tiempo, para qual si el Señor fuere servido embiar el
agua de su gracia y favor, los sepa recoger por los mejores
medios que pudiere.
Entretanto es gran consolacion estas cinco cosas que se an
ganado con Su Alteza, y son: el protestar la fe cathólica, el salir
à la missa, el echar el agua bendita, el dezir á Su Alteza los
evangelios, y la absolution, porque continuándose estas cosas
com mençadas , podrian disponer para la salud que deseamos,
g
27° SÉRIE, TOME XXIX. . 21
(318)
y qu'en otra cosa no sea Vuestra Alteza a cumplido (1) como
cathólico príncipe y señor, con lo que deve á Dios y á su real
conciencia y al beneficio spiritual de Su Alteza y al buen exem-
plo de sus reinos. Plega à la Divina Magestad, en todo lo que
saliere de manos de Vuestra Alteza, sirva á Nuestro Señor de
manera que por ello meresca reinar muy mas altamente en el
cielo, y tener en él mas señorío y reinos de los que tiene en
la tierra, por muchos y grandes qu'ellos son.
Tras esto no tengo que decir, sino suplico á Vuestra Alteza
sea servido de me mandar perdonar si en esto que me a man-
dado no e hecho todo lo que soi obligado, pues no a sido por
falta de (2), sino por no saber ni poder mas; y así confiado que
Vuestra Alteza lo terná entendido como lo digo, me partiré
deste lugar con la licencia de Vuestra Alteza.
Hecha en Tordesillas, á 10 de mayo de 1554.
Esta es la informacion que Vuestra Alteza ha mandado que
hiziese el que es
Obedientissimo y humilissimo de
Vuestra Alteza siervo,
Francisco.
—
(Archives de Simancas, Estado, leg. 10%.
(1) Sic dans la copie.
(2) Idem.
( 5319 )
IV.
Troisième lettre du P. Francisco de Borja au po Philippe :
17 mai 1554.
JHS.
Muy alto y muy poderoso Señor,
Por averme allado in Tordesillas en el tiempo que fray Luis
de la Cruz estubo en ella, me pareció que convenia que escri-
viese á Vuestra Alteza lo que avía sentido en estos negocios
de la reyna nuestra señora, para que quedase Vuestra Alteza
mas satisfecho y viese como todos decíamos una misma cosa;
y porque al marqués le paresció que yo de nuevo escriviese à
Vuestra Alteza, me atrevo de nuevo á dar esta pesadumbre,
aunque no lo hago para darla á quien tanto servicio devo (1).
Allende desto, diré tambien dos cosas que se me avian olvi-
dado in la informacion que Vuestra Alteza me mandó hazer :
la una es que me advertieron en Tordesillas que, los años
pasados, sirviendo un dia á Su Alteza unas velas venditas, sin
decirla que lo erán, las mandó luego echar fuera á mucha
furia, diciendo que hedian : por lo qual yo de nuevo he que-
rido hazer la espiriencia. Haciéndola servir velas benditas, no
ha dicho ni mostrado alguna cosa sobra ello, y así juzgámos
que lo otro seria algun acertamiento 6 cosa semejante. La
segunda es que me avisaron que quando oia misa, al tiempo
del alzar, cerraba los ojos de manera que se podian llegar á
Su Alteza sin que ella lo viese : por lo qual hice que en mi
presencia oyendo Su Alteza misa, se llegase al tiempo del alçar
nan o o a en à 4
(i
-
) Ceci fait supposer une autre lettre de Borja qui nous manque.
(320 )
un capellan de su real capilla que suele servir á las misas, y
antes que llegase, le hizo señal con la mano que se apartase; y
despues de dicha la misa, le preguntó que para qué se llegaba
en aquel tiempo; él puso una escusa, diciendo que pensava
que Su Alteza le llamava; y con tanto quedó esta cosa averi-
guada. Por lo qual saco que desta manera serán otras que se
an dicho. Y porque todas ellas muestran mas lo sobredicho,
y son para mayor satisfacion del real ánimo de Vuestra Alteza,
no e querido dexar de escrivirlas. Nuestro Señor, cuya mise-
ricordia es ynfinita, dé á Su Alteza la salud que ha menester
para descansar de los trabaxos desta vida, y la muy alta y
muy poderosa persona de Vuestra Alteza guarde y guie en
este viage y ensalze en estos nuebos reynos que le ha dado,
como este su indigno siervo se lo suplica.
De Medina, 17 de mayo de 1554.
De Vuestra Alteza humillissimo y obedientissimo siervo,
FRANCISCO.
(Archives de Simancas, Estado, leg. 109.)
Y: ;
Lettre du P. fray Luis de la Cruz au prince Philippe :
15 mai .... (1554).
Muy alto y muy poderoso Señor,
La gracia y paz de Jesu Christo nuestro señor more siempre
en la ánima de Vuestra Alteza. Amen.
Luego que aquí vine por mandado de Vuestra Alteza, despues
de informado del padre Francisco, entré á visitar á la reyna
nuestra señora; y preguntóme Su Alteza si tenia á buen
( 321 )
recaudo las dueñas, y encargóme mucho las castiguase con
gran rigor; y para este fin dixo Su Alteza mill cosas que en
deservicio suio avian cometido, y que le avían impedido el
uso de los sacramentos y las devociones de las horas y rosario
y missa y agua bendita, y que la tenian chusmada : esta pala-
bra dezia Su Alteza muchas vezes. Respondi que toda la licencia
y atrevimiento que avían tenido en enojar á Su Alteza nascia de
ver que Su Alteza no rescibia los sacramentos ni tractaba de las
cosas de nuestra religion, que para semejantes fatigas estaban
ordenadas. Respondió Su Alteza que por cierto mas no avía
podido con tal compañía, y dixome luego : « Dezid, padre, ¿por
» vuestra vida, soys nieto de Juan Velasquez? — Si por cierto,
» Señora. — Muchas gracias á vos, me respondió, que aveys
» querido venir á entender en esto, que yo confio que no será
» como hasta aquí, que me la quitan y luego á tres dias tornan
á soltarlas, y así no puede la persona hazer lo que conviene
> ásu alma. » — Yo respondí : « Señora, mas somos los que
» el emperador y príncipe nuestros señores tienen aquí para
» servir à V, Alt* y tractar de su descanso, que estas dueñas
que à V. Alt* ofenden; pero como V. Alt no se ayuda,
» haziendo de su parte lo que cathólica y christiana reyna y
> señora nuestra deve, ¿como sus criados la podemos servir ni
» dar contentamiento, pues así lo estorva? » Respondióme Su
Alteza : « Por cierto, padre, no teneys razon en ahincar
» tanto en eso; hazed vos lo que deveys y el principe dezis que
» os mandó, que es castigar muy bien à esas deformes y sin
» vergoña; que lo demas dexame el cargo, que yo lo haré. »
Y torno de nuevo Su Alteza á dezir otros tantos mill males,
como antes al principio, de sus criadas; y sobre esto por-
fiando yo por todos los medios humanos y divinos que pude,
y Su Alteza acusando, se passaron dos horas.
Volvi otra vez, y aunque Su Alteza me dixo, por suplicar-
selo yo con grande ynstancia, todos los misterios sagrados de
>
>
( 522)
Jesu Christo nuestro señor y de nuestra fe cathólica, dixo tan-
tas cosas estrañas en que declaró Su Alteza quan indispuesta
está, que me espanté, porque me contó una larguissima his-
toria de como un gato de algalia avía comido á la infantica
deNavarra y á la reyna doña Isabel nuestra señora, y avia
mordido al rey cathólico nuestro señor, y otras muchas cosas
de esta calidad, y este gato tan malo ya lo avían traydo las
dueñas, y estava muy cerca de su cámara, para hazerle el mismo
mal y daño que ellas solian. Y gustaba tanto Su Alteza de con-
tarme estas historias que me mandava sentar y poner á mi pla-
zer, diziendo que era muy servida de mi venida, y mandán-
dome, pues oya tales cosas de aquellas mugeres, hiziese justicia
de ellas muy recia, y otras muchas cosas muy diferentes.
Lo qual todo considerado muy attentamente, y medido por
las reglas de la philosophia natural y moral y de sagrada serip-
tura y theologia, me atrevo, por el favor y ánimo que averme
mandado Vuestra Alteza me da, y no por lo que yo soy, que
otro bien no tengo sino ser hechura de Vuestra Alteza y de
sus aguelos, de gloriosa memoria, á dezir mi parescer despues
de averme publicado obediente al mandado de Vuestra Alteza.
Y es que la reyna nuestra señora está tan fuera de ser reducida
á la observancia de los sacramentos que lo tengo por impo-
sible, y dado caso que Su Alteza los quisiesse rescibir, no
creo que avria hombre en la cristiandad que se atreviesse à
los administrar á Su Alteza sin pensar que hacia injuria y
sacrilegio á los sacramentos; y tractar de ello es alterar y
despertar los juizios y sentencias de los hombres que en este
artículo, como en los demas, son tan diversos como son los
rostros. Y Su Alteza está tan sincera y innocente de pena y
culpa que verdaderamente es mas de averle invidia que lás-
tima. Y asy por todo esto, con parescer del marqués que,
como muy sabio y cristiano, por su entendimiento y larga
esperiencia, alcanza mas que todos, y del padre Francisco,
do bed
( 525 )
yo me buelvo á nuestra casa, adonde para esto y para todo lo
demas estaré muy aparejado, como vassallo y siervo de
7 5 š % yl
Vuestra Alteza, aunque indigno como soy, obligado.
Guarde Nuestro Señor la muy real persona de Vuestra
Alteza con acrescentamiento de reynos, como Vuestra Alteza
desea y meresce.
De Tordesillas, à xv de mayo.
Besa las reales manos de Vuestra Alteza,
Fray Luis DE La Cruz.
(Archives de Simancas, Estado, leg. 109.)
(IA)
CLASSE DES BEAUX-ARTS.
Séance du 3 mars 1870.
M. C.-A. Fraikin, directeur.
M. Ab. QUETELET, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. L. Alvin, F.-J. Fétis, G. Geefs,
C.-L. Hanssens, Joseph Geefs, Ferd. De Braekeleer,
Éd. Fétis, Edmond De Busscher, J. Portaels, Alphonse
Balat, Aug. Payen, le chevalier Léon de Burbure, Joseph
Franck, Gustave De Man, Ad. Siret, Julien Leclercq,
membres; Daussoigne-Méhu! , associé.
MM. Alph. Wauters et Nolet de Brauwere van Steeland
assistent à la séance. ;
CORRESPONDANCE.
— M™ Leys, par l'organe de son fils M. Julien Leys,
remercie la classe, au nom de sa famille , de la part prise
aux funérailles de son époux et des paroles d'adieu pro-
noncées en cette circonstance par M. le directeur.
— M. le Ministre de l’intérieur adresse le 1°" volume,
avec atlas, du Traité de perspective linéaire, par M. F. Bos-
suel, — Remerciments.
(325 )
ÉLECTIONS.
Conformément à Particle 7 du Règlement général de
l’Académie, la classe examine s’il y a lieu d'ajouter des
noms nouveaux á la liste de présentation, dressée dans la
derniére séance, des candidatures aux deux places vacantes
de membres titulaires de la section de peinture.
La classe ratifie les propositions nouvelles, qui seront
également communiquées par circulaire, aux membres,
avec les candidatures présentées déjà dans la séance du
5 février dernier.
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
M. Ed. Fétis donne lecture de la huitième partie de ses
Etudes sur Part, ses tendances, etc. L'impression de ce
nouveau chapitre est subordonnée à la publication de Pen-
semble du travail.
CAISSE CENTRALE DES ARTISTES.
Conformément à Particle 16 du Reglement de la caisse,
la classe, sur la proposition des membres du comité direc-
teur, confère une pension à la veuve d’un artiste, ayant
rempli exactement les obligations des membres souscrip-
teurs de cette association et étant, par conséquent, dans
les conditions requises; elle accorde en même tempe un
secours temporaire aux enfants du défunt.
— —
OUVRAGES PRESENTES.
—
Nypels (J.-S.-G.). — Législation criminelle de la Belgique,
ou commentaire et complément du code pénal belge. 10%" livr.
(2% livr. du tome II). Bruxelles, 1869; gr. in-8°.
De Borre (A. Preudhomme). — Addition á la notice sur
les femelles á élytres lisses du dystiscus marginalis. Bruxelles,
1870; in-8°.
Deby (Julien). — Les données numériques d'un ilonka
de vapeur saturée. Bruxelles, 1870 ; in-8°.
Van Even (Edward). — L'ancienne école de peinture de
Louvain. Bruxelles, 1870; in-8°.
Kirsch (Th.). — Synopsis du genre Omophlus Solier, avec
les descriptions de nouvelles espèces, traduit de l'allemand,
par A. Preudhomme de Borre; in-12. |
Commission permanente des sociétés de secours mutuels.—
Rapport sur la situation des sociétés de secours mutuels, pen-
dant l’année 1868, présenté à M. le Ministre de l’intérieur.
Bruxelles, 1870; in-4°,
Conseils provinciaux de la Flandre occidentale et du Hai-
naul. — Annexes à l'exposé de 1868; 2 cah. in-8°.
Revue de Belgique, 2%* année, 4% à zee livr. Bruxelles,
1870; 5 cah. in-8°.
Le Bibliophile belge, bulletin mensuel, V* année; 1", 2”
et 3™ livr. Bruxelles, 1870; 3 cah. in-8°.
D'Otreppe de Bouvette (Alb.).— Essai de tablettes liégeoises,
104" livr. Liége, 1870; in-12.
Willems-Fonds te Gent. — Korte statistieke beschrijving
van België (n° 48). Gand , 1865-1869; in-8°.
Willems-Fonds te Gent.—Over vrijheid, door John Stuart-
Mill. Cit het engelseh vertaald door Ph. van Cauteren. Gand,
1870; in-8°.
E ( 327 )
Revue de l'instruction publique en Belgique, 17" année,
6”* livr, Gand, 1870; in-8°.
Journal dë beaux-arts et de la littérature, pařaissant sous
la direction de M. Ad. Siret. 12%* année, n 4 à 6. Saint-
Nicolas, 4870; 6 feuilles in-4°. i
Cercle archéologique du pays de Waes, à Saint-Nicolas. —
Buitengewone uitgaven n° 7. Het land van Waes, door Adolf
Siret, 4% aflev. Saint-Nicolas , 1870; gr. in-8°.
De Vlaamsche School. 1870, Bldn, 1,2, 5. Anvers; 5 feuilles
in-4°,
Société royale des sciences médicales et naturelles de Bru-
telles. — Journal de médecine, de chirurgie et de pharma-
cologie, 28% année, L”* volume, janvier à mars. Bruxelles,
1870; 3 cah. in-8°.
Société de pharmacie de Bruxelles. — Bulletin, 14"° année,
n° 1,2 et 5. Bruxelles, 1870; 5 cah. in-8°.
Annales ratio: 535"* année, Feet 2% livr., Bruxelles,
1870; in
die d médecine vétérinaire, 19% année, 1%, 2% et
3% cahiers. Bruxelles, 1870; 5 cah. in-8°.
La tribune vétérinaire, 5™ année, 1%, 2° et 5% fascicules.
Bruxelles, 1870; 5 cah. in-8°.
rene de Vélectricité médicale, X"* vol., 40™ à 12%" ca-
hiers, Bruxelles, 1870; 5 cah. in-8°.
La charité sur les champs de bataille, 5% année, n° 9.
Bruxelles, 1870; in-4°.
La presse médicale belge, 22™ année, n* 4 à 15. Bruxelles,
1869-1870; 15 feuilles in-4°.
Le Scalpel , 29% année, n°° 27 à 59. Liége, 1870; 15 feuilles
in-4°
Société de médecine d'Anvers. — Annales, 51% année,
janvier à mars. Anvers, 1870; 5 cah. in-8°.
Société de pharmacie d'Anvers. — Journal de pharmacie,
26ue année, janvier à mars. Anvers, 1870; 5 cah. in-8°.
L'illustration horticole, revue mensuelle des serres et des
\
( 528 )
jardins, publiée sous la direction de J. Linden et rédigée par
Ed. André. Tome XVII, 1" livr. Gand, 1870; in-8°.
Vreede (G.-G.). — Le Conservateur, revue de droit inter-
national, 2”* année, février à mars 1870. Utrecht; in-8°.
Larrey (le baron). — Discours prononcé, au nom de l'Aca-
démie des sciences, à l'inauguration de la statue de Guillaume
Dupuytren, à Pierre-Buffière (Haute-Vienne), le 17 octobre
1869. Paris, 1869; in-4°.
Académie des sciences de Paris. — Comptes rendus hebdo-
madaires des séances, par MM. les secrétaires perpétuels.
Tome LXX, n% 4 à 15. Paris, 1870; 45 cah. in-4°.
Société géologique de France, à Paris. — Bulletin, 2™ série,
tome XXVI, feuilles 55-46 (n° 5). Paris, 1870; in-8°.
Nouvelles météorologiques, 1870, n% 4 à 5. Paris, 1870;
5 cah. in-8°.
Journal de l'agriculture, fondé et dirigé par J.-A. Barral.
1870, tome IV, n° 84 à 89. Paris, 1870; 6 cah. in-8°.
Barral (J.-A.). — Bulletin hebdomadaire de l'agriculture ,
année 1870, n° 1 à 15. Paris, 1870; 15 feuilles in-8°.
Revue de l'instruction publique, de la littérature el des
sciences, en France et dans les pays étrangers. 29° année,
n° 40 à 52. Paris, 1870; 13 doubles feuilles in-4°.
Revue et magasin de zoologie pure et appliquée et de séri-
ciculture comparée, par M. F.-E. Guérin-Méneville, 1870,
n° 1 et 2 (2% série, tome XXII). Paris; 2 cah. in-8°.
Société impériale d'agriculture, de sciences et d'arts séant
à Douai. — Mémoires, 2° série, tome IX, 1866-1867. Douai,
1868; in-8°.
Bulletin scientifique, historique et littéraire du départe-
ment du ce à Lille. — 2% année, n 1 à 5. Lille, 1870;
5 ca
Van a Drival (5 .).— Vie de saint Jean , évêque de Térouanne.
Arras, 1864; p. in-12.
Van Drival (£.). — Vie abrégée de sainte Isbergue. Seconde
édition. Arras, 1865; p. in-12.
(329 ) |
Van Drival (E.). — Légendaire de la Morinie ou vies des
saints de l’ancien diocèse de Thérouanne (Ypres, Saint-Omer,
Boulogne). Boulogne, 1850; in-8°.
Van Drival (E.). — Récit des fêtes célébrées à Arras les
15, 16 et 17 juillet 1860 à l’occasion de la béatification et de la
réception d'une relique unique de B.-J. Labre. Arras, 1860;
in-8°.
Van Drival (E). — Courtes notices sur l’ordre du calen-
drier, sur les saints, les bienheureux, les personnages pieux
qui sont honorés ou qui ont vécu dans le diocèse d'Arras.
Arras, 1868; in-8°.
Van Drival (£.). — L'exposition d'Arras. Arras, 1868;
in-8°,
Van Drival (E.). — Des formes primitives de la poésie
chez les peuples anciens. Paris, 1869; in-8°.
Van Drival (E.) — Quelques considérations sur Part de la
peinture sur verre á notre époque. 1867 ; in-8°.
Van Drival (E.). — Notice sur le nécrologe de Saint-Vaast
d'Arras. 1868; in-8°.
Van Drival (E.) — Discours prononcés dans la séance de
clôture de l'exposition des beaux-arts de la ville d'Arras,
1868. Arras, 1869; in-8°.
Van Drival (E.). — Du symbolisme dans le culte et dans
Part. Arras, 1869; in-8°.
Van Drival (E.). — Les textes sacrés et les sciences d'ob-
servation. Arras, 1865; in-8°.
Van Drival (E.) — L'art chrétien au congrès de Malines en
1867. Paris-Arras, 1868 ; in-8°.
Van Drival (E.). — L'iconographie des anges. Paris-Arras,
1866; in-8°,
Van Drival (E.). — Une visite à l'ancienne abbaye de
Saint-Vaast. Arras, 1867; in-8°.
Van Drival (E.). — Deseription de l'église de Saint-Pierre
à Aire. Arras, 1865; in-8°.
t
( 550 )
Van Drival (E.). — L'art chrétien à l'exposition de Malines.
Arras, 1866; in-8°.
Van Drival (E.). — Grammaire comparée des langues bi-
- bliques. Paris, 1855-1858; 2 vol. in-8°.
Van Drival (E.). — Les tapisseries d'Arras. Arras, 1 vol.
et # broch. in-8°
Van Drival (E.). — Le trésor sacré de la cathédrale d’ Arras.
Arras; in-8°.
Van Drival (E.). — Monographie de l’église des dames
ursulines d'Arras. Arras, 1868; in-4°.
Borromée (S. Charles). — De la construction et de l'ameu-
blement des églises. Nouvelle édition revue et annotée par
M. l'abbé E. Van Drival (texte latin). Paris-Arras, 1865; in-12.
Société des sciences naturelles de Strasbourg. — Bulletin,
2"" année, n° 6 et 7, juillet et août 1869. Strasbourg, 2 feuilles
in-8°.
Favre (Alphonse). — De l'existence de Phomme à l'époque
tertiaire. Genève, 1870; in-8°.
Favre (Alphonse). — H.-B. de Saussure et les Alpes. Lau-
sanne, 1870; in-8°,
Gesellschaft naturforschender- Freunde zu Berlin. — Sit-
zungs-Berichte aus dem Jahre 1869. Berlin, 1870; in-4°.
Physikalische Gesellschaft zu Berlin. — Die Fortschritte
der Physik im Jahre 1866. 22" Jahrgang. Berlin, 1869; in-8°-
Naturforschende Gesellschaft zu Friburg ijn. — Berichte
über Verhandlungen. Band V, heft 2. Fribourg en Brisgau,
1869; in-8°.
Justus Perthes’ geographischer Anstalt zu Gotha. — Mit-
theilungen über wichtige neue Erforschungen auf dem g€-
sammtgebiete der Geographie von Dr A. Petermann, 16° Band,
HIT. Gotha, 1870; in-4°.
Heidelberger Jahrbucher der Literatur, unter mitwirkung
der vier Facultäten, 62'er Jahrg., 12" Heft; 65" Jahrg., 4% Heft.
Heidelberg, 1869-1870 ; 2 cah. in-8°.
(334 )
Melde (F.). — Experimentaluntersuchungen über Blasen-
bildung in Kreisformig eylindrischen Röhren. 1“ Theil. Die
Libellenblasen. 2 Abschrift. Quecksilberblasen. Marbourg,
1870; in-8°. ;
Kaiserliche Akademie der Wissenschaften in Wien. — Sit-
zung der Math.-Naturw. Classe, Jahrg. 1870, n° 4 à 7. Vienne,
1870; 7 feuilles in-8°.
Kongelige danske Videnskabernes Selskabs til Kjoebenhavn.
— Skrifter : Naturvid. og Mathem. afd. 8, Bd. HI, IV, V. Co-
penhague, 1869; 3 cah. in-4°. — Oversigt i aar. 1868, n° 5;
1869, n° 2. Copenhague, 2 cah. in-8°.
Kongelige Mediciniske Selskab i Kjoebenhavn. — Forhand-
linger i aaret 1868-1869. Copenhague, 1869; in-8°. ;
Sundby (Thor.). — Brunetto Latinos levnet og Skrifter.
Copenhague, 1869; in-8°. Pn
Académie impériale de Saint-Pétersbourg. — Mémoires,
7”* série, tome XIII, n° 8 et dernier; tome XIV, n” 1 à 7. —
Bulletin, tome XIV, n% 4, 2 et 5. Saint-Pétersbourg, 1869;
11 cah. in-4e.
Gozzadini (conte Giovanni). — Di ulteriori scoperte nell
antica necropoli a Marzabotto nel Bolognese. Bologne, 1870;
in-folio.
Ghirardini (Alessandro). — Studj sulla lingua umana sopra
alcune antiche inserizioni e sulla ortografia italiana. Milan,
1869; in-4". :
Osio (Luigi). — Documenti diplomatici tratti dagli archivj
Milanesi e coordinati. Vol. H, parte I. Milan, 1869; ink”
R. Istituto tecnico di Palermo. — Giornale di scienze na-
turali ed economiche pubblicato per cura del consiglio di per-
fezionamento. Anno 1869, vol. V, fase. 5, 4. Parte IL. Scienze
naturali, Palerme, 1869; in-4°. ,
R. Accademia delle scienze di Torino. — Atti, vol. IV,
disp. 1°-7° (novembre 1868 — Giugno 1869). Turin, 1869;
7 cah. in-8°, — Sunti dei lavori scientifici lette e discussi nella
`
( 532 )
classe di scienze morali, storiche e filologiche dal 1859 al
1865, scritte da Gaspare Gorresio. Turin, 1868; in-8°.
Regio osservatorio dell” università di Torino. — Bollettino
meteorologico ed astronomico, anno MI, 1868. Turin; in-4°
oblong.
Reale istituto veneto di scienze, lettere ed arti. — Atli,
tomo XV", serie 5°, disp. 2°. Venise, 1869-1870; in-8°.
Zantedeschi (Fr.). — Delle oscillazioni calorifiche orarie,
diurne, mensili ed annue del 1867. Venise, 1870; in-8°.
Academia real das sciencias de Lisboa. — Jornal de scien-
cias mathematicas, physicas e naturaes, n° VIH, dezembro de
1869. Lisbonne, 1870; in-8°.
Chemical Society of London. — Journal, série 2, vol. VIT,
n° 85, 84 et 85. Londres; in-8°.
Scientific opinion, a weekly record of scientific Progress
at Home and abroad. Part XVI, vol. IH. Londres, 1870; in-4°.
Nature, a weekly illustrated journal of science, vol. |
n° 16,17, 18, 19 et 20. Londres, 1870; in-4°.
Numismatic Society of London. — The numismatie chro-
nicle, 1869, part IV. Londres; in-8°.
Cambridge philosophical Society. — Transactions, vol. XI,
part IL. Cambridge, 1859; in-4°. — Proceedings, parts HI
and VL. Cambridge; 5 feuilles in-8°.
Radcliffe observatory, Oxford. — Second Radcliffe cata-
logue, containing 2586 stars; deduced from observations exten-
ding from 1854 to 1861, and reduced to the epoch 1860.
Oxford, 1870; in-8°,
The American journal of science and arts. — Second series,
vol. XLIX, n° 145 (january 1870). New-Haven, 1870; in-8°.
BULLETIN
DE
L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES,
DES
LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE.
1870. — No 4.
CLASSE DES SCIENCES.
o o
Séance du 2 avril 1870.
M. G. DewaLque, directeur, président de l'Académie.
M. Ap. Qvererer, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. J. d'Omalius d'Halloy, J.-S. Stas,
L. de Koninck, P.-J. Van Beneden, Edm. de Selys Long-
champs, le vicomte du Bus, Gluge, Melsens, J. Liagre,
F. Duprez, Poelman, E. Quetelet, H. Maus, M. Gloesener,
A. Spring, Candèze, F. Donny, Ch. Montigny, Steichen,
A. Brialmont, E. Dupont, membres; Th. Schwann, Th. La-
cordaire, E. Catalan, associés; C. Malaise, A. Bellynek,
Ed. Mailly, A. Briart, H. Valerius et F. Folie, correspon-
dants.
DM SÉRIE, TOME XXIX. 99
(354 )
CORRESPONDANCE.
M. le Ministre de l’intérieur annonce qu'il a chargé
M. Tinant, artiste sculpteur à Bruxelles, de Pexécution
du buste en marbre de feu M. le commandeur de Nieuport.
— M. lesecrétaire perpétuel annonce que le tome XXXIV
des Mémoires couronnés et des savants étrangers (collection
in-#) et le tome XXI des Mémoires couronnés el autres
(collection in-8°) viennent d’être terminés.
Le premier contient les travaux suivants :
Recherches sur la composition et la signification de
l'œuf; par M. Ed. Van Beneden (Mémoire couronné).
Sur la tension superficielle des liquides, au point de
vue de cerlains mouvements observés à leur surface; par
M. G. Van der Mensbrugghe.
‚ Description minéralogique, géologique et paléontologique
de la meule de Bracquegnies ; par MM. Briart et Cornel.
Recherches sur les crustacés d’eau douce de Belgique;
4"° partie. — Genres Gammarus, Linceus et Cypris; Par
M. F. Plateau.
Mémoire sur la formation du blastoderme chez les Am-
phipodes, les Lernéens et les Copépodes ; par MM. Ed. Van
Beneden et E. Bessels.
Recherches sur le développement du Pélobate brun (Pélo-
bates fuscus Wagl.); par M. le docteur Van Bambeke.
Recherches physico-physiologiques sur la fonction collec-
tive des deux organes de l'appareil auditif; par M. A.-J. Docq-
( 555 )
Le second renferme les mémoires suivants :
Sur Jean Lemaire (de Belges) apprécié comme prosateur
el poëte; par M. Ch. Fétis (Mémoire couronné).
Statistische verhandeling der gemeente Nazareth; door
Frans de Potter en Jan Broeckaert (Mémoire couronné).
Sur le problème des partis ; par M. P. Mansion.
Études sur les coordonnées tétraëdriques; par M. P. Neu-
berg.
Etudes sur la mécanique abstraite; par M. De Tilly.
Expériences pour la détermination des pressions des
gaz de la poudre dans l’âme des bouches à feu; par
M. Mayevski.
Sur les tremblements de terre en 1866 et 1867, avec
Suppléments pour les années antérieures de 1843 à 1865;
par M. Alexis Perrey.
Sur la régénération anatomique et fonctionnelle de la
moelle épinière; par MM. Masius et Vanlair.
— M. Spring offre un exemplaire du premier fascicule
du tome IL de son Traité de symptomatologie. —
M. Ed. Morren adresse également une brochure dont il
est l’auteur et qui est intitulée : L'horticulture à Pexposi-
tion universelle de Paris en 1867. — Remerciments.
— L'Académie royale des sciences de Munich, la So-
ciété royale des sciences de Copenhague, la Société géolo-
gique allemande de Berlin, remercient pour les derniers
envois et adressent différents travaux imprimés qui seront
mentionnés au Bulletin.
— M. Lamarle, associé de l'Académie, transmet, par
lettre du 16 mars dernier, un billet cacheté dont il de-
| ( 356 )
mande le dépôt. — Cette pièce sera placée aux archives.
Par lettre du 24 mars, le même académicien commu-
nique une note sur une nouvelle démonstration du postu-
latum d’Euclide.
— M. Ch. Fritsch communique, pour le Recueil des
phénomènes périodiques, les observations faites à Vienne
et à Salzbourg, en 1869, sur le règne végétal et le règne
animal.
M. Ad. Quetelet présente également l’état de la végéta-
tion à Bruxelles le 21 mars dernier, ainsi que les obser-
vations semblables faites, à Gembloux par M. Malaise, et
à Melle par M. Bernardin.
— Les travaux manuscrits suivants seront l’objet d'un
examen :
4° Note sur l’aurore boréale observée en Piémont le
3 janvier 1870, par M. F. Denza. — Commissaire :
M. Ad. Quetelet;
2 Détermination de la latitude de la flèche de la cathe-
drale d'Anvers, par M. Ad. de Boë. — Commissaire :
M. E. Quetelet;
5° Projet de radeau de sauvetage, par M. Cantillon. —
Commissaires : MM. Brialmont et Stas.
(337)
RAPPORTS.
Sur le Byrsax ( Bolitophagus) gibbifer Wesmael,
note par M. de Borre.
Rapport de M. Lacordaire.
« Le Bulletin de Académie contient depuis trente-
quatre ans une notice entomologique de M. Wesmael ayant
pour objet un insecte singulier de Java que notre savant
confrère a rapporté avec raison au genre Bolitophagus de
Fabricius, sous le nom de B. gibbifer. Cette espèce est
restée tellement rare que les deux exemplaires que M. Wes-
mael en a eus à sa disposition paraissent être les seuls qui
jusqu'ici soient parvenus dans les collections européennes.
Je ne Pavais pas vue lorsque, dans mon Genera des Co-
léoptères, jeus à m'occuper de la famille des Bolitopha-
gides, et je ne pus qu'indiquer qu’elle devait, ainsi que
plusieurs autres espèces, étre séparée des Bolitophagus
qui n'étaient, à cette époque, qu'un magasin de formes
disparates. Cette sorte d'appel adressé aux entomologistes
a été entendu, et en ce moment le genre de Fabricins est
divisé en sept parmi lesquels il s’en trouve un, du nom
de Byrsax, établi par M. Pascoe sur des o des Indes
orientales,
I. P. de Borre, qui est chargé de l'entretien et de la
classification des collections entomologiques du Musée
d'histoire naturelle de Bruxelles, a eu la bonne fortune
de retrouver dans les magasins de cet établissement Pun
( 558 )
des deux exemplaires sur lesquels avait travaillé M. Wes-
mael, et il a reconnu que cet insecte appartenait au genre
Byrsax, comme le soupçonnait déjà M. Pascoe. La notice
qu'il à adressée à l'Académie est destinée à signaler ce fait
aux entomologistes et, en même temps, à faire connaître
que l'espèce est distincte du Byrsax coenosus de Singapore
auquel M. Pascoe semblait disposer à la réunir. L'examen
que j'ai fait de l’exemplaire dont il vient d’être question
m'a démontré l'exactitude de ces deux assertions.
J'ai donc l'honneur de proposer à l’Académie l'insertion
de ce travail dans son Bulletin, tout en exprimant quel-
ques regrets qu'il ne voie pas plutôt le jour dans l'un des
nombreux recueils périodiques consacrés à l’entomologie,
qui se publient en ce moment, et où il eût été plus à la
portée des personnes qui s'occupent exclusivement de
cette science. »
Conformément aux conclusions de ce rapport, la classe
vote Pimpression du travail de M. de Borre dans les Bul-
letins.
Note sur les tremblements de terre en 1868, avec supple-
ments pour les années antérieures de 1845 à 1867; par
M. Perrey.
Rapport de M. Duprez.
« Tout en s'accordant sur l'utilité des recherches aux-
quelles M. Perrey, secondé par de nombreux correspon-
dants, continue à se livrer, vos commissaires expriment
le désir de voir l'étendue de la note qu'il présente à PAca-
(339 )
démie réduite à de moindres proportions. Il leur parait que
l’auteur peut le faire sans nuire à l'intérêt général de son
travail, en supprimant plusieurs détails accessoires, et
surtout en condensant beaucoup plus ce qu'il dit des trem-
blements de terre ressentis au mois d'août 1868. Ces
réserves faites, vos commissaires ont l'honneur de de-
mander à la classe l'insertion de la note de M. Perrey dans
les Mémoires in-8°. »
Rapport de M. Ad. Quetelet.
« Tout en partageant les idées de mon honorable col-
lègue, M. Duprez, je ferai observer que, depuis plus de
vingt ans, M. Alexis Perrey poursuit sans relâche ses re-
cherches sur les manifestations volcaniques du sol. L'Aca-
démie a bien voulu jusqu'ici imprimer ces observations
dans l’un de ses recueils. Nous lui saurions gré d'y voir
encore admettre le travail actuel, après, toutefois, que l'au-
teur aura supprimé quelques détails sans importance réelle
pour le sujet. Elle récompenserait ainsi le savant modeste
et infatigable que ce genre de recherches pénibles n’a pas
rebuté et qui a tenu à apporter au vaste ensemble des
phénomènes périodiques du globe, d'aussi nombreux et
Curieux matériaux. »
Conformément aux conclusions de ses rapporteurs, la
classe ordonne l'impression des notes de M. Perrey dans le
recucil des Mémoires ir-8°.
( 540 )
Notice sur les puits naturels du terrain houiller, par
MM. Cornet et Briart.
Rapport de M, d'Omalius.
« L'action érosive des eaux, la formation des alluvions
el la présence de restes d'animaux aquatiques dans la
plupart des dépôts stratifiés ont porté à croire que l'écorce
solide du globe terrestre, à l'exception des laves rejetées
par les volcans, avait été formée dans les eaux. Telle était
notamment l'opinion de Werner, que Pon peut considérer
comme le fondateur de la géologie positive. Depuis lors
on a généralement admis que les porphyres, les trapps,
les trachytes et les basaltes sont le produit d'éruptions
venues de Pintérieur de la terre á Pétat páteux ; mais on a
continué à croire, et la plupart des géologues croient
encore, que tous les dépôts stratifiés sont le résultat de la
désagrégation de roches préexistantes dont les débris ont
été remaniés et transportés par les eaux. Je suis loin de
prétendre qu'une partie des dépôts stratifiés n’ail pas eu
ce mode de formation, mais je ne puis admettre qu'il en
soit ainsi de tous.
En effet, si les dépôts stratifiés étaient toujours le ré-
sultat de la destruction des roches préexistantes, Ces
dépóts, dans une méme contrée, devraient continuer d'étre
à peu près de même nature, tandis que c'est le contraire
qui a lieu.
C’est ainsi, par exemple, que dans notre pays, nous
voyons les puissants dépôts de carbonate de chaux de nos
terrains dévonien et carbonifère succéder à des dépôts
(54 )
composés de silice et d'alumine; et qu'ensuite nos dépôts
secondaires et tertiaires n’ont absolument rien qui rap-
pelle les terrains primaires sur lesquels ils reposent.
C'est également ainsi que nous voyons le plateau cen-
tral de la France, composé de granite, de gneisse, de
micaschiste, de grès rouge, être entouré d’une immense
ceinture de calcaire blanc, et que les dépôts tertiaires du
bassin de Paris, qui sont entourés de roches où dominent
le calcaire et Pargile, sont principalement composés d'as-
sises de sables et de grès blancs très-purs.
Ayant publié en 1851 des éléments de géologie, je me
suis trouvé dans l'obligation d'émettre une opinion sur la
formation des dépôts stratifiés, et ne pouvant, pour les
motifs énoncés ci-dessus, admettre l'hypothèse exclusive
de la destruction des roches préexistantes, je me suis dit
que, de même que les roches éruptives, qui jouent un si
grand rôle dans l'écorce du globe terrestre, viennent de
son intérieur, une grande partie des roches stratifiées
Pourraient bien avoir un mode de formation analogue. En
effet, s’il est sorti de l’intérieur de la terre des roches à
l'état pâteux , pourquoi n’aurait-il pu en sortir des matières
pulvérulentes ou gazeuses susceptibles de se mêler ou de
se dissoudre dans les eaux et d'y former des précipités.
Cette opinion me paraît d'autant plus admissible que nous
voyons sortir de nos volcans des gaz et des cendres aussi
bien que des laves. D'un autre côté, on est maintenant
assez généralement d'accord pour admettre que les ma-
tières des filons proviennent d'émanations intérieures. Or,
si ces émanations, lorsqu'elles étaient renfermées dans
des cavités, ont pu produire le calcaire, le quartz et les
autres minéraux des filons , pourquoi celles qui se seraient
répandues dans les eaux n’auraient-elles pas pu donner
( 542 )
naissance à une partie des couches qui composent l'écorce
terrestre? En adoptant cette manière de voir, on explique
facilement la diversité des couches et la pureté de quel-
ques-unes d’entre elles.
L'une des principales objections que l’on oppose à celte
hypothèse, c'est que l’on ne voit pas les canaux par où ces
matières seraient sorties. J'ai répondu à cette objection
que les puits naturels qui se trouvent dans les terrains
tertiaires et secondaires peuvent être considérés comme
étant de ces canaux; mais on a répliqué que ces puits
n'étaient que des poches remplies de haut en bas. Je suis
loin de contester l'existence des poches; mais, outre qu'il
y a des puits dont on n’a pas encore trouvé le fond, j'ai eu
l’occasion de faire voir que des terminaisons de puits que
l'on croyait avoir reconnues dans des tranchées n'étaient
qw'apparentes et provenaient de ce que les puits prenaient
des directions différentes de celles des parois des tran-
chées.
On a dit aussi que l’on ne trouvait pas de puits dans les
terrains primaires, à quoi je répondais que les puits de-
vaient y être très-rares parce que ces terrains étant ordi-
nairement très-disloqués et traversés par un grand nombre
de failles et de filons, les émanations intérieures pou-
vaient, sans établir de véritables puits, s'échapper par les
joints et les vides des dislocations.
On conçoit d’après cet exposé tout Pintérét que peut
présenter la découverte de puits naturels dans les terrains
primaires ; or, c'est précisément ce que MM. Cornet el
Briart annoncent dans le mémoire qu’ils viennent de sou-
mettre à l'Académie. Ces deux ingénieurs, qui ont déjà
fait faire tant de progrès à la géologie de notre pays, an-
noncent l'existence de huit puits naturels dans le terrain
(543)
houiller des environs de Mons. Leur notice contient les
descriplions détaillées de trois de ces puits, et elle est
accompagnée de dessins faits avec la netteté et la clarté
qui caractérisent les planches dont ils ont l'habitude d'en-
richir leurs écrits.
Je crois devoir faire remarquer à ce sujet que le terrain
houiller de Mons ayant assez généralement conservé la
stratification horizontale et étant beaucoup moins disloqué
que ne le sont ordinairement les dépôts primaires, il n’est
point étonnant que ce soit dans ce bassin que l’on ait
découvert , pour la première fois, des puits naturels dans
les terrains primaires. Du reste, il en sera peut-être de
cette découverte comme de beaucoup d'autres, c’est-à-dire
qu'elle donnera lien à de nouvelles observations analo-
gues. Je ne serais notamment point étonné que l'on re-
connút que des accidents que les mineurs ont nommés
failles ne fussent des puits naturels. Ce résultat pourrait
être obtenu d'autant plus facilement que MM. Cornet et
Briart donnent dans leur mémoire, pour la distinction
entre les failles et les puits naturels, des caractères mieux
développés que ceux que l’on trouve dans les publications
actuellement existantes. »
Rapport de M. G. Dewalque.
« Les travaux souterrains exécutés pour Pexploitation
de la houille dans le Hainaut ont amené la découverte de
Puils naturels, analogues à ceux que Von connail dans
des terrains plus récents; mais leur existence n’était gnère
connue que des exploitants. La note de MM. Cornet et
Briart vient heureusement combler cette lacune, en don-
(54 )
nant la description de trois de ces puits. Voici, succincte-
ment , en quoi ils consistent.
Au milieu des couches plus ou moins inclinées de schiste,
de psammite et de houille dont est constituée notre forma-
tion houillére, on rencontre tout à coup une vaste cavité,
plus ou moins verticale, dont la section, circulaire ou ellip-
tique, peut dépasser 50 mètres en diamétre; cette cavité
se prolonge á plusieurs centaines de métres de profondeur,
sans qu'on ait eu l’occasion d'observer sa terminaison, ni
vers le haut, ni vers le bas; elle est remplie de fragments
de roches laissant entre eux de nombreux vides, la plupart
éboulés des parois, quelques-uns provenant du terrain cré-
tacé, qui recouvre le système houiller. Les parois elles-
mêmes sont nettes, et parfois les couches de schiste s'in-
fléchissent vers le bas, en entonnoir,
Ces accidents représentent , sur une échelle beaucoup
plus grande, les orgues géologiques de la craie supérieure
de la montagne St-Pierre , et les pits de sable que l'on
conuait dans des roches analogues de divers pays; mais
leur formation soulève bien plus de difficultés, puisque la
nature des roches traversées ne permet guère de Pattri-
buer à l’action dissolvante de l’eau. Pour discuter le méca-
nisme de leur production comme le rôle qu’ils ont joué
dans la géogénie de la contrée , il importerait de connaitre ,
non-seulement l’origine des fragments qui les remplissent,
de Paffaissement des couches qui en forment les parois,
mais surtout leurs terminaisons, vers la surface comme
dans la profondeur.
L'approfondissement des travaux nous éclairera saus
doute sur ce dernier point; mais nous avons peu de chances
de jamais observer la terminaison de ces puits dans les
morts-terrains de la surface.
( 545 )
Je me joins volontiers à mon savant et vénéré confrère
pour proposer à la classe d'insérer dans ses Bulletins la
note de MM. Cornet et Briart, avec les planches qui l'ac-
compagnent, et d'adresser des remerciments aux auteurs. »
C f 1 4 1 nd f. LI A ne danv rın-
ports, la classe vote l'impression du travail de MM. Cornet
et Briart, ainsi que l'insertion des deux planches qui l'ac-
compagnent, dans les Bulletins.
Sur la viscosité superficielle des lames de solution de sa-
ponine; par M. G. Van der Mensbrugghe.
Rapport de M. Plateau.
« J'ai signalé (8"* série de mes recherches sur les
figures d'équilibre liquides) la solution aqueuse de sapo-
nine comme possédant une viscosité superficielle énorme,
qui ne peut être attribuée á la présence d'une pellicule de
nature solide. Dans la note soumise à mon examen,
M. Van der Mensbrugghe décrit une expérience où la ré-
pulsion électrique s'ajoute à la viscosité superficielle pour
maintenir ouverte, avec un bord libre, une lame de solu-
tion de saponine, malgré la tension de ses deux faces et
la forte pression capillaire qui s'exerce à ce bord libre.
Celui-ci est irrégulièrement dentelé, et l’action de Vélec-
tricité en détache incessamment des lamelles qui voltigent
dans l'air, et qui, après être retombées, se transforment
en gouttelettes.
L'expérience me paraît curieuse, et j'ai conséquemment
( 546 )
l'honneur de proposer à la classe l'insertion de cette note
dans les Bulletins. »
Conformément à ces conclusions, auxquelles a souscrit
M. Duprez, second commissaire , la classe vote l'impres-
sion du travail de M. Van der Mensbrugghe dans les Bulle-
tins.
— MM. Liagre et Folie donnent lecture de leurs rapports
sur une note de M. Joseph Carnoy, intitulée : Sur le
triangle inscrit el circonscrit à une section conique.
La classe, adoptant les conclusions de ses commissaires,
vote le dépôt de la notice de M. Carnoy et des rapports
aux archives.
| _— MM. d'Omalius, Dewalque et de Koninck, commis-
saires pour l'examen d'une lettre de M. Boccardo à M. Ad.
Quetelet, et relative à une pluie de matière jaunátre à
Gênes, le 14 février 1870, expriment l'avis qu'il soit fait
un extrait de cette lettre pour les Bulletins.
La classe adopte ces conclusions.
(347)
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
Les Cétacés , leurs commensaux el leurs parasites, notice
par M. P.-J. Van Beneden, membre de l’Académie.
Sous plusieurs rapports, les cétacés ressemblent aux
poissons, surtout par le régime; mais sont-ils infestés
comme eux de commensaux et de parasites, et les para-
sites ressemblent-ils à ceux des poissons Plagiostomes, les
carnassiers par excellence, ou à ceux des autres ordres?
On sait aujourd’hui que les vers Cestodes sexués domi-
nent dans les Plagiostomes ou Sélaciens, tandis que dans
les autres poissons , qui tôt ou tard servent de páture, il
existe, outre les Cestodes sexués, des vers vésiculaires
agames, qui accomplissent leur évolution ailleurs; en
d'autres termes, les Plagiostomes logent des parasites
propres, des Nostosites, et les poissons osseux logent, en
outre, des parasites de transit, des Xénosites. Les cétacés
hébergent-ils ces deux sortes de parasites ?
Dans le but d'élucider cette question et de nous assurer
en même temps si la chair des baleines ou des dauphins est
destinée à l'entretien d'autres grands animaux, nous avons
réuni dans cette note les faits que la science a enregistrés
jusqu’à présent, et nous y avons joint le résultat de quel-
ques observations propres.
Nous ferons suivre le nom des cétacés de l'énumération
des commensaux et des parasites qu'ils hébergent.
BALAENA MYSTICETUS.
Cyamus ceti. Linn. — Cyamus ovalis.
Ce crustacé , commensal comme les Cirripèdes, vit sur la
( 348 )
peau et a été signalé par la plupart des baleiniers qui ont
fait la pêche au Nord. Il est probable qu’on le trouve égale-
ment sur les baleines qui visitent le détroit de Behring et
la mer d'Okotsk. Le capitaine Scammon (1) rapporte que
tous les individus observés dans ces parages étaient dépour-
vus de Cirripèdes, et comme il ne fait pas mention de
Cyames, il est probable que ces derniers auront échappé à
son attention à raison de leur petite taille.
On sait que la vraie baleine du Nord n’a jamais de cir-
ripèdes.
Martens a désigné le Cyame sous le nom de Pediculus
ceti, et Linné, sous le nom d'Oniscus ceti; on en a fait éga-
lement un Cymothoa et un Picnogonon. C'est Latreille
qui a. proposé le nom générique de Cyame qui est généra-
lement adopté aujourd'hui.
Echinorhyncus mysticett.
Dans son Voyage au póle boréal (traduction, Paris,
1775), CJ. Phipps fait mention de Sipunculus lendix,
trouvés dans l'intestin d'une Eider (Anas mollissima). C'est
évidemment un Échinorhynque qui est désigné sous ce
nom. C.-J. Phipps ajoute qu’un animal trouvé adhérent
aux intestins d'une baleine a été disséqué par Hunter,
et que le grand naturaliste l'a trouvé semblable à celui qui
provenait du canard Eider. C'est bien un Echinorhynque-
On a signalé dans l'épaisseur de la peau de la baleine
franche des vers vésiculaires du groupe des Cysticerques,
mais par erreur: Deb. Bennet, qui a parlé de ces para-
sites dans les Proceedings de la Société zoologique de Lon-
dres, en 1837, les avait trouvés, non sur la baleine comme
forth
(1) Capt. Scammon, On the Cetacea of the Western coast of dn
America. Edited by Edward D. Cope. Philadelphia, 1869. (PROCEED. ACAD.
NAT. Sc. Pris, 1990, p. 12.)
(349 )
on a dit, mais sur le cachalot (Physeter macrocephalus).
Le nom de Cysticercus balaenæ mysticeti doit — être
supprimé,
BALAENA BISCAYENSIS, Eschr.
Cyamus biscayensis.
Le docteur Monedero a publié la figure qui représente
la jeune baleine qui a été capturée en 1854 sur la plage
de Saint-Sébastien, dans le golfe de Gascogne , et à côté de
la baleine il a donné le dessin d'un Cyame qui a été pro-
bablement trouvé sur elle. Malheureusement on n'en a pas
conservé pour les comparer.
Coronnla biscayensis.
Cette baleine porte des coronules; cela était connu des
Islandais à l’époque où ils faisaient la pêche de cette ba-
leine et de celle du Groënland ; cette dernière n'en a jamais.
Mais la mère qui est venue avec son baleineau dans le golfe
de Gascogne portait-elle des coronules? Eschrieht, qui s'est
rendu sur les lieux quelques années après la capture, n’a
pas pu s’en assurer. Heureusement le docteur Fischer a
bien voulu se donner la peine de visiter la côte de Saint-
Sébastien où le baleineau a été capturé , et il a appris par
les douaniers que la peau était couverte de cirripèdes.
La baleine qui est venue échouer depuis, près du cap
Cod, aux États-Unis d'Amérique, logeait probablement
aussi des commensaux; mais malheureusement, lorsque
. Al. Agassiz est arrivé sur les lieux pour prendre pos-
session du cadavre, la peau était en grande partie enlevée,
et la putréfaction avait envahi tout le corps. M. Al. Agassiz
a bien voulu me promettre de s'assurer si par hasard il n’est
pas resté sur place des débris calcaires de ces crustacés.
'"* SÉRIE, TOME XXIX. 25
( 550 )
BALAFNA AUSTRALIS.
Corenula balænaris,
On trouve ces coronules dans la plupart des collections.
Toutes les baleines des régions tempérées en portent, mais
on ne connaît pas les espèces. En recueillant ces coro-
nules, on a généralement négligé de tenir compte de Pes-
péce de baleine ou de la localité qui les a fournis.
Ces cirripèdes sont logés surtout à la base des nageoires.
D’après le capitaine Sganzin , les coronules se trouvent
rarement sur les baleineaux. Sur les Megaptera, au con-
traire, ces cirripèdes sont établis de si bonne heure que
les Groënlandais prétendent qu’ils viennent au monde
avec leurs commensaux.
Tubicinella trachealis,
On sait que ces cirripèdes pénètrent l'épaisseur de la
peau, mais sans traverser le chorion. Le réseau de Malpighi,
qui a jusqu'à un pouce d'épaisseur, sépare ordinairement
le chorion de la coquille. Nous avons recu d'Eschricht un
morceau de peau avec des Tubicinelles en place et une
quantité de cyames el d'Acarus autour d'elles.
Le capitaine Sganzin fait observer que sj l’on trouve des
Tubicinelles sur les grosses baleines, que l'on prend acci-
dentellement sur les côtes de Madagascar, au contraire
les jeunes baleines n'en portent jamais. N'est-ce pas plutòt
que les jeunes Tubicinelles n'ont pas été reconnues.
Ces cirripèdes se logent principalement dans la région
qu’on appelle couronne.
( 351 )
Cyamus erratieus, Roussel de Vauzème (1).
Roussel de Vauzème a publié, dans les Annales des
Cyamns erraticus, Rouss. de Vauzème. Un jeune animal.
(1) A coté d'ane Tubicinelle dans une dépression entre la peau et le
Cirripède nous trouvons deux individus adultes fortement blottis surtout
par les pattes postérieures; dans l’espace laissé entre ces deux individus
nous trouvons une dizaine de jeunes à tous les degrés de développement.
(352 )
sciences naturelles, le résultat de ses observations sur ces
ne: ainsi que sur les deux genres suivants (1).
Il admet trois es-
pèces sous les noms de
Cyamus ovalis, Erra-
ticus et Gracilis. Nous
avons tout lieu de
croire, comme le pen-
saient Audouin et
Milne - Edwards, que
ce naturaliste n'a pas
tenu assez compte des
La tète de Cyamus erraticus. modifications que Page
apporte dans la forme. Nous avons trouvé de jeunes
animaux an milieu d'adultes auxquels les caracteres du
Gracilis convenaient fort bien, Nous reproduisons la forme
d'un de ces jeunes individus.
Le Cyame errant a une couleur d'un rouge vineux, dil
Roussel de Vauzéme, les segments du thorax sont écartés,
les crochets des pattes forts et acérés; il a quatre bran-
chies simples , très-longues, pourvues à leur base de deux
appendices inégaux et pointus.
Latreille parle aussi de trois espèces de Cyames, dont
deux ont été rapportées du cap de Bonne-Espérance, par
De Lalande (2) et l’autre de quelque cétacé des mers orien-
tales. |
Odontoblus ceti , Roussel de Vauzème.
C'est un Nématode qui vit, en abondance extrême, Sul
les fanons, à la manière des Tubifex. La longueur de ces
nié
(1) 1834, vol. I, p. 2
(2) Annal. a nat., 1834, vol. I, p. 259.
( 593 )
petits vers est tout au plus de deux lignes et demie (1).
Pirolina ceti, Roussel de Vauzème (2). Pe ai
Ce prétendu Polype, habitant également les fanons, et
dont Roussel de Vauzème n’a pu voir les tentacules, pour-
rait bien n'étre qu'une agglomération d'œufs de quelque
mollusque attachés aux fanons.
Acarus (Acaridina) balaenarum , Van Ben.
Nous avons trouvé plusieurs individus entre les Tubici-
nelles el les Cyames; ils sont remarquables sous plusieurs
rapports, et surtout par la séparation de la téte du thorax
et de Pabdomen. Les nombreuses el longues soies qui
recouvrent le corps sont plumeuses. Nous nous proposons
de les faire connaître en détail plus tard.
La tète vue en des. us.
La première patte isolée.
Acarid. balae m de Balaena australis.
mn
(1) Annal. En scienc. nat., 1854, vol. L, p. 326.
(2) Ibid., p. 351.
(354 )
BALAENA JAPONICA.
”
Diadema japonica,
Nous v'avons pas vu ces Diadema en nature; nous ne
les connaissons que par une figure d'un ouvrage japonais,
qui représente parfaitement ces animaux; cet ouvrage
reproduit cette baleine avec son squelette et tout ce qui
se rattache à la pêche de ces animaux sur les côtes du Japon
L'auteur a fait figurer, indépendamment de la baleine et de
ses principaux viscères, les embarcations que l'on y emploie
et les engins de pêche dont on fait usage (1).
Sur un de ces Diadema se trouve un autre cirripède du
genre Cineras qui ressemble beaucoup au Cineras du nord
de PAtlantique.
MEGAPTERA BOOPS.
Diadema balaenaris.
C’est l’espèce la plus répandue dans les collections. Nous
conservons ce nom spécifique en attendant que Pon fasse
une étude comparée des Diadema provenant des autres
Mysticétes.
Cenchoderma (Otion) auritum.
On trouve souvent ce cirripède comme commensal sur
les Diadema.
Dans cette Megaptera les Diadema s'insèrent de préfé-
rence aux membres thoraciques et à la nageoire caudale. Ils
y forment habituellement toute une colonie. Si Pon trouve,
(1) Cet ouvrage japonais en deux volumes in-folio appartient à M. Joseph
Allen de Stoke Newington. Il traite exclusivement de la pêche de la baleine
sur les côtes du Japon. Nous l'avons vu entre les mains de M. Flower.
( 555 )
par hasard, des cirripèdes sur une Balenoptera, ces crusta-
cés sont toujours isolés.
Ces Diadema sont déjà très-développés chez les jeunes
Keporkak, à tel point que les Groénlandais pensent, comme
nous avons vu plus haut, qu’ils naissent avec eux.
Les trois commensaux que nous citons ici d'après des
observations faites au Groënland ont été reconuus égale-
ment sur les mêmes Mysticètes à la côte d'Islande par
Sophus Hallas.
MEGAPTERA LALANDIL.
Diadema balaenaris,
Covchoderma (Otion) auritum.
On n'a pu jusqu’à présent comparer ces Diadema et ces
Conchoderma avec ceux du nord de PAtlantique, et les
noms spécifiques ne sont, par conséquent, que des noms
provisoires. Ils est assez remarquable que ces Concho-
derma vivaient sur les Diadema et que le même fait a
été constaté chez le Keporkak du Groënland. Ascanius
ligure (tab. 46) un Diadema couvert de cinq Conchoderma.
Eschricht en a vu jusqu’à seize sur un seul Diadema.
\
MEGAPTERA NOVAE ZELANDIAE.
Diadema.. ...
Nous ne connaissons ces Diadema que par des échan-
tillons que Kroyer a rapportés de Valparaiso (1840-1841),
et qu'il avait trouvés au milieu d'ossements de cétacés dis-
séminés sur la cóte.
MEGAPTERA ANTARCTICA.
Diadema californica. (Sp. nov ).
Nous sommes en possession d'un Diadema des cótes de
Californie que nous croyons provenir de cette Megaptera.
( 556 )
BALAENOPTERA ROSTRATA.
Echinorkyncus porrigens, Rud., dans les intestins.
Cet echinorhynque a été observé déjà plusieurs fois par
divers naturalistes.
Disioma goliath, Van Ben., (1).
Ce Distome n'est connue que par quelques exemplaires
qui proviennent tous de la collection d'Eschricht. Notre
-illustre ami nous en avait cédé pour les décrire. Ils avaient
été recueillis dans le foie. Leur taille est en rapport avec
l'hôte qui les hèberge puisqu'elle atteint jusqu'à 80 milli-
mètres.
Filaria erassicauda, Creplin.
Creplin est le seul jusqu’à présent qui a trouvé ce ver
dans le canal de Purétre, ou le corps caverneux du pénis.
+ BALAENOPTERA MUSCULUS.
Penella balacnopterae.
M. Sars, fils, a trouvé ce crustacé Lernéen, incruste
dans la peau de la tête, aux îles Loffoden. M. Sophus Hallas
a observé le même animal dans les mêmes conditions sur
les cótes d'Islande.
Eehinorhynchus idan
Le docteur Murie a trouvé ces vers en abondance dans
le colon et le rectum (2).
(1) Van Beneden, Bulletins de l’Académie royale de Belgique, 2° SÈT
tv, u°7, 185
(2 Fhe mucous surface of colon and rectum Small oval-Shaped
entozoa bin hus?) Sarar med in myriads, dit le docteur Murie.
Proc. Zool, Soc., 1865 , p. 215.
( 357 >)
Monostomum plicatum , Creplin.
Ces vers ont de 6 à 7 millimètres de longueur; ils étaient
logés dans loesophage et l'intestin grêle d'une Balénoptère
de 45 pieds échouée, en 1895, sur les côtes de l'ile Rügen
dans la Baltique (1).
BALAENOPTERA SIBBALDIT,
Echinorhyncus brevicollis, Malm.
M. Malm a trouvé ce ver dans les intestins de la curieuse
baleine qui est venue vivante à la côte de Suède et à pro-
pos de laquelle le savant directeur du Musée de Gothen-
bourg a écrit un beau volume in-folio (2).
ll est à remarquer qu'une femelle de la même espèce,
` capturée il y a quelques mois en Écosse, dans le Firth of
Forth, était également vivante. Nous ne savons si Von a
trouvé des parasites sur elle.
PHYSETER MACROCEPHALUS.
Conchoderma (Otion) Cuvierii.
Nous devons cette observation á M. F. Debell Bennet :
wen « Sometimes found attached in a single cluster to the
lips or lower Jaw, » dit-il.
Oniscus.
L'espèce n'est pas indiquée; occasionally adhere to the
skin, dit F. Debell Bennet (3).
Bi Creplin, Nov. act. nat. ur., 1827, tab. XIV, p. 278, pl. 52,
8- 9-11. — Du Jardin, hal Helminthes, p. 344
po ) Malm, Monograph. illustrée du Balénoptère trouvé le 20 octobre
1865 sur la côte occidentale de Suède. Stockholm, 1867.
(5) Bennet, Proc Zool. Soc., 1837 april, p. 30.
(358 )
Uysticercus.
Ces vers sont enkystés dans l'épaisseur de la peau; € in
its blubber also numerous cysts of a Species of Cysticercus
are met with, » ajoute F. Debell Bennet.
HYPEROODON (ROSTRATUM) BUTZKOPF.
Penella erassicernis, Sip. et Ltk.
Ce Lernéen était fortement incrustée dans la peau (1).
Conchoderma (Otion) Cuvierii.
Ce cirripède logeégalement comme toujours à l'extérieur.
Cyamus (Platy cyamus) Thompson! (Gosse).
Ce Leemodipode vit également sur la peau mais sans
s'y fixer.
Echinoriyncus turbinella, Diesing.
Dans l'intestin.
Monostomum delphini, Blainville?
Ce ver aurait besoin d’être soumis à un nouvel examen.
MICROPTERON SOWERBIENSIS.
Monostomum delphini, Blainville.
Ce ver a été fort incomplétement décrit; dans le célacé
désigné sous le nom de Delphinus Dalei (2) Blainville Pa
trouvé dans des follicules de la peau.
(1) Steenstrup et Lutken, Bidrag til Kundskab..., in-4°, Copenhague,
1861, pl. XIV, fig. 54. :
(2) Blainville, Note sur un cétacé échoué au Havre, Nouveau BUEN
des sciences, par la Société philomatique, septembre-décembre1825.
Froriep's Notizen, t. XII, p. 212
sd: E à
(359 )
DIOPLODON EUROPAEUS, Gerv.
Conchoderma (Otion) Cuvierii.
Ces cirripèdes étaient attachés à la dent de gauche.
Nous devons cette observation à M. Eudes de Longchamps
qui nous l’a communiquée lors d’une visite que nous lui
fimes à Caen, en compagnie de notre ami Eschricht.
PLATANISTA GANGETICA.
Ascaris delphini, Lebeck (1).
Ce ver a été trouvé en abondance dans la bouche et
dans l'estomac du dauphin du Gange; il a 27"" environ.
DELPHINUS DELPHIS.
Leruconema nodicornis, Stp., Ltk.
Le capitaine Hygom a trouvé ce parasite sur le corps
d'un dauphin pris en 1858, à 41° lat. N. 29° lat. (2).
Echinorynchus pellucidus , Leuckart.
Ce ver a été trouvé dans les intestins (5).
Phyllobothrium delphini, Ed. Van Ben.
Ce ver habite en abondance dans le lard à l'état de
(1) H-J. Lebeck, Neue Schriften der Berl. Ges. Naturf. Freunde,
vol. IH, p. 282,
(2) Steenstrup el Lutken, Bidrag til Kundskab om Snyltekrebsene. .,
in-4e, Copenhague, 1861, p. 61 , pl. XIII, fig. 26.
(5) Leuckart, Brev. anim. descript. 25, fig. 6, a,b.
( 560 )
scolex. C'est mon fils qui en a fait la découverte à Concar-
neau en 1868 (1).
Les pêcheurs avaient pris un dauphin de huit pieds de
long; en incisant la peau , mon fils a vu que la couche de
graisse était labouréc, dans tous les sens, particulière-
ment le long des flancs, de kystes jaunes d'un centimètre
de diamètre, dans lesquels se trouvaient des scolex de
cestoides, entourés séparément d'un corps membraneux
cylindrique, qu’il reconnut également pour des Phyllobo-
thriens. |
Ces Phyllobothriens n'étant connus que dans les pois-
Coupe d'une ventouse d'une
bothridie.
sons sélaciens (jusqu’à présent des genres Mustelus el
a
(1) Ed. Van Beneden, Comptes rendus de l Académie des Sciences de
Paris, 1868,
( 561 )
Squatina), il est évident que c'est dans quelque grand
squale que ce cestoïde doit accomplir son évolution
sexuelle. Malheureusement il n’y avait pas de grand
squale vivant dans ce moment à Concarneau, et les ex-
périences que mon fils a dû tenter sur des Raies et des
Scillium canicula n’ont donné aucun résultat.
La ladrerie des dauphins n’est pas un fait exception-
nel : cette maladie est très-connue des Bretons chez cette
espèce qu’ils désignent sous le nom de Bécame. Ces obser-
vations et le dessin que nous donnons de cet intéressant
ver m'ont été communiqués par mon fils.
Bose fait mention d'un ver également observé sur Ío
dauphin, dans l'épaisseur de la couche de lard, et qu'il dé-
signe sous le nom de Hydatis delphini (1). Il en donne un
dessin qui n'est pas sans ressemblance avec un Cysti-
cerque. Il est probable que c'est le mème animal.
C'est peut-être aussi le même ver dont il est question
dans Redi et Rudolphi (2).
D'après le scolex, c'est évidemment dans un poisson
que ce ver doit accomplir son évolution, et ce poisson ne
peut être qu'un grand Plagiostome. Il fant en conclure que
certains squales attaquent les dauphins et se nourrissent
de leur chair.
DELPHINUS.....
Penella pustulosa, Baird.
Ce Lernéen, long de quatre pouces , était logé dans la
(1) Bosc, Hist. nat. des vers, t. 1, p. 324, tab. IX, fig. 10-12.
(2) Rudolphi, Entoz. histor., t. VI, p. 236, et Synopsis, pp. 182 el
53.
( 362 )
peau d'un dauphin capturé à la latitude de 11°57 S., et
27° W. longitude (1).
DELPHINUS AMAZONICUS.
Peritrachelius insignis, Diesing.
Ce ver a été trouvé dans VPestomac (2) par Natterer, au
Brésil; il est déposé au Musée de Vienne. M. Dicsing place
ce genre à côté des Spiroptera.
DELPHINUS ROSTRATUS, Shaw.
Tetrabothrium triangulare.
Ce ver, long de deux à trois pouces, a été trouvé dans
l'intestin de ce Dauphin, sur la côte de Portugal (3). C'est
le seul cestoide sexué trouvé jusqu’à présent dans l'intestin
d'un cétacé.
DELPHINUS TACUSCHI.
Distomum lancea, Diesing.
Ce ver a été trouvé par Natterer dans les conduits
biliaires d’un dauphin au Brésil. (Ad Barra do Rio.
negro) (4).
DELPHINUS.....
Ascaris dussumierli.
Ces vers ont été trouvés par Dussumier dans un dau-
phin, à l'ouest des îles Maldives en 1830; ils se trouvent
(1) sage tn Life hage Scenes in Australia. (ANN. NAT. HIST.
Ser. 1, vol. X 41, p. 2
(2) Dai Sy. min, vol. IT, p. 210.
(5) Ibid., vol.
(4) Ibid., vol. I, y SE
( 363 )
dans la collection du Muséum de Paris. C’est évidemment
à tort que Du Jardin les considère comme identiques avec
VAscaris simplex du marsouin (1).
LAGENORHYNCHUS ESCHRICHTH.
Monostoma.
M. le professeur Poelman a trouvé ces parasites dans les
chairs, mais ils n'étaient pas assez bien conservés pour être
étudiés avec quelque soin a
PHOCOENA COMMUNIS.
Ascaris simplex , Rud.
Ce ver est signalé dans l’estomae du marsouin par Ru-
dolphi (5).
Strongylus inflexus, Rud.
Ce ver a été étudié par un grand nombre de naturalistes
qui le placent dans le genre Strongle; Du Jardin le dé-
signe sous le nom de Pseudalius filum, et Diesing le met
dans son genre Prosthecosacter.
La femelle est longue de 175 millimètres, le mâle de
75 millimètres...
Ce ver habite les bronches et les diverses cavités qui
sont en communication avec les bronches, c'est-à-dire la
trachée artère, les fosses nasales et même la trompe d'Eus-
lache.
en
(1) Du Jardin, Hist. nat. des Helminthes, p. 22
(2) Poelman, Bulletin de l'Académie royale de Belgique, 2me série,
t. XVII, p. 604.
(5) Synopsis, 54 et 296.
(Hi)
C'est de tous les parasites des cétacés le plus commun
et le plus souvent observé.
Voyez, pa la bibliographie, Diesing, Syst. helm., wk IL
p. 525.
Strongylus minor, Kuhn.
. Du Jardin désigne ce ver sous le nom de Stenurus in-
flexus.
Il habite le plexus veineux et s'étend Je dans la
cavité tympanique.
Le mále est long de 17 mats. la femelle de 2
millimétres.
Klein parle de ce ver dans son Histoire naturelle des
poissons; il a été observé aussi par paken, Kuhn el, en
dernier lieu, par Rosenthal.
Voyez, pour la synonymie, Diesing, Syst. helminth. y:
vol. 1H, p. 525.
Strongylus convolutus, Kuhn.
Ce ver a été distingué en premier lieu par Kuhn comme
le Minor.
Il habite également les bronches et pénètre dans les
vaisseaux.
La femelle est vivipare et long de 20 millimètres; le
måle n’a qu’un peu plus de la moitié de la femelle.
Voyez également Diesing, Syst. helminth, vol. Il,
p. 524.
Filaria inflexicaudata, v. Sieb.
Ce ver est logé dans des kystes du poumon. On a pensé
que c'étaient de jeunes Strongles, mais M. von Siebold en
a observé en vie et il s'est assuré qu'ils sont sexués, que la
femelle est vivipare et que, si Putérus ressemble à celui
( 565 )
des Filaires, la bourse caudale, qui est propre aux Stron-
gles, manque dans le mâle. Le pénis est court et
double (1).
PHOCOENA COMPRESSICAUDATA.
Cysticercus.....
En débarrassant la tête des chairs, dit Garnot, chirurgien-
major, à propos du dauphin qui fut pris par l'équipage de
la corvette la Coquille, commandée par M. Duperrey, le
27 septembre 1822, à quatre degrés au sud de l'équateur
et à vingt-six degrés de longitude occidentale, nous avons
trouvé dans les fosses nasales une énorme quantité de vers
hydatides (2). Nous ne pensons pas que ces parasites aient
été conservés.
GLOBICEPS MELAS.
Cirolana globicipites.
M. Gervais m'a envoyé. plusieurs individus qui étaient
logés dans les narines d’un individu pris dans la Méditer-
ranée,
Xenobalanns globicipitis
C’est le professeur Steenstrup qui a observé le premier
ces Cirripèdes (3).
„Conchoderma (Otion) Cuvierii ?
Habite la surface du corps.
A nein
(1) Wiegmann's Archiv, Jahresbericht, 1842, p. 347.
(2) Fréd. Cuvier, p. 188.
(5) Ces Cirripèdes ainsi que les Cyames ont été observés par M. Steen-
Strup sur des individus provenant des îles Ferö. Steenstrup, Vidensk.
meddelels, 1849, 1850 et 1852, p. 62,
Me SÉRIE, TOME XXIX. 24
(566 )
Cyamus globicipitis, Lutk.
Comme les autres Cyames, on Pa trouvé à la surface de
la peau.
BELUGA LEUCAS.
Strongylus Pallasii.
Pallas a trouvé des Nématodes rougeátres, longs d'un
pouce et demi, gréles comme une soie, dans la cavité de
la conque de Poreille. N'ayant point de renseignements sur
leur conformation, nous croyons devoir les placer, á cause
de leur genre de vie, avec les Strongles qui vivent dans les
bronches des marsouins.
MONODON MONOCEROS.
Cyamus monodontis et €. nodosus, Lutk.
Ces Cyames sont signalés sur ce cétacé par M. Lutken.
Strongylus (Pharurus) alatus, Leuck.
De la cavité erânienne, probablement du sinus veineux
dit Leuckart. Ce ver a été rapporté par le chirurgien de
marine M. Matt et se trouve au musée de Góttingue (1).
Diesing le place dans son genre Prosthecosacter (2).
En faisant le relevé des animaux hébergés par les cé-
tacés, ce qui frappe d'abord, c’est Pabondance des crus-
tacés qui vivent sur eux en commensaux.
Les cétacés donnent asile à trois sortes d'habitants Crus-
tacés : les commensaux fixes qui sont les plus nombreux,
me
(1) Wiegmann's Archiv, 1848, p. 26.
(2) Syst. helm., vol. IT, p. 324.
( 367 )
les commensaux libres comme les Cyames et les vrais para-
sites qui se colloquent dans la peau el renoncent complé-
tement à leur indépendance.
Les commensaux fixes sont les Cirripèdes qui sont com-
muns sur les baleines des régions tempérées; la baleine du
Groénland qui ne quitte guére les régions glacées est la
seule qui n’en porte point.
Parmi les commensaux libres se trouvent les Cyames
qui se cramponnent à la peau des Mysticètes et sur plu-
sieurs Cétodontes. C'est le seul commensal de la baleine
du Groénland. On a trouvé deux fois des Isopodes com-
mensaux libres.
Les seuls crustacés parasites trouvés sur des cétacés sont
trois ow quatre Penella et un Lerneonema, qui sont incrus-
tacés assez profondément dans la peau.
Les vers parasites ne sont pas, à beaucoup près, aussi
Communs dans les cétacés que dans les poissons ou les
mammifères.
Nous ferons remarquer d'abord qu'on n'a pas trouvé jus-
qu’à présent un ver cestode dans les intestins, si ce n’est
dans un dauphin de la côte du Portugal. Mais comme on
n’a donné aucun détail sur son organisation, il est bon
d'attendre que l’on ait constaté de nouveau sa présence.
Dans deux genres différents Hyperoodon et Delphinus, on
a observé des Cestodes enkystés qui vont, sans doute, se
développer dans quelque grand squale. Le genre de Cestode
que mon fils a découvert dans le dauphin à l’état de scolex
n'a été observé, jusqu’à présent à l’état sexué, que ss le
Squatina et les Mustelus.
Parmi les Trématodes nous trouvons deux Distomes,
dont l’un, en rapport de taille avec l’animal qui Phéberge,
habite le foie et les canaux biliaires, l’autre le canal intes-
tinal
( 568 )
Les vers les plus propres aux cétacés semblent être les
Échinorhynques; on en a trouvé sur six cétacés différents,
et chaque fois ces vers abondaient dans l'intestin. Les
Échinorhynques sont des parasites Nostosites des pois-
sons.
Les Strongles des bronches sont tout aussi communs
dans quelques espèces de Cétodontes.
On a reconnu des Ascaris dans l'estomac de quatre
Cétodontes différents et deux fois des Filaires.
En ‘somme, ce qui caractérise les cétacés , c'est labon-
dance des Cirripèdes et Pabsence de Cestodes dans Pin-
testin, et on peut ajouter que les cétacés forment une
classe à part par leurs parasites comme par leurs commen-
saux.
Sur la viscosité superficielle des lames de solution de
saponine; par M. G. Van der Mensbrugghe , répétiteur à
Puniversité de Gand.
On se rappelle les belles expériences par lesquelles
M. Plateau (1) a démontré que la couche superficielle des
liquides a une viscosité propre, indépendante de la visco-
sité de l’intérieur; d'après les recherches de ce savant,
dans Vean, dans la glycérine, et surtout dans une solution
de saponine, la viscosité de la couche superficielle est
beaucoup plus forte que la viscosité intérieure; dans
RSR nl
(1) Recherches expérim. el théor. sur les figures d'équilibre des liquides
sans pesanteur; 8we série (Mém. de l'Académie royale de Belgique
t. XXXVII).
(369 )
d'autres liquides, tels que Palcool et l'essence de térében-
thine, la viscosité de l’intérieur l'emporte, au contraire,
sur celle de la couche superficielle. Comme ces résultats
ne s'accordent guère avec les idées qui ont généralement
cours à ce sujet, je pense qu'on ne peut assez multiplier
les preuves expérimentales de l'existence de la viscosité
superficielle propre des liquides; c'est pourquoi je vais
décrire quelques faits que j'ai observés incidemment et où
cette propriété se manifeste d’une manière frappante.
Au moyen d’une solution de saponine (une partie en
poids de saponine pure et quarante parties d'eau distillée),
je réalise une lame plane dans un anneau en fil de fer
ayant 50%" de diamètre et porté par trois pieds; je place
lesystème sur le plateau d'un électrophore chargé, puis,
ayant gonflé une bulle de 60"" à 70"" de diamètre, je la
dépose avec précaution sur la lame plane qui se confond
bientôt avec elle, de sorte que la bulle s'appuie sur le con-
tour solide de l'anneau ; après avoir enlevé Pélectricité né-
gative du plateau, je soulève lentement celui-ci; à mesure
qu'il s'écarte du gâteau, l'électricité positive se distribue
en quantité croissante sur la lame liquide; aussi cette der-
nière s'allonge dans le sens vertical et devient de plus en
plus convexe au sommet, repoussée qu'elle est par le fluide
positif du plateau. J'approche alors graduellement le doigt
du sommet de la lame, afin d'y accumuler Pélectricité posi-
live; bientôt la répulsion électrique du plateau, jointe à
l'attraction exercée par le fluide développé dans le doigt,
détermine la rupture de la surface laminaire. Quand Pex-
Périence réussit bien, une calotte plus ou moins grande
de la bulle est seule emportée et se déchire en plusieurs
fragments qui s'élèvent dans Pair à 30 ou 40 centimètres
de hauteur en présentant l'aspect de brillantes lamelles à
( 370 )
parties fortement saillantes; quand Pair n'est pas trop
chargé d'humidité, ces fragments redescendent ensuite en
se balançant comme des morceaux de papier et laissent
toujours des traces liquides aux points où ils tombent. Si
Pair est humide, ces lamelles se contractent en gouttelettes
avant de toucher le sol.
Quant à la portion laminaire qui demeure attachée à
Panneau, la catotte inférieure au plan de celui-ci devient
une lame plane, tandis que le reste de la figure montre le
spectacle étrange d'une lame liquide qui s'appuie, d'un côté,
sur un contour solide et qui offre partout ailleurs un bord
libre et découpé de la
façon la plus irrégu-
lière (voir la figure ci-
contre); la forme des
dentelures varie sans
cesse, et de temps en
temps, on voit s’en dé-
tacher des fragments
plus ou moins grands
qui s'élèvent rapide-
ment;en outre, comme
la surface laminaire
restante n'est pas fer-
mée , elle ne peut plus
étre convexe en tous ses points, puisqu'elle n'exerce plus
de pression; c’est ce que l'expérience confirme malgré lin-
fluence perturbatrice des forces électriques: la lame repré-
sente une portion irrégulière d’une sorte de caténoïde qui
aboutit inférieurement au fil métallique, présente un cercle
de gorge à 12"™ ou 15"" de distance du plan de Panneau el
se termine supérieurement par un bord libre.
( 371 )
Cette singulière figure persiste pendant 20/’ à 30! sui-
vant l'intensité de la charge électrique et l'état hygromé-
trique de Pair ambiant; elle s’affaisse peu à peu, et les
échancrures finissent par atteindre en un ou plusieurs
points le contour en fil de fer. Assez fréquemment la sur-
face laminaire courbe qui survit à la rupture de la bulle ne
demeure pas attachée à la circonférence entière du fil so-
lide; elle s'appuie, dans ce cas, en partie sur la lame plane
qui occupe l’anneau, ou bien encore, elle ne représente
plus qu’une portion de l'espèce de caténoïde décrite plus
haut. 3
Dès que les échancrures ont atteint en plusieurs points
le contour de Panneau, il ne reste plus que des fragments
pareils à des feuilles très-minces de verre ou de mica; ce
qui augmente la ressemblance de ces fragments avec des
lamelles solides, c'est qu’en approchant le doigt à 5 ou
À centimètres de distance de l’un d'eux, et faisant tourner
lentement la main dans un plan normal au fil de fer, on
voit la lamelle suivre constamment les mouvements du
doigt, grâce à l'attraction de l'électricité développée par
influence dans ce dernier; on peut ainsi faire décrire au
fragment un angle considérable autour du fil métallique.
Lorsqu'une lamelle adhérente au contour solide offre une
portion beaucoup moins large près de ce contour qu'ail-
leurs, cette portion se rétrécit de plus en plus, jusqu’à ce
que la partie supérieure se détache violemment par l'effet
de la répulsion électrique.
Il peut arriver que la bulle déposée sur Panneau crève
avant qu’on ait pu faire l'expérience; alors il se produit
parfois un fait analogue à ceux qu’a déjà décrits M. Pla-
teau à Végard de la viscosité superficielle des solutions de
saponine: les deux portions de la lame qui se trouvent au-
(372 )
dessus et au-dessous du plan de Panneau se rapprochent
vivement et emprisonnent entre elles une ou plusieurs cou-
ches d’air très-visibles dans la lame plane qui reste; si des
bulles d’air se trouvaient ainsi engagées dans une lame
d’eau de savon ou de liquide glycérique, aussitôt elles pren-
draient la forme de lentilles divisées en deux parties égales
par le plan de la lame; mais quand on opère avec une so-
lution de saponine, les couches d'air emprisonnées conser-
vent longtemps la figure irrégulière qu’elles offraient au
moment de la jonction des deux portions laminaires, et
c'est à peine si cette figure se modifie avant que la lame
plane se brise.
J'ai obtenu les meilleurs résultats quand la température
était de 15° à 20° et que le temps était sec. Dans ces con-
ditions , il fallait souvent 2 à 3 minutes avant que les der-
niers fragments laminaires se fussent évanouis.
Ainsi que je Pai dit plus haut, les portions laminaires
qui s'élèvent dans Pair, comme celles qui demeurent atta-
chées à l'anneau, ressemblent parfaitement à des lamelles
solides; faut-il attribuer cet effet à une pellicule réellement
solide constituant les deux faces de ces fragments? Pour
résoudre cette question, j'ai reçu quelques lamelles déta-
chées de la bulle sur un morceau de drap, et j'ai toujours
constaté que, presque au même instant, elles se transfor-
maient en gouttelettes liquides. Quant à la figure caténoi-
dale ou aux portions laminaires plus petites qui demeu-
raient adhérentes à l'anneau, je n'avais qu'à toucher du
doigt le plateau et à enlever ainsi l'électricité libre, pour
voir aussitôt cette figure ou ces portions retomber sur la
lame plane occupant l'anneau, ou bien, lorsque celle-ci
était brisée, descendre en tournant autour du fil solide au-
quel elles demeuraient suspendues ; dans ce dernier Cas,
( 575 )
Jai pu suivre la contraction des fragments laminaires jus-
qu'à leur transformation en gouttelettes le long du fil mé-
tallique, Ces expériences prouvent évidemment que j'avais
affaire alors à de véritables lames liquides. Je dois ajouter,
il est vrai, que, lorsque la température était de 16° au
moins et que Pair était sec, j'ai obtenu plusieurs fois des
fragments laminaires qui, au bout de deux minutes, sont
arrivés à une ténuité telle qu’ils présentaient des couleurs;
peu à peu ces couleurs disparaissaient le long d’une bande
voisine du bord, bande qui devenait ensuite noirâtre et se
détachait nettement des teintes inférieures; ayant reçu une
portion de cette bande sur un morceau de drap, je Pai vue
se maintenir sous forme laminaire pendant plusicurs jours,
d'où j'ai conclu que cette portion était véritablement passée
à l’état solide. Mais on se rend parfaitement compte de ce
fait par la circonstance que la lame liquide primitive ayant
une surface très-grande, par rapport à son volume, Péva-
poration de l’eau doit y être très-active, el conséquemment
la saponine solide doit bientôt demeurer seule sous forme
d’une pellicule; je ferai remarquer d’ailleurs que la solution
dont j'ai fait usage était assez concentrée.
Si Pon ne peut invoquer, en général, l'existence d'une
pellicule solide à la surface des lames de solution de sapo-
nine, comment, dès lors, expliquer les phénomènes bi-
zarres que j'ai décrits plus haut? Voici, je pense, la théo-
rie de ces faits : Puisque toute lame liquide est soumise à
une tension égale en tous les points de chacune de ses
faces (1), il s'ensuit que, si cette lame vient à se rompre
en un point quelconque, elle doit obéir aussitôt à la force
contractile qui la sollicite de toutes parts et s’annuler avec
(1) Voir le mémoire déjà cité, $ 4.
( 374 )
une vitesse d'autant plus considérable que les molécules
liquides peuvent se déplacer plus facilement les unes par
rapport aux autres. Dupré de Rennes a même calculé la
vitesse des particules liquides dans une lame qui se con-
tracte ainsi après qu'on Va crevée; malheureusement,
comme Pa déjà remarqué M. Plateau (1), il ne pouvait être
tenu compte, dans ce calcul, de la viscosité superficielle
des liquides ; or, cette propriété exerce une influence très-
notable et parfois prépondérante sur le phénomène dont il
s'agit; par exemple, tandis que, dans une lame de liquide
glycérique qui a pour tension 6, la vitesse de retrait est
tellement grande que l'œil ne peut suivre les phases de la
contraction, les lames d'une solution de saponine, dont la
tension est environ 8,se contractent assez lentement pour
qu'il soit possible de les voir diminuer graduellement en
surface jusqu’à leur annulation complète. Cela étant, si une
bulle de solution de saponine est déposée sur un anneau
porté lui-même par un conducteur électrisé, elle est néces-
sairement soumise à la répulsion du fluide composant la
charge; quand on approche le doigt, il se développe, en
outre, une forte attraction qui ne tarde pas, on le comprend
sans peine, à rompre la lame; les portions qui s’en déta-
chent emportent chacune une certaine quantité de fluide
électrique, en vertu de laquelle elles s'éparpillent autour
de Pappareil, et qui se perd d'autant moins vite dans Pair
que celui-ci est plus sec; si, pendant leur mouvement de
descente, ces portions continuent à conserver la forme
laminaire, c'est que l'extrême difficulté avec laquelle les
molécules superficielles se déplacent les unes par rapport
aux autres, augmentée de la petite tension électrique des
(1) Voir le mémoire déjà cité, $$ 12 et 52.
(375)
lamelles, neutralise la tension des deux faces et la grande
pression capillaire qui règne le long de leurs bords.
Quant à la figure caténoïdale ou aux lamelles qui demeu-
rent attachéesá Panneau, elles continuent á subir Paction
répulsive du fluide du conducteur, et cette action, jointe
à la viscosité superficielle du liquide , peut être assez éner-
gique, non-seulement pour empêcher le mouvement de
contraction des lamelles, mais encore pour en détacher
de petits fragments qui montent rapidement et redescen-
dent ensuite comme les portions dont je viens de parler.
Si l'explication précédente est exacte, il est évident que les
fragments doivent se contracter davantage, à mesure que
la tension électrique du conducteur diminue; c'est ce que
l'expérience vérifie pleinement; la figure caténoïdale s’af-
faisse d'autant plus vite que l'état hygrométrique de Pair
est plus élevé. Enfin, on comprend immédiatement que si
Pon enlève l'électricité du plateau , la figure laminaire uni-
que ou les lamelles partielles tombent et s'évanouissent
comme je Pai décrit.
ll está peine nécessaire d'ajouter que, au lieu de placer
l'anneau à trépied sur le plateau d'un électrophore, on
pourrait le déposer sur le conducteur d'une machine élec-
trique ordinaire; ce procédé a même l'avantage de fournir
une tension électrique à peu près constante et permet d'ob-
tenir des surfaces liquides également inclinées le long du
contour de l’anneau. Dans la figure représentée plus haut,
Jai supposé les répulsions électriques partout également
intenses autour du système de l'anneau et de la bulle; si
ces répulsions ne sont pas égales, ct c'est ce qui arrive le
plus souvent, la lame caténoïdale est plus inclinée d'un
côté que de l'autre.
( 376)
Sur une pluie de substance jaunátre à Gênes, dans la
matinée du 14 février 1870; extrait d’une lettre de
M. G. Boccardo, directeur de l’Institut technique de
cette ville, à M. Ad. Quetelet.
« … Dans la matinée du 14 de ce mois les terrasses de
l'Institut technique de Gênes, que j'habite, furent cou-
vertes; en plusieurs endroits, d'une substance jaunátre;
j'en recueillis une certaine quantité, et avec mon collègue,
M. le docteur Castellani, professeur de chimie, j'ai pensé
qu'il pouvait être utile d'en faire une étude scientifique.
» Notre premier objet a été de rechercher si l'analyse
qualitative nous révélerait dans ces substances terreuses la
présence d’organismes. En les faisant bouillir, à cet effet,
dans l’eau distillée, laissant reposer et puis décantant , nous
avons maintenu le liquide, dérivant du traitement, en
ébullition avec le réactif de Dupasquier , c'est-à-dire avec
le chlorure d'or, dans un petit creuset de porcelaine, dont
les bords ne tardèrent pas à se revêtir d'un voile léger d'or
métallique réduit, ce qui dénote l'existence de matières
organiques.
» En traitant une portion des substances par la méthode
Berthier, c’est-à-dire en les calcinant fortement avec la
litharge, nous avons obtenu un bouton de plomb d’un poids
assez notable, ce qui acheva de nous prouver la présence
de matières organiques, dans des proportions très-consi-
dérables.
» Une autre portion du résidu a été calcinée avec de la
chaux sodiée, et Pammoniaque s’est immédiatement an-
noncée avec ses propriétés caractéristiques.
( 377 )
» L'analyse quantitative nous a donné les résultats
suivants :
sn a 6,490
Matières nées waa 6,611
Sable siliceux et ze pe PARA en
petite quantité. , 65,618
Oxyde de fer . . A D a E re
Carbonate de hatos. Se ee 8,589
100,000
» Observées très-soigneusement au microscope,
poussiéres nous ont révélé la présence de :
Nombreux globules sphériques ou irrégulièrement
ovoides, de couleur bleu de cobalt;
Corpuscules semblables à des spores de Pezize ou de
Permospore;
Une spore de Demaziacée ou de Sphériacée;
Un fragment de Forulacée (?);
Corpuscules d'une couleur perle, zonés concentrique-
ment, vraisemblablement de petits grains de fécule;
Gonidiens de Lichens;
Fragments très-rares de melosire, Diatomacée;
Spores d'une couleur brune olive;
Fragments de Diatomacée;
es très-rares de filaments d'Oscillaria;
pai — dVUlothrix;
ee — — de Melosira varians;
Un fragment de Synedra;
Un poil clypéiforme de feuille d'olivier.
» Si, au lieu de recueillir la terre dans la matinée du
14, lorsqu’elle avait déjà subi l’action de la pluie tombée
pendant plusieurs heures, j'avais pu observer le phéno-
(378 )
méne pendant la nuit au moment méme oú il se produi-
sait, il est très-probable que le microscope aurait mis en
évidence plusieurs espèces d’infusoires, comme cela est
arrivé en un grand nombre de cas semblables.
» Je ne possède pas de données exactes sur les condi-
tions anémométriques , thermométriques et barométriques
au moment où le phénomène a eu lieu. Tout ce que je puis
dire, c’est que le vent à Gênes, dans la nuit du 13 au 14
(sans être justement un ouragan et de rhombes différents,
comme il avait été pendant les jours précédents), soufflait
- très-fortement du sud-est, La température exceptionnel-
lement basse des jours précédents s'était élevée, et je ne
crois pas qu’elle soit descendue dans cette nuit au-dessous
de + 4°R. Les journaux nous ont appris que les 13 et 14
une tempête a dévasté les côtes de la Sicile.
» Ayant publié, le jour même de ma première observa-
tion, le 14 février, une note dans un journal génois (le
Movimento), j'ai vu dernièrement avec plaisir que plu-
sieurs autres physiciens (entre autres MM. Molfino, de
Rapallo et M. Denza, de Moncalieri) ont fait des observa-
tions analogues.
» Je crois devoir m’abstenir pour le moment de toute
hypothèse sur les causes du phénomène. L'idée que les
poussières dont il s'agit peuvent nous être venues des
côtes de l'Afrique , idée que le P. Denza admet sans dis-
cussion, je. Pai eue d'autant plus spontanément que je
conservais dans mes souvenirs les plus récents l'image de
la couleur caractéristique des plaines du Nil que je venais
de visiter pour la deuxième fois et qui ne diffère pas de
celle des terreaux que je viens de cueillir à Gênes.
» Nous ne devons pas oublier cependant que, selon la
théorie de la circulation atmosphérique de Maury, Ces
(379 )
poussières peuvent très-bien avoir fait un bien. plus long
voyage avant d’avoir touché le sol d'Italie, en venant d'au
delà de l'Atlantique, comme celles qui, en 1846, se sont
répandues depuis la Guyane jusqu'aux Açores, sur la
France méridionale et Pltalie tout entiére. »
Note sur le Byrsax (BOLETOPHAGUS) GIBBIFER Wesmael,
el sur la place qu'il doit occuper dans la classification
actuelle de la tribu des Bolitophagides , par M. A. Preud-
homme de Borre, conservateur au Musée royal d'his-
toire naturelle de Bruxelles.
En 1836, le vénérable doyen de l’entomologie belge,
M. C. Wesmael, publia la description et la figure d'une
espèce de coléoptère hétéromère, de Pile de Java, d'après
deux exemplaires faisant partie de la collection de M. le
vicomte Du Bus de Gisignies (1).
Cette espèce n'est certainement pas commune, car
M. Lacordaire, lorsqu’il énumérait les espèces à lui con-
nues du genre Bolitophagus (2), la passa sous silence; et
ce fut seulement dans les additions qui terminent le
9" volume de son grand ouvrage (3), qu'il en fit men-
tion, en signalant son rapprochement probable du B. cor-
nutus Fabricius, espèce de l'Amérique boréale, dont il
avait annoncé Vopportunité de faire un genre nouveau.
—
(1) Bulletins a l'Académie royale des sciences et belles-lettres de Bel-
gique, t. Ip
(2) este des s oiga, t. V, p. 295,
(3) Ibid. p
( 580 )
Éfetivements ni l’une ni l’autre des deux espèces, ainsi
que je vais le dire, ne peuvent rester dans l’ancien genre
Bolitophagus; mais, contrairement à ce que pensait mon
savant maître, elles ne peuvent pas non plus rester dans
un même genre.
Les divisions à établir dans le genre Bolitophagus, indi-
quées aux entomologistes par M. Lacordaire, ne pouvaient
manquer d’être promptement réalisées, aujourd'hui que
Pon établit tant de genres, et souvent sur de bien autre-
ment faibles différences de structure.
Mon excellent ami, M. le D' Candèze (1) créa en 1861
le genre Bolitotherus, auquel il donna pour type le Boli-
tophagus cornutus Fabr., en y joignant une autre espèce
de plus petite taille, de Pile de Ceylan, le B. quadriden-
tatus Candèze. Les principaux caracteres de ce genre sont
d'avoir les antennes de dix articles, les yeux non complé-
tement divisés, les élytres parallèles, très-déclives sur les
côtés, sans marge foliacée. En 1862 (2), M. J. Le Conte,
dans son ouvrage intitulé : Classification of the Coleoptera
of North America, prepared for the Smithsonian Institu-
tion, March 1862, p. 256, prit aussi le B. cornutus pour
type de son genre Phellidius.
Un peu auparavant, M. Pascoe (3) avait établi, sur une
mm
(1) Histoire des métamorphoses de quelques coléoptères exotiques ;
Liége, 1861, p. 41, pl. IH (MÉM. DE LA Soc. ROY. DES SCIENCES DE LIÉGE »
t. XVI),
(2) Le travail de M. Candèze a paru en 1861. C'est donc bien à tort,
me paraît-il, que M. Pascoe (On new Genera and Species of Tenebrio-
nidae from Australia and Tasmania, p. 3, note) attribue la priorité au
nom de M. Le Conte
(3) On some new or little known Genera and Species of Coleoplera,
dans : Journal of Entomology for April 1860.
( 581 )
espèce de Singapore ( Byrsax coenosus ) un nouveau genre
Byrsax, qu’il rapportait à la famille des Colydiens. Pos-
térieurement, M. Pascoe, comprenant mieux les analogies
de ce genre, à la suite de la découverte de deux autres
espèces australiennes (B. Macleayi et B. egenus ), reconnut
qu'il devait aussi prendre place parmi les Bolitophagides (1).
À cetle occasion, M. Pascoe fit la remarque que ce
genre Byrsax devait encore comprendre d’autres espèces,
notamment le Diaperis horrida Oliv. (2), espèce de File
de Ceylan, dont la ressemblance avec le Byrsax coenosus
ne lui avait déjà pas échappé, lorsque, croyant les tarses
des Byrsax tétramères (3), il en faisait encore des Coly-
diens. Enfin M. Pascoe émettait encore l'opinion que le
Boletophagus gibbifer Wesmael, de Java, pouvait fort
bien être identique avec le Byrsax coenosus Pascoe, de
Singapore. Il suffit pourtant de comparer les descriptions
Pour s'assurer que ces deux espèces sont différentes , ainsi
que je Pétablirai à l'instant, Je ne parle pas des figures;
celle que M. Wesmael a donnée est assez bonne, mais
celle de M. Pascoe (4) doit être très-défectueuse et ne ré-
pond aucunement à sa description.
Pour achever, en passant, l'histoire des genres établis
dans la tribu des Bolitophagides, par démembrement de
l'ancien genre Bolitophagus ou Boletophagus (5), je ci-
med
1) On some new or little known Genera and Species of Coleoptera,
dans : Journal of Entomology , n° XIV, 1866,
(2) Entomologie, t. I, ne 55, p. 5; pl. I, fig. 5
(5) Le premier article des tarses antérieurs et intermédiaires est extré
mement petit et blotti dans la cavité cotyloide du que ve Wesmael en
faisait déjà la remarque (Bull. Acad. de Belg., t. MI, 15).
(4) Journal of Entomology, 1860, pl. HE, fig. 7
(5) On a écrit des deux manières. J'ai donné a préférence à l'ortho-
graphe adoptée dans le Genera des Coléoptères.
2%" SÉRIE, TOME XXIX.
25
( 582 >)
terai le genre Boletoxenus, établi par M. de Motschoulski
sur une espèce du pays des Birmans, á peine caractérisé,
comme le sont malheureusement le plus souvent les genres
de cet auteur, puis les genres Ozolaïs, Ilyxerus el Orco-
pagia, successivement publiés par M. Pascoe (1), qui en:
annoncait la publication d'autres; peut-être ceux-ci ont
déjà vu le jour au moment où j'écris (2).
Parmi ces genres, trois, ainsi que M. Pascoe en fait la
remarque (5), ont les antennes de dix articles (Bolito-
therus Candèze, de VAmérique du Nord et de Cevlan;
Ozolaïs Pasc., de "Amazone, et Orcopagia Pasc., de PAus-
tralie). Les autres ont des antennes de onze articles,
comme les Bolitophagus génuins.
Pendant -ce temps, qwWétaient devenus les deux types
de la description de M. Wesmael? La collection de M. le
vicomte Du Bus ayant été acquise par le Musée royal de
Bruxelles en 1847, ils devaient apparemment faire partie
des collections de cet établissement. Mais, perdus aussi
complétement de vue, on pouvait craindre qu’ils n'eussent
péri. Je fus done très-heureux d'en retrouver un, au mi-
(1) Journal pe eneen 1866, et Annals and Magazine of Na-
tural History, |
(2) Au iede ee mettre sous presse, j'ai recu de M. Pascoe un nouveau
travail, publié par lui dans les Annals and Magazine of Natural History
for February 1870. 11 y établit, sur une espèce du Queensland, un nouveau
genre de Bolitophagides à antennes de dix articles, le genre Mychestes,
remarquable par la brièveté du métasternum.
M. Pascoe décrit également une nouvelle espèce australienne du genre
Byrsax, le B.saccharalus. Les élytres de cette espèce sont remarquables
par le grand nombre de leurs gibbosités , savoir : deux tubercules coniques
à la base, de chaque côté, puis, le long de la suture, une ligne de quatre
ou cinq g iodi tubercules triangulaires , dont le dernier est le plus grand,
et enfin une rangée de six tubercules plus pe sur le versant latéral de
chaque élytre. Cette espèce est aussi du Queens
(3) On new Genera and Species of o from Australia ,p. 5-
( 585 )
lieu de boîtes contenant un mélange de coléoptères non
classés. Une étiquette, écrite de la main de M. Wesmael,
ne pouvait laisser aucun doute. L'exemplaire a souffert;
il n’a plus ni abdomen, ni pattes postérieures; mais, à cela
près, il en reste encore beaucoup Plus qu'il n'est néces-
saire pour établir la place que lui assignent les nouvelles
découvertes dont j'ai esquissé ci-dessus la succession.
” Comme le présumait M. Pascoe, c’est bien un Byrsax.
ll en a la forme subhémisphérique, les élytres fortement
tuberculeuses, avec un rebord aplati et crénelé, les an-
tennes de onze articles (1), les yeux simplement entamés
par les joues, enfin tous les caractères que j'ai pu suivre
sans aller jusqu'à la dissection des parties de la bouche.
Mais ce n'est point le Byrsax coenosus, qui a trois tuber-
cules ou bosses de chaque cóté de la suture sur chaque
élytre, tandis que le gibbifer n'en présente que deux (2).
Chez le B. Macleayi, d'Australie, les cornes du mâle,
Suivant M. Pascoe, se recroisent l’une sur l’autre à leur
sommet, qui est aminci. Chez l’espèce de M. Wesmael,
elles restent séparées par un notable intervalle à leur
sommet, qui forme un élargissement aplati ou empaumure.
Quant à la seconde espèce australienne, le B. egenus
Pascoe, il n’y a pas même pour ainsi dire de comparaison
à établir. Chez celui-ci, en effet, les protubérances que
présentent les élytres chez les autres espèces sont rem-
a ea.
) Par une erreur du graveur sans doute, la figure donnée par M. Wes-
mael présente dix articles à une antenne et onze à l’autre.
(2) La figure publiée par M. Wesmael indique en arrière et au point où
commence la déclivité postérieure de Vélytre, une troisième paire de .
protubérances très-peu marquées. Ce doit être encore une erreur de Ju
gravure, car l'exemplaire que j'ai sous les yeux ne présente rien de sem-
blable, et M. Wesmael, dans sa description, ne compte que quatre bosses.
(384 )
placées par des tubercules en petit nombre, disposés en
séries, et dont le plus fort est situé vers l'épaule.
D'aprés un exemplaire femelle que je possède, et qui
provient des chasses de M. Nietner dans l’île de Ceylan, le
Byrsax (Diaperis) hoFridus Oliv., auquel je crois pouvoir
rapporter cet exemplaire , aurait six protubérances dorsales
aux élytres comme le B. coenosus.
Le coléoptère décrit en 1836 par notre savant compa*
triote semble done bien distinct de toutes les autres espèces
décrites depuis. Sa place est dans le genre Byrsax, où il
est plus voisin des espèces de Ceylan et de Singapore que
des deux espèces australiennes.
Je ne puis, en terminant, m'empêcher de regretter que
M. Pascoe, qui, par son infatigable persévérance à décrire
les formes inédites qui abondent dans les collections an-
glaises, rend tant de services à la science, publie des des-
criptions si brèves, qu’elles laissent bien souvent son
lecteur dans une grande perplexité. Celle du Byrsax coe-
nosus notamment est beaucoup trop concise, et j'aurais
été fort excusable de rapporter à cette espèce la femelle de
Ceylan que j'ai sous les yeux, et qui, cependant, ne lui
appartient certainement pas. Si cette confusion est pos-
sible dans un genre où les espèces ont des formes aussi
bizarres et partant aussi spéciales à chacune d'elles, que
doit-il arriver pour ceux où les espèces ne se différencient
que par des nuances très-délicates ?
— M. d'Omalius a fait une communication verbale sur
les théories physiologiques nouvelles. Des considérations
ont été émises sur ce sujet par différents membres de la
Compagnie.
( 585 )
CLASSE DES LETTRES.
Séance du 4 avril 1870.
M. E. Deracoz, directeur.
M. Ab. QueTELET, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. Ch. Steur, J. Grandgagnage, J. Rou-
lez, P, Gachard, Ad. Borgnet, Paul Devaux, P. De Dec-
ker, F.-A. Snellaert, J.-J. Haus, M.-N.-J. Leclercq,
M.-L. Polain, Ch. Faider, le baron Kervyn de Letten-
hove, R. Chalon, Ad. Mathieu, Th. Juste, le général
Guillaume, Félix Nève, Alph. Wauters, H. Conscience,
membres; Nolet de Brauwere Van Steeland et Auguste
Scheler, associés.
MM. L. Alvin et F. Stappaerts, de la classe des beaux-
arts, et M. Ed. Mailly, de la classe des sciences, assistent
à la séance.
CORRESPONDANCE.
La classe apprend avec regret la mort de deux de ses
associés, M. le comte Ch. de Montalembert, décédé à
Paris le 13 mars dernier, et M. C.-H. Rau, décédé à Hei-
delberg le 18 du même mois.
— M. le Ministre de l'intérieur adresse, tant au nom
( 586 )
de son département qu’en celui de M. Pabbé Van Drival,
d’Arras, différents ouvrages qui seront annoncés au Bul-
letin.
M. Th. Juste offre les deux ouvrages suivants : 1° La
Belgique indépendante (1830-1865), 4 vol. gr. in-8°
illustré formant suite à la 3° édition de son Histoire de
Belgique; 2° Les élections dans l'antiquité, 1 broch. in-8°.
= M. A. Scheler présente un exemplaire de ses Etudes sur
la transformation francaise des mots latins, in-8°.
Une pièce de vers, par M. Ad. Mathieu, portant pour
titre: Sur la tombe d'un e est également offerte par
Pauteur.
— L'Institut royal grand-ducal de Luxembourg transmet
le tome XXIV de ses publications.
Des remerciments sont votés pour ces dons.
ÉLECTIONS.
La classe arréte définitivement, dans sa teneur at-
tuelle, la liste de présentation aux places vacantes pour
les élections du mois de mai prochain.
( 587 )
RAPPORTS.
Quelques mots à propos de la juridiction disciplinaire des
corporations communales au X Y? siècle, par M. Edmond
Poullet.
Rapport de M. Thonissen.
« L'existence du droit de juridiction disciplinaire, au
sein des corporations communales du moyen âge, est
connue depuis longtemps. M. Ed. Poullet lui-même, dans
ses savantes études sur le droit pénal de l’ancien duché de
Brabant, deux fois couronnées par la classe des lettres, a
eu soin de rappeler que les doyens et les jurés des Ser-
ments, de même que ceux des corporations d’arts et mé-
tiers, exerçaient ce droit à l'égard de tous les membres de
leurs associations. Mais quelles étaient la nature et les
limites de cette juridiction exceptionnelle? Comment
Sexercait-elle? En quoi consistaient les actes qu'elle avait
à réprimer? Quelles pénalités servaient de sanction à ses
sentences? Nous ne croyons pas que ces demandes, si
intéressantes pour l’histoire de nos fières et libres com-
munes flamandes, aient jamais fait l'objet d'une étude
Spéciale et vraiment juridique.
La notice que la classe a bien voulu soumettre à notre
examen vient en partie combler cette lacune.
Il existe aux archives de Malines un manuscrit conte-
nant le libellé de toutes les condamnations disciplinaires
prononcées, pendant plus d'un siècle, contre les membres
( 588 >)
du Grand-Serment de Parbaléte. La première remonte à
1455, la dernière date de 1542, et toutes nous fournissent
des renseignements d'autant plus complets que, pour
chaque cas particulier, le dispositif du jugement est pré-
cédé d'une narration détaillée des faits de la cause. I est
probable que des registres analogues existent dans les ar-
chives de la plupart de nos villes; mais, à coup sûr, aucum
d'eux ne sera ni plus complet ni plus intéressant; aucun
deux, grâce aux faits sans nombre consignés dans les
qualités qui précèdent les condamnations, ne pourra mieux
servir de base à une investigation scientifique.
C'est la quintescence de ce précieux manuscrit que
M. Edm. Poullet nous présente dans la notice intitulée :
Quelques mots à propos de la juridiction disciplinaire des
corporations communales au XV: siècle.
Après avoir consacré quelques pages à l’histoire du
Grand-Serment de Parbaléte de Malines, l'auteur recher-
che et expose l’organisation du tribunal disciplinaire de
cette influente corporation. Il passe ensuite successive-
ment en revue les principes qui réglaient la compétence
du tribunal, la procédure qu'on y suivait, l'importance
de son action au point de vue de l’état moral de l'époque,
les principaux délits qu'il était chargé de réprimer, les
peines qu'il avait à sa disposition et le mode d'exécution
de ces peines. La notice se termine par une série d'exem-
ples destinés à faire ressortir les rapports existant entre
les infractions el les-chátiments.
La classe connait la persévérance et la sagacité que
M. Edm. Poullet a déployées dans Pétude des annales de
notre ancien droit pénal. Il en fournit une preuve de plus
dans ces nouvelles recherches qui, malgré leur caractère
en quelque sorte local, peuvent servir de complément à ses
«
(389 )
travaux antérieurs. Un tableau lucide et complet, où nous
voyons la juridiction disciplinaire des vieilles corporations
flamandes se mouvoir pendant plus d’un siècle, est une
page d'histoire que tous les amis de nos institutions na-
tionales sauront apprécier.
Nous croyons qu'il y a lieu d'adresser des remerciments
à l’auteur et d'insérer la notice dans le Bulletin de l'Aca-
démie. »
Conformément aux conclusions de ce rapport, la classe
vote impression du travail de M. Edmond Poullet dans
les Bulletins.
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
Les derniers moments de Jeanne la Folle (4); notice
par M. Gachard, membre de l’Académie.
La nature, qui avait doué Jeanne d'Aragon d'un carac-
tère viril, lui avait donné aussi une constitution robuste.
Ni les tourments qu'une jalousie poussée à Vextrême lui
avait fait endurer pendant son mariage, ni la douleur que
lui avait causée la mort de son époux, ni l'étrange manière
de vivre dont elle s'était fait une habitude et le peu de soin
qu'elle prenait de sa santé depuis que sa raison s'était ob-
scurcie, ni les ennuis de son long séjour à Tordesillas,
n'avaient altéré d'une manière sensible la force de son tem-
(1) Fragment d'une bistoire inédite de Jeanne d’Aragon.
(390 )
pérament. Elle avait atteint ainsi sa soixante-seizième
année.
Des symptômes significatifs annoncaient cependant que
sa fin.ne devait plus être éloignée. Il y avait deux années
déjà qu’elle souffrait d'une enflure des jambes qui l'avait
rendue pereluse au point qu'elle ne quittait plus les cous-
sins sur lesquels elle reposait (1). Des bains locaux étaient
le seul remède dont elle usát contre ce mal; on avait vai-
nement essayé de lui en faire employer d’autres.
Vers le milieu du mois de février 1555, après un “bain
plus chaud que de coutume, il lui vint, à une épaule et au
bas des reins, des plaies qui lui causèrent des douleurs cui-
santes: c'était une suite de Ja corruption des humeurs en-
gendrée par l’état d'immobilité où elle se tenait depuis si
longtemps. Elle avait pour médecin le docteur Santa Cara,
navarrais; elle savait, par une longue expérience, com-
bien il lui était dévoué : mais elle n’écoutait ses conseils ni
(1) Le marquis de Denia écrivait à Charles-Quint,
Le 8 avril 1552: « Su Alt: tiene salud, re está enpedida de
» las rodillas » (Arch. de Simancas, Esta: „89
Le 4 mai de la même année : « Le ha (à yi de ede un umor en las
» ne de en no se puede menear » {Ibid );
s 1355: « Su Alteza está de la manera que à Y. Mi tengo
n sermo H moza que le ha ur en las piernas la tiene tan impedida
e no se mueve de sobre sus almohadas, y à esta causa siempre crece la
» Focal 1d en el servicio y tratamiento de su real persona, porque no hay
» hórden con Su Alteza ge tome algo de mas alivio, teniendo mayor
» necesidad » (/bid., leg. 1
Le 13 mai 1554: « Lo que al presente ay que decir es lo que otras vezes,
» que Su sin está tan tullida que no se mueve de sobre unas almob: i=
» das » (Ibid
Voir aussi, se les Appendices, w V, la lettre du docteur Santa Cara
à l'Empereur.
(391 )
wobservait ses ordonnances, et pour rien au monde elle
ne se serail laissé visiter par lui; elle répugnait même,
tant était profond en elle le sentiment de la pudeur, à mon-
trer ses plaies à la marquise de Denia, femme du gouver-
neur de sa maison, qui lui prodiguait des soins assidus.
Son humeur devenait de plus en plus difficile, et le mar-
quis eut beaucoup de peineá la faire coucher sur des mate-
las, où elle reposait avec moins d'incommodité que sur les
Coussins qui lui servaient habituellement de lit : elle s’y
refusa d’abord, et ne céda qu'après qu'il lui eut donné à
entendre que, si elle s'obstinait dans son refus, ses femmes
useraient de la force pour ly obliger.
ll arriva pourtant que le besoin de faire laver ses phai
l'emporta sur ses scrupules: la marquise et le docteur pro-
fitèrent de ce moment-là pour les observer, sans qu’elle pút
s’en apercevoir. Santa Cara prescrivit une substance qu'on
méla à l’eau dont elle se servait, en prenant la précaution
de le lui laisser ignorer. Elle Sen trouva bien; au bout de
sept ou huit jours les plaies se fermèrent: mais l'appétit et
le sommeil commencèrent à lui faire défaut; ses forces
déclinaient à vue d'œil.
Son état s’aggrava dans la seconde quinzaine de mars.
Comme elle couchait continuellement sur le même côté,
Sans se mouvoir de facon quelconque pendant plusieurs
jours de suite; qu’elle ne permettait pas qu’on lui lavát le
Corps, qu’on la changeát de linge, qu’on renouvelàt son
lil, aussi souvent que cela eût été nécessaire, les plaies qui
s'étaient cicatrisées se rouvrirent, et, à côté de celles-là, il
en apparut d'autres, entre lesquelles il y en avait une d'un
caractère gangréneux. Le docteur Santa Cara fit usage, pour
guérir cet ulcère, d’abord d’une application d'onguent
égyptiac, ensuite de quatre cautéres de feu; il parvint
(392 )
ainsi à se rendre maître de Pinflammation: mais la pauvre
reine endurait des douleurs cruelles; elle poussait des gé-
missements qui faisaient retentir les voûtes du palais (1).
Des saignées, des remèdes internes, auraient pu la sou-
lager beaucoup, en la faisant moins souffrir : son médecin
se voyait, avec tristesse, dans l'impossibilité d’y avoir re-
cours; elle ne voulait pas en entendre parler (2).
Dès l'invasion de la maladie, le marquis de Denia s'était
transporté à Valladolid, pour en donner connaissance à la
princesse doña Juana et linstruire de bien des choses
qu'il ne: pouvait guère confier au papier. Jl avait soin de
lui rendre compte journellement de la situation de la
reine. La princesse, apprenant que la vie de son aïeule
était en péril, lui fit demander la permission d’aller la
voir. La réponse qu’elle en reçut ne fut pas conforme à
son attente; elle partit néanmoins pour Tordesillas, Sy
faisant accompagner des médecins et des chirurgiens les
plus en renom qu'il y eût à Valladolid. Introduite dans la
chambre de la reine, elle la vit un instant á peine, la ma-
lade, loin de se montrer sensible à cette marque d'atta-
chement et de respect, ayant exprimé la volonté que Sa
petite-fille s'en retournât incontinent.
Bien que sa visite eút été de peu de durée, doña Juana
avait pu s'assurer que l'heure fatale approchait. Elle écri-
vil au père Borja, qui revenait d'un nouveau voyage en
Andalousie, pour le prier d'assister la reine à ses derniers
mm, OT
(1) SanpovaL, Historia de Carlos V, t. IN, p. 567.
(2) Lettres du marquis de Denia au prince Philippe, roi d'Angleterre, des
2 et 16 mars, et à l'Empereur, des 2 et 17 mars 1555; lettre du docteur
Santa Cara à l'Empereur , du 10 mai 1555 : Appendices, n° 1, IE, m,y
el V.
(993)
moments; plusieurs autres religieux furent envoyés par
elle à Tordesillas dans le même but (1).
Borja s'empressa de répondre à l'appel de la princesse;
et cette fois encore, sa douceur, son éloquence, le don de
persuader qu'il avait recu du ciel, triomphèrent de la répu-
gnance de la reine pour tout ce qui pouvait lui rappeler
ses devoirs envers son Créateur. Sourde d'abord á ses ex-
hortations, Jeanne leur préta peu á peu Poreille, et finit
par prendre plaisir á les écouter; un changement extraor-
dinaire se manifesta en elle; sa folie se calma; on l'enten-
dit exprimer ses regrets des torts qu’elle avait eus, déplorer
ses égarements d'esprit. Borja Vengagea à dire le symbole
des apôtres; elle le redit après lui. Elle lui fit sa confes-
sion, s'expliquant sur ses fautes avec autant de sens que
de repentir. I) semblait que la raison, dont elle avait été
(1) « ..... La señora princesa la fué à visitar, y la mandó luego bolver;
y assi se vino, dexando proveydo de médicos y cirujanos y las otras cosas
necesarias para su salud; y mandó yr á estar allí al duque de Gaudía y otros
religiosos para que se hallen à su muerte..... » (Lettre du secrétaire Juan
Vazquez au prince Philippe, du 9 avril 1555 : Arch. de Simancas, Estado,
e 08.)
Een Con los correos passados serivió à V. M4. el marqués de Denia la
o en que quedava la reyna mi señora. Y como yo ví que
estava assí, embié à pedir licencia á Su Alteza para yrla à pe y aunque
se escusó dello, todavía viendo que el mal yva tan adelante, fuí allá y la
ví; y porque paresció que recebia pesadumbre con mi estada allá, me bolví
con su licencia, dexando proveydo de los cirugianos y médicos necessarios `
para su indispusicion; y tambien embié luego á buscar al duque Francisco
Para que estuviese con Su Alteza y se hallase con ella para lo que
suceder; el qual vino, y se truxeron allí tambien otros buenos religiosos,
porque no se, dexase de hazer la diligencia que convenia á lo que tocava á
su ánima..... » (Lettre de la princesse doña Juana à l'Empereur, du 15 avril
1535: Ibid. leg. 109 9.)
(394 )
pendant si longtemps privée, lui fût tout à coup reve-
nue (1).
Borja, la voyant dans ces salutaires dispositions, s 'apprè-
tait à lui administrer les derniers sacrements; un scrupule
Parréta. Après tout ce qui s'était divulgué de la démence
de la reine, n’était-il pas à craindre, si on lui donnait le
saint viatique , que le publie n’en fût scandalisé? Ce doute
lui suggéra l’idée, qu'il proposa au marquis de Denia et
qwadopta le marquis, de consulter, sur le point de savoir
si Pon pouvait et devait administrer á la reine tous les
sacrements de l'Église, la faculté de théologie de Sala-
manque et, en particulier, l'éminent docteur de cette
faculté fray Domingo de Soto, de l’ordre de Saint-Domi-
nique (2) : Soto était regardé dans toute l'Espagne comme
une des lumières de l'Église; il avait émerveillé, par sa
science, les pères du concile de Trente; il avait été con-
fesseur de l'Empereur. Un courrier fut expédié à Sala-
manque. Cédant aux pressantes instances du marquis, le
savant dominicain vint en toute hâte à Tordesillas. Arrivé
dans cette ville le 11 avril au matin, il fut immédiatement
conduit chez la reine, qu'il entretint d’abord en présence
des personnes dont elle était entourée , et ensuite sans té-
moins; il fut édifié des paroles qu'il entendit sortir de sa
bonche. Ces entretiens le convainquirent que Jeanne était
dans une situation d'esprit convenable pour que les sacre-
ments lui fussent administrés; seulement il appréhenda que
la malade ne recût difficilement celui de l'eucharistie,
(1) CrexrurGos, La heroyca vida, fret 5 milagros del grande
S. Francisco de Borja, ete. , 1717, in-fol.,
(2) Ibid.
x
(395 )
et il conseilla de recourir plutôt à l'extrême-onction (1).
Heureux de voir son sentiment partagé par un aussi
grand docteur, le P. Borja se remit à l’œuvre avec un re-
doublement de zèle. 1 confessa de nouveau la reine; il
essaya de lui donner le viatique: des vomissements répétés
de la malade y ayant mis obstacle, ainsi que le P. Soto
l'avait prévu, il Jui administra Vextréme-onction, qu'elle
reçut avec des marques signalées de piété (2). Cela se pas-
sail dans la soirée du 11. Le moment était solennel; il était
évident que la reine n'avait plus que quelques instants à
vivre : depuis plusieurs jours, la fièvre ne la quittait pas;
le dégoût s'était emparé d'elle; de nouvelles plaies lui étaient
survenues en*des endroits qui en avaient été exempts jus- `
qu'alors; elle souffrait cruellement (3). Penché vers elle à
son chevet, un erucifix à la main, Borja lui dit que sa fin
était proche, qu'il lui fallait demander à Dieu le pardon de
a pat
(1) « Mlustre señor, antes me havian preguntado desta disposicion de
Su Alteza, y ayer me embyaron otro correo, y parescióme que no hazia mi
débito si no viniesse aquí, donde llegué esta mañana, y he hablado á Su
Alteza dos ó tres vezes, y despues me quedé solo con Su Alteza muy gran
rato; y por cierto, bendito Nuestro Señor, me ha dicho á sclas palabras
que me han consolado. Pero sad An no m pari a sacramento de la
eucharistia
tLeitre du P. Soto tie Juan Vazquez, du MH avril 1555 : Arch. a
-~ Estado, leg. 108
6.
®
+
e
a
a)
a
p
t
ot
6 5) Voir la lettre du ragga Santa Clara. — La princesse doña Juana
écrivait à y Empereur le 6 j
| .. El mal fué tan A y determinado que, á relacion de todos los
médicos y Cirujanos que se hallaron presentes, y de los demas que se
Pidió parescer, fueron de opinion que era incurable, pe un dia sele
iban augmentando las llagas y creciendo el mal; y si una I a
curaban de atajar, salian otras mayores y mas peligrosas : de manera api
totalmente le quitó la gana del comer y se le fué acabando la virtud...
(396 )
ses fautes: à ces paroles elle fit une réponse pleine d'humi-
lité et de ferveur ; elle suppléait, par ses larmes et par ses
gestes, à ce que sa langue embarrassée ne pouvait expri-
mer; elle se frappait la poitrine d'une main défaillante,
mais avec un mouvement de douleur qui se peignait sur
son visage. Borja lui demanda si elle voulait qu'il dit la
protestation de la foi à sa place, craignant qu’elle n’eüt
point la force de la prononcer; elle répondit, en tournant
vers lui un regard affectueux: « Commencez, vous, à dire
» le symbole de la foi; je le répéterai. » Il fit comme elle
Vordonnait, et non-seulement elle répétait les termes du
Credo à mesure qu’ils étaient articulés par lui, mais elle le
devancait parfois : quand elle fut à la fin, ” elle proféra,
d'une voix plus accentuée, le mot Amen. Borja lui donna
à baiser le crucifix; elle le porta à sa bouche, et, ayant
recueilli tout ce qui lui restait de forces, elle s'écria: Jésus-
Christ crucifié , soyez-moi en aide. Ce furent ses dernières
paroles. A six heures du matin, le vendredi saini, 19 avril,
elle expira, laissant dans admiration du changement qui
s'était opéré en elle à l'heure suprême, tous ceux qui en
avaient été témoins (1).
(1) CiexFuEGOs, pp. 256 et 257.
ntre les témoignages sur lesquels il s'appuie en rapportant ces détails,
l'historien de S. François de Borja cite celui du docteur Herrera, qui
était présent. Son récit n'est d’ailleurs en contradiction avec aucun des
documents que j'ai reçus des Archives de Simancas
rquis de Denia écrit, le 12 avril, au secrétaire Vazquez: « fitustre
» señor, lo que ay que dezir es que, à Nuestro Señor gracias, es acabado, y
» Nuestro Señor sea loado por todo Anoche se le dió la extrema uncion. La
» postrera palabra que dixo : Jesu Christo cruzificado, ayudame.. s... 7
(Estado, leg. 108.)
a princesse doña Juana à l'Empereur, le 13 avril: i … Como
» V. M3, verá por lo que el marqués y fray akan de sous, “que se
(397 )
Ainsi finit Jeanne d'Aragon, à l’âge de soixante-quinze
ans cing mois et six jours. Des six enfants issus de son
mariage avec Philippe le Beau, cinq lui survivaient: Char-
les, Ferdinand, Éléonore, Marie et Catherine; Isabelle
avait depuis longtemps précédé sa mère dans la tombe.
Jamais reine, jamais impératrice, n’eut une descendance
dont elle pút, autant que Jeanne, se glorifier: les cou-
ronnes de tous les royaumes de la chrétienté étaient ou
avaient été portées par des princes et des princesses de
son sang (1).
Le 45 avril, le corps de la reine, après avoir été em-
baumé et mis don un cercueil de bois, fut, suivant les
ordres de la princesse gouvernante, porté au monastère
de Santa Clara; fray Francisco de Sotomayor, provincial
» halló ally, scriviéron à Juan Vazquez, paresce que acabó con muestras
» por que he dado muchas ¿ote á Nuestro Señor de ver que aya aca-
» bado con rea å el. Ibid.)
Dans une lettre du méme jour au prince Philippe, la princesse dit que
la Sn « acabó aaa, encomendándose á Nuestro Señor. »
id.)
La res iens ee Ses ceri à egin le cen e a Es vn conso-
» lacion
» de su fin, para tener je muy cierto que la sacó de los reynos de la terr a,
» donde padeció martirio tan trabajoso, para llevarla 4 gozar de los del
» Cielo; y desto no tengo yo ninguna duda, como téstigo que desde el punto
» que Su Alteza adoleció, no falté de su real presencia hasta que espiró,
» que fué de manera que se le puede tener mas envidia que al descanso
» que tuvo en la vida; y se deven por ello muchos loores à Dios... »
ea leg. 115.
n'insère pas ici la lettre que le P, Borja adressa à Charles-Quint, de
ra, le 19 mai: Sandoval en fait connaître la substance (t, H, p. 567),
el Cienfuegos en donne le texte (p. 257).
(1) Papiers d'État du cardinal de Granvelle, t. IV, pe 427.
2°° SÉRIE, TOME XXIX,
( 598 )
de Pordre de Saint-Francois, et fray Francisco de Valdes,
vicaire du monastère, en vertu des pouvoirs qu’ils avaient
de la communauté, Py reçurent et le firent placer en la
grande chapelle, au même endroit où celui de Philippe le
Beau avait été déposé si longtemps. Le connétable de
Castille, don Pedro Fernandez de Velasco, et don An-
tonio de Fonseca, évêque de Pampelune, président du
conseil royal, représentèrent la princesse doña Juana à
cette cérémonie, à laquelle assistaient le” marquis de De-
nia, l'évêque de Zamora, le corrégidor de Tordesillas et
beaucoup d'autres personnes, tant de la ville que de la
maison de la reine (1).
La dépouille mortelle de Jeanne resta à Santa Clara
jusqu'en 1574; alors Philippe H la fit transporter à la cha-
pelle royale de Grenade. Conduit de Tordesillas à l Escu-
rial par l’évêque de Salamanque et le marquis d'Aguilar, le
corps de Pancienne reine de Castille et d'Aragon fut remis
là au due d'Alcala et à l'évêque de Jaen, qui étaient
chargés de l'accompagner jusqu’à sa destination (2). A
Grenade, on le descendit dans le caveau où les restes de
Philippe le Beau reposaient déjà à côté de ceux des rois
catholiques. Les quatre cercueils s’y voient encore aujour-
d'hui. Au-dessus du caveau sont deux somptueux mausolées
élevés, Pun à Ferdinand et Isabelle, l’autre à Philippe et
Jeanne; ces princes y sont représentés en grandeur na-
turelle (5).
dns
(1) Les actes relatifs au ne du corps de la reine Jeanne au monastère
de Santa Clara sont aux Archives de Simancas, Estado, leg. 109.
(2) T de dotan inéditos para la historia de España,
t. VII, p. 111. — Carrera, Historia de Felipe L, pp. 775 et 776.
(5) b Diccionario geográfico-estadistico-histórico de España,
t. VII, p. 520.
. ( 399 >)
La princesse doña Juana fit faire les obsèques de la
reine son aïeule au monastère de San Benito el Real, à
Valladolid, le 26 et le 27 juin. Le prince don Carlos, qui
allait accomplir sa dixième année, s'y rendit avec les
prélats, les grands, la noblesse et les conseils de gouver-
nement. La princesse y assista aussi, mais dans le chœur
d'en haut, ne voulant pas, dit un historien, être vue du
public en une telle circonstance. Tout le clergé, tous les
ordres religieux prirent part aux offices de ces deux jours.
Le lendemain, un autre service pour l'âme de la reine
défunte fut célébré en la même église, au nom de la corpo-
ration municipale (1).
harles-Quint était à Bruxelles lorsque, le 9 mai, il
reçut les dépêches qui lui annonçaient la mort de sa
mère (2). Cet événement, quoiqu'il s’y attendit d’après les
dernières informations qui lui étaient parvenues de Valla-
dolid, lui causa une vive douleur : il avait toujours eu pour
sa mère beaucoup d'affection et de respect. Il fit prendre
le deuil à sa maison ainsi qu’à ses ministres et à ses am-
(1) Lettre de la Aa doña Juana à Charles-Quint, du 6 juillet 1555,
déjà citée. — Sanpova À. a p. 568.
(2) I écrivit, le Ean u roi Ferdinand : « Monsieur mon bon frère,
» hier soir me ted bl douloureuses nouyelles d'Espaigne, par le
> chemin de terre , de ce qu'il a pleu à Dieu prendre à sa part la royne,
» feue madame nostre bonne mère, laquelle décéda le jour du grand ven-
» dredi dernier... Et fais faire les debvoirs requis pour assister à son
» âme avec pieuses prières et oraisons, et commence pourvoir pour la
» célébration de ses obsèques, pour le deuil et toutes aultres choses con-
” Comme je les ai treuvées, pour le debvoir du sang et tant d’autres rap-
” Ports... » (Archives impériales, à Vienne.)
( 400 )
bassadeurs (1). Il interdit, pendant plusieurs mois, dans
les villes des Pays-Bas, les fêtes et les divertissements
publies (2).
Il aurait voulu que la célébration des obsèques de la
reine dans la capitale et dans les provinces suivit de près
la nouvelle, qui s'y était répandue, de son décès : une
- communication que lui fit faire le roi, son fils, Pobligea à
la différer à Bruxelles. Philippe ne pouvait se dispenser
d'honorer, par une démonstration semblable, la mémoire
de son aïeule : or il se trouvait à Londres dans une pénurie
telle qu’il ne savait comment il en aurait payé la dépense;
il suppliait done l'Empereur de remettre les obsèques jus-
qu’à ce qu'il pút y assister (3). Charles-Quint eut égard au
vœu de son fils. Le délai apporté à cette cérémonie fut
coloré par la crainte de l'Empereur de ne pouvoir S'y
trouver en personne à cause de l’état de sa santé et par
son désir de voir, en ce cas, le roi d'Angleterre l’y sup-
pléer, et en rehausser la solennité par sa présence (4).
(1) Lettre de Granvelle à la reine Marie, qui se trouvait alors à Anvers,
du 10 mai 1555. (Arch. du Royaume, Collect. de documents historiques ,
t. X, fol. 6.)
(2) Nous avons sous les yeux unelettre de la reine Marie aux commune-
maîtres, échevins et conseil de Malines, en date du 6 juillet 1555, au sujet
e la dédicace ou kermesse de cette ville qui devait avoir lieu le lende-
main. La reine leur dit qu'il « ne convient user de démonstration de joye
» et lyesse, » tandis que l'Empereur et elle sont en deuil pour le trépas de
la reine de Castille , leur mère.
3) Retraite et mort de Charles-Quint au monastère de Yuste. Lettres
inédites, etc. Introduction, p. 63. -
4) « … Considérant que mon filz le roi d'Angleterre estoit tant ke
d'icy comme il est, asscavoir à Londres ou à Penviron, et que ma disposi-
tion poeult-estre ne comporteroit que je me trouvisse en personne aux
obsèques , pour les faire tant plus honnorablement , j’ay pensé de remettre
( 401 )
Ce fut seulement dans les premiers jours de septembre
que Philippe put passer aux Pays-Bas; il arriva à Bruxelles
le 8. Les obsèques furent célébrées, le 15 et le 16, dans
l'église collégiale de Sainte-Gudule, avec une grande
pompe. L'évéque de Cambrai, Robert de Croy, dit les vi-
giles et la messe de Requiem ; deux autres messes furent
chantées par Martin de Cuyper, abbé de Crespin, évêque de
Chalcédoine, suffragant de Cambrai, et par Guillaume de
Houwere, évêque de Sarepta, suffragant de Tournai. Un
religieux dominicain, docteur en théologie, frère Antoine
Havet, qui était confesseur et prédicateur de la reine
Marie, prononça l'éloge de la reine défunte. Charles-Quint
Wassista point à la cérémonie; la faiblesse physique à la-
quelle il était réduit ne lui aurait pas permis d’en supporter
les fatigues. Philippe y parut entouré des chevaliers de la
Toison d’or et de la Jarretière qui se trouvaient à Bruxelles,
et suivi du nonce du saint-siége et des ambassadeurs de Ve-
nise et de Florence. Beaucoup de seigneurs belges, espa-
gnols et anglais, les conseils collatéraux, la chambre des
Comptes, le conseil de Brabant, les abbés de cette pro-
vince, les chanceliers de la Toison d'or et de l'Empire, les
régents de Sicile et de Naples, les magistrats de la ville, la
Maison de l'Empereur et deux cents pauvres en habits de
deuil, une torche à la main, faisaient partie du cortége
qui, les deux jours des obsèques, se rendit du palais à
Sainte-Gudule (1)
lesdictes obsèques jusques à la venue de mondit filz par deçà... » (Lettre
de Charles-Quint au roi Ferdinand, du 8 juin 1555, dans Lanz, t. IH,
p. 661.)
(1) Relation des obsèques célébrées à Bruxelles pour la reine Jeanne
de Castille, veuve de Philippe le Beau, dans les Bulletins de la Commis-
sión royale d'histoire, 3° série, t. 1, p. 424
( 402 )
Dans toutes les villes des Pays-Bas des prières furent
dites et des messes célébrées pour le repos de l'âme de la
reine d'Aragon et de Castille. Partout les magistrats s'asso-
cièrent à ces démonstrations ordonnées par l'Empereur; le
peuple y prit peu de part : Pépouse de Philippe le Beau
n’avait guère laissé de souvenirs en Belgique, et deux gé-
nérations s'étaient succédé depuis qu’elle avait quitté ce
pays; les populations ignoraient même généralement son
existence quand elles apprirent sa mort. Des préoccupa-
tions graves assiégeaient d’ailleurs en ce moment tous les
esprits : la résolution de l'Empereur d'abdiquer ses cou-
ronnes, quoiqu'il ne l’eût pas encore notifiée aux états des
provinces, avait transpiré dans le publie; la nation enétait
émue et inquiète ; elle n’éprouvait point de sympathie pour
le prince qui allait monter sur le trône. Sept années aupa-
ravant, Philippe était venu se faire connaître des Belges:
il avait tout intérêt à captiver leur affection; il n’avait rien
fait pour y parvenir; au contraire, il s'était montré dédai-
gneux de leurs coutumes, de leurs usages; tout en jurant
d'observer leurs priviléges, il avait témoigné, en plus d'une
occasion, qu'il les trouvait excessifs. Les Belges ne de-
vaient-ils pas craindre que, devenu leur souverain, il ne
tint peu de compte de ces priviléges, de ces coutumes qui
leur étaient si chers? L'histoire nous dit si c'était là des
conjectures vaines, el si ces appréhensions manquaient de
fondement. -
Si
ed dE as lee
(405 )
APPENDICES.
Lettre du marquis de Denia au prince Philippe, roi d'Angle-
terre : 2 mars 1555.
C. C. M', los dias passados screvi à Vuestra Magestad dando
cuenta del mal de la reyna nuestra señora, que parece que va
mas adelante. Ya se ha sabido lo que es, que es tener muchas
llagas en las caderas y mas abaxo. Y por no cansar á Vuestra
Magestad, dexo de dezir lo que se ha passado para hazerle to-
mar dos colchones, y en este medio con suplicarle que mos-
trase á la marquesa lo que tenia, y que de otra manera seria
forcado que las dueñas lo viesen. Respondió, como suele, con
no querer hazerlo. No sé si con temor que las dueñas no hizie-
Sen alguna cosa, 6 que Nuestro Señor la alumbró, pidió un
poco de agua caliente para lavarse aquellas partes donde es-
tavan aquellas llagas, y púsose de manera y en parte que la
marquesa y el dotor la pudieron ver; y así ordenó el doctor
Una agua para que, en lugar de la con que se lavava Su Al-
teza, se layase con ella; y así se hizo. Pareció algunos dias que
avia alguna mejoría. Cada dia he avisado à la serenissima prin-
cesa; y como algunas cossas no se pueden serevir por causa,
Vine aquí á darle cuenta dellas; y así me mandó Su Alteza
que diese cuenta dellas á los del consejo de Estado; y así ereo
dan aviso á Vuestra Magestad de lo que allí se acordó. Yo me
buelvo à la hora, porque para hazerle mudar ropa limpia y
Otras cossas que convienen à su salud, no me pude detener
( 404 )
para esperar la órden que en lo porvenir les parecerá se deva
tener. En lo que en mí es puede Vuestra Magestad estar sin
cuidado, que yo no faltaré de hazer lo que devo.......
De Valladolid, 1 de marco 1555,
C.C. M!,
Siervo y vasallo de Vuestra Magestad, que
sus reales manos besa,
Er MARQUÉS.
(Archives de Simancas, Estado, leg. 115.)
II.
Lettre du marquis de Denia à l'Empereur : 2 mars 1555.
S. C. C. M!, teniendo entendido que à Vuestra Magestad no
le faltan travajos y ocupaciones, no he querido dar pena á
Vuestra Magestad con hazerle saber las indispusiciones de la
reyna nuestra señora. Su Alteza ha estado, como tengo seripto,:
muy impedida de las piernas y con hinchazon en ellas; y Con
este impedimento no se ha podido menear tantas vezes Como
fuera menester; y de estar queda ha venido á hacérsele unas
llagas en las caderas y mas abaxo; y han sydo de manera que
la han puesto en travajo, con el poco remedio que Su Alteza
ha querido hacer. Lo que a sydo en mí, que es que huviese
dos colchones, y con blandura algunas vezes, y otras con rigor
de palabra, diziendo que, si no lo queria hacer, que las dueñas
‚lo harian, se ha puesto en ella. Suplicándola que amostrase á la
marquesa lo que tenia, nunca ha querido venir en ello: sola-
mente la ha mostrado las piernas, por pensar que con aquello
cumplia. En fin, de miedo que las dueñas no lo hiziesen por
( 405 )
fuerza, creo, se ha puesto en parte y lavado para que lo pu-
diésemos ver; y así se ha hecho. Está bien lastimada de unas
llaguitas tan grandes como medio real. Y visto por el doctor,
ordenó una agua para que, como se lavava con agua caliente
del tiempo, se lavase con aquella. Y así pareció que avia
alguna mejoría en algunos dias. Haviendo calentura en este
medio, y visto que esto se apretaba, yo vine á dar parte á la
serenísima princesa, para que viese la órden que mandava
que se tuviese. Y porque Su Alteza deve de escrivir á Vuestra
Magestad, no la diré. Asimesmo he dado aviso á la Magestad
del rey y príncipe mi señor. Vuestra Magestad puede creer
que todo lo que es en mí yo lo hago y haré, y que de su ser-
vicio se tiene el cuidado que devo. Y porque con toda dili-
gencia me vuelvo á Tordesillas, y no lo supe deste correo
hasta el punto, no diré mas. S. C. C. M', Nuestro Señor guarde
y prospere bien aventuradamente la real persona de Vuestra
Magestad muchos años, con acrescentamiento de mayores rey-
nos, como los vasallos de Vuestra Magestad desseamos.
De Valladolid, á 1 de marco 1555.
Siervo y vasallo de Vuestra Magestad, que sus
reales manos besa,
El Marqués.
(Archives de Simancas, Estado, leg 109.)
JT.
Lettre du marquis de Denia au roi d'Angleterre :
6 mars 1555.
C. C. M', desde Valladolid serevi dando quenta á Vuestra
Magestad de la indispusicion de la reyna nuestra señora. Lo
( 406 )
que despues ay que dezir es que, aunque en las llagas parece
que ay mejoría, en lo demas se va agraviando el mal de Su
Alteza, por la flaqueza que en ella se vee, y por lo poco que
come y duerme. Y porque está tan importuna que no se puede
ereher, lo que umanamente se puede hazer para su salud y
darle contentamiento se haze, aunque el principal remedio
se spera de la mano de Dios. Plega á él enviar á Su Alteza la
salud spiritual y corporal que vee que ha menester y sus sier-
vos desseamoS.......
De Tordesillas, à xv1 de marco 1555. .
Siervo y vasallo de Vuestra Magestad, que sus
reales manos besa,
EL Marqués.
(Archives de Simancas, Estado, leg. 113.)
IV.
Lettre du marquis de Denia à l'Empereur : 17 mars 1555.
S.C. C. M',....... yo quisiera screvir à Vuestra Magestad nue-
vas de la reyna nuestra señora que dieran contentamiento y
no pena, Desde Valladolid dí cuenta á Vuestra Magestad de la
indispusicion con que Su Alteza quedava y como, el dia que
screví, avia ido à dar cuenta á la serenissima princesa de algu-
nas cossas que no se podian serevir por carta y convenia COM-
municarlas de palabra à Su Alteza. Lo que despues ay que dezir
es que, aunque á Dios gracias, en las llagas ay mejoría, en lo
demas parece que se va agravando el mal de Su Alteza. Por
lo poco que come y duerme y reposa, y por la flaqueza que
( 407 )
muestra, no puede dexar de pasar su mal con mucho travajo,
y yo sentirle mayor á causa de no querer recibir ningun bene-
ficio que le pueda aprovechar. Es bien menester el favor di-
vino, y assí se suplica á Dios provea del spiritual y corporal,
que vee que conviene. Despues acá que serevi å Vuestra Ma-
gestad, he sido parte con Su Alteza para que de las almohadas
de paño en que antes solia star se passase á unos colchones
de lienco, donde está mas descansadamente, y encima se le
hecha ropa. Hago mudar á Su Alteza las vezes que parece ser
necesario. En esto y en todo lo demas que toca á su salud y
servicio y darle todo contentamiento se tiene entero cuidado;
y assí le he tenido y tendré de dar aviso á la serenísima prin-
cesa de lo que se ha ofrecido hasta aquí y de lo que uviere que
darle de aquí adelante; y así la he dado al rey de Inglaterra y
principe nuestro señor por cartas. .....
De Tordesillas, á xvn de marco 1555.
S.C.C. W,
Servidor y vasallo de Vuestra Magestad, que
sus reales manos besa,
EL MARQUÉS.
(Archives de Simancas, Estado, leg. 109.)
y,
Lettre du docteur Santa Cara, ancien médecin de la reine, à
l'Empereur : 10 mai 1555.
El doctor Santa Cara, médico que ha seydo de la reyna
nuestra señora, muy obediente vasallo y cierto servidor de
Vuestra Magestad, besando con el acatamiento que devo los pies
y Manos de Vuestra Magestad, hago saber á Vuestra Magestad
( 408 )
que, á la meatad deste mes de hebrero, continuando la reyna
nuestra señora sus baños acostumbrados, por nuestra desven-
tura, la postrera vez los recibió con mas calor que otras vezes,
tanto que desto se le levantaron en la una espalda y en la
nalga unas ampollas ó vesicaciones con harto calor y encendi-
miento en ellas. Y quexándose mucho de ellas, pidió á las la-
vanderas que le diesen agua tibia para lavárselas, que ya es-
taban hechas llagas con alguna materia; y al tiempo que se
lababa toda desnuda, ubo lugar para poderlas yo veer sin que
Su Alteza lo supiese, y se proveyó luego de sumos y aguasal caso
convenientes. Y con creer que era agua del rio, se lavó con
esto vu ó vin dias, y quedó sin llaga ninguna ni quexarse dellas.
Y como ubiesse mas de dos años que Su Alteza estaba tollida é
impedida de todo movimiento de la meatad del cuerpo abaxo,
estaba muchos dias acostada de un lado sin moverse, y mas €n
estos dias que, por estar el lado debaxo tan sentido, no con-
sentia que la moviesen, y allí hacia la orina y estiercol, y pasaba
algunos dias sin consentir que la limpiasen : de donde tornaron
à hacerse las llagas peores. Fué necesario hazersele alguna
fuerza á Su Alteza para limpiarla y curarla y ponerla en cama
limpia, y entónces se le pareció, al tiempo de volverla, una
llaga baxo en la nalga izquierda algo negra malignada, que
llamamos cancrena, con poco sentido; y luego se proveyó en
sajarla y lavarla y poner su unguento egipciaco. Y al otro dia,
viendo que la corruption iba adelante y que ya se podia dezir
fuego de Santo Anton, que nosotros llamamos estiomeno, fué
menester aplicarle tres 6 quatro cauterios de fuego; y con esto
y Otros beneficios se atajó el fuego y fué la llaga amejorando.
Y como los otros remedios universales de sangría y farmacia
en tal caso necessarios no tenian lugar en Su Alteza, por no
“ao y la calentura estaba siempre muy crecida, dende
à vı ó vu dias, no consintiéndose se bolver del otro lado ni
Rie limpiarse, se le hizo otra llaga mayor en la otra
nalga de la misma cualidad y especie de la otra. Esta no SC
( 409 )
pudo tambien corregir como la otra, y se le hicieron otras pe-
queñas en derredor; y de aqui fue perdiendo el comer; y la
virtud enflaqueciendo, fué Dios servido de llegarnos al jueves
santo de la Cena, en el qual inspiró Dios á Su Alteza, y se re-
conoció como cathólica cristiana, no aviendo hablado palabra
la noche de antes, hablándole un padre reverendo de San
Prancisco. Hizo la confesion general y pidió perdon á Dios de
sus peccados, conociendo averle ofendido, y protestó de morir
en su santa fe católica; y no hablo mas hasta que, el viernes
santo, á las seis de la mañana, enbió el ánima á Dios, con el
qual, segun nuestra fe, goza para siempre. Embalsamé yo su
cuerpo, y se depositó como convenia en la capilla mayor de
Santa Clara la Real hasta que otra cosa mande Vuestra Ma-
gestad. Y pues Dios fué servido de llevar á la reyna nuestra
señora, yo he cumplido la jornada que Vuestra Magestad me
mandó hacer en sacarme de mi casa de Navarra, avrá xx1 años,
sin salir deste lugar de Tordesillas, donde con la mucha costa
de muger é hijos, y con tan poco salario, y sin hacerme mer-
ced á mí ni á mis hijos, he pasado la vida con solo tener dia y
me, sin tener que dexar á mis hijos. Y pues ya con mi bejez,
á cabo de setenta años, no estoy para servir á nadie, suplico á
Vuestra Majestad que, para retraerme á mi casa esto poco que
me queda de vida, sea servido de mandarme dar el salario que
aquí llevaba enteramente.......
: De Tordesillas, á x de mayo del año de mil y quinientos y
Cinquenta y cinquo.
S. C. C. M:,
Besa los pies de Vuestra Magestad su mas
humilde y súbdito vasallo y servidor,
EL Doctor SANTA CARA.
(Archives de Simancas, Estado, leg. 109.)
(410)
Quelques mots à propos de la juridiction disciplinaire des
corporations communales au XV: siècle en Belgique,
par M. Edmond Poullet, professeur à l'Université de
- Louvain.
Dans le mémoire relatif au droit pénal de l’ancien duché
de Brabant, que l’Académie royale a bien voulu couron-
ner en 1866, je rappelais le droit de juridiction discipli-
naire qui appartenait aux doyens et aux jurés des serments
et des corporations d'arts et métiers, sur les membres des
associations qu’ils gouvernaient. La nature de mon travail
ne m'imposait pas l'obligation d'étudier cette juridiction
disciplinaire dans tous ses détails. Au reste, je lavoue,
s'il m'avait fallu alors déterminer avec précision la forme
dans laquelle elle s'exercait, les objets qui étaient dans sa
compétence, la nature des châtiments qu’elle avait à sa
disposition, l'esprit qui dirigeait son action, j'aurais été
assez embarrassé. Les règlements des corporations ne me
faisaient pas défaut : mais, en général, ils ne sont que
des témoins froids et peu explicites. Ce qui m'aurait man-
qué, C'étaient les documents que j'appellerai volontiers
vivants, c'est-à-dire ceux qui m'auraient montré la juri-
diction disciplinaire en action.
Aujourd'hui, grâce à la bienveillance de MM. les bourg-
mestre et échevins de Malines, ainsi qu’à la complaisance
désintéressée de leur savant et modeste archiviste, M. Van
Doren, je crois être à même de donner quelques rensei-
gnements sur la juridiction disciplinaire qui appartenait
autrefois aux corporations communales.
Les archives de la ville de Malines possèdent un petit
volume de parchemin , in-quarto, d'environ quatre-vingts
pages, intitulé au dos d’une écriture moderne : Sentencie
(41) :
boeck der gulde van den ouden kruysboog te Mechelen. Ce
registre contient le libellé de toutes les condamnations
disciplinaires portées, pendant l’espace d’un siècle, contre
les confrères du vieux Serment de l’arbalète de la com-
mune. La première sentence porte la date de 1435; la
derniére celle de 1542, Pour chaque cas spécial, le dispo-
sitif du jugement est précédé d'une narration détaillée des
faits de la cause.
Il est certain que des registres analogues doivent exis-
ter encore dans les archives de la plupart de nos villes;
mais celui-ci m'a semblé si complet et si intéressant — au
point de vue des mœurs de nos pères et au point de vue
de ce côté spécial de l’ancien droit pénal que j'ai dû, jus-
qu'à présent, passer sous silence — que je prends la liberté
den entretenir quelques instants l’Académie.
Avant d'exposer les principes et les usages fines
dont ce petit volume constate l'existence, & dont il montre
la mise en action, quelques explications préliminaires sont
indispensables à propos du vieux Serment de l'arbalète
lui-même.
Il existait anciennement à Malines une association d'ar-
balétriers. Le magistrat communal s’en servait déjà tant
Pour maintenir l'ordre à l’intérieur des murailles, que
pour défendre la ville elle-même contre les entreprises de `
ses ennemis extérieurs de toute espèce. Mais, en 1432, ces
arbalétriers de Ja vieille arbalète passèrent avec la ville un
Contrat formel, et ce contrat constitua pour eux un règle-
ment nouveau d'organisation (1).
(1) On trouve beaucoup de renseignements sur l’histoire du Serment
de la vieille arbalète de Malines, dans un petit volume, publié en 1869 par
M. G -J.-J. Van Melckebeke, et intitulé : « Geschiedkundig a aanteeke-
> ningen rakende den kruis-oft voetboog-gilde , te Mechelen
( 412 )
Le contrat en question fixait à soixante le nombre des
tireurs du Serment. Tous devaient se pourvoir, à leurs
frais, des armes et des effets d'équipement nécessaires,
et être toujours prêts à se rendre, en équipage de guerre,
lá où la ville voudrait les envoyer sous la conduite de leurs
chefs. La ville, en revanche, était tenue de fournir tous
les deux ans, à trente des confrères, cinq aunes de drap,
et aux trente autres une aune de drap, pour leur habit de
tireur : scullers cleederen; à leur payer individuellement
une solde, tarifée d'avance , chaque fois qu’ils montaient
la garde, de nuit ou de jour, qu’ils sortaient en armes de
la ville pour battre les environs, ou qu’ils faisaient cam-
pagne à l’armée du souverain : heervaert. En outre, en cas
d'expédition de longue durée, la ville promettait au Ser-
ment une indemnité spéciale pour les chariots et pour les
valets qui accompagnaient les confrères.
raison des obligations toutes spéciales qui leur
incombaient, les arbalétriers étaient dispensés de contri-
buer dans les charges de toute nature qui pesaient sur les
membres du metier auquel ils appartenaient, tout en con-
servant le droit de se prévaloir des franchises et des pri-
viléges de ce dernier. Tandis que, comme les autres
bourgeois de Malines, ils devaient reconnaître pour juges
naturels en matière civile et en matière criminelle grave
le tribunal des écoutète, communemaitres et échevins, en
matière disciplinaire ils étaient soustraits à la juridiction
des doyens et des jurés de la corporation d'arts et métiers
dans laquelle ils étaient inserits, pour être uniquement
soumis à celle des chefs de leur Serment. Principe remar-
quable, sur lequel j'insiste, parce qu'il donne au Sentencie
boeck que je vais analyser une importance capitale que son
titre ne semblait pas promettre.
(413)
La ville s'engageait encore à donner tous les ans, aux
chefs du Serment, une livre de gros de Brabant pour
qu'ils fissent confectionner des prix destinés à être dis-
putés par les tireurs dans les deux grands concours an-
nuels. De leur côté, les arbalétriers, en entrant dans la
corporation, étaient tenus de promettre par serment d'étre
loyaux et fidèles à la ville de Malines et au duc de Bour-
gogne, comme seigneur de la ville, d'obéir exactement à
leurs chefs, d'accomplir sans retards et sans restrictions
toutes les obligations que le règlement leur imposait,
enfin, depuis les premières années du XVI: siècle, d’être
fidèles à la religion catholique , apostolique et romaine. Le
serment se terminait par la formule invocatoire : Ainsi
m'aident Dieu et tous ses saints, ainsi que le Serment de
Varbalète : ende oock den boghe (1)!
Ce règlement contractuel, dont je ne fais que résumer
les principales dispositions, caractérisait nettement la po-
sition que les confrères de la vieille arbalète occupaient
vis-à-vis des diverses juridictions municipales. Je puis
donc, sans entrer dans de nouveaux détails, aborder
l'étude qui forme l’objet de cette notice, et examiner :
quels étaient précisément les juges auxquels appartenait
l'exercice du seul pouvoir disciplinaire auquel les arbalé-
triers étaient soumis; dans quelle forme ils procédaient ;
quelles espèces d'infractions ils avaient le plus souvent
à réprimer; quelles étaient les peines qu'ils avaient l'ha-
bitude de prononcer; quels étaient enfin les rapports des
principales infractions disciplinaires, dont nous aurons
mnd
(1) Le règlement contractuel est transcrit en tête du Sentencie boeck
avec la formule du serment imposé aux confrères de l'arbalète.
2% SÉRIE, TOME XXIX. 2
(444 )
constaté l'existence, avee l'échelle pénale que nous aurons
dressée (1).
On sait que les corporations d'arts et métiers étaient
gouvernées par des doyens ou par des jurés. Le vieux Ser-
ment de l’arbalète avait pour chefs des jurés subordonnés
à un chef-homme : hooftman. La nécessité de concentrer
le commandement militaire avait fait introduire dans son
organisation un chef principal unique, que l'on ne ren-
contrait guère dans les corporations industrielles. Le
chef-homme avait sous lui un lieutenant, stedehouder,
chargé de le remplacer en cas d'empéchement ou d'ab-
sence, el au-dessus de lui un overhooftman auquel il devait
lui-même le respect. L'overhooftman, seigneur des envi-
rons de la ville ou gentilhomme puissant établi dans Pin-
térieur des murailles, ne s'occupait pas de l'administration
journalière du Serment. Il se bornait à le conduire, le cas
échéant, à Ja guerre, ou bien à présider ses grandes
assemblées. Le chef-homme et les jurés dirigeaient seuls
les affaires courantes de la corporation, et ils formaient
seuls le tribunal disciplinaire dont relevaient ses membres.
Ce tribunal présentait un aspect analogue, au point de
vue juridique, à celui des échevinages du XV* siècle. Le
chef-homme en était l'officier de justice. Il présidait les
séances, dirigeait les débats, portait la parole pour déve-
lopper les moyens de l'accusation, prononçait les paroles
om A e
(1) J'ai cru inutile de surcharger de notes les marges de cette notice.
Tout ce qui s’y trouve est tiré du même registre, et mes notes n'auraient
pe être que la reproduction en langue flamande ancienne des faits E
j'expose dans le texte en langue française. J'ai simplement reconstitué,
l'aide de détails épars, organisation NE la procédure, le
système pénal et la liste des infractions
$
(415)
de la semonce. Les jurés, saisis par celle-ci, délibéraient et
formulaient la sentence qui était encore prononcée pat le
chef-homme. >
Le chef-homme et les jurés siégeaient habituellement
dans la chambre du Serment : scutterscamer. Ils connais-
- Saient comme juges disciplinaires :
1° Des infractions commises par les arbalétriers aux
règlements spéciaux de leur corporation militaire, et des
actes de désobéissance commis par eux. contre leurs chefs,
soit en expédition militaire, soit dans les réunions pério-
diques tenues dans le local du tir ;
° Des injures, des violences légères et même parfois
des blessures, adressées ou infligées par un arbalétrier à un
de ses confrères ou à un étranger, dans ou hors les réu-
-hions du Serment ;
5” Des infractions professionnelles, c’est-à-dire des
infractions commises par un-arbalétrier, membre d'un
Corps de métier, contre les règlements et les intérêts de
ce corps, ou des actes de désobéissance commis contre
ses supérieurs industriels : c'était, comme je Pai dit plus
haut, le dispositif exprès du règlement de 1439;
4 Quelquefois, par invitation expresse du magistrat
communal de Malines, ils jugeaient des infractions com-
mises par des individus, étrangers à la corporation, contre
les intérêts de celle-ci; ou même des infractions commises
par le même genre de personnes contre les intérêts du
petit ou jeune Serment de l’arbalète. Dans ce dernier cas,
on peut envisager la juridiction des chef-homme et jurés
du vieux Serment comme une sorte de juridiction arbi-
trale.
Il résulte de ces données, rapprochées des principes gé-
néraux du droit pénal du moyen âge en Belgique, que les
(416 )
arbalétriers n'étaient presque jamais (1) traduits devant le
tribunal ordinaire de la commune, à moins qu'ils n'eussent
commis un délit grave, passible d’une peine corporelle ou
d’une peine infamante. Toutefois les chef-homme et jurés
se décidaient, de temps à autre, à renvoyer devant le
tribunal des échevins, à raison de circonstances spéciales,
des délinquants dont ils auraient pu eux-mêmes réprimer
les excès. D’autre part, quand un membre du vieux Ser-
ment et un membre du jeune Serment de l’arbalète avaient
délinqué ensemble, les chef- homme et jurés des deux
corporations se réunissaient en un seul tribunal, à raison
de la connexité de la cause, pour prononcer ensemble leur
sentence.
La procédure usitée devant le tribunal disciplinaire dont
je m'occupe était simple et, autant qu'on puisse le con-
jecturer, publique. Quand il s'agissait d'une infraction
professionnelle commise dañs une corporation ouvrière, les
doyens et les jurés de celle-ci formulaient la plainte contre
Parbalétrier coupable et Papportaient, avec les preuves
nécessaires, au chef-homme etaux jurés du Serment. Quand
il s'agissait de toute autre infraction , ces derniers, accom-
pagnés de leur varlet, knape, faisaient eux-mêmes len-
quéte et, au besoin, se transportaient ensemble sur les
lieux pour faire les investigations que les circonstances
exigeaient (2).
A
1) Il y avait exception, semble-t-il, pour le cas où ils avaient commis
üne mutilation ou infligé une beider dangereuse. Ces deux faits, bien
que passibles seulement de fortes amendes au XVe siècle, et surtout au
XVIe, relevaient de la juridiction échevinale.
(2) … Betaelen de costen die de geswoorne… met huerlieden knape
er ende verteert hadden tot Waelhem int’ examineren van de ge-
uygen.
( 417 )
Lorsque tous les éléments du procés étaient réunis, le
chef-homme faisait citer l'accusé à comparaître à jour
fixe. L'assignation était donnée par le varlet du Serment.
Si Paccusé n’y obtempérait pas, on lui en adressait une
seconde, une troisième, parfois même une quatrième; mais
alors, s’il s’obstinait encore à faire défaut, on le jugeait
par contumace. Dans le cas où Paccusé comparaissait, le
chef-homme commencait par exposer aux jurés les charges
qu'on avait contre lui et par requérir de sa part une ré-
ponse précise. Dans la plupart des cas l'accusé était obligé
de tout avouer, tant les faits étaient patents. Il s'empressait
alors de demander grâce et miséricorde plutôt que rigueur
de justice. Si cependant il niait le méfait qui lui était im-
puté, le chef-homme produisait ses preuves. L'accusé ré-
pondait et contre-prouvait s'il en avait les moyens. Le
chef-homme semoncait les jurés et ceux-ci, après avoir
soigneusement pesé tout ce qui avait été dit et fait devant
eux, dictaient la sentence (1).
Cette sentence n'était pas toujours prononcée immédia-
tement après les débats; elle était inscrite dans le registre
que j'analyse, puis, à un jour donné, elle était Jue et pro-
noncée par le chef-homme en présence de tous les con-
frères du Serment, réunis dans leur chambre ou dans le
jardin du tir.
Quand un arbalétrier condamné refusait de se soumeltre
à la peine qui lui avait été infligée par ses pairs, les chefs
de la corporation n'étaient pas désarmés. Ou bien ils chas-
saient à perpétuité le récalcitrant du Serment, ou bien ils le
(1) « Nair aenspraeke ende nair verantwoorden, ende nair kenlicheyt
ende waerheyt, ende nair syn selfs verlyden » — « Nair dien dat sy alle
bescheidt dair af gehoort hadden … »
(418 )
livraient aux échevins et aux communemaîtres, pour qu'il
fút jugé derechef par un tribunal armé d'un droit de con-
trainte corporelle. Cette dernière mesure n'était prise
qu’en cas d'infractions assez graves; la première, au con-
traire , était devénue d’un usage général, depuis une déci-
sion prise par le Serment dès 1454, et annotée au registre
des sentences (1).
Le tribunal du chef-homme et des jurés ne se réunissait
pas á jour fixe, ni même au fur et à mesure que les in-
fractions se produisaient. Il siégeait quand les circon-
stances le permettaient et que le chef-homme jugeait
nécessaire de le convoquer. Ses réunions avaient lieu,
néanmoins, un certain nombre de fois par an. Il est pro-
bable que ses membres profitaient, pour exercer leurs de-
voirs de juridiction, des jours où ils étaient réunis pour
s'occuper des intérêts administratifs de la corporation.
Chose singulière! les délits militaires commis en cam-
pagne, eux-mêmes, n'étaient punis au nom du Sermênt
que lorsque les arbalétriers étaient de retour à Malines. Le
registre prouye, notamment, que les confrères du vieux
Serment, qui s'étaient mal conduits devant Calais et devant
Neuss, ne furent châtiés qu’après être revenus dans leurs
foyers. Peut-être, en dehors de leur droit de juridiction
régulière, les chefs du Serment avaient-ils sur leurs
subordonnés un pouvoir de correction immédiate qui
s'exercait sans laisser de traces. Peut-être aussi faut-il
trouver, dans la lenteur et dans les retards de lenr justice
disciplinaire, l'explication des plaintes que l'on faisait
parfois à propos de Pindiscipline des arbalétriers (2).
innn
M Sentences lues dans le local du tir le 15 août 1454
Van Doren, sipe des archives de la ville > Malines, 1. Mi,
piéces nos 62, 64,
(49)
Jusqu'ici je wai parlé que de l’organisation et des attri-
butions du tribunal des chef-homme et jurés de la vieille
arbalète. Je erois qu'il importe maintenant de jeter un coup
d'œil sommaire sur l’état social dans lequel il exerçait son
action. Aujourd'hui, au milieu de nos civilisations moder-
nes, l’homme qui veut se draper dans un isolement égoïste
peut, jusqu’à un certain point, échapper à une foule de
froissements extérieurs. Mille rouages ingénieux écartent
les difficultés de sa route; et, pour peu qu'il se trouve dans
certaines circonstances spéciales, il n’a guère que la peine
de vivre et de se laisser conduire. Au XV° siècle, au con-
traire, la vie isolée, la vie égoïste, la vie oisive n'étaient le
partage de personne. Pour avoir le droit de vivre, chacun
devait être à son poste de combat dans la vie sociale. Le
seigneur de village et le bourgeois des communes étaient
tous les deux obligés d’entretenir des rapports continus, les
uns avec leurs vassaux et leurs paysans, les autres avec les
bourgeois habitant la même enceinte de murailles, pour
lutter ensemble et de toute leur énergie contre la misère,
la disette, la contagion, la violence, le brigandage, dont
la menace était pérmanente et que la moindre défaillance
dans les résistances aurait laissés triompher.
Dans cet état de choses, les membres d’une corporation
militaire d'élite — comme celle de la vieille arbalète de
Malines, — formaient un des éléments les plus actifs d’une
commune. À côté de leurs devoirs généraux de bourgeois
envers le corps même de la ville, à côté de leurs devoirs
de maîtres ouvriers envers leur corporation, envers leurs
confrères, leurs valets, leurs apprentis, les arbalétriers
assumaient toute une série de devoirs publics nouveaux.
Ces devoirs les mettaient en contact permanent les uns
avec les autres, et dans les conditions les plus propres à
(420 )
surexciter, avec une certaine émulation, la jalousie, la co-
lére, l'esprit de querelles et de luttes. Je n'ai pas à m'appe-
santir ici sur les devoirs qu’ils avaient comme bourgeois ou
comme membres d'une corporation industrielle; je me
borne à indiquer les principaux d'entre ceux qui leur
incombaient comme tireurs, ainsi que les usages les plus
caractéristiques auxquels, en la même qualité, ils étaient
astreints á se conformer. Tous les dimanches, par exemple,
entre Páques et la Saint-Remy, ils devaient comparaître
au local du tir et là, tout en vidant les deux eruches de vin
que la ville allouait hebdomadairement à la compagnie,
s'exercer au maniement de leurs armes. Deux fois par an,
une fois pendant l'été, une autre fois pendant l'hiver, ils
étaient astreints á venir, en grand équipage de guerre, se
disputer les prix que la commune de Malines mettait á
leur disposition. A chaque instant ils se réunissaient dans
les tavernes soit entre eux , soit même avec leurs femmes,
pour boire, manger, et faire bonne chére ensemble. La
taverne, en effet, était en quelque sorte le forum de nos
pères des communes : elle les recevait tous, sans distinction
de rang, gentilshommes, gros marchands ou membres
d'une corporation d'arts et métiers; quand on faisait partie
d'un corps queleonque, on n'aurait osé se soustraire aux
longues séances passées entre les pots et les verres, SOUS
peine de passer pour un esprit quinteux, original, voire
même d’être montré au doigt comme un avare. Puis l'ar-
balétrier devait sortir de la ville avec les communemaitres ,
faire patrouille autour des murailles, parfois dans le froid
et la neige, rejoindre l’armée du souverain et aller pendant
de longs mois vivre loin de sa famille et de ses intérêts,
soit devant Calais soit devant Neuss. Ou bien c'étaient les
grands tournois de Varbaléte, si communs au XV siècle
(421)
dans les grandes communes des pays de par decà, qui né-
cessitaient de coúteux voyages. En temps ordinaire, les
arbalétriers étaient au moins astreints á monter ensemble
de longues gardes, soit à l'hôtel de ville, soit aux mu-
railles; à veiller autour de la chásse de Saint-Rombant,
quand elle était exposée à la vénération des fidèles dans la
collégiale; à lui servir d'escorte d'honneur quand on la
promenait dans les rues; à prendre les armes et à revêtir
les habits d'apparat du Serment quand le souverain ou ses
principaux représentants, ou des souverains étrangers tra-
versaient la ville.
Mais je m'arrête. C'est en réfléchissant à ces faits, et en
les mettant en rapport avec les principes de compétence
que j'ai développés plus haut, que Pon peut se faire une
idée nette de l'importance sociale d’une juridiction disei-
plinaire comme celle de la vieille arbalète de Malines. Le
tribunal des échevins n'intervenait que dans les circon-
Slances les plus rares: son influence sur les mœurs et sur
les relations de tous les jours était à peu près nulle. La
juridiction disciplinaire des chef-homme et jurés, au con-
traire, avait toujours l'œil ouvert. C'était elle qui était la
gardienne véritable du mos majorum. C'était à elle seule
qu'il appartenait de maintenir parmi les membres du Ser-
ment, quelle que fût leur condition sociale, et malgré les
mœurs rudes du temps et les tentations de tous les jours,
la paix, les bons rapports, et les sentiments de confrater-
nité; de leur donner un sérieux esprit de corps; de leur
inculquer fortement le sentiment du devoir et l'habitude
d'obéir à leurs chefs; de les obliger à entretenir des rela-
tions courtoises avec les membres des associations mili-
laires rivales; de les forcer, enfin, à rester fidèles à ces
règlements industriels qui emprisonnaient leur vie de tous
( 422 )
les jours quand ils faisaient partie d’une corporation ou-
vrière, mais dont la stricte observation était encore consi-
dérée par Popinion publique comme la base de la prospérité
commune.
Ceci me conduit à rappeler les différentes espèces d’in-
fractions dont il est question dans le Sentencie boeck qui
nous occupe. Le tribunal disciplinaire réprimait sur plainte
de la partie offensée, ou, à défaut de plainte — point im-
portant — d'office: le manque d'égards envers le Serment, la
corporation d'arts et métiers, leurs chefs, leurs membres,
en faits, en gestes, en paroles; l'ivrognerie publique et
dégoútante; les plaisanteries grossières propres à susciter
des querelles entre confrères; les injures au les gros mots
accompagnés ou non de blasphèmes, adressés à un con-
frère de Parbaléte ou à un compagnon du métier; les in-
jures ou les gros mots adressés à un supérieur, juré du
métier ou du Serment, chef-homme, échevin , prêtre, com-
munemaitre; les paroles outrageantes ou dénigrantes pro-
férées contre Passociation de larbalète elle-même, par
exemple à Poccasioh d'un service pénible pour lequel on
était commandé; les imprécations proférées contre les
chefs du Serment ou contre le corps lui-même à l’occasion
d’une pénalité disciplinaire qu'on avait encourue; les me-
naces par gestes ou par paroles, avec ou sans armes; la
calomnie et la diffamation; expression de souhaits de mal-
heur contre les membres de la vieillearbaléte ou contre l'un
d’eux; les voies de fait, les coups, les blessures même in-
fligées dans un transport de colère; la désobéissance aux
ordres du chef-homme ou des jurés, en campagne ou dans
les réunions périodiques du Serment; le refus de faire un
service légalement exigible, par exemple de monter la
garde, d'entretenir son uniforme en bon état, de se rendre
( 425 )
auprès du communemaître ou du chef-homme pour leur
faire escorte; Pinsubordination militaire; le fait de briser
son arme devant l'ennemi; le fait de ne pas revenir au camp
après Pexpiration d’un congé régulier accordé en cam-
pagne; la désertion ; le fait d'exciter les confrères à la dés-
obéissance surtout quand, à raison de sa position dans le
Serment, on aurait dù leur donner Pexemple de Paccom-
plissement du devoir; le refus d'exercer certaines fonctions
dans la corporation après en avoir accepté le titre; les in-
délicatesses graves commises au préjudice de la compagnie,
en se servant indûment de son crédit pour emprunter de
l'argent sans avoir le moyen de le rendre, etc.
lest presque superflu de dire que, parmi ces infrac-
tions, celles dont il est fait le plus souvent mention dans
le registre sont celles qui comportent un certain caractère
de violence. Mais il est important de signaler ce fait que
les infractions militaires n'étaient distinguées en rien des
autres, ni en ce qui concerne la procédure, ni en ce qui
concerne la nature des peines.
Le système pénal employé à réprimer les excés discipli-
naires de toute nature commis par les arbalétriers était peu
compliqué, mais, pris dans son ensemble, assez sévère. Les
chef-homme et jurés pouvaient, selon l'occurrence, con-
damner les délinquants à payer des amendes variées, à
distribuer des aumônes, à livrer un certain nombre de cier-
ges ou un certain nombre de livres de cire brute à l’une ou
à l’autre chapelle; à faire confectionner des ex-voto com-
mémoratifs de l'infraction commise ; à faire chanter une ou
Plusieurs messes expiatoires; à se soumettre à l'amende
honorable ou demande de pardon, ou même à la palinodie
solennelle; à réparer la désobéissance commise par l’accom-
plissement volontaire et repentant de l'acte qu’on avait in-
( 424 )
dûment refusé de faire; à accomplir des pèlerinages loin-
tains, enfin à perdre le droit de faire partie du Serment soit
pour leur personne seulement, soit pour eux et pour tous
leurs descendants à perpétuité.
Les amendes étaient discrétionnairement tarifées par le
tribunal. Elles étaient affectées tantôt aux besoins du jar-
din du tir, tantôt à l'entretien et à Pornementation de la
chapelle de Saint-Georges que le vieux Serment de Parba-
léte possédait dans la collégiale de Saint-Rombaut.
Les aumónes consistaient d'ordinaire dans une distri-
bution de pains á faire aux pauvres d'une ou de plusieurs
paroisses de la ville.
Le délinquant, condamné à offrir des cierges, devait aller
les allumer lui-même soit sur l'autel de Saint-Georges, soit
sur celui de Sainte-Barbe, pendant queses confrères étaient
réunis pour entendre une messe de la corporation. Quand
il lui était enjoint de fournir une, deux, quatre, six, huit,
dix livres de cire, ou plus, il devait les donner soit au pro-
fit de la chapelle de Saint-Georges, soit au profit de celles
de Sainte-Barbe ou de Saint-Martin, soit au profit de
la Chambre même du Serment.
Les messes solennelles, ordonnées à titre de pénalité,
étaient presque toujours chantées dans le célébre sane-
tuaire de Notre-Dame d'Hanswyck. C'était le condamné qui
en payait tous les frais. Le Serment assistait en corps à leur
célébration, et le coupable était tenu de porter la paix, de
peijs, d’abord à la victime principale de son infraction ou
au chef-homme, ensuite à tous ses autres confrères.
Les ex-voto étaient tantôt en cire tantôt en argent. Leur
matière et leur poids étaient déterminés par la sentence.
Ils étaient parfois suspendus dans l’église d'Hanswyck, par-
fois exposés dans un lieu apparent de la chambre du Ser-
( 495 )
ment. Ils rappelaient toujours, d’une manière plus ou moins
ingénieuse, le fait délictueux à l'occasion duquel ils étaient
offerts. Un homme condamné pour un délit professionnel
devait, par exemple, donner un ex-voto représentant un
arbalétrier avec son arme sur le dos ; un autre, qui avait
défoncé méchamment une tonne de bière au préjudice de
ses Compagnons, devait faire faire une petite tonne d'un
poids et d'une grandeur déterminés.
L'amende honorable ou demande de pardon se faisait
en public et devant la corporation rassemblée, soit dans le
local du tir, soit dans la chambre du Serment , soit à l’église
et pendant la durée de la messe expiatoire que le condamné
faisait chanter. Quelquefois, cependant, on y procédait dans
la maison de la personne insultée; mais alors il était per-
mis à celle-ci de convoquer ses amis pour la circonstance,
L'individu qui demandait pardon était tenu de prendre une
attitude humble et repentante et parfois de se mettre à ge-
noux. Il est à remarquer que, en cas de désobéissance à un
chef quelconque soit du Serment, soit d'une corporation
Ouvrière, soit de la commune, le pardon solennel faisait
toujours partie de la peine infligée; tant était vivace dans
nos libres communes d'autrefois le sentiment de respect à
l'égard des autorités légitimes! Les passions individuelles
Poubliaient fort souvent , mais l'opinion commune veillait,
altentive, pour réprimer leurs moindres écarts sur ce point.
La palinodie ou rétractation solennelle et publique ac-
Compagnait la demande de pardon quand il s'agissait d'in-
jures, de diffamation ou de calomnie , surtout lorsque la
personne victime de l'infraction avait souffert un certain
préjudice dans sa réputation, ou lorsqu'elle avait été ex-
posée à une poursuite criminelle à raison des faits imputés.
La réparation d’un fait de désobéissance consistait sou-
( 426 )
vent, comme je Vai dit, dans une profession publique de
soumission suivie d’acte. Ainsi, par exemple, un arbalé-
trier qui avait refusé de mettre son soulier sur le poteau,
malgré l'ordre du chef-homme ou d'un juré, était con-
. damné à venir devant le poteau même où il avait délinqué,
à placer à l'endroit voulu son soulier, et à prier ses con-
frères de vouloir bien tirer après celui-ci.
Les pèlerinages étaient très-divers. On envoyait les dé-
linquants, selon les circonstances, à Mons, à S'-Josse, à
Bois-le-Duc,à Valenciennes, à Diest, à Alost , à Maestricht,
à Nieuport, à Ypres, aux Trois-Rois de Cologne, à S'-Adrien
de Gerardmont, à Cambrai, à Halle, à Alsembergh, au
Saint-Sang de Wilznaeken, à Ardembourg, à Paris, à
Rome, à Milan, à S'-Jacques en Galice, ou simplement
à la croix brune de Battele lez Malines. La sentence déci-
dait en termes exprès si le pèlerinage devait être fait à
pied, ou s'il était rachetable soit au prix d’une somme
d'argent, soit au prix d'un certain nombre de livres de
cire. Elle fixait en même temps le délai — ordinairement
de quinze jours — endéans lequel le condamné devait com-
mencer à accomplir sa peine, ou acquitter la prestation sub-
sidiaire. Le délinquant qui perageait son pèlerinage à pied
était tenu de rapporter un certificat authentique, signé et
scellé par les autorités étrangères, et constatant qu'il avait
fait le pèlerinage à titre de peine et non par un autre
motif; de plus il devait affirmer sous serment la sincérité
du certificat qu'il rapportait. Quand il s'agissait d'un pèle-
rinage dans la banlieue de la ville, notamment à Battele,
le coupable faisait souvent sa peine tête et pieds nus; et,
au lieu d'exiger de lui un certificat, on l'obligeait à
prendre avec lui un témoin choisi parmi les confrères de
l’arbalète.
( 427 )
Dans le système pénal pear de Malines le cumul
des peines était habituel : un délinquant encourait sou-
vent, pour une seule infraction, une amende et un pèle-
rinage sans préjudice de la demande de pardon à laquelle
il était astreint; et un délinquant, qui avait commis plu-
sieurs infractions différentes , encourait toujours une peine
spéciale pour chacune d'elles. De plus, et conformément
aux principes généraux du droit criminel national au
moyen áge, une même infraction disciplinaire était fré-
quemment censée léser trois intérêts différents : l'intérêt
de la victime principale, l'intérêt du corps de métier au-
quel la victime appartenait, l'intérêt enfin du Serment de
Parbaléte dont l'honneur et la considération étaient com-
promis par les excès de ses membres. Il y avait par consé-
quent des cas où le tribunal imposait à un délinquant
l'obligation de demander trois pardons différents : à sa vic-
lime, à un des jurés du métier de celle-ci, aux chef-homme
et jurés du Serment; ou celle d'accomplir, en l'honneur de
Ces personnes, trois pèlerinages successifs. Lorsqu'une
sentence comportait un cumul de pèlerinages, le condamné
devait revenir à Malines après l'accomplissement de chacun
d'eux, el repartir de son domicile à un jour fixé par les _
chefs de Serment.
Il ne faut pas oublier que les chef-homme et jurés, tout
en obligeant un délinquant á demander pardon á un adver-
Saire ou à faire un pèlerinage en son honneur, à titre de
Paix, mondsoen, s "oceupaient aussi des dommages et inté-
réts auxquels il était tenu du chef de son délit. Quand, par
exemple, il y avait eu des blessures infligées, un des para-
graphes de la sentence ordonnait toujours au coupable de
Payer avant tout le médecin qui avait soigné le malade.
Il me reste à montrer la manière dont les diverses
( 428 )
pénalités dont je viens de parler étaient en rapport avec
les infractions dont je me suis oceupé plus haut. Je crois
pouvoir être assez bref sur ce point : je ne veux pas faire
de cette notice un recueil d'anecdotes; et pour faire com-
prendre l'esprit général dans lequel la juridiction discipli-
naire était exercée, il me suffira , je pense, de citer ici quel-
ques faits. Un arbalétrier dit à un autre : « vous n'étes pas
» digne de porter notre habit de tireur; » on le condamne à
un pèlerinage à Ardembourg rachetable pour un clinkaert.
Un autre jette un de ses confréres par terre, par méchan-
ceté et en l’injuriant; on lui impose un pèlerinage à S'-Jac-
ques en Galice, à moins qu’il ne préfère payer Pamende,
considérable pour l’époque, de 10 florins du Rhin. Un
troisième prononce dans une querelle quelques énormes
blasphèmes qui scandalisent l'assistance ; il est condamné
à aller porter une chandelle de cire à la croix brune de
Battele, à donner 10 livres de cire à la chapelle de S'-
Georges, à donner 20 escalins de gros de Brabant au
profit du jardin des tireurs.
En 1437 Pierre Conraet manque d'égards au Serment
de la manière suivante. Il arrache un blanc, après lequel
les arbalétriers tiraient, le jette à terre d’une manière in-
convenante, et est cause par là que les confrères, qui
avaient bandé leurs arbalètes, sont obligés de tirer dans la
motte de terre. Pierre Conraet est condamné : 1” à faire un
pèlerinage à Saint-Adrien de Gerardmont, rachetable par
deux escalins de gros de Brabant ; 2° à venir dans le jardin
du tir lors de la première réunion du Serment et à mettre
devant chaque but un beau blanc; 5° à demander pardon
au chef-homme, aux jurés et à tous les confrères, de l'acte
qu'il a commis.
La même année les confrères sont réunis à boire dans
( 429 )
une taverne. Jean van Gheerle, pris d’un besoin subit, ne
se gêne pas pour y satisfaire dans une cruche de vin. Hor-
reur et scandale! les buveurs ne s’en aperçoivent que trop
tard !... Jean van Gheerle, tout effrayé, se dénonce lui-
méme et demande gráce et miséricorde plutót que rigueur
de justice. On lui impose néanmoins un pèlerinage à Saint-
Adrien de Gerardmont, rachetable au prix de deux esca-
lins de gros.
En 1435, le quatrième dimanche après Pâques, les
membres du Serment de la jeune arbalète avaient mis leur
perroquet, papegaey, sur la tour de Saint-Nicolas. Mais,
bien qu’ils eussent tiré après lui toute la matinée, l'oiseau
les narguait encore. Que faire ? aller diner et recommencer
de plus belle après avoir refait leurs forces.
Pendant que les tireurs sont absents passe un quidam ,
Kerstiaen Bollaerts. Il n'est pas du Serment : peu importe,
la tentation est trop violente. Il va chercher un arc, il
lire, et le perroquet est par terre.
Quand reviennent les tireurs de la jeune arbaléte el
qwils comprennent ce qui s'est passé, leur indignation est
profonde. Ils réclament contre Vinsolent, qui a osé les ou-
trager, un châtiment sévère. Le magistrat de Malines in-
tervient et demande aux chef-homme et jurés de la vieille
arbalète de juger du fait comme arbitres. Ceux-ci déli-
bèrent et finissent par décider :
1° Que le susdit Kerstiaen fera confectionner un per-
roquet d'argent, sur un pied d'argent, et pesant un marc
el demi de gros;
2° Qwil accompagnera la procession de Páques pro-
Chaines, son perroquet à la main, en marchant devant le
Roi du jeune Serment de Varbaléte;
3 Qu’après la procession, il se rendra, toujours armé de
z” SÉRIE, TOME XXIX. 28
( 430 )
son perroquet, au local du jeune Serment; et que lá, pré-
sentant son oiseau au chef de la corporation, il demandera
humblement pardon à l'assemblée de l'acte qu'il a commis.
Les vieux arbalétriers, laudatores temporis acti, n'avaient
qu’une confiance médiocre dans la vitalité de Vassociation
de leurs jeunes confrères. Ils stipulaient avec soin, dans la
sentence, que si le Serment de la jeune arbaléte se dissol-
vait, ils deviendraient eux-mémes propriétaires de Poiseau
de Kerstiaen.
Un jour le chef-homme ordonne à Parbalétrier Jean van
Loy de mettre son soulier sur le poteau à titre de péni-
tence : « Je jure par le saint chevalier Saint-Georges,
» s'écrie Jean, que je préfère ne plus jamais me servir de
» mon arbaléte á Malines, plutót que de vous obéir! » Jean
van Loy, dit la sentence portée contre lui quelques jours
après, Jean van Loy commencera par faire en l'honneur
de la corporation un pèlerinage à Mons en Hainaut; et là,
dans la chapelle de Varbaléte de la localité, il offrira un
homme de cire portant une arbaléte sur son dos, et pesant
trois livres, en commémoration de son serment inconve-
nant. Puis, à son retour, il convoquera tous ses confréres
à Notre-Dame d'Hanswyek; il fera chanter une grand’
messe pendant laquelle il portera la paix à tous les assis-
tants, et, tombant à genoux, il demandera pardon au
chef-homme de sa désobéissance. Enfin, il se rendra incon-
tinent avec le Serment au local du tir, et là, plantant son
soulier sur un poteau, il priera ses confrères de tirer
après celui-ci en disant : « Je fais cela parce que naguére
» j'ai refusé de mettre mon soulier Já où le chef-homme
» me lavait ordonné et où j'étais obligé de le mettre (1 ).>
dit oer dek.
(1) Sentence de 1455.
( 431 )
Un autre jour Vranck van Velthoven frappe Nicolas, juré
du métier des boulangers. Il est condamné à faire à pied
un pèlerinage à Saint-Josse, à titre de réparation pour sa
victime; un deuxième pèlerinage à pied à Notre-Dame de
Bois-le-Duc, parce que Nicolas était jiré; et à payer enfin,
au profit du Serment, une amende de vingt escalins de gros
de Brabant, parce que la querelle avait eu son origine dans
une dette qui concernait la vieille arbalète (1).
En 1434 Jean Van der Marckt prononce en public des
paroles outrageantes contre quelques-uns de ses confrères
On lui inflige un pèlerinage à Alost, et on lui enjoint à
son retour de payer un pot de vin à son principal adver-
saire et de lui demander pardon. « Je ferai ce qu’on mor-
» donne, » murmure Jean au momeñt du prononcé de la
sentence, « mais j'ai déjà fait ma peine à raison de ce
» qu'on me reproche. Je ferai donc la peine deux fois. Si
» j'avais tué un homme, j'en serais quitte à meilleur mar-
» ché! »
Malheureuse réplique! Les chef-homme et jurés d'infliger
slante pede à Van der Marckt un nouveau pèlerinage à
Maestricht et de lui déclarer que si lui, ou quelque autre,
réclame encore contre les jugements rendus, il sera livré
au tribunal des échevins et exclu du Serment (2).
Mais voici bien un autre apôtre. Les arbalétriers de Ma-
lines se rendent à Calais. Henri Bloe, dinant en chemin
dans la tente des confrères, commence par jeter un plat à
la tête du valet servant, puis il tire son couteau el se met
en devoir de le poursuivre.
(1) Sentence de 1435.
(2) Sentence du 15 août 1434.
( 432 -)
On arrive devant Calais, Henri Bloc se querelle dere-
chef à table avec le même valet, il le menace et Pinjurie,
et finit par quitter la table malgré Pordre exprés du chef-
homme qui lui dit: „« Asseyez-vous ou je le dirai au com-
» munemaitre! » Une tempête survient. Il pleut, il tonne,
il vente, tous les arbalétriers s'accrochent aux cordes et
aux piquets de leur tente pour la maintenir. Bloc seul ne
bouge pas, bien qu’on le prie instamment de venir aider ses
compagnons. Quand on lève le camp pour revenir à Ma-
lines, le chef-homme fait chercher son cheval à Dunkerque
où il l'avait laissé. Bloc rencontre le valet du chef-homme,
le force à descendre de sa bête, enfourche celle-ci lui-
même, reconduit le cheval à Dunkerque, et le chef-homme
est obligé de revenir à pied à Malines. Ce n’est pas tout: les
confrères de l’arbalète ont encore une tonne de bière
qu’ils désirent charger avec leurs bagages par mesure de
précaution. Bloc s’y oppose. On discute; il tranche la ques-
tion par un formidable coup de pied qui défonce le ton-
neau: et les confrères meurent de soif pendant une longue
et chaude journée de marche.
Bloc, cependant, est subitement calmé dès qu'il est re-
venu à Malines. Il se soumet humblement à la correction
qu’on voudra lui infliger. Il est condamné par le tribunal
disciplinaire du Serment: 1° à faire un pèlerinage au Saint-
Sang de Wilznaeken, ou à le racheter au prix de vingt
escalins ; 2 à demander solennellement et publiquement
pardon au chef-homme; 3° à faire confectionner deux ex-
voto de cire, l'un pesant trois livres et représentant un
homme à cheval, l’autre pesant une livre et représentant
une petite tonne, destinés à être suspendus à Notre-Dame
d'Hanswyek; 4° à payer une amende de vingt escalins de
( 433 )
Brabant. S'il ne se soumet pas on le livrera aux échevins
et on le chassera de la Gilde (1).
En 1459 un arbalétrier frappe un de ses confrères au
visage, au moyen de son arbalète, et lui fait une blessure
avec effusion de sang. On le condamne à faire un pèlerinage
à Saint-Josse, ou à le racheter au prix d’un ridder ; à faire
confectionner une petite arbalète de cire qui sera suspen-
due à Notre-Dame d'Hanswyck; enfin à demander pardon
à sa victime etaux chefs du Serment dans la première réu-
nion de celui-ci (2).
En 1440 les arbalétriers de Malines se sont rendus au
grand concours de l’arbalète à Axele. Un des confrères a
besoin d'argent; il en emprunte comme si c'était au nom
du Serment, le dépense, et ne parle pas de rembourser sa
dette. La compagnie en souffre honte et difficulté. Le cou-
pable est condamné à faire un pèlerinage à Wiltznaeken,
Où à payer quatre florins du Rhin; puis, à son retour, à
venir dans la chapelle de Saint-Martin porter un cierge
d'une livre sur l'autel pendant la messe ; à porter la paix à
tous ses confrères et à leur demander pardon; enfin il est
exclu à perpétuité non-seulement du vieux Serment, mais
Encore du jeune Serment de Varbaléte (3).
En 1475 un membre du Serment accuse publiquement
deux de ses confrères d'impureté contre la nature. Le fait
est grave: il n’y va de rien moins que de la peine du feu
pour les accusés s'ils sont trouvés être coupables. Heu-
reusement le calomniateur se rétracte, mais il encourt
lui-même le châtiment exemplaire suivant: 1° Il doit re-
a mn,
(1) Sentence du 29 septembre 1437.
2) Sentence du 19 juillet 1439.
(5) Sentence de Pan 1440
e
(454 )
connaitre publiquement devant le Serment, les commune-
maitres el ses victimes qu'il a parlé sous Pempire de
l'ivresse et de la légèreté; demander publiquement pardon
aux gens qu’il a calomniés, et déclarer qu'il ne sait rien
que d'honorable à leur endroit. 2° Il doit payer les frais du
certificat de palinodie qu’on délivrera à ses victimes sous
le sceau aux armes de la ville. 3° Il doit payer douze ry-
ders d'or qu'on emploiera à faire confectionner un ex-volo
commémoratif de son infraction. 4° Il doit enfin présenter
à la chapelle de Sainte-Barbe, « pour que sainte Barbe le
» défende devant Dieu, » deux torches de cire de deux
livres chacune (1).
n 1477 Laurent Wagel étant dans la tranchée « in de
» myne » devant Neuss, coupe en deux la corde de son ar-
baléte au lieu de se servir de son arme. A l'exemple de tous
autres qui oseraient l'imiter il est honteusement chassé du
Serment pour toujours (2).
Un autre confrère présent à Neuss ayant prêté, comme
les autres arbalétriers, le serment de ne pas se séparer de
ses compagnons jusqu'à la mort, revient cependant à Ma-
lines sans congé et sans passe-port du chef-homme et des
jurés. A raison de sa désertion, on lui inflige la peine de
l'exclusion du Serment, plus une amende de quatre livres
de cire, plus un pèlerinage à Rome rachetable au prix de
trois livres de gros (3).
En 1493 Jean Van der Zennen accepte les fonctions de
sous-chef-homme du Serment et prête serment en cette
qualité, puis refuse subitement d'exercer ses fonctions. Le
miri E
(1) Sentence du 3 août 1475.
(2) Sentence du mois d'octobre 1477.
(5) Sentence du 19 octobre 1477.
( 455 )
tribunal disciplinaire le décharge de ses obligations, mais le
déclare lui et tous ses descendants incapables de faire à
l'avenir partie de la corporation de la vieille arbalète (1).
En 1512 les arbalétriers assistent à l'inauguration du
jeune prince Charles à Malines. Un d’entre eux est tellement
ivre qu'il tombe piteusememt dans la boue, aux pieds du
prince et des magistrats, à la grande confusion du Serment.
Bien qu'il demande gráce et miséricorde, on le condamne
à demander publiquement pardon à ses chefs, et à donner
à la chapelle de Saint-Georges cinq livres de cire (2).
Je crois qu'il est inutile de multiplier ces citations.
Cette courte notice n’a pas la prétention, je Vai déjà dit,
d’épuiser la matière, Elle ne s'occupe que d’une seule cor-
porton, dans une seule vilie, et pennat un seul siècle.
J'o que j'y ai rassemblées
ne seront pas tout à fait inutiles à la science historique. Les
renseignements que j'ai recueillis dans le Sentencie boeck de
la vieille arbalète de Malines pourront servir de points de
Comparaison pour les travailleurs qui auront l'heureuse for-
tune de rencontrer dans d'autres villes des registres analo-
gues. C'est dans le jeu des institutions locales secondaires,
pris sur le vif, qu'on peut apprendre á connaitre le véri-
table état social dans lequel vivaient nos pères, mieux que
dans les plus intéressantes chroniques. J'ai voulu planter
sur ce terrain un jalon que je retrouverai plus tard moi-
même si Dieu le permet et que l’occasion s’en présente; ou
que d’autres pourront retrouver à mon défaut,si Académie
veut faire à ces quelques pages l'honneur de les prendre
sous son patronage.
(1) Sentence du 21 avril 1495.
(2) Sentence du 4 juillet 1512,
$
( 456 )
— M. Ad. Mathieu donne ensuite lecture d'un morceau
de poésie de sa composition. — Cette communication est
réservée pour la séance publique du mois prochain.
A AP
La classe décide que les séances du mois de mai auront
lieu les 9, 10 et 14. Elle s'occupe des préparatifs de la
séance publique, qui aura lieu le mercredi 41, à 1 heure,
dans la grand’salle des Académies, au Musée; le pro-
gramme se composera : 4° du discours d'usage, prononcé
par M. E. Defacqz, directeur annuel; 2° d'une pièce de
vers, par M. Ad. Mathieu, et 3° d’une lecture flamande, par
M. Henri Conscience.
La proclamation des résultats des concours el des élec-
tions aura lieu également dans cette solennité.
(437 )
CLASSE DES BEAUX-ARTS.
Séance du 7 avril 1870.
M. C.-A. Framan, directeur.
M. Ap. QuereLer, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. L. Alvin, N. De Keyser, F.-J. Fétis,
L. Gallait, G. Geefs, C.-L. Hanssens, Madou, A. Van Has-
sell, Joseph Geefs, Ferdinand De Braekeleer, Éd. Fétis,
Edmond De Busscher, J. Portaels, Alphonse Balat, Aug.
Payen , le chevalier Léon de Burbure, Joseph Franck,
Gustave De Man, Ad. Siret, Julien Leclercq, membres;
Daussoigne-Méhul , associé.
M. Ed. Mailly, correspondant de la classe des sciences,
assiste à la séance.
CORRESPONDANCE.
M. le Ministre de l’intérieur adresse un exemplaire de
Pouvrage intitulé : L'ancienne École de peinture de Lou-
vain, par E. Van Even; 1 vol. in-8'.
l. A. Van Hasselt offre un exemplaire de la traduction
française, faite en collaboration avec M. J.-B. Rongé, de la
Norma de Bellini (texte italien de Romani), et un exem-
( 458 )
plaire de la traduction francaise d'un recueil de Trente airs
de Bach, Haendel, etc., avec paroles, allemandes, italiennes
et anglaises; 2 cah, in-4°.
Remerciments.
— Une cantate intitulée : Hymne aan het Vaderland in
het gevaer, avec traduction francaise et accompagnée d'un
billet cacheté sans devise, est parvenue au secrétariat de
l’Académie le 28 mars dernier.
Cette pièce est momentanément réservée, le concours
de composilion musicale de 1871, auquel elle était proba-
blement destinée, n’étant pas encore ouvert.
ÉLECTIONS.
La classe procède à l'élection de deux membres titu-
laires de la section de peinture.
Pour la première place, vacante par le décès de M. le
baron Henri Leys, les suffrages se sont portés sur M. Er-
NEST SLINGENEYER, peintre d'histoire à Bruxelles; et pour
la seconde place, vacante par le décès de M. F.-J. Navez,
sur M. ALexanbrE Rogerr, également artiste peintre el
professeur à l’Académie des beaux-arts de Bruxelles.
Ces élections seront soumises à l'approbation de Sa
Majesté.
(439 )
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
M. L. Alvin donne lecture de l'introduction d'un travail
qu'il a consacré à la vie et à la carrière artistique de feu
F.-J. Navez, membre de la Compagnie. — Cette œuvre
sera Pobjet d'une publication spéciale.
D'après d j ique un membre
de la classe, le Temple des Augustins, à Bruxelles, qui, selon
le premier projet des travaux de la Senne, était conservé,
serait prochainement démoli.
Des explications sont données par différents membres
faisant également partie de la commission des monuments;
elles permettent de croire que rien n'est décidé à cet
égard.
La classe décide d'exprimer au gouvernement le vœu
de le voir intervenir auprès de l'administration communale
Pour la conservation de ce monument.
(M0)
OUVRAGES PRÉSENTÉS.
Gluge. — Abcès de la rate, guérison. Bruxelles, 1870; in-8°.
Juste (Th). — La Belgique indépendante e es
Bruxelles, 1870; gr. in-8°.
Juste (Th.). — Les élections depuis nl Bruxelles;
in-8°.
Mathieu (Ad.). — Sur la tombe d’un enfant. In-12.
Trente airs de Bach, Haendel, Hayden, Mozart, Beethoven,
Weber et Schubert, pour basse ou baryton, avec paroles alle-
mandes, italiennes ou anglaises, et traduction française rhyth-
mée, par A. Van Hasselt et J.-B. Rongé. Brunswick; petit
in-4°.
Bellini. — Norma, grand-opéra en 2 actes et cinq tableaux.
Texte italien de Romani. Traduction française rhythmée par
A. Van Hasselt et J.-B. Rongé. Brunswick; p. in-4.
Morren (Ed.). — L’horticulture à l'exposition universelle
de Paris, Bruxelles, 1870; in-8°.
État-major autrichien (section historique). — Les luttes de
PAutriche en 1866, traduit de Pallemand, annoté et publié par
Franz Crousse, tome IHI. Bruxelles, 1870; in-8°.
Demarteau (J.-E.) — L'éloquence républicaine de Rome
d'après les fragments authentiques, avec une préface de
M. Egger. Mons, 1870; in-8°.
De Potter (Frans). — Dagboek van Cornelis en Philip van
Campene. Gand, 1870; in-8°.
Guioth (J.-L). — Histoire numismatique de la Belgique,
tome IT avec planches. Bruxelles, 1870 ; in-#°.
Meerens (Charles). — Examen analytique des expériences
d’acoustique musicale de M. Delezenne. Lille, 1869 ; in-8°.
(BE)
Commission royale d'art el PAPE — Bulletin,
- 9% année, n°° 4 et 2. Bruxelles, 1870; in-
Société de l’histoire de Belgique. — Collection de mémoires
sur l’histoire de Belgique, 2"° série, XVH®° siècle. Henri IV et
la princesse de Condé, 1609-1610, précis historique par Paul
Henrard. Bruxelles, 1870; in-8'.
Société royale de numismatique. — Revue de la numisma-
tique belge, pme série, tome If, 2% livr. Bruxelles, 1870;
in-8°,
L’Abeille, revue pédagogique pour l’enseignement primaire,
publiée par Th. Braun, 16° année, 1'°à 3" livr. Bruxelles,
1870; 3 cah. in-8°.
Société d’Émulation de Bruges. — Annales, 5"° série, tome
V, n°1. Bruges, 1870; in-8°.
Société chorale et littéraire des mélophiles de Hasselt. —
Bulletin de la section littéraire, 6”* vol. Hasselt, 1870; in-8°.
Société scientifique et littéraire du Limbourg. — Bulletin,
tome X. Tongres, 1869, in-8°.
Cercle archéologique de Termonde. — Annales, 2"* série,
tome IL, {re et 2° Jiyr, Termonde, 1869; 2 cah. in-8°.
Institut royal et grand ducal du Luxembourg. — Publica-
tions, n° XXIV (section historique, n° IF). Luxembourg, 1869;
in-4°,
Nederlandsche entomologische vereeniging. — Tydschrift
voor entomologie, 2° serie, 4% deel, 2% en 6% aflev., V* deel,
1° aflev. — Repertorium der acht eerste jaargangen (1*° se-
rie, 1858 tot 1865). La Haye, 1869; 7 cah. in-8°.
Zeeuwsch Genootschap der wetenschappen te Middelburg.
— Archief, VII. — Verslag van het eeuwfeest, 1869. Middel-
bourg, 1869; 2 vol. in-8°.
Bertin (E). — Étude sur la houle et le roulis. Cherbourg,
1869; in-8°.
Quicherat (J.). — D'un peuple allobrige différent des allo-
roges. Paris, 4869; in-8°.
| ( 442 )
Méhay. — Étude sur la betterave à sucre (1% à 4"° mé-
moires). Valenciennes, 1868-1869; 4 broch. in-8°.
Lefèvre (H.). — Traité des valeurs mobiliéres et des opéra- -
tions de bourse. Paris, 1870; in-12.
De Caumont. — Comment la vie intellectuelle pourrait-elle
se développer en province? Caen; in-8°.
Société géologique de France, à Paris. — Bulletin, 2"° série,
tome XXVI, feuilles 47-56, tome XXVII, feuilles 1-10. Paris,
février et mars 1870; 2 cah. in-8°.
Institut historique de France, à Paris. — L'Investigateur,
57™° année, 422"* et 495"* livr. Paris, 1870; in-8°.
Revue et magasin de zoologie pure et appliquée et de sérici-
culture comparée, par M. F.-E. Guérin-Meneville. 55”* année,
n” 2 et 5. Paris, 1870; 2 cah. in-8°.
La Santé publique, n° 55 à 65. Paris, 1870; 15 feuilles
in-4°.
Bulletin hebdomadaire de l'agriculture, fondé et dirigé par
J.-A. Barral, année 1870, n 4 à 15. Paris, 1870; 15 feuilles
in-8°.
Société d'histoire naturelle de Colmar. — Bulletin, 10”* an-
née, 1869. Colmar, 1870; in-8°.
Académie impériale des sciences, belles-lettres et arts de
Lyon. — Mémoires, classe des sciences, tome XVII. Lyon,
1869-1870; gr. in-8°,
Société linnéenne de Lyon. — Annales, année 1869 (nou-
velle série), tome XVII. Paris, 1869; gr. in-8°.
Société vaudoise des sciences naturelles à Lausanne. — Bul-
letin, vol. X, n° 62. Lausanne, 1869; in-8°.
Astronomischer Gesellschaft zu Leipzig. — Viertel Jahr-
schrift, V Jahrg., 1'* Heft. Leipzig, 1870; in-8°.
Naturwissenschaftlicher Vereine zu Bremen. — Abhand-
lungen, 2 Band, 2 Heft. Bréme, 1870; in-8°.
Sternwarte zu Muenchen. — Annaler : IX supplementband :
Verzeichniss von 4793 telescopischen sternen zwischen- 3° und
( 445 )
-9° Declination; herausgegeben von D" # von Lamont. Munich,
1869; in-8°,
Germanischen national Museums zu Nurnberg. — Anzei-
ger, neue folge, XVI"! Band, Jahrgang 1869. Nuremberg;
in-4°, — XVeter Jahres-Bericht. Nuremberg, 1869; in-4°.
Entomologischer Verein zu Stettin. — Stettiner entomolo-
gische zeitung, 51 Jahrgang, n° 4-5, 4-6. Stettin, 1870; 2 cah.
in-8°,
-Physicalisch- Medicinische Gesellschaft in Würzburg. —
Verhandlungen , neue folge, I Band, 4 Heft. — Verzeichniss
der Bibliothek. Wurtzbourg, 1869; 2 cah. in-8°.
Negri (Christoforo). — Discorso cone Presidente della so-
cietá geografica Italiana tenuto nel’ Adunanza solenne del
15 marzo 1870. Florence, 1870; in-8°.
Seltimanni (C.). — D'une seconde nouvelle méthode pour
déterminer la parallaxe du soleil. Florence, 1870; in-8.
R. comitato geologica d'Italia. — Bollettino, n* 2 et 5. Flo-
rence, 1870; 2 cah. in-8°.
Vimercati (Guido). — Rivista scientifico - industriale del
1869. Anno primo. Florence, 1870; in-12.
Zantedeschi (Francesco). — La meteorographia del globo,
studiata a diverse altitudini da terra. Brescia, 1869; in-8°.
Societa italiana di scienze naturali di Milano, — Atti, vol.
XII, fase. 4, fogli 4 a 15. Milan, 1869; in-8°.
Kaiserliche Akademie der Wissenschaften zu S' Pelers-
burg. — Repertorium für meteorologie, redigirt von D" Hein-
rich Wild. Band I, Heft 4. Saint-Pétersbourg, 1869; in-4°. —
Vorschläge betreffend die Reorganisation des meteorologischen
beobachtungs; yslemes in Russland. — Bericht einer Commis-
sion der Akademie der Wissenschaften zu S' Petersburg; in-8°.
Geological Society of London. — Quarterly Journal, vol.
XXVI, part 4 (n° 101). Londres, 1870; in-8°.
Natira, a weekly illustrated journal of science, n* 21 à 25.
Londres, 4870; 5 cah. in-4°.
(44 )
Royal Society of Edinburgh. — Transactions, vol. XXV,
part 2. — Proceedings, vol. VI, n° 77-79. Dublin, 1869;
1 vol. in-4 et 1 cah. in-8°.
Asiatic Society of Bengal, at Calcutta. — Journal, 1869,
part 2, n° 4. Calcutta, 1869; in-8°.
Peabody institute at Salem. — Address of the President to
the board of trustees, on the organisation and government of
the institute, february 12, 1870. Salem; in-8°.
BULLETIN
DE
L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES,
DES
LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE.
1870. — No 5.
CLASSE DES SCIENCES.
me
Séance du 10 mai 1870.
M. G. Dewatoue, directeur, président de l’Académie.
M. An. QuereLer, secrétaire perpétuel. |
Sont présents : MM. J. d'Omalius d'Halloy, L. de Ko-
nincek, P.-J. Van Beneden, Edm. de Selys Longchamps, le
Vicomte du Bus, Gluge, Melsens, J. Liagre, F. Duprez,
Poelman, E. Quetelet, M. Gloesener, A. Spring, Candèze ,
Eug. Coemans, F, Chapuis, F. Donny, Ch. Montigny,
Steichen, E. Dupont, membres; Th. Schwann, Th. Lacor-
daire, E. Catalan, Ph. Gilbert, associés; C. Malaise,
A. Bellynek et H. Valerius, correspondants.
2"" SÉRIE, TOME XXIX. 29
(46 )
CORRESPONDANCE.
M. le ministre des Pays-Bas à Bruxelles offre, au nom
de son gouvernement, les feuilles 13 et 25 de la carte géo-
logique de la Néerlande. — Remerciments.
— L'Association britannique pour le progrès des sciences
annonce que sa 40° session s'ouvrira le 14 septembre
prochain, à Liverpool.
-= — La Société d'Émulation de Cambrai, la Société im-
périale d'agriculture de Valenciennes, la Société d'agri-
culture de Douai, la Société des sciences de Lille, la Société
entomologique de Leyde, l'Université de la même ville,
la Société des sciences d'Utrecht, l’Institut géologique de
Vienne, M. Davidson, associé, à Brighton, la Société royale
d'Edimbourg, l'Observatoire royal de Greenwich, le Geolo-
gical Survey de Calcutta, remereient pour les derniers envois
de publications académiques. Plusieurs de ces établisse-
ments adressent , en même temps, leurs plus récents tra-
vaux.
— Un billet cacheté, adressé par M. A. Brialmont, au
nom de M. V. Cantillon, est déposé aux archives, apres
avoir été revêtu de la signature de M. le directeur.
— Les communications manuscrites suivantes sont re-
servées pour le recueil des phénomènes périodiques :
4° État de la végétation à Bruxelles, le 21 avril 1870, ob-
(447)
servé par MM. Ad. et Ern. Quetelet; 2 à Waremme, les
21 mars et 21 avril 1870, par M. de Selys Longchamps;
3° à Namur, aux mêmes époques, par M. Bellynck; 4° à
Melle, le 21 avril dernier, par M. Bernardin; 5° observa-
tions sur la feuillaison, la floraison et dome à An-
vers, en 1869, par M. Acar; 6° observati
faites à Bruxelles, en 1869, par MM. J. B. Vincent et fils;
7° observations météorologiques faites à Si-wen-dze, en
Mongolie, et transmises par le R. P. Francois Vranck, supé-
rieur de la mission belge pour la Chine.
— M: F. Terby, de Louvain , adresse différentes lettres
relatives à des observations astronomiques et météorolo-
giques.
— M. E. Catalan offre un exemplaire d’une brochure
in-4° intitulée : Sur quelques sommations el transforma-
lions de séries. — Remerciments.
— Les travaux manuscrits suivants sont renvoyés à lexa-
men de commissaires :
E Observations au sujet des travaux géologiques de
MM. Cornet el Briart sur la meule de Bracquegnies,
par MM. Horion et Gosselet, avec une note de M. Al-
bert Briart. (Commissaires : MM. d'Omalius, de Koninck
et Dewalque.)
2 Note sur les surfaces à courbure moyenne constante,
par M. J. De Tilly. (Commissaires : MM. Liagre et Folie.)
3° Réflexions sur la chaleur universelle, par M. Méhay.
(Commissaires : MM. Melsens et Plateau.
(448)
RAPPORTS.
Notes sur le grès landenien, par M. J. Moreau.
Rapport de M, d'Omalius.
« Les grès éocènes, que l’on exploite pour faire des
pavés dans le Brabant et dans la Hesbaye, ont déjà attiré
l'attention de l’Académie à l’occasion d'une notice de
M. Van Horen (1), et M. Moreau communique maintenant
de nouvelles observations qui appuient Popinion que les
surfaces luisantes, que présentent quelquefois les grès dont
il s'agit, ne sont pas dues à l’action des glaces.
L'auteur attribue l'origine de ces surfaces luisantes à
des émanations siliceuses postérieures à la formation du
grès. Sans contester la possibilité de cette hypothèse, je
dirai qu'il me paraît que, dans ce cas, les surfaces luisantes
devraient être plus communes. Je suis, en conséquence,
porté à croire qu’elles résultent plutôt d'une espèce de suir-
tement analogue à celui qui a produit les veines et qui pro-
viendrait de ce que les grains de quartz, qui se sont agglu-
tinés pour former les grès, avaient un degré de mollesse
suflisant pour laisser dégager de la silice en dissolution.
L'auteur donne aussi des détails sur le gisement des
grès dont il s'agit, et quoiqu'il annonce qu'il s'abstiendra
d'émettre des théories, il donne sur l’origine des grès el
sur l’action des courants diluviens des hypothèses qui, selon
oi, laissent à désirer; mais, comme il est bon que toutes
les opinions se fassent jour et que la note de M. Moreau
AE
(1) Bulletins de l'Académie royale de Belgique, 2: série, t. XXV, pp. 611,
616 el 645
( 449 )
contient quelques détails intéressants, j'ai l'honneur de pro-
poser à la classe d'en ordonner l'impression dans le Bul-
letin. »
M. G. Dewalque, second commissaire, s’en réfère au rap-
port de son savant maître, et se joint à lui pour proposer
également à la classe d'insérer la note de M. Moreau dans
les Bulletins.
Conformément à ces conclusions, le travail de M. Moreau
sera imprimé dans ce recueil.
Sur la latitude de la flèche de la cathédrale d'Anvers,
par M. A. de Boë.
Rapport de M. Ern. Quetelet,
« M. Adolphe de Boë a fondé à Anvers un observatoire
dont les principaux instruments sont un cercle méridien,
une machine parallactique et un télescope à miroir argenté,
Le premier de ces instruments vient d'être employé à une
détermination de la latitude. Par l'observation de cent
étoiles vues directement et sur le mercure, M. de Boë a
trouvé pour valeur de la latitude de son observatoire
54°12 27 80,
lla ensuite déduit de ce nombre la latitude de la tour
de la cathédrale, et il a obtenu une valeur qui est presque
exactement celle qui avait été adoptée précédemment. Il y
a done Jien d'espérer que la latitude de l'observatoire est
assez exactement déterminée. |
Je propose d'insérer la note de M. de Boë dans le Bul-
letin de la séance, de lui adresser des remercîments et de
( 450 )
Vengager à poursuivre ses observations astronomiques. »
Conformément à ces conclusions, la classe décide l'im-
pression de la note de M. A. de Boé dans les Bulletins.
— M. Duprez fait un rapport verbal, en son nom el au
nom de M. J. Plateau, sur une notice de MM. Wallée et
Achille Brachet, de Paris, relative à la lumière électrique,
et conclut au dépót de ce travail dans les archives : la classe
adopte cette décision.
— M. C. Flammarion avait soumis à l'examen de la
Compagnie une note sur La loi du mouvement de rotation
des planètes. Comme cette note a déjà été présentée à
l’Académie des sciences de Paris, il a été répondu à lau-
teur que la classe ne pouvait, eu égard à son règlement,
faire de rapport sur son travail.
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
—
Determination de la déclinaison et de Pinclinaison magne-
~ tique à Bruxelles en 1870; note de M. Ad. Quetelet,
secrétaire perpétuel de l’Académie.
Le 1° avril, la déclinaison, vers 11 heures du matin, a été
trouvée par M. Ernest Quetelet, dans le jardin de PObser-
vatoire, de 17:57',2 correspondant à 4370 de l'échelle du
magnétomètre placé dans l'intérieur du bâtiment. Un peu
après midi, elle était de 182,6 et la lecture du magnéto-
mètre de Gauss indiquait 4275. (On sait que la déclinaison
augmente quand la lecture de l'échelle du magnétomêtre
diminue). La déclinaison continue donc à diminuer.
( 451 )
Le 19 avril, Pinclinaison observée, également dans le
jardin, entre 10 heures et midi d'abord, puis vers 1 heure,
a donné respectivement les résultats suivants : 67°10’,2 et
67°15,0. En comparant ces résultats avec ceux des années
qui précèdent, on voit que l'inclinaison approche de sa
valeur minimum.
Voici les valeurs de ces deux éléments, depuis l'époque
où ils ont été observés en Belgique, jusqu’à ce jour :
Déclinaison magnétique à Bruxelles.
DÉCLINAISON
ANNÉES. ÉPOQUE. HEURE. magnis
observée.
1828 (1) 22 novembre. Midi à 2 heures . 990 28:0
1829, 6 mai. 22 29,0
1830. .. 5 mars 4 à2 heures 22 25,6
1832, 28 el 31 mars iit — 22 18,0
1833. Wetz — 1548 — 92 13,5
183%, 4 avril 4 heu i 2 15,2
1835. 28 mars Midi ʻi iais 4 2 62
1836, 921 — À à 3 heures . 2 7,6
1837. 2% — 142 — 2 41
1838. Ne 132 — 2 3,1
1839, 28 et 29 mars ESS — il. 21 53,6
1840 2. Mars Midi, 2 et 4 heures. A 46,1
1841. a it 91 38,2
1842, E — 21 35,5
1843. e dia 21 26,2
1844, de pe 21 17,4
1845. _. = 2 14,6
1846, wen seña A 41
1847. cu de 20 56,8
1848, | — = 20 49,2
(1) De gedi 1859, d. eR
å Bruzelles p 5 zg voyer
s Annuaires de POL 59, page 259
(2) Lad r
tomètre de Gauss, faites à midi, 2 et 4 heures, yrds le mois de mars, en la corrigeant | sur
les observations ue, déterminées dans le jardin.
(452)
Déclinaison magnétique à Bruxelles (suite).
DÉCLINAISON
ANNÉES. ÉPOQUE: … ® HEURE. magnétique
observé
1849. 6 avril 2 à 4 heure y 200 39/2
1850. 2 — 10 1/2 PEA matin, 20 25,7 (1)
1851. Hen Midi à 4 heure. 20 24,7
1852. 30 Mars. . 4 à 3 1/2 heures 20 48,7
1853 (2) 91 et 23 avril. Avant midi 20 60(!)
1854. 29 mars 40 à 12 heures. 19 57,7 (1)
1855 (3) 6,7 et 24 avril. 40 1/2 heures à midi. 19 53,3 (1)
1856. 27 mars Midi à 3 heures 19 47,8
1857. 23 — 2 h. 40 m. 19 #19
1858. 46 avril 12 h. 20 m. 19 33,8
1859. 29 — 41 h. 40 m. 19 28,9
1860. 4 — 4 h. 10 m. 19 31,9
1861. 25 mars 4 h.10m 49 249
1862. 2 avril 10 1/2 h. du malin. . 19 11,9
1863. 18 avril et 5 mai. 11 heures du matin. 18 55,5
1864. 9 avril 40 1/2 h. du matin. . 18 49,9
1865. 7 Midi . . 18 47,9
1866. 19 1 1/2 heure 18 41,3
1867. 29 mars Midi 18 30,5
1868. 1 avril + 18 26,5
1869. 2 — 18 7,9
1870. 4 — — 17 59,9
Jour
A
fut pions dd en n 1883, et le tont KAA achevé en 1885. Dey
hauteur, entoure tout
qui quines de clôture à 1'0Obs
uis, o une nouvelle grille, de fa Seki pa
ervatoire vers l'o
les observations
t-
subséquentes, les pa nneaux des côtés correspondant au lieu d'observation distant de ving
ni ed meest op se ‘cuivre,
mon fiis
(5) A
5
Inclinaison magnétique à Bruxelles.
; INCLINAISON ai
p= ene, diminution
t- ANNEKE, DIFFÉRENCE.| ÉPOQUE. | annuelle
z E ER , de::
observée. | calculée, Pines
1 1827,8 | 680565 | 68058176 | —226 | 1830 | — 3,163
2 4830,2 | 68 51,7 | 68 51,14 | +0,59 1835 | — 2,877
3 18322 | 68 49,1 | 68 4485 | +495. | 1840 | —2591
4 1833,2 | 68 428 | 68 41,76 | +1,14 1845 | — 2305
5 1831,2 | 68 38,4 | 68 38,71 | — 0,31 1850 — 2,019
6 1835,2 68 35,0 | 68 35,68 | — 0,68 1855 | — 1,133
l 7 1836.2 | 68 322 | 68 3268 | — 0,48 1869. | — 1,447
E 8 1837,2 | 68 288 | 68 29,71 | — 0,91 1865 | — 1,161
9 1838,2 | 68 26,1 | 68 26,76 | — 0,66
10 1839,2 68 224 | 68 2385 |. — 1,45
il 1840,2 68 21,4 | 68 20,96 | +0,44
12 1841,2 68 162 | 68 18,10 | — 1,90
13 18/22 | 68 15,4 | 68 15,27 | +0,13
14 1843,2 | 68 10,9 | 68 1247 | — 1,57
| 15 18442 | 68 92 | 68 9,70 | — 0,50
16 1845,2 | 68 63 | 68 696 | — 0.66
17 18462 | 68 3,4 | 68 42] —0,85
18 1847,2 | 68 49 | 68 1,561 +0,34
19 18482 | 68 0,4 | 67 57,90 | +0,50
20 1849,2 67 56,8 | 67 56,28 | +0,52
21 1850, 67 54,7 | 67 53,42 | +1,28
22 1854,3 | 67 50,6 | 67 50,85 | — 0,25
23 18523 | 67 486 | 67 48,52 | “+0,08
24 1853,3 67 47,6 | 67 45,80 | +1,80
25 18542 | 67 45,0 | 67 4352 | +1,48
2 1855,2 67 39,2 | 67 41,01 | —1,81
27 18566 | 67 37,7 | 67 37,69 | +-0,01
28 18583 À 67340 | 67 3367 | +0,33
29 1859,2 | 67 319 | 67 31,47 | +0,3
1860,3 | 67 30,8
31 1861,2 | 61 27,9
(454 )
Inclinaison magnétique à Bruxelles (suite).
á INCLINAISON Ai
Š A ul a E E peg
z observée. | calculée, We Sel
l'inclinaison.
32 1862,2 67e 2533
33 1863,3 67 24,6
34 1864,3 67 22,0
35 1865,3 67 19,9
36 1866,3 67 16,9
37 1867,3 67 15,3
38 1868,2 67 11,5
39 1869,3 67 10,7
40 4870,3 67 116
D'après M. Hansteen, la déclinaison positive se prolon-
gera jusque dans le siècle prochain, et ne finira qu'en 1924
pour devenir ensuite négative; d’après mes calculs, ce
terme serait un peu plus reculé.
Occultation de Saturne par la lune, le 19 avril 1870;
note de M. Ad. Quetelet.
Dans la nuit du 19 au 20 avril, la lune a passé devant
Saturne. Ce phénomène a pu être annoté à Bruxelles
dans d'assez bonnes conditions. J'ai observé sur la terrasse
de l'Observatoire avec une lunette de Dollond. MM. E. Que-
telet et Hooreman observaient respectivement à l'équatorial
dans la tourelle occidentale et avec une lunette de T rough-
( 455 )
ton dans la tourelle orientale. Voici, en temps sidéral, le
moment de la disparition et de la réapparition des deux
bords de Panneau :
IMMERSION 3 Ad. Quetelet. E. Quetelet. Hooreman. MOYENNE.,
Anneau L 4Tb44m48s9 — 11m48s3 44m49s4 — 17h11m48s8
IL 1743429 13216 43163 1713469
ÉMERSION. {
Anneau I. 48h2m55s9 20m8752 20m88s5 48b20m57s2
— IL 18229 223 227 18226
A Pimmersion, le bord brillant de la lune était un peu
ondulant,
Notice sur la scintillation et sur son intensité pendant
Paurore boréale observée à Bruxelles, le 5 avril 1870;
par M. Ch. Montigny, membre de l'Académie,
La dernière notice que j'ai eu l'honneur de présenter à
l’Académie avait pour objet de montrer, à l’aide de consi-
dérations basées sur le calcul, que la scintillation des
étoiles présente nécessairement des différences selon la
grandeur d'ouverture des appareils de vision employés
dans les observations (1). Mes prévisions ont été justi-
liées par des expériences nouvelles sur la scintillation de
diverses étoiles que j'ai observées, à l’aide d'une lunette
munie d'un scintillomètre, en réduisant successivement
l'étendue de la surface de l'objectif par la superposition
A e T nT
(1) Bulletin de l'Académie royale de Belgique, 2° série, t XXIX, p.80.
( 456 )
d'obturateursdifférents. Dans ces expériences, le nombre,
la nature et la netteté des changements de couleur que
présente l'image de l'étoile scintillante, déployée en cercle
dans la lunette, varient beaucoup selon l’étendue de la
partie libre de Pobjectif.
L'instrument dont je me suis servi pour ces expériences
est une lunette astronomique d'un pouvoir amplifiant de
80 fois en diamétre, et dont Pobjectif présente une largeur
de 77 millimètres. Sa surface a été successivement réduite
à la moitié, puis au quart en étendue, à l’aide d'obtura-
teurs percés chacun d’une ouverture centrale appropriée à
ces réductions. Près de Voculaire de la lunette est adapté
le second des deux scintillomètres que j'ai imaginés. Il se
compose essentiellement d'une lame circulaire de verre
épais, montée obliquement , en avant des lentilles de l'ocu-
laire, sur un axe de rotation parallèle à l'axe de figure
de l'instrument, de façon que cette lame traverse, dans
toutes ses positions, le faisceau de rayons lumineux con-
vergeant vers Voculaire. Un mécanisme placé en dehors de
la lunette imprime à la lame de verre un mouvement de
rotation rapide qui est réglé d’ailleurs par un frein. L'inter-
position continue de la lame, sous des inelinaisons variant
régulièrement, près du sommet de convergence des rayons
émanant d'une étoile, fait décrire à son image une circon-
férence complète dans la lunette. Quand l'étoile ne scintille
pas, celte circonférence forme un trait continu présentant
la teinte naturelle de l'étoile; mais dès quelle scintille,
cette courhe se fractionne en ares teints de vives couleurs,
variant rapidement, et parmi lesquelles brillent ordinaire-
ment le rouge, le jaune, le vert, le bleu, selon les caractères
de la scintillation, qui dépendent de la nature, de l'éléva-
ASA EOS A (AS
( 457 )
tion de l'étoile, et des circonstances de l'observation (1).
J'ai réuni dans le tableau suivant les indications sur les
variations en nombre et en couleur qui caractérisérent,
aux premiers jours d'avril, la scintillation des étoiles de
première grandeur Sirius et Rigel, aux distances zénithales
indiquées, et selon que l'objectif de la lunette s’est trouvé
entièrement à découvert ou réduit à la moitié et au quart
de sa surface. La distance zénithale apparente, figurant dans
la seconde colonne, est la moyenne des distances prises au
commencement et à la fin des trois observations consécu-
tives de la même étoile.
(1) Dans la notice insérée au tome XVII des Bulletins (2° série), où j'ai
donné une description complète de ce scintillométre ainsi que les for-
mules destinées à en régler la disposition , je me suis étendu sur les effets
des scintillométres à rotation. J'aurai l'occasion de revenir sur cette ques-
tion dans un travail où j'exposerai les résultats de mes recherches ac-
tuelles sur la scintillation de diverses étoiles. Je me bornerai à rappeler
ici que, si nous désignons d’abord par n le nombre des arcs colorés qui
fractionneut la circonférence que décrit l’image de l'étoile scintillante dans ,
la lunette, et que j'estime sur une partie déterminée de cette circonfé-
rence, puis par £ le temps d'une révolution de la lame de verre autour de
son de: qui est aisément déduit de la marche du mécanisme , le nombre
de changements N que la lumiére de Fétoile subit en une seconde est
donné par la formule :
N =
=| 2
(458 )
he deit id ee ann enne
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( 459 )
Voici les conséquences qui résultent de ce tableau com-
paratif et de l’ensemble de mes expériences :
1° Lorsqu'une étoile n’est pas trop près de l'horizon, les
changements de couleur que sa lumière subit par la scin-
tillation augmentent généralement en nombre et en diver-
sité par le rétrécissement de l'objectif, la distance zéni-
thale restant sensiblement la méme;
2 Quoique chaque teinte colorée soit accusée avec plus
de netteté quand la partie libre de l'objectif est sensible-
ment réduite, il se présente une limite de réduction au-
dessous de laquelle ces teintes perdent trop en éclat; cette
limite dépend tout á la fois de la nature des couleurs les
plus fréquentes et, sans aucun doute, de la finesse de per-
ception de l'organe visuel de l'observateur.
Ces conséquences se sont aussi vérifiées à l'égard d'Al-
débaran, de Procyon et d’x d'Orion.
ll importe de remarquer que j'établis ici une différence
tranchée entre la netteté et la vivacité d'éclat d’une teinte
que revêt un are coloré de la circonférence décrite par
image de l'étoile scintillante : on comprend très-bien
Qu'un are vert, par exemple, soit d’une teinte plus nette,
c'est-à-dire plus franche en couleur qu’un arc d'un vert
plus éclatant, mais moins accusé que le premier quant à
la nature de sa teinte. Cette différence provient de ce que
les couleurs perçues séparément sur la circonférence dé-
crite sont, en général, des teintes complémentaires résul-
tant du mélange des faisceaux de rayons qui parviennent
jusqu’à l'objectif, sans avoir été interceptés par le passage
des ondes aériennes. Or, en général, les rayons qui pénè-
trent dans l'instrument sont d'autant plus nombreux que
la partie libre de l'objectif présente plus d'étendue : c’est
ce qui augmente l'éclat ou la vivacité de chaque are coloré.
( 460 )
Mais, par contre, sa teinte perd souvent en netteté ou en
franchise de couleur par le fait même de la diversité des
rayons mélangés; car cette diversité augmente avee la
grandeur de Pobjectif, puisque, à un instant donné, les
mêmes rayons colorés ne sont pas interceptés pour toutes
les parties de cet objectif, et que, d’ailleurs, l'extinction,
par le passage des ondes aériennes, d'un faisceau coloré
aussi large que l'objectif, a d'autant plus de chance d'être
totale que ce faisceau est plus étroit.
Complétons la dernière partie de ces explications à
l'égard de la netteté des teintes perçues, en rappelant que,
d’après les calculs exposés dans ma dernière notice, plus
l'objectif d'une lunette est étroit, plus le lieu de réunion
de tous les faisceaux qui y pénètrent se trouve rapproché
de l'observateur, et moins il est élevé au-dessus du sol, à
égalité de distance zénithale. Or, les caractères de la sein-
tillation sont influencés par la position de ce lieu de réu-
nion : en effet, j'ai fait voir que les ondes qui traversent
les faisceaux, dans des conditions capables de produire
extinction des rayons, entre ce lieu et l'observateur, lá où
ils sont de plus en plus resserrés et mélângés, interceptent
évidemment des rayons de toutes les conleurs; il en résulte
simplement alors une variation d'éclat et non un change-
ment de couleur à l'égard de l’image stellaire dans la
lanette. Si Pobjectif est plus étroit, toutes choses égales
d’ailleurs, le lieu de réunion ordinaire des divers faisceaux
colorés, également plus rétrécis, se trouve plus près de
l'observateur: alors les mêmes ondes traversent les fais-
ceaux, là où ils sont séparés, sans les intercepter tous, du
moins au même instant : il se produit ainsi des changements
de couleur et non de simples variations d'éclat.
Ces développements nous expliquent d'une manière
f
4
a
E
i
k;
à
a (ARTE ARS e a nd
( 461 )
complète comment il est arrivé qu'aucune couleur ne se
manifestant dans la scintillation de Sirius observée à objec-
tif découvert, le 4 avril, à 71° 15' de distance zénithale, les
ares colorés apparurent aussitôt que la surface de l'objectif
fut couverte d'un obturateur, et cela en nombre d'autant
mieux accusé, que cette surface était plus rétrécie. On ne
peut élever aucun doute sur ce fait, qui a pu étonner à la
premiére inspection du tableau, car les ares colorés ont
cessé d'être perçus au moment même où l'objectif fut mis
de nouveau à découvert dans la même expérience. Ces par-
ticularités se manifestèrent également , le même soir, pour
l'étoile « d’Orion , à 60° de distance zénithale. Son image
développée en cercle ne présentait aucune teinte percep-
tible quand l'objectif était entièrement découvert ou réduit
à la moitié; mais dès que cette réduction fut portée au
quart, des arcs rouges et verts apparurent.
Il résulte des faits qui précèdent que les observations
snr la scintillation ne sont susceptibles de conduire à des
résultats comparables qu'à la condition expresse d’avoir
été obtenus au moyen d'instruments présentant la même
Ouverture, quel que soit, d’ailleurs, le genre de scintillo-
mètre adapté à l'instrument dans le but d'apprécier le
nombre et la nature des chargements que subit la lumière
de l'étoile dans un temps donné.
Cette conséquence s'applique également aux observa-
tions faites à l'œil nu, c'est-à-dire que deux spectateurs
voisins dont les pupilles seraient inégalement dilatées ,
inscriraient parfois, au même instant, des variations de
Couleurs différentes à l'égard de la méme étoile scintil-
lante. Ces différences résulteraient tout à la fois des posi-
ses distinctes que les observateurs occuperaient et de
l'inégalité d'ouverture des pupilles. Mais il est à remar-
2" SÉRIE, TOME XXIX. 50
( 462 )
quer que de telles différences de perception de couleurs
échapperont souvent à l'expérience directe, parce que dans
les observations où l'œil nu est privé de scintillométre
déployant l'image stellaire en courbe, l'impression finale
résulte de la superposition au même lieu de la rétine des
variations de teintes qui se succèdent avec une extrême
rapidité, et non de chacune de ces variations séparément.
Passons à un autre fait plus important. En observant
Sirius à objectif découvert, le 5 avril, vers sept heures du
soir, à 70° de distance zénithale, je fus surpris de distin-
guer nettement des changements de couleur rouge, jaune,
bleue, en nombre très-précis sur la circonférence que l'image
décrivait dans la lunette, tandis que la veille, vers la même
heure, cette image n’avait présenté aucune variation de cou-
leur à objectif découvert, quoique la distance zénithale fût
alors de 71° ou supérieure de 1° à celle du 5 avril, et, par
conséquent, plus favorable à la scintillation qu’elle n’aurait
dû Pétre ce second jour. Lors de la réduction de la partie
libre de l'objectif successivement à la moitié, puis au quart,
les changements de couleurs furent aussi plus nombreux
et mieux accusés le 5 avril, qu’ils ne l'avaient été la veille.
Cet accroissement d'intensité de la scintillation se manifesta
également, ce même soir, à l'égard de Rigel, ainsi qu'on
le voit dans le tableau précédent, et cela à une distance
zénithale moindre que celle de la veille,
J'étais très-étonné de cette scintillation si prononcée
. dans la soirée du 5 avril, et je ne pouvais remarquer la
coïncidence de cet accroissement avec un phénomène
météorologique qui se passait dans la partie nord du ciel,
attendu que mes regards se dirigeaient constamment vers
la région sud et sud-ouest, où brillaient Sirius, Rigel,
Procyon, jusqu’au moment où j'appris, vers huit heures et
( 465 )
demie du soir, qu'une magnifique aurore empourprait de
vives couleurs la région boréale. Je m'expliquai aussitôt
l'intensité si surprenante de la scintillation ce soir même,
comparativement à la veille, en me rappelant à l'instant
les passages suivants de la notice d'Arago sur la scintilla-
«tion, d’après lesquels ce phénomène a. paru plus marqué
dans certaines localités des îles Britanniques, lors de Pap-
parition d'une aurore boréale. Voici d’abord l'observation
du docteur H. Ussher, membre des Sociétés royales de
Londres et de Dublin :
« Dans la soirée du samedi 24 mai 1788, j'ai aperçu (à
» Dublin) une brillante aurore boréale. Ses rayons se réu-
» nissaient, comme d'habitude, au pôle de l'aiguille d'in-
» clinaison. J'ai toujours remarqué que les aurores boréa-
les rendent les étoiles singulièrement ondulantes dans le
» télescope. Le lendemain matin (25), vers onze heures,
» ayant trouvé que les étoiles oscillaient beaucoup dans
» ma lunette, j'examinai attentivement l’état du ciel, et
> J'aperçus des rayons d'une lumière blanche et vacillante
» qui s'élevaient de tous les points de Phorizon vers le pôle
» de Paiguille d'inclinaison, où ils formaient une coupole
» légère et blanchâtre semblable à eelle que présentent,
» la nuit, les brillantes aurores boréales. Les rayons
> étaient tremblotants depuis l'horizon jusqu’à leur point
> de réunion.
» Cette aurore fut observée par trois différentes per-
sonnes, qui marquèrent chacune séparément le point:
vers lequel les rayons convergeaient (1). »
Dans une communication de M. Necker de Saussure à
y
v
y
(1) Œuvres ď Arago, t. 1, p. 568, et t. VII, p. 26.
( 464 )
Arago au sujet des aurores boréales qu'il avait observées
en Écosse à la fin et au commencement de 1840 , M. Nec-
ker s'exprime ainsi :
« J'avais entendu dire à M. G. D. Forbes que les étoiles
fixes, même les plus grandes, ne scintillent jamais près
d'Édimbourg, si ce n’est lorsqu'il y avait une aurore bo-
réale. Mes propres observations ont, en général, confirmé
celte remarque. Il est vrai que les étoiles fixes ne scin-
tillent pas dans ces parages, ou du moins ce n’a été que
rarement que j'ai vu, à celles de première grandeur, une
légère scintillation (1). »
Les remarques si singulières, ainsi que les qualifie Arago,
du docteur Ussher, de MM. Forbes et Necker de Saussure
sont entièrement confirmées par mes observations de la
seintillation si marquée de Sirius et de Rigel dans la soirée
du 5 avril, au moment où brillait une aurore boréale.
Afin de bien établir le fait, j'ai repris les observations, à
l’égard des deux mêmes étoiles , dans la soirée du 6 avril,
le lendemain de l'aurore boréale, par un ciel aussi pur que
la veille vers la région méridionale, et en observant succes-
sivement ces astres dans les mêmes conditions de largeur
de l'objectif de la lunette, et à des distances zénithales
aussi rapprochées que possible de celles de la veille. Ces
résultats, qui sont consignés au tableau précédent, nous
montrent qu'à l'égard de Sirius les changements de cou-
leur sont, à 70°50’ de distance zénithale, aussi fréquents
-que la veille en présence de l'aurore , et qu'ils le sont
un peu moins à 81°; mais que, dans l'un et lautre Cas,
ces variations conservent leur supériorité marquée sur
V Y Y y Y v Y
(1) Œuvres d'Arago, t I, p. 694, et t. VII, p. 26.
( 465 )
celles de Pavant-veille ou du 4 avril. Quant à Rigel, sa
scintillation est sensiblement moins prononcée le lende-
main de l'aurore que le jour même.
En présence des faits décisifs qui précèdent, nous nous
demanderons : quelle peut être la cause de l’ influence des
aurores polaires sur la scintillation ?
Remarquons d'abord que la lumière propre des aurores
boréales n’influe nullement sur la marche des rayons stel-
laires qui traversent la partie de l'atmosphère illuminée
par ce phénomène, de manière à modifier la position ap-
parente des étoiles d'où ils émanent; car Pastronome Ar-
gelander a montré, par la détermination très-exacte de
hauteurs d'étoiles, qu'aucune partie de la lumière d'une
aurore polaire, qui est si variable et presque constamment
agitée par des palpitations de diverses couleurs, n’a d'in-
fluence sensible sur les hauteurs des étoiles (1).
Les aurores boréales sont des phénomènes dont la na-
lure électrique et la relation avec le magnétisme terrestre
sont incontestables. On se rappelle Pexpérienee remar-
quable par laquelle Faraday a démontré Pinfluence d'un fort
courant électrique sur la déviation du plan de polarisation de
la lumiére polarisée, traversant une substance transparente
soumise à Paction énergique de ce courant. Nous pouvons
nous demander, au souvenir de cette belle découverte, si
l'influence du fluide magnétique terrestre, qui est la cause
des aurores boréales, n'interviendrait pas d’une manière
qui nous est encore inconnue, dans la marche des rayons
stellaires traversant l'atmosphère, de façon à affecter sen-
Siblement la scintillation des étoiles au moment où brille
(1) De Humboldt, Cosmos, t. IV, p. 172.
( 466 )
une aurore polaire. On sait que Faraday fut d’abord tenté
d'attribuer les phénomènes qu'il découvrit à une action
directe du fluide électro-magnétique sur la lumière ; mais
on les considère aujourd’hui comme produits par une modi-
fication qu'apporte le magnétisme intense dans l'arrange-
ment des molécules pondérables (1). Quelle que soit la na-
ture de ces rapports, l’état actuel de nos connais-ances ne
nous permet point de chercher dans cette voie la cause de
Paceroissement de la scintillation sous l'influence des au-
rores boréales. Il est beaucoup plus rationnel, me paraît-il,
de chercher à entrevoir la raison de la relation entre la
scintillation et les aurores polaires dans les changements
atmosphériques dont ces aurores seraient souvent les pré-
curseurs, d'après les opinions que je vais faire connaître.
S'il en est ainsi, on concevra aisément que ces changements,
en se préparant dans les régions supérieures de Pair au
moment même de l'apparition de l'aurore, modifient, à cel
instant, peut-être très-rapidement, l’état de la température
des différentes parties de ces régions; par leur influence
sur les phénomènes de réfraction produits dans Pair, ces
changements alfecteraient vivement la marche des rayons
stellaires au point d'exalter d’une manière très-sensible
les caractères les plus remarquables de la scintillation, au
moment où l'aurore brille avec éclat, la nuit, ou qu’elle
répand, au milieu du jour, des lueurs distinctes, comme le
docteur Ussher en découvrit dans la matinée du 25 mai
1788, par une inspection attentive du ciel que Pobser-
vation d'une scintillation des étoiles très-aceusée, malgré
l'heure du jour, avait provoquée.
(1) Daguin, Traité de physique, t. IV.
( 467 )
Voici les opinions émises sur les changements atmos-
phériques dont les aurores polaires seraient souvent les
précurseurs :
Dans son Traité de météorologie, Kaemtz, aprés avoir dit
que la connexion entre les aurores boréales et Vétat de
l'atmosphère offre certains doutes à l'égard d’une conclu-
_ Sion absolue, ajoute ce qui suit : « On peut conclure une
» seule chose de toutes les observations existantes, c’est
» que les aurores brillantes, et qui dardent beaucoup de
» rayons, sont souvent des avant-coureurs de coups de
» vent et d'une distribution anormale de la chaleur à la
» surface du globe (1). »
D’après les observations de M. Necker de Saussure
au sujet des aurores boréales qu'il a vues en Ecosse, à
Pépoque indiquée plus haut, les aurores boréales seraient
des avant-coureurs de mauvais temps. Arago dit aussi que,
selon l'opinion de William Scoresby, capitaine baleinier et
membre de la Société royale d'Edimbourg, le phénomène
des aurores boréales aurait quelque relation avec les chan-
sements de temps (2).
Al. de Humboldt considère la production de la lumière
électro-magnétique des aurores polaires comme une sim-
ple phase d'un phénomène météorologique. On dirait,
selon ce célèbre savant, que le magnétisme terrestre agit
sur l'atmosphère en condensant les vapeurs qui s’y trou-
vent dissoutes. Telle serait, d’après lui, la cause des fai-
bles nuages blanes ou cirrhi qui persistent le plus souvent
(1) qe s complet de météorologie, par Kaemtz , traduit par Ch. Mar-
tins, p. 460.
a Œuvres d' Arago, t. 1, p. 694, et t. IX, p. 356.
468)
dans le ciel aon le Ban: spectacle d'une aurore bo-
réale (1).
Les observations météorologiques faites de ces der-
nières années à l'observatoire de Paris viennent à l'appui,
selon M. Marié Davy, de la coïncidence que le P. Secchi a
signalée entre des perturbations magnétiques terrestres et
des perturbations atmosphériques peu éloignées. M. Marié
Davy ajoute, au sujet des aurores boréales, que la présence
de petits cristaux de glace, analogues à ceux qui composent
les cirrhi, sont nécessaires à la production de ce phéno-
méne (2).
D'après les opinions que je viens de citer, les appari-
tions d’aurores boréales seraient souvent en rapport avec
des troubles plus ou moins prononcés dans l’état de lat-
mosphère, En a-l-il été de même après l'aurore du
5 avril? Pour décider cette question, il importerait de
déterminer l’état moyen de l'atmosphère sur de grands
espaces avant et après le phénomène de l'aurore, el encore
les changements en coïncidence avec celui-ci seraient-ils
masqués dans les régions inférieures, pour une partie de
l'Europe, par l'influence de la saison vers laquelle nous
progressions de plus en plus aux premiers jours d'avril.
A Bruxelles, d’après les indications reçues de PObserva-
toire royal, le ciel est resté parfaitement serein, le soir,
jusqu’au 8 avril; la différence des températures moyennes
relevées à 9 heures du soir, d’abord du 4° au 5 avril, puis
du 5 au 10, ne présente pas d'écart marqué par rapport
(1) Cosmos, i. 1, p: 218; t. IV, p. 170.
(2) Des mouvements de l'atmosphère et des mers, par Marié Davy,
pp. 487 et 49
: ( 469 )
aux mêmes différences moyennes pour une série d'années
antérieures.
Cependant il s'est produit un phénomène qui dénote un
abaissement sensible de la température dans les régions
supérieures de Pair, c'est un halo solaire que M. Terby
m'a dit avoir observé à Louvain, le 9 avril, peu de jours
après l'apparition de l'aurore. On sait que ce phénomène
s'explique par la présence d'aiguilles ou de lames flottant
dans l'atmosphère.
Quelle que soit la connexité entre les aurores boréales
et certain état de l'atmosphère, il résulte du fait le plus
important signalé dans cette notice, que, conformément
à des observations antérieures, l'apparition des aurores
boréales est aussi caractérisée dans nos contrées par un
accroissement très-sensible de la scintillation des étoiles.
—
Du travail fonctionnel chez Phomme, par M. le docteur
C. Poelman, membre de l'Académie, professeur de phy-
siologie à Puniversité de Gand.
À la fin de la dernière séance, notre respectable doyen
d'âge, M. d'Omalius d'Halloy, s'adressant aux professeurs
de physiologie qui ont l'honneur d'appartenir à la classe,
leur a fait une série de questions auxquelles, pris à l'im-
proviste, ils ont dû se contenter de répondre en quelques
mots
Aujourd’hui je tiens, pour remplir le désir exprimé par
notre savant collègue, à lui faire ma profession de foi, c'est-
à-dire l'exposé des principes qui me guident dans Pen-
seignement physiologique que le gouvernement m'a confié,
( 470 >
enseignement auquel se E 5 question de la force ou
Puissance vitale.
Pour expliquer le travail fonctionnel chez l’homme vi-
vant, il faut, me semble-t-il, admettre la nécessité du con-
cours de deux ordres de forces, les unes d'ordre physique,
chimique, mécanique, et, en un mot, des forces inhérentes
_à la matière en général.
En outre, je pense qu'il est nécessaire d'admettre lin-
tervention d'une autre force distincte, qui n’exerce ses
effets que sur les organismes. Je la désigne sous le nom de
force ou de puissance vitale, et le plus souvent sous celui
d'intelligence fonctionnelle.
La définition de cette force, je la considère, je ne dirai
pas comme difficile, mais comme réellement impossible. On
Pa admise de tout temps, en lui donnant des noms divers.
C’est Parchée de Van Helmont; la vis medicatrix d Hippo-
crate, etc., ete.
Tout en convenant que sa définition est impossible, je
tiens à déclarer que je constate son intervention partout
où un travail fonctionnel quelconque a lieu, et que c'est à
elle que nous devons attribuer l'harmonie et la régularité
admirables dans la succession des phénomènes de ce travail.
En ce qui concerne la nature intime de la force vitale,
je n'éprouve aucune répugnance à avouer que cette nature
intime nous échappe, et que probablement elle nous sera
toujours inconnue, Contrairement à ce qui a été soutenu
quelquefois, je ne saurais accepter qu’elle puisse être la
conséquence du travail matériel.
Quand on passe en revue le travail fonctionnel chez
l'homme vivant, et qu’on raisonne sans idée préconçue ,
il paraît de toute impossibilité de s’en rendre compte pat
l'intervention seule des lois physiques et chimiques.
(AM) =
Quand on observe, par exemple, que pendant la déglu-
tition pharyngienne les piliers du voile du palais s'écar-
tent d'abord pour laisser passer le bol alimentaire, puis se
rapprochent pour l'empêcher de rebrousser chemin;
Quand on observe le mouvement alternatif des diverses
fibres musculaires de Pestomae pour le brassage des ali-
ments;
Quand on voit les fibres musculaires des trompes de
Fallope agir en sens inverse pour la descente de l'ovule et
Pascension du spermatozoaire;
Quand on observe, pour favoriser l'expulsion du jeune être
hors de la matrice, d'abord la contraction des fibres muscu-
laires longitudinales de cet organe et le reláchement des
fibres circulaires, pour permettresau col utérin de S'ouvrir;
quand on voit que les muscles du périnée ne se contractent
qu'au moment où ils doivent agir comme modérateurs; en-
fin quand on constate, en un mot, la régularité et l’harmo-
nie parfaites qui règnent dans tout le travail fonctionnel ,
on est en droit de se demander s’il est possible de n’y ad-
mettre que l'intervention des forces physiques ou d’une
force quelconque qui'serait le produit du travail de la ma-
lière,
Si nous considérons finalement, pour ne pas pousser cet
examen trop loin, les phénomènes d'assimilation et de désas-
similation, qui président à la nutrition des corps vivants,
expliquera-t-on jamais par les lois de la matière, et com-
prendra-t-on jamais, sans admettre une intelligence fonc-
tionnelle, ce choix que chaque organe fait dans le plasma
sanguin pour les besoins de son activité physiologique?
Les muscles s'assimilent de la fibrine; les os, du phos-
phate et du carbonate de chaux; les ne, fs et lencéphale, de
albumine et des matières grasses phosphorées; les poils,
=
ne ( 472 >
de la silice; les dents, du fluorure de calcium; les glandes
salivaires, le pancréas, les glandes de l'estomac, les testi-
cules, les mamelles, etc., tout ce qui leur faut pour produire
les principes caractéristiques de la salive, du sue gastri-
que, du lait, s ‚De pluss chose étonnante, ces glandes,
quelle rieure, peuvent être ramenées
à deux types fondamentaux de structure, et reçoivent du
sang qui, partout, présente, à peu de chose près, les mêmes
caractères.
En présence de ces faits, il me paraît que nous pou-
vons aflirmer que la force qui y préside est de nature spé-
ciale, différente des forces physiques et chimiques, mais
qu'elle nous est et nous restera probablement inconnue.
Pour l’enseignement de la physiologie, je prends pour
base, autant que possible, les données fournies par les
sciences modernes, en m'adressant à l'observation et à
Vexpérimentation, et en admettant pour Paccomplissement
du travail organique l'indispensable nécessité de l'inter-
vention d'une force spéciale, directrice et régulatrice , à
laquelle je donne le nom d'intelligence fonctionnelle.
Pour faire mieux comprendre ce travail, tout en admet-
tant la nécessité d'une force vitale distincte, j'ai très-sou-
vent recours à l'emploi d'instruments qui, étendant la
sphère d’action de nos sens, donnent plus de netteté et de
précision aux résultats que l'expérimentation permet d'ob-
tenir.
Parmi ceux qui me semblent les plus utiles, je citerai
les appareils enregistreurs et en particulier ceux de Marey.
Ce serait abuser des moments de l'assemblée que de
donner plus que le nom de ces instruments, lequel suffit le
plus souvent pour en indiquer l'usage :
L'optométre de Young, fondé sur konpeenen du père
Scheiner;
(473) >
L’ophthalmomètre de Helmholtz;
L'hemodynamoméetre de Poisseuille, ou le cardiomètre
de Cl. Bernard;
Ces deux derniers instruments, destinés á déterminer la
tension du sang dans le systéme vasculaire, avec le con-
cours du kymographion de Ludwig, permettent de faire
non-seulement Pévaluation, mais même l'enregistrement
de la tension du sang dans le système vasculaire, ainsi que
la détermination des rapports de cette tension avec les
mouvements du cœur et de la respiration;
L'appareil galvanométrique de Du Bois Reymond el lap-
pareil thermo-électrique de Meyerstein de Goéttingen, avec
lesquels on peut rendre saisissables les courants naturels
produits par les phénomènes chimiques qui se passent dans
le corps vivant et les courants thermiques dus à la calori-
fication ;
Le spirometre;
Le sphygmographion de Marey;
Le myographion de Pflüger et le télégraphe de Du
Bois-Reymond pour la détermination des lois de la con-
traction musculaire ;
Un appareil bien ingénieux, dont la première idée, si
je ne me trompe, a été donnée par notre savant confrère,
M. le professeur Schwann , appareil qui se compose d'une
série d'aiguilles aimantées, placées à distance, et qui est
destiné à rendre saisissable la théorie moléculaire de Du
Bois-Reymond;
Le phrénographe de Rosenthal pour l'enregistrement
des mouvements respiratoires;
Le laryngoscope de Czermack;
L'appareil à induction et à glissement de Du Bois-Rey-
mond qui permet la transformation des courants induc-
( 474 )
teurs en induits, des courants continus en inlerrompus,
ainsi que la détermination de la force réelle des courants
que l’on emploie. ~
Un appareil incubateur pour l'étude du développement
de l’œuf du poulet du premier au vingt et unième jour;
Le myographíon de Helmholtz, modifié par von Bezold
pour la détermination de la vitesse nerveuse;
Le thermographe de Marey;
Le cardiographe du même avec la sonde à boule double
pour la détermination et l'enregistrement du rapport
qu'il y a entre les contractions ventriculaires, auriculaires
et le choc du coeur;
Le saccharimètre de Soleil pour la recherche du sucre
dans les liquides;
Enfin, à cette liste d'instruments, déjà trop longue peut-
étre, je pourrais en ajouter beaucoup d'autres encore,
dont l'emploi me permet de donner au cours de physiologie
un caractère Éminemment pratique.
Démontrer autant que possible, tel est le but que je
` poursuis dans mon enseignement, et une expérience assez
longue m'a permis de reconnaître la bonté de cette mé-
thode.
Mais, tout en constatant cette utilité, n'oublions pas que
l'emploi de ces instruments parle plutôt, me semble-t-il,
en faveur de l'intervention de la puissance vitale que contre
elle.
En effet, pour qu’un instrument travaille, il faut Un
moteur.
M'accordera-t-on, en ce qui concerne le travail fonc-
tionnel chez l’homme vivant, qu'il en est de ce dernier
comme de celui que nous provoquons avec nos instru-
ments, c'est-à-dire que, pour que les organes fonc-
VEE A A
( 475 )
en il faut le concours d’un agent moteur, direc-
teur, coordonnateur, que j'appelle la force, la puissance
vitale, qui se sert de nos organes comme un artiste habile
se sert de la matière et de ses instruments pour produire
des chefs-d’œuvre.
C'est cet agent, de nature inexplicable, qui établit une
différence entre le cadavre et Phomme vivant.
Depuis quelques années, on a voulu faire jouer un grand
rôle à l'électricité dans le travail fonctionnel, on a voulu,
en un mot, Passimiler à la puissance ou à la force vitale,
A l'appui d’une identité entre ces deux forces, on a
invoqué plusieurs arguments, entre autres, l'existence de
Courants électriques naturels ou d’une électricité animale
dans les nerfs et les muscles vivants, l'existence de Vélec-
tricité chez quelques poissons, et la rapidité de la transmis-
sion des i impressions motrice et sensitive,
Quand nous passons en revue ces prétendus arguments,
voici à quelles conclusions nous sommes amené.
‘abord, en ce qui concerne le dégagement du fluide
électrique choi quelques poissons, et la rapidité de trans-
mission, il me paraît que ce sont là des arguments sans
grande valeur. Chez les poissons qui dégagent de l’élec-
lricité, il existe des appareils qui manquent à l’homme, et,
quant à la vitesse de transmission, d’après les recherches
de Wheatstone, l'électricité a une vitesse de 115,000 lieues
par seconde, chiffre double de la vitesse de transmission
de la lumière (1).
D'autre part, les observations faites par Helmholtz, au
moyen de son myographion, modifié par von Bezold , ont
biens gene AE LOE ed
(1) Voir Traité de physiologie, par Longet, t. LIT, p. 290.
( 476 )
prouvé que la vitesse du courant nerveux n’est en moyenne
que de 25 à 35 mètres par seconde.
Reste maintenant la question des courants nerveux et
musculaires. Il me semble qu’on ne saurait attacher plus
d'importance à cet argument qu'aux précédents, pour
faire admettre une identité entre la force vitale et le fluide
électrique.
L'électricité animale existe pour les nerfs, pour les
muscles et même pour tout travail fonctionnel quelconque ;
mais elle n’est, me semble-t-il, que la conséquence ou le
produit d’un travail organique, que le résultat, en un mot,
des phénomènes chimiques qui se passent constamment
dans le corps vivant.
L'éleetrieité, nous la produisons à volonté.
La vie, nous ne pouvons que la transmettre, et c'est avec
raison que l’on a dit que la vie ne peut provenir de la ma-
tière. Ainsi, dans l'acte si mystérieux et si incompréhen-
sible de la fécondation, les deux éléments, dont le contact
donne lieu à la formation d’un être nouveau, ces deux
éléments vivent. Le spermatozoaire est animé d'un mou-
vement qui lui est propre, et Povule, tout en ne jouissant
pas de" cette propriété, est cependant animé de la vie.
Quand ces deux éléments ne vivent plus, le contact qui
s'établit entre eux ne saurait rien produire. Donc les pa-
rents transmellent la vie à leur enfant et ne la lui donnent
pas; en un mot, le père ne produit pas la vie.
La conclusion logique que nous croyons pouvoir tirer
de ces données, c’est que les différences entre le fluide
électrique et la force vitale sont tellement grandes qu’au-
cune comparaison entre les deux agents n’est possible el
qu'aucune identité n'existe entre eux.
(477)
Notice sur les puits naturels du terrain houiller, par
MM. Cornet, ingénieur civil, et Briart, correspondant
de l’Académie.
On rencontre souvent en exploitant la houille des acci-
dents bien connus des mineurs et des géologues. Ce sont
des cassures ou Failles à plans plus ou moins inclinés sur
l'horizon, se prolongeant sur des longueurs excessivement
variables suivant une direction moyenne plus ou moins
droite. Au contact de ces failles les roches restées en place
sont souvent striées, altérées, couvertes d'un mince enduit
de Pholérite, et la houille est devenue terreuse et friable.
Les failles sont à parois contigués ou écartées. Dans ce
dernier cas, leur intervalle est le plus souvent rempli de
débris de roches houillères plus ou moins altérés, striés
et couverts de pholérite. D’autres fois ces débris sont mé-
langés de roches étrangères à la formation houillère, pro-
venant généralement des dépôts plus récents, et identiques
minéralogiquement, pour notre pays du moins, à celles
qui constituent les dépôts crétacés, tels que les sables et
les argiles avec ou sans lignite da système Aachenien, les
marnes, la craie et les silex des étages supérieurs. Jusqu'à
ce jour, il n’est pas à notre connaissance que Pon ait ren-
Contré, dans les failles houillères de la Belgique, des
sables, des argiles ou d’autres substances analogues à
celles qui constituent nos différentes assises tertiaires.
Quelquefois les failles n'interrompent la continuité des
Couches que sur une distance égale à la largeur de Pinter-
valle qui sépare les deux parois. Ce cas est très-rare. Le
2"° SÉRIE, TOME XXIX. 51
( 478 )
plus souvent une faille est accompagnée d’un rejelage
en renfoncement ou en remontement, c'est-à-dire que la
couche se trouve, au delà de Paccident, à un niveau supé-
rieur ou inférieur à la partie gisant en deçà.
Les failles sont parfois excessivement fréquentes dans
le terrain houiller, et, généralement, dans tous les ter-
rains primaires. Elles se rencontrent également, quoique
beaucoup moins souvent, dans les terrains secondaires et
tertiaires. Par contre, certains accidents connus et décrits
depuis longtemps sous le nom de Puits naturels, assez
abondants dans les assises crétacées et tertiaires de notre
pays (1), semblaient, jusqu’à ce jour, n’avoir jamais été
rencontrés dans les terrains primaires. Des faits analogues
ont cependant été parfaitement constatés, depuis long-
temps déjà, par les exploitations de nos houillères ; mais
ils n'étaient connus que de quelques ingénieurs des mines
et des exploitants dont ils avaient interrompu les travaux.
Aucune description n’en avait, jusqu’à présent, été publiée.
(1) On connaît en effet depuis longtemps les puits naturels très-nom-
breux du tufeau de Maestricht auxquels on a donné le nom d'Orgues
géologiques. On en rencontre également dans la craie blanche du Hainaut,
remplis le plus souvent de sables verts analogues à ceux qui constituent
la base du système landenien. L'origine de ces cavités dans les roches
calcaires peut jusqu'à un certain point s'expliquer par l'intervention
d'agents chimiques qui auraient dissous ces roches, mais cette explica-
tion rencontre beaucoup plus de difficultés quand il s’agit de roches sili-
ceuses ou argileuses comme c’est le cas pour les puits naturels que nous
avons observés dans les sables tertiaires exploités principalement pour la
fabrication du verre, sur le territoire de la commune de Carnières. Ces
puits ont quelaciól quatre et cinq mètres de diamètre et sont remplis
d'un sable argileux très-fin, aussi blanc que le sable environnant, mais
entièrement impropre aux travaux de la verrerie. Leur profondeur est
inconnue
( 479 )
C'est une lacune que nous venons combler en faisant
connaître à la classe des sciences Pexistence de Puits na-
turels dans le terrain houiller du Hainaut. Ces accidents
semblent n’avoir de commun avec les failles que la nature
des roches qui constituent leur remplissage. Les failles
sont des cassures , des dislocations produites par des mou-
vements lents ou convulsifs du terrain; souvent elles re-
jettent les couches, et toujours elles ont pour caractère
principal d’avoir, dans le plan horizontal, une longueur
relativement très-considérable , par rapport à la largeur.
Les accidents que nous allons décrire ne semblent pas
dus à des mouvements du sol; ils ne sont jamais accom-
pagnés de rejetages, et ne se montrent, dans la même
couche, que sur une longueur différant relativement peu
de la largeur. Nous leur conservons le nom de Puits natu-
rels malgré leurs dimensions beaucoup plus grandes que
celles des puits naturels des terrains plus récents dont
nous avons parlé plus haut. Ce sont, en effet, de vérita-
bles puits, à sections curvilignes plus ou moins régulières,
traversant les couches houillères obliquement ou norma-
lement à la stratification. Les remblais qui remplissent
aujourd'hui ces excavations sont des débris de houille, de
schiste, de grès houiller et de róches crétacées confusé-
ment mélangés, laissant entre eux des vides souvent rem-
plis d’eau qui afflue dans les travaux d'exploitation lors de
la rencontre d'un puits naturel par une galerie de mine.
Cette rencontre est toujours imprévue, car rien dans la
nature et l'allure d'une couche de houille n’en peut faire
reconnaître le voisinage. Les roches sont coupées à pie et
la galerie passe, sans transition, d’un terrain régulièrement
stratifié dans lamas de débris qui forme le remplissage du
Puits, Cependant , on a remarqué que les fissures de la
( 480 )
houille et des roches en place encaissant le puits naturel,
sont quelquefois, sur une faible épaisseur, remplies de
cristallisations de pyrite de fer ou de chaux carbonatée -
qui se montrent aussi à la surface des débris remplissant
Pexcavation.
Jusqu’à ce jour, huit puits naturels ont été rencontrés
dans la partie explorée du bassin houiller du Hainaut. La
description que nous allons donner de quelques-uns de ces
remarquables accidents peut, jusqu’à un certain point,
s'appliquer aux autres. Nous ne suivrons pas, dans cette
description, l'ordre chronologique dans lequel ils ont été
découverts. Nous commencerons, au contraire, par le plus
récent, qui est aussi celui qu’il nous a été donné d'étudier
avec le plus de soins et de détails.
Puits naturel du charbonnage de Bascoup à Chapelle-
lez-Herlaimont.
Les couches de houille exploitées par les charbonnages
de la zone septentrionale du Centre appartiennent à la
partie inférieure du bassin houiller du Hainaut. Leur di-
rection générale est de l'est à l'ouest et Vinclinaison des
stratifications se fait vers le sud sous des angles variables.
En quelques endroits le terrain houiller se montre à la
surface sous une épaisseur variable de terre végétale. Mais
sur la plus grande partie du bassin, il est recouvert de
morts-terrains plus ou moins puissants, appartenant aux
formations crétacées, tertiaires, quaternaires et modernes.
Vers la fin de l’année 1864, la Société charbonnière de
Bascoup avait poussé ses travaux d'exploitation dans la
Veine de POlive jusqu’à 1200 mètres environ à Pest de son
(481 )
puits d'extraction S“-Catherine. La couche se trouvait en
allure très-régulière et rien n'indiquait le voisinage d'un
dérangement quelconque, quand, tout à coup, les eaux
firent irruption au front de la galerie principale avec une
telle violence que les ouvriers eurent à peine le temps de
se sauver croyant avoir atteint d'anciens travaux d’exploi-
tation abandonnés et inondés. Durant plusieurs heures,
l'abondance des eaux fut très-grande, mais le lendemain la
venue était diminuée notablement et Pon put s'approcher
de l'extrémité de la galerie.
Les eaux avaient fait irruption au point a (pl. I, fig 2).
Pour reconnaître la nature du dérangement rencontré, on
résolut d'agir comme on le fait toujours en pareil cas,
c’est-à-dire de prolonger la galerie dans la même direction
jusqu'au terrain en allure régulière. On pénétra de cette
manière dans des débris de houille, de schiste et de grès
houillers, confusément mélangés; plus ou moins altérés,
laissant entre eux des vides nombreux, et tapissés de cris-
taux très-petits de carbonate de chaux et principalement
de pyrite. Après avoir traversé 15 à 16 mètres de ce rem-
plissage, la galerie rencontra en terrain régulier, la veine
qu’elle avait abandonnée en decà de Paccident. Dès lors, il
fut démontré que le dérangement, quel qu'il fût, m'avait
pas produit de rejetage dans le terrain houiller.
Pour pouvoir rétablir l'exploitation au delà, on prolon-
gea la galerie d'aérage b qu’on s'attendait à creuser à tra-
vers le remplissage; mais cette galerie ne sortit pas de la
couche en allure régulière, et une communication ayant
été établie entre les galeries a et b, au delà de l'accident,
on reconnut que celui-ci était limité vers le nord par une
demi-circonférence à peu près régulière. L'exploitation de
la partie inférieure de la couche, qui se fit quelque temps
e (482 )
après, prouva que l'accident était aussi limité vers le sud.
U devint. done évident que l’on avait affaire, non à une
faille, mais bien à un puits naturel à section elliptique
dont le grand axe avait 36 mètres et le petit axe 19 mè-
tres de longueur.
En 1866, l'exploitation de la Grande veine du Parc,
supérieure à la Veine de l'Olive, circonscrivit de nouveau
le puits naturel (fig. 3). On trouva au petit axe de la sec-
tion elliptique à peu près la même longueur que dans la
veine de POlive, mais le grand axe s'était considérable-
ment allongé et avait atteint environ 52 mètres. Sa direc-
tion s'était aussi modifiée. Dans la Veine de "Olive il était
dirigé sensiblement dans le sens AB de la plus grande
pente, tandis que, dans la Grande veine du Parc, il fait
avec cette direction un angle d'environ 25°.
Le remplissage du puits naturel, au niveau de la Grande
veine du Parc était de même nature qu’à celui de la Veine
de "Olive; mais nous remarquámes que la couche et les
terrains encaissants étaient légèrement affaissés aux ap-
proches des parois du puits, comme nous l'avons repré-
senté sur la coupe, fig. 4. Dans la partie affaissée, la
houille et les schistes sont imprégnés de cristallisations
de pyrite semblables à celles qui tapissent les blocs for-
mant le remplissage. Nous attribuons cet affaissement du
terrain régulier, au niveau de la Grande veine du Parc, à
la nature tendre et flexible des schistes qui encaissent
cette couche; les schistes de la Veine de "Olive, où sem-
blable observation n’a pas été faite, étant beaucoup plus
durs et plus résistants.
D'après les renseignements qui nous sont fournis par
les travaux d'exploitation de ces deux couches, nous pou-
vons conclure que laxe du puits naturel de Bascoup fait
( 485 )
avec le plan horizontal un angle de 66°, et avec le plan
de stratification un angle d'environ 96”. Il nous semble
évident que ce puits se prolonge en hauteur jusqu’à la sur-
face du terrain houiller, mais nous ne pourrions dire s’il
pénètre dans les dépôts tertiaires assez épais qui recou-
vrent celui-ci.
Un assez grand nombre de couches seront exploitées
plus tard en dessous de la veine de POlive, ce qui permettra
de reconnaitre l'allure de ce dérangement en profondeur.
Puits naturel du charbonnage de Sars-Longchamps,
à la Louvière.
Le puits d'extraction de Bonne-Espérance, aujourd’hui
abandonné et remblayé, fut creusé, il y a fort longtemps
déjà, par la Société du charbonnage de Sars-Longchamps,
à la Louvière. Après avoir traversé 22°,50 de terrain qua-
ternaire et de sables tertiaires appartenant au système
landenien de Dumont, il pénétra dans le terrain houiller
quise montra régulièrement stratifié jusque vers 94 mètres
de profondeur (voir la coupe, pl. T, fig. 4.) A ce niveau,
on rencontra un amas de débris , séparé du terrain houiller
par une ligne de démarcation bien tranchée, traversant
obliquement le puits. On crut d’abord que cette ligne de
Séparation était la paroi d’une faille inclinée au sud, et
Pon espéra qu'après avoir traversé une certaine hauteur
de remplissage, la fosse atteindrait l'autre paroi et pénétre-
rait dans des strates régulières. Mais cet espoir fut déçu;
Papprofondissement, quoique poussé jusqu’à 295 mètres
de profondeur, ne sortit pas du remplissage.
Des galeries de reconnaissance horizontales , dirigées
( 484 )
vers le nord et vers le sud, furent ensuite creusées à diffé-
rentes hauteurs dans le puits. A peu de distance elles
rencontrèrent la paroi presque verticale du dérangement
séparant le remplissage du terrain houiller à allure régu-
lière. Elles pénétrèrent dans celui-ci et servirent à prati- -
quer, dans différentes couches, des exploitations qui
démontrèrent d'une manière évidente que l'accident dans
lequel se trouve la fosse de Bonne-Espérance n'est point
une faille, mais un véritable puits naturel.
Six couches de houille furent exploitées aux alentours
du puits. La veine Huit paumes à 140 mètres de la surface;
la veine Six paumes à 257 métres; la Grande veine à 275
mètres et les couches Gargai et Joligai réunies à 295
mètres.
Nous avons représenté en projections horizontales (pl. I,
fig. 5,6,7, 8) les exploitations de chacune de ces cou
ches. On verra, par l'examen des dessins, que dans Six
paumes et Grande veine les travaux ont entièrement cir-
conscrit et reconnu le puits naturel qui a la forme d’une
ellipse grossière dont les deux axes ont respectivement
environ 90 et 65 mètres de longueur.
Les travaux des couches Gargai et Joligai réunies ont
circonserit presque entièrement la section du puits na-
turel. Quant à ceux de Huit paumes, ils n’ont enlevé la
houille que sur la partie méridionale de cette section.
Ces données nous ont permis de tracer la coupe verti-
cale du puits naturel, comme nous l'avons représentée
fig. 4. En dessous de la couche Huit paumes ce dérange-
ment est presque vertical; au-dessus il s'incline faible-
ment vers le nord en sens inverse de la pente des couches
de houille. 3
Nous n’avons pu nous assurer si le puits naturel pé-
( 485 )
nétre dans les cauches de sable tertiaire qui recouvrent le
terrain houiller de la localité. Nous avons représenté ces
couches comme n’ayant aucune relation avec Paccident —
qui a affecté la formation houillère.
Nous n'avons pu observer le remplissage du puits
naturel de Bonne-Espérance qu’en un seul point au niveau
de la veine Gargai, où il est constitué exclusivement par
des débris de houille, de grès et de schiste houillers très-
pyriteux et profondément altérés : les grés sont presque
transformés en sable et les schistes en argile plastique.
Pour terminer ce que nous avons á dire relativement
au puits naturel de Sars-Longchamps, nous ajouterons
que, de même que celui de Bascoup, il se trouve au mi-
lieu d'une vaste surface de terrain houiller d'une régu-
larité parfaite et dans laquelle les failles sont très-rarcs et
de peu d'importance.
Puits naturel du charbonnage du Grand-Hornu,
à Hornu.
La partie du bassin située à l'ouest de Mons renferme
toutes les couches connues dans la formation houillère du
Hainaut depuis les couches à charbon maigre, qui occu-
pent le fond du bassin, jusqu'aux veines fournissant des
charbons à longue flamme ou charbons Flénu qui gisent
à la partie supérieure de sa formation. On estime que ce
dépôt, si riche en combustible, atteint l'énorme épaisseur
de 2,000 mètres, et que sa base se trouve, en certains
points, à 2,400 mètres au-dessous du niveau de la mer.
Considérée d’une manière générale, l'allure des couches
en direction est à peu près de Pest à l’ouest. Le milieu du
( 486 )
bassin est formé par de grandes plateures dont la partie -
septentrionale, connue sous le nom de Comble du nord,
s'incline vers le sud, tandis que la partie méridionale ou le
Comble du midis'incline vers le nord. La ligne d'intersec-
tion des deux versants a recu le nom de Naye.
La Naye, considérée dans un plan vertical, décrit plu-
sieurs grandes sinuosités correspondant à d'immenses
dépressions ou cuves que forment les couches de houille.
Les galeries d'allongement ou de niveau, pratiquées dans
ces couches, tendent à décrire autour de ces cuves, des
ellipses dont les axes diminuent à mesure que les travaux
d'exploitation s'approfondissent dans la même couche.
Trois de ces cuves sont actuellement reconnues et, fait
remarquable, elles correspondent toutes trois à de grandes
épaisseurs de morts-terrains, tandis que la puissance de
ces dépôts de recouvrement se trouve à son minimum au-
dessus des convexités de la Naye. L'une des cuves, peu
connue encore, paraît avoir son centre sous le territoire de
la ville de Mons, où les morts-terrains, formés de couches
erétacées et tertiaires, ont de 400 à 450 mètres de puis-
sance. Une autre, recouverte par 190 mètres de terrain
crétacé , a été parfaitement reconnue par les travaux d'ex-
ploitation en dessous du village de Quaregnon. Enfin, la
troisième, en partie explorée, se trouve à l’ouest du vil-
lage d'Hornu, où le mort-terrain atteint la puissance d'au
moins 300 mètres.
Les importants travaux auxquels l'exploitation de la
houille a donné lieu dans le couchant de Mons n’ont guère
été ouverts, jusqu'à ce jour, que dans les grandes pla-
teures du comble du midi et dans la partie plissée qui ter-
mine ce versant au sud. L'exploitation directe du comble
du nord a été empéchée par l'énorme épaisseur des morts-
( 487 >
terrains aquifères qui le recouvrent; et, lorsqu'on a voulu
y pénétrer par des travaux ouverts dans le comble du
midi, on a rencontré, à peu de distance au sud ou au nord
de la Naye, une zone de terrain houiller tellement boule-
versée par des failles, que les essais d'exploitation que
Fon y a faits étaient trop désavantageux et ont dú être
presque partout abandonnés. Cette zone de dislocation
s'étend, parallèlement à la Naye, sur toute la longueur
explorée du bassin. Quant à sa largeur, elle est encore
inconnue.
Les travaux du puits n° 12 du Grand-Hornu sont de-
puis longtemps ouverts sur la Naye, non loin de la zone
bouleversée, dans les couches qui forment le versant
oriental de la troisième cuve, et qui appartiennent à la
série supérieure de la formation fournissant les charbons
à longue flamme ou charbon Flénu. Les morts-terrains,
quí, au puits n° 12, ont 83 mètres d'épaisseur, augmen-
tent rapidement de puissance vers l’ouest. Le sondage
n° 5 du Grand-Hornu, creusé à 950 mètres au couchant du
puits (voyez la coupe pl. II, fig. 1), a traversé :
ENOR ue re dou he 100
Sable jaune Pe
Terrain tertiaire, À Sable aad ve | pes 7,62
; Galets de silex et … sn o
Tufeau de Maestricht. . . . . . 65,55
Craie blanche . 189,29
Terrain crétacé. Craie ganconitre ( (bris des Mode). 4,90
RS. ue cu qe 4,50
Fortes toises . 3 4,80
Marne argileuse ATN (Dièves) . . 1,78
TOTAL...» 209,97
Ce sondage n'a pas atteint le terrain houiller, mais Von
peut présumer, d’après l’épaisseur connue des Diéves
( 488 )
dans les puits d'extraction du Grand-Hornu, qu’en ce point
le mort-terrain a environ 300 métres d'épaisseur.
Les galeries à travers bancs ou bouveaux creusés aux
profondeurs de 399 et de 453 mètres (voir les coupes fig. 1
et 5), ont été poussées vers l’ouest jusqu’à 600 mètres en-
viron et ont servi à exploiter, outre plusieurs veines infé-
rieures, les couches Grand-Moulin, Veine à forges et
Veine à chiens, au-dessus desquelles on ne connaît dans
le couchant de Mons qu’une couche, qui a recu le nom de
Veine d'amie. Comme on peut le voir par les dessins
(fig. 2 et 5), les travaux d’exploitation ont circonscrit et
traversé à différentes hauteurs deux Puits naturels (1) à
sections elliptiques irrégulières, dont lun (n° 1) semble
s’élargir en profondeur. Le grand axe de sa section par
un plan horizontal a en effet 107 mètres de diamètre au
niveau de 599 et 130 mètres seulement à la profondeur
de 453 mètres. L'axe de ce puits fait avec le plan horizontal
un angle de 84° ouvert au nord-ouest.
Le puits naturel n° 2 qui se trouve à 75 mètres an sud du
premier est petit relativement à celui-ci. Son grand dia-
mètre ne dépasse pas 50 mètres de longueur, et son axe
fait avec le plan horizontal un angle de 86° et semble s’ou-
vrir au sud-est, c’est-à-dire en sens inverse du puits na-
turel n° 1.
Jusqu'au contact des deux puits naturels , les couches
de houille et les schistes encaissants conservent leur al-
lure; mais sur quelques mètres d'épaisseur à partir de la
paroi de Vexcavation, leurs fissures sont remplies de chaux
- carbonatée souvent cristallisée en rhomboèdres modifiés.
DR QU ES E A ES
(1) H est tres-difficile de dire pourquoi les mineurs de celle localité ont
donné à ces puits naturels le nom de Nœuds d'amour.
A A DENIS cn
( 489 >
Les malériaux de remplissage consistent principalement
en fragments de roches houillères très-altérées, couverts
defllorescences de sulfate double d'alumine et de fer, de
cristallisations de chaux carbonate, mélangés à à des débris
de roches crétacées très ts au niveau de 599 mètres,
mais plus rares á 455 métres. Ces derniers débris consistent
principalement en marne et en fragments de conerétions
calcaro-siliceuses qui caractérisent les fortes toises dans le
bassin crétacé du Hainaut. On a aussi rencontré de gros
cristaux de chaux carbonatée formant des rhomboédres
parfaits, semblables à ceux que l'on rencontre souvent dans
les fissures et les géodes des calcaires carbonifères et dé-
voniens de notre pays.
Les deux puits naturels du Grand-Hornu n'ont pas été
Suivis en profondeur en dessous de la Veine à chiens, ni
en hauteur au-dessus de la couche Grand-Moulin; mais
les débris de roches qu’ils renferment nous prouvent
suffisamment qu’ils se prolongent jusqu'aux morts-terrains
et qu'ils ont plus ou moins affecté les assises qui en for-
ment la base. Il serait du plus haut intérêt de pouvoir
étudier la manière dont ils pénètrent dans ces terrains
crétacés, ce qui serait d'un grand secours pour fixer leur”
âge. Malheureusement , nous avons fort peu de chances de
Voir se réaliser nos vœux à cet égard. Il n’en sera pas de
même de leur étude en profondeur, qui pourra se faire
dans un avenir assez rapproché. En effet, une galerie à
travers bancs est actuellement en creusement à ce même
puits d'extraction , au niveau de 508 mètres, et se dirige
vers la région où se trouvent les deux puits naturels.
Un troisième puits naturel a été rencontré par les tra-
vaux de la compagnie du Grand-Hornu à une assez grande
(490 )
distance à l’est du puits extraction n° 12; d’antres exis-
tent dans la concession du charbonnage des Produits à
Jemmapes, dans celles des charbonnages de la Louvière
et la Paix et de Haine-S'-Pierre dans le district du centre.
. Mais nous ne possédons pas, sur ces accidents, des ren-
seignements assez complets pour en faire la description.
D'ailleurs, ce que nous avons dit des puits naturels de
Bascoup, de Sars-Longchamps et du Grand-Hornu suffit
pour démontrer l'existence, dans le terrain houiller, d'ex-
cavations qui ont la plus grande analogie avec les Puits
naturels des terrains secondaires et tertiaires, desquels
ils ne diffèrent guère que par leurs dimensions beaucoup
plus considérables.
Notes sur le grés landenien, par M. J. Moreau.
Les observations que je soumets à PAcadémie portent
principalement sur le grès landenien, afin de faire con-
naître des faits sur lesquels des communications lui ont
‘été adressées par MM. Van Horen et Malaise.
Je w'abstiendrai d'émettre une théorie sur la formation
de cette roche, seulement je dirai qu'elle est probablement
due à des éjections siliceuses qui n’ont solidifié que des
couches de sable blanc; mais il est remarquable que les
banes de grès sont plus ou moins mamelonnés à leur face
. supérieure; que plus les bancs sont épais, plus les mamelons
sont larges, tandis que plus leur épaisseur est faible, plus
leur surface est mamelonnée. La face inférieure des banes
ou assise n'est point mamelonnée; elle suit les ondulations
de la couche de sable sur laquelle elle repose, mais elle a
A e ind
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Zeh de 1 a 2300.
Jn
Bulletins, 2° verie, Tome XXIX. | Ze A
| PUITS NATURELS DU CRAND-HORNU.
le FIU
Couche grand moulin-
| Fig. 1. Coupe de Louest a lest passant par le puits N°12 et par le sondage N°3. Le NS Ur.
E E e | Ya seh. 3a 200.
a Sondage N. 3. Puits N°12. Wa
= Est. US
Morts- terrains E
—
LORA
AAA $ >
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SA | AL.
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Fig. à. Pedi
> + n x o 2
Coupe. suivant CD des fig sel.
SA
¢ = -
AE —
(491)
une croûte qui participe de la nature et de la nuance de
ces sables.
Dans le terrain landenien qui s'étend entre Tirlemont,
Jauche, Perwez, Jodoigne, Hougaerde, on rencontre des
bancs de grès d'une épaisseur de 0",20 jusqu'à 4 mètres et
plus. Les bancs épais sont restés en place; les bancs minces
ont été bouleversés, en général, et transportés en frag-
ments plus ou moins volumineux.
On rencontre souvent deux bancs de grès séparés par
une couche de sable blanc, qui a quelquefois un mètre
d'épaisseur. On rencontre aussi dans de grands amas de
sable blanc des rognons de grès isolés, ayant des formes
plus ou moins contournées et arrondies.
On voit au delà de Jodoigne des parties de bancs épais
recouvertes d'une couche de sable blanc de 0,10 à 0,80 .
de puissance, surmontée d’une couche de lignite de 0,"05
à 0%,25 d'épaisseur, gisant sous des dépôts de sable de 5 à
15 mètres de hauteur.
Près de là, à moins de 200 mètres, le banc a été complé-
tement dénudé et n’est plus recouvert que par la couche
de cailloux du diluvium et par le limon hesbayen avec ses
deux étages bien caractérisés, dont M. Dewalque a donné
le premier la description. Leur puissance est de 6 mètres.
‘étude des dépôts du diluvium et du limon hesbayen
dans les points de ravinement où les courants ont emporté
les sables landeniens, pourrait probablement apporter
quelque lumière sur cette formation argileuse.
Les blocs de grès que l’on trouve dans les environs de
Tirlemont et qui sont, en général, éparpillés dans le sol,
Soit dans et au-dessus des sables éocènes remaniés, soit
dans la couche de cailloux et du limon, paraissent avoir
subi une action modificatrice, pour ne pas dire métamor-
( 492 )
phique. En effet, la structure de la roche, sa couleur, sa
dureté ne sont pas les mêmes que celles des banes de grès
qui, près de Tirlemont, sont restés en place et n’ont point
été transportés par les courants.
Peut-étre y a-t-il eu plusieurs époques de formation;
on remarque d’ailleurs que plus les blocs transportés sont
peu épais plus ils sont durs et plus ils se taillent difficile-
ment.
On voit dans les bancs peu épais de nombreuses rami-
fications ligneuses silicifiées, ramifications qui paraissent
être des racines. Dans les bancs épais on ne trouve point
de ces « bois pétrifiés. » On pourrait done conclure que
des arbres avaient poussé leurs racines dans les couches
de sable avant qu'elles fussent transformées en grès.
On Pr atb es ces silicifications des struc-
l fférent ¿de un tronçon de branche
de 0",50 de long sur 0”,05 de diamètre ayant tous les €a-
ractères du bois de chêne. -
Certains blocs ont été transportés à de grandes dis-
tances, mais d'autres, quoique bouleversés et renversés en
tous sens, sont restés en place; c'est ainsi qu’on pourrait
les replacer jointivement dans la position horizontale
qu'ils avaient primitivement.
Parmi les blocs qui ont été transportés par les courants
diluviens, il en est qui ont des marques évidentes de ces
transports, mais il n’en est point qui aient des traces de
frottement glaciaire, ainsi que M. Van Horen l'a eru re-
marquer.
Les faces luisantes, polies, striées des blocs où il croit
avoir vu l’action des glaces, ne sont pas, comme l'observe,
du reste, M. d'Omalius d'Halloy, les faces de stratification,
mais bien les faces de fissures.
LG a e
( 493 )
Ces faces étaient luisantes et polies avant que les bloes
fussent bouleversés et transportés par les courants de la
grande inondation diluvienne.
On trouve en place des banes de grès que n'ont pas at-
teints les courants et dont les faces de fissures sont revé-
tues d’un vernis siliceux portant des stries bien prononcées.
J'ai même des fragments où ces faces sont recouvertes de
plusieurs couches de ee vernis, peu adhérentes les unes
aux autres.
Ces bancs, qui primitivement devaient former une seule
masse, sont actuellement fendus ou cassés en des fragments
plus ou moins volumineux, soit que les cassures provien-
nent d’un retrait, soit qu’elles aient pour cause des oscil-
lations du sol. On voit dans les banes de 4 mètres d'épais-
seur des fentes qui ont de 2 à 15 centimètres de largeur;
les faces sont souvent colorées par des éjections ferriques
de toutes nuances, depuis le jaune-pále jusqu’au brun-noir
très-foncé. J'ai même des fragments irisés. Ces éjections
n'ont pas seulement coloré les faces, mais elles ont encore
imprégné la roche á une profondeur plus ou moins
grande,
On a même vu à Tirlemont et à Huppaye le banc sur
loute son épaisseur, 0",60 environ, transformé en grès
ferrugineux. J'ai eu un fragment de cette roche sur lequel
Se trouvait une partie d'écorce et de bois d’un arbre qui
Paraissait être Porme maigre. J'ai donné cet échantillon à
feu M. Vandermaelen. M. De la Vallée Poussin en possède
un semblable.
Mais les fentes où les faces des blocs sont vernissées
Sont tres-étroites, et l'on voit aussi des parties où la roche
a été pénétrée par les dissolutions siliceuses éjectées.
On ne peut mettre en doute ces éjections. En effet, on
2" SÉRIE, TOME XXIX. 52
( 494 )
peut suivre ces fentes à la face supérieure des bancs, par
des lignes de petits mamelons formés d’un sable blanc plus
ou moins agglutiné. Le jet siliceux , après avoir tapissé les
faces , a dépassé la roche et est venu défaillir dans le sable
en le solidifiant plus ou moins fortement. Les échantillons
que je possède ne laissent aucun doute à cet égard. Près
de Tirlemont j'ai vu des cônes de 0”,10 à 0,20 de hau-
teur qui accusaient un fort jaillissement dans le sable
lanc.
Les ouvriers appellent les grandes fentes des limés,
(leurs faces ne sont jamais vernissées) et ils donnent le
nom de faux limés aux fentes ou fissures siliceuses. Les
limés leur sont très-utiles pour l'exploitation de la roche;
mais les faux limés, outre qu’ils modifient sa structure en
la faisant passer au quartzite, sont trop étroits pour qu'on
puisse y passer un instrument : pince, coin ou autre.
J'ai des fragments de la roche landenienne passant par
tous les états de dureté et de nuance; depuis le blanc mat
à grain fin, jusqu’au gris, au jaune, au rougeâtre, au noi-
rátre (ligniteux). J'ai des échantillons où les faces de tis-
sures vernissées sont unies, d’autres striées et d'autres na-
crées et irisées.
On reconnait l'existence des limés avant d'atteindre la
roche par Pinfléchissement des couches de sable et de li-
gnite vers les fentes, tandis que rien n’accuse la présence
des faux limés.
Les limés ou fentes de cassures ont une direction régu-
lière, sensiblement de l'est à l’ouest; elles sont presque
parallèles les unes aux autres, quoique suivant des lignes
brisées.
Les éjections siliceuses doivent avoir eu lieu antérieu-
rement aux grands courants diluviens, du moins on n'en
voit aucune trace à la face supérieure des banes qui ont
( 495 )
été dénudés et qui ont été ensuite recouverts par la couche
de cailloux ou par le limon hesbayen. Ce fait, s’il était bien
prouvé, aurait une certaine importance géologique. Les
bancs, même fort épais, sur lesquels les courants ont
passé, quoique étant restés en place, sont fortement bri-
sés tant par des fentes verticales que par des cassures ho-
rizontales. On ne remarque pourtant point qu'ils aient été
affouillés par les eaux.
Quant à la communication de M. Malaise, informant
l’Académie que parmi les blocs landeniens il aurait ren-
contré, près de Tirlemont, des blocs siluriens, le fait est
possible, puisqu'on a trouvé dans les sables landeniens su-
périeurs, Á Huppaye, des fragments de phyllades siluriens
de la grosseur d’une brique ordinaire.
Mais il est cependant possible aussi qu'il ait été trompé
par Papparence que présentent quelquefois les bloes lande-
niens qui ont subi l’action des courants diluviens ou celle
des éjections siliceuses. C'est ainsi que j'ai trouvé au milieu
de gros bancs de grés des parties ayant toute l'apparence
du quartzite, et que l’on a exploité près de Tirlemont des
bloes durs, feuilletés, traversés par des limés, qui ressem-
blaient beaucoup à la roche de Dongelberg, Glimes, Jau-
chelette, quoiqu'ils fussent bien du grès landeñien.
!
Sur la latitude de la flèche de la cathédrale d'Anvers;
lettre de M. Ad. de Boë à M. A. Quetelet.
J'ai l'honneur de vous transmettre le résumé d'observa-
tions ayant pour but de déterminer la latitude de la flèche
de la cathédrale d'Anvers.
Vai obtenu par la moyenne des hauteurs de cent étoiles
(496 )
fondamentales, déterminées par des observations nadirales
sur le bain de mercure, à l'aide d’un cercle méridien gros-
sissant 75 fois el qui porte 4 microscopes donnant la !/2 se-
conde, une latitude, pour l'instrument, de 5112'27"80. Ces
cent hauteurs, quant à leurs résultats, se répartissent de la
manière suivante :
79 s'écartent de la moyenne d'une valeur au-dessous de 4”
2 a E 6”
3 + en Da E
Ces derniers écarts sont assez grands, mais ils ont lieu
en proportions à très-peu près égales dans les sens positifs
et négatifs. Je les attribue, d’ailleurs, à des observations
faites à une heure peu avancée de la soirée, alors que le
bain de mercure accuse encore fortement les trépidations
du sol, et donne une image réfléchie très-vacillante, ce qui
rend sa coïncidence avec le fil horizontal fort difficile. J'ai
fait ensuite, à l’aide d’un théodolite, une triangulation
entre la tour de la cathédrale, le clocher de Saint-Wille-
brord et mon observatoire (en prenant pour base la distance
de ces deux clochers donnée par le canevas géométrique
de la ville d'Anvers), et j'ai trouvé pour différence de
latitude entre mon observatoire et la flèche de la cathé-
drale 47"18, ce qui donne pour la latitude de cet édifice
51°45/14’98, chiffre qui ne diffère que de 2/100 de seconde
de celur donné par Krayenhoff.
Veuillez agréer, ete.
( 497 >)
CLASSE DES LETTRES.
Séance du 9 mai 1870.
M. E. Deracoz, directeur.
M. Ap. QuereLer, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. Ch. Steur, J. Grandgagnage, J. Rou-
lez, P. Gachard, Ad. Borgnet, Paul Devaux, P. De Dec-
ker, F.-A. Snellaert, J.-J. Haus, M.-N.-J. Leclercq,
M.-L. Polain, le baron J. de Witte, Ch. Faider, le baron
Kervyn de Lettenhove, R. Chalon, Ad. Mathieu, J.-J. Tho-
nissen, Th. Juste, le général Guillaume, Félix Nève, Alph.
Wauters, Henri Conscience, membres; Nolet de Brauwere
Van Steeland et Auguste Scheler, associés.
M. L. Alvin, membre de la classe des beaux-arts, assiste
à la séance.
CORRESPONDANCE.
Une lettre du palais informe que Leurs Majestés ne pour-
ront assister à la séance publique de la classe qui aura lieu
le mercredi, 11 mai.
Leurs Altesses Royales le comte et la comtesse de Flan-
dre font également exprimer leurs regrets de ne pouvoir
se rendre á cette solennité.
(498 )
— Sa Majesté fait transmettre ses remerciments pour le
tome XXXIV des Mémoires couronnés in-4° et le tome XXI
des Mémoires couronnés in-8° qui lui ont été présentés en
sa qualité de Protecteur de l’Académie,
Son Altesse Royale le comte de Flandre remercie égale-
ment pour l'envoi qui lui a été fait des mêmes ouvrages.
— M. le Ministre de l’intérieur fait savoir que ses occu-
pations Pempécheront d'assister à la séance publique de la
classe.
— Le même haut fonctionnaire transmet, pour être
répartis entre les membres de la classe, trente exemplaires
du Rapport du jury qui a jugé le concours triennal de
littérature dramatique francaise pour la période de 1867-
1869, et signale que le jury n’a pas cru pouvoir décerner
le prix institué par l'arrêté royal du 30 septembre 1859.
I offre également, pour la bibliothèque de la Compagnie,
différentes publications qui seront annoncées au Bulletin
de la séance.
— M. le Ministre de la justice envoie deux exemplaires
du nouveau volume publié par la Commission royale des
anciennes lois et ordonnances de la Belgique, compre-
nant les coutumes de la ville d'Anvers. — Remerciments.
— M. le secrétaire perpétuel présente le premier exem-
plaire du tome XXXV* des Mémoires couronnés el des sa-
vants étrangers, format in-4°, dont l'impression vient
d’être terminée.
Ce volume se compose du mémoire couronné par la
classe des lettres, Sur le droit pénal du Brabant, par M. Edm.
( 499 )
Poullet; du mémoire couronné par la classe des beaux-arts,
Sur l’histoire de la gravure des médailles, par M. Alex.
Pinchart; des 2 et 5° parties du mémoire de M. Félix Pla-
leau, Sur les crustacés d’eau douce de Belgique, et du mé-
moire de MM. Briart et Cornet, Sur la craie blanche du
Hainaut.
— Les établissements suivants-adressent leurs derniers
travaux et.remercient la Compagnie du récent. envoi de
publications : l’Académie royale d'histoire, à Madrid, la
Société historique d'Utrecht, la Bibliothèque royale de La
Haye, les Archives générales du département du Nord, à
Lille, et la Bibliothèque de la ville d'Amiens. :
— M. le baron Kervyn de Lettenhove présente le tome I°"
(première partie) et le tome X des OEuvres de Froissart,
qu'il vient de publier au nom de la Commission académique
chargée de la publication des œuvres des grands écrivains
du pays. Il offre également le tome 1** des Poésies de Frois-
sart, publiées par M. Aug. Scheler dans la même collection.
— Les ouvrages suivants sont offerts par leurs auteurs :
1° Revue de numismatique, publiée par J. de Witte et
Adrien de Longpérier, nouvelle série, tome XI”, n° 1 à 6;
tome XII", n° 4 et tome XIV*, n 1 à 4; 2° Histoire de la
monnaie romaine, par Théodore Mommsen, traduite de
l'allemand par le duc de Blacas et publiée par J. de Witte;
© Note sur un vase de terre décoré de reliefs, par J. de
Witte; 4 Curiosités numismatiques, 15° article, par
M. Chalon; 5° Leven van Leopold I, naar het fransch door
Th. Juste, 5° aflev; 6° Commentaire du Code pénal belge,
par G. Nypels, 11° livraison. — Remerciments.
( 500 )
— M. Th. Juste présente une notice sur la vie et les tra-
vaux de feu M. Edouard Ducpetiaux, membre de la classe,
décédé le 21 juillet 1868. Ce travail prendra place dans
l Annuaire de l’Académie pour 1871 et sera accompagné
du portrait du défunt.
— Une notice historique de M. J.-J. De Smet, membre
de la classe, Sur l’ancienne abbaye du Nouveau-Bois à
Gand, prendra place parmi les communications et lectures
de la séance.
— La classe renvoie à l'examen de MM. Alph. Wauters
et Th. Juste, une note de M. L. Galesloot, intitulée :
Fouilles d'Elewyt. — Un anneau antique trouvé à Becque-
voort. >
CONCOURS DE 1870.
Conformément aux dispositions réglementaires, la
classe est appelée à se prononcer, après la lecture des
rapports des commissaires chargés d'en faire l'examen,
sur les travaux présentés en réponse aux questions du
programme de cette année.
Cinq questions avaient été inscrites au programme.
Quatre mémoires sont parvenus.
Le premier portait pour devise : ad retinendam coro-
nam, en réponse á la première question du concours :
Rechercher les causes qui amenèrent, pendant le douziéme
el le treizième siècle, l'établissement de colonies belges en
(501 )
Hongrie et en Transylvanie. Exposer l'organisation de
ces colonies et l'influence qu’elles ont exercée sur les insti-
tutions politiques et civiles, ainsi que sur les mœurs et les
usages des pays où elles furent fondées.
Rapport de M, Thonissen,
« Fidèle à une habitude que nous avons constamment
suivie, nous commencerons notre examen par l'analyse
des parties essentielles du travail soumis à l'appréciation
de la classe.
Après avoir rappelé les difficultés et les obstacles qu'il
a rencontrés dans l’accomplissement de sa tâche, l’auteur
consacre quelques pages de l'Introduction aux rapports
des Magyars avec l’Europe occidentale, et surtout avec les
Pays-Bas, pendant la période qui précéda l'établissement
des colonies germaniques en Hongrie. Il raconte succinc-
tement l’arrivée de ces hordes asiatiques, leurs irruptions
et leurs ravages en Allemagne, en Italie et en France,
jusqu’au jour néfaste où Conrad, ancien due de Lotha-
ringie, les appela dans les Pays-Bas , où elles pillèrent et
dévastèrent impitoyablement la Hesbaye, l'Ardenne et le
Hainaut. Il fait connaître ensuite les désastres qui, peu de
temps après, assaillirent les Magyars et les forcèrent à se
retirer définitivement sur le sol de l'ancienne Pannonie, où
ils ne tardèrent pas à se convertir au christianisme. L’au-
leur prouve que, dès cet instant, de nombreuses relations
politiques, religieuses et commerciales s’établirent entre
la Hongrie et les autres nations chrétiennes de l'Occident.
Après avoir versé tant de sang et amoncelé tant de ruines
depuis le Danube jusqu'à VEscaut, les descendants des
Huns étaient devenus les amis et les soutiens de la grande
}
( 502 )
famille européenne, quand le roi Geiza If confia à des
colons venus des Pays-Bas et des contrées voisines le soin
de défricher et de peupler les parties désertes de son
royaume. C'était, en effet, l’époque où les agriculteurs et
les artisans flamands, parvenus à un remarquable degré
de civilisation, manifestaient pour les voyages et Pexpa-
triation un engouement plein d'ardeur et d'audace, dont
on cherche en vain quelques traits dans le caractère de
leurs descendants. Dès le XI° siècle, nous voyons des Fla-
mands, appelés par Guillaume le Roux, s'établir sur les
confins du comté de Ga'les et de l'Écosse. Au commence-
ment du siècle suivant, Henri Beauclere attire des colons
flamands dans les comtés de Pembroke el d'York. Vers la
même époque, nous trouvons des agglomérations de culti-
vateurs néerlandais dans l'évêché de Brême, dans le Hol-
stein, la Thuringe, la Misnie, le Mecklembourg et plu-
sieurs autres contrées de l'Allemagne. Geiza IJ, ou plutôt
les tuteurs de ce prince devaient être d'autant plus tentés
de s'adresser à ces populations vigoureuses que, depuis le
milieu du XI" siècle, les Hongrois avaient sous les yeux,
comme nous le rappellerons plus loin, le spectacle du tra-
vail, de l'énergie et des progrès incessants d’une colonie
belge fondée au cœur de leur pays.
Ayant groupé tous ces faits dans un tableau très-bien
tracé, mais où figurent quelques détails peut-être surabon-
dants, l’auteur du mémoire abandonne la sphère des géné-
ralités et aborde directement le sujet désigné à ses investi-
gations. Il divise son travail en six chapitres, portant les
titres suivants : De la colonie belge fondée dans le diocèse
d'Erlau; de la colonie belge fondée dans la Zips; les Fla-
mands dans le district de Batar; des colonies belges fon-
dées en Transylvanie; des droits et des privilèges accordés
(503 )
aux Belges en Hongrie et en Transylvanie; de la langue
parlée dans les colonies belges en Hongrie et en Transyl-
vanie.
En 1447, des pèlerins de Liége qui s'étaient rendus à
Aix-la-Chapelle, pour assister à l'exposition des célèbres
reliques conservées dans cette ville, furent très-surpris d’y
rencontrer une troupe de pèlerins de Hongrie qui, mal-
gré leur nationalité étrangère, parlaient très-correctement
le wallon liégeois. Interrogés sur ce fait en apparence
inexplicable, les Hongrois répondirent que, suivant une.
tradition conservée dans leurs familles, leurs ancétres
étaient originaires du pays de Liége, qu’ils avaient quitté
ce pays à cause du manque de vivres et qu’ils s'étaient
fixés en Hongrie.
Cette tradition était, à tous égards, conforme à la vé-
rité historique. Sous le règne de l'évêque Wazon, plusieurs
centaines de Liégeois, fuyant la famine qui sévissait sur
les bords de la Meuse, avaient traversé l'Allemagne et,
d'étape en étape, étaient arrivés en Hongrie où, en 1046,
le roi André I“ leur avait assigné, à perpétuité, un terri-
loire fertile situé dans le diocèse d'Erlau. Leur nombre
S'acerut avec une telle rapidité qu’ils occupèrent, quelques
années plus tard, plusieurs villages connus sous le nom
de loca gallica, vici Wallonorum.
Après avoir discuté ces faits et toutes les circonstances
qui s’y rattachent, l’auteur du mémoire croit pouvoir affir-
mer que les Liégeois de la vallée d'Erlau vécurent, dès
leur arrivée , sous une administration propre tant au spi-
rituel qu’au temporel. Il prouve au moins, très-claire-
ment, qu’ils conservèrent, pendant cinq siècles, à travers
toutes les vicissitudes, le souvenir et la langue de leur
Patrié originaire. Des documents authentiques et irrécu-
(304 )
sablesattestent que ces Wallons hongrois formaient, au
XV" siècle, une province ecclésiastique séparée. Au siècle
suivant, le célèbre Nicolas Olah, secrétaire de la reine
Marie de Hongrie, mentionne encore les colonies ébu-
ronnes du diocèse d'Erlau, « où Pon parle un langage
francais; » mais, cinquante ans après, réduits à la misère
et décimés par le cimeterre des Turcs , les colons cessent
de vivre en communautés séparées el se confondent avec
la population indigène. Aujourd’hui le souvenir même des
vaillants défricheurs liégeois s'est perdu dans la vallée qui
fut le théátre de leur activité industrieuse.
Cet intéressant épisode historique forme le sujet du pre-
mier chapitre du mémoire. Au chapitre suivant, l’auteur
s’occupe, comme nous l'avons déjà dit, de la colonie belge
fondée dans le comitat de Zips.
Geiza Il avait à peine atteint sa dixième année, quand
les Magyars le placèrent, en 1141 , sur le trône de saint
Étienne , sous la régence de sa mère Hélène, assistée, à
son tour, d'un conseil de gouvernement où figurait Péveque
d’Erlau , Lucas Banffi.
Les historiens hongrois sont unanimes à attribuer à la
reine régente et à l’évêque d'Erlau l'honneur d’avoir attiré
dans le royaume de nombreux colons étrangers, en vue
de mettre un terme à la misère et à la dépopulation cau-
sées par une déplorable série de guerres étrangères et de
luttes intestines. Ce fut à Vinstigation de l’évêque, qui
possédait dans son diocèse de florissantes colonies wal-
lonnes, que la reine s'adressa principalement aux cultiva-
teurs et aux artisans des Pays-Bas. Ceux-ci accoururent
en grand nombre et se fixèrent dans le comitat de Zips.
Les plus anciens documents leur donnent le nom de Fla-
mands (Flandrenses). Plus tard on leur applique le titre de
( 505 )
Saxons (Saxones); mais l’auteur du mémoire démontre
que cette qualification, d’un sens très-étendu et parfois
très-vagne au moyen âge, fut souvent employée pour dési-
gner les habitants des Pays-Bas et de plusieurs contrées
germaniques très-éloignées de la Saxe. Il réfute, autant
que la pénurie de sources contemporaines permet de le
faire, Popinion de ceux qui prétendent que tous les colons
de la Zips étaient venus du centre et du midi de l’Alle-
magne. Il invoque á cette fin les monuments historiques
et les traditions populaires, les noms des lieux el les noms
de famille.
La charte originaire qui régla l'établissement des colons
dans le comitat de Zips n’a pas échappé aux ravages du
temps; mais elle se trouve rappelée dans des actes plus
récents, datant des règnes de Sigismond et de Ladislas, et
ces actes permettent de supposer que les colons, appelés
(vocati) dans le royaume sous le règne de Geiza II, y
avaient obtenu toutes les garanties nécessaires pour la
súreté de leurs personnes et de leurs biens. Ils avaient même
élé gratifiés d'une juridiction ecclésiastique distincte.
Les Flamands du comitat de Zips ne conservérent pas,
aussi longtemps que les Wallons de la vallée d'Erlau, leur
langue nationale, leurs mœurs primitives et leurs usages
particuliers. Jls prospérèrent et se multiplièrent, au point
qu'une tradition locale leur attribue une large part dans la
fondation des vingt-quatre villes qui, en 1204, formérent
la confédération que les chroniqueurs hongrois désignent
sous le nom de Fraternitas plebanarum XXIV regalium ;
mais, dès le XII" siècle, à la suite d’une violente invasion
des Mongols, ils furent rapidement envahis et absorbés
par un courant sans cesse croissant de colons accourus de
diverses parties de Pempire germanique. La libre prévôté
( 506 )
ecclésiastique de la Zips est peut-être la seule trace qu’ils
aient laissée de leur passage.
Au chapitre III, l’auteur du mémoire nous entretient
d’une colonie flamande établie dans le comitat d'Ugocsa.
L'existence de cette colonie ne nous est attestée que par
un seul document, daté de 1216 et ainsi concu: « Un
nommé Paul, du village de Beltuk, intenta un procès
contre les Flamands qui composaient la commune de
Batar et qu'il accusait d’avoir assassiné son frère Benoit.
Les Flamands ne nièrent pas le fait, mais alléguèrent,
pour leur défense, qu’ils avaient tué ledit Benoit en
flagrant délit de vol. Là-dessus Pobergespan du comitat
d'Ugocsa, nommé Ésaü , statuant d’après l’ordre du roi,
envoya le pristalde (1) Martin à Grosswardein pour pro-
céder au jugement du fer rougi. Paul porta le fer in-
candescent sans en éprouver aucun mal el obtint, en
conséquence, gain de cause. » Quels étaient Porigine,
le nombre et la condition sociale de ces Flamands de Ba-
tar? A quelle époque s'étaient-ils fixés sur le sol de la
Hongrie? A quel moment cessèrent-ils de former une
communauté séparée? A toutes ces demandes l’histoire ne
fournit pas de réponse. H est probable que cette colonie
fut anéantie dans la grande invasion tartare de 1241
Par leur importance numérique, de même que par lin-
fluence heureuse qu’elles exercèrent sur les destinées du
pays qui leur fut assigné, les colonies flmandes de la
Transylvanie, auxquelles l’auteur consacre le quatrième
chapitre de son mémoire, méritent une attention particu-
lière. Attirés par la reine régente Hélène , l'évêque Banfti
very we
(1) Exéenteur des sentences judiciaires,
( 507 )
et le ban Belus, oncle nn: du roi Fee ee les colons
fondèrent leurs | en 141 et 1161.
a
W Y Y Y. WM W W W Y ww wW W YU WWW Y W Y ww Y |
v v Ov y y Y y
x
C'est alors, dit le savant historien Schlözer, qu’une
troupe d'hommes forte de plusieurs milliers de têtes
émigra de la Flandre et de la basse Allemagne dans
une contrée située à plusieurs centaines de milles de
leurs pays. Ce n’était pas une vile plèbe qu’un esprit
d'étourderie, la famine ou le crime poussait à s'expa-
trier; c’étaient des gens bien posés, appelés par un
pouvoir étranger, c'est-à-dire attirés par des promesses
magnifiques qui équivalaient à une sorte de contrat. Au
milieu d’une nation chez laquelle la civilisation était
encore à l’état d'enfance et qui, par cela même, était
des plus mal notées, ils furent les soutiens d'un trône
dont ils étaient devenus les sujets. Hs s'établirent dans
des déserts qu’ils ne durent pas seulement défricher ,
mais où ils eurent à se défendre par l'épée contre les
ennemis redoutables qui s’y montraient de temps en
temps et ne paraissaient pas disposés à céder si aisé-
ment le terrain. Sous la garantie de leur nouveau gou-
vernement, ces colons se donnèrent une constitution
fondée à la fois sur la vraie liberté et sur légalité la
plus large, et qui avait beaucoup d’analogie avec les
constitutions des villes germaniques qui naquirent plus
tard. Cette constitution dut être importante, puisqu'elle
a pu subsister pendant six siècles et qu’elle a atteint au
plus haut point le but final de toute bonne constitu-
tion, c'est-à-dire de rendre heureux un grand nombre
d'hommes. Cependant ces colons eurent beaucoup à
souffrir tant des ennemis du dehors que des jaloux de
Pintérieur; mais, dès le principe, ils bátirent, pour se
mettre à l'abri des atteintes des premiers, des villes et
(508 )
des forteresses dont les Kumans ne parvinrent jamais
à triompher; contre les seconds, ils se maintinrent vic-
torieusement par leur énergie personnelle, soutenus
qu'ils étaient d’ailleurs par des rois sages et justes. Cette
colonie, relativement insignifiante à son début, aug-
menta tellement dans le cours des siècles qu’elle attei-
gnit le chiffre de trois à quatre cent mille hommes, et,
quoique entourés de toutes parts de populations non
germaniques, ces colons ne se mélangèrent jamais
avec elles el conservèrent intact leur caractère germa-
nique (1). »
L'auteur du mémoire a pris à tâche de justifier et de
mettre en évidence chaque trait de ce brillant tableau. H
commence par déterminer avec une grande précision les
cantons ravagés et dépeuplés de la Transylvanie qui furent
assignés aux immigrants. Il prouve que ceux-ci, malgré
les noms de Saxones et de Teutonici que leur donnent les
documents postérieurs au XIII" siècle, étaient originaires
de la Belgique , de la Hollande et des distriets limitrophes
du Rhin. Il nous fait assister au défrichement, à la trans-
formation et à la défense du territoire occupé par ces
hommes énergiques, qui savaient allier le courage indomp-
table du soldat à la patience et à la persévérance du labou-
reur flamand. Il découvre dans les noms des personnes el
des lieux plus d'un souvenir de la première patrie des co-
lons. Il démontre enfin, à Paide d'actes authentiques, que
ces colons, qui jouissaient du privilége de former une cor-
poration indépendante obéissant à des chefs élus dans son
sein et ne relevant que du roi, obtinrent, comme corol-
laire, le droit de former une église exempte de la juridic-
v v y v v Mn det ff jen v
(1) Kritische Sammlungen, ete., Vorrede, p. IV.
(509 )
tion de l’évêque de Transylvanie et immédiatement sou-
mise au saint-siége. Les pages qui renferment le récit de
ces faits doivent être classées sans contredit parmi les plus
intéressantes du travail que la classe est appelée à juger.
On aura remarqué que l’auteur, dans les parties du mé-
moire que nous venons d'analyser, tout en s'attachant de
préférence à rechercher l’origine et à décrire les progrès
des colonies flamandes, n’a pas perdu de vue l'étude de
leurs institutions politiques et religieuses. Il revient plus
particulièrement à cette étude au chapitre V, qu'il con-
sacre tout entier, d’une part, aux droits et aux priviléges
concédés aux Flamands émigrés, de l'autre, aux obliga-
tions civiles et militaires dont ils étaient tenus envers les
souverains de leur seconde patrie.
L'autorisation de s’administrer eux-mêmes dans l’ordre
civil, jointe au droit de former, dans l’ordre religieux ,
une Communauté indépendante de la juridiction de POrdi-
naire, était un privilége commun aux Wallons d'Erlau,
dux Flamands du comitat de Zips-et à ceux de Transyl-
vanie. Malheureusement, ce n'est que pour ces derniers
que Pon peut, en s'appuyant sur des témoignages irrécu-
sables, entrer dans tous les détails de la matière.
En 1224, le roi André II, voulant restituer aux Fla-
mands leur liberté primitive, remit à nos compatriotes une
charte qu’ils appelèrent le privilége ou la bulle d'or (Pri-
vilegium aureum, Bulla aurea). On y voit notamment que
les colons possédaient en pleine propriété les terres qui
leur avaient été concédées dans le Gau de Hermanstadt;
qu'ils formaient tous ensemble « un seul peuple, » jouis-
Sant d'une complète égalité de droits civils et-politiques;
qu'ils nommaient eux-mêmes leurs magistrats et leurs
uges, sous Vantorité suprême d’un comte désigné par le
2" SÉRIE, TOME XXIX. 55
( 510 )
roi; que tout jugement devait être conforme à l'ancien
droit coutumier de la colonie; que les colons, dans les
affaires d'argent, pouvaient seuls être appelés en témoi-
gnage; qu’ils choisissaient eux-mêmes leurs prêtres et ne
payaient qu'à ceux-ci les dimes et les autres redevances
ecclésiastiques; qu’ils étaient exempts de tout droit de ton-
lieu dans le royaume et qu’ils possédaient la faculté d'ou-
vrir de libres marchés sur leur territoire; qu’ils payaient,
pour tout impôt, une contribution annuelle de cinq cents
mares d'argent, équitablement répartie entre tous les mem-
bres de la communauté; enfin, que leurs obligations, à
l'égard du service militaire, se bornaient à fournir 500
hommes quand la guerre se faisait dans l’intérieur du
royaume, 100 hommes quand l'expédition avait lieu au
delà de la frontière, et seulement 50 si, dans ce dernier
cas, le roi ne se mettait pas à la tête des troupes. L'auteur
a raison de dire que les Flamands de Transylvanie, vivant
au milieu de peuples qui ne connaissaient que des sei-
gneurs et des serfs, jouissaient de droits et de franchises
que devaient leur envier tous les autres sujets des succes-
seurs de saint Étienne.
A la suite de tous ces renseignements, dont la valeur
historique ne saurait être niée , l’auteur se demande, dans
un dernier chapitre, si le langage des Saxons de la Zips el
de la Transylvanie a conservé quelque analogie avec la
langue populaire des provinces flamandes et basses alle-
mandes. Contrairement à l'opinion émise par un grand
nombre d'auteurs, parmi lesquels nous devons citer l'abbé
de Feller (1), il répond que cette ressemblance n'existe
(1) Hinéraire en diverses parties de l'Europe, 1. Ier, p. 227. Liége,
20.
O
SEL )
plus. Il se range à l'avis des écrivains allemands de Hon-
grie et de Transylvanie qui consentent, tout au plus, à
admettre des analogies entre la langue saxonne actuelle et
l'idiome parlé dans quelques districts des bords du Rhin.
Ne possédant pas les connaissances linguistiques requises,
nous ne nous permettrons pas d'émettre un jugement sur
la valeur scientifique de cette décision ; mais il nous semble
que l’auteur du mémoire n’a pas ici formulé ses idées avec
la précision et la lucidité qui distinguent les autres pages
de son œuvre.
Jetons maintenant un coup d’œil sur l’ensemble du tra-
vail soumis à notre examen, et demandons-nous si le plan
tracé par l’Académie se trouve réalisé dans ses parties
essentielles.
L'auteur devait, en premier lieu, indiquer les causes
qui amenèrent, pendant le XII etle XII" siècle, l’établis-
sement des colonies belges en Hongrie et en Transylvanie.
ll devait ensuite exposer l’organisation de ces colonies et
signaler l'influence qu’elles exercèrent sur les institutions,
les mœurs et les usages du pays où elles furent fondées.
Toutes les parties de ce programme n’ont pas été rem- .
plies avec le même succès.
En ce qui concerne les causes qui amenèrent l’établis-
sement des colonies belges en Hongrie et en Transylvanie,
l'auteur s’est acquitté de sa tàche de manière à répondre à
toutes les exigences. Non-seulement il raconte la fondation
de ces colonies au XH° et au XHI siècle, mais, sortant du
Cadre tracé par la classe, il consacre plusieurs pages d’un
grand intérêt aux destinées d’une colonie belge qui, dès le
XI" siècle, s'était fixée dans le diocèse d'Erlau.
À Pégard de l'organisation intérieure des colonies, une
distinction est nécessaire. Grâce au texte d'une charte gé-
(512 )
néreusement octroyée à nos compatriotes par André Il,
Pauteur a pu nous faire connaître, dans tous leurs dé-
tails essentiels , les institutions politiques, civiles et ecclé-
siastiques des colons belges établis en Transylvanie. Il a
été moins heureux pour la colonie wallone d'Erlau et
pour celle du comitat de Zips; mais, en tenant compte des
. obstacles qu'il a rencontrés , on ne saurait lui en faire un
reproche. Ici les chartes faisaient défaut ou appartenaient
à une époque où Pélément flamand primitif avait complé-
tement disparu. L'auteur devait forcément procéder par
analogie et laisser une large place à la conjecture; mais, .
ainsi qu’il le dit avec raison, il n’admet que les seules hy-
pothèses qui ont pour point d'appui un ensemble de faits
graves, précis et concordants.
Quant à la dernière partie du programme, — l'influence
exercée par les colonies flamandes sur les institutions el
les mœurs du pays où elles furent fondées, — l’auteur,
après avoir séjourné pendant plusieurs mois sur les lieux,
déclare que les mœurs et les coutumes des Saxons de
Hongrie et de Transylvanie ne diffèrent en rien de celles
des autres peuples germaniques. Il affirme que les Hon-
grois et les Transylvaniens les plus instruits, consultés à
ce sujet, se sont trouvés dans l’impossibilité de lui signaler
quelques traits particuliers aux cantons jadis occupés par
nos compatriotes. Il allègue que si des particularités, rap-
pelant la patrie d’origine, existaient jadis chez les Saxons,
elles ont dû naturellement s’effacer dans le cours des
siècles, au contact des nationalités diverses qui peuplent
aujourd'hui Ja Transylvanie, Il invoque enfin, comme un
titre à l’équitable bienveillance de l’Académie, une maxime
bien connue qui ne doit pas seulement recevoir son ap-
plication au barreau : «A Pimpossible nul n’est tenu. »
( 515 )
Nous pensons, avec l’auteur, que cette lacune, impos-
sible à combler, ne saurait lui être imputée avec justice.
On ne peut exiger la description de mœurs qui n'existent
pas, la reproduction de vestiges depuis longtemps effacés
par les hommes et les siècles. Il s’agit donc uniquement
d'examiner si le mémoire, tel qu'il nous est présenté, avec
les indications qu'il renferme et les recherches dont il
porte les traces, est digne des suffrages de la classe.
À notre avis, ce mémoire est une œuvre sérieuse, une
monographie savante et aussi complète que la matière le
comporte dans l’état actuel de nos connaissances histo-
riques. L'auteur s’est rendu sur l'emplacement des an-
ciennes colonies flamandes, pour s’y mettre en rapport
avec tous ceux qui pouvaient lui fournir des renseigne-
ments utiles. Il a exploré les archives du pays. A côté de
nos chroniques nationales, il a mis à profit les travaux de
tous les historiens étrangers qui se sont sérieusement oc-
cupés de la Hongrie et de la Transylvanie, Il a consulté les
recueils de chartes et de documents inédits publiés dans
ces dernières années. Il a poussé ses investigations jus-
qu'à l'immense et précieux dépôt du Vatican. Si tous les
doutes ne sont pas dissipés, si tous les faits ne sont pas
exposés avec une évidence irrécusable, on aurait tort de
lui en faire un grief. Les plus anciennes chartes parlent de
Flamands (Flandrenses); mais les colons, presque immé-
diatement après, sont désignés sous le nom de Teutonici
ou de Saxones. La part revenant à l'élément belge dans la
colonisation de la Hongrie et de la Transylvanie doit done,
à partir de ce moment, être cherchée dans les circonstances
extérieures, et l’on conçoit sans peine quelles difficultés
présente un tel examen, alors surtout qu'il s'applique à
des faits appartenant au XII" et au XIII siècle.
(514)
Nous avons l'honneur de proposer à la classe de décer-
ner la médaille d'or á Pautenr du mémoire portant la de-
vise : « Ad retinendam coronam. »
Rapport de Y, le baron Kervyn de Letlenhove,
« Le rapport de notre honorable confrère M. Thonissen
est trop complet pour que je veuille y ajouter quelque
chose. En adhérant à ses conclusions, je me félicite avec
lui de voir de nouvelles lumières répandues sur la question
si intéressante des établissements formés en divers pays
étrangers par des colonies sorties de nos provinces. »
M. Ad. Borgnet, troisième commissaire, ayant adhéré
aux conclusions qui précèdent, la classe, conformément à
l'opinion favorable de ses rapporteurs, procède à Pouver-
ture du billet cacheté joint au mémoire, et renfermant le
nom de l’auteur, M. Émile de Borchgrave, secrétaire de
légation de première classe. La médaille d'or de la valeur
de douze cents francs lui sera remise.
Trois mémoires ont été envoyés en réponse à la trol-
sième question: On demande un essai sur la vie et le regne
de Septime Sévère.
Rapport de M. Houlez.
« Cette question, qui avait déjà figuré au programme
du concours de 1867, a recu cette année trois réponses.
L'histoire romaine est excessivement pauvre en ouvrages
(315)
sur les empereurs du deuxième et du troisième siècle de
notre ère. Par compensation, une autre source historique,
celle des inscriptions, coule plus abondamment pour cette
époque que pour les premiers temps de l'empire. De nos
Jours les voyages et les fouilles ont enrichi considérable-
ment le trésor des monuments épigraphiques. L’épigra-
phie elle-même, à la suite de ses immenses progrès, a
revêtu, jusqu’à un certain point, le caractère de science
exacte, et sa mission de confirmer, de rectifier ou de com-
vléter les données des historiens a grandi en importance.
Rassembler dans des monographies sur chacun des em-
pereurs en particulier les notions éparses dans les docu-
ments et les monuments historiques de toute espèce est
le meilleur moyen de préparer les matériaux de l’histoire
générale de l'empire ou de Pune de ses périodes. Nous pos-
sédons déjà des écrits spéciaux sur Trajan, sur Hadrien et
sur Marc-Aurèle. L’Académie a voulu provoquer un tra-
vail du même genre sur celui de leurs successeurs qui peut
être regardé à bon droit comme le fondateur du despotisme
militaire, sous lequel Rome s’est courbée pendant une
longue suite d'années.
Si Pon a demandé un essai sur la vie et le règne de Sep-
time Sévére, et non pas une histoire de la vie et du régne
de cet empereur, c'est afin de laisser une plus grande lati-
tude aux concurrents. En effet, le vague du premier de
ces énoncés de la question leur permettait d'admettre dans
leur travail certains détails et méme des discussions que
le second énoncé eût semblé exclure. Mais il est un point
sur lequel personne ne devait se tromper: une Académie
a pour mission d'aider au progrés des sciences el de recu-
ler les bornes de leur domaine; on ne pouvait done pas
espérer que la classe couronnerait un écrit quí, méme sous
( 546 )
Ea j
une forme meilleure, ref ‚ sans recher-
ches nouvelles et sans itiq plus sévère des sources,
ce que Pon trouve déjà dans les ouvrages de Lenain de
Tillemont, de Crévier et d'autres.
Le mémoire n° 1 porte pour épigraphe ces paroles de
Bossuet: Rapide conquérant, il égala César par ses vicloi-
res, mais il n’imita pas sa clémence; il Se compose d'une
préface, d’une introduction et de quinze chapitres suivis
_ d'une conclusion.
l'auteur, en traitant dans sa préface des sources histori-
ques, fail remarquer que parmi les ouvrages quí nous res-
tent, il n’y en a pas un seul qui mérite notre confiance.
Aucun jugement particulier n’est formulé sur Dion Cassius,
qui vivait du temps de Sévère, mais dont les deux livres
consacrés à cet empereur n'existent plus que dans l’abrégé *
de Xiphilin; une note renvoie simplement le lecteur aux
dissertations de Wilmans (1855) et de Grasshof (1867) sur
Pautorité de cet historien. Quant à Hérodien, également
contemporain de Sévère, il est noté comme étant de temps
à autre un assez bon guide. L'auteur parait donc s’en tenir
encore à l'opinion qui, jusqu’en ces derniers temps, a ac-
cordé plus de créance à Hérodien qu’à Dion. Son avis eùt
été bien différent, sans doute, sil eût connu la critique
qu'ont faite récemment feu Sievers (1) et Zürcher (2) des
Histoires du premier de ces écrivains. La connaissance du
travail de Sievers est d'autant plus importante que cesa-
(1) Ueber das Geschichtswerk des Herodians, dans le Philologus,
Bd. XXVI; Góttingen, 1867
(2) Commodus, ein Beitrag zur Kritik der Historien Herodians , dans
le: 1: vol. de Budinger : Untersuchungen zur roem. Kaisergeschichte;
Leipzig, 1868.
(517 )
vant a discuté, avec toute l'autorité que lui donnent ses
longues et profondes études sur l'empire, plusieurs faits de
la vie de Septime Sévère. Les historiens modernes qui ob-
tiennent l'honneur d'une mention sont Gibbon, Lenain de
Tillemont et le comte de Champagny. Ce dernier, qualifié
d'écrivain supérieur, est fréquemment cité et semble avoir
été considéré par l’auteur comme un modèle à imiter.
L'introduction offre un coup d'œil général sur l'empire
depuis son origine jusqu’à la fin du deuxième siècle de notre
ère; elle pourrait être placée à la tête d'une histoire des
empereurs aussi bien que de celle de l’un d’entre eux. Ces
considérations générales, si elles étaient nécessaires, au-
raient dû, ce semble, ne pas remonter au delà de Epoque
des Antonins.
Le chapitre I‘ embrasse la vie de Sévère avant son avé-
nement à Pempire. Cette partie laisse beaucoup à désirer
dans les ouvrages publiés jusqu'ici. Les connaissances plus
exactes que nous possédons aujourd’hui sur Je cursus ho-
norum ou la carrière des honneurs sous l'empire permettent
d'exposer d'une manière moins incertaine et moins incom-
plète celle qu'a parcourue Sévère. L'auteur du mémoire n’a
pas su tirer tout le parti convenable des matériaux qui se
trouvaient à sa disposition, ni échapper à quelques erreurs.
De Tillemont avait fixé la date de la naissance de Sévère à
l'année 145 ou 146 après J.-C.; la première de ces dates
est adoptée par l'auteur, tandis qu'Eckel et la plupart des
Savants admettent la seconde. Selon lui, Sévère, après
avoir été avocat du fisc, aurait été nommé sénateur par la
protection de ses deux oncles. Cette assertion erronée est
le résultat d’une fausse interprétation de la phrase suivante
de Spartien : latum clavum accepit; je ne réponds pas que
les deux autres concurrents ont mieux compris le sens de
(318 )
ces mots, mais ils ont évité Perreur en se bornant à dire
que Sévere recut le laticlave de Marc-Aurèle. Suivant une
ancienne coutume, renouvelée par Auguste, les empereurs
autorisaient à porter le laticlave, insigne de la dignité sé-
natoriale, dès le moment où ils avaient pris la toge virile,
et bien avant qu’ils entrassent au sénat, non-seulement les
fils de sénateurs, mais encore les jeunes gens de l'ordre
équestre, distingués par leurs richesses ou par leurs talents,
qui aspiraient à parcourir la carrière des emplois. C'est la
faveur qu'obtint Sévère, qui était fils de chevalier. Par con-
séquent, au lieu de se borner à rapporter un peu plus loin,
d'après Eutrope, que Sévère fut créé tribun militaire, Pau-
teur aurait pu compléter la notion de l'historien en ajoutant
qu'il fut tribunus laticlavius, circonstance que les inscrip-
tions honoraires n'omettent jamais de signaler. Jl n'aurait
pas dú non plus éprouver la moindre hésitation à placer le
tribunat militaire avant la questure, ni le tribunat du
peuple après celle-ci et avant la préture. S'appuyant sur le
témoignage de Spartien ¡c. 4), il dit que de lieutenant de
la Gaule, Sévère, devint en 187 proconsul de la Pannonie,
et en 188 proconsul de la Sicile (Dein Pannonias pro-
consulari imperio rexit. Post hoc Siciliam proconsularem
sorte meruit). Quoique n'ayant encore été que préteur,
Sévère a pu gouverner la Sicile avec le titre de proconsul,
puisque c'était une province du Sénat, mais j'ai de la peine
à croire qu'avant d’avoir été consul, il ait commandé, avec
un pouvoir proconsulaire, aux deux Pannonies réunies mo-
mentanément, paraît-il, comme avant Trajan. Il y a done
lieu de supposer que Spartien a commis une erreur chro-
nologique et que le gouvernement de cette province est le
dernier qu'obtint Sévère avant son avénement à l'empire.
Ne pouvant pas le faire retourner dans la Pannonie, après
( 519 )
son consulat, l’auteur lui fait obtenir, par les bons offices
du préfet du prétoire Lætus, le commandement des légions
de l'Hlyrie. Mais quelles pouvaient donc être ces légions,
sinon celles qui stationnaient dans le pays de ce nom , Cest-
à-dire dans la province de Dalmatie, comme on l'appelait
alors. Dans ce cas, il faudrait produire des raisons vrai-
semblables, qui justifieraient le retrait du commandement
des troupes à un gouverneur de province, pour les mettre
sous les ordres d'un général envoyé de Rome. En rap-
pelant les diverses versions sur la localité où s'exerca
ce commandement, l’auteur, s'égarant sur les traces de Le-
nain de Tillemont fait dire à Hérodien que Sévère avait le
commandement des légions du Rhin et du Danube, tandis
que Phistorien avance simplement que le bruit des événe-
ments de Rome s’était répandu en Pannonie , en Hlyrie et
jusqu'aux armées qui gardaient les bords du Rhin et du Da-
nube; il ajoute même immédiatement après que Sévère
gouvernait les deux Pannonies. Son témoignage vient done
à l'appui de l'opinion émise plus haut.
Le chapitre I raconte la proclamation de Sévère comme
empereur par ses soldats à Carnuntum en Pannonie, et sa
marche sur Rome à la tête de onze légions. Peut-être l'au-
leur serait-il parvenu, s’il l’eût essayé, à indiquer au moins
dans une note les noms de la plupart de ces légions et ceux
des provinces d'où elles étaient venues se joindre à celles de
la Pannonie, quí devaient étre tout au plus au nombre de
trois. Sévère ne rencontra aucune résistance à son entrée
en Italie, La faiblesse et la pauvreté du pays auraient mis
obstacle, selon l'auteur , à toute tentative d'hostilité. Cette
raison me semble des plus invraisemblables, et j'ai en con-
Séquence deux motifs pour un de regarder comme un hors-
d'œuvre les considérati tées à Dureau de la Malle
(320 )
sur la décroissance des produits du sol et de la population
en Italie.
Le commencement du chapitre HI nous montre Sévère
à une vingtaine de lieues de Rome, à Interamna, où il re-
coit une députation de cent sénateurs et casse ignominieu-
sement les prétoriens en les obligeant à s'éloigner de Rome.
Il est permis à l’auteur de blámer cette mesureavec M. Nau-
det; toutefois je. ne saurais voir dans cet éloignement de
la ville un véritable exil, puisque beaucoup d’entre eux
n'étaient pas même Italiens, mais originaires de l'Espagne,
de la Macédoine et de la Norique; il n’y avait done pas
place pour la petite tirade dans laquelle l'exil honorable du
patriote est mis en parallèle avec lexil de l’homme infàme
et criminel. L'entrée triomphale du nouvel empereur dans
Rome à la tête de son armée, sa visite et son discours au
sénat, la création d’une nouvelle garde prétorienne el
quelques autres mesures remplissent le reste du chapitre.
Sévère se trouvait en présence de deux rivaux redouta-
bles : l’un, Pescennius Niger, gouverneur de la Syrie, avait
été proclamé empereur à Antioche et même un instant à
Rome par le peuple révolté; tout l'Orient le reconnaissait;
l’autre, Albinus, gouverneur de la Bretagne, réunissait les
sympathies du sénat. Sévère résolut de les combattre l’un
après l’autre. C'est pourquoi il s’assura d’abord de la neu-
tralité d’Albinus en lui donnant le titre de César. Le pre-
mier acte d'hostilité entre Sévère et Niger eut lieu près de
Périnthe en Thrace; après cela « l'empereur, dit l'auteur,
au lieu de marcher avec toutes ses troupes sur Byzance
afin de retenir les habitants en respect, résolut de pousser
vers Asie; » « il paraît cependant, ajoute-t-il en note,
qu’il envoya quelques troupes devant Byzance; car il com-
menca probablement le siége en 195. » Nous n'avons plus
( 521 >
à nous en tenir à de simples conjectures à cet égard ; une
inscription latine (Orelli-Henzen 5502) nous apprend que
le siége de cette ville fut fait par les légions de Moesie sous
les ordres de Marius Maximus (1). En lisant plus loin
qu'après les batailles de Cyzique et de Nicée, ce ne sont
pas les soldats de Niger, mais les défilés du Taurus qui ar-
rétent l’armée de Sévère, je me suis rappelé la judiciense
remarque de Sievers que ce fameux passage du Taurus,
sur lequel Hérodien insiste tant, n'est pas méme mentionné
par Dion Cassius. Après la défaite et la mort de Niger,
Sévère se transporta en Mésopotamie pour rétablir l'ordre
parmi les tribus qui s'étaient révoltées, et soumit les peuples
de PAdiabéne et de POsrhoéne. C'est dans ces contrées
que lui arriva la nouvelle de la prise et du sac de By-
zance, i
Cette guerre de Sévère contre Niger fait l'objet du cha-
pitre IV; celle qu'il entreprit immédiatement contre Albin
est relatée dans le chapitre V. A part la demande d'argent
et de vivres adressée aux peuples voisins, l'auteur ne dit
rien des préparatifs faits par le gouverneur de la Bretagne,
qui fut en état d'opposer à son ennemi cent et cinquante
mille hommes. Les recherches de Sievers cependant prou-
vent que nous ne sommes pas dénués entièrement d'indi-
cations à cet égard. On sait que la bataille décisive se livra
près de Lyon et qu'Albinus, vaincu, se tua lui-même.
En quittant POrient pour marcher contre Albinus, Sé-
vere avait probablement laissé dans la Mésopotamie, avec
des troupes, Lætus, un de ses lieutenants (le mémoire, qui
a NG ee ARA E
—
(1) Sur le siége de Byzance par Marius Maximus, voir Borghesi, Œuv.
Epi9r., vol. UI, pp 462 et suiv., et mon Mémoire sur les magistrats ro-
Mains de la Belgique, p. 28.
(522 )
n’admet qu’un seul lieutenant de Sévère de ce nom, ne le
fait partir qu'après la bataille de Lyon). Les Parthes, ayant
envahi cette contrée, assiégèrent le général romain dans
Nisibe. Ce fut le prétexte d'une nouvelle expédition en
Orient. Avant de retourner à Rome, Sévère visita l'Égypte
en passant par la Palestine, où il publia un édit contre les
chrétiens. Le récit des guerres d'Orient remplit le cha-
pitre VI.
Le chapitre VII relate les eruautés de Sévère et les faits
et gestes de son fameux préfet du prétoire Plautien, qu'on
accuse d’avoir été le principal instigateur et instrument de
ses proscriptions et de ses persécutions.
Le chapitre VIII est intitulé : Le christianisme sous Sé-
vére — la persécution. L'auteur, ayant à parler de la per-
sécution que les chrétiens eurent à souffrir à la suite de
Pédit de Sévère, se trouvait amené naturellement à exposer
l’état du christianisme à cette époque, mais nous ne sau-
rions approuver la trop grande étendue donnée à ce ta-
bleau. Ses guides sont Darras (Histoire de l'Église, T. VW)
et Cruice (Histoire de l’église de Rome sous les pontificats
de saint Victor, saint Zéphirien et saint Calliste). Par la
raison sans doute qu'il avait accordé un chapitre au chris-
tianisme , il a cru devoir en consacrer un autre (Ch. IX)
au polythéisme et à la philosophie payenne, qui y est envi-
sagée au point de vue du christianisme, Ce chapitre est du
reste fort court; nous y trouvons un portrait de l'impéra-
trice Julia Domna et des notions sur l’ouvrage de Diogène
de Laérce et sur la vie d'Apollonius de Tyane, trois objels
qui auraient pu trouver une place plus convenable dans
d'autres parties du mémoire.
L'anteur examine ensuite dans un chapitre particulier
(X) quelle fut la politique de Sévère. Selon lui, cette poli-
( 525 )
tique a deux phases: la première embrasse l’époque de ses
luttes contre ses compétiteurs ; elle consiste à ménager tous
les pouvoirs; la seconde comprend la vraie politique de son
règne; elle se résume en deux mots : le despotisme mili-
taire. Les moyens qu'il employa pour parvenir à son bat
consistèrent à s'attacher le peuple, à constituer l’armée
comme base de sa puissance, à annihiler la puissance du
sénat, à rehausser ses enfants aux yeux des soldats, afin de
perpétuer le pouvoir impérial dans sa famille. A l'appui de
son jugement l’auteur fait l'énumération des largesses et
des faveurs accordées par l'empereur au peuple et à Par-
mée. Quelques-uns des détails donnés sur la famille impé-
riale auraient été mieux placés dans le chapitre XIV.
Le chapitre XI, intitulé Sévère et les provinces, signale
les bienfaits de l'administration de l'empereur dans tout
l'empire. Nous y lisons qu’il soulagea les provinciaux d'un
fardeau onéreux, en prenant sur le fise la dépense des pos-
tes, auparavant à la charge des particuliers. Mais l’auteur
de cette mesure est Hadrien et non Sévère, qui n'aura fait
que la maintenir ou Vétendre. On pourrait tout au plus
admettre qu’il la rétablit, s’il existait le moindre indice de
son abolition par l’un de ses prédécesseurs.
Parmi les changements apportés par Sévère dans les
Provinces, l’auteur a omis de parler de la création d'une
Province nouvelle, celle de Mésopotamie, composée du
pays que Rome possédait entre l'Euphrate et le Tigre, el
que ses conquêtes avait agrandi. Cette omission eût été
évitée s’il avait consulté le savant ouvrage de M. Émile
Kuhn (Verfassung des Römischen Reiches), que l’auteur
du mémoire n° 3 n’a pas manqué de mettre à profit.
L'empereur fit construire ou restaurer dans les provin-
ces, des édifices, des ponts, des routes, y placa des pierres
( 524 )
milliaires. Ce n’est pas assez, à mon avis, de citer, pour
exemples, quelques faits attestés par des inscriptions, il
convient qu’une monographie sur ce prince présente réu-
nis et disposés par province, fút-ce même dans un appen-
dice, tous les faits de même nature enfouis dans les recueils
d'inscriptions aussi bien grecques que latines.
Le mémoire a fait connaître dans un des chapitres pré-
cédents, que Sévère, encore simple particulier, reçut quel-
ques injures des Athéniens et qu'il s’en vengea après être
monté sur le trône. Ne doit-on pas inférer de là qu'entre
l'empereur et Athènes les rapports furent tendus. Il n'en
fut cependant rien. A l’occasion de l'élévation de Caracalla
au rang d'Auguste, les Athéniens envoyèrent une adresse
à Septime Sévère et célébrèrent cetévénement par des fétes
publiques; plus tard ils lui élevèrent même une statue dans
la ville de Magnésie. Le Corpus inscriptionum grwcarum,
que les trois concurrents semblent avoir eu peur d'ouvrir,
contient un grand nombre d'inscriptions, qui ne célèbrent
pas seulement les victoires de l'empereur en Orient, mais
témoignent encore de l'amour et de la reconnaissance des
populations helléniques pour les bienfaits de son adminis-
tration. Dans le tome II de son excellente histoire de la
Grèce sous la domination romaine (Halle, 1868), qui paraît
avoir échappé à l'attention des concurrents, M. Hertzberg
a recueilli celles qui se rapportent à la Grèce d'Europe. ll
reste done à rechercher et à utiliser les inscriptions, pro-
bablement plus nombreuses, relatives aux Grecs d'Asie.
Dans son histoire de la Gaule M. Amédée Thiéry a si-
gnalé, sans négliger les inscriptions, les traces de l'add”
nistration de Sévère dans cette province.
Africain, Sévère a naturellement traité avec beaucoup
de faveur la province d'Afrique. Le recueil des inscrip-
( 525 )
tion de l’Algérie de M. Léon Renier fournit des preuves
nombreuses de Penthousiasme et de la reconnaissance des
habitants de ces contrées pour leur impérial compatriote.
L'auteur en a cité quelques-unes qu'il a préféré tirer de
l'Afrique ancienne de M. d'Avezac. Je signalerai à cet en-
droit, quoiqu'elle ait plus d'importance pour la vie de Sé-
vère, une inscription trouvée assez récemment dans la
Tunisie par M. Guérin (Voyage archéologique dans la ré-
gence de Tunis, t. IT, p. 62); elle est gravée sur un autel
déterré dans la pe de Kef, l’ancienne Sicca Veneria, et
dédié à Jupiter, conservateur de Septime Sévère et de sa
famille, ob conservatam eorum salutem, DETECTIS INSIDIIS
HOSTIUM PUBLICORUM.
L'auteur nous fait connaître les mesures libérales prises
par l’empereur en faveur d'Alexandrie. J'ajouterai que di-
verses localités de l'Égypte eurent à se louer de sa muni-
licence. C’est lui probablement qui fut le restaurateur du
colosse de Memnon (Letronne, Inscriptions de l'Égypte,
t. IT, p. 326); la restauration du pavé d'un temple est
attestée par une autre inscription (ibid, p. 465); et sous
son règne eut lieu la découverte à Philes d'une impor-
lante carrière de granit et son exploitation, sinon par les
troupes impériales, du moins sous leur protection (¿bid.,
t I, p. 446
D'autres provinces fourniraient aussi leur contingent à
ce relevé. On voit done que ce chapitre était susceptible
de recevoir une plus grande extension.
Dans le chapitre XII, l’auteur a voulu exposer l’état des
belles-lettres et des beaux-arts sous le règne de Sévère.
Sa tâche n’était pas facile, car le sujet est bien vaste pour
être résumé avec succès pa une dizaine de feuillets. La
phase que parcourut la littérature à la fin du deuxième
me SÉRIE, TOME XXIX. SA
(526 )
siècle ne se circonserit pas aux dix-huit années pendant les-
quelles Sévère occupa le trône; elle commence à l'époque
des Antonins, qui le précédèrent, et se continue sous ses
successeurs. Il faut de plus tenir compte de deux langues
littéraires, le grec et le latin. L'auteur débute par des con-
sidérations sur la prédominance du grec à Rome et brode
sans trop d’à-propos cette phrase de M. de Champagny, que:
« la langue nationale est l'élément le plus positif de la na-
» tionalité et que quand la langue a disparu on peut dire que
» la nation n’est plus.» Selon lui, la grécomanie fut la cause
de la dégénérescence de la langue latine. Après quelques
mots sur l’empereur lui-même comme écrivain, il donne,
d'après des manuels d'histoire littéraire, des notices un
peu plus étendues sur Solin, Galien, Dion Cassius et Hé-
rodien. Passant de la littérature aux beaux-arts, c'est-à-dire
à la sculpture et à l'architecture, il apprécie, en s'appuyant
sur Winckelmann et Seroux d'Agincourt, les bas-reliefs
de l'arc de triomphe de Septime Sévère, élevé à l'occasion
des victoires de l’empereur sur les Parthes et sur les Adia-
béniens et en conclut que la sculpture était en décadence.
Mais si ces bas-reliefs sont d'un travail grossier et méca-
nique, le plan de Pare est mal entendu et c'est déjà une
preuve, entre beaucoup d'autres, que l'architecture mar-
chait également vers son déclin. Je dois done regarder
comme une contre-vérité Vassertion de l’auteur qu'elle au-
rait été alors au faîte-de sa splendeur. Le chapitre se ter-
mine par 'énumération des principaux édifices élevés par
Sévère dans la capitale de l'empire.
Le chapitre XII a pour but de faire connaître l’état de
la jurisprudence romaine sous le règne de Sévère; il con-
tient Pénumération plus ou moins succincte des lois por-
tées par l’empereur pour l'amélioration de plusieurs par-
( 527 )
ties de la législation. Cette énumération est précédée d’une
notice tres-élogieuse sur le grand jurisconsulte Papinien,
le condisciple, Pami, et, depuis la mort de Plautien, le pre-
mier ministre de Sévère.
Dans le chapitre XIV l’auteur définit le caractère de Sé-
vère et réunit les détails parvenus jusqu’à nous sur sa ma-
nière de vivre et l'emploi de son temps; sur l’éducation
de ses enfants; sur la rivalité de ceux-ci et sur l’inutilité
des efforts paternels pour les ramener à de meilleurs sen-
timents.
Le XV": et dernier chapitre contient le récit des guerres
de Sévère en Bretagne et le récit de sa mort. Des mouve-
ments des Calédoniens et des Méates furent une des causes
de cette expédition, pour laquelle l’empereur, quoique gout-
(eux, partit avec ses fils. Selon plusieurs historiens, après
avoir accordé la paix aux barbares, il fit élever, afin de pro-
téger la province romaine, une puissante muraille que Spar-
tien appelle même le plus beau titre de gloire de Sévère.
Les savants ont longuement discuté sur la position de ce
rempart, dont ne font mention ni Dion Cassius, ni Hérodien.
L'auteur du mémoire croit que l’empereur s’est borné à
fortifier la construction d'Hadrien qui s'étend, sur une lon-
gueur de 25 lieues environ, du golfe de Solway á Pembou-
chure de la Tyne, parallèlement à la ligne de chemin de
fer de Carlisle à Newcastle. C'est là, en effet, l'opinion qui
prévalait encore, il y a une vingtaine d'années, mais le der-
nier mot de la science c'est que Sévère n’a point construit
de mur. Les barbares venaient de reprendre les armes,
quand l’empereur suecomba à ses maux à York, après
avoir échappé au fer parricide de Caracalla, trop impatient
de régner seul.
Le plan d'après lequel le mémoire a été rédigé amène
( 528 )
une longue interruption dans le récit des événements de
la vie de Sévère; je me demande s’il n'eút pas été préfé-
rable de raconter Vexpédition de Bretagne á la suite des
faits rapportés dans le sixième ou dans le septième chapitre.
J'aurais désiré, en outre, trouver les réformes administra-
tives de l’empereur réunies dans un chapitre particulier
et mises en relief par l’exposé de l’état de choses anté-
rieur.
Les préfets du prétoire Plautien et Papinien obtiennent,
à des titres différents, une place dans la biographie de leur
maître. Mais aucune mention spéciale n’est faite des lieu-
tenants dont l'habileté et la valeur contribuèrent si puissam-
ment aux victoires de Sévère. Je sais bien que l'histoire
garde le silence sur leur carriére, mais les inscriptions ne
pourraient-elles pas aider à réparer cet oubli?
Les mémoires académiques ne sont pas destinés aux
gens du monde, mais aux savants; c'est donc faire injure
en quelque sorte aux connaissances de ces derniers que
de renvoyer le lecteur aux dictionnaires de Rich, de Theil
et de Lübker pour l'intelligence de mots tels que chlamyde,
sagum, penula, donativum, congiarium, primipilus, cir-
que, Terracine, Émèse, etc.
L'auteur n’a pas moins soigné la forme que le fond de
son mémoire. Mais, s’il n’a pu réussir à éviter des inégalités
et même parfois des incorrections de style, il lui eùt été
facile de bannir de son texte les bigarrures résultant de
l'insertion d'un assez bon nombre de passages latins et alle-
mands.
Après la large part qui a été faite à la critique, il est
juste d'adresser des éloges à l’auteur pour son talent et
pour ses longs et louables efforts. L'analyse que j'ai donnée
de son travail a dù en faire apercevoir l'étendue. Peu de
( 529 >
faits rapportés par les écrivains anciens ont été écartés;
les versions contradictoires ont été comparées et discutées
el l’auteur a généralement fait preuve d’un esprit judi-
cieux dans le choix de celles qu'il a suivies. De la manière
dont il a conçu et traité son sujet, il est allé au delà des
exigences du programme, car son mémoire n'est pas seu-
ement un essai sur la vie et le règne, mais jusqu'à un
certain point encore sur l’époque de Septime Sévère.
Le mémoire n° 2, avec la même devise que le précédent,
paraît s'étre composé primitivement d'une introduction,
du corps de l'ouvrage et d'un appendice. Mais après son
achèvement, l’auteur a partagé le corps de l'ouvrage en six
Cahiers, ayant chacun une enveloppe sur laquelle a été
placé an titre. Le manuscrit reçu par l'Académie est pro-
bablement la minute même du mémoire; il est surchargé
de ratures et de corrections et la lecture en est difficile et
pénible ; la prescription de notre programme exigeant que
les auteurs indiquent les éditions et les pages des livres
qu'ils citeront n’a presque pas été observée. ,
L'introduction contient une étude critique sur les histo-
riens du règne de Sévère ; elle commence par la reproduc-
tion, dans une traduction francaise, d'un chapitre de Dion
Den. dans lequel l'historien, arrivé à l’époque impé-
riale, regrette les nombreux matériaux que lui eussent
fournis les temps où des rapports sur les événements les
plus lointains étaient adressés au sénat et au peuple, et ex-
prime sa défiance à l'égard des publications faites sous la
surveillance d'un seul maitre. L'auteur du mémoire passe
après cela en revue un certain nombre d'historiens anciens.
Nous ferons remarquer son jugement sur Dion Cassius
et Hérodien. A son avis, le premier rappelle parfois Tacite
( 530 )
et Juvénal; il Pabsout du reproche de courtisanerie et
estime queles traits satiriques qui font parfois suspecter sa
partialité prouvent plus souvent sa supériorité morale.
Quoique Pexposition de cet historien soit généralement
claire et méthodique, it déclare avoir préféré en général la
marche plus simple, plus égale et plus concise d'Hérodien,
qui, s'il n’a pas les grands traits, les étincelles de génie (!)
de Dion, n’est cependant pas sans mérite. Il trouve cet his-
torien judicieux et ses narrations généralement exactes et
précises. A part les auteurs de l'Histoire Auguste, qu'il
apprécie en prenant Heyne pour guide, les autres histo-
riens ne sont l’objet que d'une simple mention. Parmi les
ouvrages modernes à consulter avec fruit, il joint à de Til-
lemont et Crévier, les Commentaires de Tristan, à cause
du parti qu'il a su tirer des médailles de ce temps.
Le premier cahier comprend un exposé succinct des rè-
gnes de Pertinax et de Julien et le récit de la vie de Sévère
jusqu’au moment de son expédition contre Niger, qui est
racontée dans le 2° cahier. Dans le 3° cahier il est question
de la guerre de l’empereur contre Albin, de son expédi-
tion en Orient et de son retour à Rome. Le 4° cahier offre
les détails connus sur la fortune et la chute du préfet du
prétoire Plautien, un exposé de la réforme de quelques
lois, la mention de la mesure qui rend aux Athéniens (lisez
Alexandrins) leur sénat, el une notice, déplacée pour une
bonne partie, non-seulement sur la vie, mais méme sur
les écrits de Papinien. Le cahier V est intitulé : Expédi-
tion en Bretagne; mort de Sévère; son caractère (esquissé
d'après les Césars de Julien, Dion, Hérodien, Tzetzes,
Aurelius Victor, de Tillemont, Montesquieu, Chateau-
briand); commencements du règne de Caracalla. Le ca-
hier V est rempli, en grande partie, par une notice sur
|
Í
K
(IY)
Tertullien dans laquelle viennent s'enchevètrer la défi-
nition du Montanisme , quelques observations sur les
progrès du christianisme, un court exposé de la persé-
cution des chrétiens , fait d’après de Tillemont. Quelques
lignes sont ensuite consacrées à saint Irénée. Puis lau-
tleur mentionne, pêle-mêle, quelques écrivains profanes
grecs et latins, s'arrétant seulement à Philostrate et prin-
cipalement à son ouvrage sur Apollonius de Tyane, com-
posé, comme il le croit encore, d'après les documents et
les commentaires de Damis, disciple de ce philosophe.
La lecture de la préface de Védition de M. Kayser eùt
suffi pour ébranler au moins sa conviction à cet égard.
Le mémoire se termine par un appendice contenant:
l°la mention plutôt que la description d'un certain nombre
de médailles , tirée, je suppose, de l'ouvrage de Tristan,
car l’auteur ne connaît pas ceux d’Eckel, de Mionnet et, à
plus forte raison, celui de Cohen; 2° la citation de quelques
inscriptions empruntées, probablement de seconde main, à
Gruterius (sic), auquel le lecteur est renvoyé pour en trou-
ver d'autres; 3° la description des monuments d'architec-
ture datant du règne de Sévère et leur appréciation d’après
Serlio, Ramée et Canina.
Ce mémoire pêche en général par le défaut d'ordre et de
méthode, d'où résultent parfois des répétitions et des con-
tradictions. Ainsi on lit à une page: « Sévère envoya des
lettres aux prétoriens , leur enjoignit d'abandonner et de
tuer Julien. Son ordre fut exécuté et Julien tué dans le
Palais. » Puis á la page suivante: « Sévère marcha droit
Sur Rome; Julien,-à cette nouvelle, fait fortifier les portes
du palais, eroyant ainsi échapper à la mort. » Ailleurs,
il fait le récit du siége (qui dura trois ans), de la prise et du
sac de Byzance et, plus loin, il dit que Sévère arrive à
( 532 )
marches forcées devant cette ville, mais la trouvant bien
défendue, se tourne vers Cyzique. Dans sa notice sur Pa-
pinien, il avance que ce jurisconsulte ayant été nommé
préfet du prétoire, après la mort de Plautien, gouverna
Rome en cette qualité pendant les expéditions de Sévère
en Asie et en Bretagne, sans faire attention que la mort
de Plautien est postérieure à la première de ces expédi-
tions et que Papinien, comme il l’a rapporté lui-même
plus haut, accompagna l’empereur dans la Bretagne.
Après avoir avancé que, sur la proposition de Lætus,
Sévère fut préposé à l’armée de Germanie , il dit, à la page
suivante, que ce ne sont pas les armées de Germanie,
mais celles de Pannonie et d'Illyrie, que commandait
Sévère lorsqu'il fut proclamé empereur.
L'auteur parait peu versé dans la connaissance du droit
public des Romains : il admet que Sévère ait pu être jugé
à Rome par un proconsul; il lui fait donner le commande-
ment militaire de la Bétique, comme si les attributions des
questeurs n'étaient pas purement financières et la Bétique
d'ailleurs, une province du sénat. Au sortir de cette charge
et avant la préture et le consulat, il le fait élever au poste
de proconsul de PAfrique, tandis qu'il fut simplement
légat du proconsul de cette province.
Spartien rapporte que Sévère fut préposé à la IV" légion
seythique près de Marseille; l'auteur reproduit sans hési-
tation cette assertion, bien qu'il soit surabondamment
établi aujourd'hui que cette légion se trouvait en Syrie et
que l’un des derniers éditeurs de l'historien, Jordan, ait
corrigé dans le texte circa Massiliam par circa Syriam.
Le mémoire n° 2 tient si peu compte des progrés de la
science que, sans la citation de deux ou trois ouvrages plus
récents, on pourrait le croire composé au siècle dernier.
(533 )
Le mémoire portant le n° 3 a pour devise le jugement
suivant de M. Amédée Thierry sur Sévère : « Peu dempe-
reurs ont montré une individualité plus forte el laissé dans
l'histoire de Rome une trace plus profonde. » 1 n’a ni pré-
face ni introduction et est tout d'une piéce sans division
d'aucune espèce; il commence par la phrase : « Sévère
naquit au commencement de Pan 146 av. J.-C. » et finit
par cette phrase: « Il succomba à York en 211. » L'au-
teur a fixé Ja naissance de Sévère à l’année 146, à cause
que Spartien la détermine par le consulat d'Erycius Clarus
et de Severus, et que cette manière de dater n’est pas,
comme les nombres, sujette aux erreurs des copistes. Mais
par une raison analogue, il aurait dû, sur l'autorité d'un
ancien calendrier (Orelli 1104), admettre le 11 au lieu du
8 avril. La mention de la naissance de Sévère lui fournit
l'occasion d'esquisser en quelques traits l’état de l'empire
romain à cette époque, c'est-à-dire sous Antonin le Pieux,
et il fait précéder les détails sur son éducation, d'un ta-
bleau de la culture littéraire de la province d'Afrique. La
carrière des emplois parcourue par le futur empereur est
exposée d’une manière satisfaisante ; je remarquerai seu-
lement Pomission de son tribunat militaire. Quant à son
admission dans le collége des Frères Arvaux, attestée par
une inscription (Orelli 903), à laquelle les deux autres con-
Currents n’ont pas non plus fait attention, elle pourrait
n'avoir eu lieu que postérieurement à son avénement à
l'empire.
Après avoir signalé les espérances ambitieuses que le
règne monstrueux de Commode avait éveillées chez les
Principaux chefs de l'armée, au nombre desquels se trou-
vait Sévère, Pauteur parle des connaissances de celui-ci
dans la magie, dans l'astrologie, dans Part d'interpréter les
(534 )
songes et de sa foi dans le pouvoir de ces sciences; il montre
que cette crédulité n’était pas particulière aux Africains,
mais que c'était une maladie dominante de l’époque.
L'arrivée de Sévère en Italie, son entrée à Rome et les
événements qui s'y passent jusqu’à son départ pour l'Asie
sont racontés rapidement et d’une manière trop abrégée.
On doit regretter 'omission d'un bon nombre de faits très-
propres à caractériser la politique de l'empereur. Le récit
de la guerre contre Niger n'occupe que quelques pages.
Passant à la guerre contre Albin, l'auteur recherche
quelle fat la conduite de ce dernier pendant les trois an-
nées que son rival guerroyait en Orient et pour quels
motifs il prit les armes. La route que suivit Sévère en
venant de l'Asie dans les Gaules à la rencontre du César
de la Bretagne, qui venait d'usurper le titre d'Auguste, est
tracée d’après les dernières données de la science. Cette
fois l'auteur n’a pas dédaigné d’entrer dans quelques dé-
tails sur la bataille de Lyon et sur la fin d'Albin. Mais en
narrant les vengeances qu'après sa rentrée à Rome, il
exerca sur les partisans de ses compétiteurs vaincus, el
principalement sur les sénateurs, il passe sous silence les
mesures par lesquelles il chercha, d'autre part, à conquérir
l'affection du peuple , des habitants de l'empire et surtout
de l’armée.
A propos de Pinsuccés du siége d’Atra, l'auteur se
demande si Sévère était réellement un homme de guerre
éminent: « il avait, dit-il, d'excellents généraux : c'est à
eux qu'il dut toutes ses victoires dans la guerre contre
Niger et après, dans la campagne en Mésopotamie. Celui
entre ses biographes qui était le mieux informé assure
qu'il ne s'était jamais trouvé dans une bataille avant celle
de Lyon ». Cette question avait déjà été soulevée par Sie-
(555 )
vers, mais le savant allemand admet la possibilité que,
depuis son avénement à Pempire, Sévère se soit fait une
règle de ne pas s'exposer aux hasards des combats.
La manière dont est expliquée la persécution contre les
chrétiens mérite d'être signalée. Après avoir montré les
bonnes dispositions de Sévère pour ceux qui professaient
la religion chrétienne, Vauteur recherche les causes qui ont
provoqué l’édit publié en Palestine. Il pense que l'empe-
reur, se trouvant au milieu des populations de l'Orient où
les cultes les plus opposés étaient professés à côté Pun de
l'autre, et où certaines sectes, qui se rattachaient au
judaïsme ou par quelques points au christianisme, cher-
chaient à imposer violemment leurs croyances, voulut, par
une mesure générale, mettre fin aux conflits et aux désor-
dres qui résultaient de cette effervescence et put ainsi
s'opposer au prosélytisme en faveur des croyances nou-
velles, sans être l'ennemi de ces croyances.
Le séjour de Sévère en Égypte, son retour à Rome et
le mariage de son fils ainé avec la fille de Plautien, sont
racontés en moins de dix lignes. Le récit de la guerre de
Bretagne, qui suit immédiatement , a reçu quelques déve-
loppements sans contenir tous les détails fournis par les
historiens anciens; il se termine par la phrase laconique
citée plus haut, nous laissant ignorer l'issue de l’expédi-
lion, privée de son chef, et le lieu où furent déposés les
restes mortels de l’empereur. Une longue note, placée à la
lin du mémoire, rend compte de l'ouvrage de M. Bruce, de
Newcastle, sur le fameux rempart attribué à Sévère. Ce
Savant, qui a exploré minutieusement les vestiges de cette
Construction dans tout son parcours, est d'avis qu’elle est
l'œuvre exclusive d'Hadrien.
Le mémoire n° 3 est écrit dans un style correct, élégant
(536 )
et soutenu ; l’auteur possède un talent incontestable et est
bien au courant des travaux de l’érudition contemporaine,
mais il s’est trompé sur la portée de la question de l’Aca-
démie: il nous envoie une biographie de Sévère, au lieu
d'un essai sur la vie et le règne de cet empereur. Tout en
rendant hommage au mérite de ce travail, nous ne sau-
rions lui faire un accueil favorable en présence de deux
mémoires concurrents, dont les auteurs ont mieux com-
pris la question.
ll ne me reste plus maintenant qu’à conclure. Le mé-
moire n° 1, malgré son étendue et ses superfétations, est
incomplet dans certaines parties, arriéré dans d’autres; la.
classe ne pourrait pas en permettre l'impression dans son
état actuel. Le mémoire n° 2 doit être écarté comme mal
rédigé, par trop arriéré et contrevenant à l’une des con-
ditions du concours. Le mémoire n° 3, irréprochable pour
la forme, mais trop abrégé et paraissant même écourté à
la fin par défaut de temps, ne répond pas complétement à la
question. La conclusion logique de cette appréciation, c'est
qu'il n’y a pas lieu d’accorder le prix, mais qu'il convient
de remettre la question au concours; j'en ferai formelle-
ment la proposition à la classe, lorsqu'elle s’occupera du
programme. J'espère que cet ajournement aura un heureux
résultat, et que deux du moins des concurrents rentreront
dans l'arène avec une nouvelle ardeur. Tenant compte,
pour autant qu’ils les jugeront fondées, des observations
dont leur travail a été l'objet, ils renverront à l'Académie
des ouvrages dignes de ses suffrages et entre lesquels elle
n'aura que l'embarras du choix pour décerner la médaille
d'or. »
( 537 )
Rapport de M. Félix Néve.
« La classe a droit de se féliciter de l'accueil qui vient
d'être fait à la question d'histoire ancienne proposée par
elle il y a quelques années. Trois concurrents se sont ap-
pliqués sérieusement à la résoudre. Quand même le prix
ne serait décerné actuellement à aucun d'eux, leurs essais
démontrent suffisamment l'intérêt et la fécondité du sujet,
le profit que l’érudition historique a l'espoir d'en tirer.
Après l’analyse des trois mémoires que nous offre le
rapport développé de notre savant confrère M. Roulez, je
croirais superflu d'entrer dans l'examen détaillé des qua-
lités et des défauts de l’un ou de l’autre. Je m’arrêterai
uniquement à quelques considérations qui sont de nature
à faire apprécier la portée de chaque travail et les apti-
tudes personnelles de chacun des auteurs.
Le mémoire numéro 1 a le plus d'étendue (200 pages
petit in-folio) et présente l'exposé le plus complet des
faits. Il renferme une narration suivie, quelquefois ani-
mée, dramatique même, des événements qui ont conduit
Septima Sévère à l’empire et qui Pont rendu maître du
monde romain; de plus, il rattache aux annales de son
règne un aperçu des transformations religieuses et mo-
rales de la société.
On saurait plus de gré à l’auteur d’avoir rehaussé ses
recherches sur un grand règne par l'histoire des croyances
et des idées, des sciences et des arts à la même époque,
Sil avait pu faire entrer dans le cadre agrandi de son ou-
vrage un résumé d’études originales sur les questions de
cet ordre. Mais, dans les chapitres de médiocre étendue
( 538 )
qu'il leur a consacrés, il n’a pas réussi à s'approprier les
derniers résultats des découvertes dont s’est enrichie la
science de l'antiquité. On peut lui reprocher de s'être fié
beaucoup trop aux opinions d'autrui, aux assertions for-
mulées dans une foule de livres. Il a exactement retracé
(chapitre VIH) les circonstances principales de la persécu-
tion générale des chrétiens, ordonnée ou plutôt consentie
Pan 202 par Septime Sévère; mais, une fois entré dans
cette voie d'investigations, il n’a pas recouru à une con-
naissance directe des plus célèbres apologistes, par exem-
ple, des écrits d'un Tertullien et d'un Irénée. Il en est de
même du chapitre (IX) qui concerne la philosophie et le
polythéisme : il est écrit sur l'autorité de sources de se-
conde main, et il manque de vues spéciales, quelque peu
profondes, sur l'influence réelle des cultes anciens et nou-
veaux, sur leur alliance ou sur leur antagonisme dans la
société gréco-romaine, sur la protection qu’ils attendaient
du gouvernement impérial, sur la part d'influence qu'il
faudrait faire à la philosophie dans les fluctuations de
l'opinion et de la morale publique. De même, on voudrait,
au sujet des lettres et des beaux-arts (au chapitre XII),
autre chose qu’un court tableau comprenant les jugements
recus, consignés dans la plupart des livres classiques. En
d’autres termes, l’auteur aurait gagné beaucoup à nourrir
ces esquisses générales du fruit de ses propres lectures.
L'histoire politique du règne de Sévère est traitée, nous
osons le dire, avec plus de vérité et plus de succès. Ses
luttes contre ses compétiteurs à Fempire, les expéditions
qu’il a dirigées lui-même en peu d'années aux deux extré-
mités du territoire romain, sont racontées avec suite, avec
entrain (chapitres H à VI); presque toujours ce récit est
appuyé sur les passages dûment cités des principaux his-
(559 )
toriens anciens, et, plus d'une fois, les incidents qui restent
l'objet d'un doute sont éclaircis par l'avis d'historiens et
de critiques modernes d’une grande notoriété.
Que l’auteur du mémoire numéro 1 ait omis de consul-
ter quelques récents écrits sur l’histoire romaine, qu’il ait
négligé de fouiller lui-même les répertoires les plus com-
plets d'inscriptions grecques et latines, c’est bien la raison
de quelques lacunes regrettables dans son exposé; à cet
égard, il n’a pas accompli sa tâche jusqu’au bout dans
l'esprit du concours. Malgré ces défauts tenant à la limite
des recherches, malgré des citations et des annotations
quelquefois inutiles, on ne saurait refuser beaucoup d'es-
lime au labeur persévérant auquel s’est livré l’auteur du
mémoire. Il faut rendre justice à l'intelligence du rôle his-
torique de ses personnages, qu'il a puisée dans l'étude des
sources principales : il a tracé avec sens non-seulement
les caractères de l'empereur Sévère, de ses rivaux, de
ses amis, des hommes élevés de son temps aux plus
hautes dignités, mais encore ceux de ses proches, de sa
seconde femme, Julia Domna, et de ses deux fils si in-
dignes de lui.
On ne saurait nier non plus qu'il n’y ait (au chapitre X
et en d’autres endroits) des jugements solides sur la
politique de Sévère, qui se présente à nous sous deux
aspects bien distincts : politique d'habileté et de dissimu-
lation alors que Sévère n’est pas encore parvenu à ses
fins; politique dure et sans ménagements, quand il veut
fonder le maintien de son pouvoir et l'affermissement de
Sa dynastie sur un régime de compression qualifié à juste
titre de despotisme militaire.
Le mémoire numéro 2 embrasse, à la lettre, la matière
du travail demandé, mais les faits y sont énoncés sans être
( 540 )
subordonnés à un plan bien conçu, et d’ailleurs ils le sont
le plus souvent sans précision et sans art. C’est une simple
ébauche, et non une véritable rédaction de notes que Pau-
teur n’a pas pris le temps de revoir et d'assembler : il a
consulté, il est vrai, quelques-uns des historiens anciens
de l’empereur Sévère; mais il n’a pas comparé leurs témoi-
_ gnages et n’a pu se rendre compte de leur valeur. Il n’y a
pas de doute sur l'insuffisance de ce second travail au point
de vue du concours.
` Par contre, le mémoire numéro 3 se distingue par une
certaine fermeté de rédaction, surtout dans la première
partie, et par l'indication précise de plusieurs des points
d'histoire obscurs ou controversés dans le règne de Sévère.
L'auteur paraît avoir connu les meilleurs moyens de solu-
tion ; mais il n’en a pas toujours tiré parti. Le texte même
de son travail est très-court, la narration peu explicite;
les faits sont trop souvent signalés sans réflexions; il est
grandement à regretter qu'il wait pas inséré dans l'ouvrage
même les rectifications et les discussions curieuses qu'il
esquisse, de temps en temps, dans des notes fort éru-
dites (1). Connaissant bon nombre d'inscriptions et ayant
(1) Je me permets de prendre á ce sujet un seul exemple. Suivant
l'opinion reçue, l’auteur du mémoire numéro 1 (p. 110) avait parlé, non
sans quelque réserve, des campagnes de Sévère dans l'Arabie, dont il au-
rait réduit une grande partie en province romaine. L'auteur du mémoire
numéro 3 (note, p. 141) dit fort bien qu'on ne peut croire au succès de
Sévère dans l'Arabie heureuse, d'après quelques historiens latins qui
l'aflirment avec Hérodien; que « c'est uniquement au roi d’Atra, aux
» Arabes scénites, ‘aux Arabes de la Mésopotamie que gr a fait la
guerre,» et que Pon a appelé par erreur du nom d'Arabie la robe
province qui fut créée par ce César sous le nom de Mésopotamie.
Ajoutons que la méprise des annalistes occidentaux est venue de ce que
les habitants d'Atra étaient réputés Arabes. Mais, grâce aux recherches de
( SA )
invoqué à propos l'avis de plusieurs historiens modernes:
de la Rome impériale, il n’en a pas profité pour mettre
plus de synthèse dans l’ensemble de son travail. On n’y
trouve ni conclusions arrêtées sur le caractère et la poli-
tique de Sévère, ni étude psychologique sur les principaux
personnages qui sont en scène avec lui; on n'y trouve pas
non plus des vues générales sur les tendances de l’époque.
Si le mémoire ne présente pas, à cet égard, tout l'intérêt
que le fond des choses comporte, il atteste, d'autre part,
une instruction classique assez profonde pour discerner le
véritable usage des sources de toute nature suivant les
exigences actuelles de la critique européenne.
Je partage l'avis de M. Roulez sur le mérite relatif des
plusieurs orientalistes, entre autres, de M. Caussin de Perceval (Essai sur
Phistoire des Arabes avant l'islamisme, t. 11, Paris, 1847, pp. 12, 40- a,
on est mieux sai ri sur la population de cette localité, Atra ,
chez les Arabes, — située en Mésopotamie, dans le désert de ps au
sud de Ninive, entre k Tigre et Euphrate. Cette forteresse était au pou-
voir d'une race assyrienne, autrement a celle des Djarámica : tra-
dition justifiée par le nom du roi Barsémius, correspondant au syriaque
rsouma. Souvent disputée par les an limitrophes, Atra, prise par
Trajan en 116, avait été rendue aux Parthes en 117 par Adrien; mais
probablement son roi était redevenu vassal des Romains, vers 165. sous
le règne de Marc-Aurèle. Sévère, voulant se venger du roi Barsémius qui
avait fourni à son rival Pescennius Niger un corps auxiliaire d'archers,
échóua deux fois devant les remparts d'Atra. Entourée de populations no-
mades, cette ville fut placée vers la fin du Hie siècle sous la protection des
puissantes tribus arabes répandues au sud de la Mésopotamie, et défendue
par les rois de Hira contre les Romains et les Sassanides (voir aussi Sé-
dillot, Histoire des Arabes, 1854, pp. 19-22). Après sa double défaite
devant Atra, on peut supposer tout au plus quelques excursions de Sé-
vère parmi les Arabes du désert : mais, malgré le titre d’Arabicus donné
quelquefois à Sévère (par exemple dans une menus d’Afrique), il est
autement probable que cet empereur ne suivit pas les traces de Trajan
dans les contrées méridionales de la véritable die
29€ SÉRIE, TOME XXIX. 355
( 542 )
concurrents; j'admets également avec lui l'impossibilité de
décerner à l'un d'entre eux, avec la médaille d’or, les hon-
neurs de l'impression , dans l’état où leurs mémoires nous
sont présentés.
S'il fallait donner un encouragement immédiat à de re-
marquables efforts, la classe pourrait, ce me semble, dé-
cerner une médaille d'argent à l'auteur du mémoire
numéro 1 et à celui du mémoire numéro 5. Mais, en les
invitant à se faire connaître pour recevoir une faveur fort
au-dessous du prix qu’ils ont ambitionné, peut-être arré-
rait-elle l’un ou l’autre dans la voie des recherches qu'il
aurait à poursuivre pour atteindre à un succès complet.
Je suis done porté à demander prochainement que la
question soit remise au concours, dans Pespoir que deux
au moins des concurrents se piqueront d'honneur pour
produire une œuvre approfondie, satisfaisante à tous
égards : ce serait, croyons-nous, mettre en demeure des
travailleurs sérieux, des esprits bien doués, de donner au
pays la mesure de leurs talents, déjà justifiés aujourd’hui
par des compositions qui paraissent être leurs débuts dans
la carrière des lettres. » |
Rapport de M, Haus.
« Le rapport de M. Roulez sur les trois mémoires du
concours est si complet et le jugement qu'il en porte est
si bien motivé, que je puis me borner à appuyer les con-
clusions de notre savant confrère. »
Conformément aux conclusions de ses trois rapporteurs,
la classe décide qu’il n’y a pas lieu de décerner la médaille
z ( 543 )
attribuée à la solution de la question sur Septime Sévère ,
question qui sera, en conséquence , remise au Concours.
ÉLECTIONS.
La classe roiti aux élections pour les places vacantes,
d'après la liste de présentation arrêtée dans la dernière
séance. Les résultats du scrutin secret seront proclamés
en séance publique du 11 de ce mois.
RAPPORTS.
Note sur l’étalon prototype universel des mesures de
. longueur, par M. Constantin Rodenbach.
Rapport de M. le baron de Witte,
« Sai lu très-attentivement le travail de M. Constantin
Rodenbach sur l'étalon prototype universel des mesures de
longueur.
L'auteur soumet d’abord à un examen sévère un mé-
moirede M. Francois Lenormant ayant pour titre: Essai sur
un document mathématique chaldéen et, à cette occasion,
sur le système des poids et mesures de Babylone. M. C. Ro-
denbach donne une analyse étendue de ce mémoire, dans
lequel le jeune savant, guidé par les travaux de son maître,
M. Jules Oppert, après avoir constaté par divers textes
( 544 )
cunéiformes , l'existence de plusieurs mesures de longueur
chez les Chaldéens, cherche à reconstituer les éléments
essentiels de ce système. « Quelques-uns de ces éléments, »
dit M. Lenormant, « sont encore le résultat de simples con-
» jectures, mais les plus nombreux et les principaux nous
» paraissent offrir une assez grande certitude. »
Puis, M. Rodenbach donne le tableau des mesures as-
syro-chaldéennes, d'après MM. Oppert et Lenormant, et il
ajoute : « Il nous est impossible de ne pas contester la s0-
lidité de quelques-unes des suppositions qui viennent
d'être faites et de ne pas protester, au nom des disciples
de la métrologie, contre ces systèmes fantaisistes qui
tendent à prendre pied dans le domaine des sciences
y
y YU y y
. Après ces protestations contre le système de M. Jules
Oppert qui est la source et la base des calculs de M. Fr. Le-
normant, on est tout étonné de lire à la page 7 du travail
. de M. Rodenbach : « Cependant, par une singulière ren-
contre de chiffres, parfaitement fortuite, tout en rejetant
comme sans autorité classique les rapports établis par
les deux philologues francais, je suis arrivé, dans un
travail qui date de quelques années, à un résultat iden-
tique quant à la valeur des principales unités des Chal-
déens, et ce par une voie toute différente de celle
parcourue par M. Lenormant, mais qui me parait d’au-
tant plus sûre qu’elle a pour appui les métrologues qui
jouissent en Europe de la plus haute autorité. »
M. Rodenbach cite, en effet, les calculs de M. Vazquez
Queipo qui prend pour moyenne du pied assyro-chaldéen
0,320. Les calculs du savant métrologue espagnol ont
pour base les expériences faites par M. Oppert sur 550 bri-
ques, prises dans l'enceinte supposée de Babylone; les côtés
des briques donnent une longueur moyenne de 0°,515, et
EVE VS y "ws
( 545 )
M. Oppert considère cette longueur comme représentant
le pied babylonien. D'après d’autres mesures relevées à
Ninive par MM. Botta et Place, on obtiendrait pour le pied
assyrien une longueur de 0,395. M. Vazquez Queipo, en
admettant la moyenne de 0",320, a bien soin de faire ob-
server que la moyenne de quelques centaines de briques
« ne comporte pas une complète exactitude, par la nature
» même de l'argile, dont le retrait peut être fort différent
» pour des briques cuites dans le méme moule. »
Je ne m’arrêterai pas au passage de Vitruve qui indique
la coudée comme fournissant le quart pour la stature de
Phomme, tandis que saint Jean Chrysostome attribue trois
coudées à la taille humaine. L'auteur latin, d'après la na-
ture de son ouvrage, devait énoncer des chitfres d’une exac-
titude rigoureuse, tandis que, dans le discours de Porateur
chrétien, on ne peut voir autre chose qu’une image de
rhétorique qui n'a pas la moindre valeur pour la métro-
logie.
M. C. Rodenbach ee à ses devanciers de se livrer
à des calculs qui n’ont rien de solide, mais ses calculs à
lui ne sont pas plus exempts de conjectures que ceux de _
MM. Oppert et Fr. Lenormant.
Quoi qu'il en soit, le travail de M. C. Rodenbach est in-
génieux, conjectural, mais la chose est inévitable en mé-
trologie, où il y a toujours une part de système artificiel.
Seulement, c'est à tort que l’auteur conteste le rapport de
la coudée, du pied et du palme établi par M. Oppert; il re-
pose sur la constatation de faits peana et sur des mesures
exactes.
Non-seulement le travail de M. Rodenbach est ingénieux,
mais il contient des faits nouveaux et des textes dont on
ne s'est pas servi jusqu'à ce moment. Je crois qu'on doit
( 546 )
publier ce travail à titre de document utile à consulter, et
j'ai l'honneur de proposer à l’Académie de lui accorder
une place dans son Bulletin. »
Rapport de M, Ad, Quetelet.
« J'ai également lu avec intérêt la notice de M. Cons-
tantin Rodenbach. Cet écrit m'a intéressé sous bien des
rapports; mais j'avoue que, tout en m'occupant des sys-
tèmes des mesures anciennes, je ne me trouve pas les qua-
lités nécessaires pour juger des observations de l’auteur. Je
né me suis guère appliqué à ce genre d'étude que pour re-
connaître que, dans l'antiquité, comme le fait ressortir aussi
M. Rodenbach, les mesures prenaient généralement, toutes,
leur base d’après certaines parties du corps de l’homme;
elles ne pouvaient donc être identiques chez les différents
peuples, même les plus voisins, comme le prouvent d’ail-
leurs, encore dans notre pays, les valeurs, restées en usage,
dans les diverses provinces.
C'est ce défaut d'unité qui a suggéré l'idée de faire dé-
river le système des poids et mesures de la détermination
d’un arc de méridien terrestre. L'erreur que l'on a pu faire,
dans ce genre d'appréciation, s'atténue en passant du degré
à la mesure cherchée ; au lieu qu’elle s’ajoute, même d’une
manière très-sensible, en s'appliquant à des mesures plus
étendues.
Je pense, du reste, qu'on lira avec intérêt la notice de
M. Rodenbach, et j'en demande également Pinsertion dans
nos Bulletins. »
Wied r
(547)
Rapport de M. F. Nève.
« La note soumise par M. Rodenbach à notre examen
se rattache à une série d’études sur le système métrique
des peuples les plus anciens. L'auteur y fait allusion à des
données générales de métrologie qu’il a discutées dans un
travail encore inédit.
Dans la note spéciale dont il s’agit, M. Rodenbach s’est
livré à l'examen critique des calculs de deux assyriologues,
qui ont appliqué à un fait non éclairci dans l’histoire des
origines, — la détermination de la longueur du pied, —
Vingénieux déchiffrement de quelques textes de l'antique
écriture dite cunéiforme. Pour contrôler les caleuls et les
assertions de MM. Oppert et Fr. Lenormant, il se sert de
l'interprétation qu’il a donnée naguère à quelques passages
d'auteurs classiques, et il établit par quelle voie il est ar-
rivé, de son côté, à des conclusions analogues aux leurs.
Il est digne de remarque qu’un fonctionnaire d’une de
nos administrations publiques, en portant son attention sur
les procédés qui ont servi de base aux arts encore dans
Penfance, ait mis à profit, avec tant de rigueur, de pré-
cieux renseignements acquis dans des études nées d'hier,
la philologie comparée, l'archéologie orientale, l'ethnogra-
phie, l'histoire et le déchiffrement des alphabets. Puisqu'il
a donné exemple de faire servir à Pavancement d'une
science les progrès de beaucoup d’autres, on augurerait
bien du mérite de ouvrage étendu auquel il a consacré
ses efforts.
Il me semble juste, conformément à l'opinion de mes
( 348 ) |
deux honorables confrères, d'accorder à la note de M. Ro-
denbach la publicité de nos Bulletins. »
Conformément aux conclusions des trois commissaires,
la classe vote Pimpression de la note de M. C. Rodenbach
dans les Bulletins. Ed
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
Notice historique sur l’ancienne abbaye du Nouveau-Bois, à
Gand; par M. J.-J. De Smet , membre de l’Académie.
C'était une époque bien malheureuse que celle de lavé-
nement de Jeanne de Constantinople au gouvernement des
comtés de Flandre et de Hainaut. La dernière croisade
avait épuisé ces pays d'hommes et d'argent, leurs plus sages
“guerriers soutenaient encore dans l'Orient une lutte glo-
rieuse, mais Baudouin IX, après avoir jeté le plus vif éclat
sur le trône des Comnènes, dormait dans une tombe san-
glante. Et cependant un puissant voisin n’avait rien tant
à cœur que de trouver quelque prétexte pour réunir la
Flandre à sa couronne ! Que pouvait-on attendre, en des
circonstances aussi critiques, de l'administration d'une
princesse, à peine sortie de l'enfance et mariée à un prince
étranger mal accueilli par une partie de la population, parce
qu’on le regardait comme trop ami de la France?
Mais la comtesse n'était pas au-dessous de sa táche.
Persuadée qu'il fallait avant tout raviver et moraliser le
peuple en réveillant le sentiment religieux et l'amour du
travail par les exemples de ces ordres monastiques qui
( 549 )
avaient déjà tant fait pour le pays, elle construisit de nou-
veaux hospices et attira en Flandre les ouvriers les plus
actifs dans la vigne du Seigneur, secourant aussi ceux de
ses fendataires qui songéaient à fonder des établissements
de ce genre.
Deux manuscrits du XVII" siècle, Pun en latin et sur
papier, lautre supérieurement écrit en latin, sur vélin,
nous apprennent ainsi que l'hôpital érigé en 1201 par
Foulque de Curia ou Uutenhove, chanoine de Saint-
Pierre, à Lille, et par sa sœur Gertrude , à côté de l’église
de Saint-Michel, à Gand, donna naissance à l’abbaye du
Nouveau-Bois (1). La comtesse fit don au nouvel institut de
grands bois situés à Lokeren, où Gertrude et ses compa-
pagnes résolurent de transférer la majeure partie de leur
Congrégation et d'établir leur abbaye. Gaspar Verstockt,
religieux de Saint-Bernard sur l’Escaut, rapporte cet évé-
nement à Pan 1204 (2).
En 1225, l'abbé de Citeaux, au nom du chapitre géné-
ral de l’ordre , incorpora la nouvelle maison et l'affilia à la
règle de Clairvaux (3). L'endroit se nommait l'Oudenbosch,
eton Pappela depuis le Nonnen-bossche ou Bois des reli-
gieuses. Denis de Sainte-Marthe le compte parmi les affi-
liations de l abbaye de Cambron (4). Marguerite Uutenhove
fut la première supérieure de la nouvelle abbaye, où le
(1) Les communications de M. l'abbé J.-B. Lavaut, professeur au collége
Juste-Lipse à Louv vain, nous ont été singulièrement utiles pour ce travail.
(2) Opkomst ofte perd der rare kloosters van de H. Order
tan Citeaux in Nederlandt, page 15
(3) Charte originale de 1215, au nr de M. Lavaut,
(4) I en était ainsi de son temps.
( 550 )
service religieux fut inauguré le 2 décembre 1215, dix-
neuf jours après [installation définitive des religieuses.
L'établissement prit d’abord le nom de Locus Beate Ma-
rie in Busco, et dans la confirmation datée du 10 février
(5 id), le pape Honorius UI compte parmi les possessions
du nouveau monastère l'hôpital sis à Gand, près de l’église
Saint-Michel (1).
Marguerite et ses sceurs continuêrent à diriger cet hópi-
tal, et‚ comme il devint bientôt insuffisant pour le nombre
des malades, elles obtinrent de Jeanne de Constantinople
et de Fernand de Portugal qu’il fût transféré à la Byloke,
qu'on nomma depuis Portus monialium ou Portus Beate
Marie.
Cependant les religieuses de la maison de Lokeren ne
tardèrent pas à s'émouvoir des graves inconvénients
qu’avaient pour la discipline monastique les courses et le
séjour, à Gand, de leurs sœurs affectées au service del'hó-
pital et exposées à toutes les tentations d’une position
anormale , loin de leur couvent. Leurs observations furent
accueillies favorablement par les princes, et Jeanne leur
accorda un terrain de vingt-deux bonniers, suffisant pour
l'entretien d’une communauté de vingt-cinq Cisterciennes.
Celles-ci, choisies parmi les sœurs de l'Oudenbosch, Con-
tinuèrent à être administrées par la maison mère, mais en
1229, du consentement de Robert, abbé de Clairvaux,
Christine Uutenhove, nièce de Gertrude, et troisième ab-
besse du Nonnen-bossche, introduisit la première abbesse
dans la Byloke. La prospérité croissante de la nouvelle
maison prouve qu’on n'aurait su faire un meilleur choix,
et pendant les siècles qui se sont écoulés depuis son éta-
rte
mienne
(1) Collection de M. Lavaut, à Louvain.
A A O O E I NET
( 991 )
blissement, l'abbaye a nn d'immenses services à la reli-
gion et à Phumanité souffrante.
Après le départ de la généreuse colonie, on n’eut rien
de plus à cœur que de faire un juste partage des biens qui
devaient appartenir à chacune des deux communautés,
pour éviter à l'avenir des discussions d'argent, toujours
déplorables. Dans une famille aussi unie, les débats ne
pouvaient être longs, et la délimitation des possessions
réciproques fut arrêtée définitivement par la bonne com-
` tesse leur protectrice, en 1234. Six ans plus tôt, Raoul ou
Rodolphe, abbé de Clairvaux, avait nommé l'abbé de Bodelo
ou Bodeloo (1) visiteur de abbaye de Busco.
Tout semblait promettre une existence longue et pai-
sible au couvent, quand on apprit que les religieuses étaient
Sur le point de quitter l'Oudenbosch pour s'établir dans un
Superbe domaine, situé dans la commune de Heusden, sur
la rive gauche de l’Escaut, que leur avait donné la nou-
velle comtesse, Marguerite de Constantinople. Elles y éle-
vèrent un vaste et beau monastère qu’on appela le Nou-
veau-Bois par opposition à la première résidence, et qu'elles
durent encore à la munificence de la comtesse Margue-
rite (2).
Gramaye et Sanderus, qui se sont plu à nous raconter les
événements de "humble abbaye, n’ont point gardé mé-
moire des motifs de cette translation. Ne pourrait-on pas
croire qu’elle fut causée par les circonstances où se trou-
vait la Flandre et, en parelen, le pays de Waes? L'em-
pereur Frédéric venait de se dé r ennemi de Marguerite,
(1) Fondé en 1199, au village de Sinaï, par Baudouin IX.
(2) N'est-ce pas lá la cause de l'erreur où sont tombés plusieurs écri-
vains qui regardent la comtesse Marguerite comme fondatrice du Nou-
veau-Bois ?
( 552 >)
ainsi que l’évêque de Liége, à cause d'un refus supposé
d'hommage. Les d'Avesnes, enfants du premier lit de la
comtesse, mais qu’elle traitait en vraie marátre, appuyés
par la valeureuse chevalerie de Hainaut et alliés au nouveau
roi des Romains, comte Jean de Hollande, réclamaient à
cor et à cri la Flandre impériale, et menaçaient Rupel-
monde. Guillaume de Dampierre, le héros futur de la Man-
sourah, était cependant parti pour la croisade, et l’armée
flamande, plus faible d'ailleurs, paraissait peu disposée à
arrêter la marche de l'ennemi.
Nos religieuses auraient-elles eu tort de penser que leur
couvent, isolé au fond des bois et à Pentrée d'un pays con-
testé, serait exposé sans cesse á toutes les horreurs de la
guerre?
Quelques sœurs ont pu faire ce raisonnement, mais CC
ne fut pas la cause réelle qui fit transférer leur couvent.
Un chroniqueur nous apprend en peu de mots qu’elles se
virent forcées à chercher un autre emplacement à cause de
la mauvaise qualité des eaux, propter maliciam aquarum,
et de l'impossibilité de trouver des prairies pour l'entretien
du bétail qui faisait leur ressource principale. Celui qui
aurait pu lire quelques feuillets du livre de l'avenir aurait
vu sans doute que leur situation nouvelle, si rapprochée
de la ville capitale, si rarement paisible, n’était pas sans
inconvénients graves.
IL
Le Nieuwenbossche ou Nouveau-Bois à Heusden.
Avec leurs possessions de l'Oudenbosch, nos Cister-
ciennes conservaient plusieurs dìmes et des fiefs assez
considérables, ne s'étant pas décidées à transférer leur
monastère sur les bords de PEscaut sans avoir calculé
SEA A e an Sr
( 555 )
d'avance les dépenses à faire et les précautions à prendre.
Elles avaient su capter la bienveillance de Simon de Melun,
sire de Heusden, qui accepta Pavouerie de la nouvelle
abbaye et la déclara libre de toute redevance seigneuriale
ou féodale. Bientót les pieuses filles de Saint-Bernard
virent élever avec joie les édifices claustraux, construits
avec autant d'eurythmie que de solidité, et, l'abbesse
Aleydis en tête, elles y firent leur entrée solennelle.
Sauf l’occupation passagère des Francais sous Gui de
Dampierre, les habitants de Heusden purent cultiver les
champs qu’ils avaient hérités de leurs pères, et la cha-
rité des sœurs, leur dévouement au bien-être de leurs
Voisins et surtout à l'éducation des enfants, leur assuraient
tous les jours davantage la confiance de toute la popula-
tion, quand la conduite licencieuse et extravagante du
Comte Louis de Male vint rallumer les torches de la guerre
civile. II s'était mis à la tête de ses troupes mercenaires du
Hainaut et de l'Artois, et avait établi depuis quelque temps
son quartier général au couvent du Nouveau-Bois, se flat-
lant toujours en vain de soumettre la puissante commune
de Gand pes il apprit que son favori, de) ne Gauthier
g Enghien, et plusieurs de ses plus braves aliers, avaient
perdu la vie dans un combat livré sous les murs de la ville.
Fnricux à cette nouvelle, le prince jura, en présence de
Guillaume et de Robert de Namur, qui venaient de le re-
joindre (1), qu'il punirait sans pitié la.capitale toujours
rebelle; mais il dut se borner à ces menaces.
On sait quelle était au moyen áge la conduite du soldat
a en,
(1) Comes agebat apud monasterium, quod Sylva Nonarum dicitur,
ad quod praeter Hannonios et Atrebatenses, Gulielmus quoque et Ro-
bertus, Namurcenses, propinqui ejus accesserunt. (De Meyere, ANNAL.
FLANDR., p. 17 7.)
(554) |
mercenaire, également funeste aux sujets du prince qu'il
servait el à ses ennemis : on en conclura combien le vil-
lage de Heusden eut à souffrir d'une aussi longue occupa-
tion. Si la présence des princes garantit les religieuses
contre tout attentat personnel, elle appauvrit singuliére-
ment leur monastère. ll fallut de grands efforts d'ordre et
d'économie pour réparer les dommages causés par ces
guerres civiles qui désolèrent si longtemps la Flandre. Le
couvent en fut cause une fois, dit-on, en avancant une
somme assez considérable à Jacques d'Artevelde; mais si
le fait est avéré, c'était sans doute une de ces contribu-
tions qu'on appelle par euphémisme un don gratuit.
L'administration d'Isabelle de Brake, toujours sage,
mais sans petitesse , et les libéralités du vicomte de Melun
mirent cette abbesse à même d’exécuter les plans qu’elle
avait conçus pour la réparation et Pembellissement de sa
maison. Elle fit relever et restaurer avec goût les bâti-
ments monastiques qui avaient le plus souffert, et se fit
surtout un devoir dorner convenablement la chapelle.
Deux peintres renommés de Gand, Jean de Steenere et
Baudouin van Wytevelde, se chargèrent plus tard d'y
peindre un retable d'autel et produisirent un tableau de
haut mérite, lequel périt malheureusement plus tard dans
un autre incendie qui, commencé au dortoir des religieuses,
réduisit en cendres, avec le saint oratoire, le monastère
presque entier, ainsi que plusieurs belles toiles dues à
la palette d’un autre artiste gantois, plus célèbre encore,
appelé Nabor Martins (1). Il fallut de nouveau se dévouer
(1) Le prénom de ce peintre n’était pas un diminutif de Nabuchodo-
nosor, comme on Pa écrit, mais celui de deux saints martyrs qu'on trouve
au martyrologe romain.
( 555 )
à une vie de sacrifices et recourir à la bonté des amis et
des protecteurs du monastère pour réparer un si grand
désastre; mais on en profita pour donner encore plus de
régularité à toutes les parties de édifice, et on sera con-
vaincu qu’on y réussit parfaitement, quand on examinera
le plan qui s’est trouvé dans la précieuse collection de feu
M. Goetgebuer, acquise par la ville de Gand.
Le travail était à peine terminé, quand des calamités
beaucoup plus graves vinrent fondre sur-la Belgique;
le calvinisme menaça d'y anéantir la religion catholique,
soutenu qu’il était par quelques grands seigneurs ruinés et
par la grande impopularité des gouvernants. La nouvelle
abbaye de nos religieuses fut déclarée, le 25 mai, bien
domanial, et vendue comme tel. Le magistrat de Gand la
lit démolir entièrement et abandonna les matériaux à la
Population voisine. Quelques objets pieux échappérent seuls
à la destruction.
HI.
Le Nouveau-Bois à Gand.
Les calvinistes de Gand se glorifiaient et se réjouissaient
sans doute d’avoir détruit à jamais le Nouveau-Bois que,
dans leur grossier langage, ils appelaient une retraite de
la superstition. Mais Dieu, qui se plaît à rire des plans de ses
ennemis, mit des bornes bien étroites à leur édit perpétuel.
L'abbesse Élisabeth Cabeliau et ses religieuses quittèrent,
en pleurant, les ruines de leur sainte maison, mais ce ne
ut pas pour rentrer dans ce monde qu’elles venaient
d'apprendre à redouter et à hair davantage tous les jours.
Quelque éclairé qu'on soit, on ne pense pas toujours á
tout, et les affidés d'Hembyse ignoraient, ou avaient oublié,
( 556 )
que les bannies de Heusden possédaient à Gand même
un refuge intact et incontesté dans la rue Haute de l'Es-
caut (1). L'abbesse y conduisit ses filles, et autant que les
lieux trop resserrés le permettaient, elle rétablit les
exercices claustraux, en espérant des jours meilleurs.
C'étaient de chastes colombes qui gémissaient dans les
fentes du rocher (2) et que fortifiaient les regards paternels
du Seigneur. Les iconoclastes ne s'étaient pas endormis, à
la vérité, mais ils étaient profondément divisés, et pressés,
d’une part, par l’armée royale et, de l’autre, par celle des
mécontents; la capitale des Flandres signa la paix avec
Alexandre Farnèse, le 16 septembre 1581.
- Les sœurs de Saint-Bernard avaient perdu leur abbesse
peu après leur installation à Gand, mais elles l'avaient rem-
placée par la mère Marguerite Bieze qui réunissait à un
haut degré les qualités et les vertus que réclamait la situa-
tion. Libre dans ses démarches par le rétablissement de
Vautorité du roi et rentrée dans les revenus que sa maison
possédait à "Oudenbosch, à Watervliet et à Heusden, elle
choisit sans délai un emplacement avantageux pour recon-
struire son monastère, et l'évêque Pierre Damant en auto-
risa l'érection au Pré-vert, de Groene Hoye, contigu au
petit béguinage, sur un terrain qui avait appartenu aux
Hiéronymites et, après eux, au séminaire. Ce bien fut
amorti par octroi des archidues en mars 1600, et Pévé-
que consacra l’église sous le vocable de la Sainte-Vierge le
1* septembre suivant. Ce sanctuaire, très-modeste sans
doute, fut remplacé par l’église actuelle en 1640.
(1) Opperscheldstraet.
(2) Cant. cantic., 11, v. 14.
Le Nouveau-Bois à Gand.
Aussitôt qu’elles se virent installées dans leur nouveau
séjour, les sœurs du Nouveau-Bois se mirent à l'œuvre
pour rebâtir une troisième fois leur abbaye. Le domaine
était vaste et beau, mais les terres, la plupart d’alluvion,
étaient moins fertiles que celles qu’elles avaient aban-
données à Heusden; on y joignit des prairies admirable-
ment disposées pour élever, d’après leurs usages, un bétail
nombreux , qu'abritaient de spacieuses étables. Le monas-
tère proprement dit, bâti sur une vaste échelle, au milieu
de belles cours et de grands jardins, surgit bientôt. Les
parties principales en existent encore, sauf un édifice assez
étendu qui servait de filature au commencement de ce
siècle, détruit dans un incendie en 1822, et la maison
ahbatiale remplacée aujourd'hui par un magnifique réfec-
toire. Les corridors qui restent sont superbes.
L'église qui remplaça la chapelle provisoire en 1840,
subsiste encore aujourd’hui et n’a pas subi de changements
notables. Le maitre-autel, en marbre de Carrare, a succédé
á un autre d'un style plus ancien que quelques connais-
seurs regrettent et dont un bas-relief, emprunté à la vie
de saint Bernard, est conservé dans la sacristie. La tombe
renferme les nombreuses reliques indiquées par Sanderus,
età côté de l'autel s'élèvent les statues de saint Bernard el
de sa sceur, sainte Humbeline, qui ne sont pas dépourvues
de mérite. Deux groupes en pierre de France sont dus au
ciseau de M. Joseph Geefs.
Les ornements les plus iens du saint lieu sont les
tableaux que le peintre Nicolas de Liemaeker , connu aussi
27° SÉRIE, TOME XXIX. 56
( 558 )
sous le nom de Roose, avait peints pour une maison où sa
fille était religieuse.
A l’église est adossée une tour haute et élégante qui
possédait une horloge, assez utile à ce quartier de la ville,
mais qui n'existe plus depuis quelques années.
Dans une enquête ordonnée en 1762, il se trouva que le
couvent n’avait qu’un revenu de 14,360 florins, et payait
encore une pension de mille florins.
Véritable liste des abbesses d’après les sceaux, etc., déposée chez
M. Pabbé Lavaut, à Louvain.
4. EE à bgg A a 1218 |j 19. Amelberge Brandius. . . . . . 4465
2, Ode Uutenhove......... 4224 || 20. Élisabeth de Moor... .-.- 1475
3. heg bake Re e y 1233 || 21. Catherine Van Bedruaen . . . 1505
4. A ei FA de dde Mr Une 1254 || 22. Catherine Damman . . . - .. 1537
PR den nid 1256 || 22. Élisabeth Cabeliau. . . . . : -
RER k Claerhoute. , .. .. 1288 || 24. morue FER renonca en 1576
6
de MAÑO ae 1298
8. Agatha Uutervolderstrate . . . 13M || 95. ee an Hr 161%
9. Avezoete (de vico fullonum, 26. Marguerite Van Lummene . . 1627
7, 1
5 à l’âge de 95 ans)
Jutervolderstrate) . . . .. 1340 || 27. Catherine de Ghistelles . . . - 1637
40, Mario s Baker 1355 1128. Claire Van den Bundere. . . . 1652
44. Catherine Pittuns . . ..... 1373 || 29. Eugénie de Poyvre. . . - -. . 1686
12. Avezoete 's Gruuters. . . ... i Marguerite Van der Zype 1698
43. Élisabeth Militis . . . . .... 41131. Julienne de Gruutere . . . . . í
44. Marguerite ’s eo Las 33. Catherine Billiet. . : . . .. - 1750
45. Odine Van de Ignace Hensmans 1764
6. Isabelle D rule OS pe 34. Caroline Lenssens. . . . . .. 1718
47. Élisabeth Uutenhove . . ... 1452 || 35. Marie Diltour (4). . . . . . . : 1790
18. Marguerite Uutenhove. . . .. 1464 || 36. Éléonore Diltour . . . .. . : + 1796
,
ahh ss Blot! de Saint-Bernard
Ei 49 N
MATE r
sur l'Escaut, DERNIER REGISTRE DES COMPTES,
M. l'avocat de Moerloose-Grenier, un des héritiers de la
dernière abbesse, déposa au gouvernement provincial les
papiers du Nouvean-Bois. Ce sont des baux à ferme, con-
stitutions de rentes, registres de comptes terriers apparte-
nant aux deux derniers siècles.
E
à
4
A
|
j
Note sur Vétalon prototype universel des mesures
de longueur, par M. Constantin Rodenbach.
1. Pai sous les yeux un mémoire récent de M. Fran-
çois Lenormant intitulé : Essai sur un document mathé-
matique chaldéen, et, à cette occasion, sur le système des
poids et mesures de Babylone, ouvrage autographié par
Pauteur lui-même et publié par la maison A. Levy, libraire-
éditeur à Paris (1868).
Le jeune sous-bibliothécaire de l’Institut, à l’occasion
de la traduction d'un document arithmétique gravé sur
une tablette d'argile découverte par M. Loftus, à Senkereh,
dans la basse Chaldée, et portant les traces de l’âge le
plus antique, juge nécessaire de jeter un coup d'œil sur
le système de numération usité à Babylone, et part de là
pour déterminer l'ensemble du Système métrique chaldéen.
Voici un rapide résumé de la méthode qu'il a suivie en
Poursuivant et en développant les études de son illustre
maître, M. J. Oppert, qui a déjà publié un travail sur ce
Sujet dans les bulletins archéologiques de l’Athenœum ,
Paris, 1856.
« La notation des nombres entiers a été reconnue dès
les premiers travaux sur l'inscription de Behistoun. Elle
élait la même chez les Assyriens, les Babyloniens et tous
les peuples qui se servaient de l'écriture cunéiforme ana-
rienne, très-simple et conçue d’après le système décimal.
Les Babyloniens divisaient invariablement l'unité en 60
fractions, appelées par eux « soixantièmes » ou minutes,
quelle que fût la nature des quantités auxquelles s'appli-
( 560 )
ee leurs calculs. Pour noter les fractions inférieures
à &, ils divisaient de nouveau d'une manière invariable le
soixantième en 60 autres fractions secondes, c'est-à-dire
au dénominateur 5600, et ils n’admettaient pas de déno-
minateur intermédiaire entre 60 et 3600 ou 60°. Cette
invariable division de l'unité en 60 parties égales , el celte
échelle de fractions inférieures, toutes sexagésimales les
unes par rapport aux autres, élaient bien évidemment le
résultat d’une combinaison savante et d’une nature toute
pratique, destinée à concilier les deux systèmes de divi-
sion, le système décimal et le système duodécimal, qui se
partagent les peuples...
» Les gens de Babylone et de la Chaldée mirent ce
système constamment en pratique dans tous les ordres de
quantités et de mesures (fol. 6-9).
» Le zodiaque, chez les Chaldéens, avait été divisé d'abord
en douze signes, répondant aux douze mois de l’année,
régis par autant de dieux. Les douze signes se subdivisaient
en outre en 36 parties présidées par autant d'étoiles ou
dieux secondaires, appelés Décans, parce que chacun
deux régnait pendant dix jours sur un tiers du signe.
Enfin, les Chaldéens admettaient 360 degrés pour le cercle
entier du zodiaque, c'est-à-dire trente pour chaque signe.
» Mais les Chaldéens n'avaient pas inventé seulement la
division de l'écliptique en 360 degrés et 720 moria (mur-
ran), Sextus Empiricus dit formellement qu'ils avaient
divisé le degré en 60 minutes, et Geminus, que de plus
ils divisaient la minute en 60 secondes et la seconde en
60 tierces.
» Les daa étoiles ou constellations choisies par les
Chaldéens dans l'hémisphère boréal du ciel pour servir de
361 )
points de départ à leur division de la sphère, répondaient
aux douze mois de l’année, et à douze heures doubles ou
astronomiques...
» Le cercle de l'équateur, comme celui du zodiaque, était
certainement divisé en 360 degrés, car chez les Assyro-
Chaldéens les deux idées de cercle et de 360 parties égales
étaient absolument adéquates et inséparables (fol. 20). »
Ces jalons plantés sur la route permettent à M. Lenor-
mant d'aborder la question des mesures linéaires Chal-
déens. Voici comment il s'exprime au $ IV, fol.
« La détermination de la longueur du palme, di pied,
de la coudée et du pas chez les Babyloniens et les Assy-
riens, ainsi que de leurs proportions respectives, si in-
génieusement établie par M. Oppert, a obtenu Passenti-
ment de tous les métrologistes, aussi bien de Pillustre
Boeckh que de M. Vazquez-Queipo et de M. Brandis.
On peut done la considérer comme un fait désormais
établi, qui n’a plus besoin de confirmation.
» Ces diverses mesures avaient été données aux habi-
tants primitifs de la Babylonie par la nature elle-méme,
antérieurement à l'établissement de tout système savant
de numération et de fractionnement régulier de l'unité.
» L'habitude les fit conserver plus tard sans tentative de
» correction systématique pour les coordonner plus régu-
» lièrement. Il en résulta que les rapports réciproques de
» ces mesures entre elles demeurèrent toujours très-irré-
» guliers , tels qu'ils ne pouvaient pas s'exprimer par des
» nombres entiers, mais presque toujours par des fractions.
» Le palme était pris pour 1, le pied était 5, la coudée 5
» et le pas 8. Par conséquent la coudée sa cenas pied,
» le pas à 13 coudée et 2? pieds.
v v y v v y |
A, E
( 562 )
» Lorsque les Chaldéens coordonnèrent et régulari-
» sèrent tout l’ensemble de leur système métrique d’après
» le principe de la numération sexagésimale , ils durent
» chercher un mode de division de la coudée, devenue
» pour eux la mesure de longueur typique, qui leur permit
» exprimer par des nombres entiers les rapports de
» proportions si irréguliers du pas , de la coudée, du pied
» et du palme. Ce mode de division leur fut donné par
» application qu’ils firent de la coudée dans leurs obser-
» vations astronomiques à la mesure du diamètre appa-
» rent du soleil et de la lune, ainsi que des distances
» respectives des étoiles. Ils remarquèrent que l'espace
» occupé à l'horizon par un des 560 degrés dans lesquels
» ils partageaient longitudinalement la sphère céleste
» équivalait pour l'œil a une coudée, et que le diamètre
» apparent du soleil et de la lune, égal à un demi-degré,
» était d’une demi-coudée au lever et au coucher de ces
» astres. Cette assimilation une fois faite, il devenait
» naturel de diviser la coudée, comme le degré et comme
» toute autre unité, en 60 parties égales, qui furent les
» lignes (Brandis, p. 25). Dès lors, la coudée étant de 60
» lignes, le pas fut de 96, le pied de 36 et le palme de
» 12, Il est probable que les Chaldéens admettaient en
» même temps dans leur coudée 30 doigts, de deux lignes
» chacun, car la division du palme en 6 doigts est donnée
» par la nature et se retrouve chez presque tous les
» peuples. »
Des mesures inférieures le savant passe aux mesures
itinéraires : « Le multiple le plus considérable de la coudée
» était le stade — Ammat-Gagar — qui est établi de la
» manière la plus formelle par un passage de la grande
Y y
Y vy Y y vy
v
Y
( 565 )
inscription de Nabuchodonosor, dans le trésor de la
Compagnie des Indes.
» Le mot Ammat-Gagar,
VASE EE 19
se compose du nom de la coudée , Ammat, suivi du mot
Gagar « cercle », qui indique la multiplication par 360,
nombre des degrés du cercle. En effet, le stade, chez
les Assyro-Chaldéens, comme plus tard chez les Grecs,
se composait de 360 (60 X 6) coudées , qui faisaient en
même temps 600 (60 x 10) pieds et 1800 (60 x 6 x 5)
palmes. lei nous nous trouvons en pleine application du
Système sexagésimal. Tous les nombres se composent
de 60 multiplié par un de ses diviseurs réguliers. De
plus, le stade se divisait, comme toutes les autres me-
sures, en soixantièmes , chacun de 6 coudées, c'est-à-
dire de 10 pieds, de 30 palmes ou de 560 lignes. Le
soixantiéme du stade, qui est en même temps le sextuple
de la coudée, est la canne ,__Y = Ka-ni (hé-
bren 11! 1e), dont il est souvent question dans les
inscriptions. Les Grecs en ont fait leur "szava et les Ro-
mains leur pertica. »
— Après avoir constaté, par divers textes chaldéens,
l'existence du pied, de la canne, de la demi-canne, ainsi
que d’autres mesures, M. Lenormant cherche à reconsti-
tuer les éléments essentiels d'un tableau de mesures de
longueur, dans le système, d'origine chaldéenne, qu'il a
tracé. « Quelques-uns de ces éléments sont encore, dit-il,
»
»
»
le résultat de simples conjectures, mais les plus nom-
breux et les principaux nous paraissent offrir une assez
grande certitude. »
(364)
Tableau des mesures assyro-chaldéennes.
A Babylone. A Ninive.
Stade = 360 coudées = 600 pieds . 189m,00 194m,40
Plèthre = 40 cannes = 60 coudées . "3150 32,40
Grande perche = 6 demi-cannes . . . . 9,45 9,72
anne = 6 coudées = 10 pieds 3,15 3,24
Demi-canne = 3 coudées. 1,575 1,62
Pas = 22/5 pieds 0,8% 0,864
Coudée = 42/5 pied = 30 de = 60 e 0,525 0,5%
Pied = 48 doigts = 36 lignes . 0,315 0,324
Demi-coudée = 30 lignes 0,2625 0.270
Palme = 6 doigts = 12 lignes. 0,105 0,108
Doigt = 2 lignés 0,0175 0,018
Ligne 0,00875 0,009
Les mesures itinéraires supérieures au stade étant dé-
finies, M. Lenormant nous montre successivement les
mesures carrées ou agraires, les mesures de poids et de
capacité dans lesquelles l'application de la méthode sexa-
gésimale ne se montre pas moins rigoureuse que dans le
système des mesures linéaires.....
2 Après avoir envisagé sous toutes ses faces le système
patronné par le savant M. Oppert et par son brillant dis-
ciple, M. Lenormant, il nous est impossible de ne pas con-
tester la solidité de quelques-unes des suppositions qui
viennent d'étre faites, et de ne pas protester, au nom des
disciples de la métrologie, contre ces systèmes fantaisistes
qui tendent à prendre pied dans le domaine des sciences
exactes, et qu'il faut combattre comme autant d'hérésies.
Et d’abord, partant des mesures effectuées par M. Oppert
( 565 )
en Chaldée, ainsi que des proportions respectives établies
par ce savant entre le pied, le pas et la coudée, M. Le-
normant veut que le palme soit pris pour 1, le pied pour 5,
la coudée pour 5 et le pas pour 8; enfin le stade pour
560 coudées, 600 pieds. Ces rapports, loin d'obtenir Passen-
timent de tous les métrologistes, comme le dit M. Lenor-
mant (fol. 40), ont été condamnés par un métrologue de
l’école allemande, M. L. Fenner von Fenneberg, qui, à cette
occasion, s'exprime ainsi :
« Nach Oppert's Annahme hätte die Elle 25 Finger, der
Fuss 15 Finger gehabt, eine Eintheilung, die unerhört
und schon wegen der ungeraden Factoren 5 und 5
und der daraus folgenden Unmöglichkeit der Halbirung
sowohl der Elle als des Fusses undenkbar ist. Sie stimmt
auch weder zu Herodot’s Angabe, die Babylonische Elle
sei 5 Finger grösser als die mássige , noch zu Bockh’s
babylonischem Zweidrittel-Fuss, etc..... (in Unters über
die Längen, Feld-und wegemaassé der Völker des Alter-
(hums, Anhang J, fol. 129, ed. Berlin, 1859.)
Enfin M. Vazquez-Queipo, dans son Essai sur les sys-
lemes métriques des anciens peuples, Paris, 1859, t. I,
P- 575, n° 99, n'hésite pas à considérer l'opinion isolée et
Personnelle de Pillustre professeur comme une brillante
hypothèse. Letronne disait avec raison qu'il ne suffit pas
en métrologie qu’une explication s'accorde avec les monu-
ments, si elle ne satisfait pas aussi la vraisemblance histo-
rique, c’est-à-dire l'analogie. Or, ajoute M. Queipo, les
Savantes inductions de M. Oppert ne semblent pas être
d'accord avec les analogies que nous présentent les sys-
tèmes métriques des anciens. Il faut donc, pour les ad-
mettre, que les étalons viennent un jour les confirmer, etc.
Maintenant peut-on arriver à se rendre compte de lori-
EEM EME E. |
( 566 )
gine d'une coudée divisée, non plus en 5 mains, el de
chaque main en 5 doigts, comme le faisait M. Oppert,
mais, selon M. Lenormant, en 60 lignes ou 30 doigts ;
ensuite d'un pied en 56, et d'un palme en 12 lignes ou
doigts.
On ne trouve pas d'exemple de cette division de me-
sures chez les peuples de l'antiquité.
Pour nous, ces mesures, d'un rapport si irrégulier (la
coudée équivalait dans cette combinaison à 12? pied, le
pas à 15 coudée et 2; pieds), ne pouvaient faire partie d'un
système administratif et légal, admis dans la pratique
journalière; tout au plus ce mode de division était-il
scientifique, propre aux prêtres ou mages de la Chaldée
qui se Vétaient approprié pour mettre la coudée dans des
rapports harmoniques avec certaines observations et dé-
couvertes, plutôt astrologiques qu’astronomiques, qui
ont fait leur gloire dans les temps anciens (Caillou Mi-
chaux).
5. Cependant, par une simple rencontre de chiffres,
parfaitement fortuite, tout en rejetant comme sans auto-
rité classique les rapports établis par les deux philologues
francais, je suis arrivé, dans un travail qui date de
quelques années, à un résultat identique quant à la valeur
des principales unités des Chaldéens, et ce par une voie
toute différente que celle parcourue par M. Lenormant,
mais qui me paraît d'autant plus sûre qu'elle a pour appui
les métrologues qui jouissent en Europe de la plus haute
autorité.
Je vais essayer d'indiquer le chemin que j'ai suivi.
Les expériences entreprises par M. Oppert sur plus de
500 briques relevées dans enceinte supposée de Babylone
lui ont fourni pour longueur moyenne des côtés 0",519;
|
|
|
1
|
( 567 )
il considère cette longueur comme représentant le pied de
Babylone. D’après d’autres mesures relevées par MM. Botta
et Place, à Ninive, on aurait pour le pied la valeur 07,525:
Il est permis, avec M. Vazquez-Queipo, de- rapprocher
ces deux nombres et de prendre la moyenne qui en ré-
sulte : soit 0",320 pour valeur positive du pied assyro-
chaldéen (Cf. t. T, fol. 284).
Maintenant, si nous partons de ce principe où Vitruve
(de Arch. HI, c. 2) établit comme base de toute la symétrie
dans la construction des édifices sacrés les proportions des
membres du corps humain et affirme que le pied repré- `
sentait chez les anciens le sixième, et la coudée le quart de
la hauteur de "homme (stature métrique), nous arrivons
á conclure que le pied babylonien était mon pas, comme
Popinent nos deux savants, les © de la mesure linéaire ap-
pelée coudée, mais les ? de cette mesure.
Ceci admis, et partant du pied (que nous appellerons
géométrique, parce qu'il est hors de proportion avec le
pied humain) = 0,320, nous obtenons pour la coudée
= 1 ¿ pied 0”,480.
C'est la coudée vulgaire des Arabes (cubitus justus et
mediocris, vulgaris arabum, E. Bernard de Mens, fol. 211),
déterminée exactement par Saigey (Métrol. anc., p.80) et
V. Queipo (S. M., t. II, p. 106).
Nous reconnaitrons pour certain, car cette opinion est
générale parmi les métrologues (Ed. Bernard, Jomard,
Böckh , Hultsch, etc.), que la coudée commune ou natu-
relle, en usage chez tous les peuples anciens, était divisée
en 6 palmes ou 24 doigts. :
Pour déterminer maintenant la valeur de la coudée
royale de Babylone, un moyen de vérification existe dans
un passage célèbre où Hérodote, faisant la description de
( 568 )
la ville de Babylone et de son enceinte, s'exprime ainsi :
« Au delà du fossé profond et large, rempli d’eau cou- -
rante, s'élève un rempart large de 50 coudées royales,
haut de 200. La coudée royale a trois doigts de plus que
la coudée ordinaire. »
«'O de Baco; Mfyus toó metpiou ¿ori Tyer pe boy Tpisé daxTÜ-
si (1. 1, €. 178). » Si elle avait trois doigts de plus que
la coudée ordinaire (de Babylone), on peut donc eh con-
clure qu’elle était égale à 27 doigts de celle-ci.
Ajoutons à la règle commune ou virile de 24 doigts = 0",480
5 doigts (le doigt chaldéen ou arabe — 0,020), on aura
pour la coudée royale de Babylone . . . . . . 0,540
C'est la longueur admise par M. Fr. non pour
le mode ninivite, d'après les dimensions du palais de
Khorzabad , exhumé par M. Place.
Il en résulte pour PAmmat-Gagar, que j'appelle Grade
ou cercle, mesure de 360 coudées (pour ne pas la con-
fondre avec le stade, mesure grecque de 400 coudées,
600 pieds), la valeur 194",4.
C’est exactement la longueur de la base de la colline
artificielle appelée Birs-Nimrod , où MM. Oppert et Raw-
linson croient reconnaître avec grande certitude les ves-
tiges du temple de Bélus ou tour de Babel. (Daniel Ramée ,
Hist. de archit, t. 1, p. 510). Or, selon les auteurs grecs
(Herod., l. L, e. 181), la tour de Bélus avait un stade
tant en hauteur qu’en largeur.....
Nous n’hésitons pas à considérer comme positive une
voie métrique divisée en 360 parties. Un itinéraire com-
posé de 360 coudées n'est pas isolé dans le champ des
mesures. On sait, par la tradition hellénique, que le tom-
beau d'Osymandias renfermait un cercle ou anneau d'or
(sans doute en cuivre doré) qui avait 360 coudées de tour,
(569 )
et dont chaque division répondait à un des jours de l'an-
née égyptienne. C'était un monument astronomique et
métrique.
Le Li, mesure chinoise qui remonte à une très-haute
antiquité, se composait de 360 Tschi ou pieds.
Enfin le Ghalowa, mesure itinéraire des Arabes, qui
représentait, dit la tradition, l’espace que parcourt une
flèche fortement lancée, avait aussi 360 coudées de lon-
gueur.
Ces diverses mesures en différents pays sont évidemment
des échos de la voie métrique et typique des Chaldéens.
4. Maintenant que nous sommes tombés d'accord sur
l'évaluation à donner à VAmmat-Gagar, nous pouvons
présenter le tableau des mesures linéaires assyro-chal-
déennes, tel que nous en admettons l'enchaînement. Ce
Système s'appuie sur plusieurs autorités classiques; il s'ac-
corde avec les monuments; les probabilités historiques n’y
Sont pas contraires; enfin il nous parait plus rationnel,
plus pratique surtout, que celui des assyriologues francais.
Mesures linéaires des peuples assyro-chaldéens.
Mètre,
ae E Ee eet 0,020 4.
Palme = 4 dig Grenen A Tue 0,080 B.
Spithame = 3 palmes = g 12 doigt E i 0,240 C.
Pied géométrique = 4 palmes = 46 doigts, 2/5 de la wond rig: 0,320 D.
Pygme = 48 doigts 2/5 de la coudée royale . . í 0,360 E.
A. C'est le doigt des Arabes « Saigey. Système métrique, . Voir Cha-
aile or. des antiquités de la Bibliothèque impériale; ea ch. HIJ,
B. ré r dl plaques mesurées au musée du Louvre, par MM. Queipo el de
Longpér rie
A A est ik Zereth de 12 doigts des Livres saints.
- Dimensions reconnues dans la longueur et la largeur des bide d d'une
a encore debout sur e Birs- Nimrod. (tour de Babel?).
( 570 )
Système vulgaire.
Sonde commune — Hijo: hin shrink Cubitus com-
cunéiformes = 6 palmes
24 doigts ng 0,480
Pas simple = 2 ‘goude 0,960
Brasse = 4 coudées . 1,92
Canne = 6 co do 2,88
Chaine = 10 BRADS = = 40 touidi. ; ek RE 19,2
Plèthre = 40 cannes = 60 coudées. . . . . . . . . . . 28,8
Ammat-Gagar ou grade = 360 coudées , . . . . . . . . 1728
Mil = 1000 brasses let a et y 1,920
Parasange commune = a mils 5,760
2 Parasanges = 6 m 11,520
- Demi-journée de Frs = 4m 23,040
Journée de chemin = 24 mils ou i res 46,080
Système royal.
Demi-coudée royale ou pied naturel = 4 du Xilon. 0,270 F
aio pá
o
Coudée royale = 27 doigts de la coudée vulg
lièrement en 6 palmes = 24 doigts . :
Pas simple = 2 coudées
Xilon = 3 coudées. Étalon gén néra > 162 H
Brasse ou orgye E trique = A ¿ls 5 2,16
Canne = 6 coudée ; 3 l
Chaîne = 10 orgyes = 40 TS ; 21,6
Plèthre = 10 cannes = 60 coudées. . . 32,4 J
Ammat-Gagar royal = 360 coudées 194,4 K
Mil = 1000 orgyes , i 2160 L
Parasange royale = 3 mile S A ed
2 Parasanges royales = 6 mils . la : sa 1000 -o N
Demi-journée de chemin = 42 mils . . . . . . . . . . 25,920
i : sd E . 31,840 0.
Journée de chemin = 24 mils.
F. C'est le pied chinois d'Hoang-Ti, d'après Saigey. Système métrique, fol, 98.
G. He del hora rai RS V. Place. C'est la coudée noire des Arabes.
H. Cité p xpression de la stature moyenn
Ex
I., La canne valen 6 coudées. en chap. XL , v. 5.
J. Cours de Khorsabad, d’après V. P
K, L, M, N, O, d'après les annales me et les textes chaldéens.
|
|
A
À
4
i
4
à
A
À
a
à
id
(SH )
5. Nous terminerons cette note par les réflexions sui-
vantes :
Un pas était à faire pour la découverte des unités linéaires
. des Assyro-Chaldéens, unités qui ont joué le plus grand
rôle dans les systèmes métriques de nos pères.
L'unité principale — la coudée royale de Babylone —
qui était aussi la coudée nilométrique de la basse Égypte
(nilomètre de Roudah, au Caire, et échantillon senaire
du musée égyptien de Leyde, Pays-Bas) , nous est connue.
On peut la considérer comme l'étalon archétype de
toutes les mesures linéaires qui ont eu cours dans l'ancien
monde, antérieurement à Père chrétienne.
Sans entrer ici dans le détail des singulières et frap-
pantes combinaisons fournies par cette hypothèse de
l'existence d’un modèle unique, sur lequel on aurait taillé
les différentes règles métriques existantes, nous pouvons
dès aujourd’hui mettre en relief les données suivantes :
Le pied babylonien étant pris pour unité, soit 0",320 —
4 palmes — 16 doigts; si vous le doublez, vous obtenez
l'aune royale de Perse, de 8 palmes ou 32 doigts, valeur
0,640 (Comp. Saigey et V. Queipo, op. Metrol.).
La moitié de la coudée babylonienne de 0",540 donne
le pied chinois de 0",270, introduit par Hoang-Ti, dans
ses États, Pan 2600 avant Jésus-Christ : c'est le pied na-
turel ou spithame (voir Saigey, Syst. chinois, p. 98).
Si Pon prend la coudée commune = 0",480 et qu'on y
ajoute un palme ou 4 doigts (Ezech. e. XL, v. 5. nya
Téxesx, xx Hadar, d'après les Septante), nous obtenons
la coudée sacrée des Juifs... — 0,585 (valeur admise par
R. Cumberland, évêque de Peterborough, Fréret, Bailly,
Paucton, Romé, Jomard, Queipo).
Si Pon prend les ë ou 20 doigts (Pygon) de la coudée de
ITA)
0",540, et qu’on divise ce Pygon en six palmes, on obtient
la petite coudée naturelle de l'Égypte de 0”,450, laquelle,
augmentée de 4 doigts, donne la coudée royale septénaire
des Pharaons de 0",595.
Enfin si l’on multiplie cette coudée par 6, on obtient
pour la canne : (Ezech. compare la canne, kaneh, à 6
coudées, de même Héron) la valeur 3”,24, dont la
dixième partie donne le pied de roi, pied de Paris, institué
par Charlemagne, qui avait reçu des échantillons de me-
sures anciennes du célèbre calife Abasside, Haroun-al-
Raschid.
Si l’on prend les 2/5 de la coudée de 0"540, on obtient
pour le pied géométrique de 16 doigts la valeur 0560.
C’est le pied philétérien ou ptolémaique, d'après Héron
d'Alexandrie; d'où pour le double pied ou Pyk arabe de
52 doigts 0,720, longueur équivalente à l'Archine, 1/5 de
la sagène, aune des Russes antérieurement au siècle de
Pierre le Grand (voir Saigey, s. m.).
Divisons encore la coudée de 0",540 en 7
palmes , 28 doigts, nous obtenons pour le pied
de 16 doigts . . ao rt 5086
pour la coudée de 6 palmes = 9 d 11
ped. i sb 00 40286
système bee e
Enfin la division de Paune de 0",540 en vingt-deux
parties égales donne pour le pouce 0",024546; maltipliez
ce nombre par 12 (l'échelle duodécimale est caractéristique
chez les Romains), et il en résultera exactement le pied
romain = 0”,294552.
Nous espérons démontrer ailleurs que la coudée de
07,540, que nous appellerons Mézpo» ou règle matrice
par excellence, est la coudée formellement définie par
(575)
Héron d'Alexandrie un siècle environ avant l'ère vulgaire.
C'est la coudée noire des Arabes (1).
6. Quelle est l’origine de notre archétype des mesures ?
La coudée de 0”,540 ne représente dans la nature ni
une division astronomique d'un degré, ni le double de la
longueur moyenne du diamétre du soleil à son lever et à
son coucher, mais elle représente, suivant nous, le tiers
de la stature moyenne de "homme, à l’âge moyen, sur le
globe. En effet 540 x 5 — 1",62.
Or 1”,62 est exactement encore aujourd’hui l'expression
de cette taille.
Les mesures artificielles , dit Héron d'Alexandrie, dé-
rivent des membres du corps humain « T uérpa ¿Enupuyras
E dporinuy usó, ele. », et l'écrivain grec nous fournit
le type de l'étalon général, le Xilon, terme qui ne s'est
retrouvé dans aucun autre auteur grec ou latin, ce qui
marque son origine orientale. Il le fait égal à 5 coudées,
6 spithames ou pieds naturels (2).
.
(1) Le récent mémoire de M_Bulliot sur les fouilles de Bibracte , el les
Conséquences qu’en tire M. Aurès, de Nimes ( Revue archéologique de
Paris, livraison d'avril 1870) confirment pie nos données sur Pusage
universel tant en Occident qu'en Orient de la coudée de 0”,
(2) La coutume de compter 3 co pe ées pour la taille d’un boias ordi-
uaire paraît avoir été établie depuis longtemps. Saint-Jean Chrysostome
parle ainsi de l'homme : « Il n’a de taille que 3 coudées, et cède aux bêtes
quant à la force, mais la raison dont Dieu l’a orné, l'élève par-dessus toutes
les choses de la terre...» Kaf tó Bpaydy Tövrov, vat TPiTYXUY, val
Torito Toy dìbyar èldrrova wark Tv tod coupures ioydy, EU...
S. Joan. Chrysost. archiep. Constant. Expos. in Psalmum XLII, n° 7
Oper, omnia, t. V, éd. Paris; apud Gaume, 1856.
e géographe de Nubie agorde également trois coudées à Phomme :
in climate tertio. Cette tradition se retrouve encore chez les Talmudistes
au R de $ coudée légale des Juifs. — Mischna, trad. Garubin, c. IV,
in Com
que EX TOME XXIX. . a
ms
LT
( 574 )
C'est sur ce modèle vivant (la loi des proportions re-
connue par eux, et dont ils ont laissé des traces dans
leurs statues , leurs monuments, ete., en fait foi) que les
Chaldéens et avec eux les Égyptiens ont assis tout deur
système de mesures linéaires, d’où ils ont fait découler,
mode suivi à notre époque, leurs mesures de superficie,
de capacité , de pesanteur et, plus tard, leur système mo-
nétaire.
Cette base était admirablement bien choisie dans la
nature; elle prouve avec quelle scrupuleuse attention les
fondateurs du système métrique primitif avaient établi
leur étalon général, puisque l'homme moyen, qui en était
Parchétype, n’a point varié depuis la plus haute antiquité
jusqu'à nos jours, ainsi que le prouvent les recherches
faites récemment tant en France qu'en Belgique, en An-
gleterre , en Italie et aux États-Unis d'Amérique (voir Que-
telet, Physique sociale ou Essai sur le développement des
facultés de l’homme, Bruxelles, Paris, 1869, t. II, liv. HL
pp. 55, 69, 437, ete., et Bulletins de l’Académie royale
de Belgique, 2 série, i XXVII, p. 196, année 1869).
En terminant cette note, je crois devoir déclarer que
personne plus que moi ne s'incline, plein de respect et
d'admiration , devant ces illustres pionniers de la science
dont j'ai prononcé ici le nom. J'ose croire qu'ils pardon-
neront à la hardiesse d'un simple scholar, qui a voulu
remettre en lumière un point scientifique, que par une
hypothèse très-hasardée ils avaient un instant obscurci
aux yeux des adeptes de la métrologie ancienne.
(575)
PRÉPARATIFS DE LA SÉANCE PUBLIQUE.
Conformément á Particle 15 de son règlement intérieur,
la classe entend la lecture préalable des pièces destinées à
la séance publique et prend les dispositions définitives pour
l’organisation de cette solennité.
(576 )
CLASSE DES LETTRES.
Séance publique du mercredi 11 mai, a 1 heure.
(Grand'salle des Académies, au Musée.)
M. E. Deracgz, directeur.
M. Ap. QuETELET, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. Steur, J. Grandgagnage, J. Roulez,
Gachard, A. Borgnet, Paul Devaux, P. De Decker,
F.-A. Snellaert, M.-N.-J. Leclercq, M.-L. Polain, le baron
J. de Witte, Ch. Faider, le baron Kervyn de Lettenhove,
R. Chalon, Ad. Mathieu, Thonissen , Th. Juste, le général
Guillaume, Alph. Wauters, H. Conscience, membres;
J. Nolet de Brauwere van Steeland, Aug. Scheler, associés ;
G. Nypels, correspondant.
Assistaient à la séance :
Classe des sciences : MM. Dewalque, directeur, prési-
dent de l'Académie, J. d'Omalius, L. de Koninck, P.-J. Van
Beneden, le vicomte Du Bus, H. Nyst, Gluge, Melsens,
J. Liagre, F. Duprez, Poelman , Ern. Quetelet, M. Gloe-
sener, Candèze, Ch. Montigny, membres; E. Catalan,
associé.
Classe des beaux-arts : MM. Ch.-A. Fraikin, directeur,
L. Alvin, G. Geefs, Ch.-L. Hanssens, J. Geefs, Ferd. De
Braekeleer, Ed. Fétis, Edm. De Busscher, Alph. Balat,
Aug. Payen, le chevalier Léon de Burbure, J. Franck,
Gust. De Man, Ad. Siret, Julien Leclercq, Alex. Robert,
membres; Daussoigne-Méhu), associé.
(377)
Le programme de la solennité se composait de :
y
1° Apercu de la féodalité, discours par M. E. Deracoz,
directeur de la classe;
2° De Kerels van Vlaanderen, lecture par M. H. Con-
SCIENCE, membre de la classe;
3° Gloire, Amour, Charité, poésie, par M. An. Ma-
THIEU, haitii de lié classe;
4 Proclamation, par M. le secrétaire perpétuel , du
résultat des élections, du concours annuel de la classe et
du concours quinquennal de littérature flamande (période
de 1865-1869)
Un auditoire nombreux remplit la grand'salle des Aca-
démies. A 1 heure, M. le directeur, après avoir déclaré
la séance ouverte, a prononcé le discours suivant :
Aperçu de la féodalité.
ll est rare qu’un homme sans préventions, qui habite
un pays comme notre Belgique, quand il rentre dans ses
foyers après un long voyage, n’y sente pas redoubler son-
attachement pour le sol natal; il connaît l'étranger :
ce qu'il a vu, ce qu'il a éprouvé lui fait comprendre et
sentir dans sa patrie un bien-étre dont il jouissait aupa-
ravant sans en avoir la conscience.
Ainsi, pour bien juger le temps où nous vivons, pour
reconnaître et apprécier les bienfaits dont la société mo-
derne est redevable au progrès de la civilisation, il suffit
de reporter ses regards en arrière, et, sans remonter bien
haut dans l'histoire, de mettre le présent en parallèle avec
l'état social dans lequel nos ancêtres ont vécu pendant une
longue suite de siècles.
Parmi les institutions politiques qui caractérisent la
( 578 )
société ancienne, il en est une surtout qui la distingue
profondément de notre époque, et qui met en relief les
conquêtes que la raison, la justice et la liberté ont faites
sur le passé.
Vous Pavez déjà compris, il s’agit de la féodalité; c'est
Celle, en effet, que je vous demande la permission de vous
entretenir pendant quelques instants.
Il serait difficile de parler de ce phénomène si remar-
quable dans l’histoire de l’humanité sans dire quelque
chose de son origine, de son établissement, de son action
sur la forme et Pesprit de la société. Mais tant d'ouvrages
spéciaux ont traité cette matière dans ses rapports avec
l'histoire, la politique et la philosophie, qu'il faut être
bref sur ces considérations.
Il est une catégorie de livres moins répandus, qui n'ont
pour lecteurs que ceux à qui le devoir ou une vocation
exceptionnelle en commande Vétude. Ce sont les traités
de droit féodal et les écrits des feudistes qui analysent et
exposent les bases et les règles de l'institution, sans s'0C-
cuper des effets qu’elle a produits. C'est à ces sources que
jemprunte quelques données sur cette partie peu connue
de la féodalité, sur les matériaux qui lui donnaient un
corps, sur ses principes organiques, sur les ressorts et le
mécanisme qui mettaient en action cette machine formi-
dable qu'on appelait la féodalité.
Ce mot on le prononce souvent, mais l’exacte notion de
la chose n'est pas commune : pour le grand nombre, c'est
une sorte de mythologie du moyen áge dont on a entrevu
les personnages fantastiques au théátre, ou dans les gale-
ries de peintures, ou dans les romans de chevalerie.
Ces tableaux de fantaisie amusent les loisirs, mais nap-
prennent rien, ou plutôt ne sont propres qu’à égarer.
(3795)
C'est à peu près sous ces couleurs idéales que, de nos
jours, l’auteur de la Gaule poétique s'est plu à peindre la
féodalité; mais M. de Marchangy a bien soin d'avertir qu'il
n'en choisit que les « aspects curieux et pittoresques, » et
il s'empresse de reconnaître « qu’elle aboutissait dans
l'ensemble à accabler le peuple infortuné de tout le poids
d'une servitude intolérable (1). »
Au contraire, des écrivains passionnés, qui n’ont vu
aussi le régime féodal que du beau côté, soutiennent qu'il
n'en a pas d'autre; fanatisés par l'esprit de caste, ils ont
exalté jusqu’au ridicule « ce gouvernement, » que le comte
de Boulainvilliers proclame « si magnifique et si judicieu-
sement établi (2). »
Tel n’est pas le jugement qu’en ont porté une foule
d'écrivains qui ont illustré leurs noms comme historiens,
` Jurisconsultes, publicistes ou philosophes; l’investigation
sérieuse de la vérité ne leur a manifesté que la dissolution
des liens sociaux, anarchie dans l'État et la barbare op-
pression des faibles par la force orgueilleuse et brutale.
Un esprit éminent, Montesquieu, trouve la balance à
peu près égale entre le bien et le mal : il adopte, comme
il le déclare lui-même, ce qu'il croit être le juste milieu
entre le système du comte de Boulainvilliers qui semble,
dit-il, être une conjuration contre le tiers état et celui de
l'abbé Dubos, qui semble être une conjuration contre la
noblesse (3). Ce tempérament sera un peu suspect si Pon
se rappelle que M. de Secondat, baron de la Brède et de
(1) XIXe récit.
(2) Hist. de l'anc. dm de la France, t. Ir, p. 524
(5) Chap. XXX,
( 580 >)
Montesquieu, a laissé percer plus d’une fois son indul-
gence pour la cause de l'aristocratie.
Voyons enfin, après ce trop long préambule, ce qu'est
en elle-même cette féodalité si diversement jugée.
Dans le sens propre et restreint, la féodalité se com-
pose de deux éléments principaux souvent unis, quelque-
fois séparés, mais toujours distincts dans leur essence et
dans leur action : ces éléments sont le fief et la justice. Il
en est un troisième qui est loin de l'importance des pre-
miers, c'est la censive. Cette trinité se personnifie , savoir :
le fief dans le seigneur féodal et le vassal , la censive dans -
le seigneur censier et le censitaire, la justice dans le sei-
gneur justicier et les sujets.
C'est cette dernière surtout, c’est la justice seigneu-
riale qui a rendu la féodalité si odieuse. C'est elle qui
ajoutait aux violences de la tyrannie Pindignité de trans-
former la sainte mission de juger les hommes en un droit
de famille, en une propriété privée dont on hérite, qui se
vend, qui se troque comme un article de commerce.
Nous jetterons sur les trois branches un coup d'œil su-
perficiel et rapide qui n'effleurera que les points les plus
- saillants, car un examen complet, au lieu de quelques in-
stants dérobés à une séance académique, exigerait un cours
universitaire tout entier.
Je commence par le fief. Si l'on en considère le sujet ma-
tériel, le fief est un immeuble réel , un bien-fonds; il peut
consister aussi en une chose incorporelle comme une rente,
une dime, un office, un droit de chasse, mais je m'en tiens
à Pespéce normale et la plus commune, à celle qui a pour
objet soit un domaine complexe, tel qu'une province, une
ville, un village, soit un immeuble simple et déterminé,
`
( 581 )
par exemple une maison, un champ, un bois, un étang, un
moulin.
L'opération qui imprime à l'immeuble la qualité de fief
est fort simple. L'inféodation est un contrat d'une nature
particulière qui n’est ni une donation, ni une vente, ni une
emphytéose, ni un louage, ni un précaire, ni un usufruit,
Contrat que deux personnes forment librement-en accom-
plissant les formalités qui lui sont propres. L'une d'elles,
propriétaire d’un immeuble, cède à l’autre, à perpétuité,
l'exercice et la jouissance de tous les attributs de la pro-
priété, sous la seule réserve d’un droit de supériorité que
Fon nomme domaine direct et plus communément la di-
recte; l’autre accepte l’objet concédé pour le tenir en fief
du cédant.
Celui-ci prend le titre de seigneur, le concessionnaire
devient le vassal, le feudataire, le fieffé, l'homme du sei-
gneur, et se trouve enchainé à toutes les obligations du
vasselage. Ces obligations, on les connaîtra bientôt, mais
dès à présent, par les formalités de l'investiture, on jugera
de l'inégalité qui séparait à jamais ces deux hommes, de la
suprématie de l’un et de la dépendance de l’autre.
L'inauguration du fief, qui variait dans les détails, était
au fond la même partout : elle consistait, en substance, dans
la prestation de l'hommage et le serment de fidélité par le
Concessionnaire, et dans sa réception comme vassal par le
seigneur. Les choses se passaient le plus souvent de cette
manière :
L'homme tête nue, sans manteau, épée ni éperons, se
mettait à genoux devant le seigneur, joignait les mains,
les plaçait dans celles du seigneur, lui faisait hommage, et
Se reconnaissait son vassal pour le fief dont il s'agissait,
lui jurait fidélité, s’obligeait à le défendre jusqu’à la mort
( 582 >
envers el contre tous, et à rendre bonne justice en sa cour
lorsqu'il en serait requis. De son côté, le seigneur déclarait
le recevoir pour son homme de fief, lui promettait loyauté,
et lui donnait un baiser sur la bouche.
L'acte solennel que Pon dressait de l'investiture consta-
tait la tradition symbolique que le seigneur faisait au vassal
en lui remettant quelque objet emblématique comme une
épée, un anneau, un gazon, une búchette, un fétu, suivant
la qualité des parties, la nature de la chose inféodée, et,
avant tout, suivant l'usage du temps et du lieu. L'opération
était ensuite consommée par la mise du vassal en posses-
sion effective du fief acquis au prix de son indépendance.
Cet asservissement était presque toujours volontaire sans
doute, mais que penser d’un ordre social fondé sur cette
négation de l'égalité, sur ce mépris de la dignité de
Phomme? '
De la part du maître, l'abandon ‘de la chose n’était pas
gratuit ou payé seulement par l'honneur stérile du titre de
seigneur. Outre la réserve du domaine direct qui lui mé-
nageait la faculté de reprendre en certains cas la posses-
sion du fief, le droit commun et l'usage local lui assuraient
des services et des rétributions dont il pouvait encore gros-
sir Yémolument par des stipulations spéciales. De son côté,
point de serment, point d'engagement particulier ; il de-
vait aider et protéger son vassal et surtout s'abstenir de
lui faire injure.
L'inégalité s'étendait jusqu'à l'immeuble inféodé. Lors-
qu’il était détaché d'un domaine ou d'un héritage, il des-
cendait à l’état de fief servant; on le disait alors tenu, mou-
vant ou relevant de la partie restée aux mains du seigneur.
Celle-ci constituait le fief dominant ou principal „appelé
aussi la table, le gros, le stock du fief, ce qui pourtant wim-
IT |
( 585 )
plique pas qu’elle exeédât toujours en valenr ou en éten-
due la portion concédée.
Si le propriétaire du fief servant le démembrait pour en
sous-inféoder une fraction, cette fraction avait le nom
d'arrière-fief et le possesseur celui d'arrière-vassal à l'égard
du suzerain ou auteur de la concession originaire.
On comptait une variété infinie de fiefs : ils prenaient
leurs qualifications de l’origine, de la nature, des accidents
du fief, ou même des stipulations de Vacte constitutif. Le
fief pouvait être avec ou sans dignité, temporel ou ecclé-
siastique, ancien ou nouveau, paternel ou maternel, mas-
culin ou féminin, noble ou roturier, héréditaire ou per-
sonnel, divisible ou indivisible, bon ou mauvais, simple ou
lige, plein ou menu, franc ou conditionné, propre ou im-
Propre , corporel ou incorporel, dit aussi fief en Pair, qui
se divise en fief continu et fief volant.
Ces dénominations avec d’autres moins usitées sont ex-
pliquées par la plupart des feudistes. Le plus ancien des
nôtres, le président Wielant, énumère les plus communes
en Belgique, dans son Traité des fiefs de Flandre, écrit en
flamand , et qui se termine par ces mots francais: Fait à
Gand, au mois de may de Pan de grâce MCCCCXCI, par ma-
nière de passer temps, soubs correction de chascun (1).
Dans ce grand nombre une espèce se distingue des au-
tres par le mode d'inféodation. Ce n'est pas une concession
spontanée du seigneur au vassal, c'est un asservissement
dont le vassal prend volontairement l'initiative.
Le propriétaire d'un franc-alleu, ce qui signifie un héri-
tage libre de toute sujétion, en fait l'offrande à un tiers
a
(1) De leen-rechten van Vlaenderen, tit. V-X.
( 584 )
qu'il veut se donner pour seigneur; ce tiers accepte le don,
et devenu le maître de la chose, il la rétroeède en fief à
celui qui vient de s’en dépouiller.
Cette abdication était chose très-fréquente dans les
temps d'anarchie où, trop faible pour défendre contre la
violence et la rapacité une propriété que les lois ne proté-
geaient plus, le possesseur se plaçait sous l’égide ou d’un
‘seigneur puissant, ou de l’Église, ou même de quelque
saint vénéré dans la contrée. Souvent aussi cette conver-
sion du franc-alleu en fief était le produit d’une dévotion
inintelligente et outrée. Un historien rapporte en ces
termes lacte de stupidité ou d'hypocrisie du roi de France
Louis XI, après qu’il se fut rendu maître de Boulogne en
: « Pour montrér sa singulière dévotion et recon-
naissance pour la sainte Vierge, qui, disait-on, était ap-
parue miraculeusement sur les murs de la ville la veille de
l'entrée des Francais, il lui fit formellement don de cette
seigneurie, puis la reçut d’elle et lui en fit hommage à
genoux, sans ceinture et sans éperons, en présence du
clergé, du maire et des échevins. I offrit en même temps,
en signe de vassalité, un cœur d’or du poids de 2,000 écus,
réglant qu'à lavenir les rois de France, ses successeurs,
préteraient un semblable hommage, feraient une pareille
offrande (1
Nos vieilles annales signalent un cas plus ancien où
cette inféodation irrégulière procédait d'une convention
politique. La puissante famille des Berthout, après avoir
obtenu de l’évêque de Liége Vavouerie de Malines, aspirait
à s'en approprier la souveraineté. Pour se ménager Pappui
(1) De Barante, Hist. des ducs de Bourg., Marie de Bourg., liv. ler.
( 585 )
du due de Brabant, Gauthier Berthout, deuxième du nom,
conclut en 1258 avec Henri H un traité par lequel, entre
autres clauses, il lui transmit tous les francs-alleux et
toutes les justices qui lui appartenaient dans le Brabant
et le marquisat d'Anvers, et le duc les lui rétrocéda pour
être tenus en fief de son duché (1).
Ces fiefs, une fois constitués, ne différaient plus des
autres : on les appelait fiefs de reprise ou d’oblation, fiefs
offerts ou passifs ou impropres. La création en devient
moins commune à mesure qu’on se rapproche des temps
modernes, mais l’usagé n’en avait pas cessé. A la crainte
et à la superstition qui en avaient produit le plus grand
nombre survivait une troisième cause plus affligeante pour
l'humanité, parce qu’elle sacrifiait à l’égoisme et à Porgueil
le vœu de la justice et de la nature. Un commentateur
judicieux du droit de la Flandre, Burgundus, atteste ce
triste calcul, d'ailleurs bien connu. A la mort du proprié-
taire, dit-il, les biens libres se partagent également entre
tous ses enfants; mais il en est autrement des fiefs dont la
meilleure partie est attribuée à l'aîné. En conséquence, les
nobles ont coutume de convertir en fiefs leurs biens allo-
diaux, pour les réserver à un héritier unique, et perpétuer
par ce moyen la richesse et le lustre de la famille (2).
Toute personne maîtresse de disposer de,sa propriété
pouvait la donner en fief, et toute personne maîtresse de
Sobliger pouvait la recevoir à ce titre. Dans l’origine, la
faculté de tenir un fief exigeait de plus une aptitude spé-
ciale. Outre la foi ou la fidélité, élément principal et
(1) shi Op. diplom., t. Ier, p. 311; Grammaye, Antiq. belg.,
Mechlini
(2) pen consuet. Flandriæ, trad. VII , n° 7.
( 586 )
essentiel du fief, le vassal, requis par le seigneur, était
tenu de s'armer et d'aller en guerre avec lui, ou, s'il y
avait lieu, de faire guet et garde en son château. Inhabiles
à cet oflice, les femmes, les enfants, les clercs devaient
l’être à la possession des fiefs. Cette exclusion fut même
appliquée aux roturiers, mais le temps amena à égard
de tous le reláchement de cette mesure. Lorsque les fiefs
devinrent transmissibles par succession, la force des choses
releva de leur incapacité les femmes, les mineurs, les ro-
turiers, et des impóts compensèrent pour les seigneurs la
perte du service militaire. Les roturiers furent en sus
assujettis envers le prince à une redevance périodique
appelée droit de franc-fief, taxe qu'on ne connut jamais
en Belgique.
La possession des fiefs fut également permise aux
ecclésiastiques moyennant une autorisation spéciale du
prince et une indemnité fiscale pour droit d'amortisse-
ment. Au surplus, tous les possesseurs de fiefs indistinc-
tement furent soustraits par la désuétude à Pobligation de
servir militairement les seigneurs, à mesure que lauto-
rité souveraine devint assez puissante pour interdire à
ceux-ci les guerres privées. Cependant cette dette du fiel
continua à subsister au profit du prince, car il ne renonça
que fort tard à l’appel du ban et de Varriére-ban. Dans
nos provinces, il a eu recours à cette ressource extrême
jusque dans le XVI" siècle et même bien avant dans le
XVII. Philippe H, en juin 1572 et février 1575, enjoignit
à ses vassaux et arrière-vassaux de la Flandre dese rendre ,
dans les quinze jours, à Gand, avec armes, équipement el
chevaux ; pour concourir à la défense du pays, sous peine
de saisie de leurs fiefs. A Liége, l’évêque Jean-Louis
d'Elderen, contraint, en 1689, de prendre part à la guerre
j | ( 587 )
des puissances coalisées contre la France, convoqua sous
sa crosse épiscopale tous ses feudataires immédiats et
médiats.
Dans un pays voisin, le roi Louis XIV, pour suppléer à
l'insuffisance du recrutement qui ne comblait plus les vides
de ses armées, résolut, en 1675, de faire marcher le ban
el Parriére-ban des possesseurs de fiefs. Il ne put en réu-
nir qu'environ 4,000. « Rien, dit Voltaire, ne ressemblait
moins à une troupe guerriére. Tous montés et armés
inégalement, sans expérience et sans exercice, ne pouvant
ni ne voulant faire un service régulier, ils ne causèrent que
de l'embarras, et on fut dégoûté d'eux pour jamais. (1). »
L'ensemble des inféodations particulières et des règles
qui les gouvernent constitue le régime ou le système féo-
dal. En quel temps a pris place par les actes convention-
nels le bail à fief inconnu à l'antiquité, quelle contrée l’a
vu éclore, comment l'usage s'en est-il répandu et enra-
ciné au point d'envahir l’Europe entière, et d'y régner
pendant mille ans, d'où lui est venue cette autorité qui,
absorbant en partie celle du droit civil, n’a plus laissé
Pour ainsi dire à celui-ci qu’un pouvoir longtemps secon-
daire?
Ces questions ouvrent un dédale de conjectures et de
Controverses où je me garderai de vous égarer: On a beau-
coup écrit, beaucoup discuté sur Porigine des fiefs, et le
Problème n'est pas définitivement résolu. Des hommes
érudits et patients ont remué, creusé le passé dans tous
les sens, et n’ont pu se mettre entièrement d'accord ni
Sur le lieu ni sur l’époque où l’inféodation a pris naissance.
(1) Siècle de Louis XIV, chap. XII.
( 588
Plusieurs contrées, se disputant la palme, ont reven-
diqué comme un titre de gloire l'invention de cette
chose si merveilleuse! s'écrie un feudiste hollandais du
XVII siècle (1). Singulier honneur en vérité, prétention
non moins étrange que celle qui, aujourd’hui, conteste à la
France l’idée première de la décollation par le procédé
du docteur Guillotin.
Les systémes différents sur la premiére apparition des
fiefs varient entre le V* et le X* siècles. Ils en placent le
berceau Pun au delá du Rhin, en Germanie, un autre dans
le royaume des Francs, au nord des Gaules, un troisième
en Italie chez les Lombards; d'anciens jurisconsultes en
ont méme fait remonter la source jusqu'aux Romains, el
ont vu dans Septime Sévère, élevé à Pempire en 195, le
créateur des premiers fiefs. La critique historique a com-
battu vivement cette dernière thèse, qui ne compte plus
aujourd’hui que de rares adhérents.
L'opinion qui semble prévaloir, celle que le docte Du-
moulin professait déjà il y 330 ans, et que la plupart des
derniers écrivains ont adoptée, attribue le premier usage
des fiefs aux tribus germaniques qui se sont établies dans
la Gaule belgique à la fin de la domination romaine.
Les chefs de ces peuplades guerrières , devenus, par la
conquête ou par la retraite des autorités romaines, maitres
d'une grande quantité de terres, obéissant peut-être à
usage du pays dont ils étaient originaires, distribuêrent
ces domaines à titre de récompense aux antrustions, leudes
ou fidèles, leurs principaux compagnons d'armes.
Ces concessions, appelées alors bénéfices, étaient révo-
(1) Bort, Holl. leenrecht, 1s* deel, ch. IF, n° 16.
A on S
(589 )
cables à la volonté du chef qui les avait octroyées. Mais, à
la longue, les possesseurs précaires, abusant de la faiblesse
des rois ou des embarras de leur gouvernement, parvinrent
à soustraire leurs bénéfices à l'amovibilité. La jouissance
à vie leur en fut d’abord accordée en 587, par le traité
d'Andelys fait entre les rois Childebert et Gontran, puis
confirmée en 615, dans un édit de Clotaire II, et, enfin,
sous le règne de Charles le Chauve, ils furent déclarés hé-
réditaires. C'est vers ce temps-là, paraît-il, qu’ils prirent
le nom de fiefs. Quoique Charles le Chauve, roi des Francs
depuis 840, soit devenu empereur en 875, I'hérédité des
; zi ne s’introduisit dans [empire que longtemps après
1. Elle y fat établie par Conrad le Salique qui régna de
ENE à 1039.
Après ce triomphe sur le monarque, ses grands vassaux
_ne furent plus obligés qu’à le reconnaître pour suzerain et
à le servir à la guerre; à ces conditions, ils furent proprié-
taires incommutables de leurs concessions.
Une autre usurpation, en achevant le démembrement du
domaine royal sous les indignes successeurs de Charle-
magne , multiplia les grands fiefs de la couronne.
Les officiers qui, sous différents titres, représentaient
le monarque dans les divisions du royaume, s’affranchirent
graduellement de son autorité, et à la fin du X° siècle la
qualité de feudataire était le seul et faible lien de leur
subordination. Quelques-uns s’arrogèrent même une sou-
veraineté absolue dans les territoires qu’ils avaient usur-
pés. Ainsi se formèrent en Belgique plusieurs États indé-
pendants, dont nos provinces actuelles ont conservé le
nom. Quelques grands vassaux seulement, nommément le
comte de Flandre et le comte ensuite duc de Luxembourg,
continuèrent à reconnaitre le premier la suzeraineté de la
2% SÉRIE, TOME XXIX. 58
( 590 )
France, lautre celle de l'empire dont relevait aussi le
prince-évêque de Liége.
Ces vassaux se créèrent, à leur tour, de nombreux vavas-
seurs en inféodant des portions du fief qu’ils tenaient du
souverain. Les arrière-vassaux et les propriétaires d’alleux
voulurent également devenir seigneurs, et, à l’aide de sous-
inféodations successives et de la création de fiefs nou-
veaux , surtout par l’expédient si commun de Poblation ou
de la reprise, la féodalité s'étendit comme un réseau sur
l'occident de l'Europe , et de proche en proche, sur l'Eu-
rope entière.
Entre mille exemples de cette propagation qu'on pour-
rail appeler épidémique, la province que nous habitons
nous fournit celui-ci : Un vieux manuserit latin, que la
commission royale d'histoire a publié, en 1865, par les
soins d'un intelligent et laborieux paléographe (1), con- '
tient la liste authentique des feudataires qui relevaient de
Jean MI, duc de Brabant en l'année 1313 : leur nombre
excède 2,500. A ce chiffre que l’on ajoute d’abord les fiefs
tenus immédiatement de seigneurs brabançons ou étran-
gers, puis les arrière-fiefs à tous les degrés de sous-inféo-
dation, et l’on se fera une idée du développement prodi-
gieux de la féodalité dans le Brabant; il en était de mêrne
partout.
Elle avait pris en quelques pays des proportions telles
que, jusqu'à la preuve du contraire, tout héritage était
présumé fief, et, par conséquent, tenu et mouvant du sei-
gneur du territoire; Cest ce qu’on exprimait par cette
maxime : Nulle terre sans seigneur. Elle était érigée en
loi formelle dans le comté de Hainaut; mais je me hâte
(1) M. Galesloot.
( 591.)
d'ajouter que, dans nos autres provinces, la présomption
d'allodialité ou de liberté prévalait, et qu’on y suivait cette
règle inverse : Nul seigneur sans titre.
La féodalité changea la forme de la société et Porgani-
sation politique des États. Aux mœurs de l'antiquité qui
partageaient l’espèce humaine en hommes libres et en
esclaves, au régime de l’âge postérieur qui faisait deux
classes distinctes des maîtres et des serfs, elle substitua
une division nouvelle, celle des seigneurs et des vassaux
ou sujets. Elle transporta sur d'autres bases l'exercice du
Pouvoir souverain. La nation, unie auparavant sous la su-
prématie d'un seul, se divisa en autant de gouvernements
séparés qu'il y eut de grands fiefs, et le peuple, soumis
jusqu'alors à l'autorité immédiate du monarque, ne lui fut
plus subordonné que par l'intermédiaire et sous le bon
plaisir de ses puissants feudataires.
Ces États distincts ne formaient pas, comme on pourrait
le croire, un faisceau fédératif ayant dans la royauté un
lien commun. Aucun nœud ne les rattachait entre eux; la
conformité d’origine, le voisinage étaient, au contraire,
des causes de défiance et de rivalité Aussi le moindre pré-
texte faisait éclater des guerres atroces dont les calamités
retombaient sur le misérable peuple, et que nulle autorité
ne pouvait réprimer. L'intervention même du suzerain
“aurait pas arrêté des vassaux égaux à lui par la puissance
et prompts à se révolter à main armée. Combien de fois
Ya-t-on pas vu le comte de Flandre en guerre ouverte
avec le roi de France, même avant les traités qui Pont
affranchi du me As Eo
mn ia
(1) Traités d'Arras, du 21 septembre 1435, de Madrid, du 14 jan=
vier 1526, de Cambrai, du 5 août 1529. i
( 592 )
Un de nos savants confrères a tracé en quelques lignes
le tableau de la société dans ces temps déplorables. Le
vénérable M. de Gerlache me permettra de transcrire ici
ce passage de son Histoire de Liége : « Le gouvernement
féodal était un régime de violence et d'anarchie : les nobles
se faisaient la guerre entre eux; les vassaux imitaient leurs
seigneurs : tout le monde se battait; le pays était livré
aux meurtres et à la dévastation; la justice était impuis-
sante; les haines se perpétuaient; la vengeance de Pindi-
vidu passait comme un héritage á sa famille (1). »
Toute puissance violente, si elle n'est contenue, se perd
par ses excès; la féodalité abandonnée à elle-même aurait
subi cette loi, mais l’organisation et la discipline la conso-
hidèrent.
Dès le XI" siècle apparurent çà et là des ordonnances
ou règlements qui, en proclamant les principes fondamen-
taux de Pinstitution, et en fixant avec certaine uniformité
les détails des matiéres kane finirent par établir un
droit féodal commun.
Une tradition qui, à la vérité, n'est pas universellement
admise attribue le monument, peut-être le plus ancien de
ce droit, à un prince belge. Après l’établissementdes croisés
dans la Palestine en 1099, Godefroid de Bouillon, devenu
le chef du royaume de Jérusalem, y organisa avec ses
compagnons d'armes un gouvernement purement féodal,
divisa le nouvel État en plusieurs grands fiefs, et rédigea
le code des lois qui devaient le régir. Ce code, connu sous
le nom d'Assises de Jérusalem, écrit en langue romane,
n’est parvenu jusqu’à nous que modifié par plusieurs rédac-
tions dont la dernière est de Pan 1369.
(1) Page 61.
Mr ue: 7:
( 595 )
Longtemps avant cette dernière date avait paru en
Europe un autre recueil célèbre de droit féodal : c’est
l'ouvrage latin intitulé Consuetudines feudorum (usages
des fiefs).Cette compilation, faite en Lombardie vers 1152,
acquit bientôt un immense crédit; elle servit de base à
l'enseignement du droit féodal dans les écoles d'Italie, et
fut adoptée comme loi dans une partie de l'Europe, ito-
tamment dans Empire.
La législation féodale, en s’appropriant peu à peuà chaque
fraction du territoire, se divisa en une infinité de coutumes
particulières. Posséder pour ses domaines une loi spéciale
était une preuve d'indépendance : tout seigneu tenait
donc à avoir la sienne. Plusieurs de ces lois, qwon appela
coutumes, restèrent à l'état de traditions ; beaucoup d’autres
furent mises par écrit. C’est dans le X VII: siècle seulement
que cette rédaction commença à se généraliser en Bel-
gique.
Ces statuts confirment les maximes essentielles de la
féodalité, mais diversifient tellement les dispositions se-
condaires que le précis en serait à lui seul un travail infini,
et qu'il faut nécessairement se borner à des généralités.
Dans quelques matières communes au droit féodal et au
droit civil, telles que la transmission de la propriété par
actes entre vifs, le temps avait atténué la différence pri-
mitive des deux législations, et rapproché les biens féodaux
de la condition des biens libres. Avant le XI° siècle tom-
bait déjà en désuétude la nécessité d’un octroi du seigneur
Pour aliéner le fief tenu de lui. Vainement les empereurs
Lothaire I et Frédéric 1* la remirent successivement en
vigueur dans les terres de leur obéissance, l'usage con-
traire prévalut presque partout. Seulement il était indis-
pensable que Paliénation eût lieu devant la cour féodale
( 594 >
pour assurer au seigneur le Sn des droits dont je
parlerai dans un instant.
Les coutumes de la Flandre iit à des con-
ditions exceptionnelles l'aliénation du fief, mais du fief an-
cien ou patrimonial seulement : elles exigeaient le consen-
tement de l'héritier ou ce qu'elles appellent gezworen nood
(nécessité jurée) : le vendeur devait affirmer sous serment
qu'il ne lui restait plus d'autre ressource que le prix de son
fief pour satisfaire à de pressantes obligations.
Les caractères de cette nécessité ont donné lieu à un
procès célèbre jugé en 1626 au grand Conseil de Malines.
Le roi de France, Henri IV, ayant vendu à un gentilhomme
flamand la baronnie de Rhodes au territoire d'Alost, le roi
Louis XIII, son fils, que son pays a surnommé le Juste,
n'eut pas honte d'attaquer la vente en contestant l’exis-
tence de la nécessité et la régularité de l'affirmation jurée
foi de roi et de prince. Les juges belges reconnurent et
maintinrent la validité de l'aliénation. L'arrétiste, membre
du grand conseil, qui rapporte cette décision , après avoir
déduit les considérations de fait et de droit qui la justifient,
ajoute : «On réfléchit beaucoup qu’il était indigne d'un-
fils de rétracter la parole de son père, et que le roi très-
chrétien , chez qui la bonne foi devait résider plus que chez
tout autre, héritier d’un roi qui lui avait laissé de si vastes
États, vint impugner la vente d’une seule terre faite en
faveur d’un particulier (1). »
La transmission de la propriété féodale par succession
avait subi beaucoup moins que celle qui s'opère entre vifs
l'influence du droit civil et de Padoucissement des mœurs.
Ainsi voyez comment se divise la succession du père entre
(1) Dulaury, arr. 162.
( 595 )
ses enfants. Le droit civil, d'accord avec la nature, les y
-Appelle sans distinction : tous ont un droit égal aux biens
libres; mais s'agit-il des fiefs, tout change : d'autres inspi-
rations dietent la loi.
Y a-t-il des fils et des filles ? Les filles sont impitoyable-
ment exclues; elles le sont toutes les fois qu’elles concou-
Ld
rent avec des héritiers máles de leur degré.
Entre les fils, l'aîné par droit de primogéniture edo
d'abord le principal manoir avec le vol du chapon, ce qui
équivaut à un arpent tout autour de l'édifice, et à défaut
de château, une autre habitation. En outre, il peut, sui-
vant Pusage local, ou choisir. le premier dans le surplus
des fiefs à partager, ou les retenir tous en indemnisant ses
frères, ou prendre pour lui seul la moitié, les trois quarts,
les quatre cinquiémes de la totalité, sans égard au nombre
des copartageants.
Au lieu d'enfants, le défunt ne laisse-t-1l que des aseen-
dants et des collatéraux , ces derniers, fussent-ils du degré
le plus éloigné, recueillent les biens féodaux à Pexclusion
méme du pére, C'était une régle des anciens temps que les
fiefs ne remontent pas en succession, et peu d'exceptions
en avaient tempéré la rigueur.
L'esprit de la féodalité avait perpétué avec plus de sol-
` licitude encore tout ce qui tenait directement aux préro-
gatives et aux profits des seigneurs. Je ne parle pas des
redevances en argent ou en nature dont ils faisaient une
condition de leur libéralité, ni des prestations ou des ser-
vices tantót humiliants, tantôt extravagants que la vanité
ou le caprice y ajoutait : il s’agit de droits indépendants
de toute convention; quelques-uns, subordonnés à des évé-
nements incertains, étaient en quelque sorte extraordi-
naires : par exemple, le seigneur avait-il á subvenir aux
(396 )
frais de sa rancon ou d'un voyage d'outre-mer, ou de la
chevalerie de son fils aîné, ou du mariage de sa fille aînée,
les vassaux étaient frappés de l'impôt des loyaux aides,
dit aussi taille aux quatre cas.
D'autres droits, par un exercice constant et régulier,
maintenaient l'intégrité du régime des fiefs; les principales
_de ces garanties étaient la foi et hommage — la saisie féo-
«dale — le relief ou le rachat — les lods et ventes — le
dénombrement ou Vaveu — le retrait ou la retenue — la
commise — la semonce judiciaire.
Toutes les fois que le fief passait en d’autres mains, le
possesseur nouveau devait au seigneur foi et hommage; il
lui prétait serment de féauté, se reconnaissait son vassal,
et lui demandait l'investiture. Il en était de même s'il y
avait mutation de seigneur, suivant cet adage féodal : &
tous seigneurs, tous honneurs.
ke vassal se rendait au manoir du fief dominant; s'il n’y
trouvait ni la personne, ni un représentant légal du sei-
gneur, après avoir appelé par trois fois celui-ci à haute
voix, il prononcait la formule sacramentale, baisait, en
quelques lieux, la serrure ou le verrou de la porte, accom-
plissait, s’il y était tenu, une autre cérémonie ridicule, et
faisait constater qu'il s'était mis en règle.
Quelquefois plusieurs prétendants se disputaient la mou-
vance du fief; c'était le combat du fief. Le vassal, qui ne
pouvait s’en constituer juge, était alors admis à se faire
recevoir à la foi par main souveraine, c'est-à-dire par le
prince, de qui tout fief était réputé relever au moins mé-
diatement. Il échappait ainsi à la saisie féodale , à laquelle
l'aurait exposé son inaction ou son erreur.
Le pouvoir qui, dans l’origine, appartenait au seigneur de
confisquer définitivement le fief, faute d'homme, avait fait
E DYF )
place à un droit moins rigoureux; il saisissait le fief va-
cant, en prenait possession et en jouissait pour son compte
tant que durait la cause de la saisie. ;
La foi et hommage ne libérait pas indistinctement tout
_ Vassal nouveau envers le seigneur. L'héritier en ligne di-
recte était le seul qui ne dút, suivant l'expression consa-
crée, que la bouche et les mains. Le successeur collatéral,
le donataire et ceux qu’on lui assimilait étaient de plus
obligés au relief; les acquéreurs par achat ou par acte équi-
pollent étaient tenus au payement du droit seigneurial
nommé lods et ventes.
Le relief, dit aussi rachat, avait yeriplöcé ce qui se prati-
quaitavant l hérédité des fiefs. L'héritier recevait alors, aux
conditions que le seigneur imposait, le fief qui lui avait fait
retour par la mort du vassal. Quand ce retour vint à cesser,
on substitua aux conditions arbitraires une indemnité fixe
qui consistait, le plus souvent, en une année du revenu et
une somme modique pour droit de chambellan.
Le droit de lods et ventes ou de quint était beaucoup
plus onéreux : il s'élevait communément au cinquième du
prix et des accessoires qui l'aggravaient, ce qui explique la
dénomination de quint. Si Pacquéreur s’obligeait à payer
Pimpót, cette charge, s'ajoutant au prix, donnait elle-
même ouverture au quint qui prenait alors le nom de
requint.
Les lods et ventes tenaient lieu de l'octroi requis origi-
nairement pour l’aliénation; ils formaient le plus important
des droits utiles du seigneur féodal; ils oceupent une place
considérable dans la jurisprudence des fiefs; ils sont le type
de l'impôt qui se perçoit aujourd’hui sous le nom de droit
d'enregistrement, impôt dont la saine intelligence et la juste
( 598 )
application exigent encore parfois le recours aux enseigne-
ments des feudistes (1).
A Pobligation de la foi et hommage cdi celle du
dénombrement. Dans les quarante jours le vassal nouveau
remettait au seigneur une déclaration détaillée de tout ce
qui constituait le principal et les accessoires, l'actif et le
passif de la chose inféodée, sous peine d'être privé de la
jouissance des fruits par une saisie.
De son côté, le seigneur avait un délai pour blámer le
dénombrement, et si l’on ne s’accordait pas à Pamiable, la
justice en décidait.
L'aliénation du fief n’était pas seulement une source de
revenus pour le seigneur : il y puisait encore un droit plus
ample, celui de retenir ou plutôt de retraire le fief vendu,
et de le réunir à sa table en remboursant à Pacheteur le
prix et les frais de l’acquisition. La réunion du fief servant
au fief dominant s'opérait de plein droit toutes les fois que
le seigneur devenait propriétaire de l’un et de l'autre; elle
avait également lieu par l'effet de la commise qui était la
peine de Pingratitude du vassal, et particulièrement du
désaveu et de la félonie ou forfaiture.
Le vassal qui reniait son seigneur encourait l'application
de la règle qui fief nie, fief perd; si la méconnaissance se
bornait à une partie du fief, cette partie seule était frappée
de la commise. La définition moins nette de la félonie
laissait plus de prise à l'arbitraire; en général on réputait
félon le vassal convaincu d'un attentat ou d'une injure
atroce envers le seigneur, sa femme ou ses proches.
Ce qui était félonie de la part du vassal constituait la
déloyauté chez le seigneur coupable envers son homme. Sur
(1) Championniére et Rigaud, 2° introduct., n° 19.
EA AI RN RA
( 599 )
la plainte de celui-ci, elle pouvait avoir pour conséquence
Vaflranchir de toute dépendance sa personne et son fief.
C'est à cette règle antique du droit féodal que le petit
royaume d'Yvetot en Normandie dut sa création, si Pon
en croit une légende dont je ne veux pas garantir l’authen-
ticité. Vers Van 535, dit-on, le roi Clotaire I", avant
tué Gauthier, seigneur d’Yvetot, dans l’église de Soissons,
repentant et voulant se punir lui-même, érigea, pour
l'héritier de sa victime, la terre d'Y vetot en royaume : « en
quoi, ajoutent les historiens qui adoptent ce récit, il suivit
la loi des fiefs qui affranchit le vassal de tout hommage et
de tous devoirs, quand le seigneur met violemment la main
sur lui (4). >
Un des engagements que le vassal prenait en recevant
l'investiture consistait à assister aux plaids, et à rendre la
justice à la semonce du seigneur. Lorsque celui-ci, ayant
en réalité ou se créant par des expédients autorisés un
nombre de vassaux véritables ou fictifs, suffisant pour
former un siége de justice, les avait dûment convoqués,
ils se réunissaient, et avec le bailli représentant du sei-
gneur, constituaient la cour féodale.
Dans l'exercice actif et passif de la juridiction, tous les
vassaux d'un même seigneur avaient le nom de pairs : ils
élaient tous égaux entre eux : tous étaient juges et justi-
ciables les uns des autres pour tout ce qui ressortissait à
la cour.
Devant cette cour s'accomplissaient les cérémonies et
` les devoirs féodaux, s'exercaient les poursuites fondées sur
leur inexécution, et se passaient les actes relatifs aux fiefs
. Mouvants du seigneur, notamment ceux qui en réalisaient
pan IR
(1) Moreri, Dict. hist., vo Yvetot.
( 600 )
Paliénation. Cette juridiction, dite aussi justice foncière,
est propre aux fiefs : elle est distincte de la justice sei-
gneuriale et n’a rien de commun avec elle. Cependant on
les a confondues souvent, surtout lorsque le seigneur du
fief étant aussi le seigneur justicier, elles se trouvaient par
là réunies sur son chef.
Je vais passer á la justice seigneuriale après quelques
mots sur la seigneurie censuelle ou censière qui avait aussi
quelquefois une justice propre formée de censitaires.
On assigne communément à la censive une origine con-
temporaine de celle du fief, et on lui attribue une cause
analogue. C'est une imitation du fief, mais qui n'engendre
ni des droits aussi étendus, ni des obligations aussi rigou-
reuses.
_ Comme le fief est créé par le bail à fief, ainsi la censive
est le produit du bail à cens ou accensement. Le proprit-
taire d'un héritage noble le cède à un tiers en se réservant
la directe et une modique redevance perpétuelle appelée
cens. Le censitaire ou tenancier s'oblige à lui payer chaque
année cette redevance en reconnaissance de sa seigneurie.
Terre noble, fief ou alleu, réserve de la directe, cens
récognitif, voilà les trois éléments substantiels de la cen-
sive. Sans ces conditions, la cession n'était qu'un bail à
rente, et le cédant ne pouvait se qualifier de seigneur- Il
était loisible de stipuler après le cens d’autres prestations
en argent, en grains, en volailles, en corvées, mais le cens
était indispensable, et lui seul caractérisait le lien féodal.
L'héritage s’arroturait par Vaccensement; de là le nom
de roture qui lui était commun avec ceux de censive, c0-
terie, bien colier, mainferme , poté ou bien de poté.
A part ce qui était de l'essence de l’accensement, les
statuts ou les usages qui le régissaient variaient à chaque
( 601 )
pas. Les points sur lesquels ils s’accordaient assez étaient :
La saisine ou Vensaisinement, sorte d'investiture du
censitaire par le seigneur ;
La reconnaissance ou déclaration censuelle qui était à la
censive ce que le dénombrement était au fief;
L’amende ou la saisie pour omission des devoirs du cen-
sitaire;
Les lods et ventes au profit du seigneur, et quelquefois
le retrait censuel.
Du reste, la censive était de libre disposition pour le
tenancier ; cependant il n'aurait pu la bailler à cens pour
être tenue de lui : il n’y avait pas lieu au sous-accensement
seigneurial comme á la sous-inféodation. Enfin, sauf quel-
ques exceptions, elle se partageait sans privilége entre les
enfants
Dans la justice seigneuriale qui va clore cet apercu, il
y a deux choses principales à distinguer : d'un côté, la ju-
ridiction ou l'autorité judiciaire des seigneurs, de l'autre,
les priviléges et les-émoluments de la seigneurie.
e pouvoir de rendre justice, attribut éminent de la sou-
veraineté, n’appartient qu'à elle seule, et ne peut être
exercé légitimement qu’en son nom. La féodalité se l'était
approprié, et chose peut-être sans exemple, elle l'avait
ravalé à la condition des objets qui sont dans le com-
merce , et dont le propriétaire trafique librement.
Ce n’est pas une opinion incontestée, mais c'est une opi-
nion vraisemblable que la justice et le fief ont une origine
Commune. Les concessionnaires des grands fiefs, par leur
émancipation, ont acquis sur les personnes la même auto-
rité que sur les terres de leurs domaines : ils sont devenus
les juges des unes aussi bien que des autres.
Si une puissance justicière eut préexisté, ils Pauraient
( 602 )
absorbée : ils n'auraient pas souffert à leurs côtés un pou-
voir rival, supérieur même sous certains rapports.
La justice étant donc unie à la supériorité territoriale,
elle a suivi le fief dans toutes les sous-inféodations succes-
sives, jusqu’à ce qu’elle en ait été expressément séparée :
c'est ce qui est bientôt arrivé :
Soit dégoût des choses sérieuses, soit incapacité ou dé-
faut de loisir, les seigneurs renoncèrent peu à peu à l'exer-
cice personnel de leur juridiction; ils la détachèrent du
fief, l’inféodèrent ou la vendirent : et pour compenser les
charges d'une acquisition qui n’aurait été qu'onéreuse, ils y
annexèrent des prérogatives et des profits qui bientôt s’ac-
crurent et se transformèrent en droits aux dépens des su-
jets : c’est ainsi qu'on appelait les justiciables.
Cet abus, qui se propagea de bonne heure en plusieurs
contrées, y donna naissance à Paxiome si connu : fief el
Justice n'ont rien de commun. Il y eut, en effet, une infinité
de justices sans fief, et de fiefs sans justice seigneuriale.
Les acquéreurs de la justice la démembrèrent à leur tour
en aliénant une partie des droits qui la constituaient, et à
la longue le droit féodal consacra trois espèces de justice,
à savoir la haute, la moyenne et la basse justice.
Chacune d'elles était administrée par des officiers que le
seigneur nommait et que, en beaucoup d'endroits, il révo-
quait à volonté. Ainsi les justiciables se trouvaient à peu
près à la merci de maîtres qui, sans doute, m'étaient pas
toujours avides et cruels, mais qui, profitant des amendes
et des confiscations, succombaient à la tentation avec d'au-
tant moins de scrupule, qu’ils se croyaient d'une autre na-
ture que les vilains qu’ils exploitaient.
Enfin le XII" et le XIV="* siècle apportèrent un se-
cours eflicace à la population des campagnes : je dis des
Z
UNE ee nn in sn en ee ne A ie ve lion nne id
( 605 )
Campagnes, parce que sur elles principalement s’appesan-
tissait le joug de la justice seigneuriale; les villes s’affran-
chissaient alors de la féodalité, et jouissaient d'une magis-
trature municipale indépendante.
Le pouvoir monarchique, qui s'était raffermi, institua des
corps judiciaires qui jugeaient en son nom; il ouvrit de-
vant eux l’appel de certaines sentences rendues par les
juges des seigneurs et leur réserva exclusivement la con-
naissance d'affaires graves que l'on désigna sous le nom
de cas royaux. Cette innovation, qui triompha de la résis-
lance des seigneurs, enleva à leurs attributions juridiction-
nelles une partie de leur importance. ;
Ces attributions fort étendues embrassaient le civil et
le criminel. Le détail du lot de chaque justice ne saurait —
entrer dans cette esquisse : je dirai donc en raccourci que
les matières civiles ressortissaient presque toutes à la jus-
lice moyenne, les affaires criminelles pour la plupart à la
haute justice. |
Des signes extérieurs permanents, des fourches patibu-
laires à deux ou à trois piliers, érigées sur son territoire,
altestaient le pouvoir effrayant du despote local, et la légis-
ation du Hainaut énumère avec une affreuse naïveté les
Supplices horribles dont il était armé. Voici ce texte ré-
igé en 1635 et qu’on croirait l'œuvre des temps les plus
barbares.
« Haute justice et seigneurie s'extend et comprend de
faire emprisonner, piloriser , échaufauder, faire exécution
Par pendre, décapiter, mettre sur roue, bouillir, ardoir,
enfouir, flastrir, exoriller, couper poing, bannir, fustiger,
torturer (4). >
a OE Nn
(1) Chart, génér., chap. CXXX, art. ter.
( 604 )
Les bénéfices attachés à la seigneurie se composaient
de droits honorifiques et de droits utiles ; les premiers con-
sistaient principalement dans la préséance et les honneurs
dont le haut justicier jouissait à l'église et dans les céré-
monies religieuses : par exemple, recevoir avant tous l’eau
bénite et le pain bénit, être encensé d’une façon particu-
lière, avoir dans le chœur un banc fermé et sa sépulture,
marcher immédiatement après le clergé à Poffrande et à la
procession, être recommandé nominativement dans les
prières publiques.
À ces jouissances de la vanité se joignaient des avan-
tages plus solides. Le nombre en était encore grand,
même après que l'autorité suprême fut parvenue à res-
saisir les droits régaliens de faire la guerre, de lever des
impôts, de battre monnaie, de faire grâce, d'anoblir, etc.
Les droits utiles dont la seigneurie avait retenu la pos-
session n'étaient pas les mêmes partout: la différence des
lieux en diversifiait la mesure et l'exercice; mais , à l'ex-
ception du droit de mainmorte ou de meilleur catel, qui
consistait à prendre le meilleur meuble d’un défunt, droit
dont l'usage était rare, on reconnaissait assez généralement
à la haute justice les prérogatives suivantes :
S'attribuer, en vertu des droits d'aubaine, de bâtardise
el de déshérence, la succession de l'étranger, de l'enfant
naturel sans postérité et de toute personne sans héritier
qui décédaient dans les limites de sa juridiction ;
S'appliquer le profit des amendes et des confiscations
prononcées contre ses sujets;
S'approprier les épaves, les biens vacants, les objets
naufragés, eten partie le trésor trouvés dans son territoire ;
Disposer de certaines mines et des carrières renfermées
dans la terre;
( 605 )
Jouir de la pêche et de la chasse dans toute l'étendue de
la justice; avoir des garennes ouvertes et des colombiers
à pied et à boulins;
Se dire propriétaire des chemins et des arbres qui y sont
plantés ;
Publier des bans et des ordonnances de police ;
Soumettre les sujets à la corvée;
Les obliger à ne faire usage que des usines banales ex-
ploitées au profit du seigneur, comme moulins, fours,
pressoirs, forges, brasseries;
Établir sur la circulation des personnes et des marchan-
dises, tant par terre que par eau, et sur le débit des den-
rées une foule de péages vexatoires, tels que passage,
chausséage, pontonnage , tonlieu, winage, gambage, affo-
rage, hallage, étalage.
Ce n’est pas tout : il est encore d'autres droits, si on
peut les appeler ainsi; mais leur nom seul révolte Phon-
néteté; d’ailleurs, depuis longtemps les seigneurs mêmes
n'osaient plus y prétendre, et je m’arrête.
A la vue de ce tableau du privilége, on peut ne pas
S'étonner que des seigneurs qui en savouraient les délices
aient dit naivement avec le comte de Boulainvilliers :
« Rien n'est si beau que l’ordre des fiefs, ni rien de plus
Commode (1)! » On comprend encore que, s’imaginant avec
lui tenir leur supériorité « de la grâce de Dieu et de Pordre
de la nature (2), » quelques esprits étroits ou égoïstes ne
comprennent pas la loi de l'égalité et ne la supportent
qu'avec impatience et amertume; mais on aurait peine à le
(1) Hist. de Panc. gouv. de France, t. Ier, p. 108.
(2) Ibid., t. II, p. 129,
2* SÉRIE, TOME XXIX. 59
( 606 >
croire, si la preuve n’était sous les yeux, que ce soit la
féodalité qui se plaigne , que ce soit elle qui se représente
comme une victime , qu’elle ose renvoyer à la civilisation
les reproches d'iniquité, de spoliation, de tyrannie. Voilà
cependant ce qu’elle a fait, même de notre temps.
Écoutez comment un écrivain mort en 1838, le comte
de Montlosier, exhale ses regrets el ses récriminations.
« La noblesse avait, dans ses terres, des hommes qui
étaient sous son gouvernement : on les lui enléve. Elle
avait le droit de guerre : on le lui ôte. Elle avait le droit
d'impôt : on Pabolit, Elle avait l'usage de s'assembler dans
des fêtes guerrières : on les supprime. Elle faisait elle-
même le service de ses fiefs : on Ven dispense. Elle avait
le droit de battre monnaie : on s'en empare. Elle avait le
droit d'être jugée par ses pairs : on l'envoie à des commis-
sions de roturiers. Elle mettait une grande importance á
ne point payer de tributs : on Pimpose. Enfin, après lui
avoir fait subir toutes les injustices, toutes les tyrannics,
toutes les spoliations, on imagine, pour couronner toutes
ces manceuvres, de la présenter elle-méme comme cou-
pable de tyrannie et de spoliations. Tel est le système qui
est poursuivi pendant trois siècles (1). »
C’est bien lá le langage de ces preux de l’ancien régime,
dont on disait en France, trente ans après la révolution de
89: « Ils n'ont rien appris, rien oublié. »
Après cette exeursion dans un triste passé, comme le
voyageur qui revoit sa riante patrie au retour d'une con-
trée sauvage et désolée, reposons nos yeux sur ce qui nous
environne, et jouissons de la métamorphose. Ah! sans
Ke na
(1) De la monarchie francaise, t. Ter, p. 181.
(607 )
doute, il s’en faut que tout soit parfait dans le présent,
mais le temps marche, la'société est en travail, que la sa-
gesse la guide et Pavenir est á nous.
Les vifs applaudissements de Passemblée ont accueilli
celte intéressante lecture.
— La parole a ensuite été accordée à M. H. Conscience,
pour le second sujet du programme.
Voici son travail :
De Kerels van Vlaanderen.
Wanneer men in onze Geschiedenis den oorsprong der
Gemeenten opzoekt en de redenen hunner latere ontwik-
keling poogt te doorgronden, is men telkens belemmerd
door de weinige gelijkenis, welke deze instellingen in
België, en vooral in Vlaanderen, met de gemeentelijke
inrichtingen der naburige Landen aanbieden.
Vele oud-Germaansche volksrechten, die elders door de
Gallo-Frankische terugwerking waren versmacht en ver-
nietigd geworden, hebben in onze geschrevene wetten
voortgeleefd en zijn in volle kracht gebleven, tot bij de
groote Fransche omwenteling van 1789.
Hoe het komt dat wij, bij uitzondering, zoo lang het
genot van vele Germaansche vrijheden hebben behouden,
is nu verklaard door de ontdekking der wetten, gebruiken
en daden van eenen bijzonderen Vlaamschen volksstam,
die gedurende negen eeuwen, met hardnekkigheid en met
wonderbaren heldenmoed, dit voorvaderlijk recht heeft
verdedigd, — namelijk de Kerels van Vlaanderen.
Wie tot de bronnen der Geschiedenis is doorgedrongen,
( 608 )
om de waarheid te zoeken, weet hoe gemakkelijk het
vroeger der overwinnende gezindheden was, de nagedach-
tenis hunner vijanden of slachtoffers te verduisteren of
geheel uit te dooven.
Hebben wij niet tot op onze dagen moeten wachten, om
in den wijzen man van Gent, in Jacob van Artevelde iets
anders te zien dan een oproerige brouwer en overmoedige
volksverleider (1)? Worstelt de nagedachtenis van den
Brusselschen martelaar Anneessens niet immer nog tegen
miskenning, twijfel of kleinachting ?
Hoe het zij, van de Kerels was ons geen ander aan-
denken overgebleven dan het woord zelf, dat heden nog
in den mond des volks de beteekenis heeft van eenen
sterken, moedigen man. Men zegt nog een struische kerel,
een knappe kerel, een felle kerel (2).
Maar dat dit woord de geslachtsnaam was van een aan-
zienlijk gedeelte der bewoners van Vlaanderen, zulks ver-
moedde men nict.
De eerste lichtstraal desaangaande schijnt opgegaan te
zijn uit eene Latijusche kroniek, geschreven omtrent het
jaar 1200, door Lambertus, pastoor te Ardres, in F ranscli-
Vlaanderen.
Deze zegt :
« In dien tijd woonde er in het graafschap Gwynen,
eene soort van lieden, gewapend met kolven (knodsen ),
HAT OT SE IA
la soif de Por
as-
(1) « C'est un tyran qui, pour satisfaire de viles passions, ri
et la haing contre tout ce qui est noble, s'entoure de brigands is do
sins, et ne se plaît qu'au milieu du pillage et des massacres. > Tel est, E
résumé, le jugement porté pendant des siècles sur Jacques van Ame
Jacques van Artevelde, par P.-A. Lentz, professeur à Puniversile Ge
Gand, pp. 5 et 4
(2) Kerel, dicitur de viro egregio et forti. Vredius, Fi. chr. 694.
(609 )
die men Colvekerlos noemde, naar dit woord Colf, dat in de
taal des lands knods (massue) beteekend. Zij waren , on-
rechtvaardig en ten ongelukke, door de heeren van Hammes
onderjukt en in dienstbaarheid gehouden, enz. (1). >
In den Reínaart de Vos, uitgegeven door J.-F. Willems,
vindt men in de varianten, wijzende ontwijfelbaar op een
onder handschrift, dus van de Kerels gewag gemaakt, als
van trotsche lieden die de velden bewonen :
Bladz. 25. Een kerel , hiet Lanfreit , woent hier bi.
Bladz. 54. Mer L antfreit maecte [meeste crachte,
¡was die edelste van geboorte.
Bladz. ze Vuul kerel Lantfreit , sprac hi.
Bladz. 7 Of hi La aritfreits honich at.
Ende die keerle hem lachter deden.
In het jaar 1847 heeft men een zeer oud lied ontdekt en
uitgegeven , dat oogschijnlijk in voorleden eeuwen uit den
mond des volks is opgenomen geworden. Het is een spot-
lied tegen de Kerels en een strijdzang hunner vijanden, de
ridders of leenheeren.
In dit kostbaar lied, te lang om hier geheel te worden
ingelascht, zijn vele trekken van den eigen aard en de
zeden der Kerels bewaard.
Lie hier de eerste en de laatste strofen ervan :
Wi willen van den hee singhen :
Si zijn van quader
Si willen die as al
Si draghen enen langen baert.
Haer cleedren die sijn al ontnaijt ;
Een hoedekin up haer booft gecapt,
(1) Lamberti Ardensis ecclesiae presbyterì chronicon Ghisnense et
Ardense, etc., uitgegeven door le marquis Godefroy de Menilglaise.
Cap. XXXVI, d Colvekerlis, p. 87.
(610)
t Caproen staet al verdrayt,
Haer cousen en haer scoen gelapt
Wronglen ende wy; broot ende caes,
Dat eet hi al den dach;
Daer om is de kerel so daes
Hi etes meer dan hi mach.
Wi willen de kerels doen greinsen,
Al dravende over °t velt
Hets al quaet pen si Hs
le weetse wel bes
Men salse slepen pa hanghen ,
Haert baert es al te sed ;
Sine connens niet ontganghe
Sine doghen niet hera die (1)
In de kronijk van Vlaanderen, op last der Vlaamsche
Bibliophilen door Serrure en Blommaert in 1859 uitge-
geven (D. J, bladz. 159), vinden wij het woord Kerels eene
enkele maal, namelijk waar zij den Franschen veldheer,
Robert d'Artois, voor den slag der Gulden sporen, deze
woorden, doelende op de Vlamingen, in den mond legt :
« Ic duchte dat deze rustiers (rustres) ende KIERRELS
bliven sullen alle voor onze voetganghers ende schutters. »
In eene oorkonde van 1250, vindt men, onder den naam
van Kerlistok, melding gemaakt van zeker recht dat de
Kerels te betalen hadden (2).
Door deze weinige inlichtingen PA heeft de heer
Kervyn de Lettenhoven de wetten, zeden en daden der
Vlaamsche Kerels schier volledig uit den nacht der tijden
(1) Men vindt dit lied in as geheel, onder andere in de Nederlandsche
Dichterhalle van J.-F. Heremans, r 37, en in de Nederlandsche Geschied-
zangen van Dr J. van Vloten, p. 34
(2) Zie O traduit a A.-E. Gheldolf, t. IL, pièces justifica-
tives, p.
( 611 )
opgegraven. In zijne gewetensvolle Geschiedenis van Vlaan-
deren, heeft hij dit vrijheidlievend geslacht de gewichtige
rol toegekend welke het heeft vervuld, en den invloed
aengewezen dien het op de lotbestemming onzes vader-
lands heeft uitgeoefend (1).
Sedert dan hebben de leden van het Comité des Fla-
mands de France menige nieuwe inlichting betrekkelijk de
Kerels aan den dag gebracht (2).
Bij deze aangewonnen ontdekkingen de weinige vruch-
ten van eigene navorsching voegende, zullen wij pogen, in
eene korte schets te zeggen, wat de Kerels van Vlaanderen
waren en welke feiten zij in de Geschiedenis onzes lands
hebben daargesteld.
De naam Kerl of Ceorl is een oud Saksisch woord , dat
in de wetten der Angel-Saksen freeman , vrij man , betee-
kent, in tegenoverstelling der dienstbare lieden (serfs).
Ducange, in zijn Glossarium, verklaart het even zoo :
«CrorLus, CEORLMAN, saxonibus rusticus, villanus qui
agriculturam exercet, sed liberae conditionis homo. »
Lappenberg, in zijne Geschiedenis van Engeland, zegt:
« De algemeene naam, waaronder de enkel vrije man in
de vroegere Angel-Saksische wetten wordt aangewezen, is
die van Ceorl (5). »
De Vlaamsche Kerels waren dus van oud-Saksischen oor-
sprong. Zij behoorden tot den zelfden stam als de Saksen,
(t) Histoire de Flandre, Bruxelles, 1847, in het Nederlandsch ver-
laald door Em. Hiel.
(2) Zie onder andere de wijdloopige schets : Les ancétres des Flamands
de France, par Victor Derode, in de Annales des Fl. de Fr., t. VII»
wtr.
(3) Lappenberg, History of England, translated from the German,
by Benjamin Thorpe, vol. 11, p. 319.
(612)
die, vereenigd met de Angelen, Brittanie veroverden en
de oorsprong werden van het Engelsche volk.
Inderdaad, zij bewoonden voornamelijk de zeekust van
Vlaanderen, en deze kust droeg sedert den tijd der Romei-
nen den naam van Littus saxonicum, aangezien dit woord
reeds voorkomt onder keizer doden) in eene oorkonde
van 579.
De stad Boonen (Boulogne-sur-Mer) tot onder welker
muren men vroeger Nederduitsch sprak, lag niet alleen op
de grenzen van het Vlaamsche land; maar, zoo als de La-
tijnen schreven : juxta Gallorum et Saxonum confinia (1).
In alle geval, de Vlaamsche Saksen of Kerels bewoon-
den gansch West-Vlaanderen en een merkelijk gedeelte
van Zeeland.
Hun grondegebied strekte zich uit langs de kust tot bij
Boulogne, en, binnen in het land, over Brugge, Thou-
rout, Rousselare, Kortrijk, Wervick, Belle, Yperen, Po-
peringhe, Veurne, Dixmude, Hazebrouck, Grevelinghe,
Duinkerke en Kales; over de vier Ambachten, met de ste-
den Hulst en Axel, en waarschijnlijk tevens over eenige
streken van Waasland. Dit gedeelte van Vlaanderen noemde
men Kerlingaland (2).
Men mag in eenen meer uitsluitelijken zin, aannemen dat
al de Vlamingen, die heden nog, gi, wi, pine, huus, kruud
uitspreken, instede van gij, wij, pijn, huis, kruid, recht-
streeks van de Kerels afstammen, of ten minste den
neten)
e"
(1) Eene zeehaven niet verre van Boulogne hiet Witzant, naar de
blanke zandduinen, even als eng en in de omstreken van
Boulogne hebben de dorpen nog Vlaa e namen, zoo als Helbedingen,
Leubringhem, Santinghevelt, pe enz.
(2) Ann. des Flam. de Fr., t. VIJL, p. 51.
( 615 ) ,
grond bewonen welke eertijds door de Kerels is bevolkt
geworden.
Wat ons nog aan kennis ontbreekt, om met zekerheid
de wetten en zeden der Kerels te beschrijven, zou men
kunnen volledigen door aanvullingen uit de Angel-Saksische
wetten; maar daarbij mag men niet vergeten, dat de An-
gel-Saksen, na de verovering van Engeland, hun volksrecht
merkelijk hebben moeten wijzigen en inkrimpen, om de
overheid van den koning te versterken, aangezien zij te
voren nooit koningen of waarlijk heerschende hoofden
hadden gekend (1).
De Kerels van Vlaanderen waren allen vrije mannen, en
kenden geene slavernij noch ambtelijke onderschikking.
Wat wij nu eene Gemeente noemen, hiet bij hen eene
Minne, dit is vriendschap (2). Eenige of vele zulker Minnen
vormden een Ambacht.
Tot het beredderen der openbare zaken, kozen zij, bij
algemeene stemming, hunne bestuurders, keurmans of
keurheers. Dezen zaten insgelijks in de Vierschaar en von-
nisten over misdaden en overtredingen.
Telken jare, kwamen de afgevaardigden der Ambachten
te zamen in eenen landraad , welken zij de Hoop noemden,
om over de belangen van Kerlingaland te beraadslagen, en
Vast te stellen welke geldelijke bijdrage elke Minne in den
gemeenen schat zou te storten hebben (5).
a a i
(1) Non enim habent regem antiqui Saxon Beba 1. V. C. II.
(2) « Le mot commune est relativement da cette chose s'appe-
lait : Minne e »
V. Derode, Ann. des F1. de Fr., t. VI, p. 96.
(3) « Le Bois était une assemblée sobsluirés où se discutaient tous les
intérêts politiques de la population flamande maritime.
V. Derode, Ann. des Fl. de Fr., t. Il, p. 113
( 614 )
Deze schat diende niet alleen om het onderhoud der
gemeene wegenissen en waterwerken te bekostigen ; maar
hij was tevens eene kas van verzekering tegen brand en
schipbreuk (1).
De Kerels verbonden zich daarenboven onderling tot ve-
lerlei doel in broederschappen, die zij Gilden noemden,
en zwoeren elkander bij te staan en te helpen met goed en
ed.
Zij huldigden wel den graaf van Vlaanderen als hunnen
wettigen vorst, doch ontzegden hem allen rechtstreekschen
invloed op hunne zaken.
Tollen van doorvaart en invoer, van den aard als dege-
nen die wij nu dowanen, haven- of baanrechten noemen,
betaalden zij gewillig ten voordeele des vorsten; maar van
eene persoonlijke belasting op hunne hoofden, hunne wo-
ningen of hunne akkers, wilden zij niet hooren. Inderdaad,
volgens oud-Germaansch recht, was het betalen van allen
persoonlijken tol een teeken van dienstbaarheid en sla-
vernij.
Moesten zij met de andere gewesten des lands in de
kosten van den oorlog bijdragen, dan stuurde de graaf hun
eene bede toe, en, na beraadslaging, vergunden zij hem
uit den gildeschat eene zekere hoeveelheid marken zil-
vers. — Deze wijze van geldvergunning aan de vorsten is
in meest al de provincien van België in voege gebleven tot |
het einde der verledene eeuw.
De Kerels waren landbouwers, zeevaarders, visschers,
koophandelaars of wevers. Zij woonden niet binnen be-
(1) Carolus Magnus heeft in zijne Capitularien (a° 779, art. XIV) reeds
deze onderlinge verzekeringen verboden. Zie overigens Kervyn de Letten-
hove, Hist. de Fl., 1. Ier, p. 114.
T
(615 )
muurde steden, omdat aldaar de hoogere overheid door
de ambtenaren der vorsten (kasteleins of burggraven)
werd uitgeoefend, en niemand er eene ware onafhankelijk-
-heid genoot (1). |
Zij leefden diensvolgens onder eene soort van grond-
wettelijken regeringsvorm, die steunde op het grondbe-
ginsel van een volledig selfgovernment, en zich kenmerkte
door eenen diepen haat tegen allen schijn van dienstbaar-
heid en eenen ijverigen afkeer van alle centralisatie.
Dat de Saksen wel werkelijk Nederduitsch, dat is te
zeggen Vlaamsch, spraken, is te bewijzen door den afzwe-
ringsvorm, ten jare 743 in de kerkvergadering van Lep-
lines, voor de Saksen opgemaakt, en waarvan een gedeelte
dus luidt :
Ec forsacho diabolae end allum le verzake den duivel en allen
Diabol gelde , end allum diaboles Duivels-gilde en allen duivels
Wercum , Thunder en Woden Werken, Donder en Woden
End Saxen Ote. En Saksen ote (goden ?)
Ec gelobo in Got almechtigan , Ik geloove in God almachtigen ,
Fadaer ‚in Crist, godes suno, Vader in Christ, godes zone,
End in halogan gast. En in heiligen geest (2).
Men dient op te merken, dat indien deze taal van het
hedendaagsch Nederlandsch ten minste in den uiterlijken
Vorm verschilt, dit deels voortspruit uit de wijzigingen
welke alle talen door den loop des tijds ondergaan; maar
EE
š Li
(1) De meeste bijzonderheden over de wetten en zeden der Kerels van
Vlaanderen kan men in de reed Is aangehaalde schets van Victor
Derode vinden (Ann. des Fl. de Fr., t. VIII), De anderen zijn uit de kro-
nieken van Galbert of uit de handelwijze der Kerels zelven opgemaakt.
(2) Zie Histoire des Carolingiens, par L.-A. Warnkoenig el P.-A.-F. Ge-
rard, t, Jer, p. 224.
(616)
bovenal daaruit, dat de opstellers van dit formulier Latijn-
sche letteren bezigden , welke slechts daar of omtrent de
echte klanken der Saksische spraak konden verbeelden.
Zien wij nu ter loops, welke rol deze Kerels van Vlaan-
deren in de Geschiedenis onzes vaderlands hebben ver-
vuld.
Op het einde der 3% eeuw, stelden de Romeinsche
keizers, Diocletiaan en Maximiaan, eenen zekeren Carau-
sius aan, als bevelhebber over de zeemacht in de Noordzee,
om de kusten van het Rijk tegen zeeroovers te bescher-
men. Deze Carausius was een Menapier, dit is een Vla-
ming, en zijne opvolgers voerden den naam van graven
der Saksische kust. Hij maekte zich vrij van zijne onder-
schikking aan het Romeinsche Rijk en veroverde een ge-
deelte van het groote Britsche eiland ( Engeland ).
Lappenberg, in zijne Geschichte von Engeland, zegt
van hem : « Niet min invloed heeft Carausius uitgeoefend
op de latere Germaniseering der Britten door de Saksen.
Hij zelf was Germaan van afkomst en Menapier van ge-
boorte. Indien hij de oorzaak niet was van de nederzetting
der Saksen, zoo wel op de Vlaamsche als op de Britsche
kust, begunstigde hij ze evenwel door zijn bondgenoot-
schap met hen (1). »
Deze Carausius is dus de eerste Kerel van Vlaanderen ,
wiens naam ons door de Geschiedenis wordt gemeld. In
dezen naam ziet de heer Kervyn de Lettenhove zelfs eene
Latijnsche vervorming van het woord Karlos.
In alle geval, van dan af wordt er niet zelden gewag
gemaakt van Saksen die de beide kusten der Noordzee,
(1) Lappenberg, Geschichte von Engeland, t. 1, p. 45. >
SL E E o a PR
A EEE RNEER EES
AREEN TE
E AR
A
( 647 )
E wel in Vlaanderen als in Brittanié bewonen, en van
den zelfden volksstam zijn.
Op het einde der vijfde eeuw , traden vele Germaansche
Stammen , ook de Saksen, onder den algemeenen naam
van Franken, in een verbond om Gallië van de Romeinen
af te winnen. Zij kozen tot opperhertog Clovis (Hlod wich).
Onder hem was een der voornaamste oversten zekere
Ragenher, heirtog van Kamerryk, en ongetwijfeld de ge-
kozen bevelhebber der Kerels van Vlaanderen.
Toen Clovis, na de verovering van Gallië, zich Christen
liet doopen, weigerden Ragenher en de hem onderhoorige
enden, hunne Germaansche goden te verloochenen. Zij
keerden verbitterd terug naar Vlaanderen, en kregen geen
deel van de veroverde wingewesten. Ja, Clovis wreekte
zich later bloedig op Ragenher (1).
Een bewijs, dat deze Ragenher een Kerel ‘was, vindt
men daarin, dat de Kerels van Vlaanderen, langer en
hardnekkiger dan andere Germanen , hun oud geloof zijn
bijgebleven (2), tot zoo verre, dat de heer Kervyn de
ettenhove eenen Kerel aanhaalt, Segher van Ghistel ge-
naamd, die tot omtrent 1096 heiden was gebleven, en
zich Chaton moest laten doopen om aan de Kruisvaart te
kunnen deel nemen. :
Wat dit gevoelen nog meer staaft, is dat men in de
Jaarboeken der Angel-Saksen, dien naem, Raeginheri,
Raeginhere, niet zelden aantreft (5).
(1) Greg. Turon, lib. IL, XVII et XLII
(2) « Les Kerles ne pardonnaient pas aux Franes leur conversion au
Christianisme... Les Saxons étaient des païens invétérés (paganissimi). »
V. Derode, Ann. des Fl. de Fr., t. VIIL, pp.
(5) Zie, odd nabi: Lappenberg , di ini B. Thorpe, t.I,
Pp. 148 ela 287.
(618 >
Bij groote landveroveringen door geweld van wape-
nen, verliezen de overwinnaars zoowel als de overwon-
nenen gewoonlijk hunne vrijheid. De aanvallende oorlog
vereenigt in den overste zooveel macht en maakt de een-
heid van bevel zoo noodzakelijk , dat de dwingelandij der
bevelvoerders en de onderjukking der overwinnende
natie onfeilbaar uit deze noodzakelijkheid worden ge-
boren.
Het ging den Franken zoo in Gallië.
De Vlaamsche Kerels, integendeel, hadden als volks-
stam geen deel aan landveroveringen genomen , en hadden
daarom van hunne persoonlijke vrijheid en van hunne
voorvaderlijke rechten niets verloren.
Maar nu vormden zich van lieverlede, onder de Franken,
instellingen die op geheel andere gronden dan de onaf-
hankelijkheid en de gelijkheid tusschen al de leden der
natie waren gegrond.
Alhoewel de Franken te voren geene koningen hadden
gekend, liet Clovis zich tot koning kroonen,en nam uit de
Gallo-Romeinsche beschaving alles over wat hem de opper-
macht kon verzekeren. Hij en zijne opvolgers hadden de
gronden, die den Romeinen of hunnen aanhangeren toe-
behoorden, aan hunne vrije Weermannen uitgedeeld;
maar dewijl deze uitdeeling willekeurig was geschied,
ontstond daaruit eene groote ongelijkheid tusschen de
Franken zelven. Langdurige twisten en bloedige geweld-
daden dwongen de zwaksten der vrije mannen, zich onder
de bescherming der machtigen te stellen; en dezen er-
kenden op hunne beurt als beschermheer, eenen nog
machtigere of den vorst zelven.
Daaruit ontsproot de staatsinrichting, welke men feo-
_daliteit of leenroerig stelsel noemt, en die, waar zij tot hare
E
|
(619 )
volmaking geraakte, alle menschen aan andere menschen
onderschikte, zoowel voor hun lijf als voor hun goed.
In dit stelsel was, buiten eenige grooten, die zich edel of
ridder begonnen te noemen, gansch het volk diensthaar
(dat is slaaf, geheel of gedeeltelijk) ten minste aan de
roon.
De burgers der steden genoten slechts eene zeer be-
perkte, en, in alle geval, vergunde en weder ontneem-
bare vrijheid.
Het leenroerig stelsel heeft in Carolus Magnus eenen
machtigen beschermer gevonden ; en wij zien uit zijne Capi-
tularien, dat hij, in de eerste jaren der IX“ eeuw, zich veel
moeite gaf om de Kerels van Vlaanderen tot het afstaan
Van hun volksrecht te dwingen. Zoo spreekt hij zware
Straffen uit tegen de Kerels (hij zegt dienstbare lieden )
Van Vlaanderen en andere gewesten bij de zeekust, die
tich verstouten tegen zijn verbod broederschappen en gil-
den te maken (1); maar dat de Groote Karel hierin zijn
doel niet heeft bereikt, zullen de latere gebeurtenissen
Onwedersprekelijk bewijzen.
In alle geval, het leenroerig stelsel had zich, bij het
einde der X% eeuw, over Europa uitgespreid. Hoe zouden
hu de vrije mannen van Vlaanderen, alleen nog in het
volle bezit van het oud-Germaansch recht, langer weêr-
Stand kunnen bieden aan den drang der feodaliteit, die als
tene opkomende zee de gansche wereld dreigde te over-
Slroomen ?
De eerste maal dat wij de Vlaamsche Kerels in eenen
EN NAA
(1) «De conjurationibus servorum quae fiunt in Flandris, rss et
in caeteris maritimis locis, etc. » Capit. Regum Franc, t.1, p.7
( 620 )
oorlog gewikkeld zien, om zich tegen het leenheerschap te
verdedigen, is in 1070, onder de gravin Richilde.
isoho Ardensis zegt van haar :
« Richilde wilde de Vlamingen zekere ongewone en où-
rechvaardige belasting opdringen, waarvan nooit te voren
sprake was geweest; want van elk bais en bed eischte zij
vier deniers (1). »
Onderwierpen de andere bewoners van Vlaanderen zich
aan deze belasting, de Kerels konden het niet, zonder, vol-
gens hunne gedachten, ter zelfder tijd hunne hoedanigheid
van vrijgeborenen te verliezen.
Ook kwamen zij in opstand. De gravin riep de leenhee-
ren tot hare hulp; de Kerels van Veurne, Ysendyke, Oost-
burg, Aldenburg, Brugge, Sint-Omaers, enz., stelden Ro-
brecht-de-Vries aan hun hoofd, en overwonnen, niet alleen
de gravin, maar zelfs het leger van den koning van Frank-
rijk, in 1071, aan den voet van Casselberg (2).
Robrecht-de-Vries, graaf van Vlaanderen geworden door
de Kerels, bleef hun beschermer; maar na zijne dood span-
den zijne opvolgers op nieuw herhaalde pogingen in, om
de Kerels de algemeene onderschikking van het leenheer-
schap op te dringen. Dit geschiedde onder driederlei vor-
men : 1° Men kondigde edikten af, waarbij het allen onedel
geboren man verboden was, in tijd van vrede, wapens le
dragen; 2° men wilde de Kerels persoonlijke belastingen
doen betalen ; 5° men wilde ze mannen der kroon verkla-
ren, dit is den graaf dienstbaar, ten zij ze reeds eenen leen-
heer als meester erkenden, ingevolge de feodale spreuk :
geen grond zonder heer.
(1) Lamb. Ard., Chronicon. Ghisnense, etc., cap. XXVII.
på Zie daarover Kervyn de Lettenhove, Histoire de Flandre, t. 1%,
2
pp. 2
(621 > ;
Ondanks al de aanvechtingen hunner vijanden, hadden de
Kerels evenwel tot het jaar 1119 hunne oud-Germaansche
instellingen behouden; maar nu werd Karel van Dene-
marken graaf van Vlaanderen.
De meeste Kerels hielden het met zijnen tegenstrever,
Willem van Loo, burggraaf van Yperen, naderen afstam-
meling der Vlaamsche graven, en wiens moeder eene Ker-
linne was (1).
Willem van Loo werd overwonnen, en verzaakte, voor
alsdan ten minste, zijne aanspraak op de kroon.
Graaf Karel, bijgenaamd de Goede, schijnt het met zijne
Vlaamsche onderdanen wel gemeend te hebben ; doch, ge-
Woon aan het hof der Fransche koningen te verkeeren, en
diep doordrongen van de feodale grondbeginsels, kon hij
het gewis niet als wettelijk of verdragelijk achten, dat een
gansch volk van landbouwers en arbeidende lieden, als
vrije mannen, de zelfde rechten beweerde te bezitten als
de ridders en edelgeborene heeren.
Hij begon met zekere voorzichtigheid, doch ruca
eenige pogingen te beproeven, om de Kerels de leenheer-
schappelijke onderschikking te doen aanvaarden ; doch
door zijne raadsheeren, vooral door zekeren Tancmar van
Straten aangespoord, wilde hij eindelijk het machtigste
maagschap der Kerels dwingen, zich dienstbaar aan de
kroon, dit is slaaf (serf) van het grafelijk domein te er-
kennén.
Eenige Kerels, van het bedreigde geslacht, benamen
nnen
1) Deze Willem van Loo was kleinzoon van Robrecht-de-Vries door
Philips; Karel van Denemarken was dit slechts door Adela. Zie overigens
den volledigen geslachtsboom in Vie de Charles le Bon, parle Dr Wegner,
traduit du Danois par un bollandiste,
2% SÉRIE, TOME XXIX. 40
( 622 )
hem daarom verraderlijk het leven, terwijl hij in Sint-
Donaaskerk, te Brugge, zat te bidden.
Tot nu toe hebben, buiten den heer Kervyn de Letten-
hove, de geschiedschrijvers de moord van graaf Karel ten
laste gelegd van zekere graanopkoopers, die zich wilden
wreken omdat hij hen gedwongen had, het opgekochte
graan tegen verminderden prijs aan het hongerige volk af
te staan.
Daarvan is volstrekt niets.
Er bestaat eene Latijnsche kroniek van zekeren Gal-
bertus, die op den dag der moord van Karel-de-Goede in
de Burg van Brugge tegenwoordig was, en de voorvallen,
welke er op volgden, heeft bijgewoond.
Deze Galbertus zegt van zich zelven : « Te midden der
gevaren van zoo vele nachten en de gevechten van Z00
vele dagen, ik, Galbertus, beroofd van het middel om te.
schrijven, heb op mijne tabletten de voornaamste dingen
aangeteekend, in afwachting dat ik het verhaal, dat ik
nu doe, in orde kon brengen volgens de gebeurtenis-
sen (1). »
In de kroniek van Galbertus is er geene spraak van
graanopkooperij of van iets dergelijks. Volgens hem is
Karel van Denemarken wel degelijk vermoord geworden
door lieden die beweerden vrij te zijn geboren, en welke
de vorst wilde dwingen zich dienstbaar te erkennen, diens-
volgens door Kerels.
Na van den stamvader der moordenaars gezegd te heb-
(1) Vita beati Caroli boni ar eash iae martyris, auctore Gal-
berto, notario Brugensis (Act. SS., 79).
bben de Fransche ida nos welke Guizot ervan geeft
in de Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, 1. V 111. De
aanhaling bevindt zich daar op bladz. 305.
( 625 )
ben : « miles Erembaldus de Furnis natus, » legt hij Ber-
tulf, oom van den moordenaar, de volgende woorden in
den mond :
= < De graaf wil mij met mijn gansch maagschap in
dienstbaarheid leggen, bij de oude lieden inlichtingen
nemende, om te weten of wij zijne slaven (serfs) zijn;
maer hij hoeke zoolang hij wil, wij zijn vrij en zullen het
altijd blijven : er is geen mensch op aarde die ons dienst-
baar kan maken (1)! »
Vele andere bewijzen nog behelst de kroniek van Gal-
bertus, doch deze hier aan te halen, ware overbodig.
Karel van Denemarken is wel zeker het slachtoffer ge-
worden van lieden wier persoonlijke vrijheid men wilde
vernietigen; en buiten de Edelen en Kerels, bezaten als-
dan geene anderen zulke vrijheid.
In alle geval verwekte deze wreede moord in gansch
Vlaanderen eenen kreet van verontwaardiging en wraak-
zucht.
De ridders namen deze gelegenheid te baat om hunnen
haat tegen de Kerels den teugel te vieren; en , onder voor-
wendsel dat allen medeverantwoordelijk of medeplichtig
aan de misdaad waren, deden zij geheel het land tegen
hen opstaan, zwerende in hun gemoed dat schuldigen en
onschuldigen voor de ijselijke euveldaad zouden boeten.
Een machtig leger trok op tegen Brugge, waar binnen
de Erembalds zich hadden versterkt. Verraden en over-
vallen, vloden zij met eenige honderde Kerels op de Burg,
en daar boden zij zulken onversaagden en langdurigen
tegenstand , dat zij hunne vijanden zelven tot bewonde-
ring dwongen.
mn nn Ee
(1) Galbertus, p. 253.
( 624 >
Toen zij reeds gedurende drie weken als ware leeuwen
zich haddén verdedigd, en herhaalde bestormingen hadden
afgeslagen, kwam de koning van Frankrijk in persoon naar
Brugge, aan het hoofd van een ongewoon machtig leger,
om den moord van zijnen bloedverwant Karel te wreken.
De Kerels worstelden met de woede der wanhoop tegen
deze ontzaggelijke heirkracht; zij verloren opvolgend, en
telkens na bloedige gevechten, de buitenmuren, het pa-
leis des graven, het klooster en de kerk van S'-Donaas,
gebouwen die binnen de Burg besloten waren.
Eindelijk door deze immer vernieuwde aenvallen bijna
gansch weggesmolten , werden zij op S'-Donaas toren g€-
dreven, van welks gaanderijen zij hunne vijanden met
allerlei werptuigen , ja, met stukken der verbrijzelde klok-
ken poogden te verpletteren.
De koning van Frankrijk, over zulken hardnekkigen
wederstand verbolgen, deed den toren ondermijnen. Slechts
toen deze begon te waggelen en dreigde omverre te stor-
ten, boden de Kerels aan, zich over te geven, op voor-
waarde dat men hen door rechters zou doen onderhooren,
en degenen die niet medeplichtig aan den moord waren,
zou toelaten hunne onschuld de bewijzen.
Dit hun toegestaan zijnde, kwamen zij met vertrouwen
van den toren, en werden naar de gevangenis geleid.
Van eenige honderde Kerels, die de verdediging der
Burg hadden begonnen, bleven er nog slechts acht-en-
twintig over!
Gedurende veertig dagen hadden zij wederstand ge-
boden aan de vereenigde heirkrachten van Frankrijk en
van Vlaanderen...
In stede van ze te vonnissen, zooals men hun had be-
loofd, bracht men ze, eenige dagen later, een voor een Op
nes ke
En A E E i
A
:
A
( 625 )
den toren en smeet ze van boven neder op de steenen van
het plein der Burg.
Na deze bloedige strafpleging trok het Fransche leger
naar Yperen, waar de Kerels, onder bevel van Willem …
van Loo, zich hadden versterkt.
Ten ievalpe der moord des graven onderling verdeeld,
en verraden door eenige poorters van Yperen, konden de
Kerels niet lang weêrstand bieden , en ondergingen eene
beslissende nederlaag (1).
De tot dan onplooibare Vlaamsche Saksen waren nu
geheel ter nedergedrukt; hunne natuurlijke oversten,
hunne machtigste beschermers, de Erembalds, had men
uitgeroeid, onder het valsche voorwendsel dat zij allen
medeplichtig aan den moord van graaf Karel waren.
« Men heeft hunne verrechtvaardiging belet » zegt de
geleerde abbé Carton « door hen uit te roeien, en deze
baan is de zekerste om gelijk te halen, want de dooden
spreken niet. Toen zij nog leefden, heeft men hen niet
willen onderhooren; zij vroegen rechters en men gaf hun
ulen (2). »
De koning van Frankrijk, als hadde hij Vlaanderen
zelven veroverd, drong de Vlamingen eenen Franschen
vorst, Willem van Normandië, tot graaf op.
De ridders mochten tevreden zijn. Nu heerschte over
Vlaanderen een graaf, gansch doordrongen van Gallo-Fran-
kische gedachten, en diensvolgens vijand der volksvrij-
eden.
tn à
(1) Zie het omstandig verhaal van den moord des graven, van de bele-
Sering der Burg en van de nederlaag der Kerels van Yperen, in de reeds
Semelde kroniek van Galbertus, Vita Caroli Boni, etc. |
(2) Abbé Carton, Bertulf et sa famille, ANN. DE LA SOC. D'ÉMULATION
DE Bruces, t. Ier, 2e série, p. 305.
( 626 >
Willem van Normandië achtte zich welhaast sterk ge-
noeg, om het land geheel volgens zijnen willekeur te
bestieren. Den eed verbrekende dien hij plechtiglijk had
gezworen , eischte hij, gaansch Vlaanderen door, druk-
kender belastingen dan men er ooit had betaald.
De steden, door de inwoners van Gent tot wederstand
aangevuurd , spanden te zamen en riepen Diederik-van-
den-Elzas tot graaf van Vlaanderen uit.
Een bloedige oorlog nam aanvang, en duurde met vele
wisselvallige kansen voort, tot dat Willem van Normandië,
bij het beleg van Aalst door eenen burger gewond, het
leven verloor.
Diederik bestierde Vlaanderen gedurende vijftig jaren.
Hij was een beschermer der volksvrijheden , liet de Kerels
hun oud-Germaansch recht behouden, en gaf aan vele
steden en gemeenten van Vlaanderen hunne eerste geschre-
vene voorrechten of keuren. À
Hier dient in het voorbijgaan iets opgemerkt te worden,
dat de nagedachtenis der Kerels den Vlamingen dierbaar
moet maken. Het zijn de Kerels die allereerst geeischt
hebben dat de keuren en staatsschriften, hun betrekkelijk,
in de moedertaal, dit is te zeggen, in het Vlaamsch, wierden
opgesteld (1).
Bij het begin der XIII° eeuw, stond het grooste gedeelte
van Kerlingaland onder de overheid der gravin Machteld,
wie men dit gewest als bijleving of duwarie had toegekend.
Zij wilde de Kerels de betaling van een persoonlijk hoofd-
rt mt
(1) « Le triomphe des Kerles dans la lutte prolongée, ce fut de faire
admettre le Flamand dans les chartes publiques. » Victor Derode, Annales
_des Flamands de France, t. VIII, p. 69.
p
( 627 )
geld opdringen. Om aan dit teeken der en te ontsnap-
pen kwamen de Kerels in opstand.
De gravin rukte aan het hoofd van cen loges ridders en
wapenknechten in Veurne-Ambacht ; maar hare heirkracht
werd geheel verslagen , en zij zelve moest haar heil in de
vlucht zoeken (1).
at de Kerels, in 1502, met machte tegenwoordig
waren in den roemrijken slag der Gulden sporen, kan
men daaruit opmaken, dat in eene oude kroniek, op last
der Vlaamsche Bibliophilen uitgegeven door Blommaert
en Serrure, Robert d'Artois, Fransche veldheer, al de Vla-
mingen voor Kortrijk Kerels noemt.
Twintig jaren na den slag der Gulden sporen, schonk
de graaf van Vlaanderen de heerlijkheid of bailjuwschap
van Sluis aan zijnen oom, Jan van Namen.
Deze vorst wilde hooge tolrechten van doorvaart in zijne
heerlijkheid heffen; en dewijl Sluis de zeehaven van Brugge
was, zou daardoor de koophandel dezer stad aanzienlijk
worden gestremd of geheel vernietigd.
De Bruggelingen, in groote verlegenheid, riepen de
Kerels tot hunne hulp (2); en, met hen vereenigd, over-
rompelden zij Sluis en namen Jan van Namen gevangen.
Daaruit ontstond een lange oorlog tegen den graaf van
Vlaanderen. Deze werd eindelijk door de inwoners van
Kortrijk in de handen der Kerels geleverd en als gevangen
naar Brugge gevoerd.
Na lang in hechtenis te zijn gebleven, aanvaardde de
(1) Lamb. Ard., Chronicon, cap. CLI. i
(2) « De sorte qu’en peu de temps se joindirent ausdicts de Bruges et
du Franc, les villes de Nieuport, Furnes, Berghes, Dunkerke, Cassel et
tout le Westquartier, »
Oudegherst, Ann. de FL, t. I, p. 595.
( 628 >
graaf al de voorwaarden, welke de Bruggelingen van hem
eischten en hij werd daarop in vrijheid gelaten.
Hij begaf zich naar Frankrijk en smeekte-de hulp des
konings af, om zich op de wederspannige Kerels te wreken.
De koning vergaderde een ongemeen machtig leger , en
zakte met het gansche ridderschap van Frankrijk en Vlaan-
deren naar Kerlingaland af, tot voor den Casselberg, waar
hij wist dat de Kerels, volgens hunne gewoonte, zich had-
den nedergeslagen en versterkt.
Door de heldhaftige- bevelhebbers Niklaas Zannekin en
Segher Janssone aangevoerd , besloten de Kerels tot eenen
hardnekkigen wederstand. Wel verre van bij het gezicht
zulker ontzaggelijke heirkracht te versagen , waren zij nog
stout genoeg, om den Franschen koning door spottende
woorden uit le dagen (1).
De veldslag die hier werd geleverd, was voor de Kerels
noodlottig. Wel vochten zij als woedende leeuwen en
deden zij, in den eerste , door hunne wonderlijke dapper-
heid de kansen wankelen; maar eindelijk bezweken zij
onder des vijands overmacht. Meer dan dertien duizend
lijken overdekten het slagveld, en getuigden door hun
verbazend getal, met welke hardnekkigheid de Kerels
hadden gestreden (2).
(1) Zij staken geschilderde hanen uit met dit opschrift :
Quand ce cocq icy chantera
Le roy trouvé ey entrera.
Oudegherst, p. 416.
(2) Et en laquelle bataille lesdicts Flamans rebelles se portèrent sy vail-
lamment qu'ils faysoyent plusieurs fois doubter leurs ennemys de l'évè-
nement de la bataille. Les Flamans laissant la plaine couverte de plus de
treize mille de leurs compagnons, quy lors finirent misérablement leurs
jours.
Oudegherst, pp. 417 et 418.
A
A
( 629 )
Deze bloedige nederlaag moet hen voor langen tijd on-
machtig gemaakt hebben om nog op te staan tegen dege-
nen, die immer voortijverden om de laatste sporen van het
oud-Germaansch volksrecht in Vlaanderen te vernietigen.
Maar andere verdedigers had de vrijheid gevonden in
de groote steden des lands, welke door de nijverheid hun-
ner bewoners eenen hoogen trap van voorspoed en rijkdom
hadden bereikt.
Elkeen in ons land kent nu de geschiedenis van Jacob
van Artevelde, en weet hoe de Vlaamsche gemeenten,
onder zijne leiding, gansch Europa verwonderden door de
ontwikkeling eener tot dan ongekende volksmacht.
Het lag evenwel in het lot der wereld , dat de volkeren
van Europa nog diep en langdurig moesten verdrukt wor-
den, vooraleer de verlorene vrijheid der vaderen gedeel-
telijk te herwinnen.
Toen Philips van Artevelde, Jacobs zoon, in 1582, op
het slachtveld van Roosebeke met meer dan 20,000 Vla-
mingen sneuvelde, verduisterde de zon der onafhankelijke
gemeenten, en de eeuwenheugende worsteling was ten
einde, hoe zeer ook vruchtelooze pogingen nog van tijd tot
tijd kwamen bewijzen, dat Vlaanderen het juk met onge-
duld en geheime woede droeg.
In het midden der XIV° eeuw verviel, door een huwe-
lijk, de kroon van Vlaanderen aan de hertogen van Bour-
gonje.
Van dit oogenblik af werd door deze trotsche vorsten,
Ons geheel vreemd van afkomst en zeden, eenen openlijken
strijd gevoerd tegen de rechten, de taal en de gebruiken
des volks in Vlaanderen.
De gemeenten vergoten nog hun bloed in eervolle po-
Singen, om zich uit de verdrukking los te woelen; doch
( 650 )
het lot had beslist : de vorstelijke macht zou voortaan
geene andere wet dan den willekeur erkennen, en de
staatsreden zou zelfs het aangeboren menschelijk recht
verzwelgen.
Nog eens liepen de Kerels te“wapen, in het jaar 1427.
De hertog Philips van Bourgonje, ongetwijfeld spot-
tender wijze bijgenaamd de Goede, wilde de bewoners der
Ambachten nieuwe wetten opdringen, die geheel in strijd
waren met hunne oude rechten.
- Na eenige vruchtelooze pogingen tot overeenkomst, be-
sloten de Kerels uit twee-en-vijftig dorpen tot den opstand,
en brachten meer dan 8,000 man ten velde, onder bevel
van Hanne Mettenbaerde (Jan met den baard ) en Arnold
Kieken.
De hertog zond 5,000 wel afgerichte krijgsknechten
tegen hen af; doch zij sloegen dit kleine leger op de vlucht
en veroverden de stad Cassel en het sterke slot Reneschure.
Over deze nederlaag zijner lieden verbolgen, bracht de
machtige hertog zulk ontzaglijk leger te zamen, dat de
Kerels, overtuigd dat zij nutteloos zouden pogen weêr-
stand te bieden, zich onderwierpen en de nieuwe wetten
uit de handen des vorsten ontvingen (1).
Na dit tijdstip gewaagt de Geschiedenis niet meer van
gebeurtenissen, waarin de Kerels eene bijzondere rol
vervullen. Wel blijven de Ambachten bestaan, wel be-
houden de Kerels der omstreken van Brugge een eigen
bestuur ; maar de weinige rechten welke zij tot het einde
der vorige eeuw genieten, zijn hun door den vorst toege-
(1) Zie het omstandig verhaal van deze laatste poging der Kerels, door
A. Desplanque, in de Annales des Flamands de France, t. VIN, p. 218.
( 651 )
staan en, volgens zijnen willekeur , ingekort en gewijzigd.
Zie daar, in het korte, de gansche Geschiedenis der
Vlaamsche Kerels, martelaars der persoonlijke vrijheid en
der gelijkheid van al de leden der natie.
In hen ligt de eerste oorsprong van onzen eigen volks-
aard : van onzen haat-tegen allen dwang, van ons taai
geduld, van onzen eerbied voor de erfenis van het voor-
geslacht, van onze liefde tot vaderland en moedertaal.
De vijanden van het volksrecht hebben, gedurende
eeuwen, al hunne pogingen vereenigd, om het nakome-
lingschap den voorvaderlijken heldenmoed en de voorva-
derlijke vrijheidszucht te doen vergeten. Zoo insgelijks
hebben zij de nagedachtenis der Kerels van Vlaanderen
slechts vermomd of bevlekt tot ons laten komen.
Maar wij, Vlamingen, die nu ijveren om den roem der
vaderen weder uit de verdonkerde kronieken op te graven,
zouden wij niet met eerbied en dankbaarheid de kloeke
mannen van Vlaanderen gedenken „wier bloed, zoo over-
vloedig en eeuwen lang, heeft gestroomd voor ’s volks
ontslaving en voor ’s lands onafhankelijkheid?
Zijn wij niet de zonen, de rechtstreeksche erfgenamen
dier taaie Kerels van Vlaanderen? en strijden wij niet als
zij, met zwakke krachten misschien, maar toch met oud-
Germaansche volharding voor het behoud van onzen eigen
aard, van ons volksrecht en van onze moedertaal?
Eindigen wij hier met eenen wensch : moge de geleerde
heer Kervyn de Lettenhove, die ons allereerst de Kerels
deed kennen , zijne weldaad volledigen , door het schrijven
eener bijzondere Geschiedenis der vakken Kerels van
Vlaanderen!
De chaleureux applaudissements ont éclaté à diverses
GR)
reprises pendant cette lecture et se sont de nouveau fait
entendre lorsqu'elle a été terminée.
— M. Ad. Mathieu est venu ensuite prendre aussi place
au bureau pour prononcer les-vers suivants :
GLOIRE, AMOUR, CHARITÉ.
Le bien, semé sans bruit , ne tarde pas d'éelor ;
Qu'importe à votre cœur que le monde l’ ignore
I est quelqu'un là-haut qui le saura pour tous.
(WEUSTENRAAD. )
Ambitieux de gloire, épris d'un bien plus doux,
Qu'est-ce donc, à mortels, qu'est-ce donc que de nous,
Et pourquoi tout ce bruit d'insecte qui bourdonne
Dans le peu de soleil qu'ici-bas Dieu nous donne,
Quand la nuit est si proche et les instants si courts
Qui des ans fugitifs nous mesurent le cours,
_ Quand de ses bonheurs éphémères,
Gloire, amour, trompeuses chimères,
L'homme sitôt déshérité
Cesse contre le sort une lutte impuissante,
Et n’a plus rien dont il ne sente
Le vide et la futilité!
Jeune, je croyais à la gloire,
Jeune, je croyais à l'amour,
Vain leurre, prestige illusoire,
Qui nous fascinent tour à tour
Pour ne laisser dans la mémoire
Que l'impression d'un beau jour
Enfui, disparu sans retour,
Quand déjà l'ombre épaisse et noire
Envahit les champs d'alentour!
(635 )
A peine notre aube se lève
Que le coeur, débordant de séve,
De force, de virilité,
S'abandonne à ce double rêve
Qui bientôt dans le deuil s'achève
Quand de la vie on a táté :
Point de succès où l’on n'aspire,
De grandeur qui ne vous inspire
Une noble rivalité,
De borne oú cesse votre empire,
De bonheur dont on ne respire
L'ardente et folle volupté...
Mais faites trois pas dans la vie,
Suivez la route qu'ont suivie
Ceux-lá que d'un regard d'envie
Vous vîtes jadis gravissant,
L'âme d'ivresse transportée,
Là-bas, cette côte enchantée
Si belle, hélas! à sa montée,
Si triste quand on la descend!
Laissez passer les jours candides;
Voyez à quels calculs sordides
Font place ces heures splendides
Qu'inonde le ciel de clarté,
Dans quel cercle étroit se démène
Cette pauvre nature humaine
Que toujours sa pente ramène
Du rêve à la réalité,
D'un noble instinct qui la domine
A l'ambition qui la mine,
A l'intérêt, cette vermine
Qui ronge au cœur l'humanité.
Ainsi toujours la destinée
S'assombrit d'année en année,
( 634 )
Et, la dernière heure sonnée,
L'astre qui dorait le berceau
S'éteint dans une nuit profonde,
Sans laisser plus de trace au monde
Que n'en laisse la nef sur l'onde,
Que dans l'air n'en laisse l'oiseau.
Et tout est dit, L'oiseau plane ailleurs dans les nues,
Et la nef court tenter des zones inconnues.
L'amour n’a qu'un instant, la gloire n'a qu’un jour;
Mais des illusions que leur prisme nous crée
La plus sainte, la plus sacrée,
Est encore la tienne, amour!
Seulement le regret que nous laisse après elle
Cette flamme que rien ne peut plus ranimer,
Des douleurs est la plus cruelle;
L'homme devrait mourir quand il cesse d'aimer.
La gloire, sa seconde idole,
Lui porte un coup moins rude alors qu'elle s'envole,
Et le cœur souffre moins à sentir quelle nuit,
Mirage décevant, est celle qui te suit!
Mais, leur double lumière à notre espoir ravie,
Ces deux astres éteints dans notre firmament,
N'est-il done plus pour l’homme au penchant de la vie
Que vide, lassitude et découragement ?
Devient-elle pour lui de si peu d'importance
Qu'il s'empresse à la rejeter
Comme un fardeau génant qu’on ne veut plus porter,
Et Dieu n’assigne-t-il de but à l'existence
Que deux désirs à contenter ?
Même obscur, oublié d'un monde qu’il oublie,
( 635 )
Qui peut croire sa tâche à jamais accomplie,
Se désintéresser du drame de nos jours,
Les yeux fermés au ciel, le cœur à l'espérance,
Et, comme en un linceul, dans son indifférence
Disparaitre, hélas! pour toujours?
N'est-il plus sous le ciel, à nos regards si sombre,
De larmes à tarir, de maux à consoler,
si dangers à prévoir, d'écueils à signaler,
D'infortunés, perdus dans l'ombre,
Quan grand jour, au bonheur, un mot peut rappeler ;
De bienfaits à répandre, encore, encore, encore... ?
Qu'importe que le monde ignore,
Ici-bas, dans nos cœurs, quel prix nous en revient,
Quand là-haut, dans les champs de Péternelle aurore,
Il est Quelqu'un qui se souvient,
Quelqu'un qui, pesant l’homme à sa juste balance,
Toujours paie au centuple une bonne action ?...
Qu'importe ici-bas le silence
Quand là-haut est Povation!
L'homme meurt, mais ses œuvres restent :
Non celles, d'un mérite aujourd'hui fort goúté,
Qu'engendrent le caprice ou la frivolité,
L'attrait du changement et de la nouveauté;
Trop nombreux essais qui n’attestent
Qwune incurable vanité!
Mais celles qui, vraiment utiles
Et bien moins en leçons qu'en exemples fertiles,
Écartant devant nous les ronces du chemin
Et vers le but commun nous menant par la main
Comme l'enfant guidé par quelque bon Génie,
Font faire dans sa route, immense, indéfinie,
pas de plus au genre humain;
Mais celles qui , tendant au bien pour le bien même,
( 636 )
Tandis que tant d'esprits, tant de cœurs généreux,
De leurs plans d'avenir discutent le problème,
Se bornent à prouver que le bonheur suprême
Est, et sera toujours, de faire des heureux.
Ces dernières surtout. Après cela, qu'importe,
Quand la Mort frappe à notre porte,
Qu'un vain nom, court écho d'heure en heure affaibli,
Ou plus tôt ou plus tard, dans ce monde où tout passe,
Comme ces feux fuyants qui traversent l’espace,
Retombe au gouffre de l'oubli!
Quel besoin de savoir où le Nil prend sa source,
Dans quel sable il se perd au terme de sa course,
Pourvu que par ses eaux le sol fertilisé
Témoigne de la place où son lit s’est creusé!
Je Pai dit : l’homme en vain, aveugle volontaire,
Dans sa soif d'avenir que rien ne désaltère
Se drape en son orgueil, s'admire, se surfait....
Rien ne reste de nous, aprés nous, sur la terre
Que le bien que nous avons fait.
L'homme, cet atome qui pense,
L'homme si fier des dons que le Ciel lui dispense,
Pour échapper au temps vainement s'en prévaut
Quand il croit, Porgucilleux! à d'autre récompense
Qu’à celle qui l'attend là-haut.
Élevez jusqu'aux cieux vos tours au front superbe,
Rois, princes, conquérants, Alexandres, Césars,
Décorez vos palais, crénelez vos remparts,
Pour qu’un jour vos neveux cherchent en vain sous l'herbe
Un vestige perdu de leurs restes épars!
Tout, jusqu'aux monuments des arts,
( 637 )
Par les siècles miné croule de toutes parts;
Dignités, rangs, honneurs, fortune, renommée,
Rien qui ne se dissolve et s’exhale en fumée;
La gloire n’est qu'un mot par Porgueil inventé.
Mais de tout son pouvoir servir l'humanité,
Éclairer les esprits, former l'intelligence ,
Suivre tes saintes lois, divine Charité!
Faire le bien, aimer, secourir Pindigence,
C'est semer pour l'éternité.
De nombreux applaudissements ont également éclaté
après cette lecture.
— M. Ad. Quetelet, secrétaire perpétuel , a proclamé de
la manière suivante les résultats des concours et des élec-
tions :
RÉSULTATS DU CONCOURS DE LA CLASSE POUR 1870.
Quatre mémoires ont été présentés en réponse à deux
des cinq questions posées pour ce concours.
Conformément aux conclusions des commissaires char-
gés d'examiner le travail portant pour devise : Ad retinen-
dam coronam, en réponse à la première question deman-
dant de Rechercher les causes qui amenèrent, pendant le
douzième et le treizième siècle, l'établissement des colonies
belges en Hongrie et en Transylvanie, la classe, dans sa
Séance du 9 de ce mois, a décerné une médaille d’or, de la
valeur de douze cents francs, à l’auteur, M. Émile de
Borchgrave, secrétaire de légation de 1"° classe et déja
lauréat de la Compagnie.
M. E. de Borchgrave, présent á la séance, est venu au
27" SÉRIE, TOME XXIX. Al
( 658 )
bureau recevoir des mains de M. le directeur la récom-
pense académique qu'il a remportée pour la troisième fois.
M. le directeur s’est fait l'interprète de Passemblée tout
entière , en le félicitant vivement au sujet de cette nouvelle
distinction.
Quant aux trois mémoires en réponse à la troisième ques-
tion demandant un Essai sur la vie et le règne de Septime
Sévère, de avis des commissaires chargés de les examiner,
il n’y a pas eu lieu, malgré le mérite que présente, en par-
ticulier, chacune de ces œuvres, de décerner le prix attribué
à la solution de la question; celle-ci sera , en conséquence ,
remise au concours.
RÉSULTATS DES ÉLECTIONS.
La classe, dans sa même réunion du 9 de ee mois, a
appelé, par serutin secret, au nombre de ses correspon-
dants, M. Alphonse Le Roy, professeur à l'Université de
Liége, et Émile de Borchgrave, secrétaire de légation de
1"* elasse , à Bruxelles, et trois fois lauréat de l'Académie.
M. Carrara , professeur à l’Université de Pise, et John-
Stuart Mill, du Parlement anglais, ont été élus associés
en remplacement de MM. Sébastien Lenormand et le mar-
quis de Laborde.
( 639)
RÉSULTAT DU CONCOURS QUINQUENNAL DE LITTÉRATURE
FLAMANDE (PÉRIODE DE 1865-1869).
Par arrêté royal du 10 mai 1870, le prix quinquennal
de cinq mille franes, fondé en faveur du meilleur ouvrage
de littérature flamande paru pendant la période de 1865
à 1869, est décerné, sur le rapport du jury chargé de juger
le concours, à M. Henri Conscience, membre de l’Aca-
démie, pour son ouvrage intitulé : Bavo en Lieveken.
Les applaudissements de l’assemblée ont accueilli cette
proclamation et sont venus confirmer les félicitations que
M. le directeur a adressées à M. H. Conscience pour cette
haute distinction.
( 640 )
CLASSE DES BEAUX-ARTS.
¡ _——.
Séance du 11 mai 1870.
M. C.-A. Frarkin , directeur.
M. Ab. QuetELET, secrétaire perpétuel.
Sont présents: MM. L. Alvin, F.-J. Fétis, G. Geefs,
C.-L. Hanssens, Joseph Geefs, Ferdinand De Braekeleer,
Éd. Fétis, Edmond De Busscher, Alphonse Balat, Aug.
Payen, le chevalier Léon de Burbure, Joseph Franck,
Gustave De Man, Ad. Siret, Julien Leclereq, Alex. Ro-
bert , membres; Daussoigne-Méhul , associé.
MM. L. Polain et E. Catalan, des classes des lettres el
des sciences, assistent à la séance.
e
CORRESPONDANCE.
M. le président de la Chambre des Représentants ex-
prime ses regrets de ne pouvoir assister à la séance pu-
blique de la classe des lettres.
— La classe reçoit notification de la mort de l’un des
membres de la section de musique, M. Charles A. de Bé-
riot, décédé à Bruxelles le 8 avril dernier. Les dispositions
( 641 )
nécessaires pour représenter l’Académie aux funérailles de
Pillustre défunt ont été prises de concert avec la famille.
Une députation , composée principalement de membres de
la classe des beaux-arts, a assisté à la cérémonie funèbre,
et M. F.-J. Fétis a bien voulu, en cette triste circon-
stance, être l'organe et l'interprète des regrets de la Com-
pagnie. Les sentiments de condoléance ont été exprimés
à la famille du défunt par les soins de M. le secrétaire per-
pétuel. La classe remercie M. F.-J. Fétis pour les paroles
d'adieu prononcées au nom de l’Académie et en décide
l'insertion au Bulletin. Elle prie ensuite son illustre doyen
d'àge de vouloir bien retracer, pour l'Annuaire prochain,
la vie et la carrière artistique de M. Charles de Bériot.
M. F.-J. Fétis rédigera cette notice, qui sera accompagnée
du portrait du défunt.
— M. le Ministre de l’intérieur transmet une expédition
de l'arrêté royal du 21 avril dernier qui approuve Vélee-
tion de MM. Ernest Slingeneyer et Alexandre Robert, en
qualité de membres titulaires de la section de peinture.
— M. Alexandre Robert adresse ses remerciments pour
son élection. Des remerciments semblables sont exprimés
a M™ Slingeneyer au nom de son époux.
( 642 )
Discours prononcé aux funérailles de M. Charles de
Bériot, le 12 avril 1870, par M. F.-J. Fétis, membre
de l’Académie.
Messieurs,
La Belgique, l’Académie et le Conservatoire royal de
musique viennent de perdre, dans la personne de mon-
sieur de Bériot, une de leurs plus belles illustrations. Vir-
tuose de premier ordre, chef et fondateur de cette école
belge de violon, si renommée dans les deux mondes, com-
positeur, pour son instrument, d'une musique devenue
classique , M. de Bériot réunissait, pour sa gloire, divers
titres dont un seul eût suffi pour honorer sa mémoire dans
la postérité. Une instruction élémentaire de son art fut la
seule qu'il recút d'un maître : le sentiment du beau, l'étude
incessante et la méditation furent les seules causes de son
talent d'exception.
A peine ágé de vingt ans, M. de Bériot vit commencer
ses succès à l'étranger; Paris, Londres, Vienne, toute lAl-
lemagne, toute l'Italie, applaudirent avec transport les pré-
cieuses qualités de ce talent si pur, l'ampleur et le moel-
leux du son, la justesse imperturbable, la souplesse et l'ac-
centuation de Parchet, enfin, le charme du style, puissance
souveraine dans les arts comme dans les lettres, dont per-
sonne plus que lui ne connut le secret. Ne subissant l'in-
fluence d'aucune école, il fut le créateur de la sienne, el,
par cette indépendance de sentiment et de manière, il réu-
nit à ses autres qualités celle de l'originalité. De là vint que
les artistes connaissaient l’école de Bériot, comme jadis on
avait connu celles de Corelli, de Tartini et de Viotti.
( 645 )
Portant dans la composition de ses ouvrages le même
sentiment, le même goût, le même charme que dans son
jeu, de Bériot s’y montra éminemment mélodiste, en même _
temps que novateur; ses concertos, ses études, ses airs va-
riés, ne rappellent en rien les ceuvres des violonistes qui
Pont précédé : en les écoutant aujourd’hui, on reconnaît
immédiatement le style propre de leur auteur. La critique
a dit que cette musique est moins difficile qu’elle ne
semble : on ne pouvait mieux la louer. Brillante, sans re-
cherche de tours de force, elle est avant tout de la musique
et non un exercice d'acrobate : elle procure le succès à l'ar-
liste exécutant et charme Pauditoire au lieu de l’étonner.
Comme l’enseignement de tous les grands professeurs,
celui de M. de Bériot excitait l'enthousiasme parmi ses
élèves. Son premier soin était de développer en eux le sen-
timent de la beauté du son, ainsi que celui de la justesse
absolue, par les exemples qu’il leur en donnait; puis il leur
enseignait, avec une patience admirable, les procédés de
mécanisme par lesquels on peut acquérir ces qualités es-
sentielles et trop rares. Quant au maniement de l’archet,
nul n’en démontrait aussi bien que lui la puissance et la
variété. Les produits de son école ont, d’ailleurs, prouvé
l'excellence du professeur, et la phalange de ses émi-
nents disciples, dispersée dans les villes principales de
l'Europe et d'autres contrées, en est encore Péclatante
manifestation. —
Dans ce que je viens de dire, je n'ai parlé, Messieurs,
que de l'artiste; cependant, de quel intérêt n’est-on pas
saisi si Pon considère que M. de Bériot, privé de la vue
pendant les quinze dernières années de sa vie, et en proie
à plusieurs graves maladies chroniques, telles que l'asthme
et la laryngite, n'avait rien perdu de son ancienne bien-
( 644 )
veillance pour la jeunesse et les artistes? Que, nonobstant
les crises cruelles de ses maux , sa philosophique résigna-
tion ne l’abandonnait pas, et qu'il retrouvait sa douce gaieté
dès qu'il éprouvait quelque soulagement? Ce qu’on ne peut
assez admirer, c'est de le voir, lorsque ses souffrances ne
sont pas trop aiguës, conserver tout son amour pour Part
et toute la séduction de son talent, jusqu’à ce que le sur-
croit d'un mal nouveau, la paralysie du bras gauche, l'eùt
pour jamais privé de cette dernière et suprême consolation.
Et maintenant, adieu ! adieu, de Bériot! C'est un ami
de tes jeunes années qui vient te le dire avec douleur, aux
noms de l'Académie qui s'honore de t'avoir compté au
nombre de ses membres, et de l’école que tu as illustrée.
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
M. Alvin donne lecture de deux chapitres de l'ouvrage
qui va paraître incessamment sous le titre de : F. Navez,
sa vie, ses œuvres el sa correspondance, et faisant partie
de la Galerie de contemporains, dont deux volumes ont
été publiés : Louis Gruyer, et Eugène Robin.
M. Alvin annonce, à la suite de cette lecture, qu'il vient
de terminer la notice biographique sur feu F.-J. Navez,
destinée à l’ Annuaire de la Compagnie. La classe remercie
M. Alvin pour ce travail, qui prendra place dans la prochaine
année du Recueil académique avec le portrait du défunt.
A A —
( 645 )
Seance générale des trois classes.
(Mercredi, 10 mai 1870.)
M. G. DewaLque, président de l’Académie et directeur
de la classe des sciences.
M. Ap. Querecer, secrétaire perpétuel.
Classe des sciences. — MM. d'Omalius, L. de Koninck,
P.-J. Van Beneden, Edm.. de Selys Longchamps, le vi-
comte B. du Bus, H. Nyst, Gluge, Melsens, J. Liagre,
F. Duprez, Poelman, Ernest Quetelet, M. Gloesener,
A. Spring , Candèze, Eugène Coemans, F. Chapuis,
F. Donny, Ch. Montigny, E. Dupont, membres; Th. La-
cordaire, E. Catalan, associés; C. Malaise, A. Bellynck et
H. Valérius, correspondants.
Classe des lettres. — MM. E. Defacqz, directeur ; Steur,
J. Grandgagnage, J. Roulez, Gachard, A. Borgnet, Paul
Devaux, P. De Decker, M.-N.-J. Leclercq, M.-L. Polain,
le baron J. de Witte, Ch. Faider, le baron Kervyn de Let-
tenhove, R. Chalon, Ad. Mathieu, Thonissen, Th. Juste,
le général Guillaume, Félix Néve, Alph. Wauters, H. Con-
science, membres ; J. Nolet de Brauwere Van Steeland,
associé; G. Nypels et Alph. Le Roy, correspondants.
Classe des beaux-arts. — MM. Ch.-A. Fraikin, direc-
teur; L. Alvin, F.-J. Fétis, Guillaume Geefs, Jos. Geefs,
( 646 )
Ed. Fétis, Edm. De Busscher, Alph. Balat, Aug. Payen,
le chevalier Léon de Burbure, J. Franck, Gust. De Man,
Ad. Siret, Julien Leclercq, Alex. Robert, membres; Daus-
soigne-Méhul , associé.
Conformément à Particle 19 des statuts organiques de la
Compagnie, les trois classes se sont réunies en assemblée
générale pour régler, entre elles, leurs intéréts communs.
A cet effet, elles se sont entendues sur les différents ob-
jets à l’ordre du jour, et ont pris, en El net. les
résolutions nécessaires.
L'assemblée a décidé que, seul, le Dixiéme rapport an-
nuel sur les travaux de la commission de la Biographie
nationale pendant Pannée 1869-1870, lu par M. De Bus-
scher, secrétaire de la commission, prendrait place dans les
Bulletins.
Des remerciments ont été votés à la commission de la
Biographie pour la manière dont elle continue la táche qui
lui a été confiée.
COMMISSION DE LA BIOGRAPHIE NATIONALE.
Dixième rapport annuel, — 1870.
MESSIEURS ,
En vous présentant , l’année dernière, le neuvième rap-
port annuel sur les travaux de la commission de la Bio-
graphie nationale et sur la situation de l'œuvre, à cette
époque, nous exprimions l'espoir que rien ne viendrait
plus entraver lessor qu'avait pris la publication acadé-
mique. La convention quinquennale, conclue le Y mai
e
|
l
E
( 647 )
1864 avec l’imprimeur-éditeur, était sur le point d'être
renouvelée; la commission avait adhéré, sous la réserve de
l'approbation de M. le Ministre de l’intérieur, à quelques
„modifications réclamées par M. Thiry-Van Buggenhoudt.
Cet espoir, que nous avions toute raison de croire fondé,
a été déçu. La publication de la Biographie nationale a
subi un regrettable temps d'arrét.
Des difficultés soulevées par limprimeur-éditeur, des
exigences auxquelles la commission ne pouvait céder sans
blesser la dignité de l'Académie et négliger les intérêts du
trésor , ont prolongé durant plusieurs mois les pourparlers
entre la commission, le Ministère de l’intérieur et la mai-
son Thiry-Van Buggenhoudt.
Voyant le renouvellement du contrat sans cesse ajourné;
désespérant d'arriver à se mettre d'accord avec son ancien
éditeur, malgré la transaction bienveillante qu'elle lui
offrait, la commission ne vit de meilleure issue pour sortir
de cette situation, que d'accepter la renonciation de
M. Thiry, et de recourir à Padjudication publique, afin
d'obtenir un autre éditeur.
Nos propositions à ce sujet étaient transmises au dépar-
tement de l'intérieur, lorsque, par dépêche ministérielle,
la commission fut informée que M. Thiry acceptait enfin
ses offres.
Le nouveau contrat fut signé; mais l'impression de la
Biographie nationale avait été suspendue pendant plus de
Six mois.
Les modifications apportées à la convention de 1864
Consistent : 4° en une augmentation équitable du prix des
exemplaires à fournir par l'éditeur de la Biographie natio-
nale à la commission académique, augmentation motivée
par l'élévation des salaires typographiques, survenue de-
( 648 )
puis 1864; 2 en une indemnité accordée à Véditeur, en
dédommagement des dépenses imprévues de la mise en
train de la publication, et 3” en une diminution du chiffre
des exemplaires qu'il doit tenir à la disposition de PAca-
démie.
D'un autre côté, il a été pris des mesures pour sous-
traire la commission aux payements extraordinaires de cor-
rections et de remaniements; en outre, le contrat est
devenu obligatoire pour Pimprimeur-éditeur jusqu'à Pache-
vement de Pouvrage, quel que soit le nombre de volumes
à éditer, quelle que soit la durée de l'élaboration de la
Biographie.
Ces stipulations compensent, croyons-nous, l’augmen-
lation et Pindemnité accordées à Pimprimeur-éditeur par
la commission et par le gouvernement.
Les pourparlers auxquels donna lieu le renouvellement
du contrat de 1864 furent la cause unique du ralentisse-
ment, puis de la discontinuation des travaux typographi-
ques. Ces pourparlers n'ont point arrêté les opérations
préparatoires effectuées par le secrétariat, par le sous-
comité et par la direction littéraire; l'examen et la révision
des notices se firent au fur et à mesure que nous les adres-
saient les rédacteurs. Toutefois, il est malheureusement
vrai que l'interruption momentanée de la publication a
exercé une influence fàcheuse sur quelques-uns de nos
collaborateurs, qui s’imaginèrent , ou se laissèrent persua-
der, que l’œuvre biographique, naguère en bonne voie
d'exécution, était fort compromise et que l'impression en
était indéfiniment suspendue.
De là, dans la rédaction des notices, un relâchement
d'activité que nous ne parvinmes à combattre qu'avec
beaucoup de peine.
À
( 649 )
Actuellement les travaux ont recommencé et, bien qu'il
soit difficile, en une telle entreprise, de regagner le temps
perdu, tout laisse entrevoir que la publication reprendra
bientôt son allure normale. Mais l’expérience nous le dé-
montre journellement, il ne faut pas s'attendre à voir s’ac-
célérer davantage la besogne collective qui s'exécute sous
les auspices de l'Académie : l’ouvrage, hérissé de détails et
de difficultés historiques, exige des recherches, des études,
dont il est presque impossible de calculer ou de fixer le
temps.
Sous peu paraîtra la première moitié du troisième
volume de la Biographie nationale, et désormais chaque
tome s’éditera en deux livraisons. La partie terminée ren-
ferme les dernières notices de la lettre B et les premières
de la lettre C.
La commission ne cesse de recommander aux collabo-
rateurs de s'assurer scrupuleusement si les personnages
dont ils ont à écrire les notices ont droit de figurer , dès à
présent, dans la Biographie nationale. En effet, quand les
renseignements sont incomplets ou insuffisants, il est pré-
férable de réserver ces articles pour le supplément de notre
dictionnaire : ils y seront insérés, si les auteurs trouvent,
Plus tard, à les compléter convenablement.
Les éliminations provisoires augmentent donc de plus
En plus. Dans la lettre C elles s'élèvent, jusqu'ici, au
chiffre de cent quatre, sur le total de 641. Dans la caté-
gorie alphabétique D, qui est entièrement distribuée aux
rédacteurs, les suppressions signalées sont déjà très-nom-
breuses. Il est certain que nous resterons dans le cadre
présumé de dix à douze volumes. Les noms mentionnés
Par nos listes primitives se réduiront, dans la même pro-
portion, pour les autres lettres, au moment de l’accepta-
(650 )
tion définitive et de la rédaction des notices biographi-
ques. |
A propos du renouvellement de notre contrat avec l'im-
primeur-éditeur de la Biographie nationale, M. le Ministre
de l’intérieur attira l'attention de la commission sur divers
points, qui devinrent l’objet de mûres délibérations.
En premier lieu se présentaient les dépenses occasion-
nées jusqu’à ce jour par les corrections et les remanie-
ments extraordinaires provenant de changements apportés
au texte des nolices, après la composition typographique.
La commission eut à examiner la question de savoir si elle
ferait, dorénavant, supporter ces frais aux auteurs, ou bien
si elle continuerail à les acquitter elle-même, en recom-
mandant aux écrivains de la Biographie nationale de s'abs-
tenir, à moins d’absolue nécessité, de modifier, dans les
épreuves et surtout dans les épreuves en pages, le texte
de leurs articles. |
C'est dans ce dernier sens que se prononca la majorité
de la commission, et Pon combina cette décision avec la
formule des stipulations y relatives dans le nouveau con-
trat. Le comité de révision et la direction littéraire veille-
ront à ce que les changements indispensables soient faits
sur la copie ou sur les épreuves en placards.
De cette manière, les corrections ordinaires seront sim-
plifiées, les corrections extraordinaires fort diminuées et
les dépenses qui résultaient de ces derniéres, supprimées
en grande partie.
De plus, nous évitons ainsi la tenue d'une comptabilité
spéciale avec l'imprimeur et avec les rédacteurs de la Bio-
graphie, comptabilité qui eút offert de graves inconvé-
nients et compliqué davantage encore les rouages de la
direction matérielle de la publication académique.
( 651 )
Les frais de suppression de texte, de modifications et de
remaniements extraordinaires seront, comme auparavant,
à la charge de la commission, mais seulement dans les cas
prévus par l’article 5 du contrat de 1869.
L'article est conçu en ces termes :
« Toutes les corrections faites sur les é épreuves en pla-
cards sont à la charge de Vimprimeur-éditeur,
» Pour les suppressions d’articles ou de notables parties
d'articles dans les placards, de même que pour les change-
ments et les remaniements effectués après la mise en page,
la commission payera une indemnité, établie d’après note
détaillée, avec pièces justificatives. »
ssons, maintenant, à un autre ordre de faits.
Dès la réunion de la commission académique du 9 mai
1869, M. Gachard , qui n’avait accepté les fonctions de la
présidence que temporairement, demanda à la commission
de lui élire un successeur. Mais, sur les pressantes in-
stances de ses collègues et eu égard aux circonstances, qui
rendaient extrêmement désirable sa coopération aux de-
voirs incombant alors au bureau, l'honorable président
consentit à différer sa retraite.
Quelques mois après, M. le Ministre de l’intérieur en-
gagea la commission (missive du 7 septembre 1869) à
examiner « si Forganisation adoptée pour la rédaction et
la publication de la Biographie nationale ne laissait pas à
désirer ? Si un service, qui a deux siéges différents, l’un à
Bruxelles, l’autre à Gand, ne donnait pas lieu à des tirail-
lements, à des lenteurs, enfin, s’il ne marcherait pas mieux
et plus rapidement, étant centralisé au lieu même de la pu-
blication ? »
La solution de la double question posée par la dépêche
ministérielle impliquait nécessairement, ou le maintien du
( 652 )
bureau de la commission élu en 1866 pour la deuxième pé-
riode sexennale réglementaire, ou son remplacement. Alin
de faciliter la décision á intervenir, le président, le vice-
président et le secrétaire se démirent spontanément de
leurs fonctions. La commission, appréciant le motif qui les
faisait agir, accepta leur démission et, dans une séance
subséquente, délibéra longuement sur les demandes de
M. le Ministre de l’intérieur.
De prime abord, il fut admis qu’il n’y avait pas de raison
de changer une direction qui, depuis plusieurs années, fonc-
tionnait avec zèle et régularité, et, en principe, « que s'il
était désirable de centraliser la direction de la Biographie
nationale, il n’y avait aucun motif d'accorder à Bruxelles
un privilége au détriment d’autres villes belges qui ont des
représentants à l’Académie. » Tel est, d’ailleurs, le mode
constamment suivi par la Compagnie, comme le prouve
l'organisation des bureaux directeurs nommés par les com-
missions instituées pour la publication des Monuments de
la littérature flamande et pour l'impression d'une Collec-
tion des grands une prenais de la Belgique.
Toutes | tdiscutées el exa-
minées : on reconnut que toutes étaient subordonnéesà la
composition du bureau, qui serait appelé à remplacer les
membres démissionnaires.
La commission résolut done de procéder umádistement
à l'élection des président, vice-président et secrétaire.
M. Gachard ayant persisté dans son désir de se retirer
de la présidence, à cause de l'état précaire de sa santé et
des importantes publications auxquelles il consacre son
activité, la commission porta ses suffrages sur M. le gé-
néral Guillaume, membre de la classe des lettres; elle
réélut vice-président M. Ad. Quetelet, membre de la classe
( 653 )
des sciences, et secrétaire, M. Edm. De Busscher, membre
de la classe des beaux-arts.
Ce vote a maintenu le bureau directeur de la Biogra-
phie nationale comme il a existé, sous la présidence de
M. Gachard, depuis le décès de M. le baron de Saing-
Genois. C’est sous cette direction qu'a été élaboré et mis
au jour le deuxième volume de l'œuvre académique.
Le BUREAU OFFICIEL, composé de MM. Guillaume, prési-
dent; Ad. Quetelet, vice-président ; Félix Stappaerts, secré-
taire adjoint chargé de la révision littéraire, conserve son
siége à Bruxelles; — le SECRÉTARIAT et la DIRECTION MA-
TÉRIELLE de la Biographie nationale restent fixés à Gand,
résidence du secrétaire et de Pemployé qui, dès l’origine
de la publication, y a voué des soins incessants, el a ac-
quis une expérience fort utile à la marche de l'œuvre que
nous avons entreprise.
Le secrétaire, Le président,
Epmoxp De BusscHer. GUILLAUME.
OUVRAGES PRÉSENTÉS.
Ministère de l’intérieur. — Annuaire statistique de la Bel-
gique, 1** année, 1870. Bruxelles, 1870; gr. in-8°.
Concours triennal de littérature dramatique en langue
francaise (1867-1869). — Rapport adressé à M. le Ministre de
l'intérieur par le jury. Bruxelles, 1870; in-8°.
27° SÉRIE, TOME XXIX. 49
( 654 )
Commission académique chargée de la publication des œu-
vres des grands écrivains du pays. — OEuvres de Froissart,
publiées avec les variantes des divers manuscrits, par M. le
baron Kervyn de Lettenhove. Chroniques t.' I (Introduction,
1** partie) et t. X. Bruxelles, 1870; 2 vol. in-8°; — OEuvres de
re , poésies, publiées par M. Aug. Scheler, t. I. Bruxelles,
1870;
Jisk ER. — Leven van Leopold 1, eerste koning der
Belgen , naar het fransch. Titel en Bladzn 15 tot einde. Gand,
1870; in-8°.
Chalon (R.). — Curiosités numismatiques. Pièces rares ou
inédites (15™° article). Bruxelles, 1870 ; in-8°.
Siret (Adolphe). — Het land van Waas. Saint-Nicolas, 1870;
in-8°.
Catalan (Eugène). — Sur quelques sommations et transfor-
mations de séries. Rome, 1870; in-4'.
Nypels (J.-S.-G.). — Commentaire du code pénal belge,
11° livr. Bruxelles, 1870; gr. in-8°.
Revue numismatique, publiée par J. de Witte et Adrien
de Longpérier. Nouvelle série, t. II, n° 4 à 6;t. XII, n° 1 el
t. XIV, n°* 1 à 4. Paris; 8 cah. in-8°.
De Witte (le baron J.). — Note sur un vase de terre décoré
de reliefs. Paris, 1869; in-8°.
Mommsen (Théodore). — Histoire de la monnaie romaine,
traduite de lallemand par le due de Blacas et publiée par
J. de Witte, t. II. Paris, 1870; in-8°.
Lelièvre (X.). — Institutions namuroises : établissements
de mainmorte. Namur ; in-8°.
Van Beneden (Édouard). — Réponse à quelques-unes des
observations de M. Balbiani sur l’œuf des Sacculines. Paris,
1870; in-4°.
Van Beneden (Édouard). — Sur le mode de formation de
l'œuf et le développement embryonnaire des Sacculines. Paris,
4870; in-4".
( 655 )
Van Beneden (Edouard). — On the embryonic form of
Nematobothrium filarina, Van Ben. Londres, 1870; in-8°.
Van Beneden (Édouard). — On a new species of Gregarina
to be called Gregarina gigantea. Londres, 1870; in-8°.
Van Beneden (Edouard). — Sur un scolex de Cestoide
trouvé chez un dauphin (extrait d'une lettre à M. Coste). Paris,
1870; in-40,
Ozeray. — Inventaire des manuserits et de tous les docu-
ments conservés à l'hôtel de ville de Bouillon, et qui concer-
nent Phistoire du duché de ce nom. Arlon, 1870; in-8°.
D'Otreppe de Bouvette (Alb.). — Essai de tablettes liégeoises,
105% livr. Liége, 1870; in-12.
„Commission royale pour la publication des anciennes lois
et ordonnances de la Belgique. — Coutumes du pays et duché
de Brabant. Quartier d'Anvers, t. I. Coutumes de la ville
d'Anvers. Bruxelles , 1870; petit in-4°.
Willems-Fonds te Gent. — N° 66. De Tooverdrank door
Félix A. Boone. Gand, 1870; in-12.
Le Bibliophile belge, 5™ année, livr. 4-5. Bruxelles, 1870;
in-8°,
Kervyn de Volkaersbeke. — Les Pourbus. Gand, 1870; in-8.
Musée de l’industrie de Belgique. — Bulletin, 1870, n°° 4
et 5. Bruxelles; 2 cah. in-8°.
Messager des sciences historiques, 4870,4" livr. Gand; in-8°.
Revue de l'instruction publique en Belgique, 18"* année,
1" livr. Gand, 1870 ; in-8°.
Société archéologique de Namur. — Annales, t. X, 4”* livr.;
— rapport sur la situation de la Société en 1869. Namur,
1870; 1 cah. et 1 broch. gr. in-8°
Institut archéologique liégeois. — Bulletin, t. 10, 47° livr.
Liége, 1870; in-8>.
De Vlaamsche school, 1869, Blad. 25 en titel; 1870, Blad.
4,5 en 6. Anvers; 4 feuilles in-4°.
Société paléontologique et archéologique de Charleroi. —
( 656 )
Documents et rapports , t. I et II. Charleroi-Mons, 1866, 1868;
2 vol. in-8°.
Société royale de botanique de Belgique. — Bulletin, t. VII,
n° 3. Bruxelles, 1870; in-8°.
La Belgique horticole, rédigée par Édouard Morren. Avril
et mai 1870. Liege; 2 cah. in-8°.
L'Illustration horticole, 3%* série, 4% yol., Que et 5° hvr.
Gand, 1870; 2 cah. in-8°,
Académie royale de médecine de Belgique. — Bulletin,
année 1870, 5° série, t. IV, n° 2, 5 et 4; — Mémoires couron-
nés et autres mémoires, collection in-8°, t. 1, 4°" fascicule.
Bruxelles, 1870; 5 cah. in-8°
Annales d’oculistique, fondées par le docteur Florent Cunier,
35° année, 5™° et 4” livr, Bruxelles, 1870; 2 cah. in-8°.
La charité sur les champs de bataille, 5%" année, n°11
et 12. Bruxelles ; ; 2 feuilles in-4°,
Koninklyke bibliotheek te s’Gravenhage. — Rappoort aan
zijne Ex. den Minister van binnenlandsche zaken, den 17
maart 1870. In-8°,
Museum botanici Lugduno-Batavi. — Annales, edidit F.-A.
Guil. Miquel, t. IV, fasciculi 6-10. Leide, 1869; 5 cah. in-folio;
` — Catalogus. Pars 41°. Flora japonica. La Haye, 1870; in-8°.
Geologiske kaart van Nederland, n° 15 (Bladwijzer); —
n° 25 (Nederland, de dyken weggedacht). La Haye, 1870; 2
feuilles in-4°.
Catalogue méthodique des imprimés de la bibliothèque pu-
blique de Douai, avec une notice historique. Droit. Douai,
1869; in-8°.
Société des sciences physiques et naturelles de Bordeaux.
— Extrait des procès-verbaux des séances, t. VIII, b. Bordeaux,
1870 ; in-8°.
Société impériale d'agriculture de Valenciennes. — Revue
agricole, 227" année, t. XXIV, n° 4-5. Valenciennes, 1870;
5 cah, in-8°,
Revue et magasin de zoologie pure et appliquée et de séri-
à
|
d
Í
3
4
e
( 657 )
ciculture comparée, par M. J.-E. Guérin-Méneville, 1870
n° 4. Paris, cah. in-8°.
Comité flamand de France, à Lille. — Bulletin, t. V; n° 5,
janvier à mars 1870. Lille, 1870; in-8°.
Fleury-Flobert. — Au delà du Rhin. Visite aux expositions
d'Amsterdam et de Munich, 2”* édition. Paris, 1870; in-8°.
Peigné-Delacourt. — Étude nouvelle sur la campagne de
Jules-César contre les Bellovaques, avec la collaboration de
MM. Plessier. Senlis , 1869; in-8°.
De Dumast (P.-G.). — De la sériculture (bombyciculture,.
sérotrophie, industrie séricole, ete.), abusivement nommée
sériciculture. Nancy , 1870; in-8°.
Chautard (J.). — Résumé des observations météorologiques
faites à la Faculté des sciences de Nancy, accompagné de la dis-
cussion des orages dans le département de la Meurthe en 1869,
8° année. Nancy, 1870; in-8.
Revue britannique, 46° année, n* 4 et 5, avril et mai.
Paris, 1870; 2 demi-vol. in-8°.
Société des antiquaires de Picardie, à Amiens. — Bulletin,
année 1869, n° 4. Amiens; 1 cah. in-8°.
Commission géodésique fédérale, à Berne. — Nivellement
de précision de la Suisse, exécuté sous la direction de A. Hirsch
et E. Plantamour, 3* livraison. Genève et Bâle, 1870; in-8°.
Koniglich preussische Akademie der Wissenschaften zu
Berlin. — Monatsbericht, Januar-Marz 1870. Berlin; 5 cah.
in-8°,
Verein für Erdkunde und verwandle Wissenschaften zu
Darmstadt. — Notizblatt, II. Folge, VIII. Heft, nr. 85-96.
Darmstadt, 1869; in-8°.
Oberlausitzische gesellschaft der Wissenschaften zu Gör-
itz. — Neues Lausitzisches magazin, XLVII” Band, 1** Heft.
Görlitz, 1870; in-8°.
Jato Perthes "geographischer Anstalt zu Gotha. — Mit-
theilungen , XVI. Band, IV-V. Gotha, 1870; 2 cah. in-4.
faturw. Verein für Sachsen und Thüringen in Halle. —
( 638 )
Zeitschrift für die gesammten Naturwissenschaften, redigirt
- von C. Giebel und M. Siewert. Jahrg. 1869, XXXIVster Band.
Berlin; 1869; in-8°.
Heidelberger Jahrbücher der Literatur, unter Mitwirkung der
Vier Facultäten, LXH1** Jahrg., 2 Heft. Heidelberg, 1870; in-8°.
Königl. Sächsische Gesellschaft der Wissenschaften zu
Leipzig. — Math.-naturw. Classe : Berichte über die Verhand-
lungen : 1867, IL, IV; 1868, 1, IH, HI; 1869, I. Leipzig; 6 cah.
in-8°. = Ahhanilunpen, IX, nr. I und IIL Leipzig, 1869; 2
cah. in-4°.
Fürstlich Jablonowskische Gesellschaft zu Leipzig. —
Preisschriften gekrönt, XVI: — H. Engelhardt, Flora der
Braunkohlenformation im Konigreich se Leipzig, 1870;
in-4° mit XV Tafeln in-4°.
Kaiserliche Akademie der Wissenschaften zu Wien. — Ma-
them.-naturw. Classe: Denkschriften, XXIX. Band, 1 vol. in-4";
Sitzungsberichte, 1869, I. Abth., Hefte 3-7; M. Abth., Hefte
4-7; 7 cah. in-8°; — Philos.-histor. Classe : Denkschriften, XVI.
und XVIII. Bände, 2 vol. in-4°;— Sitzungsberichte, LXI. Band,
_ hefte 2-5; LXII. Band, Hefte 1-4; 4 cah. in-8°; — Archiv, XLI.
Band, Hefte 1-2; 2 cah. in-8°; — Jahrbücher der K. K. Cen-
tral-Anstalt für Meteorologie und Erdmagnetismus, neue Folge,
IV. Band, Jahrg. 1867 (XII. Band), 1 vol. in-4°. — Jelinek (C),
Die temperatur Verhältnisse der Jahre 1848-1865 an den Sta-
tionen der Osterreichischen. Beobachtungsnetzes, 1 vol. in-4”.
— Hebra, Atlas der Hautkrankheiten, VII. Lieferung, 1 cah.
in-folio. — Almanach, 1869; 1 vol. in-8°.
Kaiserliche Akademie der Wissenschaften zu Wien. — Sit-
zung der Mathem.-Naturw. Classe, Jahrg. 1870, nr. 8-12.
Vienne, 1870; 5 feuilles in-8°.
K. K. Geologische Reichsanstalt zu Wien. — Jahrbuch,
Jahrgang 1870, XX. Band, nr. 4. — Verhandlungen, 1870,
nr. 4-5. Vienne, 1870; 6 cah. in-8°.
Anthropologische Gesellschaft in Wien. — Mittheilungen,
J. Band, nr. 1 und 2. Vienne, 1870; 2 cah. in-8°.
( 659 )
K. K. Universität zu Wien. — Offentliche Vorlesungen in
Sommer-Semester 1870. Vienne, 1870; in-4°
Carrara (Francesco). — Programma del corso di diretto cri-
minale dettato nella R. Università di Pisa. Parte generale,
terza edizione, e parte speciale, seconda edizione. Lucques,
1867-1868 ; 6 vol. in-8
Finocchietti (Demetrio Carlo). — Delle industrie relative
alle abitazioni umane , con notizie monografiche sul mosaico ,
e sulla scultura e tarsia in Legno. Florence , 1869 ; in-8°.
Archivio per la zoologia, anatomia et la fisiologia, pubbli-
cato per cura dei professori Sebastiano Richiardi e Giovanni
Canestrini. Serie If, da 2, fascicolo 1. Marzo 1870. Turin et
Florence, 1870;
Zantedeschi (Pro, — Delle nebbie, nebbioni, pioggie con
sabbie, caligini osservate nel? atmosfera d'Italia nel 1869.
Sino 1870; in-8°
Real academia de la historia a Madrid. —Memorial historico
español, tomos XV, XVI, XVII, XVIII, XIX. Madrid , 1862-
1865, 5 vol. in-8°; — Cortes de Leon y de Castilla, tomos II
y HI. Madrid, 1865-1866; 2 vol. in-4°; — España Sagrada,
tomos 48, 49 y 50. Madrid, 1862-1866; 5 vol. in-8°; — Noticias
de actas leidas en las juntas publicas de 29 de junio de 1862 y
7 de junio de 1868. Madrid; 2 cah. in-8°; — Elogio del arzo-
bispo D. Rodrigo Jimenez de Rada, por D. Vicente de la
Fuente. Madrid, 1862; in-8°; — Discurso en elogio de don
José Cornide de Saavedra, por don Carlos Ramon Fort. Ma-
drid, 1868; in-8°; — Discurso por el director don Antonio
Benavides. Madrid, 1868 ; in-8°; — Ajbar Machmuá : colleccion
_de tradiciones sobre la conquista de Espaná. Madrid, 1867;
gr.in-8"; — Munda Pompeyana. Viaje arqueológico de don
José Oliver y Hurtado. Madrid, 1866; in-8°; — Memoria
arqueológico-descriptiva del anfiteatro de Italica, por don De-
metrio de Los Rios. Madrid, 1862; in-8°; — Juicio critico y
significacion politica de don Alvaro de Luna, por don Juan
Rizzo y Ramirez. Madrid, 1865; in-8°; — Estado social y poli-
| ( 660 )
tico de los Mudejares de Castilla, por don Francisco Fernandez
y Gonzalez. Madrid, 1866; in-8°; — Historia critica de los
Falsos eronieones, por don José Godoy Alcántara. Madrid,
1868; in-8°.
Junta general de estadistica — Ensayo de deseripcion:g geo-
gnóstica de la provincia de Teruel, en sus relaciones con la
agricultura de la misma, por Juan Vilanova y Piera. Madrid,
1865; in-4°.
Real Academia de ciencias morales y politicas, a Madrid.
— Memorias, tomo 11°, parte 4° y 2*, Madrid, 1867-1869; 2 vol.
in-8°; — Resúmen de sus actas y discurso leidos en la junta
pública general celebrada en 10 de junio de 1866. Madrid,
1866; in-8° ; — Discursos pronunciados en la reception pú-
blica de los senores Madrazo, Aguilar y Correa, Caballero, Car-
ramolino, Andonaegui, Figueróa. Madrid; 6 cah. in-8°; — Lista
de s" academicos, 1868-1869-1870. Madrid ; 5 broch. in-52.
Instituto historico, geographico e etnographico do Brazil
no Rio de Janeiro. — Revista trimensal , tomo XXXII, partes
1°-2°. Rio Janeiro, 1869; 2 cah. in-8°.
Numismatic Society of London. — The numismatic Chro-
nicle, 1870, part 1. New series, n° XXXVII. Londres; in-8°.
Nature, a weekly illustrated journal of science, n° 25-50.
Londres, 1870; 6 cah. in-#°.
British association for the advancement of science.—Report
of the XXXIX"" meeting, held at Exeter in August 1869. Lon-
dres, 1870; in-8°.
Scientific opinion, a weekly record of scientific Progress at
Home and Abroad, mai and june 1870. Londres; 2 cah. in-4”.
Geological Survey of India, at Calcutta. — Memoirs,
vol. VI, part 5. Calcutta, 1869; in-8”; — Memoirs (Palaeonto-
logica Indica), V,7-10. Calcutta ; 2 cah. in-4°;— Records, vol. 1,
parts 1-5; vol. Il, part. 1. Calcutta; 4 cah. in-8°; — Annual
report, twelfth year, 1867. Calcutta; in-8°.
nt A —
BULLETIN
DE
L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES,
DES
LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE.
1870. — No 6.
CLASSE DES SCIENCES.
—
Séance du 4 juin 1870.
M. G. DewaLque, directeur, président de l’Académie.
M. Ap. Qvererer, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. J. d'Omalius d’Halloy, L. de Ko-
ninck, P.-J. Van Beneden, Edm. de Selys Longchamps, le
vicomte B. du Bus, H. Nyst, Gluge, Melsens, J. Liagre,
F. Duprez, Poelman, E. Quetelet, M. Gloesener, A. Spring,
Candèze, Eug. Coemans, F. Donny, Ch. Montigny, Stei-
chen, Brialmont, membres; Th. Schwann et E. Catalan,
associés.
2"e SÉRIE, TOME XXIX. 45
(662 )
CORRESPONDANCE.
MM. les Ministres de l'intérieur et de la guerre adres-
sent différents ouvrages pour la bibliothèque. — Remerci-
ments.
— Les établissements suivants remercient pour le der-
nier envoi de publications de la Compagnie : la Société
royale de Londres, les Sociétés des sciences de Harlem
et d'Utrecht, la Société de philosophie expérimentale de
Rotterdam, l’Académie des sciences de Paris, la Société
des sciences de Lille, la Société d'émulation d'Abbeville,
la Société des sciences de Dunkerque, la Société impériale
d'agriculture de Valenciennes, l'Académie impériale des
sciences de Vienne, les universités de Gratz, Heidelberg,
Wurzbourg et Tubingue, les bibliothèques de Gotha, Ber-
lin et Munich, la Société des naturalistes de Brünn, la
Société des sciences de Prague, la Société astronomique
de Leipzig, la Société des sciences naturelles de Brême,
la Société des sciences de Hanau, la Société des sciences
naturelles de Carlsruhe, la Société des naturalistes d'Alten-
bourg et la Société Jablonowski de Leipzig. — Quelques-
unes de ces sociétés adressent leurs récents travaux. *
— M. L. Henry, correspondant de la classe, envoie
différents ouvrages dont il est l’auteur. — Remerciments.
— M. G. Dewalque communique ses observations sur
l’état de la végétation faites à Liége, le 21 mars dernier.
3
,
l
;
;
|
( 665 )
— M. Ad. Quetelet présente, de la part de M”* veuve
Martin de Moussy, un exemplaire de Patlas de la Descrip-
tion géographique et statistique de la Confédération ar-
gentine, ouvrage dont la première partie avait été offerte
à la Compagnie il y a plusieurs années. — Remerciments.
— Les travaux manuscrits suivants seront l’objet d'un
examen :
1° Esquisse géologique sur le Maroc, par M: Michel
Mourlon. — Commissaires : MM. d'Omalius et Dewalque ;
2 Sur les trous vitellins que présentent les œufs fécon-
dés des amphibiens, par M. Van Bambeke. — Commis-
saires : MM. Poelman et Schwann;
3 Sur l'existence de puits naturels dans la craie séno-
nienne du Brabant, par M. Fr. Van Horen. — Commis-
saires : MM. d'Omalius et Dewalque.
CONCOURS DE 1870.
M. le secrétaire perpétuel annonce qu'il lui est parvenu
un mémoire manuscrit, avec billet cacheté et devise, en
réponse à la première question du programme de concours
de cette année, concours dont le terme fatal expire le
1” août prochain. Ce travail, portant pour titre : Étude sur
les procédés suivis pour déterminer les éléments du magné-
tisme terrestre , est renvoyé à l'examen de MM. Gloese-
ner, E, Quetelet et Montigny.
mm
ee
(664 )
RAPPORTS.
PRE
Observations au sujet des travaux géologiques de
MM. Cornet et Briart sur la meule de Bracquegnies;
par MM. Gosselet et Horion, suivies d’une note par
M. Briart.
Rapport de M. d'Omalius.
« Lorsque Pon eut reconnu que les débris d'êtres
vivants, qui sont enfouis dans l'écorce du globe terrestre,
variaient suivant les diverses époques où les dépôts avaient
été formés, on conçut l’idée de profiter de cette circon-
stance pour déterminer les âges relatifs de ces dépôts,
lorsque l’on ne voyait pas leur superposition ou lorsqu'ils
avaient été bouleversés. D'un autre côté, la circonstance
que, dans quelques contrées, aucune espèce d’un dépôt in-
férieur ne passe.dans le dépôt supérieur, donna l'idée qu'il
y avait des groupes successifs d'organismes totalement
différents. On n'admit d’abord qu'un très-petit nombre
de ces groupes, mais on en a successivement augmenté le
nombre, et quelques géologues sont arrivés à considérer
une foule d'espèces particulières comme caractérisant des
termes de la série chronologique. E
Il est vrai que, lorsque Pon prend des termes éloignés
de la série des dépôts, on ne trouve aucune espèce sem-
blable de corps organisés, mais on a reconnu que, quand
deux dépóts qui se touchent présentent des corps orga-
nisés complétement différents, c'est qu'il manque dans
cette localité des termes de la série. On a reconnu éga-
( 665 )
lement que, quand il n’y a pas de lacunes, il y a presque
toujours des espèces de la couche inférieure qui se retrou-
vent dans la couche supérieure. On sait encore qu'il y a
dans la nature une foule de formes plus ou moins diffé-
rentes, à l'égard desquelles ies naturalistes ne peuvent se
mettre d'accord sur la question de savoir si Pon doit les
appeler espèces ou variétés.
Il résulte de ces diverses circonstances que les géologues
actuels sont continuellement en discussion lorsqu'il s’agit
du classement de couches qui se suivent dans la série,
attendu que l’on rencontre fréquemment des dépôts qui
peuvent se ranger dans la division que la science appelle
supérieure, aussi bien que dans celle que l’on nomme
inférieure.
Un dissentiment de ce genre s'est produit entre MM. Gos-
selet et Horion, d'une part, et MM. Cornet et Briart, d'autre
part, au sujet d’un dépôt que les ouvriers du Hainaut nom-
ment meule, et que MM. Cornet et Briart rapprochent du
sable de Blackdown , tandis que MM. Gosselet et Horion le
croient plus voisin du système que les Anglais nomment
gault.
Dans ma manière de voir il y a si peu de distance entre
le gault et le sable de Blackdown que je doute que la chose
vaille la peine d’être décidée; mais, comme les questions
de ce genre occupent actuellement beaucoup de géologues,
et que, d’ailleurs, il s'agit d'arriver à la véritable détermi-
nation de plusieurs fossiles de notre pays, j'ai l'honneur
de proposer à la classe d'ordonner l'impression, dans le
Bulletin, de la notice de MM. Gosselet et Horion, ainsi
que de la petite note que M. Briart y ajoute. »
( 666 )
Rapport de M de Koninck.
« Dans un mémoire, publié en 1866 par MM. Cornet
et Briart sur le terrain crétacé du Hainaut, ces auteurs
donnent la description d’une partie de ce terrain connue
sous le nom de meule de Bracquegnies. Par Vétude des
fossiles de cet étage, ils sont conduits á le considérer
comme appartenant au terrain cénomanien, tandis que
par Pétude des fossiles recueillis par eux dans ce méme
étage, MM. Gosselet et Horion arrivent á la conclusion
que le terrain qui les renferme appartient au gault.
On conçoit qu'il m'est impossible de décider la question
en l'absence des fossiles recueillis par les différents au-
teurs, dont je n’ai même pas eu locoaèion de visiter les
collections.
Mais il ya un point sur lequel tous paraissent à peu
près d'accord, à savoir que le dépôt fossilifère de Brac-
quegnies a une grande analogie avec celui des environs de
Blackdown en Angleterre.
Or, pendant un de mes voyages faits dans ce pays, j'ai
eu Poccasion de visiter la collection de Sharpe, qui, le
premier, a cherché à faire passer les couches de Blackdown
dans le gault, et je me rappelle fort bien la discussion
scientifique que j'ai eue avec ce savant, qui m’honorail
de son amitié, et la grande analogie qw'offrait la faune
fossile , recueillie par lui, avec celle que, de mon cóté, je
possédais alors des environs de Montignies-sur-Roc, el que
je considérais comme cénomanienne, quoique renfermant
un grand nombre d'espéces encore complétement inédites
à cette époque.
( 667 )
Je ne veux pas invoquer le souvenir dont je viens de
parler comme une preuve suffisante en faveur de Popi-
nion de MM. Cornet et Briart, parce que je suis d'avis
qu’une question semblable à celle que soulève la notice de
MM. Gosselet et eee ne peut se décider qu'avec pièces
à Pappui.
Aussi, malgré les observations faites de part et d'autre,
je crois que la question reste encore en suspens et qu'il
serait difficile de dire en ce moment si la meule de Brac-
quegnies est du gault ou du cénomanien, ou bien si elle
forme un étage intermédiaire entre les deux.
D'ailleurs, comme le fait observer mon savant confrère
M. d'Omalius, la chose est peu importante et ne mérite
pas qu’on s’y arrête beaucoup.
J'ai l'honneur de prier l’Académie d'insérer la notice
de MM. Gosselet et Horion, ainsi que la petite note de
M. Briart, dans les Bulletins de l'Académie, avec l'espoir
que de nouvelles recherches finiront par mettre d'accord
les quatre géologues qui ont voué leur activité et leurs
talents à Vétude de la constitution de notre sol. »
Rapport de M. E, Dewalque.,
« Depuis les recherches de MM. Cornet et Briart sur la
meule de Bracquegnies, on est d'accord pour admettre
que cet étage représente le sable vert de Blackdown; mais
on n’est plus unanime sur la place à assigner à Pun et à
l’autre dépôt dans nos classifications.
On admet généralement que le sable vert de Blackdown
( 668 )
se rapporte au green sand ou étage cénomanien; néan-
moins, M. Sharpe a suggéré l’idée qu'il représenterait
la forme littorale des dépóts de la mer du gault; et sir
Ch. Lyell semble pencher vers cette opinion. D'un autre
côté, MM. Horion et Gosselet avaient rapporté la meule
au gault, et la notice qu’ils présentent en commun à l’Aca-
démie a pour but d'établir que la meule de Bracquegnies,
comme le sable vert de Blackdown, doit rentrer dans
l'étage du gault. J'ajoute qu’ils placent au même niveau,
comme MM. Meugy et de Lapparent, auxquels j'ajouterai
Dumont, la gaize de Vouziers; en quoi je me range volon-
tiers de leur avis.
De la discussion à laquelle ces savants ont soumis un
certain nombre de fossiles de la meule, il résulte tout au
moins que les rapports de cet étage avec le gault sont
moins éloignés qu'on ne l'aurait cru d’après l'indication
du nombre des espèces que MM. Cornet et Briart ont con-
sidérées comme communes aux deux formations. Aussi je
crois que leur travail sera lu avec intérêt.
En conséquence, j'ai l'honneur de proposer à la classe
d'insérer dans son Bulletin la notice de MM. Horion et
Gosselet, ainsi que la courte note que M. Briart y a
jointe, »
Conformément aux conclusions de ces trois rapports,
la classe vote l'impression , dans le Bulletin, du travail de
MM. Gosselet et Horion, ainsi que de la note de M. Briart,
qui l'accompagne.
— M. Méhay avait présenté à la dernière séance un tra-
vail sur la chaleur universelle, pour lequel MM. Melsens
( 669 )
et Plateau avaient été nommés commissaires. La classe,
après avoir entendu le rapport verbal de M. Melsens, a dé-
cidé de déposer la notice de M. Méhay aux archives.
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
Des lois concernant le développement de Phomme, par
M. Ad. Quetelet, secrétaire perpétuel de l’Académie.
J'ai réuni et j'ai étudié, pendant près d'un demi-siècle,
des documents divers sur le développement de l'homme.
Ces recherches m'ont procuré quelques délassements au
milieu de mes travaux astronomiques. Le goût de la sta-
tistique s'était particulièrement développé, en 1822, pen-
dant mon séjour à Paris où j'avais été envoyé par notre
gouvernement pour m'exercer aux études pratiques de lob-
servatoire de France, avant d'entreprendre la direction de
l'Observatoire de Bruxelles.
Au milieu des conversations scientifiques auxquelles
m'avait permis de prendre part l'amitié de l'excellent as-
tronome Bouvard, je fus bientôt mis en rapport avec les
savants les plus illustres de France. J'avais eu le bonheur
d'être présenté par lui à son ami, le célèbre La Place, et
J'avais eu l'occasion de connaître successivement , dans les
réunions périodiques des savants, les restes de la grande
école française pour les sciences mathématiques et physi-
ques. Ma jeunesse et mon zèle ne tardèrent pas à me
mettre en rapport avec les hommes les plus distingués de
cette époque; qu'on me permette de citer Fourier, Pois-
a
( 670 )
son, Lacroix , spécialement connus comme La Place, par
leurs excellents écrits sur la théorie mathématique des
probabilités.
Cette théorie, portée si haut par ieurs savants travaux,
indiquait en même temps le besoin de joindre à l'étude
des phénomènes célestes, celle des phénomènes terrestres
qu’il avait fallu abandonner jusque-là, à cause des travaux
de la statistique générale qu’on avait négligés par suite des
guerres continuelles, pour ne s'occuper que des valeurs
officielles auxquelles la science ne pouvait avoir égard que
d’une manière secondaire.
C'est donc au milieu des savants statisticiens et écono-
mistes de ce temps que j'ai commencé mes travaux; je les
ai continués, plus tard, en profitant de leurs communica-
tions écrites et de leurs excellents conseils. En rentrant en
Belgique, je publiai différents ouvrages qui avaient succes-
sivement pour objet l'astronomie et la statistique; on peut
les voir dans les treize volumes de ma Correspondance
mathématique, dans les Mémoires de l’Académie royale de
Bruxelles, dans les Annales de la Commission centrale de
statistique, mais plus particulièrement dans les deux vo-
lumes de mon Essai de physique sociale, dont la première
édition parut en 1855, et dans les deux ouvrages publiés
en 1846 et 1848 : le premier Sur la théorie des probabilités
appliquées aux sciences morales et politiques; le second
Sur le système social et les lois qui le régissent (1).
(1) Ces deux ouvrages étaient dédiés á Leurs Altesses Royales le due
régnant Ernest de Saxe-Cobourg et Gotha et son illustre frère Albert,
comme suite aux leçons que j'avais été invité à leur donner el dont ils
avaient bien voulu demander la continuation écrite.
Le premier de ces ouvrages, publié en rer mais écrit déjà depuis 1857,
comme le prouvent les dates des lettres qu’il renferme, est basé sur les
e LP à
MEERN
( 671 )
Je me prépare maintenant à publier le dernier travail
auquel j'ai donné tous mes soins, et qui pourra présenter,
j'espère, une forme nouvelle à la statistique de l’homme.
Je ne crains pas de suivre exemple d'un maître célèbre
qui voulut bien m'honorer de son amitié, l'illustre de Hum-
boldt (1); il m'offrit, par un mot emprunté à la langue
grecque, le titre de mon ouvrage : le nom d’Anthropomé-
trie fera connaître sans effort, je pense, le but que je me
Suis proposé en lé com posant.
Permettez-moi de vous indiquer sommairement son
objet et la marche que j'ai cru devoir suivre en Pécri-
vant. Après une introduction qui traite particulièrement
de l'unité de l'espèce humaine, de "harmonie de ses pro-
portions et de la conservation du type, il est parlé de
l'influence de l’âge et de la subordination des parties, ainsi
Principes de la science des moyennes, sur l'étendue de leurs limites et sur
la surface dp: régulière que présentent les variations rela-
tives à l’homme entre ces mêmes limites que je regardais, et je crois avoir
raison, comme un des faits les plus curieux des sciences d'observation.
een, Pouvrage fut peu répandu, peut-être à cause de sa
forme épistolaire, et il fixa médiocrement l'attention. Dans ces derniers
temps cependant, =: vérifier les faits par eux-mêmes, ” Angine,
les Américains du Nor d , les Allemands, les Italiens,
Fables lois que la nature a préposées au Rp di et à l'organisation
Merveilleuse de notre espèce
(1) L'illustre de Humboldt voulut bien me compter au nombre de ses
Amis, comme le prouve la correspondance que je ne cessai d'avoir avec lui
depuis 1822; et il men a laissé une dernière preuve touchante dans la
lettre qu'il écrivit peu de temps avant sa mort, à M. Mahmoud, astronome
égyptien, en Passurant de tout le plaisir qu’il aurait à le voir « à cause des
espérances, disait-il, que vous faites naitre pour restaurer ende
dans son gite le plus ancien, comme par les liaisons que vous avez eues
avec les plus intimes de mes amis, MM. Arago et Quetelet. » Sciences ma-
thématiques et physiques, p. 587, 1 vol. in-8°, 1866.
( 672 )
que des différentes causes qui peuvent en háter ou déranger
le développement.
Le premier livre traite des relations de grandeur et
de conformation qui existent entre les diverses parties de
l’homme. Il donne des notions sur les échelles de propor-
tion que possédaient les peuples anciens les plus connus,
tels que les Indiens, les Babyloniens, les Égyptiens, les
Grecs, les Étrusques, les Romains; puis, il est parlé des
types adoptés dans le moyen âge, et jusqu’à ce jour, par
les Italiens, les Espagnols, les Allemands, les Belges, les
Français, les Hollandais, les Anglais, el tous les peuples,
enfin, qui se portaient avec le plus d'ardeur vers l'étude
des beaux-arts et de la science. Il a fallu, comme on Je
concoit, des recherches et des lectures nombreuses parmi
les travaux des écrivains des différents pays pour recon-
naître la valeur de ces documents.
Différents artistes et savants d'un grand mérite ont bien
voulu me seconder dans mes recherches; je citerai, plus
particulièrement, le savant Jomard, pour les travaux des
Égyptiens; Shadow et Carus, pour l'Allemagne, et Horace
Vernet, pour la France. J'ai táché, d’ailleurs, de réunir
avec soin les documents sur l'histoire de l’art que les an-
ciens ouvrages ont pu me procurer. Ce qui m'a étonné
particulièrement, c’est de voir le petit nombre de modèles
dont les différents auteurs ont déduit leurs proportions.
La théorie des moyennes semble leur avoir été complé-
tement étrangère; les types qu’ils présentent résultaient
directement de leurs appréciations personnelles. Phidias,
dit-on, employait jusqu’à vingt modèles de femmes; mais
il empruntait à chacune les parties les plus avantageuses,
sans songer à recourir aux moyennes, dont l'usage, d'ail-
leurs, était à peu près inconnu. C'était moins la justesse
EN
E
;
(673)
des proportions qu'il cherchait, que la gráce ou la forme
de certaines parties qui lui semblaient plus belles et plus
harmonieuses qu'il n'aurait pu les concevoir.
Dans le deuxième livre, je me suis occupé de détermi-
ner les formes et les proportions des modèles des diffé-
rents áges et des deux sexes, en adoptant la théorie des
moyennes qui, jamais jusqu'alors, je pense, n'avait été
employée à ces usages. Je reculai longtemps devant les
travaux que j'aurais à faire, mais je finis par reconnaître
que j'avais poussé trop loin mes craintes. Je crus cepen-
dant devoir adopter différentes conditions dans le choix
des modèles. Voici la marche que je suivis : je pris dix
modèles de l'âge de vingt ans, par exemple, et je les me-
surai successivement avec le plus grand soin; je pris
ensuite dix autres modèles du même àge, d'où je déduisis
les mémes mesures et par les mêmes proeédés; puis dix
autres modèles encore : ce qui me donnait, en dernier
lieu, trois moyennes qui, comparées entre elles, m’offraient
généralement une différence analogue à celle que j'aurais
Pu trouver dans un même modèle mesuré trois fois de
suite (1). Je n'avais égard qu’à une seule condition :
C'était de prendre les dix modèles de chaque groupe de
façon que la moyenne de ces groupes fût, autant qne pos-
sible, la même; j'en concluais done qu’il suffisait de pren-
dre en tout trente hommes régulièrement conformés pour
chaque àge et n'offrant aucun défaut ou excès dans la
taille. Pour les femmes, je crus devoir faire dépendre les
résultats d'un nombre d'observations double, à cause des
mn,
(1) Les proportions étaient au nombre de cent et vingt environ pour
Chaque modèle. Les résultats obtenus, sous forme de tableaux, sont donnés
à la fin de l'ouvrage. a
( 674.)
difficultés plus grandes que présente leur organisation.
Pour plus de sûreté encore, cette épreuve fut vérifiée sur
des individus de vingt à vingt-cinq ans, de part et d'autre.
En veillant á ces précautions, les différents nombres
offraient tant de similitude que les moyennes, chez l'un el
l'autre sexe, ne présentaient généralement pas d'excés supé-
rieur à celui que j'aurais pu obtenir sur un même modèle
mesuré plusieurs fois de suite, mais du moins j'avais une
valeur générale. L'ouvrage expose les autres vérifications
que je fus dans le cas de faire, à Paris et en Italie, sur
les mêmes éléments, relativement aux modèles les plus
approuvés, d'après les indications des artistes. Je crois
done pouvoir m'en rapporter à la confiance que méritaient
les différents documents que je rassemblai et qui s'accor-
daient spécialement avec les admirables ouvrages de l’école
grecque qui resteront à jamais pour leur élégance et pour
l'espèce de garantie qu’ils présentent de l’inaltérabilité des
formes (1). Généralement les mesures des différents mo-
dèles étaient prises et dessinées avec la plus grande exacti-
tude. Je dois, sous ce rapport, des remerciments à plusieurs
de nos artistes les plus habiles; je citerai en particulier
MM. Madou, Navez et Calamatta qui voulurent bien m'ai-
der avec la plus grande obligeance : d'une autre part,
(1) de crois devoir 2... r du soin que je pris de compares les résultats
de mes
ils me donnèrent oy döavelie preuve de Pinvariabilité des formes hu-
maines dans la même espèce. Il est bien entendu que mes comparai-
sons, pour olaa moyen, ne pouvaient se rapporter qu'aux formes de
PApollon, du gladiateur, etc., et que Hercule Farnése, et le Laoco0n,
par exemple , ne formaient pas la moyenne bumaine, mais pouvaient étre
considérés comme des individus qui en faisaient partie. C'étaient des
exemples particuliers pouvant concourir à former Ja moyenne générale,
zie
EE A PO SE FREE ie
( 675 ) |
notre habile physiologiste, M. Gluge, eut la complaisance
de prendre lui-même un grand nombre de mesures, et je
reçus un secours semblable de M. Lengrand, médecin du
régiment des guides, l’un de mes anciens collègues au
lycée de Gand. Je dois également la plus grande recon-
naissance à MM. Schwann et Spring, qui m’éclairèrent de
leurs conseils el me donnèrent, ainsi que M. Gluge, des
mesures des différentes parties du corps humain, qu’on
retrouvera dans les Mémoires in-4° de notre Académie
royale des sciences, tomes XXV à XXVIII, années 1842,
1845, 1844, 1845 et 1847.
Je pus done entourer des plus grands soins les rt
tantes mesures que j'avais à prendre pour l'objet de mes
études; je dois surtout des remerciments affectueux à ces
amis obligeants qui, avec une complaisance et une réserve
à toule épreuve, consentirent à m'aider dans mon pénible
travail.
Le troisième livre traite avec détail de la grandeur
moyenne de l'homme, des deux écarts extrêmes de cette
moyenne en plus et en moins, et de la distribution régulière
de toutes les valeurs entre le maximum et le minimum.
Vai táché, par cette discussion importante, de compléter
là théorie des proportions de l’homme considéré à tout âge.
ll est des lois très-régulières qui, pour chaque époque de
l'existence de l'homme, marquent sa hauteur, son poids,
Sa force et ses autres qualités physiques. Ces lois restent
les mêmes, pour un même pays et pour un même âge :
elles suivent une marche constante d'année en année (1).
(1) Cette marche n’est constante, bien entendu, que pour autant que
la loi de la population et que l’état de la législation ne changent pas, car
l'un est essentiellement subordonné à l'autre; cependant il faut de bien
( 676 )
Leur examen forme l’objet du quatrième livre de l Anthro-
pométrie.
Pour se rendre compte de la loi si simple qui règle les
tailles, que l’on suppose tous les individus de vingt ans
couchés sur la ligne horizontale db, les pieds placés au
même point d; l’autre extrémité du corps, la tête, sera,
selon la taille de chacun d'eux, appuyée sur cb, dans des
points plus ou moins éloignés de d.
LL LL LT EEE,
M.
d rn 0-
C'est ici que se prononce la loi. Le nombre des têtes
appuyées entre c et b (en deux points, l'un le plus voisin
et l’autre le plus éloigné de d) ne se rangent pas au ha-
sard, mais de la manière la plus régulière. Pour s'en
rendre compte, qu'on élève en chaque point, placé entre
Raa changements pour qu’ils deviennent sensibles sur l'état même du
peuple. Ainsi, la France, depuis un demi-siécle, a passé par des états bien
différents, et gein la stature du peuple n’a guère varié. Je Pai souvent
répété : la e des guerres du premier empire et de la révolution qui
avait pré a sans doute changé le chiffre de la population, surtout pour
les déc changement a produit plutót des effets temporaires
que ss: ae main.
( 677 )
ces deux points extrêmes c et 6, des perpendiculaires
ou ordonnées, égales en hauteur au nombre de têtes
qui viennent appuyer en chacun de ces points, on trou-
vera la courbe cab, l’une des lignes les plus remarquables
que connaisse la géométrie. Cette courbe a été successive-
ment employée par Newton, par Pascal et par différents
autres géométres; elle a pris différents noms selon ses ap-
plications dans les sciences. Cette courbe, généralement
Connue sous le nom de binóme de Newton, prend ici la
forme la plus régulière; elle présente un grand axe ao qui
la partage symétriquement, par le milieu, en deux parties
égales, |
Cette loi fut d'abord vivement contestée par les hommes
les plus compétents dans les sciences mathématiques. Je
fournis mes preuves en citant les documents importants
dont je pus faire usage; et je montrai que cette loi était
vraie, non-seulement pour le corps tout entier, mais qu'elle
se vérifiait même pour chacun de ses membres. Il y a plus,
je pris la table des tailles publiée antérieurement par d'Har-
genvilliers, dans ses Recherches et considérations sur la
formation et le recrutement de l'armée de France, que
M. Villermé a publiée anciennement dans son mémoire
Sur la taille de Phomme en France, t. I° des ANNALES
D'HYGIÈNE „et je démontrai qu'il y avait identité. Cet accord,
qu'on n’avait pas même soupçonné, s'établit de la manière
la plas frappante avec la loi indiquée.
loi énoncée parut assez importante pour mériter
l'attention des pays les plus avancés dans les sciences.
L'Angleterre et particulièrement l'Écosse donnèrent Pexem-
ple. J'ai cité, dans la dernière édition de ma Physique so-
ciale, les résultats scientifiques qui y furent obtenus et qui
Confirment entièrement les miens.
27° SÉRIE, TOME XXIX. 44
( 678 )
Les États-Unis d'Amérique voulurent faire ensuite le
même essai : Les tailles de 25,878 volontaires furent rele-
vées avec soin, et d’après les renseignements officiels du
bureau de l’adjudant-général, la même concordance fut
observée. J'en ai cité l'exemple dans ma Physique so-
ciale (1), où l'on trouvera également la table calculée sur
le nombre des jeunes conscrits, donnée pour l'Italie, dans
l'intervalle de trois années, par M. Bodio, professeur à
l'institut supérieur de commerce de Venise. Les nom-
breuses recherches faites en Allemagne par les statisti-
ciens les plus habiles pour vérifier ces résultats ou pour
faire valoir l'attention qu’ils méritent, prouvent combien
ce peuple instruit est avide de connaître ce qui peut servir
à Péclairer.
Dans l'ouvrage dont la publication est prochaine , je vais
plus loin : en faisant mes recherches sur l'homme, je ne
m'étais point arrêté à considérer seulement sa taille; j'avais
voulu connaître encore quel était son poids, quelle était
la force de ses mains, de ses reins, ete. Je ne parlerai
point de ses autres facultés physiques, ni de ses facultés
(1) Pai cité l'exemple du calcul qui a été fait, et différents autres exem-
ples de l'ouvrage que les États-Unis ont fait paraître à ce sujet et qu'ils
ont communiqué au Congrès de statistique alors réuni à Berlin, en 1865.
Voici ce que dit Pouvrage à ce sujet « this law (based on the assumption
of the operation of an indefinite number of independent causes of finite
variation, of error, equally favoring excess and defect) may be expressed
ya very simple analytical function first investigated by J. Bernouilli in
its relation to the probable distribution of errors of observation of a single
me ; extended by Poisson, under the title of « the law of large numbers »
measurement of many objects, representatives each of a Common
va and first e z + M. Que telet to the Pore measurement of
man. » Pages 728 el 7 ler statistischer Congress in y Berlin,
1 vol. in-4°, Berlin, an
( 679 )
intellectuelles et morales : je me bornerai, pour le travail
actuel, á ce qui concerne sa taille ainsi que son poids et sa
force. or, la Ka que suivent ces deux derniers éléments,
dans leur d t successif, est absolument la même
que celle relative à á la taille. sentent les courbes ne sont
plus de forme régulière comme pour cette dernière; le
binôme, dans son développement, a son terme maximum
qui se trouve alors à inégale distance des deux extrémités
de sa base (voyez la figure ponctuée ca'b pour les poids); je
ne crois pas devoir entrer dans plus de détails à cet égard.
J'avancerai cependant que cette loi est d’une généralité
telle qu’elle me semble embrasser à la fois tous les corps
vivants, non-seulement ceux de l'espèce humaine, mais les
corps similaires du règne animal, et ceux même du règne
végétal, du moins autant que mes observations m'ont
permis de le reconnaitre. Qu'on mesure les arbres d'une
sapiniére, ou d’une forêt de chênes, ou même les tiges
d'un champ de froment ou de seigle; qu’on les mesure,
et Pon pourra micux juger de la valeur de mes observa-
tions.
Pour le moment je me bornerai à faire apprécier com-
bien les particularités qui concernent l'homme méritent
d'attention, et combien on a tort de les négliger. On re-
cherche, avec une avidité et avec une assiduité extrême,
tout ce qui se rapporte aux différents êtres de la création,
jusqu'aux moindres polypes, et l'on semble oublier les lois
get régissent l'être le plus important, celui qu’on se plait
à mettre à leur tête. Ne serait-ce pas le cas de rappeler ce
qu'écrivait Pun des hommes les plus distingués de cette
époque, un savant illustre, que notre pays a possédé pen-
dant longtemps à Bruxelles dans une des positions les plus
modestes, avant qu'il allát occuper le rang de premier
( 680 )
ministre dans sa patrie : « A ogni modo, la scoperta di un
insetto, o Pinvenzione di un ordigno, è un evento più cele-
bre e più importante nel mondo letterato d'oggidi, che la
più nuova et più fondata soluzione di alcuno fra quei pro-
blemi rilevantissimi, i quali sono la cima et la sostanza
della filosofia. » Vincenzo Gioberti (1).
Sur les forces vitales; par M. J. d'Omalius d'Halloy,
membre de Académie.
Quoique je sois étranger , ou peut-être parce que je suis
étranger aux études physiologiques, j'ai regretté de ne
pouvoir me rendre raison de quelques opinions que j'ai
lues dans des revues scientifiques. Je veux parler des opi-
nions qui rejettent l'expression de forces vitales et surtout
de celles qui soutiennent qu'il y a inséparabilité de la
matière et de la force dans les phénomènes biologiques.
J'ai, en conséquence, désiré de m'éclairer à ce sujet au
moyen des lumières de nos confrères physiologistes, et je
me suis permis, dans la séance du 2 avril dernier, de leur
demander des éclaircissements. J'ai déjà lieu de me féliciter
de cette démarche puisqu'elle nous a valu la savante com-
munication que M. Poelman nous a faite dans la séance du
9 mai suivant. J'ai vu avec plaisir que l’auteur de ce beau
travail admet les forces vitales et qu’il les considère comme
(1) Physique sociale, tome Ier, page im (Avant-propos), publié à
Bruxelles, en 1869,
(681 )
différentes des forces physico-chimiques; mais, lorsque
j'ai témoigné à notre savant confrère le regret de ne pas
avoir entendu quelques mots sur des idées. que, malgré
mon insuffisance, j'avais cru pouvoir émettre à la suite de
ma demande, il m'a été répondu, avec raison, que ces
idées n'ayant été énoncées que verbalement, on m'avait
pu les saisir d’une manière assez complète pour s’en oc-
cuper. D'un autre côté, comme nous avons le bonheur de
posséder dans l’Académie d'éminents physiologistes, mon
but principal était de donner lieu à une discussion où di-
verses opinions auraient pu se manifester. D’après ces
considérations, je demande à la classe la permission de
reproduire mes observations et de les insérer dans le Bul-
letin, espérant que cette insertion donnera lieu à de nou-
velles communications.
J'avais dit que je conçois que l’on considère les forces
physico-chimiques comme inséparables de la matière;
j'avais même ajouté que cette inséparabilité me paraît in-
contestable pour l'attraction, dont les effets se font con-
stamment sentir, à moins qu’ils ne soient empéchés par
une cause quelconque, et que si l'unité des forces phy-
sico-chimiques existe réellement, celles-ci seraient toutes
ans le même cas. On peut même dire, à l'appui de cette
dernière opinion, que les effets de ces forces s'exercent
toujours lorsque les corps se trouvent dans des conditions
qui leur permettent d'agir; c’est ainsi que si de l'acide
sulfurique et de la chaux sont mis en contact, il se formera
toujours du sulfate de chaux; que si du zinc et du cuivre
sont placés l’un sur l’autre, il se développera de l'électri-
cité, etc. Mais rien de semblable n’a lieu lorsqu'il s'agit
de faire passer la matière à l’état de corps vivant, car ce
phénomène ne se produit qu'autant que le mouvement
( 682 )
vital ait été communiqué à la matière par un être vivant.
D'un autre côté, si la force qui anime l'être vivant est
inséparable de la matière, je ne concevrais pas pourquoi
ces êtres sont soumis à la mort, car ils devraient avoir
une existence aussi fixe qu’un cristal de quartz.
Je ne concevrais pas non plus pourquoi les êtres vi-
vants , qui sont en général composés des mêmes éléments,
prennent l'immense quantité de formes que présente la
nature organique, et comment ces formes se reproduisent
par une série de générations. Je ne puis donc concevoir
ces phénomènes qu’en supposant que la reproduction des
corps vivants est due à des forces que je crois que Pon
doit continuer à nommer forces vitales ou forces physio-
logiques et dont l’ensemble forme ce que Pon appelle la
vie. Cette manière de voir n’empêche pas d'admettre que
les effets de la vie sur la matière se produisent au moyen
des forces physico-chimiques ; de même, s'il est permis de
faire une semblable comparaison, qu’un industriel dispose
les choses de façon à mettre les phénomènes chimiques
dans le cas de décomposer des corps et d'en former de
nouveaux.
Je crois également que les forces vitales se divisent en
autant de forces particulières qu'il y a dans la nature
organique de formes spéciales susceptibles de se repro-
duire par la génération. Je crois encore que ces forces se
séparent de la matière par la mort des individus qu’elles
animaient, qu’elles sont susceptibles de se modifier selon
les conditions dans lesquelles se trouvent les êtres vivants,
et qu'une de ces forces peut se perdre par la destruction
simultanée de tous les êtres qni en étaient animés; ce qui
explique les changements que présente la série paléontolo-
gique, la disparition de certaines espèces, ainsi que les
( 685 )
modifications de formes qui se produisent sous nos yeux
el ce qui n’a rien de contraire au dogme de l'immortalité
de la force intellectuelle qui anime l’homme.
Réponse à Pinterpellation de M. d'Omalins relative à la
force vitale; par M. Th. Schwann, associé de l’Aca-
émie.
Lorsque, dans la séance du 2 avril dernier, M. d'Oma-
lius a adressé une interpellation aux membres physiolo-
gistes de l’Académie pour connaître leur opinion sur la
question de savoir si, pour expliquer les phénomènes de
la vie, ils admettent ou n'admettent pas une force parti-
culiére, indépendante de la matiére, appelée force vitale,
je me suis refusé á entrer dans une discussion sur cette
matière, parce que je ne crois pas qu’une question aussi
vaste et aussi délicate puisse être résolue par une discus-
sion académique.
J'ai publié mes idées sur ce sujet dans mon ouvrage :
Mikroscopische Untersuchungen úber die Uebereinstim-
mung in der Siructur und dem Wachsthum der Thiere und
Pflanzen. Berlin, 1839, p. 220. J'ai dit que dans l'intérêt
des sciences il faut éviter, si cela est possible, dans la re-
cherche des causes des phénomènes vitaux les explications
par finalité, c'est-à-dire les explications par des forces que
Pon suppose agir pour réaliser une certaine idée, tout en
leur déniant la conscience et la connaissance de cette idée;
qu'il faut, au contraire, pour la nature vivante, pour suivre
la même méthode d'examen et d'explication que Pon suit
dans la nature inerte, et voir jusqu'où l’on peut arriver.
( 684 >)
Cette méthode, je Pavais déjà suivie antérieurement (1856)
en constatant les lois de la contraction musculaire.
Ayant découvert que l'accroissement a lieu de la même
manière chez les animaux que dans le règne végétal, qu'il
se réduit partout à la formation de cellules d’après cer-
taines lois que j'ai trouvées, j'étais arrivé au phénomène
fondamental de la vie, au point où commence la différence
entre la vie et la nature inerte, l’accroissement étant la
seule fonction qui existe chez tout ce qui vit.
Jy ai appliqué le principe énoncé ci-dessus et j'ai com-
_paré les phénomènes de l'accroissement avcc l'acte le plus
analogue de la nature inerte, avec la cristallisation, et j'ai
indiqué les analogies et signalé les différences.
Quoi qu'on puisse penser de cette comparaison basée
sur des faits, il était suffisamment démontré que Pon peut
s'approcher de plus près de l'explication des phénomènes
de la vie, en essayant d'y appliquer les lois, constatées dans
la nature inerte, et en les examinant d'après la même mé-
thode qu’en les attribuant à une force quasi-intelligente
qui n’a pas la conscience de ce qu’elle fait.
` Je crois que mon travail a introduit dans la science de
la vie cette nouvelle direction , et je m'en félicite : elle y a
prévalu et elle caractérise la physiologie moderne. Les
magnifiques résultats obtenus déjà témoignent en faveur du
principe et si l’on est allé au delà de certaines limites, ces
écarts n'étaient pas renfermés dans le principe que j'avais
établi, Il est évident déjà, par la contradiction signalée plus
haut, que je n'ai eu en vue que les phénomènes des orga-
nismes dans lesquels il n’y a pas intervention d'une volonté
consciente.
J'ai poursuivi mes travaux dans la méme direction et je
compte un jour publier la continuation de ma théorie cel-
A ant ii nd
NE
( 685 >
lulaire, mais je me réserve le droit de choisir moi-méme
le moment et le mode de publication, et je n'entrerai pas
ici dans une explication ultérieure sur la question géné-
rale de M. d’Omalius.
Mais les réponses orales que M. d'Omalius a données
dans la séance du mois de mai à M. Poelman, après la lec-
ture du mémoire de celui-ci, m'ont semblé prouver que le
trés- honorable auteur de Vinterpellation désire savoir,
avant tout, si les membres physiologistes de l'assemblée
admettent que force ct matière sont essentiellement liées,
ou s'ils croient à l'existence de forces indépendantes de la
matière.
Si telle est l'intention du vénéré confrère, je puis lui
répondre d'une manière très-catégorique, et je tiens à ré-
pondre sur ce point, parce que cela me fournit l'occasion
de préciser nettement la position que j'occupe, comme ad-
versaire de la force vitale, dans le sens indiqué ci-dessus,
vis-à-vis de la théorie à laquelle l'honorable doyen d'âge
de l'Académie fait allusion.
Déjà, lors de la publication de ma Théorie cellulaire, j'ai
déclaré très-positivement (loc. cit., p. 221) que nous sommes
obligés d'admettre chez l'homme un principe immatériel,
ayant la conscience de Jui-même et agissant librement
Pour atteindre des buts qu'il se pose lui-même.
La réponse était done déjà donnée avant la question.
Mes idées n'ont pas changé depuis.
La théorie de la relation essentielle entre matière et
force, de manière qu'il ne puisse pas y avoir de forces
Sans matière, de forces dites immatérielles, cette théorie
n'existait pas encore à cette époque. Mais tout ce qui a été
écrit sur ce sujet n’a pas le moins du monde ébranlé ma
conviction.
( 686 )
Je ne veux pas entrer dans une discussion philosophique
de cette théorie : elle exigerait, avant tout, une explication
‚sur la signification des mots matière et force. Mais voici la
manière dont je Penvisage au point de vue du naturaliste.
Elle repose, á mon avis, sur une faute de méthode,
faute que l’on commet malheureusement trop souvent
dans les sciences naturelles; elle repose sur la générali-
sation non justifiée d’un principe que Pon a basé sur un
grand nombre de faits et que l’on déclare applicable à tous
les faits.
En effet, tous les phénomènes de la. nature inerte et
certainement un grand nombre de phénomènes que nous
rencontrons sur des êtres vivants, pris dans leur totalité,
doivent être expliqués par des forces inhérentes à la ma-
tière. Mais on a tort de dire que tous les phénomènes
doivent être expliqués ainsi, et qu’une force sans matière
est impossible.
ll y a des phénomènes que l’on constate avec une cer-
titude complète, dont l'explication exige une force qui se
distingue de toutes les forces de la matière par sa liberté.
Le principe de l'union essentielle entre matière et force
est basé sur l'observation de phénomènes qui ne mani-
festent pas le caractère de liberté. H ne peut pas être géné-
ralisé au delà de ces phénomènes, il ne peut pas être
étendu aux faits qui dénotent l'existence de forces libres.
Ces faits dont je parle sont des faits internes, des actes
dont notre conscience nous rend immédiatement comple.
Nous savons, à chaque moment, que nous sommes libres
el que nous possédons toutes les propriétés inséparables de
la liberté, à commencer par celle de la conscience de nous- _
mêmes. Ces faits internes sont pour le moins aussi cer-
tains pour nous que les faits externes.
( 687 >
Pour ces derniers, nous nous servons des organes des
sens; mais ce qui les constate en dernier lieu, c'est seule-
ment la conscience; les sens ne sont que des instruments.
Or, un phénomène qui, pour être constaté, exige l'em-
ploi d'instruments, ne devient point par là plus sûr qu’un
fait que Pon constate immédiatement.
La liberté, avec toutes les facultés qui en sont insépa-
rables, nous la constatons de cette derniére maniére, et
elle est pour le moins aussi súre que les phénomènes de la
nature extérieure.
Comme le caractère essentiel de toutes les forces de la
matière est l'absence de liberté, et qu'aucune combinaison,
quelque compliquée qu'elté soit de forces non libres, ne
peut engendrer une liberté réelle, nous sommes obligés
d'admettre dans l'homme une force qui se distingue sub-
Slantiellement des forces de la matière et qui est caracté-
risée en premier lieu par sa liberté.
Si Fon étend à l'explication des phénomènes de liberté
le principe que Pon a déduit de l'observation des faits
dans lesquels il n’y a pas preuve de liberté, on agit comme
agirait un savant qui, ayant reconnu par une foule d'ob-
Servalions qu'en général les corps ont de la pesanteur,
élablirait là-dessus le principe que l'attraction mutuelle est
une propriété essentielle des atomes, niant, par consé-
quent, la possibilité d'atomes qui ne s’attirent pas. Si on
lui objecte les phénomènes de la lumière, de la chaleur
rayonnante, ete., il serait obligé, pour soutenir sa thèse,
ou de nier les faits, ou de dire que ces phénomènes sont
dus à des propriétés inconnues des atomes pondérables.
Un progrès immense de la physique qui les explique
par des atomes qui se repoussent, serait ainsi empêché
( 688 )
par une généralisation précipitée d'un principe qui n’est
vrai que dans certaines limites.
Il en est de même de la théorie de la relation essentielle
entre matière et force : elle empêche l'esprit d'entrer dans
une voie qui conduit á une position d'où Pon peut em-
brasser, d'un seul coup d'œil, toute la création, et c'est
à cette position qu'il faut arriver pour interpréter les
organismes.
La matière ne peut être comprise, d'après ma manière
de voir, qu'en partant de lidée de la force dont notre
principe intelligent a une connaissance immédiate.
Le principe en question est plus nuisible encore au
progrès des sciences naturelles que le système contraire
qui, à chaque occasion, sans raison suffisante, veut faire
intervenir des forces immatérielles dans l'explication des
phénomènes des organismes. Ce sont des tendances 0p-
posées, au fond desquelles il y a des préventions vers
Fun ou vers l’autre côté.
L'examen, sans idées préconçues, conduit à la vérité
qui est ici, comme à l'ordinaire, au milieu des deux
extrêmes.
I va sans dire que, s’il y a un pareil principe imma-
tériel combiné avec un organisme, il exercera aussi une
influence décisive sur les autres forces du corps, Sur son
organisation, au point que le corps humain ne pourrait
pas même exister tel qu'il est, si ce principe n'existait
pas en lui. Mais, malgré cela, il est absolument nécessaire
de séparer la question de la force vitale de celle de lexis-
tence d’un principe immatériel chez l'homme.
—
( 689 )
Observations au sujet des travaux géologiques de MM. Cor-
net el Briart sur la meule de Bracquegnies; par
M. Horion , docteur en sciences et en médecine, à Liége,
et M. J. Gosselet, professeur à la faculté des sciences de
Lille
Depuis quatre ans le terrain crétacé du Hainaut est
l'objet de nombreux et savants travaux de la part de
MM. Cornet et Briart. Ces géologues sont parvenus à éclair-
cir beaucoup de questions encore douteuses et à rectifier
des erreurs qui avaient été commises par leurs devanciers.
Nous sommes du nombre de ceux-ci (1). Les quelques
Pages que nous avons écrites l’un et l’autre sur la meule
de Bracquegnies ont été de leur part l'objet de critiques
que nous ne pouvons accepter complétement. Elles por-
lent sur deux points :
1° Fausse détermination des fossiles de Fete
2" Conclusion erronée quant à l’âge de la meule.
l. Sur le 1° point, voici comment s'expriment MM. Cor-
net et Briart :
« M. Horion, dans sa notice déjà citée, et récemment
» M. Gosselet ont rapporté la meule de Bracquegnies au
» gault. — Nous avons lieu de croireque des erreurs graves
» ont été faites dans la détermination des fossiles rencon-
(1) e tice sur le terrain crétacé de s Belgique, par M. Ch. Horion.
Bull. Soc. Géol. de France, 2° XVI, p. 6
Oran sur l'existence du gault ne le Hainaut , par M J. Gos-
selet, id
tue géologique du Cambrésis, par M. J. Gosselet , 1865.
(690 )
» trés par M. Horion à Bracquegnies; car des huit espèces
» suivantes indiquées comme provenant de cette localité :
Cardium hillanum. Avellana incrassala.
Cardita tenuicosta. Cerithium Lallierianum.
Astarle sabaudiana. Turritella Rauliniana.
Ostrea conica. Dentalium decussatum
» nous n'avons trouvé que le Cardium hillanum el
» POstrea conica parmi les nombreux spécimens bien con-
» servés des quatre-vingl-treize espèces que nous possé-
» dons (1). »
On ne connaissait aucun fossile dans la meule de Brac-
quegnies lorsque l'un de nous trouva derrière la maison
d'école du village une couche fossihifère dont il emporta
quelques plaques. L'autre était en ce moment occupé à dé-
ie wed drs oeie du gault, trouvés à Wignehies; il pro-
fita de la ci examiner les fossiles de Bracquc-
gnies. Parmi eux, il y en avait de parfaitement caractérisés
que nous rapportámes au gault; d’autres étaient moins
complets, mais l'assimilation des précédents nous entraîna
peut-être au delà de la stricte réserve que devraient s'im-
poser ceux qui ne veulent s'exposer à aucune erreur.
Ainsi le Dentalium de Bracquegnies ressemble plus à
D. medium qu'à D. Decussatum. Nous avions attribué le
nom d'Astarte sabaudiana Pictet et Renevier à une espèce
de bivalve que MM. Cornet et Briart nomment Venus ca-
perata Sow. Ne possédant pas le mémoire de MM. Pictet
(1) Description minéralogique , paléontotogique et géologique du ter-
rain crélacé de la provinee de Haïnaut, par MM. Cornet et Briart. 1866;
p. 69
d
E
E.
E
( 691 )
et Renevier sur les fossiles de la perte du Rhône, nous ne
pouvons contrôler notre première détermination.
Notre Cerithium Lallierianum d'Orb. est un petit Gas-
teropode que MM. Cornet et Briart ont appelé Turbo Fit-
toni Sow. Ces deux espèces ne diffèrent que par la bouche;
or, la bouche de nos échantillons est presque toujours
cassée, et maintenant même que notre attention est ap-
pelée sur ce point, nous croyons voir dans des fossiles
assez bien conservés le sinus caractéristique des Cérites (1).
Turritella Rauliniana. Nous possédons au moins en
fragments quatre espèces de turritelles qui ne sont pas
décrites dans le mémoire de MM. Cornet et Briart. Deux
d'entre elles se rapprochent beaucoup de la Rauliniana,
quoique présentant de petites différences.
Cardita tenuicosta. MM. Cornet et Briart ont créé pour
ce fossile le nom de C. Spinosa; ils le distinguent de
C. tenuicosta du gault par ses côtes spineuses au lieu d'être
lamelleuses. L'usure de nos échantillons n'avait pas per-
mis de reconnaitre ce caractère.
Avellana incrassata. MM. Cornet et Briart font de ce
fossile le Cinula avellana (Avellana cassis d'Orb). Com-
parons le fossile de Bracquegnies aux descriptions de P'Avel-
mm rte
(1) La note suivante nous a été en communiquée par
M. Briart
Le Turbo Fittoni n'a plus de raison d'être. Tous les échantillons du Bri-
tish Museum sont actuellement PREY sous le nom de Cerithium gra-
cile. Les noms de Littorina gracilis Sow. et Turbo Fittoni d'Orb. nont été
donnés qu'à des penne. dont la gs était incomplète. Le Cerithium
Lallierianum en est très-voisin, si, toutefois , ce n'est pas la même espèce.
( 692 )
lana incrassata et de Avellana cassis de la Paléontolo-
gie francaise.
Avellana incrassata Avellana cassis Avellana
du gault.
de la craie glauconieuse. de la meule.
Coquille ornée de 30 4 Coquille ornée de 27 Coquille ornée de 51
56 cótes;3 dentsàla côtes; 5 dentsá la co- côtes ; 3 dents à la co-
columelle; moins ren- lumelle; plus renflée. lumelle; moins renflée
is que les deux autres.
MM. Cornet et Briart pensent avoir aperçu dans leurs
fossiles une quatrième dent. Nous possédons un échantil-
lon parfaitement disposé pour la voir si elle existait. Eu
égard à son absence, nous maintenons le nom d'Avellana
incrassala. ;
IT. Après avoir donné le tableau des fossiles de la meule,
MM. Cornet et Briart ajoutent :
« On voit par ce tableau que des cinquante et une es-
pèces précédemment connues et trouvées par nous dans
la meule de Bracquegnies, huit ont été trouvées dans la
craie chloritée des environs de Rouen, treize dans les
couches cénomaniennes de la Sarthe, trois dans le
gault, cinq dans le tufau de Tournai et de Montigny-
sur-Roc, el quarante-deux dans le green sand du Devon-
shireá Blackdown. Ces résultats ne peuvent laisser aucun
doute sur l'identité de la meule avec les couches si re-
marquables de Blackdown, et l'opinion de M. Horion,
qui, s'appuyant sur le caractère paléontologique d'après
quelques déterminations faites par M. Gosselet, la rap-
rapportait au gault, ne peut plus se soutenir (1). »
VU SW us VU yy
(1) Description minéralogique et paléontologique de la meule de Brac-
quegnies, par M. Cornet et Briart. 1868, p. 14.
DOY. uy sy
(693 >)
Disons d'abord que nous adoptons complétement l'assi-
milation proposée par MM. Cornet et Briart de la meule de
Bracquegnies au grès vert de Blackdown. Nous regardons
la démonstration de ce fait, dont les géologues belges ont
tout l'honneur, comme un progrès trés- important pour
la connaissance du terrain crétacé de nos pays. Mais les
conclusions de MM. Cornet et Briart diffèrent bien peu
des nôtres. La dernière édition des Éléments de Géologie
de Lyell, contient la phrase suivante qui suffit pour nous
mettre d'accord :
« Les couches de Blackdown, dans le Devonshire, célè-
bres parce qu’elles contiennent un grand nombre d’es-
pèces fossiles qu’on ne trouve pas ailleurs, ont été com-
munément rapportées au grès vert supérieur; car elles
lui ressemblent par le caractère minéralogique. Mais
M. Sharpe a suggéré, el apparemment avec raison,
qu'elles sont plutôt l'équivalent du Gault. Elles se for-
maient probablement sur le rivage de la mer au fond de
laquelle se déposait la fine argile nommée gault (1). »
Ainsi nous rapportons la meule au gault. MM. Cornet et
Briart la comparent aux sables de Blackdown. Si ceux-ci
sont du gault, nous n'avons qu'à nous donner la main.
La position des sables de Blackdown pouvant cependant
laisser quelque incertitude pour certains géologues, nous
allons continuer notre discussion.
La comparaison de la faune de Bracquegnies à celle du
terrain cénomanien de France montre que c’est avec les
sables du Maine qu’ils ont le plus d'analogie (treize espèces
Sur cinquante et une). MM. Cornet et Briart adoptent-ils
ci. in
(1) Lyell, Elements of Geology, 6° édition 1863, p. 329.
2% SÉRIE, TOME XXIX. 45
( 694 )
cette assimilation? ils ne le disent pas; mais si c'était leur
opinion, il leur faudrait alors expliquer pourquoi cette
faune est, dans le bassin de Mons, inférieure à la zone à
Pecten Asper, landis qu’elle leur est supérieure dans l'ouest
de la France. |
MM. Cornet et Briart citent vingt et une espèces comme
se trouvant à la fois dans la meule de Bracquegnies et
dans la craie glauconieuse de France et de Belgique. Ils
nous permettront de discuter un peu ce chiffre. Nous pen-
sons qu'il y a erreur de détermination pour Avellana cas-
sis et pour Ostrea haliotidea, et nous regardons comme
douteuses les conclusions tirées des fossiles que les auteurs
ont nommés :
Natica mesotyle. Avicula anomala.
Rostellaria Tyloda. Mytilus reversus.
Janira aequicostata.
Ostrea haliotidea. L'huitre figurée sous ce nom par
Goldfuss, celle que Fon trouve à Montigny-sur-Roc et à
Bavai, est relativement plus longue que l'huître de Brac-
quegnies. Tandis que son bord palléal est horizontal et fixé,
son bord buccal plus petit se redresse à angle droit. Dans
l’huitre de Bracquegnies, la valve inférieure est séparée
en deux parties presque égales par une carène obtuse. Nous
rapportons ce fossile à POstrea conica. MM. Cornet et Briart
indiquent les différences suivantes entre ces deux espèces :
Ostrea haliotidea ; Crochet contourné latéralement en
spirale ; côtes obliques, irrégulières , arrondies surtout du
côté buccal; point d'attache plus ou moins étendu, lisse.
Ostrea conica : Crochet recourbé sur le côté, mais non
coniourné en spirale. Pas de côtes obliques rayonnantes;
point d'attache peu élendu à surface rugueuse.
| ( 695 )
Nous ne pouvons admettre ces différences. Les échan-
tillons d'Ostrea conica que nous possédons de diverses lo-
calités nous ont presque toujours montré un crochet con-
tourné en spirale, et sur de nombreux individus jeunes,
nous avons remarqué des côtes obliques rayonnantes, sur-
tout du côté buccal. D'Orbigny indique du reste ce carac-
tère (1). Quant au point d'attache, nous n'avons point fait
de remarques pouvant corroborer ou combattre les obser-
vations de MM. Cornet et Briart. Les auteurs n’ajoutent
pas, d’ailleurs, une grande importance à ces différences.
« Il règne quelque peu de confusion, disent-ils , quant
» au caractère spécifique de ces deux espèces; les déter-
» minations précédentes sont, par conséquent, un peu
» douteuses (2). »
Rostellaria Tyloda. Selon MM. Cornet et Briart, le fos-
sile de Bracquegnies pourrait bien être le R. Tyloda de
Ryckh. figuré, mais non décrit dans les Mélanges paléon-
tologiques, et qui lui-même pourrait bien n'être que le -
R. Parkinsoni (5). Il nous semble qu’au milieu de tous ces
doutes, nous pouvons bien, d'accord avec MM. Cornet et
Briart, considérer comme douteuse l'assimilation du fos-
sile de Bracquegnies avec celui de Tournai.
Natica Mesotyle. C'est également une espèce figurée et
non décrite par M. de Ryckholt, d'après un fossile de Tour-
nai. Cette espèce se rapproche beaucoup « de N. exeavata
» Mich. qui est une espèce albienne........ pad? .. NOUS ne
(1) Paléontologie française , ter : crélacés, lamellibranches.
(2) Loc. cit., p. 16.
(3) Loc. cit., p. 20.
( 696 )
» connaissons pas les motifs qui ont engagé cet auteur à
» en faire une espèce à part (4). »
Janira aequicostata L*. La ressemblance de ce fossile
avec celui trouvé par d'Orbigny dans le turonien, n’est pas
complète, d'après MM. Cornet et Briart (2).
Avicula anomala Sow. La figure de Sowerby (fossile de
Blackdown) est parfaite, et ressemble trait pour trait, aux
spécimens de la meule. Celle de d'Orbigny (fossile de la
Sarthe) est différente (3).
Mytilus reversus Sow. Les figures données par d'Orbi-
gny des fossiles de la Sarthe présentent à la région palléale
des stries rayonnantes que l’on ne trouve pas dans les.
échantillons de Bracquegnies.
Nous concluons des remarques précédentes que les trois
derniers fossiles ressemblentá ceux de Blackdown, mais que
leur identité avec les fossiles de la Sarthe est plus douteuse.
IL. Relations paléontologiques de la meule et du gault.
MM. Cornet et Briart citent trois espèces seulement com-
munes au gault et à la meule de Bracquegnies, ce sont :
Fusus Smithii.
Natica Geinitzii (N. canaliculata).
Arca fibrosa.
Nous y ajoutons quatre espèces, communes à la fois au
gault, à la craie glauconiense et à la meule :
Natica rotunda (N. Clementina).
Ostrea conica (O. Arduennensis).
mg
LI
(1) Loc. cit , p: 27.
(2) Loc. cit., p. 50.
(3) Loc. cit., p. 32.
(697)
Arca curinata.
Serpula filiformis;
el une autre que MM. Cornet et Briart ont confondue, à
tort, suivant nous, avec un fossile de la craie glauconieuse
Avellana incrassata — Avellana cassis, C. et B.
Rappelons enfin que
Mytilus lanceolatus
a été trouvé dans-Pétage néocomien d'Auxerre et de
Cluse. i
Est-ce là tout ? Quelques espèces reconnues comme nou-
velles par MM. Cornet et Briart sont si voisines d'espèces
du gault, qu’elles indiquent des rapports avec ce terrain.
Nous citerons :
Cardita spinosa, C. et B., très-voisine de C. tenuicosta
du gault. i
Nucula Dewalquet, C. et B. très-voisine de N. bivirgata
du gault.
Enfin, si nous ne voulions nous mettre à Pabri de tous
reproches dans la détermination des espèces, nous ajoute-
rions les noms de quelques fossiles que MM. Cornet et
Briart ne paraissent pas connaître. Ce sont :
Turritella, voisine de T. Rauliniana du gault.
Solarium — de S. dentatum —
Cerithium — de C. excavatum —
Cerithium — deC. tectum
Turbo — de T. minutus de Faptien.
> Avicula — de A. Cotaldina du néocomien.
( 698 >)
Natica rotunda. MM. Cornet et Briart citent dans la
meule de Bracquegnies deux natices, trouvées toutes deux
à Blackdown et toutes deux voisines de N. Clemen'ina
VOrb. du gault. Ce sont N. rotunda et N. pungens. Voici
ce qu'ils écrivent au sujet de la seconde espèce : « Si nous
nous en rapportons à la description du N. Clementina
de d'Orbigny, qui donne à cette espèce un angle apicial
de 80° et non à la figure 4 pl. 172 de la Paléontologie
francaise dont Pangle est beaucoup plus ouvert, il de-
vient assez difficile de la distinguer du N. pungens, si
ce West par la régularité de son angle apicial, différence
bien légère dont il est parfois impossible de s'assurer à
la simple vue (1). »
Quant à N. rotunda « elle présente, avec les trois espè-
ces de d'Orbigny (N. sublevigata du néocomien, N. cas-
siana du néocomien et N. Clementina du gault), des dif-
férences tres-légéres, sur lesquelles on ne se serait
probablement pas arrêté, si elles eussent été rencon-
trées dans le même étage (2). »
Nous partageons Popinion de MM. Cornet et Briart, el
nous pensons que les deux natices de Blackdown et de
Bracquegnies sont très-voisines des natices du néocomien
et du gault, si elles ne leur sont pas identiques. Dans son
prodrome, d'Orbigny annonce avoir trouvé dans les grès
verts de la Sarthe, la N. rotunda de Blackdown. Mais
on connait l'esprit systématique du grand paléontologiste
francais. Si les grès verts de la Sarthe eussent, selon lui,
représenté le gault au lieu de représenter les sables de
EN ME RE AE E E Pa |
u o Y uu
(4) Loc. cit., p. 26.
(2) Loc. cit., p. 25.
( 699 )
Blackdown, la natice qu'il y a rencontrée eût probable-
_ ment reçu le nom de Clementina au lieu de celui de Ro-
tunda.
Nous regardons done la présence de la N. rotunda de
Bracquegnies comme indiquant des affinités plus grandes
avec le gault et le néocomien qu'avec la craie glauconieuse.
Solarium dentatum. C'est un des fossiles les plus carac-
téristiques du gault. Le solarium de Bracquegnies en est
très-voisin , mais moins déprimé (angle spiral 110 au lieu
de 150).
Nucula bivirgata. C'est encore un fossile commun dans
le gault. MM. Cornet et Briart ont ramassé dans la meule
une nucule qui se rapproche « beaucoup decetteespèce dont
» elle a les ornements presque traits pour traits; mais elle
» sen distingue par ses proportions relatives et par sa
» taille. »
Ils en ont fait une espèce nouvelle. Nous ne contestons
pas cette conclusion, mais l'extrème analogie des deux
espèces indique un trait de plus en faveur du gault et de
la meule.
Parmi les autres espèces considérées par MM. Cornet
et Briart comme nouvelles; et qu'il ne nous a pas été
donné d'étudier, n’y en a-t-il pas d'autres que Pon pour-
rait rapprocher des fossilles du gault ou des étages infé-
rieurs? Cette observation ne paraîtra pas déplacée à ceux
quí liront le passage suivant: « Ce n'est pas sans quel-
» que hésitation que nous avons rapporté ce fossile de
» Bracquegnies au Fusus Smithii qui est une espèce al-
» bienne. Cela suppose, en effet, un passage d'un étage à
» un autre; mais la description et surtout les figures de
( 700)
» Sowerby ne peuvent guère nous laisser de doutes à cet
» égard. »
Pour nous, qui sommes convaincus de la fréquence de
ces passages d'un étage à un autre, el même d'un terrain à
un autre, nous n’avons pas de semblables hésitations; et,
tout en rendant hommage à la science et au sens pratique
de nos contradicteurs, nous craignons qu’ils n'aient vu avec
une loupe un peu théorique les différences qui peuvent
exister entre la meule et le gault. Au point de vue strati-
graphique, comme au point de vue paléontologique, nous
pensons que la meule est une couche de passage entre le
gault et la craie glauconieuse. Nous sommes même por-
tés à admettre l'opinion déjà exposée par M. Meugy, et tout
récemment par M. de Lapparent, qu’elle correspond à la
gaize de Vouziers et de Grand Pré. Nous l'avons déjà dit,
nous sommes presque d'accord avec MM. Cornet et Briart.
Le différend se réduit à ces termes: la Meule, la Gaize,
les Sables de Blackdown constituent une couche de passage
entre le gault et la craie glauconieuse ; auquel de ces deux
étages doit-on la rapporter ? MM. Cornet et Briart la rap-
prochent de la craie glauconieuse. Nous l’avons fait ren-
trer et nous la faisons encore rentrer dans le Gault, en
nous fondant surtout sur la stratification discordante avec
les couches supérieures, discordance que nous avions con-
statée et que MM. Cornet et Briart ont a mise
en lumière.
E
:
i
(701)
Note concernant les Observations de MM. Horion et
Gosselet au sujet des travaux géologiques de MM. Cornet
el Briart sur la meule de Bracquegnies, par M. Al.
Briart.
Avant d'adresser son travail à l'Académie, M. Gosselet,
à la demande de M. d'Omalius d'Halloy, a eu la bonté de
nous le communiquer. Je me suis rendu à Lille, et, dans
une entrevue extrémement cordiale que j'ai eue avec cet
éminent professeur, nous avons examiné de point en point
ses observations. J'ai reconnu que quelques-unes de nos
conclusions étaient fautives. De son cóté, M. Gosselet a
admis plusicurs de mes observations et a modifié sa note
en conséquence. Il reste cependant encore, ainsi qu'on le
verra par la lecture du travail de MM. Horion et Gosselet,
beaucoup de points douteux. Pour le moment, le temps
nous manque pour les examiner d’une manière sérieuse.
Ces doutes , signalés en partie dans notre travail, portent
principalement sur des déterminations de fossiles faites
par d'Orbigny, dont l'esprit systématique bien connu l'a
peut-être empêché d'admettre certaines identifications que
M. Gosselet regarde comme très-probables. Nous ne pou-
vons, quant à nous, nous prononcer pour le moment sur
cette question. De nouvelles observations sont nécessaires,
et surtout, nous désirons pouvoir comparer nos fossiles de
Bracquegnies avec ceux de divers gisements se rapportant
au gault.
Dans un avenir plus ou moins éloigné, nous nous pro-
posons de compléter nos descriptions des fossiles de la
meule, ce qui nous donnera l'occasion de revenir sur les
(702 >)
points litigieux de notre premier travail. Nous tàcherons,
d'ici lá, de réunir les éléments nécessaires à la solution
de cette question intéressante,
Sur les forces élastiques des gaz liquéfiables ; par M. Melsens,
membre de l’Académie.
M. Melsens communique verbalement quelques détails
sur les expériences préliminaires qu'il fait en ce moment
en vue de déterminer, dans les hautes températures, les
forces élastiques des gaz liquéfiables, en se servant de
manométres métalliques.
En tenant compte des erreurs inévitables dues aux ma-
nomètres de cette espèce, à leur peu d’exactitude, aux
difficultés inhérentes à ce genre d'expériences, qui exige-
raient des appareils plus parfaits que ceux dont il a pu
disposer, il pense cependant que ses résultats pourront
fixer Pattention des physiciens; ainsi les anhydrides sulfu-
reux et carbonique lui ont donné, à la température de l'eau
- bouillante, des résultats qui concordent assez bien avec
les résultats calculés au moyen des formules adoptées par
M. Regnault.
L'anhydride carbonique possède à 100° C une force élas-
tique de 173 mètres 934, correspondant à 228 atmos-
phères 86/00; mais expérimentalement, M. Regnault n'a
pas dépassé la température de 42°5 C, pour laquelle la
force élastique n'est que de 71997 ou 94,73 atmosphères.
ll signale particulièrement, pour Panhydride carbonique,
les dangers que peuvent courir les expérimentateurs s'ils
e e E ENTS
( 705 )
ne portent pas leur attention sur les rapports qui doivent
exister entre les volumes d'acide liquide et l'espace vide
dans lequel la vapeur se formera. Il cite l'exemple suivant :
Entre 40 et 45° C, la force élastique de anhydride car-
bonique s’élève de 91 à 100 atmosphères; dans un espace
insuffisant pour que la vapeur puisse librement se répan-
dre, la force élastique peut s'élever au triple, c'est-à-dire
à 500 atmosphères. La tension totale, dans ce cas, est due
á la force élastique de la vapeur, augmentée de la force
due à la dilatation du liquide, diminuée de la compressibi-
lité de celui-ci, etc.; ne serait-il pas convenable de donner
à la vapeur, considérée dans cette condition, le nom de
vapeur sursalurée ?
(704)
CLASSE DES LETTRES.
Séance du 13 juin 1870.
M. E. Deracoz, directeur.
M. Ap. QueTELET, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. Ch. Steur, J. Grandgagnage, J. Rou-
lez, P. Gachard, Ad. Borgnet, Paul Devaux, P. De Dec-
ker, J.-J. Haus, M.-N.-J. Leclercq, Ch. Faider, le baron
Kervyn de Lettenhove, R. Chalon, Ad. Mathieu, J.-J. Tho-
nissen, Th. Juste, le général Guillaume, Félix Nève, Alph.
Wauters, Henri Conscience, membres ; Nolet de Brauwere
Van Steeland et Auguste Scheler, associés; Émile de
Borchgrave, correspondant.
M. L. Alvin, membre de la classe des beaux-arts, et
M. Ed. Mailly, correspondant de la classe des sciences,
assistent à la séance.
CORRESPONDANCE.
MM. Alph. Le Roy, Émile de Borchgrave, John Stuart
Mill et Carrara expriment, par écrit, leurs remerciments
au sujet de la distinction que leur a conférée la classe en
les appelant au nombre des correspondants et des associés.
Ils accusent également réception de leur diplôme.
E tnt A dede en didi in Lien nend
( 705 )
— M. Émile de Borchgrave accuse réception de la mé-
daille d'or qu’il a remportée lors du dernier concours de
la classe.
— M. le Ministre de l’intérieur adresse un exemplaire
de la première année de l'Annuaire statistique de la Bel-
gique. ;
— M. le général Guillaume offre une brochure de sa
Composition, intitulée : Notice sur le corps du génie en
Belgique pendant le XVI siècle.
— M. Carrara offre les six premiers volumes de la
2 édition de son Cours de droit criminel.
Remerciments.
— La Société des antiquaires de Picardie, la Société des
sciences de Górlitz, les bibliothèques royales de Dresde et
de Stuttgart, la direction des archives du grand-duché
de Bade, à Carlsruhe, et l’université de Leipzig remer-
cient pour le dernier envoi de publications de l'Académie.
— La direction de la Revue des questions historiques,
de Paris, exprime le désir d'entrer en relations d'échange
avec PAcadémie et adresse, à cet effet, le dernier numéro
paru de la Revue. — Accepté.
— M. Th. Juste offre différents documents imprimés
relatifs à l’organisation, en 1851, de l’Académie royale
des sciences d'Amsterdam. — Remerciments.
( 706)
PROGRAMME DE CONCOURS POUR 1872.
Conformément aux usages établis de publier deux an-
nées d'avance les questions de concours, la classe pro-
cède à la formation du programme pour l’année 1872.
Elle a déjà arrêté, dans sa séance du 2 août de l’année
dernière, le programme de l’année 1871 (1).
Elle fait choix, pour 1872, des cinq questions sui-
vantes :
PREMIÈRE QUESTION,
On demande un essai sur la vie et le règne de Septime
Sévère.
DEUXIÈME QUESTION.
Exposer avec détail la philosophie de saint Anselme de
Cantorbéry; en faire connaître les sources; en apprécier
la valeur et en montrer l'influence dans l'histoire des
idées.
TROISIÈME QUESTION.
Apprécier le règne de Marie-Thérèse aux Pays-Bas.
QUATRIÈME QUESTION.
Donner la théorie économique des rapports du capital et
du travail,
L'Académie désire que l'ouvrage soit d'un style simple,
à la portée de toutes les classes de la société.
(1) Voir Bulletins, 2° série, tome XXVIII, p. 125.
( 707 )
CINQUIÈME QUESTION,
Faire l'histoire de la philologie thyoise durant le
XVI: siècle et pendant la première moitié du XVII.
Le prix des 4°°, 2° el 3° questions sera une médaille
d'or de la valeur de six cents francs; il est porté à mille
franes pour les 4° et 5° questions.
Les auteurs des mémoires insérés dans les recueils de
l’Académie ont droit à recevoir cent exemplaires de leur
travail. Ils ont, en outre, faculté d'en faire tirer un plus
grand nombre, en payant à Pimprimeur une indemnité de
quatre centimes par feuille.
Les mémoires devront être écrits lisiblement et pour-
ront être rédigés en francais, en flamand ou en latin; ils
devront être adressés , francs de port, avant le 4° février
1872, à M. Ad. Quetelet, secrétaire perpétuel.
L'Académie exige la plus grande exactitude dé les
cilations , et demande, à cet effet, que les auteurs indi-
quent les éditions et les pages des livres qu'ils citeront.
On n’admettra que des planches manuscrites.
Les auteurs ne mettront point leur nom à leur ouvrage;
ils y inscriront seulement une devise, qu’ils reproduiront
dans un billet cacheté renfermant leur nom et leur adresse:
faute de satisfaire à cette formalité, le prix ne pourra leur
être accordé.
Les ouvrages remis après le temps prescrit, ou ceux
dont les auteurs se feront connaître, de quelque manière
que ce soit, seront exclus du concours.
L'Académie croit devoir rappeler aux concurrents que,
dès que les mémoires ont été soumis à son jugement, ils
( 708 )
sont et restent déposés dans ses archives. Toutefois, les
auteurs pourront en faire prendre des copies à leurs frais,
en s'adressant, à cet effet, au secrétaire perpétuel.
per ET
La classe rappelle en même temps que le terme fatal du
concours de Stassart pour une question d'histoire nationale
(deuxième période sexennale) expirera le 4°" février 1871.
Voici la question inscrite au programme de ce concours:
Exposer quels étaient, à l’époque de l'invasion fran-
caise, en 1794, les principes constitutionnels communs à
nos diverses provinces el ceux par lesquels elles différaient
entre elles,
Un prix de trois mille francs est attribué à la solution
de cette question.
Les conditions du concours sont les mémes que celles
des concours annuels de la classe. L'Académie se réserve
le droit de faire imprimer le mémoire couronné.
RAPPORTS.
—
Fouilles à Elewyt : Anneau antique trouvé à Becqueroor! ;
notice par M. L. Galesloot.
Rapport de M, Alphonse Waulers.
« Déjà, à plusieurs reprises, j'ai fait ressortir l'impor-
tance des notices que M. Galesloot envoie à la classe des
lettres. Celle qu'il présente aujourd’hui me paraît mériter,
( 709 )
comme les précédentes, l'honneur de Pimpression dans
les Bulletins, d'autant plus qu’elle concerne des décou-
vertes d'objets peu communs et qui dénotent des goûts
luxueux chez les habitants de notre Belgique au temps
de la domination romaine. Considérées à ce point de vue,
les trouvailles d'Elewyt el de Becquevoort offrent un in-
térét tout particulier, et il est essentiel d'en tenir note. »
Rapport de M. Th. Juste.
« La notice de M. Galesloot sur les fouilles entreprises
à Elewyt et sur Panneau trouvé à Becquevoort révèle des
_ particularités intéressantes. A ce point de vue, elle mérite
d'être accueillie dans les Bulletins de l'Académie. De même
que mon honorable confrère M. A. Wauters, je tiens en
grande estime les communications archéologiques de
M. Galesloot. »
Conformément aux conclusions des rapports de ses
commissaires, la classe vote l'impression du travail de
M. Galestoot dans le Bulletin de la séance.
2%" SÉRIE, TOME XXIX. A6
(740)
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
Jeanne la Folle et Charles-Quint (1), par M. Gachard,
membre de PAcadémie.
PREMIERE PARTIE.
Le 12 novembre 1515, Ferdinand le Catholique, sur le
conseil de ses médecins, quitta Madrid pour aller passer
l'hiver en Andalousie. Depuis que, au mois de mars 1515,
la reine Germaine, sa femme, Jui avait fait prendre un
breuvage dont l'effet devait être, comme elle le croyait, de
lui donner un héritier, sa santé était allée de jour en jour
en dépérissant; il était devenu hydropique. fl s'arrêta,
pendant plusieurs semaines, à Plasencia dans l’Estréma-
dure, où on lui fit une brillante réception : c'était la pre-
mière fois qu'il entrait dans cette cité depuis qu'il l'avait
relirée-des mains du duc de Bejar et incorporée à la cou-
ronne. De Plasencia il se dirigea vers Séville, tandis que
son petit-fils infant Ferdinand, qui l’accompagnait, pre-
nait le chemin de Guadalupe, où ils devaient se rejoindre.
Arrivé à Madrigalejo, hameau dépendant de la ville de
Truxillo, il ne se sentit pas la force de continuer sa route.
(1) Fragment d'une histoire inédite de Jeanne d'Aragon.
(TIF)
On lui fit son logement dans une chétive maison du lieu.
Le 25 janvier 1516, entre une et deux heures du matin,
il expira, après avoir recu les sacrements des mains de
son confesseur, fray Tomás de Matienzo; il était âgé de
soixante-quatre ans et en avait régné quarante-deux. La
reine Germaine, sa femme, avertie du danger qu'il cou-
rait, était venue en toute hâte de Lerida, où elle tenait les
cortès de Catalogne; elle arriva à temps pour lui fermer
les yeux (1).
Ferdinand avait fait un premier testament à Burgos, le
2 mai 1512 : « Considérant que la reine sa fille, selon
» ce qu'il avait été à même de connaître d'elle, était
> très-loin de pouvoir régir des royaumes, et qu’elle n'était
>» pas non plus en la disposition requise pour cela, — ce
» dont, disait-il, il ressentait une des douleurs les plus
» grandes qu'on pût éprouver en ce monde (2) — » il or-
donnait à Jeanne, par l'amour et l'obéissance qu’elle lui
devait, et, à son défaut, à ceux qu'il nommait ses exécu-
teurs testamentaires, d'envoyer, dès qu'il ne serait plus,
des ambassadeurs au prince Charles, afin qu’il vint gou-
verner, au nom de sa mère, les royaumes d’Aragon et de
(1) CARVAJAL, Arales breves del reinado de los Fa nr dan
la Coleccion de doc umentos inéditos para la histo Pp
chrónicas d'España, liv. XX, t. I, p. 1525. — SAnpovaL, Historia de
Carlos V, t. 1, p. 36.
ES Considerando , segun lo que de la reyna su hija avia podido
conocer en su vida, estava muy apartada de entender en governacion ni
regimiento de reynos, ni tenia para ello la dispusicion que convenia, lo
qual sabia Nuestro Señor quanto él sentia, y ya que de su impedimento
sentia la pena como padre, que era de las mas graves que en este mundo se
podian offrecer, etc... » (Qurita, t. TE, fol, 402 vo.)
(712)
Castille, avec Passistance de conseils dont il déterminait
la composition. En attendant son arrivée, le gouvernement
en Castille serait exercé par le prince Ferdinand (1).
Dans un second testament, daté du 26 avril 1515, à
Aranda de Duero, il avait maintenu à Varchiduc Charles,
à cause de l’état mental de la reine sa fille, le gonverne-
ment général des royaumes d'Aragon et de Castille; mais,
cette fois, ce n’était plus l’infant Ferdinand qui devait
suppléer son frère aîné comme gouverneur de ces derniers
royaumes, jusqu’à ce que celui-ci pût passer dans la Pé-
ninsule, c'était le cardinal don Francisco Ximenes de Cis-
neros, archevéque de Toléde et primat des Espagnes (2).
Lorsqu'il vit que sa fin approchait, il appela ceux des
membres de son conseil dans lesquels il avait le plus de
confiance, pour les consulter sur un nouveau testament
qu’il se proposait de faire et qu'il fit en effet le 22 janvier.
Après y avoir annulé ses testaments antérieurs, il instituait
la reine, sa fille, le prince Charles, son petit-fils, et leurs
descendants ses héritiers du royaume de Navarre, lequel,
l'année précédente, avait été annexé à la couronne de
Castille (5); il déclarait la reine Jeanne son héritière uni-
verselle des royaumes dépendants de la couronne d'Ara-
gon; par les mêmes motifs qui étaient exprimés en l'acte
de 1512, c'est-à-dire pour Vinaptitude à gouverner de
Jeanne (4), il commettait le gouvernement général de ces
(1) Gurrra, t. H, fol. 405.
(2) Ibid.
(3) Aux cortés de Burgos, tenues au mois de juin 1315. (SANDOVAL,
tT D. 33.
(4) Le testament de 1516 reproduit, mot pour mot, les expressions con-
tenues dans celui de 1512 et que nous avons citées p. 711 , note 2.
(719)
royaumes à Parchiduc Charles, qui Pexercerait au nom de
sa mére, et, en attendant la venue de Charles en Espagne,
ou que ce prince en eút décidé autrement, il chargeait don
Alonso d'Aragon, archevéque de Saragosse et de Valence,
son fils naturel, de régir lesdits royaumes. Quant à la
Castille, dont il n’avait eu que l'administration, il voulait
que Charles la gouvernát pour sa mère, comme il l'avait
gouvernée lui-même, et que, jusqu'à ce qu'il vint en Espagne
ou qu'il eút pris d'autres mesures, le gouvernement en fût
exercé, en son nom, par le cardinal Ximenes. Il enjoi-
gnait à ses exécuteurs testamentaires d'écrire et de dé-
puter à Parchiduc et à l’empereur Maximilien, afin de háter
le passage de son petit-fils en Espagne. Il donnait à Charles,
en vertu de son pouvoir royal et de son autorité absolue,
la dispense d'âge dont il pouvait avoir besoin. Il lui re-
commandait de ne faire aucun changement dans la com-
position des conseils de gouvernement el de justice, de ne
pas conférer de fonctions publiques à des étrangers. Nous
laissons de côté beaucoup d’autres dispositions du testa-
ment qui sont étrangères à notre sujet (1).
Quelques semaines avant sa mort, Ferdinand avait vu
arriver vers lui Adrien d'Utrecht, doyen de Louvain, en-
voyé en ambassade à son aïeul par l’archiduc Charles. On
savait à Bruxelles que le roi d'Aragon m'avait plus longtemps
à vivre : les ministres de l’archiduc avaient jugé que, dans
une telle conjoncture, il lui importait d’avoir en Espagne
quelqu'un de confiance et d'autorité qui veillât à ses inté-
rêts et pút, en son nom, prendre les rênes du gouverne-
ment le jour où le roi viendrait à manquer; ils avaient jeté
(1) Archives de Simancas, Estado, Patronato real, Testamentos , leg. 2.
( 714 )
les yeux, pour cette importante mission, sur l’ancien pré-
cepteur de leur maître. Adrien était revêtu des plus am-
ples pouvoirs, qu'il devait tenir secrets tant que le roi
serait en vie, se bornant à négocier avec ce monarque et
son conseil au sujet de certains points qui touchaient au
gouvernement de la Castille. Cette ambassade ne plat
point à Ferdinand ; des lettres du cardinal d’York lui en
avaient fait connaître le véritable objet : il reçut néanmoins
avec distinction l'envoyé de son petit-fils au monastère de
la Serena, près de Plasencia, où il était allé passer les
fêtes de Noël, et conclut même avec lui un accord qui dé-
terminait les droits et les avantages respectifs dont joui-
raient en Castille le roi, Parchiduc et le prince Ferdinand.
Adrien partit ensuite pour Guadalupe. A la nouvelle que
l'état du roi avait empiré, il accourut à Madrigalejo; mais
Ferdinand lui fit signifier de retourner à Guadalupe, et
de Py attendre (1).
Aussitót que le roi eut rendu le dernier soupir, les
grands et les ministres qui l'entouraient en donnèrent avis
au doyen de Louvain, Finvitant à venir incontinent à
Madrigalejo, afin que le testament du monarque défunt
s'ouvrit et se publiât en sa présence (2). Cette formalité
remplie, tous se mirent en route pour Guadalupe, où le
cardinal Ximenes avait été requis de se rendre de son côté.
Là il y eut entre Adrien et le cardinal quelque débat : le
premier prétendant gouverner seul en vertu des pouvoirs
qu'il exhiba de Parchiduc Charles; le cardinal soutenant
t
(1) Petri Martyris Epist. DLXI et DLXV. — Garisay, Compendio, his-
torial ‚liv. XX, t. 11, p. 1523. — Çurira, LIL, fol. 400, 401. — SANDOVAL,
t. I, p. 34. — ARGENSOLA, Anales de Aragon, pp. 5,6, 8.
(2) Garimar, liv. XX, t. If, p. 1523. — SannovaL, p. 44.
(715 )
que, d'après le testament du roi catholique, c'était à lui
qu'appartenait le gouvernement tant que le prince n’en
aurait pas disposé d'autre manière; il alléguait encore
qu'Adrien, étant étranger, ne pouvait pas remplir la
charge de gouverneur, aux termes du testament de la
reine Isabelle et selon les lois du royaume. Ces prétentions
opposées n'eurent pas de conséquences fácheuses, parce
que les deux compétiteurs convinrent d'en référer au
prince et, en attendant sa décision, de gouverner et de
signer les dépèches ensemble. En réalité, ce fut Ximenes
qui exerça l'autorité de la régence (1) : il avait sur le doyen
de Louvain tous les avantages; il était homme d’État ; il
avait un caractère entreprenant et énergique; il connais-
sait le pays, ses lois, ses mœurs. Les régents résolurent
d'établir leur résidence et celle du conseil à Madrid. Ils
partirent pour cette ville le 1% février avec l'infant Ferdi-
nand. Ce jeune prince, ou plutôt ceux qui étaient attachés
à sa personne, ignorant que le testament de Burgos eût été
révoqué, avaient, dans le premier moment, mandé les mi-
nistres à Guadalupe par des lettres portant en tête El In-
fante, selon la forme dont usaient les rois de Castille (2).
Les grands ne virent pas sans déplaisir qu'un moine
d’une naissance médiocre et un étranger dont Pextraction
n'était pas moins obscure se trouvassent placés à la tête
du gouvernement; ils envoyèrent le duc de l'Infantado, le
connétable de Castille et le comte de Benavente demander
au cardinal quels étaient ses pouvoirs pour régir l'Espagne.
tn. El cardenal lo hazia todo .... No curava mucho del dean en lo que à
él le parecia que no yya bien guiado, aunque le escrivian de Flándes.....
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(2) SaxpovaL , pp. 45, 46. — ARGENSOLA , pp. 51, 32.
(- 146.)
Ximenes répondit que c'était ceux qui lui avaient été con-
férés par le roi catholique. Les trois députés ayant répli-
qué que le roi catholique n'était pas en droit de désigner
un gouverneur, n'étant que gouverneur lui-même depuis
la mort de la reine Isabelle, il les conduisit à une fenêtre
de la maison où il habitait, et dans la cour de laquelle était
disposée de l'artillerie ; il en fit faire une décharge devant
eux, disant : « Avec ces pouvoirs que le roi m'a donnés, je
» gouverne et je gouvernerai la Castille jusqu'á ce que le
» prince, notre seigneur, vienne la gouverner en per-
» sonne (1). » Et il la gouverna en effet tant qu'il vécut,
Charles s'étant empressé de confirmer le choix que le roi
son aïeul avait fait de lui (2).
Dans le royaume d'Aragon, les dispositions testamen-
taires de Ferdinand furent admises avec plus de difficulté :
les peuples de cette partie de la monarchie espagnole
avaient une constitution qui différait essentiellement de
celle de la Castille. Dés que la députation du royaume (5),
siégeant á Saragosse, eut eu connaissance de Pacte de der-
nière volonté du roi, elle s'adressa au justicia mayor (4),
(1) SANDOVAL , p. 46
(2) Lettre du 14 février 1516, dans Sandoval, p. 48.
(3) La députation du royaume d'Aragon était composée de deux mem-
bres de chacun des quatre bras ou états qui formaient les cortés, savoir :
le bras ecclésiastique, le bras des nobles, le bras des caballeros et hidal-
gos ou de la noblesse de seconde classe, le bras des universités, c'est-à-
dire des cités, des communidades et des villes. (Pivar , Historia de las
alteraciones de Aragon en el reinado de Felipe 11, t. I, p. 41)
(4) Le justicia mayor était-nommé par le roi et Bambie: il devait
être choisi parmi les caballeros ou hidalgos. Il présidait une cour ou COn-
sistoire composé = bt juges, Pie en Pd ses lieutenants. Son
autorité était tous les autres juges royaux”
sa mission était principalement de veiller à à ce qu 5 ne fùt point porté
EE en Pd SU
( 717.)
don Juan de Lanuza, afin qu’il voulút recevoir le serment
de l'archevêque don Alonso en qualité de gouverneur des
pays dépendants de la couronne d'Aragon; ce fils naturel
de Ferdinand était fort aimé des Aragonais. Lanuza, ayant
pris l'avis des conseillers de l’audience royale, des avocats
ordinaires de la cour qu'il présidait et de plusieurs juriscon-
Sultes, répondit que la nomination de l'archevêque comme
gouverneur général était contraire aux fueros de la na-
tion, car c'était une maxime incontestable qu'il ne pouvait
yavoir plus d’un gouverneur général, lequel devait être le
successeur du roi régnant, et, par conséquent, il apparte-
nait au prince Charles seul d'être revêtu de cette dignité(1).
Après bien des contestations, les amis de l'archevêque
s’avisèrent d’un expédient qui semblait concilier la volonté
du roi défunt avec les lois aragonaises : ils demandèrent
que don Alonso gouvernát, non avec le titre de gouver-
neur, mais en qualité de curateur de la reine Jeanne,
comme l'avait été le roi catholique; la députation intro-
duisit une instance à cette fin devant Gabriel de Santa
Cruz, l’un des cinq lieutenants du justicia mayor (2). Le
procès s'instruisit dans la forme ordinaire. Comme il fallait
établir que la reine était incapable de gouverner , la dépu-
lation, ainsi que le voulait la loi, fit entendre trois té-
“moins (3). Ceux-ci déclarèrent qu'ils connaissaient la reine;
que, quand elle fut reçue en Aragon pour princesse, elle
atteinte aux fueros de la nation. Les Aragonais regardaient l'institution du
Justicia mayor comme le symbole de leur nationalité et le boulevard des
libertés publiques. (Ibid. , = 45-51.)
(1) ARGENSOLA, pp. 55
(2) Ibid. , pp. 38, 59.
(5) D. Juan de Alagon, chevalier de Saint-Jacques, D. Sancho de la
Cavalleria et D. Gaspar de Gurrea. (ARGENSOLA, p. 59.)
(H8)
étail très-discrète, très-sensée et douée de qualités natu-
relles excellentes (1), mais que depuis longtemps elle avait
perdu la raison (2). Ils rapportèrent qu’ils l'avaient vue à
Arcos et à Tordesillas vêtue d'une façon malséante à une
personne royale et occupée de choses qui ne l'étaient pas
moins (3); qu’ils avaient surtout remarqué en elle des
mouvements des yeux, de la bouche et des mains qui ne
leur laissaient pas de doute sur le dérangement de ses fa-
cultés mentales (4); pour surcroît de preuves, ils contèrent
plusieurs actions ridicules qu'elle avait faites (5). Le justi-
cia mayor , vu les pièces du procès, et faisant droit à la
requête des députés d'Aragon, déclara Parchevéque don
Alonso curateur et tuteur de la reine et de ses royaumes (6).
Ni les députés ni le justicia mayor n'entendaient, par
cette déclaration , préjudicier à Pautorité qui appartenait
au prince Charles : les premiers, après en avoir référé
aux personnages les plus considérables et aux juriscon-
sultes qui connaissaient le mieux la constitution ara-
gonaise, avaient jugé qu'il pouvait être donné en même
temps deux curateurs à la reine (7). En effet, par une se-
oo
(1) «..... Era muy discreta, cuerda y de excelentes dones naturales... »
(2) «..... Pero que de muchos años hasta entónces avia perdido €
ae … » (Ibid.)
(5 . En trages indecentes à su real ears y ocupada en exercicios
que Bes lo eran .... e (ARGENSOLA, p. 39.)
(4) «..... Y, sobre sodo, hazer con los ojos, con la boca y con las manos
tan diversos visajes y mudancas, i tan á priesa, que no les dexava poner
en duda TaS acidente.. ... « (1bid., p. 40.)
(5 … Contaron, abueltas dedo; lens de sus acciones ridiculas...
(lbid.)
(6) Ibid.
(7) Ibid., p. 58.
CHI) ;
conde décision, prononcée le 12 mars, le justicia mayor
statua que le prince aurait la curatelle, la protection et
l'administration de la personne de la reine, de ses royaumes,
de ses droits et de ses biens, tant que durerait l'aliénation
mentale de sa mère (1). Cette seconde décision fut précédée
des mêmes formalités que la première : Pinstance devant
la cour du grand justicier fut introduite au nom de la
députation du royaume, et de nouveaux témoins furent
produits qui confirmèrent la déposition de ceux que la
cour avait précédemment entendus sur linsanité d'esprit
de la reine (2).
En Navarre, le testament du roi catholique ne reçut
son exécution qu’au mois de mai. Jean d'Albret avait en-
vahi le pays; il fallait, avant tout, pourvoir à la défense
du territoire, Le colonel castillan Hernando de Villalva
ayant mis en déroute, le 21 mars, les Béarnais et les
Francais réunis, cette victoire eut pour résultat la pacifi-
cation du royaume. Don Antonio Manrique, duc de Nájera
et comte de Treviño, nommé par les gouverneurs de
Castille vice-roi et capitaine général de Navarre, con-
Yoqua à Pampelune les trois états du royaume, qui, le
Gre an Bie. ge damus, nominamus, diputamus et cre-
amus in curatorem, regitorem, defensorem, protectorem, administra-
torem persone potentissime pa mine nostre regine Joanne, regnorum
Aragonum et ejus corone et predicti regni et suarum pertinentiarum,
jurium, rerum et bonorum dicte serenissime regine domine nostre perti-
nentium, impedimento et infirmitate mentis prefatis du dpi exce-
lentissimum pot T dominum nostrum Karolum, etc. »
(Testimonio de la curaduria del principe D. Carlos de los a y Es-
lados de Aragon, etc. : Arch. de Simancas, Estado, Patronato real,
Capitulaciones con Aragon y Navarra, leg. 2
(2) ArcexsoLa, p. 40. — Testimonio de la Gurania , etc.
(720 )
22 mai, jurérent entre ses mains qu’ils recevaient et pre-
naient pour leur roi et naturel seigneur le roi Charles,
promettant de lui être fidèles et bons sujets, de lui obéir
et de le servir bien et loyalement, ainsi que de bons et
fidèles sujets y étaient tenus : le duc leur avait , au préa-
lable, fait serment, au nom du roi et de la reine sa mère,
d'observer leurs fueros, lois, coutumes et libertés (1).
Charles, comme on le verra plus loin, avait pris le titre
de roi quelque temps auparavant.
II.
Tandis que ces changements s'opéraient dans le gou-
vernement de la monarchie espagnole, que se passait-il à
Tordesillas ?
Dès la veille du jour où y parvint la nouvelle de la mort
du roi catholique, une certaine agitation s'était manifestée
parmi les habitants aussi bien qu'entre les officiers de la
maison de la reine Jeanne; le corrégidor et le conseil de
la ville, qu’accompagnait le grand écuyer de la reine, don
Diego de Castilla, s'étaient transportés au palais; ils avaient
fait jurer, par tous ceux qui y exerçaient quelque fonction,
qu'ils s’acquitteraient fidèlement de leurs devoirs, et ne
laisseraient entrer dans le palais nulle personne, quelle
qu'elle fût. Plusieurs des officiers et des dames de la reine
ne voulurent prêter ce serment qu'en exceptant de ceux à
qui ils refuseraient l'entrée le prince Charles, le cardinal
DANE Ee
(1) Garisay, liv. XXX, t. HIL, pp. 590-591. — AncensoLa, pp. 137, 144,
145, 164. — Acte de prestation réciproque des serments du duc de Ná-
jera et des trois états de Navarre, aux Archives de Simancas, Patronalo
real, Pleitos homenages, leg. 6.
(721 >
Ximenes, le président ou tout autre membre du conseil de
Castille qui se présenterait (1). Au moment où Pon sut,
d'une manière certaine, que Ferdinand v'existait plus, le
capitaine des hallebardiers de la reine, Pedro de Corrales,
suivi de tous ses gens armés, monta l'escalier du palais,
en intention de pénétrer jusqu’à la chambre où sa souve-
raine se tenait et d'en faire sortir les monteros (2) par qui
elle était gardée ; mais ceux-ci lui ayant résisté, il retourna
sur ses pas (5). Le document qui nous fournit ces détails,
restés ignorés des historiens espagnols, ne nous dit pas
dans quel but avaient lieu ces mouvements, ni par qui ils
étaient excités : ce que nous rapporterons tout à l'heure
donne lieu de supposer qu'ils étaient dirigés surtout contre
l'autorité du gouverneur de la maison royale, mosen Ferrer.
Les grands et les ministres qui se trouvaient auprès du
roi catholique à Madrigalejo , aussitôt après la mort de ce
monarque , avaient écrit à mosen Ferrer, pour qu'on la
tint cachée à la reine; cet ordre, lui et les dames princi-
pales du palais l’avaient ponctuellement observé (4). Mais
(1) Instruccion de doña María de Ulloa de lo que se habia de decir
al cardenal Jimenez de Cisneros acerca de lo ocurrido en Tordesillas
luego que se supo la muerte del rey católico. (Archives de Simancas,
Estado, leg. 3, fol. 113
Maria de Ulloa, comtesse douairiére de Salinas, avait été appelée par
canne, après la mort du roi son mari, pour remplir auprès d'elle la
charge de camarera mayor.
(2) Nous répéterons ici ce que nous avons dit ailleurs : les monteros
étaient des serviteurs de la maison royale dont Poflice consistait à veiller,
la nuit, dans les pièces attenantes à celles où dormaient le roi, la reine et
les infants, pour la garde de leurs personnes. (Voy. Don Carlos el Phi-
lippe 11, 2e édition, p. 363.)
(5) Instruccion, de doña María de Ulloa , etc.
(4) ArcessoLa, p. 19.
: (#3)
il était difficile qu'un événement aussi considérable et dont
tout le monde s'entretenait ne parvint pas aux oreilles de
Jeanne. Ceux qui le lui apprirent le firent d'ailleurs dans
une bonne intention et persuadés que l'impression qu'il
produirait sur elle ne pourrait rendre son état mental pire
qu’il n’était : ils se figurèrent qu’à cette nouvelle elle don-
nerait un peu plus de soins à sa personne, qu'elle se véti-
rait et se chausserait (1), ce dont elle avait perdu l'habitude,
car elle se dirait qu’elle allait recevoir bien des visites :
déjà un régidor de Valladolid s’était présenté au palais au
nom de l’ayuntamiento de cette ville (2). Jeanne demanda
au père gardien fray Juan de Avila, son confesseur et insti-
tuteur de l’infante doña Catalina, sa fille, s’il était vrai que
le roi son seigneur eût cessé de vivre; sur la réponse affir-
mative du moine , elle désira savoir quels étaient les grands
qui avaient assisté au décès de son père, et si le cardinal
Ximenes s'y était trouvé. Elle parut contrariée, quand fray
Juan lui dit que le cardinal était chez lui en ce moment-là:
mais, lorsqu'il ajouta qu’on l'avait immédiatement appelé,
parce que le roi, dans son testament, lui avait confié le gou-
vernement des royaumes de Castille, et qu'il était auprès de
l'infant, elle en témoigna une grande satisfaction, disant que
c'était très-bien, car le cardinal était une fort bonne per-
sonne (3). Ce langage causa quelque surprise : on était géné-
deens
a a
(1) « La cabsa por que se dixo á la reyna la muerte de su padre, fué
por dos cosas. La primera..... La otra con pensamiento que, pensando
Su Alteza que la venia todo el mundo á veer, se alimpiaria é bestiria €
calcaria, con pensamiento que no podia estar peor de lo que stava-
(Instruccion de doña Marta de Ulloa, etc)
(2) Instruccion de doña María de Ulloa, etc.
3) « ..... Mas, quando le dixo que avian ydo á llamar á Su Señoría
Reverendissima é que estaba junto con el señor infante, porque el res,
: (723 )
ralement dans l'opinion qu’elle n’aimait pas le cardinal (4).
Mosen Ferrer n’était bien vu ni des officiers de la maison
de la reine, ni des habitants de Tordesillas; il s'était aliéné
les esprits par une sévérité excessive ; on lui reprochait, de
plus, de n’avoir rien fait pour la guérison de la maladie
mentale de sa souveraine, ni pour la distraire de la mé-
lancolie dans laquelle elle était plongée (2). Don Diego de
Castilla et le capitaine Pedro de Corrales, avec l'appui des
principaux de la ville, voulurent profiter des premiers
moments de troubles pour Pen expulser. Leur dessein
échoua par l'opposition qu’ils rencontrèrent de la part du
majordome et des monteros : mais ils exigèrent qu'il n’en-
trát plus au palais et ne sortit de sa demeure que pour
aller à la messe; ils substituèrent leur autorité à la sienne,
défendant aux monteros et aux femmes de la reine de lui
parler; ne permettant l'entrée ou la sortie du palais qu’à
ceux à qui il leur convenait de Paccorder; agissant enfin
comme.s’ils étaient les maîtres (5). Par leur ordre, ou tout
nuestro señor, le abia encomendado la governacion destos reynos é la
pacificacion dellos y el servicio de Su Alteza é del príncipe, nuestro señor,
u hijo, mostró mucho plazer de ello, y dixole que hera muy bien, por-
que Su Señoría Reverendissima hera muy buena persona..... » (1bid.)
(1) Ibid.
(2) re Histoire du cardinal de Ximenes, Amsterdam, 1695,
CH,
aha $ des a Diego a requerido á monteros é á mugeres que no hablen
å la reyna nile digan palabra, y con esto ninguna persona ha osado livia-
namente ni de otra manera dezir à la reyna cosa ninguna..... Ásymismo no
dexan entrar å nadie en palacio syno que entren é salgan por su mano , é
haziendo cadal dia á las mugeres é á los monteros mill requerimientos
para que no hablen á Su Alteza ni le 7e mis smo. me E dexen : asy
que de lo uno é de lo otro está todo e er quien los
hizo parte, é que se quieren hazer pe de la teymi de den é el ca-
pitan con favor de la villa..... » (Instruccion de doña María de Ulloa, etc.)
( 724 )
au moins de leur consentement , un prêtre fut appelé pour
exorciser la reine. Ce prêtre avait promis monts el mer-
veilles; il fit ses conjurations pendant plusieurs jours dans
un cabinet attenant à la chambre de Jeanne, et d'où il
pouvait la voir sans qu’elle le vit et sans qu’elle se doutát
de sa présence. Comme on reconnut que son prétendu
pouvoir sur le démon ne produisait aucun effet, on le con-
gédia (1).
Un des premiers actes de Ximenes, quand il ent pris en
main les rênes du gouvernement, fut de recommander que
tout demeurát paisible à Tordesillas jusqu’à ce qu'il y
vint (2). Averti des faits que nous venons de rapporter, il
y envoya Rodrigo Sanchez de Mercado, évêque de Mail-
lorque (3), avec la mission de rétablir Pordre dans la
maison de la reine, et d'enjoindre á tous les officiers du
palais de remplir les fonctions qui leur avaient été attri-
buées respectivement, de façon que rien ne fût changé à ce
qui avait été établi à cet égard par le feu roi (4). Quelque
(1) « En lo del hechizero que vino á curar á Su Alteza..... Quando este
clérigo entraba á la reyna, yba con él don Diego y hechaba fuera del
retrete de Su Alteza á las mugeres que estaban allí, que son las que
tienen la guarda, é asimismo de los corredores, y quedávase él en el
retrete mirando de allí á la reyna, y hazia sus conjuros. Los monteros
nunca le dexaron entrar solo; entraban dos dellos con él. Su Alteza
nunca le vió ni supo nada... Él se fué, y quedan sus consortes harto
desesperados.... » (£bid.)
(©) « Com mo han visto que Su Señoría Reverendissima ha enbiado á
mandar que esté todo quieto hasta en tanto que él acá viene..... » (nstr uc-
cion de doña Maria de Ulloa, etc.)
(3) Il était castillan, docteur en droit, et avait été conseiller du roi Fer-
dinand. (VinLaxueva, Viage literario å las iglesias de España, t. XXII,
. 98.
(4) Lettre de Ferrer à Ximenes du 6 mars 1516, dans BERGENROTH, p. 141.
AAN
|
à
SS DT en Sar ne DES
(725)
temps après , il modifia d'une manière sensible la situation
de mosen Ferrer, en ordonnant qu’il ne se mélát plus de
ce qui concernait la santé et le régime de vie de la reine;
il voulait que ce soin fût réservé désormais au docteur
Soto, son médecin, aux femmes qui étaient attachées à sa
personne et à fray Juan de Avila, d'accord avec l’évêque
de Maillorque (1). |
Ferrer fut vivement blessé de cette mesure. Il s’en plai-
guit au cardinal et se disculpa en même temps des impu-
tations dirigées contre lui : « Comment — lui éerivit-il —
Votre Seigneurie Illustrissime, qui connaît si bien la
condition et Pinfirmité de la reine, notre dame, peut-
elle croire ou penser que, par ma faute, on ait négligé
de faire ce qu’exigeaient la santé de Son Altesse et son
service?..... Son Altesse ayant succédé à la couronne
d'Aragon, pays de ma naissance, qui pouvait se pro-
mettre de son rétablissement plus d'avantages que moi,
après la manière dont je Pai servie et les continuels rap-
ports que j'ai eus avec elle? Mais est-ce ma faute, si
Dieu la fit de telle nature qu'on ne sache obtenir d'elle
plus que ce que Sa Divine Majesté permet? Et jamais
le roi son père ne put obtenir davantage, jusqu’au point
que, pour lui conserver la vie, il dut ne pas insister sur
ce qu'il avait ordonné, car elle voulait se laisser mourir
de faim plutôt que d’y obéir (2)..... » Ferrer disait ensuite
qu'il ne s'attendait pas qu'on lui fit subir un tel affront
en ses vieux jours (3). Déjà il avait offert sa démission; il
demandait itérativement que le cardinal lui accordát son
v v v vuv vy vv vv vw Yy vy
(1) BercesrOTH, p. 143.
(2) Ibid., p. 142.
(3) Ibid., p. 143.
2" SÉRIE, TOME XXIX. 47
(726)
congé, ou, s'il le voulait maintenir dans le poste auquel le
feu roi l'avait appelé, que ce fût en lui conservant l'autorité
qu'il y avait toujours exercée : ses longs et loyaux services et
ses cheveux blanes lui paraissaient mériter cette justice (1).
Ximenes n'aimait pas les Aragonais (2); il n'avait aucun
motif de ménager mosen Ferrer, qui s'était fait détester
de tout le monde à Tordesillas (5); il le remplaça, le
5 avril 1516, par Hernan Duque de Estrada. C'était un
gentilhomme de Talavera; il avait été maître d'hótel (maes-
tresala) de Ferdinand; les rois catholiques l'avaient en-
voyé en Angleterre pour négocier le mariage de Pinfante
doña Catalina, leur fille, avee le prince de Galles; il avait
rempli d’autres missions encore, dans lesquelles il avait
fait preuve de beaucoup de prudence et d'esprit de con-
duite. Il prit possession de sa charge le 95 avril. Ferrer,
comme on Pa vu (4), n’était -qualifié que de cerero mayor
(littéralement officier chargé du service des bougies),
quoique en réalité il eût le gouvernement du palais; la que-
lification de gouverneur fut donnée à Hernan Duque (5).
Le cardinal avait, depuis peu, fait partir pour Bruxelles
le comte Hernando de Andrada, afin qu'il entretint Charles
et ses ministres de plusieurs affaires majeures, el notam-
(1) BERGENROTH, p. 145.
(2) ARGENSOLA, p. 64.
(3) «..... Está tan malquisto con todos, por averlos muy mal tratado en
su hl que es sang syno que le maten..... » (Instruccion de doña
Maria de Ulloa, e
(4) Dans le paa pré écéden
(5) Arch. de Simancas: te de la casa de la reyna doña Juana, et
poe leg. 4. — ArGENSOLA, p.64. — Frécuien, Histoire de Ximenes, t. H,
593. — anis del cardenal don fray Francisco Jimenes de Cisneros
ia á don Diego Lopez de Ayala, 1867, in-8°, p. 144.
(TRF )
ment de la situation de la reine Jeanne. L'instruction
d'Andrada n'est pas connue; elle manque aux archives de
Simancas; par lá on ne comprend qu'imparfaitement la
réponse de Charles à Ximenes contenue dans sa lettre du
50 avril 1516 : « La garde de la reine, dit-il, pour la di-
versité des opinions, est très-nécessaire. Le comte pense
qu'il serait à propos que j'envoyasse quelqu'un de ce
pays à Tordesillas. Son avis me paraît sage : mais, comme
je n’ai pas fait encore mon choix, je vous prie et charge
particulièrement, en attendant que je le fasse, de donner
des ordres pour que la reine soit très-bien traitée et
gardée de manière que, si quelques-uns voulaient aller
à l'encontre de ma bonne intention, ils ne le pussent :
en cela je vous recommande le plus grand soin. Et
comme à personne il n'appartient , autant qu'à moi, de
veiller à l'honneur, au contentement et à la consolation
de la reine, ma dame, ceux qui voudraient s'en entre-
mettre ne pourraient avoir que des intentions sus-
pectes (1). »
Nous avons la réplique de Ximenes à cette lettre; elle
est du mois de septembre suivant. On y lit que, depuis
qu'Hernan Duque a été placé à la tête de la maison de la
reine, tout y est paisible, bien réglé, et qu'il n’y a plus per-
sonne au palais de Tordesillas á qui il passe par la tête de
remuer. Le cardinal supplie l'héritier des rois catholiques
de n’apporter aucun changement à cet état des choses jus-
qu’à sa venue en Espagne. Il l’assure qu’en ce qui concerne
la santé de la reine et son service, il a pris des dispositions
qui ne laissent rien à désirer (2).
ve vee vv ve
dn
(1) Bercexrora, p. 147
(2) Cartas del cardenal Jimenes, ete., p. 144.
(728 )
Un brillant écrivain, après avoir tracé le tableau des
améliorations introduites dans la manière de vivre et les
habitudes de la reine, grâce aux mesures du cardinal et
aux soins d'Hernan Duque, ajoute : « 1 n’y eut rien, dans
» toute la régence de Ximenes, qui lui attirát tant de
» remerciments. Le roi lui en éerivit des lettres pleines
» de reconnaissance; tout le peuple lui donna mille béné-
» dictions; les grands mémes reconnurent sa sagesse el
» ses bonnes intentions, et la plupart s’attachèrent à lui
» depuis ce temps-là (1). » Il est à regretter que le récit
de Fléchier et les réflexions dont il Paccompagne ne re-
posent que sur le témoignage d'Alvaro Gomez de Castro,
le panégyriste de Pillustre cardinal.
HI.
Revenons un instant sur nos pas pour raconter un fait
qui occupe une place marquante dans l’histoire de Pavéne-
ment de Charles-Quint au trône d'Espagne.
La mort de Ferdinand et ses dispositions testamentaires
avaient à peine été connues à Bruxelles que son petit-fils
était excité à ne se- contenter point du titre de prince de
Castille et d'Aragon, mais à prendre celui de roi; et ce
n'étaient pas seulement ses ministres belges, c'étaient aussi
les Espagnols venus à sa cour, qui Py excitaient : les uns et
les autres se fondaient sur ce que la reine Jeanne, vu la
maladie mentale dont elle était affligée, pouvait se compter
pour morte (2).
PRET
(1) FLécaier, Histoire du cardinal Ximenes, t. 1, p. 594.
(2) Sanpovaz, t. 1, p. 52. — ARGENSOLA, p. 155.
1
|
À
5
y
2
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f
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E
a
( 729 ) j
Le conseil royal de Castille, que Charles erut devoir
pressentir là-dessus, se montra contraire à des aspirations
qui ne lui paraissaient pas légitimes, et il s’en exprima avec
une grande liberté: « Votre Altesse —écrivit-il au prince —
» possédant, comme elle les possède, si pacifiquement et
» Sans contradiction ces royaumes, où elle peut ordonner
» tout ce qu'elle juge à propos, quelle nécessité y a-t-il pour
» elle de prendre le titre de roi péndant la vie de la reine,
» notre dame, sa mère, puisque Votre Altesse l’est en
réalité? En prenant ce titre, vous porteriez atteinte à
l'honneur et à la révérence dus, selon les lois divines
et humaines, à la reine, votre mère, et cela sans fruit
ni résultat aucun et contre le commandement de Dieu.
Par la mort du roi catholique, Votre Altesse n’a pas
acquis plus de droits à cet égard qu'elle n’en avait au-
paravant, puisque lès royaumes de Castille n’appar-
tenaient pas audit roi. I} paraît même que, si dès à pré-
sent Votre Altesse s’attribuait le titre de roi, il en
pourrait résulter des inconvénients et des dommages
pour son service, car il arriverait peut-être que ceux
auxquels déplairaient la paix et la concorde publiques
en prendraient occasion, sous couleur de fidélité, de
servir, les uns Votre Altesse, les autres la très-puissante :
reine, votre mère, comme le démontre l'expérience des
temps passés... Ce que quelques-uns veulent dire, que
le fils du roi se peut appeler roi du vivant de son père,
est chose inusitée en ces royaumes et que leurs lois ne
permettent pas. Si quelquefois cela s'est vu en Espagne,
Ca été par usurpation ou du consentement du père; et
Votre Altesse doit suivre les bons exemples, non les
mauvais, qui offensent Dieu... Que Votre Altesse done,
pendant la vie de la très-puissante reine, notre dame,
WWE E A Do y v
v
v v y y vy yv vyv y y y
750 )
votre mère, ait le gouvernement et la libre disposition
et administration de ces royaumes que la reine n'est pas
en état d'exercer — ce qui, avec vérité, se peut dire
régner, puisque tout appartient sans réserve à Votre
Altesse, — et que, pour la crainte de Dieu et honneur
qu'un fils doit rendre à sa mère, elle lui laisse entière-
ment le titre (1)..... »
Charles n'avait pas attendu cette réponse (2) pour se
décider. L'empereur Maximilien tenait beaucoup à ce qu'il
portát le titre de roi; il avait obtenu du pape et du sacré
collége qu’ils le lui attribuassent : le 14 mars, dans l’église
Sainte-Gudule, à Bruxelles, après la célébration des obsè-
ques de Ferdinand, ce titre lui fut donné publiquement par
le premier roi d'armes, dit Toison d'or, qui lui présenta
l'épée royale; et le peuple amassé aux abords de l’église
le consacra par ses acclamations (3). Trois jours après,
Charles annonça à tous les tribunaux supérieurs des Pays-
Bas « que, à grande et mûre délibération de conseil, il
» avait pris et accepté le titre de roi qui lui avait été attri-
» bué par le saint-père le pape et le saint collége des
» cardinaux, » leur ordonnant « d'user de ce titre dans
» les lettres, provisions, actes et autres choses qu'ils dé-
» pécheraient ou feraient dépécher dorénavant en son
» nom, selon le formulaire qu'il leur envoyait (4). »
Y vvv vy Y y
(1) SANDOVAL, t. I, p. 51,
(2) Elle porte la date du 4 mars.
(5) Revue de Bruxelles, cahier de septembre 1838, p. 124. — SANDO-
vaL, t. I, p. 47. — ARGENSOLA, p. 160.
(4) Lettre du 17 mars 1516, dans le reg. n° 157 des chambres des
comptes, fol. 89.
e formulaire envoyé aux conseils de justice était ainsi concu :
« Charles, par la gràce de Dieu, roi de Castille, de Léon, de Grenade,
E
:
:
E
f
( 731 ) 4
Il fit la même communication, avec plus de développe-
ments, aux chancelleries et aux villes des royaumes de
Castille. Il disait à celles-ci que non-seulement le pape et
l’empereur, mais encore des personnages éminents, re-
nommés pour leur prudence ct leur sagesse, et plusieurs
des provinces et des seigneuries mêmes auxquelles il était
appelé à succéder, l'avaient persuadé de prendre le titre
de roi; qu'il s’y était déterminé, et qu'en cela il avait été
-mù par des considérations importantes qui touchaient le
service de Dieu, celui de la reine catholique, sa mère, le
soutien, la conservation et la défense de leurs États; que
ce titre lui était surtout nécessaire en présence de la
jalousie que certains princes témoignaient de l’acerois-
sement de puissance qu'il venait de recevoir; qu’il wen-
trainerait d’ailleurs aucune autre innovation. Et il s’en
remettait, au surplus, à ce que leur feraient connaître,
de sa part, le révérendissime cardinal d'Espagne et son
ambassadeur le doyen de Louvain (1).
A ces deux personnages il écrivit que c'était contre son
gré qu'il avait pris le titre de roi, mais que son autorité
dans le royaume, sa réputation au dehors, le bien de ses
vassaux, lui en imposaient l'obligation; qu'il les chargeait
donc de le faire proclamer (2).
Ximenes et Adrien, après en avoir conféré avec les
membres du conseil, convoquèrent en leur présence les
grands et les prélats qui se trouvaient à Madrid, et entre
» d'Aragon, de Navarre, des Deux-Siciles, de Jérusalem, de Valence, de
» Majorque, de Sardaigne, de Corsique, archiduc d'Autriche, duc de
» Bourgogne, etc.
(1) Cette lettre, en date du 21 mars, est dans la Coleccion de docu-
mentos inéditos para la epa ia de España, t. XVIII, p. 568.
(2) SanpovaL,t.1,p. 5
( 732 )
lesquels étaient Pamirante de Castille, les dues d'Albe et
d’Escalona, les marquis de Villena et de Denia, les évèques
de Burgos, de Siguenza, d'Avila. Le docteur Carvajal,
parlant au nom des gouverneurs, prononça un long dis-
cours. Il appuya sur ce que le prince ayant, nonobstant
les représentations qui lui avaient été faites, cru devoir
prendre le titre de roi, il ne pouvait plus être question de
diseuter ce titre, car le lui refuser serait le priver de toute
autorité et couvrir de honte sa personne royale; que d'ail-
leurs l'incapacité de la reine en matière de gouvernement,
suite de sa maladie mentale, était notoire à tous. Il ajouta
que ce n’était pas chose nouvelle de voir un fils régner
conjointement avec sa mère ou son père, et il cita en
preuve différents exemples tirés de l’histoire d'Espagne (1).
Après Carvajal, Pamirante de Castille et le duc d'Albe
réclamèrent successivement la parole : suivant eux, il
n’était pas bien que le prince s’appelât roi du vivant de la
reine sa mère, et il devait se contenter d'être gouverneur
des royaumes de Castille comme l’instituait le testament
du roi catholique. Le marquis de Villena dit que, le roi
ne leur demandant pas leur avis, il n'avait point àen
donner. D'autres se rangèrent à Popinion du cardinal
régent, telle que le docteur Carvajal lavait exprimée.
Ximenes alors, se levant, déclara avec vivacité qu'il ne
souffrirait point qu'on mit en question le titre que le roi
avait pris; qu'on ne pouvait lui dénier ce titre qu’en lui
refusant l'obéissance, et il congédia Passemblée. Sans
perdre de temps, et d'accord avec Adrien, il manda le cor-
régidor de Madrid, auquel il preserivit de proclamer, dans
les carrefours et sur les places publiques, le nouveau roi
(1) SANpovaL, t. I, p. 52.
NS A bi
E
( 755 )
des Castilles : cet ordre fut immédiatement exécuté (1).
Les deux gouverneurs, en envoyant aux chancelleries
et aux villes les lettres de Charles, les accompagnèrent
d'explications propres à en augmenter l'effet. Quoique
conseillé, sollicité par le pape, par l'empereur et par les
autres potentats de la chrétienté de prendre seul le titre
de roi, le prince, écrivaient-ils, avant plus à cœur l'hon-
neur et la révérence qu'il devait à la reine, sa mère, que
ce qui le touchait personnellement, n'avait consenti à
accepter ce titre que conjointement avec elle et en lui
laissant la prééminence : il avait voulu par là payer la
dette qu’en fils soumis il avait envers sa mère, afin de
mériter sa bénédiction, et son intention bint de lui obéir
et de lui porter respect en tout, comme à sa mère et à la
reine et dame naturelle des royaumes d’Espagne. Ximenes
et Adrien communiquèrent en même temps aux chancel-
leries de Valladolid et de Grenade la formule qu’elles au-
raient à suivre dans l'expédition des dépêches et des actes
royaux (2).
Charles fut ainsi reconnu roi dans toute la Castille, sans
opposition aucune, mais non sans que bien des gens, pour
des causes diverses, en murmurassent (3). Parmi les ser-
a a ee
(1) Sanpovau, p. 55. — len p. 189
(2) Sanpovar, t. I, p. 55. Cet historien duane à la lettre des gouver-
neurs la date du 13 avril BE dans la Coleccion de documentos ARAI
para la historia de España , t, XVIII, p. 577, elle est datée du 25 avril.
La formule adoptée pour l'expédition des actes royaux était : « Doña
» Juana y don Cârlos, su hijo, reina y rey de Castilla, de Leon, de nen
» de las dos Sicilias, de Jerusalem, de Navarra, de Grenada, ete
» archiduques de Austria, duques de Borgoña y de Brabante, ae jen
» Flándes y de Tirol, etc. »
(3) SaxpovaL, t. I, p. 5
ë
( 754)
viteurs de la reine Jeanne, il y en eut qui s’efforcèrent, à
cette occasion, de Pindisposer contre son fils, et Pon rap-
porte que, lorsque en sa présence on donnait à Charles le
titre de roi, elle en marquait son mécontentement, disant :
« Moi seule je suis la reine; mon fils Carlos n'est que
» prince.» Un historien ajoute que, si elle tardait à avoir `
des nouvelles des Pays-Bas, elle demandait : « Que savez-
» vous du prince? » ou bien : « Que savez- vous de
» celui-là (1)? »
Charles ne notifia point aux royaumes dépendants de la
couronne d'Aragon le titre qu'il venait de prendre; les lois
de ces royaumes exigeaient, pour qu'il lui fût attribué,
l’assentiment des représentants de la nation, et les cortès
ne pouvaient être convoquées en son absence. Aussi le titre
de roi prince (rey príncipe) fut-il le seul que les Aragonais,
les Valenciens et les Catalans lui donnérent jusqu’à sa ré-
ception à Saragosse en 1518. Les actes de sa chancellerie
où figurait le titre de roi d'Aragon étaient tenus par eux
pour nuls et non avenus (2).
1.
Depuis la mort du roi son aïeul, Charles recevait d'Es-
pagne messages sur messages qui l'appelaient en ce pays(5).
Les royaumes d'Aragon et de Valence et la principauté de
Catalogne lui avaient envoyé une ambassade solennelle
(1) Sawnovaz, t. 1, p. 55. — ARGENSOLA, p. 186.
(2) Petri Martyris Epistol. DXC. — ARGENSOLA, pp. 17 157, 187.
L'oncle même de Charles, D. Alonso. d'Aragon, de Saragosse,
(5) Saxpova, pp. 47, 60, 76.
AE ij E ET A
DS di TS.
| (735 )
pour le supplier de s’y rendre sans délai (1). Les procura-
dores des royaumes de Castille, assemblés extraordinaire-
ment avec Pautorisation du cardinal Ximenes, allaient
suivre cet exemple; ils ne s'en étaient abstenus que sur
Passurance du régent que le roi ne tarderait pas à arri-
ver (2). La présence de Charles dans la Péninsule était en
effet plus que nécessaire. Ximenes et Adrien, chargés en-
semble du gouvernement des Castilles et de la Navarre, ne
vivaient pas dans une parfaite intelligence. Le cardinal
était en désaccord avec plusieurs des membres du conseil,
el surtout avec le président, D. Antonio de Rojas, arche-
vêque de Grenade (3). Les grands l'avaient en haine pour
sa sévérité, et partout où ils se sentaient assez forts, ils
lui résistaient ouvertement (4). Il avait voulu, afin de les
contenir dans le devoir, eréer une milice que fourniraient
les villes et les communes; l'opposition de Valladolid avait
fait échouer ce projet (5). Les Espagnols, qui depuis plus
de mille ans n'avaient obéi qu’à des princes nés et élevés
parmi eux, avaient de la peine à se familiariser avec l'idée
de voir la couronne portée par un prince étranger. Une
partie de la nation aurait voulu avoir pour roi l'infant
Ferdinand, qui, avant recu le jour en Castille, n'en était
jamais sorti depuis sa naissance, et dont les maniéres affa-
bles, éducation tout espaguole et les brillantes qúalités
élaient faites pour lui attirer les sympathies générales (6).
Charles avait annoncé, dès le 14 février 1516, son pro-
(1) a dre del 176, 177,
(2) Ibid.,
(5) Ibid., pp. 59, 60, 61, 6
(6) Zbid., p. 71. — loans m 276 et 277.
«
( 756 )
chain départ pour PEspagne (1). Dans un conseil tenu au
palais de Bruxelles dix jours après, il avait été résolu que
ce départ aurait lieu vers la Saint-Jean (2); des dispositions
avaient été prises en conséquence; une aide de quatre cent
mille florins avait été demandée aux états généraux des
Pays-Bas pour les dépenses du voyage. Mais l’état des af-
faires publiques vint s'opposer à ce que ces résolutions fus-
sent suivies d'effet. Avant de quitter les Pays-Bas, Charles
et ses ministres avaient à cœur de les mettre à Pabri de
toute entreprise de la part de leurs voisins, et il fallut ou-
vrir ou poursuivre, dans ce but, avec l'Angleterre et la
France, des négociations qui prirent beaucoup de temps.
Déjà des traités avaient été signés avec la première de ces
puissances, à Bruges le 24 janvier et à Bruxelles le 15 fé-
vrier; il en fat signé un troisième le 19 avril : ces traités
renouvelaient les anciennes alliances des monarques an-
glais avec les princes des Pays-Bas, et assuraient à ces
provinces le secours de la Grande-Bretagne, au cas qu'elles
fussent attaquées en l'absence de leur souverain. Le 29 oc-
tobre, un autre traité, conclu entre Charles, Henri VIH et
l'empereur Maximilien stipula l'obligation, pour les trois
parties contractantes, de se soutenir mutuellement contre
quiconque attaquerait l’une elles (5). Les différends qui
existaient entre Charles et François 1°" au sujet du royaume
de Naples et de la Navarre furent ajustés par le traité de
Noyon du 13 aoùt , auquel Maximilien adhéra à Bruxelles
th) Lettre au conseil de Castille, dans SannovaL, t. I, p. 47.
(2) Mémoire de Pévéque de Badajoz au cardinal Ximenes , du 8 mars
1516, dans les Bulletins de la Commission royale d'histoire de Belgique,
Are série, t. X, p. 15.
(3) ALEXANDRE Hense, Histoire du règne de Charles-Quint en Bel-
gique, t. II, pp. 152, 161, 162, 166.
A O eea APEE PTE CAE e A A zic PO ER rn E ON A nen
EEPL A EIE ALES e EN dE
;
(731 )
le 5 décembre; et, le 14 mars 1517,4 Cambrai, l'empereur,
le souverain de la France et le successeur de Philippe le
Beau et des rois catholiques contractèrent une nouvelle et
générale ligue de fraternité, confédération et alliance per-
pétuelle plus étroite que les précédentes : il y était stipulé
que les trois princes se garantissaient mutuellement leurs
États: qu'ils ne soutiendraient en aucune manière leurs
ennemis extérieurs ou intérieurs; qu’ils se prêteraient une
assistance réciproque; qu’ils ne abonne faire de con-
quétes que de commun accord (1).
Par ces conventions diplomatiques la paix étant ga-
rantie aux Pays-Bas, rien ne s'opposait plus á ce que
Charles se rendit en Espagne. Au printemps de 1517, 11
donna l'ordre qu'une flotte destinée à ly transporter fût
équipée dans les ports de Zélande : lorsque Jes navires qui
en devaient faire partie eurent été réunis, il convoqua les
états généraux, afin de prendre congé d’eux.
Cette assemblée eut lieu le 16 juin , à Gand. Le grand
chanéelier, Jean le Sauvage, y porta la parole. Après avoir
exposé les raisons qui obligeaient le roi à s'éloigner momen-
tanément des Pays-Bas, il assura les états que son cœur
demeurerait avec eux, et qu'entre tous ses sujets ils lui
seraient toujours les plus chers, car il n’oublierait point
les preuves d'attachement qu'ils lui avaient données. Il dit
que le roi les avait assemblés, pour le grand désir qui était
en lui de les voir encore une fois avant son départ et de
leur faire ses adieux. Il parla des traités de paix ct al- .
liance conclus avec la France et l'Angleterre. I promit aux
états qu'ils auraient lieu d'être contents de l’ordre qui serait
LE
(1) ALEXANDRE Hense, t. 11, pp. 164, 167, 177.
( 738 >
établi pour le gouvernement du pays et l'administration de
la justice pendant l'absence de leur prince. Enfin il déclara
que, si le roi ne pouvait revenir d'Espagne aussitôt qu'il
le souhaiterait, il enverrait aux Pays-Bas l'archiduc Fer-
dinand (1).
Le pensionnaire de Gand, au nom des états généraux,
remercia le roi de l'amour et de la bienveillance qu'il leur
témoignait. Il exprima la peine qu’ils ressentaient en pen-
sant qu'ils allaient être privés de sa présence. Il se fit l'in-
terprète de la reconnaissance publique pour la paix qu'il
avait procurée au pays, et pour l'intention qu'il annonçait
de pourvoir, avant de le quitter, à la bonne administration
de l’État. « Au regard des petits services qu'il vous plaît
» leur attribuer de vous avoir faits, — ajouta l'orateur —
» ils savent bien qu’en ce faisant ils n’ont fait chose que
faire ne devaient , et encore-mieux voudrait faire, s’il
» était en leur pouvoir. »
Le pensionnaire ayant fini sa harangue, Charles se leva,
et, adressant lui-même la parole aux états généraux, dit:
Mes amis et loyaux sujets , qui, à mon mandement, êtes
ici assemblés, sachez que ce qui par mon chancelier
vous a été remontré de par moi, je l'avais chargé de ce
faire; et pour ce, en ensuivant la réponse que vous
m'avez faite, je désire que vous continuiez en votre bon
propos, comme jusques á cette heure et de tout temps
me l'avez bien montré et que en vous en ai bonne con-
Y W Y Ru A
(1) Relation du premier voyage de Charles-Quint en Espagne, par Lau-
rent Vital. (MS de la Biblothèque royale de Bruxelles )
Vital était l’un des valets de chambre de Charles-Quint. Il l'avait servi
depuis son enfance. Charles le donna à son frère lorsqu'il se sépara de l'in-
fant à Aranda de Duero, au mois d'avril 1518
|
i
( 739 )
» fidence. En ce faisant, vous serai bon prince. Et sur ce
» vous dis adieu jusques à mon retour, qui sera le plus
» tòt que je pourrai (1). »
Cette scène, pleine à la fois de grandeur et de simpli-
cité, produisit une impression profonde sur tous les assis-
tants. Il y en avait beaucoup, au rapport d'un témoin ocu-
laire, qui étaient émus au point de ne pouvoir retenir
leurs. larmes (2).
Charles, le 22 juin, alla visiter la ville de Bruges, dont
les habitants s'étaient distingués, entre ceux de toutes les
cités flamandes, par la réception qu’ils lui avaient faite après
son émancipation (5). De Bruges il passa en Zélande, vou-
lant se tenir prêt à mettre à la voile au premier vent favo-
rable, Il Pattendit pendant deux mois entiers. Déjà le bruit
était commun qu’il ne partirait pas, que la saison était trop
avancée; et, s'il faut le dire, on s'en réjouissait aux Pays-
Bas, car c'était avec un regret infini que les Belges
voyaient s'éloigner leur prince (4). La remise du voyage
à Pannée suivante aurait pu cependant avoir pour le roi
de graves conséquences; un historien accrédité va jusqu'à
affirmer qu'elle aurait entraîné la ruine de l'Espagne (5).
Charles le comprenait; aussi était-il décidé à courir les
chances de la traversée, à moins qu'il ne fút manifeste
aux yeux de tout le monde qu'il ne pouvait le faire sans
s'exposer á un danger certain. Enfin, le 6 septembre, les
(1) Relation de Laurent Vital.
(2) Ibid.
(5) «..... Pour Tee de prince en ville, celle de Bruges fut l'oultre-
passe, » dit Laurent Vital.
4) Relation re does Vital.
B) Eu Fuera la total ruyna y acaecimiento destos reynos, principal-
mente sucediendo la muerte del cardenal..... » (SANDOVAL, t. F, p. 82.)
Le ras
SH
( 740 )
pilotes annoneèrent que le vent était devenu propice.
Aussitôt des ordres furent expédiés afin que chacun fût em-
barqué le lendemain. Charles lui-même quitta ce jour-là
Middelbourg, pour s'installer sur le navire qui devait le
transporter en Castille. Le 8, entre quatre et cinq heures
du matin., la flotte appareilla de Flessingue (1).
Charles était accompagné, dans son voyage en Espagne,
de sa sœur aînée madame Éléonore; de Guillaume de Croy,
seigneur de Chièvres, son grand chambellan; de Charles
de Lannoy, seigneur de Sanzelles, son grand écuyer; de
Laurent de Gorrevod, gouverneur de Bresse, Philippe de
Croy, comte de Porcean, Adrien de Croy, seigneur du
Rœulx, Jacques de Luxembourg, comte de Gavre, sei-
gneur de Fiennes, tous ses conseillers et chambellans; de
son confesseur l'abbé d'Haumont; du neveu de M. de Chié-
vres, nominé comme lui Guillaume de Croy, évêque de
Cambrai et qui venait de recevoir à Middelbourg les insi-
gues du cardinalat, et d’un grand nombre de dames et de
gentilshommes attachés à la maison de sa sœur et à la
sienne. Le docteur Mota, évêque de Badajoz, et don Garcia
de Padilla faisaient aussi partie de sa suite (2) : c'étaient
ses ministres espagnols; il leur avait donné le titre de con-
seillers de la Cámara (3). Le grand chancelier avail pris
les devants par la France (4).
(1) Relation de Laurent Vital. — Compte douziéme de Pierre Boisot,
mee de la chambre aux deniers du roi, du ter juillet 1517 au 50 juin
dy Relation de Laurent Vital. — ARGENSOLA, p. 426. — Compte troi-
sième de Nicolas Rifflart, argentier du roi, du ter janvier 1518 (1519) au
31 aoút 1520, aux Archives du royaume.
$ SANDOVAL, t. I, p. 81.
(4) ARGENSOLA, p. 426,
(74)
La première nuit qui suivit le départ de la flotte fat mar-
quée par un événement lamentable : le feu prit à un navire
qui portait les chevaux du roi, du seigneur de Chièvres,
du seigneur de es de plusieurs autres gentils-
hommes, et le dé t; des passagers et de l’équi-
page, au nombre d'environ cent soixante personnes, aucune
n'échappa. Charles en éprouva une vive douleur; ce navire
était commandé par un gentilhomme bourguignon, nommé
Montrichart, dont il faisait beaucoup de cas (1). Jusque
dans la soirée du 40, le temps fut tel qu’on le pouvait sou-
haiter; aussi la flotte avait franchi les passages les plus
difficiles, et déjà elle était parvenue dans la mer d’Espa-
gne; les pilotes faisaient espérer que la semaine ne s'ac-
complirait pas sans que le roi fût arrivé à sa destination.
À ce moment-là le vent tourna tout à coup, et il fallut re-
noncer à de si flatteuses espérances. Le 12, à la chute du
jour, après une brume épaisse et froide, il s'éleva une tour-
mente qui, quatorze heures durant, mit en danger le roi
et ceux qui étaient avec lui. Lorsqu'elle eut cessé, le vent
continuait d'être contraire; les navires n’avançaient pas.
On délibéra, le 14, si Pon retournerait en Flandre, ou si
ai Quand le roy fust acertené que la fortune estoit advenue au-
diet Free il le plaindoit fort, ainsy que ung bon maistre plainet són
serviteur qu'il ayme bien, à cause qu'il avoit bien servy son feu père le
roy Philippe et luy aussy; et luy oys souhaider d’avoir perdu cinquante
mil ducas que la fortune ne luy fust point advenue, tant regrettoit le roy
ledict Montrichart et ses autres serviteurs qui si piteusement avoient finy
leurs vies en son service..... » (Relation de Laurent Vital.)
On avait cru d'abord que c'était le navire de l'amiral, sur lequel étaient
` les joyaux du roi, qui avait péri. Comme on Pannoncait à Charles, il dit
« que il aymeroit mieux avoir perdu touts ses joyaux que tant de si gens
» de bien et de telz personnages. » (1bid.)
27" SÉRIE, TOME XXIX. 48
(742 )
Pon relâcherait dans le port le plus prochain, ou si l'on
attendrait, pendant quelques jours, que le vent chan-
geát : Charles se prononca fortement pour le dernier parti.
Il n’eut pas à le regretter, car le lendemain le vent rede-
vint propice; mais il était extrêmement faible, et un calme
plat succéda à la bourrasque qui, l'avant-veille, avait
assailli les navires. Le 19 enfin on aperçut la terre :
d'après les pilotes espagnols, on croyait aborder à la côte
de Biscaye; c'était les montagnes des Asturies qu’on avait
en vue. Charles, néanmoins, résolut de débarquer à l'en-
droit où il se trouvait : il fit mettre à la mer le canot qui
était à bord de son navire, y descendit avec la princesse
Éléonore et les principaux personnages de leurs maisons,
et, sans s'arrêter au petit port de Tanzones, qui était tout
près de là, mais où lui et sa suite n'auraient pu se loger,
il se fit conduire à Villaviciosa, située au bout d'un bras de
mer, à deux lieues plus loin (1).
Il quitta Villaviciosa le 25 septembre, après avoir écrit,
pour leur annoncer son arrivée, aux conseils des royaumes
de Castille et d'Aragon, aux députés des cortés de ce der-
nier pays, aux villes principales, aux grands, aux prélats,
et tout particulièrement au cardinal Ximenes et à J’arche-
véque don Alonso d'Aragon (2). Son intention était de se
rendre directement, el avec toute la diligence possible, à
Tordesillas; il n’y arriva toutefois que le 4 novembre. Les
historiens espagnols, hostiles aux Belges, ou tout au moins
prévenus contre eux, attribuent la lenteur avec laquelle se
fit ce voyage à la crainte qu'avaient de Ximenes ceux qui
(1) Relation de Laurent Vital.
(2) ARGENSOLA, p. 427
( 743 )
accompagnaient le roi; ils ne s’en tiennent pas là, mais ils
imaginent de prêter à ceux-ci le dessein absurde de faire
passer leur maître dans l’Aragon, sans s'être arrêté en
Castille (4). La vérité est que Charles, tombé malade à
San Vicente de la Barquera, fut obligé d'y faire un assez
long séjour; qu’il séjourna aussi toute une semaine à
Reynosa, pour se rétablir entièrement; que, dans les
Asturies, les chemins étaient parfois si impraticables que,
après avoir fait trois à quatre lieues, on se voyait dans
l'impossibilité d'aller plus loin (2).
À Tordesillas, Charles logea au palais avec madame
Éléonore et monsieur de Chièvres. La première chose
qu'il fit fut de s'informer de la condition et de la manière
de vivre de la reine; il interrogea là-dessus le gouverneur
de sa maison et son confesseur. Ayant obtenu d'eux les
renseignements qu'il voulait avoir, il leur commanda
d'aller annoncer à la reine sa venue ainsi que celle de la
princesse sa sœur, et de solliciter d'elle une audience pour
monsieur de Chièvres : le grand chancelier, qui était pré-
sent (il avait rejoint le roi à Reynosa), et monsieur de
Chiévres instruisirent en détail Hernan Duque et fray Juan
de Avila du langage qu'ils devaient tenir. Jeanne conser-
vait quelque souvenir de Guillaume de Croy, á qui son
mari avait confié le gouvernement des Pays-Bas, á leur
dernier départ de ces provinces (3); elle permit très-volon-
(1) SannovaL, t. I, p. 83. — ARGENSOLA, p. 428.
(2) Relation de Laurent Vital.
(5) Laurent Vital rapporte que la reine se rappelait avec plaisir les
témoignages de derd dont elle avait été entourée el les sten qui lui
avaient été rendus à la cour de Bruxelles: « A celle e, — ajoute-t-il
» — encoires pour le jour y huy elle ayme les telen ok par dechà (des
( 744 )
tiers qu'il fût introduit auprès d'elle. M. de Chièvres,
après lui avoir demandé des nouvelles de sa santé, lui
- parla avec toute sorte d'éloges de ses pays de Castille et de
Paccueil que messieurs ses enfants avaient recu dans tous
les lieux où ils avaient passé. Il la félicita ensuite sur la
grâce que Dieu lui avait faite en lui donnant un fils et des
filles doués de si belles qualités, rappelant à ce propos
qu'il avait été leur gouverneur par la volonté de lempe-
reur Maximilien; il citait à dessein le nom de l'empereur,
sachant que la reine avait pour lui un grand respect. I lui
dit enfin que son filset la princesse Éléonore, comme ses
humbles enfants, avaient chargé de lui faire savoir que
la chose qu’ils désiraient le plus au monde était de lui
présenter leurs hommages. Jeanne répondit qu'elle les
verrait avec plaisir; qu'il allát les chercher.
Au moment où le seigneur de Chièvres allait sortir de
la chambre de la reine, Charles et Éléonore parurent; ils
attendaient à la porte, suivant ce dont ils étaient convenus
avec lui. Du plus loin qu’ils aperçurent leur mère, l'un et
lautre lui firent une profonde révérence; ils la renouve-
lèrent au milieu de la chambre, et lorsqu'ils furent tout
près de la reine, ils s’inclinèrent jusqu'à terre. Charles
voulut lui baiser la main, á la manière d'Espagne; elle ne
le permit pas, mais elle Pembrassa ainsi que sa sceur.
Alors il lui dit : « Madame, nous, vos humbles et obéis-
» sauts enfants, à merveilles joyeux de vous voir en
» bonne santé, Dieu merci, avons longtemps désiré de
» vous faire la révérence et de vous présenter honneur,
» service et obéissance. » Jeanne ne répondit d’abord que
» Pays-Bas) et ceulx qui en viengnent, comme je le oys certifier á aul-
s cuns de ses serviteurs qui sont de par dechá. »
( 745 )
par un sourire, accompagné d’un signe de tête, et en
prenant les mains à son fils et à sa fille (1); un instant
après elle leur adressa ces paroles : « Mais êtes-vous bien
» mes enfants ? Et que vous êtes en peu de temps devenus
» grands! Or à la bonne heure et loué en soit Dieu! Certes,
» enfants, grande peine et travail vous avez eu de venir
» de si loin : pour quoi vous devez être très-fatigués. Et,
» comme il est déjà tard, vous ferez bien pour cette fois
» de vous retirer et aller reposer jusqu’à demain (2). »
(1) « Qui signifie une manière de contentement et remerciment,
comme autant à dire qu'elle se contentoit bien, et qu'ilz luy estoient les
bienvenus et volontiers veus. » (Relation de Laurent Vital.)
(2) C'est la relation de Laurent Vital qui nous fournit ces curieuses
particularités, Vital était à Tordesillas, à la suite de Charles-Quint : « Je,
» désirant — dit-il — à veoir ce premier abordement des enfans vers leur
» mère, affin de avoir occasion de le veoir, prins la torse de la chambre,
» comme pour les esclairer el entrer dedans avec eulx; mais je faillis à
» mon intention, parce que, à l'entrée en la chambre de la royne leur
» mère, le roy ne voulut point de lumière. Ce nonobstant, par ceulx qui
» y entrèrent et veirent le tout, ausquels je leur oyz racompter tout
» l'affaire, je sceulx, autant que se je l'eusse veu et oy, tant de ce qui fust
» diet par le roy et puis après par madame sa sœur, comme aussy ce que
» la royne leur dict. »
Rorerr Macqueneau (Recueil de la maison de Bourgogne, ch. VIII,
P 114) rapporte avec d’autres détails l'entrevue de Charles-Quint et de sa
mère. Nons ne les lui empruntons point, mais nous nous en tenons à la
relation de Laurent Vital, qui nous parait plus súre. Macquereau fait
assister à cette entrevue l'infant Ferdinand, qui serait arrivé i Tda
en la compagnie de son frère. Des inexactitudes aussi graves suffisent
pour nous mettre en gien ee tout ce que contient son récit,
Laurent Vital ne parle pas des entrevues que, les jours suivants, Charles
eut avec la reine; mais voici ce qu'il rapporte des relations qui s'établirent
entre eux :
« A cette première ti se forma et conclud une
grande amityé entre la mère et le fils que riens 5 plas, comme par plu-
( 746 )
Charles comprit qu'il fallait borner là Pentrevue : il se
retira, ainsi que madame Éléonore et les winte de
leur suite (1).
M. de Chiévres resta encore pendant une demi-heure
auprès de Ja reine, après s'être assuré que sa présence ne
lui était point importune. Reprenant adroitement la con-
versation qu'il avait eue avec elle avant l'entrée du roi, il
insista sur la satisfaction qu’elle devait éprouver de possé-
der des enfants si dignes de sa tendresse, mais surtout un
fils qui, devenu homme, pouvait se charger du gouverne-
ment de ses pays, royaumes et seigneuries el lui en épar-
gner ainsi la peine; il lui donna à entendre que, pour son
sieurs fois je Pay oy racompter aux serviteurs de ladicte reyne qui estoient
de par dechà Et que ainsi soit, sitost que le roy s’absentoit pour aller à
ses affaires de lieu en aultre, la bonne reyne souvent demandoit à ses
gens comment son filz se portoit et se il estoit nouvelle de sa venue, pour
l'amour et désir que elle avoit de le veoir et de sçavoir comment il se por-
toit. Et, comme ung humble et vertueulx filz, le roy souvent luy laissoit
savoir de ses nouvelles, et Penvoyoit visiter par ses plus féaulx et familiers
serviteurs et gentilzhommes. Auleuns de ses gens luy vindrent à de-
mander pourquoy elle désiroit tant la venue de son filz, veu que si sou-
vent en avoit lettres et nouvelles; elle disoit que e ib pour Pamour du
roy don Philippe, son bon feu père, qui partant fut bon prince en son
temps, et qu’elle espéroit que son filz Pensuiveroit en ses bonues condi-
tions. A quoy il y avoit grande aparence, en tant qu’elle le trouvoit bien
honneste et bien obéissant, ainsi que on luy avoit par plusieurs fois
rapporté; à ceste cause, le aymoit par-dessus tous ses enffans. Aussi en
regardant le roy, son filz, luy venoit en souvenance de son bon feu mari,
que partant elle soloit aymer, et luy venoit à grant plaisir de veoir son
filz desjà grant et si bien adressiet, Aussi, à la vérité, le roy, nostre sire,
monstroit bien qu'il aymoit la reine, sa mère, car, à son povoir, en toutes
choses luy désiroit complaire..... »
(1) C'était madame de Chièvres, doña Ana de Beamonte, madame de
Fiennes, mademoiselle de Croy, le gouverneur de Bresse, le seigneur de
Sanzelles et M. de la Chaulx, premier sommelier de corps du roi.
AR S ed dd enaar ae hand A o A A SS
A A A
à
4
( 747 )
aise et son repos, et afin que, de son vivant, son fils ap-
prit à régir son peuple, elle ferait bien de lui en confier dès
ce moment la charge. Jeanne trouva qu'il avait raison.
Elle dit qu’elle consentait très-volontiers à ce que son fils
gouvernát ses États à sa place. Hernan Duque et fray Juan
d'Avila étaient présents à cet entretien (1).
Charles et Éléonore se réjouirent et s'attristèrent à la
fois à la vue de Pinfante doña Catalina. Cette princesse,
qui allait bientôt accomplir sa onzième année , était la plus
jolie des filles du roi Philippe, et celle dont les traits rap-
pelaient le plus les siens; elle était pleine de grâce et de
gentillesse; elle avait un teint admirable et de magnifiques
cheveux; son esprit promettait beaucoup. On conçoit la
satisfaction de Charles et d'Éléonore en trouvant tant
d'avantages réunis dans leur jeune sœur, qu’ils ne connais-
saient que par les rapports qui leur avaient été envoyés aux
Pays-Bas. Ce qui les affligea, ce fut la manière dont elle
était vêtue et la vie qu’elle menait. Une jupe grossière,
recouverte d’un mantelet de cuir, et un ornement de tête
en toile blanche composaient tout son habillement : ainsi
le voulait la reine, qui elle-même ne portait que du drap
gris commun. La pauvre infante occupait une chambre,
derrière celle de sa mère, où elle était presque toujours
recluse , n'ayant pour compagnie que deux vieilles femmes
qui la servaient. Le gouverneur du palais, afin de lui pro-
curer quelques distractions , y avait fait ouvrir une fenêtre
d'où elle voyait les gens aller à l’église et à la promenade,
les chevaux que Pon conduisait à la rivière et les enfants
jouer : pour attirer ceux-ci, « car — dit naïvement le nar-
(1) Relation de Laurent Vital.
( 748 )
» rateur auquel nous empruntons ces détails — enfants
» aiment leurs semblabes, » et pour les exciter à s'ébattre
sous ses yeux, elle leur jetait quelques pièces de monnaie.
C'étaient lá les passe-temps de cette tille et de cette « sœur
de rois (1).
Le corps de Philippe le Beau reposait toujours à Santa
Clara. Charles, qui avait coutume, en quelque lieu qu'il se
trouvát, de faire célébrer un service pour son père le jour
anniversaire de sa mort, voulut, par une cérémonie funé-
bre accomplie dans l’église qui renfermait ses restes, témoi-
gner publiquement du respect qu'il portait à la mémoire de
l’auteur de ses jours. Cette cérémonie eut lieu le 14 no-
vembre ; il y assista avec les seigneurs et les gentilshommes
de sa cour, tous en habits de deuil. Une chapelle en bois
avait été construite au milieu de l’église, pour recevoir le
corps de Philippe, qui, depuis l’année 1509, était placé
devant le grand autel; six chevaliers de la Toison d’or (2)
l'y portèrent. La messe fut chantée par les chantres du
roi. Après Poffertoire, il y eut un sermon prononcé en cas-
tillan (5). Jamais telle solennité ne s'était vue à Tordesillas;
(4) Relation de Laurent Vital.
(2) Le seigneur de Chièvres, le marquis de Brandebourg, le seigneur —
de Sanzelles, le seigneur du Rœulx, le seigneur de Sempy , le gouverneur
de Bresse. 3
(5) Relation de Laurent Vital.
Les détails contenus dans le Recueil de Macquereau sur cette cérémonie
ont pas moins inexacts que ceux que donne ce chroniqueur sur len~
trevue de Charles et d'Éléonore avec leur mère. Ainsi, d'après lui, la reine
et Pinfant Ferdinand y auraient assisté; la messe aurait été célébrée par
l'archevêque de Saragosse, don Alonso d'Aragon (lequel n'arriva que le
jour suivant auprès de Charles-Quint, dans le trajet de Tordesillas à Mo-
jados), etc., etc.
| Gem)
aussi l’église de Santa Clara ne se trouva pas assez vaste
pour contenir la foule qui y accourut de la ville et des en-
virons. Le désir de connaitre le nouveau souverain des
Espagnes était surtout ce qui excitait la curiosité générale.
Fouilles à Elewyt.— Anneau antique trouvé à Becquevoort.
Notice par M. L. Galesloot, chef de section aux Archives
du royaume.
L'année dernière, l’Académie m'a fait l'honneur d'in-
sérer dans ses Bulletins une note relative à des anti-
quités des environs de Bruxelles. Vy disais , en terminant,
que je lui ferais connaître ultérieurement le résultat des
fouilles que M. C. Van Dessel, géomètre à Elewyt, se
proposait entreprendre sur l'emplacement de la bour-
gade belgo-romaine qui a existé en cet endroit. Je prends
la liberté de satisfaire à ma promesse.
Ces fouilles, M. Van Dessel les a commencées et les
poursuit avec un zèle qui mérite des éloges et des encoura-
gements. Elles n’ont pas été infructueuses. Les ouvriers
ont extrait du sol des décombres de toute nature et même
des ossements humains, gisant péle-méle avec ceux d'ani-
Maux, car des traces évidentes d'incendie attestaient une
œuvre de destruction, probablement accomplie à main
armée, M. Van Dessel a recueilli, dans ces substructions
bouleversées , des monnaies, des anneaux et des fibules de
fer et de cuivre, divers instruments à moitié détruits par
la rouille, un vase intact, mais d’une composition gros-
sière, de beaux tessons de poterie, des fragments de plats
en terre rouge dite sigillée et portant effectivement Pes-
tampille des potiers, des morceaux de verre, etc.
( 750 )
Pour ne pas entrer dans des détails superflus, je me
bornerai à ajouter que l’un des anneaux de fer susdits est
orné d’une petite pierre bleue sur laquelle est gravé un
centaure attaqué par un lion. Au point de vue de Part et
e la matière, ce bijou, qu’on me passe l'expression, n'est
d'aucune valeur; mais il a les formes, un peu massives, il
est vrai, qui distinguent les bagues antiques. Un autre
objet recueilli par M. Van Dessel doit surtout ne pas être
laissé dans l'oubli : c'est un style, long de plusieurs centi-
mètres. Il prouve tout simplement que l'instruction s’élait
répandue dans la Gaule-Belgique, soit que ce style ait ap-
partenu à quelque agent du fisc ou à un particulier. En
outre, j'appellerai l'attention de l’Académie sur la quantité
de monnaies restée enfouie dans les décombres de cette
bourgade. Il semble que ce soit une source intarissable.
Sans invoquer de nouveau le témoignage de Van Gestel, qui
signala le fait, voilà bientôt cent cinquante ans (1), et tout
en passant sous silence la masse de pièces vendue ou égarée
par les paysans, je citerai feu M. Olivier, bourgmestre
de Malines, auquel on en remit un certain nombre, entre
autres, un aureus qu'il offrit, dit-on, au roi Guillaume 1".
M. De Coster, bourgmestre actuel de la commune, dont le
bienveillant concours est très-utile à M. Van Dessel (2),
en possède une jolie collection que ce dernier vient d'en-
richir d’une dizaine de pièces. Moi-même j'en conserve
une vingtaine, parmi lesquelles je ne puis m'empêcher
d'indiquer un grand bronze de Lucilla, la fille tristement
célèbre de Marc-Aurèle , d’une exécution et d'une conser-
= Hist. arch. Mechlin. et Bulletins de l'Académie , Are série, t. XIII,
p. 4
Le C'est sur les terres de M. De Coster que les fouilles ont lieu.
pe
r
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E
3
,
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L Tot )
vation si parfaites, que le buste de cetle princesse peut
passer pour un véritable portrait. Pas le moindre de ses
traits n'est altéré. Après cette belle médaille, on me per-
mettra de désigner, également pour son état de conser-
vation, un petit bronze à l'effigie de Rome VRBES ROMA,
au revers duquel on voit la louve allaitant les deux ju-
meaux, nourrice digne d'un peuple qui fut à la fois si
belliqueux et si cruel. L'ensemble chronologique de toutes
ces monnaies embrasse une suite de siècles : depuis l'ère
consulaire jusqu'aux derniers empereurs. Ce sont les
seuls monuments auxquels nous sommes redevables de
quelques faibles lumières sur Pexistence et la durée d'un
établissement qui eut une certaine importance, vu Péten-
due du terrain qu'il occupait (4).
Par malheur, un point essentiel nous échappe el res-
tera, je le crains bien, un mystère impénétrable : je veux
parler de l’état social des habitants de Pantique bourgade
d'Elewyt et de tant d'autres de la même époque qui étaient
répandues sur notre territoire (2). Quoique sujets obscurs
du vaste empire romain, ils n'en sont pas moins, nos
ancêtres je ne Paffirmerai pas, mais nos devanciers dans
la civilisation du pays.
Anneau trouvé à Becquevoort, près de Diest. — Il a été
) Quarante hectares à proximité de la Senne, d’après les dernières
recherches de M. Van Desse
(2) D'après M. A. Wauters, Elewyt aurait été pes p les colons et
les serfs d'une villa romaine qu'il place à Perck. ( Hist. des environs de
Bruxelles, t. 11, p. 679.) Cette conjecture peut dos bien hardie. Mais
n'est-il pas étrange que l’auteur Pémit en 1855 et que, l'année suivante,
je découvris les ruines d'une villa à l'extrémité de la commune de Mels-
broeck , tout près de ce même village de Perck ? (Bulletins de l'Académie ,
tre série, t XXII, p. 181.)
( 752 >)
question plus haut d'anneaux trouvés à Elewyt. M. Cools,
bourgmestre de Becquevoort, vient de faire une découverte
analogue. Des travaux de terrassement qu'il a fait exécuter
près de son habitation Vont mis en possession d'une
superbe bague en or ciselé. Une pierre fine enchássée
dans le chaton représente en intaille un guerrier qui
étend la main droite vers un autel, sur lequel est posé un
brasier ardent. L'honorable M. Piot, archiviste-adjoint du
royaume, à qui M. Cools est venu communiquer son inté-
ressante trouvaille, reconnut immédiatement dans cette
figure Mucius Sezevola, le héros d'une action que lui con-
testent des critiques modernes, mais qui, exaltée par les
écrivains de Pancienne Rome, inspira souvent le talent
de ses artistes. Il y a plus: les Romains, dont la férocité
ne connaissait pas de bornes, se plaisaient à donner en
spectacle de malheureux condamnés, qu’ils forcaient en
grande pompe, aux applaudissements d’une multitude ivre
de sang et de carnage, à remplir jusqu’au bout le ròle
glorieux, mais terrible de Scævola (1). Ces atrocités se
passaient, comme on sait, à 'amphithéâtre Flavien, le plus
grand monument d'iniquités que l’homme ait jamais élevé
sur la terre. Aussi j'avoue, pour ma part, que je ne pus me
défendre d'un sentiment pénible en entrant pour la pre-
mière fois dans ses ruines (2).
(1) Martial, VII, 50, X, 25, cité par M. le professeur Friedkender dans
son ouvrage : Hœurs romaines du règne d'Auguste à la fin des Antonins,
traduction de M. Ch. Vogel; Paris, 1867, 2 vol. in-8°, t. II p. 162.
(2) Les horreurs qui se commettaient dans les amphithéàtres suggèrent
à M Friedlender quelques réflexions philosophiques. « Rien, dit-il, ne
fait plus vivement ressortir l'énorme différence entre la manière de voir
et de sentir dans l'antiquité romaine et dans notre Europe moderne que
la divergence d'opinion de la classe bien élevée d'alors et d'aujourd'hui
B Bie
EPE
( 755 )
IL me parait inutile de rappeler à l'Académie qu'à la
séance qu’elle tint le 4 mars 1837, un de ses membres,
M. le professeur Roulez, lui présenta une notice deserip-
tive, avec dessin, d'une bague antique découverte près
de Spa (1). « La bague trouvée près de Spa, fait observer
le savant archéologue, est du genre de celles que les Ro-
mains appelaient annuli signatorii, c'est-à-dire anneaux
servant à sceller les lettres, les actes, les cassettes cl au-
tres objets que Pon voulait soustraire aux recherches; on y
faisait graver les images des dieux, les portraits des ancê-
tres, des princes, l'emblème de quelque événement mé-
morable ou d'un acte quelconque de la vie privée, ete. »
sur les spectacles de l'amphithéâtre. C'est à peine si, dans toute la litté-
barbares. » Sénèque le philosophe est le seul auteur , non chrétien bien
entendu, que puisse citer Péminent professeur. Quant à Cicéron, il ap-
prouvait les combats de gladiateurs, mais non pas les chasses de l'arène,
ces spectacles qui faisaient répandre des larmes (lacrymosa specla-
cula). » Les raisons, dit ailleurs M. Friedleender, de cet immense con-
traste entre Pappréciation morale du temps de l'empire romain et celle
du nôtre r être ramenées à trois principales : la séparation de
l'humanité en deux moitiés , l’une jouissant de droits, Pautre privée de ces
droits, la force de l'habitude et l'appareil grandiose, la patas
éblouissante et enivrante de la mise en scène des spectacles. » (Voy.,
surplus, tout le livre VI, intitulé : Les spectacles, a e onde,
si je puis le dire, la vaste érudition de l'écrivain alle d.)
Le plus magnifique reste de la civilisation romaine est un amphi-
théàtre, c'est-à-dire une boucherie. Oui, le Colisée est un monument
gigantesque de la férocité romaine, et la férocité fut, il faut le recon-
naitre, un trait fondamental et permanent de la iens du peuple
romain, » (Ampère, L'Empire romain à Rome, 1. 1, p. 138.) Quiconque
observe ce qui se passe en ce monde conviendra ie c'est un peu le cas
de l'homme en général.
(1) Bulletins, tre série, t. IV, p. 121.
( 754 )
C'est donc une bague de ce genre que M. Cools a trouvée
dans sa propriété où, soit dit en passant, il existe un
tumulus encore intact, que ce fonctionnaire ne tardera
pas à faire ouvrir. La bague provenue des fouilles d'Elewyt
pourrait bien avoir servi au même
usage. Je joins à cette note une em-
preinte du chaton. L'empreinte, éga-
lement jointe, du chaton de l'anneau
de Beequevoort donnera une idée du mérite artistique de
ce précieux bijou.
(755)
CLASSE DES BEAUX-ARTS.
Séance du 2 juin 1870.
M. Ch.-A. Fraikin, directeur.
M. Ap. QUETELET, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. L. Alvin, F.-J. Fétis, G"* Geefs,
Ch.-L. Hanssens, A. Van Hasselt, Jos. Geefs, Ed. Fétis,
Edm. De Busscher, J. Portaels, Alph. Balat, Aug. Payen,
J. Franck, G. De Man, Ad. Siret, kohes pan. Alex.
Robert, mérite Bosselet, corresp
e
AZ
CORRESPONDANCE.
M. Joseph Demannez, artiste graveur, annonce qu'il
vient de terminer le portrait sur cuivre de feu F.-J. Navez
et soumet une épreuve de son travail.
Ce portrait est destiné á accompagner la notice acadé-
mique sur le défunt rédigée par M. L. Alvin.
— La Société des architectes du département du Nord ,
à Lille, exprime le désir, en communiquant le programme
( 756 )
de son premier concours, d'obtenir les conseils de la classe
sur les dispositions de ce programme.
Ces documents sont renvoyés à l'examen de MM. Balat,
Payen et De Man, membres de la section d'architecture.
CONCOURS DE 1870.
D'après les dispositions réglementaires, le terme fatal
du concours de cette année expirait le 1 juin.
Un mémoire, accompagné d’un billet cacheté, est par-
venu en réponse aux 2° et 3"* questions. Il porte pour
titre : Étude de l'influence italienne sur larchitecture
dans les Pays-Bas, et est revétue de la devise : « Si lar-
» chitecture est la mesure du degré de civilisation et de
» génie d'un peuple, est-ce à tort que le peuple romain
» occupe la première ligne? »
MM. G. De Man, Alph. Balat et Ed. Fétis sont chargés
d'examiner ce mémoire.
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
M. Édouard Fétis donne lecture d'un nouveau chapitre
de son travail Sur l'art dans la société et dans l'État.
Comme pour les parties précédentes, communiquées
également en séance, l'impression de cette lecture est
subordonnée à Pachévement du mémoire de Ed. Fétis.
BETA Te MERS D
OUVRAGES PRÉSENTÉS.
Guillaume. — Note sur le corps du génie en Belgique pen-
dant le XVII”! siècle. Mons, 1870; in-8°.
Henry (L). — Nouvelle médiode générale de production et
de préparation des nitriles. Paris , 1869; in-4°
Henry (L). — Sur la tribromhydrine. pure. 1870; in-4°.
Henry (L). — Sur les éthers chloronitriques et bromonitri-
ques de la glycérine. Paris, 4870; in-4°.
Henry (L.). — Durchsichtigkeit von Schwefelblei in dünnen
Blittern, Berlin, 1870; in-8°.
Henry (L.). — Untersuchungen über die Glecerinderivate.
Berlin, 1870; in-8°.
Beji y (L.). — Ueber die directe Vercinigung von Phosphor-
chlorür (P Cls) mit Schwefel. Berlin, 1869; in-8°
De Koninck (L.). — Ueber einen Sang-Apparat. ihn. 1870;
in-8°
Clausius (R.). — De la fonction potentielle et du potentiel,
traduit de allemand par F. Folie. Paris, 1870; in-8°.
Declève (Jules). — Des précautions à prendre dans les prêts
sur hypothèques et les acquisitions d’immeubles. Bruxelles,
1870; in-8°.
Charlier (Eugène). — Observation d’un poulet pygomèle.
Liege, 1868; in-8°.
Dépôt de la querre, à Bruxelles. — Carte topographique
de la Belgique, à l'échelle du 1/40,000. 6° livraison, comprenant
les feuilles de Malines et de Courtrai. Bruxelles, 1870; 2 feuilles
in-plano.
Willems (P.). — Les antiquités romaines envisagées au point
de vue des institutions politiques. Louvain, 1870 ; in-8°.
Von Koenen (A.). — Notice sur les terrains tertiaires de la
2e SÉRIE, TOME XXIX. 49
( 758 )
Belgique, traduite de Panglais par Armand Thielens. Charleroi ;
1870; in-8°.
Senoner (A.). — Notes malacologiques, traduites de l'italien
par Arm. Thielens. Bruxelles, 1870; in-8°
Commissions royales d'art et d'archéologie, à Bruxelles. —
Bulletin, 9”° année, n°“ 5 et 4. Bruxelles, 1870; in-8°.
Le Bibliophile belge, 5"* année, livr. 6. Bruxelles, 1870;
cah. in-8°.
Cercle archéologique du pays de Waas, à Saint-Nicolas. —
Annales, tome IV, 17° livr., juin 1870. Saint-Nicolas; gr. in-8°.
L’ Abeille, 16"° année, 5° et 4™° livr. Mai et juin. Bruxelles,
1870; 2 cah. in-8°.
Journal des beaux-arts et de la littérature, sous la direc-
tion de M. Ad. Siret. 12% année, n° 7 à 12. Saint-Nicolas,
1870; 6 feuilles in-4°.
Le Progrès national, 2° année, n 55 à 64. Bruxelles, 1870;
12 feuilles in-4°.
Société de médecine d'Anvers. — Annales, 35"° année, livr.
d'avril à juin. Anvers, 1870; 3 cah. in-8°.
Annales de médecine vétérinaire, XIX* année, 4° à 6° cah.
Bruxelles, 1850; 3 cah. in-8°.
Le Scalpel, 22°° année, n 40 à 52. Liége, 1870; 15 feuilles
in-4°.
Annales de l'électricité médicale, 12%° volume, 10" à 12"°
fascicules. Bruxelles, 1870; 5 cah. in-8°.
La Presse médicale belge, 22"* année, n* 14 à 28. Bruxelles,
1870; 13 feuilles in-4°.
Société de pharmacie de Bruxelles. — Bulletin, 14"° année,
n° 4 à 6. Bruxelles, 1870; 3 cah. in-8°.
La Tribune vétérinaire, 5" année, 4™ à 6° fascicules. Bruxel-
les, 1870; 5 cah. in-8°.
Société de pharmacie d'Anvers, — Journal de pharmacie,
26° année, avril à juin. Anvers, 1870; cah. in-8°.
Académie des sciences de Paris. — Comptes rendus hebdo-
,
NS A A A A ee SNE
( 759 ) :
madaires des séances par MM. les secrétaires perpétuels, tome
LXX, n° 14 à 26, et table du tome LXIX. Paris, 1870; 14 cah.
in-42,
Revue de Pinstruction publique, de la littérature et des
sciences en France et dans les pays étrangers, 30”* année, n° 1
à 15. Paris, 1870; 15 doubles feuilles in-4°.
Institut historique de France, à Paris. — L’Investigateur,
37% année, 424% et 423" livr, Paris, 1870; gr. in-8°.
Journal de l’agriculture, fondé et dirigé par J.-A. Barral,
1870, tome II, n° 90 à 95. Paris, 1870; 6 cah. in-8°.
Bulletin hebdomadaire de l’agriculture, fondé et dirigé par
J.-A. Barral, année 1870, n°° 14 à 26. Paris, 1870; 15 feuilles
in- 8°,
Nouvelles météorologiques, 1870, n° 4 à 6. Paris; 3 cah.
in-8°
Revue hebdomadaire de chimie scientifique et industrielle,
publiée sous la direction de M. Ch. Mène, n° 7 à 55. Paris,
1869-1870; 99 cah. i
Revue iid cours ale ques de la France el de l'étranger,
7% année, n 144 26. Paris, 1870; 15 cah. in-4°.
Revue des cours littéraires de la France et de Pétranger,
7"* année, n% 144 26. Paris, 1870;13 cah. in-4.
Bulletin scientifique, historique el littéraire du département
du Nord, à Lille. — 2%* année, n° 4 46. Lille, 1870; 5 cah.
in-8°,
La Santé publique, n° 55 à 76. Paris, 1870; 24 feuilles
in-4°
Revue britannique, nouvelle série, 10" année, n° 5, mai
1870. Paris, 1870; in-8°.
Revue et magasin de zoologie pure et appliquée et de sérici-
culture comparée, par M. F.-E. Guérin-Méneville. 1870, n° 5.
Paris; cah. in-8°.
Académie impériale des sciences, belles-lettres et arts de
Bordeaux. — Actes, 3% série, 30% année, 1868, 4™ trimestre,
( 760 )
51% année, 1869, 1% trimestre. Paris, 1868-1869; 2 cah.
in-5°.
Société des sciences naturelles de Strasbourg. — Bulletin,
n° 8,9 et 10. Août-décembre 1869. Strasbourg; 5 cah. in-8°.
Martin de Moussy (V.). — Atlas de la description géogra-
phique ct statistique de la Confédération argentine. Paris,
1869; in-folio.
Hébert. — Observations sur le mémoire de M. Pictet inti-
tulé : Étude provisoire des fossiles de la Porte de France,
d’Aizy et de Lémenc. Paris, 1868; in-8°.
Posada Arango (André). — Mémoire sur le Dee de rai-
nette des sauvages du Choco. Paris, 1870; in
Plantamour (E.) et Hirsch (A.). — Note sur b détermina-
tion du e de dilatation d'un barreau d'argent. Genèv e,
bi in-8
arran verein der Preussischen Rheinlande und
Pestphalens zu Bonn. — Verhandlungen, XXVI“ Jahrgang.
Bonn, 1869; 2 cah. in-8°..
Archiv der Mathematik und Physik, heraugegeben von
3.-A. Grunert. Lister Theil, 2s- Stes Hefte. Greifswald, 1869; :
2 cah. in-8°.
Naturforschender Verein in Brünn. — Verhandlungen,
VII. Band, 1868. Brünn , 1869; in-8°.
D'Elvert (Christian, ritter). — Zur Geschichte de Pflefe der
Naturwissenschaften in Mähren und Schlesien. Brúnn, 1868;
in-8°.
Justus Perthes "geographischer Anstalt zu Gotha. — Mitthei-
lunger über wichtige neue Erforschungen auf dem Gesammt-
gebiete der Geographie von Dr. A. Petermann, XVI. Band,
1870, V. Gotha; 1 cah. in-4°.
Heidelberger Jahrbucher der Literatur, LXIII. Jahrg., 5.
Heft. Heidelberg, 1870; in-8°.
Astronomische Gesellschaft zu Leipzig. — Vierteljahrs-
schrift , V. Jahrg., 2. Heft. Leipzig, 1870; in-8°.
(761) E
R. Physikalisch-Okonomische Gesellschaft zu Königsberg.
—Schriften, XL Jahrg., 1869, 1.-2. Abth. Königsberg, 1869;
2 cah. in-4e,
Königl. Böhmische Gesellschaft der Wissenschaften zu
Prag. — Abhandlungen vom Jahre 1869. Prague , 1870; in-4°;
— Sitzungsberichte , Jahrg. 1869. Prague, 1870; 2 cah. in-8°;
— Repertorium Sämmtlicher Schriften vom Jahre 4769 bis
1868. Prague, 1869; in-8°.
Die Beobachtungen über die Entwickelung der Pflanzen in
Mecklenburg in den Jahren 1864 bis 1866. — Schwérin ,
869 ; in-4°.
Nesontehos Verein für Naturkunde zu Wiesbaden. —
Jahrbücher, XXI und XXII. Wiesbaden, 1867 und 1868; in-8°.
Société impériale des naturalistes de Moscou. — Bulletin,
année 1869 , n° 1, 2 et 5. Moscou, 1869; 3 vol. in-8°.
Société impériale d'agriculture de Moscou. — Journal,
tome III, n°° 5 et 6, 1869. Tome IV, n° 4, 1870; Moscou;
5 cah. in-8° (en russe).
Instituto veneto di scienze, lettere ed arti, — Atti, tomo XV”,
serie 5°, disp. 5° e 5°. Venise, 1869-1870 ; 2 cah. in-8°.
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n° 4 e 5. Anno 1870. Florence; in-8°.
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february-april 1870. Londres; 3 cah. in-8°.
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| Asialic Society of Bengal, at Calcutta. — Journal, new se-
ries, vol. XXXVIII, n° 468-169. — Proceedings, n° 11, de-
cember 1869, n” 4 and 3, Jan.-March 1870. Calcutta; 6 cah.
in-8°,
Geological Society y o London. — Journal, vol. XXVI, part 2.
Londres, 1870; in
Nalure, a w sli illustrated journal of science, 1870,
n° 31-35. Londres; 5 cah. in-4°
( 762 )
Haughton (Samuel). — On the tides of the arctic seas, parts
land 2. Dublin, 1862-1866; 2 cah. in-4°.
Haughton (Samuel). — On the reflexion of polarized light
from polished surfaces. Dublin , 1862; in-4°.
Royal Irish Academy of Dublin. — Transactions, vol. XXIV.
Science, parts 9 and 15. Polite literature, part 4. Antiquities,
part 8. Dublin, 1867-1869; 9 cah. in-4°. — Proceedings, vol. X,
parts 1-5. Dublin, 1867-1869; 3 cah. in-8°.
Entomological Society of London. — Transactions for the
years 1868 and 1869, third series, vol. HI, parts the VI" to
VII". Londres, 1869; 41 cah. in-8°.
Lowe (E.-J.). — Natural phenomena and chronology of the
seasons, part 1. Londres, 1870; in-8°.
Royal Society of London. — Philosophical transactions for
the year 1869, vol. CLIX, parts 1-2. Londres, 1869-1870; 2 cah.
in-4°. — List of the fellows, 30 th. november 1869. Londres,
1870; in-4°. — Proceedings, vol. XVII, n* 109-143; vol. XVIII,
n° 144-118. Londres, 1869-1870; 10 cah. in-8°.
Royal asiatic Society of Great Britain and Ireland to Lon-
don. — Journal, new series, vol. IV, part 2. Londres, 1870;
in-8°.
Peabody institute of the city of Baltimore. — Discourse on
the life and character of George Peabody, by Severn Reackle
Wallis. Baltimore, 1870; in-8°.
American museum of natural history of New-York. — First
annual report, january 1870. New-York; in-8°.
Museo publico de Buenos-Aires. — Anales, entrega 7”*.
Buenos-Ayres, 1870; in-4°,
Fin pu Tome XXIX pr La 9e SÉRIE.
BULLETINS DE L'ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE.
TABLES ALPHABÉTIQUES
DU TOME VINGT-NEUVIÈME DE LA DEUXIÈME SÉRIE.
1870.
—
TABLE DES AUTEURS.
A.
Acar. — Communique ses observations boraan faites à Anvers en
447.
Allenrath. — Communique la liste des orages observés à Anvers en
1869, 3.
Alvin (L). — L'Égypte entrevue à travers l'inauguration du canal de
Suez, 59; rapport sur la situation financière de la caisse centrale des
arlistes belges en 1869, 149; lecture de l'introduction e de deux cha-
À nas zie en a sur de -J. vend 459, 6
ee }
es des sci $. — PR l'époque
de l'ouverture de s 40e sion 446.
B.
Balat (Alph). — Chargé d'examiner le programme de concours de la
Société des architectes de Lille, 756 ; commissaire pour le mémoire de
coucours concernant Pinfluence te sur Parchitecture dans les
Pays-Bas,
764 $ TABLE DES AUTEURS.
Bellynck (Aug.). — Présente les observations botaniques faites à Namur
n 1869, 3; communique létat de la végétation observé à Namur les
21 mars et 21 avril 1870, 447.
Bernaerts (G.). — Note sur la nature du soleil, 4, 198; rapport de M. Ad.
Quetelet sur cette note, 75.
Bernardin. — Dépôt des observations zoologiques faites à Melle en 1869,
5; communique l'état de la végétation observé à Melle les 21 mars et
21 avril 1870, 536, 447.
Boccardo (G.). — Note sur une chute de substance jaunátre qui a eu lieu.
à Gênes le 14 février 1870, 158, 376; rapports verbaux.de MM. d'Oma-
lius, Dewalque et de Koninck sur cette note, 346.
Borgnet. (Ad.) — Remerciments pour le concours qui lui a été prêté pen-
dant Pexercice de ses fonctions de directeur de la classe des lettres, 35;
commissaire pour le-mémoire de concours concernant l'établissement de
ono belges en Hongrie et en tale aux XIIe et XIIIe siècles,
hoots Ph.). — Nommé membre du jury iaie de juger le concours
triennal de littérature dramatique française, 54.
Brialmont (Alexis). — TNE royale de son élection de membre .
titulaire de la classe des sciences, 2 ; remerciments pour cette élection,
ibid.; commissaire pour une note de M. Cantillon concernant un projet
de radeau de sauvetage, 556; dépôt d'un billet cacheté au nom de
M. Cantillon, 446.
Briart (AL). — Note sur les puits naturels du terrain houiller, 159, 477;
rapports de MM. d'Omalius et Dewalque sur cette note, 340, 345; note
concernant les observations de MM. Horion et Gosselet au sujet des tra-
vaux géologiques de MM. Cornet et Briart sur la meule de Bracque-
gnies, 447, 701.
c.
Candèze (E.). — Commissaire pour le mémoire de M. F. Plateau relatif
aux crustacés isopodes terrestres de Belgique ,
Cantillon (V.). — Présentation d'une note concernant un projet de radeau
de sauvetage, 356; adresse un billet cacheté, 446.
Carnoy (J.). — Présentation d'une note sur le triangle inscrit et circon-
scrit à une section conique, 159; lecture des rapports de MM. Liagre et
pra sur cette note, 546.
Carrara. — Elu associé de la classe des lettres, 638; remerciments pour
son a. 704; hommage d'ouvrages , 705.
`
TABLE DES AUTEURS. 765
Catalan (Eug.). — Commissaire pour la 2 partie du travail de M. Folie
intitulé: Fondements d'une géométrie supérieure carlésienne, 64; rap-
port sur le mémoire de M. Mansion concernant la méthode de Brisson
pour Ai des équations linéaires, 68; rapport verbal sur une
note de M. Méhay relative au calcul infinitésimal, 75; remarques sur
l'équation pes 2; hommage d'ouvrage,
Cavalier (J.). — Envoi des observations iberica faites à Ostende
en 1869 et pendant le mois de janvier 1870, 5, 63.
Chalon (R). — Hommages d'ouvrages, 35, 499.
Coemans (Eug.). — Ra apport sur la ha de M. Kickx relative à Porgane
reproducteur du Psilotum triquetru
zende international des sciences sigrariqu — Envoi du pro-
mme des poo adressées au comité,
“airs (H.). — De Kerels van Vlaanderen, se lauréat du concours
quinquennal de Fee flamande (4° péri
Cornet (F.-L.). — Note sur les puits naturels des terrain houiller, 159,
77; rapports de MM. d'Omalius et Dewalque sur cette note, 340,
D.
De Bériot (Ch.-A.). — Annonce de sa mort, 640; discours prononcé à ses
funérailles par M. F.-J. Fétis, 642
Bo? (Ad.). — Communique ses observations météorologiques faites à
Anvers en 1869, 158; note sur la détermination de la latitude de la
fiè aa de la bel pass 356, 495; rapport de M. E. Quetelet
r cette 449.
Te pére (Émile). — Lauréat de la classe des lettres, 514, 657;
accuse réception de la médaille d'or qw'il a remportée, 705; élu cor-
respondant de la classe des lettres, 658; remercìments pour cette
élection, 704.
De Busscher (Edm.).— Dixième rapport annuel sur les travaux de la com-
mission de la Biograpbie nationale, 646
De Candolle (Alph.). — Remerciments pour son élection d'associé de la
classe des sciences, 2; accuse réception de son diplôme et exprime le
désir de recevoir les Bulletins et l'Annuaire, 62.
pp à (Euy.). — Installé comme directeur de la classe des lettres pour
1870, 33; aperçu de la féodalité , discours, 577.
De Keyser (N.). — Remerciments pour le concours qui lui a été prêté
pendant l'exercice de ses fonctions de directeur de la classe des beaux-
ris, 59,
1
766 TABLE DES AUTEURS.
De Koehne (le baron B.). — Hommage d'ouvrage, 35,
De Koninck (Laurent). — Commissaire pour la note de M. Lambert con-
cernant la découverte d'un gisement de phosphate de chaux au-dessous
de Louvain, 4; rapport sur ce travail, 163; notice sur un nouveau
genre de poissons fossiles de la craie supérieure, 75; commissaire pour
la note de M. Boccardo concernant la chute d'une substance jaunátre á
Génes, 158; rapport verbal sur cette note, 346; commissaire pour la
note de MM. Horion et Gosselet relative aux travaux géologiques de
MM. Cornet et Briart sur la meule de Bracquegnies, 447; rapport sur
celte note, 666.
De Koninck (Lucien) et Marquart (P:). — Sur la Bryonicine, substance
azotée nouvelle, extraite des racines de Bryonia dioica, 64, 217; rap-
ports de MM. Stas et Melsens sur ce travail, 165, 166.
Delcroix (D.). — Nommé membre du jury Gers je juger le concours
quinquennal de littérature flamande,
De Longpérier (A.). — Hommage Doner 99.
De Man (G.). — Chargé d'examiner le eciiamiia de concours de la
Société des architectes de Lille, 736; commissaire pour le mémoire de
concours concernant l'influence italienne sur l'architecture dans les
Pays-Bas, ibid.
Demannez da. — Annonce qu'il vient de terminer le portrait de
F.-J. Navez, 755.
De Montalembert (Ch.). — Annonce de sa mort, 385.
Denza (F.). — Présentation d'une note sur l'aurote boréale observée en
Piémont le 3 janvier 1870, 336
De Ryckholt (le baron). — Lettre concernant la découverte, à Woncd,
d’un dépôt d'argile semblable à l'argile de Boom , 130.
De Selys Longchamps (Edm.). — Commissaire sa la note de M. F. Pla-
teau relative aux crustacés isopodes terrestres de Belgique, 4; rap-
port sur ce travail, 72; commissaire pour le mémoire de M. P.-J. Van
Beneden sur les poissons des côtes de Belgique et leurs parasites, 65;
lecture de son rapport sur ce mémoire, 159; communique l'état de la
végétation observé à Waremme les 21 mars et 21 avril 1870, 447
De Smet (J.-J.). — Notice historique sur l'ancienne abbaye du Nouvean-
Bois, à Gand,
De Tilly (J.-M.). — Prisento un mémoire intitulé : Études sur le frotte-
spa (1re partie), 63; rapports de MM. Steichen et Folie sur ce mémoire,
166, 168; ps une note sur les surfaces à courbure moyenne con-
stante,
Dewalque ma ) — Installé comme directeur de la classe des sciences pour
TABLE DES AUTEURS. 767
1870, 4; omne une lettre de M. le baron de Ryckholt relative à
la découverte d'un dépôt d'argile semblable à Vargile de Boom, 150;
commissaire pour la note de M. Boccardo concernant la chute alens
substance jaunátre à Gênes, 158; rapport verbal sur cette note, 346;
commissaire pour la notice de M. Moreau relative au grès landenien, 158;
commissaire pour la note de MM. Cornet et Briart concernant les puits
naturels du terrain houiller, 159; rapport sur cette note , 545; commis-
saire pour la note de MM. Horion et Gosselet relative aux savans and
giques de MM. Cornet et Briart sur la meule de Bracquegni p-
port sur cette note, 667; communique l'état de la out observé à
Liége le 21 mars 1870, 662; commissaire pour la notice de M. Mourlon
sur la géologie du Maroc, 663; commissaire pour la notice de M. Van
E Horen concernant l'existence de puits naturels dans la craie sénonienne
| du Brabant, ibid.
De Witte (le baron J.). — Hommage d'ouvrage, 499; rapport sur la note
de M. ga concernant l'étalon prototype universel des mesures
de longueu
D'Omalius d' rs VU. -B.).— Commissaire pour la note de M. Lambert con-
cernant la découverte d’un gisement de phosphate de chaux au-dessous
de Louvain, 4; commissaire pour la note de M. Boccardo concernant la
chute d'une substance jaunátre à Gênes, 158; rapport verbal sur cette
note, 546; commissaire pour la notice de M. Moreau relative au grès
landenien , 158; rapport sur cette notice, 448; commissaire pour la note
de MM. Cornet et Briart concernant les puits naturels du terrain houil-
ler, 159; rapport snr cette note, 340; communication verbale sur les
théories er ek, 384; commissaire pour la note de
MM. Horion et Gosselet relative aux travaux géologiques de MM. Cornet
et Briart sur en mad” k Bracquegnies, 447; rapport sur cette note, 664;
commissaire pour la notice de M. Mourlon sur la géologie du Maroc, 663 ;
commissaire pour la notice de M. Van Horen concernant l'existence de
puits naturels dans la craie sénonienne du Brabant, ¿bid.; note sur les
forces vitales, 680.
onders, — Remerciments pour son élection d'associé de la classe des
sciences, 2. ,
Dupont (Ed.). == Approbation royale de son élection de membre titulaire
de la classe des sciences, 2; remerciments pour cette élection, ibid.
Duprez (F.). — Commissaire pour le mémoire de M. Perrey concernant les
tremblements de terre ressentis en 1868, 65; rapport sur ce travail, 338;
commissaire pour la note de M. Meunier relative á la pierre météorique
tombée à Saint-Denis-Westrem le 5 juin 1855, 65; rapport sur celte
768 TABLE DES AUTEURS.
note, 161 ; commissaire pour la note de M. Van der Mensbrugghe con-
cernant la viscosité superficielle des lames de solution de saponine, 159;
sapport verbal sur une notice de MM. Wallée et Brachet relative à la
lumière électrique, 450.
F.
Imini ti de la caisse cen-
Félis (Ed.). — Rapport sur les
trale des artistes belges en 1869, 149; lecture des 7e, 8* et 9* parties de
ses Études sur Part, 149,325 , 756; commissaire pour le mémoire de
concours concernant Pinfluence italienne sur Parchitecture dans les
Pays-Bas, 756.
Fétis (F.-J. `. — Instructions de voyage pour M. Van den Eeden, 58;
chargé d'écrire la notice biographique sur M. de Bériot , 641; dcdins
prononcé aux funérailles de M. Ch. de Bériot le 12 avril 1870, 642
Flammarion (C.). — Décision relative à sa note sur la loi du mouvemeut
de rotation des sr 450.
Flandre (S. A. R. le comte de). — Regrets de ne pouvoir assister à la
séance Mir i la classe des lettres, 497; remerciments pour Peuvoi
des a académique JS.
Folie (F.). — Remerciments ien son élection de correspondant de la
classe des sciences, 2; commissaire pour la fre partie du mémoire de
M. De Tilly, intitulé : Études sur le frottement, 63; rapport sur ce tra-
ail, 168; présentation de la 2e partie de son mémoire intitulé : Fon-
dements d'une géométrie supérieure cartésienne, 64; commissaire
pour la note de M. Carnoy relative au triangle inscrit el circonscrit à
une section conique , 159; lecture de son rapport sur cette note, 346;
commissaire pour la note de M. De Tilly concernant les surfaces à
courbure moyenne constante, 447,
Fraikin (C.-A.). — Installé comme directeur de la classe des beaux-arts
r 1870, 59
Fritsch (Ch.).— Communique ses observations botaniques et zoologiques
faites à Vienne et à Salzbourg en 1869, 556.
Fuérison.— Nommé membre du jury nn de juger le concours triennal
de littérature dramatique francaise, 5
G.
den (P.). — Notice sur Jeanne la Folle et St Francois de Borja, 290;
s derniers moments de Jeanne la Folle, 589; Jeanne la Folle et
nie 710.
TABLE DES AUTEURS. 769
Galesloot (L.). — Note sur les fouilles d'Elewyt : un anneau antique trouvé
à a 500, 749; rapports de-MM. Wauters et Juste sur cette
note, 7 709.
Gallait T — Élu directeur de la classe des beaux-arts pour 1871, 59;
remerciments per cette élection, 147.
Génard (P.). — Nommé membre du sa chargé de juger le concours
quinquennal de littérature flamande
Gilbert (Ph.). — Commissaire pour la 2e RER du travail de M. Folie,
intitulé : Fondements d'une géométrie supérieure cartésienne, 64;
rapport verbal sur une note de M. Méhay concernant le calcul infinité-
simal , 75. À
Gloesener (M.). — Commissaire pour le mémoire de concours concernant
es procédés suivis pour déterminer les éléments du magnétisme ter-
restre, 66:
Gluge (Th.). — Commissaire pour la 4° partie des recherches de M. Ed.
Van Beneden sur Pembryogénie des crustacés, 4; rapport verbal sur
deux notes de M. Ed. Robin relatives, l’une, au moyen de prévoir la
grandeur comparée des mâles et des femelles dans la série animale, et
l'autre ,-aux effets de la foudre sur les animaux, 14.
G
Guillaume (H.). — Le dé ier héros du moyen ai en Belgique : : Philippe
de Clèves, 261 ; hommage d'ouvrage, 705.
Haus (J.-J.). — Élu directeur de la classe des lettres pour 1871, 55; com-
missaire pour les mémoires de concours concernant Septime Sévère ,
152; rapport sur ces mémoires, 542
Heer (Oswald). — Remerciments pour son élection d’associé de la classe
des sciences ,
Henry (L). — Hommage Arte 662
Heremans (J.). — Nommé membre du id chargé de juger le concours
quinquennal de eau flamande, 55.
Horion et Gosselet. — Observations au sujet des travaux géologiques de
MM. Cornet et Briart sur la meule de Bracquegnies , 447, 689; rapports
de MM. d'Omalius, de Koninck et Dewalque sur ce travail, 664, 666,
667
E:
Institut des provinces de France. — Annonce l'époque de l'ouverture de
sa 57° session, 62,
770 TABLE DES AUTEURS.
J.
Juste (Th). — L'empereur Joseph IE et Parchiduchesse Christine d'Au-
triche, 133; hommages d'ouvrages, 386, 499, 703; présente une notice
a higaa sur Ed. Ducpetiaux, 500; commissaire pour une note de
M. Galesloot concernant les fouilles entreprises à Elewyt, ibid. ; rapport
sur cette note, 709,
K.
Keller (J.). — Élu associé de la classe des beaux-arts, 58; remerciments
ur cette élection, 147
Kervyn de Leltenhove (le biro J.). — Hommages d'ouvrages, 34, 499;
commissaire pour le mémoire de concours concernant létablissement
de colonies belges en Hongrie et en Transylvanie aux XIIe et XIIe
siècles, 132; rapport sur ce mémoire, 514.
ick (J.-J.). — Note sur l'organe reproducteur du Psilotum trique-
trum Sw., 17; rapports de MM. Spring et Coemans sur cette note, 5, 9.
L.
Lacordaire (Th.). — Commissaire pour la note de M. de Borre concernant
une nouvelle espèce du genre Varan, 4; rapport sur ce travail, 74;
commissaire pour le mémoire de M. P.-J. Van Beneden sur les poissons
des côtes de Belgique et leurs parasites, 63; lecture de son rapport sur
ce mémoire, 159; commissaire pour la notice de M. de Borre relative
au Byrsax gibbifer Wesmael, de Java, 64; rapport sur cette note, 337.
Laforét (N.-J.). — Hommage d'ouvrage, 35.
Lamarle (Ern.). — Envoi d'un billet cacheté et d'une note concernant
une nouvelle démonstration du postulatum d'Euclide, 555.
Lambert (G.). — Noté sur la découverte d'un gisement de phosphate de
chaux au-dessous de la ville de Louvain, 4, 234; rapports de MM. de
Koninck et d'Omalíus sur cette note, 165, 165.
Lanszweert (Ed.). — Envoi des observations zoologiques faites à Ostende
e 63. i
Larrey (le baron). — Hommage d'ouvrage, 158.
Leclercg (D.). — Communique ses observations météorologiques faites à
Liége en 1869, 3.
Le Roy (Alph.).— Élu correspondant de la classe des lettres, 638; remer-
ciments pour cette élection, 704.
TABLE DES AUTEURS. 771
Leys (M° veuve Henri). — Remerciments au sujet de la part prise par
l'Académie aux funérailles de son époux, 524,
Liagre (J.). — Commissaire pour la note de M. Carnoy relative au a
inscrit et circonscrit à une section ve 159; lecture de son rapport
sur cette note, 546; commissaire pour la note de M. De Tilly Bant
les surfaces à courbure moyenne einde , 447.
M.
Malaise (C.). — Inscription pour sa médaille de concours, 3; commu-
nique l’état de la dins observé à Gembloux le 21 mars 1870, 556
Mansion (P.). — Rapports de MM. Catalan, Steichen et Gilbert sur son
mémoire concernant la méthode de Brisson pour l'intégration des équa-
tions linéaires, Th
Marchant (G.). — i pension de voyage de 3,500 francs lui est conférée,
en sa qualité de lauréat du concours de sculpture de 1869, 57
Marielte-bey. — Élu associé de la classe des beaux-arts, 58.
Marquart (P.). — Voir De Koninck (Lucien).
Martin de Moussy cl veuve). — Hommage d'ouvrage, 663
Mathieu (Ad ). — Hommages d'ouvrages, 34, 386; lecture d'un morceau
de poésie : e > amour, A ng ‚ 456,
Méhay. — Rapports verbaux de MM. Catalan et Gilbert sur sa note con-
cernant le calcul vela à présente un travail sur la chaleur
universelle, 447 ; rapport verbal de M. Melsens sur ce travail, 668
Melsens (L.). — Commissaire poar la notice de MM. de Koninck et Mar-
quart sur la Bryonicine, 64; begeren pour le travail de M. Méhay
concernant la chaleur universelle , 447; rapport verbal sur ce travail,
; sur les er as des gaz A cin 702.
Meunier (S.). — Note sur la pierre météorique PE à Saint-Denis-
Westrem, près p: re , le 7 juin 1855, 63, 210; rapport de M. Duprez
sur cette note, 161.
Michel (P.). — Communique le résumé des observations météorologiques
aites à Ostende en 1869, 63
Mill (J. Stuart). — Élu associé de la classe des lettres, 658; remerci-
nts pour son élection , 704.
Ministre de la guerre (M. le). — Envoi d'ouvrages, ea
Ministre de la justice (M. le). — Envois d'ouvrages,
Ministre de la maison de S. M. Napoléon HI (M. B — q d'ou-
vrages, 34.
Ministre de l’intérieur (M. le). — Approbation royale de l'élection de
772 TABLE DES AUTEURS.
MM. Brialmont et Dupont, 2; envois d'ouvrages, 2, 54,58, 62,131,
148, 158,524, 585, 457, 498, 662, 705; jury du concours quinquen-
nal de littérature flamande (4me période), 35; jury du concours triennal
de littérature dramatique francaise (4° période), 54; résultat de ce
concours, 498; pension de voyage de 5,500 francs conférée à M. Mar-
chant, lauréat du concours de sculpture de 1869, 37; demande d'in-
structions de voyage pour M. Van den Eeden, i envoi d'une ordon-
nance de payement de 25, 750 francs, 62; buste du commandeur de
Nieuport, 554; envoi du programme de la 57° session du Congrés scien-
tifique de France, 260; regrets de ne pouvoir assister à la séance
publique de la classe des lettres, 498; transmet l'arrêté royal approu-
vant Pélection de MM. Slingeneyer et Robert 641.
Ministre des Pays-Bas à Bruxelles (M. Jah Kay ois d'ouvrages, 2, 446.
Montigny (Ch.). — Notice sur la séparation des trajectoires décrites dans
l'atmosphère par des rayons de même origine sidérale, mais de réfran-
gibilité différente, et sur les effets de cette séparation à l'égard de la
scintillation, 80; notice sur la scintillation et sur son intensité pendant
l'aurore boréale observée à Bruxelles le 5 avril 1870, 455; commissaire
pour le mémoire de concours concernant les procédés suivis pour dé-
terminer les éléments du magnétisme , 665
Moreau (J.). — Notes sur le grès landenien, 158, 490; rapports de MM. d'0-
malius et Dewalque sur ce travail, 448,
Morren (Éd.). — Hommage d'ouvrage, 355
Mourlon (M.). — Présente une notice sur la géologie du Maroc, 663.
N.
Neve (F.). — Commissaire pour les mémoires de concours concernant
Septime Sévère, 152; rapport sur ces mémoires, 557; rapport sur la
note de M. teng concernant l'étalon prototype universel des me-
sures de lon
Nolet de anima van Steeland. — Nommé membre du beid chargé de
juger le concours quinquennal de littérature flamande,
Nypels (G.). — Hommages d'ouvrages , 261 , 499
Nyst (H.). — Remerciments pour le concours qui lui a été prêté pendant
l'exercice de ses fonctions de directeur de la classe des sciences, 4.
P.
e.
Payen (Aug.). — Chargé d'examiner le programme de concours de la
ociété des architectes de Lille , 756.
TABLE DES AUTEURS. 7175
Perrey (4.). — Présentation de notes sur les tremblements de terre res-
sentis en 1868, 65 ; rapports de MM. Duprez et Ad. Quetelet sur ce
travail, 558, 559
Plateau (Félix). — Matériaux pour la faune belge : crustacés isopodes
terrestres „4, 112; rapports de MM. Van Beneden, de Selys Longchamps
et Candèze sur ce travail, 71, 72.
Plateau (J.). — Commissaire pour la note de: M. Vander Mensbrugghe
concernant la viscosité superficielle des lames de solution de saponine,
59; rapport sur cette note, 345; commissaire pour le travail de
M. Méhay concernant la halii universelle, 447; rapport verbal sur
une notice de MM. Wallée et Brachet voltio à la lumière électrique,
450.
a (Ch.). — Commissaire pour la quatriéme partie des recherches
de M. Éd. Van Beneden sur ui ago des crustacés, 4; commis
saire pour le mémoire de M. . Van Beneden sur les poissons dés
côtes de Belgique et leurs para cités 65; lecture de son rapport sur ce
mémoire, 159; du sies fonctionnel chez l’homme, 469; commissaire
pour la notice de M. n Bambeke concernant les trous vitellins que _
résentent les ceufs dls des amphibiens,
Poullet (Edm.). — pra mots à propose la juridiction disciplinaire
des corporations communales au XVe siècle, en Belgique, 261, 410;
rapport de M. Thonissen sur ce travail, 587.
Preudhomme de Borre (A.). — Description d’une nouvelle espèce afri-
caine du genre Varan (Varanus), 4, 122; rapports de MM. Lacordaire
et Van Beneden sur ce travail, 74, 75; note sur le Byrsaz ( Boleto-
phagus) gibbifer Wesmael, et sur la place qu’il doit occuper dans la
classification actuelle de la tribu des Bolitophagides , 65, 379; rapport
e M, Lacordaire sur cette note, 557,
Q.
Quetelet (4d.) — Commissaire pour la note de M. Bernaerts sur la nature
du soleil, 4; rapport sur ce travail, 75; note sur Paurore boréale du
3 janvier 1870, 16; hommage d'ouvrage, 58; commissaire pour les
notes de M. Perrey concernant les tremblements de terre ressentis en
1868, 63; rapport sur ce travail, 339; note sur les aurores boréales des
mois de janvier et février 1870, 176; communique l'état de la végéta-
tion observé à Eruxelles les 21 mars et 21 avril 1870, 556, 446; com-
missaire pour une note de M. Denza relative à l'aurore boréale du
3 janvier 1870, 336; note sur la détermination de la déclinaison et de
Yme SÉRIE, TOME XXIX. 50
*
17% TABLE DES AUTEURS.
l'inclinaison magnétique à Bruxelles en 1870, 450; note sur l'occulta-
tion de Saturne par la lune, le 19 avril 1870, 454; rapport sur la note
e M. Rodenbach concernant l'étalon prototype universel des mesures
de longueur, 546; des lois concernant le développement de l'homme,
669
Quetelet (E.). — Commissaire pour la note de M. de Boé relative á la
détermination de la latitude d'Anvers , 556 ; rapport sur cette note, 449;
communique l’état de la végétation observé à Bruxelles le 21 avril 1870,
46; commissaire pour le mémoire de concours concernant les procédés
suivis pour déterminer les éléments du magnétisme terrestre, 665.
R.
Rau (Ch.-H.). — Annonce de sa mort, 585.
Revue des questions historiques, à Paris. — Demande l'échange des pu-
blications, 7
Ricci (F.). — Élu associé de la classe des beaux-arts, 38.
„Robert (Alex). — Élu membre de la classe des beara; 458; appro-
bation royale de son élection et remerciments, 641.
Robin (Ed.). — Rapport verbal de M. Gluge sur sa note concernant le
moyen de prévoir la grandeur comparée des máles et des femelles dans
la série animale, et sur son travail relatif aux effets de la foudre sur les
animaux, 14.
Rodenbach (CJ. — Note sur Pétalon prototype universel des mesures de
longueur, 559; rapports de MM. de Witte, Ad. Quetelet et Nève sur
cette note, 545 , 546, 547
Roi des Belges (S. M. le). — Regrets de ne pouvoir assister à la séance
publique de la classe des lettres, 497; remerciments pour l'envoi des
publications académiques, 498,
Roulez (J.). — Inscription pour la ne ie concours m e rt 5;
commissaire pour les mémoires de co
152; rapport sur ces mémoires , 514,
S.
Scheler (A.). — Hommages d'ouvrages, 151, 586.
Schwann (Th.). — Commissaire pour la notice de M. Ed. Van Beneden sur
le développement des genres Anchorella, Lerneopoda, Brachiella et
Hessia, 4; rapport sur ce travail, 160; rapport sur la note de M. Ed. Van
Beneden relative au développement de l'œuf et de l'embryon des Saccu-
TABLE DES AUTEURS. 279
lines, 65 Anes pu ~ Boues ps - gaz DEE hei en
les trous , 66
réponse à l’ interpellation de M. d'Omalius relative à la force vitale, as,
Slingeneyer (E ). — Élu membre de la classe des beaux-arts, 438; appro-
bation royale de son élection et remerciments
Snellaert (F.-A.). — Nommé membre du j ere chart dej juger le concours
quinquennal de littérature flamande
Société batave de Rotterdam. — fé son programme de concours
pour 1869, 62.
Société des architectes du département du Nord, à Lille. — Exprime le
désir d’obtenir les conseils de la classe des beaux-arts sur les disposi-
tions de son programme de concours , 75
Société eh re — Envoi de Et programme de concours pour
1870
Spring > ET — Rapport sur la note de M. Kickx relative à l'organe
reproducteur du Psilotum triquelrum Sw., 5; hommage d'ouvrage,
355.
Stas (J.-S.). — Élu directeur de la classe des sciences pour 1871, 4;
encaissement d’un mandat de 25,750 francs, 62; commissaire pour la
notice de MM. de Koninck et Marquart sur la Bryonicine, 64; rapport
sur ce travail, 165; commissaire pour la note de M. Cantillon concernant
un projet de radeau de sauvetage, 356.
echer. — Nommé membre du jury chargé de juger le concours triennal
p littérature dramatique francaise, 54.
Steichen (M.). — Commissaire pour la première partie du mémoire de
M. De Tilly intitulé : Études sur le frottement, 65; rapport sur ce tra-
vail, 166.
Es
Tenerani (P.). — Annonce de sa mort, 57.
Terby (F.). — Transmet des renseignements sur l'aurore boréale du 5 jan-
vier 1870, 65; lettres relatives à des observations astronomiques et mé-
1 ds
Thonissen (J.-J.). — Commissaire pour le mémoire de concours concer-
nant l'établissement de colonies belges en Hongrie et en Transylvanie
aux XII" et XIIIe siècles, 132; rapport sur ce mémoire, 501 ; commis-
saire pour la notice de M. Po ullet relative à la juridiction communale
au XVe siècle en Belgique, 261 ; rapport sur ce travail, 5
Tinant. — Chargé de l'exécution du buste de M. de Niénport, 334.
776 TABLE DES AUTEURS.
V.
Valerius (H.). — Remerciments pour son élection de correspondant de la
classe des sciences, 2.
Van Bambeke. — Présente un mémoire concernant E trous vitellins que
présentent les œufs fécondés des amphibien
Van Beneden (Ed.). — Développement des dn DA Lerneo-
poda, Brachiella et Hessia, 4, 223 ; rapports de MM. Schwann, Gluge et
Poelman sur ce travail, 160, 161; développement de l'œuf et de rem-
bryon des Sacculines (Sacculina carcini, Thomps.), 99; rapports de
MM Schwann, Gluge et Poelman sur ce travail, 65, 67.
Van Beneden (P.-J.). — Commissaire pour le mémoire de M. F. Plateau
relatif cr crustacés isopodes terrestres de Belgique, 4; rapport sur
ce travail, 71; commissaire pour la notice de M. de Borre concernant
une nouvelle na ee sd Varan, 4; présentation d'un mémoire sur
les y Ticari parasites, 65; lecture des rap-
ports de MM. Lacordaire, de Selys Longchamps el Poe Iman sur ce
mémoire, 159; sur le commensalisme dans le règne animal (note sup-
plémentaire), 179; notice sur les cétacés, leurs commensaux et leurs
parasites , 547.
de den Eeden (J.-B.). — Envoi, à M. le Ministre de l'intérieur, du m
M. F.-J. Fétis concernant son voyage artistique, 58.
Van i Mensbrugghe (G.). — Dépôt d'un billet cacheté, 62; ; note sur la
viscosité superficielle des lames de solution de saponine, 159, 368;
rapports de MM. Plateau et Duprez sur cette note, 345, 546
Van Dessel (C.). — Prie la classe d'accepter le dépót d'une notice sur une
collection de monnaies romaines trouvées à Elewyt, 55.
Van Drival. — Hommage d'ouvrages, 386
Van Hasselt (A.). — Nommé membre du jury chargé de juger le concours
quinquennal de Rae flamande, 55; hommage d'ouvrage, 457.
Van Horen (Fr.). — Présente une notice concernant l'existence de puits
naturels dans la craie sénonienne du Brabant, 663.
nes (J.-B.) et fils. — Communiquent leurs observations ornithologi-
es faites à Bruxelles en 1869 , 447,
ranek (F.). — Transmet des observations météorologiques faites en
Mongolie, 447. ;
TABLE DES AUTEURS. 777
W.
Wallée et Brachet. — Rapport verbal de M. Duprez sur leur note con-
cernant la pre électrique e, 450.
Wauters (Al — Commissaire pour une note de M. Galesloot concer-
nant des ard archéologiques entreprises à Elewyt, 500 ; rapport sur
celte note, 708.
Wesmael (C.). — Commissaire pour la notice de M. de Borre relative au
Byrsax gibbifer Wesmael, de Java,
Willems (P.). — Nommé membre du jury chargé de juger le concours
quinquennal de littérature flamande, 55.
TABLE DES MATIÈRES.
-
A.
Anatomie comparée. — Présentation d'un travail sur les trous vitellins
que présentent les œufs fécondés des amphibiens, par M. Van Bambeke,
665
Archéologie. — Fouilles d'Elewyt : un anneau antique trouvé à Becque-
voort , notice par M. L. Lans 500, 749; rapports de MM. Wauters
et Juste sur cette notice, 708, 709.
Architecture. — Décision de la des des beaux-arts au sujet de la démo-
lition projetée du Temple des Augustins , à Bruxelles, 439; la Société
des architectes de Lille demande l'avis de la classe des beaux-arts sur
les dispositions de son programme de concours, 755. 4
Arrétés royaux. — Approbation de l'élection de MM. Brialmont et Dupont,
2; jury du concours naa de littérature flamande (4* période),
55; prix de ce concours décerné à M. Conscience, 659; jury du con-
cours triennal de littérature ardor francaise (4° période), 54;
approbation de l'élection de MM. Slingeneyer et Robert, 641.
Astronomie. — Note sur la nature du soleil, par M. G. Bernaerts, 4, 198;
rapport de M. Ad. Quetelet sur cette note, 75; note sur la pierre météo-
rique tombée à Saint-Denis-Westrem, près de Gand, le 7 juin 1855,
unier, 65, 210; rapport de M. Duprez sur cette note, 161;
détermination de la latitude de la flèche de la cathédrale d'Anvers;
e Boé, 556, 495; rapport de M. Ern. Quetelet sur ce travail,
449; décision relative à une note de M. Flammarion sur la loi du mou-
vement de rotation des planétes, 430; occultation de Saturne par la
lune, note de M. Ad. Quetelet, 454. — Voir Physique.
B.
Billets cachetés. — Dépôt d'un billet cacheté par M. Van der Mensbrug-
ghe, 62; par M. Lamarle, 555; par M. Brialmont, au nom de M. Can-
tillon, 446.
TABLE DES MATIÉRES. 779
Biographie. — Le dernier héros du moyen àge en Belgique : dg er de
Clèves, notice par M. Guillaume, 261; lecture de fragments biogra-
phiques sur F.-J. Navez, par M. Alvin, 644; présentation d'une
notice sur M. Ducpetiaux, par M. Th. Juste, 500; M. F.-J. Fétis promet
une notice sur M. de Bériot, 641; M. pues annonce qu'il a terminé la
notice sur F.-J. Navez, 644. — Voir Histoire
Botanique.— Note sur l'organe reproducteur du Psilotum triquetrum Sw.,
par M. J.-J. Kickx, 17; rapports de MM. Spring el Coemans sur cette
te 5,9
dese des Académiciens décédés. — M. Tinant est chargé de l'exécution
u buste du commandeur de Nieuport , 334.
G.
Caisse centrale des artistes belges. — Compte rendu des opérations pen-
dant l'année 1869, 149; pension accordée à la veuve d'un artiste, 525,
Chimie. — oroa sur la Bryonicine, substance azotée nouvelle, extraite
des racines de Bryonia ces par MM. Lucien de Koninck et Paul
pes vaart, 64, 217; rapports de MM. Stas et Melsens sur cette notice,
, 166; note sur une ses pe sg jaunátre à Gênes, dans la
Ae du 14 février 1870, par M. G. Boccardo, 158, 576; rapports
verbaux de MM. d'Omalius , Dewalque eg dh Koninck sur cette note,
546.
Commission engs ns — Réception d'une ordonnance de payement
de 25,750 francs, 62.
oden ss la Biographie nationale. — Dixième piel: annuel sur
les travaux de la Commission, par M. Edm. de Busscher, 646.
Commission pour la publication d'une collection des œuvres des grands
écrivains du pays. — dra par M. le baron Kervyn de Letten-
hove, des tomes Í, IX et X des Chroniques de Froissartet du tome Ier
des Poésies de ern 34, 499.
Toup de composition musicale (grands). — Instructions de voyage
r M. J.-B. Van den Eeden, 38.
ma de la classe des ae. — Mémoire recu pour le concours
de 1870 et nomination de commissaires, 756.
Concours de la classe des lettres. — Mémoires recus pour le concours de
1870 et nomination de commissaires, 132; proclamation des résultats de
ce concours, 637; rapports de MM. Thonissen, le baron Kervyn de Let-
tenhove et Borgnet sur le mémoire concer nant l'établissement de colo-
$
vst TABLE DES MATIÈRES.
nies belges en Hongrie et en Transylvanie aux XII: et XIIe siècles, 501,
514; M. Em. de Borchgrave, lauréat, 514, 637; rapports de MM. Roulez,
Nève et Haus sur les mémoires relatifs à Septimo Sévère, 514, 537, 542;
rogramme pour 1872,
Concours de la classe pe sciences. — praia: pour 1871, 14, 64; mé-
moire reçu pour le concours de 1870 et nomination de commissaires,
Concours des cantates. — Cantate reçue pour le concours de 1871, 458.
Concours de sculpture (grand). — Pension de voyage de 5,500 francs
accordée à M. Marchant, 57.
Concours quinquennal de littérature flamande. — Composition du jury
pour la 4° période de ce concours, 55; M. Conscience, lauréat , 659.
Concours triennal de litlérature dramatique française. — Composition
du jury pour la 4° période de ce concours, 34; résultat, 498.
D.
Discours. — Aperçu de la féodalité, discours prononcé par M. E. Defacqz
à la séance publique de la classe des lettres, 577; discours prononcé aux
funérailles de M. de Bériot, par M. F.-J. Fétis, 642.
s. — Ouvrages, par M. le Ministre de l'intérieur, 2, 34, 58, 62, 151,
148, 524, 5% i, 498 , 662, 705; cartes géologiques, par M. le Mi-
nistre des Pays-Bas Bruxelles, 2, 446; ouvrages, par M. le Ministre de
> ne 54, 498; z r M. le Ministre ae la maison de S. M. Napoléon HI,
586; par M. Laforêt, 35; | par M. Cha e. 35, mi par M. le baron de
Koehne , 55; par M. Ad. Quetelet, 38; par M nice, 151, 586; par
M. le baron Larrey, 158; par M. Nypels, 261, 499; par M. Spring, 355;
par M. Morren, ibid ; par M. l'abbé Van Drival, 586; par M. Juste, 586,
499, 705; par M. Van Hasselt, 457 ; par M. Catalan, 447 ; par MM. de
Witte et de Longpérier, 499; par M. de Witte, ibid ; par M. le Ministre
de la guerre, 662; par M. Henry, ibid; atlas, par Mme veuve Martin de
Moussy, 663; ouvrages, par M. Carrara, 705; par M. Guillaume, ibid.
E.
Élections et nominations. — Approbation royale de l'élection de MM. Brial-
mont et Dupont, 2; remerciments de MM. Brialmont, situe Valerius,
Folie, de Candolle, Heer et Donders, élus membres, correspondants et
associés de la classe des sciences, ibid. ; M. Stas élu pres de la classe
i
>
j
*
TABLE DES MATIÈRES. 781
des sciences pour 1871, 4; jury du concours quinquemnal de littérature
flamande (4* période), 33; jury du concours triennal de littérature dra-
matique francaise (4° période), 54; M. Haus élu directeur de la classe
des lettres pour 1871, 35; MM. Keller, Ricci et Mariette élus associés
de la classe des beaux-arts, 38; M. L. Gallait élu directeur de la classe
remerciments, 641; MM. Le Roy et de Borchgrave élus correspon-
dants de la classe des lettres, MM. Carrara et Stuart Mill associés, 658;
remerciments pour ces élections, 7
Entomologie. — Voir Zoologie.
Epigraphie — Inscription pour la médaille de concours décernée à M. Ma-
laise, 3.
Esthétique. — Lecture, par M. Ed. Fétis, des 7°, 8 el 9e parlies de ses
Études sur Part, 149, 525, 736.
G.
Géographie. — Le congrès international des sciences géographiques pe
se réunira à Anvers envoie le programme des questions adressées a
, 158.
St A minéralogie. — Découverte d'un gisement de phosphate de
chaux au-dessous de la ville de Louvain , note de M. G. Lambert, 4,
165; communication, par M. Dewalque , d'une lettre de M. le baron de
Ryck annonçant la découverte d'un dépôt d'argile semblable à Par-
gile de Boom, 150; notes sur le grès landenien , par M. Moreau, 158,
490; pro pe MM. g ae et vend sur ce travail, 448, 449;
note sur ill ar MM. Cornet et Briart,
159, 477; : rapports de MM. d'Omalius et ser sur cette note, 540,
345; observations au sujet des travaux géologiques de MM. Cornet et
Briart sur la meule de Bracquegnies, par MM. Horion et Gosselet, 447,
689; note concernant les observations de MM. Horion et Gosselet, par
M. Briart, 701; rapports de MM. d'Omalius , de Koninck et Dewalque
sur ces travaux , 664, 666 , 667; présrutatioó d'une note sur la géologie
du Maroc, par M. Mourlon , 665; présentation d'un travail sur les puits
naturels de la craie sénonienne du Brabant, par M. Van Horen, ibi
Gravure, — M. Demannez annonce qu'il vient de terminer le portrait sur
cuivre de feu F.-J. Navez, 758.
782 TABLE DES MATIÈRES.
H.
Histoire. — L'empereur Joseph IT et Parchiduchesse Christine d'Autriche ,
par M. Th. Juste, 155; Jeanne la Folle et S. Francois de Borja, notice
par M. Gachard , 290; les derniers moments de Jeanne la Folle, notice
par le même, 389; rapports de MM. Thonissen, le baron Kervyn de
Lettenhove et Borgnet sur le mémoire de concours concernant Véta-
blissement de colonies belges en Hongrie et en Transylvanie aux XIe
et XIIIe siècles, 501, 514; rapports de MM. Roulez, Nève et Haus sur
les mémoires de concours relatifs à Septime Sévère, 514, 537, 542;
notice historique sur l’ancienne abbaye du Nouveau-Bois , à Gand , par
M De Smet, 548; aperçu de la féodalité, discours par M. Defacqz , 577
de Kerels van Vlaanderen, par M. H. Conscience, 607; Jeanne la Folle
el Charles-Quint, par M. Gachard , 710.
|
4
3
1
|
3
E
|
/
1
J.
Jurisprudence. — Quelques mots à propos de la juridiction disciplinaire
des corporations communales au XVe siècle, en Belgique, par M. Poullet,
261,410; rapport de M. Thonissen sur ce travail, 587.
M.
hp re adh el appligides: — Présentation , par M. de Tilly, de
1 ses Études sur le frottement, 63; rapports de MM. Stei-
a el aa sur ce travail, 166, 168; présentation d'un mémoire inti-
tulé : Fondements d'une géométrie supérieure cartésienne, par M. Fo-
lie, 64; rapports de MM. Catalan, Steichen et Gilbert sur le mémoire de
M. Mansion intitulé : Sur la méthode de Brisson pour P rh des
équations linéaires, 68, 71; rapports verbaux de MM. n et Gil-
bert sur le travail de M. Méhay concernant le calcul i, 15;
présentation d'une note sur le triangle inscrit et circonscrit à une sec-
tion conique , par M. Carnoy, 159; lecture des rapports de MM. Liagre
et Folie sur cette note, 346; remarques sur l'équation xe — 1=0, par
M. Catalan, 182; communication d'une note sur une nouvelle démon-
stration du postulatum d'Euclide, par M. Lamarle, 556; présentation ,
par M. de Tilly, d’une note sur les surfaces à courbure moyenne con-
stante, 447,
TABLE DES MATIÈRES. 783:
Météorologie et ph aen du globe. — Communications météorologiques
de M valier, Leclercq et Altenrath, 5; de MM. Michel et Cavalier,
65; de M. de Boë, 158; de M. Vranck, 447; de M. Terby, ibid. ; note sur
E l'aurore boréale du 3 janvier 1870, par M. Quetelet, 16; renseigne-
4 iments sur ce phénomène communiqués par M. Terby, 65; présentation
de notes sur les tremblements de terre ressentis en 1868, par M. Per-
rey, 65; rapports de MM. Duprez et Ad. Quetelet sur ce travail, 558,
359; note sur les aurores boréales des mois de janvier et de février
1870, par M. Ad. Quetelet, 176; présentation d'une note sur l'aurore
boréale observée en Piémont le 5 janvier 1870, par M. Denza , 356; dé-
termination de la déclinaison et de Pinclinaison magnétique à Bruxelles
en 1870, note de M. Ad. Quetelet, 450.
Métrologie. — Note sur l'étalon prototype universel des mesures de lon-
gueur, par M. C. Rodenbach, 559; rapports de MM. le baron de Witte,
Ad. Quetelet et Nève sur cette note, 545, 546, 547.
N.
Navigation. — Voir Technologie.
Nécrologie. — Annonce de la mort de M. P. Tenerani, 37; remerciments
„de Mme Leys pour la part prise par l'Académie aux funérailles ce son
époux, pe annonce de la mort de MM. de Montalembert et Rau, 385;
mort de M. de Bériot, 640; discours prononcé á ses funérailles par
+ MF. Pen étis, 642.
Numismatique. — Dépôt , aux archives, d'une notice de M. Van Dessel sur
une collection de monnaies romaines trouvées à Elewyt, 55.
O.
Ouvrages présentés. — 56,150, 326, 440,635, 757.
r.
Paléontologie. — Notice sur un nouveau genre de poissons fossiles de la
craie supérieure , par M. L. de Koninck, 75.
Phénomènes périodiques. — Communications de MM. Bellynck et Bernar-
din, 5; de M. Lanszweert, 65; de MM Fritsch, Ad. Quetelet, Malaise et
Bernardin, 536; de MM Ad. et Ern. Quetelet, de Selys, Bellynek, Ber-
nardin, Acar, J.-B, Vincent et fils, 447; de M. Dewalque, 662.
784 TABLE DES MATIÈRES.
Physiologie. — Lecture du rapport de M. Gluge sur deux notes de M. Ed.
Robin, Pune concernant le moyen de prévoir la grandeur comparée des
mâles et des femelles dans la série animale, et l'autre relative aux effets
de la foudre sur les animaux, 14; communication verbale de M. d'Oma-
lius sur les théories physiologiques nouvelles, 384; du travail fonction-
nel chez l'homme, par M. Poelman, 469; sur les forces vitales, par
M. d'Omalius, 680; réponse à linterpallaion de M. d'Omalius relative
à la force vitale, par M. Schw
Physique. — Notice sur la ae pa trajectoires décrites dans lat-
mosphère par des rayons de même origine sidérale, mais de réfrangibi-
lité différente, et sur les effets de cette séparation à l'égard de la scin-
tillation , 80; note sur ia viscosité superficielle des lames de solution de
saponine, par M. Van der Mensbrugghe, 139, 568 ; rapports de MM. Pla-
teau et Duprez sur cette note, 343 , 346; présentation d'une notice trai-
tant de la chaleur universelle, par M. Méhay , 447; rapport verbal de
M. Melsens sur cette notice, 668; rapport verbal de M. Duprez sur une
notice de MM. Wallée et Brachet relative à la lumière électrique, 450;
notice sur la scintillation et sur son intensité pendant l'aurore boréale
observée à Bruxelles le 3 avril 1870, par M. Montigny , 455 ; sur les
forces élastiques des gaz liquéfiables , par M. Melsens, 702.
Poésie.— Lecture d'une poésie : Gloire, Amour, Charité, par M. Ad. Mathieu, i
, 632.
Publications académiques. — Présentation de l'Annuaire pour 1870; 38;
M.d olle exprime le désir de recevoir les Bulletins et Y Annuaire,
62; inició du tome XXXIV des Mémoires couronnés in-4° el du
tome XXI des Mémoires couronnés in-8°, 334; remerciments du Roi et
du Comte de Flandre pour l'envoi de ces deux volumes, 498; présenta-
tion du tome XXXV des Mémoires couronnés in-4°, 498; demande
d'échange, 705.
R-
Rapports. — Rapports de MM. Spring et Coemans sur la note de M. Kickx
concernant l'organe reproducteur du Psilotum triquetrum, 5, 9; lecture
du rapport de M. Gluge sur deux notes de M. Ed. Robin, Pune concernant
le moyen de prévoir la grandeur comparée des måles et des femelles
dans la série animale, et l'autre relative aux effets de la foudre sur les
animaux, 14; rapports de MM. Schwann , Gluge et Poelman sur le tra- :
vail de M. Ed. Van Beneden concernant le développement de l'œuf et de 1
l'embryon des Sacculines, 65, 67; de MM. Catalan, Steichen et Gilbert
ek stad dn ee I
TABLE DES MATIÈRES, 785
sur le mémoire de M. Mansion intitulé: Sur la sea de Brisson
pour l'intégration des équations linéaires, 68, 71 ; de an Bene-
den, de Selys Longchamps et Candèze sur la note M. F. Plateau con-
cernant les crustacés isopodes terrestres de Belgique, 71, 72; de M. Ad.
aray surla note de M. Bernaerts concernant la nature du soleil, 73;
e MM. Lacordaire et Van Beneden sur la notice de M. de Borre relative
à une pens espèce africaine du genre Varan, 74, 75; rapports ver-
ux de MM. Catalan et Gilbert sur le travail de M. Méhay concernant
Selys et Poelman sur le mémoire de M. P.-J. Van Beneden concernant
les poissons des côtes de Belgique et leurs parasites, 139; rapports de
MM. Schwann, Gluge et Poelman sur la notice de M. Ed. Van Beneden
concernant le développement des Anchorella, des Lerneopoda et des
Hessia, 160, 161; de M. Duprez sur la note de M. Meunier relative à la
age météorique tombée à Saint-Denis-Westrem le 7 juin 1855, 161 ;
. de Koninck et d'Omalius sur la notice de M. G. Lambert concer-
nant la découverte d’un gisement de phosphate de chaux au-dessous de
Louvain, 163, 165; de MM. Stas et Melsens sur la note de MM. de Ko-
ninck et Marquart concernant la Bryonicine, 165, 166; de MM. Steichen
et Folie sur la fre partie du travail de M. De Tilly intitulé : Études sur
le frottement , 166, 168; de M. Lacordaire sur la note de M. de Borre
concernant le Byrsax gibbifer Wesmael, 357; de MM. Duprez et Ad.
Quetelet sur le mémoire concernant les tremblements de terre ressentis
en 1868, 558, 359; de MM. d'Omalius et Dewalque sur la notice de
MM. Cornet et Briart relative aux me naturels du terrain houiller,
540, 545; de MM. Plateau et Duprez sur la note de M. Van der Mens-
brugghe intitulée : Sur la viscosité sopir eii des lames de solution
de saponine , 345, 346; lecture des rapports de MM. Liagre et Folie sur
la note de M. Carnoy concernant le triangle inscrit et circonscrit à une
section conique, 346; rapports verbaux de MM. d'Omalius, Dewalque et
de Koninck sur ze note de M. Boccardo relative à une pluie de substance
jaunátre à Gênes, ibid.; rapport de M. Thonissen sur la notice de
M. Poullet a la juridiction disciplinaire des corporations com-
munales au xv siècle, en Belgique, 587; de MM. d'Omalius et Dewalque
sur le travail de M. Moreau ied au grès enal bran werd de
J. Ern. Quetelet sur la note de M. de
la latitude d'Anvers , 449 ; rapport verbal de M. Duprez sur une notice
de MM. Wallée et Brachet relative à la lumière électrique, 450; rap-
ports de MM. Thonissen, le baron Kervyn de Lettenhove et Borgnet sur
le mémoire de concours concernant l'établissement de colonies belges
786 _ TABLE DES MATIÈRES.
en Hongrie et en Transylvanie aux XIIe et XIIe siècles, 501, 514; de
MM. Roulez, Néve et ¡aus sur les mémoires de concours relatifs à
Septime Sévère, 514,537, « "2; de MM. le baron de Witte, Ad. Quetele:
et Nève sur la note de M. Rodenbach concernant l'étalon prototype
universel des mesures de longueur, 543, 546, 547; de MM. d'Omalius,
de Koninck et Dewalque sur les observations de MM. Horion et Gosselet
au sujet des travaux géologiques de MM. Cornet et Briart relatifs à la
6
meule de Bracquegnies , 664, 666, 667; rapport» verbal de M. Melsens
sur la notice de M. Méhay cerda la chaleur cala 668; rar
d sur la notice de M. Galesloot vérité
aux fouilles archéologiques entreprises à Elewyt , 708 , 709.
S.
Sciences morales et politiques. — Des lois concernant le développement
e l’homme, par M. Ad. Quetelet, 6
Stances jabura — Préparatifs de la séance publique de la classe des.
ttr 6, 575; programme, 456, 577; regrets de Leurs Majestés le
iiiz et ti Reine et de Leurs Altesses royales le Comte et la Comtesse
de Pa de ne ponvole assister à cette solennité, 497; mêmes regrets
exprim r inistre de l’intérieur et M. le vraie de la
sv él des Mbrédontials: 498, 6:
X
Technologie. — Présentation d'une note sur un projet de radeau de sau-
vetage, par M, Cantillon , 356.
v.
Voyages. — L'Égypte entrevue à travers l'inauguration du canal de Suez,
par M. Alvin, 39.
Z.
Zoologie. — Matériaux pour la faune belge : crustacés isopodes terres-
tres, par M. F. Plateau, 4, 112; rapports de MM. Van Beneden, de Selys
Longchamps et Candèze sur ce travail, 71, 72; Recherches sur lem-
bryogénie des crustacés, par M. Ed. Va pad en : 111. Déy OE
de l'œuf et de l'embryon des Sacculines (Sacculina carcini, Thomps.
dd A AS
ii dag
TABLE DES MATIÈRES. ‘ 187
99; rapports de MM. Schwann, Gluge et Poelman sur ce travail ‚65, 67;
IV. Développement des Anchorella, Lernéopoda, Brachiella et Hessia, 4,
225; rapports de MM. Schwann, Gluge et Poelman sur ce travail, 160, ;
161 ul d'une nouvelle espèce ste du genre Varan (Va-
ranus), par M. Preudhomme de Borre, 4, ció rapports de MM. Lacor-
daire et Van Beneden sur ce travail, 74, 75; présentation d’un pa
„sur les poissons des côtes de Belgique et has ae par M. P.-J.
Van Beneden, 63; lecture des rapports de MM. Lacordaire, x Selys
et Poelman sur ce mémoire, 159; note sur le er (Boletophagus)
gibbifer Wesmael, et sur la place qu'il doit occuper dars la classifica-
tion actuelle de la tribu des Bolitophagides, par M. Preudhomme de
rre, 64, 379; rapport de M. Lacordaire sur cétte note, ER ; sur le
nta dans le règne animal (note supplémentaire), par M. P.-J.
Yan Beneden, 179; les cétacés, leurs commensaux et leurs parasites, no- -
tice par le même, 347.
4
5-
ERRATA.
Page 44, ee 3, en remontant, au «a de: Phy DAD, lisez : Phylloglossum.
= en remontant, au lieu de ; courants électriques, lisez : courants
que
— 63, lignes 7 et 6, en remontant, au den de : hélicoides, lisez : hélicoides.
64, ligne 1, au lieu B commisaires, lise? < comimissiines.
367, lignes 14 et 45, au lieu de : incrustacés, lisez : incrustés.
388, ligne 12, au lieu de : quintescence, la. quintessence.
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