BULLETINS L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, bES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. BULLETINS 277 DE ie 21^ L'ACADEMIE ROYALE SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. — QUARANTE-HUITIÈME ANNÉE. — 2e SÉR. , T. XLVII. Mo. Bot. Garden, 1806. BRUXELLES, F. HAYEZ , IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE. 1879 BULLETIN DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1879. — No 4. CLASSE DES SCIENCES. Séance du 4 janvier 1879. M. Hovzzav, directeur et président de l'Académie pour 1878, occupe le fauteuil. M. LiacnE, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Edm. de Selys Longchamps, direc- teur pour 1879; J.-S. Stas, L. de Koninck, P.-J. Van Beneden, H. Nyst, Gluge, Melsens, F. Duprez, H. Maus, Ern. Candèze, F. Donny, Ch. Montigny, Brialmont, Éd. Van Beneden, C. Malaise, F. Folie, Alp. Briart, Fr. Crépin et Éd.Mailly, membres ; Th. Schwann, E. Catalan, associés; F.-L. Cornet, M. Mourlon et W. Spring, correspondants. 9"* SÉRIE, TOME XLVII. 1 / ` (ado) CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l'Intérieur envoie une ampliation de l'arrété royal du 6 décembre 1878 nommant MM. Brial- mont, Catalan, de Koninck, Duprez, Folie, Liagre et Stei- chen, membres du jury chargé de juger la 6° période du concours quinquennal des sciences mathématiques et phy- siques. — MM. De Tilly et Cornet, élus membres , MM. Boussin- gault, Faye, Thomson et von Siebold, élus associés, adres- sent des lettres de remerciment. — Les Universités de Munich, Vienne, Kiel, Gratz, Heidelberg , Fribourg en/ Br. et Strasbourg, les Sociétés de statistique et de zoologie de Londres, la Société géologique d'Édimbourg , la Societé d'histoire naturelle et de méde- cine de Heidelberg, la Société d'histoire naturelle de Colmar, le Physikalische Verein de Francfort s/M., la Cen- tral Anstalt für Meteorologie de Vienne, la direction de l'Archiv der Mathematik und Physik, à Berlin, et M. Kir- choff, associé de la Classe, accusent réception de l'envoi des dernières publications académiques. — La Classe reçoit, à titre d'hommage, les ouvrages suivants, au sujet desquels elle vote des remerciments aux auteurs : 4° Le Monde des plantes avant l'apparition de l'homme, vol. in-8°; par le comte de Saporta, associé; 9» Études dechimie moléculaire, broch. in-8°; par Louis Henry, correspondant; ( 8) 5° Station agricole de pis 1879.1 877. Création. — Organisation. — Travaux , br och. in-8°; par A. Petermann (ouvrage présenté, au nom de l'auteur, par M. Melsens); 4° Rapport sur les expériences faites au levant du Flénu sur la perforation mécanique, broch. in-8°; par H. Mativa (ouvrage présenté, au nom de l'auteur, par M. Cornet). PROGRAMME DE CONCOURS POUR 1880. La Classe décide que les sections seront convoquées une heure avant là prochaine séance afin de s'occuper de la rédaction du programme de concours pour ladite année. ÉLECTIONS. Les suffrages des membres appellent M. Stas aux fonc- tions de directeur pour l'année 1 En venant prendre place au bureau, en qualité de vice- directeur, M. Stas remercie la Classe du témoignage de confiance qu'elle veut bien lui donner. Il s'efforcera, dit-il, de répondre à cette marque de sympathie. M. Houzeau, directeur sortant, remercie ses confréres de la bienveillance qu'ils lui ont montrée pendant l'année écoulée. J'en suis trés-touché, dit-il, et j'en conserverai toujours le souvenir. Il installe au fauteuil M. de Selys Longchamps. Le nouveau directeur propose de voter des remerciments à M. Houzeau. — Applaudissements. (E) M. de Selys Longchamps espère qu'on voudra bien lui accorder la même indulgence qu'en 1854 lorsqu'il a dirigé une première fois les travaux de la Classe. RAPPORTS. De Vorigine et de l'établissement des mouvements astro- nomiques ; 2"* partie; par M. C. Lagrange. A Rapport de JF. Wan dor Mensbrugghe. « Dans la 1'* partie de son travail, M. Lagrange avait tàché de montrer que, sous certaines conditions, des sys- tèmes matériels déformables, au repos dans leurs positions initiales et soumis à leurs attractions réciproques, peuvent prendre des mouvements de rotation sur eux-mémes, et que ces rotations donnent naissance à des révolutions des systémes les uns autour des autres. . Dans la 2"* partie, qui fait l'objet du mémoire actuel, l'auteur cherche à appliquer sa théorie à l'établissement des mouvements astronomiques. Dans l'introduction, il examine les conséquences de l'action exclusive d'une force d'attraction sur un système d'atomes matériels : il reconnait aisément que la somme des forces vives des alomes ne peut dépasser un maximum qui serait atteint s'ils se réunissaient tous en une masse compacte. À ce moment, en effet, tout le travail disponible de la force d'attraction serait dépensé. S'appuyant alors sur les résul- tats de l'observation directe, M. Lagrange arrive à ad- R? (5) mettre également l'existence d'une force répulsive rendue manifeste dans l'expansion des gaz, l'élasticité des so- lides, ete. ; Aprés cette digression, l'auteur expose ses idées sur la formation des corps. A cet égard, il énonce une opinion qui me parait fort originale ; selon lui, il convient de sup- poser qu'avant toute dépense de travail la quantité de chaleur de l'univers était nulle, et que la température s'est graduellement élevée au-dessus du zéro absolu, aux dé- pens du travail effectué par l'attraction. Il résulterait de là que la formation des corps solides a dà précéder celle des liquides et des gaz. L'hypothése de M. Lagrange qui, en ce qui concerne la terre, est en contradiction avec ce qu'on admet généralement en géologie, se justifierait peut- être par la considération que, grâce à la condensation gra- duelle de la matiére et de l'énorme développement de chaleur qui doit en avoir été la conséquence, la terre a atteint, du moins dans les couches voisines de la surface, l'état de fluidité nécessaire à l'explication de sa forme et de ses caraetéres géologiques. C'est là un point très-important qui ne peut manquer, à mon avis, d'attirer l'attention des savants, et, en particu- lier, celle des astronomes et des géologues. Du reste, l'hy- pothése d'un noyau eentral solide n'est pas neuve; dés 1855, Poisson, dans sa Théorie mathématique de la cha- leur, a présenté des arguments trés-plausibles pour faire voir que, méme en partant de l'état primitivement fluide de la terre, celle-ci a pu se solidifier du centre à la surface et perdre ainsi depuis longtemps toute sa chaleur d'ori- gine. Quant à l'élévation de température des lieux pro- fonds, Poisson l'attribuait, comme on sait, à l'inégalité de chaleur des régious de l'espace que la terre traverse en ( 6) s’y mouvant avec le soleil et tout le système planétaire. Comme, dans l'ordre d'idées de M. Lagrange, la tempé- rature s'est continüment élevée par l'agglomération gra- duelle de la matière, il doit être arrivé un moment où cer- tains corps ont passé de l'état solide à l'état liquide et méme à l'état de vapeur; il s'est formé ainsi autour du globe une atmosphére trés-dense oü les pressions allaient en diminuant de la surface vers l'extérieur ; ces pressions ont dû croître à mesure que la masse du noyau est devenue plus grande. M. Lagrange ajoute que la résistance offerte aux corps solides pendant leur chute peut devenir assez forte pour donner lieu à de simples oscillations à distance du noyau central. L'auteur aurait pu,à ce propos, rappeler les effets calorifiques développés par la perte si rapide de la vitesse des corps attirés; on sait, en effet, que, grâce à l'énorme élévation de la température produite dans les bolides pendant leur chute à travers l'atmosphére terrestre, ces derniers éclatent trés-souvent avec de fortes détona- tions. Dans une phase de formation plus avancée encore, la température de l'atmosphère, après avoir augmenté jus- qu’à un maximum, diminue ensuite par degrés, ce qui provoque la liquéfaction ou la solidification de certaines matières qui étaient d'abord à l'état de vapeur, tandis que d'autres corps solides peuvent demeurer suspendus dans l'atmosphére et étre entravés dans leurs mouvements rela- tifs par leurs axes d'attraction. Aprés cet exposé, M. Lagrange conclut que les grands corps répandus dans l'espace pouvaient, dans une cer- taine phase de leur formation, étre assimilés aux masses déformables dont il s’est occupé dans la première partie de son travail, masses où chaque molécule est assujettie à se (7) mouvoir sur le rayon qui émane d'un centre ; en vertu de la condensation progressive de la matiére dont les corps en question étaient composés, ceux-ci, obéissant à leurs attractions mutuelles, ont. affecté des mouvements con- tinus de rotation, chacun dans un sens déterminé; mais à mesure que la condensation s'est avancée, l'énergie des composantes déviatrices engendrant la rotation, est allée en diminuant, d'oü il est résulté que les rotations impri- mées graduellement aux masses se sont accélérées jusqu'à un certain maximum , el, dés que les composantes dévia- trices sont devenues suffisamment petites, les vitesses sont demeurées acquises à ces mémes masses. Quelles sont maintenant, d’après l'auteur, les consé- quences de la rotation des globes? En premier lieu, ces globes prennent trés-probablement des mouvements de révolution aux dépens de la rotation. Cette remarque s'appliquerait aux nombreux soleils dis- tribués dans l'espace. En second lieu, chaque globe en rotation M (tel que le soleil) imprime à l'une des masses m concentrées autour de lui, mais non comprises dans la zone équatoriale de M, un mouvement en vertu duquel m finit par se réunir à la masse centrale. Au contraire , chaque masse » située dans la zone équatoriale de M et considérée isolément, prend un mouvement hélicoidal tel que la vitesse aille en crois- sant, et que l'angle du rayon vecteur et de la tangente à la trajectoire tende vers 90°; à mesure que le globe M se condense, la composante déviatrice diminue et finit par s'annuler; dés lors la masse m se meut comme si elle avait été lancée avec une vitesse initiale et décrit, sous l'action attractive de M, une section conique dans un plan peu incliné sur l'équateur de la masse centrale. De plus, le rwv corps m, passant également de les différentes Tous de sa formation, affecte aussi, sous l'action de M, un mouve- ment de rotation dans le méme sens que celui de M, et la vitesse de rotation atteint un maximum dés que la con- densation de peut étre regardée comme terminée. Si la masse m se trouvait dans l'équateur méme de M, les axes de rotation des deux masses seraient parallèles; au contraire, ces axes feraient entre eux un petit angle si la masse m se trouvait dans la zone équatoriale, mais hors de l'équateur. M. Lagrange considére ensuite le cas de plusieurs masses m, m', m”... toutes situées dans la zone équato- riale; il fait voir que si l'on fait abstraction des actions réciproques exercées entre ces masses, les forces dévia- trices dues à l’action du globe central finissent toujours par agir dans le méme sens pour M et pour les masses du second ordre m, m',m", etc. I applique des raisonnements analogues aux globes du second ordre agissant sur des masses du troisième , et ainsi de suite. Ces résultats soulévent immédiatement une question trés-importante : comment les masses du second ordre, par exemple, une fois en mouvement suivant des trajec- toires trés-allongées, peuvent-elles parcourir des orbites dont l'excentricité va en décroissant? On sait, en effet, qu'à notre époque les orbites plonétaires ont de trés- faibles excentricités. Pour expliquer la diminution gra- duelle des excentricités des trajectoires primitives, l'au- teur admet, d'une part, l'existence d'un milieu résistant interplanétaire, et invoque, d'autre part, l'influence de l'ac- croissement graduel de la masse centrale ; ces deux causes ont dù, d’après l'analyse de l'auteur, avoir pour consé- quence de rapprocher graduellement les trajectoires ellip- - tiques de la forme circulaire. (9) Quant à l'hypothèse d'un milieu résistant interplané- taire contre laquelle se sont élevées plusieurs astronomes, je dirai que récemment un savant russe, M. Van Asten, a répété une série de calculs relatifs aux planètes en se ser- vant des éléments plus exacts obtenus depuis les travaux de Encke, et que ses études l'ont conduit à des résultats bien remarquables et tout à fait d'aecord avec les idées de notre jeune compatriote; il a trouvé que : 1? il existe dans l'espace un milieu résistant; 2^ la densité de ce milieu est en raison inverse de la distance au soleil; 3° la résistance croit en raison directe du carré de la vitesse des corps en mouvement (1). Comme troisième conséquence de la rotation des globes, M. Lagrange signale les effets combinés de la force centri- fuge et de la condensation graduelle de la matière qui constitue ces globes; l'auteur explique l'aplatissement dû à la force centrifuge en admettant que le noyau central ne subisse pas sensiblement l'influence de cette force, tandis que la nature des masses transformables qui recouvrent ce noyau fait prendre à chaque globe en rotation une forme sphéroidale, de révolution autour de la ligne des póles. De là naissent alors de nouvelles actions directrices en vertu desquelles les plans équatoriaux tendent à eoin- cider et les axes de rotation à être parallèles. L'auteur compare ici sa théorie à celle de Laplace, et conclut en disant que la condensation des globes en rota- tion peut donner lieu à des anneaux matériels cireulant autour d'eux , ou à des globes extérieurs dont les mouve- (4) Fortgesetzte Untersuchungen über den Enckeschen Cometen (BULL. DE L'ACAD. IMP. DES SCIENCES DE S'-PéÉrEnsBOURG, 1877, t. XXII, p. 530; mémoire ln le 21 septembre 1876). ( 10 ) ments le révolution et de rotation présentent les caractéres examinés plus haut. L'ensemble des résultats que je viens de rappeler fait prévoir immédiatement que M. Lagrange les a appliqués à l'établissement des mouvements de notre systéme pla- nétaire; on ne peut manquer de suivre avec le plus vif intérét la série des raisonnements auxquels il se livre sur cette difficile et grandiose question. Pour expliquer la rotation du soleil, il invoque non plus l’action des planètes, comme il l'avait fait dans son pre- mier travail (1), mais, avec bien plus de raison, l'influence d'autres globes du méme ordre distribués dans l'espace. Quant à l'origine des planétes, il se demande si elles ont primitivement appartenu à l'atmosphére solaire elle-méme et se sont développées, d'après l'hypothése de Laplace, par la condensation graduelle des anneaux, ou bien si elles sont des globes formés directement autour du soleil et re- devables à leurs axes d'attraction des mouvements de révolution et de rotation dont ils sont animés. Il expose une suite d'arguments qui rendent la première hypothèse fort peu admissible, surtout pour les grosses planètes, et qui plaident en faveur de la seconde, d’après laquelle les corps planétaires ont toujours été indépendants de l'atmosphère du soleil. Quant aux masses plus petites ou astéroïdes ap- partenant au système solaire, M. Lagrange croit que leurs révolutions se sont établies soit par l'entraînement de la matière qui pesait sur le soleil, soit à la séparation de plus en plus prononcée des diverses parties d’un même globe d (1) De l'influence de la forme des corps sur l'attraction qu'ils exer- cent (Burt. pg 1'Acap., t. XLIV, p. 25, voir p. 54) (11) qui aurait acquis son mouvement de révolution avant d’avoir passé par tontes les phases de sa formation. L'auteur termine son travail par quelques mots sur dif- férentes particularités remarquables du systéme solaire, savoir l'égalité entre les durées de révolution et de rota- tion des satellites, la direction de leurs axes de rotation et la rétrogradation de quelques-uns de ces corps, les an- neaux de Saturne, l'ordre des masses et des densités des planétes, et enfin la figure des corps planétaires. En ce qui concerne le monde de Saturne, l'auteur fait ressortir la grande analogie qu'il présente avec le systéme solaire lui-méme, et, d'accord avee Maxwell et Hirn, il re- garde les anneaux comme constitués par une multitude de trés-petits astéroides dont les nombreuses orbites don- nent lieu aux apparences connues. A propos de la figure des planètes, il rappelle que l'idée de la fluidité primitive, attribuée à la terre dans l'hypo- thèse cosmogonique de Laplace, a été fortement com- battue par des savants éminents, tels que Lyell et Lamont, et il soutient qu'aujourd'hui encore, la condensation gra- duelle de la matiére peut produire une augmentation de chaleur jusqu'à une profondeur limitée dans le globe ter- restre. L'analyse que je viens de présenter fait voir suffisam- ment, je pense, l'importance capitale des résultats aux- quels est arrivé notre jeune géomètre ; est-ce à dire qu'on peut les regarder tous comme solidement et nettement établis? Je ne le crois pas; mais en attendant que l'auteur puisse raffermir et compléter sa théorie, où les principes de physique, de mécanique et de thermodynamique doivent se préter un mutuel appui, je la considére comme bien séduisante et comme empreinte d'un cachet de simplicité ( 12) et d'harmonie qui convient particuliérement au grand pro- blème qu'elle essaie de résoudre. Une œuvre aussi féconde en apercus nouveaux me parait mériter à tous égards les encouragements de l’Académie. Aussi j'estime que la Classe n'hésitera pas à ordonner l'impression de la 2"* partie du travail de M. Lagrange dans le méme recueil que la pre- mière, et à voter des remerciments à l'auteur pour sa nou- velle communication. » aT Rapport de M. Folie. « Je me rallierais bien volontiers aux conclusions de notre savant confrére, si les idées originales de M. Lagrange sur la formation de l'univers, qui, comme le dit l'hono- rable commissaire, doivent étre raffermies et complétées, ne me semblaient absolument inadmissibles. Le point de départ de l'auteur est l'hypothèse sui- vante : « Les atomes matériels auraient été, à l'origine, répan- » dus dans l'espace à l'état de diffusion , en repos, au zéro » absolu de température, et doués simplement d'attraction » réciproque. » Comment, de ces conditions primitives, fera-t-on sortir | la chaleur (pour ne pas parler de la lumière, de l'électri- — cité et du magnétisme)? M. Lagrange pense que la chaleur pourra résulter de la transformation de la force vive des atomes se précipitant les uns sur les autres en vertu de l'attraction. Remarquons qu'il n'admet, à l'origine, l'existence d'aucune force répul- sive. Or, cela étant, si deux atomes se précipitent l'un sur l'autre en vertu de leur attraction mutuelle, ils arriveront au contact, ou plutôt ils n'en feront plus qu'un, puisqu'il (15) faudrait une force infinie pour les disjoindre, et il n'y aura pas la moindre chaleur produite, que celle-ci soit, comme le suppose M. Lagrange, une force répulsive (car d’où viendrait-elle?), ou bien qu'on la considère comme la force vive d'un certain mouvement vibratoire des molé- cules (car d’où naitrait également celui-ci?). Que Mayer et Helmholtz aient pu croire, avant les tra- vaux de Clausius et de Rankine , à la possibilité d'un état initial dans lequel la chaleur était nulle, nous l'admettons; mais que cette méme idée se retrouve dans Thomson, cela nous surprend fort, à moins que ce ne soit dans l'un de ses travaux datant de 1850 ou au delà. Clausius a démon- tré qu'il faudrait un travail infin? pour ramener un corps au zéro absolu (1); d’où l'on peut conclure qu'il faudrait un travail infini aussi pour amener un corps , qu'il soit dis- socié ou non, du zéro absolu à une température finie. En d'autres termes, le zéro absolu est une limite qui n'a jamais existé, et qui ne sera évidemment, à fortiori, jamais atteinte dans l'univers. I! est done impossible de prendre, comme point de im part de celui-ci, le zéro absolu. Nous aurions encore d'autres observations de détail à présenter à l'auteur sur les dix-huit premiers numéros de son travail. Mais , comme ils ne sont que ét développement de cette hypothèse, qui est en contradiction manifeste avec la théorie mécanique de la chaleur, et que nous engageons M. Lagrange à sacrifier résolàment tout entière dans l'in- (1) Mémoires sur la théorie mécanique de la chaleur, traduits de l'allemand par M. Folie, tome T, p. 295. Paris, E. Lacroix, 1868. | (14) térêt de sa réputation, nous croyons inutile de lui signaler ces points de détail, et nous attendrons une nouvelle édi- tion de son travail, débarrassée d'une hypothése fort sé- duisante, mais absolument inacceptable. » 9?! apport de M. Van der Wensbrugghe. « Après avoir pris connaissance des objections que mon savant confrère, M. Folie, a formulées dans son rapport concernant l'hypothèse fondamentale d’où part M. La- grange, et de la réponse qu'ya faite celui-ci dans une Note additionnelle, j'estime que l'auteur agirait sagement en ne choisissant pas le zéro absolu comme température initiale des corps; en conséquence, j'ai l'honneur de pro- poser à la Classe d'inviter M. Lagrange à modifier dans ce sens la première partie de son travail actuel, ce qui, je pense, pourrait se faire pendant l'impression du mémoire; sauf cette réserve formelle, je maintiens les conclusions de mon rapport détaillé. » 21 Rapport de M. Folie. « Dans une Note que M. Lagrange a écrite pour répondre aux objections de fond que j'ai faites à sa théorie dans les lignes qui précédent, il pose l'hypothése suivante, qu'il compte défendre rationnellement dans un prochain tra- vail : L'espace serait occupé par deux substances, l'une at- tractive, qui est la matière proprement dite ou les atomes matériels; l'autre répulsive, qui occupe le volume inter- atomique, et de laquelle résulte, entre deux atomes quel- conques, une répulsion variable s'exercant à la surface de ceux-ci. (15 ) Quoique je ne concolve pas, dans les phénomènes de l'ordre purement matériel , une action qui s'exercerait sur la matiére, et dont le siége ne serait pas la matiére, ou, pour parler plus simplement, quoique je ne conçoive pas qu'une substance sans masse puisse imprimer un mouve- ment à une masse; quoique je ne pense pas non plus que cette hypothése suffise pour répondre aux objections que j'ai présentées, cependant, puisqu'elle ne présente rien d'absolument irrationnel, et puisqu'à son défaut, le travail trés-ingénieux de l'auteur pèche par la base, afin de ne pas priver les géométres de la suite des belles recherches de M. Lagrange, je propose à la Classe de voter l'impres- sion de son mémoire et de la Note complémentaire, ainsi que des remerciments à l'auteur. » M. Houzeau, troisième commissaire, déclare qu'il adhère aux conclusions de ses deux confrères et qu'il appuie l'impression du mémoire de M. Lagrange et de la Note complémentaire. La Classe a adopté ces conclusions. — Sur l'avis exprimé par M. Melsens et partagé par M. Montigny, la Classe décide le dépôt aux archives : 4° d'une Note de M. Gérard concernant la Divisibilité de la lumiére électrique ; 9" d'une Note de M. J.-L. Hoorweg relative au méme sujet. — Sur la proposition de M. Catalan, une décision sem- blable est prise à l'égard d'une Note de M. Boldour-Kos- taky sur les séries polygonales. ( 46 ) Note sur le téléphone appliqué dans le voisinage des lignes télégraphiques ordinaires; par M. Frédéric Delarge. Rapport de M. Maus. « Cette Note est relative à l'influence que le courant voltaïque des fils télégraphiques exerce sur le téléphone établi dans leur voisinage. Les deux appareils, ou cornets, d’un téléphone desti- nés : l’un à recevoir, l'autre à transmettre la parole, sont mis en communication par deux fils métalliques reliant les extrémités des fils qui entourent les bobines de ces appareils. Lorsque l'on a voulu connaître là plus grande distance à laquelle le téléphone pouvait se faire entendre, l'idée d'employer des fils d'une ligne télégraphique s'est présen- tée naturellement; on a constaté qu'il était possible d'en- tretenir une conversation à une distance de 80 kilomètres, et M. Bell a pu distinguer le son de la voix à travers un càble transatlantique (4,000 kilométres environ). En faisant usage, pour le téléphone, de fils appartenant à une ligne télégraphique composée d'un grand nombre de fils qui servent à transmettre des télégrammes, on a re- marqué que le téléphone faisait entendre des sons parti- culiers, comparables à ceux que produit la gréle frappant des vitres el qui sont désignés par le mot crépitation. Les cré t produites dansle téléphone, chaque fois que l'on établit le courant voltaique dans un fil télé- graphique voisin et que l'on interrompt ce courant. On a remarqué que la crépitation était plus forte lors- (17) que l'on établissait le courant, que lorsqu'on l'interrompait, de sorte qu'une oreille exercée peut distinguer les deux crépitalions qui appartiennent à un méme signal, et dis- cerner les signaux courts des signaux longs, dont les com- binaisons composent l'alphabet de l'appareil Morse, et sur- prendre le secret des télégrammes transmis à l'aide de cet appareil. Les crépitations produites dans le téléphone par les ap- pareils de Hughes et à cadran, quoique plus fortes que par l'appareil Morse, sont plus diffieiles, sinon impossibles à interpréter, parce que les signaux courts et longs n'ont pas de signification et servent seulement à indiquer, au bureau d'arrivée, les lettres qui composent les télé- grammes. Les crépitations, dont il vient d'étre question, sont at- tribuées soit à une dérivation du courant, lorsque les fils téléphoniques et télégraphiques sont portés par les mémes poteaux, soit au phénoméne d'induction , lorsque les fils du télégraphe et du téléphone ont des supports particuliers à chacun d'eux. M. Delarge s'est proposé de déterminer les circonstances qui font cesser les crépitations, tant pour apprécier la sensibilité du op, que pour assurer le secret des télégrammes. La Note, qu'il a présentée à l'Académie, indique les résultats de ses expériences. Cherchant d'abord à réduire, autant que possible, la dé- pivation du courant d'un fil télégraphique vers le fil télé- phonique, lorsque ces fils ont un support commun, il a employé, pour ce support commun, un isolateur en porce- laine à double cloche qui présente, au passage du cou- rant, une résistance considérable, évaluée à plus de huit 2e SÉRIE, TOME XLVII. ( 18 ) milliards d'unités Siemens, et formé avec le fil télégraphique un circuit embrassant extérieurement le sommet de l'iso- lateur sur une demi-circonférence, tandis que le fil du téléphone formait également un circuit fermé, dirigé dans le prolongement du premier circuit, n'ayant d'autre con- tact avec l'isolateur que par la tige intérieure en fer qu'il embrassait également sur une demi-circonférence. Malgré la grande résistance de cet isolateur et la dis- position des deux circuits dirigés en sens opposé à partir de l'isolateur, l'auteur de la Note a entendu, par le télé- phone, des erépitations lorsque l'on transmettait par le fil télégraphique un message avec l'appareil Morse. Pour s'assurer que les crépitations étaient bien dues à une dérivation du courant, il a d'abord établi un second circuit télégraphique paralléle et voisin du premier, et fait passer, dans ces deux circuits, des courants dirigés en sens inverse; quoique cette disposition annulàt toute induction, il a encore entendu des crépitations qui doivent étre attri- buées à un courant dérivé; ensuite il a réduit notablement la résistance du circuit télégraphique, en diminuant beau- coup sa longueur, et le téléphone est devenu muet, parce que la dérivation a cessé lorsque le courant a trouvé un écoulement facile. Les crépitations produites lorsque les fils télégraphiques et téléphoniques ont des supports communs doivent donc étre attribuées à un courant dérivé. Les crépitations attribuées au phénomène d'induction ont fait l'objet d'expériences qui consistaient à établir, parallélement à une ligne télégraphique et à des distances variables, des circuits téléphoniques de diverses longueurs, afin de connaitre les distances et les longueurs qui font cesser les crépitations. ( 19 ) Parmi les résultats consignés dans la Note, je citerai les suivants : | Un fil de téléphone en cuivre, recouvert d'une double enveloppe de gutta-percha, long de 07,50 et mis en contact avec un fil télégraphique, faisait entendre des crépitations lorsque l’on transmettait des signaux avec l'appareil Hughes au moyen d'un courant fourni par une pile de 140 éléments Daniel. | Lorsque la longueur de ce fil était réduite à moitié, on entendait encore un bruit extrémement faible dont on n'aurait pu préciser l'origine. Un fil du téléphone ayant été placé, parallélement à un fil du télégraphe, sur une longueur de 77,50 et à la dis- tance de 57,40, on entendait distinctement les crépitations de l'appareil Hughes. Dans une autre expérience, un circuit de téléphone, composé d'un fil de cuivre, recouvert de gutta-percha, établi dans une pièce fermée et sur une longueur de 67,50 parallèlement , et à 5",17 d'une ligne télégraphique qui longeait le bàtiment à l'extérieur, a permis d'entendre, au moyen des deux cornets appliqués aux oreilles, un mélange de signaux parmi lesquels on distinguait nettement les crépitations de l'appareil Hughes. En réduisant la longueur du cireuit, parallèle à la ligne télégraphique, on entendait encore, mais trés-faiblement, les crépitations. M. Delarge a essayé de déterminer les longueurs de cir- cuits paralléles qui, placés à divers intervalles, ne permet- tent plus d'entendre les signaux transmis par les fils télé- graphiques. Aprés avoir établi un fil de fer de 4 millimétres de dia- mètre et long de 240 mètres par lequel il faisait trans- mettre, par l'appareil Morse, des séries de signaux courts ( 20 ) correspondants à des points, il étendait un cireuit de télé- phone, formé d'un fil de cuivre de 177,2 de diamètre, à des distances de plus en plus grandes, et lorsqu'il cessait de pouvoir compter le nombre de signes transmis, il notait la longueur de circuit téléphonique et sa distance du fil télé- graphique. Dans toutes ces expériences , le courant était fourni par une pile composée de 100 éléments Leclanché. Les signaux ont cessé de pouvoir étre comptés lorsque le circuit du téléphone avait une longueur de : 2m 50 et qu'il était éloigné de 7 mètres de la ligne télégraphique. jm id. 10 id. id. 10m,00 id. 18 id. id. 157,00 id 24 id. XE T d'oü l'on voit qu'en augmentant notablement la longueur, on pourrait compter les signaux à une grande distance. En effet, M. Delarge a pu compter le nombre de signaux transmis par l'appareil Hughes, à l'aide d'un cireuit du téléphone long de 240 mètres et placé à 100 métres du fil télégraphique. L'auteur de la Note a cherché comment il serait pos- sible de garantir le secret des dépêches télégraphiques, et il émet l'avis que l'emploi des appareils à cadran et de Hughes satisferaient à cette condition, mais les premiers ont été proscrits, parce qu'ils ne laissent aucune trace des dépêches, et les seconds sont trop coûteux et trop délicats pour étre employés dans tous les bureaux. L'emploi de fils souterrains, protégés par une armature, rendrait les indiscrétions plus difficiles, mais non impossi- bles; il serait, d'ailleurs, trés-dispendieux. L'auteur conclut que pour assurer le secret des corres- pondances, on devrait recourir aux dépêches chiffrées. (21) Il résulte des indications données par M. Delarge, que les cornets du téléphone se trouvaient, dans toutes les ex- périences précitées, à une assez grande distance du bureau d'expédition des télégrammes, pour avoir la certitude que les erépitations ne peuvent étre attribuées aux ondes so- nores, produites par le mouvement des appareils, et qu'elles sont bien le résultat d'une action électrique. Les expériences, que je viens de résumer, me paraissant intéresser le physieien autant que l'ingénieur télégraphiste, je n'hésite donc pas à proposer d'insérer dans le Bulletin de la séance la Note de M. Delarge et de lui adresser des remerciments. Je propose, en outre, de prier M. le Ministre des Tra- vaux publies de faire continuer ces expériences, de ma- niére à constater l’action que les émissions et interrup- tions, d'un courant voltaique déterminé, exercent sur un circuit téléphonique variant successivement de longueur et placé à diverses distances d'un fil télégraphique. » La Classe adopte les conclusions de ce rapport , aux- quelles se rallient MM. Melsens et Montigny. Sur un compteur à secondes servant à contróler la vitesse des moteurs par M. Valisse, Note par M. Gérard. Rapport de M. Maus, « Le compteur, proposé par MM. Valisse et Gérard, a la forme d'une montre munie d'une seule aiguille qui fait le tour du cadran en une minute. Si l'on place cette montre-compteur sur une table, l'ai- guille, en tournant, sera dirigée successivement vers tous (32) les points de l'horizon , en partant du nord et passant par l'est, le sud et l'ouest. Mais supposons que l'on donne à la montre un mouve- ment de rotation en sens inverse et égal à celui de l'ai- guille, celle-ci sera reportée en arrière par la rotation de la montre et portée en avant par le mouvement d'hor- logerie. Lorsque ces deux mouvements circulaires seront égaux, l'aiguille restera dirigée vers le méme point de l'horizon, mais s'ils sont inégaux, l'aiguille avancera vers l'est ou reculera vers l'ouest selon que le mouvement de rotation de la montre sera plus lent ou plus rapide que celui de l'aiguille, En faisant tourner la montre-compteur, par une ma- chine, au moyen d'une transmission de mouvement conve- nablement calculée pour que la montre fasse une révolu- tion par minute, lorsque la machine fonctionne avec sa vitesse normale, on aura un moyen facile de constater la régularité de marche de cette machine, car l'aiguille signa- lera immédiatement une accélération ou un ralentissement en déviant dans un sens ou dans l'autre. La Note de MM. Valisse et Gérard est accompagnée du croquis d'un systéme de transmission, comprenant deux cônes tronqués dont les axes sont verticaux, l'un d'eux recoit le mouvement de la machine et le transmet, par une courroie, à l'autre qui porte le compteur sur sa base supé- rieure. La grande base de l'un des trones du cóne correspond à la petite base de l'autre, de sorte que l'on peut, en modi- fiant la position de la courroie qui embrasse les deux sur- faces coniques, modifier le rapport entre les vitesses de rotation de la machine et du compteur qui pourra, en MX REPETIT NE SEE EE TUNER NER RULES IRE OR IER AT UNIS IS PANIS TT (25 ) conséquence, contrôler la régularité d’une machine mo- trice animée de différentes vitesses normales. Si le rapport entre les diamètres de la grande et de la petite base des troncs de cône est de 4 à 1, la vitesse transmise pourra varier entre les limites de 4 et ‘/,, soit de 16 à.1. La courroie en caoutchouc et cylindrique peut étre maintenue en place, soit par de petites gorges circulaires creusées au méme niveau dans les deux troncs de cône, soit par des guides que l'on déplace pour changer le rap- port entre la vitesse constante du compteur et les diverse vitesses de la machine. L'idée de contróler la marche d'une machine motrice par un mouvement d'horlogerie n'est pas neuve, car, en 1841, M. Saladin en a fait une application pour une ma- chine de filature à Mulhouse (1). M. Saladin transmettait le mouvement de la machine à deux aiguilles qui indiquaient, sur un cadran ordinaire, les heures et les minutes lorsque la machine fonctionnait dans les conditions normales. Il suffisait de comparer l'heure indiquée sur ce cadran , avec l'heure d'une horloge, pour constater que la machine avait marché soit réguliérement , soit trop vite ou trop lentement. M. Valessie, capitaine de frégate, a présenté à l'Institut de France, dans la séance du 6 mai 1878, un compteur différentiel qui a fait l'objet d'un rapport trés-favorable, lu dans la séance du 5 juin suivant. Le compteur différentiel de M. Valessie est, comme le compleur à secondes de MM. Valisse et Gérard, composé (1) Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse , 1841, tome XIV, p. 501. (24) d'une montre dont l'unique aiguille fait le tour du cadran un une minute, pendant que la machine imprime, à la montre, un mouvement de rotation égal et en sens inverse. Le compteur différentiel est installé sur un grand nom- bre de navires à vapeur de guerre francais, et sert à indi- quer que la marche du navire est uniforme , retardée ou accélérée selon que l'aiguille reste dirigée vers un index, ou se porte en avant, ou en arrière de ce repère. Si le mécanicien reçoit l'ordre de marcher plus vite ou plus lentement, il fera en sorte que l'aiguille dévie en ar- riére ou en avant de l'index. Le mouvement de la machine est transmis à la montre, par un systéme de neuf petits arbres commandés les uns par les autres au moyen de roues dentées de diamètres dif- férents, les unes folles, les autres fixes sur leurs axes; chacun de ces axes porte un manchon d'embrayage, qui sert à changer le rapport des nombres de tours de deux axes voisins. Ce mécanisme est contenu dans une boite de 07,40 de long, 07,20 de large et 07,06 de haut. Les manchons d'embrayage sont manœuvrés de lex- térieur de la boite, à l'aide de touches. Avec 9 touches on peut produire 512 combinaisons qui permettent de faire varier le rapport entre les vitesses de l'arbre moteur et de la montre, de 11 à 80 en passant par des vitesses inter- médiaires peu différentes. Ce mode de transmission est beaucoup plus compliqué que le moyen proposé par MM. Valisse et Gérard qui me parait préférable eu égard à la petitesse de l'effort à trans- mettre. Je propose de le faire connaitre aux lecteurs de nos Bul- (25 ) letins, en publiant la description qui précède et n'exige pas de planche explicative. » La Classe a adopté ces conclusions. Recherches sur les couleurs des étoiles doubles, par L. Niesten. Rapport de M. J.-C. Houzeau. « Le travail de M. Niesten a son origine dans la remar- que, faite depuis quelque temps, par des astronomes et des physiciens, que l'activité solaire est influencée par la position des planétes. Réciproquement les planétes chan- gent de couleur (c'est du moins ce qu'on a cru remarquer) dans une période qui correspond à celle des taches so- laires. Uranus, qui était bleu autrefois , et difficile à voir à l'œil nu, est devenu blanc et s'est élevé à la 5"* grandeur. Enfin on connait maintenant des étoiles qui éprouvent une variation périodique non-seulement d'éclat, mais de cou- leur. Ces différents faits appelaient l'attention sur les teintes des étoiles doubles. M. Niesten a formé le tableau des cou-. leurs des composantes de 20 groupes binaires à révolution relative, d'aprés un siécle à peu prés d'observations des astronomes. Il est vrai que ces observations reposent sur des appré- ciations faites par des yeux différents. On peut douter qu'elles soient bien comparables entre elles. Mais comme un résultat général se dégage pourtant de cette variété , il ( 26 ) n'est pas sans intérét d'exposer, ne füt-ce que pour mettre la question à l'étude, le phénomène que ces comparaisons semblent révéler. Dans les étoiles doubles à circulation relative, les deux éléments varient de teinte, en passant à peu prés par les mêmes altérations. Au périastre les composantes sont blan- ches. La coloration se prononce ensuite , en commencant généralement par le jaune, à mesure que les deux corps s'éloignent l'un de l'autre. Il est trop tót encore pour dis- cuter la cause de ces variations. Il faut d'abord qu'elles solent confirmées par une étude faite au point de vue spé- cial de la coloration. Mais il y a, dans ces recherches, une indication première qui n'est pas sans valeur. Passant aux étoiles doubles optiques, M. Niesten trouve ce fait curieux que, dans ees groupes, qui sont purement de perspective, le compagnon est ordinairement bleu. Cette teinte se rencontre rarement, au contraire, dans la petite étoile d’un système physique. Dans les doubles optiques, on peut raisonnablement ad- mettre que la petite étoile est beaucoup plus éloignée de nous que la grande : elle est, en quelque sorte, vers les confins du monde visible. Si le bleu se remarque dans les étoiles les plus éloignées, ne serait-ce point par un effet de superposition de teinte, analogue au bleu des monta- gnes qu'on voit à un horizon lointain? Cette coloration serait alors l'effet du milieu gazeux répandu dans les es- paces célestes ; et il serait piquant de trouver que ce milieu agit sur les rayons lumineux quile traversent, exactement comme notre propre atmosphère, dont il n’est peut-être que la continuation. On voit que le travail de M. Niesten est fait pour attirer l'attention sur des questions neuves et pleines d'intérêt. A (27) ce titre je proposerai de l'insérer dans nos Bulletins, et d'adresser des remereiments à l'auteur. » La Classe a adopté ces conclusions, auxquelles se sont ralliés MM. Mailly et Liagre. Révision des Hédéracées américaines. — Description de dix- huit espéces nouvelles et d'un genre inédit, par M. Élie Marchal, conservateur au Jardin botanique de l'État. Rapport de M. F. Crépin. « L'auteur de cette notice avait été chargé par la rédac- tion de la Flora Brasiliensis d'élaborer la monographie des Hédéracées de l'empire du Brésil. Pour remplir cette tàche laborieuse et difficile, l'auteur a dà étudier les nombreux matériaux de cette famille dispersés dans les grands her- biers d'Europe. Aprés plusieurs années de recherches, M. Marchal est parvenu à élucider les Hédéracées brési- liennes, dont la monographie a paru dans le 74° fascicule de la Flora Brasiliensis. Depuis la publication de ce travail, l'auteur a poursuivi ses études spéciales avec l'intention de publier une mono- graphie générale de la famille des Hédéracées. Ses nou- velles recherches l'ont conduit dés maintenant à distinguer dix-huit espèces nouvelles appartenant au continent amé- ricain , à créer un genre nouveau, le genre Coemansia, et à établir un sous-genre dans le genre Gilibertia. Ce premier résultat fort important fait l'objet de la No- tice précitée, qui est destinée à assurer les droits de prio- rité de l'auteur. ( 28 ) En présence de l'intérêt de ces nouvelles acquisitions pour la science et de l'excellente méthode que l'auteur a employée pour distinguer et décrire les espèces inédites, nous estimons que l'Académie ferait trés-bien en accueil- lant favorablement son travail et en décidant l'impression de celui-ci dans la collection de ses Bulletins. » La Classe a adopté ces conclusions, partagées par MM. Morren et Gilkinet. Note sur l'analyse des superphosphates, par M. Chevron. Rapport de M. Stas. '« L'emploi agricole du mélange dit superphosphates a conduit les chimistes à chercher une méthode ex péditive et relativement exacte de dosage de l'acide phosphorique libre, de l’acide phosphorique des phosphates, mono-et bicalcique, et des phosphates acides de fer et d'alumine qui se forment sous l'influence de l'action de l'acide sulfu- rique sur le phosphate tricalcique naturel et sur le phos- phate tricaleique des os des animaux. Parmi les moyens indiqués pour opérer une séparation nette du phosphate tricaleique non attaqué par l'acide sulfurique des autres phosphates, se trouve l'emploi du citrate d'ammoniaque, qui jouit, ainsi qu'on le sait, de la propriété de dissoudre aisément le phosphate bicaleique, et les phosphates acides aluminique et ferrique, insolubles dans l'eau et de céder ensuite l'acide phosphorique dis- sous au molybdate d'ammoniaque. L'inaltérabilité du phosphate tricalcique par le citrate am- moniaque ayant été contestée, M. Chevron a soumis cette | | | | 1 | ( 29 ) méthode de dosage à un nouvel examen; il a reconnu en effet que c'est par erreur qu'on a admis l'inaltérabilité du phosphate tricaleique par le citrate d'ammoniaque ; il a constaté toutefois que l'emploi de ee dissolvant peut con- duire à des résultats suffisamment exacts pourvu qu'on s'abstienne d'employer un trop grand exeés de solution de citrate. Le travail de M. Chevron me semble trés-bien exécuté ; cette considération, jointe à l'intérét que présente pour l'agriculture la constatation de la valeur vénale des phos- phates, suivant leur état chimique, me détermine à propo- ser à la Classe d'ordonner l'impression de la Notice de M. Chevron dans les Bulletins de la séance et de lui voter des remerciments pour sa communication. » M. Melsens, second commissaire, adhére aux conclusions de son savant confrére M. Stas, lesquelles sont mises aux voix et adoptées. COMMUNICATIONS ET LECTURES. Sur l'Arsénopyrite ou Mispickel et sur l’eau arsenicale de Court-Saint-Étienne; par M. C. Malaise, membre de l'Académie. M. C. Malaise demande l'impression de la note suivante, lue à la séance de la Classe des sciences du 7 décembre 1878, et déposée provisoirement sous pli cacheté : L'existence de l'arsénopyrite ou mispickel présente à elle seule un intérêt scientifique. Les circonstances qui se ( 30 ) rattachent à sa découverte méritent également d’être si- gnalées. Le 9 novembre 1878, je recevais de M. E. Henricot, in- génieur honoraire des mines et industriel à Court-Saint- Étienne, une lettre m'annoncant l'envoi d'un exemplaire de minerai trouvé à Court-Saint-Étienne, lors du creuse- ment du puits de l'hospice Liboutton, avec demande de renseignements au sujet de sa composition. Je répondis à M. Henrieot que c'était de la pyrite arse- nicale, en le priant de m'envoyer, si possible, un échantil- lon cristallisé et de me donner des renseignements sur le gisement de cette substance. Voici ce qui me fut répondu : .« Il y a deux ans, en creusant un puits pour l'hospice, près de l'église de Court-Saint-Étienne, on rencontra un petit filon de ce minerai. On m'a dit alors que les mem- bres de la commission de l'hospice avaient fait analyser le minerai et que le chimiste avait trouvé qu'il était sans valeur. Je n'ai pas attaché d'importance à ce fait. Mais dans ces derniers temps, les pensionnaires de l'hospice, en général, sont tombés malades et il en est mort trois sur dix qui peuplaient l'hospice. Cette circonstance me fit surgir l'idée de vous adresser l'échantillon que je possédais. Vous me dites que c’est de la pyrite arsenicale. Voudriez- vous bien me dire si les eaux en contact avec ce minerai pourraient étre dangereuses pour l'alimentation? » J'ai répondu que, dans certaines circonstances et sous certaines influences, il était possible que la pyrite arseni- cale devint soluble. Cette question était nouvelle pour moi. J'ai conseillé de faire cesser immédiatement l'emploi de celle eau comme eau alimentaire, ce qui a eu lieu. | 3 | : i ( 91) Je me suis rendu à Court-Saint-Étienne et j'en ai rap- porté environ un litre de l'eau suspectée. Celle-ci, con- centrée et essayée au laboratoire de l'Institut agricole, par M. le professeur L. Chevron, a dénoté la présence de l'arse- nie par l'appareil de Marsh. Voici done un fait qui présente une certaine gravité. L'examen fait au moment où la substance fut décou- verte, et d'aprés lequel on a conclu que le minerai était sans valeur, a dû être fait légèrement. On aura cru avoir une pyrite. Une substance peut ne pas avoir d'importanee au point de vue industriel, mais dans le cas qui nous occupe, c'est un peu différent. L'eau de Court-Saint-Étienne pourra probablement étre employée utilement en médecine, comme eau miné- rale arsenicale. M. le professeur L. Chevron a fait une nouvelle analyse de; cette eau (1). Voici ce qu'il m'a communiqué à ce sujet : « L'échantillon contenu dans 7 bouteilles à vin et me- surant 5i. 570 a été remis au laboratoire de l'Institut le 26 décembre 1878. L'eau était TRÈS-LÉGÈREMENT louche. Ce louche ne disparait pas par l'addition de l'acide chlor- hydrique; il nous parait formé, au moins en partie, par des filaments organiques. Il ne renferme pas d'arsenic. Une partie de l'échantillon, 770 c. c., a été filtrée. Le liquide, parfaitement limpide, a été évaporé en pré- sence d'un peu de potasse caustique, puis, lorsqu'il eut été (1) Lecture faite à la séance de la Classe des sciences du 4 janvier 1879. (32) convenablement concentré, il a été acidifié par l'acide sul- furique et introduit dans l'appareil de Marsh. On a obtenu des taches d'arsenic. ; Le restant de l'échantillon, soit 45,600, était réservé pour le dosage de ce métalloide. On a aussi filtré cette portion et le liquide a été traité comme dans l'essai qualitatif. Seulement , dans cet essai, le gaz sortant de l'appareil de Marsh venait barboter dans l'acide nitrique fumant contenu dans un tube de Will et Warentrapp. L'acide nitrique devait transformer l'hydro- gène arsénié en acide arsénique. Entre le flacon à hydrogène et le tube à acide nitrique était interposé un petit flacon destiné à recueillir l'eau qui pouvait étre entrainée par le gaz. Le dégagement gazeux terminé, on a évaporé l'acide azotique. Comme nous nous sommes apercu que le résidu renfermait un peu d'oxyde ferrique, primitivement contenu dans l'acide nitrique, nous l'avons repris par quelques gouttes d'acide chlorhydrique et ajouté un peu d'acide citrique pour empêcher l'hydrate ferrique d’être précipité par l'ammoniaque. La solution ammoniacale bien limpide a été précipitée par la mixture magnésienne. Après quelques heures de _ repos, le précipité a été recueilli, séché à 400° et pesé. On a obtenu 8 milligrammes d’arséniate ammoniaco-magnésien. Comme cet arséniate, séché à 100°, renferme 60,55 p. °/, d’anhydride arsénique, nos 8 milligrammes correspondent à 472,84 d'As?05 ou à 575,16 d'arsenic. Ainsi l'eau analysée renferme seulement par litre un poids d'arsenic corres- pondant à 172,052 d'anhydride arsénique. L'arsenie constaté dans l'eau de Court-Saint-Étienne provient probablement de l'action de l'eau sur le sulfo-ar- ( 95) séniure de fer, dont mon collègue, M. Malaise, a constaté la présence dans le terrain traversé par le puits. On sait que l'eau pure décompose à la longue l'orpiment en pro- duisant de l'acide arsénieux et de l'hydrogéne sulfuré. Est-il besoin d'ajouter que nous avons eu soin d'essayer tous les réactifs employés et qu'ils n'ont pas accusé la moindre trace d'arsenic. Quant à l'arséniate ammoniaco-magnésien recueilli, il a été dissous dans un peu d'acide chlorhydrique et examiné à l'appareil de Marsh. Il a fourni de nombreuses taches arsenicales. » Depuis la séance académique du 7 décembre 1878, mon attention a été appelée sur un mémoire lu à la séance du 1** décembre 1784, de l'ancienne Académie de Bruxelles, par X. de Burtin. Ce travail relate la présence de la pyrite arsenicale à Court-Saint-Étienne, fait que Dumont et Galéotti n'ont pas signalé dans leurs travaux sur le Brabant (1). Voici ce qu'en dit de Burtin : « Comme j'avais vu au jour, dans plusieurs blocs de » quartz, un minerai arsenical tiré du fond de la bure, » dont le coup d'œil ressemble tantôt à la mine de cobalt, » couleur d'acier, t2ntót à la mine d'argent ou plutót de » cuivre gris, je m'en procurai plusieurs morceaux, afin » d'essayer à loisir cette substance métallique. De retour » au logis, j'en jetai un peu sur des charbons qui m'appri- (1) M. le professeur G. Dewalque a rappelé ce fait. (Bulletin de la Société géologique de Belgique, V. V, p. xcix.) 9"* SÉRIE, TOME XLVII. 5 (54) » rent par une odeur insupportable d'ail combien ce mi- » nerai renferme d'arsenic (1). » L’arsénopyrite de Court-Saint-Étienne projetée sur des charbons ardents donne d’abord une odeur alliacée, puis l'odeur d'anhyd ride sulfureux. De Burtin ajoute quelques lignes plus bas : « Je dois faire observer que je me suis aperçu aux mines » de plomb de Vedrin , que partout où la minière cesse de » donner du plomb, elle offre copieusement de la véritable » pyrite arsenicale. » Note sur le téléphone, appliqué dans le voisinage des lignes télégraphiques ordinaires ; par M. Frédéric Delarge, ingénieur en chef à la direction des télégraphes, à Bruxelles. Dans les essais de transmission de la parole par le télé- phone de Bell qui ont été effectués sur des lignes télé- graphiques, il a été remarqué que cet appareil est forte- ment influencé par les courants qui traversent les fils plus ou moins voisins desservant les appareils ordinaires. Nous nous sommes proposé de rechercher les limites aux- quelles ces effets cessent d’être appréciables. Ces essais présentaient un certain intérét au point de vue technique, l'extréme sensibilité du téléphone permet- tant de découvrir des faits que les galvanométres les plus (1) Fn.-X. pe BunriN. Voyage et observations minéralogiques depuis Bruxelles par Wavre jusqu'à Court-Saint-Étienne. (Mémornes De L'ACA- DÉMLE DE BRUXELLES, t. V, p. 154. Bruxelles, 1788.) ( 55 ) sensibles généralement en usage ne peuvent mettre en évidence, et, en second lieu, ils avaient pour but d'établir s'il est possible d'adopter certaines dispositions qui empé- chent que les correspondances trausmises par les fils télé- graphiques ne soient entendues au moyen de circuits téléphoniques voisins. La présente note a pour but d'énu- mérer, aussi suceinctement que possible, les résultats que nous avons obtenus. . La crépitation qui se produit dans le téléphone, lorsque le fil qui le dessert est placé sur des poteaux qui suppor- tent d'autres conducteurs télégraphiques, provient de deux causes distinctes, qui sont : la dérivation, à travers les supports isolants, des courants voltaiques qui font fonc- tionner les appareils télégraphiques et l'induction engen- drée par ces mémes courants. Ces derniers phénoménes se divisent en induction éleetro-statique et induction électro-dynamique. En ce qui concerne la dérivation , nous sommes arrivé, le 15 avril 1878, à la conclusion qu'il suffit qu'un circuit téléphonique soit attaché, méme au moyen d'un isolateur double cloche en porcelaine, à un seul poteau faisant par- tie d'une ligne télégraphique pour que l'on entende par téléphone, dans les conditions ordinaires, les signaux Morse échangés par les fils télégraphiques. Dans ces ex- périences, nous avons, autant que possible, évité l'influence de l'induetion. Nous avons, notamment, éloigné le plus possible les deux circuits en les mettant dans le prolonge- ment l'un de l'autre. Nous avons également fait passer en sens contraire le eourant télégraphique dans deux fils parallèles, de facon que leurs actions éleetro-dynamiques sur le cireuit téléphonique se neutralisent. Nous avons aussi fait traverser les fils paralléles par le courant d'une ( 96 ) pile fonctionnant en court circuit et, dans ce cas, le télé- phone restait muet quoique l'intensité du courant vol- taique fût notablement augmentée. Ce phénomène était dû à ce que la résistance du circuit comprenant la pile ayant diminué, la quantité d'électricité traversant le téléphone par dérivalion était beaucoup plus faible. Il ressort du résultat mentionné plus haut que le télé- phone n'exige, pour fonctionner, que des courants d'une extréme faiblesse. En effet, les isolateurs double cloche en porcelaine présentent, en général, une résistance au passage du cou- rant supérieure à 8,000,000,000 d'unités Siemens. D'autres considérations confirment ce qui précéde : M. R.-S. Brough a calculé que dans une communication par téléphone le plus fort courant qui fait fonctionner le téléphone récepteur n'excéde pas, à certain moment, i355 555;55,, de l'unité de courant Weber (1). . W.-H. Preece estime que les courants du téléphone sont moindres que —#—— du courant ordinaire servant aux transmissions télégraphiques (2). Nous nous occuperons maintenant de l'induction. Sous l'influence des courants d'induction qui se déve- loppent au commencement et à la fin des signaux télégra- phiques dans les fils voisins de ceux affectés à la transmis- sion des télégrammes, le téléphone produit deux sons qui ont à peu prés la méme intensité lorsque la résistance du (1) Cette unité Fools comme on sait, le courant émis par un volt à travers un ohm t est égal à 0,9268 d'un élément Daniell, l'ohm représente 1, 0456 unités ; élus et celle-ci err à peu prés à 97,26 mètres de fil de fer de 4 millimètres de diamètr (2) Philosophical Magazyne, avril 1878. PR EE ee NE a RUE SI PRENNE D e (37) circuit inducteur est très-faible et dont le second est plus fort que le premier dans le cas contraire (1). Ces deux sons permettent d'apprécier par le téléphone la durée des courants inducteurs et, par conséquent, de comprendre les signaux de l'alphabet Morsè qui repré- sentent des combinaisons de courants de longue et de courte durée (traits et points). Ils permettent aussi de re- connaitre quelques combinaisons de lettres de l'appareil imprimeur de Hughes dont le roulement est tout à fait caraetéristique, mais la lecture des télégrammes transmis par ce dernier appareil est néan moins impossible. ll est à noter, toutefois, que les émissions et interruptions de courant étant plus nettes et plus bréves qu'avec l'appareil Morse, les courants d'induction sont plus intenses et plus facilement percus. Les principaux phénomènes d'induction que nous avons observés sont les suivants : Le 5 avril 1878, nous avons constaté que l'on entendait des signaux en fermant le circuit de deux téléphones par un fil de fer de 160 mètres de longueur, placé à 5",50, environ, d'un fil d'essai par lequel on échangeait des signaux Morse. Le 5 avril, en placant un fil de cuivre, recouvert d'une double enveloppe de gutta-percha, et formant le circuit d'un téléphone,' en contact avec un fil semblable faisant partie du circult d'un appareil Hughes fonctionnant en ligne, au moyen d'une pile de 140 éléments Daniell, nous avons entendu par RC za — di stis s Hughes, lorsque les d Le 1 LAURE LEE 2027 22 (1) Ce renforcement du son paraît dü à l'extra-courant. ( 58 ) que sur une longueur de 0",50; lorsque cette longueur se réduisait à 0,25, il se produisait encore un bruit exces- sivement faible, mais on n'aurait pu en préciser l'origine, si on ne l'avait connue. Le fil du téléphone ayant été placé parallélement au fil Hughes sur une longueur de 77,50 et à une distance 5,40, on entendait distinctement les courants du Hughes. Le 14 juin, nous avons fait traverser un fil de fer de 47" de diamétre et de 40 métres de longueur par des courants produits par deux séries de 50 éléments Leclanché réu- nies par les pôles de méme nom. Un électro-aimant avec armature, d'une résistance de 200 U. S. environ, était in- tercalé entre le fil et la terre. Un fil de cuivre de 177,2 de diamètre a été tendu paral- lèlement au fil de fer et on a fermé par ce fil de cuivre le circuit de deux téléphones placés l'un à la suite de l'autre et ayant chacun une résistance de 75 U. S. En donnant au fil de cuivre une longueur de 5 mètres, seulement, et en le plaçant à 07,10 du fil de fer, on a pu distinguer des signaux Morse transmis par le fil de fer. En portant l'écartement à 5 métres, on entendait encore des signaux, mais on ne parvenait pas à les distinguer. Il est à noter que les téléphones étaient installés en plein air et que le vent était très-fort. ll nous parait que si nous nous étions trouvés dans une piéce fermée, nous aurions pu reconnaitre les signaux. A 5 mètres de distance on n'entendait plus rien; à 4 mè- tres il y avait doute. En donnant au fil de cuivre une longueur de 10 mé- tres, on a entendu des signaux, sans les distinguer, jus- qu'à un écartement de 5 métres. ( 99 ) En tenant compte des conditions défavorables d'audi- tion dans lesquelles nous nous trouvions,on peut admettre que les limites de distance pour la perception des signaux déterminées par cet essai sont de 5 et de 5 métres, avec des fils induits de 5 et de 10 métres de longueur et lors- qu'une bobine de résistance est dans le circuit. Le 17 juin, nous avons placé à l'intérieur d'une pièce fermée un fil de cuivre recouvert de gutta-percha, de 6",30 de longueur; ce fil était parallèle à ceux d'une ligne télé- graphique longeant le bâtiment, à l’extérieur, et en était écarté d'une longueur minima de 5",17. En mettant deux téléphones dans le cireuit du fil d'essai on entendait un mélange de signaux dont on distinguait nettement ceux produits par l'appareil Hughes. Ces derniers pouvaient encore étre entendus, mais trés-faiblement, lorsque la longueur du fil n'était que de 27,50. Il ressort des observations que nous venons de relater que des longueurs trés-faibles de cireuit induit sont suffi- santes pour que les phénoménes d'induction soient décelés par le téléphone (1). Il resterait à déterminer quelles sont, d'aprés les longueurs des circuits eu présence, les distances auxquelles ces phénoménes cessent d'étre percus. D’après les auteurs qui traitent des courants d’induction (1) Cet appareil est beaucoup plus sensible que le galvanométre à miroir de beet equel accuse, cependant, le passage de courants de minime intens Nous avons mm en effet, qu'avec une pile de 20 éléments Leclan- ché accouplés en quantité, le téléphone fonctionne par induction lorsque le circuit induit est, sur une longueur d'un métre, seulement, placé à 0m, 02 du fil inducteur, tandis que le galvanomètre Thomson mest nullement influencé lorsque les deux circuits ont 7 mètres de longueur et sont écar- tés de 0,01 environ ( 40 ) électro-dynamique, l'intensité de ces courants est propor- tionnelle à l'intensité des courants inducteurs, en raison inverse de la distance des circuits inducteur et induit (1) et proportionnelle au produit des longueurs des fils en présence. Ces lois paraissent avoir été établies pour les courants engendrés dans des spirales planes ou dans des bobines hélicoidales. Le raisonnement démontre, d'ailleurs, qu'elles ne peu- vent s'appliquer, en ce qui concerne la loi du produit des fils, aux conducteurs tendus en face l'un de l'autre. En effet, supposons un fil inducteur A enroulé en cercle en un seul tour, et un fil induit B, enroulé de la méme facon et placé en face de A (fig. 1). ox. Représentons par M l'action totale de A sur B. Si on double la longueur du circuit induit en plaçant un second tour de fil contre le premier (fig. 2), l'action du circuit inducteur sur le second tour sera sensiblement égale à celle sur le premier, vu que les distances sont à trés-peu prés les mémes, et, dés lors (si la résistance d'un tour de (1) D’après M. Abria, l'intensité du courant induit varie sensiblement, d'abord en raison inverse dela racine carrée de la distance, ensuite de la simple distance. (8) fil est négligeable par rapport à la résistance extérieure), l’action totale sera représentée par 2M. Fig. 2. \ AN Enfin (fig. 5), si on place un second tour de fil au cir- cuit inducteur (tout en maintenant la méme intensité de courant),on obtient évidemment un effet double de celui du cas précédent, c'est-à-dire représenté par 4M. On com- prend donc que les effets, dans le cas de spirales ou de bobines, soient proportionnels aux produits des longueurs des fils. Fig. 3. eS Il n’en est pas de méme lorsque les fils, au lieu d’être enroulés, sont développés dans toute leur longueur. Fig. 4. v b Soient un fil inducteur a et un fil induit b (fig. 4) M l'ae- (4) tion de a sur b et d l'écartement de ces fils. Si on double la longueur du fil induit (fig. 5), l’action de a sur b sera évidemment moindre que sur b. Fig. 5. En admettant la loi de la simple distance, elle sera repré- sentée par d Va uv Si l'on double le circuit inducteur (fig. 6), l'effet total sera double de ce qu'il était dans le cas précédent; il sera M IU + T E. P V d + b? valeur plus petite que 4M. Pa | En second lieu, l'induction électro-statique agit dans le méme'sens que l'induction électro-dynamique au commen- cement et à la fin des signaux et les lois qui régissent ces deux genres d'effets présentent certaines différences. Il parait done difficile d'établir par le caleul les différentes (45) limites de perception des signaux. On ne pourrait, semble- t-il, atteindre ce résultat que par expériences directes. Nous avons fait quelques essais comparatifs, mais les sons étant fugitifs, il est très-difficile de préciser s'il y a égalité complète d'intensité de courant à deux moments différents. D'un autre côté, dans des expériences faites à l'air libre, les conditions d'audition varient fortement d'un instant à l'autre. On ne pourrait arriver à des résultats à peu prés cer- tains qu'en faisant un trés-grand nombre d'essais. Nous ne pouvons donc citer les chiffres que nous avons obtenus que comme des valeurs tout à faites approximatives. Les dispositions suivantes ont été adoptées : Afin de maintenir autant que possible les mêmes condi- tions, nous avons fait transmettre par un fil de fer de 47" de diamétre et de 240 métres de longueur, non pas des signaux Morse, mais des séries de points, dont l'opérateur changeait fréquemment le nombre formant la série. Le circuit induit était formé de fil de cuivre de 1"",9 de dia- mètre. On l'éeartait successivement du circuit inducteur et la distance ia plus grande à laquelle on pouvait comp- ter le nombre de points était considérée comme limite. La pile était composée de 100 éléments Leclanché réunis par leurs póles contraires et l'extrémité du fil de ligne était reliée à la terre sans bobine d’électro-aimant interposée (1). Deux téléphones présentant une résistance totale de 150 U.S. étaient placés l'un à la suite de l'autre. (1) Les signaux étaient distingués beaucoup plus difficilement lors- qu'une bobine était intercalée dans le circuit inducteur. (4) Le tableau suivant contient les résultats obtenus : NUMÉRO LONGUEUR LONGUEUR DISTANCE MAXIMA i du du es * CIRCUIT CIRCUIT DEUX CIRCUITS l'essai. indueteur. induit. à laquelle on pouvait entendre. Métres. Mètres. Mètres. 1 2 240 5,00 10 5 240 10,00 18 4 240 15,00 94 Il est permis de conclure que si les fils en présence avaient un grand développement, on pourrait distinguer à une très-forte distance les signaux traversant le fil induc- teur. L'expérience suivante le prouve, d'ailleurs : en pla- cant deux téléphones sur un fil d'essai de 240 mètres de longueur et en prenant terre aux deux extrémités de ce fil, nous avons entendu des signaux mélangés transmis par les fils d'une ligne télégraphique paralléle, éloignée de 100 métres; nous avons, notamment, distingué trés-claire- ment des combinaisons de lettres de l'appareil Hughes (1). On doit done admettre qu'il est possible, dans certaines conditions, de saisir par téléphone le secret des corres- pondanees échangées par les appareils Morse. (1) Nous nous sommes assuré que ces courants ne se propageaient pas d'une ligne à l'autre par dérivation à travers le sol. (45 ) Il est dés lors utile d'examiner s'il y a dans cette situa- tion un danger réel pour les administrations télégraphiques et s'il convient de prendre des mesures spéciales en vue de la modifier. Quant au premier point, il est à remarquer qu'en géné- ral les lignes télégraphiques se composent de plusieurs fils et que, par suite, à moins de placer le fil du téléphone trés- prés de l'un d'eux, on n'entend généralement qu'un mé- lange de signaux. On doit reconnaitre, par contre, qu'à certaines heures, pendant la nuit, par exemple, un grand nombre de fils venant à chómer, on pourrait parfois dis- tinguer ce qui est transmis par l'un d'eux. En ce qui concerne les mesures de précautions à adop- ter, l'administration des télégraphes belges a interdit d'une facon absolue l'usage du téléphone aux particuliers qui ont obtenu l'autorisation de placer des fils servant à leur usage personnel sur les poteaux de l'État. Un moyen efficace consisterait à n'employer que des appareils imprimeurs de Hughes dont on ne peut recon- naître que quelques signaux, mais il serait extrêmement coüteux : en Belgique, 1,152 appareils, entrainant une dépense d'installation de 1,850,000 francs, seraient néces- saires. De plus, cet appareil est trop compliqué et demande trop de soins pour pouvoir étre mis entre les mains des agents attachés aux bureaux peu importants. L'usage des appareils à cadran serait moins onéreux et plus praticable, mais nous pensons que ce serait créer des diffieultés de service que d'utiliser, d'une facon générale, ces appareils qui ont été supprimés il y a plus de dix ans en Belgique pour étre remplacés par des enregistreurs de Morse. La substitution aux lignes aériennes de lignes souter- ( 46 ) raines protégées par une garniture métallique mettrait, nous semble-t-il, les administrations télégraphiques un peu plus à l'abri des indiscrétions, mais elle n'offrirait pas une sécurité compléte. En effet, les difficultés d'installation d'un circuit télé- phonique induit suffisamment rapproché seraient un peu plus grandes, mais nullement insurmontables; d'un autre côté, il résulte d'expériences que nous avons faites sur des câbles de 1150 mètres de longueur qu'une armature mé- tallique ne fait pas disparaître complétement les effets d'induction qui se manifestent au téléphone. L'induction éleetro-statique cesse, mais l'induction électro-dynamique persiste. Enfin, l'objection la plus grave contre cette trans- formation consiste en ce qu'elle nécessiterait des dépenses considérables. Son application au réseau belge, complet, coûterait 98,000,000 de francs, environ. Il reste à examiner la question qui nous occupe au point de vue purement administratif. Dans les pays, et Cest le cas en Belgique, où aucune disposition formelle de la loi ne défend aux particuliers de divulguer le secret des correspondances télégraphiques saisi par un moyen quelconque, il ne parait pas possible de sévir eontre ceux qui se seraient rendus coupables d'indiserétion en se servant d'un circuit. téléphonique installé conformément aux lois. Dans ces conditions, con- vient-il de combler cette lacune en provoquant de nou- velles dispositions pénales ? La réponse à cette question nous parait douteuse. On ne doit pas perdre de vue, en effet, que le contróle serait très-difficile, le fil du téléphone pouvant être placé à l'abri des regards de l'autorité, notamment derriére des arbres, à l'intérieur des habitations, etc. ( 47) On ne peut se dissimuler, d'ailleurs, qu'avant la décou- verte du téléphone la sécurité n'était pas complète. En effet, en établissant une dérivation sur un fil télégraphique au moyen d'un électro-aimant offrant une grande résis- tance, on pourrait lire les transmissions Morse, bien plus facilement que par-téléphone, sans interrompre les com- munications. Il serait dangereux de procéder à cette ma- nœuvre pendant le jour, mais on pourrait l'opérer la nuit. i En outre, dans certaines circonstances, une personne exercée se trouvant prés d'un local contenant des appa- reils pourrait comprendre les transmissions par le bruit que font les armatures ou les manipulateurs. Nous terminerons cet apercu par la considération sui- vante : les dépéches qui réclament un secret absolu pou- vant étre rédigées en langage secret, il est à supposer que peu de personnes seraient disposées à dépenser leur temps et à s'exposer à des mécomples en essayant de comprendre des télégrammes dont elles ne pourraient, dans la majeure partie des cas, tirer aucun parti. c Compteur à secondes servant à contróler la vitesse des moteurs de M. Valisse; agencement proposé par M. An- toine Gérard, horloger-mécanicien, à Liége. Cet agencement est proposé pour résoudre d'une ma- nière générale, le probléme qui a pour but de faire con- naître quand la vitesse d'un moteur s'écarte, en plus ou en moins, de la vitesse normale ou réglementaire. En effet, si étant donnée la vitesse de rotation d'une aiguille, qui ici est une aiguille de seconde, faisant ainsi ( 48 ) une révolution par minute, on met ce compteur en relation avec un axe dont le nombre de révolutions est déterminé, il arrivera que si le moteur a pour fonction des révolu- tions et si en méme temps on le charge de faire tourner la boite du compteur, l'aiguille simulera le repos aussi long- temps que les deux rotations, celle de l'axe-machine et de l'aiguille des secondes, se trouveront étre dans un rapport exact. C’est pour faciliter la recherche de ce rapport que je propose de plaeer le compteur sur une poulie graduée et d'y joindre une seconde poulie graduée qui sont, ainsi que la figure le fait voir, deux cónes semblables, ayant le dou- ble avantage de varier à volonté leur apport et de per- mettre de n'employer pour les réunir en mouvement qu'une seule corde sans fin, laquelle, à cause de la similitude des deux figures, trouvera sur tous les points de leur surface un méme développement circulaire. La boussole de vitesse de M. A. Gérard est donc com- posée, savoir: 1° D'une montre ou compteur A à ancre et à grande ai;uille de secondes; elle est fixée par sa boite sur une poulie graduée B en laiton, mobile sur son axe E en acier trempé et montée en chape non indiquée; 2 D'une seconde poulie graduée D semblable à la pre- mière ; 5° D'une corde sans fin non figurée; 4° D'une roue dentée F en laiton, montée sur l'axe de la poulie D; 5" D'une vis sans fin G à un filet en acier portant sur sa tige une poulie H, ou tout autre organe pouvant la mettre en relation avec le moteur. La vitesse des moteurs pouvant varier à l'infini depuis RAS, pt Y ( 49 ) deux mille tours pour la scie sans dent à celle de trente révolutions à la minute, pour les pompes d’épuisement à de grandes profondeurs, on comprend qu’il ne servirait à rien d'indiquer un nombre pour la roue F , à laquelle nous donnons comme moyenne générale cent quatre-vingts dents (1). Dans l'application, la disposition des deux poulies gra- duées permet, à l'aide de la corde sans fin, de faire con- corder la vitesse d'un moteur avec le repos simulé de l'ai- guille des secondes. D'où il suit que le mécanicien-directeur d'une machine pourra toujours s'assurer s'il marche à la vitesse régle- mentaire. On sait, par ce qui précéde, que l'aiguille avancera chaque fois que sa marche se ralentira, et qu'au contraire, l'aiguille semblera rétrograder chaque fois que sa ma- chine ira trop vite. (1) Une roue de 17,26 de diamètre, faisant 555 tours à la minute, parcourt 80 kilométres à l'heure e de 2 métres de a os faisant 240 tours à la minute, parcourt 120 kilomètres à l'heur Une roue de 2»,10 de Jte. faisant 205 tours à la minute, par- court 120 kilomètres à l'heure. Mo. Bot. Garden, 1896. 9"* SÉRIE, TOME XLVII. 4 Recherches sur les couleurs des étoiles doubles, par M. L. Niesten , aide-astronome à l'Observatoire royal de Bruxelles. Existe-t-il une relation entre les couleurs des étoiles dou- bles et la révolution du compagnon? En comparant la périodicité des taches solaires aux lon- gitudes écliptiques des planétes, MM. De La Rue, Balfourt- Stewart et Loewy ont démontré qu'il existait une relation évidente entre l'activité solaire et les positions relatives des différents membres de notre systéme planétaire. Au- paravant M. Wolf de Zurich, se basant sur le nombre de taches , avait admis une influence probable de la part des planètes, et M. Chacornac avait signalé la concordance qui paraissait exister entre la période de onze ans des taches solaires et le temps de révolution de Jupiter. Plus tard, M. Balfourt-Stewart, en recherchant les époques de coin- cidence des périhélies de Saturne et de Jupiter (phénomène qui se présente tous les cinquante-neuf ans) et en les rap- prochant de celle de cinquante-six ans, nouvellement indi- quée par M. Wolf, attribua la formation des taches solaires à l'action des masses des deux grosses planétes. Si les positions relatives des planétes par rapport au soleil influe sur l'activité de cet astre, nous pouvons aussi nous demander si l'influence du soleil sur les planétes ne peut se faire remarquer par un éclat plus vif projeté sur ( 94) les mondes qu'il éclaire et se traduire à nous par des chan- gements dans leurs colorations. Et en effet, la lumiére des planétes change; leur éclat augmente et diminue selon qu'elles sont périhélies ou aphélies. Bien plus, ne remarque-t-on pas des changements de couleurs dans les planètes? Pour Jupiter, ces changements, d'aprés MM. Lockyer et Ranyard, seraient périodiques, et d'aprés ce dernier coincideraient avec les périodes maxima des taches solaires (1). Dans l'opposition derniére, alors que Mars était à sa plus courte distance du soleil, les différents observateurs qui se sont occupés de l'aspect physique de cette planéte, ont été unanimes à constater que sa teinte rougeâtre n'était pas aussi apparente que celle qui avait été signalée les an- nées précédentes. En 1875, M. le eapitaine W. Noble n'a-t-il pas attiré l'attention sur la lumière blanche écla- tante que présentait Uranus, alors que précédemment on l'avait toujours dépeinte comme un disque pále-bleu (2). Remarquons aussi que cette derniére s'approche de son périhélie, qu'elle atteindra en 1882. Cette apparence de corrélation entre le soleil et nos pla- nétes nous a conduit à rechercher si elle existait également dans les étoiles doubles, et si les changements, qui ont été remarqués dans la coloration de certains de ces systèmes, ne se trouvaient pas en relation avec la position du com- pagnon par rapport à l'étoile principale. D’après les observations de Smyth, de Sestini et surtout (1) Monthly Notices, vol. XXXI, p. 54. (2) Ibid., vol. XXXV, p. 304. ( 92) depuis celles de MM. Huggins, Zóllner et Weber (1), il ne peut plusétre mis en doute que les étoiles offrent une cer- taine variation dans leurs couleurs, comme on avait déjà pu le constater auparavant pour leur éclat. Aussi croyons- nous que les différences qu'on trouve dans l'annotation des couleurs des étoiles doubles par les astronomes qui s'oc- cupent de leurs mesures, ne doivent pas toujours être attribuées à une appréciation plus ou moins exacte, mais qu'elles peuvent tout aussi bien s'expliquer par un chan- gement physique dans l'enveloppe gazeuse entourant ces astres, changement qui peut se manifester à nous par une variation dans leurs couleurs. (1) L'amiral Smyth, dans une comparaison qu'il fit de ses propres ob- servations avec celles de son fils, de Sestini et d'autres observateurs, trouva que 95 Herculis passait dans une période probable de douze ans du jaune au vert et du vert au jaune, tandis que son compagnon passait dans le méme temps du jaune au rouge et du rouge au jaune. « Hlne peut avoir de doute, dit-il , qu'il se produise dans chacune de ces étoiles un rete ini physique réel. » estini, en comparant les observations qu'il avait faites à Rome en 1845, sur les sinh colorées, à celles qu'il entreprit plus tard à George Town, signale = altérations notables dans la couleur de 3 étoiles sur 400 qu'il avait re Ilya pen ans, M. Klein, de Cologne, observa le premier un change- — T— de —" dans « de la Grande Ourse. Dans un inter- viron , cette étoile variait du jaune au rouge foncé. Étudiant la variation de cette méme étoile, M. Weber conclut à une période de 31,98 jours pour le passage de la coloration blanche jaunâtre à celle de rouge de feu. Il constata aussi que 8 de la méme constellation présentait périodiquement, en vingt ou vingt-trois jours, les nuances blanc-bleuâtre, jaune-blanc et blanc-jaunâtre. Enfin y de l'Aigle, z de Persée, et « d'Orion, présentent dans le colorimètre de Zöllner une si grande différence de cou- leurs dans diverses observations, qu'avec raison on doit leur supposer une variabilité dans leur coloration. (55 ) Il nous a paru intéressant de rassembler les observations des astronomes qui se sont occupés incidemment de la coloration des étoiles et principalement de ceux qui, en mesurant les étoiles doubles, ont eu soin d'en annoter les couleurs. — Nous avons ainsi pu établir un eatalogue don- nant, pour les étoiles visibles sur notre horizon, les cou- leurs qui leur sont attribuées; et nous y avons remarqué que certaines étoiles doubles n’ont éprouvé, depuis qu'on les observe, aucun changement dans leurs colorations, tandis que d'autres offrent, dans une période plus ou moins longue, une succession de couleurs, qui parait être sou- mise à une certaine loi. La variation de couleurs est surtout sensible pour les étoiles doubles, qui ont un mouvement orbital bien accusé. On pourra s'en convaincre en parcourant le tableau sui- vant, qui donne pour les principaux systèmes d'étoiles doubles dont l'orbite a été calculée, les couleurs des com- posantes , l'époque du périastre et le temps de révolution du compagnon (1). Comparons-y les couleurs données à différentes époques à la position correspondante de l'étoile secondaire par rapport à la principale; et recherchons si, pour les systèmes binaires, les variations de couleurs de leurs composantes ne sont pas périodiques et si elles ne coincident pas avec une position particulière du compa- gnon sur son orbite. (1) Pour les éléments des étoiles doubles, voir : Répertoire des con- stantes de l'astronomie par J.-C. Houzeau, dans les Annales de l'Obser- valoire royal de Bruxelles. Nouvelle série, tome I, pages 248 à 257. (54) DÉSIGNATION des RÉVOLUTION. | PÉRIASTRE. de corse tabu tene L'ÉTOILE PRINCIPALE. age i eoo à Topaze ET EDAM Jaune éclatant . . . . Jaune ped Has VLP Jaune pàle. Biani s. vsu Blanc . Jaunàtre. . . . Blanc jaunàtre . . $ Herculis... 54,92 1850,01 Jaunesür . . . Jaune ido M EE A E : 70 p Ophiuchi. . . .. 94,57 1807,9 | EE | i: Orangé trés-pàle . . | Jane pu rs... | Blanc NEN IV. C. : Blant. n vu os» BBC. aus um CODES uo ese 41,576 1850,25 ( Jaune verdâtre pâle . Jaune pâle. . . . Bhne. $1. 2... HN s n , Jaune påle: . . . Rouge $ Cancri. .... kx 62,4 1869,5 De d ca LEURS DATES | da des OBSERVATEURS. | CHR OBSERVATIONS. Tirant sur le rouge . . . 1811 Herschel I. Pourpre: remet i 1825,57 Struve. Violet i zno na P 1845,9 Smyth. danne does 17. . 1849,5 Sestini. OM oorr rs 1858 Webb. Bougidtre. . uus 1861 Main. Hb. i: š 1865 Dembowsky. bilas fope. 5| . V. . 4 1867,49 Knott. Lilas fonte, . . a.u s 1871,58 Knott. Blanc blendtre . . . z 1877,25 Pritchard. Cendre oi UP UE 1782,55 Herschel I. Boupeitie . 2. 1S 1826,65 Struve. Cane ou 1842 Smyth. Olivatrs. . . 4 1854,94 Dembowsky. Vilet 021. 010 1858 ` Secchi. Verdàtre $ 1860,40 Knott. CADRE 2. Cd rue 1868,48 Knott. Orangé foncé. . . e . . 1871,54 Knott. b v 1 1802 — Herschel I. Jaune d'or foncé 1854 Struve Bude. ll... i 1842,58 Smyth. Diane. | 1865 Dembowsky Jaune verdàtre pàle . 1867,55 Knott. Jaune påle. i:i 1867,55 Knott Blane. .. a n 70 1870,47 Knott. Blane e s o a C 1871,58 Knott. Jaune pâle. . . . . . . 1877,55 Knott. Ronge nc de. i 1781,9 Herschel I. BENE es 0. os os 1828,29 Struve. Da A 1845,1 Smyth. 56 ) DÉSIGNATION des ÉTOILES DOUBLES. RÉVOLUTION. PÉRIASTRE. L'ÉTOILE PRINCIPALE. & Cancri... (suite.) CC £ Ursae majoris . . y Virginis 42 Comae Berenicis, . 175 25,71 1869,3 1856,45 | 1924,15 1869,99 Jaune, . SUNE 1 l4 so Blane douteux . . Jaune claire .. v... 3 Ming "ao cer cw ir EU dannatre. Ls. Blanc d'argent . . dame chir... 7.3 Jaunàtre Fonie, nues v Blanc jaunâtre Wc des wm MEN Blanc verdàtre . . Trésbhne. . s Jaune orangé. . Blane rosé. LU PH cuc UNE ART CIE DONNE EL Jaune pâle. PONE Te ides" + * . . * ( 97] DATES du des — OBSERVATEURS. CUR ANN OBSERVATIONS. Eu 1 1846,0 Sestini. Mit 1849,2 Smyth ea : 1849 Webb. " 1855,11 Dembowsky. Js... o TS 1877,20 Pritchard. E Blage gre. LL. ... 1845,16 Smyth. Jaune plus foncé . . . . 1854,88 Dembowsky. Bane 22 21 P3 1872,03 Knott. He. o e o rell 1877,43 Pritchard. Jaunàtre : 1825,52 Strūve. Jaune påle. .. 2415 Dr 1845,58 Smyth. Jaune clair... 4 3 1854,91 Dembowsky. Jaune verdàtre . . . . 1864,45 Knott. Jaune verdàtre. . . . . 1864,45 Knott. Blane. . . 915 1.275 1851,0 Webb. phe. |. P. 1865,0 Main. EBARC I. Lv nud 1877,52 Pritchard. Blanc verdâtre . . : . . 1821,99 . Struve. Blane - uno (10s 1842,6 Smyth. Jaune pàle ie 1845,8 Sestini (à Rome). prime. à units 1849,2 Smyth. Jaune M LOW 1847 Sestini (à George Town). Jaune pâle. 4... 1851 Webb Blanc. . . ms 1866,7 Knott Jaune pâle. ...- V 35398 1871,606 Knott Blanc. . * e. ew 1871,611 Knott BO V soe roc aa 1877,85 Pritchard. Jaune. us 1827,83 Struve. dáme pâle. .: 52 5 č 1832,58 Smyth. ( 98 ) À COU DESIGNATION aide irr des RÉVOLUTION, | PÉRIASTRE, de trente L'ÉTOILE PRINCIPALE. | * A E Libe. co 53 95,90 1859,62 | Blanc. . . . . . | Jaane clair," - 14 y Coronae . ...... n hae | Pee teme : . |: Blanc rosé. . . edot, . . e 5 Orangé brillant. . . .- Jaune parfait, . . . -s y Lens... .... Cs 402,62 Ati CAN. , 1, - AAC a ee N'a dus + Jaune TOf, ... il Jaune clair. . — m ——À me -- EERS Blanc pale .. ... ' Blanc . M : MAI Pre Pu UT. x Geminorum . . . .. 996,85 FO LBS se il. June s.v NEN A as. ons ond . Jaune clair, . . . . Bando 24. —— Mm Verdätré, . oo Blanc brillant. . . i? Jaunatre. o v y E A (4- eO. WE 4 Cassiopeae. ..... 195,25 1706,72 Jaune trés-pàle. . . -: Janne pale; . 2. s 2 | Jaune verdàtre . . . A mm Lu 2E. E d 2 T S 5 = à ~ » w à 3 ( 59 ) LEURS Pre DATES Ju des OBSERVATEURS. Hi OBSERVATIONS. Blanc 5. 28v c2 » Herschel. Jaune clair". 5 2503 1855,51 Struve. Pourpre. o 7 45 1855,27 Struve. Lilas pales: o o anA 1842,58 Smyth. Pourpre. re 1851,51 Struve. Jaune verdâtre. . . . . 1845,18 Smyth. Oroivine - .., us » Dembowsky. Jaune verdátre. . . . . 1849 ebb. Verdifé, . coe 0 1862 Main. Jaune verdàtre. . . . . 1866,14 Knott. Gris vert pàle > 1871,59 Knott. Pourpre..." "7" 1826,22 Struve. Pourpre. . Vu Vl v 1845,19 Smyth. Oradgé 2 ov. 1845,60 Sestini. Pourpre pâle, . . . .. 1850,00 - Webb. Hi t RUEDA M uiis 1850,6 Smyth. Rouge videt... . . 1854,9 Dembowsky. | Lilas E VT gate 1861,0 Main. Pourpre rougeâtre, . . . 1865,69 Knott. — Pourpre ie. ooo 1872,65 Knott. Verdátie. ; 21 T VS » “Struve. Blanc pâle ACTEURS 1845,15 Smyth. Jaune... ; PT 3 1845,9 Sestini. Blanc pâle, . 72 21 1849,2 Smyth. Plus vert que (a) . . 1854,28 Dembowsky. EM V uus : 1854,0 Webb. ovo Pe TEE y 1864,79 Knott Jaune verdäire . . . . . 1864,96 Knott Bue... cv a 1865,06 Knott Jaune verdätre. . . . . 1872,05 Knott ( 60 ) DÉSIGNATION des ÉTOILES DOUBLES. RÉVOLUTION. PÉRIASTRE. s beonis. Lea E Boots... pt BoDUS. s pe Coronae... 110,82 197,55 290,07 415,12 1841,81 Jaune paille . . . Blanc rosé, ^... . Jaune. . . 1896,95 Janne. ^... Blane sur... : Jaunàtre. . , Blanc pâle. Sie 9». Ww Tire Me hs +: or E ., 628 CRT EE. Jaunâtre, ... . . . . BANC creme. .. . a Jaüne chm... -> 5 42 $9 Blanc jaunàtre . . tie, SINN CON ME ME (61) T LEURS A DATES idu des OBSERVATEURS. ce. - OBSERVATIONS. p Rouge. |. ^j EM » Herschel. | Jaune plus foncé . 1852 Struve | EI Verdàtré, Lisa 1845 Smyth. | Pourpre rouge. . . . . 1852 Struve. I| Pourpre. $70 RB 1842,4 Smyth. ; Rouge décisif.. . . , . 1854,75 Dembowski. | Pourpre rouge ET 1850 Webb. | Rougediré , o, — "LE 1862 Main. | Blanc verdâtre . . . . . 1852,5 Smyth || Bleu jaunâtre. . . . _ 1844,5 Sestini AU PSE tree 1851,5 Smyth Bleue... 1861,4 Knott. Bleuitré, 11.410400 1850,11 Struve. Bleu tendre. "|... 1845,55 Smyth. bendre oe oo. 1854,86 Dembowsky. Bleg pile — —. —— 1867,55 Knott. Bleu . . ST i 1871,50 Knott. Bleu ; a ua i E 1850,21 Struve. ol 7.9 Q9 1856,00 Secchi. Bed... n 1865,00 Knott. Blea os 1. uus s 1865 Dembowsky. Bleu paie, — . 1871,81 Knott. Bleuátre. a n i 1825,51 Struve. Blen terne. a s d 1842,50 myth. Blanc douteux . . . . . 1855,50 Dembowsky. SONO. v. lo en 1855,08 Struve. 1842,52 Smyth. "Blanc pile. . . : . c ( 62 ) ; Pour 70 p Ophiuchi dont la révolution est de 94, 57 ans . et dont le passage au périastre a eu lieu en 1807, la cou- leur de l'étoile principale, qui était blanche du temps d'Herschel à une époque voisine du périastre, croit en cou- leur jusqu'en 1854, en passant par les nuances blanc, jaune, topaze pàle, jaune d'or. A partir de 1849, elle a une tendance à revenir au blanc en passant par les teintes dé- croissantes jaune et jaune påle. En 1877, M. Pritchare, à l'Université d'Oxford, la note jaune pâle, puis blanche. Le compagnon dans sa révolution suit les fluctuations de cou- leurs de l'étoile prineipale. Vers le périastre, Herschel la notait Inclined to red, mais on doit se rappeler que les mi- roirs dont se servait cet astronome teintaient les objets légérement de rouge; de nos jours, on lui donne la cou- leur blanc-bleuâtre. Entre ces deux époques le compagnon est plus foncé en couleur. La courte révolution de ¢ Herculis (542, 32) nous permet d'en analyser les couleurs pendant deux révolutions. Her- schel a mesuré ce systéme vers l'époque oü le compagnon se trouvait le plus rapproché de l'étoile principale ; celle-ci était blanche, l'autre cendrée. Au périastre de 1860, M. Knott les voit jaune pâle et verdàtre ; aux autres épo- ques les couleurs s'accentuent dans les deux composantes, à mesure qu'elles s'éloignent du périastre, le compagnon étant généralement plus chaud en couleur que l'étoile principale. Vers l'époque de l'aphélie apparent, M. Dem- bowsky les note jaune str, olivätre. Les deux étoiles d'y Coronae ont présenté la méme teinte variant du blanc au jaune. Herschel en 1802, Smyth en 1842 voient la principale blanche huit ans avant le périastre. Lorsqu'en 1834 Struve donnait la coloration ( 65 ) jaune et jaune d'or foncé aux deux composantes d'; Coronae, le compagnon était à une de ses quadratures. Les notations de M. Knott sembleraient indiquer que les deux étoiles prennent la coloration blanche prés de l'aphélie vrai. De nos jours (1877, 55) M. Pritchard les voit jaunes páles. t Cancri a son étoile principale colorée en jaune; la méme teinte affecte le compagnon, à l'exception de l'ob- servation de Sestini, en 1846, qui voit le compagnon blane. La coloration blanche donnée en 1855 aux deux composantes par M. Dembowsky correspond à l'époque voisine du périastre, qui a eu lieu en 1853, d’après M. Brother. .. Dans l'étoile double £ de la Grande Ourse la couleur blan- che se rencontre en 1872, 05 dans le compagnon et l'étoile principale à une époque voisine de son périastre (1875, 68, d'aprés l'orbite calculée par Hind). En 1854, 82 lorsque M. Dembowsky les voit jaune clair, jaune plus foncé, le compagnon était dans les environs de son aphélie apparent. Dans les positions intermédiaires les deux étoiles semblent avoir la coloration jaune. Quant au systéme 7 Virginis, les deux composantes pré- sentent la méme couleur soit blanche, soit jaune. En 1845, 55, sept ans après le périastre, Smyth signale l'étoile principale blanche d'argent et le compagnon jaune pàle (1). Pour £ Aquarii et « Geminorum , dont la période de (1) M. Flammarion suppose que dans ce systéme les deux astres, en méme temps qu'ils circulent dans leur cycle de 175 ans, tournent sur eux-mêmes dans un lent mouvement de rotation qui est rendu sensible par les alternances périodiques d'éclat des deux composantes, ( 64) révolution est trés-longue, les deux composantes ont été notées de la méme couleur variant du blanc au jaune. Struve et Smyth donnent la méme coloration jaune aux deux composantes de 42 Comae Berenicis ; lors de leurs observations, le compagnon était en un endroit de sou orbite, voisin de l'une de ses quadratures. Quant à o Leonis, en 1845 (époque voisine de son pé- riastre), Smyth signale les deux étoiles pàle jaune, ver- dàtre, alors que précédemment Struve les voit jaune, jaune plus foncé et Herschel toutes deux rouges. Pour ce qui concerne les étoiles doubles, dont l'orbite a été ealeulée, mais dont la révolution est trés-longue, les unes, telles que € Librae (95,90), 56 Andromedae (549*,1), z Ophiuchi (185*,2), € Aquarii (1578,55), ont les deux composantes teintées de la méme couleur; les autres comme & Bootis (197*,55), ò Cygni (M5',2), c Coronae (845,86), » Cassiopeae (195*,25), y Leonis (402*,6); la principale est jaune, la compagne rouge ou bleue. | Les étoiles doubles que nous venons de traiter forment des systèmes en mouvement orbital. Quant à la 61° Cygni, système dont le mouvement n’est pas orbital, mais dans lequel on a reconnu que la marche de la petite étoile par rapport à la grande s'opère absolu- ment en ligne droite,la couleur jaune a été constatée dans les deux composantes par Struve, Dembowsky et Knott, de 1828 à 1875. z 2120, que M. Flammarion présente comme type pou- vant servir d'intermédiaire entre les groupes de perspec- tive et les systèmes binaires, a ses composantes orangée et bleue-olive, « peut-étre par contraste, » ajoute cet astro- nome. Quant aux doubles optiques formées d'astres non asso- ( 65 ) ciés réunis fortuitement sur le méme rayon visuel et dont le mouvement relatif s'opére en ligne droite, elles ont l'étoile principale ordinairement colorée en jaune et le compagnon en bleu, telles sont : . x 2708, x 1516, x 2877, z 2160, p? Bootis, à Equulei. En parcourant le catalogue de M. Brothers (1) qui ren- ferme les étoiles dans lesquelles on a reconnu un mouve- ment orbital, sur cent et cinq systèmes, trente-deux seule- ment ont leur compagnon bleu, alors que tous les autres l'ont blanc ou jaune, comme l'étoile principale. Et encore ces étoiles ne pourraient-elles pas étre des doubles opti- ques. Elles se rattachent, en effet, par leur coloration aux groupes de perspective, qui, comme nous venons de le voir, ont l'étoile principale colorée en jaune, tandis que la se- condaire est franchement bleue. L'absence de cette der- niére coloration dans le satellite des étoiles doubles, à courte période de ideni nous semble mériter quelque attention. | En voyant dans un dageind nombre d'étoiles doubles, l'étoile principale colorée en jaune ou orange alors que le compagnon se teinte de bleu ou de vert et que les deux composantes du systéme binaire présentent ainsi le phéno- méne curieux des couleurs complémentaires, on pourrait croire que la couleur de la petite étoile n'est que le résultat d'un contraste, mais en masquant la lumiére de l'étoile principale, on peut facilement acquérir la conviction que cette couleur n'est pas due à une illusion, mais qu'elle est bien la couleur propre de l'étoile. On a expliqué cette colo- (1) Catalogue of binary stars with Introduction remarks, by A. Bro- thers F. R. A. S. dans les MEMOIRS OF THE LITERARY AND PHILOSOPHICAL Society. Manchester, vol III, Third series. 9"* SÉRIE, TOME XLVII. 5 ( 66 ) ration particuliére à certaines étoiles par le fait de l'ab- sorption des rayons rouges du spectre par l'atmosphére gazeuse, de composition particulière, qui entoure l'étoile; mais ne pourrait-on pas aussi l'expliquer par la profondeur des espaces éthérés dans lesquels ces astres gravitent. Notre atmosphère, en effet, teinte les objets éloignés d'un méme ton gris-bleuàtre, et cette coloration, on le sait, est attribuée à l'épaisseur de la couche d'air qui nous en sépare. Un phénoméne analogue pourrait se produire dans les étoiles doubles. Un fluide aériforme paraissant devoir exister dans les espaces célestes, la coloration bleue par- ticulière à certaines étoiles trouverait son explication dans ` l'épaisseur énorme du fluide qui les entoure, et les étoiles bleues, pourrait-on dire, se trouveraient aux confins ex- trémes de la partie de l'univers qu'il nous est permis d'explorer. Nous avons été curieux de savoir comment se répartis- sait sur la voüte céleste cette classe d'étoiles doubles, si intéressante par la coloration bleuâtre du compagnon, et à l'aide du Celestial Cycle de Smyth nous avons dressé le tableau suivant montrant la répartition par heure et de 10 en 10 degrés de déclinaison depuis 0° jusqu'à — 25°. ( 67 ) Tableau donnant la répartition des étoiles à compagnon bleu. DÉCLINAISONS. HEURES ES TEETE GRN t€ ee RITIele sies ici: droite. ub b m ejelejserjejej«|t Si ñ MLSASIRAS IS LS DS Lm 0 ard 9| [I1 9] "Jti. T. 8-12 i41 I £52 Lib hotte) Akoa aa 8 Il 11 +1 | ner x Phi his 5 Hi » | X. » | » 9r-Lio€- uw 5 [v | 1|]. E3 p 9| TEE I. cL f l5 34d V “ts | 216 Fille plie 9 VI » 1 » » 1 2 » 2 » » 6 VII » 1 » 1 » " » » » » 2 vil " » 1 » 1 1 1 » » » » 4 IX ts bobicwdoreb hs hall STE 5 X » » » 2 » i » 1 » » » 5 Xi » 1 » » 1 1 » $us » » 4 XII . SET 1 1 »] » is 3 XIII ips bn Ej. *] [T o» 4 XIV nil el boat LEE » | » 5 XV » » » 9 2 : 1 ? » » » 5 XVI KI rwpITIS]"] FTP ele. 5 XVH état ut 112] ST ER El re 9 XVHI 1 » 1 9 » RE T » 1 » 14:15 XIX sod si) 5] 14:81. E0|- d PR vi i XX *l5sibweL ile ets 81.91] €|. 9| 19 XXI » » » 1 9 2 » » » 1 » 6 XXII » " » » 1 1 1 » 1 » » 4 XXIH » » » 1 1 OI + » E. 1 » å Toraux. | 5 | 7|19|924|21|22|96 |. 8| 1| 7| 5| 157 ( 68 ) Ce tableau montre que les étoiles doubles dont le com- pagnon est bleu sont principalement situées dans une zone comprise entre le 10"* degré de déclinaison australe et le 40"* degré de déclinaison boréale, et présentant deux maxima correspondant aux heures 4-5-6 et 18-19-20; le premier maximum sur l'équateur, le second entre les pa- ralléles 50 et 40, et se trouvant, par conséquent, dans les "environs, le premier des constellations du Cygne et de la Lyre, le second dans la constellation d'Orion. Sestini, dans son travail sur la distribution des étoiles colorées, arrive à une conclusion analogue pour les étoiles simples colorées en bleu. « Les bleues et les rou- ges, dit-il, sont rares du pôle à 50° de déclinaison boréale; les bleues deviennent alors plus nombreuses jusqu'à l'équa- teur, surtout de la 18"* à la 20"* heure d'ascension droite,» et Secchi remarque une teinte verdàtre prononcée dans les prineipales étoiles de l'admirable constellation d'Orion. En résumé, nous voyons, d'aprés cette étude : 4° Que dans les systèmes à mouvement orbital bien re- connu et principalement dans ceux à courte période, les deux composantes ont ordinairement les mémes teintes aunes ou blanches ; 2» Que pour les systémes dont nous possédons les an- notations de couleurs assez nombreuses pour pouvoir rap- procher leurs colorations de la position du satellite sur son orbite, l'étoile principale est blanche ou jaune pâle lorsque le compagnon est à son périastre alors que dans les autres positions elle est jaune, jaune d'or ou orangée; 3° Que dans ces systèmes le compagnon suit l'étoile principale dans ses fluctuations de couleurs et souvent sur- passe la principale en coloration à mesure qu’il s'éloigne du périastre où sa lumière, dans le plus grand nombre de cas, est blanche comme l'étoile principale; ( 69 ) 4 Que la méme égalité de tons dans l'étoile principale et la secondaire se rencontre dans les doubles à mouve- ment rectiligne ou dans celles à mouvement orbital et à longues périodes de révolution ; 9" Que dans les groupes de perspective, le compagnon est presque toujours bleu. Ces quelques remarques sont basées, il est vrai, sur l'appréciation des couleurs par différents astronomes, ap- préciation qui peut varier d'individu à individu, mais dans certains cas on peut voir qu'un méme observateur apprécie pendant un certain nombre d'années les deux composantes d'un systéme jaunes, puis, les années d'aprés, les voit pàlir et enfin devenir blanches. ; Dans certains systémes, au contraire, tous les astro- nomes sont unanimes à donner la couleur bleue au com- pagnon. Lorsque dans la mesure des étoiles doubles ainsi que dans les observations sur l'aspect physique des planètes, on aura donné à la coloration des astres une attention plus particuliére que celle qu'elle a recue jusqu'à présent, peut-étre pourra-t-on en déduire certaines conséquences avec plus de probabilité que nous ne l'avons pu faire, en présence du petit nombre d'observations que nous avons été à méme d'utiliser. De nos jours, on admet que dans les étoiles les fluctua- tions de couleurs sont dues à une différence dans la com- position de leurs masses gazeuses incandescenles; ces changements doivent nécessairement étre attribués à une cause agissant sur ces masses et celte cause, dans les étoiles doubles, ne pourrait-on pas la trouver dans la po- sition relative d'un astre par rapport à l’autre ? o ( 70 } Révision des Hédéracées américaines. — Description de dix-huit espèces nouvelles et d'un genre inédit, par M. Elie Marchal, conservateur au Jardin botanique de l'État. L'Amérique tropicale, principalement la région des Andes, est extrémement riche en Hédéracées : les grands herbiers et les collections de végétaux exotiques de nos serres le prouvent suffisamment. Malheureusement ces belles plantes (celles du Brésil exceptées) n'y sont encore qu'assez imparfaitement connues, parce que beaucoup d'espèces ont été simplement nommées sans qu'une dia- gnose en ait été publiée. Ainsi, pour n'en citer qu'un exemple, sur 64 espèces rapportées par B. Seeman au genre Oreopanax Dec. et Planch. (Journ. of Bot., t. Hi, p. 269), 51 se trouvent dans ce cas! Voici briévement l'explication de ce fait extraordinaire. De 1840 à 1855 i spécialement, les herbiers et les col- lections vivant t des ts considérables en Hédéraeées américaines. C'était l'époque des explora- tions de nos compatriotes MM. Linden, Funck et Schlim, et de MM. Triana, Goudot, Hartweg, etc., auxquels l'horticulture et la botanique doivent de si précieux maté- riaux. En 1854, MM. Decaisne et Planchon donnérent, dans une excellente esquisse générique, une liste de 15 espèces nouvelles qu'ils se proposaient de décrire ultérieurement. Cette tàche fut reprise, neuf ans plus tard, par MM. Plan- chon et Linden à l'occasion de leurs Plantae Columbianae. (XT) Les Hédéracées firent le sujet d'un mémoire spécial; le manuscrit en fut imprimé, mais on ne tira que deux épreuves : Cest tout ce que les auteurs en conservérent. L'une de celles-ei fut généreusement confiée, par M. Plan- chon, à Seeman pour sa Revision of the natural order Hede- raceae (Journ. of Bot., t. H-VII); mais l'apercu publié dans la revue anglaise ne devait pas comporter de longs développements. Aussi Seeman ne tira-t-il guére du pré- cieux document que les diagnoses de trois genres nou- veaux, les noms et la distribution géographique des nom- breuses espèces inédites qui y étaient cependant si bien déerites. I résulte de là que la presque totalité des espèces dé- nommées par MM. Decaisne, Planchon et Linden ne sont guère connues encore que de nom; car elles ont été fon- dées, soit sur des plantes vivantes, aujonrd'hui pour la plupart disparues des cultures, soit sur des échantillons uniques conservés dans l'herbier du Muséum de Paris ou dans celui de Kew, soit enfin sur des spécimens numérotés . de collections rares, trés-dispersées, dont aucune n'est complète. Si l'on ajoute à cela que, dans ces mêmes genres, il existe aussi un nombre assez important d'espéces seule- ment connues par une diagnose imparfaite, pouvant sou- vent s'adapter à une demi-douzaine d'espéces, comme c'est le eas pour celles de Willdenow, in Schult. Syst., on com- prendra facilement qu'un certain désordre doit exister dans ces groupes. C'est d'ailleurs ce que, il y a dix ans, proclamaient déjà MM. Bentham et Hooker dans leur Genera, vol. I, p. 946, où ils écrivaient à propos du genre Oreoponax : « Species enumeratae 64, plures tamen (im- » primis Humboldtianae in Roem. et Schult. et H. B. et K. (72) » Nov. Gen. et Sp.,sub nominibus diversis repetitae) redu- » cendae. » Il est done trés-désirable qu'il soit fait une révision com- pléte des Hédéracées américaines extra-brésiliennes : c'est la tâche difficile que nous avons hasardé d'entreprendre. À cette fin, nous sommes parvenu, grâce à l'appui sympa- thique des possesseurs d'herbiers particuliers importants et des directeurs de presque tous les musées botaniques de l'Europe, à rassembler la plus grande partie des maté- riaux concernant ce point de la flore américaine. D'un autre côté, les types des auteurs, dont la connaissance s'impose impérieusement , ou nous ont été communiqués, ou bien ont été étudiés sur place, lors de nos visites aux grands établissements scientifiques de Paris, de Londres et de Florence. Notre étude est à peu prés terminée; néanmoins, le désir d'utiliser tous les documents de nature à la perfectionner nous engage à en ajourner la publication, jusqu'aprés l'examen d'une collection importante d'Hédéracées colom- biennes recueillie tout récemment, et dont l'envoi ne doit pas tarder à nous parvenir. En attendant, voulant prendre date, nous en détachons un fragment comprenant la description de dix-huit es- péces nouvelles et celle d'un genre inédit. Tel est l'objet de la présente notice. Qu'il nous scit permis d'exprimer ici notre vive recon- naissance aux nombreux botanistes qui nous ont prété leur bienveillant concours, et parmi lesquels nous nous plaisons à citer : MM. Andersson, Baker, Balfour, Bentham , Bois- sier, Britten, Buchinger, Bureau, Carruthers, Caruel, Cré- pin, Decaisne, A. De Candolle, Eichler, Engler, Fenzl, Fran- ( 78 ) | chet, Garcke, Glaziou, le comte de Franqueville, Herineq, J.-D. Hooker. Kickx, Lange, Linden, Maximowicz, Mo- riére, Müller d'Argovie, le baron F. von Müller, Oliver, Planchon (1), J. Peyritsch, Poisson, Radlkofer, Regel, Su- ringar, Todaro, Trimen, Van Heurck et Warming. ARALIA L. A. REGELIANA n. Sp. Frutex nanus inermis glaber, foliis pro genere parvis impari-bipinnatis, petiolo communi tenuissimo breviter basi dilatato, stipula intrapetiolari minuta et ciliata, folio- lis petiolulatis subsessilibus (impari excepto), elliptico- rarissime ovato-oblongis, longe et anguste acuminatis acumine tenuiter mucronulato, basi obtusiusculis vel subrotundâtis, haud profunde margine dentatis, tenuibus pellucidis, reticulo nervorum in pagina supera paulum impresso in inferiori solum prominente; umbellis fructi- feris 5-6, in racemum terminalem folia subaequantem digestis, axibus racemi cylindrieis sublaevibus, secundariis umbelligerisque erectis longiusculis nudis, bractea sca- rioso- membranacea elliptica acuta basi munitis, 15-25- fructibus, pedicellis filiformibus ad artieulationem sat late dilatatis, cum bracteolis membranaceis linearibus acutis ciliatis et patulo-reflexis inferne intermixtis, fructu sub- globoso quam lato paulo longiore late 5-sulcato, calycis (1) M. Planchon a tout particulièrement droit à notre gratitude pour les renseignements précieux qu'il nous a communiqués : il a eu l'extréme bonté de nous adresser, en janvier 1875, une copie manuscrite de l'épreuve du remarquable travail inédit mentionnée dans les lignes précédentes. UTC limbo erecto distincte 5-dentato, disco plano et stylisdibe- ris valde recurvato-reflexis coronato. Caulis 4 pedalis (teste Karwinsky). Rami ultimi 5-4 mm. crassi. Race- mus 9-12 em. longus. Pedunculi 5-6 em. longi. Pedicelli 1-13 em. longi- Fructus diametro transversali H cm metiens. H ab. — Mexico, ad Victoria (Tanque Colonada), in fri- gidioribus elevatis. Karwinsky. Aug. 1842, in hb. imp. Petropol. Cette délicate espèce se rapproche de l'A. humilis Cav., mais elle s'en distingue aisément par ses feuilles beaucoup plus petites, trés-glabres, lisses, pellucides et son fruit à disque non relevé en cône, car l'espèce de Cavanilles a des feuilles velues, rudes au toucher et opaques, un fruit à disque conique, dépassant de beaucoup le calice. La forme et la consistance membranacée de ses feuilles doivent la faire rapprocher de l'espèce bolivienne : A. so- ratensis Nob., dont elle diffère par l'exiguité de ses feuilles de moitié plus petites, ses ombelles au nombre de 5 à 6 et non de 20 à 50, et ses pédicelles 3 fois plus longs. Nous la dédions à M. le D" Regel, directeur du Jardin botanique de S'-Pétersbourg, qui a eu l'obligeance de nous confier la trés-riche collection d'Hédéracées du grand éta- blissement scientifique qu'il dirige, espérant que ce savant voudra bien considérer cette dédicace comme un faible té- moignage de notre vive reconnaissance. A. BREVIFOLIA n. Sp. Frutex inermis, caule foliis inflorescentiisque pilis bre- vibus ramosis rigidis squamulis margine fimbriatis inter- mixtis vestito, foliis in genere brevibus, petiolo communi ( 79 ) basi breviter dilatato, imparipinnatis saepius bi-jugis, folio- lis subsessilibus (impari sat longe petiolulato) ovato-acutis, basi rotundatis nonnunquam subcordatis, margine inte- gris aut apicem versus obscure dentatis, utrinque rugosis sat tenuibus subpergamaceis, costa atque nervis secunda- riis exiguis, supra haud conspicuis, pagina infera tomento canescente quam in reliquis copiosiori squâmulosiorique indutis, umbellis fructiferis paucis, in racemum terminalem folia superantem digestis, radiis numerosissimis longissi- mis glabriusculis, bracteolis minutis linearibus basi inter- mixtis, 50-60 fructibus, fructu subgloboso 5-costalo costis laevibus sulco sat angusto separatis, limbo calycis late 5-dentato atque stylis 5 disco glabro subplanoque impo- sitis liberis vel inferne subconnatis coronato. Coet. ignot. Petiolus communis 5-7 em. longus. Foliola 4-5 cm. longa atque 2 1-5£t em. lata, 2 infima quandoque petiolulo 1-2 mm. longo contra im- pari longius petiolulata. Pedicelli cire. 2 cm. longi. Fructus diametro longitudinali 5 mm. metiens. Hab. — Mexico, ad Merattan, S'-Andres. Liebman n? 55, oct. 1842, in hb. Haun. Voisin de l'A. humilis Cav., dont il se distingue par ses feuilles trés-courtes, ses styles non soudés en colonne, son disque ne dépassant pas le calice, et non à feuilles longues 5-7 -[oliolées, à styles soudés jusque prés du sommet en un cône dépassant beaucoup le disque et le limbe du calice. À. SORATENSIS N. Sp. Frutex inermis glaber, foliis impari bipinnatis, rachidis basi sat dilatato brevissime scarioso-stipulato, foliolis prae- cipue impari longe petiolulatis, ovato-ellipticis longe acu- minatis, basi subcordatis, margine subcrcnato- dentatis ( 76 ) (acumine excepto) haud revolutis, tenuibus submembra- naceis plus minusve pellucidis , retieulo nervorum inferne prominulo supra impressiusculo; umbellis numerosis in paniculam terminalem foliis breviorem dispositis, axi pri- mario crasso sulcato, secundariis brevibus haud vel parum ramosis, bracteis scariosis brunneo-purpureis patulo-erec- tis munitis, 25-45-floris, floribus pedicellis quasi recepta- culo modice dilatato infixis squamis rufis involucrantibus cireumdatis, calycis tubo brevi obconico glabro limbo sat late 5-dentato, corolla hemispherica insigniter 10-suleata, petalis ovato-ellipticis acutiusculis uninerviis, staminum filamentis petalorum longitudine vix aequilongis, stylis suh anthesi erectis conniventibus in fructu valde elongatis in columnam ad medium connatis, stigmatibus radiantibus patulis, fructu spheroideo exocarpio tenui sulcis quam cos- tis latioribus disco angusto subplanoque coronato. Petiolus communis 15-20 cm. longus. Petioluli 1-2 em. longi (foliolo impari 5 em. attingente). Foliola 6-10 cm. longa atque 5-5 cm. lata Panieula 8-15 cm. longa. Pedicelli 4-6 mm. longi. Fructus diametro transversali 5 mm. metiens. Hab. — Bolivia, in provincia Larecaja, viciniis Sorata et San Pedro, in scopulosis, Alt. reg. temp", 2600 m. Mart. 1860. G. Mandon, n° 570. Plant. Andium Bolivien- sium et Cl. Gay, n° 486 in hb. Mus. Paris. Dans son Journal of Botany, t. V, p. 286, Seeman rap- porte au Sciadodendron excelsum Griseb. le n° 486 de la colleetion Cl. Gay, conservé au Muséum de Paris , sur le- quel nous décrivons cette nouvelle espéce. Il est difficile de se rendre compte de cette erreur, ce botaniste ayant eu sous les yeux ce méme échantillon de CI. Gay, car il dit (loc. cit.) : « In the Paris herbarium I ( 77 ) have seen specimens of it (Sciadodendron excelsum Gri- seb.) where they had been collected by Gay (n° 486). » En effet, l'espéce de Grisebach, dont Seeman, d'ailleurs, avait lui-même recueilli plusieurs exemplaires fleuris, dans l'Is- thme de Panama et à Nicaragua, a des feuilles atteignant de 3 à 5 pieds de long et des fleurs non articulées sur le _ pédicelle, à gynécée 40 à 12-mère, tandis que, dans la plante de Gay, les plus grandes feuilles ne dépassent pas 2 décimètres, les fleurs sont articulées et leur gynécée est rigoureusement 5-mèêre! Cette rectification restreint donc l'aire du Sciadoden- dron excelsum Griseb. à une partie peu considérable de l'Amérique centrale, tandis qu’elle étend de beaucoup, vers le sud, celle du genre Aralia. L’Aralia soratensis Nob, fort éloigné du centre principal des Aralia, est l'es- péce du genre la plus méridionale, car elle croît sous le 18* degré de latitude australe. GILIBERTIA R. et P. MELOoPANAX subgen. nov. Drupa exocarpio erassissimo, haud longitudinaliter sul- cata. Flores hexameri. : Pedunculi umbellarum paulo infra umbellam incrassati, omnino articulati. G. POPULIFOLIA n. Sp. Glabra, ramis cortice griseo valde corrugato tectis, foliis longe petiolatis, petiolo juxta laminam geniculato basi breviter dilatato, ovatis in acumen triangulare angustum acutissimum abrupte attenuatis, basi truncatis, margine integerrimis siccatione undulatis infra anguste revolutis, ( 78 ) sat tenuibus subpellucidis papyraeeis supra atro viridibus, o-nerviis nervis obliquis reticulum pagina. infera promi- nentem formantibus; umbellis amplis 20-55-floris, in um- bellam compositam axillarem digestis, pedunculo elongato in receptaculum subglobosum depressum plus minusve spongioso-alveolatum dilatato, floribus hermaphroditis longe pedicellatis, pedicello longissimo gracili argute striato, calycis tubo obconico limbo membranaceo latius- culo obscure 6-dentato, corolla hemispherica inferne paulo attenuata apice obtusa vel acutiuseula, 6 costis prominen - tibus notata, petalis erassiusculis ellipticis acutis uniner- viis, staminum filamento breve ante anthesim stylos vix superante, disco leviter concavo margine anguste libero erecto, drupa crassa globosa subdepressa, malum parvum bene simulante, stylis diametrum disci circiter aequanti- bus, plane liberis, valde arcuato-reflexis. Rami supremi 5 em. crassi. Petiolus 9-18 em. longus. Lamina 12-18 em. longa atque 9-12 em. lata. Peduneuli umbelligeri 5-7 em. longi. Pedi- celli circiter 2 em. longi. Drapa diametro transversali 10 mm. longitudi- nali 8 mm. metiens. Hab. — 1n Mexico, ad Tepitongo. Jun. 1842. Liebman n? 9, in hb. Haun. Cette espéce, par son facies et ses caractéres, est telle- ment éloignée des espéces connues de Gilibertia que nous avons dü en faire le type d'un nouveau sous-genre, brié- vement caractérisé ici. Dans la Flora Brasiliensis, fasc. T4, p. 245, nous avons divisé le genre Gilibertia en deux sous-genres : Eugilibertia et Dendroponax, entre les- quels le Melopanax est intermédiaire par les caractéres du fruit et le nombre des parties de la fleur. ( 79 ) Subgen. DENDROPANAX. G. LANGEANA n. Sp. Ramis cortice griseo spongioso longitudinaliter sulcato tectis, foliis sat breviter petiolatis, petiolo superne subge- niculato, 2-4-plo longioribus quam latis, ellipücis vel ellip- tico-oblongis, saepe leviter arcuato-subfalciformibus, in acumen angustum triangulare obtusiuseulum desinenti- bus, basi cuneatis acutis, margine anguste reflexis, perga- maceis in herbario supra atro-viridibus contra pagina infera pallidioribus, costa infra prominentissima, nervis 6-10 valde arcuatis, 2 infimis brevibus, reticulo inferne sat pro- minente; umbellis 50-40-floris, in racemum brevem ter- minalem foliis supremis longissime superatum digestis, sat breviter pedunculats, pedunculo angulato bracteato, ima basi et medium versus bracteis brevibus ovatis con- cavis acutis instructo, apice in receptaculum hemispheri- cum mediocre dilatato, floribus pentameris breviter pedi- cellatis, pedicellis filiformibus bracteolis scariosis ferrugi- neis brevissimis basi stipatis, tubo calycis brevi obconico limbo angusto integro, corolla hemispherica paulum de- pressa, petalis ovato-ellipticis acutis, 1-nerviis crassius- culis purpureis, staminum filamento flexuoso petalis lon- giore, stylis sub anthesi in conum dimidio disco concavius- culo breviorem connatis ; ovario nondum plane evoluto. Rami supremi vix 5 mm. crassi. Petiolus 4-6 cm. longus. Lamina 15-20 em. longa atque 5-7 cm. lata. Racemus 5 cm. haud superans. Pedicelli 2-4 mm. longi. Hab. — Mexico, ad Oaxaca. Liebman n? 9, in hb. Haun. ( 80 ) Le G. Langeana Nob. paraît bien spécial au Mexique; nous en avons, il est vrai, trouvé un spécimen dans l’her- bier Lenormand, mélangé à du G. cuneata Nob., recueilli au Brésil (Minaes Geraes), mais il doit y avoir eu erreur matérielle dans la préparation de l'envoi. Cette espéce est dédiée à M. Lange, directeur du Musée botanique de Copenhague, qui a mis à notre disposition, avec une bonté dont nous lui sommes trés-reconnaissant, les collections uniques, extrémement précieuses, recueil- lies par Liebman et OErsted au Mexique et dans l'Amé- rique centrale et dans lesquelles nous avons découvert un bon nombre de nouveautés. OREOPANAX Dec. et Planch. O. SEEMANNIANUM n. Sp. Ramis inflorescentiis petiolis foliisque infra tomento denso fulvo vestitis, foliis ad apicem ramorum confertis, brevissime petiolatis , petiolo adscendenti erecto subnullo in foliis supremis, oblongo-lanceolatis utrinque acutis, margine integerrimis sat late infra convolutis, crassis rigide eoriaceis, facie superiori mox glabrescentibus in sicco laete flavescentibus, costa validissima utrinque pro- minente, nervis numerosis sicuti venis praesertim in pa- gina inferiori conspicuis; capitulis crassis ovatis 20-55- floris, in racemum brevem ramis validis terminalem diges- tis, superioribus sessilibus inferioribus plus minusve longe pedunculatis, pedunculo ascendenti-erecto insigni- ter compresso-suleato basi bracteato, bractea ima parte inflorescentiae foliacea lineari, in ramis superioribus sub membranacea ovato-acuminata usque ad apicem decre- scente, floribus masculis, nonnullis hermaphroditis inter- (81) mixtis, bracteolis squamosis ovato-concavis acutis infe- riori majoreque rigidissima et crassiori flore superante vel eum aequante, limbo calycis brevissimo integro vel appendiculato, appendicula membranacea tenuiter acumi- nata 5 vel £ longitud. corollae attingente, petalis 6 ellip- tico-oblongis acutiusculis obscure intus plurinerviis, fila- mento staminum petalis aequilongo, stylis filiformibus liberis erectis diametrum disci sub concavi superantibus, ovario 6-loculari obconico acuto in flore hermaphrodito parum evoluto. Arbuscula 12-pedalis, subramosa et rigida (feste Spruce). Rami 5-1 cm crassi. Petiolus 15 em. haud superans. Lamina 6-10 cm. longa atque 15- 2 cm. lata. Racemus 6-9 em. longus. Pedunculi capituligeri 1} cm. haud superantes. Hab. — Ecuador; « in Andibus, Mont Azuay, in sylvis frigidis. » Spruce n° 5999, in hb. Benth. (Kew), Petrop., Edimb., Mart. et DC. Cette espéce qu'une certaine ressemblance de feuillage avait fait rapporter par Seeman à l'O. avicenniaefolium, Dec. et Planch. (Aralia avicenniaefolia H. B. K.), est bien distincte de cette derniére, non-seulement par ses organes de végétation, mais surtout par les caractères floraux. En effet, le type de Kunth, que nous avons sous les yeux, a les feuilles plus minces à tomentum plus blanc, non lui- santes en dessus, à nervures plus obliques, et ses capi- tules ont de 6 à 8 fleurs à gynécée 5-mére et sont disposées en une panicule à rameaux gréles; tandis que dans l'O. Seemannianum Nob., les capitules sont trés-gros, forment une grappe courte, à divisions fortes, et ne comptant pas moins de 20 à 35 fleurs à gynécée hexa- mère. 9"* SÉRIE, TOME XLVIIs 6 (82) O. ILICIFOLIUM n. Sp. Subglabrum ; ramis cortice griseo longitudinaliter cor- rugato tectis, petiolis apicem versus ramorum in longitu- dinem decrescentibus, basi sat late dilatatis in nonnullis foliis pilis stellatis conspersis, foliis ovato-elliptieis vel ellipticis apice acutis, in tertia parte inferiori saepe dilata- tis basi subtruncatis rotundatis rarissime acutiusculis, margine angustissime revolutis, spinoso-dentatis dentibus apicem versus laminae inclinatis extremitates nervorum terminantibus ima basi laminarum anguste ellipticarum saepe absentibus, crassis el insigniter rigide coriaceis, supra lucidis, 5 rarius, 3-nerviis, costa validissima, nervis secundariis venisque insigni reticulo infra valde promi- nente anastomosantibus; capitulis globosis crassiusculis haud numerosis, in umbellam terminalem foliis longe superatam digestis, pedunculo valido valde compresso capituli diametrum aequante vel eo breviore, bractea sca- riosa rigide ovato-acuta basi munito, 19-20-floris, floribus pentameris, bractealis ovato vel ovato-ellipticis acutis fim- briato-ciliatis sparsim stellato-tomentosis, limbo calycis ÿ-dentato, dentibus membranaceis subpellueidis ovato- aculis caducissimis dimidia petala circiter aequantibus, petalis late ovato-triangularibus acutiuseulis obscure uni- nerviis perpaucis pilisstellatis externe conspersis, filamento staminum petala haud superante, stylis breviusculis rigi- dis usque ad medium erectis apice subconniventibus, bacca (perfecte matura?) globoso-obconica exocarpio cras- sissimo et corrugato, disco concavo stylis vix superato, seminibus albumine ruminato. Rami ultimi 5-8 mm. crassi. Folia 10-16 em. longa atque 5-8 cm. lata ( 85 ) (juxta ramos steriles quam in fructiferis angustioria), dentibus 1-5 mm. margine prominentibus. Capitula 12-2; cm. diametro metientia. Bacca diametro transversali 8-10 mm. metiens. Hab. — Bolivia. in prov. Larecaja, ad Challana, Turi- laque, in dumosis, ad rivum. Alt. reg. subalp. Nov. 1860. Mandon n* 568, in hb. Paris. Cette espèce est trés-remarquable par l'épaisseur et la rigidité de tous ses organes. Par l'ensemble de ses traits, elle doit prendre place à cóté du O. Lechleri Seem. et 0O. macrocephalum Dec. et Planch. Elle s'éloigne du pre- mier par ses feuilles glabres, élargies, arrondies à la base, 3 à 5-nerviées et ses à styles, et non couvertes d'un duvet ferrugineux dense, subcunéiformes, 5-7-nerviées et ses fleurs à 5 à 7 styles. Elle ne sera pas davantage confondue avec la seconde, grâce à l'absence de duvet ferrugineux et à la disposition de ses capitules en ombelle. O. OEnsTEDIANUM n. Sp. Totum pilis longis erectis rufis ramoso-stellatis, axi inflorescentiae densissimis, in reliquis magis caducis bre- vioribusque vestitum; ramis solo apice foliiferis, foliis ovato-ellipticis acutis vel ellipticis, basi obtusis vel paulum attenuatis, margine infra revolutis integerrimis pergama : ceis, rugosis ultimo subglabris in facie superiori, sub S-nerviis nervis secundariis sat obliquis reticulo infra prominente; capitulis in paniculam densam terminalem digestis foliis supremis breviorem, axibus secundariis patulis compresso-suleatis bractea lineari-filiformi rigidis- sima frequenter caduca basi munitis, pedunculis com- pressis, quandoque 2-4-floris infra capitulum foemineum gerentibus, masculis 10-15-floris, flore bracteolis brevibus (84) ellipticis laciniato-ciliatis basi cireumdato, 5 petalis ellip- ticis intus uninerviis, filamento staminum petalis longiore, stylo unico rare apice bifurcato, foemineis (fructiferis) cras- sioribus, baeca globosa grano piperis circiter aequali, disco plano vel subconcavo coronata, stylis 5 liberis brevius- culis valde arcuato-reflexis, seminibus albumine vix rumi- nato. Arbor 6-metralis, ramis supremis £-1 cm. crassis. Petiolus 6-15 cm. longus. Lamina 15-25 cm. longa ac 5-10 cm. lata. Panicula 10-25 cm. longa. igi: 2-1 em. longi. Capitula foeminea diametro 1 em. circiter metien Hab. — America centralis, ad Frasu et Castajo. Alt. 8,000-9,000 ped. OErsted n° 5, 4, 6 et 8 in hb. Haun. Cette espèce, trés-distincte, vient se ranger dans le voi- sinage de l'O. flaccidum, dont elle diffère par ses feuilles à duvet roux, sa panicule plus courte que les feuilles, ses capitules máles de 10 à 15 fleurs, et non à duvet feutré, fauve, à panicule dépassant les feuilles supérieures et à capitules máles de 20 à 55 fleurs. O. FLACCIDUM n. sp. Ramis petiolis inflorescentiis pagina foliorum infera tomento stellato fulvo dense furfuraceo plus minusve detergibili vestitis, foliis amplis, petiolo subcylindrico circit. : laminam aequante, ovatis vel ovato-ellipticis apice in acumen acutum attenuatis, basi rotundatis vel obtusis, margine integerrimis infra anguste revolutis, papyraceis tenuibus praesertim apicem versus insigniter flaccidis, in facie superiori rugosis glabrescentibus, pilis stellatis juxta nervos completis in parenchymate pediculo solo persis- tente, nervis 5-5, 2 infimis ad 2 vel 5 longitudinem limbi ( 88) altingentibus, coeteris tenuissimis supra paulum prominu- lis infra tomento furfuraceo copiosissimo absconditis, capitulis masculis 20-25-floris, globosis in paniculam ter- minalem folia superantem dispositis, axibus secundariis paniculae patulo-reflexis, bractea ovato-concava acumine filiformi inferne instructis, pedunculis patulis vel reflexis approximatis interdum ex eodem loco 3-4 nascentibus, flore bracteolis membranaceis ovato-concavis supernefi m- briatis corollae basim haud superantibus infra circumdato petalis § ovato-acutis tandem glabris, staminibus 5 fila- mento ante anthesin brevissimo, stylo unico, disco leviter concavo. Flor. foem. ignot. Rami ultimi į em. crassi. Petiolus 5-10 em. longus. Lamina 15-28 cm. longa atque 10-15 em. lata. Panicula 25 em. in altitudine atque 15 cm. in latitudine metieus, Pedunculi capituligeri 2-5 mm. longi, rarius nulli. Hab. — Mexico, ad Huitamalco. Liebman n° 16, in hb. Haun. Cette espèce est très-distincte par la flaceidité et le duvet feutré de ses grandes feuilles. . O. coNFUSUM n. sp. Ramis fragilibus fastigiatis (teste Spruce), foliis inflore- scentiis indumento stellato laxiusculo plus minusve deter- gibili sat frequenter cum pilis brevibus exhibente squamu- los laeiniatos vestitis, foliis breviter petiolatis, petiolo leviter canaliculato, ellipticis in acumen breve et acuto abrupte attenuatis, basi rotundatis rarius breviter cunea- tis, margine integerrimis infra anguste revolutis, laurineis subcoriaceis supra glabrescentibus, nervis 5, duobus infimi- mis tenuissimis frequenter parum conspicuis , reticulo ( 86 ) nervorum venarumque utrinque prominente; capitulis foemineis 5-8-floris, in paniculam terminalem brevem valde diffusam, foliis supremis superatam digestis, axibus secundariis patulis vel reflexis magnopere angulato-sul- catis, in prioribus bractea magna foliacea linearique basi instructis, reliquis bractea brevi scariosa ovato-concava acuta munitis, pedunculis angulatissimis fere semper reflexis diametrum transversalem capitulorum aequantibus vel eo brevioribus, flore solitari bracteolis squamoso-mem- branaceis ovatis ciliato-fimbriatis altitudine fere dimidium ovarium attingentibus basi cireumdato, vel rarissime flo- ribus binis eodem involucello cinctis, petalis 5 ovato- triangularibus acutiusculis, disco angusto et concavo, ovario (vel si mavis fruct. immat.) globoso 5-loculari, exocarpio tenui extus laevi, stylis filiformibus arcuato-reflexis coro- nato. Flor. masc. ignot. Arbor 40-pedalis. Rami, infra paniculam, 4-6 mm. crassi. Petiolus 5-6 cm. longus. Lamina 12-20 em. longa ac 6-10 cm. lata. Panicula 5-7 cm. longa Hab. — Ecuador, « in sylvis Andium frequens, ad Pal- latanga » Spruce n° 5525 in hb. Benth. (Kew), DC., Petrop., Edimb., Haun. etc. L'aspect général indique une certaine affinité avec l'O. flaccidum Nob., bien que n'ayant ni les grandes di- mensions ni la flaccidité des feuilles de celui-ci. On ne tentera jamais de les réunir si l'on considére que l'O. con- fusum Nob. à une panicule courte et diffuse, et des capi- tules de 5 à $ fleurs, tandis que l'O. flaccidum présente une forte panicule dépassant les feuilles, et des capitules de 20 à 55 fleurs. Nous en dirons tout autant des rap- ports de cette espèce avec l'O. capitatum Dec. et Planch., ( 97 ) auquel Seeman l'avait réunie. Ce dernier s'en éloigne : par son inflorescence beaucoup plus grande, ses feuilles beau- coup plus longuement pétiolées et l'absence de tomentum étoilé. O. LiEBMANNI n. sp. Glaberrimum, foliis sat longe petiolatis ellipticis rarius subovatis, apice in acumen breve et acutum abrupte attenuatis, basi subcuneatis acutis rarius obtusis, margine integerrimis anguste infra revolutis, laurineis et coriaceis , facie superiori praesertim lucidis, nervis secundariis venisque tenuissimis reticuluo vix conspicuuo; floribus dioico-polygamis, capitulis in panieulam terminalem di- gestis apud specimina mascula quam foliis supremis lon- giorem, breviorem magisque diffusam apud foeminea, axibus secundariis gracilibus subflexuosis, bractea squami- formi ovato-acuta concava patula vel reflexa basi instruc- tis, pedunculis angulato-suleatis infra capitulum leviter dilatatis, masculis 5-7-floris, bracteolis ovato-rotundatis squamoso-membranaceis glabris apice inordinate ciliatis dimidiam altitudinem florum superantibus, petalis 5 ovatis- - acutis intus uninerviis, staminibus 5 filamento petala aequante, stylo unico filiformi, foemineis 2 rarius 3-flo- ris, floribus (quorum fortuito uno masculo vel herma- phrodito) glaberrimis, bacca minima globosa apice depressa laevi, exocarpio crasse carnoso, stylis 5 longiusculis liberis erectis apice leviter arcuatis atque disco satis magno con- cavo coronata, seminibus 5, albumine aequabili. Arbor vel frutex? Rami 5-8 cm. crassi. Petiolus 5 — 1 decim. longus. Lamina 10-18 em. longa atque 4-8 cm. lata. Panicula 8-20 cm. longa. Pedunculi 5-8 mm. longi. Hab. — Mexico : ad Alpatlahua et Donaguia. Liebman ( 88 ) n° 41 et 14 in hb. Haun.; Perote, Hahn in hb. Mus. Paris et Petrop. Cette espèce est à rapprocher de l'O. capitatum Dec. et Planch. dont elle se distingue, à premiére vue, par ses capitules mâles de 5 à 7 fleurs et femelles ordinairement biflores et non les màles 20 à 50 fleurs et les femelles 5 à 12. O. PLATYPHYLLUM n. Sp. Totum glabrum, foliis longe petiolatis, petiolo cylindrico tenuiter sulcato, amplis ambitu suborbiculatis vel rotun- dato-ovatis, bi-tridentatis dentibus late triangularibus acutis rectis saepius recurvatis, vel integerrimis longiuscule acu- minatis, basi rotundatis rarius subattenuato-obtusis, tex- tura sat tenuibus papyraceis, supra leviter lucidis, nervis 5 validis dentes laminae terminantibus, 9 infimis tenuibus margini subparallelis, reticulo utrinque valde prominente; capitulis foemineis fructiferis 5-8-baccis, in paniculam ter- minalem compactam foliis breviorem digestis, juxta axes secundarios paniculae reflexos erassiusculos angulato-sul- catos, basi bractea reflexa scariosa ovata acutissima valde concava instructos plane sessilibus et valde approximatis (quasi conniventibus), bacca bracteolis scarioso- membra- naceis late ovatis concavissimis integris vel breviter mucro- nulatis usque ad medium circumdata, subgloboso-ellipsoi- . dea, grano piperis vix majore, leviter 7-sulcata, stylis 7 filiformibus arcuato-reflexis e disco parvo concavo vix emergentibus coronata, seminibus albumine nullomodo ruminato. Flor. masc. ignot. Rami ultimi 6-8 mm. crassi. Petiolus 1-5 decim. longus. Lamina in dia- metro transversali 1-2 decim. metiens. Panicula 8-12 cm. longa, axibus secundariis 4-6 em. longis. Capitula diametro circiter 1 cm. metiens. ( 89) Hab. — Mexico, ad Jocatepec et Lobcoba. Liebman, n” 17 et 18 in hb. Haun. Cette espèce présente une affinité évidente avec l'O. gua- temalense Dec. et Planch, mais elle s’en distingue facile- ment par ses capitules entièrement sessiles, très-rapproches le long des axes de la panicule, et non assez longuement pédonculés et fort espacés les uns des autres. O. COSTARICENSE n. Sp. Totum glabrum, foliis sat longe petiolatis petiolo ad apicem late canaliculato, ovato-ellipticis apice rotundatis, basi attenuatis acutis, margine integerrimis anguste revo- lutis, pergamaceis sat coriaceis siccatione plus minusve undulatis laevibus, 5 rarius 5-nerviis, duobus infimis tenuissimis multo brevioribus margini parallelis, reticulo nervorum venarumque utrinque sat conspicuo, racemis capituligeris laxis et brevibus inflorescentiam foliis supe- rioribus longe superatam ad similitudinem umbellae for- mantibus, axibus ascendentibus angulato-suleatis; capitu- lis foemineis fructiferis 3-4-baccis, sat longe pedunculatis, pedunculo valde complanato apicem versus insigniter dila- lato, bractea brevi ovato-concava acute mucronata patula vel ascendente basi instructo, bacca bracteolis squamulosis minutissimis late ovatis acutis vel rotundatis arg ute fim- briatis inferne cincta, globosa vertice paulum attenuata, grano piperis crassitudine, esuleata: exocarpio crassissimo paullulum rugoso, stylis 10-8 filiformibus breviusculis valde reflexis, disco parvo concavo insertis, seminibus non- dum omnino maturis. Flor. masc. ignot. Rami ultimi 1 cm. crassi. Petiolus 8-15 em. longus.Lamina 9-13 em. longa ac 5-7-cm. lata. Racemi umbellati 4-6 cm. longi, Pedunculi 15-22 em. longi. ( 90 ) Hab. — America centralis, Costa Rica, Frasu. Alt. 9000 ped. OErsted n? 2 in hb. Haun. Cette espèce est voisine des O. capitatum Dec. et Planch. et O. Liebmanni Nob. Elle en diffère par ses feuilles ar- rondies au sommet, son inflorescence générale en ombelle terminale et ses pédoncules remarquablement élargis sous le capitule; elle s'éloigne en outre de la dernière espèce par son ovaire $-10-loculaire et non 5-loculaire. O. DIVULSUM n. Sp. Glabriuseulum, petiolis breviusculis gracilibus superio- ribus dimidio limbo subaequilongis inferioribus eo aequi- longis, foliis ovato-elliptieis vel ovato-oblongis in acumen anguste triangulare attenuatis, basi cordatis, margine inte- gerrimis anguste revolutis, laurineis subcoriaceis infra pallidioribus, 5 rarius 7-nerviis, 2 infimis patulis margini parallelis, retieulo infra praecipue prominente; capitulis masculis in paniculam terminalem foliis longiorem satis compactam digestis, ramis paniculae gracilibus patulo erectis paulum pubescentibus, bractea ovato-acuminata coneavaque munitis, inferioribus 15-20-floris, superioribus minoribusque 6-12-floris vero 3-7 flores sessiles infra juxta axim paniculae gerentibus et spicam gracilem laxam- que simulantibus, floribus minutissimis, bracteolis ovatis vel ovato-oblongis acutis ciliatis extus subvillosis basi cir- cumdatis, tubo calyeis brevi obconico, corolla hemisphe- rica, petalis 4 ovato-elliptieis membranaceis pellucidis superne subserrulatis obscure intus nerviis, staminibus 4 filamento gracillimo petala superante, stylo unico pe- talis subaequilongo, disco concavo et glabro. Flor. foem. ignot. Frutex. Rami extremi * em. crassi. Lamina 7-15 cm. longa atque 2 i-— (91) 6 cm. lata. Panicula 10-20 cm. longa. Pedunculi graciles 1-1 cm. longi. Capitula 5-4 mm. crassa Hab.— Peruvia, in Andibus, ad Chacapoyas. M. Mathews in hb. Benj. Deless. et Com. Francavil. Voisin des O. Dombeyanum Dec. et Planch. et O. capi- tatum Dec. et Planch., dont il se distingue aisément : du premier par ses feuilles entiéres plus minces et ses capitules 2-5 fois plus petits; du second, par ses feuilles beaucoup plus étroites, ses capilules supérieurs spiciformes et ses fleurs tétramères. O. GEMINATUM n. Sp. Ramis foliis inflorescentiis tomento lanato rufo et copiosissimo contectis, foliis lobatis...; capitulis foemineis 20-50-floris, crassis globosis sessilibus extremitate ulti- morum ramorum paniculae binis semper approximatis, axibus paniculae valde compressis, bractea brevi late ovato-triangulari acuta concava patulo-erecta basi muni- tis, flore foemineo bracteolis basilaribus ovato- oblongis acutis, extus pulvillo crassissimo pilis longis lanatis flexuosisque constituto supra vestitis, limbo calycis brevi integro undulato, bacca elliptica infra attenuata superne juxta apicem coarcta, stylis 2 filiformibus plane liberis elongatis valde areuato-reflexis, disco parvo subeoncavo margine suberecto primum tomentoso seminibus 2, albu- mine ruminato. Arbor 15-pedalis Rami secundarii paniculae 10 em. superantes, parti- bus capituligeris 5-2 cm. longis. Capitula diametro transversali cireiter 12 em. metientia. Bacca 6-7 mm. longa. Hab. — America centralis, ad Sejonia. OErsted n° 7, in hb. Haun. L'échantillon incomplet sur lequel nous décrivons cette ‘ (92) espèce porte dans l’herbier de Copenhague le nom manu- scrit d'Aralodendron confertiflorum : le collecteur danois croyant y avoir reconnu le type d'un genre nouveau. Bien que l'inflorescencele rapproche des Sciadophyllum, nous ne pouvons y voir qu'un Oreopanax. C'est une espéce trés-curieuse, s'éloignant beaucoup de ses congénères par ses capitules géminés sessiles et ses fruits à deux graines. SCI3DOPHYLEUN P. Browne. S. BELANGERI n. Sp. Glabriusculum, foliis 7-natis, petiolo communi cylin- drico tenuiter striato basi et apice leviter incrassato, foliolis ovato vel ovato-ellipticis, in acumen angustum obliquum abrupte attenuatis, basi rotundatis, margine angustissime reflexis integerrimis, crassiusculis papyraceis costa valida nervis secundariis 7-10 utrinque obliquis et arcuatissimis reticulo pagina infera valde prominente ; panicula parva, perpaucis pilis stellatis passim conspersa, ramis umbelligeris bractea amplissima membranacea purpurea elliptico-lanceolata subciliata et insigniter venosa basi munitis, umbellis breviter pedunculatis 8-15-floris, floribus brevissime pedicellatis, pedicello bracteolis elon- gatis linearibus ciliolatis eireumdato, calycis limbo brevis- sime obscureque 5-dentato, corolla hemispherica quam lata longiore petalis parum cohaerentibus ellipticis acu- tiusculis 5-5 venis notatis, staminum filamento petalis majore, anthera ovato-oblonga utrinque emarginata, sty- lis brevissimis alte connatis disco conico impositis, ovario 9-loculari breviter obconico (nondum plane evoluto). Rami ultimi 2-1 em. crassi. Petiolus 10-15 cm. longus. Foliola 6-9 cm. ( 93 ) lata ac 12-18 cm, longa. Panicula 8-15 cm. longa. Pedicelli 1-2 cm. longi Hab. — Martinic., ad S'-Pierre. Mai 1855. Belanger n^ 127 in hb. Benj. Delessert et Com. Francavil. S. KARSTENIANUM n. Sp. Ramis petiolis inflorescentiis pagina infera foliorum tomentosis , tomento rufo ferrugineo pilis longis flexuosis et ramosis in parenchymate foliolorum brevioribus con- stituto, foliis 5-7-natis, foliolis maximis, petiolulo superne incrassato geniculato, elliptico-oblongis in acumen angus- tum acutum longiusculum abrupte contractis, basi rotun- datis, margine integerrimis anguste reflexis , crassiusculis papyraceis, facie supera glabris et lucidis, costa valida, nervis secundariis circiter 25 apicem versus laminae patu- lo-arcuatis, reticulo infra valde prominente; panicula am- plissima racemis capituligeris maximis densisque consti- tuta, axibus racemorum crassis sulcatis, 50-80 axes secun- darios gerentibus, capitulis parvis, 15-25-floris, globosis, pedunculo gracili arcte reflexo, bractea late ovato navicu- lari acuta basi instructo, flore sessile, bracteolis elongatis ovato-ellipticis acutis valde concavis villosissimis cilia- tisque superato, calycis tubo breve obconico 5-4-angulari villoso, limbo abbreviato undulato haud distincte dentato, corolla... antheris... stylis 5-4 sub anthesi brevissimis basi connatis, dimidium discum margine libero undulato haud aequantibus, ovario 3-4-loculari. Foliola 50-40 em. longa atque 10-15 cm. lata. Racemi capituligeri 20-40 cmi. longi. Capitula diametro — 9 mm. metientia. Pedunculi 6-10 mm. longi. Hab.— Venezuela, ad Cambre de Valezia et P'* Cabello. D" Karsten, in hb. Vindob. ( 94) Le spécimen type de cette espéce aecompagnait un échantillon de S. ferrugineum Dec. et Planch., bien qu'il n'ait que peu d'affinité avec celui-ci. Le S. Karstenianum Nob. se rapproche plutót des S. Trianae Planch. et Lind. et S. heterotrichum Planch. et Lind., dont il se distingue facilement par ses capitules longuement pédonculés, ses feuilles et inflorescences couvertes d'une seule couche d'un duvet assez caduc et non à capitules très-brièvement pé- donculés, à duvet des feuilles formé de deux couches (la seconde blanche) superposées, comme dans le S. Trianae; par ses fleurs sessiles à styles trés-courts, par son duvet simple rameux et non à fleurs ayant un pédicelle de 12-1 mm., des styles soudés en une colonne dépassant de beaucoup le calice et un duvet entremélé d'une couche blanche persistante comme dans le S. heterotrichum. COEMANSEA nov. gen. (1). Flores hermaphroditi. Calycis margo 8-denticulatus, tubus obconicus, insigne sulcatus. Petala 8, elliptica, acuta vel obtusiuscula, margine papillosa, apice leviter imbricata. Stamina tot quot petala, filamentis brevibus ; antherae oblongo-lineares recurvatae. Discus concavus, ' margine adnato. Ovarium 8-loculare. Styli longiusculi in columnam connati; stigmatibus terminalibus. Fructus... Arbor parva Brasiliae orientalis incola. Folia pinnatim ' decomposita. Umbellae in racemum terminalem (?) dispo- sitae, pedunculis apice in receptaculum plus minusve dila- (1) Nous dédions ce genre à Eugéne Coemans, l'un de nos cryptoga- mistes les plus distingués et le promoteur des études paléophytologiques dans notre pays. ( 95.) tatis, 2-5 braeteis quarum interioribus adpresse vaginan- übus, exteriori majoreque sub patula basi instructis. Pedicelli sub flore articulati. Species unica. C. WARMINGIANA n. sp. Glabra, foliis amplissimis, petiolo communi inermi ad articulationes inflato, umbellis 40-55-floris, longe pedun- culatis, pedunculo angulato insigniter transverse corru- gato, floribus purpureis, pedicellis brevibus cum bracteolis ovatis vel lanceolato-linearibus integerrimisque inter- mixlis. Folia in longitudine 70 em. superantia. Racemus circiter 22 cm. lon- gus. Pedicelli 5-5 mm. longi Hab. — Brasil, in provincia Minas Geraes, ad Lagoa- Santa. 22 August. — « Foliis tum privata erat. » War- ming in hb. Haun. Le genre Coemansia se rapproche des Aralia dont il a Vimbrication des pétales et l'articulation des pédicelles sous la fleur; mais il en différe essentiellement par ses fleurs $-méres, à anthéres oblongues-linéaires, recourbées, à disque concave, à bord adné, tandis que les Aralia ont des fleurs 2-2-méres, à anthéres jamais oblongues- linéaires et toujours droites, età disque conique ou presque plan, à bord libre. L'estivation imbriquée des pétales le lie quelque peu aussi aux Sciadodendron Griseb., avec lesquels on ne pour- rait davantage le confondre à cause de ses fleurs $-méres et non 40-12-méres, de ses pédicelles articulés et non continus avec la fleur. Une différence de moindre importance, mais qui est LS ( 96 ) trés-curieuse et permet de distinguer le genre Coemansia de tous les autres à la simple inspection de l'inflorescence, nous est fournie par les pédoncules ombelligéres; dans celui-ci, ils sont étroitement embrassés à la base par une gaine formée de 1 ou 2 bractées; tandis que chez les autres, les pédoncules ne présentent jamais de gaíne, ni plus d'une bractée à leur base. Note sur l'analyse des superphosphates; par M. Chevron. On sait que dans un super phosphate l'acide phospho- rique existe sous deux formes : 1* A l'état soluble dans l'eau : a) Acide phosphorique libre. b) Phosphate monocalcique. 2° A l'état insoluble dans l'eau : a) Phosphate bicaleique, phosphate acide de fer, phos- phate acide d'alumine, dont la formation est le résultat plus ou moins éloigné de l'attaque du phosphate naturel par l'acide sulfurique. Ces phosphates se dissolvent dans une solution de citrate d'ammoniaque. b) Phosphate naturel qui a échappé à l'aetion de l'acide sulfurique. Incontestablement l'acide phosphorique de la partie inataquée du phosphate naturel ne peut avoir la méme valeur vénale que celui de la partie attaquée (acide phos- phorique soluble dans l'eau et acide phosphorique à l'état de phosphate bicaleique, phosphate acide de fer, phos- phate acide d'alumine). Aussi quelques chimistes, parmi lesquels nous citerons (97) Frésénius, Neubauer, Lücke, Joulie, ont-ils proposé de séparer ces deux formes de l'aeide phosphorique en trai- tant le superphosphate par le citrate d'ammoniaque. Mais, il y a quelques mois,le directeur de la station agronomique de Seine-et-Marne, M. Gassend, est venu annoncer dans le journal d'agriculture de M. Barral (1) que, dans un superphosphate,la portion du phosphate naturel qui a échappé à l’action de l'aeide sulfurique est plus ou moins soluble dans le citrate d'ammoniaque et que sa solubilité augmente avec l'élévation de la température et la durée du contact avec le réactif. La conséquence que M. Gassend tirait de ses analyses était que la méthode au citrate devait étre abandonnée ou n'étre considérée que comme un pis-aller jusqu'à ce que l'on eût mis la main sur un réactif mieux approprié. Une vive polémique s'engagea immédiatement entre M. Gassend et M. Joulie qui, comme nous l'avons dit, est l'un des fondateurs de la méthode au citrate. La question soulevée par M. Gassend était grave. Elle attira immédia- tement l'attention des agronomes. Car, si les critiques de ce chimiste étaient fondées, la méthode au citrate d'am- moniaque exposait l'opérateur qui s'en servait à exagérer la valeur vénale d'un superphosphate au détriment du cultivateur. Dans sa note, M. Gassend ne parle pas de la nature des superphosphates sur lesquels il a opéré; nous savons seu- lement qu'is étaient pauvres en acide phosphorique soluble dans le citrate : 8 à 9 p. */.. Le citrate d'ammo- niaque employé par ce chimiste avait en acide citrique le T — (1) N° du 9 mars 1878. 9"* SÉRIE, TOME XLVII. 1 ( 98) degré de concentration recommandé par M. Joulie (400 grammes au litre); seulement la réaction était acide ou neutre, tandis que M. Joulie insiste sur la nécessité d'une réaction fortement alcaline. Quant à nous, nos essais ont porté sur deux superphos- phates de fabrication belge: un superphosphate de noir animal et un superphosphate de phosphate de Cacéres. La solution de citrate dont nous avons fait usage avait le degré de concentration préconisé par Frésénius (den- sité—1,09); la réaction était légèrement alcaline. Cette liqueur est bien moins riche en acide citrique (182€ par litre) que celle de la formule Joulie. Pour doser l'acide phosphorique dissous par ce réactif, nous avons appliqué la méthode de Sonnenschein qui consiste à précipiter cet acide par le molybdate d'ammoniaque, à dissoudre le préci- pité de phospho-molybdate dans l'ammoniaque, puis à pré- cipiter la solution ammoniacale par la mixture magné- sienne. Essais sur le superphosphate de noir animal. PREMIER ESSAI. BupwvphopMe |. : . . = ., : == TO grammes. Citrate d'ammoniaque : 2-100 6 č. Eau distillée pour bit x un litre. Température 11 à 12° centigrades. A. Aprés 4 ‘/2 heure de contact on prélève 50 c. c. On y trouve Ph?05 = 05,0743. Ces 50 c. c. de dissolution correspondant à 027,500 de superphosphate, il en résulte que celui-ci renferme : 74,5 à uc ris 14,99», — Ph*0* soluble dans le citrate, (99) D. Après 25 heures, on prend de nouveau 50 c. c Ph*?05 contenu = 027,073 ou 15 *|, Ph*05. Les deux résultats sont concordants. DEUXIÈME ESSAI. 10 grammes. Superphosphate . Citra 100 c. c. teď PRETI s. Eau distillée pour faire un litre. Ul Température 25 à 27°. A'. Contact de 1 1/2 heure : Ph*05 dans 50 c, c. — 0275074 ou 14,8 *J, Ph*05. B'. Contact de 25 heures : Ph?05 dans 50 c. c. = 027,0759. On voit que dans ces quatre dosages A B A' B' les quantités de Ph?05 dissous ont varié de 07,0759 à 087,075; la différence 02,0011 rentre dans les limites des erreurs de l'analyse. Il semble d'aprés ces essais qu'on devait conclure que la durée du contact et la température étaient sans in- fluence sur l'action dissolvante du citrate. Mais la conclu- sion, pour le moment du moins, aurait été prématurée. En effet, en examinant le résidu insoluble du premier essai, nous constatàmes, non sans un certain étonnement, qu'il ne renfermait plus que des traces d'acide phosphorique. Il était évident dés lors que, puisque le superphosphate était débarrassé de tout son acide Er la tempéra- ture de 11° et aprés un contact de 1 !/s heure avec le ( 100 ) citrate, une élévation de température et un contact plus prolongé ne pouvaient faire manifester au réactif une action dissolvante plus énergique. De deux choses l'une : ou le superphosphate était par- faitement fabriqué, c'est-à-dire que tout le phosphate tri- caleique avait.été attaqué par l'acide sulfurique, ou bien le citrate d'ammoniaque dissolvait ce dernier phosphate. Pour tirer la question au clair, il fallait ajouter au superphosphate du noir animal neuf et faire agir sur le mélange le réactif dissolvant. C'est ce que nous avons fait dans le TROISIÈME ESSAI. Superphosphate. . = 10 gr. x Ne aw. | o o -- yu } 12 grammes Citrate = 100ec.c Eau pour faire un litre. Contact de 4 !/2 heure : Ph?05 dans 50 c.c. — 027,075. Contact de 29 heures : Ph?05 dans 50 c. e. — 027,075. Nous retrouvons encore une fois les chiffres des essais précédents : le phosphate bicaleique du noir neuf n'a donc pas cédé de l'aeide phosphorique au citrate. Mais on pouvait objecter que dans ce troisiéme essai on s'est un peu éloigné des conditions ordinaires de l'analyse: au lieu de 10 grammes de matiére pour 100 c. c. de citrate on en a employé 12. Il était permis de se demander si, en employant seulement 10 grammes, formés de 8 grammes de superphosphate et de. 2 grammes de noir animal, on (C101 ) n'aurait pas constaté d'effet, puisque par l'absence de 2 grammes de superphosphate, du citrate devenait dispo- nible et pouvait exercer son action dissolvante sur le noir neuf. Nous avons done exécuté un quatriéme essai dans ces nouvelles conditions et pour qu'on ne püt objecter, dans le cas où le noir aurait cédé de l'acide phosphorique au citrate, que ce noir renfermait du phosphate bicaleique, nous avons eu soin d'employer du noir animal soigneuse- ment lavé au citrate. Dans le but aussi d'économiser le citrate d'ammoniaque, nous avons réduit au ; le poids de la matière phosphatée. QUATRIÈME ESSAI, { Superphosphate, 187,8 Noir lavé . . . » ,2 ou 10°/, du mélange. Citrate d'ammoniaque . . . 20c.c Eau pour faire 200 c, c. 2 grammes Température 20°. Après un contact de 1 1/2 heure on prélève 50 c. c On y trouve ; Ph*05 — 0:7,0636 (a). Le restant du liquide est abandonné au repos pendant 40 heures ; on l'a ensuite chauffé à 40° pendant 1 !/2 heure. Le refroidissement effectué, on prit de nouveau 50 c. c. oü l'on dosa Ph*O5 — 07,0673 (b). Le poids de superphosphate 157,8 étant dissous dans 200 c. c., les 50 c. c. correspondent à ^ — 027,450. D'aprés les essais précédents, le superphosphate ren- ferme 14,9 p. */, Ph?05; le poids 087,450 contient donc Osr 067 Ph?05. Ce chiffre est suffisamment rapproché des ( 402 ) résultats a et b pour nous forcer à conclure que : quelles que soient la température, 20° ou 40°, et la durée du con- tact, 1 1/2 heure ou 40 heures, la présence de 10 °/, de noir est sans influence sur le dosage de l'acide phospho- rique soluble dans le citrate. Cependant le noir animal céde de l'aeide phosphorique au eitrate. Si on broie pendant quelques instants dans un mortier du noir animal avec du citrate d'ammoniaque et si l'on jette le mélange sur un filtre, on constate que le liquide filtré précipite par le molybdate d'ammoniaque et la liqueur magnésienne. Dans un essai quantitatif, nous avons constaté que 20 c.c. de citrate avaient enlevé à .1 gramme de noir sec lavé : él Dimiligr 76 à 90° (a) 2Gmilligr 00 à 40° (b) Si dans les troisième et quatrième essais nous ne nous sommes pas aperçu de l'effet dissolvant du citrate, c'est que la quantité de ce réactif n'est pas exagérée et sert ex- clusivement ou presque exclusivement à la dissolution de Ph?05 assimilable du superphosphate. L'essaài 3 ayant montré que le noir animal ajouté au superphosphate n'était pas attaqué par le citrate à la dose employée, nous aurions pu prévoir le résultat également négatif de l'essai, si nous avions eu préalablement déterminé la solubilité du phosphate tricalcique du noir représentée par les chiffres a et b. En effet, grammes de superphosphate étant débar- rassés de leur acide phosphorique par 20 c. c. de citrate, 4s" 8 n'exigeront que 18 c. c. Deux c. c. sont donc dispo- nibles pour attaquer le noir : ils ne pourront lui enlever, d’après les dosages a et b, que 2"s,1 à 275,6 de Ph?0*. ( 105 ) Cette quantité se répartissant dans 200 c. c., les 50 c. c. sur lesquels on opère n'en recevront que le 7, soit t milli- gramme, poids négligeable et qui doit passer inapercu dans les opérations de l'analyse. Mais, si dans les essais 5 et 4 la solubilité du phosphate tricaleique du noir ne s'est pas révélée, il n'en sera plus ainsi lorsqu'on augmentera la quantité de citrate et qu'on la portera, comme le font plusieurs chimistes, à la dose de 100 c. c. par 2 gr. à 227,5 de matière phosphatée. CINQUIÈME ESSA1. Raids. à sites Noirlavé . . iW M NU INE . 0. mm 082 Citrate . — 100 0. C Eau pour faire 200 oo Température 20°. Contact de 1 !/2 heure : Ph?05 dans 50 c. c. — 01,0777 ou 15,54°/0. Contact de 6 heures, dont 1 !/2 heure à 40°: Ph:05 dans 56 c. c. — 06,0784 ou 13,70 °h. Or, la quantité de Ph?05 correspondant au superphos- phate seul est 027,067 ou 15,4 p. */, du mélange. L'exeés de citrate a donc exagéré de plus de 2 */, (15,54—13,40—92,14) la teneur en Ph205 immédiatement assimilable. Si nous jetons les yeux sur les chiffres 27,0777 et 027,0784 obtenus dans des conditions différentes de tem- pérature et de durée, nous constatons une fois de plus que l'influence de ces circonstances est nulle. ( 104 ) Essais sur un superphosphate fabriqué avec le phosphate de Cacères. PREMIER ESSAI. 10 grammes. A ni Citr 100 c. c. E) ate. : Eau pour faire u un litre. Contact de 4 1/2 heure : Ph*05 dans 50 c. c. — 080892 ou 17,84°/o (a). Contact de 24 heures : Ph*05 dans 50 c. c. — 0sr 0902 ou 18 *J, (b). Le résidu insoluble contenait encore 02,0528 Ph?05 à l'état de phosphate tricaleique. Les chiffres a et b démontrent que la durée du contact. n'a guére d'influence. Nous allons montrer qu'il en est de méme pour la tem- pérature et le volume de citrate. Mais avant tout observons ue si 10 grammes de superphosphate ont laissé à l'état insoluble 02,0528 Ph?05, 2 grammes sur lesquels nous allons opérer dans 200 c. c. de liquide ne laisseront que 027,0106; par suite, l'insoluble correspondant à 50 c.c. con- tiendrait 02,0096 Ph?05. C'est de cette quantité que serait augmenté le poids d'acide phosphorique des 50 c. c. dans le cas oü l'insoluble de ce premier essai se dissoudrait sous l'influence de la température ou de l'excés du dissolvant. Afin d'avoir à constater, le cas échéant, un poids plus fort de phosphate tricalcique dissous, nous avons ajouté au superphosphate du phosphate de Cacéres bien pulvérisé. ( 408 ) DEUXIÈME ESSAI. Superphosphate. : = 2 grammes. Phosphate de Cacéres. . z20:08m2 Citrate, o 1 s == e c. Température 21°. Contact de 5 heures : Ph*0* dans 50 c. e. = 0:7,09018. Contact de 7 heures, dont 1 !/2 heure à 40° : Ph:05 dans 50 c. e. — 0:",08986. Ces deux chiffres concordent entre eux et avec ceux de l'essai précédent. Le phosphate de Cacères contenu dans un superphos- phate ne parait donc pas attaqué par un volume considé- rable de citrate. Au surplus, dans un essai direct, nous avons constaté que 20 c. c. de citrate n'avaient enlevé à 2 grammes de phosphate de Cacères qu'environ 4 milli- gramme Ph?05 et cela quelle que fùt la température : 20° à 40°. CONCLUSIONS. 1. Dans l'attaque d'un superphosphate de noir animal ou de phosphate de Cacéres par une solution de citrate d'ammoniaque à la d —1,09,on n'a pas à se préoccuper de la durée du contact et des variations que peut éprouver la température d'un laboratoire. 2. Dans l'analyse d'un superphosphate de noir, il faut se garder d'exagérer la quantité de citrate : 20 c. c. suffi- ( 106 ) sent pour 2 grammes de matière. Un excès de réactif fait passer en solution de l'acide phosphorique provenant du phosphate tricaleique non attaqué dans la préparation du superphosphate (1). 5. Le phosphate de Cacéres étant bien moins sensible à l'aetion du citrate que le phosphate du noir animal, le superphosphate qui en provient peut étre traité par une quantité considérable de réactif. On peut indifféreminent employer de 20 à 100 c. c. pour 2 grammes de matiére. 4. Dans l'essai des deux superphosphates précédents, il est inutile de les faire digérer avec le citrate à la tempéra- ture de 40° C., la dissolution s'effectuant bien à la tempé- rature ordinaire. (1) I n'est pas inutile de dire que M. Gassend, dans ses expériences, a 1 [4 *4mafa LAN laoaid ita Ma A asd Alavéóo LS J \ e 4 LI LA que prescrit ie procédé Joulie : 40 c. c. par gramme de matière. ( 107 ) CLASSE DES LETTRES. — Séance du 6 janvier 1879. M. LECLERCQ, directeur. M. LiaGnE, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Gachard, P. De Decker, J.-J. Haus, Ch. Faider, le baron Kervyn de Lettenhove, R. Chalon, Th. Juste, Félix Néve, Alph. Wauters, H. Conscience, G. Nypels, Ém. de Borchgrave, P. Willems, Edm. Poullet, membres ; J. Nolet de Brauwere Van Steeland, Aug. Sche- ler, associés ; Stan. Bormans, Ch. Piot et Eug. Van Bem- mel, correspondants. ; M. L. Alvin, membre de la Classe des beaux-arts, et M. Éd Mailly, membre de la Classe des sciences, assistent à la séance. = CORRESPONDANCE. —— M. le Ministre de l'Intérieur envoie une ampliation de l'arrété royal du 6 décembre 1878 qui nomme MM. Alvin, Delmotte, Fétis, Frédériex et Potvin, membres du jury chargé de juger la septiéme période du concours triennal de littérature dramatique en langue francaise. ( 108 ) — M. le Ministre de l'Intérieur transmet, de la part de M. le comte Leonel de Laubespin, un exemplaire de son ouvrage intitulé : Extrails sommaires des mémoires de La Huguerie. « Ce livre, dit M. le Ministre, se rattache à un grand ouvrage à publier par la Société de l'Histoire de France. » — M. le Ministre fait don, pour la bibliothéque, des ouvrages suivants : 1° La Révolution ge d de 1789 et les Vonckistes, par Th. Juste, 2 broch. in-8° ; 9» Charlemagne et le pays de Liége. L'Éburonie avant la conquéte des Gaules par Jules César, par André Van Hasselt et Henri Jehotte, 4 vol. gr. in-8°; 3° Les commandements de l'humanité ou la vie morale sous forme de catéchisme populaire d'aprés Krause, par G. Tiberghien, in-12; 4 Enseignement et philosophie, par le méme, in-12. B° Zéphirs et brises, essais poétiques, par Édouard Ger- main, in-12. M. le Ministre de la Justice fait don de deux exem- plaires du onziéme rapport qui lui a été adressé par M. l'in- specteur général des établissements de bienfaisance et des asiles d'aliénés du royaume, et qui renferme l'ex posé de la situation de ces établissements pendant les années 1874 à 1876, ainsi que la législation sur la matière. M. Nypels fait hommage de la première livraison de son Commentaire du Code de procédure pénale. M. Bormans fait hommage de son travail intitulé : La geste de Guillaume d'Orange, fragments inédits du XIII: siècle. ( 109.) M. Gachard envoie un numéro de la Gazette d'Augs- bourg contenant un article de M. de Reumont, associé de la Classe, relatif aux travaux de l'Académie. M. Charles d'Hane-Steenhuyse adresse un exem- plaire d'une brochure qu'il vient de publier sous le titre: M. Barthélemy Du Mortier et le lieutenant général d'Hane- Steenhuyse. — Documents pour servir à l'histoire des événements de 1851. — A la suite d'une demande faite à l'Académie des Inscriptions et belles-lettres de Paris, M. Wallon, secrétaire perpétuel, a fait don à la compagnie de diverses publica- tions fort importantes, notamment : Comptes rendus des séances, 2°, 3° et 4° séries (1865- 1878); 13 vol. in-8*; 2° Diplomata, chartae epistolae, etc., tome I et IT; 2 vol. in-folio ; 3° Recueil des historiens des croisades, 19 vol. in-folio; 4 Œuvres de Borghesi, tomes VH et VIII; 2 vol. in-4. La Classe vote des remerciments pour ces dons, qui seront déposés dans la bibliothéque. — M. A. Lecoy de la Marche, archiviste paléographe, professeur d'histoire à l'Université catholique à Paris, adresse un exemplaire de son questionnaire relatif aux faits historiques ou traditionnels se rattachant à saint Martin, de Tours, dans notre pays. — La légation de Belgique à Berlin, la Bibliothèque royale de la méme ville, les General-Landes-Archiv à ( 410 ) Carlsruhe, et la Société des antiquaires de Londres, accu- sent réception du dernier envoi des publications acadé- miques. — M. Ad. de Ceuleneer renvoie son mémoire sur Septime Sévére , couronné en 1876, qu'il a été autorisé à remanier et à corriger, sur la demande des commissaires MM. Roulez, Wagener et Néve. — Renvoi aux deux der- niers commissaires. : CONCOURS DE 1879. M. le secrétaire perpétuel annonce qu'il vient de rece- voire un mémoire pour le concours de l'année actuelle, dont le terme pour la remise des manuscrits expire le 4% février prochain. Ce mémoire, en réponse à la deuxiéme question, ainsi conçue: Écrire l'histoire de Jacqueline de Bavière, comtesse de Hainaut, de Hollande et de Zélande, et dame de Frise, est accompagné d’un billet cacheté portant comme devise: Quid laboro nisi ut veritas in omni quæstione explicetur? (Cic., Tusc. HI, 20.) Les commissaires pour ce travail seront nommés aprés la clôture du concours. ÉLECTION. ^ La Classe procède à l'élection de son directeur pour 1880. Les suffrages se portent sur M. Nypels. M. Leclereq se fait l'interpréte des sentiments de ses ENVIRONS pe BOULOGNE. . ge O Meridien de Paris 4° LAN 36 Lo 46 "40 N p, y Il P ADAM il Perres M 9 e. o ü M L 750 iii 1 ee Pont de Briques V 2a {| - " Fr. ° W SE Etienne-au-Mont W o Îsques k WI 700 te Hesdin -l'abbe Y. O 6°30 6 30 2P 'O So * 70 : dq oma c i Les chiffres arabes places dans la carte indiquent les cotes de nivellement. 2evereyl Druxeues — s Echelle de 3,000 metres. LE PAYS ENTRE WISSANT ET: GUINES. Dad — — T RI og A — Oo Jf, A ——— -> Guines Aa As n” NS B Aa M o wc c. .ccc-- c: o v5 c —— 6 vo 77] oo Ca. — C f Tue or ERN 1 $ ES (ii & 21 v si b Foret de Gumes bi f * ins hene : 46, 5o Ll 36, 20 N 6o , N mcm tt lih G Severeyns Brux? Jes chiffres arabes places dans la carte indiquent les cotes de nivellement. Echelle de 5o00 metres. ( 411 ) confréres en proposant de voter des remerciments au directeur sortant, M. Ém.de Laveleye, absent à cause d'un voyage à l'étranger, entrepris dans l'intérét de la science qu'il professe. M. Nypels, en venant prendre place au bureau, remercie la Classe du témoignage de confiance qu'elle vient de lui donner. COMMUNICATIONS ET LECTURES. Wissant, l'ancien Portus Iccius; par M. Alphonse Wauters, membre de l'Académie. E Plus on examine certaines questions de géographie his- torique, plus on est tenté de réagir contre le sentiment, trés-louable dans son principe, de patriotisme local, qui excite le zéle de beaucoup d'écrivains. Combien d'entre eux ne se plaisent qu'à exagérer l'ancienneté et l'impor- tance de leur ville natale, sans prendre en considération les droits, qui devraient toujours étre prépondérants, de la vérité et de l'exactitude. C'est la réflexion qu'inspire, en particulier, la lecture des nombreux auteurs dont la ques- tion de la situation du Portus Iccius a occupé les loisirs. On a revendiqué et on revendique encore cet antique lieu d'embarquement avec plus de passion, me semble-t-il, que d'impartialité. Dans une autre occasion (1), je me suis (1) Nouvelles études sur la Géographie ancienne de la Belgique, pp. 87 et suiv. (Bruxelles, 1867, in-12). (CET) occupé de ce sujet de débats scientifiques et tout ce que jai lu depuis n’a ni modifié, ni ébranlé mes convictions; un examen plus complet a affermi, au contraire, mon opi- nion que Wissant seul correspond aux indications des auteurs de l’antiquité. C’est le résultat de ces recherches récentes que je vais exposer. Si je reviens sur une question qui souvent déjà a été dé- battue, c'est qu'à mon avis on ne tient pas assez compte, lorsqu'on s'occupe de la géographie ancienne, des lumières que peut fournir l'étude de l'histoire du moyen-àge et des temps modernes. C'est ainsi que les annales de Wis- sant n'ont jamais été écrites. En vain Du Cange, ce prince des érudits, a insisté sur le grand róle joué par notre port pendant plusieurs siècles; on n'a attaché à cette circon- stance qu'une faible attention. En vain l'adjudant du génie Henry, dont le grand travail sur Boulogne reste une source inépuisable de renseignements (1), a fait remarquer com- bien étaient faibles la plupart des arguments que l'on pro- duisait pour placer le Portus Iccius ailleurs qu'à Wissant; on a persisté à défendre avec acharnement la cause de Boulogne. Je me hàte de le déclarer, l'ancienneté de cette ville et son importance archéologique ne sont pas en cause; il s'agit uniquement de constater si elle doit absorber aussi l'ancienne gloire d'une localité modeste de son voisi- nage. Rappelonsici que l'opinion de Du Cange, qui avait d'abord été émise par Cambden, a été défendue par d'autres auto- rités imposantes : d'Anville, Gosselin, de Saulcy, le géné- at ——— (1) Essai historique, topographique et statistique sur l'arrondisse- ment communal de Boulogne-sur-Mer. Boulogne, 1810, in-4^. ( 115 ) ral Creuly, etc. (1). Les défenseurs des droits de Boulogne sont plus nombreux, mais beaucoup d'entre eux ont certai- nement été mis en défaut par la célébrité plus grande de cette cité. Les principaux sont Cluvier, Sanson, le père Lequien, l'abbé Mann, Napoléon I°, Napoléon IH, Ma- riette-Bey, connu depuis par ses excellents travaux sur l'archéologie égyptienne (2). D'autres ont préféré Étaples, Ambleteuse, Sangate, Calais, Mardick, Saint-Omer, et méme Ostende, Bruges, Gand, ete. Mais on peut dire que, d'une part, les localités au sud du eap Gris-Nez sont exclues (1) Du Cange, Dissertation sur le Portus Itius, dans ses Dissertations el réflexions sur l'histoire de Saint-Louis, § 28, p. 521; nville, Mémoire sur le Portus Itius et le lieu de débarquement de César dans la Grande-Bretagne (MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES- LETTRES, t. XXVIII, pp. 9972409, année 1757); Gosselin (Mémoires pE L'ACADÉNMIE DES INSCRIPTIONS, ANN! 15, t. Ier); M. de Saulcy, CE TAE lions de César dans la Gr rs (REVUE ARCHÉOLOGIQUE DE Panis, t. I7, pp. 125 et suiv.); le général Creuly, La carte des edt. Examen des observations auxquelles elle a donné lieu (Ysrpgm, t. VII et V Hete. (2) Cluvier, Germania antiqua, t. Il, p. 124; Sanson, Le Portus Icius de César démontré à Boulogne ; Lequien, Dissertation sur le Portus Itius (dans les MÉMOIRES DE LITTÉRATURE du père Desmolets, t, VIII, 2* partie, p. 325); Mann, Dissertation dans laquelle on tâche de dher diir pré- cisément le.port où Jules César s’est embarqué pour passer dans la Grande-Bretagne, etc. (MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE IMPÉRIALE ET ROYALE DE pr a T11, 1780); M. Mariette, Lettre à M. Bouillet sur l'article ulogne de son Dictionnaire universel d'histoire et de géographie (Paris, 1847, in-8»); M. Desjardins, ppc pris et adminis- trative de la Gaule romaine, t. Er, p. ( 1876, gr. in-8°). Voir aussi l'abbé Haigneré, Études sur le portus fins de César. Réfutation d'un mémoire de M. F. de Sauley (Arras, 1862, in-8°), et l'abbé Robi- taille, Étude comparée des m - M. de Saulci cY, HERES, et de M. l'abbé Haigneré, sur le Por t. XXXV, pp. 265 et suiv., a. 9"* SÉRIE, TOME XLVII. 8 I MM , ( M4 ) par la trop grande distance, hors de rapport avec les in- dications de César; que, d'autre part, les ports au nord- ouest de Sangate doivent être éliminés ; outre le calcul des distances, la nature marécageuse de la contrée qui les en- ` toure ne permet pas d'y songer. Wissant, aujourd'hui localité obscure, sans commerce, sans industrie, belle seulement par des sites agrestes aux- quels le voisinage de la mer ajoute de nouveaux attraits, Wissant fait partie du département du Pas-de-Calais, de l'arrondissement de Boulogne, du canton de Marquise. Aucune route n'y donne accés, si ce n'est celle de Calais à Boulogne, et l'on ne peut s'y rendre qu'au moyen d'une voiture correspondant avec Marquise, l'une des stations du chemin de fer de Paris à Calais. On passe volontiers quelques semaines dans cette localité tranquille, au milieu d'une population laborieuse et hospitalière. Le village occupe le fond d'une anse, formée par un léger renfoncement de la cóte du détroit dit le Pas-de- Calais entre deux falaises, le Gris-Nez et le Petit-Blanc- Nez, au delà duquel s'en trouve une autre plus prononcée et plus élevée, dite le Blanc-Nez. Cette anse est quelque peu protégée par le Gris-Nez contre le vent du sud-ouest, qui régne souvent dans la Manche et cause parfois d'in- croyables désastres, comme ceux dont nous avons été les témoins le 12 mars 1876. Elle est exposée aux vents du nord et du nord-est, mais ils sont moins fréquents et moins impétueux, et d'ailleurs Wissant peut avoir été jadis mieux défendu qu'il ne l'est aujourd'hui contre les fureurs de l'Océan. Le pays, vers l'est, est montueux et a jadis été couvert de bois. Les hauteurs ne sont pas très-éloignées de la mer, à laquelle elles envoient plusieurs cours d'eau peu im- ( 415 ) portants : les Ruisseaux de la Garenne ou de l'Anglais, d'Erlan, des Anguilles; l'avant-dernier, prés de son embouchure, à proximité de Wissant, active un moulin; le dernier forme la limite vers Tardinghen. Aucun d'eux n'est assez puissant pour former à son embouchure un véritable port, c'est-à-dire une étendue d'eau presque complétement entourée par la terre et oü des vaisseaux seraient tout à fait à l'abri des tempêtes; mais, d'autre part, ils ne causent pas d'atterrissements ou ensablements. Des dunes s'élévent sur les bords de la mer; prés des marais de Tardinghen, elles ont environ 7 métres de haut. On a contesté d'une manière absolue l'existence à Wissant d'un port qui pourrait représenter le Portus Iccius de César; on s'est méme livré, à ce sujet, à des plai- santeries qui ne prouvent guére en faveur de ceux qui se les sont permises (1), car Wissant est trés-souvent qualilié de port dans les chroniques du moyen-àge et nous verrons que maintes fois des vaisseaux, des escadres y ont attendu, débarqué, embarqué des voyageurs du plus haut rang et des corps d'armée. L'existence ancienne d'un havre en cet endroit n'est done pas contestable; mais, ici comme sur bien d'autres points de la cóte de la mer du Nord, la configu- ralion du sol a subi des modifications considérables. En beaucoup d'endroits les falaises ont été fortement enta- mées par la mer, secondée par les travaux d'extraction en- trepris dans les rochers ; ailleurs, surtout aux embouchures des cours d'eau, des sables se sont accumulés et s'avancent, de plus en plus, dans l'intérieur des terres, en suivant gé- (1) Voir les Mémoires de l'Académie d'Arras, t. XXXV, p. 275. ( 116 ) néralement la direction N.-E. Si, à Boulogne, on a com- battu avee succés l'action des vents et des marées, si Napoléon 1*' a réussi à y procurer un abri à l'immense armement qu'il espérait conduire à la conquéte de l'An- gleterre ; si Calais, aprés avoir vu disparaitre le port qui y existait dans l'antiquité, comme en témoignent les nom- breuses médailles trouvées en cet endroit (1), a vu se creuser, au XII* siècle, un autre havre qui a été maintenu et agrandi, malgré les fureurs de l'Océan, d’autres loca- lités : l'Écluse, Damme, Gravelines, Mardick, Sangate, moins heureuses, ont perdu toute importance. A Sangate, par exemple, il y a eu un port que les sables ont comblé, ainsi que le raconte Lambert d'Ardres , à qui la tradition avait fait connaitre cette circonstance. Et ce port devait être ancien et fréquenté, puisque l'on y a mis au jour des mon- naies de Tibére et qu'il y aboutissait une voie romaine, qui vient de Térouanne et arrive jusqu'à la mer, dans laquelle elle se prolonge à une certaine distance de la rive (2). L'anse de Wissant ne nous représente peut-étre plus qu'imparfaitement le Portus Iccius. En effet , les falaises du Blanc-Nez et du Gris-Nez, à ce que l'on prétend, étaient au- trefois plus prononcées et se prolongeaient davantage dans la mer : la dernière par un massif de roches que la mer à détruit et dont la base subsiste encore sous le nom de l'Épaulard; la premiére par les rochers dits le Haut fond et ceux qui portent les noms de les Quenocs ou les Gardes, dont l'extrémité vers la mer est à 2 !/, kilomètres de la cóte. Dans l'intervalle existe un grand banc de sable, le (1) Voir surtout les Mémoires de la Société des antiquaires de la Morinie, t. IX, 2 partie, pp. 341 et suivantes. (2) Malbraneq, De Morinis et Morinorum rebus, t. I, p. 27. ( OBET .) Banc à laine, qui forme une sorte de triangle autour duquel la mer atteint une profondeur variable : de 5 !/ brasses (de 5 pieds la brasse) entre ce bane et la cóte, de 12 brasses vers le N.-O., de 9 brasses vers les Gardes (1). Ce banc est peut-étre le reste d'un territoire qui se rattachait au con- ünent et que l'Océan aura submergé, aprés l'avoir inces- samment battu et rongé; peut-être a-t-il contribué à faire de l'anse de Wissant un véritable port ou à protéger le bourg. On a vainement essayé de disputer au cap Gris-Nez la désignation de Promontorium Icium (Vc &xccv) qui est employée par Ptolémée. Cet auteur aurait-il voulu, comme on l'a avancé, désigner la Pointe d'Alprech prés de Boulogne? Non, car, au point de vue géographique, cette derniére n'a aucune importance et il suffit de jeter un coup d'eil sur une carte pour s'en assurer. Le Gris-Nez, au contraire, constitue la véritable limite entre la Manche et le détroit dit le Pas-de-Calais (2). H a dù, de tout temps, attirer l'attention. des navigateurs, car il est dangereux de le doubler, pendant toute l'année lorsque le temps est mauvais, et surtout en hiver. Par suite de la configuration de la cóte, qui, au lieu de continuer à se diriger vers le Nord, incline en cet endroit vers le Nord-Est, la direc- tion des courants et des vents y subit des modifications considérables. C'était l'une des préoccupations de Napo- léon I°, au camp de Boulogne, que de savoir si la flottille de l'amiral Verhuel parviendrait à gagner Boulogne en (1) Voir une .carte levée en 1776 et publiée en 1797 dans le Neptune des cótes occidentales de France, n° 62, où la profondeur de la mer est prise pendant les basses-eaux. (2) C'est de lui que parle Martianus Hénacr£orus lorsqu'il dit : Mabet Belgica promontorium insigne unum. ( 448 ) doublant le cap Gris-Nez. Position essentielle sous tous les rapports, ce promontoire devait figurer sur les portulans d’après lesquels Ptolémée a travaillé; la Pointe d'Alprech, n'offrant rien de pareil, pouvait ne pas y paraitre. Déter- minée au cap Gris-Nez, la situation du Promontorium Itium implique celle du Portus Iccius à Wissant, car ces deux endroits sont contigus, tandis que Boulogne est éloignée de plusieurs lieues (1). On à quelquefois rapproché les dénominations de Portus Iccius et de Wissant, dont la forme ancienne ou populaire est Esseu, en roman ou vieux francais ; mais on a contesté la possibilité de cette filiation, en soutenant que le c latin se prononçant comme un k, ce qui est vrai, Ikkius (2) n'a (1) On ne peut opposer à Wissant qu'un seul argument, c'est qu'en allant de la rivière Pcoudwo£ (la pointe de Hourdel, à l'embouchure de la Somme?) et le fleuve Tofoudx ou Escaut, Ptolémée (Géographie, liv. H, chap. 9) eite le Promontorium Itium avant Gessoriacum (ou Boulogne), mais cette transposition peut être le fait d'une erreur. Remarquons au surplus que l'interprétation de ce passage de Ptolémée offre de grandes difficultés : en effet, nul autre géographe n'a connu, ou du moins n'a cité ces deux fleuves: le Phrudius et le Tabouda , dont Ptolémée place l'em- bouchure dans la mer entre celle de la Seine et celle de la Meuse, tandis qu'il semble ne connaitre ni la Somme, ni bius ae plus les s dag et les latitudes données parlui n Ainsi Meaux est indiqué comme se trouvait à l’ouest de Paris, Tongres à l'ouest de Bavai, Amiens à l'ouest de Boulogne Quant à la finale nez ou ness, elle est d'origine anglo-saxonne ou ger- manique et désigne une pointe s'avancant dans la mer. Ainsi, en face des caps Gris-Nez et Blanc-Nez on trouve en Angleterre Dengeness, près de Lidd. Dans l'ancienne Flandre, Lampernesse, Ossenesse ou Ossenisse et Hontenesse ou Hontenisse constituaient sans doute des langues de terre, des espéces de promontoires s'avancant au milieu de terres plus basses et plus fréquemment inondées. (2) C'est pourquoi Ptolémée écrit, en grec : Txw axp0v, raison suffi- sante pour que l'on n'adopte pas la forme Itius, préférée aujourd'hui par les écrivains. (1419 ) pu se changer en Esseu. Toutefois on doit remarquer que presque toujours, dans les noms de la Gaule, les c de l'époque latine, placés au milieu ou vers la fin des mots, ont fait place à des consonnes plus douces ou à des voyelles. Ainsi Aciacum , À lisiacum, Baiocasses, Balcium, Bellovacum, Bercorium, Boiacum , Ciconium , Ciconiolae, Coldriciolus , Crocium , Donnaciacum, Ecideium vicum, Giacum, Hiccioderus vicus, Hiccium, Iciodorum, Icciomum, Juciacu villa, Marsiacum , Ouacum, Silvanectis, Trecis , Valciodorum, Viducasses , etc., sont devenus Essay (Meur- the), Alisey (Eure), Bayeux, Baux (Bouches-du-Rhône), Beauvais, Bressuire (Deux- Sèvres), Boyer (Saône-et- Loire), Chouain (Calvados), Ségnolles (Seine-et-Marne), Condrecieux (Sarthe), Cruis (Basses-Alpes), Donnezat (Puy- du-Dóme), Essoyes (Aube), Gex (Ain), Issoire, Is-sur- Thille (Côte-d'Or), Izeure (Indre-et-Loire), Usson (Puy-du- Dôme), Jussat, Jussey ou Jussy, Marsas (Gironde), Aunay- en-Bazois (Nièvre), Senlis, Troyes, Waulsort (province de Namur), Vieux (Calvados), etc. (1). Quelques-uns de ces exemples: Aciacum, Hicciodorus vicus, Icciomum, sont frappants. D'ailleurs on a pour se décider l'opinion d'éeri- vains du XI* siécle. Or, à cette derniére époque, il devait subsister des ruines, des vestiges, des traditions, qui ser- vaient de guide à l'opinion vulgaire. Le nom de la localité se présente alors considérablement modifié. Suivant le pére Blanchard , qui visita Wissant en 1673 (2), à une époque oü les locutions anciennes étaient (1) J'emprunte ces exemples à un bon travail de M. Quicherat : De la formation frangaise des anciens noms de lieu (Paris, Francq, 1867, in-12). Voir aussi Cocheris, Origine et formation des noms de lieu (Paris, in- 12). : (2) Geographia ordine litterarum disposita, p. 332. ( 120 ) moins oubliées, moins altérées que de nos jours, on disait en patois francais Esseu (aujourd'hui Wissain) (1), en fla- mand Isten. Cette assertion, que l'on a essayé de contester, est corroborée par un diplóme donné à Aire, le 27 aoüt 857: un nommé Gualbert, d'origine flamande sans doute, y déclare donner à l'abbaye de Saint-Bertin des biens situés en divers endroits, notamment dans une localité ap- pelée Istem (2). Esseu ou Isten ont affecté ensuite des formes différentes, d'aprés les populations qui se servirent de ces désignations géographiques. Les races gauloises ou méri- dionales et les auteurs qui en sortaient les firent pré- céder d’une aspiration gutturale, qui, dans Richer et Flo- doard, produit Cuiso ou Guisus; dans l'abbé Géron de Saint-Riquier Guizant, dans le rédacteur roman des Chroniques des ducs de Normandie Guinsant. Chez les nations germaniques le w remplace le g et de là est venu Wissant. Mais, selon toute apparence le nom primitif est antérieur à l'apparition de César; il doit, par conséquent, appartenir à l'idiome gaulois, car les Morins parlaient cette langue, à laquelle était empruntée le radical mor, qui constitue la partie essentielle de leur nom et signifie mer. Dans des temps plus rapprochés de nous, la Gaule fut assaillie par des nuées de Germains ; ceux-ci se répan- dirent dans le Boulonnais, comme l'attestent les nombreux villages dont les dénominations se terminent en ghen ou gheim (habitation), bert ou berg (hauteur), sand (sable), thun ou town (bourgade), etc., dénominations qui se dis- tinguent facilement de celles qui conservérent une appa- rence gallo-romaine ou, si l'on veut, francaise. (1) Courtois, dans - Mémoires de la Société des antiquaires de la Morinie, t. IX, 2° p: . 80. (2) Guérard, kiere de Folcuin, p. 161. (121) Plus tard des lettrés, tels que Lambert d'Ardres (1), voulant expliquer l'origine du nom de Wissant, le firent dériver de wit, blanc, et de sand, sable, comme si les bords de l'Océan avaient en cet endroit un aspect et une coloration particulière. En reculant l'origine du mot Esseu, on mine dans sa base cette étymologie et d'ailleurs la lettre t, nécessaire pour obtenir la syllabe wit, ne se ren- contre qu'aecidentellement et, de préférence, dans les sources anglaises. On sait que Lambert d'Ardres avait à un haut degré la manie de l'étymologie. On se rappellera l'origine qu'il donne à la ville dont le nom lui est resté. : D'aprés lui elle fut baptisée par des voyageurs italiens qui la saluérent par les vers dans lesquels Virgile célèbre Ardée, l'ancienne cité des Rutules. Le village de Merk, que la Notice des dignités de l'empire désigne sous le nom de Marcis ou Marcae, devient sous sa plume Mercuriti- cium , par allusion au dieu Mercure. Son explication d'une transformation germanique subie par le mot Jccius n'est donc pas faite pour nous persuader et je suis aussi peu enclin à y croire qu'à accepter une origine pareille pour le nom des iles rocheuses, dites les Hes d'Ouessant, situées à l'extrémité de la Bretagne. Dirons-nous, avec le bénédictin Ducroeq et le pére Le- quien, dont l'opinion a été reprise de nos jours, que le Portus Iccius n'est autre que Isques, village situé sur, la Liane, en amont de Boulogne, à 8 kilomètres de la mer, à 4 kilomètres de Saint-Léonard, où la Liane commence à s'élargir? Mais Isques, à moins que l'on ne remonte à une époque extrêmement reculée, peut être considéré comme (1) Britannicum secus portum, qui ab albedine arenæ vulgari nomine appellatur Witsand ( 122 ) un village méditerranéen et rien n'autorise à penser que là se trouvait du temps de César le port des Morins, tandis que dés l'époque des premiers empereurs ce dernier était transféré à l'endroit dit alors Gessoriacum et depuis Bononia ou Boulogne. L'existence de Gessoriacum comme port à l'embouchure de la Liane est nécessairement con- traire à celle du Portus Iccius sur la même rivière, à 8,000 mètres en amont. D'ailleurs il est impossible de concilier le récit de César avec la hauteur des eaux dans la Liane. Lors de sa seconde expédition en Angleterre, la flotte romaine, forte de prés de 800 voiles, appareilla au coucher du soleil, c'est-à-dire vers sept heures. Or, dit Henry (1), aux marées de sept heures, qui arrivent quatre ou cinq jours aprés la quadrature du cercle, il n'entre point assez d'eau dans les baies longues et resserrées de Bou- logne, d'Ambleteuse,ete., pour permettre la sortie instan- tanée de plusieurs centaines de bateaux. Seule sur cette cóte l'anse de Wissant offrait un emplacement vaste, une place unie et sur laquelle on pouvait trainer les vaisseaux pour les mettre à flot, moyen dont César se servit plu- sieurs fois. On comprend combien il eüt été difficile de dis- poser un grand nombre de vaisseaux dans une rivière, de manière à leur permettre de profiter rapidement du vent et de la marée, tandis qu'une manœuvre semblable ne pré- sentait pas la méme difficulté dans une anse spacieuse, où l'eau atteint en quelques endroits une profondeur considé- rable. On voudrait, il est vrai, faire prévaloir une thése toute différente: on s’écrie que le port de Boulogne n'est plus que l'ombre de ce qu'il a été. « Qu'on se figure, dit M. Hai- (1) Page 58. (325 ) gneré, la pointe d'Alprech avan cant au moins de 2 kilo- métres en mer jusqu'aux roches Bernard, qui en faisaient autrefois la base, et d'un autre côté la pointe de la Tour d'ordre se prolongeant parallélement à la précédente, comme deux immenses jetées naturelles qui resserraient l'entrée du Havre; qu'on imagine cette marée fougueuse qui remplissait et remplirait encore, sans les barrages, tout le bassin de la Liane... jusqu'au Pont-de-Briques, à prés de 4 kilométres dans l'intérieur des terres; qu'on veuille bien voir, sur la carte du XVI: siècle, la mer re- fluant dans ce que nous appelons le canal des Tintelle- ries; que, d'aprés le niveau du terrain et les révélations de la science géologique, on la suive dans le Val-Saint- Martin ; qu'on se représente ainsi, dans son état primitif, ce vaste port baignant la plus grande partie de la col- line sur laque!le était le Castrum romain de l'ancienne Gésoriaque, et Pon reconnaitra la vérité de l'expres- sion d'Euménius : Omnem sinum illum portus......» Ce tableau animé et pittoresque pèche par la base. Plus l'em- bouchure de la Liane était protégée de deux côtés par d'énormes pointes rocailleuses, moins l'action de la marée devait s'y faire sentir, plus les atterrissements devaient s'y accumuler et constituer, à la longue, des obstacles de na- ture à nuire au mouvement de la navigation. L'esquisse que l'on a tracée de l'étendue ancienne du port de Bou- logne est chimérique; elle ne repose que sur des hypo- théses. Pour défendre leur opinion, les partisans de Boulogne ont complétement bouleversé l'histoire de cette ville. « Personne, disent-ils, ne contestera l'importance de son » port actuel, puisque les dix-neuf cents bàtiments de » Napoléon [** y ont été réunis en 1805. L'appareillage w w WV ww W. Ww V WV Ww €" uvu Uu vu V uU V Ww ( 124 ) » d'une flotte et l'embarquement d'une armée nombreuse » peuvent s'y faire rapidement, en vue d'une expédition » soudaine, puisque, en une heure et demie, le 15 fructidor » an XIII, les soldats de la grande-armée, avec chevaux et » bagages, furent préts à partir pour l'Angleterre (1). » En acceptant ces faits tels qu'on nous les présente, on ne doit pas oublier que des travaux immenses ont com- plétement modifié l'ancien port de Boulogne. Ce dernier n'avait en aucune facon , avant notre siécle, l'importance que Napoléon [°° lui donna, à l'aide d'efforts prodigieux et grâce à des dépenses énormes : « Le port de Boulogne, dit » M. Thiers (2), consistant dans le lit d’une petite rivière » marécageuse, la Liane, était susceptible de recevoir un » agrandissement considérable..... Le lit de la Liane pré- » sentait six à sept pieds d'eau, à la marée haute, dans les » moyennes marées. Il était possible, en le creusant, de » lui en procurer neuf à dix. C'était done chose praticable » que de créer dans ce lit marécageux de la Liane, à peu » prés à la hauteur de Boulogne, un bassin... capable de » contenir quelques centaines de bàtiments... Le premier » consul, malgré la grandeur du travail, n'hésita pas à » prescrire sur-le-champ le ereusement du bassin de Bou- » logne et du lit de la Liane... » Ces détails, exposés avec la simplicité et la clarté qui distinguent les écrits de M. Thiers, prouvent que le port de Boulogne a subi une transformation compléte. On sait, d'ailleurs, qu'il est (1) Mémoires DE L'ACADÉMIE p'Annas, loc. cit., p. 277. — C'est unique- ment le corps du général Davoust qui employa une heure et demie à s'em- ‘barquer à Ambleteuse. Thiers, Histoire du Consulat et de l'Empire, t. V, p. 281 (édit. Wouters). (2) Loc. cit., t. IV, p. 262. 125 ) difficile à maintenir dans un état convenable, qu'il souffrit considérablement, au XVI* et au XVIII? siècle, de travaux d'art construits sans discernement (1); que de nos jours le gouvernement francais a dépensé des sommes énormes pour l'améliorer et que l'on compte y entreprendre encore des travaux trés-coüteux. A part toutes les circonstances empruntées à la topo- graphie, l’assimilation d'Isques et de Portus Iccius estim- possible. ll ne manque pas de localités appelées comme la première dans les pays où il y a eu des Gaulois. De ce nombre sont les deux Yssche du Brabant : Over-Yssche ou Yssche supérieur et Neer-Yssche ou Yssche inférieur, l'un et l'autre désignés, dans les actes anciens, par le vocable Isca (2). Cette dénomination était aussi portée dans l'ile des Bretons ou Angleterre par les villes d'Exeter et de Carléon, qui s'appelaient : la première Zsca Dumnoniorum ou Yssche des Dumnones, et la seconde Isca Silurum ou Yssche des Silures. ll existe une grande similitude entre Isque ou Yssche, Assche, Essche, noms qui se rencon- trent fréquemment en Belgique et dont les consonnes sc forment le noyau, le squelette, l'ossature: rien d'appro- chant ne se retrouve dans /ccius ou [tius. Pline, s'appuyant sur le témoignage de Polybe , men- tionne un Portus Morinorum Britannicus (port Britan- nique des Morins) (5), qui constituait, avec Lyon, les deux points extrémes de la Gaule (en dehors de la Gaule Nar- bonnaise, bien entendu). Cette localité ne peut étre re- cherchée ailleurs que sur les cótes de la Manche et de la (1) Voyez Henry, pp. 98 et 99. (2) Wauters, Histoire des environs de Bruxelles, t. II. p. 466. (8) Historia naturalis, liv. IV, c ( 126 ) mer du Nord, ni ailleurs que chez les Morins, où le nom de Portus Britannicus reparait au XII? siècle, appliqué par Lambert d'Ardres, à Wissant (1). Ce bourg ou village mé- rite en effet le titre de Port britannique, puisque aucun endroit de la cóte de la Gaule n'est aussi proche de celle de la Grande-Bretagne et que nul site, entre les campa- gnes encore sillonnées de vallées abruptes et jadis cou- vertes de bois, du Boulonnais méridional, et les plaines marécageuses du Calaisis, ne permet mieux d'arriver à la mer à travers des campagnes fertiles, présentant peu d'obstacles au eharriage des marchandises. Un fait tout récent établit d'une façon qui ne permet pas de réplique la position exceptionnellement favorable de Wissant et de ses environs immédiats pour la traversée du Pas-de-Calais. Il est grandement question de creuser un tunnel sous ce détroit. Quel est le lieu adopté comme point de départ de cette construction difficile? le village de Sangate, qui est peu distant de Wissant. Or, cet avan- tage a dû frapper des peuples à moitié barbares plus encore que des hommes civilisés; ils sont plus que ceux-ci en contaet avec la nature et n'ont pas à leur disposition des moyens leur permettant de lutter avec elle et méme de la dompter. La facilité avec laquelle s'opère de ce côté le passage vers Douvres, n'est-elle pas la cause essentielle de l'extréme activité du port de Calais, qui ne pouvait jouer un rôle pareil dans l'antiquité, à eause de la nature du sol aux environs de cette ville. (1) Britannicum secus portum, qui ab albedine arenc vulgari nomine appellatur Witsand. CTS Nous ne répéterons pas tous les arguments dont on s'est servi, soit pour Wissant, soit pour Boulogne, à pro- pos du double embarquement de César. Bornons-nous à résumer la narration de ce grand général, qui était aussi un écrivain habile, un esprit lucide. L'été de l'année 55 avant notre ère était déjà fort avancé lorsque César réso- lut de s'embarquer pour l'ile des Bretons (ou Angleterre), qu'il fit reconnaitre par Caius Volusenus, commandant un navire de haut bord. Dans l'entre-temps il se rendit avec toutes ses troupes dansle pays des Morins (les environs de Térouanne et de Boulogne) parce que c'était de là que la traversée dans l'ile des Bretons était la plus courte. Il y fit venir la flotte qui, l'année précédente, avait combattu les Vénétes (ou peuples du Morbihan) et tous les bateaux qu'il put se procurer dans les contrées voisines. Aprés avoir confié le port d'embarquement à Publius Sulpicius Rufus, l'un de ses lieutenants, il partit avec deux légions montées sur de grands navires et quatre-vingts bateaux de trans- ports. Ce fut le 25 août, à la troisième veille (vers minuit), qu'il mit à la voile; il était 9 heures du matin (la 4* heure du jour) lorsqu'il arriva surles côtes de l'Angleterre. Dix- huit autres bâtiments , sur lesquels se trouvait sa cavalerie, ne le rejoignirent que plus tard; leur point de rassemble- ment était un port que César qualifie d'Ultérieur et qui se trouvait à 8 milles plus loin (1) que celui où lui-même avait mis à la voile, à Ambleteuse d'aprésune opinion assez généralement adoptée. Au retour de César, deux navires de charge de l'expédi- tion romaine furent poussés par le vent un peu au delà (1) De Bello Gallico, liv. IV, ch. 20-25. ( 428 ) des ports d'où les Romains étaient partis. Trois cents hommes qui les montaient, en essayant de rejoindre les camps des légions, furent attaqués par plus de 6,000 Mo- rins. Mais le bruit de cet engagement parvint à César, qui chargea toute sa cavalerie de se diriger de ce cóté. Les légionnaires, aprés avoir combattu héroiquement pendant quatre heures, furent sauvés par l'arrivée de leurs cama- rades, et les ennemis se virent le lendemain traqués dans leurs marais, oü ils ne trouvérent pas un asile comme d'ordinaire, une longue sécheresse ayant desséché le pays (1). Les marais dont parle César sont évidemment ceux qui existent encore en partie prés de la mer, vers Calais et Saint-Omer; le point où les deux navires abor- dèrent doit done se chercher du côté de Sangate. L'année suivante, aprés avoir visité ses quartiers d'hiver, César ordonna de rassembler toute sa flotte dans le port [ccius, « car il savait que c'était un excellent point d'em- » barquement pour passer dans l'ile des Bretons, qui se » trouve à environ 50,000 pas de distance (2). » Il laissa uu corps de troupes suffisant pour garder ses navires et en- treprit contre les Trévires une expédition aprés laquelle il retourna au port /ccius, où il resta 25 jours, contrarié dans ses projets de traversée par le Corus ou vent du nord-ouest (5). Secondé enfin par une brise d'Africus ou vent du sud-ouest, il partit à [a téte de cinq légions et de 2,000 cavaliers, montés sur plus de 800 bateaux, lais- sant les ports de la Gaule à la garde de Labiénus, qui —— (1) Caesar, liv. IV, ch. 56 à 58. On était alors au milieu du mois de sep- tembre. (2) Ibidem, liv. V, ch. 2. (5) Ibidem, ch, 7. [ 429 3 avait sous ses ordres trois autres légions et un nombre égal de cavaliers (1). Les distances données par César ont fait l'objet de dis- cussions interminables; elles paraissent plus favorables à Wissant, à en juger par le travail de M. de Saulcy. L'argu- ment suivant, dont Gosselin s'est servi, me parait péremp- toire. César évalue à 50 milles, ce qui équivaut à 24' de degré, la distance entre l'ile des Bretons et la cóte de la Gaule la plus rapprochée. Or, cette distance, caleulée astro- nomiquement entre Deal et Wissant, donne 25' 45" 36°”. La différence se réduit donc à moins d'un quart de minute, autant dire à zéro. Quant à Gessoriacum ou Boulogne, cette. ville était éloignée de 50 milles de l'Angleterre (2); on ne peut donc la considérer comme le point de la Gaule signalé à César comme le plus rapproché de la Britannia. Wissant, au contraire, est l'Jtiwum que Strabon cite là où il ajoute : « dont le divin César se servit lorsqu'il passa dans » l'ile des Bretons (3). » Il est vrai qu'on a la ressource d'élever des controverses sur la grandeur du mille romain, sur.les points d'oà il faut compter les distances indiquées plus haut, etc. Tout cela ayant été fait dans l'un et l'autre sens, je ne me présenterai pas sur ce terrain Le Portus Iccius ou Wissant continua-t-il à subsister, distinet de Boulogne, pendant la domination romaine? Non, disent nos adversaires; Wissant fut à peine occupé par quelques pauvres familles et l'on n'y a découvert que de mauvais vases et peu de monnaies. D'aprés eux, ce n'était alors qu'un hameau. Réfutons d'abord un argument que (1) meurs loc. cit., eh. 8. (2) Liv. IV, ch. 16. (5) Géographie, liv. IV. 2"* SÉRIE , TOME XLVII. 9 ( 130 ) l'on pose mal, pour mieux s'en servir. « Si Wissant, dit- » on,estle Portus Itius,les voies partant de l'Italie pour » aboutir à la mer doivent étre dirigées vers ce lieu d'em- » barquement et non vers Boulogne (1). » — Pourquoi? Est-ce que le peuple morin possédait un réseau de chaussées ayant l'Italie pour point de départ?— L'ensemble des voies romaines ne date ni du temps des Gaulois, ni du temps de César ; c’est une création appartenant au plus tôt au règne d'Auguste. La prémisse est donc mal posée et l'on en tire des conclusions inacceptables. S'il est vrai que la nouvelle Bononia, là Bononia de la Gaule transalpine devint le grand port militaire de la Manche, le point où aboutissaient les voies allant soit d'Amiens, soit de Tournai, vers la mer, Wissant ne man- quait pas de voies de communication. L'Itinéraire d'An- tonin et la Table de Peutinger ne les indiquent point, mais elles n'en existent pas moins. M. Peigné-Delacourt à constaté la conservation partielle d'une antique voie de commerce qui, sous le nom de Chemin de la Barbarie, - traversait presque toute la Gaule Belgique du Rhinà la mer et de Reims venait aboutir à Wissant. Au XIE siècle on mentionne expressément la chaussée qui allait de Cambrai à Wissant par Arras et Térouanne. D'aprés Ipérius (2) on la connaissait sous le nom de Chaussée Brunehaut, parce qu’on en attribuait la construction à la célèbre reine d'Austrasie de ce nom, la femme du roi Sigebert 1°, à tort (1) L'abbé Robitaille, loc. cit., p. 271. (2) Multa enim opera miranda vpisa construxit, inter quae stratam publicam de Cameraco ad Atrebatum, hinc ad Morinum et usque mare ad Wisantum fecit, quae dre Brunechildis nominatur usque ad hodiernum diem. Martene et Durand, Thesaurus anecdotorum, t. HI, col. 456. ( 481 ) il est vrai, car l'ancienne Morinie, qui était régie par le rival de Sigebert, Chilpérie I**, n’obéit qu'un instant à son frére. Le passage d'Ipérius mentionné plus haut est en har- monie compléte avec les faits et avec l'état des choses en- core existant. A qui fera-t-on admettre qu'aucune voie praticable ne facilitait au moyen-àge les abords d'un port aussi fréquenté que le fut Wissant ? Comment les chariots chargés de marchandises ou de munitions de guerre au- raient-ils pu y arriver? Ipérius était du pays et adminis- trait un monastère qui possédait de grands biens dans le Boulonnais. A-t-il pu citer une chaussée (calcearia) qui n'existait pas? Entre son témoignage positif et des tra- vaux de sondage opérés au hasard, peut-étre sur des points choisis à tort, on ne peut hésiter. Quand Ipérius indique, au XIV* siècle, une chaussée là où un agent-voyer, au XIX* siècle, ne trouve « que des voies qui n’ont jamais été » empierrées et qui n'ont en aucun endroit la moitié des » voies romaines ou voies militaires,» le doute subsiste. L'exploration a-t-elle été complète ou bien conduite? L'état des lieux ne s'est-il pas modifié en cinq cents ans? Dans tous les cas, il existe encore entre Térouanne et Guines une voie romaine, qui court vers le N.-O., dans la direction de Wissant. Avant d'arriver à Guines, une bifurcation s'opére. Une prolongation encore appelée la Voie romaine va vers Sangate (1). Une autre passe au hameau de la Pierre, à (1) Ce village, aujourd'hui insignifiant, a eu un château qui fut bâti par Baudouin, comte de Guines, en dépit du mécontentement de toutes les populations voisines et surtout des habitants de Wissant, de Calais et du pays de Merk (murmurantibus Witsandicis et Calaisiticis et omnibus Mercuritici territorii populis. Lambert d'Ardres, chap. 176). Philippe- (132 ) Pihem, à Santinghevelt ou Saint-Englevert,à Hervelinghem, et aboutit à Wissant, entre les dunes et la hauteur dite le Camp de César. Elle représente la Voie romaine d'Ipérius, la Voie royale de Lambert d'Ardres (1), plutót que le che- min dit de Landrethun, qui, plus au sud , suit le plateau avant d'aboutir à Wissant. Une particularité à noter, c'est que cette voie romaine est connue sous le nom de Leulane, Leuline ou: Leulinghe (dans Lambert d'Ardres Leudo- berna), nom qui est aussi porté par d'autres chemins et en particulier par la Leuleinghe ou Chemin vert de Wis- sant à Boulogne (2). Ces anciennes voies de communica- tion ne doivent peut-être pas leur existence aux Romains, cela est vrai, mais pourquoi? Parce qu'elles sont plus. anciennes encore et qu'elles appartiennent au réseau primitif des grands chemins de la Morinie. Il ne peut étre question dans Pline, à propos du Portus Britannicus,de Gessoriacum,qui changea de nom et consti- Lua, sous le nom de Bononia, une cité distincte, séparée de celle des Morins, dont Térouanne, ville qui fut détruite par les armées de Charles-Quint, resta la capitale. Gesoriacum ou Gessoriacum est connu depuis les premiers temps de l'empire romain Pomponius Méla (5) en parle comme du port principal des Morins; Caligula y fit élever ce fanal, monument superbe qui subsista jusqu'au XVII* siècle sous Auguste le fit occuper par une garnison, en 1209, et Ferrand de Portugal comte de Flandre et de Hainaut, l'incendia en 1215 (Iprgnius, loc. Cit, col. 692) (1) Page 155 de l'édition de M. de Ménil-Glaise. (3) Consultez à ce sujet un travail très-intéressant, intilulé : Recherches historiques sur l'ancienne Leulane, dans les Mémornes DE LA SOCIÉTÉ DES ANTIQUAIRES DE LA Moine, t. IX, 2e partie, pp. 61 et suiv. (5) De situ orbis, liv. HI, ch. 2. ( 193 ) le nom de Tour d'ordre (1); Claude, son successeur , s'y rendit par terre de Marseille, lorsqu'il concut la pensée d'envahir l'Angleterre (2); Ptolémée le ASE encore d'entrepót des Morins (3). Son nouveau nom, son nom latin de Dálionía; que la carte de Peutinger et un ancien biographe de Constantin lui donnent (4), est dà, à ce qu'il semble, à une immigration d'habitants de la Bologne italienne. I! fut lent à s'introduire et ne prévalut qu'au IV* siècle aprés Jésus-Christ. Alors apparut dans les Notices des Gaules la Civitas Bononien- sium, dont la formation est expliquée par ce passage oü Pline place, à cóté des Morins, le pagus ou canton de Ges- soriacum joint à la tribu des Oromansaces (5). Le natura- liste et géographe romain distingue done deux juridictions différentes chez les Morins, auxquels en un autre endroit de son livre il attribue le port de Gessoriacum (6). Tous les faits connus, on le voit, sont défavorables à la thèse bolonaise. L'ancieo nom de Boulogne, Gessoriacum, ne peut s'appliquer à Itum, qui n'est pas le village actuel d'Isques. Si les empereurs romains n'ont pas agi comme (1) La Tour d'ordre ou d'Odre s'écroula en partie le 29 juillet 1664 et la mer en détruisit le restant l'année suivante, Henry, loc. cit , p.1 (2) Suétone, Claudius, ch. 17. (3) P'4coppuxxov eriveroy Mogiyav, en latin Gesoriacum navale Mori- orum (4) Gesoriago, quod nunc Bononia.Carte de Peutinger.— Constantinus ad patrem Constantium venit apud Bononiam, quam ici prius Geso- riacum vocabant. Axoxxmus, de Constantino, ad ann da l'édition d'Ammien Marcellin publiée par ADRIEN DE Los. (5) Oromansaci juncti pago qui Gessoriacus vocatur (liv. IV, ch.46).— Peut-être faut-il lire Oromarsaci et alors on pourrait rattacher à ce peuple l’origine de Marquise, de Merk, de Mardick, etc. (6) A Gessoriaco Morinorum gentis littore. Prine, loc. cit. ch. 51. ( 134 ) César, s'ils ont préféré à Portus Iccius Gessoriacum,s'ils ont fait de ce dernier une espèce de Cherbourg, c’est qu'il est - plus facile à fortifier, que le Gris Nez le défendait, jusqu'à un certain point, des attaques des pirates du Nord. Ce choix fait honneur à l'instinct militaire des généraux romains; mais, ne l'oublions pas, avant eux César n'avait pas créé le Portus Iccius, il l'avait trouvé existant et s'en était servi. II. Sous les rois mérovingiens et carlovingiens, Wissant reste presque complétement dans l'oubli, effacé par les ports plus méridionaux de Quentovic et de Saint-Riquier. Seulement, si l'on en eroit des traditions dont Lambert d'Ardres (1) s'est fait l'écho, saint Pharon , qui fut évéque de Meaux de 626 à 672, fonda un monastère à Wissant, au lieu dit Estrouanne; sa sœur, sainte Phare, y passa quel- ques années avant d'aller s'enfermer dans la célèbre ab- baye de Chelles. Cette maison religieuse, qui n'a pas laissé de traces dans l'histoire, fut, à ce que l'on prétend, dé- truite par les Normands Gurmund et Hisembrard , c'est- à-dire par les chefs de la bande de pirates dont le roi Louis III, fils de Louis le Bègue, triompha à Saucourt, dans le Vexin, en 881 (2). (1) Apud Struonas, Britannicum secus portum, qui ab albedine arenae vulgari nomine appellatur Witsant (Lambert d'Ardres , cap. 6, édit. du baron de Ménil-Glaise, p. 27. Voir Ibidem, p. 413). — D’après Ipérius (dans Martene et Durand, Thesaurus anecdotorum, t WI, p. 467), monastère aurait été fondé à Sombres (in Sombris prope Wisantum). (2) Une histoire manuscrite du Boulonnais, citée par Lefebvre ati de Calais, t. 1, p.580), mentionnait l'existence, à Estrouanne, d'un cloi des Templiers; Cette assertion n'est pas confirmée par le travail de ( 135 ) Compris dans les domaines des comtes de Flandre, Wis- sant fut cédé par eux aux comtes de Boulogne, qui y gar- dèrent la juridiction, tandis que Guines et Sangate , où l'abbaye de Saint-Bertin avait eu de grands biens, pas- saient entre les mains d'un pirate danois et de ses descen- dants, les comtes de Guines. Un fait révéle l'importance que l'on continua à attribuer à Wissant. En 958, le roi des Francais, Louis IV dit d'Outremer, voulut y construire une ville ou un chàteau. Pour mettre ses projets à exécution, il alla trouver le comte de Flaudre Arnoul I°", à qui toute la contrée obéissait alors ; mais un événement imprévu ne tarda pas à le rappeler au cœur de son royaume : le comte de Vermandois, Herbert, venait de surprendre La Chaussée, l'un des manoirs des archevêques de Reims (1). Ainsi Wissant, car c'est bien cette localité que tous les commentateurs ont reconnue dans le nom altéré de Cuiso, restait une position utile à protéger, et, en effet, c'était par là que les rois carlovingiens de la France, réduits à ne plus exercer d'autorité que dans les pays voisins de la Mannier (Les commanderies du grand prieuré de France), où l'on énu- mére les moindres possegsiona uec SE ordre ‘a explo dans le nord de la France, mais elle est p io le Térouanne daté de l'an 1482 et conservé aux Archives d Pts à Mons, oü l'on cite, dans le doyenné de Wissant, la maison de Wissant, de l'ordre du Temple. (1) His ita gestis rex in partes Belgicae mari contiguas concessit, d in ipso maris portu extruere nisus. Cui etiam loco Cuiso est n. Ezceptusque ab Arnulfo, regionis illius principe, apud eum de pére erectione agebat. Ubi dum in agendo moras faceret, castrum Remensis aecclesiae, nomine Causostem, Heribertus ..... capit (Richer, Historiae, lib. IT, $ 8, dans Pertz, Monumenta, Scriptores, t. III, p. 589). Flodoard Gnhdlii, dans Pertz, loc. cit., p. 585) appelle Guisus le Cuiso de Richer : Castrum quoddam portumque supra mare, quem dicunt Guisum, restaurare nisus est. ( 436 ) Seine et de la Marne, eget le mieux communiquer avec l'Angleterre, où Louis d'Outremer passa sa jeunesse. Dès cette époque, le nom de ce port reparait à chaque instant dans les chroniques bien plus souvent que celui de n'im- porte quelle localité de la cóte : Édowin, exilé par son frére, le roi Athelstan, y aborda en l'an 955 (1); le roi Éthelred, qui fut chassé de ses états par les Danois et chercha un refuge auprès du duc de Normandie, y arriva en 1015 (2). Bientót les chroniqueurs, circonstance à noter, n'hésitent pas à l'assimiler au Portus Iccius de César. Le savant Du Cange a fait remarquer, il y a plus de deux siè- cles, que Guillaume de Jumiéges appelle Portus Wisanti, Port de Wissant, l'endroit où s'embarqua, en 1056, Alfred, le frére du roi d'Angleterre Édouard le Confesseur, et que Guillaume de Prillon ou de Poitiers, archidiacre de Lisieux, désigne par le nom de Portus Iccius (5). Ajoutons encore que Lambert d'Ardres, renouvelant la désignation de Portus Britannicus dont Pline s'était déjà servi, l'applique sans hésiter à Wissant (4). L'opinion que je défends était donc, il y a huit siécles, celle que les écrivains, les érudits adoptaient de préférence. A cóté de Boulogne, qui a pour elle le séjour de ses comtes, ses anciens souvenirs, une existence bien con- statée comme municipe, Wissant devient le premier port de la cóte. Calais, Gravelines, Dunkerque, Nieuport, Os- (1) Guillaume de Malmesbury, liv. IT, ch. 6. (2) Brompton, dans Twysden, Historiae Anglicaes criptores, t. I, p. 892. (3) Dorobernum venit Alveradus transvectus ex portu Icio. Guillaume de Poitiers, Gesta Guillielmi ducis Normannorum et regis Anglorum, dans Du Chesne, Scriptores Normanniae, p. 178. Voir Guillaume de Jumièges, Historiae Normannorum, liv. VIL, cap. 11 (sine , p. 271). (4) Voir plus haut, page 126. ( 137 ) tende, Damme, L'Écluse ne sont rien encore. On ne parle que de Wissant. De tous côtés on y accourt pour s'em- barquer. De la Normandie comme de la Flandre on vient là pour traverser la Manche. Gens de toute condition, princes, prélats et marchands, les armées comme les per- sonnes marchant isolées, s'y donnent en quelque sorte rendez-vous avant de quitter le continent. Il n'est que rarement question des autres ports , alors que le nom de Wissant revient à chaque instant dans les récits les plus divers. Au X[° et au XII* siècle c’est peut-être le premier port de la monarchie francaise et, circonstance bien faite pour donner à réfléchir, si un comte de Boulogne monte sur un navire pour aller à Douvres, ce n'est pas de Bou- logne qu'il part, mais de Wissant. Lorsque le comte Eustache fit en l'an 1042, en Angle- terre, ce funeste voyage pendant lequel on l'insulta à Dou- vres, ce fut à Wissant qu'il mit à la voile (1). Quelques années auparavant, en 1056, Alfred, frére du roi Edmond le Confesseur, dans le but de détróner celui-ci, y avait réuni une armée nombreuse (2), dans laquelle se trou- vaient: « messire Gernault, messire Jean de Warecourt, » ]wain de Kempercorentin, messire Martin Abracy, » Amaury, le comte de Séez et de Dreux, Richard de » Chaumont, etc. (5). » On sait que cette expédition, (1) Eustachius ergo, transfretato mari de Whitsand in Dovoriam, Edmundum regem, nescio qua de causa, adiit. Guillaume de mr lib. 11, c. 13, dans le Recueil des historiens de France, t. Xl , p. (2) Interea frater ejus Alvredus milites non parvi numeri assu La portumque Wisanti petiit et huc transfretans Dorobernam venit. Guil- ks de Jumièges, Historia, lib. VII, c. 9, dans le méme Recueil, loc. cit., Les Epitoma manuscripta historiae Wille'mi Gemeticensis ap Me Wissant Guitsantum (Isiex, p. 148). (3) Chroniques Ms. de Normandie (Iipznm, p. 339). ( 138 ) quoique soutenue par le due de Normandie, Guillaume, n'eut aucun succès. Les classes pacifiques de la population avaient adopté les mêmes habitudes. Au mois de février 1068, Wissant vit arriver plus de cent abbés et autres religieux qui navi- guérent vers l'Angleterre en compagnie d'un grand nom- : bre de chevaliers et de marchands (1). L'ile des Bretons venait d'étre subjuguée par les Normands, aidés par les guerriers du Boulonnais et de la Flandre; ce grand évé- nement, qui mit entre les mains du méme prince les deux rives de la Manche et attira dans la Grande-Bretagne une . foule d'étrangers, parait avoir contribué à rendre Wissant plus prospère encore. Lorsque le deuxième fils de Guillaume le Conquérant, Guillaume le Roux, quitta son père pour aller, par ses ordres, s'assurer de la possession de l'Angleterre en l'an 1087,ce fut à Wissant qu'il s'embarqua; au méme instant, il apprit la mort du vainqueur de Hastings (2). C'est par (1) Anno ced ejus secundo , venerabilis Gervinus ad maris ingres- sum properavit, quem nominant plebeiales Guizant, ubi fuerunt cum o tam n abbates uM monarh plus guam centum, praeterea militarium b. qui omnes, mare conscenso, in Ker oh iránsoehi cupiebant. Februarius tunc mensis ducebatur. (Chronicon Centulense sive Sancti Richarii, c. 95. Isinen, p. 155.) (3) Qui moz ad portum qui Witsand dicitur pervenit, ibique suum patrem audivit obiisse (Orderic Vital, Historia ecclesiastica, 5° partie, liv. VII, ch. 2). — D’après uu autre passage (liv. X, ch. 2), il semblerait que Guillaume se serait embarqué à Touques (Touques-sur-Dive, dans le département de l'Orne), mais la rédaction de la phrase permet de supposer qu'il wy est question que du départ de Robert Bloiet, chapelain de Guil- laume le Conquérant, qui se rendit erf Angleterre en méme temps que le jeune roi. Celui-ci revint à Wissant en 1095 et en partit pour Douvres (Rez fuit in quatuor primis diebus Nativitatis Domini apud Witsand et postea venit in Angliam et appulit apud Doroberniam. Aunales Waver- leienses dans Gaze, t. IT, p. 139). ( 439 ) Wissant (Witsandis) que saint Anselme , évêque de Can- torbéry, fuyant l'Angleterre et le courroux du roi Guil- laume Il, alla, en l'an 1100, chercher un asile à Saint- Omer, dans l'abbaye de Saint-Bertin (1). Les gens appartenant aux professions les plus diverses s'y retrouvaient : les nobles, ainsi que les dignitaires ecclé- siastiques, y coudoyaient les marchands et les aventuriers de bas étage. Le moine Herman de Laon y vit entrer dans le méme vaisseau que lui, à la Saint-Marc ou 25 avril 1115, des marchands flamands qui allaient au delà de la mer acheter des laines ; comme leurs bourses contenaient de l'argent pour une valeur de plus de 300 marcs, ils comptaient naviguer avec plus de sécurité en compagnie des dignitaires ecclésiastiques de Laon (2). N'oublions pas que la Flandre d'alors s'étendait presque jusqu'àla Somme, que Bapaume, Arras, Hesdin, etc., y étaient compris. C'est pourquoi, à chaque instant, on ajoute au nom de Wissant la qualification de : en Flandre (in Flandria). Le géo- graphe arabe, Edrisi, ne manque pas de citer Wissant, qu'il place à 80 mille pas de Rouen et prés de la mer. Il la qualifie de ville petite, mais en ajoutant que l'on s'y em- (1) Vita sancti Anselmi, c. 4, dans les Acta Sanctorum, Aprilis t. II, p. 885. Voir Eanmer, Gesta S. Anselmi in pontificatu (Isinem, p. 912 Le biographe de Rés e cit., $ 56) mentionne cette circonstance que Baudouin, l'intendan selme , constata l'existence dans le navire qui portait ie, i mes qui ne s'ouvrit pue tant ee sy trouva, (2) Apud portum qui vocatur Wissant. Nobiscum etiam plures nego- tiatores introierunt, qui propter lanam emendam de Flandria in An- gliam ire volebant, seque nobiscum securius transire sperabant, plus quam trecentas marcas argenti secum in sacculis et marsuptis feren- les (Herman de Laon, De Miraculis bealae Mariae Laudunensis libri tres, liv. IT, c. 5, dans le Recueil des historiens de France, t. XIL, p. 269) ( 440 ) barque pour l'Angleterre, ile séparée du continent par un détroit de 25 milles de large (1). Les successeurs de Guillaume le Conquérant et de son fils Guillaume montrérent en plusieurs circonstances une préférence marquée pour Wissant. Ce sentiment parait avoir été entretenu et développé chez eux par l'affreuse catastrophe qui, en 1120, engloutit, à la vue des cótes de la Normandie, la Blanche-Nef, sur laquelle était monté le prince Henri, l'unique fils du roi Henri I° dit Beauclerc. Ce fut à Wissant que celui-ci, qui était le frére de Guil- laume lI, fit conduire sa fille Mathilde, qu'il envoyait à son mari, l'empereur d'Allemagne Henri V (2). Aprés sa mort, Étienne, comte de Boulogne, prit son chemin par ce port, alin d'arriver plus tôt en Angleterre, où il ajouta à son premier titre celui de roi (5). Lorsqu'en 1155 Étienne eut expiré, Henri 11 Plantagenet, comte d'Anjou, qui lui avait enlevé la Normandie et disputé le tróne royal, partit de Douvres pour aller visiter la Normandie; ce fut à Wissant que s'opéra son débarquement (4). Le méme port reparait trés-fréquemment dans l'his- toire pendant la seconde moitié du XII siècle. La Grande- Bretagne et la Normandie obéissaient alors au roi Henri II, tandis que le Boulonnais était resté entre les mains des descendants du roi Étienne. Marie, fille de ce prince, trans- (1) Ab illo etiam (Rotomago) ad urbem Vadisant, exiguam valde, mari adjacentem, LXXX M. P., et ex hac urbe conscenduntur naves adeuntes insulam Angliam, quam dividit a continente fretum habens in longitudine X XV (2* partie, 6e climat, p. 2 (2) Simon de Durham, De Gestis Anglorum. y^ Guillaume de Malmesbury. obert De Monte, dans Pertz, Monumenta, Seriploren ta VI, a (444 ) mit son comté à Mathieu, frère du comte de Flandre, Phi- lippe d'Alsace, à qui elle donna deux filles, nommées Ide et Mathilde. Wissant devint en qnelque sorte le foyer où s'orgauisérent toutes les intrigues, toutes les expéditions dirigées contre Henri II. Le plus ardent des ennemis du roi anglais, l'archevéque de Cantorbéry, Thomas Becket, s'y embarqua en l'an 1170, au commencement du mois de décembre, pour retourner dans son diocèse, où il ne tarda pas à étre assassiné. Les incidents qui marquérent le retour en Angleterre de l'archevêque de Cantorbéry doivent nous retenir un instant. Ce fut à Wissant que Thomas Becket fit connaitre les leitres par lesquelles le pape Alexandre IH frappait les évèques anglais d'une sentence de suspension ou d'un anathéme. Plusieurs de ces prélats se trouvaient à Wis- sant et sy préparaient à prendre la mer, entre autres l'archevéque d'York, dont le pape suspendait les pouvoirs spirituels (1), et les évéques Gilbert Foliot, de Londres, et Josselin, de Salisbury, qu'il avait excommuniés. Tous trois se soumirent immédiatement aux volontés du Saint-Siége. Quant au primat, il attendit. tranquillement un temps meilleur pour s'embarquer et, si l'on en croit Herbert de Boseham, l'un de ses plus dévoués partisans et de ses bio- graphes, il éprouva une grande joie de voir s'approcher le jour tant désiré de la vengeance. Un matin, qu'accompagné d'une suite nombreuse, il était sorti pour s'enquérir de l'état de la température,il vit arriver un vaisseau d'Angle- terre. L'équipage, interrogé sur ce qui se passait dans ce (1) In Boloniensi territorio, ad portum qui dicilur Wilsant... in ipso porio suspensus est — de toan Vita B. Thome , livre V, dans Migne, Sancti Thoma, C. j opera omnia, p. 1254 54). A A73 ( 442 ) pays el sur ce que l'on y disait, déclara que le retour de l'archevêque était attendu avec impatience et serait agréable à toute la population. Mais le capitaine (proreta) prit à part Herbert et lui tint un langage bien différent. « Malheureux » que vous êtes, lui dit-il, que cherchez-vous ? que faites- » vous? vous courez à une mort certaine. » Puis il lui donna un avertissement dont les événements n'établirent que trop la parfaite exactitude. D’après lui, le pays était dans une agitation extréme; on était exaspéré contre Thomas; un grand nombre de chevaliers, irrités à l'excés, l'attendaient dans le port où il devait débarquer. L'arche- véque et ses compagnons couraient certainement à leur perte. L'avis n'était pas à dédaigner et Herbert en remercia son interlocuteur. Déjà, ajoute-t-il, leur conversation fai- sait murmurer les autres matelots (1). Nul doute qu'en sujets dévoués du roi Henri II ils ne vissent de mauvais ceil ee colloque de leur chef et du confident de Becket. Her- jen hàta d bites um supérieur PCR à son tour, de- Lacuna nntaenvoca Tn prêtre d'un esprit simple et droit, nommé Gunter, fut d'avis d'ajourner le départ pour l'Angleterre. Herbert défendit la thèse contraire. D’après lui, et il n'avait peut-être pas tort, Thomas Becket s'était trop avancé pour pouvoir reculer. Ne pas rentrer dans son pays, après avoir tant agi au dehors, c'était se dégrader; mieux valait mettre fin à leur exil commun, düt-il étre eouronné par le martyre. Dans son opinion, cette derniére solution constituait une chance heureuse. — « Tes paroles sont sensées, repartit l'arche- » véque, mais la conclusion en est pénible. » . (1) Alii jam densim submurmurabant. 145 ) Ces détails expliquent l’indécision dans laquelle resta l'archevéque. Le temps s'était amélioré, d'autres vaisseaux appareillaient, et néanmoins le prélat ne donnait pas l'ordre du départ. En vain quelques-uns de ses clercs, ignorant sans doute les dangers qui le ce ice lui répétaient : « Sei- » gneur, à la patrie;les voiles des navires: » segouflent; pourquoi ne pas monter surle vôtre ? Serons- » nous comme Moïse, qui vit la Terre de promission, mais » n'y entra jamais? — Pourquoi vous presser, répondit-il » enfin; il ne se sera pas écoulé quarante jours aprés votre » arrivée que vous désirerez étre partout ailleurs qu'en » Angleterre (1). » Le biographe auquel j'emprunte ce dernier détail supposait que l'archevéque s'attendait à un mauvais accueil ; évidemment Herbert ne lui a pas com- muniqué l'entretien qu'il avait eu avec le capitaine. L'ar- chevéque ne dédaigna pas les conseils de celui-ci d'une maniére absolue. ll. persista, il est vrai, dans son dessein de retourner à Cantorbéry, mais au lieu d'aborder à Dou- vres (Dorobernia), où on l'attendait, il alla descendre à Sandwich, parce que cette ville était un fief de l'archevéché et qu'il pouvait compter sur le dévouement des habitants. Ce fut non le 4°% décembre, mais deux ou trois jours es fe portum Wytsand jam erat archiepiscopus; serena erat colis facie. maris, navis archiepiscopi parata, alie alique naves transfe- fr Aria e dre — d de clericis suis coex- sulibus. TNR ecce "i sedem MP j "m y navem? [ein nos esimus sicut Moyses qui Terram promissionis vidit quidem , sed non intravit? Ille inter caetera : Ut quid festinatis? non affluent quadraginta dies ab ingressu vestro in terram, malletis esse ubicunque terrarum, quam in Anglia... (Vita tertia, auctore Willelmo filio Stephani, dans Migne, loc. cit., col. 171) ( 444 ) après la Saint-André ou le jour de l'Avent (après le 29 ou le 50 novembre), qu'il y aborda. J'ai voulu exposer en détail cette scéne qui est, à vrai dire,étrangère à notre sujet, parce qu'elle nous fournit des lumières précieuses sur l'importance de Wissant au ' XII? siècle. Ce village, si délaissé aujourd'hui, était alors une ville ou bourgade prospère. Sinon, comment y aurait-on hébergé pendant plusieurs jours un archevéque et plusieurs évéques, avec leur suite? Il devait s'y trouver, soit de vastes hótelleries, soit des maisons particulières assez grandes pour qu'un prélat püt y loger. Ce mouvement continuel de navires qui arrivent ou partent, soit par le beau, soit par le mauvais temps, établit l'existence d'un port, avec des chantiers, des ateliers de toute espèce, des magasins, un change, des tavernes, ete. Les environs de la bourgade étaient sans doute cultivés avec soin et les chemins qui les sillonnent et qui conduisent à Boulogne, Arras, Saint- Omer, etc., bien entretenus. Le récit, par Lambert d'Ardres, de la fondation de l'hópital ou hospice de Saint- inglevert, sur l'ancienne voie allant à Guines, témoigne que la circulation y était des plus actives. La mort de l'archevéque fit éclater une guerre ouverte entre Henri II et le comte de Flandre, Philippe d'Alsace. Celui-ci comptait parmi ses alliés, non-seulement son frére Mathieu, mais un grand nombre de seigneurs anglais, et méme, qui le croirait, le fils ainé de Henri, nommé également Henri. Le comte de Leicester, le chef des mé- contents, réunit à Wissant une nombreuse armée de Nor- mands et de Flamands et débarqua à sa téte à Walton, dans le comté de Suffolk, le 29 septembre 1175; peu de jours aprés, il fut défait dans un combat que les par- tisans du roi lui livrérent à Forneham, prés de Saint ( 445 ) Edmond, le 16 octobre. On porte le nombre des Flamands qui furent tués ou pris dans cette journée à dix mille, chiffre par lequel on peut juger de l'importance de l'eseadre qui les transporta en Angleterre (1). En 1174, Wissant vit encore se réunir des forces con- sidérables. Les ennemis du monarque anglais ayant résolu de recommencer la guerre avec vigueur, le roi d'Écosse, à Ja téte de ses sujets, renforcés par un grand nombre de cavaliers et de fantassins venus de Flandre, entra en armes dans le nord de l'Angleterre. De son cóté, Philippe d'Alsace, dont le frére avait péri l'année précédente au siége d'un château, Driencourt, obtint du jeune Henri le comté de Kent qu'il prit en fief de ce prince,et, en retour, jura sur des reliques de saints, en présence du roi de France ct de ses barons, que quinze jours aprés la Saint- Jean il envahirait les États du roi Henri H. Stimulé par cette promesse solennelle, le jeune Henri vint le 14 juillet à Wissant (2), d’où Philippe d'Alsace avait déjà fait partir 518 chevaliers d'élite, qui débarquérent à Airewell le 15 mai et se joignirent au comte Bigod. Norwich fut pris d'assaut et Henri II semblait à la veille d'étre détróné lorsqu'on le vit revenir de Normandie, s'humilier devant le tombeau de Thomas Becket et reprendre aussitót une supériorité marquée sur ses ennemis. Bientôt une paix fut conclue et réconcilia, au moins en apparence, ces princes qui ne cessaient de se nuire. En 1177, le roi Henri fit dire au comte de Flandre que s'il (1) Benoit de Peterborough, Gesta Henrici secundi (édit. de Londres, 1867, 2 p in-8°); Rodolphe De Diceto, dans Twysden, Historiae Angliae Scriptor (2) holy De Diceto , dans Twysden, t. 1, col. 573; Mathieu Paris Historia Anglorum, 1. 1, p. 584 (Londres, 1869, in-8»). 2"* SERIE, TOME XLVII. "XP ( 146 ) voulait s'entendre avec lui pour le mariage de ses niéces, les comtesses de Boulogne, filles de Mathieu d'Alsace, il tiendrait ses promesses plus complétement et plus large- ment qu'il ne s'y était engagé. A la suite de cette démarche, Philippe d'Alsace alla en pèlerinage à Cantorbéry, où il rencontra le roi, et reçut de Henri, qui le reconduisit à Douvres, 500 mares pour l'aider à effectuer le voyage qu'il comptait faire et qu'il fit en effet en Palestine. Ce fut de Wissant (Wisanda) que Philippe arriva à Douvres, le 98 mars; ce fut là qu'il. débarqua à son retour, de grand matin, le jour de Pâques, 1*" avril, aprés s'étre mis en mer à la chute du jour (1). Lorsque le comte revint de l'Orient, une grande dé- monstration de piété amena à Cantorbéry l'élite de la noblesse francaise. Elle était conduite par le roi lui-méme, Louis VII dit le jeune , accompagné de Philippe d'Alsace, de Henri I**, duc de Lotharingie et de Brabant, de Bau- douin , comte de Guines , du comte Guillaume de Mande- ville, de l'avoué de Béthune et d'une foule d'autres barons. Parti de Wissant (Witsand), Louisarrivà le mercredi 22 aoüt à Douvres, oü il fut recu avec les plus grands honneurs par Henri H; de retour dans cette ville, il re- partit pour Wissant, oü il aborda le dimanche 96 (2). Cette méme année 1179, vers le mois de mai, Henri, le fils ainé du roi d'Angleterre , se rendant en Flandre pour aller. rendre visite au comte Philippe d'Alsace, aborda à (1) Nocte sequenti post tenebras mare intravit et in crastino valde mane applicuit apud Wieent in Flandria. (B. de Peterborough , Gesta Henrici secundi t. ler (2) Chronicon magistri Rogeri de Hovedene, t. W, pp. 192 et 195 (Londres, 1869, in-8°). ( 447 ) Wissant (Wissanda) (1). En 1185, ce bourg hébergea Ranulphe de Glanville et Jean, depuis Jean sans Terre, le fils cadet de Henri II (2). Ce monarque, aprés avoir sé- journé deux ans en Normandie et s'étre réconcilié de nou- veau avec le souverain de la France, désira revoir son royaume; à la demande de Philippe d'Alsace, il prit son chemin par la Flandre, à travers laquelle le comte le con- duisit avec honneur. Le lendemain de son arrivée à Wis- sant (Widsand),le dimanche 10 juin 1184, le roi s'em- barqua, accompagné d'une suite peu nombreuse, et traversa la mer avec un seul navire. Dés qu'il eut terminé sa traversée, il renvoya ce dernier de Douvres pour aller chercher sa fille, la duchesse de Saxe, qui partit pour lAn- gleterre avec les serviteurs de son père et les siens. Mais, cette fois, le voyage ne s'opéra qu'à grand'peine et beau- coup de navires de l'escadre se brisèrent (5). L'année 1185 fut marquée par un terrible tremblement de terre qui, dans la journée du 15 avril, causa des dom- mages considérables. Le roi Henri H était sur le point de partir pour la Normandie pour aller combattre son fils Richard, à qui sa valeur mérita depuis le surnom de Cœur de Lion. Le vieux monarque, auquel ses enfants causaient sans cesse de nouveaux tourments, prit, non pas la voie la plus directe, mais celle qui était alors la plus pratiquée, c'est assez dire qu'il fit voile de Douvres pour Wissant. Le patriarche Héraclius, l'évéque de Durham et un grand. nombre d'autres personnes de marque étaient du voyage. (1) B. de Peterborough, loc. cit., t. I, p. 240. (2) Idem, pp. 505 et 508 (9) Cum familia pair sui et sua, non sine gravi periculo applicuit in Angliam apud Doveram, quassatis multis navibus (Inem, p. 512). ( 448 ) A peine arrivé à Wissant (Wühsand), Henri marcha vers la Normandie, afin d'arréter les progrés des insurgés. Sa femme Éléonore d'Aquitaine était restée dans la Grande- Bretagne; un ordre du monarque l'appela auprés de lui, ainsi que le duc de Saxe Othon (depuis l'empereur Othon IV) et la duchesse, qui firent également le voyage de Douvres à Wissant (Witsant), peu de temps aprés les fétes de Pàques (1). Retourné au delà de la mer, le roi Henri LI revint une dernière fois sur le continent, en 1187 ; il y rencontra à Wissant (Whitsant in Flandria) (2), le 17 février, le comte de Flandre, le comte Thibaud, comte de Guines et beaucoup d'autres seigneurs, qui l'es- cortèrent jusqu'en Normandie ; il allait dans cette contrée pour s'y aboucher avec les légats du pape. Nous pouvons multiplier ces exemples en les appliquant parfois à des personnages d'un rang moins élevé. La correspondance échangée à cette époque (de 1188 à 1199) entre les membres du chapitre de Cantorbéry qui séjournèrent sur le continent et ceux qui restèrent en An- gleterre, mentionne à chaque instant Wissant. C'est par là qu'ils correspondent les uns avec les autres, qu'ils s'en- voient des messages , des vétements , c'est là que le frére Jean, un des délégués des chanoines, va attendre l'arrivée du légat du pape (5). En 1189, Baudouin, évéque de Can- torbéry, se rendit de Wissant à Douvres (4). En 1192, Gau- (1) B. de Peterborough, loc. cit., t. T, p. 557. (2) Roger de RAS loc. cit., t. I, p. 517. — Voir B. de Peterbo- rough, loc. cit., t. H (3) Stubbs, rapit se — of the reign of Richard I, t M, pp. 217, 250, 252, 289, 301, (4) Gervais de Duci: ben Twysden, loc. cit., p. 1546, ( 449 ) frid, qui avait été désigné par le pape pour monter sur le siége archiépiscopal d'York, malgré ses subordonnés etmal- ' gré Guillaume d'Elye, archevéque de Cantorbéry, justicier du royaume et régent pendant l'absence du roi Richard Cœur de Lion, voulut prendre possession de sa nouvelle di- gnité;.ce fut de Wissant qu'il partit pour Douvres et ce fut là qu'il revint bientót (1). Hugues, évéque de Durham, est cité comme ayant, à cette époque, pris le méme chemin (2). Jean sans Terre, comte de Mortain, jaloux de son frére Richard et désireux de lui nuire, agitait l'Angleterre par des complots incessants. Aprés avoir quitté cette contrée el abordé à Wissant (5), il voulut profiter de l'éloignement de Richard, qui était alors détenu dans un château d'Alle- magne. De connivence avee Philippe-Auguste, roi de France, il réunit à Wissant une flotte, en 1192; mais la vieille reine, Éléonore d'Aquitaine, veuve de Henri H, fit garder les côtes anglaises avec tant de soin que les coa- lisés jugérent inutile de tenter une entreprise qui devait nécessairement échouer (4). ll n’est pas fait mention de Wissant dans le récit de la guerre qui se termina par la bataille de Bouvines, mais il n'y est pas plus question de Boulogne, quoiqu'on ait soutenu le contraire. Guillaume le Breton se borne à dire que la flotte francaise recut l'or- dre de se réunir, le 10 mai 1215, sur le littoral du Bou- lonnais (Bolonicum littus), ce qui ne précise aucun point de la côte, et c'est de ce littoral qu'elle partit (5). (1) B. de Peterborough, Loc. cit.. pp. 210, 240, 249. (2) Brompton, dans Twysden, loc. cit., p. 1240. (5) Roger de Hovedene, loc. cit., p. 706. (4) Gervais de Dornbury, p. 1581. (3) Du Chesne, Historiae Francorum scriptores, t. V, pp. 204 et 205. < ( 450 ) Les princes séjournant fréquemment à Wissant,on ne doit pas s'étonner si l'on rencontre des diplômes qui en sont datés. En 1177, Philippe d'Alsace scelle à Wissant une charte par laquelle il assigne à l'abbaye de Notre-Dame de la Chapelle (ou Ter-Doest) une rente annuelle de 5 livres à prélever sur les revenus de Gravelines, afin de lui per- mettre d'entretenir un bateau de pêche (1). Le 18 juillet 1299, Jean de Baliol, roi d'Écosse, qui avait été mis en liberté par le roi d'Angleterre Édouard [+ aprés avoir longtemps langui en prison, s'engagea à ne pas quitter le lieu oü il fixerait sa résidence et à ne pas recommencer la guerre contre Édouard s'il retournait dans ses anciens États; l'acte contenant cette promesse solennelle fut passé à Wissant, en présence du légat du pape, R., évéque de Vicence, et des envoyés du roi de France : Jean, évéque de Careassonne; Jaeques de Chátillon, seigneur de Leuze et de Condé, et P. de Belleperche, chanoine de Bourges (2). Une preuve sans réplique de l'activité du port, c'est l'existence,à Wissant, d'un tonlieu qui était trés-productif, puisque, en 1520, il était encore grevé d'une rente an- nuelle de 500 livres, qui avait constitué le douaire de Marie d'Auvergne, dame de Malines(3), et qui fut cédée par Robert, comte d'Auvergne et de Boulogne en échange de la vicomté de Châteaudun. Ce péage était le principal de ceux qu'on levait dans le Boulonnais, car c’est le seul dont Guillaume de Normandie (1) Saint-Genois, Monuments essentiellement utiles, t Ier, p. 480. (2) Actum apud Wissant, de regno Franciae supra mare, in hospitio Joannis Steuari (Rainaldi, Annales ecclesiastici ab anno 1198, t. IV, p. 269.) (5) Du Chesne, Histoire généalogique de la maison de Dreux, preuves, . 99. (AD) fasse une mention spéciale dans la charte de liberté qu'il accorde, le 14 avril 1127, aux bourgeois de Saint-Omer. « Si, dit-il, je me réconcilie avee le comte de Boulogne » Étienne, je les ferai exempter (les bourgeois) du paye- » ment du tonlieu et du seewerp (ou droit d'épave mari- » time) à Wissant et dans tous les domaines de ce » comte (1). » Entre les années 1111 et 1119, Eustache, comte de Boulogne, le frère de Godefroid de Bouillon, avait déclaré les religieux de l'abbaye de la Capelle exempts du tonlieu de Wissant (2). Plus tard, le comte Mathieu d'Alsace et sa femme Mathilde accordèrent à Robert, avoué de Béthune, pour lui, pour ses fils et pour ses vassaux, une entiére exemption des tonlieux, principalement à Wissant, ce qui fut confirmé par Ide, fille de Mathieu, en 1189: d'abord, pour le péage de Wissant, puis pour ceux de Boulogne et de Calais (5). Au mois de mars 1312-1313, le roi de France, Philippe le Bel, défendit au comte de Boulogne d'exiger ce péage des étudiants qui viendraient assister aux lecons de l'Université de Paris. N'est-il pas curieux de constater qu'à l'extrémité orien- tale de la Flandre, à Alost, Wissant était désigné comme le principal port de commerce situé sur la mer? Ce n'était pas Damme ou Gravelines qui jouait le róle d'entrepót commercial ; non, c'était Wissant. En voici la preuve. Dans un texte curieux, intitulé Chou est li conduis le seingneur d' Alost et qui est rédigé dans l'idiome roman du XTT. siè- cle, on lit ces stipulations caractéristiques : ) Warnkónig et Gheldolf, Histoire de la Flandre, t. II, p. 419. ) Le comte de Saint-Genois, loc. cit., p. ) Vredius, Genealogia comitum Flandriae, preuves, t. 1, pp. 221 et 222, ( 482 ) a Tous les marchands qui viennent de la domination de » l'empereur et de la terre du duc de Brabant aux ports » de Flandre pour s'y embarquer, doivent payer au sei- » gneur d'Alost tel conduit ou péage qu'ils payeraient dans » cette ville s'ils y passaient et, en retour, le seigneur est » astreint à les conduire , sans qu'ils essuient de dommage, » jusqu'à Wissant. » Après il està savoir que tout marchand qui perd son » avoir entre Bredeke et Eske et Wissant, doit, s'il a payé » son conduit ou droit de passage, comme le sergent devra » pouvoir l'attester, le seigneur d'Alost est tenu de lui » rembourser ou restituer en entier la valeur de son » avoir(1). » Rien d'obseur, rien d'indéeis dans ces deux stipulations. Le marchand qui vient de l'Est à la cóte, à travers la Flandre, doit un droit de conduite ou de transit au sei- gneur d'Alost (ou au comte de Flandre, comme héritier des anciens comtes de cette ville) et, de son cóté, celui-ci est astreint à assurer sa sécurité et, en cas de malheur ou de vol, est obligé de lui restituer la marchandise égarée ou emportée. Cette garantie il la doit jusqu'au port ou s'opère le commerce maritime, jusqu'à Wissant. Notre texte, que l'on place vaguement vers l'année 1500, doit étre antérieur à l'année 1280, qui vit s'opérer le dé- membrement de l'héritage de Baudouin de Constantinople. Jl est facile d'en donner la preuve. Les localités à partir desquelles le comte de Flandre devait garantir la sécurité des voyageurs : Bredeke et Eske sont : la première, le ha- meau de Breedeyck, situé prés de la voie romaine d'Assche à Bavai, sous Lennick-Saint-Quentin, dans l'ancien duché (1) De Potter et Broeckaert, Geschiedenis der stadt Aalst, t. M, p. 573 ( 455 ) de Brabant, à la limite du comté de Hainaut; l'autre, le bourg d'Assche. La garantie que l'on payait en acquittant le tonlieu d'Alost cessa d'exercer son effet ou d’être ré- clamée en Hainaut, quand ce pays, aprés la mort de Mar- guerite de Constantinople, passa entre les mains des d'Avesnes, tandis que la Flandre devenait l'apanage de la race de Dampierre. Le transit de l'Empire cessa alors de prendre la direction de Breedeyck. Il est certain que Wissant obtint des comtes de Bou- logne une organisation municipale et des franchises ; mais, à cet égard, les renseignements font complétement défaut et mes recherches, qui ont eu pour résultat la publication de chartes importantes concernant Boulogne et Calais (1), ne m'ont rien appris. Voici pourtant un fait qui a son éloquence. En 1299, lorsque Ferrand de Portugal, comte de Flandre et de Hainaut, guerroya contre le comte de Boulogne, ses troupes exercèrent de grands ravages dans le Boulonnais ; Wissant échappa toutefois à la destruction, en promettant aux ennemis une somme de 300 livres (2), pour le payement de laquelle l'abbé de Saint-Bertin se porta caution, ce qui, ajoute le chroniqueur Ipérius, lui attira bien des vexations et des maux. lil Au XIII* siècle, les épisodes se rapportant à notre port se rencontrent aussi, mais plus rarement. Le Boulonnais, étant devenu la propriété d'une branche de la famille (1) Les libertés communales en Belgique, preuves, pp. 54, 57, 58, 67. (2) Accepto a burgo de Visant trecentas libras, ne combureretur sois Martene et Durand, Thesaurus anecdotorum, t. HE, p. 7 (154 ) royale de France, cessa d’être le foyer des agitations ali- mentées par la politique anglaise ou flamande. Ce fut là (in portu Sanwic) qu'Éléonore, fille du comte de Pro- vence, s'embarqua pour la Grande-Bretagne, oü elle épousa, le 19 janvier 1256, à Cantorbéry, le roi Henri IIT, fils de Jean sans Terre (1). Le comte de Leicester s'em- barqua au méme endroit en 1251. Enfin ce fut encore de Wissant (Witsandia) que partit, en 1274, le roi Édouard 1°, lorsqu'il se rendit à Douvres et rentra dans le pays où il devait régner, en qualité de fils et de successeur de Henri II (2). A propos du départ de l’évêque de Lincoln, Hugues, départ qui s'effectua le 10 septembre 1200, Wis- sant est formellement qualifié de port (5). En 1206, tout le chapitre de l'église métropolitaine de Cantorbéry, com- posé de soixante-dix chanoines, que cent serviteurs accom- pagnaient, y arriva et y fut informé que Jean, abbé de Saint-Bertin, lui offrait l'hospitalité dans son riche mo- nastére (4). Du temps du roi saint Lou, les marins de Wissant , comme ceux de Calais, sont qualifiés par les historiens anglais de pirates dont les déprédations étaient funestes au commerce (5). Remarquons à ce propos deux choses: (1) Mathieu Paris, Historia Anglorum, t. II, p. 586. (2) Opus chronicorum, dans les Chronica monasterii Sancti Albani, p. 97 (Londres, 1866, in-8° (3) In crastino Witsandensem portum cum suis adivit. Sequenlis vero diei aurora ipsum navim conscendere vidit. Vila S. Hugonis Lincol- nensis, lib. V, ch. 15, p. 528. ; (4) Gallia Christiana nova. (5) Mathieu Paris, Historia Anglorum, t. V, p. 325 (trad. de M. Huil- lard Bréholles). On était alors en l'année 1242 , et une guerre avait éclaté entre les rois Louis IX et Henri HI. ( 155 ) D'abord que la navigation dans la Manche eut beaucoup à souffrir de la fin de la domination des rois d'Angleterre sur la Normandie. Au XII* siècle ces deux pays, régis par les mémes souverains, entretenaient des relations fréquentes etamicales, qui se relàchérent au XIII* siècle; ajoutons que l'on nomme ici Calais et Wissant, sans mentionner Bou- logne. Preuve nouvelle que ce dernier port n'occupait à cette époque qu'une position trés-secondaire. C'est pendant la première moitié du XIV* siècle que Wissant atteignit l'apogée de sa splendeur. Froissart en parle en maint endroit de ses Chroniques. Là débar- quent, en 1526, les chevaliers hennuyers qui avaient aidé la reine d'Angleterre à ressaisir l'autorité usurpée par les Mortimer, les favoris de son indigne mari, Édouard H; « par ce temps, ajoute l'écrivain, il i avoit (à Wissant) une » très-bonne ville (1). » Le véritable chef de l'expédition, Jean de Hainaut, seigneur de Beaumont, était resté au delà de la mer ; quand il se décida à revenir dans sa patrie, ce fut aussi à Wissant qu'il mit pied sur le continent (2). - Peu de temps aprés, le jeune roi d'Angleterre résolut d'en- vahir l'Écosse et fit appel aux gentilhommes belges dési- reux de s'illustrer sous ses drapeaux. Ils accoururent en grand nombre et vinrent se placer sous les ordres de Jean de Hainaut ; les vaisseaux sur lesquels ils devaient traver- ser la mer les attendaient à Wissant (5), et ce fut là aussi qu'ils furent ramenés à la fin de la campagne (4). Hs s'y reposérent de leurs fatigues pendant deux jours; quand (1) Froissart, t. bi p. 95 (édit. de M. le baron Kervyn). (2) Ibidem, p. 1 (3) Ibidem , pp. » et 111. (4) Ibidem , p. 185. ( 156 ) leurs chevaux et leurs bagages eurent été mis à terre, une partie d'entre eux et dans le nombre leur chef se rendirent en pèlerinage à Notre-Dame de Boulogne, tan- dis que d'autres prenaient le chemin de Saint-Omer (1). Il n'était nullement d'usage de se rendre directement d'Angleterre à Boulogne; non, on descendait des vaisseaux à Wissant, puis de là on allait par terre à Boulogne. Pourquoi cette préférence pour Wissant si le port y est si mauvais et si insignifiant? Et l'exemple que nous venons de citer n'est pas un fait isolé. Bientót il s'agit de marier le nouveau roi d'Angleterre, Édouard HE. Des envoyés partent pour le continent et abordent à Wissant (2), où peu de temps aprés arrive la jeune princesse dont la main est destinée au monarque, Philippine de Hainaut. Elle s'y embarque (3) sur des vaisseaux préparés à la recevoir et qui avaient été envoyés dans ce but (4). A peine marié, le monarque anglais est invité par le roi de France, Phi- lippe VE, à lui faire hommage pour ses possessions dans ses États. Les envoyés de Philippe prennent la mer à Wissant (5), où Édouard TII ne tarde pas à arriver avec une suite où l'on comptait plus de mille chevaux. lei se reproduit la scène qui avait marqué le dernier retour du sire de Beaumont. Quand le débarquement est terminé, le roi monte à cheval et part pour Boulogne (6). Ce voyage jeta entre les deux princes les germes d'une V Hd aia (1) Froissart, loc. cit., pp. 186 et 187. (2) Ibidem, p. 191 (5) Ibidem (4) Chroniques abrégées , loc. cit., t.'XVIII, p. 28. (8) Chroniques de Froissart, t. HI, p. 227. (6) Ibidem, p. 232. ( 157 ) haine qui ne tarda pas à éclater et dont les suites furent funestes au port dont nous parlons. Si Wissant vit encore arriver les ambassadeurs qu'Édouard HI envoya vers les princes belges pour les rallier à sa cause ; si ces députés, et en particulier ceux qui allérent trouver le comte de Hainaut, y retrouvérent les vaisseaux qui les avaient amenés et avaient jeté l'ancre pour les attendre (1); si l'un d'eux, celui qui parait avoir été alors le plus actif agent du roi, Jean de Thrandestone, y passa, en 1556, lorsqu'il essaya de rallier à Édouard I l’évêque de Liége et le comte de La Mark; en 1337, lorsqu'il revint de Gand pour attendre un sauf-conduit du roi de France ; en 1558, lorsqu'il retourna de Douvres à Gand; en 1340, lorsqu'il quitta le siége de Tournai et prit la direction de Sand- wich (2); si, en 1541, Robert de Verssi, arrivant de l'Écosse par l'Angleterre, v débarqua et y attendit que ses serviteurs, ses chevaux et leurs harnachements fussent entiérement mis à terre pour prendre le lendemain le chemin de Boulogne (5), ces épisodes pacifiques ne furent que le prélude de scènes de rapine et de carnage. Par sa position à peu de distance de l'Angleterre, Wis- sant était l'un des points d’où les corsaires francais pou- vaient le mieux guetter et poursuivre les navires qui sil- lonnaient la Manche. Froissart le nomme, avec Calais et Boulogne, parmi les ports oü les « écumeurs de mer » avaient l'habitude de se rafraichir, c'est-à-dire de prendre des vivres et de déposer leur butin (4). Leurs allées et Froissart, loc. cit., pp. 354 et 537. Ibidem, pp. 154 à 164, ( 458 ) venues enrichissaient le bourg, mais le róle de ce dernier changea quand la guerre fut transportée sur le continent. Après la terrible journée de Crécy du 26 août 1546, les Anglais victorieux ravagèrent tous les environs de Bou- logne et incendiérent les faubourgs de cette ville, prés de laquelle ils logérent; le mercredi 50, ils se remirent en route et arrivérent à Wissant, « ville qui estoit adont bonne et grosse (1). » Édouard III y fit mettre le feu aprés y avoir passé une nuit avec toute son armée, puis les villages jusqu’au bois de Hardelo furent également livrés aux flammes (2). Alors commença le siége de Calais. Wissant, qui se trouve à peu prés à mi-chemin de cette ville et de Boulogne, fut constamment visité par des troupes ayant pour but, soit d'inquiéter les assiégeants, soit de leur fournir des ressources de tout genre. Jean de Vienne, valeureux chevalier bourguignon, à qui le roi Philippe VI avait confié le soin de défendre Calais, péné- tra dans cette ville en s’avançant de Wissant pendant la nuit par le « sabelon », c'est-à-dire par l'estran ou l'espace que la marée laisse à sec en se retirant (5). Quand les An- glais se mirent à l’œuvre pour compléter l'investissement de Calais, ils firent abattre une grande quantité d'arbres dans les foréts du Boulonnais. On amena ces arbres à bras d'hommes ou au moyen de chevaux jusqu'à Wissant ; là ou. les jetait à la mer et on les conduisait prés du camp des assiégeants, où on les tirait sur les sables de la côte (4). —— (1) Froissart, t. V (2) Ibidem. Voyez aussi les Chroniques abrégées de Froissart (loc. cit- t. XVIII, p. 216) et la Chronique de Valenciennes (loc. cit., t. V, p. 494)- On ne doit pas dire avec Lefebvre (Histoire de Calais, t. 1, p. 707) que Wissaut fut alors fortifié p les Anglais ; cela est inexact. (3) Froissart, t. V, p. 8 (4) Ibidem, p. 182. ( 159 ) Philippe de Valois se décida enfin à tenter un supréme effort pour venir au secours des Calaisiens et réunit une armée dont on porte l'effectif à 200,000 hommes. A sa tête, il traversa la contrée dite l'Alekine et vint occuper le Mont de Sangate, entre Wissant et Calais (1); mais il était trop tard : une contrevallation formidable enveloppait la ville assiégée, et Édouard HI, à l'abri derrière ses retran- chements, appuyé par les milices flamandes, put aisément braver les défis et les menaces du monarque francais. La guerre de Cent ans, entre la France et l'Augleterre, fut la cause de la décadence de Wissant et de l'oubli où ce port tomba. Dénué de fortifications, il devint la proie du moindre détachement qui voulut y porter la désolation. C'estainsi qu'en 1412, pendant les hostilités entre Henri V, d'Angleterre, etle malheureux Charles VI, de France, 2,000 soldats du premier de ces monarques, sous les ordres des comtes de Warwick et de Kent, dans une incursion au cœur du Boulonnais, prirent d'assaut le « pont de Wis- sant », pillérent tout dans cette localité, puis y « boutèrent le feu » (2). On comprend que ses habitants et surtout les armateurs laient abandonnée. En 1579 des négociateurs des deux nations s'y assemblérent plusieurs fois (5); mais, “en 1585, lorsqu'il fut de nouveau question de conclure la paix, ils se rencontrérent à quelque distance de là, « en » un village et une église qu'on appelle Lolinghen (4). » Depuis on ne parle plus qu'au passé de la prospérité de (1) Froissart, p. 183. (2) Jean de Wavrin, Chroniques et anchiennes istories de la Grande Brelaigne , p. 154 (Londres, 1868, in-8»). (5) Froissart, t. XVIII, p. 553. (4) Ibidem, t. X , p. 275. ( 160 ) Wissant : « où le passage étoit lors (c'est-à-dire en 1527) » tout commun (1), » ville « qui estoit adont » (en 1546, lorsqu'elle fut incendiée) « bonne et grosse » (2). Dans le XV* siècle il n'en est pius question, et dés 1402 c'est à Boulogne ou ailleurs que l'on poem le tonlieu auquel son nom était attaché (5). A partir de cette époque, Wissant ne fit plus que dé- choir. Le souvenir de l'existence de son port s'effaca si bien que Gramaye , après avoir déclaré que c'était de cette localité jusqu'au cap Thenasse (4), prés du village de Sainte-Marguerite, que la largeur du Pas-de-Calais était la plus faible, s'empressa de déclarer le passage des vaisseaux impraticable en cet endroit, le littoral n'offrant de port d'aucun côté (5). Les faits accumulés dans les pages qui précèdent mettent à néant l'assertion de Gramaye, au moins pour ce qui concerne Wissant. Mais comment put se produire ce changement, aprés quatre siécles de pros- périté? L'ingénieur Henry en donne une explication qui parait acceptable en tous points. D'aprés lui l'incendie du bourg par les Anglais, soit faute de vigilance, soit besoin de combustible, fut suivi de la destruction d'une partie des hoyats (arundo arerania, de Linnée), qui couvraient les dunes et les maintenaient en place. La ville s'ensabla, dit- (1) Froissart, t. XVIIE, p. 27. (3) Ibidem, t. V, p. 81. (3) Ce fait a été puisé par Du Cange dans Les Comptes du comté de Boulogne (4) CHER freti spatium observatum est inter Visantium et éd Insulæ, vulgo Thenasse, juxta vicum S. Margarite, sed vibus lrajectus hinc inde nullus datur, raies littore utrobique. (aigu Flandrie , p. 165). ( 161 ) l, puis il ajoute: « Les propriétaires attachés au sol de leur pays natal construisirent de nouvelles maisons en arriére des sables; mais, comme elles se trouvaient » encore dans la direction du vent d'ouest, elles subirent » le méme sort que les anciennes; l'année 1758 vit dispa- » raitre 45 habitations dans une seule nuit. Un événement » à peu prés pareil arriva le 4 mars 1777. Maintenant les » terres au delà de Wissant sont couvertes et les sables, parvenus sur le territoire de Sombre, se dirigent sur celui d'Audembert (1). » D’après le plan de Wissant publié par le méme auteur (2), les dunes n'y étaient pas plantées de hoyats entre le bourg même et les marais de Tardinghen; c'est donc de ce côté, près des lieux dits le Havre et le Phare, que les sables ont pénétré et c'est là que l'on retrouverait , si l'on y opérait des fouilles sur une assez vaste échelle, les restes de l'aneien port. Celles que l'on a entreprises en 1855, sous la direction de M. Cou- sin (5), n'ont pas produit de grands résultats, mais on ne doit pas s'en étonner; c'est dans les dunes qu'il faut cher- cher, dans ces dunes d’où, pendant plus de cent ans, on a reliré des pierres provenant de constructions de tout genre, dans cette dune de la Mine d'or où, de méme que sur les bords du ruisseau d'Erlan, on a mis à découvert de gros pans de murailles. N'oublions pas de rappeler qu'à 200 pas du village il existe une maison qui est connue depuis plusieurs siécles sous le nom assez caractéristique de Ferme du Phare. IE v V v M Essai sur T rondissement de Boulogne-sur-Mer, p. 189. 2) En regard de la p. 6 G) Mémoires de à Société Dunkerquoise pour TRIN ageman des sciences, des lettres et des arts, année 1855, pp. 210 et su 9"* SÉRIE, TOME XLVII. ( 162 ) Du Cange nous a laisse quelques détails sur l'état dans lequel se trouvait Wissant vers le milieu du XVH" siècle. Il n'y compte que 80 feux ou habitations (environ 500 ha- bitants), répartis entre quatre ou cinq hameaux (1). II ne s’y rencontre, dit-il, ni murailles, ni portes, ni traces d'an- ciens remparts, bien que la coutume du Boulonnais con- tinue de donner à la localité la qualification de ville. On y voyait les restes d'un vieil édifice oü, disait-on, se dépo- saient les laines que l'on amenait d'Angleterre, édifice qui n'était autre peut-être que cette Tour de Wissant ou Fort ruiné, placé, dans la carte de l'an 1776-1797, prés du vil- lage et de la cóte, sur la laisse de mer. Wissant était la résidence d'un bailli, qui venait toutes les semaines y pré- sider à l'administration de la justice; son échevinage ju- geait au civil et au criminel et avait l'administration de l'hópital. Comme édifice religieux il n'existait qu'une cha- pelle du cóté de Boulogne, et l'église paroissiale, à Som- bres, à 200 ou 300 pas du village. Cette dernière a été démolie en 1769 et l'on n'en a conservé que le cimetière, où l'on enterre encore les habitants de la commune. Qui ne croirait, à en juger par ce qui vient d’être dit, que Wissant n'eut jamais d'importance au point de vue du culte? Et pourtant rien ne serait plus contraire à la vérité. Le bourg fut, en effet, le centre d'un doyenné (deca- natus de Wisanto), tant lorsque l'évêché de Térouanne exis- tait dans son intégrité primitive, qu'aprés son fractionne- ment, fractionnement décrété en 1559, en trois diocéses : (1) D'aprés Piganiol de la Force (Nouvelle description de la France; t. II, p. 352), il ne se trouvait à Wissant que cinq bateaux du port de trois, quatre et six tonneaux, Le plus grand était employé à la pêche du hareng, les autres à celle du maquereau et tous à la péche à la ligne. ( 165 ) Boulogne, dans le royaume de France; Saint-Omer et Ypres, dans les dix-sept provinces des Pays-Bas. Ce doyenné comprenait, outre Wissant-Sombres, les paroisses de Lolinghen (Leulinghen), Houdenbergh (Audembert), pec Fo LAINE et Caffrires (Caffiers), et Lodrehen, Hardi ; Far- dinghen el Haudeghem (Audinghem (4). Le doyenné sub- sistait encore, avec le titre de district, à la fin de l'ancien régime, mais on en avait transféré le siége à Marquise. Expilly, qui écrivait il y a deux siècles, y englobe, outre les localités citées plus haut, la ville d'Ambleteuse , Au- dresselles, Bazinghen, Boursin, avec le Wast; Ferques, avec Elinghen, et enfin Saint-Inglevert (2). Pour terminer, donnons ici une liste des lieux dits com- pris dans la commune , renseignement précieux que je dois à l'obligeance de mon collègue et ami, M. Doncker, rece- veur de la ville de Bruxelles, qui a plusieurs fois séjourné à Wissant. Les voici, avec leur orthographe actuelle et certainement altérée en beaucoup d'occasions, répartis entre les quatre sections du territoire, qui se succèdent en allant du nord au midi : SECTION DE SOMBRE : Strouanne ou Estrouanne, hameau; Saint-Pol, hameau; Petit Blanc Nez, promontoire; L'Ex- communié; Terre à Fillettes; Grand Sable; Cótiére de Sombre; Chemin de Calais; Mont rôti; Mont à Crignons ; Les Sables; Mont d'Averloot; Terre Souliers; Longue (1) Miraeus et Foppens, Opera diplomatica , t. IV, p. 662 (2) Dictionnaire historique et géographique de la France, t. IV, p. 964. Le pouillé du diocése de Térouanne, qui a été cité plus haut, con- firme les indications de d’Expilly, sauf que l'on mentionne dans le doyenné Berdinghem au lieu d'Audresselles. ( 164 ) tranche; Cótiére du mont d'Averloot ; Petites chambres; Mont du comte; Mont à Genoivre; Les Caillerettes; Fond de Sombre; Derriére Sombre; Blanches mesures; Terre des petits; Grandes chambres; Mont d'Escalles ; Enclos ; Haute Sombre; Mont de Sombre; Cótiére du mont ; Mont des pré- tres; Rietz du Communal ; Dune d'amont ou Dune de la mine d'or; Pont de Calais; Pont de la Mine; la Wette; Courtil brülé; les Avantages; Fond d'Herffelinghen ou Ervelingue. SECTION DU CaMP DE CÉSAR : Le Vrimetz, habitation (de vry, en flamand libre, et du francais mez ou manse, par- celle de terre comprenant d'ordinaire 12 bonniers?); les Croisettes ; les Pátures; les Argillières; Basse-Sombre; Ci- meliére; les Combles; Courtil à lapins ; le Platon; la Mine; les Gages verts; Herlan ou Herland; la Placette; la Rue- velle; Fond Bodin; Blanc pays; Fond Notre-Dame; Ferme du Vivier ; les Gros hures; les Douze; Vallée Merlier; Vallée Pacquet; Fond Bertaux; la Ramonniére ; Haut du Blanc pays. SECTION DU VILLAGE. SECTION DE LA MOTTE CanuiN: Dune daval; Motte du vent (Motte pelée, 1797) au sud du village; Failliére du phare, d'aprés la ferme appelée le Fard ou Phare, sous Tar- dinghem ; les Arceaux; les Craquets, où l'on a découvert, en 1841, des poteries gallo-romaines; la Renardiére; Butte Carlin; Colombier; Páture d'Audembert (Oudenberg ou Vieille montagne); les Tégres; Courtil à peines; les Guiales; le Pied de glames; Plaine du colombier; les Breuil; Fond d'Ausquis. Ces indications ne sont pas de nature à nous fournir de grandes lumières; mais pourquoi ? Parce qu'elles devraient étre complétées au moyen des anciens titres, qui donne- ( 165 ) raient, avec infiniment plus d’exactitude, les noms des ha- bitations et des champs. Voici, en effet, un exemple frap- pant des altérations que subissent les désignations locales. On mentionne à Wissant un Camp de César. Les écrivains boulonnais, et en ceci on ne peut que leur donner raison, font remarquer que les constructions de ce monticule n'ont certainement pas abrité toute l'armée romaine, qu'elles n'ont logé au plus que quelques cohortes; ils ajoutent que ces restes doivent dater du moyen àge (1). Du Cange appelle cette colline la Motte du Chátel , quoique le nom de Castel de César füt déjà usité et que Piganiol de la Force, qui vivait il y a prés de deux siécles, le connüt déjà. C'est une éminence de forme ovale, dont le plus grand dia- mètre mesure 40 toises (environ 80 mètres); elle est si- tuée à l'endroit oà se rejoignent deux ravins, qui en ren- dent l'accés difficile. On n'y arrive que par une seule ouverture, faisant face à la mer, qui est éloignée d'un kilométre environ. La hauteur se compose de deux pla- teaux superposés, dont le plus élevé est creux en son milieu et entouré d'un fossé profond de 4à 5 métres. Une fontaine, pratiquée par la main de l'homme, jaillit au pied de la colline, à côté du Pont charnier. La Motte du Chátel (prononcer Caté) ou Motte Julienne constitua jusque dans les derniers temps de l'ancien ré- gime une dépendance du domaine royal, qui en avait hé- rité des comtes de Boulogne. Les particuliers auxquels la juridiction de Wissant fut donnée en engagère par la cou- ronne, ne jouirent jamais de ce monticule, ni de ce qu'il produisait (2). Nul doute qu'il n'ait existé en cetendroit, à a Mémoires de l’Académie d'Arras, loc. cit., pp. 264-265. (2) Henry, loc. cit. 6. ( 166 ) l'époque féodale, un château, château qui aura peut-être été établi sur les fondements d'un castellum romain, Les autres collines du méme genre que l'on remarque aux environs : la Motte du Vent, la Motte Carlin, la Motte du Bourg (sous Tardinghen), qui avoisine une petite anse dite la Háble ou Hávre, celle de Tardinghen, sur laquelle est bâtie l'église de ce village, la Motte d'Inghem, ete.,sont ou de petites collines naturelles ou des tumuli gallo-romains. On ne saurait y voir des restes des ouvrages élevés par ordre de Jules César pour protéger les troupes auxquelles il laissa la garde du Portus [ccius. Que sont devenus ces ouvrages? il n'y en a trace ni à Wissant, ni ailleurs. Seu- lement la Motte Julienne a peut-être servi de quartier- général, d'observatoire au célèbre conquérant. Un dénombrement officiel ne porte qu'à 708 le chiffre total de la population de Wissant, en 1698; ce chiffre resta le méme pendant tout le XVIII* siécle, ou, s'il aug- menta, baissa de nouveau aprés les désastres de 1738 et de 1777. En l'an XIII (4805), il était réduit à 704 (1), tandis que le nombre des habitants de Boulogne s'était élevé, de 1698 à 1805, de 5,748 à 19,914. Ainsi, tandis que Wissant restait stationnaire, la population de Boulogne s'était plus que triplée. Aujourd'hui Wissant compte envi- ron un millier d'habitants. Il ne serait pas impossible de rendre à cette localité une certaine importance. Un jour peut-étre, l'administration française voudra multiplier les ports du Pas-de-Calais et, si les renseignements qui m'ont été donnés sont exacts, il a déjà été question d'ouvrir un canal qui met- trait en communication directe Boulogne et Wissant; le — (1) Henry, loc. cit., p. 164. ( 167 ) complément de ce grand travail consisterait dans le creu- sement d'un bassin de commerce en ce dernier endroit, entreprise dont la réalisation a été entrevue et discutée il y a prés de 80 ans. « Pour rétablir le port de Wissant, dit Henry (1), il suf- » firait de creuser le bassin naturel formé d'un côté par » les dunes et de l'autre par les terres élevées qui bordent » les communaux de Tardinghen, opération trés-aisée dans » un terrain relevé par le dépót des eaux qui ont séjourné » dans ces prairies. Les terres provenant des déblais pour- » raient étre placées sur les dunes pour en fixer les sables » mobiles, ce qui produirait le double avantage d'utiliser » le terrain en le rendant susceptible de culture et de .» plantation et d'abriter le port contre les vents du large, » en relevant le sol de ce cóté. » On pourrait maintenir la profondeur du chenal en » détournant les eaux des ruisseaux de Guiptun et de Wis- » sant pour les réunir à celui qui coule dans la longueur » de Tardinghen, pour ne former qu'un seul lit qui s'écou- » lerait dans celui du chenal. » Rien n'empécherait aprés cela de traverser une partie » du port par des retenues, pour en former un bassin qui » tiendrait les vaisseaux continuellement à flot et dont le » jeü des écluses servirait à nettoyer le port et le che- » nal. » Les lignes qui précédent sont la meilleure justification que l'on saurait donner de l'opinion qui place le Portus Iccius à Wissant. Avec quelque peu d'aide, cette localité pourrait refleurir. Alors on s'expliquerait mieux ce passé brillant dont il ne reste plus de traces que dans les livres, (1) Loc, cit., p. 134. ( 168 ) on comprendrait cette période de splendeur qui s'étend de l'an 900 à 1550, période pendant laquelle on vit tant de monarques, de princes, de capitaines, d’ecclésiastiques re- nommés s'embarquer ou débarquer de préférence à Wis- sant; le village redeviendrait plus digne du temps où il était l'une des villes privilégiées du comté de Boulogne, la résidence d'un des baillis du comte, le centre d'un doyenné de l'évéché de Térouanne ; on se rappellerait mieux que son nom a été porté par deux de ces héroiques bourgeois de Calais qui, pour sauver leurs concitoyens, n’hésitèrent pas à s'offrir à la colère immodérée d'Édouard III (1); enfin , on cesserait de repousser l'idée que dix-huit siècles et demi avant Napoléon I**, César y fit camper ses troupes et y réunit une flotte pour tenter la conquéte de l'ile des Bretons. A la dernière exposition annuelle des beaux-arts de Paris, mes regards tombérent tout à coup sur un tableau signé Sauvaige. Il représentait des sables doucement bat- tus par les vagues, au milieu desquelles était amarré un bateau pécheur. Rien de plus simple comme composition, tout y revêtait un aspect doux et mélancolique. Cette plage où régnait le calme le plus profond, c'était la plage de Wissant (2). Comme dans le village paisible qui a succédé au Portus Iccius, rien n'y parle de grandeurs et de désas- tres, de prospérité et d'orages. A voir cette marine, on aurait juré qu'elle reproduisait l'une de ces eaux où la tempête ne se déchaîne jamais, l'une de ces rades où ) Gobert de Wissant figura, au XIe siècle À ps les NA qui aidérent Guillaume le Conquérant à soumettre l'Anglete (2) L'Art (année 1878, t. IV, p. 191) a publié une quee st le tableau de M. Sauvaige, ( 169 ) n'abordent ni le conquérant ni le pirate. Double illusion produite à la fois par l'art et par la nature. Dans le tableau comme dans le site méme, tout parle de paix et de repos, tandis que le passé de Wissant réveille un enchainement de guerres et de pillages, une série de désastres causés, tantót par la main des hommes, tantót par les convulsions de la nature. L'histoire de Wissant, pendant le haut moyen àge, forme en réalité l'un des chapitres les plus importants de l'histoire du commerce maritime dans la Manche. Aucun port de la cóte de la Gaule n'eut une célébrité à la fois aussi précoce et aussi durable, et si les traces de ce passé se sont effacées, il est facile de les retrouver en feuilletant les vieil- les chroniques et les travaux des hagiographes. Du Cange ne s'était pas trompé lorsque, le premier, il soutint la thése que je me suis efforcé de mettre dans tout son jour:la splendeur de Wissant pendant l'époque féodale est une preuve de plus que cette localité, du temps des Morins, a constitué, sous le nom de Portus Iccius, la localité où l'on s'embar- quait de préférence pour se rendre dans la Grande-Bre- tagne: ce qui y est arrivé du XI* au XIV* siècle peut très- bien n'avoir été qu'une répétition de ce qui s'y passait avant l'ére chrétienne. Peu fréquentée pendant la méme période, Boulogne, par contre, doit aussi avoir été d'une importance secondaire dans les temps qui précédérent l’arrivée de Jules-César dans nos contrées. Moins que jamais je puis donc souscrire à l'assimilation ou, si l'on veut, au rapprochement que l'on s'est efforcé d'établir entre le Portus Iccius et Gessoriacum. ( 170 ) CLASSE DES BEAUX-ARTS. Séance du 9 janvier 1879. M. PorraeLs, directeur pour 1878, occupe le fauteuil. M. Lracre, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. le chevalier L. de Burbure, direc- teur pour 1879; L. Alvin, Jos. Geefs, C.-A. Fraikin, Éd. Fétis, Edm. De Busscher, Alph. Balat, J. Franck, Gust. De Man. Ad. Siret, J. Leclereq, Ern. Slingeneyer, Alex. Robert, F.-A. Gevaert, Ad. Samuel, G. Guffens, J. Schadde, membres; MM. Pinchart et J. Demannez, correspondants. M. Chalon, membre de la Classe des lettres, et M. Éd. Mailly, memóre de la Classe des sciences, assistent à la séance. . CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l'Intérieur écrit qu'il a invité le con- seil d'administration de l'Académie royale des beaux-arts d'Anvers à donner connaissance à M. J. Dillens, lauréat du grand concours de sculpture de 1877, des observations faites par la Classe sur le premier rapport semestriel de ce lauréat. EC) — M. Adolphe de Doss, lauréat de la Classe, fait hommage d’un exemplaire de sa partition réduite (piano et chant) de son œuvre : L’hymne de la nuit, paroles de Lamartine. M. Édouard Grégoire fait hommage d'un exemplaire de sa Notice bibliographique sur Francois-Joseph Gossé , dit Gossec, compositeur de musique, né à Vergnies, Hainaut (mémoire couronné en 1877 par la Société des sciences, des arts et des lettres de Mons). La Classe vote des remerciments aux auteurs de ces dons. ÉLECTIONS ET NOMINATIONS. M. le baron Limnander écrit que, n'étant plus domi- cilié en Belgique et ne pouvant, par conséquent, se rendre réguliérement aux séances, il se voit forcé de donner sa démission de membre de la section de musique. La Classe accepte la démission de M. Limnander et, conformément à l'article 9 des statuts organiques, le range parmi les associés de la méme section. Le remplacement de M. Limnander comme membre titulaire sera porté à l'ordre du jour de la prochaine séance. — La Classe procéde ensuite à l'élection de son direc- teur pour 1880. Les suffrages se portent sur M. Gallait. M. Portaels, directeur sortant, remercie ses confrères de la bienveillance dont il a été l'objet de leur part pen- dant la durée de son mandat. Il installe au fauteuil M. le chevalier de Burbure, qui ( 172 ) se fait l'interpréte de la Classe en remerciant M. Portaels du dévovement qu'il a apporté dans l'exercice de ses fonc- tions de directeur. RAPPORTS. La section de musique fait connaitre son opinion sur les deux premiers rappports trimestriels de M. Tinel, lauréat du grand concours de composition musicale de 1877. Cette opinion sera communiquée à M. le Ministre de l'Intérieur. — La Classe entend l'avis de la Commission nommée pour l'examen des requétes du Willems-Fonds, tendant à proposer des modifications au réglement des grands con- cours de composition musicale. Cet avis sera également communiqué à M. le Ministre de l'Intérieur. CAISSE CENTRALE DES ARTISTES. La Classe approuve la disposition prise par le comité directeur de la caisse, d'accorder à M"* veuve Hanisch, pour l'année actuelle, le méme subside que celui des années précédentes. ( 473 ) OUVRAGES PRÉSENTÉS. Bormans (Stan.). — La geste de Guillaume d'Orange, frag- ments inédits du XIII* siècle. Bruxelles, 1878 ; in-8°. Nypels. — Commentaire du Code de procédure pénale, 1* livraison. Bruxelles; in-8°. D'Hane-Steenhuyse (Ch.). — M. Barthélemy Dumortier et le lieutenant général d'Hane-Steenhuyse. Documents pour servir à l'histoire des événements de 1851. Bruxelles, 1878; in-8°. De Doss (Ad.). — L'hymne de la nuit, de Lamartine. (Parti- tion réduite, piano et chant). Liége; in-8°. Petermann (A.). — Station agricole de Gembloux (1872- 1877), Création — Organisation — Travaux. Bruxelles, 1877 ; in-8°. Mativa (H.).—- Rapport sur les expériences faites au levant du Flénu sur la perforation mécanique. Paris, Londres, Liége, 1878; in-8°. Becker (Léon). — Catalogue des Araehnides de Belgique, 1" partie. Bruxelles, 1878; extr. in-8°. — Aranéides nouveaux pour la faune belge. Bruxelles, 1878 ; extr, in-8°. — Aranéides recueillies en Hongrie par M. de Horvath, et en Moldavie par M. A. Montandon. Bruxelles, 1878; extrait in-8°. — Diagnoses de quelques Aranéides nouvelles du Mexique. Bruxelles, 1878; extr. in-8° avec 4 pl. — Sur un nouveau genre d’Avicularidae. Bruxelles, 1878; extr. in-8*. — Tarentula Beckeri, Keyserling. 1878. Bruxelles, 1878; extr. in-8*. ( 474 ) Becker (Léon.) — Quelques mots sur les travaux des arai- gnées. Bruxelles, 1878; extr. in-8°.. — La lutte pour la vie chez l'araignée. Bruxelles, 1878; extr. in-8°. — De l'amour maternel chez l'araignée. Bruxelles, 1878; extr. in-8°. — Sur l'habitation de la Cteniza Sauvagel Rossi. Bruxelles , 1878; extr. in-8°. De Koninck (Luc.). — Tableau de la marche suivie au labo- ratoire de pharmacie de l'Université de Liége, pour la recherche des principaux éléments électropositifs, etc. Mons, 1878; feuille in-plano. Le Ray (Ad.). — Poésies, précédées d'une préface, ornées du portrait de l'auteur et de gravures hors texte. Tournai, 1878 ; in-8*. Borre (Preudhomme de).— Quelques conseils aux chasseurs d'insectes. Bruxelles, 1878; extr. in-8*. — Note sur des difformités observées chez l'Abax ovalis et le Geotrupes Sylvaticus. Bruxelles, 1878; extr. in-8. — Sur l'euf et la jeune larve d'une espéce de Cyphocrania. Bruxelles, 1878; extr. in-8*. Université catholique de Louvain. — Annuaire, 4879. Lou- vain, in-12. Société scientifique de Bruxelles. — Revue des questions scientifiques, seconde année, 2*-4* livr. Annales, supplément à la 2% partie de la 27* année. Bruxelles, 1878 ; in-8°. ALLEMAGNE ET AUTRICHE. Oberhess. Gesellschaft für Natur- und Heilkunde. — A7.Be- richt. Giessen, 1878; in-8*. Ferdinandeum für Tirol und Voralberg. — Zeitschrift, 22. Heft. Innsbruck, 1878 ; in-8*. Verein für Erdkunde. — XV. Jahresbericht. Dresde, 1878; in-8°. ( 475.) Schlesische Gesellschaft für vaterländische Cultur. —55. Be- richt. — Fortsetzung des Verzeichnisses der in den Schriften der Gesellschaft, von 1864 bis 1876 incl., enthaltenen Auf- sátze. Breslau, 1878; in-8°. K. Akademie der Wissenschaften in Berlin. — Abhand- lungen, 1877. Berlin, 1878; in-4°. Université de Marbourg. — Thèses inaugurales et disser- tations. Marbourg, 1878. Schlagintweit-Sakünlünski (Adolphe). — Note sur les phé- noménes périodiques des plantes dans les Alpes. Bruxelles, 1861; extr. in-8°. Schlagintweit-Sakünlünski (Hermann). — Ueber das Auf- treten von Bor-Verbindungen in Tibet. Munich, 1878; extr. in-8*. HoLLANDE ET SES COLONIES. Musée Teyler. — Archives, vol. IV, fasc. 2-4; vol. V, 4"° part. Harlem, 1878; in-8°. Société hollandaise des sciences à Harlem. — Archives néer- landaises des sciences exactes et naturelles, t. XIII, 4° et Beliv. — Natuurkundige verhandelingen, derde verzameling, dl. 1H, Harlem, 1878; 4 cah. in-8° et 4 vol. in-4°. Zeeuwsch Genootschap der wetenschappen. — Archief, 1V3* deel, 4° stuk. Middelbourg, 1878; cah. in-8°. Maatschappij der nederlandsche letterkunde te Leiden. — Handelingen en mededeelingen ; levensberichten der afgestor- vene medeleden, 1878. — Catalogus der bibliotheek : 1*'** ge- deelte, handschriften ; 5% gedeelte, nederlandsch tooncel. Leyde 1877-1878; in-8°. Donders en Engelmann. — Onderzoekingen gedaan in het physiologisch laboratorium der utrechtsche hoogeschool , 5% reeks, V, 2% aflevering. Utrecht, 1878; in-8°. Gouvernement des Indes orientales. — Die Triangulation ( 176 ) von Java, 2. Abth.: die Basismessung bei Simplak, von D" Oude- mans, Metzger und Woldringh. La Haye, 1878; in-4°. Bataviaasch Genootschap van kunsten en wetenschappen. — Notulen van de algemeene en bestuurs-vergaderingen, dl. XVI, n° 4 en 2. — Tijdschrift, deel XXV, 4. — Gedenkboek 4778- 1878. Batavia, 1878; 2 br. in-8° et vol. in-4°, Pays DIVERS. Franck (Ad.). — Philosophes modernes, étrangers et fran- cais. Paris, 1879; vol. in-12. Matton (L.-P.). — Polysecteur et polysectrices. Lyon, 1879; in-4°. Franklin Institute. — Journal devoted to science and the mecanic arts. Series I and Il; series HII, vol. I-LXX VI (1826- 1878). Philadelphie, 1826-1878; 106 vol. in-8°. The magazine of umerican history. — January 1879; New- York; in-4°. Reale istituto venelo di scienze, lettere ed arti. — Atti, serie quinta, tomo III, 8-10; tomo IV, 1-9. Venise, 1878; in-8°. R. accademia delle scienze di Torino. — Atti, vol. XIII, n** 1-9. — Memorie, 2° serie, tomo XXIX. Turin, 1877-1878; 9 cah. in-8° et 4 vol in-4°. Osservatorio della regia universila di Torino. — Bollettino, anno XII, 1877. Turin, 1878; in-4°. BULLETIN L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1879. — No 2. a p á CLASSE DES SCIENCES. Séance du 1** février 1879. M. Sras, vice-directeur, occupe le fauteuil. M. LraGRE, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. L. de Koninck, P.-J. Van Beneden, H. Nyst, Melsens, F. Duprez, J.-C. Houzeau, H. Maus, Ern. Candèze, F. Donny, Ch. Montigny, Steichen, Brialmont, Éd. Morren, Éd. Van Beneden, C. Malaise, F. Folie, Alp. Briart, Fr. Crépin, Éd. Mailly, J. De Tilly et F.-L Cornet, membres; E. Catalan, associé; Ch. Van Bambeke, G. Van der Mensbrugghe, M. Mourlon, correspondants. M. de Selys Longchamps écrit qu'une indisposition l'em- péche de venir diriger les travaux de la séance. 2"* SÉRIE, TOME XLVII. (478) CORRESPONDANCE. — M. le Ministre de l'Intérieur transmet une expédition des arrétés royaux suivants : 1^ nommant président de l'Académie pour 1879, M. M.-N.-J. Leclerq , directeur de la Classe des lettres pour ladite année; 2? approuvant l'élec- tion, faite par la Classe des sciences, de MM. J. De Tilly et F.-L. Cornet, en qualité de membres titulaires ; 3° nommant M. Éd. Mailly membre du jury pour le concours quinquen- nal des el jues, en remplace- ment de M. Folie, qui n'a pas accepté ces fonctions. — M. le Ministre des Travaux publies fait savoir que l'attention de M. l'ingénieur en chef Delarge sera attirée sur le vœu, exprimé par la Classe, de voir continuer les expériences dont ce fonctionnaire a rendu compte dans sa note : Sur le téléphone appliqué dans le voisinage des lignes télégraphiques ordinaires. M. le Ministre ajoute qu'il fournira avec empressement à M. Delarge le moyen de continuer ses expériences. — MM. Boussingault et William Thomson accusent réception de leur diplóme d'associé. — Les établissements scientifiques ci-aprés remercient, pour l'envoi des publications de l'Académie : La section des sciences de l'Institut royal grand-ducal de Luxembourg; la Société anthropologique de Berlin; celle des sciences naturelles de Bréme ; l'Académie de Metz ; l'Observatoire I. et R. de Vienne ; la Société des sciences et la Fondation Teyler de Harlem; la Société de botanique d'Édimbourg, et celle de géologie de Dublin. (179 ) — La Classe accepte le dépót dans ses archives d'un billet cacheté portant pour titre: Sur le rapport anhar- monique du troisiéme ordre, par M. C. Le Paige. NES a HAT A sac at (loc arte do Batavia remercie pour la lettre de félicitation que l'Académie lui a adressée à l'occasion de son jubilé séculaire, célébré le 1*' juin 1878 ; elle offre, en méme temps, la médaille et le livre commé- moratifs de cette solennité. — Remerciments. — La Société royale d'agriculture et de botanique de Gand envoie le programme de sa 142* exposition horticole qui aura lieu les 27 et 28 juillet 1879. — La Classe reçoit, à titre d'hommage, les ouvrages suivants au sujet desquels elle vote des remerciments aux auteurs : 4° Éléments d'une théorie des faisceaux, par M. F. Folie, in-8° ; 2° 30 brochures in-4° et in-8° sur différents sujets scien- tifiques , par M. William Thomson ; 3° Tableau de la marche suivie au laboratoire de phar- macie de l'Université de Liége pour la recherche des priu Tee Ne moponos dans une liqueur ique, par M. Lucien de Koninck, in-plano ; 4 Note sur les phénomènes périodiques des plantes dans les Alpes, par M. Adolphe Sehlagintweit, 1851, broch. in-85; 5° Ueber das Auftreten von Bor-Verbindungen in Tibet, von Hermann von Schlagintweit, broch. in-8° ; 6° Die Knorpelzelltheilung, von W. Schleicher, broch. in-8°, présentée au nom de l'auteur par M. Van Bambeke. ( 180 ) M. Folie, en présentant ses Éléments d'une théorie des faisceaux, a lu la note suivante : « Dans ce travail, qui a été présenté à la Société royale des sciences de Liége, le 11 février 1878, je développe les méthodes qui m'avaient fait découvrir d'abord l'extension des théorèmes de Pappus, Desargues , Pascal et Brianchon à des polygones inserits ou circonscrits aux courbes supé- rieures, ainsi qu'à des polyédres inscrits ou circonscrits aux surfaces du 2° degré, et à celles du 3° ordre ou de la 5° classe, et qui m'ont conduit plus récemment à la notion du rapport anharmonique du n° ordre , à l'expression des involutions d'ordre supérieur au moyen de ce nouveau rapport, et au principe de la théorie des faisceaux. » Ces théories, jointes à celles que M. Le Paige a décou- vertes de son côté, nous permettront d'appliquer très- simplement les propriétés des polygones conjugués à la construction d'une cubique déterminée par neuf points; de méme qu'elles raméneront le probléme général de la description d'un lieu du »* ordre à celle d'un lieu d'ordre inférieur. » — Les travaux manuscrits suivants sont renvoyés à l'examen de commissaires : 4° Les orques observées dans les mers d'Europe, par M. P.-J. Van Beneden. — Commissaires : MM. Van Bam- beke et Candèze ; Note sur le sang du l( icali préalable), par M. Léon Frederieq. — Commissaires : MM. Schwann et P.-J. Van Beneden; 9? Sur la théorie de l'inhervation respiratoire, par le méme. — Commissaires : MM. Van Bambeke et Félix Plateau ; 4° Note sur le système stellaire 40 o? Eridani, par (ASF Y. M. L. Cruls, attaché à l'Observatoire de Rio de Janeiro. — Commissaire : M. Houzeau; 5° Étude nouvelle sur les expériences de M. Melde rela- tives aux vibrations des cordes, par M. H. Postula. — Com- missaires : MM. Valerius, Duprez et Montigny ; 6° Sur la manière de diriger les aérostats, par M. A. Van Weddingen, de Hasselt. — Commissaires : MM. Montigny et Liagre. RAPPORTS. Conformément à l'avis favorable exprimé par MM. Folie, De Tilly et Catalan, la Classe ordonne l'impression au Bulletin de la nouvelle rédaction d'un travail de M. Saltel, intitulé : Sur un paradoxe mathématique, et sur un carac- tère de décomposition dů à la présence des lignes multiples . — Microphone porte-voix avec membrane ou microphone discret; par M. Gérard, horloger, à Liége. Rapporti de M., Montigny. « Dans une note très-courte au sujet d’une disposition qu'il qualifie de microphone discret, M. Gérard propose de placer un microphone ordinaire au fond d’un cornet en carton, de 8 !/, centimètres de longueur, qui serait fermé, près de son ouverture la plus large, par une membrane mince, « afin, dit l'auteur, de rendre le microphone moins » reproducteur des bruits, lesquels, l'expérience le prouve, : ( 182 ) » ont la priorité sur les sons... » M. Gérard ne nous dit pas si cette disposition a pour objet de mettre l'instrument àl'abri des bruits extérieurs propagés par l'air ambiant. Dans ce cas, la membrane proposée serait une complication inutile, car il a été reconnu que les sons propagés par l'air sont moins intenses que ceux qui leur ont donné nais-. sance, l'amplification à l'aide du microphone ne se produi- sant réellement qu'à l'égard des vibrations transmises méca- niquement à l'appareil par des corps solides. Ainsi, quand on dispose une petite boite à musique prés de l'appareil, sans qu’elle soit en contact avec aucune de ses parties constituantes, les sons transmis à l’aide du microphone sont plus faibles que ceux que l'on entend prés de la boite (1). L'auteur ne cite aueun fait précis qui contredise les résultats des observations et des expériences spéciales qui ont été faites à ce sujet. Il ne peut étre question, en employant le cornet proposé muni de la membrane, d'amortir les vibrations étrangéres que la table, servant de support, pourrait transmettre à l'instrument. On sait que l'on détruit parfaitement les effets de ces sons étrangers en fixant sous la base du micro- phone deux tubes de caoutchouc. En présence de ces considérations, je suis obligé de demander à la Classe qu'elle veuille bien ordonner le dépôt de cette note aux archives. » Ces conclusions sont mises aux voix et adoptées. (1) Le cd le microphone et le phonographe, par Th. Du Mon- cel, pp. 170 et ( 183 ) PROGRAMME DE CONCOURS POUR 1880. Les sections des sciences mathématiques et physiques et des sciences naturelles font savoir qu'elles se sont occupées des questions qui pourraient étre mises au concours pour l'année 1880. i La Classe examinera ces questions lors de la prochaine séance et rédigera le programme susdit. COMMUNICATIONS ET LECTURES. . M. P.-J. Van Beneden donne lecture de la Note suivante : Sur un envoi d'ossements de cétacés fossiles de Croatie. « Pour connaitre l'étendue des mers d'Europe et surtout de la mer Noire, pendant l'époque tertiaire, il n'y a pas de témoins plus importants des changements survenus que les ossements de cétacés semés par les eaux dans les bras de mer, qui rayonnaient autour d'elle, et qui aujourd'hui sont l'emplacement de vastes champs et de grandes villes. Nous avons recu, cette semaine, un envoi d'ossements de cétacés recueillis dans les marnes, à Podused, prés d'Agram, en Croatie, et qui présentent, sous plus d'un rapport, un trés-grand intérét. Cet envoi renferme, entre autres, une colonne vertébrale presque entiére et, ce qui est surtout précieux, la base d'un crâne avec une caisse tympanique en place. En attendant que nous communiquions à la Classe le ( 484 ) résultat des observations que nous aurons l’occasion de faire, notamment au point de vue du rapport que ces cétacés ont avec ceux des environs d'Anvers, nous ferons remarquer que ces os proviennent d'un cétacé à fanons, c'est-à-dire d'un animal qui ne peut vivre qu'en haute mer, mais qui, comme nos premiéres Baleines de la mer de crag, n'avaient pas plus de 15 pieds de longueur. Plusieurs vertébres sont parfaitement conservées, et cet envoi nous aidera eonsidérablement à établir les vrais rapports que des cétacés d'Europe avaient entre eux à la fin de l'époque miocéne. » Sur un paradoxe mathématique, el sur un nouveau carac- tére de décomposition dú à la présence des lignes multi- ples; par M. Saltel. — « L'ouyrier habite est celui M non-seulement ais sait aussi I. — OBJET DE CETTE COMMUNICATION. Au sujet de théorèmes concernant les ordres et les classes des eourbes planes , M. Chasles, dans une communication faite à l'Académie des sciences de Paris, le 9 août 1875, s'exprimait comme il suit : « Les questions où entrent des conditions de grandeur » de segments rectilignes, traitées jusqu'ici dans la théorie » des courbes, sont. extrémement rares, méme à l'égard » des courbes les plus simples, les sections coniques ; c'est 85 ) » que, indépendamment des difficultés de calcul qu'y trou- » vent les méthodes analytiques, leur solution implique » en général la connaissance de l'ordre et de la classe des » courbes, et est donc inacessible à ces méthodes. » Ainsi, selon M. Chasles,les théorémes concernant à la fois les ordres et les classes des courbes planes étaient, jusque-là, inacessibles aux théories analytiques. C'est en cherchant à découvrir les causes de cette im- puissance que j'ai rencontré la loi de décomposition , loi qui m'a permis, en m'appuyant sur la méthode de corres- pondance analytique, de résoudre avec facilité, par une voie purement algébrique , le genre de problèmes en ques- tion. Mes recherches sur ce sujet ont été publiées, en grande partie, dans les Bulletins de l'Académie (*). Toute- fois, je m'empresse de le dire, dans ces études, où toute la difficulté a surtout consisté à remarquer et à déter- miner exactement l'influence des points multiples sur la décomposition de l'équation du lieu étudié, je me suis presque uniquement occupé des courbes planes, et n'ai donné que de simples indications relativement aux courbes gauches et aux surfaces. Cette lacune n'a pas été volon- taire. En cherchant naturellement à étendre mes procédés à toutes les figures géométriques, j'ai rencontré, au sujet des courbes gauches et des surfaces, de nouvelles difficultés, résolues de loin en loin, et dont les dernières le sont seu- (*) Voir aussi nos Recherches sur la Méthode de correspondance ana- lytique et sur la loi de décomposition. — Peut-étre conteroüs-nous quel- e jour comment, sans l'intervention bienveillante d'un savant géomètre , l'honorable député M. Laisant , ce dernier travail, que nous signalons au lecteur surtout à cause de la ieie el i la rigueur des raisonnements, aurait donné lieu à une méprise aussi profondément regrettable que plai- sante, | ( 486 ) lement dans les paragraphes II et IH de la présente com- munication. Enfin, grâce au travail de ce jour, j'ai pu, et ce sera là l'objet d'un mémoire fort étendu, coordonner un ensemble de résultats personnels, permettant de pousser jusqu'au bout la solution des problémes que je m'étais proposés, pro- blèmes qui, je crois pouvoir le dire, étaient absolument inattaquables par les autres méthodes connues. On pourra en juger du reste assez facilement dés aujourd'hui par les quelques indications données dans les paragraphes IV et V. Un paragraphe additionnel, le VI* et dernier, contient encore, comme application des considérations développées au début, un moyen général pour résoudre analytiquement toute une nouvelle classe importante de questions dont la solution semblait aussi devoir appartenir exclusivement au domaine de la géométrie; ce sont les questions où il y a lieu de faire intervenir plusieurs points, mobiles ou immo- biles, mais situés constamment sur une méme courbe ou surface. Il. — SUR UN PARADOXE MATHÉMATIQUE. Il arrive, dans une multitude de problèmes, que les équa- tions qui définissent un lieu géométrique ne s’appliquent pas seulement à ce lieu, mais encore à des courbes ou sur- faces étrangères répondant indirectement à la question. C’est là une circonstance bien connue qui complique souvent les solutions analytiques, sans toutefois les rendre impuissantes à résoudre les problèmes que l’on a en vue ("). (*) Voir nos deux Notes insérées aux Comptes rendus du 3 janvier et du 4 septembre de l'année 1876. ( 187 ) Voici l'énoncé d'un paradoxe mathématique, non re- marqué, je crois, qui m'a semblé, assez longtemps, devoir mettre en défaut les méthodes de calcul : Les coordonnées de tous les points de l'espace peuvent vérifier les équations d'un lieu, bien que, d'aprés sa défi- nition géométrique, ce lieu se compose uniquement d'une seule ligne ou surface. — Comment, dans cette hypothèse, parvenir à l'équation de cette ligne ou surface? Par exemple, supposons que l'on demande l'équation du lieu des póles, pris par rapport à la sphére représentée par l'équation x + y? + RHIO, de tous les plans tangents d'une surface S représentée par l'équation U (x Y, 2) = 0, dans l'hypothése où cette surface S a une ligne multiple G. A priori, ce lieu comprend évidemment un nombre limité de nappes; cependant les équations qui le définissent étant : x y Z — R? aT CLR (1) jda | db de dt | U (o, b, gaor uou doncc ou ; ax +by+ ec R=0, : : + . (5) hse i (ev ww WO s... 0 da ^ db dc : j TOR ue ( 188 ) ou encore, en introduisant la surface étrangère z — 0, ar + by +- éz —R'—0, . . . . (6) dU dU i OT "TR (7) dU dU Ve m db , . . (8) Uh ded 4 v rU) il est facile de se rendre compte que les coordonnées x, y, z d'un point quelconque de l'espace vérifient ce dernier système, c'est-à-dire que l'on peut trouver des valeurs cor- respondantes de (a, b, c) vérifiant les équations (6, 7, 8, 9) pour chaque systéme de solutions en x, y, z. Pour cela il suffit d'observer que si, en considérant a, b, c comme coor- données courantes, la surface (9) a une ligne multiple G, cette courbe est, comme on sait, commune aux deux sur- faces polaires représentées par les équations (7), (8) (‘), et cela quelles que soient les valeurs attribuées aux paramétres x, y, z; donc le plan représenté par l'équation (6) (je con- sidére toujours a, b, c comme coordonnées courantes) ren- contre nécessairement cette courbe G en un certain nombre de points, et cela, quelles que soient les valeurs attribuées à x, y, z : la particularité en question est donc démontrée. Voici , en outre, la méthode que je propose pour déter- miner, au moyen des équations (C), l'équation du lieu. Si entre les équations (7, 8) on élimine le paramètre c, il arrivera nécessairement que l'équation ainsi obtenue : Yi, 2,d,D) 2x04 . . . . . o e — (*) Les surfaces (7, 8) sont les deux premières polaires de deux points variables avec les valeurs de z, y, 2 par rapport à la surface (9). (.189 ) sera de la forme : Vi(a,b) x Vii 90, . . . (it) dans laquelle la fonction V, (a , b) LI Li . . LI . LI (4 2) égalée à zéro représentera la projection de la ligne mul- tiple G sur le plan des (a, b) (je considère toujours, bien entendu, a, b, c comme coordonnées courantes et x, y, z comme des parainétres arbitraires). Au système (C) on peut donc substituer le système : ät + by + z R —0,. . . . (13) D) Via DX Vile ye as b0, . . (14) W(t Aeon . .., 110) CRU us t & UDI et, par suite, le lieu proposé peut étre détini par le sys- tème : ax + by + cz —R—0,. . .-. . (17) Vale y, ub) B, . ... . - . (19) (Di was xu b des (yz 405,0990,. ... - . (9) Vibe s. X. us 00) dans lequel les équations (18, 19, 20) n'ont maintenant qu'un nombre fini de solutions communes en a, b, c pour des valeurs particulières de x, y, z. Ajoutons que, parmi ces solutions en nombre fini il y en aura, si la surface a des points multiples isolés, un certain nombre qui seront indépendantes des valeurs attribuées à T, y, Z, Ce qui entraînera encore, d’après notre loi de dé- composition, autant de plans étrangers, dont on obtiendra ( 490 ) a priori les équations en attribuant, dans la relation (17), aux lettres a, b, c les valeurs des coordonnées des points en question. Nota I. — Le paragraphe suivant fera connaitre une autre particularité du systéme (E). Nota II. — Le lieu plan dont on obtient l'équation en éliminant les paramètres a, b entre les relations 0020, 5: * 4) dU dU NUR pius Re 9 militat a eP a 7? , dU , dU ,dU " "ees De ==, o (1) est vérifié par les coordonnées x, y d'un point quelconque du plan, si l'on suppose que la courbe représentée par l'équation (1) ait un point multiple. Si, en effet, «, Ê sont les coordonnées d'un point mul- tiple de cette courbe, comme par une propriété connue, on à il en résulte que le systéme (M) est vérifié par la solution x, y. &, D, et cela, quelles que soient les valeurs attribuées à x, et y. Dans ce cas, pour lever l'indétermination, il suffira d'éliminer b entre (2) et (3) et de supprimer la fonction de a qui se trouvera d'elle-méme en facteur. ( 491 ) III. — SUR UN NOUVEAU CARACTÈRE DE DÉCOMPOSITION DU A LA PRÉSENCE DES LIGNES MULTIPLES. Considérons la surface dont on obtient l'équation pt y 2) 0, . . . XM) en éliminant les paramétres a, 5, c entre les relations : punti: vs. ou TAG SSH RD A) Non guo 0. . ..... (9) [Venza DEKO. . . o (4) Mia dus ir vs, s Je me propose de démontrer ce théorème : Tu£onEME. — La surface (A) se décompose si, en con- sidérant a, b, € comme coordonnées courantes, les surfaces représentées par les équations (5, 4, 5) ont, quelles que soient les valeurs attribuées à x, y, z, un nombre k + k' de points communs, dont k se trouvent. constamment sur une courbe plane ou gauche G tracée sur la surface (5) (). Soit, en effet, Wiüshbe)émOS V dec s) (6) l'équation d'une surface de degré quelconque contenant la courbe G. (*) Je suppose bien entendu que les k points en question varient sur la courbe G avec les valeurs différentes de z, y, z, sinon le lieu (A) se décom- poserait en vertu méme de notre premiére /oi de décomposition. ( 192 ) Imaginons le lieu auxiliaire (B) défini par les équations: USA SS o. O (B) Va (d.a £0,0,4) m oe oa. . V. (8) MERDE 99, su. Wales bit)-s 0p ou o0$4 7019-09) obtenues en remplacant dans (A) l'équation (5) par l'équa- tion (6). Coupons les lieux (A) et (B) par la sécante ayant pour équation : où l'on suppose p, q, r arbitraires. Les distances, comptées à partir de l'origine des coor- données, des points communs à cette sécante et à ces deux lieux seront respectivement données par les solutions finies en p communes aux relations (A') et B): | U(pp; ge, rp, a, b,c)= 0, ^... . . (4M) "uit Vip; ip Y a,b; 0) 50, 5... (12) Vape, qo rp, a, b, 0) 0, . . . . (05 | Wabo- . o» ax Ulpe, ge, 76,0, b, c) — 0, . . . . (15) el M V.(pege Toe 4,05, — 0, .. . . . (16) e). spes qp, rp ab e) 0, + . o. + (17) A 21V 72209) L'hypothése étant que les surfaces représentées par les équations (12, 13) ou (16, 17) se coupent, quelles que soient les valeurs attribuées à pp, qp, rp, en k points situés ( 195 ) sur la courbe G, il en résulte que si on résolvait les deux systèmes d'équations (12, 15, 14) et (16, 17, 18) par rap- port aux inconnues a, 5, c, on obtiendrait k solutions com- munes à ces systèmes. Donc chacune de ces k solutions substituées respectivement dans les équations (11) et (15) conduirait à deux équations en p, d'un certain degré m, qui seraient identiquement les mémes. Cette circonstance prouve évidemment que les deux lieux différents (A) et (B) sont rencontrés par une droite arbitraire en m.k points communs; donc ces deux lieux ont nécessairement en commun une surface d'ordre m.k, ce qui prouve bien qu'ils se décomposent. ExEmPLE. — On a un exemple intéressant de la singu- larité que je viens de signaler en considérant la surface définie par le systéme (E) du paragraphe II. Voici comment on peut s'en rendre compte : On sait que les premiéres polaires de deux points quel- conques d'une surface affectée d'une ligne multiple G, con- tiennent toutes les deux cette ligne multiple. Donc l'inter- section de deux premiéres polaires quelconques se compose de G et d'une courbe complémentaire H qui rencontre , en général, la courbe G en un certain nombre k de points qui sont tous variables à moins que cette courbe G n'ait des points multiples isolés. La courbe complémentaire H étant ici représentée par les équations (18, 19), il en résulte bien que le systéme (E) vérifie les conditions exigées. REMARQUE I. — Il est trés-important d'observer que, de l'ensemble des raisonnements qui précédent résulte, en partieulier, la démonstration de ce théoréme si connu, dont on n'avait pas de démonstration analytique : Tu£onkwE. — L'ordre de la surface polaire réciproque 27° SÉRIE, TOME XLVII. 15 ( 194) d'une surface donnée, affectée de points et de lignes mul- Liples, est égal au nombre des points simples que cette sur- face a en commun avec les premiéres polaires de deux points quelconques. REMARQUE ll. — Le caractère de décomposition que nous venons de signaler dans ce troisiéme paragraphe peut évidemment être généralisé. , REMARQUE TI. — Les raisonnements du second para- graphe mettent en évidence cet autre caractére de décom- position : THÉORÈME. — L'équation de la surface définie par les relations : VB AMD 0) es 0 inu ui (1) (A) Ve (x, Y; Z, a, b, ey 0, . LZ * , . (2) U, (x; y; Z, 4, b, c) = 0, SOTE O MEI (5) U,(x*9,2,4,50)-—0, . . + - - (A) se décompose, s'il arrive qu'en considérant les paramètres variables a, b, € comme coordonnées courantes, les deux surfaces représentées par les équations (1, 9) contiennent , quelles que soient les valeurs allribuées à X, y, Z, une méme courbe G, non contenue dans les surfaces représentées par les équations (3) et (4). DÉMONSTRATION. — On peut, en effet, dans ce cas, comme nous l'avons vu, substituer au systéme (A) un système de la forme : Vi (ay b) X Vi (x, y, z, a, b) = 0, Vi (1,952, a; b, 0) — 0, U,(z, y, z, a, b, c) — 0, | U,(x, 9,2,9, b, €) sa 0; dans lequel la fonction V', (a, b) égalée à zéro représente COGN ( 495 ) la projection de la courbe G sur le plan des (a, 5): Or, ce dernier systéme se décompose évidemment en deux. C. Q. F. D. IV. — NOUVELLE MÉTHODE POUR METTRE EN ÉVIDENCE L'INFLUENCE DES POINTS ET DES LIGNES MULTIPLES SUR LA DÉCOMPOSITION DES LIEUX GÉOMÉTRIQUES. On peut encore, dans certains cas particuliers, par une méthode plus simple que celle que nous venons d'exposer, mettre en évidence l'influence des points et des lignes multiples sur la décomposition des lieux géométriques. Je me bornerai à développer cette nouvelle méthode sur deux cas particuliers. PREMIER PROBLÈME, Considérons de nouveau la surface dont on obtient l'équation en éliminant les paramètres a, b, c entre les relations : ax +by+cz—R=0, . . . : (1) dU dU | í "we Cue es (93) is dU dU 5) XB y is 3 T kr EA (5 Ülabr)seU e a . IN et supposons toujours, en considérant a, b, c comme coor- données courantes, que la surface représentée par l'équa- tion (4) ait des lignes multiples et des points multiples isolés. Supposons encore que . md 1... 1 soit l'équation d'une surface auxiliaire de degré qud assujettie seulement à avoir lés mémes lignes multiples ( 195 ) et les mémes points multiples que la surface représentée par l'équation (4). Imaginons le lieu auxiliaire (B) défini parles équations : Gz--by--c2— R'—0,. . . . . (6) S aud. (oS TE ETE. (7) (B) dc da SE a " d Sie deis acne) 9r à VUT M . . xou ond obtenues en remplacant dans (A) l'équation (4) par l'équa- tion (5). Coupons toujours les lieux (A) et (B) par la sécante : —esriftaacoep o. . . ,. « (10) on aura à chercher le nombre des solutions finies en p vérifiant respectivement les deux systèmes : e(pa-- qa + za) — 8'—0,. . . . (44) dU prm 12 Lig iem aros (12) (4) Js. dU 43) Ho TA U(a, b, c) — 0; "OPES eus S NUN ORI SESS (44) plpa + qa + ra) — R? —0,. . . . (15) .. dU dU PUE (B) dU dU id dt. VA e) e ane 60 09) (397 ) ou bien, en supprimant la solution p = O qui correspond à la surface étrangére introduite z — 0, on a les deux systèmes : p (pa + qa + ra) — R—0,. . . . (19) U dU ij duct: em temm ii Se (20) (A") dU du F "E à 40v 8 o d'une Bebo... . ..9 p(pa +- qa + ra) — R5 — 0, . . . (23) nog for . X M) B") dc da GA dU du (25) q d gy * " Ə VACHA D . 117 M9 Or, en considérant a, b, c comme coordonnées cou- rantes, l'inspection de ces derniers systèmes montre : 1° Que les nombres demandés résultent de la considé- ration des points communs aux surfaces représentées par les équations (20, 21, 22), (24, 95, 26); 2» Que «, B, y étant les coordonnées d'un point mul- tiple commun aux surfaces (22) et (26), ces coordonnées vérifient, quelles que soient les valeurs de p. q, r, les équa- tions (20, 21, 22), (24, 95, 96); Donc il n'y a que les points simples communs aux sur- faces représentées par les équations (20, 21, 22) (24, 25, 26) dont les coordonnées substituées dans les équations (19) et (25) donnent des valeurs généralement différefites, avec les valeurs particuliéres attribuées à p, q, r, pour les valeurs correspondantes de p; ( 498 ) De là cette conclusion : Les deux lieux différents (A) et (B) comprennent des nappes communes, C'est-à-dire qu'ils se décomposent, et les degrés des surfaces non communes sont respectivement égaux aux nombres des points simples communs aux sur- faces (20, 21, 22) et (24, 25, 26). Nota. — Il est bon d'observer que si l'on voulait trouver effectivement les solutions finies en p non communes aux systèmes (A") et (B"), on devrait, conformément à ce qui a été dit dans le paragraphe I, en vue de lever l'indéter- mination résultant du nombre infini de solutions com- munes, éliminer préalablement le paramétre c entre les équations (20, 21), (24, 25) et supprimer les fonctions de (a, b) qui se trouveraient d'elles-mémes en facteur. SECOND PROBLÈME. Trouver le degré de la surfacé engendrée par les tan- gentes doubles inflexionnelles d'une surface donnée ayant pour équation : SESS nor U dans l'hypothése où cette surface a des points et des lignes multiples. Si l'on se rappelle que les tangentes inflexionnelles d'une surface rencontrent cette surface en quatre points consé- cutifs, on trouve immédiatement que le probléme est défini par les équations, où l’on considère a, b, c comme dU UT aU : bie CE @) RC qu den io (ANA da D Fear 5) ( :dU nau nau E iue apte He 5,0 -0;.. decis. cs où, par convention, on suppose que, dans les développe- ments du carré et du cube du premier membre des équa- tions (5) et (4), l'on remplace les puissances des dérivés par des dérivations de méme ordre. Par exemple, on devra remplacer LE par : Supposons que sU datdb Vi ue, . ds. 114. S (0 soit l Ted d'une surface auxiliaire de degré quelconque - assujettie seulement à avoir les mémes points et lignes multiples que la surface (1). Imaginons le lieu auxiliaire (B) défini par les équations : | adag : +2 + T0 stes D | d oT m toe nmt di'-a “A x Eus s aul hsc nlt aa aut ratius z (8) (m.m, um, f dac dk de cdi | ND 0 . . .. .uu obtenues en remplaçant donc (A) l'équation (5) par l'équa- tion (6). ( 200 ) Coupons toujours les lieux (A) et (B) par la sécante : 8. yi ZU tea: 7... V. HE "opta c! ( on aura à chercher le nombre des solutions finies en p vérifiant les deux systèmes : dU dU dU) dU € — ~- — = | M3 Gatti thi "n 0, (12) dU dU dU dU (A) (pe he 2" = 20,. . (15) (re Far xs TT = (44) em needy o0 5]) dU dU dU| dU BAN —=0,. . (46 (r5 1 jer ; (16) Sas dU dU dU\° es. rie s nonu V (à, e) 5 iii lenest,c 719) ou bien les deux systèmes équivalents, obtenus en tirant les valeurs de p des équations (12) et (16) pour les substi- tuer dans les équations (15, 14), (17, 18). Pour abréger nous écrirons ces derniers systémes sous la forme : dU dU dU\ dU "um — ie 0, . : (20 (Vac da tna dt E (A") Fipra 5e)8-0, . ss. 0U F(pqr.abe)-—0,. . . . (22) Uis bos ss s c og (25) ( 201 ) | , 4U dU r$) acc 4 dup Las duh orco 09 dt (B") F, (p, q,7,9,5,0)—0, . . . . (95) 4760, Des: 7, (20) DÉC 009-0; Ne EU DOME à ri) ce qui montre déjà, en considérant a, b, c comme coor- données courantes, que les nombres demandés résultent de la considération des points communs aux surfaces repré- sentées par les équations (21, 22, 25), (25, 26, 27). On voit de plus, sans peine, qu'il n'y a que les points simples communs aux deux groupes de surfaces repré- sentées par les équations (21, 22, 25), (25, 26, 27), dont les coordonnées substituées dans les équations (20 et 24) donnent des valeurs généralement différentes, avec les valeurs particulières de p, q, r, pour les valeurs correspon- dantes de p; de là cette conclusion : Les deux lieux différents (A) et (B) comprennent des nappes communes, c'est-à-dire qu'ils se décomposent , et les degrés des surfaces non communes sont respectivement égaux aux nombres des points simples communs aux sur- faces (21, 99, 23), (25, 96, 27). NOUVELLES APPLICATIONS. Voici une série d’autres problèmes qui se résolvent par la seconde méthode que nous venons d'exposer, et qui tous présentent encore cette particularité remarquable que leur solution dépend de la détermination des points simples communs à trois surfaces qui ont déjà en commun un cer- tain nombre de points et de lignes multiples. On juge par là à nouveau de l'importance de ce dernier problème traité ( 202 ) à un point de vue spécial, celui oü les lignes multiples naissent seulement par suite de la présence des points multiples, dans le chapitre II de notre Mémoire sur de nouvelles lois générales qui régissent les surfaces à points singuliers. PROBLÈME l. — Trouver le degré de la surface engendrée par les tangentes inflexionnelles d'une surface U, aux différents points de son intersection avec une surface Y, dans l'hypothése où ces surfaces ont des points et des lignes multiples. PROBLÈME lI. — Trouver le degré de la développable qui touche une surface U le long de son intersection avec une surface V, dans l'hypothése où ces surfaces ont des points et des lignes multiples. PROBLÈME III. — Trouver le degré de l'enveloppe d'une sphére de rayon constant dont le centre décrit une surface donnée, dans l'hypothése où cette Lapi à des points et des lignes multiples. PROBLÈME IV. — Trouver le degré du lieu du centre d'une sphère de rayon constant qui touche une surface donnée, dans le cas où celte surface a des points et des lignes multiples. PROBLÈME V. — Trouver le degré de la surface podaire d'une surface, dans l'hypothèse où cette surface a des points et des lignes multiples. Nota. — Indépendamment des indications données dans le présent travail , pour résoudre la plupart de ces derniers ( 203 ) problémes, on devra faire usage de notre méthode de cor- respondance analytique () et de nos théorèmes généraux sur la décomposition des enveloppes, théorémes insérés aux Comptes rendus du 18 septembre et du 15 novembre 1876, et dans les Bulletins de l'Académie ( mois d'octo- bre 1876 et mois de janvier 1877). V. — NOTE SUR L'APPLICATION DU PRINCIPE DE CORRESPONDANCE ANALYTIQUE. Dans l'application du Principe de correspondance ana- lytique, notamment dans l'application de ce Principe à la solution de plusieurs des problémes que nous venons de signaler, il y a lieu d'user souvent d'un expédient simpli- fiant singuliérement la question à résoudre qui est en définitive toujours la suivante : PROBLÈME. — La variable p, étant parue algébrique de la variable p,, on considère le rapport 23 =—=p',; on demande, pour Pi infini: 4° le nombre des valeurs nulles du rap- port 955 2° le nombre des valeurs finies non nulles de ce méme rapport. (*) Par là nous entendons , on le sait, l'application, à des questions de géométrie définies‘ par des équations algébriques , du Principe de corres- pondance analytique et du Principe de correspoudance géométrique entre k séries de points. Ajoutons que les développements généraux que com- portait la mise en. œuvre de cette méthode, où l'on se borne constamment pour ainsi dire, et c'est peut-être là son caractère le plus précieux, à regarder les équations , ont été surtout exposés dans les Bulletins de l'Académie (mois d'aoüt 1876) et dans les Comptes rendus, années 1875 et suivantes. ( 204 ) Voici en quoi consiste cet expédient : On détermine au préalable : 4° Le nombre 0 des valeurs finies de p, qui corres- pondent à une valeur arbitraire finie de p,, ce qui montre que le rapport — p'a, pour une valeur donnée de o,, a 0 valeurs; 2 Le nombre W des valeurs finies de p, qui corres- pondent à p, infini, ce qui montre évidemment que le rapport p'2, pour p, infini , posséde au moins W valeurs nulles. Cela fait, s'il arrive, et cela se présente, en effet, trés- fréquemment, que l'on puisse prouver qu'il y a au moins À valeurs finies non nulles du rapport limite p'4, À étant déterminé par la relation : 1=0— W, on est évidemment en droit d'affirmer que , pour p, infini, le rapport p's a exactement : 4° W valeurs nulles; 2° € — W valeurs non nulles. En voici un exemple: PROBLÈME. — On a le système de sept équations : | pi- Ni (£n y) Pm, y) =0, . . + (1) Mi (ny) = 0; . . . (2 pa © No (Za, Ya) + P: (£a, y) —0, . . : (5) (A) Ma (£a y) = 0, (4) Ni (ri y) + P5(2z5, 2) — 0, . . . (9) M,(xsy,)—0, . . . (6) | f(x» Yis Las as T5, ys) m0. . nt (7) ( 205 ) dans lesquelles : 1° les fonctions (N4, No, N;) représentent respectivement les fonctions les plus générales des degrés m,—1,m,—1, m5 —1 par rapport aux huit inconnues Pas Pas Xas Yrs X2, Vas X5, Yos 2° les fonctions (P4, My), (P5, M), (P5, M;) représentent respectivement les fonctions : les plus générales des degrés m,, m,, m; par rapport à ces mêmes inconnues; 3° la fonction (f) représente la fonction la plus générale du degré p. toujours par rapport aux mêmes lettres. On demande le nombre des valeurs nulles et non nulles finies du rapport? — p'a, pour p, infini. Lorqu'on donne à p, une valeur particuliére, les équa- tions (1, 2), (5, 6), (7, 4) donnent m,? m?; mu solutions en (24, Yis X», Ya Lx Yz); done, à cause de l'équation (3), na © = mimi mp. Si l'on fait p, infini, le système (A) se réduisant a : | N, (zi, UA = 0, * . . (8) ; M, (x4, Ya) E 0, E 0e (9) ga* Ns (xs, Ya) + Pa (xs, ys) = 0, . . (40) (B) M, (Xs, 3s) == 0, . E . (1 1) N; (xs, Ys) + Pi (ts y) = 0, . . . (12) M; (4s, y; —0, M A (45) | f (xs 31) X2, 3/25 X5; ys) 20, .,. . .. 4) donne évidemment : W = m (m, — 4) mi miu. Pour obtenir le nombre 2, observons d'abord que si l'on représente par (N', , P'j, M'j), (N'a, P'a, M'a), (N'5, P's, M'5), (') l'ensemble des termes du degré le plus élevé des fonc- ( 206 ) tions (N4, Pa, M), (Ns, Po, M5), (N5, P5, M3), (f) les valeurs finies de p',, pour p, infini, tant nulles que non nulles, sont déterminées par les équations : N (xi, y) + Pix y)290, . . . (15) Nux de 0 . . . H6 e Ni (ca p) Pom ua) — 0, . . . (47) (^) (0) M; (24, y) = 0.: . . : (18) Pi (£y) =0, . . . (19) | M; (x; y)—=0, . . . (20) f^ (x yo ms yars) = s. - (21) Or on à évidemment : 4° m, valeurs non nulles et m, (m, — 1) valeurs nulles . de (zi, y); 2» mj valeurs nulles de (x;, y;). Mais une solution non nulle en (x'1, 4'4), combinée avec une solution nulle en (x';, y';) donne, d’après (18, 21), m»: solutions non nulles en (x's, y'a); done, à cause de l'équa- tion (17), on a, pour chaque combinaison, map. solutions correspondantes non nulles et finies de p'4; donc le nombre des solutions finies non nulles de p', est au moins égal à )— mhi M mp, et comme on a bien ici A—0— W, (*) On obtient ce système : 1° en remplaçant dans (A) les lettres Ti, Yı» Ts, Vas Tg; Ya PAT Pad’, Q4 as G5, Ca a Pa's, QU s Ct en observant que dans le système ainsi obtenu à une méme valeur de o, correspondent les mémes valeurs de p, que dans le système (A); 2° en faisant p, infini et posant limite de a Lp. ( 207 ) il en résulte que l'on a exactement : -4° m, (m, — 1) m3 mœ valeurs nulles de p3; 2° m,mi mp valeurs non nulles. Nota I. — Aucune des valeurs finies non nulles de p'2 n'est égale à l'unité (*), sinon les sept équations (C), où l'on fait p', = 1, auraient une solution commune par rapport aux six inconnues (x^, y'4, X'a, Y'a X' 5, y'5). Nota II. — Lorsqu'il s'agit de déterminer les valeurs nulles et non nulles mais finies du rapport » = p'a, pour o, nul, on simplifie également souvent la. question en observant : 1* Que si à la valeur nulle de p, correspondent k va- leurs finies de p», il y a au moins k valeurs infinies de o',; 2? Que si à une valeur arbitraire finie de p, corres- pondent À valeurs nulles de pa, il y a au moins / valeurs nulles de p'2. VI. — NOUVELLES APPLICATIONS DES CONSIDÉRATIONS DÉVELOPPÉES DANS LE PARAGRAPHE I. L'idée d'éliminer une ou plusieurs variables entre des équations données, en vue de faire naitre des facteurs afin de lever l'indétermination résultant du nombre infini de solutions communes, m'a conduit à une méthode simple pour résoudre une foule (7) de problèmes importants. (*) Dans une communication spéciale, nous dirons comment on doit compléter l'énoncé du Principe de correspondance analytique, lorsque l'une des valeurs limites du rapport p’, est égale à l'unité (**) On en trouvera surtout de nombreuses applications dans ùn travail qui sera intitulé : Recherches des singularités n et lignes "——— classe, points d'inflexions, tangentes doubles, etc., d'un lieu défini par équations algébriques contenant k — 1 pres arbitraires. ( 208 ) Je suppose, par exemple, qu'il s'agisse de déterminer dans une surface le lieu X des points de contact des plans tangents doubles. On désignera par (xi, y4, zi), (X2, Y2, Z2) les coordonnées de deux points répondant à la question; on exprimera que les plans tangents en ces points coincident et l'on obtiendra de la sorte cinq équations à six inconnues : FEED... o) Tin. Meta Die esr) (A) À Fi (zi, Jo Zu Tes Ya 2?) — 0, (5) Fs (£i Vas Zi La Yes 2) 50, + o (9 Fs (zi, Yi Zis Xo, Ya, Za) = 0, (3) qui se réduiront nécessairement à une seule pour (x; = 2x; Yı — Y2, 74 = Zə), attendu que, dans cette hypothèse, les deux premiéres sont identiquement les mémes et les autres devront se réduire à des identités. Pour lever l'indétermination, on éliminera d'abord y4, Z1, Ya, z entre ces équations, c'est-à-dire que l'on remplacera le systéme (A) par un systéme équivalent de la forme : U (zs Vas £s X69» 2) 0, 7. . . (6) U (ns, yu Zu Ya 2) 0, . . . . (7) GU Dm mme) 7... (8) : U (x5 js £5 £5 Ye 5) 60, . . . . (9) U; (£a 2a) =0, , . . . (10) Dans ce nouveau systéme le premier membre de l'équa- tion (10) sera nécessairement divisible un certain nombre de fois par le facteur x, — x,; on effectuera cette divi- sion et l'on déduira de ces nouvelles équations un systéme équivalent (C) dont l'une des équations ne devra contenir ( 209 ) que y, et ya; on divisera le premier nombre de cette dite équation autant de fois que possible par le facteur y, — y» et puis l'on transformera encore ce systéme en un systéme équivalent de la forme : l Vi (24, Yn Zi» Xa Yar 231) s + + (04) Va (au yu Zo. £n 34523) — 0, + - (12) (D)4 Va (£i go Z5 a Ya, 2) — 05. + - . (15) Vs (rs Ji Z5 En Yn 2) = 0, + +. - (404) Vs(am)= 0 . . . . (15) On obtiendra enfin les équations de la courbe X en élé- minant 3, Yə, Za entre ces cinq dernières équations, aprés avoir eu soin toutefois de débarrasser au préalable le pre- mier membre de l'équation (15) du facteur z, — za. Nota I. — M est très-important d'observer, surtout si l'on a seulement en vue de déterminer le degré de la courbe X, que si £m €x)... s.c. 9) représente l'équation (10) dont on a débarrassé le premier membre du facteur z,— xa, la courbe W représentée par les équations (6, 7, 8, 9, 16) se compose du lieu X plus de la courbe étrangère 0 définie par (E) f(x, ys, nies e (xo x) = 0, c'est-à-dire par l'équation de la surface et par l'équation obtenue en faisant x, — x, dans (16); le degré de X est donc égal au degré de W diminué de celui de 0. Cette simple remarque permet d'obtenir immédiatement le degré 9"* SÉRIE, TOME XLVII. 14 ( 210 ) de la courbe X dans toute surface d'ordre m ayant une équation de la forme : F (x) + By" + ez” — 0. Nota IT. — On pourra obtenir par le méme procédé les plans tangents triples d'une surface, et, en général, on pourra résoudre de la sorte tous les problémes oü plu- sieurs points d'une méme courbe ou surface jouent un certain róle. RECTIFICATION. Dans le travail sur la classification arguesienne des courbes gauches algébriques, inséré aux Bulletins du mois de juillet 1878, une pensée de Fontenelle, citée de mé- moire, a été mal reproduite, La voici textuellement : « Un géomètre ne doit pas être moins glorieux d'avoir » donné son nom à une courbe, qu'un prince d'avoir donné » le sien à une ville. » ( 214 ) CLASSE DES LETTRES. Séance du 3 février 1879. M. LEcLEncQ, directeur de la Classe et président de l'Académie. M. LiacRE, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. G. Nypels, vice-directeur; Gachard, P. De Decker, Ch. Faider, le baron Kervyn de Lettenhove, R. Chalon, Th. Juste, Alph. Wauters, Conscience, Alph. Le Roy, A. Wagener, P. Willems, Edm. Poullet et G. Rolin- Jaequemyns , membres ; J. Nolet de Brauwere Van Stee- land, Aug. Scheler, Alph. Rivier, Eg. Arntz, associés; Stan. Bormans et Ch. Piot, correspondants. M. L. Alvin, membre de la Classe des beaux-arts, assiste à la séance. ———— MM CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l'Intérieur transmet une expédition de l'arrété royal du 14 janvier qui nomme président de l'Aca- démie, pour l'année 1879, M. M.-N.-J. Leclereq, directeur de la Classe des lettres pour ladite année. — Le méme haut fonctionnaire envoie, pour la biblio- ( 212 ) théque de l'Académie, un exemplaire des ouvrages sui- vants : 4° Cartulaire de l'église Saint-Paul de Liège, vol. in-8'; 2 Inventaire des archives de Courtrai, par M. Mussely, 2 vol. in-8*; 3° Poésies, par M. Adolphe Le Ray, vol. in-8*. — Remerciments. La Classe reçoit, à titre d'hommage, les ouvrages sui- vants au sujet desquels elle vote des remerciments aux auteurs : 4° Les Finances publiques; discours prononcé par M. Ch. Faider, procureur général, à l'audience de rentrée de Ja Cour de cassation, le 15 octobre 1878, brochure grand > à 9» Cornelii Taciti annalium ab excessu divi Augusti, liber I. Nouvelle édition avec une introduction , des som- maires et des notes en francais, par M. A. Wagener; vol. in-12; 5° Philosophes modernes étrangers et francais, par Ad. Franck, associé de la Classe; vol. in-8°; 4 Gazelle archéologique, 5° livr. de 1878, par MM. J. de Witte et Fr. Lenormant, associé, cah. in-4°; 5° Notice historique sur la vie et les travaux de M. Charles Lenormant, par M. H. Wallon, cahier in-#, présenté au nom de la veuve du défunt par M. le baron de Witte. — Les établissements littéraires ci-aprés remercient pour l'envoi des publications académiques : La Société desantiquaires de Picardie, à Amiens, et celle de géographie de Lyon ; l'Université d'léna; les Sociétés historique de Kiel, et d'art et d'antiquités de Ulm ; The Public Record Office of London. ( 243 ) — La Classe renvoie à l'examen de MM. le baron Kervyn de Lettenhove, Bormans et Le Roy un travail manuscrit de M. Ch. Potvin, intitulé : Une énigme littéraire. Quel est l'auteur de Li ars d'amour, de vertu et de boneurté ? M. Wagener examinera une note de M. de Ceuleneer sur deux vases archaïques d’Agrigente. ÉLECTIONS. Conformément à l'article 12 de son règlement intérieur, la Classe procéde à l'élection du comité de trois membres qui sera chargé, conjointement avec le bureau, de présenter une liste de candidats pour les places vacantes. RÉSULTATS DU CONCOURS POUR 1879. — Deux mémoires ont été reçus en réponse à la première question sur la propagande des encyclopédistes francais dans la principauté de Liége, à la fin du XVIIF siècle. Le premier porte pour devise : En majeure partie les hommes ne savent ni remonter ni redescendre le cours des idées, ils se contentent de les voir passer comme l'eau, et se moquent volontiers de ceux qui leur disent qu'en nais- sant cette eau fut une goulte et qu'à son terme elle sera un torrent. Auc. Cocurw. ( 944 ) Le second a pour devise : Sous la constitution la plus libre, un peuple ignorant est toujours esclave. CONDORCET. Commissaires : MM. Le Roy, Piot et Wauters. Deux mémoires ont été reçus en réponse à la deuxième question : Sur Jacqueline de Bavière. Le premier, en français, porte pour devise : Quid laboro nisi ut veritas in omni questione explicetur. CicÉRON. Le second, en flamand, a comme devise les vers sui- vants : « Doulce est la peine » Quand elle amaine » Aprés torment » Contentement (1590). » Commissaires : MM. Wauters, Poullet et le baron Kervyn de Lettenhove. ( 245 ) CLASSE DES. BEAUX-ARTS. Séance du 6 février 1879. M. le chevalier L. ne BunBuRE, directeur. M. LiacnE, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. L. Gallait, vice-directeur; L. Alvin, J. Geefs, C.-A. Fraikin, Éd. Fétis, Edm. De Busscher, Alph. Balat, J. Franck, Gust. De Man, Ernest Slingeneyer, A. Robert, F.-A. Gevaert, Ad. Samuel,G. Guffens, J. Schadde, membres ; MM. Pinchart et J. Demannez , correspondants. MM. R. Chalon, membre de la Classe des lettres , et Éd. Mailly, membre de la Classe des sciences, assistent à la séance. M. Gallait, invité par M. de Burbure à venir prendre place au bureau, en qualité de vice-directeur pour l'année actuelle, remercie ses confréres du témoignage de sympa- thie qu'ils lui ont donné par leurs suffrages. « Je ne me dissimule pas, dit-il, l'importance de ma tàche en 1880. Je compte sur votre concours loyal, désintéressé et intelligent pour bien la remplir et pour faire en sorte que l’Académie exerce l'influence voulue au dehors comme au dedans. » | (216) CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l’Intérieur envoie une expédition de l'arrété royal du 14 janvier dernier nommant président de l'Académie, pour l'année 1879, M. M.-N.-J. Leclercq, directeur de la classe des lettres pour ladite année. — Le méme haut fonctionnaire transmet une copie: 1* De son arrété du 51 décembre dernier conférant à M. De Jans, en sa qualité de lauréat du grand concours de peinture de 1878, la pension de voyage de 5,000 francs; 2 Du deuxième rapport semestriel du sieur Julien Dillens, lauréat du grand concours de sculpture de 1877, et du onzième et dernier rapport semestriel du sieur J. Cuypers, lauréat du méme concours en 1872. — Renvoi à MM. J. Geefs et Fraikin; 5° Du sixième rapport semestriel (accompagné de douze dessins à la plume ou au crayon) du sieur F. Lauwers, lauréat du grand concours de gravure de 1874. — Renvoi à MM. Franck, Leclercq, Demannez et Pinchart. — M. Donaldson, associé de la section d'architecture, remercie pour l'envoi des derniéres publications acadé- miques. — La Kunst-Verein, de Hambourg, transmet la circu- laire relative à son exposition d'aquarelles et de dessins qui aura lieu en cette ville, du 18 mars jusqu'au 4 mai prochain. (244 ) — M. P. Trabaud, de Marseille, adresse, à titre d'hom- mage, un exemplaire de son livre en deux volumes : Esthé- tique et archéologie, et annonce le prochain envoi de son ouvrage intitulé : Outre-Manche. — Remerciments. ÉLECTION. M. le directeur annonce que la section de musique s'est occupée, de concert avec le bureau, de présenter deux can- didats pour la place de membre titulaire vacante dans cette section. La liste de ces candidats sera imprimée et dis- tribuée aux membres avant la prochaine séance, dans laquelle aura lieu la discussion des titres des artistes pré- sentés, ainsi que l'inscription éventuelle de nouvelles can- didatures. m—— pe) CAISSE CENTRALE DES ARTISTES, M. Alvin, trésorier du comité directeur de la caisse, pré- sente la situation financière de cette institution pendant l’année 1878. Cet état des recettes et dépenses sera annexé au rapport que M. Fétis, secrétaire du comité, présentera lors de la prochaine séance de la Classe et qui figurera ensuite au Moniteur. Des remerciments sont votés à M. Alvin pour les soins qu’il apporte à gérer les intérêts de la caisse. ( 918 ) OUVRAGES PRÉSENTÉS. Faider (Ch.). — Les finances publiques, discours prononcé à l'audience de rentrée de la Cour de cassation , le 45 octobre 1878. Bruxelles, 1878; in- 8». Wagener (A.). — Cornelii Taciti annalium ab excessu divi Augusti, liber I, nouvelle édition avee une introduction, des sommaires et des notes en francais. Paris, 1878; in-12. Folie(F.) —Éléments d'une théorie des faisceaux. Bruxelles, 1878; in-8*. Crépin. — Jardin botanique de l'État. Rapport adressé à M. le Ministre de l'Intérieur. Bruxelles, 1879; extr. in-8°. Tilly (J. de). — Essai sur les principes fondamentaux de la géométrie et de la mécanique. Bruxelles, 1878; in-8°. Gregoir (Édouard). — Bibliothèque musicale populaire, tomes I-II. Bruxelles, Anvers, Paris, etc. 1877-1879; 5 vol. in-8°. Mussely (Ch). — Inventaire des archives de la ville de Courtrai, publié sous les auspices de l'administration commu- nale, tomes I et II. Courtrai, 1867-1870; 2 vol. in-8°. — Cartulaire ou recueil de chartes et documents inédits de l'église collégiale de Saint-Paul, actuellement cathédrale de Liége. Liége, 1878; in-8°. Pilloy (C.). — Leçons élémentaires d'astronomie. Bruxelles, 1871; in-8°. Commission royale des anciennes lois et ordonnances de la Belgique. — Coutumes des pays et comté de Flandre : Alost et Grammont, par M. le comte de Limburg-Sturm. Bruxelles, 1878; in-4*. Conseil supérieur d'agriculture. — Bulletin, tome XXXI, (1877). Bruxelles, 1879; in-4°. L I9 ) Cercle archéologique du pays de Waes. — Annales, t. VII, 3° livraison. Saint-Nicolas, 1878; in-8°. Société chorale et littéraire des mélophiles de Hasselt. — Bulletin, 14* volume. Hasselt, 1877 ; in-8°. Société d Emulation de Bruges. — Annales, 4° série, t. IT. — Chronique et cartulaire de l’abbaye de Bergues-Saint-Winoc de l'ordre de Saint-Benoît, par le R. P. Alexandre Pruvost, t. H. Bruges, 1875-1878; 4 vol. in-8° et 1 cah. in-4°. Société des sciences, des arts et des lettres du Hainaut. — Mémoires, 4° série, tome III. Mons, 1878; in-8°. — ALLEMAGNE, Schleicher (W.). — Die Knorpelzelltheilung. Ein Beitrag zur Lehre der Theilung von Gewebezellen. Extr. in-8°. Naturwissenschaftlicher Verein von Hamburg-Altona. — Verhandlungen im Jahre 1877. Hambourg, 1878; in-8*. Germanisches Museum. — Anzeiger für Kunde der deutschen Vorzeit, 1878. Nuremberg ; in-4°. Gesellschaft naturforschender Freunde zu Berlin. — Sit- zungsberichte, 1878. Berlin, 1878; in-8°. FRANCE. Wallon (H.). — Notice historique sur la vie et les travaux de M. Charles Lenormant. Paris, 1878; in-#°. Trabaud (Pierre). — Esthétique et archéologie, vol. I et II. Paris, 1878; 2 vol. gr. in-8°. Gosselet. — Le calcaire de Givet, 5* et 4* ie us suivies de considérations sur la terminaison de la Grande Faille. Lille, 1878 ; extr. in-8*. Martin (Antonin). — Fleurs terrestres. Paris, 1878; pet. in-8*. ( 220 ) Martin (Antonin). — Les voix dela Patrie, organe mensuel del'Académie poétique de France, 1"° année, 1878. Paris, 1878 ; in-8°. Société de géographie de Lyon. — Bulletin, n** 5-12. Lyon, 1876-78; in-8° Société des sciences, de l'agriculture et des arts de Lille. — Mémoires, 4° série, tome V. Paris, Lille, 1878 ; in-8°. GRANDE-BRET AGNE. Thomson (William). — Navigation : a lecture, delivered in the city hall, Glasgow, 1 1" november 1875. Londres et Glasgow, 1876; in-18. — On the perturbations of the compass produced by the rolling of the ship. 1874; extr. in-8°. — On a self-acting apparatus for multiplying and maintai- ning electric charges, with applications to illustrate the voltaic theory. Londres, 1867; extr. in-8°. — Vortex statics. Édimbourg, 1876; extr. in-8°. — On a new astronomical clock, and a pendulum governor for uniform motion. Londres, 1869; extr. in-8°. — Note on the oscillations of the first species in Laplace's theory of the tides. 1875; extr. in-8*. — General integration of Laplace's theory differential vio tion of the tides. 1875; extr. in-8°. — On the eleetro-dynamie qualities of metals : effects of magnetization on the electric conductivity of nickel and of iron. Londres, 1857; extr. in-8*. — Of geological dynamies. Glasgow, 1869; extr. in-8°. — On a new form of the dynamic method for measuring the magnetic dip. Londres, 1868; extr. in-8°. ( 224 ) Thomson (William). — Hydrokinetie solutions and observa- tions. 1871; extrait in-8°. — Vibrations and waves in a stretched uniform chain of symmetrical gyrostats. Londres; extr. in-8°. — On a uniform-electric-current accumulator. — On volta convection by flame. — On electrie machines founded on induction and convection. 1868 ; extr. in-8°. — Discours prononcé le 7 décembre 1874 cn décernant à M. Tait la médaille Keith pour son ouvrage : « First approxi- mation to a thermo-electrie diagram. » Édimbourg, 1874; extr. in-8*. — On beats of imperfect harmonies. Édimbourg, 1878; extr. in-8°. — On the thermoelastic, thermomagnetie and pyroelectric properties of matter. 1878; extr. in-8°. — Problems relating to underground temperature. 1878; extr. in-8*. — Notice necrologique sur Archibald Smith. Londres, 4874; extr. in-8°. — Report of the committee appointed for the purpose of promoting the extension, improvement and harmonie analysis of tidal observations. Londres, 1876; ext. in-8°. — Electrodynamic qualities of metals: Effects of stress on magnetization. Londres, 1875; extr. in-8*. — Electrodynamic qualities of metals : Effects of stress on magnetization. 1876; extr. in-4°. — On the thermal effects of fluids in motion: On the changes of temperature experienced by.bodies moving through air. Londres, 1860; extr. in-4°. Gibson (John) and Barclay (Th.). — Measurements of spe- cific inductive capacity of dieleetries, in the physical laboratory of the University of Glasgow. Londres, 1871; extr. in-4°. Dugald M. Kichan. — Determination of the number of cleetrostatie units in the electromagnetic unit made in the (22) physical laboratory of Glasgow University. Londres, 1875; extr. in-4°. Froude (W.). — Extract from a letter to Sir W. Thomson. Glasgow, 1876; extr. in-8°. Gray (Thomas). — On the experimental determination of magnetie moments in absolute measure. Glasgow, 1878; extr. in-8*. Perry (John). — Preliminary results of an investigation on the eleetrie conductivity of glass at different temperatures. Londres, 1875; extr. in-8°. Ewing (James Alfred). — Description of Sir William Thom- son's siphon recorder, and Thomson and Jenkins automatic curb sender. Édimbourg, 1876; in-8*. Thomson (James). — On the Vena Contracta. Glasgow, 1875; extr. in-8°. ITALIE. R.accademia delle scienze di Torino. — Atti, vol. XIV, n°1 (nov.-dic. 1878). Turin; in-8*. Cavaleri (Mich.), — Il museo Cavaleri e il municipio di Milano. Milan, 1875; vol. in-4°. Bartoli (Ad.). — Una nuova esperienza sulla elettrolisi con deboli elettromotori. Sassari, 1879; in-8°. — Sulla decomposizione dell' aequa con una pila di forza elettromotrice, ete. Florence, 1878; extr. in-8°. — Sopra aleuni fenomeni che si osservano nel passaggio di una corrente elettrica per un voltametro ad acqua. Pise, 1878; extr. in-8°. Schiaparelli (G.- V.). — Osservazioni astronomiche e fisiche sull'asse di rotazione e sulla topografia del planeta Marte, fatte in Milano durante l'opposizione del 1877. Rome, 1878; in-4 ( 993 ) Giovanni (V. di). — Il P. Giuseppe Romano e l'ontologismo in Sicilia sulla metà del secolo XIX , discorso. Palerme, 1879; in-8°. PAYS DIVERS. Plantamour (E.).— Résumé météorologique de l'année 1877 pour Genéve et le Grand Saint-Bernard. Genéve, 1878; extr. in-8°. < Plantamour (Ph.) — Le limnographe de Sécheron (près Genève). Genève , 1878; extr. in-8°. Société helvétique des sciences naturelles. — Actes de la 60° session, 1877. Lausanne, 1878; in-8°. Naturforschende Gesellschaft in Bern. — Mittheilungen aus 1877. Berne, 1878; in-8*. Nordiskt medicinskt arkiv, X. Bd., 2-5 Häftet. Stockholm, 1878; in-8°. Campos Junior (Ant.-Maria de). — Un congrés permanent de géographie en Portugal, au XV: siècle : lettre à M. le mar- quis de Croizier. Leiria, 1878 ; in-8°. Deutsche Gesellschaft für Natur- und Völkerkunde Osta- sien's. — Mittheilungen, 16. Heft. Yokohama, 1878; in-4°. — Liste d'ouvrages déposés dans la Bibliothéque de l'Académie par la Commission royale d'histoire. Bormans (Stanislas). — Cartulaire des petites communes. Analyse des pièces. Namur, 1878; in-8°. Gilliodts- Van Severen. — Inventaire des archives de la ville de Bruges : section premiére; Inventaire des chartes, intro- duction. Bruges, 1878; in-4°. Commission centrale de statistique. — Bulletin, t. XIII. — ( 224 ) Exposé de la situation du royaume de 1861 à 1873. Bruxelles, 1878; vol. in-4*'et cah. in-8°. Cercle archéologique de Mons. — Inscriptions funéraires et monumentales de la province du Hainaut: Introduction. Mons, 1878; cah. in-4*. Société scientifique et littéraire du Limbourg. — Bulletin, t. XIV. Tongres, 1878; vol. in-8° Institut archéologique du Luxembourg. — Annales, t. X. Arlon, 1878; in-8°. Analectes pour servir à l’histoire ecclésiastique de la Bel- gique, t. XIV, livraisons 1-4; t. XV, livraisons 1 et 2. Louvain; in-8°. Grossherz. General-Landesarchive zu Karlsruhe. — Zeit- schrift für die Geschichte des Oberrheins, XXX. Bd., 5. u. 4. Heft; XXXI. Bd., 1. Heft. Carlsruhe, 1878; in-8°. Lipot (Ovary). — I1. Pal papa es Farnese Sandor Bibornok magyarorszagra vonatkozo diplomaeziai Levelezesci (1555- 1549). Budapest, 1879; in-8° Université de Leipzig. — Collections de théses soutenues devant les facultés en 1877 et 1878. Smithsonian Institution. — Annual report of the board of regents (1876). Washington, 1877; in-8°. Société d'agriculture, sciences et arts. — Mémoires histo- riques, tomes IV et V. — Revue agricole, etc., t. XXX, table ; tome XXXI, n° 1-10. Valenciennes, 1876-78; in-8°. Laubespin (le comte Léonel de). — Extraits sommaires des mémoires de la Hugucrie, avec une préface par M. Pingaud. Poligny, 1877; in-8°. BULLETIN L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1879. — No 3. b CLASSE DES SCIENCES. Séance du 1** mars 1879, M. le baron de Secys Loxccnawps, directeur. M. LiacnE, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. L. de Koninck, P.-J. Van Beneden, Melsens, F. Duprez, H. Maus, Ern. Candèze, F. Donny, Ch. Montigny, Steichen, Brialmont, Éd. Morren, C. Malaise, F. Folie, Alp. Briart, Fr. Crépin, J. De Tilly et F.-L. Cornet, membres; E. Catalan , associé; Alf. Gilkinet, M. Mourlon, correspondants. M. Stas exprime, par éerit, ses regrets de ne pouvoir assister à la séance à cause d'une indisposition. 9"* SÉRIE, TOME XLVII. rT ) | CORRESPONDANCE. La Classe apprend avec regret la perte qu'elle vient de faire en la personne de l'un de ses associés de la section des sciences naturelles, M. Paul Gervais, décédé à Paris le 15 février dernier. — M. le Ministre de l'Intérieur envoie, pour la biblio- théque de l'Académie, les ouvrages suivants : 1* Leçons élémentaires d'astronomie, par C. Pilloy, vol. in-8*; 9» Livraisons 243 et 244 de la Flora batava, cah. in-4°; 3° 7° livraison de la Pinacographia, de M. Snellen van Vollenhoven, cah. in-4°; 4^ Bulletin du conseil supérieur d'agriculture : Situa- tion de l'agriculture, année 1877. Tome XXXI, in-4° (5 exemplaires); 9? La Belgique à 4 Exposition. universelle de 1878, 2 vol. Mans: La Société des sciences pures, de bus adresse, à titre de premier envoi de ses dios. le fascicule 2 du volume V de ses Actes. - Le Journal américain q'otologi envoie son n? 4 de la première année. (La Commission iddidistiwiive examinera s'il y a lieu d'échanger le- Bulletin contre ces deux dernières publica- tions.) M. De Tilly offre un exemplaire fun ouvrage qu'il vient de publier sous le titre : Essai sur les principes fon- bisce eec dela géométrie et de la Lesen igi vol. in-8°. ( 227 ) M. Gosselet envoie, à titre d'hommage, les troisiéme et quatriéme parties de son travail publié dans les Annales de la Société géologique du Nord, sous le titre : Le calcaire de Givet, broch. in-8°. Des remerciments sont votés pour ces dons. — Les établissements scientifiques ci-aprés remercient pour le dérnier envoi des publications académiques : Les Sociétés des sciences de Cassel, Francfort s/M., Górlitz, Hanau ; la Société royale des sciences et la Société astronomique de Leipzig ; la Société royale d'Édimbourg ; l'Institut national d'Ossolinski, à Léopol ; les Sociétés zoo- logiques d'Amsterdam et de Rotterdam ; l'Observatoire de Prague. M. Donders, associé, à Utrecht, remercie pour le méme envoi. — Les travaux manuscrits suivants sont renvoyés à l'examen de commissaires : 1* Sur le déplacement des spectres des étoiles, par M. l'abbé Spée. — Commissaires : MM. Houzeau et Mon- tigny; 9» Terrestrial magnetism, by B.-G. Jenkins. — Com- missaires : MM. Houzeau et Mailly ; 5 The Plague, par le. même. — Mêmes commissaires; 4° Sur l'élimination, par M. P. Mansion. — Commis- saires : MM. Catalan, Folie et De Tilly; 5° Recherches sur la navigation maritime à vapeur, par M. Fidèle Motte. — Commissaires: MM. Maus et Montigny; 6° Observation de la planète Mars faites pendant Poppo- sition de 1877, nole, avec figures, par M. le baron Octave Van Ertborn.— Commissaires : MM. Houzeau et Liagre. ( 228 ) RAPPORTS. — MM. Van Bambeke et Candèze donnent lecture de leurs rapports sur un travail de M. P.-J. Van Beneden, intitulé : Les Orques observées dans les mers d'Europe. Ils proposent d'adresser des remerciments à l'auteur pour son intéressante communication, et d'insérer celle-ci, ainsi que les planches qui l'accompagnent, dans les Mé- moires in-4° des membres de l'Académie. La Classe adopte ces propositions. Sur un moyen de diriger les ballons; par M. A. Van Weddingen, de Hasselt. Rapporti de M. Montigny. « Le moyen proposé par M. Van Weddingen pour im- primer une propulsion continue à un aérostat muni de sa nacelle ordinaire, consisterait à chercher un point d'appui dans l'air à l'aide d'une immense rame, formée d'un long levier, travaillant horizontalement, dit l'auteur, et dont l'extrémité extérieure serait munie d'une grande plaque circulaire de 10, 20 à 30 mètres de diamètre. L'auteur se borne à ajouter que ce système serait mis en jeu par une machine à vapeur, sans donner aucun détail à l'égard de celte disposition, et sans même indiquer de quelle ma- ( 229 ) tiere il proposerait de confectionner cette rame gigan- tesque. Je propose à la Classe d'ordonner le dépót aux Archives de cette communication. » La Classea adopté ce rapport, auquel s'est rallié M. Lia- gre, second commissaire. Sur le système stellaire 40 o? Eridani; par M. L. Cruls. Rapport de M. Houzenu. « Différentes circonstances ayant désigné le système stellaire 40 o? Eridani comme l'objet d'une recherche de la parallaxe, M. Cruls, un de nos compatriotes , attaché à l'Observatoire de Rio de Janeiro, a fait en 1878 deux sé- ries d'observations, dans le but de déterminer cette paral- laxe. Il trouve que celle-ci ne s'éléve certainement pas à 0",5. Mais comme il ne rapporte pas les observations sur lesquelles cette détermination est fondée, nous pouvons seulement lui donner acte de sa conclusion, en imprimant, pour lui assurer une date certaine, la Note d'ailleurs trés- courte qu'il a soumise à l'Académie. Il n'y a pas lieu d'y joindre le diagramme qui l'accompagne, ni par conséquent l'explication de la figure. » La Classe a adopté ce rapport. ( 950 ) PROGRAMME DU CONCOURS POUR 1880. La Classe arréte ce programme de la maniére suivante : SECTION DES SCIENCES MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. PREMIÉRE QUESTION. Exposer l'état de nos connaissances sur les phénoménes connus sous le nom d'Influence des masses, et montrer pourquoi les idées de Berthollet ont cédé devant celles de Proust. Indiquer, s'il est possible, la voie à suivre pour arriver à la solution de ce probléme général. DEUXIÈME QUESTION. Trouver et discuter les équations de quelques surfaces algébriques, à courbure moyenne nulle. TROISIÈME QUESTION. ~ On demande de compléter,par des expériences nouvelles, l'état de nos connaissances sur les relations qui existent entre les propriétés physiques et les propriétés chimiques des corps simples et des corps composés. : SECTION DES SCIENCES NATURELLES. PREMIÈRE QUESTION. Faire la description des terrains tertiaires appartenant à la série éocène, c'est-à-dire terminés supérieurement par le systéme laekenien de Dumont, et situés dans la Hesbaye, le Brabant et les Flandres. » ( 231 ) . DEUXIÈME QUESTION. Faire connaître l'histoire de la vésicule germinative dins des eufs pouvant se ise si par poire a L'auteur choisira librement l'objet de ses études parmi les diverses espèces animales chez lesquelles le dévelop: pement parthénogénésique a été positivement constaté. TROISIÈME QUESTION. On demande de nouvelles observations sur les rapports du tube pollinique avec l'œuf, chez un ou quelques phané- rogames. : La valeur des médailles décernées comme prix sera de huit cents francs; elle est portée à mille francs pour: la 3° question de la section des sciences physiques et mathé- matiques. Les mémoires side étre écrits lisiblement et pour- ront étre rédigés en francais, en flamand ou en latin. Ils devront étre adressés, franes de port, à M. J. Liagre, seéré- taire perpétuel, avant le 1** aoüt 1880. L'Académie exige la plus grande exactitude dans les citations; les auteurs auront soin, par conséquent, d'indi- quer les éditions et les pages des ouvrages cités. Un n 'ad- mettra que des planches manuscrites. Les auteurs ne mettront point leur nom à leur Ouvrage ; ils y inscriront seulement une devise, qu'ils reproduiront dans un billet cacheté renfermant leur nom et leur adresse. Faute par eux de satisfaire à cette formalité, le prix ne pourra leur être accordé. Les mémoires remis aprés le terme ? ( 232 ) prescrit, ou ceux dont les auteurs se feront connaître de quelque manière que ce soit, seront exclus du concours. L'Académie croit devoir rappeler aux concurrents que, dès que les mémoires ont été soumis à son jugement, ils sont et restent déposés dans ses archives. Toutefois, les auteurs peuvent en faire prendre des copies à leurs frais, en s'adressant, à cet effet, au secrétaire perpétuel. La Classe adopte, dès à présent, les deux questions sui- vantes pour le concours de 1881 : PREMIÉRE QUESTION. On demande de nouvelles recherches sur la germination des graines, spécialemeut sur l'assimilation des dépóts nu- tritifs par l'embryon. DEUXIÉME QUESTION. Étendre, à huit points d'une courbe du troisiéme ordre, la propriété anharmonique de quatre points d'une conique. Cette propriété a déjà été étendue aux sommets de deux n latéres conjugués à une courbe du n° ordre (Éléments d'une théorie de faisceaux, par F. Folie. — Liége, Decq, 1878), ainsi qu'aux sommets de n n latères conjugués à cette méme courbe. (Quelques théorémes de géométrie supé- rieure, par C. Le Paige. — Bulletins de l'Académie, 2* série, tome XLV, 1878, page 94.) ( 235 ) COMMUNICATIONS ET LECTURES. — Note sur le système stellaire 40 o? Eridani; par M. L. Cruls, astronome adjoint de l'Observatoire impérial de Rio de Janeiro. J'ai l'honneur de présenter à l'Académie royale de Belgique les résultats de mes premiéres recherches sur l'existenee d'une parallaxe du systéme ternaire 40 o? Eri- dani. M. C. Flammarion, dans une Note insérée dans les Comptes rendus (n? 18, séance du 29 octobre 1877), ter- mine en ces termes : « Le grand mouvement propre de ce » systéme ternaire, le mouvement orbital rapide du couple » el l'éclat de l'étoile principale nous invitent à penser » que ce système n'est pas trés-éloigné de nous et que des » mesures minutieuses feraient trouver une parallaxe sen- » Sible. Il serait du plus haut intérét qu'un astronome de » l'hémisphére austral s'adonnàt à cette recherche. » Dans le but d'élucider cette question j'ai observé ce sys- téme en choisissant les deux époques les plus favorables de l'année 1878. A cet effet mes observations ont été faites à six mois d'intervalle, et lorsque le rayon vecteur de la terre était à trés-peu prés perpendiculaire aurayon vecteur mené au groupe stellaire 40 o* Eridani, en d'autres termes lorsque l'ascension droite de la terre est égale à celle du groupe en question plus ou moins 6 heures. Comme d'ail- ( 234 ) leurs cette derniére ascension droite est environ 4 heures, il s'ensuit que les deux époques les plus favorables pour mettre en évidence la parallaxe, s'il y en a une, tombent vers le 15 février et le 90 aoüt, c'est-à-dire lorsque l'as- cension droite de la terre est 22^ et 10^. L'instrument qui m'a servi pour ces observations était notre équatorial de 25 centimètres d'ouverture, armé d'un grossissement de 240 fois. Mes mesures micrométriques ont spécialement été diri- gées de maniéreà m'assurer de l'existence d'une parallaxe; cependant et quoique le micrométre filaire dont j'ai fait usage donne assez sürement un peu plus de trois dixiémes de seconde d'are, les résultats obtenus sont complétement négatifs et ne permettent pas d'en conclure une paral- laxe. Cette recherche, étant d'ailleurs d'une délicatesse ex- tréme, demande à étre poursuivie avant de pouvoir répon- dre avec certitude du résultat, quel qu'il soit. Toutefois, je le répéte, mes deux séries d'observations, comprenant chacune un nombre considérable de mesures, et faites aux deux époques, écartées de six mois, les plus favorables pour rendre le déplacement parallactique maximum et par conséquent plus aisément appréciable, n'ont pas mis en évidence une parallaxe d'au moins 0/3. Si elle est infé- rieure, elle est comprise dans les limites des erreurs. Les autres particularités qu'offre ce systéme intéressant, et confirmées successivement par les observations de Herschel, Struve, Engelmann, Winnecke, Knott, Burn- ham et Flammarion , lont été également par les miennes. Le mouvement de translation du couple BC vers l'étoile principale A; le mouvement propre du système ternaire ( 235 ) (A, BC), ainsi que le mouvement orbital de C autour de B et dont la période semble étre, en effet, de 160 ans environ, peuvent étre considérés aujourd'hui comme hors de doute. Grâce au mouvement propre du système (A, BC), bien- tót une petite étoile D se trouvera sur l'alignement des étoiles A et B, ce qui arrivera vers 1885-7, et il sera inté- ressant d'observer le systéme à cette époque. ( 236 ) CLASSE DES LETTRES. Séance du 3 mars 1879. M. LrcLERCQ, directeur, président de l'Académie. M. LiacnE, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. G. Nypels, vice-directeur; Gachard, P. De Decker, Ch. Faider,le baron Kervyn de Lettenhove, R. Chalon, Thonissen, Th. Juste, Félix Néve, Alph. Wau- ters, H. Conscience, Alph. Le Roy, Heremans, P. Willems, Tielemans, membres; J. Nolet de Brauwere Van Steeland, Aug. Scheler, Arntz, associés; S. Bormans, Ch. Piot, Ch. Potvin et J. Stecher, correspondants. M. L. Alvin, membre de la Classe des beaux-arts, assiste à la séance. CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l'Intérieur envoie, pour la biblio- thèque de l'Académie, le 14* volume du Bulletin de la sec- lion littéraire de la Société des Mélophiles de Hasselt, vol in-8°. Il adresse de la part de M. Michel Cavaleri, avocat à Milan, l'ouvrage suivant : Il Museo Cavaleri e il Municipio di Milano, vol. in-4°. M. le Ministre de la Justice adresse deux exemplaires du Recueil des coutumes d'Alost et de Grammont, publié ( 257 ) par la Commission royale des anciennes lois et ordon- nances de la Belgique, vol. in-4°. M.le baron de Witte envoie un exemplaire de son Cata- logue de la collection d'antiquités de feu M. Charles Pa- ravey, ancien conseiller d'État, vol. in-8°. M. Thonissen présente, de la part de M. Jaeques Flach, avocat à Paris, un exemplaire de son ouvrage intitulé : La table de bronze d'Aljustrel, étude sur | pem e des mines au I** siècle de notre ère, broch. in- M. Alph. Le Roy remet de la part de M. Vincenzo di Giovanni, associé de la Classe à Palerme, un exemplaire de son discours sur : I P. Giuseppe Romano e l’ontolo- gismo in Sicilia, sulla metà del secolo XIX. Br. in-8°. M. G. Tiberghien fait hommage de la 5* édition de son livre intitulé : Psychologie, La Science de l'àme dans les limites de l'observation, vol. in-12. M. le comte de Toreno, Ministre de l'Intérieur à Madrid, annonce l'envoi, à titre d'hommage à l'Académie, du Rap- port de l'Académie d'histoire de Madrid sur la découverte, dans la cathédrale de Saint-Domingue, des restes supposés de Cristophe Colomb. La Classe vote des remerciments pour ces dons et décide que les notes lues par MM. Thonissen et Le Roy, au sujet des ouvrages de MM. Flach et di Giovanni, paraitront dans le Bulletin. — M. Gachard adresse pour la bibliothéque une nouvelle série d'ouvrages que la Commission d'histoire a reçus, et dont les titres figurent dans le Bulletin précédent. — La Société littéraire de l'Université catholique de Louvain, envoie le programme des sujets qu'elle a mis au concours, et dont le délai pour la remise des manuscrits expirera le 15 mars 1880. ( 258 ) — Les établissements scientifiques suivants accusent réception du dernier envoi des publieations académiques : -^La Société d'agrieulture, sciences et arts de Douai; les Sociétés historiques de Leisnig et d'Utrecht; les Univer- sités de Leyde et de Halle. M. Leemans, Vreede et Alberdingk Thym, associés de la Classe, remercient pour le méme envoi. M. Thonissen, en présentant l'ouvrage de M. Flach, a lu la Note suivante : « Au nom de M. Jacques Flach, l'un des principaux rédacteurs de la Revue historique de droit francais, j'ai l'honneur d'offrir à l'Académie une savante dissertation sur la Table de bronze d'Aljustrel (1). On sait que ce remarquable monument épigraphique, découvert dans une région montagneuse et déserte du Portugal, consiste en une série de dispositions réglemen- taires concernant l'exploitation d'une mine et visant, avant tout, à sa mise en valeur. Tous les savants qui représen- tent, à notre époque, la science de l'épigraphie juridique — MM. Giraud, Hübner, Mommsen, Krüger et d'autres — se sont occupés de cette découverte inespérée d'un spéci- men important de la législation industrielle de l'empire romain. M. Flach a mis à profit les travaux de ses savants ému- les; mais, tout en montrant une véritable déférence pour leur sagacité et leur science, il s'est souvent écarté des — (1) La table de bronze d'Aljustrel. Étude sur l'administration des mines du premier siècle de notre ère. Par Jacques Flach, avocat à la cour d'appel de Paris, professeur à l'école des sciences er ete. Paris, Larose, 1879; in-8", ( 239 ) opinions et des conjectures qu'ils ont émises. Il plaée l’âge de l'inseription d'Aljustrel à la fin du premier siècle après Jésus-Christ. Il prouve que le texte reproduit par le gra- veur est une véritable loi et qu'on doit prendre au pied de la lettre l'expression de lex qui s'y rencontre à diverses reprises. C'est, à son avis, une loi faite pour l'ensemble des mines de Vipasea, et par l'empereur directement. Ce n'est pas seulement une loi locale, mais le type méme des con- ditions auxquelles étaient soumises, au premier siécle de notre ére, la location et l'administration de toutes les mines de cuivre et d'argent appartenant au fisc. M. Flach fait l'analyse et le commentaire de l'inscrip- tion. ll en comble les lacunes et en restitue le texte. H détermine les róles respectifs du procurator metallorum et des fermiers du fisc. Il passe en revue les divers métiers exercés sur le territoire concédé et qui , tous, avaient le caractère d'un monopole. Il étudie, en un mot, dans leur ensemble et dans tous leurs détails, les neuf chapitres que comprend l'inscription d'Aljustrel. ied En somme, l'œuvre que j'ai l'honneur d'offrir à l'Aca- démie est l'une des dissertations épigraphiques les plus intéressantes qui aient été publiées dans ces derniéres années. J'y ai rencontré, sur beaucoup de points encore contestés, des lumiéres nouvelles, aussi bien pour l'ar- ehéologie et la philologie que pour la science de l'histoire u droit. » M. Le Roy, en présentant l'ouvrage de M. di Giovanni, a lu la Note suivante : a J'ai l'honneur d'offrir à la: Classe, de la part de M. Vincenzo di Giovanni, associé étranger, un exemplaire du discours prononcé le 19 janvier dernier, par l'éminent ( 240 ) philosophe sicilien, à l'Académie royale de Palerme. C'est une étude très-intéressante sur le P. Giuseppe Romano, an- cien professeur de philosophie à Palerme, puis de théolo- gie au grand séminaire de Salamanque, plus tard envoyé à Constantinople pour y fonder le Collége de Sainte-Pul- chérie, dont il était recteur lorsque la mort vint le sur- prendre le 27 mars 1878. Le P. Romano était doué d'apti- tudes trés-variées : la littérature, les mathématiques, l'arehéologie, la numismatique, l’occupèrent tour à tour, et il se distingua dans tous ses domaines. Mais c'est comme penseur profond que son compatriote (1) l'étudie ici, et le discours que vous avez sous les yeux est ainsi un chapitre ajouté à la belle Histoire de la philosophie en Sicile dont jai eu l’occasion, précédemment, d'entretenir la Classe. On y voit les jésuites siciliens trés-éloignés des idées do- minantes chez leurs confréres du continent, ceux-ci en défiance contre l'ontologisme , ceux-là entraînés dans l'orbite de Gioberti, cédant à l'impulsion depuis longtemps imprimée aux esprits, dans leur ile, par l'enseignement et les écrits de Miceli et de d'Acquisto. L'ontologisme sicilien se rattache par une filiation saisissable aux tradi- tions de S. Augustin, de S. Anselme et de S. Bonaven- ture; il professe une sorte de platonisme chrétien qui n'est méme pas incompatible avec les doctrines fondamentales de S. Thomas, bien que les néo-thomistes italiens sou- tiennent volontiers le contraire. Le P. Romano exposa ses thèses dans un ouvrage considérable : La science de l'homme intérieur, qui eut un grand retentissement dans la Pénin- sule et provoqua des attaques violentes, si bien que l'au- teur se crut finalement obligé de remplacer ses lecons de (1) Le P. Romano est né à Termini, en Sicile, le 5 janvier 1810. ( 241 ) philosophie par un cours de théologie dogmatique. Il me suffit d'indiquer ici ces débats fort inconnus chez nous, mais qui témoignent du zèle avec lequel on s'occupe en- core, dans les pays du Midi, des questions spéculatives. Nulle part peut-étre le matérialisme, le pessimisme, le déterminisme contemporain ne trouvent de pareilles résis- tances, et dans le monde des spiritualistes, nulle part peut-être les séparations sur des questions délicates ne sont aussi tranchées; j'ajouterai que ces débats, purement théoriques en apparence, passionnent aisément les esprits par les applications qu'on est porté à faire, des prémisses posées par les diverses écoles, aux problèmes politiques et sociaux qui s'agitent actuellement en Italie et en Sicile aussi bien qu'ailleurs. » COMMUNICATIONS ET LECTURES. Les traducteurs de Dante Alighieri aux Pays-Bas, par M. J. Nolet de Brauwere van Steeland, associé de l'Académie. « Onorate l'altissimo poeta. » Ces belles paroles, in- scrites au monument érigé en l'honneur du plus grand poëte de son siècle, semblent moins un appel fait à la postérité, qu'elles ne sont la confirmation du culte que de tout temps et en tous pays, depuis la fin du moyen-àge jusqu'à nos jours, on a voué au génie de Dante Alighieri et plus spécialement à son chef-d'œuvre par excellence, « La Divine Comédie. » Je m'estime heureux, et j'en suis fier pour ma patrie, de pouvoir constater que depuis une quinzaine d'années la Neérlande a largement contribué à 2"* SÉRIE , TOME XLVII. 16 ( 242 ) faire connaitre et apprécier chez elle l'eeuvre capitale de limmortel Florentin. Mais avant d'aborder le sujet de cette notice, il n'est peut-étre pas sans intérét d'indiquer briévement ce que d'autres pays ont produit à cet égard en biographies, traductions et commentaires. Les premières et les derniers, se prétant un mutuel appui, s'entr'aident nécessairement et sont indispensables pour l'intelligence du texte : car on se heurte à d'inextricables difficultés dans: ce travail gigantesque, défini par un des meilleurs com- mentateurs « d'œuvre admirable, à la fois drame, sermon, pamphlet, satyre, hymne et épopée. » Si l'on veut s'identifier complétement avec la vie et les œuvres du Dante, il faut recourir aux sources des événe- ments politiques et surtout aux troubles qui agitèrent à: cette époque la république Florentine. On apprend ainsi pourquoi, aprés plusieurs missions diplomatiques, aprés avoir été revétu des hautes fonctions du Priorat et avoir rendu d'éclatants services à sa ville natale, le Dante en fut exilé par la faction dominante; quoique, en réalité, il planât au-dessus des partis, ou, pour mieux dire, il consti- tuàt à lui seul le sien propre. C'est à quoi il fait faire allu- sion par son aieul Tes au Chant XVII‘, vers 68-69 du Paradis : dou x a te fia bello Averli fatta parte per te stesso. On verra le profond penseur errant de ville en ville et mourant à Ravennes, sans avoir pu rentrer à Florence; mais on se rappellera en méme temps les paroles de Cale- mard de la Fayette : « Dans ce débat entre une fiére répu- blique et un pauvre exilé, l'exilé seul est grand. » On ne connait jusqu'ici aucune biographie contempo- raine du Dante. Cette lacune regrettable nous prive de ces ( 243 ) mille détails qui, dans leur ensemble, nous eussent plus complétement édifié sur la portée politique et religieuse des œuvres du chantre de Béatrice. On est forcé de s'en rapporter, comme source première, à « La vita di Dante, » de Boccaccio, le plus ancien de ses biographes, àgé seule- ment de huit ans lorsque l'Italie perdit le plus illustre de ses fils (1591). Vient ensuite Leonardo Aretino, complé- tant sous le même titre l'ouvrage de son devancier. Il con- vient de citer encore les biographies moins importantes, il est vrai, de Manetti, Polentone et Mario Filelfo, toutes du XV: siècle et écrites en latin. Parmi les historiens de date plus récente on distingue au siècle dernier Giuseppe Pelli, compulsant, outre les auteurs déjà nommés, les œuvres mémes du Poéte, surtout sa correspondance, qui rappelle des faits du plus haut intérét. Enfin on ne peut passer sous silence la « Vita di Dante » de Girolamo Tiraboschi, qui fait autorité en cette matiére. Certes, le nombre est grand de ceux qui ont décrit la vie du Dante; mais il semble oiseux d'en donner une aride nomenclature, qui serait en outre fatalement incomplète. Ceci s'applique de méme aux nombreux commentateurs, parmi lesquels il faut ranger ceux qui, en des traités spé- ciaux, ont analysé, parfois à leur propre point de vue politico-religieux, la Trilogie du grand Maitre. ll en est qui se tiennent sur les hauteurs d’où le Dante a défini les tendances de son œuvre : « conduire l'humanité souffrante, de son état de misère et d'abjection, vers l'état du bon- heur parfait, » non-seulement par l'expectative d'une éternelle béatitude, mais méme ici-bas, pour peu que l'es- prit sache s'élever par la pensée vers des régions supé- rieures. Il est d'autres ouvrages dont il suffit de transerire le titre, pour se convainere que leurs auteurs se complai- ( 244 ) sent dans un tout autre ordre d'idées (1). On arrive ainsi aux appréciations les plus disparates. Chez les premiers cette différence d'appréciation est le résultat d'une étude spéciale, approfondie de l'oeuvre du Dante. Ils se sont trouvés en présence d'un travail immense, s'initiant à cet assemblage mélangé de paganisme et de christianisme, de mythologie et de théologie, de philosophie et de jurispru- dence, de physique et d'uranographie, d'histoire sacrée et profane, de Gibelins impériaux et de Guelphes papalins, de Bianchi et de Neri. Ils se sont assimilé l'idée gran- diose qui domine ce vaste ensemble; on peut en quelque sorte les eroire Dantifiés dans le Dante. Mais d'autres se sont comme perdus dans un inextricable dédale, et leurs élucubrations paraissent le produit d'une digestion scien- tifique et littéraire aussi laborieuse que troublée. Parmi les esprits d'élite de la premiére catégorie, je signalerai Thomas Carlyle; Thomas Babington Macaulay, auteur d'un ingénieux rapprochement entre le Dante et Milton; Ozanam, dont la remarquable dissertation traite de la philosophie du Dante, comparée à celle de Platon et d'Aristote; Karl Streckfuss, biographe et commentateur du plus grand mérite; mais surtout le docte professeur à l'Université de Halle, conseiller intime D" Karl Witte, eritique éminent, dont la parole fait autorité. Néanmoins on ne peut tout citer et je m'arréte, pour passer rapide- ment en revue les principaux traducteurs étrangers. M À—— _ (1) E. Anorx. Dante hérétique, révolutionnaire et socialiste. L'hérésie de Dante, démontrée par Francesca da Rimini. Clef de la Comédie anti- catholique de Dante Alighieri, pasteur de l'Église albigeoise dans la ville de Florence, affilié à l'Ordre du Temple. Paris, chez Jules Renouard. 4857. ( 245 ) | Ici la patrie de l'illustre auteur de Ij poema sacro mérite le pas sur d'autres pays, ne füt-ce qu'à titre d'ancienneté; ear un contemporain du Dante, le moine Matteo Ronto, traduisit la Divine Comédie en hexamétres latins. Cet exemple fut suivi par le Pére jésuite Carlo d'Aquino, dont l'excellente traduction métrique, publiée à Naples en 1798, est encore fréquemment consultée, servant souvent à élu- cider le texte des éditions italiennes. Enfin de nos jours le Révérend J. B. Matte, archiprétre de Castelamonte , publia successivement « Dante Alighierii Cantica de Infe- ris — Purgatorium — Paradisus. Latinis versibus. Epore- dia, ex typis seminarii, 1874-1876. » En Italie les traduc- tions étaient nécessairement latines. Inutile d'ajouter que de multiples éditions de l’œuvre originale n'y font pas défaut. L'éminent savant Karl Witte, dans une notice fort inté- ressante sur les traducteurs du Dante, mentionne une œuvre en langue romane du XIV* siècle, dont la Biblio- thèque de Turin garde le manuscrit. Une autre, d'Andreas Febrer, datant de la première moitié du XV* siècle, se trouve aux Archives de l'Escurial. Il cite encore, comme appartenant à la fin de la méme époque, une traduction de l'Enfer, en vers castillans, faite à la demande de la duchesse de Frias, fille de Ferdinand le Catholique, par Pero Fernandez de Villegas , archidiacre de Burgos, ou- vrage remanié et réédité de 1867 à 1869. Dressant enfin. laliste aussi compléte que possible des traductions du Dante, depuis le siécle dernier jusqu'au temps présent, méme sans compter les fragments isolés, il en énumére une soixantaine, dont dix-neuf allemandes, dix-huit anglaises, seize francaises, trois neérlandaises et deux russes. La Suède et le Danemark en revendiquent chacun une. ( 246 ) Je ne compte pas égrener par le menu un aussi long chapelet, me bornant à mettre en lumiére quelques gros grains de ce brillant rosaire Dantesque. L'Allemagne, avan- tagée par le nombre, prend le pas dans ce dénombrement. Sans toutefois m'arréter aux premiers essais en prose de Bachenschwanz, Hórwarter et Enk, ni aux tentatives mé- triques d'Aug. von Schlegel, Ad. Wagner, Hofinger et Doerer, je mentionnerai la traduction de la Trilogie com- pléte par Kannegiesser (1814-1821), réimprimée jusqu'à cinq fois. Des trois éditions de Karl Streckfuss, dont la premiére date de 1824 à 1826, la derniére, la plus répan- due, considérablement augmentée par Pfleiderer et enri- chie d'excellents commentaires, fut réimprimée jusqu'à douze fois. Enfin l'œuvre toute récente de Karl Bartsch mérite aussi une mention spéciale. Toutefois, à l'énuméra- tion si compléte du savant professeur de Halle, il convient d'ajouter la belle traduction non rimée, mais écrite dans le rhythme endecasillabo de l'original et publiée avec de nombreux commentaires par le Roi Jean de Saxe, sous le pseudonyme de Philalethes. A la suite d'un oubli bien in- volontaire sans doute, M. Witte la passe sous silence. Le Roi-poéte en dédia la première édition de 1849 au Roi Frédéric-Guillaume de Prusse, lui aussi un admirateur passionné du Dante, autant qu'il fut le protecteur éclairé des sciences et des lettres en général. La dernière édition est de 1868. Je ne puis quitter l'Allemagne sans rappeler le zéle infatigable et les nombreux travaux du savant éminent Karl Witte, qui donna un nouvel essor à l'étude de la vie et des œuvres du grand Florentin. C'est lui qui fonda en 1865 l'association dite Dante-Verein, dont il occupa la présidence jusqu'à ce jour. Ces Annales, publiées depuis ( 247 ) une dizaine d'années, forment quatre volumes, compre- nant cent trente feuilles d'impression in-8*. Parmi les érudits qui s'y distinguérent par de remarquables travaux, il faut citer, outre le docte président de l’œuvre, les noms de Karl Bartsch, E. Bóhmer, H. Delff, E. Erdmann, Th. Pauer, A. de Reumont, mais surtout le docteur Scar- tazzini, dont les publications sont aussi nombreuses Wee méritoires. L'Angleterre se distingue également par le nombre et la valeur de ses traducteurs. Peu de temps aprés la mort du Dante, c’est Chaucer qui débute par une version libre, mais exacte, de plusieurs pages détachées de la Trilogie. Rogers traduit à son tour, en 1782, l'Enfer en vers blancs métriques; Cary rend de méme toute l'Épopée, que Boyd (1809) donne en stances de six vers. La traduction de Charles Wrigt (1855-1840) en tercets est des plus estimées, tandis que Taylor (1845) emploie un métre de fantaisie. L'Angleterre est fertile en reproductions du Dante, car de 1845 à 1865 on en peut citer jusqu'à sept, dont une fort remarquable, due à la plume d'une dame, Mrs Ramsay. Toutefois l’œuvre métrique de Longfellow est de beaucoup supérieure aux autres. Nommons encore la savante disser- tation de H. C. Barlow (1870), sur la magnifique édition due à feu George John Warren, Lord Vernon, pair d'Angleterre. Les traducteurs français sont moins nombreux. Depuis l'abbé Grangier, aumônier de Henri IV, auquel il dédia son poéme en strophes de six vers alexandrins, et l’œuvre de Montonnet de Clairfons, publiée en 1776, on compte seize traductions. Parmi les modernes, celles de Lamen- nais (1862) et de Louis Ratisbonne, qui eut trois éditions, sont les mieux appréciées. Si la premiére, malgré les charmes relatifs d'un langage correct et élégant, joint à ( 248 ) un style des plus élevés, est de beaucoup inférieure à la se- conde, Louis Ratisbonne en donne d'avance les motifs dans sa préface : Les traductions, dit-il, « que l'on fait d'un poéte en prose sont à coup sür les plus perfides. Elles sont fidèles à la littéralité du modèle, infidèles, si je puis wex- primer ainsi, à sa littérature. La musique des paroles est retranchée avec le métre, en méme temps que les tours, les hardiesses, les images du poéte s'allanguissent au milieu des pruderies de la prose, surtout dans notre phrase francaise, qui marche un peu comme le recteur et sa suite, et qui n'a pas retrouvé depuis Amyot cette vive et courte allure que regrettait Fénélon. » Il est une autre raison que . le poëte n'indique point : c'est que le Dante, réformateur de sa langue maternelle, écrivit dans l'idiome populaire — volgare poesia — tout en relevant singulièrement cet idiome par le sublime des idées, le choix des expressions, le style à la fois simple, élevé et concis. Le savant Witte, partageant cette manière de voir, appelle l’œuvre de L. Ratis- bonne « une traduction justement renommée; » et bien que les tercets francais soient en vers alexandrins et ne rendent point le rhythme cadencé des terze rime de l'ori- ginal, l'Académie francaise devanca le jugement porté par le professeur allemand, en décernant successivement à cette belle Trilogie les prix Monthyon et Bordin. Quant aux traductions russes, M. Witte mentionne l'En- fer en prose, par Dima (1843), et l’œuvre complète, par Dmitri Mein (1855). Pour la Suéde il cite celle de Bót- tinger (1855); enfin au Danemark la traduction de Mol- bech (1851-1865). Bornons-nous à cette nomenclature, sans doute par trop sèche ; exposé succinct, n'ayant aucun rapport avec la marche solennelle, mais si poétique, des chefs de corps de ( 249 ) la grande revue dont le Tasse fait montre au Chant I” de sa Jérusalem délivrée. Si je n'ai exhibé qu'un maigre défilé au pas decourse, de silhouettes vaguement dessinées, cela suffit toutefois pour déterminer la part prise par chaque : pays à la glorification de l'eeuvre immortelle du grand poéte, sauf la Néerlande, à laquelle j'ai réservé une men- tion plus spéciale et plus détaillée. Le culte voué à l’œuvre magistrale du Dante ne remonte pas aussi loin aux Pays-Bas qu'en Allemagne, en Angle- terre et en France. Méme au temps de la renaissance des lettres néerlandaises, vers la fin du XVI siècle et à l'époque la plus brillante du XVII, le Dante parut complétement ignoré ou méconnu. Cependant la langue italienne devait étre assez familiére aux esprits d'élite dont les chefs- d'euvre brillent encore aujourd'hui du plus vif éclat; témoin le style de Spieghel, si riche en inversions et en épi- thétes, mais parfois entaché de ces jeux de mots qui sem- lent empruntés aux concetti italiens. Il en fut de méme de Hooft et de Huygens, qui tous les deux visitèrent l'Ita- lie, le premier en simple touriste, le second en qualité de secrétaire d'ambassade. Hooft y demeura deux ans, et le style de celui qu'on nomma depuis le Tacite néerlandais, y acquit la souplesse, la verve et la grace de Pétrarque. Sa pastorale héroique Granida, remplie d'imitations de l'Aminte du Tasse et du Pastor Fido de Guarini, se ressent de son séjour dans la patrie du Dante. Huygens, polyglotte érudit, composa méme des vers italiens; Heemskerck, dans son ouvrage intitulé l'Arcadie batave, mentionne une édition de poche des sonnets érotiques de Pétrarque. Les grands maîtres italiens, le Dante excepté, étaient donc ( 250 ) quelquefois imités; mais on ne trouve pas méme son nom cité dans les œuvres de Vondel, ni par le plus digne des commentateurs de ce dernier, Jacques van Lennep. Était- ce ignorance, dédain ou parti pris? Le Dante était-il trop Gibelin aux yeux de ses coreligionnaires et pas assez au goüt des cultes dissidents? Toujours est-il que pour le publie néerlandais la Trilogie resta lettre morte jusqu'en 1847, bien que Bilderdijk eût donné, en 1826, une imitation de l'épisode d'Ugolin, reproduite depuis au tome XIV de ses poésies complètes. Mais la facture pesante de ces alexandrins, alourdis encore par trop d'emphase et de redondance, rendent bien mal les terze rime du texte original, dont la simplicité concise n’a d'égal que la forte pensée qui les fit éclore. N'est-il pas étonnant que le plus illustre de nos poétes modernes, lui qui avait les vers si faciles, se jouait de la rime, possédait à fond l'italien, de méme qu'il connaissait la presque totalité des langues anciennes et modernes; n'est-il pas étonnant qu'il se soit borné à rendre en vers de dix pieds ce seul épisode d'Ugolin ? Ce ne fut qu'à vingt années de là qu'en fervent et digne adepte de Bilderdijk, le poéte Ten Kate essaya de traduire en tercets les dix premiers Chants de l'Enfer, reproduits depuis au V* volume de ses Poésies (1864). J'y revien- drai dans la suite. Déjà, cependant, E.-J. Potgieter, à la fois critique judicieux et poëte distingué, avait donné, dés 1839, un bon exemple, en publiant dans une revue fort estimée, De Gids, l'épisode si attachant de Francesca da Rimini, emprunté au Chant V° de l'Enfer. Il se re- trouva depuis dans les œuvres posthumes de l'auteur (1876). Potgieter s'attache à rendre en tercets les vers du texte italien. Or les strophes du Dante se composent cha- ( 251 ) eune de trois vers de onze syllabes, toutes rimes féminines disposées en terza rima. Elles s'enchainent et se croisent de manière à faire rimer le 2° vers de la 1"* strophe avec le 1% et le 5° vers de la strophe suivante; le 4°% et le 3° vers de la 1'* strophe, rimant de méme avec le 2° vers de la 2° strophe, et invariablement ainsi jusqu'à la fin de ce long poëme. Bien que Potgieter se fût exécuté quant aux exigences de la rime, il ne tint pas compte du métre endecasillabo et composa ses tercets en alexandrins de treize syllabes. Si ces deux syllabes en trop facilitérent parfois la traduction, le poëte ne sut pas toujours éviter le danger de remplissages inutiles. De là une charmante imi- tation plutót qu'une traduction fidéle des vers si concis et si corsés de l'original. On en était à ces timides tàtonnements , quand parut, en 1864, la Trilogie complète en iambes de cinq pieds, vers blancs métriques de A.-S. Kok. Cette œuvre excelle par une scrupuleuse fidélité au texte italien placé en re- gard. Elle le rend constamment par des équivalents choisis avec discernement et par une louable sobriété d’expres- sion, exempte de boursouflure redondante. Il est certain que M. Kok, après une étude consciencieuse de l’œuvre du grand maître, s’est entièrement identifié avec son modèle. Je n’en veux pour preuve que les notes placées à la suite de chaque Chant, sobres de détails, mais amplement suffi- santes pour l'intelligence du texte. Je me réfère surtout au beau travail intitulé : « Dante Alighieri, son époque et ses œuvres », qui termine la dernière partie de la Trilogie. J'y ai puisé plus d’une précieuse indication. Si l’on veut avoir une idée juste des difficultés d’inter- prétation du Dante, écoutons parler M. Kok : « Le lan- gage du poéte est bref, serré, énergique, et se rapporte en ( 252 ) tout aux tableaux qu'il dépeint. Il n'hésite point à se servir de loeutions d'apparence étrange, à forger des expressions hardies, quand il les juge utiles à son œuvre. C'est avec raison qu'on a comparé son langage à celui des anciens prophétes : comme eux il semble sculpter ses pensées en relief; elles sont vivantes, palpables. Dans ses expressions il est aussi fort réaliste que pas un, et né tient compte ni dela fausse délicatesse, ni de la sensiblerie. Si le poéte nous offre ses tableaux de l'Enfer, ceux qu'ils offusquent pourront s'en détourner avec terreur : mais l'artiste ne leur concédera rien, n'hésite en rien, et Gœthe avait peut-être raison en appelant l’œuvre du Dante « eine widerwärtige, oft abscheuliche Grossheit.» Ailleurs le traducteur rappelle que le poéte « appartient au moyen-âge, comme Homère aux temps anciens et Shakespeare à l'époque moderne. » Douze ans plus tard une voix plus autorisée encore, celle de M. Joan Bohl, ce traducteur par excellence de l'immor- tel Florentin, exprimait plus explicitement la méme idée. Il disait : « Au terme de chaque grande époque le monde semble enfanter un poéte qui, pareil au héraut, annonce siécle par siécle à la postérité les grandes figures des temps passés. Homére chante la Gréce paienne; à mille années de là, Virgile décrit le paganisme latin; encore un millier d'années et le Dante célébrera la chrétienté. Cet homme surgit vers la fin du moyen âge; il en devient la personni- fication. Il concentre en lui tout ce que son temps résume en penser, en savoir, et c'est en couleurs impérissables qu'il en retrace les tableaux. » M. Bohl définiten ces termes le beau travail de M. Kok : « Le talent, un labeur incessant et une grande force de volonté, donnérent naissance à cette traduetion métrique si recommandable. » On ne peut que souscrire à cet éloge si bien mérité. ( 253 ) Par une traduction remarquable de la Gerusalemme liberata, aussi élégante que correcte et dans le mètre méme de l'original, le poéte Ten Kate avait, dés 1855, octroyé au chef-d'eeuvre du Tasse la grande naturalisation néerlandaise. Il était réservé à M. Hacke van Mijnden d'en faire autant pour le Dante, c'est-à-dire, de rendre les lerze rime de la Trilogie en strophes, rhythme et rimes équivalents. Ceux qui savent que le néerlandais ne posséde ni le nombre , ni la diversité de terminaisons féminines, si familiéres aux langues du Midi, apprécieront l'extréme difficulté de faire concorder l'esprit et la lettre du texte avec la traduction en tercets de construction italienne. Hacke réussit admirablement à cette tàche ardue, à ce jeu de casse-téte, et cela sans la moindre défaillance durant les trois parties de cette immense Trilogie! M. Bohl rend justice à celui qu'il devait surpasser un jour. « Lorsque jouvris (dit-il) l’œuvre colossale du docteur Hacke, je fus saisi d'admiration et de respect. Quel homme que celui qui sacrifiait et son or et les plus belles années de son exis- tence à poursuivre , d'un zéle noblement soutenu , un but tellement grandiose qu'on ne saurait s'en créer un plus élevé! Quel honneur pour la Néerlande d'avoir produit un Hacke van Mijnden! Avec quelle ardeur il convie à l'étude du Dante! Pareils devanciers méritent l'hommage des con- temporains comme celui de la postérité ». L'étranger devanca ce jugement enthousiaste. Dés la publication de l'Enfer (1867) le roi d'Italie confère à Hacke sa croix de-commandeur de l'Ordre des SS. Maurice et Lazare; le Ministére de l'Instruction publique le nomme membre de là Commissione pe testi di lingua ; en 1871 le Dante-Verein allemand le compte au nombre excessive- ment restreint de ses membres d'honneur; enfin les revues ( 254 ) les plus aceréditées, les journaux, rendent hommage à cette belle œuvre. Parmi ces comptes rendus on distingua ceux que M. M.-H. Van Lee, polémiste politique et littéraire justement estimé, écrivil avec sa finesse d'appréciation habituelle dans plusieurs organes hollandais ou flamands, ainsi que dans là Augsburger Allgemeine Zeitung (1). Hacke v. Mijnden mourut en 1875, aprés l'achévement du « Paradis » mais sans en avoir vu la publication. Celle- ci eut lieu la méme année, presque simultanement avec un article fort élogieux , dà à la plume du savant Karl Witte et inséré dans la Illustrirte Zeitung du 25 juin. Qui ne croirait que pareille œuvre dût se trouver dans toutes les mains? Il n'en fut rien. Imprimée avec un luxe typographique inoui, dans le format gr. in-folio, sur fort papier vélin, avec le texte en regard du néerlandais et les commentaires au bas de la page; rehaussée par les belles gravures de Doré; les trois volumes richement reliés en maroquin du Levant; cette édition princière n'était pas dans le commerce et méme n'y sera jamais. L'auteur en destina le petit nombre d'exemplaires à quelques hauts personnages, à des bibliothéques publiques, à des amis par- ticuliers (2). On put croire un instant qu'une édition popu- laire verrait le jour; mais Hacke ne se départit point de sa réserve première, plus accentuée encore par une défense (1) J'eus également l'honneur d'offrir le tribut de mon admiration à M. Hacke; mais redoutant avec raison les difficultés du mètre endecasil- labo et dt la terza rima, je me bornai à lui adresser une pièce de vers en hexamétres et pentamétres, parati depuis au tome III de mes Poésies. (2) S. M. le Roi des Belges, M. le baron Gericke de Herwijnen, M. Jules Van Praet, M. M.-H. van Lee, la Bibliothèque royale à Bruxelles, celle de l'Université de Gand et l'auteur de cette Notice, ont seuls reçu en Belgi- que des exemplaires offerts par l'auteur. ( 255 ) formelle, insérée dans son testament. Les bibliophiles se disputeront un jour ces trop rares volumes. Cependant l'élan était donné et plus d'un homme de goüt s'éprit des poésies du Dante. On eut ainsi du savant philologue J. van Vloten un apercu remarquable sur la vie et les œuvres du grand Florentin ; du pasteur J. H. Gun- ning (1870) une excellente étude : « Dante Alighieri » et plus tard (1876) la brochure non moins attachante: « La vie de l'humanité et l'existence humaine, une Divine Comédie. » Mais M. Bohl rendit un service encore plus signalé en fondant, à l'exemple du Dante-Verein allemand, la revue De Wachter, Nederlandsch Dante-Orgaan, presque exclusivement consacrée à la diffusion, à l'appréciation des œuvres du Maitre ou aux écrits qui s’y rattachent. La cri- tique aussi y tient sa place. Tout en prenant la haute direc- tion de cette revue, M. Bohl sut grouper autour de sa personnalité plus marquante une pléiade d'éminents col- laborateurs, tant regnicoles qu'étrangers. J'ai emprunté à cette revue plus d'un renseignement important. Si le travail de Hacke v. Mijnden fut une révélation, en tant qu'elle confirmait la possibilité de rendre les vers du Dante en une métrique absolument semblable, l'apparition d'une traduction nouvelle de l'Enfer (1), également en vers endecasillabi, prit les proportions d'un événement. C'était l'euvre de M. Joan Bohl, jurisconsulte et homme de let- tres distingué, déjà favorablement connu par plus d'une publication historique ou littéraire. On s'émut à l'idée de voir paraitre ainsi, coup sur coup, deux traductions cou- lées dans un méme moule rhythmique, alors que l'on (1) Trois livraisons tout aussi remarquables du « Purgatoire » (Chants I-X1I) ont paru depuis. C ZOU) croyait la langue maternelle rebelle à pareille pléthore , jusqu'iei inconnue, de rimes féminines. On se plut à com- parer la création récente avec celle de Hacke, et sans amoindrir en rien la haute valeur de cette derniére, la pré- férence demeura acquise au nouveau venu. Une étude ap- profondie du texte, jointe à une parfaite connaissance de la langue italienne, dans laquelle le poëte correspond avec les sommités de la littérature Dantesque, expliquent l'in- contestable supériorité de l’œuvre de M. Bohl. Publiée dans les modestes proportions d'un bel in-8°, il en parut en moins d'une année une deuxième édition (1876). Elle était accompagnée d'une « Justification, » expliquant com- ment l'auteur fut amené à rendre publie le résultat d'un travail poursuivi pendant de longues années, sans relàche, avec une fiévreuse ardeur; tendant à s'assimiler et à rendre non-seulement la valeur de chaque expression, mais sur- tout l'idée mére qui préside à la création du Dante et dont chaque page révéle les traces multiples. Ce double respect envers la lettre et l'esprit du texte, M. Bohl le démontre dans sa Justification, en citant à l'appui plusieurs strophes ou vers isolés, comme reproduction mot à mot de l'original. Enfin il codifie en quelque sorte les exigences requises pour bien comprendre et traduire le Dante. On les trouvera résumées plus loin. Le succés de cette publication hors ligne, constaté d'abord en Hollande, retentit bientót à l'étranger. C'est ainsi qu'aux Pays-Bas le professeur Dozy écrit à M. Bohl : « Il me semble que votre traduction excelle autant par la fidélité que par la vigueur et l'élégance. La tàche était fort ardue, mais vous vous en étes acquitté de main de maitre. » Notre savant confrére, le professeur De Vries, est plus ex- licite: « J'ai suivi avec le plus vif intérêt (dit-il) la traduc- ( 257 ) tion de l'Enfer du Dante. Elle est, en effet, d'une fidélité, d'une exactitude remarquables, et rend le texte de la façon la plus heureuse. On ne peut assez louer l'épisode de Fran- cesca da Rimini : elle est digne de l'original et c'est là le plus grand éloge auquel un traducteur puisse prétendre... J'éprouve le besoin de vous répéter à quel point j'estime votre magnifique travail, qui me semble un véritable trésor pour notre littérature. Ce n'est pas peu de chose d'avoir accolé à tout jamais votre nom à celui de l'immortel Ali- ghieri, et personne ne pourra désormais vous contester ce titre glorieux. » D'autre part , M. le professeur A. Dupont, de Louvain, consacre à l'appréciation de l’œuvre un important article dans la revue De Wachter. Il y est dit : « La traduction et les commentaires qui l’accompagnent dénotent un pro- fond savoir en philosophie et en théologie, une connais- sance étendue de la langue italienne, une étude persévé- rante de l'original..... M. B. ne se borne pas à néerlandiser les idées, les sentiments du Dante : il nous le montre comme écrivain et poéte dans le caractère qui lui est propre. La tâche d'un traducteur, eu égard aux difficultés presque insurmontables qui l'accompagnent, avait été for- mulée par M. B. lui-même de la manière suivante : fidélité constante dans la traduction; langage et style de la plus grande simplicité; connaissance approfondie du caractère de l'auteur, de sa vie et de son époque; science étendue, goût épuré; posséder à fond les deux langues..... A notre humble avis la présente traduction satisfait pleinement à ces exigences et mérite à ce titre de figurer, comme un joyau précieux, dans la couronne littéraire de la Néer- Quant aux nombreux commentaires, ils justifient entiè- 2"* SÉRIE, TOME XLVII. ( 258 ) rement les jugements portés plus haut. Le savant L. W. van Deventer les déclare « excellents par leur clarté. » Ailleurs un homme éminent, dont la Hollande, sa patrie, est fière à juste titre, M. Jacques Moleschot, sénateur du royaume d'Italie et successivement professeur de physio- logie aux Universités de Turin et de Rome, écrit au vaillant traducteur : « Je trouve vos commentaires réellement par- faits et des plus clairs, tandis que d'autres s'évertuent par- fois à élueider ce que chacun comprend, mais laissent dans l'ombre ce qui était obscur. » Enfin le pape Pie IX, bro- chant sur le tout dans un bref du 22 novembre 1876, définit ces mêmes commentaires une « recta et sana ex- plicatio; » puis, appréciant l’œuvre dans son ensemble, S. S. ajoute : « te docte ac naviter praestitisse quod multa cum laude efficere constituisti. » Notons, en passant, qu'un abime sépare les croyances religieuses et politiques du Saint-Pére de celles du savant Moleschot. Les extrémes furent ici d'accord pour louer une œuvre réellement hors ligne. En fait de distinctions honorifiques, celle de l'annonce d'une nomination imminente comme membre d'honneur du Dante-Verein en vaut bien d'autres. La Société alle- mande n'en compte, je pense, actuellement que deux : le célébre Longfellow et le commandeur Giuliani à Florence. L'éminent professeur Karl Witte prévient en ces termes M. Bohl de cette haute distinction : « La Riunione Dantesca ha due specie di socj : ordinarj e onorarj. Questi ultimi, che sono in iscarsissimo numero, non possono nominarsi che nelle Assemblee generali. Se sene convocasse una, non mancherei di proporre V. S., e sono persuaso che sarebbe nominata a consenso unanime. » Et la critique? Elle fut à peu prés nulle. Si MM. Dupont ( 259 ) et Moleschot adressent au traducteur quelques observa- tions fort bénignes, ils procèdent par interpellations sous forme dubitative. Le premier les déclare « des points d'inter- rogation insignifiants ; » le second ajoute: « vous ne savez que trop bien où et pourquoi vous vous seriez écarté du modèle... rejetez simplement tout cela, si vous jugez que J'ai tort ou que je chicane sur des riens. » Cependant la note discordante ne pouvait manquer à ce concert d'éloges : elle finit méme par aboutir à la note gaie. Comme transition du grave au doux on peut citer un article.du docteur Wap, sérieux quant au fond, mais de forme humoristique. Le savant critique y témoigne de ses préférences pour les traductions en prose, notamment pour celle de Mesnard (1854); mais il parle avec un profond mépris de la terza rima, qu'il appelle « se permettre des cabrioles sur la lyre du Dante. » C'est affaire de goût et d'appréciation. il dépeint ensuite M. Bohl « escaladant courageusement les rocs escarpés et les anfractuosités in- fernales du Tartare florentin , sans se préoccuper le moins du monde des piéces et morceaux de la langue maternelle, tombés de ci, de là, dans l'une ou l'autre crevasse des aspé- rités d'un monde souterrain. » M. Wap eût bien dà repé- cher quelques-uns de ces lambeaux pour les restituer cha- ritablement à leur propriétaire : mais il ne songea point à lui faire cette gracieuseté Par contre il loue la prudence du poëte Ten Kate, lequel, n'ayant pas assez préjugé de son courage et de ses forces, lors d'une récente traduction de l'Enfer, « s'était tenu sur un terrain uni, marchant au pas d'un métre par à peu prés alexandrin. » Or, le profes- seur Karl Witte avait, lui aussi, déclaré ces mémes vers des terze rime par à peu prés. « Tous deux étaient dans le vrai : car les dix premiers Chants de l’ Enfer, publiés par Ten Kate en 1847, tout en conservant le croisement des tercets ( 260 ) : du Dante, alternaient les rimes masculines d'un métre iambique de cinq pieds (dix syllabes au lieu de onze), avec les rimes féminines de la terza rima italienne. Si Hacke v. Mijnden avait frustré le bon publie de sa superbe édition, Ten Kate eut à cœur de combler cette lacune. Il continua donc les dix Chants précités jusqu'au 55° et publia en 1876 l'Enfer dans le format in-folio, avec les gravures de Doré. C'était parfait; mais il se donna le tort d'ajouter en sous-titre : traduit dans le mètre de l'ori- ginal. Cette légère supercherie valut à son auteur le ma- nifeste intitulé: « Un Dante écloppé », dù à la verve acérée de M. Bohl. On y reprochait au nouveau traducteur de dé- figurer d’une façon indigne le maître italien et d’avoir ainsi amputé le Florentin d'un pied en le faisant pitoyable- ment clocher; de ne pas connaître un traître mot d'italien et d'avoir simplement eu recours à des traductions alle- mandes pour parfaire la sienne. Enfin, aprés une foule de récriminations plus désagréables les unes que les autres, on conseillait au traducteur de placer en vedelte sur son titre : « Traduction libre de l'allemand, avec mutilation du métre original. » Ten Kate, qui appartenait comme Bohl au genus irrita- bile vatum et se souvenait fort à propos que « C'est dedans l'encre seul qu'on lave un tel outrage » , Ten Kate répliqua par une plainte douloureuse; son agres- seur ne s'était pas contenté « de méler une goutte de ci- tron à une coupe de miel; mais il lui avait mis aux lèvres un calice débordant d'amertume fortement absinthée. » ll se prévalut de l'opinion de quelques vieux auteurs hol- landais pour prouver sa fidélité au mètre original; mais lui-méme détruit cette assertion en avouant que ses rimes masculines ressemblent à « la reproduction de l'Apollon ( 261 ) du Belvédère, moins une phalange au pied gauche.» Il ter- mine en incriminant quelques passages de la traduction Bohl ? La réponse de ce dernier fut accablante. C'était une eruelle philippique, sous ce titre mordant : « Dante es- tropié des deux côtés », c'est-à-dire, boitant de gauche par la rime et de droite par la traduction. Le poëte ap- pelle à la rescousse une légion d'Academici della crusca, chargés d'expliquer la structure du vers endecasillabo et de la terza rima. Il y joint un imposant cortége de gram- mairiens et de commentateurs italiens, pour prouver que son antagoniste n'avait jamais lu, et pour cause, le texte du Dante. Ten Kate, mortellement accablé — au figuré s'entend — par cette avalanche de grimoires du plus for- midable embonpoint et pareils aux lourds in-4°, lancés d'une main si süre par le terrible chanoine Fabri, au V* Chant du Lutrin, Ten Kate ne répliqua point. Je tiens néan- moins de source certaine que M. Bohl offrit de vider le débat au champ clos d'une discussion publique. Il mit pour unique condition que la joute aurait lieu, non plus à coup de plume, mais à coup de langue... italienne. Offrir de discuter dans l'idiome du Dante, quelle insidieuse dérision ! Ten Kate refusa cette proposition pourtant si courtoise , et l'affaire en resta là (1). En somme la traduction de Ten Kate, qui du reste se lit fort agréablement, ne vaut pas celle de Hacke, et bien moins encore celle de Bohl, supérieure à toutes deux sous tous les rapports. Je donne, comme Appendice, en méme (1) Sous le titre de « Une furie dantesque» Eene Dante-Furie », j'ai détaillé dans la Revue flamande De Toekomsr (1877) toutes les péripéties de cette. lutte serioso-burlesque entre deux hommes d'un incontestable talent littéraire. ( 262 ) temps que le texte italien, huit strophes avec leurs com- mentaires de chacune des quatre grandes traductions néer- landaises du Dante (1). - Je ne saurais terminer sans mentionner au moins une cinquième traduction (sic) de l'Enfer, par le pasteur Tho- den van Velzen. Un eritique dont personne ne contestera la compétence, professeur érudit et lui-méme poéte dis- tingué, M. Schaepman, en parle en ces termes dans sa propre Revue De Wachter (1871) : « Quand je parcours l'Enfer du Dante, mis en vers par U.-W. Thoden van Vel- zen, alors s'éléve vers moi de chaque page, de chaque ligne, le eri déchirant de douleur du plus grand des poétes. L'esprit du Dante parait chassé de ces vers à grands coups d'étriviéres... Libre à chacun de feuilleter ce livre étrange; mais à qui veut s'épargner une couple d'heures du plus mortel ennui, je conseille de le laisser dormir en paix. » A l'appui de ce jugement sévére, M. Schaepman cite deux longs extraits , qu'il refait ensuite bel et bien en terze rime, sans doute pour montrer à l'auteur comment il eût dû s'y prendre. M. Bohl traite le même sujet avec sa verve caustique : « Passé quelques années (dit-il) M. Thoden van Velzen fit inscrire aux registres de l’état civil littéraire, un és bà- (1) A cet effet j'aurais voulu choisir le touchant épisode de Francesca da Rimini, traduit avec une admirable précision et si savamment commen- tarié par le poëte Bohl ; mais on peut comparer et apprécier la valeur re- lative de chaque traduction à bien moins de vingt-trois strophes, quatre fois répétées, ce qui eût été un peu long. Jc me suis rabattu ensuite sur « Le Purgatoire » qui donne en huit strophes une légende concernant l'empereur Trajan, consignée également dans Paulus Diaconus : « Vita Gregorii magni, » mais la traduction du poëte Ten Kate fait jusqu'ici défaut. J'ai alors ouvert l'Enfer du Dante et j'en ai copié au hasard les huit strophes de mon Appendice. ( -265 ) tard mort-né. Afin de mieux en dissimuler la véritable ori- gine, il lui donna le nom mystérieux de « l'Enfer du Dante ». Ce petit avorton fut immédiatement enterré et nulle créature n'en entendit oncques parler depuis. Au peu de personnes qui avaient entrevu ce fœtus, il leur parut si dróle, qu'ils ne purent se soustraire à l'entrainement d'une irrésistible gaîté... Le pasteur van Velzen est du nombre de ces citoyens utiles, créés à la grande joie de leurs sem- blables. Jamais il ne prend la plume en main sans leur procurer les secousses salutaires d'un fou-rire »... Jecrois pouvoir arréter ici lacritique au sujet de ce Dan- Liste, assez maladroit, au dire de M. Schaepman, pour arra- cher... « un cri de douleur au plus grand des poëtes » ; mais je désire finir par une pensée au moins consolante : Des cing traductions de la Trilogie Dantesque aux Pays- Bas, il en est trois, mettons quatre, que mon pays peut se féliciter d'avoir vu naitre dans un espace de temps rela- tivement limité. Celle de M. Joan Bohl est incontestable- ment la plus méritoire. Peu importe alors que l’œuvre du pasteur van Velzen soit née non viable, pourvu que l'on puisse dire avec un juste orgueil de M. Bohl et de son rejeton littéraire : le père et l'enfant se portent bien! APPENDICE. Texte italien de l'Enfer du Dante. Chant Ile. Vers 94 à 417. Donna é gentil nel ciel, che si compiange Di questo impedimento , ov' io ti mando, Si che duro giudieio lassù frange. ( 264 ) Questa chiese Lucia in suo dimando, E disse : Ora abbisogna il tuo fedele Di E ea io a te lo raccomando. Lucia, nimica di ciascun crudele, Si mosse, e venne al loco doy’ i' era, Che mi sedea con l'antica Rachele : Disse : Beatrice, loda di Dio vera, Chè non soccorri quei che t? amò tanto, Ch’ uscío per te della volgare schiera? Non odi tu la pièta del suo pianto? Non vedi tu la morte, che '| combatte Su la fumana, onde '| mar non ha vanto? Al mondo non fur mai persone ratte -A far lor pro, ed a fuggir lor danno, Com' io dopo cotai parole fatte, Venni quaggiù dal mio beato seanno, Fidandomi nel tuo parlare onesto, Ch’ onora te e quei ch' udito l’ hanno, Poscia che m’ ebbe ragionato questo, Gli occhi lucenti, lagrimando, volse : Per che mi fece del venir piü presto. Traduction néerlandaise de A. S. Kok , en vers blancs iambiques. 94. Een vrouw woont in den hemel die — zachtmoedig — Om "t onheil treurt waartegen ik u uitzend , Zoodat ze omhoog 't onwrikbaar oordeel opschort. 97. Zij riep Lucia in haar wenschen op rak tot haar : « Thands beeft uw trouwe dienaar Behoefte aan u. 'k Beveel hem aan uw bijstand. 100. « Lucia, vijandin van alle wreedheid , op en kwam ter plaatse waar ik was, Ik die gezeteld ben bij de oude Rachel. ( 265 ) 105. « Gij, de eere Gods in waarheid , Beatrice! (Sprak zij), hoe helpt ge niet die u zoo lief had, Dat hij om u steeds de ijd'le schaar liet varen! 106. « Hoort gij het jamren niet van zijn geween; Ziet gij den dood niet waar hij, op den stroom Wien t woên der zee niet overtreft, meê worstelt? » 109. « Op de aard had niemand ooit een spoed, om 't geen Hem baat te zoeken of het wee te ontvluchten, Als ik had na de woorden, dus gesproken, 112. « Om af te dalen van mijn zaal'gen zetel , Daar °k me op uw rechtgeaarde taal vertrouw, Die u en hun die haar verstaan tot eer strekt. » — 113. « Nadat ze dus mij dit had meégedee Sloeg zij het glansrijk oog al on opwaarts, Wat mij te meer in grooten haast deed gaan AANTEEKENINGEN. 94. De drie vrouwen waarvan hier door Beatrice gesproken wordt hebben mede een symbolische beteekenis. De zachtmoedige vrouw uit dit vaers is Maria, het symbool der GODDELIJKE GOE- DERTIERENHEID. Lucia, de martelares van Syracuse, de aange- roepene van hen die aan de oogen lijden, is het zinnebeeld van e VERLICHTENDE GENADE Gods, en Rachel wordt door de bij- belverklaarders als het symbool van het BESCHOUWENDE LEVEN aangemerkt, 108. Die stroom is hier weder zoowel het zinnebeeld van de woe- dende partijschappen in Florence (Zie Pure. XIV), als van de beroeringen der zondige hartstochten. Traduction du Dr A. C. Hacke van Mijnden, en vers terze rime (endécasyllabiques). *« Eene edle vrouw is daar in 's hemels hoven. « Zij was door "t leed, waarheen 'k u zend, bewogen. 96. «« Haar klacht verbrak het hoog besluit daar boven. e — c ( 266 ) «« Zij daalde tot Lucia uit den Hoogen, «« En sprak aldus : « uw trouwe vriend daalt weder . «« Naar 't woud: « o bied hem hulp naar uw vermogen. «« Lucia, van nature zacht en teeder, «« Stond op en kwam ter plaats, waar 'k haar verbeidde , . «« En waar 'k met de oude Rachel zat ter neder. «« Beatrix, ware roem van God » — z00 z «« Zij haastig — « kan uw vriend geen inis tn: . «« Die bovenal om u zich onderscheidde? ua Spreek, hoort ge niet zijn droeve —— «« Zie hoe hij worstelt met den dood, aan «« Die nimmer aan de zee hun schatting arte «« Ik zag nooit menschen zich zoo haastig spoeden «« Om winst te doen of schade te vermijden, . «« Als ik, toen ik haar meening kon bevroeden. «« ’k Verliet den hemel en zijn zoet verblijden; «« Zie mij, vertrouwend op uw taal, genaken, . «« Die u vereeren zal door alle tijden. » « Terwijl zij sprak, hoorde ik haar zuchten slaken; « ’k Zag 't schittrend oog in tranen half verscholen : . « Dat deed mij om te gaan nog sterker haken. » AANTEEKENINGEN. . Die « edle vrouw » is Maria, de ontfermende genade, die, bewo- gen met het lot der in zonde en ellende gedompelde mensch- heid , haar de straf van Gods rechtvaardigheid wil doen ont- 7. Lucia, de heilige martelares , wier oogen , volgens de overleve- ring, te Syracuse werden uitgestoken, en die patrones is der ooglijders. Hier, gelijk de afleiding van haren naam te kennen geeft, is zij de genade , die als 't ware een licht ontsteekt in het bart des zondaars. Maria bewerkt den wil, Lucia geeft de kracht, terwijl Beatrix den zondaar werkzaam maakt tot zijne bekeering. . Rachel is het zinnebeeld van het beschouwende (contempla- 107. ( 267 ) tieve) leven. Zoo heeft dan de zaligmakende kennis van God (Beatrix) hare plaats naast het leven in aanschouwing van God (Paradijs XXXII, 8. Vagev. XXXIT, 104). Deze vloeden stellen de stroomen der hartstochten voor; zulke stroomen voeren niet naar de zee, maar naar de hel; zij ont- staan uit de tranen der ongelukkigen, en vormen in de diepte de stroomen , die wijlater zullen ontwaren (XIV, 94 Vgg.), en die in het allerdiepste der hel, in den Cocytus, stollen. Traduction de M. Joan Bohl, en terze rime (vers endécasyllabiques). 94. Le) 1 « Ten hemel troont een vrouwe vol genaden, Die ?t kwaad betreurt, waarheen ik u wil zenden, En 't vonnis breekt , waarmede ’t wordt beladen. « "t Behaagde haar tot Lucie zich te wenden. « Gedenk, sprak zij; den doodsnood uws getrouwen , 'k Beveel hem u, opdat ziju smarten enden. » « En Lucia, de zachtste van de vrouwen, Stond ijlings op, om zich tot mij te keeren : Naast Rachel, diep verzonken in beschouwen. . « Beatrix! riep ze; o ware lof des Heeren! Waarom uw minnaar niet ter hulp gevlogen , Die 't wufte volk verliet om u slechts te eeren ? . « Wordt uw gehoor niet door zijn klacht bewogen ? Ziet gij den dood niet, dien hij moet bestrijden In kolken, die méér dan de zee vermogen? » . « Nooit was een mensch op aard zóó vlug in 't mijden Van schà, noch ooit zoo snel om winst te halen, Als ik, toen zij die toespraak mij kwam wijden, . « Om van mijn zaalgen zetel af te dalen, In vol vertrouwen op uw wijze reden, Die u en de uwen steeds met roem omstralen. 5. « Nadat de heilge mij dit had pen Sloeg zij de schittrende oogen op, in En daarom spoedde ik heen met de net eden. ( 268 ). AANTEEKENINGEN. 94. De Moeder Gods Maria, die door Dante diep vereerd werd. Zij is de verpersoonlijking der Goddelijke Barmhartigheid. Zij ver- tegenwoordigt de Voorkomende Genade (gratia praeveniens!, welke deu eersten , geheel paverdienden Vine tot bekeering in den zoudaar stort. Zij bewerkt, gelijk d Aquino uitdrukt, dat de mensch genezen dud (ut sanetur). Daarom kon Dante dan ook zeggen, dat hij het vonnis breekt, uitgesproken over het kwaad : d. i. de straf der zonde door boete en bekeering wegneemt, 97-100. Lucia is de bekende martelares van Syracuse. Dante tte haar bijzonder, en wordt daarom haar « getrouwe » genoe Zij is de patrones voor de oogziekten en in ken à zin verlieht zij den blinden mensch der dwaling en zonde. De moeder Gods : Gratia praeveniens, rigt zieh tot Lucia, dewijl et cooperans) voorstell, welke bewerkt, dat de mensch het goede wil (ut bonum velit) en dit ook inderdaad doe (ut bo- num, quod vult, efficienter operetur). Daarom wordt van haar gezegd, dat zij de zachtste der vrouwen of de vijandin van alle hardheid is. De zachtmoedigheïd is het eenige middel om de verstoktheid des harten te breken ; zij is het schoonste sieraad er vrouw : haar uitsluitend wapen. 102. Rachel, de dochter van Laban, de vrouw van den aartsvader Jacob, en als zoodanig de stammoeder van Israel, gelijk aan- geduid Mattheus II: 12: « Rachel beweende hare kinderen en wil niet vertroost worden, omdat zij niet zijn. » Zij is in het Oude Testament het beeld van het Beschouwende Leven dat tot den hoogsten trap der volmaaktheiJ voert. Daarom zit zij naast Beatrix : de H. Godgeleerdheid. -— I 5. Beatrix eindelijk is de Volmakende Genade (gratia perfciens), ke bewerkt, dat de mensch in het goede volhardt et de hemelsche heerlijkheid verwerft (ut perseveret in bono et ad gloriam perveniat). Zie voor de genaden : S. Thom. de Aquino, Summa Theolog. Pars II. J. Questio IJ et III. z e. 108. De koll m vns iin den mensch gevaarlijker EO AVIST i der © 4 ( 269 ) dan de rampen en stormen der levenszee. Uit het hart komen de booze begeerten. Maith. XV : 19. — De gevaren, welke Dante in het woud der dwaliug te bestrijden had, vergelijkt hij met de beroeringen der waterkolken, welke die van den Oceaan overtreffen. Zedelijk en feitelijk volkomen juist. 109. Zoodra het zijn stoffelijk belang geldt, toont de mensch den ijver, welken hij aan zijn oncindig hoogere geestelijke belan- gen niet wijdt. Ook vermaning! De sterveling zij zoo bezorgd voor zijn eeuwig welzijn , als hij in den regel voor zijn tijde- lijk is. 115. De drie gezegende vrouwen hebben elkander afgevaardigd : nl. Maria: de Voorkomende Genade, Lucia : de Verlichtende, en deze Beatrix : de Volmakende udin Beatrix verlaat, als de . Godgeleerdheid, den hemel om tot Virgilius te komen : den vertezenwoordiger der, menschelijke rede. Uitstekend toont Dante hier aan, dat de Genade zich tot het natuurlijk Ver- stand en de menschelijke Wetenschap wendt om beiden te verlichten en leven te schenken Zonder de bovennatuurlijke genade geraakt onze Rede op het dwaalspoor. Dat bewees zoowel de eeuw van Dante als de xix* het iederen dag leert. De "- rede van Virgilius, welke hem eu degenen, die hem met roem omgeeft, is de taal der door de theologie mm “Glosofie. Traduction de J. J. L. Ten Kate. (lambes à rimes masculines et féminines alternées.) 94. » Omhoog betreurt een eedle Vrouw zóó zeer » Den nood waartegen ik u uit wil zenden » Dat zij het vonnis opschort van den Heer. 97. » Zij ijlde om tot Lucia zich te wenden, » En sprak : « Sta toch uw trouwen Fan bij! » Hij heeft u noodig : red hem uit de ellenden, » 100. « Toen rees Lucia, vol van medelij' » En rustte niet vóór zij de plaats genáetis, 2 » Waar `k nederzat aan oude Rachel's zij’. 105. » Zij sprak : « Beatrix, van Gods lof doorblaakte, » Trekt gij u 't lijden van uw vriend niet aan, » Die d'ijdlen drom om u alleen verzaakte? 106. » Hebt gij van ver zijn weeklacht niet verstaan? » Ziet gij den dood niet grimmig hem bestoken, » Op stroomen dieper nog dan de Oceaan? » 109. « Geen heeft zijn tent zoo spoedig opgebroken , Door winstbejag of reddingszucht gespoord » Als ik verdween, toen zij had uitgesproken. LI 112. » °k Verliet mijn troon en ijlde naar dit oord, » Omdat ik op uw heerlijk woord betrouwde, » Dat u vereert en ieder die het hoort. » 115. « Toen zweeg ze; een vloed van tranen overdauwde » Heur stralend oog, nu Hemelwaards gekeerd, » Zoodat mijn spoed versnelde als ik 't aanschouwde. AANTEEKENINGEN. 94. De hier door Beatrix drie genoemde vrouwen zijn wederom symbolisch. De eerste vrou: is Maria, de moeder des Heeren, zinnebeeld der voorkomende genade (gratia praeveniens); Lucia, de heilige: ance wier oogen te Syracuse werden uitgestoken, de Patrones der ooglijders en in geestelijken zin de heelmeesteresse der pe de zonde verblinden , hier het zinnebeeld der verlichtende of werkende genade (gratia ope- rans); Rachel, de dochter m ad m d n den Aartsvader Jacob, is het eo bespiegelende (contemplative) Ee. dat de weg is tot vol- maaktheid. Beatrix zelve is, in deze beeldengalerij , de volmakende genade (gratia perficiens), alles volgens de scholastische wijsbegeerte van Dante's tijd, met name die van Thomas van Aquino. 108. Die « stroomen » zijn de stroomen der Hartstocbten. Zij gaan dieper dan de zee, want zij gaan tot de Hel, geboren uit de tranen der wanhoop (zie later den xiv*» Zang). In politieken zin opgevat, zijn die stroomen de woedende partijschappen van Florence. (271 ) UNE FAUSSE BULLE DU PAPE ÉTIENNE VIII. —— Rapport à l'Académie royale de Belgique sur cinq titres de l'abbaye de Brogne , conservés dans les archives de la Compagnie; par M. S. Bormans, correspondant de l'Académie. MESSIEURS, Un jour que j'avais l'honneur de lire, ici méme, une notice sur l'origine des libertés communales à Namur, libertés mentionnées pour la premiére fois dans une charte de Brogne , M. le baron Kervyn eut l'obligeance d'appeler mon attention sur plusieurs titres anciens relatifs à la célébre abbaye fondée par saint Gérard, et conservés dans les papiers légués à l'Académie par M. de Stassart. Ces titres, M. le secrétaire perpétuel voulut bien me les con- fier lors de la dernière séance de la Classe, et je viens vous demander aujourd'hui la permission de vous: rendre compte de mon examen. : Les documents recueillis par l'ancien et éminent gou- verneur de la province de Namur sont au nombre de cinq : deux chartes et trois bulles, toutes originales, et concer- nent, en effet, l'abbaye de Brogne. En voici l'indication sommaire : I. Le pape Étienne frappe d'anathéme quiconque oserait (272) porter atteinte aux propriétés mobilières ou immobilières du monastère, ou enfreindre les priviléges juridictionnels dont il jouit. Donné à Rome, le 27 avril 915. II. Alexandre i, évêque de Liége, du consentement de Godefroid, comte de Namur, accorde à l'abbaye de nom- breuses et importantes immunités, et reconnait aux habi- tants de Saint-Gérard la jouissance de certains droits civils. Donné à Brogne, en l'an 1151. HI. Henri l'Aveugle, comte de Namur, ratifie les pri- viléges concédés au monastère par ses prédécesseurs, et expose en délail les franchises des habitants de Saint- Gérard. Donné à Brogne, en l'an 1154. IV. Le pape Lucius III octroie une bulle-pancarte à Fab- baye, dont il énumére et confirme toutes les possessions. Donné en l'an 1182. V. Le pape Innocent IH accorde une bulle semblable à l'abbaye. Donné à Latran, le 29 mai 1202. De ces cinq pièces, les deux dernières seules sont iné- dites. Dans la pensée que la Classe jugerait peut-être à propos de les insérer dans son Bulletin à cause des nom- breux noms de localités qui s'y trouvent, j'en ai fait !a transcription avee tout le soin dont je suis capable. Les trois autres sont depuis longtemps connues. Feu J. Borgnet et M. Eug. del Marmol ont signalé les chartes de 1151 et de 1154 comme deux des plus importants documents que nous possédions pour l'histoire du droit civil et du droit criminel dans notre pays (1). Je ne m'y arréterai donc pas; je m'attacherai uniquement à étudier, à (1) Bonener, Histoire du comté de Namur, pp. 45 et suiv. Det Manor, L'abbaye de Brogne ou de Saint-Gérard (dans les Annales de la Société archéologique de Namur, t, V, 1857-1858, p. 269). (273 ) cette fois, le plus ancien de nos titres: la bulle du pape tienne. Il importe, avant tout, d'en faire connaitre exactement la date : Data V kl. maii, anno ab incarnatione Domini DCCCC. X° HI’, regnante Henrico in regno Lothario (sic), imperante in Italia Hugone anno HI? (1), indictione VF. Nous constatons, tout d'abord, que l'année 915, qui ne coïncide avec le règne d'aucun pape du nom d'Étienne, doit étre rejetée comme fautive : Étienne VII (2) occupa le siége de saint Pierre en 896 et 897; Étienne VIII, con- sacré vers le 1° février 999, mourut le 15 mars 951. Frappés de cette discordance, les critiques voulurent rechercher quelle pouvait étre lannée véritable de la publication de cette bulle. Miræus qui, probablement, eut à sa disposition ce même original que nous avons sous les yeux, la publia le premier, mais en s'arrétant, pour la date, aux mots anno ab incar- natione Domini, et en remplacant le reste par des points; puis, sans alléguer de raison pour justifier ce procédé, aussi peu scientifique que commode, il placa l'acte sous l'année 949, l'attribuant ainsi au pape Étienne IX, qui fut consacré le 19 juillet 959 et mourut vers le mois d'octobre 942 (5). (1) Henri Ier, duc de Saxe, dit l'Oiseleur, fut proclamé roi de Germanie au mois d'avril 919, et mourut le 2 juillet. 956. Hugues, comte de Provence, fut couronné roi d'Italie à Milan le 21 juillet 926, et se vit obligé d'ab- diquer en 945. (L'Art de vérifier les dates, t. VII, pp. 291, 298. Srumrr, Die mr e etc.) (2) VIT, selon Jarré, Gams, Porrmasr, etc.; VI, selon d'autres. (5) Ms Originis Benedictinæ, Cologne, 1614, p. 92; ; Opera diplo- matica, t.l, p. 257. La date donnée par Miræus a été adoptée par Masi, Sacrorum conciliorum nova et amplissima collectio, Florence 1759 t. XVII, p. 582. Avant eux, Baronius, Annales ecclesiastici, Mayence 1601, t. IX, col. 824, avait déjà attribué notre bulle à Étienne IX (VIII selon Baronius). 9"* SÉRIE, TOME XLVII. 18 ( 274 ) Pour renverser cette conjecture, il suffit de rappeler que les mots regnante Henrico in regno Lotharii ne permet- tent pas de dépasser le 2 juillet 956, date de la mort de Henri l'Oiseleur, roi de Germanie, et de faire remarquer que, parmi les témoins signataires de l'acte, figurent au moins six personnages qui ne vivaient plus en 942 (1). Plus d’un siècle après, le Bullaire romain reproduisit le texte de Miræus; toutefois, en regard de la formule in- complète Data, etc., l'éditeur placa cette note : Data die 27 aprilis, anno Domini 930, pontificatus Stephani (VIIT) anno secundo (2). Évidemment, l'année 950 satisfait beau- coup mieux certaines exigences de l'acte que celle de 942; mais elle ne se rapporte ni à la sixième indiction, qui nous est également fournie, ni à la troisiéme année du régne de Hugues de Provence en Italie; de plus, la présence, parmi les témoins, de Benoit, évéque de Metz, s'oppose aussi à cette nouvelle attribution, puisque ce prélat résigna ses fonctions en 929 (5). (4) Voici les neuf derniers témoins : Hilduin, archevêque de Milan (juin 951 + 24 juillet 956). Gui, évêque de Plaisance (904 + vers 940). Pierre, évéque de Cumes (?). Ainard, évêque de Bâle (?). . Ricuin, évêque de Strasbourg (914 + 30 août 955). Rutger, archevéque de Trèves (aprés le 30 mars 915 + 27 janvier 950). Benoit, évéque de Metz (aprés le 19 février 927, résigna en 929). Richer, évêque de Liége (après le 18 juin 920 + 25 juillet 945). Etienne, évéque de Cambrai (909 4- 11 février 954). (2) Cocqueuines, Bullarum , privilegiorum ac diplomatum roman. pontif. fuaprrima. coliretio, rene 1799, + Lp. t. Le LE qut, réfu- tant Baronius, est aussi Critica in Annales Baronii, rh 1705, t. Ill, | p- 839. (3) Benoit ne mourut qu'en l'an 940 et a pu, à la rigueur, continuer à porter le titre d'évéque de Metz, aprés sa résignation; mais sa signature, (ATP ) Une troisième hypothèse nous est présentée par Paul de Croonendael, chroniqueur namurois du XVI° siècle, qui parait avoir suivi certaines copies conservées de son temps au monastére méme de Brogne. Voici sa lecon : Data V calendas maii, anno ab incarnatione Domini nongente- simo tricesimo terlio,..... imperante in Italia Hugone anno secundo (1). Au lieu de 915, il faudrait done lire 955, et la date se trouverait ainsi facilement rectifiée en mettant sur le compte du notarius une simple erreur : l'omission de deux x. Cette date, admise par notre confrére M. Wau- ters dans sa précieuse Table des diplómes imprimés concer- nant l'histoire de la Belgique, paraissait d'autant plus heureusement trouvée qu’elle correspond avec l'époque où vivaient la plupart des témoins, et coincide en méme temps avec l'indiction sixiéme. Mais, elle rencontre un obstacle infranchissable : en 933 le pape régnant était, non pas un Étienne, mais Jean XI. Lorsque les Bollandistes eurent à écrire la vie de saint Gérard, ils examinèrent à leur tour la bulle du pape Étienne, dont eux aussi ne connurent probablement que le texte tronqué de Miræus. Tenant compte des régnes des prélats signataires, et combinant entre eux les élé- ments divers contenus dans l'acte, les savants éditeurs en fixérent la publication à l'année 929 (2). Et, en effet, placée au bas du privilége de Brogne, ne lui donnait, dans ce cas, aucune sanction. (1) Chronique de Paul de Croonendael, publiée par M. le comte ve Linuiscng, Codex diplomaticus n° IV, p. 616. Est-ce une faute d'im- pression, ou bien est-ce par négligence que Mimxvs (Opera diplom., t I, p. 257, note 3), prête à Croonendael le texte suivant : « Anno 959..,, indic- tione septima? » Toujours est-il que Cocquelines, induit en erreur par cette note, s'amuse à réfater la date imaginaire de 959. (2) Acta sanctorum, de S"-Gerardo. Octobre, t. II (1768), p. 245. ( 276 ) cette date leur était pour ainsi dire imposée; ils ne pou- vaient ni l'avancer, ni la reculer, puisqu'elle se trouvait limitée, d'un côté par l'avénement d'Étienne VIII au sou- verain pontificat, de l'autre par la renonciation de l'évéque Benoit au siége de Metz. Aussi, avait-elle déjà été mise en avant par dom Mabillon et a-t-elle été acceptée de nos jours par M. del Marmol (1). Malheureusement pour ses partisans, deux circonstances viennent contrarier un cal- cul qui semblait si bien établi; la premiére est que l'année 929 nous donne la deuxiéme indiction et non la sixiéme; la seconde, que Hilduin, archevéque de Milan, dont le nom se trouve au bas de lacte, ne monta sur son siége qu'en 951. Cette dernière difficulté n’a pas échappé aux Bollandistes, et ils n'ont trouvé d'autre moyen pour l'écar- ter que de recourir à la supposition toute gratuite d'une interpolation (2). Or, cette supposition, la simple inspec- tion de notre document ne nous autorise pas à l'admettre. Comme on le voit, tous les essais tentés jusqu'à ce jour pour concilier entre elles les différentes données de notre bulle, sont restés infructueux. Aussi, les contradictions qu'elle renferme avaient, dés le milieu du XVII” siècle, fait naître des doutes sur son authenticité. En parlant d'Éüenne VIII, les Bénédictins de la congrégation de Saint-Maur s'exprimaient ainsi : « On attribue à ce pape une bulle remarquable par les traits les plus singuliers (5). » Cependant ils ne la rejettent pas complétement; au con- (1) Dom MaziLLow, dans ses prolégoménes à la vie de saint Gérard (AA. SS. ord. S. Benecditi , Paris 1685. Sæc. V, p. 251); M. Eue. DEL Marmor , dans les Annales citées, pp. 248 à 250 et 420. (2) A SS., loc. cit., p. 248. Nouveau traité de diplomatique, par deux ae bénédictins de la congrégation de S'-Maur, Paris 1759, t. V, p. 1 ( 277 ) traire, comme on le verra. plus loin, ils cherchent à en ex- pliquer la singularité. M. Natalis de Wailly se montre plus défiant : « Les formules, dit-il, sont assez inusitées pour qu'il soit permis de mettre en doute l'authenticité de ce privilége (1). » Enfin, Philippe Jaffé, plus catégorique , re- lègue notre bulle parmi les literae spuriae d'Étienne VIII (2). Aprés avoir eu l'inappréciable avantage d'examiner le pseudo-original, telle est aussi, Messieurs, la conclusion à laquelle je suis arrivé: le beau document que vous avez sous les yeux, est apocryphe. C'est ce que je vais tàcher de prouver briévement. ; Je ne reviendrai pas sur les difficultés qui résultent de la date : j'en ai dit suffisamment pour démontrer qu'elles sont insurmontables. Mais à cet argument viennent s'ajou- ter d'autres preuves intrinséques, parmi lesquelles je ci- terai : 1° L'invocation tout à fait inusitée : In nomine sancte et individue Trinitatis et sancte Marie semper virginis. A toutes les époques, les bulles émanées des souverains pon- tifes débutent presque invariablement par ces mots : N. ou Ego N., episcopus, servus servorum Dei; 2* Cinq traits indéchiffrables qui suivent celte invoca- tion, et dont il n'existe nulle part ailleurs aucun exemple; 3° La mention de saint Eugène, archevêque de Tolède et disciple de saint Denis. L'opinion de tous les savants est que saint Eugène, archevêque de Tolède, n'est pas le même personnage que saint Eugène, compagnon de saint Denis (5); (1) Éléments de paléographie, Paris 1858, t. I, p. 292, (2) Regesta pontificum Romanorum, Berlin 1851, p. 946. (3) C'est l'opinion des BorzaxpisrEs, 44. SS., loc. cit., pp. 253 et suiv.; ( 278 ) - 4° La circonstance à laquelle le pape fait allusion au commencement de l'acte, lorsqu'il déclare qu'il accorde ce privilége à Gérard en personne, prosterné à ses pieds. L'auteur du Vita sancti Gerardi nous apprend que le fon- dateur de l'abbaye de Brogne se rendit à Rome lorsqu'il était déjà arrivé à un àge avancé; or, en 929, date la plus plausible de la bulle, Gérard était encore jeune puisque l'époque de sa naissance est plaeée vers 890 (1); B° Cette phrase par laquelle Gérard demande au pape de confirmer tout privilége quod de eodem loco et monas- terio jam regia magnificentia el imperialis sanxerat auc- torilas. On ne connait que deux diplómes octroyés par des souverains à l'abbaye, antérieurement à notre bulle : l'un de Charles le Simple, l'autre de Henri l'Oiseleur; aucun de ces deux personnages n'ayant été empereur, l'expres- sion imperialis se trouve en contradiction avec les faits constatés par l'histoire (2); 6° L'emphase et la solennité exagérée de l'anathéme prononcé par le pape : « Asstantibus (sic) igitur episcopis et confratribus hujus sancte Romane sedis, et consentien- tibus.... auctoritate Patris et Filii et Spiritus-Sancti, et sancte Marie semper virginis, Dei genitricis, et omnium celestium virtutum , et sancti Johannis Baptiste, et sanc- torum apostolorum Petri et Pauli quorum vices licet in- digni tenemus, et sancti Eugenii martyris , ejusdem loci De Manne, Hist. du comté de Namur, édit. Paquot, Préface, p. 08, cite l'Hist. de ue gallicane, t. 1, p. 105, et les Dissertations de l'abbé Lebœuf, t. 58. (1) A cette ae les Bollandistes répondent que l'auteur du Vita s'est trompé. (AA. SS., (2) Suivant les ess AA. SS., loc. cit, p. 247, ici encore il y aurait interpolation. ( 279 ) patroni et provisoris, et sanctorum quorum reliquie inibi sunt, simulque omnium sanctorum quorum nomina scripta sunt in libro vite, excommunicamus, anathematizamus, damnamus, etc.; » 7° Les noms de Castorius, notarius regionarius, scri- niarius sancte Romane ecclesie (1), et de Leo, sancte Ro- mane ecclesie archiepiscopus. Nulle part on ne trouve un Castorius en qualité de notaire régionnaire, et les fonctions d'arcehevéque de l'Église romaine sont inconnues (2); : 8° Les mots imperante in Italia Hugone, relatés dans la date. Non-seulement Hugues de Provence n'a point occupé le trône impérial, mais méme il n'a jamais existé d'empereur de ce nom (5); (1) « De notariis seu scriniariis habet Masirrouius, Diplom., pp. 125 et 126, horum nomina in bullis pontificiis ante annos quingentos ad- scripta fuisse continue post contextum hoe modo : as sone manum N. notarii regionarii et scriniarii S. posi S tione; tum majoribus litteris integre in medl Daka sarbebátak Bene pi ac postremo Datum seu Data, etc. (Ducance, Glossarium, t. IV, p (2) AR surtout en Italie qu'il faudrait chercher ce Leo; or, à cette époque les archevéques étaient trés-rares dans ce pays; Ucnezut, Ilalia sacra, w'en cite aucun de ce nom au Xe siècle. (5) BorzawpisTEs, AA. SS., loc. cit., p. 247. Il est vrai qu'on lit dans Ucxeuut, Malia sacra, t. IV, p. 92: « Hilduinus fuit primus ex archiepp. Mediolani qui se umquam intromisit de electione imperatoris : ipse enim, congregato consilio oe elegit in regem Italiæ Hugonem... et... habito diligenti consilio a Lamperto archiepiscopo .. determinatum fuii cup suu imperatoris mos jure qeu " archiep. Mediolani ; uinus ais SAXIU. lio- latiensium Places sor npn pit iius 1755, " Il, p. 558, Mis cette remarque que : « Imperatoris nomen et auctoritas, quam Hilduinus, pri- mus inter predecessores suos, tribuisse dicitur Hugoni et Lothario, inania prorsus vocabula ridtaite, cum hzc in pluribus quæ adhuc peren- nant diplomatis, numquam ab iisdem — legantur. » ( 280 ) 9» L’absence, malgré l'usage le plus constant, de la for- mule indiquant l'année du pontificat d'Étienne, et des mots Bene valete (1); 10* Le nombre considérable des dignitaires de l'Église, à savoir vingt et un évéques ou archevéques, qui signérent notre document. « Cette bulle, disent les Bénédictins, pa- raitra s'écarter moins de l'usage quand on l'envisagera comme le résultat d'un concile. » Ceci est complétement inexact : saint Gérard n'assista, en Italie, à aucun concile ; on peut méme assurer que la plupart de ces prélats ne se rencontrérent pas à Rome de 929 à 955. S'il est impos- sible de contróler le fait pour les douze premiers, dont les siéges ne sont pas indiqués et que l'on pourrait, à la rigueur, considérer comme des évéques suburbi- caires (2), il n'en est pas de méme des neuf derniers, qui sont clairement désignés. Pour expliquer cette anomalie, les Bollandistes citent le fait d'autres chartes revétues de la signature ou munies du sceau de personnages absents au moment de la rédaction de l'acte, et ils s'appuient sur l'autorité de Mabillon qui en donne des exemples (5). Du reste, ajoutent-ils, l'auteur du Vita sancti Gerardi répond (1) Ces deux mots, primitivement tracés en toutes lettres, ont été, à partir de Léon IX, arrangés en monogramme. (2) Il n'y a jamais eu, au plus, que sept ou huit évêques suburbicaires proprement dits; aujourd'hui il y en a six. Les noms de ceux qui sont connus ne concordent pas avec ceux qui figurent dans le privilége de Brogne. On connait, du reste, d'autres exemples, à cette époque, de sous- criptions d'évéques sans indication de leurs siéges. (3) De re diplomatica, pp. 154 à 157. « Immo id etiam accidit in bullis pontifieiis, qualis est bulla Urbani i a» 1095 data , postea ab episcopis in synodo Placentinæ confirmata. » Je n'ai pas besoin de faire remarquer qu'il n'existe aucune analogie entre cette confirmation dans un synode et le cas qui nous occupe. ( 281 ) d'avance à cette objection lorsqu'il dit que le pape, en donnant à Gérard une bulle appelée pertongar, l'autorisa à la faire souscrire, en guise de confirmation, par les évé- ques des diocéses qu'il traverserait en retournant dans sa patrie (1). C'est ainsi qu'il aurait recueilli successivement, en route, les signatures de l'archevéque de Milan, des évé- ques de Plaisance, de Cumes, de Bâle, de Strasbourg, de l'archevéque de Trèves, des évêques de Metz, de Liége et de Cambrai. On pourrait quelque peu trouver à redire à l'itinéraire suivi par saint Gérard pour revenir de la capi- tale du monde chrétien dans son monastére de Brogne, au comté de Namur; mais comme tous les chemins ramé- nent de Rome de méme qu'ils y conduisent, je ne le criti- querai pas. De plus, je reconnais que les trois dernières lignes de notre bulle,à partir du nom de Hilduin de Milan, ne sont pas de la main qui a écrit le reste de la piéce: cela saute aux yeux. Mais, ce qui n'est pas moins évident, c'est que ces trois lignes ont été tracées par une seule et méme plume (2). Peut-étre saint Gérard était-il accompagné d'un scribe qui, du consentement des évéques, à mesure que son voyage l'amenait prés d'eux, inscrivait leur nom au bas de l'acte; mais, méme dans ce cas, nous serions en droit de demander pourquoi chacun de ces noms n'est pas précédé de la croix, du signum particulier du. prélat (1) « Plumbeo bullatum nig privilegium quod et pertongar appelans contulit illi (scilicet Romanus pontifex sancto Gerardo) , concessa etiam licentia sibi ut gratia id icons ex præcepto ipsius domni Apostolici mnes subscriberent episcopi per quos repatriando speraret ipse reverti. » AA. SS., loc. cit., p. 318. MasiLon explique pertangar par pancharta, ct DucaxcE, en citant les Bollandistes, dit: « monet A editor aliat ptongar scribi, qui pantochartam bic i innui putat. (2) I est à remarquer que, jusqu'à Hilduin, la Mu des signataires est : ego N. subscripsi ; ét après : W. subscripsit. (282) désigné, ce qui, si je ne me trompe, était un caractère in- dispensable pour attester l'authenticité d’un document, alors que les témoins n'y appendaient pas leur sceau ; 11° Enfin, nous ne trouvons qu'un seul Pierre, évêque de Cumes, en 680, et, dans la liste des évêques de Bâle, on ne rencontre pas un seul prélat du nom d’Ainard (1). Il est juste de dire, toutefois, que la série des titulaires qui ont occupé ces deux siéges présente, au X* siècle, de nom- breuses lacunes. Ces motifs, tirés du texte même du document, pourraient déjà suffire pour le faire considérer comme apocryphe; mais il en est d'autres encore qui résultent d'un examen attentif de la piéce au point de vue matériel. . Et d'abord, ce n'est pas là l'écriture dont la chancellerie romaine se servait habituellement, du IX* au XI siècle, à savoir la cursive lombarde, soit ancienne, telie qu'on la voit dans les bulles de Jean V, de Serge I**, d'Adrien 1°, de Benoît II, de Nicolas I", soit nouvelle, comme on la trouve employée du temps d'Alexandre, d'Urbain et de Pascal II. On peut voir dans dom Mabillon le fac-simile d'une bulle de Nicolas I° (858 à 867) dont les caractères franco-lombardiques s'éloignent encore trés-notablement de ceux qu'on remarque dans notre document (2). Une autre, de Jean XIII (965 à 972) s'en rapproche davan- tage; toutefois, l'éeriture en est beaucoup moins régulière et se trouve dépourvue des longues lettres qui distinguent le privilége de Brogne. ti (1) Gams, Series episcoporum. ecclesiæ catholicæ. Ratisbonne 1875, pp. 915 et 260. (2) De re diplomatica, planche 48, p. 441. Cfr. Micxe, Dictionn. de paléographie, col. 832. ( 285 )' J'en conclus que celui-ci a été fabriqué dans notre pays. Par les hastes des d, des s, des /, il rappelle l'éeri- ture en vogue en France sous le règne de Louis VI; par les lettres allongées de l'invocation et des formules finales, les habitudes des notaires royaux du temps de Philippe 1°"; par la forme bizarre de certains a minuscules et des abré- viations, les usages des écrivains à l'époque de Henri III; il réunit, en somme, plusieurs signes caractéristiques de l'éeriture francaise du onziéme et du commencement du douzième siècle. Quoique, au dire des critiques (1), des fautes de latin ne suffisent pas pour infirmer une charte, il n'en est pas moins vrai que, lorsqu'elles sont grossières, et lorsqu'il s'en rencontre plusieurs dans un méme document, on est plutót disposé à y reconnaitre l'ignorance d'un faussaire que les lapsus d'un scribe officiel, nécessairement lettré et parfaitement au courant des formules qu'il était, à chaque instant, appelé à éerire. Aussi lorsque je trouve dans notre texte in regno Lothario pour in regno Lotharii , Placensis pour Placentinus, Basule pour Basileensis , Strazburgis pour Argentoratensis, Treveris pour Trevirensis, je ne puis m'empécher de considérer ces fautes comme autant d'indices graves contre l'authenticité de l'aete tout entier. Pour autant que j'ai pu m'en assurer, on ne connaissait pas, au dixième siècle, pour marquer le génitif féminin , l'emploi simultané de l'e simple, de la diphtongue æ et de l'e souligné par une note tironienne. Le monogramme du pape Étienne, si artistement com- posé et si bien placé en évidence, ne se justifie pas : (1) Dictionnaire raisonné de diplomatique, par dom pe Vaixes, Paris 1774, t. LI, p. 210. ( 284 ) «Sane nullum vidi in bullis monogramma pontificium ante Leonem IX (1049 à 1054) », dit Mabillon (1). Enfin, que dire de la bulle en plomb qui pend à l'acte, bulle tellement étrange qu'elle serait, à elle seule, une preuve suffisante de faux? Suivant tous les diplomatistes, les bulles avec lesquelles les papes scellaient leurs actes ne portèrent, jusqu'au milieu du onzième siècle, d'un côté, que leur nom en toutes lettres, au génitif (sous-entendu bulla), et de l'autre, le mot pape , aussi en toutes lettres. Ficorini, dans un ouvrage spécial sur les sceaux anciens (2), met sous les yeux une série de plombs antérieurs au dixième siècle, dont pas un ne fait exception à cette rè- gle (3). En ne tenant compte que des fac-simile donnés par Mabillon, on serait tenté de croire que, sur les bulles de ces temps reculés,le nom du pape se trouvait toujours in- scrit en rond à la circonférence, avec uneétoile ou un mo- nogramme au centre (4). Cependant on trouve dans l'ou- vrage de Ciaconi sur la vie des papes, la reproduction des deux faces d'une bulle qui, par une coincidence singulière, (1) De re diplomatica, p. 111. Vignore à quels monogrammes dom de Vaines, op. cit., t. IL, p. 541, faitallusion lorsqu'il dit que toutes les bulles expédiées après le TXe Bibelé, qui portent le chiffre ou le monogramme du pape, seraient très-suspectes ; qu'elles seraient fausses si elles étaient du XI* siècle, l'usage des monogrammes du nom des papes servant de signatures étant MS au IXe siècle. Dans tous les cas, ici encore, notre pièce ne serait pas en r (2) De plumbeis antiquorum numismatibus, tam sacris quam pro- fanis, dissertatio, (3) Mabillon UL reproduit le dessin d'une bulle de Paul Ier (757) avec les faces dés SS. Pierre et Paul. Léon IX fut le restaurateur de cet uf De re —— bulles des papes Jean V à Nicolas 1*7, pl. 46 à 48, pp. 457 à ( 285 ) se trouve précisément être d'Étienne VIII : chaque syllabe des mots Stephani et pape est inscrite horizontalement sur une ligne (1). Dans tous les cas, elle ne ressemble en rien au scel de notre document, oü l'on ne voit d'un cóté qu'un S, et de l'autre qu'un P, tous deux traversés par une barre. D'ailleurs, par les dimensions et par la maniére dont il est attaché, il s'éloigne de l'usage général. On sait comment étaient scellés, à l'époque dont nous nous occupons, les actes importants (2) émanés de la cour romaine : un écheveau de soie jaune et rouge était passé dans le parchemin , au bas de l'acte, et invariablement au milieu; puis la queue pendante de cet écheveau était em- prisonnée entre deux minces disques de plomb mesurant tout au plus 4 centimétres de diamétre et 5 millimétres d'épaisseur, qui étaient ensuite soudés pour ainsi dire l'un à l'autre par une frappe énergiquement imprimée sur les deux faces extérieures; dés lors il devenait impossible de détacher le sceau m hs sans altérer les inscriptions. Notre bulle offre-t-elle les mêmes garanties ? Qui ne voit que cette masse de plomb de 5 !/, centimétres de diamétre et de 13 millimètres d'épaisseur, attachée à un coin de l'acte, a été percée aprés coup pour y introduire les deux bouts d'une (4) « Ex — Ron prie nc idis papæ signum sacrarum rerum s[ » CIACONIUS, Vite et res geste pontificum Romanorum. Rome 1677, t. I, p. 705. Oldoinius, dont Ciaconi ne fait que reproduire une note, ne dit malheureu- sement pas à quel document MEN ce plomb. Il eüt cependant été trés-intéressant de le savoir puisque, à part le privilége de Brogne, on ne connait pas d'autre acte émané d'Étienne VIII qu'une bulle également suspecte. (Voyez JAFFÉ, op. cil., p. 515.) (2) Le privilége de Brogne devrait être rangé dans la catégorie des grandes bulles, puisqu'il porte les trois formules Ego... Data... Actum. (Voyez DE WaAILLY, 0p. cit., t. I, p. 174 ( 286 ) vulgaire laniére de cuir, faisant triangle, et maintenue au moyen de bouchons en plomb que l'on ne s'est pas méme donné la peine de dissimuler ? Qui ne voit que les inscrip- tions ont été, non pas imprimées sur le métal, mais gros- siérement taillées au moyen d'un ciseau. En présence de pareils témoignages, le doute n'est plus possible et désormais, je pense, on devra reléguer parmi les pièces fausses, ou plutôt supposées, le privilége de l'abbaye de Brogne attribué au pape Étienne. Je ne nie pas qu'un document semblable, authentique, ne puisse avoir réellement existé (1). J'en doute, cependant, et voici, à cet égard, ma pensée. Notre bulle paraît avoir été exécutée à la fin du onzième ou au commencement du douzième siècle. Or, il est peu problable qu'un docu- ment aussi important, s'il s'était jamais trouvé dans les archives de l'abbaye, en eût disparu sitôt. Cependant il ne s’y trouvait pas, et la preuve, c'est qu'on en a fabriqué un. Le motif de cette fabrication n'est pas difficile à dé- couvrir. Dans le remaniement de la vie de saint Gérard, fait vers 1055 d'aprés une rédaction plus ancienne, au- jourd'hui perdue, on lit que le fondateur de Brogne se rcn- dit à Rome vers la fin de sa vie, et qu'ayant demandé au pape de prendre sous sa protection les biens de son mo- nastére, il en obtint une bulle. Comment résister au désir de posséder ce précieux privilége? On peut croire que le faussaire, en composant son ceuvre, avait sous les yeux le (1) Dans la supposition qu'une bulle authentique aurait existé, mais aurait été tellement Oris qe » kot en serait pig ponte on pourrait expliqu t tives à l'année età - 'indiction, à la sotéctiptiod de l'évéque de Metz, à celle d' Ainardus, évêque de Bâle, qui pourrait bien être Uichardus, etc. ( 987 ) texte du Vita, tant on trouve, entre les deux documents, de points de contact. Notons qu'il ne réussit pas du premier coup dans son travail, car nous possédons, non pas une bulle du pape Étienne de la même date, mais bien deux, une courte et une longue, toutes deux accordées à saint Gérard ; si je n'ai pas plus tôt fait connaitre la première, c'est que depuis longtemps elle a été déclarée fausse (1). Notons encore que notre privilége n'est que la reproduc- tion du diplóme, également argué de faux ou tout au moins interpolé, attribué à Charles le Simple, et que plusieurs autres chartes en faveur de l'abbaye de Brogne ont été aussi reconnues apocryphes (2). Les religieux de ce mo- nastère étaient donc, comme ceux de Waulsort, coutumiers du fait. Que si l'on s'étonne de voir comment ils se montraient tout à la fois si adroits dans certaines parties de l'exécu- tion matérielle et si inhabiles dans la composition de leur texte, c'est apparemment qu'ils étaient plus patients que savants. Mais au moins auraient-ils dü étre plus prudents et s'entourer d'assez de renseignements pour ne pas se mettre en contradiction flagrante avec les faits et les dates : à cette remarque trés-naturelle répond cette réflexion tout aussi juste de dom de Vaines: « Plus les bulles sont anciennes (lorsqu'elles n'ont pas été fabriquées par des contemporains), plus elles donnent matiére à la critique et plus on est sür de les surprendre en défaut. C'est ce qu'il est aisé de concevoir à n'envisager seulement que la diffi- (1) Minus, Notilia ecclesiarum: Belgii, p. 94. AA. SS., loc. cit. 243. (8) Voyez Annales de la Société archéol. de Namur, t. V, pp. 237, 259, etc. ( 288 ) culté de rajuster les sceaux et les fils qui les attachent, d'avoir du parchemin du temps, d'imiter l'écriture, le style et les formules d'un siécle éloigné (1). » Le pape Lucius III confirme les possessions de l'abbaye e Brogne. 1182. Lucius episcopus, servus servorum Dei, dilectis filiis Libuino Broniensis ecclesie abbati (2) eiusque fratribus tam presenti- bus quam futuris regularem vitam professis in perpetuum. Quotiens illud a nobis petitur quod rationi et honestati con- venire videtur, animo nos decet libenti concedere et petentium desideriis congruum impertiri suffragium. Eapropter, dilecti in Domino filii, vestris iustis postulationibus clementer annui- mus et monasterium Broniensem ad honorem beatorum apos- tolorum Petri et Pauli dedicatum, in quo divino mancipati estis obsequio, sub beati Petri et nostra protectione suscipimus et presentis scripti patrocinio communimus, statuentes ut quascumque possessiones, quecumque bona, idem monasterium inpresentiarum iuste et canonice possidet aut in futurum con- cessione pontificum, largitione regum vel principum, oblatione fidelium seu aliis iustis modis prestante Domino poterit adi- pisci, firma vobis vestrisque successoribus et illibata perma- D D (1) n raisonné de diplomatique, t. 1, p. 210. (2) L „abbé de Brogne en 1161, mourut le 16 février 1185 (voy. Pan e "i Sociélé archéol. de Noir: t. V, p. 373). Pour les noms de lieux qu'on trouve dans ces deux bulles, voyez l'article de M. del Mar- mol, ibid. ( 289 ) neant. In quibus hee propriis duximus exprimenda vocabulis : loeum in quo monasterium ipsum situm est cum omnibus adia- centiis que ad idem monasterium pertinent; villam Bronii eum allodio et omnibus pertinentiis eius , redditibus, banno et omni iure suo; matricem ecclesiam et quidquid in ea iuris habetis, [cum] investitura, dote eius, domo et aliis omnibus; allodium Montinii eum agris, pratis, pascuis, silvis, molendinis, terris cultis et incultis, decimis, banno et iustitia; in Metinio, matri- cem eeclesiam eum appenditiis suis, collatam a Notgero Leo- diensi episcopo, de assensu Ottonis imperatoris et quicquid in ea iuris habetis; allodium de Fencdeserto, cum redditibus suis et ecclesiam eum omni decimatione et banno et iustitia; allodium Merendricii cum appendiciis et redditibus suis, deci- mis, agris, silvis, aquis, pratis, cultis et incultis; in Bantinio, eulturas, molendinum et redditus medie partis allodii ; in Her- menton, sex quartarios terre cum molendino; allodium de Bahurdellis; in Mailnil quatuor quartarios terre; in allodio de Bahurdes ecclesiam et molendinum; in Halleis, decem quarta- rios terre et quatuor bovaria allodii cum capella; in Lavia, novem iugera allodii et quinque quartarios terre et pratum unum, et silvam de Betunmont et quindecim denarios de allodn Balduini de Boocham; mansum unum terre in Haster, man sum unum in Rosuiaco et tres solidos namucensis moncte; in Frasueris tres solidos, in Terrineis allodium Johannis et Renui- dis uxoris sue, cum omnibus pertinentiis in agris, in silvis, in aquis, in pratis, in pascuis; in Binz, viginti solidos cathalanenses singulis annis quos comes de Hainau ecclesie vestre distri- buenda concessit, et decem solidos quos Johannes de eadem villa, seilicet de Binz, ecclesie contulit; decem etiam solidos quos Ewanus de Harvench monasterio vestro concessit et cen- tum solidos cathalanenses quos Jacobus de Avelins ecclesie vestre in helimosinam dedit annuatim ob honorem sancte Crucis, scilicet de vectigalibus suis que accipientur in Guare- pont; in Ferrariis duos solidos et duodecim denarios de Namu- 27* SÉRIE, TOME XLVII. 19 ( 290 ) censibus quos Henricus de Asau monasterio eidem concessit; ecclesiam et allodium de Soseis cum omni integritate sua, sci- licet in terris, in aquis, in silvis, in pratis, in pascuis, in man- cipiis et molendinis; in Ranslinio mediam partem allodii cum omnibus appendiciis suis, et duos molendinos; in Havanch tres solidos; in Suricio duodecim denarios; in Romereis mediam partem allodii eum omni integritate sua et omni ius- titia et partem Philippi de Warch et partem Willelmi de Phancort et fratrum suorum, ecclesiam de Romereis cum inte- gritate et omni decimatione; allodium de Halnoit cum appen- diciis suis et familia; ecclesiam de Neverlesia cum pertinentiis suis; in Mathiniola mediam partem allodii cum omnibus red- ditibus suis; allodium Mannisie cum omni integritate, in agris, in silvis, in pratis, in pascuis, in aquis et in omni decima, fami- lia et molendinis; in Gossineis octo solidos et tres denarios namucenses ; in Franchirmont octo solidos; in Juncherez sede- cim solidos namucenses et sedecim sextarios avene et totidem gallinas; in Spinia (?) quinque solidos; jus quod habetis in ecclesia de Mosench; in Buhires tres partes allodii cum appen- diciis suis et capellam; in Merendiciolo viginti octo solidos sin- gulis annis minus quatuor denarios; apud Leodium domum unam in libero allodio; in Grace decem et octo (1) allodii bo- varias; in Villario quindecim bovarias allodii; in Borises viginti solidos census. Statuimus quoque ut ordo monasticus qui secundum Deum et beati Benedicti regulam in eodem loco institutus esse dinoscitur, perpetuis ibidem temporibus invio- labiliter observetur. Sane novalium vestrorum que propriis manibus aut sumptibus colitis, nullus a vobis decimam presu- mat (2) exigere. Preterea liceat vobis clericos et laicos e seculo fugientes liberos et absolutos ad conversionem recipere et eos (1) Un mot a été gratté entre oclo et allodii. (2) Les mots decimam presumat ont été écrits aprés coup et rem- placent un autre mot qui a été gratté. ( 291 ) sine contradictione qualibet retinere. Cum autem generale interdictum terre fuerit, liceat vobis ianuis clausis, non pul- satis campanis, exclusis excommunicatis et interdictis, sumissa voce, divina officia celebrare. Libertates quoque, immunitates rationabiles et antiquas consuetudines ecclesie hactenus vestre observatas , eidem perpetuo valituras decernimus. Porro sepul- turam ipsius loci liberam esse concedimus, ut eorum qui se illie sepeliri deliberaverint,nisi forte excommunicati vel inter- dicti sint, devotioni et extreme voluntati nullus obsistat, salva tamen iustitia illarum ecclesiarum a quibus mortuorum cor- pora assumuntur. Obeunte vero te, nunc eiusdem loci abbate, vel tuorum quolibet successorum , nullus ibi qualibet surrep- tionis astutia seu violentia preponatur, nisi quem fratres communi consensu vel fratrum pars consilii sanioris secundum Dei timorem et beati Benedicti regulam providerint eligen- dum. Decernimus ergo ut nulli omnino hominum liceat prefa- tum monasterium temere perturbare aut possessiones auferre vel ablatas retinere, minuere seu aliquibus vexationibus fati- gare; sed omnia ioc ai conserventur eorum pro quorum concessa sunt usibus omnimodis profutura, salva in omnibus apostolice sedis auctoritate et dio- cesani episcopi canonica iustitia. Si qua igitur in futurum ecclesiastica secularisve persona hanc nostre constitutionis paginam sciens contra eam temere venire temptaverit, secondo tertiove commonita, nisi presumptionem suam congrua satis- faetione correxerit, potestatis honorisque sui dignitate careat reamque se divino iudicio existere de perpetrata iniquitate cognoscat, et a sacratissimo corpore ac sanguine Dei et redemp- toris nostri Jhesu Christi aliena fiat atque in extremo examine divine ultioni subiaceat. Cunctis autem eidem loco sua iura servantibus sit pax Domini nostri Jhesu Christi quatinus et hic fructum bone actionis percipiant et apud districtum iudi- cem premia eterne pacis inveniant. Amen, amen, amen. ( 992 ) (Cercle du pape Lucius III, avec la devise : Adiuva nos Deus salutaris noster. Monogramme des mots : Bene valete.) Ego Lucius, catholice ecclesie episcopus. Ego Theoduinus, Portuensis et sancte Rufine sedis episcopus. Ego Henricus, Albanensis episcopus. Ego Paulus, Prenestensis episcopus. Ego Johannes, presbiter cardinalis sancti Marci. Ego Viwanus, titulo saneti Stephani in Celio monte presbiter cardinalis. Ego Petrus, presbiter cardinalis titulo sancte Suzanne. Ego Ardui- nus, presbiter cardinalis titulo sancte Crucis in Jerusalem. Ego Laborans, presbiter eardinalis sancte Marie trans Tiberim et Calixti. Ego Jacinetus, diaconus cardinalis sancte Marie in Cos- mydin. Ego Ardicio, diaconus cardinalis titulo sancti Teodori. Ego Gracianus, sanctorum Cosme et Damiani diaconus cardi- nalis. Datum per manum Hugonis sancte Romane ecclesie notarii, indictione prima, Incarnationis dominice anno m.c.LxxxH, pon- tificatus vero domini Lucii pape III anno secundo. Original sur parchemin; la bulle, qui pendait à des lacs de soie jaune, a disparu. I Le pape Innocent III confirme les possessions de l’abbaye de Brogne. 29 mai 1202. Innocentius episcopus, servus servorum Dei, dilectis filiis Roberto, abbati Broniensi (1), eiusque fratribus tam presen- (1) Robert, abbé de Brogne de 1192 à 1221. (Voy. Annales, loc. cit.; p. 575.) ( 295 ) tibus quam futuris regularem vitam professis in perpetuum., Quotiens a nobis petitur quod religioni et honestati convenire dinoscitur, animo nos decet libenti concedere et petentium de- sideriis congruum suffragium impertiri; eapropter, dilecti in Domino filii, vestis iustis postulationibus elementer annuimus et monasterium ipsum in quo divino estis obsequio mancipati sub beati Petri et nostra protectione suscipimus et presentis scripti privilegio communimus. In primis siquidem statuentes ut ordo monastieus, qui seeundum Deum et beati Benedicti regulam in eodem monasterio institutus esse dinoscitur, per- petuis ibidem temporibus inviolabiliter observetur. Preterea quecumque bona idem monasterium impresentiarum iuste et canonice possidet, aut in futurum concessione pontificum, largitione regum vel principum, obla- tione fidelium seu aliis iustis modis prestante Domino poterit adipisci, firma vobis vestrisque successoribus et illibata per- maneant. In quibus hec propriis duximus exprimenda voca- bulis. Locum ipsum in quo prefatum monasterium situm est cum omnibus pertinentiis suis; villam Bronii cum omni inte- gritate allodii eiusdem ville, scilicet silvis, pratis, aquis, mo- lendinis, cambis, furnis bannalibus, vini foragiis, eum banno et iustitia ; ecclesiam ipsius ville eum omni decimatione et aliis pertinentiis suis; capellam sancti Laurentii, ecclesiam de Me- tinio, ecclesiam de Barbenzon, ecclesiam de Romereis, eccle- siam de Neverlesia cum omnibus decimis et aliis pertinentiis eorumdem; quiequid habetis in villa sancti Laurentii, et in Bosires, et in Grau, et in Junkeres, et in Villari Lepotrie; cen- sum quem habetis in Imineis; quicquid babetis in Maisons, et in Leobinis, in Laviis et in Montiniaco; silvam quam habetis in Malignia super rivam Landuvie; decimam quam habetis in Neflia; quiequid habetis in Corroit et in Buiriis; allodium de Behurdes et Behurdeles et Mansionile; quicquid habetis apud Hermenton, Buntinum ; allodium de Merendret cum omnibus pertinentiis suis, banno et iustitia ; quiequid habetis in Meren- ( 294 \ driciolo (1) ; allodium de Soseis cum capella, banno et iustitia ; villam de Waslin excepta capella; Fen desertum eum capella et decimatione, banno et iustitia; apud Halleias quartam par- tem ville et decem quartarios terre; de allodio beati Girardi apud Surich duodecim denarios de censu ; silvam quam habetis in allodio de Morenceis; villam de Romereis cum pertinentiis suis, banno et iustitia; censum quem habetis apud Onoit; mediam partem ville de Matinuele cum omnibus proventibus exceptis duobus soldis; allodium Mannisie cum omnibus per- tinentiis suis; redditum centum solidorum in Avennis ; reddi- tum centum solidorum denariorum alborum in Biucis et alium redditum viginti solidorum ibidem; apud Sirau redditum decem solidorum denariorum alborum; apud Lovaniam red- ditum viginti solidorum lovaniensium; apud Muisin redditum quindecim soldorum leodiensium et octo gallinaccos; medie- tatem decime de Miele; decimam de Siene; apud Latinas tres bonuarios terre et dimidium; in civitate Leodiensi domum unam; in Amuco domum unam et ibidem redditum dimidie marce; redditum quem habetis in Dionant; quicquid habetis in Terrigneis et in Moligneis; jus quod habetis in ecclesia de Mosench et in capella de Handohench. Sane novalium vestro- rum, quos propriis manibus vel sumptibus colitis, sive de nu- trimentis animalium, nullus a vobis decimas exigere vel extor- quere presumat. Liceat quoque vobis clericos vel laicos liberos et absolutos e seculo fugientes ad conversionem recipere et eos absque contradictione aliqua retinere. Prohibemus insuper ut nulli fratrum vestrorum post factam in monasterio vestro professionem fas sit absque abbatis sui licentia, nisi arctioris religionis obtentu de eodem loco discedere; discedentem vero absque eommunum litterarum vestrarum cautione nullus audeat retinere. Sepulturam preterea monasterii vestri libe- ram esse decernimus, ut eorum devotioni et extreme voluntati (1) Les deux derniéres syllabes sont surchargées. ( 295 ) qui se illie sepeliri deliberaverint, nisi forte excommunicati vel interdicti sint, nullus obsistat, salva tamen iustitia illarum eeclesiarum a quibus mortuorum corpora assumuntur. Obeunte vero te, nune eiusdém loci abbate, vel tuorum quolibet suc- cessorum, nullus ibi qualibet surreptionis astutia seu violen- tia preponatur nisi quem fratres communi consensu vel fra- trum maior pars consilii sanioris seeundum Dei timorem et beati Benedieti regulam previderint eligendum. Cum autem generale interdictum terre fuerit, liceat vobis, clausis ianuis, exclusis excommunicatis et interdictis, non pulsatis campanis, suppressa voce, divina officia celebrare. Libertates quoque et immunitates antiquas et rationabiles consuetudines ecclesie vestre concessas et hactenus observatas, ratas habemus et eas perpetuis temporibus illibatas permanere sancimus. Paci quoque et tranquillitate vestre paterna in posterum sollici- tudine providere volentes, auetoritate apostoliea prohibemus ut infra ambitum ecclesie vestre nullus rapinam seu furtum facere, ignem apponere, sanguinem fundere, hominem temere capere vel interficere seu violentiam audeat exercere. Decer- nimus ergo ut nulli omnino hominum liceat prefatum monas- terium temere perturbare aut eius possessiones auferre vel ablatas retinere, minuere seu quibuslibet vexationibus fatigare, sed omnia integra conserventur eorum pro quorum guberna- tione ae sustentatione concessa sunt usibus omnimodis. profu- tura, salva sedis apostolice auctoritate et diocesani episcopi canonica iustitia. Si qua igitur in futurum ecclesiastica secu- larisve persona hanc nostre constitutionis paginam sciens contra eam temere venire temptaverit, secundo tertiove commonita, nisi reatum suum congrua satisfactione correxerit, potestatis honorisque sui careat dignitate reamque se divino iudicio existere de perpetrata iniquitate cognoscat, et a saera- tissimo corpore et sanguine Dei et domini redemptoris nostri Jhesu Christi aliena fiat, atque in extremo examine districte subiaceat ultioni. Cunctis autem eidem loco sua iura servanti- bus sit pax domini nostri Jhesu Christi, quatinus et hie fruc- ( 296 ) tum bone aclionis percipiant et apud districtum iudicem pre- mia eterne pacis inveniant. Amen, amen, amen. (Cercle du pape Innocent III avec la devise : Fac mecum Domine, signum in bonum.Monogramme des mots: Bene valete.) Ego Innocentius, catholice ecclesie episcopus. Ego Octavia- nus, Hostiensis et Velletrensis episcopus. Ego Johannes, Albanensis episcopus. Ego Petrus, titulo sancte Cecilie pres- biter cardinalis. Ego Jordanus, sancte Pudentie titulo pastoris presbiter eardinalis. Ego Guido, sanete Marie trans Tyberim tituloCalixti presbiter cardinalis. Ego Hugo, presbiter cardinalis sancti Martini titulo Equitii. Ego Bernardus, sancti Petri ad Vincula presbiter cardinalis titulo Eudoxie. Ego Cencius, presbiter cardinalis sanetorum Johannis et Pauli titulo Pama- chii. Ego Gregorius, titulo sancti Vitalis presbiter cardinalis. Ego Petrus, titulo sancti Marcelli presbiter cardinalis. Ego Benedietus, titulo sanete Susanne presbiter cardinalis. Ego Gratianus, sanctorum Cosme et Damiani diaconus cardinalis. Ego Gregorius, sancti Georgii ad velum aureum diaconus cardinalis. Ego Gregorius, sancti Angeli diaconus cardinalis. Ego Hugo, sancti Eustachii diaconus cardinalis. Ego Johannes, sanete Marie in Cosmidin diaconus cardinalis. Datum Laterani per manum Blasii sanete Romane ecclesie subdiaconi et notarii, ni kl. junii, indictione quinta, Incarna- tionis dominice anno wcc°n°, pontificatus domini Innocentii pape IH anno quinto. Original sur parchemin, muni de la bulle d'In- nocent III, pendant à des lacs de soie jaune et : rouge — — La Classe se constitue en comité secret pour prendre connaissance de la liste des candidatures aux places va- cantes. ( 297 ) CLASSE DES BEAUX- ARTS. Séance du 6 mars 1879. M. le chevalier pe BunBUnE , directeur. M. LiaGnE, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. L. Alvin, Guill. Geefs, Jos. Geefs, C.-A. Fraikin, Éd. Fétis, Edm. De Busscher, Alph. Balat , -J. Franck, Gust. De Man. Ad. Siret, J. Leclercq, Ern. Slin- geneyer, Alex. Robert, F.-A. Gevaert, Ad. Samuel, Ad. Pauli, G. Guffens,J. Schadde, membres ; Ed. de Biefve, Alex. Pinchart et J. Demannez, correspondants. MM. Stas, vice-directeur de la Classe des sciences, et Chalon, membre de la Classe des lettres, assistent à la séance, CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l'Intérieur envoie, pour la bibliothéque de l'Académie, un exemplaire de la 1'* année (n° 1 à 24) et de la 2° année (n° 4 à 5) de l'Athenceum belge, journal universel de la littérature, des sciences et des arts. M.le secrétaire perpétuel dépose sur le bureau les deux volumes de l'ouvrage de M. Trabaud, de Marseille : Esthé- tique et archéologie, dont l'envoi a été annoncé lors de la derniére séance. ( 298 ) M. Édouard Grégoire fait hommage des trois volumes de la Bibliothéque musicale populaire. M. Aug. Schoy adresse un exemplaire de son Rapport sur l'architecture et les matériaux de construction. (Extrait de la Belgique à l'Exposition universelle de 1878.) M. Auguste Castan, archiviste de l'État à Besancon, envoie un exemplaire de la 6* édition (qu'il a revue et com- plétée) du Catalogue des peintures, dessins et sculptures du Musée de Besancon, par M. J.-F. Lancrenon, corres- pondant de l'Institut de France. M. Alex. Pinehart présente : 1? de la part de M.Schuer- mans, conseiller à la cour d'appel de Liége, un exemplaire de sa notice (anonyme) intitulée : Anciens grès et verres liégeois, publiée dans le tome XV du Bulletin de l'institut archéologique liégeois (1878); et 2° de la part de M. Désiré van de Casteele,conservateur adjoint des archives de l'État, à Liége, un exemplaire de sa notice intitulée : Lettre à M. S7, sur l'ancienne verrerie liégeoise, publiée dans le méme tome du méme recueil. La Classe vote des remerciments pour ces dons, et décide que la Note lue par M. Pinchart en présentant ces deux derniers ouvrages, paraitra dans le Bulletin de la séance. M. Alex. Pinchart, en faisant hommage à la Classe au nom de M. Van de Casteele, conservateur adjoint des Ar- chives de l'État, à Liége, d'une brochure intitulée : Lettre à M. S. sur l'ancienne verrerie liégeoise, y a joint la note suivante : « Aujourd'hui que l'on recherche activement tout ce qui appartient à la curiosité, il ne sera peut-étre pas ( 299 ) sans intérét d'en dire quelques mots. Cet opuscule ren- ferme les résultats des découvertes faites dans les archives à la suite de la notice consacrée aux anciens grés et verres liégeois par M. Schuermans, et dont un exemplaire accom- pagne le don de M. Van de Casteele. Le travail de ce dernier est une véritable révélation. Déjà par le livre de M. J. Houdoy (les Verreries à la facon de Venise; la fabri- cation flamande) on savait qu'il y avait eu à Anvers, vers la fin du XVIe siècle et pendant le XVII*, et à Bruxelles, dés 1695, des manufactures de verres de Murano ou de Venise créées par des Italiens. Notre collègue de Liége a trouvé qu'une fabrique du méme genre fut fondée dans cette ville vers la fin de la seconde moitié du XVII* siècle. H a pu dresser une liste faisant connaitre une trentaine de verriers italiens qui y ont été employés de 1645 à 1669, et dont plusieurs venaient de Murano. Bien des verres dits de Venise fabriqués à Anvers, à Bruxelles et à Liége existent dans nos musées et dans les collections privées. Un examen attentif permettrait probablement de les distin- guer de ceux qui viennent des bords de l'Adriatique. Dans ces derniers temps plusieurs écrivains se sont occupés de l'histoire de l'industrie muranaise. Depuis le livre de M. Bassolin, qui vit le jour en 1847, sous le titre de : les Célébres verreries de Venise et de Murano, M. Cec- chetti a fait paraitre, en 1872, son précieux mémoire : delle Origini e dello svolgimento dell" arte vetraria mura- nese, et M. Zanetti a livré à l'impression, l'année suivante, la description du musée de Murano. Il avait déjà consacré un chapitre fort étendu sur les fabriques de verre dans son excellent Guida di Murano, qui date de 1866. C'est à ce méme auteur que l'on doit une notice sur les miroirs de Venise (degli Specchi di Venezia; 1867). Enfin une com- mission nommée par le gouvernement, mit au jour, à ( 900 ) Venise, en 1874, un fort volume consacré au méme sujet, sous le titre de : Monagrafia della vetraria veneziana e muranese. RAPPORTS. Appréciation, par la section de gravure, du sixième rapport semestriel de M. Lauwers, lauréat du grand concours de gravure en 1874. (Rapporteur M. Alex. Pinchart.) « Le sixiéme rapport de M. Lauwers est consacré tout entier à l'étude des chefs-d'eeuvre de l'école florentine depuis Giotto jusqu'à Ghirlandaio. Il passe successivement en revue les créations de son fondateur qui se voient dans l'église de Santa-Croce, à Florence, et les peintures de ses élèves Orcagna, fra Angelico et Gozzoli existant dans la méme ville; puis il s'étend assez longuement sur leurs con- tinuateurs Luca Signorelli, Filippo Lippi, Botticelli et Ghirlandaio. Quant à Masaccio, il renvoie à ce qu'il en a dit dans un rapport précédent. M. Lauwers a fait des progrés sensibles dans l'exposé de ses idées. Tous ces maitres sont consciencieusement analysés, et il définit bien les qualités de chacun d'eux. Il s'oceupe de leur mérite au point de vue de la composition, du dessin, de l'expression, de la couleur, etc.; il fait çà et là des rapprochements entre ces grands artistes, dont il se montre avec raison fort enthousiaste. A propos de Signorelli et de Botticelli, il parle de leurs peintures qu'il a vues dans la chapelle Sixtine, à Rome, et en traitant de Lippi, il décrit celles de ce peintre qui se trouvent dans la cathédrale de Pistoia. Les ceuvres de Ghirlandaio sont sur- ( 904 ) tout de la part du lauréat l'objet d'un examen trés-appro- fondi. A ce rapport sont joints douze dessins et croquis à la plume ou au crayon, dont l'exécution dénote du talent. Le n° 1 reproduit un groupe de figures de Giotto; le n° 2 une série de figures de saintes d'Orcagna. Les n° 5 à 6 ont été faits, les uns, d'aprés la grande fresque de fra Angelico au couvent de Saint-Marc,à Florence,et les deux autres d'aprés un tableau du musée des Offices. Deux figures d'anges de Gozzoli et une jolie téte de femme de Botticelli font l'objet des n° 7 et 8. Trois autres dessins tirés des œuvres de Lippi sont cotés n° 9 à 11. Enfin le n° 12 est le plus important : il représente des portraits d'hommes marquants, contemporains de l'artiste, que M. Lauwers a copiés d'aprés une des grandes peintures murales de l'église de Santa-Maria-Novella, à Florence. Le lauréat a fait preuve de goüt dans le choix de ses croquis et dessins. Il a tenu bon compte des observations que nous avons faites à l’occasion de son dernier rapport, et il a fidélement rempli le programme qu'on lui avait tracé. Cependant nous avons un reproche à lui adresser : pour- quoi ne s'occupe-t-il pas aussi des peintres flamands, qui ont tant d'oeuvres de mérite dans les églises et surtout dans les galeries de Florence? Ne trouverait-il pas là ma- tière à intéresser ses compatriotes? Il puiserait sans aucun doute, pour se perfectionner dans son art, des ensei- gnements utiles à ces sources dont beaucoup sont encore ignorées ou peu connues. » (Franck, LECLERC, Demannez et PINcHART.) ( 502 ) COMMUNICATIONS ET LECTURES. M. Alvin fait savoir qu'il a procédé avec M. Fétis à un examen préalable des observations présentées par l'Aca- démie royale des beaux-arts d'Anvers, au sujet de la liste des ouvrages d'art à copier par les lauréats des grands concours, pendant leurs voyages à l'étranger. Les listes concernant la peinture, la gravure et la sculp- ture seront imprimées et distribuées aux membres avant la prochaine séance, afin que la Classe puisse s'entendre sur leur rédaction définitive. OUVRAGES PRÉSENTÉS. Tilly (J.-M. de). — Essai sur les principes fondamentaux de la géométrie et de la mécanique. Bruxelles, 1878; in-8". Génard (P.). — Aanteekening over de vervolgingen inge- steld ter gelegenheid van het beslag gelegd op cen handschrift getiteld : « les moyens de remédier à Anvers (1566). » Anvers; Schoy (Aug.). — Rapport sur l'architecture et les matériaux de construction : extrait de « La Belgique à l'Exposition univer- selle de 1878. » Bruxelles, 1878; in- 8*. Van de Casteele (Désiré). — Lettre à Monsieur S***, sur Pan- cienne verrerie liégeoise. Liége, 1879; extr. in-8°. ( 505 ) S*** [chuermans]. — Anciens grès et verres liégeois. Liége, 1879; extr. in-8°. Lyon (Clément). — Une excursion à Marchienne -au-Pont et à Thuin. Charleroi ; extr. in-8°. Tiberghien (G.). — La science de l’âme dans les limites de l'observation, 5* édition mise en rapport avec la loi du 20 mai 1876 sur la collation des grades académiques. Bruxelles, 1879; vol. in-18. Frédérix (Edmond). — La Belgique à l'Exposition univer- selle de Paris en 1878, tomes I et II. Bruxelles, Paris, ete., 1878; 2 vol. in-8*. Belpaire (Th.). — Tables pour le caleul de la force des machines à vapeur. Gand, 1878 ; in-8°. Ministére des Travaux publics. — Caisses de prévoyance en faveur des ouvriers mineurs : examen des comptes de la période quinquennale de 1872 à 1876. Bruxelles, 1878; in-8°. — Statistique des industries miniéres et métallurgiques et des carrières pour l'exercice 1876; état de ces industries et carrières et leurs résultats pendant la période 1867-1876. Bruxelles, 1877; in-8°. — Rapport de M. l'ingénieur en eer des pires sur la situa- tion de l'industrie minérale et de Hainaut, Luxembourg, Liége et Namur, pendant l'année 4877. Frameries, 1877-1878; 5 br. in-8°. — Carte générale des mines, 4"° livraison : Bassin houiller de Liége. Bruxelles, 1879; 5 feuilles in-plano. Dejardin (A.). — Troisième supplément aux recherches sur les cartes de la principauté de Liége et sur les plans de la ville. Liége, 1879; in-8*. ( 304 ) ALLEMAGNE ET AUTRICHE. Clausius (R.). — Die mecanische Wärmetheorie, 2. umge- arbeitete Auflage a "m dem lI « Abhandlungen über die mechanische M Buches, H. Pand. Brunswich, 4879; in-8°. Verein für Naturkunde in Cassel. — Catalog der Bibliothek des Vereins. Cassel, 1875; in-8°. Senckenbergische naturforschende Gesellschaft. — Bericht, 1876-1877, 1877-1878. — Abhandlungen, XI. Bd., 2. u. 5. H. Francfort s/M. ; in-8* et in-4°. K. bayer. botan. Gesellschaft in Regensburg. — Flora, Jahr- gang 1878. Ratisbonne; vol. in-8. K. k. Sternwarte in Wien. — Annalen, Jahrgang 1877. Vienne; in-8°. Fürstl. Jablonowski'sche Gesellschaft zu Leipzig. — Preis- schriften : XXI, Die Wirtschaftspolitik der florentiner Renais- sance und das Princip der Verkehrsfreiheit. Leipzig, 1878; in-8°. Gesellschaft für Natur- und Heilkunde zu Dresden. — Jahresbericht (1877-1878). Leipzig, 1879; in-8°. K. Gesellschaft der Wissenschaften in Göttingen. — Nach- richten, 1878. — Gelehrte Anzeigen, 1878. — Abhandlungen, 25. Bd. Gottingue, 1878; 5 vol. in-16 et 4 vol. in-4°. BULLETIN L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1879. — N» 4. CLASSE DES SCIENCES. Séance du 5 avril 1879. M. le baron de SELxs Lonccaames, directeur. M. LiaGRE, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. J.-S. Stas, vice-directeur; L. de Koninck, P.-J. Van Beneden, H. Nyst, Melsens, F. Duprez, H. Maus, Ern. Candéze, F. Donny, Ch. Montigny, Steichen, Brialmont, Éd. Dupont, Éd. Morren, C. Malaise, Fr. Folie, F. Plateau, Fr. Crépin, Éd. Mailly, J. De Tilly, membres; Th. Schwann, E. Catalan, associés; H. Valerius, Ch. Van Bambeke, G. Van der Mensbrugghe, M. Mourlon, corres- pondants. 9e SÉRIE, TOME XLVII. 20 (306 ) CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l'Intérieur demande l'avis de la Classe sur la part que le pays pourrait prendre aux travaux de la station zoologique établie par M. le D" Dohrn, prés de Naples. La Classe désigne MM. P.-J. Van Beneden, Éd. Morren, Éd. Dupont et Félix Plateau, pour faire un rapport sur les - propositions de M. Dohrn. — M. le Ministre transmet, avec une copie de la lettre de M. Reither, chargé d'affaires de Baviére, un exemplaire d'une brochure qui donne la description d'un nouveau proeédé inventé par M. Boeckl, chimiste à Munich, pour prendre l'empreinte des cachets et des médailles. Il demande que l'Académie examine ce procédé et lui indique les applications qui pourraient en étre faites dans l'intérét des collections de l'État. MM. Stas et Melsens sont nommés pour examiner ce procédé et pour en faire rapport à la Classe. — Le méme haut fonctionnaire adresse une expédition d'un arrété royal en date du 6 juin 1875, qui, par déroga- tion aux arrétés antérieurs sur la matiére, permet d'ad- mettre aux concours pour les divers prix quinquennaux, les ouvrages écrits en langue néerlandaise par des auteurs belges, et imprimés en Néerlande. — Le méme Ministre fait savoir que le directeur de l'Observatoire de Melbourne a compris l'Académie au ( 307 ) nombre des institutions qui recevront les publications de cet établissement à titre d'échange. — Renvoi à la com- mission administrative. — M. le Ministre des Travaux publics adresse, à titre de don pour la bibliothèque, un exemplaire de la première livraison (feuilles 1 à 5, bassin houiller de Liége) de la carte générale des mines. — Remerciments. L'institution des ingénieurs mécaniciens de Londres demande que la Classe lui donne son avis au sujet d'une Note sur les recherches mécaniques que cet institut a décidé d'entreprendre. — M. Maus est désigné pour faire un rapport sur cette communication. — La Classe accepte le dépôt dans les archives de l'Académie : 1? d'un billet cacheté présenté par M. Achille Brachet, de Paris; 2 d'un billet cacheté concernant cer- taines courbes géométriques, déposé par M. N. Rauis, de Bruxelles. — Les travaux manuscrits suivants sont renvoyés à l'examen de commissaires : 4° Physiologie des muscles et des nerfs du homard, par MM. L. Frederieq et G. Van de Velde. — Commissaires : MM. Schwann et P.-J. Van Beneden; 2 Note sur un casse-grain, en verre argenté avec sup- port en crown-glass dans le petit miroir convexe, par M. Achille Brachet. — Commissaire : M. Montigny. — Les établissements scientifiques ci-aprés remercient pour le dernier envoi des publications de l'Académie : La Société royale des sciences de Góttingue, l'Institut ( 908 ) Franklin de Philadelphie et la « Smithsonian Institution » de Washington, la Société royale d'Édimbourg, et l'Aca- démie royale des sciences d'Amsterdam. — La Classe recoit, à titre d'hommage, les ouvrages . suivants au sujet desquels elle vote des remerciments aux auteurs : 4° La Belgique horticole, années 1874, 1875, 1876 et 1877, par M. Éd. Morren, 4 vol. in-8; 2 Les applications de la chaleur, avec un exposé des meilleurs systèmes de chauffage et de ventilation (der- _ nières livraisons), par M. H. Valerius, 3° édition. Paris, 1879, 2 cah. in-8° ; 3° Contribution à l'histoire du développement de l'œil humain, par M. Ch. Van Bambeke. Gand , 1879, broch. in-5* ; 4 Travaux ori ie comparée, tome": Insectes, par M. Jousset de Bellesme, vol. in-8° (présenté par M. Félix Plateau) ; 9^ Sur les courbes dues à la combinaison de deux mou- vements vibraloires perpendiculaires, par M. A. Terquem. Lille, 1879, br. in-8*; 6° Recherches paléontologiques. Description de l'ovule des environs de Bruxelles, par M. Th. Lefévre. Bruxelles, 1878, extr. in-8°; T° Recherches sur l'électricité, par M. Gaston Planté. Paris, 1879, vol. in-8°. (Présenté par M. Melsens.) ( 809 ) RAPPORTS. Note sur le sang du homard , par M. L. Frederieq, à Gand. Rapport de M. Schwann. « M. Frederieq a examiné le sang du homard : il y a trouvé les mémes substances colorantes qui avaient déjà été découvertes chez d'autres animaux invertébrés , savoir une matiére colorante bleue, albuminoide (l'hémocyanine) qui se coagule par l'alcool et la chaleur et une autre de couleur rose soluble dans l'aleool. La première perd sa couleur bleue dans le vide et la reprend par l'oxygene et elle contient du cuivre. Le sang du homard est rose quand il est réduit : exposé à l'oxygéne,il prend une teinte spéciale, bleue à la lumière réfléchie (hémocyanine), brune à la lumiére transmise (matière rose). Ilse coagule spontanément et contient done _de la fibrine. Le sang de certains gastropodes (Strion, Helix) con- tient également de l'hémocyanine, tandis que M. Frederieq n'en a pas trouvé chez les Lamellibranches (Unio, Ano- donta). Les deux substances colorantes étant dissoutes dans le plasma sanguin, c'est ce liquide qui préside à la fois à la respiration et à la nutrition, tandis que chez les vertébrés ces deux fonctions sont partagées entre les globules san- guins et le plasma. J'ai l'honneur de proposer l'insertion du travail de M. Frederieq dans le Bulletin de l'Académie. » ( 510 ) Rapport de M, Félix Plateau, « Dans un travail précédent sur l’organisation et la phy siologie du Poulpe, M. Fredericq ayant étudié avec soin ‘la substance qui donne au sang de ce mollusque la pro- priété curieuse de bleuir au contact de l’oxygène de l'air, put montrer que c'est une substance albuminoide à com- position chimique calquée sur celle de l'hémoglobine des vertébrés et pour laquelle il proposa le nom d’hémocyanine. Corps nouveau à propriétés caractéristiques , l'hémocya- nine contient du cuivre, comme l'hémoglobine contient du fer. Comme l’hémoglobine, elle forme au contact de l'oxygéne, dans l'appareil respiratoire de l'animal, une combinaison oxygénée peu stable qui se dissocie lors du passage du sang au travers des tissus. L'auteur disait : « Je n'insiste pas sur la grande impor- tance que présente au point de vue de la physiologie générale de la respiration, la découverte de l'hémocya- nine. Je me bornerai à la remarque suivante :le sang du poulpe ne contenant qu'une seule espéce d'albumi- noide, il s'ensuit qu'iei les deux grandes fonctions du sang, la respiration et la nutrition des tissus reposent sur une seule et méme substance chimique, l'hémocya- nine. Dans le sang des vertébrés, au contraire, il s'est établi, sous ce rapport, une véritable division du travail physiologique. La fonction respiratoire y appartient ex- clusivement à l'hémoglobine des globules, la fonction nutritive aux substances albuminoides du plasma. » Il y avait donc un grand intérêt à rechercher la pré- sence de l'hémocyanine chez d'autres invertébrés. Dans la v. D ww v." Ww Ww w YV v Ww w v | ( 311 ) communication actuelle, M. Frederieq nous montre que l’hémocyanine est aussi la substance caractéristique du sang des Crustacés décapodes et probablement des Mol- lusques gastéropodes. Je considére ce résultat comme important et j'exprime le désir que l'auteur étende, s'il est possible, ses essais à un plus grand nombre de types. Je me rallie donc pleinement aux conclusions du pre- mier commissaire. » La Classe adopte les conclusions des rapports de MM. Schwann et Plateau, proposant l'insertion au .Bul-. letin de la note de M. Frederieq. — Sur la théorie de l'innervation respiratoire; par M. L. Fre- derieq, à Gand, Rapport de M. Ch. Wan Eambeke. « Le nouveau mémoire présenté à la Classe par M. le docteur L. Frederieq a pour titre: Sur la théorie de lin- nervalion respiratoire. L'auteur entre d'abord dans quelques considérations générales sur les centres respiratoires. Si ces centres trou- vent en eux-mémes et dans la composition du sang tous les éléments nécessaires à leur activité, ils n'en sont pas moins soumis, dans une certaine mesure, à l'influence du système nerveux périphérique. Sous ce rapport, aucun nerf n'exerce d'action aussi marquée que le pneumogas- trique ; seulement quoique ayant été l'objet de nombreuses recherches, cette action est encore très-controversée. C'est ainsi que les auteurs ne sont pas d'accord sur l'exis- ( 512 ) tence, dans le tronc du pneumogastrique, de fibres centri- pétes expiratoires. M. Frederieq a répété avec des résultats affirmatifs les expériences que l'on a fait valoir en faveur de leur exis- tence, et, comme il est arrivé à en donner des preuves nouvelles, il ne croit pas faire chose inutile en publiant les conclusions auxquelles il est arrivé. Toutes les expériences ont été faites avec l'aide d'appa- reils enregistreurs. L'auteur a successivement employé le kymographe de Ludwig (nouveau modèle) et le cylindre enregistreur de Marey; mais il a bientôt renoncé au pre- mier de ces instruments pour recourir entièrement au second. La commodité que l'on éprouve à écrire sans inter- ruption sur un papier sans fin ne compense pas un grave défaut du kymographion; ce défaut le voici : la courbe obte- nue se trouve déformée sous l'influence de deux causes : le frottement assez fort entre le papier et la plume, puis l’inertie du levier inscripteur qui est en proportion de sa masse. M. Frederieq fournit ensuite quelques détails sur le papier employé (papier porcelaine), la manière de le noircir, etc. Ses expériences ont été exécutées au labora- toire de physiologie de l'Université de Gand ; il a pu en répéter quelques-unes au laboratoire de M. le professeur Marey (Collége de France). L'auteur a d'abord répété l'expérience déjà ancienne de Traube. Si l'on pratique chez un animal la respiration artificielle, le rhythme primitif des mouvements respira- toires (observé aux narines) se modifie de telle sorte qu'il s'accommode complétement au rhythme des insufllations. Traube a montré que c'est dans le pneumogastrique que se trouve la voie nerveuse par laquelle l'état de distension du poumon ou du thorax retentit ainsi sur le centre des ( 313 ) mouvements respiratoires. Dés que cette voie est suppri- mée par la double section des pneumogastriques, il n'existe plus aucun rapport entre les mouvements respiratoires de l'animal et ceux du soufflet. L'expérience de Traube a été répétée par M. Frederieq sur plusieurs animaux ; un chat, un chien morphiné , un cobaye, un jeune lapin qui avait subi l'ablation des hémi- sphéres cérébraux et plusieurs lapins les uns anesthésiés, les autres sous l'influence respective du chloroforme, de la morphine ou du laudanum. Le lapin, surtout s'il est anesthésié par le chloral, se préte beaucoup mieux à cette ex périence que le chien, le chat ou le cobaye. L'expérience est conduite d'une facon trés-ingénieuse, mais sur laquelle nous ne pouvons insister ici. Elle per- met de recueillir simultanément et cóte à cóte le tracé des mouvements de l'air dans la trachée et celui des mouve- ments du soufflet. Il résulte de ces expériences : 1^ Que, lorsque les pneumogastriques sont intacts , les deux graphiques se correspondent exactement; 2° Que, dès que les pneumogastriques sont coupés, l'ac- cord que l'on observait entre les mouvements respiratoires et les insufflations est rompu. Les respirations de l'animal interfèrent alors avec les mouvements du soufflet. La courbe de la pression de l'air dans la trachée trahit le désaccord entre les deux facteurs qui concourent à la for- mer : les insufflations et les mouvements de l'animal. A l'appui de ees expériences, l'auteur a joint un certain nombre de tracés obtenus par lui. Comme le remarque M. Frederieq, ce sont les expé- riences de Breuer qui nous donnent la clef de l'expérience de Traube, mais, malgré leur importance capitale, elles ( 314 ) n'ont pas encore passé pue le domaine classique de la physiologie. M. Frederieq — et nous ne pouvons que louer sa tentative — a cru utile de revenir sur celles d'entre elles qui ont donné lieu à des discussions; ce sont les expériences tendant à prouver qu'il existe dans le pneumogastrique des fibres centripétes qui ont pour effet d'arréter la respiration à l'état d'expiration (active) et qui sont stimulées par l'effet de la distension mécanique du poumon. M. Frederieq a répété un grand nombre de fois (sur au moins une douzaine de lapins) l'expérience faite par Breuer dans le but de démontrer l'arrét en expiration aetive dans le cas de distension du poumon,en employant la méme disposition expérimentale que dans l'expérience de Traube. Le tambour à levier de Marey y remplace avantageusement le manométre de Fick employé par Breuer et par Guttmann. Il a pu se convaincre facilement de l'arrét en expiration, de la suspension des mouvements d'inspiration qui survient quand, aprés une ou plusieurs insufflations énergiques, on ferme le tube d'arrivée de l'air de facon à maintenir les poumons distendus. Le tracé joint au texte est très-concluant. Parfois , chez les lapins chloralisés, l'auteur a obtenu. comme Guttmann, des arrêts respiratoires en expiration passive, c’est-à-dire que la courbe, au lieu de se relever, restait absolument horizon- tale jusqu'au moment où la première inspiration venait mettre fin à cette apnée par distension mécanique. Ce ré- sultat a surtout été obtenu lorsque M. Frederieq mainte- nait le poumon modérément distendu aprés l'avoir ven- tilé énergiquement par une série d'insufllations ; l'apnée qui se produisait alors était une apnée mixte, due en par- tie à une oxygénation exagérée du sang, en partie à la dis- tension physique des poumons. ( 845 ) L'auteur ne partage pas l'opinion de Rosenbach, d'aprés laquelle la contraction des muscles abdominaux pendant Fapnée par distension serait un phénoméne tout à fait accessoire et local, dà à une action directe de la distension thoracique et abdominale sur les muscles de la paroi abdo- minale. Pour lui, la contraction des muscles abdominaux rentre bien dans le rhythme des mouvements respiratoires, elle fait partie de la phase d'expiration. En effet, la sup- pression de la voie par laquelle le centre des mouvements respiratoires commande à ces museles, supprime leur con- traction : M. Frederieq a pratiqué la section de la moelle épinière à la région dorsale et il n'a plus observé léur eontraetion, quoique les parois abdominales se laissassent distendre comme auparavant à chaque insufflation. L'expérience de Breuer et d'autres analogues semblent donc établir que le pneumogastrique renferme deux sortes de fibres centripétes: les unes inspiratrices, admises par la plupart des physiologistes, les autres qui suspendent l'inspiration et provoquent l'expiration (passive ou active). Nous touchons à la partie la plus intéressante du mé- moire de M. Frederieq, celle qui concerne l'influence exercée par l'excitation artificielle du bout central du pneumogastrique sur le centre des mouvements respira- toires. Sans doute, la question n'est pas neuve et bien des physiologistes ont tenté de la résoudre ; seulement les ré- sultats obtenus sont contradictoires. Comme l'auteur le remarque avec justesse, dans une question aussi controversée, il ne lui restait qu'à répéter les expériences un grand nombre de fois en s'entourant de toutes les précautions, et surtout sans parti pris, Cest- à-dire en cherchant à se désintéresser autant que possible du résultat qu'il allait obtenir. L'expérience est disposée d'une facon très-ingénieuse ( 316 ) qui permet d'enregistrer, tant que dure l'excitation du nerf, les vibrations du signal électrique de Deprez à cóté des mouvements respiratoires. L'auteur obtient généralement l'effet indiqué par Rosen- thal, c’est-à-dire un effet inspiratoire, dans lequel on peut observer tous les intermédiaires entre le tétanos inspira- toire et une simple accélération de la respiration. D'autres fois, il constate un effet tout opposé, un arrét respiratoire en expiration. Chez certains animaux, en faisant varie" la force du courant, il produit tantôt un arrêt en expira- tion, tantót un tétanos inspiratoire, et cela que les sujets soient anesthésiés ou non. Les sujets mis en expérience ont été des lapins, des cobayes, un chien et un chat. Chez ce dernier, l'excitation du pnenmogastrique a toujours provoqué un arrét en expiration , jamais d'inspiration. Divers excitants de nature physique ou chimique ont produit des effets de méme ordre que l'électricité. Tout cela prouve que les fibres centripètes du pneumo- gastrique vont aboutir les unes à un centre d'inspiration, les autres à un centre d'expiration. Il est impossible de séparer anatomiquement ces deux ordres de fibres, mais M. Frederieq a trouvé dans l'hydrate de chloral une sub- stance qui a pour effet, chez le lapin, de diminuer l'action des fibres inspiratrices du pneumogastrique, ou plutôt, sans doute, de déprimer l'excitabilité du centre auquel abou- tissent ces fibres ; dés ce moment, l'action des fibres expi- ratrices devient prédominante. Pour obtenir le résultat voulu, l'animal doit étre, non anesthésié, mais réellement empoisonné. Alors toute action mécanique, chimique ou électrique arrête la respiration en expiration; celle-ci reprend dés que l'on suspend l'application de l'excitation. Les résultats obtenus de cette façon, ajoute l'auteur, pré- sentent un tel degré de constance, que l'on peut, en ouvrant ( 917 ) et en fermant la clef intercalée dans le circuit électrique, modifier à son gré le rhythme respiratoire de l'animal. Ici encore des tracés parfaitement réussis viennent à l'appui des assertions de l'auteur. En résumé, par ses expériences, M. le docteur Frede- ricq est amené à considérer, dans la moelle allongée, un centre inspiratoire et un centre expiratoire, le chloral agissant pour paralyser le premier. L'auteur termine son intéressant travail en démontrant que le chloral à haute dose a pour effet de ralentir extré- mement les mouvements respiratoires qui peu à peu ces- sent complétement, bien avant que le cœur ait suspendu ses battements. On a pu voir, par la précédente analyse, que le travail de M. Frederieq constitue une contribution importante à la théorie tant controversée de l'innervation respiratoire. Aussi proposons-nous à la Classe : 1* De voter l'impression du travail de M. le docteur Frederieq dansle Bulletin de l'Académie. 2^ De voter des remerciments à l'auteur en l'engageant à poursuivre ses recherches. » Rappor: de M, Félix Plateau. « Bien que le travail de M. Fredericq s'écarte beaucoup de ma spécialité et que je me considére comme peu com- pétent pour porter un jugement en cette matiére, j'ai constaté si fréquemment le soin extréme et l'habileté avec laquelle l'auteur effectue ses expériences, que je me ral- lie volontiers aux conclusions de mon savant collégue, M. Van Bambeke, premier commissaire. » La Classe a adopté ces conclusions. — (318) Sur le déplacement des raies des spectres des étoiles; par M. l'abbé Spée, professeur au séminaire de Saint- Trond. Rapport de M. Houzeau. « Le mémoire que M. Spée soumet au jugement de la Classe porte sur un point fort délicat d'astronomie spec- trale. Le mouvement d'un astre, dansle sens du rayon visuel, entraine-t-il un déplacement des raies du spectre? L'auteur répond négativement, en se fondant sur des con- sidérations théoriques. La Classe sait qu'on admet géné- ralement l'affirmative. Des mesures qui ont la prétention de donner la grandeur de ce déplacement, pour différentes étoiles, ont été publiées par plusieurs astronomes, entre autres par Huggins et par Vogel. Christie continue des sé- ries analogues à l'Observatoire de Greenwich, sous les aus- pices d'Airy, un des physiciens les plus compétents lors- qu'il s'agit de la théorie de la lumiére. On est donc en présence d'une donnée d'observation, fort difficile à obtenir, il faut en convenir, et affectée par- fois d'énormes erreurs accidentelles. Ces grandes discor- dances sont-elles dues à la difficulté de l'opération, ou bien proviendraient-elles seulement de ce que la mesure elle-méme est illusoire? On fait valoir qu'elles s'aecordent presque toujours sur le sens, sinon sur la grandeur du dé- placement. Un pareil accord peut-il étre purement attri- bué au hasard? J'ajouterai un autre fait. Pour le Soleil, par suite de sa rotation, les deux bords ont des vitesses inégales par rap- (0B ) port à la Terre. D'un cóté il y a des points qui s'appro- chent de nous, et de l'autre des points qui s'éloignent. Or on prétend trouver, pour les deux bords du Soleil, un déplacement en sens inverse des raies du spectre. Les ob- servateurs sont-ils ici le jouet d'une illusion ? Sans doute cela n'est pas absolument impossible. Lorsqu'il s'agit de dé- placements extrémement petits, l'esprit peut forcer malgré nous nos impressions, dans le sens où nous croyons qu'il faut arriver. Toutefois c’est une lourde tâche de renverser tout cet édifice de mesures, et de prouver à ces observa- teurs qu'ils ont eu devant eux non des écarts réels, mais de simples écarts factices, dépendant de l'imperfection des moyens d'observation. Si l'on part de l'analogie entre le son et la lumière on se rend compte du déplacement. Tout le monde sait que la note fournie par le sifflet d'une locomotive change à l'instant où la machine passe devant nous. La vitesse du mobile se compose done avec celle du son, et modifie en conséquence la longueur de l'onde sonore. Voilà plus de trente ans que Doppler tirait des formules relatives à la théorie des ondulations lumineuses, une con- clusion analogue. Mais on a contesté que le cas füt sem- blable pour le son et pour la lumière, et Secchi en parti- culier l'a énergiquement nié. Pour lui, les ondes se continuant de part et d'autre au delà du rouge et du violet, il reste toujours pour la vision un méme spectre, pris seulement plus haut ou plus bas dans le clavier, suivant que le ton a descendu ou monté. Nous ne voyons plus à l'aide des mémes ondes A modifiées, mais à l'aide d'autres ondes B, modifiées de leur côté, et que leurs modifications rendent précisément semblables aux ondes A dans leur ( 320 ) état primitif. Aprés le changement, B remplace donc exac- tement A dans l'opération de la vision. C'est ce point théorique qu'il s'agit d'élucider. L'auteur du mémoire le discute avec une grande connaissance de l'optique spectrale, et beaucoup d'habileté. Exposer ses motifs, avec un développement suffisant pour en conserver la force, exigerait en quelque sorte de copier le mémoire. Je me borne donc à exposer le sujet du travail soumis à la Classe. Il faudra voir les développements dans ce tra- vail méme. L'intérêt qui s'attache à la question traitée, les connais- sances incontestables avec lesquelles l'auteur a abordé cet examen, justifient largement, à mes yeux, le vote de l'im- pression. En conséquence, j'ai l'honneur de proposer à la Classe d'insérer le mémoire de M. Spée dans le recueil de nos Mémoires in-8°, et d'adresser des remerciments à Pau- teur. » Rapport de M., JFontigny. « Le rapport si lucide dont la Classe vient d'entendre la lecture, suflit pour faire connaitre l'importance de la question traitée dans le travail soumis à notre examen, puis les difficultés qui en retardent la solution complète, et en- fin les mérites du mémoire de M. Spée. il ne me resterait donc qu'à me rallier à la proposition de notre honorable confrère, M. Houzeau , ce que je fais trés-volontiers, en demandant également que ce travail soit inséré dans les Mémoires in-8°, et que des remerciments soient adressés à l'auteur, si je ne croyais utile d'ajouter quelques consi- dérations au sujet de la question traitée par M. Spée, celle ( 824 ) de l'influence des mouvements relatifs d’un observateur terrestre et d'une étoile à l'ézard des apparences que pré- sente la lumière émise par cet astre vers celui-ci. Cette question avait attiré l'attention d'Arago dés 1810. IL fit à ce sujet des observations astronomiques qui n'ont été bien connues que par la publieation du mémoire ori- ginal en 1852, moins d'un an avant la mort de cet illustre savant (1). « Je me suis attaché, dans ces expériences, dit Arago, » à rendre trés-sensibles les différences qui doivent ré- » sulter du mouvement de translation de la terre, parce » que celui de notre systéme pourrait, en se combinant » avec ce premier, donner naissance à d'assez grandes Le procédé dont Arago s'est servi pour reconnaitre si l'influence de ces mouvements modifie la propagation de la lumiére, selon que notre planéte se rapproche ou s'éloigne en réalité des étoiles observées, consista à fixer convenablement un prisme achromatique au corps de la lunette du cercle mural de l'Observatoire de Paris, en avant de l'objectif. « Les choses étant ainsi disposées, dit Arago, » j'ai mesuré dans la méme nuit, et à différentes époques, » les distances au zénith d'un grand nombre d'étoiles; ces » distances comparées à celles qu'on aurait observées à » travers l'air donnent la quantité de la déviation que » leprisme fait éprouver aux rayons lumineux.....» Arago indique ensuite les déviations qu'il a obtenues pour un (1) Voirles Comptes rendus de l'Institut et les Annales de Chimie et de Physique, 5* série, t. XXXVII. 2"* SÉRIE, TOME XLVII. 21 ( 822 ) eertain nombre d'étoiles, dans les soirées du 19 et du 97 Mars 1810, puis du 8 Octobre; à cette dernière date, il avait modifié la disposition des prismes en les adaptant à la lunette d'un cercle répétiteur. Puis il émet les con- clusions de ses recherches; en voici les plus importantes : « En examinant attentivement les tableaux précédents, on trouve que les rayons de toutes les étoiles sont sujets aux mêmes déviations, sans que les légères différences qu'on y remarque suivent aucune loi. » Ce résultat semble être, au premier aspect, en con- tradiction manifeste avec la théorie newtonienue de la réfraction, puisqu'une inégalité réelle dans la vitesse des rayons n'oceasionne cependant aucune inégalité dans les déviations qu'ils éprouvent. H semble méme qu'on ne peut en rendre raison qu'on supposant que les corps lumineux émettent des rayons avec toutes sortes de vitesses, pourvu qu'on admette également que ces rayons ne sont visibles que lorsque leurs vitesses sont comprises entre des limites déterminées..... » Dans un passage suivant, Arago indique, comme devant intervenir dans le phénoméne, les déplacements propres des étoiles elles-mémes dans l'espace. Ce savant attribue les petites différences que présen- tent entre elles les mesures de déviations des rayons stellaires à des erreurs d'observation , comme nous venons de le voir. Mais, en voulant apprécier ces différences, j'ai remarqué que, si l'on caleule les moyennes de toutes les observations appartenant aux soirées du 19 et du 27 Mars 1810, pendant lesquelles douze et quinze étoiles ont été respectivement observées, et que si l'on forme, par rapport à ces moyennes, les différences qui affectent respec- tivement les mesures relatives à huit étoiles qui ont été Y v w w wW v" V WV Vv v Ww y ji y (SR Ré E TEPORE IET (326 ) observées pendant l'une et l'autre de ces soirées, on obtient les résultats suivants : Le 19 Mars. ; Le 27 Mars. Différences relatives à la déviation moyenne Différences o 4 24,05 1004 29595 a Orion: raS 4S Te adOróh. o Aa a MIB Cdstor a di 400 DES "000 03S0T- . us. iue 900 Procyonsv o e 2 AME. Piocyón. do ooi e + 2,58 Poli. | 4 ee m 95. PONS 3x 5514 + 9.85 œ Hydre — 1,45 «œ Hydre — 1,61 plui UC, COD CEDE rt. vM — 5,64 a Couronne: do — 1,25 x Couronne. . . . . . . + 1,46 AMNES a uoce 2 0.05. AGIONIS. . i. orn in — 1,74 On voit que, pour les quatre premières étoiles, le signe qui affecte les différences reste positif pendant les deux soirées, et que , sauf pour x de la Couronne, le signe reste négatif pour les autres étoiles, également pendant ces deux soirées. Je me demande si cette concordance est fortuite. A mon avis, c'est une question à examiner; et je pense qu'il ne serait pas inutile de reprendre l'expérience d'Arago, en y introduisant les perfectionnements dus à l'état actuel de nos connaissances et à la grande précision de nos instru- ments. J'ajouterai maintenant une considération qui se rap- porte tout autant à l'observation si délicate du déplace- ment des raies des spectres stellaires, et par conséquent à la question traitée par M. Spée, qu'aux déterminations faites par Arago. Remarquons en premier lieu, qu'avant de pénétrer dans une lunette qui est munie soit d'un prisme fixé en avant de l'objectif, soit d'un spectroscope adapté prés de l'ocu- ( 324 ) laire, lesrayons lumineux émanés d'une étoile ont d'abord traversé notre atmosphére. Or, ce milieu réfringent agit, par réfraction et par dispersion, à la facon d'un premier prisme dont l'angle serait dirigé vers le haut et la base, tournée vers le sol. Nous sommes en droit de nous demander, méme en présence de la petitesse des effets de réfraction et surtout de dispersion produits par l'air, com- parativement aux déviations accusées par le prisme d'Arago et aux phénoménes de dispersion amplifiés par le spectroscope , si l'influence de la réfraction et de la dispersion par l'atmosphére, dont la valeur varie avec sa densité, c’est-à-dire avec la température et la pression de l'air, n'intervient pas dans les mesures prises au sujet des déplacements relatifs de la Terre et des étoiles. Je dirai en d'autres termes, et cela sans vouloir attribuer ici à l'in- fluence de la réfringence propre de l'air atmosphérique les différences que je viens de signaler au sujet des déter- minations effectuées par Arago, qu'il y a lieu de voir si des mesures semblables de déviations, et si les déplacements des raies dans les appareils spectroscopiques ne sont pas affectés d'une manière appréciable, et cela, selon la dispo- sition de ces instruments, par l'influence que les déplace- ments relatifs des étoiles et de la Terre doivent exercer d'abord sur là marche des rayons lumineux , émanés des premières, à travers notre atmosphère, avant d'arriver à nos instruments. La question était de nature à étre posée ici, et je pense qu'elle mérite examen, si déjà elle n'en a été l'objet. » La Classe a adopté les conclusions de ces deux rap- ports. : ( 325 ) Observations de la planéte Mars faites pendant l'oppo- sition de 1877, par M. le baron Octave Van Ertborn, à Anvers. Rapport de M. Mouzeau, « M. Oct. Van Ertborn a soumis à l'Académie vingt- cinq dessins de la planète Mars, pris à sa dernière opposi- tion, entre le 15 août et le 3 novembre 1877. L'instrument dont l'auteur s'est servi est une lunette montée équatoria- lement, de 17,62 de foyer et 07,108 d'ouverture. Les ob- servations ont été faites à Aertselaer, au sud d'Anvers, oü M. Oct. Van Ertborn a établi un petit observatoire. L'auteur a remarqué, comme tous les astronomes qui ont suivi Mars en 1877, la différence qui se manifestait alors entre les deux parties, Nord et Sud, du disque. C'était là le trait frappant de cette opposition. Tandis que les taches de l'hémisphére austral de Mars étaient fort appa- rentes et généralement nettes, celles de l'hémisphére bo- réal restaient presque toujours confuses et fort difficiles à voir. Les dessins, bien exécutés, sont destinés à reproduire non-seulement les contours des taches, mais aussi leur couleur. Ils méritent, à nos yeux, d’être publiés dans un des recueils de l'Académie. On pourrait les réunir dans trois planches du format in-4°. Le travail paraitrait, si la Classe y donne son assentiment, dans le recueil in-4° des savants étrangers. J'ai l'honneur de proposer, en outre, que des remerciments soient adressés à l'auteur. » La Classe a adopté ce rapport, auquel s'est rallié M. Lia- gre, second commissaire. ———— EE — ( 826 ) COMMUNICATIONS ET LECTURES. — Nouvelles applications de l'énergie potentielle des surfaces liquides, par M. G. Van der Mensbrugghe, correspondant de l'Académie. Cause principale de la perle de charge des jets d’eau. — Origine de l'énergie de mouvement acquise par les vagues de la mer. — Cause de la production des mascarets à l'embouchure de certains fleuves.— Origine de la puissance du Golfstream. Il y a trois ans, j'ai fait à l'Académie une communication qui a été trés-favorablement accueillie et où j'ai démontré les deux propositions suivantes : 4° Si la couche superficielle libre d'une masse liquide éprouve une augmentation, elle se refroidit; si, au con- traire, elle subit une diminution, elle s'échauffe; 2 Dans les deux cas, il se développe, dans la masse, des courants thermo-électriques d'autant plus intenses que la masse est plus petite, ou que la variation de la surface est relativement plus considérable. On se rappelle que, quant au développement d’électri- cité, je me suis rencontré avec notre jeune et savant con- frére, M. Spring. J'ai montré alors comment ces résultats devaient étre interprétés dans le eas de la surface de séparation de deux (827 ) liquides ou de la surface de contact d'un solide et d'un liquide; puis j'ai appliqué mes propositions à la théorie d'une série de phénoménes demeurés fort obscurs jusque dans ces derniers temps; j'ai tàché d'expliquer notamment les mouvements à la surface des bulles d'eau de savon, les mouvements alternatifs de certaines lames liquides étalées sur un autre liquide, les phénoménes d'échauffement par- fois extraordinaire produits dans une masse solide mouil- lée par un liquide, les courants thermo-électriques déve- loppés par des variations d'étendue dans la surface de séparation de deux liquides, la production constante d’élec- tricité dans l’air atmosphérique, et enfin les énormes dé- charges électriques observées dans les orages. Dans une deuxième communication, j'ai pu rattacher à ma théorie l'explication du maintien à l'état liquide des petites gouttelettes formant les nuages et les brouillards dans des couches d'air assez fortement refroidies au-des- sous de zéro (propriété qui récemment a causé de véritables désastres dans la forêt de Fontainebleau); j'ai rendu compte des phénoménes exceptionnels que présentent cer- tains alliages aux environs de leur maximum de densité, et qui avaient fait l'objet d'un beau travail de M. Spring; jai montré ensuite comment peut s'expliquer la chaleur vraiment étonnante qu'il faut pour détacher un liquide vo- latil de la surface d'une matiére poreuse, et qui avait été constatée par notre savant confrére M. Melsens; enfin j'ai appliqué mes imeem pas phénomènes observés dans l'ébullition et à propos un autre confrère, M. Donny, a fait des expériences devenues classiques. En 1877, j'ai fait voir combien semblait justifiée la rela- tion entre les perturbations météorologiques et les varia- tions magnétiques, relation entrevue déjà par Hansteen et ( 928 ) confirmée par le P. Seechi à la suite d'observations long- temps prolongées. a méme année, j'ai pu appliquer ma théorie aux mou- vements des bulles d'air dans les niveaux et des bulles de vapeur dans les enclaves liquides des minéraux. En 1878, j'ai publié un Mémoire où je donne de nom- breuses preuves nouvelles de l'exactitude de ma première proposition. Enfin, il y a quelques mois, j'ai tàché de faire voir, à la fois par le raisonnement et par l'observation directe, que les phénoménes remarquables et inattendus, observés par Savart dans les nappes liquides, sont soumis aux lois com- prises dans mes formules. Si je rappelle ici les principales applications de ma théo- rie de l'énergie potentielle des surfaces liquides, c'est uni- quement pour mettre une fois de plus en lumiére l'extréme fécondité des prineipes auxquels m'a conduit la thermody- namique, et pour tirer de la variété méme de ces applica- lions un puissant argument en faveur de l'importance des principes en question. D'ailleurs, je viens de les soumettre à un nouveau contróle, et, cette fois, ils ont recu une con- firmation qui, je n'hésite pas à le dire, a dépassé de beau- coup mes espérances. Les applications nouvelles dont je désire entretenir la Classe aujourd'hui concernent la perte de charge d'un jet d'eau, l'énergie de mouvement acquise par les vagues lors de leur formation, l'explication rationnelle de la barre ou mascaret observé à l'embouchure de certains fleuves, et enfin la cause du mouvement qui pousse le Golfstream jus- que dans les mers polaires. ( 529 ) LE — Cause principale de la perte de charge d'un jet d'eau. Les physiciens ont constaté depuis longtemps qu'une veine liquide lancée de bas en haut sous une direction à peu prés verticale, par un orifice percé en mince paroi, ne s'éléve pas jusqu'au niveau du réservoir qui fournit le liquide; pour expliquer ce fait, ils ont invoqué le frotte- ment à l'orifice et la résistance de l'air; mais ces causes sont-elles suffisantes pour produire une perte de charge parfois trés-considérable, et méme, dans certaines condi- tions spéciales, l'annulation complète de la charge? Je ne puis l'admettre; car s'il en était ainsi, deux liquides de den- sités peu différentes devraient donner des résultats à peu prés identiques; or, c'est ce qui est loin d'avoir lieu; par exemple, une veine d'eau lancée à peu prés verticale- ment par un orifice de 1"",5 de diamètre et sous une pres- sion de 51 centimétres, ne s'éléve que de 96 centimétres environ, tandis que, pour la méme pression et le méme orifice, le sulfure de carbone, qui a une densité de 1,95, atteint une hauteur 1 ; fois plus grande. Je me suis donc demandé s'il n'y avait pas une autre cause perturbatrice; aprés mür examen, j'ai réussi à en trouver une qui découle immédiatement de l'ensemble de mes recherches précédentes. Je vais indiquer brièvement en quoi consiste la nouvelle cause, que j'avais déjà signalée du reste dans ma Note sur les nappes de Savart ; je réser- verai les détails, s'il y a lieu, pour un Mémoire que j'ai en préparation, et que j'espére pouvoir présenter prochaine- ment à l'Académie. ( 330 ) Soit une veine liquide lancée à trés-peu prés verticale- ment de bas en haut par un orifice percé en mince paroi; nommons r le rayon d'une section horizontale quelconque de la veine, v la vitesse du liquide qui la traverse; la masse qui passera dans l'unité de temps par la section considérée sera évidemment z;2v 2,8 étant la densité du liquide; pour une section plus élevée oü r' et v' seraient respecti- vement le rayon et la vitesse, la masse qui passerait vau- drait zr/2v' ©, Admettons maintenant que le diamétre de la veine soit assez petit pour que tous les points d'une section horizontale aient au méme instant la méme vitesse; il est clair que, dans cette hypothèse, la masse qui traverse chaque section dans l'unité de temps sera la méme, c'est- à-dire que 7?o —7'2v' ; je dis de plus que la surface libre de cette méme masse ira en — € à mesure que la hauteur augmente; eu effet le rapport +; des deux sur- faces libres 2zrv, 2xr'v’ relatives à deux sections dont la seconde est plus élevée que la première, vaut évidemment 7» en vertu de l'équation ci-dessus; mais puisque v’ est moin- dre que v, r’ doit être plus grand que r, et conséquem- ment la surface libre d'une méme masse diminue à mesure que le liquide monte davantage. Cela étant, évaluons l'énergie engendrée par le change- ment de surface libre; au bout du temps dt, la surface 2zrv diminue de 2 (rdv 4-vdr); si done T représente l'éner- gie potentielle du liquide par unité = surface , l'énergie potentielle perdue par la masse ziv 2 ; dt qui monte dans le méme temps équivaut à 27T (rdo+vdr); quant à l'unité de masse, elle perdra, dans l'unité de temps, une énergie égale à 29T VE dv il dr mm lro. dt E 5 ( 851 ) ou bien, en vertu de l'équation r?v — constante : yE dv órv dt. Or j'ai démontré antérieurement qu'une partie au moins de cette énergie se transforme en chaleur ou en électricité; mais n'y a-t-il pas une fraction À de cette énergie qui se transforme en énergie de mouvement? Pour décider la question, introduisons une fraction À de la quantité ci- dessus dans l'équation des forces vives qui exprime la loi "us mouvement; cette équation sera, dans ce cas, puisque q est négatif : vdv = es 7 dt — gdz, r étant la distanee comptée à partir de l'orifice de sortie jusqu'à la tranche où v est la vitesse. Cette équation suppose 1° qu'on fasse abstraction des effets du frottement à l'orifice et de la résistance de l'air; 2 que T ne change pas sur le parcours du jet, ce qui n’est - pas tout à fait exact, comme je l'ai démontré par de nom- breuses expériences; 3° que le jet ne se divise pas en sphéres plus ou moins grandes avant d'atteindre la hau- teur maximum. Pour intégrer l'équation différentielle, posons r?v — c?, d’où roc V/v; conséquemment : 19T -4 vdv — x dv — gdz. ( 992 ) Nommons « la vitesse à l'orifice, H la hauteur de charge, H' la hauteur du jet, et 2 le diamètre de l'orifice ; l'inté- gration effectuée depuis v — a jusqu'à v—0 donnera : d’où en substituant à c sa valeur o Va : gy PT. do Si À n'est pas nul, il faut que la perte de charge H—H' soit : 1* Indépendante de la charge elle-méme , pourvu qu'on opère sur le méme liquide et avec le méme orifice ; 2* Proportionnelle à l'énergie potentielle du liquide em- ployé; 5° En raison inverse de la densité du liquide et du diamètre de l'orifice, pourvu bien entendu que ce diamètre soit suffisamment petit. Pour vérifier si ces lois sont conformes à l'observation, j'ai eu recours à des séries d'expériences faites non par moi (je n'ai pas encore eu le temps d'en faire), mais par Dupré de Rennes qui voulait simplement en tirer des va- leurs approchées de la tension, et qui ne pouvait soupçon- ner les relations dont il s'agit ici; or voici les valeurs des différents éléments qui entrent dans mes calculs, et que j'ai déduites des expériences en question : TEMPÉRATURE : ( 853 ) EAU DISTILLÉE. mmgr. — mm. 5°C. — T. omm 7,54 DIAMÈTRE DE L ORIFICE. 29 = 4mm 5 2 — 9mm 29 = 20m 3 D BE M CREER au c 2 H m |sn—nm| n g |n—n' H m |m—mn' Centim. | Centim. | Centim. || Centim, | Centim. | Centim. || Centim. | Centim. | Centim. 58 15 |23 ]||97.5 |12 | 145.5 || 28 4.8 | 15.5 40.5 | 16 |95.5|| 31.5 | 144. 117.5 |39 | 23.5 | 15.5 42 19 |33.0 | 34 |18 [16.0] 48 |34 |14 47.5 | 92 |35.5|| 42.85 | 24 |18.5]| 53.51 38 | 15.5 47,5 | 24 | 95 5 || 42.8 | 24.8 | 18 || 62.5 | 46. | 16.5 51.5 | 96 |95.5|49 |929.5 | 19.5 les 147 | 16.0 36.5 | 51 |25.5 || 51.5 | 93.5 | 48 ||68.5 | 50 | 18.5 62.5 | 36 | 26.5 || 66.5 | 44.5 | 92 |77.5| 60 | 17.5 65.8 | 37 | 26.5 || 60.8 | 45.5 | 21 ||84.5]| 65 | 19.5 68.3 | 41 | 27.5 || 76.5 | 52.5 | 24. || 86. | 67 | 19 75.5 | 44 |39.5|| 83. | 61.5 | 93.5 | 97.5 | 76. | 21.5 76.5 | 47 |99.5 86.5 | 55 | 31.5 SULFURE DE CARBONE. mmgr.— mm. T = 53.62 51 9 112 idesi 37 | 9.5||61 |48.5 | 12.5 45 34 |n || 4 34 | 8 ls |asli10s 59 ə |11 |37 39 | 8 Fai | 325 |11.5 35.8 | 34 | 11.5 || 31 35 | 8 |39.5 | 50.5 | 9.0 30.5 | 19 | 141.5 || 95 16 | 7 |z [9451] 9.5 24.5 | 14 |10.5|| 18.5 | 12 | 65i 3 |as] 7.5 12[.5| 6 | 6.5|945]| 16.5] 8 ( 354 ) Ces deux tableaux montrent immédiatement : 1? qu'en effet, pour un méme liquide et pour le méme orifice, les pertes de charge sont à peu prés constantes, quelles que soient les charges, pourvu, bien entendu, que ces der- niéres ne soient pas trop fortes, car, dans ce cas, on le sait, le jet est discontinu, et dés lors la résistance de l'air sur les différentes sphéres résultant de la transformation de la veine devient trés-notable; si l'orifice a quelque lar- geur, dépasse, par exemple, 2 millimétres, les vitesses de tous les points d'une méme section cessent d’être les mêmes au méme instant, et ce cas encore est exclu par l'analyse qui précéde. En second lieu, si l'on demeure dans les conditions que nous avons expressément admises, les pertes de charge, pour un méme liquide, mais pour des orifices différents, obéissent à trés-peu prés à la loi de la raison inverse des orifices, ou, ce qui revient au méme, de la constance du produit de la perte de eharge par le diamétre de l'orifice; ainsi pour l'eau, la perte de charge Tene en moyenne, avecl'orificede 1"",5, vaut 24 centi quand les charges ne dépassent pas 51 centimètres; le produit de cette perte de charge moyenne par 1"",5 vaut 56; les produits corres- pondants aux diamètres 9"" et 9?» 5 valent respecti- vement 35.2 et 34.25, nombres peu différents de 56. Quant au sulfure de carbone, la loi relative aux diame- tres des orifices se vérifie trés-bien pour les deux premieres séries d'expériences ; si elle semble en défaut par le diamètre 2mm 5. c'est sans doute parce que la faible cohésion du liquide empéche l'égalité de la vitesse pour tous les points d'une méme tranche au méme instant. En troisiéme lieu, la loi relative à la densité et à l'éner- gie potentielle du liquide employé se trouve vérifiée d'une manière assez approchée quand on prend les valeurs ordi- ( 335 ) naires 7.5 et 5.6 pour les énergies potentielles de l'eau et du sulfure de carbone; seulement il y a ici une. incertitude compléte sur les valeurs exactes de ces éléments, à cause de la variation continue dans la surface d'une masse liquide parcourant le jet. En résumé, les lois comprises dans la formule ux mI n A se trouvent confirmées par l'expérience avec une exacti- tude qui me parait bien remarquable, surtout si l'on a égard aux restrictions que cette formule suppose implici- tement; je conclus de là que la diminution de surface libre d'une masse liquide donne lieu non-seulement à de la cha- leur ou à de l'électricité, comme je l'ai prouvé ailleurs, mais encore qu'une portion À de l'énergie potentielle perdue se change réellement en énergie cinétique, ainsi que je l'avais déjà avancé dans mon travail sur les nappes de Savart. Mais il y a plus; les résultats précédents permet- tent méme de trouver une valeur approchée de la frac- tion 2; à cet effet, il suffit de substituer, dans la formule ci-dessus, les valeurs numériques correspondantes de H — H', T, ò et o; si nous effectuons cette substitution pour les séries d'expériences faites par Dupré, tant pour l'eau que pour le sulfure de carbone, avec les orifices de 177,5 et 2 millimètres, en excluant, à cause du motif déjà indiqué, les charges supérieures à 51 centimètres, nous trouvons les 4 valeurs suivantes de à : 0.012 0.01175 0.01185 0.0151 Moyenne. . . 0.01217 ( 936 ) Conséquemment, puisque l'énergie potentielle de l'eau par mètre carré est de 0*2:0075, il se développe, lors de l'annulation de 1 métre earré de surface libre de ce liquide, une énergie cinétique équivalente, à trés-peu prés, à o*m: 00009 ; le reste de lénergie potentielle de la surface considérée passe à l'état de chaleur ou d'électricité. Poursuivons la discussion de notre formule AT H — H—— ; dc elle fait voir aisément dne si la charge employée H est in- férieure à la constante = T relative aux conditions de l'ex- périence, H' est nécessairement négatif, c'est-à-dire que si, avec un orifice de 17",5, par exemple, on voulait pro- duire un jet d'eau sur une charge égale ou inférieure à 24 centimétres (c'est la valeur de nt pour le eas en question), le jet devrait retomber aussitôt après sa forma- tion. Or ce résultat, si paradoxal et si bizarre en appa- rence, se vérifie à la lettre; j'avais vu depuis longtemps, et sans doute d'autres physiciens avec moi, qu'un jet d'eau lancé par un orifice très-petil et sous une faible charge, monte et descend sans cesse et méme s'annule parfois jusqu à l'orifice; je viens enfin detronver la raison théorique de ce curieux phénomène; c'est l'énergie de mouvement imprimée à l'eau par la pesanteur, et qui est détruite par l'énergie du mouvement développée en sens contraire par les forces mêmes qui résident à la surface libre de l'eau : assurément on ne pourrait citer un plus curieux exemple de l'efficacité de ces forces si minimes pour l'état de repos, ( 337 ) mais susceptibles de croitre si rapidement, dés que, par suite du mouvement, les changements d'étendue de la surface libre deviennent suffisamment rapides eux-mémes. Ainsi avec un orifice de 0"",5, le sulfure de carbone don- nerait une perte de charge trois fois plus grande qu'avec un orifice de 177.5, c'est-à-dire de 55 centimètres environ; si donc on lance le jet sous une pression moindre que 33 centimètres, il ne fera que monter et descendre aussitôt, sans qu'aucune cause apparente puisse étre invoquée pour rendre compte de cet étrange spectacle. Et pourtant le phénoméne est soumis à une loi bien simple, comprise dans la formule ci-dessus. Une autre conséquence de ma théorie consiste en ce que, si l'on parvient par un moyen quelconque à rendre con- tinue une veine ascendante qui se résolvait en gouttelettes sur une portion de son parcours, on permettra ainsi au liquide d'annuler, en plus, de notables étendues superfi- cielles libres, et, par là, de faire naître une énergie de mouvement qui tendra à abaisser le jet, parfois même à le supprimer totalement pour un temps très-court, quand la diminution de surface au sommet est devenue assez grande; or, il suffit, on le sait, d'approcher d'une veine de petit diamétre et dirigée verticalement de bas en haut, un bâton de verre électrisé pour rendre aussitôt cette veine continue et lui donner la forme du pistil d'une fleur; mais alors la stabilité cesse aussitót, et le jet retombe en tout ou en partie suivant les conditions de l'expérience; je reviendrai sur cet intéressant phénoméne à une prochaine occasion. Jusqu'à présent, je n'ai parlé que des jets liquides à petit diamètre ; pour des jets puissants, lancés par des ori- lices assez larges et sous de fortes pressions, l'analyse pré- 2"* SÉRIE, TOME XLVII. 22 ( 358 ) cédente n'est plus applicable; mais ici le raisonnement va suppléer au caleul; en effet, la surface libre de la masse liquide qui s'éléve dans l'unité de temps subira encore, comme dans le cas précédent, des diminutions graduelles, qui feront naitre de l'énergie de mouvement dirigée comme celle de la pesanteur; seulement cette énergie appartiendra surtout aux portions les plus voisines de la surface libre, tandis que les portions plus intérieures continueront leur mouvement en vertu de la hauteur de charge encore dispo- nible; il suit de là qu'à une distance déterminée de l'orifice, une certaine masse liquide doit demeurer en arrière, el, sans doute à cause de la résistance de l'air et de l'inégalité du retard en différents points d'une méme section, se déta- cher du jet pour s'éparpiller en gouttelettes; mais, immé- . diatement aprés, le liquide qui continue son mouvement ascensionnel aura une surface libre où les mêmes phéno- ménes vont se passer, c'est-à-dire où il naitra une énergie de mouvement de haut en bas, qui produira bientót la sé- paration d'une nouvelle masse liquide, et ainsi de suite, jusqu'à ce que, par ces séparati ons successives de la masse totale du jet, celui-ci s'arréte à une hauteur bien moindre que la hauteur de charge et ne donne plus qu'une ou plu- sieurs veines trés-minces se transformant en gouttelettes. Le raisonnement qui précéde est pleinement confirmé par l'expérience. H. — Origine de l'énergie de mouvement acquise par les vagues de la mer. Aprés avoir établi, pour des masses liquides relativement bien petites, l'efficacité surprenante de l'énergie de mou- vement engendrée par des pertes successives d'énergie jr ( 559 ) potentielle; aprés avoir montré que la pesanteur peut, dans certains cas, fournir elle-méme à l'eau, des armes pour la combattre, je me suis demandé si des effets du méme genre ne se manifestaient pas dans les grandes masses d'eau de la nature. Je n'ai pas tardé à trouver de nom- breux exemples où des résistances opposées au mouve- ment des eaux, bien loin de l'entraver, produisent au con- traire des accélérations parfois prodigieuses. Rappelons d'abord que, pour toute diminution de 1 mètre carré dans la surface de l'eau, il s'engendre environ 0*2» 00009 de travail mécanique direct; il est à remar- quer que si, dans une masse relativement faible, il se pro- duit un grand nombre de pareilles diminutions, la force vive due au travail mécanique total développé, et dirigée toujours dans le sens suivant lequel les surfaces ont décru, pourra devenir trés-notable. Citons quelques exemples. Placons-nous d'abord dans le cas d'une masse d'eau s'élevant vers une côte qui monte graduellement; suppo- sons notamment que la mer monte, par un temps calme, devant une plage en pente douce et ne présentant pas de portions rentrantes ou saillantes. Il est elair que les cou- ches d'eau venant du haut de la mer rencontreront une ré- sistance croissante à mesure que le fond s'éléve; elles seront donc nécessairement comparables à un troupeau en marche, dont on arréte plus ou moins brusquement la téte, c'est-à-dire que les couches superficielles vont se déverser sur cêlles qui les précédent. Or, si nous partons de la couche la plus éloignée qui recouvre en partie celle qui est devant elle, nous verrons que cette derniére, à cause de la force vive due à la surface libre annulée, acquerra un supplément de vitesse vers la cóte; mais alors la couche ( 540 ) libre qui précède celle-là, va être recouverte sur une éten- due plus grande encore, et conséquemment acquérir un surcroît de vitesse plus considérable que celle qui est der- rière elle; on conçoit qu'il se formera bientôt une portion déprimée et une vague dont les couches supérieures mar- cheront le plus vite; cette vague descendra ensuite en vertu de son poids, et les couches supérieures se déverse- ront sur la surface libre qui est devant elles; les effets de ce genre devenant de plus en plus prononcés à mesure qu'ils se répètent davantage, les vagues doivent acquérir à la fois d'autant plus de vitesse et de hauteur qu'elles se rapprochent davantage de la cóte; ainsi ce qui devait étre un obstacle au mouvement de l'eau vers la cóte, devient précisément une cause et méme une cause puissante d'ac- célération du liquide vers la plage (1). Si la cóte, au lieu d'étre réguliére, présente en certains points des portions rentrantes, la diminution successive de surface des eaux de la mer, au lieu d'avoir lieu seule- ment dans un sens, a lieu en outre à droite et à gauche des masses liquides s'avancant vers la terre; il faut donc s'attendre, en ces points, à des effets mécaniques bien plus puissants; or c'est ce que l'observation confirme pleine- ment; déjà trés-sensible dans certaines parties de nos cótes, le phénoméne prend des proportions tout à fait exceptionnelles dans la baie de Saint-Michel prés de Saint- Malo, mais surtout dans la baie de Fundy, dans l'Amé- (1) Cette théorie fait aisément comprendre la propriété que posséde l'huile de calmer Jes flots; en effet, l'énergie potentielle de ce liquide n'étant que 5,5 environ, la diminution de surface libre ne produira pas la moitié de l'énergie cinétique engendrée par l'eau dans les mémes circon- stances. ( 341 ) | rique du Nord, où les flots s'élévent parfois à des hauteurs prodigieuses (40 à 50 mètres). Si l'on considère des côtes trés-abruptes où les vagues ne peuvent pas s'étaler, les effets d'enroulement des sur- faces liquides les unes sur les autres sont aussi beaucoup plus prononcés que le long des plages en pente douce. Supposons maintenant que l'enroulement des surfaces soit encore exalté par l'action d'un vent modéré, dirigé vers la côte; on comprend que, dans ce cas, la puissance des eaux de la mer pourra devenir tellement grande qu'elle défiera notre imagination; toutefois si la mesure exacte de cette puissance nous échappe absolument, nous en connaissons au moins maintenant la cause principale : c'est le travail mécanique développé par les millions et les inilliards de métres carrés de surface perdue par l'enroulement suc- cessif des ondes. Notre esprit demeure confondu lorsque nous songeons que l'énergie potentielle d'une surface libre d'eau réside dans une couche qui n'a pas ——— m —— d'épaisseur, de sorte que si nous divisons parla pensée une couche d'eau de 4 mètre carré de surface et de 17" d'épaisseur en 8500 tranchettes ayant chacune d 1 mètre carré de base, mais seulement une épaisseur de — zzo la somme de travail mécanique que pourrait développer l'énergie potentielle de toutes ces tranchettes serait de 0kz»,00009 x 17000 ou plus de 1kgm,5. Et cependant quel serait le poids de la masse d'eau dans laquelle résiderait une telle puissance? 1 kilogramme seulement. Ajoutons à cela que le reste de l'énergie potentielle des tranchettes en question suffirait pour élever de 05,5 la température de la masse totale. Hi. — Cause de la production des mascarels à l'embou- chure de certains fleuves. Aux pleines lunes et aux nouvelles lunes des équinoxes, il se produit, à l'embouchure de certains fleuves, un cu- rieux et terrible effet des marées; on l'appelle la barre de flot ou mascaret. Voici, d’après Babinet, la description du mascaret à l'embouchure de la Seine: « Tandis qu'en général, et méme à l'extrême embouchure de la Seine, au Havre, à Honfleur, la mer, à l'instant du flux, monte par degrés insensibles et s'éléve graduellement, on voit, au contraire, dans la portion du fleuve au-dessous et au-dessus de Quillebœuf, le premier flot se précipiter en immense cataracte formant une vague roulante, haute comme les constructions du rivage, occupant le fleuve dans toute sa largeur, de 10 à 12 kilomètres, renversant tout sur son passage et remplissant instantanément le vaste bassin de la Seine. Rien de plus majestueux que cette formidable vague, si rapidement mobile. Dés qu'elle est brisée contre les quais de Quillebœuf qu'elle inonde de ses rejaillisse- ments, elle s'engage en remontant dans le lit plus étroit du fleuve, qui court alors vers la source avec la rapidité d'un cheval au galop. Les navires échoués, incapables de résister à l'assaut d'une vague si furieuse, sont ce qu'on appelle en perdition. Les prairies des bords, rongées et délayées par le courant, se mettent, suivant une autre expression locale, en fonte, et disparaissent... Rien de plus étonnant que ces redoutables barres de flot observées sous les rayons du jour le plus pur, au milieu du calme le plus complet et dans l'absence de tout indice de vent, de ( 845 ) tempête ou d'orage..... Un vent de mer modéré aide la formation de la barre; un vent violent étale les eaux et en diminue la hauteur. Dans les eaux profondes la barre est faible; elle l'est de méme sur les bancs trop peu recou- verts. » Tel est le phénomène majestueux où je trouve une con- lirmation complète de ma théorie; en effet, si, comme le dit Babinet lui-même, les premières vagues retardées par le manque de profondeur, sont devancées par les suivantes qui marchent dans une eau plus profonde ; si celles-ci sont elles-mémes rejointes par celles qui les suivent, on com- prend, d'aprés mes caleuls, qu'il se perd ainsi, sur des nappes liquides de plusieurs lieues de largeur et de 15 à 20 lieues de longueur, des quantités prodigieuses de sur- face libre; il doit donc se développer, en revanche, une somme incalculable d'énergie de mouvement dans le sens suivant lequel a lieu la diminution incessante de surface libre, c’est-à-dire de la mer vers la terre. Ajoutez à cela la circonstance suivante, que j'avais prévue du reste : c’est que, à partir du Havre, où le flux élève modérément les eaux, jusqu'à Quillebeeuf, où le mascaret commence ses ravages, le fleuve a une largeur de moins en moins grande; un peu en avant de Quillebœuf, la Seine a plus de 10 kilo- mètres de largeur, puis devant Quillebœuf méme, elle se resserre brusquement entre des rives médiocrement dis- tantes, et ainsi se trouvent réalisées complétement les conditions nécessaires pour que la force vive emmagasinée dans une masse d'eau colossale soit communiquée à une autre masse relativement bien faible, et donne naissance à cette immense cataracte roulante qui fait l'effroi des rive- rains et des navigateurs. Mais pourquoi cette énorme barre peut-elle conserver une si grande vitesse sur un parcours ( 344 ) de plusieurs dizaines de lieues (le mascaret est en effet sensible jusqu'à Rouen)? C'est que, à mesure qu'elle s'avance, la barre fait disparaitre la surface libre du fleuve qu'elle remonte, et recueille ainsi continüment une éner- gie de mouvement qui compense en partie les pertes dues aux effets de la pesanteur; ici, comme dans l'ensemble du phénomène, l'obstacle qui parait devoir arrêter tout l'élan, ne fait que l'augmenter. ll est aisé de comprendre aussi pourquoi un vent de mer modéré aide la formation de la barre, tandis qu'un vent violent en diminue la hauteur; c'est que si le vent qui pousse les vagues vers la terre n'est pas assez fort pour en détacher des portions, il favorise l'enroulement des surfaces sur la cataracte mobile, et, par conséquent, en augmente la vitesse; au contraire, un vent violent étale nécessairement en longues nappes liquides les flots qui se rapprochent de la côte, el par cette augmentation de sur- face, donne lieu à une énergie de mouvement contraire à celle qui anime chaque masse principale. Guidé par mes considérations théoriques, je n'avais qu'à jeter les yeux sur la earte d'un pays pour pouvoir présumer qu'en telle ou telle localité les grandes marées produisent des barres plus ou moins sensibles; c'est ainsi que je n'ai été nullement surpris de lire, dans les traités de géographie physique, que le mascaret a été observé dans la Dordogne: dans les rivières et sur les cótes tourmentées du Nord de l'Écosse, dans la Severn et l'Humber en Angleterre, dans quelques-unes des embouchures du Gange, enfin à l'em- bouchure du fleuve des Amazones au Brésil, où le masca- ret, dit pororaca, atteint. des proportions formidables et exerce ses ravages jusqu'à 80 lieues à l'intérieur des terres. ( 848 ) IV. — Origine de la puissance du Golfstream. Malgré l'importance des vérifications précédentés , je crois que la confirmation la plus grandiose de la théorie de l'énergie potentielle des surfaces liquides se trouve dans les phénomènes à la fois mécaniques, caloriliques et électriques, « de ce fleuve au sein de l'Océan, qui, dans les plus grandes sécheresses, jamais ne tarit, dans les plus grandes crues jamais ne déborde, dont les rives et le lit sont des couches d'eaux froides, entre lesquelles coulent à flots pressés des eaux tièdes et bleues; » c’est ainsi que le célèbre Maury caractérise le Golfstream ; sans entrer dans des détails, je dirai seulement aujourd'hui que cet im- mense fleuve doit, comme on sait, sa naissance au grand courant équatorial marchant de la Guinée vers les cótes du Brésil; sur ces dernières le courant en question se divise et envoie l'une des branches, qui a des dizaines de lieues de largeur, le long du Brésil et de la Guyane: bientót cette énorme masse liquide en mouvement se res- serre entre le groupe des petites Antilles, traverse la mer des Caraibes, puis se resserre une seconde fois en s'échauf- fant toujours, dans le canal de Yucatan, longe ensuite les cóles du Golfe de Mexique en charriant d'immenses quan- tités de sable qui, au lieu de diminuer sa force vive, ne font que l'exalter à la surface, comme je l'ai expliqué plus haut; arrivé au détroit qui sépare la Floride de l'ile de Cuba, les eaux non-seulement se resserrent énormément, mais encore viennent butter contre le grand bane de Ba- hama; par ces accumulations successives et prodigieuses de surface perdue, le courant, qui prend dés lors le nom de Golfstream, a aequis une énergie de mouvement qui dé- ( 946 ) passe toute expression; aussi ses eaux, chauflées notable- ment au-dessus de la température de celles qui les bordent latéralement et en dessous, s'élancent avec une vitesse relativement bien grande le long de la côte américaine, parcourent ensuite des centaines de lieues en s'élargissant toujours, et, par là, se retardent en méme temps qu'elles se refroidissent lentement. Ces énormes quantités d'énergie cinétique et de chaleur, jointes aux redoutables décharges électriques qui s'ob- servent dans certaines régions parcourues par les eaux du grand courant équinoxial et du Golfstream , sont dues, selon moi, à la transformation de l'énergie potentielle des surfaces liquides en travail effectif, en chaleur et en élec- tricité. La preuve mathématique de cette assertion m'a été fournie, il est vrai, par un simple filet d’eau; mais la nature , toujours fidèle à elle-même, doit partout produire les mêmes effets par l'action des mémes causes. Du reste, jespére prochainement pouvoir démontrer sur des quan- tités notables de liquide, combien la diminution ou l'aug- mentation de surface augmente ou diminue la force vive des liquides; si mon espoir n'est pas trompé, les ingé- nieurs trouveront peut-étre de nouveaux moyens pour régulariser la vitesse des cours d'eau et pour atténuer ainsi sensiblement les désastres causés par les inondations. — Un petit paradoxe, par M. J. Plateau, membre de l'Académie. Si l'on définit simplement le mouvement perpétuel celui d'un corps qui, après avoir recu une impulsion, COn- tinue à se mouvoir indéfiniment en vertu de sa seule ( 947 ) inertie, je dis que, dans ces conditions, il est réalisable. Tous les mouvements que nous produisons finissent, on le sait, par s'arréter, parce qu'ils rencontrent inévitablement des résistances qui les détruisent, de sorte que, pour main- tenir un mouvement pendant longtemps, il faut l'inter- vention d'une force étrangére qui restitue sans cesse au mobile la portion de mouvement que les résistances lui enlèvent : c’est ainsi que les oscillations du pendule d'une horloge sont entretenues par les petites impulsions de l'échappement. Mais si la force étrangère, au lieu de rendre au mobile le mouvement que les résistances lui font perdre, est employée à annuler ces résistances, le mobile continuera à se mouvoir tant que la force étrangére neu- tralisera les résistances. Or on peut faire usage d'une force toujours présente, telle qu'un courant extrait d'une rivière, et, dans ce cas, le mobile débarrassé des résistances se mouvra indéfiniment en vertu de sa seule inertie. Prenons un exemple : concevons un disque horizontal mobile autour d'un axe vertical fixé au centre de sa face inférieure; soit creusée, au centre de la face supérieure, une cavité hémisphérique de quelques millimétres de dia- mètre; supposons l'appareil installé à côté d'une rivière, et faisons communiquer celle-ci par un tuyau avec un ré- servoir placé plus bas que le niveau des plus basses eaux; construisons ce réservoir de façon à fournir, par un orifice inférieur, un écoulement uniforme et intense qui puisse, quand nous le voudrons, faire tourner avec une grande vitesse le disque ci-dessus. Cela étant, avant de laisser agir notre cours d’eau, déposons par sa pointe, au milieu de la petite cavité hémi- sphérique, une toupie d’une masse suffisante, à laquelle ( 948 ) nous aurons préalablement communiqué une rotation trés-rapide, puis recouvrons aussitót cette toupie d'une cloche en verre dont l'axe coincide avec celui de l'appareil, el qui est maintenue dans cette position par un moyen quelconque; enfin, à l'aide de notre courant d'eau, met- tons le disque, avec la cloche, en mouvement dans le méme sens que la toupie. Aprés un certain temps, on le concoit, les mouvements du disque, de la toupie et de l'air emprisonné sous la cloche, se seront égalisés; alors la toupie ne rencontrera plus de résistance à sa pointe, puisque le solsur lequel elle repose tourne aussi vile qu'elle et dans le méme sens; elle n'éprouvera non plus aucune résistance de la part de l'air ambiant, puisque ce gaz possédera également la méme vitesse angulaire, et l'on aura ainsi le curieux. spectacle d'une toupie demeurant indéfiniment en équilibre sur sa pointe; elle continuera à tourner, non parce qu'on lui restitue du mouvement perdu, mais parce qu'elle n'en perd pas; ce sera le mou- vement perpétuel suivant la définition donnée au commen- cement de cette Note. Seulement, il faudra se débarrasser de l'eau. qui s'écoule incessamment aprés son action sur l'appareil , ainsi que de celle qui provient du trop-plein du réservoir; il suffira pour cela de choisir une localité con- venable. ( 849 ) Quatriémes Additions au Synopsis des Caloptérygines ; par M. Edm. De Selys Longchamps, membre de l'Aca- démie. Le travail que j'ai accompli l'année dernière (1878) pour les Gomphines, je le fais aujourd'hui pour les Caloptéry- gines. Les formes nouvelles à faire connaitre dans cette sous- famille sont proportionnellement tout aussi nombreuses, et sont particulièrement intéressantes, notamment celles qui permettent de compléter les caractères des deux genres Echo et Anisonevra que j'avais établis hardiment sur les seules femelles, mais que l'examen des màles recus récem- nient est venu heureusement confirmer. La Malaisie et l'Asie orientale d'une part, l'Amérique tropicale d'autre part, nous ont apporté un contingent no- table de ces formes locales auxquelles on ne sait s'il faut donner la qualification d'espèces ou celle de races locales. Elles sont le sujet d'une étude qui au premier abord peut sembler futile, mais qui me parait, au contraire, fort digne d'attention, parce qu'elle sert à rassembler des matériaux propres à élucider et à déterminer les lois qui président à la variabilité des espèces. Je remarquerai, à ce propos, que parmi les Caloptéry- gines je vois successivement les sous-genres composés d'un type que l'on croyait unique et isolé nous fournir des formes nouvelles se placant dans les mémes groupes et comblant parfois la différence qui existait entre chacun. Quant aux coupes d'un ordre plus élevé, auxquelles j'ai ( 350 ) réservé le nom de grands genres, je constate que jusqu'ici ils restent bien délimités. La découverte éventuelle de formes rendant illusoire leur séparation indiquerait seule- ment que je me suis trompé dans des cas particuliers, mais laisserait encore intacte la question de principe, qui ne me parait pas encore assez mürie pour donner lieu à une solu- tion définitive. Il faut attendre que l'inventaire de ce qui constitue la nature vivante actuelle soit plus avancé, pour essayer de trancher ces questions théoriques avec quelque chance de süreté. Dans la liste générale des Caloptérygines que j'ai pu- bliée en 1875 à la fin des Troisiémes Additions, cent qua- rante-cinq espéces sont cataloguées, mais dans l' Appendice donné à la fin de la méme année, six autres sont encore ajoutées, ce qui formait un total de cent cinquante et une espèces. Mais il y a lieu d'en déduire trois : la Sylphis elegans étant la femelle de l'angustipennis , la Rhinocypha ustulata paraissant identique avec la petiolata et l'albistigma étant sans doute un àge non adulte de la colorata. Les espéces ou formes nouvelles qui figurent dans ces quatriémes Additions sont les suivantes : Calopteryx hudsonica, Hag. Mairona nigripectus, De Selys. Echo margarita, race tripartita, De Selys. E. uniformis, De Selys. Cleis mesostigma, De Selys. Phaon iridipennis, race SNA Hag. Vestalis sc ig 8, Albard V. smaragdina, De de. Lais PA Mac Lachl. L. fulgida, De Selys L. marginata, De Selys. ( 351 ) Heterina fuscogutlata, De Selys. H. maxim yepe chl. H. miniata, De S Epallage alma, De Se elys. Bayadera hyalina, De Selys. Euphæa brunnea, De Selys. E. refulgens, race Pii s. De Selys. E E. Masoni, De Selys. Libellago ape De xor L. can cella Sely L. asiati end rauer. pad immaculata, De Selys. R. quadrimaculata, race spuria, De Selys. De Se do. Snellemanni, Albarda . M. sumatra arda. Thore suni Mac Lachl. T. ornata, De Selys. T. aurora. De Selys. Euthore mirabilis, Mac Lacbl. meridana, de Selys Cora dualis, Mac Lachl. C. munda, Mac Lachl. C. terminalis, Mac Lachl. C. semiopaca, De Selys. Parmi ces trente-huit formes, trois ne sont probablement que des races locales. Nous connaissons done aujourd'hui environ cent quatre-vingt-trois espéces de Caloptérygines. La description a été complétée pour les espèces sui- vantes dont l'un des deux sexes était inconnu : Echo margarita. s Vestalis apicalis. Q - Heterina majuscula. 9 Euphaa refulgens. Q ( 882 ) Dysphæa dimidiata. Q Anisonevra montana. o Rhinocypha angusta. Q si petiolata, d iom ^ colorata. Q EM Perd o Je ne puis que répéter les témoignages de gratitude que j'exprimais l'année dernière à ceux qui m'ont assisté dans ce travail par leurs précieuses communications, et notam- ment à MM. le docteur Hagen, R. Mac Lachlan et Herm. Albarda. . Liége, 19 mars 1879. SYLPHIS. 1 (Addition). SxLpnis ELEGaNs, De Selys. Le D* Hagen, dans son nouveau Synopsis (1875), donne les ren- seignements suivants, d'où il résulte que la S. elegans (n° 2) est la femelle de l'angustipennis, dont il adopte le nom, mais en proposant de réunir l'espéce aux vrais Calopteryx. Patrie : Brine Creek, Géorgie, le 18 avril.— Beespring, Kentucky en juin. Hagen ajoute : « De cette rare espèce on ne connait jusqu'ici que trois exem- plaires : le mále du British Museum, par Abbot, qui l'a dessiné; un exemplaire femelle jeune et imparfait, et une femelle adulte du Ken- tucky, ees deux derniers dans ma collection. La différence dans la direction du secteur principal (contigu ou non à la nervure médiane) citée par Selys pour le mâle (angustipennis) a été reconnue par moi comme non fondée, aprés un examen répété de ce mâle au pritish Museum. » ( 555 ) Il y a donc lieu de supprimer l'espéce nominale de S. elegans, T" est la femelle de l'angustipennis. CALOPTERYX. Gbis, CALOPTERYX HUDSONICA, Hagen. Calopteryx virginica, De Selys (pars; ©). Le Dr Hagen isole maintenant sous ce nom l'espèce dont j'avais décrit la femelle comme identique avec la materna de Say, dont le mâle est nommé æquabilis par le méme auteur. Il y aurait done lieu à établir la synonymie de cette facon : CALOPTERYX ÆQUABILIS, Say. Agrion æquabilis, Say (c). Agrion materna, Say (9). Calopteryx virginica, de Selys (o"). Patrie : Norway, Maine; Brooklin, Tyngsboro, Massatchusset ; Texas ; Floride ; Géorgie; Virginie ; Canada. CALOPTERYX HUDSONICA , Hagen 1875. Calopteryx virginica, de Selys ; Hagen 1861 (Q) (exclu. syn.). Patrie : Territoire de la Baie d'Hudson; Michipicatan, au nord du Lac supérieur, Canada. Selon le Dr Hagen (1875) trois espèces seraient confondues sous le nom de virginica dans notre Monographie et le Synopsis : La virginica, Westwood (in Drury), de Virginie, serait une femelle de la maculata. Les máles, aussi de Virginie, seraient l'equabilis, Say, nom qui a la priorité sur celui de virginica. Enfin, la femelle de la Baie d'Hudson que j'ai décrite sous le nom de virginica, serait l'espèce nouvelle hudsonica de Hagen (1875). Je ne puis rien dire de la femelle figurée et décrite par Drury, si ee n'est de m'en rapporter à la détermination du D* Hagen, qui la rap- porte à un grand exemplaire de la maculata. Tome vi"*, 4"* SÉRIE. 25 ( 554 ) Mais quant à l'eequabilis (décrite par moi comme le 5" de la virgi- nica), je dois faire observer Hue j'en possède de tailles assez variables et que je ne trouve a 1 ence entre ceux de Boston reçus de M. Morrison, et d’autres laut du Canada D'après ce que m'écrit le Dr Hagen, le måle de l'hudsonica est très- grand, les aìles ayant 38 millimètres de long- i Je dois le croire très- voisin de celui de l'equabilis. Quant à la femelle de la Baie d'Hudson (virginica, Selys), elle ne se sépare des femelles (æquabilis) de Boston qu'en ce qu'elle est plus grande et que le brun enfumé qui termine les ailes est plus étendu, commençant au tiers de l'aile supérieure, et aux trois cinquièmes de l'inférieure (respectivement au quart de l'aile supérieure et au tiers de l'inférieure chez les femelles de Boston). La coloration de la face est un excellent caractère pour distinguer la C. equabilis de la dimidiata. Chez la dimidiata elle est vert métal- lique brillant, y compris la lèvre supérieure. Chez l'equabilis la face est bronzé obscur et la lévre supérieure en partie jaunátre chez les femelles, ou presque noire chez les máles; l'apicalis a la lévre et la face vert métallique brillant. La femelle de l'apicalis a parfois un ptérostigma blane, contrairementà ce que j'ai avancé précédemment. 7 (Addition). CALOPTERYX SYRIACA, Géné. Cette espèce varie beaucoup pour la taille, méme chez des exem- plaires d’une même localité. J'en ai examiné un grand nombre des provenances suivantes : Syrie; Bayrut; Galilée; Astrabad en Perse. Pour ceux de Bayrut, je trouve les dimensions suivantes : abdomen o* 50-59; © 51-37; aile inférieure o' 24-35; ọ 26-55. Les ailes de ces exemplaires sont colorées ainsi qu'il suit : 9" Ailes hyalines, letiers apical (ou un peu moins) subit t noii acier chez l'adulte, ou gris transparent chez les jeunes. Ọ Ailes hyalines légèrement lavées de verdátre avec un faux pté- rostigma blane. Le plus souvent elles sont uniformes, mais quelque- foisle tiers terminal des inférieures est visiblement lavé de brun. Chez ùne variété femelle trés-grande, d Astrabad, coll. Mac Lachlan (abdomen 58, aile inférieure 37), le tiers apical des quatre est subi- | ( 355 ) tement grisátre comme chez le mále jeune (mais avec ptérostigma blanc). La Syriaca imite parfaitement la C. dimidiata de l'Amérique sep- tentrionale; pour l'en distinguer il suffit de faire attention à la couleur de la lévre supérieure et de la base des antennes qui sont jaunes tandis qu'elles sont vert métallique chez la dimidiata et l'apicalis d'Amérique. 9 (Addition). CALOPTERYX SPLENDENS, Harris. Chez la plupart des exemplaires d'Amasia (Arménie) la partie noi- râtre acier du bout des ailes ne commence qu'un. peu aprés le nodus, presque comme chez la race de Mingrélie, dont ils diffèrent parce que le bout extrême des ailes a un limbe hyalin /rès-élroit, mais ce limbe est bien plus restreint que chez la race pere type, qui da reste existe aussi à Amasia. Je mentionne cette légère variété qui d'ailleurs a été dM observée en Europe, mais accidentellement, parce qu'elle concourt à prouver que les diverses autres races que j'ai rapportées à la splendens y :ap- partiennent réellement. MATRONA. 160, MATRONA wicRIPECTUS, De Selys. Abdomen g* 51-53; Q 50. Aile inférieure o* 39-40; Q 45. Très-voisine de la basilaris dont elle n'est net cds une race locale. Elle en diffère par ce qui suit : 1° La poitrine noire dans les deux sexes (fortement tachée de jaune livide chez la basilaris); 2» Les ailes du måle unifi basilaris les nervules transverses de la base jusque vers le nodus sont gris påle, ce qui donne à toute la moitié de l'aile un reflet cendré,. qui disparait insensiblement aprés le nodus. — Enfin, aux ailes supé- rieures, le bout est- enfumé presque hyalin, à partir de la place où serait le ptérostigma); $ tE noiràt (Chez la LE N AURAI ate vp ( 586 ) 5° Le faux ptérostigma blanc de la femelle est très-petit, long de moins de 2 millimètres (de 5 au moins chez la basilaris). Patrie : Khasyia Hills (Bengale), par M. Atkinson en octobre. (Coll. Selys.) ECHO. 18 (Addition). Ecuo marGaritA, De Selys. Abdomen o” environ 47 ; 9 40. Aile inférieure o" 56; Q 57. Diagnose complétée et rectifiée : c" Ailes hyalines; le cinquième terminal environ subitement brun noirâtre opaque. Cette couleur, coupée droit en dedans, comprend le ptérostigma, qui est blane, court, arrondi en dehors ct placé assez prés du bout des ailes. Réticulation serrée, noire, y compris la cos- tale; 50-57 antéeubitales; environ 55-57 postcubitales; 6-9 basi- laires. Corps brun noirátre à reflets bronzés. Lévre supérieure noir luisant, épistome vert métallique foncé. Devant du thorax à reflets vert bronzé. Abdomen gréle, brun trés-foncé, le bout des segments noirátre. Pieds brun noirátre, à cils trés-longs. 9 Semblable ; mais le ptérostigma blanc, beaucoup plus dilaté et arrondi en dessous. Patrie : Un màle incomplet de Cherra Punji (Bengale), en octobre, par M. Atkinson. La femelle, par M. Saunders. (Coll. Selys.) N. B. Le mâle était jusqu'ici inconnu. Race? rniPARTITA, De Selys. Abdomen o 45; © 59-41. Aile inférieure o* 54; 9 55-56. Semblable au type, mais la partie brun opaque des ailes plus éten- due, commencant à mi-chemin du nodus au ptérostigma (aux deux tiers environ chez le type), de sorte qu'elle occupe presque le tiers terminal des ailes. Les exemplaires étant complets, je puis en décrire le bout de Fab- domen, qui manque chez les types. ( 857 ) o" Les quatre derniers segments de l'abdomen noirátres, analogues à ceux des Calopteryx; les supérieurs un peu plus longs que le 10* segment, semi-circulaires, courbés et épaissis au bout, denticulés en dehors. Les inférieurs à peine plus courts, droits, écartés, minces, un peu épaissis à la base. 9 Les quatre derniers segments brun noirátre. Le 10* à peine ca- réné, ayant presque la moitié de la longueur du 9*, mais plus mince. Appendices anals un peu plus courts, noirâtres, coniques, pointus, écartés. Lames vulvaires atteignant presque le bout de l'abdomen, à peine denticulées. Patrie : Khasyia Hills, en octobre, par M. Atkinson. (Coll. Selys.) N. B. L'examen de mâles complets du sous-genre Echo prouve qu'il est très-voisin des Sapho et des Mnais par les appendices anals. 1855 Ecmo? unirormis, De Selys. On peut donner ce nom à un CATENE ides que j'ai vu au Mu- seum de Vienne. Sa stature est celle de PE. margarita, mais ses ailes sont uniformé- - ment hyalines un peu bleuátres, irisées, ayant à peu prés l'apparence de celles de la Cleis cincta. Le ptérostigma est petit. Cette espéce curieuse, que je n'ai pas examinée en détail, est pro- bablement du sous-genre Echo, car l'espace basilaire est réticulé. Le corps est vert métallique foncé. Patrie : Sumatra. MNAIS. 19 (Addition). Mnaïs PnvINOSA, De Selys. Il est possible que les quatre formes de Mnais décrites ne consti- tuent en réalité qu'une seule espéce. Il y en a trois, surtout, qui semblent passer de l'une dans l'autre : la pruinosa, la costalis et l'Andersoni; chez elles la réticulation est rousse ou jaunátre, et les ailes du mâle sont en outre plus ou moins teintes de jaune, de roussátre ou de brun clair depuis le quadrila- tere. xs ( 958 ) Chez la strigata, qui semble mieux caractérisée, la réticulation est noire et les ailes sont incolores ou très-légèrement lavées de verdàtre pâle. SAPHO. 22° (Addition). Sapno Groni0sA, Mac Lachlan. Le mâle décrit sous ce nom ne parait différer de celui de la S. ori- chalcea Mac Lachlan, que par la bande transverse médiane laiteuse des quatre ailes. Comme on n'enconnait qu'un seul exemplaire et qu'il n'est guère possible d'établir une ligne de démarcation entre les fe- melles attribuées à l'une ou l'autre de ces deux formes, je crois que l'on peut supposer que ce mále à bande verte comme les femelles , CRE est une anomalie de la S. orichalcea, dont 1 à l'espéce, comme étant le plus ancien. CLEIS. 25*"5, CLEIS MESOSTIGMA, De Selys. 9' Abdomen 53-58. Aile inférieure 29-55 . tie 21%), Le seul caractère qui l'en distingue, c'est le ptérostigma qui est plus court, long de 1 */,"» seulement, tandis que chez la longistigma il a 2 à 2 1|," et chez la cincta à peine 4 millimètre. La taille est aussi un peu moindre. Patrie ; Mongo-ma, Lobah (Camaroons). Communiquée par M. Mac Lachlan. (Coll. Selys.) N. B. J'ai vu quatre mâles trés-sembla bles. : Le secteur nodal se détache du principal dans le prolongement oblique de la veine du nodus, comme chez la longistigma, tandis que chez la cincta ce secteur prend naissance environ deux cellules avant le point où cette veine oblique du nodus touche le secteur principal* C'est un caractère diagnostique important à noter. la longistigma (3° Add. ( 359 ) PHAON. 24 (Addition), PHAON 1RIDIPENNIS, Burm. Race : FULIGINOSUS, Hagen. Ressemble tout à fait au type pour la coloration, n’en différant que par l'absence complète de ptérostigma. J'ai eu sous les yeux plus de vingt exemplaires se répartissant entre les deux formes. PHaon 1RIDIPENNIS, Burm. (Type.) g' avec un ptérostigma brun clair, oblong , couvrant 2-5 cellules, long de 4 1/, à 4 ‘/, millimètre. Patrie : Port Natal; Cafrerie; Zanzibar; Congo; Guinée; Cama- roons; Majila. . B. Je n'ai pas encore vu de femelle avec un ptérostigma. Paaox ruLIGINOSUS, Hagen. d” et Q sans ptérostigma. Patrie : Port Natal; Cap; Conge; Gabon; Angola; Majila. — Madagascar. Ce qui fait eroire qu'il n'existe pas deux espéces, c'est la circon- stance que les deux formes se rencontrent dans les mémes localités (excepté à Madagascar) et que l'on n'a pas encore vu de femelle pour- vue d'un ptérostigma. NEVROBASIS. 17 (Addition). NEvVROBASIS CHINENSIS, L. Plus je vois de Nevrobasis de diverses provenances, et plus je suis porté à eroire qu'il n'existe en réalité qu'une seule espéce modifiée en trois ou quatre races locales, dont les caractéres ne sont pas tou- jours constants. Le point de naissance du secteur nodal (duis le prolongement de la veine du nodus chez la Chinensis ou bien auparavant chez la Kaupi) qu'on avait eru un très-bon caractère, est parfois variable. ( 960 ) A Sumatra, la race est la Chinensis type, puisque la femelle y pos- séde, en effet, un faux ptérostigma anormal blanc allongé aux ailes inférieures entre le nodus et le faux ptérostigma ordinaire; mais le point de départ du secteur nodal y est variable et se présente sou- vent comme chez la Kaupi, quoique la coloration des ailes soit celle de la Chinensis. J'observe la méme variation chez la florida qui n'est qu'une race de la Chinensis, dont elle ne différe que par l'absence du méme pté- rostigma chez la femelle. Ces exemplaires anormaux de florida, quant au secteur nodal, sont de Borneo. Il faut convenir, cependant, que chez la Kaupi, si remarquable par les ailes inférieures du mâle d'un bleu métallique brillant, le point de départ du secteur nodal parait fixe. A propos de cette dernière forme, j'ai à eiter une variété locale. Les exemplaires des Philippines (Luçon) pris par le professeur Semper, ont la stature de la florida, les ailes inférieures étant visiblement plus étroites et moins arrondies au bout que le type de Célébes. On pourrait donner à cette race le nom de Nevrobasis Kaupi Luzoniensis. VESTALIS. 26Vis (Addition). VESTALIS MELANIA, De Selys. Abdomen o" 40-46 ; Q 58-42. Aile inférieure o" 50-56 ; Q 54-58. Dans les 5*5 Additions (26"s ) je n'ai connu que les jeunes. Voici le signalement des deux âges : o' Adulte. Largeur de l'aile variant de 10 à 12 ‘/,ww, en rapport avec la taille qui est trés-variable. Les quatre entièrement opaques, d'un noir acier métallique à reflets bleu acier ou vert foncé. Le corps en entier d'un noir mat. c" Jeune. Les ailes d'un gris enfumé foncé, un peu irisées. Ọ Les ailes larges de 11-12 millimètres, selon la taille. Leur colo- ration est variable. . Jeunes. Ailes d'un gris enfumé presque uniforme, semi-hyalines. Adulte. Chez un exemplaire elles sont noirâtre acier irisé, presque opaques, à reflet violet brillant, surtout au bout; leur première moi- tié est moins opaque, surtout au bord postérieur. ( 961 ) Chez un autre individu, les ailes inférieures sont seniblables (un peu transparentes) jusqu'au nodus, mais les ailes supérieures n'ont que le tiers terminal acier opaque, le restant étant enfumé transpa- rent (plus obscur le long de la cóte). Cet exemplaire, par le bout opaque des ailes supérieures, rappelle un peu la femelle de la V. api- calis. Patrie: Lucon, Mindanao. 26ter, VESTALIS LUGENS, Albarda. Abdomen gc" 40-44; © 40. Aile inférieure o" 35-54; Q 55 © Adulte. Taille assez grande, grêle. Ailes plissées, modérément élargies au milieu (larges de 9-10»). Le nodus placé au tiers basal de l'aile. Environ 23-26 antécubitales aux supérieures. Les ailes en entier noir opaque à reflet bronzé cuivreuz. Corps noir mat en entier, excepté la face qui est d'un noir luisant et la premiére moitié de l'abdomen en dessus, qui est un peu brune mais nullement acier ni verdátre. o" Plus jeune. Ailes d'un brun noirátre, pas complétement opaques; la réticulation noire; le centre des cellules brun obseur. o" Jeunes. Ailes gris enfumé. Les pieds brun noirátre. Q? Ailes hyalines (larges de 109») d'un jaune un peu olivâtre à reflets faibles vert clair et cuivre rouge. Les nervures — les ner- vules roussâtres. Lévre supérieure vert métallique foncé. Le reste de la face et du dessus de la téte vert bronzé plus obseur. Une tache aux coins de la bouche et les deux premiers articles des antennes jaunes. Thorax vert bronzé obseur en dessus; le dessous et les sutures latérales roussà - tres. Abdomen brun roussâtre un peu chatoyant; les articulations et la suture ventrale noires. Pieds noirâtres; l'intérieur des fémurs jaune. Patrie : Sumatra (Musée de Leyde). Les jeunes pris en mars, l'adulte en novembre. Probablement aussi l'ile de Nias, au N. O. de Sumatra, si c’est la méme espèce que Malle que le D* Hagen (in Litteris) a désignée sous le nom de Vestalis corac N. B. Trés-voisine de la melania (3° et ye Additions, n° 26"'* ) des Iles Philippines, dont elle n'est probablement qu'une race locale. Le * ( 962 ) mâle s'en distingue par les ailes moins élargies, à reflets bronzé cui- vreux chez l'adulte, et par le nombre de nervules antécubitales beau- -coup moins grand. Il se sépare de la luctuosa, de Java, par les ailes un peu plus larges à reflet bronzé cuivreux et nullement bleu acier, el par le corps noir mat. (ll est acier bleuátre, ou vert métallique chez la luctuosa mâle.) Quant à la femelle, assez douteuse, elle est à peine distinete de celle de la luctuosa par la lévre supérieure et le dessus de la téte d'un vert métallique plus foncé, moins brillant également au thorax (1). Si cette femelle unique appartient réellement à la lugens, elle serait bien séparée de celle de la melania, chez qui toute la tête et le corps sont noirâtres, sans coloration métallique et sans taches jaunes ou roussá- tres et dont les ailes sont aussi en grande partie noirátres. Si, au con- traire, c'est une luctuosa, cela prouverait que cette dernière habite à la fois Java et Sumatra. 27bis (Addition). VEsrALIS APICALIS, De Selys. Je crois pouvoir y rapporter, comme en étant la femelle, jusqu'ici inconnue, un exemplaire de l'Inde, qui diffère surtout de la gracilis parce que les ailes sont un peu salies et que leur extrémité (le tiers ou le quart apical environ) devient insensiblement brun fuligineux presque opaque. 27'*r, VESTALIS SMARAGDISA, De Selys. Abdomen o* 42-45; Q 58. Aile inférieure o" 52-55; 9 54. Taille grande, gréle; abdomen long; ailes à peine élargies au milieu, plissées, hyalines à peine irisées; la base ct la cóte légére- ment jaunátres; réticulation brune (&"), roussátre clair (9); 20-24 antécubitales; environ 40 posteubitales aux supérieures. Le nodus aux deux cinquièmes de l'aile. (1) M. Albarda me fait encore remarquer que la femelle de lugens à les lobes latéraux de la lévre inférieure jaunes (la lévre toute noire chez luctuosa), que ses nervules antécubitales sont moins nombreuses : 24-25, au lieu de 25-50 : et par le quadrilatère plus court: long de 6?» (long de 7»m chez luctuosa) aux ailes inférieures. iis ( 565 ) Vert métallique brillant en dessus, y compris la lèvre supérieure el le rhinarium ; antennes noires. Dessous du thorax jaune d'ocre, y compris les trochanters, cette couleur s'étendant aux cótés sur tout le dernier espace latéral et sur une partie du second. Les côtés du åer segment et une partie du dessous au 2* également jaunes. o Pieds noirâtres. Le vert bronzé de l'abdomen plus foncé et moins brillant au bout. Appendices anals noirátres. 9 Pieds roussátre terne ainsi que le dessous de l'abdomen et les valvules vulvaires. Le dessus du 9° segment vert brillant; le 40° ob- seur, son bord pointu au milieu. Appendices anals coniques, pointus, obscurs, un peu plus longs que le dernier segment. Patrie : Khasyia Hills (Bengale) en octobre, par M. Atkinson. (Coll. Selys.) N. B. Espèce bien remarquable, ressemblant à la gracilis par le dessous du thorax et une partie des côtés jaunes; mais très-distinete par sa taille moindre, la lévre supérieure vert métallique et les antennes noirátres (ces parties sont jaunes chez la gracilis). Elle se rapproche de l'amena par la taille, mais s'en sépare égale- ment au premier coup d'œil par la lèvre supérieure vert métallique, les antennes noirâtres et en outre par le troisième espace latéral du thorax jaune (il est vert métallique chez l'umena). Dans la collection recueillie par feu M. Atkinson, se trouvait aussi la gracilis, prise à Ghasi-Dusa, en novembre 1868. LAIS. 2855, L Ais IMPERATRIX, Mac Lachlan. Trans. Soc. Ent. London, avril 1878 Q Abdomen 48-50. Aile inférieure 41-45. o Inconnu. 9 Taille trés-grande. T vrai piérostigma brun très-petit à peine plus long que haut, couvr e cellule et demie aux ailes inférieures seulement. Le champ os tt des quatre ailes avec deux rangs plus au moins complets de cellules réguliéres jusqu'au bout du quadrila- tère. Ailes assez larges (de 9 à 10m») hyalines mais ayant une légère ( 564 ) apparence rougeátre à cause de la réticulation qui est entiérement rouge vif, excepté la nervure costale qui est noire; 52-54 antécubi- tales aux supérieures. D'un vert métallique brillant en dessus et sur les cótés. Une tache latérale à la lévre supérieure et la base des antennes jaunes. Lévre inférieure et derrière de la tête noirs. Cótés du thorax avec quatre fines lignes jaunes, qui deviennent presque noires chez les adultes. Poitrine noire avec un cercle, les trochanters avec quelques taches jaunes. Abdomen vert bronzé en dessus jusqu'au 4° segment, passant ensuite au noir à reflets violets, Un point latéral au 4° et une ligne latérale au 2* jaunes, souvent presque oblitérés chez l'adulte. Le des- sous noir. Une caréne dorsale au 10* segment. Appendices anals un peu plus courts, coniques, noirs, bruns à la base. Pieds noirs. Patrie : Intaj (Équateur). Quatre femelles prises par M. Buckley et communiquées par M. Mae Lachlan. (Coll. Selys.) V. B. Différente de toutes les autres espèces de Lais et d' Heterina par la présence d'un ptérostigma aux ailes inférieures seulement. Aux supérieures il y a une nervule un peu épaissie à la place oü il devrait exister. Bien que le mále soit encore inconnu, et qu'on n'ait vu jusqu'ici aucune Lais possédant un ptérostigma, M. Mae Lachlan et moi, nous pensons que l’imperatrix appartient à ce sous-genre, parce que le champ postcostal des ailes supérieures n'a que deux rangs de cel- lules. La présence du ptérostigma aux ailes inférieures la sépare facile- ment de la femelle de la globifera, et l'absence de cette marque aux supérieures empêche de la rapprocher de la femelle de l'Heterina Borchgravii, dont l'espace postcostal aux mêmes ailes est de 3 à 4 rangs de cellules. Ces deux espèces sont d'ailleurs notablement moins grandes que l'imperatria. ( 565 ) 29bis, Laïs FULGIDA, De Selys. (Race p'anea?) Abdomen c* 35; 9 29. Aile inférieure g* 25; Q 26 !/.. g' M. Mac Lachlan m'a communiqué une Lais dont le mâle se rap- proche beaucoup de l'enea par les appendices anals supérieurs qui, en dedans, aprés la dilatation basale, ont une forte dent médiane arrondie, suivie immédiatement d'une plus petite triangulaire. Je n'ose la rapporter à l'enea du Para, parce que sa taille est plus forte, et que la coloration de l'abdomen est d'un cuivre rouge beau- coup plus brillant que chez l'enea. L'exemplaire est jeune, de sorte que la gouttelette terminale obscure des ailes inférieures n'est que faiblement indiquée, Il faut rapporter au mále de la fulgida l'exemplaire de Peba (Haut Amazone) décrit avec doute (2° Additions, n» 30 add.) comme le jeune âge de la cupræa. 9 Semblable au mâle pour la coloration, mais les ailes sans gout- telette terminale obscure. Élle diffère de l'enea par sa taille plus forte, ses ailes nullement salies et le corps à reflets cuivreux vifs; mais elle est fort difficile à séparer de la femelle de la cuprea. Cette derniére cependant est ordinairement plus petite et ses ailes sont le plus souvent salies ou un peu ocracées. Patrie : Rio Napo (Équateur). 30bis (Addition). Lais HauxweLLI, De Selys. Un exemplaire måle du Pérou oriental appartenant à la collection de M. Mac Lachlan, est encore plus grand que le type du Haut-Ama- zone de la méme collection, décrit aux 2wes Additions n° 50*'s : Ab- domen 42; aile inférieure 50. Il diffère aussi du type parce que l'espace sous-costal jusqu'au nodus est brun fuligineux, ce qui forme une raie encore mieux mar- quée que chez la cupræa; raie qui manquait chez le type de l'Zauz- welli. Une femelle recue avec le mále du Pérou oriental y appartient probablement, et diffère de celle décrite aux 5™mes Additions n° 30h, parce que sa réticulation est rougeátre. ( 366 ) 32bis, Laïs MARGINATA, De Selys. o* Abdomen 55. Aile inférieure 26. Taille moyenne. Ailes étroites, hyalines, à réticulation noire, 21 antéeubitales aux supérieures; le bout des inférieures fortement limbé de fuligineux obscur. Tête et thorax noirâtre bronzé; trois lignes fines jaunátres aux côtés du thorax et des taches à la poitrine. Abdomen cuivre rouge foncé en dessus, noirâtre en dessous. Pieds noirs. Appendices anals noirs; les supérieurs modérément courbés au bout, qui est briévement cilié en dehors, ayant en dedans une dilata- tion basale finissant au premier tiers, suivie d'une dent médiane sub- triangulaire, aprés laquelle se voit üne dent obtuse plus petite avant le bout, qui est incliné en dedans. Appendices inférieurs presque droits, minces, ayant plus de là moitié des supérieurs, leur extrémité à peine capitée. Q Inconnue. Patrie : Pérou occidental. Un uà] unique, communiqué par M. Mac Lachlan. N. B. Par le bout des ailes inférieures, qui est limbé de brun et non marqué d'une gouttelette, cette espèce se place entre la metallica et la hyalina, mais elle en est distincte par le limbe qui est plus étendu, plus obscur, et par la dilatation médiane des appendices supérieurs en dent triangulaire suivie d'une petite dent bien dis- liuete, La hyalina du Brésil est d'ailleurs plus grande et chez — la téte, le thorax et l'abdomen ne sont nullement cuivrés. HETÆRINA. s 33 (Addition). HETÆRINA SaANSuINEA, De Selys. L'espèce parait habiter aussi le Pérou oriental. Les deux måles indiqués de cetté provenance ont la gouttelette apicale rouge des ailes inférieures peu marquée et les appendices anals inférieurs cylindri- ques et aussi longs que la moitié des supérieurs. Ils sont dans le genre ( 967 ) de ceux de la caja, comme également chez l'un des måles d'Ega (Haut- Amazone). Chez trois autres mâles de Ega et de St-Paulo (méme contrée) pro- venant des récoltes de M. Bates, les appendices inférieurs sont trés- courts, coniques, n'égalant que le quart des supérieurs, en un mot à peu prés comme chez le type figuré dans la Monographie, planche X, figure 6. — Il est bon cependant de prévenir que la figure citée est exagérée, car en réalité ces appendices ne sont pas tronqués, presque fourchus comme le dessin l'indique; leur branche externe (principale) est courte, il est vrai, mais conique, et un peu plus longue que la dila- lation basale interne. D'après ce que l'on voit chez les espèces voisines, je crois que c'est la forme à appendices inférieurs très-courts que l'on doit considérer comme une aberration, à laquelle on pourrait donner le nom de bre- vistyla. 46"*, HETÆRINA FUSCOGUTTATA, De Selys. Comptes rendus de la Soc. Ent. Belg., février 1878. Abdomen o* 42-45; 9 34. Aile inférieure g" 29-30; Ọ 28. Taille grande, 26-52 antécubitales. a Tache basale rouge et quadrilatère à réticulation rouge excessi- vement fine. La tache basale rouge des supérieures petite, n'existant que dans l'espace postcostal, s'arrétant au bout du quadrilatère et ne touchant pas tout à fait le bord postérieur. Celle des inférieures nulle, n'étant indiquée que par le réseau rouge à la place qu'elle occuperait de la base jusqu'au bout du quadrilatére. La pointe extréme des quatre ailes avec une gouttelette d'un brun noirátre adossée au bord, un peu plus forte et presque ovale aux inférieures. Corps noirâtre bronzé, varié de jaunátre. Lèvre supérieure noire; rhinarium jaune; devant du thorax noirâtre à reflets cuivre rouge, les côtés brun chatoyant avec trois raies jaunes, la dernière termi- nale. Poitrine cerclée de noir. Abdomen grêle, noirátre bronzé, avec quelques marques jaunâtres aux côtés des 2* et 3° segments. Pieds noirs. Appendices anals supérieurs noirátres, un peu plus longs que le ( 568 ) dernier segment; leur dilatation médiane forte, subquadrangulaire , à peine émarginée. Les inférieurs un tiers plus courts, subconiques. o" Trés-jeune. Les taches basales rouges des ailes indiquées seule- ment par la couleur de la réticulation, et les gouttelettes terminales par une nuance enfumée. Q Jeune. Ailes hyalines, sans gouttelettes terminales. La réticula- tion basale rouge pâle jusqu'au bout du quadrilatére. Corps gris-brun, avec dessins obscurs faiblement indiqués. Patrie : Panama. (Coll. Selys.) N. B. Parmi les Hetærina sans ptérostigma dont le mâle porte une tache basale rouge aux ailes et qui ont les pieds tout noirs, la fuscoguttata forme un paragraphe nouveau caractérisé par la goutte- lette brun-noirátre qui termine les quatre ailes, rappelant ainsi l'oc- cisa de la section à ptérostigma. — Mais cette dernière, ayant les appendices anals inférieurs élargis au bout en raquette, ne peut étre confondue avec la fuscoguttata, méme lorsque son ptérostigma est nul comme cela se voit chez la variété asticta. 98 (Addition). HETÆRINA Ma3UsCULA, De Selys. J'ai examiné sept mâles et une femelle recueillis par M. Rogers au volcan d'Irazu (Costa Rica) entre 6000 et 7000 pieds anglais d'alti- tude. Ces exemplaires communiqués par M. Mac Lachlan me sem- blent identiques avec ceux du Venezuela. Tous possédent le ptéro- stigma. Les måles adultes ont une gouttelette rouge au bout des ailes inférieures et un vestige aux supérieures. Les jeunes n'offrent aucune de ces marques, et leurs taches basales sont d'un rouge pále. Chez la femelle (jusqu'ici non décrite), dont l'abdomen a environ 58mm et les ailes inférieures 37, il y a 50-52 antécubitales. Les ailes sont un peu lavées de brun roussátre jusqu'aprés le quadilatére, et dans cette partie la réticulation est rousse. Le ptérostigma oblong et noirátre couvre deux cellules. La téte est noire, mais l'épistome bleu acier, et le reste du dessus un reflet vert bronzé. Les coins de la bou- che et les deux premiers articles des antennes sont jaunes; le pro- thorax noir; le thorax vert bronzé en avant avec une bande juxta- humérale jaune, rétrécie vers le haut, les cótés vert bronzé avec ( 369 ) trois raies jaunes, la derniére terminale. L'abdomen vert bronzé foncé (le bout manque). Les pieds noirs. Cette femelle ne parait guére différer de celle de la capitalis que par la taille et par quelques nervules antécubitales en plus. Quant aux máles des deux espéces ou races voisines, il est toujours douteux s'ils sont réellement distinets, malgréla grande différence de taille. Il me parait cependant que chez la capitalis la dilatation mé- diane interne des appendices supérieurs est moins saillante et non divisée en deux par une échancrure, et que les appendices inférieurs, conformés d'ailleurs comme chez la majuscula, sont dépourvus du fort pinecau de poils qu'ils portent à leur extrémité chez cette der- niére espéce. 55r, HETÆRINA MAXIMA, Mac Lachlan. Ent. month. Magaz., avril 1879. Q Abdomen 58. Aile inférieure 40. 9" Inconnu. 9 Jeune. Ailes un peu jaunâtres, sans plérostigma; réliculation d'un brun roux, mais rougeàtre à la base et jusqu'aprés les quadri- latéres. Un grand nombre de nervules dans les quadrilatéres (envi- ron 20) et dans l'espace médian (plus de 50). L'espace postcostal des supérieures jusqu'au secteur inférieur du triangle rempli par un nombre trés-considérable de petites cellules, comme chez le mále de la majuscula; 27 antécubitales aux ailes supérieures. Tête robuste. Lévre supérieure acier; épistome bleu-verdâtre inétallique brillant. Dessus de la téte bronzé, Coins de la bouche et base des antennes jaunes. Thorax noiràtre chatoyant, avec une ligne sur la suture dorsale, unc juxtahumérale et trois latérales jaunes. Abdomen noirâtre bronzé, Appendices anals coniques, noirâtres. Pieds brun-noirâtre. Intérieur des fémurs et extérieur des tibias jaunâtre pâle. Patrie : Le volcan d'Irazu (Costa Rica) entre 6,000 et 7,000 pieds anglais d'altitude, Une femelle unique prise par M. Rogers, et com- muniquée par M. Mae Lachlan. 2"* SÉRIE, TOME XLVII. 94 ( 570 ) N. B. On serait tenté de la considérer eomme une variété sans ptérostigma de la majuscula, qui a été recueillie en méme temps ; mais la réticulation si serrée de l’espace posteostal, surtout aux ailes supé- rieures où elle est semblable à celle des måles , est un fait tellement extraordinaire, que l'on doit suspendre tout jugement, d'autant plus que l'exemplaire est encore plus grand que la femelle de la majuscula ; la lévre et l'épistome sont beaucoup plus métalliques, les lignes jaunes du thorax plus étroites et les tibias pàles en dehors. M. Mac Lachlau fait remarquer que la couleur des pieds rapproche un peu la maxima de la basalis dont la femelle a la base des ailes assez forte- ment réticulée, laquelle basalis aurait pour forme anormale sans ptérostigma la californica. Je trouve vraisemblable la supposition de M. Mac Lachlan, car la californica a la grande et robuste taille de la basalis, tandis que l’americana du Mexique occidental est plus petite et que son mále a des taches basales rouges un peu moins éten- dues. 581-7, HETÆRINA MiNIATA, De Selys. o" Abdomen 58. Aile inférieure 27. Taille moyenne. Ptérostigma petit, obscur, couvrant une cellule ; 29 antécubitales aux ailes supérieures. Ailes hyalines à gouttelette apicale rouge, forte aux inférieures, un léger vestige aux supérieures, dont la tache basale rouge est arrondie en dehors, oü elle dépasse notablement le quadrilatére, arrivant aux deux tiers de l'espace antécubital, et occupant la base de l'aile dans toute sa largeur. La tache des inférieures dépassant un peu le quadrilatère, mais pro- longée jusqu'au nodus dans l'espace costal el sous-costal. A ces der- nières ailes la tache hasale ne dépasse pas la nervure postcostale. Tête noire. Lévre supérieure et épistome acier noirâtre. Pro- thorax noirâtre bronzé. Thorax noir bronzé, à reflets cuivreux, sur- tout en avant, avcc une fine ligne à la suture humérale et trois autres sur chaque côté jaune pâle, la dernière terminale. Abdomen noir bronzé à reflets cuivreux sur les premiers segments. Appendices anals noirâtres ; les supérieurs ayant presque le double du 10* segment, en pinces semi-cireulaires , dilatés en dedans jusqu'à moitié de leur longueur, et une seconde fois aux deux tiers où commence le bout courbé. Appendices inférieurs excessivement courts (ou mutilés ?), . B. D'après un seul exemplaire il est imprudent d'émettre un avis définitif lorsqu'il s'agit d'un genre si nombreux e si difficile que celui des Hetærina. Je n'ai pu cependant réunir à la capitalis ce mále parce que la tache basale rouge des ailes est plus étendue et se prolonge aux inférieures sous forme de raie jusqu'aux nodus, ca- raetére unique jusqu'ici parmi les espéces pourvues d'un ptéro- stigma. La miniata s'en distingue encore par l'épistome à peine métal- lique et la ligne jaune terminale du thorax trés-étroite. Quant aux caractéres des appendices anals, je ne les signale qu'avec réserve, parce que ces organes sont en mauvais état. EPALLAGE. 61 (Addition). EPALLAGE FATIME, Charp. J'ai reçu d'Amasia (Arménie), par le D* Standinger, un grand nombre d'exemplaires de forte taille : abdomen o" 54-55; © 55-54. Aile inférieure o” 34-35; Ọ 55-57. Chez cux, le limbe apical noir des ailes est plus étroit, ne commencant qu'à l'extrémité du ptérostigma. Chez les femelles jeunes, ce limbe est à peine enfumé. Le Dr Hagen doute qu'ils appartiennent à la vraie fatime. On pourrait donner à cette forme le nom d'amasina. Les types de la fatime normale, examinés par Hagen et par moi, proviennent de Turquie (type Charpentier), Gréce en Acarnanie (par Krüper); Mermeriza en Asie-Mineure (par Schneider) et Chypres (par Lederer). Ils sont plus petits: abdomen o" 52, 9 28-51. Aile in- férieure o" 52 9 28-30, Leurs dimensions se rapprochent assez de celles de la petite femelle de Davas (Asie-Mineure) à ailes fortement enfumées dès Je ptérostigma, que j'ai nommée provisoirement anatolica. ( 972 ) M. Mac Lachlan a recu d'Astrabad (Perse) une femelle ayant cette petite taille (abdomen 27 ; aile inférieure 28), mais dont le bout des ailes n'est nullement obscurci, ce qui tient probablement à l’âge jeune. Je erois du reste que ces deux ou trois formes appartiennent à une méme espèce. On sait que les Euphea comme les Calopteryx sont souvent variables. ; 61*5, EPALLAGE ALMA, De Selys. 9 Abdomen 53. Aile inférieure 56. g' Inconnu. Q Ailes étroites, à peine pétiolées, légèrement salies, à réticulation brune; fortement teintes de brun jaunâtre depuis la basc jusqu'au nodus (et méme un peu plus loin aux inférieures), le brun fuligineux formant une sorte de réscau parce que le centre des cellules est 1 peu plus clair. Ptérostigma allongé, jaune clair entre deux nervures noires, couvrant 5 cellules (long de 5 */.). Le bout des ailes depuis la moitié du ptérostigma brun noirátre opaque; 11-12 antécubitales, 17-18 posteubitales aux supérieures. Le secteur principal contigu à la nervure médiane aux ailes supérieures seulement et pendant un espace trés-court (comme chez la fatime). e acea Ug n TM roussátre art marqué de noir. Téte à lalévresupérieure ; une tache courte en der diil sur le devant du front, le dessus de la tête noiråtre, avec une tache ronde brun clair entre les ocelles etles yeux. rd de l'oceiput brun. Derrière des yeux obscur, saupoudré de blanchátre pulvérulent vers le bas. Prothorax noiràtre; sa base, une tache médiane sur chaque côté ct les coins du lobe postérieur bruns; ce dernier divisé en deux fes- tons se terminant en pointe latéralement. Thorax brun, marqué de noir ainsi qu'il suit : une bande dorsale et une antéhumérale droites, une raie à la suture humérale et une à la seeonde latérale. Entre l'humérale et la premiére latérale une raie isolée courte. Abdomen épais, brun clair, marqué de noir, savoir : un cercle aux ( 973 ) articulations; au 2* scgment une petite tache postérieure de chaque côté de l’arête dorsale, aux 3-9° un cercle fin aprés la base, une raie de chaque côté de l'aréte dorsale, une bande latérale et une à la suture ventrale; au 10* une bande basale transverse interrompue en dessus. Ce debili segment court, non redressé, à bord à peine échancré, Appendices anals coniques, gris brun, un peu plus longs que le dernier segment. Valves vulvaires n'atteignant pasle bout de l'abdomen. Pieds robustes, d'un brun noirátre, l'intérieur et une ligne externe aux fémurs jaunâtres. Patrie : Astrabad (Perse). Communiquée par M. Mac Lachlan. N. B. Stature et dessins comme chez la fatime, mais distinete par les ailes d'un brun fuligineux depuis la base jusqu'au nodus. BAYADERA. 60bis. BAvApERA nvALINA, De Selys. o" Abdomen environ 56. Aile inférieure 51. Taille assez grande, gréle. Ailes très-étroites, hyalines; 19-20 antécubitales, 22 posteubitales aux supérieures ; ptérostigma brun foncé allongé (long de 5"), cou- vrant 5 cellules. Le secteur principal contigu à la nervure médiane aux quatre ailes pendant un long espace (comme chez l'indica). D'un brun noirátre marqué de jaunâtre ainsi qu'il suit: la lèvre supérieure, les joues, une grande tache latérale au prothorax; cinq lignes de chaque côté du thorax, savoir : une prés de l'aréte dorsale ; une humérale, une à la premiére et à la seconde suture latérale, ces trois dernières un peu élargies en bas, enfin une bande terminale ne touchant pas le bas. La poitrine jaune livide. On voit une petite tache livide aux côtés du 1*7 segment de l'abdomen qui est gréle (les 7-10* manquent). Pieds robustes, courts, noirâtres avec vestiges d'une ligne plus claire aux fémurs, Q Inconnue. Patrie : Khasyia Hills (Bengale), par M Atkinson, un måle unique. (Coll. Selys.) ( 974 ) N. B. Cette espèce diffère notablement de l'indica par sa taille petite et gréle, les raies latérales jaunes du thorax étroites et le bout des ailes hyalin comme le reste (le bout des ailes noiràtre chez l'indica). | La découverte de celte espèce vient confirmer la création du sous-genre Bayadera démembré des Epallage proprement dites. * EUPHÆA. Gi (Addition). Eupaæx aspasia, De Selys. o Jeune. Elle diffère de l'adulte parce que, les ailes entièrement transparentes, simplement enfumés, ont la réticulation brun foncé. Aux supérieures on voit une nuance un peu plus foncée le long de la cóte. Aux inférieures la méme nuance (probablement métallique chez l'adulte) est plus étendue, commencant largement vers le qua- drilatére, mais sans toucher la côte et s'arrétant subitement et transversalement à mi-chemin du nodus au ptérostigma. La téte, dont le fond est noir, est marqué de jaunátre un peu roussátre, ainsi qu'il suit : deux taches à la lévre supérieure, une aux coins de la bouche, les joues et un gros point entre les ocelles et les yeux; enfin, au prothorax, le bord postérieur et une tache latérale sont jaunátres. = © Elle est toujours inconnue, les exemplaires de Java que je lui avais attribués appartenant à la variegata. Patrie : Sumatra. 64**, EUPHÆA BRUNNEA, De Selys. o" Abdomen 33. Aile inférieure 51. ` Taille assez grande; stature robuste. Ailes à peine pétiolées, les inférieures non dilatées; réticulation brun-jaunátre, la nervure costale noire. Les quatre notablement lavées de brun jaunâtre, mais cette couleur disparaissant insensiblement vers le nodus aux supérieures, un peu avant le ptérostigma aux inférieures; celui-ci brun, long de 2mm 1} ; le secteur nodal naissant de la veine du nodus; 25 à 27 anté- cubitales aux supérieures. ( 375 ) Brun-noirâtre; joues un peu jaunátres ainsi qu'une tache latérale elle bord postérieur du prothorax. Sur le devant du thorax une ligne antéhumérale et une juxtahumérale, et sur les côtés trois à quatre bandes mal arrétées jaunátres ainsi qu'une partie de la poitrine. Abdomen brun bronzé; le bout des 3-6* segments noir, le 7° noir. Les côtés et le dessous des 1-5* jaunâtres ainsi qu'un point basal latéral, suivi d'une ligne aux 4-6*. (Les 9-10* segments manquent.) Q Inconnue. Patrie : Khasyia Hills (Bengale), par M. Atkinson. (Coll. Selys.) N. B. Probablement voisine de l’ochracea de Malacca, mais beau- coup plus grande, plus robuste, les ailes lavées de brun plus foncé et cette couleur ne s'étendant pas au bout des supérieures. 7 (Addition). EUPHÆA REFULGENS, De Selys, Abdomen 9° 54-57 ; Ọ 27-28. Aile inférieure o* 30-53; Ọ 29-30. Dans le Synopsis je n'ai donné qu'une courte diagnose de cette espèce et je n'en connaissais pas la femelle. L'examen d'éxemplaires des deux sexes et d'áges divers me permet de combler la lacune : o Adulte. Taille forte. Ptérostigma noirâtre, long de 2 »J; à 5e. Ailes non pétiolées noirátres, les inférieures dilatées au milieu. Les trois cinquiémes des supérieures et les deux tiers des inférieures de- puis le quadrilatére (mais y compris en outre l'espace postcostal) d'un vert métallique brillant à reflets bleu violet. Cette couleur s'ar- rétant subitement sur une ligne un peu convexe, le restant des ailes noirátre jusqu'à l'origine du ptérostigma aux supérieures et presque jusqu'à l'extrémité de cet organe aux inférieures. La partie terminale transparente, enfumée, le bout extréme un peu plus obscur. Corps et pieds noirátres. Appendices supérieurs un peu plus longs que le 10* segment, com- primés, dilatés inférieurement jusqu'un peu avant le bout, qui forme un petit crochet courbé en bas et en dedans. Les inférieurs trés- courts, coniques, minces, Jeune. Le noirátre des ailes remplacé par du brun qui, aux ailes supérieures, s'arréte à la fin de l'espace métallique. Q Ailes non dilatées, d'un brun enfumé presque opaque jusqu'aux ( 576 ) trois einquiémes environ de leur longueur; en un mot, jusqu'un peu aprés le nodus. Cette couleur finissant droit transversalement et bordée en dehors par uue bande d'un blanc laiteux s'arrétant à mi- chemin du nodus ou ptérostigma. Le restant, aux supérieures, est hyalin jusqu'à l'origine du ptérostigma, à partir duquel le bout de l'aile est brun. Aux inférieures presque le tiers terminal est brun à partir de la bande laiteuse. Il y a deux taches livides à la lèvre supérieure. Le reste du corps est brun noirâtre, y compris les appendices anals qui sont plus longs que le dernier segment et pointus. 9 Plus jeune? Le brun enfumé des ailes plus clair, transparent surtout au bout des supérieures. Au thorax on voit une raie antéhu- mérale, une ligne juxtahumérale et trois latérales jaunátres, ces der- niéres mal arrétées. (Les deux exemplaires examinés ont les ailes plus larges que celui décrit comme adulte.) Patrie : Luçon, par M. le professeur Semper. (Coll. Selys.) N. B. Le mâle est bien distinct de celui de la splendens de Ceylan, dont les ailes supérieures, Fpalines À à is hat ne sont pas métalliques, et dont les inférieures sont plus di et lesautres obscures jusqu'au bout, enfin les appendices anals supérieurs sans crochet ter- minal. La femelle de la splendens est encore plus différente, par sa grande taille et ses ailes hyalines uniformément lavées de brun très- clair. La refulgens se sépare de la Guerini (de la Cochinchine) qui est plus petite, a les ailes inférieures plus dilatées, opaques, y compris le bout à réflet métallique bleu acier mal délimité et n'existant qu’aux ailes inférieures. Chez la Guerini les appendices supérieurs ne sont pas d'ailleurs terminés par un petit crochet. 67bis, EupnÆa SEMPERI, De Selys. (Race de la refugens ?) o" Abdomen 31. Aile inférieure 26. Très-voisine de la refulgens. Elle en diffère par ce qui suit : 4° Taille beaucoup plus petite ; 2 La pointe des ailes supérieures plus étroitement hyaline, ne commençant qu'à la moitié du ptérostigma. ( 977 ) 5° Lebout des inférieures sans aucune partie hyaline. Elle ressemble beaucoup à la Guerini de Cochinchine, mais chez cette derniére les ailes supérieures n'ont pas de reflet métallique, leur extrémité hyaline commence un peu avant le ptérostigma, les infé- rieures sont trés-arrondies, très-dilatées, leur reflet bleu acier mal arrété et les appendices supérieurs n'ont pas de crochet terminal. 9 Inconnue. Patrie : Manille, par M. le professeur Semper, un mâle unique. (Coll. Selys.) 67ter. EvpaÆa Masont, De Selys. c" Abdomen 30-35. Aile inférieure 24 1/,-27. Stature de PE. Semperi. Ailes non pétiolées, en grande partie opaques, noirátres à reflets bronzé cuivreux changeant en acier bleuátre avec quelques parties hyalines lavées de brun ocracé aux supérieures, savoir: le tiers basal (mais l'espace costal et le sous-costal restant noirátres) — puis le quart terminal, ce dernier commencant subitement un peu avant le ptérostigma : environ 28 antécubitales. Aux inférieures il y a souvent un limbe étroit hyalin au bout extréme. Ptérostigma noir, allongé, couvrant 8-10 cellules (long de 2mm 5/.. Corps noirátre chatoyant avec vestige d'une ligne humérale et de trois latérales ferrugineuses au thoraxet d'une ligne jaunâtre à l'aréte dorsale du 2* segment de l'abdomen. Les cótés de ce segment munis d'une petite oreillette triangulaire comme chez les espéces voisines. Appendices anals noirâtres, de la longueur du 40° segment, droits, écartés, comprimés, dilatés en dessous après la base, amincis au bout qui est penché en bas, non aigu. Appendices inférieurs trés-courts assez rapprochés, minces, cylindriques. Pieds noirátres, les tibias bruns en dehors, Jeune. Ailes hyalines, les parties qui deviendraient opaques in- diquées par une nuance gris enfumé mal arrêtée. Ptérostigma brun. : ( 378 ) Le corps brun enfumé, les lignes du thorax bien marquées, jauná- tres, l'aréte dorsale de l'abdomen pále sur les 2-5* segments. 9 Inconnue. Patrie : Tenasserim ; par M. le professeur Wood Mason. Plusieurs exemplaires communiqués par M. Mac Lachlan. N. B. Au premier abord elle rappelle la variegata par la colora- lion des ailes, si ce n'est que le bout des supérieures est hyalin; mais elle s'en éloigne ainsi que de l'aspasia par les côtés du 2° seg- ment oü la partie postérieure du pénis est dépourvue des deux pointes. Par cette conformation la Masoni appartient au groupe qui comprend les E. opaca, splendens, refulgens, Semperi et Guerini. Elle différe de la Guerini et de la Semperi sa plus proche voisine, par le quart basal des ailes supérieures hyalin. Les ailes inférieures sont un peu moins arrondies que chez la Guerini. Elle se sépare en outre de la Semperi par l'absence de l'es- pace basal vert métallique délimité aprés le nodus et par l'extrémité des appendices supérieurs sans petit crochet inférieur. DYSPILEA. 70 (Addition). DvseneA piMiDIATA, De Selys. 9 Abdomen 52. Aile inférieure 51. Ailes salies, lavées de jaunâtre ocracé, les supérieures dans leur premiére moitié, les inférieures en entier. Le bout des supérieures obliquement enfumé à partir de l'extrémité du ptérostigma qui est gris brun. Téte noire; coins de la bouche jaunátre; le centre de la lévre su- périeure gris clair; une bande transverse jaune d'oere au front, cette bande rétrécie au milieu. Thorax jaunâtre foncé, ayant en avant une bande dorsale médiane, une antéhumérale isolée, une raie humérale et sur les côtés trois bandes obscures, ces dernières larges, mal arré- tées. Abdomen épais, comprimé, noirâtre avec une bande latérale jaune d’ocre sur les sept premiers segments; cette bande interrompue aux articulations et plus étroite aux 6-7* segments; un point latéral au 8* et les côtés du 9* jaunátres. Bord du 40° entier, garni d'épines. ( 339 ) Appendices anals cylindriques, écartés, pointus, un peu plus longs que le dernier segment. Lames vulvaires livides, fortes, ne dépassant guère le bout de l'abdomen. Pieds brun noirátre, intérieur des fémurs plus clair. Patrie : Sumatra, en juillet. Museum de Leyde. N. B. Cette femelle ne diffère guère de celle de la limbata de Singapore (décrite aux 1res Additions, n° 70). En même temps qu’elle, on a recueilli également à Sumatra un mâle très-adulte qui ne diffère pas des types de Java décrits précé- demment, si ce n’est par sa taille un peu plus forte (aile inférieure 54mm, large de 7 ‘/,). Je suis de plus en plus porté à croire qu'il n'existe qu'une seule espèce de Disphæa, mais chez cette espèce, l'étendue des parties opa- ques noires des ailes du mâle est essentiellement variable. ANISONEVRA. 72'e* ( Addition). ANISONEVRA MONTANA, Hagen. Abdomen ~ 48; o 47. Aile inférieure o" 45; Q 52. c' Ilse rapproche beaucoup par sa stature et sa coloration de la femelle décrite aux 1*** Additions, n° 70ter, Voici les différences : Les ailes, plus courtes, ne sont pas visiblement salies à la pointe. I! y a 2 antécubitales de plus (14) et 3 posteubitales de moins (26). L'abdomen cylindrique est moins épais, la bande jaune qui longe la suture ventrale du 5° au 8° segment est trés-étroite. Le 40° seg- ment presque moitié plus court que le 9* presque plat, méme dé- primé au bout. Appendices anals supérieurs noirátres, d'un tiers plus longs que le dernier segment, subcylindriques, minces, courbés l'un vers l'autre en demi-cercle; leur pointe mousse. Les inférieurs tout à fait rudimen- taires presque nuls. La bande externe ocracée des fémurs large. Patrie : Khasyia Hills (Bengale) par M. Atkinson. Un mâle. (Coll. Selys.) — Monts Himalaya, la femelle type. (Coll. Hagen.) — Une ( 980 ) seconde femelle d'Assam (Mus. d'Oxford). Je n'en connais pas d'autres. N. B. L'examen des appendices du måle, qui était un grand desi- deratum au point de vue de la classification, justifie la place que j'as- signe en dernier lieu aux Anisonevra, entre les Dicterias et les Amphi- pteryx. Je suis méme porté à les adjoindre à cette dernière légion plutôt qu'à les laisser parmi celle des Euphæa; seulement il faudrait en modifier les caractères en prenant pour principal celui d'avoir les deux fortes et premiéres antécubitales seules prolongées dans l'espace sous-costal et les autres non coincidentes, LIBELLAGO. Les espéces de ce genre africain (excepté l'asiatica des Philippines) sont difficiles à étudier, la caligata de l'Afrique tropicale orientale étant seule facile à reconnaitre, à cause de ses tibias dilatés comme chez les Platycnemis. Les autres espèces sont de la côte occidentale tout à fait équato- riale d'Afrique, ayant pour limite au Nord le 10* degré de latitude (Sierra Leone) et au Sud le 5* degré environ (Congo). Nous ignorons jusqu'oü elles s'étendent dans l'intérieur du continent. Deux de ces espèces, la dispar de Sierra Leone et la cancellata de Camaroons, vieux Calabar, me semblent bien caractérisées. Quant aux quatre autres : glauca, cyanifrons, rubida et curta, ce sont des formes très- voisines, et leur séparation formelle me parait encore douteuse. J'ai pu en examiner une vingtaine d'exemplaires, grâce à la communica- tion obligeante que m'en a fait mon ami M. Mae Lachlan. Je vais exposer briévement les caractéres au moyen desquels j'ai essayé de les distinguer : 79'", LiBEL LAGO GLAUCA, De Selys. o Adulte. Stature de la rubida. Lèvres et épistome noirátres. Deux petites taches bleuátres au front. Thorax noir, ayant en avant l'aréte dorsale, deux raies étroites isolées jaunâtres, l'une antéhumérale infé- rieure, l'autre humérale supérieure, et sur les côtés deux larges bandes orangées. Dessus de l'abdomen en général bleuâtre dans sa 581 ) première moitié, passant au roussátre ensuite, puis au rouge sur les derniers segments. Le 2* noir avec une tache bleuátre isolée, subar- rondie, mais un peu pointue en arriére, oü elle touche presque le bout; et sur les côtés un gros point postérieur clair. Les 5-4° avec un gros point noirâtre contre le bord postérieur de chaque côté de l'aréte (ou bien ce point effacé au 4*). Ptérostigma noirátre. Patrie : Mongo-Ma, Lobah (vieux Calabar). Je n'ai pas vu la femelle. M. Mac Lachlan pense comme moi que la glauca est assez proba- blement identique avec la cyanifrons. 75bis (Addition). LiBELLAGO CYANIFRONS, De Selys. 5* Add. au Syn. n° 75bis, g' Voisine de la précédente par les lèvres ct l’épistome noirs ct le dessus du thorax (mais les taches bleues du front plus grandes et allant jusqu'aux yeux, et le rougeâtre dominant sur l'abdomen dès la base. Patrie : Camaroons, deux mâles adultes à prosint noir et à abdomen très-rouge. — Le Gabon, deux mâles jeunes à ptérostigma noir à sa base, jaune ensuite. 75 (Addition). LIBELLAGO RUBIDA, Hagen. o" C'est la forme la plus grande. Les lèvres et l'épistome noirátres ; deux taches au front et le bord de l'occiput en avant largement jaunátres. Au prothorax la base, une tache latérale et le lobe posté- ricur largement bordés de bleuátre clair. Thorax noir ayant en avant l'aréte dorsale, deux raies larges isolées, l'une antéhumérale infé- rieure, l'autre humérale supérieure, et sur les cólés deux larges bandes jaunátres. Dessus de l'abdomen jaune-verdâtre ou bleuâtre dans sa premiére moitié, passant au rose ensuite, enfin les 9-10* segments rouge vif. Le 2* avec une grande tache dorsale claire pro- longée en avant, en arriére et de chaque cóté, les prolongements latéraux confluents plus ou moins avec une tache latérale postérieure arrondie, Les 5-4* avec un anneau postérieur noir échancré au milieu. Les articulations postérieures des 5-7* finement cerclées de noir. Patrie : Cape Coast, deux mâles adultes — Guinée, si c'est bien la rubida du D* Hagen. La femelle est inconnue. ( 588 ) 74 (Addition). LiBELLAGO CURTA, Hagen. c" Adulte. Taille intermédiaire entre la rubida et la dispar. Lévre supérieure et devant de l'épistome jaunâtres. Dessus de la tête noir avee quatre points jaunes trés-petits. Thorax noir ayant en avant l'aréte dorsale, une large raie antéhumérale inférieure, et une large humérale complète, cette raie réunie par en bas avec l'antéhumérate. Sur les côtés deux larges bandes jaunes ou rougeûtres. Chez un exemplaire plus adulte, les raies ct bandes claires du thorax sont presque oblitérées, mais la lévre et le devant de l'épistome restent jaunátres. Abdomen rouge carmin vif en dessus. Le 2* segment noir avec une grande tache transverse médiane rouge prolongée en arrière jusqu'au bout, et de chaque côté une tache transverse postérieure de méme couleur. Les 3-Á* avec une faible apparence de marque ob- seure postérieure aux cótés de l'aréte. Patrie : Mongo-Ma, Lobah, trois mâles. Un exemplaire un peu plus grand et semi-adulte, de Camaroons, parait y appartenir; enfin j'y rapporte, comme jeunes, trois mâles de Camaroons, chez lesquels le rouge est remplacé par de l'olivátre clair, et qui ont la moitié posté- rieure du ptérostigma jaune. Chez les deux exemplaires les plus jeunes les raies antéhumérale et humérale sont réunies en une large bande avec un trait obseur oblique indiquant leur future séparation vers le haut chez l'adulte. Au 2* segment les deux taches transverses postérieures sont confluentes en anneau avec le prolongement posté- rieur de la tache médiane dorsale. Je rapporte à cette espéce trois femelles de Camaroons et une de Mongo-Ma. Leur ptérostigma est jaune pâle, excepté à sa base in- terne qui est noirâtre. Les ailes inférieures sont entièrement lavées de brun jaunátre, couleur qui se montre aussi à la base des supé- rieures. La lèvre supérieure et le devant de l'épistome sont jaunâtres. Le dessus de l'épistome est roussátre chez deux exemplaires, noirâtre chez deux autres probablement plus adultes, car le dessin du devant du thorax est conforme à celui des mâles à ces deux âges. Ces femelles se distinguent bien de celles de la dispar par les ailes inférieures salies, le jaunâtre de la lèvre et de l'épistome et un gros point latéral jaune au 9* segment. ( 883 ) 76 (Addition). LiBELLAGO DISPAR, Bauvois. g' Trés-adulte. Taille plus petite que celle des précédentes. Tête noire avec apparence de points bruns en dessus. Thorax noir. Abdo- men rouge carmin vif en dessus, noir en dessous; 2* segment noir avec une pelite tache dorsale isolée médiane rouge; le 5° également noir avec une bande dorsale longitudinale rouge touchant la base, élar- gie en arrière mais ne touchant pas le bord postérieur; le 4 avec un anneau terminal noir étroit. Ptérostigma mince noir. Patrie : Sierra Leone. (Coll. Selys.) Distinet de tous les autres par la coloration du 3° segment chez le mále. La femelle est décrite au Synopsis et dans la Monographie. 76», LiBELLAGO CANCELLATA, De Selys, Abdomen o" 16-16 !/,. Aile inférieure 19-19 !/,. d” Ailes trés-étroites, hyalines, à peine lavées de jaunátre jusqu'au quadrilatére; 9-11 antécubitales, 23-25 postcubitales aux supérieures; quadrilatère traversé; ptérostigma noirâtre (long de 4mm !},). Tête noirátre; base de la lèvre inférieure, quatre points très- petits au- dessus de la tête et un large bord à l’occiput jaunátres, cette couleur prolongée en fourche vers les ocelles. Prothorax noir; sa base une tache latérale et le milieu du lobe postérieur jaunes, Thorax noir ayant en avant une bande antéhumérale jaune d'ocre pointue vers les sinus antéralaires, large par en bas, où elle rejoint d'une manière fourchue le bas de la suture humérale, et sur les cótés deux larges bandes de méme couleur au milieu du 2e et du 5° espace, la seconde presque terminale, enfin trois taches transverses à la poitrine. Abdo- men court, modérément déprimé, rouge en dessus (obscurci sur les trois derniers segments), marqué de noir ainsi qu'il suit: le milieu du 4e segment; le tiers terminal et le tour du 2° dessinant une tache dorsale cordiforme rouge coupée en deux par l'aréte dorsale noire ; aux 5-7° le quart terminal et l'aréte dorsale (la couleur des 8-10* obli- térée). Le dessous de l'abdomen aplati est noir avec une série de taches orangées oblongues, sur les côtés de la suture ventrale aux 2-8* segments. Pieds noirs, bruns à l'extréme base des fémurs. ( 984 ) Q ou d Jeune (l'abdomen manque). Ptérostigma noir, mais marqué de jaune sous son troisiéme quart. L'aréte dorsale du thorax fine- ment jaune; la bande antéhumérale mince, remontant en fourche sur la suture humérale. Patrie : Mongo-Ma, Lobah. Deux máles adultes et un jeune (in- complet) communiqués par M. Mac Lachlan. N. B. Trés-distincte des autres espéces par sa petite taille et par le dessus de l'abdomen, dont la couleur rouge est divisée en carrés, eomme treillagée par le large anneau terminal noir des segments, la ligne de méme couleur qui marque l'aréte dorsale, et celle de la suture latérale longitudinale. Remarquable aussi par la série de taches oran- gées en dessous de chaque cóté de la suture ventrale. Ses caractéres et sa petite taille la séparent bien de la dispar. 76*7, LIBELLAGO ASIATICA, Brauer. MSS. Abdomen g* 21-22; 9 21. Aile inférieure g' 18-19; Q 18. g Ailes trés-étroites, hyalines; l'extrême base lavée de brun jus- qu'à la {re antécubitale, surtout dans l'espace sous-costal et le mé- dian; 16 antécubitales, 15-22 posteubitales aux supérieures; 2-5 nervules dans les quadrilatères; ptérostigma noir non dilaté, cou- vrant 5 cellules (long de 2m»), Téte, prothorax, thorax et pieds noirátres. Le lobe postérieur du prothorax redressé, arrondi. Coin mésothoraeique court, triangulaire. Abdomen déprimé, effilé au bout; 1** et 2e segments noirâtres; les 9-8* rouge testacé en dessus; leur articulation terminale et le dessous noirátres, mais avec vestige de taches latérales testacées oblongues en dessous. Les 9-10* et les appendices anals noirátres; les supérieurs ayant au moins le double du 10* segment, minces, peu courbés, mais se touchant au bout oü ils sont à peine épaissis. Les inférieurs cylin- driques, distants, courbés l'un vers l'autre sans se toucher; plus, courts que la moitié des supérieurs. Q Les ailes sans vestige basal obscur. Tête noire marquée de jaune, savoir : la base de la lèvre inférieure les coins de la bouche, les joues, le centre de la lèvre supérieure, quatre petits points à l'entour du vertex et deux à l'occiput, Prothorax ( 985 ) noir avec une tache médiane latérale et une également latérale plus petite au lobe postérieur jaunes. Thorax beaucoup moins robuste que celui du mâle, noir marqué de jaunátre ainsi qu'il suit : une tache antéhumérale inférieure presque carrée; deux x petits points parallèles rapprochés à mi-hauteur et deux autres semblables prés des sinus, de sorte que le devant du thorax, vu en dessus, présente deux taches inférieures et huit points médians et supérieurs alignés. Sur les cótés une large bande inférieure au premier espace, se continuant oblique- ment sur le second, où la bande devient supérieure. Abdomen assez grêle, comprimé, noir, marqué de jaune foncé en dessous des sept premiers segments, et une tache médiane latérale aux 8-9* de méme couleur. Appendices anals noirs, trés-minces, pointus, écartés, un peu cour- bés, ayant au moins le double du 40° segment, qui est trés-court. Valvules vulvaires fortes, en partie roussátres, dépassant l'abdomen. Pieds noirátres, intérieur des fémurs jaunátre. Patrie : Lucon, Mindanao, par le professeur Semper. (Coll. Selys.) N. B. Je conserve à cette espéce le nom Mss. donné par le D* Brauer. Elle se distingue des autres Libellago (qui sont tous afri- cains) par sa grande taille et par les deux premiers oti de l'abdomen du mále qui sont tout noirs. | La femelle est curieuse par ses formes beaucoup plus gréles que celles du mále et par les huit petits points clairs du devant du thorax. RHINOCYPHA. 81'. RHINOCYPHA IMMACULATA, De Selys. g' Abdomen 22-25. Aile inférieure 27-28. Ailes étroites, à rétieulation noire, t thvali t ARCS la pointe extrême des inférieures à peine salie. Ptétostigone boite avec une nuance roux brun longeant son bord costal. Espace post- costal d'un seul rang de cellules; 15-16 antécubitales aux supé- rieures. Téte noire, coins de la bouche et joues livides; une tache réniforme de chaque cóté du front et une autre arrondie entre l'ocelle antérieur gme SÉRIE, TOME XLVII. ( 386 ) etchaque antenne bleu clair. Vestige de quatre points roussátres entre les ocelles et le derriére de la téte. Prothorax noir avec une ligne longitudinale bleue et quelques petits points effacés. Coin mésotho- racique du thorax large, bleu clair, touchant les sinus. Le reste du thorax noir, marqué de jaune d'ocre ainsi qu'il suit : une ligne anté- humérale inférieure et une humérale supérieure fines, et sur les cótés un trait fin supérieur à la re suture, une bande sinuée à la 2°, une grande tache triangulaire supérieure dans le 5° espace, enfin quel- ques taches à la poitrine. Abdomen noir chatoyant; une tache laté- rale et l'artieulation postérieure, celle-ci précédée d'un point latéral aux 2-5* segments; enfin une ligne jaune latérale trés-fine placée plus en dessous et ne touchant pas les extrémités aux 3-6*. Pieds noirs. Intérieur des fémurs jaunátre, souvent une exsudation interne blanche aux tibias. o Inconnue. Patrie : Khasyia Hills (Bengale) en octobre, par M. Atkinson. (Coll. Selys.) N. B. Distinete des autres espéces par ses ailes sans taches. Elle est voisine de la trifasciata et de la bifasciata par les ailes étroites hyalines et le coin mésothoracique ; mais chez ces deux espèces les ailes portent une ou deux raies transverses noirátres, ct la téte est entièrement noire. L'imaculata est jusqu'ici la seule espèce dont le mâle ait les ailes hyalines sans taches. 51^5 RHiINOCYPHA BIFASCIATA, De Selys, Abdomen o" 21-22; Q 18. Aile inférieure d 25; Q 28. o* Adulte : Ailes étroites à réticulation noire, hyalines, à peine jau- nâtres à la TS alt de gris, à reflets irisés et bleu violet brillant 1 È marquées de deux bandes brunes depuis le étroites : pen iraneré erse un peu plus près du ptérostigma que du nodus, la seconde formant un limbe terminal à partir du bout du ptérostigma qui est noiràtre, un peu brun au centre avant son ex- trémité; 17-19 antécubitales aux supérieures. Espace postcostal d'un seul rang de cellules. Tête noire. Prothorax noir avec une petite marque dorsale bleuâtre ( 387 ) clair au lobe postérieur. Thorax noir; coin mésothoracique bleuátre clair, large, touchant les sinus; sur les cótés deux traits obliques oran- gés, l'un inférieur assez grand à la {re suture; l'autre supérieur, court dans le dernier espace. Abdomen noir luisant. Pieds noirs; souvent une exsudation blanche interne aux tibias. o“ Jeune : Les ailes moins irisées, la moitié postérieure du pléro- stigma jaune pâle. 9 Réticulation brune. Ailes entièrement hyalines lavées de jau- nàtre, surtout à la base; sans bandes obscures. Plus de la moitié pos- térieure du ptérostigma jaune pâle. Corps brun; quatre points jaunâtres au-dessus de la tête. Une petite ligne antéhumérale inférieure courte, jaune; les deux latérales plus larges, formant par leur juxtaposition une large bande jaune longitudinale oblique. Le coin mésothoracique brun. Un vestige de ligue latérale jaune courte aux 1-5* segments de l'abdomen. Appen- dices anals bruns, pointus, un peu plus longs que le 10* segment. Pieds brun-roussátre. Patrie : Darjeeling, par M. Atkinson. (Coll. Selys.) N. B. Ce n'est probablement qu'une race de la trifasciata dont elle diffère par la taille moindre, l'absence de la première raie trans- verse obscure au milieu des ailes du mâle et l'espace postcostal tou- jours d'un seul rang de cellules. 79 (Addition). RHINOCYPHA FENESTRELLA, Ramb La localité connue pour la provenance de cette rare espèce était lile de Pulo-Penang (Malacca). M. le professeur Wood Mason, de Calcutta, en a communiqué un måle très-adulle qu'il a pris entre Moolai et Moolut entre 4 et 6,000 pieds anglais d'élévation (Tenas- serim). Il présente les particularités suivantes : abdomen 20; aile inférieure 24; la partie opaque des ailes à reflet cuivreux bronzé. Aux inférieures la série médiane des trois taches vitrées a un reflet lilas trés-prononcé et la tache sous le ptérostigma un reflet bleu clair. Le ptérostigma est d'un noir brun. Corps noir. Coin mésothoracique lilas, le reste du thorax noir avec deux raies latérales obliques isolées jaune d'oere, l'une au second espace, l'autre trés-courte au troisième. Abdomen noir. 11 faudrait pouvoir examiner plusieurs couples complets de la fenestrella pour décider si la quadrimaculata en est spécifiquement distincte; oü si elle n'en forme qu'une race comme la spuria. 78bis, RHINOCYPHA SPURIA, De Selys. (RAGE DE Quadrimaculata.) o' Abdomen 23-24. Aile inférieure 26-27. Arles un peu élargies, noirâtre chatoyant (adulte) ou gris enfumé (jeune); un peu plus du tiers basal des quatre hyalin (jusqu'à mi-che- min du quadrilatére au nodus). La partie hyaline aux ailes inférieures se prolongeant le long du bord postérieur jusqu'au niveau du bout du ptérostigma, et occupant ainsi longitudinalement le cinquième de la largeur de l'aile. La partie opaque des inférieures marquée de trois séries de taches vitrées irisées, la première d'une seule tache oblon- gue entre le quadrilatére et le nodus, placéc à la limite de la partie opaque qu'elle entame; la seconde de trois taches en série transverse, entre le nodus et le ptérostigma; la troisiéme consistant en une seule grande tache centrale presque arrondie, bornée en dessus par le sec- teur ultranodal. Chez le jeune âge le ptérostigma est jaune, noir à la base. Coin mésothoracique roussátre, large, touchant les sinus. 9 Inconnuc. Patrie : Khasyia Hills, par M. Atkinson. (Coll. Selys.) N. B. Cette forme différe de la quadrimaculata type, parce qu'elle est plus grande, les ailes inférieures moins dilatées, la partie opaque des ailes ne commencant qu'à mi-chemin du quadrilatére au nodus. Chez les quadrimaculata le noir s'avance vers la base par une saillie interne presque jusqu'au quadrilatère. La spuria imite tout à fait la cuneata par sa grande taille et la coupe des ailes, mais chez la cuneata la partie hyaline irisée du bord postérieur des premiéres ailes occupe environ la moitié de leur lar- geur, et aux secondes ailes la grande tache centrale hyaline sous le ptérostigma commence dés le secteur principal. 589 ) 85s, RAINOCYPHA IGNIPENNIS, De Selys. Abdomen g" 21-25 !/,; © 21-22. Aile inférieure g“ 26-27; © 27-28. o* Adulte. Ailes assez étroites, hyalines, un peu jaunátres jusqu'au nodus, qui est placé aux deux cinquiémes de leur longueur; brunes ensuite, à reflets cuivre rouge brillant. Les inférieures ayant une série de taches vitrées irisées, allongées, étroites, entre le nodus et le ptérostigma, savoir : la supérieure entre le secteur ultranodal et le nodal; l'intermédiaire entre le sous-nodal et le médian, et l'inférieure entre le bref et le supérieur du triangle. ll y a en outre une autre tache irisée longue entre les secteurs sous-nodal et médian, commencant aprés le quadrilatére, et entamant l'espace brun au niveau du nodus qu'elle dépasse. Ptérostigma noi- rátre; 17-18 antécubitales aux supérieures. D'un noir luisant à reflet acier. Coin mésothoracique petit, court. Vestige de quatre trés-petits points orangés au-dessus de la téte, et de deux latéraux au prothorax. Indication d'une ligne humérale supé- rieure, et d'une également supérieure à la premiére suture latérale, enfin une raie oblique orangée commencant aux seconds pieds et aboutissant vers le haut du troisiéme espace latéral; cette raie inter- rompue aux sutures. A l'abdomen on voit un point latéral au 4°" seg- ment, un point latéral postérieur aux 2-3* (précédé chez les jeunes d'une ligne courte orangéc). Pieds d'un brun noirátre plus clair aux fémurs en dedans. o Jeune. Réticulation brune. Les ailes hyalines avec une faible indication de la partie opaque et des taches vitrées; ces parties un peu irisées. Ptérostigma jaune pâle, son premier quart noirátre. 9 Jeune. Ailes plus étroites, hyalines, sans taches, lavées d’olivâtre clair. Ptérostigma jaune pâle, sa base noirátre. Deux taches à la lévre supérieure, coins de la bouche, joues, deux taches au front, huit petits points au-dessus de la téte; un point dor- sal et des marques latérales au prothorax; l'aréte dorsale du thorax, une ligne antéhumérale complète, une humérale ne touchant pas le bas, jaune d'ocre. Les cótés avec une bande oblique comme chez le mále. ( 590 ) A l'abdomen le dessin latéral des premiers segments mieux mar- qué, et reproduit jusqu'au 4°. Appendices anals bruns, minces, aigus, plus longs que le dernier segment. — Chez l'adulte, le ptérostigma est noirâtre aux deux bouts et à la côte. Patrie : Khasyia Hills, en octobre, par M. Atkinson. (Coll. Selys.) N. D. Elle ressemble en grand à la trimaculata du Sylhet et du Thibet, mais chez cette dernière les taches vitrées de la série trans- verse sont trés-courtes. Elle rappelle aussi par la vivacité de ses reflets cuivre rouge bril- lant la fulgidipennis , qui en est bien distincte par le coin mésotho- racique long et par les ailes trés-dilatées. 84 (Addition). Rniwocvpna ANGUSTA, De Selys. Abdomen o" 18-20; Ọ 18-19. Aile inférieure a 24-25; © 26-27. o" diximus noir. Le dernier quartdes ailes supérieures et t ,noirâtre métallique chatoyant, mais cette couleur déjà dique aux quatre ailes sur le bord post- cubital dès le nodus; les inférieures marquées de taches vitrées : 1° un espace de 20 cellules environ, au-dessus du secteur médian commencant après le quadrilatère et finissant un peu après le nodus; 2» deux séries superposées un peu plus courtes après le nodus, au milieu de l'aile, l'une au-dessus du secteur sous-nodal, l'autre infé- rieure au-dessus du secteur supérieur du triangle ; 5° une tache car- rée médiane de deux rangs de cellules placée aprés les précédentes) 4° une bande transverse courbe maeulaire (de 4 à 5 taches), la supé- rieure de 45 cellules au-dessus du secteur ultranodal, arrivant au niveau du ptérostigma, les deux ou trois intermédiaires courtes, sous le ptérostigma, enfin la tache inférieure à un niveau entre ces der- nières et la tache n° 5. Corps noir, vestiges de points rouges très-petits entre les yeux; une tache dorsale rouge au lobe postérieur du prothorax. Le coin méso- thoracique du thorax et une bande antéhumérale roses, une ligne humérale vert clair, et sur les cótés deux larges bandes obliques vert jaunátre ou rose pâle, faisant suite l'une à l'autre, mais séparées par la suture médiane latérale noire. Des taches à la poitrine. A l'abdomen ( 891 ) une tache latérale au le" segment ct une bande latérale terminale aux 2-6*. Les mêmes segments marqués plus inférieurement d'un trait vert clair. Pieds noirs, l'intérieur des fémurs ct des tibias jaunátre pâle. g' Jeune. Ptérostigma jaune au milieu; ailes hyalines enfumées, lavées de jaunâtre sale à la base; réticulation roussátre; pas d'espace opaque; les taches vitrées des ailes inférieures non apparentes. On les distingue cependant en regardant l'aile au soleil ; elles sont alors d'un rose irisé, excepté celles de la série terminale courbe, qui ont alors un reflet vert métallique. Le dessus de la téte montre sept points jaunes, les taches du pro- thorax et les antéhumérales sont d'un jaune foncé. (N. B. Le type décrit dans le Synopsis et dans la Monographie est un jeune exem- plaire, chez lequel je n'avais pas distingué à cause du reflet, la série terminale de taches vitrées.) 9 Adulte. Ailes lavées de jaunâtre sale; le bout extrême un peu limbé de gris ; ptérostigma noirâtre, un peu brun au centre. Noir bronzé taché de jaunâtre foncé ainsi qu'il suit : une tache (parfois oblitérée) à la lèvre supérieure, les coins de la bouche, sept points au-dessus de la tête, des taches latérales au prothorax, unc ligne antéhumérale touchant presque les sinus, une humérale très-fine ne touchant pas le bas, et sur les cótés deux larges bandes obliques séparées par la suture noire, et des taches à la poitrine. A l'abdomen vestiges d'uneligne à l'aréte dorsale, interrompue aux articulations, jusqu'au 7* segment et d'un point aux 8-9*. Les côtés du 1*7, une tache oblongue suivie d'un point aux 2-4*; le point postérieur seul aux 5-6°, enfin des traits placés plus bas aux mêmes segments. Pieds noirs, intérieur des tibias jaunátre. 9 Jeune. Les taches jaunes de la téte et de l'abdomen plus mar- quées. — Le ptérostigma gris brun, son tiers médian jaune pàlc. Patrie : Sumatra. Mus. de Leyde. N. B. ll est possible que les cinq espèces du groupe de la fenes- trata ne soient que des races locales. L'angus!a (de Sumatra) est sur- tout voisine de la biforata (de Malaeca) et de la biseriuta (de Borneo) n'en différant guére que par la tache carrée vitrée intermédiaire de la première série, qui est placée plus loin de la base que les deux ( 892 ) autres, se rapprochant du niveau du ptérostigma. La fenestrata (de Java) est bien distincte par les quatre ailes opaques dés le nodus ct leur pointe extréme au contraire moins opaque; ses taches sont d'ail- leurs placées presque comme chez l'angusta. Enfin, la perforata (de Cochinchine) avec les taches presque comme la biforata est assez distincte des autres par les marques latérales cunéiformes bleues de l'abdomen , et par la partie opaque des ailes * coupée presque droit en dedans; cette dernière espèce conduit à l'autre représentant du groupe sur le continent, la bisignata (du Ben- gale), chez qui la série vitrée terminale est réunie en une grande bande transverse arrondie, située au niveau du ptérostigma. 86ter (Addition). RHINOCYPHA BIFORATA, De Selys. VARIETÉ Delimbata , De Selys. o' Différant des types du mont Ophir (Malacea) parce qu'aux quatre ailes le bord posteubital, aprés le nodus et jusqu'au ptéro- stigma n'est nullementlimbé defuligineux, et qu'aux ailes supérieures la partie terminale enfumée ne commence qu'aprés l'extrémité du ptérostigma. 9 Semblable au type décrit. Le point dorsal orangé du 9* segment très-marqué. Patrie : East Birmah; un couple unique communiqué par M. Mac Lachlan. N. B. Ce n'est vraisemblablement qu'une variété de la bi/orata. 87 (Addition). RAINOCYPHA PERFORATA, Percheron, VaniérÉ Limbata , De Selys. o Abdomen 19. Aile inférieure 25 !/,. Diffère du type de Cochinchine parce que le bord extrême à à la pointe des ailes inférieures est étroitement limbé de hyalin, et que les grandes taches cunéiformes allongées bleues des côtés de l'abdo- men semblent réduites à des taches terminales arrondies. ( 893 ) Patrie ; East Birmah. Communiquée par M. Mac Lachlan. Un mâle unique. N. B. Ce n'est probablement qu'une variété de la perforata ou bien une modification locale. Sshis (Addition). RniwocyeHa reriorATA, De Selys. M. le Dr Kaup a nommé Rh. ustulata des exemplaires que M. le D* Brauer rapporte à la petiolata. Voici leur signalement d'aprés la description de ce dernier entomologiste (Verh. Zoolog-Botan. Ge- sellsch. Vienne 1866) : Abdomen. o" 20 !/.; 9 18. Aile inférieure d 26; © 25. 9" Ailes hyalines lavées de verdâtre pâle aux supérieures; le quart apical des supérieures et plus de la moitié aux inférieures brun foncé (cette couleur plus foncée vers le bout aux supérieures). Aux infé- rieures elle est encore plus foncée et n'est nullement convexe en dedans. Ptérostigma couvrant 5-4 cellules, brun noirâtre; 11 anté- cubitales; 26 posteubitales. Corps noir; coins de la bouche et joues jaunes ainsi que quelques petits points au-dessus de la téte. Prothorax noir avee une tache laté- rale et des marques postérieures jaunes. Thorax noir en avant, avec une fine ligne humérale incomplète jaune ; les côtés avec une bande longitudinale bleue; le dessous noir avee deux taches bleues. Le coin mésothoracique court. Abdomen noir; les cótés des 1-5* segments bleus; ceux des 6-9* de méme, mais les taches bleues successivement plus courtes postérieurement. En dessus l'abdomen est noir, mais le Aer segment jaune en arrière et les 3-7° ayant au bord antérieur deux petites taches ou points d'un jaune roussátre. Q Jeune. Pas de bande antéterminale brune aux ailes infé- ricures, Patrie : Ceram, par le Dr Kaup. N. B. Ces exemplaires sont notablement plus grands que le type femelle de ma collection indiqué de Malacca par M. Wallace; et ils ont 24-26 nervules posteubitales au lieu de 18-19. C'est ce qui m'avait fait penser qu'ils formaient une espéce particuliére à laquelle on devrait restituer le nom de RA. ustulata, Kaup. ( 994 ) Mais le Museum de Vienne, dit M. Brauer, a recu d'Amboine des exemplaires qui ont les petites dimensions de mon type, de sorte que, . pour le moment, il me parait plus prudent de s'en tenir à énumérer une seule espèce, jusqu'à ce que nous ayons vu des mâles de Ma- acca. En tout cas, le måle (de Ceram) ayant le bout des quatre ailes opaque ne peut rester dans le groupe de l’heferostigma, qui a les su- périeures entiérement hyalines. D'un autre cóté, il est bon de faire remarquer que la petiolata (ustulata) diffère de toutes les autres Rhi- nocypha par ses ailes longuement pétiolées jusqu'au niveau de l'ar- eulus. 88'"7, RHYNOCYPHA ANISOPTERA, De Selys. c&' Abdomen environ 21. Aile inférieure 25-27 d Adulte. Ptérostigma noirátre. Ailes supérieures trés-étroiles, hyalines, légèrement salies à la base; les inférieures très-arrondies et dilatées au bout (larges de 72") hyalines un peu jaunâtres jusqu'à la moitié du quadrilatére, ensuite opaques noir acier à reflets bril- lants cuivre dea n TS Sur cette patus opaque on distingue deux séries longit médianes i-vitrées brunes, £ à reflet métallique commençant un peu apris le nodus, l'une d'envi- ron 45 cellules entre le secteur ultranodal et le nodal; l'autre d'en- viron 12 cellules, entre le sous-nodal et le médian ; ces séries un peu reliées l'une à l'autre au bout par quelques cellules analogues dans l'espace entre le secteur nodal et le sous-nodal. Corps noir luisant. Sur les cótés du thorax une raie longitudinale jaune pále, allant d'un bout à l'autre, fracturée par la rencontre de la seconde suture qui reste noire. Pieds noirátres. o" Jeune. Ptérostigma brun noirâtre aux supérieures, mais plus de la moitié terminale jaune pâle aux inférieures, chez lesquelles l'espace opaque de l'adulte est brun, mais transparent à reflets métal- liques. 9 Inconnue. Patrie : Sumatra. (Coll. Selys.) N. B. Espèce très-distincte de l'heterostigma par ses ailes infé- ( 395 ) rieures trés-larges au bout (non élargies, ayant seulement 5*m de large chez l’heterostigma) et par la partie opaque de ces mêmes ailes commençant dés la moitié du quadrilatère. 89 (Addition). RuiwocvPRA TiNCTA, Rambur. Ọ Abdomen 14. Aile inférieure 20. La femelle, jusqu'ici inconnue, ressemble beaucoup à celle de la colorata de Lucon. Les ailes sont semblables lavées de brun clair jusqu'à mi-chemin du nodus au ptérostigma, oii commence une bande transverse brune opaque, qui, aux supérieures, s'arréte avant le pté- rostigma, mais qui, aux inférieures, envahit toute cette partie de l’aile, excepté une très-pelite éclaircie après le ptérostigma. La coloration du corps parait différer de celle de la colorata et de la semitincta parce que la bande oblique claire des cótés du thorax est plus large, et qu'à l'abdomen il y a aux 3-7* scgments un anneau basal, qui est confluent avec la bande latérale maculaire de couleur claire. à Patrie : Myzol, communiquée par M. Mac Lachlan. J'ai recu des máles de Karoons, par M. Laglaize. Le type de Ram- bur était d'Offak, et un du Museum de Dresden de Rubi, par M. le D* Meyer. Toutes ces localités, continentales ou insulaires, appartiennent à la Nouvelle-Guinée proprement dite. 98bis (Addition). RAINOCYPHA COLORATA, Hagen. Q Abdomen 14-15. Aile inférieure 21-94. La femelle n'était pas décrite. O Très-adultc. Ailes d'un brun noirátre au milieu. La base hya- line, un peu jaunâtre jusques un peu plus loin que le nodus. Aux supérieures le cinquième terminal hyalin; aux inférieures l'extréme pointe seulement, aprés le ptérostigma, est limbée de blanc laiteux. Le ptérostigma est jaune pále, sa moitié basale est noire. Corps noir, coins de Ja bouche et vestige de petits points au-dessus de la téte jaunátres. Au thorax l'aréte dorsale, une ligne fine incom- pléte humérale supérieure et sur les cótés une large bande longitudi- nale inférieure jaune pâle. Le dessous noirátre. A l'abdomen l'aréte ( 896 ) dorsale aux 2-7* segments; et sur les côlés une large bande sur les Aer-7e jaunes; cette bande interrompue aux articulations et aux sutures. Moins adultes. La partie brune des ailes moins opaque et moins foncée, le limbe terminal des inférieures hyalin, non laiteux. Q Très-jeune. Ailes complétement hyalines, légèrement salies. Ptérostigma blane, brun à sa base. O Variété. La partie brune des ailes moins large, réduite parfois une bande étroite aux supérieures entre le nodus et le ptérostigma, et à une bande placée de méme aux inférieures, mais occupant le tiers de l'espace posteubital. Ajoutez encore à la description : g' Jeune. Ptérostigma blanc; son tiers basal noirátre. o" Variété. Quelquefois le noir des ailes commence dès le nodus comme chez la semitincta et la frontalis dont elle diffère surtout par . le bout extréme des ailes supéricures qui est un peu hyalin aprés le ptérostigma, comme chez la tincta. Patrie : Luçon, Manille. Un grand nombre d'exemplaires par le professeur Semper (effacer l'indication de Batjan qui concerne pro- bablement la semilincta). N. B.M est probable que la semitincta de Mindanao, des Moluques et de Gilolo n'en est qu'une race, chez laquelle le bout des ailes su- périeures du mále n'est nullement hyalin. Les femelles de Mindanao sont presque impossibles à séparer, peut-être sont-elles des colorata. Celles de la semitincta des Moluques et de Gilolo sont un peu plus - grandes, la partie brune opaque atteint presque le ptérostigma aux supérieures, et aux inférieures le bout des ailes, excepté un limbe étroit hyalin, tout à fait apical. — Aux quatre ailes la base est trés- enfumée, jusqu'au nodus où elle devient opaque. Si ma présomption se vérifie, il en résulterait qu'il n'y aurait de ce groupe aux Philippines que la colorata (avec sa race semitincta et sa variété albistigma). Il n'est pas méme bien certain que la frontalis de Célébes et des Moluques en soit réellement différente. La femelle, en effet, est presque impossible à distinguer de celles des mémes iles attribuées à la semitincta. ( 397 89ccto (Addition). RAINOCYPHA ALBISTIGMA, De Selys. Je crois qu'il y a lieu de eonsidérer cette espéce nominale comme identique avec la semitincta. Je possède un mâle de Luçon qui s'y rapporte tout à fait. L'aibi- stigma serait donc fondée sur des exemplaires mâles adultes qui au- raient conservé accidentellement le ptérostigma blane du jeune âge. La méme chose se voit parfois chez les máles de la colorata de la méme contrée. MICROMERUS. 909v, MICROMERUS SUMATRANUS, Albarda. Abdomen o" 14-15; 9 12 */,-15. Aile inférieure o* 17-18; © 20-20 :/,. d Ailes hyalines; les supérieures sans ptérostigma , ayant une tache apicale noire (de 5") plus longue que large, ayant le tiers de la longueur de l'aile. Les inférieures lavées de jaunátre, le limbe apical sali; leur ptérostigma noir (ou un peu jaune au centre) cou- vrant 2 '/, cellules; 6-7 antécubitales aux supérieures. Lévre supérieure et épistome orangés; front jaune, traversé de noir; le reste de la tête noir avec une virgule coudée de chaque côté du verlex et un point postoculaire jaunes. Prothorax noir avec un point latéral et un dorsal postérieur jaunes. Thorax noir; l'aréte dor- sale, une raie antéhumérale, un point huméral supérieur et deux larges bandes latérales obliques jaune d'ocre. Abdomen jaune d'ocre; un cercle aux articulations, la base du 4*r segment; une tache trans- verse médiane latérale au 2*; un petit point de chaque cóté de l'aréte aux 35-55; les côtés des 1**-2e, une série de traits longitudinaux laté- raux aux 5-8", et la suture ventrale noirs; les côtés du 9* et le 40° en entier également noirs. Pieds jaunâtres, extérieur des fémurs noi- ràtre. Q Ailes hyalines, les inféri légè t jaunâtres ; ptérostigma des quatre jaune pâle, sa base ioiritre ainsi que la nervure qui l'en- toure. Téte et prothorax comme le mále, mais l'épistome traversé par une ligne noire. Thorax semblable, la couleur des raies jaunâtre pâle. ( 998 ) Abdomen noir, marqué de jaunátre, savoir : une ligne à l'aréte dor- sale, interrompue aux articulations sur les 1*r-8* segments (parfois un point au 9*) et une bande latérale également interrompue sur les méme segments. Pieds brun foncé, extérieur des fémurs noirátre. Patrie : Sumatra. Mus. de Leyde. N. B. Ce n'est probablement qu'une race locale de l'aurantiacus de Malacca, mais les mâles (seuls connus de ce dernier) sont plus petits; leur lèvre supérieure et l'épistome sont noirâtres; il y a un point et non une petite ligne coudée jaune aux côtés du vertex et le 10* segment cst orangé comme le 9e, Le blandus, de Nicobar, cst une troisiéme forme (que je n'ai plus sous les yeux), mais plus grande; la raie jaune des cótés du thorax est fracturée en trois taches; le 2* segment a une tache dorsale noire très-large qui touche les deux bouts du segment. La tache apicale noire des ailes supérieures est plus longue (4 millimétres), le ptéro- stigma des inférieures plus long (de 4 !/, à 2»») surmontant 4-5 cel- lules. 11 y a 14 posteubitales aux ailes inférieures (10-11 chez le sumalrauns). 914925, MICROMERUS SNELLEMANNI, Albarda. o Abdomen 15 !/,. Aile inférieure 25 !/,. Adulte. Ailes trés-étroites pétiolées jusqu'au delà de la 4** ner- vule. antéeubitale; le secteur sous-nodal naissant du principal très- près du nodus, sous la 47° posteubitale; 8 antécubitales, les deux pre- mières. plus épaisses, environ 20 postcubitales. Ailes supérieures sans plérostigma, lavées de jaune un peu olivâtre depuis la base jus- qu'au nodus, qui est aux deux cinquiémes de leur longueur; le reste opaque noirátre chatoyant ou acier, avec un grand espace hyalin incolore presque carré placé à peu prés au milieu de la partie opaque el traversant l'aile, execpté le bord costal qui reste noir jusqu'au sec- teur principal. Sous la tache le bord postérieur est sali. Ailes infé- rieures colorées de méme, mais munies d'un ptérostigma noir très- oblique long de 4 millimétre. La dimension des taches un peu différente, la partie basale hyaline jaunátre occupant les trois cin- quiémes jusqu'à mi-chemin du nodus au ptérostigma et la partie ( 399 ) terminale opaque, par conséquent moins grande, et la tache hyaline dont elle est marquée avant le ptérostigma également moins longue. Corps noir marqué de jaune ainsi qu'il suit : l'épistome, mais sa créte saillante est transversalement noire. Une raie aux joues contre l'œil; vestiges de quatre très-petits points entre les yeux ; un anneau basal, un point dorsal postérieur et un latéral au prothorax; une raie antéhumérale, le vestige supérieur d'une humérale, et sur les cótés deux bandes obliques, la premiére maculaire, la postérieure ne tou- chant pas le bas; à l'abdomen les côtés du 1*r segment, une tache latérale oblongue au 2* et un cercle interrompu aux articulations des quatre ou cinq premiers segments. Pieds noirs, l'extréme base interne des fémurs jaunátre. 9 Inconnue. Patrie : Sumatra. Mus. de Leyde. N. B. Superbe espéce, différente de toutes les autres par les quatre ailes en partie opaques et cet espace percé d'une grande tache hyaline. Elle se rattache à la section du lineatus par l'absence de ptérostigma aux ailes supérieures du mâle, mais elle est d'un groupe spécial par les ailes plus pétiolées, le secteur sous-nodal naissant immédiatement aprés le nodus et le secteur inférieur du triangle trés- peu ondulé. La coloration des ailes rappelle celle des Rhinocypha, mais on ne peut confondre les deux genres en faisant attention au point de départ commun des deux secteurs de l'areulus chez les Micromerus. Le snellemanni doit sc placer en téte du genre avant le bisignatus de Célébes, qui posséde, il est vrai, une bande médiane opaque aux ailes supérieures, mais non aux inférieures, et qui est d'ailleurs de taille plus forte. THORE. 95r, THORE Boriviasa, Mac Lachlan. Trans. Soc. Ent. London, avril 1878. (Le mâle.) o Adulte. Le tiers terminal des ailes à partir de mi-chemin du nodus au ptérostigma noir opaque, à reflets acier et violet, cet espace un peu concave en dedans. Aux ailes supérieures le reste est jaune ( 400 ) d’ocre un peu orangé, presque opaque, mais cette couleur s'affaiblit insensiblement et devient tout à fait transparente sur le bord costal jusqu'au secteur principal, et de la base jusqu'au quadrilatére. Aux ailes inférieures le jaune orangé est remplacé par du gris enfumé à reflets chatoyants (les parties hyalines comme aux supérieures), mais en y regardant de prés, on distingue une bande transverse un peu plus claire, commençant au secteur nodal, concave en dehors, et aboutissant en se rétrécissant à la moitié de l'aile, assez prés du point où la partie terminale acier opaque atteint le bord postérieur. Il y a à peu prés 50 antécubitales aux ailes supérieures. . Pieds noirs; intérieur des fémurs grisátre. Thorax noir luisant avec cinq lignes étroites jaunes de chaque côté. 9 Inconnue. (Il est possible, à en juger par la taille, qu'il faille rapporter iei la femelle que j'ai attribuée avec doute à la Victoria, 3me Add., 94*i*-) Patrie : Chairo (Bolivie). Coll. Mac Lachlan. .N. B. M. Mac Lachlan trouve que cette espèce est en quelque sorte intermédiaire entre la pic/a et la Batesi. Il me parait qu'elle se rap- proche davantage de la Victoria, dont elle différe surtout par sa taille moindre et l'extrémité noir acier des ailes moins concave intérieure- ment, enfin par la partie médiane brun enfumé des secondes ailes plus étendue. Dans sa description M. Mac Lachlan donne des dimensions plus fortes : abdomen 42, aile inférieure 56. Je suppose qu'il y a eu erreur typographique, car bres sont mesurés sur le type qu'il - a eu la bonté de me communiquer. 951r'. THORE ORNATA, de Selys. c" Abdomen 45. Aile inférieure 39. Très-voisine de la Boliviana. Elle en diffère par ce qui suit : c' Semi-adulte : 1» notablement plus grande; 2 aux ailes infé- rieures, le brun médian chatoyant est autrement délimité: sous le nodus et un peu auparavant ıl commence dés la nervure médiane, et non au secteur principal, vers lequel il ne se restreint qu'aprés la naissance du secteur nodal; de sorte qu'il renferme là (entre le nodus ( 401 ) et lorigine de la ‘partie brun-noirâtre terminale des ailes qu'il réjoint) un espace costal oblong hyalin. Excepté ce point de contact sur le secteur ultranodal, le noirátre terminal, un peu concave en dedans, est séparé du brun médian par une bande transverse hyaline un peu livide enfumée étroite, suivant la méme direction arquée. o' Jeune. Le dessin des ailes semblable, mais toutes les parties claires sont hyalines (en un mot sans opacités laiteuses ou jaunâtres), le brun noirátre terminal lui-même est remplacé par du gris cha- toyant presque transparent, et la bande transverse hyaline qui sépare les deux parties grisátres est un peu plus large. ll y a de 55 à 50 an- técubitales. Q Inconnue. Patrie : Pérou. (Coll. Selys.) N. B. Hl est possible que la Victoria, la Boliviana et l'Ornata ne soient que des races locales ou méme des variétés d'une méme espéce. La Victoria, qui est la plus grande des trois formes, différerait aussi des autres par la plus grande largeur de la bande claire entre le brun médian et le noir terminal des inférieures. 9617, THORE AURORA, De Selys. Abdomen o* environ 55; Q 51. Aile inférieure o* 29; Q 50. Très-voisine de la Th. Batesi (2* Add.,96** ), différant par ce qui suit : ptérostigma un peu plus court, ne surmontant que 5-6 cellules, plus noir chez l'adulte ; moins d'antécubitales (52-58). o' Adulte. La bande transverse médiane des ailes est d'un orangé plus vif; elle est plus large et plus rapprochée de la base des ailes, commencant d'une facon convexe en dedans, à mi-chemin du quadrilatére au nodus ct finissant aux supérieures 5-6 cellules cos- tales aprés le nodus, à l'origine du secteur nodal, et aux inférieures au tiers de l'espace entre le nodus et le ptérostigma. Chez la Batesi, la bande jaune d'ocre ou orangée commence préci- sément aux quatre ailes à l'endroit où elle finit chez l'aurora. Elle est droite en dedans, et s'étend en dehors jusqu'au tiers de l'espace entre le nodus et le ptérostigma. Cette bande est un peu plus étroite aux inférieures, ce qui est le contraire chez l'aurora. me SÉRIE, TOME XLVII. 26 ( 402 ) o Jeune. La teinte jaunâtre enfumée de la base et du bout- hyalin des ailes est remplacée par une nuance gris enfumé; la bande transverse médiane est d'un blanc laiteux. © Adulte. Colorée comme le mâle adulte. La bande aurore plus étroite, ne commencant qu'un peu avant le nodus, mais conservant les mêmes proportions (inverses. de ce qui existe chez la Batesi femelle) étant presque le double plus large aux ailes inférieures. © Jeune. Colorée comme le måle jeune, la bande aurore étant remplacée par une bande laiteuse. Patrie ; Rio Napo (Équateur), d'après quatre exemplaires commu- niqués par M. Mac Lachlan. N. B. La position dela bande médiane opaque des ailes et sa pro- portion aux ailes inférieures inverses de ce qui se voit chez la Batesi du Haut-Amazone, indique tout au moins une race locale marquée. La coloration aurore d'une partie des ailes du mâle adulte est écla - tante, et rappelle celle de l'Euthore mirabilis, mais chez cette der- nière, l'espace orangé est triangulaire et d'ailleurs la mirabilis appar- tient à un autre sous-genre, possédant deux nervules antécubitale: plus fortes que les autres et n'ayant pas de secteur interposé entre le bref et le premier du triangle. EUTHORE. 9895, EUTHORE PLAGIATA, De Selys. Je n'ai indiqué que Ja femelle (5»** Additions 98), mais dans la description j'ai parlé d'une variété mâle très-petite de l'Equateur, que j'ai attribuée à la fasciata et qui m'a été donnée par M. Mac Lachlan. Cet exemplaire est trés-petit (abdomen 34 ; aile inférieure 27 !/,); il ne possède que 30 antécubitales aux ailes supérieures, et la bande noir acier subterminale n'est coupée droit transversalement qu'en dedans; à sa fin qui est au bout du ptérostigma, elle coupe obliquement la pointe des ailes jusqu'au bord postérieur. ll est assez probable que c'est le mâle de la race plagiata. ( 405 ) 98'**, EUTHORE MIRABILIS, Mac Lachlan. Trans. Soc. Ent. London, avril 1878. Abdomen o” 38-42 ; 9 54-55. Aile inférieure g" 28-52. Le nodus un peu plus prés de la base que le ptérostigma, qui est brun foncé, dilaté (long de 5°") et surmonte 9-15 cellules; 45-50 antécubitales; 51-54 posteubitales aux supérieures. o" Ailes dilatées au milieu, leur base jusques un peu plus loin que le quadrilatère et le bord costal jusqu'au nodus jaune brunâtre, mais transparent, à réticulation brune. Le reste opaque en entier, rouge orangé vif (ou vermillon); le bout aprés le ptérostigma brun fuligi- neux, cette couleur prolongée largement le long du bord postérieur jusqu'à sa moitié (l'orangé et le brun sont séparés subitement en ligne droite, coupant ainsi l'aile obliquement depuis le haut du pté- rostigma jusqu'au milieu du bord postérieur). Téte noire avec deux larges taches fauves à la lévre supérieure, une tache à chaque joue et quatre surla téte entre les yeux de méme couleur. Prothorax noir, avec six raies brun jaunátre et les bords latéraux fauves. Abdomen noir bronzé, marqué d'orangé ainsi qu'il suit : la moitié terminale du premier segment, les cótés du 2*, un point basal latéral aux 3-6° suivi d'une raie allant jusqu'au bout aux 5-4°. Pieds noirs; fémurs bruns en dedans. 9 Ailes hyalines, brun fuligineux, à réticulation brune, mar- quées au milieu d'un grand espace opaque triangulaire sous le nodus paralléle à la cóte, appuyé sur le secteur principal et dont le troi- sième angle (inférieur) touche presque le bord postérieur vers son milieu au niveau du nodus. Cet espace opaque équivalant presque au tiers médian de l'aile vers le bord costal est jaune orangé aux ailes supérieures, un peu obscurci aux inférieures. Aux quatre ailes le côté externe de cet espace est bordé d'une raie brun enfumé, plus foncé aux supérieures. Patrie : Intaj (Équateur). Communiquée par M. Mac Lachlna. (Coll. Selys.) N. B. Ainsi que le fait justement remarquer M. Mac Lachlan, s'il existe des Odonates qui peuvent rivaliser en beauté avec celui-ci ( 404 ) par leurs couleurs métalliques, il n'y en a pas, à notre connaissance, dont les ailes soient colorées en rouge orangé brillant comme le mâle de la mirabilis. Le mále adulte dela Thore aurora présente, il est vrai, la méme coloration rouge orangé, mais seulement sous forme de bande trans- verse occupant le second quart de l'aile, ressemblant assez à la fe- melle de la mirabilis. . 997, EUTHORE MERIDANA, De Selys. o Abdomen 38-44. Aile inférieure 31-54. Le nodus plus éloigné de la base que du ptérostigma, qui est brun noirâtre (gris chez les jeunes) un peu dilaté, à côté inférieur ayant plus de quatre fois la longueur de l'externe qui est oblique, surmon- tant 7-8 cellules. Environ 58 antécubitales et 38 postcubitales aux supérieures. o* Adulte. Ailes un peu dilatées au milieu, hyalines presque dans leur premier tiers, et finement aussi le long de la cóte. Le restant blane laiteux un peu jaunâtre, excepté le bout qui est noir acier chatoyant. Cette couleur coupée droit en dedans, occupe le quart final aux supérieures, le tiers aux inférieures, commençant à peine plus loin du nodus que du ptérostigma. Aux supérieures le limbe extréme aprés le ptérostigma est hyalin (et il existe parfois un petit vestige analogue aux inférieures). Lévre supérieure noir acier; coins de la bouche et quatre points au-dessus de la tête orangés. Thorax noirâtre avec cinq raies orangé foncé de chaque côté et le vestige d'une sixième ligne entre la sub- médiane et l'humérale. o" Jeune. Ailes complétement hyalines, la partie terminale, qui de- viendra opaque, indiquée par une nuance gris clair. 9 Inconnue. Patrie : Mérida (Venezuela), par le D* Habuel. (Coll. Selys.) N. B. Ce n'est probablement qu'une race locale de la fastigiata, dont elle se distingue par la plus grande étendue de la partie termi- nale noire opaque presque égale aux quatre ailes. | Chez la fastigiata elle ne commence aux supérieures qu'au ptéro- ( 408 ) stigma, et aux inférieures elle égale à peine un cinquième de la longueur des ailes. Pour la position du nodus, elle se rapproche beaucoup plus de la fastigiata que de la fasciata. CORA. 100»**m, Cora pvALIs, Mac Lachlan. Trans. Soc. Ent. London, avril 1878. Abdomen g* 45-47 ; Q 39. Aile inférieure g* 57-59; 9 57. Ailes légérement salies, un peu élargies; le nodus placé beaucoup plus prés de la base des ailes que de l'origine du ptérostigma qui est brun foncé (brun roux chez la 9), court (long de 2mm */.) trés-épais, plus oblique en dedans, surmontant 4-5 cellules ; 52-55 antécubitales et 45-47 postcubitales aux supérieures; 4-5 secteurs interposés entre le 4er et le 2e secteur du triangle; le 2° du triangle longuement et régulièrement trifurqué. Sept ou huit nervules plus loin que le nodus, un peu aprés la naissance du secteur nodal, ce secteur est traversé par deux nervules d'un blanc de lait, ce qui donne l'apparence d'une petite tache blanche (moins visible chez la femelle). o Lèvres et joues d'un brun jaunátre avec une virgule médiane obseure à la lèvre; le reste de la tête noirâtre, excepté une tache brune latérale à l'épistome, ainsi que quatre taches en carré entre les yeux. Prothorax noir; sa base et une trés-grande tache latérale médiane brunes. Thorax bleuátre ou jaune olivâtre selon les exem- plaires, avec une raie dorsale médiane, une large bande antéhumé- rale isolée, et sur les cótés trois bandes épaisses noires, placées au milieu de chaque espace. Abdomen noir; les quatre premiers seg- ments bronzé foncé; le 4° avec une large tache jaune de chaque côté, le second avec une raie latérale épaisse, les 5-4* avec un point basal latéral (existant parfois au 5*9), suivi d'une fine ligne, ne tou- chant pas le bout; 40* segment fendu, relevé en tubercule au milieu. Pieds noirs, fémurs jaunes à la base en dedans. 9 Semblable au mále, mais les dessins clairs de la téte et du thorax toujours olivátres ou roussátres, une grande tache latérale jaunâtre au ( 406 ) 9* segment; une autre en dehors sur les valves vulvaires qui dépas- sent l'abdomen. Patrie : Intaj (Équateur). Communiquée par M. Mac Lachlan; (Coll. Selys.) N. B. Cette espèce est distincte des autres par sa grande taille et aussi par le ptérostigma court, dilaté, qui ne seretrouve que chez la munda. La forme du ptérostigma et le vestige de taches laiteuses aprés le nodus la rapprochent des Thore, par exemple de la beata, mais on ne peut la confondre parce qu'elle n'a pas de secteurs interposés entre le bref et le premier du triangle, tandis qu'il y en a deux chez les Thore. 100%ecem, Cora wuNDA, Mac Lachlan. Trans. Soc. Ent. London, avril 1878. Q Abdomen 34-57. Aile inférieure 52-54 '/,. c" Inconnu. © Ailes hyalines entièrement lavées de jaunátre, cette couleur plus prononcée et légèrement olivâtre au bord costal. Le nodus placé à peine plus prés de la base des ailes que de l'origine du ptérostigmaæ qui est brun (ou ocre foncé chez les plus jeunes), court (long de 2m 1/,) très-épais, dilaté, oblique en dedans seulement, surmontant envi- ron 4 cellules; 29-35 antécubitales et 29-51 posteubitales aux supé- rieures; 2-5 secteurs interposés entre le 1*r et le 2* du triangle, ce dernier longuement et régulièrement trifurqué. Lèvres, épistome et joues brun clair (jaunátres chez quelques exemplaires jeunes), les deux articles basals des antennes jaunátres; front roussátre traversé de noir; dessus de la téte noir avec quatre aches réniformes fauves à l'entour du vertex (deux en avant, deux en arriére), derriére des yeux noirátre, le bord postérieur avec une ligne fauve. Prothorax varié de fauve et de noir. Thorax brun (un peu fauve chez les jeunes) avec des lignes noires mal arrétees, excepté celle qui est parallèle à la suture dorsale et fort rapprochée d'elle. Abdomen noir bronzé à reflets acier et violet; 1** et 2° segments presque entièrement jaunâtres, le 2 noir au milieu en dessus, les 5-6° avec un anneau jaune à la base, parfois presque interrompu en ( 407 ) dessus; une raie latérale longitudinale jaune sur les 5-4° segments (prolongée sur le 5° chez les jeunes), enfin une indication de taches latérales jaunes aux 8-9e, Le 40° très-court fendu. Appendices anals épais coniques, de la longueur du dernier segment. Pieds noirs, mais les fémurs bruns ou fauves à la base, puis aux cótés presque jusqu'au bout. Patrie : Intaj (Équateur). Trois femelles, dont une m'a été gracieu- sement offerte par M. Mae Lachlan. N. B. Voisine de la dualis par le ptérostigma court et dilaté, analogue à celui des Thore; mais plus petite, les ailes plus jau- nâtres, la rétieulation moins serrée, le nodus moins rapproché de la base, de sorte que le nombre des nervules antécubitales et postcubi- tales est presque égal. 100"» dec», CORA TERMINALIS, Mac Lachlan. Trans. Soc. Ent. London, avril 1878. Abdomen o 40; © environ 34. Aile inférieure 9" 54; Q 55. Le nodus placé à la moitié de l'espace entre la base ct le ptéro- stigma, qui est d'un brun foncé (à peine plus påle chez la Q) épais, long de 5*"; son côté interne trés-oblique, surmontant 5 cellules; 54-57 antécubitales et 29-33 postcubitales aux supérieures. Deux secteurs interposés entre le 4er et le 2° du triangle, le 2° longuement et réguliérement trifurqué. Réticulation noire. o" Ailes hyalines légèrement lavées de brun olivátre surtout au bord costal; la pointe depuis le milieu du ptérostigma brun foncé; le centre des cellules un peu plus pâle. Aux ailes inférieures l'extré- mité brune ne descend pas jusqu'au bord postérieur. Lévres, épistome et joues livides (peut-étre bleu vui TS noirâtre, front bleuátre traversé de noir. Dessus e la téte noirs avec deux taches en avant, deux en ie de vertex bleuâtres. Prothorax avec deux larges taches brunes. Thorax olivâtre ou jaunâtre, avec une bande dorsale, une antéhumérale isolée, une bumérale entre chacun des trois espaces latéraux noirátres, ces der- nières isolées. Poitrine pulvérulente blanchátre. Abdomen noir. Le åer segment largement jaunátre sur les côtés; le 2° avec une bande ( 408 ) latérale jaune; le 3° avee une tache basale latérale, suivie. d’une ligne fine; le 4e avec la tache mais sans la ligne. Pieds noirs; la base des fémurs brune en dedans. 9 Ailes entièrement hyalines, à peine lavées d’olivâtre. Face et front brun clair; joues livides, les bandes obscures du thorax mal ar- rétées, excepté la médiane dorsale qui reste noire. Les trois premiers segments comme chez le mále. (Le reste manque.) Patrie : Unduavi (Bolivie). D'après un couple décrit par M. Mac Lachlan. N. B. Espéce encore plus grande que la marina. Le mále s'en distingue immédiatement par le bout des ailes brun fuligineux de- puis le ptérostigma, qui est plus court. La femelle facilement sépa- rable de celle de la modesta par sa grande taille, le dessin du thorax, etc. Dans la description de la marina j'ai omis de décrire le thorax et l'abdomen, où le bleu domine, relevé par du noir réparti à peu prés comme chez la cyane, l'incana et l'aleyone. A l'article de l'inca, il faut lire : nodus entre la base de l'aile et l'origine ( non la fin) du ptérostigma. 100duodec, Cora semiopacA, De Selys. Comptes rendus Soc. Ent. belg ., février 1879, .g' Abdomen 32-55. Aile inférieure 26-27 Le nodus placé entre la base de l'aile et l'extrémité du ptéro- stigma, qui est médiocre, noirátre, long de 2mm, rétréci à son extré- mité, à côté inférieur surmontant 4-5 cellules, ayant einq fois environ la longueur du cóté externe, qui est un peu oblique; 30 anté- cubitales et 25 posteubitales aux ailes supérieures; un secteur supplé- mentaire rudimentaire interposé vers le bord postérieur entre le 1*7 et le 2° du triangle, ce dernier régulièrement et assez longuement trifurqué (mais le secteur interposé parfois nul aux ailes inférieures); 4-5 cellules dans le quadrilatére. Ailes étroites, hyalines, mais le dernier tiers subitement brun chatoyant opaque, excepté la pointe aprés le ptérostigma, qui devient transparente et incolore. Corps noirâtre, mélangé d’olivâtre (couleurs altérées). Lévre suz ( 409 ) périeure bleuâtre pâle; le reste de la face passant au jaunâtre. Dessus et derrière de la tête noirâtres, avec deux points roux au ni- veau des antennes. Devant du thorax noirátre, le reste olivâtre avec une bande obscure entre la suture humérale et la première laté- rale. Abdomen noirátre. Les côtés des 1-5° segments, un point basal latéral aux 4-7* et l'articulation basale du 9* jaunátres, Pieds brun noirátre, intérieur des fémurs plus clair. o Jeune. Ailes entièrement hyalines, mais la partie destinée à devenir opaque indiquée par une nuance gris brun peu marquée, 9 Inconnue. Patrie : État de Panama. (Coll. Selys.) N. B. L'adulte est bien facile à reconnaitre des autres espéces à la coloration noirâtre opaque du dernier tiers des ailes (excepté leur pointe extrême), ce qui la fait ressembler en petit à l'Euthore faciata. Le mâle jeune imite à s'y méprendre le mâle de la modesta, mais en y regardant de prés, on distingue l'indication de l’espace obscur, et la pointe des ailes est incolore. Chez la modesta, au contraire le bout est un peu sali. Note sur le sang du Homard (communication préliminaire), par Léon Fredericq, préparateur à l'Université de Gand, docteur spécial en sciences physiologiques. Harless (1) a signalé la présence du cuivre dans le sang des crustacés, des céphalopodes et des gastéropodes. On sait depuis longtemps que le fluide nourricier dans ces trois groupes d'invertébrés change de couleur quand il est exposé à l'air. Chez le erabe, ces changements de couleur sont dus à (1) Harless. Ueber das Blut einiger wirbellosen Thiere, Müller 's Archiv 1846, p. 122 H ( 440 ) l'absorption de l'oxygène comme l'ont établi Jolyet et Regnard (1) et comme j'ai pu le vérifier pour le homard. D'aprés ces auteurs le sang du erabe agité à l'air présente « une belle coloration bleue ou brunátre suivant la facon dont on l’examine. » Si on en extrait les gaz au moyen du vide, « ce liquide perd peu à peu sa couleur pour prendre une teinte rosée légèrement jaunátre. On laisse ensuite rentrer dans le flacon de l'oxygéne pur, et le sang reprend sa coloration première. » Les expériences faites avec l'hy- drosulfite de soude conduisirent aux mémes conclusions. J. et R. arrivent à cette eonelusion remarquable qu'il existe dans le sang du crabe deux matiéres colorantes, l'une bleue, l'autre rouge. La première est unie à l'albumine qui, coa- ` gulée par l'alcool, offre une coloration bleue trés-nelte; la matière colorante rouge reste en solution dans le filtrat alcoolique. J'ai pu constater l'exaetitude parfaite de tous ces faits et je suis arrivé aux mêmes conclusions que J. et R. en étudiant le sang du homard. Le plasma de ce sang pré- sente effectivement deux matières colorées : l'une, rose, se voyant surtout quand on examine le sang à la lumiére transmise, n'appartient pas au groupe des albuminoides; elle est diffusible, quoique assez difficilement, elle n'est pas coagulée par l'ébullition ni par l'alcool dans lequel elle se dissout au contraire. Elle ne contient pas de corps métal- lique. Enfin elle ne change pas de couleur par l'action du vide ou par celle de l’oxygène, elle n'est donc pour rien dans les changements de coloration du sang. Sa présence (1) Jolyet et Regnard. Recherches sur la respiration des animaux aqua- tiques. Paris, 1877, pp. :6 et 57. ( 444 ) n'est pas constante dans ce liquide. Certains homards ne possédent dans leur sang que la seconde matiére colorée. Cette dernière paraît être identique avec la matière bleue du sang de poulpe à laquelle j'ai donné le nom d’hémocyanine (1). Elle n'est pas diffusible, se coagule par l'aleool et la chaleur, en fournissant des grumeaux bleuà- tres, appartient par conséquent au groupe des albumi- noides; elle forme avec l'oxygéne une combinaison oxy- génée d'un beau bleu qui se colore par le vide, enfin elle contient du cuivre. Le sang du homard présentant ces deux matiéres colo- rantes est rose quand il est réduit; exposé à l'oxygéne, il prend une teinte spéciale, bleue à la lumière réfléchie (hémocyanine), brune à la lumière transmise (matière rose). Le sang du homard et celui du crabe extraits du corps ne tardent pas à se coaguler. Il s'y forme des grumeaux blanchâtres qui s'agglutinent en flocons allant au fond du vase. Si l'on étudie cette coagulation sur une goutte de sang examinée au microscope, on peut se convaincre que la formation de cette substance a son point de départ dans les globules du sang. Les solutions salines concentrées ou méme saturées ( NaCl, MgSO4) n'empéchent pas sa pro- duetion (2). La composition saline du sang du homard se rapproche (4) Voir Léon Fredericq. S tla physiol poulpe. Bulletins de l'Académie des sciences de Belgique, we LÉ .XVLL, 1878. (2) Le sang du homard , débarrassé de ces grumeaux, présente ensuite une seconde coagulation bel davantage celle de la fibrine. Tout le liquide se prend en gelée. Une température peu élevée (voisine de + 50°) et certaines solutions salines empêchent la production de ce phénomène. ( 442 ) sensiblement de celle de l'eau dans laquelle il vit. Je me serve de revenir plus tard avec quelques détails sur ces différents points. Ray Lankester a récemment déerit pour le sang des limules des changements de coloration qui me font sup- poser qu'il s'agit également là de la présence de l'Aémo- cyanine (1). Le sang de certains gastéropodes (Arion, Helix) con- tient également une matière albuminoide , bleuissant à l'air, contenant du cuivre et sans doute identique à l'Aé- mocyanine. Le sang des lamellibranches (Unio, Anodonta) est ex- trémement pauvre en substances albuminoides. Je n'ai pu y constater de changements de coloration sous l'influence de l'air ou de l'oxygène. L'hémocyanine semble donc se retrouver dans le sang d'animaux appartenant à des groupes trés-différents les uns des autres : mollusques céphalopodes et gastéropodes, crustacés. Chez tous ces animaux ainsi que chez les vertébrés et beaucoup d’annélides, la respiration se fait donc par l'in- termédiaire de substances protéiques métallifères (hémo- globine, hémocyanine, chlorocruorine) (2) qui forment dans l'organe respiratoire (branchies, poumon) des combinaisons ox ygénées peu stables. Ces combinaisons se dissocient en- e ar Lankester. On the spermatoz.... Quarterly Journal of microscop. " "nj Lankester. Journa of Anatomy and seni vol. 11 (1868), p. 115, et vol. IV, p. 118 et Pflügér's Archiv IV. p. 515. ( 413 ) suite pendant leur passage à travers les tissus. Chez les invertébrés les deux grandes fonctions du sang, la respi- ration et la nutrition des tissus,appartiennent toutes deux au plasma, les globules ayant une importance tout à fait accessoire. Dans le sang des vertébrés il s'est établi sous ce rapport une division du travail physiologique. La fonc- tion respiratoire est dévolue aux globules, la fonction nu- tritive au plasma. Sur la théorie de l'innervation respiratoire; par M. Léon Fredericq, préparateur à l'Université de Gand, docteur spécial en sciences physiologiques. Les mouvements des muscles respiratoires de la face, du larynx et du tronc ont leur centre dans une portion limitée de la moelle allongée que Flourens a nommée nœud vital : la destruction de ce centre arrête immédiate- ment la respiration. D'autre part, on peut isoler la région du nœud vital du reste du système nerveux par la section de la moelle pratiquée immédiatement en dessous, sans supprimer les mouvements respiratoires de la face (ouver- ture des narines =— inspiration ; abaissement des narines — expiration). On peut faire l'opération inverse, isoler le nœud vital des centres situés au-dessus de lui, en prati- quant l'ablation du cerveau et du cervelet; les mouvements - respiratoires n'en continuent pas moins, ceux de la face exceptés. Il semble donc superflu pour expliquer leur pro- duction rhythmée, d'invoquer l'action d'impressions sensi- tives venues du dehors. Ce sont des mouvements AUTOMA- TIQUES et non des mouvements RÉFLEXES. ( 444 ) Rosenthal (4) a montré que le stimulus sous l'influence duquel le centre respiratoire exerce son activité , doit étre cherché dans un certain degré de vénosité du sang qui le . baigne, Il s'agirait à la fois d'un déficit d'oxygène et d'un excès de CO, d’après les travaux de Dohmen et de Pflüger. Si le sang est saturé d'oxygéne, s'il est en méme temps pauvre en CO,, il n'agit plus comme excitant sur le centre respiratoire dont l'activité s'arrête momentanément, l'ani- mal cesse de respirer jusqu'à ce que son sang ait de nou- veau acquis le degré de vénosité qui constitue le stimulus (Apnée). S'il est trop veineux par artérialisation du sang, le centre respiratoire se trouve trop vivement excité et l'animal exécute des mouvements respiratoires exagérés (Dyspnée, géne respiratoire). Tous ces faits ont été vérifiés un grand nombre de fois et sont devenus pour ainsi dire classiques (2). (4) Rosenthal. Die Athembewegungen. Berlin 1862, p. 256. « Die Athembewegungen werden erregt durch den Reiz des Blutes » auf das respiratorische Centralorgan. Der Uebergang dieser Erre- » gung auf die betreffenden Nerven und Muskeln findet einen Wider- » stand, durch welchen die stetige Erregung in eine rhythmische Action » ipe emend pére Dieser y, gegen tr vermindert durch die Ein- ku "agus ie Einwirkung des N. laryn- » "T" superior. ce Grad der Thätigkeit des Centralorgans ist abhün- » gii n dem Sauerstoffgehalt des Blutes, die Vertheilung dieser » erm auf einzelne Respirationen (und demgemäss die Zahl und » Tiefe derselben bei gleichbleibender Erregung) von der Wirkung » jener Nerven. » Studien über die Athembewegungen, Archiv für Anatomie, 1864, p. 456; ibid., 1865, p. 191; ibid., 1870, 23. 2) Ces lignes étaient écrites quaud rient. dans le Zeitschrift für physiologische Chemie UT. 1, les critiques que Hoppe-Seyler adresse à la théorie de Pflüger. ( 445 ) L'exeitation que le nœud vital éprouve de la part du sang est une excitation continue, au moins dans les circon- stances ordinaires : comment expliquer l'activité intermit- tente, rhythmée de ce centre. Rosenthal admet que ce centre est gêné dans son activité, qu'il a à vaincre une résistance qui transforme l’excitation continue du sang en une série de décharges, dont chacune provoque un mouve- ment respiratoire. On voit de suite que ce centre respiratoire est surtout un centre d'inspiration : l'inspiration dans les conditions ordi- naires est en effet la seule phase active, musculaire de la respiration; l'expiration normale n'est que le retrait, l'af- faissement passif du thorax et du poumon survenant pen- dant le repos, la pause qui sépare deux inspirations. L'ex- piration n'est donc que la suspension du mouvement d'inspiration: un animal mort, de méme qu'un animal rendu apnoique est à l'état d'expiration. On verra plus loin que cette partie de la théorie de Rosenthal s'accorde fort bien avec les faits nouveaux contenus dans cette note, surtout si l'on admet que l'obstacle qu'éprouve le centre inspiratoire pour entrer en activité, provient d'un second centre qui joue vis-à-vis du premier un róle de modéra- teur, de centre d'arrét. Il est positif que le rhythme intermittent de la respira- tion ne dépend pas de changements survenant périodique- ment dans la composition du sang par le fait méme de chaque mouvement respiratoire , comme Rosenbach (1) l'adinet pour les cas où | t été coupés. Veu UVU LI Q (1) Rosenbach. Studien über den Nervus vagus. Berlin, 1877. ( 446 ) En effet les mouvements respiratoires rhythmés, ceux de la face continuent encore alors que la circulation est arrétée sur une téte de lapin qu'on vient d'isoler complétement du reste du corps par la section du cou (la moelle doit néces- sairement avoir été coupée au-dessous du nœud vital). Les centres respiratoires trouvent donc en eux-mêmes et dans la composition du sang tous les éléments néces- saires à leur activité : ils n’en sont pas moins, dans une certaine mesure, sous l'influence du système nerveux péri- phérique. Ainsi la section de la moelle, celle du nerf phré- nique, etc., font baisser le nombre des mouvements respi- ratoires. Mais sous ce rapport aucun nerf n'exerce d'action aussi marquée que le pneumogastrique. Cette action a été étudiée par un trés-grand nombre d'expérimentateurs qui malheureusement sont souvent arrivés à des résultats dia- métralement opposés. Mon intention quand j'ai entamé ce sujet n'était nulle- ment de faire un travail spécial sur l'innervation de la res- piralion, mais seulement de me former une opinion sur quelques-uns des points controversés les plus importants, notamment sur l'existence tant discutée de fibres cen- tripèles expiratoires dans le tronc du pneumogastrique pulmonaire. J'ai répété avec des résultats affirmatifs les expériences que l'on a fait valoir en faveur de leur exis- tence, et comme j'en ai donné de nouvelles preuves, Je ne crois pas faire chose inutile en publiant les conclusions auxquelles je suis arrivé. Toutes mes expériences ont été faites avec l'aide d'ap- pareils enregistreurs : grâce à l'emploi de la méthode gra- phique, elles se prétent fort bien à la démonstration devant un nombreux auditoire; ce sont des expériences de cours. ( 417 ) J'ai successivement employé le kymographe de Ludwig (nouveau modéle) et le cylindre enregistreur de Marey. Dans les deux cas, les mouvements de la respiration étaient transmis à un tambour enregistreur de Marey. Lorsque jemployais le kymographe, le levier inseripteur du tam- bour était remplacé par une petite tige de bois portant à son extrémité une pipette de verre chargée d'encre, écri- vant en noir sur le papier blanc du kymographe. Sous le tracé de la respiration s'inscrit celui du temps; c’est un trait horizontal se relevant pour former un crochet à chaque seconde. Ce mode d'enregistrement offre un grave défaut : la courbe obtenue se trouve déformée sous l'in- fluence de deux causes : le frottement assez fort entre le papier et la plume, puis l'inertie du levier inscripteur qui est en proportion de sa masse. La commodité que l'on éprouve à écrire sans interruption sur un papier sans fin ne compense pas ces désavantages. Aussi j'ai renoncé bien vite à ce mode d'enregistrement pour recourir unique- ment à l'emploi du cylindre de Marey. Le graphique s'ob- tient ici, comme on sait, par un léger style terminé en pointe effilée qui gratte le noir d'un papier enfumé et y laisse un tracé blanc. : Le papier que j'emploie est glacé à l'acétate de plomb (papier porcelaine), il est tout à fait lisse, il se noircit ad- mirablement sans jamais brüler. Je ne lui connais qu'un seul défaut, c'est de coüter fort cher. Ce papier est collé sur le cylindre et noirci à l'aide d'un rat de la facon ordi- naire (voir Marey, La méthode graphique dans les sciences expérimentales, p. 460, Paris 1878). Il n'est pas nécessaire de marquer le temps, le cylindre offrant un mouvement trés-uniforme, faisant un tour (longueur 42 centimétres) 9"* SÉRIE, TOME XLVII. 97 ( 448 ) en 62 secondes. Chaque centimétre de papier représente donc environ 1 !/, seconde de durée. Les expériences dont les détails suivent, ont été exé- cutées au Laboratoire de physiologie de l'Université de Gand. J'ai pu en répéter quelques-unes au Laboratoire de M. le professeur Marey (Collége de France à Paris) : je le prie de recevoir ici mes remerciments pour la bienveillance qu'il m'a témoignée. M. le docteur Francois Franck, sous- directeur de ce laboratoire, n'a cessé de m'y guider de ses conseils. Je lui dois plusieurs améliorations dans le plan de mes expériences, notamment l'idée d'enregistrer les mou- vements du soufllet pour la respiration artificielle. Je tiens à lui en exprimer toute ma gratitude. J'ai pu également utiliser sous sa direction un soufflet mü par un moteur à eau et offrant par eoneequent un mouvement tout à fait uniforme. La première expérience qui se rapporte au sujet que je traite est déjà ancienne. Traube (1) a découvert que; si l'on pratique chez un animal (un lapin, par exemple), la respiration artificielle à l'aide d'un soufflet, le rhythme pri- mitif des mouvements respiratoires (observé aux narines) se modifie de telle sorte qu'il s'accommode complétement au rhythme des insufflations. Le lapin en expérience répond à chaque insufflation par une expiration, et fait une inspi- ration à chaque intervalle entre deux insufflations; il fait (1) Traube, Gesammelte Beiträge zur Physiologie u. Pathologie. Bd. 1, p. 175. Je ne connais le travail de Traube que par les citations de Breuer et de Rosenbach. ( 419 ) done exactement le méme nombre de mouvements que le soufflet et ces mouvements luttent avec ceux du soufflet. On peut accélérer ou ralentir le rhythme de ses respira- tions, rien qu'en augmentant ou en diminuant le nombre des insufflations. Traube a montré que c'est dans le pneu- mogastrique que se trouve la voie nerveuse par laquelle 'état de distension du poumon ou du thorax retentit ainsi sur le centre des mouvements respiratoires. Si l'on supprime cette voie par la double section des pneumo- gastriques, on n'observe plus aucun rapport entre les mou- vements respiratoires de l'animal et ceux du soufflet. L'animal continue à respirer sans aucun souci des insuf- flations. Breuer et Rosenbach ont confirmé ces faits. J'ai répété l'expérience de Traube sur un chat, sur un chien morphiné, sur un cobaye, sur un jeune lapin qui avait subi l'ablation des hémisphéres cérébraux et sur plu- sieurs lapins, les uns non anesthésiés, les autres sous l'influence respective du chloral, de la morphine ou du laudanum. Le lapin, surtout s'il est anesthésié par le chloral (1 à 5 grammes en injection sous-cutanée), se prête beau- coup mieux à cette expérience que le chien, le chat ou le cobaye. J'avais essayé d'inscrire les mouvements des na- seaux de l'animal à l'aide d'un long style de verre fixé par une goutte de cire à cacheter aux poils du lobe médian du nez, mais les résultats obtenus de cette facon ne me satis- firent guère. J'y renoncai bientôt pour adopter la disposi- tion expérimentale suivante : Le lapin immobilisé sur le support de Czermak est tra- chéotomisé : on fixe dans la trachée un tube de verre en T. L'une des branches du T est reliée par un tube de caout- chouc à un tambour à levier de Marey, qui inscrit les varia- ( 420 ) tions de la pression latérale dans la canule trachéale; l'autre branche est mise en rapport avec le tube de caout- . choue qui vient du soufflet et par lequel on pratique les insufflations. Ce tube de caoutchouc porte latéralement tout prés de la canule trachéale un petit orifice destiné à laisser échapper l'excédant de l'air et à permettre l'expira- tion à l'animal. Les insufflations se pratiquent à l'aide d'un soufflet à ressort mů par le pied de l'expérimenta- teur. Une petite poire en caoutchouc logée entre les tours du ressort transmet par l'intermédiaire d'un tube de caout- chouc les mouvements du soufflet à un second tambour à levier dont le style inscripteur trace sa courbe à cóté de celle des mouvements de l'air dans la trachée. Si l'on pratique une série d'insufflations sur un animal dont les pneumogastriques sont intacts, les deux graphi- ques se correspondent exactement. Or, le tracé fourni par le tambour qui est en rapport avec la canule trachéale de lanimal est évidemment le produit de deux facteurs, savoir : 1° le courant d'air émanant du soufflet et 2° celui qui est dû aux mouvements respiratoires de l'animal. Puisque les deux tracés sont semblables, il faut en con- clure que les mouvements respiratoires de l'animal sui- vent exactement les insufflations du soufflet. On doit natu- rellement s'assurer que l'animal ne cesse pas de respirer, que la ventilation pulmonaire n'est pas suffisante pour amener lapnée par suroxygénation, artérialisation du sang. L'inspection des narines de l'animal montre qu'il en est réellement ainsi : les narines s'affaissent à chaque insuf- flation (position d'expiration), elles s'ouvrent (position d'inspiration) dans l'intervalle entre deux insufllations. Les ( 421 ) mouvements de l'animal coincident avec ceux du soufflet, mais se font en sens inverse. W V MAI —— A A / À = FJ 14 B P À f Fig. 1. Tracés simultanés de la pression latèrale dans la trachée AB) et des excursions du soufflet (A'B^) Lapin. La correspondance entre les deux graphiques se voit très-bien sur la fig. 1. Le tracé va de gauche à droite suivant la direction de la fléche; il se lit comme une courbe de manométre inscripteur, c'est-à-dire que les col- lines À, A' correspondent aux augmentations de pression (expirations), les vallées B, B' aux diminutions de pres- sion (inspirations). | RU T Fig. 2. Graphique de la pression laterale dans la trachée pendant les insufflations du soufflet automatique. Lapin Si j'emploie le soufflet actionné par le moteur à eau, ses excursions sont exactement égales entre elles et il n'est plus nécessaire de les inscrire. Le tracé de la pression ( 422 ) dans la trachée est alors tout à fait régulier. La fig. 2 en montre un exemple. La voie par laquelle les exeursions du poumon reten- tissent ainsi sur les centres respiratoires doit étre loca- lisée dans le tronc des pneumogastriques. Dès qu'ils sont coupés, l'accord que l'on observait entre les mouvements respiratoires et les insufllations est rompu. Les respira- tions de l'animal interférent avec les mouvements du soufflet. La courbe de la pression de l'air dans la trachée trahit le désaecord entre les deux facteurs qui concourent à la former: les insufflations et les mouvements de l'animal. J | Fig. 3. Lapin à l ou pes ABC. Tracé A 80 ufflet. A'B'U'. Tracé de la pression dans la trachee lé courbe pointillée a été ajoutée à la main : elles t desti: če a représenter les mouvements respiratoires de Taaka tels qu'on les aurait obtenus sans fatre d'insufflations. La fig. 5 en donne un exemple. Le graphique inférieur ( 423 ) nous montre que le soufflet est resté au repos de A en B, qu'à partir de B l'on a pratiqué une série d'insufflations. La courbe supérieure qui représente la pression de l'air dans la trachée indique de A' en B' ce qu'était la respira- tion de l'animal, pendant le repos du soufflet. Dans la por- ton B'C' on distingue fort bien à travers les variations dues au mouvement du soufflet, celles provenant des mou- vements respiratoires de l'animal. La courbe pointillée a été ajoutée à la main, elle représente les mouvements res- piratoires tels qu'on les aurait obtenus sans insufflations. Le graphique suivant (n° 4) est emprunté à la méme expérience qui a déjà fourni le tracé n° 2. Il représente également la pression latérale dans la trachée pendant les insufllations du soufflet automatique. La seule condition nouvelle, cest que les deux pneumogastriques ont été coupés. Dés lors la courbe obtenue n'est plus simple, régu- liére, quoique les insufflations soient rigoureusement sem- blables. La courbe pointillée a la méme signification que dans la figure 3. Fig. 4. Graphique de la pression lutérale dans la trachée pendant les insufflations u soufflet automatique. Lapin à Faces ied coupés. La ligne pointillée à la méme signification que dans la figur Pour obtenir ce résultat, il faut couper les deux pneu- mogastriques, la section d'un seul ne suffit pas; ainsi la ( 424 ) fig. 2 a été empruntée à un tracé fourni par un lapin dont un pneumogastrique avait été coupé. Les expériences de Breuer (1) nous donnent la clef de l'expérience de Traube. Breuer a montré que l'état de dis- tension mécanique du poumon était iei le principal facteur. Chaque insufflation, chaque expansion mécanique du pou- mon a pour effet de provoquer chez l'animal l'état d'expi- ration, chaque mouvement de retrait du poumon provoque, au contraire, l'inspiration. C'es tle long des fibres du pneu- mogastrique que cheminent les excitations centripétes qui provoquent tantót l'inspiration, tantót l'expiration. Malgré leur importance capitale, les expériences de Breuer n'ont été répétées qu'un petit nombre de fois (2). L'un des expé- rimentateurs, Guttmann, est arrivé à des résultats un peu différents. On peut dire que ces expériences de Breuer n'ont pas encore passé dans le domaine classique de la physiologie. On me permettra donc de revenir sur celles d'entre elles qui ont donné lieu à des discussions, ce sont les expériences tendant à prouver qu'il existe dans le pneu- mogastrique des fibres centripétes qui ont pour effet d'ar- réter la respiration à l'état d'expiration (active) et qui sont stimulées par le fait de la distension mécanique du pou- mon. Chez un animal trachéotomisé et portant dans la trachée une canule en T, Breuer distend fortement le poumon par ` (1) Breuer, Die Selbsteuerung der mum durch den Nervus vagus. Sitzungsber. der K. Akad. z. Wien, 1868, p. 909. (2) Guttmann. Archiv f. Anatomie, 1875, pp. 500-525, Taf. XV. Rosenbach. Studien über den Nervus vagus. Berlin, 1877 * Lockenberg. Verhandlungen der Würzb. phys.-med. Gesellschaft, 1875 (cité par Rosenbach). ( 425 ) une ou plusieurs insufllations énergiques, il maintient le poumon distendu en fermant le tube par lequel il a pra- tiqué l'insufflation et qui se rend à l'une des branches de la canule en T, l'autre branche est en rapport avec un manomètre élastique de Fick qui inscrit la courbe de la pression latérale sur le cylindre du kymographe. A la suite de la distension pulmonaire ainsi produite, Breuer observe une suspension des mouvements respiratoires qui peut durer pendant un temps assez long et qui est suivie ou accompagnée dés le début d'une expiration active extré- mement prolongée. Dans le premier cas le tracé de la pres- sion trachéale reste horizontal pendant quelque temps, puis se reléve peu à peu, dans le second il se reléve dés le début. Aprés la section des pneumogastriques, la disten- sion physique du poumon n'a plus d'effet sur le rhythme respiratoire. Guttmann (1), opérant également avec le manométre de Fick, a observé l'arrét respiratoire survenant à la suite de l'insufllation pulmonaire, mais il nie l'existence de l'expira- tion active. Pour lui le tracé de la pression dans la trachée reste exactement horizontal ; s'il se reléve parfois un peu, cela devrait étre attribué à la dilatation de l'air renfermé dans l'appareil, dilatation due à l'échauffement au contact des poumons et à une saturation plus complète de vapeur d'eau. J'ai répété cette expérience de Breuer un grand nombre de fois en employant la méme disposition expérimentale que dans l'expérience de Traube. Le tambour à levier de Marey y remplace avantageusement le manométre de Fick (1) P. Guttmann. Zur Lehre von den Athembewegungen. Archiv für Anatomie, 1875. ( 436 ) employé par Breuer et par Guttmann. Je me suis facile- ment convaincu de l'arrét en expiration, de la suspension des mouvements d'inspiration qui survient quand, aprés une ou plusieurs insufflations énergiques, on ferme le tube d'arrivée de l'air de facon à maintenir les poumons dis- tendus. b ai ue coupée et expiration prolongée par le fait de la distension pul- monaire. De À en B, respiration normale ; en G une insufflation ; en F on ferme e tube; en O on ouvre de nouveau le tube qui part de la canule trachcale. La figure 5 en montre un exemple. De A en B se voit un tracé normal de la respiration. La partie inférieure du tracé correspond naturellement aux diminutions de pres- sion dans la trachée, c'est-à-dire aux inspirations; la partie supérieure, aux expirations. En G, au moment où l'animal commence un mouvement d'inspiration, on fait une seule insufflation, la courbe de la pression latérale se reléve natu- rellement jusqu'en F, point où l'on maintient les poumons à l'état de distension en fermant le tube de la canule tra- chéale. Aussitót la respiration s'arréte pendant plusieurs secondes, de F en I. De F en I, la courbe se reléve, ce qui indique que l'état d'expiration dans lequel se trouve l'ani- ( 427 ) mal est un état actif. Les muscles abdominaux se contrac- tent en effet pendant cette pause respiratoire, comme on peut s'en convaincre par l'inspection directe : ces mouve- ments se communiquent à la peau et aux poils du ventre. Ceci est entiérement conforme à ce que Breuer et aprés lui Rosenbach ont décrit. En I l'animal fait une première, en J une seconde inspiration; en O on ouvre le tube tra- chéal et la respiration normale de l'animal reprend immé- diatement. J'ai répété cette expérience un trés-grand nombre de fois sur au moins une douzaine de lapins et j'ai toujours obtenu des résultats trés-concluants. Parfois cependant (chez les lapins chloralisés), j'ai obtenu comme Guttmann des arrêts respiratoires en expiration passive, c'est-à-dire que la courbe, au lieu de se relever, restait absolument horizontale jusqu'au moment où la première inspiration venait mettre fin à cette apnée par distension mécanique. Ce résultat, je l'ai surtout obtenu lorsque je maintenais le poumon modérément distendu, aprés l'avoir ventilé énergi- quement par une série d’insufflations : l'apnée qui se pro- duisait alors était une apnée mixte, due en partie à une oxygénation exagérée du sang, en partie à la distension physique du poumon. Dans les deux cas, que l'arrét en expiration soit actif ou passif, les narines prennent pen- dant toute sa durée la position de l'expiration , elles res- tent fermées. Aprés la section des pneumogastriques , on n'obtient plus l'arrét respiratoire par la distension pulmo- naire. Rosenbach, qui a observé également la contraction des muscles abdominaux pendant l'apnée par distension, con- sidére cette contraction comme un phénoméne tout à fait accessoire ct local, dû à une action directe de la disten- sion thoracique et abdominale sur les muscles de la paroi ( 498 ) abdominale. Je crois que c'est là une erreur : pour moi la contraction des muscles abdominaux rentre bien ici dans le rhythme des mouvements respiratoires, elle fait partie de la phase d'expiration. En effet la suppression de la voie par laquelle le centre des mouvements respiratoires com- mande à ces muscles , supprime leur contraction : j'ai pra- tiqué la section de la moelle épinière à la région dorsale et je n'ai plus observé leur contraction, quoique les parois abdominales se laissassent distendre comme auparavant à chaque insufflation. Cette expérience de Breuer et d'autres analogues sem- blent donc bien établir qu'à côté des fibres centripètes inspiratoires admises par la plupart des physiologistes, le pneumogastrique en contient également qui ont un effet opposé, qui suspendent l'inspiration et provoquent l'expi- ration (passive ou active). Ces fibres proviendraient du poumon ou de la plévre et seraient excitées, entreraient en action dés que la distension mécanique du parenchyme pulmonaire atteint une certaine limite. Chez un animal à pneumogastriques intacts, toute inspiration doit donc fata- lement s'arréter d'elle-même à un niveau déterminé : ces fibres d'arrét ne fonctionnant plus lorsque les pneumogas- triques sont coupés, on comprend que les inspirations soient plus profondes, aillent pour ainsi dire jusqu'au bout chez les animaux qui ont subi cette opération. Voyons ce qui arrive lorsqu'on essaye de mettre en évi- dence l’action de ces deux ordres de fibres les unes inspi- ratoires, les autres expiratoires dans le tronc du pneu- mogastrique. L'expérience a certainement été tentée des centaines de fois. Un trés-grand nombre de physiologistes se sont occupés de l'influence qu'exerce l'excitation artifi- cielle du bout central du pueumogastrique sur le centre des mouvements respiratoires. Malheureusement, les résul- ( 429 ) tatsauxquels ils arrivent sont extrémement contradictoires. Je n'ai pas l'intention de refaire ici l'historique de cette question qu'on trouvera exposée tout au long dans les mémoires de Rosenthal et de Rosenbach. Le plus grand nombre des expérimentateurs admettent avec Traube et Rosenthal que l'excitation du bout central faite dans des conditions convenables ne peut qu'exagérer les mouvements d'inspiration , augmenter leur nombre si l'excitation est faible, produire un véritable tétanos de l'inspiration si l’excitation est forte. Les expirations que l'on obtient parfois par l'excitation électrique du bout cen- tral du pneumogastrique doivent, d'aprés eux, étre attri- buées à des dérivations du courant éleetrique, allant atteindre, par exemple, le nerf laryngé supérieur dont l'excitation provoquerait l'expiration (1). (1) Traube. € der Krankheiten des Respirations u. — tions apparates, p. Tra KS Medicin. ps des Vereins für Heilkunde in Preussen, 1847, n5, p SHE V H. Müller. Würzb. Verh., 1854, V Snellen. Onderzoekingen gedaan in het vittae Laboratorium der Utrechtsche Hoogeschool. Jaar VII. Utrecht, 1854-1855, p. 121. Claude Bernard. Lecons sur la physiologie et la iden du systéme nerveux, lI, p. 582. Ha nke. ed 9* Aufl., LH, p. 528. chiff. Leh h, 1, p. 412. Gibchri, PR british and foreign medico-chirurgical Review, 1858, Lindner. De TOR vagorum in respirationem eflicacitate. Diss. inaug. Berol., ehh nous de nervi vagi in respirationem vi et effectu. Diss. inaug. Dorpati, 1858 A. Waller et J.-L. papers Étude... de la déglutition. Archives de physiologie, 1870, pp. 1 : Rosenthal. Die ana ni Berlin , 1862, ( 450 ) -Cette opinion était assez généralement admise il n'y a pas longtemps : elle est encore enseignée dans la plupart des traités classiques de physiologie (1). D'autres physiologistes ont obtenu tantót une augmen- tation du nombre des mouvements respiratoires, tantót un tétanos inspiratoire, tantôt, au contraire, un arrêt en expiration, suivant la force du courant employé et quel- ques autres circonstances accessoires. L'excitation de tout autre nerf sensible pourrait produire la méme variété d'effets (2). . Enfin pour le plus petit nombre, le pneumogastrique ne contiendrait que des fibres expiratoires (3). Dans une question aussi controversée, il ne me restait qu'à répéter les expériences un grand nombre de fois en 1) Rosenthal s'est depui : que 1 Ex donis vent des fibres centripétes expiratoires (Bemerkungen, etc., über die Athembewegungen. Erlangen, 1875). (2) v. Helmolt. Ueber die reflectorischen Beziehungen des Nervus vagus zu den motorischen Nerven der Athemmuskeln. Inauguraldiss. Giessen, 1856 Aubert. Moleschott's Untersuch. 1857. III, p. 272. Tschishwitz. Nervis vagis irritatis diaph a num in inspiratione an in exspiratione sistitur ? Diss. inaugur. Vratislaviae, 1857. Burkart. Pflüger’s Archiv. Bd. I, p. 107. Paul Bert. Des effets de l'excitation du nerf pneumogastrique, du nerf laryngué supérieur et du nerf nasal sur la respiration. Archives de phy- siologie, 1869, pp. 179-522. Burkart. Studien über die automatische Thätigkeit des Athemcen- trums. Pflüger's Archiv, p. 427, XVI. (3) Budge. Comptes rendus, 1854, XXXIX, p. 749. Owsjanikow. Virchow's Archiv., 1860, XVIII, p. 572. Eckard. Rosenbach. Studien über den Nervus vagus. Rosenbach, dans une Note publiée ultérieurement dans les Archives de Pflüger, p. 502, XVI, a reconnu qu'il avait été induit en erreur, et s'est rallié aux idées de Rosenthal et de Traube sur ce point spécial. ( 431 ) m'entourant de toutes les précautions, et surtout sans parti pris, c'est-à-dire en cherchant à me désintéresser autant que possible du résultat que j'allais obtenir. Voici comment je dispose l'expérience. Pour exciter électriquement le pneumogastrique j'em- ploie une pile Grenet et le chariot de Du Bois-Reymond. Dans le circuit primaire (celui qui va de la pile au chariot, Jintereale une clef de Du Bois et un signal électrique Depréz qui par ses vibrations inscrit sur le cylindre en- registreur la durée du passage du courant électrique. Le nerf repose sur deux lames de platine supportées par une plaque de verre et reliées à la bobine secondaire (induite) du chariot. Les électrodes et la plaque ne touchent pas l'animal : le bout coupé du nerf offre donc entre la plaque et le corps de l'animal une portion suspendue en l'air, formant pont. Dés qu'on actionne la clef, le courant passe et le signal électrique inscrit ses vibrations tant que dure l'excitation du nerf. J'enregistre à cóté les mouvements respiratoires. La méthode la plus parfaite de représenter ces mouve- ments dans le cas qui nous occupe, c'est, je crois, d'indi- quer leur effet utile, c'est-à-dire les quantités relatives d'air qui entrent et qui sortent à chaque mouvement. Si l'animal respire par une canule en rapport avec une atmosphére confinée, il suffira d'inscrire les variations de pression que subit cette atmosphère pour pouvoir en dé- duire les volumes relatifs d'air qui entrent et qui sortent à chaque excursion de la poitrine de l'animal. L'air que l'animal respire est renfermé dans une grande bouteille (4 à 12 litres de capacité) bien bouchée à l'aide d'un bou- chon de caouctchouc. Deux tubes de verre coudés traver- sent le bouchon, l'un est relié par un caoutchouc trés- ( 432 ) court à la canule trachéale de l'animal, l'autre transmet à distance par un tube de caoutchouc les variations de pression de la bouteille et par conséquent la respiration de l'animal, à un tambour enregistreur de Marey. Le style écrivant du tambour et celui du signal Deprèz tracent leur courbe en regard l'une de l'autre. Tout mouvement d'inspiration va raréfier l'air de l'ap- pareil, déprimer la membrane du tambour enregistreur, rapprocher la plume écrivante de l'abscisse, tout mouve- ment d'expiration aura un effet inverse, gonflera la mem- brane du tambour et élévera la plume (1). Les choses étant ainsi disposées , les pneumogastriques étant coupés, le bout central de l'un d'eux reposant sur les électrodes, fermons la clef; en employant un courant d'intensité moyenne, nous obtiendrons généralement l'ef- fet indiqué par Rosenthal, c'est-à-dire un effet inspiratiore: tétanos inspiraloire ou série de contractions du dia- phragme dans l'intervalle desquelles cette cloison mus- culaire ne se relâche pas complétement. On peut observer tous ces intermédiaires entre ces tétanos et une simple accélération de la respiration. La question a été trop bien étudiée par d'autre pour que je m'y arréte ici longuement. Je me borne à donner un tracé de ce genre comme terme de comparaison avec ceux qui vont suivre. Dans la fig. 6, on trouve de A en B un tracé normal de la respiration ; de B en C excitation d'un pneumogastrique par un courant d'intensité moyenne produisant une série de petites inspi- (1) Ce mode d'inscription des mouvements respiratoires est indiqué par Beaunis (Traité de physiologie), comme ayant été imaginé par Bert. ll faut renouveler l'air de la bouteille pour peu que l'expérience se pro- longe. ra ( 453 ) rations se succédant si rapidement que le thorax ne peut prendre la position d'expiration dans l'intervalle. De C en D on cesse l'excitation, l'animal reprend sa respiration, mais l'excitation du pneumogastrique a laissé une légére tendance à la prédominance du type inspiratoire. D'autrefois j'obtiens un effet tout opposé, un arrét res- piratoire en expiration. Chez certains animaux, en faisant varier la force du courant, je produis tantót un arrét en expiration, tantót un tétanos inspiratoire, et cela que les sujets soient anesthésiés ou non. Ces expériences ont été faites sur des lapins, des cobayes, un chien et un chat. Chez le chat l'excitation du pneumogastrique a toujours provoqué un arrét en expiration, jamais d'inspiration. Fig. 6. Effet ordinaire de l'excitation électrique du } J Prédominance du type inspiratoire. Au lieu de l'excitation électrique, j'ai fréquemment employé des excitants de nature physique ou chimique : sections brusques, répétées, froissement du nerf entre les mors d'une pince, contact avec une solution saturée de NaCl, etc. Ces moyens produisent des effets du méme ordre que l'électricité. Nous sommes donc amenés de nouveau à cette conclu- sion que si la majeure partie des fibres centripétes respi- ratoires du pneumogastrique se rendent à un centre 2"* SÉRIE, TOME XLVII. 28 | (4M) | d'inspiration, il en est ‘d’autres dont l'excitation produit un effet tout opposé, agit sur un centre d'expiration. Il est impossible de séparer anatomiquement ces deux ordres de fibres. Les effets de cette dissection que le scalpel est impuissant à réaliser, on peut les obtenir au moyen de substances toxiques dont l'action se localise sur l'un de ces faisceaux de fibres. J'ai rencontré une sub- stance, l'hydrate de chloral, qui précisément a pour effet (chez le lapin) de diminuer l'action des fibres inspiratrices du pneumogastrique, ou plutót sans doute de déprimer l'excitabilité du centre auquel aboutissent ces fibres (1). Le chloral supprimant l’action des fibres inspiratoires, celle des fibres expiratoires devient prédominante. Chez un animal empoisonné par le chloral, on n'observe plus cette diversité d'effets à la suite de l'excitation du bout central du pneumogastrique coupé. Toute excitation du nerf faite dans ces conditions a pour effet de suspendre les mouvements respiratoires, de produire un arrét en expi- ration. Il faut pour cela une action profonde du chloral, l'animal doit étre non anesthésié, mais réellement empoi- sonné (2). Une injection de 2 à 5 grammes de chloral (4) On sait depuis plusieurs années que le chloral a pour effet de faire baisser le nombre des mouvements respiratoires (Liebreich, Rajewsky, M: Rae, Rokitansky, v. Mering). (2) Burkart (Pfiüger's Archiv XVI, p. 481) attribue au chloral une ac- tion toute différente. Les animaux chloralisés n'offraient plus dans ses expériences que des fibres inspiratrices dans le pneumogastrique « Sobald durch Morphium oder Chloralhydrat eine tiefe Hirn-Narkose ^ be dem Versuchsthier eingeleitet ist, bedingt die Reizung des centralen » Vagusstumpfes unterhalb des Abganges des Nervus laryngeus sup. nur » mehr inspiratorische Erscheinungen. » Il en conclut que les fibres expi- ratrices contenues dans le tronc du pneumogastrique cervical n'agissent sur le nœud vital que par l'intermédiaire des hémisphères cérébraux. La ( 455 ) (dissous dans trois ou quatre fois son poids d'eau) dans le péritoine chez un lapin de taille moyenne permet en gé- néral d'arriver à ce stade oü la respiration se ralentit ex- traordinairement, et où la mort est imminente. C'est dans les quelques minutes qui précédent le dernier mouvement respiratoire de l'animal qu'on obtient des résultats abso- lument constants. Toute excitation méeanique, chimique ou électrique arrête la respiration en expiration; celle-ci reprend dès que l'on suspend l'application de l’excitant, La fig. 7 en montre un exemple que l'on fera bien de comparer avec le résultat indiqué dans la fig. 6. De A en B respiration normale très-ralentie, de B en C excitation électrique d'un pneumogastrique, arrét en expiration ; en C on cesse l'excitation, la respiration reprend immédiate- ment; en D nouvel arrét respiratoire par excitation dü pneumogastrique. On remarquera que la première inspi- ration qui suit chaque arrét respiratoire a une durée plus forte que les autres. LI inus prd Fig. 7. Lapi j ; par le chloral. Effets de l'excitation d'un pneumogastrique. rét en expiration contradiction qui existe entre les expériences de Burkart et les miennes s'explique en partie au moins par les conditions différentes dans lesquelles elles ont été instituées. Burkart, tenant à conserver l'animal en vie pendant l'expérience, ne lui injectait qu'une faible dose de chloral. Dans mes expériences, il s'agit toujours d'un empoisonnement par le chloral se terminant par la mort. Les résultats de mes expériences sont en contradiction flagrante avec la conclusion que Burkart tire des siennes, ( 456 ) Les résultats obtenus de cette facon présentent un tel degré de constance, que l'on peut, en ouvrant et en fer- mant la clef intercalée dans le circuit électrique, modifier à son gré le rhythme respiratoire de l'animal. La fig. 8 est empruntée à une expérience ou pendant une minute entière on a produit alternativement une expiration longue, une brève, une longue, etc., à l'aide de cette ma- nœuvre de la clef électrique. Si le début de l'excitation correspond à la phase expi- ratoire de l'animal, celle-ci se prolonge pendant toute la durée de l'excitation. On peut ainsi suspendre la respira- tion pendant plus d'une minute. Si l'on prolonge trop longtemps l'excitation, l'animal ne se remet plus à res- €] TTE 7 OMBRE RUNE — —'Wamamunnmmu - ——— —— —omuu Fig. 8. Lapin empoisonné par le chloral. Rhythme respiratoire modifié par des excitations fréquentes du pneumogastrique. pirer, on paralyse complétement son centre inspiratoire, il est mort. La ligne horizontale de l'expiration se continue alors avec celle de la mort, ce qui prouve que dans ce cas au moins il s'agit d'une expiration passive, c'est-à-dire ALU LITTLE Lx Fig. 9. Lapin chloralisé. Effets de l'excitation électrique d'un pneumogastrique survenant au moment d'une inspiration I. ( 457 ) d'une simple action d'arrét sur le centre inspiratoire (voir la planche I, dernier tracé). Si le début de l'excitation cor- respond à l'inspiration, l'animal ne s'arréte pas en route, il compléte cette inspiration, mais en l'abrégeant comme le montre la fig. 9. Les petites ondulations (1) qui se voient sur la courbe de l'arrét respiratoire correspondent aux pulsations cardia- | ques. Tous ces faits et d'autres peut-étre qui m'échappent se volent beaucoup mieux encore sur les graphiques de la planche I. Le pneumogastrique semble donc contenir deux ordres de fibres respiratoires centripétes : des fibres inspiratoires el expiratoires. Ces fibres nerveuses sont probablement des conducteurs indifférents, ne différant entre elles que par leur point d'arrivée, parce qu'elles aboutissent à des groupes distincts de cellules nerveuses de la moelle al- longée; et le chloral agit sans doute non sur des fibres inspiratrices, mais seulement sur les cellules nerveuses auxquelles ces fibres se rendent. Nous sommes ainsi amenés à considérer dans la moelle allongée un centre inspiratoire et un centre expiratoire, le chloral agissant pour paralyser le premier. Le chloral à haute dose a pour effet de ralentir extrêmement les mouvements respira- toires qui peu à peu cessent complétement, bien avant que le cœur ait suspendu ses battements. Le tracé suivant en est un exemple. Il représente la pression dans la trachée d'un lapin empoisonné par le chloral, environ une minute (1) Le graveur a négligé de reproduire ces ondulations dans la plupart des graphiques. Elles ont été indiquées, mais peu exactement, dans la figure 5. ( 438 ) aprés le dernier mouvement respiratoire. Les petites ondu- lations correspondent aux pulsations du cœur. LT I t a a a a a ns 10. Lapin empoisonné par le chloral. Pression dans la trachée. Persistance des pulsations cardiaques alors que la respiration a cessé Dans les circonstances ordinaires, l'expiration est abso- lument passive, due uniquement à l'élasticité du thorax et des viscéres abdominaux; l'expiration n'est en général que la suspension de l'inspiration. Aussi le centre expiratoire a d'ordinaire un rôle absolument passif vis-à-vis du sys- téme nerveux périphérique centrifuge. Son action normale. parait done étre une action d'arrét à l'égard du centre inspiratoire (1). Ce n'est que dans des circonstances spéciales (vénosité exagérée du sang, dyspnée) que ce centre élargit son cer- cle d'action, et met en jeu les fibres nerveuses motrices qui vont aux muscles expirateurs. L'expiration devient alors active. J'ajuterai que j'ai essayé d’exciter les fibres respira- toires centripètes du pneumogastrique, par l'introductiori de substances irritantes (alcool) dans la cavité pleurale. Je n'ai pas obtenu de résultats dignes d'étre notés. (1) Voir : Rosenbach, loc. cit., p. 76. Bulletins, 2** Sere. t XLVII p.439. ( 439 ) EXPLICATION DE LA PLANCHE. —— Graphique de la respiration chez un lapin empoisonné par le chloral More les sept minutes qui ont précédé la mort. L'animal respire dans atmosphère confinée dont on inscrit les variations de pression. Les BR RARI ont été coupés, on excite le bout central du pneumo- astrique droit par une série de chocs d'induction (chariot de Du Bois) d'intensité moyenne, dont le signal électrique donne un graphique picis inférieur de chaque ligne). Arrêts respiratoires en expiration. À la su du dernier arrét respiratoire, l'animal fait une seule inspiration super- ficielle, puis cesse de respirer et meurt. (Ligne VII, D.) Le tracé se lit de gauche à droite et de bas en haut. Chaque ligne repré- sente une durée d'une minute environ, elles se suivent avec quelques secondes d'interruption seulement La distance qui sépare les deux styles écrivants ayant varié un peu pendant l'expérience, le graphique du signal électrique ne saurait servir d’abscisse que pour chaque ligne prise isolément. I, 11, IH.. .. 1re, 2me, 57v..... minute. Tracé I. — Ins. Inspiration. Ex. Expiratio de A en B Excitation du pneumogastrique droit. A. Ex. Arrêt en expiration I. P. posite prolongée A’ B’. Excitation du i pneum en À’ inspiration coupée. Tracé III. I. C. bin co Traeé VII. en C. Excitation id mer à, jusqu’en D. Dernière inspiration, puis l’animal cesse de respirer. On remarque de I en VII une diminution graduelle de l'amplitude des mouvements respiratoires (à mesure que l'empoisonnement fait des — M. Maus, président de la Commission des paraton- nerres, annonce que, dans sa séance du 22 mars dernier, ( 440 ) la Commission, à l'unanimité de ses membres moins une voix, celle de M. Duprez, a pris la résolution suivante, au sujet de différentes communications dont M. Melsens l’a saisie, relativement à son nouveau systéme de paraton- nerres : « La Commission estime que le paratonnerre du sys- » téme de M. Melsens peut étre adopté concurremment » avec les paratonnerres construits conformément aux » instruclions en vigueur. » Cette délibération sera transmise au Gouvernement et aux administrations qui ont consulté l'Académie à ce sujet. ( 4H ) CLASSE DES LETTRES. Séance du 7 avril 1879. M. LrcLERCQ , directeur, président de l'Académie. M. LiaGnE, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. G. Nypels, vice-directeur; Gachard, P. De Decker, Ch. Faider,le baron Kervyn de Lettenhove, R. Chalon, J.-J. Thonissen, Th. Juste, Alph. Wauters, H. Conscience, Ém. de Laveleye, Alph. Le Roy, Ém. de Borchgrave, A. Wagener, J.-F.-J. Heremans, Edm. Poullet, F. Tielemans, G. Rolin-Jaequemyns, membres; J. Nolet de Brauwere Van Steeland, Aug. Scheler et Arntz, asso- ciés; F. Loise, Stan. Bormans, Ch. Piot, Ch. Potvin, J. Stecher et Eug. Van Bemmel, correspondants. MM. Éd. Mailly, membre de la Classe des sciences; L. Alvin et J. Franck, membres de la Classe des beaux-arts, assistent à la séance. CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l'Intérieur adresse: 1* Une expédition d'un arrété royal en date du 6 juin 1875 qui, par dérogation aux arrêtés antérieurs sur la ma- tiére, permet d'admettre au concours pour les divers prix ( 442 ) quinquennaux les ouvrages écrits en langue néerlandaise par des auteurs belges , et imprimés en Néerlande; 2 Un exemplaire des ouvrages suivants pour la biblio- thèque de l'Académie : Le directeur Montaque , par Domi- nique Keiffer, volume in-12, et Indices, par Ch. Michel, du livre : Avesta, traduit par C. de Harlez, broch. in-8*; 5° De la part de M. Léopold de Beckh-Widmanstetter, capitaine au 47* régiment d'infanterie, général de Hartung, à Trente en Tyrol, un exemplaire de son livre, en alle- mand, sur les tombeaux de l'ancienne noblesse de Styrie et de la Carinthie, vol. in-8°. Des remerciments sont votés pour ce don, ainsi que pour les ouvrages suivants dont il est fait également hommage à la Classe : 4° Oud-Martelaren op Westvlaamsche pijnbank her- marteld; par M. J. Nolet de Brauwere van Steeland (as- socié), 1879; br. in-8° ; 2 Ypriana. Notices, études, notes et documents sur Ypres ; tome second, par M. Alphonse Vandenpeereboom. Bruges, 1879; vol. in-8° (présenté par M. Faider) ; 9^ La politique; par M. Bluntschli, associé (traduit de l'allemand et précédé d'une préface par M. Armand de Riedmatten), 1879; vol. in-8°; 4? La Souabe aprés la paix de Bále; par M. G.-G. Vreede (associé), 1879; vol. in-8° ; 5° Pensieri sul progetto di codice penale italiano; del F. Carrara (associé), 1879; vol. in-8°, 3° édit. (pré- senté par M. Nypels); 6° Les moyens de remédier à Anvers (1566); par P. Gé- nard ; 1879, br. in-8^; 7^ Intorno ad alcuni sepolcri scavati nel? arsenale militare di Bologna; osservazioni del conte senatore Gio- vanni Gozzadini, 1875; br. in-8°; ( 443 ) 8° Di un antico sepoléro a Ceretolo nel Bolognese ; esposizione, par le méme, 1879; br. in-8°. — M. Thimoléon Philimon, éphore de la Chambre des députés à Athénes, remercie l'Académie d'avoir bien voulu accorder l'envoi de ses sais à la bibliothèque de la Chambre hellénique. La Société littéraire et philosophique de TUN remercie pour le dernier envoi des publications de l'Académie. — L'Académie Mont-Réal, à Toulouse, fait savoir que son troisième grand concours poétique et de prose sera ouvert pour la France, l'Angleterre, la Belgique, l'Espa- gne, l'Italie, la Suisse et la Turquie, à dater du 4°% mai 1879. En vertu de son programme exclusivement progressif et humanitaire, le conseil supérieur de l'Académie impose comme sujet l’Éloge des bienfaiteurs de l'humanité. — La Classe renvoie à l'examen de MM. le baron de Witte et Wagener une Notice manuscrite de M. L. Gales- loot, chef de section aux Archives du royaume, et inti- tulée : Découverte d'une tombe de l'époque romaine à Lovenjoul, prés de Louvain. — Un mot sur les vestiges d'une villa de cette époque à Laeken: — M. Ch. Rahlenbeek, ancien consul de Saxe, adresse pour la bibliothéque de l'Académie un manuscrit qu'il a rédigé, en 1851, en réponse à la question suivante, mise au concours à cette époque : Quelles ont été jusqu'à l'avénement de Charles-Quint les ( 444 ) relations politiques et commerciales des Belges avec l'An- gleterre? M. Rahlenbeek ajoute dans sa lettre d'envoi que: « ce qui le décide à offrir aujourd'hui ce manuscrit à l'Aca- démie, c'est que les questions commerciales et indus- trielles sont plus que jamais à l'ordre du jour. » Des remerciments sont votés pour ce don. RAPPORTS. Une énigme littéraire. — Quel est l'auteur de Li ars d'amour, de verlu et de boneurté? par M. Ch. Potvin, correspondant de l'Académie. Rapport de M. le baron Kervyn», « La Classe a bien voulu renvoyer à mon examen un mémoire de M. Potvin sur : Li ars d'amour, de vertu et de boneurté. C'est à M. Jules Petit que nous devons une excellente édition de ce livre si intéressant et si instructif, et rien ne peut lui enlever l'honneur d'avoir retrouvé le nom de Jean d'Arckel dans l'engin joint aux manuscrits. Que d'autres parties de cet engin restent obscures et puissent donner lieu à des interprétations nouvelles et à des conjectures diverses, cela est incontestable. L'engin comprend deux parties distinctes. Il faut cher- cher dans la premiére le nom de celui à qui le volume est offert, pour qui est fait, dans la seconde, le nom de celui qui le composa, ki le fist. (45) L'auteur de l'engin, après avoir annoncé qu'il faut cher- cher les noms à reculons, donne dans la seconde partie, toujours en retournant les mots : Ekeve Tertu ou évêque d'Utrecht. Cet évéque d'Utrecht, dont le prénom n'est pas moins nettement indiqué dans l'engin, est Jean d'Arckel , évêque d'Utrecht de 1342 à 1364, puis évêque de Liége de 1364 à 1578. En effet, plusieurs auteurs disent de lui qu'il com- posa de grands ouvrages et qu'il excella dans les lettres francaises. A qui ce livre fut-il offert? Rien ne me parait affaiblir l'attribution faite par M. Petit à Jean Le Bel qui, comme chanoine de Liége, put contribuer à la translation de l'évéque d'Utrecht au siége de Liége et que devait rap- procher de Jean d'Arckel le lien étroit des dignités ecclé- siastiques alliées au goût des lettres. Il est à remarquer qu'ils eurent pour ami commun le sire de Beaumont. Faut-il substituer à l'un de ces noms celui d'un Jean de Saint-Venant à peu prés inconnu dans les fastes de la che- valerie, complétement inconnu dans l'histoire des lettres? Le silence absolu des contemporains ne présente-t-il point la première réfutation de cette assertion? Est-il bien sérieux de vouloir, précisément dans les vers oü l'on recom- mande de retrancher le chief, c’est-à-dire la première lettre du mot : sein, la maintenir au contraire, pour aller effacer une autre lettre cinq mots plus haut? Et dans quel but? Afin de retrouver : venant dans le mot : avenant placé, je lai déjà dit, dans un vers antérieur à celui où nous lisons le mot : sein. Et pour compléter cette conjecture il faut donner au mot sein, mis ici pour saint selon M. Potvin, une orthographe qu’il n’a jamais eue, si ce n’est en Angle- terre. Et comment justifier cette explication dans un engin ( 446 ) oü l'on nous avertit que, si nous voulons retrouver de noms, nous devons les chercher à reculons? M. Potvin ne sait lui-méme quel serait ce Jean de Saint- Venant. Il cite un seigneur de ce nom mort en 1383. Ail- leurs, il croit découvrir une allusion historique à des événements arrivés, selon lui, en 1568, mais qui, à notre avis, appartiennent à une époque antérieure. En effet, l’œuvre, portant le nom de Jean , évêque d'Utrecht et non évéque de Liége, doit par cela méme étre antérieure à 1564. C'est ce que démontre aussi l'antiquité des manu- serits. M. Potvin semble ne pas s'en être préoccupé. « Aucun des manuscrits, dit-il, ne remonte au séjour de » Jean d’Arckel à Utrecht. » Le contraire sera démontré lorsque M. Potvin entreprendra un travail paléographique qui eüt dà former la premiére base de cette discussion. En résumé, le mémoire de M. Potvin oü abondent des affirmations trop absolues sans preuves sérieuses, ne me parait point de nature à répandre de nouvelles lumières sur notre histoire littéraire au moyen âge; et si quelque responsabilité s'attache à l'opinion des commissaires en ce qui touche l'insertion dans les Mémoires de l'Académie, Je ne puis l'accepter, et je désire, en m'abstenant de toute proposition à ce sujet, m'en référer à l'avis de mes honora- bles confréres que la Classe a bien voulu m'adjoindre dans l'examen de ce mémoire. » Rapport de M. Bormans. « Dans sa notice intitulée : Une énigme littéraire, quel est l'auteur de Li ARS D'AMOUR, DE VERTU ET DE BONEURTÉ, notre honorable confrére, M. Potvin, veut expliquer qua- torze vers francais sous lesquels l'auteur de ce curieux ( 447 ) ouvrage de philosophie morale du XIV" siècle, a voilé tout à la fois et son nom et celui de la personne pour laquelle il a écrit son livre. M. Jules Petit, de la Bibliothèque royale, avait déjà proposé une solution de ce probléme; mais M. Potvin ne s'en déclare pas satisfait, de méme que M. Petit avait, de son cóté, rejeté une autre interprétation formulée antérieurement par M. Paulin Paris. Si trois esprits aussi distingués n'ont pu trouver le mot de l'énigme, on peut déjà en conclure qu'il n'est pas aisé à découvrir. Et en effet, aux obstacles que l'écrivain s'est plu mali- gnement à accumuler, est venu s'en joindre un autre sur lequel il n'avait certes pas compté, je veux dire l'interpré- tation d'un texte ancien : on concoit que ses vers, déjà obscurs pour des contemporains, le soient devenus bien davantage pour nous qui ne sommes pas familiarisés avec le langage du XIV: siècle. Il importe d'abord — et tout le monde en conviendra — de bien établir la ponctuation des phrases et de fixer le sens des mots. Ce n'est qu'après être tombé d'accord, si C'est possible, sur ces points capitaux, que l'on pourra se livrer avec quelque chance de succès à l'étude de l'engin méme. Tâchons donc de traduire exactement, et sans nous préoccuper du mystère qu'ils renferment, les quatorze vers en question, placés par l'auteur à la fin du premier cha- pitre de son traité. « Pour qui ce livre est fait et qui le fit, l’auteur nous le révèle en ces vers. Vous pourrez très- bien découvrir Les Nos, si vous faites attention que, pour augmenter la difficulté, il a mis la signature (le sein) à rebours. Essayez, je vous prie, car cela m'est agréable (il m'est bel). Vous obtiendrez aisément (avenant pour ave- namment) LE SURNOM, en l'ajoutant à la signature, aprés ( 448 ) en avoir retranché la téte. Si vous savez traduire en fla- mand le mot dire, vous aurez LES Noms en français. Et si vous voulez connaitre LE sURNOM, joignez au contraire d'amour, en les retournant,les mots ekeve et tertu. Et maintenant, exercez-vous. » Dans quel sens précis le mot sein, qui figure deux fois dans ce passage, doit-il étre pris? « Le sein, dit l'éditeur de Li ars d'amour, c'est la forme écrite du nom. » Voilà une explication qui peut paraitre bien subtile. Mais soit. A quel nom l'auteur fait-il allusion? Est-ce au sien propre ou à celui de son ami? À ce dernier, répond M. Petit. Il serait difficile de justifier cette maniére de voir: rien n'autorise à croire que le mot bel répond au mot sein plutôt qu'à tout autre, à celui d'ekeve, par exemple. C'est tout au plus s'il en pourrait être ainsi dans le cas où l’auteur, jouant sur les mots, aurait mis car il est bel, ce qu'il pouvait dire sans altérer la mesure du vers , et avec d'autant plus de raison que jusqu'ici il s’est exprimé à la troisième personne. N'est- il pas beaucoup plus rationnel de prendre le mot sein, syno- nyme de seing (signum), dans le sens ordinaire de signa- ture? Il semble, en effet, que ce n'est pas sans motif que l'auteur parle deux fois des noms, deux fois du prénom, et deux fois du sein, et qu'il veut établir entre ces mots une distinction bien marquée. Ce doit étre aussi avec intention qu'il a répété, tout à la fin de son livre, comme une véri- table signature, les deux derniers vers, plus courts que les autres, et dans lesquels on trouve deux mots positivement écrits à rebours. M. Potvin a fait cette derniére remarque, mais, comme nous allons le voir,i 1 n'est pas resté fidèle à son système. Selon M. Petit, les mots il mest bel cachent, sous un double sens, le nom de la personne pour laquelle le livre ( 449 ) fut fait. Bel est le sein, « la forme écrite du nom » qu'il faut lire à rebours, ce qui lui donne leb; puis, se confor- mantaux instructions contenues dans les deux vers suivants, il ajoute le résultat obtenu à ce nom méme,et il obtient Le Bel. Cette déduction,il faut en convenir, est extrémement ingénieuse; elle l'est méme tellement, que si ce n'est pas là le véritable secret de l'engin, les recherches de M. Petit l'ont conduit à une découverte vraiment extraordinaire; en effet, les éléments dont elle découle concordent si bien avec les exigences du probléme, que l'on attribuerait diffi- cilement au hasard un pareil concours de circonstances, et que, si ce n'était réellement pas la combinaison préparée par l'auteur, on pourrait presque affirmer que jamais le chercheur n'aurait pu la trouver. Cependant M. Potvin ne l'admet pas. Pour lui, les six premiers vers ne font pas partie de l'engin : c'est un simple préambule. Pour lui encore, le surnom, au vers sept, ne peut signifier le complément du nom ; le surnom est tout bonnement ce que l'on ajoute au nom propre de quelqu'un. C'est parfaitement exact; mais, à la rigueur, cette observation pourrait tourner à l'avan- tage de M. Petit, car on sait que des Canges élait le nom patronymique du maitre de Froissart, et que le Bel ou le Beal n'était qu'un surnom. Un point plus sérieusement em- barrassant pour le systéme de M. Petit, est l'article qui pré- cède ajoustés. Que faut-il ajouter à sein? Grammaticale- ment, c'est le surnom ; or, comment l'ajouter, puisqu'on ne le connait pas, puisque précisément c'est lui que l'on cherche? Supposons que ce soit bel, et, pour rendre le texte plus clair, placons une virgule aprés ferés, deux points aprés bel. En mettant la phrase à la question, on pourra lui faire dire ceci : Vous connaitrez le surnom (de mon ami) en joignant à la partie déjà connue de son nom, Qme SÉRIE, TOME XLVII. 99 ( 450 ) cette méme partie dont vous aurez retranché la pre- mière lettre. A la rigueur la construction est correcte, et M. Potvin a tort de critiquer l'expression à sein, prise pour au sein, qui est trés-justifiable. Mais ce que l'on admettra plus difficilement, c’est la pensée qui est aussi mise à la torture et qui se perd dans une sorte de tautologie insai- sissable. Il faut bien l'avouer: la démonstration de M. Petit n'entraine pas la conviction du lecteur. Voyons si celle de M. Potvin nous contentera. Pour lui, le nom du person- nage pour lequel le livre a été composé est avenant, moins la première lettre du motetavec l'adjonction de saint : donc S'-Venant. Certainement, cette solution est bien ingénieuse aussi: moins que l'autre, cependant. De plus, elle est également hérissée de difficultés. Et d'abord, quel est le róle du mot avenant dans la phrase? Est-ce un substantif, un adjectif, ou un adverbe? Est-il mis en apposition avec surnom? A-t-il un double sens, comme bel aux yeux de M. Petit? 2^ Comment surnom devient-il synonyme de nom propre? 5" Pourquoi sein perd-il tout à coup la signification de signature qu'il avait quatre vers plus haut, pour prendre celle de saint qu'il n'a jamais eue dans notre langue? 4^ Comment expliquer le futur : « vous aurez le nom avenant, » puisque l'auteur donne lui-méme ce nom et que, si on le modifie d’après les indications du vers suivant, on n'aura plus avenant, mais S'-Venant; 5° Enfin, il est certain que, en tenant seulement compte de l'ordre dans lequel les mots se présentent dans la phrase, seins cief se rapportent beaucoup plus logiquement à sein qu'à avenant. Je ne parlerai pas de l'embarras où l'auteur du mémoire s'est jeté, à l'effet de trouver dans la famille de S'-Venant un homme assez illustre pour étre identifié avec ( 494 ) le personnage qu'il vient d'exhumer: il serait trop difficile d'arriver à une conclusion rigoureuse. On le voit, la solution proposée par M. Potvin pour cette partie de l'engin, n'est pas non plus concluante. Il faut méme reconnaitre que , si daus le systéme de M. Petit l'auteur aurait mis trop de finesse dans son énigme, dans celui de M. Potvin il serait tombé presque dans la banalité. Le seul avantage qu'il offre est que l'article qui précéde ajoustés trouve un substantif "—— il se rapporte conve- nablement. Passons aux vers 9 et 10 : « Se vous savés dire en tyois Mettre en franchois les nons au rois. » L'examen critique que fait ici M. Potvin du travail de M. Petit, me parait constituer la partie la plus solide et réellement la plus utile de son mémoire. Il prouve d'une maniére évidente que l'interprétation telle qu'elle est faite, blesse à la fois la grammaire, la syntaxe, la logique et méme un peu le bon sens; il est impossible, en effet, de justifier les expressions si vous savez dire en tyois (sans régime) pour: si vous savez parler flamand; mettre en franchois pour: rendre en anagramme ; les nons au rois pour: le nom du roi. Il faut de toute nécessité placer la virgule après mettre et réunir en un seul mot au rois (pour aurez), lors méme que cette forme ne se rencontrerait pas une seule fois dans les deux volumes de Li ars d'amours, car il faut ici tenir compte de l'exigence de la rime. Mais par quoi M. Potvin remplace-t-il l'édifice qu'il vient de démolir si laborieusement? Ainsi que le génie de la langue l'exigeait, c'est sur le mot dire qu'il fait l'opéra- ( 452 ) tion indiquée par l'auteur (1). Mais, sortant complétement des conditions du programme, au lieu de traduire ce verbe en flamand, il le rend en allemand ; de plus, au lieu de l'ex- primer par sagen, traduction usuelle, exacte, rigoureuse, il va chercher la forme inusitée, ou trés-rare : jehen, qui veut plutôt dire avouer, confesser ; enfin, il métamorphose jehen en Jehan. Voilà un enchainement d'idées auquel, sans craindre de se tromper, on peut dire que l'auteur de l'engin n'a jamais songé. J'ajoute que, de méme que M. Potvin a pris tantót surnom pour nom, il prend encore ici nom pour prénom. Restent les quatre derniers vers. En placant un point aprés joindés, M. Petit, lui, obtiegt une phrase incomplète, qui n'a aucun sens. De plus, sans y être le moins du monde autorisé par l'auteur, il fait de haine (2), l'opposé d'amour, un anagramme, d’où il tire Jehan. Quelque invraisemblable qu'elle soit, M. Potvin adopte cette explication, consentant, lui aussi, à interpréter surnom par prénom, quoique, plus haut, il l'eüt pris dans le sens de nom propre, encourant ainsi le méme reproche qu'il adresse à M. Petit. En outre, moins conséquent que celui-ci, il admet que l'auteur de l'énigme, aprés avoir immédiatement auparavant révélé les prénoms des deux amis, Jehan, consacrerait encore deux nouveaux vers pour répéter que Jehan est bien le sien propre. Si l'on songe en quel désarroi de pareilles subtilités auraient mis le lecteur, il faut en conclure qu’elles ne (1) C'est ce qu'a trés bien senti M. Paulin Paris; mais comme ce savant ne connait sans doute pas le flamand, il s'est embrouillé dans sa démons- tration : c'est dire et non mettre qu'il faut traduire par seggen, dont il fait Seguin. (2) L'orthographe ordinaire de ce mot, au pays de Liége, était hayme. ( 453 ) peuvent jamais avoir existé dans la pensée de l'écrivain. En résumé, M. Potvin me parait avoir parfaitement démontré que l'explieation des vers neuf et dix, telle qu'elle est donnée par M. Petit, est inadmissible; mais il n'est pas parvenu à les remplacer par une autre plus satis- faisante. De plus, partout ailleurs il laisse subsister le doute, et l'on pourrait conclure de son mémoire que l'auteur de Li ars d'amour n'est pas encore connu et, peut-étre, ne le sera jamais. La singuliére fantaisie qu'il a eue de cacher si bien son nom (nugae difficiles!) aura pour conséquence de le priver de la gloire littéraire à laquelle il avait indubita- blement droit. Quoi qu'il en soit, cette discussion ne saurait rester sté- rile et pourrait, aprés tout, mettre sur la voie d'une décou- verte. À ce titre, et toutes réserves faites, le travail de M. Potvin mérite de voir le jour, d'autant plus qu'il y a joint sur Jean d'Arckel et sur les sires de S'-Venant des considérations historiques intéressantes (1). » Rapport de M. Le Roy. « Je dirai comme M. Paulin Paris : je jette ma langue aux chiens. Une coincidence singuliére en faveur du sys- téme de M. Petit. En bouleversant les mots du vers 5, selon l'avertissement donné au vers précédent, je trouve : Mais puis porrés tirer Lebel. Entre l'arbre et l'écorce... je me garderai bien d'insister. (1) Je ne puis m'empécher de faire une dernière réflexion : c’est que. l'on pourrait trouver au moins étrange l'hypothése de M. Petit qu'un évéque de Liége aurait composé un livre pour un simple tréfoncier de sa propre cathédrale, et lui-méme écrivain brillant. ( 454) L'interprétation de M. Potvin est certes aussi ingénieuse que celle de l'éditeur de Li ars d'amour; seulement son Jehan de Saint-Venant demeurera, jusqu'à plus ample informé, un personnage fort problématique, et je me fais difficilement à la transformation de sein en saint. — Quant à la paternité de l'ouvrage, je ne crois pas qu'elle puisse être révoquée en doute: Jean d'Arckel, évêque d'Utrecht, est neltement désigné. Qui sait? Il se rencontrera peut- étre un nouvel OEdipe, et M. Potvin, ce chercheur infati- gable, pourrait, de son cóté, tót ou tard, trouver définiti- vement la piste. En attendant, comme sa dissertation est intéressante par elle-méme, je pense qu'elle peut trés-con- venablement figurer au Bulletin. » La Classe vote l'impression au Bulletin du travail de M. Potvin. CONCOURS DE 1879. Conformément à l’article 20 de son règlement, la Classe entend : : 1° La lecture des rapports de MM. Le Roy, Piot et Wauters sur les deux mémoires recus en réponse à la question : Les encyclopédistes français essayèrent, dans la seconde moitié du XVIII siècle, de faire de la principauté de . Liége le foyer principal de leur propagande. Faire connaitre les moyens qu'ils employérent et les résultats de leurs tentatives, au point de vue de l'influence ( 455 ) qu'ils exercérent sur la presse périodique et sur le mouve- ment littéraire en général. 2% La lecture des rapports de MM. Wauters, Poullet et le baron Kervyn, sur les deux mémoires en reponse à la question : ; Écrire l'histoire de Jacqueline de Bavière, comtesse de Hainaut, de Hollande et de Zélande, et dame de Frise. La Classe se prononcera , dans sa prochaine séance , sur les conclusions de ces rapports qui paraîtront dans le Bulletin du mois de mai. COMMUNICATIONS ET LECTURES. — UNE ÉNIGME LITTÉRAIRE : Quel est l'auteur de « Li Ars d'amour, de vertu et de boneurté? » —par M. Ch. Potvin, correspondant de l'Académie. Lı Ars D'amour , publication de l'Académie de Belgique, 2 vol. in-8o, 1867- 1869. — Manuscrits de Bruxelles, n»* 9543 et 9548; manuscrit de Paris, Bibliothéque nationale, n" 611. — Catalogue Paulin Paris , v. 187. Li Ars d'amour mérite de prendre une place modeste à cóté des célébres Essais de Montaigne. C'est aussi, et sur un plan plus régulier, « un Code complet de philosophie morale, » comme M. V. Leclere a appelé les Essais. C'est aussi « un livre de bonne foy »: — « C'est moy que je peins, » dit Montaigne, et l'auteur de l'Art d'aimer qua- lifie de méme son livre : «Ki est ainsi comme men ymage. » ( 456 ) C'est aussi pour un ami qu'il a été éerit : « Moi représen- tant à vous, dit l'auteur. Car ce ke je voel en mi , désir-je en vous, » dit-il encore. La méthode qui consiste à pren- dre à l'antiquité, non pas seulement « la peau et la couleur, mais la chair, les os,les nerfs et le sang, » comme le conseillera Du Bellay, la méthode ne diffère guère qu'en un point : l'illustre écrivain francais entrecoupe son style de nombreuses citations latines, tandis que notre obscur auteur se borne à traduire ses maitres en francais. Le style, enfin, malgré des obscurités qui passent sur l'Art d'aimer comme des nuages, rapproche encore les deux moralistes, par ses qualités de prime-saut, par la verdeur de sa sève, puisée aux bonnes sources. Mais quel est cet écrivain qui devance ainsi Montaigne ? L'éditeur académique avait d'abord inserit sur le titre du premier volume le nom de Jehan le Bel ; au tome second, le nom disparut et il fallut attendre l'Introduction pour voir que l'éditeur prend définitivement parti pour Jean d'Arckel. Mais les raisons qu'il en donne soulévent trop d’objections pour qu'on puisse étudier ce livre sans com- mencer bien vulgairement par la recherche d'une énigme, on disait Engin alors, et l'engin ici s'impose, car le nom de l'auteur y est caché et la date du livre ne peut guére se trouver ailleurs. Force est done de négliger Aristote que l'auteur imite si souvent d'aprés les traductions latines, l'Ecclesiaste dont il fait quelquefois passer le souffle dans son style, Sénéque qu'il commente, Montaigne qu'il annonce, l'ami- tié dont il parle d'un ton qui fait penser à Étienne de la Boétie, l'amour, la vertu, le bonheur, qu'il place si haut... pour déchiffrer un rébus en vers. (457) E Trois personnes ont abordé le sphinx sans craindre d'étre dévorées. Le première est modeste, ne se nomme pas et se borne à expliquer deux mots dont un est la clef de l'énigme. L'engin dit qu'on trouvera un des noms en ajoutant au contraire d'amour, et en les retournant, deux mots, insérés dans deux vers que les manuscrits de Bruxelles ont écrits sur la marge: ekeve et tertu. On ne sait qui a écrit posté- rieurement en marge d'un de ces manuscrits : « Contraire d'amours est haine. Heine en tiois est » Henris en francois. Ekeve en retournant est eveke, et si » €roi-je: Henri eveske. « Le remanant adevinez « Car jà par moi plus Wik sçaurez. » Nous verrons bientôt que le nom de Henri est impos- sible, puisqu'il est question d'un évéque d'Utrecht et qu'aucun prélat de ce diocése n'a porté ce nom à l'époque probable oü ce livre a été fait. Puis, est venu M. Paulin Paris ; mais il ne connaissait pas la note qui met au jour le mot Evéque et le manu- scrit qu'il décrivait orthographie ce mot faussement: Ekene, de sorte que le bibliographe s’est égaré: il lui manquait ce premier fil d'Ariane. Grâce à ce fil léger, l'éditeur belge a trouvé un second mot. L'énigme dit : Ekeve, en retournant, et Tertu. L'ano- nyme avait retourné le premier mot, M. J. Petit a retourné ( 458 ) le second, et nous sommes en présence d'un évêque d'Utret (1) : Utrecht. Cette fois le labyrinthe était circonserit, mais il n'était pas impossible de s'y égarer. Voici l'énigme telle que l'éditeur la publie, avec l'expli- cation qu'il en donne : Pour qui est fait et ki le fist, Par ces vers ci le vous descrist. Très-bien porrés savoir les noms; Mais le sein (2) a à reeulons Mis pour pis traire le bersel. Or le ferés; car il m'est bel Avenant le sournon arés A sein seins cief se l'ajoustés. Se vous savés dire en tyois, Mettre en franchois les nons au rois. Se le sornon savoir volé Au contraire d'amours ind (5). Ekeve, en retournant, Et tertu. Or va avant. Pour qui ce livre a-t-il été fait, qui l'a fait? C'est la double question que l'auteur propose à résoudre dans les vers qui suivent. Vous pourrez Ariwa” connaître les noms, dit-il, mais prenez garde que le sein ias seing, signum), la forme écrite du nom, est mise au rebours pour pis traire u berseil, c’est-à-dire pour augmenter la difficulté d'atteindre le but. Or le ferés, car il m'est bel, est une de ces finesses que je signa- lais tantôt : « Vous y réussirez cependant, car ij me plait, ou il m'est » agréable, i] m'est bel. » (4) Cil d’Utret (la mort du comte de Hénau, publication des bibliophiles belges, n° 20 (2) Le manuscrit de Paris, dit : le sens (8) Le point que met ici l'éditeur belge óte au verbe joignez ses com- pléments; il ne faut pas méme une virgule, et, si l'on veut une ponctua- tion , il faut deux points. ( 489 ) Remarquez bien ce pronom qui en dit plus qu'il n'est gros: qu'il représente le nom ou le membre de phrase or le ferés , en E que la construction se complète par que vous le fassiez, il importe : l'ob- LT est déterminé et il est placé à rebours, c'est Bel, qui se se à Pen- s Leb. h ais vous aurez le compléinent du nom, avenant le sournon arés. Si vous l'ajoutez, le nom lui-méme que vous connaissez déjà, à la partie qui en est écrite, sauf le chef, la première lettre B ; or ce complément n'est que la Feri dete de s premiére partie du ii et en lisant celui-ci en entier, régulièrement ou à rebours, vous obtenez toujours Le Bel. C'est le nom du personnage doubt qui le livre est fait. Ce qui suit appartient à la seconde question : « Si vous savez parler la langue flamande, le thiois ou bas-allemand, il vous faut mettre en fran- chois le nom du roi. » Remarquons ici tout premiérement que mettre en franchois ne veut nullement dire traduire en langue françoise, mais que c'est un jeu de mots destiné à donner le change au lecteur et à le dérou- ter ; cela signifie simplement mettre en désordre, en fragments, boule- verser, c'est-à-dire réduire en anagramme le nom du roi traduit en thiois. S'il fallait prendre la locution en franchois avec sa signification littérale et actuelle, les deux vers qui en dépendent n'auraient pas le moindre sens raisonnable. Mais de quel roi s'agit-il? Peut-étre du roi de France Charles V (1564-1580); plus probablement du roi de Bohême, l'empereur d'Allemagne Charles IV (1548-1 P tous deux contemporains de l'auteur; tous deux d'ailleurs pi à la cour de France et ant le goùt des lettres. Or ce nom pinton evient KAREL dans une bouche flamande ou thioise, et ri sat alors jc prise e Arkel.. Le prénom est indiqué par le méme procédé: /e contraire d'amour, c'est Haine, anagramme Jean, et l'auteur achève re de se qualifier par le distique final : Ekeve en retournant et tertu, dont le renversement four- nit la lecture: EvEKE-UrRET. De 1342 à 1564, le siége épiscopal d'Utrecht a été effectivement occupé par Jean d'Arkel, qui fut, en cette derniére année, transféré au siége épiscopal de Liége. Peut-être le troisième vers indique-t-il, d'une facon assez obscure à la vérité, que les deux person- nages ont le méme prénom, nom étant opposé à sein avec une sorte d'in- tention. Mais il n'est pas douteux qu'il s'agisse ici de Jean le Bel, et ce que nous connaissons de l'existence à la fois mondaine et savante de ces deux hommes d'Église, nous permet de supposer sans trop de témérité qu'ils durent étre liés d'amitié. Y eüt-il dans le résultat quelque chose de vrai, l'inter- ( 460 ) prétation est trop mal justifiée pour pouvoir faire autorité. Nous sommes donc forcés de détruire d'abord tout le sys- tème, sauf à recommencer la recherche sur nouveaux frais. Une des principales indications se trouve dans les deux vers que l'éditeur écrit ainsi : Si vous savez dire en thiois Mettre en franchois les noms au rois. Le manuscrit de Paris, au lieu de aurois, dit : aurez, et aurois est le méme verbe orthographié différemment. M. Paulin Paris comprend donc qu'il faut mettre la vir- gule, non pas à la fin du premier vers, mais après le mot mettre, de sorte que le dernier membre de phrase signi- fie : vous aurez les noms en francais. Mais l'éditeur belge, qui part de l'idée que le premier nom est Jehan le Bel et qui s'efforce d'arriver à Jean d'Arkel, s'imagine qu'il y arrivera par l'anagramme de Karel, et au lieu du verbe auro?s,il lit au rois, sans songer que l's final du mot rois ne le permet qu'à la condition de mettre sur le compte de l'auteur une grosse faute d'or- thographe. Cela seul suffirait à détruire tout son système. Admettons par extraordinaire la faute. Le premier vers peut à toute force signifier : «Si vous savez parler (dire en) thiois. » Mais quand on l'interpréte ainsi, en placant la virgule à la fin du vers, que devient le vers suivant? Il n'a plus de construction réguliére possible. L'éditeur est obligé de lui en prêter une, aux dépens de la syntaxe. Selon lui, mettre est employé ici pour : mettez , il faut meltre, vous devez mettre. Admettons encore l'ellipse et lisons: « Mettez en fran- ( 464 ) cais le nom du roi. » Mais Karel est thiois et n’est pas français. L'éditeur s’en tire encore; mettre en français devient mettre en désordre, qui devient mettre en ana- gramme, et en supposant qu'il existe des exemples de cette locution, exemples que l'interpréte néglige de donner, l'opposition de en thiois et en franchois empécherait de lui attribuer ici ce sens. i l'on pouvait passer sur toutes ces impossibilités, il resterait encore à savoir de quel roi il est question dans cette faute de grammaire. Rien n'indique un Charles cou- ronné. L'éditeur en prend deux : « Tous deux contempo- rains de l'auteur, » dit-il. Mais c'est justement le nom de l'auteur que l'on cherche dans l'anagramme du roi, réputé d'avance son contemporain. C'est vraiment préjuger trop de choses à la fois. Il est vrai que l'éditeur. eroit avoir trouvé un premier nom. Mais ici, rien ne peut étre admis de son interpré- tation. En effet, l'auteur dit : Avenant le surnom aurez, A sein, sans chief, se l'adjoutés. et l'énigme distingue deux fois le nom du surnom. Mais l'éditeur ne peut aboutir à rien qu'en donnant au mot surnom trois sens différents. Dans les quatre derniers vers, ce mot annoncera les titres d'un personnage : évéque d'Utrecht. Ici, voyons ce que devient la phrase. « Vous aurez le surnom avenant si vous l'ajoutez sans téte à sein, » dit l'auteur. L'éditeur traduit: « Vous aurez le surnom (non pas le surnom, comme plus loin, mais le complément du nom, c'est-à-dire sa première syllabe); si vous l’ajoutez (non pas encore lui, le surnom, non pas la seconde forme ( 462 ) que l'éditeur vient de lui préter, mais le nom lui-méme que vous connaissez déjà), — si vous l'ajoutez, à quoi ? à sein, comme dit l'auteur? nullement; au sein, comme dit l'éditeur. Peut-on mettre ainsi une phrase à la torture ? C'est cependant sur ces deux vers, ainsi forcés, que repose tout le systéme. N'admettez pas le nom de Jehan le Bel, le reste tombe. L'éditeur moderne n'a donc trouvé qu'un mot , admis- sible au premier abord: Utrecht. Une autre de ses indica- tions nous sera utile, mais quand nous aurons essayé d'établir le sens des prineipaux vers de l'énigme. II Voici l'engin tel qu'il faut le lire; je mets les variantes entre parenthéses. I. — PRÉAMBULE. Vers 1. Pour qui est fait et ki le fist, 2. Par ces vers, ci vous le descrist. 3. Trés bien porrez savoir les noms, 4. Mais le sein (le sens)a à reculons 5. Mis, pour pis traire le bersel ; 6. Or le ferez, car il m'est bel. II. — PREMIER SURNOM. -1 . Avenant le surnom arés 8. A sein, seins (sans) chief, se l'ajoustés. HI — Les noms. 9. Se vous saves dire en thiois . Mettre, en franchois /es noms aurois (aurez). - e ( 463 ) IV. — SECOND SURNOM. 11. Se le surnom savoir volés 12. Au contraire inem j 15. Ekeve, en retourn 14. Et tertu. Or va RES L'énigme semble done divisée en quatre parties. Mais la premiére partie contient-elle déjà un mot de l'énigme ou lui sert-elle seulement de préambule en se bornant à poser le probléme: « L'auteur vous dira lenom de son ami et le sien, mais pour plus de mystére, il a mis le seing à reculons. Maintenant essayez, car cela me plaît.» Cette explication me semble d'autant plus plausible que l'auteur, au vers 5 comme au vers 10, annonce les noms au pluriel, déclare qu'on pourra les trouver, puis en donne le moyen : Trés bien pourrez savoir les noms (vers 5). En franchois les noms aurez (vers 10). Pour les surnoms, l'auteur agit autrement. Aprés son préambule, il distingue nettement et donne d'abord un premier surnom; puis les noms, enfin, le second surnom. Les deux vers qui donnent le premier surnom me semblent bien simples: « Vous aurez le surnom avenant, si vous l'ajoutez, sans téte, à sein, » dit l'auteur. Est-ce la téte du mot sein qu'il faut couper? Cela ne sert de rien. Mais si l'on comprend tout naturellement : « Le surnom sera avenant, si vous lajoutez sans tête à sein, » on trouve un nom trés-connu : Saint-Venant. L'énigme orthographie sein et néglige la particule de, comme elle dira Utret pour d'Utrecht. Mais un acte de 1561 appelle le plus célébre personnage de cette famille, le maréchal de France, Robert, justement comme l'énigme : ( 464 ) Sire Sein-Venant (Rymer, t. VI, p. 515). L'orthographe suffit donc ici. Supposons que le nom qu'a voulu désigner l'auteur ait été Saint- Venable; quoi de plus naturel qu'en jouant sur l’adjectif convenable, il eût dit : vous aurez le surnom convenable, etc. Un rébus pareil n'embarrasserait personne. L'adjectif avenantest moins usité, mais il est resté dans la langue. Il suffit de le connaitre pour comprendre ces deux vers, La famille des Saint-Venant a donné un historien, Jean de Wavrin, au siécle littéraire des ducs de Bourgogne. Aurait-elle donné un moraliste à la littérature francaise? Rien ne nous autorise à penser que ce Saint-Venant soit l'auteur du livre, plutót que l'ami « pour ki le fist. » HI Ce point me semble acquis. Pour le reste , je crains fort que nous ne sortions pas du labyrinthe des conjectures. Les deux vers suivants (9 et 10), si l'on reste dans l'or- thographe et dans la syntaxe, forment une phrase com- pléte; il n'est besoin d'y rien ajouter, ni d'en rien chan- ger; les trois versions sont d'accord; ils ne peuvent avoir que deux sens : « Vous aurez les noms en francais, si vous savez dire en thiois le mot mettre — ou : le mot dire en thiois mettre — et l'inversion, ainsi que l'expression : mettre en thiois, est bien plus dans le génie de la langue du temps. Mettre d'ailleurs ne fournit rien. M. Gaston Paris me propose d'adopter le verbe dire et d'en faire, d'aprés Diez, en moyen haut-allemand : Jehen, en haut allemand: ( 465 ) Jehan (1), ce qui nous donnerait en français le nom de Jehan, commun aux deux amis. Ici viendrait se placer une interprétation de M. Jus Petit qui trouve dans haine, contraire d'amour, lana- gramme de Jehan. L'engin donnerait donc une première fois le nom des deux amis dans les vers 9 et 10: « Si vous savez dire en thiois mettre » — et il le répéterait pour l'évéque dans contraire d'amour (vers 11-14). Nous aurions alors ces deux personnages : Jehan de Saint-Venant. Jehan , évêque d'Utrecht. IV Mais le sphinx ne se tient pas pour battu. Car s'il n'y avait dans l'histoire qu'un Jean, évéque d'Utrecht (il y en à six) ou qu'un Jean de Saint-Venant, il ne nous resterait pe moins à nous demander lequel des deux a écrit le livr Cheréhons à circonscrire encore le labyrinthe. Le lieu étant limité à l'évéché d'Utrecht, on simplifiera le probléme en limitant l'époque oü le livre put étre rédigé. Aprés 1571, il n'y a plus d'évéques à Utrecht du nom de Jean, ce qui exclut tous les Jean de Saint-Venant du XV: siècle. Avant 1571, il y a six évêques de ce nom, mais il est déjà assez étonnant que ce livre ait pu étre composé avant 1571 pour qu'on puisse encore le faire re- (1) Jenex : Sagen, etc. (Laur. de Westenrieder, Glossarium germa- nico-latinum, primi et medii devi, 1610, p. 266). — Voyez DiEz, éd. Scheler, p. 199. 2"* SÉRIE, TOME XLVII. 50 (466 ) monter au XIII* siècle : à Jean de Nassau (1267-1282) ou à Jean de Zira (1282-1296). Jean de Diest (1322-1340) vient ensuite, mais une allusion historique dont je par- lerai bientót lui est défavorable. Restent Jean d'Arckel (1342-1364) et Jean de Wierne- berg (1564-1571). Que l'un de ces évéques ait composé ce livre avant Froissart, avant Gerson, avant que Charles V eüt com- mencé, comme dit Christine de Pisan, à Faire en francois du latin traire, avant les premiéres traductions francaises d'Aristote et de Tite-Live, avant Oresmes dont un manuscrit est daté de 1570, avant Raoul de Presles dont la traduction du Polycratique est de 1571,— il faut bien l'admettre puisque le siége épiscopal d'Utrecht n'a plus été ocenpé aprés eux par un titulaire du nom de Jean. A moins done de détruire toute l'énigme, nous avons à choisir entre ces deux pré- lats. Il n'y a dans ces deux volumes qu'une allusion histo- rique. L'auteur veut moderniser cette phrase d'Aristote : « Un Lacédémonien n'ira pas délibérer sur la meilleure mesure politique qu'aient à prendre les Scythes, » et il dit : « Cil de Hongrie ne se conseillent mie comment li Francois vainkeront les Arragonois » (t. 1°, pp. 277- 978). L'éditeur moderne se croit obligé de repousser en note toute idée d'allusion, — comme si l'on pouvait sup- poser qu'un écrivain, pour « donner une forme moderne à la version d'Aristote, » ait pu prendre au hasard les pre- miers noms venus, dont le rapprochement eüt été moins clair pour ses lecteurs que la traduction littérale du phi- ( 467 ) losophe grec et n'aurait contenu « aucune allusion à des événements contemporains. » Quand a-t-on jamais pro- cédé de la sorte? Étrange facon de rajeunir un texte que d'en faire un coq-à-l'àne! ll y a là nécessairement, au contraire, une allusion à l'histoire. On sait qu'au milieu du XIV* siècle, les rois de Naples, Français d'origine, avaient à cœur de vaincre les rois de Sicile, de famille aragonaise. Mais que viennent faire ici les Hongrois? L'auteur n'a pas fait une phrase si différente de celle d’Aristote pour ne rien dire. Avant 1545, l’allusion eût été impossible: la reine Jeanne régnait à Naples avec son époux, André de Hongrie, et les Hongrois devaient s'intéresser à cette cour. Le 20 avril 1545, André mourut étranglé, et pendant longtemps sa vengeance, poursuivie par son frére contre la reine accu- sée de complicité dans l'assassinat, dut occuper les Hon- grois; en 1548, Louis de Hongrie marchait avec une armée en Italie, Jeanne s'enfuit de Naples à Nice, mais le pape qui avait évoqué contre elle l’accusation de meurtre accepta sa proposition de vendre Avignon à la papauté et à ce prix la déclara innocente. La grande peste, dite de Florence, fit bientót diversion à ces luttes. Ce n'est donc pas avant 1548 que l'auteur a pu écrire cette phrase et cela écarte Jean de Diest, mort en 1540. Trente-deux ans aprés, le projet de vengeance était repris; mais en 1580, il n'y avait plus de Jean d'Utrecht. C'est done. aprés 1548 et avant 1571 qu'il faut chercher une période où les Hongrois, entre deux expéditions venge- resses, ont pu paraître indifférents aux guerres d'Italie. En 1349, Philippe de Valois, étant à Avignon, achetait deux seigneuries, du roi Jacques de Majorke, qui, dépouillé par le roi d'Aragon de ses autres possessions, voulait s'en ( 468 ) venger. Jacques, avec l'argent du roi de France, assemble une armée de Provencaux et de Languedociens, attaque le roi d'Aragon, est vaincu et tué dans le combat. Voilà une lutte entre Francais et Aragonais où les Hongrois ne « se conseillérent mie. » En 1568, on trouve aussi les Francais et les Aragonais en guerre, dans une chevauchée de Du Gueslin contre Tarascon qui appartenait à Jeanne de Naples. Quelques années auparavant (1562), Jeanne, étant encore veuve, avait été demandée par le roi de France, pour lui-méme, puis pour son quatriéme fils. Elle s'était hàtée d'épouser Jacques d'Aragon, le fils du roi tué en 1549. Cette fois les politiques étaient seulement en présence et non en guerre. L'allusion à ces luttes serait une premiére présomption en faveur de Jean d'Arckel dont les nombreux séjours dans le Midi : à Grenoble, à Avignon, à Rome, sont connus. Jehan d'Arckel a cependant contre lui son titre d'évéque de Liége. En 1564, il quitta Utrecht pour ce siége supérieur où il régna de 1564 à 1578. Si l'un de ses titres devait lui res- ter dans les manuscrits, il semble que ce doive étre le plus honorifique et le dernier. Est-il à supposer que pendant ses quatorze années de pontificat en pays de langue ro- mane, dans une époque littéraire, du temps de Jehan le Bel, on n'eüt fait aucune copie d'un livre transcrit au moins trois fois, auparavant et plus tard (1)? Et comment (1) Par suite d'une erreur de copie le manuscrit soumis à. la Classe portait ici: plus tard, au lieu de: auparavant et plus tard. ll en est résulté de la part d'un des commissaires une observation qui n'a plus sa raison d’être. Mais là question de la date des manuscrits reste entière. (Note du secrétariat.) ( 469 ) expliquer qu'aueun des copistes, si prompts d'ordinaire à varier leur texte d'aprés les circonstances, et qui devaient connaitre les mots de l'énigme, n'y ait pas donné à l'évéque son nouveau titre qui aurait ajouté du prix à l’œuvre copiée? Liége était aussi facile à retourner qu'Utret, et, en confiant l’œuvre aux Liégeois, on l'eüt conservée plus sûrement. On peut répondre que Jean était né en Hollande, d’une famille hollandaise, qu’il avait inhumé son frère dans sa cathédrale d'Utrecht et tenait tant à son premier évêché, à sa vraie patrie, qu'il voulut y étre enterré et qu'il le fut en effet, d’après ses dernières volontés, comme Suffridus l'atteste, dans la nef orientale de son ancienne cathédrale, auprès de sa sœur; son cœur seul resta à Liége. Jean d'Arckel a aussi pour lui sa réputation d'homme lettré et d'écrivain. Tous les chroniqueurs sont d'accord sur ce point. Placentius lui attribue une instruetion hors de pair dans les lettres sacrées et profanes : In sacris et secularibus litteris non vulgariter institutus. Une Grande Chronique belge répète : Vir utique doctus scientiis tam spiritualibus quam secularibus. G. Héda rapporte qu'il restaura son évéché en dotant les églises et les monastéres de toutes les choses nécessaires, y compris les biblio- théques; (car, dit-il, c'était un savant et il composa de gros livres qui existent encore : Erat enim doctus admodum et qui volumnia ingentia composuit quae modo extant). Le méme écrivain ajoute que, s'il en parle aussi longuement, c’est parce que l'évêché, de temps immémorial, n'a pas eu son pareil, et il en fait un portrait qui rappelle bien celui qui ressort du livre de l'Art d'amour : il s'occupa des belles-lettres françaises et y excella. Il visita l'Italie et de nombreux pays, et apprit à connaitre les villes et les mœurs : ( 470 ) des peuples... I} domina les révoltes de ses sujets et les agressions du dehors,se vengeant d'une manière sanglante ou pacifique et toujours vainqueur de ses ennemis; il con- nut l'adversité sans que son esprit s'en soit laissé abattre, doué qu'il était d'une vertu telle que la postérité attendra longtemps son égale : « Sumus longiori stilo vitam hujus Episcopi prosecuti, cui a conditae ecclesiae Trajectensis tempore parem non invenimus, qui per tot versatus pro- vincias, urbes, moresque populorum edoctus. Nam in gal- liis bonis litteris, artibusque, quibus pollebat, operam dedit. Italia peragravit, majores insultus in provincias suas et exterorum incursiones , populique subditi defectio- nes, apertaque bella perpessus, quam quivis praedecesso- rum : quae licet cum extremo discremine, modo cruentus, modo incruentus , semper (amen victor, gloriose hostes repulit atque extinxit. Adversa quaeque expertus, nun- quam animo consternatus, omnique virtute praeditus qualem longa desiderabit posteritas » (p. 246). Cette réputation ne devait guère se maintenir. En 1521, Héda prétend que ses livres existent encore : modo extant. Un siècle aprés, Buchelius, en annotant Héda, dit qu'il n'en reste plus aucun souvenir, à moins qu'ils ne soient cachés quelque part, en proie aux vers: « De libris vero ab eo compositis nulla extat memoria , nisi ii lateant alicubi et cum tineis pugnent. Le commentateur cite ensuite une note marginale de Gisb. Lappius, qui donne le titre et les sept divisions d'un Livre pontifical qu'il fit rédiger en latin et qui va de la consécration des prêtres (liv. 1°) à leur dégradation (liv. VIT) (Héda, p. 255). D'un ouvrage francais aussi important que l'Art d'aimer, pas un mot : Nulla extat memoria. La vie de Jean d'Arckel offre des circonstances favo- ( 471 ) rables à la rédaction de ce livre, comme son caractère en refléte bien les idées. Fils d'une grande famille, nommé évêque à 28 ans,son règne peut se diviser en deux phases intermittentes qui se reproduisent plusieurs fois; l'une, toute d'action et riche en expériences autant qu'en dan- gers, où il défend son évéché des ennemis du dedans et du dehors, de la ruine et des invasions; l'autre, toute d'obscu- rité, de loisir et d'étude, où il se réfugie aprés chaque armistice ou chaque victoire, pour réparer, dans la retraite, ses propres forces et les finances de l'évéché. C'est dans la France, en Touraine, en Provence, qu'il chercha toujours le repos ; il dut se plaire à en parler la langue et s’habituer à l'écrire, dans ce commerce avec les cours et les églises de langue francaise. Ce séjour si souvent répété en France répond à l'objection qu'il serait bizarre qu'un évêque d'Utrecht écrivit si bien le français. Les relations politiques de l'évéque le portaient aussi vers nos provinces wallonnes. Quand Guillaume, comte de Hainaut et de Hollande, assiégea Utrecht et que Jean ac- courut de Grenoble pour prendre part à sa défense, il en appela à l'oncle du comte, au célèbre Jean de Beaumont, ami de Jehan le Bel, un des promoteurs de la culture litté- raire en Hainaut. Ainsi, malgré des difficultés que je n'ai pas dissimulées, tout, jusqu'à nouvelle information, doit nous faire préférer l’évêque, célèbre , brillant et lettré, à Jean de Wierneberg. V La famille des Saint-Venant ne peut-elle, à son tour, fournir rien de décisif, pour ou contre? On n'a conservé aucun vestige de l'amitié qui aurait existé entre un de ses membres et un titulaire de l'évéché d'Utrecht. + VAR.) Deux Saint-Venant sont contemporains des deux évé- ques. Dans Une vieille généalogie de la maison de Wavrin, par M. Félix Brassart, on lit ce qui suit : « Branche de Saint-Venant. VII. A. Jean de Saint-Venant, chevalier, seigneur de Liemont, en 1577, mort vers 1583 (v. st.) le 14 mars, gisant en l'abbaye de Markette, à droite du grand autel, ayant épousé Jeanne le Prevost. En 1349 et en 1352, il était qualifié « écuyer, fils et hoir du feu chevalier Mahieu de Saint- Venant. » Il brisait d'un lambel de trois pendants. « De l'enquéte faite en 1596 sur la noblessede Robert de Saint-Venant , dit Markant, il résulte que le chevalier Jehan de Saint-Venant était cou- sin en autre (issu de germain) dudit Robert Markant , qu'il combattit les Anglais en 1570 et 1575, oü son pennon était porté par ledit Robert (pp. 52 et 55). » J'ai publié ce qui reste de cette enquéte (Bulletin de l'Académie de Belgique, 9"* série, t. XLIII, n° 4, avril 1877). Trois expéditions de Jean y sont relatées; ce sont les chevauchées contre Robert Knolles, en France (1570), — contre les dues de Lancastre et de Bretagne (1375), où Froissart fait paraitre un sire de Wavrin, dont il ne donne pas le prénom, — et la bataille de Rosebeeke (1582). M. Brassart cite à la même époque un Jean, dit Behort ou Boort de Saint-Venant, non pas bâtard, comme le font les anciens généalogistes, mais cadet de la famille et fon- dateur dela branche des Markant. Un seul fait plaide en faveur de Jean contre Boort, c'est que, des trois manuscrits qui restent , l'un porte les armes des comtes de Béthune et provient de leur bibliothèque, et l'autrea appartenu à Charles de Croy qui y a mis sa signa- ture. Or, Charles de Croy était sire de Saint-Venant; il avait acheté la terre de Wavrin, Lillers et Saint-Venant, de ( 475 ) l'époux de sa tante, Philippe de Wavrin et de Saint-Venant. Ce manuscrit, en restant daus la branche des Saint- Venant et non dans celle des Markant, prouverait en faveur de Jean de Saint-Venant. Les deux jeunes gens, l'un chanoine ou évéque , l'autre écuyer ou chevalier, auront pu se rencontrer en Touraine, ou en Hainaut, chez Jean de Beaumont. VI. Un manuscrit cependant se retrouve aussi bien dans la famille de l'auteur que dans celle de l'ami qui lui en offre une copie. Il nous reste à voir si de nouvelles indications ne peuvent pas décider auquel des deux amis il faut attri- buer ce livre. On a déjà vu les titres littéraires de Jean d'Arckel, ainsi que les circonstances de sa vie bien faites pour lui inspi- rer un « Code de morale » et lui permettre de l'éerire en français, dans ce style de prime-saut qui n'appartient qu'aux hommes de caractère. Il est pourtant nécessaire de revenir à l'énigme. L'au- teur la commence en annoncant qu'il va décrire le nom de celui pour qui il a fait son livre et le sien, et il ajoute aus- sitót : « Mais le sein est mis à reculons. » Si au lieu de sein, on pouvait lire sien : son nom, tout serait dit. S'il faut comprendre : le sens ou le signe, il devient moins aisé de rapporter cette expression à une seule des parties de l'en- gin et l'on devrait plutót en inférer que l'auteur a mis tout le sens de son énigme à rebours, c'est-à-dire qu'il aurait donné d'abord son nom. Le plus probable est quele mot sein, seing, est employé iei pour signature et l'un des manuscrits parait confirmer cette maniére de voir. En effet, le livre se termine par ( 474 ) quelques vers où l'auteur exhorte le lecteur à prier pour lui. Au dernier vers, il parle à la première personne et dit : Amen, men livres icy fine, A quoi le manuscrit de Croy ajoute les deux derniers vers de l'énigme qui mettent le sein à reculons et nom- ment l'évéque d'Utrecht. L'auteur, aprés avoir dit : « mon livre est fini, » semble avoir répété au bas son seing. Une autre raison milite en faveur de l'évéque, c'est la connaissance dont l'auteur fait preuve, à chaque page, des textes latins, sacrés et profanes; et le but moral de l’œuvre annonce aussi bien moins un chevalier qu'un prélat qu'on sait s'étre placé en philosophe et en lettré au-desssus des épreuves de la vie. Il faut espérer que, la question étant ainsi présentée, il se trouvera à Utrecht ou à Liége, à Avignon ou à Paris, ne füt-ce que le titre d'un ouvrage en francais à ajouter au Liber pontificalis, ou un souvenir de l'amitié qui unit le moraliste du XIV* siècle au chevalier de Saint-Venant. Alors, dans ce siécle qu'on a cru si longtemps pauvre en écrivains, les provinces du Nord donneront à la littérature francaise, avec le maitre de Froissart, Jean le Bel, avec le meilleur continuateur de Chrestien de Troyes, Jean de Condé, un précurseur de Montaigne : Jean d'Arckel. — La Classe se constitue en comité secret pour s'o€- cuper de la discussion des titres des candidats aux places vacantes, et subsidiairement, des candidatures supplémen- taires. | ( 478 ) CLASSE DES BEAUX-ARTS. Séance du 5 avril 1879. M. le chevalier Léon DE BunBunE , directeur. M. LraGre, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. L. Alvin, Guill. Geefs, Jos. Geefs, C.-A. Fraikin, Edm. De Busscher, Alph. Balat, J. Franck, Gust. De Man, Ad. Siret, J. Leclereq, Ern. Slingeneyer, Alex. Robert, Ad. Samuel, G. Guffens, J. Schadde, mem- bres; Alex. Pinchart, J. Demannez, correspondants. MM. Montigny et Mailly, membres de la Classe des sciences, et M. R. Chalon, membre de la Classe des lettres, assistent à la séance. CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l'Intérieur informe qu'il a invité le conseil d'administration de l'Académie royale des beaux- arts d'Anvers à donner connaissance à M. Lauwers, lauréat du grand concours de gravure de 1874, des termes de l'ap- préciation faite par la Classe des beaux-arts sur le sixiéme rapport de ce lauréat. ( 476 ) — Le méme haut fonctionnaire adresse une expédition d'un arrété royal du 22 mars, ouvrant un double concours pour la composition d'un poëme en langue française et d'un poéme en langue flamande destinés à être mis en musique, pour le grand concours de composition musicale de cette année. — M. Éd. Mailly offre un exemplaire de son mémoire intitulé : Les origines du Conservatoire royal de musique de Bruxelles. (Extr. du tome XXX des Mémoires in-8° de l'Académie.) M. P. Trabaud, de Marseille, fait hommage à la Classe d'un exemplaire de la 2* édition de son ouvrage intitulé : Outre-Manche. Notes et sentiments sur les Iles Britan- niques, 1875 ; petit in-8°. Des remerciments sont votés aux auteurs de ces dons. ———— ———— COMMUNICATIONS ET LECTURES. La Classe avait à son ordre du jour la rédaction défini- tive de la liste des objets d'art à reproduire par les lauréats des grands concours. M. Alvin fait observer qu'il serait opportun, avant d'ar- réter cette liste, de savoir quel usage on fera des copies exécutées par les lauréats. |l propose de consulter M. le Ministre à ce sujet. — Adopté. ( 471 ) ÉLECTIONS. La Classe procéde à la formation de la liste double des candidats pour la nomination du jury chargé de j juger les cantates. Cette liste sera communiquée à M. le Ministre de l'In- térieur. — L'ordre du jour appelle l'élection d'un membre titu- laire dans la section de musique en remplacement de M. le baron Limnander, qui à demandé à étre rangé dans la catégorie des associés. Les suffrages se portent sur M. Théodore Radoux, déjà correspondant de la Classe et directeur du Conservatoire royal de Liége. Cette élection sera soumise à la sanction de Sa Majesté. OUVRAGES PRÉSENTÉES. Mailly (Éd.). — Les origines du Conservatoire royal de musique de Bruxelles. Bruxelles, 1879 ; extr. in-8°. Nolet de Brauwere van Steeland (Dr. J.). — Oud-Marte- laren op Westvlaamsche pijnbank hermarteld. Vilvorde, 1879; in-8°. Bambeke (Ch. van). — Contribution à l'histoire du dévelop- pement de l’œil humain. Gand, 1879, extr. in-8°. Valérius (H.). — Les applications de la chaleur, avec un ( 478 ) exposé des meilleurs systémes de chauffage et de ventilation, 9n* et 57* livraisons (3"* édition). Fari 1879; 2 E Hr es Keiffer (Dominique). Le direct I s, 1877; in-8 wrote (C. de). — Avesta, livre sacré des sectateurs de Zo- roastre, traduit du texte : Indices, par Ch. Michel. Liége 1878; in-8°. Vandenpeereboom (Alph.). — Ypriana, notices, études, notes et documents sur Ypres, tome second : la chambre des éche- vins. Bruges, 1879 ; vol. in-8°. Lefèvre (Th.). — Recherches podes — de l'ovule des environs de Bruxelles, O ( )gig Münst., sp. Bruxelles, 1878; extr. in-8*. Hymans (Louis), — Histoire parlementaire de la Belgique de 1851 à 1880, tome II. Bruxelles, 1879; vol. in-8*. M [assart]-J. [anssens] de B. (M"* A.). — Hygiéne et sau- vetage pour la femme, pour la famille et pour la société. Bruxelles, 1877 ; in-8*. Vander Straeten (Edmond). — La musique aux Pays-Bas avant le XIX” siècle, documents inédits et annotés : composi- teurs, virtuoses, théoriciens; SORN opéras, motets, etc., tome IV. Bruxelles, 1878; in Observatoire royal de dift. — Annales, nouvelle série: annales astronomiques, tome II. Bruxelles, 1879; in-4°. ALLEMAGNE ET AUTRICHE. Geschichts- und Alterthums- Verein zu Leisnig. — Mittheil- lungen, V. Heft. Leisnig, 1878 ; in-8°. Oberlausitzische Gesellschaft der Wissenschaften. — Neues lausitziches Magazin, LIV. Bd. 4. und 2. Hefte. Gorlitz, 1878; 2 cah. in-8*. Neue zoologische Gesellschaft in Frankfurt a. M. — Der ( 479 ) zoologische Garten, XIX. Jahrgang n* 7-12. Francfort s[M, 1878; in-8°. Geologische Reichsanstalt. — Jahrbuch, 1878, October- December. —- Verhandlungen, 1878, n^ 14-17. Vienne; in-8*. Anthropologische Gesellschaft in Wien. — Mittheilungen VIII. Band, n° 10-12. Vienne, 1879; in-8°. Berliner Gesellschaft für Anthropologie, Ethnologie und Urgeschichte. — Verhandlungen, Jahrg. 1878, Januar-Juni. Berlin ; in-8*. Verein für Naturkunde in Fulda. — Meteorologiseh-phä- nologische Beobachtungen aus der Fuldaer Gegend, 1878. Fulda, 1879; in-8°. Naturwissenschaftliches Verein für Steiermark. — Mit- theilungen, Jahrgang 1878. Gratz, 1879; in-8°. Beckh-Widmanstetter (Léopold V.). — Studien an den Grabstätten alter Geschlechter der Steiermark und Kärntens. Berlin, 1877-78; in-8°. Nehring (Alfred). — Die Fossilreste der Mikrofauna aus den oberfrünkischen Hóhlen. Extrait in-4°, s. l. ni d. Edelmann (Th.) — Neuere Apparate für Naturwissenschaft- liche Schule und Forschung, 1. Lieferung. Stuttgart, 1879; in-8°. AMÉRIQUE. Marsh (0.-C.). — Principal characters of american Jurassic dinosaurs, part I, with 7 plates. New Haven, 1878; extr. in-8°. — A new order of extinct reptiles (SaunaNopoNTA) from the jurassic formation of the rock mountains. Principal characters of american jurassie dinosaurs, part 2, with 8 plates. New- Haven, 1879; extr. in-8°. République Argentine. — Anales de la Oficina meteorolo- gica Argentina, tomo I : Clima de Buenos Aires. Buenos Ayres, - 1878; in-A*. (480). FRANCE. Barrois(Ch.). — Note sur le terrain dévonien de la province de Léon (Espagne). Paris, 1877; extr. in-8°. — Mémoire sur le terrain crétacé des Ardennes et des régions voisines. Lille, 1878; in-8°. Flach (Jacques).— La table de bronze d'Aljustrel, étude sur l'administration des mines au I“ siècle de notre ère. Paris, 1879; extr. in-8°. De Witte (J.). — Catalogue de la collection d'antiquités de feu M. Charles Paravey. Paris, 1879; in-8°. Castan (Aug.). — Catalogue des peintures, dessins et sculp- tures des musées de Besancon, par J.-F. Lanerenon, 6° édition, revue et complétée. Besancon, 1879 ; in-8°. - Limbourg (Pierre). — L'économie politique du Bonhomme La Fontaine, entretiens populaires. Paris, Bruxelles, etc. 1878; in-16 (2 exemplaires). Blanchard (Em.). — Funérailles de M. Paul Gervais, dis- cours. Paris, 1879; extr. in-4°. Société philomatique de Paris. — Bulletin, 7* série, tomes I et 1I, 1876-1878. Paris; in-8°. Société des sciences physiques et naturelles de Bordeaux. — Mémoires, 2° série, tome III, 1* cahier. Bordeaux, 1878; in-8°. Société d'agriculture, sciences et arts. — Mémoires, tome VI. Valenciennes, 1879; in-8°. Trabaud (P.). — Outre-Manche, notes et sentiments sur les Iles britanniques, 2* édition. Paris, 1875; vol. in-8*. Donnadieu (A. L.). — Organisation du service de la zoologie à la faculté des sciences de l'Université de Lyon. Paris, 1879 ; r. in-8°. ‘planté (Gaston). — Recherches sur l'électricité. Paris, 1879: vol. in-8*. Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. — Histoire lit- ( 484 ) téraire de la France, par les religieux Bénédictins, nouvelle édition, publiée sous la direction de M. Paulin Paris, tomes I-XV. Paris. 1865-1869; 16 vol. in-4°, — Table générale par ordre alphabétique des matiéres, contenues dans les 15 premiers volumes de l'histoire littéraire de France, par Camille Rivain. Paris, 1865; vol. in-4° Terquem (A.). — Sur les courbes dues à la cotabltiaison de deux mouvements vibratoires perpendiculaires. Lille, 1879; extrait in-8°. Jousset de Bellesme (le Dr). — Travaux originaux de phy- siologie comparée, tome ] : Insectes, métamorphoses, vol. Paris, 1878; vol. in-8°, Bluntschli. — La Politique, traduit de l'allemand et précédé d'une préface par Armand de Riedmatten. Paris, 1879; vol. in-8°. Société savoisienne d'histoire et d'archéologie. — Mémoires et documents, tome XVII. Chambéry, 1878; in-8°. GRANDE-BRETAGNE ET COLONIES, Institution of civil engineers. — Minutes of proccedings, vol. LV, part. 4. Londres, 1879; in-8°. Roi pid historical Society. — Transactions, vol. VII. Londres, 1878; in-8°. Asiatic Society of Bengal. — Journal vol. XLVII: part I, n° 2 and 5; part. Il, n° 5. — Proceedings, July and August, 1878. — Bibliotheca Indica, new series, n?* 558, 559,596, 597, 401-408. Calcutta, 1878; in-8°. Royal Society of N. South Wales. — Journal and procee- dings, vol. XI, 1877. Sydney, 1878 ; in-8°. Government of New South Wales. — Railways of N. S. Wales, report for 4876. — Report of the council of education upon the condition of the publie schools, ete., for 1877. — Annual 2"* SÉRIE, TOME XLVII. : 51 ( 482 ) report of the department of mines for 1877. Sydney, 1878; 2 vol. in-&^ et vol. in-8°. Clarke (Rev. W.-B.). — Remarks on the sedimentary for- mation of New South Wales, 4" edition. Sydney, 1878; in- 8*. British Association for the advancement of science. — Re- port of the 47" meeting, held at Plymouth in 1877. Londres , 1878; in-8*. | Thompson (d'Arcy W.). — On some new and rare Hydroid Zoophytes (Sertulariidae and Thuiariidae) from Australia and New Zealand. 1878; extr. in-8°. Commission géologique du Canada. — Rapport des opéra- tions de 1876-77. Montreal, 1878 ; vol. in-8*. Ross (chev. Alex. M.) — Catalogue of mammals, birds , rep- tiles and fishes of the dominion of Canada. Montreal, 1878 ; in-9^. HoLLANDE ET SES COLONIES. Bergsma en Backer Overbeek. — Bijdrage tot de kennis der weergesteldlieid ter kuste van Atjeh. Batavia, 1877, in 4-°. Vreede. — La Souabe après la paix de Båle. Utrecht, 1879 ; vol. in-8°. Société historique et archéologique du duché de Limbourg. — Publications, tome XV, 1878. Ruremonde ; in-8°. Historisch Genootschap te Utrecht. — Bijdragen en mede- deelingen, 2% deel. — Werken, n° 28. Utrecht; in-8°, Kon. Akademie van wetenschappen te Amsterdam. — Af- deeling natuurkunde : Processen-verbaal van de gewone ver- gaderingen, 1877-1878; Verslagen en mededeelingen, 2** reeks, XII en XIIe deel. — Afdeeling letterkunde : Verslagen en mededeelingen, 2% reeks, VII‘ deel. — Verhandelingen, XVIII? deel. — Jaarboek voor 1877. — rop aliaque poe- mata. Amsterdam, 1878-1879. — ( 483 ) IraLiE. Zigno (Achille de). — tazioni paleontologiche: Aggiunte alla ittiologia del epoca eocena. Venise, 1878; iniri in-4*. — Annotazioni paleontologiche : Sopra i resti di uno squa- lodonte, scoperti nell' arenaria miocena del Bellunese. Venise, 1876; extr. in-4°. ; — Annotazioni paleontologiche : Sirenii fossili trovati nel Veneto. Venise, 1875; extr. in-4°. — Sopra un nuovo sirenio fossile, scoperto nelle colline di. Bra in Piemonte. Rome, 1878 ; extr. in-4°. Siragusa (F.-P.-C.. — L'anestesia nel regno vegetale. Palerme, 1879; pet. in-8°. R. museo di Firenze. — Catalogo della collezione di insetti italiani : Coleotteri, 2* serie. Florence, 1879; in-8*. Gozzadini (Giov. — Intorno ad alcuni sepolcri scavati nell arsenale militare di Bologna. Bologne, 1875; in-8*. — Di un antieo sepolero a ceretolo nel Bolognese. Modéne, 1879; in-8°. Carrara (Fr. — Pensieri sul progetto di Codice penale italiano del 1874, terza edizione. Lucques, 1878; vol. in-8*. Academia d’agricoltura arti e commercio di Verona. — Memorie. 9? serie, vol. LV, fasc. 5. Vérone, 1878 ; in-8°. Pays DIVERS. Jensen (0.-S.). — Turbellaria ad Litora Norvegiae occiden- talia. Bergen, 1878 ; in-4°. Hamberg (Dr H. E.). — La température et l'humidité de l'air à différentes hauteurs, observées à Upsal pendant l'été de 1875. Upsal, 1876; in-#°. Hildebrandsson (Hildebrand) et Rundlund. — Prise et ( 484 ) débâcle des lacs en Suède (automne 1871-printemps 1877). Upsal, 1879; br. in-4°. Hildebrandsson (H.) — Atlas des mouvements supérieurs de l’atmosphère. Stockholm, 1877; br. in-4*. Naturforschende Gesellschaft Graubündens. — Jahres-Be- richt, 1876-1877. Coire, 1878 ; in-8°. Physikal. Central-Observatorium. — Annalen, 1877. Saint- Pétersbourg, 1878; 1 vol. in-4° et br. in-8*. Observatoire de Poulkova. — Observations, vol. IX : me- sures micrométriques des étoiles doubles. — Jahresbericht für 1878. Saint-Pétersbourg, 1878 ; vol. in-4° et br. in-8°. K. Akademie der Wissenschaften. — Repertorium für Meteo- rologie, Band VI, 1. Heft. Saint-Pétersbourg, 1878; in-4°. Jardin impérial de botanique. — Acta, tomus V, fasc. 2. Saint-Pétersbourg, 1878; in-8*, BULLETIN DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1879. — No 5. CLASSE DES SCIENCES. Séance du 6 mai 1879. M. le baron de Sezys Loxccnawps, directeur. M. LiaGRE, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. J.-S. Stas, vice-directeur; L. de Koninek, P.-J. Van Beneden, H. Nyst, Gluge, Melsens, F. Duprez, J.-C. Houzeau, H. Maus, Ern. Candéze, F. Donny, Ch. Montigny, Steichen, Brialmont, Éd. Morren, C. Malaise, F. Plateau, Fr. Crépin, Éd. Mailly, F.-L. Cor- net, membres ; Th. Schwann, E. Catalan , associés ; Ch. Van Bambeke et G. Van der Mensbrugghe, correspondants. M. Ém. de Laveleye, membre de la Classe des lettres, assiste à la séance. 2"* SÉRIE, TOME XLVII. 32 ( 486 ) CORRESPONDA NCE. La Classe apprend svec un vif sentiment de regret la perte qu'elle vient de faire en la personne de M. H. W. Dove, associé de la section des sciences mathématiques, né à Leignitz (Silésie), le 6 octobre 1805, et mort à Berlin, le 5 avril 1879. — M. le Ministre de l'Intérieur envoie, pour la biblio- théque de l'Académie, un exemplaire de l'ouvrage intitulé: Hygiène et sauvetage pour la femme, pour la famille et pour la société, par M"* A. M.J. de B., brochure in-8°. — Les établissements scientifiques suivants remercient pour le dernier envoi des publications académiques : Meteorological Office of Calcutta; Société des sciences naturelles de Styrie, à Gratz ; Muséum d'histoire naturelle de Paris; Académie des sciences de Bologne ; Société ento- mologique de Florence; Académie physico-médico statis- tique de Milan; Société eryptogamologique de la méme ville; Société vaudoise des sciences naturelles, à Lausanne; Société des naturalistes de Modéne; Société des sciences naturelles, et École normale de Pise; Académie R. des Lyncées , et Comité R. géologique d'Italie, à Rome; Aca- démie olympique de Vicenze. MM. Japetus Steenstrup et Alph. de Candolle, associés de la Classe, et M. Alfred Gautier, de Genéve, remercient pour le méme envoi. — M. Édouard-C. Pickering, directeur de l'observatoire ( 487 ) du Harvard College , à Cambridge (M'*), fait savoir qu'une série. d'observations photométriques, sur des étoiles de différentes grandeurs voisines du póle nord, a été entre- prise dans cet établissement. M. Pickering fait appel aux astronomes qui s’occupent d'observations anologues, afin de lui communiquer leurs résultats et d'augmenter ainsi la valeur de ceux obtenus par lui-même. L'ensemble de ces travaux formera un ou- vrage spécial dont un exemplaire sera envoyé à chaque collaborateur. — La Classe accepte le dépót dans les archives de l'Aca- démie d'un billet cacheté de M. Léo Errera, portant pour titre : Note sur les feuilles. Sur la demande de M. Achille Brachet, de Paris, elle accepte aussi le dépót aux archives d'un corollaire au billet cacheté envoyé par cet auteur le 5 avril dernier. — M. Folie, empêché, prie M. le général Liagre de pré- senter les travaux suivants de la part de M. Émile Weyr, professeur à l'Université de Vienne, membre correspon- dant de l'Académie des sciences de cette ville : Ueber die Abbildung einer rationalen Raumcurve vierter Ordnung auf einen Kegelschnitt. Weitere Bemerkungen über die Abbildung einer ratio- nalen Raumcurve vierter Ordnung auf einen Kegelschnitt. Ueber. die projectivische Beziehung zwischen den singu- lären Elementen einer cubischen Involution. Ueber Punktsysteme auf rationalen Raumcurcen vierter Ürdnung. Ueber Raumcurcven vierter Ordnung mit einem Doppel- punkte. ( 488 ) Ueber die Abbildung einer mit einem Cuspidalpunkte versehenen Raumcurve vierter Ordnung auf einen Kegel- schnitt. Ueber die Abbildung einer Raumcurve vierter Ordnung mit einem Doppelpunkte auf einen Kegelschnitt. Bemerkungen über eine besondere Art involutorisch liegender Kegelschnitte. Die Curven dritter Ordnung als Doit bonis j 5 extraits in-8°. M. J. Delbœuf envoie, au nom del'auteur, M. le D" Moel- ler, médecin de l'hópital civil à Nivelles, un exemplaire de son ouvrage : Du daltonisme au point de vue théorique et pratique. In-8°. M. Cornet présente de la part de M. Gustave Arnould, ingénieur principal au corps des mines, un exemplaire de son ouvrage intitulé : Bassin houiller du Couchant de Mons. Mémoire historique et descriptif. In-4°. La Classe vote des remerciments aux auteurs de ces dons. — Les travaux manuscrits suivants sont renvoyés à l'examen de commissaires : 1* Mouvements relatifs de tous les astres du systéme solaire, chaque astre élant considéré individuellement; par M. C. Souillart, professeur à la faculté des sciences de Lille. — Commissaires : MM. Catalan, De Tilly et Van der Mensbrugghe ; 9» Sur l'élimination (troisième Note), par M. P. Mansion professeur à l'Université de Gand. — Commissaires : MM. Catalan, Folie et De Tilly; 3° De la dilatabilité des solutions et de quelques liquides organiques; par M. P. De Heen, ingénieur, à Louvain. — ( 489 ) Commissaires : MM. J. Plateau, Van der Mensbrugghe et Donny; 4 Notice sur la structure de la glande de Harder du canard domestique ; par M. Jules Mac Leod, préparateur à l'Université de Gand. — Commissaires : MM. Félix Pla- teau et Éd. Van Beneden ; 5° Nouvelles communications sur la cellule cartilagi- neuse vivante; par M. W. Schleicher, d'Anvers. — Com- missaires : MM. Van Bambeke et Schwann ; 6° Note sur une nouvelle méthode de préparation des acides iodhydrique et bromhydrique; par M. G. Bruylants, pharmacien, professeur à l'Université de Louvain. — Com- missaires : MM. Stas et Melsens ; : T° Nouvelle note sur la navigation aérienne; par M. Van Weddingen, — Commissaires : MM. Montigny et Liagre, ÉLECTIONS. La Classe continue à M. Stas le mandat de la représen- ter dans la Commission administrative pendant l'année 1879-1880. RAPPORTS. M. Maus donne son avis sur une demande de l'institu- tion des ingénieurs mécaniciens de Londres, qu'il avait été Chargé d'examiner, concernant certaines expériences de mécanique pratique que se propose de faire le comité de cette institution. L'avis sera transmis aux intéressés. ( 490 ) — M. Montigny, chargé d'examiner une Note de M. Achille Brachet sur un Cassegrain en verre argenté, en propose le dépôt aux archives. — Adopté. Sur l'élimination ; par M. Mansion. Rapport de M, Catalan. « Cette seconde Noteest un complément nécessaire de la première, qui a paru dans les Bulletins de l'Académie (2"* série, t. XLVI, p. 899); elle mérite donc la méme faveur. J'ajouterai que le nouveau travail de M. Mansion est fort intéressant et qu'il contient un remarquable théo- rème sur les déterminants rectangulaires nuls. P. S. (26 avril). — M. Mansion a reconnu que le théo- rème dont il s'agit est dù à M. Le Paige. Cette circon- stance ne modifie en rien nos conclusions précédentes. » Rapport de M. Folie. « Je me rallie aux conclusions de mon savant confrère; et, en félicitant M. Mansion des simplifications qu'il est parvenu à introduire dans cette théorie de l'élimination , qui est restée assez ardue jusqu'à ce jour, je l'engage vive- ment à nous donner un travail aussi complet que possible sur cette importante quéstion. » La Classe a adopté ces deux rapports, auxquels s'est rallié M. De Tilly, troisième commissaire. ( 491 ) Sur les minéraux belges (huitième et neuvième Notices); par M. Lucien de Koninck. Rapport de M. €, Malaise. « On connaissait jusqu’à présent quatre silicates manga- nésifères dans le terrain nommé ardennais par Dumont, savoir: l'ottrélite, la spessartite, l'ardennite ou Dewalquite et la Davreuxite. M. L. de Koninck nous fait connaitre un cinquième silicate manganésifère, la carpholite qu'il décrit et analyse. Cette espéce, signalée jusqu'à présent à Schlagenwald et à Wippra, a été rencontrée à Meuville (Rahier), par M. L. Donckier. Dans une neuviéme Notice, M. L. de Koninck nous fait eonnaitre à Moét-Fontaine (Rahier) l'existenee d'un carbonate de manganèse, la rhodocrosite ou diallogite, espéce également nouvelle pour la Belgique. J'ai l'honneur de proposer l'impression des Notices de M. de Koninck dans les Bulletins de l'Académie. » La Classe a adopté ce rapport, auquel s'est rallié M. Cornet, second commissaire. Sur le rapport verbal de M. Stas, un travail de M. W. Spring, intitulé : Recherches sur quelques nouveaux sels basiques de mercure et sur un cas d'isomérie du sul- fure de mercure, sera imprimé au Bulletin. ( 492 ) Des caractères distinctifs de la dolomite et de la calcite dans les roches calcaires et dolomitiques du calcaire carbonifère de Belgique; par M. A. Renard. Rapport de M. €, Malaise. « M. Renard s'est attaché dans cette Note à fixer les caractères distinctifs de la calcite et de la do lomite dans les roches qui renferment ces deux éléments associés en individus microscopiques. Aprés avoir exposé les recher- ches des minéralogistes qui se sont occupés de cette ques- tion, l'auteur démontre que les caractéres sur lesquels on s'est fondé pour établir la distinction entre ces deux es- pèces ne sont pas de nature à lever tous les doutes. Il sub- stitue au diagnostic reposant sur l'absence ou la présence des lamelles hémitropes intercalées suivant la face qt, le caractére que présente la dolomite de s'offrir presque tou- jours avec la forme du rhomboédre primitif, tandis que la calcite n'affecte jamais, peut-on dire, cette forme cristal- line. Il résulte de ses observations que les dolomites qui n'appartiennent pas au type normal doivent être considé- rées comme des mélanges mécaniques de dolomite et de caleite et non comme des combinaisons dans lesquelles l'excés d'une des deux bases constitutives devraient s'in- erpréter suivant les lois de l'isomorphisme. L'auteur appuie ses déterminations par des recherches chimiques faites sous l'objectif du microscope et termine sa communication en indiquant que pour plusieurs roches dolomitiques du calcaire carbonifère la dolomitisation est due à une action postérieure à la sédimentation des élé- ments calcareux. ( 493 ) J'ai l'honneur de proposer l'impression au Bulletin du travail de M. Renard et de la planche qui l'accompagne. » La Classe a adopté ces conclusions, auxquelles s'est rallié M. de Koninck, second commissaire. Sur l'avis de M. Crépin, une rectification synonymique de M. Elie Marchal, relative à sa Notice intitulée : Révi- sion des Hédéracées américaines , publiée dans le n? 1 du tome XLVII des Bulletins, figurera également au Bulletin. COMMUNICATIONS ET LECTURES. Sur les irruptions subites du grisou dans les travaux d'exploitation de la houille; par M. F.-L. Cornet, membre de l'Académie. Parmi nos diverses industries, celle de l'exploitation des mines n'a pas été la derniére à s'approprier les décou- vertes de la chimie, de la physique et de la mécanique. Les applications qu'elle a faites des sciences à ses moyens d'action ont eu le plus souvent pour but de diminuer le danger que présente le séjour dans les travaux souterrains. Aussi les personnes qui, comme nous, ont suivi durant longtemps déjà la marche de l'exploitation de la houille en Belgique, trouvent qu'il existe une différence trés-consi- dérable sous le rapport de la salubrité et de la sécurité, entre les mines exploitées il y a un quart de siècle et celles que nous voyons aujourd'hui. ( 494 ) Si nous ne considérons que ce qui a été fait pour com- battre l'ennemi prineipal rencontré par les mineurs daus certaines exploitations, c'est-à-dire les dégagements de ces gaz inflammables connus sous le nom de grisou , nous trouverons que ce n'est pas la partie de l'art des mines qui a fait le moins de progrés. L'aménagement plus rationnel que jadis des travaux d'exploitation, la connaissance plus compléte des lois de la ventilation, l'application de puis- santes machines à l'aérage, les perfectionnements impor- lants apportés à la lampe de süreté, tous ces progrès combinés avec une réglementation et une surveillance administratives très-sévères, ont eu pour effet de donner à la plupart de nos mines autant de sécurité, si ce n'est plus, que n'en présentent les travaux de certaines autres indus- tries, s'exercant en plein air, à la lumière du soleil. Cependant des catastrophes dues an grisou surviennent encore dans les charbonnages. Le 17 avril dernier les an- nales de l'exploitation de la houille ont eu à enregistrer l'aecident le plus grave que les mines belges aient vu. Certes le désastre est assez grand pour expliquer la pro- fonde émotion qui s'est emparée de la population entière de notre pays; mais cette émotion nous semble mélangée d'étonnement douloureux. Il nous semble que le public se demande comment une catastrophe semblable à celle du puits n° 2 de l'Agrappe est encore possible aprés les im- menses progrés réalisés dans les applications de la science à l'industrie. C'est pour répondre à cette question que nous avons pris la parole dans cette séance. On sait que c'est dans le bassin de Mons que le terrain houiller de Belgique est le plus complet, c'est-à-dire pré- sente la plus grande épaisseur et renferme le plus graud ( 495 ) uombre de couches de charbon. En s'appuyant sur des considérations tirées de l'étude des propriétés physiques et chimiques des combustibles, on a établi dans la formation six groupes de couches superposées dans l'ordre suivant à parür des plus récentes (1) : 1° Charbon Flénu proprement dit; 2 Charbon Flénu gras; 3° Charbon demi-gras à longue flamme; 4 Charbon gras; 9° Charbon demi-gras à courte flamme; 6° Charbon maigre. Le grisou ne se rencontre pas dans le groupe supérieur ou du charbon Flénu proprement dit, du moins dans la plus grande partie de la région où ce charbon est exploité dans le bassin de Mons. Il commence à se montrer daus les couches les plus élevées fournissant le charbon Flénu gras et l'on peut dire, d'une manière générale, qu'à partir de ce niveau il est d'autant plus abondant que l'on descend stratigraphiquement plus bas dans la formation, jusque daus le groupe du charbon gras où se trouvent les déga- gements les plus importants de gaz inflammable; mais les couches demi-grasses à courte flamme et celles du groupe des charbons maigres n'en sont pas exemptes. Quelques- unes d'entre elles sont méme considérées comme très- grisouteuses. Dans les groupes des charbons Flénu gras et demi-gras à longue flamme, ainsi que dans quelques couches des trois groupes inférieurs, l'importance des dégagements de grisou est le plus généralement, pour une méme mine, en rapport (1) Gustave AnxouLp, Mémoire historique et descriptif du bassin houiller du couchant de Mons. Mons, 1878. — Hector Manceaux, éditeur. ( 496 ) avec le volume de charbon abattu dans un temps donné. Dans ce cas qui, disons-le de suite, est celui du plus grand nombre de nos mines à grisou, le danger est écarté si l'on dispose d'une ventilation suffisante, si les méthodes d'ex- ploitation sont rationnelles, si les appareils d'éclairage sont bons et si l'emploi de la poudre se fait d'une manière judicieuse et est efficacement surveillé. Or ces conditions de sécurité, d'ailleurs rigoureusement imposées et contró- lées par l'administration supérieure, existent dans toutes nos mines à grisou. Mais si elles sont trés-efficaces pour les exploitations dont nous venons de parler, c'est-à-dire pour celles où l'importance des dégagements de grisou est en rapport avec la production de charbon, on va voir qu'elles peuvent, dans certains cas, étre insuffisantes pour d'autres mines. Le grisou se trouve assez souvent dans les (issures des roches qui encaissent les couches de houille, mais c'est principalement dans le charbon méme qu'il se rencontre avec le plus d'abondance. Sous quel état se trouve-t-il en- fermé dans les cellules de la houille ou dans leurs inter- stices? S'il est à l'état gazeux à quelle tension est-il sou- mis? Ce sont là des questions que l'on étudie, mais qui ne sont pas encore résolues. Quoi qu'il en soit, tout porte à faire admettre que les forces qui tendent à dégager le gaz inflammable du charbon, pour le pousser dans l'atmosphère de la mine, sont sensiblement égales sur tous les points situés à la méme profondeur dans les couches où les déga- gements sont fonction du volume de charbon abattu, c'est- à-dire dans le groupe du charbon Flénu gras, dans le groupe demi-gras à longue flamme et dans quelques veines appartenant aux trois groupes inférieurs. Mais ces trois groupes inférieurs comprennent d'autres couches oü l'on ( 497 ) trouve des zones de charbon renfermant du grisou sous une pression ou sous un état tel que ce charbon est en quelque sorte explosif. Lorsqu'une surface plus ou moins grande d'une semblale zone est soustraite à une partie de la pression exercée par les roches encaissantes, c'est-à-dire lorsqu'elle est rencontrée par une galerie, le grisou se dé- gage brusquement, avec grand bruit, en brisant, pulvéri- sant et lancant au loin la houille qui le renfermait. Le mouvement se transmet en un temps trés-court dans les profondeurs de la couche oü l'on trouve, plus tard, une exeavation en rapport avec le volume de charbon pulvérisé, projeté dans les galeries. C'est l'existence de cette excava- tion qui a fait croire que les dégagements instantanés de grisou étaient dus à la rencontre de poches oü le gaz in- flammable se trouvait fortement comprimé. L'observation tend à faire admettre, et l'on comprendra qu'il ne peut guére en étre autrement, que le volume de grisou mis eif liberté brusquement est proportionnel au volume de charbon subitement entrainé. Quand ce dernier volume est peu considérable, c'est-à-dire quand il n'est que de quelques métres cubes, l'accident n'a ordinairement de conséquences graves que pour les ouvriers placés dans son voisinage immédiat. Le gaz inflammable dégagé suit la marche générale du courant de ventilation en se mélan- geant à l'air, et en éteignant souvent les lampes des mineurs qui se trouvent sur son passage. Mais si le volume de char- bon déplacé est considérable, de plusieurs centaines de mè- tres cubes, un désastre peut se produire. Les ouvriers placés dans la partie des travaux immédiatement envahie sont projetés violemment, puis sont ensevelis dans la masse de charbon pulvérisé qui comble les galeries jusqu'à une dis- lance souvent considérable du point de l'irruption. En ( 498 ) méme temps un énorme volume de grisou est lancé dans la mine, éteignant les lampes et asphyxiant les ouvriers qui se trouvent sur le chemin qu'il suit. Refoulant le courant d'aérage, ce grisou peut parvenir jusqu'au puits d'entrée d'air qui est ordinairement le puits d'extraction des charbons. Dès lors le danger est immense pour toute l'exploitation dont les différents quartiers sont envahis par un gaz irrespirable, si l'énergie des appareils de ventilation parvient à rétablir la marche du courant dans le sens normal. Si cette énergie est vaincue, le grisou continue sa marche ascensionnelle dans le puits d'extrac- lion et ee d'autant plus facilement que la colonne qu'il forme est plus haute. Bientót le gaz inflammable, accom- pagné d'un nuage de poussière, débouche à la surface et si, à portée de l'orifice du puits, il se trouve un foyer de chauffage ou d'éclairage, brülant à l'air libre, la déflagration se produit et l'on a le spectacle qui a terrifié les habitants de Frameries dans la matinée du 17 avril. . Tous ces effrayants phénoménes se passent dans un temps moins long que celui qu'il m'a fallu pour les déerire dans les quelques lignes qui précédent. Une catastrophe identique à celle du puits n° 2 de l'Agrappe est survenue le 5 janvier 1865 à la fosse Sainte- Catherine, des charbonnages du Midi de Dour. A cette occasion feu A. Devaux, alors inspecteur général des mines et membre de la Classe des sciences de l'Académie royale de Belgique, publia dans les Annales des travaux publics et dans la Revue universelle des mines (1) un tra- vail trés-remarquable sur les dégagements instantanés de (1) Annales des travaux publics, t. XXIII. — Revue universelle des mines, 10* année. ( 499 ) grisou dans les travaux des houilléres. Le savant ingé- nieur attribuait ces accidents à la rencontre inopinée de poches remplies de gaz inflammable fortement comprimé. Les observations subséquentes n'ont pas confirmé cette hvpothése, mais elles ont mis hors de doute l'exactitude des deux faits suivants signalés par Devaux : les dégage- ments instantanés de grisou n'ont lieu qu'à partir d'une certaine profondeur et généralement dans des parties de couches qui ont été déformées par des accidents géologi- ques postérieurs à leur dépót. L'influence de la profondeur sur le nombre de dégage- ments instantanés de grisou a été bien mise en évidence par des chiffres que nous trouvons dans le Mémoire histo- rique et descriptif du bassin houiller du Couchant de Mons, publié récemment par M. Gustave Arnould, ingénieur prin- cipal au corps des mines. Nous croyons devoir reproduire ici ce que l'auteur dit à ce sujet : « Il résulte encore de l'étude que j'ai faite de cette inté- ressante question, qu'aucun dégagement instantané n'a été signalé antérieurement à 1847, ni à une profondeur moindre de 280 mètres. Pour le Couchant de Mons, ils se répartissent comme suit : De 280 à 300 mètres, : accident. De 450 à 500 — De 500 à 550 — De 550 à 600 — De 600 à 650 — De 650 à 700 — De 700 à 750 — c > C i9 t9 CC OI O © 19 » On voit d'aprés ce tableau que, jusqu'au niveau de ( 500 ) 500 métres, le nombre d'accidents augmente avec la pro- fondeur; mais de la décroissance que l'on observe sous ce niveau on ne peut rien conclure, car il n'y a relativement que peu de travaux en activité au-dessous de 500 mètres (la moyenne de la profondeur des puits au Borinage est de 440 mètres actuellement), et il est à craindre que le développement de travaux et de l'exploitation dans les couches atteintes aux nouveaux étages inférieurs ne vienne grossir le chiffre des accidents de l'espèce. » Les lignes que nous venons de citer ont paru au com- mencement de l’année 1878, un an avant le terrible évé- nement qui vient de mettre tout notre pays en émoi, en justifiant les eraintes émises par M. Arnould. Suivant cer- taines probabilités qui seront changées bientót en certi- tudes, l'immense volume de grisou, qui a envahi les tra- vaux du puits n? 2 de l'Agrappe et qui est venu s'enflammer à la surface, aprés avoir refoulé le courant d'aérage des- cendant par le puits d'extraction, provenait de la profon- deur de 610 mètres, où l'on pratiquait une galerie mon- tante dans la couche de houille dite Épuisoire, pour mettre en communication les travaux du niveau de 610 mètres avec ceux de l'étage ouvert à 580 mètres. Siles dangers dus aux dégagements instantanés du gri- sou augmentent avec la profondeur, ce qui pour nous n'est pas douteux (1), il est facile de comprendre combien il importe, pour notre pays, de trouver les moyens de rendre ces dégagements inoffensifs, sinon de les empêcher. Le (1) Ce fait important sera bientôt démontré, de la manière la plus évi- dente, dans un important travail actuellement sous presse et dà à M. l'in- génieur principal Arnould. Il a pour titre : Études sur les dégagements instantanés de grisou dans les mines de houille. ( 501 ) probléme est peut-étre le plus difficile que l'art des mines ait jamais eu à résoudre; néanmoins nous ne désespérons pas du suecés; nous croyons que la science de l'ingénieur finira par triompher du terrible ennemi que la nature oppose à l'exploitation de la houille en profondeur. Mais avant d'arriver à pouvoir combattre avec succès un ennemi aussi redoutable, il faut préalablement le connaitre. Or, disons-le, nos connaissances à propos des accidents dont nous avons parlé sont encore bien peu avancées. Ces acci- dents sont certainement dus au grisou, mais sous quel état ce gaz se trouve-t-il dans le charbon qui possède l'ef- frayante propriété qui a déjà fait tant de victimes? Avant son dégagement brusque le grisou est-il solide, liquide ou gazeux (1)? Se trouve-il réparti dans toute l'épaisseur des couches de houille ou n'est-il pas concentré dans la houille daloide, charbon terne, de texture particuliére, ressemblant au charbon de bois et formant de minces lits dans le char- bon brillant? Toutes ces questions sont posées, mais aucune n'est résolue. Les seuls renseignements que l'on posséde sont relatifs à la mesure de l'effort avec lequel le grisou tend à se dégager dans certaines couches. Par des expériences faites au charbonnage de l'Agrappe et à celui de Crachet-Picquery, on a trouvé que la pression exercée par le grisou, au fond d'un trou de sonde creusé dans le charbon, parallèlement au plan de stratification, augmente avec la profondeur du trou. Des tensions attei- gnant 16 atmosphéres ont été ainsi mesurées pour des (1) L'idée de l'existence du grísou à l'état liquide a été émise, pour fa première fois, pensons-nous , par M. G. Arnould , dans un billet cacheté déposé à la séance du 4 avril 1863 de la Société des sciences du Hainaut et ouvert le 4 aoüt 1864. 2"* SÉRIE, TOME XLVII. 55 ( 802 ) profondeurs de sondage ne dépassant pas 7 à 9 métres; mais, à cause de l'imperfeetion des moyens employés, les chiffres de pression obtenus doivent êlre considérés comme des minima. Cependant une pression de 16 atmosphéres nous semble suffisante pour produire des accidents graves, dans le eas où la masse de charbon qui y est soumise est, pour une cause quelconque, un éboulement par exemple, dégagée brusquement sur l'une de ses faces et mise ainsi en contact avec l'atmosphére, ou du moins n'en est plus séparée que par une épaisseur de charbon ou de roche trop faible pour résister à la pression qui s'exerce en sens in- verse de celle de l'atmosphère. Note sur les mines de houille dans lesquelles on constate la présence du Grisou; par M. Melsens, membre de l'Académie. Notre savant confrére M. Cornet a eu l'obligeance de me communiquer la Note intéressante dont il vient de donner lecture à l'Académie. J'en ai pris connaissance avec un vif intérêt. Il faudrait une voix plus autorisée que la mienne, celle des hommes pratiques ou des savants au courant de toutes les questions si complexes que comporte la connaissance approfondie du travail dans les mines, pour chercher à signaler des vues pouvant augmenter la sécu- rité du travail, surtout dans les mines de houille à grisou. Cette restriction admise, on. me permettra cependant er quelques observations g hasard à présenter à l'avis de nos savants ingénieurs exploitant ou surveillant les mines, mais à simple titre de renseignement et avec circonspection. ( 505 ) On sait la surveillance que l'Administration supérieure exerce sur cette dangereuse industrie; on connait beau- coup d'expériences, d'études et d'appareils divers en vue de l'amélioration des procédés de ventilation, de descente et de montée de trains d'ouvriers; on apprécie tous les essais qui ont été faits en vue d'améliorer la lampe de Davy, essais à la suite desquels on a adopté un type de lampe rendu obligatoire par l'arrété royal du 17 juin 1876; malgré tous ces travaux, les études ne sont pas complètes encore, les précautions prises sont parfois inefficaces, comme il a été prouvé par la terrible catastrophe de Fra- meries au charbonnage de l'Agrappe. Déjà, en mai 1878, notre confrére M. Cornet me faisait connaitre des expériences qui avaient été faites aux char- bonnages de Crachet-Picquery et de l'Agrappe. Un mano- mètre métallique était fixé à l'extrémité d'un tube de fer de 7 métres de longueur; on introduisait celui-ci dans des trous plus ou moins profonds pratiqués dans des couches grisouteuses en l'y fixant au moyen d'un bourrage serré; dans ces circonstances le manométre indiquait une pres- sion allant jusqu'à 16 atmosphéres ; le grisou exerce donc une pression considérable et cette pression augmente avec la profondeur des trous; mais à cóté de ces conditions que l'on pourrait considérer comme normales, il faut tenir compte de cette donnée particulière que le grisou est très- probablement disséminé dans la masse de houille, mais principalement dans cette houille daloide formant des lits paralléles dans la houille brillante ; il y aurait, en outre, de véritables réservoirs de masses considérables de grisou ren- fermées dans des gaines de houille ou dans des fissures de roches; une fois les parois affaiblies, le véservoir déverse- rait brusquement, comme dans le tir des armes à feu, tout Son gaz à l'extérieur. ( 504 ) Si je répète ici ce que notre savant confrère a déjà dit, c’est que j'ai été frappé en lisant le travail de feu notre confrère De Vaux, inspecteur général des mines (1), de voir que l'on peut jusqu'à un certain point connaitre d'avance ou soupconner l'endroit de ces terribles poches; son tra- vail, du reste, « vise au reméde à apporter et il le trouve, » en première ligne, dans l'observation rigoureuse d'une » condition inusitée jusqu'ici, savoir : » Que dans toute mine à grisou, ou au moins die toutes celles oit l'on n'aurait pas reconnu l'impossibilité de rencontrer des poches de gaz comprimé à proximité des puits d'entrée de l'air, on observe à l'égard de ces puits et de leurs abords les mémes mesures de prudence que pour les puits d'appel en ce qui concerne l'éclairage et l'emploi des foyers. » v ww w wv Ww y Analysant ensuite l'ensemble des documents qui lui avaient été adressés par MM. les ingénieurs des mines: De Simony, Gernaert et Bougnet, De Vaux constate que le phénoméne du dégagement instantané de gaz, dans les onze cas qu'il déerit, a généralement lieu à de grandes profondeurs au-dessous de la surface : gju | 568m | 592m | 480m o 580m 411m 580m 410m Il ajoute ensuite : « Il ressort aussi de ce relevé que généralement ce phé- » noméne ne s'est présenté qu'en des points oü les couches » ont été violemment déformées aprés leur dépót, sous (1) Des dégagements instantanés de gaz dans les travaux des houil- léres et des dangers qui peuvent en étre la conséquence (ANNALES DES TRAVAUX PUBLICS, tome XXIII, 1866). ( 505 ) » l'influence des causes qui ont produit les failles, le con- tournement, le plissement et la dislocation du système et que e'est toujours dans les dressants vers le crochon qu'ils forment avec la plateure de tête que ces roches ont été rencontrées. Cette particularité qui s'explique naturellement par la condition que c’est le long de ces arrétes saillantes que les strates des couches et de la roche ont été le plus exposées à se déchirer par le plis- seme nt est relevée dans neuf des cas que nous venons de citer. Les n°° 5 et 4 semblent seuls faire exception, encore estil permis de se demander s'il n'existe point au voisinage quelque dérangement inexploré qui ferait » disparaitre l'anomalie. » Il paraitrait, d’après ce passage, qu'il est possible de déterminer d'avance certaines positions des couches de houilles où le travail de l'abattage doit être conduit avec une extrême prudence et en prenant des précautions par- ticuliéres. : La première qui se présente à l'esprit consisterait à opérer des sondages préalables ; mais, d'aprés De Vaux, è le sondage lui-même n'est pas toujours efficient à les » prévenir (1). » Wo vY V w wv Wu wy Ww WU Ww w (1) D’après un renseignement que mon savant confrère, M. F. Cornet, ma fait parvenir après la séance, on forait à l' Agrappe dans la taille où l'on présume, où l'on sait plutôt, que l'irruption s'est produite. Ce fait, quand il sera vérifié par l'enquéte , aprés l'examen complet de la mine et la reprise des travaux, contirme la donnée de De Vaux ; mais ne peut-on pas se demander s'il n'est pas utile d'étudier des modes de son- dage ou de forage autres que ceux qui sont usités actuellement. Je ne connais pas tous les moyens employés, mais il me semble qu'on pourrait se préoccuper de rechercher un moyen qui, sans trop ébranler la masse qui constitue les parois de la cavité, donnerait issue au gaz comprimé par un orifice trés-faible, en créant une espèce de soufllard, qui prévien- ( 506 ) Je me demande si des précantions particulières sont prises lorsqu'on travaille dans les endroits spécifiés, s'il n’y à à ce sujet aucune réglementation, ne serait-il pas temps d'y aviser ?et de mettre en pratique cette condition inusitée que De Vaux signalait en 1866. De Vaux ajoutait une donnée de plus, car il constatait « que ces sortes d'éruptions ne sont ordinairement pas à » craindre au voisinage des soufflards. » Je me demande, dans mon ignorance des détails d'une exploitation de houille, s'il n'est pas plus que temps, aprés de si nombreux accidents, de chercher à réglementer l'ex- ploitation dans des parties déterminées des mines. Je dois laisser aux ingénieurs, aux hommes pratiques, le soin de résoudre une pareille question. Tout porte à admettre que l'aecident de l'Agrappe est drait le danger et qui pourrait l’écarter. Je me hàte d'ajouter que c'est une simple hypothèse que je fais, hypothèse que les hommes pratiques rejette- ront peut-être à priori, mais cependant ne me parait pas devoir être abeo ment rejetée sans exam n en effet, qu'íl n'est pas indifférent , pour conserver intacte la, structure intime M la roche détachée, dans l'exploitation de certains grés, dont les fragments, débités ensuite, doivent servir au pavage des rues, d'employer des mines chargées avec la dynamite ou avec la poudre ordi- naire. L'ébranlement produit par le forage dans la masse que l'on perce , quel- que faible qu'il soit du reste, ne peut-il pas on mie désagrégation particulière de la paroi sous laquelle le grisou est enfer mme exemple, je citerai des accidents de rame quand des tubes effilés en verre renferment des gaz liquéfiés à hautes pressions, il est prudent, pour faire écouler le gaz , de chauffer et fondre la partie effilée du tube ; dans ce cas le gaz s'écoule plus ou moins brusquement, mais le tube n'éclate pas au moment de l'ouverture; brise-t-on la partie effilée par un trait à la lime ou au diamant, suivi d'un léger effort mécanique. on voit souvent le tube entier voler en éclats et blesser l'expérimentateur. ( 507 ) bien dû à un dégagement subit de grisou,que l'inflamma- tion du mélange détonant ou inflammable, grisou et poussière fine de houille daloide sans doute, ne s'est pro- duite que plus tard età diverses reprises et je me demande de nouveau pourquoi dans l'exploitation de mines aussi dangereuses on n'écarte pas les foyers tant des orifices d'entrée que des orifices de sortie de l'air, puisque dans le cas de l'Agrappe le mélange explosif ou combustible a pris feu à l'orifice de l'entrée de l'air atmosphérique, c'est-à- dire par le puits d'extraction ou de prise d'air. Le terrible accident de l'Agrappe montre qu'il y a ur- gence à isoler les feux ou les foyers au niveau des orifices qui rejettent dans l'atmosphére l'air qui a passé par la mine ou qui en sort par la voie ordinaire d'aspiration aprés une irruption subite importante. Je viens de parler du mélange de grisou et de poussière de houille; on sait que l'an dernier on a constaté de véri- tables explosions produites par l'ignition instantanée de fine fleur de farine et d'air (1); or, il est trés-probable que dans l'inflammation produite au eharbonnage de l'Agrappe la póussiére de charbon a dû jouer un rôle. Quoi qu'il en soit, il me parait urgent que des expériences faites à la mine méme viennent élucider cette partie de la question. On trouvera dans le travail de Gustave Bischof, sur l'aérage des mines (collection in-8°, t. 1 des Mémoires couronnés par notre Académie, pages 317 et suivantes), des détails sur les expériences que Davy avait faites à ce sujet en employant sa lampe de sûreté; ces expériences ne (1) Voir Annales de Chimie et de Physique, t. XIV, p. 144, 5: série. ( 508 ) concordent pas absolument avec celles de M. William Gal- loway, inspecteur des mines en Angleterre; elles ont été publiées et résumées récemment dans les numéros d'avril 1879, pages 571 et 611 du journal The Colliery guar- dian; mais on trouve ses deux travaux importants dans les t. XXH et XXIV des Proceedings of the royal Society of London sous les titres : Experiments with savety lamps, May 1874, et : On the influence of Coal-dust in Colliery explosions, Februari 1876; ajoutons encore que Faraday et Lyell, dans leur travail : Report on the subject of the explosion at the Haswell collieries and the means of pre- venting similar accidents, publié dans letome XXVI, p. 16, 1845, du Philosophical Magasin, arrivent aussi à la con- clusion que le grisou n'est pas le seul aliment des explo- sions dans les mines. On trouve dans les Annales des mines, T° série, t. VII, page 176, un article sur les dangers que présentent les poussières de charbon méme en l'absence de grisou; ces poussiéres peuvent propager la flamme à la facon des trainées de poudre et porter le feu au loin ; quand, par suite dela dépression suecédant àla dilatation subite produite par l'explosion, les courants chargés de poussiéres revien- nent vers les lieux d'explosion, chargés des gaz méphiti- ques produits par la combustion de la houille, ceux-ci exposent les ouvriers non blessés à une véritable asphyxie; à l'appui, on y cite un coup de feu aprés un tirage à la pou- dre dans une exploitation où il n'y avait pas de grisou (voir Annales des mines, t. lI, 7° série, p. 255). Les Annales des mines, t. VII, p. 180, 7° série, con- tiennent un travail de M. Vital, ingénieur des mines, inti- tulé : Recherches sur l’inflammabilité des poussières de charbon. ( 509 ) l résulte de l'ensemble des renseignements que je viens de signaler et comme résumé trés-succinct, que : 1* Les vibrations sonores (sound-wave) produites par une explosion peuvent communiquer le feu au delà du tissu métallique d'une lampe de süreté brülant sans danger dans un mélange explosif; 2" Que la poussiére de charbon, voltigeant dans l'air de mines séches, constitue un danger réel, quand on y fait sauter des mines à poudre; ^ Quela poussière de charbon peut, seule sans mélange gazeux détonant, produire des désastres; 4^ Que cette même poussière accroît les chances d'ex- plosion quand elle se trouve mélangée à l'air et au grisou. des houillères sèches ; 5* Qu'elle aggrave les conséquences des accidents dans les cas d'explosion. Aulant que je puis en juger par le travail de notre confrére et les phénoménes signalés par les journaux qui ont rendu compte de la catastrophe de l'Agrappe, il me parait que la poussiére de charbon a pu jouer un róle. Quoi qu'il en soit, il me semble que l'attention des ingé- nieurs et des exploitants de mines de houille , grisou- teuses ou non, peut être appelée sur ce point particulier, qui me parait avoir peut-étre été négligé dans nos exploi- tations. C'est une simple question que j'adresse et non un reproche. Quoi qu'il en soit, les remèdes paraissent simples et d'une application facile : enlever la poussière de la mine; faire des arrosages dans les galeries, arrosages qui se pra- liquent déjà en Angleterre dans beaucoup de mines en guise de comfort, comme disent les Anglais, rendent l'air plus pur ou plus facilement respirable et le saturent ( 510 ) d'humidité, condition qui atténue le danger d'explosion dans les mines séches et chargées de poussiéres de houille. Cet arrosement a déjà été proposé par M. Vital dans le mémoire précité; il en faisait voir toute l'utilité, On me permettra, sans doute, une petite revue rétro- spective dans les Annales de l'Académie. Lorsque dans le concours de 1840 l'Académie avait posé la question : Rechercher et discuter les moyens de soustraire les tra- vaux d'exploitation des mines de houilles aux chances d'explosion, elle reçut quatorze mémoires en réponse à la question. Dans le mémoire n° 2 (voir p. 7 du vol. [7 des Mémoires in-8°), un concurrent qui n'avait, d'après Cauchy, que des notions trés-superficielles de chimie et de physique, dont le travail ne méritait pas la plus légére attention, partant de certaines vérités qu'il admettait et sur lesquelles il s'appuyait, avait émis l'opinion que l'ar- rosage serait bon à pratiquer. Cauchy, pour motiver son jugement, donnait l'extrait suivant : « Comme on arrose » les rues en été pour se protéger contre certaines mala- » dies, on devrait aussi essayer le méme moyen dans les » mines, ce qui serait très-facile avec une pompe à feu à » l'aide de laquelle un ou deux garcons feraient sortir de » l'eau pure et fraiche à travers une boule ereuse qui a les » trous si petits comme les ceils des plus fines aiguilles, » afin que l'eau sortit comme la poussiére du soleil. » Cauchy serait bien étonné aujourd'hui, vis-à-vis des tra- vaux sérieux que j'ai consignés, de voir que cet ignorant empirique avait signalé d'une facon peu scientifique, il est vrai, une vérité appliquée aujourd'hui et ineontestablement utile. Peut-étre ne serait-il pas inutile de revoir cette partie du mémoire n° 2 conservé , sans doute, dans les archives de l'Académie. ( 944 ) Je serais entrainé hors des bornes que je me suis im- posées dans cette Note rapide et succincte écrite au cou- rant de la plume, c’est-à-dire sans avoir pu y consacrer le temps que mérite l'importance de la question, si j'avais à signaler aux ingénieurs et aux exploitants l'intérêt qu'il peut y avoir à connaitre la pression atmosphérique, la tem- pérature des travaux et l'humidité de l'air. Il me semble cependant que l'on pourrait recueillir ces données qui, parait-il, peuvent avoir une influence sur les explosions, surtout l'humidité. Je me permettrai de signaler un autre point à l'atten- tion des hommes pratiques. Je n'ai eu le temps que de jeter un coup d’œil rapide sur les mémoires concernant l'exploitation de la houille en Belgique, mais un fait m'a assez vivement frappé : nous ne possédons pas assez de données sur la composition de l'air des mines, quand il est mélangé de grisou , et, sans aucun doute, de poussière de charbon parfois, si les travaux ne sont pas arrosés , auquel cas les chances d'explosion sont exaltées dans une pro- portion trés-large, comme M. W. Galoway l'a démontré. Je me demande si des analyses constantes d'air pris dans les divers travaux de la méme houillére ne seraient pas absolument nécessaires et si par leurs résultats com- parés on ne parviendrait pas, dans certains cas, à prévoir un danger imminent et, par prudence, à arréter momenta- nément les travaux. Ne pourrait-on pas, malgré l'assertion de De Vaux que les poches de grisou enfermé à haute pression ne se trouvent jamais dans les environs des soufflards, avoir un guide dans les résultats des analyses. Pourquoi n'a-t-on pas fait l'analyse des gaz dans les ( 512 ) expériences précitées faites depuis plus d'un an au Cra- chet-Piequery et à l'Agrappe ? C'était chose facile que d'en recueillir et d'en déterminer tous les éléments. A ma connaissance, au moins, ces analyses ne se font as. Un chimiste francais, M. Coquillion, professeur à Dijon, à présenté, dans ces derniers temps, un appareil assez simple qui permet de faire l'analyse de l'air des mines et d'y constater quelques millièmes de grisou ; des résultats constatés aux mines d'Aniche ont prouvé que son appa- reil est trés-pratique; aussi l'auteur a-t-il obtenu une médaille d'or à la réunion annuelle des délégués des socié- tés savantes des départements en France. Pourquoi dans les grandes exploitations de charbonnages à grisou ne ferait-on pas des analyses constantes de l'air des mines; chose facile et peu coüteuse si quelques char- bonnages s'entendaien t. Il est vrai que l'on est plus ou moins averti de la pré- sence et, jusqu'à un certain point, de la quantité de grisou par l'allure des flammes des lampes de süreté ; mais cela ne me parait pas suffire, méme lorsqu'on emploie la lampe à hydrogène proposée par MM. Mallard et Le Chatelier. (Comptes rendus des séances de l'Académie des sciences de Paris, avril 1879.) Rien ne peut remplacer la connais- sance exacte de la composition réelle de l'air de la mine. Depuis ma communication verbale à l'Aeadémie, com- munication que je n'ai cherché à résumer, par écrit, que sur la demande du bureau, on m'a fait quelques observa- tions que je crois de mon devoir d'indiquer. Les mines à grisou, me dit-on, sont soumises à une réglementation trés-sévére; la direction doit agir comme ( 545 ) s’il y en avait toujours beaucoup, la réglementation ac- tuelle est suffisante pour les mines à grisou ordinaires, les accidents n’y sont quère possibles et ils sont très-rares à moins qu'on ne commetle des imprudences. La quantité de grisou mélangée à l'air dans les mines VARIE A CHAQUE INSTANT; cent, mille analyses d'air en un . jour donneraient des résultats très-différents et ne servi- raient qu'à nous dire qu'il y a du grisou, ce que nous savons bien. J'avoue que je ne connais pas la réglementation des mines à grisou, je n'ai pas à la juger et je serais sans aucun doute incompétent pour me prononcer sur beaucoup de points; je me demande cependant comment on peut affir- mer que la quantité de grisou varie à chaque instant; quelle preuve incontestable, basée sur l'analyse, a-t-on de cette assertion ? Dans quel rapport cette quantité est-elle variable? Où varie-t-elle le plus? Quelles sont les parties de travaux qui en contiennent le plus? Comment la quantité varie-t-elle avec la profondeur des travaux et la quantité de houille abattue? Y en a-t-il plus ou moins quand on se trouve prés des places signalées dans le travail de De Vaux ? C'est-à-dire prés de celles où il peut se trouver une de ces énormes et terribles poches à grisou comprimé ? Quel est le rapport entre la quantité de grisou que l'on déterminerait dans l'air de la mine pris au bas de la che- minée d'aérage et celui que l'on rencontrerait aux diffé- rents niveaux actuellement en état d'exploitation ? Je pourrais encore poser plusieurs questions analogues ( 544 ) et j'ai peine à concevoir que des questions pareilles, étant résolues par l'analyse chimique, seraient inutiles pour éclairer la question qui consiste à rassembler tous les moyens capables de rendre le travail des mines à grisou moins dangereux. J'ai peine aussi à comprendre que d'un travail suivi, continu, il ne sorte aucune donnée utile, soit pour la direc- tion de la ventilation, soit pour la possibilité de signaler les places où peuvent se trouverles poches renfermant, comme on le dit, des centaines de mille mètres cubes de gaz as- phyxiants et inflammables. Je me répète en exprimant le vœu que, plusieurs fois par jour, on ait l'analyse de l'air pris dans les différents étages des travaux des charbonnages à grisou. Rectification synonymique relative à ma Notice intitulée : ÉVISION DES HÉDÉRACÉES AMÉRICAINES, par M. Élie Marchal, conservateur au Jardin botanique de l’État, à Bruxelles. Dans une Notice intitulée : Révision des Hédéracées américaines insérée dans le n° 1 du tome XLVII de la 2° série des Bulletins de l'Académie royale de Belgique, jai décrit, sous le nom de Coemansia, un genre nouveau de la tribu des Araliae. Comme un petit champignon du groupe des Mucidénées avait, à mon insu, déjà été ainsi nommé par MM. Van Tieghem et Le Monnier, je renonce à ce nom de Coemansia et propose de lui substituer celui de Coudenbergia, en mémoire de Pierre Coudenberg, botaniste anversois du XVIe siècle dont les cultures ont fourni d'importants matériaux aux études de Dodoens. (515) Recherches sur quelques nouveaux sels basiques de mer- cure et sur un cas d'isomérie du sulfure de mercure; par M. W. Spring, correspondant de l'Académie. On sait que l'acide tétrathionique versé dans une solu- lion de nitrate mercureux dans l'eau, engendre, avec ce dernier, un corps jaune, insoluble dans l'eau, et se pré- sentant sous forme de flocons amorphes. Ce fait fut signalé, pour la première fois, par Wacken- róder (1); il fut vérifié depuis par tous les chimistes qui eurent l'occasion d'étudier les propriétés de l'acide tétra- thionique, mais, chose curieuse à constater, l'analyse de ce corps ne fut pas faite : aussi ne sut-on jamais à quelle espéce chimique il appartenait. Je me suis efforcé de com- bler cette lacune et j'ai reconnu que ce corps jaune était un sulfate trithiobasique de mercure qui n'avait pas encore été déerit. Je n'avais pas l'intention, d'abord, de faire connaitre ce résultat, car il me paraissait que l'existence d'un sel basique nouveau de mereure était loin de présenter un intérêt suffisant, mais les propriétés chimiques inattendues dont jouit le corps dont il est question m'ont déterminé à agir autrement; j'ajouterai, de plus, que j'ai pu former aussi quelques corps nouveaux, analogues au premier, de manière à compléter assez la liste des sulfates basiques (1) Ann. DE Came Er DE Puysique (2], t. XX, p. 157. ( 516 ) de mercure pour émettre un projet de classification de ces corps. Je diviserai cette note en trois paragraphes : le premier comprendra la formation et l'analyse du corps qui a été le point de départ de ce petit travail, le deuxiéme, l'étude de ses propriétés et la génération des corps analogues, enfin, le troisième sera réservé à la classification des sulfates basiques de mercure. $ 1. — FORMATION ET ANALYSES DU SULFATE TRITHIOBASIQUE DE MERCURE. Lorsque l'on verse une solution de nitrate mercureux dans de l'aeide tétrathionique étendu d'eau, il se forme un précipité abondant, floconneux , se déposant facilement et présentant tout à fait la couleur jaune du sulfure de cad- mium. Si l'on agit inversement, c'est-à-dire si l'on verse de l'acide tétrathionique dans le nitrate mercureux, le corps jaune se forme encore, mais il est d'une couleur plus claire, en outre, il reste longtemps suspendu dans l'eau, il bouche le filtre sur lequel on le dépose et est d'apparence gélatineuse. Il est trés-difficile de le débar- rasser, par un lavage, du nitrate mercureux qui le souille; au contraire, celui qui est obtenu lorsque l'acide tétra- thionique reste en excès est très-facile à laver et présente une grande stabilité dans les conditions physiques ordi- naires : on peut méme le chauffer pendant plusieurs heures à 120°-130° sans qu'il manifeste la moindre décom- position. En raison de ces faits je n'ai examiné que le corps qui prend naissance dans un excès d'acide tétra- thionique. . J'ai déterminé d'abord, pour l'analyse volumétrique, le ( 517 ) nombre relatif des molécules d'acide tétrathionique et de nitrate mercureux qui entrent en réaction. Le point d'arrét, dans cette analyse, étant assez délicat à saisir puisque le précipité ne se rassemble bien qu'à condition que l'acide tétrathionique reste en excés, j'ai fait douze déterminations successives et le résultat moyen a montré qu'une molécule d'acide tétrathionique réagit exactement avec une molé- cule de nitrate mereureux. La liqueur acide séparée par filtration du dépót, était une solution d'acide sulfurique, d'acide nitrique et peut- étre d'acide nitreux, mais ne renfermait pas trace d'un acide autre que ceux que je viens de citer. Le corps jaune, lavé sur un filtre et séché, a été ensuite analysé; voici les résultats en centiémes des dosages du soufre et du mercure qu'il renferme : moe] I Il IH IV V VI NS il une 17.53116.11/16.26116.88/16.91/16.67| 16.72 "SA Voss » » 180,.10/|80.17/80.15|80.80| 80.50 U ULIS » D D » » » 2.98 par différence. e Ces nombres conduisent à la formule brute HgiS50+, car celle-ci donne la composition centésimale suivante : iu. vs... MEL E Y .:..0. MIB B 5.95 Cette formule ne représente aucune espéce chimique, mais il est aisé de reconnaitre que le corps soumis à l'ana- 2"* SÉRIE, TOME XLVII. 54 ( 548 ) lyse renferme du soufre libre et qu'on n'a affaire qu'à un mélange et non à une combinaisen : en effet, chauffé à 190» environ, pendant quelques heures et lavé au sulfure de carbone pur, il avandonne des quantités notables de soufre. L'analyse du produit lavé conduit aux résultats suivants : | I I III MOYENNE. | Su IE. I. 15.10 13.56 » 15.95 IA ds dd 81.49 79.83 80.76 80.69 ONE ESS » » 6.52 6.52 LU if (Loxygène a été dosé en appliquant une des propriétés de ce corps que je ferai connaitre plus tard.) Les nombres que renferme ce dernier tableau conduisent à la formule Hg SO où : Hg 00. 3 vox 25V Bpéb UP M us i 1 0 6.45 100.00 On peut écrire Hg4S404 pour comparer cette formule à la précédente. Ainsi il résulte de ces deux séries d'analyses que le corps jaune qui prend naissance par la réaction de l'acide tétra- thionique et du nitrate mercureux est un mélange com- posé d'un atome de soufre et d'une molécule d'un corps répondant à la formule Hg'S40*. ( 519 ) z Avant de passer à l'examen des fonctions chimiques de ce corps dont la connaissance est nécessaire pour le repré- senter par une formule rationnelle, je ferai remarquer que les faits acquis jusque maintenant sont reproduits pour les deux équations chimiques suivantes : 1 (1) J*S05 + Hg?(NO?)? — Hg?S!0* + 9H (2) 9(Hg:S405) + 3H°0 = Hg*S'O* + 2H*SO* + ge + S. L’acide sulfureux, mentionné dans le second nombre de la dernière équation se change en acide sulfurique en présence de l'acide nitrique, c’est pourquoi on ne le retrouve pas parmi les produits de la réaction. En résumé, le tétrathionate mercureux qui prend nais- sance par la réaction du nitrate mercureux et de l'acide tétrathionique, se décompose instantanément, au sein de l'eau, pour former un corps jaune, Hg/S:O^, de l'acide miei de l'acide sulfureux et mettre du soufre en liber bon m'assurer si la présence de l'acide nitrique n'était pour rien dans cette décomposition, j'ai traité successive- ment du chlorure mercureux et du sulfate mercureux par l'acide tétrathionique et j'ai obtenu chaque fois le méme corps jaune. Seulement, comme le chlorure mercureux et le sulfate ne sont pas solubles dans l'eau, la réaction est plus lente; c'est surtout le cas pour le chlorure mercureux qui demande plusieurs heures de contact avec l'acide tétrathionique pour achever la réaction. Ces faits démon- trent bien que c'est dans le tétrathionate mercureux seul que se trouve la raison de la décomposition de sa molé- cule. ( 920 ) $ 2. — PROPRIÉTÉS DU SULFATE TRITHIOBASIQUE DE MERCURE ET GÉNÉRATION DE CORPS ANALOGUES. a. Propriétés physiques. Ce corps est d'un jaune pur, ainsi que j'ai déjà eu l'oc- casion de le dire, il est insoluble dans l'eau. Chauffé seul jusqu'à 120^, il résiste, mais quand il ren- ferme, ne füt-ce qu'une trace d'acide tétrathionique, il se décompose en sulfure noir de mercure; cette altération commence déjà à 50°. Chauffé plus fort, il noircit et se volatilise sans résidu en émettant des fumées blanches. Il est absolument inaltérable à la lumière quand il est bien pur, mais il suffit qu'il se trouve en contact avec une trés-faible quantité d’acide tétrathionique pour se changer lentement en sulfure noir de mercure et en sulfate mer- eurique. Wackenroder, et aprés lui Kessler, avaient cru que ce corps était sensible à la lumiére, mais il est cer- tain, d'aprés ce que j'ai pu constater, qu'il n'en est rien : ces chimistes ont eu trés-probablement entre les mains une substance non dépouillée d'acide tétrathionique. La densité de ce corps, déterminée en employant un échantillon du corps en suspension dans l'eau, et qui re- présente, par conséquent, celle du précipité dans l'état où il se trouve quand il se forme, a été trouvée égale à 6, 4 159 à 20°. La densité du sulfure noir de mercure, prise également en opérant sur un échantillon suspendu dans l'eau, a été de 7.5545 à la méme température. Il résulte de là que le volume moléculaire du sulfate trithiobasique, c'est-à-dire le nombre qu'on obtient en divi- sant son poids moléculaire par le poids spécitique est 154.6: ( 921 le volume moléculaire du sulfure de mercure est 50.71. Or si, pour rendre ces nombres comparables entre eux, on: multiplie la molécule HgS par 4 puisqu'il y a 4 atomes de mercure et de soufre dans Hg/S^0^, on obtient pour le volume moléculaire de 4 HgS : 122.8 ; la différence entre 154, 6 et 122,8 est 51.8. D'un autre côté la différence entre les poids moléeulaires du sulfate trithiobasique et du sulfure de mercure quadruplé est : Hg'S'O* — A(HgS) 992 — 926 = 64; ainsi la différence entre les poids moléculaires de ces corps est double de la différence des volumes moléculaires. Cette relation que je signale à cause de sa simplicité, pourrait bien être plus qu'une coïncidence, cependant je n'ai pu en découvrir la raison. Enfin j'ai déterminé la chaleur que dégage le sulfate tri- thiobasique quand il devient sulfure de mercure par l'ac- tion du sulfure de sodium, en vue de la comparer à la cha- leur qui se produit, dans les mémes circonstances, au moyen du sulfate normal de mercure. Pour simplifier les déterminations, j'ai agi dans les deux cas sur un poids égal de matière, le calorimètre renfermait la méme quantité d'eau et enfin j'ai fait usage d'un volume égal d'une solution de sulfure de sodium. Les choses étant telles, il devient inutile d'exprimer en calories les quan- tités de chaleur dégagées; on peut se servir, pour la com- paraison à faire, des nombres exprimant l'augmentation de température du calorimètre, car il est proportionnel à celui des calories dégagées. L'opération, tout en devenant plus simple, n'en est que plus exacte. ( 522 ) Voici les résultats obtenus : :157898 de sulfate trithiobasique de mercure, traités par du sulfure de sodium, ont fait monter la température du calorimètre de 8920 ; d'autre part : 17898 de sulfate de mercure, traités de même, ont fait monter la tem- pérature du calorimétre de 11°90. Or, si l'on admettait, par simple hypothèse, que le sul- iate trithiobasique, répondant à la formule Hg^S^O*, soit un eomposé de trois molécules de sulfure de mercure et d'une de sulfate de mercure, comme le montre la formule (Hg S Hg SO, le poids de matière employé (18 898) renfermerait O8: 566 de sulfate qui seul pourrait agir avec le sulfure de sodium pour donner du sulfure de mercure. La température du calorimètre aurait dû s'élever de 3°.55, comme il est facile de s'en assurer et non de 85,90. Ainsi le corps répondant à la formule brute Hg^S*O* ne représente certainement pas un mélange de trois molécules de sul- fure de mercure et d'une de sulfate. On aurait peine à entrevoir, dans ce cas, pour quelle raison il dégage plus du double de la chaleur que n'en fournirait un tel mélange s'il était traité par du sulfure de sodium. Je reviendrai, plus loin, sur les conclusions à tirer de ce fait. b. Propriétés chimiques. Le sulfate trithiobasique est facilement soluble dans l'eau régale ou dans une solution de brome dans l'aeide chlorhydrique. Il résiste à l'action de tous les acides, excepté de l'acide tétrathionique concentré qui le dissout en partie et de l'acide nitrique moyennement concentré, Ce dernier le transforme en un corps blanc lorsqu'on le chauffe pen- dant quelques heures à une température comprise entre 95° et 100°. ( 925 ) Ce corps blanc, ainsi obtenu, a été analysé; il renferme sur 100 parties : SUL AT CPI Hg URSS 2080 Q.V VIS (par aMierence). 100.00 Ces nombres conduisent à la formule HgS. (Hg S045; en effet on trouve que la composition centésimale de ce Corps serait : S. xo 2. ce oo sek 1149 HOD Rp CR see ISIRUITU AS ors nta a noise: a Ce corps non encore obtenu, à ma connaissance du moins, serait donc un trisulfate monothiobasique de mer- cure et représente l'un des analogues du sulfate trithioba- sique dont j'ai annoncé l'existence dés le début de cette note. Le trisulfate monothiobasique est insoluble dans les acides, excepté dans l'eau régale, et jaunit, puis noircit, quand on le traite par une solution de soude caustique ; il ressemble done beaucoup au sulfate dithiobasique de mer- cure obtenu par H. Rose. Mais retournons au sulfate trithiobasique de mercure. Ce sulfate, qui est trés-stable au sein des acides, est dé- composé par les alcalis et plus généralement par tous les corps présentant une réaction alealine, tels que les carbo- nates et méme les iodures. Il est alors changé en sulfure noir de mercure avec d'autant plus de facilité que la tem- pérature est plus élevée. L'hydrogéne sulfuré agit de même, ( 524 ) Bouilli avec une solution de nitrate de baryum, il se change en sulfure de mercure et forme du sulfate de ba- ryum; c'est en dosant ce dernier que j'ai déterminé la quantité d'oxygéne que renferme le sulfate trithioba- sique (voir § 1*). Cette réaction justifie bien la formule (HgS)*HgSO* que j'ai déduite de l'analyse. Les propriétés que je viens de faire connaitre n'ont rien de hien remarquable; il n'en est pas de méme des sui- vantes. Lorsque l'on traite le sulfate trithiobasique de mercure par l'eau bouillante, pendant quelque temps, il fonce un peu en couleur, mais reste cependant jaune; le liquide filtré, aprés refroidissement, a une réaction fortement acide, il est absolument exempt de mercure, comme je l'ai constaté par les réactifs les plus sensibles, mais renferme une grande quantité d'acide sulfurique. Le produit épuisé par l'eau bouillante a été analysé et répond à la formule (HgS) HgO, c'est un autre analogue du corps qui fait Pob- jet de cette étude, Il résulte de là que l'eau bouillante ne dissout pas le sulfate de mercure dont on pourrait admettre l'existence dans la molécule de sulfate trithiobasique, mais elle dé- compose, au contraire, ce sulfate, puisqu'elle en sépare l'oxyde. L'eau agit donc comme une base plus énergique que l'oxyde de mercure, puisqu'elle enlève le groupe SO* de la molécule Hg*S40*. En d'autres termes, cette action est semblable à celle qui se produit lorsqu'on traite le sulfate de mercure nor- mal par une quantité d'eau suffisante; on sait, en effet, que celui-ci se change en sulfate basique (HgO)?HgSO* (turbith minéral); mais ce qui peut paraitre étrange, c'est que dans le cas qui nous occupe, l'acide sulfurique soit en- ( 925 ) levé en totalité; on est contraint à admettre que le groupe (HgS) exerce plutôt une influence électro-négative dans la molécule sur HgO que le groupe SOS lui-même, puisque C'est ce dernier qui se détache le plus facilement; en ré- sumé, on pourrait écrire ce corps comme il suit : — + (HgS)*. HgO . SO? et il serait plutót un sulfure sulfaté qu'un sulfate sulfuré. Du reste, ce qui tend à montrer qu'il en est bien ainsi, c'est-à-dire que le groupe (HgS)5 se comporte d'une ma- nière différente de celle qui le caractérise généralement, c’est que le trithio-oxyde de mercure obtenu comme il vient d’être dit, (HgS)»HgO, traité par de l'acide chlorhy- drique , noircit et donne lieu à un dégagement abondant d'hydrogéne sulfuré; le liquide tient en suspension du sulfure noir de mercure et en solution du chlorure mer- curique. Ainsi, tandis que le sulfure noir de mercure isolé est absolument insoluble dans l'acide chlorhydrique non con- centré, celui qui se trouve dans (HgS)*HgO se dissout, au contraire, à la maniére du sulfure de fer ou du sulfure de zinc. Il n'est pas à dire que cette propriété que je signale rende compte de la précédente, mais il est incontestable qu'elle la complète. Il devient de plus intéressant de rap- peler maintenant que le changement du corps Hg!S'0* en AHgS par le sulfure de sodium a donné naissance à 2,5 fois plus de chaleur qu'il n'en eût fallu si ce corps renfermait le soufre combiné au mercure dans l'état où il se trouve dans le sulfure de mercure. On se convainct à présent que dans le sulfate trithiobasique de mercure, l'union du soufre au mercure est moins compléte que dans ( 526 ) le sulfure de mercure, et il ne parait pas étrange que l'acide chlorhydrique dissolve le groupe (HgS)* en déga- geant de l'hydrogéne sulfuré. J'ajouterai, pour terminer, que l'acide chlorhydrique jouit seul de la propriété de dis- soudre ce sulfure de mercure avec dégagement de H?S; ainsi l'acide sulfurique étendu et bouillant ne fait pas changer l'aspect du corps (HgS)HgO. Je crois que de l'ensemble de ces propriétés, on peut conclure que dans les sels thiobasiques de mercure que je viens de faire connaitre, le sulfure de mercure, ou mieux le groupe (HgS)5, est isomère du sulfure de mercure noir et qu'il fonctionne vis-à-vis du groupe HgO comme un groupe Siéttinégatit plus énergique que le groupe SO? lui-méme. Pour distinguer ce groupe du sulfure de mercure, on peut représenter les corps mentionnés par une formule différente de celles que l'on emploie généralement et qui expriment que les sels thiobasiques renferment du sul- fure de mercure. Au lieu d'écrire : (HgS) HgS04, il conviendrait peut-être d'écrire : Hg —S — Hg Hg — SO* — Hg ED DER | | | | S SU. 5 S0*; S s | Hg — S — Hg Hg — SO! — Hg Hg — S — Hg . Il est bien entendu que ces formules ne sont qu'un tracé conventionnel devant rappeler que ces corps ne renferment pas du sulfure de mercure à proprement parler et qu'elles n'ont aucune autre prétention. (527) $ 9. — CLASSIFICATION DES SULFATES BASIQUES DU MERCURE. Les sulfates basiques du mercure sont assez nombreux aujourd’hui, et l’on ne peut en aucune façon prétendre que l’on ait déjà réalisé toutes les combinaisons possibles de ce genre; il est, au contraire, probable que leur nombre grandira avec le temps. Il n’est pas inutile, par consé- quent, de pouvoir se représenter ces corps d’une manière schématique en vue de les embrasser dans une idée d’en- semble permettant non-seulement de graver facilement dans la mémoire les corps connus, mais indiquant en outre, autant que possible , ceux dont l'existence est probable. Je passerai d'abord en revue les sulfates thiobasiques de mercure en commencant par celui qui fait l'objet de cette note, puis j'arriverai aux autres corps du méme genre. Les sulfates thiobasiques de mercure connus,en y com- prenant ceux que je signale comme nouveaux, renferment quatre, trois ou deux atomes de mercure dans la molé- cule et répondent aux formules brutes: Hg!S:0* ; Hg58*04; Hg*S*05 ; Hg'S*01? : on ne connait pas, jusqu'aujourd'hui, de sulfates renfer- mant plus de quatre atomes de mercure dans la molécule. On peut les concevoir comme dérivant de deux groupes différents de sulfures, correspondant peut-être au sulfure noir de mercure et au sulfure rouge. 1° Hg—S—Hg et 2 Hg S : Jg S | | a 23 Hg — S — Hg Hg — S — Hg. ( 528 ) Le premier de ces groupes serait un sulfure de mercure provenant de la polymérisation de quatre molécules HgS. Si l'on admet maintenant que les quatre atomes de soufre soient oxydés scecessivement, de manière à donner nais- sance à des groupes (SO^), on arrive aux formules sui- vantes : 4° Hg — S — Hg | | $ SO*, sulfate trithiobasique de mercure. Hg —S- Hg 3o Hg — SO! — Hg | S SO*, ou 2[H2S . HgSO"*] sulfate thiobasique connu, | | Le pour la digestion du cinabre dans l'acide Hg —S — Hg sulfur 3° Hg — SO! — Hg | S SO", trisulfate monothiobasique (voir plus haut, § 2). ig — S0! — Hg ^ Hg — S0! — So‘ SO*, sulfate mercurique. Hg — S0) — ig Du second groupe dériveraient de même : [hs Hg PERS S SO! , sulfate connu, obtenu en chauffant avec de l'acide z^ peigne un mélange de nitrate et de sulfure de Hg — S — Hg mercu 2 Hg 15 x O+ so", peter par Palm, par l'action de l'acide sulfurique x N sulfure de mercure. (Knavr-GxeLIN, Hand- Hg — S — Hg ed dir Ch. IH, 765.) 5° Hg AN SO! SO“, sulfate de mercure. A Hg — SO! — Hg ( 529 ) Il peut paraitre étrange à premiére vue que cette for- mule, qui est différente de la précédente (n? 4), puisse représenter le sulfate de mereure ; cependant si l'on y re- garde de prés, on est porté, au contraire, à la considérer comme exacte : en effet, on sait que le sulfate de mer- cure, traité par une quantité suffisante d'eau, se change en un sulfate basique (turbith minéral), répondant à la formule (HgO)?HgSO*, ou : c'est-à-dire que le groupe (Hg)5 se trouve engendré; or, la formule que je propose a précisément pour objet de rendre sensibles ces transformations, ainsi : Hg Hg ZEN S SO^ so .-.2H0— 0 0 + 9H'SO*, "d wt N Hg — S0! — Hg Hg — S0! — Hg D'un autre cóté, on peut se demander s'il n'existe peut- étre pas deux sulfates de mercure, comme il existe deux oxydes, deux sulfures, deux iodures, etc.; c'est un fait à vérifier. Le sulfate de la formule n° 4 devrait donner, par sa réaction avec l'eau, un sel basique autre que le tur- bith. Je passe maintenant aux sulfates oxybasiques. 1° groupe: Lx Hg — 0 — Hg | Hg — 0 — Hg SO , inconnu. 3 : ( 550 ) go Hg — O — Hg SO*, inconnu. Hg — 0 — Hg 3° Hg — SO* — Hg SO*, obtenu par Hoptkins, en ves le turbith par | ii l'acide nitrique concen Hg — S0! — 2"* groupe : T Hg gt UN, 0 O, turbith. 7. Hg — SO! — Hg 2° Hg rA 0 SO* , inconnu. — 808 à Sulfates oxythiobasiques : 1°" groupe : 19 Hg — S — Hg | l SO*, inconnu ; ! Hg — O — Hg 9o Hg — S — Hg 0 ios, inconnu; ilz — 0 — le b Hg — SO* — Hg S SO*. inconun, | Hg — O — Hg ( 854 ) 2»* groupe : Hg 3C XN 0 SO', obtenu par precipitation incompléte du sulfate de Z d apre re par H*S. Hg — S — On conçoit de méme l'existence d'oxysulfures de mer- cure : 1? Hg — S — Hg | S O , obtenu (voir plus haut, § 2). | | Hg — S — Hg Les autres sont inconnus : Hg — 0 — Hg Hg — O — Hg Hg Hg | ESI | Zr PA S 0 S O et 0 0008 S | pd | y^ Nor uf 4 Hg — S— Hg Hg— O0 — Hg Hg — S — Hg Hg — O — Hg Le méme schéme peut servir pour le cas où l'on aurait affare à des sels mercureux ; il suffit d'enlever un atome de O ou de S, selon le eas, et de supposer, comme on le fait d'ailleurs, deux atomes de mercure unis entre eux : Ainsi : Hg — 0 — Hg SO!, obtenu du nitrate correspondant p le sulfate de sodium. (Books, Pogg. t. LXVI, p. 65.) On concoit facilement, d'aprés cela, des sulfates mercu- roso-mercuriques dont il n'existe encore aucun représen- tant, 532 ) ll est à peine nécessaire de rappeler que la base de cette classification est tout empirique et qu'elle est destinée à faire défaut dés que des faits nouveaux montreront qu'il existe des sulfates renfermant plus de quatre atomes de mercure dans la molécule, comme la chose existe, du reste, chez les oxychlorures. Toutefois, dans l'état actuel de nos connaissances, elle peut rendre des services. Il n'est pas difficile d'étendre cette classification aux autres sels basiques du mercure; on reconnaitra facile- ment alors, par l'inspection du tableau crès-long qui en résulte et que je ne reproduis pas à cause de ce fait, qu'à cóté du nombre considérable de sels réalisés, il s'en trouve un nombre presque aussi grand non encore préparés. Laboratoire de chimie de la faculté des sciences de l'Université de Liége. Sur l'élimination, deuxième Note préliminaire ;' par M. P. Mansion, professeur à l'Université de Gand. Dans notre première Note sur l'élimination, dont l'Aca- démie a bien voulu voter l'impression au Bulletin de décembre 1878 (pp. 899-908 du t. XLVI, 2* série), nous avons établi, par une méthode nouvelle, les conditions nécessaires pour que deux équations algébriques aient un certain nombre de racines communes; de plus, nous avons donné la signification analytique de certains déterminants dont l'étude se présente naturellement, dans la question traitée. Nous disions en terminant notre introduction : « Nous n'établissons pas que ces conditions sont suffisantes, ren- voyant, pour le moment, aux mémoires cités plus haut ( 533 ) (de MM. Lemonnier, Darboux et Rouché) pour la démon- stration de cette réciproque ('). » Nous avons l'honneur de soumettre aujourd'hui à l'Aca- démie un complément de notre premier travail, relative- ment à ce point. Nous sommes parvenu, par une méthode extrémement élémentaire, à démontrer que les conditions nécessaires sont aussi suffisantes. Une esquisse un peu trop sommaire de cette méthode a paru dans le n° 25 du tome LXXXVII des Comptes-rendus de l'Académie de Paris (16 décembre 1878, pp. 975-978). Dans la présente Note, nous en donnons une exposition plus simple, et nous démontrons le principe fondamental qui nous sert de base, principe que, pour plus de brièveté, nous avions dû énon- cer seulement dans la publication citée. 1, PROPRIÉTÉ FONDAMENTALE D'UN DÉTERMINANT RECTANGULAIRE NUL. LEMME. Un système d'équations linéaires homogènes, dont le déterminant est nul, peut toujours être vérifié par des valeurs non nulles des inconnues (7). (*) MM. Dansoux et Roucaé ne s'occupent que de la méthode de Bezout et Cauchy. L'omission d'une phrase de deux lignes a rendu incompréhen- sible la démonstration donnée par M. Roucaé de la suffisance des condi- tions pour que les fipations. launti aient p racines communes. M. LemoxniEr expose compl ode d'Euler et de Sylvester et celle de Bezout et Cauchy; ses nas ont un caractère de com- plication, au moins apparente, dans l'un et l'autr *) Nous donnons ici une démonstration pres de ce théorème connu, parce que de bons manuels de la théorie des déterminants, BatTzER-HouEr, par exemple, ne l'établissent pas dans le cas où les pre- miers mineurs du déterminant du systéme sont tous nuls. 2"* sÉRIE, TOME XLVII. (534) Considérons, pour plus de simplicité, un système de quatre équations seulement : ax +by+cz+du—=0, (i—1,2,5,4). . .(1) dont le déterminant (a, ba c; d;) —O. Supposons d'abord que l'un, au moins, de ses mineurs, A, — (b, cs d;), par exemple, soit différent de zéro. Écri- vons les trois dernières équations (1), sous là forme : bay + Cz + du = — ag, bay + 652 + diu = — ax, by + cz + diu = — ax. Le p CEU AE 3* . 3 It i.t des équations linéaires donne , immédiatement : ja -O Re EE (bsasd) à ne (b2csa) À 7 (hod) - ' (b:c;d;) ' (bacsd;) ; Ces valeurs, substituées dans les équations (1), vérifient la première, à cause de la relation (a, ba cz d;)— 0; les autres deviennent identiques. L'inconnue x reste indéter- minée. Par conséquent, on peut lui donner une valeur non nulle, ce qu'il fallait démontrer. Supposons maintenant que tous les premiers mineurs de (a, ba c; d;) soient nuls, tandis que l'un des seconds mineurs, (cz d;), par exemple, est différent de zéro. Nous pouvons écrire les deux derniéres équations (1), comme il suit : C7 + du = — A; — bsy, Cz + diu = — ax — biy. On en tire : Xue (ad;) |. | (bdi) o. (esa4) aii (csb;) (nd) (ad)? " — (ed) (ed) ( 535 ) et ces valeurs, d'aprés les hypothéses faites, vérifient les quatre équations (1), quelles que soient x et y. Donc, l’on peut donner, à ces inconnues, des valeurs non nulles. De proche en proche, on démontrera ainsi, d'une manière générale, que tout système de » équations linéaires homo- gènes, à n inconnues, dont le déterminant est nul, peut étre vérifié par des valeurs des inconnues dont l'une au moins n'est pas nulle. Notation. Nous écrivons, avec beaucoup d'analystes, a, b, é 4.4 fh gı h, 4 uu uv ww h ga he visse HUE uu NN h k l; b 6, d, e; f gi h; as ho b dj & fs gs hs | © ou mème, en généralisant une notation de Cauchy, dont M. Catalan a très-bien fait ressortir l'utilité : | a, b, €, d, e, Í; Js h i0; pour indiquer que tous les déterminants, formés avec cinq colonnes du tableau précédent, sont nuls. Ainsi Pégalité symbolique r — O0, équivant aux égalités suivantes : (a, bs cs d, e) — 0, (a, b, c5 d, fs) = 0 ses (di e2 fs gi hs) = 9, (2) dont le nombre est égal à celui des combinaisons de huit lettres, einq à cinq. Théorème. Si r—0, il existe une méme relation linéaire, k, E, ed kı E, + k; E; + k E, + k; Eye 0 entre les éléments E,, Es, Es, E; Ey d’une colonne quel- ( 556 ) conque de r, les quantités k n'étant pas toutes nulles (`). En effet, déterminons cinq quantités k, qui vérifient les équations : ki a, + ke @ + k; a5 + ka, + k a; = 0, (9) Kk, b, + ka bs + k; bs + k; b; + ks bs = 0, (33) k, €, 4- f. 64 -- keek a kiun, (52) kd, + 1, d4 + k; d, + kedi + k, dg = 0, (54) k e + k, dy -- ky ey + k, e, + ke — 0. (3,) Puisque, par hypothèse, (a, b, cz d; e;) —0, on pourra trouver, pour ky, ka, ks, kı, ks, des valeurs qui ne seront pas toutes nulles, d'aprés le lemme démontré plus haut. Ensuite, d’après la théorie des équations homogènes, ces valeurs non nulles de k,, kə, kz, kı, ky vérifient les équations : kifi + kif + ks fs + ki fs + k; fh = 0, (3.) hg, kaga + kz gs + k g+ k,g = 0, (37) k, h, is ka ħa =+ kshs + k; h, + TU 0, (54) à cause des relations : (a, b, cs d; fs) = 0, (a, becs d;g;) = 0, (a, bacsd,h;) = 0. Le théorème est donc démontré. CoroLLaire. Les relations (2) sont au nombre de 8.7.6.5.4 33s nous wen avons utilisé que 4, pour démontrer le théorème précédent; les 56 relations peuvent d'ailleurs se déduire (*) Ce principe n'est pas nouveau; il a été trés-souvent employé par M. Le Paige, depuis 1877, dans ses recherches sur les involutions supé- rieures, et devrait peut-étre porter son nom. ( 537 ) des équations (5), en exprimant que 5 quelconques de ces équations sont compatibles entre elles. Donc les 56 rela- ` tions (2) se réduisent à 4 distinctes. En général, l'égalité r —0, dans le cas où le tableau r a m colonnes et n lignes équivaut à m — (n — 1) relations seulement. II. MÉTHODE DIALYTIQUE. Considérons, pour plus de facilité, les deux équations respectivement du 5° et du 4° degré : A — a, + GE + 04x? + ax) + Gr + aya? — 0, B — b, + bix + bax? + bu? + baxt = 0. Nous avons démontré, dans la Note précédente, que si ces deux équations ont trois racines communes, l'on a do 0, 09 dg WU, 0s 0 0 o 04 u $4 4 W b b M Nx oo 0 b bo dy b 0 (ud. Lolo Ww s | S Il est aisé d'établir la réciproque, d’après le théorème du § I. On aura, en effet, d’après ce théorème, les sept équations : dou + Opa + bin + Os + 0v; = 0, Qipi + Qop + bin + boz + 09 — 0, Ata ud ud + wa ue id + fiet 0, Oki pus FT ( 558 ) Lu, Mo, Vas Va, vs étant des constantes qui ne sont pas toutes nulles. Multiplions ces équations respectivement par 1 , x?, x?, x*, x5, x9 el ajoutons (`). Il viendra, quel que soit x : (ay + a,9 + QX? + asx? + a4x* + ax") (p, + pax) + (by + bix + bax? + bsx? + baxt) (v, + na + vx) — 0, ou, en abrégé, À (pa + pax) + B (v, + vx + sx?) = 0 Si nous donnons à x l'une queleonque des valeurs «, B, y, 9, e, racines de A = O, le premier terme de l'égalité précédente s'annule. Donc l'équation B (v, + vx + vx) —0 aura parmi ses racines «, 6, 7, 9,c. Deux seulement de ces racines peuvent annuler le second facteur, qui, d'ail- leurs n'est pas identiquement nul. Donc B—40O a pour racines trois de ces quantités, æ, B, y, ce qu'il fallait démontrer. Remarques. I. D’après le corollaire du $ précédent, les conditions pour que les équations A —0, B—0 aient trois racines communes sont au nombre de 5. En général, les conditions pour que deux équations de degré quelconque aient p racines communes sont au nombre de p, comme on le trouve aisément. (*) Le procédé employé dans les Comptes-rendus est moins simple que celui qui est indiqué ici, parce que z ne conserve pas une valeur arbi- traire. ( 839 ) IL. Si les racines de B = 0, sont a, B, y, &, il est clair, d’après ce qui précède, que & est racine de Pa + px = 0. De méme 2, « sont les racines de y, HAT + ye — 0. Les quantités pi, (to, v1, Y2, vs étant faciles à déterminer, par la théorie des équations du premier degré, on voit que les équations aux racines non communes s'obtiennent aisément. Quant à l'équation aux racines communes, elle est A B E + Vax + yx Ka + pax comme on le voit immédiatement. III. MÉTHODE DE BEzour ET CAUCHY. Posons A = a + Ly = 04 + ys m as He y m as + X*y,, B = By + x3, — 9, + x10, — Pa + 230, — B + 20, 2i, Bi Yi ds désignant des polynómes entiers en x, de degré égal à leur indice dont les deux premiers sont formés respectivement par les (; + 1) premiers termes de A et ( 540 ) de B. Ainsi, par exemple, da = Up + GX + A2”, de sorte que l'on a bien : A — a; + Ya On aura ensuite : Ya = As + GX + A5”, Ay; — B3, = 009 3 — Bads — Coo + Coi + Col + Col + CyT — Co» 0 Ay, — Bo; = ey s — bads = Co + Cx + Ca? Cg + Cut — Ci, Ay, — B, — asy, — [393 = Coo + CX + Cog? + Ca + Col = Cr; Ayo — Be 089 o — badi = Cao + CT + Cal? 0353? Cyt — Ci les quantités désignées par les c minuscules étant des constantes et, par suite, Co, Cj, Ca, Cz, des polynómes entiers du 4° degré. Les conditions nécessaires pour que A —0, B— 0 aient trois racines communes sont, comme l'on sait : b, Ces conditions sont suffisantes. En effet, d’après le § I, on aura À1C20 + À9C20 + Agb, == 0, MCa + 205 + 255, — 0, 24099 + PM + sb, == 0, J4635 + ess + 35D; = 0, Cy + dge + ds = 0, M ds, à; étant des constantes dont l'une, au moins, n'est pas nulle. ( 541 ) Multiplions ces équations, respectivemeut, par 1, x, x?, x5, x+, el ajoutons. Il viendra 3G, + Ass E "mu = 0, c’est-à-dire, (AY: situe B) + A (Ayo «- B3) m sB — 0, ou AQ, + X70) + B( sn 3,09 — a0, + 3g) = 0, Les cinq racines de A—0 doivent vérifier l'équation : B(— 19/3 — )9Y 1 + Ag) = 0. Le second facteur étant du 3° degré et non identiquement nul, trois des racines de A, au moins, doivent aussi être racines de B —0. Des caractères distinctifs de la dolomite et de la calcite dans les roches calcaires et dolomitiques du Calcaire carbonifére de Belgique; par M. A. Renard, conservateur au Musée royal d'histoire naturelle de Belgique. La distinction , à l'aide des caractères microscopiques, de la calcite et de la dolomite dans les roches qui offrent ces éléments associés, présente des difficultés que l'on ne rencontre pas pour la détermination des cristaux macro- SCopiques des mêmes espèces. Ces difficultés proviennent en partie de la similitude de composition et de forme qu'affectent ces minéraux dont on ne peut évaluer, dans le tissu serré des roches, les valeurs angulaires, ni tenir compte avec certitude de leurs propriétés chimiques res- pectives. Cependant, deux questions importantes au point de vue minéralogique et géologique sont liées intimement ( 542 ) à la distinction de la caleite et de la dolomite dansles lames minces des roches étudiées au microscope. La première se rapporte à la composition minéralogique des roches dolo- mitiques qui s'écartent du type normal (CaCO; + MgCO;) ; la seconde, l'une des plus controversées en géologie, a trait au mode de formation des calcaires dolomitiques et de la dolomie. Sans nous arréter à la discussion des opi- nions émises sur ces questions, qui sont d'ailleurs parfai- tement exposées dans le savant travail de MM. Doelter et Hoernes (1), nous nous bornerons à signaler ici les carac- téres distinetifs de la caleite et de la dolomite, tels qu'ils apparaissent au microscope dans les préparations des roches. ll est évident que si l'on parvient à établir ces caractéres d'une maniére nette et précise, on peut s'at- tendre à ce que l'analyse microscopique jette du jour à la fois sur la composition minéralogique et sur l'origine des roches qui renferment comme éléments fondamentaux les espéces minérales dont nous allons décrire la mierostruc- ture. Cette note, comme celle que nous avons eu l'hon- neur de présenter à l'Académie sur les phthanites du cal- caire carbonifère, doit être considérée comme un travail préliminaire à notre monographie lithologique des roches de cet étage. Quoique nous n'ayous pas encore appliqué l'analyse mieroscopique à d'autres roches qu'aux calcaires et aux dolomies des assises du calcaire carbonifére, le grand nombre de types que nous avons étudiés et dont nous avons fait polir plus de deux cents préparations, nous ont donné des caractéres si constants que nous croyons pou- voir les généraliser pour toutes les roches dolomitiques de (1) C. Doevren et R. HoznxEs, Chemisch-genetische Betrachtungen über Dolomite (Jaurs. K. K. Grot, Reicusansr., vol. XXV, 1875, p. 295). ( 545 ) cet étage et nous n'hésitons pas à penser qu'ils pourront s'appliquer aux calcaires et aux dolomies d'autres forma- tions. Comme nous allons le montrer en résumant les tra- vaux antérieurs, on n'était pas parvenu à fixer d'une ma- nière certaine les caractères micrographiques de ces deux espèces. M. von Inostranzeff (1) est le premier, croyons- nous, qui se soit occupé de rechercher les caractères dis- tinctifs de la dolomite et de la calcite dans les roches taillées en lames minces. Des calcaires types grenus dela Finlande et des monts Oural, lui permirent d'observer que tous les grains de calcite se montrent striés par l'inter- position de lamelles hémitropes (2) et qu'ils sont sillonnés (1) vos IxosrRANzEFF, Unt. von Kalksteinen und Dolomiten (Jaunp. nen GEOLOG., RetcusaNsTALT. TSCHERMAK'S MINERALOGISCHE MITTHEILUNGEN 1875, p. 45). (2) Cette macle de la Mte a son plan rm à parallèle et l’axe d'héniitropie normal à bt. Les axes des deux individus formant entre eux des angles de 127» 29’ 52" et pre 30’ 28", et en su — nt que l'un soit resté fixe, l'autre peut être considéré comme ayant tourné de 180 degrés autour de l'axe hémitropique. Cette structure des cristaux de calcite se microscopique des roches (Zeitschrift d. d. geol. vadat t. VII, 1853, P- 5). Stelzner (Petrographische Bemerkungen über Gesteine des Allai, 1871, p. 56) a fait remarquer que ces stries hémitropes dans les plages de calcite des calcaires cristallins pourraient bien avoir été provoquées par les efforts mécaniques auxquels les couches de calcaire auraient été sou- mises. On sait en effet que Reusch (Pogg. Annalen, CXXXII, 445) est parvenu dans ses Let pt rer à PETER Fapparition de ces stries hémitropes en soumettant des cristaux de calcite à l'action d'une vis de pression. Quoi qu E en soit de esci m suggérée par M. Stelzner, bornons-nous à indiquer que l'on découvre bien souvent des cristaux de calcite striés par ces lamelles hémitropes et pour la produc- ( 944 ) “en outre par les lignes de clivage coupant ces stries et con- servant toujours à peu prés la méme orientation. La roche de Gopunwara en Finlande se présente au microscope avec des caractéres différents, tandis qu'une partie des granules incolores qui la composent ne montre pas de stries hémi- tropes, mais simplement des traces de clivage, d'autres sont striés; traitée avec un acide faible, il laisse un résidu de dolomie. La roche grenue de Kiwisari est formée de gra- nules dont le plus grand nombre ne porte pas les stries hémitropes; presque tous, au contraire, sont sillonnés par les lignes du clivage rhomboédrique. Les granules striés polarisent fortement la lumiére, ils sont plus brillants que ceux sans lamelles polysynthétiques. Dans la dolomie grenue de Tiosia, l'auteur n'observa point une seule plage avec stries hémitropes; il constata le méme fait dans deux autres roches dolomitiques : celle de Kjapjaselga et celle de Tschewscha-Selga. M. Inostranzeff (it marcher de pair l'étude chimique avec l'examen microscopique de ces roches. En comparant les rapports de la teneur en carbo- nate de calcium pur et en dolomite avec les caractères microscopiques des roches analysées, il arrivait à ce résultat remarquable que les calcaires types au point de vue chi- mique ne sont composés que de plages cristallines striées par l'interposition de lamelles hémitropes et que la teneur en carbonate double de caleium et de magnesium augmente tion desquelles on ne peut faire appel à la pression (Cf. QuexsrEpr, Mine- ralogie, 495, 1877). Les cristaux de calcite des géodes et les rhomboédres les plus transparents de spath d'Islande sont souvent pénétrés par une multitude de lames minces, orientées d'aprés la loi que nous énoncions plus haut et produisant sur la face de clivage des stries paralléles à là diagonale horizontale (Des CLoizEAvx , Manuel de minéralogie, t. 1I, 1874. 08). ( 545 ) à mesure que le nombre des sections sans stries polysyn- thétiques diminue. Il s'ensuivrait que le caractère distinctif des plages de calcite doit se trouver dans la présence des lamelles hémitropes, et celui de la dolomite dans la pré- sence exclusive des lignes de clivage. Une conclusion qui découlerait de ces observations, c'est que la dolomie ne serait pas composée de cristaux de dolomite dont la teneur variable en carbonate de caleium et de magnesium devrait S'interpréter par le remplacement partiel de ces deux bases suivant les lois de l'isomorphisme. Il s'ensuivrait que dans les roches dolomitiques n'appartenant pas au type normal, chacun des grains qui constituent la roche ne possède pas la composition que l'analyse brute indique. M. Inos- tranzeff arriverait donc à confirmer les recherches anté- rieures de Karsten (1). Ce savant avait établi que des cal- caires dolomitiques attaqués à 0° par l'acide acétique dilué laissent un résidu cristallin présentant la composi- tion de la dolomie normale. Nos observations sur les roches dolomitiques nous amènent , comme les auteurs que nous venons de citer, à croire que beaucoup de ces roches sont formées d'un mélange mécanique de caleite et de dolomite ; nous démontrerons, toutefois, que l'on ne peut pas s'établir sur la présence ou l'absence des stries hémi- tropes pour discerner, comme l’a fait M. Inostranzeff, les grains de dolomite des plages de calcite. Comme nous allons le voir, cette déduction présente un caractère trop général ; nou-seulement les sections de calcite sont loin d'être toutes striées, mais il arrive que la dolomite elle- méme offre l'interposition de lamelles polysynthétiques. (1) Karsten's Archiv für — ip 572, voir aussi SCHAF- HAÜTL, Neues Jahrb. für Min., 1864, p ( B46 ) L'objection que nous venons d'énoncer a été relevée par M. Doelter (1) dans sa communication préliminaire au mémoire qu'il a fait paraître avec M. Hoernes sur les roches dolomitiques. Il fait observer que le diagnostic reposant sur la présence ou l'absence des stries hémitropes ne peut étre mis en jeu que lorsqu'on étudie des roches à gros grains et il substitue à ce caractère les indications que l'on peut obtenir en observant l'action des acides sur les parties calcaires ou dolomitiques des roches taillées en lames minces. A cet effet, il attaque une plaque de calcaire type à l’aide d’acide chlorhydrique dilué, dont il augmente peu à peu la concentration ; lorsque cet acide est parvenu à dissoudre tous les granules calcareux, M. Doelter prend une solution au méme degré de concentration et qu'il nomme sa solution normale. A l'aide de cet acide ainsi dilué, il attaque des plaques minces de roches contenant à la fois de la calcite et de la dolomite et il arrive à indiquer d'aprés le résidu plus ou moins notable de dolomite qui reste inattaquée, la quantité proportionnelle de calcite et de dolomite. Il constate que ces résultats concordent avec ceux que lui fournissent l'analyse chimique des mêmes roches. Le caractére sur lequel s'appuie M. Doelter ne repose donc que sur la résistance que la dolomite oppose à l'action des acides. Nous appliquerons à notre tour cette méme donnée; mais il nous parait nécessaire de ne pas l'employer seule et de faire servir en méme temps pour déterminer ces deux espéces minérales, les indications que nous fournissent leurs propriétés physiques. (1) Doecrer, Vorläufige Mittheilung über Untersuchungen von Dolo- miten aus Sud-Tyrol (VERHANDL. DER K. K. GEOL. REICHSANSTALT, 1875, 6 ( 547 ) Dans le travail que M. Lagorio (1) a publié sur les roches de la région orientale de la Baltique, cet auteur nous parait serrer le probléme de plus prés que ne l'avaient fait ses devanciers. Aprés avoir indiqué à son tour le peu de certitude que donnent les caractères distinctifs for- mulés par M. Inostranzeff en montrant que, dans plu- sieurs cas, le calcaire se présente sans lamelles hémitropes, il attache un certain poids au fait que la dolomite est sur- tout caractérisée par la forme rhomboédrique plus ou moins parfaite qu'affecte ce minéral lorsqu'il entre comme élément constitutif dans les roches. Il montre dans divers passages de son mémoire comment cette interprétation est en accord avee les résultats de l'analyse chimique ; mais l'auteur n'a pas formulé d'une manière assez nette l'im- portance que l'on doit attacher à ce caractére, que nous considérons comme fondamental. En traitant des cal- caires dolomitiques dévoniens, il indique bien que la dolo- mite s'y distingue par des cristaux rhomboédriques ; mais il ajoute que ces roches contiennent en méme temps, quoique en nombre moins considérable, d'autres cristaux de méme forme que l'on ne peut considérer, vu leur ma- nière de se comporter aux acides, comme de la dolomite. Il envisage les rhomboédres qui se dissolvent dans l'acide acétique comme de la calcite; ceux qui résistent à l'action de cet acide, il les rapporte à la dolomite (2). —— (1) Laconio, Mikroskopische TAUN Ostbaltischer Gesteinsarten (Ancntv, FUR DiE Narunk. Liv. Est p Kunzanps, 1 série, 7 vol., 1876). (2) Loc. p. 94. Fischer. -Beniim pude son mémoire sur la stractüre des Nina. iba oskopische Untér dcl" über die Halysites Arten und einigen Gest. aus den russischen Oostsee-Provincen (Asn. AUS DEM GEBIETE DER NaTUnw., HamgourG, 1871), indique déjà la forme rhom- ( 548 ) Le récent travail de M. Loretz (1) sur les dolomies du Tyrol méridional, consacré à ce groupe de roches célèbres entre toutes dans l'histoire de l'origine de la dolomie, ne nous fournit pas de détails que l'on puisse appliquer aux caleaires dolomitiques ou aux dolomies du caleaire carbo- nifère de Belgique. L'auteur trouve que la plupart des dolomies dont il décrit la microstructure sont caractérisées par des éléments qu'il nomme macrocristallins, associés à d'autres, de dimensions moindres, qu'il désigne sous le nom de microcristallins. Cette structure, qui semble do- miner dans les roches du Tyrol, ne se présente pas dans les dolomies de Belgique dont l'un des traits les plus sail- lants au contraire est l'uniformité du grain qui se montre aussi bien à l'oeil nu et à la loupe dans les échantillons, qu'à l'aide du microscope dans les lames taillées. Une grande partie du travail deM. Loretz est ensuite consacrée à décrire la structure oolithoide de la dolomie ; cette struc- ture n'est jamais représentée, peut-on dire, dans les roches que nous avons choisies comme objet de nos études. Les formes plus ou moins circulaires, que nous avons rencon- trées dans le calcaire carbonifére se montrent, pour le plus grand nombre, composées de sections de fossiles; plus rarement nous y découvrons des concrétions, mais nous n'avons aucune raison decroire qu'elles soient composées de dolomie. La structure schistoide et bréchoide, qu'il décou- vre dans la dolomie du Tyrol, manque aussi dans nos roches boédrique comme fréquente ipm la dolomite dans les roches qu'il a étu- iées ; mais, comme M. Lagorio, en différents arai de son travail , il pur de cristaux de calcite ar sous cette forme. (1) H. Longrz, Untersuchungen über Kalk und Mel: 1, Sud- Tyroler Dolomit (Z. n. n. 6. G. 5 fasc., 1878, p. 387). ( 549 ) de Belgique. Les roches du calcaire carbonifère que nous avons examinées peuvent toutes se rapporter au type de structure que M. Loretz désigne sous le nom de macro- eristalline uniforme. En résumé, le mémoire de ce savant est plutót consaeré à décrire la mierostructure de la dolo- mie comme roche, qu'à nous faire connaitre les caractéres propres de la dolomite et de la caleite. : M. Bonney (1) dans un de ses derniers travaux a touché de plus prés la question. Aprés avoir rappelé que la calcite est représentée dans les traps micacés de la région de Kendal et de Sedbergh, il indique qu'elle est assez souvent associée à un minéral qu'il consi- dére comme de la dolomite; pour établir la distinction entre ces deux espéces, il se fonde sur ce que les grains qu'il rapporte à la dolomite ont une forme plus régulière, des clivages moins distincts et des couleurs plus vives que les sections de calcite. L'étude d'un grand nombre de préparations de roches dolomitiques, et entre autres de dolomies du Tyrol, semble Ini prouver que la dolomite se présente d'ordinaire sous la forme de grains réguliers poly- gonaux ou arrondis, tandis que ceux de la ealeite sont ordi- nairement terminés par des contours qui ne rappellent au- cune loi cristallographique. Les clivages sont moins visibles dans le premier minéral que dans le second; mais les grains de dolomie se colorent vivement entre nicols croisés , tandis que les teintes du calcaire sont plus sombres. On voit que M. Bonney met plus de poids sur la forme des sections, comme l'avait déjà fait M. Lagorio ; toutefois il nous parait ne point la spécifier assez. A notre tour, nous allons (1) Boxxer et Houçurox, On some mica-traps from the Ne and Sédbergh districts (Quart: sourx. or GEOL. Soc., février 1879, p. 1 2"* SÉRIE, TOME XLVII. 56. ( 550 ) essayer de montrer que les formes cristallines de la calcite et de la dolomite doivent étre prises en considération, si l'on veut déméler la structure intime des roches que nous étudions; et, groupant autour de ce caractére toutes les par- ticularités, qui découlent de nos observations , nous espé- rons établir les différences qui permettent de distinguer, dans les lames minces, ces deux espéces minérales. Nous croyons devoir ajouter que cette note n'a point d'autre but que de préciser le facies microscopique de la dolo- mite et de la calcite ; nous réservons pour une autre com- munication de traiter en détail de la composition minéra- logique des calcaires et des calcaires dolomitiques, ainsi que du mode de formation de ces roches. Si nous parve- nons à établir ces caractéres distinctifs, nous aurons mis entre les mains du lithologiste le moyen de trancher ces deux importantes questions. Lorsqu'on envisage la manière d’être de la dolomite et de la calcite macroscopique au point de vue de la forme cristalline, un fait qui frappe tout d'abord, c’est la tendance que possède la première à s'offrir avec le rhomboédre pri- mitif et la rareté exceptionnelle de cette méme forme pour la calcite. De toutes les espèces minérales, la calcite est incontestablement la plus féconde en modifications de formes, et d'un autre côté c'est de tout le groupe des car- bonates rhomboédriques le minéral qui se présente le moins souvent sous la forme dite primitive du rhomboè- dre de 105°, que l'on peut obtenir par le clivage de tous les eristaux de cette espéce. On a méme douté que la cal- cite pure ait jamais été observée sous cette forme, et l'on a pensé que les cristaux primitifs considérés comme de la caleite devaient étre plutót rapportés à la dolomite, qui affecte d'habitude, on le sait, une forme différant de quel- ( Sbt ) ques degrés à peine du rhomboédre primitif de la cal- cite (1). Il est incontestable toutefois que dans la variété de cette espéce la plus pure et la plus transparente, le spath d'Islande, on a rencontré trés rarement des rhom- boédres primitifs. D'aprés Dana (9) on a trouvé dans cette région un rhomboédre primitif mesurant 6 métres de lon- gueur sur 5 métres de haut. Des Cloizeaux (5) dit seule- ment que les spaths calcaires du gisement d'Helgastad en Islande ont pour forme dominante le méme rhom- boédre. Nous devons cependant ajouter ici qu'il s'est formé des cristaux rhomboédriques de calcite dans les expé- riences de Rose, de Credner, etc. G. Rose (4), dans ses re- cherches sur les conditions de température et de saturation qui président à la cristallisation du carbonate de caleium dans le système rhomboédrique sous la forme de calcaire spathique ou dansle système rhombique sous la forme d'ara- gonite, a obtenu des cristaux de calcite qui possédaient la forme du rhomboédre primitif. H. Credner (5) dans les recherches qu'il poursuivit sur le méme sujet a enrichi nos connaissances relativement aux conditions qui font cristalliser le carbonate de Calcium comme calcite ou comme aragonite. Il montre que cette substance cristallise dans le systéme hexagonal ou dans le systéme rhombique suivant les matiéres en (1) Decarosse, Nouveau cours de minéralogie, t. I, p. 458. (2) Dana, À system of mineralogy, p. 681, 5e édit., 1871. (3) Des Crorzeavx, Manuel de minéralogie, vol. I, p. 106. (4) Uber die Bildung des Kalkspaths und Aragonits, Poc. ANN., XLII, 1857. Ueber die pets Zustände der kohlensauren Kal- en (Aum. pen BERLINER AK., 1856 ,1838. Monatsber., 186 Ueber gewisse cauti der Kr yelallversehtedenhélien der koh- Taur Kalke (Jovnw. F. PRAKTISCHE CHEMIE, 1870). ( 552 ) solution dans l’eau-mère. H. Credner, de méme que G. Rose, a obtenu des rhomboédres de calcite. Harting (1) et Vogelsang (9) signalent aussi cette forme pour les indi- vidus mieroscopiques de calcite, qu'ils firent eristalliser dans leurs études sur les précipités et les cristallites. Si, comme le démontre H. Credner, les substances étrangères en présence dans la solution qui doit donner naissance aux cristaux de carbonate de calcium déterminent pour ce minéral des modifications dans la forme cristalline, on comprend aisément qu'une espéce répandue si abondam- ment dans la nature, associée aux minéraux les plus divers, puisse présenter l'extréme variabilité de formes que nous constatons. Ce qui milite en faveur de cette inter- prétation, c’est la localisation de certaines formes de cal- cite dans des gisements spéciaux, c'est encore la richesse de forme, que montre la calcite suivant ses associations; nous n'en eiterons qu'un exemple bien connu, celui des cristaux de caleite associés à l'apophyllite à Andreasberg. Partant de cette donnée, que certaines substances mélées à la solution du carbonate de calcium influent sur la forme que revêt ce minéral, et considérant d'un autre côté que dans la nature la caleite affecte trés-exceptionnellement de prendre la forme du rhomboédre primitif, on pourrait peut-être conclure que la solution d’où cristallisérent les rhomboédres de calcite doit avoir été dans des conditions tellement spéciales de pureté, qu'on doit s'attendre à ne les trouver que dans des circonstances exceptionnelles. C'est (1) P. Hanrivo, Étude microscopique des précipités et de leurs méta- morphoses a DES SCIENCES PHYSIQUES ET NATURELLES DE LA NÉER- LANDE, 1840, p. 2 tc ). (2) VoetLsase, A Krystalliten, 1875, t.. V, p. 78. ( 955 ) ce qui semblerait découler aussi du fait que l'on n'observe sous la forme rhomboédrique primitive, que les cristaux de spath d'Islande qui, pour la pureté et la limpidité, sont les types de l'espèce. Cette déduction nous parait encore confirmée par les résultats du laboratoire. A leur tour les petits rhomboédres, obtenus par lesauteurs que nous venons de citer, ne se seraient formés que parce qu'on a réalisé ces expériences, comme toutes les recherches de ce genre, avec des solutions aussi chimiquement pures que pos- sible : or ces conditions ne sont pas celles de la nature. Quoi qu'il en soit de l'interprétation cristallogénique que nous venons d'indiquer, le fait fondamental qu'il nous parait important de relever nous semble acquis : la forme du rhomboédre primitif n'est presque jamais affectée par la calcite. Il n’est pas douteux que l'on doive retrouver dans les individus microscopiques qui forment la base des roches calcaires cette méme tendance à ne se présenter jamais, peut-on dire, avec la forme primitive. En appli- quant donc aux plages de calcite des calcaires taillés en lames minces cette régle qui semble découler de toutes les observations macroscopiques, nous arrivons à la con- clusion, qu'il est très peu probable que nous trouvions dans les préparations microscopiques de ces roches des sec- tions de calcite avec les contours du rhomboèdre primitif. — Demandons-nous maintenant si la dolomite présente, à ce même point de vue de la forme, la tendance que nous venons de rappeler pour les cristaux de calcite. Nous con- Slatons que tous les auteurs de minéralogie indiquent pour forme ordinaire de la dolomite celle du rhomboédre de 106°. Tous signalent qu'autant le rhomboédre de la cal- cile est extrêmement rare, autant celui de la dolomite se présente habituellement. Il est évident, comme nous le ( 554 ) disions tout à l'heure, que ce caractère constant, pour les individus bien développés de dolomite et de calcite, doit laisser sa trace sur les éléments microscopiques des mêmes minéraux, lorsqu'ils entrent dans la composition des roches massives. Pour prouver qu’il en est ainsi, décrivons d’une manière générale la structure d'un calcaire et celle d'une dolomie tels que nous les rencontrons dans les roches du calcaire carbonifére de Belgique. Nous constatons à première vue que dans les calcaires, méme ceux d'apparence les plus cristallins, comme les marbres saccharoïdes, on ne découvre jamais, dans la masse, des cristaux ébauchés comme on les voit dans presque toutes les roches cristallines. Les grains de cal- caire, examinés à l'oeil nu ou à la loupe, se montrent tou- jours terminés par des contours irréguliers ne rappelant jamais une forme cristalline nettement accusée. A plus forte raison, ne retrouvera-t-on pas de lignes terminatrices dérivant de polygones sectionnés dans les granules mi- croscopiques qui forment le calcaire compacte. Si l'on ap- plique le mieroscope à l'étude de ces roches, on n'entrevoit pas davantage des sections que l'on pourrait rapporter à une forme cristalline. Sans nous arréter à une description détaillée de la mierostructure du calcaire et nous bornant aux faits en rapport avec ce que nous voulons établir, nous nous conlenterons d'indiquer ici les traits saillants que nous offre la calcite dans les lames minces des calcaires que nous avons étudiés. On constate au microscope que ce minéral s'y présente, peut-on dire, sous un triple aspect, indiquant que sa formation est due à des causes d'ordre différent. Dans quelques cas le calcaire est composé de restes organiques qui prennent une part considérable à la ( 555 ) constitution de la roche. Ces sections se distinguent aisé- ment, par leur forme et par leur structure intime, de la calcite, dans laquelle elles sont enchássées; celle-ci consti- tue ce que l'on pourrait appeler la pàte ou masse fonda- mentale cimentant les parties d'origine organique dont elle tapisse aussi les cavités. Les sections de cette masse fon- damentale sont quelquefois sillonnées de lignes de clivage, affectant, dans bien des cas, une tendance à la ligne courbe; souvent elles sont formées de lamelles hémitropes; dans d'autres cas, elles apparaissent comme des masses d'as- pect terreux n'offrant aucune partieularité qui trahisse leur structure eristalline, mais à l'aide de l'appareil de Nicol montrant dans tous les cas les phénoménes de bi- réfringence (1). Jamais ces plages de calcite n'ont les con- tours rappelant la section d'un cristal ; elles sont terminées par des lignes courbes d'allure indéterminée, échancrées ou vagues sur les bords, se fondant en quelque sorte dans la masse entourante; presque toujours on les voit colo- rées par des matières argileuses, charbonneuses ou limoni- teuses. Observons aussi que ces enduits ne paraissent pas répandus d'une maniére uniforme sur toute l'étendue de la plage. Enfin on découvre dans les lames minces de cal- caire des parties composées de calcite que nous sommes porté à considérer comme dues à une infiltration posté- —— (1) On trouve indiqué dans tous ‘les ouvrages de lithologie, que, seule parmi les roches calcaires, la craie n'est point composée de parti- cules cristallines. M. Zirkel a attiré récemment notre attention sur une communication publiée à ce sujet par M. Kauffmann, dans les Bulletins de l'Institut géologique d'Autriche. L'auteur y indique que des granules de craie examinés avec l'appareil de Nicol montrent tous les phénomènes de biréfringence. Nous nous sommes assuré par nous-méme de l'exac- titude du fait signalé par M. Kauffmann. ( 556 ) rieure. Elles se distinguent par la limpidité de leur grain, par la grande dimension des éléments qui les forment, par leur allure indépendante au milieu des sections. Ce qui les caractérise encore, c'est l'abondance des stries hémitro- pes (1). Mais ces veinules ne nous ont jamais montré des plages à contours polygonaux. (Pour cette description voir fig. 1.) Ce fait qui découle de toutes nos observations pa- rait bien établi; nous allons voir maintenant le contraste qu'offre à ce point de vue la structure de la dolomie. Dans une roche dolomitique , ce qui frappe au premier coup d'œil, c’est de voir, avec la tendance à l'uniformité du grain, la nature cristalline des éléments qui la composent; elle se traduit par une rugosité caractéristique, par les facettes brillantes des éléments, qui conservent encore ces faces réfléchissantes alors que la roche tend à se déliter et à passer à l'état terreux. Lorsque la dolomie dans une dé- composition plus avancée forme les masses pulvérulentes désignées sous le nom de cendres dolomitiques, chaque grain étudié à la loupe montre des formes cristallines, quelquefois bien effacées, à vrai dire, mais toujours assez accusées pour indiquer que chacun des éléments consti- tuait un individu cristallin isolé, terminé par les faces du rhomboèdre primitif, forme qu'affecte si fréquemment la dolomite macroscopique des géodes. — Voyons mainte- nant, comme nous l'avons fait pour le calcaire, les détails microscopiques d'une dolomie taillée en lame mince (voir la fig. 2). Étudiée avec un grossissement de 20 à 50 dia- mètres, une roche de ce type présente une structure telle (1) M. Fiscner-Benzon (loc. cit.) a signalé depuis "-— que les vei- nules de calcite des caleaires sont en quelque sort térisées la présence d'un trés-grand nombre. de grains avec salles hémitropes. ( 597 ) que.ne l'offre jamais un calcaire. D'abord les restes orga- niques que l'on peut considérer comme élément essentiel du calcaire ont disparu ou sont à peu prés effacés; au lieu des plages irrégulières homogènes, quelquefois sillon- nées par les lignes de clivage rhomboédrique et les stries hémitropes, on observe des sections affectant toutes des dimensions à peu prés uniformes, et toutes rappelant la forme rhomboédrique; pour quelques-unes d'entre elles cette forme cristalline est réalisée d'une maniére parfaite, d'autres nous la montrent moins bien indiquée, parce que les individus, génés dans leur développement mutuel, se sont trouvés pressés les uns sur les autres, dans des conditions où il leur était impossible de se développer normalement. Ces lames minces, composées presque exclusivement de petits polyédres, montrent une structure tellement carac- téristique, indiquant pour la dolomite une tendance si pro- noncée à Ja cristallisation, qu'il n'existe peut-être pas un type de roche dans toute la série lithologique qui lui soit comparable à ce point de vue. Les cristaux qui composent la dolomie n'ont presque jamais la transparence de la cal- cite; presque jamais non plus ils ne sont incolores comme ce dernier minéral; les clivages et les stries hémitropes y sont beaucoup moins prononcés ou plus rares. La teinte brun-jaunâtre répandue uniformément sur toutes les sec- tions de dolomite n'est peut-être pas moins caractéris- tique pour cette espèce. C'est un détail qu'elles ont de com- mun avec les individus macroscopiques de dolomite qui revêtent ordinairement une coloration jaunàtre ou rou- geàtre (1). Entre les sections que nous venons de décrire, (1) M. Lasonio (loc cit.) attribue à des substances organiques la colora- tion des cristaux de dolomie. Dans les analyses faites sous le microscope, ( 558 ) on observe quelquefois de petites plages incolores parfai- tement limpides, que leurs caractéres physiques et l'effer- vescence qu'elles montrent lorsqu'on les traite avec un acide faible nous démontrent appartenir à la calcite. Comme nous le verrons, nous avons des raisons de penser que les cristaux de dolomite dans beaucoup de dolomies sont cimentés par de la calcite répandue en filaments d'une extréme minceur entre les rhomboédres. Ce réseau de càleite est quelquefois visible au microscope, quelque- fois on parvient à le déceler par l'attaque au moyen des acides. Ces plages calcareuses font presque complétement défaut dans les roches dolomitiques types, où les grains sont juxtaposés sans interposition entre les individus cris- tallins. Les détails sur lesquels nous venons d'insister nous permettent donc de distinguer ces deux espèces d’après leurs caractères microscopiques; ils nous fournis- sent le moyen de constater de visu la part que chacune d'elles prend dans la constitution des roches du calcaire carbonifére. Mais il importe de montrer comment les sections de dolomite et de calcite que nous avons déterminées surtout par leur forme et leurs caractéres physiques se compor- tent sous l'action des acides; nous trouverons dans les réactions micro-chimiques une confirmation des vues que nous venons d'exprimer. Nous nous sommes attaché à faire D nous avons toujours pu déceler beaucoup de fer quand on attaque un cristal de dolomie. Nous croyons que cette substance plus ou moins mé- langée à des matiè de matière colorante pourle calcaire. Nous n'avons rien découvert. dans nos préparations qui tende à démontrer l'opinion émise par Ebelmen, que la coloration du calcaire est due à de la pyrite. ( 559 ) ces réactions sous l'objectif méme du microscope : ce mode d'étude permet d'apprécier avec certitude la marche de l'attaque, de limiter à un point l'action des réactifs et de déméler au milieu des éléments les centres qui résistent Ou qui se décomposent. Un des traits distinctifs les plus saillants de la calcite et de la dolomite est la facilité avec laquelle la première se décompose sous l'action d'un acide faible, tandis que la dolomite présente une résistance beaucoup plus énergique aux mémes acides. Autant ces particularités peuvent étre saisies avec netteté sur de grands vitraux, autant ces réac- lions sont-elles voilées dans une masse grenue, d'appa- rence homogéne, composée de granules micro-cristallins de ces deux espèces. Soumettons au microscope une plaque taillée de dolomie dans laquelle nous distinguons des rhomboédres sectionnés et des filaments incolores blanchâtres que nous rapportions tout à l'heure à la calcite; recouvrons la plage d acide ehlorhydrique.: lien étendu de glycérine : des l e tous les interstices entre les cristaux de dolomite, recouvrent immédiatement les veinules incolores qui, par leur lim- pidité, leur transparence, leurs contours irréguliers tran- chent sur les sections rhomboédriques jaunâtres; celles-ci ne dégagent point de bulles à leur surface. Si on laisse agir la solution, en la renforçant par une gouttelette d'acide, la lame mince ne tarde pas à se désagréger ; les rhomboé- dres restent intacts, ce ne sont que les veinules et la masse qui cimente les cristaux, qui disparaissent et il reste enfin sur le porte-objet des rhomboèdres microscopiques et des seclions de mêmes cristaux où l'action de l'acide se tra- duit par une teinte plus foncée et par une transparence ( 560 ) un peu voilée (1). Si nous soumettons à l'action d'un acide faible un calcaire à grandes plages de calcite avec rares interpositions de rhomboédres de dolomite, nous ob- servons des faits qui concordent avec ceux que nous ve- nons de décrire; des sections de fossiles, les plages irré- guliéres incolores striées ou clivées ne tardent pas à se décomposer, tandis que celles à contours polygonaux et que tous les caractéres physiques nous font considérer comme de la dolomie, restent insensibles à l'action de l'aeide chlorhydrique dilué; sauf les plages rhomboédriques, toute la plaque se recouvre immédiatement de bulles, la netteté des contours de calcite s'atténue et, comme dans le cas précédent, il ne reste plus, lorsque la calcite a dis- paru, que les cristaux de dolomite. Ceci nous démontre d'une maniére certaine que les seetions polygonales pré- sentent aux acides une résistance telle que nous ne la constatons pas pour la ealeite. C'est donc une nouvelle preuve en faveur de notre détermination. Nous voulümes enfin la contróler par une analyse aussi exacte qu'il nous est permis de la faire sous l'objectif du microscope. Afin d'éliminer, autant que possible, dans les solutions que nous avions à recueillir, les substances étrangères, el pour être bien sûr de n'attaquer que les petits cristaux rhomboédriques, nous avons fait la recher- che dont nous allons parler sur une plaque mince de phthanite du calcaire carbonifère, eriblée d'enclaves rhom- boédriques, présentant le facies des cristaux de dolomie. (1) L'altération de ces cristaux mieroscopiques de dolomite par un acide faible se comprend bien si l'on pense aux petites dimensions de ces sections. ( 561 ) Après avoir étendu sur la préparation dégarnie de baume une gouttelette d'acide chlorhydrique concentré et avoir observé l'effervescence aux points où apparaissaient les rhomboédres, nous recueillimes la solution à l'aide d'une longue pipette capillaire. On la ferme à un bout au cha- lumeau, et lorsqu'elle est ainsi transformée en éprouvette on introdnit dans la solution une gouttelette d'acétate de sodium et l'on précipite par l'oxalate. On laisse déposer pendant un jour; et lorsque l'oxalate de chaux s'est réuni au fond du tube, à l'aide d'un ciseau on détache l'extrémité où s'est accumulé le précipité. Afin d'éviter que les cris- taux de phosphate ammoniaco-magnésine ne s'attachent aux parois de la pipette, on fait écouler la solution sur un porte-objet. Aprés avoir ajouté de l'ammoniaque, du chlor- hydrate d'ammoniaque et du phosphate de soude, on ne tarde pas à observer au microscope les petits cristaux de phosphate ammoniaco-magnésien caractérisant la présence dela magnésie. Il nous resterait, en terminant cette note, à dire quel- ques mots sur l'interprétation qui tend à envisager la do- lomitisation comme le résultat d'une action chimique sur les sédiments caleaires et qui aurait transformé ceux-ci en carbonate double de caleium et de magnésium. En nous bornant aux conclusions qui découlent de l'observation microscopique des roches que nous avons étudiées, nous sommes porté à eroire que dans un grand nombre de nos échantillons, taillés en lames minces, les cristaux de dolo- mite sont répartis de telle manière que l'on peut en in- duire qu'ils sont de seconde formation. Loin d'étre dis- tribués d'une manière plus ou moins uniforme entre les granules de calcite, ils sont groupés ou alignés dans des positions oà on doit les considérer comme déposés par ( 562 ) infiltrations dans des solutions de continuité de la masse calcaire. Si les cristaux de dolomite s'étaient formés en méme temps que la calcite à laquelle ils sont associés, il est évident, eroyons-nous, que le premier minéral ne se trouverait pas distribué suivant certaines lignes ou accu- mulé dans les vides entre les grains de calcite. La roche eüt certainement affecté la structure micrograuitoide telle qu'on l'observe dans les masses minérales composées d'élé- ments divers qui ont cristallisé en méme temps. Nous con- cluons à l'origine secondaire de certaines espèces, qui entrent dans la composition des masses minérales, en nous basant sur la place qu'elles occupent dans les fentes, et les fissures d'une roche préalablement consolidée; nous appli- quons la méme conclusion aux rhomboédres de dolomite : car, ainsi que nous l'indiquions tout à l'heure, nous les observons presque toujours groupés en un centre for- mant comme une géode microscopique, ou alignés suivant des lignes qui retracent la forme des sections de fos- siles plus ou moins disparus (fig. 1); nous les voyons loca- lisés dans les vides de ces mémes restes organiques présentant une indépendance compléte d'allure avec les sections environnantes, effacant par leur accumulation les formes auxquelles ils se sont substitués, car, ainsi que nous l'avons indiqué dans la note sur les phthanites du Calcaire carbonifère, la silice gélatineuse se moule sur les objets et conserve leurs formes; la dolomie, au contraire, par la tendance qu'elle posséde à se présenter en cristal ter- miné, tend à les effacer lorsqu'elle s'infiltre dans les restes organiques. Que cette transformation plus rapide des fos- siles soit due, comme l'a récemment avancé M. Sorby, à l'état instable de la calcite rhombique dont un grani nombre de fossiles seraient formés, ou qu'on doive l'attri- Pull de Cdead. t XLVII. ( 563 ) buer à leur structure spéciale ou à leur composition, nous constatons que bien souvent la dolomite choisit de préfé- rence les sections organiques pour s'y développer. Il n'est pas nécessaire de recourir à l'examen microsco- pique pour constater cette transformation en dolomite des restes organiques; dans les dolomies les plus caractéris- tiques des couches du calcaire carbonifère, on observe qu'elles sont bien souvent pétries de fossiles, de erinoides en particulier, formés de dolomite. Ces restes organiques ainsi transformés, nous fournissent une preuve de la dolo- mitisation du calcaire qui les constituait autrefois. Il est évident que l'on peut avec autant de raison admettre que les organismes microscopiques qui jouent un rôle considé- rable dans les caleaires compactes et que la masse fonda- mentale elle-méme de ces roches peuvent avoir subi une transformation semblable à celle que nous constatons pour les fossiles visibles à l’œil nu. EXPLICATION DE LA PLANCHE. Fig. 1. Calcaire subcompacte blanc grisâtre (III a). La masse fondamen- el " smpewe esci, ses xs grains ont une texture homogène ar les lamelles hémitropes. Les plages jaunâtres formées de sections polyédriqu ues plus ou moins régulières sont des cristaux ébauchés de dolomite. La disposition qu'ils affectent montrent qu'ils se sont substitués à une section d'organisme, probablement de bryozoaire 45. Fig. 2. Dolomie avec — (HI f). Cette figure représente la structure microscopique d'une roche dolomitique presque exclusivement com- posée de ire de dolomite. Vers le bord à gauche, grande sec- tion de crinoïde transformée en dolomite — ( 564 ) Recherches sur les minéraux belges. Huitiéme Notice : Sur la Carpholite de Meuville (Rahier), par M. L. L. de Koninck, D" Sc., chargé de cours à l'Université de Liége. ll y a bientót un an et demi,j'ai eu l'honneur d'annoncer à l'Académie (1) que j'avais reconnu une espéce minérale fort rare, la carpholite, dans des échantillons provenant de l'Ardenne. Ces échantillons avaient été recueillis par M. l'ingénieur Louis Donckier, sur un terrain inculte aux environs de Xhierfomont; c'étaient tous les renseigne- ments que je possédais à cetle époque. J'espérais, en me rendant sur les lieux, trouver le minéral en place et en reconnaitre le gisement exact; il n'en a malheureusement pas été ainsi. La carpholite de l'Ardenne se trouve dans des cailloux non roulés, mais plus ou moins altérés superficiellement par les agents atmosphériques et répandus à la surface du sol sur le versant sud du mamelon allongé qui sépare Meu- ville de Xhierfomont. Ces cailloux sont formés de quartz blane et d'une roche trés-quartzeuse, colorée en rouge vio- lacé par des composés de fer et de manganèse; ils renfer- ment aussi, comme toutes les roches avoisinantes, des enduits noirs d'oxyde de manganèse. Malgré les entailles faites dans les roches voisines, tant par la route qui contourne en partie le mamelon en ques- tion, que par les différentes recherches de manganèse (1) Bulletins de l'Académie, 2me série, t. XLV, p. 15, 1878. ( 565 ) exécutées par M. Lambert et par la Société J. Cockerill , je n'ai trouvé aucune trace de carpholite en place. D’après les observations que j'ai pu faire, Fhypothèse la plus plau- sible, quant au gisement de ce minéral, me paraît être qu'il appartient à des veines quartzeuses irrégulières, traver- sant les schistes manganésifères salmiens et affleurant au sud de la crête du thier de Meuville, suivant une direction est-ouest environ. La earpholite de Meuville se présente, tantót en enduits à fibres parallèles, tantôt en petites masses irrégulières, libreuses, à fibres plus ou moins divergentes, intimement mélangées de quartz. En la comparant à celle qui provient des: deux seuls gisements connus antérieurement, on remarque que, si comme disposition, elle se rapproche de la earpholite de Wippra décrite par M. Lossen (1), elle en diffère par la couleur; sous ce rapport elle ressemble à celle de Schlackenwald; elle possède, comme cette dernière, la couleur jaune paille qui a fait donner le nom à l'espèce, tandis que celle de Wippra est jaune verdâtre clair. La détermination de la densité d’un échantillon dans lequel l'analyse a fait ensuite reconnaitre la présence de 25 */, de quartz m'a fourni le chiffre 2.825. La densité moyenne du quartz étant connue, le caleul fournit pour la densité de la carpholite pure 2.876. La densité de la car- pholite de Schlackenwald est 2.955 (Breithaupt). Les autres propriétés physiques identifient également la carpholite de Meuville. Ainsi que l'a remarqué M. le pro- fesseur von Lasaulx, cette espéce posséde un dichroisme (1) Jahrbuch für Mineralogie, 1870, p. 625. Je dois à l'obligeance de M.le professeur Websky à Berlin un échantillon authentique de carpholite de Wippra. 2"* SÉRIE, TOME XLVII. 97 ( 566 ) marqué. Examinée au microscope, au moyen du prisme de Nicol inférieur, elle parait presque incolore lorsque les fibres sont paralléles à la section principale du polariseur et jaune foncé dans la position perpendiculaire. . L'analyse confirme aussi la détermination de la carpho- lite; j'ai trouvé dans un échantillon séparé autant que pos- sible de toute gangue : SED a í 24.57 *[o, ABUS sen . 19.91 PEU... : 1 Moor C5 11.88 p ee IS 0.27 Ca0. . traces K*0 a Na*0 . cet en 0.3 OVI vl. traces Cao 5 va ur à 0.22 MO neue re 7.42 (b: l2. ug . traces sensibles U Re do 39.1 99.91 La recherche de l'oxyde ferreux, du fluor et de l'acide titanique ne m'a fourni que des résultats négatifs. Chauffée en tube fermé, la carpholite dégage de l'eau; cette eau a une réaction fortement acide et on y reconnait aisément là présence d'acide chlorhydrique. Celui-ci pro- vient sans doute de l'action de la silice et de l'eau sur un chlorure (NaCl?) mélangé au silicate. Par caleination à l'air libre, la carpholite de Meuville devient brun chocolat clair; elle devient grise si l'on fait l'opération dans un courant d'hydrogène. La différence entre la perte au feu dans les deux cas est insignifiante et, ( 567 ) par conséquent,due sans doute à la réduction d'une partie de l'oxyde ferrique à l'état d'oxyde ferreux par l'hydro- gene, le silicate manganeux restant inaltéré, aussi bien sous l'influence de l'air que dans une atmosphére réduc- trice. Si l'on caleule la composition centésimale du minéral privé de quartz, on obtient : SIDE sub ise IA s 357.15 APOS Spin 50.11 Be ood pin 28.97 MaU ss "Res 17.97 i O A nie bon 0.41 K?0 et Na°0 i 0.54 o ooo on e cin DS IPOD S nn 11.22 Ca0, LPO, CL... ne traces 100.00 m ce qui conduit à la formule connue : MnO , Al0O3, 9SiO* , 2H°0. La carpholite est le cinquième silicate manganésifère actuelement connu dans le terrain ardennais; les autres sont, par ordre de date: l'ottrélite, la spessartite, l'ardennite et la davreuxite. Laboratoire de chimie analytique de l'Université de Liége , avril 1879, ( 568 ) Recherches sur les minéraux belges. Neuviéme Notice : La Rhodocrosite de Moét- Fontaine (Rahier), par M. L. L. de Koninck, D" Sc., chargé de cours à l'Uni- versité de Liége. M. Ad. Firket a donné, dans les Mémoires de la Société géologique de Belgique (1), une description détaillée du gite de carbonate ferro-manganeux de Moët-Fontaine ex- ploité par M. Lambert dans la commune de Rahier, non loin du confluent de la Lienne et de l'Ambléve. Le minerai qui y est extrait, examiné au microscope, se montre recoupé par une infinité de petites veines de quartz. Ces veines se montrent aussi à l'état macroscopique et atteignent parfois plusieurs centimétres de puissance. J'ai rencontré dans une de ces veines importantes un carbonate spathique d'un trés-beau rose et brunissant trés-légérement à l'air. L'ayant analysé, je l'ai trouvé com- posé de MnCO*. . 5; RU, 92.41 FOLOS ss 0.64 CA us dis 5.86 MeU60w,- or, 112 100.03 C’est donc de la rhodocrosite ou diallogite, très-pure et d'une teneur au fer extrêmement faible, ce qui est (1) Annales de la Société géologique de Belgique, 1878, p. 13. ( 569 ) d'autant plus remarquable que la couche de minerai dans laquelle la rhodocrosite s'est formée, renferme environ autant de fer que de manganése. Cela provient bien certainement de ce que le carbonate manganeux est moins oxydable que le carbonate ferreux ; sous linfluence des eaux plus ou moins oxydantes et chargées d'acide carbonique qui traversent le terrain, le carbonate ferreux se sera transformé en limonite inso- luble, tandis que le carbonate manganeux dissous aura été transporté et se sera déposé à l'état cristallin dans les fissures, plus ou moins remplies déjà par le quartz. Université de Liége, avril 1879. ( 570 ) CLASSE DES LETTRES. Séance du 5 mai 1879. M. LEcLERCQ, directeur, président de l'Académie M. Liacre, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. G. Nypels, vice-directeur; Gachard, Paul Devaux, P. De Decker, J.-J. Haus, le baron de Witte, Ch. Faider, le baron Kervyn de Lettenhove, R. Chalon, J.-J. Thonissen, Th. Juste, Félix Néve, Alph. Wauters, H. Conscience, Ém. de Laveleye, A. Wagener, J. Heremans, P. Willems, Edm. Poullet, F. Tielemans, G. Rolin-Jaeque- myns, membres; J. Nolet de Brauwere Van Steeland, Aug. Scheler, Alph. Rivier, Eg. Ans associés ; Stan. Bor- mans, Ch. Piot, Ch. Potvin, cor? MM. Stas et Mailly, membres de la Clabie des sciences, assistent à la séance. CORRESPONDANCE. Par une lettre du Palais LL. MM. le Roi et la Reine font exprimer leurs regrets de ne pouvoir assister à la séance publique de la Classe. LL. AA. RR. le Comte et la Comtesse de Flandre font exprimer des regrets semblables. ( 574 ) M. le Ministre des Travaux publics écrit qu'il sera heu- reux d'assister à cette solennité si ses occupations le lui permettent. M. le baron Huyttens de Terbecq, greffier de la Chambre des Représentants exprime, au nom du président, les remerciments de la Chambre pour les invitations à la méme séance. M. le baron de Crassier remercie au nom de la Cour de Cassation, et M. Thiernesse au nom de l'Académie royale de médecine et de l’École vétérinaire. — M. le Ministre de l'Intérieur envoie pour la biblio- théque de l'Académie un exemplaire : 1° De la 7° livraison, 3° série du Woordenboek der Nederlandsche taal ; 2^ Du tome 11 de l'Histoire parlementaire de la Bel- gique, par M. Louis Hymans. — Les établissements scientifiques suivants ainsi que MM. di Giovanni et de Rossi, associés de la Classe, remer- cient pour le dernier envoi des publications académiques: Bibliothéques d'Amiens, de Berne, de Genéve et de - S'-Gall; Universités de Bonn et de Kænigsberg; Sociétés d'histoire de France, et de géographie de Genève; Aca- démie économico-agraire de Florence, et Députation royale pour les études sur l'histoire de la patrie, à Turin. — L'Académie royale d'Amsterdam adresse le pro- gramme du concours de l'année actuelle, pour le prix de poésie latine fondé par M. Hoeufft. — M. Ch. Faider fait hommage de la brochure qu'il a (572) publiée, sous le titre de La garantie de la Constitution, discours qu'il a prononcé en sa qualité de procureur général de la Cour de Cassation, à l'audience solennelle d'installation de M. le conseiller Van Berchem, le 6 mars 1879 Il offre, au nom de l'auteur, un exemplaire du travail : Méreaux de bienfaisance, ecclésiastiques el religieux de la ville de Bruges, par Alph. de Schodt. Bruxelles, 1875- 1878, in-8°. M. le baron Kervyn présente le premier exemplaire de l'ouvrage : Trouvères belges (nouvelle série) publié par M. Scheler dans la collection des travaux des grands écri- vains du pays. M. Thonissen dépose sur le bureau de la part de M. J. Dauby, un exemplaire de son livre intitulé : Des grèves ouvrières. Bruxelles, 1879; in-8°. (Une note biblio- graphique de M. Thonissen, au sujet de cet ouvrage, figure ci-après.) M. le baron de Witte fait hommage, au nom de M. Fran- çois Lenormant, associé de l’Académie, des deux ouvrages suivants : Études acadiennes, tome III, 1** livraison. Paris; in-4°. — La monnaie dans l'antiquité, etc., tome ILI. Paris, 1879; vol. in-8°. M. Brassart, de Douai, envoie un exemplaire de son tra- vail intitulé: Le blason de Lalaing, 1"° partie. Douai, 1879; vol. in-8°. La Classe vote des remerciments pour ces dons. — M.Arthur Duverger, à Saint-Josse-ten-Noode, soumet à l'appréciation de l'Académie un travail intitulé : L'in- quisition en Belgique. Quelques notes. — MM. Gachard, (573) le baron Kervyn et Wauters sont nommés commissaires pour faire l'examen de ce manuscrit. — Note bibliographique de M. Thonissen sur un livre de M. Dauby: « L'Académie sait que, depuis plusieurs années, M.Dauby à pris une importante part à la recherche des meilleurs moyens de conjurer les dangers qu'offre la lutte actuelle entre le capital et le travail, lutte qui, par sa violence, pourrait, à un moment donné, mettre en péril l'ordre social tout entier. Dans le livre actuel, l'auteur s'est spécialement occupé des causes et des conséquences des gréves, « ces luttes fratricides d’où le vainqueur sort aussi meurtri que le vaincu. » ]l passe en revue les grandes industries modernes €t, pour chacune d'elles, il indique les moyens de suppri- mer ou de diminuer ces redoutables interruptions du tra- vail. Il recommande spécialement la création de conseils d'arbitrage et de commissions internationales pour l'exa- men des questions de travail. Il s'adresse aux unions syn- dieales qui, dans notre pays, ont avantageusement remplacé les chambres de commerce, et il les engage à se charger de l'importante tàche d'améliorer les rapports qui existent aujourd'hui entre les capitalistes et les ouvriers. Écrit dañs un style simple et à la portée de ceux aux- quels il est spécialement destiné , rempli d'observations judicieuses et abondant en bons conseils, le livre de M. Dauby se recommande par les qualités solides qui ont assuré le succés des publications précédentes du méme auteur. » ( 574 ) ÉLECTIONS. Par voie de scrutin secret il est procédé à l'élection de deux membres titulaires et de trois correspondants. Les résultats du vote seront mentionnés dans le compte rendu de la séance publique du 7 du mois de mai. La Classe continue à M. Faider la mission de la repré- senter auprès de la Commission administrative pendant l’année 1879-1880. — JUGEMENT DU CONCOURS DE 1879. D’après l'article 20 du règlement de la Classe, il est pro- cédé à la lecture des rapports sur les mémoires reçus en réponse à la PREMIÈRE et à la SECONDE QUESTION du pro- gramme de concours de cette année. PREMIÈRE QUESTION. Les encyclopédistes francais essayèrent, dans la seconde moitié du XVIII* siècle, de faire de la principauté de Liége le foyer principal de leur propagande. Faire connaitre les moyens qu'ils employérent et les résultats de leurs tentatives, au point de vue de l'influence qu'ils exercérent sur la presse périodique et sur le mouve- ment littéraire en général. : ( 878 ) Hoppor! de M, Le Hoy, premier commissaire. « Deux coneurrents ont répondu à l'appel de la Classe. Leurs mémoires portent respectivement pour devise : N° 1. « En majeure partie, les hommes ne savent ni remonter ni redes- » celte eau ful une goutte et qu'à son terme elle sera un torrent. (Aug. IUE » N° 2, « Sous la constitution la plus libre, un peuple igaorant est tou- « jours esclave. (CONDORCET.) » Je m'attacherai d'abord au second mémoire. L'auteur débute par des considérations générales assez vagues sur là mission émancipatrice que s'attribuérent les philosophes français du XVIII siècle. Il ne peut assez les louer d'avoir sapé par la base les institutions et les tradi- tions de l'ancien régime; précurseurs et indirectement instigateurs de la révolution française, ils apprirent aux peuples à tourner leurs regards vers l'avenir, à revendi- quer les libertés précieuses dont nous sommes aujourd’hui liers à si juste titre. La littérature, dans leurs mains, cessa d'étre un simple passe-temps; elle devint une arme formi- lable. — Jusqu'ici rien à dire : les faits sont là; d'autre part, on ne saurait savoir mauvais gré à notre écrivain du Soin qu'il a pris de nous faire connaitre ouvertement ses sympathies. Mais on est fondé à lui demander quelque chose de plus qu'une loyale profession de foi; en matière si délicate, il est dangereux de formuler des théses abso- lues, quand elles ne sont rien moins qu'évidentes et qu'on n'a pas le loisir de les démontrer. Je lis par exemple, page 11 : « Les encyclopédistes ( 576 ) » étaient les fils de la Réforme; ils partaient du méme » principe qui donna lieu à cette grande révolution du » XVI? siècle, dont Luther et Calvin furent les promo- » teurs. » Je regrette de devoir le dire : autant d'erreurs que de mots. Le protestantisme n'a rien à voir ici. Luther n'a fait que substituer l'autorité de l'Écriture à celle de la hiérarchie et de la tradition ; il a secoué le joug de Rome, mais il est resté théologien; c’est un moine insurgé, un controversiste, un sectaire. Mélanchthon est plus près de la philosophie, et pourtant partisan du culte extérieur. Si Calvin, avant Sidney, a considéré la liberté humaine comme de droit divin, on serait pourtant mal venu à le qualifier d'apótre de la tolérance religieuse. Que l'évolution du pro- testantisme ait. abouti au déisme pur et que plus tard on puisse dans une certaine mesure y rattacher le criticisme allemand, c'est ce qui est hors de doute; mais autre chose est l'individualisme religieux, politique ou scientifique, autre chose l’affranchissement systématique de toute auto- rité. S'il faut chercher des ancêtres aux encyclopédistes francais, c'est immédiatement Pierre Bayle que l'on ren- contrera, et au delà de Bayle, les Montaigne et les Rabe- lais, les Érasme, et dans l'antiquité Lucien et les esprits de cette trempe. En remontant un autre courant, nous arriverions à Locke et jusqu'à Hobbes, bien loin de nous trouver sur le terrain de Leibniz. Considérons enfin qu'il n’y a rien de protestant dans le génie du pays qui a enfanté Voltaire et Diderot, et que s'il est permis de ranger le jansénisme du siécle précédent parmi les hérésies, ses pieux sectateurs, quoique touchant avec Pascal au scepticisme, n'ont absolument rien de com- mun avec les polémistes railleurs qui tentèrent de prépa- rer les voies à unesociété nouvelle, à travers les ruines du ( 577 ) trône et de l'autel. L'auteur du mémoire n° 1 a trés-bien saisi ces nuances; son concurrent, au contraire, confond comme à plaisir les éléments les plus divers de la généa- logie des idées. Il n'a qu'une chose en vue : la haine com- mune des dissidents et des philosophes contre le catholi- cisme, et emporté par ses aspirations, d'ailleurs assez mal définies, il regarde indistinctement toutes les défaites de la théologie comme autant de victoires remportées au profit de la liberté. Notre siécle doit positivement beaucoup aux en- cyclopédistes ; mais ni leurs aspirations n'étaient celles des réformateurs du X VI: siècle, ni les revendications dont nos institutions ont consacré le triomphe n'ont certes été sug- gérées soit à Rousseau, soit à Voltaire, par les prédicants du lendemain de la guerre de Trente ans. L'auteur eüt été mieux avisé si, à l'exemple de M. Chr. Bartholinéss (1), il s'était appliqué à montrer les encyclo- pédistes meilleurs que leurs théories, osant étre noblement inconséquents, recommandant « ce qui honore l'àme et ce qui plait à Dieu, » alors même qu'ils niaient Dieu et l'àme; revendiquant les droits de la conscience tout en écartant la conscience « avec un dédaigneux sourire » ; disposant les princes à soulager leurs sujets, à entourer la procédure criminelle de formalités favorables à l'innocence, annoncant le règne de la bienveillance universelle et de la philanthro- pie, sans se douter qu'ils puisaient leurs arguments dans les enseignements mémes de la religion objet de leurs sar- Casmes. L'auteur eût pu louer leur but et cependant se montrer justement sévère en les voyant recourir à des moyens coupables, c'est-à-dire à une action désastreuse a La (1) Histoire critique des "ridens veligieuses de la philosophie mo- derne. Paris, 1855, 2 vol. in ( 978 ) sur les mœurs. Mais ces délicalesses lui échappent, et vraiment il a eu tort de s'exposer à un tel reproche : peu philosophe lui-même, il eût été plus heureusement in- sriré en se contentant d'exposer les faits. 1! a voulu nous donner davantage : louable dessein sans contredit; mais il n'a pas commencé par mesurer ses forces. Entré au cœur de son sujet, il se laisse quelquefois entrainer par les apparences. Ses enquétes sur les person- nages qu'il met en scène ne sont pas toujours suffisantes. Je n'ai pu revenir de mon étonnement en lisant au cha- pitre VI un éloge de l'abbé Sabatier de Castres, émigré francais des moins honorables, tour à tour à la solde des chanoines de Liége, adversaire des patriotes liégeois, puis défenseur du gouvernement de Joseph IF, plume vénale dont Voltaire avait fait bonne justice. C'est assez, pour notre écrivain, que Sabatier ait su tenir téte à l'énergu- mène de Feller : le voilà rangé parmi les prêtres éclairés, parmi les apôtres du progrès par la modération et la pru- dence. D'autre part, au chapitre IV, où il est question de la presse clandestine de Liége, qui multipliait à profu- sion les livres obscènes, j'aurais voulu voir l'auteur, comme je l'ai insinué tout à l'heure, ou dégager les encyclopé- distes de toute complicité morale avec ce commerce infame, ou leur reprocher sans hésitation de s'étre faits tacitement les auxiliaires d'une propagande dissolvante, qui ne pouvait avoir pour effet que de déchainer chez les uns, tôt ou tard, toutes les passions grossières, et d'exas- pérer inutilement chez les autres, grâce à une confusion déplorable, l'antipathie contre les idées nouvelles. Enfin, on me permettra de m'insurger contre cette assertion du dernier chapitre : que les Francais occupèrent la Bel- gique moins en conquérants qu'en libérateurs, et d'opposer ( 579 ) un point d'interrogation à celte autre : que notre pays finit par être gagné tout entier aux principes préchés par les encyclopédistes et les philosophes du XVIII* siècle. Si lauteur veut simplement dire que, somme toute, leurs journaux et leurs écrits ont puissamment contribué, et d'une manière féconde, à transformer chez nous l'esprit publie et à nous faire rompre une fois pour toutes, espérons-le du moins, avec un régime suranné et op- presseur pour les consciences, je puis lui donner raison; mais il ne faut pas aller plus loin. Ils n'ont été ni les seuls, ni méme les principaux inspirateurs du congrès de 1851. J'appliquerai volontiers à la Belgique, avec l'éminent ora- teur de notre Cour de Cassation (1), ces paroles d'Auguste Thierry : « L'expérience des siécles, les souvenirs histo- » riques, les traditions de liberté locale conservées isolé- ». ment, sont venus, sous la sanction des idées philosophi- » ques des droits humains, se fondre dans le grand symbole » de notre foi constitutionnelle... » : La sévérité de ces critiques ne m'empéche pas de recon- naitre que le mémoire n° 2, pris dans son ensemble, se recommande par des qualités sérieuses. Il ne s'agissait de rien de moins que de s'aventurer sur des terres presque in- connues, en touscas rarement et fort incomplétement explo- rées. Point de guide pour ainsi dire : quelques pages éparses dans des livres écrits sousl'empire d'autres préoccupations, des renseignements utiles, mais peu coordonnés, dans l'ouvrage estimable de M. le chanoine Daris (2), dans les Recherches de feu Ul. Capitaine sur les journaux liégeois, —— (1) Ch. Faider, dat Negras de 1874.) - (2) Histoire du diocèse et de la — de Liége (1724-1852). Liége, 1868 et années ets 4 vol. in- ( 580 ) dans Hatin, dans Quérard, etc.; guère autre chose. Il fal- lait avoir le courage de parcourir, la plume à la main, les centaines de volumes du Journal encyclopédique, du Journal général de l'Europe, de l'Esprit des journaux, du Journal historique de Feller, etc., etc. ; il fallait dépouiller, dans plusieurs dépóts d'archives, des correspondances officielles ou secrètes d’une grande importance, se livrer à des recherches difficiles sur des personnages de toute espèce, ceux-ci tombés dans l'obscurité, ceux-là plus connus, mais pas sous leur jour véritable; il fallait enfin se mettre en garde contre les attaques passionnées des bro- churiers de toutes les opinions, vérifier leurs allégations souvent hasardées, s'inquiéter de leur entourage et des influences, avouables ou inavouables, qu'ils eurent à subir. Tout cela a été fait, sinon toujours avec un plein succès, du moins avec zèle et avec conscience. Notre auteur a com- pris que l'analyse des principales pièces du procès inté- resserait particulièrement ses lecteurs; ainsi, non-seule- ment il cite beaucoup, mais il résume attentivement et avec ampleur les raisonnements des théologiens de Lou- vain, par exemple, les écrits de Heeswyck, les théories de P. Rousseau et de ses collaborateurs, les sinistres apolo- gies de Feller et ses paradoxes scientifiques, les lettres de Bassenge, etc., etc. La politique autrichienne est suivie dans tous ses détours; Cobenzl et Kaunitz sont saisis sur le vif, d’après des documents inédits. L'influence de la suppression des Jésuites, celle de la franc-maconnerie, celle de la Société d'Émulation fondée par Velbruck don- nent lieu à de judicieuses remarques. Le portrait de Hoensbroeck, qui manque dans l'autre mémoire, est mis à sa place et il en est tiré bon parti. La revue des publica- tions de l'époque révolutionnaire est instructive et oppor- ( 581 ) tune; quand l'auteur laisse de côté la philosophie, il se sent généralement à l'aise. En définitive, si méme le con- cours n'avait donné naissance qu'à ce travail, la Classe ne serait pas trop fondée à se plaindre. Mais nous avons à nous occuper d'une étude non moius consciencieuse, plus méthodique et d'une plus haute portée. Comme on pouvait s'y attendre, le plan des deux mémoires est à peu prés le méme; il était naturelle- ment indiqué par la succession des faits. Seulement l'au- teur du mémoire n° 4 a décidément dominé son sujet, ce qui n'est pas un mince éloge. Je me contenterai d'une analyse sommaire. L'ouvrage, divisé en six chapitres (1), est précédé d'une préface qui a pour but d'orienter moralement le lecteur, si l'on peut dire ainsi. Notre écrivain ne s'exalte pas à la pensée des bienfaits du voltairianisme, tant s'en faut : le Timeo Danaos lui vient plutôt à l'esprit. Mais s'il n'est pas neutre, il veut être juste; le sentiment de la dignité de l'histoire l'absorbe avant tout : il ne dresse pas un réquisitoire, il instruit l'affaire avec calme, avec une sainte horreur de tout parti pris, et par là il inspire confiance. Cette impartialité d'esprit lui vient aussi de la hauteur de l'observatoire oü il s'est placé. A la différence de la plupart des historiens liégeois, qui se sont « cantonnés dans leurs recherches » comme si Liége était entourée d'une muraille de la Chine, il a promené ses regards sur un vaste horizon, bien au delà des étroites frontières de la principauté, tantôt du côté de l'Allemagne à laquelle la rattachaient des liens politiques, tantôt du côté de la (1) Le mémoire n° 2 en comprend huit, d'ailleurs pour s'arrêter au méme point. 2"* SÉRIE, TOME XLVII. 58 ( 982) France, dont la rapprochaient la communauté de langage et l'analogie des caractères. Si l'on veut bien comprendre la réaction qui s'opéra graduellement à Liége contre la puissance temporelle du clergé, on ne restera pas indiffé- rent au mouvement analogue dont le XVIII siècle fut témoin chez les populations rhénanes qui, elles aussi, reniérent leur ancien dicton : i| fait bon vivre sous la crosse; les Brück, les Haffner, les Schmid seront invités à commenter indirectement les annales liégeoises. En regard, on se rendra compte du succès des missionnaires francais, non pas seulement en considérant le caractère séduisant de leurs théories, mais en se rappelant que Liége avait joui au moyen âge, et jusqu'au règne de Maximilien-Henri de Bavière, de larges libertés civiles et politiques, dont la moiudre circonstance devait raviver le souvenir, tout prés dés lors de se transformer en regret douloureux. Les préoccupations locales contribuèrent ainsi à rendre, le moment venu , la révolution inévitable; mais elles finirent par étre subordonnées à des idées plus générales, si bien que les patriotes liégeois, éblouis en méme temps que découragés, se jetérent dans les bras de la république francaise, aimant mieux renoncer à leur nationalité que se voir replongés dans la torpeur d'un régime désormais odieux. L'histoire des dernières convulsions de la prin- cipauté se relie ainsi à celle des agitations des grands pays voisins, sans perdre cependant son originalité parti- culiére. C'est moins en elle-méme que comme épisode du grand drame de la transformation des idées et des gou- vernements en. Europe qu'il eonvient de l'étudier. Aussi l'auteur a-t-il soin de nous avertir qu'il redoute de se noyer dans les menus détails qui feraient perdre de vue l'intérét principal de ses recherches. Je me hâte d'ajouter ( 983 ) que cette sobriété, ce choix judicieux de l'essentiel et de l'aecessoire, laissent entrevoir que c'est bien volontaire- ment qu'il s'est borné, et qu'il eüt pu avec moins de peine faire de son mémoire un formidable répertoire d'érudition. ll lui a suffi de ne rien alléguer sans preuve, et il a eu le bon sens de reléguer dans des notes tout ce qui était de nature à jeter de la confusion dans son exposé ou à ralentir son récit. Le chapitre I (Liége en l’an 1750) nous met en pré- sence d'une nation béatement assoupie, mais sur le point de se réveiller en sursaut. Depuis la promulgation du règle- ment de 1684, qui avait frappé à mort la constitution dé- mocratique dont elle était si fière, Liége n'a plus d'his- toire, Liége s'énerve dans une douce quiétude. Le gouver- nement ecclésiastique est paternel, débonnaire ; il ne gêne personne, n'ayant rien à craindre et personne ne parais- sant se passionner pour quoi que ce soit. Bonheur négatif! s'écrie l'auteur; un peuple vif et intelligent se lasse tót ou tard de l'immobilité, et plus il s'ennuie, plus volontiers il tend l'oreille aux bruits du dehors. Le feu couvait encore sous la cendre, malgré les apparences; un souffle suffit pour le rallamer. L'invasion des philosophes francais ne pouvait trouver un concours de circonstances plus favo- rables : leurs écrits apportérent avec eux la variété, le mouvement, la vie; ils commencèrent par distraire, ils finirent par convaincre. Revenant au règlement de 1684, l'auteur se défie égale- ment des apologies systématiques de cet acle et des objurgations violentes dont Bassenge a rempli ses lettres à l'abbé de Paix. Les mesures politiques veulent être appréciées d’après les nécessités de l'époque où elles ont été prises; ainsi fait notre écrivain, sans prétendre (il ( 584 ) aurait grand tort) justifier au fond Maximilien-Henri. Mais selon lui, le coup d'État du prince bavarois ne fut pas la seule cause de l'insouciance des Liégeois, au XVII” siècle, à l'endroit des affaires publiques. L'énergie qu'ils dépen- saient autrefois en turbulences trouva une autre issue dans leur applieation à l'industrie et au commerce. Le tra- vail leur fit tout oublier; aussi bien ils avaient à réparer les maux de la guerre, à relever des ruines. Les manufac- tures se multipliérent; l'imprimerie surtout prit une ex- tension considérable. Peut-étre l'importance de ce dernier fait aurait-elle dà suggérer cette remarque, que l'appétit croissant et insatiable de la presse la conduit toujours fa- talement à dérouter ou à braver la censure : le développe- ment de la typographie liégeoise fut certes pour beaucoup dans l'émancipation des esprits; plus on lit, moins on est disposé à se contenter d'un bien-être purement matériel, et plus on aspire à la liberté de tout lire. Le terrain était done préparé; il l'était d'autant. plus sürement qn'à Liége, aussi bien qu'à Mayence et à Cologne, en un mot dans les principautés gouvernées par des prétres, la piété était beaucoup plus extérieure que réelle. Ce n'étaient que fétes religieuses, processions, cloches sonnant à toute volée; mais sous ces dehors !a foi s'attié- dissait; elle n'avait. plus les ardeurs de l'époque des grandes controverses, alors que les protestants tenaient tête aux orthodoxes; d'autre part le haut clergé ne dissi- mulait nullement ses habitudes mondaines, et le clergé inférieur, respectable mais peu clairvoyant, vivait de sa pratique routinière, content de voir ses ouailles assidues aux offices. Quand il se vit avec effroi mis en demeure de lutter, non plus contre des hérétiques, mais contre des adversaires souples et insinuants, qui sans y paraitre ( 585 ) ébranlaient tout doucement les fondements mêmes des croyances, il poussa un cri d'alarme, mais se trouva déso- rienté, à court d'arguments. Il ne s'agissait plus de Luther ou de Jansenius, de discussions dans les séminaires : il fallait combattre toute une phalange d'esprits légers et aimables, parlant un langage que tout le monde pouvait comprendre. L'auteur fait excellemment ressortir le carac- tère particulier de cettesituation, dont son concurrent ne s'est pas assez rendu compte. Le chapitre IT, accompagné de nombreuses pièces jus- tificatives, est consacré tout entier à Pierre Rousseau, le fondateur du Journal encyclopédique. Le personnage n'est ni surfait ni rabaissé : ce n'est pas un génie, un chef d'école; mais on lui ferait tort en le prenant pour un simple aventurier littéraire. Il a eu son heure de célébrité méritée, et si son nom est à peine connu aujourd'hui, il faut s'en prendre surtout à l'obscurité inhérente au rôle qu'il s'assigna, rôle secondaire sans lequel, il est vrai, la pièce ne pouvait être jouée, mais qu'en somme un homme assez ordinaire était capable de remplir. La nécessité de se chercher un point d'appui, aprés maints essais infruc- tueux, le jeta dans une grande entreprise qu'il sut diriger d'une manière intelligente et faire prospérer, mais lui in- terdit les travaux suivis qui auraient. pu lui assurer une gloire durable. Il fut le héraut d'armes des encyclopédistes, la trompette de leur renommée. L'électeur Palatin, qui faisait du cas de lui, n'osa pourtant le laisser s'installer à Mannheim; il vint done à Liége, espérant y trouver pro- tection et liberté, supputant les avantages de la position géographique de la principauté, dont les frontières tou- chaient à la France et à l'Allemage. L'indifférence de l'évéque, presque toujours absent, lui était connue; néan- ( 586 ) moins il prit les plus grandes précautions, affichant bien haut que son unique désir était de répandre dans son pays d'adoption le culte des lettres et des arts. Le prospectus anodin de son journal séduisit le clergé, la noblesse, la bourgeoisie, et il fut si habile à cacher son jeu, que le mi- nistre de Horion, à vrai dire sympathique aux idées fran- çaises, n'hésita pas à l'affranchir de la censure. Immunité compromettante! Bientôt quelques ecclésiastiques oup- connérent qu'il y avait anguille sous roche et se mirent à le surveiller de prés. Le titre méme et le plan du journal rattachaient cette publication au Dictionnaire encyclopé- dique, qui fut mis à l'index en 1758. Rousseau paya pour l'Encyclopédie. Le synode, stimulé par une brochure qui démasquait les doctrines du journal, prit feu tout d'un coup; mais tous ses efforts échouérent devant la fermeté du comte de Horion. Par malheur pour Rousseau, son puissant soutien disparut inopinément de la scène; dés ce moment la bataille fut perdue : Jean-Théodore de Bavière signa la révocation du privilége. Les docteurs de Louvain avaient de leur côté soutenu la charge ; enfin Rousseau, à la veille de quitter Liége, s'était aliéné des amis par une phrase imprudente : malgré l'appui de Cobenzl (ici se place une curieuse correspondance), on fit tant et si bien que Marie-Thérèse n'autorisa pas la translation du journal à Bruxelles, C'est alors que notre publiciste fut recueilli à Bouillon par le prince de la Tour d'Auvergne et qu'il fonda la eélébre imprimerie bouillonaise. Chemin faisant, l'auteur essaye, non sans succès, de donner une idée de l'esprit du Journal encyclopédique et d'apprécier l'influence qu'il exerça promptement sur les Liégeois. Il cite peu, trop peu à mon sens, assez cepen- dant pour permettre de lire entre les lignes. Il est évident ( 987 ) que Rousseau se sent épié; cependant il ne parvient pas toujours, alors qu'il affecte du zéle pour la religion, à dis- simuler le sourire moqueur « avec lequel Voltaire devait écrire la dédicace de Mahomet. » Rien de violent du reste dans son caractère; il veut vaincre paisiblement, sans avoir l'air de toucher à l'arche sainte : l'auteur le rap- proche assez délicatement de d'Alembert. Il s'occupe ensuite des collaborateurs du journal; il y aurait ici à signaler quelques lacunes, d’ailleurs de minime importance; mais le mémoire n° 2 est plus complet. L'épi- sode de la rivalité de Rousseau et de Panckoucke se lira avec intérét; le paralléle établi à la fin du chapitre entre les critiques du XVI siècle et ceux de notre âge dénote chez l'éerivain un sens littéraire peu commun. Chapitre III : Le règne du prince Velbruck. — C'en est fait : la philosophie ne craindra plus de lever la téte; tout prélat qu'il est, le chef de l'État de Liége est bien prés de prendre rang parmi ses adeptes. Mais là précisément est le danger. Qu'à cet évéque lettré, mondain, libéral suc- céde un réaetionnaire, d'une piété étroite et d'un esprit obstiné, le premier prétexte venu sera l'occasion d'une débâcle. Velbruck, imbu de l'esprit de son siècle, ne se doute pas qu'en ouvrant toutes les écluses, il fera monter si haut le niveau du torrent, que le trône qu'il occupe et l'autel dont il est le ministre seront irrésistiblement en- trainés par les flots. Cette situation que la générosité méme de son caractère l'empêche de prévoir est d'un in- térêt puissant pour l'historien et le penseur; élargissez la scène, vous comprendrez comment la révolution était inévi- table. Les peuples ne l'ont pas faite à eux seuls; nouveau Cadmus, Velbruck , ami de ses sujets, ami des lumiéres, sema les dents du dragon. ( 588 ) Notre auteur saisit habilement les nuances. Il ne né- glige pas un seul facteur. Il montre la censure, sous les derniers règnes, satisfaite d'elle-méme du moment qu'elle avait interdit toute publication dangereuse pour la reli- gion et pour l'ordre établi, mais aveugle et indifférente en tout ce qui touchait l'action dissolvante des écrits licen- cieux qu'on imprimait mystérieusement à Liége et qui de là se répandaient au loin. Compression d'un cóté, carte blanche donnée à la licence de l'autre : le public s'initia, non à la philosophie, mais à ce qu'il y avait d'immonde et de malsain dans la propagande de ses auxiliaires. Velbruck semble avoir entr'ouvert les yeux ; lisez ses lettres : on dirait qu'il y a deux hommes en lui; mais s'il fait parfois retour sur lui-méme jusqu'à se montrer rigide, il a surtout à cœur sa tranquillité personnelle; au fond c'est un esprit frivole et, je le répéte, de vues assez courtes. L'histoire de la presse périodique liégeoise, notamment de VEsprit des journaux, est traitée avec soin, ainsi que celle de la contrefaçon; ni l'un ni l'autre des concurrents n'ont oublié certains détails caractéristiques , par exemple, l'épi- sode de la visite de Marmontel à Bassompierre. Mais des faits plus considérables attirent notre attention : l'établissement à Liége d'un théàtre encouragé par le prince, l'introduction de la franc- maconnerie, enfin la création de la Société d'Émulation, qui va devenir le point de ralliement de tous les esprits émaneipés , jeunesse ardente arrachée à la tor- peur de ses péres, phalange qui ne tardera pas à se lever pour inaugurer l'éredes combats, la réalisation pratique des idées dont elle est enfiévrée. On se jette à la téte des apótres étrangers qui fourmillent dans le pays; on est honteux d'étre resté engourdi si longtemps. Velbruck a voulu tout simplement protéger les sciences, les lettres et les arts; ( 589 ) les académiciens sont tenus de respecter l'orthodoxie. Mais les digues sont bientót rompues, à preuve l'enthousiasme excité par les audaces du peintre Defrance, le futur démo- lisseur de la cathédrale de St.-Lambert. Sur ces entre- . faites parurent deux opuscules du chevalier de Heeswyck, conviant Joseph II à intervenir dans les affaires de la prin- cipauté, et avaut que la sensation produite par cette espéce de défi füt calmée, on vit apparaitre l'abbé Raynal, que Velbruck lui-même accueillit à bras ouverts et que le jeune Bassenge exalta pompeusement dans sa Nymphe de Spa : Que des mortels ce farouche tyran, Le fanatisme, à ton nom seul frémisse... Les vers de Bassenge furent incriminés; Velbruek prit le parti du poëte; le synode fut battu. Ce seul fait suffit , la forteresse était plus qu'à moitié prise. — Ce chapitre, de méme que le précédent, est enrichi d'un choix de pièces justificatives. Le chapitre IV est intitulé : P. Lebrun et le Journal gé- néral de l'Europe. Déjà nous pouvons mesurer le chemin parcouru. P. Rousseau est venu le premier, simple acolyte du patriarche de Ferney et de «ses plus proches disciples», réservé d'abord, s'enhardissant toutefois peu à peu. Mais, dépassant Voltaire, les d'Holbach, les Helvétius, les Di- derot ont bientôt pénétré par la brèche, grâce à « l’activité peu scrupuleuse des imprimeurs locaux ». Autre symp- tòme du temps: les premiers philosophes avaient eu surtout pour point de mire la religion; les économistes leur succèdent, recherchant la source des richesses, discu- tant les questions d'administration et d'impôts, créant peu à peu une science nouvelle, qui n’en restera pas long- ( 590 ) temps à la pure théorie. Cette école, à l'origine, est bien éloignée des idées qu'elle défendra plus müre ; elle pousse les gouvernements à se mettre à la téte d'un mouvement réformateur; aux Pays-Bas, elle se jettera dans les bras d'un Joseph HI, d'autant plus disposé à seconder ses efforts dans la presse, qu'il a compris que désormais la presse est une puissance avec laquelle il faudra compter. Le publi- ciste Lebrun n'aurait guére de chance, sous le successeur de Velbruck, de publier à Liége, en toute sécurité, un journal aequis aux doctrines du Contrat social; sur le ter- ritoire impérial, au contraire, dans la petite ville de Herve, aux portes de Liége (ce qui ne lui est pas du tout indiffé- rent), il se sentira soutenu. il se fera dans le Journal de l'Europe, destiné à franchir toutes les frontiéres, l'avocat de l'empereur en méme temps que le champion des théses de Jean-Jacques et des vues pratiques de Quesnay. Le pro- gramme du Journal général est ici l'objet d'une analyse raisonnée des plus instructives : dans les divers domaines du droit publie, des finances, du commerce, de l'agricul- ture, etc., Lebrun a des solutions toutes prêtes à proposer, el il ne manque pas l'occasion de revendiquer la liberté de la presse. ll écrit sous la protection d'un monarque philosophe; mais son but est surtout de pénétrer à Liége, où le terrain est défriché, où les tendances du siècle ont des partisans plus nombreux et plus décidés qu'en Bra- bant. Il y réussit : son Credo, dit trés-justement l'auteur, deviendra celui des révolutionnaires liégeois, de Bassenge. de Reynier, de Henkart, de Defrance; ses enseignements donneront une forme définitive à leurs vagues aspirations; le journal de Herve deviendra le moniteur de l'opposition qui grandit de jour en jour contre Hoensbroeck. J'aurais voulu ici un portrait de cet évéque, dont le ca- ( 594 ) ractère et l'attitude tranchent si vivement avec ce que nous savons de Velbruck. La transition de l'un à l'autre règne n'est pas assez marquée; ensuite, il n'eüt pas été inopportun de nous faire connaitre de plus prés le Cha- pitre eathédral, plus puissant et plus obstiné que le prince. Ceci pour simple mémoire; affaire d'art, rien de plus. Les chanoines, malgré tous leurs efforts à Bruxelles, n'eurent pas raison de Lebrun ; laissons-les done de cóté. Mais voici bien autre chose : l'apologiste zélé des édits de Joseph Il s'est attiré l'inimitié des patriotes belges; plus encore, il s'est attaqué imprudemment aux États de Brabant. Le Conseil souverain, mis en demeure et satisfait de mon- wer de l'énergie, prononce l'interdiction du journal et décrète son rédacteur de prise de corps. Grande joie chez les adversaires du publiciste francais! L'empereur parvient pourtant à faire révoquer l'arrét; mais la position de Lebrun n'en devient que plus fausse. Il se met à louvoyer; cette demi-hypocrisie lui aliène tout le monde. Enfin il en prend son parti, se met à écrire ouvertement contre le despotisme etse jette avec armes et bagages dans le camp des patriotes. Le gouvernement doute encore, il va jusqu'à négocier avec le transfuge. Rien n’y fait; alors la coupe déborde et le journaliste est obligé de s'enfuir à Liége, où les patriotes,montés au pouvoir, s'empressent de lui faire féte. Quand on y regarde bien, on en vient à penser avec l'auteur que Lebrun, au fond, se souciait assez peu du triomphe d'un parti ou de l'autre; ce qu'il avait plutôt à ecur, c'était de voir surnager les idées de son pays, füt-ce au prix, ce semble, de sa réputation dans les Pays- Bas. Le Journal général fut done transporté à Liége. En Brabant, Lebrun ne pouvait compter que sur les Vone- kistes. Mais les aristocrates (comme on disait) l'emportérent; ( 592 ) et sur ces entrefaites, Liége vit revenir son évéque. Alors il fallut décidément quitter la place : Lebrun jugea prudent de regagner Paris, soit qu'à ses yeux son ceuvre füt suffi- samment accomplie, soit qu'il pût déjà prévoir les hautes destinées qui lui étaient réservées. Passons maintenant dans l'autre camp, dans le camp des défenseurs du tróne et de l'autel (Ch. V). On finit par s'apercevoir, à Liége, que les idées sont les seules armes à opposer à des idées, et que les chances de succès de l'opposition sont toujours en raison directe des sévérités de la censure. Mais quand on en fut venu là, on se trouva en présence de difficultés aecumulées. Mal préparé à la lutte, on s'irrita; la réfutation prit le ton de l'injure, le dogmatisme parla le langage de l'intolérance. Sans excuser les excès de plume des écrivains réactionnaires, je concois pourtant qu'il y ait lieu de leur tenir compte de leur cou- rage, bien qu'il ne fût guère que le courage du désespoir. Vu l'état des esprits, ils entreprenaient l'impossible : le Jourdain ne remonte vers sa source que dans le psaume In exitu Israël. L'abbé de Feller essaye tour à tour de toutes les armes, méme de celle de la science; il va jus- qu'à s'en prendre à Copernic, à Galilée et à Newton, qui n'en peuvent mais. Cependant s'il est de bonne foi, décidément il a trop de zéle. Mais quel journaliste, quel polémiste, quel esprit universel et audacieux, quel che- valier de tournoi, défiant l'un aprés l'autre tous les champions de l'Encyclopédie! Il a toutes les forces de la logique, toutes les fougues du fanatisme; il cherche partout le défaut de la cuirasse, il surprend les moindres mouve- ments de ses adversaires, l’œil au guet, un œil menaçant qui ne se ferme jamais. Sa religion n’est que celle de l'Église militante; c'est un prêtre en fureur. Acculé dans ( 593 ) un coin de l'aréne, il est par moments surexcité jusqu'à la rage: Sil vous tenait par malheur, il vous dépécerait, il vous brülerait vif; mais tout d'un coup il prend peur de lui-méme, il avoue qu'il a dépassé les bornes, car il est homme au fond. Du moins on ne saurait lui refuser le res- pect dà aux vaincus, et malgré ses violences, cette sorte de sympathie qu'on éprouve secrétement pour les hommes en- tiers, qui ne se sont jamais démentis : n'a-t-on pas vu, de un jours, des tenures de réhabilitation des terroristes? t t injurieux et injuste: les colères sanguinaires de Feller s'apaisaient régulièrement quand il avait versé des flots d'encre. L'auteur n'en a pas moins, à mon sens, plaidé un peu trop complaisamment les circon- stances atténuantes. A côté du Journal historique et littéraire de Feller, ou pour mieux dire au second plan, se présentent les publica- tions des abbés Brosius et Dedoyar, champions de la pa- pauté dans la fameuse querelle que suscita le livre de Febronius, pseudonyme de Jean-Nieolas de Hontheim, suffragant de Trèves. Cet épisode, assez longuement exposé, n'est pas déplacé ici, parce qu'il fait ressortir l'influence des publicistes religieux établis à Liége, sur la pacification de l'Église d'Allemagne; il se rattache d'ailleurs de prés aux débats soulevés par les actes de Joseph IL. Les détails des mesures prises par le gouvernement impérial pour réduire l'opposition au silence attireront l'attention: la plu- part sont complétement inédits. On remarquera aussi, dans l'analyse des attaques de Feller contre les Vonckistes, un parallèle opportun entre le programme doctrinal du polémiste jésuite et celui de Lebrun. Mais je dois me bor- ner; aussi bien, il est temps d'en revenir aux affaires lié- geoises. ( 594 ) Sabatier de Castres est traité comme il le mérite ; l'abbé de Paix, philosophe converti, devenu l'un des triumvirs de la contre-révolution (1), est au contraire l'objet d'une indul- gence excessive, si l'on considére que Sabatier ne fut à tout prendre que son instrument. lei l'auteur, si scrupu- leux de garder la juste mesure, semble avoir oublié un instant ses résolutions. La méme observation s'applique aux quelques pages du chapitre VI où il est question des Lettres de Bassenge à l'abbé de Paix. L'auteur affecte de ne voir en Bassenge guère autre chose qu'un vain rhéteur ; mais sous ces décla- mations pompeuses qui font sourire aujourd'hui, il y avait pourtant un généreux patriotisme, des convictions loyales, une fidélité à toute épreuve bien dignes à coup sür d'une appréciation moins dédaigneuse; tout au moins la critique littéraire devait rester ici fort accessoire. Ce chapitre VI tout entier me parait inférieur aux précédents : l'auteur a éprouvé un certain embarras, ne sachant trop où il devait s'arréter dans l'esquisse du tableau de la révolution lié- geoise, d'autre part préoccupé d'élargir l'horizon du lec- teur, en subordonnant la question des prétentions de Hoensbroeck à la souveraineté absolue, question essentiel- lement historique, à la considération de la lutte grandiose qui s'engageait définitivement entre le passé tout entier et le XVH" siècle, émancipateur des peuples. Je reléverai volontiers, en revanche, de fines remarques sur la diffé- rence des revendications des Liégeois et des Francais, bien qu'il soit avéré que les souvenirs de la paix de Fexhe pas- sionnérent beaucoup moins les patriotes liégeois que les échos des bruits de Paris, multipliés par une presse infa- (1) Avee Buchwald et le baron de Moxhe. ( 593 ) tigable. J'ajouterai que ces réflexions politiques n'entravent pas trop la marche du récit. Les dissensions intestines qui éclatérent dans le parti vainqueur, les petits et les grands épisodes sont exposés sobrement, mais de manière à ser- vir à l'effet général. La conclusion est que les révolution- naires eurent à gémir profondément de leur victoire sté- rile, lorsqu'aprés avoir sacrifié leur nationalité, ils furent forcés de reconnaitre qu'ils n'avaient renoncé à un gouver- nement débonnaire que pour courber la téte sous le des- potisme de l'étranger. Rien de plus vrai; seulement cette finale est assez brusquement amenée et, bien que tout l'es- sentiel ait été dit, le chapitre semble étre inachevé. Dans un appendice intéressant, l'auteur passe en revue les principaux journaux de la révolution; j'eusse désiré des renseignements de méme nature, plus explicites que ceux qu'on trouve dans le texte, sur les nombreux pam- phlets du temps et sur leurs auteurs. En dépit de ces observations, si j'envisage l'ensemble du travail, si je considére qu'il n'est pas de ceux qui se font avec des livres, si je me dis qu'il atteste chez celui qui l'a concu et rédigé non-seulement la connaissance exacte des faits, mais, dans son germe, un talent sérieux d'historien et un esprit philosophique élevé, si enfin j'ai égard au mérite de la forme, élégante dans sa simplicité sévére et bien en rapport avec le sujet, je n'hésiterai pas à prononcer pour ma part un verdict favorable. J'ai l'honneur de proposer à la Classe, pour le mémoire n° 1, la médaille d'or et les honneurs de l'impression, et pour le mémoire n* 2, qui se recommande dans tous les cas par l'abondance des ren- seignements et par des analyses bien faites, une mention trés-honorable. Ce concours aura eu pour résultat considé- rable d'ajouter un chapitre presque entièrement neuf à ( 596 ) l'histoire intellectuelle de notre pays, inséparable de son histoire politique en ces temps d'effervescence oü de sim- ples citoyens, par la presse et la parole, devinrent les arbi- tres tout-puissants des destinées publiques. » Rapport de M. Piol, second commissaire, « M. Le Roy, premier rapporteur, a analysé d'une ma- nière si lucide les deux mémoires précités ; il en a si bien fait ressortir les qualités et les défauts, qu'il serait témé- raire de ma part de vouloir revenir sur ces points. Je me rallie complétement à sa manière de voir; j adopte aussi ses appréciations et ses conclusions. Si je prends la parole, c'est uniquement dans le but d'indiquer à la Classe quelques faits capitaux, propres à corroborer les opinions de mon savant confrére. En dépit de l'avertissement de Voltaire : « je déteste la déclamation », l'auteur du second mémoire a eu recours à ce moyen pour flétrir le régime ancien, qu'il qualifie d’édifice gothique. Sans se rendre un compte bien exact des insti- tutions et des idées d'autrefois, il les condamne irrévoca- blement. Vouloir juger ainsi et au point de vue exclusif des idées modernes une question relative à l'état social d'autrefois, e'est s'exposer à faire fausse route. Ces circonstances n'ont pas permis à l'auteur d'appré- cier tous les faits avec impartialité. Il raisonne d'une maniére trés-vague; il ne précise rien. A son avis, le XVIII* siécle est, sinon le point de départ dela civilisation moderne, du moins la période qui a le mieux contribué à en développer les éléments principaux. Point de doute, le XVIII? siècle était, Gœthe l'a dit, le siècle de l'esprit, le siècle des idées, le grand siècle. Mais ( 597 ) Voltaire a introduit un correctif très-fondé à une opinion si absolue, lorsqu'il dit : Jamais la raison n'a eu plus d'es- prit et jamais il n'y eut moins de talents. Des penseurs éminents, des écrivains remarquables n'avaient pas attendu le XVIII siècle pour faire valoir les principes de la cri- tique, ou de la raison universelle, comme l'appelait l'abbé de S'-Pierre. Ils en avaient déjà frayé la route à leurs suc- cesseurs. Sans être encyclopédistes, Huber et Wolf n'ont-ils pas été les précurseurs du Contrat social de J.-J. Rous- seau, qui a vulgarisé par la langue francaise ce que ces deux jurisconsultes, l'un Hollandais et l'autre Allemand, avaient dit en latin ? Les encyclopédistes ont agi de méme, en ne se ratta- chant de préférence à n'importe quelle religion et moins encore au protestantisme, ainsi que le suppose l'auteur. Les questions religieuses les préoccupaient incontestable- ment. M. Lotheissen a parfaitement démontré ce point dans son livre si remarquable intitulé : Literatur und Gesellschaft in Frankreich zur zeit der Revolution. On en trouve aussi la preuve dans le Discours préliminaire de l'Encyclopédie, par d'Alembert, qui avait beaucoup em- prunté à Bacon età Loke. S'il faut rechercher la paternité et la parenté des encyclopédistes, il serait peut-être oppor- tun de s'adresser à la Suisse, à l'Allemagne et à l'Angle- terre, où des publications de ce genre avaient été faites durant les XVIe et XVIIe siècles et au commencement du suivant par Scalichius, Astedius et Chambers. Je ne puis admettre le fait avancé par l'auteur lorsqu'il soutient qu'à partir du XVI* siècle « une nuit profonde se répandit sur nos provinces. » Les troubles du XVI* siécle, les invasions continuelles des armées francaises avaient, jen — , paralysé en partie les forces vitales et intel- SÉRIE , TOME XLVII. 5 ( 598 ) lectuelles de notre pays, toujours à la remorque d'un gou- vernement étranger en guerre avec ses voisins; mais on y comptait encore des écrivains, des littérateurs , des histo- riens, des jurisconsultes et des artistes, dont la Belgique a le droit d'étre fiére à juste titre. Je ne citerai pas les noms de ces célébrités, si connues et trop populaires pour les rappeler ici. Je crois devoir m'élever aussi contre une autre asser- tion de l'auteur, lorsqu'il soutient que « l'Université de » Louvain était inféodée aux Jésuites. » Rien n'est moins vrai. Les disputes au sujet des doctrines de Baius, de Jans- senius et de l'enseignement de la philosophie avaient creusé entre ce corps enseignant et les Jésuites un abime trop grand pour qu'on puisse supposer un accord entre eux. Depuis sa fondation jusqu'au moment de sa suppression, l'Université obéissait aux décrets des papes et de l'État, jamais aux prétentions des Jésuites. Je passe sous silence d'autres faits historiques moins importants, qui n'ont pas été exposés sous leur véritable jour, pour en venir à l'objet principal du mémoire : l'in- fluence des encyclopédistes. Dans cette partie du travail l'auteur développe fidéle- ment, mais pas toujours d'une manière complète, les faits principaux. J'y ai remarqué des lacunes, par exemple, le défaut d'appréciations au sujet de quelques personnages, du théâtre et d'un certain nombre d'ouvrages publiés pour ou contre les encyclopédistes. Malgré ces lacunes, l'exposé des faits est mieux soigné et plus précisé que dans l'intro- duction. Tout y est condensé. Le caractére et les tendances de Feller sont bien définis. Le premier mémoire est dà à la plume d'un écrivain calme, sachant beaucoup, ayant lu beaucoup et doué de ( 599 ) l'esprit de critique. IT domine son sujet ; il en est complé- tement le maitre. Je n'y ai pas remarqué d'hérésie en fait d'histoire. Seu- lement j'y ai vu une indulgence peut-être trop prononcée en faveur de certains personnages , tels que Feller, par exemple. L'auteur parle aussi des ouvrages obscènes publiés à cette époque. Si quelques auxiliaires des encyclopédistes ont contribué au débit de ces livres, certes, personne n'en accusera les encyclopédistes eux-mêmes. C'étaient des gens trop sérieux pour s'oecuper d'éerits destinés à dé- praver le monde, au lieu de l'instruire. D'Alembert, un de leurs chefs principaux, disait en parlant de Bayle : heureux s'il avait plus respecté la religion et les mœurs. La plupart de ces écrits sortaient des presses clandes- tines, si nombreuses au XVIII* siécle. Je citerai à ce pro- pos un volume trés-rare que j'ai sous les yeux, et intitulé : La vérité. Vertu et vérité. Le cri de Jean-Jacques et le mien, imprimé à Pékin, 1786. Ce livre, dont la mére ne pourrait jamais conseiller la lecture à sa fille, sort proba- blement de la plume d'un écrivain connaissant trés-bien le pays de Liége, sur lequel il donne des détails intimes. C'était le produit d'une de ces presses clandestines, mais dont l'auteur n'était certainement pas encyclopédiste. » Rapport de M, Wauters, troisième commissaire, « La Classe des lettres a mis au concours, pour cette année, la question suivante : Les encyclopédistes francais essayèrent, dans la seconde moitié du XVIII siècle, de faire de la principauté de Liége le foyer principal de leur propagande. Faire connaitre les moyens qu'ils employérent et les résultats de leurs tentatives, au point de vue de l'influence qu'ils exercérent sur la presse périodique et le mouvement littéraire en général. Le but que la Classe a voulu atteindre en posant cette question me semble bien défini; ellea réclamé surtout un travail d'histoire littéraire, elle souhaitait des éclaircisse- ments manquant encore sur la part prise par le pays de Liége à ce mouvement prodigieux du XVIII siècle qui, s'il n'impose pas à tous l'admiration, réclame au moins l'attention des écrivains et des penseurs à quelque opinion qu’ils appartiennent. L'auteur du mémoire n? 1 que nos honorables collègues préfèrent est-il resté dans les termes de la question mise au concours? Je ne le pense pas. Son but a été surtout d'affirmer et de défendre une thése politique; adversaire des encyclopédistes, il condamne leurs efforts et leurs travaux. Aprés avoir applaudi au zèle persécuteur déployé par Ferdinand de Bavière contre les protestants et par Joseph-Clément de Baviére et George- Louis de Berghes contre les jansénistes, il déplore les inno- vations et les tentatives essayées dans le but de propager les sciences, il exalte les mesures prises pour entraver la vente des livres et il comble de louanges les défenseurs des priviléges, des abus, de la routine. Loin de nous expli- quer comment la vie littéraire, qui s'était presque entière- ment éteinte au pays de Liége, se réveilla, et quels furent les résultats de cette efflorescence, il appuie de préférence sur les mesures mises en usage pour entraver ce mouve- ment, dont il fait ressortir à chaque instant les consé- quences en ce qu'elles peuvent avoir de défavorable et de funeste. A plusieurs reprises il insiste sur ce fait que les ency- clopédistes francais et leurs partisans liégeois ont préparé ( 601 ) et consommé la ruine du gouvernement épiscopal; or, nul ne l'ignore, il ne fallut quappuyer la main sur ce simu- lacre d'État pour le voir tomber en poussiére et il ne se serait jamais rétabli sans l'appui des baionnettes étran- gères. Qu'était, en réalité, cette fragile organisation ? « Un gouvernement débonnaire, dit l'auteur (1), et des » institutions dont Mirabeau lui-même admirait la sagesse. » — « Quoique bien loin d'étre parfait, l'état social de Liége > n’offrait aucun de ces abus eriants qui firent ailleurs la » fortune de la philosophie (2). — Le pays de Liége jouis- » sait d'une paix profonde... Le peuple et le prince vi- » vaient dans un constant accord. La douceur des mœurs » prévenait l'abus des priviléges réservés aux deux pre- » miers ordres (5).....» En un mot, la principauté de Liége, au milieu du XVITT: siècle, était la justification de cet adage attribué au populaire et que l'auteur a soin de rap- peler : « Il fait bon vivre sous la crosse. » Il fait bon vivre sous la crosse. Il ne me semble pas que les peuples aient goûté cet adage, car il wen est plus, je pense, qui y conforment leur politique. C'est la force bru- tale, dira-t-on, qui prévaut ; à ce compte, la crosse constitue un bien faible moyen de protection. Et, en effet, l'histoire du pays de Liége, aux XVII* et XVII. siècles, ne montre-t-elle pas cette principauté exposée sans défense aux exactions de ses ennemis et de ses alliés? Les troupes espagnoles, du temps d'Albert et d'Isabelle, les Lorrains vers l'an 1650, les armées de Louis XIV et de ses ennemis y ont vécu sans scrupule et sans frein. Pendant la courte guerre de 1734, (1) Fol. 7. (2) Fol. 9, (5) Fol. 15. ( 602 ) Ja France et l'Autriche lui ont, l'une et l'autre, extorqué de fortes sommes pour prix de sa neutralité (1), et plus tard les souverains de ces deux États y ont fait combattre leurs armées. Gouvernant en apparence un demi-million d'hommes, le prince-évéque n'avait ni forteresse, ni arsenal, à peine un faible corps de troupes. Son territoire était à la merci du premier oceupant et personne ne se génait pour le ran- conner. Quand le roi de Prusse, Frédéric II, voulut re- vendiquer la terre de Herstal, il se borna à envoyer 2,000 hommes à Maeseyck. Cette démonstration lui suffit pour extorquer, en retour de droits assez problématiques, une somme de 240,000 florins, outre 44,000 florins que les habitants de Maeseyck durent payer à ses troupes. Toléré plutót que respecté par ses voisins, l'État de Liége, jadis si puissant et si florissant, était livré à l'inté- rieur à tous les maux qui résultent de l'indolence jointe à l'impéritie. Les hautes classes n'avaient qu'une déférence médiocre pour les ordres du prince et lui contestaient ses plus précieuses prérogatives. Le chapitre de Saint-Lam- bert était fréquemment en désaccord avec l'évéque et plus d'un abbé affectait de s'égaler au chef du diocèse et de la principauté. Ainsi l'abbé de Saint-Trond se prétendait co- souverain de la ville de ce nom, l'abbesse de Munster-Bil- sen se proclamait princesse de l'empire. Quelques digni- taires ecclésiastiques s'entétaient à plaider contre leur supérieur commun, et l'official de Liége, par exemple, épuisa tous les moyens que la chicane put lui fournir pour (1) L'abbé Danis, Histoire du diocèse et de la principauté de Liége (1724-1852), t. Hl, p. 108. ( 605 ) conserver intacte, malgré l'évéque et contrairement aux droits des échevins de Liége, sa juridietion sur les laiques. Partout, pour des questions de tout genre, on plaidait à outrance. Condamné en première instance, on recourait au conseil privé ou aux magistrats de Liége, puis on ré- clamait l'intervention du tribunal des Vingt-deux, et, en désespoir de cause, on s'adressait à la chambre impériale de Wetzlar ou à la cour de Rome. L'argument qui vous favorisait d'un cóté se tournait ailleurs contre vous. Quel heureux temps pour les hommes de loi et quels beaux pro- cès : toujours alimentés, toujours renaissants, toujours repris avec une nouvelle ardeur. Mais, pour les malheu- reux plaideurs, que de frais à payer, que de démarches à faire pour obtenir justice, que de chances d'étre spoliés, exploités, trompés, et de se trouver ruinés méme en ob- tenant gain de cause! D'ailleurs, entre nobles on ne se gênait. pas et parfois on employait des procédés tout à fait sommaires. Un débat provenant de l'institution d'un fidéicommis divisait la fa- mille Van der Noot. Le fils puiné, Jean-Joseph Van der Noot, baron de Meldert, fit occuper le château de Duras, mais sa belle-sœur, la baronne Honorine Van Hamme, veuve de Philippe-Joseph Van der Noot, baron de Carloo, agissant en qualité de mère et tutrice de son enfant mi- neur, Jean-Philippe Van der Noot, fit, le 5 mars 1760, signifier aux gens qui occupaient ce manoir de l'évacuer. Ce fut le notaire Van Heyst, de Saint-Trond, qui se char- gea de son message. Sur le refus des serviteurs du baron de Meldert, elle ordonna d'enfoncer à coups de hache la porte du château, qui était barricadée. Une fusillade s'en- gagea et l'un des assaillants reçut un coup de feu. Ses compagnons s'emparérent du cháteau, aprés que l'avocat ( 604 ) Govaerts, qui s'y trouvait, eut déclaré « qu'il n'était pas » commis à la garde de la porte » (1). Le mépris des lois et de la justice engendrait des consé- quences à la fois terribles et désolantes. Dès l'année 1740, quoiqu'on füt en pleine paix, le brigandage prit une ex- tension considérable dans la Hesbaye et le pays de Fau- quemont. La guerre de Louis XV contre Marie-Thérèse et la guerre de Sept-Ans entravérent la répression de ce fléau, qui grandit à un point inimaginable (2). Enfin, en 1774, le gouvernement des Pays-Bas autrichiens et celui des Provinces-Unies s'entendirent pour organiser des traques répétées et énergiques, tant dans leurs domaines que dans les territoires adjacents. Du 28 juin au 24 novembre, en cinq mois, on exécuta 47 malfaiteurs, soit à Munster-Bilsen, dans le comté de Looz, soit aux environs de Fauquemont. On n'y alla pas de main morte, on fut aussi barbare que les criminels; aprés avoir torturé, on brüla vif, on écartela; enfin on pendit les restes des sup- pliciés. Mais ce fut en vain qu'on se montra implacable; plus les exécutions se succédaient terribles, plus les bri- gands se multipliaient, et la coupable énergie de ceux-ci lassa la constance des juges et des bourreaüx. En 1790, à ce que dit de Feller (5), le mal sévissait plus fortement (1) De Corswarem , Mémoire historique sur les anciennes limites et circonscriptions de la province de Limbourg, p. 245. — Pour compren- dre ce débat, il faut lire ce que j'en ai dit dans la Belgique ancienne et moderne, canton de Tirlemont, 2* partie, p. 72. (2) Pai fait connaitre ailleurs (ouvrage cité, canton de Jodoigne, p. 285) que la sitnation fut longtemps la méme en Brabant; mais ici, le gouvernement autrichien se décida à agir avec énergie, aprés avoir me- nacé les seigneurs hauts-justiciers de leur enlever le droit de rendre la justice au criminel, s'ils ne veillaient à la répression du brigandage. (3) Journal historique, année 1790, t. III, p. 489. ( 605 ) que jamais; jamais il n'y avait eu autant d'adhérents à cette Société du bouc ou des Bokkenryders (les chevau- cheurs des boucs), dont le souvenir est encore vivant aux environs de la ville de Maestricht, théâtre redouté de dépré- dations et de meurtres. On comptait, dit la tradition, des médecins et d'autres notables dans cette association criminelle, qui exploitait évidemment, pour se rendre plus redoutable, les terreurs superstilieuses si chères à l'époque baptisée du nom poé- tique et dérisoire de bon vieux temps. Dans les Ardennes, les mémes moyens étaient mis au service du matérialisme le plus éhonté ; là, les religieux de l'antique abbaye de Saint-Hubert avaient organisé parmi eux une association, l'Ürdre du cochon, dans le but de protéger leurs désordres nocturnes contre les justes ri- gueurs de leur abbé, qui put enfin mettre fin à ce scandale, gràce à l'appui du gouvernement autrichien (1). Je viens de parler de répressions nécessaires. Mais qui nous attestera la culpabilité des condamnés. Rien, car à l'aide de la torture, il était facile d'arracher des aveux à l'innoeent. On avancera, sans preuve, que « la torture était » employée ailleurs d'une maniére plus sévére que dans la » principauté de Liége (9). » Cette assertion, tonte gratuite, est démentie par l'épisode raconté dans un livre qui est en méme temps une bonne action, car il nous prouve la néces- sité des garanties dont la justice moderne entoure an ee venu, dela différence qu'elle établitentre lui etl A l'aide d'un dossier judiciaire, M. Beltjens, conseiller à la u Gogruais, Lectures relatives à l'histoire des sciences, etc., t. LV, pp. 286-287, (2) L'abbé Danis, loco cit., p. 197. ( 606 ) cour d'appel de Liége, nous raconte dans le roman intitulé le Crime de Tolumont, l'histoire d'une jeune fille qui fut injustement accusée du meurtre de son maitre et qui, pitoyablement torturée malgré le témoignage d'une vie irréprochable, ne put survivre que de trois mois à l'exécution des véritables coupables et à la démonstration de son innocence (1). Ainsi tout se rencontrait au pays de Liége: abus de la force, brigandage, monstruosités juridiques; l'ignorance et le libertinage y régnaient : l'ignorance, parce que tout était mis en œuvre pour l'entretenir, le libertinage, parce qu'il est le compagnon ordinaire de l'abrutissement intel- lectuel. Le pays de Liége, jadis fécond en hommes remar- quables, ne comptait plus un écrivain, à peine un érudit et un artiste. Tous ceux qui se sentaient quelque vigueur dans làme se sauvaient à l'étranger. Les musiciens Gresnick et Grétry, les peintres Redouté, les graveurs Demarteau et Durivier, le chirurgien Grandjean, le médecin Nysten, les diplomatistes dom Maur d'Anthisne et Légipont, l'abbé Pyrard, le facteur d'instruments Taskin partaient comme pour attester que Cétait le régime qui était mauvais et non la race. J'ai parlé du libertinage et mainte fois on en a attribué les progrès aux encyclopédistes ; mais cette thèse est-elle soutenable? Est-ce la philosophie qui régnait à la cour du roi d'Angleterre Charles IF et parmi les courtisans du ré- gent de France, le duc d'Orléans. Citer ces princes, c'est aiias misse cusuitei ionic citu. (1) Jean ve BeLT, Le crime de Tolumont, Liége, impr. de Vaillant- Carmaune, 1878, i n-12. Le meurtre dout il est ici question fut commis le 17 septembre 1758; l'exécution des coupables eut lieu à Anthisnes, au lieu dit Stepennes. ( 607 ) rappeler des noms avec lesquels les encyclopédistes n'ont jamais eu de rapport. Louis XV, le plus libertin des mo- narques, les détesta toujours; et, pour conclusion , on doit dire que la fabrication des livres obscènes, dont Liége fut longtemps un des tristes foyers, s'y éteignit lorsque la cen- sure disparut de cette ville. Non que les censeurs fussent le moins du monde complices de l'abus, non, mais parce que ce dernier a peur de la lumiére. ll ne prospére, comme les doctrines perverses, que dans les milieux oü la libre discussion est interdite, où toutes les opinions ne peuvent se produire. Contrairement à ce que dit notre auteur, l'atmosphère sociale était malsaine. Son premier chapitre, Le pays de Liége en 1750 , constitue une esquisse infidèle. Il avoue bien que la liberté civile et religieuse avait disparu, que le prince avait supprimé les droits des citoyens, que les lettres languissaient, mais il n'y voit pas grand mal, ce me semble. Attendez quelque peu et il se plaindra des progrès de lirréligion et du matérialisme; il ne s'aperçoit pas, il ne veut pas s'apercevoir que ces progrès découlaient naturel- lement de la situation politique ; le niveau des intelligences baissait, faute d'agitation et d'aliment. Lorsque des eaux nont plus d'écoulement, elles croupissent, elles s'al- tèrent. Loin d’être un mal, l'établissement à Liége du Journal encyclopédique constitua une innovation heureuse et fé- conde. Il fit sortir les esprits de l'ornière dans laquelle ils se traiuaient, il répandit et popularisa dans cette ville et les contrées voisines les idées nouvelles et les connais- sances dont les sciences s'enrichissaient chaque jour. Que l'on nous permette à ce propos de reproduire un passage de Guizot sur l'Encyclopédie du XVII siècle; il s'appli- ( 608 ) que aussi, dans une certaine mesure, au journal que Rous- seau fit paraître à Liége du 1° janvier 1756 au 27 août 1759 et qu'il continua ensuite à Bouillon. w ww VV vu vu Jd y « Il reste évident, dit le célèbre écrivain qui a joué un róle si notable à notre époque, que la civilisation est la vie méme de l'espéce humaine, la loi, le but, la gloire de son activité sur la terre; que les peuples chez qui elle prospère surmontent les plus dures épreuves, survivent aux plus grands revers; que ceux chez qui elle s'arréte dépérissent et meurent, méme au sein de la paix, sans accidents et sans ennemis. Qui osera dire qu'il faut l'étouffer? Qui repoussera les moyens de seconder son développement?... » Puis, aprés quelques lignes sur le mode de composition des encyclopédies, le méme écrivain ajoute : « C'eüt été, il y a cent ans, une grande injus- w W^ Yuyu ww. 9» Ww € uw y y " v v tice et probablement une injustice vaine, que de vouloir empécher, par crainte des révolutions, le progrés de l'instruction publique; aujourd'hui, c'est une sottise... Le publie est en possession de la liberté et de l'in- fluence; il ne s’agit plus que de savoir si, libreet influent, il doit être condamné à l'ignorance qui convient à la ser- vitude. Un tel état serait, à coup sür, le pire de tous, et personne n'a rien à y gagner. La propagation des lu- mières de tout genre et tous les moyens d'y concourir, encyclopédies ou autres, sont donc maintenant au nom- bre de ces besoins pacifiques, réguliers, qui s'élévent au-dessus des querelles de parti, qu'on ne saurait sans absurdité refuser de satisfaire et dont nul homme de sens ne saurait véritablement s'alarmer (1). » — (1) Larousse, Grand dictionnaire universel du XIX* siècle, t. VII, 917 ( 609 ) Dira-t-on de ces pensées que ce sont des déclamations. D'une justesse irréprochable lorsqu'elles furent écrites en 1828, elles ont acquis de nos jours une force irrésis- tible. ll est bien évident aujourd'hui que les nations ne s'élèvent et ne se maintiennent au premier rang, qu'en raison de la sollieitude qu'elles montrent, tant pour l'in- struction publique à tous les degrés que pour la liberté et l'expansion de cet enseignement tout à fait supérieur, qui résulte de la composition et de la publication des travaux littéraires et scientifiques. L'instruction publique forme l'enfant et le jeune homme ; le livre constitue la nourri- ture intellectuelle de la société méme. Les revues, les re- cueils de tout genre servent, de leur côté, à grouper, à condenser, à vulgariser les connaissances. Dire, comme Sainte-Beuve, « que la moindre lettre de » Pascal était plus malaisée à faire que toute l'Encyclo- » pédie », c'est lancer un trait d'esprit superficiel. L'En- cyclopédie a exigé des efforts de géants; quant à Pascal, j'en suis persuadé, il rédigeait ses lettres en jouant et sans se fatiguer comme le font inutilement les auteurs de tant de platitudes. Dans son deuxiéme chapitre, l'auteur esquisse la bio- graphie de Pierre Rousseau, le célébre éditeur, et analyse ses œuvres. Ici encore j'ai de graves reproches à lui faire. Le premier de ses torts est de raconter, sans le moindre blàme, les accusations lancées contre Rousseau, les ava- nies dont il fut la victime, les spoliations honteuses que l'on se permit à son égard. H ne ressent aucune indigna- lion contre les persécuteurs. Sur de vagues imputalions, et profitant de la mort inopinée de ses deux protecteurs, les comtes de Horion, une cabale, dirigée par le père jésuite Poot, force Rousseau à quitter Liége; à Bouillon, le duc ( 610 ) régnant s'empare de son avoir pour le simple motif qu'il songeait à quitter la partie la plus déserte des Ardennes pour aller se fixer à Manheim, et lui impose l'obligation de payer une pension annuelle de trois livres à l'un de ses dénonciateurs , l'abbé Méhegan, et une autre de 100 pis- toles à un autre délateur, l'abbé Coyer; en France, l'un des rivaux de Rousseau, Pankoucke, réussit à faire con- damner au feu le Journal encyclopédique parce que, dans un conflit entre l'évàque de Rennes et le parlement de Hrettgde; na Aca: ation avait pris parti pour le prélat. avecune froideur abso- lue. Pourquoi, c'est que l'auteur est complétement hostile à ` Rousseau, qu'il fasse bien, qu'il fasse mal. Il avoue que des lecteurs non prévenus pourraient se déclarer en sa faveur. Ils se demanderaient, dit-il (1), où est le fondement, le prétexte des accusations portées contre lui. Si par-ci, par-là, ils rencontrent quelques passages dont le ton hardi les surprend, dix lignes plus bas les atténuations, les rétractations, les réserves s'accumulent jusqu'à satis- faire les consciences les plus timorées. Par moment, un peu d'indifférence, un certain manque de décision dans la défense des vérités attaquées, une admiration trop exclusive pour les chefs du parti eneyvclopédiste, voilà tout ce qu'aujourd'hui on pourrait trouver à reprendre dans ce recueil. En tous cas, point de fanatisme, aucune » de ces haines farouches et intolérantes qu'on peut re- » procher.à Voltaire, point d'obscénités, de plaisanteries » grossières, un ton toujours grave et décent. » Voilà de grands mérites dans une revue qui fut si persécutée et w €" uU vu V y Y V V A E (1) Fol. 80. ( 611 ) notre auteur parait la juger avec impartialité; mais atten- dez la suite. Tout cela n'est qu'hypocrisie chez notre impri- meur. Lisez, nous dit-on, entre les lignes, et « vous ne » larderez pas à être convaincu, » ajoute-t-on pour ler- miner, « que Rousseau, ainsi que lui écrivait Voltaire, » pense en vrai philosophe. » Il est vrai que « rarement » ilse départit d'une extrême prudence... Son véritable » modéle c'est d'Alembert... On concoit d'aprés cela qu'il » faille désespérer de le saisir en flagrant délit... (1). » Ces arguties dévoilent la pensée hostile de l'auteur. En 1774 il arréte ses études sur Rousseau et les siens. « Je ne poursuivrai pas plus longtemps l'histoire des jour- » naux de Bouillon; à mesure que nous approchons de la » fin du siécle, leur influence diminua à Liége (2). » Oui, sans doute, leur influence diminua; d'autres journaux se répandirent dans cette ville où la population était en majo- rité acquise aux doctrines dont Rousseau s'était constitué le propagateur; malgré le synode épiscopal, malgré le jésuite Poot, englobé dans la condamnation dont le pape Clé- ment XIV avait frappé son ordre; malgré la rapacité du duc de Bouillon, l'humble éditeur avait prospéré , et son cou- rage, sa persévérance, la modération qu'il s'était imposée, l'avaient fait triompher de tous les obstacles. Ne le com- parons pas, comme le fait l'auteur du mémoire, à l'efféminé Sainte-Beuve. La critique élégante, mais irrésolue et sou- vent maladive de l'écrivain auquel on doit les Causeries du lundi, aurait difficilement résisté aux longues et péni- bles épreuves par lesquelles passa son précurseur du XVIII" siècle. — (1) Fol. 80 à 82, (2) Fol. 95. | (612) La victoire, on l’avoue, ne changea pas les hommes du parti de Rousseau; ils restèrent cireonspects, on veut bien le reconnaitre. Mais attendez la fin: « La révolution » pour laquelle ils avaient tant fait, les engloutit eux et » leur œuvre en 1795 (1). » Aux yeux de notre concur- rent, voilà quel fut le résultat des travaux de Rousseau et de ses collaborateurs, la sanction finale qui les atten- dait. Dans le chapitre III, intitulé : le règne du prince Vel- bruck, les mémes tendances se dévoilent. La philosophie va triompher; mais, se hàte-t-on d'ajouter : « elle se révéle » aux Liégeois sous ses côtés les moins louables ; elle attire » les masses par les appàts les plus grossiers. Le roman » licencieux, le conte grivois, l'irréligion mélée à l'immo- » ralité, mais dans des proportions oü celle-ci l'emporte » de beaucoup; voilà les formes sous lesquelles la philoso- » phie se glissa dans la cité (9). » Ici on associe aux efforts des encyclopédistes l'attrait du livre obscène , les bénéfices résultant de la contréfacon des livres francais, tous les moyens répréhensibles de gagner de l'argent. Ces insinua- lions je ne les repousserai pas. Notre collégue M. Piot ena suffisamment fait justice. L'auteur, en dépeignant l'im- puissance de la police à arréter le débordement des idées nouvelles, aurait dà dire que tout le moude s'en nourrissait plus ou moins. Les prélats, les chefs du monde conserva- teur en avaient le cerveau imbibé. Pour l'évêque Velbruck cela ne fait pas de doute; mais, quì le croirait, son suc- cesseur de Hoensbroeck lui-mème était atteint du même mal. A propos d'un mandement du prélat, publié en 1790, (4) Fol. 101. (3) Fol. 103. ( 615 ) Feller fait l'observation que: « les lecteurs sévérement » chrétiens ont été un peu surpris de voir un évéque s'en » rapporter à l'immortel Montesquieu (1). » Le mot Mon- tesquieu est imprimé en caractères italiques et immortel en petites capitales! Jugez si le cas est grave. Comme l'a fait remarquer notre regretté collégue, Adolphe Bor- gnet (2), Henri Van der Noot, l'orthodoxe tribun brabancon, ne dédaignait pas de lire les écrits philosophiques et n'hé- sita pas à emprunter aux écrits du baron d'Holbach le préambule de son manifeste, dont le restant, ajoute avec raison le méme historien, n'est qu'un véritable fatras d'idées décousues et de phrases barbares, empruntées au jargon des tribunaux du temps. Done, si Velbruck fut philosophe, tout le monde l'était plus ou moins, quelquefois à l'insu de soi-méme. La marée montait. Vainement on tonnait contre les journaux , les livres, les spectacles, la franc-maçonnerie, la vogue était dans cette direction. Les curés de Liége avaient beau flé- trir l'histrionisme, c'est-à-dire la mode adoptée par les jeunes gens de jouer la comédie; leurs voix n'étaient pas écoutées. Et comment l'auraient-elles été, les Jésuites n'avaient-ils pas constamment excité leurs élèves à sacri- lier à cet usage? Tandis que le Saint-Siége lancait l'ana- thème à la franc-maconnerie, le nombre des loges et de leurs membres ne cessait de croître et le chanoine De Paix, peut-être le prélat lui-même, participaient aux mystères maçonniques. Au milieu de cette débâcle, l'attitude de notre auteur est assez singulière. Il voudrait bien flétrir (1) Journal hi littéraire, année 1790, t. Ier, p. 442. (3) Wn des f mé: à la fin du XVIII siècle, t. I, p. 92 (17e édi- tion) 9n. SÉRIE, TOME XLVII. 40 ( 614 ) Velbruck, mais comment s'y prendra-t-il? Ce qu'il n'a pas fait pour les prédécesseurs et le successeur insignifiants de ce prélat, il le fera pour lui; il l'amoindrira. A ses yeux la eréation de la Société d'Émulation de Liége ne fut, en réalité, qu'un moyen employé par Velbruck pour s'entourer d'un cercle de flatteurs. Je cite textuelle- ment : « Velbruck, je l'ai dit, n'avait point pour les lettres un amour absolument désintéressé. En échange de ses faveurs , il leur demandait la gloire qu'elles dispensent à leurs Mécénes. Son réve le plus cher était de former à ses cótés un groupe d'éerivains et d'artistes dont il se serait fait l'inspirateur et le protecteur. Sous les voütes sévéres du palais du prince-évéque, il aurait voulu ap- peler les fétes joyeuses que l'austérité (sic) de ses prédé- cesseurs en avait bannies. Entouré, lui aussi, de ses poétes et de ses historiographes , il aurait cherché à se rapprocher de l'idéal commun à tous les souverains de son temps, à faire revivre autour de lui quelque chose de la cour brillante, spirituelle et lettrée de Ver- sailles. » « Longtemps il s'était contenté des maigres reliefs de » la table de Sa Majesté Trés-Chrétienne, etc., etc. (1) .... » La cour de Sa Majesté Louis XV transformée en cour bril- lante, spirituelle et lettrée. C'est le cas de dire : risum teneatis, amici. Bientôt la Société d'Émulation naquit, et à quoi servit- elle surtout? à détruire l'indépendance du pays de Liége : « C’est là, s'écrie notre auteur, que dans l'échange conti- » nuel des idées révolutionnaires se prépara la ruine de la y Uu gy U vu yu gy v "V Ww V V wv (1) Fol. 155. ( 615 ) » nationalité liégeoise; c’est là que se recruta et s'organisa » l'état-major de la révolution (1). » Mais non, ce qui provoqua et alimenta la révolution, ce fut la série d'excés commis par des corporations pour les- quelles on commençait à ne plus nourrir du respect. À côté de la tolérance intelligente de Velbruck, les procédés du synode épiscopal à l'égard du chevalier de Heeswyck, que l'on jeta dans la prison de l'official malgré un mandatum de la chambre de Wetzlar, et sans vouloir le juger; du phi- losophe Raynal, du chanoine de Paix, auteur d'une ano- dine pièce de vers, intitulée : la Muse de Spa, soulevaient l'indignation du public. Le synode fut enfin vaincu, et Vel- bruck mérite les éloges de tous les hommes impartiaux pour ne pas s'étre associé à de misérables rancunes, à des persécutions dont on ne peut que rougir pour ceux qui en furent les auteurs. Le chapitre IV est consacré à Pierre Lebrun et à son Journal général de l'Europe. J'en dirai peu de chose. Lebrun est une individualité dont la courte existence (il mourut en 1795, ayant à peine atteint sa 39° année) est suffisamment connue et a été mise en relief par Ulysse Capitaine, à qui l'auteur de notre mémoire avoue avoir considérablement emprunté (2). (1) Fol. 159. — L'abbé Daris, loc cit., t. I, p. 314, se montre également hostile à la Société d'Émulation : « C'éta't alors plutôt le lieu de réunion » de quantité d'esprits turbulents, factieux et tracassiers, imbus de ces » maximes philosophiques et rêveries , dont l'explosion a retenti depuis » dans les quatre parties de l'univers. » (3) Recherches historiques et blbliographiques sur les journaux lié- geois. — Je rappellerai ici que des détails intéressants sur les travaux de Rousseau ont été publiés par M. André Warzée, chef de division au ministère des travaux publics, dans l'ouvrage intitulé: Essai historique et ( 616 ) Quant au chapitre V, je ne puis le laisser passer sans de graves observations. Il est intitulé : Les défenseurs du tróne el de l'autel, association de mots d'origine récente, qui devrait bien étre ici remplacée et complétée comme suit: Les défenseurs de l'autel et du tróne, quand ce dernier veut bien se soumettre aux exigences de l'autel. Le cha- pitre, en effet, est surtout consacré à l'éloge des abbés De Feller, du Doyar, Duvivier, etc., qui, plus que personne, ont contribué à renverser le tróne de Joseph II, leur sou- verain. Ils ne peuvent donc s'en qualifier les défenseurs, eux dont l'idéal était une république aristocratique, asservie au clergé. - De Feller, surtout, est l'enfant gàté de notre concur- rent. Il en fait un grand éloge et lui consacre plus de notes, plus de détails qu'à ses rivaux. Il lui reconnait un style « aisé, agile, clair, mouvementé; l'art d'élucider les ques- » tions (1); » il reproduit toutes les louanges que les au- tres panégyristes du fougueux jésuite lui ont accordées. « Une seule chose, dit-il, et ce n'était pas la moins im- » portante, faisait défaut à De Feller; c'était le tempéra- » ment nécessaire à sa profession » (2). Suivent des ex- cuses assez banales : son zéle pour la religion, l'ardeur de ses convictions, etc., et, ces réserves faites, on rend hommage au courage et au désintéressement du polémiste. Le courage consistait à résider à Liége, sous les ailes de eritique sur les journaux belges (Gand, 1845, 1 vol. in-8°) et composé d'articles dont le Messager des sciences historiques a eu la primeur, Cet ouvrage est le seul que l'on ait consacré au journalisme belge; il mérite- rait d'étre complété et réimprimé. (1) Fol. 202. 2 (3) Fol. 204. ( 617 ) de Hoensbroeck, quand on luttait contre Joseph H et Léopold Il; à tonner à Bruxelles, protégé par Van der Noot et Van Eupen, contre les idées francaises, et à y ameuter la populace et les paysans contre les Vonckistes, parce que la France était loin et que les partisans de Vonck constituaient-une minorité qu'il était facile d'écraser sous le nombre. Quant à la logique de l'abbé, elle était logée à la méme enseigne : opprimé, menacé, on admettait la né- cessité de la liberté de la presse; vainqueur, on appelait à l'aide contre elle le meurtre, le pillage et la proscription. Le programme était des plus simples. Maintenir les anciennes institutions, en interdisant la moindre innova- tion; entourer, au besoin , la Belgique de murs semblables à ceux d'Ecbatane pour y empécher l'introduction du mal francais; n'admettre aucune découverte, aucune amé- lioration; bafouer les faits les plus mémorables, comme la fondation des États-Unis; livrer au ridicule les hommes les plus respectables, comme Benjamin Franklin; surex- citer le peuple au moyen d'invectives grossiéres , d'inven- lions continuelles de complots, de nouvelles falsifiées , voilà le rôle que De Feller remplit en 1790 dans son Journal historique, où l'on peut apprendre l'art de démora- liser une nation et de la livrer enfin vaincue, déshonorée, abrutie, à la risée de l'Europe. Pour ces hommes coupables, qui ne surent imposer un frein, ni à leur plume, ni à leurs vengeances, il ne suffit pas de dire, comme pour se laver les mains : « je m'arréte, car je n'ai pas à refaire l'histoire de la révolution braban- conne (1)... Aprés avoir tant loué, il suffisait, pour compléter — n —À PÓÀ M € — — Ó— — (1) Fol. 933. ( 618 ) le portrait de l'éerivain, d'encadrer quelques lignes, dans le genre de celles-ci : « S'il fallait opter entre ces deux extrémités terribles, » ou d'établir parmi nous le règne de la cohue nationale » francaise (1), ou de rentrer sous le pouvoir du souverain dépossédé, la nation n'hésiterait pas dans la détermina- » tion du choix. J'irais moi-méme rappeler d'Alton avec » tout ce qu'il y a de bourreaux dans la milice autri- » chienne, et nous préparerions, en attendant, nos rues » pour les voir joncher, comme ci-devant, des cadavres de » nos concitoyens. » (2) — Et, ailleurs, à propos des Vonc- kistes : « Décernez des châtiments sévères et infamants contre » les prétendus régénérateurs et projeteurs quelconques, » comme contre les plus dangereux ennemis de la patrie. » Proscrivez ceux qui imaginent ces nouveautés fatales, » qui les propagent, qui les répandent; abolissez les livres, » les feuilles qui les contiennent (5).. » Dans toute cette école, au surplus, le cynisme est le méme. Aux écrits, d'ailleurs repréhensibles, du chevalier de Heeswyck, comment réplique-t-on? D'une facon à les dépasser énormément en intémpérance de langage. « Je me serais bien gardé, dit un pamphlétaire conser- » vateur, de relever les atrocités,les bévues, les erreurs que » ce cynique Éburon sans honte et sans pudeur, prodigue, en forcené, à tort et à travers, si je n'avais vu ces salope- » ries, accueillies avec le plus grand transport, dévorées = = (1) Terme adopté par De Feller pour désigner l'Assemblée nationale de France. (2) Bonexkr, loc. cit., p. 111. (5) Ibid., p. 122. ( 619 ) avec une fureur, une avidité inouies. Ces pages sales et répugnantes ont fait en moinsde deux mois gémir la presse dans deux à trois villes des Pays-Bas; elles se trouvent aujourd'hui dans les mains de tout le monde... (1). » Ne semble-t-il pas que la rage de l'impuissance monte aux lévres de ces écrivains? Pauvres cerveaux malades, qui voient l'inondation monter autour d'eux et qui croient que des imprécations sufliront pour l'arréter. On les appelle des défenseurs de l'autel; tristes défenseurs qui compro- mettent la cause pour laquelle ils combattent! Si vous désirez conserver pour eux de l'estime, ne les lisez pas. Ce n'est pas de l'horreur que leurs écrits inspirent; c'est du dégoût (2). Le chapitre VI, sous la rubrique : Les derniers philo- sophes liégeois et les premiers révolutionnaires, nous trans- porte dans l'autre camp. Mais quel contraste! On ne retrouve pas dans cette partie du mémoire la courtoisie, les égards montrés pour De Feller; il est vrai qu'il s'agit de Bassenge, de Fabry, de Henkart, etc., de tous ces hommes qui sont restés fidéles aux lecons de la philosophie et de la modération. Nous ne rencontrons rien de précis sur leur vie, leurs tendances, leur caractére. Ce chapitre, qui wo o y Ww (1) Le clergé de Liége et l'état monastique vengés du ^t scanda- leux de M. le chevalier de Heeswyck. Lausanne (Liége), 1 (2) M. Ulysse Capitaine, loc. cit., p. XIV, a Viu EA AS la presse épiscopale : « Le prince de Hoensbroeck, dit-il, n’avait plus pour » défense que l'éternelle Gazette privilégiée, devenue pour les Liégeois » un sujet de risée, et les journaux des abbés Brosius et De Feller, dont * Les critiques du Journal historique (de De Feller) manquent de jus- » tesse : elles ne louent pas, elles adulent;elles ne blàment pas, elles » insultent, » ( 620 ) aurait dà être le principal du Mémoire, est sacrifié. C'est en effet ici que nous aurions dû voir, mis en pleine lumière, les agissements des patriotes qui s'étaient formés par la lecture des publications de Rousseau et de Lebrun. A l'euvre, dit-on, on reconnait l'ouvrier, à la capacité de l'éléve le talent du professeur. C'est que, disons-le hautement et clairement, les insi- nuations et les réticences de l'auteur auraient été mises à nu par lui-méme, à moins qu'il n'ait eu le triste courage de voiler la vérité. Pourquoi les hommes dont je viens de parler doivent-ils étre hautement loués, parce que, si à l'heure du découragement ils n'ont renié aucune de leurs convictions, à l'heure du triomphe ils ont été les plus.mo- dérés des hommes. Notre auteur avoue qu'en 1789 les patriotes liégeois n'ont aucunement emprunté aux Fran- cais leurs excés (1). Mais il n'appuie pas assez sur ce fait capital. Il ne répète pas cette assertion caractéristique de De Feller que l’ordre le plus complet régnait à Liége en 1790 (2), alors que le pouvoir était aux mains de Bassenge et de ses amis; il ne nous parle pas de cet acte méritoire du méme démocrate qui, en 1794, sauva dela confiscation les biens de compatriotes, ses ennemis politiques, et réussit à faire considérer ceux-ci, non comme des émigrés , mais comme de simples absents (3). Voilà comment un homme, un parti conserve son honneur et sa force; voilà comment on se justifie devant ses contemporains et devant l'histoire ; voilà comment on répond à l'avance à des accusations mensongères. Si les — (1) Fol, 247. (2) Loc. cit. (5) AE prose liégeoise, t. II, p. 616. ( 621 ) publieistes qui ont produit et hàté le mouvement philoso- phique de Liége n'étaient que des écrivains médiocres, des penseurs voués à l'irréligion, des éditeurs de romans orduriers, des révolutionnaires d'autant plus dangereux qu'ils cachaient leurs dessins secrets, comment se fait-il qu'ils aient formé une école dont la modération, l'huma- nité, la moralité constituaient les qualités distinetives ? L'auteur du mémoire accuse le mouvement populaire qui commença à Liége de ne rappeler les agitations des temps antérieurs que par les apparences. « Ce qui le » distingue, dit-il, c'est qu'il marque l'apparition d'un nou- » veau système politique, social et religieux, c’est qu'il a » pour fin derniére le renversement de l'ancien ordre de » choses et l'application. de toutes les théories mo- » dernes (1). » Il devait en effet en être ainsi jusqu'à un certain point. S'imagine-t-on les Liégeois se bornant, en 1789, à faire rayer du code de leurs lois l'édit de 1684 et rétablissant l'ancien mode d'élection des bourgmestres et des jurés de la cité, sans se préoccuper de l'amélioration de la jurisprudence criminelle et civile, de la répartition des impôts, du mode de formation de la représentation nationale, ete ? Croit-on, par hasard, que la paix de Fexhe et les autres actes importants posés au moyen-âge ont été le résultat de concessions bénévoles; s'imagine-t-on que la naissance de nos communes n’a pas été entourée de luttes et d'orages? Non, à toutes les époques, les innovations politiques ont soulevé la eolére de ceux dont elles froissaient les intéréts ou les sentiments. Si la liberté communale exista à Saint- (1) Fol. 246. ( 622 ) Trond, par exemple, ce n'a jamais été avec l'assentiment bien sincère , ni des évêques de Liége, ni des abbés de Saint- Trond, qui dix fois y ont supprimé ou diminué les droits des habitants. Quand, en 1789, l'évéque de Hoensbroeck se refusait à restreindre son pouvoir, il ne faisait qu'imiter en cela la plupart de ses prédécesseurs. Hugues de Pierpont, Henri de Gueldre, Adolphe de la Mark, Jean de Bavière, Louis de Bourbon, Ferdinand et Maximilien-Henri de Ba- vière, etc., n'ont jamais procédé autrement. A toutes les époques et non pas seulement au XVIII? siècle, les Liégeois se sont efforcés d’être les plus libres des hommes ; seule- ment, s'il y eut une époque oü ce sentiment se manifesta, accompagné de visées plus hautes et caractérisé par une modération hautement louable, ce fut en 1789. Les événements, au surplus, se sont chargés de justifier les élèves des encyclopédistes. C'est en vain que notre auteur, continuant à eonfondre les uns avec les autres et dans une méme réprobation les idées antireligieuses et les projets d'innovation en matière politique, les Liégeois patriotes et les révolutionnaires étrangers, lance à tous celte dernière apostrophe : « Quand le pays fut de nouveau ouvert aux patriotes » (c’est-à-dire lors de la première invasion, en 1792), ils » (c’est-à-dire les patriotes liégeois) n'en étaient plus les » maitres : la république francaise le courbait sous sa do- » mination. Et alors ces hommes éprouvèrent, sans doute, » la douleur la plus cuisante qu'il füt donné à leur coeur » de ressentir. Leurs peines, les agitations où ils avaient » lancé leur patrie, les sacrifices qu'ils lui avaient imposés, » la ruine de sa nationalité étaient demeurés stériles. La » liberté proserite, les droits les plus sacrés de l'individu » violés, plus de lois ou le mépris des lois, la tyrannie la ( 625 ) » plus intolérable, ce n'étaient qu'une faible partie des » maux qu'ils voyaient déchainés sur l'ancienne Princi- » pauté. La révolution liégeoise n'avait-elle done abouti » qu'à échanger un maitre débonnaire contre de sangui- » naires despotes (1)?» Cette phrase ne vous semble-t-elle pas du genre de celle qui rejette tous les malheurs de la fin du XVIII* siè- cle sur deux grands écrivains: « C'est la faute à Voltaire, » c'est la faute à Rousseau ? » Si la république francaise, comme un volcan en ébullition, répandit ses armées victo- rieuses sur la plus grande partie de l'Europe, était-ce la suite des efforts tentés en 1789 pour réclamer le réta- blissement des libertés du pays de Liége? Est-ce le parti de Bassenge et des sieus qui fit triompher la Convention de la coalition des rois de l'Europe? Non certes, pas plus que la conquête des Pays-Bas autrichiens par Dumouriez n'est due à l'admission dans son armée des mécontents Vaudernootistes et Vonckistes réfugiés en France. Le re- proche tombe d'autant plus à faux que le gouvernement autrichien n'était aimé ni de de Hoensbroeck, auquel la cour de Vienne, qui l'avait replacé sur son siége épisco- pal, reprochait ses mesures réactionnaires (2), ni dans les Pays-Bas, de l'ancien parti des États, qui se défiait tou- jours de ce gouvernement. Si la domination de l'Autriche et celle du prince de Liége tombérent une première fois en 1799, une seconde fois en 1794, on ne doit pas en faire un crime aux patriotes belges et liégeois; ce fut la faute de ceux qui opposérent toujours des fins de non-recevoir aux revendications légitimes de l'opinion publique et s'ef- (1) Fol, 282, (3) Boncxer, loc. cit., p. 262. ( 624 ) forcèrent d'étayer une construction gothique qui chaque jour se minait davantage. Le lecteur de sang-froid raillera un thème usé et plaindra l'écrivain systématique qui rêve le retour impos- sible d'un passé dont il n'a, son travail le prouve, qu'une idée fausse et incompléte. Loin de jeter la pierre à ces hommes dont les mérites l'importunent, que ne les ap- pelle-t-il à sortir du tombeau pour voir le résultat de leurs efforts? Vous figurez-vous Bassenge parcourant cette belle province où l'aménité de la population relève encore les beautés de la nature, cette ville trónant au confluent de deux superbes rivières, reine à la fois dans les lettres et dans l'industrie; ces usines gigantesques oü l'on ne sait ce qu'il fact admirer le plus: la puissance et la variété des moteurs, le nombre d'ouvriers, l'ordre et la régularité des travaux. Et quelle loi politique préside à ce merveilleux ensemble, à la monarchie prospère dont Liége fait au- jourd'hui partie? une loi dont tout l'esprit se résume en cet article que Bassenge dirait emprunté au programme des plus ardents de ses contemporains : Tous les pouvoirs émanent de la nation. Comment vit cet État populaire, quel souffle l'anime? ce dogme puissant et fécond, que j'ai vu inscrit en lettres immenses sur la facade de l'Hótel de ville de Verviers : Publicité, sauvegarde du peuple. : Pouvoir de la nation, publicité , libre diseussion , tolé- rance, fruits précieux dont nous goütons tous les jours les heureuses conséquences, nous ne pouvons vous conserver qu'en maintenant le culte de ceux à qui l'on doit vos pro- grés parmi nous, Si Bassenge revenait à la vie, il pourrait s'applaudir de voir mettre en pratique presque tout le pro- gramme de l'école à laquelle il appartenait et la grande idée de Vonck de réunir en un seul corps de nation les ( 625 ) Belges et les Liégeois si différents d'opinion de sou temps (1). Je doute qu'en présence d'un pareil spectacle, il songerait à manifester des regrets pour des institutions tombant en ruine. Les considérations qui précédent expliquent pourquoi je ne puis accorder mes suffrages à uu mémoire dont le point de départ est inexact, dont les développements sont incomplets et présentés avec partialité, et dont les conclu- sions sont en désaccord avec les faits. Le mémoire n? 2 est aussi savant et l'auteur montre plus d'esprit de critique, plus de suite dans les idées, plus de logique. Il fait ce dont son concurrent ne s'est pas soucié : il suit jusqu'à nos jours les conséquences de l'ac- tion des encyclopédistes français et des patriotes lié- geois; il ne se montre pas, comme l'auteur du mémoire n^ 1, l'admirateur de ceux qui ont toujours comprimé la liberté de penser, ce principe sur lequel repose notre organisation politique et, en particulier, l'existence, la vitalité des sociétés scientifiques et littéraires telles que la nôtre. Son travail intitulé : Essai historique sur la propagande des encyclopédistes français en Belgique dans la seconde moitié du XVIII siècle, comprend, outre une préface, huit chapitres : le premier esquisse la situation du pays dans la première moitié du siècle et raconte le séjour de Rousseau à Liége; le deuxième, où l’auteur se montre bien supérieur à l'auteur du premier mémoire dans l'ex po- sition des doctrines en lutte et des faits qui se rattachent à cette controverse mémorable, est consaeré aux efforts in- (1) Bonner, Loc. cit., p. 266. ( 626 ) fructueux que (it Rousseau pour obtenir la permission de s'établir à Bruxelles; dans le troisième, Rousseau est à Bouillon, où, malgré tout, son entreprise prospère et se développe ; dans le quatrième, on voit clairement, ce qui ne s'apercoit nullement dans le mémoire n? 1, les progrés des idées et des doctrines philosophiques à Liége; dans le cinquième, le mouvement s'accentue, les incidents se mul- tiplient, les adversaires du pouvoir épiscopal enlacent ce dernier d'un réseau qui bientót lui enlévera toute force; la sixiéme est consacré à une analyse savante, détaillée, rigoureuse de la polémique entre De Feller et les encyclopé- distes; le septiéme nous montre l'évéque de Hoensbroeck arrivant au pouvoir et essayant en vain de défendre ses prérogatives. Enfin, dans le huitième, les maximes pro- clamées par les Vandernootistes et les Vonckistes sont mises en rapport avee celles qui dominérent chez les patriotes liégeois, et l'auteur conduit jusqu'à notre époque les résultats des efforts et des tendances de chacun de ces partis. A mes yeux, il y a infiniment plus de vraie érudition dans ee mémoire que dans le premier. Le style demande- rait peut-étre une légére révision, mais je ne veux pas in- sister sur cette réserve; chacun sait combien il est difficile de mettre la derniére main à la forme d'un travail manu- scrit, Mais, outre que les opinions sont exprimées avec loyauté, élévation et modération, elles sont largement déve- loppées, appuyées par des citations nombreuses, étayées par des raisonnements pleins de logique. On comprend les progrés des encyclopédistes à Liége infiniment mieux que dans le mémoire n° 1, où les faits favorables à cette école philosophique sont noyés dans des considérations qui ne se rattachent pas à la question posée par l'Académie. ( 627 ) Ce travail est évidemment une œuvre sérieuse. Il se rempli de faits puisés aux meilleures. sources, d'observa- tions judicieuses, d'analyses de publications bien faites et qui attestent des connaissances profondes et variées. L'en- semble constitue une narration dont la trame se continue mieux que celle de l'ouvrage de l'autre concurrent. Pour l'apprécier d'un mot, je dirai que j'y reconnaitrais volon- tiers l'influence des idées d'Adolphe Borgnet, tandis que son adversaire reproduit de préférence et jusque dans les moindres détails les tendances, les annotations et les appréciations de M. l'abbé Daris. Ce que je dois approuver sans réserve, c’est qu'il n'y a dans le mémoire n? 2 rien de blessant pour ceux dont il ne partage pas les opinions. L'auteur a les grandes qualités des hommes qui jugent sans prévention et sans arriére-pensée. Le style est vraiment limpide; on n'y trouvera pas de demi-teintes , d'idées qui ne sont qu'imparfaitement exprimées. D'après mon honorable collègue, M. Le Roy, l'auteur aurait confondu le mouvement de la réforme et le mou- vement philosophique; tous deux constituaient cependant une révolte contre la doctrine officielle, st l'on peut se ser- vir de ce terme. Son travail, dit-on encore, laisserait à désirer comme œuvre de haute portée. Je regrette infini- ment de ne pouvoir me rallier à cette opinion et pour ter- miner, j'emprunterai ce passage au mémoire condamné : « L'influence que les encyclopédistes exercerent sur le » mouvement intellectuel de notre pays fut des plus » considérables, et nous ajouterons des plus salutaires, » bien que nous n'ignorions pas que tout le monde ne » partage pas ce sentiment et qu'il se trouve parmi nous » des hommes qui déplorent plutót cette influence comme » une chose funeste. Sans doute on ne saurait approuver ( 628 ) » indistinctement tout ce que préehaient les encyclopé- » distes. Mais, à quelque parti qu'on appartienne et à » moins de se déclarer le partisan de la placide immobilité » des peuples orientaux, on doit reconnaitre que l'action » exercée par ces écrivains sur notre pays fut éminemment » favorable à son développement intellectuel. C'est à eux » que nous devons principalement cette renaissance litté- » raire qui se manifeste dans notre pays dans la seconde » moitié du XVIII* siècle. C'est grâce à eux, gràce à leur » propagande que nous sommes devenus un peuple vrai- » ment libre, en secouant le joug de vieux préjugés, en » brisant la puissance prépondérante du clergé et de la no- » blesse, puissance intéressée au maintien de tous les abus, » etenfin en nous donnant des institutions que nous en- » vient aujourd'hui tous les peuples de l'Europe. Ah! s'il » ne faut ni progrés, ni amélioration, si tout était pour le » mieux dans l'ancien monde, on a cent fois raison de » maudire les encyclopédistes et la propagation de leurs » doctrines. Mais nul n'oserait soutenir un pareil para- » doxe, car ce serait se condamner soi-méme, ce serait » avouer que l'on ne veut pas que l'homme devienne plus » éclairé, de peur qu'il ne veuille aussi devenir plus libre » et plus heureux (1). » Peuton admettre que l'on traite de déclamatoire un pareil langage? C'est la vérité dans son expression la plus correcte. On n'oserait jamais soutenir qu'au XVIII* siècle les conseillers des princes-évéques de Liége et la majorité des membres des états dans les Pays-Bas avaient en poli- tique des idées saines et justes. N'ont-ils pas combattu les revendications populaires et les innovations de Joseph II, (4) Page 5. ( 629 ) méme en ce qu'elles offraient d'irréprochable? Mais, pour pallier leur obstination à maintenir l'ancien régime, que fait-on? On avance qu'alors il n'y avait pas ou presque pas d'abus et l'on garde sur ces derniers un silence complet. Un pareil systéme est commode; mais je me refuse à en être le complice et à couronner ceux qui l'adoptent dans leurs écrits. J'invite la Classe à donner la préférence à une œuvre consciencieuse, savante dans le fond, correcte dans la forme, équitable dans son esprit. A mon avis, c'est le mémoire n? 2 qui mérite la médaille d'or et les honneurs de l'impression. » La Classe, appelée à se prononcer sur les conclusions des rapports qui précédent partage le prix de 600 francs entre les deux travaux. et décide l'impression de ceux-ci dans la collection des Mémoires in-8°. L'ouverture des billets cachetés a fait connaitre comme auteur du mémoire n° 4, M. Henri Francotte, docteur ès lettres, à Liége; et comme auteur du mémoire n° 2, M. J. Küntziger, professeur à l'athénée royal d'Arlon. DEUXIÈME QUESTION. Ecrire l'histoire de Jacqueline de Bavière, comtesse de Hainaut, de Hollande et Zélande et dame de Frise. Dans leur travail, les concurrents doivent s'attacher, d'une manière toute particulière, aux événements princi- paux de la vie et du règne de cette princesse ; ils utilise- 2"* SÉRIE, TOME XLVH. 4 ( 650 ) ront, saus les suivre servilement, les travaux qui ont été publiés, pour cette époque, tant à l'étranger qu'en Bel- gique. Rapport de M. Wauters, premier commissaire, « LaClasse des lettres de l'Académie a recu de ux mémoires en réponse à la question : Écrire l'histoire de Jacqueline de Baviére, comtesse de Hainaut,de Hollande et de Zélande, et dame de Frise. L'un de ces mémoires est écrit en fla- mand, l'autre est rédigé en francais. Ce dernier porte pour épigraphe : Quid laboro, nisi ul veritas in omni quaestione explicetur (Cicéron, Tusculanes, MI, 20); l'auteur du pre- mier a choisi pour devise ce vieux quatrain : « Doulce est la paine » Quand elle amaine » Après torment » Contentement. » Le mémoire flamand me paraît trés-supérieur au mé- moire francais , par l'examen duquel je commencerai. C'est un travail considérable, car il ne comprend pas moins de 507 pages, d'une écriture compacte. L'auteur a dů s'imposer de pénibles efforts, et, sous ce rapport, il ne mérite que des éloges, mais l'esprit de critique et de méthode me parait lui avoir fait défaut. Les grandes lignes de son plan, résumées dans la Table des matières, provoquent une première remarque. Outre un avant-propos et une introduction, le mémoire se subdivise en quatre parties, intitulées : Jacqueline et Jean de Touraine (1401- 1416), Jacqueline et Jean IV (1416-1420), Jacqueline et Humfroi, duc de Glocester (1420-1450), et Jacqueline et Floris de Borselen (1450-1456). Autant deux de ces pé- ( 651 ) riodes, la deuxiéme et la troisiéme, furent remplies d'inci- dents de toute espéce, de négociations, de combats, autant les deux autres furent vides et insignifiantes; d'abord - pauvre enfant dont on enchaina à son insu la destinée, l'héritiére du Hainaut, aprés avoir lutté pendant quinze ans contre des ennemis implacables, passa les derniéres années de sa vie dans la tristesse et l'abandon. Je lis dans l'avant-propos : « Montaigne a dit quelque part : Les hommes les plus compétents pour écrire l'histoire sont ceux qui ont pré- sidé aux événements. Nous pouvons ajouter qu'à défaut d'éerits laissés par de tels hommes, la source la plus pure et la plus féconde pour l'historien, ce sont les an- nales et les documents qui nous viennent des contem- porains. C'est là que l'on doit rechercher les faits, les causes qui les ont amenés, leur enchainement et leur importance. L'historien , pour réaliser le but qu'il se propose, ne doit jamais perdre de vue les opinions et le récit de ceux qui ont été les témoins des événements, et c'est en eonsultant sans cesse les éerits des contem- porains qu'il pourra faire une histoire fidéle et porter des jugements exacts. » On ne saurait assez louer un pareil langage, mais il ne suffit pas de le tenir. Aprés avoir étalé des sentiments de ce genre, il faut s'y conformer. Or tel n'est pas le cas de l'auteur du mémoire. Une des sources auxquelles il renvoie le plus souvent est l'ouvrage de Vinchant, Annales de la province et comté de Hainaut, production informe du XVII siècle, à laquelle il faut, d'une manière radicale, préférer Monstrelet, Saint-Remy, Chastelain et les autres Chroniqueurs de la méme époque; de méme on ne doit suivre qu'avec défiance les récits hollandais du XVI* siècle w —.-» Ww Ww Ww Ww Ww wW Ww Ww w Ww ( 632 ) et des temps postérieurs ou ne s'en servir qu'aprés en avoir contrôlé l'exactitude par l'étude des diplômes et des autres documents, qui sont si abondants pour l'époque de Jacque- line de Baviére. L'histoire de cette princesse est mélée à tant de faits historiques qu'elle exige une grande attention de la part de celui qui veut en tracer un tableau fidèle. La manière dont l’auteur du mémoire s'est acquitté de cette tâche révèle, me semble-t-il, une connaissance très-imparfaite des usages et des mœurs du temps. Dire qu'en Hollande le finaneier (sic, lisez le trésorier) était d'ordinaire le tuteur des enfants du comte (p. 75), c'est avancer un fait inac- ceptable. Emprunter à un auteur moderne (von Lóher, Jakoba von Beyeren, t. 1, p. 312) une prétendue formule du serment prété par Jaequeline à ses sujets de Hollande, puis parler de l'enthousiasme des Hennuyers pour ce qu'ils avaient observé dans ce pays, et ajouter ensuite : « Jacqueline voyait avec plaisir le développement de l'in- » dustrie nationale, » c'est à la fois trahir une singu- lière ignorance des idées du moyen âge et déceler la source où l'on a puisé sans mesure. Qui prétait serment lors de l'avénement d'un nouveau prince? le sujet, le vassal plutót que le supérieur ou le souverain. Celui-ci jurait sans doute de maintenir les droits et les franchises des nobles, des villes, des corporations, mais il ne s'engageait pas à « s'acquitter envers eux de tous les devoirs qui lui » incombaient, à se rendre toujours digne de la fidélité » et de l’attachement de ses sujets. » Se servir de termes pareils, e'est travestir des expressions qu'il faut, au con- traire, essayer de reproduire avec une fidélité scrupu- leuse. En maint endroit du récit, je rencontre de graves er- ( 655 ) reurs ; ici je vois une guerre entre le duc de Lorraine et le comte de Bar mentionnée comme une lutte intestine en France (p. 15); là on accepte eomme sérieux un prétendu projet d'unir Jacqueline, devenue veuve, au jeune seigneur d'Arckel, son vassal (p. 50); plus loin on parle de la réu- nion des états de celui-ci à la Hollande, comme si d'Arckel était un souverain (ibidem); on qualifie Jean de Baviére ou Sans Pitié, élu de Liége , de prince étranger (pp. 80 et 88), lui qui était le propre frère du comte Guillaume et qui aurait hérité de ses états si Jacqueline n'avait été là. Dans plusieurs passages les Hennuyers sont représentés comme incertains dans leur dévouement à la comtesse, tandis qu'ils lui restèrent attachés jusqu'à la conquête de leur pays par le due Jean IV en 1495. Enfin en une foule d'en- droits l’auteur doit avoir suivi des guides mal informés. Ainsi il parle de seigneurs hoecks et cabbeljaauws en Bra- bant; or, qui de nous ne sait que ces partis n'ont jamais existé dans le duché, que nos chroniqueurs et nos cartu- laires ne font pas une seule fois mention de factions qua- lifiées de la sorte. Notre auteur traite trés-sévérement le comte Guillaume, père de Jacqueline, et ne dédaigne pas ensuite (p. 54) de recueillir dans Kemp (Leven der heeren van Arckel, 1656, pp 205.905) l'étourdissante narration que voici : « Pen- dant la nuit oà Guillaume expirait à Bouchain, quatre riches propriétaires passaient devant le cimetière de Gorcum. Tout à coup ils s'arrêtent épouvantés. Ils croient voir un mort se promener sur les tombeaux ; ses yeux jettent des éclairs; ils croient entendre un bruit de chaines et sont frappés de consternation. Au milieu du silence lugubre de la nuit, ils entendent les paroles suivantes s'échapper de la bouche du fantóme : v y vy Y y y w y “v Yd WV w w wu vu u UU y WV UV WV U Uu uU vy v Ww v v » ( 654 ) Malédietion sur toi, pays que j'ai souillé de mes crimes! Maudit soit le jour où je naquis à la lumière! Soyez maudits, parents qui m'avez mis au monde ! — En méme temps des éclairs brillaient autour du fantóme, et il s'avancait vers les quatre propriétaires ; poussant un cri terrible, ils reviennent à la maison et frappent à leur porte; une servante vint leur ouvrir, en apportant une lumière. Aussitôt ils tombent tous les quatre aux pieds de la servante et semblent frappés de mort. On appelle au secours, les voisins se réunissent et essayent de les rappeler à la vie. Ne découvrant sur leur corps aucune blessure, ils ne savent que penser de cet événement; enfin l'un des malheureux, poussant un profond soupir, ouvreles yeux à la lumiére. On lui prodigue de nouveaux soins , et enfin il peut annoncer à ses amis ce qui leur est arrivé. Le bruit de cet événement se répand de toutes parts; pourtant il obtient créance au milieu de ces temps de superstition, et quand le lendemain on apprit la mort du comte, les plus incrédules durent ajouter foi à ce qu'on en contait. Tous crurent que c'était l'ombre de Guillaume qui avait été le sujet de l'épouvante des quatre propriétaires. » Kemp parle bien à l'aise de « ces temps de supersti- tion. » Qu'il eonserve pour lui et pour son époque la qualification dont il affuble le XV* siècle. Ses quatre pro- priétaires, types achevés de poltronnerie ridicule, n'ont jamais appartenu à cette génération indomptable qui versa son sang par torrents pour défendre ou pour com- battre Jacqueline de Bavière. Il est peu d'incidents de la vie de cette princesse plus connus que sa rupture avec Jean IV, lorsque les officiers de celui-ci, voulant éloigner les dames hollandaises de ( 655 ) sa suite, leur refusèrent la nourriture qui était distribuée à tout le personnel de la cour ducale de Brabant. « Mar- » guerite de Bourgogne, avons-nous dit dans l'Histoire » de Bruxelles (t. I‘, p. 198), accourut à Bruxelles pour » engager le duc à revenir sur une mesure aussi criante, » mais Jean fut inflexible. La princesse indignée monta » aussitót à cheval et se retira à l'auberge du Miroir, rue » dela Montagne; sa fille éplorée quitta le palais et la sui- » vit à pied, accompagnée d'un seul écuyer, nommé Jean » Rasoir. Le lendemain, les deux princesses quittérent » Bruxelles et se rendirent au Quesnoy... » Ce récit est la reproduction, à peu prés textuelle, du chapitre CLXXII du sixiéme livre des Chroniques de Brabant de De Dynter (DE Raw, Dynteri chronica, t. H, p. 388), qui était con- temporain et fut peut-étre témoin de la scéne dont il donne le détail. Voici comment l’auteur du mémoire l'habille : « C'est alors qu'elle (Jacqueline) traversa les rues de » Bruxelles, en versant des larmes. Seul, le petit page, » nommé Jean Rasoir, la suivait et cherchait en vain à la » consoler. Elle se rendit alors dans son château de Spie- » gel.» Ici une note : « Quelques auteurs désignent ce » château sous le nom de château du Miroir. Il est clair » qu'ils n'ont fait que traduire le nom flamand. » « Marguerite de Bourgogne partagea la douleur de sa » fille et elle quitta aussitót la ville de Bruxelles pour se rendre à Couwenberg, à la cour de son gendre. Ce fut » en vain qu'elle | e rappela à la douceur et à la sagesse... » Jean IV, qui était d'une dureté repoussante, renvoya plus ou moins Marguerite de Bourgogne et celle-ci reprit le » chemin de Bruxelles le désespoir dans le cœur... » Ce passage est concluant. Le récit de De Dynter est iei v ( 656 ) absolument dénaturé. L'hótel du Miroir (de herberg van de Spiegel), dont il y est question et qui existe à Bruxelles depuis plus de quatre siècles, devient le château de Spie- gel (1); le palais de Coudenberg, la résidenee de Philippe de Bourgogne, de Charles-Quint, d'Albert et Isabelle, est relégué hors de Bruxelles. De pareilles énormités, et nous pourrions en signaler bien d'autres, m'autorisent à refuser mes suffrages à un écrivain qui ne peut se retrancher ni sur le défaut de documents, ni sur l'insuffisance des tra- vaux antérieurs. Pour étre exact, il n'avait qu'à traduire fidélement; pour ne pas commettre d'erreurs graves, il ne lui fallait que consulter les sources citées dans son mé- moire, mais dont il s'écarte considérablement. Je n'ajouterai rien sur le style, les apercus généraux, le portrait des principaux personnages; ce sont autant de cótés faibles auxquels il ne faut plus s'arréter aprés avoir constaté le peu de valeur dela trame historique proprement dite. Le mémoire flamand, je me hâte de.le déclarer, est bien supérieur sous tous les rapports. L'auteur me paraít plus maitre de son sujet et son style a une vigueur et une (1) Ici un mot d'e de. i isi ou auberge en question appar- tenait, encore vers l'an 1420, e famille qui en portait le nom. Franc Van den Spiegele, tte ou edens (weert) du Miroir, logea, les 12 et 15 mai vhs le prieur x Saint- vu Me chambellan du pape, que l'on appel ait probablement à cause de sa ta ille . exiguë. Ce fut " amman de Bruxelles qui paya ses dépenses en vertu d'un ordre du duc lui-méme, en date du 19 mai. On voit par là que les person- nages de distinction étaient dans l'habitude de passer la nuit au Miroir. Il n'est peut- être pas sans intérêt d'ajouter que lorsque le séigueur d'Arckel, qui d'ailleurs était bourgeois de Bruxelles, fut sorti de captivité et vint dans cette ville, en 1426, ce fut aussi chez Frane Van den Spiegele qu'il logea (Publications de la Société d'Utrecht, Kronyk, t. VII, p. 61). ( 657 ) netteté qui révélent un véritable écrivain. Il. débute par quelques pages dans lesquelles il signale les principales sourees auxquelles il a puisé et le degré de confiance qu'elles méritent. Il entre ensuite en matière et développe dans neuf chapitres la biographie de Jacqueline, en s'atta- chant de préférence, comme la Classe l'a demandé, à en éclaireir les particularités les plus importantes. Nous n'avons pas à constater ici les défectuosités que nous avons signalées dans l'autre mémoire. L'auteur s'ap- puie constamment sur les meilleures autorités et en une foule d'endroits il cite, soit des documents déjà imprimés, mais peu connus, soit des piéces inédites tirées des ar- chives de Mons, de Gand, ete. Il a joint à son texte la copie de trois documents de premier ordre, empruutés aux archives du département du Nord, à Lille: 1° La dispense de mariage pour Jean de France, duc de Touraine, fils du roi Charles VI, et pour Jacqueline de Bavière, en date du 22 avril 1411; 2° Le traité d'alliance conclu entre Philippe, due de Bourgogne, comte de Flandre, ete., et Jean IV, duc de Brabant, à Malines, le 4** mars 1425-1426; Et 3° la sentence portée contre Jacqueline au nom du pape Martin V, le 97 février 1426. Parfois l'auteur s'occupe des questions controversées qui se présentent sur sa route. C'est ainsi qu'il discute (pp. 9 et suivantes) la véritable époque du mariage de Jac- queline de Bavière et du jeune duc de Touraine. Peut-être pourrait-on demander à l’auteur pourquoi il n'a pas cherché à résumer les phases essentielles de la fortune de ue à rechercher les causes de la chute de son pou- voir, à établir pourquoi elle n'a pu triompher d'aucun de ses ennemis. Mais il est inutile d'insister sur ce reproche ( 658 ) que l'on peut, au surplus, adresser aussi à son concurrent. Ce n'est pas chose aisée de déméler les trames de ces in- terminables intrigues qui partaient tantót de Paris ou de Londres, tantót de l'empire germanique. Nous ne voyons non plus, dans aucun des deux travaux qui ont été soumis à notre examen, une trace des idées re- ligieuses et littéraires qui agissaient alors sur les intelli- gences. La guerre des Hussites menacait l'Allemagne d'un bouleversement total et l'on prêcha en Brabant une croi- sade contre ces novateurs, vers le temps où Jean IV se brouillait avec sa femme. Pourquoi ne pas dire d'eux an moins un mot? Dans maint chapitre il est question des Hoecks et des Kabeljaawwen, mais on ne précise pas suffisamment les nuances par lesquelles ces deux grandes fractions du peuple hollandais se distinguaient. Dans le mémoire francais on considére les nobles de rang inférieur comme constituant la force du parti des Hoecks, tandis que les Kabeljaauwen se reerutaient surtout parmi les bour- geois des villes; dans le mémoire flamand les Hoecks sont dirigés par les principaux nobles de la Hollande, en lutte avec la bourgeoisie. L'un et l'autre auteur, influencés sans doute par leurs sympathies pour Jacqueline, dont les Hoecks étaient les partisans dévoués, sont peu sympathiques à leurs adversaires. Ceux-ci, selon le premier, cherchaient à acquérir des priviléges et des libertés favorables à leur commerce, au mépris des droits du comte et de la noblesse (p. 68bisd), ou, selon le second, sacrifiaient à l'autorité com- tale les antiques immunités du pays (pp. 16-17.) Ce n'est ni le lieu, ni le moment de débattre cette ques- tion capitale, que les concurrents présentent dans des termes si différents. Il me suffit de signaler chez eux une lacune que l'on aurait voulu voir combler, d'autant plus ( 639 ) que les pays voisins de la Hollande avaient aussi leurs troubles intérieurs. N'est-ce pas, en effet, dans le premier quart du XV* siécle que les corps de métier ont définitive- ment acquis la prépondérance dans la formation des admi- nistrations de certaines villes, ou du moins l'isopolitie, l'égalité de droits politiques avec les vieilles bourgeoisies, organisées en gildes, lignages patriciens ou autres corpo- rations semblables? N'oublions pas que le supplice de ces conseillers de Jean IV, repoussés par la majorité du peuple brabançon, fut accompagné de l'octroi aux Bruxellois de leur charte de 1421, qui modifia complétement l'organisa- tion de la magistrature communale. Tournai, Maestricht, Anvers, etc., virent aussi s'opérer des réformes, qu'il y aurait peut-étre eu moyen de rattacher l'une à l'autre. Puis, en face de cette personnalité si vigoureuse et si attrayante de Jacqueline, en présence de cette nature vail- lante, si maltraitée par la fortune, n'aurait-il pas été bon d'étudier davantage la figure de Jean IV, qui n'est pas encore sortie d'une sorte de pénombre mélancolique. Non que je veuille essayer la réhabilitation du faible époux de l'héritiére du Hainaut. Mais il y avait chez lui des goüts littéraires, qui contrastent avec son indifférence pour sa jeune femme, avec son insouciance pour les intéréts de ses états. Avant de fonder l'université de Louvain, il avait protégé les commencements de la chambre de rhétorique le Livre, de Bruxelles. Quelles influences éloignérent les deux époux l'un de l'autre? Quels conseils néfastes rom- pirent une union qui aurait pu avoir pour le pays d'heu- reuses conséquences? Mystère qu'il est devenu impossible d'expliquer aujourd'hui et qui aurait dà, on me permettra cette pensée, occuper les deux savants qui ont répondu à l'appel de l'Académie. ( 640 ) Pour terminer, je propose à la Classe d'attribuer la mé- daille d'or à l'auteur du mémoire flamand, qui serait im- primé par les soins de l'Académie, et d'aecorder nne men- tion honorable à l'auteur du mémoire francais. » Rapport de M, Poullet, second commissaire. « Si j'étais en désaccord avec votre premier commissaire, sur les mérites des deux mémoires relatifs à Jaequeline de Baviére soumis à votre jugement, je serais naturelle- ment amené à développer mes arguments. Aujourd'hui je pourrai être fort bref parce que mes appréciations concor- dent presque entièrement avec celles de M. Wauters. Cette fois la Classe des lettres se trouve en présence de - deux travailleurs sérieux qui ont déployé l'un et l'autre une véritable érudition et produit l'un et l'autre une œuvre digne de ses concours, bien que les deux œuvres concur- rentes soient. fort inégales quant à leur valeur respective. J'estime comme M. Wauters que le mémoire francais, malgré ses mérites, est de beaucoup inférieur au mémoire flamand, tant au point de vue de la forme qu'au point de vue du fond. Au point de vue dela forme, le mémoire francais se res- sent, entre autres choses, de ce que l'écrivain ne se rend pas suffisamment compte de la ligne de démarcation profonde qui sépare le genre historique du genre romantique. Au point de vue du fond, je ne saurais que répéter ici le re- proche déjà fait par M. Wauters : il régne dans l'ensemble du travail un manque de critique, qui nuit à la qualité de l'érudition déployée. Si du mémoire francais je passe au mémoire flamand, un premier fait me frappe. C'est que l'auteur a épuisé ( 644 ) pour ainsi dire les sourees imprimées, qu'il s'est tenu plus fermement sur le terrain des sources contemporaines, et par conséquent des sources les plus sûres, qu'il a enfin, ce dont on ne saurait manquer de le félieiter spécialement, compulsé avec un soin patient des sources inédites de pre- mier ordre, notamment les comptes de la ville de Mons, ceux du grand bailliage du Hainaut, etc. Ces comptes lui fournissent pour une foule de faits des preuves et des dates que nulle source imprimée ne pouvait fournir avec la méme précision. Au point de vue de la forme, l'auteur du mé- moire flamand sait écrire. Son récit marche. Il ne se perd pas dans des rapprochements d'une exactitude discutable, ni dans des amplifications inutiles. Est-ce à dire que le mémoire flamand lui-même soit sans défauts? Je ne voudrais pas le prétendre. M. Wauters a déjà signalé un côté faible qui lui est commun avec le mé- moire francais. Aprés avoir lu les deux concurrents, on n'a pas encore une idée nette et précise de la manière dont se classaientles partis des Hoecks et des Cabiljauws en Hollande. J'ajouterai qu'à mon sens tout à fait personnel il y aurait eu place dans les mémoires pour des études in- téressantes sur le droit public du XV* siécle. Mais je n'in- siste pas. Il ne faut pas vouloir imposer à toutle monde les préoccupations de quelques-uns, ni vouloir mesurer tou- jours le voisin à l'aune de ses prédilections personnelles. En derniére analyse, je me rallie aux conclusions de M. Wauters; j'aime à proposer de mon côté à la Classe d'accorder au mémoire flamand la médaille d'or et l'im- pression, et d'accorder au mémoire français la mention honorable : il est de ceux dont on peut dire : meliora se- quentur. » ( 642 ) M. le baron Kervyn de Lettenhove, troisiéme commis- saire, déclare se rallier aux conclusions présentées par ses honorables confréres, MM. Wauters et Poullet. Sur les conclusions favorables de ses trois commissaires, la Classe décerne sa médaille d'or de 600 francs au mé- moire n? 1, écrit en flamand et ayant pour devise : « Doulce est la paine quand elle amaine, etc. » L'ouverture du billet cacheté joint à ce manuscrit à révélé, comme en étant l'auteur, M. Frans De Potter, homme de lettres à Gand. PRÉPARATIFS DE LA SÉANCE PUBLIQUE. MM. Leclereq et Alph. Le Roy donnent lecture, confor- mément à l'article 15 du règlement, des pièces destinées à étre lues en séance publique. ( 643 ) Séance générale des trois Classes. (Mardi, 6 mai 1879, à 1 heure.) M. M.-N.-J. LrcLERco, président de l'Académie et direeteur de la Classe des lettres. M. Lracre, secrétaire perpétuel. Sont présents à la séance : Classe des sciences. — MM. Edm. de Selys Longchamps, directeur; J.-J. Stas, vice-directeur; L. de Koninck, P.-J. Van Beneden, Gluge, Melsens, F. Duprez, J.-C. Hou- zeau, G. Dewalque, H. Maus, Ern. Candéze, F. Donny, Ch. Montigny, Brialmont, Éd. Morren, C. Malaise, F. Pla- teau, Éd. Mailly, F.-L. Cornet, membres; Th. Schwann, Eug. Catalan , associés; G. Van der Mensbrugghe, corres- pondant. Classe des lettres. — MM. G. Nypels, vice-directeur ; P. De Decker, J.-J, Haus, Ch. Faider, baron Kervyn de Lettenhove, R. Chalon, J. Thonissen, T. Juste, F. Néve, Alp. Wauters, Conscience, Em. de Laveleye, Alp. Le Roy, J. Heremans, P. Willems, Edm. Poullet, F. Tielemans, membres ; J. Nolet de Brauwere van Steeland, Aug. Sche- ler, Alp. Rivier, Eg. Arntz, associés; St. Bormans, Ch. Piot, correspondants. Classe des beaux-arts. — MM. le chevalier L. de Bur- bure, directeur ; L. Alvin, G. Geefs, J. Geefs, C.-A. Fraikin, ( 644 ) Éd. Fétis, Edm. de Busscher, J. Franck, Gust. De Man, Ad. Siret, J. Leclereq, Ern. Slingeneyer, A. Robert, Ad. Samuel, J. Schadde, membres; Éd. de Biefve, corres- pondant. M. Edmond de Busscher prend place au bureau et donne lecture, en sa qualité de secrétaire, du rapport sui- vant sur les travaux de la Commission de la Biographie nationale, pendant l'année 1878-1879 : « La Commission de la Biographie nationale, en vous présentant, au mois de mai 1878, son rapport annuel sur l'état et les travaux de la publication académique, a fait connaitre, en méme temps, que le mandat sexennal qui lui avait été conféré, était sur le point d'expirer. » Les trois Classes de l'Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique, appelées à dési- gner leurs délégués pour la période de 1878 à 1884, ont réélu, dans leurs séances de juillet, tous les membres sor- tants. « Dans la Classe des sciences : MM. P.-J. Van Beneden, de Koninck, le lieutenant-général Liagre, Dewalque, Morren. » Dans la Classe des lettres : MM. Gachard, Heremans, Juste, Le Roy, Wauters. » Dans la Classe des beaux-arts : MM. Balat , le cheva- lier de Burbure, De Busscher, Siret, Stappaerts. » Cette réélection qui est pour les délégués un témoi- gnage des plus honorables, peut aussi, croyons-nous, être acceptée comme une approbation de la direction imprimée à la Biographie nationale, comme une appréciation de leurs constants efforts pour la réussite de l’œuvre. La Commission réélue a été réinstallée le 19 octobre ( 645 ) 1878, et, dans la réunion de ce jour, les délégués ont pro- cédé à la constitution de leur bureau, ainsi qu'au choix des membres du comité chargé de l'examen des notices bio- graphiques, et à la nomination du réviseur littéraire. « M. Pierre Van Beneden, délégué de la Classe des sciences et ancien vice-président, a été élu président, suc- cédant à feu le lieutenant général baron Guillaume ; M. Al- phonse Wauters, délégué de la Classe des lettres, a rem- placé M. Van Beneden à la vice-présidence; MM. Edm. De Busscher et Félix Stappaerts, délégués de la Classe des beaux-arts, ont été, respectivement, réélus secrétaire-tré- sorier et secrétaire adjoint. Le sous-comité d'examen des articles à admettre dans la Biographie nationale a été maintenu et se compose d'un délégué de chacune des Classes académiques : MM. Gustave Dewalque, Alphonse Le Roy et Adolphe Siret. La révision littéraire est restée confiée à M. Stappaerts. » Tous ces membres, initiés aux principes, aux régles et aux errements suivis jusqu'à ce jour, assurent à notre publieation l'unité, l'homogénéité d'esprit, de tendances et de forme qui en garantissent le succès. » Les derniers rapports annuels du secrétariat ont. eu à signaler les trop fréquentes interruptions dans l'impres- sion de la Biographie nationale, interruptions causées par les retards apportés à l'envoi des Notices qu'on s'était pourtant engagé à fournir à des époques fixées. Nous avons insisté sur l'urgence de prendre des mesures efficaces pour remédier à ce défavorable état de choses. » Dés sa réinstallation, la Commission s'en est occupée, et elle a adopté, à l'unanimité, la résolution suivante : « Dorénavant, les collaborateurs, auxquels il aura été » adressé par le secrétariat deux lettres de rappel au sujet 2"* SÉRIE, TOME XLVII. 42 ( 646 ) de la remise de leurs articles, seront avertis, par une troisième, que, faute de les remettre avant l'expiration. d’un dernier délai, le bureau décidera si l’on confiera à d’autres rédacteurs les Notices vainement réclamées, ou si elles seront réservées pour le Supplément du dic- tionnaire biographique. » Cette mesure, dont il est permis. d'attendre l'effet désiré, car nos collaborateurs reconnaitront sans doute, eux-mêmes, l'impérieuse néces-: sité de s’y conformer, a été portée à leur connaissance par une circulaire spéciale, leur rappelant les principes qui régissent la Biographie nationale, les instructions régle- mentaires qui leur ont été communiquées, les obligations: que contractent.les rédacteurs, en venant coopérer à cette œuvre collective. — — » Déjà, en séance de la Commission de la Biographie nationale du 7 février 1865, semblable proposition, faite par MM. Polain et Van Beneden, appuyée par M. Gachard, a été adoptée. « La Commission décide que le bureau est » autorisé, aprés une dernière invitation adressée aux » rédacteurs en retard, à désigner, d'office, d'autres rédac- » teurs pour les articles confiés aux retardataires. » » Dans un rapport, annexé au procès-verbal de la séance, M. le président de Saint-Genois avait. demandé cette « décision énergique ». « Deux cents Notices, re- » vues et approuvées, étaient, disait-il, arrêtées dans leur » mise en pages, par l'absence de cinq biographies à » intercaler. » » On eut le tort, ensuite, de ne pas observer rigoureu- sement la prescription de 1865 : le mal a bientôt reparu el s'est méme aggravé. Pour des raisons faciles à com- prendre, la mesure, seulement facultative, fut appliquée avec une tolérance qui, presque toujours, méne à l'in- w . uw uw Wow ( 617 ) succés. La Commission l'a rendue maintenant obliga- loire. » Dans sa circulaire, la Commission directrice a attiré aussi l'attention des auteurs sur l'étendue proportionnelle des Notices. Il est établi, en régle générale, qu'ils doivent tenir compte de la valeur des personnages, sans s'exagérer l'importance de l'individualité dont ils retracent la car- rière. Les articles destinés au dictionnaire biographique belge ne peuvent prendre le cadre des monographies, dans lequel on est libre de multiplier les particularités indivi- duelles et historiques. ; » Sans qu'ils aient à renoncer au droit légitime d’appré- ciation et d'analyse, il est recommandé aux auteurs de s'abstenir de discuter, à leur point de vue personnel, les systémes religieux, philosophiques et scientifiques dans les biographies des hommes dont les travaux ont eu pour , objectif la solution des problèmes qui se rattachent à cet ordre d'idées. Ils ont à exposer, avec exactitude el concis - sion, les faits dans leur ensemble, et à exprimer, avec mo- - dération, les jugements qu'ils ont à porter sur les individus et sur les choses. » En ce qui regarde le mérite relatif des individualités mentionnées dans nos listes provisoires, les rédacteurs ont à s'en préoccuper avant d'écrire les articles qui leur sont attribués, afin que leur travail ne soit pas réservé ou sup- primé, à cause de l'insignifiance des personnages, ou bien du manque de renseignements. Les listes nominales ont été dressées largement, sauf épuration. Cet examen, que les . auteurs sont les plus aptes à faire, leur évitera le — ment d'avoir rédigé des Notices inutiles. » Le VI* volume de la Biographie nationale est terminé; mais en retard de plus de trois mois, par suite des inter- ( 648 ) ruptions que la Commission directrice n'a pu empécher. Ce volume renferme les derniers articles de la lettre D, les Notices de la lettre E et une partie de celles de la lettre F. » Le VII volume, déjà commencé, contiendra la seconde partie des articles de la série F et les Notices de la série G. Une certaine quantité de Notiees de la lettre F nous man- quent encore, bien que, pour la plupart, les dates de rentrée soient passées. Les noms de la sérieG sont nombreux, mais beaucoup d'articles sont dés à présent en portefeuille, exa- minés et approuvés par le sous-comité. Les termes fixés pour la remise des autres approchent; nous espérons que, grâce à la mesure adoptée par la Commission, nous n'éprou- verons plus, comme précédemment, de fâcheuses entraves dans la publication académique. » Le VII‘ volume nous mènera à la moitié de notre tàche, si pas au delà. L'ouvrage entier, selon toute proba- bilité, ne dépassera point le XII* tome. Le premier supplé- ment se composera d'articles réservés, qui auront été com- plétés par les auteurs, et de Notices des individualités décédées pendant la période décennale révolue. » Ainsi pourra étre poursuivie, par l'Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique, notre intéressante Biographie nationale, cette œuvre con- sidérable, dont l'utilité et la consciencieuse élaboration ne sont plus contestées. » Les listes provisoires des séries alphabétiques H, I, J, K, avec l'indication des sources à consulter par les rédac- teurs, se dressent en ce moment; elles seront successive- ment soumises aux choix des collaborateurs. » Rappelons à ce propos les règles observées dans la répartition des articles à rédiger. Lorsque deux ou plusieurs collaborateurs se présentent pour écrire la méme Notice ( 649 ) biographique, voici l'ordre de préférence suivi, autant que possible, jusqu'ici, pour la désignation des rédacteurs : « 1* Les délégués, membres de la Commission direc- trice de la Biographie nationale; » 2° Les autres membres de l'Académie; » 9° Les auteurs qui déjà se sont occupés du personnage choisi ; » 4 Les écrivains appartenant à la famille, au lieu de naissance, de résidence ou à la profession. » En comparant le V° volume au VE, il y a lieu de se féliciter des résultats. Le V* comprend 496 articles, écrits par trente-huit rédacteurs : vingt et un membres ou cor- respondants de notre Académie, dix-sept collaborateurs étrangers à la Compagnie; le VI° contient 419 articles, rédigés par quarante-sept auteurs : vingt-quatre académi- Ciens et vingt-trois écrivains belges, collaborateurs. » Cette division croissante du travail de rédaction prouve que la coopération à la Biographie nationale est de plus en plus recherchée. » Aussi, malgré les sensibles pertes que nous avons subies parmi nos confrères et parmi nos premiers collabo- rateurs, le chiffre des coopérateurs inscrits n'a cessé de se compléter ou de s’accroître. » Par dépéches du Département de l'Intérieur, nous avons recu, pour « examen et avis, » communication de deux requétes adressées à M. le Ministreau nom de l'Aca- démie de médecine, demandant à étre représentée, par quelques-uns de ses membres, dans la Commission direc- trice de la Biographie nationale. Or, un arrêté royal de 1845 et des statuts organiques, sanctionnés , en 1860, par le Gouvernement, ont attribué cet ouvrage, essentiellement historique et littéraire, à l'Académie des sciences, des lettres et des beaux-arts, qui possède dans son sein les élé- ( 650 ) ments requis pour le conduire à bonne (in. La Classe des sciences, notamment, compte au nombre de ses titulaires plusieurs docteurs en médecine, affiliés, en méme temps, aux deux Académies. Trois font partie de la Commission de publication. Il n'y a donc pas à craindre que les célé- brités médicales belges soient omises ou incomplétement traitées et appréciées dans notre ceuvre patriotique. » L'Aeadémie de médecine demandait, en outre, que chacun de ses membres fùt gratifié d'un exemplaire de la Biographie nationale. | ^» La Commission, aprés avoir mürement délibéré sur ces requêtes, a fait connaître z M. le Ministre de l'Inté- rieur les motifs et les idé qui empéchent, aujour- d'hui, d'accéder aux désirs de Vácidémie de médecine malgré les sentiments de sincère confraternité que l'Aca- démie des sciences, des lettres et des beaux-arts professo pour la savante Compagnie. » Aucun autre incident notable n'a marqué la période annale éeoulée, et, d'aprés les assurances qui nous sont parvenues de la plupart de nos coopérateurs , la rédaction et l'impression de la Biographie nationale vont marcher avec une activité nouvelle. » Nous atteindrons ainsi le but de nos efforts persévé- ranis. » Sur la proposition du président, l'assemblée vote par acclamation des remerciments à la Commission de la Bio- graphie nationale. — Après la lecture de M. De Busscher, l'assemblée s'oc- cupe de quelques affaires d'ordre intérieur. CLASSE DES LETTRES. Séance publique du 7 mai 1879, à 1 heure. m M. LecLEncQ , directeur et (nent de l'Académie. M. Liacre, secrétaire perpétuel. . Sont présents : MM. Nypels, vice-directeur ; Gachard, P. De Decker, J.-J. Haus, C. Faider, le baron Kervyn de Lettenhove, R. Chalon, J. Thonissen, Th. Juste, Alph. Wauters, Conscience. Ém. de Laveleye, G. Nypels, Alph. Le Roy, A. Wagener, J. Heremans, P. Willems, Edm. Poullet, F. Tielemans, membres; J. Nolet de Brauwere van Steeland, Aug. Scheler, Alph. Rivier, E. Arntz, associés; St. Bormans et Ch. Piot, correspondants. . Assistent à la séance : Classe des sciences : MM. Edm. de Selys Longchamps, directeur; J.-J. Stas, vice-directeur; L. de Koninck. P.-J. Van Beneden, H. Nyst, Gluge, Melsens, F. Duprez, G. De- walque, H. Maus, E. Candèze, F. Donny, Ch. Montigny; Steichen, Éd. Morren, C. Malaise, F. Folie, Fr. Crépin, Éd. Mailly, membres; Th. Schwann, E. Catalan, asso- Cites, ' Classe des beaux-arts : MM. le chevalier de Burbure, directeur; L. Alvin, G. Geefs, J. Geefs, C.-A. Fraikin, Ed. Fétis, Edm. De Busscher, J. Franck, G. De Man, Ad.Siret, ( 652 ) J. Leclereq, Ern. Slingeneyer, A. Robert, Ad. Samuel, Ad. Pauli, Jos. —" membres ; Éd. de Biefve, corres- pondant. À 1 heure, M. le président, M. le secrétaire perpétuel et MM. les directeurs prennent place au bureau. M. le président déclare la séance ouverte et prononce lediscours suivant: La vie et l’œuvre du Congrès national de 1830. La Classe des lettres de l'Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts ouvre aujourd’hui sa séance publique à la veille d'entrer dansla dernière année de cette période de cinquante ans, à l'origine de laquelle le peuple belge a pu ressaisir et proclamer, avec succès, l'indépen- dance de sa vie nationale, aprés avoir été pendant plusieurs siécles ballotté de domination étrangére en domination étrangére et avoir subi en hommes et en territoire les pertes qu'un pareil régime devait fatalement entrainer. L'un des instruments de ce succés a été le Congrés na- tional de 1850 L'existence et l’œuvre de cette assemblée appartiennent au domaine de l'histoire et à celui des sciences morales et politiques, deux des objets du mouvement scientifique et littéraire, auquel l'Académie a été appelée à concourir en Belgique. Nous croyons, en conséquence, à l'approche du grand anniversaire de 1880, ne pouvoir mieux répondre à l'usage qui nous fait un devoir de prendre la parole à l'ouverture de notre séance publique qu'en retracant les traits princi- paux de cette existence et de cette œuvre au double point ( 653 ) de vue du droit et de l'histoire, compagne inséparable du droit (1). Le 10 novembre 1830, s'assemblaient à Bruxelles, deux cents personnes venues de toutes les parties de la Bel- gique, choisies et envoyées par leurs concitoyens avec la mission de s'entendre pour tirer le pays de la situation grave, oü l'avaient jeté des événements qu'une force irré- sistible semblait avoir produits. Le royaume des Pays-Bas,créé en 1815 par les grandes puissances de l’Europe était dissous de fait; les provinces belges s'en étaient violemment séparées; ces provinces n'avaient plus de gouvernement régulier; comme il arrive toujours dans les grandes commotions populaires, toutes les passions sociales et politiques étaient profondément remuées; les problémes les plus dangereux étaient soule- vés et de toutes parts agités par elles; des troubles avec tous les maux qu'ils traînent à leur suite, étaient partout menacants, quoique l'ordre parüt régner à la surface; l'in- certitude du présent était égale à l'incertitude de l'avenir; telle était la situation à laquelle il fallait pourvoir. Tous les députés du Congrés, à part quelques-uns qui avaient été membres des états généraux du royaume des Pays-Bas ou avaient écrit sur les affaires publiques, étaient inconnus ou peu connus hors des localités qu'ils habitaient; mais, bien qu'étrangers les uns aux autres, tous, à de rares exceplions prés, étaient animés d'un méme sentiment et d'une méme pensée, du sentiment de l'indépendance na- om t (1) Ces termes, dans lesquels est défini le sujet de cet écrit, montrent que l'auteur n'a pas eu l'intention de faire une histoire du Congrés Cette histoire a été faite par M. Th. Juste avec le talent qui "m carac- térise. ( 654 ) tionalé, de la pensée de soustraire la nation à la domina- tion étrangère et de lui faire une vie propre, dans laquelle sans s'écarter du courant de la civilisation générale, et, tout en lui apportant le contingent que lui doit chaque peuple, elle put prendre seule en mains ses intérêts et leur imprimer une direction conforme à ses vues, à ses mœurs et à ses vieilles traditions de droit et de liberté si souvent comprimées. C’est dans ce sentiment et cette pensée, que ces hommes, la veille presque inconnus les uns aux autres, se connurent bientôt et se trouvèrent unanimes, pour tra- vailler de concert à l’œuvre confiée à leur patriotisme. Nous n'entendons pas dire pourtant, qu'il n'y eût point de partis parmi eux ; ce serait faire preuve d'une étrange ignorance du cœur humain, et de l'histoire de tous les peuples, non moins que de notre histoire. En aucun temps, les partis ne font défaut, et ne fai- saient pas plus défaut dans le Congrés que dans le reste de la Belgique; les partis ne désarment jamais; ils per- sonnifient des doctrines et les doctrines tendent incessam- ment à se traduire en actes; il y avait alors, comme il y avait auparavant, comme il y a aujourd'hui , deux partis distinets ; dans chacun de ces partis, comme dans tous les partis d'ailleurs, il y avait et les idées communes à tous ses membres, et, par cela méme, seules caractéristiques du parti, et les idées perticulières à quelques esprits aven- tureux ou exagérés, et, quelque étrangères qu'elles lui fussent, attribuées au parti par le parli contraire, qui trouve à cela un moyen de succés pour ses doctrines. Mais si les partis ne manquaient pas plus dans notre Congrés national qu'ils ne manquent dans tous les pays qui ne s'abandonnent pas eux-mémes et oü l'esprit publie 655 ) est vivace, si ces partis s'inspiraient dans toutes les dis- cussions des idées qui les caractérisaient, s'ils engen- draient fréquemment des débats longs, animés et parfois confus, embarrassés par les idées excentriques de quel- ques-uns, toujours le sentiment de patriotisme et de li- berté, qui animait l'assemblée, la gravité et le péril de la situation. qu'elle avait devant elle, les grands intérêts remis en ses mains, ramenaient les débats, dans les li- mites qu'ils ne devraient jamais franchir, produisaient en général des résolutions conformes à ces grands intérêts, et, de plus, on ne peut trop insister sur ce point , entrete- naient entre tous, dans les discussions comme en dehors des discussions, ces rapports de réciproque courtoisie, de respect serupuleux de la liberté d'opinion et de confrater- nité, qui aident si puissamment à l'heureuse issue des délibérations dans les assemblées nombreuses. Nous venons de faire mention encore de la gravité de la situation : elle devenait en effet de plus en plus grave par le double caractére qui la compliquait et distinguait la révolution beige de toutes les révolutions, dont lhis- loire nous a transmis le récit. La Belgique n'avait pas seulement fait une sister à l'intérieur en renversant le Gouvernement et les institu- lions, qui la régissaient depuis quinze années, elle ne se trouvait pas seulement jetée dans toutes les difficultés qu'engendre un pareil événement, et qui s'aceroissaient de jour en jour par l'affaiblissement continu de toute au- torité et de tous les liens sociaux, et par la perturbation de tous les intéréts. Seul, un pareil état de choses aurait sulli pour absorber tout ce qu'il y avait d'énergie, de pru- dence et de lumières dans les citoyens, que le pays avait investis de sa confiance. Mais le danger ne venait pas ( 656 ) uniquement de l'intérieur, il venait aussi de l'extérieur. La Belgique ne s'était pas bornée et n'avait pu se borner à renverser un gouvernement, elle avait rompu avec tous les gouvernements étrangers, en brisant les traités qui avaient reconstitué l'Europe en 1815 : elle avait renversé ce grand établissement politique du royaume des Pays-Bas, destiné dans leur pensée à assurer l'équilibre européen, à élever une barriére contre l'extension toujours redoutée de la puissance francaise. Ce cóté spécial de la révolution belge avait suscité -eontre la Belgique l'hostilité de la plupart des gouverne- ments assez mal disposés déjà par les craintes que leur inspirait cette révolution, éclatant immédiatement aprés la révolution francaise de juillet 1850 et l'agitation géné- rale qui en avait été la suite en Europe. Deux puissances, la France et l'Angleterre, semblaient, il est vrai, faire exception en entretenant avec la Belgique des rapports officieux , mais par des raisons politiques, propres à cha- cune d'elles, qui pouvaient donner lieu à bien des combi- naisons contraires à son indépendance et qui ne les avaient pas empéchés de prétendre, comme les autres grandes puissances, disposer de notre sort en se réunissant en conférence à Londres pour en délibérer. Devant une situation si pleine de périls, le Congrés n'hésita pas; il sut se soustraire à toutes les. influences intéressées venant du dehors, se mit résolüment à l’œuvre et la poursuivit sans relâche jusqu'à ce qu'elle fût achevée. Son premier acte , d’un intérêt pressant pour l'intérieur et pour l'extérieur , fut d'imprimer un caractère d'autorité réguliére et par cela méme plus solide et plus efficace au gouvernement de fait qui ne devait son existence qu'aux événements et à l'énergie des citoyens, qu'ils avaient ( 657 ) portés à la direction des affaires : il le fit en leur commu- niquant une partie du pouvoir qu'il tenait de la volonté nationale manifestée par les élections. Il reconnut en con- séquence leurs services, ratifia leurs actes et tout en se réservant le pouvoir constituant, le pouvoir législatif et le contrôle souverain de leurs actes, leur conféra expressé- ment le pouvoir exécutif. Cet acte d'urgence accompli, il en était un autre ni moins urgent, ni moins impérieux : proclamer l'indépen- dance de la Belgique et, par là, proclamer le but de la révo- lution, ne laisser subsister aucun doute sur ce but, sur la détermination formelle du pays d'y marcher, quoi qu'il püt arriver, prévenir toute fausse interprétation à cet égard, dissiper les craintes répandues en Europe qu'elle ne couvrit des tendances à une réunion à la France, détruire enfin tout espoir qu'on pourrait y nourrir encore d'un re- tour en arrière. Telles étaient les raisons qui rendaient cet acte indispensable. a proposition en fut faite. La nécessité de cette proposition était trop évidente pour qu'elle püt souffrir aucune difficulté et, en effet, elle n'en souffrit aucune; le Congrés aurait renié sa propre existence s'il avait pu hésiter. Mais ce qu'on n'avait pas prévu, cet acte en amena bien- tôt un autre, qui remua profondément l'assemblée et pro- duisit un incident qui mit au grand jour tout ce qu'il y avait en elle de ressort, d'énergie et de patriotique indé- pendance. Proclamer l'indépendance de la Belgique, c'était pro- clamer, entre autres conséquences de cet acte, qu'on ne voulait plus continuer ni directement, ni indirectement l'union politique avec la Hollande, à laquelle les puissances alliées avaient soumis la Belgique en 1815. ( 658 ) On pouvait en douter, on pouvait croire encore à deux États régis par une méme dynastie : c'était revenir au point de départ par une voie détournée, c'était s'exposer à voir renaitre toutes les difficultés auxquelles on avait. cherché à échapper. On ne le voulut pas, et de là sortit la proposition d'ex- clure la famille d'Orange-Nassau de tout pouvoir en Bel- gique. Cette proposition n'avait ni d'autre signification, ni d'autre but. Cependant elle jeta un grand trouble dans l'assemblée et suscita les débats les plus vifs, dont le caractère faisait encore honneur à tous. Les uns repoussaient la proposi- tion, parce qu'ils y voyaient une provocation au peuple dont on venait de se séparer et avec lequel néanmoins la nature des choses devait créer, tót ou tard, une commu- nauté d'intéréts dans la politique extérieure; les autres croyaient y voir un acte qui semblait les investir des fonc- tions de juges appelés à condamner et à flétrir, et ils re- culaient devant un semblable rôle; les autres, enfin, et c'était le plus grand nombre, n'y voyaient que ce qui y était réellement, une simple mesure politique, qui fixait ou plutôt proclamait la position respective d'indépendance des deux pays, qui ne pouvait nuire à personne, pas méme à ceux contre lesquels elle paraissait dirigée et qui, une fois mise en délibération, ne pouvait étre repoussée sans donner lieu aux plus fausses et plus dangereuses interpré- tations. Les débats duraient déjà depuis longtemps; l'assemblée en était trés-agitée, quand tout à coup le gouvernement vint lui annoncer qu'il avait à lui faire une communication diplomatique, qui n'était pas susceptible d'étre faite en ( 659 ) public et il demanda le comité secret qui fut aussitôt dé- claré. La communication annoncée n'était rien moins, sous les formes polies, quoique significatives, du langage diplo- malique, qu'une intervention des grandes puissances, qu'un ordre de repousser la proposition, qu'une menace pour le cas où il serait passé outre. Si une violente commotion électrique avait saisi l'as-- semblée, elle ne l'aurait pas plus fortement soulevée que: ne le fit cette communication. A peine avait-elle été entendue qu'un eri de protesta- - uon, d'indignation et d'enthousiasme fut poussé. Elle y vit à l'instant ce qui lui annonçait cette ingérence dans une résolution, toute d'intérieur, si l'on y cédait une: fois. L'état troublé de l'Europe et les intéréts différents. des puissances devaient, d'ailleurs, les faire reculer devant leurs menaces, et quoi qu'il püt arriver, la résistance s'im- posait. L'assemblée n'eut pas un instant de doute ni d'hésita- tion, et l'on vit alors ce qui se voit rarement dans les grandes assemblées, les esprits d'avis contraires faire ab- négation d'eux-mémes, renoncer à leur opinion, méme - hautement professée dans des débats publics. Nombre de membres, qui avaient repoussé la proposition déclarèrent à l'instant qu'ils l'adopteraient en présence d'une inter- vention étrangère qu'il fallait repousser à tout prix ; qu'un seul intérét, l'indépendance nationale, devait dominer tous les autres; qu'elle était perdue si l'on ne repoussait l'in-: gérence des gouvernements étrangers dans une affaire qui ne regardait que la Belgique, et qu'ils voteraient pour la proposition. Ceux qui n'avaient pas encore émis leur opinion vinrent ( 660 ) déclarer qu'ils l'adopteraient également quoiqu'ils l'eussent repoussée dans les conditions ordinaires d'une délibération. Un petit nombre seulement qui lui étaient contraires per- sistèrent par de simples scrupules de conscience; et en moins de temps que nous n'en mettons à le dire, le Con- grès rentra en séance publique, passa à l'ordre du jour sur la communication qui venait de lui étre faite et se déclara en permanence jusqu'à la fin de la discussion, qui fut courte. La plupart des orateurs encore inscrits pour pren- dre la parole y renoncérent aprés les déclarations faites par eux en comité. Le petit nombre des opposants tinrent seuls à exprimer publiquement les motifs de leur opposition ; puis l'on passa au vote et la proposition fut adoptée à une immense ma- jorité. Elle fut plus tard transformée en disposition con- stitutionnelle ainsi que la déclaration d’indépendance dont elle était la suite naturelle. Les puissances n'insistérent pas. Le Congrés avait parfaitement compris la situation en re- poussant leur ingérence. Ainsi fut définitivement condamnée une combinaison politique qui n'avait produit et ne pouvait produire que troubles, difficultés et faiblesse, réunissant en un seul État deux peuples de méme force, qui avaient longtemps vécu séparés et étaient devenus étrangers l'un à l'autre. L'effet d'une pareille mesure était inévitable. D'un cóté, un peu- ple, fier à juste titre d'un glorieux passé de plusieurs siè- cles, ne pouvait y voir qu'un accroissement de territoire, ni se résoudre à traiter d'égal à égal le peuple qui lui était uni ; d'un autre cóté, ce peuple, non moins fier, ayant tou- jours su, malgré ses longues adversités, conserver son Ca- ractère national, revendiquer et défendre ses droits dans la mesure de ses forces, ne pouvait continuer à souffrir un ( 661 ) régime moralement exclusif de cette égalité, sans laquelle la vie commune était impossible. Au milieu de toutes ces émotions et de ces ardentes discussions, le Congrés ne perdait pas de vue l'objet prin- cipal de sa mission : constituer le pays et donner à tous, à l'intérieur et à l'extérieur, les garanties nécessaires de liberté, d'ordre et de paix. Mais ici encore, une question préalable s'imposait, grosse d'orages, de divisions et de dangers. Avant de s'oc- cuper des dispositions constitutionnelles à établir, il fallait savoir et décider quelle serait la forme du gouvernement, république ou monarchie. Cette question préalable fut mise à l'ordre du jour et ce ne fut pas sans anxiété que les débats s'ouvrirent. Quoiqu'ils ne vissent pas une grande différence e entre la monarchie constitutionnelle parlementaire et la républi- que, les uns voyaient dans la monarchie un principe de . stabilité, qui manquait à la république et qui, par la res- ponsabilité ministérielle, était à l'abri de tout abus du- rable: ils y voyaient surtout, par la conformité des insti- tutions, un moyen de rapprochement et d'accord avec les États étrangers, dont la Belgique, méme plus forte qu'elle n'était, ne pouvait rester séparée; ils voyaient un danger dans une forme de gouvernement généralement repoussée par les États comme un ferment de désordre. D'autres, au contraire, trouvaient ces raisons dénuées de valeur. L'esprit d'ordre du peuple belge était pour eux une garantie que la république ne serait pas moins stable et pacifique que la monarchie, dont les abus leur sem- blaient inévitables, et invoquant l'exemple de la Suisse et des États-Unis, ils ajoutaient que cet exemple suivi par les 2"* SÉRIE, TOME XLVII. 45 ( 662 ) Belges rassurerait bientôt les puissances voisines et ne tar- derait pas à les rapprocher d'elles. . C'est dans ces termes que les débats s'engagérent et furent soutenus avec une extrême vivacité, qu'explique l’importance vitale attachée par tous à la question. Ces débats durèrent plusieurs jours et se terminèrent enfin par une solution qui apaisa bien des craintes plus ou moins fondées. La monarchie constitutionnelle parlemen- taire fut déclarée à une grande majorité le gouvernement de la Belgique. Treize voix seulement votèrent pour la république. Le terrain était préparé, et, sans perdre de vue aucune des nombreuses mesures d'ordre et d'administration qu'il était chaque jour appelé à prendre, le Congrés porta dés lors toute son attention sur la plus importante affaire qu'un peuple eût à régler aprés l'acte par lequel il avait repris possession de lui-mème. La loi constitutionnelle, fondement de toutes les insti- tutions politiques, sauvegarde des droits de chacun et des intéréts légitimes communs à tous, fut l'objet d'un travail incessant. Le Congrés se divisa en sections, auxquelles furent renvoyés divers projets, œuvres de quelques-uns de ses membres et d'une commission nommée avant sa réunion par le gouvernement provisoire. . Ces sections, sans être astreintes à aucun projet, de- vaient les examiner tous, arréter le cadre et les dispositions principales d'un projet unique, puis, déléguer chacune deux de ses membres pour en faire rapport à une grande section centrale, composée de tous ces délégués, qui en ferait un projet définitif, sur lequel l'assemblée entière au- rait à délibérer. ( 665 ) Les délibérations en sections furent longues, approfon- dies, souvent animées, mais sans prendre plus de temps. que n'en comportait la nature de l'affaire, et bientôt la section centrale en nombre double fut saisie des nom- breux rapports que lui apportaient les délégués des sec- tions. Chaque soir, aprés les séances du jour du Congrès, elle se réunissait, se livrait, comme l'avaient fait les sec- tions à un examen approfondi, arrétait les dispositions du projet, titre par titre, et à mesure qu'un titre était terminé, nommait un de ses membres pour en faire rapport à l'as- semblée, qui le mettait à son ordre du jour, et, aprés l'in- tervalle nécessaire pour que chacun eût le temps d'en prendre une pleine connaissance, en faisait l'objet de ses délibérations et de ses votes. Le reste du temps était em- ployé, sans désemparer, dans les séances générales et dans les sections à toutes ces mesures d'ordre et d'administra- tion dont nous venons de parler. Cette loi constitationnelle n'est pourtant pas, quelle que soit son importance, ane œuvre nouvelle, qui fut con- cue de prime abord et tout d'une piéce. Elle est le fruit du temps. Les idées dont ses dispositions sont l'expression, étaient nées du mouvement des esprits dans les siècles écoulés. Chaque siècle en avait jeté dans le monde un con- tingent de plus en plus considérable. On en retrouve les germes, se développant sans cesse jusqu'à ce qu'elles se formulent en un ensemble dans la vie des peuples, en An- gleterre, en France, en Italie, en Allemagne, en Hollande, aux États-Unis d'Amérique, partout enfin où la civilisation est en progrés. On les retrouve en partie dans nos anciennes institu- tions, dans les joyeuses entrées des souverains des Pays- ( 664 ) Bas, dans les paix du Pays de Liége, nom qui en indique le caractère et la source. On les retrouve dans toutes ces garanties pour les per sonnes et les biens que, sous les qualifications de droits, libertés, franchises, priviléges, immunités, usages et cou- tumes, les souverains du pays juraient, à leur inaugura- tion, de respecter et qui, pour n'étre pas toujours écrites sur parchemin, n'en étaient pas moins vivantes dans tous les cœurs et donnaient lieu aux protestations et aux résis- tances les plus énergiques dés qu'il y était porté atteinte. On les retrouve enfin consacrées pour la plupart, quoi- que dans des limites plus ou moins restreintes, par les lois constitutionnelles des divers États de l'Europe et de l'Amé- rique en 1850. Ce qui constitue la mission de l'État, telle que nous de- vons l'entendre, la reconnaissance et la protection du droit dans chaque homme, la conservation et la gestion des intéréts légitimes communs à tous, n'était donc point pour nous une nouveauté, quand le Congrés fut appelé à en tracer la loi; son grand mérite dans l’accomplissement de sa tàche fut de ne reculer devant aucune crainte pour en donner la formule la plus compléte et qui repondit le mieux aux moeurs et à l'état des esprits en Belgique comme à la vérité juridique, sans toutefois y voir une œuvre parfaite, lui-même l'a reconnu, en déclarant la Constitution sujette à révision. Ce n'est ici ni le temps ni le lieu de commenter cette œuvre capitale ; mais qu'il nous soit permis d'en faire res- sortir les dispositions qui marquent le plus et dans les- quelles le Congrès a mis l'empreinte la plus caractéristique de son esprit et de ses vues. ( 665 ) La Constitution nous présente avant tout trois ordres distincts de dispositions (1) : D'abord, celles qui proclament les droits des Belges, en d'autres termes, fixent les limites qu'aucune autorité, quelque élevée qu'elle soit, ne peut jamais franchir, et déterminent les intérêts légitimes que toute autorité doit reconnaitre, respecter et protéger. Puis, celles qui définissent les différents pouvoirs publics. Enfin, celles qui tracent les règles fondamentales des deux instruments, sans lesquels toute autorité risque d’être impuissante, les finances et la force publique de l'État. Dans les dispositions .qui proclament les droits des Belges, et qui ne laissent rien à désirer sous le rapport de la liberté individuelle, de celle du domicile , des garanties judiciaires et de l'égalité de tous devant la loi, nous en devons principalement remarquer quatre, parce que nulle part, en aucun pays et en aucun temps, les droits qu'elles reconnaissent ne l'ont été avec cette netteté, cette préci- sion et, si je puis parler ainsi, cette franchise absolue, exempte de toute réticence, parce qu'à aucune autre de ces dispositions constitutionnelles le Congrés n'a attaché plus d'importance, n'a donné plus d'attention. Ces dispositions sont celles qui reconnaissent la liberté des cultes et de leur exercice publie, ainsi que la liberté de mauifester ses opinions en toute matière. (1) Les observations qui suivent sur ces dispositions et dont la Classe des lettres a autorisé l'impression dans son Bulletin, avec le reste du dis- Cours, n'ont pas été lues dans la séance publique. L'auteur s'est borné à les indiquer, craignant de fatiguer l'attention des auditeurs et de prolon- ger outre mesure cette séance ( 666 ) : Celles qui reconnaissent la liberté d'enseignement. Celles qui reconnaissent la liberté de la presse. Celles qui reconnaissent la liberté d'association et de réunion, Ces grandes vérités juridiques proclamées par le Congrès dans notre loi constitutionnelle embrassent tout ce qui fait la force et l'expansion de la vie humaine. La religion, la philosophie, les sciences, les lettres et les arts ; la famille, gardienne de tradition et condition essen - tielle de la conservation et de l'éducation de l'homme; la presse, ce puissant instrument, découvert il y a quatre siècles, qui désormais permet à l’homme de défier toute tyrannie, de quelque nom ou de quelque voile qu’elle se couvre, dont l'usage, comme celui de tout ce qui est laissé à la liberté humaine, est également propre au bien et au mal, et ne pourrait en conséquence être juridiquement interdit par ce motif, sans que l'interdiction dût porter au méme titre sur la liberté humaine tout entière. L'association qui, par l'union des forces individuelles, multiplie les forces de chaque homme et lui rend possible ce que seul il ne pourrait jamais accomplir. En un mot, tout ce qui distingue l'homme de l'animal et, selon la voie qu'il suit, le rapproche ou l'éloigne du divin Auteur de toute chose, de la source de toute per- fection. Le Congrés, en reconnaissant ces libertés, leur a donné leur formule véritable; il y a vu des rapports de droit et les a sanctionnées à ce titre; il leur a assigné les seules limites que peuvent recevoir des rapports de cette nature et en dehors desquelles il n'y a plus liberté, mais licence et arbitraire; il leur a assigné pour seules limites la liberté ou le droit d'autrui et les atteintes à ce droit, qui dégénè- ( 667 ) rent en délits par cela méme qu'elles troublent l'ordre publie, la paix, la sécurité, la süreté et la tranquillité publiques; il en a écarté les mesures préventives, qui, sous prétexte d'empécher le mal de naître, introduisent partout l'arbitraire qui corrompt toute chose. Tel est, Messieurs, le caractére général de ces quatre dispositions constitutionnelles; ce sont des formules, des rapports de droit. Ce caractére nous montre l'erreur de ceux qui de trés- bonne foi ont cru n'y voir que des dispositions transac- tionnelles, fruit du malheur des temps et destinées à dis- paraitre ou à étre modiliées dés que des temps meilleurs plus favorables à la vérité, le permettront. Rien d'ailleurs, ni dans les rapports faits au nom de la section centrale au Congrès, ni dans les discussions de celte grande assemblée ne leur prête un semblable carac- tère : dans les rapports ces libertés sont proposées, dans les discussions elles sont développées et en conséquence votées comme des droits qu'on ne peut méconnaître sans injustice. Certes, tous les peuples ne sont pas également mürs pour reconnaitre et pour pratiquer ces vérités dans toute leur plénitude; les progrés du temps peuvent seuls les y conduire, mais elles dérivent de la source de tout droit, de la nature de l'homme, créature douée du libre arbitre, de l'intelligence et de la raison, et une fois qu'elles ont fait leur entrée dans le monde, elles s'y font une place qu'il n'est plus donné à personne de leur ravir. Le Congrès l'a compris : Cest le droit qu'il a entendu fonder, distinguant toujours les vérités de l'ordre religieux des vérités de l'ordre du droit; nul doute n'est possible à cet égard pour qui examine avec quelque attention et le ( 668 ) texte de la Constitution et les documents qui s'y rappor- tent. Aussi ses discussions sur la liberté des cultes et des opinions comme celles sur la liberté de la presse n'ont donné lieu a aucune difficulté juridique; toutes, basées sur le droit, n'ont eu pour objet que de donner le plus de pré- cision possible aux dispositions qui les consacrent, afin d'en écarter l'arbitraire autant qu'il est donné à la pré- voyance humaine de le faire. Une fois seulement poussant le droit à l'extréme, on essaya d'introduire en principe la séparation absolue de l'Église et de l'État. S'appuyant sur une disposition du projet de la section centrale, qui semblait conçue dans ce sens, des membres prétendirent que, pour l'État, l'Église, et nous entendons par là les diverses communions religieuses, n'existe pas, que l'État ne connaît pas le prêtre; qu'il ne counait que des citoyens, qu'entendre autrement la liberté religieuse, c'est la placer sous le contróle des pouvoirs pu- blics, c'est-à-dire détruire d'une main ce qu'on édifie de l'autre; qu'en principe l'État et l'Église doivent étre abso- lument séparés. Mais la majorité, et une grande majorité, sentit bientót l'impossibilité juridique d'un tel principe; elle sentit qu'aucun des éléments de la société humaine ne peut étre exclu de l'État, gardien de tous les droits et de tous les intéréts légitimes, comme de toutes les obligations qui en sont inséparables; que, sous ce double rapport, l'élément religieux, la société religieuse y a, quoi qu'on fasse, une place importante et que l'État ne peut pas plus en faire abstraction que de tout autre élément auquel se rattachent des droits et des obligations, et aprés de longs débats, qui durérent plusieurs jours, et dans lesquels la question fut ( 669 ) examinée sous toutes ses faces, aprés un renvoi à la sec- tion centrale et un rapport de celle-ci, aprés un intervalle de plus d'un mois laissé à la réflexion, la disposition, qui semblait consacrer une idée aussi absolue, fut remplacée par une disposition réglant divers cas d'application du prineipe de la liberté religieuse. Le Congrés pensa au surplus qu'il suffisait à la garantie de tous de reconnaitre le droit de chacun en matiére de culte, d'opinion et de presse, sans autre limite que le délit; il le reconnut nettement, et cette reconnaissance ne ren- contra de divergence d'aucune part. Personne surtout alors ne crut voir dans ces libertés ce que depuis ont cru y voir quelques esprits par une confu- sion de ce qui appartient au domaine religieux avec ce qui appartient au domaine du droit, la liberté du mal dans la liberté de l'erreur, et partant une incompatibilité avec le droit. i Certes, l'erreur considérée en soi est un mal. Mais de la part de l'homme qui la commet, l'erreur, l'usage erroné qu'il fait de son libre arbitre, de son intel- ligence, de sa raison dans les opinions qu'il se forme et professe, ne peut étre un mal que devant Dieu, dans le for intérieur de la conscience, parce que Dieu seul est la vérité, seul il peut lire dans le fond des cœurs et seul en consé- quence il peut de mander compte de l'erreur à celui qui la professe et la propage comme la vérité. Cette erreur, cet usage erroné du libre arbitre, de l'in- telligence, de la raison ne peut être un mal de la part d’un homme devant les hommes dans le for extérieur, où tout est de contrainte. Là, il n'y a que des hommes, tous sujets à l'erreur, tous doués du libre arbitre, de l'intelligence et de la raison; là, | ( 670 ) par conséquent, nul ne peut prétendre à être juge de la vérité et de l'erreur pour imposer lune et interdire l'autre. Entre eux, la vérité ne peut s'établir que par la convic- tion, et la conviction que par la raison. Nul pouvoir hu- main ne peul détruire l'erreur ni empécher la vérité de triompher. Son triomphe, elle ne peut le devoir qu'au temps et avec le temps, qu'au mouvement des esprits, qu'au développement et aux concours des idées et à ce qui en est la condition essentielle, à la liberté et, par suite, au droit de chacun. Cette maxime absolue, que la liberté de l'erreur con- sacrée dans les dispositions constitutionnelles est la liberté du mal, incompatible avec le droit, n'est donc qu'une for- mule qui, sous une apparence de profondeur, couvre un grand vide, et ne peut étre qu'une cause de haines, de divisions, de crimes parmi les hommes ; et dans les lumi- neuses discussions dont ces dispositions sont sorties, on ne trouve pas la moindre trace d'une semblable aberra- tion. Le Congrès a entendu partout proclamer des vérités de droit et il les a proclamées en termes trop précis pour qu'il y ait à cet égard le moindre doute. Ce qu'il a fait pour la liberté des cultes, de leur exer- cice publie, de la manifestation des opinions en toute ma- tère et de la presse, il l'a fait pour la liberté de l'enseigne- ment et des associations, sans autres limites que celles devant lesquelles toute liberté s'arréte et par conséquent tout droit cesse, c'est-à-dire l’atteinte délictueuse au droit d'autrui. C'est dans ce sens qu'il a résolu les quelques difficultés qui se sont élevées à ce sujet. : (‘OA ) La liberté d'enseignement repose sur le caractère juri- dique de la famille, l'un des éléments les plus importants de l'État, sur le droit qui lui est propre, sur la position qu'y occupe sous ce rapport le père, le chef de la famille, sur l'autorité qui en dérive et sans laquelle elle se dissou- drait bientót, ou tout au moins serait dépouillée des prin- cipales attributions qui font sa force. Parmi ces attribu- lions, la première de toutes, celle qui se lie le plus étroitement à l'autorité paternelle et à la conservation des traditions domestiques de tout genre est l'éducation qui comprend l'instruction de l'enfant. Le Congrés y a vu un principe juridique de liberté con- stitutionnelle; il l'a consacrée à ce titre, en reconnaissant à chacun le droit d'ouvrir une école, un institut d'éduca- lion, en un mot d'enseigner, droit sans lequel le droit du pere de famille serait en général un vain mot, et qui à la rigueur résultait déjà de la liberté de manifester ses opi- nions en toute matière. Quelques difficultés pourtant se sont élevées sur ce droit d'enseigner quand l'enseignement ne se donne pas dans l'intérieur de la famille sous les yeux du père, mais dans une école publique oà l'enfant est abandonné à des mains étrangéres loin de sa surveillance. Sans méconnaitre son autorité et le droit qu'elle implique de donner à son enfant l'éducation et l'enseignement qu'il trouve les plus convenables , quelques membres du Con- grés pensaient que dés qu'il les remet à des mains étran- gères loin de sa surveillance de chaque jour, la protection de la loi doit y suivre l'enfant, comme elle doit suivre tous ceux qui, par l'effet de l’âge ou de toute autre circonstance, se trouvent hors d'état de se protéger eux-mêmes, et ils demandérent que les écoles publiques fussent, en consé- ( 672 ) quence, soumises à la surveillance de l'autorité publique. Le Congrès n'admit pas cette restriction; il ne reconnut pas la nécessité de protection sur laquelle on la fondait; il ne voulut pas, en conséquence , substituer la surveillance de l'autorité publique à celle, à ses yeux plus süre et plus naturelle, du pére de famille; il y vit une atteinte à son autorité, au libre choix et à la libre direction d'enseigne- ment et d'éducation qui en dérivent, et il maintint le prin- cipe de liberté dans toute son intégrité. En consacrant ce principe , il ne perdit point de vue un autre principe, qui se rattache à l'enseignement et qui est non moins important parce qu'il est compris dans la mis- sion de l'État, dans la mission , non-seulement de recon- naitre et de protéger le droit de chacun, mais encore de conserver et de gérer les intérêts légitimes communs à tous. Parmi ces intéréts, l'un des plus grands est l'instruction publique proportionnée à la condition sociale de chacun, parce que sans elle toute civilisation s'arréte ou périclite, les libertés civiles et politiques, dont la garde repose en définitive aux mains de la nation, sont à la merci d'une foule aveugle et dégénèrent à la longue en anarchie ou despotisme; parce qu'une instruction générale propre à tous sans distinction ne peut exister si elle n'embrasse tout le pays dans un ensemble organique, constamment perfec- tible, de sciences et de personnes vouées à l'enseignement et que l'État seul est par la généralité et la permanence de son institution en mesure de le eréer et de le con- server. C'est ce principe, qu'à côté du principe de la liberté d'enseignement et sans le confondre avec lui, le Congrès a reconnu constitutionnellement et a reconnu avec sa vigi- ( 675 ) lante prudence habituelle en remettant à la loi seule, c'est- à-dire, à la représentation nationale, le soin de régler l'in- struction publique donnée aux frais de l'État, en plaçant ainsi le principe méme à l'abri de tout ce qui pourrait le faire dégénérer en atteinte aux libertés proclamées par lui. Nous retrouvons encore cette prudence, jointe à un pro- fond sentiment du droit dans la précision avec laquelle il a formulé la reconnaissance du principe de liberté, qui dis- lingue la Constitution belge de tant d'autres constitutions, la liberté d'association : : Le projet soumis à ses délibérations contenait une dis- position reeonnaissant constitutionnellement aux associa- tions la faculté de se transf , Sous certaines conditions, en corporations ou personnes civiles, et d'en exercer les droits. À cette disposition étaient venus se joindre des amendements, qui donnaient plus ou moins d'étendue à la faculté reconnue par elle. Le Congrès n’a pas cru pouvoir aller jusque-là : dans un pays constitué comme allait l'être la Belgique, où par suite de la suppression de toute distinction d'ordre et de l'égalité de tous devant la loi, il ne devait plus y avoir en général que des individualités, des citoyens forcés, soit seuls, soit de concert entre eux, de défendre leurs droits et leurs inté- réts sous l'égide des lois, il a trouvé dangereux d'autoriser constitutionnellement d'une manière générale la formation de corporations, qui par leur organisation et leur perma- nence pouvaient mettre en péril tout ce qu'il constituait avec tant de soins et de précautions, et il a supprimé cette disposition. Par là, sans doute, il n'a pas entendu interdire toute création de personne civile, mais il a voulu en laisser juge ( 674 ) le pouvoir législatif suivant les circonstances pour chaque cas particulier et sous les précautions eonvenables à cha- cun. | Cette suppression de la disposition constitutionnelle, qui les autorisait, n'a toutefois pas été votée sans de vifs débats, les uns pensant que la personnalité civile était essentielle à toute association de quelque importance et devant aspi- rer pour atteindre son but à quelque durée, les autres pen- sant au contraire qu'une association n'a de valeur et de durée utile que par l'esprit qui anime ses membres, et que cet esprit s'évanouissant , elle ne doit ni ne peut lui sur- vivre sans dévier de son but; tous dominés peut-étre, comme la discussion elle-même dans la vivacité qu'elle avait prise, par le souvenir du passé et par les sentiments contraires qu'il leur avait laissés, mais cette fois encore, le Congrès fit abnégation de tout sentiment de ce genre; il ne consulta que le droit dans la juste mesure qui en éloigne l'abus, et sans sacrifier l'avenir et les besoins qu'il apporte avec lui, il s'abstint de rien reconnaitre constitu- tionnellement en ce point. Ce cachet particulier de l'esprit du Congrès, cette largeur de vues dans la proclamation des vérités fondamentales du droit en Belgique, cette précision avec laquelle il en fixe les bornes, ce cachet particulier si conforme aux traits qui marquent le caractère du peuple belge et le distinguent des autres peuples, se retrouve dans les dispositions qui délimitent les divers pouvoirs publics. Le Congrès y a reproduit, il est vrai, sur la distinction et le coneours de ces pouvoirs, les dispositions que ren- ferment la plupart des constitutions des divers États civili- sés, et il ne pouvait s'en dispenser parce qu'elles sont le résultat du mouvement général des idées dans les siécles ( 675 ). précédents et dans le siècle actuel, mais il les a reproduites sans les imiter servilement, s'attachant toujours à en ap- précier la vérité et à lui assigner ses justes limites. Ainsi, dans le chapitre sur les pouvoirs en général, il dégage ce qu'il y a de vrai de ce qu'il y a d'exagéré et par- tant de ce qu'il y a de faux dans cette maxime si souvent proclamée, de la souveraineté du peuple, dont on peut tirer el dont on a parfois de si étranges conséquences. La souveraineté n’appartient qu'à l'Étre suprême; de lui vient toute puissance; celle qui peut appartenir à la société humaine sur ses membres, il la lui a conférée, en faisant de l'État comme il a fait de la famille et de l'homme individuellement pris un élément de l'ordre uni- versel; c'est dans ce sens et dans ces limites seulement qu'on pourrait dire la nation souveraine, si le mot pouvait lui étre appliqué sans équivoque , c'est dans ce sens et dans ces limites que de la nation tient directement ou indirec- tement son pouvoir l'homme qui prétend commander aux hommes; le Congrés, en conséquence, s'est borné à pro- clamer que tous les pouvoirs émanent de la nation. Puis il énumére ces pouvoirs. Ici encore, nous rencontrons ce soin constant de l'as- semblée à rattacher nos institutions nouvelles aux vieilles libertés, pour lesquelles le pays a tant lutté et tant souffert, tout en les conciliant avec les formes de la société mo- derne et les idées dont ces formes sont l'expression. Trois pouvoirs distincts constituent un gouvernement national, le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pou- voir judieiaire, mais il était impossible sans renier tout le passé du pays et méconnaitre les éléments essentiels de tout État de poser les bases de ces trois pouvoirs en faisant abstraction des libertés communales et provinciales. ( 676 ) Quelques-uns méme y voyaient un quatriéme pouvoir, le seul dont le peuple belge s'était toujours montré jaloux, chaque fois qu'il pouvait faire entendre sa voix; mais le Congrés, sans se refuser à tenir compte de cet élément essentiel de tout État, n'est pas entré dans ces idées; il aurait eru affaiblir outre mesure, au détriment des libertés publiques, la puissance et l'autorité nécessaires à tout gouvernement et surtout à un gouvernement fondé sur ces libertés reconnues dans toute leur plénitude, et il s'est abstenu de faire des institutions communales et provin- ciales un des pouvoirs constitutionnels; il en a toutefois consacré l'existence et l'étendue à cóté de ces pouvoirs dans le chapitre méme qui en pose les bases se séparant sous ce rapport des pays où la commune et la province ne sont que de simples divisions territoriales et de simples rouages administratifs. Tout ce qu'a fait ensuite le Congrès dans la délimitation des pouvoirs n’est que la franche et toujours prudente application de son point de départ. Fruit des progrès de la Civilisation et du mouvement incessant des esprits en Bel- gique comme en Europe, dont la Belgique ne peut s'iso- ler, ses dispositions se retrouvent en grand nombre, il est vrai, dans la plupart des constitutions des monarchies re- présentatives, mais il ne les a faites siennes qu'aprés les avoir soumises toutes au plus scrupuleux examen et de plus il y a toujours introduit, pour chacun des trois pou- voirs, de graves modifications destinées à garantir les droits de tous et à bannir de partout l'arbitraire sans com- promettre l'ordre public. Nous nous bornerons à citer, afin de ne pas fatiguer votre attention, pour le pouvoir législatif, les dispositions organiques du corps électoral, et celles qui divisent la ( 677 ) | représentation nationale en deux Chambres; pour le pou- voir exécutif, celles qui déterminent la prérogative royale à l'intérieur de la Belgique et dans ses relations avec les nations étrangères , sous la responsabilité ministérielle ; pour le pouvoir judiciaire, celles qui établissent les juri- dictions, garantissent l'indépendance de la magistrature et les droits des justiciables, et réglent ses rapports avec le pouvoir exécutif. ; En jetant les bases de l'organisation du corps électoral, il a repoussé toute élection indirecte ou à plusieurs degrés; la raison confirmée par l'expérience des quinze dernières années lui avait prouvé que ce corps ainsi constitué pou- vait difficilement représenter l'opinion publique, les élec- teurs du premier degré ayant devers eux un but trop vague et trop éloigné pour qu'ils s'y intéressent et y marchent résolüment. La grosse question pour le Congrés en cette matiére était dans les conditions de l'électorat; il avait à choisir entre trois systèmes : celui du suffrage universel, celui de l'impôt dù par l'électeur et celui des professions libé- rales. Le systéme de l'instruction de l'électeur, qui semble au- jourd'hui attirer l'attention d'un certain nombre de publi- cistes, n'avait encore pris naissance nulle part et le Congrés ne s'en est pas plus préoccupé qu'on ne s'en préoccupait ailleurs. Le premier des trois systémes entre lesquels il eut à choisir, celui du suffrage universel, n'excita aucune difficulté; il fut écarté sans discussion : il n'en est pas de l'exercice des droits politiques comme de l'exereice des droits civils. Celui qui exerce des droits civils traite exclu- sivement de ses intéréts ; la loi, s'il est majeur, en àge de se protéger lui-même, ne peut lui imposer des conditions 2"* SÉRIE, TOME XLVII. 44 ( 678 ) : à cet égard; il doit en rester le maitre, lui seul peut souf- frir de l'usage qu'il en fait. Il en est autrement des droits politiques; celui qui les exerce ne traite pas seulement de - sa chose, il traite de la chose d'autrui ; il traite des intérêts de tous, de la société tout entiére et la société a le droit de subordonner son action à des conditions qui soient la sauvegarde de tous. Ces conditions, le Congrés les a vues dans le payement d'une somme d'impót direct, qui, en permettant de sup- poser un certain degré d'instruction dans les débiteurs, fùt l'expression de l'intérêt conscient de chacun d'eux dans les intérêts publics, pour lesquels se font les élections. Tel est le motif qui lui a fait adopter le cens comme con- dition de l'électorat; il n'a pas, comme on se plait parfois à le dire, mesuré le droit à l'argent; ses vues étaient plus hautes et tout en laissant au législateur futur le soin de mettre la quotité du cens électoral en rapport avec ces vues, il lui a permis de descendre assez bas pour que le corps électoral comprit toujours dans ses limites les divers intéréts et les diverses opinions du pays. Tel est aussi le motif principal qui lui a fait considérer comme inutile l'adjonction des professions libérales au corps électoral, quoique cette adjonction eüt été faite pour l'élection de ses propres membres. Cette adjonction, d'ailleurs,ne lui semblait pas exempte d'injustice et méme d'un assez grave abus : d'injustice en ce que hors des pro- fessions qu'on est convenu d'appeler libérales, il en est une quantité d'autres qui ne présentent pas moins de ga- - ranties d'intelligence et d'intérêt à la chose publique que celles-ci; d'un assez grave abus, en ce que certaines pro- fessions hiérarchisées auraient. fourni nombre d'électeurs votant non suivant leur libre arbitre, mais suivant les ( 679 ) ordres d'un supérieur, qui aurait ainsi à sa disposition un grand nombre d'autres voix que la sienne. Nous venons de dire que ce qui distingue surtout, entre autres différences, les dispositions constitutionnelles sur le pouvoir législatif des constitutions d'autres États, ce sont, aprés les dispositions organiques sur le corps élec- toral, celles qui en remettent l'exercice à deux Chambres de concert avec le roi. Ces dispositions donnérent lieu à delongues discussions, moins toutefois sur l'établissement de deux Chambres que sur le mode de cet établissement. Considéré en lui-méme, l'établissement de deux Cham- bres fut pourtant contesté comme inutile, comme pouvant engendrer de grands embarras dans certaines circon- stances et comme fondé uniquement sur des souvenirs et des préjugés historiques, mais une nombreuse majorité en jugea différemment, et l'on peut dire que l'intérét du débat n'était point là, qu'il était dans le mode d'établissement de deux Chambres. Le butàatteindre était la création d'une assemblée qui, sans entraver l'action d'une autre assemblée élue dans des conditions de liberté beaucoup plus larges, servit de contre-poids par son esprit modérateur à ce que cette action pouvait parfois avoir de trop vif. La complexité de ce but l'entourait de difficultés, et il donna lieu, en effet, à une quantité de projets qui furent successivement discutés et rejetés. e Congrés s'arréta enfin à celui qu'a consacré la Con- stitution; il pensa que ce projet présentait d'une part toutes les garanties de modération désirables par les con- ditions d'éligibilité dont était entouré le choix des mem- bres du Sénat et que placant, d'autre part, la source des ( 680 ) pouvoirs de ce corps là où la Chambre des représentants prenait la source des siens, il devait prévenir, autant qu'il était possible de le faire, le danger de conflits toujours à craindre entre deux corps, également maîtres absolus de leurs résolutions. Les caractères particuliers des dispositions du Congrès sur le pouvoir législatif se retrouvent dans celles qu'il a adoptées sur le pouvoir exécutif et sur le pouvoir judi- ciaire. Aprés avoir déterminé les prérogatives de la couronne, il a expressément statué que la faculté de conclure des traités avec les nations étrangéres comprises dansces pré- rogatives ne pouvait étre exercée que sous la sanction du pouvoir législatif pour les traités entrainant des obligations à charge du pays et par cela méme empreints du caractère de loi; il a de plus aussi expressément statué qu'aucun réglement ni arrété n'aurait de valeur s'il n'était pris en exécution de la loi, coupant court ainsi à toutes ces me- sures qui, sous prétexte d'administration, disposent arbi- trairement des intérêts publics; il a enfin subordonné l'action royale au contre-seing et à la responsabilité minis- térielle, et, toujours juste, il a, sans méconnaitre la part d'intervention qui appartient aux intérêts politiques dans l'aecusation des ministres, il a remis le jugement de cette accusation à un corps étranger à toute considération de cette nature, à la plus haute magistrature judiciaire du pays, à la Cour de cassation. Les dispositions constitutives de cette Cour, couronne- ment du pouvoir judiciaire, leur assurent, comme les autres dispositions constitutives de ce pouvoir, toutes les garanties d’impartialité auxquelles des accusés et des accusés de cet ordre ont droit. ( 681 ) La Constitution, sous ce rapport, comme sous les autres. rapports, n'est pas moins caractéristique de l'esprit. qui animait le Congrès : il a compris que le pouvoir judiciaire auquel revient, en définitive, la garde des droits de tous, devait étre mis à l'abri de toutes les influences dange- reuses, dont autrement ne manqueraient pas de l'assaillir tant d'intéréts opposés les uns aux autres, et il a réalisé par ses dispositions constitutionnelles sur ce pouvoir la vieille maxime de nos péres, que chaeun doit étre traité par droit et sentence. Établissement fixe des diverses juridictions; le jury pour les crimes, les délits politiques et de presse; interdiction absolue de toute juridiction extraordinaire et de toute commission; retour aux anciennes lois du pays sur la composition de ses conseils souverains, et, en conséquence, nomination des magistrats composant les Cours de cassa- tion et d'appel, ainsi que des présidents des tribunaux sur présentation de candidats faite par ces corps, avec ce cor- rectif destiné à prévenir l'abus du népotisme que les pré- Sentations de candidats sont soumises au contróle de corps électifs, le Sénat et les conseils provinciaux; nomi- nation des présidents des cours faites par les cours elles- mémes; inamovibilité des juges proclamée avec une rigueur qu'on pourrait dire minutieuse, si, en pareille matière, il pouvait y avoir minutie; la compétence judi- claire embrassant en règle générale toutes les contesta- tions snr des droits soit civils, soit politiques, et n'admet- lant de dérogation à cette règle que pour cette dernière classe de droits, mais à titre d'exception seulement. Toutes ces dispositions, dont on ne trouvait guére alors, et dont on ne trouverait guére encore aujourd'hui de dis- positions semblables ou analogues en d'autres pays, sont ( 682 ) complétées par trois dispositions’, sans lesquelles elles pourraient étre impunément éludées : le droit d'attrair^ en justice sans autorisation préalable tout fonctionnaire publie prévaricateur, la défense aux cours et tribunaux d'appliquer les réglements et tous autres actes du pouvoir exécutif s'ils ne sont conformes à la loi, et le jugement des conflits d'attribution entre les deux pouvoirs confié à la Cour de cassation. Ainsi constitué, le pouvoir judiciaire est en quelque sorte le complément de tous les droits, l'élément essentiel de l'ordre public en Belgique. Aprés avoir proclamé les droits des Belges et fixé l'étendue des différents pouvoirs appelés à en assurer l'exercice et à sauvegarder les intéréts légitimes communs à tous, le. Congrés a posé les bases de la gestion des finances et de l'organisation de la force publique du pays: ces deux moyens d'action, sans lesquels tout pouvoir est annihilé et avec lui disparaissent toutes les libertés, tous les intéréts placés sous sa garde. Et là encore, ennemi de l'arbitraire, voulant en toute chose l'ordre et la règle, il a garanti par des dispositions précises et un contrôle sévère, d'une part, la fortune publique dans ses rapports avec la fortune privée et les droits des citoyens, d'autre part, la défense de la nation contre ses ennemis intérieurs ou extérieurs, les sacrifices qu'elle impose à tous dans ses rapports avec les droits de chacun et surtout avec les droits et les intéréts des citoyens que cette défense appelle et retient sous les drapeaux. Le Congrès a mis le sceau à ses dispositions constitu- tionnelles par deux dispositions, sans lesquelles celles-ci ne seraient qu'un vain mot : l'une défend formellement d'en suspendre l'exécution, soit en tout, soit en partie; ( 685 ) l'autre en a subordonné les modifications, toujours possi- bles dans une œuvre humaine, à toutes les précautions de nature à empécher qu'elles n'y soient introduites sans une nécessité incontestable, clairement indiquée par les pro- grés de la civilisation et hautement reconnue par l'opinion publique, non par l'opinion publique d'un jour, mais par l'opinion publique lentement formée au cours du temps et des idées, la seule qui soit garante de la vérité. Tel est, Messieurs, daus ses traits principaux, ou tout au moins dans les traits qui lui sont particuliers, l'acte capital de la mission que le Congrés avait recue du peuple belge, l'acte destiné à lui créer une vie propre en fondant l'État belge. Produit, non-seulement de la civilisation générale, mais aussi et avant tout de l'histoire des anciennes in- stitutions du pays et de son attachement constant au droit et à la liberté, dont le droit est l'expression , cet acte a été accompli au milieu des troubles qui agitaient toute l'Europe, au milieu des dangers extérieurs dont nous menacait l'hostilité de la plupart des grandes puis- sances, effrayées de tant d'agitations, au milieu des dan- gers non moins grands dont nous menacait à l'intérieur le relàchement continu des liens sociaux, dans ce temps, où tout est remis en question, et où l'autorité publique à la merci des factions n'a plus qu'une force précaire; il l'a été au milieu des mesures de tout genre, que réclamait chaque jour un pareil état de choses, il l'a été en méme temps que tous les grands services publies, les finances, l'armée, l'administration, devaient étre réorganisées, au moins provisoirement. Trois mois ont suffi pour cette œuvre, et malgré ce court espace de temps, malgré tant de causes d'inquiétude et de ( 684 ) troubles, malgré tant de soins et de travaux incessants, il est peu de ses dispositions qui n'aient été l'objet du plus sérieux examen et des plus profondes discussions. La loi constitutionnelle de la Belgique était publiée et déclarée obligatoire le 24 février 1851. Mais, quelle qu'en füt l'importance, le Congrès en la proclamant n'avait achevé qu'une partie de sa tàche; il lui en restait une seconde, sans laquelle la première n'était rien, et dont les difficultés devaient mettre à de nouvelles épreuves son inébranlable constance. Il lui fallait faire passer de la lettre morte à la vie la loi eonstitutionnelle, la monarchie héréditaire, la représen- tation nationale, en un mot, les pouvoirs établis et les libertés publiques consacrées par cette loi, et dans cette partie de sa tàche, le Congrès allait rencontrer les ques- tions de personnes, questions toujours brülantes et brü- lantes surtout dans la situation extraordinaire que s'était faite la Belgique en renversant l'œuvre favorite du Con- grès de Vienne, l'établissement du royaume des Pays-Bas, cette sorte de nouveau traité de la Barrière dirigé contre la France. Le Congrés ne perdit pas de temps : les Chambres de- vaient être convoquées, une dynastie royale devait être élue. Il. s'oceupa immédiatement d'une loi électorale, préliminaire indispensable de la convocation des Cham- bres, et quant. au choix du roi, il n'avait pas attendu le vote final de la Constitution, il avait déjà dans les derniers jours qui le précédèrent, mis à son ordre du jour cette grave affaire, ne voulant point qu'elle subit le moindre retard. Ce qui distinguait la loi électorale a depuis été changé; c'était l'élévation et la diversité du cens selon les localités. L'élévation- du cens donna seule lieu à de sérieuses dif- ficultés. ( 685 ) Le cens fut porté, dans les centres populeux, au double à peu prés de ce qu'il est partout aujourd'hui. Un grand nombre de membres en demandaient l'abaissement , mais le Congrés le maintint à cette hauteur, pensant qu'il avait , par la Constitution, fait une assez large part à l’activité individuelle dans les affaires publiques et qu'il fallait, pour aller plus avant, que, par le jeu de nos libres institutions, l'esprit publie eüt pris plus de développement pratique. La diversité du cens électoral, qui, dans sa moindre élé- vation, s'appliquait plus particulièrement aux campagnes, avait un double but : faire représenter les intéréts agri- coles dans les Chambres, y introduire, avec l'esprit géné- ralement plus modéré des habitants, un contre-poids à l'esprit plus ardent des habitants des villes. Depuis, on a pensé que les intéréts agricoles, industriels et commerciaux étaient solidaires, que l'ardeur plus grande des esprits dans les villes y trouvait un contre-poids suffi- sant dans l'instruction qui y était plus généralement répan- due, et qu'il était toujours dangereux de diviser sous forme d'intérêts, les populations d'un méme pays et surtout d'un petit pays comme la Belgique, à qui plus qu'à tout autre l'union de tous est nécessaire. Quoi qu'il en soit, la loi électorale fut votée avec ces dif- férences. Nous venons de dire que l'élection du roi avait été mise à l'ordre du jour dans les derniers jours qui précédérent le vote final de la Constitution. Cet événement répandit dans le pays une vive anxiété, il fut partout le sujet des plus violentes discussions et produisit une division tranchée entre les membres de l'as- semblée. C'est qu'il y allait de tout l'avenir de la Belgique, du succès méme de la grande entreprise de notre rénova- ( 686 ) . tion nationale. La position réciproque des deux compéti- teurs auxquels seuls on avait alors sérieusement pensé, les craintes d'une guerre européenne, qui s'y rattachaient, les communications diplomatiques auxquelles donnaient lieu ces candidatures,redoublaient l'inquiétude générale et contribuaient à creuser les divisions : l'un appartenait à la famille royale de France, l'autre à la famille impériale proscrite de ce pays. La Conférence de Londres, c'est-à-dire les cinq grandes puissanees de l'Europe, repoussait ces deux candidatures, et le gouvernement francais spécialement celle du prince appartenant à la famille impériale proscrite. Des notes offi- cielles, conçues dans ce sens, étaient adressées au gouver- nement provisoire et communiquées au Congrés. Mais là encore, cette assemblée comprit le danger de l'intervention étrangère, el. voulut sauvegarder contre elle l'indépen- dance récemment proclamée; elle refusa de tenir aucun compte de ces communications, plus ou moins menacantes, plus ou moins semblables à des injonctions; elle rejeta la proposition faite par quelques membres de nommer des commissaires à Paris et à Londres chargés de s'y entendre sur le choix du roi, et ouvrit la discussion sur les candi- datures,sans égard aux décl hostiles qui lui venaient du dehors. Les partisans de celles qui étaient l'objet particulier de ces déclarations ne voulurent pourtant point en faire abstraction; ils y voyaient un moyen de succés contre leurs adversaires, et ils en usérent de part et d'autre. Les partisans du prince de la famille impériale repro- chaient aux partisans du prince francais que leur candi- dature était une annexion indirecte et prochaine à la France, qu'elle allait brouiller la Belgique avec les puis- ( 687 ) sances du Nord et que le moindre mal qui pourrait en résulter, mal encore trés-grand parce qu'il nous rejette- rait dans toutes nos perplexités, c'est que le roi des Fran- çais refuserait certainement d'accepter une pareille candi- dature dans l'intérét de la paix, objet de toute sa sollicitude. A ces reproches on répondait que la nouvelle dynastie s'identifierait par la force des choses assez tôt avec la Bel- gique pour qu'on ne püt craindre une réunion à la France, dont l'appui nous était nécessaire dans les circonstances difficiles que nous traversions; que l'hostilité des puis- sances du Nord était trop flagrante en ce moment, et le serait trop longtemps encore pour qu'on eüt à compter avec elle; qu'on avait, quoi qu'on en dit, la certitude de l'aeceptation du roi des Francais par des intelligences nouées avec des agents de son gouvernement, et l'on nom- mait méme un officier général, oceupant une haute posi- tion à Paris et venu exprés à Bruxelles à cette occasion; que la candidature vraiment dangereuse pour la Belgique était la candidature opposée à celle du prince de la famille royale de France; qu'elle était prise dans une famille dont l'un des membres se posait en prétendant au tróne impé- rial; que, dans l'état d'agitation des esprits en France et en présence des souvenirs encore vivants qu'y avait laissés la mémoire du grand empereur, il y avait là un sujet de crainte pour le gouvernement francais ; qu'aprés l'élection d'un semblable candidat la Belgique serait à ses yeux un foyer d'intrigues, de conspirations et de troubles qui nous brouillerait inévitablement avec l’un des deux gouverne- ments dont l'appui nous était assuré, et nous brouillerait sans rapprocher de nous le moins du monde les autres gouvernements, dont l'hostilité avait une cause toujours subsistante. ( 688 ) C'est au milieu de ces discussions renouvelées chaque jour sous toutes les faces, non-seulement dans le sein du Congrés, mais encore dans de nombreuses réunions pré- liminaires des partisans des deux candidatures, où d’ail- leurs se mauifestait le plus ardent patriotisme, la plus vive sollicitude pour le pays, que s'ouvrit l'élection. Le candidat de la famille royale de France fut élu, et disons de suite à l'honneur du Congrés, dont les membres donnèrent en ce momeut suprême un grand exemple, toute division cessa et tous s'unirent pour faire réussir ce choix : une nombreuse députation fut élue et envoyée à Paris avec la mission de présenter la couronne au prince francais, sous l'approbation de son pére. Elle y fut parfaitement accueillie; on s'y montra sen- sible, sans toutefois y répondre immédiatement, au vœu d'un peuple ami. Naturellement la réponse devait étre précédée de délibérations, qui prendraient quelques jours, et la députation en attendit le résultat sans se préoccuper de ce retard. Mais bientót les jours s'écoulérent sans au- cune réponse, et l'attente alla si loin, qu'un membre de la députation qui avait le plus contribué à l'élection par la garantie qu'il avait donnée de l'acceptation, garantie fondée sur ses relations avec des agents francais, ne put retenir un mouvement de vivacité en présence méme du roi, s'expliqua ouvertement sur ce retard et s'en revint à Bruxelles, prévoyant et annonçant un refus, que reçut peu de jours après la députation. Le coup était rude, l'avenir plein d'incertitude et la situation empirée par l'échec d'une préférence, de sa na- ture exclusive d'autres candidatures et peu flatteuse pour elles. Le Congrés ne se découragea point; la Constitution ( 689 ) étail désormais la loi suprême du pays; le pouvoir exé- cutif devait étre constitué ; elle lui indiquait ce qu'il avait à faire pour cela; le trône était vacant; un régent devait étre nommé et il le fut. Le choix était tout désigné dans la personne de son président , de Surlet de Chokier, dont le calme et la par- faite égalité d'humeur, la fermeté et la haute impartialité ne s'étaient pas démentis un seul instant au milieu des plus grandes agitations, et le Congrés, toujours prudent, ne voulant rien laisser au hasard , ayant l'expérience de l'homme, le nomma régent malgré les sympathies qu'in- spirait à un grand nombre de ses membres un autre dé- puté, Félix de Mérode, nature franche et loyale, intelli- gence prompte et lucide, d'un dévouement égal à sa foi religieuse et aux grandes libertés constitutionnelles consa- crées par ses votes, et que semblait unir plus étroitement qu'aueun autre à l'indépendance nationale la mort héroique d'un frére qui l'avait scellée de son sang. Tout n'était pourtant pas fini par la nomination d'un régent; à cóté du pouvoir exécutif devait étre aussi con- situé le pouvoir législatif par la convocation des Cham- bres. Cette mesure parut sans doute inopportune, le Con- grés ne la prit point, c'eüt été annoncer sa prochaine dissolution. La situation entre-temps devenait de plus en plus péril- leuse : le trône était vacant. Celle vacance laissait tout dans le provisoire et l'incertitude; elle ouvrait la porte à tous les troubles; des complots contre le nouvel ordre de choses s'ourdissaient suscités du dehors; des armements menaçants se préparaient sur notre frontière du Nord. L'Europe était en paix, à prendre ce mot dans sa rigou- reuse acception; mais cette paix, en réalité, ne tenait ( 690 ) qu'à un fil toujours prés de se rompre, et la guerre n'avait cessé d'étre imminente; la Belgique elle-méme et sa révo- lution étaient une cause toujours active de division entre les grandes puissances de l'Europe, et il eireulait des bruits de propositions de plans de partage, faites à la Conférence de Londres , pour supprimer d'un coup cette cause. Ces propositions, assurait-on, n'avaient pas été positi- vement écartées, et elles pouvaient, d'un moment à l’autre, être regardées comme une dernière ressource, une espèce d'anere de salut, pour consolider la paix et préserver l'Europe d'une conflagration générale par le Sacrifice de notre malheureuse patrie. . Cette situation réagissait de plus en plus à l'intérieur, y jetait de nouveaux ferments d'agitation au milieu des agitations déjà si grandes, divisait chaque jour davantage les esprits et faisait craindre en définitive une cata- strophe. C'est dans ces moments critiques et, pour ainsi dire à l'improviste, que surgit une candidature à laquelle, si quelques-uns avaient pensé, nul jusqu'alors ne s'était arrété pour la mettre en avant, comme si la Providence nous la tenait en réserve pour le jour des derniéres réso- lutions. Cette candidature était celle du prince Léopold de Saxe- Cobourg. Prince anglais par son mariage et l'adoption du peuple anglais , riche d'une expérience des hommes et des choses acquises auparavant dans le tourbillon des grandes affaires et des grands événements dont l'Europe avait été le théâtre et dans lesquels sa vie avait été mélée, vivant de- puis son veuvage dans une retraite studieuse, ne se désintéressant d'aucune des grandes questions politiques ( 691 ) ou autres qui remuaient le monde , en relation avec les personnages les plus marquants de la société européenne, y jouissant d'une juste considération, ayant récemment refusé le trône de la Grèce par les plus nobles motifs, il semblait par toutes ces causes. jointes aux qualités de l'âme qu’elles supposent et à un fonds de bonté que ne pouvait méconnaitre aucun de ceux qui l'approchaient , il semblait qu'il fût l’homme destiné à unir son dévouement au dévouement d’un peuple si durement éprouvé, et que l'oubli si singulier de sa personne dans les précédentes candidatures ne püt s'expliquer que par le désir incon- scient de laisser intact ce nom aujourd'hui acclamé et de lui eonserver à l'abri de tout échec toute la force morale nécessaire à la fondation d'une nouvelle et commune patrie. Son nom avait été prononcé une fois ou deux comme au basard et en passant, dans les débats d'oü était sortie l'élection du duc de Nemours, sans que personne le re- levàt. Ce nom reparut alors, prononcé d'abord par quelques voix, et bientót répété de proche en proche, il éclata au grand jour, s'empara de l'opinion publique et ne tarda pas à étre l'objet d'une proposition formelle de candidature soumise au Congrés par quelques membres en méme temps qu'une propositiou lui était faite, et était accueillie, d'un jour fixe pour l'élection. Dans l'intervalle, des membres du Congrès, soucieux de ne point marcher à l'aventure dans ces graves circonstan- ces, s'étaient entendus avec le gouvernement du Régent eL, délégués par lui, s'étaient rendus à Londres pour con- naitre les intentions du prince avant d'aller plus loin : il les reçut avec sa bienveillance accoutumée; il ne leur cacha ( 692 ) point ses sentiments; c'étaient ceux qu'ils pouvaient dé- sirer; mais il ne leur cacha pas non plus les difficultés de la situation; elles étaient dans les décisions que pouvait prendre la conférence des grandes puissances; il leur déclara franchement que la Belgique devait s'entendre avec elles et qu'à cette entente seraient subordonnées ses résolutions définitives. Naturellement nous ignorons les termes dans lesquels il exposa ses pensées, mais il est clair, et le dépôt des archives du Département des Affaires étrangères en ferait foi au besoin, il est elair que les motifs qu'il en donna étaient tirés de la situation réciproque de la Belgique et de l’Europe. La Belgique pouvait avoir le droit, elle n'avait pas la force pour elle, et ne point s'entendre avec la Conférence de Londres , s'était jouer le tout pour le tout, ou plutót Cétait tout perdre, et lui-même tromperait le peuple belge, le conduirait à une perte certaine, s’il acceptait la couronne qui lui serait offerte sans que l'entente fût faite. - Ainsi fut arrêtée la résolution du prince, fondée sans doute sur la connaissance qu'il avait de ce qui se préparait dans les conseils des puissances réunies en conférence, et là s'arrétérent les négociations, ou, pour nous servir du mot propre , les pourparlers. Les délégués revinrent à Bruxelles et rendirent compte de leur mission. Personne ne fermait les yeux sur la nécessité de s'en- tendre avec la Conférence pour conclure la paix avec la Hollande à des conditions équitables. L'aeceptation du prince, s'il était élu, paraissait donc certaine, et, dés lors, il n'y avait plus de difficulté pour mettre à l'ordre du jour la proposition de sa candidature. ( 695 ) Il s’en présenta une pourtant, espèce de fin de non- recevoir : on prétendit qu'avant de procéder à l'élection du roi, il fallait avoir réglé toutes les questions relatives à la constitution territoriale de la Belgique, mais le Congrès écarta celle difficulté; il pensa que ces questions pourraient plus facilement et plus avantageusement étre résolues par l'intermédiaire du roi, dont le choix serait agréé par toutes les puissances, et il mit la proposition à l'ordre du jour. Les débats ne furent pas longs, les préliminaires de cette élection en faisaient prévoir l'issue et le prince fut élu à une immense majorité, le 4 juin 1851. Le Congrès choisit immédiatement, dans son sein, une députation , à la téte de laquelle il placa son président et la chargea de se rendre à Londres, et de porter au prince l'expression des vœux du pays. Sur la demande qui lui en fut faite, il fixa un des der- niers jours du mois de juin, le 26, pour recevoir cette députation. Une date aussi éloignée n’altéra-en rien le calme que son éleetion avait répandu dans tous les esprits : son acceptation n'était pas douteuse; le retard s'expliquait par les négociations diplomatiques engagées à Londres. Le Congrés, en effet, avait, au moment de procéder à l'élection , autorisé le gouvernement du Régent à ouvrir des négociations avec la Conférence pour régler les bases de la séparation de la Belgique et de la Hollande et l'on en attendait l'issue avec confiance. Dans ces circonstances, il semblait tout naturel que le prince, de son cóté, comme il l'avait d'ailleurs donné à entendre dans les précédents pourparlers, s'abstint de toute autre démarche jusqu'à ce que la situation eüt, sous ce rapport, été dégagée de toute diffieulté extérieure. 2"* SÉRIE, TOME XLVII. ( 694 ) Mais le calme et la confiance ne durérent pas long- temps; la nouvelle du résultat des négociations parvint en Belgique avant le jour fixé pour la réception de la députa- tion. Cette nouvelle frappa le pays de stupeur et faillit tout compromettre en remettant tout en question. La Conférence de Londres, sans tenir compte du droit qu'a tout peuple de se constituer librement, n'entendait reconnaitre le peuple belge qu'au prix des sacrifices les plus onéreux, et j'ajouterai les plus douloureux, puisque, outre les plus lourdes charges pécuniaires, lui était imposé l'abandon d'une partie de son territoire et de populations qui s'étaient, non moins résolüment que le reste de la Belgique, engagées dans les périls et les sacrifices de l'indépendance nationale. Ces exigences des cinq grandes puissances de l'Europe, si contraires à ce qu'on en attendait, ramenérent partout dans le Congrès et hors du Congrès, les inquiétudes et les agitations et divisérent profondément les hommes les plus dévoués à la patrie. Rédigées en forme d'articles prélimi- naires, elles furent soumises à l'appréciation du Congrès au moment méme, oü le prince élu, aprés avoir recu la députation, annoncait son acceptation de la couronne, mais subordonnait son arrivée en Belgique à l'adoption des articles préliminaires. - Cette coïncidence liait en quelque sorte le sort de l'élec- tion au sort des articles et la jetait avec eux dans les dis- cussions qui allaient suivre et qui, par la nature de leur objet, étaient pleines d'incertitude et de dangers. Aussi ces discussions furent-elles empreintes d'un caractère de vio- lence, qu'expliquent seuls le double intérêt, qui s'y ratta- chait, les passions généreuses qui s'y trouvaient mélées, et les conséquences désastreuses qui pouvaient résulter ( 695 ) d'une résolution inspirée par ces passions, au lieu de l'étre par l'impartiale raison. L'heure était solennelle; il s'agissait d'une question de vie ou de mort, quelque parti qu'on prit, étre ou ne pas étre : Pour les uns, acquiescer, c'était fonder l'État belge au prix de grands et douloureux sacrifices, il est vrai, mais s’y refuser, c'était courir aux abimes! Pour les autres, c'était trahir des frères qui s'étaient engagés dans une entreprise et des périls communs en vue d'un sort com- mun, c'était méconnaître la situation troublée de l'Europe etl'obstacle qu'elle y verrait, en cas de résistance, pour re- courir de concert à la force et s'imposer par elle à la Bel- gique. Jamais, depuis la réunion du Congrés, débats ne furent plus orageux et plus indépendants des partis qui pou- vaient diviser ses membres; ils se prolongèrent neuf jours durant, et se terminèrent enfin par la résolution qui lais- sait le moins au hasard, quoique avec des sacrifices cer- tains; l'acte de la Conférence de Londres fut adopté. Ce vote mettait le dernier sceau à l'élection du prince Léopold de Saxe-Cobourg. De ce jour, l'État belge était fondé; le Congrés avait rempli sa mission; il n'y manquait plus que les derniéres formes, chose toutefois importante dans les affaires hu- maines, où la forme donne corps et vie aux idées et en assure la. durée en les appropriant à la double nature de l'homme. Une nombreuse députation fut envoyée au prince, chargée de lui renouveler l'expression des vœux de la na- tion et de l'accompagner de l'Angleterre en Belgique. Elle fut accueillie comme l'avait été la députation chargée de . ( 696 ) lui offrir la couronne, avec les sentiments que devait in- spirer à une àme élevée cette confiance de tout un peuple l'appelant à s'associer à lui dans ses périls, son dévoue- ment et ses travaux pour la sainte cause de l'indépen- dance et le développement de sa rénovation nationale. A son arrivée aux frontières de la Belgique, les accla- mations des populations accourues sur son passage le sui- virent jusqu'à Bruxelles, où devait avoir lieu l'inaugura- tion du premier roi des Belges. La veille de ce jour,le Congrés qui y voyait le terme de sa mission, crut ne pouvoir se séparer sans avoir pris auparavant deux mesures inspirées par une dernière solli- citude pour les libertés et l'ordre publie toujours insépa- rables dans sa pensée. Le jury, dont le principe avait été consacré dans la constitution, fut organisé. Le décret qui en contint l'orga- nisation était, de sa nature, provisoire aprés la longue interruption, que l'institution avait subie. Une nouvelle expérience pouvait seule en amener, comme elle en amena plus tard l'organisation définitive. Une seconde mesure non moins importante fut une loi qui garantit la liberté de la presse de deux dangers qui la menacent également; d'une part, l'impunité de l'abus qu'on peut en faire, et, d'autre part, l'arbitraire dans la répression de cet abus. L'expérience a confirmé la sagesse des dispositions du décret que porta le Congrès à ce sujet et qui forme le dernier acte de sa glorieuse carrière. Le lendemain devait en marquer la fin. En ce jour, naissait réellement la monarchie constitu- tionnelle de la Belgique. Le roi Léopold I" faisait son entrée, une joyeuse entrée, à Bruxelles; le Congrés, en ( 697 ) présence du régent, qui venait de déposer ses pouvoirs, le recevait au milieu d'un grand concours de peuple, sur une des places de la capitale, éclairée par un soleil éclatant, et là, s'accomplissait la cérémonie de l'inauguration de notre premier roi constitutionnel, cérémonie pleine de grandeur par sa simplicité et la gravité de l'acte dans lequel elle se résumail. Le président (it donner lecture de la Constitution ; le roi préta le serment de l'observer, aiusi que les lois du peuple belge, de maintenir l'indépendance nationale et l'intégrité du territoire. L'œuvre était achevée, la grande voix du peuple y ré- pondit par d'immenses acclamations; le roi se dirigea vers son palais accompagné de l'assemblée qui se sépara de lui pour se rendre dans la salle de ses délibérations. Là, le Congrès accomplit le dernier acte de son exis- tence; il s'ajourna jusqu'au jour de la réunion des Cham- bres et prononca sa dissolution pour ce jour, laissant à la postérité les plus grands exemples du patriotisme et de l’activité laborieuse, de l'énergie et de la prudence, l'exemple du respect le plus scrupuleux pour le droit, et, ce qu'on ne peut trop rappeler parce que là est et sera toujours le salut des nations, l'exemple de l'union de tous dans un méme but supérieur anx partis, l'exemple des égards mutuels, malgré les dissidences d'opinions qui les engendrent et qui, en définitive,ont une source commune, le bien public diversement apprécié. M. Alph. Le Roy vient ensuite prendre place au bureau pour donner lecture du travail suivant, intitulé : ( 698 ) Le mécanisme et la liberté. La science a de singuliers retours. L'astrologie a fait son temps, disait-on hier encore ; voici que la physiologie prend sa place, jalouse comme elle de nous livrer à la main de fer du destin. Autrefois, sous le manteau d'Aris- tole, on raisonnait ainsi : tout se tient dans la nature; l'harmonie règne entre le ciel et la terre; le supérieur régit l'inférieur; nos vocations sont écrites au-dessus de nos têtes en lettres de feu; l'avenir n’a point de secrets pour qui sait déchiffrer le langage visible des révolutions sidé- rales. Les races, les familles, les individus ont leur prédes- tination. Au moment de la naissance d'un enfant, deux planètes sont en opposition ou en conjonetion; c'en est fait : le sort de cet enfant est arrêté : il eùt été tout diffé- rent sous d'autres influences célestes, ou si seulement l'innocente créature était entrée dans la vie sur un autre point de ce monde sublunaire. Mais il n'y avait à cela aucune possibilité : chacun naît où et quand il doit naître. On ne parle pas différemment aujourd'hui, si ce n'est qu'au lieu de consulter les astres, on cherche à surprendre les mouve- ments des cellules élémentaires, le concours des forces multiples dont l'individu ne serait que le groupement ou la résultante. La puissance du regard qui percait l'immen- sité insondable se concentre dans la recherche de l'infini- ment petit non moins mystérieux; le télescope a cédé son autorité au microscope, mais les conclusions sont les mêmes. Ce qui s'est accompli devait s'accomplir, et ce qui s’accomplira est assuré dés à présent. ( 699 ) Déjà Lavoisier n'hésitait pas à soutenir qu'on parvien- drait un jour à évaluer ce qu'il y a de mécanique « dans le travail de l'homme qui réfléchit, de l'homme de lettres qui écrit, du musicien qui compose. » C'était beaucoup dire sans doute; pourtant je ne vois pas que Lavoisier ait prétendu qu'il n'y aurait rien que de mécanique dans ces activités intellectuelles. M. Dubois-Raymond va plus loin : pour l'illustre physiologiste (1), il est démontré « qu'un esprit qui connaitrait, pour un espace de temps déterminé, méme très-petit, la position et le mouvement de tous les atomes dans l'univers, serait en état de déduire, à l'aide des régles de la mécanique, tout l'avenir et le passé du monde. Jl pourrait, par une application exacte de sa for- mule, nous dire qui était le Masque de fer, où et comment périt le président Lincoln. Comme l'astronome prédit le jour où, après bien des années, une comète doit reparaitre à la voùte céleste des profondeurs de l'espace, ainsi cet esprit lirait, marqué dans ses équations, le jour où la croix grec- que brillera de nouveau au sommet de la mosquée de Sainte-Sophie, le jour où l'Angleterre brülera son dernier morceau de coke... » Non-seulement tous les événements, mais nos desseins, nos intentions, tous les actes dont nous figurons étre les auteurs seraient donc susceptibles d’être prévus, je ne dis point par Dieu, que le fondateur du positivisme a remercié « de ses services provisoires, » mais par un mécanicien suffisamment habile. L'Irrésolu aurait peut-être mieux fait d'épouser Céliméne ; mais il était écrit qu'il ne l'épou- serait pas. Maximilien d'Autriche, au contraire, était (i) Cité par M. Nolen dans son introduction à l'Histoire du matéria- lisme de Lange. Paris, 1877, in-8e, t. 1, p. xix. ( 700 ) réservé à Marie de Bourgogne; il n'aurait pu dire non, car alors, au siècle suivant, la France et la maison d'Autriche ne seraient pas entrées en rivalité, Philippe IT n'aurait pas allumé de büchers en Belgique, le Taciturne créé la Hol- lande, la guerre de succession éclaté, Joseph IT publié ses ordonnances, que sais-je? Or tout cela devait arriver : les équations le voulaient ainsi. Ce n'est pas tout: le cœur humain n'ayant point de secrets pour elles, nous leur de- manderons demain la bonne aventure. Chiromancie, expli- cation des songes, prophétie lugubre de Cazotte, art de M'* Lenormant, rien de plus sérieux : l'essentiel est d'étre convaincus que le libre arbitre n'est qu'une illusion de notre ignorance, et de bien connaitre les dispositions des atomes. Le mot liberté avait recu jusqu'ici trois significa- tions différentes : les uns y voyaient le pouvoir que l'homme se reconnait de prendre par lui-méme des déter- minations et de penser comme il veut, dans la citadelle imprenable de son for intérieur; pour les autres, la liberté par excellence était l'indépendance du sage que la pratique constante du bien a rendu inaccessible aux entrainements des passions; pour d'autres enfin, point d'autre liberté que l'absence de contrainte. « Nous avons changé tout cela, » dit magistralement la science : la dernière interprétation est la seule bonne. Je suis libre de faire ce qu'on ne m'empéche pas de faire, et tout est dit. Insensé qui croit au libre arbitre! Nous pensons vouloir librement, parce que nous voulons en connaissance de cause : imagination! Tout se ramène à l'impulsion d'un motif prépondérant, décisif. Nous croyons commander, tandis que notre voli- tion est entraînée : c'est le besoin, père du désir, qui nous pousse en avant. « La liberté n'apparait nulle part dans ces phénomènes strictement liés. » Qu'est-ce done que la ( 701 ) liberté? Encore une fois, purement et simplement la sup- pression de tout frein, « l'exercice non entravé des fonc- tions de l'organisme, soit dans son activité interne, soit dans ses relations avec le monde extérieur. » Elle n'existe que dans l’action, elle en est la carrière , et qu'est-ce que l'action? « L’accomplissement du besoin. » Depuis l'hum- ble rhizopode jusqu'au citoyen civilisé d'une république, tous les étres vivants sont libres en tant que leur expan- sion n'est point empéchée, mais pas autrement (1). C'est la liberté spinoziste, qui s'accommode fort bien du destin. Tout cela est grave, car logiquement, en dernière ana- lyse, le dernier mot du nouveau mécanisme, c'est l'identi- fication de la liberté et de la force triomphante, l'absolu- tion de tout succès, le règne du fait accompli. Malheur au vaincu! L'épée de Brennus a fait pencher la balance; il suffit : l'épée de Brennus est la loi du monde... en atten- dant un nouveau tour de la roue de fortune. Un peu plus instruits, nous saurons d'avance devant quelle idole nous nous prosternerons au moment opportun, brülant ce que nous avons adoré. Au fait, nous n'y aurons ni mérite ni démérite : question d'atomes, instinct de eonservation. Le Bellérophon fait voile pour Sainte-Hélène : vivent les mar- quis de Carabas! vivent les majorités, l'une aprés l'autre : Le véritable Ampbitryon C'est l'Amphitryon où l'on dine. De là au cynisme, il n'y a qu'un pas. A quoi bon des (1) André Lefèvre, La philosophie (Bibl. des sciences contemporaines), Paris, 1879, iu-12 ; Pp. 546 et suiv. — Ces propositions, du reste, ne datent pas d'hier : on m retrouverait presi mot pour mot dans les écrits de Hobbes et des empiriques du XVI1I* siècle. ( 702 ) scrupules et des délicatesses? Puisque nous ne pouvons rien changer au cours des choses, laissons-nous entrainer. Sommes-nous maitres de nos besoins? Tant mieux pour qui l'emporte « dans la lutte pour l'existence»;les autres ne méritent pas méme un souvenir. Il y a pourtant, à certain point de vue, une part de vérité dans cette désolante doctrine. Il s'agit de l'homme, bien entendu :la difficulté n'existe pas en decà; la psychologie et l'éthique sont seules en cause. Mais comme elles sont battues en brèche ! La première est déjà mise au ban de la « scieuce »; la métaphysique n'est pas plus dédaignée. Quant à la morale, du moment que la liberté interne n'est qu'un rêve, il n'y a plus qu'à la remplacer par une théorie du conflit des intérêts. — Vous vous récriez : on pervertit le sens des mots, dites-vous ; on simplifie commodément le probléme en supprimant une de ses inconnues; on affiche de ne s'en rapporter qu'à l'expérience et à l'analyse, et voilà qu'on hasarde des hypothéses dont ni le microscope, ni le scalpel, ni le ealeul n'ont pu jusqu'ici vérifier les don- nées; on affecte en un moi de ne prendre point garde à cette voix importune de la conscience du bien et du mal, voix plus puissante pourtant que les trompettes de Jéri- cho, voix que l'abrutissement seul peut empêcher d'en- tendre. — Oui, répondrai-je; mais malgré cette confusion, cette contradiction, cette surdité volontaire, les mécanistes n'ont pas tort à tous égards. Voyons plutót. Nous sommes en présence d'un fait irréfragable. Pas un psychologue ne niera que « le corps et l'àme forment un tout naturel, » pour parler comme Bossuet. Le travail de la pensée, aussi bien que la plus simple émotion, se révéle par une modification organique; le sang afflue au cerveau, charriant en quelque sorte les idées; la dissidence est seu- ( 703 ) lement sur le point de savoir si cette modification est cause ou effet. Quoi qu'il en soit, elle tient essentiellement à l'état antérieur, elle en est influencée, puisqu'elle n'est caractérisée que par son contraste avec celui-ci et que le changement implique la continuité. Or la série de mes étals organiques remonte au premier instant où ma mère m'a conçu et m'a nourri de son sang avant de me nourrir de son lait. Elle m'a transmis son sang tel qu'il était, sain ou vicié; je procède de deux êtres qui ont traversé à leur tour les mémes phases, et ainsi de suite, de telle sorte que sije me meus dans mon petit tourbillon, cependant je con- tinue ma race comme la branche continue le tronc. J'ai ainsi hérité des idiosyncrasies, des appétits, des répu- gnances, des délicatesses nerveuses de mes pères. Je subis les conséquences de leurs faiblesses et de leurs maladies. Le descendant d’un fou est plus exposé qu’un autre à de- venir fou, le fils ou le petit-fils d’un ivrogne à subir la tyrannie de l'alcool. On a vu la maniedu vol, du viol, de l'assassinat, du suicide se perpétuer dans certaines famil- les, faire explosion au moment où l'on s'y attendait le moins, chez des individus dont la conduite avait été jusque- là exemplaire (1). Ce n’est pas tout: des propensions héré- ditaires paraissant dues à des causes toutes morales ne sont nullement rares; ainsi le bigotisme étroit, l'irréligion systématique, l'esprit de contradiction, d'envie, de dénigre- ment : une attention suffisante, à vrai dire, les ramènerait (1) La question de l'hérédité a été spécialement étudiée dans ces der- niers temps par MM. Prosper Lucas, Ribot, etc. Citons encore la Psycho- logie morbide de Moreau (de Tours), la Psychologie naturelle du Dr Des- pine (de Marseille), £e crime et la folie, par M. Maudsley, et le livre si instructif de M. Houzeau sur Les facultés des animaux comparées à celles de l'homme (Mons, 1872, 2 vol. in-89). ( 704 ) à des cas pathologiques. L'hérédité suit d'ailleurs des voies très-singulières : on dresserait des listes d'hommes de génie qui ont eu pour fils des idiots, et réciproquement; d'autre part, on citerait des dynasties ou encore des fa- milles d'artistes ou de savants, fécondes sans interruption en personnalités d'élite, pendant le eours de nombreuses générations. Les énergies s'épuisent plus ou moins promp- tement ou deviennent latentes comme pour se retremper ; mais en toute hypothèse il faut bien proclamer, avec un éminent écrivain d'outre-Manche, que nos meilleurs amis ou nos plus cruels ennemis sont nos propres ancêtres. Cette conviction de la solidarité des hommes à travers les àges est aussi ancienne que l'état social lui-méme. Elle se trahit dans la maxime : noblesse oblige, et, en revan- che, dans la réprobation attachée à certaines races. Tantót c’est une famille qui porte le sceau fatal, tantôt c'est un peuple, tout un groupe de peuples. L'auteur de la tragédie allemande du Vingt-quatre février, analysée avec une sorte de terreur par M"* de Staël, n'a fait que rajeunir la sombre tradition des Atrides. La sentence inexorable du destin, plus fort que les dieux, ne parait pas toujours avoir été méritée. L'action criminelle, pour avoir été fatale, n'en est pas moins expiable : le sang crie vengeance ; Némésis atteindra tôt ou tard jusqu'au dernier rejeton du maudit. Faut-il évoquer la légende d'OEdipe, si éminemment tra- gique à raison de cette contradietion mystérieuse qui nous serre le cœur ? Faut-il rechercher l'origine du préjugé qui a si longtemps condamné, qui condamne encore des mil- lions d'hommes à l'esclavage, parce que leur peau est plus foncée que la nótre? La eroyance au péché originel rentre dans le méme ordre d'idées ; seulement elle prend sa source dans le fait d'un premier abus de la liberté, et elle écarte ( 705 ) Némésis par l'espoir d'une rédemption. Mais il n'a. fallu rien de moins que la prédication de Jésus pour effacer toute différence entre le peuple élu et les gentils voués aux ténébres, pour persuader enfin aux hommes que le salut de chacun est dans ses mains comme dans les mains de Dieu. Cependant l'idée de la responsabilité individuelle a été lente à mürir; on n'a p as perdu l'habitude de maudire les morts dans les vivants. Ici, par exemple, la flétrissure n'a fait que changer d'objet. C'est à peine si, à l'heure présente, le stigmate d'infamie dont le moyen âge avait marqué les juifs s'est complétement effacé de leurs fronts. Sans s'inquiéter de crime ni d'expiation, nos mécanistes ont aussi leur facon de maudire. Raisonnant .dans l'hy- pothése évolutioniste, ils rendent au mot Zp/ezc; la double signification qu'on lui donnait aux temps homériques : le meilleur, c'est le plus fort,le plus beau, le héros, le demi-dieu. Affaire de sélection, d'élection si l'on veut; l'empire est aux plus aptes, aux mieux doués. Tous sont appelés, mais peu sont élus: « la grande majorité des concurrents malheureux doit nécessairement périr (1). » À cette condition seulement le perfectionnement pro- gressif des organismes est possible : la nature est émi- nemment aristocrate. La sélection a commencé à s'opérer dés que la première monére a élé mise en mouve- ment; nous avons ainsi traversé, luttant et vainquant toujours, tous les états de l'animalité avant d'étre devenus hommes, ainsi que le voulait déjà le vieil Anaximandre, et maintenant nous poursuivons le combat dans les con- ditions où nous sommes placés. Deux lois dominent tout : la loi d'hérédité, la loi d'adaptation. L'hérédité, c'est la (1) HagckEL, Les preuves du transformisme. Paris, 1879, in-12, p. 112. ( 706 ) conservation des perfections acquises ou des infirmités contractées; l'adaptation, c’est le progrès sous l'influence des milieux, laquelle détermine les changements de con- formation externe. De là des races privilégiées, à qui est réservé le gouvernement du monde, et des races de parias, destinées à s'appauvrir de plus en plus jusqu'à en- tiére extinction. La loi d'adaptation n'a pas seulement attiré l'attention des matérialistes; en regard de la philosophie de l'histoire de Condorcet, je pourrais placer les théories de Herder et de Michelet sur le rapport intime des climats avec les habi- tudes, la vigueur et le perfectionnement tout entier des populations. Les faits relevés à l'appui de cette thése ne sont pas plus contestables que les faits d'hérédité ; les uns et les autres serviront à la construction d'une science qui n'est encore que dans l'enfance pour ainsi dire, mais qui parait appelée à un grand avenir; je veux dire l'histoire naturelle de l'homme considéré non dans un type abstrait, mais dans sa réalité vivante et historique, la science des maurs enfin. Combinée avec l'hérédité, l'adaptation rend raison de la formation et de l'altération insensibles des caractères nationaux. Les survivances, comme on dit aujourd'hui, se révélent sous mille formes trop peu obser- vées avant notre temps ; rien n'est à dédaigner dans les dictons populaires, dans les jeux des enfants en rapport avec le calendrier, dans les contes de nourrice, derniers vestiges d'anciens mythes, dans les superstitions les plus grossiéres, dans une foule de préjugés et d'usages les mémes partout au fond, trahissant leur commune origine sous le vétement d'emprunt dont les poétes du peuple se sont parfois avisés de les affubler. D'un autre cóté, le mélange ou le croisement des races a eu pour effet, C 707 ) soit de fondre graduellement les nuances, soit de donner lieu à de nouveaux types, surtout s'il s'opère chez des émi- grants, obligés de changer d'habitudes. Quelles différences entre les Yankees, par exemple, et les Anglo-Saxons de l'ile-mére! Cependant à certains traits indélébiles, à leur sens pratique, à leur persévérance indomptable, on ne sau- rait se méprendre sur leur cousinage. Les relations com- merciales, les déplacements de l'industrie sont encore des facteurs à considérer; des influences non moins puissantes, au contraire, maintiennent ailleurs les façons de vivre sécu- aires. Se multipliant au milieu de nous, dispersés sur tous les points du globe, les juifs sont restés les juifs. Les chrétiens renégats sont-de beaucoup plus nombreux que les musul- mans convertis à la foi de l'Évangile. Les enfants tsiganes élevés dans nos meilleures écoles retournent tót ou tard à l'existence vagabonde de leur tribu. Montesquieu sentait ou pressentait cette vérité quand il écrivait l'Esprit des lois. Ce n'est pas impunément qu'on fermerait les yeux sur les préjugés les plus ridicules ou les plus tristes, alors qu'ils sont profondément enracinés. Observez sans parti pris les masses populaires, si faciles à entrainer lorsqu'on flatte leurs instincts traditionnels ou les appétits jadis in- connus qu'elles doivent à des institutions plus égalitaires: vous serez frappés de la force d'inertie ou de résistance opiniàtre qui résulte à la fois de ces deux impulsions, et vous vous direz qu'en somme l'indépendance personnelle pourrait bien étre tout ce qu'il y a de plus rare en ce monde. On le voit : si le libre arbitre n'est pas un préjugé, il est dans tous les cas singulièrement paralysé par les mœurs. Le passé et le présent nous emprisonnent dans les mailles ( 708 ) d'un réseau inextricable, ou encore, ils conspirent à nous pétrir comme une cire molle; nul n'échappe entière- ment à ses prédispositions héréditaires ni à son éducation, à l'orbite où il a gravité, non de son plein gré, depuis son enfance. Jusqu'ici je ne vois pas ce qu'on pourrait objecter aux mécanisles; tout fait acquis demeure acquis, et les conséquences en sont inévitables; rien ne se perd ni ne s'oublie. Mais, est-ce bien tout? A-t-on pénétré jusqu'à l'essence de la pensée et de la volonté, parce qu'on a constaté que nous sommes engagés dans une ornière, et que la chute s'accélére en raison de la vitesse acquise? La pensée n'est qu'une transformation du mouvement, dit M. Hubert Spencer, rajeunissant une formule condillacienne. 1l fau- drait du moins dire une transmutation (au sens du moyen àge), fait justement observer M. Naville; ear en vérité ce n'est pas un changement de forme qu'on affirme ici, mais un changement de nature. Le mouvement se spécifie par sa rapidité et par sa direction ; or, la pensée contient visible- ment autre chose (1). Que tous les chefs-d’œuvre de l'es- prit humain répondent à un certain arrangement ou à un certain ébranlement des atomes, assimilable aux évolu- tions d'une danse (la comparaison est d'un mécaniste), il ne s'ensuit pas encore que l'unité de l'inspiration ou de la composition réside dans la juxtaposition des matériaux employés. Ce n'est pas seulement l'accord ou la succession agréable des sons qui me séduit dans une symphonie, c'est la mélodie révélatrice d'une autre àme à mon àme (qu'on me passe ce vieux mot). Elle produira sur vous une im- pression qui ne sera pas celle que j'ai ressentie, mais nous (1) Revue philosophique (de Paris) , mars 1879, pp. 208 et suiv. ( 709 ) nous entendrons sur le sentiment, sur la pensée que l'au- leur a voulu traduire; les notes ne sont done pas tout; il arrivera méme que nous jugerons , distinguant nettement le fond de la forme, que l'auteur a bien ou mal rendu son idéal. De méme vous subirez autrement que moi la magie de l'éloquence; mais si l'orateur a été clair, nous ne discu- terons pas sur ce qu'il a voulu dire. Quelle que soit notre facou de sentir, nous sommes ici en présence d'une lumiére fixe qui brille au dehors, d'une unité indivisible, continue, objective, d'un tout qui n’est pas une somme de parties, mais une intégrale d'un ordre supérieur. Le méme effet eüt pu étre produit par des sons, par des mots différents. Et comment se serait opérée cette métamorphose du mou- vement en pensée, sans le concours actif du génie de l'ora- leur ou du musicien? Mystère insondable, dit l'éminent apótre de l'hypothése : le mouvement est un mode de l'in- connaissable, la pensée en est un autre; qui oserait affirmer qu'ils ne sont pas réductibles entre eux? — Mais de quel droit affirmez-vous qu'ils le sont? Vous partez d'une pos- sibilité tout à fait incertaine, puisqu'elle n'est point du ressort de l'expérience, votre criterium unique, puis vous concluez du possible au réel. La nouvelle théorie de la volonté n’est pas moins dog- matique. La volonté se ramènerait à la tendance irrésistible d'une certaine quantité de force reçue et accumulée, si bien que nous ne saurions créer un seul mouvement : le déterminisme universel des phénomènes en serait dé- truit (1). Tous les modes actifs de la conscience se tradui- sent immédiatement en un fait organique, soit ; mais sont- ils pour cela soumis, comme les modes passifs, à un (1) Ibid., p. 275. Me SÉRIE, TOME XLVII. E 46 ( 740 ) déterminisme absolu (1)? C'est ici que la morale est en danger et que, nous allons le voir, le mécanisme s'égare. Pour uu mécaniste conséquent, il n'y a point d'autre morale que les mœurs elles-memes, des habitudes passées à l'état d'instincts. « Je crois, dit M. Spencer dans une lettre qui a eu un grand retentissement (2), je crois que les expériences d'utilité, organisées et consolidées à travers toutes les générations passées de la race humaine, ont pro- duit des modifications nerveuses correspondantes qui, par transmission et accumulation continues, sont devenues chez nous certaines facultés d'intuition morale, certaines émotions répondant à une conduite juste ou injuste, qui n'ont aucune base apparente dans les expériences d'utilité individuelle. » Nous sommes devenus des étres organique- ment moraux; les principes de morale n'ont été obtenus que par généralisation : voilà qui est dit. Je me demande pourtant comment M. Spencer peut parler d'émotions « répondant à une conduite juste ou injuste? L'illustre penseur me parait rentrer tout d'un coup dans le champ de la morale impérative par une porte dérobée. Peut-on, en effet, prononcer le mot justice sans lui donner le sens d'une régle éternelle, nécessaire, indépendante de tout intérét individuel ou collectif? M. Guyau a beau s'appuyer, pour défendre M. Spencer, sur les sentiments altruistes; grossissez ces sentiments à l'infini, vous n'atteindrez pas encore la JUSTICE. Ce que l'on peut accorder, c'est que le sens moral pro- prement dit, j'entends par là le rapport que nous saisis- sons entre nos désirs et nos devoirs, ne s'est dégagé que ) Ibid., p. 274 d Lettre à M. Bain, citée par M. Guyau, Ibid., p. 308. (HE) peu à peu du sentiment de notre faiblesse individuelle. L'homme ne peut vivre isolément; sa minorité a besoin d'appui : l'autorité. paternelle s'impose par une loi natu- relle. Dans l'état sauvage, à la vérité, cette domination dure tout juste autant que la force virile; aussi est-elle tout arbitraire. On se débarrasse sans serupule des vieux parents qui ne sont plus que des bouches inutiles; la femme n'est qu'une proie, l'enfant sera peut-être sacrifié ou vendu comme esclave. Mais il est impossible d'en rester là, sous peine de périr misérablement. Peu à peu les besoins et les intéréts rapprochent les familles et créent une colleetivité plus large, le clan ou la tribu. Il faut à chacun la subsis- tance, à tous une protection assurée; on se soumet volon- tiers au pouvoir du plus fort, du plus hardi, du plus résolu. En méme temps s'éveille, sous l'influence des terreurs de la nature et de la régularité de ses phénoménes, l'idée de puissances supérieures à tous les hommes, à tous les êtres. La religion, c'est-à-dire la reconnaissance publique de ces puissances redoutables, apparait sur la terre comme le premier lien des sociétés : la vie nationale débute sous ses auspices. Notons cependant que cette religion primitive n'a rien de commun avec ce que nous appelons la morale; on voit poindre à peine celle-ci dans quelques maximes pratiques, fondées sur l'expérience. La loi n'est encore que l'expression d'une volonté tout extérieure; l'obéis- sance ne procède que de la crainte. L'individu existe à peine pour lui-méme, tant la routine des usages et des rites détermine tous ses actes; il travaille et se repose quand on le lui preserit; il ne peut se nourrir comme il l'entend. Cependant les exigences de la vie civile affranchissent graduellement l'état de la domination du sacerdoce, inter- préte de la loi divine. La religion continue d'étre respec- ( 212 ) tée, mais elle n'est plus qu'une institution comme les autres, un ensemble de cérémonies représentatives de l'unité nationale, et à ce titre obligatoires. L'impie n'est pas l'ineroyant, mais celui qui ne prend point part aux sacrifices; l'obligation n'a pas encore sa source dans la conscience. Je ne sais quel sentiment vague des droits individuels se fait pourtant jour; l'autorité purement extérieure prenant un caractère tyrannique, aucune vio- lence ne coûtera pour lui résister. Sous des rameaux de myrte, Harmodius et Aristogiton dissimuleront leur glaive vengeur, et les Athéniens délivrés chanteront leur gloire. Ici non plus la morale n'a rien à voir; on en est encore à la loi du talion; l'illusion patriotique dissimule, hélas! la gravité du crime. Heureusement un autre courant d'idées viendra bientôt régénérer la Grèce, en attendant qu'un courant plus puissant encore vienne inonder de ses eaux vives et fécondantes toute l'étendue du monde policé. La vie morale digne de ce nom a pris son essor le jour méme oü les échos de l'Agora ont répété comme à l'envi l'appel pressant d'un Socrate : Connais-toi toi-même! Ce jour-là, le destin aveugle a été foulé dans ses ténébres, les ca- prices des dieux frappés d'impuissance, le Dieu vivant caché dans nos cœurs entrevu; ce jour-là, l'homme inté- rieur a célébré sa fête de naissance; et le jour où le sage a bu la ciguë aprés avoir refusé de quitter sa prison, l'image resplendissante du devoir a imposé silence aux intéréts sordides et aux passions viles, tandis que la reine- liberté, souriante d'espérance au reflet de cette pure lumiére, a vu poindreà l'horizon l'aube du triomphe ma- gnifique qui lui est réservé. Les socratiques ont eu la gloire d'éclairer l'homme sur sa nature morale et de lui attribuer le mérite de ses ver- C S) tus; mais leurs derniers missionnaires ont exagéré ce principe sauveur en réagissant outre mesure contre l'idée de la solidarité humaine; jusqu'à la fin des temps anti- ques, ils ont oscillé entre l'égoisme d'Épicure et l'égoisme des stoiciens plus noble, mais purement abstrait. L'intérét et le vain orgueil ne pouvaient être vaincus que par le principe de l'amour, qui brave les superbes et relève les humbles, ne sacrifie ni la communauté ni l'individu, mais les sauve l'un par l'autre et proclame que le bien de cha- €un est purement et simplement le bien de tous. Dès lors l'idée du devoir est compléte, elle est devenue indépen- dante de toute autorité extérieure, elle défie, par consé- quent, toute contrainte. Il dépend de toi de faire le bien; fais-le quand méme, selon ton pouvoir; aie soif de justice pour toi el pour tes fréres, coüte que coüte, car à ce prix seulement tu garderas la paix du cœur, — et le reste ne vaut pas qu'on le recherche. C'est ainsi qu'il a fallu des siécles pour nous mettre en possession de nous-mémes, pour nous apprendre à distin- guer la morale des mœurs, la loi du fait, la liberté de la conscience de la liberté de la force brutale. Allons-nous retourner en arriére et ne plus voir dans les affections désintéressées que des entrainements héréditaires dont l'origine est oubliée, dans la justice elle-méme qu'une idée conventionnelle, un produit de l'expérience et de l'habi- tude? Sans aucun doute, de méme que l'individu n'atteint pas en un jour l’âge de raison, de méme la société a passé par une longue enfance avant que la lumière se soit faite dans la conscience publique et privée. Mais les vérités qu'elle a découvertes alors se sont imposées à elle et pour toujours, parce que leur caractère propre est de ne pou- Voir étre concues de deux maniéres. On n'a pas toujours ( 714 ) connu la géométrie ni la logique, mais une fois qu'elles ont été connues, on a compris qu'aucune expérience ne viendrait jamais les démentir. Le mathématicien ne rai- sonne pas sur la figure imparfaite qu'il a tracée sur la planche noire, mais, il est bon de le redire, sur le cercle ou le triangle éternellement parfaits qu'il voit des yeux de l'esprit. ll a fallu passer par l'expérience, mais l'expé- rience par elle-méme ne nous a rien montré d'immuable, et cependant rien de plus positif, de plus certain que l'égalité des rayons de tous les cercles, hier, aujourd'hui et à jamais. Qu'importe ici le mouvement des atomes? Is ne sauraient se grouper contrairement aux lois mathé- matiques : celles-ci ne dérivent done pas de leurs combi- naisons. Ah! je comprends l'enthousiasme des pythagori- ciens pour les nombres, dont les rhythmes leur apparais- saient comme d'essence divine, à raison de leur constance indépendante de nous. En serait-il autrement dans le do- maine du juste et de l'injuste? La question est évidem- ment plus complexe, puisqu'il ne s'agit plus ici d'abstrac- tions pures, mais de principes pratiques déterminés, en dehors de leur rapport à la nature de cet étre « ondoyant et divers » qui est appelé à en rendre témoignage. 1l est certain, par exemple, que si tous nos actes sont prédéter- minés, ils ne sont ni moraux ni immoraux. Or, le fait est que, malgré nous, soit instinclivement, soit par réflexion, nous leur attribuons une valeur morale, c'est-à-dire nous les jugeons non-seulement opportuns ou conformes à ce que nous croyons étre notre intérét, mais conformes ou non conformes à une loi que nous ne pouvons pas nous représenter comme variant avec les circonstances. En un mot, nous distinguons fort bien ce qui est, le fait, de ce qui doit étre, des prescriptions d'une loi immuable. Que ( 745 ) les mécanistes voient là une illusion, à leur aise; encore est-il qu'il y a pour moi, ne füt-ce que dans mon idée, un domaine qui n'est pas celui de l'expérience. Une analogie frappante rendra, ce me semble, ma pensée tout à fait claire. Un artiste de retour d'Italie m'entretenait un jour de la difficulté qu'éprouvent les copistes des musées à rendre la divine beauté qui rayonne dans les figures de Raphaél arrivéau plein épanouissement de son génie. C'est que, me disait-il, on n'y saisit pas un contour définitif, unique, précis : on a le choix entre plusieurs lignes. Il n'est pas permis de douter que Raphaël, d'intuition, n'ait entrevu la ligne de beauté par excellence; mais il s'agit de la retrouver parmi d’autres et c'est là ce qui désespère. Lui-méme n'est point parvenu à la tracer, mais elle se dé- gage en quelque sorte à distance. Que dis-je? Dans sa fameuse lettre au comte de Castiglione, le peintre d'Urbin reconnait lui-même que ses meilleures œuvres ont tou- jours été infiniment au-dessous de son idéal. Cet idéal existe pourtant, il est donné, sans quoi le connaisseur, le peintre lui-méme ne pourrait constater que l'imperfection de ses moyens l'a entrainé à tracer sa ligne en decà ou au delà. Eh bien! il en est du juste comme du beau : nous ne sommes point capables d'atteindre, de réaliser sa perfec- tion immatérielle, mais seulement d'en approcher indéfini- ment. Mais il nous subjugue et nous oblige, et nous ne pouvons faire autrement que d'y tout rapporter. Il existe devant nous, il est là comme une limite que notre nature débile ne sait parfaitement garder, mais que nous ne pouvons déplacer selon notre caprice. Or, cet idéal de perfection, comment nous sentirions-nous tenus de le poursuivre si nous étions en tous points les esclaves de nos besoins et dés appétits de chaque jour? (RO Y Le seul fait de l'existence en nous de l'idée du devoir postule, comme un fait également indiscutable, l'existence du libre arbitre. C'est plus qu'une conviction inébranlable: ma liberté m'est rigoureusement démontrée. On a beau dire que le moi se réduit à une série de sensations; il est toujours, je le veux bien, sous le coup d'une im- pression quelconque; ses impressions et les réactions qu'elles provoquent sont les phénoménes, les états succes- sifs à travers lesquels se déroule son existence; mais ces états ne sont les siens que parce qu'il ne peut faire autre- ment que de se les attribuer, ce qui révéle son identité permanente. Il est celui qui subit ces impressions el qui sait qu'il les subit. La conscience n'est qu'un phénoméne comme un autre, dit-on; mais comment ce phénomène serait-il possible si je n'étais pas libre? L'acte de con- science est par excellence un acte de liberté; je ne puis dire moi,me renfermer en moi-même sans m'être détaché volontairement de mes impressions sensibles. Or, je puis dire moi, je le dis : ce seul mot est une preuve qui défie tous les sophismes. On veut des faits, en voilà un : vous niez le mouvement, je marche ; l'existence du mouvement est prouvée. Quand je dis : moi, je relève le front, car je sens ma puissance. Mais je sens aussi ma faiblesse, la limite de mon indépendance. Je vois un certain ordre dans l'univers, un ordre dont je ne suis pas l'auteur et qui persistera sans moi; je ne puis faire tout ce que je veux. Eh oui! mais enfin je puis vouloir, et, Dieu merci! ma part est assez belle. L'homme ne s'est-il pas soumis les forces les plus redoutables de la nature, n'a-t-il pas transformé la surface du globe, n'a-t-il pas creusé le sol pour en extraire des instruments de son travail ? mais qu'il dépasse la mesure, * ( 747 ) qu'il surchauffe une machine, qu'il demande à la terre nourricière plus qu'elle ne peut lui donner, qu'il se livre à des excès quelconques, il en sera victime : l'ordre des choses est plus fort que lui. Mais il était libre d'agir, par cela seul qu'il est né capable de se tromper. S'il n'était pas libre, pourquoi étre condamné à verser dans l'erreur? Quel mauvais génie lui aurait donné la première impulsion ? Les mécanistes raisonnent singulièrement, car pour être logiques, ils devraient refuser aux ancétres ce qu'ils refu- sent aux descendants. Le déterminisme absolu implique contradiction, par rap- port à nous. Spinoza dit dédaigneusement : « Celui qui se croit libre rêve les yeux ouverts. » Mais si toutes mes pensées, toutes mes aspirations sont arrêtées d'avance , il ne dépend pas de moi de réver ou de ne pas réver les yeux ouverts. Voilà donc que je crois à la liberté parce que, d'une part, la science m'apprend que je ne puis faire autre- ment que d'y croire, et de l'autre, cette méme science m'avertit que je soutiens une absurdité. C'est à n'en pas sortir; mon existence méme serait un mensonge. Com- ment! Je serais tout à la fois emporté par le torrent et debout sur le rivage pour le regarder passer! Mais je ne crois pas, je sais que je suis libre. L'huma- nité a une histoire, elle marche vers des destinées dont elle pressent invinciblement la splendeur et dont les im- pressions de l'heure présente n'auraient su lui donner l'appréhension, ne s'appliquant qu'à des états passagers. Sans la liberté nous n'aurions point d'histoire; nous tour- nerions dans le cercle infranchissable de la vie animale. Ce qui nous spécifie, c'est précisément la certitude que nous avons de pouvoir toujours opposer aux forces bru- tales qui tendent à nous envahir une énergie, une volonté (718 ) qui les brave : la logique irrésistible des faits n'exclut pas une perturbation momentanée. Nous concevons aussi fort bien qu'un résultat donné soit obtenu par des voies fort différentes; nous fixons notre enjeu. Les dispositions héréditaires, l'éducation, les passions nous troublent la vue, soit; elles ne font pas que nous n'éprouvions des re- grets cuisants quand nous avons agi autrement que nous ne devions agir. Notre caractére, disait le philosophe Her- bart, est la conséquence d'un certain équilibre des impres- sions reçues; c'est tout juste le contraire qu'il eût fallu dire. L'homme de caraetére n'est pas celui qui attend de son journal un mot d'ordre , mais celui qui ne prend con- seil, advienne que pourra, que de sa conscience, fourvoyée ou non. Les hommes de caractére sont trés-rares sans contredit ; le troupeau de Panurge est innombrable ; mais enfin il se rencontre des hommes qui savent vouloir, à leurs risques et périls; et ce sont ceux-là qui , personnel- lement ou par l'empire de leurs idées, dirigeront tót ou tard la barque. D'aucuns , à cause de cela, se sont mis à croire que l'énergie de la volonté est tout l'homme; seule- ment qu'ils y prennent garde; c'est une exagération pour une autre : la volonté n'est déterminée qu'en raison de la clarté des intuitions. — Non, s'écrient les mécanistes : la volonté n'est que le besoin d'expansion, d'envahissement. Point de vain serupule; en avant! C'est plus fort que nous. On en vient ainsi à Ja théorie annexionniste; on en vient à penser, avec Hobbes, que la guerre est notre état normal. L'harmonie n'est qu'une paix temporaire, prélude d'un nouveau drame sanglant qui ne finira, à son tour, que pour en annoncer un autre, et cela jusqu'à l'anéantissement des faibles, car le loup est fait pour croquer l'agneau. Associa- tion et dissociation des forces élémentaires, tout est là; la (62497) force est la loi souveraine, fatale, insurmontable. Les insti- tutions qui régissent les sociétés humaines ne sont que des préparatifs de défense ou de conquéte : les uns les expli- quent par l'évolution, les autres par des contrats basés uni- quement sur l'intérêt ; dans les deux hypothèses elles n'ont qu'une valeur de circonstance. Donc, pas plus de droit ab- solu que de morale universelle : le droit n'est que l'apanage de l'autorité conquise ou consentie, et il subit le contre- coup des révolutions , il est subordonné à tous les change- ments de majorité. Nous vivrions ainsi dans une instabilité perpétuelle ou dans la résignation de l'insouciance, retournant au pro- babilisme des anciens sceptiques. Cherchons la science pour doubler nos jouissances , car qui peut dire ce que le lendemain nous réserve? Nos suecesseurs perceront les voiles de l'avenir; quand la mécanique aura dit son dernier mot, ils seront prudents à bon escient. En attendant, pro- fitons du présent, voilà le commencement et la fin de la sagesse... je m'arréte effrayé. La guerre, la lutte acharnée entre tous, toujours et par- tout, le pied sur la poitrine de l'ennemi renversé, l'oppres- sion des faibles, Cain absous, Étéocle et Polynice rempla- cant Oreste et Pylade; ou bien les folles orgies qui suivent la vietoire, ou bien pour les avisés la recherche altérée du plaisir, la vertu ridiculisée, bafouée, asphyxiée par les odeurs qui montent des assommoirs oü tróne le vice héré- ditaire, voilà donc notre sort, voilà le tombeau de nos naives espérances, le cauchemar épouvantable dont le microscope menace l'immense majorité de nos fréres! Car on a beau parler d'altruisme ; si les mécanistes ont raison, le contrat qui régle aujourd'hui nos intéréts communs ne survivra pas au déplacement de ces intéréts. Heureuse- ( 720 ) ment nos observateurs sont myopes : ils voient en deca, comme les purs idéalistes prétendent voir au delà. lls ne font attention qu'aux éléments matériels qui s'entre-cho- quent et se groupent, et le tout n'est jamais pour eux que l'agglomération temporaire des parties, l'individu qu'une complexité de cellules, la race qu'une somme d'individus. L'unité supérieure qui constitue le tout n'existe pas pour eux : leur monde n'est qu'un amas de poussière. Ils nient méme toute finalité, ce que M. Paul Janet ne parvient pas à leur pardonner (1). Mais quant à la véritable question en litige, c'est-à-dire quant au point de savoir comment il se fait que nous avons l'idée de quelque chose d'absolu, d'éternel, de nécessaire, ils se réfugient dans l'inconnais- sable. C'est commode : je suis aveugle, donc la lumière n'existe pas. Absorbés par vos expériences, vous avez laissé l'analyse vous dessécher le cœur. O maitres naturalistes, psycho- physiciens, physiologistes de l'esprit, vous avez disséqué des corps vivants, vous avez mesuré le paroxysme de la souffrance physique, épié les phases de l'épuisement et de lagonie; vos admirables expériences, — car il les faut admirer toutes cruelles qu'elles sont, — ont pu vous apprendre comment un muscle palpite, comment un nerf tressaille; mais elles ne vous ont révélé que les énergies qui luttent et qui résistent, et non celles qui créent, qui unissent et qui fécondent. Vous n'avez pu torturer l'homme, et néanmoins vous avez osé juger l'homme, prétendant dogmatiquement qu'il n'est qu'un animal plus finement organisé que les autres, et que l'animal n'est qu'un homme plus ou moins avorté. Vous avez tout (1) Les causes finales. Paris, 1876, in-8e. ( 724.) sondé, excepté ce qu'il y a d'humain dans l’homme. Vous avez non-seulement renié son idéal de justice, mais encore sa volonté de le réaliser. C'est iei surtout qu'éclate votre insuffisance. ll vous a échappé que la force propre de l'homme n'est pas dans la vigueur de ses haines et de ses convoitises, mais dans l'expansion irrésistible de l'es- prit de concorde qui le porte à tendre la main aux faibles, au lieu de les écraser, qui adoucit les mœurs et prépare de loin un droit international respecté. Vous avez pris pour types les sauvages de la civilisation, et vous ne vous êtes pas demandé ce que deviendrait cette civilisation dont vous vous enorgueillissez vous-mêmes, si elle leur était livrée. Vous avez mis à nu des plaies vives, et vous ne vous étes pas doutés, ce semble, que le reméde est à cóté d'elles... L'amour, non cette excitation toute sensuelle, synonyme pour vous de l'instinet de conservation de la race, mais l'amour qui s'étend à tout et à tous, qui convie au banquet social les misérables comme les autres, qui les associe à toutes nos conquétes morales et matérielles, qui a fondé nos institutions, de plus en plus tolérantes, sur la base de nos devoirs mutuels, qui nous a fait un bonheur d'étre justes et bons, qui a inspiré tous les arts et a créé pour ainsi dire une seconde nature plus magnifiquement divine que l'autre, voilà ce que vous méconnaissez ou ce que vous dénaturez, et voilà pourquoi vos découvertes merveilleuses ne nous conduiraient qu'à la dissolution et au désespoir, s'il était possible que l'humanité n'eüt plus foi qu'en elles. Mais j'oublie que l'humanité n'est pour vous qu'un vain mot : il n'existe à vous en croire que la danse des cellules, réductible en équations. O maitres! vous valez mieux que vos doctrines. À votre insu vous croyez , vous aussi, l'homme libre, puisque vous ( 722) lui donnez des conseils; vous croyez à l'ordre, puisque vous êtes déterminisles; vous croyez méme à l'amour, car vous n'étes ni moins bons péres, ni moins bons citoyens que les autres. Vous éprouvez méme une certaine tendresse pour les déshérités, puisque vous dites aux législateurs de tenir compte, dans l'imputation des actes, de la fatalité héréditaire et de l'influence des milieux. Mais votre erreur théorique n'en est pas moins de détendre en nous tout ressort, en enlevant à la morale son caractére universel et sa sanction divine. Vous avez inventé une formule spé- cieuse : la morale progressive. Ces deux termes jurent ensemble : si la Joi morale varie avec les temps, comme . leslois humaines, il n'y a plus de morale. Progressive ? Vers quoi? Vous avez done, vous aussi , un idéal de perfection! Vous ne pouvez faire un pas dans l'inconnaissable, dites- vous : eh bien! ne quittez pas le terrain solide où vous êtes établis, mais laissez à l'homme sa foi naturelle et son sens commun. Des esprits rigides, frappés de cette confusion de la morale et des mœurs et ne révoquant en doute ni la liberté humaine ni le caractére impérieux du devoir, ont essayé d'isoler l'idéal du bien et de constituer un nouveau stoi- cisme , une morale indépendante. C'est encore tomber d'un côté pour s'empécher de tomber de l'autre. Réduite à une catégorie abstraite, l'idée du devoir n'est qu'un (il dela Vierge qui flotte en l'air. L'idée du devoir est une idée de rapport, et tout rapport suppose deux termes : ici, d'un cóté, notre nature vivante, avec ses affections qui la tiraillent en sens divers; de l'autre, la sanction éternelle de la loi, Dieu enfin, quelle que soit l'essence de cette supréme inconnue. Otez un de ces termes ou remplacez-les par une évolution aveugle et fatale, les mécanistes auront raison : plus de ( 725 ) morale absolue. La morale ne tient pas sans doute à la spé- cialité de nos croyances ni à la simple logique des faits ; mais, ou elle n'est pas, ou elle a sa source dans la religion de l'humanité, qui se résume en trois mots : liberté, amour, justice. Ce n'est point là une religion dogmatique, mais c'est la religion méme, la religion de l'ignorant comme du savant, sentiment instinctif d'abord, réfléchi ensuite, source et lumiére de toutes les vertus, conciliation de la loi et du fait. On essaye de toutes parts de constituer la science sociologique : elle n'aura jamais d'autre base que ce trépied inébranlable. L'homme n'est ni ange ni béte, disait Pascal. Ne nous aventurons pas dans les nuages et ne descendons pas trop bas. Les hautes aspirations de l'homme ont leur domaine, la physiologie a le sien. Mais encore une fois, nier ce qu'on ne voit pas, ce n'est guère que se prévaloir d'une infir- mité. Les applaudissements de l'assemblée ont répondu à ces deux lectures. M. le secrétaire perpétuel proclame le résultat suivant des concours et des élections : PRIX TRIENNAL DE LITTÉRATURE DRAMATIQUE FRANCAISE. Par arrêté royal du 6 mai 1879, conformément aux propositions du jury chargé de juger la septième période du concours triennal de littérature dramatique en langue française, le prix est accordé à M. Louis Claes, avoué à Bruxelles, auteur des pièces suivantes : André Vésale, drame en 4 actes et 5 tableaux, Mathilde Gilbert, drame en 5 actes, l'Employé, comédie en 5 actes. (724 ) RÉSULTATS DU CONCOURS ANNUEL DE LA CLASSE. Deux mémoires, écrits en français, ont été reçus en réponse à la première question du programme : Les encyclopédistes français essayèrent, dans la seconde moitié du XVIII* siècle, de faire de la principauté de Liège le foyer principal de leur propagande. Faire connaître les moyens qu’ils employérent et les résultats de leurs tentatives, au point de vue de l'influence qu'ils exercérent sur la presse périodique et sur le mouve- ment littéraire en général. Le premier mémoire porte pour devise : « En majeure partie, les hommes ne savent ni remonter ni redescendre le cours des idées, etc. » (Aue. Cocniw.) Le second : « Sous la constitution la plus libre, un peuple ignorant est toujours esclave. » (CONDORCET.) La Classe, ayant entendu les rapports de ses commis- saires, décide de partager le prix de 600 francs entre les auteurs de ces deux mémoires. L'ouverture des billets cachetés a fait connaitre comme étant l'auteur du premier, M. Henri-Victor-Alfred Fran- cotte, docteur és-lettres, à Liége; et comme auteur du second, M. J. Küntziger, professeur à l'Athénée royal d'Arlon, à Seymerich lez-Arlon. ( 728 ) — Deux Mémoires, l'un en flamand, l'autre en francais, ont été recus en reponse à la deuxiéme question : Écrire l'histoire de Jacqueline de Baviére, comtesse de Hainaut, de Hollande et de Zélande, et dame de Frise. Le premier porte pour devise les vers suivants : « Doulce est la peine » Quant elle amaine » Aprés torment » Contentement. » (1590) Le second, la citation suivante de Cicéron (Tuscul. IH, 20) : « Quid laboro nisi ut veritas in omni quaestione explicetur? » La Classe, adoptant les conclusions de ses commissaires, vote la médaille d'or de six cents francs à l'auteur du pre- mier de ces mémoires. L'ouverture du billet cacheté a fait savoir qu'il est dû à M. Frans de Potter, à Gand, déjà lau- réat de l'Académie. MM. Francotte et de Potter viennent recevoir des mains du président la récompense qui leur est décernée. M. Küntziger a motivé son absence par écrit. ÉLECTIONS. La Classe avait eu le regret de perdre deux de ses mem- bres titulaires depuis les derniéres élections annuelles : M. J. Roulez, de Gand, et M. J.-H. Bormans, de Liége. 2"* SÉRIE, TOME XLVII. 47 ( 726 ) Elle a porté ses suffrages, pour ces deux places vacantes, sur MM. Stanislas Bormans et Charles Piot, déjà corres- pondants. Leur élection sera soumise à la sanction de Sa Majesté. La Classe a élu correspondants : MM. T.-J. Lamy, pro- fesseur à l'Université de Louvain; J. Henrard, major d'ar- tillerie à Anvers, et Alphonse Vandenpeereboom , Ministre d'État à Bruxelles. (727) CLASSE DES BEAUX-ARTS, Séance du 7 mai 1879. M. le chevalier Léon DE BuRBURE, directeur. M. Liacre, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. L. Alvin, Guill. Geefs, Jos. Geefs, C.-A. Fraikin, Éd. Fétis, Edm. De Busscher, J. Franck, Gust. De Man, Ad. Siret, J. Leclercq, Ern. Slingeneyer, Alex. Robert, Ad. Samuel, Ad. Pauli, J. Schadde, mem- bres ; Alex. Pinchart, correspondant. M. Mailly, membre de la Classe des sciences, assiste à la séance. CORRESPONDANCE. —— M. le Ministre de l'Intérieur envoie : 1° Une expédition de l'arrété royal du 21 avril dernier approuvant l'élection de MM. Théodore Radoux en qualité de membre titulaire de la section de musique; 2^ Une expédition d'un arrété royal de la méme date qui nomme MM. de Burbure, Conscience, Fétis, Heremans, Potvin, Samuel et Wagener membres du jury chargé de juger le concours des cantates pour l'année actuelle (M. Marchal remplira les fonctions de secrétaire); 5° Une expédition et des exemplaires de son arrêté du (A8 ) 30 mars dernier qui modifie certaines dispositions (concer- nant l'examen des lauréats) de l'arrété ministériel du 5 mars 1875, pris en exécution de l'arrété royal du 5 mars 1849, relatif au concours de composition musicale. Il adresse en méme temps des exemplaires d'une bro- chure qui contient toutes les dispositions relatives à ce concours. M. le Ministre de l'Intérieur envoie, pour la bibliothèque de l'Académie, un exemplaire des ouvrages suivants : 1° Geschiedenis der antwerpsche schilderschool, par Max Rooses (les quinze premières livraisons), in-8° ; 2 P.-P. Rubens, Aanteekeningen over den grooten meester en zijne bloedverwanten, 1*-5* aflevering, par P. Génard; 3° Compte rendu officiel des fêtes organisées par la ville d'Anvers à l'occasion du 300° anniversaire de P.-P. Rubens, publié par G. Lagye; 4 La musique aux Pays-Bas avant le XIX* siècle, par Ed. Vander Straeten. Tome III. — M. Théodore Radoux remercie la Classe pour son élection de membre titulaire. — M. Abram Basevi, à Florence, remercie pour le der- nier envoi des publications académiques. ÉLECTIONS, La Classe continue à M. De Busscher la mission de la représenter au sein de la Commission administrative pen- dant l'année 1879-1880. ( 729 ) CONCOURS DES CANTATES POUR 159295, —— M. le seerétaire perpétuel fait savoir qu'il a recu , avant le 1% mai, les cantates suivantes, parmi lesquelles le jury nommé ad Aoc désignera les piéces francaise et flamande dont une devra servir de texte aux concurrents pour le grand prix de composition musicale de l'année actuelle : PIECES FRANCAISES. N° 1. Les Héros gantois. — Devise : « Les vrais héros sont plus rares que les grands guerriers. » N° 2. La Vision de Tinctoris, ou le chant précurseur de l’âge moderne. — Devise : « Oui, l'aube s'est levée !... » (V. Hvoo, Plein ciel.) N° 5. Nuit d'hiver. — Devise: « Qui donne aux pauvres préte à Dieu. » N° 4. Drames maritimes. — Devise : « Avec courage!» N* B. Derniers moments d'Egmont. — Devise : « Sans peur, sans reproche. » N° 6. Didon. — Devise : « Vixi, quem dederat cursum Fortuna peregi, eic. » (VIRGILE.) N° 7. Les Martyrs. — (Souvenirs de 1850.) N° 8. Charles XII. — (Sans devise.) N° 9. Patrie. — Devise : « Foi et amour. » N° 10. Ambiorix. — Devise : « Horum omnium fortis- simi sunt Belgae. » (César, liv. L) N° 41. La Moisson. — Devise : « Le fruit du travail est le plus doux des plaisirs. » N° 19, Un demi-siècle de paix, 1880! — Devise : « Le ( 730 ) petit peuple belge est devenu grand. » (Méme billet cacheté pour les n** 11 et 12.) N^ 15. La Sœur de charité. — (Sans devise.) N* 14. Colomb (1492). — (Sans devise.) N° 15. La légende du cœur de cire. — Devise : « Douce est la mort qui vient en bien aimant. » (Pur. DEsponTEs.— Diane, liv. I, sonnet XVIII.) N° 16. Trois tombes, — (Sans devise.) N° 17. Agar et Ismaël. — Devise : « Or, Dieu écouta la voix de l’enfant, et un ange dit à Agar : Ne craignez point, car Dieu a entendu la voix de votre fils... » (Genèse, chap. XXI, v. 17.) N° 18. Judith. — Devise : « Délivrance. » N° 19. La Belgique et les muses. — (Sans devise.) PIÈCES FLAMANDES. N° 1. Mane, thekel, phares, — Kenspreuk : « Confregit in die irae suae reges. » N° 2. Zomernacht. — Kenspreuk : « Over hill, over dale, etc., » SHAKESPEARE.—Midsummernightdream II, 1. N° 5. De Runnenkoning. — Kenspreuk : « Mes fils, je vois venir le roi des derniers temps. » (LE comTE DE Liste, LE Ruwoip.) N* 4. De Dichter. — Kenspreuk : « Met droomen er komen. » N* 5. De Leeuw van Belgie. — Zonder kenspreuk. N° 6. Het Visschersmeisje. — Kenspreuk : « Voor taal en kunst. » N* 7. Kollebloemen. — Kenspreuk : « Dichtung und Wahrheit. » N° 8. De Luchtreis. — Kenspreuk : « In excelsis. » ( 751 ) N° 9. Anneessens. — Kenspreuk : « Gott liess ein ed' .les Volk nie untergehen! (Herlossohn.) » N* 10. De Slag von Roosebeke. — Kenspreuk : « Volks- gezindheid. » N° 11. Wellemoed. — (Même billet cacheté que les n^* 15 et 14 des cantates francaises. N° 12. Cantate op 's lands onafhankelijkheid .—Zonder kenspreuk. N° 15. Afrika. — Zonder kenspreuk. N* 14. Vrede! — Kenspreuk : « Vrede zij op aarde. » N° 45. De Lente. — Kenspreuk : « Voor vorst en vader- land! » N° 16. De Geuzenheld. — Kenspreuk : « Noord en Zuid. » N* 17. Dante Alighieri. — Kenspreuk : « Vlaanderen. — Italie. — Vrijheid-Kunst !... » N° 18. Camoéns. — Kenspreuk : « En Cantey jà. » N° 19. Heilige Drieeenheid. — Kenspreuk : « "t Zij 200! » | ———— = RAPPORTS. MM. Joseph Geefs et Fraikin donnent lecture de leur appréciation du second rapport semestriel de M. J. Dillens, lauréat du grand concours de sculpture de 1877. Cette appréciation sera envoyée à M.'le Ministre de l'In- térieur, pour étre communiquée au lauréat, par les soins de l'Académie royale des beaux-arts d'Anvers. — M. Fétis donne lecture de l'Exposé de l’adminis- ( 7382 ) stration de la caisse centrale des artistes pendant l'an- née 1878. Ce document figurera dans l'Annuaire de l'Académie pour 1880 avec l'exposé financier présenté par M. Alvin dans la séance du 6 février dernier. OUVRAGES PRÉSENTÉS. Faider (Ch.). — La garantie de la Constitution, discours pro- noncé à l'audience solennelle d'installation de M. le conseiller Van Berchem à la Cour de Cassation de Belgique, le 6 mars 1879. Bruxelles, 1879; br. in-8°. Scheler (Aug.). — Trouvéres belges (nouvelle série) : chan- sons d'amour, jeux-partis, pastourelles, satires, ete., par Gon- thier de Soignies, Jacques de Cisoing, cte. Louvain, 1879; in-8*, Catalan (E.). — Sur les lignes de courbure de l'ellipsoide et de la surface des ondes. Paris, 1878; extr. in-8*. Fredericq (Paul). — Note sur l'Université calviniste de Gand (1578-1584). Gand, 1878; extr. in-8*. — Le renouvellement en 1578 du traité d'alliance conclu à l'époque de Jacques Van Artevelde, entre la Flandre et le Brabant. Gand, 1879; extr. in-8°. Firket (Ad.). — Sur quelques fossiles animaux du système houiller du bassin de Liége. Liége,1879; extr. in-8*. Dauby (J.) — Des Gréves ouvrières. Bruxelles, 4879; pet. in-8^, De Schodt(Alph. . — Méreaux de bienfaisance ecclésiastiques et religieux de la ville de Bruges. Bruxelles, 1873-1878 ; in-8°. Rooses (Max.). — Geschiedenis der antwerpsche schilder- school, aflevering 1-15. Gand, Anvers, La Haye, 1878; 15 ca- hiers in-8*, ( 733 ) Lagye (Gustave). — Le 300” anniversaire de Pierre-Paul Rubens. Compte rendu officiel des fêtes organisées par la ville d'Anvers, du dimanche 5 jusqu'au lundi 27 août, 17* partie. Anvers, 1877; in-8° Génard (P.). — P.-P. Rubens. Aanteekeningen over den grooten meester en zijne bloedverwanten, aflevering 1-5. Anvers, 1877; 5 cah. in-4°. Leboucq (H.). — Description anatomique d'une monstruo- sité de la main. Gand, 1879; extr. in-8". — Analyse de l'ouvrage de Key et Retzius, intitulé : « Stu- dien in der Anatomie des Nervensystems und des Bindege- webes, 4° Häfte. » Gand, 1879; extr. in-8°. Moeller (le D‘). — Du daltonisme au point de vue théo- rique et pratique; étude eritique des méthodes d'exploration du sens chromatique, et rapport à M. le Ministre des Tra- vaux publies sur la réforme des employés des chemins de fer affectés de daltonisme, etc. Bruxelles, 1879; in-8*. Arnould (Gustave). — Mémoire historique et descriptif du bassin houiller du Couchant de Mons. Mons, 1878; vol. in-#°. Goebel (Max.) — Carte de la production, de la circulation et de la consommation des charbons belges en 1877, avec un commentaire contenant les tableaux justificatifs et les maté- riaux employés. Liége; 4 f. in-pl. coloriée. Ministère de l'Intérieur. — Exposé de la situation du royaume de 1861 à 4875, 2* et 5* fascicules. Bruxelles, 1879; 2 cah. in-8°. — Annuaire statistique de la Belgique, IX* année, 1878. Bruxelles, 1879; in-8". — Recucil des procés-verbaux des séances des conseils pro- vinciaux (1878). Bruxelles, Anvers, Gand, ete., 9 vol. in-8". Cercle drin are de Termonde. — Annales, 2* série, tome IH, 4° livr. — Publications extraordinaires, n? 5. Ter- monde, Gand, Tr ; 2 cah. in-8°. Musée royal d'histoire naturelle de Belgique. — Mémoires sur les terrains crétacé et tertiaires préparés par feu André ( 754 ) Dumont, pour servir à la deseription de la carte géologique de la Belgique, édités par Miehel Mourlon, tome IIl, terrains ter- tiaires, 2% partie. Bruxelles, 1879; vol. in-8*. Willems-Fonds. — Vlaamsche bibliographie, lijst van ne- derlandsche boeken, tijdschriften en muziekwerken, in Belgié in 1878 verschenen. Gand, 1879; in-18. Société belge de microscopie — Annales, tome IV, 1877- 1878. Bruxelles, 1879; vol. in-8°. Recueil consulaire, tome XXIV, 1878. Bruxelles, vol. in-8°. ALLEMAGNE ET AUTRICHE-HONGRIE. Naturw. Verein für Sachsen und Thüringen. — Zeitschrift für die Gesammten Naturwissenschaften , 1878. Halle; in-8°. K.b. Akademie der Wissenschaften. — Ueber die che- mische Synthese, Festrede gehalten in der óffentl. Sitzung. am 25 Juli 1878 von D" Adolf Baeyer. Munich 1878; in-4*. K. Sternwarte zu Göttingen. — Veróffentlichungen. Göt- tingue, 1878; cah. in-8°. K. Sternwarte bei München. — Meteorologische und magne- tische Beobachtungen , 1878. Munich, 1879; in-8°. Verein für Erdkunde. -— Notizblatt, IHI. Folge, XVII. Heft. Darmstadt, 1878; in-8°. Verein für vaterlündische Naturkunde in Württemberg.— Jahreshefte, 55. Jahrg. Stuttgart, 1879 ; in-8°. Naturforschende Gesellschaft zu Freiburg. — Berichte über die Verhandlungen, Band VII, 5. Heft. Fribourg, 1878; in-8°. K. Akademie der Wissenschaften. — Politische Correspon- denz Friedrich's des Grossen, 1. Band. Berlin, 1879; vol. in-8°. Universität in Tübingen. — Urkunden zu Geschichte der Universität (1476-1550). Tubingue, 1878, in-8°. — Zur vierten Sücularfeir der Universität, im Sommer 1877. Tubingue, 1877 ; in-8°. K. k. Sternwarte zu Prag. — Astronomische, magnetische ( 735 ) und meteorologische Beobachtungen, im Jahre 1878. Prague, 1879; in-4^ K.statist.-topogr. Bureau. —Württembergische Jahrbücher für Statistik und Landeskunde, 1878,11-V. Hefte; 1879, I. Heft. — Beschreibung des Oberamts Tuttlingen. — Vierteljahrshefte für württembergische Geschichte und Alterthumskunde(1878). Stuttgart, 1878-1879; 7 cah. gr. in-8*, et 4 vol. in-8° Naturwissenschaftlicher Verein in Bremen. — Abhand- lungen, 6. Bd. 4. H. Brême, 1879; in-8°. Edelmann (Th). — Neues Hygrometer. Munich, 1878; extr. in-8*. Weyr (D' Emil). — Ueber die Abbildung einer rationalen Raumeurve vierter Ordnung auf einen Kegelschnitt. Vienne, 1875; extr. in-8°. — Weitere Bemerkungen über die Abbildung einer ratio- nalen Raumeurve vierter Ordnung auf einen Kegelschnitt. Vienne, 1876; extr. in-8*. — Ueber die projectivische Beziehung zwischen den singu- lüren Elementen einer cubischen Involution. Vienne, 1876; extr. in-8?. — Ueber Punktsysteme auf rationalen Raumeurven vierter Ordnung. Vienne, 1877 ; extr. in-8°. — Ueber Raumeurven vierter Ordnung mit einem Doppel- punkte. Vienne, 1877; extr. in-8°. — Ueber die Abbildung einer mit einem Cuspidalpunkte verschenen Raumeurve vierter Ordnung auf einen Kegel- schnitt. Vienne, 1878; extr. in-8°. — Ueber die Abbildung einer Raumcurve vierter Ordnung mit einem Doppelpunkte auf einen Kegelschnitt. Vienne, 1878; extr. in-8*. — Bemerkungen über eine besondere Art involutorisch liegender Kegelschnitte. Prague, 1876; extr. in-8°. Verein für naturwissenschaftliche Unterhaltung zu Ham- burg. — Verhandlungen, 1876, HE. Band. Hambourg, 1878; in-8*, ( 756 ) K. Sternwarte zu Berlin. — Astronomisches Jahrbuch für 1881. Berlin, 1879 ; in-8*. Naturforschender Verein. — Verhandlungen, XVI. Band, 1877. Brüun, 1878; in-8*. AMÉRIQUE. Johns Hopkins University. — Chesapeake zoólogical labo- ratory organized and conducted by W. K. Brooks, scientific results of the session of 1878. Baltimore, 1879; in-8*. .. (Loubat J.-F.). — The medallie history of the United States of America (1776-1876), wit 170 etehings by Jules Jacquemart, volume I and II. New-York, 1878; 2 vol. in-4*. Offener Brief an den deutschen Reichskanzler Bismark. New-York, 1879; in-#°. FRANCE. Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. — Table chro- nologique des diplómes, chartes, titres et actes imprimés concernant l'histoire de France, tomes V-VII. — Recueil des historiens des Gaules et de la France, tomes XX-XXIII. — Histoire littéraire de la France, tomes XXIV-XXVII ; nouvelle édition, tomes I-XV. Table générale des matiéres contenues dans les quinze premiers volumes, par Camille Rivoir. Paris, 1840 à 1877; 8 vol. in-folio et 21 vol. in-4°. Société des sciences de l'agriculture et des arts de Lille. — Mémoires, 4° série, tome VI. Paris, Lille, 1879; in-8°. Société de l'histoire de France. — Journal de ma vie, mé- moires du maréchal de Bassompierre, 1'* édition, par le mar- quis de Chantérac, tome IV. — Lettres d'Antoine de Bourbon et de Jehanne d'Albret, par le marquis de Rochambeau. — Mémoires inédits de Michel de la Huguerie, par le baron A. de Ruble, tomes I et II (1570-1587). — Anecdotes historiques, (487 ) légendes et apologues tirés du recueil inédit d'Étienne de Bourbon, dominicain du XIII* siècle, par A. Lecoy de la Marche. — Extrait des auteurs grecs concernant la géographie et l'histoire des Gaules, par M. Edm. Cougny, tome I. — Chro- niques de Froissart, par Siméon Luce, tome VII (1567-1570). — Histoire du gentil seigneur de Bayart, par J. Roman. — An- nuaire-Bulletin, 1877, 1878. Paris, 1877-1878; 10 vol. in-8°. Société agricole scientifique et littéraire des Pyrénées-Orien- tales, vingt-troisième volume. Perpignan, 1878; vol. in-8*. Société d'émulation du Doubs. — Mémoires, 5° série, 2e vol., 1877. Besancon, 1878; in-8°. Société archéologique, historique et scientifique de Sois- sons. — Bulletin, tome VII, 2° série. Soissons, 1878 ; in-8*. Certes (A.). — Sur une méthode de conservation des Infu- soires. Paris, 1879 ; extr. Lambert (Ern.).— Morphologie du système dentaire des singes. Rouen, 1879; extr. in-8°. Philbert (Em.). — De la eure de l'obésité aux eaux de Brides (Savoie). Paris, 1879; br. in-8°. Houel. — Catalogue des pièces du musée Dupuytren, t. Ill, ` avec atlas. Paris, 1878; 2 vol. in-8°. Société nationale des antiquaires de France. — Mémoires et Bulletins, tome XXXVIII. Paris, 1877 ; in-8°. Muséum d'histoire naturelle. — Nouvelles archives 2"* sé- rie, tome I°", 4% et 9* fascicules. Paris, 1878; in-4°. Smith (Lawr.). — Mémoire sur le fer natif du Groénland et sur la dolérite qui le renferme. Paris, 1879; br. in-8°. — Rapport sur ce mémoire fait à l'Académie des sciences de Paris. Paris, 1878; extr. in-4°. — Note sur un remarquable spécimen de silicure de fer. Paris, 4878; extr. in-4°. A Faye. — Les lois des tempêtes (conférence). Paris, 1879; extr. in-4? de la Revue scientifique. Observations présentées à MM. les sénateurs et députés au nom des principes et des intéréts de la science, par le corps ( 738 ) enseignant de l'Université catholique de Lille, au sujet du pro- jet de loi contre la liberté de l'enseignement supérieur. Lille, 1879; in-8° (2 exemplaires). Lenormant (Fr.). — La Monnaie dans l'antiquité, leçons professées dans la chaire d'archéologie prés la Bibliothéque nationale, en 1875-1877, tome III. Paris, 1879; vol. in- 8*. — Études accadiennes, tome IE, 1** livraison. Paris, 1879; in-4°. — Études cunéiformes, 4° fascicule. Paris, 1879; in-8°. Brassart (Félix). — Le blason de Lalaing, notes généalo- giques et héraldiques sur une ancienne et illustre maison, 1'* partie. Douai, 1879; in-8°. Caslan (Aug.). — Le compositeur musical Guillaume Du Fay, à l'église de Saint-Étienne de Besancon en 1458; précédé d'un rapport de M. Gustave Bertrand. Besancon ; extr. in-8°. — La mort de Francois I‘ et l'avénement de Henri ll, d'aprés les dépéches secrétes de l'ambassadeur impérial Jean de Saint-Mauris. Besancon, 1879; extr. in-8°. — Les origines du festin des Rois à Besancon. Besancon, 1879; extr. in-8°. T E — Le peuple et la langue des Médes. Paris, 1879; vol. in-8 — Robes de cosmogonie chaldé (traduction). Paris, br. in-52. GRANDE-BRETAGNE ET COLONIES. Royal geological Society of Irland. — Journal, vol. XV, part. 4 (1877-78). Edimbourg, 1878; cab. in-8°. Entomological Society of London. — Transactions, 1877. Londres, 1877 ; in-8°. Royal Observatory, Cape of Good hope. — Results of astro- nomical observations, made in 1839, 1875. Le Cap, 1874, 1877 ; 2 vol. in-8°. Royal Observatory, Greenwich. — Observations, 1876. — ( 739 ) Astronomical results, 1876; magnetical and meteorological results, 1876. — Reduction of Greenwich metcorological observations : Barometer 1854-1875; air and moisture thermo- meters, 1849-1868; earth thermometers, 1847-1875. — Nine year catalogue of 2,265 stars for 1872. Londres; in-4*. The nautical almanac’ and astronomical ephemeris for the year 1882. Londres, 1878; in-8°. ee HOLLANDE ET COLONIES. Cosijn, Verwijs en De Vries. — Woordenboek der neder- landsche taal, 3% reeks, 7% aflever. (GEKKEN-GELEGENHEID). La Haye, Leyde, 1878; in-8°. Donders (F.-C.). — Negentiende jaarlijkseh verslag betrek- kelijk de verpleging en het onderwijs in het nederlandsch gasthuis voor ooglijders. Utrecht, 1878; in 8*. Kon. Instituut voor de taal- land- en volkenkunde van Nederlandsch-Indié. Bijdragen, 4% reeks, II** deel, 5% stuk. La Haye, 1878; in-8°. Bataviaasch Genootschap van kunsten en wetenschappen. — Verslag der viering van het honderdjarig bestaan van het Gésootdeliap op 4° juni 1878. Batavia, 1878; in-4°. Maatschappij der nederlandsche letterkunde te Leiden. — Overblijfsels van Geheugehenis der bisonderste voorvallen in het leeven van den heere Coenraet Droste, terwijl hij gedient heeft in veld- en zee-slagen, enz. I, H. Leyde, 1879; 2 vol. petit in- 4^, SUÈDE ET NonwéGE. Koning. Frederiks-Universitet. — Bidrag til Kundskaben om norges arktiske Fauna. I. Mollusca Regionis articae Nor- wegiae, af O. sars. Christiania, 1878; in-8°. Norwegisches meteorologisches Institut. — Jahrbuch, ( 740 ) | herausgegeben von D" H. Mohn, für 1874, 1875, 1876. Chris- tiania, 1877-1878 ; 5 cah. in-4*. Physiographiske Forening i Christiania. — Nyt Magazin for Naturvidenskaberne, 22% Binds, 5. og 4. H.; 25. og 24. Binds. Christiania, 1877-1878; in-8°. Foreningen til norske Fortidsmindesmerkers Bevaring. — Register til Selskabets schrifter, derunder indbefattet aarsbe- retningen for 1875, i Forbindelse med statistike Fundover- sigter af N. Nicolaysen. — Aarsberetning for 1875-1877. — Norske Bygninger fra Fortiden i Tegninger og med Text, 8. 9. efte. Christiania, 1876-1878; 4 vol. in-8° et 2 cah. in-4°. Videnskabs - Selskabet i Christiania. — Forhandlinger, 4876-77. Christiania; 2 vol. in-8°. Norske Rigsregistranter, VII. Binds, 4. og 2. Hefte. Chris- tiania; 2 vol. in-8°. Diplomatarium Norvegicum, XVIII, XIX. Christiania, 1878; 2 vol. in-8*. Lie, Müller, Sars. — Archiv für Mathematik og Naturvidens- kab, I. Bind, 4* H.; H. Bind. Christiania, 1876-78; 8 br. in-8*. Kong. norske Videnskabers Selskabs. — Skrifter, 8. Bind, 4* og 5° H. — Norges Flora (Tillaegshefte). Throndhjem, Christiania, 1878; 5 cah. in-8°. Tromso Museum. — Aarshefter, I. Tromso, 1878; in-8°. Dietrichson (L.) — Den norske Traeskjaererkunst dens oprindelse og udvikling. Christiania, 1878; in-8*. Broch (D* O.-J.). — Le royaume de Norvége et le peuple norvégien, ses rapports sociaux, hygiéne, moyens d'existence, sauvetage, moyens de communication et économie. Christiania, 1876. La Norvége, catalogue spécial pour l'Exposition universelle de Paris, 1878. Christiania, 1878; in-8*. Bugge (Sophus). — Rune-indskriften paa Ringen i Forsa Kirke i nordre Helsingland. Christiania, 1877; extr. in-4°. Kjerulf (D* Theod.). — Om stratifikationes Spor. Christia- nia, 1877; extr. in-4", BULLETIN DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1879. — N» 6. CLASSE DES SCIENCES. Séance du 7 juin 1879. M. le baron de SeLys Loxccnawrs, directeur. M. LracnE, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Stas, vice-directeur, L. de Ko- ninck, P.-J. Van Beneden, H. Nyst, Gluge, Melsens, F. Duprez, J.-C. Houzeau, H. Maus, Ern. Candèze, F. Donny, Ch. Montigny, Steichen, Brialmont, Éd. Morren, Ed. Van Beneden, C. Malaise, F. Folie, Alp. Briart, F. Plateau, Fr. Crépin, Éd. Mailly , J. de Tilly, F.-L. Cor- net, membres; Th. Schwann, Eug. Catalan, associés; Ch. Van Bambeke, G. Van der Mensbrugghe, M. Mourlon, correspondants, 2"* SÉRIE , TOME XLVII. 48 ( 742 ) M. le directeur se fait un plaisir d'annoncer à ses con- fréres que MM. Stas et Schwann ont été nommés mem- bres étrangers de la Société royale de Londres. — Applau- dissements. CORRESPONDANCE. Le bureau exécutif de l'Exposition nationale de 1880 prie l'Académie de déléguer un de ses membres auprés du comité du groupe de l'enseignement. La Classe désigne M. Liagre. — M. le Ministre de l'Intérieur envoie un exemplaire : 1° des procès-verbaux des séances des conseils provin- ciaux (1878); 2° du tome HI des Mémoires sur les terrains tertiaires et crétacé, préparés par feu Dumont pour la carte géologique, publié par M. Mourlon. — Remerci- ments. — La Classe recoit, à titre d'hommage, les ouvrages suivants, au sujet desquels elle vote des remerciments aux auteurs : 1° Sur une espèce minérale nouvelle pour la Belgique : l'arsénopyrite ou mispickel , par M. C. Malaise; extr. in-8° des Bulletins de l'Académie ; 9» Carte de la production, de la circulation et de la consommation des charbonnages belges en 1811, par M. Max. Goebel , ancien directeur général de charbonnages à Liége; ( 743 ) | 5° Description de deux solens nouveaux, par MM. Th. Lefèvre et A. Watelet; broch. in-8° offerte au nom de M. Lefèvre, par M. Crépin ; 4 Étude sur les espèces de la tribu des féronides qui se rencontrent en Belgique, par M. A-. Preudhomme de Borre, 4"° partie; 5° De la faiblesse ou altération de la constitution, des maladies qu'elle engendre et de leur traitement rationnel. — Guérison d'un cas grave de phthisie chez une jeune fille de huit ans et demi par électrisation méthodique des mus- cles de la respiration, par M. le D" A. Bastings, 1875- 1879 ; 2 broch. in-8°. — L'Université de Copenhague annonce qu'elle célé- brera pendant les calendes de juin de cette année le 400° anniversaire de sa fondation. Une lettre de félicitation sera adressée à cet établisse- ment. — L'institution des ingénieurs-méeaniciens de Londres remercie pour les renseignements qui lui ont été donnés au sujet de la question des aciers. — L'Institut météorologique danois et la Société finlan- daise des sciences accusent réception du dernier envoi des publications académiques. — Les travaux manuscrits suivants sont renvoyés à l'examen de commissaires : 1° De l'influence de la forme des masses dans le cas d'une loi quelconque d'attraction diminuant indéfiniment avec la distance, comme préliminaire de la théorie de la CE) cristallisation, par M. C. Lagrange, astronome adjoint à l'Observatoire royal de Bruxelles. — Commissaires: MM. Van der Mensbrugghe , Catalan et De Tilly; 2 Description d'oiseaux nouveaux et Remarques sur la Faune de Belgique, par M. Alph. Dubois, conservateur au Musée royal d'histoire naturelle de Belgique. — Com- missaire : M. de Selys Longchamps; 5° Note sur un microscope dioptrique, par M. Achille Brachet, à Paris. — Commissaire : M. Melsens. RAPPORTS. M. le Ministre de l'Intérieur avait demandé l'avis de l'Académie : 1* Sur une proposition de M. Dohrn de louer une ou deux tables en faveur des biologistes belges, dans son laboratoire de Naples ; 2° Sur un nouveau procédé inventé par M. Roeckl, chimiste à Munich, pour prendre l'empreinte des cachets et des médailles. La Classe décide que les rapports des commissions chargées de l'examen de ces piéces seront envoyés à M. le Ministre. ( 748 ) Note sur une nouvelle méthode de préparation des acides iodhydrique et bromhydrique; par M. G. Bruylants. Rapport de ME. Stas, « Les acides iodhydrique et bromhydrique constituent des agents employés fréquemment dans les réactions chi- miques; sous ce rapport, une méthode ‘facile et écono- mique de se procurer ces acides et notamment l'acide iodhydrique gazeux et sec présente un intérêt réel. M. Bruylants, se fondant sur le fait parfaitement connu, du reste, que l'iode et le brome s'ajoutent, à la tempéra- ture ordinaire, à certaines combinaisons organiques et s'en séparent sous l'action de la chaleur à l'état d'acides iodhy- drique et bromhydrique, a eu l'idée de recourir à la réac- tion de l'iode et du brome sur le terpène contenu abon- damment dans le baume de copahu. .. Ma constaté que ces deux haloides, aprés s'étre com- binés à cet hydrocarbure, s'en détachent ensuite sous l'in- fluence de la chaleur à l'état d'acide iodhydrique et brom- hydrique. En se plaçant dans les conditions qu'il décrit dans sa Note, M. Bruylants est parvenu à produire un poids d’acides bromhydrique et iodhydrique, triple du poids du terpène mis en expérience. Le terpène sec fournit de celte manière de l'aeide iodhydrique pur et sec, état très- difficile à réaliser par les méthodes connues. J'ai l'honneur de proposer à la Classe d'ordonner l'im- pression de la Note de M. Bruylants dans le Bulletin de la séance et de lui voter des remerciments pour sa commu- nication. » La Classe a adopté ces conclusions, auxquelles s'est rallié M. Melsens. second commissaire. ——— ( 746 ) Physiologie des muscles et des nerfs du Homard; par MM. L. Fredericq et Vandevelde. Rapport de M, Schwann., « M. Frederieq continue ses recherches sur la physio- logie du Homard comparée à celle des animaux supérieurs, etil présente à l'Académie un nouveau travail, fait. en commun avec M. Vandevelde , sur la physiologie des mus- cles et des nerfs du Homard. En employant les différents moyens connus pour étu- dier les propriétés de ces organes en état de repos et pen- dant leur fonction et se servant partout où cela est pos- sible de là méthode graphique, les auteurs ont constaté, pour ce qui regarde les muscles, que les excitants pour les muscles du Homard sont les mémes que chez les ani- maux supérieurs, qu'une contraction unique donne le méme graphique qu'un musele de grenouille, que le téta- nus complet exige une irritation électrique répété dix à vingt fois par seconde, que l'onde musculaire provoquée par l'exeitation du muscle sur un de ces bouts se propage avec une vitesse de 1 métre par seconde. Les expériences sur les phénomènes thermiques laissent à désirer à cause du défaut d'appareils thermo-électriques, les thermomètres à mercure étant insuffisants. D’après les auteurs, les muscles ne dégageraient pas de chaleur pen- dant leur contraction, si on les irrite par les nerfs, mais bien si on les irrite par l'application directe des électrodes sur le muscle. Cette thése est en désaccord avec les résul- tats trés-préeis obtenus par Fick sur les muscles de gre- nouille, d'aprés lesquels la chaleur dégagée par la con- ( 747 ) traction des muscles est la méme qu'on les excite directe- ment ou par les nerfs. Les muscles du Homard présentent sous le rapport chimique une réaction franchement alcaline qui disparaît et devient acide par des contractions répétées. Quant aux phénomènes électriques des muscles en repos et en fonction, ils sont encore les mêmes que ceux que M. Du Bois-Reymond a découverts sur la grenouille. Comme le microscope constate que pendant la contraction les stries transversales claires et obscures des muscles disparaissent, les auteurs soupconnent une relation entre ce fait et la diminution des courants électriques. D’après eux, les zones obscures seraient électro-positives, les zones claires négatives. Pendant la contraction, la zone obscure absorberait la zone claire : de là diminution ou anéantisse- ment des courants électriques qui existent pendant le repos. Pour ce qui regarde les nerfs, les auteurs prouvent que les excitants sont les mêmes que chez les animaux supé- rieurs, mais les nerfs perdent rapidement leur excitabi- lité. Aussi le curare agit de la même manière comme chez la grenouille. Les propriétés électriques des nerfs du Homard en repos et en fonction ne diffèrent pas de celles que M. Du Bois-Reymond a constatées chez les animaux supérieurs. La vitesse avec laquelle se propage l'influx nerveux dans un nerf moteur a été mesurée par la méthode graphique ordinaire sur un nerf qui se rend à la pince et qui se ter- mine dans le muscle fléchisseur du doigt mobile. Ce nerf est assez long pour pouvoir être excité près du muscle et à 59 millimètres plus haut. Cette vitesse est de 6 mètres par seconde; elle est done notablement inférieure à celle des nerfs de grenouille qui est de 27 mètres par seconde. ( 748 ) Ayant déterminé cette vitesse dans son trajet en dehors du muscle, on peut encore mesurer par la méthode gra- phique sur le méme nerf le temps entre le moment où on irrite le nerf prés du muscle et le commencement de la contraction. Il était de cinq centiémes par seconde. Ce temps comprend l'irritation latente du muscle et le temps que le fluide nerveux met pour aller du point irrité jus- qu'à sa terminaison dans les faisceaux primitifs des mus- cles. La durée de l'irritation latente fut déterminée par l'irritation directe du muscle méme; elle était de deux centièmes de seconde. Il restait donc trois centièmes de seconde pour le passage par la portion intramusculaire du nerf. Ce passage pouvant avoir tout au plus une longueur de 10 centimétres, la vitesse du fluide dans cette portion de son trajet ne serait que 57,55 par seconde. Les auteurs concluent qu’il y a donc dans le passage du nerf au muscle un retard considérable dans les dernières ramifica- tions nerveuses. En résumé, les auteurs ont prouvé que la seule diffé- rence qui existe entre les propriétés physiologiques des nerfs et des muscles du Homard comparées avec celles des animaux supérieurs regarde la vitesse de l'influx nerveux qui n'est que de 6 métres par seconde. Ils ont constaté, en outre, que cette vitesse subit un ralentissement considé- rable dans la terminaison des nerfs moteurs. Ces résultats étant assez intéressants pour mériter l'at- tention des physiologistes, j'ai l'honneur de proposer l'im- pression du mémoire dans le Bulletin de l'Académie. » La Classe a adopté ces conclusions, auxquelles s'est rallié M. P.-J. Van Beneden, second commissaire. ( 749 ) Notice sur la structure de la glande de Harder du canard domestique; par M. Mac-Leod. Rapport de M. Félix Plateau, « Chez la plupart des vertébrés possédant une troi- sième paupière ou membrane nictitante, celle-ci est ac- compagnée d’une glande souvent volumineuse, la glande de Harder. Cet organe curieux, dont le rôle n’est pas encore nette- ment élucidé, n’a été étudié dans la série que d’une façon très-incomplète. Leydig, dans son traité d’histologie comparée qui date déjà d’un grand nombre d’années, a dit quelques mots de la texture de la glande de Harder des oiseaux; il consta- tait qu'elle est formée d’utricules de longueur notable et que les cellules glandulaires ont chez l'oie une forme cylin- drique et chez le moineau une forme arrondie. Depuis lors, il ne parait pas que l'on ait cherché à ajouter à ces notions sommaires. En entreprenant un travail sur la glande de Harder du canard, M. Mac-Leod a donc abordé un sujet à peu prés neuf. L'auteur, aprés avoir décrit. au préalable, la forme et la structure macroscopique de l'organe, passe à la texture histologique. Les résultats de cette étude qui nous a semblé faite avec soin, sont les suivants : La glande de Harder du canard, au lieu d’être une glande en grappe, comme celle des mammiféres, est-une glande tubuleuse composée , comme celle des ophidiens. Elle est, en effet, formée d'un grand nombre de petits ( 750 ) tubes glandulaires disposés d’une façon rayonnante autour de canaux excréteurs multiples. Ces tubes, très-peu ondulés, presque rectilignes dans la portion inférieure de la glande, deviennent, au contraire, sinueux et s'entrelacent d'une manière assez compliquée si l'on se rapproche de la portion supérieure. 'épithélium sécrétoire qui les tapisse change quelque peu de caractère, suivant que l'on examine la région pro- fonde ou la région voisine du point d'exerétion. : Dans la région profonde, les cellules sont cylindroïdes, un peu dilatées à l'extrémité qui regarde la lumière du tube et terminées, du cóté de la paroi, par un prolonge- ment effilé à l'origine duquel est placé le noyau. Elles rappellent ainsi, moins l'excavation intérieure, les cel- lules dites calieiformes. Les prolongements effilés font un angle prononcé avec le reste du corps cellulaire et sont obliquement couchés les uns sur les autres. L'action de l'aeide osmique à 1 p. °/, semble mettre en lumière deux détails assez intéressants; les cellules sou- mises à ce réactif se montrent crénelées sur leurs faces latérales et le corps cellulaire apparait comme divisé en espaces irréguliers par un réseau à larges mailles. Le noyau, sous l'influence du méme agent, affecte des aspects assez divers; il est tantôt complétement homogène, tantôt finement granuleux, avec un ou plusieurs nucléoles ar- rondis. Au niveau de l'embouchure des tubes, les cellules ont un diamètre transversal moindre, sont insérées plus per- pendieulairement, offrent des contours plus nets et se Co- lorent plus vivement par les réactifs colorants. Quant aux canaux excréteurs dans lesquels les tubes glandulaires viennent s'ouvrir, ils manquent de paroi (TOY propre, offrent une section trés-irréguliére et sont fré- quemment subdivisés par des cloisons qui ne sont que des prolongements des parois séparant les tubes sécréteurs. L'auteur termine par quelques comparaisons entre la glande de Harder des oiseaux et les autres glandes tubu- leuses composées, en petit nombre, qui ont été décrites jusqu'à présent chez les vertébrés. Nous ne pourrions entrer dans plus de détails sans re- produire en quelque sorte le travail entier. Cette analyse suffit pour montrer que la Notice soumise à notre exa- men est une contribution intéressante à nos connaissances sur un groupe de glandes fort curieux. J'ai donc l'honneur de proposer à la Classe de décider l'impression au Bulletin de la Note dé M. Mac-Leod, ainsi que de la planche qui l'aceompagne et d'adresser des re- merciments à l'auteur. » La Classe a adopté ces conclusions, auxquelles s'est rallié M. Ed. Van Beneden, second commissaire. Nouvelles communications sur la cellule cartilagineuse vivanle; pàr M. W. Schleicher. Rapport de M. Ch. Wan Bambeke. « Dans un mémoire publié dans les Archiv f. mikrosk. Anat. (1) et traitant de la division des cellules cartilagi- neuses, M. Schleicher avait signalé des mouvements du noyau propres à certains stades de cette division, mouve- ments qu'il désigna sous le nom de karyokinétiques. (1) Die Knorpelzelltheilung im Arch f. mikr. Anat,. Bd. XVI, Heft. 2. ( 752 ) Depuis l'apparition de ee travail, Prudden et Unger, le premier dans le cartilage épisternal de la grenouille, le second dans une foule d'objets différents, ont également observé des mouvements à l'intérieur du noyau. C'est dans le but de contróler les données de Prudden et Unger que M. Schleicher a entrepris les recherches dont il présente les résultats à l'Académie. Ces recherches ont été faites sur le cartilage céphalique de tétards de grenouille; l'objet utilisé par Prudden, c'est- à-dire l'épisternum de la grenouille adulte oü les cellules sont plus petites et douées d'une moindre vitalité, n'a été employé que comme terme de comparaison. Le travail de M. Schleicher est divisé en trois parties. Dans la premiére, l'auteur s'oecupe de la structure du noyau de la cellule cartilagineuse; il distingue des noyaux à éléments solides de structure fine et d'autres à éléments solides plus épais, plus grossiers ; entre ces deux formes, les transitions ne sont pas rares. D'autre part, l'existence de noyaux entièrement homogènes ne peut être niée d'une manière absolue. Dans la deuxième partie de son travail, M. Schleicher étudie les phénomènes de motilité du noyau. ll a d'abord observé des mouvements d'ensemble, sorte de ballotte- ment, mais purement passifs, c'est-à-dire résultant de la motilité des éléments solides du protoplasme cellulaire. Dans son travail antérieur déjà cité, l'auteur avait fait connaitre les mouvements des éléments réfringents du protoplasme et il avait conclu de la facilité avec laquelle s’opèrent ces mouvements à une consistance liquide du contenu cellulaire; aujourd'hui l'existence des ballotte- ments du noyau occasionnés par la motilité des éléments réfringents du protoplasme vient confirmer cette supposi- uon. ( 755 ) Mais ces éléments ne se bornent pas à produire des mouvements d'ensemble du noyau ; ils sont encore la cause de légers changements de forme que montre la surface nucléaire. L'auteur traite ensuite longuement de la contractilité que présentent les éléments solides contenus à l'intérieur du noyau. Cette contractilité est peu notable; elle consti- tue une propriété commune à tous les éléments solides du noyau cartilagineux, quelles que soient leurs dimensions ou leur siége; sa persistance est assez longue, elle entraine des changements dans l'aspect interne du noyau et aussi des changements de forme de l'élément. Peut-étre, d'aprés Schleicher, la contractilité de la membrane intervient-elle aussi dans ces changements de forme. Une élévation arti- fieielle de la température (20—25° C.) a nécessairement pour résultat d'augmenter ces divers mouvements de con- tractilité; mais l'auteur a de plus constaté que, sans une élévation notable de la température du milieu ambiant, les noyaux de la couche la plus superficielle d'une prépa- ration de cartilage de tétard montrent quelquefois des phénoménes de vitalité trés-accentués. Les noyaux placés superficiellement présentent ordinairement des éléments solides plus épais que ceux des noyaux placés profondé- ment, Ces noyaux sont loin d’être morts : l'action de l'air ou le contact du verre à couvrir n'a fait que stimuler en eux le travail physico-chimique. M. Schleicher compare ensuite les phénomènes pré- sentés par le noyau de la cellule cartilagineuse à ceux beaucoup plus actifs qu'on observe dans les noyaux des globules rouges et des leucocytes. Contrairement à la ma- niére de voir de Stricker, il ne croit pas qu'une communi- cation puisse s'établir entre la masse nucléaire et la masse protoplasmique, à la suite d'un déchirement de la mem- ( 754 ) brane nueléaire, quoiqu'il ne conteste nullement le pou- voir contractile de cette dernière. Souvent les réactifs font encore reconnaitre une membrane là où l'examen de l'objet vivant ne permet plus de distinguer de limite entre le noyau et le protoplasme. La derniére partie du mémoire est consacrée à l'examen des altérations du noyau et du protoplasme. L'auteur insiste surtout sur ces phénoménes qui lui étaient déjà connus lors de la publication de son premier travail, parce que Prudden, en parlant de la formation des vacuoles et de la rétraction du protoplasme de la cellule cartilagi- neuse sous l'influence de certains réactifs, a émis des opi- nions peu concordantes avec sa maniére d'envisager la formation de ces altérations. L'auteur croit pouvoir conclure des phénomènes décrits dans la deuxiéme partie de son travail (sub lit. B) : 1° «Que la dénomination de structure réticulaire, pour l’ensemble des éléments réfringents du noyau, manque d'exactitude , car, » dit-il, 2° « de méme que le proto- plasme de la cellule cartilagineuse se compose de deux matières différentes : d'une substance presque liquide, ho- mogène, et d'éléments solides doués d'une contractilité qu'ils déploient librement; de méme le noyau se compose d'un liquide nucléaire et d'éléments solides contractiles. La capsule, d'une part, la membrane nucléaire, d'autre part, délimitent les matiéres constituant le protoplasme ct celles constituant le noyau. » Le travail dont nous avons tàché de donner un apercu est fait avec soin et méthode; il traite, d'ailleurs, d'une question toute d'actualité et sur laquelle les anatomistes sont loin d'être d'accord ; nous le considérons comme une nouvelle et utile contribution à l'histoire de la constitution cellulaire. ( 755 ) Aussi proposons-nous à la Classe : 1* De voter des remerciments à l'auteur ; 2^ D'imprimer son travail dans le Bulletin de l'Aca- démie. » La Classe a adopté ces conclusions, auxquelles s'est rallié M. Schwann, second commissaire. — Sur la proposition de MM. Montigny et Liagre, la Classe décide le dépót aux archives d'un supplément à une Note de M. Van Weddingen sur la navigation aérienne. — Conformément à l'avis exprimé par M. de Selys Longchamps, les Notes de M. Dubois : Description d'oi- seaux nouveaux et Remarques sur la Faune de Belgique, figureront au Bulletin. COMMUNICATIONS ET LECTURES. Sur la prédominance de la couleur bleue dans les observa- (ions de scintillation, aux approches et sous l'influence de la pluie; par M. Ch. Montigny, membre de l'Académie. Dans le travail où je me suis occupé des variations de la scintillation des étoiles selon l'état du ciel (1), je suis arrivé à cette conclusion finale : « C’est la présence de l'eau en quantité plus ou moins » grande dans l'atmosphére qui exerce l'influence la plus (1) Recherches sur les variations de la scintillation des étoiles selon létat de l'atmosphère, BULLETINS DE L'ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE, 2e série, t. XLII; Août 1876, et t. XLVI, Novembre 1878. ( 756 ) marquée sur la scintillation, et qui en modifie le plus les caractères selon cette quantité, soit quand l'eau se trouve dissoute dans l'air, soit quand. elle tombe au ni- veau du sol à l'élat liquide, ou à l'état solide sous forme de neige. » Cette conclusion importante repose principalement sur les évaluations numériques servant de mesure à l'intensité de la scintillation, d’après les changements de couleurs qui affectent les images des étoiles, en nombre plus ou moins grand selon l'état du ciel, dans une lunette télescopique munie d'un scintillomètre. Elle rappelle également, dans les termes généraux qui la précisent, d'une part, les diffé- rences si caractéristiques que présente le trait décrit par les images des étoiles, selon l'état de sécheresse ou d'humi- dité de l'air, et de l'autre, les inégalités de hauteur de ces astres auxquelles les variations de couleurs cessent d'étre perceptibles, selon l'état du ciel. Mais, en outre de ces trois caractères principaux, il en est un quatrième : c’est la prédominance plus ou moins marquée de la teinte bleue quand le temps est à la pluie, parmi les couleurs variées qui sont percues au moyen du scintillométre. J'ai déjà appelé l'attention sur l’accroissement de la fré- quence du bleu dans un travail concernant les change- ments de couleurs des étoiles rouges et orangées , ou du troisième type, dans la seintillation (t). De plus, je men- tionne, quand il y a lieu, la prédominance ou l'excés de la teinte bleue dans les indications concernant la scintilla- tion qui figurent au Bulletin météorologique de l'Obser- vatoire de Bruxelles. w ww. w Ww. w — (1) Bulletins de l'Académie royale de Belgique, 2* série, t. XLV. (797 ) J'ai montré dans le travail qui vient d'étre rappelé, que; pour quinze étoiles du troisiéme type, sur mille change- ments de couleurs, le bleu apparait 250 fois quand le temps est pluvieux, et 216 fois lorsqu'il est sec. La différence est beaucoup plus marquée pour les étoiles qui ne sont ni rouges ni orangées, mais jaunes. Ainsi, par exemple, pour Pollux et la Chévre, qui présentent cette teinte, le bleu apparait 250 fois quand il pleut, et 194 fois seulement dans le cas contraire. Cette différence, qui sera sans doute plus forte encore pour les étoiles blanches, est, trés-pro- bablement, en rapport avec la proportion de bleu, laquelle doit étre relativement plus grande dans le spectre des étoiles jaunes, qui est simplement sillonné par des raies lines et nombreuses, que dans le spectre des étoiles rouges el orangées : en effet, dans la partie des rayons les plus ide en m eei c 'est-à-dire du côté du bleu, l'éelat les bandes plus ou moins larges, qui caractérisent les spectres des étoiles du troisième type. Il west pas inutile de rappeler que, d'après le même travail, l'accroissement de la fréquence du bleu qui carac- térise l'état pluvieux du ciel, coincide avec une diminution dans la proportion du rouge et de l'orangé : en effet, ces deux teintes sont en quantité un peu moindre par un temps pluvieux que par un temps sec, pour les étoiles du méme type, ainsi que pour la Chèvre et Pollux. Le travail que j'ai l'honneur de présenter à l'Académie à pour objet de compléter ces premiéres indications au sujel de la prédominance du bleu quand il pleut, en mon- trant que, parmi toutes les couleurs que j'ai notées soi- gneusement, à chacune de mes observations, depuis leur origine, en 1870, la fréquence de cette teinte est d'autant 2"* SÉRIE, TOME XLVII. ( 758 ) plus marquée, à l'égard de quinze étoiles principales appar- tenant aux trois types du P. Secchi, que la quantité d'eau de pluie recueillie aux époques de mes observations a été plus grande. Les résultats numériques qui seront mis en comparaison, se rapportent aux six années 1871, 1875, 1875, 1876, 1877 et 1878, parmi lesquelles les deux derniéres ont attiré l'attention des météorologistes, à cause de labon- dance et de la persistance des pluies, qui ont été telles, que, dans ces deux années, il est tombé autant de pluie qu'en trois années ordinaires (1). Pour donner une idée précise de la manière dont la fré- quence du bleu, ou de toute autre couleur, est susceptible d'étre exprimée par un nombre, il importe de rappeler ici qu'aprés chaque soirée d'observation, j'inscris pour chaque étoile, non-seulement les données concernant l'intensité de sa scintillation et cette intensité réduite à 60° de distance zénithale, mais aussi toutes les couleurs qui ont été obser- vées sur le trait circulaire que décrit l'image stellaire par le jeu du scintillométre. Dans le travail actuel, j'ai formé les relevés des couleurs rouge, orangé, jaune, vert, bleu et violet qui ont caractérisé la scintillation des quinze étoiles appartenant, par groupe de cinq, à l'un des trois types, en ayant soin de distinguer les résultats obtenus, d'une année à l'autre, à l'égard de la méme étoile. Les nombres qui découlent de.ce relevé ont été convertis, comme dans le travail précédent, en fréquence relative pour chaque couleur, cette fréquence exprimant le nombre de fois que (1) Voir la Notice qui est publiée dans l'Annuaire de l'Observatoire de Bruxelles de 1879, sur la pluie tombée, à Bruxelles, en 1877 et 1878, par -M. Lancaster, météorologiste-inspecteur. (799 ) celle-ci apparait sur mille changements observés. Ainsi, dans le tableau suivant, où il n'est question que des fré- quences relatives du bleu pour les étoiles et les années indiquées, le chiffre 245 qui correspond, pour l'étoile Pro- cyon, à l'année 1871, exprime que, sur mille change- ments de couleurs qui ont caractérisé la scintillation de cette étoile, la couleur bleue a été percue 245 fois. Afin de ne pas étendre outre mesure ce travail, déjà trés-détaillé, puisqu'il repose sur 2557 observations par- liculiéres se rapportant aux quinze étoiles, je n'ai point distingué les observations qui ont eu lieu par un temps pluvieux de celles faites par un temps sec. Chaque résultat numérique concernant la méme étoile indique la fréquence moyenne du bleu pour l'année dont il s'agit, n'importe l'état du ciel au moment de mes observations (1). 1) Voieil 1 t h +i Aant ah 1 fett a été l'objet depuis leur origine, et qui, à la fin de l'année 1878, se trou- vaient réparties sur un ensemble de six cent quatorze soirées. Procyon i |... da 477 .Polux. ss . «4 463 Arcturus . . . . 133 Bégnlidà ; se 1... 151. Deneb: -. oi 462 cine À . 118 Chilo, 17.4 21.5 427 La Chèvre.. . . 249 BG d'Andromede. 174 g navic pem ... 462 ydAndromède. 183 8 de Pégase. . . 118 lit) ee en s 489 B d'Hercule. .. 89 « d'Hercule. .. 96 Totaux des observations pour chaque type. . . 812 846 699 La série d Y "sentent deux làcunes, en ciis et TE années pendant lesquelles j'a [ d'une affection des voies respiratoires, qui ne m'a permis que de faire quelques observations, dont les résultats ont été reportés à l'année 1875. Les TAM relatives aux derniers mois de l'année 1870, à l'origine de mes travaux, ont été réunis à ceux de l'année 1871, pour quelques-unes des étoiles Sie ( 760 ) PREMIER TYPE. ÉTOILES BLANCHES ET BLEUES. DEUXIÈME ÉTOILES Spectre à raies fines fai Spectre présentant quatre raies principales. bles. ANNÉES. E pra : si A 1 s n 5 å A 4 LH . 5 5 E 5 2 5 5 El = $ | fréquence 5 s &as £ g E E PEREPERE 3118215484 = a 3 alga 5 m nes "la 4 z s ces étoiles. HNIC. 243 | 495 | 195 | 477 » 185 | 229 | 265 | 216 , 19819. he 1106 | 496 F 490 » 124 » » 247 | 133 105-5 210 | 474 | 493 | 453| 114 | 161 | 455 | 497 | 927 | 179 108.155 254 | 338 | 232| 319| 280| 27s | 9285 | 286 | 278 | 998 BTL t o... 301 | 330 | 320 |. 284| 32% | 3129] 287| 287| 29| 302 18/52 ess 295 | 310 | 323 | 309 | 320 | 311 285 | 303 | 266 | 326 — ( 76F 9: TYPE. TROISIÈME TYPE. Moyennes | Quantité | Quantité : Em: générales eid sss moyenne | JAUNES. ÉTOILES ROUGES ET ORANGÉES, de la a » de pluie d'eau ou à bandes sp à bandes nébul et à raies fréquence | recueillie ed | noires. u bleu pour recueillie gp v — —Pn c ND pour chaque pour E Moyennes À ;5 $ 2 3 Moyennes les année, FA | de la A 2 $lsd b " dela [tois types, i aux A E y B gg Fes ues & & | fréquence E |. E E5|B &| Z g | fréquence lon p» année, s 3|&5$ iE ITE H ar jour 2 S du bleu z 5 a 2 S E p $5 _E à u b'eu T observation m a pour < e s zZ a A nnées E de e ces étoiles, À co "E S cesétoiles. | indiquées. | il a plu. pluie. mm. mm. » 236 | 171 | 190 | 207 | 203 » 193 | 204 3,44 3,48 194 | 190] 918 | 9285 | 924| 168 | 118 | 203} 185 | 335 2,87 28 | 284 | 318 | 307 | 254 | 2 | 270 | 276 | 279 | 381 442 939 | evs| ox | ej | 019 | 29235 | 939 | 241 | 276 | 464 | 423 24 | 284 | 9» | 9o: | 929 | 193 | 246 | 236 | 277 | 380 | 464 ( 762 ) Dans le tableau précédent, j'ai réuni d'abord les fréquences relatives du bleu des étoiles pour les années oü celles-ci ont été observées, puis les moyennes relatives à chacun des trois types, el enfin les moyennes générales, le tout pour chacune des années spécifiées. A la suite de ces ré- sultats, j'ai indiqué, en premier, la quantité d'eau qui a été recueillie en moyenne pour chaque année, aux époques de mes observations. Afin de préciser convenablement la signification de ces valeurs concernant la pluie, je dois rappeler ici que, dans les annotations relatives à mes obser- vations qui ont coincidé avec un temps pluvieux, j'inscris les quantités d'eau de pluie qui sont recueillies à l'Obser- vatoire de Bruxelles, le lendemain et le surlendemain de chaque observation de scintillation. Ce sont ces relevés qui m'ont donné les indications contenues dans la premiére des deux colonnes relatives à l'eau de pluie recueillie, en pro- cédant de la manière suivante. En 1877, par exemple, la quantité totale d'eau mesurée les lendemains et les sur- lendemains de mes observations faites par un temps de pluie, s'élève à 957"",65. Cette quantité d'eau ayant été recueillie en 204 jours, comprenant ces lendemains et surlendemains de mes recherches, la quantité d'eau de pluie recueillie pour chacun de ces deux jours est en moyenne 9577795. ou 47" 64. pour l'année 1877. Ce nombre indique évidemment la quantité moyenne d'eau de pluie correspondant à chacune de mes observations faites dans le cours de cette année, par un temps pluvieux. Dans la colonne suivante du tableau, j'ai inserit, d'aprés les Annales de l'Observatoire et les indications contenues dans la Notice de M. Lancaster sur les pluies de 1877 et 1878, la quantité moyenne d'eau recueillie chaque jour de pluie, à l'Observatoire, d'aprés la totalité d'eau de pluie ( 765 ) tombée pendant toute l'année, et eu égard au nombre de jours où cette eau a été recueillie dans le cours de celle-ci. Voici les conséquences qui résultent de ce tableau : 1* Les valeurs les plus faibles de la fréquence du bleu correspondent à l'année 1875, d'abord pour la généralité des étoiles, puis, pour la moyenne générale et pour les moyennes relatives aux trois types, l'année 1875 étant celle où la quantité d'eau de pluie recueillie est la plus faible dans les deux derniéres colonnes; 2^ Les fréquences numériques du bleu croissent régie lièrement, pour la généralité des étoiles et à l'égard des moyennes, suivant l'ordre des années pour lesquelles les quantités d'eau recueillies forment une série croissante; 3° Les fréquences les plus fortes coïncident, dans les divers cas, avec les années où la quantité d’eau de pluie a été la plus grande. L'ensemble de ces faits et ceux qui ont été précédem- ment établis nous permettent de formuler avec certitude la conclusion suivante : Lorsque, dans les observations de la scintillation des étoiles où les couleurs qui caractérisent ce phénomène sont nellement séparées, la teinte bleue prédomine ou se trouve en excès, il faut s'attendre à de la pluie, si elle n'est déjà survenue. Il y a grande probabilité que les pluies seront d'autant plus persistantes et plus abondantes que la pré- dominance du bleu est plus marquée. Cette conclusion a son importance, puisqu'elle permet d'utiliser les indications d'un quatriéme caractére, la fré- quence plus ou moins marquée du bleu parmi les autres couleurs, dans l'application de la scintillation des étoiles à la prévision du temps. Je montrerai prochainement que les indications au sujet de cette teinte s'accordent parfaite- ( 764 ) ment avec celles qui se déduisent des trois autres carac- teres, l'intensité de la scintillation , la netteté ou l'état de wouble du trait, et la hauteur à laquelle les étoiles scin- tillent. La couleur dont la fréquence relative a diminué le plus à mesure que la quantité de pluie a augmenté pendant ces derniéres années, semble varier avec la couleur propre de l'étoile et le type auquel elle appartient, dans les tableaux particuliers que j'ai formés ; toutefois Cest la fréquence du vert qui a diminué le plus réguliérement, à mesure que la quantité de pluie annuelle a augmenté. L'étoile y d'Andro- méde seule présente une particularité remarquable : c'est la coïncidence de l'accroissement progressif de la fréquence de l'orangé, qui est la couleur propre de l'étoile, suivant la série des années indiquées. J'aurai occasion de revenir sur ce fait curieux, qui accuse, à mon avis, un changement dans la couleur propre de l'étoile. On a dû remarquer que, dans le tableau précédent, l'ac- croissement de la fréquence du bleu avec l'abondance des pluies est généralement moindre pour les étoiles rouges et orangées, ou du troisième type, que pour les étoiles des deux autres; aussi la moyenne finale pour les premières est 217, tandis que ces mémes moyennes sont respectivement 256 et 252 pour les étoiles jaunes et pour les étoiles blanches. La raison de cette différence a été indiquée plus haut. Malgré les difficultés qui entourent les questions si déli- cates, et je dirai nouvelles, auxquelles le sujet traité se rattache , je crois devoir faire remarquer que, d’après les recherches du P. Secchi, de M. Janssen et de M. Piazzi- Smyth concernant les raies telluriques du spectre solaire, celles-ci augmentent en nombre et en intensité dans les circonstances oü les rayons du soleil rencontrent une plus ( 765 ) grande quantité de vapeur d'eau au milieu de l'atmosphére, soit à mesure que cet astre s'abaisse vers l'horizon, soit quand l'humidité de l'air augmente. Ainsi, M. Janssen a constaté avec certitude que la plupart des raies telluriques prennent plus d'intensité lorsqu'on observe le spectre solaire par un temps humide que par un temps sec. Ce savant a été conduit à attribuer une part importante au róle de la vapeur d'eau, à l'état de fluide élastique, dans la production des raies telluriques. Il a reconnu que, si plu- sieurs raies telluriques du spectre solaire sont dues aux gaz qui composent notre atmosphére, la presque totalité des raies qui se trouvent dans le rouge, l'orangé et une partie du jaune, sont dues à la vapeur d'eau. Celle-ci agirait plus énergiquement, dans son absorption à l'égard des rayons rouges, orangés et jaunes, que pour les rayons plus réfrangibles, sur lesquels cette vapeur n'agirait que d'une manière générale (1). De son côté, M. Piazzi-Smyth s'est fondé sur l'appari- lion de certaines raies telluriques dans le spectre solaire, qu'il a appelées bandes de pluie, pour prédire la pluie. Ces raies se présentent en groupes particulièrement dans le rouge et le jaune. M. Piazzi-Smyth a remarqué que celui de ces groupes que l'on observe le plus facilement sous notre climat,est d'autant plus marqué que la quantité d'eau dans l'atmosphére est plus grande; et que, d'autre part, son intensité augmente à mesure qu'on avance vers les pays chauds, là où la vaporisation est la plus abondante et la quantité d'eau dans l'atmosphére plus grande (2). (1) Voir au sujet des observations du P. Secchi et de M. Janssen concer- nant l'influence de la vapeur d'eau de l'atmosphére sur les raies telluriques, les Comptes-rendus de l'Institut, t. LVI, LX, LXIIJ et LXXVIII (2) Les Mondes, par M. l'abbé Moigno, 2* série, t. XLV. ( 766 ) Des phénoménes d'absorption semblables se produisent- ils aussi pour certains rayons émanés des étoiles, quand ceux-ci traversent les couches plus ou moins humides de notre atmosphère? Il n'y a point de doute à cet égard ; aussi peut-on préjuger que ces sortes d'influenees interviennent dans le phénomène de la scintillation et dans celui de la prédominance du bleu lorsque l'air est humide, parmi les couleurs qui caractérisent la scintillation des étoiles. Je terminerai cette Noticeen donnant quelques explica- tions sur la manière dont la fréquence du bleu est indiquée, quand il y a lieu, dans le Bulletin météorologique de l'Ób- servatoire de Bruxelles. Il n'est point possible de préciser cette fréquence à l'aide de chiffres, dans ce genre de publication. La différence des indications roule, comme on a pu le remarquer, sur l'emploi des expressions : le bleu prédomine ou le bleu est en excès, convenablement accentuées ou mitigées. La pre- mière indique que le bleu prévaut en quantité parmi les diverses couleurs qui fractionnent le contour circulaire, déerit par l’image stellaire dans le scintillomètre. L'autre expression , disant que le bleu est en excès, indique que la quantité des ares de cette teinte excéde simplement, parmi les autres couleurs, le nombre ordinairement propre au bleu pour la méme étoile. Ces deux expressions sont modifiées dans leur sens le plus absolu, de maniére à indi- quer les chances de pluie plus ou moins prochaines. Je désigne, en outre, le nombre des étoiles pour lesquelles la prédominance ou l'excès du bleu a été le plus apparent. On conçoit que, dans de semblables appréciations, il importe de tenir compte de la couleur propre des étoiles observées. ( 767 ) Sur une nouvelle méthode de préparation des acides iodhydrique et bromhydrique; par M. G. Bruylants, pharmacien, professeur à l'Université de Louvain. « L'affinité des corps halogénes pour l'hydrogéne dimi- nue du fluor à l'iode. » Cette proposition établie par un grand nombre de faits, se vérifie facilement, par l'action que l'acide sulfurique concentré exerce sur les différents hydracides halogénés. Sans action sur les acides fluorhy- drique et ehlorhydrique, qu'il sert à préparer, il décompose les acides bromhydrique et iodhydrique avec formation d'eau, dégagement d'acide sulfureux et mise en liberté du corps halogène. Cette réaction se fait partiellement et exige une cer- laine quantité de chaleur pour l'acide bromhydrique ; elle se fait totalement et à température plus basse déjà pour l'aeide iodhydrique. Aussi ne peut-on pas parvenir à préparer ceux-ci comme on prépare les premiers. On a eu recours pour leur préparation à la décomposi- tion par l'eau des bromures et iodures de phosphore. Mais cette méthode, assez pratique, lorsqu'il s'agit de produire de faibles quantités d'acide, devient d'une exé- cution difficile et présente méme certains dangers, gràce à la formation de l'acide phosphoreux et de l'iodure de phosphonium, lorsqu'on veut préparer des quantités quel- que peu importantes de ces agents. En outre, une certaine proportion de ces acides reste dissoute dans l'eau, avec laquelle ils forment une combinaison bouillant à tempé- rature fixe et dont on ne parvient pas à les retirer par ( 768 ) simple application de la chaleur. Il y a donc ici une cer- taine quantité de corps halogène que l'on peut considérer sinon comme perdue, au moins comme immobilisée. De plus, les acides iodhydrique et brombydrique ainsi obte- nus sont humides, et l'on ne peut parvenir à les dépouil- ler complétement de l'eau qu'ils entrainent. Je veux dans cette Note décrire une méthode pratique et expéditive de préparation de ces deux acides, méthode que j'ai appliquée à plusieurs reprises, dans ces derniers temps, surtout pour l'acide iodhydrique. Cette méthode est fondée sur ce fait, que l'iode et le brome s'ajoutent, dés la température ordinaire, à certaines combinaisons organiques et s'en détachent, sous l'action de la chaleur, à l'état d'acides iodhydrique et bromhy- drique. L'idée de mettre cette réaction à profit, pour la prépa- ration de l'acide brombydrique, a été mise en avant par Laurent, à l’occasion de ses mémorables travaux sur la naphtaline. Je me permettrai de faire remarquer que, grâce à la volatilité de certaines combinaisons bromées de cet hydro- carbure, cette réaction n'est pas pratique. Plus tard, MM. Pellat et Champion (1) préconisèrent dans le méme but l’action du brome sur les paraffines. Mais cette méthode présente l'inconvénient d'immobi- liser une assez forte proportion du brome employé. Je ne suis parven, en effet, à obtenir à létat d'acide bromhydrique qu'un peu dies de la moitié du brome employé. RE (1) Peuvar et Cameron, Comples rendus de l'Académie des sciences de Paris, t. LXX, p. 620. ( 769 ) En étudiant l'action des corps halogénes sur l'essence de copahu, l'idée m'est venue de me servir de cette réac- tion comme méthode de préparation des acides iodhydri- que et bromhydrique. L'essence de copahu est formée d'un hydrocarbure de la famille des terpénes répondant à la formule (C;H;); ou (CH); bouillant à 250°-255°. On l'obtient en distillant le baume de copahu à la vapeur d'eau ou en le chauffant dans une cornue, à la température de 300° (1). Le produit de ces opérations doit étre préalablement desséché sur du chlorure de calcium. Une quantité déterminée d'essence de copahu peut servir à transformer en acides iodhydrique et brombydrique une quantité à peu prés triple en poids de ces corps halogénes. Voici le mode opératoire auquel je me suis arrété . Dans une cornue tubulée munie d'un réfrigérant, dis- posé à reflux et d'une capacité de 500", on introduit une certaine quantité d'huile essentielle, soit 60 grammes. L'extrémité du réfrigérant porte un tube recourbé qui met la cornue en communication avec une éprouvrette à dessécher les gaz, dont la chambre inférieure renferme une légére bourre d'asbeste et dont la tubulure supérieure porte le tube de dégagement. On chauffe lézérement l'essence, on y dissout petit à petit une vingtaine de grammes d'iode, puis on éléve la température. Au bout de quelques instants le dégagement de gaz commence abondant, mais régulier; lorsqu'il se ralentit on laissela cornue se refroidir un peu, et l'on introduit une - (1) Le baume de copahu renferme en moyenne 50 p. °/, d'huile esser.- * an an t 1 $ 341 1: 1* toà S0n , |. r T tielle* or CNO ) nouvelle quantité d'iode : la réaction n'étant plus si vive qu'à la premiére introduction, on peut en mettre une plus forte proportion. On chauffe derechef et l'on continue l'opé- ration en introduisant de l'iode jusqu'à concurrence de 150 grammes. A plusieurs reprises 150 grammes d'iode m'ont fourni de 145 à 150 grammes d'acide iodhydrique. Pendant cette réaction la plus grande partie de l'es- sence se solidifie; une faible proportion est transformée en cymol et peut-étre en dicymol. Je me réserve d'ailleurs de revenir plus tard sur cette question. Quant à la préparation de l'acide bromhydrique par cette méthode , elle se fait à peu prés de la méme facon; seule- ment on fait bien ici de faire passer le gaz à travers deux ou trois éprouvettes. On doit, en outre, prendre la précau- tion d'introduire le brome dans un entonnoir à robinet, d'en laisser écouler goutte à goutte, lentement, une ving- taine de grammes dans l'essence, et de chauffer la cornue; puis lorsque le dégagement devient moins abondant, on laisse se refroidir la masse et l'on introduit une nouvelle proportion de brome en employant les mémes précautions. 60 grammes d'essence et 150 grammes de brome m'ont fourni 142 grammes d'acide bromhydrique. C TEE) Physiologie des muscles et des nerfs du Homard; par MM. L. Frederieq et G. Vandevelde. (Travail du laboratoire de physiologie de l'Université de Gand.) INTRODUCTION. On n'arrivera à pénétrer plus avant dans le secret de la physiologie des nerfs et des muscles qu'en combinant les résultats obtenus par les méthodes d'investigation chi- mique, physique et histologique. Or, pour les muscles striés, les résultats fournis par la chimie et la physique ont été obtenus par l'étude exclusive des muscles de ver- tébrés. Au contraire, les recherches sur la structure et sur les changements que le microscope révèle pendant la con- traction n'ont été jusqu'ici faites avec quelque succès que pour les muscles d'articulés. Les muscles striés des arti- culés différent cependant sous certains rapports (1) de ceux des vertébrés : l'on ne peut donc utiliser directe- ment pour la physiologie de nos muscles et de ceux de la grenouille les données si intéressantes qu'a fournies, dans ces dernières années, l'étude microscopique de la contrac- tion, notamment le phénomène de l'inversion du strié. Cette lacune si regrettable peut être comblée de deux façons : 4° par une étude plus approfondie de l'histologie des muscles striés des vertébrés. Cette étude présente de grandes difficultés en raison des faibles dimensions des (1) Les éléments ou segments musculaires sont deux ou trois fois uy grands chez les articulés que dans les muscles striés des vertébrés. Voir Léon Fredericq. Note sur la contraction des muscles striés de Pbydro- phile, BULLETIN DE L'AcaDÉNIE DES SCIENCES DE BRUXELLES, 1876. (772) éléments musculaires; 2° en appliquant aux muscles des articulés les méthodes à l'aide desquelles tant de belles découvertes ont été réalisées dans la physiologie des muscles de grenouille. Dans le présent travail , nous étudions quelques-unes des propriétés des muscles et des nerfs d'un articulé de grande taille, le homard. Toutes nos expériences ont été faites pour ainsi dire en méme temps sur le homard et sur la grenouille. Les résultats obtenus chez cette der- niére ont toujours servi à contróler la rigueur de nos mé- thodes de recherche. Les animaux sur lesquels nous avons opéré n'avaient en général séjourné qu'un petit nombre d'heures hors de l'eau. L'un de nous allait les choisir à Ostende et les rap- portait immédiatement à Gand au laboratoire de physio- logie de l'Université. Le voyage dure environ deux heures et demie (en y comprenant le trajet entre le parc aux homards et la station du chemin de fer à Ostende — et le trajet entre Ja station de Gand et le laboratoire de phy- siologie). Nous avons également utilisé quelques homards provenant du marché de Gand. Nous exposerons nos recherches dans l'ordre suivant : Are PARTIE, — Muscles. SL Excitants de la contractilité, $ II. Phénomènes mécaniques „de la contraction. Secousse. Tétanos. Onde de contraction. Changement de volume $ IL, Phénomènes thermiques de la contraction. SI Phénomènes chimiques de la contraction. Phénomènes électriques de la contraction. Qde PARTIE. — Nerfs. I, Excitants = nerfs. ll. Courant nerveux IL. Vitesse de icis de l'excitation nerveuse motrice. ( 775 ) PREMIERE PARTIE. Muscles, 8 rr. — | Exorravrs DE LA CONTRACTILITÉ. Les muscles du homard sont, en | général, sSuscdp cili de passer de l'état de relàchement à celui de contraction sous l'influence dés mémes agents ou excitants que les muscles de grenouille. Ce sont : 1° L'action du nerf moteur stimulé par la noi dè l'animal ou par l'intervention de l'expérimentateur. Nous l'étudierons à propos de la panion des nerfs. Lec curare empéche cette action. 2» L'éleetricité sous forme de chocs d'induction, de rupture ou de fermeture du courant constant et peut-être aussi le passage du courant constant. 5° La chaleur (l'approche brusque d'un corps métal- lique chauffé au rouge) a üne action bien moins marquée. 4° Les violences mécaniques : section, piqure, choe, froissement entre les mors d’une pince, etc. 5° Le contact avec certaines substances (excitants chi miques) : solution saturée de chlorure de sodium, acidé cehlorhydrique , potasse caustique provoquent un violent tétanos. Nous avons eu soin d'expérimenter l'action dé ces substances sur des muscles fixés dans le myographe. Les contractions produites ainsi constituent un tétafios parfait. L'exposition à l'air d'un muscle donne souvent lieu à des contractions et doit peut-être se ranger dans celte catégorie d'excitants chimiques. 2^* SÉRIE, TOME XLVII. 90 ( 714 ) Nous ne sommes pas parvenus à provoquer des contrac- tions par les vapeurs d'ammoniaque ni par le contact avec l'ammoniaque liquide. $ II. — PHÉNOMÈNES MÉCANIQUES DE LA CONTRACTION. Le muscle qui se contracte tend à rapprocher ses points d'attache en méme temps qu'il augmente en diamétre : il se raccourcit et s'épaissit. Il faut tenir compte également du travail produit, des changements dans l'élasticité, le volume, etc. Raccourcissement. — On observe ici les deux formes classiques de contraction, la secousse et le tétanos. Nous les avons étudiées au moyen de la méthode graphique. Un muscle long (1) est tendu horizontalement sur la plaque de liége de notre myographe : il est fixé à l'aide d'une pince ou simplement d'une forte épingle par l'une de ses attaches, l'autre est reliée par un petit crochet au levier enregistreur de: Marey (longueur 12 centimétres), mobile dans un plan horizontal autour d'un axe vertical. Muscle et levier sont maintenus à un certain degré de tension par un petit ressort à boudin horizontal situé sen- siblement dans le prolongement de l'axe du muscle ou par un fil auquel est suspendu un poids (5 à 10 grammes) et qui glisse sur une petite poulie de renvoi. (t) Le muscle le plus propre à cette étude est celui que Milne Edwards a figuré planche 15, figure 1, sous le nom de premier muscle extenseur de l'abdomen dans son Histoire naturelle des crustacés, vol. Ier, p. 155. Paris, 1857. Suites à Buffon. On le détache sur l'animal vivant en ayant soin de laisser adhérente à chacune de ses deux extrémités une petite portion de carapace. [ 739 ] L'appareil récepteur est le cylindre enregistreur de Marey placé horizontalement (axe rapide faisant un tour en une seconde et demie). Le style de notre levier inscrip- teur écrit sur un papier très-lisse (papier porcelaine à l'acétate de plomb) légérement enfumé. La vitesse de rotation du cylindre est contrôlée par un chronographe inscrivant cent, deux cent cinquante vibrations doubles par seconde (signal Marcel Desprèz et diapasons interrup- teurs du courant électrique). Nous excitons le muscle par l'électricité, Deux élec- trodes en platine fixés au myographe sont en contact avec les deux extrémités du muscle : ils sont reliés à la bobine induite du chariot de Du Bois-Reymond alimenté par une pile composée de trois éléments (zinc, charbon, acide sul- furique dilué) disposés en tension. Une clef est intercalée dans le circuit. Secousse musculaire. — Une disposition spéciale (voir plus loin la figure pour la mesure de la vitesse de propa- gation de l'influx nerveux) nous permet de fermer et d'in- terrompre le courant à un instant précis correspondant toujours à la méme phase de rotation du cylindre enre- gistreur. Nous avons fixé au bord du cylindre une petite tige métallique polie (aiguille d'acier). Un support massif placé dans le voisinage porte une seconde aiguille d'acier également horizontale formant avec la première un angle droit. L'un des fils de la pile est relié au cylindre et, par conséquent, à la première aiguille, l'autre à la seconde aiguille. A chaque tour du cylindre, les deux aiguilles se touchent et le courant passe. Nous pouvons, en déplacant plus ou moins la seconde aiguille, faire varier la durée du contact depuis quelques centiémes de seconde jusqu'à un E TIO ) millième de seconde. Nous pouvons done exciter le muscle de deux façons : par un courant constant de très-courte durée (un milliéme de seconde ou davantage) ou par deux chocs d'induction trés-rapprochés. La secousse produite de cette facon donne un graphique tout à fait semblableà celui que l'on obtient par. une seule secousse d'induction; elle offre l'avantage de permettre l'étude de la période d'éner- gie latente. `La figure 1 représente deux graphiques superposés de secousse musculaire obtenus de la facon suivante : E ue à poids. Vitesse maximum du cylindre. AB période d'énergie latente; BC période ee croissante : CD pow d'énergie bent. Le muscle étant fixé dans le myographe, comme il a été dit, nous déterminons au préalable la position qu'occupe la pointe écrivante du myographe au moment du début de l'excitation. A cet effet, nous faisons lentement tourner le cylindre enregistreur à la main, de facon à amener les deux aiguilles d'acier en contaet. A ce moment, le circuit se ferme, une secousse d'induction traverse le muscle qui se raccourcit et la plume écrivante trace le trait AZ qui s'éléve de, l'abscisse horizontale et nous servira de point de repére. Nous interrompons la communication entre les électrodes excitateurs du muscle et la bobine et nous abandonnons le cylindre, à son mouvement de rotation. Quand il a fait quelques tours et que nous jugeons sa, vitesse normale et uniforme, nous ouvrons la clef de facon (115 à permettre à l'excitation électrique d'agir sur le muscle qui se contractera lors de chaque contact passager des deux aiguilles d'aeier, c’est-à-dire à chaque tour du cylindre. Nous avons arrêté le cylindre-au bout de deux tours,nous avons obtenu deux graphiques superposés. i Le chronographe inserit à côté de nos courbes une rie | de zigzags dont chacun (de a en a") représente un centième de seconde. Les graphiques de la figure 1 ont été choisis parmi les plus courts que nous ayons obtenus; ils rappellent par la forme et la durée ceux que fournit un muscle gastrocné- mien de grenouille placé dans les mémes conditions : de A en B, stade d'énergie latente dont la durée est comprise entre un cinquantième et un centième de seconde; de B en D, énergie croissante, représentée par une portion de courbe concave, puis convexe; de D en C, énergie décrois- sante, courbe convexe, puis concave allant rejoindre l'ab- scisse (1). La durée de l'énergie latente est d'un peu moins d'un et demi centième de seconde chez un muscle qui a toute sa vigueur. La fatigue a pour effet de l'allonger: elle peut aller alors à deux, méme à trois centiémes de seconde. La durée totale dela secousse varie dans des limites beaucoup plus larges : la fatigue a pour effet de diminuer l'énergie de la contraction, c'est-à-diré la hauteur EG et d'allonger considérablement sa durée (une demi-seconde (4) Helmholtz décrit de 2 Set suivante la courbe inscrite par le muscle gastrocnémien de « Das (erste) Stück der ^it get mit der Abscissenlinie zusammen, » sie Ps men sep. — 7. — später convex bis zu ihrem » Gipfel, wird dann zunächst conve , Später concav wieder sin- » ken und sich endlich asympiotisch der Abscissenlinie anschliessen. » Archiv f. Anat. und Physiologie, 1850 ( 778 ) et méme davantage), c'est-à-dire la longueur BD. Cette augmentation porte surtout sur la période d'énergie dé- croissante dont la durée dépasse alors de beaucoup la période d'énergie croissante. Fig. 2. — de secousses musculaires. Muscle fléchisseur du doigt ile de la npa Centièmes de seconde. Myrel à à ressort, Z m t de l'excitation du nerf. AB période d'énergie + BC énergie croissante, CD énergie décroissante. Ces expériences de secousses musculaires ont été répé- tées sur le muscle fléchisseur du doigt mobile de la pince. Le doigt muni d'un style écrivant servait lui-méme de levier enregistreur; il était maintenu tendu par un res- sort à boudin, la pince étant solidement fixée à l'aide de liens sur la plaque du myographe. Le muscle était excité, soit directement par des électrodes de platine passant à travers deux petits trous de la coque chitineuse de la pince, soit par l'intermédiaire du nerf. Les secousses obtenues ainsi sont remarquables par la longue durée de la période d'énergie décroissante comparée à la brièveté de la période d'énergie eroissante. La période d'énergie latente est la C719:) méme que pour les muscles longs extraits du corps, Cest- à-dire un et demi centiéme de seconde, davantage si le muscle est fatigué. es graphiques, figure 2, ont été obtenus en excitant le muscle fléchisseur de la pince par l'intermédiaire du nerf. L'intervalle ZB qui sépare le moment de la contraction du moment de l'excitation éleetrique représente donc ici la somme de deux temps : AB période d'énergie latente (cette longueur AB a été obtenue dans d'autres expériences. Le trait À est ajouté à la main dans la fig. 2) et AZ temps nécessaire à l'excitation pour se propager le long du nerf jusqu'au muscle. Tétanos musculaire. — Nous n'intercalons plus le cy- lindre dans le circuit électrique. Les fils de la pile se ren- dent directement (avec clef intercalée) à la bobine indue- trice du chariot de Du Bois-Reymond. Nous les disposons de facon à ne pas employer l'interrupteur (marteau de Wagner). Les fils de a bobine induite sont reliés aux exci- Fig. 5. Secousses fusionnées. Myographe à ressort. Vitesse moyenne du cylindre enregistreur (un tour en 7 1/2 secondes.) AB première uxième secousse. Le Large du dep offrait des haque centimètre de coti du. "ad Mdb 17 à 18 centièmes de seconde, tateurs. Pour le reste, le muscle est disposé dans le myo- graphe comme pour l'étude des secousses. Si nous exci- tons le muscle par deux chocs d'induction successifs (en ( 780 ) fermant et ouvrant à court intervalle le circuit primaire) espacés de facon que le second choc vienne atteindre le muscle avant qu'il ait terminé sa première secousse, les deux secousses se fusionneront et nous obtiendrons les graphiques de la figure 3. Si nous soumettons le muscle à une série de chocs con- venablement espacés, dix en une seconde, par exemple, le style inscrira ces dix secousses, mais combinées de facon à donner une ligne ondulée. Augmentons le nombre des secousses ; employons à cet effet, non la fermeture et lou- verture à l'aide de la clef, mais le trembleur de Wagner du chariot, les secousses se fusionneront plus intimement, la plume tracera une ligne où l'on ne discernera plus les secousses isolées, le muscle sera en tétanos parfait. Le mi- nimum de chocs d'induction que notre appareil nous don- nait était voisin de vingt par seconde (dix ruptures + dix fermetures du courant), comme nous nous en sommes assurés en les inscrivant à l'aide du signal Marcel Despréz. Le nombre minimum de chocs d'induction nécessaire pour provoquer un tétanos complet est done inférieur à vingt et supérieur à dix par seconde. La figure 4 représente un graphique de tétanos (myo- graphe à ressort). On a inscrit également les chocs d'in- duction. Fig. 4. Graphique de télanos. Vitesse moyenne du cylindre. Le tracé himeltro de inférieur correspond aux chocs d'induction. Chaq longueur du tracé représente 17 à 18 centiémes de seconde. Onde musculaire. — Sur les muscles d'articulés exami- ( 781 ) nés vivants au microscope, la contraction affecte ordinai- rement la forme d'une onde parcourant la fibre suivant sa longueur. La vitesse de cette onde dans certaines condi- tions doit étre fort minime, puisqu'il est possible de l'étu- dier à de forts grossissements. Nous avons étudié par la méthode graphique la vitesse de propagation de l'onde musculaire sur le premier muscle extenseur de la queue (curarisé ou non curarisé) par la méthode classique des doubles leviers reposant sur deux endroits différents du muscle (Aeby, Marey). L'appareil enregistreur dont nous nous servons n'offre un mouvement bien uniforme que lorsqu'il est disposé horizontalement. Nous avons dů, par conséquent, placer nos leviers hori- zontalement, le muscle étant tendu verticalement. Deux petits ressorts à boudin maintenaient les leviers appliqués sur le corps charnu du musele.On excite le muscle à l'une de ses extrémités par une seule secousse d'induction : l'onde de contraction qui, de ce point, parcourt le muscle, souléve successivement les deux leviers, ceux-ci écrivent leurs courbes sur deux abscisses parallèles. Fig. 5. Graphique de la propagation de l'onde musculaire par la méthode des doubles leviers. Distance des points d'appui des deux leviers = 18 millimètres. DC Graphique du style rapproché des électrodes. BE Graphique du style éloigné des Herd ego Les traits verticaux C et A indiquent l les deux styles e cylindre étant au repos, Am de siii: ( 782 ) Nous trouvons de cette facon des vitesses voisines d'un métre par seconde. Les muscles de grenouille placés dans les mémes conditions nous avaient fourni des valeurs analogues. Changement de volume. — On peut se demander si le volume du muscle varie pendant la contraction ou si l'aug- mentation d'épaisseur compense exactement la diminution de longueur. Nous avons, à l'exemple d'Erman, placé dans un vase rempli d'eau et terminé à sa partie supérieure par un tube capillaire vertical un abdomen entier de homard. Nous provoquions des contractions dans l'abdomen par l'inter- médiaire de deux électrodes plongés dans l'épaisseur des muscles. L'expérience nous a montré que pendant la con- traction, le niveau du liquide dans le tube n'éprouvait pas de variation notable, ce qui prouve que le volume d'un muscle de homard qui se contracte est trés-peu différent de ce qu'il est à l'état de repos. Notre appareil était d'ail- leurs assez peu sensible. Nous n'avons pu jusqu'ici faire d'expériences sur l'éner- gie développée pendant la contraction par les muscles d'ar- tieulés. Nous comptons expérimenter sur les muscles de la pince dés que nous en aurons l'occasion. § II. — PHÉNOMÈNES THERMIQUES DE LA CONTRACTION, Nous étions fort mal outillés pour étudier la chaleur qui se développe pendant la contraction. Nous nous sommes contentés d'introduire la boule d'un petit thermomètre à mercure (marquant les doubles dixiémes de degré) dans l'intérieur du muscle fléchisseur du doigt de la pince. Nous n'avons pu constater d'élévation de température en ( 785 ) tétanisant le muscle par l'intermédiaire du nerf. Au con- traire, en excitant le muscle par application directe des électrodes, nousavons noté une augmentation de plusieurs dixièmes de degré. Peut-être l'échauffement était-il (au moins en partie) dà au passage du courant électrique. § IV. — PHÉNOMÈNES CHIMIQUES DE LA CONTRACTION. Le tissu musculaire vivant du homard est franchement alcalin, il bleuit le tournesol rouge et brunit le curcuma, La contraction a pour effet de neutraliser l'alcali et méme de produire une réaction acide. Un muscle tétanisé pen- dant quelques instants rougit le tournesol bleu. Nous n'avons pas fait d'expériences sur les quantités de glycogéne contenues dans les muscles pendant les périodes de repos et de contraction. § V. — Pnu£NOMÉNES ÉLECTRIQUES DE LA CONTRACTION. Une premiére question à résoudre était évidemment celle-ci : les muscles du homard non contractés sont-ils le siége de phénoménes électriques de quelque importance? Nous décrirons done d'abord les résultats fournis par l'étude de la distribution des tensions électriques dans le muscle de homard au repos et les moyens dont nous dis- posions pour cette recherche. L'organisation du local dans lequel nous avons travaillé ne nous a pas permis de faire usage de la boussole à mi- roir (boussole des tangentes). Nous ne donnerons donc aucune mesure absolue de la force des courants électri- ques que nous avons observés. Toutes nos recherches ont été faites avec un multiplicateur de Ruhmkorff. Le sys- ( 784 ) téme astatique des aiguilles se trouve en équilibre dans la direction du méridien magnétique, mais en est dévié sous P influence d'un courant électrique très-faible. -La figure suivante (fig. 6) indiquera mieux qu'une longue ex piel la disposition fondamentale des appareils qui ont servi à nos expériences. Les tissus animaux supportés par une plaque. de verre (pied de Du Bois-Reymond) sont en contact avec les électrodes impolarisables (Thonstiefel de Du Bois-Rey- mond) EE'. L'argile plastique de ces électrodes était imbibée d'une solution de NaCl à 1 p. °/.. Les fils qui partent des électrodes EE’ vont au multiplicateur M placé sur un sup- port massif. Ces fils sont maintenus en place par des pitons de cuivre vissés dans ce support. Sur leur trajet est inter- calée une clef Cl destinée à fermer et à ouvrir le circuit et un rhéocorde improvisé RR permettant de chasser dans le circuit du galvanomètre une À miss variable du courant de la pile Grenet P. Fig. ^ Appareil pour l'étude du courant musculair , E’ Électrodes impolarisables, M diese Cl clef. i xi Rhéocorde Co, commutateur de Pohl, P pile Grenet. ( 788 ) Ce rhéocorde se compose d'un long fil de laiton RR' tendu sur une planchette entre les deux bornes RR'. Les fils qui relient ces bornes à la pile.P passent par le com- mutateur Co (Pohlsche Wippe), ce qui permet de renver- ser le courant de la pile. Le fil de laiton du rhéocorde est relié au circuit du galvanométre de la facon suivante : le fil qui vient de l'un des électrodes impolarisables E abou- tit à l'une des extrémités R' du rhéocorde où il est vissé à demeure. L'autre fil venant de l'électrode E' aprés avoir traversé le multiplicateur et la clef CI, aboutit à une petite spirale de laiton G qui glisse à frottement sur le fil du rhéocorde et qui peut npe toutes les positions inter- médiaires entre R et Il est clair. que lorsque a pile fonctionne, la plus grande partie du courant passe directement par le fil du rhéo- corde, mais qu’une petite portion du courant dérive dans le circuit du galvanomètre et des électrodes. Cette portion varie nécessairement suivant la position que l’on donne à G sur le fil RR’. Elle est à son maximum quand G occupe la position R, elle est à son minimum (= O) quand G touche à R’. Le commutateur Co sert à donner à ce cou- rant de compensation. une. direction inverse du courant électrique développé dans le circuit des électrodes et du galvanométre et permet ainsi de ramener à volonté l'ai- guille du galvanométre au zéro, ce qui est fort avantageux dans l'étude de la variation négative. On pent d'ailleurs exclure à volonté la pile du circuit. Au début de chaque expérience nous nous assurons que les électrodes mis en contact l’un avec l'autre ou reliés au moyen d’un fragment d'argile ne donnent pas de déviation de l'aiguille, ou tout au moins que cette déviation est peu marquée. Elle peut d’ ailleurs être compensée au préalable, ( 786 ) à l'aide de l'appareil déerit précédemment, l'aiguille du multiplicateur étant ramenée au zéro. - Placons le premier muscle extenseur de la queue du homard sur les électrodes de facon que l'un d'eux corres- ponde à un point quelconque de la surface longitudinale du muscle, l'autre à un point de la coupe tranversale. Nous obtenons une forte déviation de l'aiguille du galva- nométre, au moins aussi forte qu'avec un muscle de grenouille. Le courant le plus intense (l'aiguille allant presque jusqu'à buter contre l'arrét qui limite sa course) s'obtient en reliant un point de l'équateur du muscle avec le centre d'une des coupes transversales. Ce courant va de la surface longitudinale (+) vers la surface transversale (—) comme il est facile de s'en assurer en remplaçant l'éeleetrode en contact avec la première par le fil venant du charbon d'une pile et le second par le fil venant du zinc. L'aiguille du galvanomètre dévie dans le méme sens. On obtient un courant faible en réunissant deux points de la surface longitudinale inégalement distants de l'équa- teur. Le plus rapproché de l'équateur est dans ce cas le plus positif. Il est possible de trouver des points situés symétriquement à cet équateur dont la tension s'équilibre exactement et qui ne fournissent pas de courant. De méme en réunissant deux coupes transversales, on n'obtient pas de déviation de l'aiguille aimantée si les électrodes sont convenablement placés. La disposition des tensions est donc des plus simples et correspond entiérement à ce que l'on sait pour le muscle de grenouille. Chaque point de l'équateur posséde une tension positive plus forte que tout autre point de la sur- face longitudinale ou de la coupe. Les tensions positives ( 707 ) diminuent graduellement à mesure qu'on s'éloigne de l'équateur, pour devenir nulles à la limite qui sépare la surface longitudinale de la surface transversale. La ten- sion est partout négative sur la coupe transversale. Variation négative du courant musculaire. — Le muscle fléchisseur du doigt mobile de la pince qu'on tétanise facilement par l'excitation de son nerf, convient malheu- reusement fort mal pour l'étude de la variation négative du courant musculaire, à cause de la disposition spéciale de ses fibres et de leur peu de longueur. Nous avons opéré sur le premier muscle extenseur de la queue que nous excitions directement à l'aide du chariot de Du Bois-Reymond , en prenant les précautions nécessaires pour éviter une action directe des courants d'induction sur le circuit du galvanométre. Les électrodes impolarisables reliés au galvanométre sont placés à l'une des extrémités du muscle (surface longitudinale et coupe tranversale). Les électrodes de platine qui aménent l'exci- tation électrique sont placés à l'autre extrémité très-près l'un de l'autre. Nous avons obtenu une diminution trés-notable du courant propre du muscle pendant la contraction. Les muscles du homard présentent donc le phénoméne de la variation négative du courant propre pendant la contrac- tion. Comme ils présentent également l'inversion du strié pendant la contraction (examen microscopique), il est permis de chercher à établir une corrélation entre ces deux phénoménes. Les données fournies par l'étude microscopique du muscle au repos s'accordent le mieux avec la théorie des molécules péripolaires de Du Bois-Reymond, en admettant ( 788 ) que.dans chaque segment musculaire il y a une zone moyenne, la substance obscure, ou disque anisotrope où la tension positive est à son maximum, tandis que les deux zones limites, les deux portions de substance claire, iso- trope présentent une tension négative. L'examen miéroscopique de muscles se contractant ou fixés à l'état de contraction, a montré que le raccourcisse- ment du segment musculaire s'opère aux dépens de là substance claire isotrope (—) qui est absorbée par la substance obscure anisotrope (+). Il arrive méme un moment où la SUME A (= ) disparait complétement (inversion). : endant la contraction. une portion de la substancé claire, isotrope où la tension est négative, se trouve donc absorbée par la zone obscure (anisotrope) où la tension est positive. La: conséquence logique de ce fait c’est que la différence des tensions négatives et positives offertes par les portions isotropes et anisotropes du muscle doit diminuer pendant la contraction. Ainsi s'explique d'une facon naturelle la variation négative du courant propre du muscle pendant la contraction. SECONDE PARTIE. Nerfs, A VI. — SXOITENTS DES NERFS. Toutes nos expériences ont été faites sur le nerf de la pince et sur le muscle fléchisseur du pouce auquel il se rend. Nous avons obtenu des résultats identiques à ceux que nous ont fournis le nerf sciatique et le gastrocnémien de grenouille. placés dans les mêmés conditions. ( 789 ) Ainsi le courant constant ne constitue un excitant du nerf qu’au moment de sa rupture ou de sa fermeture à condition qu'il soit d'intensité moyenne. Avec un courant fort on obtient des contractions seulement à la rupture ou seulement à la fermeture suivant la direction du courant (ascendant on descendant). Nous n'avions pas assez de sujets d'expérience à notre disposition pour vérifier tous les cas de la loi des secousses de Pflüger. Le nerf est trés-sensible aux secousses d'induction. Les violences mécaniques constituent également un excitant puissant. Nous n'avons pas expérimenté l'action des exci- tants chimiques. Le curare empéche l'excitation du nerf de se trans- mettre au muscle. L’excitabilité propre du muscle parait accrue dans ce cas. Les nerfs du homard séparés de l'animal perdent trés- rapidement leur excitabilité. Cela rend ces expériences assez laborieuses, la préparation du nerf demandant du temps et des soins. Dans un nerf coupé, l'excitabilité dis- parait progressivement, tranche par tranche, en allant de la surface de section à l'extrémité périphérique. Ainsi, sur une pince séparée du corps de l'animal, il arrive un moment où l'excitation électrique du nerf prés de la surface de section ne produit plus de contraction musculaire, alors que la méme excitation appliquée sur un point plus rap- proché du muscle y provoque de violentes secousses. — $ VII. — COURANT NERVEUX. Pour faire nos expériences sur le courant électrique des nerfs du homard nous avons employé l'appareil décrit pour le courant musculaire. Si l'on place le nerf supporté 2"* SÉRIE, TOME XLVII. 51 - ( 790 ) par une plaque de verre, en contact avec les électrodes im- polarisables, de facon que la section transversale corres- ponde à l'un des électrodes et la surface longitudinale à l'autre électrode, la déviation de l'aiguille du galvanomètre indique l’existence d’un courant qui va de la surface à la coupe transversale. La plus forte déviation que nous obtenions correspond à l’union du milieu de la surface lon- gitudinale avec la surface transversale, La déviation est, au contraire, très-faible quand on réunit deux points iné- galement RS du dixe de la surface longitudinale. Si les points son ts ou si l'on réunit les centres de deux surfaces opposées, la déviation peut étre nulle. Variation négative. Nous placons en contact avec les deux électrodes impolarisables un point de la surface lon- gitudinale et une surface transversale. Nous excitons le nerf aussi loin que possible du circuit galvanométrique par une série de chocs d'induction (chariot de Du Bois- Reymond). L'aiguille revient alors sur ses pas. Les nerfs du homard présentent donc la méme distribu- tion des tensions électriques et la méme variation négative que les nerfs de grenouille. Nos expériences sur l'électro- tonus ne sont pas assez complétes pour étre publiées. Il serait du plus haut intérét de vérifier si chez les nerfs de homard la vitesse de propagation de l'oscillation néga- tive est la méme que la vitesse de propagation de l'influx nerveux dont nous allons nous occuper. Ce serait comme la pierre de touche de la valeur de l'hypothése dite de la décharge (« Entladungs-Hypothese ») modifiée par Du Bois- Reymond, qui identifie l'exeitation motrice du nerf avec sa variation négative. ( 791 ) 8 VII[.— VITESSE DE PROPAGATION DE L'INFLUX NERVEUX MOTEUR DANS LE NERF QUI SE REND AU MUSCLE FLÉ- CHISSEUR DU DOIGT MOBILE. Nous avons eu recours pour cette détermination à la seconde des deux méthodes (la méthode graphique) em- ployées par Helmholtz dans ses recherches sur la propa- gation de l'influx nerveux moteur chez la grenouille. On excite le nerf en un point rapproché du muscle, on inserit le moment de l'excitation et le moment de la con- traetion, on connait ainsi le temps qui s'écoule entre ces deux phénoménes : on répéte la méme expérience pour un point du nerf plus éloigné du muscle. La différence de temps observée dans les deux expériences, c'est-à-dire le retard de la seconde contraction sur la premiére, donne le temps employé par l'excitation motrice à parcourir la dis- lance qui sépare les deux points excités. On connait cette distance, on en déduit la vitesse de la transmission. Nous dénudons sur un homard vivant le nerf qui se rend à la pince en deux endroits de son parcours, au niveau du deuxiéme et du quatriéme article dela patte. Un levier inscripteur de Marey est attaché au doigt mobile et la patte tout entière fixée solidement à l'aide de liens sur la plaque horizontale du myographe, puis d'un eoup de ciseaux nous tranchons la patte au niveau de son premier article. Le doigt mobile est ensuite tendu à l'aide d'un ressort à boudin horizontal qui l'écarte de la pince. Une paire d'élec- trodes en platine est appliquée sur chacune des deux por- Lions de nerf. Les quatre fils qui en partent sont reliés aux fils de la bobine induite du chariot de Du Bois-Reymond par un systéme de clefs qui permet de chasser à volonté ( 792 ) le choc d'induetion dans l'une ou l'autre des paires d'élec- trodes et d'exciter le nerf dans son point rapproché ou dans son point éloigné. Le choc d’induction ou plutôt les deux chocs d'induction trés-rapprochés sont obtenus à 'aide du mécanisme qui nous a servi à étudier les phases Fig. y? Appareil pour l'étude de la t 5rd P : nerf de la pince. M myographe portant la pince de homard. s style attaché au doigt t mobile, r rires qui tend le doigt mobile. a paire d'électrodes rapprochés. b paire d'électrodes éloignés. C clef double permetlant de pts la secousse fournie par la bobine induite B’ dans les fils allant à a ou dans ceux allant à b. P pile. E cylindre enregistreur. B, B’ les deux bobines du chariot de Du Bois-Reymond. A aiguilles d'acier fermant le circuit à chaque tour du cylindre de la secousse musculaire, c'est-à-dire que dans le circuit primaire de la pile (celui qui va à la bobine inductrice du chariot à glissière) se trouve intercalé le cylindre enregis- treur qui ferme pendant un temps très-court le courant ( 799 ) de la pile et cela à une phase toujours identique de sa ré- volution (1). Le schéma ci-contre fera aisément gea dba la dispo- sition de l'expérience (fig. 7). Voici comment nous opérons. Aprés nous être assurés au préalable que le muscle réagit suffisamment à l'excita- tion du nerf et que la pointe du style écrit convenablement sur le papier enfumé du cylindre enregistreur , nous dis- posons d'abord les deux clefs de manière que la se- cousse d'induction ne puisse agir sur le nerf et nous lais- sons le cylindre tourner jusqu'à ce qu'il ait atteint sa vitesse normale. La pointe du style écrivant trace sur le papier une ligne horizontale, une abscisse dont les tours se recouvrent exactement. Le cylindre tournant toujours, nous fermons les clefs de facon à exciter le point le plus éloigné (b) du nerf au moment où les deux pointes d'ai- guilles qui ferment le circuit frotteront l'une sur l'autre. Le muscle se contracte, le style donne un graphique de la contraction. Nous arrétons immédiatement la rotation du cylindre jusqu'à ce que la pointe du style soit exacte- ment revenue sur la ligne de l'abscisse. Au besoin nous l'y ramenons à la main. Nous interceptons de nouveau l'arrivée du choc d'induc- tion à l'aide de la clef et nous laissons tourner le cylindre. Dès qu'il a acquis sa vitesse, nous fermons la clef, mais cette fois de facon à exciter le point (a) le plus rapproché du nerf; ceci nous donne un second graphique situé un —— (1) Cette disposition de l'appareil est loin d'étre parfaite. Nous nous y sommes arrétés parce que c'était la seule que nous fussions capables d'exécuter nous-mémes. Le laboratoire de physiologie de Gand ne pos- sède pas d'instrument permettant d'ouvrir et de fermer un courant éleoefy:. H "20m ac. s. "m EOM Ens "of ( 794 ) peu en avant du premier. La distance du début des deux courbes comparée à la longueur du nerf nous permet de déterminer la vitesse avec laquelle l'excitation s'est pro- pagée. Enfin nous marquons sur le cylindre le moment oü le nerf est excité. A cet effet, la clef étant fermée de ma- niére à permettre l'excitation, nous amenons lentement le contact entre les deux pointes d'aiguilles. À ce moment, il se produit une contraction qui cette fois s'inscrit comme une ligne simple s'élevant de l'abscisse, puisque le cylindre est au repos. Nous nous sommes assurés au préalable que notre cylindre a une vitesse de rotation trés-uniforme en inscrivant à l'aide du signal Marcel-Desprèz les interrup- tions d'un courant électrique produites par un diapason de 100 vibrations à la seconde. Nous nous sommes assurés également que le contact entre les deux pointes d'acier a toujours lieu au méme instant de la rotation du cylindre. A cet effet nous avons inserit sans interruption des séries de 2, 4, 6, etc., secousses musculaires d'un gastrocnémien de grenouille. Les lignes ascendantes représentant les débuts de la période d'énergie croissante se superposent exacte- ment dans ce cas et apparaissent comme un trait simple. Nous donnons (fig. 8) un exemple des graphiques obte- nus chez le homard. Fig. 8. re PRE par la détermination de la vitesse de transmission de A moment de l'excitation du nerf. CD iere ox de contraction obtenu par l'excitation du point rapproché du nerf, EF graphique de contraction par excitation du point éloigné jg nerf. tie de seconde. ( 499 ) Le nerf a été excité en A. Le graphique CD représente la courbe inscrite par le muscle lors de l'excitation du point rapproché du nerf (a fig. 7). La courbe EF a été obtenue en excitant le nerf en son point éloigné (b fig. 7). La distance entreles débuts des deux courbes représente environ un centiéme de seconde. Nous avons mesuré la distance des deux points excités du nerf en mettant les pointes du compas en rapport à chaque paire d'électrodes avec celui des fils qui est tourné du cóté du muscle. Cette distance —56 millimétres. La vitesse cherchée est donc 100 X 0.56 — 5"6 par se- conde. Voici les chiffres obtenus dans nos expériences : Homard 9 de 559 grammes (sans le sang). Pince droite. Longueur du nerf 59 millimétres. Expérience A, intervalle en centiémes de seconde . . . . . 0,9 soit 6»,49 par seconde. » WR d s » jte. D E D M » » . 08 » 0,8 » Homard & à 487 grammes (aii le di Pince gauche. Longueur du nerf 56 millimétres. Expérience E, intervalle * , ce qui fait 5,04 PES seconde. F 5,0 H » 0,9 » 6,16 * La moyenne entre ces huit valeurs est 5",95 par seconde, en chiffres ronds 6 métres. L'excitation nerveuse motrice se propage done avec infi- niment plus de lenteur chez le homard que chez la gre- nouille ou chez l'homme. L'étude des graphiques obtenus ainsi et dont la figure 8 représente un exemple, nous fournit encore une autre donnée intéressante. ( 796 ) La distance AC qui sépare le début de la courbe CD (contraction du muscle par excitation du point rapproché du nerf) du point A (moment de l'excitation du nerf) cor- respond environ à à centièmes de seconde. Cette durée représente la somme de deux temps : 1° le temps qu'il a fallu à l'excitation produite au point (a) pour cheminer le long du nerf jusqu'à sa terminaison dans le muscle et 2° le temps de l'excitation latente du muscle. Ce dernier temps nous est connu et se détermine d'ailleurs facilement sur le méme muscle. Il suffit d'inscrire un graphique de se- cousse musculaire en plaçant directement les électrodes excitateurs sur le muscle fléchisseur du doigt mobile. A cet effet nous enlevons à l'aide d'un trés-petit trépan deux rondelles de la coque chitineuse de la pince et nous intro- duisons les électrodes de platine par ces ouvertures. Nous trouvons que ce temps est de 1.5 centiéme de seconde, qu'il ne dépasse pas 2 centiémes de seconde. 1l reste donc au moins 5 —2 —5 centièmes de seconde pour représenter le temps nécessaire à l'excitation motrice pour se rendre du point (a) le long du nerf jusque dans l'inté- rieur du muscle. La longueur de cette portion de nerf ne peut étre déterminée directement ; elle est trés-probable- ment inférieure à 5 centimètres dans les expériences qui nous occupent, et n'a certainement pas atteint 10 centi- mètres. Cela nous donnerait une vitesse de 17,66 par seconde dans la première hypothèse, de 57,55 dans la seconde. Nous sommes donc conduits à admettre que la propagation de l'influx nerveux moteur dans son passage du nerf au muscle éprouve dans les derniéres ramifications nerveuses un retard considérable. ( 797 ) CONCLUSION. 1* Il parait y avoir identité complète de propriétés entre les muscles du homard et ceux de la grenouille ; 2^ Les nerfs moteurs du homard présentent au point de vue physiologique de grands points de ressemblance avec ceux de la grenouille. La différence la plus caracté- ristique consiste dans la lenteur avec laquelle l'excitation motrice chemine le long des nerfs moteurs chez le homard (6 m. par seconde chez le homard; 27 m. chez la gre- nouille). La propagation de l'excitation motrice éprouve chez le homard un ralentissement considérable dans les terminaisons musculaires du nerf moteur. Sur la structure de la GLande DE Harner du Canard domestique; par M. Jules Mac Leod, docteur en sciences naturelles, préparateur du cours d'histologie normale à l'Université de Gand. (Travail du laboratoire d'histologie de l'Université de Gand.) La cavité orbitaire des oiseaux, comme celle des reptiles et de la plupart des mammifères, renferme deux glandes principales: l'une généralement petite, située à l'angle externe (ou postérieur); l'autre, presque toujours bien plus grande, située à l'angle interne (ou antérieur). La pre- mière est la glande lacrymale; la seconde est la glande de Harder ou glande de la membrane nictitante (1). (1) Siesoo £T Srannius, Anatomie comparée (trad. franc.), t. 1L, p. 319. ( 798 ) La glande de Harder, dont la description histologique fait l'objet de la présente Notice, présente une structure fort intéressante, et différe complétement de la glande homologue des mammifères. Nous ne croyons pas inutile de commencer par une ENTE macroscopique sommaire de l'organe qui nous occu La PRÉ de Harder du canard, que nous avons étu- diée d'une maniére spéciale, est trés-volumineuse (elle mesure en moyenne 1°,5 de long sur 1°,6-8 de large, et 0*,2-5 d'épaisseur), tandis que la glande lacrymale est fort réduite (1). Elle est aplatie entre le globe oculaire et la paroi osseuse de l'orbite. Elle est en quelque sorte moulée sur ces deux parties. Sa face interne que nous appellerons orbitaire est convexe; sa face externe ou bulbaire est con- cave. Sa forme générale est plus ou moins comparable à celle d'un croissant, dont le bord échancré serait antérieur et le bord saillant postérieur. La face bulbaire (fig. 1) présente vers le milieu de sa hauteur un sillon profond, transversal, légérement oblique (4) Il existe entre les divers oiseaux des différences assez notables au point de vue du développement relatif des deux glandes de l'orbite (voir à ce sujet Siebold et Stannius, loc. cit.). Cependant la glande de Harder l'emporte presque toujours sur la glande lacrymale. Chez les mammiféres, des différences semblables s'observent : tantót C'est l'une des deux glandes, tantôt c’est l'autre qui l'emporte, et il arrive parfois que le développement exagéré de l'une des glandes soit accom- pagné de l'absence complète de l'autre. C’est ainsi que la glande lacry- male manque chez beaucoup de rongeurs; c'est ainsi que la glande de Harder est absente chez l'homme (voir Wexpr, Uber die Harder'sche Drüse der Süugethiere, Strassburg, 1877.) (099 ) de haut en bas et d'avant en arriére. La face orbitaire (fig. 2) présente un sillon analogue, à peu prés vertical, qui remonte vers le haut, en partant à peu prés du point milieu du bord échancré ou antérieur. La face bulbaire n'est point unie, mais présente un grand nombre de petits sillons disposés de maniére à limi- ter des éminences polygonales. La face orbitaire présente des sillons analogues, mais beaucoup moins marqués. On pourrait supposer que cette face a perdu ses inégalités (dépendantes de la structure interne) parce qu'elle est pres- sée contre une surface dure, la paroi osseuse de l'orbite, dont elle n'est séparée que par le périoste. Cette glande déverse son produit à l'angle interne de l'eeil à la base de la membrane nictitante. Son canal excré- teur est accompagné, jusque trés-prés de son embouchure, d'éléments glandulaires. Comme nous l'avons déjà dit, cette glande différe com- plétement, par sa structure, de la glande de Harder des mammiféres: tandis que chez ces animaux, elle est, comme la glande lacrymale, une glande en grappe, une glande aci- neuse composée; chez les oiseaux (1), c'est une glande tubuleuse composée, et chez le canard, elle présente cette structure d'une maniére typique. Elle est en effet formée d'un grand nombre de petits tubes glandulaires (voir fig. 5) débouchant par groupes dans des canaux exeréteurs communs autour desquels ils sont disposés en verticilles, S'il est permis de se servir de ce terme. (1) Nous ne l'avons étudiée d'une maniére approfondie que chez le canard; sa structure est à peu prés identiquement la méme chez la corneille ; ( 800 ) Nous nommerons tube primaire chacun de ces petits tubes simples; nous donnerons le nom de tube secondaire à chacun des systèmes, formés d'un canal excréteur com- mun autour duquel sont disposés un grand nombre de tubes primaires qui y déversent leur produit. Ces termes correspondent à ceux d'acini, lobule primaire, etc., usités dans la description des glandes en grappe. La glande tout entiére est enveloppée par une mem- brane conjonctive parfois assez épaisse (fig. 5), qui envoie des septa entre les tubes secondaires; ces septa en en- voient à leur tour d'autres de moindre épaisseur entre les tubes primaires. La disposition des tubes primaires et secondaires varie un peu suivant l'endroit de la glande considéré, de manière que l'on puisse distinguer dans l'organe deux régions, entre lesquelles il n'y a aucune limite nettement tranchée, mais qui passent graduellement de l'une à l'autre. Nous ne nous sommes pas oceupé de la distribution des vaisseaux et des nerfs dans la glande; ces deux espéces d'organes y sont cependant richement répandus, à en juger par l'importance des nerfs qui s'y distribuent, et par le grand nombre de petits vaisseaux que l'on rencontre sur une coupe. Nous étudierons successivement les tubes primaires et les tubes secondaires. Nous terminerons par quelques considérations relatives aux rapports que cette glande présente avec d'autres organes analogues. ( 801 ) Tubes primaires. Ces tubes, qui par leur réunion en nombre considérable (40 à 50 sur une section) constituent les tubes secondaires, sont disposés d'une manière rayonnante autour d'un canal excréteur commun dans lequel ils débouchent à angle droit (fig. 5 et 4). La forme de ces tubes varie, suivant que l'on considére la portion supérieure de la glande ou la portion inférieure. Dans cette derniére qui est la plus considérable, les tubes ont une direction rectiligne; quand ils se bifurquent les deux branches restent sensiblement paralléles; ils ne s'en- chevétrent guére, et ne décrivent guére de circonvolu- tions. Mais à mesure qu'on s'éléve, qu'on se rapproche du point d'excrétion, les tubes perdent ces caractéres; ils deviennent de plus en plus sinueux, s'enchevétrent de plus en plus. Il est facile de se faire une idée de ces différences en examinant comparativement les figures 5 et 4. Ces tubes, qui sont rendus prismatiques par pressions réciproques, mesurent en moyenne de 25 à 50 y de dia- métre; leur longueur varie trop pour qu'il soit intéressant d'en donner une mesure. Ils sont trés-intimement unis entre eux, et leur paroi est constituée par une couche de nature conjonctive com- mune à deux tubes adjacents, laquelle est tapissée par l'épithélium glandulaire. Cet épithélium présente des caractères différents, d'après l'endroit du tube primaire que l'on considère. A ce point de vue, on peut diviser le tube primaire en deux régions: ( 802 ) l'une correspondant à la partie profonde, l'autre à la partie voisine de l'embouchure. Les différences des cellules glandulaires sont accompa- gnées de différences correspondantes dans les parties con- jonctives de la paroi (1). Région profonde du tube primaire. La partie conjonctive de la paroi est ici fort réduite. (V. fig. 6.) Les cellules glandulaires sont cylindroides; leur extré- mité libre, c'est-à-dire celle qui est tournée vers la lumiére du tube, est généralement un peu dilatée, de maniére à rappeler un peu, quant à la forme extérieure, les cellules dites calyciformes. L'extrémité profonde de la cellule rés un prolon- gement grêle, presque toujours unique, fort rarement double (fig. 10), jamais ramifié, pouvant atteindre à peu prés la longueur du corps de la cellule, et formant le plus souvent un angle avec celle-ci (fig. 12-15). Ces prolongements se recouvrent les uns les autres comme les tuiles d'un toit. Il arrive méme qu'ils s'entre- lacent, de maniére à donner aux cellules plus d'adhérence entre elles et à la paroi plus de solidité (2) (fig. 11-12-13). (1) Les deux formes de tube, les tubes droits et les tubes contournés, présentent les mémes caractéres au point de vue des éléments qui entrent dans leur composition ; nous les comprendrons donc dans une description commune. (2) Des formes de cellul l à celles q venons de décrire ont déjà éte signalées dans d'autres organes. Ainsi Ranvier (Traité technique d'histologie, p. 254) figure des cellules calyciformes de l'estomac de la grenouille qui ont beaucoup de rapport, pour la forme générale, avec les cellules de notre glande. Elles sont en ( 805 ) Ces cellules sont insérées obliquement sur la paroi con- jonctive; elles sont inclinées vers le point d’excrétion du tube (fig. 6. Les limites des cellules sont bien marquées sur les par- ties latérales et profondes; sur leur face libre, au contraire, elles le sont beaucoup moins. Vu de face, l'épithélium glandulaire se présente sous forme d'une mosaique assez réguliére. En abaissant gra- duellement le foyer du microscope, on voit d'abord les champs polygonaux qui correspondent aux limites des cellules (fig. 7-14). Plus bas, ces limites disparaissent à peu prés complétement pour l'observateur, et l'on trouve les noyaux placés au sein du contenu granuleux. Il arrive parfois que ces noyaux sont si rapprochés les uns des autres, qu'ils se dépriment mutuellement, et que leur coupe optique est polygonale, hexagonale, par exemple. Cependant, le plus souvent, ces noyaux sont arrondis, Traité par l'acide chromique à 4 p. ”/,,, le contenu cellu- laire présente un grand nombre de granulations assez volu- mineuses, réfringentes, mélangés à d'autres granulations semblables, mais plus petites (fig. 8à 11.) Par l'aleool absolu, le contenu est très-finement granuleux. Par l'action de l'acide osmique à 1 p.°/, (fig. 15), le corps effet couchées obliquement sur le derme sous-jacent, et s'effilent en pointe à leur extrémité profonde. Nous citerons encore les cellules sécrétoires de la glande lacrymale des mammifères. Ces éléments présentent en effet à leur partie profonde un prolongement constant, qui peut atteindre en lon- gueur le diamétre du corps cellulaire, et peut-étre accompagné d'autres poop partant d'autres points de la cellule (voir Stricker's Handbuch, l'article Die Thrünendrüse , par Fmawz Bort, p. 1161). ( 804 ) cellulaire semble renfermer un réseau à trés-larges mailles, dont la matiére constituante serait réfringente. Nous avouons cependant que l'interprétation que nous venons de donner n'est pas la seule possible. Il se pourrait en effet qu'il s'agit de corpuscules rendus polyédriques par pres- sion réciproque, et placés, à une petite distance les uns des autres, au sein d'une masse réfringente. Cependant l'expression de réseau rend parfaitement compte de l'ap- parence observée (1). Ce n'est pas seulement au contenu cellulaire que l'acide osmique donne un aspect caractéristique ; il agit aussi sur les contours cellulaires. En effet, les cellules qui ont passé par ce réactif parais- sent crénelées sur leurs faces latérales; ces crénelures sont peu nombreuses, et surtout marquées dans la partie profonde de la cellule; prés de son extrémité libre, elles disparaissent à peu prés complétement (fig. 15-14). Le noyau est situé dans la partie la plus profonde de la cellule, qui est souvent un peu dilatée à son niveau. Il est arrondi, le plus souvent ovalaire, parfois trés-étroit, et occupe dans certains cas toute la largeur du corps cellulaire. Dans ce cas, les noyaux sont rendus eux-mémes polyédriques par pressions. sénipraquís, ce qui explique t (page 805, ligne 15). l'image dont image I (1) Wzxpr (Die Harder'sche Drüse der Säugethiere. Strassburg, 1877, p.17, — pl. I, fig. 1) décrit un reticulum analogue dans les cellules sécré- toires de la glande de Harder des mammifères. D’après lui, les travées de ce reticulum seraient formées de protoplasma inaltéré, entourant des cor- puscules de protoplasma transformé en produit de sécrétion. Suivant le méme auteur, un réseau analogue se trouverait dans les cellules de la glande de Meibomius et de la glande mammaire, pendant la période de lactation. ( 805 ) Tantót le noyau est placé dans l'axe de la cellule, tantót, le plus souvent méme, il est oblique par rapport à cet axe. Traité par l'alcool absolu, le noyau paraît finement gra- nuleux; par l'acide chromique à 1 p. *"/,,, il présente une ou plusieurs granulations plus grosses que les autres, aux- quelles on pourrait donner le nom de nucléoles. Sous l'influence de l'acide osmique à 1 p. °/,, l'aspect des noyaux présente la plus grande diversité; les uns sont complétement homogènes (fig. 15, d), les autres sont fine- ment granuleux, avec un ou plusieurs nucléoles arrondis et de forme bien définie (fig. 15, a et c), ou présentent des trainées obscures qui ressemblent à plusieurs nucléoles qui seraient juxtaposés (fig. 15, b), ete. Il est possible que ces diversités dans la structure interne du noyau correspon- dent soit à diverses phases d'un processus de division, soit à l'état d'activité sécrétoire plus ou moins grande des cellules, ou à leur âge. Région du tube primaire voisine du point d'excrétion. Ici la substance conjonctive est beaucoup plus épaisse que dans la région profonde du tube. Elle atteint son maximum d'épaisseur au niveau de l'embouchure. Les cellules qui se trouvent à ce niveau différent de celles qui occupent la région profonde et que nous venons de décrire par les caractères suivants (fig. 6) : 1° Parce que leur diamètre transversal est un peu moindre. 2^ Parce qu'elles sont insérées plus perpendiculaire- ment sur la paroi conjonctive. 5° Parce que leurs contours sont plus nettement déli- milés, surtout au niveau de la face libre de la cellule. 2"* SÉRIE, TOME XLVII. 02 ( 806 ) 4 Parce qu'elles se colorent plus vivement par les agents colorants. Cette différence est trés-marquée pour l'hématoxyline, un peu moindre pour le picrocarium. En dehors de ces quelques différences, ces cellules sont en tout semblables à celles de la région profonde. Tubes secondaires. Dans la région inférieure de la glande, on trouve huit à dix de ces tubes sur une coupe; ils sont disposés en deux couches (fig. 5). Ils sont séparés par des septa conjonctifs dépendants de l'enveloppe externe de la glande; cette séparation est compléte et fort bien marquée. Mais à la partie supérieure de l'organe, le nombre de ces tubes est considérablemeut réduit; en effet, ils se réunis- sent successivement à deux ou à trois (fig. 5), de sorte qu'à ce niveau il n'en reste plus qu'un petit nombre, formé de la réunion de tous les autres (fig. 4). En méme temps, les septa conjonctifs sont devenus beaucoup moins importants, ils ne séparent plus compléte- ment les divers tubes secondaires les uns des autres. Il résulte de ces différences, ainsi que de celles qui exis- tent dans la forme des tubes primaires, qu'une coupe de la glande, faite au niveau de la partie supérieure,différe com- plétement d'une autre qui traverserait la portion infé- rieure de l'organe, comme il est aisé de s'en convaincre par la comparaison des figures 5 et 4. : Les canaux excréteurs, qui occupent ordinairement l'axe des tubes secondaires, méritent bien plutôt le nom de sinus ou de confluents que celui de canaux. En effet, ils n'ont pas de paroi propre différenciée comme telle. Ils sont limités par les parois des tubes primaires, ( 807 ) modifiées au niveau de leur embouchure, comme nous l'avons décrit plus haut. La section de ce canal est fort irréguliére, comme on peut le voir par l'inspection des figures 5 et 4. Il arrive fréquemment qu'il est cloisonné. Les eloisons qu'on y observe (fig. 5, aa) sont des prolongements des parois intertubulaires (1). Elles ont la méme structure que les parois des tubes primaires au niveau de leur embou- chure. Les divers canaux secondaires se réunissent à plusieurs en méme temps que les tubes secondaires, au centre des- quels ils sont situés (fig. 5), et finissent par aboutir au point d'exerétion de la glande, situé à la partie supérieure et antérieure (fig. 1, a). La glande que nous venons de décrire peut étre envi- sagée, croyons-nous, comme un fort beau type de glande tubuleuse composée. Ce genre de glande est infiniment moins répandu que les glandes acineuses ou les glandes tubuleuses simples. Parmi les glandes de cette catégorie, nous citerons : 1° La glande venimeuse de la Naja Haje (2). Cet organe 1 aine eloi à avop l'óimaoo avec l'image (1) Il importe de ne p fondre un représentée fig. 3. d. Ici li section a passé par les tubes primaires avant leur réunion en un canal commun. On se trouve en présence d'une espèce de mosaique formée de champs polygonaux qui ne sont autre chose que la section des tubes primaires. Mais la régularité de cette image, ainsi que la structure (correspondant à celle de la partie profonde des tubes erg permettra toujours de la distinguer d'un canal excréteur cloiso (2) Euenx, Ueber den feineren Baü sd AE ldrüse der ras Haje, Max Scuvuzrze's Arcuiv, 1875, Bd. XI, Hft ( 808 ) présente deux régions d'une structure assez différente; l'une d'elles, celle qui est la plus rapprochée du point d’excrétion, est formée d'un canal excréteur central dans lequel viennent déboucher à angle droit des tubes glandu- laires, ce qui a beaucoup de rapport avec notre glande. 2» La Glandula labialis superior de la couleuvre à col- lier (Tropidonotus natrix) et 5° La glande venimeuse de la Vipera Berus , toutes les deux décrites par Leydig dans son travail sur la glande de la téte des ophidiens (1). Mais aucun de ces organes ne présente autant de régu- larité dans sa structure, n'est, en d'autres termes, aussi typique que la glande de Harder du canard. Plusieurs glandes semblent former la transition entre la glande tubuleuse composée et les glandes tubuleuses simples, d'une part, les glandes en grappe, de l'autre. La glande de Meibomius (2) peut étre considérée comme un passage vers la glande en grappe. En effet, cet organe est formé d'un canal exeréteur autour duquel sont dispo- sés en verticille non pas des tubes primaires comme dans notre glande, mais de vrais acini. Dans la région la plus profonde de la glande venimeuse de la Naja Haje (voir plus haut), on trouve des tubes dont la surface interne présente des saillies et des dépressions nombreuses. La présence de ces dépressions nous semble étre en quelque sorte un premier acheminement vers la formation de tubes secondaires, qui viendraient déboucher dans le tube principal. Cette disposition exagérée condui- (1) LexmiG, Ueber die Kopfdrüsen einheimischer Ophidier, Ancu. ve ScnurmzE, 1875, Bd. IX, Hft. IIl. (2) Stricker's Handbuch, p. 1147. ( 809 ) rait à nos tubes primaires débouchant dans nos canaux secondaires. Cette forme constitue donc un passage entre la glande tubuleuse composée et la glande tubuleuse simple. Comme nous l'avons déjà remarqué, la glande de Harder des oiseaux différe profondément de celle des mammi- fères, qui est une glande en grappe. Elle se rapproche au contraire beaucoup de celle des reptiles, notamment du Tropidonatus natrix (Leydig, loc. cit.), qui appartient au méme type de structure. Résumé. La glande de Harder du canard est une glande tubu- leuse composée, formée de tubes glandulaires, disposés en verticilles autour des canaux communs, de maniére à for- mer des tubes secondaires. La forme des tubes primaires, la disposition des tubes secondaires permet de distinguer dans l'organe deux régions : une supérieure, oü les tubes primaires sont con- tournés, les secondaires peu nombreux et incompléte- ment séparés; une inférieure, oü les tubes primaires sont droits, les secondaires nombreux et complétement séparés par des septa conjonctifs. Dans le tube primaire on peut distinguer deux régions, différentes par les caractères des cellules glandulaires. La glande de Harder des oiseaux se rapproche par sa structure de celle des reptiles, mais différe complétement de celle des mammifères qui est une glande en grappe. Certaines glandes constituent un état de passage entre celle que nous avons décrite, et la glande tubuleuse simple, d'une part, la glande en grappe, de l'autre. ( 810 ) Nous ne pouvons mieux terminer cette notice qu'en adressant nos plus sincéres remerciments à M. le profes- seur Van Bambeke, qui n'a cessé de nous prodiguer ses bienveillants conseils. EXPLICATION DES FIGURES. Fig. 1. Glande de Harder du canard, vue par sa face bulbaire: a. Sillon transversal; les lettres 4 S p indiquent les bords antérieurs et postérieurs de la glande — Fig. 2. Id. face orbitaire. a. Sillon. A et am comme dans la figure 1. . point de sortie du canal excréte eur À T Fig. 3. Coupe de la glande au niveau de sa "portion inférieure. a. Tube secondaire, à canal central cloisonné. b. Septum séparant les tubes secondaires les uns des autres. c. Canal central du tube secon- daire, dans Piu viennent déboucher les tubes primaires. Obj. 4. Hartna Fig. 4. Id., 5 au niveau de la région supérieure. a. Canal central des tubes secondaires. b. Septum séparant incomplétement les tubes secondaires. Systéme 2, Hartnack Fig. 5. Coupe faite au niveau de la région inférieure, montrant la réunion de plusieurs tubes secondaires, ainsi que la manière dont les tubes ras S sont disposés par rapport au canal central des tubes secondaires. Hartnack 2 Fig. 6. Tube primaire. a. Région voisine du point d’excrétion; les cel- lules sont plus vivement colorées, mieux délimitées, et implantées perpendiculairement sur la membrane sous-jacente, b. Région pro- fonde; cellules moins colorées, moins bien délimitées, implantées MA sgh sur la membrane sous-jacente, et inclinées vers le poi excrétion. Hartnack 7 Fig. 7. Gants idee vues d face (un peu obliquement), un peu désagrégées par l'action de l'acide chromique à 1 p.**/5». Seibert VIT, immersion. Fig. 8, 9, 11. Cellules glandulaires isolées après l'action de l'acide chro- e à 1 p. o/oo. Seibert VIT, immersion. | < Ko E 2 DD y G Severeyns. Lube Na 7 f re D EN (CSS ( 811 ) Fig. 10, Id., id. Prolongement basal double. Fig. 12. Cellules en place, vues de profil, sur une coupe faite après l'ac- tion he Hirn l seo. a. Noyau de la substance conjonctive. Sei- Fig. 15. nin s gandulaires, isolées aprés l'action de l'acide osmique à 1.5/5; 6 ments paraissent crénelés, et présentent un réseau dans EE eibert VIIJ, immersion ; Fig. 14. perri vues de face, aprés l'action de acide osmique à 1 p.*[,. 5nelés. "t + LE] . 15: Diverses formes de FRE des cellules giisésheisdi, isolés aprés l'aclion de l'acide osmique. oyau ovalaire à deux nucléoles. b. Id., renfermant un corps qai semble formé de ušami nucléoles jécii posté. c. Noyau déformé par pression contre ses voisins. d. Noyau complétement mat. Seibert VII, immersion. Nouvelles totimuniceii ans sit la cellule cartilagineuse vivante (Instit i e Leipzig); par M.W.Schlei- \ 1 OIIE cher, d'Anvers. Il y a trois mois que parut dans les Archives de Virchow une communication de J. M. Prudden (1), traitant d'ob- servations faites sur le cartilage vivant. La méthode pré- conisée par l'auteur consiste à disséquer le cartilage épis- ternal d'une grenouille curarisée, puis à lui courber l'épine dorsale, de maniére que l'épisternum vienne à reposer sur un petit bloc en verre fixé sur là table du microscope. La plaque cartilagineuse restée en connexion avec les vais- seaux sanguins et maintenue humide par un système d'irrigation, lui fournissait ainsi un objet sür pour des (1) Beobachtungen am lebenden Knorpel, von J.M. Prudden im ARC&Iv FUR PATHOL. Anart, u. Pays., Bd. LXXV, Hft.2. ( 812 ) recherches in vivo. Entre autres résultats dus à cette mé- thode, Prudden signale l'existence des réseaux nucléaires dés le début de l'observation, d’où il déduit que la struc- ture réticulaire du noyau ne peut point étre regardée comme un produit d'altération. L'auteur croit de plus avoir remarqué dans le noyau de la cellule cartilagineuse des phénoménes de motilité, au moins au commencement de l'observation. « Certains points nodaux disparaissent, puis apparaissent de nouveau, et changent de place à l'intérieur du noyau. Il est vrai que ces locomotions sont de peu d'étendue, d'un mouvement lent et qu'elles ces- sent d'avoir lieu aprés peu de temps (1). » Cette seconde donnée me parut étre dela plus haute importance pour nos connaissances sur la structure nu- cléaire. Elle me surprenait d'autant plus que dans les études que je fis l'année passée sur la division des cellules cartila- gineuses (2), j'avais également observé des mouvements à l'intérieur du noyau. Déjà Stricker (5), outre ses observa- tions sur les leucocytes, avait signalé l'existence de mou- vements intérieurs et de changements de forme pour les noyaux cellulaires des tissus fixes. Mais je me figurais alors que les noyaux qui montraient des phénoménes de motilité représentaient un premier stade de la division nucléaire(4). Presque à la méme époque où parut la communication de Prudden, je pris connaissance d’un rapport (5) d’un mé- moire de Unger dont l'original m'est inconnu. Cet auteur (1) L. c., p. 191. (2) Die Knorpelzelltheillung im Arch. f. Anat., Bd. XVI, Hft. 2 Beobachtungen rss die Entstehung der Zellkerns. Wiener. Acad. Sitzunsberichte, 7 J 871. (4) L. c., p. 264. (8) Centralblatt f. d. med, Wiss. 1879, no 5, p. 91. ( 813 ) dit avoir vu dans une foule d'objets différents que les noyaux y présentaient des changements de forme nuageux (wolkenartig), des mouvements ondulatoires (Hinundher- wogen) et des disparitions suivies de réapparitions du contour nucléaire. Il désigne ces phénomènes sous le nom de mouvements amæboïdes, et croit pouvoir en conclure à la nature protoplasmatique du noyau cellulaire. J'ai l'honneur de communiquer ici les résultats auxquels m'ont conduit des recherches instituées dans le but d'un contróle des données de Prudden et Unger. Elles ont été faites sur le cartilage pris de la téte des tétards de gre- nouille et préparées d'aprés la méthode que j'ai indiquée ailleurs (1); ce n'est que pour comparer que je me suis servi de l'épisternum des grenouilles adultes, l’objet de Prudden, où les cellules sont plus petites et Ded une moindre vitalité. A. — STRUCTURE DU NOYAU (2). L'intérieur du noyau de la cellule cartilagineuse vivante présente un aspect différent suivant l'objet où onl'examine el suivant la région qu'il occupe dans un méme objet. 1l pa- rait assez homogène, c'est-à-dire, à éléments solides d'une (1) L.e., p. 255. (2) Je me sens obligé de revenir encore une fois sur cette question, parce que depuis qu'a paru le travail excellent de Frewmic (Beiträge zur Kenniniss der Zelle und ihrer Lebenserscheinungen im Arch. f. microsc. Anat., Bd, XVI, Hft. 2) mes nouvelles études m'ont fait changer quelques-unes de mes opinions émises auparavant. En me servant d'une lumière artificielle (lampe de Hartnack) j'ai trouvé des structures réticu- laires, là où auparavant, à la lumière du jour, elles m'étaient restées invi- sibles. ( 844 ) structure fine, dans la plupart des cellules constituant les plaques cràniennes du tétard. L'acide chromique ou l'acide picrique, le premier en faible concentration (1) ne fait que rendre cette structure plus claire , sans l'altérer visible- ment. On peut, en effet, dessiner à la chambre claire un noyau à éléments solides de structure fine; si ensuite on fixe ces éléments par irrigation de l'acide chromique, l’image ne sera pas changée. Dans d'autres cas les élé- ments solides du contenu nucléaire sont plus épais et grossiers, comme en général dans les cartilages de la gre- nouille adulte et du triton, dans side noyaux à petites dimensions (noyaux Onajon) vil on Fetepntre dans le cartilage du tétard, enfin dans la co lle d'une préparation du méme cartilage ; je n "ajoute pas les noyaux ratatinés des cellules mortes, dont j je me m'occupe pren ici. L’acide chromique ou picrique fi cette structu convenablement; mais comme ces gros éléments solides du noyau deviennent sous l'influence de ces réactifs encore plus resplendissants qu'ils ne le sont déjà par eux-mémes, l’œil est privé de l'impression que, dans d'autres conditions, lui ferait une distance minime séparant les éléments les uns des autres. D’où il suit que, tandis que dans les noyaux où les éléments solides sont plus fins et moins resplendis- sants, ces derniers apparaissent au moins à certains en- droits comme plongés librement dans le liquide nucléaire, il n'en est pas de méme pour les noyaux à éléments so- lides plus grossiers, où, en général, tous paraissent tenir ensemble et fournissent souvent un aspect réticulaire. Entre ces deux formes la transition, loin de manquer, (1) Voir FLEwuING, l. c., p. 329. ( 815 ) n'est pas rare. D'autre part, l'existence de noyaux entié- rement homogènes ne peut être niée d'une manière abso- lue. On rencontre, en effet, il est vrai, très-rarement, des noyaux cartilagineux, où, non-seulement la meilleure lu- mière, mais encore l'irrigation de l'acide chromique ne fait rien apparaître que les granulations protoplasmatiques placées à sa superficie ; on rencontre de plus des noyaux où les éléments solides sont peu nombreux et manquent complétement dans quelques endroits de l'espace nu- cléaire. Il se peut que les éléments solides du noyau en subissant une division trés-fine cessent de pouvoir étre reconnus dans la matière liquide du noyau. B. — PHÉNOMÈNES DE MOTILITÉ DU NOYAU. 1. Le noyau peut exécuter des mouvements d'ensemble : il ballotte légèrement sans quitter beaucoup sa position; ce n'est qu'au bout d'un temps assez long qu'on constate quelquefois un léger changement de place. Ces mouve- ments se manifestent indépendamment de la position qu'occupe le noyau, soit qu'il se trouve librement plongé dans le liquide protoplasmatique, soit qu'il soit refoulé à la périphérie ou méme dans un coin de la capsule cellulaire. Dans le premier cas les mouvements sont tout à fait irré- guliers, ils s'effectuent sans faire reconnaitre une direction déterminée ; par contre, si le noyau est tangent par rap- port à la périphérie, on le voit souvent ballotter de droite à gauche et vice versa. On devine facilement la cause de ces phénomènes : les éléments solides du protoplasme distribués autour du noyau communiquent leurs mouve- ments au noyau qu'ils entourent. Si l'on fixe le bord du noyau en observation ainsi que la surface de sa moitié ( 816 ) placée superficiellement, on y reconnait l'existence de gra- nulations (ou filaments courts) déployant leur contracti- lité, et l'on s'assure directement que la motilité du noyau n'est qu'empruntée à celle des éléments solides du proto- plasme. Alors que dans mon travail intitulé : Die Knorpel- zelltheilung, je fis connaitre les mouvements des élé- ments réfringents du protoplasme, j'ai conclu de la facilité avec laquelle s’opèrent ces mouvements à une consistance liquide du protoplasme (1) : aujourd'hui l'existence des ballottements du noyau occasionnés par la motilité des élé- ments réfringents du protoplasme vient confirmer cette supposition. Mais ces éléments ne se bornent point à produire ces mouvements d'ensemble que présente le noyau : ils sont encore la cause de légers changements de forme que montre la surface nucléaire. Ces changements sont mini- mes : ils consistent le plus souvent dans de simples apla- tissements qui disparaissent aussitôt que la cause agis- sante est suspendue. Une seule fois je vis des éléments solides du protoplasme déterminer une forme de biscuit en produisant de légers enfoncements à deux faces opposées d'un noyau elliptique. Une autre observation où un seul bàtonnet protoplasmatique suffisait pour refouler la mem- brane, de manière que l'extrémité du bâtonnet apparüt du côté interne de la membrane nucléaire, met encore plus en évidence la faible résistance de la membrane du noyau. 2. Les éléments solides contenus à l'intérieur du noyau ne sont pas moins contractiles que ceux du protoplasme. (1) L. c; p. 239. ( 817 ) Mais cette contractilité, comme l'on devine à priori, doit se manifester difficilement, vu que les éléments solides se trouvent assez serrés dans le petit espace que décrit la membrane nucléaire. On ne s'étonnera donc pas de ne point rencontrer ces mouvements dans chaque noyau. Il peut arriver méme qu'on fixe une série de noyaux d'une méme ré- gion sans y constaterle moindre changement. D'autre part, la circonstance que les deux nucléoles d'un noyau peuvent garder trés-longtemps leur position relative parle à priori contre l'existence de mouvements d'une intensité un peu notable. Néanmoins la contractilité est une propriété com- mune à tous les éléments solides de chaque noyau cartila- gineux, soit que ces éléments présentent une structure fine ou qu'ils soient épais et grossiers, soit qu'ils se trou- vent dans les couches super ficielles on protýndes de la pré- paration. Cett p durant un temps assez long; il m'est arrivé trois fois qu'une préparation faite le soir et examinée le lendemain (douze heures aprés) présentait dans des cellules bien conservées des mouve- ments des éléments solides du noyau aussi bien que de ceux du protoplasme. Il n'y a pas de différence réelle entre les mouvements de ces deux catégories d'éléments solides. A la suite de cette motilité, les bâtonnets ou filaments viennent trés-souvent à se toucher et peuvent tenir en- semble, de méme que des bactéries tiennent ensemble ; ils forment alors une ligne droite qui peut occuper tout un diamètre de la sphère nucléaire, ou bien ils se touchent en formant un angle (point nodal de la structure dite ré- ticulaire). D'autre part, des soudures réelles doivent être admises pour donner une explication aux changements qui peuvent survenir dans l'épaisseur des éléments solides du noyau, vu qu'on observe quelquefois qu'un noyau à élé- ( 848 ) ments solides fins présente aprés un certain temps une structure plus grossiére, et inversement (1). Ces mouvements à l'intérieur du noyau sont accompa- gnés de légers changements de forme qui trouvent leur explieation dans la motilité des éléments solides internes. En effet, outre les changements à peine appréciables dé- terminés par les éléments solides du protoplasme et qui ne consistent généralement qu'en des aplatissements soit d'un cóté, soit de plusieurs cótés à la fois, le noyau carti- lagineux effectue d'autres changements de forme d'un caractère très-lent; c'est ainsi qu'un noyau, d'abord sphé- rique peut présenter de légères tubérosités, prendre suc- cessivement une forme ovale, elliptique et allongée, mais, il est vrai, chaque fois au bout d’un intervalle de temps assez considérable. Peut-être la contractilité de la mem- brane intervient- elle aussi dans ces changements de forme. On peut augmenter l'intensité des mouvements in- ternes et des changements de forme, en élevant le milieu où l'on observe à une température de 20-25°C. La con- tractilité des éléments solides du noyau se manifeste alors avec beaucoup plus d'intensité : on observe clairement que chaque élément solide exécute des mouvements libres et indépendants, et qu'il effectue de véritables locomotions dans le liquide nucléaire; d'autre part, les changements déterminés du cóté de la membrane deviennent tout aussi marqués que ceux que l'on peut observer au bout de quel- (1) Un jour un noyau à structure fine que j'avais observé durant un temps assez long, finit par devenir tout à fait homogène, de sorte qu'aussi l'irrigation de l'acide eem ne fit apparaitre aucune structure nucléaire. ( 819 ) ques minutes dans l'épithélium de la queue d'un tétard vivant el le noyau cartilagineux peut présenter mainte- nant des formes tout aussi irrégulières que celles connues pour le noyau de certains endothéliums (1) Il n'est pas sans intérét de constater que sans une élé- vation notable de la température du milieu ambiant les noyaux de la couche la plus superficielle d'une préparation de cartilage du tétard montre quelquefois des phénomènes de vitalité tout aussi accentués que ceux que nous venons de décrire en dernier lieu. J'ai déjà remarqué que ces noyaux placés superficiellement présentent ordinairement des éléments solides plus épais que les noyaux placés pro- fondément. Ces noyaux sont done loin d’être morts : l'ac- tion de l'air ou le contaet du verre à couvrir n'a fait que stimuler en eux le travail physico-chimique. Si l'on compare ces résultats fournis par le noyau cartila- gineux aux mémes phénoménes que présente le noyau du globule sanguin rouge, on constate une différence notable quant à l'intensité des mouvements internes accompagnés de changements de forme. Ce qu'on ne voit dans le carti- lage qu'à une certaine élévation de température, apparait dans le globule rouge à une température modérée. Dans les leucocytes étudiés à ce point de vue par Stricker, la vivacité des mouvements est telle, qu'on voit les bàtonnets se fusionner (2) partiellement, puis se séparer de nouveau. —— (1) Il n'est pas rare de rencontrer alors des noyaux étranglés unilaté- ralement ou ——— T ai vu un jour un noyau où la forme de bis- cuit était telleme tuée qu'à chaque instant je croyais voir survenir une division de ce noyau. Il n'en fut rien: la membrane gagna ap rès quelque temps une forme plus régulière. (2) J'ai observé aussi des fusionnements dans le noyau du cartilage élevé à une certaine température (environ 25°C). Comme on ne s'explique pas bien des changements de forme considérables sans l'existence de pa- ( 820 ) A la suite de ces mouvements violents la membrane nu- cléaire peut apparaitre tout à fait ratatinée et se dérober quelque temps à l'observation. Je n'ai pas lieu de croire avee Stricker qu'une communication puisse s'établir (1) entre la masse nucléaire et la masse protoplasmatique à la suite d'un déchirement de la membrane, quoique je ne conteste nullement le pouvoir contractile de cette der- niére. Les réactifs font encore souvent reconnaitre une membrane, là où l'examen de l'objet vivant ne distingue plus de limite entre le noyau et le protoplasme. C. — ALTÉRATIONS DU NOYAU ET DU PROTOPLASME. Je déeris dans ce chapitre des phénoménes qui m'étaient déjà connus l'année passée, mais qu'alors j'ai cru inutile de communiquer, vu le peu d'importance qu'ils présentent au point de vue de l'histologie normale. Maintenant que Prudden (2), en parlant de la formation des vacuoles et de la rétraction du protoplasme de la cellule cartilagineuse sous l'influence de certains réactifs, a émis des opinions peu coneordantes avec ma manière d'envisager la forma- tion de ces altérations, je me sens obligé d'en dire égale- ment qnelques mots. reils fusionnements, et comme sans élévation notable de température des changements de forme aecentués surviennent dans beaucoup d'épithe- liums et invi omini. je suis ostia PRE ces fusionnements par- iels comme d logiques, sinon pour le car- tilage, au moins pour d'autres tissus fixes; sinon il faut admettre que la contractilité de la membrane nucléaire contribue à déterminer ces chan- gements de forme (4) En dehors de la division nucléaire, bien entendu. (2) L. c., p. 194. ( 824 ) Le noyau, en perdant sa vitalité, ou bien se ride et forme une masse à contour irrégulier et à aspect réticulé, ou bien il ne perd que peu de sa forme arrondie et constitue un globe homogène d'une grande réfringence. Voici com- ment s'effectue ce second mode d'altération. Si l'on fixe longtemps un certain nombre de noyaux d’une prépara- tion decartilage de tétard, maintenue dans un milieu élevé à une certaine température, on constate quelquefois que les éléments solides d'un noyau, compris en plein mouvement, se fusionnent tout à coup en une masse homogène; cette masse peut se séparer encore une fois en ses éléments primitifs, mais finalement il reste une masse homogène d'une moindre réfringence que le liquide nucléaire dans lequel elle plonge; plus tard encore cette différence en pouvoir réfringent n'est plus reconnaissable, et l'on a de- vant soi une pelite masse respendissante, telle que la peu- vent fournir certains réactifs, l'aleool, l'alun et d'autres encore. Les altérations du protoplasme sont plus compliquées. Celui-ci commence généralement à se contracter en s’éloi- gnant de la capsule à un degré très-variable. Puis on voit se former d’abord à sa périphérie de petits globules d’une consistance probablement solide. Ces globules en se fu- sionnant peuvent former des filaments, lesquels grossis- sent, se multiplient et peuvent se combiner sous forme d'un réseau irrégulier semblable à celui d'un noyau rata- tiné. Ou bien ces globules se fusionnent tous entre eux, forment des globes de plus en plus grands (« vacuoles » des auteurs) qui peuvent se fusionner finalement en une seule masse plus ou moins homogène et à contour ridé et irrégulier. Mais cette masse homogéne, de méme que les filaments réticulaires formés dans d'autres conditions, ne 2"* SÉRIE, TOME XLVII. 55 ( 822 ) se compose pas uniquement des produits de cette nou- velle coagulation, elle contient en outre les éléments so- lides du protoplasme décrits par Flemming et moi. Ces éléments sont trés-variables dans leur fréquence : je les ai rarement trouvés si nombreux que Flemming les dessine pour sa Salamandra maculata (1). L'acide chromique, quand il n'occasionne pas une rétraction du protoplasme, montre que ces éléments solides sont trés-peu nombreux dans la plupart des cellules du cartilage de tétards; on ne voit que quelques filaments placés entre le noyau et la cap- sule et quelques granulations (ou filaments courts) autour du noyau. Ce n'est qu'en élevant la température du milieu ambiant qu'on voit de longs filaments partir de la péri- phérie pour se diriger vers le noyau; D'autre part, ces élé- ments p blent être beaucoup plus nom- breux dans le protoplasme des cellules de la grenouille adulte. Il est donc difficile de dire pour combien ces élé- ments protoplasmatiques entrent dans la formation des images d’altération ; cette part est très-variable, mais tou- jours est-il qu’elle ne peut pas être négligée. D. — CoNcLUsioNs. Les phénoménes décrits dans le chapitre B me semblent permettre les conclusions suivantes : 1° La dénomination de « structure réticulaire » pour l'ensemble des éléments réfringents du noyau manque d'exactitude. Car 2 de méme que le protoplasme de la cellule cartilagineuse se compose de deux matières diffé- (1) L. c., planche XV, figure 2. ( 825 ) , d'une substance presque liquide, homogène et d viel solides doués d'une contractilité qu'ils déploient librement; de méme le noyau se compose d'un liquide nucléaire et d'éléments solides contractiles. La capsule, d'une part, la membrane nucléaire, d'autre part, délimitent les matiéres constituant le protoplasme et celles consti- tuant le noyau. Descriptions d'oiseaux nouveaux, par M. Alph. Dubois, conservateur au Musée royal d'histoire naturelle de Belgique. 1. HyPOXANTHUS ÆQUATORIALIS. Hyp. rivolio similis, sed multó minor et rostro valdé breviore et graciliore; uropygio et tectricibus superioribus caud: nigris. Description du måle adulte. — Dessus de la tête, nuque, derrière et côtés du cou , une large bande en moustaches, dos et eouvertures des ailés d'un beau rouge éclatant; une bande jaunâtre part de l'angle du front, entoure l'œil et couvre la région parotique ; front jusqu'au-dessus des yeux noir, mais toutes les plumes bordées de rouge; gorge d'un noir profond; haut de la poitrine noir, mais chaque plume bordée de rouge et ornée d'une grande tache jau- nàtre en forme de fer à cheval; bas de la poitrine jaune avec deux bandes noires sur chaque plume; abdomen, jambes et sous-caudales d'un jaune serin; rémiges noirà- tres avec la tige d'un jaune olivâtre, les primaires bordées extérieurement de brun olivàtre et les secondaires de ( 824 ) rouge; croupion, couvertures caudales et queue noirs. Bec noir; pattes cendrées. Femelle adulte, — Semblable au mâle, dont elle ne differe que par ses taches en moustaches qui sont d'un noir profond. L'une des deux femelles que nous avons sous les yeux, a les plumes du menton et de la gorge bordées de jau- nâtre, tandis que chez l'autre ces parties sont d'un noir uniforme. Hab. — République de l'Équateur. Le pic qui vient d’être décrit ressemble presque entiè- rement à VH. rivolii , mais il en diffère considérablement par la taille, comme on pourra s'en convaincre par les dimensions comparatives suivantes : nement" H. AEQUATO- H. RIVOLIL. RIALIS, m. m. Depuis le front jusqu'à l'extrémité de la queue. 0,26 0,21 (UL PW EUN DUM ND WP LU t 0,15 0,13 Bon c oa ur a CLIPS cues 0,082 0,025 JAM) ae ucc Rcs dis ah. 0,031 0,029 Notre pie se distingue encore du rivoli? par la colora- tion des plumes du croupion et des couvertures supé- rieures de la queue. Chez l'H. rivolii, ces plumes sont jaunátres , variées de roüge et barrées de noir, tandis que chez lH. equatorialis ces parties sont d'un noir uniforme. Le Musée royal d'histoire naturelle de Bruxelles pos- séde un mâle et deux femelles de cette nouvelle espèce; deux de ces oiseaux ont été donnés par M. Émile de Ville, ( 825 ) consul de Belgique à Quito. L'uniformité de ces trois indi- vidus nous a engagé à les séparer de leur congénére. La généralité des auteurs indiquent la Nouvelle-Grenade comme patrie de lH. rivoli?, mais MM. Sclater et Salvin y ajoutent le Vénézuela et la république de l'Équateur (1). Comme les trois individus de l'Équateur que possède le Musée diffèrent considérablement de-l H. rivolii, il serait intéressant de savoir si les deux espéces se rencontrent réellement dans la république de l'Équateur, ou si les oiseaux obtenus de ce pays ont simplement été confondus avec le rivolii. 9. EUPLOCAMUS SUMATRANUS. Eupl. nobili similis, sed regionibus inferioribus nigris ; plumis lateralibus pectoris rufo maculatis. Description du mále adulte. — Huppe, poitrine, cou, haut du dos, couvertures des ailes et de la queue noirs, mais toutes les plumes bordées de bleu violacé; bas du dos et croupion d'un roux cuivré brillant; partie médiane de la poitrine, ventre, jambes et sous-caudales noirs; ces dernières légèrement bordées de bleuàtre; côtés de la poitrine et flancs noirs à reflets bleuâtres et marqués de grandes taches d'un roux ardent; ailes brunes; queue noire, les quatre rectrices médianes d'un blanc roussátre, la barbe interne de-la paire suivante également d'un blanc roussâtre. Femelle. — D'un roux vif, plus sombre en dessus qu’en dessous, marqué de marbrures brunes sur les couvertures des ailes et de la queue ainsi que sur les rémiges secon- daires ; gorge blanchâtre; plumes du cou et du haut de la (1 Sclater et Salvin , Nomenclator avium neotrop., p. 101 (1873). ( 826 ) poitrine plus ou moins bordées de blanc latéralement ; plumes des autres régions inférieures entiérement bordées de blanc; queue noire ; sous-caudales noires , terminées de brun. Hab. — Sumatra. Ce gallinacé est trés-voisin de l'E. nobilis dont il ne diffère que par la distribution des teintes des parties infé- rieures. Chez le nobilis, le bas de la poitrine et les flancs sont d'un rouge cuivré uniforme , tandis que chez le suma- tranus ces parties sont noires et tachées de roux cuivré sur les flanes. Les plumes des flanes sont noires à la base, d'un roux cuivré sur le reste de leur étendue, mais la plupart sont en outre entiérement bordées de noir; cette derniére cou- leur domine méme sur les plumes voisines du ventre oü la couleur rousse n'est plus représentée que par une strie centrale. Chez le nobilis, au contraire, toutes les plumes des parties inférieures sont unicolores. Il est aussi à remarquer que les régions qui sont d'un rouge cuivré chez ce dernier, sont d'une teinte plus jau- nàtre chez l'espéce nouvelle. Les femelles offrent les mémes distinctions : celle du nobilis a les plumes des flancs et du ventre d'un brun- noiràtre et bordées de blanc, tandis que chez la femelle du sumatranus, les plumes de ces mémes régions sont d'un roux vif, comme la poitrine, mais également bordées de blanc; les marbrures du dos et des ailes sont aussi moins apparentes que chez la femelle du premier. Le Musée de Bruxelles possède mâle et femelle de cette espéce qui proviennent tous deux de Sumatra. ( 827 ) hemarques sur la Faune de Belgique, par M. Alph. Dubois, conservateur au Musée royal d'histoire natu- relle de Belgique. La faune ornithologique de notre pays vient de s'enri- chir de trois espéces qui n'y ont pas encore été observées. L'importance de ces captures nous engage à les signaler à l'Académie. " Le plus intéressant des oiseaux dont nous avons à parler est le Turdus sibiricus, Pall., dont un jeune mále a été pris dans les environs de Neufchâteau vers la fin de septembre 1877. Cette capture est d'autant plus extraordi- naire pour notre pays, que la grive sibérienne ne se montre qu’accidentellement en Europe. La seconde espéce nouvelle pour la Belgique est le Petrocincla cyanea, L. Un jeune mâle a été trouvé parmi des grives prises au lacet, dans le courant de septembre de la méme année, à Olloy prés de Couvin. Ces deux oiseaux se trouVaient en chair au marché de Bruxelles, où ils furent achetés par M. Louis Michels, qui parvint heureusement à se procurer des renseignements précis sur leur capture. Ils font aujourd'hui partie de la collection de M. le marquis de Wavrin. Enfin, la troisième espèce à signaler est un Emberiza pusilla, Pall., pris au Kiel près d'Anvers le 8 octobre 1876. Cet oiseau se trouve dans la collection de M. Meyer Vanden Bergh fils à Anvers. ( 828 ) CLASSE DES LETTRES. S éance du 9 juin 1879. M. LEcLERCQ, directeur, président de l'Académie. M. LiaGRE, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. G. Nypels, vice-directeur ; Gachard, P. De Decker, J.-J. Haus, Th. Juste, Félix Néve, Alph. Wau- ters, Ém. de Laveleye, Alph. Le Roy, Aug. Wagener, J. He- remans, P. Willems, Edm. Poullet, F. Tielemans, G. Rolin- Jaequemyns, S. Bormans, Ch. Piot, membres; J. Nolet de Brauwere Van Steeland, Aug. Scheler, Alph. Rivier, Eg. Arntz, associés ; Ch. Potvin, J. Stecher, Lamy, Henrard, Alph. Vandenpeereboom, correspondants. MM. Mailly et Stas, membres de la Classe des sciences, assistent à la séance. CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l'Intérieur transmet une expédition de l'arrété royal du 44 mai qui approuve l'élection de MM. Bor- mans et Piot comme membres titulaires de la Classe. MM. Bormans et Piot remercient pour leur élection de membre, et MM. Lamy, Henrard et Vandenpeereboom, pour leur élection de correspondant. La Classe désigne M. Liagre pour représenter l'Aca- démie auprés du comité du groupe de l'enseignement à l'Exposition nationale de 1880. ( 829 ) — M. le Ministre envoie pour la bibliothéque de l'Aca- démie un exemplaire : 1* De l'Annuaire statistique de la Belgique pour l'année 1878, et des fascicules H et HI de l'Exposé de la situation du royaume (1860-1875) ; 2 De l'ouvrage : The medallic history of the United States of America, offert par l'auteur, M. S.-F. Loubat; 5° De l'ouvrage : Geschiedenis van Leuven, geschreven in de jaren 1593 en 1594, door W. Boonen. Eerste half- deel, publié par M. Van Even. — Remerciments. — La Classe renvoie à l'examen de M. Wagener deux Notes de M. Ad. de Ceuleneer; la première porte pour titre : Découverte d'un tombeau pélasgique en Attique, la seconde, Sur le cours de lIlissus, lettre à M. P. Willems. MM. Gachard, Juste et Piot examineront un travail de M. le baron Kervyn de Lettenhove, intitulé : Les collections d'autographes de M. le baron de Stassart. Notes et ex- traits. — M. Bamps, secrétaire général du Congrés interna- tional des Américanistes, envoie vingt-cinq exemplaires du Compte-rendu de la derniére assemblée générale du comité d'organisation de la troisiéme session, et cinquante exemplaires du programme de la méme session, afin qu'ils soient distribués aux académiciens. — Remerciments. — La Classe recoit, à titre d'hommage, les ouvrages sui - vants, pour lesquels elle vote des remerciments aux au- teurs : .. 1° Calcul des probabilités et théorie des erreurs, avec des applications aux sciences d'observation en général et à la géodésie en particulier, par M. Liagre, 2° édition, revue: par le capitaine d'état-major Peny ; 1879, vol. in-8° ; ( 830 ) 2^ Gazette archéologique, etc., publiée par MM. de Witte et Fr. Lenormant, 2° et 5° livraisons de 1879 ; cah. in-4^; 3° Enseignement moyen, questions préalables, par M. Ch. Potvin, 1879; broch. in-8° ; 4? The new tendencies of political economy by Em. de Laveleye. Traduit par George Walker, 1879; broch. in-8° ; 5° Demokratie und Sozialpolitik, rede von Em. de Lave- leye. Traduit par Dr. K. Bücher, 1878; in-18; 6° Olla Patella, vocabulaire latin versifié avec gloses francaises, publié d'aprés un manuscrit de Lille et annoté par M. Aug. Scheler, 1879; br. in-85; - T° Projet de code de procédure pénale, livres I et II, par M. Nypels; gr. in-8*; 8 Fragments de — chaldéenne , traduits par M. J. Oppert ; in-32 ; 9^ Le peuple et la langue des Médes, par le méme, 187 9; in-8; 10° Note sur l’Université calviniste de Gand(1578-1584). — Le renouvellement, en 1578, du traité d'alliance conclu à l’époque de Jacques Van Artevelde, entre la Flandre et le Brabant, par Paul Fredericq, 1878-1879 ; 2 br. in-8°, présentées par M. de Laveleye (voir Notice bibliographique p. 831). 11° De la réforme judiciaire dans les justices de paix, par M. Jambois, 1879 ; br. in-8°; 12 Il teeteto ovvero della scienza volgarizzato e anno- tato. — Risposta prima al padre Cornoldi, ete.—Nozioni di ontologia per introduzione allo studio della teologia. — La trinita e la creazione nuovi confronti tra Rosmini e Tommaso. — Dell "essere del conoscere studii su Parme- nide, Platone e Rosmini, par G. Buroni, 1875-1879; 4 vol. in-8° et 1 vol in-4°, présentés par M. Le Roy, qui lit une Note bibliographique de. M. di Giovanni, associé de la ( 851 Classe, relativement aux écrits de M. Buroni.— Cette Note figure sous la rubriqne Communications et lectures. — M. de Laveleye lit la Note suivante au sujet des deux ouvrages précités de M. Frederieq. J'ai l'honneur d'offrir à la Classe, au nom de leur auteur M. Paul Frederieq, professeur à Gand, deux écrits intitulés, le premier : Note sur l'Université calviniste de Gand. Le second : Renouvellement en 1578 du traité d'alliance con- clu à l'époque de Jacques Van Artevelde entre la Flandre et le Brabant. Ces études sont faites sur les sources. L'au- teur én a puisé les éléments, en grande partie inédits, dans les archives de la ville de Gand. Dans la première nous voyons le magistrat de Gand s'efforcer, dés 1578, d'organiser l'enseignement supérieur, malgré les épreuves et les souffrances du temps. Cet en- seignement supérieur embrassait surtout l'étude du latin, du grec, de l'hébreu et de la bible. Il avait pour but pra- tique de former des croyants instruits et des ministres calvinistes. Dans le second écrit M. Frederieq expose les négociations qui eurent lieu entre les villes de Gand et de Bruxelles, en 1578 et 1579, afin d'amener une unité d'ac- tion entre ces deux grandes communes oü le parti calvi- niste dominait alors. Le prince d'Orange s'intéressait vivement à ces négociations qu'on peut considérer comme un préliminaire, malheureusement avorté, de la célébre union d'Utrecht qui fut conclue peu de temps aprés. Une fédération générale des provinces du Nord et du Sud eût pu dés lors constituer une seconde Suisse, trait d'union en méme temps que boulevard entre la France et l'Alle- magne. ( 832 ) RAPPORTS. — Sur l'avis de MM. Wagener et Nève, la Classe estime que les corrections apportées par M. Ad. de Ceuleneer à son mémoire couronné Sur Septime Sévére, permettent de livrer ce travail à l'impression. Celle-ci aura donc lieu dans le recueil in-4° dés que la Commission administrative aura acquiescé à cette propo- sition. L'Inquisition en Belgique. Quelques notes; par M. Arthur Duverger. Rapport de M. Gachard. Dans son Recueil et Mémorial des troubles des Pays- Bas, Hopperus pose en fait « qu'auparavant l’hérésie luthé- » rienne suscitée et semée dans ces provinces, il n'y avait » en icelles inquisiteurs aulcuns de la foy, mais estant » quelquefois nécessaire de procéder contre aulcuns héré- » ticques, envoyoient quérir les inquisiteurs de Paris pour » les pays de la langue francoise, et de Coulogne pour » ceulx de la langue thioise (1) ». (1) Mémoires de Viglius et d Hopperus, publiés par M. Alphonse Wau- ters, p. 298. Selon M. Duverger, l'assertion d'Hopperus aurait été corrigée par Viglius dans son livre De Philippo segundo rege Oratio; « les théo- » logiens de Louvain — aurait dit Viglius, — interrogés par la duchesse » de Parme sur l'inquisition, auraient déclaré que, déjà avant les troubles » amenés par l'hérésie de Luther, cette institution était établie en Bra- » bant. » C'est forcer le sens du texte de Viglius. L'illustre chef et prési- ( 855 ) Presque tous nos historiens ont répété cette assertion, qui avait pour elle une autorité imposante, Hopperus ayant, pendant plus de vingt années, en qualité de con- seiller au grand conseil d'abord et au conseil privé en- suite, puis comme garde des sceaux des Pays-Bas à Madrid, pris une part principale aux affaires de justice et d'État de son temps. M. Duverger, dans le travail qu'il vient de présenter à l’Académie, a entrepris d'établir que, bien avant le XVI* siécle, l'inquisition exista dans les Pays-Bas, « au moins » (ce sont ses expressions) avec une organisation rudi- » mentaire » ; il a compulsé un grand nombre de volumes, et il est parvenu à former une liste d'une trentaine de personnages qui, de l'année 1252 à l'année 1519, exer- cèrent l'office ou firent acte d'inquisiteur dans nos pro- vinces. J] se croit par-là autorisé à dire que, si l'inquisition n'y avait pas existé déjà, « Charles-Quint, Philippe II et le » pape lui-méme n'eussent jamais tenté d'imposer une » pareille institution à un peuple parvenu à un degré » trés-élevé de progrés social. » On sait que l'inquisition prit naissance, au commence- ment du XHI* siècle, à l'occasion de la croisade contre les Albigeois; qu'aprés s'étre établie en France, elle fut in- troduite en Allemagne, en Italie, en Espagne; on sait aussi qn'avant l'érection des nouveaux évêchés sous Phi- lippe lI, la juridiction ecclésiastique était exercée, dans la dent du conseil privé ne dit pas que l'inquisition était établie en Brabant, mais il dit qu'on y avait usé de l'inquisition, et il n'est point en désaccord à cet égard avec Hopperus. Voici comment il s'exprime: « Gubernatrix » Lovanienses theologos consuluit, qui demonstrarunt ante luteranae » hereseosturbas inquisitionem in Brabantia usitatam fuisse. » (Mémoires de Viglius et d'Hopperus, p. 122.) ( 834 ) plus grande partie des Pays-Bas, par des évéques alle- mands ou francais, et parmi les premiers je comprends l'évêque de Liége, dont le pays relevait de l'Empire ger- manique. Il n’y a rien d'étonnant dés lors à ce que des inquisiteurs étrangers aient, en certains cas, exercé leur ministére dans nos provinces, et, dans le fait, la plupart de ceux dont M. Duverger a recueilli les noms appar- tenaient ou à la France, ou à l'Allemagne, ou à la princi- pauté de Liége. Dans la liste qu'il donne figurent deux inquisiteurs généraux auxquels, selon lui, aurait été attribué le pouvoir de déléguer des vicaires, partout, aux Pays-Bas, où ils l'auraient trouvé convenable : l’un, le P. Jean de Bomale, nommé en 1471 par Paul II ou par Sixte IV; le second, le P. Michel Francois, dont la commission serait émanée du général de l'ordre des Dominicains. M. Duverger, qui s'appuie, du reste, sur Foppens et sur Paquot, dit que, le 7 novembre 1471, le titre d'inquisiteur général fut reconnu au P. Bomale par l'université de Lou- vain. J'ai voulu m'en assurer : j'ai eu recours aux registres de l'université, lesquels sont conservés aux Archives du royaume, et j'y ai vu qu'en effet, à la date indiquée, le P. Bomale, ayant comparu devant Alma Mater, lui pré- senta ses lettres de nomination, mais que celles-ci le qua- lifiaient d'inquisiteur tout simplement; et ce fut comme tel que l'université l'admit (1). (1) Voici le texte: « 1471. Septima novembris indicata fuit congregatio universitatis apud es hora nona super hiis articulis enerabilis vir magister Jolie + Bomalis in universitate MM certas litteras que lecte fuerunt, per quas constitutus fuit inquisitor heretice pravitatis, et pro tali universitas eum acceptavit. » (Reg. aux actes de 1455 à 1474.) ( 855 ) Je suis fort tenté de croire que le titre d'inquisiteur général attribué au P. Michel Francois n'est pas plus authentique : mais ici les moyens de vérification me manquent. A la fin de sa notice M. Duverger avance un fait que je ne puis laisser passer sans contradiction : il prétend que « Charles-Quint voulut créer en Belgique un véritable conseil supréme de l'inquisition, analogue à celui qui existait en Espagne, et composé de deux inquisiteurs généraux, Josse de Loveringhen, gouverneur de Malines, et Nieolas Coppin, docteur en théologie de Mons, de quatre assesseurs, Angeli, membre du conseil privé, Gérard Van Assendelff, chevalier, Jacques Sasbout, docteur en droit, et Renier Brenthus, procureur fiscal, el d'un secrétaire, Arnold Sandelin; qu'une opposition générale lui fit abandonner ce projet. » M. Duverger se fonde sur une lettre que Charles-Quint écrivit, du monastère de Yuste, le 25 mai 1558, à la prin- cesse doña Juana, sa fille, gouvernante des royaumes d'Es- pagne, et sur une dépêche que l'archevéque de Rossano, nonce à Madrid, adressa au cardinal secrétaire d’État le 19 avril 1566. j Or que disent ces lettres? Charles, exaspéré contre les luthériens qui venaient d'étre arrétés à Zamora, à Séville, à Valladolid, recom- mande à sa fille de faire procéder contre eux comme contre des séditieux et des perturbateurs de la république, el il ajoute : « Puisque l'occasion s'en offre, je vous dirai » ce qu'il me souvient qui se passa à ce sujet dans les » États de Flandre. Je voulais y établir l'inquisition afin » de prévenir et châtier ces hérésies que le voisinage de » l'Allemagne, de l'Angleterre et de la France y avait wv "w w Ww Ww W W WW WM ( 856 ) » propagées. Tous s'y opposérent, disant qu'il n'y avait » point de juifs parmi eux. Aprés quelques discussions, » on s'arréta à ce parti, qu'une ordonnance serait pro- » mulguée oü l'on déclarerait que toutes personnes qui » tomberaient en l'un des cas y spécifiésseraient, ipso facto, » condamnées au supplice du feu (1) » Dans sa dépéche l'archevéque de Rossano rend compte d'un entretien qu'il a eu avec Philippe II. Ce monarque luia dit, entre autres choses, que l'Empereur son pére ayant désiré établir aux Pays-Bas l'inquisition rigoureuse de la méme maniére qu'elle était en Espagne, la noblesse et le peuple réclamérent et ne le souffrirent pas; qu'alors l'Empereur, abandonnant ce dessein, décréta contre les hérétiques des peines d’une sévérité inconnue aupara- vant (2). Ni l’un ni l’autre de ces documents ne parle de la créa- tion d'un Conseil suprême de l'inquisition tel que celui qui fonctionnait en Espagne ; bien moins encore désignent-ils les personnages qui devaient composer ce conseil, et je ne sais où M. Duverger aura trouvé les noms qu'il cite : mais ce que je puis dire, c'est que celui de Loveringhen est tout à fait inconnu et qu'il n'y avait pas alors de gou- verneur de Malines, ni de membre du conseil privé qui s'appelàt Angeli. Le nom du procureur fiscal Brenthus me parait tout aussi suspect. Ceci n'est du reste qu'accessoire. Le point principal est de savoir si vraiment Charles-Quint eut l'intention d'in- troduire aux Pays-Bas l'inquisition d'Espagne. Pour dé- (1) Bulletins de l'Académie, t. XII, tre partie, p. 253. (2) Les Bibliothèques de Madrid et de l'Escurial. Notices el extraits des manuscrils qui concernent l'histoire de Belgique, p. 86 ( 857 ) cider ce point, il faut consulter ses actes mêmes à l'époque où les doctrines de Luther commencèrent de pénétrer dans nos provinces, et non le langage que, de longues années aprés, dans un moment d'exaspération , il tenait à sa fille. Il est connu qu'en 1525 Adrien VI nomma inquisiteur général dans les Pays-Bas le conseiller de Brabant Fran- cois Vander Hulst : mais ce qui n'a pas été dit, c'est que Charles-Quint ne voulut permettre à Vander Hulst d'user de la commission qu'il avait recue du pape qu'aprés que son conseil l'eut examinée et lui en eut dit son avis (1). On sait encore que, Vander Hulst s'étant rendu odieux - au peuple, l’archiduchesse Marguerite suspendit les effets de sa commission. Ce qu'elle écrivit, à ce propos, à l'Em- pereur, alors en Espagne, et la réponse de Charles sont significatifs. Le 6 septembre 1525 elle lui disait qu'il fallait requérir le pape « de députer par decà autre inqui- » siteur, homme d'Église, attempéré et autrement ver- » tueux (2). » Le 19 du méme mois, revenant sur l'ani- madversion que Vander Hulst s'était attirée en Brabant aussi bien qu'en Hollande, elle s'exprimait ainsi : « A » ceste occasion, sont ceulx de vostre conseil d'advis de » choisir ung notable, meur, modéré, bien renommé » personnaige ecclesiasticque pour chief, et trois ou quatre (1) Il écrivait à l'archiduchesse Marguerite le 18 août 1525 : « Je désire » bien estre adverty de l'advis de vous et ceulx de mon conseil de la com- » mission, baillée par nostre saint-pére à M* Francois Vander Hulst, d'in- » quisiteur de la foy en mes pays de par delà, avant de luy permectre » user de ladicte commission, si ce eme seulement contre la secte » luthériane. » (Archives du royaum : lige sane de Charles- Quint avec adeb. d' Autriche, m 535, p. 150.) (2) Ibid. P dt TOME XLVII. 54 ( 838 ) » aultres qualiffiez pour adjoinctz, pour en l'avenir co- » gnoistre de ceulx que l'on entenderoit abuser ou errer en » la foy (1). » Que répond là-dessus Charles-Quint ? « Quant à la conduicte de maistre Francois Vander » Hulst en sa commission de l'inquisition de la foy », — écrit-il à sa tante le 15 janvier 1524 — « je trouve bon ce » qu'avez pourveu en ceste partie. Et si vous semble bon, » pourrez adviser de me dénommer quelque révérend et » grant personnaige ecclésiasticque pour promovoir audic t » estat d'inquisiteur et en escripre à nostre saint-père le » pape à présent (2) : ce que feray quand auray voz lettres » Sur ce; ou, se semble mieulx que les évesques ou mes » consaulx, comme du temps passé, cognoissent des abus » et erreurs de foy que pourroient survenir en mes pays » de par delà, vous le pourrez ainsy faire dresser, et le » trouveroye aussi bon, voires plus honorable, que le pre- » mier expédient d'ung exprès inquisiteur, qui seroit une » chose nouvelle au quartier de là (5). » Voilà la véritable pensée de Charles-Quint , et certes elle exclut absolument celle qu'on lui préte d'avoir voulu introduire aux Pays-Bas l'inquisition à la facon d'Espagne, et ce qu'on ajoute, que l'opposition générale l'empécha seule d'y donner suite. Si le parti que l'empereur trouvait aussi bon et méme plus honorable ne fut pas adopté, on ne saurait lui en faire un reproche : ce fut le conseil des Pays-Bas qui jugea convenable de procéder autrement, et, dans une (1) bid., p. 173. (2) Clément VII. (5) Registre cité, p. 175. ( 839 ) lettre du 2 avril 1524 à son neveu, l'archiduchesse Mar- guerite lui en explique le motif: « ll a bien semblé à » aucuns de vostre conseil — lui dit-elle — que, sans avoir » inquisiteur, l'on eust peu laisser la cognoissance des » luthériens aux diocésains et leur adjoindre aucuns voz » conseilliers, selon que vous l’escripvez : mais, pour ce » que les diocésains sont si àpres et extraordinaires à » usurper et du tout énerver vostre jurisdiction, et outre » à faire composicions à leur particulier prouffit plus que -» à pugnicions, a semblé à aucuns que le plus seur seroit » avoir pour inquisiteur, ou le prévost de Saint-Martin » d'Ipre, ou le pryeur des Escoliers de Mons, ou M* Jehan » de Montibus, doyen de Saint-Pierre à Louvain , singu- » liérement le prévost de Saint-Martin, pour en user » quant l'on vouldroit, et que, à ce moyen, l'on tiendra » les diocésains en subgection, et si s'en pourroit-on » ayder quant il y auroit matiére (1). » Je me suis un peu étendu sur ce point, parce qu'il m'a paru qu'il importait de ne pas laisser s'aceréditer une erreur dont souffrirait la mémoire de Charles-Quint. Avant de terminer, je reléverai une expression de M. Duverger que je trouve excessive : c’est celle de sceptre de fer appliquée au gouvernement des dues de Bourgogne. S'il s'agissait de Charles le Téméraire, je ne contesterais pas : mais peut-on regarder comme un despote celui que l'histoire, d'accord avec le sentiment de ses contempo- rains, a surnommé Philippe le Bon? celui dont Barante a dit: « Nul n'avait si bien gouverné ses peuples, avec » une telle prudence, avec une si grande modération, (1) Registre cité, p. 258. ( 840 ) » avec une habileté qui aurait pu se passer de con- » seillers et qui pourtant avait toujours recherché les » plus sages (1). » Sous Ja réserve des obseryations qui précèdent, je pense que le travail de M. Duverger pourrait étre inséré dans nos Bulletins. ll est le fruit de beaucoup de recherches; il contient des faits ou, si l'on veut, des indications dont lireraient parti ceux qui voudraient écrire l'histoire reli- gieuse de la Belgique. Post-Scriptum. J'avais écrit ce rapport lorsqu'a paru, dans la livraison du 15 mai de la Revue de Belgique , un article de M. Du- verger intitulé Le saint-office de l'inquisition en Bel- gique. Cet article, d'une quarantaine de pages, a été composé en partie avec les notes que M. Duverger a présentées à l'Académie; des phrases, des pages méme tout entiéres de ces notes s'y trouvent reproduites. En présence de ce fait, j'ai dû me demander si nous pouvions encore insérer dans nos Bulletins là communi- cation de M. Duverger, alors qu'il est contraire à nos usages d'y donner place à des travaux qui ont vu le jour ailleurs, et que l'article 16 du réglement de la Classe des lettres lui interdit méme de faire des rapports sur des ouvrages déjà livrés à la publicité. La réponse que je me suis faite , aprés un mür examen, a été négative. (1) Histoire des ducs de Bourgogne, édit. Walhen, t. lI, p. 268. ( 844 ) En conséquence, je me vois obligé de revenir sur la proposition par laquelle j'ai terminé mon rapport. Aujourd'hui je puis proposer seulement que la commu- nication de M. Duverger soit déposée dans les archives de l'Académie , et que des remerciments soient adressés à l'auteur. 28 mai 1879, Rapport de M, Kervyn de Lettenhove, « Comme mon honorable et savant confrére M. Gachard, je pense que la communication de M. Duverger ne peut trouver place dans nos recueils, selon l'article 16 du réglement, et il y a d'autant plus lieu de s'y conformer que la publication qui en a été faite dans un organe de la presse politique (1), assigne à cette notice un caractère complétement étranger à celui des travaux de l'Académie. » Rapport de M. Wanulers, « Avant d'examiner la valeur intrinséque dutravail de M. Duverger, nous avons à vider l'incident que nos hono- rables collégues ont soulevé, à propos de la publication dans la Revue de Belgique (t. XXXII, pp. 26 et suivantes) d'une étude du méme auteur, portant pour titre : Le Saint-Office de l'Inquisition en Belgique. L'article 16 de notre réglement porte, en effet : « La Classe ne fait pas » de rapport sur les ouvrages déjà livrés à la publicité; » (1) Pour constater l'identité d'un grand nombre de passages des deux lextes, on peut comparer l'alinéa : « Jusqu'au commencement du XIII* siècle, » Mémoire, fol. 5, et Revue de Belgique, année 1879, mai, p. 28. (842) . mais ce serait lui donner,à mon avis, une extension déme- surée que de l'appliquer à M. Duverger et voici les circon- stances sur lesquelles je me base pour étayer mon opi- nion. La notice que la Classe des lettres a reçue et qui est intitulée : L'Inquisition en Belgique, quelques notes, con- siste principalement en une série d'indications et de faits, disposés par ordre chronologique et suivis chacun de citations nombreuses, ayant pour but de prouver l'exis- tence d'inquisiteurs en Belgique, pendant le moyen-âge. Ces indications occupent les folios 6 à 19 et l'on peut y joindre une annexe de cinq folios (24 à 28), presque entiè- rement occupée par un texte inédit relatif à des poursuites ordonnées par Philippe, due de Bourgogne et comte de Flandre, contre des hérétiques. Des 28 folios de la notice, il y en a done 19 qui constituent un travail de diploma- tique, et 9 seulement sont consacrés à des observations critiques, tandis que dans la Revue de Belgique M.Duverger a écrit trente-huit pages (les pages 26 à 64 du volume indiqué), absolument dépourvues de notes et de citations, toutes consacrées à la discussion historique de la question qui lui sert de théme. Le sujet étant à peu prés le méme, certains passages de l'un des travaux ont dû être repro- duits dans l’autre, mais les deux écrits n'offrent que ce point de ressemblance. L'étude insérée dans la Revue con- duit la discussion des faits relatifs à l'Inquisition jusqu'au règne de Philippe 1I; le manuscrit soumis à notre examen a principalement pour but d'établir, d'une maniére irré- fragable, c'est-à-dire par la production de toute une suite d'événements et d'actes, l'existence d'inquisiteurs en Bel- gique avant le régne de Charles-Quint. La démonstration de ce fait me parait tellement essen- tielle qu'elle nécessite ou du moins rend désirable l'im- ( 845 ) pression dans nos Bulletins du travail de M. Duverger. La coïncidence de la publication dans la Revue de Bel- gique d'un article présentant avec sa notice quelques points de ressemblance, est regrettable sans doute, mais vous n'ignorez pas que l'auteur peut y étre tout à fait étranger. Quelquefois un travail traine dans les cartons d'une Revue sans obtenir les honneurs de l'impression, parce que les matériaux y abondent; parfois aussi on s'empresse de l'éditer, parce qu'il répond aux préoccu- pations du moment. L'écrivain lui-méme n'est pas Minos: consulté. Si, laissant de cóté cette question qui me parait secon- daire ou devoir être résolue de la manière la plus bien- veillante, on s'occupe de ce qui fait l'objet essentiel du débat, c'est-à-dire de l'existence méme de l'Inquisition dans nos contrées, on constatera d'abord qu'il était i nr tant de fixer les idées à cet égard. On se plait parfois à dépeindre la Belgique comme un pays qui est toujours resté attaché, d'une maniére iné- branlable, à la foi orthodoxe; j'ai, en plus d'une occasion, combattu cette thése et montré qu'elle n'était admissible, ni pour le XIIe siècle (voir les Libertés communales en Bel- gique, 9* partie, p. 615), ni pour les temps qui suivirent (Mémoires de Viglius et d'Hopperus, p. 126). On me per- mettra de rappeler, en cette occasion, que, dans une lecture faite à la Classe le 11 octobre 1875, j'ai fait connaitre les opinions professées, si l'on en croit leurs adversaires, par ces hérétiques anversois du XIII siècle, sectateurs du chanoine Guillaume Cornélis, sur le compte desquels on ne possé- dait que des notions imparfaites (Bulletins de l'Académie, 2* série, t. XL, p. 351. Voir ibidem, t. XXXIX, pp. 189 et suivantes) L'existence presque continuelle d'hérésies, à ( 844 ) une époque oü le clergé s'efforcait de retenir les intelli- gences dans la soumission la plus compléte, supposerait la eréation de tribunaux ou de juges chargés de réprimer la propagation des idées contraires à la foi, si l'on n'avait pas de preuve historique à apporter à l'appui de cette hypothése. Au besoin, les annales de la premiére moitié du XIII: siècle, à elles seules, fourniraient des exemples frap- pants des moyens que l'Église mit en ceuvre pour terrifier les intelligences; elles nous présenteraient un spectacle analogue à celui que les fastes des villes des Pays-Bas offrent à partir du moment où Charles-Quint prit en main la défense de l'orthodoxie. Trois siécles avant Luther, Conrad de Marbourg et Robert dit le Bulgare déployérent contre les hérétiques de nos contrées, au sein méme de nos communes parvenues à l'apogée de la splendeur, ce zèle sacré que Charles-Quint encouragea de toute manière et, circonstance qu'il n'est pas inutile de mentionner, l'un et l'autre, à une époque oü la foi était cependant ardente, soulevérent la méme indignation que celle devant laquelle hésita la sainte colère du père de Philippe IT. En 1251, Conrad de Marbourg, religieux dominicain qui s'était acquis un grand renom d'éloquence en préchant la croisade, commenca à déployer le zéle persécuteur le plus oulré. « Sa parole ne respectait personne, ni roi, ni évêque. Soutenu par l'autorité du saint-siége, soutenu par ses confrères, qui lui apportaient l'appui des relations qu'ils s'étaient créées de tous côtés, il dirigea une double guerre contre les désordres de certains membres du clergé et contre les partisans des idées hétérodoxes. Il en vint bientót à dépasser toutes les bornes. L’accusé n'obtenait plus le droit de se défendre, de produire ou de récuser des ( 845 ) témoins; il ne lui fut plus méme accordé de délai pour préparer sa justification et on ne lui laissa plus le choix qu'entre le bücher, et l'aveu de ses fautes, avec une son- mission compléte à la pénitence qui lui était infligée » (Tantus, dit un auteur contemporain, dans les Gesta Trevi- rorum integra, t. I, p. 517, fuit omnium zelus, ut nullius, qui tantum propalatus esset, excusatio vel recusatio, nullius exceptio vel testimonium admitteretur, nec defendendi locus daretur,sed nec induciæ deliberationis darentur, sed incon- tinenti oportebat eum vel reum se confiteri et in ponilen- tiam se recalvari, vel crimen negare et cremari). Ce n'était pas assez. « Si l'on ne signalait pas ses complices, on n'échappait pasau supplice du feu, ce qui amena la mort de personnes tout à fait innocentes. Afin de sauver leur vie en ce monde et l'héritage de leurs enfants, ajoute le chroniqueur auquel j'emprunte ces détails, beaucoup de personnes reconnurent avoir été ce qu'elles n'avaient jamais été, et, forcées d'accuser, déclarérent des choses qu'elles ignoraient et contre leur gré. On reconnut enfin que les hérétiques avaient in- stigué certains d'entre eux à se soumettre à la pénitence afin d’accuser de vrais catholiques. En se croyant la con- science la plus pure, on craignait de se voir l'objet d'une délation. Personne n'aurait osé, non-seulement intercéder en faveur des accusés, mais même solliciter pour eux quelque adoucissement, sinon on était immédiatement regardé comme un défenseur des hérétiques » (Insuper qui sic lonsuratus esset oporlebat eum complices suos pro- dere, alioquin item debebat cremari; unde putatur quod aliqui-innocentes exusti fuerint; multi enim propter tem- poralem vitam et amorem heredum suorum confitebantur se fuisse quod non fuerant et, artati ad accusandum, accu- ( 846 ) sabant quod nesciebant et quos nolebant. Quin etiam in ultimis deprehensum est quod heretici aliquos de suis subornaverant, qui se lanquam in ponitentiam tonsurari permiserunt el sic catholicos et innocentes accusaverunt. Nec adeo erat pure quis conscientie qui se hujusmodi tempestatem non timeret incurrere. Nullus etiam pro accu- satis, non dico inlercedere, sed nec mitius loqui aliquid audebat, quia statim ut defensor hereticorum reputabatur). Les poursuites s'étendirent bientót à ceux qui prenaient la défense des hérétiques ou leur accordaient un asile, et la eruauté alla si loin que le simple reproche d'étre tombé en récidive vous conduisait immanquablement au bücher. Déjà un grand nombre d’accusés des deux sexes avaient péri lorsque les « zélateurs de la sainte foi catholique » (zelatores sancte fidei catholice) s'attaquérent aux person- nages les plus marquants et entre autres à Henri, comte de Sayn, qui fut cité à comparaitre à Mayence, le jour de saint Jacques, 25 juillet 1255, devant le roi Henri, fils de Frédéric II, les prélats et les princes. On fut bien étonné de voir le comte recevoir froidement la citation, mais la coupe était pleine; elle allait déborder. Conrad de Mar- bourg, instruit, sans doute, du changement des esprits, ne se montra pas, les accusateurs et les témoins produits contre le comte déclarèrent qu'ils avaient été circonvenus, et l'archevéque de Trèves, en annonçant la remise de l'affaire, proclama l'accusé un vrai catholique. Dans une seconde assemblée , tenue à Francfort le 2 février suivant, le comte de Sayn fut solennellement acclamé comme non- coupable et il pardonna, non sans se faire violence, à ses ennemis. Mais le principal de ceux-ci n'existait plus; la protection que le roi Henri et l'archevêque de Mayence accordaient à Conrad de Marbourg, n'avait pu le protéger. ( 847 ) Aprés avoir terrorisé l'Allemagne pendant trois ans, il fut assassiné et sa mort mit fin à ce début de l'Inquisition dans les contrées rhénanes. L'épisode de Conrad n'est pas étranger à notre pays, car parmi les personnes dont le nom y fut mêlé figure la com- tesse de Looz (Chronicon Alberici, pars II, p.545, édit. de Leibnitz), l'une des dames dont Conrad essaya de noircir la conduite; on trouve aussi dans Albéric, à ce propos, une historiette de nécromancien qui fait obtenir à un prétre de Maestricht la faveur du duc de Brabant. On doit encore rattacher à la rage persécutrice allumée par les prédica- tions des Dominicains l'expédition sanglante dirigée, en l'année 1954, contre les Stadingues, hérétiques du nord de l'Allemagne, par Heuri, fils ainé du duc de Brabant, et quelques autres princes belges. La Flandre souffrit les mémes maux par la faute du dominicain Robert, surnommé le Bougre ou plutót le Bul- gare, parce qu'il appartenait par son origine au peuple de ce nom. Lui aussi tomba dans les excés que l'on avait reprochés à Conrad de Marbourg; lui aussi confondit les innocents avec les coupables. Mais, aux yeux de certains de ses contemporains, il n'y avait pas là un trés-grand mal; probablement que pour eux la fin sanctifiait les moyens : « ses fautes, que j'aime mieux taire, dit Mathieu Pàris, » parurent plus tard au grand jour; il fut condamné à » une prison perpétuelle. » Il faut lire dans Philippe Mouskés (vers 28, 871 et sui- vants) le récit de ses exploits, son entrée dans Cambrai, où il arriva escorté de sergents : « Quar li rois le faisoit conduire, » Pour cou c'on ne li vousist nuire; » ( 848 ) puis la longue énumération des malheureux qu'il envoie au supplice, comme celte femme de Cambrai, nommée Alis, qui avait une grande réputation de sainteté; elle vivait entourée du respect du clergé et de la bourgeoisie et tous se plaisaient à lui confier les aumónes destinées aux mal- heureux. A Cambrai, puis à Douai, à Lille, on emprisonne, on brüle, on exile hommes, femmes, jeunes gens, vieil- lards. Mouskés ne s'en formalise pas trop; il reconnait cependant que Robert fut accusé d'agir sous l'empire d'une vengeance personnelle. - Pour compléter la démonstration que l'Inquisition n'at- tendit pas le régne de Charles-Quint pour sévir sur nos contrées, il faudrait la mention d'un auto-da-fé solennel. Cela ne nous a pas manqué non plus; du moins l'arche- véque de Reims et les évéques de Soissons, de Tournai, de Cambrai, d'Arras, de Térouanne, de Noyon, de Laon et de Senlis, les élus de Beauvais et de Châlons, le roi de Na- varre, avec ses barons de Champagne, le comte de Grandpré et une multitude innombrable, que l'on évalua à 700,000 personnes, assistérent le jour du Vendredi-Saint, en 1239, à un spectacle que le moine Albérie de Trois-Fontaines qualifie de magnifique, d'holocauste expiatoire; 183 Bul- gares y furent pieusement brülés au lieu appelé Mont- Wimer ou Mont-Wadamar (loc. cit., p. 569). Il est probable que cette horrible boucherie n'obtint pas le succés que ses organisateurs en attendaient, car on n'essaya plusde donner de spectacle pareil aux populations de la Gaule septen- trionale. Il faut done le reconnaitre. Dans les commencements de l'ordre de saint Dominique, lorsque les fonctions d'in- quisiteurs furent confiées à ses membres, afin d'alléger les devoirs de l'épiscopat, on essaya d'introduire en Belgique ( 849 ) ces persécutions sans frein et sans pitié qui ont déshonoré l'institution; il y a plus,ce fut un Belge, disons-le à regret, qui contribua à organiser cette dernière et en atlisa les fureurs dans le Languedoc. Walter de Marvis, évéque de Tournai, mérita ce reproche lorsqu'il exerca les fonctions de légat du saint-siége. Au surplus, il régnait alors dans les esprits une exaltation fanatique, empreinte d'une sombre cruauté, dont on trouve l'écho dans une œuvre de cette époque, le Perceval en prose et, en particulier, dans l'histoire du Graal. Là encore nous rencontrons des noms qui se rattachent à notre passé, car la traduction française du Perceval fut rédigée pour un évêque de Cambrai qui l'offrit à Jean de Nesle, ce châtelain de Bruges qui com- battità Bouvines dans les rangs des Francais et, devenu odieux aux Flamands, fut forcé de vendre sa châtellenie à la comtesse Jeanne. Dans les temps qui suivirent le XIII: siècle, l'hérésie et les inquisiteurs continuèrent à subsister en Belgique, l'une ne faisant que de faibles ravages, les autres ne dévoilant leur existence qu'à de longs intervalles. Lorsque les doc- trines de Luther firent des progrès rapides dans notre pays, Charles-Quint voulut-il les arréter par les moyens suivis précédemment, voulut-il introduire chez nous un systéme de répression terrible, analogue à celui qui fonc- tionnait en Espagne d'une maniére si formidable? Il me semble qu'il ne peut y avoir de doute à cet égard ; lorsqu'il écrit lui-méme : « je voulois y établir l'Inquisition..., tous . s’y opposèrent, cet aveu me suffit : Habemus confitentem reum; Charles dévoile sa pensée avec une crudité qui exempte de rechercher un second témoignage. Tous s'y opposèrent, ajoute-t-il. Et pourquoi? Parce que, introduite sous le prétexte de défendre la religion, l'In- quisition espagnole était une machine de guerre que l'on ( 850 ) pouvait diriger contre n'importe qui. Le courtisan, le noble, le riche se sentirent menacés à l'égal du roturier et du pauvre. La conscience publique entiére, en dépit des sophismes par lesquels on essaya de l'endormir, entrevit le hideux cortége des tribunaux armés de pouvoirs exor- bitants : la délation, le parjure, l'hypocrisie, la cruauté. Sachons gré à l'entourage de Charles-Quint d'avoir refusé de s'associer à la pensée de l'empereur; c'est déjà trop, pour ses conseillers, que d'avoir rédigé ces édits infâmes, oü les peines les plus horribles sont prodiguées comme à plaisir, édits qui ne servirent qu'à allumer davantage le feu de la révolte et à amener cette terrible guerre dans laquelle l'Espagne perdit une moitié des Pays-Bas et vit disparaitre la prospérité de l'autre moitié. Faire l'histoire des tribunaux exceptionnels, qui presque toujours ne produisent que des catastrophes, c'est tou- cher à un sujet difficile, mais que l'on ne peut cependant négliger. Les travaux historiques doivent avoir pour but de nous éclairer et de nous instruire et ne constituent pas un simple délassement. C'est surtout aux peuples libres, à ceux qui, comme le nótre, entourent l'administration de la justice de garanties pour l'accusé, qu'il importe de recueillir et de rappeler les tristes exemples donnés par les généra- tions qui ont suivi un systéme contraire, et de confondre, dans une méme réprobation, les poursuites criminelles intentées, avec légèreté, avec violence, sous quelque pré- texte que ce soit. C'est assez dire que je propose l'inser- tion dans nos Bulletins du travail de M. Duverger. » Aprés une discussion générale, la Classe décide l'im- pression du travail de M. Duverger dans le Bulletin de la séance. XZ VZZ. €5 aS, Bult gt ( 881 ) Notice sur deux vases archaiques trouvés à Girgenti, par M. Ad. de Ceuleneer. Rapport de M, Wagener, « En 1872 on découvrit dans la carrière de Lodio, prés de Girgenti (l’ancienne Agrigente), à une profondeur de six métres, un vaste caveau funéraire taillé dans le roc. Au fond de ce caveau était placée une tombe, dans laquelle on trouva des ossements humains, des dents d'animaux trouées et les deux vases archaiques qui forment l'objet de la Notice de M. de Ceuleneer. Ces deux vases, qui font partie de la collection de M. Léopold Dietsch, vice-consul à Girgenti de l'empire allemand, et qui mesurent l'un 21, l'autre 25 centimétres de haut, présentent, au point de vue de la forme et de l'ornementation, des particularités assez curieuses pour que M. de Ceuleneer se soit décidé à en faire parvenir à la Classe une description détaillée, accompagnée de deux photographies. Le fond de ces vases est noir; les ornements sont d'un rouge assez pàle et se composent de nombreuses lignes droites, les unes paralléles, les autres entre-croisées, de maniére à former des losanges. Les lignes paralléles sont lantót verticales, tantót horizontales, tantót obliques. Mais ni dans l'un ni dans l'autre de ces vases on ne trouve la moindre trace d'arabesques ou de dessins empruntés à la nature végétale ou animale. Les différentes circonstances que je viens d'énumérer font supposer que nous avons ici affaire à des vases d'une très-haute antiquité. M. de Ceuleneer, sans se prononcer catégoriquement sur ( 852 ) l'àge deces produits céramiques, n'est pas éloigné de croire qu'ils pourraient étre contemporains de la fondation d'Agrigente, laquelle eut lieu en l'année 581 av. J.-C. Il ajoute, à la vérité, qu'ils pourraient aussi remonter à l'époque indépendante des Sicules. « Malheureusement , » dit-il, rien ne nous prouve que les Sicanes, ni méme les » Sicules, aient eu un établissement soit à Agrigente, » soit dans les environs. Il ne nous semble pas non plus » que l'on puisse songer à une origine phénicienne , les » Phéniciens n'ayant pas occupé cette partie de la Trina- » cria. » | Ces assertions, surtout la première, me paraissent fort sujettes à caution. En effet, Diodore (V, 78) nous parle de la ville ou citadelle (z4::) de Camicus, bâtie par Dédale dans le pays des Sicanies et faisant plus tard partie du ter- ritoire d'Agrigente. Et déjà Hérodote (VIT, 170) nous rapporte que les Cré- tois, ayant abordé en Sicanie, firent pendant cinq ans le siége de la ville de Camicus, qui, ajoute-t-il, était de mon temps occupée par ceux d'Agrigente. Quoiqu'on ne puisse pas déterminer exactement l'em- placement de cette ville, qui plus tard disparait de l'his- toire, elle doit, d’après les textes cités plus haut, s'étre trouvée dans le voisinage d'Agrigente. Il serait donc fort possible que les vases en question fussent un produit de l'industrie indigène, antérieure à la fondation d'Agri- gente. Mais je ne vois pas, d'un autre cóté, de motif péremp- toire pour écarter une seconde hypothése, en vertu de laquelle ces vases seraient d'origine phénicienne. Les Phé- niciens, dit M. de Ceuleneer, n’occupèrent point cette par- tie de la Trinacria. Je n'oserais pas, quant à moi, aller aussi loin. A peu de distance d'Agrigente se trouvait la ( 853 ) ville de Minoa, appelée plus tard Heraclea Minoa. Minoa était, à la vérité, d'aprés Hérodote (V, 46), une colonie de Sélinonte, mais le nom de Minoa semble indiquer un établis- sement phénicien, qui peut avoir été remplacé plus tard par une colonie grecque. Si M. de Ceuleneer repousse absolument l'origine phé- nicienne de ces vases, c'est en partie, je crois, parce qu'il considére leur ornementation purement géométrique comme propre à la race indo-germanique. Et pourtant il cite lui-méme un vase de l'ile de Chypre orné de losanges assez réguliers et portant une inscription phénicienne. Sans vouloir contester, d'une maniére absolue, la théorie de M. de Ceuleneer relative à l'origine indo-germanique de l'ornementation purement géométrique, je ne puis pas jusqu'à présent la considérer comme établie et j'aurais méme, si c'était le moment d'aborder cette discussion, plus d'une objection à formuler contre elle. Mais quoi qu'il en soit de cette théorie, qui, si elle était fondée, serait. féconde en résultats, je pense que les deux vases de Lodio, qui rappellent les plus anciennes poteries découvertes par Schliemann dans le Troade et qui ont des ornements plus primitifs que celles qu'il a trouvées à My- cènes, sont certes assez intéressants pour être reproduits. J'ai done l'honneur de proposer à la Classe d'ordonner l'impression dans son Bulletin de la Notice de M. de Ceu- leneer et de décider également la reproduction, selon toute apparence peu coüteuse, des deux photographies qui l'ac- compagnent, sans lesquelles la Notice serait inintelli- gible. » La Classe a adopté ce rapport. 9"* SÉRIE, TOME XLVII. 55 ( 854 ) Découverte d'une tombe romaine à Lovenjoul, etc., par M. Galesloot. Rapport de M. le baron de Witte. « Je viens de lire la communication faite à l'Académie par M. L. Galesloot sur la découverte d'une tombe de l'époque romaine à Lovenjoul prés de Louvain. Les objets recueillis dans cette tombe consistent en quelques vases de terre et d'un vase de verre. On n'y a trouvé aucune monnaie, ni aucune inscription. C'était un tombeau des plus modestes. Malgré le peu d'intérét qui s'attache à cette découverte, il est bon de signaler des trouvailles de ce genre et l'on ne saurait assez encourager les recherches d'hommes qui, comme M. L. Galesloot, montrent un zéle des plus louables pour la conservation des antiquités qu'on rencontre dans notre pays. La communication de M. L. Galesloot est suivie de quelques observations sur la villa romaine de Laeken dont il a été question , il y a deux ans (1). Je propose à l'Académie de faire imprimer la commu- nication de M. L. Galesloot dans ses Bulletins. » La Classe a adopté ces conclusions, auxquelles s'est rallié M. Wagener, second commissaire. (4) Voir Bull. de l'Académie, 9»* série, t. XLIV, 1877, pp. 8353 et suivantes. ( 855 ) COMMUNICATIONS ET LECTURES. Note lue par M. Le Roy sur l'ouvrage intitulé : Dell Essere e del Conoscere, studii su Parmenide, Platone e Rosmini (De l'étre et du connaitre, études sur Par- ménide, Platon et Rosmini), Turin, 1878, in-4°,et sur quelques autres écrits de M. le professeur G. Buroni; par M. Vincenzo di Giovanni, associé de l'Académie. J'ai l'honneur, pour la premiére fois, d'adresser une communication directe à la docte Compagnie qui a daigné inscrire mon nom sur la liste de ses associés étrangers. Je viens lui offrir, au nom de l'auteur, un mémoire acadé- mique et quelques opuscules d'un illustre penseur italien, M. Joseph Buroni, dont Tommaseo, en 1872, caractéri- sait les écrits par ces mots : « Ils méritent non-seulement d'étre lus, mais d'étre médités. » Le P. Buroni, profes- seur de philosophie et de langue grecque au séminaire métropolitain de Turin, est considéré comme l’un des plus vaillants champions de la doctrine d'Antonio Rosmini, restée florissante en Italie, plus vivace méme qu'aucune de ses rivales soit indigènes, soit d'importation étrangère, si l'on en juge du moins d'aprés les nombreuses publications de ses représentants dans le cours des dernières années. Personne n'ignore que le mouvement national italien a été puissamment secondé et en partie préparé par la re- naissance des études philosophiques, qui fut dés l'abord (896) une manifestation de patriotisme; on sait également que les chefs de l'armée intellectuelle ont été en cette occur- rence, dans la haute Italie, Antonio Rosmini et Vincenzo Gioberti; dans l'Italie du centre, Terenzio Mamiani et Silvestro Centofanti , encore vivant; enfin, Pasquale Gal- luppi, Vincenzo di Grazia, Benedetto d' re et Giu- seppe Romano dans l'Italie inférieure, c’est-à-dire dans les Deux-Siciles. On a voulu avoir une philosophie ita- lienne pour avoir une patrie, tout au moins une confédé- ration italienne; les commotions de 1848, à Palerme et à Turin, ont recu leurimpulsion du désir d'obtenir, après la régénération de la pensée et de la science, la régénération de la` vie nationale. Mais l’insuccès de ces tentatives a eu pour conséquence d'amener des scissions. La pensée a perdu son unité de direction; l'Italie s'est trouvée ouverte à des influences plus,funestes pour elle, peut-être, que Ja domination politique des Allemands. Elle a subi l'invasion des écoles étrangéres, notamment de la philosophie hé- gélienne, chaleureusement accueillie à Naples au moment méme où elle perdait tout crédit sur sa terre natale. On a vu cette greffe reprendre vigueur sous le doux ciel napo- litain, comme si la séve latine était épuisée, comme si le pays des anciens pythagoriciens avait eu besoin de faire appel aux abstractions vides et nébuleuses d'un génie tudesque, si grandiose qu'il püt être. On s'est imbu de l'idée que l'italie ne pouvait revendiquer une philosophie à elle, comme la France, l'Angleterre et l'Allemagne. Pour le cénacle de Naples, plus de salut en dehors du processus dialectique; l'avenir est aux disciples présents ou futurs de MM. Vera?et Spaventa; M. le professeur Fiorentino, hégélien de seconde maiu , mais allemand jus- qu'à la moelle des os, selon l'expression de l'éminent ( 857 ) M. Ad. Franck (1), leur vient à la rescousse : il ne s'agit de rien de moins que de pousser le gouvernement à intro- niser dans les chaires, tant secondaires que supérieures, le système favori. Puis on a vu les nouveaux hégéliens, et M. Vera tout d'abord, pactiser avec les matérialistes et les positivistes, au grand préjudice de l'enseignement et. des écrivains restés fidéles aux bonnes traditions de l'an- tique philosophie italienne. Pour mieux fondre ensemble les doctrines de l'Italie et de l'Allemagne, on a dénaturé la pensée de nos grands génies : c'est ainsi que M. Fio- rentino a transformé Pomponace et Telesio en maitres de matérialisme, en naturalistes au sens moderne du mot. D'autres ont salué en Vico un précurseur du positivisme; Gioberti a passé pour un Hegel italien ; Rosmini , qui a plus faitque tout autre pour donner une impulsion nouvelle à la métaphysique, à la logique, à la morale, perd son iim- portance comme philosophe et n'est plus qu'un simple théologien, un scolastique. Mais je le demande : que re- présentent. donc les hégéliens en Italie? Qu'ils tombent en disgrâce auprès du pouvoir : que leur restera-t-il? Où sont les écrits de leurs apôtres? Mettez en parallèle les traductions françaises de M. Vera et ses commentaires sur les livres du maître avec l’œuvre encyclopédique de Rosmini, avec les nombreuses publications de Gioberti, si riches de doctrine, si pleines d'art et si érudites ; comparez- les seulement aux mémoires et aux traités du modeste Pas- quale Galuppi, qui a su purifier la philosophie italienne des scories du sensualisme, la dégager des liens du criticisme (1) Voir Philosophes modernes étrangers et français. Paris, 1879, in-12, p.77 ( 858 ) kantien et lui rendre enfin son propre vêtement : de bonne foi, pesez et jugez... La critique dissolvante d'Ausonio Franchi a montré plus de vigueur que les efforts de tous les hégéliens réunis ; mais il ne suffit pas d'étre un génie plus qu'ordi- naire pour fonder quoi que ce soit sur de pures néga- tions. Je ne dirai rien de nos matérialistes ou de nos évolutionistes, qui se trainent à la remorque de Buchner et de Moleschott ou de Darwin, parce qu'ils n'ont pas trouvé en Italie des maitres à qui s'attacher : les savants indigénes, depuis Galilée jusqu'au P. Secchi, ont peu d’attrait pour eux. Je cherche pourtant en vain de quoi peuvent se glorifier les psychomécanistes : si leur réalisme a contribué à quelque chose, c'est à la décadence des études morales et littéraires. Peu logiques, ils sont sur le point d'ajouter à toutes leurs négations celle de la science elle-même. L'un ou l'autre d'entre eux, M. Villari, par exemple, qui du reste est à peine un posiliviste, a pu s'acquérir un légitime renom par des monographies d'une importance historique incontestable ; mais je voudrais des études tendant à rendre la nation meilleure, à élever le niveau intellectuel. Où les chercher? Quel contraste avec Galluppi, Rosmini, Gioberti et tous ceux qui ont travaillé, qui travaillent encore à compléter l'eeuvre féconde des grands maitres! Je tiens ici à relever quelques individua- lités d'élite, dont l'influence bienfaisante sur l'éducation de la jeunesse continue heureusement à se faire sentir , en inspirant à la génération nouvelle le désir de rester ita- lienne d'esprit et de cœur. Vainement une voix discor- dante s'est fait entendre dans cette noble et artistique Florence, jadis le siége de l'Académie platonicienne de Marsile Ficin, aujourd'hui encore d'une autre Académie, ( 859 ) gardienne depuis des siécles de la langue nationale : les excentricités de pensée et de parole de M. Trezza ne sau- raient atteindre les Mamiani, les Conti, les Fornari, trois noms qui se rattachent, non au hégélianisme, pas davantage au positivisme, mais bien franchement à la philosophie ita- lienne de vieille roche. Et je me crois fondé à penser que les œuvres de ces hommes distingués, toutes nationales par les idées comme par la forme, scientifiques et litté- raires tout ensemble , seront peut-étre les seules qui passe- ront à la postérité pour rendre témoignage de la culture de la philosophie et des lettres au sud des Alpes, dans cette seconde moitié du XIX* siècle. Je ne saurais assez louer M. le professeur Buroni d'avoir entrepris de continuer l’œuvre de Rosmini et des princi- paux disciples de ce grand homme. Il s'est montré jaloux de le défendre vaillamment contre les attaques de toutes sortes d'adversaires, et tout d'abord du groupe des néo- thomistes. Laissant méme de cóté l'intérét que présentent ses interprétations de la sagesse antique, dont l'Italie a été l'un des puissants foyers, je constate avec une satis- faction profonde qu'une Académie aussi renommée que celle de Turin s'est empressée d'accueillir et de publier son travail considérable intitulé : Del Essere edel Conoscere, studii su Parmenide, Platone e Rosmini (Torino, 1878, in-4°). La solution des deux plus grands problèmes qui ont de tous les temps préoccupé l'intelligence humaine y est recherchée, d'abord par l'analyse des doctrines de l'antiquité, puis par le rapprochement de ces théories avec l'un des systémes contemporains à l'horizon le plus large, je veux dire avec le systéme d'Antonio Rosmini. Déjà l'auteur, dans d'autres ouvrages qu'il a jugé à propos de joindre ici aux Studii, avait comparé les idées du philo- ( 860 ) sophe de Stresa à celles de saint Thomas, sans contredit le représentant le plus éminent et le plus digne de la pensée du moyen âge. Mais la portée de son dernier mémoire est autrement large. Il comprend cinq livres , in- dépendamment des préliminaires où est esquissée à grands traits l'histoire de la philosophie en Italie pendant les trente premières années de ce siècle, et de la préface, où est exposée la théorie rosminienne de la connaissance, puis le plan de l'ouvrage rapidement tracé. Le livre I : De l'Étre, du principe et de la forme universelle du Con- naitre, est divisée en deux sections, l'une critique, l'autre doctrinale. L'objet du livre II est la perception intellective de la réalité ou la synthèse primitive : la doctrine de l'école italique et celle de Platon y sont confrontées avec les théses rosminiennes. Le livre III répond aux objections que soulève la matière traitée au livre précédent. Le qua- triéme : De l'idéation et des idées , met en présence Platon et Rosmini; Rosmini et Gioberti ; Platon, Aristote et les Mégariques; saint Thomas et les nouveaux scolastiques : c’est une dissertation magistrale sur les idées et les réa- lités, l'intelligible et le sensible, les idées exemplaires, la methexis et la mimesis, le monde métaphysique des êtres, la vie et le mouvement des idées, enfin sur la part qui appartient dans l'idéation à l'idée de l'Étre, clef de voûte de tout le système rosminien, Le livre V aborde la théorie de la connaissance de Dieu et les doctrines théosophiques : on y remarquera une belle analyse de l'ouvrage posthume le plus important de Rosmini (La Théosophie, 5 vol.). M. Buroni distingue la théosophie en régressive et pro- gressive, eu égard aux deux procédés méthodiques op- posés que l'on peut adopter. L'éternité des possibles, la création, le pouvoir intuitif de l'esprit humain l’occupent ( 861 ) tour à tour; avec une sage modération, il propose de concilier rosminiens et giobertistes au moyen d'une for- mule acceptable par ces deux grandes écoles : L'Étre, dit-il, est la raison des possibles : cette formule, en effet, répond à l'Étre-idée de Rosmini aussi bien qu'à l'Étre- cause de Gioberti. « Que les giobertistes, ajoute l'au- » teur, ou, comme on les appelle plus communément, les » ontologistes consentent à franchir un degré de plus; » qu'au lieu de prendre pour la vérité premiére et pour la » forme primitive cette proposition : l'Étre est la cause » des existences , ils admettent cette autre, plus primitive » et plus étendue : L'Étre est la raison des possibles, la » conclusion de la paix ne sera pas difficile (p. 405). » Et vraiment les écrits de M. Buroni pourraient bien amener ce résultat, tout au moins rallier ceux des anciens gio- bertistes ou ontologistes qui savent distinguer chez leur maitre ce qui provient de la tradition philosophique ita- lienne ou y est conforme , de ce qui constitue le caractère propre et les opinions particulières de l'écrivain. Le fait méme qu'une telle solution est appuyée par un rosminien qui ne réclame pas cette qualification dans ses livres, bien qu'il soit nettement ontologiste au sens italien, at- teste que le fossé qui sépare encore les deux camps philo- sophiques les plus importants de l'Italie est bien prés d’être comblé : la publication des œuvres posthumes de Rosmini et des dissertations de M. Buroni ne le laisseront point béant. Le livre qui fait l'objetde la présente Note est complété par un appendice contenant d'une part l'esquisse d'une cosmographie, de l'autre un résumé trés-intéressant des doctrines morales de Rosmini, et des idées du méme penseur en matiére de pédagogie, de philosophie du droit et ( 862 ) de politique, idées profondes et exposées avec une rare éru- dition, mais jusqu'ici dispersées dans de nombreux volumes dont nous aurons bientót une édition compléte, due aux soins de l'imprimeur Bertolotti, d'Intra : vingt volumes sont déjà sortis de ses presses. Un mot des Opera minora de M. Buroni. Les Notions d'ontologie et la dissertation intitulée : La Trinité et la création nous permettent de comparer la Théosophie de Rosmini à la Somme de saint Thomas ; les Opuscules phi- losophiques soutiennent une défense des doctrines expo- sées dans le premier de ces traités, contre les agressions des néo-thomistes de la Civiltà cattolica. Je voudrais voir l'auteur, si versé dans la philosophie ancienue, continuer sa traduction des Dialogues de Platon, dont il n'a fait paraître encore que le TAéététe avec notes et observations (1873). Ce désir est d'autant plus naturel que, depuis la version de Dardi Bembo (1601), des habiles hellénistes qui ont tenté de renouveler une telle entreprise ( Prieri, Maini, Bonghi, Dal Buono, Airi, etc., pour neciter que les contemporains), aucun n'est parvenu à y mettre la dernière main. Dieu veuille que le grand travail commencé à Padoue par le professeur Ferrai ne reste pas inachevé comme les autres! A l'heure qu'il est, M. Ferrai n'a pu encore nous livrer que trois volumes, soit dix-sept dialogues, richement illustrés, il est vrai, de notes philologiques et historiques. Dans la patrie de Marsile Ficin et de Cóme de Médicis, on dirait qu'il est devenu impossible de mener à bonne fin, faute d'appui, une publication qui, au XV* ou au XVI: siècle, se serait fiérement établie sur des bases solides, comme un monument de l'honneur national! Il m'en coûte de l'écrire: l'Italie semble maintenant se détourner des fortes études et de la gravité antique, et ne plus trouver digne de son ( 865 ) attention que la littérature légère. Dominé par des préoc- cupations politiques, l'enseignement lui-méme est à la veille de tourner au métier et de se rendre complice de cette déca- dence. Où sont les grandes œuvres inspirées par de grandes idées? Les passions du temps ont tout absorbé ; on s'arréte difficilement sur cette pente. Il ne reste aux esprits paisi- bles et studieux que la satisfaction de leur propre con- science, et l'espoir de trouver en dehors de l'Italie des juges impartiaux et des critiques non prévenus. Palerme, le 15 mars 1879. L'Inquisition en Belgique. Quelques notes; par . Arthur Duverger. Ouvrez nos histoires de Belgique; parcourez les chapi- tres consacrés aux derniers siècles du moyen-àge : pas de traces d'idées religieuses nouvelles, pas un mot de l'In- quisition. Arrivez au régne de Charles-Quint; et pour ce peuple si profondément attaché, semblait-il, à la religion romaine, le Saint-Office, apparu tout d'un coup, n'a pas assez de tortures, pas assez de fosses, pas assez de büchers! La parole fougueuse du moine de Wittemberg, l'entrai- nante dialectique du théologien de Genéve, ont-elles pu à ce point bouleverser la conscience de nos péres? non : il n'est point dans la vie de l'humanité de ces révolutions subites et complétes, et avant qu'un homme donne son nom à la cause que les circonstances ont fait triompher enfin, toujours des centaines de victimes obscures ont péri pour cette cause innomée. L'Inquisition a-t-elle pu ne s'introduire dans nos provinces qu'au XVI’ siècle seule- ( 864 ) ment? non encore : si elle n'y avait point existé déjà, au moins avec une organisation rudimentaire, Charles, Phi- lippe, et le Pape lui-méme, n'eussent jamais tenté d'im- poser une pareille institution à un peuple parvenu à un degré trés élevé de progrès social (1), et cela précisément à une époque oü les idées de tolérance, ignorées encore des docteurs catholiques et protestants, commencaient à circuler parmi les masses (2). — Voilà ce que nous dit l'Histoire, et elle a raison contre les historiens. Les documents sur le grand mouvement d'émancipation religieuse qui se manifesta en Belgique dés le XIe siècle (comme dans les républiques italiennes, comme dans le midi de la France) pour aboutir enfin à la Réforme, com- mencent, il est vrai, à être exhumés des vieux livres et des archives; et je crois inutile dé m'en occuper ici : l'on cessera bientôt sans doute de considérer comme insigni- -fiante cette fermentation des esprits qui nous est si sou- (1) L'Empereur, il est vrai, écrivait lui-même le 15 janvier 1524, que « l'expédient d'un exprés inquisiteurestoit une gps nouvelle » (GACHARD, Correspondance de Philippe II, introd. . J, p. exi); mais la date méme de sa lettre prouve qu'il MC hes Ps KE d'un com- missaire laïque investi comme Vander Hulst et comme les inquisiteurs d'Espagne, de pouvoirs exorbitants et absolument contraires au droit cri- minel de nos provinces. (2) « Des voix s'élevérent trés tót pour déplorer la rigueur exorbi- tante des placards », dit M. PovrrrT dans son Histoire du Droit pénal au duché de Brabant depuis l'avénement de Charles-Quint, p. 99; et M. Gacnanp écrit: « Le peuple disait hautement qu'il y avait tyrannie à violenter les consciences, qu'il était barbare de punir de mort des opinions dont Dieu seul était juge. » (Loc. c., p. xxvn.) Les exécutions qui suivi- rent les premiers édits de Charles-Quint occasionnérent déjà des mouve- ments populaires ; et bientôt, selon le témoignage de Jaco. pz WESENBEKE; elles ne se firent plus « qu'avec grand dangier et péril de venir par là en quelque tumulte et à sang ». (Mémoires, éd. Rahlenbeek , pp. 71-18.) ( 865 ) vent révélée par les écrits de nos poëtes et de nos philo- sophes du moyen-àge; qui donna de nombreux disciples à Tanchelm, à Willems Cornelitz et à Jordan de Lille, à Marguerite Porrette et à Edwige Bloemars, à Guillaume de Hildernissen et à Gilles De Cantere; des fréres aux cathares, aux vaudois, aux turlupins, aux béghards , aux lollards, aux hussites; des martyrs à tous les büchers (1)! Mais les auteurs mémes qui ne croient plus pouvoir résu- mer en une ligne l'histoire de nos idées religieuses au moyen-àge, répétent encore avec Hopperus qu' « auparavant l'hérésie luthérienne suscitée et semée ès Pays-Bas, il n'y àvoit en iceulx auleuns inquisiteurs » (2), et que les offi- — (1) Voyez l'appréciation de Morrzy (la Révolution du XVI: siècle, trad. Jottrand et Lacroix, t. I, p. 117), de M. Arex, Henne (Histoire du règne de Charles-Quint, t. IV, p. 277),de M. Ares. WAUTER ash pie oires de Viglius et d'Hopperus, p. 126, note), de M. Ci. RARLENBEE 58, n l'histoire ioc ences des Pays-Bas; — et surtout le livre. HII de la grande œuvre e d'AvrmexEn, la Révolution belge et batave au XVI: siècle, daii vs rele Ruelens, de la Bibliothéque royale, a bien voulu mettre les Mss. à ma demens avec un empressement et une com- plaisance dont je tiens à le remercie (2) Recueil et Mémorial des odios des Pays-Bas, édit. Wauters, . 998. — « Mais estant quelquefois nécessaire de procéder contre aulcuns » hérétiques, ajoute Hopperus, envoyoient quérir leur inquisiteurs de » Paris pour les pays de la langue françoise et de Coulogne pour ceulx » de la langue thioise. » (Cf. le fol. 106 du registre Sur le fait des héré- sies et inquisitions, aux Archives du royaume.) Vieurus corrige déjà las- sertion de son neveu, NCA reproduite par les écrivains on ic: e: » lioquistilon, en que déjà avant les nr amenés par l'hé- ( 866 ) ciaux des cours épiscopales, après avoir condamné déjà de nombreux hérétiques au XI* et au XII" siècle, suffirent pendant trois cents ans encore à réprimer les premières tentatives de réforme. L'existence de l'Inquisition en Bel- gique, antérieurement au XVI: siècle, complètement niée par presque tous les écrivains, est à peine soupçonnée par quelques-uns : le fait a trop d'importance pour que nous ne cherchions pas à l'établir enfin sur des textes for- mels et indiscutables, qu'il serait facile sans doute de mul- üplier (1). Jusqu'au commencement du XIII: siècle, dans toute la chrétienté, les évéques étaient seuls chargés de rechercher, de juger, de punir de peines canoniques ou de livrer à la justice eriminelle, ceux de leurs diocésains qui s'écartaient des croyances orthodoxes. Mais le clergé séculier était, à quelques égards, peu propre à une semblable mission. Absorbé par ses fonctions multiples, obligé par ses rap- ports constants avec l'autorité civile, par le souci de ses intéréts temporels, par le soin de sa popularité, à des mé- » résie de Luther, cette institution était établie en Brabant. Si quelque » débat s'élevait au sujet de la sentence, on avait coutume de mander des » iuquisiteurs de Paris ou de Cologne, de la premiére de ces villes lorsque » l'affaire devait être discutée en francais, de la seconde lorsqu'il fallait » se servir de l'allemand. » (De Philippo secundo rege oratio, éd. Wau- ters, p. 124.) Si l'on pèse bien ces expressions; si l'on compare attentive- ment les deux passages en se rappelant les liens politiques et ecclésias- tiques qui rattachaient notre pays à la France et à l'Allemagne, on sera probablement porté à voir là un témoignage implicite de l'existence de l'Inquisition dans les Pays-Bas antérieurement au règne de Charles-Quint. (1) Une Histoire de l'Inquisition en Belgique devrait, nous le verrons, mentionner les noms des inquisiteurs francais et allemands; je ne les citerai ici que lorsqu'ils ont, par exemple, dirigé quelque procés dans nos provinces. ( 867 ) nagements de tout genre, il penchait volontiers vers la tolérance et ne s'acquittait, en général, qu'avec une cer- taine mollesse de la tàche qui lui était confiée. Lorsque le Saint-Siége essaya de ramener à l'orthodoxie des popula- tions entières, celles de la France méridionale, les papes comprirent bien vite que des moines animés d'un redouta- ble esprit de corps, sans lien intime avec les habitants des diverses contrées et soustraits par cela méme à presque toutes les influences qui refroidissaient le zéle des prélats, mettraient au service de la foi catholique une bien plus vive ardeur et pourraient seuls mener à bonne fin l’œuvre commencée. L’Inquisition naquit donc pendant les lon- gues croisades contre les Albigeois; elle fut régulièrement organisée par le concile de Toulouse en 1229, et par le pape Grégoire IX qui, sans dépouiller tout à fait les évé- ques de leur juridiction, chargea bientót les ordres men- diants, les Dominicains surtout, de combattre en tous lieux l'hérésie, conjointement avec eux (1). Le pape invita en méme temps les princes chrétiens à joindre leur zéle à celui des Fréres-Précheurs et à faire punir des peines qu'ils avaient méritées les hérétiques convaineus par les inqui- siteurs (2). (1) Sur les origines et les progrès de l'Inquisition, voyez surtout Eyme- RIC, PU AI newest orum; MON, demens on Lro- RENTE, Hi d n ORDAIRE, Mémoire pour le oies des Frécon Miinus: iooi, Der Cardinal imenés ; Lamorue-Lancon, Histoire de ts du France; Horrwas, Geschichte d Inquisition; Osti x Lana, La Inquisicion ; Vaissi TE et Devic, Histoire du Languedoc; la pra manuscrite de Doar à la Bibliothèque di de Paris; et enfin Van ESPEN, m tenetis universum, Louvain, 1753-1767, t. I, p. 205, t. II, p. (2) RavsArpr, Annales ecclesiastici, t. M, ad an. pange 59 et alibi; Sixospg ne Sismonni, Histoire des Français, éd. de Paris, t. VH, 1826, ( 868 ) Un auteur hollandais trés fécond, trés érudit et assez - célèbre qui écrivait en 1644, Marc Van Boxhorn, nous montre ces inquisileurs, à peine établis, présidant aux autodafés dans toute l'Europe et jusque dans les Pays- Bas, où les Fréres-Précheurs avaient des couvents depuis 1224 (1); Lesbroussart pére remarque, en 1786, qu'au XVI’ siècle le pays ne s'opposa pas à l'établissement de l'Inquisition, puisque celle-ci existait déjà en Belgique (2); et Reiffenberg ajoute, en 1825 : mais uniquement à la forte organisation qu'elle avait prise sous Charles-Quint, qu'elle conservait sous Philippe II (5) ; — aux iniquités p. 152. — M. GacnzT à rencontré dans le Ms. de l'Université de Liège i no 188, fol. 156, l'analyse des lettres adressées au duc de Brabant Henri Ier (Bulletins de la Comm. d'histoire, 1r* série, t. IX, p. 36). J'ai trouvé cette bulle en entier, datée du 5 février 1252, dans le Bullarium de RıroLL, t 1, p. 57. (1) Boxnons, Nederlantsche historie, eerste boek, Leyde, éd. de 1649, p. 14. — Sur les premiers établissements des Fréres-Précheurs en Bel- gique, voyez CnoovET, Sancli Belgi ordinis fratrum Praedicatorum, pp. 9-10 ; De Josue, opi Dominicanum, pp. 1 à 5; et Ricuanp, Hist. du Bind des Domin. de 6. (9) Journal littéraire et Solids des Pays-Bas autrichiens, Bruxelles- Maestricht, 1786, p. (3) Introduction aux Minoti de Jacg. Duclerc, t. I, p. 29. — « L'In- » quisition qui revendique S'-Dominique pour son fondateur, disait aussi » M. KenvyN DE LerTENROYE, en arrivant au règne de Philippe II, exis- » tait depuis fort longtemps dans les Pays-Bas, mais elle était restée une » institution purement religieuse... Elle ne tendit à se modifier que lors- » que Luther, mélant le premier la religion à la politique, précha l'in- » surreclion comme le dernier mot de l'hérésie. » (Histoire de Flandre, ter édition, t. VI, p. 188.) Mgr. Hér£r£, qui a tant étudié l'Inquisition, re- connaît également qu'elle existait en Belgique dés le XIIe siècle (dans WELTE Et WETZER, dapes encyclop. de la théologie cios ud trad. Goschler, t. XI, p. vo Inquis. d'Espagne). Artum , lui à la fois trois vérsions contradictoires : l'Inquisition de était e ( 869 ) commises journellement par le Saint- Office, aurait-il pu dire encore, et à l'exécution des projets attribués au roi qui voulait, prétendait-on, mettre les inquisiteurs belges sous la tutelle du conseil supréme de Madrid. à est la vérité, et les textes qui vont suivre suffiront sans doute à le prouver. Mais je rappellerai tout d'abord que si, au moyen-àge, les Pays-Bas relevaient comme fiefs de la France et de l'Allemagne; s'ils dépendaient, pour le spirituel, d'un archevéché francais et de deux archevéchés allemands, ils furent aussi longtemps compris, avant de former une province distincte de l'ordre de Saint-Domi- nique, partie dans la division francaise, partie dans la division teutonique (1). Il suit évidemment de là que ce n'étaient pas seulement les inquisiteurs nommés parfois expressément pour nos diocéses, qui « besognaient » en belgique, mais encore ceux que le pape, ses légats, le général de l'ordre, déléguaienten France ou en Allemagne, dans la province dominicaine francaise ou dans la province leutonique, dans la province ecclésiastique de Reims ou dans les provinces de Cologne et de Tréves (2) : en vertu méme de leurs commissions, ceux-ci devaient également visiter nos contrées ou y envoyer des vicaires. Nous allons voir qu'ils n'y manquaient pas, et qu'à toutes les époques les inquisiteurs prirent une large part à la répression de connue depuis longtemps dans les Pays-Bas;elle y était complétement ignorée; dans certains cas on appelait des re de Paris ou de Cologne. (L. IV, ch. VH, fol. 658; ch. VI, fol. 567, etc.) (1) Voyez la nomenclature des Mnt is ordre dans Quérır et Écnanp, Scriptores ordinis Predicatorum, t.1, in princip. (2) On rencontre ces différentes Un dais les ouvrages relatifs à l'Inquisition, dans le — Bullarium romanum, et dans les volumes que je citerai plus loin * SÉRIE, TOME XLVII. 56 ( 870 ) l'hérésie, concurremment avec nos évêques (1), et selon les règles qui régissaient l'Inquisition apostolique dans tous les pays de chrétienté (2). 1252. Aprés avoir recu la bulle de Grégoire IX que j'ai citée dans une note précédente, le due de Brabant Henri le Guerroyeur, par un mandement du 4 mai dont le texte complet nous a été conservé, ordonne à ses vassaux, à ses officiers et à tous ses sujets, d'aider de tout leur pouvoir les dominicains chargés de poursuivre les hérétiques dans . ses États. Rurorr, Bullarium ordinis Fratrum praedicatorum , Rome, 1729-1740, t. 1, pp. 37-38. 1255. Un « bougre » converti et devenu dominicain, puis inquisiteur de la foi en France, frére Robert, dirige en Flandre, contre les cathares et les vaudois, une longue et atroce persécution racontée avec quelque détail par Mathieu Paris et par Mouskès. Les poursuites avaient été commentées avant 1233 déjà par d'autres dominicains, comme on le voit par la première bulle adressée à Robert, et une déclaration de l’évêque d'Arras Asso, conservée (1) Comme l'inquisiteur, l'évéque conservait le droit de rechercher les hérétiques, les sorciers, les blasphémateurs, etc., mais, si chacun d'eux pouvait à la rigueur agir seul, en général, avant le XVIe siècle surtout, les quée aux accusés, la sentence définitive n'était prononcée, qu'avec le con- cours de l'un et de l'autre: en cas de désaccord , le pape décidait. (2) Ces règles ont été parfaitement résumées par Ltonewre au chap. IV de son Hist. critique de l'Inquisition d'Espagne, et par Scuwipr à la fin de son Histoire de la secte et doctrine des Cathares. M suffit de lire dans Duclerc le long récit du procès intenté en 1459 aux prétendus vaudois de l'Artois, pour ne plus douter qu'elles fussent exactement suivies dans nos provinces. (Ducrenc, L. IV, ch. HI et ss.). (.871 ) aux Archives du département,du Nord, montre qu'elles continuaient encore en 1244. Maruieu Panis, Historia major Anglic, éd. de Lon- dres 1684, pp. 562, 407- 408. — Puitippe MouskEs Chronique publiée. par Reiffenberg, t. 1l, Br uxelles 1858, pp. 607 à 612. — Ars£nicus,. Chronicon, éd. Leibniz (t. II des Accessiones historicæ, Leip- zig 1698, p. 560. — Sources citées par ge Sancti Belgi ordinis FF. predicatorum. Doua 1618, pp. 268 à 272; etc. — Bulles du 19 avril (dió dans RiroLr, t. 1, pp. 46-47 : voyez aussi pp. 80-81. — Ancnives DE Litzg, Chambre des comptes, 1er virtuel ere quite 118; aualysée dans es Monuments siens de Sainr-Génôis, t Paris et Lille 1782, p. 554, et dans l'Invéntaire A pe et Vicent des archives de là hambre des comptes à Lille, t. 1, Lille ne p. pnt 1258. Pendant la vacance du siége sepii qui suivit la mort de Jean d'Aps, le doyen, les archidiacres et les vicaires généraux de Liège, font savoir à tous que le cha- pitre a chargé les Fréres-Précheurs de faire l'inquisition des hérétiques dans le diocèse, et qu'il attend pour eux, de cintah, aide et assistance. Liter, Ms. n°188 (1), fol. 199. — Analysé par M. bse dans les Bul- letins de laCommission d'histoire, 1r° série, t. IX, 1844, p. 40, et par M. Sr. Bormans dans sa Liste chronologique des édits et ordonnances de la principauté de Liège. Bruxelles 1875, p. 14. — Epu. Pover, Essai sur le droit criminel au pays de Liège, pp. 42 et 51 (dans les Mémoires de l'Académie, t. XXXVII, 1874). (1) Ce manuscrit Vp de nombreux documents sur les Domini- cains de la principauté de L ( 872 ) 1947. Depuis une quinzaine d'années, l'inquisition fonctionnait réguliérement en Bourgogne. Le pape Inno- cent IV ordonne pourtant au prieur du couvent de Besancon de faire visiter la contrée et d'envoyer des inquisiteurs jusque dans la Lotharingie. En 1255 seulement, une bulle papale mit fin aux pouvoirs de ces dominicains. Ruporr, t. I, pp. 179 et 286. Cf. p. 55 et JEAN DES Lorx, Speculum inquisitionis Bisuntinæ, Dóle 1628, pp. 138, 143, 152, etc. 1256. Le pape Alexandre IV autorise la levée sur le clergé du Cambrésis d'une taxe qui permette à l’évêque d'aequitter les dettes qu'il a contractées, notamment en s'occupant à extirper les hérétiques de son diocèse : dettes qui supposent, comme l'a fort bien remarqué M. Poullet dans un article de revue, l'emploi de commissaires spé- ciaux, d'inquisiteurs (1), puisque le délégué habituel de l'évéque, l'official, avait, lui, des revenus imputés sur les ressources ordinaires de l'église. Ancmivss De Lire, Chambre des comptes, 2° cartu- laire de Flandre, pièce 610; citée d’après IIn- a cité là cinq ou six des faits que je rappelle ici et qui, selon moi, ne laissent aucun doute sur l'existence de l'Inquisition en Belgique avant le XVIe siècle. (1) Les dépenses des inquisiteurs de la foi étaient alors à la charge des évêques (Exmenic, Directorium inquisitorum, pars TI, qu. 108). En 1244 le pape Innocent IV avait bien ordonné le partage entre le prince et l'office de l'Inquisition de tout ce qui serait confisqué aux ux Hore (Bisrrorn. NATIONALE DE Panis, Collection Doat, Ms. n° 51, fol. 91), mais le produit des biens meubles des condamnés, les seuls qui fussent attribués à l’Église, n’avait pu constituer déjà un véritable fonds de réserve. (875 ) 1977. Par un acte du 15 juillet, le dominicain Simon Duval, inquisiteur en France, déclare suspects d'hérésie Siger de Brabant et Berner de Nivelles, et ordonne de les faire comparaître devant lui, à Saint-Quentin, le dimanche après les octaves de l'Épiphanie (16 janvier 1278). Tous deux étaient chanoines de S'-Martin, à Liège; ils retour- nent dans la ville impériale et échappent ainsi à la juri- diction de l'inquisiteur. MARTÈNE et DunaNp». Th dot t. V, Paris 1717, col. 1812, — Arn. "ht ed Le duc Jean Ier, Bruxelles 1862, p. 381; Table des chartes et diplóses imprimés, EV ide T pp. 618-619. qe Ferr eri de Brabant (dans les Bulletin émie,t. XLV, 1878, pp. 534, 940-541. — Cf. les Garage cités par ces deus derniers auteurs; la notice de M. Krnvyw DE LETTENHOVE publiée dans les Bulletins de l'Aca- démie, t. XX, 1855, 1r* partie, p. 255; et celles de MM.BourAniC, RENAN, SaivT-RENÉ-T AILLANDIER, etc. — Sur Simon Duval, voyez l'article de Daunou dans l'Histoire littéraire de la France, t. XIX, Paris, 1838, pp. 385 à 387 Nous arrivons à la grande époque de la civilisation communale. La société civile et la société religieuse ont cessé d’être étroitement unies; les lois de celle-ci ne retrouvent plus une sanction aussi complète dans les codes de celle-là, un appui aussi actif du bras séculier (1). L'Église a devant elle un peuple libre, prospère, éclairé, tolérant; un haut clergé presque indépendant, aux idées (1) Cet affaiblissement del'union des deux puissances et la prépondé- rance qu'avait prise dans la société communale l'élément laique, sont des faits iucontestables dont témoignent, explicitement ou implicitement, presque tous les historiens. ( 874 ) singulièrement larges pour le siècle, — et l'ordre de Saint- Dominique s'est relâché de sa règle, a perdu son zèle d'autrefois (1): Pendant prés de cent ans les évéques ne s'occupent plus guère des hérétiques, les inquisiteurs cessent de paraitre dans notre histoire religieuse. Mais l'épouvantable peste noire désole deux fois l'Europe; une recrudescence de mysticisme suit, comme toujours, l'ap- parition du fléau ; partout les juifs sont massacrés, partout apparaissent les bandes des flagellants et des convulsion- naires-danseurs. Les béghards passent le Rhin ; les inqui- siteurs les suivent : 1574. L'empereur d'Allemagne Charles IV qui, sur les instances de la cour de Rome, avait réorganisé l'Inquisi- tion dans ses États et demandé depuis einq ans, pour tous les inquisiteurs, la protection de ses feudataires, recom- mande de nouveau à ses vassaux — notamment à son frère Wenceslas et à la duchesse Jeanne, pour leurs pays de Luxembourg, Limbourg et Brabant — le pére Jean de Boland, chargé par le pape de l'office d'inquisiteur dans les diocèses de Trèves, de Cologne et de Liège, où il devait tout spécialement rechercher les béghards. Mosnerx, De Beghardis et Beguinabus commenta- rius, Leipzig 1790, pp. 388 à 392; cf. pp. 351 et 368 (1) Le pape Urbain IV constatait déjà ce relâchement vers 1264 (KervYN pe Lerrennove, Codex Dunensis, p. 109), et l'histoire de l'ordre le met gage: en évidence : voyez d'ailleurs Ricmanp, Hist. du couv. des Dom. de Lille, p. 25, et Hurren dans le Dictionn. encycl. de la théol. Mesa de Welte et Wetzer, v° Dominique (t. IV, pp. 466, 467, trad. Goschler) (878) 1598. De trés curieuses « Observationes inquisitoris Belgici in magistrorum Coloniensium responsum », datent de cette année : elles ont été publiées par le grand écri- vain ecclésiastique de l'Allemague. . Mosnetw, pp. 445 et sqq. v 1405. Le comte de Hainaut, Albert de Baviére, accorde des lettres de protection au père Eylard Schoneveld (1), placé par le pape à la tête de l'Inquisition d'Allemagne, et lui permet de rechercher les hérétiques et leurs fau- teurs dans les pays soumis à sa domination : « gelyck wy sculdig syn te doen, dit le prince, ende die goede heren keyzers, coninghen, ende anderen vorsten voirtyts gedaen hebben » ARCHIVES DU ROYAUME DES punti 4 V* memoriale, B. L cas. R. 1401-1404, fol. 5 remière "uds dn H. Van Wxs, Mund en aen- merkingen op. Wagenaar (Vl, 11-12), cité par Acquoy, qui donne le texte de ce document aux pp. 47-48 de sa thèse Gerardi Magniepistole XVI, Amsterdam, 1857. — Le bref pontifical est dans Mosngin, pp. 225 à 228. ' Aprés la peste et l'affolement des esprits arrive le grand désastre de 1582. La liberté communale tombe mar- tyrisée aux champs de Roosebeke; et la maison de Bour- gogne commence sa politique de centralisation et d'abso- lutisme: l'Inquisition va plus que jamais se montrer en Belgique. Pouvant invoquer maintenant les nombreux priviléges que leur ont accordés depuis deux cents ans les conciles et les pontifes romains; autorisés par les plus (1) Henri Schoneveld, dans LzwrAwT, Histoire du Concile de Con- stance, Amsterdam, 1714, t. II, p. 485. ( 876 ) graves canonistes à ordonner sur un simple indice l'arres- tation des suspects, à se servir dans leur procédure se- crète de tous les moyens, de toutes les ruses, de toutes les tortures qui semblaient propres à convaincre l'héré- tique (1); assurés enfin du concours de l'autorité civile, que l'Église a constamment réclamé pour eux, les inquisi- teurs vont servir le pouvoir absolu en croyant défendre uniquement les intéréts de la foi. Tant que la pensée osera affirmer son indépendance, tant que le démon de la liberté agitera les masses, les büchers resteront allumés dans notre malheureuse patrie, malgré l'irritation du peuple qui se manifestera souvent, malgré les protestations des communes qui exciperont de leurs priviléges et essaye- ront toujours de se libérer entiérement de la juridiction ecclésiastique. 1411. Le prieur du couvent des Dominicains à Saint- Quentin, figure en qualité d'inquisiteur délégué par auto- rité apostolique au diocése de Cambrai, dans le procés fait à Guillaume de Hildernissen, religieux carme qui, avec Gilles De Cantere, avait préché à Bruxelles et dans tout le pays les croyances des Hommes d'intelligence, une branche de la secte des Fréres de l'esprit libre. Sources citées par Cosme pe Virus, Bibliotheca Carmelitana, t. 1, Orléans 1752, col. 602. — Pa- quor, Mémoires pour servir à I Histoire littéraire des XVII provinces des Pays-Bas, Louvain 1763- (1) Voyez le Directorium inquisitorum de Nicoras Exmeric, composé en 1578, L'ouvrage de l'inquisiteur d'Aragon, écrit avant l'organisation politique de l'Inquisition en Espagne, et complété plus tard, à Rome, par e père Pegna, servit constamment de code à toutes les inquisitions parti- culières dirigées de Rome par la congrégation du Saint-Office. ( 877 ) 1710, t. VIII, p. 97 (1). — Barvze, Miscellanea t. 11, Paris 1679, p. 280, — Da D'ÅRGENTRÉ, Collectio judiciorum de novis erroribus qui in Ecclesia proscripti sunt et ah Paris 1728- een t. I, 2e partie, p. 202, — Gousser, Les Actes de la province ecclésiastique de dd: Reims 1842, t. II, p. 669, etc — Pierre Floure, « inquisiteur des bougres de France, » vient remontrer aux échevihs de Lille qu'il y a dans la ville « aulcunes personnes souspechonnées de estre enti- quiées de hérézie et incrédulité; » et l'année suivante (1419) le messager de la ville porté des lettres closes à l'évêque de Térouane, parce qu'on a appris « que l'inqui- siteur des bougres à Thérouane, en sa prédicacion faisant, avoit accusé et empeschié du péchiet de hérézie certaines personnes demorant à Lille. » La Fows-MÉzicoco, dans les Archives historiques du nord de la France et du midi de la Belgique, 5e série, t. VI, Valenciennes 1857, p. 209. — Sur Pierre Floure, voyez Quérir et Écuanp, Scriptores ordinis Predicatorum , Paris 1719, t. I, pp. 754- 755. 1416. L’évêque de Tournai et Pierre Floure, « maitre des bougres et inquisiteur sur le faict de la foy, » aban- donnent aux prévot et jurés de Tournai un appareilleur de draps nommé Piérart Dupart. L'hérétique est pendu. ARCHIVES COMMUNALES DE Tournai, {re section, re- gistre de la Loy n° 141. — Cte ne Névoncez, Des anciennes Lois criminelles de Tournai, p. 285. (Mémoires de la Société historique et littéraire de Tournai, t. IX, 1867.) M (1) En complétant le traité de Mozanvs, de Canonicis (Louvain 1635), Paquot voulait notamment y ajouter un paragraphe sur les inquisiteurs en Belgique : voyez le Ms. n° 16505 de la Bibliothèque royale, fol. 258. ( 878 ) 1417. Des habitants de Lille avaient été cités à Tournai comme suspects d'hérésie. Le magistrat fit vainement demander à l'évéque et à l'inquisiteur qu'ils traitassent les accusés « doulcement et sans escandale » : il dut faire élever un échafaud sur le grand marché de la ville, et l'in- quisiteur vint y précher « trois personnes errans contre la foy. » Hovpov, Chapitre de l'histoire de Lille, Lille 1872, p. 48. T 1420. L'Inquisition , fortement protégée par le domini- cain Martin Porée devenu évéque d'Arras, découvre des turlupins à Douai; ils sont conduits dans la ville épisco- pale et jugés par l'évéque et par l'inquisiteur de la foi. — Les échevins de Douai parvinrent à conserver leurs biens aux enfants des malheureux hérétiques, en s'appuyant sur les privilèges de la châtellenie qui exemptaient les habitants de la peine de la confiscalion. Mss. cités par Buzeuin, Annales Gallo- Flandrie, Douai 1624, p. 384. — Henvesenr, Hisl. générale de la province d'Artois. Lille et S'-Omer 1786- 1789, t. HI, p. 549. — Provvais, Souvenirs à l'usage des habitants de Douai, Douai 1822, p. 568; etc. — Voyez encore dom Deviense, His- toire de l'Artois, s. 1. 1784-1787, 3° partie, p. 95. 1427. Par lettres patentes du 4 septembre, Philippe le Bon reconnait au pére Guillaume Brunairt les pouvoirs inquisitoriaux dont ce dominicain a été investi par le pape; il l'autorise à rechercher les hérétiques dans les pays de Hollande, de Zélande, de Frise; lui promet sa protection ; et commande aux magistrats el aux habitants de le recevoir « avec honneur et révérence, » d'obéir à ses réquisitions. Texte dans Vaw Miénis, Groot charterboek der gra- ven van Holland, Zeeland en heeren van Vries- land, Leyde 1753-1756, t. IV, p. 898. ( 879 ) 1499. Le 21 décembre, les vicaires généraux de Tournai, l'évéque de Soissons agissant pour l'évéque Jean de Thoisy alors absent, et l'inquisiteur de la foi, abandonnent au bras séculier un nommé Jacquemart, de Bléharies, détenu depuis longtemps comme suspect d'hérésie. — Le 16 jan- vier de l'année suivante, d'autres hérétiques comparaissent devant les mémes juges : deux d'entre eux sont livrés au prévót, qui les envoie au bücher. ARCHIVES COMMUNALES DE TounNar, 1re Section, re- d de la Loy n 1. — Cte pe dom p. 295-296. — Pour le dernier fait, outre Sd Souvenirs de la Flandre AE t. VIII, Douai 1868, p. 20 (1). 1450. Philippe le Bon ordonne à ses officiers d'arréter et de livrer à l'Inquisition les habitants de Lille, Tourcoing el autres lieux, qui sont ou seront soupconnés par les inquisiteurs de partager les opinions de Jéróme de Prague. Ancnivrs DE Litre, Chambre des comptes, série D, carton n° 1484. — Despzanque, dans les Annales du comité flamand de France, t. VIII, Lille 1864- 1865, p. 257 (simple allusion : voyez le texte de la piéce à la fin de cette notice). — Par un mandement du 24 mars, le duc met fin aux débats qui s'étaient élevés entre ses officiers, les échevins de Lille et la justice ecclésiastique, au sujet d'une sen- tence prononcée par Jean de Thoisy, évéque de Tournai, et Lambert de Campo, vicaire de l'inquisiteur de la foi ; et il (1) Rien ne Miis tM qu'il se soit agi là de turlupins, comme le veut l'auteur de la n ( 880 ) est forcé « pour ceste fois » de faire droit aux réclama- tions d'une des plus puissantes communes de Flandre. Ancmives pe Lie, Chambre des comptes, 9* registre des chartes, fol. 15 v^: j'ai publié cette pièce in extenso dans les Bulletins de la Commission d'histoire, 4* série, t. VI, pp. 159 à 146. — Sur ambert de Campo, voyez SÉcuren, Laurea Bel- gica FF. ordinis Predicatorum, Tournai 1659, t. II, p. 155 1436. Les comptes de Namur portent en dépense ce « qui fu présenté aux inquisiteurs envoiés en ceste ville de par Mons. le Duc, qui logarent à l'ostel au Cerf. » ARCHIVES COMMUNALES DE Namur, Comptes de la ville, année 1456, fol. 50 vo. — J. Borener, dans les Analectes pour servir à l'histoire ecclésiastique de la Belgique,t. I1, Louvain 1865, p. 99 1450. (4) On rencontre vers cette époque deux Péres (1) Horperus mentionne, sans autres détails, l'intervention d'un inqui- siteur dans un procès jugé à Douai en 1448 (Recueil et Mémorial des troubles, p. 298). D'autre part, au ch. VII de son Histoire des causes de la Désunion, etc. (Ms. n° 15580 de la Bibliothèque royale), RENOM De FRANCE, apielant également les discussions qui eurent lieu au conseil d'Etat et au conseil privé sur les origines de l'Inquisition, cite sous la méme date une sentence rendue à Lille, contre plusieurs hérétiques, par l'évéque de Tournai et le vicaire de l'inquisition de la foi. Les annalistes contemporains sont muets sur ces faits, et il s'agit trés probablement dans les deux relations d'une seule affaire, — de celle qui occasionna entre les échevins de Lille, les officiers du duc de Bourgogne et la justice ecclésiastique, le conflit auquel mit fin le mandement de 1450 cité plus haut. Ce mandement « regardoit les villes et chastellenies de Lille, Douay et Orchies », et la copie qu'on en possédait à Bruxelles était datée du 7 juillet 1548 : Il est facile de comprendre comment les erreurs ont pu être commises. — Ainsi disparaissent toutes les objections que faisait VaNDER Vyxckr, à propos de ce prétendu fait d'inquisition de 1448, dans son Histoire des troubles des Pays-Bas (éd. Tarte, t. IT, p. 10 ^ ( 881 du couvent de Lille, Nicolas Rollin et Jean Du Coin, chargés des fonctions d'inquisiteurs de la foi. Ricuanp, Histoire du couvent des Dominicains de Lille, Liége 1782, p. 1458. Un dominicain du couvent de Groningue figure en qualité d'inquisiteur de la foi dans le procés d'Epke de Harlem et de Nicolas de Naarden, jugés sous l'autorité du duc de Bourgogne par un tribunal bien évidemment com- posé d'aprés les régles de procédure du Saint-Office. Mss. des archives d'Alekmaar et de la Bibliothèque royale de La Haye, cités par Mort, Kerkgeschie- denis van Nederland voor de hervorming, Arnheim-Utrecht 1864-1871, 2° partie, 3° fasc., pp. 98, 100 et 116. 1459. Le dominicain Pierre Lebloussart, vicaire, pour la ville et le diocése d'Arras, de Roland de Conzic, inqui- siteur général de la foi délégué par autorité apostolique au royaume de France (1), fait commencer contre les pré- tendus vaudois de l'Artois des poursuites auxquelles pren- dront part encore les inquisiteurs de Tournai et de Cam- brai, et auxquelles l'indignation du peuple pourra seule mettre fin. Ce procés célébre, dont je raconterai bientót ailleurs, d'aprés toutes les sources encore inédites, les émouvantes péripéties, est le seul dont nous ayons des relations détaillées, mais elles suffisent, comme je l'ai dit déjà, pour nous montrer que la procédure était absolument (1) Roland de Conzic était inquisiteur général depuis 1453 (Rirortr, t. II. p. 517); Quérir et Écnanp se trompent certainement lorsqu'ils pla- cent sa nomination en 1471 (t I. p. 812). ( 882 ) la méme en Belgique que dans les autres pays où l'Inqui- sition s'était établie. Sentence du 7 juillet 1460, dans les piéces jointes aux Observalions sur l'échevinage d'Arras, de Cu. pe WicNacounT (publié en 1864 m. po mie d'Arras), p. — Jacques Duc , Mé- moires, éd. Reitenberg, Bruxelles 182 nf 4855, t. III, pp. 42, 48, 65; e 1465. Nicolas. Jacquier, chargé comme inquisiteur de rechercher les hérétiques et les soreiers dans la province de France, dirige le procés des turlupins de Lille, procés presque aussi connu que le précédent par le récit de Du- clerc et d'une foule d'historiens. Qu£rir et Écnanp, t, 1, pp. 847-848. — RICHARD , pp. 51-32. — Paquor, t. XVIII, pp. 56 à 58. — Duczerc, t. IV, pp. 245 à 245; etc. Toutes nos provinces étaient maintenant réunies sous le sceptre de fer des ducs de Bourgogne, princes fort reli- gieux selon les idées du temps, mais surtout politiques habiles qui se servaient de l'Église elle-méme pour arriver à la réalisation de leurs desseins, et se faisaient payer par des complaisances de tout genre le zéle qu'ils affichaient pour la foi catholique. La centralisation voulue par les ducs faisaient d'immenses progrés. De plus, une réforme venait de s'opérer dans l'ordre de Saint-Dominique et avait abouti, vers 1464, à la eréation de la Congrégation hol- landaise, composée d'abord uniquement des couvents des Pays-Bas et qui avait conquis presque immédiatement une sorte d'autonomie (1). Peut-étre tout cela explique-t-il la (4) De Joxeme, Belgium Dominicanum, pp. 5 à 10; et les autres his- toriens de l'ordre. ( 885 ) nomination pour notre pays d'un grand inquisiteur ayant le droit de déléguer des vicaires dans les différentes villes à l'exclusion probablement des inquisiteurs de France et d'Allemagne : L'Université de Louvain reconnut le 7 novembre 1474, au dominicain belge Jean de Bomal, visiteur de la Congré- gation, ce titre d'inquisiteur général! de la foi en Belgique, qui lui avait été conféré par Paul II ou Sixte IV. GRILLEBERT DE E Haye, Bibliotheca Belgo-Domini- cana : Ms. cité par Qv£rir et Écrann, t. T, p. 855. — Forrexs, HO Belgica , eni 1739, t. T, p. 585. — Paquor, t. XVII, p. 259: l'auteur à consulté fà archives de Louvain. — Taruier et WavrEns, Géographie et hisloire des communes id Ge $ LE (canton de Jodoigne), Bruxelles 872, p. 534. — Cf. Sweerts, Athene Belgicæ, AUTRE p. 598. — VarEnE Anpré, Bibliotheca Be elgica, Louvain, éd. de 1645, p. 465, et Fasti academici T aniensis, Louvain 1650, p. 88 SécviEn, t. T, pp.15 à 16. — De Joxon, Bein Donne télés 1719, p. 149. Jean de Bomal mourut en 1477 et je ne saurais dire si on lui donna régulièrement des successeurs. Toutefois, nous continuons à rencontrer partout les juges ecclésias- tiques et nous verrons bientót le pape nommant encore un grand inquisiteur pour les XVII provinces des Pays-Bas. 1472. A peu prés vers cette année, un carme (1), Hubert 1) On sait que les fonctions inquisitoriales , réservées surtout aux Do- minicains, étaient assez souvent confiées aux Franciscains, et parfois — mais exceptionnellement , il est vrai, du moins avant le XVIe siècle — à ( 884 ) Léonard, qui devint deux ans plus tard suffragant de l'évéque Louis de Bourbon, avait la charge d'inquisiteur de la foi dans la principauté de Liège et y réprimait une hérésie, assez mal connue, qui avait son foyer à Nivelles. Sources citées par Cosme pr Virriers, t. I, col. 667; voy. encore t. Il, col. 924-925. — Paquo EL X, p. PA — Knit, L'Église de pis et la Révolution, Bruxelles 1862, p. 11. ^ 1477. Eustache Leenwercke, inquisiteur à Bruges, « prêche » publiquement un certain Jean, clerc de la paroisse de Becelare, prés d'Ypres; par grâce spéciale, lhé- rétique n'est condamné qu'à la prison perpétuelle (1). Antoine DE Roovere , dits die excellente Cronike van Vlaenderen, Anvers 1551, fol. 198 v», — Quérir et Écnanp, t. I. p. 869. — De Joncue, p. 178. 1484. L'un des Péres dominicains les plus célébres du couvent de Lille, Michel Francois, qui fut honoré de hautes dignités ecclésiastiques et mourut évêque de Sélymbrie, devient inquisiteur dans le diocèse de Cambrai et y re- cherche les hérétiques de commun accord avec l’évêque Henri de Bergues. Rucmanp, p. 59 : L'auteur consacre seize pages de son livre à la biographie de cet inquisiteur. Voyez encore Séquter, t. II, pp. 180 et ss., et Rirort, t. IV, p. 202. d'autres moines ou prétres. Il est assez curieux de rappeler à ce propos que le célébre fondateur des Fréres de la vie commune, Gérard Groot, qui eut tant à lutter contres les ordres mendiants, était lui-méme, vers 1578, inquisiteur dans la province de Cologne (1) C'est uniquement sur ce fait et sur le procés des vaudois de l'Ar- tois que Lessnoussanr et RerrrENBERG se sont fondés pour affirmer l'exis- tence de l'Inquisition en Belgique avant le XVf* siècle. ( 885 ) ` 1491. Une charte de l'église de Beauvais donne le titre d'inquisiteur de la foi à Robert Briconnet, abbé de S'-Vaast à Arras, qui devint plus tard eret de Reims. Scévore et Louis pe SamrE-Manruz, etc. Gallia ré Fébdinic en cours di publication, t. IIl; 9. 1495. Sur la proposition du général de l'ordre des Do- minicains, Alexandre VI nomme le père Michel Francois inquisiteur général de la foi dans toutes les provinces des Pays-Bas, soumises à Philippe le Bon. Tout en continuant à poursuivre l'hérésie dans le diocése de Cambrai, Michel était devenu confesseur de Maximilien et précepteur du jeune archiduc. Rucmanp, p. 42. — Quérir et Ecnanp, t. Il, p. 7. — Foppzss, t. If, p. 891. — Paquor ,t. VI, p. 96. 1505. Par une bulle du 8 février, Jules II nomme le père Égide de Hollande inquisiteur dans le diocèse de Liège. Voici les termes de cette commission, absolument semblable d'ailleurs à celles que j'ai rencontrées pour les inquisiteurs étrangers : « Julius episcopus, servus servorum Dei, dilecto filio Egidio de Hollandia, ordinis F. F. Praedicatorum, salutem et apostolicam benedictionem! » Considerantes tuae circonspectionis industriam in multis, et arduis, saepius approbatem, ac alia grandia virtutum in- signia, quibus personam tuam bonorum dator altissimus decoravit, ea, quae gravis sunt ponderis tibi fiducialiter committimus, sperantes firmiter, quin potius pro certo tenentes, quod ad illa efficaciter exequenda, ferventer inten- das, intentum animi dirigas, et operosae solicitudinis studio prosequaris. Hine est, quod Nos, qui desideramus, et in votis 2"* sÉRIE, TOME XLVII. 51 w v v v v = » ( 886 ) gerimus, ut fides catholica, nostris prosperetur temporibus, et pravitas perversorum hominum, erroresque eorundem de finibus fidelium extirpentur, circa extirpationem eandem, salubriter et utiliter providere intendentes, te in partibus catholicis Leodien., eum omnibus, et singulis immunitati- bus, privilegiis, gratiis, et libertatibus, Inquisitoribus dictae pravitatis a jure, vel consuetudine, hactenus concessis, in causis haeresum, Inquisitorem facimus, constituimus, et etiam deputamus, dantes, et concedantes tibi contra omnes dictam pravitatem credentes, receptatores, fautores et defen- sores eorum, tam ecclesiasticas quam seculares utriusque sexus personas exemptas, et non exemptas, cujuscumque etiam dignitatis, status, gradus, ordinis, vel conditionis exis- tant, neenon infamatos, vel suspectos de haeresi proce- dendi, ac officium Inquisitoris tibi commissum exequendi, juxta eanonicas sanctiones, neenon alia faciendi, quae de jure, vel consuetudine Inquisitores pravitatis praedictae, quomodolibet faeere consueverunt, seu etiam potuerunt, plenam, et liberam auctoritate apostolica tenore praesen- tium concedimus facultatem. Per concessionem autem hujus- modi, non intendimus potestati, ac jurisdictioni aliorum Inquisitorum a Nobis, vel aliis, ad hoc auctoritatem haben- tibus, in aliquo derogare. » Datum Romae, apud S. Petrum, anno Incarnationis Domi- nicae millesimo quingentesimo quarto (stylo bullarum), sexto idus februaris, pontificatus Nostri anno secundo » Riwoze, t. IV, p. 217. — Nicolas Venne meurt à Bruges aprés avoir, durant de longues années, exercé en Flandre les fonctions d'inqui- siteur (1). On trouve aprés lui, jusqu'en 1526, les domini- (1) Peut-étre avait-il succédé à Eustache Leenwercke, mort en 1485. ( 887 ) cains Sébastien De Witte, Jean Hellinck et André Caulis. Quérir et Écran», t. II, p. 11. — De Joxeue, p. 179. 1507. Mort de Jean Vasseur, prieur du couvent de S'-Omer, évêque in partibus, suffragant de l'évéque de Térouane, et inquisiteur de la foi. Séevier, t. I], p. 158. Voyez encore sur ce domini- cain les bulles publiées par RıroLL, t IV, pp.81-82. 1512. L'inquisiteur André Hugo quitte son couvent de La Haye pour devenir prieur du couvent de Louvain. De deu x n Batavia dominicana , Gand 1717, — Le dominicain belge Jacques d'Hoogstraeten, qui restera jusqu'en 1527 inquisiteur de la foi dans les pro- vinces de Cologne, Mayence et Tréves, se rend à La Haye, et, assisté du doyen de cette ville délégué par l'éévéque d'Utrecht, il abandonne au bourreau, comme relaps, Her- man Van Ryswick, déjà condamné pour hérésie, en 1502, à un emprisonnement perpétuel (1). Morz, 9* part., 5° fasc., pp. 107 et 117, et les sources indiquées p. 108. — Sur Jacques d'Hoogstraeten, voyez surtout Quérir et Écnanp, t. II, pp. 67 et ss. 1515. L'inquisiteur Daniel Alaert meurt à Gand. — Cette méme année, Léon X décide qu'en droit comme en (4) Voyez Mozz, loc. cit.: le procès, jugé à Utrecht, avait également été dirigé par un inquisiteur de la foi. Je n'ai point mentionné cette condam- nation à sa date, ni celles que prononcérent d'autres inquisiteurs dans cette méme ville en 1478, 1482 et 1495 (Morr, 2° partie, fasc. 1 à 5), l'évéque d'Utrecht étant encore alors prince souverain du pays ( 888 ) fait les Pays-Bas formeront désormais une provinee dis- tincte de l'ordre de S'-Dominique, sous le nom de Ger- manie inférieure. De Joxenz, Belgium, pp. 70 et 11. 1519. Mort de l'inquisiteur Jean de Colle, docteur en théologie et prieur du couvent de Bois-le-Duc. De Jowene, Batavia, p. 106. 1521. Par un mandement du 6 décembre, l'évêque de Cambrai, Robert de Croy, charge Jacques Masson et Nicolas Baechem d'informer contre les luthériens comme inqui- siteurs de la foi dans son diocése, et, notamment, de s'en- quérir des mœurs et de la doctrine du prieur du couvent des Augustins, à Anvers. On sait que ce premier procès, dirigée contre Jaeques Spreng, se termina par l'abjuration publique de l’accusé, qui rétracta, le 9 février 1522, dans l'église de S^-Gudule, à Bruxelles, toutes ses propositions entachées d'hérésie. Korte beschryvinge van alle de gouverneurs der Nederlanden, t. I (Ms. n° 16514 de la Bibliothèque royale) fol. 554, — Sur Jacq. Latomus, voyez sur- tout PAQvor, t. XIII, pp. 45 à 57, et sur Nic. Eg- mundanus, Cosme pe ViLLixns, t. II, col. 478-479. Ces deux inquisiteurs sont bien connus d'ailleurs parles Epistolæ d'Erasme et les témoignages nom- breux des contemporains. Les prédications de Luther commençaient, on le voit, à retentir jusque dans nos provinces. Pour s'opposer aux progrés de la Réforme, dont il eraignait avant tout les ten- dances politiques, Charles-Quint, en lançant ses premiers ( 889 ) édits contre l'hérésie (1), avait voulu d'abord eréer en Bel- gique un véritable Conseil supréme de l’Inquisition, ana- logue à celui qui existait en Espagne, et composé de deux inquisiteurs généraux : Josse de Loveringhen, gouverneur de Malines, et Nicolas Coppin, docteur en théologie de Mons; de quatre assesseurs : Angeli, membre du conseil privé, Gérard Van Assendelff, chevalier, Jacques Sasbout , docteur en droit, et Renier Brunthus, procureur fiscal; et d'un secrétaire : Arnold Sandelin (2). Une opposition géné- rale lui fit abandonner ce projet, et il se contenta, en 1592, d'établir — sans tenir compte des droits de juridiction exclusive constamment réclamés par l'Église — un com- missaire laique, le conseiller Francois Vander Hulst, « pour rechercher tous ceux qui seraient infectés du venin de l'hérésie (5). » Le 1* juin 1525, le pape Adrien VI régularise complai- samment la position de Vander Hulst en le nommant, par (1) Les qeu placards publiés en Belgique contre la Réforme, sont ceux du 22 mars et du 8 mai 1521. E Sur le fait des inquisitions, fol. 650; Perd de Paar t. I, p. 88.) (2) Lovis Rasus, Historien der Ho yligen, Strasbourg 1552, t. IIT, fol. 109; cité par RUE r Église de Liège et la Révolution, pp. 351-32, note, — Sur ces projets d'une organisation politique de l'Inquisition dans les Pays-Bas, voyez d'ailleurs la lettre de Charles, du 25 mai 1558, publiée par M. Gacnanp dans sa notice Sur le séjour de Charles-Quint au mo- nastére de Yuste (Bulletins de l'Académie, t. XII, 1845, 17° part., p. 254), — lettre oü il s'agit bien évidemment d'une inquisition semblable à celle d'Espagne, comme le reconnaissent MM. Juste, Poulle es explications trés nettes de Philippe II, dans les Bi ibliothéques dé Madrid et de l'Escurial, p. 86. (3) Gacuanp, Corresp. de Philippe IT, t. 1, p. cix. — — ( 890 ) une dérogation expresse aux canons, inquisiteur général et universel dans tous les lieux de la Germanie inférieure soumis à la domination de l'empereur. Suivant la formule consacrée , le souverain pontife déclare toutefois que cette nomination ne portera aucun préjudice aux droits des évé- ques et des inquisiteurs précédemment établis. ARCHIVES DU ROYAUME, papiers d'État, registre Sur le fait des had e et spa fol. 612 à 617. — Gacnmanp, Rapport servant d'introduction à la de de jest II, t. I, Bruxelles, 1848, p. cx; — etc L'histoire du Saint-Office dans les Pays-Bas, au XVI* siè- cle, a fait l’objet de travaux nombreux (1), et elle est aujourd'hui assez bien connue (2). On sait qu'aprés avoir (1) Par son rapport à M. de Theux sur les archives de Simancas (pp. cvin à cxxvr) M. Gacnanp a, cette fois encore, ouvert la voie à tous nos écrivains, et l'histoire de l'Inquisition a maintenant son chapitre dans tous les ouvrages relatifs au XVIe siécle : voyez entre autres l'Histoire du règne de Charles-Quint en Belgique, d'Acex. Henne; la Révolution du XVIe siècle, de Morrer ; l Rist. de la Révol. des Pays-Bas sous Phi- lippe II, de Tn. Juste; la Geschiedenis der Nederlandsche beroerten, du Dr Nuvens; et la grande œuvre inédite d'Azrueyer. M. PouLLET a fait une savante étude de l'Inquisition au point de vue juridique dans son Histoire du droit pénal au duché de Brabant depuis l'avénement de Charles- Quint (Mémoires de l'Académie, t. XXXV, 1870), et il a complété ce tra- vail dans un article trés remarquable sur la Répression de l'hérésie au XVIe siècle, publié dans la Revue générale (août et décembre 1877). 2) Il est regrettable toutefois qu'on n'ait point songé à consulter les ouvrages des Dominicains ; on y aurait relevé les noms des inquisiteurs délégués dans toutes les parties du pays; car si, au XVI* siécle, de sim- ples moines ne suflisaient plus pour occuper les postes les plus impor- tants, l'ordre donna encore à l'Inquisition ses plus nombreux, ses plus ( 894 ) voulu donner à l’Inquisition, dans nos provinces, la formi- dable organisation mixte qu'elle avait en Espagne, Charles dut laisser pendant quelques années les délégués aposto- liques complètement indépendants du pouvoir temporel; mais qu'enfin, en 1546, il parvint à rétablir des rapports plus intimes entre les inquisiteurs et le gouvernement; on sait aussi que, pendant tout son règne, Philippe H ne changea rien à l’organisation réglée par son père de commun accord avec les souverains pontifes, et que la Pacification de Gand vint seule la faire disparaître, en attendant que les inquisiteurs de la foi cessassent bientôt eux-mêmes de participer aux jugements des évêques. — Je puis donc m'arréter ici et résumer les notes qui précè- dent : L'ordre de Saint-Dominique, approuvé en 1216, avait presque immédiatement établi ses couvents dans toute la chrétienté et s'était partagé l'Europe en provinces. Lors- zélés serviteurs. De 1525 à 1576, une trentaine de pères eurent le titre d'inquisiteur de la foi, en Belgique; je me contenterai ici de citer des noms, en suivant autant que possible l'ordre chronologique: Jean Lan- nau, Jean Fretin, Jean Nockaert, Vincent de Beverwyck, Bernard Gruwel, Francois de Beka, Laurent Laurent, Jean Oudenschellinck, Paul Van Neeren, Jean Baerle, Godefroid Stryrode, Pierre le Clercq, Corneille Van Eertborn, Thomas de Capella, Jean Denis, Jean Vanden Bundere, Liévin de Mil, Jean de Crock, Jean Heuten, Jean Walter, Balthazar Tellier, Dominique Anselme, Antoine Rigerman, Balthazar Dressel, Nicolas Nel- sius, Pierre Bacherius, Antoine Ruyskensveld, ete. (Ricnanp, pp. 55, 56. 7,98; — De Joncne, Batavia, pp. 67, 191, 23, 156, 106; Belgium, pp. 71, 151, 216, 74, 72, 74, 159, 76, 229, 77, 78, 82; — Quérir et Écnan», t. Ill, pp. 108, 107, 134, 145, 158, 160, 195, 244; — Sécuien, t. I, pp. 47, 57, 50, 66, 84; etc.) Beaucoup de ces religieux ayant écrit au moins quelque pieux opuscule, sont cités encore dans CORNEILLE Loos, AUBERT LE MIRE, Vazène Awpná, Swenrs, Sanpzns, Foppens et Paquor ( 892 ) que, quelques années plus tard , les Fréres- Précheurs sur- tout furent chargés de combattre l'hérésie, en concur- rence avec les évéques et suivant des régles de procédure identiques dans tous les États, les inquisiteurs délégués en France et en Allemagne durent, en vertu méme de leurs commissions et, généralement, de quelque facon que celles-ci fussent libellées, rechercher les hérétiques dans les Pays-Bas ou confier ce soin à leurs vicaires : il y a d'ailleurs des exemples d'inquisiteurs délégués expressé- ment dans tel ou tel de nos diocéses. Ralentiesau XIV* siè- cle par le développement de la civilisation communale et par un certain relàchement qui s'était glissé parmi les Dominicains, les poursuites furent reprises avec ardeur sous les princes de la maison de Bourgogne, et l'Inquisi- tion, vivement protégée, acquit peu à peu en Belgique une organisation plus forte. Aprés la réforme faite dans l'ordre de Saint-Dominique vers 1464, des grands-inquisiteurs furent méme nommés spécialement pour notre pays, et en 1515, quand les liens qui unissaient la Belgique au Royaume et à l'Empire s'étaient déjà bien affaiblis, l'érec- tion des Pays-Bas en une province distincte de l'ordre vint consacrer cette situation indépendante de nos inqui- siteurs vis-à-vis des juges ecclésiastiques délégués en France et en Allemagne. Enfin, avec la nomination de Francois Vander Hulst aux fonctions d'inquisiteur général, commence l'histoire écrite de l'Inquisition dans les Pays- Bas, histoire dont les horreurs ont fait peut-étre oublier à nos péres eux-mémes que si, dans nos libres communes, l'Inquisition m'avait jamais pu, comme en Espagne, se substituer complétement aux évéques, depuis trois cents ans pourtant elle livrait avec eux au bras séculier, de loin en loin et par petites fournées, ces hérétiques qui repa- ( 895 ) raissaient toujours sous un nouveau nom et répandaient déjà dans nos provinces les idées générales au nom des- quelles devait se faire la grande révolution religieuse du XVI: siècle (1). ANNEXE. J'ai cité dans la notice qui précède, un mandement de 1450 par lequel le duc Philippe ordonnait de livrer à l'In- quisition ceux de ses sujets imbus des doctrines de Jéróme de Prague. Cette piéce est restée inédite jusqu'à ce jour ; mais puisque l'occasion s’en présente ici, je crois utile d'en donner le texte. — En 1574, Wycliffe était venu défendre à Bruges les intéréts d'Édouard III contre les prétentions de la France et de la cour romaine ; il était resté deux ans en Flandre ; et quand, revenu en Angleterre, il commença ses attaques contre le dogme chrétien, elles trouvèrent bien vite de l'écho en Belgique. Le commerce important que faisaient les Belges avec les Anglais contribua à propager et à entretenir dans les esprits les idées du docteur d'Ox- ford jusqu'au moment où les prédications de Jean Hus et de Jéróme de Prague vinrent donner à ces idées une nou- velle puissance. Quand la guerre éclata en Bohéme aprés le supplice des deux réformateurs, un grand nombre d'Hen- nuyers, de Brabancons, de Liégeois, excités par la parole -— (1) Le caractère de ces hérésies du moyen-âge, si étrangement défiguré par presque tous les chroniqueurs de l'époque ou par les vieux écrivains protestants, a été indiqué avec beaucoup de justesse par M. LaunEwT dans ses Études sur l'histoire de l'humanilé, t. VI, p. 426, et t. VIII, pp. 106 à 108, 277 à 285, etc. ( 894 ) ardente des légats apostoliques, coururent y prendre part, et ils rapportérent dans les Pays-Bas les opinions de ceux qu'ils étaient allés combattre (1). Notre document se rap- porte à peu prés à cette époque, et il offre un véritable intérét, car nous connaissons fort mal les débuts en Bel- gique dela « secte dampnable et perverse des hérites pra- » guois » : les chroniques, celle des moines de l'abbaye des Dunes, par exemple, ne nous donnent des détails un peu étendus que beaucoup plus tard (2). Les lettres du 11 mars 1450 prouvent que, tout en songeant à aller diri- ger contre les « faulx et desloyaulx Housses du royaulme » de Behaigne » cette croisade sur laquelle M. Potvin a publié de si intéressants mémoires dans son Ghillebert de Lannoy (3), Philippe le Bon ne négligeait point de débarrasser d'abord le monde des hussites qui infestaient ses propres États « puis peu de temps en cà. » — « Phelippe, duc de Bourgoingne, conte de Flandres, » d'Artois, de Bourgoingne, palatin de Namur, seigneur » de Salins et de Malines, au gouverneur de nostre sou- » verain bailliage de Lille, Douay, d'Orchies et des appar- » tenances, et au gouverneur de noz bailliages d'Arras, (1) Boxuons, Nederlantsche historie, pp. 129, 134-155; Gacmanp, Rap- port sur les archives de Dijon, pp. 147-148; Henne et Wavrzns, Histoire de Bruxelles, t. I, p. 215; C. Vanner Erst, le Protestantisme belge, pp. 29-50; ArTwEYzn, liv. III, fol. 1441-2 (2) Chroniques relatives à l Hist. de la Belg. sous la domin. des ducs de Bourgogne, publiées par M. Kervyn pe Lerrennove, textes latins, 1870, pp. 636-637 (ad an. 1483). — Voyez SowsrmaL, Geschiedenis van het Husitismus, Groningue, 1862. (5) Œuvres de Ghillebert de Lannoy, voyageur, diplomate et mora- liste, recueillies et publiées pour l'Académie de Belgique par Cu. Porvix, Louvain 1878, pp. xx à xxii, Lxi à xxiv, 201-202, 227 à 255. VN dw Ww wow v U V U U vuU UU Wd WU w wv vy vU vU uU V U y VU V vv Uu U y y vY ( 895 ) Bappaulmes, Aubigny, Hannin-Liétart et Quiéry et des appartenances, et à tous noz aultres justiciers et officiers de noz pays, terres et seigneuries et de ceulx dont avons le gouvernement, ou à leurs lieuxtenans, — Salut! » Comme pour obvier aux trés grans et dampnables maulx, périlz et inconvéniens irréparables qui, au vitu- pére, escandele et énorme lésion de nostre foy catholi- que et de nostre mère Saincte Église en nostre grant desplaisance estoient apparant d'avenir en noz pays et seigneuries de par deçà, mesmement en noz ville et chastellenie de Lille, à cause de ce que plusieurs noz subgiez puis peu de temps en cà, par la séduccion de l'ennemi, ont tenu, creu et dogmatisé plusieurs des erreurs dampnables que tiennent contre nostre foy chreslienne et nostre mère Saincte Église les faulx hérites Praguois; et pour décevoir autres simples gens esdits erreurs et en la secte dampnable et perverse des dits Praguois, ont tenu plusieurs conventicles secrés en lieux souspecconneux et à heures suspecttes : Aiant aprés deues imformacions sur ce faicte plusieurs foys devant les juges de la foy, et pluseurs de noz dits subgez comme suspeciz et chargiez des cas dessus dits (par especial Aleaume Polet, Thomas Vuemel, Piérart du Puch, Piérart Estoquiel de Lille; Colart Gulant, Jehan Hacoul, Piat Morel, Jacot de Goutiéres, Mahieu Quedin de Seclin; Jehan du Pire, Gillot Flament, Jehan de Hellin, Henri Des Mons d'Avelin; Jehan Dannetiéres, Piérart le Maire d'Annevelin; Jehan d'Egremont, dit le Brun, de Fretin; Jehan Tant de Torquoing; Vincent Blahuer, Piérart Brassart de Landas; et Jehan du Breuch d'Avechin), lesquelz ainsi évoquiez n'ont voulu v o oo v vy Y v v v vu v U Uu Uy gu vvv g wu 9 V wv v ( 896 ) retourner à obéissance de nostre dite mére Sainte Église ne eulx reconscillier à icelle, ains soit comme obstinez en leurs malices se sont les aulcuns d'eulx absentez et rendus fugitifz et les autres en lieux secrez de noz dittes villes et pays se treuvent..... (1) et recele- ment: » Pour ce est-il que nous qui, comme prince catholi- que, pour le soustenement de nostre foy et de nostre mére Sainte. Église vouldrions nostre personne et de noz vassaux.... et bien vueillans....., et que ceste ma- tière avons très à euer et ne la vouldrions pour nulle chose tollérer ne dessimuler, — vous mandons et com- mettons, et à chacun de vous comme à luy appartendra, trés estroitement et nomément, que les dits Aleaume Polet, Thomas Vuemel et autres dessus nommez, quel- que part que les pourra trouver, en lieu saint (2) ou dehors, vous les prenez pour les rendre toutesfoiz et délivrer aux prélas et inquisiteurs juges en ceste ma- tière, pour en faire ce que de raison appertendra. Et néantmoins tous autres dont par lesdits juges sera re- quiz et qu'ilz vous affermeront estre coulpables des erreurs dessus dites, ou d'avoir recepté, favorisiez, re- célé ou deffendu les dessus nommez ou autres sembla- bles, — pareillement, quelque part que soient trouvez, prenez réaulment et sans deport et iceulx ausditz juges (1) Les points tiennent la place des mots effacés par l'humidité. Notre I copie a été collationnée par le savant archiviste du Nord, M. ’abbé Dehaisnes (2) Les inquisiteurs pouvaient violer un antique droit d'asile et faire saisir les hérétiques au pied méme des autels. (Décision de Martin IV, en 1281, dans Raywazoi, t. HI, p. 525, $ 18; — confirmée par Jean XXII, en 1522: Waonixc, Annales minorum, 2° éd., Rome 1731, t. III, p. 291.) YO wo uu v wv wv w — Ww Ww ww wW Pi v ( 897 ) délivrez sans demenre ou délay, pour procéder à l'en- contre d'eulx comme raison devra :-et tant en faictes que ceste secte dampnable puist du tout estre extirpée et que ne puissiez estre reprins de négligence, car ainsi en faveur de nostre foy et de nostre mére Sainte Église nous plaist estre fait. » De ce faire, à vous età vos commis et députez don- nons plain povoir, auctorité et mandement especial. Mandons et commandons à tous noz justiciers, officiers et subgiez; prions et requérons tous autres, — que à vous ou à vos dits commis et députez en ce faisant obéissent et entendent dilligemment, et à vous et à vos dits commis et députez prestent et donnent conseil, confort, aide et assistance, se mestier en avez et requiz en sont. » Donné en nostre ville de Lille, le xi* jour de mars, l'an de grâce mil quatre cent vint et neuf (1), soubz nostre scel de secret en absence du grant. — Par mon- seigneur le Duc : ..... (Lancelot SavannE?) » Archives départementales du Nord, chambre des mptes de Lille, carton B. 1484. Original. Un fragment de scel en cire rouge, pendant à une queue de parchemin. (1) Vieux style. L'année commença le 16 avril. ( 898 ) Découverte d'une tombe de l'époque romaine, à Lovenjoul, prés de Louvain. — Un dernier mot sur les vesliges d'une villa de cette époque, à Laeken, par M. L. Gales- loot, chef de section aux Archives du royaume. L'Académie me permettra de rappeler les circonstances dans lesquelles j'ai été informé de la découverte dont je vais avoir l'honneur de l'entretenir. Au mois de décembre dernier (1878), des ouvriers, occupés dans une sapinière située à Caggevinne-Assent, prés de Diest, trouvérent, en ereusant profondément le sol, une quantité d'urnes cinéraires qui, à en juger par la forme et par la matiére, paraissent d'origine germanique (1). Comme il n'arrive que trop souvent, les ouvriers n'eu- rent rien de plus pressé que de mettre les urnes en piéces, espérant y trouver des objets de valeur ou de l'argent. Mon frére, major en retraite à Diest, ayant eu connais- sance du fait, se rendit à Caggevinne pour constater l'éten- due de ee désastre archéologique. Il n'était que trop réel. d ils actes de vandalisme, mon frère eut l'excellente idée de faire insérer un article dans un des journaux paraissant à Diest, afin d'avertir les campagnards et leur expliquer que c'était à leur propre détriment qu'ils brisaient les objets que le hasard mettait Désirant d ae pr évenir le retour (1) La tribu qui nous a laissé ces urnes était fixée sur un plateau dit le Bergbosch, en face de Péglise de Caggevinne, à proximité de prairies que traverse un ruisseau nommé de Beggynebeek. Une partie des urnes, découverte après coup, a été recueillie par M. Van Overstraeten, notaire, à Louvain, propriétaire du sol. Pull de Chead t XIV Jule G .Swerems, Bruxelles Mobilier funéraire d'une tombe de l'époque romaine, decouverte à Lovenjoul. E 899 } entre leurs mains. Il ajouta qu'en cas de découverte de cette nature, on ferait bien de s'adresser à lui, etc. L'article, reproduit dans un journal de Louvain, tomba sous les yeux d'un jeune homme employé au commissa- riat de l'arrondissement. M. Emmanuel Devos, tel est son - nom, informa mon frére qu'il était en possession de plu- sieurs antiquités trouvées depuis peu à Lovenjoul. Il en donna par écrit une description sommaire. Nous nous empressàmes de nous rendre chez lui, à Corbeek-Loo, et notre attente ne fut point décue. M. Jacques Devos, père, briquetier, l'auteur de la décou- verte, nous apprit qu'au mois de février de l'année passée, il se mit un jour à la besogne sur une parcelle de terre, gisant sous Lovenjoul (1), contre un chemin allant de Cor- beek-Loo à Pellenberg et de là à Lubbeek, où, soit dit en passant, il existe un tumulus. M. Devos extrayait de la terre propre à la cuisson, quand il se heurta à une tran- chée remplie de moellons. H se mit en devoir d'en suivre les traces, la curiosité excitant, du reste, son ardeur. La ) N° 123? du plan cadastral. Cette parcelle porte le nom significatif de Tichelveld, le champ aux tuiles, Remarquons, à ce propos, que les débris det piis romaines abondent dans les campagnes, à Lovenjoul. En outre, feu M. bé Raymaekers recueillit, en 1860, busidurk coupes en terre iigillée, q qu'un iiber avait trouvées au hameau de Terdonc. (Bra- bandsch Museum voor oudheden en geschiedenis. De oude piping Lovenjoul , 1860). Nous ns ici pour mémoire qu'un livre censal du XVIe siècle concernant ` —9 de mt conservé aux 3e es du royaume, renseigne le Tommeveld ; X die Tomme. Ces dénomina- tions me semblent di edu justifiées par s découverte dont il s'agit. En général, elles ont. toujours leur raison d'étre, comme on peut le voir dans maint endroit de l'excellente et savante Histoire des environs de Bruzelles, par M. A. Wauters. Un tertre a-t-il snrmonté jadis la tombe de Lovenjoul ? C'est ce qu'on n'a pu me dire d'une manière précise. ( 900 ) tranchée partait du bord du chemin et se dirigeait en pente dans le sol. Aprés un travail assidu et secondé par des ouvriers qui rejetaient la terre et les pierres, l'explorateur arriva à l'extrémité du couloir et se trouva inopinément, à sa grande surprise, en présence d'un petit caveau voüté, creusé dans une terre dure et compacte. M. Devos, que j'ai soigneusement interrogé sur ce point, estime que le caveau se trouvait à huit métres environ de profondeur. Sur l'aire, parfaitement unie, étaient disposés d'une maniére symé- trique les objets dont je vais donner la description. Il importe de faire remarquer d'abord que, pour nous mettre en garde contre tout récit fantaisiste, nous étions allés préalablement à l'endroit où la découverte avait eu lieu, et que nous avions constaté l'entiére excavation du terrain. Au bord d'une large fosse, à moitié comblée, s'éle- vait un four à briques, preuve nouvelle à l'appui des dires du sieur Devos. Les antiquités dont j'ai fait l'aequisition et qui par une heureuse circonstance n'ont pas souffert des travaux de déblayement, sauf un plat, sont les suivantes: Un flacon en verre de couleur foncée, et de forme hexagone, muni d'une anse large et plate portant des rainures. Il a 16 centimétres de hauteur sur 55 de circon- férence (fig. 1) (1). Des spécimens semblables, au nombre des cótes prés, ont été recueillis par M. le conseiller Schuermans dans les tombes de Walsbetz, de Montenaeken et de Thisnes (2). : ——— (1) Je dois ce dessin à l'extréme obligeance de M. Alphonse Jacobs, attaché aux Archives du royau (2) Bulletins des nid: d art et d'archéologie, t. IT, p. 158, pl. V, fig. 39 (1865); t. IV, p. 569, pl. I, fig. 2, et p. 579, pl. II, fig. 9 (1865). ( 901 ) Une fiole d'un verre plus pâle et plus transparent, ayant deux anses contournées en forme de bec de cygne. Elle a 22 centimétres de circonférence sur 6 et quelques milli- métres de hauteur. Cette fiole, affectant la forme d'une amphore, est pour ainsi dire neuve, tant sa conservation est remarquable (fig. 2). Les cimetières belgo-romains de Flavion et de Strée ont fourni des fioles de ce genre (1). Un vase ou urne en terre cuite d'un ton brunátre. Il mesure 16 centimétres de hauteur sur 55 de circonfé- rence à la partie la plus renflée (fig. 5). C'était probable- ment l'urne cinéraire (2). Une jarre en terre cuite de couleur gris-blane, munie d'un rebord et d'un bec pour l'écoulement du liquide. L'in- lérieur est parsemé de quartz pilé. Cette jarre mesure sous le rebord 75 centimétres de cireonférence. La hau- teur, le filet supérieur compris, est de 10 centimétres (fig. 4). Un modèle à peu prés semblable se trouvait dans la tombe de Fresin (5). Ajoutons que cette forme s'est (1) Annales de la Société D ein de Namur, t. VII, p. 1, pl. VII, n? 7, tombe 124. dicit de M. Delmarmol.) Le cimetière belgo-romano-franc de Strée. iuc ebd sur la fouille, par M.D..A Van tiii. Mons, 1877, in-8e, gm VIII, fig Dans les fouilles qu'il fit exécuter au mois de AE 1878, à Castillon-lez-Walcourt (Namur) dans deux ttes gallo-romains du Haut-Empire , l'un situé au lieù dit « La seri Borne », l'autre à Fen- droit nommé « La Croix Gabriel », M. L. Van Hollebeke, sous-chef de section aux Archives e royaume, orien aussi deux ampoules de la méme forme. L'une d'elles est d'une ténuité et d'une élégance extraor- dinaires (2) Je n'ai recu que des renseignements incertains sur le dépót des ossements. ga M des Commissions d'art et d'archéologie, t. H, p. 158, pl. V, lig. 59 (1863). ue SÉRIE, TOME XLVII. 58 ( 902 ) | exactement perpétuée dans les vases (teylen) dont nos cul- tivateurs se servent pour conserver le lait, en attendant que la crème en soit convertie en beurre. Une écuelle en terre cuite d'une couleur analogue à - celle du vase n° 5. Elle a 54 centimètres de circonférence (fig. 5). Un grand plat qui, entier, comptait 74 centimètres de circonférence (fig. 6). Le pareil a été recueilli dans la tombe de Middelwinde (1). Débris d'un vase en terre cuite qui a été brisé par inad- vertance (fig. 7). Ce qui m'a surpris, c’est l'absence, dans la tombe de Lovenjoul, de piéces de monnaie, de lampes et d'autres menus objets que l'on rencontre ordinairement dans les sépultures de cette époque. MM. Devos, pére et fils, m'ont formellement assuré que rien de pareil n'a été remarqué par eux. En résumé, le mobilier funéraire de cette tombe (9), trés-intéressant en lui-même, est, je ne dirai pas mesquin, mais bien modeste, si on le compare à celui fourni par d'autres monuments de l'espéce. Il suffira de citer les tertres jumeaux de Cortil-Noirmont, prés de Gembloux, fouillés il y a quelques années, et dont l'un nous a valu un précieux trésor archéologique que l'on peut admirer au Musée royal, établi à la porte de Hal. Bien que j'aie toujours aimé les antiquités, je ne suis (4) Ibid., t. IV. n) Elle doit deer ua id -Empire, comparaison faite des objets qu'elle explorées par MM. Schuermans, Delmarmol, Van Bastelaer et autres archéologues. ( 905 ) pas collectionneur. Mon intention est done d'offrir celles de Lovenjoul à l'État, afin qu'elles soient déposées et con- servées au Musée que je viens de nommer. Un mot pour finir. La découverte que vient de faire à Lovenjoul, M. J. Devos, occupera , comme renseignement, une place avantageuse dans la liste, déjà si considérable, des localités de la Belgique oü l'on a recueilli des antiquités de la période romaine. On peut dire qu'il n'est guére de commune où les habitants de cette période n'aient laissé des traces de leur séjour. L'Académie voudra bien me permettre que je l'entre- tienne encore un instant de la villa de l'époque romaine qui a existé sur le territoire dela commune de Laeken. Si je le fais, c’est surtout pour constater l'indifférence que le publie, pris en masse, témoigne pour ces choses-là. Je disais dans la notice que je lui ai présentée et qui a été insérée dans ses Bulletins (1), que la parcelle oü s'élevait cette villa tombe en plein dans le grand pare publie en voie de création et qui doil être terminé pour les fêtes commé- moratives de l'année prochaine. Lorsque j'y fis des fouilles, au mois de septembre 1877, cette parcelle restait à niveler, de méme que les terrains adjacents. Or, j'avais prié instam- ment le surveillant délégué par le ministére des travaux publics de me faire savoir quand ce travail de nivellement . commencerait. Mon intention était de profiter de locca- sion pour explorer le sol d'une manière complète, chose que je n'avais pu faire que trés-imparfaitement. Malgré (1) Deuxième série, t. XLIV. ( 904 ) mes recommandations, le surveillant n'en fit rien, et j'ap- pris plus tard, en allant aux informations, que les ouvriers avaient extrait el charrié toute espéce de décombres, sans leur prêter la moindre attention. Avec les derniers vestiges de l'antique édifice ont aussi disparu ses limites agraires, qui se dessinaient en forme de hauts talus à ses abords (1). A proximité, un chemin creux, que je n'hésite pas à considérer comme datant de cette époque (2), servait également de ligne de démarcation à l'exploitation agricole. Cette destination, il la remplira encore pour le nouveau parc, puisqu'il le bornera partiel- lement dans la partie nord-ouest. Notice sur deux vases archaiques d'Agrigente, par M. Ad. de Ceuleneer. Pendant le séjour que je fis à Agrigente au mois de mai dernier, je rencontrai chez le vice-consul de l'empire alle- mand, M. Léopold Dietzsch, deux vases archaiques qui atti- rèrent vivement mon attention. Je m'informai des condi- tions dans lesquelles ils avaient été trouvés, et je les ai crus assez intéressants pour faire l'objet de la Notice que j'ai l'honneur de présenter à l'Académie. Ces deux vases furent trouvés en 1872 dans la Elan de Lodio située à 4 kilomètres S.-0. d'Agrigente. Le tom- beau creusé dans le roc aréneux et conchylifère à 6 mètres (1) J'ai signalé des limites agraires, en maint endroit, dans l'ouvrage : La province de Brabant sous l'empire romain (2) Voy. sur l'origine de ces chemins La province de Brabant avant l'invasion des Romains, par le méme. ( 905 ) de profondeur avait une entrée trés-basse et ressemblait beaucoup aux nombreuses chambres funéraires que l'on voit dans la rue des tombeaux de Syracuse. Ce tombeau avait 6 métres de longueur, et au fond setrouvait la tombe ayant 57,50 de long sur 0",80 de large et 0",80 de haut. C'est dans cette tombe que furent trouvés les deux vases en méme temps que des ossements humains et des dents d'animaux troués comme pour former un collier. Le vase n° La 07,21 de haut sur 07,12 de diamètre; le vase n° I1 07,25 de haut sur 0",20 de diamètre à sa partie supérieure. Ils sont peints en noir et rouge. Le fond est noir, les lignes sont rouges, mais d'un rouge assez pâle. L'exécution est des plus primitives et des plus irréguliéres. Le vase n? [ a une forme assez gracieuse; un renflement assez prononcé se manifeste vers le milieu de sa hauteur. ll avait deux anses fort bien formées : il ne lui en reste plus qu'une seule, mais il y a encore une trace trés-visible de l'autre. Les ornements sont des plus simples. L'anse est ornée de petits points rouges et le vase lui-méme n'a pour tout dessin que des lignes verticales et horizontales, paralléles ou bien se coupant à angle aigu de maniére à former de petits losanges. Ce mélange régulier de losanges et de lignes verticales et horizontales juxtaposées produit un dessin assez gracieux et d'un goüt déjà assez perfec- tionné. Sous ce rapport il est supérieur au vase n° H. Celui-ci présente à peu prés les mémes dessins, au moins dans sa partie inférieure ornée de petits losanges, mais formés par des lignes tracées d'une maniére bien plus irrégulière. Dans la partie supérieure cet ornement dis- parait pour faire place à des losanges éparpillés irrégulié- rement sur toute la surface du vase. La forme de ce vase est des plus curieuses et des plus insolites. Le pied se rétrécit vers la partie médiale du vase sur laquelle sont ( 906 ) tracées trois lignes horizontales en forme de collier, puis vient la coupe qui va en s'élargissant. Il n'y a aucune trace d'anses ; seulement un cóté est orné à sa partie supérieure d'un appendice formé de la méme terre que le vase et dont on ne s'explique pas bien la raison d'étre à moins de le prendre pour un simple ornement. Le petit musée d'Agrigente, commencé depuis quelques années et où l'on remarque, entre autres, une belle statue (tête et torse) d'Apollon en marbre blanc d'un caractère assez archaïque et qui conserve encore des traces de poly- chromie, contient bon nombre de vases, trouvés tous dans les environs d'Agrigente, faits de la même terre que ceux qui nous occupent et n'ayant non plus que des ornements géométriques rouges et noirs; mais aucun n'a la forme qui est propre à nos deux vases. Dans des fouilles récentes faites en d'autres endroits on a trouvé quantité de vases aux formes les plus diverses et ornés de lignes se coupant de maniére à former des losanges, par exemple, dans les fouilles faites dans cer- taines tombes de l'ile de Chypre (1). Nous remarquons aussi plusieurs vases ornés de losanges séparés ou unis les uns aux autres, dans la collection publiée par M. Palma di Tesnola (2), à la suite des fouilles qu'il fit à Chypre il y a peu d'années. Les originaux se trouvent actuellement, si je ne me trompe, à New-York. Ces vases présentent les formes les plus diverses et les plus curieuses, mais aucun n'a la forme de nos deux vases. Chose digne de remarque, (1) On the different styles of pottery found ín ancient. tombs in the Island of Cyprus by Thomas B. Sandwith , dans Archaelogia or misce- laneous tracts relating to antiquity. London, 1877, vol. 45, pp. 127 et sqq et surtout pl. X, XI, XIII. (2) The antiquilies of Cyprus. London, 1875, atlas, pl. II, III; et Cyrrus. London, 1877, pp. 18 , 408; pl. II, VII, XLIV. ( 907 ) parmi ces vases il y en a un (1) orné de losanges assez réguliers portant une inscription phénicienne. Parmi les vases trouvés par M. Schliemann dans les plaines de Troie il s'en trouve aussi quelques-uns qui sont simplement ornés de lignes horizontales et verticales se juxtaposant, mais sans former des losanges (2). Il ne serait pas difficile de citer un grand nombre d'autres exemples. Pour ce qui est des deux vases qui sont l'objet de cette Notice, nous y trouvons donc d'un cóté une forme insolite qui ne se rencontre, que je sache, nulle part ailleurs. C'est surtout la forme du vase n° ll qui est vraiment remar- quable pour une époque primitive, et digne de la plus Sérieuse attention. D'un autre cóté, nous retrouvons les ornements géométriques de nos deux vases sur un grand nombre de vases primitifs. Qu'il me soit permis d'insister quelque peu sur cet ornement qui est d'une importance capitale dans l'histoire de l'art. Cette ornementation purement géométrique est propre à toute la race indo-germanique et se retrouve dans tous les pays où cette race a séjourné; ce n'est que sous l'influence orientale que nous voyons apparaitre des repré- sentations d'animaux sauvages, fantastiques ou fabuleux. L'ornement tout à fait primitif est la ligne géométrique verticale et horizontale; plus tard ces lignes se compli- quent de manière à former des cercles, des zigzags, des méandres, puis vienuent des représentations grossiéres d'hommes et d'animaux domestiques, tels que des coqs et d'autres. Les ornements de feuillages sont déjà le produit d'une civilisation plus avancée; et ce n'est qu'à la (1) Cyprus, p. 68. (2) Trojanische Alterthümer. Taf. 16, n» 474, taf. 27, n» 742. ( 908 ) fin, par suite de l'influence orientale dont on peut fixer pour la Gréce le terme extréme à l'an mille av. J.-C., qu'apparaissent les animaux sauvages, le lion, la pan- thére, le tigre et les animaux fantastiques. C'est là un caractère qui est propre à toute la race indo-germanique, sans que celle-ci ait eu pour cela à subir l'influence étrusque comme on l'a prétendu. Ce n'est pas à dire que lornementation primitive soit identique chez tous ces peuples; mais le systéme est le méme et leur est commun à tous. ll y a aussi quelques monuments — qu'on pour- rait appeler monuments de l'époque de transition , — oü les deux systémes indo-germanique et oriental se trouvent réunis (1). De méme que pour la philologie, il y a aussi pour l’art des principes qui sont communs à toute la race au sein des caracléres spéciaux qui les diversifient. Et si parmi les vases trouvés par M. Schliemann on en rencontre plusieurs qui présentent les mémes caractéres que nos deux vases d'Agrigente, c'est là une des raisons pour lesquelles nous admettons avec plusieurs archéologues éminents que les objets découverts dans ces fouilles remontent à une époque plus reculée que celle à laquelle on place d'ordi- naire la puissance troyenne ; car dans l'art homérique on ne trouve plus les verticales mélées aux horizontales; le systéme est déjà bien plus compliqué. Ces quelques mots me semblent prouver que nos deux vases appartiennent à une époque trés-primitive. Il serait toutefois difficile de préciser cette époque. Les dents d'ani- maux qui semblaient avoir servi à un collier, trouvées (1) M. I, tab. 55, 1854; — CowzE, Z. Gesch. der Anfänge Griechischer Kunst , dans les Sétssñgsher. der K. K. Ak. der Wissenschaften. Philol. KI. Wien, 1870. ( 909 ) dans la méme tombe, pourraient faire croire à une époque préhistorique; mais d'abord cette dénomination de pré- historique est fort vague et permet de servir de refuge facile pour toutes les choses que l'on ne peut expliquer autrement ; et de plus la forme du vase n° I est trop belle, je dirai méme déjà trop parfaite, et celle du vase n° II trop compliquée, trop recherchée pour qu'on soit en droit de reculer outre mesure l'époque à laquelle nos deux vases auraient été fabriqués. Nous savons qu'Agrigente ne fut fondée par Aristonoós et Pystalos de Gela (Terranova) qu'en l'an 581 av. J.-C. Nos deux vases doivent, par suite de leur caractére ar- chaique, remonter tout au moins aux premiéres années de la colonisation ou peut-étre méme à l'époque indépen- dante des Sicules. Malheureusement rien ne nous prouve que les Sicanes ni méme les Sicules aient eu un établisse- ment soit à Agrigente, soit dans les environs. Il ne nous semble pas non plus que l'on puisse songer à une origine phénicienne, les Phéniciens n'ayant pas occupé cette partie de la Trinacria. La seule chose certaine, c'est que nos deux vases appartiennentà un art fort primitif et que, pour une époque aussi reculée, la forme du vase n° II est des plus curieuses. Naples, 21 janvier 1879. (910) CLASSE DES BEAUX-ARTS. Séance du 5 juin 1879. M. le chevalier Léon DE BunBunE , directeur. M. LiaGRE, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. L. Alvin, G"* Geefs, Jos. Geefs, C.-A. Fraikin, Éd. Fétis, Edm. De Busscher, A. Balat, J. Franck, G. De Man, Ad. Siret, J. Leclercq, Ern. Slin- geneyer, A. Robert, F.-A. Gevaert, Ad. Samuel, Ad. Pauli, F. Stappaerts; J. Schadde , Th. Radoux, membres; Éd. de Biefve, A. Pinchart, J. Demannez, correspondants. MM. Mailly, membre de la Classe des sciences , et Chalon, membre de la Classe des lettres, assistent à la séance. CORRESPONDANCE. Par dépéche du 12 mai, M. le Ministre de l'Intérieur informe que « le budget de l'intérieur comprend depuis l'exercice courant un crédit de 2,000 francs destiné à couvrir les frais de publication des œuvres de nos anciens compositeurs de musique, et qu'il a été entendu que cette publication commencerait par les œuvres de Grétry, le premier de nos compositeurs nationaux. » M. le Ministre invite l'Académie à s'associer à cette (HT) patriotique entreprise, et à lui soumettre des propositions pour régler toutes les mesures propres à en assurer l'exé- cution. — Renvoi à la section de musique à laquelle sera adjoint M. Fétis. — M. le Ministre fait savoir qu'il a invité le conseil d'administration de l'Académie royale des beaux-arts d'Anvers à donner connaissance à M. J. Dillens, lauréat du grand concours de sculpture de 1877, des observations faites par la Classe des beaux-arts sur le second rapport semestriel de ce lauréat. Le méme haut fonctionnaire transmet, en copie, le troisiéme rapport trimestriel de M. E. Tinel, lauréat du grand concours de composition musicale, de 1877. — Renvoi à l'examen de la section de musique. — Le bureau exécutif de l'Exposition nationale de 1880 prie l'Académie de bien vouloir déléguer un de ses mem- bres auprés du comité du groupe de l'enseignement. La Classe nomme M. Liagre qui , par le fait de ses fonc- tions de secrétaire perpétuel , appartient aux trois Classes de l'Académie. RÉSULTATS DU CONCOURS DE 1879. M. le secrétaire perpétuel fait savoir qu'il a reçu un mémoire en réponse à la troisiéme question des sujets littéraires de ce concours. Cette question est ainsi conçue : Déterminer, en s'appuyant sur des documents au- thentiques , quel a été, — depuis le commencement du (:912 ) XIV" siècle jusqu'à l'époque de Rubens inclusivement, — le régime auquel élait soumise la profession de peintre, tant sous le rapport de l'apprentissage que sous celui de l'exercice de l'art, dans les provinces constituant la Bel- gique. | Examiner si ce régime a été favorable ou non au déve- loppement et aux progrés de l'art. Ce travail a pour devise : Pour mieulx valoir (Frots- SART). Commissaires : MM. Portaels, Alvin et Pinchart. COMMUNICATIONS ET LECTURES. M. Éd. Fétis rappelle que M. Portaels avait proposé à la Classe de demander à la Commission organisatrice des fêtes du cinquantième anniversaire de l'Indépendance na- tionale de comprendre dans les solennités une exposition des ceuvres des artistes belges depuis 1850 jusqu'en 1880. « J'ai été heureux d'apprendre, ajoute-t-il, et je ne doute pas que la Classe ne partage ce sentiment, que la proposition de notre confrére sera réalisée. » M. Fétis fait remarquer que cette exposition pourra fort bien marcher de pair avec l'exposition triennale de Gand, qui aura lieu la méme année et à laquelle les étran- gers pourront prendre part. ( 913 ) OUVRAGES PRÉSENTÉS. Laveleye (Ém. de). — The new tendencies of political eco- nomy, translated by G. Walker. New-York, 1879; in-8°. Liagre (J.- B.-J.). — Calcul des probabilités et théorie des erreurs, avec des applications aux sciences d'observation en général et à la géodésie en particulier, 2* édition, revue par le capitaine d'état-major Camille Peny. Bruxelles, Paris, 1879; vol. in-8°. Malaise (C.). — Sur une espéce minérale nouvelle pour la ape : Rs à pi ou Mispickel. Bruxelles, 1879; extr. in : Nype ear G.). — Rapport sur le projet de code de procédure pénale, livres I et II. Bruxelles, 1879; gr. in-8°. Potvin (Ch.). — Enseignement moyen : questions préa- lables. Bruxelles, 1879; br. in-8°. Scheler (Aug.). — Olla Patella, vocabulaire latin versifié avec gloses francaises, publié d'aprés un manuserit de Lille. Gand, 1879; in-8° Boonen (Willem). — Geschiedenis van Leuven geschreven in de jaren 1595 en 1594, voor de eerste maal uitgegeven, op last van het stedelijk bestuur door Ed. van Even, 1*'* half- deel. Louvain, 1879; in-fol. Cogniaux (Alfred). — Remarques sur les cucurbitacées brésiliennes et particuliérement sur leur dispersion géogra- phique. Gand, 1879; br. in-8°. Bastings (D*.). — De la faiblesse ou altération de la consti- tution, des maladies qu'elle engendre et de leur traitement rationnel. Bruxelles, 1875; br. in-8° — Guérison d'un cas grave de phthisie chez une jeune fille de huit ans et demi, par électrisation méthodique de la respi- ration. Bruxelles, 1879; extr. in-8° (2 exempl.) Preudhomme de Borre (A.). — Étude sur les espéces de la ( 914 ) tribu des Féronides qui se rencontrent en Belgique, 1'* partie. Bruxelles, 1878 ; extr. in-8°. | Lefèvre (Th.) et Watelet (A.). — Description de deux Solens nouveaux. Bruxelles, 1877; extr. in-8°. Malherbe (Renier). — Liber memorialis (1779-1879) de la Société libre d'émulation. Liége, 1879; vol. in-8°. Steurs (F.). — Het keizershof en het hof van Margareta van Oostenrijk te Mechelen. Malines, 1879 ; petit in-8°. Tiberghien (G.). — Éléments de morale universelle à l'usage des écoles laïques Bruxelles, 1879; in-12°, Salme (Dieudonné). — Poésies et théâtre. Liége, 1879; vol. in-12. Ministère des Affaires étrangères. — Catalogue de la Biblio- théque (arrété au 51 décembre 1877). Bruxelles, 1878; vol. in-8°. Compte rendu de l'assemblée générale du comité central d'organisation de la 5° session du congrès international des Américanistes, avec programme de la méme session. Bruxelles, 1879; in-8°. Institut cartographique militaire. — Nivellement général du royaume de Belgique : nivellement de base. Ixelles-Bruxelles, 1879; in-4° (2 exemplaires). Sadoine (E.). — Portefeuille John Cockerill, nouvelle série, 4° volume, 2* livraison. Liége, Paris ; in-folio. Lyon (Clément). — Les artistes du pays de Charleroi : Les peintres Joseph, Isidore et Ange Francois. S. l. ni d.; br. in-8°. Génard (P.). — Les peintures monumentales de l'hótel et du château de Schilde. Anvers, 1879; in-4°. Renard (le général). — Beschouwingen over de taktiek der infanterie in Europa, vertaald door Landolt. Amsterdam, 1858; in-8°. — Betrachtungen über die Taktiek der Infanterie, über- setzt von Blücher. Bruxelles, Leipzig, 1858; in-8*. ( 943 ) ALLEMAGNE ET AUTRICHE. Zoolog.-botanische Gesellschaft in Wien — Verhandlungen, 1878. Vienne, 1879; in-8. ; Löher (Franz v.). — Das Geheimniss des Róckl'schen Metall- abgusses von Siegeln und Medaillen, und deren Sammlungen im Reichsarchiv zu München. Stuttgart, 1878; extr. in-8°. Scheffler (D' H.). — Wärme und Elastizität : Supplement zum zweiten Theile der Naturgesetze. Leipzig, 1879; in-8°. Bureau de l'association géodésique internationale à Berlin. — Comptes rendus des séances de la commission permanente, réunie à Hambourg en 1878. Berlin, 1879; in-4*, JTALIE. Morcaldi (D' Mich.), Schieni (Maurus), et Stephano (Sylv. de). — Codex diplomaticus cavensis, tomi I-V. Milan, Naples, 1874-1879; 5 vol. in-#°. Buroni (Gius.). — 11 teeteto ovvero della scienza volgariz- zato e annotato. Turin, 1875; in-8*, — Nozioni di ontologia per introduzione allo studio della teologia, confronti tra la teosofia del Rosmini e le somme di S. Tommaso, edizione seconda. Turin, 1878; vol. in-8°. — Risposta prima al padre cornoldi d. C. d. G. in difesa delle nozioni di ontologia secondo Rosmini e S. Tommaso. Turin, 1878; in-8° — La trinita e la creazione nuovi confronti tra Rosmini e S. Tommaso didicati alla civiltà cattolica ete. Turin, 1879, in-8° — Dell essere e del conoscere studii su Parmenide, Platone e Rosmini. Turin, 1878; in-4°. Luvini (Giov.). — Della conservazione delle ova del Baco da seta in mezzi differenti dall’ aria. Turin, 1879; br. in-8°. Societa italiana delle scienze (detta dei XL). — Memorie di ( 916 ) matematica e di fisica, tomes I-XXl. Véroue, Modéne, 1782- 1856; 40 vol. in-4°. Società di scienze naturali ed economiche di Palermo. — Giornale, vol. XIII (1878). Palerme, 1878 ; vol. in-4°. Tommasi (D.). — Sur la non-existence de l'hydrogéne nais- sant, 4™ partie : réduction du chlorate de potasse. Florence, 1879 ; extr. in-8*. Pays Divers. Ministerio de Fomento. — Los restos de Colon. Madrid, 1879; pet. in-8*. Observatorio de Marina de San Fernando. — Almanaque Nautico para 1879-1880. — Anales : observaciones meteoro- logicos, 1874-1876. Madrid, San Fernando, 1875-1878; 2 vol. in-4° et 3 vol. in-folio. Société d'histoire de la Suisse romande. — Mémoires, tome XXXIV. — La Rose de la cathédrale de Lausanne par J.-R. Rahn, mémoire traduit de l'allemand par W. Cart. Lau- sanne, 1879; vol. in-8° et br. in-4*. Société des naturalistes de la Nouvelle-Russie. — Mémoires, t. V, 2° cahier; t. VI, 4°% cahier. Odessa, 1879; 2 cah. in-8°. Société de géographie. — Bulletin de 1878. S. Pétersbourg, 1879; in-8*. Commission géodésique suisse. — Détermination télégra- phique de la différence de longitude entre Genéve et Stras- bourg, exécutée en 1876, par E. Plantamour et M. Lów. Genève, 1879; in-4*, Brunner de Wattenwyl (Ch.). — La tâche présente de l'his- toire naturelle, discours traduit par Alb. de Montet. Genéve, 1879; in-8*. Lobo de Bulhoés. — Les colonies portugaises, court exposé de leur situation actuelle, Lisbonne, 1878; in:8*. Fin pu Tome XLVII pg La 2% SÉRIE. BULLETINS DE L'ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE. TABLES ALPHABÉTIQUES DU TOME QUARANTE-SEPTIÈME DE LA DEUXIÈME SÉRIE. 1879. TABLE DES AUTEURS. A. Académie I inscriptions et belles-lettres de Paris. — Hommage d'ou- vrages, 109. Académie Mont-Réal à Toulouse. — Adresse le programme de son con- cours de poésie, 445. Académie royale imta. — Adresse son programme de concours (prix de poésie), 571. Alvin. — Membre du M du conten. lenit ge Stress RÉ en langue française, 1 centrale des artistes pour 1878, 917, 751; commissaire pour l'examen du mémoire concernant la pioiession de peiotre en Belgique, 912. Arnould, — Hommage d'ouvrage, 488. Bambeke (Van). — Commissaire pour l'examen des travaux suivants con- cernant : 1° les orques observés dans les mers d'Europe, par M. P.-J. Van bii 180; lecture de son rapport, 228 ; 2» l'innervation respiratoire, ar M. Fredericq, 180; rapport, 511 ; 3° la cellule cartilagineuse vivante, E M. Schleicher, 489; rapport, 751: hommage d'ouvrage, 508. mps. — Hommage d'ouvrages, 829, ines — Hommage d'ouvrages, 745. 2"* SÉRIE, TOME XLVII. 59 918 TABLE DES AUTEURS. Beckh - Widmanstetter (de). — Hommage d'ouvrage, 442. Beneden (Éd. Van). — Commissaire pour un travail de M. Mac Leod sur la structure de la glande de Harder du canard domestique, 489; rap- 51 port, 751. Beneden (P.-J. Van). — Présente un travail sur les orques observés dans les mers d'Europe, 180; lecture des rapports de MM. Van Bambeke et Candéze sur ce travail, 228; commissaire pour les travaux suivants, concernant : 1° le sang du homard, par M. Fredericq, 180 ; 2» la part à prendre, par la Belgique, aux travaux de la station zoologique de Naples. 306 ; lecture d'un rapport collectif, 744; 5» les muscles et le sang du homard, par MM. Fredericq et Van de Velde, 507 ; rapport, 748; sur un envoi d'ossements de cétacés fossiles de Croatie, 185. Bluntschli. — Hommage d'ouvrage, 44 oldour-Kostaky. — Dépôt aux archives de sa Note sur les séries poly- gonales, 15. ormans. — Hommage d'ouvrage, 108; commissaire pour un travail de M. Potvin concernant l'auteur de Li ars d'amour, de vertu et de boneurté, 215 ; rapport, 446; rapport à l’Académie royale de Belgique sur cinq titres de Pita ye de Brogne, 271; élu membre titulaire, 726; approbation royale de son élection, 828; remercie, ibid. Boussingault. — Remercie pour son élection d'associé, 2; accuse réception de son diplóme, 178. Brachet. — Dépose un billet cacheté, 507 , 487 ; présente : 1° Note sur un Cassegrain en verre argenté , 507; lecture du rapport de M. Montigny, 490; 2» Note sur un microscope P Pega 744. Brassart. — Hommage d'ouvrage, 57 Brialmont. — Membre du b du concours quinquennal des sciences mathématiques et physi Bruylants. — Nouvelle ses des acides iodhydrique et bromhy- drique, 767 ; rapport de MM. Stas et Melsens, 745. Burbure (Le chev. de). — Membre du jury du concours des cantates, 727. Buroni. — Hommage d'ouvrages, 850; Note bibliographique surces volumes, par M. di Giovanni, 855. c. Candéze. — Commissaire pour un travail de M. P.-J. Van Beneden sur les orques observés dans les mers d'Europe, 180; lecture de son rap- port, 228. Carrara. — Hommage d'ouvrage, 442. TABLE DES AUTEURS. 919 an — Hommage d'ouvrage, 298. oy Rin du jury du coneours rsen des sciences mathé- matiques, 2; commissaire pour l'examen des travaux suivants concer- nant: 1° ne: nation, par M. Mansion , 227 pee rapport, 490 ; 2 Jes mouvements relatifs de tous les astres du systómie solaire, par M 'Souil- lart, 488; 3° l'influence de la forme des masses, etc., par M. Lagrange, 5 : 743. A — Hommage d'ouvrage, 256. ron. — Analyse des superphosphates, 96; rapport de MM. Stas et pini , 28, 29. Claes. — mem t du VIle concours triennal de littérature dramatique en langue francaise, 723. Congrés international des américanistes. — Hommage d' MEUSE, 829, Conscience. — Membre du jury du concours des cantates, 727. Cornet.— Remercie pour son élection de membre titulaire, fé approbation royale de cette élection, 178; rapport sur dcs notices de M, de Koninck concernant les minéraux belges, 491; sur les n lions pps du grisou dans les travaux d'exploitation ái K houille, 495 (v 502). Crépin. — Rapports sur les travaux pride menie T Me Widtfitios américaines, par M. Élie Marchal, 27 ; 2 une rectification synonymique rt à cette Note, 495. Cruls. — Note sur le système stellaire 40 o? Eridani, 255; rapport de M. Mur aho: Cuypers. — M. le Ministre communique son onzième rapport semestriel, 216. š D. Dauby. — Hommage d'ouvrage, 572; Note bibliographique sur ce volume par M. ur RO ,915 De Bussch Tappi t sur les travaux de la Commission de la Biogra- phie da dois ile (1878-1879), 644 ; réélu membre de la Commission de la 28. De Ceuleneer. — Présente les travaux suivants concernant : 1? Men Sibi 110; — yu kapa de MM, Wagener et Néve, 832; 2 deu nte. 915: rapport de M. Hiit 851; nord 904; 3» ui tombeau pélasgique découvert en Attique, 829; 4° le cours de l'llissus , ibid. De Doss. — Hommage d'ouvrage, 171. De Heen. — Présente un nhe sur la dilatabilité des solutions salines et de quelques liquides organiques, 488. 920 TABLE DES AUTEURS. De Jans. — Allocation de sa pension de lauréat, 216. .De Koninck (L.-G.). — Membre du jury du concours quinquennal des _ sciences mathématiques et physiques, 2; rapport sur un travail de M. Renard concernant les caractères distinctifs de Ja dolomite et de la calcite, 495. De Koninck (Lucien). — Hommage d'ouvrage, 179; recherches sur la Car- pholite et la Rhodocrosite, 564, 568; rapport de MM. Malaise et Cornet, 491. Delarge. — Rapport de MM. Maus, Melsens et Montigny sur sa Note con- cernant le téléphone appliqué dans le voisinage des lignes télégraphi- ques, 16, 21; impression, 54; lettre de M. le Ministre des Travaux publics relative à ces expériences, 178. Delmotte. — Membre du jury du concours triennal de littérature drama- tique en langue t 107. Demannez. — Commissaire pour l'examen du 6* rapport semestriel du lauréat Lauwers, rés ; appréciation de ce rapport, 300, 475. De Potter. — Lauréat du concours de la Classe des lettres, 642, 795; rap- | ports de MM. Wauters, Poullet et le baron Kervyn sur son mémoire couronné concernant Jacqueline de Bavière, 650, 640, 642, De Witte (Le baron). — Hommage d'ouvrages, 212, 257, 850; commissaire pour une Note de M. Galesloot concernant des vestiges de l'époque romaine, 445; rapport, 854. D’ Hane-Steenhuyse. — Hommage d'ouvrage, 109. Dillens. — M. le Ministre communique son 2* rapport semestriel, 216; lecture de l'appréciation faite par MM. Geefs et Fraikin, 751, 911. Dohrn.— Demande que la Belgique prenne part aux travaux de sa station zoologique, 506; lecture du rapport fait sur cette demande, 744. ove. — Annonce de sa mort, 486 Dubois, — Oiseaux nouveaux et Remarques sur la faune de Belgique, 825, 827; rapport verbal de M. de Selys Longchamps, 755. Dupont. — Commissaire pour une demande de M. le Ministre relative à la station zoologique de Naples, 306; lecture d'un rapport collectif, 744. Duprez. — Membre du jury du concours quinquennal des sciences mathé- matiques, 2 Duverger. — L'Inquisition en Belgique, 865; rapports de MM. Gachard, le baron Kervyn de Lettenhove et Waaters; 832, 841. TABLE DES AUTEURS. 924 E. rrera. — Dépose un billet cacheté, 487. Eribori (Le baron van). — ETA une Note avec figures concernant la lanéte M 227; rapport de MM. Houzeau et Liagre, 323. Exposition nationale de 1880. — M Liagre E de l'Académie auprès du groupe de l'enseignement, 742, 828, 9 F. Faider. — Hommage d'ouvrages, 212,571; réélu membre de la Commis- sion administrative, 574. Faye. — Remercie pour son élection d'associé, 2. élis. — Membre du jury du concours triennal de littérature en langue francaise, 107; du concours des cantales, 727 ; adjoint à la section de musique pour la proposition de publication des œuvres des anciens compositeurs Rog 911; rapport sur l'état de la Caisse centrale des artistes pour 1878, 217, 751; annonce ^u réalisation de l'exposition EID des beaux-arts en 1880, 9 ach. — Hommage d'ouvrage, 257; Nd og Dices sur cette bro- wi par M. Thonissen, 258. 6 — Membre du jury du concours o pen des sciences mathé- atiques, 2; remplacé par M. Mailly, 178; hommage e son ouvrage vie Éléments d'une théorie "m faisceaux, 179; Note bibliogra- phique sur ce vitii 180; rapports sur la 2e pát ju travail de M. Lagrange concernant les mouvements astronomiques, 12, 14; com- missaire pour l'examen des Notes de M. Mansion sur l'élimination, 227, 488; rapport, 490. Fraikin. — Commissaire pour l'examen : 1° du 2* rapport semestriel du lauréat Dillens, 216; lecture de son appréciation, 751: 2° du 11° rap- port semestriel du lauréat Cuypers, 216. Franck (Ad.). — Hommage d'ouvrage, 212. Franck (J.). — Commissaire pour l'examen du 6* rapport semestriel du lauréat Lauwers, 216; appréciation de ce rapport, 500, 475. Francotte, — Lauréat du concours de la Classe des lettres, 629, 724; rapports de MM. Le Roy, Piot et Wauters sur son mémoire couronné concernant la propagande des € — à Liege, 575, 596, 599 (impression dans les Memoires in-8»). 922 TABLE DES AUTEURS. Fredericq (L.). — Note sur le sang du homard, 409; rapports de MM. Schwaunet F. Plateau, 509, 510; théorie de l'innervation respira- homard, 777; rapport de MM. Schwaun et Van Beneden, P.-J., 746, 748. Fredericq (P.). — Hommage d'ouvrages, 830; Note lion sur ces brochures, par M. de Laveleye, 851. Frédericæ. — Membre du jury du concours triennal de littérature drama- tique en langue francaise, 107. G. Gachard. — Dépôt dans la Bibliothèque des ouvrages offerts à la Com- mission d'histoire, 257 ; rapport sur un travail de M. Duverger concer- nant l'Inquisition en Belgique, 832. Galesloot. — Tombe de l'époque romaine, découverte à Lovenjoul. Ves- tiges d'une villa romaine à Laeken, 898; rapport de MM. le baron de Witte et Wagener, 854. Gallait. — Élu dicicur 171; remercie, 215. eefs (J.). — Commissaire bna. examen : 1^ du 2e rapport semestriel du lauréat Dillens, 216; lecture de son appréciation, 751; 2» du 11* rap- port semestriel du ein Cuypers, 216. Génard. — Hommage d'ouvrage, 442. Gérard. — Dépôt aux archives de sa Note sur la divisibilité de la lumiere électrique, 15; rapport de M. Maus sur sa Note concernant un compteur à secondes pour moteurs, 21; impression, 47; rapport de M. Montigny sur sa Note concernant un nieto pun. porte- voix, 181. vais — Annonce de sa mort, hen — Rapport sur un travail de M. É. Marchal concernant les Hédéracées américaines, 28. Giovanni (di) — Hommage d'ouvrage, 257; Note bibliographique sur cette brochure par M. Le Roy, 259; Note bibliographique sur plusieurs volumes, offerts par M. Buroni, 855. œbel. — Hommage d'une carte, 742. Go. re — Hommage d'ouvra a Grégoire. — Hommage d'ouvrage, 171, 298. TABLE DES AUTEURS. 995 H. Henrard. — Élu correspondant, es. ; remercie, 828. enry. — Hommage d'ouvrage, Heremans. — Membre du jury z concours pis cantates, 727. Hoorweg. — Dépôt aux archives de sa Note sur la lumière électrique, 15. Houzeau (J.-C.). — Rapports sur les travaux suivants concernant: 1° les mouvements astronomiques, 2° partie, ari M. Lagra ps 15; 9» les couleurs des — d oe M. Nie 5; commissaire pour les iravaux [P binds nas 40 E Eridani , par M. Cruls, 181; topari 299.2 bec spectres des étoiles, par M. l'abbé Spée, 227; VERE 318; 3» » planéte Mars, par M. Van Ertborn, 227; rapport, 323. r Institution is ingénieurs mécaniciens de Londres. — Demande de ren- seignements relatifs à des recherches de mécanique pratique, 507 ; avis de M. die sur cette demande, 498; remerciments, 745. J. Jambois. — Hommage d'ouvrage, 830. Jenkins. — Présente deux Notes intitulées : Terrestrial magnétism. The plague, 227. Journal américain d'otologie. — Demande d'échange, 226. Jousset de Bellesme. — Hommage d'ouvrage, 508. K. Kervyn de Lettenhove (Le baron) — Commissaire pour les travaux —€— concernant : 1° l'auteur de Li ars d'amour, de vertu et de bon ar M. Potvin, 213; rapport, 444; 2° Jacqueline de Bavière (mémoire de perla à 214; rapport, s présente des Notes sur les arsi d'autographes de M. le baro: Stassart, 829; rapport sur un travail de M. Duverger concernant aninag en dta e, 841. Kunst-Verein, Hamburg. — Adresse une circulaire relative à son expo- sition pp ci 216. 924 TABLE DES AUTEURS, Küntziger. — Lauréat du concours de la es des lettres, 629, 724; rapports de MM. Le Roy, Piot et Wauters son mémoire couronné concernant la propagande des Bst français à Liége, 575, 596, 599 (impression dans les Mémoires in-8°). L. Lagrange. — Rapports de MM. Van der Mensbrugghe, Folie et Houzeau sur la 2* partie de son travail concernant les mouvements astronomiques, 4, 12, 14, 15; présente un mémoire concernant l'influence de la forme des masses, etc., 745. Lamy. — Élu correspondant, 726 ; remercie, 828. Laubespin (de). — Hommage d'ouvrage, 108. wers. — M. le Ministre communique son 6* rapport semestriel, 216; appréciation de ce rapport, 500, 473. Laveleye (de). — Hommage d'ouvrages, 850; Note bibliographique sur deux brochures de M. P. Fredericq, 851. Leclercq (J.). — Commissaire pour l'examen du 6* rapport semestriel du lauréat Lauwers, 21 Leclercq (M.-N.-J.). — Nommé président de l'Académie, 178, 211, 216; la vie et l’œuvre du Congrès national de 1850, 652. Lecoy de la Marche. — Adresse un questionnaire concernant Saint-Mar- tin de Tours, 109. Lefèvre. — Hommage d'ouvrages, 308, dio Lenormant (Ch.). — Hommage d'ouvrages, Lenormant (Fr.). — Hommage vede ned ia ‘830. Le Paige. — Dépose un billet cacheté, . Le Roy. — Commissaire pour les als suivants concernant : 1* l'auteur de Li ars d'amour, de vertu et de boneurté, par M. Potvin, 215; rapport 453; X la propagande des encyclopédistes français dans la principauté de Liége (mémoire de concours), 214; rapport, 575; Notes bibliographi- ques sur plusieurs ouvrages : 1° de M. Vincenzo di Giovanni, 259; 2° de M. Buroni, 855; le mécanisme et la liberté, 69 Liagre.— — u jury aw concours quinquennal des sciences mathé- matiques, 2; dé ur l'Expo- sition de: 1880, 742, 898, 914; rapport sur übé Note de je Niesten concernant les Mn des étoiles doubles, 27 ; commissaires pour les travaux suivants concernant: 1^ les aérostats, p M. Van Weddingen, 181, 489; rapports, 228, 755; 2° la planète Mars, par M. Van Ertborn, poem SNIPPETS TABLE DES AUTEURS. 995 227; rapport, 325 ; proclame les résultats des concours et des élections dela Classe des iae seu mi mmage d'ouvrage ` Limnander (Le baron). — e sa démission de menibee titulaire pour prendre rang parmi les associés, 171, 477. Loubat. — Hommage d'ouvrage, 829. M. eod. — Sur la structure de la Glande de Harder du canard domes- taue, 797; rapports de MM. F. Plateau et Éd. Van Beneden, 749, seah Mailly. — Rapport sur une Note de M. Niesten concernant les cou des étoiles doubles, 27; membre du jury du concours ira des sciences mathónditiques 178; hommage d'ouvrage, 4 Malaise. — Sur l'Arsénopyrite ou Mispickel et sur l'eau leseüiesió de Court-Saint-Étienne, 29; rapports sur les travaux suivants concernant: 1*les minéraux belges, par M. de Koninck, 491; 2» les caractères dis- tinctifs de la dolomite et de la calcite , par M. Renard, 492; hommage d'ouvrage , 742. Mansion. — janey des Notes sur l'élimination, 227, 488; rapports de Catalan, Folie et De Tilly sur sa seconde Note, 490; impression de celle-c bus Marchal (Edm.). — Secrétaire du jury du concours des cantates, 727. Marchal (Élie). — Révision des Hédéracées américaines (18 espèces nou- velles), 70; rapport de MM. Crépin, Morren et Gilkinet, 27, 28; rectifi- cation synonymique relative à celte Note, 514: avis de M. Crépin à ce t, 495 Mativa. — Hommage d'ouvrage, 5 Maus. — Rapports sur les travaux suivants concernant : 1? le téléphone, par M. Seria 16; 2° un compteur à secondes pour les moteurs, par M. Gérard, 21 ; commissaire pour une demande de l'Institution des ingénieurs mécaniciens de Londres relative à des expériences de méca- nique pratique, 307; rapport, 489; donne connaissance de la décision prise par la Commission dé jittoinérrés au sujet du oh de M. Melsens, 440. Melsens. — Rapports sur les travaux suivants concernant : 1° le télé- peus par M. Delsigé 21:52 pe RE A AE PE — M. Chevron, 29; concernant: 1? un nouveau pro cédé pour preodie l'empreinte des cachets et des es 506; he ture de son rapport, 744; 2» méthode de préparation des acides odig- 926 TABLE DES AUTEURS, drique et bromhydrique par M. Bruylants, 489; rapport, 745; 5» un microscope dioptrique, par M. Brachet, 744; résolution prise au sujet de son systéme de paratonnerres, 440 ; Note sur les mines de houille dans lesquelles on constate la présence du grisou, 502 (voir p. 49 Ministre de la Justice (M. le). — Hommage d'ouvrages, 108, 256, Ministre de l'Intérieur (M. le). — Hommage d'ouvrages, 108, 212, 226, 256, 297, 442, 486, 571, 728, 742, 829; demande l'avis de l'Académie au sujet : 1* de la station zoologique établie par M. Dohrn, à Naples, 506; lecture du rapport de la Commission sur cette demande, 744; 2» d'un procédé inventé par M. Roeckl pour prendre l'empreinte des cachets et des médailles, 506; lecture du rapport de MM. Stas et Melsens, 744; demande que l'Académie lui soumette des propositions relativement à la Ministre des Travaux publics (M. le). — idee une lettre relative aux expériences de M. Delarge sur le téléphone, 178; hommage d'ouvrage, 307. Moeller. — Hommage d'ouvrage, 488. Montigny. — Rapports sur les travaux suivants concernant : 1° le télé- phone, par M. Delarge, 21 ; 2° un microphone porte-voix, par M. Gérard, 181; commissaire pour les travaux suivants concernant : 1? les aéros- tats, par M. Van Weddingen, 181, 489; rapports, 228, 755; 2» les spec- wes des étoiles, par M. l'abbé Spée, 227 ; rapport, 520; 3° un Casse- n en verre argenté, par M. Ach. Brachet, 307; lectüre de son poni 490; la prédominance de la couleur bleue P les observa- tions de scintillation aux approches et sous l'influence de la pluie, 755. Morren. — Rapport sur un travail de M. E. Marchal sur les Hédéracées américaines, 28; commissaire pour une demande de M. le Ministre rela- tive à la station zoologique de Naples, 506 ; lecture d'un rapport collectif, 741; hommage d'ouvrages, 5 — — Présente un travail inci à navigation maritime à vapeur, N. Néve. — Lecture de son rapport sur les corrections apportées par M. de Ceuleneer à son mémoire concernant Septime Sévére, 852. Niesten. — Recherches sur les couleurs des étoiles doubles: 50 ; rapports de MM. Houzeau, Mailly et Liagre, 25, 27. Nolet de Brauwere van Steeland. — Les traducteurs du Dante Alighieri, Nypels. — Hommage d'ouvrage, 108, 850; élu directeur, 110. TABLE DES AUTEURS. 997 0. Observatoire de Melbourne. — Demande d'échange, 306. Oppert. — Hommage d'ouvrages, 850. P ann. — Hommage d'ouvrage, 3 Pii ing. — Fait appel aux astronomes pour l'observation des étoiles voisines du póle Nord, 487 inchart. — Commissaire pour l'examen du 6* rapport semestriel du lauréat Lauwers, 216; appréciation de ce rapport, 500; Note bibliogra- phique sur deux brochures de MM. Schuermans et Van de Casteele, 298; commissaire pour le mémoire de concours concernant la profes- sion de peintre en Belgique, 912. ti. — Commissaire pour les mémoires de concours concernant la pro- pagande des encyclopédistes français dans la province de Liége, 214; ae 596; élu membre pueris 15 ARE de di son élection, 828; remercie, ibid. ; commissaire pour des Notes de M. le si iia de Vua tenas y collections des sbicgil files de M. le baron de Stassar Planté. — Hommage ge ; 308. Plateau (F.). — Commissaire : fo pour une demande de M. le Ministre relative à la station zoologique de Naples, 306; lecture d'un rapport collectif, 744 ; 2 pour les travaux suivants concernant : a. le sang du bomard, par M. Fredericq, 180; rapport, 510; b. l'innervation respira- toire, par le méme, 180; rapport, 317; c. la structure de la glande de arder du canard domestique, par M. Mac Leod, 489; rapport, 749. Plateau (J.). — Un petit ane. se Portaels. — Com t la fession de peintre en Belgique, 912; € de sa proposition ds — rétrospective des beaux-arts en 1880, ibid. Postula. — Présente un travail concernant cà vibrations des cordes, 181; stained de MM. Montigny et Liagre, 2: Potvin. — Membre du jury du concours iv de littérature drama- tique en langue francaise, 107; quel est l'auteur de Li ars d'amour, de vertu et de boneurte?, 455; rapports de MM. le baron Kervyn, Bormans 928 TABLE DES AUTEURS. et Le Roy, 444, 446, 455; membre du jury du concours des cantates 727; hommage d'ouvrage, 850 Poullet. — Commissaire pour les mémoires de concours sur Jacqueline de Bavière, 214; rapport, 640. Preudhomme de Borre. — Hommage d'ouvrage, 745. R. Radoux. — Élu membre titulaire, 477; approbation royale de son élec- tion, 727 ; remercie, 728. Rahlenbeek. — Hommage d'un manuscrit concernant les relations des Belges avec l'Angleterre avant dot de Charles-Quint, 443. Rauïs. — Dépose un billet ca Renard. — Caractéres iique de la dolomite et de la calcite dans les roches calcaires et dolomitiques du calcaire carbonifère de la Belgique, 541; rapport de MM. Malaise et de Koninck, 492, 493 Reumont (de). — Hommage d'ouvrage, 109. Riedmalten Ws — Ho gi d'ouvrage, 442. ckl. — Sou un nouveau procédé pour prendre l'empreinte des acis et des refer Sol lecture du rapport de MM. Stas et Mel- sens, 744 S. Saltel. — Sur un paradoxe mathématique et sur un caractère de décom- position dù à la présence des lignes multiples, 184; avis de MM. Folie, De Tilly et Catalan sur ce travail, 181 Samuel. — Membre du jury du concours des cantates, 727. Saporta (Le comte de). — Hommage d'ouvrage, 2. Scheler. — Hommage d'ouvrage, 830. Schlaginweit (Ad. et Hermann von). — Hommage d'ouvrages, 179. Schleicher. — Hommage d'ouvrage, 179 ; nouvelles communications sur la cellule cartilagineuse vivante, 811; rapport de MM. Van Bambeke et Schwann, 751, 755. Schodt. — Moms d'ouvrage, 572. Schoy. — Hommage d'ouvrage, 298. Schuermans. — Hommage d'ouvrage, 298; Note bibliographique sur cette brochure, par M. Pinchart, ibid. TABLE DES AUTEURS. 929 Schwann.— Commissaire pour les travaux suivants concernant : 1° le sang * du homard, par M. gehn rieq, 180; rapport, ; 20 les muscles et les nerfs d erint rd, par MM. Frederieq et isnt a rapport, 746; sis la asap iciiugiienià vivante, par M. Schl , 489; rapport, é membre de la Société bone de Lid es, ram ie ys sociali (de). — Quatriémes additions au Synopsis des Calop- térygines, 549; sek verbal sur deux Notes de M. Dubois concernant es oiseaux nouveaux et la Faune de Belgique, busca mer v — Remercie ponr son élection d'associé, e Bal — Offre la fies et le livre com apes de son jubilé sua, 179. Société m sciences naturelles de Padoue. — Demande d'échange, 296. ipu littéraire de l'Université catholique de Louvain. — Adresse son me de concours pour , 257, d ro ik ape el de He m de Gand. — Adresse le a 142* exposition, 179. dert. — bid e un mémoire sur les mouvements relatifs de tous les astres du systéme solaire, 488. Spée (L'abbé). — Présente un travail sur les raies des spectres des étoiles P ; rapports de MM. Houzeau et Montigny, 518, 520. Spring. — 2: Nou visu sels basiques de mercure et cas d'isométrie du sul- fure de mercure, 515; rapport verbal de M. Stas, 491 Stas. — Élu directeur de la Classe des sciences, Pod 1880, 5; réélu la Commission papaning 489; nommé membre de la membre de 742; rapports sur les travaux suivants con- Société royale de Londres, cernant : 1° les M par M. herria , 28; 2° un nouv procédé pour prendre l'empreinte des cachets et des dallo ju 3° une nouvelle méthode di préparation des acides iodhydrique et bromhydrique, par M. Bruylants, pet 4° qu ER nouveaux sels basi- liques de sr etc., par M. Spring, Steichen. — Membre du jury du concours Des des sciences ne fi T. Terquem. — € d'ouvrage, 308. Thomson. — Remercie pour son élection =Z: 2; accuse réception de son diplôme, es hommage d'ouvrage ice — Notes bibliographiques sur " ouvrages suivants : 4° de Flach, 238; 2» de M. Dauby, 573. 950 TABLE DES AUTEURS. Tiberghien. — Hommage d'ouvrage, 237. Tilly (De). Remercie pour son élection de membre titulaire, 2; approba- tion royale, 178; hommage d'ouvrage, 226; commissaire pour l'examen des travaux suivants concernant: 1° l'élimination, par M. Mansion, 227, 488; rapport, 490; 2» les mouvements relatifs de tous les astres du système solaire, par M. Souillart, 488; 3° l'influence de la forme des masses, etc, par M. Lagrange, 743. Tinel. — Appréciation de ses deux 1*'* rapports trimestriels, 172; récep- tion de son 5* rapport, 911. Toreno (Le comte de). — Hommage d'ouvrage, 257. Trabaud. — Hommage d'ouvrages, 217, 297, 476. U. Université de NE — Annonce la célébration de son 400° anni- versaire de fondation, 7 X. Valerius. — Hommage d'ouvrage, 508. Van de Casteele. — Hommage d' ut 298; Note bibliographique sur cette brochure, par M. Pinchart, ibid 'andenpeereboom. — Hommage oria 442; élu correspondant, 726; remercie, 828. Van der EER — Rapports : 1° sur la 2° partie d'un travail de M. Lagrange concernant les mouvements astronomiques, 4, 14; commis- saire pour les travaux suivants : 1e de M. P. Souillart sur les mouve- ments relatifs de tous les astres du système solaire, 488; % de M. De Heen sur la dilatabilité des solutions, etc., ibid.; 9» de M. Lagrange sur l'influence de la forme des masses, etc., 7. : nouvelles applications de l'énergie potentielle des surfaces liquides, 326 Vandevelde. — Voir Fredericq (L.). Vreede. — Hommage d'ouvrage, 442. W. Wagener. — Hommage d'ouvrage, 212: rapports sur les travaux suivants de M. de Ceuleneer: 1° vases archaiques découverts à Girgenti, 851 ; 2» mémoire sur Septime Sévére, 832; commissaire pour les travaux ci- aprés du méme auteur : 1° découverte d'un tombeau pélasgique en Atti- TABLE DES AUTEURS. 931 que, 829; 2° sur le cours de l'Ilissus, sci ie age pour une Note de M. Galesloot concernant une tombe et villa de l'époque romaine, 445; rapport, 854; membre du jury du concours des cantates, 727. Waulers. — Wissant, l'ancien Portus Iccius, 111; commissaire pour les mémoires de concours concernant : 1° la propagande des encyclopé- distes francais dans Ja principauté de Liége, 214; rapport, 599; 2» Jac- hoi eline de Bavière, 214; rapport, 650; rapport sur un travail de M. Du- erger concernant l’ RN en Belgique, 841. Die ngen (Van). — Présente un travail e les aérostats, 181, 489; rapports de MM. Mon iios et Liagre, 228, 7 Weyr. — Hommage d'ouvrages, 487 Will Foral: — Lecture dè l'avis émis sur sa demande relative au règlement des grands concours decomposition musicale, 172, TABLE DES MATIÈRES. Anatomie. — Voir Histologie. Archéologie. — Note sur deux brochures relatives à Fancienne + verrerie lié Girgenti, par M. de Ceuleneer, 904: rapport de M. "ens 851; M. de Ceuleneer présente deux Notes concernant : 1^ un tombeau pélasgique découvert en Attique, 829; 2» le cours de bles. ibid. ; découverte d'une tombe romaine à Lovenjoul et Vestiges d'une villa romaine à Laeken, par M. Galesloot, 898; rapport de MM. le baron de Witte et Wagener, 854. Arrétés royaux. — M. le Ministre de l'Intérieur transmet les arrêtés royaux suivants : 1° nommant le jury du concours quinquennal des sciences mathématiques, 2, 178; 2» celui du concours triennal de lit- térature dramatique en langue francaise, 107 ; 3° nommant M. Leclercq, président de l'Académie, 178, 211, 216; 4° approuvant l'élection de membre titulaire de MM. De Tilly, Cornet, Radoux, Bormans et Piot, 178, 727, 828; 5» apportant des modifications au règlement des concours quinquennaux, 506, 442; 6° ouvrant le concours des cantates, 476; 7° nommant le jury de ce concours, 727 ; 8» modifiant le règlement du grand concours de composition inusicale, Astronomie, — Rapports sur la 2* dire: aun travail de M. Lagrange concernant les mouvements astronomiques, 4, 12, 14, 15; recherches sur les couleurs des étoiles doubles, par M. Niesten, 50; rapport sur ce travail, 25, 27; M. l'abbé Spée présente un travail sur le déplacement des spectres des étoiles, 227; rapports de MM. Houzeau et Montigny, 318, 520 (impression dans les Mémoires in-8°); M. Van Ertborn pré- sente une Note avec figures (opposition de Mars en 1877), 227; rapport de MM. Houzeau et Liagre, 325 (impression dans les Mémoires in-4°) ; Note sur le système stellaire 40 o? Eridani, par M. Cruls, 255; rapport TABLE DES MATIÈRES, 955 sur ce travail, 229; appel fait aux astronomes pour l'observation des étoiles voisines du póle Nord, 486; M. Souillart présente un Mémoire sur les mouvements relatifs de tous les astres du système solaire, 488. Voir Météorologie et Physique. Beaux-arts. — Voir ess (grands), Musique et Concours de la Classe des beaux- Bibliographie. — red sur les ouvrages suivants : 1° de M. Folie con- cernant la théorie des faisceaux , 180; 2» de M. Flach sur la Table de bronze d'Aljustrel, 258; 5° de M, di Giovanni relatif au P, € Romano, professeur de philosophie à Palerme, 259; e M. Dauby sur les causes et les conséquences des gréves, rogi de M, Frederieq concernant ied de Belgique, 851; de M. Buroni sur les études philosophiques, 855, Billets UE a r par MM. Le Paige, 179; Brachet, 307, 487 ; Rauis, ibid. ; Err Biographie, — Vac € aphie et Commission de la Biographie. Biologie. — Demande de M. Dohrn relative à la station qu'il a établie à Naples, 506; lecture du rapport de la Commission, 744. Botanique. — Révision des Hédéracées américaines. Espéces nouvelles, par M, Élie Marchal, 70; rapport de MM. Crépin, Morren et Gilkinet, 27, 28 ; rectification relative à cette Note, 514; avis de M. Crépin, 495. Voir bi ologie. €. Caisse centrale des artistes, — Pension accordée, 172; situation pot nistrative et financiére de la Caisse pour 1878; Laurie par MM. Alv et Fétis, 217, 731 Chimie. — Analyse des superphosphales, par M. Chevron, 96; rapport de MM. Stas et Melsens, 28, 29; sur quelques nouveaux sels basiques de mercure et sur un cas d'isomérie du sulfure de mercure, par M. W. Spring, 515; rapport verbal de M. Stas, 491 ; méthode de prépara- tion des mién iodhydrique et bromhydrique, par M. Bruylants, 767 ; rt de MM. Stas et Melsens, 745. Voir Numismatique et Physique. Commission : RovaLE p'uisromE. Envoi de livres, 237. — POUR LA LISTE DES OBJETS D'ART A REPRODUIRE PAR LES LAURÉATS DES GRANDS CONCOURS Communications relatives à la rédaction de cette liste, 502, PARATONNERRES. Résolution prise relativement au nouveau SS de zo txt, TOME XLVII. 954 TABLE DES MATIÉRES. M. Melsens, 440. — ApuixisTRATIVE.. MM. Stas, Faider et De Busscher, réélus membres, 488, 574, 728. — POUR LA PUBLICATION D'UNE COLLECTION DES GRANDS ÉCRIVAINS. Hommage du volume de la nouvelle série des Trouvéres belges, — DE LA BIOGRAPHIE NATIONALE. Rapport annuel pour 1878-1879, par M. Édm. De Busscher r, 644. Concours de la Classe des beaux-arts. — Commissaires pour le mémoire concernant la profession de peintre en Belgique, 912. Concours de la Classe des lettres. — Mémoires recus et nomination des commissaires, 110, 215; rapports de MM. Le Roy, Piot et Wauters sur Kervyn sur les mémoires concernant magy de Bavière, 650, 6 - 642; proclamation des résultats, 629, 642, Concours de la Classe des sciences. — eint pour 1880 et ques- tions pour 1881, Concours (gr min. Ps de Rome. — ScurPrunE. Pension accordée au lauréat De Jans , 216; réception du 2* rapport du lauréat Dillens, 216 ; lecture de l'appréciation faite par MM. Geefs et Fraikin , 731, 91 réception du 11° rapport du lauréat Cuypers, 916. — PENRE bélüie de l'appréciation faite des deux premiers rapports du lauréat Tinel, 172; réception du 5° rapport du méme lauréat, 941 ; suite donnée à la requête du Willems-Fonds, 172; modifications au règlement, 727. — Gravure. Réception du 6* rapport du lauréat Lauwers, 216; appré- ciation de ce rapport, 500, 475. Concours des cantales. — Arrêlé royal ouvrant ce concours, 476; candi- datures pour pe UREE dujury, 477; membres du jury, 727; liste des cantates, Concours iiih gassho: — SCIENCES MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. Jury 6* période, 2, 178; arrêté royal permettant d'admettre au concours les ouvrages écrits en langue néerlandaise, 506, 442. Concours triennaux de littérature dramatique. — LANGUE FRANÇAISE. Jury dela 7* période, 107; M. Claes, lauréat, 723. D. Dons. — Ouvrages : par l'Académie des inscriptions et belles-lettres de Paris, 109; par MM. Arnould, 488 ; Dambeke (Van), 508; Bamps, 829; cn 745; Beckh Lee et Bluntschli, 442; Bormans, 108; Brassart, 572; Buroni, 830 ; Carrara, 442 ; Castan, 298; Near 236; nl lalervatióngd des Américanistes , 829 ; labe: 57 e Doss, 171, de Koninck (fils), 179; de Witte, 212, 257, 830; P RD P ; [ : / TABLE DES MATIÉRES. : 955 109; Faider, 212, 571; Flach, 257; Folie, 179, 180; Franck, Ad., 212; Fredericq, 850, 851 ; M e 257 ; Génard; le e bk Gosselet, 227; Gozzadi 442, 445; Free 171, 298; Henry, 2 holt, 830; dune de bie ud bao (de), 108; Lee d 850; Lefèvre, ir m 5; Lenor , Ch., 212; Lenormant, Fr., 572, 850; Liagre Ae "wai, 416; Ma E 742; Mativa, 3; Ministre de la Mas ; Ministre de l'Intérieur, 108, 212, 226, 25 ES. dodi 442, 486, P "s 742, 829; Ministre des Travaux publics, Preudhomme de Borre, 145; Reumont (de), 109; Riedmatten (de), 442; Saporta (de), 2; d 57 » ea 179; Sebleie her, 179; Schodt (De), 5 98 t de Sciences de is phe Ter rquem, 508 ; Thomson, 179; ed 251; Tilly (De), M. Toreno (de), 957; T ipii 217; Va lerius, 508; Yan de torse 298; pr ares om, 442; Vreede, 442; Wagener 212; Weyr, 487. — Carte, par M, Goebel, bn — Manuscrit par M. Rahlenbeek, 445. — Médaille, par la Société des arts et des sciences de Batavia, 179 E. Élections et nominations. — Président de l'Académie, 178, 214, 216; e ud des trois Classes : sciences, 5; lettres, 110; heaux-arts, 171, e bar 477 178, 727, 828; MM. Lamy, Henrard et Vandenpeereboom élus corres- pondants, 726, 828; MM. Slas, Faider et De Busscher réélus membres de la Commission administrative, 498, 574, 728; MM. Stas et era nommés spesa a Société R. de Londres, 742, Voir Arrélés Épigraphie cn -- Voir Bibliographie. Exposition nationale de 1880. — M. Liagre délégué auprès du Groupe de l'Easeignement, 742, 828, 911; eei rétrospective des œuvres des artistes belges, 1850-1880, 912. G. Géographie. — Wissant, l'ancien Portus lecius, par M Wauters, 111. Géologie et paléontologie. — Sur un envoi d'ossements de cétacés fossiles de Croatie, par M. P.-J. Van Beneden, 185. Voir Chimie, Minéralogie et Physique. 956 TABLE DES MATIÉRES. H. Histoire. — Questionnaire relatif aux faits historiques se rattachant à Saint-Martin, de Tours, 109; M. de Ceuleneer présente une nouvelle rédaction de son mémoire couronné sur Septime Sévére, 110; lecture des rapports sur ce travail, 852; une fausse bulle du pape Étienne VII. Rapport sur cinq titres de l'abbaye de Brogne, par M. Bormans, 271; la vie et l’œuvre du congrès national de 1850; discours par M. Leclercq, 652; M. le baron Kervyn de Lettenhove présente un travail sur les autographes de M le baron de Stassart , 829 ; l'inquisition en Belgique, par M. Duverger, 865; rapports de MM. Gachard, Kervyn et Wauters, 852, 841. Voir Archéologie, re Concours de la Classe des lettres et ciences morales et politique Histoire littéraire. — Quel est uda de Li ars d'amour, de vertu et de boneurté? par M. Ch. Potvin, 455; rapports sur ce mémoire, 444, 446, Voir Concours de la Classe des lettres. Histologie. — Structure de la glande de Harder du canard domestique, Leod, 797; rapport de M F. Plateau et Éd. Van Beneden, 749, 751 ; nouvelles communications sur la cellule cartilagineuse vivante, par M. Schleicher, 811; rapport de MM. Van Bambeke et Schwann, 751, 753 M. Mathématiques pures et appliquées. — Paradoxe mathématique, et nou- veau caractère de décomposition dû à la présence des lignes multiples, par M. Saltel, 184; avis favorable exprimé sur ce travail, 181; M. Man- sion présente plnsieurs Notes sur l'élimination, 227, 488; rapports de M. Catalan, Folie et De Tilly, 490; impression de la 24e Note, 55 Mécanique. — Compteur à secondes servant à contrôler la vitesse des moteurs, par MM. Valisse et Gérard, 47; rapport sur celte note, 21; demande de l'Institution des Ingénieurs mécaniciens de Londres, 307; ecture du rapport de M. Maus sur cette demande, 489; remerciments de l'Institution précitée, 743. Voir Bibliographie et Physique. Mécanique céleste. — Voir Astronomie. Méteorologie. — Prédominance de la couleur bleue dans les observations de scintillation aux approches et sous l'influence de la pluie, 755. TABLE DES MATIÉRES. 957 Minéralogie. — Sur les minéraux belges (la Carpholite et la Rhodocro- site), par M. de Koninck, fils, 564, 568; rapport de MM. Malaise et Cornet, 491 ; caractères distinetifs de la dolomite et de la calcite dans les roches calcaires et dolomitiques du calcaire carbonifère de la Bel- gique, par M. Renard, 541; rapports de MM. Malaise et de Koninck, 492, 495; sur Reese ou E et sur l'eau arsenicale de Court St tenut; par M. Ma Musique. — Demande de M. a Pae relative à la publication des œu- vres des anciens compositeurs belges, 910. N. Nécrologie. — Annonce de la mort de MM. Gervais, 226 ; Dove. Numismatique. — M. le Ministre demande l'avis de Yi adiu sur un nouveau procédé pour prendre l'empreinte des cachets et des médailles inventé par M. Roeckl, 306; lecture des rapports de MM. Stas et Mel- sens, 744, i o. Ouvrages présentés. ieu: 175; février, 218; mars, 502; avril, 477 ; mai, 791; juin, P. Philosophie. — Le mécanisme et la liberté, par M. Le Roy, ce note sur plusieurs écrits de M. le professeur J. Buroni, de Turin, Voir Bibliographie. Physiologie. — Note sur le sang du homard, par M. L. Fredericq, 409; rapports sur ce travail, 509, 510; sur la théorie de l'innervation respira- toire, par le même, 415; rapports sur ce travail, 514, 317; physiologie des muscles et des nerfs du homard, par MM. Fredericq et Vandevelde, 777 ; rapport de MM. Schwann et P.-J. Van Beneden, 746, 748. Physique. — Sur le téléphone x dans le voisinage des lignes télé- graphiques ordinaires, par M. Delarge, 54; rapport sur ce travail, 16, 91 ; réponse de M. le Ministre des Dn publies à ces rapports, 178; M. Van Weddingen présente un travail concernant la direction des aérostats, 181, 489; Sc let sur cette Note, 228, 229, 755; rapport de M. Montigny sur une Note de M. Gérard concernent un anum porte-voix, 181; M gees ie les travaux suivan 1 Cassegrain en verre argenté, ete., 307; lecture du rapport de M. re 958 TABLE DES MATIÉRES. tigny, 490; 2» concernant un microscope dioptrique, 744 ; nouvelles applications de l'énergie potentielle des surfaces liquides, par uM r Mensbrugghe, 326; un petit paradoxe (mouvement A par EE Plateau, 346; SR prise par la Commission des paraton- nerres relativement au nouveau système de M. Melsens, 440; M De ‘Heen présente un travail sur les solutions salines et les liquides orga- niques, 488 ; irruptions posce du grisou dans les travaux d'exploitation e la houille, par M. Cornet, 495; sur les mines de houille dans sert on constate la Poi du grisou, par M. Melsens, 502; M. Lagrange présente un travail concernant l'influence de la forme des masses, etc., 745. Poésie, — Les traducteurs du Dante aux Pays-Bas, par M. J. Nolet de NE van Steeland, 241; programme de concours de l'Académie ont-Réal, à Toulouse, 145. Es académiques. — Demandes d'échange, 226, 306. S. Sciences morales et politiques. — M. Rahlenbeek fait hommage d'un ma- nuscrit concernant les relations politiques et commerciales des Belges avec l'Angleterre jusqu'à l'avénement de Charles-Quint, 445. Voir Bibliographie. Z. Zoologie. — M. P.-J. Van Beneden présente un mémoire sur les orques observés dans les mers d'Europe, 180; leeture des rapports sur ce travail, 228; quatriémes Additions au Synopsis des Caloptérygines, par M. Edm. de Selys Longchamps, 549; description d'oiseaux nouveaux et bui sur la Faune de Belgique, par M. Dubois, 825, 827 ; rapport erbal de M. de Selys Longchamps, 755. vole Géologie, Biologie, Physiologie et Histologie. TABLE DES PLANCHES. 110, Environs de Boulogne (carte). He Le Pays entre Wissant et Guines (carte). 9. Graphique de la pie chez un lapin M par le chloral. 5 m Calcite et dolom i Glande de ime: då canard domestique. . Vases archaïques trouvés à le (2 planches). Sin Made de l'époque romain ERRATA. Page 507, ligne 25, au lieu de : Note sur un casse- grain, lire : Note sur un Casse €: — 666, ligne 9, au lieu de : gardien dies + adilion et condition ento lire : gardienne des tradi- le. — 675, ligne 8, au lieu de : | is ranges conséquenses, lire : pris tirer de si étranges con- séquen