NOUVELLES ARCHIVES

DU MESEUM

D'HISTOIRE NATURELLE

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NOUVELLES ARCHIVES

À DU MUSEUM LAN . 4 \!

D'HISTOIRE NATURELLE DE PARIS

PAR MM. LES PROFESSEURS-ADMINISTRATEURS

* : : DE CET. ÉTABLISSEMENT

TOME PREMIER PREMIÈRE ANNBE

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e , 4 EDITE PAR Le GUERIN DÉPOT ET VENTE A LA

LIBRAIRIE THÉODORE MORGAND, 5, RUE BONAPARTE

1869

AVERTISSEMENT

Les publications faites par l'administration du Muséum d'Histoire naturelle remontent à 4802. Elles se composent de quatre recueils qui ont paru successivement sous les titres d'Annales, de Mémoires, de Nouvelles Annales et d’Archives: elles forment 55 volumes in-4°, dont le dernier date de 1862.

Grâce à la bienveillante sollicitude de M. le Ministre de l’instruc-

tion publique, nous reprenons aujourd’hui ces publications, et les Mou-

velles Archives dont nous donnons aujourd’hui le premier fascicule formeront chaque année un volume. Le plan adopté pour ce recueil est le même que celui que Cuvier, peu de jours avant sa mort, déve- loppa dans l'Avertissement placé en tête des Nouvelles Annales du Mu- séum. Mais afin d'éviter les lenteurs que l'impression des travaux d'une grande étendue apportait souvent dans la publication des Notices sur les objets nouveaux dont nos galeries s’enrichissent journellement, et dont il importe de donner promptement connaissance aux Natura- listes, nous avons cru devoir introduire quelques changements dans la distribution des matières. Chaque volume est divisé en deux parties, dont l’une est consacrée aux Mémoires, dans lesquels les Professeurs

ou les autres Naturalistes, attachés au Muséum, exposent les résultats

AVERTISSEMENT. de leurs recherches, et dont l’autre, sous le titre de BULLETIN, com- prend les rapports sur les collections, des extraits de la correspondance des voyageurs du Muséum, des descriptions sommaires d'espèces nouvelles ou peu connues, et quelques autres articles du même ordre. Chacune de ces parties est accompagnée de planches toutes les fois

que la nature des travaux le comporte,

+ Ce 20 avril 1865.

NOMS MM. LES PROFESSEURS-ADMINISTRATEURS

DU MUSEUM D'HISTOIRE NATURELLE

PAR ORDRE D'ANCIENNETÉ.

CHEVREUL. ...... Professeur de Chimie appliquée aux corps organiques. 1830.

FLOURENS. :..... Id. de Physiologie comparée. 1832.

VALENCIENNES. .. Id. de Zoologie (Moll., Annel. et Zooph., 1832.

BRONGNIART. .... Id. de Botanique. 1833.

BECQUEREL....,. Id. de Physique appliquée. 1838.

DRE: ciiussrs Id. d'Anatomie comparée. 1839.

MiLxe-EnwaRDs. id. de Zoologie { Mamm. et Oiseaux) ; chargé de la Direction de j la Ménagerie. 1841.

DECAISNE ..….. Id. de Culture. 1850.

PREMT issued Id. de Chimie appliquée aux corps inorganiques. 4850.

DE QUATREFAGES. Id. d’Anthropologie. 1855.

DUSRRIL. 5... Id. de Zoologie {Rept. et Poiss.) 1857.

Mise cCoiie 5 Id. de Physique végétale. 1857.

DELAFOSSE . ..... Id. de Minéralogie. 1857.

DAUBRÉE......,. Id. de Géologie. 1861.

D'ARCHIAG. , 4. Id. de Paléontologie. 1861.

BLANCHARD. .... I. de Zoologie (Insectes et Crustacés). 1862.

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MÉMOIRE

SUR LA DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE

DES ANNÉLIDES

M. À. DE QUATREFAGES

Depuis le Système des Annélides de Savigny (1820), et les Additions faites par M. Milne Edwards à la seconde édition de Lamarck (1838), M. Grube est le seul naturaliste qui ait cherché à résumer l’état de nos connaissances sur la classe des Annélides !. Ses Familles des Annélides (1851) seront toujours consultées par les savants qui s’occuperont de ce groupe. Mais, d’une part, l’ouvrage de Grube n'est qu'un catalogue raisonné, et, d'autre part, d'importantes publications avaient eu lieu depuis cette époque. En outre, une foule de documents sont dissé- minés dans un grand nombre de recueils ou de publications particu- lières. Il était devenu vraiment nécessaire, ce me semble, de réunir

1. La classe des Annélides, telle que je la comprends, ne renferme que les Annélides er- rantes et tubicoles des auteurs. Les Sangsues et les Lombrics n’en font pas partie. J'ai exposé ailleurs avec détails les môtifs de cette manière de voir. (Annales des sciences naturelles, Note sur la classification des Annelés et Mémoire sur les affinités des Sangsues et des Lombrics.

LA 4

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en un corps d'ouvrage proprement dit un ensemble de faits qui, par leur accumulation même, et surtout par leur dispersion, devenaient embarrassants et perdaient de leur valeur. C'est ce que je me suis eflorcé de faire, en y ajoutant les matériaux originaux dont je disposais.

Ces matériaux sont de deux sortes. D'une part, M. Valenciennes a bien voulu mettre à ma disposition, avec une libéralité dont je suis heureux de lui témoigner ici ma gratitude, la magnifique collection qu'il'a créée au Muséum. Cette collection copte aujourd'hui environ 700 bocaux dont un grand nombre renferment plusieurs individus. J'y ai trouvé une foule d'espèces, de genres et même de types entièrement nouveaux. C’est dire combien était riche la mine que j'ai pu exploiter, grâce à mon savant et obligeant confréret. |

D'autre part, le lecteur se rappelle peut-être que les Annélides ont toujours été pour moi un sujet d’études de prédilection. Malgré d'assez nombreuses publications sur ce sujet, j'avais encore en porte- feuille bien des notes, bien des dessins 2. Ces matériaux m'ont été fort utiles, surtout pour la partie anatomique et physiologique d’un livre que je compte faire paraître prochainement, partie à laquelle j'ai donné beaucoup de développements. Ils m'ont, en outre, fourni les planches d’un atlas presque exclusivement composé de figures faites sur le vivants, et qui, à ce titre, présentera, j'espère, quelque intérêt aux naturalistes. |

1. On sait que je ne suis pas le seul à qui M. Valenciennes ait rendu un semblable service, La collection des Vers intestinaux, également créée par cet honorable et zélé professeur, celle des Oursins, qui égale aujourd'hui à elle seule l’ensemble de toutes celles qui existent en Europe, ont été livrées par lui avec la même générosité à MM. Dujardin et Agassiz. On sait aussi que ces deux naturalistes, venus à Paris avec des ouvrages qu’ils croyaient terminés, se sont vus obligés de les refaire, tant les objets réunis par M. Valenciennes étaient importants et nombreux.

2. J'ai rapporté aussi de mes diverses courses un grand nombre d’Annélides conservées dans l'alcool, et qui ont été déposées dans la collection du Muséum.

3. Deux figures seulement, représentant une Aphrodite et une Hermione, ont été faites d'après des individus conservés dans l'alcool, et ces espèces n'ont pu Subir que peu ou point d'altération. :

QUATREFAGES. SUR LES ANNÉLIDES. 3

Grâce à cet ensemble de circonstances, j'étais certain, dès le début de mon travail, d’avoir, sur mes devanciers, au moins cet avantage, qu'aucun d'eux n'aurait pu passer en revue un aussi grand nombre d'espèces. Je m'étais promis d'en profiter pour faire, de la distribution géographique de ces espèces, l'objet d'une étude détaillée, car la science ne possède encore aucune donnée sur cette question. Mais un fait que mes recherches personnelles m'avaient déjà conduit à ad- mettre et que tout est venu confirmer m'a forcé de modifier sur ce point mes intentions.

Les espèces de la classe des Annélides sont beaucoup plus diver- sifiées, beaucoup plus multipliées surtout qu'on ne le pense générale- ment. Nous n’en connaissons encore que la plus faible partie, parce que les difficultés que présentent la capture et la conservation de la plupart d’entre elles ont trop souvent empêché les voyageurs de chercher à les recueillir. La magnifique publication de M. Schmarda, les remarqua- bles collections rapportées par l'£Eugenia, et que M. Kinberg a com- mencé à faire connaître, sont pour justifier tout ce que j'ai dit depuis si longtemps à ce sujet, pour montrer quelles riches récoltes atten- dent ceux dont l'attention se dirigera vers ce groupe trop négligé.

Ce défaut de connaissance des espèces rendrait prématurée toute tentative qui aurait pour but d'examiner d’une manière détaillée la répartition géographique des Annélides. Mais peut-être fait-il mieux ressortir quelques lois générales parmi lesquelles il en est qui sont d'autant plus importantes à signaler, qu'elles contrastent d'une manière frappante avec quelques-uns des faits les plus universellement con- statés dans les autres groupes. Ce sont ces résultats généraux d’une étude bien longue et bien minutieuse sur lesquels je voudrais appeler un moment l'attention.

I. Dès 1850 !, j'ai cherché à montrer que les Annélides étaient,

4. Mém. sur la fam. des Polyophthalmiens (Ann. des sc. nat., sér., t. XII).

h NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

dans les eaux salées, les représentants géographiques des Naïdiens et des Lombriciens, groupes qui tous deux appartiennent essentiellement aux eaux douces. Depuis cette époque, je ne crois pas qu’il ait été fait d’objections à ce fait général. Pas une Annélide errante ou sédentaire n’a encore été signalée, que je sache, comme habitant les eaux douces, et si cette règle, jusqu'ici absolue, doit un jour présenter des excep- tions, on peut, dès à présent, affirmer que ces exceptions seront fort peu nombreuses. La réciproque ne paraît pas aussi rigoureusement vraie. Cependant il y a, ce me semble, à faire quelques observations à ce sujet. Sans doute bien des espèces désignées par les anciens auteurs sous les noms génériques de Lumbricus et de Naïs ont été, à diverses reprises, indiquées comme habitant les eaux salées; mais la plupart ont été depuis longtemps retirées de ces genres et des groupes élevés dont ils sont devenus les types. Je me bornerai à citer l’Arénicole des pêcheurs (Lumbricus marinus, Linné) devenu à juste titre le type d’une famille des Annélides errantes. En sera-t-il toujours ainsi? et tous les Lombrics, toutes les Naïs décrites par des auteurs plus récents comme espèces marines devront-ils de même aller prendre place dans quel- ques familles d’une autre classe que celle des Érythrèmes? Je ne sais trop qu'en dire. Pour mon compte. je n’ai jamais rencontré un seul Lombricien, un seul Naïdien dans mes recherches de zoologie ma- rine, et j'ai cependant examiné à ce point de vue bien des petites espèces. Je suis très-loin de vouloir, pour cela, nier les faits publiés par mes confrères. En particulier, les observations de M. Claparède sur ses Pachydrilus et sur le Clitellio arenarius! me paraissent présenter tous les caractères de l'exactitude. Mais peut-être reste-t-il à s'assurer de l'état des rivages Fon a trouvé ces représentants d’un type incon- testablement destiné à se développer dans des conditions différentes. Une source venant sourdre sur un point de la côte, une nappe

1. Études anatomiques sur les Annélides, Turbellariés… observés dans les Hébrides (Mém. de la Soc. de Genève, t. XN1).

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d’eau douce s’écoulant entre deux couches de rochers pourraient fort bien expliquer la présence de certains Scoliciens sur les bords de la mer, sans que ces espèces fussent pour cela des animaux marins. J'appelle sur ce point de géographie zoologique l'attention des natu- ralistes placés dans des conditions favorables pour léclaircir définiti- vement.

En tout cas nous connaissons aujourd’hui un assez grand nombre d’Annélides et d’Érythrèmes pour pouvoir affirmer que si cette der- nière classe a quelques-uns de ses représentants dans la faune marine, ces représentants ne peuvent qu'être excessivement rares.

Tout confirme done, ce me semble, le rôle que j'ai indiqué comme joué par ces deux groupes au point de vue géographique.

II. La classe des Annélides a des représentants dans toutes

les mers du monde, et ce fait n’a rien que de très-naturel. En cela elle rentre dans la règle commune. Il n’est guère plus surprenant de trouver aussi, sur tous les rivages qui ont été explorés, des espèces appartenant aux deux ordres qui la composent, les Annélides errantes et les Annélides sédentaires.

Mais le cosmopolitisme des types les plus inférieurs est fait à bon droit pour surprendre. Sur ce point, la classe des Annélides se dis- tingue de toutes celles dont on a étudié la distribution géographique.

Ce cosmopolitisme est tel qu'il n’est peut-être pas un seul genre un peu important qui ne compte déjà quelques espèces venues des contrées les plus éloignées du globe. Tout autorise à penser que, lorsqu'on connaîtra mieux les espèces, il se trouvera que presque tous les genres méritent d’être regardés comme cosmopolites, ou seront au moins répandus sur de très-vastes espaces.

Ce fait devient plus frappant encore quand il se manifeste dans un de ces genres qui présentent des caractères exceptionnels tels qu'ils obligent parfois à créer une famille pour eux seuls. Tel est le genre Chétoptère. On a cru d’abord qu'il appartenait exclusivement aux por-

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tions les plus chaudes de l'Océan américain; aujourd'hui on en connaît des espèces qui vivent dans les mers de Norwége, et d’autres qui habi- tent les côtes de France et d'Angleterre. Tels sont encore les Hétéro- néréidiens, les Hétérotérébelliens, les Hétérosabelliens 1, groupes qui semblent créés exprès pour donner un démenti aux règles les plus générales de la morphologie de la classe entière, et dont les représen- tants se sont trouvés partout on les a cherchés jusqu'ici, dans les mers de l’Inde comme sur les côtes de la Normandie.

HT. Cette tendance à la diffusion, si manifeste dans les genres et jusque dans les sous-genres, rend d'autant plus frappante la ten- dance au cantonnement qui apparaît non moins clairement dans les espèces. Je dois d'autant plus insister sur ce fait que la croyance du contraire me semble dominer encore chez un grand nombre de natu- ralistes.

On sait comment on a cru retrouver, sur les côtes occidentales de la France, sur celles des Iles-Britanniques et jusque dans la Méditer- ranée, presque toutes les espèces découvertes, au Groënland ou sur les côtes du Danemark, par Fabricius et O. F. Muller. Eh bien! c’est à peine si nous en possédons quelques-unes sur nos côtes mêmes de l'Océan. Les types du Nord que j'ai à l’obligeance de M. Steen- strup m'ont permis de constater ce fait dans bien des circonstances. Je me bornerai à en citer un exemple frappant. C’est à peine si, sur les très-nombreuses Térébelles que j'ai rapportées de mes courses, il en est une que j'aie pu regarder, et encore avec doute, comme étant la véritable Mereis conchilega que Pallas trouvait abondamment sur les côtes de Hollande.

Il est vrai que, dans certains cas, il est permis de conserver des doutes sur cette non-identité. Nous connaissons encore bien peu les Annélides; nous ne savons presque rien de leurs métamorphoses, de

1. J'ai proposé ces deux dernières divisions pour des Térébelliens anormaux qui sont, pour ainsi dire, les termes réciproques correspondants des Hétéronéréidiens.

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leur développement surtout. À plus forte raison n'aVOns-nOus pu ap- précier encore les changements que la même espèce peut subir en changeant de milieu; en d’autres termes, nous n'avons aucune donnée sur les variétés et les races qui doivent se rencontrer ici comme dans tous les groupes animaux. Il est donc fort possible que l'analyse dé- taillée à laquelle la science actuelle soumet ces habitantes des mers. grossisse, pour ainsi dire, les différences et entraîne parfois à séparer ce qui devrait rester uni.

Toutefois, dans un milieu à conditions aussi constantes que celles qu'on trouve dans la mer, les causes de variations doivent être moin- dres que celles qu’on rencontre sur terre, €t peut-être est-il permis de penser que les différences d’individu à individu doivent être moin- dres ici que chez les animaux aériens et terrestres. Je reviendrai du reste sur cette question en traitant de la Morphologie générale des Annélides.

Jci je me bornerai à conclure que le cantonnement des espèces, chez les Annélides, me paraît un fait général, bien que renfermé dans certaines limites et présentant quelques exceptions apparentes.

IV.— La question des limites ne peut encore être abordée dans ses détails. Les recherches sur point pourront se faire que lorsqu'on connaîtra bien plus complétement qu'aujourd'hui cette partie de Ja faunè marine. Je me bornerai done à signaler un fait qui résulte de mes dernières recherches. Sur un assez grand nombre d'espèces que j'ai pu comparer, je n’en ai pas trouvé une seule qui appartint à la fois à la Méditerranée et à l'Océan. En particulier pas une seule des espèces recueillies sur nos côtes occidentales, dans l'espace compris entre Bou- logne et Saint-Sébastien, ne s'est retrouvée sur nos côtes méridionales non plus que sur les côtes d'Italie.

Il est, d’ailleurs, évident que cette différence entre les faunes des deux mers doit cesser ces mers se joignent, et je suppose que les Annélides de Cadix et de Gibraltar doivent présenter plusieurs espèces

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identiques. Toutefois, telle est, ce me semble, la tendance à la spécia- lisation des faunes pour les Annélides, qu'une comparaison faite à ce point de vue entre ces deux localités me semblerait vraiment intéres- sante à tenter.

De l’ensemble de mes observations, je crois pouvoir conclure que le nombre des espèces communes à deux continents, à deux hémi- sphères, aux mers orientales et occidentales d'un même continent... s'il n’est pas absolument nul, sera toujours excessivement restreint.

Je suis, en outre, convaincu que la connaissance plus complète des espèces et de leur habitat, conduira à restreindre considérablement ces limites. En fait, l'exemple bien avéré de la dissémination la plus étendue que je connaisse m'a été présenté par une jolie espèce nou- velle de Sabelle (S. verticillata Q.) que j'ai souvent trouvée sur nos côtes, en particulier à Bréhat, et dont le Muséum possède des échantillons apportés de Ténériffe. Cet habitat comprend un intervalle de 32° environ du nord au sud. Mais peut-être cette extension s’explique-t-elle par des circonstances se rattachant à d’autres faits dont il me reste à parler.

V. J'ai dit plus haut que la loi de cantonnement présentait quelques exceptions. En réalité, je n’en connais qu'une seule à la fois très-remarquable, et dont la cause me semble facile à reconnaître. J'ai trouvé deux fois dans la rade de Saint-Jean de Luz l'Eunice de Rous- seau, superbe espèce, originaire du golfe du Mexique; mais sx pré- sence sur nos Côtes s'explique, ce me semble, aisément. Cette espèce très-grande, très-forte, à locomotion énergique, a des habitudes pélas- giques. Il me semble évident qu'elle est arrivée jusque dans nos mers, amenée par le Gulf Stream, dont elle a suivi le courant, et que quel- que accident laura jetée au fond de la baie de Biscaye. Du moins ne l'ai-je trouvée que mutilée. Ce que j'en ai recueilli n’était en réalité que des tronçons consistant, l’un en une quarantaine d’anneaux anté- rieurs avec la tête, l'autre un peu plus considérable, mais appartenant à la région moyenne du corps... etc,

QUATREFAGES. SUR LES ANNÉLIDES. 9

VI. Du cosmopolitisme plus ou moins complet des types secon- daires, tertiaires, etc., chez les Annélides, il résulte que les grandes faunes régionales et celles même des grands centres de création, ne sont plus caractérisées dans cette classe par des familles ou méme par des genres se représentant, pour ainsi dire, les uns et les autres, comme -_elles le sont dans toutes les autres classes dont la distribution géogra- phique a été étudiée.

Les termes correspondants géographiques n’en existent pas moins chez les Annélides, mais il faut descendre jusqu'aux espèces pour les ren- contrer. C’est un fait qu'on peut déjà reconnaître, et qui ressortira, je crois, de plus en plus, à mesure qu’on connaîtra mieux cette classe intéressante à tant de titres. Ainsi il est évident que les deux grandes espèces d’Eunices qui habitent, l’une la mer des Indes (E. gigantea, Cu- vier), l'autre la mer des Antilles et le golfe du Mexique (£. Roussæi Q.*), se représentent réciproquement dans les deux océans. Ainsi les Ser- pules à opercule cartilagineux, hérissé de pointes mobiles, découvertes sur lés côtes de la Nouvelle-Hollande (G. galeolaria, Lam., Blainv.), sont représentées dans la Méditerranée par des espèces presque sem- blables (G. eupomatus, Philippi ?). Ainsi encore, le type des Sabelles à cirrhes branchiaux réunis par une membrane jusqu'à l'extrémité, se retrouve sur les côtes d'Angleterre et sur celles d'Italie, mais repré- senté par deux espèces bien distinctes, quoiqu’elles aient été confon- dues à cause de la modification spéciale que présente ici l'organisation _des Sabelles (S. infundibulum, Montagu, Delle Chiaje).

VII. Il est encore un point essentiel sur lequel les Annélides semblent s'écarter de ce qu’on a constaté chez d’autres animaux terres- tres ou marins, en particulier chez les Crustacés. Il résulte, en effet, des

4. Ces deux espèces avaient été confondues par Cuvier et ses successeurs. Elles sont cepen- dant parfaitement distinctes. 2. Ces deux genres qui, en tout cas, ne devraient en former qu’un seul, ne sont pour moi qu'un sous-genre ou une section du genre Vermilie. L. 2

10 ) NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM,

belles recherches de M. Edwards sur la géographie de ces derniers, que les faunes boréales sont caractérisées par le petit nombre des genres, que compense l'abondance des espèces, et surtout des individus. En outre, l’organisation des espèces est généralement simple. A mesure qu'on approche de l'équateur, l’organisation devient plus complexe et plus variée. De résulte la multiplication des espèces, des genres, et en. revanche le nombre des individus diminue.

Les faunes carcinologiques des mers froides et des mers chaudes, présentent donc des caractères généraux bien tranchés. La simplicité, l’uniformité distinguent les premières ; la complication, la variété sont propres aux secondes.

À en juger par ce que nous connaissons aujourd'hui, rien de sem- blable ne se montre chez les Annélides. Les côtes du Groënland, celles surtout de la Norwége et du Danemark, sembleraient même plus riches en formes spécifiques que la plupart des régions intertropicales. Nos côtes de France ne leur cèdent certainement en rien; mais on ne voit pas que ces formes tendent à se compliquer en avançant du nord au sud. Sous le rapport de la taille, nous voyons, il est vrai, les deux plus grandes Annélides connues, celles que je citais tout à l'heure (£, gi- gantea et foussæi), et qui atteignent un mètre et demi de long, appar- tenir aux régions chaudes; mais, en revanche, il paraît qu'au Groën- land, certaines formes, les Arénicoles, par exemple, présentent des dimensions qu’on ne leur trouve jamais ailleurs (Steenstrup). En outre, les grandes Eunices ne différent en rien au point de vue organique de leurs congénères, moins grands, qui habitent nos côtes.

De tout ce que j'ai vu, on peut conclure, je crois, dès à présent, que la complication graduelle de l'organisme, si remarquable chez les Crustacés, et qui distingue la faune carcinologique intertropicale de la faune boréale, n’existe pas chez les Annélides.

Je ne saurais être aussi affirmatif pour ce qui est de la richesse relative des diverses régions du globe. Si jusqu'à présent la supériorité,

QUATREFAGES. SUR LES ANNÉLIDES. A1

à ce point de vue, appartient incontestablement aux côtes du Groën- land, des pays scandinaves, des Iles-Britanniques et de la France, il est bien possible que cette supériorité tienne surtout à ce qu’elles ont été mieux et plus complétement explorées.

VIII. Un dernier résultat général qui ressort de ces explorations mêmes, est que la nature du sol influe d’une manière marquée sur le développement de la faune des Annélides. Du moins, j'ai été très-vive- ment frappé du contraste que présentent, à ce point de vue, les côtes de Bréhat, de Chausey, de Saint-Malo, de Saint-Waast, etc., toutes côtes granitiques ou schisteuses, avec les plages de Boulogne, de La Ro- chelle, de Saint-Jean de Luz, ete., appartenant à des formations Cal- caires. Le long des premières, j'ai toujours trouvé un développement des plus riches en individus, en espèces, en genres. Sous ce triple rapport, les secondes m'ont généralement montré une pauvreté déso- lante. Deux ou trois espèces très-multipliées faisaient seulement par- fois exception à la règle générale. Je citerai, comme exemple, les-Her- mella alveolata et crassissima, si éommunes à Boulogne et à Biarritz.

Bien que ces observations comparatives n'aient porté que sur un point du globe bien restreint, je crois pouvoir leur attribuer une impor- tance réelle. Il me paraît plus que probable que partout les côtes gra- nitiques et calcaires présenteront à des degrés divers le contraste que j'indique ici. J'ajoute que ce contraste ne portera pas Sur la classe des Annélides seule et qu'il s'étendra à une foule d'autres groupes infé- rieurs. Telle est du moins la conséquence qui ressort de l’ensemble de mes recherches et il ne me semble pas difficile de s'expliquer ce fait général.

Les granites, les Dhistes; par suite de leur dürété résistent fort bien aux chocs purement mécaniques; par suite de leur composition chimique, ils sont insolubles dans l'eau. Leurs surfaces permettent donc aux algues de toute sorte, aux animaux fixés de s'attacher à de- meure ét dese multiplier. Les calcaires, au contraire, ont presque

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toujours une dureté bien moindre et sont plus ou moins attaquables par l'eau. Leur surface se renouvelle sans cesse, peut-on dire. Aussi les co- lonies animales ou végétales ne sauraient s'y développer en sûreté. Par exemple, les Balanes qui revêtent en entier les roches de Bretagne les plus exposées au choc des vagues, ne se montrent à La Rochelle que par plaques isolées et érodées sur les bords.

On sait aussi combien les côtes de la premicre localité sont plus riches en algues de toute sorte que celles de la seconde. Cette diminu- tion seule des flores marines réagit évidemment sur la faune, et cela de deux manières. D'une part, les espèces animales herbivores ne sauraient se multiplier les aliments leur manquent, et, d'autre part, les espèces carnassières qui vivent aux dépens des premières se trouvent réduites dans la même proportion.

Une autre circonstance très-fréquente le long des côtes calcaires tend à en écarter toutes les espèces animales les plus franchement ma- rines. Presque toujours des sources plus ou moins nombreuses, parfois de véritables nappes d’eau, viennent sourdre entre les couches qui les composent et se mêlent sans cesse à l’eau du rivage. est certaine- ment une des grandes causes de la pauvreté de certaines côtes, de celles de La Rochelle, par exemple.

Enfin, à raison de sa densité moindre, le calcaire forme plus aisé- ment de la vase proprement dite, tandis que le granite donne toujours au moins un mélange de sable et de vase. Cette dernière, quand elle domine trop, suffit pour empécher le développement d’un grand nom- bre d'espèces en encroûtant les œufs, en remplissant d'un mortier trop solide les fissures, un si grand nombre d'animaux inférieurs marins ont coutume de chercher un abri.

On voit que la richesse et la composition des faunes littorales dé- pendent grandement de la nature minéralogique et de la structure géologique du rivage. En ceci les Annélides ne font que subir la loi commune, et, à ce titre, leur rareté ou leur multiplication rentrent

QUATREFAGES. SUR LES ANNÉLIDES. 413

dans ces grandes harmonies qui relient les trois règnes de la nature.

Je crois pouvoir résumer ce court travail dans les propositions suivantes qui ont déjà été insérées dans les Comptes Rendus de l’Aca- démie.

La classe des Annélides proprement dites (Annélides errantes et tu- bicoles) est, dans les eaux salées, le terme correspondant géographique de la classe des Érythrèmes (Lombries.et Naïs).

La classe des Annélides a des représentants dans toutes les mers. I en est de même des deux ordres qui la composent (4. errantes et A. sédentaires); sous ce rapport, le groupe qui nous occupe rentre, peut-on dire, dans les règles générales.

Ce cosmopolitisme semble s'étendre non-seulement aux grands genres qui reproduisent le mieux le type général, mais encore aux sous-types les plus exceptionnels et aux genres qui sembleraient devoir être les plus caractéristiques. Sous ce rapport les Annélides s’écartent de ce qu'ont montré tous les autres groupes étudiés au point de vue géographique.

De il résulte que la faune des Annélides paraît jusqu'ici ne rien présenter qui rappelle les régions zoologiques, les centres de création caractérisés par un ou plusieurs types spéciaux, régions et centres dont la plupart des autres classes du règne animal ont permis de constater l'existence.

La tendance à la diffusion des genres et sous-genres est contre- balancée par la tendance au cantonnement, non moins prononcée dans les espèces.

Le nombre des espèces communes à deux continents, à deux hémisphères, aux mers orientales et occidentales d’un même conti- nent, etc., s'il n’est pas absolument nul, sera toujours excessivement restreint. Les espèces d’un même genre changent parfois à des dis- tances très-peu considérables. Je n'ai pas trouvé une seule espèce commune à nos côtes de l'Océan et aux côtes de la Méditerranée.

14 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

Les courants marins peuvent expliquer les rares exceptions que présente la loi de cantonnement des espèces.

Du cosmopolitisme des types et du cantonnement des espèces, il résulte que les termes correspondants géographiques ne doivent plus être cherchés que dans ces dernières. Déjà on les trouve presque toujours, même lorsqu'il s’agit des espèces les plus remarquables par quelque particularité d'organisation, de taille, etc.

La classe des Annélides ne présente pas au point de vue du per- fectionnement de l'organisme les différences correspondant à la lati- tude qui ont été signalées chez d’autres groupes, en particulier chez les Crustacés, par M. Milne-Edwards. L'égalité d'organisation est une des lois les plus générales de ce groupe.

40° La nature des côtes influe de la manière la plus marquée sur le développement de la faune des Annélides. Les côtes granitiques et schisteuses sont, en général, remarquablement riches en espèces et en individus; les côtes calcaires sont remarquablement pauvres sous ce double rapport.

REMARQUES

LES PALOPLOTHERIUM

ALBERT GAUDRY

AIDE-NATURALISTE AU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE.

Le Muséum d'Histoire naturelle a reçu de M. Guérin, de Coucy le Château (Aisne), plusieurs pièces de Paloplotherium qui ont été recueil- lies dans le calcaire grossier du haut de la côte de Jumencourt, près de Coucy'. Ces pièces sont : un crâne presque entier, une mâchoire inférieure avec ses deux mandibules, plusieurs autres mâchoires, une partie supérieure de cubitus, un tibia, un astragale, des fragments de bassin et d’omoplate.

1. M. d’Archiac a bien voulu me fournir les renseignements suivants : « Jumencourt est un village situé à trois kilomètres au sud-est de Coucy, sur les sables inférieurs: il est adossé au pla- teau de calcaire grossier qui surmonte ceux-ci, et sur le pourtour duquel de nombreuses carrières sont ouvertes dans le calcaire grossier moyen. C’est dans le décomble ou le ciel de ces carrières : formées par les bancs du calcaire grossier supérieur, que les échantillons de mammifères ont être rencontrés; cette présomption est appuyée par les caractères de la roche presque exclusive- ment composée de moules et d'empreintes de Cerithium lapidum et calcitrapoides, de Natica mulabilis, de Paludina globulus et de graines de Chara. »

16 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

Le Paloplotherium! n'avait pas encore été cité dans le calcaire gros- sier du bassin de Paris. Le type de ce genre, le P. annectens, Ow., à été découvert à Hordwell, sur la côte du Hampshire?; M. Gervais lui a rapporté des échantillons du lignite de la Débruge, près d’Apt (Vau- cluse) 5. On a, en outre, rattaché au genre Paloplotherium le Palæotherium minus*, Cuv., qui se trouve dans le gypse de Montmartre, ainsi que dans le lignite de la Débruge, et le Palæotherium ovinum 5, signalé par M. Aymard dans le calcaire palustre de Ronzon, près du Puy. L’ani- mal de Coucy présente quelques particularités ; si les paléontologistes leur attribuent une valeur spécifique, on pourra le distinguer sous le nom de Paloplotherium codiciense (Codicium, Coucy) 6.

Son étude m'a fourni l’occasion d'observer les passages insen- sibles qui existent entre la dentition des Paloplotherium et celle des Palæolherium; je les ferai connaître, après avoir décrit les échantillons sur lesquels mes remarques sont fondées.

1. C'est le même genre que M. Pomel a nommé Plagiolophus dans sa Note critique sur les caractères el les limites du genre Palæotherium (Arch. de la Bibl. univ. de Genève, vol. V, p. 200, 1847).

2. Marchioness of Hastings, On the freshwater eocene beds of Horde Cliff, Hants. (Report of the 17° Meeting of the British Association at Oxford, p. 63, 1847). Owen, On the fossil remains of mammalia referable to the genus Palæotherium and to two genera Paloplothe- rium and Dichodon, hitherto undefined from the eocene sand at Hordle, Hampshire. (Quat. Journ. of the geol. Soc. of London, vol. IV, p. 17, 4848.)

3. Gervais, Zool. et Pal. franç., éd. 1e, p. 63 etexplication des pl. xtv, fig. 3 et pl. xx1x, fig. 4. :

4. Cuvier, Recherches sur les ossements fossiles, éd. 4°, vol. Y, P. 400 et 120, pl. xc, fig. 2; pl. xcn, fig. 4; pl. cxxr, fig. 2 et 3; pl. exxv, fig. 2 et 3 ; pl. cxxxvi, fig. 7. De Blain- ville, Ostéograhie Palæotherium, p. #1 et 70, pl. vi. Gervais, Zool. et Pal. franc, éd. tr, p. 63 et explication des pl. x, fig. &: pl. XIV, fig. 4, 5, 6, 7,13, et pl. xxix, 106 Pi À. Ô

5, Aymard, Essai monographique sur un nouveau genre de mammifère fossile trouvé dans la Haute-Loire et nommé Entelodon (Ann. de la Soc. d'agr., sc., arts et comm. du Puy, vol. XII, p. 246, 1842-46).

6. Outre les pièces dont je m'occupe ici, M. Guérin a recueilli à Jumencourt une mâchoire inférieure d’un Paloplotherium (fig. 8) qui a la taille du P. minus ; une autre mâchoire, d'une plus petite dimension, avec les deux dernières molaires (fig. 9), et d'assez nombreux débris de tortues d’eau douce. Ces morceaux sont trop incomplets pour être déterminés d’une manière précise. Je les ai fait figurer, afin qu'ils puissent servir de termes de comparaison.

ALBERT GAUDRY. SUR LES PALOPLOTHERIUM. 47

SUR LE PALOPLOTHERIUM DE COUCY.

Description. En consultant la pl. 10, fig. 1 et 2, on verra que la formule dentaire du Paloplotherium de Coucy est la suivante :

Incisives à ; canines : ; prémolaires + ; molaires à.

Dans les autres Paloplotherium, on ne connaît que trois prémolaires supérieures ; l'animal de Coucy en à donc une de plus (fig. 1 et 3, 1p.). La différence entre la forme des prémolaires et des arrière-molaires (fig. 3) est plus marquée que dans le P. annectens et surtout que dans le P. minus: la dernière prémolaire supérieure (fig. 1 et 5, hp.) n’a point de côte verticale sur la face externe comme les arrière-molaires c.; au contraire, on y observe une dépression médiane d; son bord in- terne, entouré d’un bourrelet b., est parfaitement arrondi, et sa face triturante ne se divise point en deux lobes, ainsi que dans les arrière- molaires. Les molaires inférieures (fig. 4) n’ont pas de bourrelet sur leur face interne, mais on en voit sur leur face externe b.; elles sont plus épaisses que dans les autres Paloplotherium et les Palæotherium : ce caractère me paraît établir un lien intime entre notre fossile et ceux que M. Gervais a nommés Propalæotherium. La dernière molaire a un troisième lobe très-développé (fig. 4, L.).

. Le crâne d'Hordwell n'était pas si bien conservé en avant que celui de Coucy, et cependant M. Owen avait pu observer que les maxillaires montent plus rapidement pour rejoindre les os nasaux que dans les Palæotherium: ceci laissait supposer que l'ouverture nasale était plus petite. En effet, l'examen de notre échantillon prouve que cette ouver- ture (fig. À, o.n.) ne s’avançait qu'à l’aplomb de la seconde prémolaire 9p, au lieu que, dans le Palæotherium medium, elle se prolongeait jus-

qu’à l’aplomb de la première arrière-molaire. On a dit que certaines L 3

18 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

espèces de Palæotherium avaient une trompe: ; bien que le nasal n soit endommagé, la configuration que je viens d’indiquer suffit pour mon- trer que le Paloplotherium de Coucy n’en avait point; je ne crois pas non plus que les P. annectens et minus pussent en avoir. Il résulte de la petitesse de l'ouverture nasale dans le Paloplotherium de Coucy que l'intervalle entre cette ouverture o.n. et l'orbite or., est au moins deux fois plus grand que dans le Palæotherium medium. Le trou sous-orbi- taire {.s. est plus éloigné de l'orbite que dans le Palæotherium; il est placé au-dessus de la troisième prémolaire 3p. Je n’ai rien de particu- lier à noter sur les arcades zygomatiques zyg, le jugal jug., le maxil- lairem., l’'inter-maxillaire t.m. ; la partie postérieure du crâne manque. La mâchoire inférieure qui est dessinée fig. 2 est brisée dans la partie montante m0n.; on voit seulement en arrière la portion très-renflée et arrondie an., qui représente l’angulaire des carnassiers; nous avons un autre échantillon l’apophyse coronoïde et le condyle articulaire sont bien conservés. Le trou mentonnier men., est placé au-dessous de la première prémolaire. La longueur de la barre, de ec. à Ap., est la même que dans le P. annectens ; elle est proportionnément moindre que dans le P. minus.

Les os des membres s'accordent pour la taille avec le crâne; ils annoncent un animal plus petit que le Palæotherium medium, plus grand que le Paloplotherium minus; ïls semblent indiquer des formes un peu plus lourdes; le cubitus, fig. 5, le tibia, fig, 6, l'astragale, fig. 7, sont conformés suivant le type paléothérien. |

Voici quelques mesures des pièces du Paloplotherium de Coucy :

CRANE. Distance du bord incisif à l'extrémité postérieure de l'arcade zygomatique. 0458

Distance du bord incisif à l'extrémité postérieure de l’ouverture nasale... 0, 030 Longueur de l’espace entre l'orbite et l'ouverture nasale... RS 0, 053 Longueur de Ja barré. {1640 920 CAE LE ER SERRE 442 Si 63610 Longueur de l’espace occupé par les quatre prémolaires................ . 0, 036 Longueur de l’espace occupé par les trois arrière-molaires. .…... 0, 050

1. Ilest douteux que tous les Palæotherium en fussent pourvus.

ALBERT GAUDRY. SUR LES PALOPLOTHERIUM. 19

MACHOIRE INFÉRIEURE. Hauteur au-dessous du bord antérieur de la première molaire. 0, 027 Hauteur de la branche montante jusqu’au sommet de l’apophyse coronoïde. 0, 094

Distance du bord postérieur de la dernière molaire au bord incisif........ 0, 126 Lôtigüeur la barre. shit. it SL isa SLA Le: LOE, INMFCX is 0,:023 Longueur. de la symphyse, .,5.,1:. #5. -»rsheesstte RÉUSSIE 0, 050 Longueur de l’espace occupé par les trois prémolaires.......... évésosus -y UT Longueur de l'espace occupé par les trois arrière-molaires.......,....... 0, 053 Cusirus. Largeur à la base de la cavité sigmoïde. .................... Hosts CU TT Épaisseur {d'avant en arrière) au niveau du bec de l'olécrâne........... . 0, 034 TBE: CHOEOONT 7060 Pre VENT ET "TRES AA SNS ENS PER SES PE ve lé: 2017 1008 Largeur de la partie inférieure. .2...1ssmisssdies. de shunnéreredati 0, 030 Asrabhais:, Eangugeniiss si des nicsmaments lues niet SPP cc 1f% 029 RNOT De COUR RE Le cap ns vu sas puave “id sde 05 0, 014 Largeur de la face scaphoïdienne........, s“rherr Sage ris nopersoneuvr Dis WA Rapports et différences. Le Paloplotherium annectens a la même

taille que le Paloplotherium codiciense, et la ressemblance des formes dans ces deux animaux est très-frappante. Cependant, le premier a une prémolaire supérieure de moins; ses dernières prémolaires supé- rieures ne diffèrent pas autant des arrière-molaires; car on voit, sur le milieu de leur face externe, une côte verticale, et leur surface tri- turante a des indices de séparation en deux parties; les molaires infé- rieures sont un peu moins épaisses; plusieurs d’entre elles, suivant M. Owen, ont sur leur face externe des excroissances interlobaires, et elles ont en arrière de petites saillies d'émail qui, par l'usure, prennent la forme de boucles. Le même naturaliste a remarqué que le P. annectens d'Angleterre n’a que deux lobes à sa dernière molaire inférieure; le P. annectens de la Débruge, signalé par M. Gervais en a trois, ainsi que l'espèce de Coucy.

Le P. minus est plus petit que le P. codiciense; la barre de ses mà- choires est un peu plus longue; il n’a que trois prémolaires supé- rieures, et la dernière prémolaire est franchement divisée en deux lobes comme les arrière-molaires.

Le P. ovinum est encore incomplétement connu. Ses molaires ont Li

20 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

la même dimension que dans les P. annectens et codiciense. Les trois premières, selon M. Gervais, ont un seul lobe complet sub-triangu- laire; le second lobe est remplacé par un talon dont le volume croît de la première à la troisième dent. Il paraît que l’on compte sept mo- laires. La barre est proportionnément plus longue que dans le P. co- diciense; elle a près d’un tiers de plus. Ce caractère rapprocherait plus le P. ovinum du P. annectens que de celui de Coucy, car ce dernier, bien * qu'adulte, à la partie antérieure de sa mandibule moins longue que dans le sujet non adulte d'Hordwell, figuré par M. Owen.

SUR LES PASSAGES QUI EXISTENT ENTRE LA DENTITION DES PALOPLOTHERIUM ET CELLE DES PALOEOTHERIUM.

Par suite des renseignements que nos pièces du calcaire grossier ajoutent à ceux que l’on avait déjà sur le Paloplotherium, on peut faire sur ce genre les remarques suivantes :

Le nombre de ses prémolaires supérieures n’est pas fixe ; il est de trois dans les P. annectens et minus: il est de quatre dans le P. codi- ciense . La dernière prémolaire supérieure a quatre racines, suivant M. Owen, dans le P. annectens ; elle n’en a que trois dans les 2. minus et codiciense. M. Owen a dit que la dernière molaire inférieure n’a que deux lobes dans le 2. annectens d'Angleterre; elle a trois lobes dans le P. annectens de la Débruge et dans les P. minus et codiciense. L'absence de bourrelet sur la face interne des molaires inférieures est aussi un caractère peu constant; ce bourrelet manque ou est à peine visible sur les P. annectens, codiciense et sur le P. minus de Paris, mais il est trés-bien marqué sur le 2. minus de la Débruge. Il paraît qu’à la face externe des molaires inférieures il ya, dans le P. anneclens d'Angleterre, une petite saillie inter-lobaire d’émail; cette saillie ne se voit pas dans le P. codiciense. On a indiqué quelques différences dans la forme des arrière-molaires des Paloplotherium et des Palæotherium; ces différences

ALBERT GAUDRY. SUR LES PALOPLOTHERIUM. 21

étaient, je crois, individuelles. Quant aux boucles d’émail, signalées en arrière de plusieurs molaires, elles offrent un caractère bien fugace, car la moindre usure due à la trituration des aliments les fait dispa- raître, comme on pourra s'en rendre compte en comparant au Mu- séum les échantillons des P. minus, annectens (de la Débruge) et codi- ciense, même en consultant les figures que M. Gervais a données dans sa Zoologie et Paléontologie française. D'ailleurs, dans mon ouvrage sur les Animaux fossiles de l’Attique, on verra que sur les mâchoires inférieures des Hipparions, non-seulement jeunes, mais aussi adultes, il existe des colonnettes ou des plissements plus marqués que ceux des Paloplotherium; on a la preuve que ces accidents sont très-variables, car ils se trouvent tantôt sur une seule dent, tantôt sur plusieurs dents d’une même mâchoire.

A côté de ces caractères instables, il en est un qui a plus d'im- portance et persiste assez pour motiver la séparation du Paloplotherium et du Palæotherium ; il consiste en ce que les prémolaires sont distinctes des arrière-molaires, montrant ainsi quelque tendance vers le type des Herbivores paridigités, au lieu que dans le Palæotherium et la plupart des Herbivores imparidigités, les prémolaires (sauf la première) et les arrière-molaires ont la même forme. Toutefois, ce caractère n’est pas également sensible dans les trois espèces de Paloplotherium : dans le P. co- diciense, la dernière prémolaire est encore plus différente des arrière- molaires que dans le P. annectens, et surtout que dans le P. minus; ainsi, pour la dentition, cet animal semblerait un peu plus éloigné des Palæo- therium que les autres Paloplotherium.

En présentant les remarques qui précèdent, je ne peux avoir le but de proposer la suppression du genre Paloplotherium, puisque le fossile de Coucy dont j'annonce la découverte en est un meilleur type que les espèces jusqu’à présent connues. Mais justement parce que les extrêmes des genres Palæotherium et Paloplotherium sont différents, il m'a paru intéressant de suivre de l’un à l’autre la transformation

22 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. des caractères qui passent pour les plus importants : les caractères de la dentition. (

Ces transformations sont d'autant plus curieuses qu’elles parais- sent s’accorder avec les changements d'âge géologique. Le P. codi- ciense est la plus ancienne forme que nous connaissions du type paléo- thérien ; on vient de voir qu’il se trouve dans le sous-étage supérieur du calcaire grossier de Paris, et que, par sa dentition, iLest assez dif- férent des Palæotherium. Après lui, est venu le P. annectens, qui s’é- loigne moins des Palæotherium; on le rencontre dans le sous-étage d'Hordwell. Puis, à l’époque du gypse, se montre le P. minus, tellement voisin des Palæotherium, que Cuvier n’a pas cru devoir l’en distinguer; en même temps apparaissent les Palæotherium proprement dits. Ceux- ci, à leur tour, seront soumis à la commune loi qui entraine rapide- ment vers l'extinction ou le changement les êtres supérieurs, et, de même que, dans la dernière phase de l'époque éocène, ils ont succédé aux Paloplotherium, ils seront, lors de l'époque miocène, remplacés par les Acerotherium.

Comme le Paloplotherium, les genres Acerotherium, Anchilophus, Pro- palæotherium, Leptodon, Aphelotherium et même Pachynolophus paraissent avoir des liens avec le Palæotherium : chaque étude comparative des êtres fossiles révèle entre eux de nouveaux traits d'union. |

ALBERT GAUDRY. SUR LES PALOPLOTHERIUM. 23

EXPLICATION DES FIGURES

PLANCHE X.

FiGurE 1. Crâne de Paloplotherium codiciense dessiné de profil, à moitié de la grandeur na- turelle : temporal, te».; frontal, fr.; apophyse post-orbitaire du frontal, p.0.; orbite, or.; lacrymal, lac.; arcade zygomatique, 2yg.; jugal, jug.; nasal, n.; ouverture nasale, 0.n.; maxillaire, #.; trou sous-orbitaire, 8.0.; inter-maxillaire, 2.M.; alvéoles des incisives, t.; alvéole de la canine, c.; les quatre prémolaires, 1 p., 2 p., 3 p., 4 p.; les trois arrière- molaires, 4 m., 2 m., 3 m.

FiG. 2. Mâchoire inférieure de la même espèce dessinée de profil, à moitié de la grandeur natu- relle, vue sur la face externe : branche montante, #2.; région correspondant à l’apophyse angulaire des carnassiers, an.; trou mentonnier, #.; barre, b.; incisives, t.; canine, c.; les trois prémolaires, 1 p., 2 p., 3 p.; les trois arrière-molaires, 1 »., 2 m., 3 m.

FiG. 3. Molaires supérieures de la même espèce représentées, du côté interne, de grandeur na- turelle : mêmes lettres que dans la figure 4 ; dépression médiane de la face externe de la quatrième prémolaire, d.; côte médiane de la face externe des arrière-molaires, €.; bour- relet interne des prémolaires, b.; lobe antérieur, lo. et lobe postérieur de la première arrière-molaire, Lo”,

Fic. 4. Molaires inférieures de la même espèce représentées en dessus, du côté externe, de grandeur naturelle : mêmes lettres que dans la figure 2; troisième lobe de la dernière arrière-molaire, L.; bourrelet externe, b.

FiG. 5. Portion de cubitus de la même espèce vue sur la face antérieure et sur la face interne, représentée de grandeur naturelle : olécrâne, o/.; bec de l’olécrâne, b.; cavité sigmoïde, s.; portion coronoïde, cor.; face d'insertion du radius, 7.

Fic. 6. Tibia de la même espèce vu sur la face postérieure, dessiné de grandeur naturelle : épine, é.; facettes articulaires pour le condyle interne du fémur, c.i. et pour le condyle externe, c.e.

Fig. 7, Astragale de la même espèce vu en dessus, représenté de grandeur naturelle : poulie tibiale, p.; facette pour le scaphoïde, se.

2! NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

Fic. 8. Fragment d’une mâchoire inférieure qui ressemble à celle du Paloplotherium minus ; elle est dessinée de profil, de grandeur naturelle : première arrière-molaire, 4 »#.; seconde arrière-molaire, 2 ».; on voit en d. les denticules postérieures observées déjà sur d’autres pièces de Paloplotherium.

Fig. 9. Fragment d’une mâchoire inférieure, représentée sur la face interne et sur la face ex- terne, de grandeur naturelle : seconde arrière-molaire, 2? ».; troisième arrière-molaire, 3 Mm.; son troisième lobe, Z. Ces dents rappellent un peu les échantillons d'Anchitherium Radegundense, Gerv., qui ont été trouvés dans le calcaire de Bembridge à Headon-Hill.

NOUVELLES RECHERCHES

SUR L’HYBRIDITÉ.

DANS LES VÉGÉTAUX

MÉMOIRE

PRÉSENTÉ À L'ACADÉMIE DES SCIENCES

PAR

M CH. NAUDIN

EN DÉCEMBRE 1861

ET COURONNÉ DANS LA SÉANCE DU 29 DÉCEMBRE 1862

AVANT - PROPOS

L'Académie, dans sa séance du 30 janvier 1860, ayant mis au concours les questions principales qui se rattachent à l'hybridité chez les végétaux, j'ai cru répondre au désir qu'elle exprimait en rédigeant le présent Mémoire. Il est le fruit de huit années d'observations et d'expériences qui ont été faites au Muséum d'Histoire naturelle, Ces expériences ne sont pas toutes complètes, car, dans un sujet il est souvent nécessaire d'observer un grand nombre de générations consé- cutives, le temps est une condition première. Néanmoins, telles qu’elles

1 &

26 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

sont, je les donne avec la confiance qu’elles jetteront quelque lumière sur des points restés obscurs jusqu'ici, et qu’elles redresseront des erreurs qui ont encore cours dans la science.

Ce Mémoire se divisera en deux parties : l’une consacrée à la sim-

ple exposition des expériences et des faits observés; l’autre à la discus- sion de ces faits. Dans toutes deux, je serai aussi bref que possible, omettant les détails et les développements qui n'iraient pas directe- ment au but que je me suis proposé.

Ma manière de procéder a été un peu différente de celle qui a été suivie jusqu'ici dans ce genre de recherches. Je ne me suis pas con- tenté, comme la plupart de mes devanciers, d'observer un nombre restreint de plantes hybrides de chaque espèce; j'ai cru, au contraire, que, pour arriver à des résultats probants, il fallait multiplier assez les individus de même origine pour avoir chance de rencontrer toutes les modifications dont les formes hybrides sont susceptibles. Les expé- riences en ont été notablement plus compliquées, mais les conclusions à en déduire en seront d’autant plus certaines.

Je dois à M. Decaisne, dont les conseils m’ont souvent dirigé, d’avoir pu ajouter à ce travail des figures très-exactement dessinées par M. Riocreux, et sans lesquelles les faits rapportés auraient été moins frappants pour l'esprit du lecteur. Je dois prévenir cependant que cette collection de figures offre quelques lacunes, mais la nécessité de se renfermer dans l’espace de temps prescrit par l'Académie, n’a pas permis de la faire plus complète.

Avant d'entrer en matière, je saisis avec empressement l’occasion qui m'est offerte d'exprimer ma profonde reconnaissance à ceux de MM. les membres de l’Académie dont la bienveillance m’a puissam- ment encouragé à poursuivre mes observations, et en particulier. à M. Decaisne, qui m'a le premier inspiré l’idée de les entreprendre, et m'a procuré, autant qu'il était en lui, les moyens de les exécuter.

PREMIÈRE PARTIE

RÉSUMÉ. DES EXPÉRIENCES ET DES OBSERVATIONS

QUI ONT ÉTÉ FAITES AU MUSÉUM, DE L'ANNÉE 1854 À L'ANNÉE 1861 INCLUSIVEMENT.

4. PAPAVER HISPIDO-BRACTEATUM.

PLANCHE fre.

PAPAVER HISPIDUM (M.). Hort. par.

Plante annuelle, hispide, un peu plus forte que le P. Rhœæas, rameuse, à fleurs dépourvues d’involucre. Pétales ornés d’une macule blan- che près de la base. Capsule de la grosseur d’une noisette, velue. |

Plante ramifiée à la base et formant une touffe de 40 à 50 centimètres de hauteur. Ovaire hérissé de poils hispides.

UNE GÉNÉRATION.

PAPAVER BRACTEATUM (F.). Bieberst.

Plante vivace, très-hispide, à racine péren- nante, grosse et fusiforme. Fleurs très-grandes, d’un rouge foncé, entourées d’un involucre ca- lyciforme de trois larges bractées laciniées au sommet. Pétales maculés de noir à la base. Cap- sule lisse, de la grosseur d'une noix. Plante beaucoup plus forte que le P. hispidum, à tiges simples, uniflores, droites, roides, hautes d’un mètre environ. Ovaire lisse.

Dans les premiers jours de juin 4854, une seule fleur de P. brac- leatum, espèce commune dans les jardins, et cultivée en qualité de plante d'ornement, après avoir été castrée dans le bouton, eut ses stigmates couverts d'une grande quantité de pollen du P. hispidum. L'ovaire s’accrut lentement et donna lieu à une capsule de forme tur- binée (elle aurait été turbinée-ovoide, c’est-à-dire ventrue, si elle avait été fécondée normalement), d'environ moitié grosseur. Cueillie mûre

28 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

le 22 juillet, elle parut contenir quelques graines embryonnées, au au milieu d’une multitude d’autres qui étaient ridées et vides, ou plu- tôt qui n'étaient que des ovules non développés et desséchés.

Toutes ces graines, tant bonnes que mauvaises, furent semées par moitiés le 2 novembre 1854 et le 16 avril 1855. Les deux semis réus- sirent et me donnèrent, l’un dans l’autre, une vingtaine de plantes. Quatre d’entre elles étaient visiblement hybrides; toutes les autres reproduisirent purement et simplement le P. bracteatum (l'espèce porte- graines), ce qui fut du reste confirmé par leur floraison l’année sui- vante (1856).

Les quatre hybrides fleurirent dans l’année même (1855), au mois de juillet. L’un d’eux, sorti du semis de novembre, fut très-vigoureux; les trois autres, provenus du semis de printemps, restèrent compa- rativement faibles, et n’eurent guère que des fleurs déformées. Tous d’ailleurs se ressemblent et présentent les traits confondus des deux espèces parentes, mais sont néanmoins beaucoup plus voisins du P. hispidum (le père) que du bracteatum (la mère), et sont annuels comme lui. La fleur est rouge coquelicot, et les quatre pétales ont à la base une macule blanche qui, dans sa moitié supérieure, passe au violacé bleuâtre, comme s’il s'y mélait un peu de noir. Les étamines sont bien conformées, mais leurs anthères ne contiennent que très- peu de pollen, dont tous les granules sont vides et aplatis. L’ovaire est presque exactement celui du P. hispidum, tant par sa figure que par sa grosseur, et il contient un nombre immense d'ovules, qui restent stériles faute de fécondation. Cet ovaire eût peut-être (je dirais pres- que certainement) été fertile, s’il avait reçu du pollen de l'espèce paternelle dont l’hybride se rapprochait par tant de caractères. Il en avait en effet la taille, presque le port, la teinte grisâtre du feuillage, les fleurs dépourvues d’involucre, la corolle et l'ovaire. Ces faits sont à noter, car ils démontrent que des hybrides de première génération ne SOnL pas nécessairement, par leur faciès, à une égale distance des

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 29

deux espèces dont ils proviennent. Nous en verrons encore d’autres

exemples.

2. PAPAVER CAUCASICO-BRACTEATUM. UNE GÉNÉRATION.

PAPAVER CAUCASICUM (M.). Bieberst. PAPAVER BRACTEATUM (F.).

Plante annuelle, ayant une certaine aflinité Voir ci-dessus, p. 4. avec le P. Rhœæas. Tige ramifiée. Fleurs rouge orangé. Pétales maculés de blanc à la base. Pas d’involucre autour de la fleur.

A la même époque (juin 1854), une seule fleur de P. bracteatum, castrée dans le bouton, reçut une grande quantité de pollen du P. cau- casicum. L'ovaire s’accrut presque au même degré que celui d’une fleur normalement fécondée, mais la capsule qui en provint resta tur- binée, au lieu de devenir ventrue. Presque toutes les graines qu’elle contenait à sa maturité étaient plates, ridées et vides; on en aperce- vait cependant çà et qui paraissaient être dans de meilleures condi- tions. Elles furent semées, moitié en novembre 1854, moitié en avril 1855, et des deux semis réunis naquirent une cinquantaine de plantes, qui toutes, à l'exception de deux, visiblement hybrides, ne furent rien de plus que le P. bracteatum (la mère). Ces deux hybrides, de même que les précédents, sont plus voisins du père que de la mère. Leurs fleurs sont rouge coquelicot, avec des macules basilaires d’un blanc violacé. Le faisceau staminal est volumineux; les anthères sont en apparence bien développées, mais ne contiennent, en fait de pollen, que des pellicules vides. L'ovaire, assez normal sur l’une des deux plantes, est atrophié et réduit à un petit tubercule noirâtre sur l’autre. Toutes deux sont entièrement stériles.

De ces deux observations ressort un fait qui a été nié par la plu-

30 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

part des auteurs qui ont traité de lhybridité. On a prétendu qu'un même ovaire ne pouvait pas être fécondé simultanément par le pollen de son espèce et par celui d’une autre, l’action de ce dernier étant toujours annihilée par celle du premier, quelque faible qu'en fût la proportion relative. Les exemples que je viens de rapporter prouvent manifestement le contraire, puisque, dans chacun d'eux, il n’y eut qu'une seule fleur soumise au croisement, et que des deux capsules qui en provinrent il sortit des plantes hybrides et des plantes con- formes à l'espèce du porte-graines. Les ovaires avaient done reçu en mème temps le pollen de l’espèce étrangère et celui de leur propre espèce, soit que ce dernier y ait été apporté postérieurement par des insectes, soit, ce qui est plus probable, qu'au moment la castration a été faite, quelques anthères ouvertes eussent déjà versé sur les stig- mates une partie de leur contenu. Dans tous les cas, le pollen légitime n'a pas empêché toute action du pollen étranger, puisque des hybrides ont été produits. J'aurai encore des exemples du même fait à citer plus loin. à

Bien d’autres croisements ont été essayés, mais sans succès, entre plantes de la famille des Papavéracées, probablement par suite du trop grand éloignement des espèces, au moins dans la plupart des cas. Des résultats négatifs, toutefois, ne prouvent qu'à la condition d’être trés- souvent répétés, ce qui n'a pas été le cas ici. Ces croisements sans résultat ont été les suivants :

ParAvER RHxas X 1 Argemone ochroleuca, Argemone grandiflora, Papaver nudicaule.

PAPAVER HISPIDUM X Meconopsis cambrica.

MEcONOPSIS cAMBRICA X Escholtzia californica, Papaver hispidum, Ræmeria refracla, Papaver Rhwas, Papaver hybridum, Glaucium flavum.

GLAUCIUM FLAVUM X Papaver Rhœuas. :

GLAUCIUM FULVUM X Ræmeria hybrida et Remeria refracta.

4. Pour abréger, je me sers du signe X, qui signifie ici fécondé par.

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ. DANS LES= VÉGÉTAUX. 31

3. MIRABILIS LONGIFLORO-JALAPA. PLANCHE IL. UNE GÉNÉRATION.

MIRABILIS LONGIFLORA (M.). Muragicis JALAPA (F.).

Plante à tige et rameaux décombants. Plante dressée, très-glabre. Fleurs infundi- Fleurs hypocratériformes ou plutôt infundi- | buliformes, à tube court { de ? à 3 centimètres),

buliformes, blanches, légèrement pourpres dans | à limbe d'un tiers plus large que celui des la gorge, longuement tubuleuses (12 à 13 cen- fleurs du #. longiflora. Graines noires, non timêtres de tube), pendantes, à limbe moins | velues. Variétés à fleurs pourpres, jaunes, blan- large que dans le M. Jalwpa. Graines d’un tiers ches et panachées.

plus grosses, fauves et rugueuses. Feuillage pubescent.

Dans son Traité de lhybridation, M. Lecoq, professeur de botanique à Clermont-Ferrand, annonce avoir obtenu facilement des hybrides de ces deux Belles-de-Nuit; j'ai trouvé, au contraire, qu'au moins SOUS le climat de Paris, leur croisement n'offre qu’assez peu de chances de succès. On en jugera par ce qui suit : en 1854, 55 et 56, j'ai essayé sur trente-quatre fleurs de Wirabilis longiflora l'action du pollen du W. Jalapa ; ce croisement n’a réussi qu’une seule fois (en 1855), et j'en ai obtenu une graine en apparence bonne, et qui cependant n’a pas germé. Trente fleurs de M. Jalapa, fécondées aux mêmes époques par le pollen du M. longiflora, ont donné deux graines, dont une seule a levé et produit lhybride remarquable dont je vais faire l'histoire. Cependant toutes ces opérations avaient été faites dans les meilleures conditions possibles, les unes le soir, au moment même les fleurs commençaient à s'ouvrir, les autres dans les premières heures de la matinée, sur des fleurs en- core très-fraîches, et qui toutes avaient été castrées dans le bouton. J'avais soin, en outre, de couvrir les stigmates d’une quantité de pollen . beaucoup plus grande qu'il n’eût été nécessaire dans le cas de féconda- tion normale, et de m’assurer que ce pollen y restait adhérent jusqu'à

32 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

la chute des fleurs. J'ai vu, dans un jardin de M. Vilmorin, des échan- tillons authentiques d’un hybride mentionné par M. Lecoq, hybride fertile, sur lequel je recueillis quelques graines. Était-il pur, était-il lui-même le produit d’un premier hybride croisé avec le Y. Jalapa, dont il avait toute la physionomie? c’est ce que je ne saurais dire, toujours est-il qu'il était très-différent de l'hybride que j'ai obtenu de la fécondation du W. Jalapa par le M. longiflorai.

C'est le 8 septembre 1854 qu'a été faite cette fécondation. La graine obtenue fut semée le 17 avril de l’année suivante. Elle produisit une plante bien constituée, visiblement hybride, et que ses premières feuilles, légèrement pubescentes, annoncçaient devoir être plus voisine du #7. longiflora que de l’autre espèce. Elle devint énorme, et, dès la fin d'août, elle montra ses premières fleurs, elle formait une touffe basse de près de 2 mètres de diamètre dans tous les sens. C'était

presque le #. longiflora, sous une taille plus forte et avec des rameaux | moins étalés. Jusque-là, l'influence paternelle dominait très-sensible- ment, mais celle de l'espèce mère ne tarda pas à prendre le dessus, ainsi que nous allons le voir.

Vers la fin d'août, cette plante remarquable commence à fleurir, après avoir produit une immense quantité de boutons, dont les trois quarts au moins tombent, sans s'ouvrir, à divers degrés de développe- ment. Les fleurs différent à peine de celles du 4. Jalapa; elles en ont la grandeur et la forme, et leur tube n’a guère, en moyenne, que 3 centi- mètres de longueur. Leur coloration est surtout remarquable : les unes sont uniformément pourpres, à très-peu près de la nuance de celles du M. Jalapa, de la variété rouge, qui avait servi de porte-graines ; les au- tres Sont uniformément blanches ou blanc lilacé comme celles du 4. lon- giflora; le plus grand nombre est panaché, dans les proportions les plus

1. Cet hybride était, selon toute probabilité, de seconde génération ou d’une génération plus avancée, et en voie de retour vers l'espèce du Y. Jalapa. Des observations, faites depuis que ce mémoire a été présenté à l’Académie, ne me laissent presque aucun doute à ce sujet.

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 33 diverses, de bandes longitudinales ou de macules pourpres sur fond blanc. Le stigmaie est tantôt blanc, tantôt pourpre, quelquefois mi-parti de ces deux couleurs. Les anthères sont généralement moins grosses que celles des deux espèces parentes, beaucoup même sont mal conformées et vides; les mieux développées ne renferment que quelques grains de pollen qui sont inégaux, mais dont les plus grands ne différent pas notablement de ceux du #. Jalapa.

Dans l’espace de deux mois et demi, c'est-à-dire du 1* septembre au 44 novembre, la plante a ouvert plus de trois cents fleurs, et je n’estime pas à moins de douze à quinze cents le nombre des boutons qui sont tombés sans s'ouvrir. Toutes ces fleurs ont été stériles, mal- gré le soin que j'ai eu de déposer de leur pollen sur le stigmate d'un grand nombre d’entre elles.

Ce pollen, malgré les apparences, était donc impropre à opérer la fécondation; ce qui achève de le démontrer, c'est que dix fleurs du M. Jalapa, préalablement castrées, dont les stigmates en furent cou- verts, tombèrent toutes à la défloraison, sans que leur ovaire eût pris le moindre accroissement. La plante hybride était moins stérile par l'ovaire ; mais ici encore elle montrait peu d'énergie, car onze croise- ments effectués sur elle par le pollen du #. longiflora, quoique faits dans les meilleures conditions, restèrent sans résultat, et sur dix croi- sements par le pollen du #. Jalapa, il n’y en eut qu'un seul qui réussit. L'ovaire s’accrut, et il était déjà presque de grosseur normale lorsque survint, dans la nuit du 44 au 15 novembre, une forte gelée (— 2°,5) qui détruisit la plante et la graine unique qu'elle nourrissait.

Cette expérience nous offre deux faits principaux à remarquer : d’abord la manière dont les deux espèces productrices se partagent les traits de l’hybride, et qui est telle que, dans la première période de sa vie (la période de simple végétation), c'est l'influence paternelle qui prédomine, tandis que, dans la période de reproduction, c’est le type maternel qui s’imprime plus fortement; ensuite la tendance pronon-

L. 5

3h NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

cée des deux essences spécifiques à se séparer sur des parties d'organes ou des organes différents, et qui se manifeste dans la coloration des fleurs. Ici, en effet, la couleur n’est pas, comme dans d’autres cas, la fusion, en une nuance intermédiaire et uniforme, du coloris particu- lier à chacune des espèces parentes; les deux teintes sont toujours séparées : certaines fleurs ont exclusivement la couleur de celles du M. Jalapa, certaines autres de celles du longiflora ; et quand les teintes différentes sont réunies sur la même fleur, elles occupent des districts séparés. J'ai déjà appelé l’attention des physiologistes sur ce phéno- mène de disjonction, auquel j'attache une grande importance; j'y _ reviendrai plus loin.

4. MIRABILIS JALAPA LUTEO-PURPUREA.

Les races, ou variétés jardinières du Y. Jalapa à fleurs pourpres, jaunes ou blanches, sont très-constantes et se reproduisent identique- ment de semis, lorsqu'elles n’ont pas été croisées les unes avec les autres. Il m'a paru intéressant de faire quelques expériences sur elles, pour en comparer les résultats avec ceux du croisement d'espèces véritables.

Dans Ja matinée du 12 septembre 1854, six fleurs de la variété pourpre de la Belle-de-Nuit commune, préalablement castrées, furent richement fécondées par le pollen de la variété à fleurs jaunes. Cinq ovaires grossirent et donnèrent un pareil nombre de belles graines, que l'approche des gelées m'’obligea de cueillir avant leur maturité complète; aussi n’y en eut-il qu’une seule qui leva l’année suivante. I en résulta une forte plante, haute et large de près d’un mètre, sensible- ment plus développée que ne le sont Ccommunéméènt les individus de cette espèce, ce qui pourrait tenir à l'abondance du pollen employé l’année précédente pour la fécondation de la graine. La floraison fut

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 395

très-riche, et les fleurs remarquablement grandes, mais parfaitement unicolores et d’une teinte qui, sans être intermédiaire entre celles des deux variétés parentes, tenait pourtant de toutes deux. C'était un rouge orangé, très discernable de la teinte pourpre des fleurs de la plante mère, mais cependant plus voisin de celle-ci que de la teinte jaune du père. Ceci ne doit pas surprendre, attendu que la variété à fleurs pourpres est le type premier, c’est-à-dire le type naturel de l'espèce, le plus ancien si l’on aime mieux, et qui, par conséquent, doit prédominer dans les croisements des variétés. Il y a effectivement plus d’une rai- son de croire que les variétés, c’est-à-dire les modifications relative- ment récentes des espèces, ont d'autant moins de fixité et de stabilité qu’elles sont moins anciennes; mais je crois aussi que, dans la plupart des cas, l'instabilité des variétés, nées de la culture ou spontanément, est due à leur croisement avec le type naturel de l'espèce.

Le croisement inverse (celui de la variété jaune de la Belle-de- Nuit par le pollen de la variété pourpre) ainsi que celui des autres variétés entre elles, eurent lieu avec le même succès, mais trop tardi- vement pour que les graines arrivassent à maturité. Toutes périrent dans la nuit du 14 au 15 novembre, thermomètre centigrade descendit à 2°,5 au-dessous de zéro.

5. FÉCONDATION PAR UN ET DEUX GRAINS DE POLLEN, DANS LE GENRE MIRABILIS.

La grosseur du pollen dans les plantes qui nous occupent en ce moment, et cette circonstance, que l'ovaire y est uni-ovulé, m'ont donné l'idée d'observer ce qui adviendrait de fécondations opérées au moyen d’un nombre très-restreint de grains de pollen.

En septembre 1854, une fleur de #. Jalapa, castrée dans le bou-

L

36 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

ton, et sur le stigmate de laquelle furent déposés trois grains de pollen, noua son ovaire sans difficulté, et donna un fruit qui mürit. Sur douze fleurs, castrées de même, et dont les stigmates reçurent deux grains de

pollen, choisis parmi les plus gros, la plupart des ovaires éprouvèrent

un commencement de grossification, mais ils tombèrent à divers degrés d'avancement, quelques-uns, lorsqu'ils avaient déjà presque atteint au volume normal; il s’en trouva un cependant qui arriva au terme de sa croissance et me donna une graine parfaitement constituée. Avec un seul grain de pollen, la fécondation est encore possible, mais elle de- vient de plus en plus incertaine, Sur dix-sept fleurs fécondées de cette manière, il y en eut dix qui tombèrent à la défloraison, sept qui nouè- rent leur ovaire; mais six de ces ovaires tombèrent successivement, et un seul arriva à maturité. Il est possible que, sous un climat plus chaud et plus favorable à l'élaboration du pollen de ce genre de plantes, les succès eussent été plus nombreux. Dans tous les cas, ces expé- riences ont été faites avec soin; j'ai toujours choisi les grains de pol- len les plus beaux, et j'ai eu soin de m'’assurer qu'ils sont restés sur les stigmates, et que ces organes n’en ont pas reçu d’autres, jusqu'au moment la corolle flétrie et contractée sur elle-même mettait l’ex- périence à l'abri de tout accident de ce genre.

Les deux graines obtenues, l’une d’un seul grain, l’autre de deux grains de pollen, furent semées en avril 1855, et donnèrent des plantes bien constituées qui fleurirent abondamment dans le courant de sep- tembre, mais dont la taille était manifestement inférieure à celle des plantes de même espèce provenues d’une fécondation plus riche et qui étaient cultivées dans la même plate-bande. La première (celle qui provenait d’un seul grain de pollen) était haute de 60 centimètres, l'autre de 55 centimètres, formant des touffes d’un diamètre propor- tionné. Leur feuillage paraissait aussi un peu moins grand que celui des échantillons ordinaires. Ce qui frappait surtout, c'était la petitesse relative des fleurs. Dans la plante issue d’un seul grain de pollen, le dia-

Li

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES. VÉGÉTAUX. 37

mètre du limbe de la corolle oscillait entre 17 et 22 millimètres ; par excéption seulement, il atteignait à 24 ou 25 millimètres. La moyenne de quatorze fleurs qui étaient ouvertes dans la matinée du 25 septembre se trouva de 20 millimètres. Sur la plante issue de deux grains de pollen, la moyenne de quatre fleurs, seules ouvertes ce jour-là, fut de 22 mil- limètres. Sur l'individu métis des variétés pourpre et jaune dont j'ai parlé ci-dessus, et qui provenait d’une riche fécondation, la moyenne de vingt fleurs, ouvertes en même temps que les précédentes, fut de 32 millimètres, ce qui donne une surface de limbe plus que double de celle des deux plantes pauvréement fécondées. Pour être tout à fait concluantes, ces expériences devraient être répétées.

Célles que j'ai faites sur le W. longiflora prouvent aussi que les ovaires peuvent y être fécondés par un ou deux grains de pollen, et même, paraît-il, avec plus de certitude que dans le #. Jalapa, peut- être parce que le pollen y est encore plus gros. Sur cinq fleurs de cette espèce fécondées par trois grains de pollen, il s’en trouva deux dont l'ovaire arriva à la grosseur normale, mais un des deux fruits tomba avant maturité; sur quatre fleurs fécondées par deux grains, un ovaire grossit et parvint à toute sa taille ; enfin, sur quatre autres fleurs qui ne reçurent chacune qu'un seul grain de pollen, il y en eut aussi une qui noua et dont le fruit arriva à maturité. On remarquera que ces expé- riences ont eu lieu dans une saison avancée, les nuits sont déjà longues et froides, ce qui très-probablement a augmenté le déchet, et diminué les chances de maturité. Néanmoins, les trois graines récoltées ont levé l'année suivante, mais les plantes qui en sortirent ne différè- rent point, par leurs dimensions ni par la grandeur de leurs fleurs, de celles qui provenaient de fécondations ordinaires.

35 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

6. PRIMULA OFFICINALI-GRANDIFLORA (?). PLANCHE IT, A et B. DEUX GÉNÉRATIONS.

PRIMULA OFFICINALIS ( M.) (?). PRIMULA GRANDIFLORA (OU ELATIOR F. ?).

Fleurs jaunes, trois fois plus petites que Fleurs jaunes, blanches, roses ou pourpres, celles du P. grandiflora ; en ombelles au som- | en ombelles, dont le pédoncule commun est met d'un scape ou pédoncule commun dé- souvent presque nul. pourvu de feuilles. Plante très-variable de port, d'aspect et de

| couleurs, et encore mal déterminée‘.

C'est avec doute que je donne à l'hybride dont il va être question le nom ci-dessus, attendu que, cet hybride m'ayant été apporté du de- hors, j'ignore laquelle des deux plantes parentes a fourni le pollen ; mais son hybridité est certaine, ainsi que la différence des deux espèces qui l'ont produit.

Cet hybride, que je suppose de première génération, fut trouvé dans un jardin la variété à fleurs pourpres du Primula grandiflora (ou elatior?) était cultivée en nombreux échantillons. et apporté vivant au Muséum par M. Weddell. Ses fleurs, de moyenne gran- deur, étaient uniformément mordorées , comme si le pourpre et le jaune avaient été fondus dns un même coloris. En 185h, il donna quelques graines qui furent semées dans l’année même, au mois de novembre, et qui levèrent au printemps suivant. Il en résulta dix plantes, qui fleurirent toutes en avril et mai de l’année d'après, c'est-à-dire en 1856.

Cette floraison fut remarquable en ce qu'elle m'apportait le pre-

1. Cette Primevère, si variable que les jardiniers lui donnent communément le nom de P. variabilis, est très-probablement le produit d’hybrides de divers degrés, souvent croisés les uns par les autres. Je tire cette conclusion d'expériences faites plus récemment, mais dont je n'ai pas à parler ici.

NAUDIN. SUR L'UIBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 39

mier exemple de la dissolution d’une forme hybride et de son retour aux types spécifiques dont elle provenait. Le changement survenu à cette deuxième génération était frappant. Sur ces dix plantes, il y en eut une qui reproduisit à très-peu près l'hybride premier, avec ses fleurs de teinte mordorée, mais elle fut entièrement stérile, quoique située tout à côté des neuf autres plantes, dont les fleurs produisirent beaucoup de pollen et qui furent très-fécondes. Ces neuf plantes se divisèrent en deux catégories fort distinctes : il y en eut trois qui reprirent les traits et toute la physionomie du P. grandiflora, var. pur- purea, sans cependant rentrer entièrement dans cette espèce. Leurs corolles sont de couleur pourpre, mais plus pâles que celles de l'espèce pure; il y en a même une dont les fleurs sont plutôt de couleur lilas que pourprées, mais dans aucune on ne retrouve la moindre trace de jaune, si ce n’est dans le cœur même de la fleur. Toutes ces fleurs sont plus grandes que celles de hybride premier, et, sous ce rapport, elles ne différent pas sensiblement de celles du P. grandiflora. Cependant les trois plantes conservent encore un reste d'hybridité accusé par un cer- tain degré d’imperfection du pollen. Celle qui est le plus vivement colorée et qui s’est le plus dégagée de l’alliage des deux essences spé- cifiques est riche en pollen, dans lequel le nombre des grains vides ou mal conformés est insignifiant; celle, au contraire, dont le coloris est affaibli, est pauvre sous ce rapport. D'après plusieurs calculs de ces grains examinés au microscope, je trouve que la proportion des bons aux mauvais est de cent douze contre deux cent seize, ou très-approxi- mativement de un contre deux.

Les six autres plantes avaient les fleurs toutes jaunes, avec des variations de nuance; ces fleurs étaient en même temps plus petites que celles de l’hybride premier. Elles s’acheminaient de la manière la plus visible vers le P. ofjicinalis, et c'est à peine si même on les en eût distinguées dans le cas on n'aurait. pas connu leur provenance hybride. Une de ces six plantes reste stérile; elle est d’ailleurs très-

A0 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

faible et fleurit à peine; les cinq autres, très-vigoureuses, ont une floraison superbe et donnent autant de graines que si elles avaient été d'espèce pure, ce qui concordait d’ailleurs avec l'état de perfection de leur pollen, l’on apercevait à peine deux ou trois grains mal con- formés sur cent.

L'individu qui répétait à peu près l'hybride premier fut stérile, en ce sens qu'il ne donna pas de graines, mais cela a pu tenir à quelque défaut de conformation de l'organe femelle, ce dont je ne me suis pas assuré”. Ge qu'il y a de certain, c’est que son pollen n’était pas entière- ment mauvais ; examiné au microscope, on y comptait environ soixante bons grains contre cent mauvais, c'est-à-dire trois contre cinq, un peu plus du tiers de la totalité des grains. |

Il faut admettre que les Primevères communes (P. officinalis , P. elatior, P. grandiflora), cultivées ensemble dans les jardins d’agré- ment, se croisent avec facilité, et qu’elles donnent fréquemment nais- sance à des hybrides qui, à leur tour, s’allient les uns aux autres ainsi qu'aux espèces parentes. S'il en était autrement, on ne pourrait pas expliquer lorigine de cette multitude de formes intermédiaires qui s’étagent entre le P. officinalis et toutes les variétés du P. grandiflora, et qui semblent relier ces deux espèces en une seule. Or, l'exemple que je viens de citer démontre clairement qu'il y a deux espèces parfai- tement distinctes, puisque leurs hybrides, lorsqu'ils sont fécondés par eux-mêmes, se dissolvent dès la seconde génération et s’acheminent vers les types d’où ils proviennent. On prendra une idée de ces varia- tions produites par l'hybridité en jetant un coup d'œil sur la planche rv, ont été représentées quelques fleurs de primevéres hybrides obte-

1. À l’époque ces observations ont été faites, les belles expériences de M. Darwin sur la fécondation réciproque des Primevères à Styles longs et à styles courts n’avaient pas encore été publiées. D’après cet éminent naturaliste, chacune des deux formes de Primevères reste stérile, ou Presque stérile, lorsqu'elle ne reçoit pas de pollen de l’autre forme. Je pourrais donc m'être trompé sur la véritable cause de la stérilité de l'hybride dont il est question ici.

NAUDIN, SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. A nues de semis par M. Edmond Becquerel, qui a bien voulu me Îles communiquer.

La planche ur, A, donne un croquis inachevé de l’hybride premier; la planche nr, B, représente quelques fleurs de l'hybride de deuxième génération.

7. DATURA STRAMONIO-TATULA.

DEUX GÉNÉRATIONS.

DarTuRA STRAMONIUM (M.). L. DaTurA TATULA (F.). Lin. Plante dressée, haute d'un mètre, à ramifica- Mème port et même taille que dansle D. stra- gi 2.1 a & £ Lie vor : monium. toutes les dichotomies. Tiges et rameaux d un Tiges et rameaux d'un pourpre obscur. vert clair. Fleurs blanches. Capsule épi- | Fleurs violacées.

neuse. Capsule épineuse.

Les deux plantes dont nous allons observer le double croisement sont à peu près l’exacte répétition l’une de l'autre; elles semblent sor- ties du même moule, mais elles diffèrent constamment par la teinte de leurs tiges et le coloris de leurs fleurs. Les monographes ont été partagés sur la question de savoir si on devait les considérer comme des es- pèces distinctes ou comme de simples variétés d'une même espèce ; les résultats de leur croisement vont nous montrer, entre autres faits inté- ressants, qu’on doit tenir ces deux formes pour deux bonnes espèces.

Le 19 août et le 1h septembre 1854, deux fleurs de Datura Tatula, castrées dans le bouton, sont fécondées par le pollen du D. Stramonium. Toutes deux nouent et forment des fruits pas une graine n’avorte. Une partie de ces graines, semée le 16 avril 1855, me donne quatre- vingt-seize plantes qui prennent un développement tout à fait inu- sité, puisque en octobre. lorsqu'elles cessent de croître, la plupart S'élévent à plus de deux metres. cest-à-dire au double de Ta taille

I. 9

A2 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

ordinairé des deux espèces parentes. Par tout leur faciès elles sont intermédiaires entre ces deux espèces, mais avec un feuillage no- tablement plus grand. Leurs tiges et léurs branches sont lavées de pourpre obscur, moins foncé cependant que dans le D. Tatula. Toutes. sans exception, perdent leurs boutons de fleurs dans les quatre ou cinq premières dichotomies, et il n’y en a même qu’un petit nombre qui les gardent et qui fleurissent à cette hauteur; la plupart ne parviennent à ouvrir leurs boutons et à nouer leurs fruits que dans les huitièmes, neuvièmes et dixièmes dichotomies, c’est-à-dire tout à fait aux som- mités, et par suite très-tardivement. Ces fleurs sont violacées, mais plus pâles que celles du D. Tatula pur; toutes sont fertiles et nouent des fruits aussi pourvus de graines que ceux des espèces parentes, mais ces fruits, à cause de la saison avancée, ne parviennent pas tous à maturité.

Ainsi une taille beaucoup plus haute que dans les types produc- teurs, et la chute anticipée des fleurs dans les premières dichotomies, ce qui amène une fructification tardive, tels sont les principaux traits de cet hybride, dont toute la collection présénte la plus grande unifor- mité. Nous verrons reparaître ces différents caractères dans tous les hybrides de cette section du genre Datura.

8. DATURA TATULO-STRAMONIUM. DEUX GÉNÉRATIONS.

Le 15 août 1854, une fleur pareillement castrée D. Stramonium est fécondée par le pollen du D. Tatula. L'ovaire noue et devient un très-beau fruit également rempli de bonnes graines. Quelques-unes de ces dernières sont semées en 1855, et donnent naissance à vingt-quatre plantes, dont vingt et une ressemblent exactement aux quatre-vingt-

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. A3

seize de l'expérience précédente, C'est la même taille exagérée et la même grandeur des feuilles; ce sont aussi les mêmes teintes affaiblies sur les tiges et les fleurs. Comme elles encore, elles ne fleurissent que dans les dernières dichotomies, et elles y produisent des fruits de grosseur normale, dont toutes les graines sont bien conformées. En un mot, ces deux séries d’hybrides se ressemblent tellement qu'il est tout à fait impossible de les distinguer l’une de lautre.

Les trois autres plantes ne sont rien de plus que le D. Stramonium. Leur taille est à peine la moitié de celle des plantes hybrides, et, con- formément aux allures de leur espèce, elles fleurissent et fructifient dans toutes les dichotomies, y compris la première. Comment se trou- vent-elles là? Très-probablement parce que, dans la castration de la fleur de la plante mère, une anthère déjà entr'ouverte aura laissé tom- ber quelques grains de pollen sur le stigmate, et que ces grains auront concouru à la fécondation de l'ovaire, en même temps que ceux du D. Tatula.

Les graines de ces deux hybrides réciproques n’ont pas été récol- tées; celles qui ont müûri sont tombées sur le sol et y ont germé en 1856. On en a conservé une vingtaine de pieds, qui reproduisirent à très-peu près le D. Tatula pur et simple, par leur taille à peine supé- rieure à 4 mètre, leur fécondité dans les dichotomies inférieures, et les teintes plus foncées de leurs tiges et de leurs fleurs 1.

4. Des expériences postérieures à celle-ci m'ont appris que les graines des hybrides de D. Tatula et D. Stramonvum, reproduisent ces deux espèces parfaitement pures, mais avec une proportion beaucoup plus grande pour le D. Tatula que pour le D. Stramonium.

LU NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

9. DATURA STRAMON I0-QUERCIFOLIA.

D. STRAMONIUM {M.). D. quErcrrortA (F.), Feuilles lobées, à lobes aigus, mais non dé- Feuilles découpées en lobes profonds, avec coupées. Fleurs blanches, plus grandes que | des sinus arrondis. celles du D. quercifolia. Capsule épineuse. Fleurs bleu-violacé pâle. Tiges d'un pourpre

brun, dichotomes, fleurissant et fructifiant dans toutes les dichotomies. Capsule épineuse.

En août 1854, une fleur de D. quercifolia, castrée dans le bouton, est fécondée par le pollen du D. Stramonium. Il en résulte un fruit de grosseur ordinaire, dont toutes les graines sont convenablement déve- loppées. Semées en avril 1855, elles donnent une multitude de jeunes plantes, dont cinq seulement sont conservées, faute de place pour en transplanter un plus grand nombre.

| Ces cinq plantes deviennent très-fortes; elles s’élévent à À mètre 80 centimètres ou 2 mètres, le double de la taille du D. quercifolia, au- quel elles ressemblent par les découpures profondes de leurs feuilles et par la teinte pourpre obscur de leurs tiges. Toutes perdent leurs boutons de fleurs dans les premières dichotomies et ne fleurissent qu'aux sommités. Leurs fleurs sont d’un violet très-pâle, mais toutes fertiles. Cet hybride ressemble tant à l'espèce maternelle que, sans sa taille exagérée et la chute prématurée des fleurs dans les dichotomies inférieures, on n’hésiterait Pas à l'identifier avec elle. 11 est, dans son espèce, l'exact représentant du D. Stramonio-Tatula, la prédominance de l'espèce maternelle a été remarquable, ainsi que nous l'avons vu plus haut.

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. h5

N°10. DATURA CERATOCAULO-STRAMONIUM.

DEUX GÉNÉRATIONS.

D. cERATOCAULA (M.). D. sTRAMoNIUM (F.). Solandra herbacea, Mort. Ceratocaulos Voir plus haut pour les caractères, p. #1. daturoides, Spach. Dans cette espèce, toutes les fleurs qui ne

iges décombantes ou couchées, divisées | sont pas fécondées tombent dans les deux ou dichotomiquement, mais dont les dichotomies | trois jours qui suivent la floraison. sont déguisées par la brièveté d’un des deux rameaux. Fleurs quatre à cinq‘fois plus gran- . des que celles du D. Stramonium, blanches, un peu rosées à l'extérieur. Capsules demi- charnues, presque bacciformes, sphériques, lisses, indéhiscentes autrement que par la pu- trescence du péricarpe, pendantes.

Les deux plantes qui vont faire le sujet de cette observation sont si dissemblables de port, d'aspect, et, jusqu’à un certain point, de structure, qu'il n'y a pas lieu de s'étonner si elles ont été plusieurs fois classées dans des genres différents. Dans le fait, leur croisement équi- vaut à celui de deux genres ordinaires, et on peut le regarder comme un de ces cas extrêmes que la nature dépasse rarement. Le résultat, très-singulier en apparence, très-analogue cependant à ceux des autres croisements entre le D. Stramonium, nous fournira une nouvelle preuve de la part très-inégale que prennent quelquefois les types spé- cifiques associés à la production des hybrides.

Du 2 au 8 septembre 1854, dix fleurs de D. Stramonium, situées sur deux pieds différents, sont castrées dans le bouton avant toute déhis- cencé des anthères, puis, au moment convenable, leurs stigmates sont couverts d’une forte dose de pollen de D. ceratocaula. Les dix ovaires nouent, mais s’accroissent avec une extrême lenteur, si on les com- pare avec ceux qui ont été fécondés par le pollen de l'espèce. Aucun

A6 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

d'eux n'atteint à la grosseur normale; le plus développé n’en dépasse pas la moitié; les autres s'arrêtent au tiers, au quart, au cinquième, ou moins encore de cette grosseur. Bien avant d’être mûrs ils prennent une teinte jaunâtre, et leurs pédoncules se sphacèlent. En un mot, tout annonce en eux un état maladif particulier, qui ne s’observe ja- mais sur les fruits légitimement fécondés du D. Stramonium. Arrivés à maturité, leurs valves se séparent à peine, mais on reconnaît, en les écartant, que les graines ont bruni et peuvent être retirées du fruit.

Le contenu des dix capsules présente des signes non moins évi- dents d’altération de la vitalité. Les plus petites, dont le volume dé- passe à peine celui d’une grosse noisette, contiennent deux à trois graines qui paraissent bien conformées, et qui adhèrent à des excrois- sances très-remarquables du placenta. Le reste des ovules n'a pris aucun accroissement, et ne consiste qu’en des vésicules aplaties et des- séchées; les parties du placenta qui correspondent à ces ovules atro- phiés ne semblent pas non plus s'être accrues ; il n'y a eu de dévelop- pement, dans cet organe, qu'au-dessous du petit nombre de graines qui se sont formées.

Les capsules les plus grosses, celles qui arrivent à la taille d’une noix, Contiennent, outre beaucoup d’ovules atrophiés, et quelques graines arrivées à toute leur grosseur (de deux à quinze par capsule) et qui correspondent à autant d’excroissances du placenta, un nombre variable, mais quelquefois considérable, de graines arrêtées au 1/3 ou tout au plus à la 1/2 du volume des premières. J’en compte cent dix dans la capsule la plus développée. Ces graines qui, sauf leur grosseur, ressemblent à des graines parfaites, dont elles ont la forme, la dureté - et la couleur brune, sont remplies de matière périspermique, mais ne contiennent pas le moindre vestige d’embryon. Celles, au contraire, qui sont arrivées à toute leur srosseur, renferment un embryon très- reconnaissable. L’une dans l’autre, les dix capsules me donnent une

NAUDIN. SUR L'HYÉRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. A7

soixantaine de ces graines embryonnées, qui sont semées en pots; au mois d'avril 1855.

De toutes ces graines, il n’y en eut que trois qui germèrent. Une des trois plantes fut oubliée dans le pot elle était née, et n’y prit qu’un faible développement; les deux autres, mises en pleine terre, devinrent très-belles, et ne différèrent par rien d’appréciable du D. Stramonium ; elles n’en étaient cependant pas moins hybrides. Cette hybridité se trahissait par tous les caractères que nous avons vu appa- raître dans les expériences précédentes : une taille élancée de près de 2 mètres de hauteur, et la chute des boutons à peine formés dans toutes les dichotomies inférieures. De même que les nombreux sujets hy- brides des D. Stramonium et D. Tatula, du D. Stramonium et du D. querci- folia, et que ceux que nous observerons tout à l'heure entre les D, Stra- monium et D. lœvis, ceux-ci ne fleurirent que dans les dernières dichotomies, et leurs fleurs trés-fertiles, ainsi que les fruits qui vin- rent à la suite, furent entièrement semblables à ceux du D. Stramonium pur et simple.

Un fait, sur lequel j'appelle incidemment l'attention du lecteur, est le développement, dans un certain nombre de capsules, de graines en apparence bien conformées, mais ne contenant pas d’embryon. Nous y voyons aussi beaucoup de graines véritablement embryonnées qui cependant refusent de germer. Ce fait, dont nous retrouverons plus loin des exemples dans un genre de plantes bien différent, est la preuve qu'un pollen étranger, déposé sur le stigmate, peut agir à des degrés divers sur les ovules, et que, tout en déterminant leur accroisse- ment et leur métamorphose en graines, il n’y fait pas nécessairement naître un embryon. Son action ne se borne donc pas à organiser une plante nouvelle, elle s'étend aussi aux organes accessoires, aux mem- branes de l’ovule, au contenu du sac embryonnaire, et même au pla- centa, comme le témoignent les excroissances qui s’y sont développées au-dessous des graines parfaites, dans l'exemple que nous venons de

A8 : NOUVELLES ARGHIVES DU MUSEUM. citer. J'ai méme tout lieu de croire, ainsi que je le dirai plus loin, que cette action vivificatrice du pollen s'étend au péricarpe lui-même.

Des graines récoltées sur l'hybride dont je viens de faire l'histoire, et semées en 1856, ont toutes reproduit le type pur et simple du D. Stramonium, revenu à sa taille normale, et fructifiant dans toutes les dichotomies. Ainsi, dès la seconde génération, le D: Stramonium s’est entièrement dégagé de son alliage avec le D. ceratocaula.

J'ai essayé de produire l'hybride réciproque de ces deux espèces (D. Stramonio-ceratocaula), mais sans y réussir, peut-être uniquement par suite d'une cause toute accidentelle et étrangère à l’antipathie des deux espèces. Après plusieurs essais de fécondation des fleurs du D. ceratocaula par le pollen du D. Stramonium, j'ai fini par obtenir la grossification d’un ovaire qui arriva, mais très-lentement, à peu près au tiers de son volume ordinaire. Les gelées d'automne étant alors imminentes, je cueillis ce fruit bien avant sa maturité, mais les grai- nes n'étaient pas assez formées pour achever de mürir dans le fruit, et aucune d'elles ne leva, au semis de l’année suivante.

11. DATURA STRAMONIO-LÆVIS..

TROIS GÉNÉRATIONS.

D. SrRAMONIUM (M.). D. Lævis (F.). D, mNERMIS, Dunal, Voir plus haut, p. 41. Plante dressée, dichotome, à tige vert clair, Capsule épineuse. semblable par le port au D. Stramonium,

mais plus basse et plus ramassée. Fleurs blan- ches, presque de moitié plus petites que celles du D. Stramonium. Capsules plus petites d’un tiers que dans cette dernière espèce, plus arrondies, lisses, tout à fait inermes.

Le 4 du mois d'août 1858, par une journée très-chaude et très-

favorable à ces sortes d'expériences, trois fleurs de D. levis, préalable

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 19 ment castrées dans le bouton, furent richement fécondées par le pol- len du D. Stramonium. De ces trois fleurs naquirent trois fruits de grosseur normale, qui furent récoltés mûrs le 23 septembre suivant. Ces fruits étaient aussi remplis de graines, et de graines bien con- formées, que s'ils avaient succédé à une fécondation légitime.

Une faible partie de ces graines, sémée en avril 1859, me donna quarante plantes très-fortes, dont la hauteur était de 1 mètre 50 centi- mètres à 1 mètre 80 centimètres, ce qui est environ le double de la taille de l'espèce maternelle, et au moins un tiers de plus que celle de l'espèce paternelle. Par le port, l'aspect du feuillage, la grandeur des fleurs, et finalement par les capsules hérissées de piquants, ces qua- rante plantes ne se distinguent pas, au premier abord, du D. Stramo- nium (le père) ; l'influence maternelle semble entièrement annihilée. Mais les caractères accessoires de l'hybridité sont manifestes. Outre la taille notablement plus forte que celle des deux espèces parentes, toutes les fleurs tombent en boutons dans les premières dichotomies ; elles ne commencent à s'ouvrir que dans les septièmes, huitièmes et neuvièmes, c’est-à-dire tardivement et aux sommités des plantes, ab- solument comme dans les autres hybrides de ce groupe.

En y regardant de plus près, on finit par s’apercevoir que l'espèce maternelle, en apparence totalement évincée par le père de l'hybride, a cependant laissé sur sa progéniture une empreinte reconnaissable. Une partie notable de ces fruits épineux, outre qu’ils sont un peu moins grands que ceux du D. Stramonium pur, ont les épines sensiblement moins longues et moins fortes qu'elles ne le sont dans ce dernier; mais ce qui est surtout frappant c’est que, sur trois des plantes hy- brides, beaucoup de fruits, très-épineux sur une partie de leur sur- face. sont totalement lisses et inermes sur le reste, réunissant ainsi, par compartiments distincts et nettement séparés, les traits les plus différentiels des deux espèces productrices. Quelquefois le fruit se par- tage par moitiés entre le D. Stramonium et le D. lœvis; plus souvent il

[, [l

50 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

n'ya qu'un quart ou une fraction plus faible du fruit qui appartienne à ce dernier. Ge qui est à noter encore, c’est que les valves sans épines sont moins hautes que les valves épineuses, et qu’elles ne se joignent à elles qu'en gauchissant, comme des pièces qui ne sont pas faites pour aller ensemble. C'est ce qui arriverait si, après avoir enlevé la moitié ou le quart du péricarpe d’un fruit de D. Stramonium, on essayait de combler le vide par un fragment correspondant du fruit moins grand du D. lœvis.

C'est la forme d'hybridité que j'ai appelée hybridilé disjointe, et dont nous avons déjà vu un exemple, moins frappant, il est vrai, dans le Mirabilis longifloro-Jalapa. Elle est plus commune qu’on ne le croit, mais elle n’est pas toujours remarquée. On en a cependant signalé de- puis longtemps des cas fort remarquables dans le Cytisus Adami et les variétés d'oranges dites Pizarreries. On sait que le C. Adami est un hy- bride des C. Laburnum et C: purpureus, à peu près intermédiaire entre ces deux espèces, au moins par le feuillage et le coloris des fleurs qui sont entièrement stériles, et que de loin en loin il s’en détache des rameaux qui reproduisent identiquement tous les caractères des €. pur- pureus et C. Laburnum. Quelques personnes croient encore que cette forme mixte a été créée par la greffe, ce qui est extrémement peu pro- bable; mais cela füt-il, il n’en resterait pas moins que les deux essen- ces violemment réunies tendent à se dégager l’une de l’autre, et qu'elles y réussissent quelquefois. Dans les Oranges bizarreries, qui sontOranges par certains côtés et Citrons par d’autres, le phénomène est identique- ment le même, quoique occupant des organes différents. J'insiste sur ce phénomène, parce que je le regarde comme la véritable cause du retour des hybrides fertiles aux types spécifiques d’où ils proviennent.

Deuxième génération. Une partie des fruits de l’hybride de première génération dont j'ai parlé tout à l'heure, quoique formés très-tardive- ment, arriva à peu près à maturité, Des graines furent extraites des capsules les deux types spécifiques étaient disjoints, et principale-

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 51

ment de dessous les valves non épineuses, s’imprimaient si visible- ment les traits distinctifs du D. lœvis. Ces graines, mal mûries, périrent pour la plupart pendant l'hiver, dans l'appartement on les conser- vait; elles furent néanmoins semées en 1860, et il y en eut quatre qui levérent.

Les quatre plantes obtenues furent mises en pleine terre et de- vinrent très-belles. Toutes quatre sont supérieures par la taille aux deux espèces parentes, mais déjà inégales entre elles sous ce rapport. Sur ce nombre, il y en a une qui retourne entièrement au D. Stramo- nium, qui fleurit et fructifie comme lui dans toutes les dichotomies, y compris la première, et dont les fruits sont aussi gros et aussi forte- ment armés que dans cette espèce. Deux autres, dont la taille atteint ou dépasse 1 mètre 70 centimètres, rentrent de même dans le D. Stramonium, mais ne commencent à fleurir que dans les quatrièmes et cinquièmes dichotomies. La quatrième, au contraire, fait entière- ment retour au D. lœvis, par ses capsules absolument inermes et de même grosseur que dans cette espèce, mais elle accuse encore un reste d'hybridité par sa haute taille et par la chute des fleurs dans les quatre ou cinq premières dichotomies. Voilà donc encore un hybride fertile, et certainement fécondé par lui-même, qui, dès la deuxième généra- tion, se dissout et retourne, quoique en des proportions très-diffé- rentes, à chacun de ses ascendants. On voit, en même temps, qu'ici c'est l'espèce paternelle qui exerce la plus forte attraction sur la pos- térité hybride. Ù

Des graines obtenues du premier croisement fait en 1858, et qui avaient été conservées, furent encore seméces en 1860, et me procu- rérent douze plantes de première génération, sur lesquelles je retrou- vai les caractères déjà observés en 1859; leurs graines ne furent pas récoltées, et celles qui parvinrent à maturité tombèrent à terre, elles géermérent en grand nombre au printemps de 1861. Ces plantes ne furent pas toutes détruites; on se contenta de les éclaircir, pour

52 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

faciliter leur croissance; il en resta en tout trente-huit, qui étaient, je le rappelle, de deuxième génération. Voici l'aspect qu'elles présen- taient au mois de septembre 1861 :

Un individu entièrement rentré dans le D. lœvis, quoique avec une taille sensiblement plus forte (1 mètre 20 centimètres), et fructi- fiant dans toutes les dichotomies. Ses capsules, totalement dépourvues d’aiguillons et d’aspérités, ne diffèrent en rien de celles de cette espèce.

2 Six individus remarquables par leur taille élevée (de 1 mètre 80 centimètres à 2 mètres 10 centimètres), stériles dans les dichoto- mies inférieures, c’est-à-dire ne commençant à fructifier qu'à partir des cinquièmes, sixièmes et septièmes. Leurs capsules sont un peu moins grosses que celles du D. Stramonium et sont toutes épineuses, mais moins fortement que dans l'espèce pure, et sur plusieurs d’entre elles on observe, plus ou moins marqué, le phénomène de disjonction que j'ai signalé plus haut. Certaines capsules sont très-lisses sur une ou deux valves, quelquefois seulement sur la moitié d’une valve et même moins encore, et les valves lisses sont toujours plus courtes que les valves épineuses, ce qui occasionne un certain gauchissement du fruit. On voit que ces six plantes reproduisent à peu près les traits de l’hy- bride premier.

Vingt-quatre plantes de 1 mètre 60 centimètres à 2 mètres, sté- riles dans les cinquièmes, sixièmes et septièmes dichotomies infé- rieures, ne fleurissant par conséquent qu'à leurs sommités, mais ne présentant point de capsules mi-parties de côtés lisses et de côtés épineux. Elles ne différent de celles du D. Stramonium qu’en ce qu'elles sont un peu moins grosses, et que leurs épines sont moins longues et moins fortes. Avec les six précédentes, elles représentent assez fidèle- ment l’hybride de première génération. Inutile d'ajouter qu’elles sont incomparablement plus voisines du D. Stramonium que du D. lœvis.

Enfin sept individus que je dois considérer comme totalement et définitivement rentrés dans le D, Stramonium, dont ils ont repris la

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 53

taille (de 1 mètre à 4 mètre 10 centimètres). Ils fructifient dans toutes les dichotomies, y compris la première, et leurs capsules sont très- grosses et très-épineuses.

À la deuxième génération, la tendance de l’hybride à se dissoudre est donc sensiblement plus prononcée qu’à la première.

Troisième génération. Elle n’a été observée que sur des plantes issues de l'individu de deuxième génération qui, en 1860, était retourné au D. lœvis. I s'agissait de savoir si ce retour se maintiendrait sans altération. Je n'ai semé, en 1851, qu'une faible partie des graines récoltées, et, faute d'assez de place, je n’ai pu conserver que six des plantes obtenues de ce semis. Toutes les six ont reproduit les carac- tères propres au D. lœvis, mais ont témoigné encore, par leurs allures, d’un reste d'hybridité. Deux d’entre elles, les plus rapprochées du type pur de l'espèce, fructifient dans toutes les dichotomies, mais s'élèvent de 1 mètre 30 centimètres à À mètre 40 centimètres; les quatre autres atteignent presque à 2 mètres et ne fructifient qu'au-dessus des cin- quièmes, sixièmes et septièmes dichotomies, mais leurs capsules sont entièrement celles du D. lœvis, et abondamment pourvues de graines. Combien de temps ces anomalies de végétation pourraient-elles se con- server? C'est ce que j'ignore encore; mais tout me porte à croire qu'il suffirait d'un petit nombre de générations pour les faire disparaître.

Toutes ces expériences ayant eu lieu dans un terrain clos de murs, aucun sujet de D. lœvis n’était cultivé pendant les trois années qu'a duré cette expérience, le retour d’un certain nombre d’hybrides à cette espèce ne peut en aucune manière être attribué à leur croise- ment avec elle, et sa spontanéité ne peut pas être mise en doute. Quel- ques pieds de D. Stramonium existaient, il est vrai, dans cet enclos, mais des expériences réitérées m'ont appris que son pollen ne passe que très-rarement et très-exceptionnellement d’une fleur sur une autre. Sur cent fleurs castrées avant toute déhiscence des anthères, et lais- sées à découvert au voisinage d'individus fleurissants de cette espèce,

5 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

c'est tout au plus si une ou deux reçoivent quelques grains de pollen et nouent leur ovaire, et elles sont bien moins encore exposées à cet accident, lorsque n'ayant pas été castrées (et c'était le cas de nos hybrides), et l'anthèse ayant eu lieu dans le bouton fermé, le stigmate n'offre plus de prise à un pollen étranger; aussi n’hésité-je pas à regarder le retour d’un certain nombre des hybrides mentionnés au D. Stramonium, comme tout aussi spontané que celui des individus qui

sont retournés au D. lœvis.

12. DATURA METELOIDO-METEL. TROIS GÉNÉRATIONS.

D. METELOIDES (M.). Dunal. D. meTEL (F.). Linné.

Plante vivace, ayant le port et l’aspect du D. Metel. Corolles très-grandes, dont le tube est long de 46 à 17 centimètres, de couleur bleu-violacé clair. Capsules de la grosseur d'un œuf de pigeon, à épines plus courtes que celles du D. Metel. Feuillage un peu plus petit que dans ce dernier.

Du Mexique.

Plante vivace, un peu plus forte que le D. meteloides. Corolle très-grande, d’un blane pur à l’intérieur, lavée de jaunâtre très-pèle à l'extérieur, avant l'épanouissement complet; à- tube long d'environ 10 centimètres, Cap- sules presque sphériques, de la grosseur d’un œuf de poule, s’ouvrant irrégulièrement à la maturité, De l'Amérique du Sud (?).

Voici deux plantes très-voisines l’une de l’autre, et qu'on ne dis-

tingue bien que lorsqu'elles sont en fleurs. Elles doivent néanmoins être tenues pour deux espèces distinctes si l’on admet, comme je crois qu'on doit le faire, que le retour de l'hybride aux types des ascendants est un signe de spéciéité. Ces deux espèces sont l’une à l’autre comme le D. Stramonium ést au D. Tatula, ou comme le Petunia nyctaginiflora est au P, violacea, encore comme sont entre eux divers Micotiana dont il sera parlé plus loin. .

Première génération. Le 48 août 1858, deux fleurs de D. Metel, cas-

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 59 trées dans le bouton, sont abondamment fécondées par le pollen du D. meteloides. La haute température de ce jour, et surtout l’affinité des deux espèces me donnent presque la certitude que le croisement sera suivi de succès.

Effectivement les deux ovaires nouent, mais ils ne forment en dé- finitive que de très-petites capsules que j'évalue approximativement l'une au 1/7, l’autre au 1/10 de la grosseur normale. Elles ne sont qu'à demi mûres lorsque l’imminence des gelées m'oblige à les cueillir; cependant elles sont remplies de graines bien conformées, ce qui me permet d'en faire un nombreux semis l’année suivante, c’est-à-dire en 1859.

Presque toutes levèrent, mais le semis ayant été dévoré par les limaçons, je n'en pus conserver que trois plantes, qui devinrent fort belles et me parurent même ün peu plus fortes que les individus ordi- naires de D. Metel, Quoique les D. Metel et meteloides aient presque le même faciès, il m'a paru que les trois plantes hybrides ressemblaient plus au premier qu’au second. Elles étaient d’ailleurs, ainsi qu'il arrive généralement aux hybrides de première génération, parfaitement sem blables l’une à l’autre.

Ces trois plantes furent très-fertiles. Elles fleurirent et fructifièé- rent dans toutes les dichotomies, et leurs fruits eurent le volume et les forts aiguillons de ceux du D. Melel. Ils contenaient autant de grai- nes, et de graines bien développées, que ces derniers.

Les signes de l'hybridité ne se manifestèrent bien nettement que dans la coloration de la fleur. Celle-ci futen grande partie blanche, mais à l'extérieur elle était lavée de violet pâle, et à l’intérieur elle présen- tait, le long du bord, un liseré violacé de la largeur du doigt. Les trois plantes étaient donc bien réellement hybrides, tout en étant beaucoup plus voisines du D. Metel (l'espèce maternelle) que du D. meteloudes.

Deuxième genération. Des graines récoltées sur les trois plantes de 1859 furent semées au printemps de 1860. J'en obtins quarante-deux

56 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

plantes, qui furent aussi fortes que celles de l’année précédente, et qui répétèrent toutes, comme elles, la physionomie du D. Metel. Elles fleu- rirent de même dans toutes les dichotomies, mais la grande uniformité de coloris des fleurs des trois premiers hybrides ne subsistait plus. De ces quarante-deux plantes, douze étaient entièrement rentrées dans le D. Metel, ayant comme lui les corolles tout à fait blanches à l’intérieur et lavées de jaune très-pâle à l'extérieur; vingt-huit étaient encore intermédiaires à divers degrés entre les deux types producteurs, sans se ressembler exactement entre elles; leurs corolles étaient teintées de violacé, mais cette teinte, au lieu de former, comme dans les trois premiers hybrides, un simple liseré au pourtour du limbe, s’étendait à une portion plus considérable de la fleur et descendait même parfois jusque dans le tube; enfin, il y en avait deux dont les fleurs très-viola- cées paraissaient avoir repris dans son intégrité le coloris du D. mete- loides, peut-être même la nuance en était-elle plus foncée, mais le tube de la corolle était toujours beaucoup plus court que dans cette espèce, aussi, malgré cette intensité plus grande de coloration, ai-je encore trouvé à ces deux plantes plus de ressemblance avec le D. Metel qu'avec le D. meteloides. On prendra une idée de ces changements de coloration des fleurs en jetant les veux sur les planches v et vi, qui représentent des fleurs de l’hybride à la deuxième génération.

La riche floraison de 1860 devait me faire espérer une abondante fructification, mais l'été fut si froid et si pluvieux que, soit par dé- faut de maturité du pollen, soit pour toute autre raison, presque tous les ovaires avortèrent. Sur trois ou quatre plantes seulement, les unes à fleurs toutes blanches, les autres à fleurs violacées, quelques capsules arrivèrent à demi-grosseur et müûrirent très-incomplétement leurs graines. Elles furent cependant recueillies dans l'espoir d'en voir sortir la troisième génération hybride.

C'est à dessein que je mentionne ce remarquable déficit dans la fructification de ces hybrides, déficit entièrement aux irrégula-

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 57 rités météorologiques de l'année, afin de faire voir combien on peut être exposé à confondre les anomalies qui dépendent de lhy- bridité avec celles qu'amènent des circonstances qui lui sont totale- ment étrangères. Voici d’ailleurs la preuve que cette stérilité était bien le fait du manque de chaleur et de l'excès des pluies. Les graines pro- duites en grande abondance par les trois premiers hybrides de 1859, | et qui étaient tombées à terre, ne germèrent pas toutes en 1860 ; un bon nombre s'étaient conservées dans le sol pendant plus d’une année, et il en naquit encore plusieurs centaines de plantes en 1861. J'en fis conserver quarante-deux, le même nombre qu’en 1860. Elles devin- rent superbes, et, comme l’année 1861 eut un été et un automne secs et chauds, tous les ovaires nouèrent et mürirent par centaines. Sur ces quarante-deux plantes de deuxième génération, il y en eut onze qui retournèrent complétement au D. Metel; quatorze qui, sans y rentrer entièrement, en approchaient d'assez près, n'ayant plus qu'une teinte violacée très-affaiblie sur le contour du limbe; treize qui étaient à peu près à égale distance des deux espèces; et enfin quatre, dont les fleurs très-violettes pouvaient être assimilées à celles du D. meleloides, mais avec le tube de la corolle toujours plus court que dans ce der- nier, et un faciès général qu'il aurait été difficile de distinguer de celui du D. Metel.

Troisième génération. Les graines récoltées, en 1860, sur les quel- ques plantes qui avaient fructifié provenaient, les unes d'individus à fleurs toutes blanches, les autres d'individus à fleurs violacées. J'en fis donc deux lots, qui furent semés en deux pots différents, et dans chacun desquels il ne naquit qu’une seule plante, ce qui prouve que la plupart des graines n'avaient pas müûri. Ces deux plantes, mises en pleine terre (1861), devinrent très-fortes et fleurirent avec la même abondance que celles des deux générations précédentes. Celle qui pro- venait d'un pied à fleurs blanches reproduisit intégralement, comme sa mère, le D. Metel pur; l’autre eut les fleurs fortement teintées de

1. : 8

58 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

violet, peut-être à un plus haut degré que celles du D. meteloides de race pure; malgré cela, on ne pouvait pas la regarder comme entiè- rement rentrée dans ce type, attendu qu'elle était plus trapue ét plus forte, et que le tube de la corolle n’y était Line plus long qu'il ne Fest dans le D. Metel.

Toutes ces plantes ayant été parfaitement isolées, pendant les trois générations consécutives, de toute autre plante d’origine pure, soit du D. Metel, soit du D. meteloides, il est de toute certitude que les changements qui s’y sont produits d’une génération à l’autre ont été spontanés, et n'ont pas eu pour cause le croisement de hybride avec lun quelconque de ses ascendants. On voit aussi, dans cette expérience; la prédominance marquée d’une des deux essences spécifiques sur la postérité hybride; ici, c'est la mère (D. Metel) qui l'emporte visible- ment; nous avons vu qu'au contraire c'était le père dans les hybrides des D. lœvis et D. Stramonium. Tous les grains de pollen de l'hybride étaient aussi bien conformés que ceux des deux res ne (PI1.:9:)

13. NICOTIANA CALIFORNICO-RUSTICA.

PLANCHE %. UNE GÉNÉRATION.

N. cazrFoRnica (M.). Hort. par. N. rusrica, Linn. (F.). Plante annuelle, de 60 à 70 centimètres, Plante annuelle, dressée, simple, haute en ramifiée dès la base, à rameaux divergents. moyenne de 60 centimètres. Feuilles largement | Feuilles lancéolées, aiguës. Fleurs infandi- ovales ou cordiformes, obtuses, d’un vert foncé.

buliformes, grandes, à tube allongé, blan- | Fleurs tubuleuses, courles, presque en grelot ches, rayées de pourpre brunâtre à l'extérieur, | ou urcéolées, à limbe arrondi, d’un vert jau- sur les angles. Pollen blanc. Capsules ovoï- | nâtre. Capsules ovoïdes, bilobées: au: sommet, des, pointues. trois fois plus grosses que celles du W. califor- nica. Pollen blanc.

Les deux espèces qui figurent dans cette expérience appartiennent à deux sections ou sous-génres différents du groupe MVicotiana. Celle

NAUDIN. —— SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 59

qui est désignée ici sous le nom de californica a été reçue, il y a quelques années, au Muséum, sans autre indication que son lieu de pro- “venance, la Californie, J'ignore si elle a été décrite quelque part, mais ‘je me puis la reconnaître dans aucune des descriptions du Prodrome de ‘De Candolle. Par son port, da forme de ses feuilles et aussi par ses fleurs, qui ont quelque ressemblance avec celles du Petunia nyctaginiflora, elle se rapproche assez du . acuminata de Graham, ou du moins de l’es- pèce cultivée sous ce nom au Muséum, et elle appartient comme lui à la section des Pétunioides. C'est dire qu'elle est très-éloignée du N.rustica.

Je. dois faire remarquer, avant d'exposer la série de mes expé- riences sur les plantes du genre Micotiana, qu'il règne encore une grande confusion dans ce genre, et que beaucoup de formes y sont dé- crites tantôt comme espèces distinctes, tantôt comme variétés. Ilen résulte que je ne pourrai pas garantir les noms de toutes les espèces dont j'aurai à parler.

Le 30 août 1854, deux fleurs de M. rustica, castrées dans le bou- ton, reçoivent une forte dose de pollen de NX. californica. L'un des deux ovaires tombe sans grossir; le second arrive à la taille d'un gros pois. c'est-à-dire environ au 4/4 du volume normal. A la maturité de la cap- sule, je trouve que la plupart des ovules n’ont pris aucun accroisse- ment et se réduisent à des vésicules vides et flétries, mais il existe aussi quelques graines bien conformées. Le tout est semé en avril 1655.

-:Dix-sept plantes lèvent de ce semis, t sont repiquées sur ume même planche. Au moment de la floraison, il se trouve que; sur ce nombre, il y'en a seize qui ne sont ni plus ni moins que le W. rustica: Ja dix-septième seule ‘est un très-bel hybride, exactement intermé- -diaire, par touté sa physionomie, entre les deux espèces. En octobre. il s'élève à 4 mètre 70 centimètres, les autres plantes du même semis me dépassant pas 80 centimètres au maximum.

Ainsi que je viens de de dire, cet hybride est à une égale distance

60 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

des A. rustica et N. californica. Ses grandes feuilles, d'un vert foncé comme celles du rustica, sont largement lancéolées, et, sous ce rap- port, elles rappellent celles du californica; il se rapproche encore de ce dernier par sa forte ramification. Sa floraison, commencée vers la fin de juillet, devient luxuriante et se soutient pendant trois mois. Dans cet espace de temps, il produit plus de mille fleurs, qui tombent toutes successivement, sans nouer un seul ovaire, après s'être conservées fraiches huit à dix jours. Ces fleurs sont hypocratériformes, d’un blanc légèrement verdâtre, presque de la grandeur de celles du W. californica, mais plus voisines, par la forme, de celles du rustica, ainsi qu’on peut le voir par la figure très-exacte de la planche vrr. En jetant aussi les yeux sur la planche x, fig. À, qui représente le W. rustica, on saisit immédiatement les analogies et les différences qui existent entre les fleurs de l’hybride et celles de sa mère.

Les anthères, l'ovaire, le stigmate et les ovules paraissent bien conformés, à n’en juger que par l'extérieur; mais les anthères ne ren- ferment, au lieu de pollen, qu’une rare poussière blanche qui, examinée sous le microscope, ne se compose que de fines vésicules transpa- rentes, vides et de formes irrégulières. La plante est donc entièrement stérile par les étamines; nous allons voir qu’elle ne l’est pas moins par l'ovaire. En effet, trente de ses fleurs reçoivent de fortes doses de pol- len de NW. rustica; trente autres en reçoivent du W. californica, et toutes sans exception tombent dans les huit à dix jours, sans modification aucune de l'ovaire, absolument comme les centaines d’autres fleurs abandonnées à elles-mêmes.

On remarque ici le fait déjà signalé dans le croisement des Pavots, au commencement de ce Mémoire. D’une même capsule sortent des graines qui donnent naissance simultanément à l'hybride et à plusieurs plantes de l'espèce maternelle. Dans la fécondation de la fleur de cette dernière, les pollens des deux espèces se sont trouvés réunis sur le même stigmate, et celui de l’espèce porte-graines n’a pas empêché

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 61

l'autre d'agir. Concluons-en qu'un même ovaire peut être fécondé par deux pollens d'espèces différentes.

14. NICOTIANA GLAUCO-ANGUSTIFOLIA.

DEUX GÉNÉRATIONS.

N. GLaucA, Graham. (M.)

Plante arborescente, vivace, haute de & à 6 mètres ou plus, très-glabre, glauque. Feuilles largement ovales, avec un pétiole bien dégagé. Fleurs tubuleuses, à limbe très-court, d’un jaune verdâtre obscur.

Voici encore deux espèces qui

N. ANGuSTIFOLIA, Hort. par. (F.)

Plante annuelle (sous le climat de Paris), un peu ligneuse du bas, haute d'environ 4 mètre 50 centimètres, à feuilles longuement-Jancéo- lées, pétiolées. Fleurs tubuleuses, renflées dans la gorge, et ayant le limbe divisé en cinq lobes aigus, de couleur pourpre clair.

appartiennent à des sections diffé-

rentes du même genre, et qu’à la rigueur on pourrait classer dans des genres différents, au même titre au moins que le Datura arborea l'a été dans le genre Brugmansia. Malgré cela, leur croisement se fait avec une grande facilité, au moins quand le pollen est fourni par le Nicotiana glauca. dyésrté

Ce dernier a été classé par M. Dunal dans sa section, d'ailleurs très-hétérogène, du Rusticea. Cette espèce est bien connue, et sa déno- mination ne laisse aucune obscurité. Il n’en est pas de même du Y. an- gustifolia du Muséum d'Histoire naturelle, il passe, je crois, avec raison, pour une bonne espèce. Il appartient à la section Didiclia, et c’est probablement lui dont l’auteur de la monographie des Solanacées, (DC. Prod., XII) a fait la variété attenuatum, dans l'espèce du Y. Taba- cum. Il est donc essentiel de ne pas le confondre avec un autre W. an- © gustifolia de Ruiz et Pavon, classé par M. Dunal dans la section des Petunioïdes. Notre N. angustifolia est une espèce du groupe Tabacum, très-

6? à :NOUVELLES. ARCHIVES DU MUSEUM.

voisine du W. Tabacum proprement dit, et que cependant on ne peut pas confondre avec ce dernier, pas plus qu'avec d'autres espèces du même groupe dont j'aurai à parler plus loin.

Le 14 août 1854, quatre fleurs de N. angustifolia, castrées dans le bouton, sont fécondées par le pollen du W. glauca. Les quatre ovaires nouent et arrivent à la grosseur qui est habituelle dans cette espèce. Je les récolte mûrs le 13 septembre, et j'y trouve autant de graines, en apparence bien conformées, que s'ils eussent été fécondés par le pollen de leur espèce. |

Une faible partie de ces graines est semée en 1855. J'en obtiens onze plantes, parfaitement semblables. les unes aux autres, dont une seule fut mise en pleine terre en temps opportun, et y devint fort belle. Les dix autres, oubliées dans un pot trop étroit, s’y étoufférent mutuellement et n’arrivèrent pas à fleurir, ce que fit, au contraire, la première avec une grande abondance.

Cette plante unique s'élevait, en septembre, à un peu plus de deux mètres. Elle ne ressemblait ni à son père mi à sa mère, mais elle avait des traits de tous deux. Son feuillage largement ovale, à pétioles bien détachés, la rapprochait du NW. glauca, et sa teinte vert foncé rappe- lait celle de l'angustifolia. Elle était intermédiaire par le port, maïs par l’inflorescence et les fleurs elle était bien plus voisine de l'angus- tifohia que du glœuca. La corolle était d'un tiers plus petite que dans ce dernier, €t sa couleur une teinte rougeitre indécise; ‘où l’on “démêlait quelque chose du jaune verdätre des fleurs du Micotiana glauca. as Les anthères de cet hybride étaient bien conformées, mais totale- ment vides de pollen, du moins de pollen bien organisé : aussi toutes les fleurs restérent-elles stériles, mais elles devinrent très-fécondes par le pollen du N, Tabacum, espèce voisine de l’ungustifolia, comme je J'ai dit plus haut. Une quinzaïne de fleurs qui reçoivent dece pollen nouent ‘immédiatement leurs fruits. et ces fruits deviennént de grosses cap-

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 63

sules, aussi riches en graines que si la plante n’eût pas été hybride et qu’elle eût été fécondée par elle-même. Une autre fleur fécondée par le pollen du N. macrophylla, espèce également voisine du Fabacum et de l'angustifolia, noua de même et forma un très-beau fruit. Malheureuse- ment, la gelée du 14 au 15 novembre (— 2,5 centigrades) surprit la plante avant que les fruits ne fussent mûrs. Je les récoltai néan- moins, espérant que quelques graines auraient échappé à l'action du froid. : | ! Deuxième génération. À tout hasard, ces graines furent semées au printemps de l’année suivante. Il n'y en eut que deux qui levèrent, et elles provenaient de la capsule fécondée par le pollen du N. macrophylla. Les deux plantes, qui devraient, suivant la règle adoptée, porter le nom de N. macrophyllo-glauco-angustifolia, devinrent fort belles et furent très-fécondes. L'une d’elles ressemblait tellement au NW. macrophylla qu'il n’était guère possible de l'en distinguer; l’autre rappelait encore

assez sensiblement par son feuillage ovale, à pétioles bien détachés et non ailés, l'hybride de première génération, mais ses fleurs différaient à peine de celles du macrophylla pur. |

La facilité avec laquelle le pollen du NW. glauca féconde les fleurs des espèces du groupe des Tabacun me fit supposer qu'on obtiendrait de même les hybrides réciproques de ces plantes. J'ai donc fécondé à deux reprises des ovaires de NW. glauca par le N. Tabacum, et les deux fois les ovaires ont noué; mais le N. glauca fleurit si tardivement à Paris que, dans aucun de ces deux cas, je n'ai pu en obtenir des cap-

sules mûres.

6! NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

15. NICOTIANA GLAUCO-MACROPHYLLA.

UNE GÉNÉRATION.

N. GLAucA (M.) : N. MacroPHYLLA, Ndn.; N. AURICULATA, ir ci à 4 . par. (F. Voir ci-dessus pour les caractères. Hort. par. (

Forte plante, de 2 mètres ou plus de hau- teur. Feuillage très-grand, largement ovale, courtement pétiolé, à pétioles largement ailés par la décurrence du limbe qui forme deux au- ricules stipuliformes sur la tige au point d'in- sertion du pétiole. Fleurs plus grandes que celles du N. Tabacum, à limbe pentagonal- rolacé, d’un lilas très-pâle.

Cette espèce est le N. Tabacum-macrophyl- lum de Dunal. Elle est cultivée au Muséum sous Je nom de NW. auriculata, mais comme il ya un autre N. auwriculata décrit par Dunal, je lui conserve le nom de #acrophylla. Peut- être est-ce aussi le N. alipes, du même au- teur. (DC. Prodr., xt, 557.)

En août 1859, deux fleurs castrées du Y. macrophylla reçurent du pollen de W. glauca; toutes deux noucrent leurs ovaires, qui devinrent de belles capsules, bien remplies de graines; ces dernières furent se- mées au printemps de 1860, et levérent en grande quantité, mais le défaut de place suffisante ne me permit pas d'en conserver plus de quatorze individus, qui devinrent très-vigoureux.

Sur ces quatorze plantes, il y en eut neuf qui ne furent rien autre chose que le N. macrophylla, et cinq qui étaient l’hybride ci-dessus nommé. Ces cinq plantes se ressemblaient exactement, et rappelaient aussi de très-près l’hybride glauco-angustifolia dont j'ai parlé tout à l'heure; elles n’en différaient que par un feuillage plus large, dont le pétiole n’était ni ailé ni auriculé à la base. Elles fleurirent abondam-

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 65

ment. Leurs fleurs furent de moitié plus petites que celles du W. macro- phylla, mais à très-peu près de même forme, et d’une teinte rougeâtre pâle. Les anthères, bien conformées, ne contenaient point de pollen, et les ovaires, faute de fécondation, ne prirent aucun accroissement. L'analogie de cet hybride avec le glauco-angustifolia ne me laisse guère de doute qu'il n’eût été fertile s’il avait reçu du pollen de quelqu’une des espèces ou sous-espèces du groupe Tabacum, mais au moment il fleurit (le milieu d'octobre), la saison était déjà trop avancée et trop froide pour qu'on püût espérer en voir mürir les fruits.

16. NICOTIANA GLUTINOSO-MACROPHYLLA.

N. ézuTinosA, Lin. N. Wanscewiczir, Hort.

Plante de 4 mètre à 4 mètre 20 centimètres, |

peu ramifée. Feuilles trè$-cordiformes, lon- guement pétiolées. Pétioles cylindriques, nette- ment détachés du limbe. Fleurs nutantes, en grappes unilatérales sur les rameaux de la pani- cule. Corolle plus courte que celle du W. ma- crophylla, irrégulière, à tube courbé et comme bossué du côté supérieur; limbe à cinq lobes aigus, d’un rouge pourpre sombre.

Voir la planche 9. Pollen, L,L’.

N. mMacroPuyLLa, Nob. (F.)

Voir ci-dessus les caractères. Pétioles largement ailés et auriculés à la base. Fleurs presque régulières, d'un lilas très-pàle, plus grandes que celles du glutinosa.

Feuillage deux ou trois fois plus grand que celui du W. glutinosa.

Pollen, planche 9, fig. M, M’.

C’est tout à fait à tort, selon moi, que M. Dunal a placé le N. glu-

tinosa dans la section Rustica; son port et surtout ses fleurs lui assi- gnent sa véritable place dans le groupe Didiclia, mais c’est une très- forte espèce relativement aux W. Tabacum, macrophylla, angustifolia et autres formes voisines. |

Le 21 août 1859, deux fleurs de N. macrophylla, castrées de la veille, furent fécondées par le pollen du W. glutinosa. Toutes deux nouè- rent leurs fruits qui furent récoltés mürs le 24 septembre. Leur

1. 9

66 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM:

grosseur était à très-peu près celle de fruits fécondés normalement. Une partie notable des graines paraissait bien conformée; le reste se composait de vésicules ovulaires atrophiées et ridées.

En--avrib 1860: ces graines semées en pots lèvent en grand nombres faute de place, je n'en conserve que quatorze pieds qui deviennent de très-belles plantes. Sur-ce nombre, il s’en trouve onze qui ne:sont rien autre chosé que le N. macrophylla; les trois autres sont de superbes hybrides, tout à fait intermédiaires entre les deux espèces. Leur taille est plus élevée (4 mètre 50 centimètres environ) que celle du glutinosa, mais inférieure à celle du W. macrophylla. Les feuilles y sont aussi grandes, peut-être même un peu plus grandes que dans ce, dernier, mais elles, sont tout à fait cordiformes, à pétiole court, non ailé, à peine ou point du tout auriculé à la base. L’inflo- - rescence rappelle celle du NW. glutinosa, mais elle est plus développée, et les fleurs sont absolument intermédiaires de forme, de grandeur et de coloris à celles des deux types producteurs. Les anthères sont belles et bien développées, mais elles ne contiennent que des vésicules polliniques vides et de forme irrégulière, dont on prendra une idée en, jetant les yeux sur le dessin que j'en ai fait (pl 9, lig. N.). Stériles par les étamines, ces trois hybrides le sont aussi par l'ovaire; treize fleurs dont les stigmates sont couverts de pollen du W. glutinosa, et huit autres qui en reçoivent du W. macrophylla, tom- bent, comme les fleurs abandonnées à elles-mêmes, dans les cinq six jours qui suivent leur épanouissement. Cet hybride rentre donc, comme le Ÿ. californico-rustica cité plus haut, dans la première classe établie par celle des hybrides absolument stériles.

NAUDIN.

2 SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 67

N°17. NICOTIANA ANGUSTIFOLIO-MACROPHYLLA,

DEUX GÉNÉRATIONS,

N. ANGusTiFOLIA,, Hort. par. (M.).

Plante de 4 mètre 50 centimètres, à rameaux divariqués. Feuilles lancéolées, longuement pé- tiolées, à pétioles non ailés ni auriculés à la

base. Fleurs plus petites el plus colorées que

celles du macrophylla, à imbe divisé en cinq lobes aigus, étalés en forme d'étoile, d'un . carmin assez vif...

{4%

N. MacropuyLLAa, Nob, (F.).

Plante communément, haute de ? mètres; forte, robuste, rameuse du haut. Feuilles cour- tement pétiolées, très-largement ovales, à pé- tioles courts, largement ailés par décurrence du limbe, auriculés à leur insertion sur la tige par dilatation des ailes du pétiale: Limbe de la corolle pentagonal, d’un lilas très-pâle.

7. N. auriculata, du Muséum.

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ok N. Laser Tabacum, > tale Lmtifbo: et poiélétn tous cultivés au Muséum. sont des formes très-voisines les unes des autres, (DG: Prod, XI, 557), pour de simples races ou de simples variétés du Tabarum. Les

M < | a ES | F4 "+ L

et tenues, par l’auteur de Ja M

deux qui font le sujet de cette expérience sont; de 4out le groupe; les plus différentes l'une de l'autre, ét-elles sont très-constantes dans leurs

caractères quand elles sont pures de tout croisement: Elles se con .

duisent, en un mot, comme de véritables espèces, ‘et je ne crois ‘pas qu'on doive leur refuser ce titre. J'ai déjà dit qu'ilne faut pas confondre le V. angustifolia du Muséum avec un autre de même nom, décrit par Ruiz et Pavon, et qui a été admis par M. Dunal (4: c.). © Première génération. Le 18 août 4859; quatre fleurs de N. macre-

phylla, castrées dans le bouton, sont fécondées par le pollen du #,an- qustifolia. Les quatre ovaires nouent et donnent quatre capsules aussi grosses et aussi remplies de bonnes graines que si elles avaient été f6- condées par le pollen de la plante qui les produit,

Une faible partie de ces graines. semée en avril 4860, me cGonne une multitude de plantes dont quatorze seulement sont conservées.

1

68 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

Elles arrivent à une taille de 1 mètre 50 centimètres à 1 mètre 80 cen- timètres. Elles sont toutes très-semblables les unes aux autres, sauf de légères différences dans le pétiole qui, chez les unes, n’est ni ailé ni auriculé, et, chez les autres, est bordé d’une aile étroite qui se ter- mine à la base en une petite auricule. Elles sont exactement inter- médiaires entre les espèces productrices par la forme du feuillage, qui est ovale, comme par les fleurs, dont le limbe est plus fortement co- loré que celui du N. macrophylla, et un peu moins que celui de l'angus- tifolia.

La floraison des quatorze plantes est luxuriante; pas un grain de pollen n’est avorté, pas une fleur ne reste stérile ; tous les ovaires se convertissent en de grosses capsules, parfaitement remplies de bonnes graines; ces plantes se comportent, en un mot, comme si elles appar- tenaient à l'espèce la plus légitime.

Deuxième génération. Des graines récoltées sur ces hybrides me per- mettent d'en faire un nouveau semis en avril 1861. Des centaines de plantes lèvent, mais je n’en conserve que trente et une qui deviennent | aussi florissantes et sont tout aussi fertiles que celles de la première génération, mais elles n’offrent plus l'uniformité d'aspect de ces der- nières. Un changement très-visible s’est opéré en elles. Sur ces trente etune plantes, il y en a cinq qui ont repris à très-peu près le port, le feuillage, les fleurs, en un mot, toute l'apparence du W. macrophylla, c'est-à-dire une taille de près de deux mètres, de larges feuilles cour- tement pétiolées et à pétioles largement ailés et auriculés, et des co- rolles dont le limbe est rotacé-pentagonal et d’un lilas assez pâle. Ces caractères sont cependant moins prononcés que dans le type pur du macrophylla. Si on pouvait évaluer rigoureusement les degrés de res- semblance des formes. hybrides avec leurs espèces productrices , je dirais que ces cinq plantes sont rentrées, dans la proportion de 5/6, dans le W. macrophylla.

Un seul pied, sur les trente et un de ce lot, rentre presque complé-

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 69 tement dans le W. angustifolia. I en diffère si peu qu'on ne l’en distin- guerait certainement pas si on ne connaissait son origine. {

Les vingt-cinq pieds restants sont encore intermédiaires entre les types producteurs, mais ils se ressemblent moins entre eux que ne se ressemblaient les hybrides de première génération. Sur quelques-uns les feuilles supérieures deviennent sensiblement lancéolées, sur d'au- tres on voit apparaître les ailes pétiolaires et les auricules si caracté- ristiques du W. macrophylla. En somme, pourtant, ces vingt-cinq plantes sont plus voisines de l’hybride premier que de l’un ou l’autre des types spécifiques d’où ils proviennent. J'ai à peine besoin d'ajouter que les trente et un sujets sont tout æussi fertiles que ceux de la première gé-

nération.

18. NICOTIANA MACROPHYLLO-ANGUSTIFOLIA. DEUX GÉNÉRATIONS.

Voici l'hybride réciproque de celui qui précède. Le 18 août 1859, deux fleurs du NY. angustifolia sont fécondées par le pollen du Y. macro- _ phylla. Les deux ovaires donnent de belles capsules pas un ovule n’a avorté. Les graines lèvent, au semis de 1860; je n’en conserve que dix-huit individus, qui sont plantés dans un lot à part, mais tout à côté des quatorze pieds hybrides de N. angustifolio-macrophylla, dont il vient d’être questions.

Ces dix-huit plantes fleurissent et fructifient comme le feraient des individus d’une espèce parfaitement légitime. Elles sont intermé- diaires entre les MN. macrophylla et angustifolia, au même degré que les quatorze sujets de l'hybride réciproque dont il a été parlé ci-dessus, et” elles ressemblent si exactement à ces derniers qu’il n’y a aucun moyen

de les en distinguer.

pat NOUVELLES ARCHIVES DU. MUSÉUM.

Deuxième génération. En 4864, j'élève trente pieds de cet hybride, obtenus des graines de la génération. précédente, et jy observe les mêmes changements que dans la deuxième génération du précédent. Sur ce nombre, il y en a six qui sont si voisins du A. macrophylla qu'on a peine à les en distinguer; dix qui, par tout leur ensemble, se rapprochent notablement de l’angustifolia; et quatorze qui restent intermédiaires, mais se ressemblent cependant moins que les dix-huit plantes de la génération précédente,

Que faut-il conclure de ces deux observations? Les X. macrophylla et angushfolia doivent-ils être regardés, relativement l’un à l'autre. comme deux espèces distinctes ou seulement comme deux races ou même deux variétés de même espéce, et le résultat de leur croisement doit-il être qualifié hybride ou métis ? Question épineuse autant qu'inté- ressanté, et dont j'espère donner la solution dans la seconde parie de ce Mémoire.

49. NICOTIANA GLUTINOSO—ANGUSTIFOLIO-MACROPHYLLA. UNE GÉNÉRATION.

Voici un hybride très-analogue au W. glutiioso-maer ophylla dont j'ai fait tout à l'heure la description. Il n’en diffère qu'en ce qu'il provient de l'alliage de trois espèces. Le 31 août 1860, sept fleurs de l'hybride N. angustifolio-macrophylla, castrées dans le bouton, reçoivent du _—. len de NW. glutinosa. Ces:sept fleurs nouent leurs-fruits qui arrivent à diverses grosseurs; (1/2, 3/5, 2/3, 3/k de la grosseur normale), mais que je suis obligé de cueillir avant. la complète maturité à cause de la Saison avancée. Beaucoup. de graines ont périr par ce fait; néan- ._ Moins, le semis, effectué en avril 1861, me donne huit plantes, qui s'élèvent à 4 mètre 30 centimètres en moyenne, et fleurissent abon-

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 7: damment. Elles sont presque l’exacte répétition du N. glutinoso-macro- phylla de l'année précédente, ce qui ne doit pas surprendre, puisque les deux parents de ce dernier prennent part à leur production, mais l’an- yustifolia y laisse aussi son empreinte. Sur quatre de ces plantes, les feuilles sont cordiformes, quoique à un moindre degré que celles du glutinoso-macrophylla; comme ces dernières, elles ont le pétiole dégagé. mais leur limbe est notablement moins grand; sur les quatre autres, la feuille est simplement ovale, et son limbe, prolongé par décurrence de chaque côté du pétiole, forme une double auricule à la base de ce dernier. Les fleurs des huit plantes sont grandes et vivement colorées de pourpre, du reste exactement intermédiaires entre celles du glu- tinosa et de l'hybride mère. Les anthères ne contiennent que des. vési- cules polliniques vides et déformées, toutes pareilles à celles du gli- tinoso-macrophylla (voir la figure relative à ce dernier, planche 9, N.). Les ovaires doivent eux-mêmes être considérés commé absolument stériles, puisque soixante fleurs, dont les stigmates ont été abondam- ment couverts du pollen parfaitement constitué de Fhybride mère, ne peuvent former aucun fruit. Quelqués-uns cependant ont pris un accroissement assez sensible; mais, en définitive, tous sont tombés

dans les dix ou douze jours qui ont suivi la floraison.

si LS

NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

20. NICOTIANA TEXANO-RUSTICA.

DEUX GÉNÉRATIONS.

N. TEXANA, Hort. par. (M.).

Plante annuelle de 4 mètre 20 centimètres à 1 mètre 40 centimètres, dressée, simple. Feuil- les ovales ou ovales-allongées, velues, grisâtres, non bullées.

Fleurs tubuleuses, de moitié moins larges que celles du N. rustica, d'un jaune ver- dâtre sombre, on distingue des tons vio- lacés, plus foncés à l’extérieur. Capsules de la taille d’un gros pois.

N. eusTica, Linn., (F.).

Plante annuelle, de 60 à 70 centimètres, quelquefois plus, dressée, simple. Feuilles largement ovales, obtuses au sommet, d’un vert foncé, ordinairement un peu bullées.

Fleurs courtement tubuleuses, un peu ureéo- lées, à limbe arrondi, d’un vert légèrement jau- nâtre, Capsules de la grosseur d'une noisette ordinaire, avant trois à quatre fois le volume de celles du N. texana.

Les deux plantes qui vont faire le sujet de cette observation sont encore de ces espèces du dernier degré, que les nomenclateurs pour- ront réunir ou séparer arbitrairement, mais que je crois différentes, d'abord parce qu'on les distingue l’une de l’autre au ‘premier coup d'œil, ensuite parce qu’elles sont très-constantes dans leurs formes, tant qu'elles n’ont pas été croisées l’une par l’autre. Elles me paraissent être dans les mêmes rapports mutuels que les Datura Stramonium et Tatula : les Petunia nyctaginiflora et violacea, les Nicotiana macrophylla et an- gustifolia, etc.

Je ne garantis pas le nom de texana, sous lequel une des deux plantes nous est arrivée au Muséum ; mais, ne la trouvant décrite nulle part, je ne crois pas pouvoir mieux faire que de le lui conserver.

En août 1858, cinq fleurs de Micotiana ruslica, Castrées dans le bouton, sont fécondées par le pollen du N. teæana. Les cinq ovaires gros- sissent comme s'ils avaient été fécondés par le pollen de leurs propres fleurs, et donnent des capsules de grosseur normale, tous les ovules se sont développés en graines.

NAUDIN, SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX, 78

Ces graines, semées en 1859, lèvent par centaines; je n’en con- serve que quatorze sujets, qui ont identiquement le même faciès. Ce sont des plantes énormes, si on les compare avec leurs deux parents ; elles atteignent à 2 mètres de hauteur, et quelques-unes même dépas- sent cette mesure. Leurs feuilles sont plus amples que celles du #, rus- hica ordinaire, dont elles ont la forme, elles sont un peu bullées comme elles, mais elles y ajoutent la villosité grisâtre du N. teæana. Les fleurs sont tout à fait intermédiaires par la grandeur et le coloris entre celles des deux espèces parentes, et elles sont tout aussi fertiles qu'elles. Les deux formes alliées ici sont donc proches parentes l’une de l'autre, mais elles ne sont pas identiques spécifiquement, puisque leur hybride devient beaucoup plus grand qu’elles. C’est un phénomène analogue à celui que nous avons vu apparaître dans les croisements du Datura

Stramonium avec les espèces qui en sont voisines.

21, NICOTIANA RUSTICO-TEXANA. DEUX GÉNÉRATIONS.

Cet hybride est le réciproque du précédent. En août 1858, cinq fleurs de N. teæana, pareillement castrées dans le bouton, reçoivent du pollen de NW. rustiea. Les cinq ovaires nouent et donnent de belles cap- sules remplies de graines. 1 -

Le semis s'effectue en avril de l’année suivante; je n’en conserve que seize plantes, qui sont réunies en un lot au voisinage de celui de l’hybride précédent. Ces seize plantes s'élèvent de même à 2 mètres ow plus, et sont si semblables aux quatorze pieds de texano-rustica que, sans les étiquettes, on confondrait les deux lots en un seul. Elles sont de même d’une fertilité qui ne laisse rien à désirer.

Les graines de ces deux hybrides ne furent pas récoltées, mais il

[LE 19:

7h NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

en était tombé des milliers sur le sol, qui levèrent l’année suivante. On en laissa croître quelques-unes qui reproduisirent à peu près les caractères des hybrides de première génération, et surtout la taille exagérée et la grandeur du feuillage. Je regrette que le manque de place ne n'ait pas permis de continuer cette observation, et surtout de multiplier le nombre des sujets, ce qui est toujours nécessaire pour se rendre bien compte des changements qui surviennent dans le cours des générations hybrides,

22. NICOTIANA PERSICO-LANGSDORFFII. TROIS GÉNÉRATIONS.

N. PEnsica, Lindi. (M.). N. LanGsporrrit, Weinm. (F.).

Plante dressée, rameuse, haute de 60 centi- mètres environ, à feuilles lancéolées, dont le limbe largement décurrent dissimule le pétiole et se prolonge même sur la tige. Fleurs gran-

Plante de 4 mètre ou plus, à rameaux grêles, divariqués. Feuilles ovales-lancéolées, à limbe décurrent jusque sur la tige. Fleurs tubuleuses, un peu longues, à limbe arrondi, sans lobes

des, très-blanches, à cinq lobes saillants, sub-

aigus; à tube renflé au-dessous du limbe. Pollen très-blanc. Les corolless ont environ

trois fois la largeur de celles du W: Langsdorfii.

distincts, d’un beau vert. Tube renflé au-des- sous du limbe.

Pollen très-bleu. Les fleurs n’ont guère, en largeur, que le 4/3 de celles du W, persica.

, Les deux plantes ici réunies, quoique très-différentes au premier | abord, ont des analogies visibles dans leur port, la forme de leurs feuilles, l'aspect général, et, jusqu’à un certain point, dans leurs fleurs longuement tubuleuses et pendantes: Ce qui fait peut-être encore mieux sentir leurs analogies, c’est l'existence d’une forme parfaite- ment intermédiaire entre les deux (le M. commutata, Fisch.), dont.je parlerai plus loin. Autant que j'en puis juger par les descriptions, le N. persica, dont on voit une assez bonne figure dans le Botanical Regis- ter, pl. 1592, parait identique avec le NW. alata de Dunal; n’en étant

KAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 75 cependant pas sûr, je lui conserve ici le nom qu'il porte au Muséum. Le N. commutata (du moins, je suppose que c’est bien celui qui a été décrit sous ce nom) passait au Muséum pour un hybride, et sa ressem- blance avec les NW. persica et Langsdorffii me donnait à penser que, sil était véritablement hybride, ce ne pouvait être que de ces deux espè- ces. Le croisement de ces dernières a été principalement entrepris pour m'en assurer.

Le 20 août 1855, cinq fleurs de W. Langsdorffi, castrées depuis deux jours dans le bouton, ont leurs stigmates couverts de pollen de N. persica. Les cinq ovaires grossissent et deviennent de très-belles ‘capsules dont toutes les graines sont développées. Le semis de ces graines, en 4856, me donne cent dix-huit plantes, qui présentent l'as- pect le plus uniforme. Elles s’élévent de 1 mètre 30 centimètres à A mètre 60 centimètres. Par leur ramification divariquée, elles rap- péllent plus le N. Langsdorffii que le N. persica; mais, par leurs fleurs de grandeur moyenne, d’un blanc verdâtre, à lobes saillants et arrondis, et enfin par leur pollen gris bleuâtre, elles paraissent exactement intermédiaires entre les deux espèces. Ces fleurs sont toutes très-fer- tiles, et produisent des capsules aussi développées et aussi remplies de graines que si elles appartenaient à une espèce légitime. Ces cent dix-huit plantes différent très-sensiblement du Y. commutata; elles sont beaucoup plus grandes et d’un vert plus foncé. Leurs fleurs sont plus grandes aussi et d’une teinte verdâtre plus prononcée. J'en conelus que le N. commutata n’est pas l'hybride persico-Langsdorffii, au moins de première génération. Nous allons voir qu'il n’est pas davantage l'hy- bride réciproque Langsdorffio-persiea.

76 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

25. NICOTIANA LANGSDORFFIO-PERSICA. TROIS GÉNÉRATIONS.

Le même jour (20 août 1855), sept fleurs de M. persica, castrées d'avance, sont fécondées par le pollen du W. Langsdorfii. Six de ces fleurs tombent sans qu'il y ait eu accroissement de l'ovaire; la sep- tième persiste, et donne en fin de compte une capsule qui me paraît être de moitié grosseur. Récoltée müre le 20 septembre, elle se trouve. remplie de bonnes graines, qui sont semées en avril de l’année suivante.

J'en obtiens cinquante-quatre plantes. qui sont repiquées dans une plate-bande, à côté du lot de l'hybride précédent. Une d'elles reproduit à peu près identiquement le W. persica (peut-être provenait-elle d’une graine égarée de cette espèce), les cinquante-trois autres sont des hy- brides de haute taille, intermédiaires entre les deux espèces parentes par leur port, la grandeur et le coloris de leurs fleurs et leur pollen bleuâtre. Toutes ces plantes sont d’une fertilité parfaite, et elles res- semblent si exactement aux cent dix-huit individus de l’'hybride inverse (Y. persico-Langsdorffi) que, sans les étiquettes, les deux lots seraient pris Jun pour l’autre. Le N. commutata n’est donc pas non plus l’hybride Langsdorffio-persica de première génération.

Les expériences que je faisais à cette époque étaient si multipliées (c'était aussi le temps j'étudiais pratiquement les innombrables va- riétés de Courges), que le terrain m'a quelquefois manqué pour leur donner toute la suite désirable. J'avais d’ailleurs reconnu, au moins en grande partie, ce que je tenais à savoir au sujet du W. commutata, que je considérai dès lors comme une bonne espèce et non comme un hybride. 11 en résulta que je perdis un moment de vue les croisements des NW. persica et Langsdorffi; mais les deux lots de leurs hybrides

NAUDIN, SUR L'HYBRIDITE DANS LES VÉGÉTAUX. 77 avaient produit une immense quantité de graines qui étaient tombées à terre, et comme les graines des Vicotiana ne germent jamais toutes la première année, probablement à cause de leur inégal enfouissement dans le sol, et qu’elles peuvent s’y conserver fort longtemps, j'ai vu tous les ans reparaître, sur le terrain primitivement occupé par les hybrides, et livré alors à d’autres cultures, de nombreux descendants de ces hybrides, toujours très- reconnaissables à leur faciès intermé- diaire, et surtout à la coloration plus ou moins bleue de leur pollen, dont les nuances indiquaient, peut-être mieux que tout autre caractère, leurs degrés de rapprochement ou d’éloignement des espèces produc- trices, Sans donner à ces hybrides de seconde ou de troisième généra- tion toute l'attention qu'ils méritaient, j'ai cependant remarqué que leurs formes devenaient de plus en plus divergentes, les uns se rap- prochant du Y. persica, les autres tendant visiblement au W. Langsdor fi. Enfin, en 1860, j'ai voulu donner plus de consistance à cette observa- tion; les plantes nées spontanément sur l’ancien terrain n'ayant pas eu le temps de mürir des graines dans l’année, par suite de l'excès des pluies et du manque de chaleur, j'ai fait mettre en pots, pour les remiser dans une serre, six de ces plantes hybrides, qui étaient pour le moins de seconde génération, et peut-être de troisième ou de qua- trième. Elles ont abondamment fleuri au printemps de 1861. Cinq d’entre elles étaient fort rapprochées du N. persica, la sixième était, au contraire, plus voisine du Langsdorffi. Ses graines ayant müûri d'assez bonne heure pour qu’on pût espérer en obtenir la génération suivante, et ayant même levé spontanément en assez grand nombre dans le pot la plante était cultivée, je plantai, dans une plate-bande, une vingtaine de ces jeunes sujets. Tous fleurirent en septembre, et ils furent aussi semblables les uns aux autres que s'ils eussent été de première génération. Ce n’était pas encore le W. Langsdorffii pur, mais ils en approchaient de si près qu'il fallait une certaine attention pour les en distinguer. La corolle était un peu plus grande et un peu moins verte

78 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

que dans cette espèce, et le pollen un peu moins bleu. I! est presque inutile d'ajouter que toutes ces plantes furent d'une grande fécondité, Cette expérience sera continuée *. Tout incomplète qu'elle est, elle me semble démontrer suffisamment que les hybrides des M. persica et Langsdorffi ne s immobilisent pas plus que les autres dans une forme arrêtée et faisant souche d'espèce, et que le N. commulata, si constant. si semblable à lui-même dans toutes les générations, est une espèce aussi légitime que les N. persiea et Langsdorffii eux-mêmes.

24. NICOTIANA COMMUTATO-PERSICA.

UNE GÉNÉRATION.

N. commurara, Fisch., (M.). N. versica, Lindl., (F.). Plante de 60 à 70 centimètres, à rameaux un Voir, plus haut, les caractères, p.74. Étami: peu divariqués. Fleurs de même forme que | nes blanches. Pollen très-blanc. celles du N. persica, mais d’un blanc moins Plante moins ramifiée que le N. commutata, pur, et plus petites d’un tiers. Anthères vio- | à rameaux presque dressés.

lettes. Pollen bleu clair.

Quoique plus voisines l’une de l’autre par toute leur physionomie qu'elles ne le sont du W. Langsdorfhi, les deux espèces qui font le sujet de cette expérience paraissent croiser plus difficilement que ne le font les W. persica et Langsdorffi: on en jugera par ce qui suit.

En août 1855, six fleurs de W. persica, castrées dans le bouton, re- çoivent du pollen de M. commutata. Quatre fleurs tomberit sans que leur Ovaire se soit accru ; les deux autres persistent et donnent des capsules à peu près de grosseur normale, dont toutes les graines s’annoncent comme devant germer. Semées en avril 4856, j'en obtiens quatre-vingt- quatorze plantes d’un aspect trés-uniforme et de haute taille (4 mètre

1. Elle l'a été en effet. Des graines récoltées sur cet hybride, et semées en 1863, ont donné

une cinquantaine de plantes presque toutes entièrement revenues aux formes bien connues du N. Langsdorffr.

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX, 79

30 centimètres à L mètre 40 centimètres), dont les fleurs sont si sem- blables à celles du AN. persica qu'au premier abord on hésiterait à les reconnaître pour hybrides, si la couleur bleu pâle du pollen ne témoi- gnait; aussi bien que la taille supérieure des plantes, de l'efficacité du croisement. Autant qu’on en peut juger sur des apparences toujours uh peu vagues, l'empreinte du W: persica est beaucoup plus marquée sur ces hybrides que celle du N. commutala, ce qui tient peut-être à ce que le premier est une espèce mieux caractérisée, Les quatre-vingt-quatorze plantes hybrides sont d’ailleurs d'une fertilité aussi grande que celle des deux espèces dont elles proviennent.

25. NICOTIANA PERSICO-COMMUTATA.

A la même époque (1855), cinq fleurs de N. commutata, préalable- ment castrées, reçoivent du pollen de N. persica; deux fleurs tombent après la floraison, les trois autres donnent des capsules de grosseur naturelle et bien remplies graines.

Du semis de ces dernières naissent, en 4856, soixante-neuf plantes manifestement hybrides, et sensiblement intermédiaires. par tout leur aspect ehtre les déux espèces productrices. Les fleurs, un peu moins grandés qué celles du W. persica, ét à lobes moins saillants, sont pres- que aussi blanches qu’elles; leur pollen est gris bleuâtre. Au total, ces soixante-neuf plantes différent assez peu des quatre-vingt-quatorze de l'hybride précédent pour qu'on ait de la peine à les en distinguer. Elles sont comme elles d’une fertilité qui ne laisse rien à désirer.

26. NICOTIANA LANGSDORFFIO-COMMUTATA.

Au mois d'août 1855, cinq fleurs de Y, commutata, paréillement castrées dans le bouton, reçoivent du pollen de W. Langsdorff; les cinq

80 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

ovaires nouent; quatre produisent des capsules de grosseur normale ; le cinquième s'arrête à la moitié de cette grosseur, mais sa capsule est, tout aussi bien que les quatre autres, remplie de graines. J'en sème une partie au mois d'avril de l'année suivante, et j'en obtiens quarante- deux plantes de la plus grande uniformité,

Toute cette catégorie d’hybrides ressemble plus au W. Langsdorfii (le père) qu'au N. commutata, probablement par la même raison que dans l'expérience 24 (NW. commutato-persica), l'hybride est plus voi- sin du X. persica, espèce bien caractérisée, que du commutata qui l'est moins. Les quarante-deux plantes ont la taille dégagée du NW. Langs- dorffii, mais leurs fleurs sont d’un tiers plus larges et d’un vert beaucoup plus pâle; les lobes en sont nettement dessinés, mais ils restent courts et arrondis, et le pollen est presque aussi bleu que celui du W. Langs- dorffi pur. Toutes sont d'une fertilité absolue.

27. NICOTIANA COMMUTATO-LANGSDORFFII,

Le 31 août de la même année (1855), quatre fleurs du #Y. Langs- dorffi, castrées comme les précédentes, reçoivent du pollen de N. com- mulata. Quatre jours après, les fleurs ayant conservé toute leur frai- cheur, j'en augure que la fécondation n’a pas eu lieu, et je dépose sur les stigmates une nouvelle dose de pollen de N. commutata.

Malgré cette seconde fécondation, trois fleurs tombent sans nouer leur ovaire; la quatrième persiste et donne, en fin de compte, une Cap- sule que j'évalue aux deux tiers de la grosseur normale, et qui est remplie de graines bien conformées.

En avril 1856, j'en obtiens trente-trois plantes, très-uniformes, et qui me paraissent tout à fait intermédiaires entre les deux parents. Les corolles sont sensiblement plus grandes et plus lobées que celles du V. Langsdorfi, et d'une teinte verte moins intense. Leur pollen est

NAUDIN..— SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 81 aussi bleu que celui de cette espèce. Toutes sont d'ailleurs aussi fé- condes que les types spécifiques eux-mêmes. On voit qu'ici encore le N. Langsdorff pèse plus fortement sur le produit hybride que le W. com- mulata. On peut remarquer en même temps que le pollen de ce der- nier agit moins sûrement dans les essais de fécondation que celui des deux autres espèces, qui sont cependant plus différentes l'une de l’autre que chacune d'elles ne lest du . commulala. Y verra-t-on une raison pour conclure que le N. commutata est un hybride? C'est ce que, pour mon propre compte, je ne puis admettre. L'expérience nous apprend tous les jours qu'il y a des pollens plus énergiques que d’autres, ou, si l’on aime mieux, et cela revient au même, qu'il y a de nombreuses espèces qui en fécondent plus volontiers d’autres qu’elles n’en sont fécondées. C’est ce que nous avons vu, par exemple, dans le croise- ment des Datura Stramonium et D. ceratocaula, ce dernier fait nouer tous les ovaires du premier, dont le pollen n'a. au contraire, qu'une faible action (et peut-être encore cette action est-elle nulle, puisque aucun résultat définitif n’est venu la confirmer) sur ceux du D. cerato-

caula. 28. NICOTIANA PERSICO-MACROPHYLLA. N. PERSICA. (M.). N. MACROPHYLLA. (F.). Plante d'environ 60 centimètres, à feuilles Plante de 2 mètres, très-forte, à feuilles lar-

lancéolées, sessiles par décurrence du limbe | gement ovales, à pétiole court, largement ailé qui descend sur le pétiole et se prolonge même | et auriculé à la base. Fleurs rose très-pâle ou sur la tige. Fleurs blanches. lilas clair.

Les deux espèces qui font le sujet de cette observation appartien- nent à deux sections ou sous-genres différents du genre Wicotiana. Elles sont au moins aussi éloignées l’une de l’autre que le Y. californica l'est du W. rustica, dont nous avons déjà décrit l'hybride.

1. LA

82 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM,

Au mois d'août 1859, deux fleurs de N, macrophylla, préalablement castrées, reçurent du pollen de . persica, espèce dont nous avons déjà remarqué l'énergie fécondatrice dans les expériences précédentes. Les deux ovaires nouent et donnent des capsules d'environ moitié grosseur, dont la plupart des graines sont avortées. le les sème cependant en 1560, et j'en obtiens, contre toute attente, quatre plantes, dont l'hy- bridité ne fait pas l'ombre d’un doute.

Ces plantes sont remarquablement fortes et trapues, mais la plus grande ne dépasse pas 1 mètre, au maximum, et la plus basse arrive à peine à 50 centimètres. Leur feuillage est identique de forme et de teinte avec celui du N. persica, mais il est quatre ou cinq fois plus grand; la tige est fortement ailée par la décurrence du limbe des feuilles.

Soit parce que l’année 1860 à été extrêmement défavorable, soit à cause de la grande distance des espèces productrices, et plus proba- blement pour cette raison, les quatre plantes croissent avec une grande lenteur. La plus avancée montre le commencement de sa panicule vers les premiers jours d'octobre, quand les autres hybrides du genre Nico- _hiana sont défleuris depuis longtemps ou achèvent de fleurir, et les bou- tons à peine formés s'en détachent successivement, ce qui peut tenir à la basse température de la saison. Enfin, les premières gelées survien- nent et font périr les quatre plantes. J'ai lieu de croire que, si l'année avait été plus chaude, ces plantes auraient pu fleurir, et que très-pro- bablement elles auraient été stériles par les étamines et par l'ovaire, comme l'étaient les W. californico-rustica et N. glutinoso-macrophylla, pro-

venus comme elles du croisement d'espèces très-différentes.

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 83

29. NICOTIANA PANICULATO-RUSTICA.

TROIS GÉNÉRATIONS.

N. pANIGULATA (M.), Linn. | N. RusTIcA (F.), Linn. |

l'lante de 70 centimètres à 1 mètre, très- Jante à tige simple, robuste. Feuilles deux raneuse. Feuilles largement ovales, sub-cor- | ou trois fois plus grandes que celles du W. pa- diformes, lisses, glabres, d'un vert animé, lon— | niculata. Fleurs moins longuement, tubuleuses guement pétiolées. Fleurs tubuleuses, longues, | et beaucoup plus grosses. Capsules trois ou grêles, à limbé étroit, pentagonäl, d'un vert | quatre fois plus grosses que celles du W. pani- assez vif a l'extérieur, Jégèrement jauuâtre à | culala. l’intérieur. Pollen très-blance.

Le 6 août 1858. deux fleurs de NW. rustica, castrées depuis deux jours. sont fécondées par le pollen du V. paniculata: les deux ovaires grossissent et forment des capsules qui, arrivées à maturité, sont un peu moins grosses que celles qui ont été fécondées par le pollen de l'espèce, mais qui contiennent beaucoup de bonnes graines. Ces der- nières. Semées en avril 1859, donnent une multitude de plantes, dont trénté-six sont conservées pour la continuation de l'expérience.

De même que dans tous les cas précédents, on observe ici la plus grande uniformité entre les individus hybrides de première généra- tion; ils se ressemblent autant que le feraient des plantes de même espèce proyenues d'une même mère. Leur hauteur est communément 60 à 65 centimètres, et je les trouvé, autant que j'en puis juger, exactement intermédiaires d'aspect et de formes entre lés deux espèces parentes. Leurs fleurs sont moins longuement tubuleuses que celles du N. paniculata, mais plus que celles du rustica, dont ellés rappellent forme par leur limbe et leur teinte jaune verdâtre. Les étamines sont bien conformées, mais elles ne contiennent que quelques g grains de pollen bien organisé; assez souvent même elles n'en contiennent

SA NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

pas : aussi toutes ces plantes sont-elles presque stériles ou même tout à fait stériles. Sur la fin de septembre je récolte cependant une dou- zaine de capsules, contenant toutes un petit nombre de graines bien conformées.

Deuxième génération. Ces graines sont semées en 4860: il nyena qu'un petit nombre qui lèvent, et j'en obtiens douze plantes qui, arri- vées à l’état adulte, sont extrêmement différentes les unes des autres. ù n'y en a pas deux qui se ressemblent. Quelques-unes sont très-basses et ne dépassent pas 30 à 40 centimètres; d’autres arrivent à 4 mètre 20 centimètres, ou même plus. Chez les unes les feuilles sont large- ment ovales, cordiformes, bullées presque au même degré que dans le N. rustica ; chez les autres elles s’allongent, se rétrécissent et devien- nent lancéolées, ce qui n’existe dans aucune des deux espèces parentes ; mêmes dissemblances dans les panicules, tantôt lâches, tantôt contrac- tées, très-rameuses ou peu ramifiées. Les fleurs me paraissent se rapprocher, en général, de celles du N. rustica, mais elles sont tou- jours plus longuement tubuleuses et plus étroites de ’limbe. Ces plantes sont pour la plupart plus fertiles que celles de la génération précédente, mais elles le sont très-inégalement ; quelques-unes nouent la moitié, le tiers, le quart, etc, de leurs ovaires; d’autres en conservent à peine un sur cinquante, et les capsules qui en résultent présentent toutes les grosseurs, bien qu'aucune n’atteigne à celle des capsules du W. rustica. La même inégalité se fait voir dans le nombre des graines bien constituées.

Troisième génération. Des graines récoltées sur cinq plantes choi- sies (celles qui contrastent le plus les unes avec les autres), sont semées au printemps de 1861, dans cinq pots, et les plantes qui en proviennent repiquées en pleine terre dans cinq lots différents, chaque lot contenant en moyenne dix individus. Toutes les divergences que j'ai observées dans la génération précédente se reproduisent dans celle-ci, sans compter beaucoup d’altérations nouvelles. 11 y a plus: les

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 55 lots, considérés isolément, ne sont pas plus homogènes que l’ensem- ble, Des graines récoltées sur la même plante donnent des individus très-hauts ou très-bas, à feuilles larges ou à feuilles étroites, glabres ou velues, bullées ou parfaitement lisses; les fleurs y sont de même plus longuement ou plus courtement tubuleuses, fertiles à divers de- grés ou tout à fait stériles; certains individus nouent presque tous leurs fruits, d’autres n'en nouent aucun, etc. Un fait digne d’atten- tion c'est que, presque toujours, les plantes les plus fertiles sont celles qui se rapprochent le plus du #. rustica, celles dont les fleurs longue- ment tubuleuses rappellent davantage l'hybride premier étant ou tout à fait stériles, ou très-peu fertiles. Je m'explique ces altérations et ces divergences si irrégulières par l’entre-croisement des individus de première et de seconde génération, qui, étant réunis par lots, et par conséquent très-voisins les uns des autres, ont fait, pendant tout le temps de la floraison, de nombreux échanges de pollen. Cultivés à l'écart les uns des autres, il est fort probable que l'expérience aurait

eu des résultats différents 1.

30. NICOTIANA RUSTICO-PANICULATA.

TROIS GÉNÉRATIONS.

Le AA août 1858, quatre fleurs de N. paniculata, castrées de la veille, sont fécondées par le polien du AN, rustica. Une fleur tombe sans nouer son ovaire; ceux des trois autres grossissent et donnent des

1. Aujourd’hui, je suis moins convaincu de la réalité de la cause à laquelle j'ai attribué ces variations qu’à l’époque ce Mémoire a été écrit. Des expériences plus récentes m'ont fait voir que, même sans aucun échange de pollen entre eux ou avec leurs espèces productrices, les hy- brides de seconde génération ou de génération plus avancée sont très-enclins à varier jorsqu'ils ne rentrent pas dans les formes de ces espèces. C’est ce mode de variation que j'ai appelé varia- tion désordonnée, dans un nouveau Mémoire présenté à l’Académie des sciences en 1864, et qui

été inséré dans le Compte rendu du 21 novembre de cette même année.

86 NOUYELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

capsules ayant approximativement la moitié, le tiers le quart du volume ordinaire de celles du N. paniculata, et qui contiennent, parmi beaucoup d’ovules flétris, un cértain nombre de graines paraissant embryonnées.

Ces graines sont semées en 1859; il en naît une $eule plante, qui ressemble exactement à lhybride réciproque panieulato-rustica? elle en à la taillé, le port. l’aspéct. la méme forme de fléurs et Ia même quasi- stérilité: Sur plus de cent fleurs qu'elle ouvre dans le courant dés mois d'août et de septémbre, il n'y en a que sept à huit qui produisent des capsules de moyenne grosseur et contenant un pétit nombre de graines, selon toute apparence bien conformées. Nous verrons tout à l'heure que quelques-unes des fleurs qui ont été fertiles ont recevoir un pollen étranger.

Deuscième génération. Les graines de l'hybride premier, sémées ‘er avril 1860, me donnent dix-sept plantés, dont il n'y à pas deux qui se ressemblent; elles répètent toutes les variations déjà observées sur les individus de l’hybride réciproque ( paniculato-rustica) de génération équivalente. Certains individus n'arrivent pas à 60 centimètres, cer- tains autres atteignent ou dépassent 2 mêtres ; il y en a dont les feuilles sont larges, ovalés cordiformes, il y eh 4 äussi chez lesquels elles sont étroites et lancéolées ; ceux-ci ont le feuillage glabre et d’un vert foncé, ceux-là l'ont velu et grisâtre. Mêmes dissemblances dans l’in- florescence, la grandeur des fleurs, la longueur du tube de la corolle, la fertilité des étamines, le nombre des ovaires qui nouent ou tombent sans grossir, ete. Ce qui est à remarquer ici, C’est que les plus grands individus, ceux qui s'élévent à 2 mètres, sont presque identiques de port et de physionomie avec le N. texana, dont ils ne différent presque que par leurs proportions plus fortes; ils en ont la tige droite et peu ramifiée, le feuillage ovale ou ovale-allongé. non cordiforme, velu et leurs fleurs sont aussi, à très-peu près, celles du N. leraña,

par la forme et surtout par le coloris, car elles montrent, comme ces

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 87

dernières. les tons violacés ‘ou pourpre sombre qui sont particuliers à cette espèce. Cette apparition des formes du #. texana dans un lot de provenance différente s'explique très-naturellement par ce fait que l'hybride premier se trouvait au voisinage de ces grands échantillons très-florifères et très-fertiles de W. texano-rustica et rustico-teæana dont j'ai parlé plus haut, et qu'il en avait indubitablement reçu du pollen. L'hybride complexe qui en est résulté devrait, d'après la loi de la nomenclature hybridologique, porter le nom de NW. texano-rustico rustico-paniculata. Chose essentielle à noter. c'est que ces échantillons hybrides ressemblaient beaucoup plus au NW, texana que Fhybride temano-rustica (ou rusticu-texana) qui avait fourni le pollen, bien que. dans l’hybride quadruple, le Y. rustica entrât deux fois comme élément.

Troisième génération. Des graines récoltées sur les neuf individus les plus contrastants de la deuxième génération etsemées dans un pareil nombre de pots, en 1861, m'ont permis d'observer la troisième géné- ration de cét hybride. Toutes les plantes levées de ce semis n'ont pas pu être conservées, faute d'un espace suffisant pour les cultiver, et aussi parce que l'expérience aurait été beaucoup trop compliquée sans donner pour cela des résultats plus certains, Jen ai fait neuf lots, correspondant aux semis partiels, et comprenant, lun dans l'autre. chacun dix pieds, en tout environ quatre-vingt-dix individus.

Ces neuf lots ne se ressemblent pas exactement, mais leurs diffé- rences sont moins grandes qu'on n'aurait s'y attendre. eu égard aux différences des individus qui en avaient fourni les graines. Tous con- tiennent des plantes fort dissemblables, ce qui tient en grande partie (du moins très-probablement) à l’entre-croisement qui a eu lieu Fannée précédente. On y. voit reparaître toutes ces formes que j'ai signalées dans la seconde génération. et entre autres celles qui rappellent de si près le type du .Y. texana. Quelques individus, déjà très-fertiles, diffé- rent à peine du Y. rustica; d'autres, en plus petit nombre, reproduisent presque identiquement l'hybride de première génération et sont pres-

55 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

que stériles comme lui; il y en a même dont toutes les fleurs tombent, les unes avant de s'ouvrir, les autres après la floraison, sans nouer un seul ovaire.

En résumé, ces deux observations nous montrent les hybrides des deux croisements réciproques des . rustiea et N. paniculata tendre à rentrer dans le rustica seul, bien qu'à la troisième génération, par suite peut-être du trouble apporté dans l'expérience par l'échange mu- tuel des pollens, aucun ne fasse complétement retour à cette espèce, Nous y voyons en même temps apparaître l'influence prépondérante du Y. texana, qui, en se croisant avec le NW. ruslico-paniculata, par l'in- termédiaire de son propre hybride (teæano-rustica ou rustico-texana) tend visiblement à se dégager de la double combinaison dans laquelle on l’a fait entrer.

31. PETUNIA VIOLACEO-NYCTAGINIFLORA.

UNE GÉNÉRATION.

P. vIOLAGEA, (M.). i P. NYCTAGINIFLORA, (F.).

Plante vivace. Fleurs du pourpre violet le Plante vivace, Fleurs blanches, hypocratéri- plus vif; corolle plus petite que dans le P, nyc- | formes, à tube grêle, allongé, à peine renflé laginiflora, à tube évasé, un peu camparuli- | sous le limbe. Gorge de la corolle lavée de forme. Pollen bleu violacé. Stigmate de moitié | jaune très-pâle, avec une réticulation brune. plus petit que dans l'autre espèce. Stigmate deux fois plus gros que dans le

P.-violacea. Pollen blanc jaunâtre. Le port des deux plantes est identique.

Les deux Pétunias si abondamment cultivés dans nos parterres, sont deux espèces très-voisines et néanmoins très-faciles à distinguer. Ils se croisent sans difficulté l’un avec l'autre, mais sont très -con- Stants dans leurs caractères lorsqu'ils sont purs de tout alliage.

Le 12 juillet 1854, deux fleurs de P. nyclaginiflora, castrées la veille dans le bouton, sont fécondées par le pollen du P, violacea, Les

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 89 deux ovaires nouent et donnent des capsules de grosseur normale dont toutes les graines sont bien conformées. Ces graines sont semées le 17 avril 1855. Toutes ou presque toutes lèvent, mais, faute de place, on ne conserve que vingt-cinq plantes de ce semis. Au moment de la floraison. ces dernières présentent l'aspeet le plus uniforme, toutes ont les fleurs colorées et variant du lilas au carmin pourpre, moins intense cependant que dans le P. violacea pur. Pour la forme et la grandeur, les corolles sont manifestement intermédiaires entre celles des deux espèces, et sur sept ou huit plantes on retrouve le pollen jaunâtre du P, nyctaginiflora : dans toutes les autres il est gris ou gris bleu. Tous ces individus, sans exception, sont aussi fertiles que les espèces qui leur ont donné naissance. À en juger par l'apparence, on trouve que l'influence du P. violacea est plus marquée, sur ces hybrides, que celle du ?. nyctaginiflora.

Le 29 juillet 1854, une autre opération toute semblable eut lieu. Deux fleurs de P. nyctaginiflora furent encore castrées dans le bouton et fécondées par le P. violacea. I en résulta deux fruits de grosseur normale, pareillement remplis de bonnes graines. Le semis qui en fut fait le 17 avril 4855 donna une multitude de plantes, dont on ne put conserver qu'une douzaine, faute d'assez de place pour les transplanter toutes. À l’époque de la floraison, onze de ces plantes ont les fleurs lilas pourpre, avec des variations d'intensité, sans arriver cepen- dant à la nuance du P, violacea pur. Pour les dimensions et la forme. elles tiennent le milieu entre les deux types spécifiques et ont toutes le pollen bleu ou gris bleu. Le douzième pied seul a les fleurs blanches, lavées de violet, et le pollen bleuâtre. Ici encore on ne peut mécon- naître que c’est le P. violacea qui a pesé le plus fortement sur le pro- duit hybride. Remarquons qué c’est lui qui a joué le rôle de père dans

le croisement.

90 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

32. RETOUR DES HYBRIDES DE PÉTUNIAS AUX TYPES SPÉCIFIQUES.

En 1854 j'avais découvert, dans les semis de Pétunias qui se font tous les ans au Muséum, une variété que j'avais tout lieu de supposer hybride des deux espèces. Elle était très-florifère et très-fertile, comme le sont d'ailleurs tous les hybrides nés de leur croisement. Ses fleurs, tout à fait semblables pour la forme et la grandeur à celles du P. violacea, étaient d'un blanc légèrement rosé, avec la gorge violacée et le pollen gris bleu. Cette variété, que je désignerai sous le nom d’Albo-rosea, puisque l’origine m'en est inconnue et que j'ignore laquelle des deux espèces productrices a fourni le pollen, m'a servi à faire divers croisements dont je parlerai tout à l'heure; mais, pour être sûr des résultats, il fallait reconnaître d’abord si elle était véritablement hybride, et le semis des graines était le seul moyen qui pât y conduire. Ces graines furent donc récoltées et semées en avril de l’année suivante (1855); quarante-sept pieds furent jugés un nombre suffisant pour faire cette constatation.

Au moment de la floraison, la petite plate-bande qui contient ces quarante-sept plantes présente l'aspect le plus bigarré. Pour la forme, toutes les fleurs rappellent celles du P. violacea, mais quelques-unes, surtout les moins colorées, approchent, pour la grandeur, de celles du P. nyctaginiflora. Sauf une seule le pollen est blanc grisâtre, toutes l'ont gris bleu ou violacé. Pour le coloris elles se ver naent dans les catégories suivantes :

Dix pieds à fleurs d’un pourpre foncé, qu'on ne peut:plus distin- guer du ?. violacea type.

Douze pieds à fleurs lilas ou pourpre clair, généralement plus

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. m1

grandes que celles du P. violacea pur. et déjà assez voisines, mais sous ce rapport seulement, du P. nyctaginiflora.

Quatre pieds à fleurs lilas très-pâle, beaucoup plus grandes que célles du P. violacea, et au moins égales, sinon supérieures en cela, à celles du 2. nyctaginiflora.

Dix-neuf pieds à fleurs blanches ou très-faiblement rosées, à gorge violacée, à pollen gris-bleu ou même bleu violacé. Le tube de la corolle est toujours évasé et relativement court comme dans le P. violacea.

Un pied à fleurs toutes blanches, à pollen blanc grisâtre, mais pas encore jaunâtre, sensiblement plus voisines de celles du P. nyctagini- [lora que de celles du P. violacea.

Enfin un seul pied à fleurs comparativement petites, carnées, répé- tant presque identiquement la variété hybride Albo-rosea qui, en 1854, a fourni les graines de ce semis.

Ce premier essai, quoique déjà significatif, ne n'a pas paru suffi- sant pour conclure d’une manière absolue la nature hybride de cet Albo-rosea , aussi pensai-je devoir en observer encore une génération. Je choisis donc, pour en récolter les graines, les trois plantes du semis ci-dessus indiqué qui reproduisaient le mieux la physionomie de la variété Albo-rosea. Ces graines furent semées en avril 1856; cent seize plantes qui en naquirent présentèrent, lors de la floraison, l'aspect le plus varié: Par un relevé aussi exact que possible, je les elassai de la manière suivante :

Douze individus qui répètent assez bien la variété Albo-rosea de 1854 et 1855. sans toutefois lui ressembler exactement. Ce sont, à peu de chose près, les mêmes tons carnés ou lilas clair, commé aussi la même forme évasée de la corolle et la même teinte bleuâtre ou vio- lacée du pollen.

Vingt-six individus à fleurs blanches, dont le tube de la corolle est étroit et le pollen jaunâtre. Plusieurs d'entre eux ne peuvent plus être distingués du ?, nyctaginiflora, et les autres en différent à peine.

92 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

Vingt-huit à corolle pourpre vif, campanulée, à pollen gris ou bleu violacé, qu'on ne peut plus ou presque plus distinguer du P. vio- lacea pur.

Enfin cinquante autres individus qui ne rentrent bien dans aucune des trois catégories précédentes, et qui, par la forme et la grandeur des corolles, aussi bien que par leur coloris qui varie du blanc rosé au lilas ou pourpre clair et par la teinte grisâtre du pollen, semblent inter- médiaires entre les deux types spécifiques, les uns étant plus voisins du P. violacea, les autres S'approchant davantage du P. nyctaginiflora.

En présence de ce résultat, il me parut clairement démontré que la variété de Petunia que je désignais sous le nom d’A/bo-rosea était bien un hybride, mais de quelle génération, c’est ce que je ne saurais dire. Ce qui est visible c’est sa décomposition en variétés nouvelles qui s’'acheminent vers les deux types producteurs, et dont un certain nombre y rentre complétement à chaque génération. Il est possible qu'en choisissant toujours pour porte-graines des plantes bien intermé- diaires entre les deux espèces, l'expérience puisse se répéter indéfini- ment, mais ce qui me paraît indubitable c'est qu’à toutes les généra- tions on verra se produire le phénomène de divergence que je viens de signaler, et que certains individus s’achemineront vers l’une des deux espèces productrices, certains autres vers l’autre espèce, ou même tous vers la même, si elle exerce une influence très-prédominante dans le croisement. J'en citerai plus loin d’autres exemples et j'exposerai la cause à laquelle j'attribue presque en toute certitude ce fait de retour aux types producteurs.

On alléguera peut-être, pour infirmer la valeur de ces deux der- niéres expériences, que les plantes sur lesquelles j’opérais, étant culti- vées dans un jardin un grand nombre d’autres individus des deux espèces fleurissaient en même temps, ont pu en recevoir du pollen, ce qui aurait ramené leur descendance aux types de ces espèces. Il n’est sans doute pas impossible que les plantes porte-graines aient reçu

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 93 quelques grains de pollen étranger, mais c’est peu probable, attendu qu'ici les fleurs n'étaient pas castrées, et que le pollen de la fleur même qui couvrait le stigmate dès avant l'ouverture de la corolle était un obstacle suffisant à l’accès d’un pollen étranger. Des expériences plu- sieurs fois répétées m'ont du reste appris à quel degré ces échanges de pollen se font, dans le genre qui nous occupe, lorsqu'un grand nombre de plantes sont réunies dans une même plate-bande elles s’entre- mêlent et fleurissent toutes à la fois. J'ai reconnu que, lorsque les fleurs de Pétunias sont castrées, il y a une chance sur quatre pour qu'elles reçoivent du pollen des fleurs voisines, mais, lorsqu'elles en reçoivent, c'est en quantité tellement faible que la plupart du temps les fruits qui en résultent n'arrivent pas à la moitié de la grosseur normale. I en est tout autrement quand les fleurs ne sont pas castrées, et cela est si vrai que, dans tous les parterres les deux espèces de Pétu- nias sont entreplantées pour l'agrément du coup d'œil, les graines récoltées reproduisent identiquement les deux espèces, et que c'est à peine si, sur cent plantes obtenues de semis, il s'en trouve une seule qui soit hybride. La bigarrure des lots de plantes hybrides de deuxième et de troisième génération (peut-être même de quatrième ou de cinquième), que j'ai obtenus du semis des graines de la, variété Albo-rosea, tenait donc bien certainement à ce que la plante était hybride, et à ce que les deux essences spécifiques qu’elle renfermait tendaient, comme ailleurs, à se séparer.

J'ai fait beaucoup d’autres croisements entre l'hybride Albo-rosea et les types spécifiques purs des deux espèces, de même qu'avec d’autres variétés hybrides. Pour abréger le récit, je supprimerai l'exposé de ces expériences dont les résultats ont toujours été identiques à ceux que je viens de rapporter. De quelque manière que les croisements aient été modifiés, j'ai toujours vu les hybrides des deux Pétunias se séparer les uns des autres à la deuxième génération, et le P. violacea appeler à lui le plus grand nombre des descendants de l'hybride.

9! NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

33. ESSAIS DE CROISEMENT ENTRE DIVERSES ESPÈCES DE SOLANÉES RESTÉS SANS RÉSULTATS , TOUTES LES FLEURS AYANT ÉTÉ CASTRÉES.

Outre les croisements réussis dont je viens de parler, j'en ai essayé beaucoup d’autres, entre plantes de la famille des solanées, qui n’ont eu aucun succès. Ces résultats négatifs ont encore un intérêt pour la science, en ce sens qu'ils constatent une fois de plus les répugnances que certaines espèces, proches ou éloignées, ont à s’allier. En compul- sant les catalogués que j'en ai dressés au fur et à mesure que ces expé- riences se faisaient, j’en trouve quatre cent soixante-un pour la séule famille que je viens de nommer. Ce sont les suivants :

DATURA QUERCIFOLIA X * Datura Metel, D. lϾvis, D. fastuosa. (3 croisements. )

DATURA FAsTuosA X D. Tatula. (A cr.)

DATURA STRAMONIUM X D. fastuosa. [A cr.)

PETUNIA vIOLACEA X Vicotiana auriculata, N. angustifotia, N. commutata. = Niérenbeñgia

filicaulis. (22 cr.)

PETUNIA NYCTAGINIFLORA X Datura Tatula, D. ceratocaula, D. Stramonium, D. fastuosa. Nicotiana auriculata, N. cablifornica, N. Langsdorffi, N. ruslica, N. angustifolia, N. commulala. Hyoscyamus niger. Salpiglossis sinuatu. (62 cr.)

NicoriaNa TaBacum X Wicotiana commutata, N. persica, N. californica, N. Langsdorffi, N. rustica. Petunia violacea. Hyoscyamus niger. = Datura ceratocaula, D. Stramonium, D. fastuosa. Salpiglossis sinuata. (76 cr.) *

NICOTIANA ANGUSTIFOLIA X MVicotiana plumbaginifolia, N. rustica, N. acuminata. Petunia

nyclaginiflora. Hyoscyamus niger. Datura Stramonium. Nicandra physa- loïdes, Petunia violacea. (27 cr.) NICOTIANA HYBRIDA X Wicotiana acuminata, N. multivalvis. Petunia violacea. (19 cr.) NIGOTIANA MACROPHYLLA X Vicoliana aeuminala. Petunïa violacea, P. nyctaginiflora. (42 cr.)

NICOTIANA PETIOLATA X Datura fastuosa, D. Stramonium. !8 cv. NicoTIANA RUSTICA X Wicoliana glutinosa, N. Langsdorffii, N. plumbaginifolia, N. angusti- folia. Hyoscyamus niger. Pétunia violacea. Lycium europæum. (47 cr.)

=

1. Je rappelle ici que le signe X veut dire : croisé par. Les chiffres entre parenthèses, placés à la fin de chaque alinéa, indiquent le nombre des croisements effectués.

NAUDIN..=— SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 95

NICOTIANA CALIFORNICA X Petunia violacea, P. nyctaginiflora. Nicandra physaloides. Hyoscyamus niger. Datura Stramonium. (32 cr.) l NicoTiANA ACuMINATA X MWicotiana hybrida, N. angustifolia. Petunia nyctaginiflora,

P. violacea. Hyoscyamus niger. Datura Tatula. (20 cr,

NICOTIANA COMMUTATA X Vicotiana paniculata, N. Tabacum. Petunia violacea, P. nycla- giniflora. (19 cr.)

NicOTIANA PERSICA X MWicotiana paniculata, N. texana: Petuniu nyctaginiflora. (22 er.)

Nicorrana LANGsnorFru X Vicotiana paniculata, N.rustica, N, texana. Pelunia violacea, (23 cr.

SALPIGLOSSIS SINUATA X Petunia violacea, P. nyctaginiflora. Nierenbergia filicaulis. Hyoscyamus albus. (A9 cr.)

Hyoscyamus NIGER X Hyoscyamus pallidus. Datura Stramonium, D. Tatula. Petunia violaceæ, P. nyctaginiflora. Nicotiana Tabacum, N. rustica. Nicandra physa- loides. (28 cr.)

NicANDRA PHYSALOIDES X Hyoscyamus niger. Petunia nyctaginiflora. Datura cerata-

caula. (A3 cr.) NIERENBERGIA FILICAULIS X Salpiglossis sinuata. (10 cr.)

34. DIGITALIS LUTEO-PURPUREA. (?)

Le nom de luteo-purpurea que je donne à cet hybride est un peu hasardé, car j'ignore laquelle des deux espèces parentes (D. lutea, D. purpurea) a joué le rôle de père.

Cet hybride est très-probablement spontané, et nous n'avons au- cune donnée sur son origine; toutefois, les espèces qui l'ont produit ne sont pas douteuses. Je l'ai trouvé cultivé au Muséum depuis plu- sieurs années.

Il est entièrement stérile par les étamines et par l'ovaire. Les étamines, quoique bien conformées, ne contiennent que des gra- nules vides, beaucoup plus petits que les grains de pollen des espèces parentes, et d'une forme plus arrondie. La plupart de ces granules sont agrégés deux ou trois ensemble, quelquefois quatre, comme dans les utricules mères du pollen, ce qui annonce que le travail pollini- fique s'est arrêté ayant d'ayoir achevé son œuvre, C'est là, du reste, le signe de toutes les imperfections des hybrides, végétaux : un travail

96 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM, d'élaboration inachevé, comme si la force vitale avait été insuffisante ou qu'elle eût été détournée au profit d’autres organes.

L'ovaire, le style et le stigmate paraissent bien conformés. mais les placentas sont moins développés que dans les ovaires des espèces légitimes. Ces placentas sont cependant couverts d'ovules, qui, à n’en juger que par l'extérieur, semblent aptes à recevoir limprégnation. Malgré cela, l'hybride reste stérile dans tous les essais de fécondation par les pollens des D. lutea et purpurea.

Le Muséum possède deux variétés de cet hybride, l’une à fleurs jaune pâle lavées de rose sur le limbe, l’autre à fleurs jaune très-pâle uniforme. Toutes deux se rapprochent plus, par le port, du D. lutea que du D. purpurea.

35. LINARIA PURPUREO-VULGARIS. PLANCHE V. CINQ GÉNÉRATIONS.

LINARIA PURPUREA. (M.) LiNARIA vuzGanis. (F.).

Plante de 4 mètre ou plus, rameuse, à ra- meaux divariqués. Vivace.

Fleurs pourpre violet, quatre ou cinq fois plus petites que, celles du ZL. vulgaris.

Plante de 50 centimètres en moyenne, à tiges simples ou ramifiées seulement au voisinage de l'inflorescence. Vivace. |

Fleurs jaunes, à palais orangé, quatre ou

cinq fois plus longues que celles du L. pur- purea.

L'hybride remarquable dont j’ai maintenant à parler a déjà fourni cinq générations consécutives, et sa fertilité est loin d'être épuisée. Autant qu'aucun de ceux qui précèdent il nous fournira des arguments pour établir ce que je regarde comme démontré, le retour spontané des hybrides fertiles aux types spécifiques qui les ont produits.

Le 21 août 1854, six fleurs de la Linaire commune (Linaria vul- garis), castrées dans le bouton, eurent leurs stigmates couverts de pol-

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 97 len de la Linaire à fleurs pourpres (L. purpurea). Ces fleurs, qui ne furent point isolées, reçurent indubitablement quelques grains de pol- len de leur espèce, ainsi que nous en aurons la preuve tout à l'heure. Deux d'entre elles périrent sans accroissement de leurs ovaires; les quatre autres formèrent des capsules à peu près de grosseur normale, dont les graines semées, les unes en novembre de Ia même année, les autres en avril de l’année suivante (1855), me donnèrent trente plantes qui furent repiquées dans la même plate-bande et fleurirent toutes au mois d'août. Sur ce nombre, il y en eut vingt-sept qui reproduisirent purement et simplement la Linaire commune à fleurs jaunes, et trois dont l’hybridité évidente se trahissait par une taille plus élevée, une tige ramifiée, et surtout par des fleurs de moitié plus petites (pl. v, fig. A) que celles de la Linaire commune et bariolées extérieurement, ainsi que sur la lèvre supérieure, de violet. Autant que j'en pus juger à la vue, les trois plantes hybrides étaient exactement intermédiaires entre les deux espèces parentes et très-semblables entre elles, malgré quelques différences insignifiantes dans le ton du coloris des fleurs. Elles furent peu fertiles, mais néanmoins elles donnèrent quelques cap- sules mûres et contenant des graines embryonnées qui furent semées l'année suivante. Sans que j'en sache la raison, ces graines ne levè- rent pas.

Les trois sujets hybrides furent naturellement plus vigoureux et plus florifères la seconde année (1856) que la première; ils se mon- trérent aussi beaucoup plus fertiles, et à la fin de l'été ils donnèrent une ample récolte de graines, qui, ayant été oubliées une année en- tière dans l'appartement on les conservait, ne furent semées qu'au printemps de 1858. Le semis, cette fois, eut un plein succès; les jeunes plantes levérent en si grand nombre, que je pus en faire repiquer envi- ron quatre cents dans une longue plate-bande qui leur fut exclusive- ment consacrée. Toutes ces plantes entrérent en fleur sur la fin de

l'été. L 15

98 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

La plate-bande fleurie offre le coup d'œil le plus bigarré ; mais ce qui frappe tout d'abord, c'est la prédominance très-notable des teintes et des formes de la Linaire commune. Un dénombrement, sinon exact, du moins très-approximatif de ces plantes me les fait classer de la manière suivante :

Trente-six pieds à fleurs grandes, entièrement jaunes, sans trace de la teinte violacée de l'hybride, longuement éperonnées , à palais jaune orangé. qu'on ne peut plus distinguer de celles du L. vulgaris, dont ces trente-six plantes ont entièrement repris le port et la fé- condité.

Quarante-quatre pieds qui reproduisent assez bien les trois premiers hybrides de 1855 et 1856, sans cependant leur ressembler exactement, et sans être non plus identiques entre eux. Ils diffèrent en effet quel- que peu les uns des autres par la grandeur relative des fleurs, le ton des deux couleurs (le jaune et le violet) qui se les partagent, etc., mais, en somme, on peut les considérer comme intermédiaires entre les deux types producteurs, au même degré que l’hybride de première génération, On s'en fera du reste une idée en jetant les yeux sur les figures 3, 4, 5, 6, de la série B (planche v). Les uns sont stériles ou presque stériles, les autres nouent presque tous leurs ovaires, qui se convertissent en capsules de diverses grosseurs, et qui ne varient pas moins par le nombre des graines qu’elles contiennent.

Vingt-deux pieds qui sont manifestement plus voisins du L. pur- purea que ne l'étaient les trois hybrides de première génération; ils sen rapprochent par leurs fleurs plus petites, leurs éperons propor- tionnellement plus courts, et surtout par leur coloris qui contient plus de violet et moins de jaune que celui de ces hybrides. L'aptitude à fructifier est aussi très-variable dans ces vingt-deux individus. On voit la figure de l’un d'eux dans la série B, 6 (même planche).

Un pied unique qui, à en juger par l'extérieur, est totalement ren- tré dans le type du LZ. purpurea. C'est le même port élancé de cette

NAUDIN. = SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 99

espèce, la même petitesse dés corolles, et surtout la même teinte de pourpre violet, sans aucun vestige de couleur jaune. Cet individu est assez fertile et produit beaucoup de graines qui sont recueillies pour continuer l'expérience. (PL v, série B, fig. 1.)

Enfin, environ trois cents pieds qui, par tout l’ensemble de leurs ca- ractères, se classent entre les premiers hybrides et la Linaire commune, dont un grand nombre s’approchent de très-près, sans y rentrer com plétement. On s’en fera une idée en jetant les veux sur la figure 2 de la même série. Sur ces trois cents individus, On n'en aurait peut- être pas trouvé deux qui se ressemblassent exactement. Quelques-uns avaient la fleur presque entièrement décolorée; chez d’autres elle pre- nait uné teinte briquetée ou rosée presque uniforme; dans le plus grand nombre, au jaune, qui dominait toujours, se joignaient, princi- palement à la lèvre supérieure, des stries violettes plus moins pro- noncées, mais en général plus pâles que dans les hybrides premiers. Les mêmes diversités s’y font voir quant à la faculté de produire des graines: les individus à fleurs décolorées sont généralement stériles ou presque stériles; les autres fructifient à divers degrés et d'autant plus abondamment qu'ils s’approchent davantage de la Linaire à fleurs jaunes. En somme, cette nombreuse catégorie d'hybrides tendait ma- nifestement à rentrer dans cette dernière espèce, et il n'aurait certai-

nement fallu qu'un petit nombre de générations pour l'y ramener en- tièrement.

A quoi faut-il attribuer la notable prédominance des formes et des couleurs de la Linaire commune dans cette nombreuse collection d'hybrides de deuxième génération ? Peut-être, comme je l'ai supposé à l’époque je faisais l'expérience, à ce que quelques fleurs des trüis premiers hybrides ont reçu du pollen de la Linaire commune. dont vingt-sépt pieds, issus du même semis qu'eux, croissaient tout à côté. Cet emprunt de pollen à l'espèce type est sans doute probable, mais après avoir vu, dans plusieurs autres cas d’hybridité, des phénomènes

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tout semblables auxquels on ne pouvait pas assigner cette cause, je suis disposé à croire aujourd'hui que ce grand nombre d'hybrides qui s'acheminaient vers le L. vulgaris cédaient surtout à la prépondérance de cette espèce dans le croisement. L'espèce à fleurs pourpres serait ici, vis-à-vis de l’espèce à fleurs jaunes, comme le Petunia nyctaginiflora l’est vis-à-vis du P. violacea. Les hybrides des Datura lœvis et Stramontium nous ont montré le même fait plus sensible encore. Notons cependant que cette prépondérance du ZL. vulgaris sur le L. purpurea n'ôte pas à ce dernier toute son influence, puisque vingt-deux individus se rappro- chent visiblement de lui, et qu’il s’en trouve même un qui lui revient en totalité, au moins en apparence, et ce retour au L. purpurea ne peut pas être attribué au croisement de l'hybride premier avec lui, puis- qu'il n'existait aucun individu de cette espèce dans l’enclos se fai- sait l'expérience.

Un point sur lequel j'appelle encore l'attention du lecteur est celui-ci : les couleurs jaune et pourpre, lorsqu'elles se fondent l’une dans l’autre, donnent lieu à une teinte orangée obscure, qu’on désigne communément sous le nom de mordorée; c’est à peu près celle des fleurs de la Capucine commune; c'était celle du Primula officinali-gran- diflora de première génération. Les couleurs des deux Linaires, l’une jaune, l’autre pourpre, auraient donc dû, en se fusionnant dans les fleurs de l’hybride, produire cette teinte mordorée; or, il n’en a rien été; ni les trois hybrides de première génération, ni les quatre cents de la seconde, ni les centaines des trois générations qui ont suivi, n’ont rien présenté de semblable. Les couleurs des fleurs y ont été souvent affaiblies, mais jamais elles ne se sont fondues en une teinte mixte uniforme ; elles sont toujours restées distinctes sur des compartiments séparés de la fleur. Voilà donc encore un cas d'hybridité disjointe, moins frappant au premier abord que celui du Datura Stramonio-lævis ou de l'Orange bizarrerie, mais non moins certain et non moins important par ses conséquences.

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 101 Troisième génération. Je l'ai obtenue du semis des graines de trente- quatre plantes de deuxième génération, choisies, dans la vaste collec- tion dont je viens de parler, parmi celles qui présentaient les états les plus remarquables. Les graines de ces trente-quatre individus ont été semées en 1859, dans autant de pots différents , et lorsqu'elles eurent _levé, je les fis mettre en pleine terre dans un pareil nombre de lots. Leur nombre total, à l'époque de la floraison, est de sept cent cinq. Aucun de ces trente-quatre lots n’est homogène, sauf ceux qui proviennent de plantes entièrement rentrées dans le L. vulgaris fleurs jaunes). Tous les autres sont bigarrés comme l'était la planche occupée par la génération précédente, mais dans plusieurs d'entre eux il y a des couleurs et des formes dominantes, qui sont visiblement en rapport avec l'état de la plante de deuxième génération qui en a fourni les graines. Le résultat de l'expérience devient ici si compliqué qu'il ne n’est plus possible de faire le détail de chaque lot en particulier; pour abréger, je me bornerai à décrire sommairement les cinq suivants : Un lot de quatre-vingts plantes issues du pied unique qui pa- raissait totalement retourné au L. purpurea. Sur ce nombre, il y en a une qui ne diffère absolument pas du L. vulgaris, peut-être provient- elle d’une graine de cette espèce égarée dans le semis ; quatorze qui reproduisent à peu près identiquement la plante mère, c’est-à-dire le type du L. purpurea, avec son port élancé et ramifié et ses petites fleurs pourpre. Les seules différences qu’on observe entre ces qua- torze plantes consistent dans la nuance un peu plus claire ou un peu plus foncée du coloris; dix à fleurs décolorées, blanches ou jaune très-pâle, à peine plus grandes que celles du L. purpurea; trois qui sont intermédiaires entre les deux espèces productrices, et peuvent être assimilées à l'hybride premier; cinquante-deux qui sont encore intermédiaires entre les deux espèces, mais sont néanmoins plus voi- sines du L. purpurea que ne l'était l'hybride premier. Ce résultat semble attester qu'il y a eu des entre-croisements entre les hybrides de

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deuxième génération; mais je crois qu'on en peut conclure aussi que la plante mère de ce lot, quoique ayant extérieurement tous les traits du L. purpurea, conservait encore quelque chose Z. vulgaris; et par conséquent qu'elle était encore hybride.

2 Un lot de trente-cinq plantés provenues d'un hybride de deuxième génération qui était intermédiaire entre les deux espèces, et qu'on pouvait regarder comme l'équivalent de l'hybride premier. Sur ces trente-cinq plantes, il y en a trois qui retournent au L. purpurea, par tous leurs caractères, avec cette variante que deux d’entre elles sont un peu moins fortement colorées; mais la troisième a les fleurs du pourpre le plus vif; —une qui est entièrement et absolument rentrée dans le Z. vulgaris; sept qui sont très-voisines du Z. vulgaris, mais ne Sont pas encore tout à fait identiques avec lui; enfin, vingt- quatre Sont encore intermédiaires entre les deux espèces, mais sans se ressembler les unes aux autres. Quelques-ünés rappellent de près l'hybride premier, les autrés tendent d’une maniere plus ou moinñs ir vers les deux types spécifiques, mais surtout vers celui du

L. vulgaris.

Un lot de onze pnnicé issues d’un individu deuxième gé- nération à fleurs aussi petites que cellés du Z. purpurea, de couléur lilas violacé, mais ayant le palais jaune. De ces onze plantes, trois ont les fleurs petités comme la plante mére, purpurines, sans trace de couleur jaune, ne différant de celles du Z. Purpurea qu'en ce que leur nuance est moins vive; un à fleurs toutes jaunes, semblables à celles du Z. vulgaris, mais de moitié plus petites; deux à fleurs pe- tites comme celles du L. purpuréa, mais blanches et bariolées de violet; et cinq qui sont encore intermédiaires entre les detx types spéci- fiques, sans se ressembler, et inclinent les unes vers le L. purpured, les autres vers le £; vulgaris.

Un lot de cinquante plantés provenues d’un échañtillon de deuxième génération qui paraissait entièrement retourñé au type du

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 103 L. vulgaris, par la grandeur de ses fleurs, son port, sa fertilité. etc, et qui même semblait exagérer ce type par la vivacité de son coloris. Le semis de ses graines fait voir clairement que, malgré ses apparences. cet échantillon n'était pas entièrement pur. Les cinquante plantes issues de ses graines, quoique ayant toutes les fleurs jaunes, ne pré- sentent pas dans leur ensemble l'uniformité qu’on observerait dans un semis d'espèce parfaitement légitime; ces fleurs varient de grandeur et de nuance d'individu à individu; il y en a de faiblement et de forte- ment colorées; j'en compte même cinq dont la lèvre supérieure est légèrement striée de violet pâle, ce qui n'existait pas sur la plante mère. La plupart de ces plantes cependant peuvent être considérées comme identiques avec le L. vulgaris, ce qui peut leur rester d’hybri- dité n'étant pas saisissable à l’œil. Toutes sont d’ aillenes aussi fécondes que l'espèce à laquelle elles font retour. Un lot de cinquante pieds, dont les graines ont été prises sur un échantillon à fleurs plus grandes que celles de l'hybride premier, d’un jaune très-pâle et faiblement striées de violacé, plus voisin en un mot du L. vulgaris que ne l'était l'hybride premier. Sa postérité se décompose ainsi ; dix plantes qui répètent à peu près le premier hybride; cinq qui rentrent entièrement dans le L. vul- garis; trente-cinq qui approchent de ce dernier, à divers degrés, mais sans y rentrer, et présentent toutes sortes de variantes dans la grandeur de leurs fleurs, leurs FIRE etc. Tous aussi sont fer- tiles à divers degrés. Je ne pousserai pas plus loin cet examen, d'autant tea que nous ne trouverions, dans les autres lots, que des résultats analogues. Ces résultats peuvent se résumer en quelques mots : retour plus ou moins

complet d’un certain nombre d'individus aux types spécifiques, et per- péluation, sur d’autres individus, des caractères propres à l'hybride premier. Il est inutile d'ajouter que ces résultats se modifient suivant le point de départ, c'est-à-dire que, suivant que la plante porte-graines

101 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM,

est plus ou moins rapprochée de l’un des deux types, sa postérité incline dans la même proportion vers ce type.

Quatrième génération. J'ai procédé, pour la quatrième génération, comme je l’avais fait pour la troisième, en choisissant pour porte- graines toutes les formes remarquables de cette dernière, mais avec cette différence que les graines récoltées ont été mélangées par caté- gories, suivant les formes et les couleurs des plantes porte-graines, et cela afin de simplifier l’expérience. J'en ai fait six lots, ne conte- nant à eux tous que cent vingt-deux plantes. Ces six lots m'ont pré- senté tous les phénomènes de divergence déjà observés dans les géné- rations précédentes, et, à aussi, j'ai vu assez fréquemment sortir d'une plante, presque retournée à l’un des deux types spécifiques , des formes qui remontaient vers lhybride premier, ou même s’appro- chaiént très-notablement de l’autre type spécifique. Ces faits, si sin- guliers au premier abord, me paraissent s'expliquer très-naturelle- ment par la disjonction du pollen, ainsi que je l’expliquerai plus loin.

L'année 1860 ayant été extrêmement défavorable à toutes les cultures, nos hybrides de Linaires eurent le sort commun à nos autres plantes : elles fleurirent tardivement, et il n’y eut qu'une très- faible quantité de leurs graines qui mürirent. Je les récoltai pour obte- nir la génération suivante, en 1861. La planche v, série C, représente six individus de quatrième génération, à différents états; il y en a un (n° 6) qui est très-voisin du L. purpurea: un autre (n° 1) qui diffère peu du L. vulgaris; les quatre autres sont intermédiaires, sans se res- sembler ni ressembler à l’hybride premier.

Cinquième génération. Les graines qui ont produit cette cinquième génération ont presque toutes été recueillies sur des individus inter- médiaires entre les deux formes spécifiques et assez analogues à l'hybride premier. Ces graines, semées en 1861, n'ont levé qu’en partie, vraisemblablement parce que, ayant été récoltées la plupart avant maturité. elles ont péri pendant l'hiver. Je n’en ai obtenu que

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 105 vingt-deux plantes, classées en neuf lots, et sur ce nombre il y en eut un tiers environ qui périt dans le courant de l’année ou n'arriva pas à fleurir avant le commencement de l'hiver. Était-ce l'effet d’un mauvais sol ou de la sécheresse prolongée de l'été, ou bien celui d’une faiblesse constitutionnelle résultant du mauvais état des graines, ou enfin le signe d'un affaiblissement ayant pour cause l'hybridité elle-même, c'est ce que je ne saurais dire. Toutefois, je crois avoir remarqué, dans les générations précédentes, que les individus qui s’éloignaient le plus du L. vulgaris avaient moins de vigueur et périssaient notable- ment plus vite que ceux qui y rentraient ou s’en éloignaient le moins.

Malgré cet échec, j'ai obtenu cette année (1861) une douzaine de sujets fleuris et assez vigoureux de mon hybride; cinq d'entre eux ont été représentés sur la planche v, en D. I y en a un (n° 2) qui tend à se rapprocher du ZL. vulgaris ; un autre (n° 1) qui est plus voisin du L. purpurea; les trois autres (n° 3, 4, 5) sont presque décolorés, et on ne sait trop duquel des deux types spécifiques ils s’approchent le plus.

Toutes ces plantes ont été fertiles à divers degrés; celle qui à donné le plus de graines a été, comme toujours, la plus voisine du L. vulgaris (n° 2); les moins fertiles ont été les plus décolorées. Cepen- | dant leur pollen, examiné au microscope, contenait beaucoup plus de bons grains que de mauvais; il est donc probable qu'il y a, chez beau- coup de ces plantes intermédiaires, un nombre plus ou moins grand

d’ovules impropres à recevoir l'imprégnation.

36. RIBES GORDONIANUM.

Hybride des Ribes palmatum et R. sanguineum. Cet hybride est connu depuis longtemps, et on le cultive dans quelques jardins botaniques, on le voit fleurir tous les ans sans

A

1 1%

106 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

qu'il fructifie jamais. Sa physionomie, tout à fait intermédiaire entre celles des À. palmatum et R. sanguineum , indique assez clairement sa parenté, mais on ignore pese de ces deux espèces a servi à féconder lautre.

Cet hybride est entièrement stérile. Ses étamines ne contiennent que quelques vésicules polliniques, vides et difformes, et les pollens des espèces parentes n’ont aucune prise sur son ovaire. Au printemps dernier (1861), j'ai couvert les stigmates de vingt de ses fleurs du pollen de À. palmatum , et ceux de vingt autres fleurs avec celui du R. sanguineum; toutes ces fleurs, sans exception, sont tombées à la défloraison, sans accroissement de l'ovaire, absolument comme celles qui n'avaient pas reçu de pollen.

37. LUFFA ACUTANGULO-CYLINDRICA. POLLEN dessiné PLANCHE IX, fig. A, A’, B, et a. TROIS GÉNÉRATIONS.

LUFFA ACUTANGULA. (M.) LUFFA CYLINDRICA. (F.)

Fruit obovoïde-oblong, relevé de dix côtes Fruit en général fusiforme, quelquefois

longitudinales, anguleuses ét saillantes, dé- pourvu de verrucosités. Graines non ailées, chagrinées, noires, luisantes.

Fleurs jaune de soufre. Feuilles à sept lobes peu prolongés.

ovoïde oblong, sans côtes saillantes, parcouru dans le sens de sa longueur de dix lignes noi- res, et présentant des verrucosités allongées, mais peu saillantes. Graines bordées d’une aile courte, lisses, d’un noir mat.

Fleurs jaune orangé clair. Feuilles à cinq lobes. |

Les deux Cucurbitacées qui font le sujet de cette expérience ne

sont ni très-éloignées l'une de Fautre, ni trés-rapprochées. Ce sont

simplement deux bounes espèces dans un genre homogène. Le L. cy-

lindrica se laisse facilement féconder par l'acutangula, et donne des

hybrides d’une médiocre fécondité, ainsi qu'on va le voir par l’obser- vation qui suit.

pen eme nn P

NAUDIN. —- SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 107

Dans les derniers jours du mois de juillet 4857, et par une ma- tinée chaude et sèche six heures et demie du matin), deux fleurs femelles de L. cylindrica reçurent une forte dose de pollen de £. acutangula. I n'y avait, en ce moment, aucune fleur mâle de ZL. eylin- drica ouverte ni près de s'ouvrir. Les deux ovaires s'accrurent et devinrent de très-beaux fruits, qui furent cueillis mûrs le 24 octobre suivant. Ils contenaient autant de graines que s'ils eussent été fé- condés par le pollen de leur espèce.

En 1858 (avril), des graines tirées de ces deux fruits furent semées sur une couche chaude et levèrent toutes. Après la transplan- tation, et défalcation faite des individus qui périrent à la suite de cette opération, il me resta vingt-neuf plantes, qui devinrent très-belles et beaucoup plus fortes que les Lufja eylindrica de race pure cultivés dans le même établissement. Par tout leur aspect, elles différent à peine de cette espèce, qui est d'ailleurs assez variable; je remarque, seulement, que les lobes de leurs feuilles sont un peu moins prolongés que dans la variété mère qui avait fourni les graines.

Jusqu'ici, donc, il n’y eut rien de particulier dans la végétation, mais des anomalies ne tardèrent pas à se faire voir. Conformément aux allures de toutes les espèces du genre, des fleurs femelles et des grappes de fleurs mâles naquirent aux aisselles des feuilles, mais toutes ces fleurs mâles tombérent successivement sans s'ouvrir; un très-petit nombre seulement, peut-être moins de dix en moyenne pour chaque plante, vinrent à bien, et cela n’arriva que quand les plantes eurent atteint une taille presque démesurée, et, par suite, très-tardivement.

Les fleurs femelles, au contraire, avaient été extrêmement abon- dantes; chaque plante en produisit au moins une centaine, et proba- blement même beaucoup plus. Par leur ovaire, relevé de dix côtes saillantes, elles tenaient exactement le milieu entre celles des deux espèces. Elles étaient, du reste, parfaitement constituées et très-pro-

pres à recevoir l'imprégnation; mais, comme il n'y avait aux environs

108 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

aucun sujet de l'une ni de l'autre espèce dont elles pussent recevoir du pollen, elles périrent successivement, jusqu'au moment quelques fleurs mâles purent s'ouvrir. Ces dernières avaient des étamines bien conformées et contenant du pollen; on en profita pour féconder à la main un certain nombre de fleurs femelles, opération qui se répéta tous les jours, à partir du moment des fleurs mâles apparurent.

Malgré ce soin, il n'y eut qu'un bien petit nombre d’ovaires qui grossirent, et aucun n'arriva à la taille normale des fruits du L. cylin- drica. La fécondation ayant été d’ailleurs très-tardive, par la raison donnée ci-dessus, ces fruits n’arrivérent qu'à une demi-maturité ; il fallut les cueillir en cet état dans les derniers jours d'octobre, pour ne pas s’exposer à les voir détruits par la gelée.

Les vingt-neuf sujets hybrides donnèrent en tout trente-huit fruits, c'est-à-dire moins de deux chacun (un pied vigoureux de L. cylindrica de race pure peut en produire de vingt à trente), dont aucun ne dépassa bien sensiblement la moitié de la taille normale; la plupart même restaient encore au-dessous de cette proportion. Par leur forme obovoïde très-allongée, par leurs côtes saillantes et l'absence totale de verrucosités , ils se rapprochaient peut-être un peu plus des fruits du L. acutangula que de ceux du L. cylindrica. Dans tous les cas, leur aractére mixte était bien prononcé et leur hybridité évidente.

Lorsqu'on les eut laissés achever leur maturité dans un apparte- ment chauffé à quinze ou dix-huit degrés, tous les fruits furent ouverts, et on ne trouva, dans chacun d’eux, qu'un nombre extrémement réduit de graines développées. Un fruit normalement fécondé de L. cylindrica contient communément de cent soixante à deux cents graines ; Ceux-ci n'en avaient pas, en moyenne, plus de huit à dix. Les plus beaux en contenaient une vingtaine, mais le plus grand nombre n’en avaient que de quatre à six; il y en eut même il ne s’en trouva qu'une seule. Toutes ces graines présentaient, comme les fruits eux-mêmes, des formes mixtes qu'il n’était pas possible de méconnaitre : elles

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 109 étaient chagrinées comme celles du £. acutangula, mais il leur restait un vestige de l'aile membraneuse qui entoure celles du L. cylindrica.

Dans les années 1859, 1860 et 1861, j'ai cultivé un certain nombre de ces Luffas hybrides de première génération , au moyen de graines issues du croisement de 1857, que j'avais conservées, et j'ai retrouvé sur elles tout ce que j'avais observé sur leurs similaires en 1858 : une taille exagérée, la chute des fleurs mâles en bouton, la floraison tardive de celles qui persistaient, et une fructification presque nulle, qu'on s'explique sans peine par l’imperfection très-visible du pollen, et, probablement aussi, mais moins certainement, par celle des ovules. Ce pollen de première génération a été représenté en A, sur la planche 1x, qui reproduit assez fidèlement la proportion des grains bien constitués aux mauvais. Cette proportion est très-faible et n’at- teint pas le dixième de la totalité des grains. Si l’on ajoute à ce fait celui de la rareté des fleurs mâles qui parvinrent à s'ouvrir, on n'a pas de peine à comprendre que les fruits aient été si peu nombreux et si pauvres en graines. (Voir planche 1x, fig. A, A’ et a.)

Deuxième génération. En 1859, j'élève encore vingt-neuf individus de L. acutangulo-cylindrica, au moyen des graines fournies par la pre- mière génération, et fécondées par le pollen de l'hybride. Ces plantes ne différent pas sensiblement, par la taille et le port, de celles de la génération précédente, mais les fleurs mâles s'ouvrent presque toutes, même sur les premières inflorescences; aussi, sans qu'il soit nécessaire de recourir à la fécondation artificielle, voit-on nouer et grossir une multitude de fruits. Tous les individus ne sont cependant pas également fertiles ; il en est sur lesquels je ne trouve que deux ou trois fruits noués, tandis que d’autres en ont de douze à quinze, et, comme ils sont au voisinage les uns des autres et qu'ils échangent facilement leur pollen par l'intermédiaire des abeilles, j'en conclus, avec une nouvelle probabilité, que les ovules des individus peu fertiles sont en partie

impropres à recevoir l’imprégnation. Vers le milieu d'octobre, je

110 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

récolte, sur les vingt-neuf plantes, deux cent soixante-deux fruits mürs ou mürissants, et j'en laisse plus d’une centaine à demi-gros- seur qui n'ont pas chance de mürir. Au total, c’est environ quatre cents fruits qui sont produits, à la seconde génération, par le même nombre de plantes qui, à la première, en a donné trente-huit. Ce résultat est frappant, et accuse bien la modification qui s’est effectuée dans la constitution de l’hybride. |

Une autre modification , non moins remarquable, est la dimi- nution très-sensible des angles de tous ces fruits. Ces angles existent encore, tantôt plus, tantôt moins saillants, mais ils sont partout plus faibles qu'ils ne l’étaient à la première génération. En même temps qu'ils S’abaissent, on voit apparaître les lignes longitudinales noires si caractéristiques des fruits du L. cylindrica. Enfin, les graines elles- mêmes participent très-visiblement à cette transformation; elles sont déjà presque lisses et elles sont entourées d’une margination aliforme presque aussi développée que celle des graines du Luffa cylindrica de race pure. Cetacheminement vers cette dernière espèce n’est pas éga- lement prononcé sur tous les fruits, car il en est parmi eux qui sont encore à peu près au même point que ceux de première génération, mais il est général, et il ne se manifeste, dans aucun de ces hybrides, la moindre tendance à revenir au type du Z. acutangula.

Hybride quarteron de deuxième génération. En 1858, j'avais fécondé deux fleurs du L. acutangulo-cylindrica de première génération par le pollen du L. cylindrica pur. Leurs ovaires ont donné naissance à de très-beaux fruits, de grandeur normale, contenant beaucoup plus de graines que ceux qui avaient été fécondés par le pollen de l'hybride. Quatre pieds issus de ces graines, en 1859, ont reproduit presque iden- tiquement le L. cylindrica. Hs ont été très-florifères et très-féconds, et, 4 eux quatre, ont donné plus de cent fruits, dont quatre-vingt-cinq sont arrivés à maturité. Leur forme était enticrement celle des fruits de L. cylindriea, dont ils ne se distinguaient plus que par des vestiges

NAUDIN. = SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 111

presque effacés des dix côtes anguleuses si saillantes sur l'hybride pre- mier. Leur richesse en graines était presque aussi grande que celle des fruits de l'espèce pure, et c’est à peine si on distingait sur ces graines des traces des inégalités Caractéristiques de celles du L. acutangula. Elles étaient d'ailleurs ailées comme dans le cylindrica, et les fruits avaient repris, avec les lignes longitudinales noires, les verrucosités allongées qui les distinguent dans cette espèce.

Hybride L. amaro acutangulo-cylindrica. Dans la même année 1858, cinq fleurs du L. acutangulo-cylindrica de première génération avaient été fécondées par le pollen du L. amara, troisième espèce dont je parlerai plus loin et dont on voit le fruit représenté planche vr. Ces cinq fleurs ont produit un pareil nombre de fruits, contenant tous quelques graines, dont une partie fut semée en 1859. Je ne sais si elles levérent toutes ; le fait est qu'après la transplantation des plantes qui en naquirent il ne m'en resta qu'une, qui devint fort belle, quoi- qu'elle restât de petite taille comparativement aux autres hybrides. Par son port, elle ressemblait assez aux L. acutangulo-cyhndrica pro- prement dits, mais par ses fleurs elle fut beaucoup plus voisine du L. amara. Elle produisit beaucoup de fleurs mâles; les fleurs femelles, toutes semblables à celles du £. amara, se montrèrent tardivement, et, soit pour ce fait, soit par suite de l’inanité du pollen (ce dont je ne me suis pas assuré), soit pour toute autre raison, elle ne donna aucun fruit. L'observation étant isolée, la seule conclusion qu'on en puisse tirer est que le croisement est possible entre le L. amara et l'hybride- des L. cylindrica et acutangula, et qu’on peut en obtenir des hybrides avant une triple parenté.

Hybride de première génération fécondé par l'hybride de la seconde. En 1859, quatre pieds de l'hybride de première génération furent cultivés à proximité des vingt-neuf sujets de deuxième génération dont il a été parlé ci-dessus. Ces quatre pieds qui, s’ils avaient été abandonnés à eux-mêmes, auraient été aussi peu fertiles que leurs similaires de

412 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

1858, et n'auraient donné, à eux quatre, que cinq ou six fruits, devin- rent très-fertiles en recevant, par l'intermédiaire des insectes, du pol- len de ces vingt-neuf plantes de deuxième génération. J'ai récolté sur eux soixante-six fruits bien développés, sans compter ceux en assez grand nombre que j'ai abandonnés parce qu'ils étaient trop jeunes et n'avaient aucune chance de mürir. Ils contenaient aussi, malgré de nombreuses lacunes, plus de graines que ceux des hybrides de même génération fécondés par eux-mêmes. À quoi tenait cette fertilité si remarquable- ment plus grande? Évidemment à ce que le pollen des plantes de deuxième génération, que ces quatre plantes avaient reçu, était mieux conformé, ou, si l’on veut, plus riche en grains bien constitués que celui de la première.

Troisième génération. En 1860, beaucoup de graines du L. acutan- gulo-cylindrica de deuxième génération, tirées de différents fruits, furent semées sur couche chaude, au mois d'avril. Presque toutes levè- rent, mais je ne conservai de ce semis que quarante-trois plantes, ce qui devait être plus que suffisant pour juger de ce qui adviendrait de l'hybride, si elles réussissaient comme dans les années précédentes.

Malheureusement il n’en fut pas ainsi ; tout le monde se rappelle ce qu'a été cette triste année 1860, si fatale à la culture des plantes exotiques tenues en pleine terre. De toutes ces plantes ce sont les cucurbitacées qui ont le plus souffert. Nos hybrides de Luffa restèrent presque stationnaires jusqu’à la fin de juillet, et lorsqu'ils prirent un peu de vigueur, il était trop tard pour qu'on pût espérer en voir müûrir les fruits.

Cette année ne fut cependant pas entièrement perdue pour l’obser- vation. Toutes nos plantes, autant qu’on put en juger sur des ovaires et de jeunes fruits récemment noués, avaient fait un pas de plus vers le L. cylindrica; on y distinguait encore dès vestiges de côtes angu- leuses, mais réduits à un simple filet, formant un léger relief sur le fruit, qui avait entièrement repris la forme et l'aspect de ceux du

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 113

cylindriea. I y eut même une plante, dans le nombre, dont les fruits, arrivés presque au volume normal, ne différèrent plus du tout de ceux du cylindrica pur ; toute trace de côtes avait disparu ; les lignes noires étaient très-apparentes et on y distinguait de même les verru- cosités allongées qui sont propres à cette espèce. Aucun de ces fruits n'étant arrivé même à une demi-maturité, je dus renoncer à l'es- poir d'observer la quatrième génération en 1861.

Un phénomène très-curieux de végétation, qui ne s'était pas encore présenté jusque-là, eut lieu sur la plus grande partie de ces hybrides de troisième génération: ce fut le changement de sexe des fleurs mâles, sur une vingtaine de plantes au moins. Dans tous les Luffa. les fleurs mâles, sauf quelques-unes qui naissent solitaires à l’aisselle des feuilles, sont disposées en une longue grappe (racemus), au nombre de douze à quinze ou même plus, et s'épanouissent successivement. Ici. la plupart des grappes étaient devenues androgynes, c'est-à-dire entre- mélées de fleurs mâles et de fleurs femelles; sur quelques pieds même, devenus par le fait unisexués, elles étaient uniquement composées de fleurs femelles. Si ce genre de monstruosité n'était pas la suite de l'hybridité, je:ne saurais à quoi l'attribuer, à moins qu'on ne voulût y voir l'effet des enr météorologiques de l'année 4860 ; mais cette explication serait à peine recevable, puisque le même fait s’est reproduit, en 1861, sur des Luffa hybrides de même provenance et de même génération; et on sait que l’année 1861 a été très-différente de celle qui l'avait précédée.

En 1861, quatre exemplaires seulement du £. acutangulo-cylindrica de troisième génération furent cultivés au Muséum, et, la saison favo- rable aidant, ils devinrent très-florifères et produisirent beaucoup de fruits très - beaux. Sur trois de ces plantes on retrouve le fait de la conversion d’un grand nombre de fleurs mâles en fleurs femelles ; toutes leurs grappes sont androgynes et quelquefois contiennent plus de fleurs femelles que de fleurs mâles. Ces dernières toutefois sont

1. 45

411% NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

assez nombreuses pour féconder la plus grande partie des ovaires. Leur pollen est d’ailleurs beaucoup plus riche que celui de l'hybride de pre- mière génération ; les bons grains y sont au moins aussi nombreux que les mauvais, peut-être même la proportion en est-elle un peu plus forte. La figure B de la planche 1x donne une idée de l'aspect de ce pollen vu au microscope, sous un grossissement d'environ cent diamètres. On sai- sit au premier coup d'œil, sur les deux figures À et B, la différence des pollens de la première et de la troisième génération. La figure A montre le pollen de première génération mouillé ; les grains, d’ovoïdes qu'ils étaient étant secs, deviennent sphériques, et laissent saillir les trois mamelons correspondant aux ostioles de ce pollen. Les mauvais grains ont à peine grossi et n'ont pas changé de figure; les bons éclatent de temps en temps dans l’eau et laissent échapper leur fovilla sous forme de nuage, ainsi qu'on le voit sur la figure isolée a.

Les fruits du L. acutangulo-cylindrica de troisième génération, récoltés en 1861, ne différaient plus de ceux du L. cylindrica pur qu’en ce qu'ils avaient encore un vestige des côtes saillantes de l’hybride, et en ce qu'ils contenaient comparativement peu de graines. Il y a effectivement encore, dans ces fruits, plus de vide que de plein; mais les graines sont très-bien conformées, et il faut savoir qu'elles proviennent d'une plante hybride pour s’apercevoir qu’elles ne res- semblent pas encore tout à fait à celles du L. cylindrica de race pure.

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 4115

38. LUFFA AMARO-CYLINDRICA.

PLANCHE VL UNE GÉNÉRATION.

LurFA AMARA, Roxburg. (M.) LurFFA cyYLiNDRICA. Rœmer. (F,) Feuilles réniformes, à cinq ou sept lobes, Feuilles à cinq lobes développés , aigus, gla- un peu pubérules et blanchâtres. bres, d’un vert foncé.

Fleurs jaune de soufre, Fruits ovoïdes, de la Fleurs plus grandes et d’un jaune plus vif grosseur d’une noix, présentant dix costules | que celles de l’amara. Fruits cylindriques ou . saillantes, tachés de noir près du pédoncule. | fusiformes, de 25 à 30 centimètres de ong, Graines un peu rugueuses, brunes, non margi- |. sans costules, rayés de noir, avec quelques ver- nées. rucosités peu saillantes. Graines d’un noir mat, lisses, bordées d’uné aile courte.

Les Luffa amara et L. cylindrica, dont la planche vr représente les fruits, différent peut-être plus lun de l’autre qu'ils ne diffèrent tous deux du L. acutangula. Ce sont deux très-bonnes espèces, dont l'hybride paraît néanmoins devoir être fécond.

En août 1859, deux fleurs femelles de L. cylindrica, abritées sous des sachets de gaze pour en éloigner les insectes, furent fécondées par le pollen du Luffa amara. Les deux ovaires nouèrent et devinrent de très-beaux fruits, aussi riches en graines que s'ils avaient été fécondés par le pollen de leur espèce. Une partie de ces graines semée en 1860 me donne dix-neuf plantes, visiblement intermédiaires entre les deux espèces parentes. Toutes fleurissent abondamment, quoique tardive- _ment. Sur le nombre, ilen est deux qui sont uniseæuées et entiérement mâles, mais leurs étamines sont mal conformées et ne contiennent pas un seul grain de pollen. Chez les autres la végétation est normale, en ce sens qu’elles ont des fleurs mâles et des fleurs femelles, mais chez elles aussi les étamines sont généralement mal constituées et ne con- tiennent pas de pollen ou en contiennent très-peu. J'essaye cependant de féconder quelques fleurs femelles avec celles de ces étamines qui

116 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

paraissent les moins mal partagées, et effectivement je parviens à faire nouer deux ou trois fruits, qui, par suite du manque de chaleur de la saison et de l'excès des pluies, ne parviennent pas à maturité. Je fais tout de suite remarquer que la grande défectuosité du pollen de cet hybride pouvait fort bien tenir en partie aux intempéries de l’année. Ce qui m'autorise à le croire, c’est qu’en 1861 ce pollen fut beaucoup meilleur.

Des graines provenues du croisement de 1859 furent semées au mois d'avril 4861. J'en ai obtenu deux plantes, l’une très-voisine du L. cylindrica, mais beaucoup moins développée, et trahissant sa qualité d'hybride par son pollen imparfait; l’autre exactement intermédiaire entre les deux espèces. Ses ovaires sont sillonnés comme ceux de l’'amara, mais ils sont plus longs ; ses étamines sont bien conformées et elles contiennent environ un bon grain de pollen contre trois mau- vais, C'est ce que j'ai essayé de représenter par les figures Cet C’ de la planche 1x ; dans un cas le pollen est sec, dans l'autre il est mouillé et gonflé; les mauvais grains n’ont pas changé de forme et ont à peine grossi dans l’eau. .

Ce pollen, tout pauvre qu'il était, pouvait encore féconder les fleurs femelles, et je m'en suis servi pour en faire nouer quelques-unes. Un seul fruit se développa bien et arriva à maturité. Je l'ai représenté de grandeur naturelle entre les fruits, dessinés aussi de grandeur naturelle, des L. cylindrica et L. amara, sur la planche vi. fruit si bien développé, à en juger par l'extérieur, était cependant très- pauvre en graines ; il n’en contenait que quatorze, et encore y en avait-il sur ce nombre cinq ou six dont l'embryon paraissait trop peu développé pour germer. Par leur grandeur et tout leur faciès, elles étaient intermédiaires entre celles des deux espèces productrices, et montraient même un commencement de la margination aliforme de celles du L. cylindrica. Ces graines furent semées en 1862; mais, contre mon attente, elles ne germèrent point.

NAUDIN,. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 117

39. COCCINIA SCHIMPERO-INDICA.

PLANCHE IX, F et F'. UNE GÉNÉRATION.

; CocciNtA ScHIMPERI. (M.) CocciNiA INDiIcA. (F.)

Plante frutescente de 8 à 10 mètres ou plus. Plante frutescente, de 5 à 6 mètres ou plus. Feuilles trois ou quatre fois plus grandes que Fleurs très-blanches, du double plus grandes celles de l'indica. que celles du Schimperi. Fruits oblongs, de

Fleurs d’un jaune rougeâtre très-pâle, ou de | forme obovoïde, rouge carmin. Plante "5 couleur nankin. Fruits ovoïdes, rouge cocciné. | De l'Inde.

Plante dioïque. D'Afrique.

Les deux espèces ci-dessus désignées sont très-distinctes botani- quement, mais elles forment à elles deux un genre très-homogène.

Dans le courant du mois d'août 1859, année très-chaude et très- favorable à la culture des cucurbitacées, j'ai fécondé successivement une douzaine de fleurs femelles du Coccinia indica par le pollen du C. Schimperi. Toutes ces fécondations réussirent, et j'en obtins des fruits d'un beau développement et remplis de graines aussi bien embryon- nées que si elles étaient venues à la suite d'une fécondation légitime.

Quelques-unes furent semées en 1860, et donnèrent une dizaine

de plantes, très-visiblement intermédiaires entre les deux espèces, mais dont la croissance fut extrêmement retardée par les intempéries de cette fâcheuse année. Il y en eut deux cependant qui parvinrent à fleurir, l’une mâle, l’autre femelle; mais ces deux floraisons, n'ayant pas eu lieu simultanément, restèrent sans résultat. Les fleurs avaient d’ailleurs le caractère mixte des plantes elles-mêmes; peut- être cependant étaient-elles un peu plus voisines de celles du €. Schim- peri (le père) que de celles du €. indica (la mère). Toutes ces plantes. quoique vivaces et abritées dans une serre, périrent pendant l'hiver.

En 1861, nouveau semis de graines du Coccima Schimpero-indica.

J'en obtiens encore dix plantes, dont neuf sont visiblement hybrides ;

118 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

mais la dixième ressemble tellement au C. indica pur, que j'ai lieu de croire qu'un grain de pollen de cette espèce à été mêlé à celui du Schimperi dans le croisement de 1859. De ces neuf plantes hybrides, il yen eut trois qui fleurirent dans le courant de l'été, et toutes trois furent mâles, ce qui m'ôta le moyen d'observer la seconde génération l'année suivante, et je le regrettai d'autant plus que ces fleurs mâles hybrides étaient aussi riches en pollen que les espèces légitimes dont l'hybride était issu. On voit une représentation de ce pollen aux figures F et F'de la planche 1x, sec dans la première, mouillé dans la seconde, sous un grossissement d'environ cent diamètres. C’est à peine si on aperçoit çà et un grain incomplétement développé, et la proportion de ces grains mal formés n’est pas plus grande que dans le pollen d’une espèce légitime. Ce qui prouve mieux encore la per- fection de ce pollen, c'est qu’à défaut de fleurs femelles de l'hybride. je men suis servi avec le plus grand succès pour féconder une douzaine de fleurs du Coccinia indica femelle, de race pure, dont pré- cisément le mâle manquait dans le jardin se faisait l'expérience. Toutes ces fleurs ont noué et donné des fruits contenant de bonnes graines, dont j'ai vu sortir l’hybride quarteron l’année suivante (1862).

40. CUCUMIS MELONI-TRIGONUS. PLANCHES VIF et VIT; pollen pl: IX, D. D’. UNE GÉNÉRATION.

CUGUMIS MELO, Linn, (M.) Cucumis rRIGONUS, Roxburg. (F.)

Plante annuelle, extrêmement polymorphe, à Plante vivace par sa racine, à feuillage petit. fruits doux, sucrés ou insipides, rarement | lobé, crépu, très-scabre. Fruits de la grosseur amers, très-variables de grosseur, de forme et | d’une noix, bariolés de vert foncé, tournant au de couleur. Inde. Monoïque. jaune en mûrissant, très-amers. Inde. Mo-

noïque.

es deux plantes, quoique appartenant à la même section d’un genre très-naturel, sont cependant assez éloignées l’une de l'autre.

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX 119: Elles différent plus que ne diffèrent entre elles les trois espèces de courges comestibles communément cultivées dans nos jardins ; malgré cela, elles donnent, par leur croisement, des hybrides fertiles, tandis que les courges se refusent à tout croisement, au moins à tout croisement fécond.

Dans le courant du mois d'août 1859. trois fleurs femelles de Cucumis trigonus, situées sur des pieds différents et suffisamment iso- lées par l’ablation des fleurs mâles, d’ailleurs très-peu abondantes sur ces plantes, reçurent du pollen de différentes variétés de melons. Les trois fruits grossirent et arrivèrent à maturité, sans cependant atteindre tout à fait à la ‘taille de ceux du C. trigonus fécondés par le pollen de l'espèce. Toutes, ou à peu près toutes les graines qu'ils contenaient paraissaient bien organisées.

Un premier semis en fut fait en 1860 ; mais, par les causes que j'ai déjà indiquées, ce semis n'eut aucun résultat; les plantes. arrêtées dans leur croissance par des pluies continuelles et l'absence de cha- leur, périrent toutes sans fleurir. Il n’en fut pas de même en 18614. De nouvelles graines semées me donnèrent beaucoup de plantes, dont quatre seulement furent conservées, faute de place pour en cultiver un plus grand nombre. |

Dès le premier âge, ces quatre plantes se firent aisément recon- naître pour hybrides à leur feuillage quatre ou cinq fois plus grand que celui du €. trigonus. À mesure qu’elles avancèrent en âge, leur hybridité devint plus évidente. Leurs feuilles acquirent la grandeur de celles de beaucoup de variétés de melons, mais elles étaient plus pro- fondément lobées, et surtout plus grises et plus scabres. La végétation de ces quatre plantes n’offrit d'ailleurs aucune de ces anomalies que j'ai signalées chez d'autres hybrides ; elles fleurirent, lorsqu'elles furent adultes, absolument comme des plantes de race légitime, et se ressemblèrent de tous points, avec cette seule différence que. sur l’une des quatre, les fleurs mâles et les fleurs fémelles furent un peu plus

120 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

grandes que sur les trois autres. Ces fleurs furent d'ailleurs, comme lès organes de la végétation, tout à fait intermédiaires entre celles des deux espèces parentes. Les planches vir et vux feront immédiate- ment saisir les différences qui existaient entre le C. trigonus type et son hybride.

L'inspection du pollen des premitres fleurs mâles de l’'hybride me fit augurer que ce dernier serait fertile. Ce pollen (planche 1x, fig. E et E’) se composait d'environ moitié de grains bien développés, et moi- tié de grains plus ou moins mal conformés, inégaux, vides ou seule- ment à demi pleins de fovilla. Placés dans l'eau, ces mauvais grains ne changent pas de forme, ou, s'ils s’accroissent quelque peu, leur forme reste irrégulière ; les bons grains, au contraire, s’arrondissent. se gonflent et montrent les trois mamelons saillants qui caractérisent le pollen mouillé d’un grand nombre de cuücurbitacées.

Pendant plus d’un mois, toutes les fleurs femelles qui s’ouvrirent furent fécondées artificiellement par le pollen de l'hybride, et, pour multiplier les chances de succès, je déposais sur chacune d'elles le pollen réuni de quatre à cinq fleurs mâles. Toutes ces fleurs femelles. sans aucune exception, nouérent leurs fruits, qui devinrent fort beaux. Au bout de quelque temps. quand les plantes eurent toutes un certain nombre de fruits développés, je cessai de les féconder artificiellement, et elles n'en continuèrent pas moins à en produire de nouveaux. À elles quatre, elles en ont donné plus de cinquante, dont quarante au moins arrivérent à maturité. Elles furent donc très-fertiles, aussi fer- iles que le sont les petites races de melon, et plus que ne le sont en général les individus de €. trigonus que l’on cultive au Muséum.

J'ai dit tout à l'heure que les quatre plantes hybrides se ressem- blaient entièrement par l'aspect général et par le feuillage, mais que l'une d'elles avait les fleurs un peu plus grandes que les autres. Ses fruits furent aussi notablement plus gros (voir la planche vin) et d’une forme un peu différente celle des autres. Hs étaient obovoïdes,

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAU x. 191

comme ceux de certaines races de melons, d'un vert foncé réticulé de gris ; à la maturité, ils prirent une teinte jaune assez vive sur le côté le plus exposé à la lumière. Ceux des trois autres pieds ressemblèrent davantage à ceux du trigonus, mais ils étaient trois à quatre fois plus gros ; ils étaient, comme ces derniers, bariolés de vert foncé sur fond plus clair, et, à la maturité, ils tournérent plus ou moins au jaune, sui- vant le degré de cette maturité, À quoi peut-on attribuer cette diffé- rence dans les fruits ? Très-certainement à ce que la plante mère de 1859 avait reçu du pollen de deux variétés différentes de melons, dont l'une avait les fruits obovoides. Le même fait s’est reproduit, à la suite de nouveaux croisements, dans les années qui suivirent.

Quoique un peu différents par l'extérieur, ces fruits se ressem- blèrent par la couleur et la saveur de leur chair. Cette chair était blanc-verdâtre, un peu rosée au voisinage des placentas ; elle exhalait une odeur qui rappelait à la fois celle du melon et celle du concombre , et elle était très-amère. Dans tous les fruits, il y avait une grande quantité de graines parfaitement développées et embryonnées, qui, je n’en doute pas, donneront une grande variété de plantes hybrides en 1862 1; mais tous aussi en contenaient d’incomplétement formées et de vides. Les bonnes graines dominaient dans les fruits des trois. plantes les plus rapprochées du €. trigonus; elles étaient à peu près

1. Effectivement, en 1862 et dans les années suivantes, j'ai cultivé un grand nombre d'hy- brides Meloni-trigonus de deuxième et de troisième génération, qui se sont maintenus très-fer- iles. Tous ces hybrides, sans exception, ont repris, quoique à des degrés divers, le feuillage et l'aspect du Melon, dans lequel plusieurs sont rentrés ou ont paru rentrer totalement. I s'en est trouvé dont les fruits, devenus douze ou quinze fois plus gros que ceux des premiers hybrides, étaient sillonnés de côtes, et dont la chair avait perdu toute amertume. Les autres ont présenté de nouvelles formes, assimilables à quelques variétés de melons sauvages, mais avec un feuillage plus découpé, plus rude et plus crépu, et avec des fruits amers ; aucune toutefois ne s'est sensi- blement rapprochée du C. trigonus proprement dit. De nouveaux croisements opérés entre le C. trigonus et différentes races de Melons ont eu le même succès que celui qui est rapporté dans l'expérience ci-dessus; j'en ai obtenu des plantes intermédiaires entre les deux espèces el tou- jours très-fertiles, dont les fruits étaient, par leur volume, leur forme et leurs bariolures, tout à fait en rapport avec les variétés de Melons qui avaient fourni le pollen.

LE 416

4122 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. en même nombre que lès mauvaises dans ceux duquatrième pied qui rappelait davantage le melon:

Une nouvelle preuve de Ia bonté du pollén de l'hybride, c’est que: je n'en suis servi avec succès pour-faire nouer etigrossir un’ fruit de C: trigonus (l'espèce maternelle) dont la fleur était: parfaitement isolée. J'ai fait nouer de même, sur'les plantes hybrides, deux fruits à l’aide du pollen du melon et de celui du €: trigonus; mais ces dernières fécondations ayant été faites tardivement; un seul des deux fruits noués- (celui qui: avait été fécondé: par le C2 trigonus) est arrivé à

maturité.

A1. CROISEMENTS FÉCONDS ENTRE LES DIVERSES RACES OU SOUS-ESPÈCES DU GROUPE DES MELONS.

Ce que j'appelle ici-lé groupe des melons est une vaste agrégation: de formes, souvent très - différentes: les unes: des-autres, et néan= moins si voisines par tout ce: qu'iliy à d'éssentiel dans leur organisa tion, et si enelines à secroiser réciproquement, qu'on est également: embarrassé soit pour-lés réunir-en-une seule espèce, soit pour, em) faire plusieurs. Ce qui ajoute considérablement à la difficulté, c'est: qu'entre toutes ces formes contrastantes s'étagent des séries de formes intermédiaires qui les relient les unes aux autres et en font un. tout pour ainsi dire sans solution de continuité. Ces formes-intermé- diaires se compteraient par centaines si on voulait en faire le dénom- brement. En un mot.le groupe des melons est, en botanique, au moins. l'équivalent du groupe humain en anthropologie. Suivant la manière voir; ON: Y trouvera autant d'espèces, de sous-espèces, de-races..de.va-. riétés et de sous-variétés que l’on voudra, et il'y aura autant elissi- fications.et de l différentes qu'ily aura de classificateurs.

Toutes ces formes, quelque qualification qu'on leur applique.

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 123 qu'on en fasse des espèces ou de simples variétés, se perpétuent très- fidèlement par génération tant qu'elles restent pures de tout alliage. C'est ainsi que, depuis bientôt deux ‘siècles, les melons cantaloups. des melons maraîchers, les sucrins ‘blancs, les :melons de Cavaillon. les melons-serpents, le Dudaïm et'cent-autres races connues qu'il serait trop long d'énumérer , se conservent toujours : semblables à eux-mêmes, par le soin qu'ont les jardiniers de les tenir isolés et dene prendre pour porte-graines que des individus ‘bien francs. Mais ‘toutes ‘ces formes :s’altèrent avec une étonnante rapidité . lorsqu'étant rapprochées'les ‘unes des autres il-se fait entre elles des échanges de pollen. C'est par ltcque j'ai vu; dans un espace de quatre ans, le melon-serpent, si caractérisé par la longueur démesurée-et la gracilité de-son fruit, se métamorphoser en un melon court, ovoide, à côtes ‘et brodé, très-analogue aux melons maratchers dégénérés ; le PBudaim, dont'les caractères ne sont pas moins tranchés, prendre toutes sortes de figures et de combinaisons de coloris il n'était plus possible de le reconnaitre; le petit melon rouge de Perse se tranfor- mer en: un melon. à peine différent.du Cantaloup, etc. etc. Toutes ces modifications se:sont faites sur-une si large échelle: au Muséum, «an très-grand nombre de-races de melons ont été cultivées simultané- ment dans ces dernières années, qu'aujourd'hui pas une seule «de ces

races n'y estrestéepure. On peut en dire autant des races presque anssi nombreuses de eourges quiont été introduites dans l Établissement, et qui s’y sont tellement altérées par leurs croisements mutuels qu'on me-peut plus: compter pouvoir des :y ‘reproduire, du -semis de leurs graines, telles qu'elles étaient lorsqu'on les a reçues.

IF y'a deuxvans, j'ai décrit comme espèce dhistinete maïs cepen- dant avec doute, sous le nom de Cucumis pancherianus, une petite forme du groupe-desmelons.-originaire de Taiti, et caractérisée par le peu de développement du feuillage et surtout par l'exiguïté du fruit, dont la la grosseur est celle d’une olive. Assurément de cette forme.au Lanta-

12h NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. .

loup la distance est grande, mais elle est beaucoup moindre de à au melon sauvage de Figari f, plante africaine dont le fruit, exacte- ment de même forme que celui de la plante de Taïti, ne dépasse pas le volume d’un œuf de poule moyen; elle est moindre encore si on fait entrer en ligne certaines petites races de l'Inde, chez lesquelles le fruit est à peine de la taille d’une prune ordinaire. Quoi qu'il en soit de l'espèce de Taïti, elle s'est déjà considérablement modifiée par son rapprochement des autres melons. Jen ai vu, en 1861, plusieurs exemplaires l’on n'aurait plus osé reconnaître la forme primitive ; ce n’était plus le même feuillage ni le même aspect, et les fruits, devenus sept à huit fois plus gros, avaient tout à la fois changé de forme et de couleur. Leur chair s'était épaissie ; leurs graines, si menues dans la forme typique que je les ai comparées aux graines du sésame, avaient déjà toute la taille de celles du melon Dudaïm. Elles étaient d'ailleurs parfaitement embryonnées. La plante de Taïti rentre donc aussi dans l’inextricable groupe des melons; sera-ce à titre d’es- pèce, de race ou de variété ? }

En 1859, j'ai reçu de M. Cosson quelques graines d’un petit Cucumis trouvé au port Juvénal, près Montpellier, au milieu d’autres plantes exotiques qu’on est habitué à chercher dans cette localité. Les plantes que j'en ai obtenues, en 1860, semblaient calquées sur nos races variétés de melons les plus communes, mais sous une taille si réduite que, malgré leur parfaite ressemblance avec les melons, neuf botanistes sur dix (et peut-être tous les dix) n’auraient pas hésité à en faire une espèce à part. Leur feuillage n’avait guère que 3 centimètres de

1. Dans mon Mémoire sur les espèces et les variétés du genre Cucumis, j'ai décrit cette pe- tite race de Melon sous le nom de C. Melo minulissimus ; mais cette désignation n’est plus exacte aujourd’hui, attendu que, depuis lors, j'ai vu de nouvelles races du groupe des Melons dont le fruit est beaucoup plus petit. Les botanistes que ce sujet intéresserait pourront en prendre con- naissance en visitant la collection cucurbitologique du Muséum, sont conservés des échan- tillons de ces diverses races de Melons, accompagnés de dessins coloriés qui en représentent les fruits de grandeur naturelle.

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 125

large, sur tout au plus 4 de longueur ; les fleurs étaient proportionnées à ce feuillage, et les fruits, qu’elles produisirent par centaines, oscil- laient entre le volume d’une belle noisette et celui d'une petite noix. Ils étaient obovoïdes, d’un vert foncé, bariolés de vert noirâtre, absolu- ment sans odeur. Mais les plantes avaient été cultivées au voisinage de plusieurs variétés de melons, dont elles avaient indubitablement reçu du pollen. Il en est résulté qu'à la génération suivante, en 1861, sur quatre pieds de cette nouvelle race qui ont été cultivés au Mu- séum, il s’en est trouvé deux qui ont reproduit très-fidèlement le type premier, et deux autres dont le feuillage démesurément grandi égalait celui de beaucoup de melons. Ces deux pieds ont donné des fruits de la taille d’un œuf d’oie, de forme ovoïde-elliptique, d'un blanc gri- sâtre et d’une odeur pénétrante qui rappelait celle des melons sucrins. Ajoutez à cela que les graines, parfaitement embryonnées, avaient grandi dans la même proportion, et ne se distinguaient plus de celles des nombreuses petites formes du groupe. Y aura-t-il lieu, ici encore, de faire une espèce nouvelle, une race ou une variété ?

Je pourrais multiplier ces exemples par centaines, et en trouver de tout aussi nombreux dans les trois espèces de courges comestibles communément cultivées, les races et les sous-races sont pour ainsi dire en nombre illimité. Je me bornerai à dire que toutes les formes du groupe melon, quelque différentes qu'elles soient les unes des autres, se croisent avec la plus grande facilité et qu’elles donnent nais- sance à des formes bâtardes tout aussi fécondes qu'elles-mêmes. Le méme phénomène s’observe, comme je viens de le dire, dans chacune de nos trois espèces de courges (Gucurbita pepo, C. maxima, C. moschata) , dont les formes secondaires s’allient entre elles avec la même facilité

et donnent des métis de toutes figures et indéfiniment féconds.

126 NOUVELLES :ARGHEVES YDU: MUSEUM.

42. ESSAIS DE CROISEMENTS. ENTRE LES DIFFÉRENTES ESPÈCES DU GENRE COURGE.

Nous-avons vu:le: melon s’allier à une-espèce totalement et incon- testablement différente, le C. trigonus, et produire avec lui des hybrides fertiles ; nous allons voir maintenant les courges, bien plus voisines les unes des autres par leurs caractères botaniques que ces :deux espèces ne le sont entre-elles, se refuser à tout croisement, au moins à tout croisement produisant des hybrides capables ide vivre.

De 1854 à 1858 inclusivement. j'ai maintes-et maintes fois essayé d’obtenir-des hybrides entre les cinq espèces de courges qu'on eultive au Muséum, et cela:sans le moindre succés, quelque : favorables qu'aient été les cireonstances. Mais, à défaut -d’hybrides, j'ai obtenu d'autres résultats qui ont aussi leurintérêt : c'est la grossification de quelques ovaires, et leur développement en fruits parfaits, sous l’in- fluence d'un pollen étranger à leur espèce, sans que ces fruits con- tinssent-une seule graine. Dans d'autres cas, la graine a commencé à se former, mais elle est restée inachevée, ainsi que nous en avons déjà vu un exemple dans la fécondation du D. Stramonium par de D. ceratocaula.

Pour abréger, je passerai sous-silence ‘es essais de croisement qui ont été sans résultat, me bornant à citer-ceux qui ont eu pour conséquence le développement de fruits bien constitués.

En 4856, trente-deux'fleurs femelles du Queurbita Pepo., de diverses variétés, abritées sousides sachets de gaze pour en écarter les insectes, reçurent en très-grande quantité du pollen de €. maxima (onze fleurs), de €, perennis (douze fleurs), de €. melanosperma (quatre fleurs), de C. moschata (cinq fleurs). Sur ce nombre, il y en eut trois dont les

L2

NAUDIN. SUR 'L' HYBRIDETÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 7 ovaires: grossirent et: formèrent des fruits de grandeur ordinaire, savoir :un, parle pollen du C. maxima, et'deux: par celui du €. mos= chatuz: Les trois fruits ne différaient en riens nicextérieurenrents: nr intérieurement, de ceux qui provenaient de fécondations légitimes: mais ils ne contenaient pas une seule graine: embryonéez lon avait même qu'un petit nombre d'ovules qui: eussent pris quelque aecrois- sement; et aueun d'eux n'égalait, par ses‘enveloppes vides, les: graines: normalement: développées des variétés auxquelles ces fruits: appar- tenaient:

En 1855. deux fleurs femelles -d'un-C: melanosperma, ouvertes plus: de huit jours avant les premières fleurs mâles de: cettéespèce: et ne: pouvant, par conséquent, en recevoif du pollen, eurent leurs stig- mates couverts par un,mélange de, ceux. des, C. maxima et C. pepo. Les deux ovaires grossirent et devinrent de fort beaux fruits, quoique un peu moins gros qu'ils ne-le sont É t, dans-cette espèce. Ces fruits, cueillis en octobre, furent conservés jusqu'en février de l'année

suivante, époque ils furent ouverts: Dans ‘tous deux, la majeure partie dés ovules était restée stationnaire à divers degrés de dévelop pement, mais un certain nombre aussi avaient pris tous les caractères extérieurs dés bônnes graines. Dans l'un; il y en avait quarante-quatre ; dans l'autre: quarante-huit: Trente-cinq'graines du premier: furent ouvértes: sur ce nombre, dix-hüit ne conteraient pas-dé vestige: d'embryon; les dix-sept autres-en avaient un, dont I longueur variait un à sept millimètres, et'qui se réduisait a atradieule et à x base des cotylédons. Néuf graines le touchèr faisait reconnaître ce rudi= ment d'émbryon furent mises en réserve pour être semées.-

Sur les quaranté-huit graines du second fruit, trente-cinq aussi furent ouvertes: neuf/étient entièrement privées d'embryon: vingt= six en contenaient un, rédüit; comme dans léteas précédent, à la radis culé et à la base des cotylédoms. Les treize plus belles graines furent réunies atxneuf réservées de l'autre-fruits et furent semées: comme

128 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

elles, au mois d'avril suivant, sur couche chaude. De ces vingt-deux graines une seule germa, mais la plantule était si mal constituée et si faible qu’elle ne put pas se débarrasser de ses enveloppes et qu'elle périt peu de jours après.

Il n’est pas possible de nier que ces deux fruits de €. melanosperma, dont quelques graines contenaient des rudiments d’embryons, ne se soient bien réellement développés sous l'influence d’un des deux pol- lens étrangers que les fleurs avaient reçus et peut-être de tous deux. Remarquons en passant que le Cucurbita melanosperma diffère beaucoup plus, par toute sa physionomie, des C. Pepo, maxæima et moschata que ces trois derniers ne différent entre eux.

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43. ESSAIS DE CROISEMENT ENTRE LE CUCUMIS FIGAREI ET DIVERSES CUCURBITACÉES.

Nous allons voir se produire, sur une espèce du genre Cucumis, le C. Figarei, des faits très-analogues à ceux que nous venons d’obser- ver sur les courges.

Le €. Figarei (C. abyssinieus de Richard) est originaire d'Abyssinie. Il est monoïque, très-polymorphe et vivace par sa racine pivotante, mais il fleurit et fructifie très-bien la première année. Ses fruits, hérissés de pointes mousses ou simplement tuberculeux, varient de la grosseur d'un œuf de pigeon à celle d'un bel œuf de poule. Pendant plusieurs années il m'a servi de sujet d'expériences, mais jamais mieux qu'en 1856, j'en avais un échantillon énorme et très-curieux en ce qu'il ne produisait presque pas de fleurs mâles. Je ne crois pas lui en avoir vu plus de quatre ou cinq dans toute l’année, tandis qu’il donnait, au contraire, des fleurs femelles par centaines : aussi ne noua-t-il aucun fruit autre que ceux sur les fleurs desquels des croisements avaient été essayés. Cet échantillon un peu anomal n’est pas la seule cucur-

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 129

bitacée ordinairement monoïque sur laquelle j'aie observé cette ten- dance à la diœcie. Nous en avons déjà vu un premier exemple sur le Luffa acutangulo-cylindriea cité plus haut.

Le 44 août 1856, une fleur femelle de ce C. Figarei quasi-dioïque fut fécondée par le pollen d’une variété de melon (le Dorado d'Espagne) analogue aux melons brodés communs. Il en résulta un très-beau fruit qui fut récolté mûr au mois d'octobre. Trois mois plus tard, je l'ouvris et y trouvai quelques graines que, à en juger par l'extérieur seule- ment, on pouvait croire bien conformées ; toutes furent successivement ouvertes; pas une seule ne contenait le moindre vestige d'embryon.

Le 16 août de la même année, sur la même plante toujours dépour- vue de fleurs mâles et cultivée seule de son espèce dans l'enclos se faisaient ces expériences, une fleur femelle reçut du pollen de Pastèque (Citrullus vulgaris). Contre mon attente, le fruit se développa comme s’il avait été fécondé par du pollen de son espèce et arriva à la gros- seur ordinaire. Ayant été ouvert en janvier, parfaitement mûr, il se trouva que, de tous les ovules, quatre seulement avaient pris l'appa- rence de véritables graines, mais ces graines ne contenaient aucun rudiment d’embryon sous leurs enveloppes.

Le 19 août (même année), fécondation d’une autre fleur par le pollen de la Coloquinte officinale (Citrullus Colocynthis). Cette fois encore il y eut formation d'un très-beau fruit, dont les graines, au nombre d'une quinzaine, ne contenaient pas plus d'embryon que les précé- dentes.

Le 20 août, une quatrième fleur reçut du pollen de Cucumis myrio- carpus, espèce appartenant à la même section du genre que le €. Figa- rei, mais’ cependant assez éloignée de lui. L'ovaire grossit et donna un fruit de belle venue, dont presque toutes les graines paraissaient convenablement développées. En en ouvrant quelques-unes, je recon- nus qu'effectivement elles contenaient des embryons plus moins

bien conformés et dont on pouvait espérer de voir naître des hybrides. 17 L.

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130 NOUVELLES, ARCHIVES, DU MUSEUM.

Quatre-vingts de ces graines furent semées sur couche chaude au prin- temps suivant, mais pas une seule ne germa, ce qui rappelle presque exactement le cas cité plus haut de la courge mélanosperme, la fécondation par d'autres courges ne produit que des rudiments d'embryons. Donc ici aussi on ne peut nier l’action du pollen sur l'ovaire, bien qu'aucun des embryons formés ne soit viable.

L'année suivante (1857), après douze essais de croisement -du C, Figarei par le C. prophelarum, espèce qui en paraît bien plus voisine que ne l’est le €. myriocarpus, je réussis à faire nouer un oyaire, qui devint un très-beau fruit. Je le récoltai müûr en octobre, et l'ouvris au mois de décembre suivant. Il ne contenait pas une seule graine ; c’est

tout au plus si quelques ovules avaient pris un léger accroissement.

h4. CUCUMIS MYRIOCARPO-FIGAREI ? ?

Voici un dernier fait qui, sans être identique avec ceux que je viens de rapporter, me parait néanmoins avoir beaucoup d’analogie avec eux. En 1861, j'avais planté sur un mètre carré de terrain quatre pieds de Cucumis Figarei, provenus de graines récoltées, à l'école de botanique, sur une plante au voisinage de laquelle croissaient et fleu- rissaient les autres espèces du genre, et en particulier le €. myriv- carpus. Trois de ces plantes s’arrêtérent à la taille ordinaire de leur espèce et produisirent beaucoup de fruits ; la quatrième occupait à elle seule autant de place que les trois autres ensemble, et elle en différait très-sensiblement par son feuillage plus profondément découpé; mais ce qu’elle eut de plus remarquable, c'était à la fois le nombre au moins quadruple de ses fruits (plus de 400) et leur petitesse, car ils n'avaient guère que le sixième ou le septième du volume de ceux des trois autres plantes, et de plus ils étaient héris- sés de longues pointes molles, bien différentes des tubercules à peine

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 131 saillants dont la surface des autres était parsemée. Leur ressemblance presque parfaite avec ceux du €. myriocarpus ne me laissait guère de doute que la plante qui les produisait ne fût un hybride et que ce dernier n’en füt le père. Quel n'a pas été mon étonnement, en ou- vrant quelques-uns de ces fruits, de les trouver entièrement dépour- vus de graines ! Tout l'intérieur en était rempli d’un parenchyme ver- dâtre lon n'apercevait même pas trace des ovules, qui peut-être ne s'y étaient pas formés. I y eut cependant des exceptions : sur une soixantaine de fruits qui ont été ouverts, il s'en est trouvé sept ou huit qui contenaient chacun une graine, et de ces graines il y en eut cinq qui parurent contenir un embryon. Je n'ai pas voulu les sacrifier pour m'en assurer, croyant plus utile de les réserver pour les semer au

printemps de l’année suivante.

| Cette plante était certainement hybride, et selon toute probabilité | hybride du €. myriocarpus, dont nous avons déjà vu, dans l'observation précédente, le pollen produire un commencement d'effet sur l'ovaire du C. Figarei, Ce qu’elle avait de particulièrement remarquable, c'est que, presque absolument stérile par l'ovaire, le fruit ne s'en était pas moins développé sous l'influence du pollen de l'espèce maternelle, le €. Figa- rei, dans laquelle elle était enchevêtrée, et dont il est indubitable qu'elle ait reçu du pollen. Je regrette de ne lavoir remarquée que tout à fait à l’arrière-saison, lorsqu'elle ne fleurissait plus et que les fruits étaient déjà arrivés à maturité. Il est plus que probable que ses fleurs mâles ne contenaient pas de pollen. Si les cinq graines de cet hybride, mises en réserve, germent, les plantes qui en sortiront me permettront peut-être d'éclaireir les obscurités dont son origine est enveloppée 1.

4. En 1862, les cinq graines dont il est question ici ont élé semées ; une seule germa et pro- duisit une plante d’un aspect très-différent de celui de la plante mère. Elle se faisait surtout re- marquer par des feuilles à peine lobées et couvertes d’une villosité blanchâtre, fort analogue à celle qui couvre les feuilles du C. prophetarum de Linné. Gette particularité jette des doutes dans mon

1432 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

45. ESSAIS DE CROISEMENT SUR L’'ECBALIUM ELATERIUM.

La plupart des expériences suivantes ont été faites, en 1855, sur un pied d’£chalium isolé dans un enclos séparé du Muséum par la rue Cuvier, et très-éloigné de l’école de botanique se trouvaient d'autres individus de même espèce. Ce pied unique fut soumis à une castration sévère par l'enlèvement des fleurs mâles, aussitôt que leurs boutons apparaissaient. Pour simplifier l'opération, et par diminuer les chances d'oublier des fleurs mâles, je ne laissai à la plante qu'un petit nombre de branches qu’il devenait dès lors facile de surveiller. Tant qu'elle fut soumise à ce régime, elle fut entière- ment stérile, et je comptai, dans un intervalle de deux mois, cent soixante et une fleurs femelles qui périrent successivement faute de fécondation.

D'autres expériences eurent lieu à l’école de botanique sur des pieds d'£chalium non soumis à la castration; mais ici, les fleurs opérées furent abritées sous des sachets de gaze qui en éloignaient les insectes et S'opposaient à ce que du pollen y fût apporté. Les résultats ont été exactement les mêmes dans les deux cas ; on va voir qu’ils concordent de tous points avec ceux que j'ai obtenus sur les courges et sur le Cucumis Figarei. :

Le 25 août 1854, une fleur femelle d’£chalium, enfermée dans un sachet de gaze dès avant l'épanouissement de la corolle, reçut une forte dose de pollen de Coloquinte officinale (Citrullus Colocynthis). L'ovaire ne périt pas; il s'accrut au contraire, mais très-lentement.

esprit sur la parenté que j'ai attribuée à la plante de 4861. 11 me parait aujourd'hui qu'elle pourrait tout aussi bien avoir eu pour père le C. prophetarum que le C. myriocarpus. Malheureusement il ne m’a pas été possible de vérifier cette supposilion, la seule plante obtenue du semis des cinq graines de l’hybride ayant péri avant de fleurir.

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 438

et se convertit en un fruit qui n'avait guère que le tiers du volume : ordinaire, et dont la forme, au lieu d’être ovoïde-oblongue comme dans les fruits normalement fécondés, était cylindrique, signe presque certain qu'il ne contenait pas de graines. Effectivement, cueilli mûr le 8 octobre, je le trouvai rempli d’une pulpe verdâtre, dans laquelle on discernait encore les ovules tels qu'ils avaient être au moment de la floraison, c’est-à-dire sans qu'aucun d’eux eût pris le moindre accroissement.

Deux jours après (le 27), une autre fleur femelle de la même plante, pareillement abritée, reçut du pollen de Cucumis dipsaceus. Elle resta une dizaine de jours stationnaire, sans périr cependant. après quoi elle se ranima, devint très-verte et forma en définitive un fruit d'à peu près moitié grosseur, qui se détacha de son pédoncule à la maturité (le 5 octobre), mais sans rien expulser de son contenu. De même que le précédent, il était rempli d’une pulpe verte demi- fluide, dans laquelle étaient immergés les ovules, tous réduits à l’état de vésicules vides.

Le 8 juillet 1855. deux fleurs femelles du pied d’Ecbalium soumis à la castration eurent leurs stigmates couverts de pollen de Sycidium Lindheimeri, cucurbitacée américaine qui n’a d’analogie prochaine avec aucune espèce de l'ancien continent. L'un des deux ovaires périt; l’autre se développa en un fruit dont la grosseur put être évaluée aux deux cinquièmes du volume ordinaire. L'ayant ouvert le 31 juillet. lorsqu'il donnait des signes de maturité, je n'y trouvai que la pulpe verte dont j'ai parlé plus haut et des ovules au même état que dans l'ovaire de la fleur.

Le 98 août de la même année, sur la même plante que dans l'ob- servation précédente, une fleur femelle reçut du pollen de Cucumis dipsaceus (nous venons de voir ce croisement déjà effectué en 1854). Le fruit noue et arrive à un peu plus de la moitié du volume normal. Sa grosseur relative et le renflement léger qu'il présente dans le

134 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. milieu de sa longueur me font soupçonner qu'il contient quelques graines ; aussi, pour n'être pas exposé à les perdre dans le eas oùil les: expulserait en se détachant de son pédoncule, ai-je soin de l'enfermer dans un sachet de gaze. Le 10 octobre, en effet, il se détache spontané- ment, et il lance au dehors, avec sa pulpe, huit belles graines que je retrouve dans le: sachet. Ces graines furent semées le 23 avril suivant, dans les meilleures conditions possibles. mais aucune ne germa. Malgré leur belle apparence, elles étaient très-probablement vides. | | Le 31 août et le 2 septembre, deux autres fleurs femelles reçoi- vent du pollen de Bryonia cretica, espèce peu différente de la Bryone commune. Les deux ovaires nouent et arrivent à très-peu près à la grosseur normale. Leur forme ventrue annonce assez clairement qu'ils contiennent des graines. Cueillis mürs le 8 octobre. ils expulsent leur contenu avec une certaine énergie, bien moindre toutefois que celle des fruits provenus d’une fécondation légitime. Il se trouve onze graines dans l’un et douze dans l’autre, toutes de la plus belle appa- rence. J'en ouvre cinq lune après l'autre et les trouve entièrement vides; les dix-huit autres sont semées sur couche l’année suivante, et, comme je m'y attendais, pas une seule ne germa.

Même résultat obtenu par l'emploi du pollen du Bryonia alba. Deux fleurs de ce même pied d’£e balium qui en reçoivent nouent leurs ovaires et donnent des fruits qui restent au-dessous de la demi-gros- seur normale. L'un d'eux contient une graine, l’autre en contient deux. Une première graine ouverte est vide ; la seconde contient une ma- tière pulpeuse qui est peut-être un embryon en voie de formation ; la troisième est semée l’année suivante, et elle pourrit en terre sans germer. ; R

Un peu plus tard (le 3 septembre 14855), trois autres fleurs femelles de la même plante sont encore fécondées par le pollen du _Bryonia alba. Les trois ovaires nouent et arrivent presque à moitié

NAUDIN.:— SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 5 grosseur. Hs sont plutôt cylindriques qu'ovoides, ce qui annonce teur pauvreté en graines. Effectivement, un des trois fruits contient une seule graine, un second en contient deux, le troisième trois. La pre- mière «est ouverte et est trouvée vide; les cinq autres sont semées l'année suivante, sans plus de succès que dans les cas précédents.

En 1561, j'ai repris un instant ce genre de recherches. Après avoir tenu quelque temps un pied d'£cbalium à Vétat de castration quoti- dienne, et l'avoir vu perdre successivement ses fleurs femelles faute de fécondation, je couvris les stigmates de l'une d'entre elles avec le pollen du Thladiantha dubia, eucurbitacée de Chine, très-éloignée de l'Echalium. par son organisation. Malgré la distance qui sépare les deux genres, le résultat fut tout à fait semblable à quelques-uns de ceux que j'ai rapportés ci-dessus. L'ovaire grossit, arriva au tiers du volume ordinaire et fut cueilli mûr environ un mois après. En l’ouvrant, car il avait trop peu d'énergie pour expulser de lui-même son contenu, je le trouvai rempli de pulpe verte, mais pas un de ses ovules n'avait pris le moindre accroissement.

Ces développements anomaux de fruits sans graines, ou conte- nant des graines vides, ou enfin dont les graines, quoique en appa- rence pourvues d'un embryon viable, ne germent pas, sont-ils indé- pendants d’une action exercée par le pollen étranger déposé sur le stigmate des fleurs? en d'autres termes, auraient-ils eu lieu sans l’adjonction de ce pollen ? Dans ces expériences qui paraissent si simples, bien des illusions sont possibles ; cependant, lorsque je me rappelle ces graines périspermées et non embryonées du Datura Stra- monium. dont les ovaires ont grossi sous l'influence du pollen du D. ceratocaula, et que, d’un autre côté, je trouve des embryons rudi- mentaires, mais très-visibles et très-reconnaissables, dans les graines du Cucumis Figarei fécondé par le €. myriocarpus, et dans celles de la courge mélanosperme recevant le pollen du Potiron et du €. Pepo, les

faits me paraissent trop s’enchaîner pour n'être qu'un simple acci-

136 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

dent. Si les graines inembryonées du D. Stramonium se sont formées, comme on ne peut guère en douter, par l’action d’un pollen étranger à cette espèce, pourquoi n'en serait-il pas de même des graines mal embryonées ou tout à fait vides de l’£chalium recevant du pollen de Bryone, et même des fruits qui grossissent, après d’autres croisements, sans que pour cela leurs ovules s’accroissent? Je laisse la question indécise; mais j'incline à croire, .qu'au moins dans les exemples que j'ai rapportés, c’est à l’action du pollen qu’il faut attribuer ces gros- sissements d’ovaires, même lorsqu'ils restent entièrement stériles, et que, par conséquent, le pollen n’y a pas uniquement pour effet de déterminer la naissance de l’embryon, mais aussi de vivifier les organes qui l’alimentent et le protégent, c’est-à-dire l'ovaire lui- même. |

Pour en finir avec ce sujet, je dois dire que tous les essais de croisement que j'ai faits sur l’£chalium n’ont pas eu pour conséquence le grossissement de l'ovaire. Dans vingt-trois cas j'y ai employé les pollens du melon, du concombre, de la gourde, des courges COom- munes, des Cucumis Figarei et prophetarum, l'ovaire a péri dans les sept à huit jours qui ont suivi la défloraison, comme dans les cas d’infécon- dation totale. On voit que ce sont les Bryones et le Cucumis dipsaceus qui ont eu ici le plus d'efficacité,

A6. RETOUR DU LINARIA VULGARIS PÉLORIÉ AU TYPE DE L'ESPÈCE, PAR FÉCONDATION ARTIFICIELLE.

Voici une dernière observation qui aurait peut-être prendre place à la suite de celle qui est relative à l'hybride du Linaria vul- garis. L’ayant omise là, je crois qu'il est bon de la rapporter ici. Quoiqu'elle n'ait qu'un faible intérêt, elle constate du moins que la

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 137 singulière monstruosité de la Linaire commune, désignée sous le nom de pélorie, ne se perpétue pas habituellement par le semis, c'est-à-dire par voie de génération.

En 1858, le Muséum d'histoire naturelle reçut un pied fleuri de Linaire commune dont toutes les fleurs étaient péloriées. Ces fleurs étaient tubuleuses, à limbe régulier, quinquélobé, sans éperons, d'un jaune très-pâle, mais avec cinq macules d’un jaune assez vif dans la gorge; au total, elles avaient une grande ressemblance avec celles de Ja Primevère commune (Primula veris); elles étaient complétement privées d’étamines, stériles par conséquent, mais leurs ovaires et leurs stigmates paraissaient assez bien conformés pour recevoir limpré- gnation. s

Le 16 septembre de la même année, j'ai déposé du pollen de l'espèce sur les stigmates d’une dizaine de fleurs de ce sujet pélorié ; la moitié des capsules se sont développées, mais n’ont pas eu le temps de parfaire leur maturité : aussi le semis de leurs graines ne pro- duisit-il, en 1859, que quatre plantes, qui devinrent très-fortes et très-florifères. Toutes quatre rentrèrent intégralement dans le type de l'espèce à grandes fleurs jaunes, bilabiées, longuement éperonnées et très-fertiles. Il m'a paru inutile de pousser plus loin l'observation.

Il existe un autre genre de pélorie dans la Linaire commune, c'est celui dans lequel les fleurs, tout en devenant régulières, prennent cinq éperons égaux, et il n’est pas rare que cette seconde forme existe sur les mêmes individus que la première; mais alors il n°y a guère que la fleur terminale de la grappe ou des rameaux fleuris qui la présente. En 1859, un jardinier de l'établissement m'apporta des graines d'une quinzaine de plantes dont la plupart des fleurs étaient atteintes de ce genre d’anomalie, mais incomplétement, en ce sens qu'au lieu de cinq éperons, elles n’en avaient le plus ordinairement que deux ou trois, ce qui explique comment elles ont pu produire quelques graines, à laide

de leur propre pollen, sans préjudice de celui qu'elles ont pu recevoir 18 - J.

138 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

de plantes non péloriées. J'ai obtenu, de ces graines, en 1860, une cinquantaine d'individus, dont trente fleurirent dans l’année. Ces trente plantes étaient entièrement rentrées dans le type de Fespèce, saufuné seule sur laquelle je ‘trouvai une fleur à deux éperons. Sur les vingt qui n'avaient pas fleuri en 4860, et qui fleurirent en 4864, il y'en eut cependant une dont'toutes les fleurs reproduisirent la pélorie non éperonnée dont j'ai parlé -ci-dessus.'Il se pourrait que, si ces pé- lories étaient fécondes par elles:mêmes, c’est-à-dire qu'elles produi- sissent du pollen capable de féconder leurs ovaires, leur forme anomale se Mmaintint et prit rang parmiles-variétés persistantes, mais c'est ce qu'aucune expérience ne permet encore d'affirmer.

DEUXIEME PARTIE. DISCUSSION DES FAITS CONSIGNÉS ! DANS: CE MÉMOIRE,

ET RÉPONSE | AUX (QUESTIONS : PÔSÉES : PAR L'ACADÉMIE , DANS : SA : SÉAN:E : DU 30 JANVIER 4860.

Je n'ai pas à faire ici l'histoire de l'hybridation ni des différentes Opinions qui ont eu cours sur ce sujet, depuis l'époque Bradley (1739) ‘annonça l'hybridité de certaines Primevèrés. comme un fait positif; j'ai seulement à faire ressortir les conclusions des expé- riences qui me sont personnelles et à y chercher la réponse aux questions proposées par l'Académie. :Ces questions somt les sui- vantes :

Étudier les SALE végétaux au poirit de vue de leur fécon- dité et de la perpétuité non-perpétuité de leurs éaractères;

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 139 2 Dans quel cas ces hybrides sont-ils féconds par eux-mêmes ? Cette fécondité des hybrides est-elle en rapport avec les ressemblances extérieures des espèces dont ils proviennent, signale-t-elle une:affi- nité spéciale au point de vue de la génération; comme on l'a remar- qué pour la facilité de la production de ces hybrides eux-mêmes ? Les hybrides stériles par eux-mêmes doivent-ils toujours leur stérilité à l’imperfection du pollen? Le pistil et les ovules sont-ils tou- jours. susceptibles: d’être fécondés par un pollen étranger convena- blement choisi? Observe-t-on quelquefois un état d'imperfection ap- préciable dans le pistil et les ovules? "Les hybrides se reproduisant par leur propre fécondation com- servent-ils quelquefois des caractères invariables pendant plusieurs générations et peuvent-ils devenir le type de races constantes, ou reviennent-ils toujours, au contraire. aux formes d’un de leurs ascen- dants, au bout de quelques générations, comme semblent l'indiquer

des observations récentes?

IL. SIERILITÉ ET FÉCONDITÉ DES HYBRIDES.

Il y a un siècle, Kælreuter a démontré, par des expériences-que celles d'aucun autre observateur n'ont surpassées en exactitude et:qui ont:encore toute leur valeur, le-fait de la:stérilité absolue de certains hybrides, et celui de la stérilité partielle nu certains autres. Ces. deux faits ont reçu depuis de si b tions qu'il n'est plus possible aujourd’hui de les contester. J'en ai cité siennes des exem- ples dans la première partie de ce mémoire. Nous avons vu.les Vico- tiana californico-rustiea, N. glutinoso-macrophylla, N. glutinoso-angusti- folio-macrophylla, Digitalis luteo-purpurea et Ribes Gordonianum, stériles à la fois par les étamines totalement dénuées de pollen, du moins de pollen:bien constitué; et par l'ovaire, puisqu'ils ne peuvent pas être

110 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

fécondés par le pollen de leurs ascendants. Mais, comme dans tous ces cas le pistil (carpelles, styles et stigmates) ne présente aucune difformité appréciable, il est naturel de chercher dans l'ovule lui- même, c'est-à-dire dans l'organe qui est, de tout l'appareil femelle, le plus intimement lié avec la reproduction, la véritable cause de cette inaptitude à recevoir l’imprégnation.

Ce qui prouve bien du reste que c’est dans l'ovule même que réside la défectuosité, et non dans les parties plus extérieures du pistil, c’est que, dans bien des cas d'hybridité, il n’y a qu’une partie des ovules d’un même ovaire qui se refuse à être fécondée, les autres se convertissant en graines embryonées et capables de germer. C’est ce que nous avons vu dans les trois générations hybrides du Luffa acutangulo-cylin- drica, ainsi que dans le Luffa amaro-cylindrica, le Cucumis Meloni-trigonus, les hybrides des Wicotiana rustica et paniculata, etc. Le Cucumis myrio- carpo-Figarei en est une preuve non moins convaincante, puisque sur une centaine de fruits qui s’y développent et mûrissent, sous l'influence du pollen de l'espèce maternelle, les neuf dixièmes au moins sont privés de graines, et que, dans le petit nombre qui en contiennent, on n'en trouve pas plus d’une par fruit. Je pourrais même citer à l'appui de cette thèse l'exemple du Wirabilis longifloro-Jalapa, quoique l'ovaire y soit uniovulé. Dans cet hybride, tous les stigmates étaient également développés, et sous ce rapport ils ne le cédaient pas à ceux des espèces parentes ; cependant onze essais de fécondation par le pollen du #. longiflora restent sans effet, et il en faut dix par celui du Jalapa pour déterminer l'accroissement d'un ovule. Dans les Luffa hy- brides cités tout à l'heure, ainsi que dans le Cucumis Meloni-trigonus, quelque pauvre qu'ait été le pollen employé à la fécondation de leurs ovaires, il est hors de doute que le nombre des bons grains déposé sur leurs stigmates ait été très-supérieur à celui des ovules qui s'y sont développés en graines.

Ce n’est là, sans doute, qu’une supposition, mais elle est extrême-

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. Ant

ment probable. Il resterait à la confirmer par l'examen anatomique de l’ovule, et il serait intéressant de découvrir laquelle de ses parties reste défectueuse; mais c'est un genre de recherches tout particulier, très-difficile, très-minutieux, souvent incertain dans ses résultats, et qu'on ne peut aborder que lorsqu'on en a une longue habitude et qu'on est pourvu d'excellents instruments, deux choses qui me man- quaient également. Il m'aurait fallu d’ailleurs, pour l'entreprendre, plus de temps que ne m'en laissaient les expériences très-compliquées dans lesquelles j'étais engagé. Je me suis donc contenté de vérifier expérimentalement la fécondité ou la stérilité des ovaires, ce qui était plus expéditif et probablement plus concluant; mais il n’y en à pas moins un sujet à recommander aux micrographes de profession.

Un fait très-certain et reconnu par tous les hybridologistes c'est que l’action stérilisante de l'hybridité agit avec bien plus de force sur le pollen que sur les ovules. Ce fait ne doit pas surprendre, puisque le pollen est, de toutes les parties de la plante, la plus élaborée, la plus animalisée, si l’on peut se servir de cette expression. C'est dans ses gra- nules, comme le prouvent des analyses chimiques plusieurs fois répé- tées, que s'accumulent, plus qu'ailleurs, les matières phosphorées et azotées, et on conçoit que cette haute organisation soit entravée dans les hybrides, la végétation tout entière se ressent du trouble qui résulte de l’'enchevêtrement de deux essences spécifiques faites pour vivre séparément. Les hybrides dont j'ai fait l'histoire nous en offrent plusieurs exemples. Nous avons vu le #irabilis longifloro-Jalapa ne don- ner qu'un pollen impropre à la fécondation, soit qu'il fût appliqué sur les stigmates de l'hybride, soit qu'il le fût sur ceux de ses deux parents, tandis que sur vingt et un croisements essayés sur lui avec le pollen de ces derniers il y en a un qui réussit et qui fait grossir l'ovaire. Ce résultat est très-conforme à ceux que M. Lecoq annonce avoir obtenus (evue horticole, 1853, p. 185.et 207) du même hybride, dont il a toujours trouvé de pollen inefficace, mais qu'il a pu féconder par celui du

142 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

M. Jalapa. L'inégalité de valeur du pollen et-des ovules devient plus manifeste encore dans le Vicotiana glauco-angustifolia (et il en eût cer- tainement été de même du N. glauco-macrophylla, si expérience en avait été faite), toute la masse pollinique est défectueuse et inerte, tandis que l'ovaire se remplit de graines lorsqu'il est fécondé par le pollen des N. Tabacum et N. macrophylla. Tous les hybrides que j'ai observés, ayant quelques grains de pollen bien constitués dans leurs anthères, ont été fertiles, et souvent à un haut degré, par leurs ovaires; n'en ai jamais vu, et je ne crois pas qu'on en puisse citer un seul, qui, stérile par l'ovaire, ait été fertile par les étamines, même au degré le plus faible.

L'influence délétère qu'exerce l'hybridité sur l'appareil féconda- teur se montre sous différentes formes. Le cas le plus ordinaire, ou du moins le plus remarqué, est l'atrophie directe du pollen dans les an- thères, plus rarement l’atrophie des anthères elles-mêmes; mais nous l'avons vue agir aussi sur les fleurs entières. C’est ainsi que, chez tous les hybrides à la production desquels coneourt le D. Stramonium, les fleurs tombent invariablement dans les dichotomies inférieures, sans s'ouvrir; que, dans tous les individus de Luffa acutangulo-cylindrica de première génération, les premières inflorescences mâles périssent tout entières, et que quelques fleurs ne parviennent à s'ouvrir que lorsque les plantes, plus qu'adultes, ont déjà perdu une partie de leur vigueur. Le même phénomène s'observe sur le Wirabilis longiflore- Jalapa, qui jette bas les trois quarts de ses boutons; sur les Vicotiane | rustico-paniculala et paniculato-rustica des trois générations consécu- üves, etc. Enfin, un:autre mode de stérilisation que nous avons encore vu s'effectuer est le changement de fleurs monoïques mâles en fleurs femelles, sur:les. Luffa hybrides de troisième génération. J'ai même tout lieu de croire aujourd'hui, bien que je ne l'affirme pas, que. cet: échantillon de Cucumis Figarei, si étrangement grand et si remarquable par l'absence presque totale de fleurs mâles, qui m'a

NAUDIN. == SUR: L'HYBRIDADÉ DANSIEES VÉGÉTAUX. 113 servi; en 48956, à faire les expériences que j'ai rapportées plus haut, devait tout à la fois sa grande taille et sa quasi-unisexualité, femelle-à lhybridité.

Il. INÉGALITÉ DE FERTILITÉ DES HYBRIDES.

S'il y a des hybrides absolument stériles par les étamines et par l'ovaire, il y en a aussi, et peut-être en plus grand nombre, qui sont fertiles ; les uns.le sont par l'ovaire seulement, les autres par le pollen et l'ovaire. Les exemples que j'en ai cités sont encore trop présents à l'esprit du lecteur pour que j'aie besoin ‘de les rappeler ici.

Les hybrides sont fertiles par eux-mêmes toutes les fois que leurs anthères contiennent du poHen bien organisé; seulement, lorsque-la proportion en estitrès-faible, il est bon ‘de n’en pas abandonner da fécondation au hasard, si on veut avoir la preuve de leur fertilité, et d'y aider en fécondant artificiellement l'hybride «par son propre ‘pol- len; c'est ce que j'ai fait pour le Luffa acutangulo-cylhindrica: de première génération qui avait si peu de fleurs mâles, et, dans cesifleurs, une :si faible dose de bon pollen. Dans la.majeure partie des cas, l'inspection microscopique du pollen renseigne avec assez de certitude sur sa valeur; la différence de forme, de grosseur et de transparence des bons et des mauvais grains saute pour ainsi dire aux yeux. et ilest facile d'en juger, du moins approximativement, la quantité relative. I y à des cas cependant, peu communs sans doute, cet examen ne suffirait. pas pour décider si le pollen est actif ou inerte, car il peut rigoureusement arriver qu'il ait toutes les apparences d’un bon pol- len sans en avoir la vertu : tel était celui du Wirabilis longifloro-Jalapa , dont les grains, quoique inégaux, n'étaient pas difformes et sem- blaient pleins de fovilla, malgré leur inefficacité sur les stigmates des deux plantes parentes aussi bien-que:sur ceux de Fhybride. Peut-être

Anh NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

l'emploi de réactifs chimiques eût-il mieux accusé que le microscope seul leur défectuosité.

La fertilité des hybrides par le pollen est de tous les degrés. Nous avons vu le Luffa acutangulo-cylindrica de première génération être d'une extrême pauvreté sous ce rapport et se montrer notable- ment plus riche à la troisième. Il en a été de même, et presque au même degré, du Luffa amaro-cylindrica, des Nicotiana rustico-paniculala et paniculato-rustica, de bon nombre de Linaires hybrides (Linaria pur- pureo-vulgaris) des deuxième, troisième, quatrième et cinquième géné- rations. Une plus grande richesse pollinique se fait voir dans le Primula officinali-grandiflora de première et surtout de deuxième génération, le Cucumis Meloni-trigonus, ete. Enfin, il est des hybrides le pollen le cède peu, ou ne le cède pas du tout, en perfection, à celui des espèces les plus légitimes ; c’est le cas du Coccinia Schimpero-indica, des Datura Meteloïdo- Metel, D. Stramonio-Tatula et Tatulo=-Stramonium, D. Stramonio- læœvis , Nicotiana angustifolio-macrophylla, N. texano-rustica, Y. persico-Langs- dorffii, Petunia violaceo-nyctaginiflora, ete., etc.. et même de beaucoup de Linaires hybrides, des troisième et quatrième générations, déjà très- rapprochées du Linaria vulgaris. En un mot, comme je le disais au commencement de cet article, on trouve dans les hybrides tous les degrés de fertilité, depuis le cas extrême lhybride n’est fertile que par l'ovaire jusqu'à celui tout son pollen est aussi parfait que celui des espèces les mieux établies.

HIT. L'APTITUDE DES ESPÈCES À SE CROISER ET LA FERTILITÉ DES HYBRIDES QUI EN RÉSULTENT SONT-ELLES PROPORTIONNELLES À L'AFFINITÉ APPARENTÉ DE CES ESPÈCES ?. En général oi; mais il y aussi des exceptions, et nous en avons constaté quelques-unes. 11 y à effectivement des espèces plus voisines

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITE DANS LES VÉGÉTAUX. 145 l’une de l’autre par leur organisation extérieure et leur physionomie, qui sont moins disposées à se croiser réciproquement que ne le sont d'au- tres espèces en apparence plus éloignées. C'est ainsi que nous avons vu les trois espèces de Courges comestibles, si semblables l'une à l'autre que la plupart des botanistes n’ont pas su les distinguer, se refuser à tout croisement entre elles, tandis que le Melon et le Cucumis trigonus, si différents l’un de l’autre, donnent facilement naissance à des hybrides d’une grande fertilité, quoique un peu défectueux par le pollen. C'est de même que le Micotiana glauca, fort éloigné des N. angushfolia et ma- crophylla, donne avec eux des hybrides très-fertiles par l'ovaire, tandis que le N. glutinosa, plus difficile à croiser avec eux, quoique apparte- nant à la même section du genre, ne donne qu'un hybride stérile à la fois par le pollen et par l'ovaire. Je pourrais citer encore le croisement du Datura Stramonium et du D. ceratocaula, deux espèces si étrangères l’une à l’autre, dont le résultat a été un hybride fertile, quoique atteint de ce mode particulier de stérilité partielle qui consiste dans la chute des premières fleurs. Ces exceptions, dont il est probablement impos- siblé de saisir la cause, n’empêchent pas cependant que l'affinité des espèces, révélée par l'organisation extérieure , n'indique généralement leur degré d'aptitude à se croiser, et ne fasse même présumer jusqu'à un certain point le degré de fertilité de leurs hybrides. Nous en ayons la preuve dans les Datura Meteloido-Metel, Datura Stramonio-Tatula et Ta- tulo-Stramonium, D. Stramonio-lævis, Mcotiana texano-r ushica et ruslico- teæana, N. angustifolio-macrophylla, etc., etc, dont les hybrides sont d'une fertilité parfaite. L'aptitude des espèces à se féconder récipro- quement et le degré de fertilité des hybrides qui en naissent sont donc véritablement le signe de leur affinité spéciale au point de vue de la génération, et, dans la grande majorité des cas, cette affinité est accusée par l’organisation extérieure, en un mot, par la physionomie

des espèces.

146 NOUVE LLES' ARCHIVES DU MUSEUM.

IV. PHYSIONOMIE DES HYBRIDES. !

Pour se faire une idée juste de l'aspect que présentent les hybrides. il'est essentiel de distinguer-entre la RE RSE nee et-celles qui la suivent. to

J'ai toujours trouvé) dans les io ‘que j'ai obtenus moi-même, et dont l'origine m'était bien connue, une grande uniformité:d'aspect entre les individus de première génération: et provenant d'un:même croisement, quel qu'en ait été le nombre. C'est ce que nous avons-yu dans le Petunia violaceo-nyctaginiflora, es Datura Tatulo-Stramoniume et D. Stramonio-Tatula, D. Meieloido-Metel, D. Stramonio-lœvis , ete. + lés Micotiana texano-rustica et rustico-texana, 1. persico-Langsdorfhi ; ete.; ayant déjà signalé ces ressemblances, l'est inutile que je ny arrête plus longtemps ici.

. Cela ne veut pas dire use dant que tous les individus d’un même croisement soient absolument calqués les uns sur les autres: il ÿ a quelquefois entre eux de légères variations, mais qui n’altérent pas pour cela d’une manière sensible l'uniformité générale, et qui ne me paraissent pas dépasser celles qu'on observe-communément dans les semis d'espèces légitimes d’une même provenance. Les infractions les plus notables à eette loi ont été celles du Cucumis Meloni-trigonus et du Datura Stramonio-leris. ai dit comment, sur quatre pieds de €. Me- loni-trigonus, d'ailleurs parfaitement semblables de port et de feuillage, il s'en est trouvé un (voyez pl: vur) dont les fruits ont été un peu plus gros et assez différents de forme de ceux des trois autres, mais il ne faut pas oublier que les graines qui ont fourni ce semis ont été tirées de trois fruits de C. trigonus fécondés (en 1859) par les pollens d'autant de variétés de Melons, ce qui explique suffisamment la diffé- rence de forme des produits obtenus en 1864. Quant au D. Stramonio-

NAUDIN. = SUR VL'HY BRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 117 læris, toute la différence-consistait en ce que trois individus sur qua- rante offraient, sur leurs capsules, le phénomène disjonction dont j'ai parlé en faisant l'histoire de cet hybride, mais cette légère modifi- cation n'altérait en rien l'aspect très-uniforme de cette collection. Les deux hybrides de Digitalis luteo-purpurea; représentés pl. 1: différent aussi quelque peu par la couleur des fleurs, mais ce sont des hybrides que j'ai trouvés tout faits: et dont l'origine ne m'est pas connue; ils peuvent. .du reste très-bien s'expliquer par le fait qu'on cultive dans les jardins deux variétés du Digitalis purpurea, Funé à fleurs pourpres, l'autre à fleurs blanches. Si les pollens de ces deux variétés, qui sont assez. constantes quand on les tient isolées Fune de Fautre, ont pris part, simultanément ou séparément, au croisement, les a poeeéà ont nécessairement s'en ressentir.

En somme, on peut dire que-les dsiriilèènd d'un même croisement tions eux, à la première génération, autant on presque autant.que des individus qui proviennent d'une même espèce légitime. Faut-il admettre, comme leprétend M. Klotzseh, que les-hybrides réciproques (ceux qui proviennent des deux eroisements possibles entre deux espèces) sont notablement différents l'un de: l'autre; par exemple, que hybride obtenu de l'espèce A fécondée par Fespèce B diffère sensiblement de: celui qu'on obtient de espèce B fécondée par l'espèce A2Je ne;suis pas enmesure de le nier d'une manière absolue; il faudrait, pour prendre-un parti cet égard, avoir eu sous les veux les hybrides qui ont amené M. Klotzsch à formuler cette règle, mais ce.que je ‘puis affirmer:;c'est que tous les ‘hybrides réciproques que j'ai obtenus, tant entre espèces voisines qu'entre espèces éloignées, ont été aussi semblables les uns aux autres que s'ils fussent provenus-durmême croisement; c'est.ce que j'ai déjà indiqué en parlant des Dathura Stra- momo Tatula. et Tatulo-Stramonrum, Nicohiana paniculato-rustica et rus- tico-paniculata, N. angustifolio-macrophylla et :macrophyllo-añgusthifoha Malexano-rustica et rustico-texana, N. persico-Langsdorffii et Langsdorffio-

148 NOUVELLES ARGHIVES DU MUSEUM.

persiea. H se peut sans doute qu'il n’en soit pas toujours ainsi, mais, Si le fait est vrai, il doit être rare et être considéré bien plus comme l'ex- ception que comme la règle.

Tous les hybridologistes sont d'accord pour reconnaître que les hybrides (et il s’agit toujours des hybrides de première génération) sont des formes mixtes, intermédiaires entre celles des deux espèces parentes. C’est effectivement ce qui a lieu dans l’immense majorité des cas, mais il n’en résulte pas que ces formes intermédiaires soient tou- jours à une égale distance de celles des deux espèces. On a souvent remarqué, au contraire, qu'elles sont quelquefois beaucoup plus voisines de lune que de Fautre. On conçoit. du reste, que l’appré- ciation de ces rapports est toujours un peu vague, et que c’est le sentiment qui en décide. On à aussi remarqué que les hybrides res- semblent quelquefois plus à l’une des deux espèces par certaines par- ties, à l'autre par certaines autres, ce qui est également vrai, et nous en avons vu un exemple dans le Mirabilis longifloro-Jalapa, sensible- ment plus semblable au #. longiflora par les organes de la végétation. et au M. Jalapa par les fleurs; mais je crois que c’est à tort qu'on a voulu rattacher cette distribution des formes aux rôles de père ou de mère qu'ont joués les espèces dans le croisement d’où est sorti l'hy- bride; je n’ai rien vu du moins qui confirmât cette opinion. M. Regel affirme (Die Pflanze und ihr Leben, etc., p. 404 et suiv.) que lorsque l'hybride provient d'espèces de genres différents (ce qui équivaut à dire d'espèces très-éloignées), ses fleurs portent les caractères essen- tiels de celles du père; or, nous avons vu que dans le Datura cerato-

caulo-Stramonium , provenu de deux plantes presque génériquement différentes, les fleurs ont été absolument semblables à celles de la mère (D. Stramonium); que dans les NWicotiana glauco-angustifolia ét glauco-macrophylla, obtenus d'espèces très-éloignées, elles ont été nota- blement plus ressemblantes à celles de la mère qu’à celles du père, tandis que dans les NW. californico-rustica et glutinoso-macrophylla, elles

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 119

ont été très-sensiblement intermédiaires entre celles des espèces pa- _rentes. La règle posée par M. Regel me semble donc hasardée, ou tout au moins établie d’après un trop petit nombre de faits.

Pour mon compte, je crois que ces inégalités de ressemblance, quelquefois très-grandes, entre l'hybride et ses parents, tiennent avant tout à la prépondérance marquée qu'exercent beaucoup d'espèces dans leurs croisements, quel que soit le rôle (de père ou de mère) qu'elles y jouent. C’est ce que nous avons vu dans les hybrides des Petunia vio- lacea et P. nyctaginiflora, qui ressemblent notablement plus au premier qu'au second; dans le Luffa acutangulo-cylindrica, dont toutes les formes rappellent plus le L: cylindrica que l'espèce conjointe ;‘et surtout dans les Datura ceratocaulo-Stramonium et D. Stramonio-lævis dont tous les individus sont incomparablement plus rapprochés du D. Stramonium que de l’autre espèce, bien que, dans un cas, le D. Stramonium rem- plisse la fonction de père, et, dans l’autre, celle de mère.

A partir de la seconde génération, la physionomie des hybrides s6 se modifie de la manière la plus remarquable. Ordinairement, à lPuni- formité si parfaite de la première génération succède une extrême bigarrure de formes, les unes se rapprochant du type spécifique du père, les autres de celui de la mère, quelques-unes rentrant subitement et entiérement dans l’un ou dans l'autre. D’autres fois, cet achemine- ment vers les types producteurs se fait par degrés et lentement, et quelquefois on voit toute la collection des hybrides incliner du même côté. C’est qu’effectivement c'est à la deuxième génération que, dans la grande majorité des cas (et peut-être dans tous), commence cette dissolution des formes hybrides, entrevue déjà par beaucoup d’obser- vateurs. mise en doute par d’autres, et qui me parait aujourd’hui hors de toute contestation. Nous allons en expliquer la cause dans le para-

graphe suivant.

150 ; NOUVEELES ARCHIVES DU MUSEUM.

V. RETOUR DES HYBRIDES AUX TYPES SPÉCIFIQUES DES ESPÈCES PRODUCTRICES.

QUELLE EST LA CAUSE DÉTERMINANTE DE CE (RETOUR ?

Tous les hybrides dont j'ai observé avec quelque soin la deuxième génération m'ont offert ces changements d'aspect et manifesté cette: tendance à revénir aux formes dés espèces productrices, et cela dans des conditions telles que le pollen de ces espèces n’a pas pu concourir à les y ramener. Nous en avons vu des exemples frappants dans. le Prèmula officinali=grandiflora, dans tous les hybrides du Datura Stramo- num, le D. Meteloido-Metel, les hybrides réciproques. des Micotiana® an gushfolia etmacrophylla, N.persicaet Langsdorfii, Petunia violacea et nycla- giniflora; dans le Luffa acutangulo-cylindrica; et plus encore. dans le Linaria purpureo-vulgaris. Chez plusieurs de ces hybrides de deuxième génération il y à eu des retours complets à l'une à l'autre des deux espèces parentes ou à-loutes deux, et des rapprochements à divers degrés de ces espèces; chez plusieurs aussi nous avons vu les formes. intermédiaires se continuer en même temps que s'elfectuaient, sur d'autres échantillons de: même provenance, les retours dont je viens de parler. Il y à plus : nous avons.constaté dans quelques cas (Linaria Purpureo-vulgaris de troisième etde quatrième génération) de véritables rétrogradations vers la forme hybride, et même quelquefois nous -AVONS vu sortir, d'une plante en apparence entièrement retournée à l'une des deux espèces, des individus qui semblaient rentrer presque emtié- rement dans lespèce opposée. Tous. ces faits vont s'expliquer naturel- lement par la disjonction des. deux essences spécifiques. dans le pollen.et. les ovules de l hybride. ile | | biais à

Une plante hybride est un individu se trouvent réunies.deux. essences différentes ayant chacune leur mode de végétation et leur finalité particulière, qui se contrarient mutuellement et sont sans cesse

NAUDIN. = SUR V'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 451 en lutte pour se dégager lune de l'autre. Ces deux essences sont-elles intimement fondues? se pénètrent-elles réciproquement au point que chaque parcelle de la plante hybride, si petite, si divisée qu'on Ex sup- pose, les contienne également toutes deux? 1 se peut qu'il én soit ainsi dans l'embryon, et peut-être dans les premières phases du dévéloppe- ment de lhybride, mais il me paraîtbien plus probable que ce dernier, au moins à l'état adulte, est une agrégation de parcelles, homogènes et unispécifiques prises séparément, mais réparties, également inéga- lement entre les deux espèces, ét s'entremélant en proportions diverses dans les organes de Ia plante. L'hybride. dans cette hypothèse, serait une mosaïque vivante, dont lœil ne discerne pas les éléments dis- cordants tant qu'ils restent entremélés; mais si, par suite de leurs affinités, les éléments de même espèce se rapprochent, s'agglomèérent en masses un peu considérables, il pourra en résulter des parties dis- cernables à l'œil, quelquefois des organes entiers. ainsi que mous le voyons dans le Cytisus Adam, les Orangers et les Citronniers hybrides du groupe des bizarreries, le Datura Stramonio-leris, ete. C'est eette tendance plus moins visible des deux essences spécifiques à se dé- gager de leur combinaison qui à induit quelques hybridologistes à

4. L'arbre connu dans les jardins sous le nom de Cytisus Adami est une forme presque exactement intermédiaire entre le C. Laburnum (ou peut-être le C. alpinus ), à fleurs jaunes, et lé"C: purpureus, à fleurs lilas pourpre. pe? fleurs, plus grandes que celles du C. purpureus, moins grandes au--contraire que celles du €. Laburnum, sont de la teinte mordorée qui devait résulter de la fusion du jaune et du pourpre; de plus elles sont entièrement stériles. Toutefois, ce que le C. Adami offre de plus singulier, c'est que, de loin en loin, on voit sortir, de sa tige et de ses branches, des rameaux dont le feuiliage et les fleurs sont identiquement ceux des €. La- burnum et C. purpureus, de telle sorle qu'il n’est pas rare de trouver réunie*, sur un même arbre, deux espèces très-différentés, ainsi que leur hybride. En reprenant les caractères des espèces naturelles, soit du Laburnum, soit du purpureus, les fleurs reprennent aussi leur fertilité. L'ori- gine du C. Adami est fort obseure; je lui trouve tous les caractères des vrais hybrides, mais je ne dois pas dissimuler que la plupart des horticulteurs le croient provenu d’une greffe de €. pur- pureus Sur le C. Laburnum, et que plusieurs -botanistes admettent la possibilité du fait. Si cette supposition était un jour reconnue vraie, il faudrait admettre que, dans certains cas; la: greffe peut produire les mêmes résultats que l'hybridation. C'est ce qu’il serait intéressant de vérifier “par de nouvelles expériences.

452 NOUVELLES ARCHIVES: DU MUSÉUM.

dire que les hybrides ressemblent à leur mère par le feuillage, à leur père par les fleurs, ou réciproquement. Elle n'avait pas échappé à Sageret, expérimentateur ingénieux, qui trouvait les hybrides moins rémarquables par l’état intermédiaire de chacun de leurs organes que par les ressemblances prononcées de certains organes avec ceux du père et de certains autres avec ceux de la mère. Il cite même un hybride de Chou et de Raifort dont certaines siliques étaient celles du Chou, et les autres celles du Raifort. S'il n’a pas pris ici une monstruosité pour un hybride, il a ajouté un remarquable exemple d'hybridité dis- jointe à ceux que nous connaissons.

Bien que les faits ne soient pas encore assez nombreux pour con- clure avec certitude, il semble que la tendance des espèces à se sépa- rer, ou, si l’on veut, à se localiser sur des parties différentes de lhy- bride, s'accroît avec l'âge de la plante. et qu'elle se prononce de plus en plus à mesure que la végétation s'approche de son terme, qui est d'une part la production du pollen, de lautre la formation de la graine. C’est effectivement aux sommités organiques des hybrides. au voisinage des organes de la reproduction, que ces disjonétions deviennent plus manifestes : dans le Cytisus Adami, la disjonction se fait sur des rameaux fleuris; elle se fait sur le fruit lui-même dans l’'Orange-bizarrerie et le Datura Stramonio-lœvis; dans le Mirabilis longi- floro-Jalapa et le Linaria purpurea, c’est la corolle qui manifeste le phé- nomène de la disjonction par la séparation des couleurs propres aux espèces productrices. Ces faits autorisent à penser que le pollen et les ovules, le pollen surtout, qui est le terme extrême de la floraison mâle, sont précisément les parties de la plante la disjonction spécifique se fait avec le plus d'énergie; et ce qui ajoute un degré de plus de probabilité à cette hypothèse, c’est que ce sont en même temps des organes très-élaborés et très-petits, double raison pour rendre plus parfaite la localisation des deux essences. Cette hypothèse admise, et j'avoue qu'elle me paraît extrêmement probable, tous les changements

NAUDIN, SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 153 qui surviennent dans les hybrides de deuxième génération et de géné- rations plus avancées s'expliquent pour ainsi dire d'eux-mêmes; ils seraient au contraire inexplicables si on ne l’admettait pas.

Supposons, dans la Linaire hybride de première génération, que la disjonction se soit faite à la fois dans l’anthère et dans le contenu de l'o- vaire; que des grains de pollen appartiennent totalement à l'espèce du père, d'autres totalement à l'espèce de la mère; que dans d’autres grains la disjonction soit nulle ou seulement commencée; admettons encore que les ovules soient, au même degré, disjoints dans le sens du père et dans le sens de la mère; qu'arrivera-t-il lorsque les tubes polliniques descendront dans l'ovaire etiront chercher les ovules pour les féconder ? Si le tube d’un grain de pollen revenu à l'espèce du père rencontre un ovule disjoint dans le même sens, il se produira une fécondation par- faitement légitime, dont le résultat sera une plante entièrement retournée l'espèce paternelle: la même combinaison s'effectuant entre un grain de pollen et un ovule disjoints tous deux dans le sens de la mère de l'hybride, le produit rentrera de même dans l'espèce de cette dernière ; qu'au contraire, la combinaison s'effectue entre un ovule et un grain de pollen disjoints en sens contraire l'un de l'autre, il s'opérera une véritable fécondation croisée, comme celle qui a donné naissance à lhy- bride lui-même, et il en résultera encore une forme intermédiaire entre les deux types spécifiques. La fécondation d'un ovule non dis- joint par un grain de pollen disjoint dans un sens ou dans l’autre don- nera un hybride quarieron; et comme les disjonctions, tant dans le pollen que dans les ovules, peuvent se faire à tous les degrés. il résul- tera des combinaisons qui pourront avoir lieu, et que le hasard seul dirige. cette multitude de formes que nous avons vues se produire dans les Linaires hybrides et les Pétunias, dès la deuxième génération,

La rétrogradation d’un hybride en voie de retour vers l'une ou l'autre des deux espèces parentes s'explique tout aussi facilement par

cette hypothèse. J'en ai cité plusieurs exemples en faisant l'histoire 20 LE

154 NOUVÈLLES ARCHIVES DU MUSEUM.

de Ja troisième génération du Linaria purpureo-vulgaris. Nous avons vü, par exemple, que, dans un lot de quatre-vingts plantes issues d’un individu de deuxième génération qui paraissait entièrement retourné au L. purpurea, Sont apparus de nouveaux hybrides qui remontaient à la forme intermédiaire de l'hybride premier, et, mieux que cela encore, d’autres individus qui se rapprochaient quelque peu de la Linaire à fleurs jaunes. La raison en est que lhybride à fleurs pourpres de deuxième génération, malgré les apparences, conservait encore quél- que chose du L. vulgaris à fleurs jaunes, et que cette parcelle d'essence étrangère a été suffisante pour ramener quelques grains de pollen et quelques ovules soit à un état mixte, soit tout à fait au L. vulgaris, ce qui à ét pour résultat de faire naître des plantes qui rétrogradaient dans le sens opposé à céluï de leur mère. Des faits tout semblables, quoique moins prononcés, se sont produits dans la descendance d’hy- brides de deuxième génération qui semblaient entièrement revenus au type du L. vulgaris, et même, d'une certainé manñicre, dans célle du Datura Stramonio-lævis, des individus, rentrés dans le lœvis, conser- vaiénit jusqu'à la troisième génération les caractères accessoires qui soït proprés à ce genre d’hybrides. Tous ces faits nous montrent que le dégagement des formes spécifiques alliées dans les hybrides ne s'achève pas toujours aussi vite qu'on pourrait être porté à le croire, si on Ne jugeait que par la physionomie l'apparence exté- rieure.

Le retour des hybrides aux formes des espèces parentes n’est pas toüjours aussi brusque que celui que nous avons observé dans les Primévèrés, les Pétunias, Linaria purpureo-vulgaris, le D. Meteloido- Metel, étc.; souvent il se fait par gradations insensibles, et exige, pour être complét, une série peut-être assez longue de générations. Nous avons vu, par exemple, que, dans le Luffa acutangulo-cylindrica, il faut arrivér à la troisième génération pour trouver un individu, sur une quarantaine, qui reprenne intégralement l'apparence extérieure du

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LÉS VÉGÉTAUX. 159 L. cylindrica. Les hybrides des Nicotiana persica et Langsdorfit parais- sent de même ne se modifier qu'avec une certaine lenteur, et il se peut qu'il faille ici une dizaine de générations, même davantage, pour les ramener totalement aux formes spécifiques. Il est à remarquer, dans ces différents cas, que les hybrides ne présentent aucun signe saisissable de la disjonction dés deux essences spécifiques, qui sem- blent intimement mêlées l'une à l’autre, dans toutes les parties de la plante. Cependant, d’une génération à l’autre, les traits de l’une des deux espèces s’effacent sensiblement, comme si elle s’éteignait par degrés; mais il arrive aussi que cette extinction se fait quelquefois avec assez de rapidité pour être complète à la deuxième génération. Les Datura ceratocaulo- Stramonium ,; D. Tatulo - Stramonium et Stramonio- Tatula nous en fournissent la preuve, puisque dans le premier, l'in- fluence du D. ceratocaula se borne à stériliser l'hybride pendant une partie de sa durée, sans imprimer ses traits sur lui, au moins d'une manière saisissable, et que, dans les deux autres, il ne subsiste plus rien du 2. Stramonium à la deuxième génération ! La marche des hybrides de Datura Stramonium et D. lœvis a été très-analogue à celle des précédents, en ce séns que, dans la grande majorité des individus

4. Cette assertion, qui, à l’époque ce mémoire a été écrit, ne se fondait que sur une seule observation, me parait aujourd’hui beaucoup trop absolue, et de nouvelles expériences me per- mettent de la rectifier. J'ai vu, depuis lors, les hybrides issus du croisement des Datura Tatula et D. Strañonium se partager entre ces deux espècés et rentrer intégralement dans l'une et dans l'autre , toutefois en bien plus grand nombre dans le Tatula que dans le Stramonium. Si l'on ad- mettait l hypothèse exposée plus loin sur l’origine des espèces, il faudrait considérer le D. Taiyia comme plus ancien ét plus rapproché du prototype du genre que le D. Stramonium , tion qui se fonderait, d'une part sur la prépondérance du Tatula dans ses croisements avec Île Stramonium , d'autre part sur la teinte violette de ses fleurs, teinte qui est très-générale et pour ainsi dire normalé dans toute la famille des solanées. À ce point de vuele D. Stramoninm à fleurs blanches ne serait qu’une forme décolorée du Tatula, mais qui, devenue fixe et héréditaire, pas- serait de droit au rang d'espèce. Par le même procédé de dérivation, le D. Stramonium aurait à son tour donné naissance au D. lœvis, comme lui à fleurs blanches, mais à capsules inermes. On sait du réste que les botanistes ne sont nullement d'accord sur la question de savoir si ces trois formes doivent être considérées comme des espèces distinctes comme de simples variétés d’une même espèce.

156 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. hybrides, l'essence du 2. lœris était déjà presque éliminée dès la pre- mière génération.

En résumé, les hybrides fertiles et se fécondant eux-mêmes re- viennent t(ôt ou tard aux types spécifiques dont ils dérivent, et ce retour se fait soit par le dégagement des deux essences réunies, soit par l’ex- tinction graduelle de l’une des deux. Dans ce dernier cas, la postérité hybride revient tout entière et exclusivement à une seule des deux espèces productrices,.

VI, Y A-T-IL DES EXCEPTIONS A LA LOI DE RETOUR DES HYBRIDES AUX FORMES DE LEURS ASCENDANTS? CERTAINS HYBRIDES SE FIXENT-ILS ET DONNENT-ILS

LIEU A DES ESPÈCES NOUVELLES ?

I n'ya pas assez longtemps que je m'occupe de l'étude des hy- brides pour avoir une opinion arrêtée sur ce point. Plusieurs bota- nistes d’une grande autorité croient que certains hybrides fertiles (sinon tous) peuvent se fixer et passer à l’état de variétés constantes, c'est-à-dire de véritables espèces, intermédiaires entre celles d’où elles sont sorties; c’est en particulier l'opinion de M. Regel, qui regarde comme probable (je dirais presque comme démontré) que dans le groupe des Saules, des Rosiers et dans beaucoup d’autres genres riches en formes très-voisines, et dont la nomenclature est très-embarras- sante pour les botanistes, il n’y a eu originairement qu'un petit nombre d'espèces (deux ou trois) dont les croisements fertiles ont donné lieu à des hybrides également fertiles, qui, à leur tour, se croi- sant entre eux et avec leurs parents, ont engendré, de siècle en siècle, ces multitudes de formes aujourd'hui existantes. Cette hypothèse, qui, au premier abord, semble exagérée, n’a rien d’improbable ; mais tout en reconnaissant la possibilité de ces croisements et la variabilité qui a en être la conséquence, je crois aussi qu'une autre raison, qui

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 157 n'est ni moins naturelle ni moins probable, peut être invoquée, con- curremment avec elle, pour rendre compte de la multiplicité des for- mes dans certains groupes génériques, et en particulier dans ceux qui ont été nommés ci-dessus, c’est la propriété inhérente à tous les organismes (au moins végétaux) de se modifier dans une certaine mesure suivant les influences du milieu ils sont placés, en d’autres termes, la tendance innée de ce que nous appelons des espèces à se subdiviser en espèces secondaires, c’est-à-dire en races et en variétés, pour nous servir des expressions reçues. Au surplus, en admettant que les nombreuses formes qu’on observe dans les groupes Saule et Rosier soient le produit du croisement d'un petit nombre d'espèces primitives, on n'établirait pas pour cela la persistance des formes d'origine hybride, car jusqu'ici aucune expérience ne démontre que ces variétés de Saules et de Rosiers, supposées hybrides, peuvent se conserver intactes par voie de génération. L'expérience elle-même, si jamais elle se fai- sait, laisserait la question indécise. Il arriverait, en eflet, de deux choses l’une : ou les variétés dont il s'agit seraient trouvées sans fixité, et alors elles prouveraient contre l'hypothèse de la persistance des formes hybrides; ou bien elles seraient parfaitement fixes et transmis- sibles par voie de génération, et dans ce cas on serait autorisé à y voir autant d'espèces autonomes , dont l'origine n'aurait rien de commun avec l'hybridité. L'origine hybride d'un grand nombre de saules et de rosiers n’est, jusqu'ici, que supposée, mais elle deviendrait extrème- ment probable s’il était démontré expérimentalement que ces diverses races ne se reproduisent pas fidèlement par la voie des semis, et que leur physionomie change d'une génération à l’autre. de,

Ce que je puis affirmer, c'est qu'aucun des hybrides que j'ai obtenus n'a manifesté la moindre tendance à faire souche d'espèce. On m'objectera que mes expériences n'ont pas duré assez longtemps et que peut-être, à la longue, en choisissant toujours pour porte-graines les. formes les

plus intermédiaires qui se produisent dans les générations SUCCESSIVES

158 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

des hybrides (par exemple, celles que nous avons vues apparaître dans les cinq générations du Linaria purpureo-vulgaris), on arriverait, Pata- visme aidant, à constituer des formes assez solides pour se propager ensuite toutes seules en restant toujours semblables à elles-mêmes. Je le veux bien; mais ce n’est jamais qu'une supposilion que rien ne confirme; et qui ne peut pas contre-balancer un fait démontré, et ce qui est démontré ici, c’est qu'au moins dans les troisième, quatrième et cinquième générations, les formes des hybrides n’ont rien de fixe, et qu'elles se modifient, d’une génération à l’autre, dans le sens des types spécifiques qui les ont produits. ne connais jusqu'ici qu'un seul fait qui puisse servir de base à l'hypothèse de la fixation des hybrides, encore ce fait est-il dou- teux. C'est celui d'un Ægilops trés-voisin du blé, qu'on cultive au Muséum depuis une dizaine d'années, et chez lequel les générations successives ne laissent pas apercevoir de modification. appréciable. On le dit provenu du croisement de l’Ægilops ovata avec le blé, origine qui à du reste été contestée, quelques botänistes affirmant que cette forme f'ést ni plus ni moins qu'une espèce légitime. Ce qui ést cer- tain, C'est que cet hybride, si c'en est un, se conduit autrement que ceux sûr lesquels MM, Fabre et Dunal ont fondé, il y a quelques ännéés, léur théorie de la métamorphose de l'Ægilops ovata en blé. D'après ces deux observateurs (Si toutefois leur rapport est exact), la forme triti- coïde de lÆgilops ovata, dont ils ignoraient la provenance hybride, se serait graduellement métamorphosée en blé, à tel point qu'au bout de quelques générations ellé ne pouvait plus être distinguée de ce dernier, Or, c’est bien la marche ordinaire des hybrides, sans qu'il soit néces- saire de supposer, comme on l’a fait, de nouveaux croisements de l’Ægi- lops avec le blé pour expliquer son retour à celui-ci. Je me rappelle du reste parfaitement avoir vu, chez M. Dunal, une nombreuse collection de ces Ægilops én voie de retour, se trouvaient toutes les formes intériédiaires entré l Ægilops hybride (Ægitops triticoïdes) et le blé.

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 159

Au surplus, s’il vient à être démontré que l'Ægilops cultivé au Muséum (Æ. spellæformis, Jord.) est réellement un hybride, et qu'il ne se modifié pas dans une longue série générations, éé séra ne ex- ception à la règle, mais cette règle très-générale n'en sera pas sensi- blement infirmée, aussi longtemps du moins que le fait vestéra isolé.

VII, Y A-f-IL UNE LIMITE PRÉCISE ENTRE LÉS HYBRIDES ET LES MÉTIS ?

Presque tous les hybridologistes ont insisté sur la distinction à! faire entre les hybrides et les métis, et, à les entendre, rien ne serait plus facile : l’hybride résulte du croisement de deux espèces dis- tinctes, de deux véritables espèces, comme dit M. Regel: le métis, de celui de deux races ou de deux variétés. Théoriquement rien n’est plus clair; dans la pratique, rien n’est plus difficile que l'application de ces deux mots. Par exemple, le produit croisé du Mélon canta- loup et du Melon brodé, celui du Melon brodé et du Dudaïm, celui du Dudaïm et du Cucumis pancherianus; encore celui du Datura Stra- montum et du Datura Tatula, etc. doivent-ils être qualifiés hybrides ou métis ? C'est que cette question n’est en définitive que celle de la distinc- tion des espèces, des races et des variétés, sujet d'éternelles disputes entre les naturalistes. Pour la résoudre, autant qu'elle peut être réso- lue,‘il est nécessaire que nous réprenions ici l'examen de ce qu'on de enténdre me les mots jui race et variélé.

Vif, QU'EST-CE DONC QUE L'ESPÈCE, LA RACE ET LA VARIÉTÉ ? Rémontons à l’origine même de la notion d'espèce, et ne perdons

pas de vué que toutes nos idées naissent du contraste des choses. L’aveugle de naissance n’a aucune idée de l'obscurité, parce que,

160 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

privé du sentiment de la lumière, il ne sent pas le contraste de ces deux choses; le voyant, lui-même, n'aurait aucune idée de la lumière qui l’environne de toutes parts, si, dans le monde, tout était lumi- neux et lumineux au même degré: La notion d'espèce n'échappe pas à la loi commune; de plus elle est complexe et se forme de plusieurs ‘éléments que nous allons essayer de mettre en lumière. S'il n'existait dans la nature qu’une seule forme végétale, le Blé, par exemple, toujours et partout semblable à elle-même, sans aucune variation dans les innombrables individus qui la représenteraient. nous arriverions à l’idée d’individu et à celle de végétal, mais non à celle d'espèce ; Blé et végétal se confondraient dans notre esprit en une seule et même chose. | Supposons de même que la nature ayant créé un nombre indéter- miné d'organismes différents, chacun d'eux ne soit représenté sur la terre que par un seul individu, incapable de se multiplier, mais indes- tructible et impérissable; ici encore nous n'arriverions pas à conce- voir l'espèce, parce que chaque type d'organisation serait isolé et n'aurait pas de semblable. À | | Pour qu'il y ait espèce, il faut donc : qu'il y ait pluralité d'indi- vidus semblables, c'est-à-dire, un groupe, une collection; 2 que ce groupe ou cette collection d'individus contraste dans un degré quelconque avec d’autres groupes d'individus pareillement semblables entre eux, et pou- vant cependant être rapprochés les uns des autres par quelques points communs qui les rendent comparables. Il suit de que l’idée d’es- pèce est connexe de celle de genre (j'entends le genre pris dans le sens philosophique), que l’une fait toujours supposer l’autre, qu'elles sont inséparables, en un mot, et peuvent exister l’une sans autre. Et comme, dans le monde organique, les individus n’ont qu'une existence transitoire, mais se reproduisent par génération, il faut 3”, pour que l'espèce ait de la consistance et de la durée, que la simi-

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 161

litude des individus formant une collection spécifique se perpétue elle-méme dans la série des générations successives.

Ainsi la pluralité d'individus semblables et formant groupe, le con- traste des groupes entre eux, certains caractères communs aux divers groupes et qui permettent de les rapprocher en un groupe plus général, et enfin la perpétuation des ressemblances entre les individus d'un même groupe, tels sont les éléments de l'espèce. L'espèce ne contient rien de plus et rien de moins.

Elle n’est donc pas un type idéal comme l'ont suggéré certains naturalistes amis de l’abstraction; elle est avant tout une collection d'individus semblables; le type idéal, abstrait d’une organisation commune, n’est que le lien qui réunit en un même faisceau les indivi- dus semblables, et résume les contrastes (ou les différences) qui sépa- rent leur groupe de tous les autres.

Il faut donc en revenir purement et simplement à la définition de Cuvier : L'espèce est la réunion des individus descendus l'un de l'autre, ou de parents communs, et de ceux qui leur ressemblent autant qu'ils se ressemblent entre eux. Cette définition est rigoureuse, mais. d’après Cuvier lui- même, son application à des individus déterminés peut être fort diffi- cile quand on n’a pas fait les expériences nécessaires.

Remarquons tout de suite qu’en définissant ainsi l'espèce, Cuvier ne tient pas compte des races et des variétés. C’est pour s'être laissé em barrasser par ces deux mots que la plupart de ceux qui ont, après lui, essayé de définir l'espèce, l'ont fait d'une manière si vague, si obscure, si défectueuse en un mot.

Pour moi, partout ti! y aura groupe d'individus semblables, con- trastant dans une mesure quelconque avec d'autres groupes, el conservant dans la série des générations la physionomie et l’organisation communes à tous les individus, il y aura espèce.

C’est par leurs contrastes que les espèces se distinguent les unes des autres, et c’est la comparaison qui fait ressortir ces contrastes. Les contrastes

L. 21

+

162 NOUVELEES ARCHIVES DU MUSEUM.

seront done plus moins grands suivant les objets comparés. S'ils sont très-grands et très-sensibles, tout le monde est d'accord sur la distine- tion spécifique des formes comparées; s’ils sont très-faibles, presque insensibles, les opinions se partagent : les uns séparant en groupes spécifiques distincts ces formes faiblement contrastantes, les autres les réunissant en un seul, leur appliquant cependant les qualifications de race de variété. Ces réunions et ces séparations sont purement facul- tatives, et elles ne peuvent avoir d'autre règle que Fubilité scientifique ou économique; pour en juger, il faut être doué d’un certain tact, qui s’ac- quiert ordinairement par l'habitude.

En somme, il n'y à aucune différence qualitative entre les espèces, les races et les variétés; en chercher une est poursuivre une chimère. Ces trois choses n’en font qu'une, et les mots par lesquels on prétend les distinguer n'indiquent que des degrés de contraste entre les formes com- parées. Il est bien entendu qu'il ne s’agit pas ici de simples variations individuelles, non transmissibles par voie de génération, mais seule- ment de formes communes à un nombre indéfini d'individus et se trans- mettant fidèlement et indéfiniment par génération.

Les contrastes entre les formes comparées sont de tous les degrés, depuis les plus forts jusqu'aux plus faibles, ce qui revient à dire que, suivant les comparaisons qu'on établira entre les groupes d'individus semblables, on trouvera des espèces de tous les degrés de force et de faiblesse; et si on essayait d'exprimer ces degrés par autant de mots, tout un vocabulaire n'y suffirait pas. La délimitation des espèces est donc, comme je le disais tout à l'heure, entièrement facultative ; on les fait plus larges ou plus étroites suivant l'importance qu’on donne aux ressemblances et aux différences des divers groupes d'individus mis en regard lun de l'autre, et ces appréciations varient suivant les hommes, les temps et les phases de la science. Combien. depuis cinquante ans, n'a-t-0n pas fait subir de modifications à certaines grandes espèces de Linné et de Jussieu! La division des anciennes espèces, leur pulvé-

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 163 risation, si on veut me passer ce mot, semble avoir atteint aujourd'hui ses dernières limites, et bien des botanistes se sont émus de cette ten- dance à compliquer la partie descriptive de la science, qui menace de noyer toute la vie d’un homme dans des minuties. Malgré cela, si ceux qui ont inauguré ces raffinements scientifiques n'ont pas pris des altérations individuelles, non transmissibles et ne faisant pas groupe, c'est-à-dire de simples variations, pour des formes communes à un nombre indéfini d'individus, stables et fidèlement transmissibles.dans toutes les générations consécutives, on est forcé de reconnaître qu'ils ont procédé logiquement. Toute la question est de savoir s'il est avan- tageux à la science de distinguer et d'enregistrer dans ses catalogues ces espèces si faiblement contrastantes ; mais il faudrait s'assurer avant tout si les caractères qu’on leur assigne sont bien réellement des carac- tères d'espèce, c'est-à-dire communs à des nombres illimités d'indi- vidus, et toujours fidèlement reproduits dans toutes les générations. Or, il est extrêmement probable que, dans bien des cas (dans le genre Rubus, par exemple) on a pris des variations purement individuelles et sans persistance pour des caractères communs, constants el trans- missibles:

Suit-il de que les mots race et variëlé doivent être bannis de la science? Non sans doute, car ils sont commodes pour désigner les fai- bles espèces qu'on ne veut pas enregistrer parmi les espèces officielles, mais il convient de leur donner leur vraie signification, qui est abso- lument la même que celle d'espèce proprement dite, et de voir dans les formes désignées par ces mots des unités d’une faible valeur qu'on peut négliger sans inconvénient pour la science.

164 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

IX. L'HYBRIDATION ARTIFICIELLE PEUT-ELLE FOURNIR UN POINT DE REPÈRE

POUR DÉTERMINER CE QU'IL CONVIENT DE DISTINGUER COMME ESPÈCE ?

Je n'en fais pas le moindre doute, mais il y aura bien des cas elle sera d'un faible secours, et un plus grand nombre elle ne sera pas praticable. Voici des exemples de son utilité pratique. |

J'ai dit plus haut, en parlant des trois espèces de Courges comesti- bles, qu'elles différent assez peu l’une de l’autre par leur faciès, et même par des caractères plus intimes que ceux qui sont tirés du port, pour que la plupart des botanistes ne les aient pas nettement distin- guées. Linné lui-même les confondait en une seule. Or, ces trois plantes refusent de donner des hybrides par leur croisement mutuel; donc il y à trois autonomies spécifiques parfaitement distinctes.

M. Dunal, dans sa Monographie des Solanées, réunit en une seule espèce les Datura Stramonium et D. Tatula, dès lors considérés comme simples variétés d’une même espèce. Mais le produit de leur croisement ne végète plus tout à fait comme ces deux formes; il devient beaucoup plus grand et fleurit beaucoup moins puisqu'il perd ses boutons de fleurs dans les sept ou huit premières dichotomies. Ce trouble apporté dans la végétation du produit mixte est le signe indubitable d’une diffé- rence dans l’autonomie des deux formes parentes; donc ces formes doivent être tenues pour de bonnes espèces.

Les Datura Metel et D. Meteloides sont au moins aussi voisins l’un de l’autre que les deux dont je viens de parler; mais, dès la seconde génération, leurs hybrides cessent de se ressembler, et un cer- tain nombre d'individus retournent à l’une des deux formes parentes, sinon à toutes deux; concluons-en que ces formes sont spécifiques, qu'elles ont chacune leur autonomie et méritent, malgré leur affinité, d'être distinguées l'une de l’autre.

NAUDIN, SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 165

Les Micotiana macrophylla et N. angustifolia, réunis dans le Prodrome au N. Tabacum, donnent des hybrides qui, dès la seconde génération. manifestent un commencement très-sensible de retour vers les formes productrices. Ces dernières ont donc aussi chacune leur manière d’être propre; pourquoi ne les admettrions-nous pas comme distinctes dans nos catalogues botaniques ?

Mais lorsque les formes sont très-voisines l'une de l'autre, déjà difficiles à discerner, leurs hybrides différeront encore moins de lune et de l’autre qu’elles ne diffèrent entre elles. La donnée fournie par l'hybridation perd donc ici de sa valeur, mais alors il devient à peu près indifférent de séparer les deux formes comme espèces distinctes ou de les réunir, à titre de simples variétés, sous une dénomination spécifique commune.

Il suit de tout ce qui précède que l’application des mots hybride et métis est déterminée par le rang qu'on assignera aux formes dont le croisement a produit les formes mixtes qu'il s’agit de dénommer, €'est- à-dire entièrement livrée au jugement et au tact du nomenclateur.

X. LES FORMES QUALIFIÉES ESPÈCE, RACE OU VARIÉTÉ, SONT-ELLES AUSSI

ANCIENNES LES UNES QUE LES AUTRES ET SANS CONNEXION D'ORIGINE ?

Une expérience plus que vingt fois séculaire a établi ce fait d'une extrême importance pour l’économie humaine, que Îles végétaux assu- jettis à la culture se modifient de diverses manières et donnent nais- sance à des formes nouvelles, qui acquièrent à la longue, soit par sélection artificielle, soit naturellement, une certaine stabilité et se reproduisent même assez Souvent avec la même fidélité que les types spécifiques originels. C'est à peine s'il y a une seule espèce, parmi celles qu'on cultive depuis une haute antiquité, qui soit restée parfai- tement uniforme, et qu'on n'ait vue se subdiviser en formes secon-

166 NOUVELLES ARGHIVES DU MUSEUM.

daires assez différentes les unes des autres pour que le vulgaire lui- même en fasse aisément la distinction. Le Blé, la Vigne, l'Olivier, le Dattier, le Chou, l'Oignon, le Haricot, les Courges, etc., en offrent des exemples connus de tout le monde. Ces formes secondaires ou dérivées, qui font des espèces primitives de véritables groupes analogues à nos genres botaniques, sont ce qu’à proprement parler on désigne sous les noms de races et de variétés, expressions acceptées par la science, qui les applique, ainsi que nous l'avons vu plus haut, à des formes peu contrastantes, mais restées sauvages, et sur lesquelles l'homme n’a jamais exercé son influence modificatrice.

On pourra objecter que ces formes prétendues dérivées ne sont rien de moins que de véritables espèces, trouvées primitivement dans la nature telles que nous les voyons aujourd’hui, et que ni les procédés de la culture; ni les circonstances diverses de sol et de climats par lesquelles l'homme les à fait passer ne les ont en quoi que ce soit mo- difiées. Mais l’objection, outre qu’elle est extrémément improbable puisque aucune de ces formes. qui se comptent par milliers, ne se trouve à l’état sauvage, l’objection, disons-nous. ne tient pas contre cet autre fait qu'aujourd'hui encore nous en voyons sortir des formes nou- velles, et que des espèces de récente introduction, la Pomme de terre, le Maïs, le Dahlia, la Reine-Marguerite et des centaines d’autres plantes arrivées d'hier offrent le même phénomène de variabilité de la forme typique. H ne saurait donc y avoir de doute sur la propriété inhérente aux espèces naturelles de se subdiviser en formes secon- daires, en variétés, ou, pour parler plus philosophiquement, en espèces de degré inférieur, qui acquièrent avec le temps, lorsqu'elles sont pré- servées de tout croisement avec les autres sous-espèces de même ori- gine, toute la stabilité de caractères des espèces plus anciennes.

Ce phénomène est-il limité aux espèces soumises à la culture, et faut-il nécessairement l'intervention de l'homme pour le produire? Rien n'est moins vraisemblable, et nous avons tout lieu de croire qu'il

NAUDIN. —- SÛR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 167 s'est produit dans la nature sur une bien plus vaste échelle que dans l'étroit domaine de l'homme, même encore ce sont les agents naturels; le sol, la lumière, la chaleur, les météores atmosphé- riques, etc., qui sont les principaux acteurs. Je regarde done, et en cela je suis d'accord avec la plupart des botanistes, toutes ces faiblés éspèces énumérées sous les noms de races et de variétés coinme dés formes dérivées d’un premier type spécifique, et ayant par consé- quent une origine commune. Je vais plus loin : les espèces elles- mêmes les mieux caractérisées sont, pour moi, autant de formes secondaires relativement à un type plus ancien, qui les contenait toutes virtuellement, comme elles - mêmes contiennent toutes les variétés auxquelles elles donnent naissance sous nos yeux, lorsque nous les soumettons à la culture.

Qu'ils Favouent non, tous les botanistes descripteurs sentent instinctivement que la question de l'espèce est connexe de celle de l'origine, et qu'en déclarant que telle forme est une espèce, telle autre forme une simple variété, ils se prononcent implicitement pour un système déterminé relativement à leur apparition dans la nature. Or, il n'y a ici que deux systèmes possibles : ou les espèces ont été créées primordialement , telles qu'elles sont aujourd'hui, et sur Îles points mêmes du globe qu'elles occupent encore, par conséquent sans aucune dépendance mutuelle et sans autre parenté qu'une parenté métaphorique; ow bien elles se tiennent par un lien d'ori- gine, sont réellement parentes les unes des autres et descendent d'ancêtres communs. Le premier système est le plus ancien; il nous vient directement du moyen âge et s'appuie sur des textes bibli- ques, à mon avis mal interprétés; il est le contemporain et comme le complément de ce système géologique qui faisait sortir le globe terrestre des mains du Créateur dans forme que nous lui voyons aujourd'hui, avec les mêmes continents, les mêmes îles, les mêmes golfes, les mêmes cours d’eau, les mêmes montagnes et les mêrnes

168 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

plaines, les mêmes terrains, et, par suite, la même population animale et végétale. Dans ce système, tout est primordial, et apparaît en quelque sorte subitement, par le seul fait de la volonté divine. sans phénomènes physiques antécédents et sans évolution des choses. En un mot, c'est le système du surnaturel, admis par beaucoup de théolo- giens, aussi bien protestants que catholiques, et même, il faut le dire, par un certain nombre d'hommes de science.

Je suis loin, assurément, de nier l'intervention divine dans le grand acte de la création, pas plus que je ne la nie dans les phéno- mènes du monde actuel je la vois sans cesse présente. Dieu ne témoigne pas moins sa puissance en agissant par des intermédiaires qu en agissant directement, en procédant par voie d'évolution, par un enchaînement logique des phénomènes, qu'en procédant par coups d'état et par miracles. La formation d’un embryon dans un ovule fécondé, le développement de cet embryon en une faible plante qui rompt ses enveloppes, et finalement sa transformation en un arbre majestueux, qui à son tour se pare de fleurs et multiplie sa race, toutes ces choses ne sont ni moins merveilleuses, ni moins incom- préhensibles, ni moins divines que la création d’un monde; elles sont, pour mieux dire, de véritables créations, puisqu'elles donnent lieu à des êtres qui n'existaient pas auparavant. Cependant, comme nous y voyons les phénomènes se succéder et s'enchaîner dans un ordre logique, il ne nous vient pas à l'esprit que ce soient des choses surnaturelles. Ce qui fait le miracle ce n’est pas son incom- préhensibilité, c'est son exceptionnalité qui le place en dehors de la chaîne des faits. Tout fait qui entre dans un enchaînement phy- sique quelconque, qui à des antécédents, je dirais presque des parents dans des phénomènes antérieurs. qui, en un mot, a une cause matérielle et des conséquences matérielles, est un fait naturel, un fait justiciable de la science. Or, si la même logique, la même suite de phénomènes, la même évolution dans les choses, à été le

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 169

prélude de l'apparition des êtres organisés sur ce globe, leur créa- tion rentre purement et simplement dans l’ordre des phénomènes physiques et naturels, aussi certainement que les créations partielles et continues du temps actuel qui sont la vie même de ces êtres.

De ce que la création des êtres organisés peut se concevoir comme une série de phénomènes rigoureusement enchaînés. il ne s'ensuit pas que le flambeau de la vie se soit allumé sur ce globe : par les seules forces de la nature terrestre. Nous n'imaginons pas la formation spontanée d’une monade, et une observation de tous les instants et jamais démentie nous fait voir que la vie, sous quelque forme qu'elle se montre, est toujours et partout transmise 1, Cette considération entraîne presque invinciblement à conclure que le premier germe de toute organisation est étranger à notre planète, et qu'il y a été importé quand et comme il à plu à l'organisateur de l'univers. Si, pour le seul entretien de la vie sur la terre, il faut lin- fluence extra-terrestre du soleil, à combien plus forte raison n’a-t-il pas fallu le concours d’un agent étranger pour la faire naître!

Un fait me frappe dans la contemplation du monde organisé et vivant qui nous entoure et dont nous faisons partie : c’est que, quelque variés qu'ils soient dans leurs formes, les êtres organisés ont entre eux de puissantes analogies. C'est en vertu de ces analogies que leur classe- ment est possible en règnes, en classes, en familles, en genres et en espèces. Supprimez ces analogies, supposez autant de moules radicalement dif- férents qu'il y a d’individualités dans la nature, et toute possibilité de classement disparaîtra. Ce grand phénomène des analogies est-il sus-

A. Cette conclusion, malgré les apparences, n’est pas absolument contraire à la thèse des

. hétérogénistes, car, même pour eux, rien de vivant ne s'organise il n’y a que de la matière inorganique. Les animalcules infusoires, suivant leur théorie, se forment aux dépens de substances organiques ayant vécu, et auxquelles on peut même supposer un reste de vie latente. La produc- tion des infusoires ne serait ici que le dernier effort, la dernière manifestation possible de cette vie. J'ai à peine besoin de rappeler que la doctrine hétérogéniste, même renfermée dans ces limites, est vivement contestée, et que, dans ces derniers temps, les ingénieuses expériences de MM. Coste et Pasteur semblent l'avoir acculée dans ses derniers retranchements.

I.

Le 1

170 NOUVELLES. ARCHIVES DU MUSEUM. céptible d'explication? Oui, si l’on adopte le système:de l'origine com- mune et de l’évolution des formes; non; si l’on s’en tient à celui de la primordialité et de l'indépendance de ces formes. Voici sept à huit cents Solanuwm disséminés sur une immense étendue de pays de l’ancien ét du nouveau Monde; tous sont distincts spécifiquement, mais tous se ressémblent par une certaine somme caractères communs meompa- rablement plus importants, aux veux du classificateur, que les diffé- rences tout extérieures, et je dirais même superficielles qui les dis- tinguent, puisque ces caractères communs leur assignent à tous leur place dans une même classe, une même famille, un même genre. Eh bien, je le demande, ces analogies sont-elles ‘un fait saähs cause: de l’ordre physique? Existent-elles fortuitement ou simplement parce qu'il a plu à Dieu qu'elles-existassent? Si vous vous:en tenez au système de l’origine indéperidante des espèces. vous aurez à choisir entre le hasard (une absurdité) et un fait surnaturel; c'est-à-dire un miracle, deux éléments qui ne peuvent avoir:cours dans la science, Accordez au con- traire un ancêtre commun à toutes ces espèces, généralisez dans de règne végétal cette faculté; dont les formes attuelles conservént un dernier reste, de se subdiviser graduellement. et suivant le besoin de li nature, en formes secondaires qui s’en vont divergeant à partir du point commun:de leur origine, pour se subdiviser bientôt elles-mêmes en de nouvelles formes, vous arriverez graduellement, sans sécotsse. et par le séul principe de l'évolution, jusqu'aux espèces, aux races; aux variétés les plus légères. Les traits superficiels varieront d’une forme à Fautre, mais le fond commun, essentiel, subsistera toujours; vous pourrez avoir mille espèces dérivées; mais chacune d'elles portera l empreinte de son origine, le signe de sa parenté av ec toutes les autres. ètr'é'est Ce signe qui vous guidera pour les réunir dans une même famille, dans un même genre, | ù Ces idées de parenté générale entre les êtres de inéthe gehié de même famille, de même règne, ne sont pas nouvelles pour moi; il ya

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 171 bientôt dix ans que je les ai exposées dans un journal d'horticulture!," et je dois avouer que je n'ai pas été peu flatté, quelques années aprés, de les voir professées en Angleterre par des savants d’une grande distinction ?. Voici comment je m’exprimais en 1852 :

‘€ La nature n’a pas procédé, pour former ses espèces, d’une autre manière que nous-mêmes pour créer nos variétés; disons mieux : c'est son procédé même que nous avons transporté dans notre pratique. Nous voulons, d’une espèce animale ou végétale, tirer une variété qui ré- ponde à tel de nos besoins, et nous choisissons parmi le grand nombre des individus de cette espèce, pour en faire le point de départ d'une nouvelle lignée, ceux qui nous paraissent s’écarter déjà du type spéci- _fique dans le sens qui nous convient, et, par un triage raisonné et suivi dés produits obtenus. nous arrivons, au bout d’un nombre indéterminé de générations, à créer des variétés ou espèces artificielles qui répon- dent plus ou moins bien au type idéal que nous nous étions formé, et qui transmettent d'autant mieux à leurs descendants les caractères acquis que nos efforts ont porté sur un plus grand nombre de généra- tions. Telle est, dans nos idées, la marche de la nature: comme nous, ellé à voulu former des races pour les approprier à ses besoins; et, avec un nombre relativement petit de types primordiaux, elle a fait naître successivement, et à des époques diverses, toutes les espèces végétales et animales qui peuplent le globe. Remarquons toutefois qu'indépen- damment de sa puissance illimitée, lasnature a opéré dans des condi- tions bien autrement favorables que celles nous nous irouvons aujourd’hui; elle a pris, pour les subdiviser en types secondaires, les types primitifs, en quelque sorte à l'état naissant, alors que les formes consérvaient toute leur plasticité et qu’elles n'étaient pas ou n'étaient que faiblement enchaînées par la force de l'atavisme, tandis que nous

1. Voir Revue horticole, 1852, p.102 et suivantes. 2, Principalement par M. Darwin. Je n'ai pas besoin de rappeler que son livre sur l'Origine “des espèces a causé, dans le monde scientifique, une émotion profonde et qui dure encore.

172 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

avons, nous, à lutter contre cette même force invétérée, renforcée par le nombre prodigieux des générations qui se sont succédé depuis l’ori- gine des espèces actuelles. La nature a opéré sur une immense échelle et avec d'immenses ressources ; nous, au contraire, nous n'agissons qu'avec des moyens extrêmement limités; mais entre ses procédés et les nôtres, entre ses résultats et ceux que nous obtenons, la différence est toute de quantité; entre ses espèces et celles que nons créons il n’y a que du plus et du moins.

« Cette doctrine de la consanguinité des êtres organiques d’une même famille, d'une même classe et peut-être d’un même règne, ne date pas d'aujourd'hui; des hommes de talent, tant en France qu'à l'étranger, et parmi eux notre savant Lamarck, l'ont soutenue de toute l'autorité de leur nom. Nous ne nions pas que, dans plus d’une cir- constance, ils n'aient raisonné sur des hypothèses qui n'étaient pas suffisamment étayées par l'observation, qu'ils n'aient quelquefois donné aux faits des interprétations forcées, enfin qu'ils ne se soient laissé: entraîner à des exagérations qui ont surtout contribué à faire repousser leurs idées. Mais ces vices de détail ne diminuent en rien la grandeur et la parfaite rationalité de l'ensemble d’un système qui, seul, rend compte, par la communauté d’origine, du grand fait de la communauté d'organisation des êtres vivants d’un même règne, cette première base de nos distributions des espèces en genres, familles, classes et embranchements. Dans le système opposé aujourd'hui en vogue, dans ce système qui suppose autant de créations partielles et indépendantes que nous reconnaissons ou croyons reconnaître d'espèces distinctes, on est forcé, pour être logique, d'admettre que les ressemblances présentées par ces espèces ne sont qu'une coïncidence fortuite, c’est-à-dire un effet sans cause, conclusion que la raison ne saurait accepter. Dans le nôtre, au contraire, ces res- semblances sont à la fois la conséquence et la preuve d’une parenté, non plus métaphorique. mais réelle, qu'elles tiennent d’un ancètre com-

NAUDIN. SUR L'HYBRIDITÉ DANS LES VÉGÉTAUX. 173

mun dont elles sont sorties à des époques plus ou moins reculées, et par une sérié d’'intermédiaires plus ou moins nombreux; de telle- sorte qu'on exprimerait les véritables rapports des espèces entre elles en disant que la somme de leurs analogies est proportionnelle à leur degré de parenté, comme la somme de leurs différences l'est à la distance elles sont de la souche commune dont elles tirent leur origine.

« Envisagé à ce point de vue, le règne végétal se présenterait, non plus comme une série linéaire dont les termes iraient croissant ou dé- croissant en complexité d'organisation, suivant qu’on l’examinerait en commençant par une extrémité ou par l'autre; ce ne serait pas davan- tage un enchevêtrement désordonné de lignes entrecroisées, pas même un plan géographique, dont les régions, différentes de forme et d’étendue, se toucheraient par un plus ou moins grand nombre de points; ce serail un arbre, dont les racines, mystérieusement cachées dans les profondeurs des temps cosmogoniques, auraient donné nais- sance à un nombre limité de tiges successivement divisées et subdivisées. Ces premières tiges représenteraient les types primordiaux du règne; leurs dernières ramifications seraient les espèces actuelles.

«Il résulterait de qu'une classification parfaite et rigoureuse des êtres organisés d'un même règne, d'un même ordre, d’un même genre, ne serait autre chose que l'arbre généalogique méme des espèces, indiquant l'ancienneté relative de chacune, son degré de spéciéité et La lignée d'ancêtres dont elle est descendue. Par seraient représentés, d’une manière en quelque sorte palpable et matérielle, les différents degrés de parenté des espèces, comme aussi celle des groupes de divers degrés, en remontant jusqu'aux types primordiaux. Une pareille clas- sification, résumée en un tableau graphique, serait saisie avec autant de facilité par l'esprit que par les yeux, et présenterait la plus belle application de ce principe généralement admis par les naturalistes, que la nature est avare de causes et prodique d'effets. »

Depuis une dizaine d'années que ces idées ont été émises. l'ai pu ]

174 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

les modifier dans quelques détails, mais le fond en est resté dans mon esprit. Plus que jamais je crois à l'unité d'origine et à la parenté des êtres vivants, et, comme conséquence, à un foyer unique de création ont été élaborées, d'un blastème commun: les souches des'grands em- branchements d'un même règne. Cette unité première de lieu n’exelut pas les centres secondaires de multiplication, auxquels je crois également. et dont, après tant de dislocations de la surface du globe: il reste en- core des vestiges. Ce que je: regarde comme non moins certain, C'est que les formes, en se multipliant dans le cours des âges, ont toujours suivi des voies divergentes: et que; par conséquent, il est contraire à la marche de la nature-de supposer que les espèces puissent se‘changer les unes dans les autres; ou que deux a tint se site en uné —— par l _—— se |

TABLE DES MATIÈRES.

Pages.

. ANANT-PROPOS.- : à 1 = = à + «+ PRIE AS UNANUUN JUNE 096 JA DE, at PREMIÈRE PARTIE

Papaver hispido-bracteatum. . . . . RER PE Lu bh Lan ca Poe. 7 Papaver caucasico-bracteatum. . . . . . « . . . . . . . . . + . + . + + + . + . . 29 Mirabilis longifloro-Jalapa.. + . + +4... « «+ 4e + ee + + + + er RE Mirabilis Jalapa luteo-purpurea.. . . . 4 - Ni tes Fécondation par un et deux grains de re dans le genre Mirabilis. . . . . . . . . . 35 Pfimula officinali-grandiflora.. . . . . . . 6 4e MINE oh HR SUPSS Dâtura Stramonio-Tatula.. . . . . . .. . . .. . . . . . strate HAUT QU #1 Dâtura Tatulo-Stramoniumitrp4in. sn te t 4 Gen VOS TITRE Re DE Te | 290,500 Datura. Stramonio-quercifolia.. . . . . . . . . . . +. . RE NE Ve 0 Datura ceratocaulo-Stramonium. . . . «+ . . en 21h24 ES th F45. SA HEURE Dätura. Stramonio-lævis.-. +. =... -.-.-...0.0 0.0... 0 N "US TONER RECUNCE Dlture Meteloido-Motél. . + + + - + + + + - + OMR 400 JO ERREURS CARRIERES, 54 Nicotiana californico-rustica. . . . . . . . se oO, 16 19 ART ET SOPINNE 268 -09% 58 Nicotiana glauco-angustifolia.. . . . + . . + + . . . . POI LOT RE AE LU UN LAURE | Nicotiana glauco-macrophyllai +: 4414 444 ne een tee se 64 Nicotiana glutinoso-macrophylla. . . . . + . . . . + . + . . 65 Nicotiana angustifolio-macrophylla.. . . . . . . + + + + -+ + + és ss a ET à à -Nicotiana macrophyllo-angustifolia. . . + . - + + . + + A Nicotiana glutinoso-angustifolio- mecrphyl. NN MN ee NT A NS er à dus es M Nicotiana texano-rustica.. . . . PR ele TU à de » + + » sn 72 NEO SM a D ie me du al et eu 73 Nicotiana persico-Langsdoriis .-. . . . . . + . + + + + ++ + + UN en trs 16 Nicotiana Langsdorffio-persica. . . . . . + . . dd ds Je A dE SR Nicotiana commutalo-persica.. . + + « + + + + + + + ee + + + + + tin Te Nicotiana persico-commutata.. . . . + + : TU a BD DL Nicotiana Langsdorffio-commulata. . . . . + + + + + : Ge Ne, 1 Nicotiana commutato-Langsdorflii . . . . + . . . . . SR ee TRS NiCOURnn porsico-macrophylls. : ,.,. . msn ess 81

176 £ TABLE DES MATIÈRES.

PACOUMNE DRNCUIRIO-TUSUORS 5. 2. 1 Pour.

Nicotiana rastico-panicuiala. "5; 5e ge te Petunia violaceo-nyctaginiflora. . . . :

Retour des hybrides de Pétunias aux ue que +.

Essais de croisement restés sans résultat, entre diverses espèces durée:

Digiiahis luto-parpures, / 201. 4 0 nm | CRE DRE PRO RE 2 di à Ribes Gordonianum.. . RL

Luffa sans itinlge: eee Cape sein. Luffa amaro-cylindrica.. . . . . . . .

Coccinia Schimpero-indica. .

Cucumis Meloni-trigonus..

Croisements fécond$ entre les dur: races ou Fees du, groupe > Lo.

Essais de croisement entre les espèces du genre Courge.

Essais de croisement entre le Cucumis Figarei et diverses dd is

Cucumis myriocarpo-Figarei. . 11404 Essais de croisement sur l’Ecbalium.. . . . . . . . ..

Retour du Linaria vulgaris pélorié au type de Ydpèoé. : FANS SR Ca

DEUXIÈME PARTIE.

Discussion des faits consignés dans : Cembmoire:sh. ui ch suisé à Stérilité et fécondité des hybrides... . . . . . . . . . , . Inégalité de fertilité des hybrides... . . . . , . . ..

Aptitude des espèces à se croiser pripurtonaolte à à l'afinité AS Physionomie des hybrides.

Retour des hybrides aux sg séciiques di espèces produites. s

Exceptions à la loi de retou Limite à établir entre les nes et re métis. Qu'est-ce que l'espèce, la race et la variété ?,

L'hybridation considérée comme moyen de distinguer .. espèces. . Connexion d’origine et parenté des espèces, des races et des variétés. .

ÉTUDES ZOOLOGIQUES

SUR LES CRUSTACÉS RÉCENTS

DE LA

FAMILLE DES CANCÉRIENS

PAR M. ALPHONSE MILNE-EDWARDS

AIDE NATURALISTE AU MUSÉUM

PREMIÈRE PARTIE.

CANCÉRIDES. PIRIMÉLIDES. CARPILIDES.

En 1834, lorsque M. Milne Edwards publia le premier volume de l'Histoire naturelle des Crustacés, lon ne connaissait qu'un petit nombre de Cancériens, et le classement en était facile. Mais, depuis cette époque, ce nombre, s’est considérablement accru. On a décou- vert des formes complétement nouvelles, d’autres qui sont venues se grouper à côté de certaines espèces que d’abord l'on n'avait pas Cru nécessaire d'élever au rang de genres, et qui cependant s’éloignaient des types génériques connus par des caractères importants. Aujour- d'hui. le nombre des espèces est devenu si considérable, celui

1. 26

178 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. des genres a été tellement multiplié, et il règne tant d'’incerti- tudes sur les caractères que l'on doit y assigner; que le rangement méthodique des Cancériens est devenu d’une difficulté extrême. Aussi j'ai cru qu'il était utile d'en repréndre complétement l'étude, tâche que me facilitait beaucoup la magnifique collection carcinologique du Muséum sont réunies les ëspéces-typés de Latreille et de M. Milne Edwards; et afin de rendre ce travail aussi complet que possible, j'ai été étudier à Leyde, la collection qüi à servi de base à Dehaan. lorsqu'il a entrepris son beau travail sur les Crustacés du Japon. Au Musée brittnnique, j'ai troûvé réhnis les tpés de White, et. vrâce à l’obli- geance de M. Schlegel en Hollande et de M. Gray à Londres, j'ai pu ainsi réformer plusieurs espèces qui avaient été décrites comme nou- velles et qui étaient déjà connues; j'ai pu également en faire mieux connaître beaucoup d’autres dont il avait été donné une courte descrip- tion, mais qui n'avaient jamais été figurées et qui souvent avaient été placées dans des divisions génériques elles ne pouvaient être maintenues. Enfin la collection du Muséum a obtenu du Musée de Cambridge, aux États - Unis. quelques-uns des Crustacés des côtes occidentales de l'Amérique dont M: Stihfison 4 fait connaître un si grand nombre, et du Musée de Vienne plusieurs espèces provenant de la mer Rouge et décrites par le D' C. Heller. Mon travail sera cependant encore incomplet, car, pour le bien faire, il aurait fallu examiner directement toutes les espèces décrites et les comparer entre elles, ce qui m'a été impossible. Mais les matériaux que j'avais à ma disposition étaient tellement considérables qu'ils m'ont permis de présenter un ensemble presque in des espèces aujourd'hui connues.

Dans un travail publié en 1862 sur les Crustacés fossiles de la famille des Cancériens 1, j'ai passé en revue les principaux caractères

Monoÿyraphie des Crustdcés fossiles de la famille des Cancériens | Añnales des sciences naturelles, 4 série. Zoologie, \. XVII, p. 34. 1862).

ALPH, MILNE-EDWARDS. SUR LES CANCÉRIENS. 179 de ce groupe et j'ai indiqué les divisions que l'on devait y établir. Ces animaux présentent tous entre eux les analogies les plus étroites, et les genres se fondent insensiblement les uns dans les autres, de façon qu'il est quelquefois difficile d'y établir des coupes bien tran- chées. Il est aussi à noter que les espèces typiques sont parfaitement distinctes des Portuniens ou des Catométopes, mais que cependant il est ceftaines formes transitoires qui relient ces divers groupes les ans aux autres. ÿ

Les Cancériens sont caractérisés principalement par la forme (le leur carapace et de leurs pattes ambülatoires. Ce bouclier céphalo- thoracique est arqué en avant, ce qui à valu aux Crustacés, qui présentent ce mode de conformation, le nom de Crabes arqués, que LatreiHle leur a donné, et que les Cancériens partagent avec les Por- tuniens. Mais, chez ces derniers, toutes les pattes ambulatoires, ou du moins celles de la cinquième paire, sont disposées en manière de rames et se terminent ordinairement par un article élargi et aplati comme une palette, tandis que chez les premiers les doigts sont presque toujours styliformes. Chez certains Crustacés, appartenant à des divisions bien différentes de celles des Portuniens, on retrouve parfois le même caractère. Par exemple, chez les Varunes. qui sont des Catométopes, et chez les Matutes, qui sont des Oxystomes; enfin on le rencontre également parmi les Cancériens. En effet, il est une espèce que l'on rangeait autrefois dans le genre Cancer ?, et que jai proposé de prendre pour type d'une nouvelle division générique sous le nom de Metacarcinus, parce qu'elle se distingue des véritables Can- cériens par l'élargissement considérable des pattes ambulatoires pos- térieures. D'äutre part. chez le Carcinus Moœnas, qui appartient à la division des Portuniens, les pattes sont presque toutes semblables ;

celles de la cinquième paire sont seulement un peu plus élargies ,

4. Cancer magister. Dana, United States Eæploring Eæpediticn. Crustacea, t. 1, p. 151, pl. vu, fig. 4.

180 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

aussi servent-elles plutôt à creuser le sable dans lequel ce Crustacé s'enfonce au moindre danger, qu'à nager, ce qui lui arrive beau- coup moins fréquemment. L'existence de pattes natatoires ou de pattes seulement ambulatoires est donc un caractère prédominant, mais non constant. |

La forme de la carapace ne suffit pas davantage pour distinguer sûrement les Cyclométopes des Catométopes. Si l’on compare un Grapsus ou un Ocypode à un Alergatis à un Cancer, les différences organiques que l’on observe sont trop évidentes pour ne pas frapper l'œil le moins exercé, et il ne pourra jamais y avoir le moindre doute . Sur la place respective que ces formes doivent occuper. Mais, si on vient à chercher les différences qui séparent certains types de Cancé- riens, tels que les Galènes, ou certaines Panopées des Pseudorhom- biles, ou d’autres Catométopes à carapace arquée, on ne peut mécon- naître que par l'aspect général, par la forme de la carapace, ces Crustacés ne se rapprochent beaucoup, et l'on ne saurait comment établir entré eux de divisions, si l’on n'avait pas pour se guider d'autres caractères fournis par la position des orifices externes de l'appareil génital mâle. Chez les Cancériens, ces orifices sont creusés dans l’article basilaire des pattes postérieures et ne se continuent pas avec un Canal transversal du sternum. Chez les Catométopes, les ori- fices génitaux mâles sont placés sur le plastron sternal lui-même, ou se Continuent avec une gouttière creusée dans plastron et renfer- mant les verges.

Je n'insisterai pas davantage sur les caractères qui distinguent la famille des Cancériens. soit de celle des Portuniens, soit du groupe des Catométopes, et, pour plus de renseignements, je renverrai à ce que j'en ai dit dans un précédent travail 1.

La famille des Cancériens Comprend un certain nombre de formes

1. Des limites naturelles et des caractères de la famille des Cancériens (Ann. des sc. nat. Zool., série, t, XVHE, p. #4).

ALPH. MILNE-EDWARDS. SUR LES CANCERIENS. 181

bien distinctes, et que l’on peut regarder comme constituant le centre d'autant de divisions naturelles. Comme représentants de ces formes. j'ai indiqué les genres suivants :

CANCER. CARPILIUS. XANTHO. Enrpyra. TRAPEZIA. GALENA.

OEruraA.

Autour de quelques-uns de ces types viennent se ranger un nombre considérable d'espèces : tels sont les types Xanthe, Carpilie et Cancer; tandis que d’autres n’ont qu'un petit nombre de représentants ; par exemple les genres Ériphie, Galène et OEthre, qui ne se compose jusqu’à présent que d’une seule espèce. Enfin il est certaines espèces qui ne peuvent se ranger dans aucun des groupes naturels compre- nant les formes que je viens de signaler, et qui semblent servir de passage de l’une à l’autre : tels sont les Liagores et les Pirimèles.

Les Liagores relient les Ériphies, les Galènes et les Xanthes.

Les Pirimèles servent d’intermédiaires entre les Cancers et les Xanthes.

Ce sont ces considérations qui m'ont conduit à proposer de diviser la famille des Cancériens en cinq agèles principaux auxquels on donnerait les noms de Cancérides, Carpilides, Xanthides, Ériphides et Trapézides ; en deux agèles de transition, les Œthrides, qui relient les

Cancériens aux Oxyrhynques, et les Galénides qui sont inter médiai aux Ériphides et aux Catométopes, et enfin en deux agèles acces- soires, celui des Pirimélides, qui se rattache aux Cancérides, et celui

des Liagorides qui unit les Carpilides aux Xanthides et aux Galénides.

18? ; NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. Ces neuf divisions peuvent se distinguer à l'aide des caractères indiqués dans le tableau suivant,

TABLEAU DES AGÈLES DE LA FAMILLE DES CANCÉRIENS.

{ Bords de la carapace s'avançant au-dessus de la base des pattes ambulatoires.... ŒTHKA.

Fossettes antennu- laires longitudinales, } Carapace très-élargie et lisse.........,., CANCÉRIDES. n ou

, Carapace forte- : É } P abs front relevé Carapace étroite et bosselée PIRIMÉLIDES, ! ment arquée / RE ? | in arant de la carapace MéERdEe à [l

Carapace large, fortement bombée. Bords latéro-antérieurs entiers ou lobés, mais non dentés......,......... +... +... CARPILIDES.

ambulatoires. Fossettes antennu-

läires transversales, { Corps épais ne pe de front déclive. Carapace mé- dents latéro-antérieu- res

LIAGORIDES,

diocrement | élargie et peu Corps médiocrem, épais, \ bombée. bords latéro-antérieurs

CANCÉRIENS.

de la carapace dentés. XANTHILES. Front très-large, orbites A en dedans. Es Carapace peu / Corps épais, carapace plus large que } Front médiocrement large, orbites présen- | Hope avants Paques. jan on Sodpus np bisns qui ose Le | presque quadri- tigelle antennaire GALÉNIDES.

1. Jatère. Corps minçe, carapace moins large que longue. . use TRAPÉZIDES.

CT AGÈLE DES CANCERIDES.

L'agèle dés Cancérides rie se compose que d’un petit nombre d'espèces, mäis lés particularités d’orgahisation qui les distinguent sont tellement impor- tantes, que l’on est conduit à ässigner à ce groupe ün rang non moins élevé qu'aux Carpilides; aux Xänthides, aux Éripidés aux Galénides.

Chez ces Crustacés, la carapace est remarquable par sa grande largeur; elle est peu bombée; ét la surface eh est lisse; on h'y remarque jamais ni tuber- cules, ni bosselures; les fégions Sont ordinairément à peine distinetes, et chez la plupart des éspèces on n’apercoit que les sillons branchio ‘cardiaques. Le front est detité; jamais il n’est droit ôu lobé come eliez les Carpilides et la plupart des Xanthides. Les bords latéro-antérieurs sont longs ; ils forment avec le front uñe ligne courbé régulière à grañd rayon, et au lieu de se terminer aux angles latéraux; ils Se reeourbent en dedans et en arrière, La portion du bouclier dorsäl située en arrière d’une ligne qui joindrait les angles latéraux est notableihent plus petite que la portiôn située en avant:

Ba région antennaire des Caheérides fourhit des caractères importants et qui permettent de séparer néttement ces Crustacés de presque tous les autres représentants de la famille des Gancériens l'exception des Pirimèles): Les fossettes des antéhnulés ou antennes internes; au lieu d’être disposées trans- versalerhent sûus le froñt, sont placées longitudinalèment (rès-obliquement. L'article Basilairé dés antennes externes est très-développé; il occupe l'espace comptis entre le bord orbitäire ififérieur et le front, et dépasse ce dernier pour s’aYanter en pointe äu-dessous de l'angle orbitaire supérieur et interne; la tigelle mobile $’'insère sous le front en dedans de l’article basilaire, et n’oceupe pas l’angle orbitaire interne. L’Endostome est petit et dépourvu des crêtes qui servent à bordèr en dédans le tarial expirateur de la cavité bratichiale. Les pattes antérieures sônt subégales ét bréññent En général uh dévelüppeînent médiocre ; les pattes ambulatoires sont assez longues et grêles. L'abdomen

18 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

des mâles se compose de cinq articles ; les troisième, quatrième et cinquième anneaux étant soudés entre eux.

On ne connaît dans l’état actuel de la science que deux genres de Can- cérides vivants : les genres Cancer et Metacarcinus. Mais à l’époque tertiaire inférieure il existait une troisième forme dont on retrouve des exemplaires fos- siles dans le calcaire nummulitique d'Égypte, et qui est devenue le type d’une division générique sous le nom de Lobocarcinus.

Les caractères que nous venons d’assigner au groupe des Cancérides s'appliquent particulièrement au genre Cancer de Leach.

Le genre Metacarcinus ! se distingue des Cancers par la forme des pattes ambulatoires postérieures, élargies en manière de rames et analogues à celles de certains Portuniens ; il ne se compose jusqu’à présent que d’une seule espèce découverte sur les côtes de la Californie, à laquelle M. Dana appliquait le nom de Cancer magister ?.

Le genre Lobocarcinus $ ne comprend qu'une espèce fossile, le Cancer Paulino-Wurtembergensis de M. H. von Meyer. Il se distingue des autres représentants du même groupe par les grosses bosses saillantes qui couvrent la carapace et par la disposition de la région antennaire qui paraît se rappro- cher de celle des Carpilides.

Ce dernier genre semble, en effet, servir de chaînon entre les Cancérides et les Carpilides. D'autre part, certains Xanthides, tels que les Étises, présen- tent une grande analogie de forme avec la plupart des espèces du genre Can- cer. Ainsi chez l’£tisus dentatus de Herbst, et l’Etisus utilis de M. Lucas, la carapace est élargie, peu bombée; les bords latéro-antérieurs se recourbent légèrement en arrière et sont découpés en dents plus ou moins nombreuses; les fossettes destinées à loger les antennes internes sont plus obliques que chez les Xanthiens:; mais la disposition des antennes externes, des pièces de la bouche et des pinces les éloigne des Cancérides. Enfin, par l'intermédiaire du genre Metacarcinus, les Cancérides se rattachent au type portunien et les Corys- tiens qui, au premier abord, semblent très-différents des Crustacés dont l'étude nous occupe ici, présentent certaines formes qui les ÿ rattachent. Ainsi, le Tri- chocera Oregonensis de Dana offre beaucoup d’analogie avec les Cancérides.

1. Alph. Milne-Edwards, An. des sc. nat. Zool., série, t. XVII, p. 33. 2. Dana, United States Exploring Expedition. Crustacea, p. 151. 3. Reuss, Zur Kenniniss fossiler Krabben, 1859, p. 38.

ALPH. MILNE-EDWARDS. SUR LES CANCÉRIENS. 185

Genre CANCER.

CANCER. Linné, Fabricius. Latreille. Leach, Walacostraca Podophthalmata Britanniæ, 1815. - Desmarest, Considérations sur la classe des Crustacés, p. 103. res Bell, Trans. zool. Soc., t. I, p. 335. Dana, United States Exploring Expedition. Crustacea, L. 1, p. 151. -- Stimpson, Journ. of the Boston Society of nat. hist., t. VI, p. 20. Heller, Crust. des südlichen Europa, 1863, p. 64. PLarycarcines. Latreille, Collection du Muséum. _ Milne Edwards, Histoire naturelle des Crustacés, 1834, t, I, p. #12. hi Lucas, Voyage au pôle sud. Crustacés, p. 34.

Le genre Cancer de Linné comprenait la plupart des Crustacés podoph- thalmaires, Macroures aussi bien que Brachyures ; mais à mesure que les con- naissances zoologiques avançaient, on sentit de plus en plus le besoin de sub- diviser ce groupe. Fabricius réserva le nom de Cancer aux Crustacés qui aujourd’hui correspondent à peu près à notre famille des Cancériens, et enfin, Leach restreignit encore davantage ce genre et en appliqua le nom à une espèce de nos côtes remarquable par sa taille et l'élargissement de la carapace, le Tourteau ou Cancer pagurus de Linné Vers la même époque, Latreille, dans le rangement méthodique de la collection du Muséum, appliquait le nom de Platycarcinus à la même espèce, dénomination qui fut conservée par M. Milne- Edwards, tandis qu’il désignait sous le nom de Cancer les Crustacés que Dehaan et d’autres auteurs plus récents ont fait rentrer dans le genre Alerga- tis. Le nom de Platycarcinus donné par Latreille au Tourteau ne peut être considéré que comme un nom de catalogue de collection, puisqu'il n’a pas été publié par ce naturaliste et qu'il ne parut qu’en 1834 dans l’histoire des Crus- tacés de M. Milne-Edwards, Le nom de Cancer avait été adopté pour la même espèce près de vingt ans auparavant par Leach; c'est donc celui que lon doit conserver, d'autant plus qu’en 4833, Dehaan rangeait parmi les Atergatis toutes les espèces à carapace bombée, dont M. Milne-Edwards composait son genre Cancer,

Chez les crustacés qui rentrent dans ce genre, la carapace est ovalaire, élargie et en général peu bombée; les bords latéro-antérieurs sont très-longs, fortement arqués et se recourbent en dedans postérieurement ils se con-

[n

186 NOUVELLES ABCHIVÉS DU MUSEUM.

tinuent avec une crête latéro-postérieure qui est désignée en général sous le nom de ligne post-branchiale et qui se prolonge jusque sur le bord postérieur de la région cardiaque. Les dents qui découpent les bords latéro-antérieurs sont au nombre de dix; elles sont larges el aplaties, tantôt triangulaires, tantôt subquadrilatères ; la dixième dent est en général plus petite que les autres. Le front est étroit, tridenté, et s’avance horizontalement au delà du niveau des angles sourciliers. Les antennules se reploient longitudinalement sous le front comme chez les Pirimèles. L'article basiliaire des antennes externes occupe l’angle orbitaire interne, se soude avec l'angle sourcilier et le dépasse beaucoup; la tigelle antennaire, cachée sous le front, est exclue de l'orbite. Les orbites sont petites, presque circulaires, le bord soufcilier est divisé par deux fissures; l’angle externe est occupé par la base de la première dent latéro-antérieure ; le bord sous-orbitaire est bilobé. Les pattes-mâchoires externes sont longues et leur troisième article se termine le plus souvent par un bord arrondi. Les pattes antérieures sont comprimées et en général subégales; presque toujours elles offrent sur leur face externe cinq lignes longitudinales, granuleuses. Les pattes ambulatoires sont en général longues et assez grêles. L'abdomen du mâle se compose de cinq articles, les troisième, AuRtriSne et cinquième anneaux étant soudés.

Une espèce de ce genre habite nos côtes, une seconde a été trouvée à la Nouvelle-Zélande; une troisième à l’île de Madère; les autres proviennent d'Amérique, soit des côtes du Chili, soit de la baie de San-Francisco, en Californie.

CANCER PAGURUS [(Linné).

CANCER MOENAS. Rondelet, Hist. des Poissons, 1858, t. IT, p. 400.

PAGURUS. Linné, Systema naturæ, À735. Museum Adolphi Fréderici regis, t. 1, p. 85. 1754

Pénnant, Brit. zool., t. IV, pl. nr, fig. 7. 1777.

Fabricius, Entom. syst., t. IL, p. 452. 1793, Entom. syst, Suppl., p.334. 1798.

ji _ Herbst, Krabbèn und Krebse, pl. 1x, fig. 59. 1796.

_— _ Leach, Malacost. Podoph. Britan., pl. x. 1815.

Desmärest, Considér. sur les Crust., p. 103. 1825.

_. + Latreille, Hist. nat., p. 365. 1802. Règne animal LH Cuvier, p. 37. 1829.

ALPH. MILNE-EDWARDS. SUR LES CANCÉRIENS. 187 CANCER PAGURUS. Bell, On the genus Cancer. Trans. zool. Soc., t. 1, p. 341. 1835. HA Fauna del regno di Napoli. Crust., p. 6. 1836. ps = Heller, Die Crust. des südlich, Europ., p. 62, pl. 1, fig. 3. 1863. INCISO-CRENATUS. Couch. Cornish fauna, p.70 FIMBRIATUS. Olivi, Zool. adriat., p. 47, pl. 1. 1792, PLATYCARCINUS PAGURUS. Milne-Edwards, Hist. nat. des Crust., t. 1, p. 513, 1834.

Carapace aplatie et très-élargie, surface finement granuleuse , régions peu indiquées. Bords latéro-antérieurs se dirigeant d’abord un peu en avant et en dehors, puis se recourbant en arrière, divisés en lobes plus ou moins dentiformes très-larges, à peine saillants et ne dépassant que peu leur ligne de jonction; leur bord est entier et ne porte ni dentelures ni crénelures ; la dixième dent est extrêmement réduite. On aperçoit en arrière une petite saillie d'où part la ligne post-branchiale. Orbites petites ; bord sourcilier dépourvu de dents. Angle orbitaire interne arrondi et peu saillant. Front à trois dents aplaties peu saillantes et obtuses; la médiane plus petite que les latérales, bien qu’elle soit presque aussi avancée. Bord orbitaire inférieur un peu sinueux. Article basilaire des antennes externes, long et étroit. Troisième article des pattes-mâchoires externes subrectangulaire, aussi large que long et non arrondi an avant. Pattes antérieures robustes, lisses, dépourvues d'épines, de tuber- cules et de granulations. Avant-bras ne présentant au dedans qu’un tubercule obtus et très-arrondi, mais portant seulement en dehors la trace des lignes saillantes granuleuses que l'on remarque chez les autres espèces du même genre. Les pattes ambulatoires sont fortes et poilues. Le dernier article de l’abdomen du mâle est triangulaire, mais peu allongé.

Couleur d’un rouge brun en dessus, blanchâtre en dessous. Extrémités des pinces noires.

Ce Crabe atteint souvent une taille considérable. Les individus que l'on pêche le plus ordinairement présentent les dimensions suivantes :

Largeur de la carapace : 0,150.

Longueur : 0,090.

Habite les côtes d'Europe.

Cette espèce est très-estimée comme aliment; on en fait en France, et surtout en Angleterre, une énorme consommation. On la désigne vulgaire- ment sous les noms de Tourteau ou de Poupart.

Collection du Muséum,

188 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

2 CANCER PLEBEIUS (Pœppig).

CANCER PLEBEIUS. Pœppig, Crustacea Chilensia nova aut minus nola. Archiv für naturgeschichte, von Wiegmann, 1836, p. 434. Dana, Unit. States Exploring Expedition. 1852. Crust., 1. T, p. 455 IRRORATUS. Bell, Observations on the genus Cancer. Transact. zool. Soc., 4835, t. [, p. 340, pl. xvi (non C. /rroratus de Say). PLATYCARCINUS IRRORATUS. Lucas in ra 4 Voyage dans l'Amérique méridionale, | 1843. Crust., Gay, Historia de . 1849, t. ILE, p. 442.

Carapace élargie, très-peu bomhée et couverte de petites granula- tions très-fines. Régions branchiales marquées en avant d’une double ligne de ponctuations blanches qui partent du sillon branchio-gastrique et s'étendent presque parallèlement aux bords latéro-antérieurs. L'espèce de H formée par les sillons branchio-cardiaques est souvent d’un blanc vif. On remarque sur le lobe cardiaque postérieur une autre impression blanche qui se prolonge jusqu'au bord postérieur. Quelquefois ces impressions blanches sont peu visibles, surtout sur les individus desséchés. Les bords latéro-an- térieurs sont divisés en dix lobes (en comptant l'angle orbitaire); ces lobes sont peu saillants, ne dépassant que peu ou pas leurs lignes de jonctions, et ayant les bords libres garnis de petites crénelures. Le neuvième lobe présente la forme d’une dent, il est aigu, aplati et large à la base; le dixième est petit et obtus. L’angle orbitaire interne est petit et triangulaire. Le front est trifide ; la dent médiane, plus étroite et plus avancée que les latérales, se trouve sensiblement sur le même plan. La ligne post-branchiale, qui part de l'angle latéral, est saillante et granuleuse. L'article basilaire des antennes externes est assez large et médiocrement saillant. Le troisième article des pattes-mà- choires externes est allongé et un peu arrondi en avant. Les pattes antérieures sont de grandeur médiocre et subégales. La main présente en dessus deux crêtes granuleuses qui se continuent sur le pouce. La face externe porte quatre lignes de granulations. Les denticulations des doigts sont tranchantes et nombreuses. L’extrémité de ces appendices est noire. L'avant-bras porte en dedans une épine longue et acérée; en dessus et en dehors il présente - plusieurs lignes granuleuses. Les pattes ambulatoires sont très-longues. La

ALPH. MILNE-EDWARDS. SUR LES CANCÉRIENS. 159

cuisse offre en dessus quelques petites granulations. On en voit quelques-unes sur les autres articles. Le doigt est long et aigu. Le septième article de l’ab- domen du mäle est très-étroit et aminci à son extrémité. Le sixième est un peu renflé latéralement, au lieu d'être concave comme chez le €. Dentatus.

Couleur d’un rouge violet en dessus , jaunâtre en dessous.

Largeur de la carapace : 0",100.

Longueur : 0",06.

Habite le Chili : Valparaiso, la baie de Pisco, etc.

Les femelles de cette espèce sont plus bombées que les mâles ; leur taille est en général moindre et leurs pinces plus petites. |

M. Th. Bell avait cru cette espèce identique à celle que Say avait fait connaître sous le nom de Cancer frroratus, et qui habite les côtes de l’Amé- rique du Nord. Mais elle en est tout à fait distincte, et se reconnaît facilement à la forme des dents latéro-antérieures. Une année après, Pœppig la désigna sous le nom de €. Plebeius, et en donna une description très-complète.

Collection du Muséum.

3 CANCER NOVÆ-ZELANDEZÆ (Lucas).

PLarTicarcinus Novæ-ZELANDIÆ, Lucas, Voyage au pôle sud. Crustacés, p. 34. pl. 1, e fig. ?

Carapace élargie, médiocrement bombée chez les mâles; beaucoup plus chez les femelles. Surface couverte de petites granulations; régions peu dis- tinctes. Bords latéro-antérieurs découpés en dix lobes très-peu saillants et ne dépassant pas leurs lignes de jonction. Le bord libre de chacun de ces lobes est découpé par deux ou trois dentelures. Le dixième lobe, arrondi à son extrémité et peu saillant; en arrière se voit une petite saillie à peine indiquée d’où part la ligne granuleuse post-branchiale. Le bord sourcilier ne présente ni dent ni épine. L’angle orbitaire interne est moins saillant que le front. Des trois dents qui composent ce dernier, la médiane est plus petité et se trouve sur un plan inférieur aux deux autres. L'article basilaire des antennes externes se termine par une pointe mousse. Le troisième article des pattes- mâchoires externes est plus long que large, et arrondi en avant. L'avant- bras est très- granuleux en dehors; il porte près du bord, en face du condyle

190 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

supérieur de la main, un gros tubercule, et du côté interne il est armé d'une forte dent. Les pattes antérieures sont subégales. La main est granu- leuse en dessus, et porte deux lignes parallèles hérissées chacune de trois ou quatre tubercules plus gros que les granulations, La face externe porte cinq lignes saillantes de granulations. Le pouce est granuleux en dessus, Son extrémité, de même que celle de l'index, est noire. Les pates ambulatoires sont fortes et de longueur médiocre. Le septième article de l'abdomen du mäle est mince et allongé.

Couleur rougeâtre avec des taches jaunes.

Largeur de la carapace : 0",090.

Longueur : 0,058.

Habite les côtes de la Nouvelle-Zélande.

Cette espèce ressemble beaucoup au Cancer Plebeius des côtes du Chili Elle peut cependant s'en distinguer { facilement, si l’on observe les gt anulations des pinces et la forme des dents ou lobes qui découpent les bords latéro- antérieurs. Chez le €. Novæ-Zelandiæ , les neuyième et dixième lobes sont arrondis et peu avancés ; au contraire, chez le C. Plebeius, ces lobes prennent la forme de véritables dents, ils sont plus ou moins triangulaires et aigus.

I est bon de remarquer que la carapace des femelles diffère considé- rablement de celle des mâles; elle est beaucoup plus bombée dans tous les sens, et les régions y sont moins fortement indiquées. Les pinces des mâles sont plus fortes et plus granuleuses.

Collection du Muséum.

4 CANCER BELLIANUS (Johnson).

Cancer BezLianus. Johnson, On a new Crab from Madeira. Proceed. of zool. Soc., 1864, t. XXV, Pe 240, pl. xxvIu.

Carapace élargie médiocrement bombée ; régions assez fortement mar- pr surface couverte de granulations. Bords latéro-antérieurs divisés en ix lobes quadrilatères dépassant à peine leur ligne de jonction. Chaque lobe est lui-même armé de trois dents sur son bord, la médiane étant la plus grande. Le dixième lobe est petit et plus aigu. La ligne post-branchiale est fortement granuleuse, Le bord sourcilier ne présente ni épines ni tubercules,

ALPH, MILNÉ-EDWARDS, —— SUR LES CANCERIENS. 191

L’angle orbitaire intérne est moins saillañt que le Mont, donl détit médiane est plus petite, plus säillante et située suf un plan inférieur aut déux latéräles. L'article basilaire des anténnes externes est fort, et se terthine par uhe pointe obtuse. Les pattes antériéurés sont Subégales. L'avaht-bras, marqué éñ dehors de granulations, pôrte en dedans uné épiné. La surfäcé extérñe mai est ornée de lignes longitudinälés &fanulatiohs, parmi lesquellés sônt pétites épinés. Les pattés ambulatoires sotit longués ét marquéés sillôns et de crêtes ns Le troisième segment l'abdomëèn du mâle est le plus large.

Couleur d’un brun pâle, tacheté de rouge.

Largeur de carapace : 0",090.

Longueur : 0",055.

Habite l’île Madère.

On ne connaît encore que deux did, cétte espèce, dôht un äppar- tient au Musée Britannique. Elle présente beaucoup d’arialogiés avét 16 €. Ple- beius. Elle en diffère par grosseur dés pattes antérieures, 16 peu de Saillie déé épinés tubérculiformes de la main, la plus grände proémifiencé Ue la dent médiäne dés lobes latéro- antérieurs, la plus grandé profusion poils qui voient sous la carapace.

5 CANCER IRRORATUS (Sy).

CANCER IRRORATUS. Say, Journ. Acad. ent. sc. Philadelph., 1817, t.E, p. 59, pli av, PLATYCARCINUS IRRORATUS. Milne-Edwvards, Hist. nat. des Crust., t. 1, p. 414.

CanxcErR SAÿi. Gould, Invertébrata of Massachüssets, 1841.

CANGER BOREALIS ? Stimpéôn, Votes on the North American Crustacea, p: 4.

Lyceum of nat. Hist. of New-York. 1858, p. 4.

. Carapace élargie, pius bombée chez les femelles que chez les mâles; sur- face couverte de granulations bien visibles qui lui donnent un aspect cha- griné; régions obscurément marquées. Bords latéro-antérieurs découpés en dix dents inégalement saillantes : les premières sont peu avancées et ressem- blent plutôt à des lobes; les dernières deviennent triangulaires et saillantes ; leur bord est granulé. En arrière de la dent postérieure se voit sur la ligne post-branchiale une petite saillie à peine marquée. Le bord sus-orbitaire est

192 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

droit, et l’angle orbitaire interne, moins avancé que le front; la dent médiane est plus petite, mais un peu plus avancée que les latérales qui sont larges et aplaties. L'article basilaire des antennes externes se termine par une pointe arrondie. Le troisième article des pattes-mâchoires externes est subrectangu- laire, et son bord antérieur est presque droié au lieu d’être arrondi comme chez la plupart des autres espèces du même genre. Les pattes antérieures sont sub - égales ; l’avant-bras est garni en dehors de lignes rugueuses et granuleuses, et en dedans d’une épine longue et pointue; la main porte en dessus une carène granuleuse et en dehors des lignes rugueuses ou granuleuses. Les pattes am- bulatoires sont de longueur médiocre, comprimées, poilues et garnies de quel- ques lignes de granulations. Le septième article de l’abdomen du mâle est long, terminé par une pointe effilée.

Couleur blanchâtre avec des granules rouges.

Longueur de la carapace, 0" 075. É

Longueur, 0" 050.

Habite les côtes de l’Amérique septentrionale.

La femelle diffère du mâle par plusieurs particularités; la carapace est en effet plus bombée chez la femelle, et on n'aperçoit sur les régions branchiales aucune trace des lignes de ponctuations blanchâtres que l’on voit chez le mâle. |

M. Bell avait eru devoir rapporter à cetle espèce l’une de celles du Chili, dont nous avons parlé sous le nom de C. Plebeius. Cependant la description donnée par Say est suffisante pour caractériser ce Crustacé qui ne se ren- contre d’ailleurs que sur les côtes de l'Amérique septentrionale.

Gould avait désigné cette même espèce sous le nom de Cancer Sayi. Cette dénomination ne peut être conservée, puisque le nom d’/rroratus avait été proposé en 1817. Le Cancer borealis de M. Stimpson me paraît en être seulement uue variété.

Collection du Muséum.

ALPH, MILNE-EDWARDS. SUR LES CANCERIENS, 193

6 CANCER EDWARDSEHEE Bel.).

Cancer EDWARDSIT. Bell, On the genus Cancer. Transact. zool. Soc., 1835, L. L p- 338, pl. xr1v. - Dana, United States Eæpl. Exped. Crust., 1852, 1. 1, p. 153 Prarycarenus Enwarpsn. Lucas in d'Orbigny, Voyage dans l'Amérique mérid , 1843. Crust., p. 20. Gay, Historia de Chile, 4849, L LIT, p. 144. x Cancer Novi-ZeALANDIiÆ£.? White, Crust. Voy. of the Erebus and Terror, pl. 1, fig. 5.

Carapace assez fortement bombée , élargie ; surface couverte de petites granulations ; régions très-obscurément indiquées. Bords’ latéro-antérieurs découpés en dix lobes peu saillants et ne dépassant que peu leur ligne de jonc- tion ; leur bord libre est divisé en deux ou trois dentelures dont une est en géné- ral plus saillante que les autres; la neuvième dent est garnie de très-petites denticulations, elle est triangulaire et plus aiguë que les autres; la dixième est peu saillante, en arrière on aperçoit le rudiment d’une onzième dent, d’où part la ligne granuleuse post-branchiale. Le bord sourcilier est dépourvu de dents ; l'angle orbitaire interne et supérieur est un peu moins proéminent que les dents frontales qui sont au nombre de trois; la médiane est extrêmement petite et sur un plan un peu inférieur aux latérales. Le bord sous-orbitaire porte en dedans de l'angle interne une très-petite dent. Le troisième article des pattes- mâchoires internes est long et arrondi à son extrémité. Les pattes antérieures sont grandes et fortes surtout chez les mâles, elles ne portent ni tubercules ni épines, mais ressemblent beaucoup à celles du Cancer Longipes. L’avant-bras porte en dedans une épine peu acérée, et en dessus aussi bien qu’en dehors quel- ques lignes de fines granulations. La main est garnie en dessus et en dehors de quelques lignes semblables peu saillantes. Les pattes ambulatoires sont fortes, glabres, marquées de quelques lignes de granulations peu saillantes ; le doigt est fort et aigu. Le septième article de l'abdomen du mâle est très-allongé et effilé à son extrémité ; l’antépénultième est subrectangulaire.

Couleur d’un rouge brun sombre avec quelques taches d’un jaune foncé.

Largeur de la carapace. 0" 450.

Longueur, 0" 078.

Habite les côtes du Chili.

Collection du Muséum,

194 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

CANCER PRODUCTUS.

CANCER PRODUCTUS. Randall, Journ. Acad. nat. sc. Philad., t. VHH, 1839, p. 116.

_— Dana, Unit. Stat. Expl. Exped. Crust., t. F, p. 456, pl. vn, fig. 3. 1852

Stüimpson, Prodromus. Proceed. of the Acad. of nat. sc., 1858.

t. [, p. 88. Crustacea and Echinod. of the Pacific Shores of North America (Journal of the Boston Soc. of nat. s1., t. VI, 4857, p. 21. 1857). PLATYCARCINUS PRODUCTUS. Gibbes, Proceed. Americ. Assoc., 1850, p. 477.

Carapace médiocrement bombée, peu élargie; régions distinctement mar- quées; lobes protogastriques beaucoup plus saillants que le front ; surface cou- verte de granulations visibles seulement à l’aide d’une forte loupe. Bords latéro-antérieurs découpés en dix dents; la dernière étant rudimentaire, les autres subégales, triangulaires, peu saillantes, surtout les premières. Bord sourcilier, dépourvu d’épines. Angle orbitaire interne, arrondi à son extrémité. Front avancé et élevé ; les trois dents qui le composent sont larges, arrondies au bout, les échancrures qui les séparent sont peu profondes. Article basilaire des antennes externes peu avancé et arrondi à l'extrémité. Troisième article des paltes-mâchoires externes plus court que chez les autres espèces du genre Cancer; leur angle antéro-interne est arrondi et au-dessous se trouve une échancrure profonde pour l'insertion du quatrième article. Pattes antérieures subégales; avant-bras armé d’une épine en dedans et d’un tubercule vis-à-vis le condyle supérieur de la main et marqué de quelques impressions rugueuses et granuleuses sur sa face externe; main présentant en dessus deux lignes saillantes, granuleuses qui portent chacune trois ou quatre tubercules; sa face externe marquée de quatre lignes saillantes, longitudinales et granuleuses. Pattes ambulatoires assez fortement comprimées; cuisse ciliée en dessus; doigts aigus et portant trois lignes de poils. Septième article de l'abdomen du mâle triangulaire et terminé par une pointe effilée, les côlés étant concaves.

Couleur d'un rouge sombre marqué de jaune, Extrémité des pinces noire.

Largeur de la carapace, 0" 085.

Longueur, 0" 053. :

Habite les côtes de Californie : San-Francisco, etc.

A. MILNE-EDWARDS. SUR LES CANCÉRIENS. 195 : Randall avait décrit cette espèce d’après de jeuñes individus qui diffèrert beaucoup de ceux arrivés à leur complet développement. L'échantillon figuré par Dana est aussi un jeune, mais il a indiqué les différences qu'il présentait avec d’autres plus avancés en âge. M. Stimpson, qui n'avait d'abord que de grands individus, était disposé à y voir une espèce distincte qu'il comptait faire connaître sous le nom de C. Perlatus, düand il reçut un grand nombre d'exemplaires de cette espèce à différents âges; il put alors étudier et décrire les transformations subies par un même individu aux diverses époques de la vie.

Chez les jeunes, les dents latérales sont très-pét Saillatités, peu pointues et dépassent à peine les lignes de jonction; les dents du front sont à peine séparées les unes des autres. À mesure que ces crabes grossissent, les dents se dessinent davantage: Les féthéllés Suht béducoup plus Cohvèxes que les mâles.

Collection du Muséum.

Se CANCER GRACILIS {Dana). Cancth axaciiis, Dana, Unit. Stat. Explor: Exped. Crust., 1. 1, p. 453, pl vit, fig. 2.

Stimpson, Proceed. of the Acad. nat. se., t. L p. 88. Crust. and Echinod. of the Pacific Shores of North America (Journal of the Boston Soë. of nat. hist., t. VE, p.20. 1857.)

Carapacé peu bombée, médiocrement élargie; surface couverte de très- fines granulations; régions à peine distiictes: Bord latéro-antérieür découpé en dix denté dont la dernière est rudimentaire ; les neuf premières dents sont semblables, triätiguläires, aiguës, arquées en avant et finement grariuleuses sur leur bord. Le bord sourcilier est dépourvu d’épinès. Angle orbitaire interfiè moins avancé que le front; ce dernier découpé en trois dents, la médiane dif peu plus avancée que les latérales. Article basilaire des antennes externes large et peu saillant. Troisième article des pattes-mâchoires externes plus long que large, extrêmement arrondi en avant et cilié sut 8es bords. Pattes anté- rieures subégales; avant-bras armé en dedans de deux épines, l'une placée comme chez les autres espèces du même genre à l'arigle antéro-interne, l'Autre plus petite et située au-dessous de la première; un petit tubercule vis-k-vis le condyle articulaire supérieur de la main, celle-ci ornée en dessus d’une

196 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

crête unie ou bidentée ; sur la face externe on remarque des lignes longitudi- nales granuleuses ; le pouce est très-large et granuleux en dessus; l'extrémité des doigts est blanche. Pattes ambulatoires nues; doigt long, grêle, glabre. Septième article de l'abdomen du mâle long et effilé.

Couleur violacée, tachetée de jaune.

Largeur de la carapace, 0" 065.

Longueur, 0" 042.

Habite les côtes de Californie : la baie de San-Francisco, de Toma- les, etc.

Collection du Muséum.

9 CANCER ANTENNARIUS (Stim..

CANCER ANTENNARIUS. Stimpson, Proceed. of the Acad. nat. sc., t. I, p. 88. Crust. and Echinod. of the Pacific Shores of North America (Journ. of the Boston Soc. of nat. hist., 1857, t. VI. p. 22, pl. xvur.

Carapace épaisse, mais peu bombée; sa surface couverte de très-fines gra- nulations qui disparaissent presque complétement sur les portions centrales de ce bouclier céphalo-thoracique, et ne sont saillantes que vers les bords; régions assez fortement marquées ; lobes protogastriques saillants et beaucoup plus élevés que le front. Bords latéro-antérieurs découpés en dix dents ; la pre- mière et la deuxième arrondies à l'extrémité; les suivantes triangulaires , aiguës, arquées en avant, à bord denticulé; la dixième dent est rudimen- taire, et en arrière on voit une petite saillie à peine marquée, d'où part la ligne granuleuse post-branchiale; chez les jeunes individus ellé est plus mar- quée que chez les vieux. L’angle orbitaire interne est large, arrondi à l’extré- mité et moins säillant que le front qui est découpé en trois dents, la médiane est située sur un plan un peu inférieur et elle est un peu plus grêle que les autres. Bord sourcilier portant une dent entre les deux fissures, comme chez le Cancer dentatus. Article basilaire des antennes externes large et portant quelques poils. Troisième article des pattes-mächoires externes plus long que large, à bord antérieur arrondi et cilié. La crête endostomienne qui limite en dedans le canal expirateur est plus saillante que chez aucune autre espèce du même genre. La première paire de pattes est robuste et très-forte surtout chez

ALPH. MILNE-EDWARDS. SUR LES CANCGÉRIENS. 197

le mâle. Avant-bras lisse portant en dedans une pointe obtuse. Main courte, lisse, arrondie en dessus, dépourvue de crêtes et de lignes saillantes en dehors; chez les jeunes individus on remarque sur l’avani-bras et la main quelques lignes granuleuses qui ne tardent pas à s’effacer. Les doigts sont gros, arron- dis et noirs à l’extrémité. Pattes ambulatoires fortes, de longueur médiocre et poilues sur leurs bords. Septième article de l'abdomen du mâle efilé et pointu.

Couleur d’un brun rouge foncé en dessus. d’un jaune blanchâtre en dessous avec quelques taches rouges.

Largeur de la carapace, 0" 130.

Longueur, 0" 095.

Habite les côtes de la Californie : la baie de San-Francisco, Monterey, la baie de Tomales.

Sur une variété de cette espèce trouvée dans la baie de Tomales, la par- tie supérieure de la carapace, aussi bien que la partie inférieure, était cou-

verte de poils.

Collection du Muséum.

10° CANCER DENTATUS.

CANCER DENTATUS. - Bell, Observations on the genus Cancer. Transact. zoo. Soc. 1838, t. I, p. 339, pl. xLv. Dana, United States Explor. Exped. Crust., 1852, . I, p. 155. Porxopon. Pæppig, Cruslacea Chilensia nova aut minus nota. Archiv für Naturgesch., von Wiegmann, 1836, p. 133. PLATYCARCINUS DENTATUS. Lucas in d'Orbigny, Voy. dans l’Amérig. mérid., 1843. Crusl.,

P- 2 L _ Gay, Historia de Chile, 1849, 1. TIL, p. 143.

Carapace médiocrement bombée, élargie; surface couverte de petites gra- nulations mêlées de ponctuations ; régions circonscrites par des dépressions pro- fondes ; lobes protogastriques beaucoup plus élevés que le front. Bords latéro- antérieurs découpés en dix dents triangulaires (en comptant l’angle orbitaire externe), aiguës, proéminentes et bien détachées ; le bord de chaque dent est lui-même denticulé; la dixième dent est beaucoup plus petite que les autres, et en arrière on aperçoit un tubercule obtus, d'où part la ligne saillante gra- nuleuse post-branchiale qui se continue parallèlement aux bords latéro-posié-

198 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

rieurs jusqu'au bord postérieur du bouclier céplialo-thoracique. L'ahgle orbi- taire externe qui forme la première dent est triangulaire et saillant. Le bord soürcilier est interrompu par deux fissures profondes, entre lesquelles existe uñe dent triangulaire. L’angle orbitaire interne ést saillant, large à la base et aigu à l'extrémité. Le front est découpé en trois dents très-rapprochées et aiguës, la médiane plus avancée se trouve sur un plan un peu iñférieur aux deux äütres. L’angle orbitaire inférieur et interne est aigu et saillants L'article basilaire des antennes externes est grand, aigu et dépasse de beaucoup l'angle orbitaire. Le troisième article des pattes-1fiâchoires externes ést long et arrondi en avant; le quatrième article s’insère presque au miliet dt bord interne. Les pattes antérieures sont robustes ; l’avant-bras est armé sur son bord äntérieur de deux dents robustes dont l’interne est la plus saillante; sur sa face eXterne on compte en général trois lignes de tubercules. La mait est épaisse et indique une grahde puissance musculaire, elle est ornée en dessus de deux lignes parallèles armées de tubercules plus ou moins aigus qui se proldngent sut le ‘pouce; sur la face externe de la main on remarque Cifiq lignes parallèles gra- nuleuses. Le pouce porte sur son bord préhensile cinq ou six dents arrondies et peu saillantes; on en compile trois ou quatre sur l'index. L’extrémité de ces doigts est noire. Les pattes ambulatoires sont très-poilues; la jambe et le pied sont marqués de lignes rugueuses et larges; le doigt est fort et peu allongé. Le septième article de l'abdomen du mâle est long et effilé, le sixième est subrectangulaire, à bords latéraux un peü Concaves. L'abdomen de la femelle est large et bombé. |

Chez les individus de grande taille et avancés en âge, les denticulations et les tubercüles tendent à s'émousser, les dents latéro-antérieures sont à peine crénelées, la main est presque lisse en dehors et couverte en dessus de tubercules obtus.

Couleur d’un rouge brun légèrement tacheté de jaune.

Largeur de la carapace, 0" 4/5.

Longueur, 0°” 100.

Habite les côtes du Chili,

Collection du Muséum.

A, MILNE-EDWARDS. SUR LES CANCÉRIENS, 199

12° CANCER LONGIPES.

CANCER LONGIPES. Bell, On the Genus Cancer (Trans. zool. Soc., 1835, vol. 1 p. 337, pl. Xuu.) PLATYCARCINUS LONGIPES. Lucas, dans url Voyage dans l'Amériqg. mérid., 1843. Crust. 0. Gay, Historia de Chile, 1843, t. UL, p- 144.

Carapace très-fortement bombée, élargie; sa surface couverte de très- fines granulations. La région gastrique est peu marquée; les sillons qui sépa- rent la région cardiaque des régions branchiales présentent une disposition tout à fait particulière. Au lieu d’être distants l’un de l’autre et de former une impression. assez semblable à la lettre H, comme chez la plupart des autres Cancériens, ils sont concaves en dehors et se touchent, par leur convexité, sur la ligne médiane, formant sur ce point une dépression peu profonde, de telle sorte que les régions branchiales se touchent presque. Cette particu- larité d’ organisation est très- remarquable et permet de distinguer au premier coup d'œil le Cancer longipes des autres espèces du même genre. Le bord latéro-antérieur est divisé en dix dents très-peu saillantes et ne dépassant guère leur ligne de jonction. Sur leur bord , on voit de petites denticulations granuliformes. La dixième dent est à peine indiquée, la neuvième est peu saillante mais plus aiguë que les autres. Le bord sourcilier ne porte pas de dents. L’ angle orbitaire interne et supérieur est triangulaire et up peu moins avancé que le front qui est tridenté, les dents étant larges , aplaties, à peu près également saillantes et placées sur le même plan, L'article basilaire de l'antenne externe est peu saillant et terminé par une pointe. Le troisième article des pattes-mâchoires externes est allongé et arrondi en avant. La première paire de pattes est assez robuste. L'avant-bras porte en dedans une épine aiguë et peu saillante. Une ligne de granulations un peu plus forte que celles qui se voient sur les autres parties du test s'étend au-dessus de l’avant- bras jusqu'à la base de cette épine. La main ne porte ni épines, ni tuber- cules; en dessus on y remarque des granulations un peu plus fortes que les autres qui se continuent sur le pouce. Sur la face externe de la main, ces grosses granulations sont disposées en cinq séries longitudinales à peine

200 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

saillantes. Les pattes ambulatoires sont assez longues, mais surtout très- grêles. Sur leurs différents articles , on observe quelques séries de granu- lations. Le pied et le doigt sont seuls un peu poilus. Le septième article de l’abdomen du mâle est triangulaire et peu efilé à la pointe; le pénultième est un peu renflé latéralement.

La carapace et les pattes sont rouges, marquées de taches jaunes en des- sous ; le Corps est jaunâtre.

Largeur de la carapace : 0" 110.

Longueur : 0",075.

Habite les côtes du Chili.

Collection du Muséum.

TABLEAU DES ESPÈCES DU GENRE CANCER.

Sillons branchio-cardiaques, se touchant sur la ligne média

C. LONGIPES. Dents latéro-antérieures peu saillantes et ne AR que peu Pinces lisses, ieur ligne de jonction

PAGURUS. Dents latéro-antérieures triangulaires et proéminentes...,..,,.,. ANTENNARIUS. . É

Dents lat.-ant, | Dents du bord lat.-ant. profon-

: peu saillantes dément denticulées.......,.. EDWaRDS11. tronquées, 9e dent plus Sillons branchio- q : P PLEBEIUS. cardiaques sé- denticulées ou | Dents lat.-ant aiguë que ee Dares Pl de dentées elles- | faiblemen les autres. . ; l'autre par la EN mêmes enticulées. Ÿ ge dent lat.-ant. région cardiaque, sourcilier obtuse, ...... NOVÆ-ZELANDIÆ dépourvu de Pinces garnies dent. | Front très-ayancé , PRODUCTUS. de tubercul Dents lat.-ant. ee Hsnpiscare psg Avant-bras garni d’épines : saillantes passant que ; ù de crêtes triangulaires obéir é Le AR pied épine........ IRRORATUS. granuleuses. et non denti- les a

ngles orbitaires [| Avant-bras por- tant 2 épines.. GRACILIS.

Bord sourcilier armé d’une dent

DENTATUS.

ALPH. MILNE-EDWARDS. SUR LES CANCÉRIENS. 204

Genre METACARCOCINUS (A. Edw.).

Cancer (pars). Dana, Unit. Stat. Expl. Exped. Crust.,t. 1, p. 151. Stimpson, Proceed. of the Acad. nat. se. Philad., t. 4, p. 88. Journal of the Boston Soc. of nat. hist., t. VI, p. 18. MeracarcNus. Alph. Milne-Edwards, Crust. foss. Ann. se. nal., série, &. XVI, p. 35. 1862.

Le genre Métacarcinus, dont j'ai proposé la création dans un précédent mémoire, ne comprend jusqu’à présent qu’une seule espèce propre aux côtes de Californie, que M. Dana avait rangée dans le genre Cancer, sous le nom de C. Magister.

En effet, par les principaux traits de son or sanisetionié ce Cancérien se rapproche beaucoup des espèces du genre que nous venons d’étudier.: La forme de la carapace est la même. Les bords latéro-antérieurs sont découpés en dix dents; le front est composé de trois dents. Les fossettes destinées à loger les antennules sont creusées presque longitudinalement sous le front. L'article basilaire des antennes externes est gros et tellement long qu’il dépasse le rebord frontal, la tigelle s’insérant en dehors de l'orbite. Jusqu'ici ces caractères s’appliqueraient également aux Cancers (Platycarcins de M.-Éd- wards). Mais si on examine la conformation des pattes ambulatoires, on reconnaît qu’elles sont construites sur un tout autre type. En effet, elles sont aplaties et comprimées en palettes natatoires, comme chez les Portuniens. Le pied de la cinquième paire est large, court et plat; le cancer Mænas est loin de présenter cette disposition à un aussi haut degré, el cependant personne n'hésite à le ranger parmi les crabes nageurs. Néanmoins, si l'on veut suivre les lois des classifications naturelles et ne pas se borner à l'examen d'un seul caractère, on est conduit à laisser les Métacarciens à côté des Cancers dont ils ne sont qu’une forme dérivée. I est aussi à noter que chez certaines espèces de ce dernier genre, le Cancer Productus (Rand), par exemple, les pattes ambulatoires étaient déjà un peu comprimées, mais beaucoup moins que chez le M. Magister.

202 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

METACARCINUS MAGISTER (Dana).

Voy. pl. XIX.

CANCER MAGISTER. Dana, fig. 4

Stimpson, Proceed. Acad. nat. sc. Philad., t. 1, p. 88. Crustacea and Echinod. of North America. (Journ. of the Boston Soc. of nat. hist., t. VI, p. 48.)

METACARGINUS MAGISTER. Alph. Milne-Edwards, Ann. des se. nat., 4 série, t. XVIIE, p. 33.

Randall, Journ. Acad. nat. sc. Philad., t. IX.

Unit. Stat. Expl. Exped. Crust., 4852, t.1, p. 4154, pl. vu,

CANCER IRRORATUS.

Carapace élargie, peu bombée; surface couverte de petites granulations arrondies. Régions obscurément indiquées. Bords latéro-antérieurs minces et découpés en dix dents triangulaires plus ou moins saillantes, aiguës et granuleuses sur leur bord. Ces dents sont de plus en plus grandes à mesure que l'on s'éloigne de l’angle orbitaire; la dixième est aiguë et se dirige presque directement en dehors. Bord postérieur saillant et granuleux. Bord sourcilier droit. Front plus avancé que les angles orbitaires internes et formé de trois dents très-petites, dont la médiane est la plus grande et la plus avancée. Article basilaire des antennes externes, fort et terminé par une pointe prismatique triangulaire. Le troisième article des pattes mâchoires externes est arrondi et cilié au bout. Pattes antérieures subégales. Avant- bras un peu granuleux en dehors, il est marqué de lignes saillantes, armé en dedans d’une épine assez forte au-dessous et en dedans de laquelle en existe une plus petite. Main garnie en dessus d’une crête dentée en scie, qui se continue sur le pouce et en dehors de cinq lignes longitudinales granuleuses; les dents qui arment le bord tranchant des doigts sont en général petites, triangulaires, aiguës, et s’engrènent les unes dans les autres, comme on le remarque chez certains Portuniens. Les pattes ambulatoires sont longues, très-comprimées, granu- leuses en dessus ; le doigt et le pied sont ciliés sur leurs bords. Le septième article de l'abdomen du mâle est petit, triangulaire et arrondi à son extrémité.

Couleur jaunâtre avec des granulations d’un rouge violacé.

Certains individus atteignent une taille considérable, On en trouve qui ont 0",180 de largeur, sur 0,195 de longueur.

Habite la baie de San-Francisco (Californie). Collection du Muséum.

ALPH. MILNE-EDWARDS. SUR LES GANCÉRIENS. 208

ESPÈCES FOSSILES.

CANCER PAGUROIDES.

=

Desmarest, Crustacés fossiles, 1822, p. 90, pl. v, fig. CANCER BEAUMONTI.

Platycarcinus Beaumonti. Milne-Edwards in d’Archiac, Histoire des Progrès de la Géo-

logie, 4850, t. IT, p. 30% #.

Alph. Milne-Edwards, Monographie des Cancériens fossiles, t. L Ann. des se. nat. Zool., série, t: 1, p. 72, pl. im,

fig: 1, 49, 4h

Cancer Beaumonti.

Cancer DESHAYESII. 2. PA

Alph. Milne-Edwards, 0p. eit., p. 74, pl. iv, fig. 1et2, et pl. v, Ôg. CANCER SISMONDE. Ti R H. von Mever, in Leonhard und Bronn’s Jahrbuch 1843, p. 589. uus. E. Sismonda, Descrizione dei Pesci e dei Crostacei fossili nel Piemonte (Mem. dell Reale Acad. di Torino, 2 série, L. Xs p. 58, pl. un, fig. 1-2). Alph. Milne-Edwards, op. cil., Ann. des sc, nal., pl. vi, fig. 4, 4* et pl. vit, fig. 4.

Cancer Sismondeæ. Platycarcinus antiq

Cancer Sismonde. 4.h:p. 76,

Gexre LOBOCARCINUS. Reuss, Zur Kenntniss fossiler Krabben, p. 38.

LOBOCARCINUS PauLiNo-WURTEMBERGENSIS - H. von Mever, Palwontographica, 185, t. I,

p- 94, pl. n.

Cancer Paulino-Wurtembergensis. op. cil., p. 38, pl. v, fig. 5; pl. vi,

Lobocarcinus Paulino-Wurtembergensis. Reuss, | fig. 1

et 2. Alpb. Milne-Edwards, 0p- cit., Ann. des sc. nat:,t. L p. 81, pl. vuret pl: 1x.

204 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

S II AGÈLE DES PIRIMÉLIDES.

Les Pirimélides doivent être considérés comme formant un groupe dérivé de l’agèle des Cancérides. Tous ces Crustacés présentent en effet certains caractères qui leur sont communs et qui les isolent des autres Cancériens; mais, d'autre part, ils se distinguent des Cancérides par des particularités de formes trop importantes pour que l’on puisse les réunir côte à côte dans une même section, qui n’aurait plus alors aucun caractère naturel. En effet. les Pirimèles se rattachent au type fondamental des Cancériens. Mais pour que la classification de cette famille soit la représentation fidèle des modi- fications organiques qui distinguent entre eux les Brachyures arqués, il me semble nécessaire de les isoler plus que l’on ne l’a fait jusqu'ici et de les placer dans une section particulière, afin de bien indiquer la distance qui les sépare, soit des Cancérides et des Xanthides, soit des autres agèles principaux de la même famille. 11 est vrai que, dans l’état actuel de la science, la division des Pirimélides ne comprend qu’une seule espèce ; mais elle n’en représente pas moins un type secondaire, qui ne pourrait prendre place dans aucun autre agèle de la famille des Cancériens, sans détruire la valeur de ces groupes au point de vue de la classification naturelle, et cette considération me semble devoir être prépondérante.

Ainsi que je l'ai déjà fait remarquer, les Pirimèles ressemblent un peu. par la forme générale de leur carapace, au Carcinus Mænas.

Ces Crustacés se distinguent des Cancérides, des Xanthides et des Car- pilides, par le peu de largeur du bouclier céphalo- thoracique , dont le

diamètre longitudinal est presque égal au diamètre transversal. De même

que chez la plupart des espèces de la famille des Cancériens, le front et les bords latéro -antérieurs représentent un segment de cercle. Mais ces derniers ne se prolongent pas en arrière jusqu’au niveau du milieu de la carapace et

ALPH. MILNE-EDWARDS. SUR LES GANCÉRIENS. 205

ne se, recourbent pas en dedans à leur partie postérieure, comme cela a lieu chez la plupart des Cancériens ; au contraire, ils forment, avec les bords latéro-postérieurs, un angle très-marqué. La face supérieure du bouclier dorsal est médiocrement convexe, et les régions, ainsi que les divisions lobulaires, sont saillantes et bien marquées. Le front est très-étroit, hori- zontal, avancé et denticulé. Les orbites sont petites et dirigées en avant. Les bords latéro-antérieurs sont minces et profondément divisés en cinq dents aplaties, pointues et subégales. Les antennes internes se replient lon gitudinalement dans les fossettes destinées à les recevoir, qui sont elles- mêmes étroites et disposées sous le front, à peu près comme chez le Tourteau (Cancer Pagurus) et les espèces du genre Cancer, tandis que chez les autres Cancériens, les autennules se replient transversalement. L'article basilaire des antennes externes est étroit et se réunit au front; mais la tigelie mobile de ces organes naît dans le canthus interne de l'orbite, comme chez les Xanthes. L'Épistome est petit, sa portion médiane a la forme d’un losange, et il devient presque linéaire entre cette partie et les tubercules auditifs. Le bord antérieur du cadre buccal est saillant, nettement dessiné et très-contourné ; enfin, l'en- dostome n’est pas canaliculé. Les pieds-mâchoires externes, au lieu d’être enchâässés par le cadre buccal, sont libres en avant et s’avancent sous la région épistomienne. Leur troisième article est plus long que large , et porte, à son bord interne, la tigelle palpiforme. Le plastron sternal est orbiculaire à peu près comme chez la plupart des Nanthiens. Les pattes antérieures, de grandeur médiocre, ressemblent, par la forme des mains et par les crêtes longitudinales dont celles-ci sont garnies, aux pinces des Portuniens bien plus qu’à celles de la plupart des Cancériens. Il en est de même des pattes des quatre paires suivantes; mais ces organes son! tous terminés par un doigt grêle et styliforme. L'abdomen de la femelle est peu élargi, et dans celui du mâle, l’antépénultième article est soudé aux deux anneaux qui le précèdent, de façon à réduire à cinq le nombre total des pièces mobiles de cette région du corps. :

206 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

Genre PIRIMELA (Leach).

Cancer. Montagu, 7ransact. Linn. Soc., &. IX, pl. n. PirimeLa. Leach, Malacostraca Podoph. Britannie. Desmarest. Latreille. Costa. Milne-Edwards. Th. Bell. Heller.

Le genre Pirimela fut établi, en 1845, par Leach, pour un petit Crustacé cancérien, qui se trouve communément sur les côtes de la Manche, et qui. par son aspect général, ressemble beaucoup au Carcinus Mœnas et à quelques Platyonyques, mais qui, sous d’autres rapports, se rapproche considérable- ment des Crabes proprement dits. Latreille ! placa les Pirimèles dans la section des Brachyures arqués, à côté des Xanthes; M. Milne-Edwards les rangea aussi dans la famille des Cancériens ?, à la suite des Pilumnes et des Ruppellies; mais Dehaan, se fondant sur des caractères d’un ordre secon- daire, et attribuant beaucoup trop d'importance aux différences de structure qui s’observent dans quelques pièces de la bouche, éloigna les Pirimèles de son grand genre Cancer aussi bien que du groupe des Portuniens, et les relé- gua dans la division des Corystes, d’ailleurs, il réunissait les types les plus dissemblables ; par exemple, les Polybies, les Chlorodes, les Thies, les Atele- cycles et les Corystes #; mais un tel assemblage ne pouvait être considéré comme naturel et ne fui adopté par aucun autre carcinologiste. Pour M. Dana, les Pirimèles sont des Cancérides qui prennent place dans la même subdivi- sion que le genre Cancer proprement dit 4. Enfin, M. Th. Bell classe égale- ment ces Crustacés dans la famille des Cancériens 5, et M. Heller les range dans le groupe qui comprend à la fois ces derniers aussi bien que les Portu- niens 6, et qui a été appelé la division des Cyclométopes. Le genre Pirimèle composant à lui seul l'agèle des Pirimélides, je ne reviendrai pas sur les par- ticularités d'organisation qui le distinguent, et je me bornerai à renvoyer à ce que j'en ai dit plus haut.

1. Latreille, Règne animal de Cuvier, édition, 1829, t. IV, p. 38. 2. Milne-Edwards, Histoire naturelle des Crust., 183%, t. KL, p. 493. 3. Dehaan, Fauna japonica. Crustacea, p. 13.

4. Dana, Explor. Exped. Crustacea, t. 1, p. 148.

5. Bell, À history of the British stalkeyed Crustacea, 1853, p. 74.

6. Heller, Die Crustaceen des südlichen Europea, 1863, p. 63.

ALPH. MILNE-EDWARDS. SUR LES CANCGÉRIENS. 207

4 PIERIMELA DENTICHEEATA.

Cancer penrTicucarus. Montagu, Transact. of the Linn. Soc., t. IX, pl. u, fig. 2. PIRIMELA pEnTicuLATA. Leach, Malacostraca, pl. nr.

_— Desmarest, Considérat., p. 106, pl. 1x, fig. 1.

Latreille, Encyclopédie méth., t. X, p. 138.

Costa, Fauna di Napoli, Crust., p. 1.

Fr SS Le Milne-Edwards, Hist. nat. des Crust., t. I, p. 424.

Milne-Edwards, Règne animal de Cuvier; Atlas Crust., pl. x,

fig. À

Bell, Brit. Crust., p. 72. _ Heller, Crustaceen des südlichen Europea, 1863, p. 64, pl. u, g. 4

Carapace étroite, sans tubercules ni granulations, fortement bosselée en avant sur les régions gastrique, hépatique et branchiale antérieure; por- tion postérieure du bouclier dorsal presque lisse. Front avancé, lamelleux et découpé en trois dents (sans compter les angles orbitaires internes); la médiane petite et plus avancée que les latérales, qui elles-mêmes se trouvent en avant des angles orbitaires internes et supérieurs. Bord sourcilier portant une petite dent. Bords latéro-antérieurs courts, minces et divisés en cinq dents (en comptant l’angle orbitaire externe) larges, pointues, dirigées en avant et en dehors et à peu près égales entre elles. Bords latéro-postérieurs longs et droits. Pattes antérieures faibles; main portant en dessus des carènes dont _ l'interne est plus saillante, et en dehors plusieurs lignes saillantes longitudi- nales: doigts longs, pointus et fins. L’arant-bras porte trois crêtes saillantes sur sa face externe, et une dent pointue à l’angle antéro-interne.

Habite les mers d'Europe.

Couleur verdâtre. ;

Largeur de la carapace, 0"027.

Longueur, 0"023.

Collection du Muséum.

06 : NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

S Ii AGELE DES CARPILIDES.

Les Crustacés dont se compose l’agèle des Carpilides se reconnaissent aisément à la forme de leur carapace, qui est en général fortement bombée dans tous les sens, aussi bien d'avant en arrière que latéralement. Chez les Xanthiens, ce bouclier céphalo-thoracique est plus ou moins bombé dans le sens antéro-postérieur, mais les régions branchiales se trouvent presque au même niveau que la région cardiaque. Le front des Carpilides est large et déclive; les orbites petites et dirigées directement en avant. Les bords latéro- antérieurs sont très-longs et forment avec le front une légère courbe à grand rayon en arrière; ils sont fortement arqués et se recourbent en dedans, tan- dis que chez les Xanthides ils se terminent à l'angle latéral. La portion de la carapace, située en arrière d’une ligne qui réunirait les angles latéraux, est beaucoup plus petite que la portion située en avant : disposition qui n'existe pas chez les Xanthides,

Cependant, bien que la plupart des Carpilides présentent cet ensemble de caractères, il est des espèces chez lesquelles ils sont moins marqués, et qui se rapprochent des Xanthides ; de même quelques-uns des membres de ce dernier agèle, par la voussure de leur carapace, ressemblent parfois à des Carpilides ; les Zozymes sont dans ce cas. Mais ces formes de transition qui rendent parfois difficile le groupement de la division qui nous occupe, existent dans toutes les familles naturelles dont les membres se relient plus ou moins entre eux, et les coupes que l’on y établit lorsqu'elles sont trop nettes, sont toujours un peu artificielles, quoique nécessaires pour le classement des espèces. | :

Le genre Carpilius doit être pris comme type de l’agèle des Carpilides. Il ne comprend qu’un petit nombre d'espèces qui toutes présentent les plus

ALPH, MILNE-EDWARDS. SUR LES CANCÉRIENS. 209

grandes analogies. Leur carapace est large, extrêmement bombée; le front est trës-déclive, les régions ne sont pas distinctes, et on n’aperçoit à la sur- face du bouclier dorsal que les sillons branchio-cardiaques. L'article basilaire des antennes externes est très-long et se prolonge entre le bord frontal et le bord antérieur de la région ptérygostomienne correspondante. La tigelle mobile s’insère entre l’angle externe du front et l’angle sous-orbitaire interne. Les bords latéro-antérieurs sont épais et entiers; les pattes antérieures grosses et inégales; les pattes ambulatoires grêles, assez longues et cylindriques; enfin l'abdomen du mâle est composé de six articles.

A côté de ce genre on doit placer le genre Palæocarpilius, qui ne com- prend que des espèces fossiles, se distinguant des Carpilies par les dents qui garnissent le bord supérieur des pattes antérieures et souvent les bords latéro- antérieurs de la carapace.

Le genre {arpactocarcinus, constitué uniquement par des espèces fos- siles, se distingue du précédent par la disposition des antennes externes dont l’article basilaire ne se prolonge pas entre le bord frontal et la région er gostomienne, et par la forme moins bombée de la carapace.

J'ai proposé la création du genre Atergatopsis ! pour une espèce que MM. Adams et White avaient rangée dans le genre Carpilius ?, mais qui s’en distingue parce que la carapace offre quelques traces de régions , que les bords latéro-antérieurs sont faiblement marginés et que l’article basilaire des antennes externes ne se prolonge pas entre le front et les régions ptéry- gostomiennes. Depuis cette époque, le nombre des espèces qui composent ce genre s’est considérablement accru.

Le genre Liomera à été établi par M. Dana pour une espèce que MM. Adams et White rangeaient dans le genre Carpilius sous le nom de C. cinctimanus, chez laquelle la carapace est très-élargie et les régions assez distinctes. La région antennaire est disposée comme celle des Alergatopsis.

Chez les Carpilodes de M. Dana *, le bouclier céphalo-thoracique est moins bombé et moins élargi. Les régions y sont bien distinctes et divisées par des sillons interlobulaires. L'article basilaire des antennes externes se prolonge dans le canthus orbitaire interne.

1. Ann. des sc. nat. Zool., série, t. XVII, p: #3. 2, Adams et White, Voyage of the Samarang. Crustacea, pl. vit, fig. 4. 3. Dana, United States Exploring Expedition. Crustacea, \. E, p.192:

210 NOUVELLES ARCHIVES: DU MUSEUM.

J'avais proposé la création du genre Carpiloxanthus ! pour quelques Carpilodes, chez lesquels les régions branchiales et hépatiques sont creusées par des sillons transversaux. Mais depuis j'ai trouvé des espèces qui présen- taient à la fois réunis les caractères propres à ce genre et au genre Carpi- lodes, de sorte qu'il me semble préférable de réunir tous ces Crustacés dans une même division qui doit porter le nom qui lui a été assigné par M. Dana.

A côté des Liomères et des Carpilodes, doivent se placer deux genres qui ne se composent que d'espèces fossiles, ce sont les Phlyctenodes ? et les Etyus *.

Chez les Phlyctenodes , la carapace porte de gros tubercules qui ne per- mettent de confondre ces crustacés avec aucun des représentants vivants de lagèle qui nous occupe.

Chez les Ætyus, les régions hépatiques ne portent pas de sillons et le front s’avance en forme de bec.

Le genre Atergatis de Dehaan 4 correspond au genre Cancer de M. Milne Edwards 5. De même que les Carpilies , il peut être considéré comme un centre autour duquel se groupent un certain nombre de formes secondaires. La carapace des Atergatis est lisse ou presque lisse; ses bords latéro-anté- rieurs sont minces, tranchants, et forment une crête autour de la portion antérieure du bouclier dorsal. Les pattes sont également surmontées d’une crête. Le genre A/ergatopsis sert à relier les Atergatis aux Carpilies, car les bords latéro-antérieurs sont souvent faiblement marginés, tandis que les pattes sont cylindriques,

Le genre Lophactæa 6 se distingue des Atergatis par les fortes bosselures qui existent sur la portion antérieure de la carapace, et qui généralement sont tuberculeuses. Les bords latéro-antérieurs et les pattes sont garnis d’une crête. Le genre Actwa de Dehaan comprend des espèces à carapace élargie s très-fortement lobée, à bords latéro-antérieurs épais ét non marginés? Je crois

4. Alph. Milne Edwards, Faune carcinologique de l'ile de la Réunion {annexe à LoyrasR intitulé : Votes sur l'ile de la Réunion, par Maillard, 1862), p. 3.

2. Alph. Milne Edwards, Ann. des se. nat., ke série, t. XVIIE, p. 60.

3. Voy. Ann. des sc. nat. Zool., série, t. mt, p. 347. ; 4. Dehaan, Fauna japonica. Crustacea, p.17.

5. Milne Edwards, Histoire naturelle des Crustacés, 1. A, p. 372.

6. —_ Milne Edwards, Ann. des sc. nat. Zool., série, 1. XVII, p.43.

ALPH. MILNE+-EDWARDS. SUR LES CANCÉRIENS.- a11

devoir réunir à ce genre les Actæodes de M. Dana, qui ne se distinguent des Aciœa que par la forme des pinces creusées en cuiller, au lieu d'être pointues. Ce caractère ne peut être considéré que comme d’une importance très-minime ; en effet, chez beaucoup d'espèces, il serait impossible d'en bien constater la présence, et l’on pourrait dire avec autant de raison que les pinces sont poin- tues, ou en cuiller, car on trouve tous les intermédiaires, et même il est une espèce dont les doigts, dans le jeune âge, sont terminés par une extré- mité aiguë, mais peuvent se modifier par les progrès de.lâge, de façon à présenter plus tard la forme de cuiller.

Le genre Actumnus se distingue des Actœa par la forme beaucoup à Pa rétrécie de la carapace qui, en général, est fortement poilue, et par la struc- ture de l’abdomen du mâle dont tous les anneaux sont libres.

Le genre Hypocælus de M. Heller ne comprend qu'un très-pelit nombre d'espèces, très-remarquables par l'existence d’une dépression profonde creusée sur les régions ptérygostomiennes, .de chaque côté du corps, au- dessus de l'insertion du bras.

Le genre £uxanthus de M. Dana doit se placer à côlé des Hypocælus, dont il présente presque tous les caractères , mais les cavités pectorales n'y existent pas. Dans ce genre, de même que dans le précédent, l’article basi- laire des antennes externes est grand et se prolonge de façon à fermer com- plétement l'orbite.

A la suite. des -£Æuæanthus doit se placer le genre Daira, que j'ai pro- posé de ranger dans une division particulière sous le nom de Carpihdes lagos- tomes, à cause de la forme particulière du troisième article des pattes-mà- choires externes qui présente, sur son bord antérieur, une échancrure servant d'orifice au canal efférent des branchies. L'article basilaire des antennes internes est très-développé. La carapace présente beaucoup de rapports de formes avec celle du genre Euæanthus.

Le tableau suivant. permettra de déterminer rapidement à à quelle division générique se rattachent les diverses espèces de Garpilides.

2142

NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

/

TABLEAU DES GENRES DE L’AGÈLE DES CARPILIDES.

Troisième article

antérieur L (Carpilides ordi- naires).

CARPILIDES. fe

CANCER.

(Carpilides lagostomes)........

{Abdomen du mâle composé de six articles. Carapace lisse..,.. CARPILIUS.

Article basilaire Régions ptérygostomiennes creusées d’une es antennes ipaq Ad AT cavité ovalaire HyrocœLus. externes long omposé Bords latéro-antérieurs se et se prolongeant] 4e cinq articles, prolongeant au-dessous dans le canthus i fa ni Carapace Régions ptéry- de l'angle orbitaire ex- orbitaire interne! bus ou moins gostomiennes terne vers le cadre buc- bosselée ne présentan USE DRE PUE SRNEUS +. EUXANTHUS. pas de cavités. Ÿ Bords latéro-antérieurs se terminant à l'angle orbi- taire externe. ...:..... CARPILODES. Carapace mar- ginée. Pattes sur-f Carapace lisse. ........ .. éssmestsss: cave ATEROATIS. ; 5 un A Article basilaire montées d'une \ Carapace lobulée en avant LOPHACTŒA. crête

Pres Carapace très-élargie.,., LIOMERA.

carapace séparées ar des sillons ( Carapace bombée et peu élargie

él ATERGATOPSIS.

peu profonds.

angle interne. Carapace non marginée. Abdomen du mâle com- Pattes arrondies osé de cinq articles.

Carapace peu bombée. Acræa.

Carapace forte-

ment lobulée en Abdomen du mâle com- posé de sept articles.

Carapace très-bombée.. Acrumnus,

Troisième article des pattes-mâchoires externes présentant une échancrure sur son bord antérieur,

DaïRa.

Genre CARPILIUS (Leach).

Linné. Forskäl. Fabricius. Latreille. Desmarest.

CarpiLius. Leach (Desmarest, Consid. sur les Crust., 1825, p. 104).

Ruppell, loc. cit., p. 13. 1 Milne-Edwards, Hist. nat. des Crust., t. I, p. 380.

Herbst, Fauna japonica. Crust., p. 16

Dana, United States Exploring Expedition, Crust., t. 1, p. 159.

Le genre Carpilius proposé par Leach, et publié en 1825 par Desmarest, ne comprend qu’un faible nombre d’espèces se ressemblant beaucoup entre

ALPH. MILNE-EDWARDS. SUR LES CANCÉRIENS. 243

elles, et il forme un petit groupe nettement circonscrit et parfaitement naturel. Malheureusement on a fait rentrer dans ce genre quelques formes qui, bien que ayant avec lui certaines affinités, s’en distinguent par des caractères trop tranchés pour permettre de les réunir. C’est ainsi que MM. Adams et White décrivaient comme Carpilies deux espèces, le C. signatus et le €. cinctima- nus, qui y sont étrangères. L'une d’elles, le C. cinctimanus, en à été séparé par M. Dana, qui en a formé le genre Liomera. Le C. signatus (White), n'appartient pas davantage à ce groupe générique, et même le C. venosus (Milne-Edwards), doit évidemment trouver place ailleurs. Le genre Carpi- lius ainsi reformé, ne renfermera plus aujourd'hui que les €. maculatus, conveæus et corallinus, ét se reconnaîtra aux caractères suivants :

La carapace, fortement bombée et ovoïde, ne présente jamais de bosse- lures ni d'empreintes de régions; elle n’est jamais marginée comme chez les Atergatis.. Les bords latéro-antérieurs très-épais et obtus sont terminés en arrière par une sorte de tubercule mousse, et en avant par un autre petit tuber- cule formant l’angle orbitaire externe; ils ne présentent jamais d’autres dents ou tubercules. Le front épais et divisé en quatre lobes est infléchi en bas. L’ar- ticle basilaire des antennes externes est long, aplati et en contact avec le front dans le tiers de sa longueur environ; il paraît ainsi être en partie enchâssé entre le bord interne de la région ptérygostomienne et le rebord sous-frontal. La tigelle mobile est très-petite et comprise entre le front et l’angle sous- orbitaire interne. Les antennes internes se reploient très-obliquement dans leurs fossettes. La cloison inter-antennaire et l’espace compris entre le bord labial et le bord antennaire postérieur est très-large. Le troisième article des pattes-mâchoires externes est coupé très-obliquement en avant. L’endostome porte une petite crête. Les pattes antérieures sont inégales, et n’offrent jamais de crêtes ni de tubercules; leurs bords sont arrondis; les pattes suivantes sont longues et grêles, et ne présentent pas de crête à leur bord supérieur. L'abdomen du mâle se compose de six anneaux.

21% NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

CARPILIUS MACULATUS.

CANCER RUBER. Rumphius, D’Amboinsche Rarileit-Kammer, p. 48, pl. x, fig. 4 (4705): S SAXATILIS EX RUBRO MACULATUS. Seba, Thesaurus, t. IH, p. 47, pl. xIx, fig. 42. MACULATUS. Linné, Systema naluræ, 1042, 47. _ Fabricius, Systema Entomologiæ, p. 404 (1775). —- Herbst, Xrabben und Krebse, 1. 1, p. 435, pl. vi, fig. 41 (1790). p. 263, pl. xxi, fig. 448, t. ILE, p. 8, pl. Lx, fig. 2. (1804). si E- Desmarest, Considérations sur la classe des Crustacés, p.104. CARPILIUS MAGULATUS. Leach (voy. Desmarest, 0p. cit., p. 104, note). _- Dehaan, op. cit., p. 47. us _ Milne-Edwards, op. cit., t. 1, p. 382, et Allas du Règne animal de Cuvier. Crust., pl. x1, fig. 2. Dana, United States Exploring Expedition, Crust., t. 1, p. 460.

Carapace fortement bombée. Bords latéro-antérieurs très-épais formant un angle avec le front, et terminés en avant par un petit tubercule con- stituant l’angle orbitaire externe. Portion moyenne de la carapace compléte- ment lisse; portion marginale parsemée de petites dépressions, surtout en avant. Bords latéro-postérieurs terminés en avant par un gros tubercule. Front épais, très-large, sa largeur dépassant l’espace compris entre le plastron sternal et le bord antérieur du front, formé de quatre lobes; les deux médians obtus, presque réunis sur la ligne médiane, plus proéminents que les latéraux, dont ils sont séparés par une échancrure profonde; ces derniers épais et obtus. Cloison inter-antennulaire large et courte. Bord antérieur de l’épistome séparé du bord labial par un large espace. Épistome traversé par une pelite crête aiguë, limitant en dehors le canal expirateur. Troisième article des pattes- mâchoires externes à bord antérieur très-oblique et à bord postérieur presque droit; pas d’échancrure pour l'insertion de la tigelle mobile. Pattes antérieures courtes et inégales, l’une de grosseur médiocre et à doigts minces et grêles, l’autre très-renflée, fortement bombée, à doigts courts et robustes, garnis chacun d’un seul tubercule puissant. Pattes suivantes longues et grêles; leur * dernier article allongé et styliforme. Abdomen du mâle composé de six arti- cles, le troisième et le quatrième étant soudés. Couleur générale jaunâtre, parsemée de larges taches rouges; on en

'ALPH. MILNE-ÉDWARDS. SUR LES CANCÉRIENS. 215

compte trois sur la partie moyenne de la carapace, l’une à la partie posté- rieure de la région gastrique, les deux autres sur la partie interne des régions branchiales; deux autres se voient sur le bord antérieur de la cara- pace, l’uné à l’angle orbitaire externe, la seconde un peu plus en arrière; : enfin, à la partie postérieure du bouclier céphalo-thoracique, on voit encore quatre taches disposées transversalement.

Cette espèce atteint une taille considérable; chez certains individus, la carapace a de ("415 de largeur, sur une longueur de 0"410.

Habitation. Elle se rencontre dans la mer des Indes et l'océan Pacifique, archipel Pomotou, île des Navigateurs, Nouvelle-Calédonie, Manille, îles Phi- lippines, Sumatra, Samarang, île de France.

Collection du Muséum.

r

2 CARPILIUS CONVEXUS.

Cancer convexus. Forskäl, Descriplio animalium quæ in itinere orientali observavit, p. 88, 34. 1775. __ ansrersus? Herbst, op. cit, t..[, p. 26%, pl. xx, fig. 4119. 1782. _ marmaninus. Herbst, op. cit., t. NI, fase. 4, p. 7, pl. EX, fig. 4. CarpiLIUS cONVExUS. Ruppell, Beschreibung und Abbildung von 24 Arten kurzschoün- zigen. Krabben, p. 43, pl. nr, fig. 2. (4830.) ess Dehaan, op. cit., p. 17. _— Milne-Edwards, Hist. nat. des Crust., t. I, p. 382. pl. xvr, fig. 9et 10. Dana, Exploring Expedition. Cruslacea, 1. I, p. 159, pl. vu, fig. 5. Heller, Beiträge zur Crust. Fauna des rothen Meeres (Aus dem XLIII Bande des Jahrg. 4864 der Sitzungsberichte der Math. Naturw. class. des K. Akad. der Wissenschaflen zu Wien., p. 319.

Cette espèce ressemble beaucoup à la précédente, dont elle peut d’ail- leurs se distinguer facilement par plusieurs caractères saillants. La carapace est privée des ‘taches rouges qui sont si remarquables chez le €. maculatus; _elle est aussi fortement bombée ; les bords latéro-antérieurs forment avec le front un angle moins marqué. Le front est large et constitué par quatre lobes, dont les deux médians presque confondus et peu saillants ; les latéraux presque droits. La portion latéro-antérieure de la carapace est couverte de petites dépressions circulaires et peu profondes.

216 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

Couleur jaunâtre, irrégulièrement maculée de rouge. Largeur de la carapace : 0"090. " Longueur : 0"050. Habitation. Tout l'océan Pacifique. les îles de l'Océanie, Nouvelle-Calé- donie, îles Sandwich, archipel des Navigateurs, îles Seychelles, île Bourbon, île Maurice, mer Rouge. Collection du Muséum.

3 CARPILIUS CORALLINUS.

CANCER FLOSCULOSUS? Seba, Locupletissimi rerum naturaliun Thesauri descriptio, t. LE, pl. x1x, fig. 2 et 3. (1758.) 7 GSORALLINUS. Herbst, Versuch einer Naturgeschichte der Krabben und Krebse, t. 1, p. 433, pl. v, fig. 40. (1782.) (Figure très-exacte.) Fabricius, Entomologia Systemalica, t. II, p. 445. 4793. Desmarest, Considérations sur les Crustacés, p. 103. CARPILIUS CORALLINUS. Leach (voy. Desmarest, op. cil., p. 103). ehaan, Fauna japonica. Crustacea, p. AT. (1831.) _ Milne-Edwards. Hist. nat. des Crust., t. I, p. 381.

Carapace médiocrement, bombée, lisse, et ne présentant pas en avant et sur les côtés les petites dépressions qui se remarquent chez les deux espèces précédentes. Bords latéro-antérieurs formant avec le front un arc de cercle régulier. Front étroit, dont la largeur n'égale pas la longueur de l’espace compris entre le plastron sternal et le bord antérieur des fossettes antennaires. Front divisé en quatre lobes, dont les deux médians presque réunis sur la ligne médiane, sont plus larges, et les deux médians un peu plus proéminents que chez les autres espèces du même genre. Article basilaire des antennes internes moins long et en contact avec le front sur une faible étendue.

Couleur d’un rouge corail avec des petites taches jaunes.

Largeur de la carapace, 0"130.

Longueur, 0"400.

Habitation. Les Antilles.

Par la forme plus élargie et beaucoup moins bombée de la carapace, Par la brièveté de l’article basilaire de l'antenne externe, cette espèce paraît

ALPH. MILNE-EDWARDS. SUR LES CANGÉRIENS. 217

établir le passage entre le genre Carpilius et le genre Atergatis, quoique se rapportant encore complétement au premier. | Collection du Muséum.

4 CARPILIUS LIVIDUS.

Carruius Livipus. Gibbes, On the Carcinological collection of the Cabinet of natural history (Charleston, 1850), p. 10.

M. Gibbes donne à celte espèce les caractères suivants. La carapace (provenant d’un individu conservé dans de l'esprit de vin) était d'une cou- leur foncée, livide ou pourpre, médiocrement.. convexe, lisse, sans indication de sillons, et finement ponctuée. La portion médiane du bord frontal un peu proéminente. Les bords latéro-antérieurs obtus, terminés en arrière par une dent ou tubercule obtus.

Habitation. Les îles Sandwich. ,

Il est impossible, à l’aide de cette description, de reconnaitre avec cer- titude l'espèce à laquelle elle se rapporte; il est cependant probable que le C. lividus n’est qu’un jeune du €. convexus.

CARPILIUS PRÆTERMISSUS.

Canerzius Prærenmissus. Gibbes, On the Carcinological collection of the Cabinet of natural history (Charleston, 4850), p. 40.

Cette espèce n’est connue que par la description suivante qui en à été donnée par M. Gibbes.

Carapace arquée antérieurement, étroite en arrière, convexe longitudi- nalement, lisse et polie, sans indication des régions, marquée d'environ vingt- cinq taches colorées en rouge et distribuées symétriquement sur un fond clair. Bords latéro-antérieurs obtus, sans aucune denticulation, présentant en arrière le tubercule arrondi qui se voit chez les autres espèces du même genre. Front présentant une petite fissure et divisé en quatre lobes très-peu proéminents, marqués transversalement par une ligne ponctuée. Orbites ovalaires, sans

28

+

M8 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

dents ni fissures; l’hiatus entre leur bord inférieur et le front rempli par l’article basilaire des antennes externes, qui rejoint le front. Mains robustes, médiocrement comprimées, ponctuées, sans crêtes, ni épines ni tubercules; doigts tranchants et non excavés en cuiller. Les pattes ambulatoires cylin- driques, marquées de taches, comme la carapace.

(Le Cancer petrœus, Herbst, t. LL, p. 18, pl. zx, fig. 4, Carpilius petrœus, de Haan, Fauna japonica, p.17), doit rentrer dans le genre qui nous occupe; peut-être doit-il être identifié à une des espèces qüe nous venons de passer en revue. R

Le Cancer pitho, du même auteur (t. II, fasc. 2, p. 20, pl. zx, fig. 2), paraît être un jeune du Carpilius convexus.

TABLEAU DES ESPÈCES DU GENRE CARPILIUS.

Carapace marquée d’un petit nombre de grandes taches rouges symétriques et circu- laires. C. MACULATUS.

| Portion latéro-antérieure de la carapace cou- verte de petites dépressions circulaires et peu profondes C. CONVExUSs.

. ÉVLR 5

Carapace jaunât g tachetée de rouge.

Portion latéro-antérieure de la carapace dé- pourvue de petites dépressions C. CORALLINUS,

+ TR

Genre LIOMERA (Dana).

Zozxuus. Milne-Edwards (pars), Hist. nat. des Crust., t. 1, p. 384. CampiLius (pars). White, Voy. of the Samarang. Crust., p. 37. LiomMERA. Dana, Unit. Stat. Expl. Exped. Crust., t. 1, p. 160.

Le genre Liomera à été établi par M. Dana pour quelques Crustacés que. jusqu’à lui, on rangeait dans le genre Carpilius, mais dont ils diffèrent par un grand nombre de particularités organiques.

La carapace est remarquablement élargie, tandis que, chez les Carpilies, elle l'est très-peu. Les régions y sont indiquées par quelques sillons peu pro- fonds. Les bords latéro-antérieurs sont épais et jamais pourvus d’une crête marginale tranchante comme chez les Atergatis et les Lophactæa. Chez les

ALPH. MILNE-EDWARDS. SUR LES CANCEÉRIENS. 219

Atergatopsis, bien que les bords latéro-antérieurs soient moins cristiformes que chez les Atergatis, ils le sont beaucoup plus que chez les Liomères. Les orbites sont petites et profondes. Le front ne présente rien de remarquable. L'article basilaire des antennes externes ne s’unit au prolongement sous- frontal que par son angle interne; jamais il ne s'applique contre lui sur une partie de son étendue, comme chez les Carpilodes. Le troisième article des pattes-mâchoires externes est subrectangulaire, son bord interne est plus long que l’externe. Les pattes antérieures ont, en général, les doigts creusés en cuiller; la main est dépourvue de la crête qui se remarque sur sa partie . supérieure chez la plupart des Atergatis et des Lophactœa. Les pattes ambu- latoires sont également cylindriques en dessus, et par ce caractère, les Lio- mères se rapprochent des Carpilius et des Atergatopsis. L'abdomen du mâle, au lieu de se composer de six articles comme chez les Carpilius, n’en offre que cinq comme chez les Afergalis. Cette disposition résulte de la soudure des troisième, quatrième et cinquième anneaux.

Ce genre ne se compose jusqu'à présent que d’espèces propres aux pays chauds; aucune ne vit sur nos rivages. Al paraît former un petit groupe frès-naturel, et on peut facilement résumer les caractères principaux qui per- mettent de le reconnaître. Carapace très-élargie, peu bosselée. Bords latéro- antérieurs épais. Troisième article des antennes externes ne se joignant au front que par son angle interne. Pattes cylindriques en dessus ; doigts des pinces terminés ordinairement en cuiller. Abdomen du mâle à einq articles.

4 LIOMERA CINCTIMANA (White).

CARPILIUS CINGTIMANUS. Adams and White, Voyage of the Samarang. Crustacea, p- 37, pl. vu, fig. 4.

Carapace extrêmement élargie, lisse, assez fortement bombée d'avant en arrière, Régions très-légèrement indiquées. Bords latéro-antérieurs divisés en quatre lobes arrondis, par des dépressions, dont les deux dernières se conti- nuent en Sillons sur les régions branchiales; les deux premiers lobes sont à peine séparés, les deux postérieurs sont au contraire bien distincts. Bord orbi- taire supérieur divisé par deux petites fissures. Front légèrement avancé et

2

220 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. échancré au milieu, un peu sinueux sur les côtés. Pattes antérieures un peu inégales ; mains arrondies en dessus, marquées en dehors à leur partie supé- rieure d’une dépression transversale, lisses. Doigts excavés en cuiller; de couleur noire, et cette coloration s'étendant sur la portion moyenne de la main qu'elle entoure comme un anneau. Avant-bras lisse, portant en dedans deux. dents mousses et arrondies. Pattes ambulatoires médiocres. Abdomen du mâle étroit; septième et sixième anneaux assez allongés.

Couleur rouge.

Habitation. Tes Seychelles, île Maurice, Indes-Orientales.

Largeur de la carapace, 0"057.

Longueur, 0"032.

Collection du Muséum.

2 LIOMERA LATA |Dina). LiomErA LATA. Dana, 0p. cit, t. 1, p. 161, pl. vu, fig. 6.

Carapace lisse, oblongue transversalement et elliptique. Régions légère- ment marquées en avant seulement. Bords latéro-antérieurs épais et arrondis, divisés en quatre lobes arrondis, les deuxième, troisième et quatrième lobes forts, le troisième le plus grand. Front déclive, court, presque droit quand on le regarde en dessus, et à peine plus saillant que les orbites, légèrement échan- cré au milieu. Pattes antérieures de grosseur médiocre, subégales. Main lisse. Doigts courts.

Couleur rouge, avec une bande blanche sur l’avant-bras. Pinces d’un noir brun.

Habitation. Les îles Viti.

Largeur de la carapace, 0" 030.

Longueur, 0" 045.

Cette espèce est très-voisine de la L. cinctimana; la carapace est cepen- dant beaucoup plus large en avant, comme chez la L. longimana; cette forme est due au mode de courbure des bords Jatéro-antérieurs. Ces derniers sont plus fortement lobés que chez la L. cinctimana; le deuxième lobe est nettement séparé du premier, tandis que dans l’autre espèce, ils sont tous deux confondus.

ALPH. MILNE-EDWARDS. SUR LES GANCÉRIENS. 221

Enfin, les mains sont d’un rouge brun uniforme et ne présentent pas de cein- ture noire.

3% LIOMERA SUBACUTA |Stimpson).

LiOMERA SUBACUTA. Stimpson, Prodromus (Proceed. of the Acad. of nat. sc. of Phila- delphia, 1858, p: 29).

Carapace elliptique, légèrement aréolée; surface lisse, glabre, un peu rugueuse et ponctuée près du front et des orbites. Bords latéro-antérieurs indistinctemént trilobés, les deux lobes postérieurs assez avancés, les dépres- sions qui ies séparent s’avançant en sillons sur la carapace. Front proéminent profondément échancré. Bord orbitaire inférieur terminé à son angle interne par une dent proéminente. Pinces lisses. Main présentant en dehors un sillon près du bord supérieur. Doigts cannelés et terminés par une pointe aiguë. Avant-bras portant deux dents petites et obtuses à son angle antéro-interne. Pattes ambulatoires glabres, à cuisses granuleuses en dessus.

Habitation. L'ile Loo-Choo.

Cette espèce paraît différer des L. cinchimana et lata par les rugosités et les ponctuations qui garnissent la carapace en avant, par la dent qui se trouve à l’angle interne du bord orbitaire supérieur, par les doigts des pinces ter- minés en pointe aiguë au lieu d’être en cuiller.

Æ LIOMERA LONGIMANA (Nov. Sp. ). Voy. pl. XIE, fig. 7, 7a, 7h.

Carapace extrêmement élargie, lisse. Sillons de la région gastrique très-obscurément indiqués. Bords latéro-antérieurs courts, très - fortement arqués en avant, présentant en arrière deux renflements lobiformes à peine saillants, entiers en avant. Orbites très-ouvertes. Front large, presque droit et très-peu avancé. Pattes antérieures très-fortes ; la main très-longue, celle de droite égalant en longueur les deux tiers de la largeur de la carapace, com- plétement lisse et arrondie en dessus. Doigts noirs, faiblement échancrés en

299 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

pa]

cuiller. Avant-bras lisse. Bras complétement recouvert par le bord de la carapace. Pattes ambulatoires légèrement comprimées, non carénées et poilues en dessus.

Habitation. La Guadeloupe.

Largeur de la carapace, 0"014.

Longueur, 0"009.

Cette espèce, dont je n’ai pu examiner qu’une femelle, se reconnait au premier coup d'œil à la forme toute particulière de la carapace, les bords latéro-antérieurs étant très-arqués en avant, et sur une portion de leur lon- gueur, presque aussi avancés que le front. Le front est beaucoup moins saillant que chez la L. cinctimana, la main est beaucoup plus-longue. Les pattes ambulatoires sont plus comprimées.

Collection du Muséum. à

5% LIOMERA GRANOSIMANA (Nov. Sp.). Voy. pl. XI, fig.'5, 5a.

Carapace bombée, moins élargie que celle des espèces précédentes, complétement lisse, ne présentant que de trés-vagues indications de la région gastrique. Bords latéro-antérieurs presque entiers, arrondis et ne présentant que des indications rudimentaires de la division en lobes dans leur portion pos- térieure. Front très-déclive, un peu avancé et échancré au milieu, très-peu sinueux sur les côtés. Article basilaire des antennes externes se joignant par leur angle interne à un prolongement sous-frontal mince. Pattes antérieures subégales et fortes. Mains lisses en dedans, en dessus et en bas, mais présen- tant à la partie supérieure de leur face externe des tubercules arrondis, peu saillants et espacés. Doigls noirs et à extrémité blanche, très-courts; pouce armé d’une seule dent basilaire, de chaque côté de laquelle existe un pinceau de poils, et portant en dessus, près de son articulation, quelques tubercules ; index armé d’une grosse dent basilaire unique, de chaque côté de laquelle existe un pinceau de poils. Coloration noire, s'étendant un peu en dehors et en dedans sur la main. Avant-bras lisse et obtus à son angle antéro-interne. Pattes ambulatoires cylindriques et lisses.

ALPH. MILNE-EDWARDS. SUR LES CANCÉRIENS 223

Habitation. La Nouvelle-Calédonie.

Largeur de la carapace : 0"025.

Longueur : 0019.

Par la forme de la carapace, cette espèce se rapproche jusqu'à un certain point des Carpilies; mais elle s’en éloigne par la disposition de la région antennaire, par le nombre des articles de l'abdomen, ce qui conduit à la ranger parmi les Liomères. Elle se distingue facilement des autres espèces de ce dernier genre par sa carapace complétement lisse, et par les granulations qui ornent la face externe de ses mains.

Collection du Muséum.

LIOMERA PUBESCENS (Milne-Edwards). Voy. pl. XII, fig. 6, Ga. Zozxmus PuBESCENS. Milne-Edwards, Hist. nat. des Crustacés, t. 1, p. 384.

Carapace pubescente, régulièrement ovoïde, plus élargie encore que celle de la L. cinctimana. Régions plus distinctement indiquées que chez cette der- nière espèce. Surface entièrement couverte de petites granulations, plus fortes près des bords latéraux. Bords latéro-antérieurs épais, granuleux, divisés d’une façon très-obscure en quatre lobes, dont les trois premiers sont à peine appréciables ; le quatrième est seul bien marqué. Front étroit, avancé, profon- dément échancré au milieu. Régions ptérygostomiennes couvertes de très- petites granulations. Pattes antérieures subégales, couvertes sur toutes leurs faces de granulations élevées, arrondies, bien circonscrites, entre lesquelles on en remarque de plus petites. Mains très-longues. Doigts courts, excavés en cuiller; pouce fortement arqué à son extrémité. Avant-bras portant en dedans une dent mousse. Pattes ambulatoires pubéscentes et couvertes de fines gra- nulations. Plastron sternal et abdomen portant aussi les traces de petites granulations.

Habitation. L'île Maurice.

Largeur de la carapace : 0030.

Longueur : 0"017.

Ld

22! NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

Les granulations qui couvrent toutes les parties du corps de cette élé-

gante espèce lui donnent un aspect remarquable et tout particulier. Collection du Muséum.

TABLEAU DES ESPÈCES DU GENRE LIOMERA.

Premier et deuxième lobes la- téro-antérieurs presque con- arapace com- fondus.Pincescercléesdenoir, CINCTIMANA.

ra (Mains médiocres.| plétement lisse. | premier et deuxième lobes la-

Pattes ambula- téro-antérieurs bien distincts. toires cylindri- Pinces uniformément brunes. Lara? Mains lisses. / ques et glabres.

Carapace ponctuée et rugueuse en avant près du front et des orbites SUBACUTA ?

re Mains très-longues. Pattes ambulatoires poilues en dessus et com- non granuleuse, primée LONGIMANA. Mains granuleuses en dehors GRANOSIMANA. Carapace entièrement granuleuse PUBESCENS.

(Les espèces marquées d’un ? sont celles que je n'ai pas eu l'occasion d'étudier ).

Genre CARPILODES (Dana).

Zozymus (pars). Milne-Edwards, Hist. nat. des Crust., t. 1, p. 385. Lucas, Voyage de l’Astrolabe au pôle sud. Crust., p. 21. XANTHO (pars). Dehaan, Fauna japonica. Crust., p. 17. Acræopes (pars). Heller, Beiträge zur Crustaceen Fauna des Rothen-Meeres. CARPILOXANTHUS. Alph. Milne-Edwards, Faune carcinologique de l'ile de la Réunion, {annexe F à l'ouvrage intitulé : Notes sur l'ile de la Réunion, par L. Maillard), p. 3.

Le genre Carpilodes a été créé par Dana pour une espèce nouvelle qu'il avait rencontrée daps les îles de l'Océanie, et qui, par ses caractères, semblait se rapprocher du Æantho oblusus de Dehaan. Depuis cette époque, on a découvert plusieurs espèces très-voisines du type de Dana, mais assez diffé- rentes pour nécessiter le remaniement du genre Carpilodes, dont les limites doivent être étendues. |

La carapace est très-élargie, convexe en tous sens, et plus ou moins bos- selée. Les bords latéro-antérieurs épais et arrondis sont divisés en lobes. L’ar-

ALPH. MILNE-EDWARDS. SUR LES CANCÉRIENS. 2925

tcle basilaire des antennes externes est long, et à son extrémité il est logé entre le prolongement sous-frontal et l’angle sous-orbitaire interne comme “<hez les Carpilies. Le troisième article des pattes-mâchoires externes est -subquadrilatère, plus large que long. Les pattes antérieures sont petites, subégales. Les mains arrondies en dessus, se terminent par des doigts creusés “n cuiller. Les pattes ambulatoires ne portent pas de crête en dessus. L’ab- domen du mâle se compose de cinq articles, les troisième, quatrième et cinquième anneaux étant soudés.

Par la disposition de la région antennaire, les Carpilodes se rapprochent des Carpilies, et s’éloignent des Liomères avec lesquelles leur forme leur -donne un peu d’analogie. Leurs pinces en cuiller les avaient: primitivement fait ranger par M. Milne-Edwards avec les Zozymus, et plus récemment, par M. Heller, dans le genre Actæodes ; mais ils diffèrent des uns et des autres par da région antennaire et par le mode de lobulation de la carapace.

Lorsque j'ai établi le genre Carpiloæanthus, que je propose aujourd’hui de fondre avec les Carpilodes, je n’avais entre les mains que de très-petits individus du C. Vaillantianus, sur lesquels je n’avais pu apercevoir les carac- tères fournis par les antennes; j'en ai examiné depuis de plus beaux spéci- mens, j'ai étudié aussi un certain nombre d’espèces nouvelles formant passage <ntre ces genres; aussi je crois préférable d'étendre les limites des Carpilodes, de facon à y Comprendre les Carpiloæanthus, que de les considérer comme deux divisions distinctes; on arriverait ainsi à ne savoir placer plusieurs <spèces qui participent, par leurs caractères, de l’un et de l’autre de ces petits groupes.

CARPILODES TRISTIS (Dan. CaRPILODES TRISTIS. Dana, Unit. Stat. Expl. Exped. Crusl., L. L, p. 193, pl. 1x, fig. 7.

Carapace élargie; surface lisse, mais qui, vue à la loupe, se montre couverte de très-fines granulations. Régions indiquées en avant. Lobes pro- togastriques, non séparés par un sillon longitudinal. Lobe mésogastrique se prolongeant en pointe entre les précédents. Région hépatique limitée en arrière par un sillon qui va rejoindre le sillon gastrique. Sillon branchial anté-

L

226 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

A)

rieur, partant de l'intervalle des troisième et quatrième lobes latéro-antérieurs se prolongeant très-peu et ne se réunissant à aucun autre. Carapace lisse en arrière. Bords latéro-antérieurs épais, divisés en quatre lobes arrondis et peu saillants. Bords latéro-postérieurs droits, un peu convexes. Front presque droit, légèrement échancré au milieu. Pattes antérieures subégales et petites ; se montrant finement granuleuses et inégales quand on les regarde à la loupe. Doigts cannelés Pattes ambulatoires lisses, mais paraissant légèrement granuleuses et rugueuses quand on les examine avec un grossissement assez fort.

Habitation. L’archipel Paumotou.

Largeur.de la carapace : 0" 024.

Longueur : 0015.

Collection du Muséum.

CARPILODES GRANULATUS (Heller). Voy. pl. XII, fig. 5.

CARPILODES GRANULATUS. Heller, Veue Cruslaceen gesammelt während der Weltumseg- ung der K. K. Fregatte Novara. (Aus den Verhandlungen der K.K. zoologisch.-botanischen Gesellschaft in Wien.), 1862, p. 520.

Cette espèce ressemble beaucoup au Carpilodes tristis. La forme de la carapace, la disposition des sillons inter-régionnaires sont analogues. Mais elle se reconnaît facilement aux fines granulations qui couvrent toute la cara- pace ainsi que les pattes.

Largeur de la carapace : 0" 050.

Longueur : 0” 048.

Couleur d’un brun rougeâtre. Bords latéro-antérieurs plus foncés. Articu- lations des pattes plus claires. Doigts noirs; cette coloration s'étendant un peu sur la main.

Habitation. Nicobar, Taïti.

ALPH. MILNE-EDWARDS. SUR LES CANGÉRIENS. 2927

3 CARPILODES OBTUSUS.

Xanrno osTusus. Dehaan, Fauna japonica. Crust., p. #7, pl. x, Gg. 5.

LiomMERA oBrusa. Stimpson, Prodromus (Proceedings of the Acad. of nat. scienc. of Philadelphia, 1858, p. 29.

CARPILODES OBTUSUS. Dana, Unit. States Expl. Exped. Crust., t. 1, p. 193.

Carapace très-élargie, lisse, bombée surtout dans le sens antéro-posté- rieur, lobulée antérieurement. Lobes protogastriques divisés par un sillon longitudinal qui part du sillon post-orbitaire. Les deux sillons qui limitent en avant le lobe mésogastrique ne se prolongeant pas en arrière. Régions gastriques à peine séparées de la région cardiaque. Sillon branchio-hépatique se réunissant au sillon gastrique. Sillon branchial antérieur ne se prolongeant pas jusqu'aux sillons branchio-gastriques. Front arrondi, sinueux latéralement, légèrement échancré au milieu. Bords latéro-antérieurs divisés en quaire lobes arrondis. Bords latéro-postérieurs droits ou un peu convexes. Pattes anté- rieures subégales. Main lisse, arrondie en dessus. Doigts noirs. Paltes ambu- latoires arrondies.

Couleur rouge, avec les doigts noirs.

Habitation. La mer du Japon, l'île Ousima, etc.

Largeur de la carapace : 0"0/3.

Longueur : 0"045.

Cette espèce ressemble beaucoup au Carpilodes venosus, mais chez cette dernière espèce, le sillon branchio-hépatique ne se prolonge pas jusqu'au sillon hépatique.

4 CARPILODES VENOSUS. Voy. pl.. XIE, fig. 2, 2a, 2. Carrizius vENosus. Milne-Edwards, Hist. nal. des Crustacés, t. L, p. 383.

Carapace élargie, lisse, bombée. Lobes des régions indiqués en avant par des sillons. Lobes protogastriques divisés par un sillon longitudinal qui

EE . NOUVELEES ARCHIVES DU MUSÉUM.

part du sillon post-orbitaire. Les deux sillons qui limitent en avant le lobe- mésogastrique ne se prolongent pas en arrière. Région gastrique à peine. séparée de la région cardiaque. Sillons branchio-hépatiques se terminant avant de s’être réunis au sillon gastrique. Sillon branchial antérieur très-court, et ne: se prolongeant pas jusqu'aux sillons branchio-gastriques. Front presque droit, légèrement échancré sur la ligne médiane, un peu sinueux latéralement. Bords: latéro-antérieurs divisés en quatre lobes arrondis et peu saillants. Bords latéro- postérieurs droits et un peu convexes. Pattes antérieures sub-égales. Mains: lisses. Doigts cannelés et imparfaitement terminés en cuiller. Pattes ambula- toires lisses.

Couleur rouge, avec les doigts des pinces noirs. M

Habitation. L'ile Maurice.

Largeur de la carapace : 0" 023.

Longueur : 0"013.

Cette espèce paraît très-rare. M. Milne-Edwards, en 1834, n’en connais sait qu'un individu en mauvais état, sans indication de localité. Aujourd’hui. le Muséum en possède un second, très-bien conservé, trouvé à l’île Maurice...

Collection du Muséum.

CARPILODES RUBER (Nov. Sp.) Voy. pl. XIE fig. 4, 4a, 4b.

Carapace très-élargie, bombée, fortement bosselée en avant; bosselures. moins saillantes et plus aplaties que dans l’espèce précédente ; couvertes de- très-fines granulations, visibles seulement à la loupe. Sillons inter-régionaires. disposés comme chez le C. rugipes. Front échancré au milieu et peu sinueux. latéralement. Bords latéro-antérieurs divisés en quatre lobes, dont les deux postérieurs sont plus saillants que les deux premiers. Pattes antérieures sub- égales. Mains et avant-bras lisses, paraissant finement granuleux quand on les. . Voit à la loupe. Doigts longs, noirs, cannelés et fortement dentés sur leur bord tranchant. Pattes ambulatoires lisses ou presque imperceptiblement gra nuleuses. |

Couleur rouge, avec les doigts des pinces noirs.

ALPH. MILNE-EDWARDS. SUR LES CANCÉRIENS. 229

Habitation. Honolulu (îles Sandwich ).

Largeur de la carapace : 0"023.

Longueur : 0"043.

Par la disposition des lobes de la carapace, cette espèce se rapproche beaucoup du €. rugipes, mais elle est beaucoup plus élargie, les bosselures sont moins saillantes. Enfin, les pinces et les pattes ambulatoires ne sont pas rugueuses et érodées comme chez la précédente.

Collection du Muséum.

6 CARPILODES RUGIPES (Heller). Vos. pl. XIL, fig, 4, 4a, 4b.

AcrÆODES RUGIPES. Heller, Beiträge zur Crust. Fauna der Rothen-Meeres (Sitzungsb. d. k. Akad. d, Wien. Math. naturie., cl. XLAV, Bd 4 ablh. 1864, p. 330, pl. 1, fig. 20).

Carapace élargie, bombée, fortement bosselée en avant; bosselures sail- lantes, arrondies , couvertes de très-fines granulations visibles à la loupe. Sillons très-profonds. Lobes protogastriques divisés par un sillon longitudinal; lobe mésogastrique se prolongeant entre les précédents jusqu'aux épigastriques _ qui sont bien délimités. Région hépatique simple; région branchiale, lobulée en avant. Front échancré au milieu, arrondi et sinueux sur les côtés. Bord sourcilier, épais et bordé par un sillon post-orbitaire. Bords latéro-antérieurs divisés en quatre lobes arrondis et dentiformes. Bords latéro-postérieurs droits. Pattes antérieures subégales. Main et avant-bras rugueux et un peu érodés à leur surface. Doigts des pinces noirs, cannelés, terminés par une extrémité creusée en cuiller. Pattes ambulatoires légèrement comprimées. Cuisse lisse. Jambe et pied rugueux.

Habitation. La mer Rouge.

Largeur de la carapace : 0" 012.

Longueur : 0"008.

Cette espèce, par les bosselures nombreuses et saillantes qui couvrent la carapace, se distingue facilement des €. tristis, oblusus et venosus, dont aucun

230 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

ne présente de lobes épigastriques bien limités, et dont la région branchiale n’est jamais fortement lobulée.

M. C. Heller avait rangé cette espèce dans le genre Actæodes de Dana. à cause de ses pinces en cuiller; mais elle diffère complétement de ce dernier genre par la disposition de la région antennaire qui est identique à celle des Carpilodes.

Collection du Muséum. CARPILODES REUGATUS.

Voy..pl. XIL, fig. 3,34, 36.

CANCER RUGATUS. Latreille, Collection du Muséum. ZOZYMUS RUGATUS. Milne-Edwards, Hist. nat. des Crust., t. E, p. 385. CANALICULATUS. Lucas, Voyage de l’Astrolabe au pôle sud. Crust., p. 2

,

CARPILOXANTHUS RUGATUS. Alph. Milne-Edwards, Faune carcinologique de l'ile de la Réunion, (loc. cit.) p. 3

Carapace très-élargie, assez bombée, fortement bosselée en avant. Bos- selures saillantes. Surface uniformément couverte de très-fines granulations. Lobes protogastriques divisés par un sillon longitudinal qui ne se prolonge pas en arrière jusqu’au sillon gastrique. Sillons mésogastriques fortement marqués en avant, mais s’atténuant un peu en arrière. Région hépatique divisée par un sillon transversal. Sillon branchio-hépatique se prolongeant ainsi que le sillon proto-branchial jusqu'aux sillons gastriques. Région cardiaque, con- fondue latéralement avec les régions branchiales. Front divisé au milieu par une fissure, peu avancé et peu sinueux latéralement. Bords latéro-antérieurs divisés en quatre lobes épais et arrondis, dont l’antérieur est le plus petit. Pattes de la première paire subégales. Main granuleuse. Doigts blancs, can- nelés, ne se joignant que par leur extrémité creusée en cuiller. Avant-bras granuleux et inégal. Pattes ambulatoires courtes. Jambe et pied granuleux et légèrement bosselés.

Couleur rougeâtre, avec les doigts des pinces bruns à leur naissance et blancs à leur extrémité.

Habitation. L’océan Indien, les mers de la Chine.

ALPH. MILNE-EDWARDS. SUR LES CANCÉRIENS. 231

Largeur de la carapace, O"OAA.

Longueur, 0"006.

Cette espèce est très-remarquable par la très-grande largeur de la cara- pace et la disposition des sillons inter-régionnaires, dirigés transversalement des bords latéro-antérieurs vers la ligne médiane.

M. Milne-Edwards, à cause de ses pinces en cuiller, l'avait rangé parmi les Zozymes, il n’en connaissait qu’un individu en fort mauvais état, et sans indication de localité. Depuis cette époque, Roux, MM. Hombron et Jacqui- not en ont rapporté plusieurs individus de l’océan Indien. M. Leclancher en a recueilli en Chine.

Collection du Muséum.

CARPILODES VAILLANTIANUS ! A. Elw.). Voy. pl. XI, fig. 3, 3a, 3b.

CARPILOXANTHUS VAILLANTIANUS. Alph. Milne-Edwards, Faune carcinologique de l'ile de la Réunion (loc. cit.) , p. 3.

Carapace très-élargie, bombée dans le sens antéro-postérieur, bosselée en avant. Surface granuleuse sur les portions latéro-antérieures, lisse en arrière. Bosselures de la carapace beaucoup moins saillantes et moins nom- breuses que chez le C. rugatus. Sillons inter-régionnaires moins larges et moins profonds, bien que disposés de la même manière, si ce n'est que le sillon branchio-hépatique ne se prolonge pas jusqu’à la région gastrique; il en est de même pour le sillon proto-branchial qui s'arrête à peu de distance du bord, d’où il résulte que les régions branchiales sont à peine lobulées. Le front, divisé par une fissure sur la ligne médiane, est sinueux latéralement. Les bords latéro-antérieurs sont divisés en quatre lobes dentiformes, arrondis, granuleux. Pattes antérieures très-granuleuses ; les tubercules disposés en séries sur la face externe de la main. Doigts cannelés, multidentés sur leur bord tranchant et terminés en cuiller. Avant-bras très-granuleux. Pattes ambulatoires courtes. Le pied et la jambe granuleux. La cuisse presque

lisse.

232 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

Couleur d’un rouge foncé, avec les doigts des pinces noirs et à extré- mité blanche.

Habitation. La mer Rouge, les îles Maurice et Bourbon, l'archipel Samoa.

Largeur de la carapace, 0"011.

Longueur, 0"007.

Cette jolie petite espèce se distingue facilement du €. rugatus avec lequel elle a cependant beaucoup d’'analogie ; le C. rugatus est plus large et beaucoup plus bombé; les sillons sont plus profonds et plus larges; les lobes plus sail- lants et moins nombreux ; le front est plus droit. Enfin, tandis que la carapace de cette espèce est uniformément couvèrte de petites granulations égales et arrondies , chez le €. Vaillantianus, les granulations sont beaucoup plus fortes et n’existent que sur la portion latéro-antérieure. La première paire de pattes est très-granuleuse.

Collection du Muséum.

3 CARPILODES STIMPSONIE (No. Sp.). Voy. pl. XI, fig. 2, 24, 2b, 2c.

Cette espèce est très-voisine de la précédente par la disposition des régions. La carapace est élargie, fortement bombée en avant. Les sillons inter-régionnaires sont plus larges que chez les espèces précédentes. Les par- ties saillantes de la carapace sont rugueuses et non granulées. La partie pos- térieure du bouclier dorsal est lisse. Les pattes antérieures sont petites. Les mains un peu granuleuses en dehors. La face externe de l’avant-bras ru- gueuse. Les pattes ambulaioires rugueures.

Couleur d’un rouge uniforme.

Largeur de la carapace, 0" 048.

Longueur, 0"040.

Habitation. La Nouvelle-Galédonie.

Cette espèce se distingue de la précédente par l'absence de granulations sur les parties antérieures de la carapace, qui sont simplement rugueuses et par l'ornementation des pattes antérieures qui, au lieu d’être uniformément cou- vertes de petites granulations, n’en portent que quelques-unes assez grosses sur la face externe. On ne peut confondre le €. Stimpsonii avec le C. rugatus,

ÂLPH. MILNE-EDWARDS. SUR LES CGANCÉRIENS. 233

dont la carapace est entièrement couverte de petites granulations fines et régu-

lières. Collection du Muséum.

Le Cancer cochlearis, de Herbst (op. cit., t. 1, p. 266, pl. xxi, fig. 123). appartient évidemment au genre Carpilodes. TABLEAU DES ESPÈCES DU GENRE GARPILODES.

C. TRisTis.

Lobes protogastriques entiers et non divisés par un sillon longitudinal

{ Sillon branchio-hépatique se pro- longeant jusqu’à la région gas- trique OBTusUs ?

Pattes et carapace lisses. Sillon branchio-hépatique ne se prolongeant pas jusqu'à la ré-

gion gastrique VENOSUS.

{ Sillon protogastrique

4 | e se prolon | pas en arrière ; Carapace uniformément granu- jusqu'au sillon leuse. Lobes très-saillants. .... RUGATUS.

gastrique. arapace très-granuleuse seule-

Lobes protogastriques PR ES Srpee ment sur la portion latéro-anté- i ar un sillon grantieuses rieure. Lobes peu saillants, ... VAILLANTIANUS. rugueuses

Carapace rugueuse sur les por-

d longitudinal proto- astrique. tions antérieures. Lobes peu

\ saillants STIMPSONII, ? Pattes antérieures rugueuses, .......s..s.sesse ces 4 Sillon protogastrique à RUGEES se prolongeant jus- 4 Pattes antérieures non rugueuses, simplement granu- -. RUBER,

qu'au sillon gastrique.[ leuses

(Les espèces marquées d'un ? sont celles que je n'ai pas eu entre les mains).

Genre LACHNOPODUS (Stimp.).

Lacnnoropus. Stimpson, Prodromus descriptionis animalium evertebralorum quæ in eæpeditione ad oceanum Pacificum septentrionalem obser- vavit et descripsit W. Stimpson (Proceedings of the Aca- demy of natural sciences of Philadelphia. Décembre 1857, 54.) L

Ce genre n’est pas suflisamment connu. L'unique espèce qui le compose n’a jamais été figurée, et la description qui en a été donnée est extrêmement couïte : aussi je crois devoir me borner à la reproduire ici.

« Carapax lævis. Regione postica transversim convexa. Orbita margine

33h NOUVELEES ARCHIVES DU MUSÉUM.

externa trifissa v. trilobata, lobis parvis obtusis. Antennæ ut in Carpilio. Gnathopoda intima lacinia ad apicem non furcata. Hectognathopoda ischio lon- gitudinaliter sulcato; mero superficie versus angulum internum excavata , margine anteriore concava. Chelopodæ manu facie externa sulcata. Pedes ambulatorii valde setosi, mero compresso superne spinoso. Liomeræ aflinis, sed carapax angustiore, pedibus setosis spinosisque. »

La disposition de la région antennaire, l'absence de bosselures à la sur- face de la carapace, rapprochent ce genre des Carpilies véritables et le sépa- rent nettement des Afergatis, Atergatopsis, Lophactæa et Actæa.

LACHNOPODUS RODGERSIE (Stimpson). Lacanopopus RopGErsiI. Stimpson, op. cit., 52.

Cette espèce a été trouvée dans le détroit Gaspar.

Genre ATERGATIS (Dehaan).

CANCER. Milne-Edwards, Histoire naturelle des Crustacés, t. T, p. 372.

ATERGATIS. Dehaan, Fauna japonica. Crustacea, p. 7.

PLarypopra. Bell, Transactions of the zoological Society, t. X, p. 335.

ATERGATIS. Dana, United States Exploring Expedition. Crustacea, t. T, p. 157.

Alph. Milne Edwards, Monographie des Cancériens fossiles, Ann. des scienc. nat. Zool., série, t. XVIIE, p. 49. 1862.

Chez les espèces qui composent ce genre; la carapace est élargie, ova- laire, bombée dans le sens transversal et dans le sens latéro-antérieur. Les régions, en général, n’y sont pas distinctes, et quand elles le sont, les sillons qui les séparent sont peu profonds. Le front forme avec les bords latéro-anté- rieurs une ligne courbe régulière à grand rayon; il est lamelleux, peu avancé, presque droit ou sinueux sur son bord. Les orbites sont petites et profondes; leur bord sourcilier est divisé par deux très-petites fissures. Les bords latéro- antérieurs sont très-longs, ordinairement entiers, minces, tranchants et formant une sorte de bordure à la carapace qui est alors dite marginée. Les bords latéro-postérieurs sont courts et concaves. Le bord postérieur est étroit. La cloison interantennulaire est large et aplatie; la tigelle des antennes internes

ALPH. MILNE-EDWARDS, SUR LES CANGÉRIENS. 239

se reploie très-obliquement dans les fossettes destinées à les recevoir. Les antennes externes sont très-courtes; leur article basilaire, plus large à sa base qu’à son sommet, se réunit au front par son angle interne; la tigelle mobile très- petite.et très-grêle est logée dans le canthus interne de l'orbite. Le troisième article des pattes-mâchoires externes est court, large et échancré à son angle antéro-interne pour l'insertion de la tigelle. Les pattes antérieures sont robustes et subégales. Le bras est courtet entièrement caché sous la carapace, son bord postérieur est aigu et tranchant. La main est surmontée d’une crête plus ou moins aiguë et saillante. L’extrémité des pinces est légèrement excavée en forme de cuiller. Les pattes ambulatoires sont courtes , comprimées laté- ralement et sarmontées d’une crête aiguë. Le doigt est court, gros et terminé par un ongle assez long. L'abdomen du mâle est étroit, long, et se compose de cinq articles, les troisième, quatrième et cinquième anneaux étant soudés entre eux. |

Ce genre correspond au genre Cancer de M. Milne-Edwards et au genre Platypodia de M. Th. Bell. Il se distingue facilement du genre Atergatopsis, dont la carapace est légèrement bosselée, dont les bords latéro-antérieurs sont à peine marginés, et dont les pattes ne présentent pas en dessus de crête tranchante. Chez les Lophactæa, la carapace esl fortement marginée, mais les régions sont divisées en lobes et séparées par des sillons profonds; enfin elle est souvent granuleuse ou tuberculeuse. Chez les Carpilies, la forme de la carapace et la disposition des antennes externes est tellement particulière, que Von ne peut les confondre avec les Atergalis. |

41e ATERGATIS INTFEGERRIMUS (Lamarck).

CANCER LÆVIS LATIPES. Seba, 0p. cit, t. IE, pl. xx, fig. 6 et 7. _— yxreGerRimus. Lamarck, Hist. des animaux sans vertèbres, t. \, p. 273. _— Milne-Edwards, Hist. nat. des Crust., À. I, p. 374. (1835) et Atlas du Règne animal de Cuvier. Crust., pl. xibis, fig. 4. ATERGATIS INTEGERRIMUS. De Haan, Fauna japonica. Crust. , p. 45, pl. xiv, fig. 4. _ Dana, op. cit, t. I, p. 158. supprvisus. Adams et White, Zoology of the Voyage of H. M. S. Sama- rang. Crustacea, p. 38, pl. Vin, fig. 3.

Carapace bombée et élargie, à régions à peine indiquées et marquées de grosses poncluations rares en arrière et sur la partie médiane, plus rappro-

236 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

chées en avant, près des bords latéro-antérieurs; ceux-ci formant avec le front une courbure régulière, et garnis d’un bourrelet marginal aigu, fortement accentué et quelquefois présentant les traces obtuses de deux ou trois petites scissures qui paraissent le diviser en deux ou trois lobes. Les bords latéro- antérieurs se terminent en arrière par une crête’ qui se continue sur les régions branchiales. Front peu avancé, divisé par une petite scissure sur la ligne médiane et sinueux latéralement. Orbites très-petites. Troisième article des paites-mâchoires externes échancré en haut et en dedans pour l'insertion de la tigelle mobile. Pattes antérieures courtes, robustes et subégales. Bras entièrement caché sous la carapace. Avant-bras lisse et ne présentant ni crêtes, ni tubercules. Mains lisses en dehors, terminées supérieurement par une crête aiguë. Doigts fortement cannelés et armés d’une série de tubercules denti- formes. Pattes suivantes courtes, fortes et garnies en dessus d’une crête aiguë. Abdomen du mâle long et étroit, composé de cinq articles, les troisième, qua- trième et cinquième étant soudés. Sixième article très-long pour sa largeur.

Couleur rouge avec des ponctuations jaunâtres.

Largeur de la carapace, 0"100.

Longueur, 0"060.

Habitation. Japon , île de Poulo-Condor, Philippines, Ceylan, Zanzibar.

Collection du Muséum.

J'ai examiné au Musée britannique les exemplaires d’après lesquels M. White avait décrit son Atergatis subdivisus !, et j'ai pu me convaincre qu’ils ne différaient en rien du véritable A. integerrimus, et qu'ils ne constituent même pas une variété.

ATERGATIS SUBDENTATUS (Dehaan }.

ÂTERGATIS SUBDENTATUS. Dehaan, Fauna Japonica. Crust., p. 46, pl. mn, fig. 4.

Ce Cancérien ne diffère de l'A. integerrimus que par le développement de l’angle terminal des bords ‘latéro-antérieurs, qui fait saillie et forme une

1. Adams et White, Zoology of the Voyage of H. M. S. Samarang. Crustacea, p. 38. pl, vin, fig, 3.

ALPH. MILNE-EDWARDS. SUR LES CANCÉRIENS. 237

sorte de tubercule dentiforme. Il est du reste complétement semblable à l'espèce précédente, dont il n’est probablement qu’une variété. Habitation. Mer du Japon.

3 ATERGATIS LATISSIMUS |{Mihne-Edwards). Voy. pl. XIV, fig. 4, la.

ZLOZYMUS LATISSIMUS. Milne-Edwards, Hist. des Crust., t. 1, p. 384. ATERGATIS SINUATIFRONS. Adams et White, Zoology of the Voyage of H. M. S. Sama- rang. Crustacea, 1848, p. 38.

Carapace ovoïde, très-large et se rapprochant par ce caractère de l'A. dilatatus. Régions non distinctes. Surface couverte de petites ponctuations serrées et nombreuses. Bords latéro-antérieurs minces, tranchants et lamel- leux, indistinctement divisés par deux ou trois scissures et terminés en arrière par une crête assez forte qui se prolonge un peu sur les régions branchiales. Front formé de quatre lobes, les deux médians étroits, arrondis et séparés entre eux par une fissure étroite ; les lobes latéraux séparés des précédents par une large dépression assez profonde. Orbites petites. Bord sus-orbitaire divisé par deux fissures étroites. Pattes antérieures et ambulatoires sembla- bles à celles de l'A. integerrimus.

Couleur rougeâtre, tachetée de jaune; quelquefois d’un brun uniforme.

Largeur de la carapace, 0"120.

Longueur, 0"075.

Habitation. Les mers de l'Océanie. L'expédition scientifique du Samarang x aussi receuilli cette espèce sur les côtes de l’île Maurice.

L’A. latissimus ressemble beaucoup à l’A. integerrimus, avec lequel on pourrait, au premier abord, le confondre; cependant, il s’en distingue par plusieurs caractères constants. La carapace est plus large, relativement à la longueur. Les lobes moyens du front sont plus étroits, plus avancés et séparés des latéraux par une échancrure beaucoup plus profonde. La carapace est couverte de ponctuations fines et serrées, tandis que chez l'A. integerrimus, indépendamment de très-petites ponctuations visibles à la loupe, il existe des dépressions assez larges, peu profondes et espacées, qui ne se voient

238 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

que sur les régions latéro-antérieures. Enfin, les doigts des pinces de l’A. inte- gerrimus sont plus profondément excavés en cuiller.

L’A. sinuatifrons d’Adams et White ne diffère en rien de l'A. latissimus, et si les savants entomologistes anglais ont cru y voir une espèce distincte, cela dépend de ce qu’ils avaient omis de comparer les exemplaires qu'ils avaient entre les mains à cette dernière espèce, qui alors faisait D du genre Zozymus.

Collection du Muséum.

ATERGATIS DILATATEUS (Dehaan).

ATERGATIS DILATATUS. Dehaan, Fauna japonica. Crust., p. 46, pl. xiv, fig. 2.

On ne connaît jusqu’à présent de ce Crustacé que la carapace, qui parait se distinguer de celle des espèces dont nous venons de parler, par sa plus grande largeur. Les régions branchiales et hépatiques sont beaucoup plus renflées. Les bords latéro-antérieurs sont fortement marginés, surtout en dessous, et ne présentent aucune trace de divisions. Le front est très-peu proéminent.

Habitation. Les mers du Japon.

Largeur de la carapace, 0"080.

Longueur, 0"045.

5% ATERGATIS FRONTALIS |Dehan). ATERGATIS FRONTALIS. Dehaan, Fauna japonica. Crust., p. &6, pl. xiv, fig. 3.

Cette espèce, connue seulement paf une carapace, ne paraît différer de l’A. integerrimus que par la forme du front, dont les deux petits lobes médians sont plus avancés et beaucoup plus distincts que chez ce Cancérien. Le bourrelet marginal est divisé par trois scissures peu profondes. La surface du test est marquée en avant et latéralement de dépressions peu en ana- logues à celles que l’on voit chez l’A. integerrimus.

Habitation. Mers du Japon.

Largeur de la carapace, 0"105.

Longueur, 0"067.

ALPH. MILNE-EDWARDS. SUR LES CANCÉRIENS. 239

G ATERGATIS RETICULATUS | Dehaan). ATERGATIS RETICULATUS. Dehaan, Fauna japoniea. Crustacea, p. #7, pl. 1, fig. 4.

Par sa forme générale, cette espèce se rapproche beaucoup de l'A. inle- gerrimus ; elle est cependant plus longue et moins large. La surface du bouclier céphalo-thoracique est ponctuée. Les bords latéro-antérieurs ne présentent aucune trace de divisions. Au lieu d’être lisse, comme chez les espèces, précé- dentes, la carapace est rugueuse et offre des espèces de réticulations. Le front est semblable à celui de l'A. integerrimus. Les pattes antérieures sont rugueuses. La main est garnie d’une crête onduleuse et très-aiguë. L'abdomen du mâle se compose de cinq articles, les troisième , quatrième et cinquième étarit soudés. ;

Habitation. Mers du Japon.

Largeur de la carapace, 0"088.

Longueur, 0°050.

ATERGATIS ROSEUS (Ruppell).

CANCER ORIENTALIS? Herbst, pl. xx, fig. 117.

Canrius roseus. Rüppell, op. cit., p. 13, pl. mn, fig. 3.

CANCER ROSEUS. Milne-Edwards, op. cit, t. E, p. 374:

ArenGaris Roseus. Dehaan, Fauna japonicæ, p. 17.

Heller, Synopsis der Crustaceen des rothen Meeres, p.3.— Beiträge sur Crustaceen Fauna des rothen Meeres (Akad. der Wissen.), p. 309.

Carapace fortement bombée, sans indication des régions. Surface cou- verte de petites dépressions plus serrées ét plus profondes sur les portions latéro-antérieures que sur les portions postérieures, elles sont cependant s. Sillons branchio-cardiaques fortement indiqués. Bords latéro-

encore visibles. antérieurs mousses, sans échancrures, et ne présentant ni tubercule ni crête

saillante à leur extrémité postérieure. Front très-déclive; ses lobes moyens à

peine séparés et très-larges ; les latéraux qui forment les angles orbitaires

210 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

externes très-petits et beaucoup moins avancés. Pattes antérieures assez fortes. Mains rugueuses en dessus et en dehors. Avant-bras rugueux. Doigts à peine excavés en cuiller. Crêtes des pattes ambulatoires très-fortes, inégales et tranchantes.

Couleur rougeâtre, avec les doigts des pinces noirs.

Habitation. La mer Rouge.

Largeur de la carapace, 0"100.

Longueur, 0"068.

Cette espèce se distingue facilement par les dépressions nombreuses qui couvrent la carapace et les pinces, et qui leur donnent un aspect rugueux; ainsi que par ses bords latéro-antérieurs mousses, qui ne présentent en arrière ni tubercules ni crêtes.

Collection du Muséum.

0

ATERGATIS MARGINATUS (Ruppell).

CARPILIUS MARGINATUS. Rüppell, op. cit., p. 45, pl. an, fig. 4. ATERGATIS MARGINATUS. Dehaan, Fauna Japonica, p. 17. CANCER MARGINATUS. Milne-Edwards, Hist. nat. des Crustacés, t. E, p. 375. ÂTERGATIS MARGINATUS. Heller, Crustacés de la mer Rouge, p. 3. us _ Krauss, Die Südafricanischen Crustaceen, 1843, p. 28.

Carapace élargie à surface lisse et sans indications de régions. Bords latéro-antérieurs lamelleux, tranchants, se continuant avec les bords latéro- postérieurs, sans former de saillie ou de crête à l’angle latéral. Pattes ambu- latoires comprimées latéralement et surmontées d’une crête saillante.

Couleur marron, avec une bordure blanchâtre. Pattes couleur de chair. Doigts des pinces noirs.

Habitation. Mer Rouge.

Largeur de la carapace, 0"093.

Longueur, 0"045.

Je n’ai jamais eu l’occasion d'étudier cette espèce, dont la figure, donnée par Rüppell, laisse beaucoup à désirer ; il est possible que lorsqu'elle sera mieux connue, on puisse l'identifier à l’une des précédentes.

ALPH, MILNE-EDWARDS. SUR LES CANCÉRIENS. 241

9 ATERGATIS LÆVIGATUS (Nov. Sp.). Voy. pl. XV, fig. 4, 4 a.

Carapace bombée, très-élargie, sans indications de régions. Surface du test marquée d’une foule de ponctuations très-fines et très-serrées, que l’on n’aperçoit qu'à la loupe. Bords latéro-antérieurs mousses, entiers, se continuant avec les latéro-postérieurs par une courbure régulière, et ne pré- sentant à leur extrémité ni tubercule, ni crête saillante. Front très-déclive et peu sinueux, à lobes médians très-larges. Pattes antérieures lisses. Main très- peu carénée en dessus, à doigts faiblement creusés en cuiller. Pattes ambu- latoires courtes, à crêtes élevées, tranchantes et régulières.

Habitation. Les côtes de Malabar, d’où elle a été envoyée au Muséum, par M. Dussumier.

Largeur de la carapace, 0" 058.

Longueur, 035.

Par sa forme générale et par la disposition de ses bords latéro-antérieurs mousses et dépourvus de tubercules ou de crêtes à leur extrémité postérieure, cette espèce se rapproche beaucoup de l’Atergatis roseus, dont elle se distingue facilement par l’absence sur la carapace et les pinces des dépressions nom- breuses et profondes qui existent chez ce dernier Cancérien.

La forme des bords latéro-antérieurs empêche de la confondre avec les À. integerrimus, latissimus, frontalis, subdentatus et dilatatus.

Collection du Muséum.

10 ATERGATIS OBTUSUS (Nov. S.). Voy. pl. XIV, fig. 4, 4a.

Carapace bombée, moins élargie que celle des espèces précédentes, lisse, sans indications de régions. Bordure latéro-antérieure mousse et sans fissures, se continuant sans interruption avec les bords latéro-postérieurs. Front presque droit, faiblement échancré au milieu. Mains marquées de quelques ponctua-

I. + L

2h12 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

tions arrondies en dessus. Doigts noirs et cannelés, à peine creusés en cuil- ler. Pattes ambulatoires surmontées de fortes crêtes. Bord inférieur de leur troisième article cristiforme. Bord antérieur du troisième article des us mâchoires externes garni de petits bouquets de poils roides.

Couleur rougeûtre.

Habitation. Les côtes de Cochinchine, d’où cet Atergatis a été happorté par M. Mariot, enseigne de vaisseau.

Largeur de la carapace, 0"042.

Longueur, 0"027.

Cette espèce, se distingue des A. latissimus, integerrimus, reticulatus, dilatatus, floridus, par la forme de ses bords latéro-antérieurs et la manière dont ils se terminent en arrière. L'absence de dépressions serrées et profondes sur la carapace, ne permet pas de le confondre avec l'A. roseus et le scobri- culatus. La forme presque droite du front le distingue de l’A. sinualifrons. Enfin chez l'A. marginatus, les bords sont beaucoup plus tranchants.

Collection du Muséum.

11° ATERGATIS SCOBRICULATUS (Heller).

SCOBRICULATUS. Heller, Synopsis der Crustaceen des rothen Meeres, p. 3. Beiträge zur Crustaceen Fauna des rothen Meeres, p. 310.

Carapace convexe et déclive en avant. Surface ponctuée, scobriculée vers les bords latéro-antérieurs. Front divisé en deux lobes. Bord latéro-antérieur à quatre lobes. Pinces rugueuses et ponctuées en dehors.

Habitation. Mer Rouge.

Cette espèce, qui n’a jamais été figurée, paraît se distinguer de l’A. roseus par les scobriculations de la carapace, et par la division du bord latéro-antérieur en quatre lobes.

ALPH. MILNE-EDWARDS. SUR LES CANCÉRIENS. 2h38

12 ATERGATIS FLORIDUS (Rumphius).

CaNGER FLorRiDus. Rumphius, D’Amboinsche rariteitkammer, p. 16, pl. VII, fig. 5. _ Linné, Systema naturæ, édit. xir, p. 1041. CANCER OCYROE. Herbst, op. cit., pl. Liv, fig. 2.

_ Milne-Edwards, Hist. nat. des Crust., 1.1, p. 375, ATERGATIS FLORIDUS. Dehaan, 0p. cil., p. 46.

Dana, op. cûl., t. [, p. 459, pl. vur, fig. 4. Cancer FLorinus. Krauss, Die Südafricanischen Crustaceen, 1843, p. 27.

Carapace bombée, élargie, à régions assez nettement indiquées. Surface légèrement bosselée, très-finement ponctuée. Bords latéro-antérieurs lamel- leux, tranchants, terminés en arrière par une petite dent arrondie et présen- tant une ou deux petites fissures. Angle orbitaire externe, distinct du bord latéro-antérieur. Front très-déclive, large, avancé au milieu et à peine sinueux. Pattes antérieures de grosseur médiocre. Mains très-légèrement rugueuses en dehors, fortement carénées en dessus. Doigts grands et en cuiller. Pattes ambulatoires garnies d’une crête élevée et tranchante. Leur pénultième article dépourvu, sur son bord inférieur, de la crête tranchante qui existe chez les A. latissimus, integerrimus, dilatatus, roseus, lævigatus, etc. © Couleur rougeître, avec de nombreuses taches jaunes.

Habitation. Les îles de l'Océanie et l’Inde archipélagique, l'île de Poulo- Condore, la mer Rouge.

Largeur de la carapace, 0"055.

Longueur, 0"038. F

Cette espèce, qui est très-commune dans l'océan Indien, est facilement reconnaissable aux bosselures nombreuses de la carapace, à la forme des bords latéro-antérieurs, et à l'absence de crête sur le bord inférieur du pénul- tième article des pattes ambulatoires.

Collection du Muséum.

12% ATERGATIS NITIDUS (Nov. Sp.)

Carapace très-élargie, entièrement lisse et brillante, sans ponctuations ni petites dépressions. Front peu avancé et presque droit. Bord latéro-anté-

24h NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

rieur mince , entier et fortement marginé, surtout en dessous , ne présentant pas de tubercule à son extrémité postérieure. Pattes-mâchoires externes cou- vertes d’un poil court et serré. Pattes antérieures subégales, courtes; mains surmontées d’une crête aiguë. Pattes ambulatoires comprimées latéralement, et fortement marginées en dessus. Plastron sternal et abdomen couverts de poils fins et très-courts.

Carapace rose clair avec une bande marginale blanche. Pattes plus fon- cées que la carapace. Doigts des pinces noirs. |

Largeur de la carapace, 0" 024.

Longueur, 0" 040.

Habitation, Archipel Viti.

Cette jolie espèce se distingue de l'A. latissimus par la forme peu sinueuse de son bord frontal. On ne peut la confondre avec l'A. integerrimus, chez lequel la carapace est moins élargie, et couverte de ponctuations et de petites dépressions. Chez l'A. dilatatus, dont le bouclier dorsal est très-large, les bords latéro-antérieurs se terminent par un tubercule. Enfin, chez l'A. lœvigatus, les pinces ne portent pas de crête saillante sur leur bord supérieur.

Collection du Muséum. :

L'Atergatis lateralis ! et l'A. insularis ? d'Adams et White ne peuvent rester dans le genre Atergatis, et doivent prendre place dans des groupes tout à fait différents; en effet, ils appartiennent à la division des Xanthides. Il en est de même pour l’Atergatis elegans 3 de M. Heller.

ESPÈCE FOSSILE. ATERGATIS DUBIUS.

Alph. Milne-Edwards, Monographie des Cancériens fossiles. Ann. des scienc. nat. Zool., t. XVII, p. 50, pl. 1v. fig. 4 et 44.

Cette espèce provient du terrain nummulitique des environs de Dax.

1. Adams et White, Voyage of the Samarang. Crustacea, p- 39, pl. vin, fig. 4.

2. Adams et White, Loc. cit.

3. Heller, Neue Crustaceen gesammell während der Weltumseglung der Fregaite No- vara. (Aus den Verhandl. der K. K. Zool, Bot. Gesellsch. in Wien., 1862, p. 519.)

ALPH. MILNE-EDWARDS. SUR LES CANCÉRIENS. 245

TABLEAU DES ESPÈCES DU GENRE ATERGATIS.

Carapace bosselée

Bords FLORIDUS, Jatéro-antérieurs terminés en arrière |

\ Lobes médians du front étroits...,.,.....,....,..... LATISSIMUS Lisse. ) ;

Carapace | | Lobes médians du front larges sans bosselures.

INTEGERRIMUS

par une crête.

| Couverte de réticulations RETICULATUS.

Bords latéro-antérieurs terminés en arrière par un tubercule DILATATUS.

Main surmontée d'une crête saillante. Nirinus. Carapace très-élargie

Main arrondie en dessus...,,........ LÆVIGATUS. rds latéro-ant. £ isse. - 5 Bords latéro-ant. se Carapace lisse Médiocrement { Main surmontée da a shui Ma nask itue: continuant sans w \ catide àves Tes BH élargie Main arrondie en dessus OBTUSUS. Jatéro-postérieurs. Carapace ponctuée Rosæus.

Genre LOPHACT/ÆEA (A. Edwards).

LopsacrÆa. Alph. Milne-Edwards. Ann. des scien. nat. Zool., série, t. X VITE, p. 53.

J'ai cru nécessaire de réunir dans une division générique particulière certaines espèces de Cancériens qui, rangées auparavant dans le genre Ater- gatis, s'en distinguent par les lobulations qui subdivisent les régions du bou- clier dorsal. Le type de ce genre est le Xantho granulosus de Rüppell, qui depuis fut rangé par M. Milne-Edwards dans son genre Cancer (Atergatis de Dehaan), par Dehaan dans le genre Ægle, et enfin par M. Dana, et plus tard par M. Heller, dans le genre Afergalis.

Chez les espèces qui composent ce genre, la carapace esl fortement bombée dans le sens transversal et antéro-postérieur. Les bords latéro-anté- rieurs sont longs, et forment avec le front une courbe régulière à grand rayon. Ils constituent autour de la carapace une crête mince et tranchante, divisée plus ou moins complétement en lobes, par des fissures étroites. Les régions sont fortement dessinées et divisées en lobes plus saillants sur la portion anté- rieure que sur la moitié postérieure de la carapace; souvent ces lobes sont couverts de granulations. Les sillons qui les séparent sont toujours lisses. Le front est lamelleux, droit ou faiblement sinueux. La région antennaire et les pattes-mächoires externes sont disposées comme celles des Atergalis. Les pattes antérieures sont subégales, et tantôt surmontées d’une crête, tantôt

216 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

arrondies en dessus. Les pattes ambulatoires sont courtes, comprimées latéra- lement, et leur bord supérieur se relève en une crête tranchante. L'abdo- men des mâles est étroit et composé de cinq articles, les troisième, qua- trième et cinquième étant soudés en une seule pièce.

Ce genre ne comprend jusqu’à présent que des espèces propres aux mers de l'Asie et de l'Amérique; les côtes d'Europe n’en ont fourni aucun repré- sentant.

Les Lophaciæa, comme nous l'avons dit, ne peuvent se confondre avec les Atergatis, chez lesquels la carapace, en général beaucoup plus large, est entièrement lisse, ou du moins ne présente que des traces peu visibles de divisions inter-régionnaires.

Chez les Afergatopsis, les pattes ne sont jamais surmontées d’une crête tranchante. Les bords latéro-antérieurs ne sont pas cristiformes, et enfin les sillons qui séparent entre eux les divers.lobes des régions sont moins profonds que dans le genre Lophactæa.

LOPHACTÆA CRISTATA (Nov. Sp.). Voy. pl XVI, fig. LA

Carapace élargie, bombée dans le sens transversal et dans le sens antéro- postérieur. Surface couverte de gros tubercules arrondis et saillants. Région gastrique, fortement lobulée ; lobes épigastriques et protogastriques portant des tubercules très-rapprochés les uns des autres: sur l’urogastrique les tubercules sont plus gros et plus espacés; il en est de même sur les régions hépatiques. Régions branchiales dépourvues de sillons intexlobulaires et portant sur leur portion antérieure de gros tubercules qui, en arrière et sur la région cardiaque, deviennent plus rapprochés et moins saillants. Front droit et inter- rompu sur la ligne médiane par une fissure linéaire. Orbites profondes, surmon- tées par un bord sourcilier épais et garni de quelques granulations. Bords latéro-antérieurs plus longs que les latéro-postérieurs, minces, lamelleux, lisses et divisés par trois fissures linéaires en 4 lobes, dont le postérieur est le plus petit. Régions latéro-inférieures de la: carapace finement granuleuses. Pattes antérieures subégales. Mains surmontées d’une crête granuleuse, cou- vertes en dehors de gros tubercules, en dedans et en dessous de granulations.

ALPH, MILNE-EDWARDS. SUR LES CANCÉRIENS. 9h7

Doigts cannelés longitudinalement, noirs, avec l'extrémité des denticulations du bord tranchant blanche. Avant-bras tuberculeux. Bras garni d’une crête en arrière et couvert de fines granulations. Pattes ambulatoires comprimées latéralement, surmontées d’une crête saillante et lisse, granuleuses sur le reste de leur surface. Doigt court et poilu. Abdomen du mâle étroit.

Largeur de la carapace, 0" 047.

Longueur, 0"032.

Habitation, les côtes de Cochinchine, d’où M. Mariot en a rapporté plu- sieurs individus au Muséum, l’île de Zanzibar, elle a été trouvée par M. L. Rousseau.

Collection du Muséum.

2 LOPHACTÆA GRANULOSA (Rappel,

Xanrao GraxuLosus. Rüppell, op. cit., p. 24, pl. v, fig. 3. ÆGLE GRANULOSUS. Dehaan, 0p. cit., p. 17.

CANCER LiMBATUS. Milne-Edwards. Hist. nat. des Crustacés , €. T, p. 377, pl. Xv4, fig. 14. ATERGATIS LIMBATUS. Dana, op. cûl., 1. 1, p.157.

ATERGATIS LIMBATUS, Heller, Synopsis der Crustaceen des rothen Meeres, p. #.

Cette espèce est très-voisine de la précédente; elle s’en distingue cepen- dant facilement par l'absence de crête lamelleuse et saillante sur le bord supé- rieur de la main, qui est au contraire arrondie et granuleuse en dessus, et par la forme et la disposition des tubercules qui sont plus rapprochés, moins saillants, et qui, sur la moitié postérieure de la carapace, tendent à s’effacer. Par tous ses autres caractères, la L. granulosa ressemble à la L. cristata.

Largeur de la carapace, 0"048.

Longueur, 0" 035.

Habitation, la mer Rouge, d’où Rüppell en a envoyé deux individus Muséum, et l’île de Zanzibar, d’où elle a été rapportée par M. L. Rousseau.

M. Milne-Edwards, dans son Histoire naturelle des Crustacés, avait rem- placé le nom de €. granulatus proposé par Rüppell, par celui de €. limbatus, parce que, dans le genre Cancer, tel qu’il était admis à cette époque, il y avait une autre espèce désignée également sous le nom de Cancer granulatus. Mais aujourd’hui que ces deux Cancériens font partie de deux genres diffé- rents, je crois devoir restituer à l'espèce de Rüppell son nom primitif.

Collection du Muséum.

248 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

LOPHACTÆA EYDOUXIE (Nov. Sp.). Voy. pl. XVI, fig. 2, 24, 26.

Carapace élargie et bombée, couverte de granulations qui deviennent moins apparentes en arrière, et qui manquent sur le lobe urogastrique et sur le lobe cardiaque antérieur. Lobes épigastriques et protogastriques peu sail- lants, séparés par des sillons peu profonds. Front droit, séparé en deux par- ties par une fissure à peine visible. Bords latéro-antérieurs très-longs, lamel- leux, cristiformes, et divisés d'une façon obscure en quatre lobes par trois fissures. Pattes antérieures semblables à celles de la L. granulosa. Pattes ambulatoires. à peine granuleuses.

Largeur de la carapace, 0"09292.

Longueur, 0"048.

Habitation. Les îles Sandwich, d’où elle à été rapportée au Muséum par M. Eydoux.

La L. Eydouxii ressemble beaucoup à la L. granulosa par l'absence des crêtes sur le bord supérieur de la main, et par la disposition des granula- tions qui ornent la carapace. Mais elle s’en distingue par le mode de lobula- tion du bouclier céphalo-thoracique. En effet, chez la L. granulosa, la région gastrique est fortement lobulée et divisée par des sillons profonds qui existent à peine chez l’espèce des îles Sandwich.

Collection du Muséum.

4 LOPHACTÆA SEMIGRANOSA (Heller).

ATERGATIS SEMIGRANOSUS. Heller, Beilräge zur Crustaceen Fauna des rothen Meeres P. 313. Synopsis der Crustaceen des rothen Meeres, p. ÿ.

Cette espèce n’a malheureusement jamais été figurée, mais d’après la description qu’en donne M. Heller, il me semble évident qu’elle doit se ranger dans le genre Lophactæa à côté de la L. granulosa.

La carapace est granuleuse sur toute sa surface, excepté sur les lobes mésogastrique et cardiaque, elle est lisse ou simplement ponctuée. Les

ALPH. MILNE-EDWARDS, SUR LES CANCGÉRIENS. 249

régions y sont nettement indiquées. Les lobes protogastriques et épigastri- ques sont séparés par des sillons lisses et profonds. Le lobe mésogastrique ne porte pas de granulations. Les lobes hépatiques sont distincts des régions branchiales qui sont divisées en deux lobes. Le front mince et avancé, pré- sente un bord légèrement sinueux. Les bords sourciliers sont peu épais. Les bords latéro-antérieurs, minces et tranchants, sont divisés en quatre on cinq dents inégales et obtuses. Les paties sont semblables à celles de la L. granu- losa ; l'index de la pince porte à sa base une dent forte et grosse.

Habitation. La mer Rouge.

Cette espèce se distingue de la L. granulosa par l'absence de granula- tions sur la partie postérieure du corps, par la forme de son bord latéro- antérieur, inégalement divisé et efin par l'absence de lobulation sur les régions hépatiques. Il est évident qu'elle ne peut rentrer dans le genre Atergatopsis, puisque le bouclier dorsal est entouré d’un bord mince et tran- chant, et que les pattes ambulatoires sont surmontées d’une crête saillante.

% LOPHACTÆA LOBATA (M.-Edw.).

Yoy. pl. XVI, fig. 5, 3 a.

Cancer sPecTABILis? Herbst, Xrabben und Krebse, pl. xxxvH, fig. 5. Losarus. Milne-Edwards, Hist. nat. des Crust., t. EL, p. 375. ATERGATIS LOBATUS. Slim)son, Votes on American Crustacea (Ann. of the Lyc of nat. hist.). 1859, p. 74.

Carapace élargie, très-finement granulée, fortement lobulée en avant et très-rétrécie en arrière. Lobules des régions saillants et arrondis. Front lamel- leux, à bord arrondi, saillant et divisé sur la ligne médiane par une fissure linéaire. Bords latéro-antérieurs très-longs, divisés en quatre lobes par trois fissures, et se continuant en dedans par une crête qui, de chaque côté, s’avance de l'angle latéral vers la région cardiaque. Le deuxième el le quatrième lobe plus petits que les autres. Bords latéro-poslérieurs courts el concaves. Pattes antérieures subégales , lisses ou très-légèrement granuleuses. Mains surmontées d’une crête tranchante, et portant en dehors trois ou quaire lignes saillantes. Doigts pointus, cannelés, armés sur leur tranchant de fines denli- s, comprimées et surmontées d'un bord

32

culations. Pattes ambulatoires courte

1.

250 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

tranchant. Pied et jambe très-finement granulés en dehors. Doigt court et terminé par un ongle pointu.

Cette espèce est remarquable par l'éclat et la disposition de ses couleurs qui, malheureusement, disparaissent chez les individus desséchés ou conservés dans l'alcool. La région gastrique et les régions hépatiques sont presque entiè- rement couvertes par une tache rouge bordée d’un liseré violacé. De chaque côté, les régions branchiales portent une tache semblable, ainsi que la région cardiaque. Les autres parties de la carapace sont pointillées de rouge. Les mains sont entourées d’une large bande rouge, bordé d’un liseré violet. L'avant-bras porte sur sa face externe une tache de même coulear. I en existe également une sur chaque article des pattes ambulatoires, ainsi que des pattes- mâchoires externes.

Largeur de la carapace, 0" 020.

Longueur, 0"013.

Habitation. Les Antilles.

Cette espèce se distingue de toutes les précédentes en ce que la carapace paraît lisse; il faut se servir d’une loupe pour distinguer les granulations dont elle est couverte.

D’après M. Strahl, qui a pu étudier la collection de Herbst, la carapace ligurée par ce dernier auteur sous le nom de Cancer spectabilis, appartiendrait à la L. lobata 1.

Collection du Muséum.

6 LOPHACTÆA ROTUNDATA (Stimpson).

ATERGATIS ROTUNDATUS. Stimpson, Votes on North American Crustacea (an. of the Lyc of nat. hist.). 1859, p.

M. Stimpson, qui a fait connaître cette espèce, lui assigne les caractères suivants :

Carapace plus large que chez la plupart des espèces de ce genre, égale- ment convexe en avant et en arrière, aréolée et granuleuse. Bords latéro- antérieurs minces, tranchants et obscurément quadrilobés. Les lobes séparés gr de très-petites échancrures et non par des fissures. La crête marginale

4. C. Strahl, Carcnoligieshe Beilräge (Troschel's Archiv für mnt disco 1861, t. I, p. 103.)

ALPH. MILNE-EDWARDS. SUR LES CANCGÉRIENS. 251

granuleuse comme le reste de la carapace. Bords latéro-postérieurs très-courts. Main courte, avec une crête lamelliforme en dessus. Surface externe granu- leuse et ornée de quatre ou cinq côtes granuleuses.

Habitation. Le cap San Lucas (Californie).

Cette espèce diffère de la L. granulosa par son bord ou erête latéro-anté- rieure plus étroit. Elle représente la L. lobata des côtes atlantiques de l’Amé- rique, mais elle en diffère en ce qu’elle est plus convexe et granuleuse en arrière, et qu’elle a des crêtes plus aiguës sur les mains, etc.

% LOPHACTÆA ANAGLYPTA (Her.

ATERGATIS ANAGLYPTUS. Heller. Beiträge gur Crustaceen Fauna des rothen Meeres, p. 312, pl. 1, fig. 41 et 12.

Carapace lisse, bombée, lobulée en avant, mais moins fortement que dans l'espèce précédente. Lobes épigastriques et protogastriques peu distincts, front large, lamelleux, à bord légèrement arrondi et séparé sur la ligne médiane par une fissure très-étroite. Bords latéro-antérieurs moins longs que dans l’espèce précédente, formant une crête tranthante à peine divisée en lobes par des fissures peu visibles. Bords latéro-postérieurs concaves. Pattes antérieures subégales. Mains surmontées d’une crête mousse et arrondie ; rugueuses en dehors; doigts comprimés, cannelés et garnis sur leurs bords tranchants de fines denticulations. Avant-bras rugueux en dehors. Bras très-courtetentièrement caché par le bord de la carapace. Pattes ambulatoires comprimées latéralement, lisses et surmontées d’une crête peu élevée.

Couleur d’un brun violet avec des taches jaunes, doigts des pinces noirs.

Longueur de la carapace, 0"026 ;

Largeur, 0"017;

Habitation. La mer Rouge.

Chez cette espèce, la carapace est entièrement lisse, ce qui la distingue des Lophactæa cristata, granulosa et Eydouxii. Elle ne peut se confondre avec la L. lobata dont la carapace est plus fortement lobulée, les bords latéro- antérieurs plus longs et plus profondément divisés, les pinces légèrement granuleuses et non couvertes de rugosités.

Collection du Muséum.

292 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

TABLEAU DES ESPÈCES DU GENRE LOPHACTÆA.

Pinces garnies de crêtes CRISTATA.

! Région gastrique divisée en plusieurs lobes

Carapace par des sillons profonds. Pinces dépourvues ornée de fortes Bords latéro-antérieurs divisés en

granulations, | quatre ou cinq dents inégales et

! Bords latéro-antérieurs divisés en quatre lobes égaux GRANULOSA.

obtuses SEMIGRANOSA ?

\

Région gastrique à peine lobulée Eypouxu.

( LoBa o li - Bords lat.-ant. se continuant sur les régions branchiales par une petite crête aigue. | Carapace lisse 8 P P LA | Rorunpara ?

Bords lat.-ant. se terminant par un tubercule très-obtus ANAGLYPTA.

ou presque lisse.

(Les espèces marquées d'un ? sont celles que je n’ai pu examiner

Genre ATERGATOPSIS (Nov. Gen.)

Je crois nécessaire de créer cette nouvelle division générique pour un certain nombre d'espèces qui, par l’ensemble de leurs caractères sont inter- médiaires entre les Atergatis d’une part et les Carpilies d'autre part.

Par sa forme générale, la carapace ressemble beaucoup à celle du genre Carpilius, cependant les régions sont séparées par des sillons qui se prolon- gent et partagent les bords latéro-antérieurs, tandis que, dans le genre que je viens de citer, le bouclier céphalo-thoracique est constamment lisse, sans indi- cation des régions, et les bords latéro-antérieurs sont entiers. Les bords laté- ro-antérieurs sont épais, tandis que chez les Atergatis ils sont minces et se prolongent en une sorte de lame tranchante. Cependant chez les Atergatopsis on remarque une ligne qui borde la portion antérieure de la carapace. La région antennaire diffère complétement de celle des Carpilies et ressemble à celle des Atergatis. En effet, l’article basilaire des antennes externes est court et s’unit par son angle antéro-interne au prolongement sous-frontal sans se prolonger entre celui-ci et le bord sous-orbitaire inférieur. Le troisième article des pattes-mâchoires externes est subquadrilatère. L’endostome est lisse. Les pattes sont arrondies au-dessus comme celles des Carpilies et non carénées comme celles des Atergatis. Les pinces sont subégales ; chez les Carpilies au contraire, leur inégalité est remarquable et les doigts très-courts ne portent sur leur bord tranchant qu'une ou deux grosses dents basilaires. Dans le

ALPH. MILNE-EDWARDS. SUR LES CANCERIENS. 258

genre qui nous occupe, les pinces sont multidentées et terminées par une extrémité aiguë et non cochlériforme comme chez la plupart des Atergatis. L'abdomen du mâle est disposé sur le même plan que dans ce dernier genre, tandis que chez les Carpilies véritables, l'abdomen compte six anneaux au lieu de cinq.

Ce genre se rapproche beaucoup des Liomères; mais chez ces derniers, la carapace est beaucoup plus élargie; les bords latéro-antérieurs très-épais ne portent jamais aucune trace de margination ; enfin les régions sont beaucoup moins profondément indiquées.

ATERGATOPSIS SIGNATUS (White).

CARPILIUS SIGNATUS. Adams et White, Voyage of the Samarang, Crustacea, p. 37, pl. x, ig. À

Carapace lisse, épaisse, très-convexe dans tous les sens; régions séparées par des sillons larges et très-peu profonds. Front peu avancé, presque droit formé de deux lobes sinueux latéralement et séparés sur la ligne médiane par une fissure étroite. Bords latéro-antérieurs longs, arqués, épais, divisés par le prolongement des sillons de la carapace en quaire lobes (sans compter l’angle orbitaire externe), ou plutôt en quatre parties ; les deux premières de même longueur, la troisième plus étendue, la quatrième formant à l’angle latéro-postérieur une dent épaisse et tuberculiforme. Bords latéro-postérieurs renflés et épais. Pattes antérieures fortes; mains arrondies en dessus, rugueuses à la partie supérieure de leur face externe, lisses en dessous ; doigts armés de plusieurs dents sur leur bord tranchant et de couleur noire. Pattes ambulatoires, fortes, lisses, arrondies en dessus ; doigts poilus. Abdomen du mâle composé de cinq articles.

Couleur d’un brun rouge avec des dessins symétriques d'un jaune plus clair, pattes uniformément jaune rouge, doigts des pinces noirs.

Habitation. L'ile Maurice.

Largeur de la carapace, 0"094.

Longueur, 0"070.

Collection du Muséum.

25 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

2 ATERGATOPSIS FLAVO-MACULATUS (Nov. Sp.). Vov. pl. XII, fig. 4, 14, 4.

Carapace très-large, épaisse et bombée dans tous les sens; régions séparées par des sillons larges et peu profonds. Front très-déclive, presque droit, formé de deux lobes séparés sur la ligne médiane par une fissure étroite et peu profonde. Bords latéro-antérieurs longs, très-arqués, très-légèrement marginés et divisés, comme ceux de l’A. signatus, en quatre parties disposées de même. Pattes antérieures courtes, mains très-légèrement rugueuses en dehors. Doigts cannelés et armés de plusieurs dents sur leur bord tranchant. Avant-bras lisse. Pattes ambulatoires courtes, fortes et non marginées en dessus.

Couleur rouge avec des taches jaunes.

Habitation. Pondichéry, cette espèce à été recueillie par M. Roux, de Marseille.

Largeur de la carapace, 0"020. |

Longueur, 0"04/.

Cette espèce diffère de la précédente par les proportions relatives de la. carapace dont la largeur est plus grande. Le front est plus déclive; si on regarde la carapace en dessus, son bord se trouve caché, tandis que chez l'A. signatus il est apparent; la ligne qui forme une espèce de bordure aux bords latéro-antérieurs est plus marquée que chez l'espèce décrite par M. White. Ces caractères ne sont d’ailleurs que d’une faible importance, et peut-être, quand on aura pu étudier toute la série des variétés dues à l’âge de l'A. signa- tus, devra-t-on y réunir l'A. flavo-maculatus. Mais comme jusqu’à présent ces intermédiaires font défaut, je crois devoir distinguer sous 1n nom spé- cifique distinctif le Crustacé que je viens. de faire connaître.

Collection du Muséum. Ê

ALPH. MILNE-EDWARDS. —— SUR LES CANCEÉRIENS. 255

3 ATERGATOPSIS GRANUELLATUS (Nov Sp). Voy. pl. XI, fig” 2, 24, 2b.

Carapace fortement bombée dans tous les sens, et portant des poils bruns courts et roides; régions disposées comme chez l'A. signatus. Surface couverte de granulations plus nombreuses et plus grosses près des bords; ces sranulations manquent complétement sur le lobe urogastrique. Front lamel- leux, avancé, formé de deux lobes arrondis en avant, granuleux et séparés sur la ligne médiane par une fissure étroite. Angle orbitaire interne petit et séparé des lobes frontaux par une échancrure étroite. Bords sus-orbitaire et sous-orbitaire granuleux. Bords latéro-antérieurs garnis de nombreuses gra- nulations ponctuées, et régions ptérygostomiennes granuleuses. Pattes anté- rieures subégales et poilues. Pouce fortement cannelé longitudinalement et très-granuleux, à bord tranchant, armé de quelques petites denticulations. Index lisse, maïs armé auprès de sa base d’une dent unique très-grosse, très- comprimée et tranchante. Main entièrement couverte de fortes granulations, én dessus, en dehors et même un peu en dedans. Avant-bras granu- leux. Bras très-court, complétement caché sous la carapace. Pattes ambula- toires fortes, poilues et couvertes de petites granulations. Face inférieure du corps poilue. Abdomen du mâle étroit et composé de cinq articles. Couleur d’un brun rougeâtre, avec des taches jaunes vers la ligne médiane de la carapace; doigts des pinces noirs.

Habitation. L'ile de Zanzibar, d’où cette espèce est envoyée au Muséum par M. Grandidier. Le Musée britannique ‘en possède des exemplaires recueillis aux Philippines.

Largeur de la carapace, 0"080.

Longueur, 0055. 3

Les nombreuses granulations qui couvrent la carapace et les pattes de cette espèce, ne permettent pas de la confondre avec aucune des précé-

dentes. Collection du Muséum.

256 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

ATERGATOPSIS LUCASIL [Montrouzier). Voy. pl. XU, fig. 4, 1 a.

ATerGATOPSIS Lucas. Montrouzier, Bulletin de la Société entomologique de France, séance du 24 mai 4665.

Carapace élargie, fortement bombée, couverte de poils noirs et bruns, régions indiquées par des sillons moins profonds que chez l’A. Granulatus, Parties latéro-antérieures ornées de granulations grosses et peu saillantes, qui disparaissent en arrière et sur la ligne médiane. Front semblable à celui de l’espèce précédente, mais moins granuleux. Bords latéro-antérieurs garnis de granulations régulières. Pattes antérieures subégales et poilues. Pouce fortement cannelé, mais lisse ; index lisse et armé sur son bord tran- chant d'environ trois dents petites et égales. Main lisse en dessous et en dedans, couverte en dessus et en dehors de grosses granulations. Avant- bras granuleux. Pattes ambulatoires fortes et poilues.

Couleur d’un brun chocolat avec une tache jaune en forme de croix sur le lobe urogastrique; doigts des pinces noirs, avec les extrémités des denti- cu:ations blanches.

Cette espèce a élé recueillie :par le Rév. Père Montrouzier, sur les côtes de l’île Art (Nouvelle-Calédonie.)

Largeur de la carapace, 0"105.

Longueur, 0"073.

L'Atergatopsis Lucasii se distingue facilement de l'A. granulatus, par le peu de profondeur des sillons interrégionnaires, par l’absence des granulations sur toute la partie postérieure de la carapace et sur le pouce des pinces, par l'absence d’une dent unique et très-forte sur l'index, et par la conformation de la main, qui n'est pas granuleuse en dessous, comme chez l'espèce de Zanzibar.

Collection du Muséum.

ALPH. MILNE-EDWARDS. SUR. LES CANCÉRIENS. 297

5 ATERGATOPSIS GERMANIE (Nov. Sp. Voy. pl. XE, fig. 1, 44, 46.

Carapace élargie, bombée, dépourvue de poils. Sillons interlobulaires disposés comme chez l'A. signatus. Parties latéro-antérieures rugueuses, plutôt que granuleuses ; le reste de la carapace lisse. Front peu avancé, lamelleux, lisse, ainsi que les bords sus et sous-orbitaires. Canthus orbitaire interne très-resserré à cause de la longueur de l'angle sous-orbitaire ‘interne. Bords latéro-antérieurs garnis de petites granulations régulières et peu sail- lantes.

Pattes antérieures portant quelques poils courts. Mains granuleuses en dessus et un peu en dehors; pouce lisse ét cannelé longitudinalement; index lisse et armé de trois petites dents égales sur son bord tranchant. Avant- bras légèrement granulé en dehors.

Pattes ambulatoires poilues. Corps lisse en dessous. Abdomen du mâle, long, étroit et composé de cinq articles.

La couleur de l'Atergatopsis Germanii varie dans des limites assez éten- dues; d’après des renseignements que m'a fournis M. R. Germain, à qui je dédie cette espèce, vivante elle serait ordinairement couleur carmin nuancé de lilas, avec les pinces noires.et l'œil rougeätre, mais quelquefois le fond est blanc, teinté de lilas et maculé de grandes taches chocolat; l'alcool fait disparaître la teinte rouge, qui devient lilas jaune. Ce crabe se trouve sur les bancs madréporiques, découvrant à marée basse de l’île de Poulo-Condore, à vingt lieues des côtes de Cochinchine, d'où M. Germain en a envoyé plu- sieurs beaux exemplaires au Muséum.

Largeur de la carapace : 0"075.

Longueur : 0"055.

L'Atergatopsis Germanti se rapproche de l'A. Lucasit par la rareté des granulations qui se voient sur la carapace, mais il s’en distingue par la forme de son front beaucoup moins avancé et lisse, et par l'absence des poils sur la carapace, qui est beaucoup plus lisse. Les granulations ne couvrent que la partie supérieure de la main au lieu de se prolonger sur toute sa face externe.

33

258 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

6 .ATERGATOPSIS FRAUENFELDE Hier).

ATERGATIS FRAUENFELDI. Heller. Beiträge zur Crustaceenfauna des rothen Meeres, loc. cût., p. 314, pl. 1, fig. 40. —, . _— Synopsis der Crustaceen des rothen Meeres, p. 8.

Cette espèce, comme le dit M. Heller, diffère de l'A. Floridus en ce que le bord supérieur de la main et des pattes ambulatoires est arrondi au lieu d’être caréné, et que les bords latéro-antérieurs ne sont pas marginés. Elle doit évidemment se placer dans le genre Atergatopsis à côté de l’A. signa- tus, mais la description qui en a été donnée par cet auteur ne permet pas de la distinguer de cette dernière espèce. Il est cependant à noter que sur la _ figure qui accompagne cette description, les sillons interrégionnaires parais- sent exister en arrière aussi bien qu’en avant, tandis que chez l'A. signalus, et chez l’A. flavomaculatus, ils n'étaient distincts qu’en avant.

Couleur d’un jaune brun.

_ Habitation. La mer Rouge. 7e

Largeur de la carapace : 0020.

Longueur : 0"O14. 7

TABLEAU DES ESPÈCES DU GENRE ATERGATOPSIS.

su, ÿ : ( A. si js Sillons int ég 1 distinct ÿ ] t en avant ( D CE PRES * Ü A. FLAvOMACULATUS. antérieures lisses. re Lis Sillons interrégionnaires distincts, en arrière aussi bien qu'en avant. :..... A. FRAUENFELDI Ÿ

Carapace plus ou | M he urogastrique ) À À. GRANULAIUS: moins granuleuse. | Régions latéro-antéri les g l A. Lucasn. Pattes antéri à d :

ie Corps glabre, pattes poilues, régions latéro-antérieures plutôt rugueuses

granuleuses.

que granuleuses A. GERMANII. (Les espèces marquées d'un. ? sont celles que je n'ai pas eu entre les mains.)

F0:

ALPH. MILNE-EDWARDS: SUR LES CANCERIENS. 259

Genre ACT/ÆA (Dehaan).

Cancer (pars). Linné. Fabricius. Herbst. Latreille. Desmarest.

Milne-Edwards, Histoire naturelle des Crustacés, t. 1, p. 372, Zozyuus (pars). Milne-Edwards, loc. cit., 1, I, p. 383. XANTHO (pars). Ruppell, Crustacés de la mer Rouge, p. 26.

Milne-Edwards, loc. cit., t. I, p. 388.

Lucas, Anim. articulés de d'Algérie, p. M. Acroropes. Dana, United states Exploring Expedition. Crustacea; 1.4, p:-196. AcTæA. Dehaan, Fauna japonica, Crust., p.18.

Dana, loc. cit, t.H, p. 162.

Heller, Die Crustaceen des sudlichen Europa, 1863, p. 69.

Dehaan créa le genre Actæa en 1833, pour deux espèces de Cancériens de l'océan Indien, dont l’une était rangée par M. Milne-Edwards dans son genre Cancer (Atérgatis de Dehaan), sous le nom €. Savignyi*, et dont l’autre faisait partie du genre Xantho du même auteur 2, Plus récemment M. Däna forma sous le nom d’Actæodes, une petite division générique pour quelques Crustacés très-voisins par leurs formes extérieures des Aclæa, mais se distinguant par la forme des pinces dont l'extrémité des doigts était creusée en cuiller. J’ai examiné avec la plus grande attention toutés les espèces qui font partie des genres Aciœæa el Actæodes, et je crois qu’il est nécessaire de les réunir et de les fondre en un seul groupe; en effet ce caractère tiré de la forme des pinces ne présente pas une importance suffisante pour autoriser la création d’une division générique spécialé pour les Crustacés qui le pré- sentent; et d’ailleurs on trouve tous les passages entre les doigts des pinces pointus et tranchants, et ceux dont l'extrémité est excavée en cuiller, et l'on est très-embarrassé pour tracer la limite qui doit les séparer. De plus, chez certaines espèces, les pinces sont, dans le jeune âge, terminées par des doigts pointus, qui plus tard s’émoussent, s’élargissent et se creusent plus ou moins à leur extrémité. 11 me semble donc impossible de donner à ce caractère une valeur générique, et je pense que dans une classification naturelle, on doit réunir les Actœa aux Aclæodes. ;

1. Voyez Milne-Edwards, op. cit. p. 378. 9. Le Xantho hirsutissimus de Rüppell.

260 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

Chez ces Crustacés, la carapace est élargie et bombée dans tous les sens, mais plus fortement dans le sens longitudinal que transversalement. Elle est légèrement bombée en arrière. Les régions sont fortement indiquées et presque toujours subdivisées en lobes et en lobules, séparés par des sillons plus ou moins profonds. Chez la plupart des espèces les lobes saillants sont couverts de granulations. Le front est arrondi et formé de deux lobes arrondis, avancés et séparés sur la ligne médiane par une fissure assez étroite. L'article basi- laire des antennes externes est court et large; il se joint à l’angle sussorbitaire interne, et sa tigelle mobile est logée dans l’hiatus orbitaire. Les orbites sont profondes, et limitées en haut par un bord sourcilier épais, qui présente ordinairement deux fissures; il en existe une troisième sur le bord sous-orbi- taire. Les bords latéro-antérieurs forment avec le front une courbe régulière, à grand rayon; ils sont épais et divisés en lobes peu saillants, ou quelquefois en dents; les bords latéro-postérieurs sont assez courts et presque toujours concaves. Les pattes antérieures, de grandeur médiocre, sont subégales ; les pattes ambulatoires sont courtes, larges, et comprimées latéralement. L'ab- domen du mâle se compose de cinq articles, celui de la femelle de sept.

Parmi les espèces qui composent ce genre, il en est qui, telles que l'A, hirsutissima (Ruppell), et l'A. fomentosa (M.-Ed.), présentent une carapace très-élargie, tandis que chez d’autres, telles que l'A. granulata (Savigny), ce bouclier céphalo-thoracique est beaucoup plus étroit ; ces variations dans les proportions donnent à ces Crustacés un aspect très-différent, et au premier abord on pourrait être tenté de s’en servir comme base de divisions géné- riques; mais si on y regarde de plus près, on voit qu’il serait impossible de limiter ces groupes :, car si l’on passe en revue les nombreuses espèces d'Actæa, on y trouve, entre les deux extrêmes tous les passages de la forme étroite à la forme élargie.

ALPH. MILNE-EDWARDS. SÛR LES CANCÉRIENS. 261

$ 1. ACTÆA A CARAPACE LISSE.

ACTÆA BELLA (Dan). ACTÆODES BELLUS. Dana, op. cil., t. I, p.196, pl. x1, fig. 2.

Carapace très-large, lisse et, brillante, fortement arquée en avant. Lo- bules séparés par des sillons étroits. Front presque droit et marginé. Bords latéro-antérieurs épais, divisés en quatre lobes; les trois lobes postérieurs den- tiformes et obtus. Bords latéro-postérieurs renflés. Pattes antérieures égales. Main arrondie en dessus, finement granuleuse en dehors. Avant-bras granu- leux. Doigts canaliculés. Pattes ambulatoires comprimées, presque nues.

Couleur d’un rouge pourpre.

Habitation. Tes Tutuila et Upolu. Archipel Samoa, et Paumotou.

Largeur de la carapace, 0"010.

Longueur, 0"075.

% ACTÆA DANÆ. , AGTÆODES AREOLATUS. Dana, op. cit., t. T, p. 194, pl. 1x, fig. 8.

Carapace lisse, non granuleuse et lobulée. Lobules saillants séparés par des sillons profonds. Front presque droit, échancré au milieu. Bords latéro- antérieurs divisés en cinq dents triangulaires, aiguës, la cinquième un peu plus petite que les autres. Pattes antérieures égales. Main un peu rugueuse en dehors; doigts cannelés, armés de deux ou trois dents, sur leur bord tran- chant; pouce fortement arqué. Pattes ambulatoires presque nues, com- primées; le troisième article aigu en dessus.

. «La longueur de la carapace est à la largeur :: 1 : 4,39. Habitation : \e Raraka (archipel Paumatou). L'absence de poils et de granulations sur les lobules de la carapace, la

262 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

forme des dents du bord latéro-antérieur suffisent pour caractériser cette éspèce.

M. Dana ayant déjà employé le nom d’Aciæa areolata, J'ai en réunissant le genre Actæodes aux Actæa, changer la dénomination spécifique de l’Actæodes arcolatus, qui se serait alors appliquée à deux formes différentes du même genre. |

$ 2. ACTÆA A CARAPACE GRANULEUSE. 2 ACTÆA TOMENTOSA (Mine-Edwards).

Zozyuus romenTosus. Milne-Edwards, Hist. nat. des Crust., t. TX, p. 385.— Atlas du Règne animal de Cuvier, Crust,, pl. xt bis, fig. 2. ACTÆODES TOMENTOSUS. Dana, op. cit. t. I, p.197.

Carapace ovoïde, très-élargie, bombée, lobulée en avant aussi bien qu'en arrière; lobules couverts de granulations grosses, régulières, et séparés par des sillons profonds. Surface complétementcouverte de poils très-courts, très- fins et très-serrés, formant comme une sorte de feutrage qui ne recouvre pas les granulations de la carapace. Bords latéro-antérieurs granuleux et divisés en quatre lobes peu avancés, par quatre fissures qui se prolongent en forme de sillons sur les régions pterygostomiennes. Bords latéro-postérieurs très- courts et très-concaves. Front déclive, peu avancé et fortement échancré au milieu, sinueux latéralement. Article basilaire des antennes externes granuleux. Pattes antérieures couvertes d’un duvet épais qui masque de fortes granulations pointues; doigts villeux, granuleux, à extrémité blanche et fortement excavée en cuiller. Pattes ambulatoires couvertes de duvet; cuisse ornée sur les bords supérieur et inférieur de granulations; les autres articles très-granuleux. Face inférieure du corps villeuse et très-finement granuleuse.

Habitation. La mer Rouge, l'océan Indien, les îles de l'Océanie.

Largeur de la carapace, 0"040.

Longueur, 0"025.

Cette espèce se reconnait facilement à à sa carapace très-élargie, rès- lobulée, couverte d’un duvet noirâtre et serré qui ne masque pas les granula- tions; à ses doigts, Lréecp ro pndén creusés en cuiller.

Collection du Muséum.

ALPH. MILNE-EDWARDS. SUR LES GANCEÉRIENS. 263

ACTÆA AFFINIS Dana. AcræonEs AFFINIS. Dana, op. cit., t. 1, p.197, pl: x1, fig: 3.

Cette espèce, d'après la description de M. Dana, se rapprocherait beaucoup de l'A. tomentosa. La lobulation de la carapace est la même, mais la région cardiaque est divisée par un sillon longitudinal. La carapace est un peu plus étroite, moins tomenteuse et plus finement granuleuse. Ainsi, tandis que chez le A. tomentosa, on compte douze à quinze tubercules sur chaque moitié de la région cardiaque antérieure, chez l'A. afjinis, on en compile environ quarante. Les doigts de la main sont spinuleux; les épines sont plus grandes et en moins grand nombre que chez le A. tomentosa. La face infé- rieure de la main est nue et presque lisse. Les pattes-mâchoires externes sont glabres et lisses, au lieu d’être villeuses.

Habitation. Probablement l’île Paumotou ou les îles de la Société.

s ACTÆA HIRSUTISSIMA (Rüppel

Xanruo mirsurissimus. Rüppell, op. cit., p. 26, pl. v, fig. 6.. _ pirrissrmus. Milne-Edwards. Hist. nat. des Crust..t. I, p. 389. ACTÆA HIRSUTISSIMA. Dehaan, op. cit., p. 18. Dana, op. cit., t. I, p.168, pl. vu, fig. 3. Heller, Crus fauna des rothen Meeres, loc. cil., 864, p.314.

Carapace élargie, ovoïde, bombée, très-fortement bosselée; dans toute son étendue. Chaque lobule couvert de grosses granulations, de la base desquelles partent des poils courts et roides. Bords latéro-antérieurs très- longs, se recourbant en arrière sur les régions branchiales, et divisés en quatre lobes granuleux et très-obtus dont le postérieur est le plus petit. Bords latéro-postérieurs courts et très-concaves. Bord sourcilier épais et divisé par deux fissures. Front très-déclive, formé de deux lobes arrondis, avancés et séparés sur la ligne médiane par une échancrure. Épistome et région anten- naire poilus. Endostome lisse. Pattes-mâchoires externes couvertes de poils

64 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

très-courts. Régions ptérygostomiennes granuleuses et traversées par des sillons dont un est sous-orbitaire; les autres partant des premières échan- crures du bord latéro-antérieur s'étendent jusqu'à la partie supérieure du cadre buccal. Plastron sternal tomenteux. Pattes antérieures couvertes sur toutes leurs faces (excepté en dedans) de poils de même nature que ceux de la carapace. Mains couvertes de petits tubercules disposés en séries; doigts noirs. Cette coloration s'étend en dehors aussi bien qu’en dedans sur la partie inférieure de la main. Avant-bras orné en dehors de petits tubercules qui, en arrière, sont disposés en séries. Pattes ambulatoires granuleuses et poi- lues ; doigts entièrement velus. Abdomen du mâle couvert de petits poils, étroit, allongé, et remarquable par l'existence d’une bande longitudinale renflée, qui s'étend sur la ligne médiane, depuis le troisième jusqu’au commencement du septième anneau.

Habitation. La mer Rouge, les iles Seychelles et Maurice, la mer des Indes, les îles de l'Océanie. |

Largeur de la carapace, 0"0992.

Longueur, 0"015.

Collection du Muséum.

6 ACTÆA AREOLAT A. ACTÆA AREOLATA. Dana, op. cit., t. I, p. 169, pl: vaux, fig. 4.

Carapace bombée, très-élargie, bosselée en avant aussi bien qu’en arrière, granuleuse et couverte de petits poils courts disposés autour des granulations, mais ne les dépassant guère. Bords latéro-antérieurs longs, arqués, recourbés postérieurement en dedans, divisés d’une manière très-obscure en cinq lobes. Bords latéro-postérieurs courts et très-convexes. Front très-déclive et échancré au milieu. Régions antéro-inférieures sillonnées. Pattes antérieures subégales, granuleuses. Main et avant-bras un peu noduleux. Doigts cannelés, scabreux, hérissés de poils très-courts, terminés par une pointe aiguë et garnis de six ou sept dents qui toutes, excepté la terminale, sont aiguës, triangulaires et égales aux espaces qui les séparent, espaces dans lesquels entrent les dents du doigt opposé. Pattes ambulatoires courtes, comprimées, hérissées de poils

ALPH, MILNE-EDWARDS. SUR LES CANCÉRIENS. 269

très-courts qui, lorsqu'ils sont enlevés, laissent voir de fines granulations. La face ventrale du corps.est couverte de poils courts.

Habitation. Mer de Sooloo et détroit de Balabac.

Largeur de la carapace, 0"048.

Longueur, 0"O14.

Cette espèce est très-rapprochée de l'A. hirsutissima, mais sa carapace est beaucoup plus large comparativement à sa longueur. Les granulations des lobules sont plus fines. On ne peut la confondre avec l'A. tomentosa dont les granulations de la carapace sont très-grosses, et dont les doigts des pinces sont terminés en cuiller.

ACTÆA PILOSA (Simpson).

ACTÆA PILOSA. Stimpson, Prodromus. loc. cit., p. 34.

Corps et pattes hérissées de poils dont quelques-uns sont plus longs que les autres. Carapace assez large, régulièrement arquée en avant, distincte- ment lobulée ; lobules très-peu proéminents et granuleux. Bord latéro-antérieur à quatre lobes. Bord latéro-postérieur de même longueur que le bord posté- rieur. Front déprimé, s’avançant au milieu et bilobé. Régions latéro-infé- rieures granuleuses, non sillonnées. Pattes granuleuses.

Habitation. Hong-Kong. |

Cette espèce est voisine de l’A. hirsutissima, mais la carapace est moins profondément aréolée, et les régions sous-hépatiques et sub-branchiales ne sont pas sillonnées.

S: ACTÆA KRAUSSIT (Heller,. Voy. pl. XVII, fig. 4, 44. ACTÆA KRAUSSII. Heller, Crustaceen Fauna des rothen Meeres, loc. cil., 1864, p. 317.

piosA. Alpb. Milne-Edwards, Votes sur l'ile de la Réunion. Annexe F. Crus- tacés, p. #.

Carapace très-élargie, fortement bosselée ; les lobules couverts de granu-

lations et hérissés de poils blonds, longs et fins. Bords latéro-antérieurs de la 34

266 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

carapace se recourbant en arrière et obtusément divisés en quatre lobes. Bords latéro-postérieurs très-concaves. Front divisé en quatre lobes à peu près égaux, les médians larges, arrondis et séparés, sur la ligne médiane, par une échancrure. Face inférieure du corps couverte de petits poils. Pattes anté- rieures poilues et granuleuses. Pattes ambulatoires is rm et poilues.

Habitation. La mer Rouge, l’île Bourbon.

Largeur de la carapace, 0"019.

Longueur, 0"045.

Cette espèce, très-voisine de l'A. hirsutissima, s’en distingue au pre- mier coup d'œil par la nature des poils qui couvrent la carapace et qui, au lieu d’être courts et roides, sont longs et soyeux. Les bords latéro-postérieurs sont moins concaves. Les granules qui couvrent les lobes du bouclier céphalo- thoracique sont plus gros. Enfin, chez l'A. hirsutissima, l'œil est cerné en dessous par un sillon qui suit le bord sous-orbitaire. Ce sillon manque chez l'A. Kraussu. Lorsque je l’ai décrite sous le nom d’Actœæa pilosa, je ne con- naissais pas encore la publication récente de M. Heller.

Collection du Muséum.

9 ACTŒA NODOSA (Simpson). Voy. pl. XVII, fig. 6, 6a, 6b, 6e.

ACTÆA NODOSA. Stimpson, Votes on North Amer. Crust., loc. cit., p. 7

Carapace large, ovoïde, très-fortement bombée, couverte de bosselures nombreuses (quarante environ), qui sont séparées par des sillons profonds. et ornées de granulations arrondies égales et perliformes. Les sillons sont légèrement villeux. Les lobulations de la partie antérieure sont plus fortement convexes que celles de la partie postérieure. Le lobe mésogastrique , au lieu de se continuer en pointe entre les lobes protogastriques jusqu’au voisinage du front, comme chez la plupart des autres espèces du même genre, se ter- mine par un petit prolongement très-court entre la naissance de ces mêmes lobes. Le front est peu avancé et peu profondément échancré au milieu. L'article basilaire des antennes externes est granuleux et ne s’unit que par

ALPH, MILNE-EDWARDS. SUR LES CANGÉRIENS. 267

son angle interne au prolongement sous-frontal qui est mince et étroit. Régions ptérygostomiennes granuleuses. Pattes antérieures subégales. Main très-granuleuse, bosselée en dessus. Avant-bras bosselé et granuleux. Pattes ambulatoires courtes, comprimées, bosselées et granuleuses.

Habitation. La mer des Antilles.

Largeur de la carapace, 0"041.

Longueur, 0"008

Cette espèce, par sa forme, se rapproche de l’A. hirsutissima; mais elle s’en distingue par l'absence des poils autour des granulations, par la lobu- lation de la carapace qui est portée moins loin et par les bosselures des pattes.

Collection du Muséum.

10° ACTÆA SULCATA (Simpson). AGTÆA SuLCATA. Stimpson, Votes on North Amer. Crust., loc. cit., p. 75.

Surface de la carapace divisée en une trentaine de lobules aplatis, gra- nulés (sans compter les petits lobules qui surmontent l'orbite), et séparés par des sillons profonds et pubescents. Les lobules postérieurs sont moins proé- minents, moins distinctement granulés, et quelquefois ils paraissent réunis -par les poils. Pinces couvertes de bosselures. Mains et doigts fortement granulés au dehors et à leur base. Pattes ambulatoires sillonnées longitudinalement. mais non granuleuses.

Couleur d’un rouge éclatant, quelquefois tacheté de blanc.

Habitation. Le cap San-Lucas.

Cette espèce se rapproche beaucoup de l'A. nodosa, mais les lobules de la carapace sont moins proéminents et moins distinctement granulés. Les pattes sont sillonnées, mais non granuleuses.

Chez ce Cancérien, dit M. Stimpson, les doigts des pinces ont une ten- dance à se creuser en cuiller, ce qui devrait peut-être le faire rentrer dans la section des Acitœodes, division que nous ne pouvons cependant considérer comme un groupe générique distinct.

NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

2 © D

11° ACTÆA RUFOPUNCTATA (M. Edwards. Voy. pl. XVIIE, fig. 4, 44.

XANTHO RUFOPUNCTATUS. Milne-Edwards, Hist. nat. des Crust:; t. L p: 389. Lucas, Ann. Artic. de l'Algérie, p. M4, pl. 1, fig. 1.

Carapace assez élargie chez les jeunes individus, plus rétrécie chez les vieux, très-fortement bosselée. Lobules couverts de grosses granulations régulières, séparés les uns des autres par des sillons larges, profonds et garnis d'un duvet brun, court et serré, analogue à celui qui se remarque chez l'A. tomentosa. Front échancré sur la ligne médiane et avancé au milieu. Bords latéro-antérieurs divisés en quatre lobes ou dents arrondies, bien séparés les uns des autres. Bords latéro-postérieurs presque droits. Pattes antérieures lrès-légèrement inégales. Main fortement noduleuse et granuleuse; l’inter- valle des bosselures couvert du même duvet que la carapace; granules disposés en lignes sur la face externe. Doigts granuleux, noirs, à extrémité blanche et imparfaitement creusée en cuiller; bord tranchant, armé de plu- sieurs dents. Pattes ambulatoires fortement noduleuses et granuleuses.

Couleur jaunâtre avec des taches rouges. Duvet brun.

Habitation. La mer Rouge, l’île Maurice, la mer des Indes, la Médi- terranée.

Largeur de la carapace, 0"040.

Longueur, 0"030.

Cette espèce présente beaucoup de ressemblance avec l'A. rugala , dont elle s'en distingue cependant par la plus grande largeur de la cara- pace. par la présence des nombreuses nodosités qui couvrent les pattes. Chez l'A, rugala, le bouclier céphalo-thoracique est plus étroit, et la région car- diaque n’est jamais divisée sur la ligne médiane; tandis que chez l’A. rufo- punclala, on aperçoit toujours des traces d’un sillon médian.

Chez l'A. nodipes, les sillons qui séparent les lobules sont petits et étroits, au lieu d’être larges et tomenteux. De plus, les lobes latéro-anté- rieurs sont beaucoup moins profondément séparés. La forme extrêmement élargie, les. doigts en cuiller de l'A. tomentosa séparent facilement ce crus- tacé de l'espèce qui nous occupe.

ALPH, MILNE-EDWARDS. SUR LES CANCÉRIENS. 269

Les individus de cette espèce qui proviennent des côtes d'Algérie ils ont été trouvés par M. Lucas, me semblent avoir la carapace plus élargie et moins fortement granuleuse. Mais je ne pense pas que ces particularités puissent autoriser la création pour elles d’un nouveau type spécifique.

Collection du Muséum.

12 ACTÆA RUGATA White).

Æeue RuGara. White, Zoolog. of the voy. of H. M. S. Samarang, Crust., 1848, p. &3, pl. vu, fig. 5

Carapace peu élargie, très-bombée chez les femelles, légèrement poilue. ainsi que les pattes, fortement lobulée en avant et en arrière. Lobules sail- lants couverts de granulations, et séparés par des sillons larges et profonds. Front échancré au milieu et peu avancé. Bords latéro-antérieurs divisés en quatre lobes arrondis, granuleux et séparés par des sillons qui se continuent sur les régions inférieures de la carapace. Bords latéro-postérieurs presque droits. Régions ptérygostomiennes granuleuses. Pattes-mâchoires externes légèrement poilues. Plastron sternal à peine granulé. Pattes antérieures subégales. Main courte et très-granuleuse. Doigts noirs à extrémité blanche. Pouce granuleux à la base. Avant-bras granuleux et noduleux. Pattes ambu- latoires comprimées et granuleuses. Abdomen du mâle lisse.

Habitation. Les îles Philippines, la côte de l’île de Zanzibar.

Largeur de la carapace, 0"028.

Longueur, 0"024.

Cette espèce est très- voisine des 4. speciosa et rufopunctata. Elle se distingue de la première par la forme de la carapace plus rétrécie, moins bombée; par les granulations plus grosses et plus espacées qui la couvrent et par ses pattes moins noduleuses. On ne peut la confondre avec la seconde dont les pattes sont fortement noduleuses, dont le front est plus avancé, et dont la carapace est plus élargie.

M. White avait considéré cette espèce comme identique au Zozymus ru- gatus de M. Milne-Edwards ; mais elle ne présente aucune ressemblance avec ce Crustacé qui fait partie du genre Carpilodes.

Collection du Muséum.

270 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

13 ACTÆA RUPPELLIT [Kraus). /

Æce ruPPEeLLu. Krauss, Die Südafrikanischen Crustaceen, 1843, p. 28, pl. t, fig. 4.

Cette espèce parait très-voisine de la précédente; la forme générale est la même et la carapace présente le même système de lobulations, mais à en juger par la figure donnée par Krauss, ses lobules seraient beaucoup moins granuleux que ceux de l'A. rugala.

Habitation. Port-Natal.

Largeur de la carapace, 0"026.

Longueur, 0"020.

14 ACT ÆA HELLERIHEI (Nov. Sp.. Voy. pl. XVII, fig. 3, 3a, 30.

Carapace élargie, bombée, régulièrement arquée en avant, à peine lobée. Régions délimitées par des sillons larges, mais peu profonds. Surface légèrement poilue et couverte de tubercules saillants sur les portions latéro- antérieures, et de granulations sur les parties moyenne et postérieure. Front très-déclive, peu échancré sur la ligne médiane, avancé au milieu et peu sinueux latéralement. Bords latéro-antérieurs non découpés, mais ornés sur toute leur longueur de petits tubercules pointus. Bords latéro-postérieurs presque droits. Pattes-mâchoires externes lisses. Plastron sternal piqueté. Pattes antérieures subégales. Mains fortes et garnies de petits tubercules pointus. Doigts très-courts, noirs, avec l'extrémité blanche; pouce granuleux en dessus, armé d’une seule dent sur son bord tranchant; index armé égale- ment d’une seule dent basilaire très-grosse de chaque côté de laquelle existe un pinceau de poils. Coloration noire de l'index s'étendant largement sur la main. Pattes ambulatoires comprimées et spinuleuses. Abdomen du mâle non granuleux.

Habitation. Inconnue.

ALPH. MILNE-EDWARDS. -—— SUR LES CANCÉRIENS. 74

Largeur de la carapace, 0023.

Longueur, 0"048.

Cette espèce est remarquable par la disposition de ses bords latéro- antérieurs non découpés en lobes ou dents et hérissés de petits tubercules pointus, par l'aspect de la carapace à peine lobulée et par les granulations qui la couvrent.

Collection du Muséum.

41% ACTÆA SETIGERA !Mihne-Edwards }. Voy. pl. XVII, fig. 2.

XANTHo SETIGER. Milne-Edwards, Hisé. nat. des Crust., t. }, p. 390.

IpHimMEDIA SULCATA. Duchassaing, mss.

ACTÆA SETIGER. Stimpson, Votes on North Am. Crust. Ann. of the Lyc. of nat. hist. of New-York, t. VIE p.5.

Carapace très-élargie, ovoïde, couverte de poils courts et de granula- tions, très-lobulée en avant seulement; les lobulations peu élevées et les sil- lons qui les séparent peu profonds. Bords latéro-antérieurs très-courbes, ne se continuant pas sur les régions branchiales, et divisés en quatre lobes à peine distincts; les deux premiers sont presque confondus. Bords latéro-pos- térieurs concaves. Front assez fortement échancré au milieu. Article basilaire des antennes externes court, large et s’unissant par son angle interne à un prolongement sous-frontal très-étroit. Régions ptérygostomiennes finement granuleuses. Pattes antérieures poilues et très-granuleuses. Doigts noirs, cette coloration s'étendant sur les faces externe et interne de la main jusqu'à l'articulation de l’avant-bras. Pattes ambulatoires comprimées et poilues. Cuisses lisses en dehors, granuleuses en dessus et en dessous. Jambes et pieds granuleux. Doigts longs, granuleux et terminés par un ongle aigu. Abdomen du mâle long et étroit.

Habitation. La mer des Antilles.

Largeur de la carapace, 0"027.

Longueur, 0"018. ;

Plusieurs caractères permettent de distinguer facilement cette espèce

272 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

qui se rapproche de l'A. hirsutissima. La carapace est plus aplatie, les lobules sont beaucoup moins saillants et moins bombés. Les granulations en sont plus grosses et plus espacées. Les bords latéro-antérieurs ne se recourbent pas en dedans; les latéro-postérieurs sont moins concaves. Les lobes moyens du front sont moins avancés. La coloration noire des mains s’étend beaucoup plus en arrière.

Collection du Muséum.

15° ACT ÆA OBESA |\or. Sp.). Voy. pl. XVIL, fig. 2, 24, 26.

Carapace très-épaisse, bombée et élargie, peu lobée en avant, non lobée en arrière. Lobes des régions peu saillants et séparés par des sillons assez larges, mais peu profonds. Surface légèrement poilue et couverte de granulations plus grosses sur la portion moyenne des régions branchiales. Lobes médians du front arrondis, avancés et bien séparés sur la ligne médiane. Bords latéro-antérieurs divisés en quatre lobes peu distincts, épais et arrondis; le premier à peine saillant. Bords latéro-postérieurs concaves. Pattes antérieures Mie Mains couvertes en dehors et en dessus de tubercules. Doigts noirs, à extrémité blanche, cannelés, terminés en pointe aiguë; pouce portant en dessus une ligne de granulations. Avant-bras granuleux. Pattes ambulatoires granuleuses.

Habitation. Cette espèce a été srpporiée de Zanzibar par M. L. Rous- seau.

Largeur de la carapace, 0"03/.

Longueur, 0"095.

Gette espèce est remarquable par sa forme générale élargie et extrême- ment épaisse; ses régions, à peine lobées et non lobulées, la distinguent des À. hirsutissima, rufopunctata, tomentosa, etc.

Collection du Muséum.

ALPH. MILNE-EDWARDS. SUR LES CANCGÉRIENS. 273

1% ACTÆA PULCHELLA !Nov. Sp.) Voy. pl. XVIIE, fig. 5, 54, 50.

Carapace peu bombée, surtout en arrière, assez élargie, faiblement lobulée en avant; surface couverte de granulations et portant de rares poils très-courts. Front peu avancé, échancré sur la ligne médiane. Bords latéro- antérieurs divisés en quatre lobes à peine séparés, peu épais et granuleux. Bords latéro-postérieurs presque droits. Pattes antérieures égales. Main granuleuse. Doigts noirs, à extrémité blanche. Avant-bras granuleux et mar- qué sur sa face externe d’un sillon parallèle au bord articulaire de la main. Pattes ambulatoires comprimées, granuleuses et portant de rares poils très- courts. srafrs

Habitation. Ile Bourbon.

Largeur de la carapace, 0"010.

Longueur, 0"007.

Cette espèce se distingue facilement de l'A. obesa, par sa forme plus aplatie, par sa carapace beaucoup moins épaisse el par son front moins avañcé.

Collection du Muséum.

418 ACTÆA FABA (Dan). AcrxæopEs FABA. Dana. op. cit. t. [, pl. XI, fig. 1.

Carapace élargie, bombée, elliptique, peu granuleuse, lobulée anté- rieurement. Région postérieure non divisée et se continuant sans interruption avec les régions latéro-postérieures..Front presque droit, légèrement échancré au milieu. Bords latéro-antérieurs divisés en cinq dents obtuses, ou plutôt formant cinq découpures. Bords Jatéro-postérieurs convexes. Pattes anté- rieures de grosseur médiocre. Main et avant-bras très-rugueux et comme érodés. Doigts énormes. Pattes ambulatoires presque nues, comprimées. Troisième article un peu caréné en dessus. Quatrième et cinquième articles

légèrement granuleux. 35

27h _ NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

Habitation. L'océan Atlantique, peut-être les îles du Cap-Vert. Largeur de la carapace, 0"014. Longueur, 0"007.

19 ACTÆA SPECIOSA Dana).

ACTÆODES SPECIOSUS. Dana, op. cit, t. 1, p. 198, pl. x, fig. 4.

Carapace étroite, bombée, lobulée surtout en avant. Lobules séparés par des sillons légèrement villeux. Surface couverte de petites granulations serrées, régulières et non tomenteuses. Front échancré sur la ligne mé- diane, presque droit, bien qu’un peu plus avancé au milieu que sur les ‘côtés. Bords latéro-antérieurs fortement arqués, divisés nettement en quatre lobes à peu près égaux, arrondis, épais et obtus. Bords latéro-postérieurs, courts et un peu concaves. Pattes antérieures égales. Main courte, nodu- leuse en dessus et un peu en dehors. Chaque bosselure couverte de granu- lations, et assez semblable à celles qui existent le long des bords latéro- antérieurs de la carapace; les granulations sont disposées en séries sur la face externe de la main. Doigts noirs, courts, imparfaitement creusés en cuiller à leur extrémité, qui est blanche. Pouce granuleux à sa base, pres- que vertical quand la pince est fermée. Avant-bras noduleux et granuleux. Pattes ambulatoires courtes, comprimées, granuleuses. Jambe et pied nodu- leux. Doigt très-court, gros, granuleux, et terminé par un ongjle lisse et acéré.

Couleur jaunâtre avec des taches rouges.

Habitation. La mer Rouge, les côtes de Mozambique, Zanzibar, l’océan Indien, les îles de l'Océanie. |

Largeur de la carapace, 0"046.

Longueur, 0"0495.

Collection du Muséum.

2@ ACTÆA NODIPES (Heler).

ACTÆODES NODIPEs. Heller, Beiträge zur Crustaceen fauna des rothen Meeres, op. cit., p. 329, pl. 1, fig. 49. £

Je suis porté à croire que cette espèce, qui provient de la mer Rouge, doit être réunie à l'A. speciosa de Dana. Cette dernière provient, il est

ALPH. MILNE-EDWARDS. SUR LES CANCÉRIENS. 975

vrai, de l'archipel Samoa, mais le Muséum en possède des exemplaires trouvés sur des points intermédiaires, aux Indes et à Zanzibar par exemple ; d’ailleurs combien n’y a-t-il pas d'espèces qui vivent à la fois sur les côtes de la mer Rouge et sur celles des îles de l'Océanie.

L’A. nodipes ne me paraît différer de l'A. speciosa que par des carac- tères insignifiants; cette dernière présente moins de nodosités aux pattes ambulatoires, mais l'individu étudié par M. Dana est de très-petite taille ; cette particularité peut donc lui avoir échappé, d'autant plus que j'ai con- . staté que ces nodosités augmentaient avec l'âge. Chez l'A. speciosa aussi bien que chez l'A. nodipes, on remarque la même disposition du doigt mo- bile de la main, qui est presque vertical lorsque la pince est fermée, dis- position qui ne s’observe chez aucune autre espèce du même genre.

Collection du Muséum.

21° ACTÆA GRANULATA [Audouin).

CANCER. Savigny, Égypte, Crust., pl. \1, fig. 2. CANCER GRANULATUS. Audouin, Explication des planches de l'Égypte, Crust., pl. V1,

g. 2. Dehaan, Fauna japonica Crust., p. #7. CANCER SAVIGNYI. Milne-Edwards. Hist. nat. des crust., t. 1, p. 378, ACTÆA PURA. Stimpson, Prodromus…. Proceed. of the acad. of nat. scienc. of Philadelphia, 1857, 60.

Carapace glabre, étroite, très-bombée, lobulée en avant seulement; lobules peu säillants et séparés par de larges sillons. Surface du bouclier céphalo-thoracique.et des paltes, complétement couverte de tubercules très- rapprochés, aplatis et piquetés, qui lui donnent un aspect framboisé. Bords latéro-antérieurs très-convexes, divisés d’une manière très-obscure et à peine appréciable en quatre lobes. Bords latéro-postérieurs très-concaves. Bord postérieur garni de deux lignes parallèles de tubercules. Front échancré sur la ligne médiane, les deux lobes médians proéminents. Pattes antérieures courtes, égales et fortes. Main et avant-bras tuberculeux comme la cara- pace; doigts courts, noirs, à extrémité blanche, et granuleux seulement à leur base. Pattes ambulatoires courtes, grosses, comprimées et couvertes de tuberculess doigts portant des spinules disposées en séries. Face inférieure

276 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

du corps et abdomen granuleux. Couleur rougeâtre avec des taches plus claires.

Habitation. La mer Rouge, Mozambique, l’île Maurice, la mer de l'Inde. Hong-Kong, Port-Jackson.

Largeur de la carapace, 0"021.

Longueur, 0"017.

Cette espèce est parfaitement caractérisée par la forme rétrécie de sa carapace et par la disposition des tubercules confluents, aplatis et piquetés. qui couvrent tout le corps et lui donnent un aspect framboisé.

Collection du Muséum.

22 ACTÆA CARCHARIAS (White)

ACTÆA CARGHARIAS. White, Short descriptions of new or little-known ques Crusla- cea.— Proceed of the Zool. soc., A847, p. 224

Cette espèce ressemble ni à la précédente ; elle ne s’en distingue : que par la disposition des tubercules framboisés qui, au lieu d’être arrondis, sont pointus et plus élevés.

Habitation. L'Australie (Swan-River).

Largeur de la carapace, 0"095.

Longueur, 0019.

23 ACTÆA CALCULOSA (Mine-Edwards). Voy. pl. AVIIF, fig. 3, 34. CANCER cALCuLOSUS. Milne-Edwards, Hist. nat. des Crust., t. I, p. 378.

Carapace glabre, médiocrement élargie, légèrement bombée en avant, aplatie en arrière, lobulée seulement en avant; lobules peu saillants. Surface couverte de granulations grosses et peu saillantes, qui s’effacent en arrière. Bords latéro-antérieurs imparfaitement divisés en quatre lobes arrondis. Bords latéro-postérieurs droits. Front avancé et échancré au milieu. Pattes anté-. rieures courtes, subégales, arrondies en dessus et couvertes, ainsi que l’avant-

ALPH. MILNE-EDWARDS, SUR LES CANCÉRIENS Pr & à

bras, de gros tubercules. Doigts granuleux seulement à la base, courts, noirs, à extrémité blanche. Pattes ambulatoires courtes, fortes et com- primées ; cuisse à bord supérieur aigu et légèrement dentelé. Jambe et pied tuberculeux.

Habitation. La Nouvelle-Hollande.

Largeur de la carapace, 0"020.

Longueur, 0"015.

Collection du Muséum.

24° ACTÆA NODULOSA (White).

ACTÆA NODULOSA. Adams et White. Voyage of the Samarang, Crustacea, p. 39, pl. vin, fig. 4

Carapace assez élargie; régions nettement indiquées en avant et sur les côtés. Surface couverte de tubercules gros et arrondis; ceux des régions latéro- antérieures plus forts que les autres. Bords latéro-antérieurs épais et découpés en quatre lobes. Bord postérieur garni d’une ligne de granulations et bordé d’une autre ligne parallèle de granulations, interrompue sur la ligne médiane. Front échancré au milieu. Pinces subégales et couvertes de très-gros tubercules obtus. Pattes ambulatoires ornées de tubercules de la même nature. Abdomen du mâle marqué de sillons transversaux.

Habitation. Ile Maurice.

Largeur de la carapace, 0"014.

Longueur, 0"009.

25% ACTÆA SUBGLOBOSA (Simpson).

ACTÆA SUBGLOBOSA. Stimpson, Prodromus of the Acad. of nat. scien. of Philadelphit. 1858, p. 30.

M. Stimpson assigne à cette espèce les caractères suivants. Corps subglobuleux, complétement velu en dessus, en partie nu en dessous. Carapace égale, ornée de granules épars, régions peu indiquées. Bords latéro-antérieurs régulièrement courbes, à quaire fissures profondes. Bords

978 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

latéro-postérieurs très-courts, profondément concaves. Lobes médians du front

petits et rapprochés. Régions sous-hépatiques lisses, sans granulations ni

sillons. Sternum granuleux en avant. Pinces courtes, robustes, granuleuses.

Doigts courts, croisés à leur extrémité. Pattes ambulatoires granuleuses. Habitation. Hong-Kong (Chine).

26 ACTÆA ACANTHA |(Mine-Edwards). Voy. pl. XVII, fig. 4, 1@, 16. CANGER ACANTHUS. Milne-Edwards, Hist. nat. des Crust., t. 1, p.379.

Carapace ovalaire, très-élargie en avant, lobuleuse en arrière; les lobules de la portion antérieure saillants, couverts de tubercules spinuleux et séparés par des sillons larges, profonds et lisses. Surface couverte de poils roides. Front largement échancré sur la ligne médiane. Lobes médians avancés un peu en forme de pointe. Bord frontal et sus-orbitaire spinuleux. Bords latéro-anté- rieurs longs, arqués et divisés en cinq faisceaux de trois à quatre épines, Bords latéro-postérieurs concaves. Bord postérieur tuberculeux et bordé d’une autre rangée de tubercules. Article basilaire de l’antenne externe spinuleux. Troisième article de pattes-mâchoires externes, légèrement denticulé sur ses bords antérieur et interne. Plastron sternal granuleux. Pattes antérieures subégales ; main couverte d’épines sur ses faces supérieure et externe. Doigts courts, spinuleux, noirs, à extrémité blanche ; coloration noire, s'étendant sur la presque totalité de la main. Avant-bras spinuleux et marqué d’une tache noire à son angle interne. Pattes ambulatoires poilues et hérissées d’épines.

Habitation. He Maurice?

Largeur de la carapace, 0"035.

* Longueur, 0"096.

Cette espèce paraît extrêmement rare. Le Muséum en possède depuis fort longtemps deux individus sans indication certaine de localité. Je ne l'ai vu citée dans aucun catalogue. Elle se reconnaît facilement à ses pattes et

à : son Corps épineux, ainsi qu’à l’armature de ses bords latéro-antérieurs. Collection du Muséum.

ALPH. MIENE-EDWARDS. SUR LES CANCÉRIENS. 279

2% ACTÆA FOSSULATA (Girard).

CANCER FOSSULATUS. Girard, Ann. de la Soc. entom. de France, 1859, série, t. VII, pl. w, fig. à, 24, 2%, AcTÆA scumarDÆ. Heller, loc. cit, p. 318, pl. 1, fig. 43.

Carapace élargie, ovalaire et assez épaisse, mais peu bombée, surtout en ar- rière. Portion antérieure assez fortement lobulée ; lobules saillants et moins dis- tincts postérieurement. Surface glabre, très-granuleuse, mais comme érodée en arrière. Bords latéro-an longs, se bant postéri ten dedans, et obscurément divisés en quatre lobes, dont les trois postérieurs sont seuls bien marqués. Ces bords sont couverts de pelites dépressions peu profondes. Front échancré au milieu. Les lobes médians beaucoup plus avancés que les angles supérieurs et internes. Bords latéro -postérieurs concaves. Pattes antérieures

‘égales, couvertes en dessus de petites cavités celluliformes qui leur donnent une apparence fortement érodée. Face externe granuleuse. Doigts longs. gra- nuleux, imparfaitement terminés en cuiller à leur extrémité, de couleur noire; cette coloration s’étendant de l'index sur la main. Pattes ambulatoires courtes, comprimées, granuleuses ; la jambe et le pied portant une crête latérale courbe qui, par sa réunion avec le bord supérieur de chacun de ces articles, détermine la formation de cavités profondes et ovalaires; il en existe deux sur la jambe, l’une petite et supérieure, l’autre plus grande et inférieure ; le pied n’en offre qu'une seule. Les parties inférieures du corps sont villeuses. La région sous-orbitaire porte deux petites dépressions peu profondes.

Habitation. La mer Rouge.

Largeur de la carapace, 0"021.

Longueur, 0"014. |

Le mâle de cette espèce est moins bombé que la femelle. Les jeunes ont une surface plus lisse et moins érodée que les vieux individus. |

L’A. fossulata est très-voisine de l'A. Cavipes de Dana; elle s'en distingue cependant facilement par des caractères peu saillants, mais constants. Le front de la première de ces espèces est beaucoup plus avancé sur la ligne médiane que sur les côtés, tandis que chez l'A. cavipes, cette partie forme plutôt une ligne concave. La carapace de l'espèce de la mer Rouge est plus érodée ; les

Re He

280 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

pattes ambulatoires présentent plus de dépressions que chez l'espèce de l’ar- chipel Viti. ,

Collection du Muséum.

28° ACT ÆA CAVIPES (Dana). ACTÆODES CAVIPES. Dana, op. cit, 1. 1, p.199, pl. xs, fig. 5.

Carapace élargie, peu bombée, généralement lobulée. Lobules bien cir- conscrits sur toutes les parties latéro-antérieures, et couverts de granulations. Surface à peine villeuse. Bords latéro-antérieurs longs, se recourbant posté- rieurement en dedans, et divisés en cinq lobes (en comptant l’angle orbitaire externe) ou dents, dont les troisième et quatrième sont les plus forts. Front déclive, légèrement échancré au milieu, et terminé par un bord droit ou même légèrement concave. La portion médiane moins avancée que les angles orbi- taires internes et supérieurs. Bords latéro-postérieurs courts et concaves. Pattes antérieures subégales. Main érodée et celluleuse en dessus ; les espaces qui séparent les dépressions celluliformes sont granuleux; face externe cou- verte de nombreuses granulations. Doigts longs, cannelés, granuleux , impar- faitement terminés en cuiller à leur extrémité et de couleur noire; cette colo- ration s'étendant un peu de la base de l’index à la main. Avant-bras couvert en dessus et en dehors de dépressions, dont l’une, située sur la portion moyenne de la face externe, est très-profonde et presque circulaire. Pattes ambulatoires courtes, comprimées , légèrement villeuses. La jambe et le pied remarquables par la présence d’une crête aiguë entière et arquée qui déter- mine par sa réunion avec le bord supérieur de chaque article une cavité pro- fonde et oblongue. Surface inférieure du corps villeuse, La région sous-orbi- taire porte deux dépressions assez larges et peu profondes.

Habitation. Les archipels Viti et Samoa.

Largeur de la carapace, 0"017.

Longueur, 0"0405.

Collection du Muséum.

_ALPH. MILNE-EDWARDS. SUR LES CANCÉRIENS. 281

.. 29 ACTÆA CELLULOSA (Dani).

ACTÆA CELLULOSA. Dana, op. cit, p.164, pl. vu, fig. 2.

Carapace bombée, médiocrement élargie, à régions imparfaitement indi- quées. Surface glabre et couverte de petites dépressions en forme de cellules. Bords latéro-antérieurs imparfaitement divisés en trois ou quatre lobes cellu- leux. Bords latéro-postérieurs très-courts el concaves. Front large et échan- cré au milieu. Pattes antérieures subégales. Main et avant-bras creusés de petites dépressions celluleuses. Main villeuse en dehors et en dessous. Doigts rugueux, villeux et terminés par une pointe aiguë. Paites ambulatoires courtes, | comprimées et creusées de petites dépressions celluliformes. Surface inférieure. du corps couverte d’une courte villosité.

Habitation. le Tutuila (archipel Samoa).

Largeur de la carapace d'une femelle adulte, 0"009.

Longueur, 0"007.

Cette espèce ne peut être confondue avec aucune de celles du même genre; elle s’en distingue aisément par les cavités qui couvrent toute la carapace, ainsi que les pattes, et lui donnent un aspect celluleux.

30° ACTÆA SPONGIOSA (Dan). ACTÆODES spoNGiosus. Dana, 0p. cil., p- 201, pl. x1, fig. 6.

Carapace étroite, fortement lobulée seulement en avant. Lobules granu- leux. Surface couverte d’un duvet épais qui lui donne une apparence spon- gieuse; Ce duvet couvre les portions saillantes, mais n’existe pas dans les sillons. Front très-large, échancré au milieu. Bords latéro-antérieurs divi- sés en cinq dents aiguës triangulaires ; la cinquième dent plus petite que les autres. Pattes ambulatoires couvertes de poils courts et roidis. Pattes anté- rieures armées en dessus de petits tubereules pointus.

Habitation. Mer de Sooloo, détroit de Balabac.

Largeur de la carapace, 0"008.

Longueur, 0"006.

L.

282 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

Cette espèce a un peu l'apparence d’un Pilodius, bien que la carapace soit beaucoup plus convexe. Le duvet qui couvre les lobules ressemble à celui de l'A. tomentosa. La forme des dents latéro-antérieures permet de la distin- guer aisément des espèces du même genre dont la carapace est villeuse.

L’Aciœæa erosa et l'A. labyrinthica de M. Stimpson ne doivent pas prendre place dans ce genre : elles se rapportent à la section des Xanthiens, et j'ai tout lieu de croire que la première de ces deux espèces est identique au Xantho vermiculatus de M. Milne-Edwards. |

Le Cancer Hippo (Herbst, loc. cit., pl. zu, fig. 4), le C. Polydore (pl. Lu, lig. 2), le C. Calypso (pl. Lu, fig. 4), et le C. Eurynome (pl. Lu, fig. 7), de Herbst, sont probablement des Actœa; ces espèces se rapprochent de l’Actœa acantha, mais les figures qui en ont été données sont trop imparfaites pour . quédé puisse rien affirmer à cet égard.

ESPÈCE FOSSILE. ACTZÆA PERSICA,

. ACTÆA PERSICA. Alph. Milne-Edwards, Ann. des sciene. nat. Zool., série, t. IL, p. 344, px, fig. 3

Cette espèce provient des alluvions probablement quaternaires des côtes du golfe Persique.

283

1

MILNE-EDWARDS, SUR LES GANCERIENS,

ALPH,

Carapace couverte de granulations, de tubercules, ou creusée de petites cavités. «

TABLEAU DES ESPÈCES DU GENRE ACTÆA.

| Doigts des pinces profondément es 4 cardiaque divisée sur la ligne médiane Un un sillon..... ACTÆA AFFINIS?

creusés en cuiller A: : non divisée par un sillon m TOMENTOSA. Bord s la: téro Fr 4: À 1 Dial 1 £ ; postérieurs très- 3 . PiLosa? pr avesetlimi- ÊcE sous- hadls sil- fon Carapace extrêmement large.......,... ARBOLATA ? A tés par je 5 gne lonnées, Carapace moins élargie, ........ ..... HIRSUTISSIMA. pinces peu * Quatre lobe + ec, point nd] en | Bords latéro- Pont de e pe ant., le pre Pinces très-granuleuses.. NoDosA : er lobulée en re ostérieurs très-courts et n occu- 7} confondant A T'angle 9 ant et en arrière. fr res se médio- pass RE ere orbitaire externe, | Pinces peu granuleuses, SULCATA ? ® n F E Cinq lobes latéro-antéri RUFOPUNCTATA.

: 8 Carapace uniformé rte de poils, dont quelques-uns longs et a. KRAUSSII.

È : Carapace Lobules de la carapace très-granuleux... so. RUGATA.

> :

FR 1 étroite. Lobules de la carapace peu granuleux.. + RUPPELLN

œ À £ Bords latéro-antérieurs granuleux mais non lobulés ELLERIL.

" F:

m CA Région gastrique se # ar quatre

a e” À

ë | & F ; - sillons longitudinaux......., . SETIGERA.

un arapac ;

£ 2 Snulinse, Lobes ps sure Butux “roits,

DL : Bords latéro- arrondis. ae ancés et arrondis. OBESA.

DE pa er . antérieurs par deux Sillons Labo frontaux “ass

= eh ges divisés en lobes, I mésogastriques. | t péu avancés..... PULCHELLA.

AL © Re. < Lobes aigus et dentiformes. .........:.....: ....e SPONGIOSA?

8 és rapace couverte de tubercules t ès-gros et arrondis . NoDuLOSA.

E | Carapace Bords latéro-postérieurs US, flés.s. +: +. FABA?

_ Ô lobulée è e- C10SA

BAS Se ariot: | Carapace très-bombée, fortement lobée..,....,. ..:.....,.....

8 | Æ | Carapace Lobes latéro-antérieurs de la carapace, \ et NODIPES

& e 1 _ Re —n | Carapace aplatie en arrière, peu lobée. ..… CALGULOSA.

obulée j é

2 | À \enarrière. on SL ul ie act Tubercules de la carapace arrondis dns GRANULATA.

obes latéro-an nc :

En rieurs non disti Tubercules de la carapace saillants et pointus 6... CARCHARIAS- | arapace à régions à peine distinctes.....,..........-.. usine Ve) RS osa? | Bords RE: de la carapace et pattes irement via. PT D Lee, à 0 St et ee Rare AD TR NN eee same reeses :. ACANTHA

é \ Bord frontal dro RCE ME . . CAYIPES. arapace granuleuse.

res "de pete mt Front formé de À potits 1obÈ Par ho +. FOSSULATA.

vités. Carapace lisse et creusée de Fa RU nement: reniiie à ... CELLULOSA? Carapace met lntéro-antériouts divisés on aire De. ie. ren eretqeste PR ENS CRD sRn et BELLA ? cesse DATES

lisse

Bords latéro-antérieurs divisés en cinq dents We 4 ST

Les-espèces marquées d’un ? sont celles que je n'ai pas eues entre les mains.

28 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

Genre ACTUMNUS (Dana). AcTUMNUS. Dana, United States exploring Expedition. Crustacea, t. 1, p. 243.

Cette petite division générique renferme un certain nombre de Crustacés qui, par leurs caractères, semblent relier les Carpilides, en général, et les Actœæa en particulier aux Pilumnes. La carapace est plus ou moins poilue, très- étroite et fortement bombée dans tous les sens, de façon que le front et les bords latéro-antérieurs sont très-déclives, ce qui donne aux Actumnus un aspect tout particulier etempêche de les confondre avec les Actæa. La surface du bouclier dorsal est généralement couverte de granulations. Les bords laté- ro-antérieurs ordinairement presque entiers, sont divisés par des fissures étroites en lobes à peine saillants. Les bords latéro-postérieurs droits sont renflés, et en général lisses. Le front ressemble à celui des Actœa. L'article basilaire des antennes externes est court, et c’est à peine s’il est en contact avec le front par son angle antéro-interne. L’endostome est canaliculé, ce qui n’a pas lieu chez les Actœa. Les doigts des pinces sont creusés en cuiller, comme chez les espèces dont M. Dana avait fait son genre Actæodes. L’'abdo- men des mâles se compose de sept articles, tandis qu’il n’en présente que cinq chez les Actœæa.

M. Dana plaçait les Actumnus dans la famille des £riphidæ , avec les Pilumnes, dont, en effet, ils se rapprochent jusqu'à un certain point, par leur aspect général; mais il me semble plus naturel de faire rentrer ces Crustacés dans l’agèle des Carpilides, à la suite des Actœa, car ce n’est que dans ce groupe que se rencontrent des Cancériens à carapace aussi fortement bombée

que les Actumnus.

ACTUMNUS OBESUS |Dan: |. ACTUMNUS OBESUS. Dana, op. cûl., t. I, p. 244, pl. xiv, fig. 3.

Carapace fortement convexe, suborbiculaire, peu élargie; lobes des ré- gions légèrement marqués en avant, aplatis et granuleux; sillons peu profonds

ALPH. MILNE-EDWARDS. SUR LES CANCÉRIENS,. 285

et couverts d’un duvet fin; les granulations sont petites et polies, et dans leurs intervalles on voit de petits poils. Le front est légèrement avancé et échancré au milieu. Les bords latéro-antérieurs sont arqués, entiers et fine- ment denticulés; examinés avec attention, ils paraissent divisés en quatre lobes à peine indiqués. Bords latéro-postérieurs très-convexes. Pattes anté- rieures fortes. Main portant en dessus un bord tranchant, fortement granu- leuse en dehors; les granulations plus élevées, plus serrées en dessus qu'en dessous. Doigts très-courts; pouce granuleux et spinuleux en dessus. Pattes ambulatoires très-comprimées et couvertes de poils plus longs sur les bords,

Habitation. Ne de Maui (îles Hawaï).

Largeur de la carapace, 0"D18.

Longueur, 0014.

Les bords latéro-antérieurs de la carapace entiers et non découpés de cette espèce permettent de la distinguer aisément des autres du même genre.

2 ACTUMNUS TOMENTOSUS !Dana). ACTUMNUS TOMENTOSUS. Dana, op. cit. t. I, p. 243, pl. xiv, fig. 2.

Carapace étroite très-convexe , subglobuleuse, couverte d’un duvet fin. serré et jaunâtre, qui masque les inégalités de la carapace. Si on l’enlève, on voit que les lobes des régions sont couverts de fines granulations et séparés par des sillons peu profonds et lisses. Front avancé au milieu et échancré. Bords latéro-antérieurs divisés en quatre lobes dentiformes (en comptant l'angle orbitaire externe) peu saillants, larges à la base. Bords latéro-posté- rieurs un peu renflés. Pattes antérieures subégales, fortes et tomenteuses. Main couverte de petits tubercules ; doigts courts, cannelés; pouce granuleux en dessus, à sa base. Pattes ambulatoires comprimées, couvertes de duvet et poilues sur leur bord supérieur. |

Habitation. Taïti. ,

Largeur de la carapace, 0"016.

Longueur, 0012.

Cette espèce ressemble beaucoup à un Pilumne ; la carapace est cepen- dant beaucoup plus convexe. L'épais duvet qui couvre complétement ce bou- clier la distingue des autres espèces du même genre.

Collection du Muséum.

286 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

3 ACTUMNUES GLOBULUS |Heller). Voy. pl. XVIII, fig. 4.

Acrumnus GLoBuLus. Heller, Beiträge zur Crustaceen-Fauna des rothen Meeres, lac. cit., p. 341, pl. n1, fig. 23. (Dans cette figure, la carapace ne paraît pas, à beaucoup près, assez convexe.)

Carapace étroite, globuleuse, très-convexe en dessus. Surface lobuleuse; lobules grands, saillants, granuleux sur la portion antérieure de la carapace , lisses en arrière et séparés par des sillons larges, profonds et garnis d’un duvet fin et brunâtre. Front large, lamelleux, à bord presque droit et échan- cré au milieu. Orbites grandes. Bords latéro-antérieurs courts, minces et divisés par une fissure en deux lobes (sans compter l’angle orbitaire externe) larges et peu avancés. Bords latéro-postérieurs longs et légèrement renflés. Pattes antérieures fortes et un peu inégales. Main grosse, couverte en dessus et en dehors de tubercules élevés. Doigts très-courts, armés d’une seule dent basilaire, de chaque côté de laquelle se voit un faisceau de poils. Pouce gra- nuleux en dessus. Avant-bras couvert de petites granulations, et présentant sur sa face externe un sillon duveteux, parallèle au bord articulaire Prleur. Pattes ambulatoires comprimées, non granuleuses et poilues.

Habitation. Mer Rouge (Tor), côte de Mozambique.

Largeur de la carapace, 0"023.

Longueur, 0"019.

Cette espèce se distingue facilement de toutes les autres du même genre par l'existence de deux lobes seulement aux bords Ft cie de

Collection du Muséum.

A ACTUMNUS SQUAMOSUS (Dehaan ). Voy. pl. XVIIL, fig. 6, 64, 6b, 6c.

PizumNuS squamosus. Dehaan, Fauna japonica. Crust., p: 50.

Carapace étroite, médiocrement bombée, couverte d’un duvet court et serré. Lobes des régions marqués par des sillons peu profonds. Bords latéro-

ALPH. MILNE-EDWARDS. SUR LES CANCÉRIENS. 287

antérieurs courts et découpés en quatre dents (en comptant l'angle orbitaire externe) courtes, pointues et larges à leur base; les poils qui les couvrent les font paraître encore plus courtes. Front formé de deux lobes médians lamelleux , arrondis et avancés. Bord sus-orbitaire très-légèrement spinuleux. Pattes antérieures fortes, inégales, lisses en dedans, couvertes en dessus et en dehors de tubercules blancs, larges, peu élevés et squamiformes. Ces tubercules sont un peu plus pointus sur la main gauche. 11 n'existe à leur base que de très-petits poils à peine appréciables. Pouce garni en dessus de deux rangées ces tubercules ; l’index en est complétement couvert en dehors. Avant- bras tomenteux en dehors et granuleux sur son angle antéro-interne. Paltes ambulatoires tomenteuses, et portant sur leur bord supérieur quelques poils longs et rares. Thorax et face inférieure des pattes ambulatoires lisses.

Habitation. Les mers du Japon.

Largeur de la carapace, 0"O045.

Longueur, O"O1L.

Cette espèce est très-voisine du À. setifer, mais la carapace est plus élargie et moins bombée, les régions sont moins profondément lobulées ; enfin les tubércules des mains lui donnent un aspect tout particulier.

5 ACTUMNUS SETIFER |(|Dehaan). Voy. pl. XV, fig. 5, 5@, 5b: PILUMNUS serirer. Dehaan, Fauna japonica Crust., p. 50, pl. nt, fig. 3.

Carapace très-étroite, convexe en tous sens et subglobuleuse. Lobes des régions plus bombés que dans l'espèce précédente, couverts en avant,de quelques granulations et séparés par des sillons garnis d’un duvet court et serré. Front formé de deux lobes médians arrondis et séparés par une échan- crure étroite. Bords latéraux antérieurs minces et découpés en quaire dents (en comptant l'angle orbitaire externe) petites et pointues. Bords latéro-pos- térieurs concaves. Régions ptérygostomiennes lisses. Pattes antérieures iné- gales, fortes, tomenteuses. Main couverle de tubercules, doigts très-courts, pouce granuleux en dessus, à Sa base. Pattes ambulatoires comprimées , du-

veteuses et assez longues.

288 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

. Habitation. Mer du Japon.

Largeur de la carapace, 0"014.

Longueur, 0"O1L.

Cette petite espèce pourrait facilement se confondre, au premier abord, avec l’A. tomentosus: mais, en l’examinant avec attention, on voit que le duvet qui, chez l’espèce de Tahiti, couvre toute la carapace et masque les granula- tions, n’existe ici que dans les sillons ou entre les granulations; les pattes sont également moins duveteuses. Les dents des bords latéro-antérieurs de l'A. setiger sont mieux indiquées et plus pointues.

Collection du Muséum. |

, 6 ACTUMNUS MILIARIS (Nov. Sp.). Voy. pl. XVII, fig. 7, 7a, 7b, Tec.

Carapace étroite, très-bombée, surtout dans le sens antéro-postérieur. Surface couverte de granulations serrées et polies, dans l'intervalle desquelles se voient de petits poils. Lobes des régions non saillants et limités par des sil- lons linéaires et superficiels. ‘-Lobes médians du front assez avancés, arron- dis et séparés par une fissure peu profonde. Bords latéro-antérieurs minces, divisés en quatre lobes (en comptant l’angle orbitaire externe) peu saillants et séparés par des fissures, le quatrième plus avancé que les autres. Bords latéro- postérieurs très-concaves et rion granuleux. Régions ptérygostomiennes lisses. . Surface inférieure du corps couverte de duvet. Pattes antérieures subégales et tomenteuses. Mains fortes, à bord supérieur aigu, couvertes de granulations grosses et espacées sur les parties inférieures, plus petites et serrées en dessus. Doigts noirs à extrémités et denticulations blanches. Pouce granuleux en dessus à sa base. Avant-bras granuleux. Pattes ambulatoires longues, cou- vertes de duvet et de poils plus longs sur leurs bords. Abdomen tomenteux.

Habitation. Les îles Seychelles.

Largeur de la carapace, 0"030.

Longueur, 0”025.

Les granulations serrées qui couvrent la carapace, les sillons linéaires qui séparent les lobes des régions et la forme des lobes des bords latéro-anté- rieurs ne permettent pas de confondre cette espèce avec les précédentes.

Collection du Muséum.

ALPH. MILNE-EDWARDS. SUR LES CANCÉRIENS. 289

TABLEAU DES ESPÈCES DU GENRE ACTUMNUS.

» Carapace te de g lati grosses et serrées, Sillons des Gliatre 1ébéé régions Ds tes memes npsosee conso ven ce A. MiLtaRiIS. aux bords la- Mains couvertes de tubercules serrés et squa- téro-antérieurs. Carapace miformes ......,.. À. SQUAMOSCS. Bords latéro-an- Ÿ (En comptant . | tomenteuse, Lobes des régions peu sail- térieurs divisés | l'angle orbitaire | Peu granuleuse. : i | } | ARENA Maiéorniéésdé lants et entièrement recou- en lobes externe Hs sis verts de duvet A. TomenTosus. ou en dents. uit ur : larges arrondis Lobes assez saillants, cou- et espacés. verts d'un duvet très-rare ot claite8Mé. 0. vx A. SETIFER. Trois lobes aux bords latéro-antérieurs A. GLOBULUS. Bords latéro-antérieurs non découpés en lobes ou en dents A. OBEsUs ? Les espèces marquées d’un ? sont celles que je n’ai pas eu entre les mains. ni Bt ï Genre EUXANTHUS (Dana). CANCER. Herbst, t. I, p. 265, pl. xxr, fig. 421.

Milne-Edwards, Hist. nat. des Crust., &. KL, p. 376. Euxantaus. Dana, Unit. stat. Expl. Exped. Crust., t. , p. 173. MELISSA. Strahl, Carcinologische Beiträge. (Archiv für Naçurges., von Troschel, 4861, t. XXVIL, p. 401.)

Le genre £uxanthus se distingue très-facilement des genres voisins par la forme de la carapace et par la disposition de la région antennaire.

La carapace élargie est, en général, fortement bombée et bosselée. Les bords latéro-antérieurs sont divisés en plusieurs lobes peu saillants, et se pro- longent en avant de façon à aboutir à la partie antérieure du cadre buccal et non à l’angle orbitaire externe comme chez les genres précédents. Les bords latéro-postérieurs sont fortement convexes. Le front est avancé. L'article basi- laire des antennes externes est très-long et se prolonge comme celui des Étyses dans l'hiatus orbitaire externe; seulement, la tigelle mobile, qui est très-petite, au lieu d’être excluse de l'orbite, s’insère dans cette cavité, à l'extrémité de l’article basilaire, dans une petite dépression. L'endostome est lisse et ne pré- sente pas de crêtes destinées à limiter le canal expirateur de la chambre bran- chiale. Le troisième article des pattes-mâchoires externes est plus large du

h 37

290 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

4

_côté interne qne du côté externe. Le quatrième article s’insère à son angle antéro-interne. Les pattes de la première paire sont couvertes de bosselures. Les doigts sont très-imparfaitement terminés en cuillère. Les pattes ambula- toires sont courtes et comprimées. L’abdomen du mâle se compose de cinq articles. |

Par les caractères tirés de l'examen de la région antennaire, le genre Euxanthus devrait être confondu avec le genre #ypocælus de M. Heller, mais ce dernier se distingue facilement par l'existence des fossettes ptérygosto- miennes qui existent de chaque côté de la carapace.

M. Strahl avait proposé de supprimer le nom d'Euxanthus, que M. Dana avait donné à ce genre pour le remplacer par celui de Melissa, s’appuyant sur ce que l’une des espèces de Herbst, qui doivent rentrer dans cette division. portait le nom de Cancer melissa. Cette manière de voir ne peut être adoptée, et si l’on voulait remplacer les noms des genres par celui des anciennes espèces qui même ont été prises pour type. on bouleverserait complétement et sans raison la nomenclature adoptée.

EUXANTHUS HUONIL (Lucas).

Voy. pl. XV, fig. 4, Aa, 1b,4c.

CANCER HuONII. Lucas, Voyage au pôle Sud. Crustacés, p.16, pl. 1v, fig. 4. (Fig. défectueuse.)

Carapace fortement bombée dans tous les sens, et couverte en avant aussi bien qu’en arrière de bosselures qui, elles-mêmes, sont très-rugueuses. Front avancé.et formé de deux lobes saillants et lamelleux. Bord sourcilier épais. Angle orbitaire externe marqué par un petit tubercule. Bords latéro-antérieurs très-longs, régulièrement courbes, et découpés en six dents, qui sont proémi- nentes, arrondies et reliées entre elles par une ligne finement granulée. La pre- mière est plus petite et rapprochée de la deuxième ; les autres sont subégales et régulièrement espacées. Bords postérieurs concaves et très-finement granuleux. Pattes antérieures subégales et relativement petites. Mains rugueuses, portant en dessus quelques grosses bosselures arrondies, et en dehors des lignes longitudinales granuleuses. Doigts granuleux, noirs; la coloration noire s'étendant sur la partie inférieure de la main. Avant-bras bosselé et granu-

ÂLPH, MILNE-EDWARDS, SUR LES CANCÉRIENS. 291

leux. Bras granuleux sur son bord supérieur. Pattes ambulatoires courtes, cuisse granuleuse, jambe et pied bosselés et granuleux, doigts poilus. Plastron sternal et abdomen bosselés.

Couleur d’un violet bleuâtre foncé, avec les pinces noires.

Habitation. Le détroit de Torrès.

Largeur de la carapace, 0",052.

Longuëur, 0",036.

Cette espèce se distingue facilement des autres du même genre, par le nombre et la forme des dents du bord latéro-antérieur.

Collection du Muséum. 4

2 EUXANTHUS SCULPTILIS (Dana.

EuxanTaus scucpricis. Dana. Unit. stat. Expl. Expedil. Crust., t. 1, p. 173, pl. vin, fig. 8.

Carapace très-convexe, bosselée en avant et en arrière; chaque lobule plus moins rugueux et subdivisé. Front déclive, divisé en deux lobes. Bord sourcilier très-épais. Bords latéro-antérieurs divisés en six ou sept dents fortes, subpyramidales, obtuses. Pattes antérieures petites et égales. Mains tuberculeuses en dessus, portant des côtes granuleuses en dehors. Pouce den- ticulé en dessus. Pattes ambulatoires médiocres. Troisième article granuleux. quatrième et cinquième articles rugueux et tuberculeux en dessus. Doigt poilu. Sternum et abdomen fortement bosselé.

Habitation. Tes Viti et Tongatabou.

Largeur de la carapace, 0",056.

Longueur, 0",026.

Je serais disposé à croire que cette espèce ne doit pas être distinguée de VÆ. Huonti; mais n’ayant de ce dernier qu'un seul exemplaire, et ne connais- sant pas les limites dans lesquelles il peut varier, je crois qu’il serait préma- turé de réunir ces deux formes qui, de toute facon, sont extrêmement

voisines.

292 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

3 EUX ANTHUS MAMILLATUS (Mine-Edwards Voy. pl. XV, fig. 2, .2a; 26.

CANCER MAMILLATUS. Milne-Edwards, Hist. nat. des Crust., t..L,.p. 376. MELISSA MAMILLATA. Strahl, Carcinolog. Beiträge. | Archiv für Naturg., von Troschel, 4861, p. 103.)

Carapace élargie, bombée, couverte de bosselures lisses, et fortement saillantes. Front avancé. Bord sourcilier épais. Angle orbitaire externe n’exis- tant pas. Bords latéro-antérieurs longs et arqués, divisés en lobes irréguliers, que l’on peut évaluer à six; les trois premiers sont plutôt formés par des ondulations du bord; le quatrième est dentiforme et avancé, le cinquième est peu proéminent, et souvent se dédouble en deux petits lobes; le sixième est dentiforme et nettement indiqué. Bords latéro-postérieurs concaves. Pattes antérieures subégales. Mains non granuleuses, mais bosselées, légèrement rugueuses et marquées en dehors de plusieurs côtes. Doigts non granuleux et noirs; cette coloration s'étendant sur la partie inférieure et la face interne de la main. Avant-bras bosselés. Pattes ambulatoires courtes, non granuleuses, mais rugueuses et bosselées.

Habitation. L'Australie, l’île de Poulo-Condore.

Largeur de la carapace, 0",070.

Longueur, 0",048.

Les femelles de cette espèce sont beaucoup plus bombées que les mâles ; les jeunes sont plus rugueux et plus fortement bosselés que les vieux indivi- dus. Souvent le cinquième lobe du bord latéro-antérieur est à peine indiqué ; d’autres fois il se décompose en deux tubercules.

Collection du Muséum.

ALPH. MILNE-EDWARDS. SUR LES CANCÉRIENS. 293

4 EUXANTHUS MELISSA.

CANCER MELISSA. Herbst, Naturgesch. der Krabben und Krebse, pl. 1x, fig. 1 Cancer escuzpTus. Herbst, loc. cit., t. I, p. 265, pl. xxx, fig. 421. (Non Milne-Edwards.) EuxanrTaus NiTipus. Dana. Unit. stat. ER Re Crus, t. I, p. 474, pl. vu, fig. 9.

EuxanTaus MELISSA. Stimpson, Prodromus.…., loc. cil., 66. MELISSA NITIDA. Strahl, Carcinol. bell LR für Naturg., von Troschel, 1864, p. 103

Carapace élargie, fortement bombée, couverte de bosselures saillantes et lisses. Front formé de deux lobes avancés et lamelleux. Angle orbitaire externe non indiqué. Bords latéro-antérieurs longs et découpés en cinq dents, les deux postérieures plus espacées que les autres. Bords latéro-postérieurs mé- diocrement concaves. Pattes antérieures subégales, bosselées et un peu rugueuses. Pattes ambulatoires courtes et bosselées.

Habitation. Archipel Viti, île Tongatabou.

Largeur de la carapace, 0",031.

Longueur, 0",020.

M. Strahl, qui a pu étudier dans le Musée de Berlin les types qui ont servi aux descriptions de Herbst, s’est assuré que le Cancer melissa ou esculp- tus de cet auteur ne présentait pas les fossettes ptérygostomiennes du €. sculp- tus de M. Milne-Edwards, et que, par conséquent, il ne pouvait être identifié à cette dernière espèce; l'individu type du €. esculplus ou melissa semblait au contraire identique à l'£uvanthus nitidus de Dana. Je serais assez disposé à regarder cette même espèce comme une variété de l'E. mamillatus, dont la cin- quième dent latéro-antérieure ne se serait pas développée. S'il en était ainsi, les £. melissa, nitidus et mamillatus devraient se fondre en une seule espèce sous le nom d’£. melissa, mais avant de trancher la question, il serait indis- pensable d'étudier les types qui ont servi à l’établissement de chacune de ces distinctions spécifiques.

294 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

5 EUXANTHUEUS PUNCTATUS (Nov. Sp.). Voy. pl. XVI, fig. 6.

Carapace élargie, beaucoup moins bombée que celle des autres espèces du même genre, bosselée en avant et en arrière. Bosselures médiocrement saillantes et marquées de ponctuations. Front formé de deux lobes avancés et lamelleux. Angle orbitaire externe non indiqué. Bords latéro-antérieurs minces. découpés en un grand lobe antérieur et deux lobes dentiformes postérieurs. Bords latéro-postérieurs concaves. Pattes antérieures subégales et lisses. Mains bosselées, rugueuses et marquées en dehors de côtes longitudinales. Doigts cannelés, noirs; la coloration noire s'étendant sur la partie inférieure et la face interne de la main. Pattes ambulatoires couvertes de rugosités et de bosselures.

Couleur rougeâtre, avec des taches plus claires.

Habitation. Les Indes orientales.

Largeur de la carapace, 0",0/414.

Longueur, 0",028.

La voussure moindre de la carapace et la découpure des bords latéro-

antérieurs permettent de distinguer facilement cette espèce des précédentes, Collection du Muséum.

TABLEAU DES ESPÈCES DU GENRE EUXANTHUS.

Bords latéro-antérieurs présentant trois divisions. .....,.. E. PuxCrarus.

L

Six dents latéro-antér... E. MAMILLarus. Bords latéro-an- } Bosselures de la carapace lisses | ‘a térieurs pré- sentant plus de . trois divisions. Bosselures de la carapace rugueuses.

és enne E. MeLissa. (E. Meussa ou | Cinq dents latéro-ant.. l NITIDUS ? Î { E. Huowu ou l SCULPTILIS9

1. Je suis disposé à regarder les £. Melissa, Mamillatus et Nitidus,

+ comme des variétés d’une seule et même espèce, Aussi, ai-je disposé le tableau de facon à séparer de ces derniers les types qui,

selon mon opinion, sont spécifiques.

ALPH. MILNE-EDWARDS. SUR LES CANCÉRIENS. 295

Genre HYPOCŒLUS (Heller).

Cancer (pars). Milne-Edwards, Hist. nat. des Crust., t, I, p. 376.

XanrHo (pars). Dehaan, Fauna Japonica Crust., p. 65.

HypocoeLus Heller. Beiträge zur Crustaceen-Fauna des Rothen Meeres, loc. cit. p. 319. Meussa (pars). Strahl, Carcinolog. Beiträge. (Archiv für Naturg., von Troschel, 1864,

Ce genre, presque par tous ses caractères, se confond avec le genre Eusanthus, mais il s’en éloigne, ainsi que de tous les autres Crustacés, par l'existence sur chaque région ptérygostomienne d’une grande cavité ovalaire ou plutôt réniforme, qui se trouve cachée par les pattes antérieures, quand celles-ci se trouvent reployées contre la carapace.

La carapace est élargie, fortement bombée et bosselée. Le front est formé de deux lobes avancés et lamelleux. Les bords latéro-antérieurs sont minces, et, comme dans le genre précédent, ils ne se terminent pas à l’angle orbitaire externe, mais se continuent au-dessous, se contournent et forment le bord des cavités ptérygostomiennes. Les bords latéro-postérieurs sont con- caves. L'article basilaire des antennes externes se prolonge dans l’hiatus orbi- taire interne qu'il remplit complétement, et donne inserlion, par son extré- mité, à la tigelle mobile de ces appendices. Les pattes antérieures sort subégales et bosselées. Les paltes ambulatoires petites et comprimées. L’ab- domen du mâle se compose de cinq articles; les troisième, quatrième et cinquième articles étant soudés entre eux.

4 HYPOCŒLUS SCULPTUS (Milne - Edwards ).

CANCER SCULPTUS. Milne-Edwards, Hist. nat. des Crust., 1834, L. I, p. 376. (Non C. Esculptus de Herbât.) _— Savigny, Descript. de l'Égypte. Crust., pl. Ni, fig. 3. Audouin, Explic. des planches, p. 268. HyrocoLus scuzprus. Heller, doc. eil., p. 322. MeuissA piverTicuLaTA. Strahl, Carcinologische Beilräge. (Archiv für Naturgesch., von Troschel , 4864, p. 103.)

Carapace élargie, bombée, bosselée en avant aussi bien qu’en arrière. Bosselures marquées de lignes transversales, rugueuses ou granuleuses, plus ou moins fortement indiquées. Front formé de deux lobes arrondis et saillants. Angle orbitaire externe n'existant pas. Bords latéro-antérieurs très-longs,

296 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

dilatés en avant et fortement courbés, granuleux sur leurs bords, ne présen- tant ni lobes, ni dents bien distinctes, mais des découpures peu profondes, qui sont ordinairement au nombre de trois. Bords latéro-postérieurs granu- leux et très-concaves. Pattes antérieures subégales. Main fortement rugueuse et granuleuse en dehors, on remarque plusieurs lignes longitudinales parallèles, son bord supérieur aigu et contourné. Doigts granuleux et noirs ; cette coloration s'étendant à la partie inférieure de la main. Avant-bras rugueux et portant en dessus un tubercule pyramidal à arêtes aiguës. Bras granuleux en avant. Pattes ambulatoires courtes, comprimées, granuleuses sur leur bord supérieur, bosselées en dehors. Face inférieure du COrpS gra nuleuse.

Couleur rougeâtre, avec des taches plus claires.

Habitation. La mer Rouge, les mers de la Cochinchine et du Japon.

Largeur de la carapace, 0,046.

Longueur, 0",034.

Lorsque M. Milne-Edwards a fait connaître cette espèce, il avait cru devoir la rapporter au Cancer sculptus de Herbst, dont la face supérieure est seule figurée, et sur lequel on ne peut, par conséquent, apercevoir les fossettes ptérygostomiennes. Dernièrement M. Strah], en étudiant la collection de Herbst, s’est assuré que le Cancer sculptus de cet auteur ne présentait pas de fosses latérales, et que, par conséquent, il devait former une espèce distincte de celle de M. Milne-Edwards. Il proposa alors de la ranger dans le genre Melissa (Zuxanthus, de Dana) sous le nom de M. diverticulata: mais comme M. Heller à proposé avec beaucoup de raison de faire un genre particulier du €. sculptus de M. Milne-Edwards, et de le séparer des £uxanthus véritables, il devient complétement inutile de changer son nom spécifique adopté depuis trente ans dans tous les ouvrages et dans toutes les collections.

Collection du Muséum.

%?' HYPOCŒLEUS GRANULATUS {Dehaan). Voy. pl. XVI, fig. 6, 6a, 6b. XANTHO GRANULATUS. Dehaan, Fauna Japonica. Crust., 1837, p. 65, pl. xvin, fig. 3. Cette espèce se distingue facilement de la précédente. La carapace est beaucoup plus étroite. Les bords latéro-antérieurs sont régulièrement arqués et ne se prolongent pas en avant comme chez l’H. sculptus. La carapace est

ALPH. MILNE-EDWARDS. SUR LES CANCGÉRIENS. 297

plus fortement bosselée. Les sillons interlobulaires sont plus profonds et les lobes couverts de grosses granulations confluentes. Les pattes antérieures sont fortement granuleuses, et la main, aplatie en dessus, est marquée de trois lignes granuleuses. Chez l’H. sculptus, le bord supérieur de la main est très- saillant et forme une crête contournée. L’avant-bras est très-granuleux et ne présente pas la dent pyramidale à crête aiguë qui se voit chez l'espèce précé- dente. Les pattes ambulatoires sont fortement granuleuses. Enfin, les cavités ptérygostomiennes, qui sont petites, allongées et peu profondes, suivent le bord de la carapace. Chez l’Æ. seulptus, elles sont grandes, ovalaires, et s'étendent

jusqu’au voisinage de l'articulation du bras. La région ventrale est très- granuleuse.

Habitation. La mer du Japon.

Largeur de la carapace, 0",035. k

Longueur, 0",025.

Dehaan n’a pas figuré la face ventrale de cette espèce, de facon que, ne pouvant étudier ni la région antennaire ni la conformation des régions ptéry- gostomiennes, il était impossible de savoir exactement quelle était la place que cette espèce devait occuper dans une classification naturelle ; mais en étu- diant la collection originale de Dehaan, qui appartient au Musée de Leyde, j'ai pu m'assurer que les caractères du genre Hypocælus de M. Heller se retrouvaient tous chez le Xantho granulatus, et qu'entre ce Crustacé et le Cancer seulptus il n’y avait que des différences spécifiques.

Le Musée Britannique possède également un individu mâle de cette espèce.

Genre DAIRA (Dehaan).

Cancer (pars). Herbst, Fabricius, etc.

DaIRA. Dehaan, Fauna Japonica. Crust., 1833, p. 18. LAGOSTOMA. Milne-Edwards, Hist. nat. des Crust., 1834, t. I, p. 387. DaïRA. Dana, Unit. stat Expl. Exped. Crust., t.T, p. 202

Stimpson, Votes on North American Crustacea. Ann. of the Lyc. of nat. Hist. of New-York, t. VIL p- 84.

Par sa forme générale, ce genre se rapproche de certaines espèces du genre £uæanthus, et surtout de l'Æ. Huonii (Luc.). La carapace est ova- laire et fortement bombée dans tous les sens; la surface en est très-bos- selée. L'article basilaire des antennes externes n’atteint pas le __ le

8

298 - NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

deuxième article est gros et remplit complétement l’hiatus orbitaire interne ; enfin la tigelle mobile qui s’insère à son extrémité est très-petite. L'article basilaire des antennes internes est remarquablement gros et fait saillie au dehors. L’endostome présente de chaque côté une crête qui limite en dedans le canal expirateur de la chambre branchiale. Le troisième article des pattes-mâchoires externes est très-remarquable; on voit sur son bord anté- rieur, en dehors de l'insertion de la tigelle mobile, une échancrure profonde, correspondant à l'orifice du canal branchial. Cette échancrure est remplie par une touffe spongieuse de poils serrés. Les patles antérieures sont comprimées, et leurs doigts sont terminés en cuillère. Les pattes ambulatoires sont forte- ment comprimées. Tous les anneaux de l'abdomen du mâle sont libres.

Par la forte voussure de la carapace, ce genre se rapproche des Euxanthus, mais, d’un autre côté, il en diffère par la disposition de la ré- gion antennaire. Chez les £uxanthus, en effet, l’article basilaire des antennes externes se prolonge dans le canthus orbitaire interne. Chez les Dœra, il n'atteint pas le front. Chez les £uxanthus, l'abdomen du mâle ne se compose que de cinq anneaux. Dans le genre qui nous occupe, on en compte sept. Enfin, aucun Cancérien de cette division ne présente d’échancrure au bord antérieur du troisième article des pattes-mâchoires externes ; parmi les Xan- thiens, les Zozymodes de M. Heller offrent une échancrure analogue, quoique moins profonde; mais ils diffèrent des Daira par une foule de caractères de premier ordre.

DAEÏRA PERLATA (Herbst).

CANCER PERLATUS. Herbst, t. J, p. 265, pl. xxx, fig. 422.

CANCER DAIRA. Herbst, t. I, pl. Lo, fig. 2. CANCER VARIOLOSUS. Fabricius, Ent. syst. Supp., p. 338. DAIRA PERLATA. Dehaan, Faunu Japonica, 1833, p. 18.

LAGOSTOMA PERLATA. Milne-Edwards, Hist. nat. des Crust., 1834, t. I, p. 387. DaïRA VARIOLOSA , Dana, Unit. stat. Expl. Exped. Crust., t. X, p. 202, pl. x, fig. 4. Carapace ovalaire, fortement bombée, complétement couverte de gros tubercules pisiformes et ponctués sur tout leur pourtour. Front formé de deux lobes médians, avancés, arrondis, et séparés sur la ligne médiane par une petite échancrure. Bord orbitaire supérieur épais et tuberculé. Bords latéro- antérieurs longs et garnis d'environ douze dents tuberculiformes. Bords latéro-postérieurs très-concaves. Pattes antérieures inégales, couvertes de gros

ALPH. MILNE-EDWARDS. SUR LES CANCGÉRIENS. 209

tubercules, qui sont aplatis sur l’avant-bras, aigus sur la main, et ponctués sur leur pourtour ; pouce orné en dessus de quelques tubercules spiniformes. Doigts fortement excavés en cuillère; ceux de la grosse pince de droite armés sur leur bord tranchant de plusieurs dents; ceux de la petite pince de gauche ne présentant qu'un bord presque entier et tranchant. Pattes ambulatoires très-comprimées, et couvertes en dessus d’une ligne de longs poils. Cuisse fortement excavée à son bord inférieur, et marquée en dehors de petites lignes ponclüées qui y dessinent une sorte de mosaïque; leur bord supérieur aigu et formé par ane série de dents tranchantes. Jambe et pied spinuleux surtout en dessus. Doigt légèrement spinuleux. Face inférieure du corps lisse.

Couleur d’un brun violacé.

Habitation. Cette espèce se rencontre dans presque toutes les mers. On prétend même l'avoir trouvée sur nos côtes; elle est surtout abondante dans la mer des Indes et sur les côtes des îles de l'Océanie et de la Nouvelle-Calé- donie. |

Largeur de la carapace, 0,055.

Longueur, 0,047.

2 DAIRA AMERICANA (Stimpson). Voy. pl. XVL fig. 4, ka, kb, Le. DAIRA AMERICANA. Stimpson, Votes on North American Crustacea. Ann. of the Lyc. of nat. Hist. of.New-York, 1860, t. VIE p. 84.

Cette espèce ressemble beaucoup à la D. perlata; elle peut cependant s’en distinguer par un certain nombre de caractères constants. Chaque tuber- cule de la carapace est entouré d’une bordure de poils qui, sur la région car- diaque, disparaissent presque complétement. Les doigts des pinces sont tran- chants, et ne se terminent pas en cuillère. Enfin les doigts de la petite pince (celle de gauche) sont dentés, et ne présentent pas la crête lisse et dépourvue de dents qui se voit chez la D. perlala.

Couleur brun violacé.

Largeur de la carapace, 0",045.

Longueur, 0",035.

Habitation. Les côtes ouest de l'Amérique septentrionale : la Californie,

le Mexique, Panama. Collection du Muséum.

300 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

ESPÈCES FOSSILES. GENRE PALÆOCARPILIUS.

CANCER (pars). Desmarest, Crustacés fossiles, 1822, p. M et 94.

CaRPiLius (pars). Milne-Edwards, Hist. nat. des Crust., 1. I, p. 380.

ATERGATIS (pars). Reuss, Zur Kenntniss fossiler Krabben, p. 30 et suiv.

PALæOCARPILIUS. Alph. Milne-Edwards, Monographie des Cancériens fossiles. Ann.

des scienc. nat. Zool., serie, t. XVII, p. 51. + Cette division générique ne comprend que des espèces fossiles, qui ont

apparu à l’époque du dépôt des couches du terrain nummulitique, et qui se retrouvent sur tous les points ces couches s’observent depuis l'Allemagne, la France, l'Italie, jusqu'à l'Egypte et l’Inde. Ce genre, très-voisin des Carpilies, s’en distingue par l’existence de gros tubercules sur le bord supé- rieur de la main et par le développement remarquable de l’article basilaire des antennes externes. Chez toutes les espèces, à l'exception d’une seule, les bords latéro-antérieurs, au lieu d’être entiers, sont divisés en ‘un certain nombre de dents tuberculiformes et obtuses.

PALÆOCARPILIUS MAcROCHELUS (Desm.). Cancer Macrochelus. Desmarest, 0p. cit., p. 91, pl. vu, fig. 4 et 2. Palæocarpilius Macrochelus. Alph. Milne-Edwards, op. eit., p. 54, pl. 1, fig. 2; pl. 11, fig. 4; pl. ur, fig. 1; pl. vi, fig. 1. PALÆOCARPILIUS STENURUS. Alergatis Stenura. Reuss, Zur Kenniniss fossiler Krabben, 1859, p. 35, pl. u, 1g. D-7. Palæocarpilius Stenurus. Alph. menu op. cit., p. 56, pl. 1, fig. 3. PALÆOCARPILIUS AQUITANICUS. Alph. AS Le op. cil., p. 57, pl. 1, fig. 4 et4*. PALÆOCARPILIUS KLIPSTEINI. Cancer Klipsteini. H. von Meyer, Leonhard und Bronn Jahrsb, 1842, p. 589. Palæontographica, 1862, p.161, pl. xvur, fig. 9-42. Palæocarpilius Klipsteini. Alph. Milne-Edwards, op. cit., p. 58, pl. 1v, fig. 2. PALÆOCARPILIUS IGXOTUS. Alph. Milne-Edwards, op. cit., p. 59, pl. 1v, fig. 3. GENRE PHLYCTENODES, Alph. Milne-Edwards, op. cit., p. 60.

ALPH. MILNE-EDWARDS. SUR LES CANCGÉRIENS. 301

Le genre Phlyctenodes ne se compose jusqu’à présent que de trois espèces fossiles, qui, par leur forme générale, se rapprochent un peu des Carpilies, mais s’en éloignent par l'existence de gros tubercules arrondis qui ornent le bouclier dorsal, qui est presque aussi élargi que chez les Liomères.

PHLYCTENODES TUBERCULOSUS.

Alph. Milne-Edwards, 0p. cit., p. 61, pl. vir, fig. 2.

PHLYCTENODES PUSTULOSUS. Alph. Milne-Edwards, op. cit., p. 62, pl. vu, fig. 1.

PHLYCTENODES DEPRESSUS. ; Alph. Milne-Edwards, An. des scienc. nat. Zool., série, t. LL, p. 339, pl. x, fig. 2,

2a, 2b. GENRE HARPACTOCARCINUS.

CANCER (pars). Desmarest, Crustacés fossiles, 1822, p. 92, pl. vu, fig. 3 et 4. HARPACTOCARCINUS. Alph. Milne-Edwards, Ann. des sc. nat. Zoologie, série, 1. XVIIL, . 64.

Le genre Harpactocarcinus ne comprend que des espèces fossiles. Il se distingue des Carpilies par les dents qui garnissent Îles bords latéro-anté- rieurs de la carapace, et par la disposition de la région antennaire qui se rapproche de celle des Atergalis.

HARPACTOCARCINUS PUNCTULATUS.

Cancer Punctulatus, Desmarest, 0p. cil., p. 92, pl. vu, fig. 3 et 4. Harpactocarcinus Punctulatus, Alp. Milne-Edwards, op. cit., p. 66, pl. vir etix. x HARPACTOCARCINUS MACRODACTYLUS. Cancer Macrodactylus, Milne-Edwards, x d'Archiac, Hist. des progrès de la Géologie, t. UE, p. 30 k. . Harpactocarcinus Macrodactylus. Alph. Milne-Edwards, op. cit, p. 70, pl. x, fig. 1. HARPACTOCARCINUS ROTUNDATUS. Alpbh. Milne-Edwards, 0p. cit. p. 74, pl. x, fig. 2. HARPACTOCARCINUS OVALIS. Alph. Milne-Edwards, op. cil., p. 72, pl. sx, fig. 2. HARPACTOCARCINUS SOUVERBIEI.

Alph. Milne-Edwards, 0p. cit., p. 72, pl. vi, fig. 3, 4, 5.

302 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

HARPACTOGARCINUS QUADRILOBATUS. Cancer Quadrilobatus. Desmarest, op. cit., p.93, pl. vux, fig. 4 et 2. Harpactocarcinus Quadrilobatus. Alph. Milne-Edwards, op. cit., p. 74, pl. ni, fig. 2, pl. 1v, fig. 4; pl. v, fig. 4. HARPACTOCARGINUS JACQUOTIL.

Alph. Milne-Edwards. Ann. des scienc. nat. Zool., série, t. HI, p. 344.

GENRE ETYUS.

Elyus. Mantell, Wed. of Creat., p. 322. _— Bell, Fossil Malacostracous Crustacea (Palæont. Soc. of London, 1862), p. 5. Alph. Milne-Edwards, Ann. des science. nat. Zool., série, t. IT, p. 346. Reussia. M'Coy, Ann. and Mag. of nat. Hist., 1854, 2% série, t. XIV, p. 421. Alph. Milne-Edwards, Ann. des scienc. nat. Zool., série, t. XVIIL p. 76.

Ce genre ne se compose que d’espèces fossiles propres au terrain crétacé; il est très-voisin des Carpilodes, dont il se distingue par le mode de lobula- tion de la carapace, et par la forme du front qui s’avance en manière de bec arrondi.

Eryus MaRrTINI.

Mantell, Loc. cit., fig. 1.

Bell, loc. cit., p. 5, pl. 1, fig. 7-12.

Alph. Milne-Edwards, Ann. des scienc. nat. Zool., série, t. IL, p. 347.

Reussia granosa. À. Milne-Edwards, op. cit. série, t. XVII, p. 78, pl. v,.fig. 2. ETrus Bucurr.

Podophihalmus Buchii. Reuss. Die Versteinerungen der Bühmischen Kreideformation.

fre partie, 4845, p. 45, pl. v, fig. 50 et 51. Reussia Buchii. M'Coy, Ann. and Mag. of nat. Hist., 1854, 2 série t. XIV, p. 420.

Alph. Miine-Edwards, op, cit, t. XVII, p. 79, pl: v, fig. 3, et série, &; IL, p. 347.

ErTyus Simiis.

Bell, op. cit., p. 39, pl. 1, fig. 42, et pl, x, fig. 15. Alph. Milne-Edwards, Ann. sc. nat. Zool., série t. III. p. 347, pl. vi, fig. 7.

Acetæa (genre) ............::.:.:.. 259 | Actæodes Cavipes......... vin - » Actæa Acantha ..... 244 6 CN EE: 278 abat... ue. Affnis : SIREN . 263 —.:, Nodipes, 5,501, eudéliaft. 2) Areolata . 5.426800 à NA. 264 2: Rugipes eee se deme malt» » CR CP PNR PASRRE * 112 : LES 261 SpecioSus...,, sms sets à + « Caleniosa :.:275,. 00e: 276 Spongiosus.......,..ss….s.. Le, UITRAPIAS: 5 2 425030 0 FOURNIER S 276 sue + (Tomentosus.….. étant ee avinhei Hull rs. aies. 280 | Actumnus (genre) ............... . Céllulosa.::5::..,40...1406 .. 281 | Actumnus Globulus......,-.... PES

Dane. 00 NON: 261 MOIS, 86 «cos de HE e « de FETOSR TUE CS NOTES » 282 th CET LL CPE MIT. MUC. 273 -Seter sr ramésiniinntt. Le. "Foscuatf ::15,,....6ibiin er .: 279 | Squammosus......,... Loti s BrGtaldta sf ua. pos 275 Tomentosus:....vebansdst. cMelert: 25... 0i00u SR 2170 | Æ de Granulogus.. +, 4.4. shout. et Hirentissima ::..+ameou d'un Lan 263 | Ægle Rugata..................:..4.. pes | Ne Er (12145708 SE 265 Ru Cid er mama. = Lébyéiathien:...memiio, 289 | Atergatis (genre)................

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ALPH. MILNE-EDWARDS. SUR LES CANCÉRIENS.

LISTE

DES NOMS GÉNÉRIQUES ET SPÉCIFIQUES CITÉS DANS CE MÉMOIRE.

303

304 NOUVELLES _.—. TEL OP POP AODUOHUIUS..: au

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Molidihis, sec ronstosre: 293 Stenurus ue nié nait

Nitidus, 44 dus oies te 293 | Phly EE a (genre)...

Punçtaltus.. esse: 294 rose Depressus. ..... ra

Pr Ms der mrssiqerst 291 DONNE resserre Harpactocarcinus (genre) ..... 302 : TENTE ae lee rar facquotii.......:.,. 303 | Pilumnus Setifer................. Macrodactylus........ 302 | Pilumnus Squammosus. ...............

VA nent obste .. 302 | Pirimela (genre).................

Punctatus ........... 302 | Pirimela denticulata............ FE.

Quadrilobatus........ 302 | Platycarcinus (genre)..........

Rotundatus,......... 302 | Platycarcinus Anti sl soboMmEns.

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Mypocbiii (genre).......... Nics 190 mr rDentaluSs ses is bietefl . Hypocælus Granulatus................ 297 Edwardäil anses ovisret.é e Sculptus.................. 295 Irroratlés ins éionus 188, Iphimedia Sulcata................ 271 ; LODRIDOS.. sm ess sie Lachnopodus (genre).........:. 233 Novæ-Zelandiæ.......... _Lachnopodus Rodgersii............... 23% sm. PARDIUS. ss .… Lagostoma (genre) ........-.... 208 Productus...…. 2.0 Lagostoma Perlata.............. DT 299 | Platypodia (genre).............. Liomera [(genre)......-...:..... 219 | Podophthalmus Buchii ......... Liomera Cinetimana ET RE 219 | Poupart.................--..::. DR cs restrsvivess 292 | Reussia (genre)..................

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Figures. 1

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NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

EXPLICATION DES PLANCHES

PLANCHE XI.

Atergatopsis Germanii (A. Edw.}. Individu mâle de grandeur naturelle, provenant de l'île de Poulo-Condore.

Pince du même.

Abdomen du même

Carpilodes Stimpsonii (A. Edw.). Mâle {grossi), provenant de Nouvelle-Calédorie.

Le mème de grandeur naturelle.

Pince du même, grossie.

Abdomen du même, grossi. j

Carpilodes Vaillantianus (A. Edw.), individu mâle (grossi), provenant de l'ile Bourbon.

Le même, de grandeur naturelle.

Pince grossie.

Carpilodes Ruber (A. Edw. ). Individu mâle (grossi), provenant des îles Sandwich.

Le même, de grandeur naturelle.

Région antennaire du même, grossie.

Liomera Granosimana (A. Edw.). Individu mâle de grandeur naturelle, provenant de la Nouvelle-Calédonie.

PLANCHE XII.

‘Atergatopsis Flavo-Maculatus (A.Edw.).Mäle p tde] Rouge, grandeur naturelle.

Pince du même, vue en dehors et grossie.

Carpilodes Venosus { Edw.). Individu mâle des mers de l'Océanie, de grandeur naturelle. Le même, grossi. : Pince du même.

Carpilodes Rugatus (Latreille). Mäle provenant des mers de l'Océanie, grandeur naturelle. Le même, grossi.

Le même, vu de

Carpilodes Ft (Heller). Mâle de grandeur naturelle, provenant de la mer Rouge. Le même, gr ; Pince du mème, vue en .

Carpilodes ns (Hellée}. Mâle provenant des récifs de Minerve, grandeur naturelle. Liomera Pubescens. Individu mâle de grandeur naturelle, provenant de l'ile Maurice.

Le même, vu de face.

Liomera Longimana (A. Edw.). Mâle de ééhdoue naturelle, provenant des Antikes.

Le même, gro

Pince du même, vue en dehors et grossie.

PLANCHE XIII.

Atergatopsis Lucasii Aa Individu femelle de grandeur naturelle, provenant des côtes de la Nouvelle-Calédonie

Figures. À

19

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ALPH. MIENE-EDWARDS. SUR LES CANGÉRIENS. 307

Pince du mêm

Atergatopsis Cats (A.Edw.) Individu mâle de grandeur naturelle, provenant de l'île de Zanzibar.

Pince du mème.

Abdomen du même.

PLANCHE XIV.

Atergatis Latissimus {Edw.). individu mâle de grandeur naturelle, provenant des côtes de l'Océanie. Le même, vu de face, montrant la disposition des lobes du front.

PLANCHE XW.

Euxanthus Huonii (Lucas). Mâle de grandeur naturelle, provenant du détroit de Torrès.

Région antennaire, pattes-mächoires, eLc., du même

Pince du même.

Abdomen du

Euxanthus nititus (Edw.). Individu femelle de grandeur naturelle, provenant de l'île de Poulo-Condore.

Région antennaire du mème.

Pince du même.

Atergatis Obtusus (A. Edw.). fndividu mâle de grandeur naturelle, provenant des côtes de ForhipenRe- ;

Pince du mêm

Atergatis Li pâte (A. Edw.). Mâle de g jeur naturelle, provenant des côtes de Malabar.

!

AIG

Pince du même. PLANCHE XVI.

Lophactæa Cristata (A. Edw.). Individu mâle de grandeur naturelle, provenant des côtes de Cochinchine.

Pince du même.

Lophactæa Eydouxii (A. Edw.). Individu mâle (grossi), provenant des îles Sandwich.

Grandeur naturelle du mème.

m Daira Americana Speo | Individu mäle (grossi), provenant de Panama. Grandeur naturelle du même. Région antennaire, grossie Tubercules de la carapace, grosis Patte-mâchoire externe, gross Euxanthus Punctatus (A. Rd. Mâle de grandeur naturelle, provenant de la mer des Indes. Région Enr, grossie. Abdomen, gro Hypocælus Gris ( Dehaan). Individu mâle de grandeur naturelle, provenant des mers du Japon. ; Le même, vu en dessous, montrant les fossettes ptérygostomiennes.

-

308

Figures 1

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NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

PLANCHE XVII.

‘Actæa Acantha (Edw.). Individu mâle de grandeur naturelle,

Le même, vu de face, montrant la disposition des lobes du front.

Pince, grossie.

Actæa Obesa (A. Edw.). Mâle de grandeur naturelle, de l’île de Zanzibar.

Le même, vu de face.

Pince du même.

Actæa Hellerii (A. é ). Individu mâle de grandeur naturelle.

Le même, vu de fac

Pince, grossie

Actæa Krausii (Heller). Individu mâle un peu grossi, provenant de l'ile de la Réunion.

Grandeur naturelle.

Actæa Pulchella (A. Edw.). Individu mâle (grossi), provenant de l'Océan indien (île de la Réunion ?

Le même, de grandeur naturelle.

Pince, grossie,

Actæa Nodosa (Stimpson), criat provenant de la Martinique.

Le même, de grandeur nature

Le même, vu de face et ee

Pince, grossie.

PLANCHE XVII.

Actæa Rufopunctata {Edw.). individu mâle de grandeur naturelle, provenant des Indes.

Pince du

Actæa Setigera (Edw.). Individu mâle de grandeur naturelle, provenant des Antilles. Actæa Calculosa (Edw.). Mâle de grandeur naturelle, provenant des côtes de l'Australie. Pince du même, grossie

Actumnus Globulus ( Heller). Mâle de grandeur naturelle, provenant de l'ile de Zanzibar. Actumnus Setifer {Dehaan). Individu mâle provenant des mers du Japon (grossi).

Le même, de grandeur naturelle.

Pince, grossie.

Actumnus Squammosus (Dehaan). Individu mâle (grossi), provenant des mers du Japon. Le même, de grandeur naturelle.

Pince du même, grossie

Région antennaire du iptne: grossie.

Actumnus Miliaris (A. Edw.). Mâle de grandeur naturelle, provenant de l’île de Zanzibar. Le même, vu de face.

Pince du même, grossie.

Abdomen du même, grossi.

PLANCHE XIX.

À 2 ANT, Magister. Individu mâle, réduit de moitié, provenant du golfe de San- Francisco (Californie).

Région antennaire du même.

OBSERVATIONS

SUR

LA MONSTRUOSITÉ DITE POLYMÉLIE

AUGMENTATION DU NOMBRE DES MEMBRES

CHEZ DES BATRACIENS ANOURES

M. AUG. DUMÉRIL

Dans la classification des monstruosités qui a servi de base à son savant Traité des anomalies de l'organisation, Isid. Geoffroy Saint-Hilaire a nommé (t. IUT, partie, chap. x, p. 262) monstres doubles polyméliens les animaux, bien conformés du reste, qui ont un ou plusieurs membres accessoires. C’est sur des faits relatifs à cette multiplicité anormale des organes du mouvement chez des Grenouilles que je désire en ce moment appeler l'attention, en raison de la rareté des observations consignées dans les annales de la science.

Il est remarquable que, parmi la très-grande quantité de Grenouilles dont Alex, de Humboldt s’est servi pour ses expériences, durant ses études sur l'électricité animale, il n’ait pas rencontré un seul individu monstrueux. Il le déclare lui-même (£æpériences sur le galvanisme, trad. franc., Jadelot, 1799, p. 521, note 92). Parmi trois ou quatre mille individus achetés chaque année, depuis plus de quinze ans, par la ménagerie du Muséum, pour l'alimen-

310 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

tation des Reptiles aquatiques, auxquels elles ne sont jamais’livrées sans exa- men, je n’ai trouvé à citer qu'une Grenouille verte (n° vu), dont il est fait mention plus loin. Les deux autres, reçues à des époques différentes dans les collections, portent les vrir et 1x.

Jusqu'à ce jour, on a signalé cinq exemples seulement de polymélie (1-1v et vi), dont trois sont énumérés par l’auteur du Traité des anomalies 1.

1 R Laæ première observation est due à Daniel! de Supervillé (Some refléctions on generation and on monsters, translated from the french : Philo- soph. Transact., 1744, t. XLI, p. 302). Dans une énumération de mons- truosités diverses, il parle d’une Grenouille qui, outre ses quatre pattes, en avait une cinquième aussi bien formée que les autres, partant de l'épaule droite ?. 5

II. Le deuxième exemple est rapporté par Guettard (Mémoires sur différentes parties des sciences et arts, 1783, t. V, Mémoire. Sur différentes monstr. de plantes et d’anim., p. 25, pl. xvin, fig. 3). « La patte surnumé- raire, dit-il, ne paraît pas avoir été faite aux dépens de la patte inférieure du côté droit, auprès de laquelle elle est située. Cette grande patte et sa sem-

1. Haller, à qui nulle publication antérieure à son époque ne semble avoir échappé, ne cite cependant pas le seul fait connu avant la rédaction de son livre De monstris; si riche en indica- tions bibliographiques, et contenu d Id il intitulé Opera minora, 1768, p. 3-173. Je fais allusion à la Grenouille vue par Superville en 4744. Son histoire aurait pu prendre place dans le chapitre xxxur, p. 420, Haller, à l’occasion de Reptiles et de Poissons à deux têtes, signale quelques autres anomalies, en faisant remarquer avec raison que les monstruosités sont rares chez les animaux à température variable.

2. L'explication de ces monstruosités n'offre aucune difficulté à Superville. Il adopte, en effet, l'hypothèse étrange émise par Nicolas Andry qui, dans son Histoire de la génération des Vers, éd. 1700, p. 289, dit, en parlant « des Vers du sperme », « que l’homme et tous les ani- maux viennent d’un Ver, que ce Ver est le raccourci de l'animal qui doit venir, que si le Ver est mâle il en vient un mâle, que s’il est femelle, il en vient une femelle ; que quand il est dans la matrice, ily prend son accroissement par le moyen d'un œuf il entre et:où il demeure, le temps arrêté par la nature, pour s’y développer entièrement et croître jusqu’à une certaine mesure; après quoi l'animal force les membranes de cet œuf et prend naissance. » S'appuyant sur une théorie si contraire à la vérité, et depuis longtemps tombée dans l'oubli qu'elle mérite, Super- ville n'hésite pas à admettre qu’on peut très-bien attribuer la production des monstres doubles ou pourvus de membres surnuméraires à l'entrée de deux: animalcules spermatiques dans un même œuf, ils se touchent, se serrent, s'unissent l’un à l'autre, et se pénètrent. mutuellement. Cer- tains organes du plus faible, ne pouvant se développer sous l'influence de cette pression trop forte, disparaissent. I suffit d’énoncer de semblables Suppositions ; dans l’état actuel de nos con- naissances en. mbryogénie, elles restent au-dessous de toute critique:

13 TT

MONSTRUOSITÉ DITE POLYMÉÈLIE. 311

blable sont dans Jeur état naturel, et articulées comme elles doivent l'être. L’articulation de la patte surnuméraire est au-dessus de la grande patte droite, Le wentre y estéchancré : c’est dans cette échancrure que la patte est placée et articulée. Le bord de l’échancrure qui s’est faite au ventre a un bourrelet. » La pièce décrite par Guettard ne lui appartenant point, il ne put, comme il l'aurait désiré, y faire une dissection qui lui eût permis de constater le mode d’articulation du membre supplémentaire.

JL. Le troisième cas est mentionné par Otto (Seltene Beobachtungen. Breslaw. 1816, cahier, p. 24). Il y avait une cinquième paie, postérieure insérée à droite, à «côté de la patte normale, aussi longue qu'elle, et, suivant Otto, bien conformée 1.

IV. La quatrième Grenouille monstrueuse a été, pour M. van Deen, en 4838. le sujet d’une dissertation anatomique (Anatomische Beschreibung eines monstræsen sechsfüssigen Wasser-Frosches). L'individu qu'il'a étudié, et qui est le premier exemple, que l’on trouve mentionné dans les écrits des naturalistes, d’un Batracien à six pattes, appartenait à l'espèce dite Hana escu- lenta seu R. viridis. La paire de pattes postérieures accessoires et le bassin rudimentaire avec lequel elles s’articulent, se voient à la région antérieure, très-près de l'extrémité du tronc, à gauche de la ligne médiane sur laquelle l’une d'elles empiète un peu. Plus courtes et moins volumineuses que Îles pattes normales, ‘elfes ne sont pas semblables lune à l’autre. La plus interne n’est pas aussi grosse que la patte à laquelle elle correspond, et, en même temps, elle est plus courte; cette brièveté, peu marquée à la cuisse ‘et à la jambe, le devient beaucoup plus au tarse, mais surtout au métatarse et aux orteils. Ges derniers sont au nombre de 5. Le pouce et les deux orteils sui- vants offrent, dans leur longueur respective, les diflérences habituelles, tandis que le quatrième, loin d’être le plus allongé, dépasse à peine le troisième et n’atteint pas les dimensions du cinquième.

La gracilité de l’autre bre soire-est-encore plus manifeste; il est d'ailleurs très-incomplet, car le pied n’est représenté que par deux 0s du tarse en partie confondus l’un avec l’autre; les métatarsiens, ainsi que les orteils,

ont disparu. V. —— En 1861, M. A. Thomas, naturaliste connu par différents travaux

4, Je reproduisiei de passage d'isidore Geoffroy Saint-Hilaire, n'avant pas pu consulter le Mémoire d'Otto.

312 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

relatifs aux Batraciens anoures 1, m'a transmis la description, restée jusqu’à présent inédite, d’un cinquième individu anormal. Il s’agit d'un Crapaud commun, de taille moyenne, conservé au Musée de Nantes. « Un membre accessoire est inséré entre l'os sacrum et l’articula- tion de la cuisse, et se compose : d’une cuisse ne dépassant pas 0",010 de longueur; d'une jambe gauche, mesurant 0",098; d’un tarse et de trois orteils seulement, ayant en tout 0,018. Les orteils sont réunis par une large palmure. Tout le membre est grêle et ne paraît pas avoir pu servir à exécuter des mouvements ?. » | VI. Le sixième cas de monstruosité que M. P. Gervais a communi- qué à l’Académie des sciences, en novembre 1864 (Comptes rendus, t. LIX, p. 800), a été fourni par une Grenouille cultripède (Pelobates cultripes, Tschudi). « La patte supplémentaire doublait celle de devant du côté gauche, et elle était placée immédiatement après celle-ci. Sa forme était assez peu différente de l'état normal; mais il était cependant facile de voir qu’elle était gênée dans ses mouvements, et que, dans son ensemble, elle n'avait acquis qu'un développement imparfait. Sa partie digitale était surtout. restée incom- plète. Il a cependant été aisé d'y reconnaître, par la dissection, des vaisseaux, des nerfs, des masses musculaires, et une partie squelettique, ensemble d’or- ganes que prolégeait une peau semblable à celle des autres membres et du reste du corps. Le squelette était formé : d’une épaule comprenant un cora- coïdien et une omoplate réunis en une seule pièce et articulée, par son extré- mité coracoïdienne, au coracoïde du membre normal ; d’un humérus très- reconnaissable; d’un avant-bras, et d’une main ayant son carpe, ses métacarpiens et ses phalanges. Il ne s’y voyait cependant que trois doigts : les deux latéraux rudimentaires, et à une seule phalange tuberculiforme, sur-

1. En 1854, M. Thomas a publié d’intéressantes observations sur la double ponte annuelle de certains Batraciens sans queue de notre pays, et sur le mode d'accouplement des espèces à pupille verticale, dont les mâles saisissent la femelle au défaut des lombes et non sous les aisselles. (Nole sur la génération du Pélodyte ponctué; Ann. des sc. nat, série, t. I, p.290.)

Dans le Lome IV de la même série de ce recueil, p. 365-380, pl. vi, il a décrit et figuré une Grenouille qui n'avait point encore été déterminée dans notre faune européenne. Il l’a nommée Rana agilis, et a parfaitement établi les caractères qui la distinguent des Rana temporaria, Linn., vel fusca, Roëesel, et oxyrhina, Steenstrup. ;

2. Extrait d’une lettre de M. Thomas. Une note a été lue par lui sur ce sujet, devant la Section des sciences naturelles de la Societé académique du département de la Loire-Infé- rieure, mais elle n’est pas imprimée. :

MONSTRUOSITÉ DITE POLYMÉLIE. 313

montant les métacarpiens correspondants, et le médian un peu plus long, pourvu de deux phalanges. Quant aux muscles, ils étaient groupés en deux masses ou faisceaux, l’une servant à l'extension, et l’autre à l’abduction du membre surnuméraire, ainsi qu'à sa flexion. »

J'ai moi-même recueilli de nouveaux matériaux pour le catalogue encore si restreint des Batraciens anoures à membres supplémentaires, en faisant connaître les difformités offertes par trois animaux de celte classe conservés dans les collections du Muséum d'histoire naturelle. Je les ai soumises à l'exa- men de l'Académie des sciences (Comptes rendus, 1865, t. LX, p. 9A1), et j'en donne ici une description accompagnée de figures (pl. 20) f.

Il s’agit de deux Grenouilles à cinq palies, une rousse (Rana tempo- raria, Linn.), et une verte (R. viridis Roes., R. esculenta, Linn.), ayant, comme les individus mentionnés par Guettard, par Otto et par M. Thomas, un troisième membre postérieur; puis d’une autre leur nombre est de six. | VIT. La Grenouille verte (fig. 1) a les deux membres pelviens nor- maux parfaitement développés et longs de 0",080. De la face postérieure du bassin, à gauche de la ligne médiane, sort une patte extrêmement grêle et longue seulement de 0",0h45. Elle était mobile, mais ne servait point à la natation, comme j'ai pu m'en assurer pendant le séjour de l'animal à la ménagerie. Sa brièveté provient surtout de l'absence du fémur. Sur l'os ilium gauche (fig. À a), on constate, au-devant de l'articulation coxo-fémorale, une déformation due à un élargissement de cet os qui, se bifurquant et pré- sentant une petite apophyse proéminente en arrière, simule une sorte de cavité articulaire irrégulière et incomplète; mais le fémur manque, et la jambe est unie seulement par des parties molles à l'os iliaque. Elle a, ainsi que le tarse, sa composition normale; mais on trouve six métatarsiens et six orteils; quatre de ces derniers, formés chacun par trois phalanges, sont courts et d’'égale dimension : ce sont les deux médians et les deux plus externes; les deux autres semblables entre eux, et à quatre phalanges, ont bien plus de longueur (fig. À b). Gette multiplicité des orteils sur laquelle j’appelle particulièrement l'attention, est tout à fait singulière. La patte, jusqu'au tarse , n'offre aucune trace de fusion de deux membres ; et cependant , en voyant le pied con-

1. Le calque du dessin n'ayant pas été retourné au moment du transport Sur pierre, le côté droit des figures correspond à celui que le texte indique comme étant le côté gauche. 40

314 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

formé comme je viens de le dire, il semble qu'il soit constitué , au delà du tarse , par les trois métatarsiens et les trois orteils les plus externes de deux pieds, avec disparition des deux orteils internes de l’un et de l’autre.

VIIT. La Grenouille rousse (fig. 2) ne présente aucune anomalie soit dans la structure, soit dans le développement des membres postérieurs; mais un peu au-devant de la patte normale gauche, on voit partir, de la région lombaire, une patte accessoire plus grêle que les autres, moins difforme cepen- dant que celle dont je viens de parler. Tci, en effet, il y a un fémur articulé sur un élargissement de l'os ilium (fig. 2 a); mais, contrairement à ce qui se remarque chez la Grenouille vrr, la cavité articulaire est un peu moins incomplète, parce qu'il y a deux apophyses, l’une antérieure et l’autre posté- rieure, limitant le petit enfoncement destiné à l'articulation de la cuisse com- plétée par un ligament capsulaire.

La longueur ‘du fémur et des autres os est la même que dans les mem- bres normaux; mais à l’extrémité de cette patte supplémentaire bien con- formée, il y à une singulière modification du pied (fig. 2 6).

La réunion des métatarsiens et des phalanges de deux pieds confondus en un seul paraît plus complète que chez l’autre Batracien, quoique les os du métatarse et les orteils soient au nombre de cinq seulemegt. On trouve, au milieu, un orteil dépassant à peine la membrane palmaire ; immédiatement à gauche, un orteil à quatre phalanges ; immédiatement à droite, un orteil à trois phalanges ; puis, de chaque côté, un orteil extrême à trois phalanges plus court que les précédents. Les quatre orteils latéraux semblent représenter, par leurs dimensions proportionnelles, à droite, le troisième et le cinquième, et, à gauche, le quatrième et le cinquième orteil de deux pieds dont les six autres orteils seraient remplacés par | un seu, celui qui occupe précisément la ligne médiane.

Relativement à l’anomalie des orteils, dont les deux Grenouilles que je viens de mentionner nous fournissent de si curieux exemples, ne peut-on pas admettre, d'après ce qui précède, que la patte hexadactyle de la Grenouille verte ne constitue pas un cas de véritable polydactylie. Si, en effet, la dispa- rition de quatre orteils chez cette dernière et de six, remplacés par un seul, chez la Grenouille rousse, est la véritable cause de la conformation remar- quable de leurs pieds surajoutés, ne sont-ce pas plutôt des faits destinés à prendre rang dans le groupe des monstruosités, qui a reçu d’Isidore Geoffroy

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Saint-Hilaire, par opposition à la polydactylie, le nom d’ectrodactylie 1?

La structure du pied surnuméraire de la Grenouille verte et de celui de la temporaire ne confirmerait-elle pas cette supposition, si la différence avec un pied normal ne s'explique pas autrement que par la fusion, chez chacune d’elles, de deux pieds en un seul. Leur pied accessoire, en. effet, ne se compose pas, comme à l'ordinaire, d'un pouce à deux phalanges, d’un deuxième orteil plus long, quoique le nombre de ses articles soit le même, d’un troisième, à trois phalanges et plus long, puis d’un quatrième à quatre phalanges encore plus allongé, et enfin d'un cinquième, qui en à trois seulement, bien plus court que ce dernier, et un peu moindre que le troi- sième. +

IX. Le troisième Batracien dont j'ai encore à parler (Rana clamata, Daudin) (fig. 3), et qui a été envoyé des États-Unis, offre une monstruosité plus remarquable, en ce qu’il a une seconde paire de membres abdominaux fixés, non plus à la région postérieure du bassin, mais à sa face antérieure. De même que les précédents, c'est un, monstre polymélien, ou à pattes mul- tiples de la division des Pygomèles, puisque les membres postérieurs acces- soires sont en rapport de contiguité avec les os pelviens. Ces derniers (fig. 5 a), supportent un rudiment de bassin consistant presque éxclusivement en deux petites cupules réunies sur la ligne médiane par le point correspondant de la portion interne du pourtour de chacune d'elles. Ce sont deux cavités coty- loïdes rudimentaires destinées à recevoir, Sans pouvoir les loger en entier, les têtes des deux fémurs.

La disposition du bassin supplémentaire chez la Grenouille verte décrite par M. van Deen est très-analogue à celle que je viens de signaler, comme on peut s’en assurer en rapprochant les figures 1-3 et 5-10, de sa planche 1, de la figure 3 de la planche ci-annexée. On y voit également un très-pelit bassin placé au-devant ou plutôt au-dessous de la ceinture pelvienne normale, et l'on y distingue aussi deux cavités articulaires, mais plus complètes et plus en rapport, par leur profondeur, avec les saillies osseuses qu’elles reçoivent.

La comparaison entre les deux Grenouilles ne peut pas être poussée plus loin, car chez celle du naturaliste hollandais un seul des deux membres acces- soires est bien constitué; l’autre est privé de métatarse et de phalanges, de sorte

4. De éxnreéoxw, je fais avorter, et Déxrures, doigt. (Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, Traité des anomalies, t. I, p.676). Quant aux véritables polydactyles, je m'en occupe plus loin.

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que le pied se trouve réduit au calcanéum et à l’astragale réunis en une pièce unique !. Au contraire, chez la Rana clamata du Musée de Pâäris, le déve- loppement des deux pattes surajoutées est régulier. Elles ne diffèrent des membres au-devant desquelles elles sont placées que par moins de longueur et plus de gracilité.

Un essai de dissection a été anciennement fait, avant que cette Gre- nouille parvint entre mes mains, et l'étude des parties molles n’est plus possible.

Placé dans des conditions plus favorables, M. van Deen a vu (pl. 11, fig. 5 de son Mémoire) l'artère inguinale gauche constituer, indépendamment des rameaux qu'elle fournit régulièrement, un tronc bientôt divisé en deux branches destinées chacune à l’un des membres supplémentaires greffés sur le côté gauche du bassin normal. De plus, il a constaté que l’une et l’autre - patte étaient animées par des filets nerveux émanant de la branche externe du nerf inguinal du même côté beaucoup plus développée chez sa Grenouille monstrueuse qu’elle ne l’est d'ordinaire.

La Grenouille 1x dont je viens de parler, et qui est déjà très-anormale, puisqu'elle porte six pattes, a de plus l'extrémité des membres antérieurs déformée ; le droit (fig. 3 b) n’a que trois doigts : les deux plus externes et le pouce; du côté gauche (fig. 3 c), on ne trouve qu’un seul doigt.

Chez d’autres Batraciens, il n’y a plus comme ici ectrodactylie, mais polydactylie, c'est-à-dire augmentation da nombre des doigts 2, On en a cité quelques exemples. Ainsi, Virey (Journ. complément. des sc. médic., t. IV, p. 327) dit, mais sans fournir des indications précises, qu’il y a des Gre-

1. La Ménagerie a reçu une Grenouille temporaire maintenant conservée dans les collections, et dont l'un des membres a subi une atrophie encore plus considérable. La cuisse droite, parfai- tement conformée, tout à fait semblable à celle du côté opposé, supporte un rudiment de tibia, long de 0”,044 (la jambe opposée mesurant 0,032) et suivi d’un petit pied de 0®,0145 réduit à une tige osseuse et formé, comme chez la Grenouille observée par M. van Deen, par la sou- dure de l’astragale et du calcanéum.

2. Lesson, Reptiles : Voy. aux Indes orient. de Bélanger, Zoologie, p. 351, a décrit sous le nom de Rana hexadactyla, puis ensuite figuré de nouveau et décrit une seconde fois comme Dactylethra bengalensis (IUustr. de z0ol., pl. xivu), une vraie Grenouille qui est devenue, au Musée de Paris, Rana cutipora, Dum., Bib. (Erpét. génér., t. VII, p. 338). La première dénomination n’exprimait pas un fait exact; elle ne pouvait donc être conservée, aucun Batracien n'ayant, à l'état normal, six doigts aux pattes postérieures. « Le sixième doigt court, solide, mais presque rudimentaire, » dont Lesson a parlé, n’est autre chose que la saillie du premier os cunéiforme du tarse à la racine de l’orteil interne.

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nouilles à six doigts aux pattes postérieures. Isidore Geoffroy (Traité des anom., t. 1, p. 688) a vu un Triton à crête ( Triton cristatus), dont chacun des membres pelviens avait des orteils supplémentaires (Atlas, pl. m1, fig. 7 et:8), car au lieu de cinq l’un en avait six et l’autre sept.

Quelques années plus tard, M. van der Hoeven (Fragments z0olog. sur les Batrac., $ 3, in : Mém. de la Soc. d’hist. nat. Strasbourg, t. VX, p. 1840) fait mention d’un Triton de l'Amérique septentrionale (Ambystoma arqus, seu Salamandra subviolacea, Barton) conservé au Musée de Leyde, remar- quable en ce que le pied droit antérieur a un orteil de trop (5) et le pos- térieur du côté gauche, un de moins (4). Au même musée, se trouve une Grenouille dont le métatarse du pouce supporte deux orteils, l'un formé par une seule phalange , et l’autre par deux phalanges comme à l'ordinaire. Selon toute probabilité, cette patte est celle que M. van Deen à figurée (loc. cit, pl. n, fig. 12); il a également fait représenter une palte antérieure de Grenouille à cinq doigts (fig. 44).

Les comptes rendus de la Société de biologie (Gazette médicale, 1849, p. 901) renferment l'indication de deux monstruosités analogues, l'une chez un Triton signalée par M. Rayer, la seconde par M. Brown-Séquard, chez une Grenouille ayant, l’un et l’autre, six orteils. Aucun détail n’est ajouté à ce simple énoncé. |

Si, parmi les faits qui précèdent, on laisse de côté ceux pour lesquels les renseignements sont insuffisants, et si l’on compare les cas dont la description est accompagnée de figures à des anomalies vues et représentées par M. de Siebold, on constate de notables différences. Il ne semble pas possible en effet de considérer les deux monstruosités dessinées sur l'Atlas de l'ouvrage d'Isidore Geoffroy (pl. ru, fig. 7 et 8), comme le résultat de la force repro- ductive dont les Tritons ont fourni à l’anatomiste hollandais de si curieux résultats. On trouve ces derniers consignés dans le chapitre 1v de sa disser- tation ayant pour titre : Observationes quædam de Salamandris et Tritonibus, p. 22, et représentés fig. 90 et 21. Relativement à deux Tritons qu’il men- tionne, on doit admettre avec lui que leur sixième doigt postérieur ne con- stitue pas une anomalie congénitale, car il y a simplement bifurcation de l'un des doigts. L'extrémité en ayant été détachée par accident, et sans doute dans un de ces combats que les mâles se livrent entre eux durant la saison des amours, sa reproduction à été irrégulière : outre le bout du doigt qui avait

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été mutilé, une seconde extrémité digitale s’est développée. Il ne faut donc voir dans ces difformités qu’une preuve du pouvoir dont les Batraciens uro- dèles sont doués de reproduire les parties détruites, pouvoir si bien constaté par les belles expériences de Ch. Bonnet, de Spallanzani et d’autres physio- logistes 1, et plus récemment, dans des circonstances singulières, par M. de Siebold. A la suite d’une grave blessure du genou chez un Triton (loc. cit., p- 23, fig. 22 et 25), il a vu deux doigts supplémentaires courts et munis de leur membrane intérdigitale naître du fond de cette blessure.

Je reviens maintenant à l’examen des pattes anormales de Grenouilles dont j'ai parlé plus haut: je ne crois pas que pour celles qui ont été figurées par M. van Deen, particulièrement pour la postérieure (fig. 12), il y ait au- cun motif de croire que le doigt supplémentaire ait été formé par la force reproductive, bien moins manifeste d’ailleurs chez les Batraciens anoures que chez les Urodèles. C’est surtout, au reste, pour le pied monstrueux repré- senté (fig. À 6) sur la planche qui accompagne le présent travail, qu'il est impossible d'accepter une pareille explication. Comme je l'ai déjà dit, il semble constitué par la réunion de deux pieds confondus en un seul.

Si on cherche la cause de l'accroissement du nombre des pattes, il paraît permis de supposer, et Isidore Geoffroy Saint-Hilaire a soutenu habi- lement cette thèse dans son Traité des anomalies, t. HIT, p. 284 et suiv., qu'un monstre polymélien peut être considéré comme un animal essentielle- ment composé de deux sujets : l’un principal, bien conformé d’ordinaire, l’autre accessoire, incomplet, greflé sur le premier et vivant en parasite à ses dépens. Pour les animaux sortant de l'œuf sous la forme qu'ils doivent con- server, une semblable théorie n’est peut-être pas inadmissible, mais en sera- t-il de même à l'égard de ceux qui subissent des métamorphoses ? M. Gervais, dans la note que j'ai citée précédemment (Comptes rendus, Ac. des se., t. LIX, p. 802), a rappelé comment l’évolution si remarquable que subissent les têtards de Batraciens anoures, pour arriver à l’état parfait, ne permet pas d’at- tribuer à la même cause la multiplication de leurs paties, puisque ces têtards naissent absolument privés de membres. Durant la vie ovulaire de l'embryon, il ne se produit aucun phénomène de développement relatif à des organes dont l'apparition aura lieu seulement au bout d’un certain temps après

1. L'Erpétologie générale de mon père et de Bibron renferme (t. I, p. 206-240, et t. VIII, p. 18% et 185) un historique des faits relatifs à ce sujet.

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la naissance. L'origine de la polymélie des Batraciens anoures reste donc ignorée. Pour arriver peut-être à la découvrir, dans des cas semblables l’on serait servi par un heureux hasard, il faudrait pouvoir suivre, dès l'instant de la première apparition des membres, toutes les phases de la métamorphose d’une Grenouille qui dût offrir quelque irrégularité dans le développement de ces organes. Or, de telles observations, à ce que je sache, n’ont point encore: été faites. & juillet 4865. :

P. S.— X. Pendant la correction des épreuves du présent Mémoire, je trouve l’indication d’un nouveau cas de polymélie chez un Crapaud accou- heur (Alytes obstetricans, Wagl.). Sa monstruosité est très-analogue à celles que j'ai signalées dans les Comptes rendus, Acad. des sc., t. LX, p. 914, et dont il est fait ici mention sous les vir et vu. Elle est décrite dans le numéro 9 de la Revue de Zoologie, qui vient de paraître (15 octobre 1865), par un naturaliste espagnol, M. Raphaël Cisternas, de Valence. « De la partie postérieure de la région pelvienne, et à gauche de la ligne médiane, on voit sortir un membre surnuméraire très-grêle, dont le diamètre reste presque le même dans toute sa longueur. Le fémur est peu développé, mais la jambe et le pied le sont beaucoup plus. Le premier forme une saillie assez prononcée, et sa longueur est de 0"008; la seconde, longue de 0" 018, n'offre pas la moindre anomalie dans sa structure anatomique , mais il n’en est pas de même pour le troisième, long de 0"025, car le tarse a seulement quatre métatarsiens, les doigts étant réduits au même nombre. Ce sont ces derniers organes qui présentent la plus grande irrégularité ; l’interne, en forme de vrai pouce, est entièrement libre et dégagé des autres; l’os, cunéiforme de sa base, offre bien la figure du tubercule caractéristique et conserve la lon- gueur qui lui appartiendrait normalement ; le doigt externe. le plus court, est aussi grêle que le second, qui est de même longueur que le pouce, tandis que le troisième, un peu plus long, offre la singularité d’être du double plus gros que ses collatéraux, et d’abord paraît indiquer qu’il résulte d’une fusion de deux de ces organes; mais le métatarsien qui le soutient n’a aucune irrégularité, comme aussi je ne l’observe non plus dans le nombre des pha- langes de cet orteil. »

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RAPPORT

DIVERSES COLLECTIONS

ENVOYÉES AU MUSEUM PAR

LE P. ARMAND DAVID

MISSIONNAIRE DE LA CONGRÉGATION DES LAZARISTES, À PÉKIN

PRÉSENTÉ À L'ASSEMBLÉE DES PROFESSEURS-ADMINISTRATEURS, LE 20 SEPTEMBRE 1864

PAR M. MILNE EDWARDS

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Tous les hommes d’étude se rappellent avec reconnaissance les nombreux services rendus aux sciences par les missionnaires français qui, pendant une partie des xvr° et xvrn° siècles, résidèrent en Chine. Jusque dans ces derniers temps, presque tout ce que nous savions de ce curieux pays était puisé dans les écrits de ces zélés propagateurs du christianisme, et l'interruption de leurs travaux scientifiques a été souvent un sujet de regrets pour les lecteurs des Let- tres édifiantes. Nous étions donc en droit d’espérer que les continuateurs de cette œuvre, ayant aujourd’hui libre accès dans toutes les parties de l'extrême Orient et voulant suivre en toutes choses l’exemple de leurs prédécesseurs, contribueraient d’une manière non moins utile aux progrès de nos connais-

L a

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2 : NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

sances. Cet espoir n’a pas été déçu, et les sciences naturelles ont déjà tiré grand profit du retour de nos missionnaires dans ces régions lointaines. Les recherches du P. Montrouzier sur la Faune et la Flore de la Nouvelle -Calé- donie ont été des plus ‘fructueuses. Les collections zoologiques du Muséum ont été notablement enrichies par les soins du P. Larnaudie en résidence à Bangkok, du P. Martin attaché à l'établissement de Pinang, de Mgr Thomine Desmazures au Thibet 1, et du P. Duparquet au Gabon. Enfin, nous avons trouvé dans le P. Armand David, membre de la congrégation des Lazaristes à Pékin, un correspondant non moins actif qu'éclairé. H à fait au Musée plu- sieurs envois considérables, et l'intérêt des objets qu'il nous adresse est rehaussé par les notes dont il les accompagne. On en pourra juger par les passages suivants que j’extrais d’une des lettres de ce naturaliste.

SI

« Un mot avant tout sur le climat du pays je collectionne. Contraire- ment à ce qu’on lit dans quelques relations, je trouve que le climat de Pékin est très-sec ; les pluies y,sont-rares et de, peu de durée, les rosées peu abon- dantes ; le ciel est le plus souvent serein et l’atmosphère tranquille. Le sol, assez sablonneux, est bien cultivé partout dans la plaine, excepté vers Takou. On ne voit point de bois, de broussailles, de haies ; il n’y a d’arbres qu'au milieu des habitations et autour de quelques tombeaux. Aussi y a-t-il peu de ressources pour les collections du zoologiste et du botaniste, moins encore pour

le géologue, qui n’y trouve partout qu’un terrain d’alluvion récent. Les divers

cours d'eaux qui forment en se réunissant le Pey-ho, coulent lentement et ne roulent aucun caillou, mais seulement une fange plus ou moins sablonneuse.

« Pendant quatre ou cinq mois de l’année, la terre ne dégèle pas, et le thermomètre descend souvent à 20°. Pourtant, comme l’air est sec et tran- quille, on souffre moins du froid qu'on ne croirait, qu’à Paris, par exemple. Il neige peu, et le vent dominant semble être le nord-ouest. Il fait beau

+ Nous devons à ce dernier le premier exemplaire du Phasianus amhérstiæ qui ait été vu en set Ce magnifique Oiseau est une des acquisitions les plus paéciquses que notre galerie ornithologique ait faite depuis une dizaine d'années.

Le Révérend Père Furet a rapporté aussi de l’est de l'Asie ee oiseaux x qui anquaient

à nos collections, et qui nous ont été donnés par M. de Lorière, :

ÿ

BULLETIN. 3

temps tout l'hiver ; le printemps et l'automne sont deux belles saisons, à ce qu’il paraît, et n'existent pas seulement dans le calendrier, comme dans quélques pays d'Europe que j'ai habités, et l'on passe brusquement de l'hiver à l'été. Pourtant il arrive parfois au printemps des ouragans ; de terribles coups de vent, et ce qu’on appelle ici des orages de poussière, comme au mois d'avril dernier : le soleil fut complétement obscurei pendant deux ou trois jours par la poussière, surtout vers Tien-tsing et Takou, la terre en fut couverte à plus d’un décimètre d'épaisseur; beaucoup de per- sonnes perdirent la vie dans la tempête. Il paraît que cette poussière alla bien avant dans la mer, et par suite de cette circonstance un vapeur français fut obligé de suspendre sa marche pendant vingt-quatre heures.

« L'été est chaud et le thermomètre monte jusqu’à 40°; il ne pleut guère que vers la fin de l'été , et les pluies sont orageuses et ne suffisent pas le plus souvent pour les besoins de l’agriculture. On lit dans les livres chinois que dans les temps anciens il pleuvait souvent et qu'il y avait de fréquentes inonda- tions, mais qu’un empereur ordonna qu'on abattit toutes les forêts qui abon- daient alors dans l'empire, et que c'est depuis cette époque qu’il y à moins de pluies. Il y aurait peut-être moyen de concilier cette opinion des Chinois avec la manière de penser des Européens là-dessus. Nous établissons dans notre mission un petit système régulier d'observations thermométriques, baro- métriques et anémométriques, qui plus tard nous mettront à même de procurer des données plus exactes sur le climat de Pékin.

« Topographie, orographie et géologie. Comme je l'ai dit, Pékin est au milieu d’une grande plaine toute plate, sans ondulations, qui résulte des dépôts de terre un peu arénacée , formés par les divers affluents du Pey-ho, qui finiront par faire disparaitre rapidement une bonne partie du golfe de Petchili. Les livres chinois parlent du temps la mer venait jusqu’à Tien- tsing, c’est-à-dire à une douzaine de lieues du bord actuel. Et moi-même j'ai récolté, à plus de cinquante lieues loin de la mer, quelques-unes des coquilles marines qui vivent à Takou et qu'on trouve aussi dans la terre à Tien-tsing.

«À une dizaine de lieues au nord et nord-ouest de Pékin se trouve une chaîne de montagnes qui, venant du nord-est, s’avance en contournant notre province vers Je midi. Cétte chaîne va, dans sa largeur, jusqu'au désert de la Mongolie. Les montagnes les plus rapprochées de nous ont en géné- ral des pics assez aigus (ce qui tient à la naiure des roches qui les consti-

h NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

tuent }, mais elles ne s'élèvent guère au-dessus de 1,000 ou 1,200 mètres. Vers la Mongolie, à quarante ou cinquante lieues nord-ouest de Pékin, les montagnes s’arrondissent et semblent plus basses, quoique le terrain s'élève toujours jusqu’au haut plateau de la Mongolie. Nulle part je n’ai vu ni entendu parler de montagnes à neige perpétuelle. Toutes les premières montagnes du côté de Pékin sont uniformément composées de roches calcaires gris bleuâtre avec beaucoup de veines, plutôt que rognons, de silex pyromaque, sans traces de fossiles; les couches régulières sont inclinées sur une grande étendue que j'ai vue d’environ 45°, et vont toutes du nord-est au sud-ouest.

« Plus vers l’intérieur des montagnes , on rencontre les roches cristal- lines dont le soulèvement ou l’épanchement a formé la chaîne : il doit y avoir eu beaucoup de catastrophes. J°y ai recontré beaucoup de roches feldspa- thiques, une grande variété de Granites, des Syénites, des Pegmatites; plus. loin, d'énormes masses porphyritiques, des Ophites, des Trapps, etc. Je n'ai rencontré aucune trace de pierres serpentineuses. Dans un endroit près de la grande muraille, au nord-ouest de Pékin, j'ai vu un conglomérat ou pou- dingue à gros cailloux rouges qui m'ont paru du vieux grès rouge. —On trouve des pierres ponces et autres volcaniques plus loin vers l’intérieur , et l’on m'a parlé d’une montagne qui fume de temps en temps encore; elle est à plus de cent lieues de la mer. Je pense aller la voir l’année prochaine, comme aussi le plateau de Mongolie, l’on me dit qu’il y a beaucoup à faire pour lhis- toire naturelle.

« Les dépôts de charbon fossile ou minéral dont abonde cette partie de la Chine, comme bien d’autres provinces de l’empire, ont une grande étendue; ils commencent à six ou sept lieues à l'occident de Pékin, dans des montagnes calcaires très-caverneuses. Près de Faca-hoa-fou, non loin de la grande muraille, se trouve un charbon excellent qu’on extrait en énormes blocs, qui brûle très-bien, sans fumée ni odeur, en laissant peu de cendres blanches. Quelques-uns de nos charbons ne brûlent pas bien tout seuls ; alors les Chinois les pulvérisent, les mélangent en parties égales avec une terre rougeâtre, les mouillent et en font des galets qui, séchés, brûlent ensuite très- bien.

« Je n’ai point encore vu ni entendu parler de houille grasse, comme je n'ai point vu ni entendu parler d'aucune sorte de fossile trouvé dans ces dépôts de charbon ou dans ces montagnes. Seulement, près de notre mission

BULLETIN. : 5

Si-wan, à sept ou huit lieues du désert ou plaine, on a déterré, en creusant des habitations d'hiver, une grande quantité d’ossements de Cerfs et autres herbivores; on m’a parlé aussi d’un squelette inconnu d’une grandeur colos- sale qu’on y avait trouvé précédemment : c’est dans un terrain sans stratifi- cation, qui doit être récent, quoiqu'il forme un amas ou couche de 20 et 30 mètres d'épaisseur, qui repose sur un fond d'une sorte de pétrosilex très-compacte et dur , ayant à côté de puissantes strates de gneiss, de mica- schistes, puis des granites , des protogynes, etc. Je pense que ces montagnes doivent renfermer bien des métaux; mais quoique j'aie entendu parler d'or, d'argent, et vu beaucoup de cuivre, je ne sache pas qu'on y exploite d’autres mines que celles de plomb.

« Flore. Toutes ces innombrables montagnes que j'ai vues ne renfer- ment point, non plus que la plaine, de forêt ou de bois un peu considérable ; les Chinois, qui en ont envahi presque toutes les vallées, ont détruit depuis longtemps tous les arbres, et l’on ne voit plus que de rares et petits taillis près de quelque hameau, surtout vers la Mongolie. Pourtant, il paraît que dans ce dernier pays il y a, près de Gehol, la grande forêt de l'empereur plus ou moins bien conservée, vit une grande quantité de gibier, sans compter les tigres et les léopards qui y abondent. |

« Cependant les montagnes ne sont pas nues; il y règne une végétation assez abondante, mais extrêmement monotone, qui me semble caractérisée , en decà de la grande muraille surtout, par une grande profusion de plantes du genre Artemisia en plusieurs espèces, par un petit Jujubier tout aussi com- mun, à fruits d’une acidité agréable, ronds et gros comme une petite cerise, et par un Gattilier très-abondant aussi que je crois être le Viteæ incisus. J'ai été frappé de voir manquer complétement ici les ronces si abondantes en Europe, et qui, seulement vers la Mongolie, sont représentées par le Rubus idœus ; les gracieux £rica, si nombreux dans nos pays occidentaux, manquent aussi complétement, de même que les Saxifrages, qu'on chercherait en vain dans toutes ces montagnes, même les plus froides.

« Dans notre plaine, les arbres qu'on trouve auprès des habitations sont, outre les Mûriers et l'Ormeau, qui est le plus commun, un grand et magni- fique Sophora, appelé ici acacia de Chine, qui, par son excellent bois et son beau feuillage, qui persiste jusqu'aux grands froids, mériterait d'être pro- pagé en Europe; plusieurs grands saules , Y compris le pleureur, dont je crains

6 : NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

que nous n’ayons aussi qu'un sexe, et celui, je crois, qui a été appelé par quelques botanistes S. soupirant ; un grand Genévrier y est assez commun, comme aussi un beau Conifère à écorce lisse d'un beau blanc argenté. Je n’ai vu qu’une seule espèce de Pins; je n’ai point encore connaissance de l’espèce aqua- tique ou hydrophile dont parlent quelques voyageurs. Le Cyprès étalé est un grand arbre commun près des pagodes et des tombeaux; on y trouve aussi quelques gigantesques Salisburia adiantifohia, bien acclimatés à nos froids rigoureux. Sans parler des Ailantes et d’un petit nombre d’autres arbres, j'ai vu, en outre, dans les montagnes, un Tilleul, un Frêne, et peut-être deux ou trois Peupliers, un Acer ou deux, deux Chênes, un Châtaignier, le Noyer cultivé et le sauvage, un tout petit Cerisier sauvage à fruit aigrelet et presque coriace, l’Abricotier sauvage qui abonde partout dans les gai point de Hêtre, point d’Aune.

« Vers la grande muraille et au delà, le terrain est plus élevé, et la végé- tation y assume un aspect plus européen; une abondante couche de terre végétale, que j'appellerais de Bruyère s’il y en croissait une seule espèce, y nourrit bien des plantes communes avec la France. J'y ai trouvé un Fraisier, un Framboisier, deux Groseilliers, plusieurs Rosiers et un grand Lilas qui abon- dent dans les buissons ; une Fougère analogue au Pteris aquilina, le Bouleau et le Mélèze, qui me paraissent les mêmes qu’en Europe, un Sapin, des Rham- nus, etc.; des OEïllets, trois ou quatre Gentianes dont quelque voyageur a nié l'existence en Chine; deux Aconits, le Vapellus et le Lycoctone, des Delphi- nius, des Pivoines , un Pavot jaune, le Jusquiame noir, etc., mais aussi beau- coup d’autres plantes que je ne connais pas, et que je récolterai eme à peu et enverrai au Muséum.

« Les Chinois, qui cultivent wnètabtement bien les céréales, les légu- mineuses et un petit nombre de plantes potagères, semblent négliger l’arbo- riculture : les arbres fruitiers sont rares, si l’on omet l’Abricotier. Un fait à observer, c’est qu'ils sont obligés de mettre sous terre, en hiver; leurs pieds de Vigne, tandis que j'ai trouvé des Vignes sauvages au milieu des montagnes il y à des froids horribles; cela prouverait sans doute que le peu d'espèces ou variétés cultivées uniquement pour la table ne sont pas indigènes.

« Zoologie. Pour les animaux, de même que pour les plantes, les envois que je vous ferai vous les feront mieux connaître que ce que je pourrais vous en écrire. Il ÿ en à pourtant que je n’enverrai que quand je saurai qu’on

L.

+ BULLETIN: ca g

les désire au Muséum, c’est-à-dire les grands animaux et ceux qui coûtent beaucoup. Je puis, en attendant, en signaler quelques-uns que je sais que ces régions nourrissent. Le Tigre n’est pas rare près de notre résidence de Si- wan, j'ai été au mois de septembre; peu de mois auparavant, on ÿ en avait vu deux énormes, dont l’un, presque noir, d’après ce qu'on m'a rapporté, terrassa roide mort un Bœuf d’un seul coup de griffe, sans se préoccuper du voisinage de plusieurs Chinois qui travaillaient tout près. Le Léopard y est bien plus commun; j'ai les peaux de deux de ces animaux qui ont été tués dans nos montagnes par un de nos chrétiens qui, à son tour, a été tué par l’un de ces animaux qu’il avait blessé à mort d’un coup de fusil ; il me semble que ce Léopard ne diffère pas de l'espèce ordinaire. Il y a aussi, dans les mêmes localités, l'Once, mais bien plus rare. Un vieux chasseur m’a parlé d’un animal de la forme du Léopard, mais sans aucune tache, qu’il a tué dans le temps dans ces montagnes. D’après les chasseurs, il y aurait ici trois sortes de Loups et deux ou trois Renards. Les animaux à beau poil sont très-rares, parce qu’ils sont depuis fort longtemps persécutés par les Chinois pour les fourrures . d'hiver. On vend ici, mais très-cher, la peau de Loutre marine , _de Martre et de quelques animaux que je ne connais pas.

Li Dans mes nombreuses excursions, je n’ai rencontré qu'un seul Lièvre, mais il paraît qu'ils foisonnent vers la plaine de Mongolie et qu’il y en a plu- sieurs espèces, ainsi que beaucoup de rongeurs, quelques Gerboises, je crois. J'ai vu ici le Hérisson commun.et le-Blaireau. Outre la grosse Taupe que je vous ai envoyée, il y en a.une autre, au moins.

«Le Chevreuil, ou Cerf de Tartarie, esttrès-abondant dans les voisinages de Si-wan, ainsi que l’Antilope gutturosa, dite chèvre jaune par les Chinois, qui erre en troupes innombrables dans la plaine de Mongolie, tandis que le Chevreuil se tient toujours dans les montagnes. Je puis avoir facilement ces animaux et en envoyer les dépouilles au Muséum; si on en veut. Il ÿ a aussi, mais plus rare, une autre bête cornue, qui, d’après les descriptions qu'on m'en fait, doit être une sorte de Mouflon ou d'Argali; j'en ai vu deux cornes du poids de plus de cinquante kilogrammes. Je n’ai point encore vu de grand Cerf; mais il paraît qu'il y en a.

« Oiseauæ. Ce pays me paraît pauvre en oiseaux : le nombre des espèces que j'ai observées jusqu'à présent monte à environ cent quarante, dont au moins une quarantaine sont étrangères à l’Europe. Je n’y ai point

*

8 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

vu un seul Sylvia, il y à peu de Fringilla, les Emberiza sont nombreux. Dans les montagnes, vers la Mongolie, il y a beaucoup de Rapaces, à en juger par les nombreux éventails en queue de ces oiseaux, dont les Chinois de Pékin se servent de préférence et qu’ils payent bien plus cher que les autres ordinaires.

« J'ai reconnu moi-même l’Aguila chrysætos, V Ag. pennata, l’Ag. Albi- celsa (que j'ai vu émigrer en grand nombre à Takou à la fin de novembre), et un autre Aigle, nouveau pour moi, d’une couleur fauve partout et gros comme l'ordinaire. J'ai reconnu des queues de Gypaète et de Vultur cinereus, je crois. L’Autour et l’Épervier sont communément employés pour la chasse. Au- dessus de Pékin, on voit continuellement planer un bon nombre d’une espèce de Milans, qui pourrait bien être le niger; pourtant une tache plus obscure dans la région des oreilles et la couleur livide bleuâtre des pieds, qui sont em- plumés jusqu'à la moitié des tarses, seraient des caractères qui ne sont pas ceux indiqués par les auteurs qui ont décrit le Milvus niger ; j'en enverrai des peaux. Un Faucon, dont la manière de vivre d'insectes orthoptères et de voler en troupes plus ou moins nombreuses, et la couleur blanche des ongles, rapprocheraient du F. vespertinus, et dont j'ai envoyé deux peaux, est aussi une espèce étrangère à l’Europe et fort commune dans les montagnes de Mon- golie. Les Oiseaux, que nous avons continuellement auprès de nos habita- tions, sont la Pie commune, dont on dit que les ailes sont ici plus longues qu'en Europe; le Corvus cereus, un Moineau, qui est le seul que j'ai vu, et qui a beaucoup d’analogie avec le Passer montanus par la couleur, mais en diffère, selon moi, par le chant et par les habitudes, le Picus major, le P. ca- nus et un autre Picus, gros comme le minor, à tête cendrée, à dos et croupion blancs. Nous n’avons pas le Pinson, ni le Rouge-Gorge.

« Quand j'ai fait mon envoi, je n’avais pu encore voir et avoir que fort peu d'oiseaux; j'en ai acquis quelques-uns depuis, et je prépare des peaux pour le Muséum. J'ai vu avec plaisir qu’au lieu d’une espèce de Faisan qu’on signalait à Pékin, ily en a quatre dans nos montagnes : le Phas: torquatus, le Nycthemerus, rare, le Faisan à très-longue queue, qui vit vers Gehol, et un autre quatrième, qui n’est pas même rigoureusement un Faisan, quoiqu’on l'appelle ainsi ; il a de longues plumes à reflets métalliques sur l’occiput, et la queue cunéiforme et médiocre; les formes et les couleurs rappellent un peu le Francolin ordinaire, mais il est gros comme une Poule. Je vous en enverrai des peaux. Je crois qu’il y a, dans l'Inde, un Gallinacé qui lui ressemble

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BULLETIN. 9

beaucoup. Nos deux Perdrix que j'ai vues jusqu'ici, ont de l’analogie avec la Bartavelle et la P. cendrée, mais sont des espèces distinctes ; il y en a tant dans nos montagnes, que parfois sur un même rocher on peut en compter des cen- taines, et, me dit-on, des milliers.— Nous avons également ici un oiseau curieux que Pallas, je crois, a appelé Tetrao paradoæus ; c'est un Ganga à trois doigts. J'ai lu une description de cet oiseau, d’après laquelle le mâle seul aurait de longs filets aux deux rectrices médianes; cela n’a pas lieu ainsi : les femelles que j'ai vues ont ces filets allongés quoique moins que le mâle, dans la queue et aux ailes. Mais il est temps d’en finir avec la gent emplumée. Je dirai seulement encore que, dans les palmipèdes, les espèces les plus abondantes que j'ai vues jusqu'ici sont l'Anas boscas, l'A. clangula, l'A. querquedula, l'A. tadorna; et que l'A. rutilans n’est pas rare, mais vit toujours par paires, et lorsqu'il arrive qu’on tue l’un du couple, l’autre meurt, me dit-on : aussi est-il ici l'emblème de l'attachement conjugal, et on en fait cadeau aux nouveaux mariés, quand on peut en avoir en vie, ce qui est difficile.

« Reptiles et amphibies. Ce pays me parait jusqu'ici très-pauvre en reptiles et amphibies ; outre le peu que je vous ai envoyé, je n’ai encore vu qu’une autre belle Couleuvre à deux raies blanches longitudinales, et une Tor- tue qui est commune dans les eaux du Peï-ho. Pourtant, d’après ce que me disent des personnes sérieuses, il y aurait, dans les salines de Takou, un reptile intéressant, un Lézard volant. Nous verrons plus tard si je réussirai à l'avoir, si tant est qu'il existe.

_ « Poissons. Comme Pékin est loin de tout cours d’eau, des lacs et de la mer, il m’a été impossible jusqu’à présent de ne rien faire pour les poissons. J'enverrai pourtant plus tard ceux qu'on prend à Tien-tsing dans le Peï-ho, et ceux que je pourrai obtenir des lacs salés ou autres que je voudrais visiter avec le temps en Mongolie, si j'en ailes moyens.

« Animaux articulés. Pour réunir les quatre cents espèces envi- ron d'insectes que je vous ai envoyées, il m'a fallu courir et me fatiguer beaucoup; car la plaine de Pékin est, dans les trois mois que je m'y suis trouvé, d’une stérilité désespérante pour l’entomologie, et c’est dans les mon- tagnes que j'ai pu faire quelques chasses passables; mais j'espère qu'avec le temps, des recherches persévérantes dans des saisons et lieux favorables, me donneront de meilleurs résultats. Déjà il me semble que dans ce que je vous ai expédié, il y a de bonnes espèces dans le nombre, comme _——. Cicin-

10 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

dèles, entre autres celles à élitres rouges de feu, ce Lucanus roux, ces deux Thaïs à ailes postérieures, la queue comme dans les Papilio, etc., etc. J'ai négliger jusqu'ici les Diptères, Hyménoptères et Orthoptères; mais je m'en occuperai. Je prie de se souvenir que-je suis tout seul jusqu'ici pour ces occupations. E

« Mollusques. Il n’y a point de mollusques ici, excepté ce petit Helix uniliné que je vous ai envoyé, et qui se retrouve partout sur les montagnes comme dans la plaine; une autre petite Hélice rare, la lucida, je crois, et une autre également rare, qui ressemble un peu à l’aperta, je n’en ai vu que des jeunes. Je n’ai point rencontré des Clausilia, Pupa, Chelostome, et autres, qui abondent partout en Europe. Une seule Limace en Mongolie, blanche, et point du tout dans le Petchili. Il y a dans les eaux quelques espèces dont je n’ai pu encore m'occuper, pas plus que des espèces marines qui paraissent abon- der à Takou,.

« Plantes. Les deux cents espèces de plantes que j’ai envoyées presque à contre-cœur, ont été récoltées et séchées dans la mauvaise saison des pluies en partie, et les autres trop tard en Mongolie, dans notre mission de Si-wan, j'ai été surpris par la neige dès le 15 septembre. Je pense, avec le temps, réunir en bon état toutes les espèces de nos pays, et je vous les enverrai.

«M, Decaisne m'avait donné un desiderata pour les plantes. Je n'ai pas pu encore m'occuper des recherches qu’il m'indique; il y avait d’ailleurs ici M. Simon (qui y est arrivé avant moi), et qui s’occupe spécialement des plantes utilisables, dans le sens des instructions de l’illustre professeur. Aussi ai-je réservé pour plus tard mes recherches à cette fin, d’autant plus que la connaissance de la langue chinoise que je ne possède pas encore, est nécessaire le plus souvent.

« Dans mes indications de localités ou l’Aabitat, j'entends par monta- gnes de Pékin (M. P.), celles qui sont à huit, dix, quinze lieues à l’ouest et au nord-ouest de cette capitale, et j'ai fait des recherches pendant plus de vingt jours à la fin de juillet et au commencement d'août. J'entends par Mon- golie (S.) les environs de notre mission de Si-wan, j'ai séjourné le mois de septembre, pays tout montueux, à une soixantaine de lieues au nord-ouest de Pékin, et à six ou huit lieues de la plaine de la Mongolie proprement dite, que je n’ai encore vue que de loin. Les vallées des montagnes relativement peu élevées de Si-wan, doivent être à mille ou quinze cents mètres au-dessus

BULLETIN. 41

du niveau de la mer. L'été y est court et l’hiver très-rigoureux, puisqu'il n’est pas rare que le thermomètre y descende à quarante degrés centigrades et plus. Puisque j'ai été aux montagnes de Pékin dans le fort de l'été, et en Mongolie en septembre, quand les froids y commençaient déjà, je ne dirai pas l’époque de la capture de mes pièces ; le nom de la patrie suffit. »

L'administration du Musée a reçu du P. Armand David plusieurs en- vois ; le dernier, expédié de Pékin au commencement de cette année, ne nous est parvenu que vers la fin d'août, et se composait en partie de plantes fos- siles et d’autres objets dont l’étude n’a pas encore pu être faite d’une manière suffisamment approfondie, pour que j'en parle ici; ceux de mes savants collè- gues dans les attributions desquels ces collections rentrent, en entretiendront l'assemblée dans une autre séance, et en ce moment, je me bornerai à rendre compte des collections ornithologiques el mammalogiques dont j'ai pris charge.

Vers le commencement du siècle actuel, Pallas publia des travaux d’une haute importance sur la faune de la Sibérie, et plus récemment les zoologistes russes, particulièrement MM. Brandt, Middendorff, Schrench et Radde ont beaucoup contribué aux progrès de l'histoire naturelle du nord-est de l'Asie. La faune de l'Himalaya a été étudiée aussi avec beaucoup de soin par les z00lo- gistes anglais, le major Hodgson, par exemple. Les riches collections formées par M. Siebold ont permis à Temminck et à M. Schlegel de faire d'excellentes observations sur les mammifères et les oiseaux du Japon. Mais jusque dans ces dernières années, nous ne savions presque rien sur la zoologie de la por- tion intermédiaire de l'extrême Orient comprise éntre le bassin du fleuve Amour, es montagnes de l'Inde et les iles japonaises. Depuis que la Chine est rede- venue accessible aux Européens, les näturalistes anglais y ont fait beaucoup de recherches fructueuses, et on doit, à M. Swinhoe des publications importantes sur ce sujet. Quelques voyageurs francais, tels que M. de Montigny, avaient enrichi aussi notre musée d’un certain nombre d'espèces zoologiques prove- nant de ce pays curieux. Mais le nombre de ces’objets était minime, et sous ce rapport notre galerie ornithologique notamment, était restée bien inférieure à celles de l'Angleterre et de la Hollande. Les collections que nous tenons du R. P. Armand David, offrent donc pour nous un double intérêt, car indépendamment des lumières. nouvelles qu’elles peuvent fournir à la science en général, elles seront pour nous particulièrement utiles. En effet,

42 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

presque toutes les espèces qui s’y trouvent et qui appartiennent en propre soit à la Chine, soit aux parties adjacentes du continent asiatique, sont nou- velles pour notre Muséum d'histoire naturelle, et n'avaient pas encore été

vues en France.

S 111.

Parmi les oiseaux que le Muséum a reçus du P. Armand David, je signalerai en première ligne une grande et belle espèce de gallinacé de la famille des Faisans, qui n’était encore que très-imparfaitement connue et qui, en 1862, avait été désignée d’une manière provisoire sous le nom de Cros- soptilon mantchouricum, par M. Swinhoe, consul d'Angleterre à Formosa 1.

Le genre Crossoptilon fut établi en 1838 par le major Hodgson, d’après un oiseau très-rare des montagnes du Thibet, dont on ne connaît que le mâle ?. En 1845, M. Georges Robert Gray publia une excellente figure de ce Crossoptilon thibetanum, mais il y donna le nom de Crossoptilon auritum, parce qu'il le regarda comme ne différant pas spécifiquement d’un oiseau de Chine que Pallas avait décrit d’après une peau mutilée, et que ce zoologiste avait appelé Phasianus auritus #. Au premier abord, M. Swinhoe pensa que son Crossoptilon de Mantchourie pourrait bien n’être autre chose que la femelle du Crossoptilon thibetanum, de Hodgson 4. Mais, après un examen plus appro- fondi, cet ornithologiste inclina à le considérer comme ne pouvant être rap- porté ni à cette dernière espèce ni au Phasianus auritus, de Pallas, et en attendant de nouvelles données, il y a appliqué le nom de Crossoptilon mant- chourieum. Enfin, M. Sclater le regarda comme identique à la première de ces deux espèces. Les observations du P. Armand David me paraissent de nature à lever toute incertitude à cet égard et à établir : que le Phasianus auritus de Pallas est une espèce parfaitement distincte du Crossoptilon Thibetanum de

1. Swinhoe, On a Bird supposed to be the female of Crossoptilon auritum, Pallas, from Northern China (Proceed. of the z00l. Soc. of London, 1862, p. 286).

2. G.R. Gray, The genera of Birds, t. IL, pl. cxxv.

3. Pallas, Zoographia Rosso-Asiatica, t. 1, p. 86 (1 811).

&. Lamprey, Letter dated Shanghaï, 1862 (Proceedengs of the zool. Soc. of London, 1862, p. 221).

BULLETIN. 13

Hodgson; 2 que le Crossoptilon Mantchouricum, de M. Swinhoe n'est autre chose que le premier de ces deux oiseaux, et doit, par conséquent, être inscrit dans nos catalogues ornithologiques sous le nom de Crossoptilon auritum, ainsi que l’avait pensé le savant directeur du jardin zoologique de Londres ?.

Le P. Armand David rencontra pour la première fois ces oiseaux rares en juillet 4863, dans les vallées septentrionales d’une haute montagne située à une quinzaine de lieues à l’ouest de Pékin, et il constata, d'une part, que la femelle ne diffère que très-peu du mâle (sa taille étant seulement un peu moindre, et ses ergots rudimentaires); d'autre part, que la livrée de noces ne dif- fère en rien du plumage d'hiver. Pris au collet et mis en volière, ces oiseaux se montrent doux et familiers; leur voix est variée et ressemble beaucoup à celle de la poule. Les Chinois les connaissent sous le nom de Ho-ki ou de Gho-hy. Voici les détails que le P. Armand David nous donne sur les mœurs de ce gallinacé.

« Cet oiseau vit en petit nombre dans les endroits les plus boisés de nos « montagnes, de même que l’Eulophe que j’ai rencontré dans les mêmes localités. «_Les trois Crossoptilons que j'ai tués en juillet avaient le jabot rempli de feuilles « de cytise ; en hiver, jy ai trouvé des noisettes, divers pepins, des feuilles « d’armoise, de fougères, et surtout des racines d’orchidées et autres racines « succulentes, des coléoptères, des vers, des chenilles. Une chose qui m'a frappé, c'est que quand j'ai tué deux mäles et une femelle adultes en juillet, «il y avait quatre vieux et une quinzaine de jeunes (gris), et qu'ils étaient «tous réunis, qu’ils venaient de paître ensemble dans un champ voisin. Étaient-ce deux compagnies réunies? Ces oiseaux perchent volontiers, et « tiennent la queue disposée en toit aigu et relevée comme la queue de la « poule commune. Iris orange ; pieds et bec comme ils sont dans les sujets

= =

+ 2

« morts. »

Jusqu'ici, le Crossoptilon auritum n'existait dans aucune collection fran- caise; mais, grâce au P. Armand David, notre galerie ornithologique en possède maintenant une belle sérief montrant les différences dues au sexe el à l’âge.

On ne possède, que je sache, aucune planche représentant ce gallinacé ; j'ai donc pensé qu'il serait utile d’en donner ici une figure ?.

1. Sclater, List of the species of Phasianidæ, with remarks on their geographical dis- tribution (Proceed.-of the zool. Soc., 1863, p. 118).

PI, 4, 6g. 4.

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Si le dernier envoi du P. Armand David n’était pas resté plusieurs mois en roule, j'aurais eu à enregistrer ici une nouvelle espèce du genre Pucrasia, qui aurait été dédié à ce naturaliste zélé ; mais je viens d'apprendre, par un de mes correspondants à Londres, que ces jours derniers M. Gray a décrit cet oiseau sous le nom de Pucrasia æxanthospila!. En octobre ces beaux gallinacés, dont je donne ici une figure, se tiennent par paires dans les par- ties les plus fournies des taillis de noisetiers et de bouleaux des montagnes situées au nord-ouest de Pékin. On trouve dans leur jabot des feuilles de pruniers et des glands, ainsi que des noisettes.

Un magnifique exemplaire du Faisan à collier, devenu si commun dans nos ménageries, fait également partie de la collection d'oiseaux trouvés à l’état sauvage, en Mongolie, par le P. Armand David, et présente beaucoup de traits de ressemblance avec un Faisan de l'Asie centrale, que Pallas avait signalé comme une variété du Ph. colchicus?, et que M. Brandt a désigné sous le nom de Phasianus mongolicusè. En effet, le collier blanc de cet indi- vidu est non moins long que chez le Ph. mongolicus figuré par M. Gould #,

4. La description du Pucrasia xanthospila, G. Gray, n'est pas encore publiée, ou da moins ne se trouve dans aucun des recueils que j'ai eu l’occasion de consulter: et je n’y rapporte le Pucrasia Davidiana de notre galerie qu'à raison de la similitude de la provenance de ces oiseaux et des caractères indiqués par l’élymologie du nom donné au premier. Dans le cas ce rapprochement ne serait pas fondé, le nom provisoire que j'avais d’abord employé pourrait devenir définitif, Cette espèce nouvelle ( voyez pl: 4, fig. 2, 4) ressemble beaucoup au Puerasia nipalensis de Gould, mais le mâle s’en distingue par la couleur jaune brunâtre des plumes de la portion supérieure et latérale du cou, qui forment au-devant des épaules une large bande

_transversale, interrompue en dessous par la bande brune longitudinale qui s'étend depuis la partie antérieure du cou jusqu’à l’anus, comme chez le P. Nipalensis, mais qui est beaucoup plus étroite. La: femelle (pl. 4, fig. 2, b) ressemble assez au mâle par la disposition générale du plu- mage, qui est cependant beaucoup plus uniforme sur les différentes parties du corps; mais le noir verdâtre de la tête, la collerette jaune et la bande brune de la face inférieure du corps man- quent ; sa huppe est très-courte, et se compose principalement de plumes grisâtres, et le des- sous de sa gorge est blanchâtre; de même que chez le mâle, la plupart des plumes sont striées longitudinalement de brun jaunâtre plus ou moins clair et de brun tirant sur le noir; mais il y a beaucoup moins de blanc; les rectrices sont colorées à peu près de même que chez le mâle, mais les grandes couvertures de la queue sont marquées de bandes transversales qui n'existent pas chez ce dernier. Il est aussi à noter qu’une teinte rosée, qui n’existe pas dans l’autre sexe, se fait remar- quer sur le devant des épaules et de la poitrine de la femelle.

2. Zoographia Rosso-asiatica, 1. I, p. 84. Pa

3. Bullet. de l’Acad. des se. de Saint-Pétersbourg, 1845, t. Ii, p. 52.

4. The Birds of Asia, part. X, pl. czu.

BULLETIN. 15

et notre exemplaire présente sur le dessus du cou et sur les couvertures de la queue .des reflets bronzés analogues à ceux offerts par ce dernier Faisan. D'un autre côté, la teinte noire du ventre est plus marquée que chez la plu- part des exemplaires du Ph. torquatus de l'Inde ; et chez plusieurs indi- vidus de cette dernière espèce qui se trouvent dans la collection du Muséum, les bandes noires de la queue sont toutes aussi étroites que chez le Ph. mon- golicus. Il ne resterait donc, pour caractériser cette dernière espèce, que la teinte glauque des épaules. Il est aussi à noter que le Ph. torquatus de la Mongolie chinoise présente une bande sourcilière blanche très-bien des- sinée, disposition qui ne se voit pas d'ordinaire. Je suis donc disposé à croire que le plumage de cette espèce de gallinacé, à l’état sauvage aussi bien qu’en domesticité, varie plus qu'on ne le suppose généralement, et à penser que le Ph. mongolicus, représenté par M. Gould, pourrait bien ne pas consti- tuer une.espèce distincte du Ph. torquatus. Il est aussi à noter que M. Schrenck n’a trouvé que le véritable Ph. torquatus dans le bassin du fleuve Amour !.

Le genre Perdrix se trouve représenté, dans la collection du P. Armand David, par deux espèces dont l’une, désignée par M. Gould sous le nom de Perdix chukor ?, ne me paraît pas différer de notre Bartavelle, et dont l’autre a été décrite récemment par MM, J. Verreaux et Desmurs, sous le nom de Per- diæ barbata, d'après un individu provenant de la Dahourie centrale. Pallas connaissait cet. oiseau, mais il l'avait: considéré comme une simple variété de la Perdrix grise, et il l’avait appelé Tetrao Perdix varietas rupestris Dauricæ#. C’est aussi comme une variété de la Perdix cinerea que M. Radde l’a décrit et figuré d’après un individu pris au Kamtschatka5. La femelle ne présente aucune particularité remarquable, mais le mâle est caractérisé par la teinte noire de son plastron sternal. Le P. Armand David nous apprend qu'un de ces oiseaux, retenu en volière pendant tout l’été, n’a présenté aucun change- ment de livrée.

Le genre Jbidorhyncha, établi en 1831 par Vigorsf, et ne comprenant

A. Reisen im Amur-land., Bd. I, p. 402.

2, Gould, Century of Birds from the Himalaya mountains, pl. LXXI.

3 J. Verreaux et O. Desmurs, Description d’une nouvelle espèce de Perdrix (Proceed. of the zool. Soc. of London, 1863, p.62, pl.1x).

&. Pallas, Zoogr. Russo-Asiatica, \. IL, p. 78. :

5. G. Radde, Reisen im Süden von Ost-Siberien, Bd. I, p. 304 (1863).

6. Proceed. of the zool. Soc., 1831, p. 174.

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qu'une seule espèce, n'avait été trouvé jusqu'ici que dans les montagnes de l'Himalaya, et le Muséum n’en possédait aucun représentant. Le P. Armand David nous en à envoyé une paire qui ne diffère en rien de l'espèce déjà con- nue et appelée Jbidorhyncha Struthersii. I a rencontré ces oiseaux aux envi- rons de Si-wan, en Mongolie, ils paraissent nicher aux bords des ruisseaux dans les vallées élevées et ils sont plus abondants en hiver qu’en été. Or, dans cette région montagneuse, le thermomètre descend souvent jusqu’à 30 et même 40 degrés au-dessous de zéro, et par conséquent les Ibidorhyn- ques s'étendent probablement plus loin vers le nord. Le P. David nous apprend qu'ils ressemblent aux Chevaliers par leurs habitudes et leur manière de voler; ils sont difficiles à approcher, et à la vue de l’homme, ils s’envolent en jetant un cri médiocrement fort, que ce naturaliste compare au son cor- respondant aux syllabes ki, ki, répétées plusieurs fois de suite.

Les autres échassiers, envoyés au Muséum par le P. David, sont la Bé- cassine, appelée Gallinago burka, par le prince Ch. Bonaparte ?, et Gallinago uniclavata, par Hodgson, la double Bécassine à vingt rectrices, que M. Swinhoe a cru devoir distinguer spécifiquement du Scolopaxæ palustris de Pallas, et qu’il a appelé Gallinago megala3; enfin le Totanus ochropus, Lin.

L'ordre des Passereaux est représenté, dans la collection du P. Armand David, par cinquante et une espèces dont douze appartiennent à la division des BRUANTS, et ont été presque toutes décrites par Pallas dans son ouvrage sur la faune de la Sibérie. Ce sont :

L'Emberisa pusilla, Pall. 4, qui arrive en grand nombre aux environs d Pékin, mais qui abonde surtout en Mongolie.

L'Emberiza fucata, Pall.5, qui se trouve aussi au Japon.

L'Emberiza rustica, Pall.$& dont nous possédions déjà plusieurs exem- plaires provenant de la Russie asiatique.

1. M. Gould en a donné une très-bonne figure dans son magnifique ouvrage intitulé : The Birds of Asia, 1856. Part. vx, pl. 193.

2. Charles Bonaparte, Excursions dans les divers musées d'Allemagne (Compte rendu des séances de l’Acad. des scienc., 1856, t. XLIII, p. 579), é

3. R. Swinhoe, Notes on ornithology taken between Takao and Peking (Tbis 1861, p. 343).

k. Pallas, Zoogr. Russo-Asiatica, t. II, p. 40.

5. Zoogr. Russo-Asiatica, 1. I, p. 41, pl. correspondante sans numéro.

6. Zoogr. Russo-Asiatica, t. WA, p. 43, pl. c.

BULLETIN. 17

L’Emberiza chlorophrys, Pall.1, qui se retrouve non-seulement en Sibérie et dans l’Europe orientale, mais parfois jusque dans le nord de la France,

L’£Emberiza spodocephala, Pall. ?, espèce que M. Swinhoe ë, à qui l’on doit beaucoup d'observations intéressantes sur l’ornithologie de la Chine, considère comme identique avec l’Emberiza personata du Japon, représenté par MM. Temmenk et Schlegel#, mais qui me paraît devoir en être distinguée. En effet, le Muséum a recu dernièrement un Æmberiza personata, rapporté de Chine par le R. P. Furet, et cet oiseau diffère notablement de l'Emberiza spodocephala.

L'Emberiza pityornus, Pall. 5 et l’Emberiza ciopsis, Bonap.f, dont la pré- sence en Chine avait été déjà constatée par M. Swinhoe.

L'Emberiza castaniceps de Moore 7, espèce très-voisine de notre Bruant (E. cia, Lin.), mais qui s’en distingue par plusieurs particularités de coloration.

Le Bruant des roseaux® qui, par suite de la multiplication excessive des divisions génériques adoptées par les ornithologistes de nos jours, a cessé de porter le nom d’Emberiza et a pris place dans un genre nouveau appelé Schœnicola, Bonap.

Le Bruant de Laponie, ou Fringilla calcarata, de Pallas!° qui, à plus juste droit, est devenu le représentant principal d’un troisième genre d'emberi- ziens, sous le nom de Plectrophanes, Meyer.

Enfin, l’Emberiza aureola, Pall. 1, et l'Emberiza rutila, Pall. 12 qui, dans

4. Zoographia Russo-Asiatica, t. UE, p. 46, pl. Radde, Reisen im Süden von Ost-Sibe- rien, t. IE, pl. 1v, fig. 1.

2. Zoographia, t. M, p. 51.

3. Proceed. of the zool. Soc., 1863, p. 300.

&. Fauna japonica, p. 99, pl. 59 B.

5. Zoographia, t. IL, p. 37.

6. Emberiza cioides, Temm. et Schleg. (Fauna japonica, p. 98, pl. 59). E. ciopsis Bonep., conspectus, t. I, p. 462).

7. On some New species of Birds (Trans. of the zool. Soc. of London, 1855, p. 245).

8. Le dessus de la tête est brun marron sur les côtés et gris au milieu; la teinte gris pâle qui occupe le devant de la gorge s'étend au-dessus du cou en forme de collier; il n’y a pas de e l'aile, et les rectrices médianes sont largement bordées de brun.

blanc aux couvertures d 4 p. 49). Schænicola are-

9. E. arundinacea, Gmelin, E. passerina, Pallas (Zoographia, nodinacea, Ch. Bonaparte (Conspectus, t. I, p. 463). 40. Voyages dans l'empire de Russie; Étud. Append., p. 57, t. I, pl: 1. M. Zoographia, t. IL, p. 52. 12, Zoographia, t. W, p. 53. £,

18 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

les systèmes de classification les plus modernes, portent le nom générique d’£uspiza, Bp.!. L'examen des exemplaires de la première de ces espèces m’a fourni l’occasion de constater l'exactitude des belles figures que M. Radde a données récemment des différentes variétés de coloration qu'offre le plumage de ce Bruant?, et je m’empresse de signaler l'ouvrage de ce voyageur à l’at- tention des zoologistes français.

Dans les genres voisins qui appartiennent également à la section des conirostres, la collection du P. Armand David nous à fourni :

Le Friquet (Passer montana) , ou du moins une espèce qui ne semble se distinguer de notre Moineau des bois par aucun caractère constant, mais qui en diffère par ses habitudes. En effet, le Friquet chinois vit dans les habi- tations , et le P. David a remarqué que sa voix n’est pas la même que celle du Friquet de France.

Le Pinson que M. Brandt a désigné sous le nom de Fringilla brun- * neinucha ?, et que la plupart des ornithologistes rangent aujourd’hui dans une division générique particulière appelée Leucosticte #.

Le Chlorospiza sinica, L., ou Fringilla kawarahiba minor du Japon.

Le Coccothraustes mellanurus S.

Le Carpodacus roseus, ou Passer roseus de Pallas 7.

Le Carpodacus erythrinus, Pyrrhula erythrina de Pallas 5.

Une espèce de Carpodacus qui ressemble beaucoup à celle enregistrée dans le Bulletin de la Société zoologique de Londres sous le nom de Fringilla rodochroa par Vigors %, mais qui paraît en différer à certains égards, et que j'ai inscrit provisoirement dans nos catalogues sous le nom de Carpodacus

1. Ch. Bonaparte, Conspectus, t. I, p. 468

2. Reisen im Süden von Ost-Siberien, t. II, pl. 1v (Saint-Pétersbourg, 1863).

3. Brandt. Remarques sur le Passer arctous, À. (Bulletin de l'Académie de Saint-Pé- tersbourg, 1842, t. X, p. 252

&. Swainson. Bonaparte, Conspectus, t. I, p. 536.

5. Temminck et Schlegel, Fauna japonica, pl. xzix.

6. Selb., 14. ornith., t. LXIIL. Hesperiphona melanura, Ch. Bonaparte (Conspectus, t. I, p. 506).

7. Zoogr., t. WU, p. 25. Carpodacus roseus, Bonap. et Schleg. (Wonogr. des Loæiens, pl. x1x, p. 20).

8. Zoogr., t. If, p. 8. Carpodacus erythrinus, Bonap. et Schleg. (#Wonogr. des Loæiens, pl. xiv).

Ÿ. Birds from the Himalaya maountain (Proceed. . the zool. Soc., 1834, p. 23).

BULLETIN. 19

Davidianus. Il'existe, je crois, quelque confusion dans la détermination des oiseaux appelés Carpodacus rhodocrous par les auteurs les plus récents. La phase caractéristique donnée par Vigors peut s'appliquer à plusieurs espèces de ce genre, et dans la description de ce Loxien publiée par M. Schlegel et le prince Ch. Bonaparte, il est dit formellement que « les couvertures inférieures de la queue sont d’un blanc pur! », particularité qui ne se voit ni dans la figure donnée par ces naturalistes éminents ?, ni dans celle du même oiseau publiée précédemment par M. Gould. Dans l'espèce que nous devons au P. Armand David, la teinte rose grisâtre à reflets argentés qui, chez le mâle, s’étend sur la poitrine et le ventre, se prolonge jusqu'à l'extrémité des cou- vertures sous-coccygiennes; par conséquent, cet oiseau ne peut être assimilé à celui dont je viens de rappeler la description. Il diffère aussi de celui figuré par M. Gould, car chez celui-ci on voit une bande rose médiane sur le dessus de la tête, tandis que dans l'espèce dont il est ici question, de même que dans celle figurée par MM. Schlegel et Bonaparte“, la région fronto-occipitale est brune. J’ajouterai que chez le Carpodacus Davidianus la queue du mâle est beaucoup plus longue que dans celte dernière espèce, et la teinte rosée beau- coup plus terne. Je n’attacherais que peu d'importance à cette particularité dans la coloration si elle était seule , car elle pourraît dépendre de la saison à laquelle ces oiseaux ont été tués ; mais les différences des proportions ont plus de valeur. Quoi qu’il en soit, la femelle ressemble davantage à celle des Car- podacus rhodochrous figurée par les auteurs de la monographie des Loxiens ; cependant elle a la queue moins fourchue. Par la forme du bec, cet oiseau se rapproche un peu des Linottes, notamment du Cabaret (Fn. Linaria, Lin.), et il ressemble aussi un peu au Carpodacus rhodochrous 5 ; mais il s’en

Monographie des Loxiens, p. 19.

Op. cit., pl. 21.

Century of Himalayan Birds, pl. XxxI.

Bonaparte et Schlegel, Monogr. des Loxiens, pl. XXI.

Voici les mesures des principales parties du corps du Carpodacus Davidianus, mâle :

Er 20 Ÿ ‘+ 0

CE

Longueur totale (de l'extrémité du bec à l'extrémité de la queue.) 0160 :

de la tête (bec compris)........4.+......-ssesssse 031 Id. du bec (mesuré en dessus). ..:..... He ASSET À 0, 0410 Id. du bec (mesuré latéralement)....::........-+sseee 0, 044 Id. du bec à la base..............,..... AIG E LUC LS . 0, 006

Id. des ailes reployées......... Eh 0.88 db °0b6 à RERO 0, 038

20 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

distingue facilement par la longueur de sa queue ainsi que paï sa coloration. Jusqu'à ce que je puisse obtenir de nouveaux objets de comparaison, je n’ose- rais me prononcer d’une manière formelle sur la détermination spécifique de ce Passereau, et je crois devoir n'en parler ici qu'avec beaucoup de réserve, car la zoologie n’est déjà que trop encombrée de noms inutiles ; mais pour le moment il m'a semblé impossible de rapporter l'espèce en question à aucune de celles précédemment décrites.

Je citerai encore ici deux autres Passereaux trouvés en Mongolie par le P. Armand David : le Pæcilia kamtschatkensis du prince Ch. Bonaparte 1, ou Parus palustris, varietas borealis de M. Schrenck ?, et le Suthora webbiana de M. G, Gray 5, petit oiseau très-voisin des Mésanges.

La famille des Becs-fins a fourni également à notre zélé correspondant de Pékin un nombre considérable d'espèces dont les unes sont intéressantes pour l'étude de la distribution géographique des ces oiseaux, et dont d’autres vien- nent combler des lacunes regrettables dans la collection ornithologique du Muséum.

Ainsi le T inctét qui se trouve en Chine aussi bien que dans l'Inde, et qui a été considéré par la plupart des ornithologistes les plus récents comme devant constituer une espèce particulière à laquelle on a donné le nom de Pratincola indica *, ne paraît pas différer notablement du P. rubicola, Lin., qui est si commun en Europe. M. Swinhoe avait déjà fait cette remarque 5, et une comparaison attentive des individus envoyés au Muséum par le

Ltd ds conan onrit ous à 0, 017 . du doigt médian F compris sr ongle).:...... ésrserct 0:

Id. de l’ongle du même doigt......... vs. VU, 000

RE à me 1 CR CT NT ÉD RE . +. 0, 042

Id. dr. Re « JPY sn 0, 007

ee de CÉDÉROM Dan ne 0, 065 Id. de la portion de la queue qui =. 2 les ee quand

celles-ci sont reployées...........,4:.1..:.. anis 605:067

La première rémige est aussi longue que la dat Eau et la seconde, qui est la plus longue de toutes, ne dépasse que de peu la troisième, proportions.

1, Conspectus, t. I,

2. Reisen und rh im Amur.-Land., Bd. IE, p. 307.

3. Proceed. of the zool. Soc., 1852, p. 70.

4. Blyth, On various species of New or Little Known species of Birds (Journ. of the Asialic Soc. of Calculla, 1847, t. 16, p, 129).

BULLETIN. 91

P. Armand David et de nos Traquets communs, m’a convaincu de la justesse de son opinion.

L'Accentor, ou la Fauvette des Alpes, est représenté dans le nord de l'Asie par une espèce que Pallas a appelée Motacilla montanella, et nous voyons par la collection du P. Armand David que cette dernière espèce habite aussi la Chine, jusqu’à présent on n'avait pas signalé sa présence, mal- gré les recherches précédentes faites dans ce pays par M. Swinhoe, dont tous les ornithologistes apprécient le zèle et les lumières. :

Comme exemple d’espèces particulièrement précieuses pour notre galerie, je citerai le Motacilla cyane de Pallas?. Jusque dans ces derniers temps ce joli oiseau était si mal connu qu'aucun auteur systématique de l’époque actuelle n’en avait fait mention; récemment M. Radde 5 en a donné une description plus complète, accompagnée de bonnes figures, et à constaté qu’il doit prendre place dans le genre Calliope de Gould, petite division des Traquets qui n’était pas encore représentée dans notre Musée.

Un autre Bec-fin, qui avait été déjà observé en Chine par M. Swinhoe, mais qui manquait à notre collection, et qui appartient à une petite division générique propre à l'Asie, est le Vemura cyanura;, ou Janthia rufilata #. Le P. Armand David l’a trouvée à Si-wan en Mongolie, et il à remarqué que par ses mœurs ainsi que par son cri, ce petit oiseau ressemble beaucoup à nos Rouges-gorges. Nous en avons reçu une série d'individus montrant les diffé- rences que le sexe et l’âge déterminent dans la coloration du plumage.

Parmi les espèces appartenant à la même famille, que nous avons trouvées dans l’intéressant envoi de ce savant et zélé missionnaire , je citerai encore le Motacilla aurorea de Pallas5, Rubicilla aurorea des auteurs les plus récents 6. La femelle, quand elle est adulte, ressemble extrêmement au mâle.

Le Motacilla cærulecula de Pallas 7, ou Cyanecula cœrulecula du prince

Charles Bonaparte 5.

1. Zoographia, t. 1, p. #71.

2. Zoogr. Russo-Asialica, t. I, p. #72.

3. Reisen im Süden von Ost-Siberien, p. 250, pl. x, fig. 1-4. Saint-Pétersbourg, 1863. &. Proceed. of the zool. Soc. of London, 1863, p. 290.

5. Zoographia, t. I, p. #77.

6. Ch. Bonaparte, Conspeclus, t. [, p. 296.

7. Zoographia, 1. E, p. 480.

8. Conspectus, t. I, p. 296.

22 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

Le Phyllopneuste fuscata de Blyth#, ou P. sibiricus de Middendorff?, espèce de Pouillot qui prendra place dans nos galeries à côté du PAyllop- neuste coronata, Tenm *, de Chine, dont nos collections avaient été déjà enri- chies par M. Leclancher, et du Phyllopneuste æanthodryas, Swinh #, qui a été rapporté de Chine par le P. Furet, et donné à l'administration du Muséum par M. de Lorrière.

Le Reguloides superciliosus 5, petit Roïtelet qui abonde dans les taillis de la Mongolie vers le mois de septembre, et qui s'étend presque annuelle- ment à l’ouest jusqu’en Allemagne 5, Le P. Armand David nous en a envoyé un exemplaire provenant de Si-wan; et parmi.les espèces voisines dont ce savant missionnaire à enrichi nos collections, je citerai particulièrement un petit oiseau fort voisin de nos Pouillots, mais qui ne me paraît appartenir à aucune des espèces déjà décrites, et devoir prendre place à côté de celles qui, dans les Conspectus du prince Charles Bonaparte, portent les noms génériques d'Abrornis. Je regrette beaucoup que quelques naturalistes aient pris l'habitude d'établir des divisions prétendues génériques dont ils se dispensent de préciser les caractères, et dont ils se bornent à donner une idée plus ou moins vague en citant comme type une espèce déterminée, qui parfois n’a été ni figurée ni décrite d’une manière complète. Il en résulte une confusion qui rendra bientôt quelques branches de la zoologie presque inextricables, si on n’y porte un prompt remède en rejetant impitoyablement tous les noms introduits ainsi dans la science. Quoi qu’il en soit, le Pouillot en question, auquel je donnerai le nom d’Abrornis Armandii7, ressemble beaucoup à l’Abrornis viridana, (Blyth) ; de même que celui-ci, il se distingue des espèces appartenant aux petites divisions génériques voisines par la longueur considérable de l’ongle du pouce. Son bec est très-grêle. En dessus il est d’une teinte brune olivâtre ; le vertex ne présente pas, comme chez le Reguloides coronata 8 et le R. prore-

4. Journ. of the Asiatic Soc, t. XI, p. 1143; t. XII, p. 965.

2. Sibirischen Reise, , p. 480, pl. xvi, fig. 4.

3. Temminck et Schlegel, Fauna japonica, pl. 18

4. Swinhoe, On the Birds of China (Proceed. of the zool. Soc., 1863, p. 296.

5. Malacilla superciliosa, Gmelin Syst, Nat. ed. XU, t. EH, p. 975. Reguloides superci- .

liosus Swinhoe, Proceed. of the Zool. Soc. 1863, p. 397. 6. Cabanis, Journal fur ornithologie, 1853, p. 84, pl. 1. 7. Voyez pl. 2, fig. 4 8. Ficuduta coronata Temminck et Schlegel, Fauna Japonica, pl. 48, pl. xvinr.

BULLETIN. 23

gulus !, une bande médiane plus claire que les parties adjacentes. Une bande sourcilière d’un blanc grisâtre s'étend depuis la base du bec jusque sur la nuque, et se recourbe vers son congénère ?, La gorge est d’un blanc grisâtre ; la poitrine et le ventre sont teintés de brun clair sur les côtés, et d’un blanc gris lavé de jaune vers le milieu ; enfin, les tarses sont jaunâtres et ne pré- sentent pas la teinte plombée qui à été signalée chez quelques espèces voisines provenant de la même région géographique #. Cette espèce paraît être très- voisine de l’Abrornis lugubris #, mais s’en distingue par sa bande sourcilière dont aucune mention n’est faite dans la description de ce dernier oiseau *.

Le Calamoherpe aëdon, ou Turdus aedon de Pallas $ manquait égale- ment dans notre collection ornithologique, et nous en avons trouvé un indi- vidu dans l’envoi du P. Armand David.

4. Ch. Bonaparte, Conspectus, t. I, p. 291. 2. Comme les proportions des diverses parties du corps paraissent être de très-bons caractères

pour les distinctions spécifiques chez ces petits Bec-fins, dont les couleurs ne diffèrent que peu, j'indiquerai les principales mesures prises sur un Abrornis Armandi :

Longueur totale. .........-sems-pormerettrerernne rat see mA RE rod à 2. DOME MOUB 2 4 4 be o de o #4 DÉNES AT US NS STADE ob dat sed us 0, 026 AA. Qu be EE Re 7 see 19.8, BHQU. HIER 0, 008 Id des ailes reployées... ...e.esssssssessmseresesesseseerees 0, 057 fd: de la queue... bete espérer sn 0, 045 Id, de la portion de la queue qui dépasse les ailes.............. 0, 028 Id Cou PE Me à fa pr PR APE LA Le NRA 0, 021 Id. du doigt médian............. EPL RE WP, FU TE .. 0, 012 fd, - du pouce... su sen qeers sonner tener ee 0 .. 0, 012 Id. de l’ongle du pouce..........-.s.-. Das RTE 0, 085 Distance entre l'extrémité de la paume battante et la couverture corres- Sr OS CU NES EEE AE 0, 105 Id. entre l'extrémité de la même couverture et celle de la première NT T0 Re 0, 028 Id. entre l'extrémité de cette dernière et celle de la deuxième Unique nés ne ee Renan" do LA Ve ARS PPT TT 0, 065

La troisième unique dépasse un peu la seconde.

3. Phyllopneuste lugubris, Blyth, Journ. of the Asiatie Soc, 4843, t. XII, p. 968.

&. Muscicapa proregulus , Pallas, Zoogr., t, L, p. 499. Reguloides proregulus, Gauld,

Birds of Europ., pl. GXLIX«

5. Par exemple, le Phyllopneusle tristis, Blyth (Journ. of the Asiatie Soc., 1843, 1. XI, p. 966); ou Abrornis tristis, Bonaparte, Consp., . I, p.290, Le Phyllopneuste plumbei- tarsa, Swinhoe, 1bis, 1861, p. 330.

6. Zoographia, t. 1, p. #59.

2h NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

La Grivette solitaire de Manille ou Petrocincela Manillensis1.

Le Pomatorhinus stridulus, espèce que M. Swinhoe a décrite tout ré- cemment, d'après un individu unique?, et que le Muséum ne possédait pas. Le P. Armand David nous apprend que cet oiseau chante admirablement : sa voix rappelle un peu celle du Merle noir, mais est plus forte, plus mélo- dieuse et plus variée.

L'Étourneau cendrillard (Sturnus cineraceus, Temm. et Schleg. $), qui se trouve aussi au Japon et dans la vallée du fleuve Amour.

Le petit genre Orocètes de M. Gray 4 n’était pas encore représenté dans notre galerie, mais nous trouvons dans la collection du P. Armand David un bel exemplaire de l'espèce chinoise, nouvellement décrite par M. Swinhoe, sous le nom d'Orocetes gularis, et cette acquisition est précieuse pour le Muséum.

Les Jaseurs (genre Ampelis ou Bombycilla) sont communs dans le nord de la Chine; les habitants de ce pays les appellent Oiseaux de la paix et les dressent à faire divers exercices. On les nourrit très-bien avec des patates douces. Au commencement de l’hiver, les Jaseurs de Bohême passent en très- grand nombre ; l’Ampelis phænicopteraS est plus rare et nous ne le possédions pas. Le P. Armand David nous a envoyé des représentants de l’une et de l’autre espèce.

Dans le groupe des Gobe-Mouches, j'ai remarqué une très-jolie espèce de Moucherole qui a recu le nom de Muscipeta affinis7, à raison de sa grande réssemblance avec le Muscipeta paradisi, L., mais qui s’en distingue par la brièveté de sa huppe.

Le Butalis cinereo-alba8, qui se trouve aussi au Japon et qui, d’après M. Middendorf?, ne diffère pas spécifiquement du Butalis ponticereana de l'Inde. M. Swinhoe, qui a observé cet oiseau en Chine, le rapporte au lati- frons de Raffles.

Ou Petrocossyphus Manillensis, Ch. Bonaparte, Conspectus, t.T, p. 294. Ibis, 1864, p. 265.

Fauna japonica.p. 85, pl. x£v.

List of the Genera of Birdo, 1844, P- 36.

Swinhoe, On the ornithology of China (bis, 1863, p. 93, pl. m). Temminck et Schlegel, Fauna Japonica, pl. 44. , + Hay (Journ. of the Asiatic Soc, 1. XV, p. 292.

Muscicapa cinereo-alba, Temminck et Schlegel, Fauna japonica, pl. xv. + Sibirische Reise, Bd. IL, p. 188.

seu =

BULLETIN. 25

Je citerai également ici :

L'Erythrosterna luteola!, jolie espèce de Gobe-Mouche qui n'avait pas échappé aux recherches de Pallas, mais qui est nouvelle pour notre galerie ornithologique.

L'£rythrosterna leucura, Gm., que M. Swinhoe? considère comme iden- tique à la Muscicapa albicilla de Pallasi.

L'Hypothymis cyanomelæna#, belle espèce de la même famille que les deux précédentes et également nouvelle pour nos collections.

Le Pericrocotus brevirostriss, espèce qui manquait dans notre galerie.

Enfin le Xanthopygia leucophrys, Blyth$, qui se trouve aussi dans la presqu'île de Malacca, mais que le Muséum ne possédait pas.

Dans le groupe des Merles et dans les genres voisins, je citerai :

Le Turdus ruficollis, de Pallas?, dont les principales variétés, étudiées avec beaucoup de soin par M. Raddef, se trouvent représentées maintenant dans notre galerie.

Le Turdus fuscatus, Pallas ®, espèce qui présente aussi des particularités individuelles très-remarquables 1°,

Le Turdus pallens, Pallas!1, espèce qui, de même que les deux précé- dentes, manquait jusqu'ici dans nos collections, et y prendra place à côté du

4. Motacilla luteola, Pallas (Zoographia Rosso-Asiatica, t. I, p. 470). Muscicapa luteola, Middendorff (Reise, p. 186, pl. xvnr, fig. 1-3). Erythrosterna luteola, Swinhoe (Proceedings of the zool. Soc., 1863, p. 290).

2. Proceed. of the zool. Soc., 1863, p. 290.

3, Zoographia, t. I, p. 462, pl.

&. Muscicapa cyanomelæna, Temminck, Recueil de planches coloriées d'Oiseaux, pl. cGccLxx. Muscicapa melanoleuca, Temm. et Schl., Fauna jap. pl. xvin, D. Hypothymis cyano- mélæna, Ch. Bonaparte (Conspectus, t. I, p. 320). Cyanoptila cyanomelæna. Swinhoe (Pro- ceed, of the zool. Soc.; 1863, p. 290).

5. Muscipeta brevirostris, Vigors, Proceed. of the zool. Soc. of London, 1831, p. 43. Pericrocotus brevirostris, Gould, Cent. of Birds from Himalaya, pl. xvn.

6. Journal of the Asiatie Soc., t. XVI, p. 123.

7. Zoographia, t. 1, p. 452.

8. Radde, op. cût., t. LE, p. 24, pl. MELLE :

9. Zoographia, t. 4, p. #51, pl.

40, Voyez Radde, op. cit, pl. 1x:

11. Zoographia, t. HE, p. 452, pl.

I.

26 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

Turdus chrysolaus, Temm. (b), dont plusieurs exemplaires nous avaient été envoyés de Chine en 1851, par M. de Montigny.

On remarque également dans cette collection un Merle qui ressemble beaucoup à l'espèce précédente, mais qui s’en distingue par plusieurs carac- tères bien tranchés et qui ne me paraît pas pouvoir être rapporté à aucune des autres espèces du même genre déjà connues. De même que chez le T. pallens tout le dessus du corps est d’un brun olivâtre, et il existe une bande sourcilière blanche, mais cette tache est beaucoup plus petite que chez l'espèce que je viens de citer et il n'y a aucune trace de la bande blanche qui, chez cette dernière, occupe l'extrémité des couvertures des ailes, et forme de chaque côté une ligne horizontale oblique. Le dessous du corps est d’un gris pâle qui est mêlé d’un peu de blanc sous la gorge et devient blan- châtre sur la partie médiane du ventre ; mais il n’y à ni sur la poitrine ni sur les flancs aucune teinte jaune, comme chez le T. pallens. Enfin, la face infé- rieure des ailes est d’un gris plombé pâle et uniforme. Les proportions sont à peu près les mêmes que chez le T. pallens, si ce n’est que les ailes sont un peu plus longues, Cette espèce a été inscrite sur nos catalogues sous le nom de Turdus davidianus.

Notre correspondant de Pékin n’a pas négligé les autres groupes de l’ordre des Passereaux, et au sujet d’un des oiseaux de cette division que nous possédions déjà, Hirundo daurica, de Linné, ou Hirundo alpestris, de Pallas, il nous a transmis une note intéressante dont voici les principaux passages :

« Quoique le froid avec la neige et les gelées eût commencé dès le « 15 septembre, cette Hirondelle voltigeait encore à Si-wan, le 5 octobre, et « l’on me dit qu’on en voit encore bien plus tard, comme aussi de très-bonne « heure au printemps ; il m'a semblé que cette espèce a beaucoup de rapports « avec l'Air. rupestris, surtout pour un fait curieux dont j'ai acquis la certi- « tude. Des naturalistes ont dit, dans le temps, que les Hirondelles passent « l'hiver dans l’engourdissement comme quelques mammifères : ce fait, nié « par les autres, est certain pour moi, pour cette espèce en Mongolie et dans « les montagnes de Pékin, et pour la Rupestris dans l'Italie, en Ligurie. Ici,

A. Cet oiseau est un mâle adulte , tué en juillet. Il mesure, de l'extrémité du bee au bout

de la queue, 0,135 de long; et la queue a près de 0w,1 de long. La première remige est nota- blement moins longue que la troisième et ne dépasse guère la quatrième.

BULLETIN. 97

« comme là, ces hirondelles s accumulent en grand nombre dans les grottes, «C’est pour cela qu’on voit paraître quelquefois au cœur de l'hiver de ces «oiseaux, quand il arrive que la température s’adoucit. C’est ce qui arrive en «Mongolie règne souvent un froid-de 40 degrés sous glace. Mais de plus, «il est arrivé plus d’une fois à nos jeunes séminaristes chinois d’en prendre «d’engourdies dans les cavernes de ces montagnes. Il n’y a pas de doute à « cet égard; cependant, je sais qu’une grande partie de l'espèce émigre. »

L'Hirundo daurica est très-commune dans les villages de la Mongolie et se trouve aussi à Pékin. Ainsi que Pallas l’avait déjà constaté, elle construit son nid sous l'avance des toits et ÿ donne la forme d’une bourse allongée ho- rizontalement.

Les Alouettes sont représentées, dans la collection du P. Armand David,

par deux espèces que Pallas avait découvertes en Sibérie, et que les ornitholo- gistes appellent aujourd’hui la Melanocorypha mongolica! et la Calendrella pispoletta ?.

La collection du P. David contient trois espèces de Pics; savoir : le Chloropicus Guerini, de Malherbe, le Picus Gouldis et le Picus scintilhiceps, de Swinhoe5. Ce dernier manquait dans nos galeries.

Je citerai encore ici le Corvus dauricus, de Pallas$ ou Lycos dauricus?. A l'approche de l'hiver, ce petit corbeau arrive en grand nombre aux envi- rons de Pékin, mais il y est moins abondant que les Choucas, les Freux et les Corneilles auxquels il se mêle.

Enfin cette collection contient aussi une espèce de Sitelle qui me paraît être nouvelle et qui sera décrite très-prochainement.

Le P. Armand David n’a pas vu de Vautours dans la région qu'il explore avec tant de succès, et M. Swinhoe, à qui l’on doit une énumération

4. Alauda mongolica, Pallas, Zoographia, t. T, p. 516, pl. Melanocorypha mongo- lica, Gray, The genera of Binds, t. IL. Ch. Bonaparte, Conspectus, 1. I, p. 283. . Pallas, Zoogr., t. Ep. 526 Monographie des Picidées, ete, pl. Lxxx, fig. 4. Malherbe, op. eit., t. I, p: 62, pl. xvur, fig. 6 et 4 On the Ornithology of northern China (The Ibis, 1863, p. 96.) Zoographia, t. 4, p- 387, pl. Temm. et Schlegel, Fauna japonica, pl. Ur:

HS

28 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

de tous les oiseaux observés jusqu'ici en Chine, ne fait aucune mention de ces Rapaces, mais on sait que dans le sud-est de la Sibérie on trouve parfois le Gypaelus barbatus, et par conséquent, il est probable que, par la suite, on rencontrera aussi cette espèce dans les montagnes de la Mongolie qui sont voisines de Pékin. Les oiseaux de proie que nous avons reçus de ce savant mis- sionnaire, sont : le Falco vespertinus, Lin., qui est très-commun dans les villages des montagnes situées près de Pékin. En automne, il émigre par grandes bandes.

L’Accipiter Stevensonti, espèce nouvellement décrite par M. Gurney !, et que le Muséum ne possédait pas. Ce petit Épervier niche aux environs de Si- wan, et souvent le même arbre porte plusieurs nids. 11 vole en troupes nom- breuses à la poursuite des sauterelles, dont il fait sa principale nourriture.

Le Milvus melanotis, Schlegel ?, qui est très-commun à Pékin. On en voit continuellement qui planent au-dessus de cette ville, et ils nichent sur les gros arbres. Ses œufs sont d’un blanc roussâtre, avec quelques taches irrégulières et des lignes vers les bouts. C’est la seule espèce de ce genre que le P. Ar- mand David ait aperçue.

Le Buteo poliogenys, Temm. #, espèce qui a Je vol rapide et sauteur, qui fait une guerre active aux Perdrix et même aux Poules, et qui séjourne pendant toute l’année dans les montagnes basses des environs de Pékin. :

Les mammifères dont le P. Armand David nous a envoyé les dépouilles, sont en petit nombre, mais offrent beaucoup d'intérêt pour nos collections, car deux d’entre eux appartiennent à des espèces remarquables que nous ne pos-. sédions pas, ce sont :

Le Dseren, ou Antilope qutturosa, de Pallas, que le P. Duhalde nous fit connaître il y a plus d’un siècle, sous le nom de Chèvre jaune #.

2 Le Chevreuil de Tartarie, ou Capreolus pygargqus, de Pallas 5.

Ainsi que je l’ai déjà dit au commencement de ce rapport, la mammalo- gie et l’ornithologie ne sont pas les seules branches de l’histoire naturelle dont

4. On Accipiter Stevensonii, a new species of Hawk from China (Ibis, A863, p. 447, pl. x1). Micronisus Stevenson, Swinhoe (Proceed. of the zool. Soc, 1863, p. 264). k

2. Fauna japonica, pl. V. B. Milvus niger, var. melanotis, Radde, op. eût, t, IE, pl. 1.

3. Planches coloriées, pl. ecoxxv.

4. J.-B. du Halde, Description de la Chine et de la Tartarie chinoise, 1. IV, p.279 (1735).

5. Spicilegia zoologica, fasc. XII, p. 46, pl. 11.

BULLETIN. 29

le P. Armand David se soit occupé avec non moins de zèle que de succès, et lorsque mes collègues auront terminé l’examen des diverses parties de ses collections qui sont actuellement entre leurs mains, je ne doute pas qu’ils n’en rendent un compte non moins favorable que celui présenté aujourd’hui à l'assemblée ; mais j'ai préféré ne pas attendre l’achèvement de ces études lon- gues et minutieuses, pour appeler l'attention de l’administration sur les ser- vices rendus au Muséum par ce savant missionnaire, et pour proposer à l'as- semblée des professeurs-administrateurs de lui voter des remerciments.

30

NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

EXPLICATION DES FIGURES

PLANCHE LH. Fig. 1. Crossoptilon auritum, Pall. Mâle adulte; réduit. Fig. 2. Femelle du même Fig. 3. Pucrasia æanthospila, Gray. Màle adulte ; réduit. Fig. 4. Femelle du même.

PLANCHE IL.

Fig. 1. Abrornis Armandii; de grandeur naturelle. Fig. 2. Carpodacus Fig Mâle ; grandeur naturelle. Fig. 3. Femelle du mêm

2

TROISIÈME NOTICE

SUR

LA MÉNAGERIE DES REPTILES

DU MUSEUM D'HISTOIRE NATURELLE

- M. AUG. DUMÉRIL

La ménagerie des reptiles, fondée par les soins de mon père vers la fin de l’année 4838, a rapidement pris une place importante dans la riche collection d'animaux vivants que le Muséum d'histoire naturelle expose aux regards du public. Située dans un bâtiment beaucoup trop exigu, que l’administration, malgré le désir qu’elle en à souvent manifesté, n’a pas encore pu remplacer par des locaux plus vastes dont le besoin se fait sentir chaque jour davantage, la ménagerie a pu cependant loger, quoique fort à l’étroit, un grand nombre d'espèces intéressantes. J'en ai publié la liste, en septembre 1861, dans une Deuxième notice sur cette. ménagerie que renferme. le. tome X des Archives du Muséum (p. 434-459) *. à |

1. En 4854 (Arch. du Mus., t. IL, p. 193-319), j'avais déjà donné une Notice historique sur la ménagerie des Reptiles. Mettant à profit des observations répétées sur les habitudes et le genre de vie d'animaux crès-rarement étudiés jusqu'alors à l’état de captivité, j'ai pu présenter de nombreux détails concernant leur mode d'alimentation, les quantités de nourriture qui leur sont nécessaires, et la durée possible de leur abstinence parfois si singulièrement pro- longée. Des Reptiles s'étant reproduits, et des Boas, ainsi que des Crocodiles, ayant été reçus très-jeunes, je me suis trouvé à même de suivre les phases du développement de différentes espèces, et de tenir compte de l'influence notable exercée sur Ja croissance par le régime auquel

‘32 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

Cette liste comprend 493 espèces (160 reptiles et 33 batraciens ) repré- sentées par 3.989 individus recueillis surtout en Europe, dans le nord de l'Afrique et aux États-Unis ; mais il en est venu aussi du Sénégal, du cap de Bonne-Espérance, de Madagascar, des différentes contrées de l'Amérique du Sud, des Antilles, du Mexique et de l'Océanie. J'ai dressé (loc. cit., p. 440) un tableau de la répartition géographique de ces animaux chaque espèce est indiquée par le numéro qu’elle porte sur le catalogue.

Aujourd'hui (31 octobre 1864), par suite de l'entrée dans la ménagerie , depuis le 15 septembre 1861, de 44 espèces qui n’y avaient pas encore pris place, c'est à 237 que monte le total de celles qui ont été déjà reçues depuis le moment de sa fondation, c’est-à-dire durant une période de vingt-six ans.

Beaucoup d’autres espèces qu’on avait déjà possédées précédemment ayant été envoyées de nouveau, le nombre total des individus inscrits sur nos registres est, jusqu’à ce jour, de 4,200 1.

on les soumet. L'ovoviviparité de divers Sauriens et Ophidiens qu’on n'avait pas encore signalée a été constatée. J'ai noté avec soin les changements apportés à la température animale par le tra- vail de la digestion et par celui de la mue. En outre, des indications ont été recueillies, qui ne sont pas sans utilité pour la zoologie descriptive, car des caractères spécifiques ont pu être mieux saisis, particulièrement ceux que fournit le système de coloration toujours altéré par la mort et par l’action de l'alcool. |

J'ai également tiré parti des ressources offertes par la ménagerie pour y entreprendre une série de recherches expérimentales sur la température propre des Reptiles et des Batraciens, et sur les modifications qu’elle subit dans diverses circonstances, surtout par suite de l’échauffement ou du refroidissement du milieu ambiant. { Ann. se. natur. Zool., série, t. XVII, p. 5-22.)

4. Dans ce chiffre, comme j'ai déjà eu soin de l'indiquer à l’occasion du recensement général de la population de la ménagerie fait en 4864, je n’ai pas compris le nombre des individus appar- tenant à sept espèces de France. Elles sont, en effet, toujours très-abondantes à la Ménagerie, et quelques-unes même servent à l'alimentation des autres Reptiles. Ce sont les suivantes : Lacerta stirpium, L. muralis : Rana viridis, R. temporaria ; Bufo vulgaris, B. viridis ; Triton cristatus.

La lettre V, placée, sur le tableau ci-contre, à la suite du nom de 9 espèces, fait connaître qu'elles ont été dessinées pour la riche collection des peintures à l’aquarelle sur vélin de la Biblio- thèque du Muséum d'histoire naturelle.

J'ai déjà donné dans ma % Notice, une première liste de ces peintures faites d’après les ani- maux de la Ménagerie. Elle en comprend 81, qui, avec les 9 de la liste actuelle et 6 autres d’es- pèces de la liste précédente, dessinées postérieurement à sa publication { Testudo angqulata, Dum. et Bib.; Emys Mullenbergii, Schæpff; Chelodina Maximiliani, Fitz.; Zamenis viridiflavus, Wagl.; Tropidonotus natrix, Schleg. (variété noire); Vipera ammodytes, Daudin), forment un total de 96 vélins de Reptiles ajoutés, depuis 1838, à ceux que l'Établissement possédait déjà avant la fondation de la Ménagerie.

BULLETIN. 33

REPTILES ET BATRACIENS QUI N'AVAIENT PAS ÉTÉ VUS À LA MÉNAGERIE DU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE DEPUIS L'ÉPOQUE DE SA FONDATION

Pan.

15 oCTOBRE 1838) JUSQU'EN SEPTEMBRE 1861

ET QUI Y ONT VÉCU PENDANT LA PÉRIODE COMPRISE DU A5 SEPTEMBRE À 861 AU 31 OCTOBRE 1864.

REPTILES, I. CHÉLONIENS. TORTUES DE MARAIS OU ÉLODITES,

1. Cistudo sein m4 ge Se. RES" Emys crass

« Macroc spas, Gray. - Se HU ee » amiltoni

6. » Reevesii, Id. Chine :

2 PRE. rue Bell, États-Unis. V...sioe 8. nulata, Sri Amér. METRE Ne 9, dis rer ages

TORTUES DE FLEUVE OU POTAMITES. 10. Gymnopus javanicus, Dum., Bib. Siam...

TORTUES DE MER OU THALASSITES.

+

1. Chelonia virgata, Dum., Bib. Trinidad.....

II. SAURIENS.

CROCODILIENS. 12. Crocodilus <a Lesson vulg. Var. B, , Bib.) Siam...... 13. » he Aremps Mur. marre pre AE; CAMELÉONIENS. 14, Ch l galensis, Cuvier. Sénégal... GECKOTIENS, l

5. Hemidactylus frenatus, Schleg. Ile de la Réu-

16. Varanus Gouldii (Schleg.), Dum., Bib. Aus- tralie.— V

IGUANIENS ACRODONTES OU AGAMIENS. 17. Agama mutabilis, Merr. Égypte.

LACERTIENS. 18. Acrantus viridis, Wagl. nos-Ayres, 19. Psammodromus évards (ië) Dum., Bib.- Fra dionale.....e...e SCINCOÏDIENS. 20. Scincus officinalis, Lau TRS de. 21. Ophiodes striatus, or Brésil. ie AMPHISBÉNIENS.

22. Amphisbæna Darwinii, Dum,, Bib. Brésil..

I.

DD + be O9 Pi ei bi he

—_

III. OPHIDIENS. AGLYPHODONTES OU SERPENTS NON VENIMEUX. 23. Eryx thebaicus, + et Isid, Geoffroy-Saint- air

6, fer Basé es ai à 24, Acrochordus jav , Hôrnst.— Siam....... 1

25. Ischnognathus Dekayi Cor ) Dum., Bib. ta 1

26. Spilotes série 0 Pr PAS Dum., Bib. 1 27. cho das NES Bib. Egypte. 1 28. Fit Far (Pall.), D., B. mA g?—V. 4 : talis (Linn.), Dum., Le -Un. 8 30. Cor ii Mere di Bib.—B er ett + F8 31. Liophis cobella (L,), Dum., Bib. Cayenne... 1 ilogyrus {Reut); Jan. B.-A. 3 doliata, id. id..,..... 2

33. snésrodss RTE Latr. Séfouthbsée. (États:

OPISTHOGLYPHES OU SERPENTS COLUBRIFORMES A DENTS SUS-MAXILLAIRES FRE SILLONNÉES ,

34. Oxybelis Wagl. ia 1

35. Stnguté pme ee }, Dum., Bib.

RE Ut D , Dum., Bib. Bahia... 1 pe Cœlopaltis snodbito: Sex: Ti: V..e

SOLÉNOGLYPHES OU SERPENTS VENIMEUX PROPREMENT DITS

88, Vipera Avicennæ, e { chiites 63 rt Dum., Bib.) Alg. et Égypte. 3

BATRACIENS. I, ANOURES. RANIFORMES,

39, Cystignathus ner Dum., ai Brésil...se | 40. Ceratophrys dorsata, Neuw. B PT RL Pyxicephalus Dum. ile Bué-

nos-Ayres. _ v. Lis ftoscens: 10

UFONIFORME 42. Bufo agua ot à Dum., ss Brésil et Bué= Servers 43. » melanotis; SR A on. rt 6 HE enr PÉRENNIBRANCHE 44, Siredon (Axolotl} Age se Mexico. 6

Ldhidsttristitets annectens. Gambie, 2

3h NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

Plusieurs de ces reptiles offrent beaucoup d'intérêt, les uns parce qu'ils étaient inconnus au Muséum, et dans le nombre il en est qui appartien- nent à des espèces nouvellemment décrites; les autres, à cause de leur rareté.

Les premiers faisaient partie dés collections formées dans le royaume de Siam par l’habile délégué du Muséum, M. Bocourt. Sur la demande de l’admi- nistration de cet Établissement, Son Exc. M. le Ministre de l’Instruction pu- blique lui avait donné la mission d’aller recevoir les animaux offerts en présent par les rois de Siam et de les ramener en Europe. Mettant à profit, pour l’enri- chissement du musée de Paris, son séjour dans ce pays si peu exploré, M. Bocourt, dont l’activité et le zèle ont été signalés par M. Milne Edwards dans un rapport fait à l’Académie des sciences (Comptes rendus 1863, t. LVIT, p. 312), à ramené un grand nombre d’espèces précieuses. Pour ne par- ler ici que des reptiles vivants, je signalerai d’ abord les deux tortues d’eau douce inscrites sous les 3 et 5 de la liste qui précède (Æmys macrocephala et siamensis) assez récemment décrites. La première, qui est très-commune dans le pays et sert à l’alimentation, a été nommée, en 1859, par M. Gray, Geôclemys macrocephala (Proceed. z0ol. soc., p. K78, pl. xxt). Sa carapace a trois carènes et porte, sur un fond brun verdâtre, quelques taches noires ; la Lee et le cou sont élégamment ornés de bandes claires.

. : L'autre (n° 5) Emys siamensis, Gray, arrive à une assez grande taille, car l'individu de la ménagerie qui est un peu plus petit qu’un second spécimen également rapporté par M. Bocourt mesure, en longueur, 0",39 et 0",26 en lar- geur. Toute la carapace est noire, ainsi que le plastron, si ce n’est vers le centre il offre une teinte jaunâtre. Nommée seulement dans une liste-de reptiles de Siam que M. Günther à fait insérer dans les Proceed. zoolog. soc. 1860, p. 114, elle a été ensuite figurée et décrite par lui sous le nom de Geo- clemys dentata, Gray, parce qu’il a supposé que l’'Em. siamensis, Gray, n’était qu'un vieux mâle de cette Æ£m. dentata que le Musée de Paris ne possède pas. . .…L'Emyde 4 (£. Hamiltonii, Gray : Dum.. Bib. Erpét. génér., t. WU, p. 315) offre cet intérêt particulier : que tre déposé à la Ménagerie dépasse de beaucoup le volume des échantillons connus jusqu ‘alors au Muséum, tout en conservant le même système de coloration.

. La Cistude d’Amboine (n° A), qui n’avait jamais été vue à la ménagerie, ue dans sa conformation, une différence assez notable suivant les indivi-

BULLETIN. 35

dus, les uns étant plus déprimés que les autres sans que celle particularité semble pouvoir être attribuée aux dissemblances sexuelles, l

La Trionyx dite Gymnopus javanicus } (n° 9) est encore jeune, les dimen- sions de sa carapace ne dépassent pas 0",20, en longueur et 0",17, en largeur. Comme les tortues molles déjà observées à la ménagerie, celle-ci aime à se cacher dans la vase dont on couvre le fond de son bassin.

Les deux crocodiles (n° 11) qui faisaient partie des présents des rois de Siam n’ont malheureusement pas bien supporté les fatigues du voyage et ont vécu peu de temps. Ils mesuraient, l’un et l’autre, près de à mètres. Ils appar- tenaient, tous les deux, à l'espèce indienne nommée par Lesson Crocodilus palustris, qui, en raison de ses grandes analogies avec le Cr. vulgaire, à été décrit dans l'£Zrpét. gén. comme une Variété de cette espèce (t. III, p. 108.) Cependant, m'appuyant sur les descriptions mêmes des auteurs, et principale- ment sur la différence d’origine, j'ai indiqué, dans mon premier supplé- ment à cet ouvrage (Deser. des repl. nouv. ou imparfait. connus de la collect. du Mus. d'hist. nat., ete. in: Arch. du mus., À. VE, p. 252, note 1), la néces- sité de conserver à ce Crocodile la dénomination spécifique par laquelle Les- son l’a désigné.

Tout récemment (oct. 864), un troisième exemplaire de cette espèce, pris dans le fleuve du Cambodge, a été adressé de Cochinchine, par M. le contre-amiral La Grandière. Il est long de 2,35; l'extrémité de la queue

manque.

4. Nom spécifique proposé d'abord par Schweigger, puis par Étienne Geoffroy Saint-Hilaire (Mém. sur les Tortues molles : Ann. Mus., t. XIV, p. 15), pour un spécimen rapporté de Java par Leschenault, et qui figure dans les collections du Muséum (Catal. méth. Rep. Mus., 4851, p. 22, 7). Malgré l'exactitude de cette dénomination, M. Gray, parce qu'il n'a jamais vu d’échantillon javanais, vient de la remplacer par celle que Geoffroy avait appliquée au jeune àge de la même espèce, et comme il modifie également la coupe générique, il fait, de la Tortue dont il s'agit, le Potamochelys stellatus (Revision Trionychidæ As. and Afr., in: Proceed. zool. Soc., 1864, p. 85).

Ce n’est pas ici le lieu de discuter la valeur des noms de pays comme désignations spéci- fiques. On reproche à ces dernières, non sans raison, de devenir insuffisantes, quand on acquiert la certitude, comme cela arrive souvent, que l'animal n'appartient pas exclusivement à la localité d'où il avait été reçu à l’époque où, pour la première fois, il a pris place dans les nomenclatures. On ne peut nier cependant que ces noms, quand ils indiquent la provenance véritable, ce qui n'arrive pas toujours, il est vrai, n'offrent l'avantage très-réel pour l’histoire de la science, de rap-

peler l’origine des types:

36 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

M. Germain, correspondant du Muséum et directeur du Jardin botanique et zoologique de Saïgon, a écrit, à l’occasion de l’envoi de cet animal, une lettre dans laquelle il dit : « L'espèce est répandue dans toutes les rivières de la basse Cochinchine, excepté dans celles qui, servant de lignes principales de navigation, sont sans cesse parcourues. Elle atteint une longueur de quatre à cinq mètres. Elle est peu agressive pour l’hommet, mais on cite quelques accidents arrivés à des Annamites. Ceux-ci et les Chinois estiment beaucoup la.chair des crocodiles, et, aux environs des parcs peu profonds et vaseux ces animaux sont tenus en réserve, un ou deux sont journellement livrés à la consommation. »

On en mange également d’une manière habituelle dans le royaume de Siam ; nous le savons par M. Bocourt et par le révérend P. Larnaudie, qui y habite depuis longtemps.

Le Cr. des marais n’est probabl t pas le seul dont on fasse usage comme aliment, car on trouve en presque aussi grand nombre, dans les eaux de ces contrées, une espèce qui est très-distincte de la précédente, Le Cr. à deux aréles (Cr. bi-porcatus, Cuvier). La Ménagerie ne l’a jamais reçue.

Un Acrochorde, apporté par M. Bocourt, a succombé presque aussitôt après son arrivée à Paris. Ce curieux serpent aquatique dont aucun exem- plaire, à ce que je sache, n’avait été vu vivant en Europe, mit bas à Toulon une portée de vingt-huit petits dont la mort fut très-prompte 2.

1. Dans ma Deuxième Notice sur la Ménagerie des Reptiles (Arch. du Muséum, t. X, p. 451), j'ai cité des observations authentiques prouvant que les Crocodiles ne sont pas également redoutables dans toutes les localités qu'ils habitent. Humboldt, en particulier, a insisté sur ce point.

2. A cet exemple d'ovoviviparité et à plusieurs autres mentionnés dans mes 4re et Notices (Arch. Mus., t. VII, p. 219 ett. X, P. 456), il faut en joindre un nouveau et tout récent. Un ser- pent venimeux, le fer de lance (Bothrops lanceolatus, Wagl.), envoyé de la Martinique par M. Bélanger, et reçu le 13 juillet 1864, vient de mettre bas, le 28 octobre, trente petits qui, à l'exception de deux seulement, se sont montrés pleins de vie aussitôt après leur naissance. Plu- sieurs de ces jeunes animaux, comme on l'avait déjà remarqué au moment de la parturition des Tropidonotes américains, ont presque immédiatement commencé à se dépouiller de leur épiderme.

Le Bothrops femelle à voyagé dans une boîte il n’avait pas de compagnon de route et on l'a tenu, depuis le jour de son arrivée, constamment isolé dans une cage habitée par lui seul; on peut donc connaître au moins le minimum de la durée de la gestalion par celie du temps écoulé depuis l’embarquement jusqu’au moment les jeunes animaux ont été expulsés des: oviductes. Cette période a été de quatre mois et au delà.

Dès sa naissance, le jeune Bothrops peut faire périr sa victime par le venin. Le 4*" novembre,

BULLETIN. 37

Le R. P. Larnaudie a amené en France, au mois de septembre 1864, un autre individu long de 4",80. Il a été pêché à la ligne, mais l’hameçon n’avait fait, au voisinage de la bouche, qu’une blessure sans gravité. Il a voyagé dans un vase contenant de l'eau, et, depuis son entrée à la Ména- gerie, il n’a pas quitté le bassin qui occupe une partie de sa cage. Il donne ainsi le spectacle d’un genre de vie absolument aquatique, mais on est surpris de ne le voir, qu’à de rares intervalles, porter l'extrémité de la tête au dessus de la surface de l’eau pour renouveler sa provision d’air. Des grenouilles et des poissons vivants lui ont été souvent offerts; mais il ne prend aucune nour- riture. Il reste immobile au fond de l’eau et se laisse facilement approcher, de sorte qu’on peut promener le doigt sur la singulière écaillure tuberculeuse et très-rude dont il est revêtu.

Enfin, au nombre des animaux rapportés par M. Bocourt, je dois citer une magnifique couleuvre Coryphodon Blumenbachüi; elle avait déjà été reçue du continent indien, à une époque antérieure. Elle a vécu pendant près d’une année.

Après avoir indiqué les avantages que le voyage à Siam a procurés à la ménagerie des reptiles!, je reviens au dépouillement méthodique de la liste placée en tête de cette Note, non pour m’arrêter à chacune des espèces, mais afin de donner quelques détails sur celles qui méritent une mention spéciale.

en effet, une souris piquée avec impétuosité et frappée de paralysie dans les membres postérieurs au bout de quarante-cinq minutes, avait succombé une heure vingt-cinq minutes plus tard. Une seconde souris, piquée le 3 novembre par un autre des jeunes serpents, à dix heures qua- rante-cinq minutes, avait cessé de vivre à midi quarante minutes.

1. Quant aux reptiles siamois conservés dans l'alcool, recueillis par M. Bocourt, le cata- logue qui en à été dressé fait partie de son travail que renferme le présent volume.

Je n'ai pas à m'arrêter à l'examen de cette longue liste; je dois cependant signaler, parmi les espèces importantes, le Serpent à double prolongement céphalique dit Herpeton tentaculatum, Lacép., et dont le type conservé au Muséum, est resté, pendant plus de soixante-dix ans, le repré- sentant unique de l'espèce dans les diverses collections d'Europe. Sur ce nouveau sujet, de même que chez d’autres individus récemment offerts parleR. P. Larnaudie, de la mission de Siam, j'ai pu constater la présence d’un sillon à la face antérieure des deux dernières dents sus-maxillaires. On en voit le commencement sur Ja base de la seule dent postérieure, de l’ancien échantillon, qui n’ait pas été entièrement brisée. De son côté, M. le professeur Jan l’a vu sur le spécimen du Musée milanais et l'a figuré (/conogr. génér. des Ophidiens, pl. 1). J'insiste sur ce détail anatomique, parce que M. Günther, d’après l'examen des Herpetons du Musée de Londres, a considéré comme erroné (Proceed., zool., 1860, p. 114), ce qui est dit, à ce sujet, dans l'Erpét. génér., 1. VIH, partie, p. 986. \

38 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

Dans le groupe des Chéloniens, je n’ai à citer qu'une Tortue de l’Amé- rique du Sud qui nous était complétement inconnue (£mys annulata, décrite sous le nom de Geoclemys annul. Gray, Proc. zool. soc., A860, p. 231, pl. xxix). L'individu observé était identique au type par la forme de sa carapace un peu analogue à celle des Cistudes, et par la bande jaune assez étroite qui occupe le pourtour du plastron dont tout le milieu est noir. ; De l’Akka, riv. de la Côte-d'Or (Afr. occident.) le Muséum a reçu, en mai 4862, par M. le C* Liébault, qui en à fait présent, un Crocodile tout à fait remarquable (C. frontatus, À. Murray), à tête large et couverte, ainsi que la nuque, de grandes plaques, connu à Londres par un seul spécimen de 0",54, que M. Murray a décrit comparativement aux deux autres espèces africaines (C. vulgaris et leptorhymchus) (Proc. 3001. soc., 1869, p.213) et figuré pl. xxx. Les caractères les plus saillants de cette nouvelle espèce sont : La brièvetéet l'élargissement du museau, qui ressemble un peu à celui de l'Alligator cynoce- phalus; la forme quadrilatérale des plaques de l’occiput et de celles de la région nuchale, qui sont au nombre de trois paires placées les unes à la suite des autres, les deux antérieures beaucoup plus volumineuses que la dernière, telle- ment réunies toutes surla ligne médiane que l’on croirait chaque paire formée par une seule plaque à sillon longitudinal et médian ; les dimensions exception- nellement grandes des yeux dont la teinte est un brun noir : l’absence de crête écailleuse le long du bord externe des membres postérieurs et l'extrême briè- veté de leurs membranes inter-digitales. A ce dernier caractère semble se lier une particularité du genre de vie : presque toujours, en effet, l'animal tient hors de l’eau, si ce n’est au moment il dévore sa proie, et dans une immobilité absolue; il n’a pas les habitudes aquatiques de ses congénères. Malgré sa petite taille (0",88, qui est la même aujourd’hui qu’à l’époque de son arrivée), il est un des hôtes les plus redoutables de la ménagerie. À l'aspect sévère que lui donnent la forme de son museau et l’immobilité de son regard se joint, comme pour le rendre plus terrible, la gravité singulière du timbre de sa voix dont le retentissement pourrait être comparé au beugle- ment du taureau.

Le Caméléon nommé par Daudin C. à casque plat et à ventre dentelé en scie, à cause de la carène de la région centrale formée par de petites écailles coniques et saillantes et quia reçu, de Cuvier, la dénomination de Ch. senega-

BULLETIN, c 39

lensis, à été apporté par le R. P. Strub, en août 1863. Il a bien vécu durant plusieurs mois, mais à la saison froide, en décembre, malgré l'égalité con- stante de la température des cages, il a succombé comme les Caméléons d'Algérie qui, très-rarement, supportent la captivité pendant l'hiver.

Cette année, au mois de juin, le même missionnaire à envoyé la belle et grande espèce de saurien dite Varanus miloticus, mais qu'on sait être répan- due, comme beaucoup d’autres reptiles, dans les différentes régions du con- tinent africain.

Parmi les ophidiens aglyphodontes, je mentionnerai, une très-élégante Couleuvre de Buénos-Avyres, la Coronelle gentille (Coronella pulchella) qui, nommée ainsi par Bibron (Mss, collection erpétologique de M. Westphal Castelnau de Montpellier), n’a cependant pas pris place dans l’Erpétologie générale. C'est d’après le type, que M. Jan en a donné la description en 1863 (Prodr. Iconogr. génér. part. 11, Coronellidæ, p. k1, 13 : Archiv. per. zoolog. Canestrini, t. IL, fasc. u). Elle se distingue nettement de tous les serpents du même groupe par l'éclat de son système de coloration. Le fond n’est pas brillant : il est d’un brun clair avec quelques maculatures noires ; mais, de chaque côté, s'étend, depuis la région postérieure de la tête jusqu'à l'extrémité de la queue, une ligne formée par de petites taches d’un jaune clair et vif qui, toutes entourées d'une fine bordure noire, occupent chacune une écaille. Sous le ventre, commence une bande d’un beau rouge : très- étroite d’abord, elle le devient de moins en moins et finit par occuper toute la largeur de la région sous-caudale. Sa taille est de 0,70 environ; ce

sont, à de légères différences près, les dimensions ordinaires ?. 4. J'ai appelé l'attention sur celle particularité de la distribution géographique des espèces africaines, et j'en ai cherché l'explication dans un Mémoire ayant pour titre : Rept. et Poiss. de l’Afr. occident. (Arch. du Mus., & X, p. 268, pl. XIHI-XXH). ‘9. On a reçu cette jolie Couleuvre par les soins de M. Duhamel, habile et zélé correspondant du Muséum à Buénos-Ayres, d'où il a déjà, à plusieurs reprises, fait des envois très-intéressants. Pour ne parler que de ceux qui étaient destinés à la ménagerie des reptiles, elle est main- tenant, grâce à ses expéditions successives, en possession : d’une paire de grosses Chélodines (Chelodina Maximiliani, Fitzinger), Émydes à long cou non rétractile en arrière, mais disposé de façon à pouvoir se loger jatéralement entre le plastron et la carapace; de plusieurs Sauvegardes de grande taille (Salvator Merianæ, Dum., Bib.), etc. Ces reptiles avaient déjà pris place dans nos Cages; mais d’autres, de la même contrée, n'y avaient jamais été vus. Tels sont : le Lézard à quatre doigts postérieurs seulement (Acrantus viri- dis, Wagler 18); ja Couleuvre à dernières dents maxillaires sillonnées, dite plombée, à cause

h0 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

Un autre serpent assez nouvellement connu, et qui appartient au sous- ordre des Opisthoglyphes ou Couleuvres venimeuses à dents postérieures sil- lonnées, a été adressé de la province de Constantine par M. le colonel du Paty de Clamt. C'est le Cælopellis productus, Gervais (n°37), décrit dans les Mém. de l’Acad. de Montpellier, t. HE, 4857, p. 512, pl. v, fig. 5.

Du sud de l'Algérie, se trouvent des espèces égyptiennes, le même donateur a procuré à la ménagerie celle qui a été brièvement décrite et bien figurée par Alpini (Hist. Ægypti natur, lib. IV, cap. 1v, p. 110, pl. vrr) sous le nom de Vipera Avicennæ, 38. L’épithète de atricauda, employée dans l’Erpét. génér., ne peut pas être conservée, puisqu'elle n’a pas pour elle le droit de priorité, mais elle offrait l'avantage de rappeler l'aspect singulier que présente un court appendice caudal, très-grêle et tout à fait noir.

Certains batraciens anoures du groupe des raniformes sont fort remar- quables par leur système de coloration dont la mort altère très-promptement l'éclat. Telles sont, entre autres, les deux grosses espèces de l'Amérique du Sud, dites Ceratophrys dorsata et Pyxicephalus americanus, 40 et HA.

Le premier, si bizarre déjà par son bouclier dorsal, qui est beaucoup moins apparent pendant la vie qu’il ne le devient sur les individus préparés pour être conservés dans les collections à l’état sec, a, sur le dos, des taches irrégulières. |

Outre ces gros batraciens, la ménagerie a reçu, par l’entremise de M. Duhamel et de MM. Mélinon et Williams, correspondants du Muséum dans la Guyane française et à Bahia, des individus encore plus volumineux appar- tenant à l’espèce dite par Latreille Bufo agua, mais désignée sous des noms divers depuis Séba qui l’a inscrite, dans son recueil, comme Bufo marinus. Au nombre des variétés qui ont motivé onze désignations différentes, dont on trouve une liste complète dans l’£rpét. générale (t. VIIL, p. 704 et 705), il en

de son système de coloration (Brachyruton plumbeum, Dum., Bib., 35); de gros batraciens du genre Pyxicéphale (P. americanus, Dum., Bib., 41) dont je parle plus loin.

1. M. du Paty, mettant à profit, pour l’enrichissement de la ménagerie du Muséum, son séjour dans la province de Constantine il commande le régiment de spahis, a, plusieurs fois déjà, fait parvenir, outre différents mammifères, des Ouarans ou Varans du désert (Varanus arena- rius, Dum., Bib.), des Dobbs ou Fouette-queues (Uromastix acanthinurus, Th. Bell) le Scin- que des pharmacies {Scincus officinalis, Laurenti, 20), qu'on n'avait jamais reçu avant ces derniers temps, et des Vipères cornues (Cerastes ÆGypliacus, Dum.)

BULLETIN. hi

est une tout à fait distincte que Spix, on ne sait trop pourquoi, a nommée Bu/fo ictericus. Gelle-là précisément à laquelle il a donné la dénomination française de Crapaud lentilleux, et dont on trouve une bonne représentation dans son grand ouvrage (Species novæ Testud. et Ranar. brasil., pl. xvr, fig. 1) a été envoyée du Brésil. Elle se distingue des autres par son manteau noir. Sur la ligne médiane du dos, se détachent une bande presque blanche et des taches lenticulaires blanchâtres. | |

: De La Mana, près Cayenne, M. Mélinon a fait parvenir un individu non moins considérable que les trois précédents. Le fond de la couleur des régions supérieures est un brun clair ; de chaque côté de la colonne vertébrale, il y a deux ou trois taches veloutées d’un noir profond. Cette variété est exactement figurée sous le numéro 2 de la pl. xvi de l'ouvrage de Spix elle est nommée Bufo ornatus.

Enfin, le spécimen de Buenos-Ayres, dont les téguments sont recouverts d’un grand nombre de tubercules, et dont le système de coloration est un vert foncé uniforme, si ce n’est à la face interne des membres postérieurs se voient quelques maculatures, appartient à une autre variété. Il paraît être le Buüfo scaber, Spix, non Daudin, figuré pl. xx, 1 (Species novæ Test. el Ranar. bras.) et décrit p. 47.

Les gros Batraciens, appartenant aux deux genres dont je viens de par- ler, sont excessivement voraces. Les Pyæicéphales mangent, en grande quan- tité, les papillons des vers à soie étrangers qu'on élève, dans la Ménagerie des Reptiles, pour le laboratoire d’'Entomologie. Après que l’accouplement et la ponte ont eu lieu, on détache les ailes, et le corps constitue un aliment {rès-avidement recherché par les Pyxicéphales qui, immobiles dans l'eau, ou presque complétement enfoncés sous la terre, dont une couche assez épaisse couvre le fond de leur cage, sortent de leur engourdissement appa- rent dès que les insectes sont jetés devant eux. On leur donne aussi des Lombrics, comme aux Crapauds agua. :

Le volume de ces Batraciens permet de bien voir la façon vraiment singulière dont ils s'emparent de leur proie à l'aide de la langue qui, tout autrement attachée qu’elle ne l’est d'ordinaire chez les animaux vertébrés, a son extrémité antérieure adhérente au plancher de la bouche, tandis que la postérieure est libre. Par une sorle d'expiration, l'animal la projette hors de la bouche, forcément la renverse et en applique la face dorsale, recouverte de

1. f

12 NOŒVELLES ARCHIVES: DU MUSEUM:

mucosités, sur l’objet qu'il veut saisir et qui est entraîné dans la cavité buc- cale par le retour de l'organe à sa position première. Avec une précision ad- mirable, et ne se méprenant pas sur l’espace qui le sépare de sa victime, le Batracien la saisit à l’improviste. La rapidité de ce mécanisme est telle que l’œil a quelque peine à suivre le double mouvement de la langue.

Des Grenouilles, ainsi que des Crapauds ordinaires, servent également à la nourriture de ces grandes espèces américaines , que n’effraye pas le volume quelquefois assez considérable de la proie. C’est ainsi qu'une grosse Rainette de la Nouvelle-Hollande (Hyla cyanea) a été avalée par un Pyxicéphale. Reçue, en 4847, par les soins de M. Jules Verreaux, elle figurait au nombre des plus anciens hôtes de la Ménageriet. Quand on s’aperçut de sa disparition, quelques heures déjà s'étaient écoulées depuis qu’elle avait été engloutie, et quoique le volume anormal du Pyxicéphale ne laissât point de doutes sur ce qui venait d'avoir lieu, il était déjà trop tard pour que, en le sacrifiant, on pût espérer retrouver vivante la Rainette.

La collection de Batraciens urodèles vivants s’est enrichie de deux espèces intéressantes. L'une est le Pleurodeles Waltlii, Michaelles, si singu- lière par la proéminence, sous la peau, de l'extrémité libre des côtes qui, même

4. Dans un paragraphe de ma Deuxième Notice, etc. (loc. P. 142), consacré à l’énu-

mération des Reptiles qui ont le plus longtemps vécu à la Ménagerie, je faisais mention de la .Rainettte dont il s’agit. Elle a péri en 1862, vers la fin de l’année; elle avait été reçue en

avril 4847; sa captivité a donc duré quinze ans. Je signalais en outre, dans ce passage, une tortue d’eau à long cou {Chelonida Novæ-Hollandiæ), rapportée, en octobre 4846, par M. J. Ver- reaux. Elle vit encore aujourd'hui, après dix-huit années de séjour dans nos cages.

Aux exemples de longévité des Chéloniens que j'ai cités dans ce travail, à l'occasion de la Chélodine, je dois en ajouter un autre qui, moins remarquable par sa durée que quelques-uns de ceux dont j'ai parlé, a, du moins, le mérite d’une complète authenticité. Je veux parler d’une Tortue de terre (Testudo mauritanica), achetée en 1836 par un de mes oncles, et qui, jusqu'au mois d'août 1864, époque je l'ai apportée à la Ménagerie, a vécu dans son jardin pendant l'été, et, durant la saison froide, dans une pièce sans feu elle s’engourdissait. Elle n’était déjà plus très-jeune quand on commença à l'observer, car elle avait exactement la taille d’une autre tortue mauritanique acquise en même temps, mais qui mourut au bout de deux ‘ans, et dont la carapace, déposée dans les collections du Muséum, est longue de 0,20, et large, d’un bord à l'autre, de 0®,19_ (ces mensurations sont faites en suivant les courbures de la boîte osseuse) ; le plastron a, au milieu, 0",14, de son bout antérieur au postérieur, Or, les mêmes mesures, prises sur l'animal vivant, donnent 0,24 pour la longueur, 0,22 pour la largeur et 0w,15 pour l’éten- due du plastron; la carapace à plus d'épaisseur que l’autre. Cette Tortue a eu la patte gauche de devant en partie détruite par une blessure déjà ancienne,

BULLETIN. h3

quelquefois, font saillie au dehors : les animaux, au nombre de dix, que la ménagerie a recus de M. Graells, le savant directeur du musée de Madrid, sont un peu plus grands que nos Tritons, dont ils paraissent ne pas différer par leurs mœurs et leurs habitudes.

L'autre espèce qui n’avait jamais pris place dans nos bassins est l’Axo- lotl du lac de Mexico (Siredon mexieanus vel Humboldtii), offert, en présent, par la direction du Jardin zoologique d'acclimatation. Les savants détails ana- tomiques donnés par Guvier sur ce Batracien qui conserve, pendant toute sa vie, les apparences d’un tétard, quoique parvenu à un entier développement, ont parfaitement fait connaître sa structure; les recherches ultérieures ont com- plété, en les confirmant, les résultats consignés dans son mémoire. Les ob- servations faites sur le vivant démontrent la nécessité du double appareil res- piratoire. Les branchies extérieures qui forment, de chaque côté du cou, une volumineuse houppe flottante, ne suflisent pas à l'accomplissement des phéno- mènes de l’hématose. Si elles en sont les agents essentiels, puisque la persis- tance de la vie, de même que pour le Protée, ne semble pas possible hors de l'eau; il faut cependant que les poumons viennent en aide. On en a la preuve par les ascensions que font, de temps en temps, les Axolotis vers la surface pour y venir prendre de l'air, et souvent on voit des bulles de gaz s'échapper de leur bouche et traverser la couche de liquide dans laquelle ils séjournent. Si le renouvellement de l’eau qui est continuel éprouve du ralen- tissement une suspension momentanée, ils empruntent plus fréquemment à l'atmosphère les éléments de la respiration.

Le AA juin 1864, la Ménagerie a reçu en présent, de M. Albert Geof- froy Saint-Hilaire, deux mottes de terre ou plutôt de vase durcie!, lune et l'autre un peu plus grosses que le poing: Elles avaient été adressées de la Gambie et contenaient chacune un Lépidosiren enveloppé dans sa coque et dont la présence était indiquée par la saillie, sur l’une des surfaces, de l'extrémité de cette coque fermée par un opercule circulaire de 0°,03 de diamètre à peu près, un peu bombé et percé d’une petite ouverture centrale,

°4. Selon toute probabilité, ces moties, comme celles qu’on avait reçues à Londres, en 1856 et en 4863, au jardin zoologique d'acclimatation du bois de Boulogne, provenaient d'une rizière, car les eaux qui inondent les terrains consacrés à la culture du riz paraissent servir de demeure aux Lépidosirens. Durant la son sèche, le sol vaseux se durcit et, en y fouillant alors, on y trouve les cocons.

0 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

mais tout à fait semblable, par sa couleur gris-noirâtre, à la matière dans laquelle elle était enclavée. Les observations faites sur de semblables blocs de vase dure et desséchée, soit à Londres!, soit à Paris par M. Albert-Geoffroy, avaient appris que se trouvait enfermé un animal très-probablement vivant. Craignant que sa vie ne fût compromise, si le bloc dans lequel il était engagé venait à être subitement ramolli par l’action de l’eau indispensable pour la manifestation de l’existence, et afin de pouvoir régler l’action du liquide, je fis placer à sec, dans un petit aquarium, les deux masses qu’on entoura d’une couche de terre glaise peu compacte, qui couvrait tout le fond du vase, et dont le niveau était un peu plus bas que l'extrémité des cocons, si ce n’est à leur pourtour, elle formait un petit rebord circulaire destiné à rendre plus efficace la protection contre l’eau qui fut versée avec précaution sur ce lit glaiseux et y forma une couche de 0",02 environ. Elle ne le pénétia que | difficilement, malgré des ouvertures faites çà et pour rendre l’accès plus - aisé. Elle finit cependant par rendre peu à peu le sol plus mou, et la perte de consistance fut favorisée par le soin mis à augmenter, d’une façon conti- nue et graduelle, la quantité d’eau à mesure qu’elle s’unissait à la glaise.

Le but que je me proposais fut atteint, car c’est avec une extrême lenteur que les blocs, placés dans ce milieu devenu à demi liquide, perdirent leur solidité. Au bout de dix-sept jours, le 28 juin au matin, des fragments de l’un d'eux commencèrent à se détacher et des mouvements furent aperçus sous le couvercle de la coque; douze heures plus tard, par suite sans doute des efforts faits par l'animal pour quitter sa prison, il était parvenu à dégager la tête et il était libre dans une étendue de 0",04 à peu près. Pendant la nuit, il acheva sa sortie. Il nageaït avec facilité dans l’eau qui recouvrait le fond glaiseux on le vit s’enfoncer pour reparaître ensuite à la surface. Sa lon- gueur pouvait être de 0",10 à 0",122, |

4. Gray (J.—E.), Observat. on a living african Lepidosiren in the Crystal Palace, accom- panied by a note from. A.-D. Bartlett (Proceed. zool. Soc. 1856, p. 342, pl. x1, animal de gr. nat.; figures représentant le cocon et l'animal qui y est contenu, intercalées dans le texte).

2. Ce chiffre est très-différent de celui que donne M. Bartlett (loc. cit., p. 347), qui estime à 0,22 environ la taille, au moment de leur apparition, des individus qu'il a observés, L’in- dividu figuré par M. M’ Donnell {The natur. hist. Review, 1860, t. VIT, pl. m1), dans la position que l'animal occupe lorsqu'il est replié sur lui-même au milieu de l’étroit espace de la cavité du cocon, élait plus long encore, car si le dessin est de grandeur naturelle, ce qui n’est point dit, mais semble probable, il y a, de l'extrémité du museau au bout de la queue, 0,31.

LA

BULLETIN. 5

L'autre bloc fut plus difficilement détruit par l’action du liquide; et même, il parut nécessaire, après une humectation si longtemps prolongée, de l’inonder pour déterminer la sortie du Lépidosiren. Cette manœuvre eut un succès complet! Le 13 août, c’est-à-dire soixante-deux jours après l'introduction des mottes de vase dans l'aquarium, il fut aperçu plein de vie. _ Sa taille était semblable à celle que présentait le premier au moment de son apparition ?.

Depuis cette époque, on se borne à renouveler l’eau sans enlever le fond glaiseux dans lequel ces animaux aiment à se cacher, se trouvant ainsi, jus- qu'à un certain point, placés au milieu des conditions favorables de leur habitat naturel. Souvent aussi ils restent dans l'eau; ils y saisissent les Lombrics qu’on leur jette et dont ils sont très-avides. Chacun de ces deux Lépidosirens a perdu l'extrémité de l’appendice gauche antérieur dont l'aspect vermiforme les aura trompés, et ils se seront attaqués mutuellement croyant saisir une proie. La voracité de ces animaux esi telle qu’en Angleterre, l'un des sujets conservés au Palais de Cristal a été, en partie, mangé par un de ses compagnons de captivité.

Les nôtres ont augmenté de longueur ; ainsi le premier sorti de son en- veloppe a déjà maintenant, 31 octobre, au bout de quatre mois, 0,24 avec un diamètre de 0",025 au milieu du corps; le second, depuis deux mois et demi, est arrivé à 0",20 de long.

Ils sont encore loin de la taille des adultes, mais leur croissance égale- ment observée par M. Bartlett, au Palais de Cristal, et dans de semblables proportions, est très-rapide.

Le cocon dont on a vu, dans les différentes circonstances que je viens de rappeler, sortir des animaux de taille variable, il est vrai, mais qui, tous,

4. À l’occasion des soins que les Lépidosirens ont exigés et des précautions qui ont être prises pour ne point brusquer leur apparition ou ne pas compromettre leur existence, je me plais à signaler, comme je l'ai déjà fait dans ma première Notice historique sur la Ménagerie des Reptiles, Arch. du Mus., t. VII, le zèle que M. Vallée, le gardien de cette Ménagerie depuis sa fondation, apporte à tous les détails d'un service qui réclame une grande prudence, ainsi qu'une surveillance attentive et intelligente.

2. Sans prendre tant de précautions, M. M’ Donnell (loc. cit., p. 96) à brisé, à l’aide du ciseau et du marteau, un de ces blocs, et l'animal, immédiatement placé dans l'eau, y a bien vécu, venant souvent, dans les premiers temps, sur‘out comme j'ai eu occasion de le remarquer,

prendre de l'air en élevant l'extrémité du museau à la surface.

h6 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

ont plus ou moins grandi, constitue-t-il l'enveloppe extérieure d’un œuf enfoui dans la vase à l’approche de la saison sèche, et que l'animal abandonnerait seulement à l’époque l’arrivée de l’eau, ramollissant le sol durci, fournirait les conditions indispensables à la vie indépendante du jeune Lépidosiren? Le cocon, au contraire, ne serait-il qu’un réceptacle construit par le Lépidosiren au moment du retrait des eaux et pour le protéger? L'ouverture du chapiteau. toujours placée à la surface, est-elle destinée à laisser passer l'air nécessaire à la respiration pulmonaire ? Dans l’autre hypothèse, est-elle comparable aux fentes des œufs de Plagiostomes, et permet-elle, comme il est très-probable que cela a lieu chez ces derniers, l'entrée de l’eau pour l’accomplissement du phénomène de l’hématose 1?

À ces questions nulle réponse n’est possible quant à plsent en lsieuct de renseignements sur le mode de reproduction du Lépidosiren. Si la suppo- sition que le cocon est la membrane externe d’un œuf venait à se justi- fier, elle fournirait un argument de plus aux zoologistes qui les considèrent comme des Poissons et leur assignent, sous le nom de Dipnoi, le rang de sous-classe. Ce n’est point ici le lieu de discuter la véritable place de ces êtres paradoxaux. Je dois cependant rappeler que, dans ses Observations déjà citées, M. Gray rassemble les raisons qui lui paraissent prouver que ce sont des Batraciens, malgré les faits si concluants précédemment réunis par M. Richard Owen pour démontrer qu’ils appartiennent à la classe des Poissons. Entre ces deux opinions extrêmes, soutenues l’une et l’autre par de très-habiles défenseurs, vient se placer celle plus récente de M. Mac Donnell, qui considère les animaux du groupe dont il s’agit comme les types d’une classe intermédiaire aux Batraciens et aux Poissons. (Natur.: hist. Review. 1860, p. 93-419, 4 pl. 2.)

1. J'ai discuté cette question de physiologie dans le tome I de mon /chthyologie ass ou Histoire naturelle des Poissons, p. 352.

2. Mon père, dans le tome IX de son Erpét. génér. il a parlé { Appendice, p. 208-213) du Lépidosiren qu'il rapporte à la classe des poissons, a présenté un historique des travaux auxquels l'étude de l’organisation de cet animal avait donné lieu jusqu'en 4854, époque de la publication du tome IX.

En 1861, M. Carleer (Exam. des princip. classificat., p. 215-221) a également tiré de l'examen comparatif des caractères anatomiques la conclusion que le Lépidosiren doit prendre es. dans la classe des Poissons il le place entre les Plagiostomes et les Ganoïdes.

NOTE

SUR LA

COLLECTION DES REPTILES

ET

DES BATRACIENS “Du MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE

M. AUG. DUMÉRIL

15 novembre 1864.

En 4857, lorsque j’eus l'honneur d'être appelé à occuper, au Muséum d'histoire naturelle, après quatre années de suppléance, la chaire d’Erpé- tologie et d'Ichthyologie, que la retraite de mon père venait de laisser vacante, je considérai comme un devoir de placer, sous les yeux de l’Assemblée des Professeurs-Administrateurs, es catalogues des collections dont la direction m'était confiée. C'était constater officiellement l’état de prospérité dans lequel elles étaient laissées, à la fin d'un professorat de cinquante années. « Nul hommage du nouveau professeur, disais-je dans une lettre à mes honorables collègues, le 26 mai 1857 (Archives du Mus., t. IX, feuille a), ne me semble préférable à celui qui consiste dans un simple, mais fidèle exposé des titres à la reconnaissance que son prédécesseur s'est acquis par la manière dont il a

8 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

rempli les fonctions dont il était chargé, et au nombre desquelles les soins à donner aux collections occupent une place très-importante. »

Le catalogue méthodique et complet que je soumis à l’Assemblée, et qui fut alors déposé à la Bibliothèque du Muséum, servira à conserver le souvenir de la situation se trouvait, au commencement de l’année dont il s’agit, la collection des Reptiles et des Batraciens vraiment admirable et par le nombre des individus qu’elle renferme et par leur bon état de conservation 4.

Quand mon père publia, en collaboration avec Bibron, le premier volume de l'Erpétologie générale (183h), un recensement de tous les Reptiles et Ba- traciens du Muséum avait été fait, et donnait un total de 846 espèces; mais en 4857 l'Établissement en possédait 1393, ainsi réparties :

RePrTiLes : Chéloniens, 126. Sauriens, 504. Ophidiens, 523. BATRACIENS : Serpentiformes ou Cæciloïdes, 9. Anoures, 185. Uro- dèles, 16.

Aujourd’hui, leur nombre s’est encore accru, et d’une facon assez notable pour qu'il m'ait paru utile de compléter le catalogue dont il vient d’être ques- tion. Cet accroissement est dû, soit à des présents, soit à quelques acquisi- tions toujours fort rares, à cause des faibles ressources du Muséum, soit enfin à un système d'échanges établi avec différents musées d'Europe, d'Amérique et d'Australie.

Le catalogue ainsi augmenté a été vu par l’Assemblée des Professeurs- Administrateurs, qui m'a autorisé à en présenter un résumé dans le présent Bulletin annexé à nos Wouvelles Archives.

Cette liste, il est à peine nécessaire de le dire, ne contient l’énuméra-

1. Peu de temps après (4 août et 6 octobre 1857), je plaçai sur le bureau de l’Assemblée le catalogue de la Ménagerie des Reptiles et celui de la collection des Poissons. Des lettres accompa- gnant ce dépôt, et qui sont insérées dans les Archives du Muséum, t. X, p. 429-433, contiennent le résumé des deux catalogues qui ont pris place dans la Bibliothèque de l’Établissement. Is sont

BULLETIN. h9

tion que des individus exposés aux regards du public dans les galeries de z00- logie. Les doubles, en assez grand nombre, ne pouvaient pas figurer dans ce dénombrement. Ils sont destinés, les uns, à être conservés, et ne sont pas placés dans les armoires de nos salles, uniquement par suite du défaut de place; les autres, soit à permettre les échanges dont je parlais tout à l'heure, soit à enrichir les facultés des sciences des départements, ou même certains établissements d'éducation.

Le catalogue comprend 5,924 individus (5,032 Reptiles et 892 Batra- ciens) appartenant à 421 genres divisés en 1,551 espèces ainsi réparties 1 :

REPTILES (336 Genres, 1301 ESPÈCES

Genres. Espèces. Genres. Espèces,

CHÉLONIENS. sesccsovsmeseossssse + LE . H ASE 137 Chersites ou Us ee. cuite 4 29 Élodites » paludines. ........ 14 88 Potamites » fluviatiles. ........ 3 t 12 » US 4 10 SRE 2 ï 8

SAUMIEN M dieser aurai vivres ENS e.: 945 “échos ou doi cles: MER ART EAP ISPES 3 16 Caméléoniens ou Chélopodes......... à 1 47 Geckotiens ou Ascalabotes............. Lise 84 Yaraniens ou Platvnotes..... hr vote 1 17 Iguaniens pleurodontes.. ........:..-.. 381 5 ATOS acrodontes {Agamiens)....... ina 63 Lacertiens ou Autosaures...........: AR ac 69 Chalcidiens ptychopleures............. LR 35 Amphisbéniens ou Glyptodermes. ...... oO 18 Scincoïdiens res 1 ANGES. SF. HD 18

OPHIDIÉENS. mens ssie es eds sole shceu 490 ec à 619 . Opotérodontes ou uTy TE M <> D 0: 31

Aglyphodontes...... siotie Dricviarts 090 à

Opisthoglyphes. .....:.-+.::-:-..: #1 127 Protéroglyphes.. ..........+...+.+1: 18 74% Solénoglyphes..............-"..1:: 1% 49

A reporter... ME m0 PR)

1. Le mode de répartition que jindique ici est conforme à la classification adoptée dans l'Erpétologie générale.

7 1 .

50 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

BATRACIENS (85 GENRES, 250 ESPÈCES)

Genres. Espèces. Genres. Espèces.

Report... Fe LG s. L #30

PÉROMÈLES OU COECILOÏDES. ............. Mi jus 13

Re Re ne. ee 187 rite POP SU RO NE MR 49 44 Mr lomes : +. 1504 SN OA nn s0: ac 57 RAP. 1, 5 Te Cie A Ce 53

OR Ro men dm te 5. 2 50

421 41551

La collection des Reptiles et des Batraciens renferme donc 421 genres et 1551 espèces. Le nombre de ces dernières était, en mai 1857 (Arch. du Mus.., t. IX, feuille a), de 1393; ainsi, il s’est accru, depuis cette époque, de 158 es- pèces.

Je dois rappeler que tous les Reptiles du Cabinet qui ont servi à la déter- mination d'espèces nouvelles portent une indication particulière destinéé à montrer qu'ils sont des types.

Lacépède, Alex. Brongniart, Cuvier, Daudin, Oppel, Schweigger, et diffé" rents autres naturalistes, ont puisé dans cette collection, pour leurs travaux. comme à une source abondante. Elle a ensuite été décrite dans l'Erpétologie générale de mon père et de Bibron, à laquelle j'ai eu l'honneur de prendre part comme Collaborateur pour la rédaction de quelques chapitres du tome VII. Depuis cette époque, j'ai fait connaître quelques-uns dés nouveaux accroïsse- ments de nos richesses erpétologiques dans deux Mémoires que renferment les tomes VII et X des Archives du Muséum. Plus récemment encore, les Ser- pents du Musée de Paris ont fourni de nombreux et importants matériaux à M. le professeur Jan, dirécteur du Musée de Milan, pour la publication de sa magnifique /conographie générale des Ophidiens, dont 8 livraisons com- posées chacune de 6 planches ont déjà paru.

CATALOGUE

RAISONNÉ

DES OISEAUX

OBSERVÉS DANS LA SUBDIVISION DE MILIANAH (ALGÉRIE)

DE NOVEMBRE 1856 A NOVEMBRE 1858,

RODOLPHE GERMAIN

CORR Ê. DU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE.

PREMIER ORDRE. OISEAUX DE PROIE. ACCIPITRES.

OISEAUX DE PROIE DIURNES. ACCIPITRES DIURNI. FAMILLE DES VAUTOURS. VULTURIDÆ. s Genre Vautour. Vuliur.

1. YVautour fauve. V. fulvus.

Très-abondant de mars à octobre dans toute la subdivision de Milianah. Si l'on en rencon- tre quelques rares sujets au Cœur de l'hiver, c’est qu’ils sont probablement attirés, en ‘dehors de leur station hibernale, par les intermittences de beau temps pendant lesquelles les mon- tagnes perdent la neige qui les recouvre en celle saison. On le voit fréquemment le matin planer sur la ville, dont il visite les alentours; il niche sur un des contre-forts rocheux du Zaccar, à l’ouest de la ville, au-dessus du télégraphe dit du Zaccar; il y en a aussi plusieurs couples sur le versant de cette montagne qui regarde Haummam-Rira, à hauteur du poste arabe de Mammeroun. Il se renconire bien plus abondamment dans les montagnes de la rive gau- che du Chélif, J'en ai vu, en 1857, dans la tribu des Matmatas, une réunion d’une quarantaine

2

NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

d'individus, qui nichaient dans l’anfractuosité d’un rocher qui domine à pic le cours de l'Oued-deur-deur. J'en ai possédé deux mâles vieux. J'y suis revenu exprès à la même époque, en 4858, et je ne les ai pas retrouvés.

Ces Vautours s'élèvent à des hauteurs prodigieuses pour découvrir la proie qu'ils cherchent ; ils se réunissent en grand nombre, et ce n’est qu'en décrivant des cercles successivement moins étendus, qu’ils descendent sur la proie qu'ils ont aperçue. J'ai été témoin, au mois de juin 1858, des préparatifs de la curée d’un cheval mort, abandonné sur la route d'Orléans- ville, à une heure du village de Duperré. A un kilomètre environ de ce cheval, je vis un Vau- tour descendre à terre brusquement, puis un autre, et enfin j'en vis une centaine planer en cercle au-dessus de l'animal et s’abattre successivement. Chose remarquable, c’est qu'au- cun d'eux ne descendit directement sur le cheval : ils s'étaient formés en troupes, dont une de plus de quarante individus, groupés en ligne, impassibles et lui faisant face, à trente mètres environ de ce cadavre, dont prenait paisiblement sa part un chacal. Je pus les appro- cher à une petite portée de fusil, et ils ne s’envolèrent qu'en me voyant marcher directement sur eux. L'Arabe qui m'accompagnait m'a assuré que, si j'avais guidé mon cheval de façon à les côtoyer, j'aurais pu passer à six pas d’eux sans les faire envoler.

Cet oiseau pris, même vieux, s’accoutume facilement à l'homme; j'en ai eu deux, et au bout de peu de jours j'ai pu les approcher et même les toucher sans danger.

Les Arabes ne le craignent aucunement pour le menu bétail, différant en cela des pâtres de la Dalmatie et des îles de la Méditerranée (Temminck); cela tient sans doute à ce que cet oiseau, dont le vol est si puissant, trouve en Algérie une nourriture suffisante dans les bêtes abandonnées sur les vastes étendues qu'il parcourt,

Genre Néophron. Neophron.

. Néophron percnoptère. . percnopterus.

Très-commun depuis le mois d’avril jusqu’au mois de septembre.

On le voit sur tous les marchés il descend souvent près des Arabes retardataires, sur les. parties sont abandonnées les issues de moutons abattus. Il niche dans les parties escarpées des montagnes environnantes. Un couple a fait son nid en 1857 dans une anfractuosité du rocher sur lequel est bâti l'hôpital militaire de Milianah.

Genre Gypaète. Gypaelos.

3 Gypaète barbu. G, barbatus.

Assez répandu et sédentaire, il niche dans le Zaccar, dans les parties indiquées pour le Vautour fauve.

On en voit journellement planer au-dessus des fortifications de Milianah et en passer très- près, principalement au voisinage du petit quartier d'infanterie, se trouve une assez grande quantité de volailles. Ils planent au-dessus pendant près d’nn quart d'heure, s’en éloignant, s’en rapprochant; mais je n’ai jamais entendu dire qu’ils en avaient enlevé. Mais il est ce- pendant notoire qu'ils causent, aux fermes situées dans les jardins, des dommages assez sen- Sibles. C’est de midi à une heure qu’on les voit le plus souvent, et il est facile de les tirer,

BULLETIN. 53

mais très-difficile de les tuer. On les trouve encore dans les cercles de Teniet et de Cher- chell, partout il y a de hautes montagnes.

FAMILLE DES FAUCONS. FALCONIDÆ. PREMIÈRE SECTION. FAUCONS DITS IGNOBLES.

Genre Aigle. Aquila.

h. Aigle fauve. À. fulva.

SL

Très-commun, niche dans les mêmes montagnes que les précédents, mais dans les en- droits plus accessibles. J'ai pu en avoir quatre couples dénichés par des Arabes au prin temps dernier.

On est à peu près sûr d’avoir l’occasion d’en tirer à l'endroit dit des Trembles, à un kilo- mètre environ du pont du Hachem sur la route d’Orléansville.

Les jeunes sont difficiles à élever, les plus forts attaquent les plus faibles, et s’il en suc- combe, ils sont dévorés; j'ai constaté ce fait cette année.

. Aigle à queue barrée. À. fasciala.

Rare; j'ai eu une femelle tuée sur le nid, dans les Beni-Menasser, au mois mars der- nier. é On les voit quelquefois dans les plaines marécageuses de la plaine du Chélif.

6. Aigle ravisseur. À. nœvioides.

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ee

Se rencontre dans les montagnes des Beni-Menasser. J'en ai vu deux vivants qui en pro- venaient, l’un, en 4857, appartenant à M. le sous-inspecteur des forêts, et l'autre, en 1858, élevé par le concierge du quartier de cavalerie.

. Aigle criard. À. nœvia. Un sujet vivant m'a été donné à Cherchell en 4857.

. Aigle botté. A. pennala.

Rare dans le cercle de Milianah; très-commun dans celui de Teniet-el-Haad . Genre Circaète. Circaetus.

_ Circaète Jean le Blanc. C. galhcus.

Commun aux environs de la ville; on le voit souvent planer au-dessus des habitations isolées, il enlève des volailles. J'en ai eu deux tués dans la mème semaine par le même individu.

Un autre sujet, tué sur la route de Teniet-el-Haad, dépassait de beaucoup la taille ordi- paire, il mesurait en longueur soixante-quatorzé centimètres, et les taches du dessous du corps étaient plus grandes que celles des deux autres que j'ai observés.

Il m’a semblé se rapporter à l'espèce douteuse désignée sous le nom de Circaelus hypo- leucos par MM. Kayserling et Blasius.

NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

Genre Buse. LButeo.

10. Buse pattue. B. lagopus.

J'en ai eu un sujet provenant du village de Vesoul-Benin, il ne pouvait être préparé, je ne l'ai pas conservé.

Cet oiseau, dont les tarses sont emplumés à la manière de ceux des Pigeons pattus, n’a pas encore été observé en Algérie; il n’est pas porté sur le catalogue que M. le capitaine Loche a fait paraître en 4857, commencement de cette année, J'en donne comme certaine la Capture faite à Milianah, et de plus, je suis convaincu d’en avoir vu un sur la route d'Orléans- ville à l'Oued-Isly, au mois de juin.

10 bis. Buse d'Algérie. B. cirtensis.

J'ai trouvé deux sujets de cette espèce, l’un dans le cercle de Teniet-el-Haad, l’autre dans celui de Milianah, plaine du Chélif.

Genre Milan. Yilous.

A1. Milan royal. Y. regalis.

Cet oiseau ne se trouve nulle part dans le Zaccar; mais on le rencontre abondamment sur la rive gauche du Chélif et dans tout le cercle de Teniet-el-Haad. Il visite toutes les régions se trouvent des douars arabes auxquels il enlève beaucoup de volailles, il en est peu l’on n'aurait journellement l’occasion de le tuer. |

12, Milan noir, M, niger.

Très-rare; se rencontre dans la tribu des Attafs dont il fréquente le marché en compagnie du Néophron.

.Genre Buzard. Circus.

13. Buzard ordinaire. €. rufus.

Commun dans le cercle de Teniet-el-Haad dont il fréquente les cours d’eaux habités par un grand nombre d'oiseaux aquatiques, tels que le Harrou-Assel et ses affluents. On ne le voit guère que sur les rivières dont les bords sont marécageux et couverts d'oiseaux.

44. Buzard Saint-Martin. C. cyaneus.

Assez répandu. J'en ai eu deux individus jeunes, l’un tué à Teniet-el-Haad, l’autre dans la plaine du Chélif j'en ai vu fréquemment, Je n’ai trouvé dans l'estomac du dernier que des débris de grosses Sauterelles.

Genre Épervier. Astur.

E Épervier ordinaire. 4. nisus.

Très-répandu.

BULLETIN. 55

16. Epervier major. A. major. Se rencontre dans les montagnes des Beni-Menasser. J'en ai vu trois sujets, dont un vieux mâle ; l’un des trois a été tué sur la route de Marengo à Cherchell; les deux autres, dans les montagnes précitées.

DEUXIÈME SECTION. FAUCONS DITS NOBLES. Genre Faucon. Falco.

17. Faucon lanier. F. lanarius.

Répandu. J'en ai tué deux au rocher dit d'Abd-el-Kader, au-dessous du télégraphe du Zac- car. Il y niche. On le trouve dans le Zaccar et le Beni-Menasser. Il est commun dans le cercle de Teniet-el-Haad.

A8. Faucon punique. F. punicus.

Se rencontre accidentellement dans le cercle de Milianah. Deux sujets y ont été tués à ma connaissance, l’un au rocher précité, et l’autre dans la plaine du Chélif.

Cet oiseau qui, jusqu’à ce jour, n'a été signalé que dans le sud de l'Algérie, est répandu dans le cercle de Teniet, dans le Siouf, les Ouled-Ayad, les Ouled-Bessem, tribus dont le territoire est accidenté, nu et pierreux. On l'y voit fréquemment en observation sur ces pyramides de pierres que les Arabes élèvent par un sentiment religieux.

19. Faucon kobez. F. vespertinus.

J'ai tué deux vieilles femelles de cette espèce au mois de mars dernier, dans les plantations

qui entourent l'Oued-Boutan. Ce sont les seules que j'aie vues.

90. Faucon cresserelle. F. Tinnunculus. Très-commun.

OISEAUX DE PROIE NOCTURNES. _—— ACCIPITRES NOCTURNI. FAMILLE DES ÆGOLIENS. STRIGIDÆ. Genre Chouette. Strix.

PREMIÈRE SECTION. CHOUETTES NOCTURNES.

Niche dans le Zaccar. On l'entend fréquemment nuit à Milianah.

29, Chouette chevêche. S. psilodactyla.

Très-commune dans les berges du Chélif principalement, et dans les parties accidentées du

56 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUNM.

cercle. Cet oiseau a les habitudes des Chouettes accipitrines; on le voit, en effet, toujours en observation au sommet des berges du Chélif, ou au sommet des pierres ou sur les marabouts de la plaine; il distingue le chasseur et le fuit de loin, par un vol aisé, très-étendu, et dont le but paraît bien déterminé à l'avance. 11 doit chasser pendant le jour.

[o O2

. Chouette effraie. S, flammea. Commun autour de la ville.

DEUXIÈME SECTION. HIBOUX.

24. Hibou brachyote. S. brachyotos.

* Dans les bois qui couvrent le Zaccar.

25. Hibou ascalaphe. S. ascalaphus.

M. Rolland, quincaillier à Milianah, en possède un empaillé qui a été tué dans le Zaccar.

DEUXIÈME ORDRE. OISEAUX SYLVAINS. SYLVICOLEÆ. FAMILLE DES PICS. PICIDÆ. Genre Pie. Picus. 26. Pic numide. P, numidicus. Commun dans les forêts de chêne, du côté des Beni-Menasser et dans le cercle de Teniet- el-Haad.

27. Pic algérien. P. algirus (Levaillant). Se rencontre dans les mêmes lieux que le précédent.

Genre Æ'orecol. Yunx,

28. Torcol verticille. Y. torquilla: Peu répandu. Se rencontre en toute saison dans les jardins qui avoisinent la ville.

FAMILLE DES COUCOUS. CUCULIDÆ. Genre Coucou. Cuculus.

29. Coucou gris. C. canorus. Commun partout au printemps,

BULLETIN. 57

30. Coucou geai. C. glandarius.

Très-répandu au printemps et en été dans les montagnes de la rive gauche du Chélif; ne se voit jamais à Milianah ni plus au nord.

Cet oiseau, peu farouche, se rencontre par couples, dans les bois, dans les plaines un peu boisées, et sur les bords des rivières. Il est très-facile généralement de tuer le mâle et la femelle du même coup de fusil, ils se suivent de très-près, se posent l'un à côté de l’autre et semblent toujours jouer. |

Il paraît faire sa principale nourriture de chenilles velues et de petits escargots; je n'ai trouvé que cela dans l'estomac de quatre individus; j'y ai vu des débris ayant appar- tenir à des escargots plus gros qu'une grosse noisette. Chez tous les sujets que j'ai abattus, les côtés de la gorge, depuis la commissure du bec, étaient souillés par une matière jau- nâtre agglutinant les plumes.

FAMILLE DES FRINGILLES. FRINGILLIDÆ. Genre Bouvreuil. Phyrrhula.

30 bis. Bouvreuil cini, 2. serinus. Commun.

30 ter. Bouvreuil Githagine; P. Githagineu. J'ai rencontré une fois cet oiseau dans la tribu des Sioufs, cercle de Teniet-el-Haad.

Genre Gros bee. Cocothraustes. 31. Gros bec ordinaire. €. vulgaris.

Se rencontre toute l’année dans les jardins de Milianah, surtout en automne. Il se cantonne au printemps et en été dans la tribu des Rhigas, partout se trouvent encore des Merisiers.

Genre Verdier. (Chlorospiza.

32. Verdier ordinaire. €. chloris. Commun toute l’année dans les jardins.

Genre Moineau. Passer.

33. Moineau domestique. P. domesticus. Très-commun.

3h. Moineau espagnol. P. hispaniolensis.

On en rencontre deux espèces différant par la taille surtout. L'une à dix-sept à dix-huit centimètres et demi de longueur, l’autre seize centimètres seulement. La plus grosse espèce est sédentaire à Milianah, et s'y réunit au moineau domestique. Chez elle, le noir du dos et

oitrine est moins profond, et les taches des flancs plus espacées que chez la petite ver, dans le sud du cercle de Teniet- h

de la p espèce, qui y niche seulement et semble se retirer en hi

58 : NOUVELLES ARÉHIVES DU MUSEUM.

el-Haad, j'en ai va de prodigieuses quantités en décembre 1857, sur les roseaux qui couvrent les cours d'eau.

Cette espèce arrive par bandes considérables, et niche dans les plantations de peupliers qui entourent l'Oued-Boutan. Ces peupliers étaient surchargés de nids cette année; j'en ai compté jusqu'à dix sur le même arbre, .et il ny a pas d’exagération à dire qu'il y en avait au moins mille. dans le même cantonnement, Elle cause des rayages considérables dans les champs environnants à la maturité des grains; aussi les colons lui font-ils une guerre d’exter- mination; ils arrivent le plus souvent à l'expulser en mettant obstacle à sa nidification. La troupe qui fait l’objet. de cette observation, n'a pas pu la mener à bonne fin, elle a émigré, à la grande satisfaction des colons d' Affreville. Elle avait déjà été chassée un mois auparavant (avril). d'Aïn-Deila, elle s'était établie dans les oliviers. Les Arabes avaient employé le _ même moyen.

L'espèce sédentaire du moineau espagnol forme, avec le moineau domestique, des troupes considérables, qui vivent par petites bandes dans la plaine du Chéiif, et rentrent tous les soirs en ville, ils passent Ja nuit sur les arbres de la rue Saint-Paul. Il,est très-curieux de les voir rentrer par bandes nombreuses; il y a un défilé non interrompu qui dure au moins une heure, et quand la nuit a fait cesser leurs-pioulleries, on en tuerait au hasard sur chaque arbre. Nulle part je n’en ai trouvé un aussi grand nombre. La différence de taille de l'espèce voyageuse me paraît devoir être attribuée aux privations que les jeunes de l'année doivent subir dans leur premier hiver, privations faciles à supposer par l'augmentation incroyable des familles. Une seule saison augmente une troupe de quatre fois son nombre popaibt, en comp tant seulement quatre petits par nid, ce qui est un spi mini.

35. Moineau souci. P. petronia. 3

Commun, vit en troupes sur les iert qui avoisinent la ville. On en voit quel- ques individus solitaires sur les vieilles constructions. Ils y font rip pe he ro leur cri triste et plaintif.

Genre Pinson. Fringilla.

36. Pinson ordinaire. F, Cœlebs. J'ai tué un mâle de cette espèce le 15 mars 4858, dans un ravin boisé, à une lieue de Milia- nah, l'espèce africaine est très-nombreuse. Mais en 1860, j'en ai tué un grand nombre, 37. Pinson aux joues grises. F. POS sin énne mnrm Commun partout en toute saison. ;

Genre choblnnet, Carduelis. 38. Chardonneret élégant. C. elegans. 39. Chardonneret tarin. €, spinus.. ;fomqun en tout temps dans les jardins, si En Mr-sutengnent Gnnainbinos 05 1H0D 29 <yH68rnn 0. - | Linotte ordinaires GR :linota. . Fees énsiisrencisé : sidines is-idamielues:

BULLETIN. 59

H Genre Bruant. Emberiza.

hA. Bruant zizi, E. cirlus. Toute l’année. h2. Bruant fou. Æ. cia.

Très-commun dans la montagne, et en hiver, dans les jardins limitrophes.

h2 bis. Bruant ortolan. Æ+: Hortulana. Se voit peu fréquemment.

h3. Bruant des roseaux. £. schœæniculus. Au printemps et en été, sur les bords de l'Oued-Boutan.

hh. Bruant Proyer. £. miliaria. _ Très-commun partout. Ceux de la montagne ont un céntimètre et demi à deux céntimètrés | de plus, en longueur, que ceux de la plaine. On en voit fréquemment des variétés avec les ailes et la queue en partie blanches; il y en à aussi de tout à fait blancs. WrB1Q

Re nai 3

FAMILLE DES MÉSANGES.— PARIDÆ,

" .besths-ssint sb Genre Mésange. Parus.

h5. Mésange charbonnière. P. major. Répandue en toute saison.

h6. Mésange bleuâtre. P. ceruleanus. Répandue.

h7. Mésange Ledoux. P: Ledouci: -

Commune dans les forêts de chènes du Zaccar, des Beni-Menasser et des montagnes de la rive gauche du Chélif. A Milianab, elle descend quelquefois en hiver dans les jardins les plus élevés! Partout l’on rencontre cette espèce, on est certain de trouver le Geai cervical qui,

| comme‘elle, paraît ne se rencontrer qu'à une altitude déterminée, que j'évalue à sept huit cents mètres au-dessus du niveau de la mer. Je crois aussi que ces deux espèces n’habitent que les régions élevées la neige est durable en hiver.

Voici comment j'ai été amené à ces deux observations. Milianah, dont l'altitude est de sept à huit cents mètres) estisitué sur un plateau du versant sud du Zaccar, qui forme en hiver une ligne de démarcation bien tranchée entre les neiges durables et celles qui durent peu. Les rues de Milianah et les versants qui la dofiinerit sontlon gtemps ts de neige; celle-ci fond en moins de vingt-quatre heures, et le plus souvent de suite dans les jardins que la ville do-

mine. En été, on ne trouve la Mésange Ledoux que beaucoup'au-dessus de Milianah; mais en hiver et en automne, on la rencontre dans les jardiné qui sont à hauteur du plateau de Milia- nah; jamais, à la même époque, on ne la voit dans ceux qui lui sont inférieurs.

60 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

De mème dans les montagnes de la rive gauche du Chélif, je ne lai jamais rencontrée, sur la route de Teniet, qu’à quatre ou cinq lieues de ce poste, dans des bois aussi élevés que Mi- lianah. Bien avant ces bois élevés, on en parcourt d’autres pousse le chène vert, et la Mésange Ledoux n’habite pas. Dans ces points du cercle de Teniet aussi, la neige est durable en hiver.

FAMILLE DES CORBEAUX. CORVIDÆ. Genre Corbeau. Corvus.

h8. Corbeau ordinaire. C. corax. Quelques couples isolés fréquentent les marchés arabes en compagnie du Néophron.

h9.— Corbeau choucas, €. monedula. : Peu répandu. Habite par bandes les berges du Chélif, et se rencontre en hiver, dans les plaines du cercle de Teniet, en compagnie du Pigeon ramier.

Genre Chocard. Pyrrhocorax.

50. Chocard alpin. P, coracias. Se rencontre en petit nombre dans les montagnes rocheuses du cercle de Teniet-el-Haad.

Genre Pie. Pica. 51. Pie de Mauritanie, P, Mauritanica. Se rencontre isolément dans le cercle de Cherchell, et en troupes nombreuses dans celui de Teniet-el-Haad.

Genre Geai, Garrulus.

92. Geai cervical. G. cervicalis. Assez répandu dans les montagnes des Beni-Menasser, et beaucoup plus dans celles de Teniet-el-Haad. 11 habite les forêts de chênes. Les observations faites pour la Mésange Le- doux lui sont applicables,

FAMILLE DES ÉTOURNEAUX. STURNIDÆ. Genre Étourneau. Sturnus.

53. Étourneau vulgaire. S. vulgaris. En bandes considérables, en hiver.

3

BULLETIN. 61

FAMILLE DES CHÉLIDONS. HIRUNDINIDÆ. Genre Hirondelle. Airundo,

54. Hirondelle de cheminée. /1. rustiea. 55. Hirondelle de fenêtre. #, urbica. Aussi commune qu’en France. 96. Hirondelle rufuline. Æ. rufula. | J'en ai vu plusieurs cette année à Milianah même, sur le lac du jardin du cercle. 57. Hirondelle de rivage. H. riparia. Commune au printemps et en été sur le Chélif. 58. Hirondelle de rocher. H. rupestris. Rare. Se rencontre auprès d’un rocher qui domine à pic le cours de l'Oued-Deur-Deur, à douze lieues de Milianah.

Genre Martinet. Cypselus. 59. Martinet noir. C. apus. : Plus rare qu’en France. Genre Engoulevent. Caprimulqus. 60. Engoulevent vulgaire. C. apus. Commun dans les parties boisées. On le voit fréquemment le soir sur la route de Blidah.

61. Engoulevent à collier roux. = €. ruficollis. Très-commun dans les ravins boisés qui dominent le village de Lavarande.

62. Engoulevent Isabelle. €. /sabellinus.

J'en ai yu un au mois de juin 4857, dans un bois du cercle de Teniet-el-Haad. L2

FAMILLE DÉS GOBE-MOUCHES, = MUSCICAPIDÆ. 5 Genre Gobe-mouche. Muscicapa. 63. Gobe-mouche gris. M. grisolà. Commun dans les jardins d'avril à septembre. 63 bis. Gobe-mouche à collier. #. albicollis. Assez commun au printemps et en été.

64. Gobe-mouche noir. M. atricapilla. Commun dans les bois du cerele de Teniet.

62 NOUVELLES ARGHEVES DU MUSEUM.

FAMILLE DES PIES GRIÈCHES. LANIADÆ. Genre Pie-grièche. Lanius.

65. Pie grièche d'Algérie. L. algeriensis. Commune dans la plaine du Chélif et dans toutes les parties broussailleuses de la subdi-

vision.

66. Pie grièche tchagra. L. {chagra.

Rare. Se rencontre accidentellement sur le versant sud du Zaccar.

67. Pie grièche rousse. L. rufus. Très-répandue d'avril à septembre.

FAMILLE DES ALOUETTES. 4 LAUDIDÆ. Genre Alouette. A/auda. 68. dlouette des champs. À. arvensis. 69. Alouette cochevis. A. crislala. Fr

70. Alouette calandrelle. A. en. Très-répandue dans les plaines.

71. Alouette calandre. À. calandra, Répandue sur la rive gauche du Chélif et dans les plaines de Tonic

FAMILLE DES MOTACILLES. #OTACILLIDÆ. Genre Bergeronnette. Hotacilla.

72. Bergeronnette grise. H. alba. Ne se voit qu’en hiver et au printemps:

73. Bergeronnette à tête cendrée. M. cinereo-capilla. Les parties humides de la plaine du Chélif, j'en ai tué une en 1857.

Genre Pipit. Anthus.

73 bis. Pipit Roux. A. rufescens. RS. A Plaines du Chélif.

BULLETIN. 63

. FAMILLE DES HYDROBATES. AYDROBA TIDÆ. Genré Cinele. Ciiclus.

7h: Cincle plongeur. C. aquaticus. Sédentaire. Se rencontre sur le cours de l'Oued-Anasseur {Milianah).

FAMILLE DES LORIOTS. ORIOLIDÆ. Genre Loriot. Oriolus.

75. Loriot jaune. O. galbula.

Commun dans les jardins du mois d'avril au mois d'octobre,

FAMILLE DES MERLES. TURDIDÆ.

Genre Merle. Turdus.

76. Merle noir. 1. merula. Très-commun. Lors de la maturité des fruits, c'est une chasse très-agréable que de se mettre à l'affût dans les endroits passent le soir, pour rentrer sous bois, tous ceux qui sont venus dans les jardins.

77. 2- Merle à plastron. T. torquatus. De passage en automne. 78. Merle grive. 1: musicus. De passage. Très-commun en automne et en hiver. 79. Merle draine: T. viscivorus. Exceptionnellement dans le cercle de Teniel.

80. Merle mauvis. T. iliacus. passage. Commun en automne et en hiver.

Genre Æurdoiïide. /x205.

84. Turdoïde obscur. T. obscurus. Commun sur les bords ombragés de l'Ouéd-Souffet, au lieu dit du Grand-Tournant, dans les gorges de l'Oued-el-Haunnam et dans quelques rayins humides des montagnes de la rive gauche du Chélif, ainsi que dans les vallées du cercle de Cherchell.

NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

Dans les hivers rigoureux, cet oiseau vient en assez grand nombre dans les jardins de Milianab, mais il y est muet, état tout opposé de celui qu’il a dans les lieux qu’il habite ordi- nairement. on le voit par troupes de cinq ou six individus {une famille probablement) voltigeant gaiement de broussailles en broussailles, et faisant entendre constamment un chant de rappel qui ne manque pas d'harmonie, et a, pour le timbre, de l’analogie avec les tons graves du chant de la Rousserollé turdoïde. Ils ne se quittent pas, s’envolent au coup de fusil, loin du chasseur, et restent un assez long temps silencieux. C'est en vain qu’on les cherche alors; mais dès qu'ils ont repris confiance, ils se trahissent par leur babil.

S'il y a eu mort d'un, son compagnon { probablement) reste près du lieu du sinistre, pous- sant fortement son cri de ralliement et voltigeant de droite à gauche, jusqu'à ce qu’il soit effarouché ou convaincu de l'inutilité de ses cris. Il s’envole alors au loin et on ne l'entend plus. Le Turdoïde obscur est doué d'un caractère de sociabilité exquise, qui ne ressemble en rien à celui des autres oiseaux vivant en troupes comme lui. On dirait, à la manière dont les sujets de cette espèce se groupent, se suivent et se pelotonnent sur une même branche, qu'il y a entre eux une sorte d'affection mutuelle : ils se rapprochent le plus souvent les uns des autres par de gracieux mouvements, et leur caquetage, qui s'accompagne toujours aussi de nombreuses caresses, ferait presque croire à une véritable conversation tant il est animé. Il semblerait même qu'il y a des amitiés particulières au sein de cette petite association, lorsqu'on ne voit qu’un seul compagnon rester sur les lieux un des membres de la troupe a succombé.

Le Turdoïde obscur s'élève très-bien en cage, et malgré les sombres couleurs de son man- teau, il n’en constitue pas moins, par son caractère de haute sociabilité et sa mimique intel- ligente, un charmant oiseau de volière.

n rencontre surtout cette espèce sur les bords des rivières couvertes des touffes du len-

tisque (brûle capote de nos troupiers); ils doivent en manger les baies.

Le vol du Turdoïde ressemble à celui des Mésanges, ce qui peut s'expliquer par l’analogie de forme des ailes. Les Cysticoles, le Grimpereau familier volent de la même manière.

Il s'écoule du bec de l'oiseau mort une salive noirâtre, ressemblant à celle que laissent échapper les Merles.

Genre Pétrocinele. Petrocincla.

82. Pétrocincle de roche. P, saxatilis.

Arrive en grand nombre en avril, sur le Lo il niche. Il en repart en septembre. On le voit aux portes de la ville.

83. Pétrocincle bleu. P, cyanea.

Commun dans les parties rocheuses du Zaccar, il est sédentaire, On le voit journellement sur la route de Blidah, au Grand-Tournant, surtout à la chute du jour.

Genre 'Fraquet. Saxicola.

8h. Traquet motteux. S. œnanthe.

Sédentaire dans la plaine du Chélif. Très-commun au printemps et en été, dans tous les lieux accidentés et nus.

BULLETIN. 65

85. Traquet stapazin. $S. stapazina. Commun au printemps et en été dans les mêmes lieux que le précédent.

86. Traquet oreillard. S. aurita. Même observation.

87. Traquet rieur. S. leucura. Commun et sédentaire dans les localités pierreuses du sud du cercle de Teniet-el-Haad principalement dans les tribus des Siouf et des Azis. :

88. Traquet tarier. S. rubetra. Commun en printemps et en été dans la plaine du Chélif. Ne se voit pas dans la montagne

89. Traquet rubicole. S. rubicola. Commun en toute saison.

Genre Rubiette. Erithacus.

90. Rubiette rossignol. £. luscinia. Très-répandue dans les jardins de Milianah, au printemps et en été.

O1. Rubiette Philomèle. £. Philomela.

99. —— Rubiette rouge queue. Æ. phenicurus. Dans les jardins et sur les mamelons boisés.

93. Rubiette tithys. £. tithys. Moins répandue.

94. Rubiette rouge-gorge. Æ£. rubecula. Aussi commune qu’en France.

95. Rubiette gorge bleue. £. cyanecula.

De passage. Se rencontre en petit nombre au printemps, le long de l'Oued-Boutan.

95 bis. Rubiette de Moussier. Æ. Moussieri.

Cet oiseau n’a été signalé encore que dans la province d'Oran, il a été découvert, et dans le sud de l'Algérie.

Il se rencontre en assez grand nombre sur le versant sud du Zaccar, à l’ouest de Milianah, dans les parties nues et arides de la tribu des Beni-Menade et du cercle de Teniet-el-Haad.

J'en ai vu un au mois d'octobre 4857, à une lieue de Blidah, dans le lit de l’Oued-Kebir. La présence de cet oiseau dans les régions indiquées ci-dessus prouve surabondamment qu'il ne doit plus être considéré comme habitant les pays les plus chauds. II est sédentaire mème dans le Zaccar, le froid est très-intense en hiver, et j'en ai vu une nichée sur la pointe la plus élevée de cette montagne, à quatorze cents mètres environ d'altitude. On le rencontre, du reste, jusque sur le littoral de la province d'Oran, j'ai tué les premiers sujets de ma collection.

Cet oiseau a la tude de percher au sommet de

k

turbulence et la vivacité des Traquets, mais il n’a pas comme eux l'habi- s broussailles. Dès qu’il est inquiété, il s'enfonce sous bois, et i

66 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

il est fort difficile de le retrouver, même s’il ne fuit pas loin, ce qu'il fait le plus souvent. Ordinairement il perche sur les branches de côté des pousses de chène vert, mais il est bien rare qu'il choisisse le point culminant.

Les mâles paraissent beaucoup plus abondants que les femelles. On est mis sur leurs traces par un cri aigu et triste qu'ils font entendre constamment. à

Cet oiseau passe généralement pour facile à confondre avec le Traquet rubicole, et je ne le comprends pas. Il me semble, au contraire, que quiconque l'a vu une fois dans la campagne, doit l'en distinguer aux plus grandes distances. Il s’en distingue par la coloration vive des parties inférieures, qui paraissent pourpres et bien plus vives chez l'oiseau vivant et en liberté que sur le mort, par la queue qui est bien manifestement rouge, et surtout par le bandeau blanc, large et brillant qui lui couvre les veux. Sur le mort, ce bandeau est d’un tiers moins large au moins que sur le vivant. M. le docteur Moussier avait donné à cette espèce récente le nom de Traquet à bandeau, dénomination qui dépeint exactement le trait caractéristique de son plumage. N'est-ce pas un tort de l’avoir rangé dans les Rubiettes? Le point bien mar- qué de rapprochement est dans le plumage de la femelle qui offre, il est vrai, une grande analogie avec celui de l’Erithacus tithys; mais par ses autres caractères, et surtout par ses habitudes, il s'éloigne des Rubiettes pour se rapprocher des Traquets. Comme eux, il a le corps court, ramassé, la tête large, la queue courte, carrément tronquée, et un mouvement constant s’accompagnant d’un cri. Il est abondant dans les lieux secs, pierreux, déserts et découverts, ne poussent que des broussailles rabougries et de maigres touffes d'herbes; les Rubiettes sont, en général, confiantes; lui, au contraire, fuit l’homme d'aussi loin qu’il l’'aperçoit. Il perche sur les branches de côté des arbustes, au lieu de se placer sur les nes culminants comme certains Traquets.

Genre Fauvette. Sylvia. 96. Fauvette à tête noire. S. atricapilla. Commune dans les jardins.

J'en ai trouvé une variété qui avait le menton jaune citron. Cette teinte jaune, manifeste sur l'oiseau en chair, a disparu peu de temps après sa préparation.

97. Fauvette des jardins. S. hortensis. Commune.

98. Fauvette Orphée. S. Orphea.

Répandue dans les jardins et dans les ravins boisés et ombreux, 99. Fauvette grisette. S. cinerea. 400. Fauvette mélanocéphale. $. melanocephala.

Très-répandue.

Genre Pouillot. Phyllopneuste.

A0. Pouillot siffleur. P. sibilatrix. 102. Pouillot fitis. P. trochilus.

BULLETIN. 67

103. Pouillot véloce. P. rufa. Répandu dans les jardins et les ravins humides.

104. Pouillot Bonelli. P. Bonelli.

Se rencontre sur les bords de l'Oued-Boutan. Genre Chloropète. (hloropela. 105. Chloropète pâle. C. pallida.

Se rencontre dans les jardins. Genre Agrobate. A4edon.

106. Agrobate rubigineux. A. rubiginosus. Commun dans les tamarins du lit du Chélif et au pied du versant sud du Zaccar, du mois d'avril au mois de septembre.

Genre Rousserolle. Calanoherpe.

107. Rousserolle turdoïde. €. turdoïdes. Commun sur les bords de l’Oued-Boutan à la même époque.

Genre Cettie. Cettia.

108. Cettie bouscarle. €. Cetti.

Répandue en tout temps le long des cours d'eau ombragés. Genre Phragmite. Calamodila. 109. Phragmite des jones. €. phragmiles. Commun le long des cours d’eau couverts de roseaux. 110. Phragmite aquatique. C. aqualica. Dans les mêmes lieux; mais moins commun. . Genre Cysticole. Cysticola. 111, Cysticole proprement dite. €. Schæœnicola. Dans toutes les parties humides des plaines. Genre Æroglodyte. Troglodyte. 142. Troglodyte d'Europe. 7. Europeus.

Moins répandu qu’en France.

68 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

FAMILLE DES GRIMPEREAUX. CERTHIADÆ. Genre Sitelle. Sitia.

113. Sitelle torche-pot. S. Europæa.

Se rencontre dans les forêts de chênes des Beni-Menasser.

Genre Grimpereau. Certhia.

A4. Grimpereau familier, C. familiaris. En très-petit nombre dans les jardins.

FAMILLE DES HUPPES. UPUPIDÆ. Genre Huppe. Upupa. 115. Huppe vulgaire. U. epops.

En petit nombre dans les plaines et sur les mamelons environnants, au printemps et en été. e

FAMILLE DES ROLLIERS. CORACIADIDÆ. Genre Rollier. Coracius.

116. Rollier commun. €. garrula. Très-répandu. Il se voit partout le lit des rivières présente des berges élevées. On le rencontre en grand nombre dans les plantations du village d’Affreville. Arrive en avril et repart en septembre.

FAMILLE DES GUËÊPIERS. MEROPIDÆ. Genre Guépier. Merops.

117. Guëêpier vulgaire. M. apiaster.

Très-commun d'avril en septembre. Il niche par bandes considérables dans les berges des rivières, et on ne le voit dans les régions plus élevées qu'après que les petits sont élevés. Alors on ne le rencontre qu’isolément, dans les lieux des troupes considérables ont niché.

A son arrivée, il se réunit en grandes troupes, qui passent les nuits sur un seul arbre, comme les Hirondelles, auprès desquelles ils se réunissent. J'en ai tué sept du même coup de fusil.

Blessé, il pousse un cri plaintif qu’il ne produit dans aucune autre circonstance.

BULLETIN. 69 FAMILLE DES ALCYONS. ALCEDINIDÆ Genre Martin-pêécheur. A/cedo. 118. Martin-pêcheur vulgaire. A. hispida.

Peu répandu. Se rencontre sur le cours du Chélif et de l'Oued-Boutan

TROISIÈME ORDRE.

PIGEONS. COLUMBÆ. | Genre Colombe. Columba. 149. Colombe ramier. C. palumbus.

Commun dans les Beni-Menasser; beaucoup plus nombreux dans les montagnes boisées du cercle de Teniet-el-Haad. Il se répand dans les plaines après la récolte.

420. Colombe biset. C. hvia.

Commune dans les berges du Chélif et dans les grottes des montagnes. 491. Colombe tourterelle. €. turtur.

Très-commune d'avril à octobre.

QUATRIÈME ORDRE. GALLINACÉS. GALLINE. FAMILLE DES GANGAS. PTEROCLIDÆ. Genre Ganga. Pterocles. 192. Ganga-cata. P. alchata. En troupes considérables dans la plaine du Chélif en automne.

193. Ganga unibande. P. arenarius.

L] Commun dans la plaine du Chélif, sur la rive gauche, en été et en automne.

FAMILLE DES PERDRIX. PERDIX. Genre Perdrix. Perdir.

194. Perdrix gambra. P. petrosa.

Très-commune partout.

70 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

125. Perdrix caille. P. coturnix. Il s’en effectue deux passages, l’un au printemps, l’autre en automne. Un petit nombre est sédentaire.

Genre Turnix, 7urnmx.

425 bis. Turnix africain. T, africana. Ne se rencontre que dans le cercle de Cherchell, il est sédentaire.

CINQUIÈME ORDRE. ÉCHASSIERS. GRALLATORES. FAMILLE DES OUTARDES. O0TIDÆ. Genre Gutarde. Otis. 126. Outarde canepetière. 0. tetrax.

Sédentaire en pelit nombre dans la plaine du Chélif, elle se trouve de passage en bandes considérables en automne.

497. Outarde houbara. 0. houbara.

Se rencontre dans le sud du cercle de Teniet-el-Haad, elle est rare.

FAMILLE DES PLUVIERS. CHARADIDÆ. Genre Œdienème. Œdicnemus.

128. OEdicnème criard. ŒÆ. crepitans. Commun en toute saison sur les parties caillouteuses des rives du Chélif et de ses affluents (l'Oued-Deur-Deur, l'Oued-Ruyna, l'Oued-Fodda ).

Genre Pluvier. Charadrius.

129. Pluvier doré. €. pluvialis. En hiver, dans la plaine du Chélif. Très-commun dans cette saison sur les __— du cercle de Teniet-el-Haad (Beni-Lent, Beni-Meïda ). 150. Pluvier rebaudet. €. hiaticula. Commun en tout temps sur les parties sablonneuses des rives du Chélif,

BULLETIN, 71

Genre Vanneau. Vanellus.

131. Vanneau huppé. V. cristatus. Répandu, du mois de septembre au mois de mars, dans les plaines humides.

FAMILLE DES GRUES. GRUIDÆ. Genre Grue. Grus.

132. Grue cendrée. G. cinerea. Très-répandue en hiver. Elle voyage en troupes considérables, surtout au sud de Teniet- el-Haad, dans les vallées du Larrou-Assel et de ses affluents.

FAMILLE DES HÉRONS A4RDEIDÆ. Genre Héron. Ardeu.

133. Héron cendré. A. cinerea. Se rencontre par couples, en toute saison, sur le cours du Chélif et des principales rivières. 134. Héron pourpré. À. purpurea. De passage isolément. J'en ai vu un au printemps dernier, que j'ai poursuivi longtemps sur les arbres qui bordent l’Oued-Boutan. j

135. Héron crabier. A. comata. J'en ai vu plusieurs à la même époque dans le même lieu. 136. Héron garde-bœuf. A. bubuleus. Assez répandu du mois de décembre au mois de février, dans les marais des Aribs, au sud-ouest de Milianah. 137. Héron butor. A. stellaris. Rare. Un couple a niché en 4858 dans le marais couvert de roseaux du hameau de l'Oued- Rehaune. 138. Héron blongios. A. minula. En hiver, dans les marais. 139. Héron bihoreau. A. nycticorax. En hiver, dans le marais des Aribs. Une famille a passé le printemps et l'été dernier dans une des parties humides et ombragées de l'Oued-Deur-Deur. Un jeune a été tué au mois de juillet dans la plaine du Chélif.

72 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

Genre Cigogne. Ciconia.

410. Cigogne blanche. C. alba. Au dire des Arabes, cet oiseau nichait à Milianab avant l'occupation française. Depuis il a disparu, et on n’en voit que bien rarement au printemps. On en a vu deux Sara planer un instant au-dessus de la ville et disparaître.

FAMILLE DES BIS. 72ISIDÆ. Genre Hbis. Jbis.

AA. Ibis chauve. 7. calvus. Un jeune sujet a été tué en été sur les bords de l’'Oued-Rehaune.

FAMILLE DES BÉCASSES. SCOLOPACID Æ. Genre Courlis., Numenius. 142. Courlis cendré. N, arquatus. Commun en hiver dans les parties humides des plaines. 145. Courlis Corlieu. N. phæopus. = Peu répandu. J'en ai tué un en août sur les bords du Chélif. 1h44. Courlis à bec grêle. N. tenuirostris. Très-commun en hiver sur les rives des rivières du cercle de Teniet-el-Haad. Genre Chevalier. Totanus. 145. Chevalier aboyeur. T. glottis. Fréquente en petit nombre le lit du Chélif en toute saison. 146. Chevalier cul blanc. T. ochrophus. Répandu en toute saison sur les bords des cours d’eau.

147. Chevalier guignette. T. hypoleucos.

Genre Bécasse. Scolopax. 148. Bécasse major. S. major. Abondante du mois d’octobre au mois de février. 149. Bécasse bécassine. S. gallinago.

Très-commune dans les marais en automne et en hiver. Quelques-unes restent toute l’an- née dans les points éloignés l'humidité persiste en été. :

BULLETIN. 73

150. Bécasse sourde. S. gallinula.

Moins répandue. 151. Bécasse ordinaire. $S, rusticola.

Assez commune dans les ravins humides et boisés. Elle y passe l'hiver et arrive en au-

tomne. Genre Bécasseau. Tringa.

152. Bécassine maubèche. + T. canutus.

Ea petit nombre, sur les rives du Chélif.

153. Bécassine minule. T, minuta. Plus répandue.

FAMILLE DES RALES. RALLIDÆ. Genre Räle. Rallus. 154. Râle d'eau. À. aquaticus. En toute saison, dans les lieux humides. 155. Râle de genêt. A. crex. Assez répandu.

156. Râle marouette. À. porzana. En hiver, dans les marais des Aribs.

457. Râle poussin. À. pusillus.

Commun dans le mème lieu en hiver et au printemps. Genre Gallinule. Gallinulu.

158. Poule d’eau ordinaire. G. chloropus. Peu répandue. Le long des ruisseaux marécageux.

SIXIÈME ORDRE.

PALMIPÈDES. NATATORES. FAMILLE DES MOUETTES. LARID Æ. Genre Sterne. Slerna.

159. Sterne Pierre Garin. S. hirundo. J'en ai tué une sur le Chélif, le 45 septembre 1858. £.

74 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.

FAMILLE DES CANARDS. ANATIDÆ.

160. Canard casarca. À. casarca. Se rencontre probablement en toute saison dans les vallées du Harrou-Assel et de ses affluents. J'en ai vu deux sur le Chélif, le 45 juin 1858.

461. Canard sauvage. À. boschas. Commun en hiver dans toutes les plaines humides.

162. Canard sarcelle. A. querquedula. On en voit en toute saison dans le lit du Chélif.

Si je n’ai rencontré, dans mes nombreuses excursions, que ces trois espèces de Canards, cela tient beaucoup plus aux difficultés que présente la chasse à l’époque de l'hiver qu'à l'absence des animaux eux-mêmes; car il est d'observation, au contraire, qu’il en passe d'énormes quantités pendant le cours de cette dernière saison.

Il y a, au sud de Teniet-el-Haad, vers les plateaux occupés par les tribus des Beni-Lent et des Beni-Meidar, des régions marécageuses qui méritent d’être citées, à cause de la quantité prodigieuse d'oiseaux d’eau qu’on y rencontre en tout temps et en toute saison. Le lac Fet- zara, qui a été signalé depuis longtemps en ce sens à l'attention des naturalistes, n’est pas mieux pourvu en espèces variées que le cercle de Canardville, nom pittoresque qui sert à désigner ordinairement cette contrée si riche en palmipèdes. Je ne doute pas qu’il n’y ait une mine féconde à exploiter, tant au point de vue des collections d'œufs à faire qu'à celui de réaliser la découverte de nouvelles espèces. La position géographique des lieux appuie, jusqu’à un certain point, cette manière de voir en ce qui touche particulièrement la recher- che des œufs; il serait à désirer que les bureaux arabes, qui ont là, comme ailleurs, un grand pouvoir d'action sur les indigènes, les engageassent à seconder les efforts du naturaliste en utilisant à son profit leur remarquable habileté à découvrir les nids.

*. RAPPORT

SUR QUELQUES ACQUISITIONS NOUVELLES

*

FAITES

PAR LA GALERIE ORNITHOLOGIQUE DU MUSÉUM

ADRESSÉ A L’ASSEMBLÉE DES PROFESSEURS-ADMINISTRATEURS, LE 17 OCTOBRE 1865

PAR M. MILNE EDWARDS

Toutes les fois qu’un zoologiste, qui prépare un travail monographique, vient consulter la partie des riches collections du Muséum placée sous ma direc- | tion, je crois devoir non-seulement lui donner toutes les facilités désirables pour ses études, mais aussi l’autoriser à publier la description des espèces nouvelles qu’il y pourra rencontrer. Une occasion d'exercer ce genre d’hospitalité scienti- fique s’est présentée il y a quelques semaines : M. D. G- Elliot, ornithologiste distingué des États-Unis d'Amérique, après avoir publié un ouvrage estimé sur les Pittidæ, a entrepris un travail analogue sur la grande famille des Faisans et il est venu à Paris pour consulter nos collections. Il y a remarqué tout d’abord une espèce nouvelle de Gallinacé du genre Eperonnier, qui nous avait été envoyé de Cochinchine par notre correspondant, M. Germain, et qui a été inscrit sur nos catalogues sous le nom de Polyplectron Germani. Get oiseau se rapproche beaucoup du Polyplectron thibetanum (ou P. Chiquis, Temm.) ; mais il s’en distingue par la teinte plus terreuse de son plumage et les taches qui sont plus serrées et d’un vert plus foncé. M. Elliot donnera, dans sa monographie, une figure de cet Éperonnier et, par conséquent, il ne me paraît pas nécessaire de le représenter ici ; mais je crois utile d'insérer dans notre bulletin les notes suivantes que cet ornithologiste m’a remises au sujet d’un autre oiseau, dont le Muséum est également redevable à M. Germain, et de deux espèces nouvelles de Passereaux de la Nouvelle-Grenade, qu'il a pu examiner au moment de leur arrivée ici. J'y joindrai la description d'une espèce nouvelle de Sittelle qui se trouvait parmi des oiseaux envoyés dernière- ment au Muséum par notre actif et savant correspondant à Pékin, le.R. P.

» #

76 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUNM.

Armand David, missionnaire de la congrégation des Lazaristes, et la descrip-

tion d’une nouvelle espèce du genre Turdus provenant de Madagascar. Ces descriptions ont été rédigées par mon nouvel aide naturaliste, M.-Jules Verraux, F qui, par ses connaissances étendues en ornithologie et son zèle pour les inté-

rêts de la science, rendra certainement beaucoup de services au Muséum.

$ I. GECINUS ERYTHROPYGIUS (Mus. Paris. Ms.). : (Bulletin, pl. IIE, fig. 1.)

Gecinus supra viridi olivaceus; capite caudaque nigris; uropygio rubro; gutture colloque antico flavescentibus ; subtus griseo albidoque squammatus. Rostro nigro, apice albido; pedibus cinereis.

Partie supérieure vert olive; tête et queue noires; croupion rouge vermillon ; menton gri- sâtre ; gorge, devant et côtés du cou jaune olive, devenant verdâtre sur la poitrine; reste des parties inférieures gris varié de blanc et squammées de gris foncé; rémiges primaires noires, tachetées et bordées de blanchâtre sur la partie externe, rayées régulièrement de blanc sur la partie interne; rectrices noires, bordées de vert olive sur une partie de leur longueur, à partir de la base; bec noirâtre à la base, blanchâtre à la pointe; tarses gris, ongles cornés; iris blan- châtre,.

L HORDE MSI 1 ed oi tue as A ee NO PT D dr does Om145 NU M 0 nn nn te ne 0 01 mn dt 0 (US 0®03 ta nu ermunt éthiet ose giilun 0" 03

Ce Pic du genre Gecinus, a été découvert en Cochinchine par M. Germain, vétérinaire de l’armée, et l’un des plus zélés naturalistes de notre expédition.

Comme pour les autres oiseaux que nous décrivons, nous lui conservons le nom manuscrit sous lequel nous l'avons trouvé dans les galeries du Muséum. Il est facile à distinguer de ses congénères par le rouge du croupion, qui ne se retrouve sur aucune autre espèce de son genre.

D.-G. ELLIOT.

& II. CAPITO QUINTICOLOR (Mas. Paris. Ms.). (Bulletin, pl. IV, fig. 1.) Capito supra niger ; singulis plumis verticis, occipitis, collique rubro-sanguineo apicalis; tergo, uropygioque et speculo alari flavo-viridescentibus ; genis, gutture, crissoque flavescentibus

albis. Rostro nigro, pedibus plumbeis. + Partie supérieure noire; toutes les plumes du vertex, de l'occiput et du cou terminées de

BULLETIN. 77 rouge sanguin ; celles du dos, du croupion, des couvertures supérieures de la queue, les rémiges secondaires, ainsi qu'une bande transversale sur les tectrices alaires d’un jaune légèrement ver- ee” menton, joues, gorge, côtés et devant du cou blanc lavé de jaune pâlé; poitrine et milieu

ventre jaune orangé ; flancs et couvertures inférieures de la queue maculés de noir sur un fond olivâtre ; rémiges et rectrices avec une teinte brune olivâtre. Bec noir, blanchâtre à la base ;

tarses plombés.

Longueur totale . . PUR ARE TR ec ES 0m146 de l'aile tasgie: LUE M LME SR ED, 0 09

de la queue . . sn PPAODREETS, 0 05 Sm du bec, à partir é Lois à Séveutéils Gr pesé 0m 02 du tarse . . . à 0®02

Cette espèce a été envoyée de la Nouvelle-Grenade par M. Triana. Celle dont elle se rap- proche le plus, est le Capito maculi-coronata, de Lawrence, dont elle se distingue facilement par le rouge de la tête et du dessus du cou, et tout nous porte à croire que, comme dans cette der- nière, cette belle coloration n'existe pas dans la femelle, si nous en jugeons par analogie.

D.-G. Ezuior. $ LE. BUTHRAUPIS EDWARDSE (Mus. Paris. Ms.;. (Bulletin, pl. IV, fig. 2.)

Buthraupis— viridi olivaceus; genis, superciliis, limboque cervicali cæruleis ; RUE thora- cica flava. Rostro flavescente, pedibus brunneis.

Vert olive, plus clair sur les parties inférieures; vertex et occiput vert olive; joues, sourcils et bande cervicale d'un bleu devenant verdâtre sur cette dernière partie ; ailes noires avec une forte teinte vert bleuâtre. Une tache jaune sur le thorax. Bec et tarses bruns; mandibule inférieure

et base de la supérieure jaunâtres.

Longueur totales. ah sin «urre . 0m44 de: late form. ii, una aciors bo s 0m 05 —— de la queue. sul fe 53 006 du bec, à partir du Du Hi me eut wii 0014 Ou larse. . 0024

Cette belle espèce de Butbraupis a a été pores de la Nouvelle-Grenade par M. Triana.

Nous ne pouvons saisir une meilleure occasion de témoigner à M. le professeur Milne Edwards combien nous avons été heureux d'obtenir de lui la haute faveur de décrire et de figurer quelques-unes des raretés des collections du musée de Paris confiées à ses soins. Nous espérons qu’il voudra bien agréer cette dédicace comme une preuve de notre haute estime, et du plaisir que nous éprouvons de les faire connaître au monde savant. D.-G. Error.

S$ IV. TURDUS GOUDOTE (J. Verraux). (Bulletin, pl. V, fig. 2.) T. Supra, brunneo-olivaceus; capite nigro, vertice cinereo, torque albo; sublus rufes-

cens. Rostro rubido; pedibus brunneis.

#. « *

78 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.

Tête noire avec une teinte cendrée s'étendant du front au vertex; menton, une petite tache à la commissure et un large collier sur le devant et les côtés du cou d’un blanc pur, ce dernier cendré en arrière ; parties supérieures brun olivâtre tirant un peu au gris sur les rémiges et si rectrices; parties inférieures roussâtre clair. Bec rougeàtre, brun à la pointe; tarses brunâtres.

Longueur (tale... 45h morul gi dire ve nets 0m19 D 0% 025

OO M M in 002

de Faille fermeb :. - . , : Nm uNerat 0412

de la queue. . -. . . 0" 08

Cet intéressant oiseau a été découvert à Madagascar par M. Goudot, auquel nous le dédions en honneur des services rendus à la science, et en particulier au Muséum de Paris, es ’ila enrichi d’un grand nombre de raretés.

Par son ensemble ainsi que par ses tarses courts, ce Turdus se rapprochorait plutôt des espèces américaines dont le bec est élargi.

Malheureusement nous ne connaissons encore rien sur ses mœurs, ainsi que de la ‘iranbe qui peut exister entre les sexes. J. VERRAUX.

$ V. SITTA VILLOSA (J. Verraux). (Bulletin, pl. V, fig. 1.)

S. supra ardesiaco cinerea ; striga trans-ocularia nigra: facie colloque antico albis; subtus cinereo rufescens. Rostro tarsisque plumbeis.

Mâle, parties supérieures gris ardoisé; vertex et trait au travers de l'œil noirs; front et sourcils, face, gorge et devant du cou d’un blanc pur sur les premières parties, devenant rous- sâtre clair sur un fond grisâtre sur toutes les parties inférieures ; rémiges primaires noirâtres, légèrement frangées de blanchâtre sur une partie de leur longueur; rectrices noires, les deux médianes exceptées, toutes plus ou moins terminées de grisâtre, les deux externes surtout parais- sant blanches en dessous dans la partie elles sont grises en dessus. Bec et tarses plombés; le premier, presque aussi long que la tête, est très-comprimé.

TR ee 40 «+ 0405 DO RE OU a ent 0m 013 OU M 0 OP 047 Ge T'en re 5 2 CIE RE ERe 0w06 <— de la queue. . .”. Fa 0m 053

Femelle, ne diffère que par la teinte plus roussâtre qui colore la face ainsi que toutes les parties inférieures. - Cette espèce a le plus grand rapport avec la Sitta Canadensis, mais elle s’en distingue au premier abord par son plumage long et soyeux. Elle provient de la Chine (au nord de Pékin}, d’où les deux sexes ont été adressés au Muséum de Paris par le P. Armand David, auquel cet établissement est redevable d’un assez grand nombre de richesses ornithologiques. + VERRAUX.

N°1.

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TABLE DES MATIÈRES .

| TOME PREMIER.

MÉMOIRES

Mémoire sur la distribution géographique des Annélides, par M. À. DE QUATREFAGES.

professeur d’anthropologié . | . eue, délits h planes sata el à Remarques sur les 2 par M. ALBERT GAUDRY, sis, naturaliste de

paléontologie... mn ‘à jénstuns nier “énéninoente tulle erretoe taré

. Nouvelles De oribes. sur Tby bridité dans les re par À es C. Naunix, aide-

niiarahsté de botanique . 4." 5.20: dudibioe ./. usant smith

. Études zoologiques sur les Crustacés récents de la famille des Cancériens, par

M. ALPHONSE MINE Epwarps, aide-naturaliste de zoologie . . . . . . . . .

. Observations sur la monstruosité dite Polymélie ou augmentation du nombre des

membres chez les Batraciens anoures, par M. A. Duméiz, professeur de zoologie.

BULLETIN.

. Rapport sur diverses collections envoyées au Muséum par le P. Armand David, mis-

sionnaire à Pékin, présenté à l’assemblée des pi ane par M. Muixe Enwarps, professeur de zoologie. . . . . . . . . . . . .

. Troisième notice sur la Ménagerie des Reptiles % Mia d'histoire de. par

M. À. Duméis, professeur de zoologie. . . . . . . . ... . . . . . . . .

. Note sur la collection des Reptiles et des Batraciens du Muséum d'histoire sisi

par M. A. DuméÉriz, professeur de zoologie . . . . . . . . . . . . . . + . . . Catalogue raisonné des oiseaux observés dans la subdivision “Milianah (Algérie) par M. R. GerMaIN, correspondant du Muséum. . . . . . . - . . . + .

. Rapport sur quelques acquisitions nouvelles faites par la Galèrie ornithologique

Muséum, adressé à l’assemblée des professeurs-administrateurs, par M. MiixE Enwarps, professeur de zoologie . . . 4 . . . + . . .

80 TABLE DES MATIÈRES.

LISTE DES PLANCHES.

MÉMOIRES. Planches. 1. Papaver hispido-bracteatum (mémoire 3 ). . Mirabilis longiflora-jalapa, Digitalis luteo-purpurea (n° 3). Primeveres hybrides {n° 3). Nicotiana Californica-rustira (n° 3). 5. Linaires hybrides (n° 3). 6. Fruit de Suffus (n° 3). 7. Cucumis trigonus (n° 3). 8. Cucumis meloni-trigonus {n° 3). 9. Pollens de divers hybrides (n° 3). 10. Paloplothérium trouvés dans le calcaire grossier du bassin de Paris (n° 2). 14. Atergatopsis Germanii; Carpilodes Stimpsonii, C. vaillantianus, C. ruber; Liomera granosimana {n° 4) 12. Atergatopsis flavo-maculatus; Carpilodes venosus, C. rugatus, C. rugipes, C. granulatus, Liomera pubescens, L. longimana (n° 4). 13. Atergatopsis Lucasii, A. granulatus (n° 4). 14. Atergatopsis latissimus (n° 4) 15. Euxanthus Huonïi, E. mamillatus, Atergatopsis obtusus, À. lævigatu: (n° 4). 16. Lophactæa Cristata, L. Eydouxii, L. lobata, Daira americana, Euxanthus punctatus, Hypocælus granulatus (n° 17. Actæa acantha, À. obesa. A. Hellerii, A. Kraussii, A. pulchella, A. nodosa (n° 4). 18. Actæa rufopunctata, A. setigera, A. calculosa, Actumnus globulus, A. setifer, A. squa- mosus, À. miliaris {n° 4). 19. Metacarcinus magister (n° 4). 20. Grenouilles monstrueuses à membres supplémentaires.

Æ 1

BULLETIN.

4. Crassapliton aurelium, Pucrasia xanthospila (n°4).

2. Abronnis armandii; Carpophagias Davidianus (n° 1). 3. Gecinus ersthropygius (n° 5).

k. Capito quinticolor, Buthraupis Edwardsi (n° 5).

5. Sitta villosa; Turdus Goudoti (n° 5).

-

PARIS, J, CLAYE, IMPRIMEUR, RUή SALNT-BENOIT, 1.

Memoires, Tome L PIE

| Nouvelles Archives du Museum d

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Dobray se

Mocreux del LA

PAPAVER HISPIDO - BRACTEATUM.

Nouvelles Archives du Museum . . Mémoires, Tome L PI 2.

A. MIRABILIS LONGIFLORO -JALAPA. - * ë

iveretr pin. * Debray Can B. DIGITALIS LUTEO - PURPUREA.

1. Fleur du D. purpurea, de Grandeur naturelle __ 2. Fleur du D. lutea, de grandeur naturelle.

3-4, Hybrides de ces deux especes.

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ouvelles Archives du Museum. # : one Mémoires Tome 1. PI :

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PRIMEVÈRES HYBRIDES.

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Nouvelles Archives du Museum. à. Memorres. Tome L PI 4

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Mémoires Tome 1 PL 5

Nouvelles Archives du Muséum.

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Memoires. Tome 1 6

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FRUITS DE LUFFAS, de érandeur naturelle

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Le Archives du Museum Memoires Tome 1. PI -

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PALOPLOTHERIUM TROUVÉS DANS LE CALCAIRE GROSSIER DU BASSIN DE PARIS.

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. Arch. du Museum.

Humbert del et lit.

l. ATERGATOPSIS

GERMANII.

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RUBER.

CARPILODES STIMPSONII.

5. LIOMERA GRANOSIMANA.

3.

Mémoires. T.I. PL. XI.

Împ Becqu et, Paris .

C. VAILLANTIANUS.

Nouvelles Archives du Muséum.

Mémoires.T.!.PL XII 2b

Humbert del et Lith. mp Becquet, Paris.

1. ATERGATOPSIS, FLAVO-MACULATUS . 2. CARPILODES VENOSUS. 8. C. RUGATUS . &. C. RUGIPES. 5.C. GRANULATUS . 6. LIOMERA PUBESCENS" 7. L.LONGIMANA.

Nouv Arch. du Muséum. Mémoires .T.I.PL.XIIL.

Zmp Becquet, Faris.

Humbert del et lith.

1 ATERGATOPSIS LUCASIT. 2. À. GRANULATUS.

Nouvelles Archives du Muséum.

Mémoires. T.I. PL. XIV.

Humbert del et lith. Imp Becquet, Paris .

ATERGATIS LATISSIMUS.

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Nouvelles Archives du Muséum. Mémoires . T.]. PL. XVI.

Æumbert del et lith.

1. LOPHACTŒA CRISTATA. 2.L.EYDOUXII. &3.L.LOBATA. 4. DAIRA AMERICANA.

5. EUXANTHUS PUNCTATUS. 6. HYPOCŒLUS GRANULATUS.

Nouvelles Archives du Muséum.

Humbert del et Lith. Ænp Becquet, Paris .

1, ACER ACANTHA. 2. À. OBESR. ©. A. HELLERIT. #4. A.KRAUSSII. D. À TULCHELLA. 6: À. NODO5A.

Nouvelles

Humbert del et lith.

1. À: HOPUFUNCTATA 2. À, SETIGERA. D OA ALILER., 6, À.

Archives du Muséum.

Mémoires. T.I. PL XVIII

Imp Becquet Paris

3. A. CALCULOSA, 4. ACTUMNUS GLOBULUS.

SQUAMOSUS.

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À. MILIARIS .

Nouvelles Archives du Museum. | Meémoires.T.]. PL.XIX. |

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lp. Becquet, Paris.

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Nouv. Archives du Muséum. EL

Mémoires. Tom. I. PL XX.

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GRENOUILLES MONSTRUEUSES À MEMBRES SUPPLÉMENTAIRES.

Nouvelles Arcluves du Museum

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CROSSOPTILON AURITUM

3.4 PUCRASIA XANTHOSPILA

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PICUS ERYTHROPYGIUS 9 Elhot.

Nouv. Archives du Muséum.

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Nouv. Archives du Museum.

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1. SITTA VILLOSA, J. Verr.

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GOUDOTI, J. Verr.

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